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Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard F. Semur, J.-B. Seigneuric Durant de nombreux siècles, l’art dentaire est dominé par l’improvisation, l’empirisme et le pragmatisme, confié à des artisans qui appliquent aux dents une démarche aussi aléatoire qu’improbable. L’approche spécifique de l’univers dentaire commence avec l’édit de 1699, créant le titre d’expert pour les dents et se confirme avec les Lettres Patentes du Roi de 1768, réglementant la formation des experts. Par ailleurs, l’évolution de l’odontologie s’inscrit dans le vaste mouvement général de découvertes et de progrès des e e XVII et XVIII siècles. L’œuvre de Fauchard Le Chirurgien-dentiste ou Traité des dents, par son esprit novateur et ses apports directs et concrets à l’évolution des techniques et de la pratique, a largement contribué à revaloriser l’art dentaire, le faisant passer de son âge artisanal à son âge scientifique et médical. Indépendamment de son apport personnel, Fauchard a eu le mérite de créer le climat d’émulation nécessaire pour initier tout un courant de recherches et de progrès (travaux de Bunon, Bourdet, Mouton, Martin, Lécluse, Gerauldy) dans le domaine dentaire. Notre exercice, aujourd’hui, doit beaucoup à Fauchard. Il a, incontestablement, donné l’impulsion déterminante dans l’évolution de l’art dentaire moderne. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Art dentaire ; Fauchard
Plan ¶ L’art dentaire au XVIIIe siècle L’exercice de l’art dentaire à l’époque de Fauchard État des sciences à l’époque de Fauchard
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¶ Rôle décisif de Pierre Fauchard Étude analytique et critique de l’œuvre Intérêt scientifique de l’œuvre de Fauchard
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¶ Conclusion
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■ L’art dentaire au XVIIIe siècle L’exercice de l’art dentaire à l’époque de Fauchard L’héritage du passé : qui exerce l’art dentaire avant le XVIIIe siècle ? Au Moyen Âge, l’Église était très présente dans tous les domaines de la société, et elle avait une grande influence sur la médecine. Après l’effondrement de l’Empire romain d’Occident, les sciences médicales tombèrent en désuétude, l’enseignement de la médecine n’étant plus dispensé. Seuls les religieux étaient encore capables de lire le latin, langue dans laquelle étaient écrits les textes anciens traitant de la médecine. L’Église devint donc le dépositaire du savoir médical de l’époque et les manuscrits anciens étaient conservés dans les monastères. L’Église s’appropria entièrement la pratique médicale. Les cisterciens, puis les bénédictins conservaient ainsi l’art de soigner, en conformité avec la charité chrétienne. Ils créèrent des centres d’accueil, ancêtres de nos hôpitaux. C’est aussi dans leurs monastères qu’étaient cultivées les plantes médicinales. L’exercice des moines médecins était un mélange de connaissances, Stomatologie
de mysticisme et d’astrologie. Ils établissaient leur diagnostic grâce à l’analyse du pouls et à l’observation de l’urine. Ils rattachaient chaque organe à un astre. Cependant, peu à peu, des religieux, passionnés par la médecine, négligèrent plus ou moins les règles de leur ordre, certains s’enrichissant même aux dépens de leur fonction religieuse. En conséquence, l’Église décida d’éloigner ses membres de la pratique des actes sanglants dans un premier temps, puis de la totalité de la médecine (édit des Conciles de Clermont 1130, Reims 1131, Montpellier 1162, Latran 1215), suivant le principe « Ecclesia abhorret a sanguine » (l’Église a horreur du sang). À partir du XIIe siècle les extractions dentaires furent interdites aux moines. Cette interdiction marqua le début du développement des universités de médecine. Les premières facultés de médecine naissent au XIIIe siècle et, au cours des siècles, le nombre d’établissements de médecine augmente. Ainsi, en 1699, on dénombre 15 facultés et 22 écoles de médecine. Les facultés de médecine sont des établissements ecclésiastiques, placés sous la tutelle pontificale. Tous les élèves doivent se soumettre aux règles canoniales des universités. L’Église conserve une forte emprise sur la connaissance et la pratique médicale pendant de nombreux siècles. Cependant, toutes ne sont pas d’égale valeur. Si Paris et Montpellier donnent un enseignement de qualité et délivrent un diplôme admis « dans toute la chrétienté », ce n’est pas le cas pour de nombreuses autres facultés. Il y a, en réalité, pour la formation médicale, le meilleur et le pire. Dans les petites écoles, la durée des études varie de quelques mois à quelques jours. Dans les bonnes facultés, les études durent 4 à 5 ans (dont 3 à 4 ans de théorie et une douzaine de mois de pratique). Les matières théoriques sont : la médecine, la physiologie, la pathologie, l’hygiène, l’anatomie, et la thérapeutique et les aphorismes d’Hippocrate. Les cours sont donnés en latin par un professeur portant un bonnet carré et une longue robe. La pratique se fait auprès d’un maître de la
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faculté. Le règlement des universités stipule à cet égard : « il faut que tout écolier ait son maître à qui il s’attache. Responsable de sa conduite, il ne doit pas hésiter à le frapper » (règlement de l’université de Paris, Faculté de médecine). L’élève soutenait son doctorat après versement d’une taxe à l’Église. Pour exercer, il fallait avoir atteint l’âge de 23 ans et pratiquer la religion catholique, apostolique et romaine. Dès le XIIIe siècle, le statut de médecin implique que celui-ci ne doit pas exercer la chirurgie, indigne d’un médecin (car les actes chirurgicaux sont considérés comme vulgaires et dégradants). Ainsi, la chirurgie, comprenant l’art dentaire, est interdite aux médecins. À partir du XIIIe siècle, l’art dentaire revint donc aux barbiers. Le barbier était un ouvrier le plus souvent illettré. Comme il ne connaissait ni le grec ni le latin, il ne pouvait donc accéder à la littérature médicale. Il était très polyvalent : il rasait, coupait les cheveux, ouvrait les abcès, posait des ventouses, pratiquait les saignées et les scarifications, vendait des élixirs de santé, contre la douleur, des almanachs... Il travaillait le plus souvent en boutique mais parfois aussi sur les foires et les marchés, parcourant les chemins avec sa mule et son attirail. Il acquérait ses compétences grâce à l’apprentissage chez un maître. Face aux médecins qui dédaignaient toute action manuelle, et aux charlatans qui n’avaient reçu aucune formation, certains barbiers eurent envie de mettre en valeur leur savoir-faire. Une élite de barbiers souhaita rehausser le niveau de leur corporation. Ils se spécialisèrent peu à peu pour se consacrer uniquement aux soins chirurgicaux. Ainsi, la date de 1 258 est celle de la naissance de l’institution chirurgicale, divisant les barbiers en deux classes : • les chirurgiens barbiers, ou chirurgiens de longue robe, réunis dans la confrérie indépendante de Saint-Côme, recrutés après examen devant six des meilleurs chirurgiens de Paris ; • les simples barbiers, ou chirurgiens de courte robe, illettrés mais ayant obtenu une licence d’exercice après apprentissage auprès d’un maître. Au XIVe siècle, les chirurgiens de Saint-Côme cherchèrent à se rapprocher des médecins. Ils voulurent parler latin et revêtir un bonnet carré et une longue robe. Les chirurgiens eurent ainsi une à six années d’études avant de passer les épreuves de l’examen final devant les maîtres chirurgiens, convoqués à cet effet par le premier chirurgien du roi. Cependant, parmi les épreuves ne figurait pas l’art dentaire. Puis les chirurgiens de Saint-Côme souhaitèrent que les barbiers et autres personnes exerçant la chirurgie ne puissent plus la pratiquer sans avoir passé un examen auprès de maîtres chirurgiens. Ils voulaient ainsi que la chirurgie soit réservée aux seuls maîtres de Saint-Côme. Au XIVe siècle, les barbiers furent, dans un premier temps, soumis à un examen sous l’autorité des chirurgiens. Mais, plus tard, chirurgiens et barbiers furent sous la dépendance du premier barbier du roi. Les chirurgiens se sentirent alors humiliés. En 1425, les chirurgiens de longue robe obtinrent du parlement que toute pratique chirurgicale, y compris les extractions dentaires, soit interdite aux barbiers. Les médecins prirent alors les barbiers sous leur protection, à la plus grande rage des chirurgiens de Saint-Côme, jugés trop ambitieux et envahissants. L’interdiction faite aux barbiers d’exercer toute pratique chirurgicale sera levée en 1465. Puis, en 1494, malgré les protestations de la confrérie de Saint-Côme, les barbiers obtinrent le doit d’assister aux cours d’anatomie pendant 4 ans à la faculté de médecine. Cependant, les cours étaient dits en latin, langue qu’ignoraient les barbiers. Les médecins, qui n’aimaient pas les chirurgiens, souhaitaient favoriser l’accès des barbiers à l’anatomie, mais ils ne pouvaient décemment pas abandonner le latin. Ils adoptèrent alors un français à désinence latine, facilement compréhensible pour les barbiers. Cela permit d’élever considérablement le niveau intellectuel des barbiers, qui représentaient à l’époque les seuls dentistes connus, puisque l’art dentaire était méprisé par les médecins et négligé par les chirurgiens, qui jugeaient les soins dentaires trop modestes par rapport à leurs compétences.
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En 1515, le désaccord sembla prendre fin lorsque les chirurgiens de Saint-Côme furent admis par la faculté de médecine pour l’étude de l’anatomie et de ce qui se rattachait aux actes qu’ils étaient autorisés à pratiquer par les édits royaux. Ainsi à la faculté de médecine, les docteurs étaient assis au premier rang, portant un bonnet noir carré surmonté d’une houppette, vêtus d’une longue robe avec une ceinture dorée autour des reins. Les barbiers et apprentis chirurgiens étaient debout au fond. Au cours des XVIe et XVIIe siècles, l’enseignement de l’art dentaire se faisait toujours par l’apprentissage auprès d’un maître. Il n’existait pas de cours spécifique à l’enseignement de la chirurgie dentaire. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les médecins, les chirurgiens de Saint-Côme et les barbiers ne cessèrent de s’affronter. Les médecins voulaient conserver leurs privilèges et dédaignaient toute action manuelle. Les chirurgiens souhaitaient devenir les égaux des médecins, qu’ils copiaient, et ils jugeaient les actes dentaires trop vulgaires pour eux. Enfin les barbiers voulaient empiéter sur le domaine des chirurgiens. Dans la seconde moitié du XVII e siècle, un phénomène nouveau apparaît dans le monde des arts de guérir. À Paris, et peut-être dans les grandes villes du royaume, on rencontre quelques dentateurs, en très petit nombre. Ils répondent aux besoins des personnes de qualité, soucieuses de leur santé buccale, des dames de l’aristocratie parisienne en particulier. Ces « opérateurs » sont capables d’arracher les dents dans de bonnes conditions, ils préparent et vendent des élixirs pour l’hygiène buccale, ils traitent le « scorbut des gencives » (vague entité nosologique englobant toute la pathologie buccale), « liment » les caries, et « remettent les dents ». Cette polyvalence thérapeutique buccale va plus tard ouvrir la voie à la spécificité dentaire. Ces hommes sont des sédentaires parfaitement outillés, tout à fait respectables, très qualifiés pour assurer cette thérapeutique buccale. Ils sont aussi assistés, pour la réalisation des dents postiches, par des tabletiers (artisans travaillant l’ivoire, certains étant même capables de sculpter des dents postiches) qui confectionnent pour eux les prothèses, petites ou grandes. Quelquefois, l’artisan, particulièrement habile, finissait par se consacrer à ce seul travail. Ainsi, les dentistes de métier font, au milieu du XVII e siècle, une timide entrée dans la capitale. S’ils sont encore peu nombreux, leur rôle est capital dans l’histoire de notre spécialité. En effet, ce sont ceux-là, et ceux-là seulement, qui s’engagent dans la voie ouverte par Louis XIV en 1699, expliquant le faible nombre des experts au début du XVIIIe siècle [1-8].
La naissance de l’art dentaire moderne. Qui exerce l’art dentaire au XVIIIe siècle ? Experts pour les dents Édit de 1699. Ce n’est qu’à la toute fin du XVIIe siècle qu’un édit crée le titre d’expert dentiste, subdivision des chirurgiens experts. En effet Louis XIV promulgue, en mai 1699, « Les statuts des maîtres en l’Art et Sciences de Chirurgie de Paris ». Il reconnaît dans cet édit qu’il existe plusieurs chirurgiens particuliers dont l’activité, le savoir et l’adresse se limitent à une ou quelques parties de la chirurgie. Cet édit prévoit donc une autonomie de l’art dentaire, qui reste cependant sous la tutelle de la chirurgie. Ainsi, les termes de l’édit sont clairs : « (...) Art. 100 : il sera fait défense à tous bailleurs, renoueurs d’os, experts pour les dents et tous autres exerçant telle partie de la chirurgie que ce soit, qui ne sont pas compris dans les états de la maison du Roi, d’avoir aucun étalage, ni d’exercer dans la ville et faubourgs de Paris aucune partie de la chirurgie s’ils n’ont été jugés capables par le Premier chirurgien du Roi (...) sans que les uns et les autres puissent former un corps distinct et séparé, ni prétendre être agrégés à la Communauté des Maîtres Chirurgiens, ni prendre d’autre qualité que celle d’expert pour la partie de la chirurgie pour laquelle ils auraient été reçus (...) » [9-11]. L’édit royal prévoit également que les experts soient inscrits sur un catalogue précisant leur nom, adresse, et date d’admission à l’examen, et que ce catalogue soit revu tous les ans avant chaque premier octobre. C’est une préfiguration de notre Stomatologie
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tableau de l’ordre actuel. Les commissaires de police, en possession de ces catalogues, peuvent reconnaître facilement ceux qui pratiquent illégalement l’art dentaire et, selon les cas, saisir les instruments, suspendre le fraudeur ou même, en cas de récidive, l’emprisonner. Notons que l’édit royal n’est applicable dans les premières années qu’à la capitale. Il faut attendre 1723 pour qu’il soit étendu à l’ensemble du royaume [11]. Ce n’est donc qu’au XVIII e siècle que l’exercice de l’art dentaire se professionnalise, notamment sur le plan administratif, et devient l’affaire exclusive d’experts. Formation. Pour être reçu expert, il faut passer un examen sur 2 jours devant le premier chirurgien du roi ou son lieutenant, quatre prévôts chirurgiens et le doyen de la Faculté de médecine. L’examen comporte un seul acte sur lequel le candidat est interrogé aussi bien sur la partie pratique que théorique. Les études sont moins ardues que celles suivies pour obtenir la maîtrise en chirurgie. L’obtention d’une maîtrise ès Arts n’est pas indispensable et le cursus n’est pas sanctionné par le passage de la thèse. Cependant, même si les études sont moins difficiles, elles ne sont toutefois pas à la portée de toutes les bourses. En effet, les frais de réception sont très élevés [1, 9]. Exercice. La décision de 1699 est, pour le petit groupe de dentateurs de Paris, une occasion inespérée. C’est l’instant de la chance. Les dentateurs, qui sont compris dans la classe des « experts », en ont conscience et il se produit chez eux un magnifique élan visant à mettre sur pied une chirurgie dentaire qui aura sa place dans les arts de guérir [1]. Lettres Patentes du Roi de 1768. Si l’édit de 1699 représente les bases de la reconnaissance de la profession, les Lettres Patentes du Roi de 1768 marquent, pour l’art dentaire, le début de la maturité. Elles reprennent l’énoncé de l’édit de 1699, en précisant en plus la durée de l’apprentissage et le programme des examens que les aspirants doivent subir et réussir. Ainsi, selon l’article 127 : « Ne pourront aucuns aspirants à être admis à ladite qualité d’expert, s’ils n’ont servi deux années entières et consécutives chez l’un des maîtres en chirurgie ou chez l’un des experts établis dans la ville et les faubourgs de Paris (...) ». En outre, selon l’article 128 : « Seront reçus les dits experts en subissant deux examens en deux jours différents de la même semaine (...). Ils seront interrogés le premier jour sur la théorie et le second sur la pratique desdits exercices, par le lieutenant de notre premier chirurgien, les quatre prévôts et le receveur en charge, en présence du Doyen de la Faculté de Médecine, de doyen du Collège de Chirurgie, des deux prévôts et du receveur qui en sortent, de tous les membres du conseil et de deux membres de chacune des quatre classes. S’ils sont jugés capables de ces examens, ils seront admis à la qualité d’experts, en payant les droits portés ci-après pour les experts, et en prêtant serment entre les mains de notre premier chirurgien ou de son lieutenant. » Notons toutefois que la présence d’un dentiste dans le jury d’examen n’est toujours pas évoquée [12]. Comme nous avons pu le lire dans l’article 128, un Collège royal de chirurgie, faculté d’ordre laïque placée sous l’autorité du souverain, est créé cette même année. Les experts pour les dents y sont également scolarisés, l’enseignement des chirurgies dites particulières entrant dans l’enseignement général du Collège. Notons que Bourdet, dentiste du roi, est anobli au printemps 1768, à l’occasion de l’ouverture du Collège de chirurgie. À partir de 1768, l’expert pour les dents, scolarisé au Collège royal de chirurgie, reçoit une formation théorique auprès d’un professeur, et une formation pratique, en suivant un apprentissage dans la boutique d’un maître. Pierre Fauchard a certainement apprécié cette évolution dans la formation des experts, si l’on en juge d’après les remarques qu’il fait à ce sujet (cf. infra). Cependant, la formation d’experts sera longue à mettre en place, il faudra environ quarante années pour que la mise en place des experts rentre dans les mœurs. C’est pourquoi la population se fera soigner en fonction de ses moyens par des empiriques et guérisseurs ou des chirurgiens. Stomatologie
Chirurgiens Le chirurgien faisait partie du « Corps royal des Arts et Métiers », comprenant 44 métiers. Il était placé avec le cirier, le charcutier, l’épicier, etc. Ce corps venait après celui des marchands. Tous les corps de métiers obligeaient leurs membres à se grouper en cellules, jurandes ou communautés. Chaque jurande était placée sous l’autorité du lieutenant du premier chirurgien du roi. La communauté de Saint-Côme était alors très réputée. Des règles strictes de confraternité existaient et faisaient la spécificité de chaque communauté, ce qui explique le climat familial de la chirurgie, ainsi que le nombre de dynasties. On laissait la boutique à son gendre, à son fils. Ainsi, les dynasties chirurgicales étaient une constante dans l’histoire des arts de guérir aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant à partir de 1750, la chirurgie n’est plus considérée comme un corps de métier, mais comme un art libéral à part entière. La vaste réforme de la chirurgie et de ses spécialités, débutée en 1699, achevait donc de mettre sur un pied d’égalité chirurgie et médecine [2, 5, 6, 8]. Formation. Pour devenir chirurgien, il fallait suivre un long apprentissage d’une dizaine d’années chez un maître, et gravir les échelons d’apprenti, de compagnon, d’aspirant, jusqu’au chef-d’œuvre, comme pour l’ensemble des artisans. Cependant, le 23 avril 1743, les Lettres Patentes du Roi reconnaissent la chirurgie comme étant l’égale de la médecine. On passe alors de l’apprentissage aux études, ce qui est une véritable révolution, le maître ou l’expert devenant un lettré, comme son confrère le médecin [1]. Exercice. Les chirurgiens, thérapeutes polyvalents, sont bien représentés dans le royaume au XVIIe siècle. Il y a au moins un chirurgien pour un gros village. Aucun élément chiffré sérieux n’est disponible concernant le XVIIe siècle. Cependant, on est en mesure, grâce à des textes officiels réalisés à partir du e XVIII siècle, de chiffrer de manière précise le nombre de chirurgiens dans les grandes villes (452 à Tours, 306 à Dijon, ...), chiffres auxquels il faut rajouter les chirurgiens ruraux, travaillant hors des jurandes. L’effectif des maîtres en chirurgie est bien supérieur à celui des médecins. Il existe des différences très grandes entre les chirurgiens, du plus réputé au plus modeste, du maître de Saint-Côme au chirurgien rural. Le premier, savant, très versé dans l’art des opérations, approche une clientèle riche et aisée, participe à la formation, à l’apprentissage des jeunes. Le second, chirurgien de campagne, vit beaucoup plus modestement, et souvent, pour survivre, bénéficie de l’aide de la paroisse. En outre, sa situation matérielle l’oblige à exercer en plus une activité artisanale, à posséder un petit commerce ou à travailler la terre. D’après l’étude des archives du monde rural de la France de l’Ancien Régime, il semble que le principe du maître en chirurgie à qui l’on confie l’école et l’entretien de l’église soit très répandu. En outre, presque tous les chirurgiens assurent la vente des substances médicinales, ce qui arrange un peu les choses. On disait, en parlant de ce commerce : « les chirurgiens se sauvent par les spécifiques » [4, 6, 8]. Empiriques et charlatans Outre les scientifiques (tels que Fauchard et ses contemporains, experts pour les dents ou chirurgiens) qui font payer cher leurs services, circule parmi la population une cohorte d’opérateurs ambulants. En effet, le manque de clarté et les querelles entre médecins, chirurgiens et chirurgiens barbiers profitent aux charlatans. Aussi, à partir du XVIe siècle ceux-ci se multiplient. À Paris, les charlatans se regroupent autour du Pont Neuf, lieu où les Parisiens aiment flâner. Ils opèrent sur les champs de foire, attirent les badauds au son de la trompette et à grands renforts de boniments. Le charlatan, dans son discours attrayant, vante son habileté manuelle, ainsi que les mérites de ses baumes et onguents, lotions, opias et autres remèdes, le but étant de les vendre à un prix exorbitant à la foule crédule. Certains assurent même qu’ils ont le pouvoir de faire repousser les dents. Si quelques-uns ont une habileté réelle et un rôle important pour la population modeste, la plupart usent d’une supercherie grossière : ils ont souvent un complice dans la foule,
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jouant le faux malade qui, suite à la manœuvre du charlatan, recrache une dent entourée d’une membrane pleine de sang de poulet, le sourire aux lèvres. Évidemment, si la dent est extraite facilement et sans douleur, c’est grâce au remède qu’il a pris auparavant, d’où la nécessité d’acheter les remèdes du charlatan ! Il faut reconnaître, à la décharge de ces bonimenteurs, que s’ils ne soignent pas le peuple, ils ont au moins le mérite de le divertir, de lui fournir des moments agréables, parfois comiques. Ils font rêver la foule en décrivant leurs voyages, souvent fictifs. Aussi, à cette époque va-t-on voir ces hommes comme on irait au théâtre. Si les charlatans étaient appréciés du petit peuple, ils n’amusaient guère les chirurgiens de la Faculté. Certains même démissionnent devant leur multiplication. Ainsi, Pierre Dionis (1643-1718), premier chirurgien de Madame la duchesse de Bourgogne exposa ses critiques en ces termes : « La plupart de ces arracheurs abusent de leurs talents pour tromper le public, faisant croire qu’ils n’ont besoin que de leurs doigts ou d’un bout d’épée pour emporter les dents les plus enracinées. Mais un chirurgien ne doit point connaître ces tours de souplesse, et c’est la probité qui doit être la règle de toutes ces actions. Il faut qu’il se distingue de ceux qui veulent en imposer aux autres ». Les experts pour les dents témoignent également de leur opposition quant à ces « arracheurs de dents ». Ainsi, Fauchard leur reproche, entre autres, d’avoir trop souvent « trompé et rebuté le public » [10, 11, 13, 14].
État des sciences à l’époque de Fauchard Héritage de la Renaissance La science en général, et l’art dentaire en particulier font un grand bond en avant à l’époque de la Renaissance. L’apparition de l’imprimerie révolutionne la littérature scientifique. Les écrits sont multipliés, ce qui entraîne une démocratisation de la science. La médecine et l’art dentaire ne sont, bien sûr, pas en reste. L’anatomie fait des progrès considérables grâce à Léonard de Vinci (1452-1519) qui décrit les sinus de la face et leurs rapports avec les racines des molaires, entre autres. Il publia en outre un essai sur la forme des dents, leurs fonctions et leurs caractéristiques. Vésale (1514-1564), dont l’ostéologie de la face est un véritable chef-d’œuvre, témoigne également de ces progrès. Fallope (1523-1562) découvre l’odontogenèse, et donne la première bonne description du follicule dentaire. Eustachi (1500-1574), contrairement à Galien, ne pense pas que les dents sont des os et décrit très précisément leur anatomie, leur embryologie et le phénomène de la sénescence pulpaire. N’oublions pas Urbain Hémard (1548-1616 ; celui que Fauchard appelle « l’auteur du petit livre »), qui écrit, en langue française, en 1582, le premier ouvrage entièrement consacré aux dents : « Recherches sur la vraye anatomie des dents, nature et propriétés d’icelles avec les maladies qui leur adviennent, par Urbain Hémard, chirurgien de Monseigneur le Révérendissime et illustrissime Cardinal d’Armagnac et Lieutenant pour les chirurgiens en la sénéchaussée et diocèse de Rouergue » [15]. Ambroise Paré (1516-1590, chirurgien des rois de France Henri II, Henri III, François II et Charles IX) est le premier à envisager l’art dentaire d’une manière moderne. Il décrit assez clairement la pulpite, l’arthrite aiguë, les abcès dentaires, sans toutefois en tirer de conclusions thérapeutiques. En outre, il recommande l’usage des prothèses : « Quand les dents sont tombées, il faut en adapter d’autres d’os ou d’ivoire qui sont excellentes à cet effet. Lesquelles seront liées aux autres avec du fil commun d’or ou d’argent. » Cependant, si Paré eut une réputation immense de son vivant, ce n’est pas tant grâce aux progrès qu’il fit réaliser à l’art dentaire qu’aux nombreux services qu’il rendit sur les champs de bataille des guerres de religion du XVIe siècle [16].
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Nouvel enjeu du XVIIe siècle : la recherche de la vérité [4, 6, 17] L’obsession de tout le XVIIe siècle, et la passion du suivant, est la recherche de la vérité, dans tous les domaines. Dans les sciences, dans la nature et dans l’homme. Comment, à ce titre, ne pas citer Descartes (1596-1650) dont l’ouvrage le plus fameux porte le titre de « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences » (1637) ? Toute la méthodologie des sciences, lentement élaborée au long du siècle, reposera sur le principe posé par Descartes : par l’usage méthodique de la raison, débarrassée des sens trompeurs, la conscience peut partir à la conquête de la vérité. Le nouvel enjeu des sciences est posé : la quête de la vérité. Accomplissant les promesses de la Renaissance, le XVIIe siècle, dans sa quête de la vérité, sera le temps d’une triple mutation : révolution philosophique, constitution d’une physique expérimentale et quantitative, naissance d’une chimie scientifique. Révolution philosophique et démontage de la science des Anciens [17, 18] Dans ses « Règles pour la direction de l’esprit et la recherche de la vérité » (1620-1628), Descartes explique que, selon lui, les sens sont trompeurs, qu’il faut douter et se méfier des apparences pour dissiper les illusions. En conséquence de son raisonnement, il affirme que le corps, dont on peut douter, est radicalement séparé de la pensée. La seule certitude est notre pensée : je pense, donc je suis (cogito, ergo sum). C’est le dualisme cartésien, l’homme étant constitué de deux substances distinctes. Les conséquences de cette notion de dualisme seront notables dans l’évolution de la doctrine médicale (Descartes, faut-il le rappeler, fut, sinon médecin, du moins anatomophysiologiste à ses heures). Il publiera un livre fondamental intitulé « De l’homme ». Dans le climat de révolution philosophique du XVIIe siècle, Francis Bacon (1561-1626, homme d’État et philosophe anglais) défend l’idée d’une nouvelle philosophie de la nature, fondée non pas sur les anciennes doctrines, mais sur une exploration active s’instruisant de l’expérience, sur une attitude neuve à l’égard du monde. Il propose également une nouvelle méthode de raisonnement : l’induction. Au XVIIe siècle, tout un pan de la science antique s’apprête à être démantelé. En effet, Galileo Galilei, dit Galilée (15641642), bien qu’adhérant au système de Copernic (remplaçant le système « traditionnel » ptoléméen, présentant sept points déterminant une nouvelle astronomie, comme par exemple le mouvement continu des planètes, toutes dans le même sens ; la révolution copernicienne s’étant déroulée au XVIe siècle), remet en cause le vieux principe aristotélicien (selon Aristote, le monde était fondé sur la distinction entre le monde céleste incorruptible et le monde corruptible des éléments) et, en ce sens, bouleverse l’astronomie de son temps. Adaptant une lunette qu’il tourne vers le ciel, il observe le mouvement changeant des astres. Il entreprend de substituer au paradigme d’Aristote, statique et structuré par des causes subtiles et des forces impénétrables, un modèle dynamique et gouverné par des lois universelles. Ainsi, il affirme que le Ciel et la Terre appartiennent au même système cosmique et qu’il existe une seule physique, une seule science du mouvement qui vaut aussi bien pour le monde céleste que pour le monde terrestre. Au crépuscule du XVIIe siècle, Newton (1642-1727) achèvera le travail de Galilée et publiera ses « Principes mathématiques de la philosophie naturelle ». C’est bien toute une partie de la science des Anciens qui s’est irrémédiablement effondrée : l’homme peut désormais mesurer l’univers, le comprendre et en écrire les lois. Enfin, depuis des siècles, les alchimistes s’efforçaient de percer le secret de la matière : là encore, les travaux scientifiques du e XVII siècle devaient démonter la science des Anciens. Jean Rey, médecin et chimiste à ses heures, remettra sérieusement en cause les trois principes de l’alchimie classique (sel, soufre, mercure). Un peu plus tard, en 1660, Robert Boyle (1627-1691) Stomatologie
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abandonnera tout à fait ces vieux principes, postulant que la matière est faite de « petits agrégats primaires de minuscules particules » [17]. En médecine, le démontage de la science antique débute au e XVII siècle avec la résolution d’une des plus grandes questions de la physiologie. En effet William Harvey (1578-1657), en décrivant la circulation sanguine, dément plus de deux mille ans de physiologie inconsistante. Et, plus encore que cette description, il fonde une conception expérimentale de la physiologie. Harvey ne dispose en réalité que de données expérimentales très modestes qui n’apportent guère plus d’éléments que ses prédécesseurs. Cependant, en homme de science du XVIIe siècle, il se libère de la doctrine des Anciens et ose une vision nouvelle. Cette mutation intellectuelle lui ayant ouvert les yeux, il sut tirer la juste leçon d’observations soigneusement choisies. Harvey aborde la question de la circulation sanguine d’un point de vue nouveau et caractéristique d’une époque de mathématique de la nature : il utilise le calcul pour aboutir à son théorème final. Ainsi, en estimant le volume de sang contenu en moyenne dans le cœur et en le multipliant par le nombre de contractions que ce dernier effectue en un temps donné, il obtient un volume qui excède largement la quantité de sang contenue dans le corps. La conclusion s’impose à lui : « On doit nécessairement en conclure que le sang des animaux est animé d’un certain mouvement circulatoire et que ce mouvement est perpétuel. » Enfin, reconnaissant l’absence évidente de communication entre les deux ventricules, il énonce son théorème final : « Tels sont les organes et le tracé du transit du sang et de son circuit : d’abord de l’oreillette droite au ventricule, du ventricule à travers les poumons jusqu’à l’oreillette gauche, et de là, dans le ventricule gauche, dans l’oreillette et dans toutes les porosités des organes, dans les veines et, par les veines, vers la base du cœur où le sang revient rapidement. » C’est l’amorce d’une approche quantitative de la médecine. Cependant, Harvey déclenche une tempête dans l’Europe entière. Galien (131-201, dit « Prince de la médecine » considéré comme le deuxième père fondateur de la médecine antique, après Hippocrate) lui-même est outragé et avec lui la doctrine médicale classique. Guy Patin (1601-1672), doyen de la faculté des sciences de Paris, opposé à toute évolution de la science médicale, qualifie la théorie de Harvey de « paradoxale, inutile, fausse, impossible, absurde et nuisible ». Ce n’est finalement qu’en 1675, soit près de vingt ans après la mort de William Harvey, que Dionis reçoit de Louis XIV l’autorisation d’enseigner, contre l’avis du doyen de la Faculté, la doctrine harveyenne. C’est la consécration de la première conquête de la physiologie moderne. Constitution de la physique expérimentale et quantitative [15, 17, 18] École iatromécanique. Comme nous l’avons vu plus haut, Descartes a publié un livre intitulé « De l’Homme », dans lequel il explique rationnellement que la machine humaine fonctionne grâce à un principe simple, semblable au mécanisme d’une pompe thermique. Le cœur, animé d’un feu sans lumière, réchauffe et produit l’expansion du sang. Par une réaction en chaîne et grâce à l’action de différents clapets, les muscles se contractent, passivement en quelque sorte. Dans ce système, l’homme est devenu une machine, dont l’âme n’est plus requise pour créer le mouvement, tous les processus physiologiques pouvant s’interpréter à l’aide de la métaphore de la machine. Selon lui, les mouvements volontaires et le langage résultent de la transformation de pensées issues elles-mêmes de l’âme siégeant dans la glande pinéale. Descartes remet donc en cause la théorie vitaliste (théorie selon laquelle la vie est un principe en soi, différent de l’âme pensante et de l’organisme, et par lequel l’être vivant est organisé). Cependant, le schématisme de ce modèle ne répondait qu’à la simplification abusive des théories iatrochimistes, et cette conception iatromécanique n’eut qu’une influence mineure sur la doctrine médicale du e XVII siècle. Stomatologie
Cependant, l’œuvre de Descartes, « De l’Homme », eut une importance capitale dans un autre domaine. En adoptant une approche physique du fonctionnement de la machine humaine, il ouvrit la porte à d’autres recherches, notamment dans le domaine physiologique. C’est l’amorce d’un mouvement qui s’épanouira pleinement au XVIIIe siècle. Physiologie. Si Harvey utilise les calculs pour démontrer le principe de la circulation sanguine, c’est Santorio (1561-1636) qui, le premier, systématise le recours aux mathématiques pour conceptualiser les phénomènes physiologiques. Il introduit la métrologie en médecine : encore une fois, la démarche des Anciens, résidant dans une approche purement qualitative, est abandonnée, pour lui préférer une approche quantitative, dont les résultats se sont avérés positifs en physique. Ainsi, par exemple, il fut le premier à proposer l’usage du thermomètre pour évaluer la température corporelle, ou du pulsomètre pour apprécier objectivement la fréquence du pouls. Il publia en 1614 « De statica medicina », qui connut un succès considérable et accrédita définitivement l’importance des mesures lors des expériences de physiologie. Naissance de la chimie scientifique École iatrochimique. Les thèses de Paracelse (1492-1541, médecin alchimiste), attaquant le système de Galien (le traitement galénique repose sur l’axiome « contraria contrariis » ; il soigne la maladie par son contraire. Il utilise également une pharmacopée composée de centaines de remèdes essentiellement d’origine végétale, prescrits en monothérapie), alimentant un long débat tout au long du XVIIe siècle. Les partisans de cette réforme de la pensée médicale sont dénommés iatrochimistes. Les adeptes de l’iatrochimie défendent l’usage de l’antimoine (métal rare, rencontré sous forme de cristaux mixtes naturels), fidèles aux idées de Paracelse qui rappelait l’appui de ce dernier à la thérapeutique nouvelle dans sa « Grande Chirurgie ». Ces médecins sont donc favorables à une « médecine chimique », et entendent promouvoir une interprétation entièrement chimique du corps humain. Là encore, Guy Patin, fervent adepte du galénisme académique, fait s’abattre la foudre sur les médecins partisans des médicaments chimiques. Cependant, ironie de l’histoire, en 1658, Louis XIV est atteint d’une forte fièvre qui résiste aux méthodes classiques telles que la saignée et autres remèdes anciens. Inquiets, les médecins royaux décident de s’en remettre à... l’antimoine, remède chimique par excellence. C’est un succès complet, le roi est guéri très rapidement. Suite à cet épisode, les remèdes chimiques sont autorisés par la faculté de médecine, et l’iatrochimie peut se développer sans entraves. Séduit par la médecine chimique, Van Helmont (1577-1644) devait, par ses travaux scientifiques, ouvrir la voie de la pharmacologie clinique. Attaché aux théories de Paracelse, il en repoussa néanmoins le système de correspondances symboliques. Selon lui, devant un trouble pathologique, il fallait systématiquement essayer diverses substances afin de trouver le médicament spécifique au trouble (mercure, antimoine ou autres métaux surtout). Ce principe devait être la voie définitive de la pharmacologie clinique. Fidèle à la tendance du siècle à démonter les anciennes théories, Sylvius (1616-1672) réfuta la théorie des humeurs. C’était selon lui un principe abstrait dont il fallait se délivrer, et il la remplaça par celle des acides et des alcalis. Leur combinaison pouvait agir favorablement (digestion), ou négativement (fièvre), dans le cas d’un déséquilibre. À cette époque donc, une simplification abusive du fonctionnement de l’homme amena les iatrochimistes à considérer que tout n’était que conflit entre acides et alcalis. Sylvius proposa une thérapeutique exclusivement chimique pour neutraliser les composants en excès. L’école iatrochimique porta ainsi des coups sévères à l’édifice galénique et resta, en ce sens, fidèle à l’esprit de son siècle. Néo-hippocratisme. Pour Thomas Sydenham (1624-1689), médecin anglais passionné par l’étude clinique des maladies, si le galénisme a vécu, les deux écoles (iatrochimique et iatromécanique) s’épuisent dans une vaine querelle. Selon lui, ainsi que le disait non sans pertinence un certain Jean Riolan : « tandis que les médecins se contredisent, les malades meurent... », les débats théoriques n’avaient pas eu d’incidence majeure sur la
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pratique clinique des médecins, et n’avaient apporté que peu de profit aux patients. Il fallait donc proposer une autre voie : il la nommera néo-hippocratisme, reprenant quelques idées de base du père de la médecine. Il prônera un examen clinique minutieux, en s’attachant particulièrement à la description de la maladie et à la recherche de signes diagnostiques, pour appliquer une thérapeutique spécifique. Il préconisera l’emploi des remèdes chimiques nouveaux, mais, tout restant fidèle à Hippocrate, ne rejettera ni les saignées ni les purges. Thomas Sydenham, tout en étant ouvert aux idées nouvelles (les remèdes chimiques), témoigne d’un « retour » à la tradition clinique, en préconisant l’examen attentif du malade. Justement, une invention optique allait modifier le regard du médecin sur le corps, révélant un univers nouveau [7, 17, 18]. Monde microscopique [6, 17, 18] Nouveau regard sur le corps. Comme nous l’avons vu plus haut, Galilée avait adapté une lunette astronomique qui lui avait permis de découvrir le mouvement des astres. En 1609, il eut l’idée d’appliquer le même principe à l’infiniment petit. Ces premières observations furent consacrées aux insectes. Cependant, ce n’est qu’à partir de 1625 que le microscope se développa, et des modèles de plus en plus sophistiqués virent le jour, le reléguant ainsi au rang d’objet d’amusement et de curiosité dans les salons de la bonne société européenne. Il faudra attendre le milieu du XVIIe siècle pour que quelques hommes de science s’intéressent réellement à cette innovation, qui devait donner naissance à la « première révolution biologique ». En 1659, Malpighi (1628-1694), un des premiers adeptes de l’observation microscopique, publia « De viscerum structura », qui fut le premier texte fondateur de l’anatomie microscopique. Ce devait être le début d’une longue série puisque, à partir de 1661, Malpighi publia régulièrement ses découvertes dans ses « Lettres » et ce, jusqu’à la fin de ses jours. Ses observations microscopiques furent un apport considérable à la science de son temps, et il n’est pas erroné de considérer Marcello Malpighi comme le père fondateur de l’histologie. L’autre grand acteur des premiers temps de la microscopie fut Van Leeuwenhoek (1632-1723). Après avoir fabriqué plusieurs microscopes rudimentaires (une lentille simple enchâssée entre deux plaques de métal), il passa la majeure partie de sa vie à observer toutes sortes d’objets de taille infime. Il nota toutes ses observations et, jusqu’à sa mort en 1723, les adressa à la Royal Society. Entre le milieu du XVIIe siècle et 1723, tout passa sous les microscopes de Van Leeuwenhoek et, parmi ses nombreuses découvertes, citons par exemple les globules sanguins, les cellules en bâtonnets de la rétine, ou encore les premières bactéries observées dans le tartre des dents. Van Leeuwenhoek observa également l’existence de corpuscules munis d’un flagelle, présents dans le sperme de nombreuses espèces animales. Le microscope venait ainsi de relancer un débat très ancien : celui de l’origine de la vie. Débat sur l’origine de la vie. Là encore, le XVIIe siècle devait permettre de démonter les vieilles théories admises jusqu’à présent. Ainsi, s’il était admis que les animaux provenaient de l’accouplement d’un mâle et d’une femelle, on croyait aussi au mythe de la génération spontanée. Selon Aristote, Ambroise Paré ou Van Helmont, certains animaux (crapauds, insectes, souris, rats...) pouvaient naître de l’inerte par la putréfaction, ou simplement par contact avec un linge sale. Plusieurs travaux scientifiques (Redi, Harvey), dans la seconde moitié du e XVII siècle, permirent de réfuter cette idée de génération spontanée, et de poser le concept fondamental de l’embryologie moderne : « ex ovo omnia », tous les animaux sont engendrés par un œuf. À la suite de la découverte des corpuscules munis d’un flagelle chez l’homme et de l’œuf chez la femme, une nouvelle conception vit le jour : le préformationnisme. Le nouvel être en gestation existait tout entier, en modèle réduit, à l’état de germe. La question était de savoir si le germe se développait sur le modèle de l’œuf (ovistes) ou du spermatozoïde (spermatistes).
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Ce débat entre spermatistes et ovistes, qui se poursuivit avec passion au XVIII e siècle, peut paraître absurde aujourd’hui. Cependant, il reflétait la mutation essentielle de la pensée médicale du XVII e siècle. En effet, la première révolution biologique, consécutive à l’invention du microscope, confronta la médecine à de nouvelles questions, de nouveaux enjeux, l’obligeant à se pencher sur de nouveaux aspects du corps humain, et à remettre en cause les anciennes théories (notamment le galénisme). Découvertes scientifiques relatives à l’art dentaire au XVIIe siècle La fin du XVIIe siècle est féconde en découvertes scientifiques concernant les dents et la cavité buccale. On reconnaît la participation du sang nourricier de la dent à la circulation générale, d’où il découle une pathologie nouvelle mentionnée par Fauchard : l’inflammation de la pulpe ou du ligament. En outre, Nuck localise les ganglions de la face et Wharton (1614-1673), Sténon (1638-1686) et Bartholinus découvrent les canaux excréteurs des glandes salivaires. Enfin, grâce à la mise au point du microscope, l’étude précise de la mandibule est effectuée par Ruysch (1638-1731) en 1694. Sténon et Malpighi réalisent l’étude des structures fines de la langue. Van Leeuwenhoeck met en évidence la composition de la dent en structure tubulaire, Malpighi la structure fibrillaire de l’émail, et Ruysch découvre une troisième substance, qui n’est autre que le cément. Rappelons enfin que Van Leeuwenhoeck découvre, en 1683, la présence de bactéries dans la plaque dentaire [19, 20].
Sciences médicales au siècle des Lumières Le XVIIIe siècle est marqué par le développement exceptionnel des sciences et des arts. La fureur d’apprendre est générale. L’homme semble vouloir sortir de l’obscurantisme qui était jusque-là souvent de rigueur. Les intellectuels proposent un idéal clair et tolérant d’humanisme dont la Déclaration des droits de l’homme de 1789 sera l’expression. Ainsi au XVIIIe siècle, plus encore qu’au siècle précédent, les scientifiques, dans leur quête de vérité, s’efforcent de comprendre les phénomènes observables au moyen de lois. Ces lois sont formulées à partir d’expériences, et non plus à partir de raisonnements a priori ou d’enseignements hérités des Anciens. Le XVIIIe siècle voit l’émergence d’une pensée rationaliste et critique, en continuité avec le XVIIe siècle. Suite aux progrès immenses de la physiologie et de la microscopie d’une part, et à la chute des théories galénistes d’autre part, les hommes de science du XVIIIe siècle éprouvent le besoin de forger de nouveaux concepts, de synthétiser et de donner un sens à tous ces nouveaux acquis scientifiques. Ils vont ainsi créer des « systèmes médicaux », édifices théoriques constituant les derniers avatars d’une médecine philosophique. Ce mouvement n’aura que peu d’effets sur l’avancement des connaissances cliniques. Aussi dès le siècle suivant, ces systèmes seront abandonnés. Ce sera alors l’avènement de la médecine expérimentale, conduite par Claude Bernard, souhaitant que celle-ci soit « la négation formelle de toute espèce de système ou de doctrines ». Aussi ne nous attarderons-nous pas à la description de ces systèmes médicaux. Essor de la physiologie expérimentale Suite à la formidable découverte d’Harvey sur la circulation sanguine au XVIIe siècle, les scientifiques du XVIIIe remirent en question toutes les théories de la physiologie antique. Ce gigantesque chantier débuta avec la découverte du mécanisme de la digestion, puis de l’épineux problème de la génération (même si la théorie épigénétique, théorie selon laquelle le développement d’un être est organisé par une « succession de divisions cellulaires au cours desquelles s’établit progressivement la différenciaton en tissus et organes », dans sa version définitive, ne sera formulée qu’au XIXe siècle). Si Harvey introduit, dès le XVIIe siècle, la notion d’expérimentation en physiologie, ce Stomatologie
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n’est qu’avec ses travaux sur la digestion et la génération que les scientifiques décrivirent des protocoles rigoureux de physiologie expérimentale, et les rendirent systématiques. Le XVIIIe siècle voit ainsi l’essor de la physiologie expérimentale. Succès de la collaboration entre physiciens et chimistes. Une des plus grandes réussites du XVIIIe siècle dans la recherche physiologique fut la découverte des échanges gazeux au cours de la respiration. Si cette notion est capitale d’un point de vue physiologique, c’est surtout la démarche qui a permis de la découvrir qui est un succès. En effet, c’est la première fois qu’il existe une collaboration entre plusieurs domaines de la science, au service d’un seul et même but. Physiciens et chimistes ont partagé leurs connaissances et confronté leurs points de vue, unis par le même désir d’élucider une grande question physiologique de la médecine. La notion même de communauté scientifique venait de voir le jour [2, 17, 18]. Apport des recherches sur l’électricité. Rappelons que, dès 1666, Malpighi, puis Van Leeuwenhoek, avaient observé au microscope l’existence de cellules particulières, les fibres. Sténon, en 1667, notait, en observant un muscle, que ces fibres étaient dotées d’une contractilité propre. L’hypothèse était émise que ces fibres seraient capables d’accomplir toutes les fonctions physiologiques, selon un processus appelé « irritabilité ». Haller (1708-1777, physiologiste et botaniste), grand physiologiste empreint des idées de son siècle, reprend, sur des bases expérimentales, les idées énoncées, et en effectue une synthèse. Il soumet les tissus musculaires d’animaux vivants à des stimuli mécaniques, thermiques ou chimiques. Il conclut que l’irritabilité est spécifique au muscle, et qu’il faut distinguer des terminaisons nerveuses. Pour Haller, la contraction musculaire est indépendante des nerfs : l’esprit de l’animal n’est donc pas en cause lors du mouvement musculaire. Ce n’est qu’en 1791, grâce au développement des recherches sur l’électricité, qu’une autre théorie put voir le jour. Galvani (1737-1798) découvrit que le contact d’une patte de grenouille avec une machine électrique provoquait une contraction musculaire. Les nerfs, conduisant le fluide électrique, devaient donc constituer la source de l’irritabilité musculaire. La voie fut ainsi ouverte pour le développement des recherches sur l’électrophysiologie neuromusculaire [17]. À la fin du XVIIIe siècle, toutes les grandes questions sur les fonctions physiologiques avaient été élucidées, et les anciennes théories démystifiées. Preuve s’il en est du dynamisme des scientifiques du siècle des Lumières. Naissance de l’anatomie pathologique Au cours du XVIIIe siècle, les scientifiques effectuèrent une synthèse remarquable des connaissances anatomiques accumulées jusqu’alors, parfois en les enrichissant. Ce siècle fut aussi celui de la publication de traités d’anatomie prestigieux, tant scientifiques (les observations sont de plus en plus minutieuses) qu’artistiques (les progrès de l’impression aidant). Au cours de ce siècle, on nota une évolution fondamentale de l’anatomie : de science pure, exclusivement descriptive, elle se transforma en une science appliquée, à la chirurgie notamment. L’anatomie avait ainsi une utilité pratique, puisque sa connaissance pouvait éclairer l’exercice dans d’autres disciplines. Parallèlement, suite aux bouleversements scientifiques du e XVII siècle, la conception de la maladie n’était plus dépendante du modèle hippocratique ou galéniste. On ne considérait plus la maladie comme un état général, dont les troubles physiques n’étaient que des épiphénomènes. Grâce aux progrès de la physiologie et de la microscopie d’une part, et aux différents systèmes médicaux développés au XVIIIe siècle d’autre part, la maladie était considérée comme la conséquence du trouble d’un organe. Par conséquent, lors des dissections, les anatomistes s’attachent à noter les altérations liées à la pathologie. Ce sont les balbutiements de l’anatomie pathologique. Il faut attendre les travaux de Morgagni (1682-1771) pour que soient posés les fondements méthodologiques de l’anatomie pathologique. Le fruit de son labeur, soixante années d’observations méticuleuses et systématiques, fut publié dans son Stomatologie
immense traité « Des lieux et des causes des maladies recherchées par l’anatomie ». Le grand mérite de Morgagni fut de systématiser une méthode de recherche anatomopathologique soigneuse et éprouvée. Il attache une importance capitale à la qualité des observations, mais aussi aux données cliniques. Il note systématiquement toutes les données concernant le décès du patient, ainsi que ses conditions de vie passées, ses habitudes. Il cherche également à faire la part entre les altérations post-mortem et les altérations ante mortem [2, 17, 18]. Médecine « irrationnelle » Au cours du XVIIIe siècle, on note l’existence de mouvements en marge du progrès des Lumières, notamment le magnétisme de Mesmer (1734-1815), témoignant de l’ambivalence de ce siècle. Mesmer n’a pas inventé le magnétisme puisque celui-ci était connu depuis l’Antiquité et que d’illustres prédécesseurs l’utilisaient déjà pour soigner divers maux. Ainsi, Paracelse recommandait l’usage d’aimants pour soigner les plaies, tout comme Ambroise Paré. Au XVIIe siècle, plusieurs traités sur le magnétisme furent publiés, notamment « De l’art magnétique » de Kircher en 1643, ou celui du chevalier Digby, grand ami de Descartes. Mesmer, fasciné par les progrès scientifiques, notamment dans les domaines de la physique et de l’électricité, était profondément frustré de constater les faiblesses des thérapeutiques de son époque. Il rêvait de développer une thérapeutique universelle, tirée de la nature, inspirée des progrès de la science. Il développa le magnétisme en s’appuyant sur les récentes découvertes en physique et en électricité. Il élabora tout d’abord le concept de la « gravité animale », en référence aux travaux sur la gravitation et la mécanique des astres, puis il en vint aux notions de « fluide subtil » et de « magnétisme animal ». Le fondement de la méthode de Mesmer reposait sur la polarité inverse du patient et du magnétiseur. Celui-ci, par imposition de ses mains, pouvait rétablir l’équilibre par « transfusion magnétique ». On remarque clairement l’influence des travaux scientifiques de l’époque dans les méthodes de Mesmer, de même que dans son « Mémoire sur la découverte du magnétisme animal », publié en 1778. Le magnétisme de Mesmer connaît un grand succès. Mesmer, dépassé par l’ampleur des demandes, imagine un procédé pour que les patients puissent adapter sa méthode chez eux, en l’absence de magnétiseur. C’est alors l’avènement des « séances magnétiques », très en vogue dans tous les salons, y compris et surtout - les plus brillants. Dans un grand baquet, on mélange de la limaille de fer et de l’eau acidulée, puis on recouvre le tout de bois. Des barres de fer en sortent, ainsi que des cordes : les patients peuvent ainsi saisir les barres, et former entre eux des « chaînes magnétiques » à l’aide des cordes. Grâce à cette adaptation du procédé de Mesmer, on peut donc profiter des bienfaits du magnétisme même sans contact avec le « fluide subtil » du magnétiseur. Ces séances connaissent un immense succès. Le magnétisme de Mesmer est également employé pour les douleurs dentaires. En effet, l’anesthésie faisant toujours défaut au XVIIIe siècle, le magnétisme est parfois préféré pour éviter d’avoir recours aux opérateurs pour les dents. Ainsi, le magnétiseur attire la douleur par électro-aimant et l’extraction est rendue moins douloureuse. Une des techniques en vogue au e XVIII siècle est de traiter la douleur dentaire en appliquant des « tracteurs métalliques ». Notons néanmoins que l’histoire ne dit pas combien de temps dure le soulagement des maux de dents... Cependant, le magnétisme fut assez rapidement victime de son succès. Un bon nombre de personnes profitèrent de l’engouement de la population pour se déclarer magnétiseurs. Si certains possédaient réellement le « fluide subtil », ils furent vite oubliés, devant la prolifération de personnages peu scrupuleux, étrangers au concept même du magnétisme, profitant de leurs patients, financièrement et physiquement. Devant la multiplication des attouchements sur les patientes, le mouvement
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magnétique fut rapidement balayé, avec pour conclusion que « le traitement magnétique ne peut être que dangereux pour les mœurs ». L’épisode magnétique reflétait bien le contraste du siècle des Lumières, partagé entre deux époques, comme le disait Auguste Comte, hésitant entre « l’âge métaphysique et l’âge positif ». Si la médecine des Lumières témoignait de ces hésitations, la Révolution y mit un terme en créant une rupture, en médecine comme dans d’autres domaines, et marqua l’avènement d’une vision radicalement nouvelle [11, 17].
Évolution scientifique de la dentisterie À l’aube du XVIIIe siècle, une situation complexe... En 1699, la situation de la dentisterie se présente sous deux facettes. Une science d’une part, et une pratique d’autre part, qui s’ignorent totalement. Théorie de l’art dentaire. Nous connaissons assez bien la théorie, présente dans tout le corpus médical de l’Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance. Les grands maîtres du monde scientifique, malgré leur manque d’intérêt pour le sujet, ne peuvent ignorer la pathologie et la thérapeutique dentaires dans leurs ouvrages. Ainsi, Gysel distingue différents ouvrages consacrés à l’art dentaire : • quelques ouvrages encyclopédiques, pour le grand public, ayant connu un grand succès alors, mais devenus illisibles aujourd’hui, comme le livre d’Urbain Hémard « Recherches sur la vraye anatomie des dents » (cf. supra) ; • de nombreux chapitres (assez brefs toutefois) consacrés aux maladies de la bouche, dans des traités généraux de chirurgie, comme ceux de Guy de Chauliac (1300-1368, médecin anatomiste, médecin des papes Clément VI, Innocent VI, Urbain V) ou d’Ambroise Paré. • quelques petits livres scientifiques ou thèses doctorales, à propos de l’anatomie dentaire ou des pathologies de la bouche, comme le « Libellus de dentibus » de Eustachi ; Il ne cite qu’un seul livre qui prend « timidement l’aspect d’un ouvrage didactique spécialisé ». C’est une œuvre anglaise, qui n’a jamais été traduite en français, de Charles Allen, publiée en 1687 : « Operator of the teeth ; Curious observations on difficult parts of surgery relating to the teeth » [1, 16, 21]. Cette science de la thérapeutique dentaire reste strictement théorique, elle n’est qu’une dentisterie des livres. Les médecins qui donnent, qui écrivent ces conseils n’ont jamais, ni de près ni de loin, soigné les dents malades, ils n’ont jamais pu constater l’inanité des traitements qu’ils indiquent. Pratique de l’art dentaire. La deuxième facette, l’activité dentaire pratique, est, dans sa grande majorité, le fait des empiriques et charlatans totalement étrangers au monde des arts de guérir. En effet s’il y a, dans la capitale, quelques dentateurs sédentaires, leur très petit nombre ne peut sensiblement modifier la situation. Le contact entre la science et la pratique n’existe pas. Pour l’art dentaire, rien ne passe entre une thérapeutique abstraite et une activité de très faible niveau dans l’ensemble [1]. Essor des sciences odontologiques au XVIIIe siècle Rôle décisif de Pierre Fauchard. Dans les premières années du siècle, l’instauration d’une formation correcte pour les experts pour les dents est longue à mettre en place. Ainsi, les premiers experts ont mauvaise réputation, le niveau des étudiants est bas et l’on peut considérer que durant les premières décennies du XVIIIe siècle, la qualité des soins dispensés par l’expert est médiocre. Cependant, malgré l’insuffisance de la formation des experts en ce début de siècle, l’art dentaire commence à être reconnu et respecté dans le monde des arts de guérir, grâce au développement d’activités spécifiques à la profession (développement des thérapeutiques buccales, de la prothèse, mais également des théories relatives à la dentisterie), au détriment de la pratique empirique des charlatans. Ainsi durant les premières décennies de ce siècle, on assiste à une véritable promotion de la dentisterie, notamment grâce à la publication en 1728 de l’ouvrage
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encyclopédique de Pierre Fauchard « Le Chirurgien Dentiste ou Traité des Dents », ouvrage qui surprend l’Europe entière. Avant ce traité, la littérature dentaire consistait majoritairement en ouvrages populaires sans aucune valeur scientifique. Cette littérature n’était que superficielle, se contentant d’étudier les grands maux de l’époque comme le scorbut, ou alors des cas inhabituels de tumeurs ou de malformations buccales. Les deux volumes du traité de Fauchard apportent la preuve, écrite, que l’art du dentiste est bien, comme l’avait voulu l’édit de 1699, une activité scientifique sérieuse nécessitant une parfaite formation chirurgicale. À partir de ce moment, l’art dentaire, conduit par Fauchard, commence à donner les premiers signes d’une ère de progrès qui étonneront le monde des arts de guérir, et qui feront de la dentisterie une profession à part entière. Émules de Fauchard. Dans les années mêmes de la parution du livre de Fauchard se constitue une lignée de praticiens soucieux de relever le niveau de leur profession et profonds admirateurs de Pierre Fauchard. Encouragés par ses travaux, ils publient à leur tour des ouvrages qui vont contribuer aux progrès de l’art dentaire. Dès 1737, Gerauldy publie son « Traité sur l’art de conserver ses dents », en soulignant la nécessité de remédier aux déficiences d’un « art presque aussi peu connu qu’il est généralement exercé ». Il affirme écrire dans un but scientifique « de sorte que ceux qui se destinent à la profession que j’exerce, pourront profiter des lumières de l’expérience de quarante années acquises ». Cependant, si Gerauldy acquiert une véritable réputation, il n’en demeure pas moins plus proche des dentistes du XVIIe siècle que de Fauchard auquel, d’ailleurs, il ne fait aucune allusion. Il reste très marqué par les conceptions empiriques du siècle passé, ses méthodes paraissant souvent aléatoires et ses principes très élémentaires. Néanmoins, dans la recherche des causes, il se montre novateur. Ainsi, pour la carie par exemple, il voit la cause dans « le reste des aliments acides et le séjour qu’ils font sur les dents » [8, 22, 23]. L’influence de Fauchard a été, en revanche, très directe sur Bunon (1702-1748). Celui-ci exerce d’abord l’art dentaire sans aucun titre, puis est admis comme consultant à la cour grâce à son ami, le chirurgien du roi Lapeyronie. Il est examiné puis reçu chirurgien-dentiste à Paris en 1739. Bunon est fortement marqué par Fauchard dont il fait longuement l’éloge. Il a étudié longuement le « Chirurgien-Dentiste » et il a tenté, lui aussi, de travailler pour la science et pour l’avenir. Il souhaite lutter contre les nombreux préjugés relatifs à l’art dentaire et le rationaliser. Il publie en 1743 l’« Essai sur les maladies des dents », puis en 1746 ses « Expériences et démonstrations faites à l’hôpital de la Salpêtrière et à Saint-Côme ». Cependant, Bunon, certainement trop novateur pour l’époque, doit faire face à l’incompréhension de ses contemporains et, parmi eux, particulièrement Fauchard. Il meurt prématurément en 1748, laissant une œuvre qui, bien qu’inachevée et largement incomprise, sera reconnue par la suite comme un élément capital à l’essor de l’art dentaire. Bunon mérite sans conteste d’être réhabilité et a sa place parmi les plus grands maîtres de la recherche odontologique [8, 10, 23, 24]. Bourdet (1722-1789), en 1757, chirurgien de la reine, dentiste reçu au collège de Saint-Côme, fait paraître ses « Recherches et observations sur toutes les parties de l’art du dentiste », traité le plus important depuis le « chirurgien-dentiste ». Son œuvre est intéressante et mérite sa place aux côtés de celle de Fauchard. Rappelons qu’il est anobli par le roi à l’occasion de l’inauguration du Collège royal de chirurgie au printemps 1768 [19, 24, 25]. Lécluse, artiste de l’Opéra et dentiste, publie, en 1750, des observations dans « Nouveaux éléments d’odontologie ». Il est l’ami de Voltaire, et est nommé dentiste du roi de Pologne. Enfin, Jourdain, élève de Lécluse, est un des meilleurs praticiens de l’époque. On lui doit des articles dans le Journal de Médecine et de nombreuses publications, notamment « Essais sur la formation des dents » en 1776 [19, 23, 24]. Les termes de chirurgien-dentiste, même d’odontotechnie, sont, à partir de ce moment, de plus en plus courants, preuve d’une réelle évolution de la science comme du vocabulaire. Le mouvement est lancé : la seconde moitié du XVIIIe siècle est riche en praticiens célèbres et en découvertes importantes. Stomatologie
Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10
Réveil scientifique et organisation de la profession. La fin du siècle des Lumières marque, comme nous l’avons vu précédemment, un véritable essor des sciences nouvelles, et l’odontologie ne reste pas en marge de ce mouvement. En effet, si la mise en place des experts pour les dents a été longue, liée à la médiocrité de leur savoir, à partir des années 1740, grâce aux travaux de Fauchard, et ceux de ses émules (Bunon, Gerauldy, Martin, Bourdet, Lécluse), l’art dentaire connaît un essor sans précédent. Ainsi, on assiste à un véritable réveil scientifique, et de nombreuses découvertes voient le jour, comme en témoignent le dentier à ressort de Fauchard en 1740 ou la clé d’extraction de Garengeot cette même année. Plusieurs inventions révolutionnent la pratique de l’art dentaire, comme la création du miroir endobuccal en 1743 par Levet, ou la découverte de l’éclairage endoscopique en 1769 par Arnaud de Ronsil. Par ailleurs, la porcelaine fait son apparition sur le marché de la prothèse vers 1770 et, en 1791, Camper décrit son angle facial, posant ainsi les premiers jalons de la céphalométrie [3, 20]. Mais les progrès ne concernent pas seulement la pratique. En effet, les contemporains de Fauchard publient de nombreux traités permettant une nette évolution des théories. Lécluse publie un ouvrage concernant la protection des dents contre les caries en 1755, Bunon tente de trouver l’étiologie de la carie dentaire, Mouton publie son « Essai et odontotechnie » sur les couronnes en or et autres métaux, et Bourdet pose les principes de l’hygiène buccodentaire, ainsi que de la stabilité des prothèses [20]. De plus, la profession commence à s’organiser réellement : des communications scientifiques se multiplient auprès du Collège de chirurgie, et, suite aux découvertes de chacun, des relations confraternelles commencent à s’installer. Ainsi, en cette fin de siècle, la France est un exemple en matière de chirurgie dentaire. La profession de chirurgiendentiste devient réalité et l’on assiste à un véritable essor scientifique dans ce domaine. Notons que cette odontologie des experts manifeste de suite sa spécificité. L’activité trivalente du praticien de l’art dentaire le met à l’abri des risques d’intégration venant du médecin, du chirurgien, ou du tabletier. Ce dernier point est capital et sera le garant, pour les temps à venir, de l’autonomie de la science et de la pratique odontologiques. Étudions à présent l’œuvre à l’origine de ce tournant, « Le traité des dents » de Fauchard, et essayons de comprendre en quoi cette œuvre a pu bouleverser le monde de l’art dentaire et le sortir du chaos dans lequel il se trouvait.
■ Rôle décisif de Pierre Fauchard En 1728, à Paris, Pierre Fauchard, expert pour les dents, publie un livre intitulé « Le Chirurgien Dentiste ou Traité des Dents ». Cet ouvrage important, en deux volumes, traite des maladies des dents, de leurs complications et de leurs traitements. Il possède de nombreuses planches illustrées, aussi bien sur l’anatomie dentaire que sur l’instrumentation, et est accompagné de nombreuses observations personnelles de l’auteur concernant des cas intéressants rencontrés dans son exercice quotidien. Cette œuvre n’a absolument rien de comparable aux ouvrages précédents, notamment en raison de son intérêt scientifique, et sera d’ailleurs rééditée à plusieurs reprises (première édition en 1728, seconde en 1746, la dernière, posthume, en 1786) (Fig. 1) [26].
Étude analytique et critique de l’œuvre [26] Il serait bien évidemment trop facile de juger l’œuvre de Fauchard par rapport aux connaissances actuelles. La liste d’élixirs et d’opiats qu’il fournit au début de son premier tome n’a, il est vrai, souvent rien à envier aux drogues miraculeuses vendues par les charlatans du Pont Neuf. Mais l’étude de son œuvre, replacée dans le contexte du début du XVIIIe siècle et des travaux de ses contemporains, permettra de se rendre compte que les pratiques de Fauchard (ainsi que ses doctrines) sont Stomatologie
Figure 1. Portrait de Pierre Fauchard (1678-1761), par J.-B. Scotin, frontispice du « Chirurgien-dentiste », Paris, 1728.
souvent originales, novatrices et ingénieuses. Aussi tâcheronsnous ici de confronter les idées de Fauchard à celles, fort instructrices, de ses contemporains.
Hygiène et prophylaxie dentaire Pierre Fauchard insiste beaucoup sur l’importance de l’hygiène buccodentaire. Il y consacre en effet deux chapitres : « De l’utilité des dents, et du peu de soin que l’on prend pour les conserver », et « Le régime, et la conduite que l’on doit tenir, pour conserver les dents ». Ces deux chapitres sont complétés par un troisième sur la « manière d’entretenir les dents blanches, et d’affermir les gencives. Opiats, poudres et liqueurs utiles, ou contraires à cet usage ». Hygiène d’ordre général [10, 19] À l’époque de Fauchard, et malgré les progrès de la science, l’origine des maladies étant souvent inconnue, la théorie des humeurs pouvait encore apparaître comme la cause universelle des troubles. Ainsi, Martin pense que les maux de dents proviennent souvent « d’une grande chaleur d’entrailles ou d’une bile échauffée ». De même, Fauchard affirme que la carie a souvent pour cause « un vice de la lymphe pectante en quantité et en qualité ». Par conséquent, l’hygiène dentaire commence par des soins d’ordre général, comme en témoigne cet extrait : « Le régime de vie que l’on observe, le trop dormir, le trop veiller, la vie trop sédentaire ou trop turbulente, ne contribuent pas peu à la conservation ou à la perte des dents (...). Toutes les passions violentes capables d’altérer la digestion, d’aigrir ou d’épaissir la masse du sang, d’occasionner des obstructions, et d’empêcher les sécrétions et excrétions qui doivent s’exécuter journellement pour la conservation et le maintien de la santé peuvent être mises au rang des causes intérieures qui produisent les maladies des dents » (T. I, p. 100). Le second point fondamental est l’hygiène alimentaire, qui doit commencer avant la naissance et ce, pour tous les auteurs, y compris Fauchard. Ainsi, le régime alimentaire de la mère et celui de la nourrice sont essentiels pour la première dentition de l’enfant. En outre, Fauchard est persuadé que les catégories aisées de la société sont plus affectées par les maladies dentaires, particulièrement la carie, en raison de leur plus grande consommation de sucres. Ainsi, selon Fauchard : « Le premier soin que nous devons avoir par rapport au régime de vivre convenable pour la conservation des dents, et en même temps de la santé se renferme à choisir des aliments d’un bon suc, qu’il faut mâcher très exactement » (T. I, p. 64). Il ajoute que « Les confitures, les dragées et tous les aliments sucrés ne contribuent pas peu à la
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destruction des dents ; parce que le suc gluant qui en provient, s’insinue entre les gencives, et se colle contre les dents ; et qu’il y a dans le sucre un acide pénétrant et corrosif, ainsi que l’analyse chimique le fait connaître, qui cause tôt ou tard du dérangement. Aussi remarque-t-on que ceux qui font un grand usage de ces poisons séduisants, sont plus sujets aux maux de dents, et les perdent plus tôt que les autres » (T. I, p. 66). « Ceux qui aiment les sucreries et qui en usent fréquemment ont rarement les dents belles. » Il conseille un peu plus loin « (...) après avoir mangé des sucreries, de se laver la bouche avec de l’eau tiède pour dissoudre et enlever par ce dissolvant ce qui pourrait être resté dans les gencives ou contre les dents » (T. I, p. 66). Les effets nocifs des sucreries ont également été soulignés par Martin, Gerauldy, Bunon et Dionis. Si l’effet nocif du sucre est clairement reconnu, Fauchard, tout comme Martin, déconseille aussi la consommation d’aliments « forts », dont il dresse une liste impressionnante : « Le trop grand usage des légumes, tels que sont les choux, les poireaux, les ciboules, les navets, les pois verts ; celui de la chair du pourceau, des viandes et des poissons salés, du fromage, du lait, (...) est préjudiciable aux dents puisque toutes ces choses produisent un mauvais chile » (T. I, p. 65). Bunon et Gerauldy, quant à eux, ne parlent pas d’aliments forts, mais proscrivent les fruits verts et acides. En outre, si tous les dentistes reconnaissent qu’il est nuisible de faire des efforts avec les dents, seul Fauchard insiste réellement sur ce point : « Les précautions à prendre d’ailleurs pour conserver les dents, consistent à ne pas mâcher, casser ou couper des aliments ou d’autres corps trop durs, et à ne faire aucun effort avec elles, comme font ceux qui follement cassent des noyaux, coupent des fils (...) » (T. I, p. 67). Tous les dentistes soulignent l’effet nuisible du passage du chaud au froid pour les dents, sans pour autant pouvoir l’expliquer. Fauchard tente d’apporter une explication : « Cette diversité de liqueurs chaudes et froides est capable d’arrêter et de fixer les humeurs même le suc nourricier dans les dents et que ces matières ainsi fixées venant à fermenter une fois et à rompre le tissu de la dent, causent la carie qui le détruit absolument » (T. I, p. 70). Enfin, Fauchard affirme qu’il faut éviter d’abuser de ce qui noircit les dents. Si la pipe use les dents, la fumée de tabac (le tabac a été introduit en France par Jean Nicot 1530-1600) est préjudiciable d’une part parce qu’elle salit les dents, d’autre part parce qu’« un air froid venant immédiatement à frapper les dents, ces deux extrêmes peuvent donner occasion à la fixation de quelque humeur dans la dent même, dans les gencives (...), ce qui peut occasionner des douleurs, des fluxions très incommodes, et même la carie qui est le plus fâcheux de ces accidents » (T. I, p. 68). Toutefois, Fauchard ajoute également que le tabac peut avoir des vertus bénéfiques : « Je sais aussi que la fumée de tabac peut contribuer à la conservation des dents, en procurant l’évacuation des humeurs surabondantes qui pourraient, en agissant sur elles, les détruire » (T. I, p. 69). Hygiène locale [10, 11, 19, 22, 27] À l’époque de Fauchard, l’objectif semble déjà être de « prévenir plutôt que guérir », et l’hygiène apparaît comme le meilleur moyen de suppléer aux insuffisances de l’art dentaire. Ainsi, Fauchard considère la négligence des dents comme son principal ennemi, et il propose des visites régulières de la bouche, dès l’enfance, par un dentiste expérimenté. De même, Bunon recommande d’accoutumer l’enfant très jeune à prendre soin de ses dents, et de montrer aux parents qui l’accompagnent les mérites des soins préventifs. Si la plaque dentaire (alors désignée par les termes de tartre, tuf, humeur visqueuse, limon...) est reconnue comme étant le principal agent cariogène, Fauchard pense cependant qu’elle est plus nuisible aux gencives qu’aux dents elles-mêmes. En s’attaquant aux gencives, elle provoque le déchaussement des dents. En outre, il est le premier à différencier la plaque (ou limon) du tartre et pressent le lien de cause à effet entre les deux : « Ces limons précèdent ordinairement le tuf ou tartre des dents, et en sont comme l’ébauche, puisque c’est de ce limon que se forment les couches de tartre » (T. I, p. 106). Quoi qu’il
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Figure 2. Planche 2 : représentation d’un corps tartareux. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome I, p. 181.
en soit, il voit clairement la nécessité d’empêcher la formation d’amas de tartre et, dans le cas où le tartre devient pierreux, il faut de toute urgence se rendre chez le dentiste qui réalise alors le nettoyage complet de la bouche. Ainsi selon Fauchard : « le tartre peut former des tumeurs relativement considérables adhérentes aux dents et qui doivent être extraites pour permettre la mastication » (cf. Planche 2, T. I, p. 181) ou encore : « Pour prévenir ces fâcheux évènements (...) il faut détacher avec grand soin le tartre » (T. I, p. 224), ce qu’il fait à l’aide de cinq instruments : le bec d’âne, le bec-de-perroquet, le burin à trois faces, le canif à tranchant convexe, et le crochet en Z (Fig. 2) (pour la planche : cf. infra). Concernant les soins quotidiens, Pierre Fauchard marque un très net progrès par rapport aux autres dentistes. Ainsi, De Fleurimont recommande de se laver la bouche le matin et de frotter les gencives et les dents avec son doigt. Quant à Martin, il conseille simplement de se laver la bouche à l’eau fraîche et de passer un linge fin. Les conseils de Fauchard sont plus exhaustifs. En effet, il recommande de « s’en tenir, après qu’on se sera fait nettoyer les dents, à se laver la bouche tous les matins avec de l’eau tiède, en se frottant les dents de bas en haut et de haut en bas, par dehors et par dedans, avec une petite éponge des plus fines trempée dans la même eau : il est encore mieux de mêler avec cette eau un quart d’eau-de-vie pour fortifier davantage les gencives et s’affermir les dents » (T. I, p. 74). L’éponge peut être remplacée par une racine de guimauve soumise à une préparation spéciale : « Ce qu’il y a de très convenable pour se frotter les dents, c’est le bout d’une racine de guimauve bien préparée ; elle blanchit sans offenser les gencives » (T. I, p. 75). Notons que Gerauldy et Martin préconisent également l’usage des racines. En outre, Fauchard recommande d’user du « demi-rond » du cure-dent : ce ne doit être ni une pointe d’argent, d’or ou d’acier, ni une épingle, ni un objet de cuivre ou de fer, car ces instruments risqueraient de provoquer une réaction fâcheuse : « à cause que la salive en détache des sels vitrioliques qui sont capables de corroder les dents ». Il préconise l’emploi d’une plume déliée, tout comme Bunon, qui conseille d’enlever chaque matin le limon et d’ôter avec une plume les particules demeurées entre les dents. Par ailleurs, Bunon recommande de se frotter verticalement les dents avec une éponge, ce qui offre peu de nouveauté par rapport à Fauchard. Si la brosse à dents (souvent faite de crin) apparaît pour la première fois à Paris au XVIIe siècle, Fauchard (tout comme De Fleurimont, en déconseille formellement l’usage : « ces matières Stomatologie
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sont trop rudes et leur fréquent usage pratiqué indiscrètement, détruit souvent les gencives et les dents » (T. I, p. 74) [28]. Fauchard recommande également l’usage de différents produits pour le nettoyage des dents. Son premier souci est de distinguer les poudres, opiats et autres lotions qu’il préconise, de ceux vendus par les charlatans et autres « distributeurs de remèdes ». Il proscrit les poudres dentifrices et les composés de briques, de porcelaine et de pierre ponce usant l’émail, comme aussi le sel d’albâtre, l’alun, le talc, les sels de tartre, de plomb. Il rappelle également la prudence dans l’usage des acides, tels le suc d’oseille, les jus de citron (que Martin utilise dans une de ses recettes), de l’esprit de vitriol et de sel, car ils déposent une couleur jaune inenlevable et abîment les gencives. Cependant, si Fauchard ridiculise les charlatans, il n’en demeure pas moins que les recettes qu’il préconise surprennent, tant par leur composition (cervelle de lièvre, sang tiré de la crête-de-coq, urine humaine...) que par leur distribution (opiats, élixirs, lotions, eaux dentifrices...). Cependant, notons qu’aucun dentiste n’a rompu la tradition des préparations personnelles, créant d’innombrables recettes toutes plus énigmatiques les unes que les autres (Bunon, Bourdet, Martin...). Certains auteurs ont reproché à Fauchard sa stagnation thérapeutique, tant le hasard et la fantaisie semblent être à la base de ses préparations. Toutefois, Fauchard reste empreint des idées de son siècle et, malgré les avancées des sciences médicales, la thérapeutique médicamenteuse ne peut encore se libérer des traditions. D’une part, les remèdes chimiques ont bien du mal à se faire une place parmi tous les remèdes ancestraux, d’origine animale ou végétale, d’autre part, les modes de distributions n’ont évolué que très tardivement. On mesure ainsi les progrès que devait réaliser la chimie pour arriver à la composition de pâtes dentaires aux qualités chimiques éprouvées.
Ergonomie L’œuvre de Fauchard est intéressante car elle est aussi un témoignage sur les conditions de travail de l’époque. Elle évoque les difficultés de vision et d’éclairage. En outre, Pierre Fauchard s’intéresse à la position de travail, de même qu’au rôle et à la fonction des mains. Il cherche à réduire le nombre d’instruments ainsi qu’à modifier la forme et le poids des manches. Cet homme apparaît donc comme un précurseur de l’ergonomie. Soulignons que Fauchard exerce dans des conditions très privilégiées. Il possède un cabinet et se fait assister par un élève. C’est l’un des premiers praticiens à sélectionner un type de siège qui puisse satisfaire au confort du malade et du dentiste. Ainsi, selon Fauchard, lorsque le praticien reçoit dans son cabinet, il doit faire asseoir le malade « sur un fauteuil ferme et stable dont le dossier sera garni de crin ou d’un oreiller mollet, plus ou moins élevé et renversé suivant la taille de la personne, ses pieds portant à terre, et surtout suivant celle de l’opérateur » (T. II, p. 17) ; « Le dentiste s’élèvera ou s’abaissera plus ou moins, inclinant d’ailleurs son corps et sa tête plus ou moins – lorsqu’une personne a perdu l’action des muscles releveurs ou abaisseurs de la tête » (T. II, p. 18), ou pour des raisons pathologiques. « S’il s’agit de travailler a ses dents les plus enfoncées dans la capacité de sa bouche, il faudra substituer au fauteuil le canapé, le sofa ou le lit... à la faveur d’oreillers ou coussins bien placés ». « Je suis surpris que la plupart de ceux qui se mêlent d’ôter les dents, fassent asseoir les personnes à terre, ce qui est indécent et malpropre et surtout pour les femmes enceintes situation qui leur est nuisible » (T. II, p. 133). Fauchard dispose de chaise, et de deux fauteuils : un de hauteur normale et un autre bas de siège. Pour opérer, il considère l’orientation de la lumière diurne et son meilleur moment (ce qui restreint certaines opérations). Il se fait assister par un élève ou bien par un ou une domestique. En règle générale, Fauchard montre son souci d’assurer un confort à son malade et une protection dans ses interventions. C’est, dit-il, qu’il « faut considérer les obstacles que forment dans les opérations sur les dents, la situation des joues, celle de la langue et celle des lèvres. » On doit protéger « la commissure des lèvres par un linge fin ». En outre, il utilise « une petite plaque entre la joue et la dent qui Stomatologie
Figure 3. Planche 1 : représentation des deux mâchoires et de leurs dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome I, p. 41.
doit être cautérisée... cette plaque doit avoir un petit manche, elle doit être d’argent ou de fer blanc, et faite quasi en forme de cuiller » (T. II, p. 83). Fauchard dit qu’en maintes circonstances, lorsqu’il faut opérer sur la mâchoire supérieure pour plus de facilité « il faut mettre un genou en terre » (T. II, p. 174). Suivant la place d’une dent et le genre de soins à lui donner, il décrit la position de l’opérateur, les mouvements des bras et des doigts. Il recommande la prudence et l’application, ce qui permet de supposer que l’exercice n’est pas aisé [11, 29].
Anatomie et physiologie [4, 19, 25, 30] En anatomie, comme en physiologie, le corps des chirurgiens avait certainement acquis une incontestable supériorité sur la médecine, dès les premières décennies du XVIIIe siècle. Plus penchés vers l’expérimentation, les chirurgiens avaient recouru à la dissection et à l’étude précise de l’anatomie humaine. Le microscope pouvait apporter des éléments nouveaux et corriger des erreurs. Il n’en reste pas moins qu’à la fin du Grand Siècle, l’anatomie de la région maxillobuccale demeure imparfaitement connue et les théories des praticiens se trouvent ainsi soumises à quelques préjugés et erreurs grossières. La définition même des dents reste imprécise à la fin du e XVIII siècle. Pour la plupart des dentistes comme pour Fauchard, la dent fait partie du squelette. C’est un os d’une qualité particulière, plus dure, plus blanche, plus solide que les autres os. Pour Fleurimont cependant, « les dents sont des extrémités comme les cheveux ». Rappelons néanmoins que Bartholomeo Eustachi, dès le XVIe siècle, pensait que les dents ne faisaient pas partie du squelette et n’avaient donc rien à voir avec l’os (voir chapitre sur « l’héritage de la Renaissance ») [2]. Fauchard a un sens de l’observation très poussé. Il s’oblige à coucher sur papier tout ce qu’il voit, avec des termes qui peuvent paraître naïfs aujourd’hui, puisqu’il n’existe pas encore de nomenclature précise pour décrire ce qu’il observe. Il fait ainsi une description remarquable des incisives, canines, « petites » et « grosses » molaires, ainsi qu’une reproduction soignée de ces dents (planche 1, T. I, p. 41, et planche 27 T. II, p. 210) : « Dans chaque dent, on distingue deux parties : la première est celle qui paraît en dehors, n’étant point renfermée dans l’alvéole : on la nomme le corps de la dent (...). La seconde partie est cachée dans l’alvéole : elle se nomme la racine de la dent » (T. I, p. 5) (Fig. 3, 4). Fauchard fait également allusion au système endodontique de la dent : « une cavité dans toute la longueur des racines »,
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22-000-A-10 ¶ Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard
Figure 4. Planche 27 : figures de dents extraordinaires. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 210.
aboutissant à « une plus grande qui se termine dans le commencement de la dent (...) tapissée d’une membrane qui sert de soutien aux petits vaisseaux sanguins et aux nerfs qui se distribuent dans l’intérieur de la dent (...). » (T. I, p. 6). Fauchard donne par ailleurs une bonne description des éléments de soutien de la dent, et entrevoit même l’importance d’avoir un parodonte sain pour conserver les dents en bon état, et son rôle essentiel dans le soutien de la dent : « Le principal usage des gencives, est de rendre les dents plus fermes et plus stables dans les alvéoles (...). Les gencives sont les conservatrices des dents » (T. I, p. 219). Par ailleurs, Fauchard se fait l’écho du problème de l’analyse anatomophysiologique de la dent. En effet, à cette époque, certains dentistes pensent que la dent est insensible, la douleur provenant de la gencive, alors que d’autres considèrent que la dent est reliée à la gencive par un nerf principal. Fauchard concilie les deux opinions opposées : en tant qu’os, la dent est insensible, mais le réseau de vaisseaux et de nerfs qui tapissent la cavité intérieure la rendent très sensible : « À ne considérer les dents simplement comme des os, on peut dire qu’elles sont insensibles, mais si on les considère comme des parties munies, recouvertes et tapissées de membranes, de vaisseaux et de nerfs, on ne doit pas leur refuser la qualité d’être sensibles, ainsi que toutes les autres parties du corps » (T. I, p. 135). De plus, il affirme la présence de filets nerveux répandus dans tout le corps de la dent. Des erreurs égarent les autres dentistes sur ce point, comme Gerauldy : « il y a de petits trous qui donnent entrée aux nerfs » [25]. Le système d’évolution des dents reste encore plus imprécis que leur anatomie. Les dentistes de l’époque préfèrent souvent éluder la question, ne mentionnant que vaguement l’existence de « germes » ou de « noyaux ». Martin, par exemple, reste très prudent : « il me suffit de savoir que Dieu est le créateur de toutes choses, et je laisse à Messieurs les philosophes à convenir de la multiplicité de leurs sentiments sur les causes secondes ; car c’est un labyrinthe où s’égarent la plupart des gens qui pensaient y pénétrer (...) ». Il faudra attendre Fauchard pour que l’examen de la genèse des dents se dégage des préjugés du passé, et apparaisse plus scientifique, sans que, toutefois, il n’ait aucunement approché l’analyse biophysiologique. Bunon parle de l’accroissement « concressif » des dents avec une certaine intuition. Cependant, si tous les dentistes ont constaté les différentes phases de dentition, le phénomène reste mal connu [4, 25]. Ainsi, une grande querelle s’ouvrit entre les différents dentistes pour savoir si les dents de lait, qui tombent si
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facilement, ont ou non des racines. Les avis furent partagés durant tout le XVIIe siècle, cependant, à partir du XVIIIe siècle, la plupart des dentistes se prononcent en faveur de l’existence de racines, tout comme Fauchard : « Ces vingt premières dents ne sont pas sans racines, comme le vulgaire et quelques auteurs le disent. Il est bien vrai qu’il n’en paraît presque point, lorsqu’elles tombent d’elles-mêmes ; mais si on les ôte avant qu’elles soient chancelantes ou prêtes à tomber, on y en trouve qui sont à proportion de leur corps, aussi longues, aussi fortes, et presque aussi dures que celles des secondes dents » (T. I, p. 8). Fauchard s’intéresse particulièrement à l’éruption dentaire et aux phénomènes qui y sont liés. Toutefois, le phénomène de leur résorption reste pour lui une énigme. Il réfute néanmoins la théorie de Bunon en ironisant : « J’ai tâché de réfuter (...) l’opinion d’un nouvel auteur sur le prétendu frottement qui use la racine des dents de lait. Cet auteur qui s’est fait annoncer dans la Gazette de Hollande avec des éloges qui le mettent au-dessus de tous les auteurs qui l’ont précédé (...) est enfin parvenu à remarquer que les dents de lait ont des racines (...) » (T. I, p. 55). Enfin, Fauchard, tout comme Bunon, rétablit la vérité au sujet des dents « œillères ». En effet, nombre de dentistes pensaient que ces dents, souvent les canines maxillaires, étaient liées subtilement à certains organes de la tête, par différents filets nerveux. Citons par exemple Martin, qui affirme que ces dents sont appelées « œillères » « par le rapport et le commerce qu’elles ont avec les parties des yeux », ou encore Gerauldy : « on dit dents œillères parce que les nerfs qui servent au mouvement des yeux fournissent quelques filets à leurs racines. Ainsi, on ne doit les arracher qu’avec précaution et dans un cas de nécessité ». Grâce à l’existence de ces dents, expliquait-il, les névralgies survenaient à l’occasion de douleurs dentaires. Par conséquent, celles-ci devaient être extraites avec d’infinies précautions, et seulement en cas de nécessité absolue (la croyance voulait que l’extraction d’une dent œillère rende aveugle). Fauchard, mais également Bunon, démentent l’existence de ces dents œillères. Fauchard, après avoir prouvé tout l’intérêt qu’il porte à l’anatomie, montre également son engouement pour les dernières découvertes scientifiques de l’époque. Les savants avaient en effet rapidement tiré parti du microscope optique, développé par Van Leeuwenhoek (1632-1723) (voir plus haut). Ainsi, Fauchard avouait-il sa curiosité concernant les derniers travaux de La Hire sur l’histologie dentaire.
Carie et douleur dentaire Connaissance de la carie dentaire [18, 29-31] À la base de la thérapeutique des XVIIe et XVIIIe siècles, se situe une méconnaissance parfois totale de la nature de la carie dentaire. À cette époque, la théorie des vers dentaires était encore très courante. Ainsi, Andry (1658-1742), célèbre dentiste contemporain de Fauchard, expliquait : « Les vers s’engendrent par la malpropreté. Le ver, extrêmement petit, a une tête ronde marquée d’un point noir. C’est ce que j’ai observé au microscope ». De même, elle est suggérée dans les écrits de Dionis et si, par la suite, Bunon n’y croit guère, Fauchard, tout en réfutant l’étiologie purement vermineuse de la carie, reste prudent : « Il y a des observations qui font foi des vers dentaires, rapportées par des auteurs illustres. N’en ayant jamais vu, je ne les exclus, ni ne les admets. Cependant, je conçois que la chose n’est pas physiquement impossible (...) ». Il ajoute : « Quoi qu’il en soit, ces vers n’étant point la seule cause qu’il s’agit de combattre en telle occasion, leur existence ne demande aucun égard particulier. » (T. I, p. 131-132) [18]. Selon Fauchard, la carie (« maladie qui détruit les dents ») peut avoir pour origine des facteurs internes ou externes. Les causes internes sont encore assez populaires à cette époque (fondées sur la théorie des humeurs) : « Les causes intérieures sont celles qui se trouvent dans la masse du sang, ou dans le vice particulier de la lymphe » (T. I, p. 144). Les causes externes sont en revanche plus novatrices : « Les coups, les efforts Stomatologie
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violents, l’usage de la lime, l’application de certains corps, l’air, la salive altérée, les impressions de chaud et de froid et certains aliments » (T. I, p. 144). Par ailleurs, pour la plupart des praticiens, la carie est un mal contagieux : une dent en gâte une autre. Ainsi pour Bunon, il n’y a « rien de si contagieux que la carie », et elle se développe même par symétrie. Par conséquent, il préfère ôter une dent atteinte que de voir se développer quatre dents cariées au lieu d’une. Pour Fauchard également, la carie est contagieuse : « (...) pour empêcher que la carie ne se communique aux voisines » (T. I, p. 155). Notons que la somme des connaissances de Fauchard sur la carie est impressionnante pour l’époque. À la lumière de ses observations, il dénombre douze « espèces de caries du corps de la dent », qu’il partage en « deux espèces et plusieurs en particulier » (T. II, p. 74), classification complexe s’il en est. Il décrit avec précision la pathogénie des différentes sortes de caries, distingue la « carie molle et pourrissante » de la « carie sèche », les caries superficielles, profondes et très profondes, ainsi que les caries compliquées de fractures. Il observe également des caries du collet et de la racine : « J’ai vu aussi des caries attaquer les racines des dents et la voûte de leur fourchure » (T. I, p. 153). Il distingue également les caries selon qu’elles se situent sur la face extérieure, intérieure ou latérale de la dent. Thérapeutiques Remèdes [19]. Aux incertitudes concernant la nature même de la carie s’ajoute une ignorance des moyens thérapeutiques. À cette époque, la thérapeutique est dominée par la pharmacie où la superstition, pour ne pas dire la sorcellerie, le disputait à l’empirisme. La plupart des remèdes employés contre la carie ou l’odontalgie sont l’héritage de croyances ancestrales, et leur efficacité paraît souvent douteuse. Tous les dentistes de l’époque recommandent l’usage de ces remèdes, même les plus sérieux et les moins suspects de charlatanerie. Ainsi, Martin conseille pour la gingivite chez l’enfant « des pattes de taupes pendues au col de l’enfant ». Bunon dresse une liste très hétéroclite de tous les produits employés à son époque. Quant à Fauchard, s’il reconnaît que si la cervelle de lièvre ou la graisse de vieux coq, comme le préconisent la plupart des praticiens, sont utiles, il leur préfère la « moelle de veau, dont on frotte le visage de l’enfant » (T. I, p. 53), ou une décoction d’orge, de raisins, de figues et de sucre candi. Par ailleurs, Martin, Gerauldy, Bunon, et Fauchard insistent sur l’efficacité des cataplasmes, souvent placés sur la tempe du côté de la dent atteinte, contre l’odontalgie. Cependant, si le XIXe siècle a permis de reconnaître l’efficacité de certaines essences de plantes (notamment girofle et cannelle), d’autres produits semblent absolument contre-indiqués, comme les lotions sucrées (sucre candi de Fauchard), ou les acides puissants (vitriol, citron), préjudiciables aux dents et aux gencives. Enfin, citons deux remèdes fréquemment employés par les praticiens de cette époque qui, s’ils paraissent quelque peu surprenants, ont néanmoins un fondement scientifique. Tout d’abord, l’emploi de l’urine humaine en bain de bouche, héritée de l’Égypte ancienne, préconisée par Martin, Bunon et Fauchard notamment. À propos de l’urine, Fauchard affirme : « J’ai beaucoup soulagé par le remède suivant plusieurs qui avaient presque toutes les dents cariées et que des fluxions et des douleurs tourmentaient fréquemment » (T. I, p. 167). Des expériences physiologiques ont montré les pouvoirs de l’urée : prise en dissolution dans l’eau, elle a une action fortement diurétique, elle est décongestionnante et faiblement antiinflammatoire. Cette pratique ancestrale était donc fondée sur l’observation, et la science a permis par la suite d’expliquer autrement que par la suggestion ce traitement au demeurant surprenant. Enfin, citons l’emploi fréquent de l’eau-de-vie par les praticiens, qui s’explique par les pouvoirs reconnus de l’alcool comme anesthésique et antiseptique. Ainsi, par l’intermédiaire de ces produits naturels, les praticiens avaient des intuitions parfois très justes, mais qui n’ouvraient la voie à Stomatologie
aucune analyse scientifique, en particulier chimique, et ne permettaient donc pas d’isoler les agents chimiques susceptibles d’agir avec force et précision. Soins curatifs [19, 22]. Dès cette époque, les praticiens disposent de principes disposés à un bel avenir. Ainsi, tous les dentistes insistent sur la nécessité de soigner la carie à ses débuts, un trop grand progrès de la maladie obligeant à l’extraction de cette dent. Si Martin et Gerauldy préfèrent extraire la dent dès qu’elle est douloureuse, au fil des années, les dentistes tentent de plus en plus de sauver la dent atteinte. Au début du XVIIIe siècle, les quatre modes de soin principaux sont le limage (ou le ruginage), l’emploi d’essences de cannelle ou de girofle, la cautérisation au fer rouge et l’obturation au plomb. Lorsque ces moyens ont échoué, on a recours à l’extraction. Selon tous les dentistes, lorsque la carie est peu profonde, le grand remède consiste à limer la partie cariée : « Il y a aussi des caries qui sont si superficielles (...), qu’elles ne permettent pas au coton imbibé avec l’essence ou au plomb d’y tenir, en ce cas, il faut les ruginer ou les limer (...) » (T. II, p. 64) (pour plus de détails sur le limage : voir le chapitre relatif à l’orthodontie). Pour Fauchard et Fleurimond, si la carie est plus pénétrante, il faut nettoyer la cavité et appliquer un coton imbibé de cannelle ou de girofle : « Si la carie a pénétré et qu’elle cause de la douleur, après avoir emporté la carie, mettre tous les jours dans la cavité cariée un peu de coton roulé et imbibé d’essence de cannelle ou de girofle » (T. II, p. 64). À la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle, la cautérisation, malgré les douleurs qu’elle entraîne, n’en est pas moins fréquente et recommandée par l’ensemble des dentistes (y compris Martin et Gerauldy). Les déboires dentaires de Louis XIV peuvent témoigner de l’engouement pour cette technique : « Les avis de M. Félix et de M. Dubois furent soutenus du mien, qu’il n’y avait que le feu actuel capable de satisfaire aux besoins de ce mal (...) Le 10 janvier, on y appliqua quatorze fois le bouton de feu, dont M. Dubois, qui l’appliquait, paraissait plus las que le roi qui le souffrait (...) » (Journal de la Santé du Roi, écrit pas les médecins Vallot, Daquin et Fagon). L’emploi des cautères est très important dans la thérapeutique de Fauchard. Outre les cautères actuels (boutons de feu : instruments de fer rougis au feu), il prend des tiges métalliques rondes, longues, fines « comme des aiguilles à tricoter », et « des bouts de fil d’archal » (laiton étiré) pour mieux cautériser dans les cavités étroites. Si, toutefois, la carie progresse et que « la cavité s’agrandit, causée par l’air et la salive altérée et mêlée avec des aliments (...), il est alors nécessaire de la plomber » (T. II, p. 83). Notons par ailleurs que Fauchard repousse les autres méthodes de cautérisation, celles d’opérateurs prometteurs de guérison qui « cautérisent les oreilles avec un fer rouge, ce qu’ils appellent barrer la veine », comme l’enseigne « le célèbre M. Valsalva, médecin italien (...) » (T. I, p. 157). Pour Hémard et bien d’autres praticiens, « les remèdes distillés dans l’oreille sont de grands effets », et ils les appliquent couramment [10]. Dès la fin du XVIe siècle, on avait recours au nettoyage de la cavité carieuse et à son obturation. Toutefois, la technique restait très imparfaite (de courte durée qui plus est) et l’opération était difficile (instruments inadéquats, mauvaises conditions...) et coûteuse (emploi de feuilles d’or pour obturer la cavité). Fauchard propose des solutions thérapeutiques simples et modernes à la fois. Pour nettoyer la carie, il se sert de quatre instruments : le foret à ébiseler (avec une extrémité pyramidale en pointe), la rugine en bec-de-perroquet pointue (avec une pointe à trois faces), la rugine en bec-de-perroquet mousse, et la rugine en alène (à pointe tranchante à deux faces) (cf. planche 14, T. II, p. 65) (Fig. 5). Ensuite, il procède différemment selon le stade de la carie : « Quand une dent est légèrement cariée, il suffit d’en ôter la carie (...) et d’en remplir la cavité cariée avec du plomb » (T. I, p. 162). Il utilise pour cela de minces feuilles de plomb, foulées à l’aide d’instruments rappelant nos fouloirs modernes (planche 15, T. II, p. 79) (Fig. 6). Fauchard considère l’emploi de l’or pour obturer les cavités comme un simple luxe et une dépense inutile, possédant des
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Figure 5. Planche 14 : instruments servant à ruginer la carie des dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 65.
Figure 6. Planche 15 : instruments servant à plomber les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 79.
propriétés bien inférieures à celles du plomb ou de l’étain battu : « ils sont préférables à l’or ; parce qu’ils se lient et s’accommodent mieux aux inégalités qui se trouvent dans les cavités cariées, qui sont ainsi moins exposées à se gâter de plus en plus » (T. II, p. 68). Dans le cas d’une carie pénétrante, si elle « cause de la douleur », Fauchard préconise, comme nous l’avons vu plus haut, après avoir nettoyé la carie, de placer dans la cavité un coton imbibé d’huile de girofle pendant quelques jours. Lorsque la douleur cesse, il nettoie à nouveau la dent et la plombe. Si la douleur ne cesse pas, il cautérise la dent (cf. planche 16, T. II, p. 86), et il faut « quelques mois après, plomber la dent, si la disposition de la cavité cariée le permet » (T. I, p. 163). Toutefois, l’obturation au plomb n’est acceptable que dans les caries superficielles : « si (...) on est assuré de la profondeur de la carie ; il n’y a point d’autre parti à prendre que d’ôter la dent » (T. II, p. 77) (Fig. 7).
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Figure 7. Planche 16 : instruments servant à cautériser les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 86.
Fauchard expose également les premiers balbutiements de l’endodontie, sans toutefois en connaître les bases fondamentales du traitement (diagnostic, préparation et obturation canalaire) et, à aucun moment, il n’envisage l’obturation canalaire. Il consacre en effet un chapitre complet à la trépanation, où il explique qu’une fois la cavité nettoyée, « on ouvrira et l’on élargira le canal, ou la cavité intérieure de la dent, avec un équarissoir, ou perforatif proportionné à ce canal ; on prendra une aiguille assez fine et assez longue dont les brodeurs se servent (...) et on introduira la pointe de cette aiguille le plus avant qu’il se pourra dans le fond de la cavité de la dent, ce qu’on fera deux ou trois fois de suite (...) » (T. I, p. 169). Il attend 2 ou 3 mois avant de plomber la dent, et place en temporisation un coton imbibé d’huile de girofle. La cessation des douleurs signe, pour Fauchard, la guérison de la dent, il semble donc satisfait quand la nécrose de la dent est totale. Fauchard ne se résout à l’extraction d’une dent qu’après de nombreux essais malheureux de conservation, fait assez original en cette époque où les arracheurs de dents sont légion. Ainsi, s’il suit les recommandations d’Urbain Hémard : « Les dents cariées auxquelles on ne peut remédier par les huiles de cannelle ou de girofle, le cautère actuel ou le plomb, doivent être ôtées de leur alvéole (...) » (T. I, p. 155), il émet cette réserve : « Après l’administration de tous ces remèdes (...), lorsque cette douleur trop violente ne revient pas, que le malade peut manger sur la dent, et que c’est une des incisives, canines ou petites molaires, parce que celles-ci servant à l’ornement de la bouche, (...) il faut toujours éviter de l’ôter, quand il est possible » (T. I, p. 157) [22].
Chirurgie et pathologie buccale Extractions À l’époque de Fauchard, l’extraction reste une intervention très fréquente. Ainsi, Dionis note : « La sixième opération que les dents demandent consiste à les arracher ; elle est la plus usitée et on peut la voir pratiquer tous les jours. Il est peu de personnes à qui l’on n’en arrache quelqu’une ; il y a des gens si impatients que dès la moindre douleur ils font sauter leurs dents. » Toutefois, elle est bien souvent pratiquée de la façon la plus fantaisiste, et, pour une opération si courante, les techniques employées par les praticiens semblent encore rudimentaires. Ainsi, Dionis explique sa méthode : « L’on fait asseoir à terre ou sur un carreau seulement celui à qui l’on veut arracher une dent : l’opérateur se met derrière lui et ayant engagé la tête Stomatologie
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Figure 8. Planche 18 : déchaussoir, poussoir et crochet. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 149.
Figure 9. Planche 19 : davier. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 150.
entre ses deux cuisses, il la lui fait un peu hausser ; la bouche du patient étant ouverte, il y remarque la dent gâtée, afin de ne prendre pas l’une pour l’autre, puis avec le déchaussoir, il sépare la gencive de cette dent qu’il empoigne ensuite avec l’instrument qui lui aura semblé le plus convenable, auquel il fait faire la bascule pour extraire cette dent. Quand on ne l’a pas manquée, le malade en se penchant crache sa dent avec le sang qui sort de la gencive (...) ». Il est vrai que les dentistes avouent discrètement des erreurs assez conséquentes : « Si l’on fait arracher une dent pour une autre (...) » [14]. Cependant, notons à leur décharge que les opérations ne sont pas facilitées par un matériel de chirurgie trop rudimentaire. Certains instruments ont, dans leurs principes, passé les générations, mais leur simplicité extrême réclame une habileté que les praticiens sont loin de tous posséder. Fauchard, quant à lui, détermine avec rigueur les indications d’extraction dentaire : pour l’orthodontie, d’ordre esthétique ou fonctionnel, ou enfin lorsque les moyens thérapeutiques précédents n’ont pas réussi. L’extraction est, dans ce cas, un échec thérapeutique pour Fauchard, comme nous l’avons vu plus haut. Il décrit avec une grande précision les instruments à utiliser, ainsi que leurs techniques d’utilisation. Il se sert de cinq instruments dont le plus important est le déchaussoir, qui « sert à détacher les gencives du corps de la dent » (T. II, p. 130), ancêtre des syndesmotomes actuels. Puis viennent le poussoir (planche 18, T. II, p. 149), qui « sert à ôter les dents, leur racines, ou chicots, en poussant de dehors en dedans » (T. II, p. 132), sorte d’élévateur, le crochet, et le davier (cf. planche 19, T. II, p. 150), ou la pincette (planche 20, T. II, p. 151), ainsi nommée « parce qu’elle pince et presse le corps de la dent qu’on veut ôter » (T. II, p. 142), espèce de davier particulière. Il en existe de différentes formes selon le type de dents à extraire. Puis, le levier, ou élévatoire dont il ne se sert que très rarement, à la différence d’Hémard et des autres praticiens, cet instrument selon lui « étant plus propre à casser une dent, qu’à l’ôter » (T. II, p. 148). Enfin le pélican, auquel il consacre un chapitre complet, car il a mis au point un pélican amélioré (voir le chapitre sur les instruments) (Fig. 8, 9). Concluons ce chapitre sur les propos de Fauchard qui lui rendent honneur encore aujourd’hui : « Ce n’est qu’avec regret que je me détermine à ôter les dents à cause de l’importance de leur usage ». Si chacun avait les mêmes égards, on conserverait autant de dents que l’on en détruit mal à propos, et on n’aurait pas autant de mépris pour ceux que l’on appelle « arracheurs de dents » (T. II, p. 130) [19].
Réimplantation et transplantation
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La chirurgie de Fauchard ne se limite cependant pas aux simples extractions. Fauchard relate ainsi dans le chapitre 30 du tome I cinq cas de transplantation et de réimplantation dentaires. Il est en accord avec Dupont, qui, en 1647, est catégorique : « Les dents qui vont de travers (...) je les relève et les replante au niveau et à l’égal des autres. » Nous avons enregistré tout au long de l’activité de Fauchard des raisons variées qui l’ont amené à retirer et à réimplanter, certaines pour calmer la douleur par rupture du paquet vasculonerveux, d’autres dans le but de restaurer l’esthétique et la fonction. Cependant, il s’agit toujours de dents monoradiculées. Notons que Fauchard n’a pas inventé la méthode de réimplantation car, avant lui, beaucoup d’autres dentistes ont réussi à affermir les dents naturelles, et à les remplacer par d’autres implantées dans les alvéoles, et dit-il « des dents transplantées (...) se sont conservées plusieurs années fermes et solides » (T. II, p. 183). Il établit une liste de recommandations à respecter impérativement. Ainsi, selon lui, cela peut se faire aisément « Pourvu néanmoins que cette dent pût être ôtée sans se casser, sans faire éclater quelques portions de l’alvéole, et sans faire quelque déchirement considérable à la gencive » (T. I, p. c377). Par ailleurs, « quand par quelque accident on ôte une dent saine, il faut toujours la remettre le plus promptement possible dans son même alvéole, et le plus souvent, elle s’y raffermit » (T. I, p.c382). Il pensait de plus à faire des contentions par ligature de la dent réimplantée pendant quelques jours, jusqu’à la disparition de la mobilité. Certains dentistes ont néanmoins émis des réserves à l’encontre de ces techniques. Ainsi Jean Riolan, célèbre anatomiste du XIIe siècle, qui se demande « si lorsque l’on a arraché une dent, on peut en mettre une autre à mesme temps en sa place, qui estant bien agencée dans la coche, se reprenne avec la gencive, et s’y attachant fortement, ne soit en rien dissemblable des autres, tant pour bien mascher, que pour les autres choses (...) Je veux croire, que ceux qui considèrent que les dents ont une vie (...) n’auront jamais la pensée qu’une dent étrangère est mise à la place d’une arrachée, y puisse faire aussi bien sa fonction que les autres, y estre aussi bien placée et arrestée, bien que certains médecins le veuillent persuader au peuple (...) ». Fauchard, quand à lui, écrit « On avait cru, et plusieurs croient encore, qu’il n’est pas possible que les dents se réunissent et se raffermissent dans leurs alvéoles, lorsqu’elles en ont été entièrement séparées ; on avait encore plus de peine à concevoir, qu’une dent transplantée dans une bouche étrangère,
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Figure 10. Planche 5 : trois instruments servant aux maladies des gencives. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome I, p. 278.
pût se réunir et s’y raffermir. (...) Les heureux succès que nous en avons vus, nous en prouvent incontestablement la possibilité » (T. I, p. 388). Pour conclure, Fauchard reconnaît que ses opérations de réimplantation et de transplantation « ne réussissent pas toutes ; et il s’en trouve qui ne sont pas de longue durée, par le défaut d’une juste proportion entre la figure des racines de ces dents, et la capacité ou forme intérieure des alvéoles où l’on veut les placer » (T. I, p. 391) [12, 22]. Pathologie buccale Dans son chapitre VI (T. I, p. 99) « Causes générales des maladies essentielles, symptomatiques, accidentelles et relatives aux dents, aux alvéoles et aux gencives : le pronostic, diagnostic et dénombrement de ces maladies », Fauchard regroupe les maladies relatives à la cavité buccale en trois classes : les maladies dentaires provoquées par des causes externes pour la première, les maladies de la partie radiculaire des dents dans la deuxième, et, pour la troisième classe, les maladies accidentelles causées par les dents, totalisant ainsi 103 maladies (T. I, p. 106117). On peut donc constater ici que Fauchard, outre les maladies strictement dentaires, s’intéresse aux pathologies des tissus environnants de la dent, devenant ainsi en quelque sorte le premier dentiste complet, omnipraticien de l’histoire. Les maladies des éléments de soutien de la dent sont bien isolées par Fauchard. En ce qui concerne les lésions gingivales, Fauchard traite le gonflement des gencives par l’ablation du tartre, la scarification des gencives « Si les gencives sont gonflées (...) il faut, pour les dégorger, faire des scarifications multipliées et suffisantes, avec la lancette, ou le déchaussoir bien tranchant » (T. I, p. 268), voire l’extirpation des portions excédantes : « Lorsque les gencives sont tellement gonflées, excroissantes, qu’elles excèdent leur niveau naturel, on emporte le plus près que l’on peut, tout ce qui est détaché des dents (...) avec des ciseaux droits ou courbes bien tranchants » (T. I, p. 268), une préfiguration de la ginigivectomie (cf. planche 5, T. I, p. 278) (Fig. 10). Fauchard se montre également un grand précurseur quand il reconnaît les causes multifactorielles des maladies parodontales. Il envisage ainsi une étiologie locale : « La cause la plus ordinaire de cette maladie est le tartre qui s’accumule autour des dents » (T. I, p. 222), et une étiologie générale, qui tient compte du facteur constitutionnel, puisqu’il reconnaît que certaines maladies particulières peuvent induire une parodontopathie, comme par exemple le scorbut, qu’il a largement observé et traité pendant ses années de chirurgie navale, et auquel il
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Figure 11. Planche 4 : représentations d’un épulis pétrifié. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome I, p. 236.
consacre le chapitre 22 de son traité. Ainsi, Fauchard complète ses traitements locaux (qui consistent en l’application de remèdes, scarifications et/ou gingivectomies) par un traitement général prescrit par un médecin, dans le cas où la maladie parodontale serait la manifestation d’une maladie générale, et conseille une hygiène de vie compatible avec une bonne santé buccodentaire. Fauchard connaît en outre les « ulcères des gencives », les « gonflements », les « abcès » ou les « fistules » des gencives. En ce qui concerne les aphtes, ulcères et petits chancres, il propose de les soigner « en les touchant légèrement avec l’esprit d’alun, ou avec de l’esprit de vitriol, ou celui de sel, ou celui de soufre, ou avec le vitriol de Chypre, ou l’alun ». Il conseille encore l’eau spiritueuse, dessicative, balsamique et antiscorbutique dont il a composé la recette (T. I, p. 53). Mis en présence d’un épulis, « excroissance charnue excédant le niveau de la surface des gencives » (T. I, p. 227), il en apprécie tout d’abord le volume et la situation, puis procède à son ablation en trois temps : incision gingivale, trépanation osseuse, résection de la tumeur, dont il laisse par ailleurs des descriptions remarquables (cf. planche 4, T. I, p. 236) (Fig. 11). Concernant les parulies, « abcès qui se forment aux gencives par fluxion et inflammation, quelquefois par congestion, épanchement et infiltration » (T. I, p. 238), il propose l’avulsion des dents cariées en rapport avec l’abcès. Cependant, si la « douleur et la tension s’y opposent, et qu’il faille différer de les ôter, on a recours en attendant à la saignée (...), aux lavements (...) » (T. I, p. 241). Le trismus fait également l’objet de ses études. Il en découvre certaines causes, et emploie l’ouverture forcée, mais progressive avec un élévateur, ou un spéculum, s’il estime urgent de le lever (cf. infra, planche 3, T. I, p. 215). Par ailleurs, il pressent le pouvoir générateur de l’os. Il pratique en effet régulièrement des résections osseuses, et a connaissance de l’ostéite, qu’il nomme « carie de l’os » (T. I, p. 266). Mais c’est grâce à son admirable connaissance de l’anatomie, des pertes tissulaires telles les fentes palatines, communications buccosinusiennes, qu’il établit les bases de la prothèse maxillofaciale. Il met ainsi au point des obturateurs palatins remarquables pour leur simplicité, leur ingéniosité, et leur usage pratique. Certes, ils n’avaient encore rien à voir avec les obturateurs modernes, mais la construction adroite de ces « machines », Stomatologie
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Figure 12. Planche 39 : exemple d’obturateur. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 320.
fondées sur des principes de mécanique, marquait réellement un net progrès sur tous les précédents (cf. planche 39, T. II, p. 320) (Fig. 12). Comment clore ce chapitre sans parler de la « maladie de Fauchard » ? Si l’affection a certainement existé dans un lointain passé (puisqu’on trouve des lésions indiscutables sur les maxillaires néolithiques), c’est Fauchard, en 1746, qui en a donné la première description complète sous le nom de scorbut des gencives. Il décrit ainsi précisément la pyorrhée alvéolodentaire, page 275 du tome I : « Il est encore une espèce de scorbut, de laquelle je pense qu’aucun auteur n’a point encore pris le soin de parler, et qui sans intéresser les autres parties du corps, attaque les gencives, les alvéoles et les dents ». Magitot, qui confirme par cette référence précise la priorité de Fauchard, appelle cette maladie ostéopériostite alvéolodentaire, en rappelant différentes appellations antérieures données par Jourdain (suppuration conjointe des alvéoles et des gencives, 1778), par Toirac (pyorrhée interalvéolodentaire, 1823), par Oudet (même appellation, 1835), et par Marchal de Calvi (gingivite expulsaire, 1861). T. David (1861-1892), futur auteur d’une bibliographie de l’art dentaire, adopte la dénomination de Magitot et l’appelle maladie de Fauchard (1885), dénomination qui sera désormais adoptée universellement, malgré la redescription de la pyorrhée, en 1840, J.M. Riggs (1810-1885) [13]. Problème de l’anesthésie Le problème de la douleur provoquée par les opérations de chirurgie dentaire se pose et en ce sens celui de l’anesthésie. Celle-ci est totalement ignorée par les praticiens de l’époque, Fauchard y compris, car elle a été attribuée à la charlatanerie. En effet, certains empiriques ou arracheurs de dents usaient de soporifiques ou d’eau-de-vie pour enivrer leurs patients. Le corps chirurgical, refusant sans discernement toute pratique susceptible de l’assimiler à ces saltimbanques, préfère négliger complètement cette question. Il y eut pourtant des travaux scientifiques dans ce domaine avant le XVIIe siècle, comme Paracelse qui connaissait « l’eau blanche », plus connue sous le nom d’éther, ainsi que la teinture d’opium, ou Della Porta qui, dès le XVIe siècle recommandait les vapeurs de pavot et de solanacée. De même, Fleurimont, dans un ouvrage intitulé « Fleur des remèdes contre le mal aux dents », affirmait que le stafisagria broyé dans un linge et mâché provoquait le sommeil en une demi-heure. Il semble que ces travaux n’aient pas eu d’écho auprès des praticiens du XVIII e siècle puisque c’est seulement en 1844 que la première anesthésie sera réalisée, par Horace Wells [6]. Stomatologie
Figure 13. Planche 9 : instruments servant à nettoyer les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 15.
Par conséquent, les opérations restent extrêmement douloureuses au XVIIIe siècle, provoquant des chocs parfois graves, allant jusqu’à la syncope, d’autant plus que des pratiques affaiblissantes (comme la saignée) sont toujours très populaires. Tout cela concourt à renforcer la crainte du dentiste, aboutissant à des absurdités : le préjugé populaire défend par exemple de toucher à la bouche des enfants, des femmes enceintes et des nourrices. Gerauldy lui-même déconseille de soigner les dents d’une femme enceinte, tout en reconnaissant la nature purement psychologique du danger. Il faudra que Bunon et Fauchard mettent tout le poids de leur autorité pour démentir de tels préjugés [19, 22].
Instruments Dans son œuvre, Fauchard donne un grand nombre d’informations sur les instruments qu’il utilise : ainsi, sur les 42 planches que contient son ouvrage, 23 concernent le matériel qu’il utilise : • instruments pour nettoyer des dents (bec-d’âne, bec-deperroquet, burin, canif et crochet, cf. planche 9, T. II, p. 15) (Fig. 13) ; • instruments pour ôter les dents (déchaussoir, poussoir, crochet, davier : pour les planches voir supra). Au sujet du pélican, il distingue le pélican de type « tiretoire », ou « levier », destiné à l’extraction des dents antérieures, du pélican classique pour l’extraction des dents postérieures (cf. planche 21, T. II, p. 202) (Fig. 14) ; • instruments pour soigner les dents (ruginer, plomber, cautériser), les limer ou les affermir (pour les planches, se référer aux chapitres correspondants) ; • instruments pour ouvrir la bouche, notamment en cas de trismus (cf. planche 3, T. I, p. 215) (Fig. 15) ; En outre, la taille d’une cavité dans la dent étant chose très difficile avec les instruments anciens, Fauchard met au point une machine à manivelle, mais il se servait surtout d’un archet de bijoutier pour actionner un foret (cf. planche 30, T. II, p. 241) [11, 13] (Fig. 16).
Prothèse Si Fauchard n’a pas inventé la prothèse, on peut en revanche lui attribuer le fait de lui avoir apporté ses premières bases scientifiques. D’une part, il décrit, encore une fois avec une
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Figure 14. Planche 21 : levier et pélican. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 202.
Figure 15. Planche 3 : trois instruments servant à ouvrir la bouche. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome I, p. 215.
Figure 16. Planche 30 : chevalet monté avec son foret. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 241.
Figure 17. Planche 29 : quatre instruments servant à fabriquer les pièces ou dents artificielles (lime, tournevis, compas et lime à trois quarts). Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome I, p. 241.
Prothèse amovible totale et partielle grande minutie, tout ce qui a été fait avant lui et, d’autre part, il propose de le perfectionner, adoptant une démarche pédagogique indiscutable. Fauchard est le premier à réserver la place qu’elle mérite à la prothèse et à en énoncer clairement les principes. Il passe tout d’abord en revue les différents matériaux utilisés à son époque, dents d’homme, os d’hippopotame, de bœuf ou de cheval. Il décrit également les instruments servant à réaliser les prothèses (cf. infra, planche 29, T. I, p. 241), ainsi que quelques procédés de laboratoire (Fig. 17). En excellent clinicien qu’il est, Fauchard s’appuie sur ce qui a été fait par le passé pour mettre au point de nouvelles prothèses. S’il est un des premiers dentistes à avoir fait à la prothèse la place qui lui revient, cette dernière demeure, malgré tout, plus esthétique que fonctionnelle.
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Concernant la prothèse mobile partielle ou totale, rappelons que Fauchard ne connaît pas la prise d’empreinte, pourtant mise au point avec de la cire en 1700 par Purmann. Il parvient néanmoins à appareiller des édentés totaux en prenant des mesures au compas, en utilisant des patrons de papier et en faisant des essayages fréquents. Il est toutefois confronté au problème de la stabilité du dentier inférieur et de l’accrochage du dentier du haut que ses contemporains accrochent aux gencives ou au maxillaire supérieur au moyen de fils fixés par perforation. Il s’insurge contre cet artifice : « J’espère (...) qu’on se corrigera de plusieurs abus qui consistent à percer la gencive de part en part pour y suspendre avec des fils métalliques des pièces osseuses simulant des dents » (T. II, p. 245), et propose à la place de soutenir la prothèse supérieure par une attelle métallique, maintenue par des ligatures ou par un ressort Stomatologie
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Figure 18. Planche 37 : représentation d’un double dentier monté par deux ressorts. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 291.
introduit dans une fente et engagée dans une fente correspondante de l’appareil du bas. Dans ce dernier cas, des ressorts (reliant les arcades dentaires) et une adhérence (résultant d’une adaptation très soignée) donnent une stabilité et un confort jusque-là inconnus (cf. planche 37, T. II, p. 291). Mais Fauchard, en plus d’être un artisan habile, est également un homme de science. Ainsi, il est le premier à avoir l’idée de stabiliser la prothèse maxillaire totale à l’aide d’une cavité de vide. Ces prothèses pouvaient selon lui tenir grâce à leur ajustement parfait sur les gencives et à la pression exercée par les joues. Fauchard, sans doute en raison de moyens insuffisants, n’a jamais réussi à stabiliser ses prothèses avec ce principe, cependant, il a le mérite d’avoir ouvert la voie à beaucoup d’autres travaux qui se révèleront fondamentaux, citons notamment Gardett en 1800, Rogers et Gilbert en 1842 et Fattet en 1847 (Fig. 18) [13]. De plus, les nombreux inconvénients des prothèses amovibles en os d’animaux ont poussé Fauchard à tenter de les améliorer. Il essaie ainsi de remplacer les matériaux d’origine animale, inesthétiques, sales et nauséabonds par des matériaux artificiels, incorruptibles et plus esthétiques. Notons que Guillemeau avait déjà essayé de résoudre ce problème en employant de la cire blanche fondue dans un peu de gomme élénic, de la poudre de mastic blanc, de corail et de perles. Fauchard, quant à lui, s’inspire des yeux émaillés de la prothèse oculaire, et applique une lame d’or ou d’argent sur la face externe de la prothèse en hippopotame. À l’aide d’une lime, il préfigure la forme des dents sur cette lame. La partie dentaire est ensuite émaillée avec des teintes claires, imitant les dents, et la partie gingivale avec un rouge qui simule la gencive. La lame est enfin vissée sur la base d’os d’hippopotame. Fauchard connaît les techniques d’émaillage, mais ignore que la porcelaine peut être appliquée à l’art dentaire. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que Dubois de Chemant en fera la découverte [13]. Bourdet, en 1757, remplace les simples plaques de Fauchard par des cuvettes retenant mieux l’émail rouge. Il sait stabiliser les prothèses totales du bas, en utilisant leur propre poids. Les dents sont ajustées au fond des alvéoles à l’aide de fines épingles. Il se sert aussi de plaques d’ivoire d’hippopotame dans lesquelles sont fixées des dents humaines encadrées de fausses dents taillées dans le bloc. Par ailleurs, Fauchard traite également les pertes de substance palatine par des obturateurs dont il améliore la fixation (cf. supra) [3, 6, 13, 19, 20, 22]. Stomatologie
Figure 19. Planche 34 : représentation de dentiers artificiels, notamment la dent à tenon. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 255.
Prothèse fixée C’est cependant dans le domaine de la prothèse fixée que Fauchard se montre un véritable précurseur, notamment en décrivant pour la première fois la dent à tenon, ainsi que l’ancêtre du bridge. Ainsi, lorsque les racines sont bonnes, Fauchard fixe sur elles des couronnes artificielles à l’aide d’un pivot noyé dans un ciment spécial à base de gomme-laque, de térébenthine de Venise et de poudre de corail blanc. À nouveau, il décrit avec une grande minutie les étapes de préparation : débarrasser la racine des tissus cariés et nécrosés, évider le canal avec un équarrissoir monté sur un manche, percer la dent prothétique avec un foret à archet, puis la limer pour obtenir un bon ajustage de la racine. Le tout étant réuni par un tenon qui « doit être bien ajusté, et peu dentelé autour afin qu’il s’en trouve plus affermi » (cf. planche 34, T. II, p. 255). Notons que Mouton est en progrès sur Fauchard avec ses « calottes d’or » émaillées pour leur donner l’apparence de dents naturelles. En outre, Bourdet, en 1757, perfectionne l’œuvre de Fauchard en se servant d’une vis comme moyen de fixation. Et pour éviter la fluxion très souvent consécutive à la mise en place du tenon, il introduit préalablement dans le canal une aiguille rougie au feu (Fig. 19) [13]. Dans le cas où la prothèse ne peut être fixée sur des dents entières et où il n’existe plus que des racines inutilisables, Fauchard conçoit des montages qui appartiennent à la préhistoire du bridge (devenu courant vers 1840) : des couronnes d’or placées sur des dents saines peuvent servir d’appui à un pont soutenant une ou plusieurs dents artificielles. Il décrit en outre un appareil fait de deux dents à tenon, deux incisives latérales, solidarisées avec les deux centrales manquantes (cf. planche 35, T. II, p. 257). C’est la première description d’un bridge moderne, rudimentaire peut-être, dont Fauchard est sans aucun doute l’inventeur. Il faudra néanmoins attendre 1810 pour que la notion de « pont » ou bridge, soit clairement définie et décrite par Gardette et Lafargue (Fig. 20) [20, 31].
Orthodontie Jusqu’au début du XVIIIe siècle, les opérations d’arrangement des dents n’existent quasiment pas : l’orthodontie est pratiquement inconnue. La seule méthode parfois suggérée pour redresser les dents consiste à les enlever pour les replanter droit immédiatement après, mais cette opération, lorsque les dentistes n’en nient pas totalement la possibilité, réussit rarement. Fauchard, le premier, parle avec quelques détails des déviations
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Figure 20. Planche 35 : représentation de dentiers artificiels, notamment du dentier à tenons. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 257.
et des erreurs de position des dents. Il ne définit pas à proprement parler l’orthodontie, la terminologie lui faisant défaut, mais y consacre un chapitre complet dans son tome II « Des dents tordues, mal arrangées et luxées, des instruments et des remèdes qui servent à opérer quand on redresse et qu’on affermit les dents ». Son souci est de porter remède aux alignements défectueux des dents pour améliorer leurs qualités masticatoires, rétablir l’esthétique et les désordres fonctionnels liés à ces malpositions. Il est en effet le premier à mettre en évidence le rôle de la denture dans les grandes fonctions de l’organisme : • la digestion : selon lui, un bon articulé rendra les dents plus « propres à briser et à mordre parfaitement les aliments les plus durs » (T. I, p. 61) ; • la phonation : « l’arrangement et la figure des dents forment dans la bouche deux espèces d’enceintes capables de réunir et de modifier les sons de la voix d’une manière harmonieuse qui charmera l’oreille » (T. I, p. 61) ; • la respiration : « les dents bien conservées empêchent l’air de rentrer et de sortir trop rapidement par la bouche (...) » (T. I, p. 62). Les objectifs fonctionnels, exception faite de la déglutition, sont exposés avec bon sens. Toutefois, si, pour Fauchard, le but de l’orthodontie n’est pas uniquement esthétique, comme beaucoup de praticiens le pensent à l’époque, et qu’elle peut rétablir la fonction, la fonction ne peut, elle, être responsable de malpositions dentaires, pas plus qu’elle n’est capable de rétablir un alignement dentaire. Pour arriver à ses fins, Fauchard emploie le limage, les traitements mécaniques (liens avec des fils cirés, ou en or ou en argent, des lamelles et des coins), le redressement brusqué, ou l’extraction si nécessaire. La lime était un outil très utilisé par les dentistes qui permettait une action d’usure ou de fractionnement de l’émail si résistant à entamer. Le limage était une opération longue et pénible pour le malade dont il fallait maintenir la tête « le sujet sera assis sur un siège stable, la tête appuyée sur le dossier de siège (...) tenue par un serviteur que l’on place pour cet effet derrière le fauteuil » (T. II, p. 42), mais aussi pour le praticien afin d’éviter les dérapages, l’obligeant à prendre des positions fatigantes (jusqu’à l’apparition des appareils rotatifs). Fauchard utilise huit espèces de limes (cf. planches 10 et 11 T. II, p. 50-51) : « hachée au couteau en tous sens, mince et plate
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Figure 21. Planche 11 : instruments servant à limer les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 50.
Figure 22. Planche 10 : instruments servant à limer les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgien-dentiste ou Traité des dents », tome II, p. 51.
(...) soit taillée au ciseau, plate. Les autres un peu complémentaires sont pointues, ou recourbées, demi-rondes, enfin rondes et pointues : la queue de rat. La lime doit être d’un bon acier, pas trop douce, pas trop rude ». Il recommande de les passer « de dehors en dedans, et de dedans en dehors », et de « mettre sur la commissure des lèvres le linge fin » afin de ne pas les abîmer avec les limes (T. II, p. 39-41) (Fig. 21, 22). La dent peut être limée dans le sens mésiodistal, dans le cas où l’espace restant ne suffirait pas pour remettre la dent dans le rang, mais aussi en hauteur, pour rechercher une occlusion équilibrée. À ce propos, Fauchard fait « remarquer que la plupart de ceux qui liment les dents pour les rendre égales en longueur (...) les rendent droites et quarées par le bout (...). Il faut être de mauvais goût pour les limer ainsi (...), c’est pourquoi (...), on doit limer les angles de leurs extrémités et les arrondir un peu (...) » (T. II, p. 37). Stomatologie
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Figure 23. Planche 17 : instruments servant à affermir les dents. Planches illustrées originales de Pierre Fauchard, tirées du « Chirurgiendentiste ou Traité des dents », tome II, p. 128.
Notons que Martin n’est pas partisan du limage : « Il est désavantageux de se faire limer les dents pour de légères considérations, parce que cette opération les ébranle » (T. II, p.31). Fauchard, s’il reste adepte de cette technique, n’en recommande pas moins de considérer l’épaisseur de l’émail et de limer avec circonspection. Dans son chapitre XXVII, Fauchard présente « douze observations sur les dents difformes et mal arrangées », qui concernent des enfants de 9 à 14 ans. Ses opérations consistent en des limages et des rectifications d’emplacement à l’aide du pélican, sans prévoir ni attendre les expansions des maxillaires. Les dents limées sur leurs faces latérales restaient donc mutilées. Chez les sujets jeunes, Fauchard reprend les idées de Celse et pense qu’on parvient parfois à redresser les dents par pression digitale : « Il faut tenter d’abord de les redresser avec les doigts, ce qui se fait à plusieurs reprises dans le cours de la journée » (T. II, p. 95). Si cette opération ne suffit pas, Fauchard utilise des fils d’or ou d’argent (cf. planche 17, T. II, p. 128), de la soie cirée ou, si la malposition est plus importante, des lames d’or ou d’argent « dont la longueur ne doit pas excéder les deux dents droites entre lesquelles sont celles qui sont penchées » (T. II, p. 96). La lame doit être « moindre que la hauteur des dents », et appliquée du côté de la dent penchée. Fauchard connaît les notions de force motrice et de bras de levier, même s’il n’emploie pas ces mots : « Si une dent n’est pas suffisante pour contrebalancer l’effort que les fils ou la lame sont obligés de faire, il faut se servir de plusieurs dents droites, parce que deux dents affermies ont plus de force qu’une seule » (T. II, p. 100) (Fig. 23). En 1757, Bourdet reprend la méthode de Fauchard, en augmentant la longueur de la lame métallique et en la perforant de trous pour le passage des fils, rappelant nos arcs de redressement actuels. Pour les cas les plus importants, ou, chez les adultes, pour accélérer le traitement, Fauchard utilise son pélican et ses pincettes pour réaliser une luxation extemporanée de la dent déviée : « Après que j’eus ôté ces trois canines, j’ébranlai avec le pélican les incisives dérangées pour les ramener (...) dans le même ordre qu’elles doivent être naturellement. Après quoi je me servis de leurs voisines pour assujettir les dents que j’avais redressées, par le moyen de fils cirés, que je laissai environ quinze jours » (T. I, p. 363). Il reste toutefois prudent quant à cette technique : « on doit bien prendre garde dans toutes ces opérations à ne pas trop détacher les dents de leurs alvéoles, Stomatologie
parce qu’elles seraient en danger de ne pas se raffermir aisément » (T. II, p. 172). C’est ce qu’il appelle le « redressement brusqué ». Minutieusement, Fauchard donne les indications des extractions à visée orthodontique : « Lorsqu’une dent mal située nuit à l’arrangement des autres dents, (...) qu’elle blesse la langue ou les joues, qu’elle choque la vue par difformité, et qu’elle ne peut être logée dans le rang des autres dents, il faut nécessairement l’ôter » (T. II, p. 92). Il repousse les extractions prématurées comme traitement des anomalies. Par ailleurs, dans l’atrésie maxillaire, il propose l’extraction symétrique des prémolaires. Enfin, rappelons qu’à cette époque, les accidents les plus divers atteignent les gens dans leur intégrité physique, d’où l’intérêt porté par les praticiens aux plaies de la bouche, de la tête et de la face. Ainsi, en 1679, Martin résume les thérapeutiques à propos des accidents « qui viennent par des chutes et par des coups ». Il pense qu’« il ne faut pas négliger de voir un habile chirurgien qui, par son adresse puisse remettre toutes ces choses dans leur ordre naturel », mais tous ne connaissant pas les thérapeutiques, il propose de les résumer. Il est indéniable que Fauchard s’est inspiré des conseils de Martin. Pour clore ce chapitre, citons cette phrase, très à propos, de Besombes : « Si l’orthodontie de Fauchard nous semble bien l’orthodontie de “grand-père”, elle était pour l’époque pleine d’innovations et de trouvailles » [16, 29, 32].
Pédodontie Fauchard connaît les liens étroits unissant l’orthodontie à la pédodontie. Il se soucie en effet de la conservation de l’intégrité morphologique de la dent lactéale jusqu’à l’époque normale de sa chute, « mais pas au-delà », idée encore bien actuelle aujourd’hui. Il égratigne au passage Bunon, « l’auteur du petit livre », comme il l’appelle, partisan de l’extraction systématique des deuxièmes molaires de lait en cas de manque de place. Cette généralisation lui paraît abusive, puisque, selon lui : « Je ne vois pas que cette opération puisse produire un bon effet ; parce que ces dernières molaires de lait étant ôtées, les dents voisines trouvent à la vérité des places vides pour s’étendre et occupent totalement, ou en partie, leur place » (T. I, p. 90). De la même manière, contrairement à Bunon qui pense que dès que la dent lactéale est ôtée, la définitive fait éruption, Fauchard certifie que si une dent temporaire est enlevée trop tôt, sa remplaçante poussera avec retard, voire pas du tout. C’est pourquoi, il déclare : « Il faut (...) différer le plus qu’il est possible de tirer les dents des enfants, lorsqu’elles ne sont point chancelantes » (T. II, p. 195). Par ailleurs, si Fauchard observe une relation entre les maladies de l’enfance et les anomalies de structures dentaires, c’est Bunon le premier qui recherche les causes de ce qu’il nomme « érosion » : « C’est avant la sortie des dents et dans le temps que la couronne est encore sous la gencive et dans l’alvéole que se forme l’érosion (...) » souligne-t-il, après avoir observé à la Salpêtrière de nombreux cas d’érosion. Les conceptions étiopathogéniques de Fauchard sont encore très liées aux auteurs antiques, et notamment à Hippocrate (Livre de la sortie des dents, Aphorismes), Galien, et Celse, mais, en bon clinicien qu’il est, il laisse dans son ouvrage des tableaux cliniques précis, décrits avec exactitude. Ils révèlent d’ailleurs des complications dramatiques que nous ne rencontrons plus guère maintenant. Il ne peut s’empêcher d’« enseigner des remèdes » au grand public. Reflets d’une époque révolue, ces remèdes peuvent parfois prêter à sourire, comme les frictions gingivales qu’il recommande, à l’aide de cervelle de lièvre, ou de sang de la crête-de-coq fraîchement coupée. Par ailleurs, pour faciliter l’éruption des dents de lait et diminuer les douleurs, Fauchard conseille des mélanges de mauve et d’eau de guimauve, des décoctions d’orge mondé, racines de guimauve, de tremper un linge fin dans ces préparations et d’en humecter souvent la gencive (8, p. 52-53). Si l’enfant présente fièvre et convulsions, il préconise la saignée et les lavements. Il préconise également l’incision gingivale « si tous ces remèdes ne soulagent pas l’enfant, si la gencive est rouge, gonflée et tendue, si l’on voit ou l’on sent au travers de la gencive, le corps de la dent (...). Il
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faut faire cette opération promptement avec l’extrémité d’un déchaussoir bien tranchant (...) » (T. I, p. 54). En plus de ces traitements locaux, il conseille également, et assez prudemment d’ailleurs, « les remèdes généraux ordonnés par un médecin » (T. I, p. 54) [16, 22, 29, 32, 33].
Intérêt scientifique de l’œuvre de Fauchard Fauchard n’a certes pas tout inventé. Il n’était peut-être même pas le praticien le plus doué de son temps. Le miracle Fauchard existe cependant quand on songe à la pauvreté de la littérature odontologique avant lui (cf. supra). Non seulement le « Chirurgien-Dentiste », quant à son contenu et sa valeur scientifique, dépasse tous les ouvrages précédents, mais en plus, c’est le premier ouvrage didactique aussi bien à l’intention des particuliers qu’aux praticiens. Examinons à présent les différents apports de cette œuvre à l’art dentaire [6].
Revalorisation de la profession Pierre Fauchard déplore les faiblesses de sa profession, et constate que : « les plus célèbres chirurgiens ayant abandonné cette partie de l’art, ou du moins l’ayant peu cultivée, leur négligence a été cause que des gens sans théorie et sans expérience s’en sont emparés et la pratiquent au hasard, n’ayant ni principe, ni méthode ! Ce n’est que depuis environ 1700 que dans la ville de Paris on a ouvert les yeux sur cet abus » (préface du Traité des dents). Dans la préface de son traité, il analyse les causes de ces insuffisances, et fait état de ses opinions sur le retard des connaissances et l’inexistence de l’enseignement. Il pose pour la première fois les conditions indispensables à l’essor de l’art dentaire [22]. Tout d’abord, Fauchard regrette le retard des connaissances dans son domaine : « il faut convenir que cette partie de la chirurgie, qui regarde les maladies de la bouche, a été jusqu’à présent la plus négligée (...). Quoique la chirurgie en général se soit beaucoup perfectionnée dans ces derniers temps, qu’on ait fait d’importantes découvertes dans l’anatomie et dans la manière d’opérer, les dentistes n’y trouvent pas encore, à beaucoup près, des secours suffisants pour les guider dans toutes leurs opérations » (préface du Traité des dents). Le praticien constate avec désolation que le perfectionnement de la chirurgie générale n’a pas influencé l’art dentaire. Fauchard dénonce surtout l’insuffisance des connaissances des spécialistes euxmêmes : beaucoup obtiennent des brevets d’experts pour les dents « quoique plusieurs d’entre eux ne soient munis que d’un savoir au-dessous du médiocre ». Constat d’autant plus désolant que, pour Fauchard, l’art dentaire est très délicat, et requiert « une main légère, sûre, adroite, et une parfaite théorie » (préface du Traité des dents). Fauchard est le premier « chirurgien-dentiste » (le titre est nouveau) à écrire un livre sur une activité à laquelle il s’est consacré et qu’il a longtemps pratiquée, il est ainsi le premier à réunir la théorie et la pratique, et il insiste sur l’importance de cette réunion : « Les opérations que la chirurgie met en usage pour les guérir demandent aussi différentes connaissances et la pratique seule ne suffit pas pour porter ces opérations à leur perfection, à moins qu’elle ne soit dirigée par une étude exacte de l’anatomie de la bouche ». Ainsi, tout en soulignant l’importance de l’expérience de la pratique, Fauchard pense que la chirurgie dentaire « demande une connaissance aussi parfaite qu’elle est rare », et « il faut conclure que la science requise pour être un parfait dentiste n’est pas si bornée que plusieurs se l’imaginent » (préface du Traité des dents). De plus, le retard des connaissances remarqué par Fauchard est de plus en plus irrémédiable en raison de l’inexistence de l’enseignement. Fauchard le déplore comme une des causes essentielles de la stagnation de la science : « On ne connaît au reste ni cours public, ni cours particulier de chirurgie, où la théorie des maladies des dents soit amplement enseignée, et où l’on puisse s’instruire à fond de la pratique de cet art » (préface du Traité des dents). Enfin, Fauchard déplore la trop grande sujétion de l’art dentaire à l’égard de la chirurgie générale. Pour lui, c’est au chirurgien-dentiste qu’incombe la tâche de juger ses futurs
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confrères et, par conséquent, de les former. Il réclame ainsi à plusieurs reprises la présence d’un dentiste, praticien réputé, dans les jurys d’examen, mais en vain [1]. Si l’art dentaire existait avant Fauchard, il se transmettait alors de père en fils ou de maître à élève comme un secret jalousement gardé, ensemble de « recettes » qui faisait la gloire d’un particulier. Fauchard, au contraire, donne l’exemple, et souligne la nécessité de publier des traités complets, exhaustifs sur la question afin de pallier les faiblesses de sa profession. Ainsi, il n’hésite pas à tout révéler de son art : « Pour suppléer à ce défaut d’instruction (...) je donnerai l’exemple (...). J’offre au public le fruit de mes soins et de mes veilles, espérant qu’il pourra être de quelque utilité à ceux qui veulent exercer la profession de chirurgien dentiste », « j’en donne au préjudice de mon propre intérêt la description la plus exacte qu’il m’a été possible » (préface du Traité des dents). C’est en quelque sorte une démarche pédagogique : il s’agit de former de bons dentistes, des praticiens qui seraient aussi hommes de science [1, 22]. Pour conclure, Fauchard peut également être considéré comme un militant de la première heure pour l’indépendance de la profession, ainsi que sur la nécessaire compétence des praticiens pour en relever le prestige : « Si chacun ne se mêlait que d’une seule profession, et qu’il en fût bien instruit, on ne verrait pas si souvent arriver ces sortes d’accident ; mais tant de gens s’ingèrent de travailler aux dents, quoiqu’ils soient d’une autre profession, que je crois qu’il y aura bientôt plus de dentistes, que de personnes affligées de maux de dents » (T. II, p. 196).
Esprit nouveau Le « Traité des dents » est un véritable ouvrage encyclopédique montrant où est arrivé l’art dentaire au début du XVIIIe siècle. Fauchard le conçoit comme une œuvre en réaction contre les piètres conditions d’exercice d’alors, ainsi qu’il l’explique dans sa préface. Il met à la disposition de tous, et c’est là l’un de ses plus grands mérites, l’état de ses connaissances, conceptions étiologiques, et acquisitions thérapeutiques, le tout dans les moindres détails. L’ouvrage se situe pleinement dans ce courant intellectuel qui caractérise si bien le XVIIIe siècle, à savoir ce besoin de connaître et de comprendre, qui aboutira à l’élaboration de l’« Encyclopédie » dès 1751. En scientifique qu’il est, Fauchard est le premier à aborder l’art dentaire de manière observatrice et rationnelle, laissant dans son ouvrage d’incomparables tableaux cliniques sur les maladies dentaires et buccales, encore valables de nos jours pour la plupart. C’est également dans une démarche scientifique qu’il invite le lecteur à comprendre ses thérapeutiques, au fil de ses observations. C’est enfin lui qui définit, sans les nommer faute d’une terminologie adéquate, les différentes spécialités de l’art dentaire moderne (prothèse, parodontologie, hygiène, orthodontie, soins conservateurs, stomatologie). En publiant « Le Chirurgien-Dentiste », Fauchard relève la profession de l’état d’ignorance dans lequel elle se trouve. Son traité marque le début d’un véritable réveil scientifique, incitant de nombreux dentistes à poursuivre l’œuvre de pionnier de Fauchard. Ainsi grâce à Pierre Fauchard et à ses émules, c’est véritablement à la naissance d’une science à laquelle on assiste dans le deuxième quart du XVIIIe siècle. Fauchard marque un tournant dans l’histoire de l’art dentaire, non pas particulièrement par des découvertes importantes, mais bien plutôt par l’esprit nouveau qui l’animait : il a sagement employé son sens critique pour juger du niveau des connaissances de son temps. Il a donc introduit avant tout dans l’art dentaire un esprit nouveau : celui de la méthode, de l’exactitude scientifique, de l’expérimentation. À la lecture de son ouvrage, on est étonné par la précision des descriptions, par la finesse et la justesse des remarques, par le désir de prouver et non seulement de convaincre par la simple parole, par la volonté de clarifier, dans son propre intérêt, les résultats de son expérience. Ainsi, comme il l’écrit : « J’ai pris grand soin de n’avancer rien dans ce traité que ce que j’ai exactement vérifié par la pratique. Pour cette raison, je me suis abstenu d’expliquer un grand nombre de faits très curieux qui concernent les dents et leurs maladies parce que Stomatologie
Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard ¶ 22-000-A-10
cette discussion aurait pu m’engager à hasarder des conjectures vagues sur des choses qui ne sont pas encore suffisamment connues » (préface du Traité des dents). À maintes reprises, on remarque nettement l’intérêt que Fauchard porte aux sciences de son époque. Ainsi, il fait preuve d’un véritable esprit scientifique et n’hésite pas à s’appuyer sur les récentes découvertes de son temps. Traitant de l’anatomie dentaire par exemple, il fait référence à une observation sur l’émail faite au microscope par La Hire en 1699. De plus, il a eu lui-même l’occasion d’utiliser à plusieurs reprises ces microscopes : « Je me suis servi des excellents microscopes de M. de Manteville et j’ai fait avec ces microscopes un grand nombre d’expériences, tant sur la carie des dents nouvellement ôtées, que sur la matière tartareuse de différente consistance qui s’amasse autour d’elles (...) » (T. I, p. 152). En outre, on note l’intérêt qu’il porte aux travaux des chimistes de son époque lorsqu’il cite les récentes analyses chimiques relatives au sucre et à l’acide (T. I, p. 66) [1, 19].
Apports directs dans l’évolution des techniques L’art dentaire de Fauchard est très souvent novateur et original, empreint des grandes idées de son siècle. Fauchard possède sans nul doute une très grande maîtrise de son art, ainsi qu’une large ouverture d’esprit. Les apports directs de Fauchard sont de plusieurs ordres concernant les conditions d’exercice du praticien. Comme nous l’avons vu dans le chapitre consacré à l’ergonomie, Fauchard est un praticien soucieux du bien-être du patient : il améliore les conditions de soins, établit les données d’un fauteuil « intelligent », ancêtre du fauteuil moderne, et recommande même d’allonger les personnes en mauvais état de santé. Dans le même esprit, il déconseille d’asseoir à terre les patients à qui l’on extrait une dent (s’il donne une grande importance au confort du patient, rappelons toutefois que Fauchard n’envisage pas d’anesthésie). En outre, Fauchard est l’un des premiers à manifester de l’intérêt à la question de l’hygiène lors des soins. Ainsi, il recommande de bien nettoyer les instruments, de passer le métal à la flamme pour le désinfecter, d’user de linges bien propres et de s’essuyer régulièrement les doigts. De plus, il détruit le préjugé selon lequel le contact des instruments d’acier est préjudiciable aux dents, tout comme Bunon et Bourdet par la suite. Enfin, suite aux travaux de Fauchard, tous les dentistes s’acharnent à perfectionner les instruments qu’il préconise. À l’image du pélican modifié par Fauchard, chacun donne des schémas précis de tel ou tel instrument, soulignant l’avantage de telle transformation. On note de plus une nette tendance à la diversification des instruments de chirurgie (limes, rugines, déchaussoirs, leviers, poussoirs, daviers, pélicans, plomboirs...). Du temps de Fauchard, il y eut d’autres praticiens aussi doués que lui, mais qui ne firent rien pour faire progresser leur art. Les traitements conservateurs étaient jusque-là à peu près inexistants, et les extractions étaient de rigueur. Avec Fauchard apparaît le souci de soigner les dents cariées et surtout d’éviter l’extraction. Sa doctrine peut être résumée en deux principes qui vont diriger l’action des meilleurs praticiens de son temps : d’une part, « Il faut conserver autant que possible les dents que l’on peut guérir, sans les détruire », d’autre part, « Il faut imiter la nature autant qu’il est possible ». Les efforts de Fauchard se révélant fructueux dans plusieurs domaines, on observe nettement le progrès des techniques dans les premières décennies du siècle des Lumières. Concernant les soins de la carie, on enregistre de grands progrès. Les praticiens insistent sur la nécessité de sauver la dent autant que possible. Si la carie n’est pas douloureuse, ils conseillent d’utiliser la lime ou la rugine (bien que Fauchard souligne le risque qu’il y a de limer inconsidérément). Les techniques de plombage sont développées, ainsi, dès que la carie devient douloureuse, les praticiens procèdent à l’application du cautère actuel, mais surtout de plus en plus au plombage de la dent après nettoyage de la cavité carieuse. Progressivement, les praticiens délaissent le plomb et lui préfèrent l’or ou l’étain. Stomatologie
Lorsqu’il n’est pas possible de sauver la dent, les praticiens procèdent à son extraction. Cependant, tous insistent sur l’importance des précautions à prendre pour cet acte qui n’est pas anodin, malgré la réputation de facilité que cette intervention avait par le passé. L’œuvre de Fauchard marque la véritable naissance de l’orthodontie et, par la suite, durant tout le XVIIIe siècle, elle va faire des progrès spectaculaires. Ses successeurs immédiats n’apportent guère que de légères retouches à ses méthodes d’orthodontie. Il insiste sur l’importance de l’examen préalable des mâchoires, pour établir le diagnostic et déterminer le plan de traitement. Enfin, Fauchard ouvre la voie à d’importants progrès en matière de prothèse dentaire. En effet, c’est le premier à avoir l’idée du bridge, bien que celui-ci soit rudimentaire, ainsi que de la dent à pivot, première couronne de substitution valable. Concernant la prothèse amovible complète, il en rend l’utilisation plus facile en proposant une nouvelle méthode de fixation par un système de ressorts, et déconseille de percer les mâchoires pour maintenir les prothèses. Dès la seconde moitié du e XVIII siècle, l’idée d’utiliser des dents minérales (au lieu de dents humaines ou d’hippopotame) voit le jour.
■ Conclusion Il aura fallu attendre le XVIIIe siècle pour que l’exercice de l’art dentaire soit confié à de véritables professionnels, les experts pour les dents, qui appliquent systématiquement une approche rationnelle et scientifique. Cet exercice devient ainsi une activité spécifique nécessitant une parfaite théorie et pratique, s’affranchissant de la tutelle des médecins, chirurgiens, empiriques et charlatans. Le siècle des Lumières voit l’éveil de l’odontologie moderne tant dans les techniques scientifiques mises en œuvre que dans l’organisation de la profession. Durant de nombreux siècles, l’art dentaire fut dominé par l’improvisation, l’empirisme et le pragmatisme, confié à des artisans qui appliquaient aux dents une démarche aussi aléatoire qu’improbable. L’approche spécifique de l’univers dentaire commence avec l’édit de 1699 créant le titre d’expert pour les dents et se confirme avec les Lettres Patentes du Roi de 1768 réglementant la formation des experts. C’est dans ce contexte porteur que Pierre Fauchard, modèle de moralisme et d’idéalisme, marque définitivement par ses travaux la spécificité de la profession et lui donne une dimension à la fois technique, scientifique et déontologique. Le dentiste moderne est né, affranchi de toute tutelle, valorisé et respecté comme seul détenteur d’un savoir spécifique. Ainsi, Weinberger (chirurgiendentiste, membre de la Pierre Fauchard Academy), écrit-il en 1941 dans son ouvrage « Pierre Fauchard, surgeon-dentist », évoquant l’ouvrage du maître : « (...) Ce livre a fait de la dentisterie une profession ». L’évolution de l’odontologie s’est inscrite dans le vaste mouvement général de découvertes et de progrès du XVIIe siècle et surtout du grand siècle, le XVIII e siècle. « Le chirurgiendentiste ou traité des dents », par son esprit novateur et ses apports directs et concrets à l’évolution des techniques et de la pratique, a largement contribué à revaloriser l’art dentaire, le plaçant au niveau de la chirurgie, le faisant ainsi passer de son âge artisanal à son âge scientifique et médical. L’œuvre de Pierre Fauchard traite de manière quasi exhaustive de tous les aspects de notre dentisterie moderne : importance de l’hygiène dans la prévention, analyse anatomophysiologique de la dent et de son environnement buccal, thérapeutique et chirurgie spécifique, traitements prothétiques, orthodontie, pédodontie, approche ergonomique de l’intervention, etc. Indépendamment de son apport personnel, il a eu le mérite de créer le climat d’émulation nécessaire pour initier tout un courant de recherches et de progrès (travaux de Bunon, Bourdet, Mouton, Martin, Lécluse, Gerauldy) qui a potentialisé les résultats de ses propres travaux et contribué à donner à la profession de chirurgien-dentiste ses lettres de noblesse. Tous les dentistes qui lui furent contemporains ont unanimement reconnu son mérite. De même, les plus grands noms de la science de l’époque le recommandent ou
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font appel à lui, comme le botaniste Jussieu ou le Collège royal de chirurgie. Si, à partir du milieu du XVIIIe siècle, l’art dentaire connaît un essor sans précédent grâce aux travaux de Fauchard et de ses émules, il ne progressera malheureusement que peu durant le e XIX siècle, cela en grande partie à cause de la Révolution française. De plus, le statut précaire des chirurgiens-dentistes ne résistera pas à la tourmente de 1789, permettant à quiconque le désirant de devenir dentiste, sans suivre aucune formation que ce soit. Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXe siècle que l’art dentaire, s’appuyant sur les bases du siècle précédent, notamment de Fauchard, entrera à nouveau dans une ère de progrès. Par la suite, la dentisterie ne cessera de progresser et d’évoluer. Aujourd’hui, l’art dentaire n’échappe pas au mouvement général de recherches scientifiques et techniques. Il continue d’évoluer et de s’enrichir de toutes les découvertes qui transforment progressivement et irrémédiablement l’exercice de la profession du dentiste. Notre exercice, aujourd’hui, doit beaucoup à Fauchard. Il a su convaincre de la spécificité de l’art dentaire et de la nécessité d’en faire une discipline à part, avec ses savoirs propres et ses pratiques singulières. Il a, incontestablement, donné l’impulsion déterminante dans l’évolution de l’art dentaire moderne. On peut dire qu’il a véritablement révolutionné la profession. C’est à ce titre que l’on peut très justement considérer Pierre Fauchard comme le père de la dentisterie moderne.
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[email protected]). Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, Hôpital d’instruction des Armées Begin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Semur F., Seigneuric J.-B. Naissance de l’art dentaire moderne au XVIIIe siècle. Le rôle décisif de Pierre Fauchard. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-000-A-10, 2007.
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Biologie du développement de la face et du cou. Acquisitions récentes d’embryologie génétique G Couly S Bennaceur
R é s u m é. – La création, par génie génétique, de souris mutantes, dans lesquelles un gène a été inactivé, par recombinaison homologue, a permis de faire de grands progrès dans la compréhension du développement craniofacial et cervical. Un certain nombre de gènes exprimés durant la gastrulation et la neurulation ont ainsi été identifiés, nombreux sont ceux qui le sont dans les structures dérivées de la crête neurale. Ces gènes sont en 1997 : Goosecoid, Hox, Dlx, Msx, Otx, Emx, Pax...
Introduction
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« Depuis les années 1970 avec l’avènement du génie génétique, l’unité du vivant a été portée à un point que personne n’aurait pu imaginer auparavant. Tous les êtres qui vivent sur cette terre, quel que soit leur milieu, leur taille, leur mode de vie, qu’il s’agisse de limace, de homard, de mouche, de girafe ou d’être humain, tous s’avèrent composés de molécules à peu près identiques et même de la levure à l’homme, persistent des groupes de molécules donc de gènes qui restent étroitement associés pour assurer des fonctions générales comme la division de la cellule ou la transmission de signaux de la membrane au noyau de la cellule. La biologie se trouve ainsi placée devant un redoutable paradoxe : des organismes présentant des formes très différentes sont construits à l’aide des mêmes batteries de gènes. La diversité des formes est due à de petits changements dans des systèmes de régulation qui gouvernent l’expression de ces gènes. La structure d’un animal adulte résulte du développement de l’embryon qui lui donne naissance. Qu’un gène soit exprimé un peu plus tôt ou un peu plus tard pendant ce développement, il fonctionne en plus grande importance dans des tissus un peu différents et le produit final, l’animal adulte, en sera profondément modifié. C’est ainsi que malgré leurs énormes différences, poissons et mammifères ont à peu près les mêmes gènes, de même que crocodiles et moineaux... Des variations considérables de formes animales peuvent être introduites à plusieurs niveaux, simplement en bricolant le réseau des nombreux gènes régulateurs qui déterminent le moment et le lieu où sont exprimés tel ou tel gène. C’est la similitude des gènes gouvernant le développement embryonnaire dans l’organisme très différent qui finalement rend possible l’évolution de forme complexe... » (Discours de réception du professeur François Jacob à l’Académie française le vendredi 21 novembre 1997, Le Monde des Livres du même jour, feuillet VI [17]). La découverte des gènes du développement constitue une dimension nouvelle du développement embryologique en achevant de démontrer son déterminisme génétique moléculaire. Nous n’en sommes encore qu’au début de l’ensemble de ces découvertes. Cet article tente d’en faire le point fatalement incomplet. Ces acquisitions ont bénéficié de la construction de souris homozygotes ou hétérozygotes ayant des gènes de développement
Gérard Couly : Professeur des Universités, praticien hospitalier, institut d’embryologie cellulaire et moléculaire du CNRS et du Collège de France (Pr Le Douarin), 94270 Nogentsur-Marne, France, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale de l’enfant, hôpital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. Selim Bennaceur : Praticien hospitalier, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale de l’enfant (Pr G Couly), hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Couly G et Bennaceur S. Biologie du développement de la face et du cou. Acquisitions récentes d’embryologie génétique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-001-A-10, 1998, 7 p.
inactivés par recombinaison homologue. L’inactivation de ces gènes lors du développement embryonnaire a permis d’objectiver des malformations organiques, faisant ainsi suspecter fortement leur rôle déterminant lors du développement. Ces gènes qui s’expriment pour la plupart lors de la gastrulation et de la neurulation codent pour des facteurs de transcription.
Gènes du développement et leur méthode d’étude [1, 12, 20, 34] Les gènes du développement sont des régions spécifiques du génome constituées d’acide désoxyribonucléique (ADN), dont la fonction est de permettre la construction d’un individu. Ce sont des gènes régulateurs d’autres gènes. C’est dire que ces gènes, grâce à une stratégie qui commence seulement à être décryptée, sont le point de départ, dès l’œuf fécondé, d’une cascade de phénomènes emboîtés, d’une combinatoire assurant le plan d’organisation d’un individu. Ces gènes confèrent aux cellules préfigurant les organes une identité de position. Toute perturbation du fonctionnement de ces gènes aboutit soit à une transformation dite homéotique (par exemple anomalie de transition des vertébrés), soit à des malformations, dont certaines sont incompatibles avec la vie. Embryologie et génétique sont ainsi depuis quelques dizaines d’années non pas concurrentielles mais bel et bien complémentaires et coopératives [17]. Les gènes du développement sont tour à tour responsables du plan de base et des polarités de l’embryon : axe antéropostérieur (tête et queue), orientation dorsoventrale, latéralité. Ils déterminent des compartiments cellulaires, compartiments dans lesquels les cellules vont acquérir des spécifications particulières sous forme de phénotypes nouveaux grâce à d’autres gènes du développement situés en aval des premiers (voir l’exemple des gènes Hox). Il existe plusieurs grandes familles de gènes du développement impliquées dans la construction embryonnaire et dans la détermination de l’identité positionnelle des cellules. La plus connue est la famille des gènes HOM chez la mouche drosophile, et son équivalent chez l’homme : les gènes Hox [10]. Ces gènes sont dits à « homéoboîte » et sont des séquences génétiques codant pour des facteurs de transcription qui sont des protéines dites à « homéodomaine ». L’homéodomaine de la protéine est une séquence d’acides aminés qui se lie à 1’ADN : c’est là semble-t-il le rôle clé en cascade du gène et de sa protéine transcrite. D’autre part, la position du gène sur le chromosome détermine la limite antérieure de son activité dans les territoires embryonnaires : il existe ainsi une correspondance « topologique » entre gène et forme. Plus le gène est placé du côté 5’ sur le chromosome, plus la limite antérieure de son domaine d’expression se trouve placée en arrière dans le corps de l’embryon. Ainsi, apparaît une règle de colinéarité à la fois spatiale et temporelle qui permet de considérer que ces gènes fournissent à chacune des parties du corps où ils s’expriment une identité, c’est-à-dire une information de position.
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BIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DE LA FACE ET DU COU. ACQUISITIONS RÉCENTES D’EMBRYOLOGIE GÉNÉTIQUE
Tableau I. – Dérivés de la crête neurale des vertébrés. Dérivés mésectodermiques céphaliques
Cellules nerveuses ■ Neuroblastes bipolaires (somatosensibles) ■ Neuroblastes multipolaires Cellules des ganglions du système nerveux autonome – à phénotype cholinergique (parasympathique et entérique) – à phénotype adrénergique (sympathique) Cellules gliales
Cellules pigmentaires Cellules endocriniennes (phénotypes peptidiques) et paraendocriniennes
– Squelette facial et de la voûte du crâne (os et cartilages) – Odontoblastes (dents) – Paroi arcs aortiques (IIIe, IVe, VIe) – Derme de la face et du cou, muscles horripilateurs et calvarium – Conjonctif thymus, parathyroïdes, thyroïde, glandes salivaires et lacrymales, hypophyse – Participation à la musculature faciale – Sclérotique, muscles ciliaires, choroïde – Méningites prosencéphaliques Ganglions rachidiens Ganglions des nerfs crâniens (V, VII, X, XI)
– De Schwann – Satellites des ganglions du système nerveux périphérique – Glie entérique – Cellules C à calcitonine (thyroïde) – Cellule I et II du corps carotidien – Glande médullosurrénale et paraganglions
Nous rappellerons qu’à partir de l’œuf fécondé (pénétration du spermatozoïde dans l’ovule) cette cascade d’événements emboîtés fait apparaître diverses formes phénoménales : proliférations mitotiques cellulaires régulées par des facteurs de croissance et des oncogènes, organisation de l’embryon en morula puis en blastula, puis en deux couches cellulaires, puis en trois couches de cellules par gastrulation. Le développement craniofacial débute chez les vertébrés dès le stade de la gastrulation, au moment où le mésoblaste cellulaire se répartit entre les feuillets ecto- et endoblastiques. Puis ce développement prend toute sa signification lors de la neurulation, par la fermeture du tube neural qui constitue le déterminant de la migration des cellules de la crête neurale qui porte l’information depuis le système nerveux à la face ventrale de ce dernier afin d’assurer le développement volumétrique de la face et du cou. Les cellules de la crête neurale se différencient en de nombreux phénotypes (tableau I) et coopèrent avec le mésoderme issu de la gastrulation dans la genèse des muscles et des vaisseaux cervicofaciaux. Des déformations conjointes, véritable topogenèse du développement, mettent en œuvre des plicatures, des accolements, des cicatrisations, des adhésions et des morts cellulaires médiés également par des gènes. Les migrations cellulaires, véritable trafic de cellules guidées par des protéines extracellulaires, puis la stabilisation spatiotemporelle de ces cellules en fin de migrations avec différenciation dans une voie particulière, permettent les premiers agrégats par reconnaissance biochimique de surface et par là même la formation des rudiments des futurs organes. L’ensemble de ces phénomènes est sous la dépendance de décideurs génétiques que sont les gènes du développement, gènes qui ont une fonction particulière à un moment donné, constituant avec d’autres gènes situés en amont ou en aval une chaîne hiérarchisée.
Stomatologie
Gènes Hox et code Hox
(fig 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7)
Histoire de la drosophile [4, 14, 16, 17, 27, 28, 35] Les mutations affectant le développement chez la drosophile ont conduit à la découverte et l’isolement de gènes responsables de la mise en place du plan d’organisation compartimentée de la future mouche dès les stades précoces de l’embryogenèse. Il s’agit de gènes codant pour des protéines régulatrices capables de contrôler le fonctionnement d’autres gènes grâce à leur capacité de se lier à des régions déterminées de l’ADN. Le complexe HOM-C est une famille de gènes possèdant une séquence de 180 paires de bases appelée « homéoboîte » qui code pour un homéodomaine peptique de 60 acides aminés, responsable de l’activité régulatrice de la protéine qui le porte. Le clonage du premier gène à homéoboîte, responsable de la mutation antennapedia chez la drosophile, a eu lieu au début des années 1980. La mutation antennapedia appartient aux mutations dites « homéotiques » caractérisées par la transformation d’une structure en une autre. Ainsi, dans la mutation antennapedia, l’antenne est remplacée par une patte. Une série de mutations homéotiques ont été décrites chez la drosophile et l’analyse génétique qu’en a réalisée Lewis [21] a révélé qu’elles correspondent à des gènes distribués linéairement sur un même chromosome, formant ainsi les complexes « ultrabithorax » (Ubx) et « antennapedia » (Antp) (ils portent ainsi le nom de complexe HOM-C). Les gènes qui contrôlent le développement embryonnaire chez la drosophile sont nombreux ; ceux du complexe HOM-C interviennent en aval d’une cascade où d’autres gènes régulateurs sont responsables de la détermination des axes de polarité antéropostérieure et dorsoventrale et de la mise en place des segments de la mouche. Les gènes du complexe HOM-C sont particulièrement affectés à la détermination de l’identité segmentaire. Une particularité générale de tous les gènes « sélecteurs » qui contrôlent le développement est qu’ils possèdent une ou plusieurs séquences nucléotidiques codant pour un domaine protéique capable de se lier à l’ADN. L’homéoboîte est l’un de ceux-ci, d’autres motifs tels que la pair box ou les « doigts de Zn » confèrent aussi aux protéines qui les contiennent le rôle de facteurs de transcription.
DROSOPHILE
BX-C
ANT-C Abd-B
Abd-A
Ubx
Antp
Scr
Dfd
Pb
Lab Hox-2
2,5
2,4
2,3
2,2
2,1
2,6
2,7
2,8
EMBRYON DE SOURIS
Comment ont été repérés les premiers gènes du développement ? Comment sont-ils étudiés ? La drosophile, le nématode, les embryons d’oiseaux (poulet et caille), les embryons d’amphibiens (xénopes et tritons), le poisson zebrafish et la souris sont actuellement les organismes modèles choisis pour étudier les gènes du développement et leur rôle dans celui-ci. Nous ne détaillerons pas les techniques d’étude de ces gènes. Nous citerons les diverses méthodes tour à tour utilisées en permettant aux lecteurs d’être renvoyés à la bibliographie [1, 12]. Ces méthodes sont : – mutagenèse chimique chez la drosophile ; – isolement par homologie de gènes du développement chez les vertébrés (ceux-ci ont été isolés sur la base de leur similitude avec les gènes de la drosophile) ; – étude des profils d’expression d’un gène du développement, soit par immunocytochimie permettant de révéler la localisation de la protéine codée par ce gène grâce à un anticorps spécifique, soit par hybridation in situ ; – analyse fonctionnelle par expression ectopique ou mutation ou par interférence avec l’expression et la fonction. page 2
1 Comparaison entre les domaines d’expression des gènes HOM-C de la drosophile et ceux du complexe Hox de la souris. Les gènes à homéoboîte du complexe HOM-C de la drosophile sont distribués sur un seul chromosome et s’expriment chez la larve à des niveaux et à des stades correspondant à leur position sur le chromosome. Les gènes exprimés dans la tête (Lab, Pb) sont situés en 3’ sur la molécule d’ADN et sont les premiers à être transcrits. Les gènes des complexes Hox de la souris sont répartis en quatre groupes sur quatre chromosomes différents. Le même principe de colinéarité contrôle leur expression selon l’axe antéropostérieur de l’embryon. La limite antérieure d’expression des gènes Hox se situe entre les rhombomères 2 et 3 (cf fig 2, 3 et 4) [8].
BIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DE LA FACE ET DU COU. ACQUISITIONS RÉCENTES D’EMBRYOLOGIE GÉNÉTIQUE
Stomatologie
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
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Groupes paralogues
1
R1 R2 Postérieur
R3 R4
R5
R6
R7
R8
Antérieur
Abd-B Abd-A
Ubx
Antp
Scr
Dfd
Zen
pb
lab
BX-C
ANT-C (3)
A13
A11
A10
A9
A7
A6
A5
A4
A3
A2
A1
HOX-A (7) HOMME
1,10
1,9
1,8
1,7
1,1
1,2
1,3
1,4
1,5
1,11
1,6
Hox-A (6) Souris
B9
B8
B7
B6
B5
B4
B3
B2
B1
HOX-B (17) HOMME
2,5
2,4
2,3
2,2
2,1
2,6
2,7
2,8
2,9
Hox-B (11) Souris
B1 C13
C12
C11
C10
C9
C8
C6
C5
C4
HOX-C (12) HOMME
3,9
3,8
3,7
3,6
3,2
3,1
3,3
3,4
3,5
Hox-C (15) Souris
D13
D12
D11
D10
D9
D8
D4
D3
D1
HOX-D (2) HOMME
4,8
4,7
4,6
4,5
4,4
4,3
4,2
4,1
4,9
Hox-D (2) Souris
200
160
120
80
40
20
10
B3
B2
1
2
Lab
Pb
B4+
3
4
Hoxa Hoxa
<5
h dans AR
2
Les gènes du complexe HOM-C de la drosophile et les gènes des quatre clusters HOX chez l’homme et la souris. Les gènes présentant la plus grande homologie entre eux sont les gènes « paralogues » situés au même niveau dans chaque groupe (A4, B4, C4, D4). L’expression de certains gènes Hox est activée par l’acide rétinoïque (AR). L’activation décroît des gènes les plus antérieurs (Al, Bl, Cl, Dl) à ceux qui sont exprimés le plus caudalement, ces derniers pouvant être réprimés par l’acide rétinoïque. Les couleurs indiquent la sensibilité décroissante des gènes à l’acide rétinoïque en fonction de leur position sur le chromosome. h dans AR : durée en heures d’exposition des cellules à l’acide rétinoïque. Les cercles blancs correspondent à des gènes présomptifs non encore isolés. Les nombres entre parenthèses correspondent au chromosome sur lequel le groupe de gènes Hox correspondant se trouve chez l’homme et la souris [8, 34].
Hoxa Hoxa
ANT-C/BX-C
Dfd
4 Expression des gènes Hox dans la région rhombencéphalique (ou tronc cérébral) chez l’embryon d’oiseau. La limite antérieure de l’expression de ces gènes est précisée dans les rhombomères (R1 à R8) et la crête neurale peuplant les arcs branchiaux (B1 à B4).
Chez les vertébrés et l’homme
IV
La révélation par Gehring et de Robertis en 1984 [10] que des gènes à homéoboîte existent aussi chez les vertébrés a ouvert la voie à une importante série de travaux. Le premier gène à homéoboîte de vertébré a été découvert chez le xénope. Peu après, on clonait un gène à homéoboîte chez la souris, suivi par de nombreux autres dont on établissait la localisation chromosomique [20, 27, 28] (fig 1). Les gènes à homéoboîte dont la séquence nucléotidique présente des homologies importantes avec celle des gènes des complexes Antp et Ubx sont au nombre de 38 chez les mammifères et paraissent ainsi très conservés au cours de l’évolution biologique des derniers 600 millions d’années. Il sont disposés en quatre groupes répartis sur quatre chromosomes différents et résultent de duplications d’un groupe ancestral dont descend aussi celui de la drosophile. La distribution des gènes le long de
i
PP R1
R2 mV
gV R3
gVII gVIII
b1
R4
mVII M
R5
b2 VI
vo
R6
Syndrome du 1er Arc Syndrome de Goldenhar
R1
IV
III
Syndrome de Franceschetti
mIX R
Syndrome de Moebius
R2 R3
b3
R7
gIX
mX
R4
Syndrome de Robin Syndrome de Di George
R6
VII
R7
gX
P
VIII
VI
R8
R8
V
R5
IX 2A 1A
X
XII
3A
BF
4A XII
3 Représentation schématique en vue dorsale de la région rhombencéphalique ou tronc cérébral au stade précoce. La segmentation est matérialisée par la présence des rhombomères (R1 à R8) qui définissent des compartiments indépendants selon l’axe antéropostérieur. Les limites entre les différents rhombomères sont visibles et se caractérisent par une moindre densité cellulaire. Les motoneurones qui vont participer à la construction d’un noyau crânien (mV, mVI, mVII, mIX, mX et mXII) ont pour origine deux rhombomères consécutifs. Les ganglions sensoriels crâniens (gV à gX) respectent eux aussi la segmentation rhombomérique et sont reliés au système nerveux central au niveau d’un rhombomère sur deux (r2, r4, r6). vo : vésicule otique ; b1, b2, b3 : arcs branchiaux 1, 2 et 3 ; pp : plaque du plancher ; i : isthme (jonction rhombencéphalique-mésencéphale) [8] (cf fig 4 et 5).
5 Le tronc cérébral et les malformations faciales. Schéma des huit rhombomères du tronc cérébral (R1, R8) au niveau desquels sont représentés les corps cellulaires d’origine des nerfs branchiaux (V : trijumeau ; VII et VIII : facial et acoustique ; IX : glossopharyngien ; X : pneumogastrique ; III, IV et VI : nerfs somatiques de l’œil ; XII : nerf somatique de la langue). Les divers syndromes malformatifs latéraux de la face sont mentionnés en corrélation avec les niveaux rhombomériques des nerfs et les niveaux d’origine de la crête neurale migrant dans les arcs branchiaux. P : prosencéphale ; M : mésencéphale ; R : rhombencéphale ; BF : bourgeon frontal ; 1A, 2A, 3A et 4A : les quatre premiers arcs branchiaux [8].
page 3
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BIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DE LA FACE ET DU COU. ACQUISITIONS RÉCENTES D’EMBRYOLOGIE GÉNÉTIQUE
S'
S P
Stomatologie
P'
m e e' g Cm
t g' t'
m' Cm'
6
Inactivation du gène Hoxa-2 chez la souris homozygote. Cette inactivation produit la transformation homéotique du squelette du deuxième arc branchial en structure similaire à celle du premier arc. La duplication squelettique concerne le marteau (m’), l’enclume (e’), le gonial (g’), le tympanal (t’), le ptérygoïde (p’), le squamosal (s’) et le cartilage de Meckel (cm’). Les éléments squelettiques du premier arc paraissent normalement développés [11, 31].
CN
chaque chromosome est la même que dans le complexe HOM-C de la drosophile, de sorte qu’on peut distinguer dans chacun des quatre groupes des gènes dits « paralogues » qui présentent entre eux de hauts niveaux d’homologie (fig 2). La découverte des gènes à homéoboîte chez les vertébrés a été suivie de l’étude de leur expression spatiotemporelle au cours du développement. Les gènes des quatre groupes Hox A, B, C et D sont exprimés transitoirement dans le tube nerveux, la crête neurale, les somites et les membres selon une séquence spatiotemporelle déterminée qui pourrait être le support d’une information positionnelle le long de l’axe céphalocaudal de l’embryon et de l’axe proximodistal des membres [14]. L’expression spatiotemporelle des gènes des complexes Hox au niveau du cerveau postérieur et du pharynx a été particulièrement bien étudiée et suggère qu’ils pourraient jouer un rôle dans la détermination régionale de cette partie de l’organisme. Ces observations ont dirigé à nouveau l’attention des embryologistes sur l’idée ancienne d’une métamérisation primitive de l’ébauche neurale des vertébrés, qui présiderait à l’organisation fonctionnelle ultérieure du système nerveux [14] (fig 3).
Implication du « code Hox » dans la morphogenèse des arcs branchiaux des vertébrés [8, 9, 13, 14, 27] L’organisation métamérique des vertébrés en segments répétitifs a été fréquemment soulignée. Elle est surtout évidente dans les formes primitives telles que les myxines et les lamproies dont les fentes branchiales sont distribuées latéralement selon l’axe céphalocaudal en deux rangées régulières. Un reste de la métamérisation du pharynx se manifeste chez l’embryon de tous les vertébrés, y compris les mammifères, dans les arcs branchiaux. L’expression des gènes des complexes Hox est caractérisée par l’association, au niveau de chaque segment et à un moment déterminé de l’ontogenèse, d’une combinaison unique de produits géniques définissant un code (code Hox) pour lequel on pouvait soupçonner un rôle dans la spécification de chacun de ces segments (fig 4). L’expression temporospatiale des gènes Hox dans le cerveau postérieur et dans les cellules de la crête neurale qui en sont issues et qui colonisent les arcs branchiaux, est la même que les segments rhombomériques dont elles proviennent (fig 4). La séquence d’expression des gènes Hox le long de l’axe corporel se retrouve aussi le long de l’axe des membres et du tubercule génital. Les gènes des complexes Hox ne se situent pas à l’origine de la cascade d’événements qui déterminent la segmentation du cerveau postérieur et des arcs branchiaux. On sait qu’ils sont soumis eux-mêmes à une régulation médiée par l’acide rétinoïque [22, 37]. L’acide rétinoïque est un morphogène dont l’importance a été démontrée par de nombreux travaux de tératogenèse induite par la carence ou l’excès de vitamine A. Son mode d’action au niveau moléculaire a été élucidé en clonant les gènes des récepteurs de l’acide rétinoïque. Comme ceux des stéroïdes, les récepteurs de l’acide rétinoïque sont capables de se lier à l’ADN et jouent le rôle de facteurs de transcription, contrôlant ainsi l’activité de gènes cibles. La distribution des récepteurs de l’acide rétinoïque obéit à un « patron » spatiotemporel précis au cours du développement. La mutation ciblée de certains de ces récepteurs chez la souris produit des anomalies comparables à celles qui résultent de la carence en vitamine A au cours du développement fœtal [22]. page 4
CN HoxCN Hox+
7 Code Hox, crête neurale céphalique et développement facial et cervical chez l’homme. Ces deux schémas objectivent la participation de la crête neurale (CN) au développement craniofacial et cervical. La crête neurale n’exprimant pas le code Hox (CN Hox -) est distribuée au niveau des régions crâniennes et faciales alors que la crête neurale exprimant le code Hox (CN Hox +) est localisée dans la région cervicale.
L’interaction entre l’acide rétinoïque et les gènes Hox résulte de l’observation montrant que l’acide rétinoïque active certains gènes Hox dans des cellules de tératocarcinome en cours de différenciation. L’importance et la dynamique de cette activation varient selon le gène considéré. Boncinelli [37], qui a cloné les gènes des quatre complexes Hox humains, a réalisé une étude systématique de ce phénomène et montré que la règle de colinéarité s’applique aussi à l’induction des gènes Hox par l’acide rétinoïque : les gènes en 3’ sont activés les premiers et l’induction se propage ensuite de 3’ en 5’. Certains gènes situés en aval de chaque complexe sont inhibés et non pas activés par l’acide rétinoïque (fig 2). Ces découvertes ont amené Kessel [19] à tenter de perturber l’expression des gènes Hox au cours du développement de la souris en injectant, à 7,5 jours de gestation, des doses tératogènes d’acide rétinoïque. Il en résulte une modification du « code Hox », notamment dans la région branchiocervicale où on observe une transformation homéotique des premières vertèbres cervicales. Ce résultat suggérait que les gènes régulateurs des complexes Hox jouent un rôle dans l’organogenèse du cerveau postérieur et des régions squelettiques et branchiales qui lui sont associées. Ce rôle a été confirmé par l’expérience de Kessel [19] dans laquelle le gène Hox-a1 placé sous le contrôle d’un promoteur particulièrement efficace est injecté dans l’œuf de souris. Une telle transgénose modifie le code Hox et provoque des anomalies des vertèbres cervicales et notamment la formation d’un proatlas muni d’un corps vertébral. Enfin, les mutations ciblées des gènes Hox-a3 [7] et Hox-a1 [6, 23] ont montré l’implication de ces gènes dans l’organogenèse du cerveau postérieur et de la
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Stomatologie
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Gène « goosecoid » [40] Mes
OTx 2
Pax 7
OTx 1
EMx 1
DLx 2
EMx 2
MSx 1 et2
Goosecoid
MHox
Lim 1 Hox a,b,c,d
R1 R2 Met
R3
R4
CN
CN CN
CN CN CN
CN
CN
R5 R6 R7 Myel
R8
CN CN
CN
D
4e Arc
5e Arc
Gène M Hox [26]
3e Arc 2e Arc C 1er Arc
P CN
BNF Hox
-
Hox
+
8 Localisation schématique de quelques gènes du développement chez l’embryon de vertébré au niveau de la face, du système nerveux central et des arcs branchiaux. Cette répartition concerne les gènes Hox, Pax 7, Dlx 2, Otx 2, Otx 1, Emx 1 et 2, Goosecoid, M Hox, Msx 1 et 2 et Lim 1. C : cœur ; Mes : mésencéphale ; D : diencéphale ; P : prosencéphale ; Met : métencéphale ; Myel : myélencéphale ; R1-8 : rhombomères du rhombencéphale ; BNF : bourgeon nasofrontal ; CN : crête neurale dont les voies de migrations sont représentées par des flèches.
région branchiale. La mutation du gène Hox-a3 produit des anomalies comparables à celles du syndrome de Di George qu’on peut mimer dans l’embryon de poulet en enlevant la crête neurale de la région rhombencéphalique [9] (fig 5, 7). La mutation du gène Hox-a1 produit dans la même région des anomalies portant essentiellement sur les dérivés neuraux des crêtes neurales rhombencéphaliques postérieures correspondant aux rhombomères 6, 7 et 8. Enfin, la modification expérimentale de l’expression spatiotemporelle du gène Hox-d4 [19, 24] peut être modifiée s’il est placé sous le contrôle du promoteur du gène Hox-a1 qui s’exprime plus tôt et plus antérieurement. Les souris transgéniques hébergeant cette construction chimérique présentent des anomalies importantes du squelette cervical. La souris mutante homozygote par inactivation du gène Hox-a2 [11, 31] ne présente pas d’anomalie du premier arc mais une transformation homéotique du deuxième arc en premier arc. Les éléments squelettiques présents dans le deuxième arc constituent une duplication du premier arc avec présence d’un marteau, d’une enclume, d’un rudiment de cartilage de Meckel (fig 6).
Autres gènes impliqués dans le développement craniofacial [2, 36, 38] (fig 8) (tableau II) Depuis une dizaine d’années un ensemble de gènes ont été découverts et ont fait l’objet d’étude précise en ce qui concerne leur rôle dans le développement facial et crânien. Ce sont les gènes Goosecoid (GS), M Hox, Msx, Dlx, Emx, Otx et Pax... Leur implication dans le développement embryonnaire de la face a été objectivée par inaction chez la souris homozygote par recombinaison homologue. Leur liste s’allongera d’année en année.
Tableau II. – Les gènes du développement en 1997 : leur localisation dans la face et le cou et le système nerveux central. Gène du développement
Système nerveux central
Gastrulation – Lim 1 – Otx 1
– Dlx 2 – M Hox – Emx 1 – Emx 2 – Pax 7 BNF : bourgeon nasofrontal.
Cou
mésenchyme préchordal prosencéphale et mésencéphale
– Goosecoid Neurulation – Msx 1 et 2 – Otx 2 – Hox
Face
mésenchyme préchordal BNF et 1er arc BNF et 1er arc tronc cérébral jusqu’à R2
2e, 3e, 4e, 5e arc 1er arc pharynx primitif
prosencéphale prosencéphale BNF et 1er arc
Ce gène est exprimé lors de la gastrulation dans le mésenchyme préchordal et l’endoderme. Il intervient dans les séquences d’induction mises en œuvre lors du développement de la tête (face et cerveau). Ce gène semble intervenir également dans la régulation des protéines de morphogenèse osseuse, famille intervenant dans l’élaboration du TGF bêta (transforming growth factor). La souris mutante homozygote pour ce gène présente une malformation mandibulaire constituée d’une hypoplasie du coroné, de l’angulaire, de la grande aile du sphénoïde avec une division du palais secondaire. Les souriceaux meurent à la naissance. Le gène Lim 1 exprimé lors de la gastrulation dans le mésoderme préchordal, intervient dans l’induction du développement céphalique et du cerveau antérieur [2, 40].
Exprimé dans le mésenchyme du pharynx, il interviendrait dans la régulation de la synthèse des protéines de morphogenèse osseuse. La souris homozygote mutante meurt à la naissance. Ce mutant présente une réduction notable de l’articulation temporomandibulaire touchant le condyle, le squamosal, de l’angulaire et du coroné. Le cartilage de Meckel est malformé ; il semble exister des ectopies de ce cartilage dans le premier arc. Les lames palatines osseuses sont réduites en taille.
Gènes Msx 1 et Msx 2 [33] L’expression de ces gènes est régulée semble-t-il par les protéines de morphogenèse osseuse. Les gènes font partie d’une famille intervenant dans les interactions épithéliomésenchymateuses du développement facial et dentaire. Le gène Msx 1 est exprimé lors du développement des bourgeons faciaux et interviendrait dans la fusion du palais primaire. Cependant, son inactivation chez la souris homozygote ne génère pas de fente. Seules les régions alvéolaires du maxillaire sont réduites ainsi que les dents ; le palais secondaire présente une fente. Les os pariétal, frontal et nasal ainsi que le marteau sont anormaux. Le gène humain Msx 2 est localisé sur le chromosome 5 [15]. Chez la souris, la transcription du gène est localisée dans les sutures du crâne. La mutation du gène déclenche une craniosynostose. Mais les syndromes d’Apert et de Pfeiffer ne sont pas générés par la mutation structurale du gène Msx 2. La double mutation homozygote des gènes Msx 1 et Msx 2 chez la souris produit une réduction volumétrique des structures faciales.
Gènes Dlx 1 et Dlx 2 [30] Les gènes Dlx sont exprimés dans les régions proximales des premier et deuxième arcs branchiaux. Dans le premier arc, le gène Dlx 2 est exprimé dans l’épithélium et les dérivés de la crête neurale (mandibule et papille dentaire). Son inactivation chez la souris homozygote produit une réduction du squelette proximal du premier arc et du maxillaire, avec fente du palais secondaire.
Gène Otx 2 et Emx 1 et 2 et développement mandibulaire [36] Alors que les gènes Hox sont exprimés dans le système nerveux et dans la crête neurale migrant vers les deuxième, troisième et quatrième arcs branchiaux dans une limite antérieure correspondant au troisième rhombomère, les gènes Otx 2 et Emx 1 et 2 sont exprimés dans le cerveau antérieur jusqu’à la limite postérieure du mésencéphale. Le gène Otx 2 est également exprimé dans le mésenchyme du premier arc et dans la région nasofrontale. Le gène Otx 2 est exprimé dans le mésoderme préchordal lors de la gastrulation et interviendrait dans la détermination antéropostérieure et la migration cellulaire. L’inactivation du gène Otx 2 a pour effet chez la souris homozygote de générer la mort de l’embryon à 9 jours avec une délétion importante du système nerveux central jusqu’au deuxième rhombomère et une insuffisance du mésoderme similaire à celle obtenue par l’inactivation du gène Lim 1. Des souriceaux hétérozygotes pour l’inactivation du gène Otx 2 ont une malformation semblable à celle de l’otocéphalie avec agénésie de l’os dentaire et des neurones du ganglion trigéminé ainsi que du noyau de régulation et de commande de la mastication. Les yeux sont malformés. Le septum nasal est dupliqué. L’oreille et le sphénoïde ne sont pas atteints et l’enclume et le sphénoïde sont parfois soudés. Comme l’inactivation du gène Hox-a2 génère chez le mutant souris homozygote une duplication de la partie postérieure du premier arc dans le deuxième arc, il y aurait ainsi deux domaines complémentaires génétiques connus ce jour dans la genèse de la mâchoire : un domaine proximal où page 5
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BIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DE LA FACE ET DU COU. ACQUISITIONS RÉCENTES D’EMBRYOLOGIE GÉNÉTIQUE
interviendrait le gène Hox-a2 et ce dans les structures correspondant au marteau et à l’enclume, et un domaine distal purement dentaire où interviendrait le gène Otx 2.
Gène de l’endothéline 1 (ET-1) [3] ET-1 est un peptide vasoactif élaboré par les cellules endothéliales des vaisseaux et intervenant dans la régulation de la tension artérielle. Chez la souris homozygote par inactivation du gène, la mâchoire est réduite volumétriquement alors qu’il n’existe aucun problème cardiovasculaire. Le gène est exprimé dans l’épithélium oral de l’embryon de souris à 9,5 jours. Le récepteur de ET-1 est exprimé dans le mésenchyme ostéogénique de la crête neurale, faisant de ET-1 une importante molécule morphogénétique.
TGF bêta-3 [18, 29] Ce gène est exprimé dans l’épithélium des berges internes des lames palatines. Chez le mutant souris homozygote, l’épithélium persiste, empêchant la fusion des lames. Ainsi, le gène du TGF bêta-3 paraît important pour la fusion des berges du palais secondaire.
Stomatologie
Ainsi, il semble que diverses familles moléculaires interviennent dans cette différenciation. Ce sont : – la famille des TGF bêta-1, 2 et 3 ; – les BMP (2 et 4) (bone membranous proteine) ; – les ostéonectines ; – les fibronectines ; – les sialoprotéines osseuses : – les IGF (insuline growth factor) ; – les produits de transcription des gènes Msx 1 et Msx 2. Ces molécules ont été identifiées par hybridation in situ dans les incisives de mammifères (souriceaux) et auraient un rôle déterminant dans la différenciation de l’odontoblaste.
Perspectives Le syndrome de Treacher Collins (syndrome de Franceschetti) serait associé chez l’homme à une atteinte d’un gène localisé sur le chromosome 5 (en 5q13) [39].
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Twist [5] La souris homozygote mutante meurt à 11 jours, avec exencéphalie, malformation cardiovasculaire et fente faciale.
Pax [25] Les gènes Pax constituent une famille de neuf gènes. Ils sont homologues des gènes Pair-Rule de la drosophile. Le gène Pax 3 serait impliqué dans le syndrome de Waardenburg et le gène Pax 6 dans l’aniridie. Le gène Pax 7 intervient dans la différenciation de la crête neurale céphalique. Son inactivation chez la souris homozygote produit des malformations du nez et du maxillaire.
Gènes impliqués dans le développement dentaire et la différenciation de l’odontoblaste [38] L’odontoblaste est la cellule de la crête neurale qui élabore au cours de l’odontogenèse la dentine, en réponse aux interactions cellulaires qu’elle contracte avec l’adamantoblaste, cellule de l’émail. Les déterminants moléculaires de la différenciation de l’odontoblaste ont fait l’objet en 1995 d’une étude complète par Ruch [32].
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Grâce à la mise en évidence de gènes dits du développement, « l’embryologie est devenue génétique ». Ces gènes paraissent aujourd’hui essentiels à la mise en place du plan d’organisation du corps, en fournissant à chaque cellule une identité positionnelle. Découverts d’abord chez la drosophile, ils constituent la famille des gènes HOM-C. Leurs mutations transforment une partie du corps en une autre (mutations homéotiques). Au contraire de ce que pensaient les anciens, l’être à venir n’est pas présent dans les gamètes sous une forme réelle mais en quelque sorte sous une forme virtuelle, celle du programme de développement génétique inscrit dans le génome. L’extraordinaire conservation des mécanismes fondamentaux du développement et les données fournies par la génétique de la drosophile ont été d’un apport fondamental pour la compréhension du développement des vertébrés. Ces gènes ont été par la suite localisés chez les vertébrés et chez l’homme. Ce sont les gènes Hox, Goosecoid, Otx, Msx, Dlx, M Hox, Pax... Ils codent pour des protéines, leurs produits de transcription, en se fixant sur des régions spécifiques de l’ADN, et régissent l’activité d’autres gènes. Leur liste ne cessera de s’allonger au fur et à mesure de la mise en évidence des mécanismes du développement.
Références ➤
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Stomatologie
BIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT DE LA FACE ET DU COU. ACQUISITIONS RÉCENTES D’EMBRYOLOGIE GÉNÉTIQUE
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Odontogénétique M. Molla, I. Bailleul-Forestier, C. Artaud, A. Verloes, C. Naulin-Ifi, J. Elion, A. Berdal Depuis ces dernières années, de nombreux gènes impliqués dans l’odontogenèse ont été mis en évidence. Certains s’avèrent exclusifs du système dentaire (amélogénine, sialophosphoprotéine dentinaire [DSPP]). Une majorité de gènes impliqués dans le développement dentaire a aussi des fonctions régulatrices dans le développement d’autres organes. Ils sont associés aux processus de signalisation intervenant entre cellules et tissus. Ils comprennent les gènes codant pour les protéines signal, mais aussi leur récepteur, leur médiateur cytoplasmique et des facteurs de transcription régulant l’expression des gènes dans le noyau. Les mutations de plusieurs de ces gènes ont été identifiées chez l’homme par des altérations de nombre ou de structure qu’elles induisent. Les manifestations dentaires peuvent être isolées ou associées à un syndrome. Le but de ce travail est de décrire les mutations des gènes de structure, les gènes impliqués dans le patron morphogénétique et dans la croissance dentaire parallèlement à leur phénotype. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dent ; Amélogenèse imparfaite ; Dentinogenèse imparfaite ; Agénésie dentaire ; Mutation ; Gène
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Gènes impliqués dans le développement dentoalvéolaire Gènes structuraux, acteurs de l’histogenèse Facteurs de transcription tissu-spécifiques Facteurs de croissance, de différenciation et leurs cascades de signalisation cellulaire Interpénétration des trois niveaux de lecture Contexte anatomique et physiologique de la différenciation cellulaire
2 2 2
¶ Classification des anomalies du complexe dentoalvéolaire Gènes de structure Gènes du développement et de la croissance
5 5 5
¶ Mutations des gènes de structure Anomalies de structure isolées Anomalies de structure non isolées ou syndromiques
3 3 3
5 5 11
¶ Mutations de gènes initiaux impliqués dans la signalisation du patron morphogénétique Définitions Anomalies dentaires de nombre isolées : gènes impliqués PAX9, AXIN2 Anomalies dentaires de nombre intermédiaires entre formes isolées et formes syndromiques : MSX1 Anomalies dentaires de nombre par défaut de forme syndromique Anomalies de nombre par excès de forme syndromique
22 25 34
¶ Mutations des gènes impliqués dans la croissance PTH, PTHrp et leurs récepteurs Métabolisme de la vitamine D
35 35 37
¶ Conclusion
38
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18 18 18
Les anomalies dentaires constituent un groupe de pathologies affectant la forme, la structure et le nombre de dents. Elles s’associent souvent à des défauts d’autres tissus, particulièrement ceux du parodonte. Ainsi, ces anomalies prennent leur dimension physiopathologique dans l’entité du complexe dentoalvéolaire. En effet, l’os alvéolaire et ses tissus de soutien – gencive et ligament alvéolodentaire – se forment et disparaissent avec la dent qu’ils supportent. [1] Dans le développement, le complexe dentoalvéolaire dérive en bloc de l’épithélium buccal et, pour la partie mésenchymateuse, des cellules des crêtes neurales céphaliques. [2] De plus, les communications cellulaires dirigeant la morphogenèse dentaire et parodontale sont communes. Ces dernières années ont apporté une définition moléculaire de chacun des éléments du complexe dentoalvéolaire et une dimension génétique à sa physiopathologie. Le phénotype biochimique des cellules qui forment chaque tissu minéralisé commence à être connu : améloblastes de l’émail, [3] odontoblastes de la dentine, [4] cémentoblastes du cément, [5] ostéoblastes de l’os alvéolaire, sans oublier les cellules qui sont en charge du remodelage osseux, les ostéoclastes alvéolaires. La génétique humaine et expérimentale constitue aujourd’hui un outil exceptionnel pour la physiologie. Elle permet d’ordonner des événements cellulaires dans un cadre hiérarchisé, nommé épitaxie. En amont, une anomalie moléculaire – mutation, invalidation ou délétion d’un gène donné – déclenche une cascade d’événements. Cette puissance démonstrative est d’autant plus utile en odontologie et en médecine qu’elle s’accompagne d’un retour sur la dimension clinique, les patients et leur famille. L’éclairage génétique des pathologies est en fait multiple, selon des facettes à la fois cognitive, préventive, diagnostique, thérapeutique, épidémiologique et même éthique.
1
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
■ Gènes impliqués dans le développement dentoalvéolaire
(DSPP) [6] – soit, inversement, appartiennent à un tronc commun des tissus minéralisés à trame collagénique constitué par la dentine, le cément [5] et l’os. [4] Ce module comporte des collagènes (type I en majorité) et des protéines non collagéniques (ostéocalcine, ostéonectine, ostéopontine, cf. groupe small integrin binding ligant n-linked glycoprotein [SIBLING] [7]). Les cellules sécrétrices et satellites sont également responsables de la régulation des transferts de calcium et de phosphates vers le compartiment extracellulaire, essentiels au phénomène de biominéralisation. Elles synthétisent ainsi une série d’enzymesclés telles que la phosphatase alcaline ou la calcium-adénosine triphosphatase (ATPase). [8] Les cellules principales élaborent aussi certaines protéines intracellulaires telles que les calbindines qui constituent des navettes cytosoliques du cacium. [9, 10] Une fois différenciées, les cellules de résorption ou ostéoclastes détruisent ces trames tissulaires par une action combinée d’enzymes extracellulaires et intracellulaires intervenant après phagocytose de la matrice. Les gènes structuraux qui codent ces effecteurs directs de l’apposition et de la résorption sont multiples. Leur profil d’expression permet de distinguer le phénotype des cellules principales et satellites. Ce profil résulte d’une organisation de la chromatine en régions ouvertes qui autorisent une transcription constitutive et modulable des gènes structuraux. La topographie nucléaire est modelée par des facteurs de transcription qui visent les gènes-cibles de structure, sélectifs selon chaque tissu.
Le phénotype biochimique d’une cellule est défini par les protéines que celle-ci exprime à un moment donné. L’expression des gènes qui codent pour ces « effecteurs directs » est régulée par l’expression d’autres protéines qui en modulent la synthèse, les facteurs de transcription. L’identité biochimique d’une cellule résulte donc d’une combinatoire d’expression de gènes codant pour des protéines effectrices et des facteurs de transcription. Le niveau d’expression des facteurs de transcription est souvent lié à l’intervention d’une cascade d’interactions sous le contrôle de facteurs de signalisation (facteurs de croissance, hormones etc.) qui assurent la communication entre les cellules. Une altération du phénotype cellulaire peut donc résulter d’une anomalie des protéines effectrices (stucture, enzyme), d’un facteur de transcription ou d’une altération d’un signal cellulaire et de sa voie de transduction.
Gènes structuraux, acteurs de l’histogenèse Les tissus minéralisés dentoalvéolaires (Fig. 1) sont formés par les cellules principales qui sécrètent et/ou remodèlent l’essentiel des constituants extracellulaires et par des cellules satellites qui coopèrent et modulent la fonction des cellules principales. Une fois différenciées, les cellules principales formatrices sécrètent les constituants de la matrice extracellulaire qui sont modifiés par des enzymes, s’autoassemblent et génèrent un tissu minéralisé unique. Chaque tissu se caractérise par une trame apatitique de taille, de forme et d’association matricielle variables et par une composition en protéines complexées à des portions glycaniques et lipidiques. Ces protéines soit sont tissu-spécifiques – amélogénines de l’émail, [3] sialophosphoprotéine de la dentine
Facteurs de transcription tissu-spécifiques Ainsi, un deuxième niveau de lecture, en amont des protéines de structure, complète la définition du phénotype : celle d’une combinaison singulière de facteurs de transcription qui cible l’expression basale des effecteurs directs (Fig. 1). Comme pour les effecteurs directs, ces facteurs de transcription présentent
Communications cellulaires intertissulaires
Cellules satellites
Communication cellulaire intratissulaire
3. Facteurs de croissance Cellule principale
SIGNALISATION
Figure 1. Niveaux de caractérisation du phénotype cellulaire et tissulaire. Les gènes structuraux codent les protéines directement impliquées dans l’histogenèse et le remodelage. L’activité transcriptionnelle de ces gènes structuraux est contrôlée par une combinaison de facteurs de transcription plus ou moins tissu-spécifiques et qui permettent une adaptation au microenvironnement de chaque site anatomique. Cette adaptation met en jeu des facteurs de croissance et de différenciation synthétisés par les cellules de proximité qui sont diverses – autres cellules des tissus minéralisés, neurones, cellules vasculaires.
2. Facteurs de transcription RÉGULATION 1. Gènes de structure Protéines matricielles Enzymes Modifications post-traductionnelles (protéolyse, phosphorylation)
AUTOASSEMBLAGE EXTRACELLULAIRE
Formation/destruction spécifique d'un tissu minéralisé Intégration de site anatomique - microenvironnement et mémoire cellulaire
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différents degrés de spécificité tissulaire. L’exemple le plus frappant d’un facteur de transcription ciblé sur le squelette est la protéine Osf2, codée par le gène RUNX2 (aussi désigné CBFA1 ou Aml3). RUNX 2 active l’expression des gènes du module des tissus minéralisés à trame collagénique. Le contexte historique de sa découverte a été la mise en évidence de la stimulation transcriptionnelle du gène de l’ostéocalcine (pour revue Yang et Karsenty [11] ). L’invalidation de RUNX2 produit une souris contenant un squelette cartilagineux, exempt de toute ossification. Ces deux constats expérimentaux – stimulation d’un kit de gènes osseux par surexpression [12] et abolition de la différenciation ostéoblastique par invalidation – mènent à qualifier RUNX2, de « gène-maître de l’os », au même titre que Myo-D pour le muscle quelques années auparavant. D’autres facteurs de transcription, moins spécifiques, ont été identifiés par des stratégies de surexpression in vitro testant l’efficacité du facteur sur un gène de structure (amélogénines, DSPP, ostéocalcine) ou par l’invalidation de ce même facteur de transcription in vivo par transgenèse. Différentes familles moléculaires émergent dans le paysage de la génétique expérimentale et humaine avec des noms parfois plein d’humour, Ostérix [13] mais souvent moins imagés tels que MSX, [14] DLX, PAX, GSC ou LEF/TCF. [15] Ces termes trouvent leur origine dans la fonction principale supposée de la protéine ou dans le phénotype associé à la découverte originelle d’un gène de leur famille dans une espèce plus simple. Par exemple, le terme Msx (muscle segment homeobox genes) rapporte l’atteinte des segments musculaires dans les mutations du gène Msh, premier membre de la famille identifié chez « Drosophila melanogaster ». Les souris invalidées pour la majorité de ces gènes meurent à la naissance, illustrant leur rôle plus large dans le développement précoce. [16]
Facteurs de croissance, de différenciation et leurs cascades de signalisation cellulaire Ce constat de l’importance des facteurs de transcription dans le développement précoce aboutit, en amont des gènes structuraux et des facteurs de transcription, à un troisième niveau de lecture du phénotype cellulaire : les facteurs de croissance et de différenciation et leurs cascades de signalisation cellulaire. La mise en place du complexe dentoalvéolaire illustre les communications multiples du développement. La voie de signalisation BMP4/MSX1 en est un paradigme. [17] La souris invalidée pour le gène MSX1 présente une agénésie par blocage de la morphogenèse dentaire et alvéolaire à un stade précoce (cupule jeune de la molaire). [18] Des expériences de dissociation/réassociation tissulaires et d’addition de BMP4 recombinant ont montré que l’expression mésenchymateuse de MSX1 est induite par BMP4 épithélial dans le germe dentaire. Cette expression de MSX1 induit la production de BMP4 dans le mésenchyme et permet la progression de la morphogenèse. Cet événement est bloqué chez les souris dépourvues du gène Msx1 (Msx1-/-) et partiellement restauré par surexpression forcée de BMP4 chez Msx1-/(shunt de Msx1). Une voie de signalisation cellulaire se dessine : (1) BMP4 épithélial induit Msx1 mésenchymateux qui (2) induit BMP4 mésenchymateux qui (3) induit Msx1 mésenchymateux indépendamment de BMP4 épithélial et (in fine) permet la progression de la morphogenèse dentoalvéolaire. Cette communication cellulaire est sous-tendue par une série de partenariats moléculaires incomplètement élucidés : le récepteur membranaire de BMP4, les facteurs extracellulaires de stockage et de présentation du facteur de croissance au récepteur membranaire de la cellule (protéoglycanes), les facteurs bloquant la signalisation BMP4/récepteur, les partenaires intracellulaires de transduction du message de la liaison de BMP4 au récepteur, les facteurs de transcription activés par cette transduction permettant une réponse génomique qui, dans une série de régulations transcriptionnelles finales, aboutissent à l’activation du gène Msx1. Cette voie fonctionne en synergie positive et négative avec d’autres voies du développement (Pour revue [1, 2] ). Nombre de ces voies sont également opérationnelles dans plusieurs systèmes épithéliomésenchymateux (peau et phanères, glandes exocrines, tractus intestinal, rein, poumons, placenta etc.). L’unicité d’un système donné, par exemple, le complexe Stomatologie
dentoalvéolaire, résulte d’une combinaison temporospatiale particulière de l’intervention de ces différentes voies de signalisation dans l’épithélium et dans le mésenchyme et de l’activation de certains facteurs de transcription tissu-spécifiques.
Interpénétration des trois niveaux de lecture Cette présentation sommaire des bases moléculaires de la signalisation dans le développement permet d’entrevoir l’interpénétration de ce troisième niveau de lecture en amont des gènes de structure. L’impact physiologique de ces signalisations est moins étudié dans les cellules différenciées lors de la croissance et chez l’adulte, de par la létalité des souris mutées nulles. Les données actuelles suggèrent que les cellules utilisent les mêmes voies de signalisation dans le développement précoce et dans les phases ultérieures. De plus, une mémoire cellulaire de site anatomique semble imprimée lors des phases initiales de la morphogenèse avec une stabilité impressionnante de la moitié de la gestation jusqu’à la fin de la vie. Lors de la croissance allométrique de l’épaisseur de l’émail, le gradient de concentration de l’homéogène DLX2 paraît contrôler l’épaisseur de l’émail, via la régulation de la transcription de l’expression des amélogénines. [19] Tout au long de la vie, le maintien de pools cellulaires progéniteurs est associé à l’expression de MSX1. Les voies de signalisation fonctionnent en boucles de rétrocontrôle dans les tissus minéralisés. Les protéines matricielles « de structure » sont des partenaires de cette signalisation [20] (Fig. 1). Les produits du gène de l’amélogénine illustrent élégamment la métamorphose fonctionnelle des protéines matricielles dites « de structure ». Des isoformes de l’amélogénine ont été montrées ostéo-inductrices in vitro et in vivo. [21] L’invalidation du gène chez la souris induit non seulement des anomalies de structure (cf. infra « Amélogenèse imparfaite héréditaire [AIH] ») mais aussi une perte de l’homéostasie cellulaire du parodonte par altération des signalisations contrôlant les ostéoclastes alvéolaires. [22] Les amélogénines pourraient donc, soit piéger des facteurs de croissance et de différenciation reconnus par les cellules du parodonte, soit éventuellement constituer de nouveaux facteurs de croissance dont la réceptologie est totalement inconnue.
Contexte anatomique et physiologique de la différenciation cellulaire La présentation des partenaires moléculaires fait abstraction du contexte réel de la biologie : celle de l’anatomie et de la physiologie. Ces signalisations s’opèrent selon un schéma ordonné dans l’espace et dans le temps : les champs moléculaires de la morphogenèse, de la croissance et de l’adulte (Fig. 2). [23] Chaque cellule principale ou satellite est engagée dans une voie de différenciation donnée en un site défini, par exemple un améloblaste de la région de plus grande épaisseur amélaire de l’incisive mandibulaire de souris. [19] Cette destinée cellulaire se décide par la mise en place des patrons initiaux lors du développement précoce (Fig. 2). Puis, au sein des ébauches, la cellule acquiert sa différenciation dans un programme de mitoses de durée croissante et l’installation dans un phénotype particulier. Dès lors, la cellule est orientée progressivement selon une voie de différenciation, avec le maintien potentiel d’une certaine plasticité au sein de pools précurseurs. Lors de la croissance allométrique, les précurseurs prolifèrent en masse et se différencient. Ce phénomène est ralenti dans la phase terminale de l’homéostasie chez l’adulte, les précurseurs se réduisant à certaines niches tissulaires. Comprendre les mécanismes guidant la destinée cellulaire et le maintien de pools cellulaires pluripotents chez l’adulte constitue un des enjeux majeurs des innovations thérapeutiques en chirurgie réparatrice.
Patron initial Le déterminisme de la mise en place des patrons initiaux des bourgeons faciaux, maxillaires et mandibulaires mais surtout leurs relations avec l’épithélium odontogène, son organisation antéropostérieure et sa ramification en germes dentaires sont
3
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Figure 2. Patron d’expression des gènes et molécules signal impliqués dans le développement dentaire (reproduit avec autorisation de l’éditeur, Thesleff I, Epithelial-mesenchymal signalling regulating tooth morphogenesis, J Cell Sci 2003;116:1647-1648 [23]).
mal compris. [1, 2] Le modèle expérimental du développement précoce, le système caille-poulet, ne présente pas de dents. Ce modèle a été exemplaire pour le repérage cellulaire des crêtes neurales céphaliques qui colonisent les territoires cervicomaxillo-faciaux et l’identification de leur chemin de migration dorsoventrale. Quelques études chez les mammifères suggèrent une conservation des schémas anatomiques dans l’évolution. [24] Les mécanismes contrôlant le patron maxillofacial aviaire impliquent une (pré-)détermination des crêtes neurales céphaliques et leur programmation par d’autres tissus, l’endoderme pharyngien, éventuellement le mésoderme résidant dans le premier arc branchial. Au final, une cascade d’interactions entre l’épithélium buccal et le mésenchyme du premier arc branchial intervient. Chez la souris, les travaux de dissociation/ réassociation des cellules des crêtes neurales céphaliques avant migration ou d’ectomésenchyme odontogène et de l’épithélium du premier arc branchial ont établi l’existence d’inductions épithéliomésenchymateuses réciproques et alternées. La délimitation des champs odontogènes, incisif et molaire, et de ceux des bases squelettiques correspond à des territoires mésenchymateux exprimant des homéogènes spécifiques agissant de concert avec des facteurs de croissance répartis spécifiquement dans l’épithélium oral (odontogène) et aboral (des bases maxillaires). Ainsi, Sharpe a proposé un « homéocode dentaire et maxillaire » qui détermine une identité de forme et de position pour chaque élément squelettique chez la souris. Cet homéocode propose que, pour chaque champ : incisif, canin ou molaire, il existe une combinaison spécifique de facteurs de transcription. Msx1, Msx2, Gsc interviendraient dans le secteur incisif tant maxillaire que mandibulaire. La région canine serait contrôlée par Msx1, certains Dlx et peut-être Gsc. Le secteur molaire mandibulaire serait régulé par Dlx 5/6 et le maxillaire par Dlx1/2. [25]
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Morphogenèse Les étapes avancées de la morphogenèse sont comparativement bien élucidées. Des centres de signalisation identifiés dans l’épithélium produisent des facteurs de croissance et de différenciation et rentrent en apoptose, une fois leur rôle achevé. Ces nœuds de l’émail primaires et secondaires sont responsables de la mise en place des cuspides et signent précocement le type dentaire, incisif, canin, prémolaire et molaire. Le détail de la différenciation terminale des améloblastes et des odontoblastes postmitotiques est lui-même bien connu, beaucoup plus précisément que celui des cémentoblastes, encore sujet à controverse. Une cartographie détaillée des facteurs impliqués est disponible sur le site www. bite-it.fi (ils sont résumés sur la Figure 2).
Croissance et homéostasie Une fois la cloche installée, l’analyse anatomique de champs moléculaires dans les sites en croissance allométrique puis au stade adulte, en homéostasie, est à peine engagée. Or, une « mémoire de site » semble présider à la destinée cellulaire, comme cela a été montré dans les fibroblastes de peau. Un exemple frappant est l’homéogène Msx1, stable dans son patron d’expression du deuxième trimestre de la gestation à la sénescence au niveau des sutures, des autopodes (mains et pieds) et de l’os alvéolaire. [20] L’impact cellulaire de l’expression de Msx1 est le maintien dans un état plastique, pluripotent et relativement prolifératif. Msx1 stimule l’activité de prolifération en agissant sur la synthèse de la cycline D1. [26] Il a la propriété d’inhiber la synthèse de gènes-maîtres comme MyoD et RUNX2, [27] bloquant ainsi un engagement univoque de la cellule dans une voie de différenciation. Sa surexpression forcée autorise une transdifférenciation expérimentale d’une cellule de type myotube en myoblaste, puis en ostéoblaste. Les rôles de Stomatologie
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Msx1 seraient de permettre la prolifération des cellules indifférenciées lors du développement initial des ébauches, l’amplification des pools progéniteurs lors de la croissance allométrique de nombreux systèmes épithéliomésenchymateux et, chez l’adulte, le maintien de cellules-souches dans le microenvironnement de ces mêmes systèmes. Une telle proposition est largement étayée par la mémoire de site observée dans le squelette. [20]
■ Classification des anomalies du complexe dentoalvéolaire Une diversité de gènes est donc impliquée dans l’odontogenèse et, plus largement, dans la mise en place du complexe dentoalvéolaire. Leur degré de spécificité anatomique et des phénotypes secondaires à leur mutation permet une première classification en formes dites non syndromiques où le défaut apparaît isolé, et syndromiques où le défaut local est associé à des anomalies d’autres systèmes (phanères, dérivés dermoépidermiques, squelette craniofacial, axial et appendiculaire, système nerveux central etc.). La nature de leur intervention et leur période d’impact au cours du développement guident leur classement physiopathologique en trois catégories.
Gènes de structure Les gènes de structure s’expriment pendant les étapes de formation des tissus squelettiques dans les cellules différenciées et dont la mutation engendre une anomalie de l’histogenèse (apposition matricielle et minéralisation). Ces gènes codent pour des protéines matricielles plus ou moins spécifiques de la dent et des autres tissus minéralisés et pour des enzymes exprimées par les cellules principales et satellites et participant à l’histogenèse dans des programmes de maturation et de clivage des protéines matricielles. Leur mutation engendre des anomalies de structure des tissus minéralisés dont la singularité résulte du/des types cellulaires exprimant le gène ; exclusivement amélaire pour le gène de l’amélogénine porté par le chromosome X dont la mutation engendre une amélogenèse imparfaite héréditaire, ou touchant de nombreux tissus pour les mutations affectant la formation du collagène de type I (chaînes [a1] I et [a2] I, enzymes) dans les différentes formes d’ostéogenèses imparfaites.
Gènes du développement et de la croissance Les gènes du développement et de la croissance contrôlent les patrons du développement et dont l’anomalie engendre un défaut du plan général d’organisation (perte, gain ou dysmorphie d’une ébauche). Ce deuxième groupe de gènes contrôle les patrons du développement dentoalvéolaire et joue un rôle dans la morphogenèse initiale. Dans ces dysmorphies, le phénotype est le plus fréquemment une réduction du nombre de dents. Le concept de défaut isolé ou non syndromique pose problème. En effet, une limite absolue entre forme syndromique et non syndromique pour un gène donné s’avère relativement discutable selon quelques données récentes. Différentes mutations d’un même gène et, voire la même mutation chez différents patients d’une même fratrie peuvent produire des formes soit isolées, soit syndromiques. Les mutations de l’homéogène MSX1 en sont un exemple clair, liées à la seule anomalie de nombre appelée hypodontie en 1996, [28] associées à des fentes labiales et palatines de pénétrance et d’expressivité variables [29] et de surcroît à une onychodysplasie dans le syndrome de Witkop. [30] De nombreux syndromes comportant des anomalies dentaires de forme et de nombre associent des dysmorphies faciales et orales. Sont incluses dans ce groupe les différentes protéines impliquées dans des voies de signalisation : facteur de croissance et de différenciation (Shh, etc.), facteurs de transcription (RIEG, RUNX2, SOX9 etc.), protéines transmembranaires importantes dans les interactions épithéliomésenchymateuses (ectodysplasines etc.). Dans ces dernières mutations, quelques cas de formes Stomatologie
frustes, exclusivement dentaires, sont rapportés : dents fusionnées et SHH, germes surnuméraires et RUNX2, par exemple. Les gènes impliqués dans les étapes plus tardives de morphogenèse et de croissance présentent des mutations affectant la croissance des ébauches sans anomalie du plan d’organisation. Dans ce troisième groupe sont rassemblées les protéines impliquées dans les phénomènes de croissance squelettique. S’y retrouvent des facteurs tissulaires contrôlant la prolifération régionale de cellules progénitrices (facteurs de croissance et de transcription et partenaires intermédiaires de la communication cellulaire), les déterminants du modelage, les ostéoclastes constituant un maillon essentiel de la croissance squelettique. Les voies endocriniennes de contrôle de la croissance (vitamine D, système IGF/IGFBP) sont aussi incluses dans ce groupe.
■ Mutations des gènes de structure Anomalies de structure isolées Défauts de l’émail ou amélogenèses imparfaites héréditaires (Fig. 3, 4) Les amélogenèses imparfaites héréditaires (AIH) sont des anomalies de structure qui affectent l’émail isolément. Elles touchent en moyenne de 1/14 000 [31] à 1/700 [32] ou 1/4 000 [33] individus selon les populations étudiées et peuvent être des anomalies qualitatives et/ou quantitatives de l’émail. Ces défauts sont classés en formes hypoplasiques – avec un émail présentant une morphologie anormale, irrégulière et d’épaisseur réduite, voire parfois une aplasie totale – et en formes hypocalcifiées/hypomatures – avec un émail d’anatomie normale, mais dont la minéralisation et/ou la maturation matricielle sont défectueuses. Dans cette seconde forme, des dyschromies plus ou moins sévères sont notées, allant de la perte discrète de translucidité amélaire jusqu’à des colorations jaunâtres ou brunes très marquées. L’abrasion de ces tissus peut être importante de par la diminution de leur dureté, créant un réel handicap au fil des années dans les fonctions manducatrices. Des classifications détaillées, fondées sur cette diversité, ont été accumulées dans la littérature, celle utilisée communément fut proposée en 1988 par Witkop (Tableau 1). [34, 35] Cette classification ne rend pas compte de la variabilité d’expression clinique. Le type d’AIH peut varier entre des familles portant différentes mutations du même gène, au sein d’une même famille et, même, au sein d’une seule arcade dentaire entre dents de secteurs différents. L’étude de Backman et al. sur 51 familles atteintes montre que toutes les formes cliniques existent, indépendamment de leur mode de transmission, mise à part la forme « hypoplasique localisée » clairement plus liée à une transmission autosomique dominante. [36] L’évolution nosologique s’oriente donc vers une classification moléculaire. [37-39] L’identification des gènes mutés, la connaissance de leurs fonctions dans l’amélogenèse, de leurs régulations par des paramètres locaux, systémiques et environnementaux devraient apporter une compréhension organisée des caractères morbides. Cette approche devrait également aboutir à une meilleure prise en charge diagnostique, préventive et thérapeutique. De plus, l’identification des gènes mutés permet au patient atteint de pouvoir présager des phénotypes éventuels de sa descendance et de leur niveau de gravité sur le plan médical. Le diagnostic différentiel avec des anomalies d’origine environnementale ou systémique requiert une analyse détaillée des antécédents médicaux des patients et du caractère transmissible dans la famille. Les études moléculaires permettent de déterminer si les divers phénotypes résultent de l’expression variable d’une même mutation, de mutations alléliques ou de mutation de gènes différents et de comprendre leurs relations avec l’environnement. Des arbres décisionnels d’aide au diagnostic clinique et génétique (Fig. 3 et 4), basés sur les données actuelles de la littérature, sont proposés pour essayer d’éclairer cette large variabilité phénotypique (Fig. 5, 6, 7).
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Conservation de l'anatomie
Teinte clinique
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BRUN/BLANC CRAYEUX
OUI
OUI Pertes de substance généralisées
Aspect radiologique
Pertes de substance ponctuelles
Anomalies morphologiques
Amélogenèse imparfaite héréditaire type Associations décrites
JAUNE
HYPOPLASIQUE LOCALISÉE
Taurodontisme Béance antérieure Néphrocalcinose
Différence émail/dentine
Pas de différence émail/dentine
HYPOPLASIQUE GÉNÉRALISÉE
HYPOMINÉRALISÉE
HYPOMATURE
± ± ±
±
± ±
±
DIAGNOSTIC FINAL
Autres gènes candidats
Corrélation génotype/phénotype des mutations décrites
Mode de transmission
Diagnostic clinique
Figure 3. Arbre décisionnel. Aide au diagnostic clinique des altérations héréditaires de l’émail.
HYPOPLASIQUE
AD
Énaméline
AR
Lié à l'X
HYPOMINÉRALISÉ
AD
AR
Amélogénine
?
Lié à l'X
Amélogénine
HYPOMATURE
AD
Kalikréine 4
?
AR
Lié à l'X
Amélogénine
?
Améloblastine, amélogénine, énaméline, énamélysine, tuftéline
Figure 4. Arbre décisionnel. Aide au diagnostic génétique des amélogenèses imparfaites héréditaires. AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; lié à l’X : lié au chromosome X.
Amélogenèses imparfaites héréditaires à transmission autosomique dominante AIH2 (MIM 104500) La majorité des amélogenèses imparfaites héréditaires sont transmises selon un mode autosomique dominant, avec une variabilité d’expressivité (c’est-à-dire une atteinte variable selon les sujets d’une même fratrie). Le gène incriminé, l’énaméline (ENAM), est porté par le chromosome 4 sur le locus q21 (Fig. 8). [40] Ce chromosome est
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connu pour coder un groupe de gènes de structure des tissus minéralisés (osseux, dentinaires et amélaires) regroupés sous le nom de SIBLING. Six protéines : l’ostéopontine, la sialophosphoprotéine dentinaire, la protéine matricielle dentinaire 1, la sialoprotéine osseuse, la MEPE et l’énaméline présentent une organisation très proche et dérivent sans doute d’un même gène ancestral. [7] La liaison entre ce locus et l’AIH2 a été établie par Karrman et al. [41] Stomatologie
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Tableau 1. Classification clinique des amélogenèses imparfaites héréditaires selon Witkop [34] modifiée par Nusier. [35] Type I : Hypoplasique IA : hypoplasie piquetée, AD IB : hypoplasie localisée, AD IC : hypoplasie localisée, AR ID : hypoplasie, lisse, AD IE : hypoplasie, lisse liée à l’X dominant IF: hypoplasie rugueuse AD IG : émail agénésique, fin généralisé, AR Type II : Hypomature IIA : hypomature, pigmentée, AR IIB : hypomature, liée à l’X récessif IIC : couronne coiffée d’un émail blanc opaque, lié à l’X IID : couronne coiffée d’un émail blanc opaque, AD Type III : Hypominéralisée IIIA : AD IIIB : AR Type IV : Hypomature-hypoplasique avec taurodontisme IVA : hypomature-hypoplasique avec taurodontisme, AD IVB : hypoplasique-hypomature avec taurodontisme, AD AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; lié à l’X : lié au chromosome X. Hypoplasique : caractérisée par une épaisseur réduite d’émail, dont l’aspect radiologique est normal. Hypomature : caractérisée par une épaisseur d’émail normale, mais d’apparence marbrée et plus molle. À la radiographie, l’émail se distingue de la dentine. Hypominéralisée : caractérisée par une épaisseur d’émail normale, de teinte jaune-orangé, plus molle se détachant de la dentine et ne se distinguant pas la dentine radiographiquement.
Les mutations du gène de l’énaméline, situées dans la région q11-q21 rapportées à ce jour, donnent une forme sévère lisse et hypoplasique d’amélogenèse imparfaite associée ou non à une béance antérieure (Fig. 9). [42-47] Cependant, plusieurs gènes autres candidats proposés sur les bases de leur expression dans les améloblastes ont été envisagés : l’améloblastine (appelée aussi améline et sheathline), la tuftéline (1q21), l’énamélysine (11q 22.3-q23). Et d’autres candidats restent à trouver, Hart et al. décrivant un cas sans liaison avec ces gènes. [48] Amélogenèses à transmission autosomique récessive (MIM 204650) Les amélogenèses à transmission autosomique récessive, beaucoup plus rares, ont complété la classification de Witkop. [35] On peut distinguer les formes hypoplasiques généralisées à émail fin (correspondant à la forme « agénésie de l’émail » selon Witkop) et les formes localisées. [49] Une des mutations de l’énaméline est impliquée dans cette forme récessive et associe une béance antérieure. [44] Récemment, Hart et al. [50] ont découvert un gène responsable d’une forme récessive d’amélogenèse imparfaite de type hypomature, celui de la kallikréine 4 porté par le chromosome 19 au locus q13.4. Ce gène code pour une protéine de la famille des sérineprotéases intervenant dans la maturation de l’émail. Ainsi, les cristaux d’émail formés sont de longueurs normales, mais ont une croissance latérale incomplète. Amélogenèses imparfaites liées au chromosome X : AIH1 (MIM 301200) et AIH3 (MIM 301201) Une minorité de pathologies AIH a un trait dominant lié au chromosome X. La reconnaissance du caractère lié au chromosome X se fonde sur la sévérité moindre des anomalies amélaires chez les femmes comparées à celles des hommes, et sur une transmission systématique du père à la fille et de la mère indifféremment à la moitié de ses fils ou de ses filles. L’aspect strié de l’émail chez les femmes portant une mutation à l’état hétéroStomatologie
zygote est pathognomonique et reflète le phénomène de lyonisation. [51, 52] Des plages d’émail anormal (site d’expression du gène muté) alternent avec des plages saines (site d’expression du gène sauvage). Les hommes présentent un émail profondément altéré, le seul exemplaire d’AMEL-X porté étant muté. Le chromosome Y porte aussi un gène codant pour l’amélogénine en q11 (AMEL Y) qui n’a pas été impliqué dans les AIH. [53] Son faible niveau d’expression (1/10) ne peut compenser le défaut porté par le chromosome X. De nombreux tableaux cliniques sont décrits : • la teinte des dents est toujours perturbée, allant du jaune au brun, avec ou sans opacités ; • la morphologie peut être normale ou donner des microdonties par manque d’épaisseur de l’émail ; • la surface peut être lisse ou rugueuse. Cette forme d’AIH est hétérogène génétiquement. Deux loci en lien avec les AIH ont été identifiés sur le chromosome : le premier est le gène de l’amélogénine en position Xp22.3-22.1 (AMEL-X pour AIH1) sur lequel 14 mutations ont été décrites depuis 1991 (Fig. 10). [54-66] Le second est localisé sur le bras long Xq22-q28 pour l’AIH3. Pour ce dernier, aucune mutation n’a été mise en évidence et le gène n’est pas connu. [67] La forme d’AIH1 est la plus ancienne et la mieux caractérisée des AIH. Elle fonde son antériorité sur celle de la découverte pionnière dans le domaine dentaire du gène de l’amélogénine en 1983 [68] qui explique l’accumulation de données sur une forme clinique relativement rare. Depuis la première évidence d’une délétion des deux tiers du gène [49] (première mutation historique dans l’odontogénétique), les mutations répertoriées incluent d’autres délétions mineures, des faux-sens, des changements de cadre de lecture et l’introduction de codons stop prématurés (Fig. 10). Ainsi, les mutations bloquant la sécrétion d’amélogénines induisent une réduction de l’épaisseur de l’émail par absence de matrice extracellulaire, donnant une forme hypoplasique marquée. Ces premières données permettent aussi d’attribuer un rôle pour les régions modifiées par les mutations. Certains domaines protéiques hydrophobes semblent essentiels à des phénomènes de coopération moléculaire, clés de l’assemblage des ions minéraux lors du processus de biominéralisation amélaire. Ces motifs sont d’ailleurs conservés dans la phylogenèse, illustrant leur importance fonctionnelle. [69] En effet, la conservation de la denture, et donc d’une qualité d’émail inaltérée, est un caractère essentiel à la survie animale. Les anomalies des domaines N-terminaux produisent des formes hypominéralisées/hypomatures. Les anomalies des domaines C-terminaux génèrent des hypoplasies. [62] Malgré ce premier décryptage, les relations précises entre le génotype et le phénotype ne sont pas encore bien comprises. La mise au point de méthodes d’exploration in vitro [70] et in vivo (invalidation fonctionnelle du gène ; [22] surexpression de formes délétées dans les domaines N- et C-terminaux de la protéine [71] ) amorce l’exploration physiopathologique du dysfonctionnement des amélogénines. Quelques indications permettent d’élucider le phénotype des AIH1 et définissent la nature des informations supplémentaires à rechercher en clinique. L’invalidation fonctionnelle du gène de l’amélogénine génère un phénotype mimant une AIH1 avec un émail fin, mal minéralisé et présentant des défauts d’architecture. D’un point de vue structural, l’émail constitue un exemple exceptionnel d’autoassemblage extracellulaire à distance d’un contrôle cellulaire qui le distingue de l’os, de la dentine et du cément. Les amélogénines forment des nanosphères. Celles-ci s’assembleraient en longs rubans parallèles aux cristaux d’hydroxyapatite et guideraient leur croissance. Cet édifice s’organise en modules minéraux qui fusionnent selon l’axe c du cristal. Ces cristaux sont disposés par groupes parallèles au sein de domaines intra- et interprismatiques. L’interaction avec d’autres protéines, dont l’améloblastine/améline/sheathline, déterminerait ces champs amélaires. Ce modèle se fonde sur des données descriptives concernant la distribution et le schéma de dégrada-
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Figure 5. Phénotypes cliniques des amélogenèses imparfaites de type hypoplasique. Cas 1 : A. Photographie intrabuccale. B. Radiographie panoramique. C et D. Agrandissement du secteur molaire mandibulaire droit et gauche montrant les plages d’hypoplasie. E. Coupe histologique en microscopie optique de la pointe cuspidienne de la première molaire temporaire mandibulaire droite (× 100). F. Agrandissement de l’émail du versant cuspidien. On note l’absence de structure prismatique de l’émail (e = émail, d = dentine × 420). G. Coupe histologique témoin en microscopie optique de la pointe cuspidienne d’une molaire temporaire (× 100). H. Agrandissement au niveau du versant cuspidien, l’émail présente une structure prismatique caractéristique (e = émail, d = dentine × 420). Cas 2 : I. Photographie de l’incisive latérale maxillaire droite montrant un émail hypoplasique piqueté généralisé. J. Photographie intrabuccale. K. Radiographie panoramique. L. Agrandissement de la radiographie panoramique montrant les anomalies de forme des couronnes des germes dentaires associées à des hypoplasies amélaires.
tion, mais il reste à valider expérimentalement. Par ailleurs, les amélogénines, conçues originellement comme des protéines de structure exclusivement sécrétées par les améloblastes, se révèlent être aussi des facteurs de croissance et de différenciation aussi puissants que les protéines morphogénétiques osseuses. D’autres cellules de la dent les expriment : les odontoblastes qui élaborent la dentine [21, 72] et les cellules épithéliales résiduelles de l’organe de l’émail présentes dans le parodonte adulte. [21] Leur propriété d’ostéo-induction associée au déclenchement de l’expression de facteurs de transcription a été établie in vitro et in vivo [73] et sont utilisées dans certaines thérapeutiques réparatrices parodontales. [74] Les amélogenèses imparfaites peuvent également s’accompagner d’autres anomalies dentaires (taurodontismes, calcifications pulpaires, défauts d’éruption), anomalies squelettiques (béance, malocclusion de classe III), ainsi que d’hyperplasies et d’inflammations gingivales dont les étiologies restent à définir. [75-77]
De la dentine La classification des altérations dentinaires a été établie par Shield 1973. [78] Il distinguait trois types de dentinogenèse imparfaite (DGI-I à III) et deux types de dysplasie dentinaire (DD). Les données récentes de la génétique permettent de simplifier cette classification en montrant que certaines de ces entités, différenciées sur une base clinique, ne représentent en fait qu’une variabilité d’expressivité de la même pathologie moléculaire. [79] Ainsi, les altérations isolées de la dentine sont la dentinogenèse imparfaite (regroupant DGI-II, DGI-III et DD-II) et la dysplasie dentinaire (DD-I).
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La DGI-I sera abordée ultérieurement dans les formes syndromiques d’atteinte dentinaire. Dentinogenèse imparfaite (anciennement maladie de Capdepont) : phénotypes associés au gène de la sialophosphoprotéine dentinaire (DSPP) (MIM 125490) (Fig. 11, 12) La dentinogenèse imparfaite dite de type II selon Shield est l’atteinte dentinaire la plus fréquente. Elle touche 1/6 000 à 1/8 000 individus (valeurs non corrigées depuis Witkop 1975 [80] ). De transmission autosomique dominante, cette pathologie affecte la denture temporaire et permanente à des degrés variables selon la sévérité de l’altération de la protéine qu’engendre la mutation. Cliniquement, la dentinogenèse imparfaite se caractérise par une teinte brun-bleuté et une opalescence des dents. L’émail a tendance à se détacher, exposant ainsi la dentine. Au sein d’une même famille, les pertes de substance par attrition varient de la simple facette d’usure à une perte coronaire subtotale. La denture temporaire présente une atteinte plus marquée que celle de la denture permanente. L’aspect radiologique est pathognomonique : les couronnes apparaissent globuleuses en raison de l’importante constriction cervicale (au niveau de la jonction amélocémentaire) et de la finesse des racines. La légère diminution de la taille des racines, parfois observée, est due à la diminution de l’épaisseur de la dentine. Les chambres pulpaires sont souvent absentes et les canaux radiculaires partiellement, voire totalement oblitérés. Cette oblitération résulte d’une apposition dentinaire postéruptive. Des lésions périapicales, éventuellement Stomatologie
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Figure 6. Phénotypes cliniques des amélogenèses imparfaites de type hypomature. Cas 1 : A. Photographie intrabuccale montrant un émail blanc crayeux. B. Radiographie panoramique. C. Agrandissement de la radiographie panoramique permettant de voir une différence de contraste entre l’émail et la dentine. Cas 2 : D. Photographie intrabuccale montrant un émail brun. E. Photographie intrabuccale des incisives mandibulaires. F. Photographie intrabuccale du secteur prémolaire molaire mandibulaire gauche. Cas 3 : G. Photographie intrabuccale montrant un émail strié blanc/brun. H. Radiographie panoramique. I. Photographie intrabuccale du secteur prémolaire mandibulaire gauche. J. Photographie intrabuccale occlusale maxillaire. K. Photographie intrabuccale occlusale mandibulaire.
dues à la pénétration de bactéries via les canalicules dentinaires en communication avec la cavité buccale ou à la nécrose pulpaire induite par l’oblitération, sont parfois retrouvées. [81] Le rôle de « recruteur de neutrophiles » par la sialoprotéine dentinaire et la phosphoprotéine dentinaire mis en évidence par Silva et al., [82] pourrait expliquer la susceptibilité à la nécrose pulpaire de certains patients atteints de dentinogenèse imparfaite. Les analyses de liaison de Crosby et al., [83] puis les travaux de Mac Dougall et al. [84] ont permis de déterminer le gène responsable dans cette pathologie. Il s’agit d’une protéine de structure de la dentine impliquée dans la minéralisation, la Stomatologie
sialophosphoprotéine dentinaire (DSPP). Le gène de la DSPP est porté par le bras long du chromosome 4 au locus q21. Il appartient au groupe des SIBLING qui réunit des gènes codant pour des protéines de minéralisation des tissus dentaires (émail, dentine) et osseux. [7] La dysplasie dentinaire de type II (MIM 125420) ou dysplasie coronaire décrite par Shield et al. [78] (1973), n’atteint que la denture temporaire. Elle s’avère être, au vu de la génétique, l’expression de différentes mutations du gène de la dentinogenèse imparfaite. [85, 86] Rajpar et al. [87] ont ainsi mis en évidence une mutation de la DSPP dans une famille initialement décrite comme atteinte de dysplasie dentinaire de type II.
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Figure 7. Phénotypes cliniques des amélogenèses imparfaites de type hypominéralisé. Cas 1 : A. Photographie intrabuccale montrant une teinte brune des dents (les secteurs antérieurs ont été restaurés au composite). Noter l’importance de la béance. B. Radiographie panoramique. C. Agrandissement de la radiographie panoramique montrant l’absence de contraste entre la dentine et l’émail. Cas 2 : D. Photographie intrabuccale montrant une teinte brune des dents permanentes. E. Photographie intrabuccale du secteur mandibulaire droit. Cas 3 : F. Photographie intrabuccale montrant un émail hypominéralisé et hypoplasique.
D4S409
P
q13-q21
Gc ALB
D4S409 Locus de AIH 2 D4S2421 Gc/D4S1543 ALB D4S1517 D4S2689 D4S2689
INP10 D4S451 D4S2690
q
ENAM AMBN
Locus de DDII 4.cM D4S2691
D4S400 D4S400
D4S2691 SPP1 Locus de D4S2692 DGI-II Locus de DGI-III
DSPP DMP1 IBSP MEPE
Figure 8. Chromosome 4 et anomalies dentaires de structure (d’après Mac Dougall [40]). La région q13-q21 du grand bras du chromosome 4 porte de multiples gènes impliqués dans la structure des tissus dentaires amélaires et dentinaires : la sialophosphoprotéine dentinaire (DSPP), l’améloblastine (AMBN) et l’énaméline (ENAM). Ainsi la dentinogenèse imparfaite (I et II), la dysplasie dentinaire de type II (DD II) et l’amélogenèse imparfaite héréditaire AIH2 sont liés à cette région chromosomique. De plus, les gènes du groupe SIBLING’S sont regroupés dans cette région (MEPE, sialoprotéine osseuse ou IBSP, protéine matricielle dentinaire ou DMP1, DSPP). À proximité se trouvent deux gènes potentiellement impliqués dans l’amélogenèse imparfaite énaméline et améline/ améloblastine/sheathline. Cette localisation et la structure de ces gènes suggèrent l’existence d’un gène ancestral dont l’organisation exonique serait conservée.
Witkop [80] distingue également un troisième type de dentinogenèse imparfaite, la dentinogenèse imparfaite de type III (MIM 125500). Ce phénotype est décrit dans une population triraciale d’un isolat du Maryland appelé Brandywine. L’incidence de la pathologie est très forte dans cette population : 1/15 individus. L’atteinte dentaire correspond à une dentinogenèse imparfaite. La différence majeure par rapport à la dentinogenèse imparfaite de type II se situe au niveau pulpaire. En effet, ces patients présentent un élargissement du volume pulpaire coronaire et radiculaire au détriment du tissu dentinaire dont l’aspect radiologique est qualifié de « dents en coquillage » (« Shell teeth »). Ces deux formes de dentinogenèse imparfaite (II et III) peuvent être retrouvées au sein d’une même famille. Les études de liaison génétique de Mac Dougall et al., [88] ont montré que le locus de cette pathologie se situe bien entre les mêmes
10
marqueurs que ceux de la dentinogenèse imparfaite de type II et qu’elle lui est donc probablement allélique. Le gène de la sialophosphoprotéine dentinaire, porté par le chromosome 4 au locus 4q21.3, code pour une protéine clé de la dentinogenèse [89] qui, par clivage enzymatique, donne deux protéines : la sialoprotéine dentinaire (DSP) et la phosphoprotéine dentinaire (DPP). [90] Cette dernière existe sous différentes isoformes selon son degré de phosphorylation. Elle serait impliquée dans la minéralisation de la dentine. [91-93] En effet, quand la phosphoprotéine est immobilisée sur un support stable in vitro et in vivo, en présence d’une solution supersaturée de phosphates et de calcium, elle initie la formation des cristaux d’hydroxyapatite à faible concentration et en inhibe la croissance à plus forte concentration. [94] Huit mutations ont été rapportées à ce jour (Fig. 13). [87, 95-100] Sept intéressent la partie codant pour la DSP, et une seule concerne la région codant pour le DPP. Ces sept mutations donnent un phénoytpe de dentinogenèse imparfaite de type II tandis que la dernière donne un phénotype de type Brandywine. [99] On peut ainsi confirmer que les dentinogenèses imparfaites de type II et III sont des variations alléliques. La DSP n’est pas directement impliquée dans la minéralisation et pourtant on retrouve un phénotype dentaire. Ces mutations peuvent altérer le patron d’expression, la localisation ou encore la phosphorylation de la DPP. La DSP pourrait en effet permettre le transport de la DSPP jusqu’au front de minéralisation où son clivage libèrerait une forme protéique active. Elle pourrait encore jouer un rôle de protéine signal. Rajpar et al. [87] ont été les seuls généticiens à étudier, sur le plan moléculaire, les conséquences de la mutation décrite. Cette mutation, affectant le peptide signal, altère la translocation de la DSPP dans le réticulum endoplasmique et diminue la quantité de protéines sécrétées. D’un point de vue expérimental, il a été également montré qu’une surexpression du transforming growth factor b1 (TGF-b1), générant une diminution de la DSPP, conduit à une hypominéralisation dentinaire. De même, on observe fréquemment une augmentation des protéoglycanes dans les zones hypominéralisées des souris invalidées pour la DSPP. [101] Dysplasie dentinaire de type I ou radiculaire Il s’agit d’une affection autosomique dominante (MIM 125 400) rare (1/100 000 [80]) et affectant les deux dentitions. Cliniquement, les dents ont une taille, une morphologie et une teinte normales (quelques dyschromies sont parfois rapportées). Les premiers signes de la maladie sont des mobilités et des Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Mutations
Localisation
g.6395G->A
Intron 8
g.2382A->T
Exon 4
g.13185_13186insAG
Exon 10
1
2
Protéine
Phénotype
p.A158_Q178del Exclusion de l'exon 7 p.K53X Protéine tronquée
Hypoplasique sévère (AD) Hypoplasique localisé (AD)
p.P422fsX448
Hypoplasique picté (AR)
Hart et al. 2003 [44] Kida et al. 2002 [45] Hart et al. 2003 [46] Kim et al. 2005 [47] Kim et al. 2005 [47]
3
ÉNAMÉLINE 4
5
g.8344delG
Intron 9
p.N97fsX277
Hypoplasique picté (AD)
g.4806A>C
Intron 6
p.M7-Q157del
Hypoplasique (AD)
4q13.3
2
5
1
4
Références Rajpar et al. 2001[42] Mardh et al. 2002 [43]
3
5' Exon 1
3' Exon 2/3/4/5
Exon 6 Exon 7
Exon 8 Exon 9
Exon 10
Figure 9. Mutations du gène codant pour l’énaméline. AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.
pertes prématurées des dents, spontanément ou suite à un traumatisme très mineur. En effet, les racines sont anormalement courtes, voire absentes. Leur forme est caractéristique, conique et pointue à l’apex, leur donnant un aspect trapu, globulaire. Les dents pluriradiculées présentent fréquemment un taurodontisme sévère, correspondant à la fusion des racines sur une importante hauteur. Les chambres pulpaires ainsi que les canaux sont oblitérés par un tissu d’aspect dentinaire. L’oblitération pulpaire peut n’être que partielle. Dans ce cas, l’atteinte radiculaire est modérée (Fig. 14). Certaines dents présentent une ligne radioclaire, simple ou double, en forme de croissant ou de demi-lune, parallèle à la jonction amélocémentaire, en guise de réminiscence pulpaire. [81, 102, 103] Enfin, on note la présence de nombreuses lésions périapicales, souvent sans connexion avec une quelconque affection carieuse. La physiopathologie de cette dysplasie radiculaire et ses fondements moléculaires restent flous. Certains incriminent la composante épithéliale qui, par invagination, a un rôle de création de la longueur de la racine, et d’autres, la composante mésenchymateuse à l’origine de la formation de la dentine radiculaire. [104]
Anomalies de structure non isolées ou syndromiques Émail Amélogenèse imparfaite associée à une néphrocalcinose Cinq cas de néphrocalcinose ont été rapportés dans la littérature en association avec une amélogenèse imparfaite hypoplasique généralisée et hypominéralisée/hypocalcifiée. [105109] Les tableaux cliniques montrent une microdontie, un émail jaune très hypoplasique, voire des résorptions coronaires, des retards d’éruption ou des dents retenues et une gencive hyperplasique. L’échographie rénale met en évidence une néphrocalcinose bilatérale souvent asymptomatique. Ces néphrocalcinoses passent longtemps inaperçues et sont recherchées en cas d’énurésie, d’infections urinaires récurrentes, de pyélonéphrites ou lors de passage d’un calcul dans l’urine. Les taux sériques de Stomatologie
calcium, de phosphate, de 2(OH) vitamine D3, de phosphatase alcaline, d’hormone paratyroïdienne (PTH) et d’ostéocalcine sont normaux. En revanche, les taux urinaires de calcium et de citrate sont diminués. Tous les cas rapportés ont une transmission autosomique récessive. La fréquence de cette affection pourrait être sous-estimée car l’atteinte rénale, le plus souvent silencieuse, n’est pas recherchée systématiquement dans les AIH. La protéine mutée n’est pas encore connue, il devrait s’agir d’une protéine commune entre la dent et le rein, probablement une protéine impliquée dans les transports de phosphate et de calcium. L’albumine, l’ostéopontine et la calbindine-D28k ont été évoquées. Ces trois protéines interviennent dans le métabolisme calcique et la physiopathologie de la dent et du rein. Amélogenèse imparfaite associée à un désordre rétinien Deux cas d’amélogenèse imparfaite ont été associés à une dystrophie des cônes et bâtonnets. Ces patients souffrent de photophobie, de nystagmus dans les premières années de vie ainsi que d’altérations de la vision des couleurs (dyschromatopsie) et une perte de la vision centrale conduisant rapidement à une acuité visuelle très faible. [110, 111] Ces patients présentent une forme récessive hypoplasique hypominéralisée d’amélogenèse imparfaite (MIM 217080). Le locus de cette pathologie a été localisé sur le chromosome 2 en q11. [112] Le gène CNGA3 (codant pour la sous-unité a du cGMP des canaux ioniques des photorécepteurs des cônes) a été suspecté, mais aucune mutation n’a été mise en évidence. Deux autres gènes constituent des candidats potentiels : INPP4A (inositol-polyphosphate-4phosphatase) et LYG2 (codant pour une lysozyme). [111]
Syndrome tricho-dento-osseux Cette pathologie, autosomique dominante, présente un tableau clinique dentaire très proche de l’amélogenèse imparfaite (MIM 190320). Cependant, le diagnostic différentiel est rapidement réalisé au vu des autres manifestations de ce syndrome. En effet, ces patients présentent des cheveux frisés à la naissance, se raidissant avec l’âge, et des atteintes osseuses (augmentation de la densité des os craniofaciaux, et une typologie de face longue). [113] Les altérations des os et des
11
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
Mutations 1
Localisation
Protéine
Phénotype
Exon 2
p.W4X
Hypoplasique lisse
p.15-A8delinsT Perte de 4 AA remplacés par une thréonine dans le peptide signal
Hypoplasique lisse
g.11G>4
2
g.14_22
Exon 2
3
g.1148_*47del
Exon 3-6
4
g.3455delC
Exon 5
AMÉLOGÉNINE
5
g.3458delC
Exon 5
6
g.3781C>4
Exon 6
7
g.3803A>T
8
g.3958delC
Exon 6
9
g.3993delC
Exon 6
Xp22.1 10
g.4046delC
Exon 6
p.0 Protéine sévèrement tronquée p.T51I Perte d'un site de phosphorylation p.P52fsX53 Codon stop prématuré=>protéine tronquée au résidu 74
p.P70T (extrémité N-terminale)
p.H77L Extrémité N-terminale proche du site de clivage de MMP-20 p.H129fsX187 Codon stop en 126 p.Y141fsX187 Modification de l'extrémité N-terminale p.P158fsX187 Codon stop en 126 => protéine tronquée des 18 AA terminaux p.L181fsX187 Codon stop en126, perte des 18 AA terminaux p.E191X Codon stop => protéine tronquée de 15 AA
LagerströmFermer et al. 1995 [54]
Hypominéralisation
Lagerström et al. 1991[56]
Hypoplasie
Lench et Winter 1995 [57]
Hypoplasique/ hypominéralisé
Aldred et al. 1992 [58]
Hypomature
Collier et al. 1997 [59] Hart et al. 2000 [60] Ravassipour et al. 2000 [61]
Hypominéralisé
Hart et al. 2002 [62]
Hypoplasique lisse
Sekiguchi et al. 2001[54]
Hypoplasique lisse
Greene et al. 2002 [63]
Hypoplasique lisse
Lench et Winter 1995 [57] Aldred et al. 2002 [64]
Hypoplasique/ hypominéralisé
Kindelan et al. 2000 [65] Hart et al. 2002 [62]
Hypoplasique
Lench et Winter 1995 [57]
11
g.4114delC
Exon 6
12
g.4144G>T
Exon 6
13
g.2T>C
Exon 2
p.M1T
Hypoplasique
Kim et al. 2004 [66]
14
g.11G>C
Exon 2
p.W4S (dans le peptide signal)
Hypoplasique
Kim et al. 2004 [66]
1 2 13 14
3
4 5
6
8
9
10 11
12
5'
3' Exon 1 Exon 2 Exon 3 Figure 10.
Exon 4 Exon 5 Exon 6
Exon 7
Mutations du gène codant pour l’amélogénine. AA : acide aminé.
cheveux sont inconstantes et parfois non décelables. Seule l’altération dentaire est constante. En effet, l’observation dentaire montre un émail hypoplasique générant une microdontie de sévérité variable, mais surtout un taurodontisme des dents pluriradiculées permettant de les différencier de la majorité des AIH isolées. [114] Le locus de cette pathologie se situe sur le chromosome 17 en q21.3-q22, région codant pour deux homéogènes DLX 3 et
12
Références Sekiguchi 2001[54]
DLX7. [115] Des mutations ont été décrites sur DLX3. [116, 117] DLX7 ne semble pas impliqué dans cette pathologie. Une analyse du développement osseux a montré que les sites d’ossification endochondrale sont affectés comme ceux d’ossification membraneuse. Des travaux fonctionnels sur Dlx3 [118] et une cartographie des facteurs de transcription (Ghoul-Mazgar et al., 2005) montrent que l’ensemble des cellules élaborant des tissus minéralisés en sont des cibles. Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Phénotype clinique
Denture temporaire
Denture permanente
{
Dents opalescentes brun-bleuté Attrition variable
Dents opalescentes brun-bleuté Attrition variable
Teinte, forme et taille normales
pulpaire { Oblitération Racines courtes
Dysplasie dentinaire de type I (Radiculaire) (DD-I)
Gène
Denture permanente
{
Teinte, forme et taille normales Mobilité importante
?
Omim
Diagnostic
Denture temporaire
Phénotype radiologique
Figure 11. Phénotypes de dentinogenèse imparfaite de type II (avec l’aimable autorisation du docteur V. Roy, service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie Garancière). A, C, D et E. Photographies intrabuccales de dents atteintes de DGI II. On note la teinte caractéristique ambrée, bleutée, opalescente des dents associée ou non à une attrition des couronnes. B et D. Radiographies panoramiques de patients atteints de DGI II. On note la forme globulaire des couronnes des prémolaires et molaires et l’oblitération totale de la pulpe. G. Macrophotographie d’une dent atteinte de DGI II. On note une absence de volume pulpaire (× 1,8). H. Coupe histologique en microscopie optique montrant une dentine dysplasique avec des canalicules éparses d’organisation anarchique (× 210). I. Coupe histologique en microscopie optique montrant la présence des inclusions cellulaires au sein de la dentine oblitérant le volume pulpaire (× 420). J. Coupe histologique témoin de dentine montrant la structure canaliculaire typique de la dentine circumpulpaire (× 420).
125400
Oblitération pulpaire Volume pulpaire élargi partielle ou totale
{
Oblitération pulpaire totale Oblitération pulpaire partielle
Dentinogénèse imparfaite (DGI-II) Phénotype de l'isolat de Brandywine (DGI-III)
Dysplasie dentinaire de type II (coronaire) (DD-II)
SIALOPHOSPHOPROTÉINE DENTINAIRE
125500
125490
125420
Figure 12. Arbre décisionnel. Aide au diagnostic des altérations héréditaires de la dentine.
Stomatologie
13
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
Mutations
Substitution C > T codon 45
1
DSPP
Localisation
2
Transversion CCA > ACA codon 17
3
Transversion G > T codon 18
Exon 3
Protéine
Phénotype
Références
Q45X (insertion codon stop exon 3)
?
Zhang et al. 2001[95]
P17T
DGI-II + DFNA 39
Xiao et al. 2001[96]
DGI-II + DFNA 39
Xiao et al. 2001[96]
DGI-II et III
Kim et al. 2001[97]
Exon 2
V18F
Exon 3
4
Transition G > A Intron 3
Intron 3
Perte de l'exon 3
DGI-II + DFNA 39
Xiao et al. 2001[96]
5
Transversion T > G codon 6
Exon 2
Y6D
DD-II
Rajpar et al. 2001[87]
6
Transition C > T Codon 15
Exon 2
A15V
DGI-II - DFNA 39
Malmgren et al. 2004 [98]
7
Transversion A > T
Exon 4
R68W
DGI-II - DFNA 39
Malmgren et al. 2004 [98]
8
Délétion 36bp, insertion 18bp
Exon 5
DGI-III
Dong et al. 2001[99]
9
Substitution C > G nucléotide 1188
Intron 2
DGI-II + DFNA 39
Kim et al. 2004 [100]
4q21.3
6 5
2 9 31
4
7
8
5'
3' Exon 1
Exon 2 Exon 3
Exon 4
Exon 5
DSP DPP
Figure 13. Mutations du gène codant pour la sialophosphoprotéine dentinaire (DSPP) décrites dans des familles atteintes de dentinogenèse imparfaite de type II et III associées ou non à des pertes d’audition (DFNA 39).
Ia
Ib
Ic
Id
C
Figure 14. Dysplasie dentinaire de type I radiculaire. A. Radiographie panoramique d’un patient atteint de DDI (avec l’aimable autorisation de la faculté de médecine dentaire d’Aman, Jordanie). B. Coupe histologique sagittale de la 46 montrant l’oblitération pulpaire totale. C. Classification des dysplasies dentinaires de type I proposée par O’Carroll et al., 1991.
Autres associations Outre ces trois pathologies très caractéristiques, la littérature contient de nombreuses descriptions de cas cliniques réunissant une amélogenèse imparfaite à des manifestations syndromiques. Un tableau (Tableau 2) tente de récapituler les syndromes les plus représentatifs.
14
À cette liste s’ajoute aussi des cas sporadiques associant une dysplasie de l’émail et une dysplasie squelettique (platyspondylie), [119] des carcinomes des glandes salivaires, des pertes d’audition, [120] une anomalie cérébrale, des cataractes bilatérales, [121] une onycholyse avec hyperkératose, ou encore des hypofonctions des glandes sudoripares. [122] Stomatologie
Stomatologie
Tableau 2. Syndromes associés à des altérations de l’émail. Syndrome
OMIM
Transmission
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
Syndrome amélo-onychohypohidrotique
104570
AD
– Onycholyse
– Émail hypoplasique et hypocalcifié
– Kératose pilaire
– Rétention dentaire
Locus (gène), protéine
– Dermatite séborrhéique – Hypohidrose Syndrome LADD (lacrimoauriculo-dento-digital)
149730
AD
– Atrésie des canaux lacrymaux
– Hypominéralisation de l’émail
– Anomalie du pouce (hypoplasie, absence, pouce digitiforme triphalangé)
– Hypodontie
– Pavillon de l’oreille malformé
– Incisives en tournevis
– Microdontie
– Surdité neurosensorielle – Agénésie/hypoplasie des glandes salivaires Lenz-Majewski (nanisme hyperostotique)
151050
AD
– Sclérose et hyperostose progressive et généralisée du squelette
Dysplasie de l’émail
– Retard de fermeture des fontanelles – Retard statural – Retard mental – Excès de peau, avec lit veineux trop visible – Brachydactylie avec syndactylie Michaels
603641
AD
– Surdité neurosensorielle
AIH
– Carcinome neuroendocrine des glandes salivaires Syndrome ODDD
164200
AD
(dysplasie oculo-dento-digitale)
– Nez fin avec hypoplasie des ailes
– Hyperplasie de la mandibule
6q21-q23.2
– Microphtalmie, microcornée, cataracte
– Microdontie
(GJA1)
– Syndactylie des 3e, 4e et 5e doigts
– Amélogenèse imparfaite
Connexine-43
– Cheveux fins – Anomalies neurologiques : spasticité, calcifications cérébrales Pili torti-hypoplasie de l’émail Sclérose tubéreuse
AD 191100
AD
– Pili torti
– Hypoplasie de l’émail
– Kératose pilaire
– Microdontie
– Épilepsie
9q34 (TSC1)
– Retard mental inconstant
16p13.3 (TSC2)
– Angiofibromes cutanés – Angiomyolipome rénal – Retard d’apprentissage Syndrome de Prader-Willi
176270
AD
– Stature courte
– Hypoplasie de l’émail des dents surnuméraires
240300
AR
– Maladie d’Addisson
Protéine ribonucléaire N – Hypoplasie de l’émail
± hypoparathyroïdie ± candidose mucocutanée chronique
CIA : communication intraventriculaire ; CAV : communication auriculoventriculaire ; CA : communication auriculaire ; AIH : amélogenèses imparfaites héréditaires.
21q22.3 (AIRE) Auto-immune regulator gene
15
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Syndrome APECED (polyendocrinopathie autoimmune, candidose et dysplasie ectodermique)
15q11.1-q12 (Snrpn)
absence de contribution – Obésité paternelle (délétion, – Hypotonie musculaire disomie uniparentale) – Hypogonadisme
Syndrome Syndrome d’Ellis Van Creveld
OMIM 225500
Transmission AR
(dysplasie chondroectodermique)
Manifestations cliniques – Nanisme à membre court (mésomélique)
Anomalies dentaires – Freins gingivaux multiples
Locus (gène), protéine 4p16
– Polydactylie postaxiale ou mésoaxiale
– Dents néonatales
– Malformations cardiaques : CIA, CAV
– Hypominéralisation de l’émail
2 gènes en tandem (EVC1 et AVC2)
– Brachydactylie avec hypoplasie des ongles Épidermolyse bulleuse dystrophique (HallopeauSiemens)
226600
Syndrome de Kohlschutter
226750
AR
AR
– Lésions bulleuses récurrentes avec cicatrisation dystrophique et adhérences
– Épilepsie
– Anomalies buccales multiples (microstomie, ankyloglossie, atrophie du palais...)
3q21.3
– Légère hypoplasie de l’émail
Collagène VII
(COL7A1)
– Émail de type AIH hypocalcifié
– Régression psychomotrice dans l’enfance – Démence et décès prématuré – Ataxie et spasticité Maladie de Krabbe
245200
AR
– Maladie neurodégénérative létale dans l’enfance
(leukodystrophie à cellules globoïdes)
– Régression psychomotrice
Déficit en galactocéréboside-bgalactosidase
– Cécité et surdité progressives
Hypoplasies et hypominéralisation de l’émail
14q31 (GALC)
– Tétraparésie spastique progressive – Épilepsie rebelle
Syndrome LOGIC (laryngoonycho-cutaneous syndrome)
245660
Mucopolysacharidose IV
253000
AR
– Dystrophie des ongles et onycholyse
Émail de type AIH
– Lésions cutanées faciales ulcérohémorragiques AR
18q11.2 (LAMA3)
Hypoplasies amélaires
16q24.3
– Hypoparathyroïdie congénitale
– Microdontie
1q42-q43
– Retards de croissance et mental
– Hypoplasies amélaires
(TBCE)
– Dysostose multiplex
(Morquio type A et B)
– Platyspondylie sévère
Déficience en galactosamine-6sulfatase
– Déformation thoracique sévère – Infiltration des tissus mous – Opacités cornéennes – Surdité
Syndrome de Sanjad-Sakati
241410
AR
– Dysmorphies multiples – Faciès caractéristique (nez et yeux enfoncés, lèvres fines, micrognatie, microcéphalie, lobes des oreilles larges et souples) Verloes Syndrome de Goltz
601216 305600
(hypoplasie dermique focale)
AR XLD
– Retard statural modéré
– AIH
– Platyspondylie
– Hypodontie
– Syndrome complexe, souvent très asymétrique
– Asymétrie faciale
– Atrophie cutanée en plages, avec hernie du tissu graisseux et papillomes périorificiels
– Hypoplasies amélaires – Hypodonties
– Microphtalmie colobomateuse – Syndactylie, oligodactylie, hypoplasie des membres – Létal in utero chez le garçon Syndrome de Heimler Stomatologie
Trisomie 21
234580 190685
– Surdité neurosensorielle (progressive)
– Hypoplasie
– Leuconychie avec lignes de Beau
– Hypominéralisation de l’émail des dents permanentes
– Retard mental
– Hypominéralisation de l’émail
– Faciès typique
– Hypodontie
– malformation cardiaque (CA, CIV, ...) CIA : communication intraventriculaire ; CAV : communication auriculoventriculaire ; CA : communication auriculaire ; AIH : amélogenèses imparfaites héréditaires.
? Trisomie 21
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
16
Tableau 2. (Suite) Syndromes associés à des altérations de l’émail.
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Dentine Ostéogenèse imparfaite associée à une dentinogenèse imparfaite L’ostéogenèse imparfaite (OI) ou maladie de Lobstein ou maladie des os de verre survient chez environ un individu sur 10 000. L’ostéogenèse imparfaite se caractérise par une fragilité osseuse associée radiologiquement à une ostéoporose avec amincissement des corticales et ossification insuffisante de la voûte crânienne (donnant un aspect d’os wormiens aux clichés du crâne). Comme souvent dans ce type d’anomalies, les ostéogenèses imparfaites forment un groupe hétérogène divisé sur des critères radiologiques et cliniques en quatre types par Sillence et al. [123] Il s’y ajoute trois nouvelles formes dont les altérations ne concernent pas le collagène de type I. Dans le type II, létal, les fractures nombreuses surviennent dès la vie intra-utérine. Dans les types I, III et IV, elles surviennent surtout après l’acquisition de la marche, même si des fractures antepartales et postpartales peuvent s’observer. Très schématiquement, cette diversité se traduit par une atteinte osseuse allant d’une fragilité excessive avec des fractures plus ou moins nombreuses ou précoces (parfois plusieurs centaines au cours de la vie). Ces fractures peuvent entraîner des déformations des os (incurvation des os longs faisant penser à un rachitisme), des raccourcissements des os longs, des tassements vertébraux, une déformation de la voûte crânienne. Les sclérotiques sont souvent fines et bleutées (la finesse des conjonctives oculaires provoque un déplacement de la réfraction vers le bleu). Le plus souvent, on retrouve également un nanisme, une laxité ligamentaire et cutanée et une surdité (hypoacousie par malformation des osselets). Les ostéogenèses imparfaites de types I consistent en une diminution quantitative du collagène de type I tandis que les types II, III et IV cumulent une altération quantitative et qualitative. L’OI peut toucher uniquement l’os, sans altération dentaire associée, mais on retrouve également un continuum allant d’une dentine de structure apparemment normale à des formes sévères de dentinogenèse imparfaite. D’un point de vue terminologique, ces altérations dentinaires sont appelées dentinogenèse imparfaite pour certains et dents opalescentes pour d’autres. Le groupe de travail sur la nomenclature internationale et la classification des ostéochondrodysplasies (1997) recommande de parler de dents opalescentes quand les anomalies dentinaires sont associées à une ostéogenèse et de réserver le terme de dentinogenèse imparfaite quand il n’y a pas d’ostéogenèse imparfaite associée. La présence de dents opalescentes ne dépend pas du type d’ostéogenèse imparfaite. Toutes les atteintes du collagène de type I peuvent donner cette manifestation dentaire, la matrice dentinaire étant composée à 90 % de collagène de type I. Les ostéogenèses imparfaites sont liées à des altérations du collagène de type I. Le collagène est une protéine hétérotrimérique constituée par deux chaînes a1, et une chaîne a2. Ces trois chaînes constituent une triple hélice (a [I] 2 a [I]). Les gènes sont portés par les chromosomes 17 et 7 codant respectivement les chaînes a1 (COL1A1 17q21.31-q22) et a2 (COL1A2 7q22.1). Les mutations de ces gènes peuvent également donner d’autres pathologies : le syndrome d’Ehlers-Danlos pour le COL1A1 [124] et 1A2, [125] des ostéoporoses [126] et des dissections artérielles [127] pour le COL1A1. Plusieurs centaines de mutations ont été identifiées pour ces deux gènes. [128] Ces mutations peuvent être des insertions, des délétions, des substitutions, des faux-sens ou des décalages de cadre de lecture. Elles sont répertoriées dans la base de données de Dalgleish, [129] et retrouvées sur le site Internet http://www.le.ac.uk./genetics/ collagen/. La glycine est l’acide aminé le plus fréquemment substitué. Cela s’explique notamment par le fait qu’il représente 70 % des acides aminés du collagène. C’est le plus petit acide aminé hydrophobe, apolaire, permettant un minimum d’encombrement stérique et donnant une plus grande flexibilité à la chaîne protéique. Les acides aminés le remplaçant sont plus volumineux, voire chargés, ce qui modifie considérablement la configuration de la triple hélice de collagène. Stomatologie
Ces mutations, selon leur localisation et leur nature, peuvent gêner la formation intracellulaire, la sécrétion ou l’assemblage extracellulaire en fibrille du collagène conduisant aux nombreuses variations phénotypiques observées. Par voie de conséquence, ces défauts matriciels perturbent alors la minéralisation. Et pourtant, il est difficile d’établir des relations entre la nature, le lieu de la mutation et le phénotype. La littérature s’intéresse peu aux manifestations orofaciales des ostéogenèses imparfaites. Deux auteurs cependant ont réalisé des études cliniques plus spécifiquement dentaires permettant ainsi de chiffrer la prévalence des altérations faciales. [130, 131] Selon Malmgren, les manifestations dentaires les plus fréquentes sont : • des dents opalescentes : 42 % ; • des malocclusions (classe III : 70 % au lieu de 3-8 % dans la population générale ; articulé inversé, béance antérieure). Plus l’ostéogenèse imparfaite est sévère, plus la malocclusion est importante. On trouve aussi des agénésies, des taurodontismes, des impactions de la deuxième molaire et des éruptions ectopiques plus fréquemment que dans la population générale. Les altérations dentaires associées aux ostéogenèses imparfaites sont cliniquement très similaires à celles des dentinogenèses imparfaites isolées : dents opalescentes facilement abrasées avec des pertes d’émail. Une fois encore, la dentition temporaire est plus sévèrement atteinte que la dentition permanente. Les couronnes ont un aspect globuleux du fait de l’importante constriction cervicale. La taille et la forme des racines varient parfois. Enfin, la pulpe est oblitérée ou présente des calcifications. [132] Ces auteurs, ainsi que Petersen et al., [133] ont montré qu’il n’existe aucune corrélation entre le degré de coloration dentaire et le type ou la sévérité de l’ostéogenèse imparfaite. De même, l’atteinte de la denture temporaire n’implique pas forcément celle de la denture permanente. Au sein d’une même famille, les anomalies dentaires peuvent être très variables, certains sujets ayant des dents opalescentes et d’autres non. Toutefois Malmgren et Lindskog [134] établissent une corrélation entre la sévérité de l’ostéogenèse imparfaite et l’atteinte ultrastructurale de la dentine. O’Connell et Marini [130] observent des cas cliniques où des dents d’aspect normal présentent les caractéristiques radiologiques de la dentinogenèse imparfaite. De même, Waltimo et al., [135] Lygidakis et al. [136] montrent que des dents cliniquement et radiologiquement saines présentent cependant un aspect histologique de dentinogenèse imparfaite. Ces différentes observations suggèrent que les altérations dentinaires sont probablement sous-évaluées dans les cas d’ostéogenèse imparfaite. Hypophosphatasie (MIM 241500, 146300, 241510) C’est une maladie caractérisée par une altération de la minéralisation osseuse et dentaire liée à un défaut d’activité de la phosphatase alcaline sérique et osseuse. Les manifestations osseuses sont variables, allant d’une absence de minéralisation à la naissance à des fractures pendant l’enfance. Cliniquement, on distingue quatre formes (néonatale, infantile, juvénile et adulte) en fonction de l’âge de révélation de la maladie. Le gène impliqué, TNAP, code pour la phosphatase alcaline non-tissu spécifique. Il est fortement exprimé dans l’os, le foie, le rein, et surtout dans les lignées cellulaires qui minéralisent leurs matrices comme les ostéoblastes et les odontoblastes. Les fonctions physiologiques de la phosphatase alcaline sont mal définies. Elle interviendrait probablement dans l’hydrolyse du phosphate inorganique. [137, 138] Hotton et al. [139] ont montré une différence des schémas d’expression entre l’os et la dent, potentiellement à l’origine des variations phénotypiques entre l’atteinte osseuse et dentinaire. Le gène est porté par le chromosome 1 au locus p36.1-p34. De nombreuses mutations ont déjà été rapportées. La forme
17
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
adulte est de transmission dominante tandis que les formes néonatales et infantiles sont récessives. [140] Ces patients ont un taux sérique et urinaire de phosphatase alcaline diminué. D’un point de vue dentaire, les hypophosphatasies se caractérisent par une perte prématurée des dents temporaires. Ainsi, l’odontologiste est le premier à pouvoir diagnostiquer la forme adulte face à ce signe d’alerte. Ces dents ont des chambres pulpaires élargies, la zone de prédentine s’épaissit progressivement vers l’apex. Le cément est hypo-, voire aplasique. On constate une perte de l’os alvéolaire des régions antérieures. Dans les formes d’odontohypophosphatasie, l’atteinte dentaire est la seule manifestation clinique. [141] Rachitisme hypophosphatémique lié à l’X (HVDRR hypophosphatemic vitamin D resistant rickets) (MIM 307800, 307810) Cette pathologie dominante liée à l’X (Xp22.2-22.1) présente des manifestations dentinaires caractéristiques. Elle fait partie de la large famille des hypophosphatémies familiales où l’on décrit des formes autosomiques dominantes, récessives et des cas sporadiques. Cette pathologie est abordée dans le chapitre sur les mutations des gènes impliqués dans la croissance. Syndrome de Goldblatt (MIM 184260) Décrits par Goldblatt et al., [142] ces patients présentent une association entre une dysplasie spondylométaphysaire, une hyperlaxité ligamentaire et une dentinogenèse imparfaite. L’atteinte métaphysaire permet d’écarter le diagnostic d’ostéogenèse imparfaite avec certitude. Les patients présentent une taille réduite, sans fracture osseuse malgré l’aspect ostéoporotique de leur squelette. Leurs sclérotiques sont blanches. Bonaventure et al. 1992 ont étudié un cas similaire de dysplasie spondylo-épi-métaphysaire et trouvé une anomalie du collagène de type II dans le cartilage ainsi qu’un taux réduit d’acide ribonucléique messager (ARNm) des deux chaînes a du collagène de type I. Maroteaux et al. 1996 [143] rapportent un syndrome qu’ils baptisent « odontochondrodysplasie » (MIM 184095) qui semble similaire aux cas précédents. Syndrome de Schimke ou dysplasie immuno-osseuse (MIM 242900) Cette pathologie autosomique récessive combine une dysplasie spondyloépiphysaire à une altération immunitaire progressive. Cette anomalie du développement touche les os, les lymphocytes T, les reins et la peau. Ces patients présentent un retard de croissance sévère. Le gène de la protéine mutée, SMARCAL1, est porté par le chromosome 2 au locus q34q36. Ce gène code pour une protéine impliquée dans le remodelage de la chromatine régulant l’expression génique. Da Fonseca [144] décrit une atteinte dentaire de type dentinogenèse imparfaite (dents globuleuses avec une sévère constriction cervicale, opalescentes, racines très fines, oblitération pulpaire partielle, voire totale). Autres syndromes Kantaputra [145] décrit un syndrome de dysplasie squelettique caractérisé par un retard de croissance staturale, associé à un cou anormalement court, une platyspondylie, une proéminence abdominale et une dépression nasale. Au plan dentaire, on observe chez ce patient une hypodontie associée à des dents temporaires et permanentes opalescentes. Radiologiquement, ces dents présentent une constriction cervicale sévère, une hauteur coronaire réduite, une absence de racine et une oblitération de la chambre pulpaire. Ces dents ressemblent à celles atteintes de dysplasie dentinaire de type I avec en plus des caractéristiques de dentinogenèse imparfaite à savoir l’aspect globulaire et la teinte. Rien dans l’histoire du patient ou de sa famille ne permet d’expliquer ce phénotype. D’autres syndromes sont rapportés (Tableau 3) et certains restent encore non étiquetés.
18
■ Mutations de gènes initiaux impliqués dans la signalisation du patron morphogénétique Définitions L’agénésie d’une ou de plusieurs dents est l’anomalie la plus commune chez l’homme. [146] Son incidence varie de 1,6 % à 9,6 % – à l’exclusion des troisièmes molaires dont l’agénésie atteint 20 % de la population. [147] L’agénésie des dents temporaires est beaucoup plus faible (0,4 à 0,9 %). Ces pourcentages sont très variables selon la population étudiée du fait de la multifactorialité de cette pathologie. Ces données ont été reprises par Polder et al. [148] dans une méta-analyse. Ils rapportent que : • 83 % des personnes atteintes d’agénésies ont une à deux dents manquantes (hypodontie) ; • l’agénésie de plus de six dents (oligodontie) ne touche que 0,14 % de la population ; • les femmes sont 1,37 fois plus susceptibles que les hommes ; • les agénésies maxillaire et mandibulaire ne montrent pas de différences significatives. Les dents les plus fréquemment concernées sont celles dites de fin de série : seconde prémolaire inférieure (3,4 %) et incisive latérale maxillaire (2,2 %). [149] Les agénésies des premières molaires, des canines et de l’incisive centrale supérieure sont extrêmement rares. Ces agénésies peuvent être isolées ou associées à d’autres anomalies dans de multiples syndromes. L’absence de développement dentaire non syndromique résulte de l’action de facteurs génétiques mais également environnementaux (irradiation, chimiothérapie etc.). Le mode de transmission autosomique dominant prédomine dans les familles atteintes d’hypodontie et d’oligodontie avec souvent une pénétrance incomplète et une expressivité variable. Cette variabilité concerne le nombre et la région des agénésies, ainsi que les anomalies dentaires associées (microdonties, taurodontismes, rotations, retards de formation, d’éruption ou encore ectopies d’éruption). Une transmission sur le mode récessif est décrite dans certains cas, associée au locus 16q12.1. [150] Enfin, des modèles multifactoriels polygénétiques, [151] voire associés à l’X [152] ont été décrits. D’un point de vue terminologique, on parle d’hypodontie (MIM 106600) pour les agénésies de moins de six dents (Fig. 15) et d’oligodontie quand elle dépasse six dents (MIM 604625) (Fig. 16). L’absence totale de dent, anodontie (MIM 206780) (Fig. 17), est extrêmement rare à l’état isolé et serait l’état homozygote de la pathologie décrite par Witkop des incisives latérales maxillaires conoïdes ou absentes (« pegged or missing ») (MIM150400). [153, 154] Les agénésies isolées intéressent surtout les dents permanentes, elles concernent rarement les dents temporaires. Une forte corrélation existe entre l’hypodontie en denture temporaire et permanente. [155, 156] Plus rarement (0,5 % de la population [157]), le nombre de dents peut être augmenté par la présence d’éléments surnuméraires, souvent de forme fruste. En général, ils restent inclus et sont découverts fortuitement sur une radiographie lorsqu’ils gênent l’éruption des dents permanentes.
Anomalies dentaires de nombre isolées : gènes impliqués PAX9, AXIN2 PAX9 Cette famille de facteurs de transcription PAX joue un rôle dans la mise en place du patron embryonnaire. Ils se caractérisent par un homéodomaine appelé « paired domain » composé de deux motifs « hélice-boucle-hélice ». Dans le développement dentaire, Pax9 s’exprime de façon précoce dans le mésenchyme avant tout autre signal morphogénétique lui conférant certainement un rôle inducteur de Bmp4, Msx1, Lef1. En effet, les Stomatologie
Stomatologie
Tableau 3. Syndromes associés à des altérations de la dentine. Syndrome
OMIM
Transmission
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
Locus (gène), protéine
Calcinose tumorale
211900
AR
– Racines courtes
2q24-q31
114120
AD
– Calcifications hétérotypiques sous-cutanées périarticulaires
– Teinte normale
(GALNT 3)
– Hyperphosphatémie
– Oblitération pulpaire
Glycosyltransférase
– Taux élevé de vitamine D
– Dysfonctions de l’ATM
12p13.3
– Taux de calcium et de PTH normaux
– Anomalie de la muqueuse buccale
(FGF23)
– Hyperlaxité cutanée
– Calcifications pulpaire
9q34.2-q34.3
– Cicatrices atrophiques
– Dysfonction de l’ATM
(COL5A1)
– Hyperlaxité articulaire
– Anomalie de la muqueuse buccale
2q31
Syndrome d’Ehlers-Danlos type classique (ex-type I et II)
130000 (EDSI)
AD
130010 (EDSII)
(COL5A2) Collagène type V Syndrome d’Ehlers-Danlos type hypermobile
130020 (EDSIII)
AD
– Hyperlaxité articulaire généralisée
– Dysfonction de l’ATM
6p21.3
– Hyperextensibilité cutanée
– Anomalie de la muqueuse buccale
(TNXB)
(ex-type III)
Ténascine 2q31 (COL3A1) Collagène type III
Syndrome d’Ehlers-Danlos type vasculaire (ex-type IV)
130050 (EDSIV)
AD
– Peau fine, translucide
– Dysfonction de l’ATM
2q31
– Fragilité ou rupture artérielle/intestinale/utérine
– Anomalie de la muqueuse buccale
(COL3A1) Collagène type III
– Contusions – Caractéristiques faciales Syndrome d’Ehlers-Danlos type kyphoscoliose
225400 (EDSVI)
AR
(229200)
(ex-type VI)
– Laxité ligamentaire généralisée
– Dysfonction de l’ATM
1p36.3-p36.2
– Hypotonie musculaire
– Anomalie de la muqueuse buccale
(PLOD) Lysyl hydroxylase
– Scoliose congénitale ou progressive – Fragilité sclérotique (rupture du globe oculaire)
Syndrome d’Ehlers-Danlos type arthrochalasie (ex-type VIIA, VIIB)
130060 (EDSVIIA, AD VIIB)
– Hypermobilité articulaire sévère généralisée avec subluxations récurrentes – Luxation congénitale bilatérale de la hanche
– Dysfonction de l’ATM
17q21.31-q22
– Anomalie de la muqueuse buccale (caractéristique)
(COL1A1)
± anomalies dentinaires
(COL1A2)
7q22.1 Collagène type I
Syndrome d’Ehlers-Danlos type dermatosparaxis
225410 (EDSVIIC) AR
Fragilité cutanée sévère
– Dysfonction de l’ATM
5q23
Excès de peau par perte d’élasticité
– Hyperplasie gingivale
(ADAMTS2) Procollagène
– Hypodontie
1 N-terminal peptidase
(Ex type VIIC)
– Microdontie – Anomalies de forme et de teinte des dents – Anomalies radicullaires Syndrome d’Ehlers-Danlos (autres)
305200
XL
« lié àl’X » (EDSV)
– Dysfonction de l’ATM
2q34
130080
AD
« Parodontite associée » (EDSVIII)
– Anomalie de la muqueuse buccale
(FN)
225310
?
« Déficit en fibronectine » (EDSX)
Fibronectine
147900
AD
« Familial hypermobilité » (EDSXI)
5q35.1q35.2
130070
?
« Progeroid EDS »
(XGPT1) Galactosyltransférase
19
PTH : hormone parathyroïdienne ; AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; ATM : artère temporomandibulaire.
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
– Calcification pulpaire
Syndrome
OMIM
Syndrome d’Elsahy-Waters 211380 (syndrome brachio-squeletto-génital)
Transmission
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
AR ou XLR
– Hypertélorisme
– Kystes dentigères
– Nez volumineux
– Aspect de dysplasie dentinaire de type I
Locus (gène), protéine
– Hypoplasie maxillaire – Hypospadias – Retard mental Syndrome d’Hallermann-Streiff (dyscéphalie oculomandibulaire)
234100
AD ?
– Nez fin et pincé
– Oblitération pulpaire
– Hypoplasie mandibulaire
– Dentine radiculaire anormale
– Microphtalmie
– Hypoplasie amélaire
– Cataracte congénitale
– Hypodontie
– Atrophie cutanée faciale
– Dents surnuméraires
– Hypotrichose
– Dents néonatales
– Petite taille Syndrome de Morris
125440
AD
– Ostéosclérose généralisée
Aspect de dysplasie dentinaire de type I
Syndrome de Sanfilippo
III A 252900
AR
– Maladie neurodégénérative progressive
Oblitération pulpaire par de la dentine irrégulière
(mucopolysaccharidose type III)
– Peu de signes de surcharge (discrète infiltration des traits, dysostose mineure, pas d’hépatosplénomégalie)
17q25.3 (SGSH) N-sulfoglucosamine sulfohydrolase
III B 252920
17q21 (NAG) N-acétyl-alpha-D-glucosaminidase
III C 252930
Chr 14
III D 252940
12q14 (GNS) N-acétylglucosamine-6-sulfatase
Syndrome de Sly (mucopolysaccharidose VII)
253220
Syndrome de Singleton-Merten
182250
AR
AD ?
Très variable : de forme létale in utero (hydrops) à des formes avec peu de signes de surcharge et sans retard mental
Anomalies dentinaires
– Calcifications aortiques
– Aspect de dysplasie dentinaire de type I
– Ostéoporose
– Hypodontie
– Acro-ostéolyse – Faiblesse musculaire PTH : hormone parathyroïdienne ; AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; ATM : artère temporomandibulaire.
7q21.11 (GUSB) Déficit en b-glucuronidase
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
20
Tableau 3. (Suite) Syndromes associés à des altérations de la dentine.
Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Figure 15. Hypodontie (avec l’aimable autorisation du docteur Vi-Fane). A. Agénésie d’une incisive latérale maxillaire et d’une seconde prémolaire mandibulaire. B. Agénésie symétrique des deuxièmes prémolaires mandibulaires. C. Rétention des incisives centrales mandibulaires temporaires due à l’agénésie des incisives permanentes. D. Agénésie symétrique des incisives latérales maxillaires.
souris, invalidées à l’état homozygote, ont un arrêt du développement dentaire au stade de bourgeon ainsi que d’autres anomalies craniofaciales (fentes, anomalies osseuses et cartilagineuses). Actuellement, plusieurs mutations du gène PAX9 porté par le chromosome 14 (14q21-q13) ont été identifiées dans des familles présentant des oligodonties des molaires [158] (Fig. 18, 19). [158-166] Toutes les mutations associées à des agénésies décrites dans la littérature génèrent une perte de fonction.
AXIN2 Cette protéine est impliquée dans la formation d’un complexe protéique responsable de la stabilité des b-caténines intervenant dans la voie de signalisation Wnt [167, 168] (mai 1999) (Fig. 20). Cette voie de signalisation participe à la Stomatologie
Figure 16. Oligodonties isolées (A, B) ou associées à des anomalies de forme (C, D). A. Agénésie de 17 dents associée à un retard d’évolution des premières molaires du côté gauche. B. Agénésie de 11 dents. C. Agénésie de 8 dents temporaires et dents permanentes associée à une macrodontie des incisives centrales permanentes, un élargissement du volume pulpaire et à des dents conoïdes. D. Agénésie de 11 dents associée à une importante microdontie.
morphogenèse de nombreux organes. Ce gène est également impliqué dans le cancer colorectal héréditaire. Récemment, des néoplasies colorectales prédisposant au cancer ont été retrouvées associées à une oligodontie. [169] La mutation de ce gène conduit à une activation de la voie Wnt en bloquant son effet de rétrocontrôle négatif. Il semble en effet que non seulement la voie Wnt mais surtout le niveau d’activation de cette voie, différentiel dans le temps, soient importants pour le développement dentaire. Une suractivation de cette voie peut conduire à la formation de dents surnuméraires et inversement une perte d’activation conduit à des agénésies.
21
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
Figure 17. Anodontie. A. Photographie de face. B. Radiographie mandibulaire.
Stockton 2000
100
Nieminen et al. 2001
90 80 70
Das et al. 2002 Frazier-Bowers 2002
60 50
Lammi et al. 2003
40 30
Das et al. 2003
20 10
Jumlongras 2004
Mostowska 2003
Klein et al. 2005
0
es
3
m
re ai ol
s es
2
m
s
re
ai
ol
es
1
s
re
ai
ol
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ém
m
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2
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1
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l
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Toutes mutations confondues
nt ce
Figure 18. Phénotypes dentaires liés aux mutations de PAX9. Diagramme représentant la répartition des agénésies dentaires des cas publiés atteints d’une mutation du gène PAX9. [155-163]
Anomalies dentaires de nombre intermédiaires entre formes isolées et formes syndromiques : MSX1 MSX1 Partant de l’étude clinique, des pathologies moléculaires du facteur de transcription MSX1 ont été associées à des agénésies dentaires. Dans une famille présentant des agénésies des deuxièmes prémolaires et des troisièmes molaires – suivant un mode autosomique dominant – a été identifié le locus du gène MSX1 sur le chromosome 4 (4q16). [28] Cette mutation est le deuxième exemple historique en odontogénétique, 5 ans après la première mutation découverte dans le gène de l’amélogénine (AIH1). [56] D’autres mutations de MSX1 sont associées à des agénésies et à différentes combinaisons de fentes labiales et/ou palatines, ainsi qu’à des malformations des ongles (Fig. 21, 22). [28-30, 107, 170-172] Avec les anomalies dentaires, les fentes orofaciales (« Oro Facial Cleft » [OFC]) sont les anomalies les plus fréquentes (1/500 à 1/2 500). Ces fentes peuvent être labiales (« cleft lip » [CL]) ou palatines (cleft palate [CP]) selon l’origine embryonnaire différente, isolées ou de formes syndromiques (Fig. 23). La prévalence de l’hypodontie augmente avec la sévérité de la fente. De nombreux gènes sont candidats pour ces formes isolées : • OFC1 (MIM 119530) 6p24.3 HGP22 et AP2 ; • OFC2 (MIM 602966) 2p13 TGFa ;
22
• • • •
OFC3 (MIM 600757) 19q13 BCL3 ; OFC4 (MIM 608371) 4q ; OFC5 (MIM 608874) 4p16.1 MSX1 ; OFC6 (MIM 608864) 1q32-q41 IRF6. Les souris homozygotes invalidées pour Msx1 montrent en effet une fente palatine, mais également une déficience de l’os alvéolaire, un arrêt du développement des molaires au stade de bourgeon et une absence d’incisive. À l’état hétérozygote, les souris ne présentent pas d’atteinte dentaire. [18] Slayton et al. [147] suggèrent que chez les patients porteurs de fente labiale et/ou palatine, l’hypodontie en dehors des régions de la fente serait aussi due aux gènes responsables des fentes, MSX1 et TGF b3. En effet, MSX1 est un homéogène particulièrement impliqué dans la morphogenèse dentaire et orofaciale et plus précisément dans les phénomènes de régionalisation (« patterning »). Il intervient dès les stades précoces d’interactions ectomésenchymateuses, ce qui explique que ses mutations peuvent empêcher le développement des germes dentaires et conduire à des agénésies. MSX1 compte de nombreux polymorphismes. Ces légères modifications de séquence génomique donnent différents allèles codant pour la même protéine, mais ils pourraient augmenter le risque de présenter certaines pathologies. On ne dispose encore que de peu de données sur la régulation d’expression de MSX1. Quelques cibles cellulaires ont été décrites : • la cycline D1 régulée positivement et conduisant à une inhibition de la différenciation ; [26] Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Mutations AA (nucléotide)
1
2
Localisation
1-BP INS 219ins G
Protéine
Phénotype
Références
Oligodontie (de 9 à 19 dents)
Stockton et al. 2000 [159]
Exon 2
Oligodontie (de 11 à 29 dents) + molaires temporaires + réduction taille
Nieminen et al. 2001[160]
Oligodontie (de 21 à 26 dents) + molaires temporaires
Das et al. 2002 [161]
Hypodontie (de 2 à 18 dents)
Das et al. 2003 [158]
Exon 2
K114X (A340T)
- 025 AA
3
Del 44 à 100 kb
Exon 2
4
K91E (A27G)
Exon 2
5
L21P (T62C)
Exon 2
Oligodontie (de 8 à 19 dents) ± fentes
Das et al. 2003 [158]
6
288 BP INS
Exon 2
Oligodontie (de 13 à 14 dents)
Das et al. 2003 [158]
7
R26W (C76T)
Exon 2
Oligodontie (de 12 à 18 dents)
Lammi et al. 2003 [163]
8
R28P (G83C)
Exon 2
9
Cins 793
Exon 4
10
Gly51Ser (G151A)
Exon 2
11
A1G Codon initiation
PAX 9
14q12.q13
11
8
7 10 1
Jumlongras et al. 2004 [165]
Oligodontie (de 17 dents)
Frazier-Bowers et al. 2002 [162]
Oligodontie molaires
Protéine tronquée
Mostowska et al. 2003 [164]
Oligodontie (de 13 dents)
Oligodontie (de 18 à 23 dents) + dents temporaires
Exon 1
5'
4
Klein et al. 2005 [166]
9
3'
PD 5' UTR Exon 1
Exon 2 5 6
Figure 19.
Stomatologie
- 177 AA
Exon 3
Exon 4
3' UTR
2
Mutations du gène codant pour PAX9.
23
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
- WNT APC Axine
DÉGRADATION DE LA β-CATÉNINE
βcat GSK3β
ABSENCE DE RÉGULATION TRANSCRIPTIONNELLE
Figure 20. Voie de signalisation Wnt. En l’absence de signal Wnt, les b-caténines sont phosphorylées par le GSK3b en présence d’un complexe comprenant entre autres l’axine et APC. Elles sont alors ubiquitinylées et dégradées par le protéasome. En l’absence de Wnt, le GSK3b est inhibé et les b-caténines s’accumulent dans le cytoplasme et passent dans le noyau pour contrôler la transcription de gènes cibles. VEGF : vascular endothelial growth factor.
+ WNT Axine
APC
GÈNES CIBLES : - Cycline D1 (prolifération) - Cox2 (survie) - MMP-7 (protéolyse) - Laminine g2 (adhésion cellulaire) - VEGF (angiogenèse)
++ GSK3β
LEF/TCF
βcat
100 90 80
Vastardis et al. 1996
70
Jumlongras et al. 2001
60
Lidral 2002
50
Van Den Boogart et al. 2000
40
Nieminen 2003
30
De Muynck et al. 2004
20
Toutes mutations confondues
10 0
es
3
m
re ai ol
s es
2
m
s
re
ai
ol
es
1
s
re
ai
ol
m
es
2
s
re
ai
ém pr
ol
es
1
s re
ai
ém pr
ol
n ni ca
es
s ve isi c In
e al ér at
es
s
l
ive cis In
l ra
s
nt ce
Figure 21. Phénotypes dentaires liés aux mutations de MSX1. Diagramme représentant la répartition des agénésies des cas publiés atteints d’une mutation du gène MSX1 [28-30, 167, 168].
• Myo-D (gène maître du développement musculaire) [27] et Cbfa1 (impliqué dans le développement du squelette) sont régulés négativement. [173] De nombreux promoteurs d’autres gènes présentent des séquences de liaison pour MSX1 (par exemple WNT1 [174]). Un ARN antisens de MSX1 a été mis en évidence par Blin-Wakkach et al. [173] et vient très certainement compliquer les phénomènes de régulation via les ARNm, les interactions protéine-ARN ou la liaison au promoteur. MSX1 est également responsable d’une forme syndromique d’oligodontie, appelée syndrome de Witkop (ou « Tooth and Nail Syndrome » [TNS] MIM 189500) qui appartient à la grande famille des dysplasies ectodermiques. [30] Ces patients n’ont pas de problème de sudation et présentent des cheveux normaux. Le syndrome de Witkop se caractérise par des agénésies allant d’une ou deux dents à une hypodontie sévère et une dystrophie des ongles (poussant lentement et de forme bombée et striée). Les ongles des pieds sont plus sévèrement atteints. L’incisive centrale mandibulaire est très fréquemment affectée. Les dents présentes peuvent être atteintes d’anomalies de structure de l’émail prenant un aspect d’amélogenèse imparfaite de type hypominéralisé/hypomature. [175] L’étude histologique des ongles des souris invalidées pour Msx1 montre une absence
24
d’invagination de l’épithélium, corrélée à l’absence d’expression de Msx1 dans le mésenchyme sous-jacent. [30] Ainsi, MSX1 et PAX9 sont indispensables dans le développement dentaire. L’haplo-insuffisance de MSX1 affecte le développement de toutes les dents, préférentiellement les troisièmes molaires et les secondes prémolaires. Au contraire, un taux réduit de PAX9 affecte plus particulièrement le développement des molaires. L’effet d’haplo-insuffisance de PAX9 sur les incisives et les prémolaires est probablement secondaire à la déficience de MSX1. Ces deux gènes interviendraient dans la même voie de signalisation. Les mutations de ces deux gènes touchent souvent l’homéodomaine, altérant ainsi la liaison avec l’acide désoxyribonucléique (ADN). La localisation des agénésies reflèterait l’altération d’une certaine combinaison d’homéogènes. Sharpe propose pour cela un « homéocode dentaire », c’està-dire que chaque dent serait spécifiquement le résultat d’une action en association de certains homéogènes. [176] Pour Frazier et al., [177] l’agénésie des incisives aurait une signature génétique non MSX1-PAX9. Une autre part de l’explication des variations phénotypiques revient également à la localisation de leurs mutations et à leurs effets sur la structure et la fonction de la protéine. Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Mutations AA (nucléotide)
Localisation
Phénotype
Références
1
R196P (G587C)
Exon 2
Oligodontie de 8 à 15 dents (maxi/mandi symétrique)
Vastardis et al. 1996 [28]
2
M61K (T182A)
Exon 1
Oligodontie de 9 à 17 dents (maxi/mandi symétrique)
Lidral et Reising 2002 [170]
3
Del C (250)
5' UTR
Agénésies molaires
Fraziers-Bowers 2003
4
S105X (C314A)
Exon 1
Hypodontie/oligodontie de 4 à 16 dents (symétrique) ± fentes
Van Den Boogaard et al. 2000 [29]
Exon 2
Oligodontie de 11 à 28 dents (maxi/mandi symétrique) + dysgénésie des ongles (mains et pieds) Syndrome de Witkop
Jumlongras et al. 2001[30]
Hypodontie/oligodontie de 3 à 25 dents + retard mental Anomalie cardiaque Fentes Syndrome de Wolf-Hirschhorn
Nieminem et al. 2003 [171]
Oligodontie de 14 à 16 dents
De Muynck et al. 2004 [172]
MSX 1
S202X (C605A)
5
6
Del gène AR
7
Q187X C559T
Exon 2
4p16.1
3
2
4
5' Exon 1
Exon 2
3' UTR
Mutations du gène codant pour MSX1. maxi : maxillaire ; mandi : mandibulaire.
Anomalies dentaires de nombre par défaut de forme syndromique Dysplasie ectodermique Les dysplasies ectodermiques sont des pathologies rares touchant 7/10 000 naissances mais regroupant un très grand nombre d’entités cliniques (plus de 170) présentant toutes des altérations du développement des dérivés ectodermiques. Ces dysplasies sont de diagnostic aisé lorsqu’elles affectent en totalité la triade « cheveux, peau, dents » (Fig. 24). • cheveux fins, secs, cassants et peu nombreux (atrichose, hypotrichose) ; • peau fine, lisse, sèche (anhidrose, hypohidrose) caractérisée par l’absence ou l’altération des glandes sudoripares donc de la sudation, ainsi que des anomalies des ongles ou des glandes mammaires ; • dents manquantes (anodontie, oligodontie), retards d’éruption et dents conoïdes. La classification clinique des dysplasies ectodermiques repose sur la topographie des anomalies des phanères, sur la persistance ou l’absence de sudation et sur les anomalies associées (ankyloblépharon, fentes labiopalatines, ectrodactylie etc.). Ces patients présentent de sévères crises d’hyperthermie durant la petite enfance causant parfois la mort. Le manque de sécrétions trachéobronchiques les rend très susceptibles aux infections respiratoires, parfois mortelles. L’absence de glandes salivaires et lacrymales est également observée. Stomatologie
3'
HD 5' UTR
Figure 22.
5 7 1
La dysplasie ectodermique peut être isolée ou associée à d’autres anomalies dans de multiples syndromes. Nous décrirons ici plus particulièrement les formes isolées appelées « dysplasie ectodermique » (Tableau 4). Les formes syndromiques sont en partie répertoriées dans le Tableau 5. La mise en évidence des gènes responsables des dysplasies ectodermiques a conduit à une relative simplification de la nosologie : plusieurs formes cliniquement distinctes sont rapportées à des mutations d’un même gène. Plusieurs gènes codant pour des protéines impliquées dans la voie de signalisation de NF-kappa-B sont impliqués. Seul l’ED 2 se différencie cliniquement et ne constitue pas une altération de la voie du NF-kappa-B. En effet, ces patients ont une fonction normale des glandes sébacées, une alopécie totale, une dystrophie sévère des ongles, une hyperpigmentation de la peau (surtout au niveau des articulations), et une dentition normale. La connexine 30 est une protéine constitutionnelle des jonctions de type communicantes (« gap ») impliquées dans la communication cellulaire. [178] NF-kappa-B est une protéine de régulation qui intervient dans de nombreux processus déjà connus : inflammatoire, immunitaire, oncogénique, de protection contre l’apoptose et maintenant le développement. La dysplasie ectodermique hypo- ou anhidrotique liée à l’X est le syndrome semi-dominant le plus fréquent de cette famille. Une mutation spontanée de la souris Tabby a été identifiée en 1951 [179] avec un phénotype similaire aux ectodysplasies humaines avec des anomalies cuspidiennes des molaires. Par
25
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
Figure 23. Fentes labiales et/ou palatine. Cas 1 : Fente labiale et palatine bilatérale. A1. Photographie intrabuccale. A2. Photographie de face. A3. Radiographie panoramique. Cas 2 : Fente palatine unilatérale. B1. Photographie de face. B2 et B3. Photographies en vue occlusale des arcades maxillaire et mandibulaire.
Figure 24. Dysplasie ectodermique. A, B, C et D. Photographies de face. E, F et G. Photographies intrabuccales montrant de multiples agénésies et des dents conoïdes.
clonage positionnel, le gène muté de l’ectodysplasine A1 (ED1) a été mis en évidence. [180] Appartenant à la superfamille des tumour necrosis factor (TNF), l’ectodysplasine-A est responsable du plus grand nombre des dysplasies ectodermiques. Il en existe deux isoformes EDA-A1 et EDA-A2 qui ne diffèrent que par l’insertion de deux acides aminés dans le domaine TNF (par l’utilisation d’un site d’épissage alternatif). Ces protéines transmembranaires trimériques de type II possèdent trois domaines fonctionnels : un court domaine N-terminal intramembranaire, un large domaine C-terminal extracellulaire contenant une portion de type collagénique (Gly-X-Y) 19 (notamment impliqué dans la trimérisation de ce récepteur nécessaire à son activité), un site de clivage furine et un domaine TNF. De nombreuses mutations ont été rapportées (64 en 2001 [181] de tous types : large délétion, insertions, faux sens, non-sens). Cependant, aucune corrélation évidente
26
génotype/phénotype n’a pu être établie. En revanche, une de ces mutations ne donne qu’un phénotype dentaire. [182] Ces ectodysplasines ont leurs récepteurs spécifiques EDAR et XEDAR respectivement pour les isoformes I et II. EDAR est une protéine transmembranaire de type I dont le domaine intracellulaire contient un domaine de mort (domaine fonctionnel impliqué notamment dans l’apoptose). Les mutations de ce gène sont responsables d’une forme autosomique dominante de dysplasie ectodermique. XEDAR est une protéine transmembranaire de type III ne contenant pas de domaine de mort codée par le chromosome X. À ce jour, elle n’est impliquée dans aucun syndrome connu. La Figure 25 [183-185] résume cette voie de signalisation complexe. La perturbation de chaque acteur de cette voie conduit à une dysplasie ectodermique : • EDARADD muté dans son domaine de mort ; [186] Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Tableau 4. Classification des gènes et des protéines impliquées dans les dysplasies ectodermiques (Lamartine, 2003).
[79]
Transmission
Locus
Gène/protéine
OMIM
Modèle animal
XLR
Xq12-13.1
ED 1/ectodysplasine-A1 (EDA1)
305100
Souris Tabby (« ta »)
Dysplasie ectodermique hypohidrotique AD (ED 3)
2q11-q13
EDAR/récepteur de l’ectodysplasine (EDA-A1R)
129490
Souris Downless (« dl »)
Dysplasie ectodermique hypohidrotique AR
2q11-q13
EDAR/EDAR
224900
Souris Crinkled (« cr »)
1q42.2-q43
EDARADD/EDARADD
13q12
GJB6/connexine 30 Cx30
Dysplasie ectodermique anhidrotique (ED 1) « syndrome de Christ-SiemensTouraine »
Dysplasie ectodermique hidrotique
AD
129500
(ED 2) « syndrome de Clouston »
• Traf 6 : les protéines Traf sont impliquées dans l’activation de facteur de transcription via la superfamille des TNF. Il a été montré que Traf 6 régulerait différentes cascades de signalisation impliquées dans la réponse immunitaire immédiate et spécifique et dans l’homéostasie de l’os. [187] Cette protéine est notamment impliquée dans les voies de l’interleukine 1 (IL1), CD40, LPS et RANKL ; • EDA, EDAR, EDARADD sont exprimés dans le nœud de l’émail et régulent la morphogenèse des cuspides. Cette même fonction est attribuée à Traf 6 avec une influence encore plus importante. [188] Ces patients présentent une ostéopétrose et un défaut du remodelage osseux dus à une altération de fonction des ostéoclastes. Cette protéine serait nécessaire à l’activation des ostéoclastes peut-être par l’intermédiaire de RANK ; [189] • IKKc : la mutation du gène codant pour la protéine NEMO, au locus Xq28, est responsable d’une autre pathologie ectodermique, l’incontinentia pigmenti (MIM 308300) dominante liée à l’X. Les femmes atteintes présentent des lésions linéaires de Blashko. Ces lésions évoluent en quatre stades : érythème, vésicules, pustules (stade 1, chez le nourrisson), lésions verruqueuses (stade 2, chez l’enfant), hyperpigmentation (stade 3, de l’enfance à l’âge adulte), pâleur (stade 4) associées à des anomalies du développement des dents, des yeux, des cheveux, et du système nerveux central. Certaines mutations de IKKc sont associées à une pathologie récessive liée à l’X (MIM 300291). Les signes principaux sont une dysplasie ectodermique, un déficit immunitaire et, dans certains cas, une ostéoporose. [190] Cette immunodéficience semble affecter plutôt la réponse immunitaire à médiation humorale. Dans certains cas, la réponse des lymphocytes T est également perturbée. NEMO aurait donc un rôle activateur des lymphocytes B et de la commutation (« switche ») des immunoglobulines (Ig) via le CD40. [191] Ainsi, la voie Edar régule l’initiation, la morphogenèse et la différenciation de multiples organes épidermiques. Durmowicz et al. [192] ont montré l’activation du promoteur de l’ectodysplasine par Lef1 et b-caténine suggérant que, en amont, ce gène soit régulé par la voie Wnt déjà impliquée dans les agénésies dentaires. De plus, l’ectodysplasine régulerait les voies de Bmp4 et Shh. De façon intéressante, le traitement par une ectodysplasine recombinante d’une souris atteinte a montré la restitution d’un phénotype normal dans la descendance. C’est le premier exemple de correction permanente d’un défaut génétique par protéine recombinante. [193]
Syndrome d’Axenfeld-Rieger (MIM 180500, 601090) Cette pathologie est une malformation des tissus endothéliaux dérivés des crêtes neurales s’exprimant particulièrement au niveau des yeux. Au niveau oculaire, l’anomalie touche le clivage de la chambre antérieure et peut se manifester par la persistance d’un embryotoxon postérieur et par des synéchies entre l’iris et la cornée conduisant à des glaucomes. D’autres Stomatologie
signes ayant une pénétrance incomplète et une expressivité variable accompagnent ces anomalies oculaires : hypodontie, réduction de la taille des dents, couverture cutanée anormale du cordon ombilical, perte d’audition et anomalies squelettiques des membres (Fig. 26). Deux gènes codant pour des facteurs de transcription ainsi que deux autres locus ont été associés à ce syndrome. Le gène PITX2 (« pituitary homeobox transcription factor 2 ») situé sur le chromosome 4 (4q25-q26) code pour un facteur de transcription à homéodomaine de la famille « pairedbicoid ». Il est impliqué dans la voie de signalisation de SHH (Sonic Hedgehog), dans la morphogenèse des dents, et dans la maturation du collagène, ce qui explique les malformations oculaires et dentaires. De plus, il régule Bmp4 et Fgf8, facteurs de croissance clés du développement dentaire. FOXC1 est un autre facteur de transcription liant l’ADN via un « forkhead domain » intervenant dans la formation de l’œil. Des mutations de ce gène (6p25) peuvent conduire également à des syndromes de Rieger. Enfin, des analyses de liaison ont montré une association avec les locus 11p13 et 16q23.2. PAX6 et MAF sont deux candidats fortement suspectés. [194]
Syndromes de la ligne médiane et holoprosencéphalie L’holoprosencéphalie (HPE) est un défaut de développement complexe touchant le cerveau antérieur dans lequel les deux hémisphères ne sont pas correctement séparés et dont la prévalence est de 1/16 000 naissances et 1/250 conceptions. [195] Il se transmet sur un mode autosomique dominant ou récessif. Le thalamus et la glande pituitaire peuvent également présenter des malformations. Dans les formes les plus sévères (alobaire), le cerveau est de petite taille et ne présente pas de fissure interhémisphérique. Les anomalies faciales sont associées dans 80 % des cas. Elles sont très vastes allant d’une simple absence d’une incisive centrale (Fig. 27) à la cyclopie en passant par tous les intermédiaires : agénésie de l’ethmoïde, du nez, du prémaxillaire, du philtrum de la lèvre et parfois une sténose des orifices piriformes. Dans les formes lobaires, les deux hémisphères sont développés et la scissure est soit complète, soit incomplète. Enfin, les formes semi-lobaires regroupent des anomalies cérébrofaciales de gravité intermédiaire. Dans certaines formes légères, les dysmorphies faciales sont les seuls signes pathologiques (hypertélorisme, perturbation de l’olfaction et incisive centrale unique), voire une simple asymétrie faciale. La littérature rapporte plus de cas sporadiques que de cas familiaux. Des critères uniquement cliniques permettent de les différencier. [196, 197] L’expression phénotypique de l’HPE est très variable et l’étiologie hétérogène, à la fois environnementale et génétique. De nombreux gènes ont été incriminés : SHH, TGIF, ZIC2, SIX3, PTCH, TDGF1, GLI2, FAST1, DHCR7 et d’autres restent à découvrir (Tableau 6). Plusieurs peuvent être mutés chez un même patient. [196, 198]
27
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
Tableau 5. Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome
OMIM
Transmission
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
Locus (gène) protéine
Hypodontie + chute prématurée des dents permanentes
3q27
– Hypodontie
12q24.1
– Ectopie
(TBX3)
Syndromes avec dysplasie ectodermique Syndrome ADULT
103285
AD
(acro-dermato-ungual-lacrimaltooth)
– Cheveux fins et clairsemés – Hypotrichose – Dysplasie des ongles
(TP63) P63
– Hypohidrose – Perte prématurée des cheveux – Syndactylie et/ou main fendue – Hypo/aplasie mammaire – Obstruction du canal lacrymal – Taches de rousseur Syndrome cubitomammaire
181450
AD
(ulnar-mammary syndrome)
– Hypoplasie des glandes mammaires et apocrines – Hypoplasie du rayon cubital ou polydactylie postaxiale
T-box gène type 3
– Hypogénitalisme et retard pubertaire chez les hommes – Malformations anales – Malformations urogénitales Syndrome EEC (ectrodactylyectodermal dysplasia – clefting)
129900 (EEC1) AD
– Cheveux fins et clairsemés
– Hypodontie
7q11.2-q21.3
602077 (EEC2)
– Hypotrichose
– Dents conoïdes
Chr 19
604292 (EEC3)
– Dysplasie des ongles
3q27
– Hypohidrose
(TP63)
– Ectrodactylie/syndactylie
P63
– Fentes labiales et/ou palatines – Obstruction du canal lacrymal – Hydronéphrose – Kératite avec photophobie Syndrome de Hay-Wells
106260
AD
OU syndrome AEC (ankyloblepharon-ectodermal defectcleft lip/palate)
– Cheveux fins et clairsemés
– Hypodontie
3q27
– Hypotrichose
– Dents conoïdes
(TP63) P63
– Dysplasie des ongles – Hypohidrose – Pili torti – Ankyloblépharon – Dermatite du scalp – Kératose palmoplantaire – Fente labiopalatine ou palatine
Syndrome de Rapp-Hodgkin
129400
AD
– Cheveux fins et clairsemés
– Hypodontie
3q27
– Hypotrichose
– Dents conoïdes
(TP63) P63
– Pili torti – Dysplasie des ongles – Hypohidrose – Dermatite du scalp – Kératose palmoplantaire – Fente labiopalatine ou palatine Dysplasie ectodermique avec fragilité cutanée
604536
AR
– Cheveux fins et clairsemés
1q32
– Dysplasie des ongles
(PKP1) Plakophiline 1
– Hypohidrose – Érythème – Lésions bulleuses induites par la friction Dysplasie ectodermique de l’île Marguerite
225060 225000
OU syndrome CLPED1 (cleft lip/palate – ectodermal dysplasia syndrome) OU syndrome de ZlotogoraMartinez
AR
– Dysplasie des ongles
Hypodontie
11q23-q24
– Pili torti
(PVRL1)
– Syndactylie
Nectine 1
– Fentes labiopalatines – Retard mental (inconstant)
AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.
28
Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Tableau 5. Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome
OMIM
Transmission
Syndrome de Böök
112300
AD
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
Locus (gène) protéine
Syndromes avec anomalies cutanées prédominantes – Hyperhidrose palmoplantaire
Hypodontie prémolaire
– Chevelure grisonnant précocement Melano leukodermie
246500
AR
– Mélanoleukodermie
Hypodontie
– Retard mental – Nanisme – Hypotrichose Syndrome de RothmundThomson
268400
AR
– Poïkilodermie avec photosensitivité
– Retard d’éruption
8q24.3
– Dystrophie unguéale – Cataracte
– Dents surnuméraires ou manquantes
– Petite taille
– Microdontie
(RECQLA) Hélicase de la famille Werner (WRN) et Bloom (BLM)
– Hypoplasie radiale – Prédisposition aux tumeurs mésenchymateuses Syndrome de Schöpf-SchulzPassarge
224750
AR
OU syndrome tricho-odontoonychodermique Hypertrichose-surdité-anomalies dentaires
307150
Syndrome de Goltz
305600
XLR
XLD
OU hypoplasie dermique en aire
– Kératose palmoplantaire
– Sévère hypodontie
– Alopécie progressive – Kystes palpébraux
– Perte prématurée des dents temporaires
– Hypertrichose généralisée
– Anomalie de forme
– Surdité
– Éruption anarchique
– Syndrome complexe souvent très asymétrique – Hypodontie – Hypoplasie/atrophie cutanée en plages asymétriques
– Hypoplasies amélaires
– Hypo-/hyperpigmentation en plage
– Asymétrie faciale
Xq24-q27
Xp22.31
– Papillomes périorificiels – Dysplasies unguéales – Syndactylie ou ectrodactylie – Microphtalmie ou colobome létal in utero chez le garçon Syndromes avec dysmorphie faciale prédominante Syndrome d’Alagille
118450
AD
– Visage triangulaire
Hypodontie
20p12
– Embryotoxon postérieur
(JAG1)
– Hypoplasie des canaux biliaires → cirrhose
Jagged-1
– Vertèbres en aile de papillon – Cardiopathies – Sténoses artérielles pulmonaires Syndrome d’Apert
101200
AD
(Acro-céphalo-syndactylie)
– Craniosténose (acrocéphalies)
– Hypodontie
10q26
– Syndactylie complète (mains en moufle)
– Retard et éruption ectopique
(FGFR2) Récepteur aux FGF type 2
– Retard mental
– Encombrement dentaire – Malocclusions Syndrome de Crouzon
123500
AD
– Craniosténose avec exophtalmie
– Hypodontie
10q26
– Hypertélorisme
– Dents surnuméraires
(FGFR2) Récepteur aux FGF type 2
strabisme divergent – Hypoplasie maxillaire
4p16.3
+ acanthose nigricans
(FGFR3) Récepteur aux FGF type 3 (plus rarement) Syndrome BCD (blepharo-cheilodontic)
119580
AD
– Fermeture incomplète des paupières (lagophtalmos)
Oligodontie et dents conoïdes
– Ectropion de la paupière inférieure – Distichiasis – Hypertélorisme – Fente labiopalatine – Communication interauriculaire AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif. Stomatologie
29
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
Tableau 5. (Suite) Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome
OMIM
Transmission
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
Locus (gène) protéine
Syndrome de Kabuki
147920
AD ?
– Fentes palpébrales larges avec éversion de la paupière inférieure
– Hypodontie Duplication (incisives, prémolaires) 8p22-8p23.1
– Faciès particulier
– Microdontie
– Hypotonie – Retard statural – Retard mental Syndrome KBG
Syndrome LADD (lacrimoauriculo-dentodigital)
148050
149730
AD
AD
OU lacrymo-auriculo-radiodental
– Hypertélorisme
– Macrodontie des incisives
– Sourcils larges
– Fusion des incisives
– Retard statural
– Hypodontie
– Retard mental
– Dysplasie amélaire
– Atrésie des canaux lacrymaux
– Hypodontie
– Hypoplasie/absence des glandes salivaires
– Incisives latérales maxillaires en « grains de riz »
– Visage rond
– Oreilles dysplasiques, en conques – Surdité neurosensorielle – Anomalie du pouce (hypoplasie, absence, pouce digitiforme triphalangé)
– Hypominéralisation de l’émail – Microdontie – Taurodontisme
Dysplasie otodentaire
166750
AD
Surdité progressive
– Agénésies et dents surnuméraires – Dents globuleuses – Taurodontisme
Syndrome de Rubinstein-Taybi
180849
AD
– Microcéphalie – Fentes palpébrales antimongoloïdes – Nez convexe avec collumelle saillante – Pouces et hallux larges – Retard mental et de croissance – Risque de formation tumorale
Syndrome de Saethre-Chotzen
Syndrome de Van Der Woude
101400
606713
AD
AD
119300
Syndrome de Verloes-Koulischer
603446
AD ?
– Craniosynostose
AR
(CREBBP)
– Hypodontie
CREB binding protein
– Dents surnuméraires
22q13.2
– Dent néonatale
(EP300)
– Retard d’éruption
E1A binding protein
Hypodontie
7p21 (TWIST)
– Asymétrie faciale
TWIST
– Syndactylies cutanées
10q26, 4p16.3 Parfois FGFR2 et FGFR3
– Fistules de la lèvre inférieure
Hypodontie
1q32-q41
– Fentes labiales et/ou palatines
(IRF6)
– Rarement : ankyloblépharon /synéchies maxillomandibulaires
Facteur régulateur de l’interféron 6
– Agénésie médiane du maxillaire – Syndactylie
243800
16p13
– Ptosis
– Anomalies réductionnelles des doigts Syndrome de Johanson-Blizzard
– Cuspide supplémentaire sur les incisives
– Hypoplasie des ailes du nez
Absence des incisives supérieures et des canines Oligodontie sévère
– Aplasie cutanée du scalp – Cheveux « incoiffables » – Retard de croissance – Insuffisance pancréatique – Hypothyroïdie – Surdité – Retard mental Syndrome de Sensenbrenner
218300
(dysplasie cranioectodermique)
AR
– Scaphocéphalie
– Hypodontie
– Hypotrichose
– Fusions
– Petite taille
– Microdontie
– Thorax étroit
– Taurodontisme
– Néphropathie tubulo-interstitielle
– Dysplasies de l’émail
AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.
30
Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Tableau 5. (Suite) Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome
OMIM
Syndrome de Tuomaala-Haapanen 211730
Transmission
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
AR
– Distichiasis
Anodontie
OU syndrome oculo-ostéocutané
Locus (gène) protéine
– Cataracte – Hypopigmentation généralisée – Petite taille – Retard mental
Syndromes orofaciodigitaux (OFD)
Signes communs aux divers OFD :
Plus de 12 types identifiés
– hamartomes linguaux
– freins gingivolabiaux multiples – langue plurilobée
Syndrome OFD type 1
311200
OU syndrome de Papillon-LéagePsaume
300170
XLD (létal chez le M)
Signes communs aux divers OFD : hypodontie (incisives latérales supérieures surtout)
– Syndactylie
– Agénésie ou dent surnuméraire
– Dystopie des canthi
– Hypoplasie amélaire
– Hypoplasie des ailes du nez
– Malpositions dentaires
– Polydactylie préaxiale
– Fente médiane de la lèvre supérieure
Xp22.3-p22.2 (CXORF5)
– Maladie polykystique des reins – Malformations cérébrales (peu fréquentes) : agénésie du CC, hypoplasie cérébelleuse Syndrome OFD type 2
252100
AR
OU syndrome de Mohr
– Fente médiale de la lèvre supérieure
Dent néonatale
– Perte d’audition – Polydactylie pré- et postaxiale – Malformations cardiaques
Syndrome OFD type 4
258860
AR
OU syndrome de Mohr-Majewski
– Fente médiane de la lèvre supérieure – Polydactylie pré- et postaxiale – Malformations cardiaques – Malformations cérébrales, – Hypoplasie des tibias
Syndrome OFD type 6
277170
AR
OU syndrome de Varadi-Papp
– Fente labiopalatine – Agénésie du vermis cérébelleux – Polysyndactylies des mains et des pieds – Anomalies squelettiques
Syndrome d’Aarskog
305400
XLR
(facio-digito-genital dysplasia)
– Hypertélorisme
Hypodontie
– Ptosis
Xp11.21 (FGD1)
– Brachydactylie avec syndactylies cutanées – Scrotum en châle – Petite taille – Anomalies génitales Syndrome de Coffin-Lowry
303600
XLR
– Microcéphalie – Hypertélorisme sévère – Macrostomie – Lèvres épaisses, l’inférieure éversée
– Hypodontie (incisives Xp22.1-p22.2 latérales) (RSK2) – Perte prématurée des Kinase dents ribosomale
– Scoliose – Mains courtes avec doigts fuselés – Retard mental – Petite taille Les femmes conductrices ont fréquemment un phénotype atténué Syndrome oculo-auriculovertébral (inclus : syndrome de Goldenhar et microsomie hémifaciale)
164210
Sporadique
– Hypoplasie unilatérale ou bilatérale (asymétrique) des 1er et 2e arcs
Oligodontie du côté hypoplasique
14q32
– Colobome palpébral – Dermoïde épibullaire (Goldenhar) – Hypoplasie mandibulaire – Hypoplasie et position antérieure du pavillon de l’oreille – Macrostomie – Anomalies de segmentation vertébrale – Malformations cardiaques
AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.
Stomatologie
31
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
Tableau 5. (Suite) Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome
OMIM
Transmission
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
Locus (gène) protéine
Syndrome de Williams-Beuren
194050
Microdélétion
– Dysmorphie caractéristique (microcéphalie, hypertélorisme, nez court et retroussé, lèvres épaisses, l’inférieure éversée)
– Anomalie de forme
7p11.23 Microdélétion : syndrome de gènes contigus, incluant notamment : l élastine, LIMK1, RFC2, CYLN2
– Malformations cardiaques ± sténose pulmonaire
– Incisive en tournevis – Hypodontie – Microdontie
– Hypercalcémie – Retard mental avec comportement spécifique
Trisomie 21
190685
Chromosomique
– Retard mental – Faciès typique – Malformation cardiaque
– Agénésies des dents temporaires et permanentes
21q22.3
– Incisives latérales maxillaire en grain de riz – Hypominéralisation de l’émail Syndrome de Rogers
263540
AR
– Polydactylie postaxiale
– Oligodontie
– Prognathisme
– Macrodontie
– Dysplasie des pavillons
– Fusion des incisives
– Fusions vertébrales
– Dysplasie amélaire
Syndromes avec anomalie oculaire prédominante – Microphtalmie ou microcornées
– Microdontie
6q22-q24
– Nez étroit avec hypoplasie des ailes
– Oligodontie
(GJA1)
OU syndrome oculo-dento-osseux
– Syndactylie des 4e et 5e doigts
OU syndrome de MeyerSchwickerath
– Hyperostose des corticales
– Perte prématurée des Connexine 43 dents
– Leucodystrophie
– Anomalies amélaires
Syndrome ODD (oculodentodigital)
164200
AD
– Spasticité Syndrome OFCD
300166
(syndrome oculo-facio-cardiodental)
XLD (létal chez les garçons)
– Cataracte
– Oligodontie
Xp11.4
– Microphtalmie
– Retard d’éruption
(BCOR)
– Face longue
– Radiculomégalie, BCL6 fusion ± hyperodontie corépresseur
– Nez à pointe bifide – Malformations cardiaques Syndrome de Lenz
309800
XLR
– Microcéphalie
– Hypodontie (Incisives Xq27-28 latérales) (forme – Dents conoïdes principale)
– Scoliose
– Taurodontisme
Gène inconnu
– Anomalies digitales (syndactylie, polydactylie préaxiale)
microdontie
Xp11.4
– Microphtalmie colobomateuse – Dysplasie des pavillons
(BCOR) BCL6 corépresseur
– Retard mental – Anomalies urogénitale et cardiaque Syndrome de Nance-Horan
302350
XLR
Cataracte ± microcornée
– Hypodontie
Xp22
– Dents conoïdes
(NHS)
– Dents en tournevis
NHS
– Dents surnuméraires Présente aussi chez les conductrices Syndrome CODAS (cérébro-oculo- 600373 dento-auriculo-squelettique)
AD ?
– Cataracte
– Retard d’éruption
– Nez retroussé bifide
– Anomalie de forme des cuspides
– Dysplasie des pavillons – Anomalies vertébrales – Retard mental Syndromes avec anomalie osseuse prédominante – Dysplasie des ongles
– Hypodontie
4p16
OU de Curry-Jones
– Petite taille
– Dents conoïdes
(EVC1)
OU dysostose acrofaciale
– Hypertélorisme
– Hypoplasie de l’émail ± incisive centrale unique
NB : même gène que le syndrome d’Ellis-Van Creveld (AR)
Syndrome de Weyers
193530
AD
– Polydactylies postaxiale des mains/pieds – Anomalie mandibulaire
AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.
32
Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Tableau 5. Syndromes associés à des anomalies du nombre des dents. Syndrome
OMIM
Transmission
Syndrome de Kantaputra
-
AD
Manifestations cliniques
Anomalies dentaires
– Symphalangie distale
– Microdontie des incisives supérieures
– Hypoplasie unguéale
Locus (gène) protéine
– Calcification pulpaire – Hypodontie Syndrome de Seckel
Syndrome de Rao-Morton
– Nanisme très sévère à début anténatal
– Hypodontie
606744
– Microcéphalie très sévère
– Hypoplasie de l’émail (ATR)
608664
– Rétrognathie
14q23
– Hypersensibilité à la mitomycine en culture
Locus SCKL3
– Retard mental
18p11.31q11.2 Locus SCKL2
210600
601668
AR
AR
– Chondrodysplasie spondyloépimétaphysaire – Laxité ligamentaire
– Incisives inférieures conoïdes
– Platyspondylie
– Oligodontie
3q22-q24
– Coloration anormale Syndrome de Jeune
208500
AR
OU dystrophie thoracique asphyxiante
– Nanisme chondrodysplasique à prédominance rhizomélique
– Oligodontie
15q13
– Dysplasie unguéale
– Dents néonatales
4p16
– Chondrodysplasie avec brièveté acromésomélique des membres
– Hypodontie (incisives (EVC1) mandibulaires et 2es 4p16 molaires) (EVC2) – Microdontie limbine – Éruption retardée
– Étroitesse thoracique – Polydactylie postaxiale – Dysplasie rénale kystique avec néphronophtysie
Syndrome d’Ellis-Van Creveld
225500
AR
OU dysplasie chondroectodermique
– Polydactylie postaxiale des mains et des pieds – Malformations cardiaques : CIA, CAV
– Dents conoïdes – Hypominéralisation amélaire – Freins gingivaux multiples Dysplasie anauxétique
607095
AR
– Chondrodysplasie spondylométaépiphysaire
Hypodontie
– Retard statural sévère et membres courts – Prognathisme – Retard mental Dysplasie diastrophique
226900
AR
– Chondrodysplasie épimétaphysaire
Hypodontie
5q32-q33.1 (DTDST) Transporteur de sulfate
– Fente palatine – Pieds bots – Malposition des pouces – Scoliose Anomalie de Klippel-Feil
148900
Sporadique Rarement AD Hétérogène
– Fusion congénitale des vertèbres cervicales ± thoraciques hautes (4 types distincts)
Oligodontie des dents temporaires et permanentes
8q22-23 (PAX1) 20q11
– Cou court – Surdité – Fente palatine – Malformation – Retard de croissance – Anomalie rénale AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif.
SHH Sonic Hedgehog joue un rôle critique dans le développement du cerveau et du système nerveux central ainsi que dans la régionalisation dorsoventrale. Les souris invalidées à l’état homozygote présentent une HPE. [199] Une mutation non-sens de SHH a été mise en évidence sur huit membres d’une même famille (trois avec une SMMCI [solitary median maxillary Stomatologie
factor],1 atrésie choanale, deux phénotypes normaux). PTCH codant pour le récepteur de SHH présente également des mutations donnant un phénotype de HPE. [200] ZIC2 ZIC2 est un facteur de transcription impliqué dans la neurulation. Il serait plus particulièrement retrouvé dans les formes présentant seulement quelques anomalies faciales. [201]
33
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
EDA-A1
Plusieurs hypothèses ont été évoquées : hyperactivation de la lame dentaire, division du germe dentaire. On les trouve le plus fréquemment dans le secteur incisif maxillaire (dent de forme conoïde en position médiane appelée mésiodens) mais les secteurs molaires peuvent également être afffectés. Certains syndromes ont parmi leurs caractéristiques une polyodontie.
EDA-A2
EDAR TRAF 3-6
EDARADD TRAF 1-3(5-6) Apoptose cellulaire
IKKs
JNK
IKKs
Dysostose cléidocrânienne (MIM 119600)
NF-k-B NF-k-B
Transcription de gènes
A
IKKγ IKKα
IKKβ
P
P I-kappa-B
I-kappa-B
Dégradation par le protéasome
NF-kappa-B dimérique
NF-kappa-B libre
Membrane nucléaire
B Figure 25. Voie de transduction EDAR/XEDAR. A. Les ectodysplasines fixées sur leurs récepteurs déclenchent un signal intracellulaire conduisant à l’activation de la voie du NF-kappa-B. Xedar interagit directement avec les molécules TRAF (receptor-associated factor) tandis que Edar nécessite l’implication d’une protéine adaptatrice Edaradd (qui se fixe sur le domaine de mort). Xedar active également la voie JNK mais son implication dans le développement des dérivés ectodermiques n’a pas été mise en évidence. De plus, Edaradd, comme tout TNFRs avec domaine de mort, serait capable d’induire l’apoptose cellulaire. L’absence de certains organes (glandes, dents...) ou leurs hypoplasies trouveraient ici une explication, mais cela reste à prouver. Enfin, Xedar activerait la voie des MAPK. [180, 181] B. Le complexe de kinase IKK (I-kappa-B kinase) IKKa/IKKb/IKK (NEMO) phosphoryle I-kappa-B (inhibiteur de NF-kappa-B) qui alors s’ubiquitine et est dégradé par le protéasome libérant ainsi le dimère de NF-kappa-B. [182]
SIX3 SIX3 est un homéogène impliqué dans le développement de l’œil, et dans la formation de la ligne médiane. TGIF TGIF est également un facteur de transcription à homéodomaine inhibant la voie de signalisation du TGFb en bloquant l’action des protéines SMAD. Il contribuerait, pour un faible pourcentage, aux HPE. [201]
Anomalies de nombre par excès de forme syndromique Beaucoup plus rares que les anomalies par défaut, elles restent souvent sporadiques et l’étiologie en est obscure.
34
Décrite classiquement comme un syndrome, cette pathologie à transmission autosomique dominante se caractérise par de nombreuses anomalies du développement osseux et du système alvéolodentaire. Les anomalies squelettiques communément retrouvées sont une hypoplasie, voire une aplasie des clavicules (permettant aux patients de faire se toucher leurs deux épaules), un épaississement de la calvaria se manifestant par une bosse frontale, une persistance de la grande fontanelle. Les anomalies dentaires sont sévères : dents surnuméraires nombreuses, retard d’éruption, voire rétention des dents permanentes, donnant cliniquement un tableau de pseudoanodontie (Fig. 28). Mundlos [202, 203] a montré une liaison avec le locus 6p21 sur le bras court du chromosome 6, codant pour un facteur de transcription spécifiquement osseux, CBFA 1 (core-binding factor A1). Cette approche de génétique humaine a permis la découverte de ce gène, parallèlement aux études de promoteur de l’ostéocalcine et dans la même période (pour revue [11]). Ce gène RUNX2 (famille des gènes runt en contenant 3) code pour la sous-unité a d’un facteur de transcription hétérodimérique PEBP2/CBF. Cette sous-unité a comporte un domaine hautement conservé, le domaine Runt permettant la liaison à l’ADN et à la sous-unité b. Ce domaine Runt contient également un signal de localisation nucléaire (nuclear localization signal [NLS]). Enfin, l’extrémité C-terminale de cette protéine est une région riche en proline, sérine et thréonine (domaine PST) impliquée dans les interactions avec d’autres facteurs de transcription, coactivateurs ou corépresseurs. [204] L’haplo-insuffisance, c’est-à-dire la perte hétérozygote de fonction de ce facteur de transcription, est suffisante pour engendrer la pathologie. [205] Comme dans toutes ces pathologies génétiques, la diversité des phénotypes est considérable allant de phénotype ostéoporotique sévère à des cas où les anomalies dentaires sont les seules manifestations. [206, 207] Les auteurs ont essayé d’établir un lien entre le génotype et le phénotype (selon la localisation de la mutation dans le domaine Runt) sans conclusion probante. L’invalidation du gène est létale à la naissance pour les souris homozygotes avec une absence totale d’os ; tandis que les formes hétérozygotes montrent des anomalies très similaires à celles de la dysplasie cléidocrânienne. [208] CBFA 1 est donc un facteur primordial de l’ostéogenèse qu’elle soit endochondrale ou intramembranaire. Il contrôlerait la différenciation des cellules préostéoblastiques en cellules ostéoblastiques durant le développement et, en postnatal, il contrôlerait le dépôt de matrice osseuse par les ostéoblastes différenciés [209] ainsi que la résorption osseuse par les ostéoclastes [210] (cf. supra « Facteurs de transcription tissu-spécifiques »). RUNX2 a donc un rôle primordial dans la mise en place et la régulation du tissu osseux, très spécifiquement. Cette potentialité tissulaire a récemment permis d’apporter un élément de réponse en cancérologie face à la constatation d’une localisation préférentiellement osseuse des métastases de cancers du sein. En effet, ces cellules cancéreuses expriment RUNX2 de façon ectopique. [211]
Polypose rectocolique familiale (syndrome de Gardner) (MIM 175100) Il s’agit d’une polypose familiale adénomateuse autosomique dominante atteignant les trois feuillets embryonnaires. On retrouve ainsi des risques de tumeur maligne au niveau de la peau (caractérisée par une hyperpigmentation), du squelette (ostéomes, notamment au niveau du crâne et du maxillaire, [212] Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
Figure 26. Syndrome de Rieger. Cas 1 : A. Photographie de face. B. Photographie intrabuccale montrant la persistance de dents temporaires (cercles bleus). C. Radiographie panoramique montrant la persistance de dents temporaires et des agénésies multiples (étoiles blanches). Cas 2 : D. Photographie intrabuccale. E. Radiographie panoramique montrant une importante oligodontie. F. Photographie de face.
Figure 27. Holoprosencéphalie (HPE). A. Photographie intrabuccale d’un patient présentant une forme fruste d’HPE avec une incisive centrale médiane unique. B. Radiographie panoramique mettant en évidence une incisive centrale médiane unique.
des kystes épidermoïdes), et des cancers colorectaux. Les anomalies dentaires sont diverses : dents impactées, dents surnuméraires, agénésies et anomalies de la forme des racines. Le gène impliqué dans cette pathologie est APC situé au locus 5q21.q22. [213] Ce gène est impliqué dans la voie de signalisation Wnt (Fig. 19). Dans les familles atteintes, les manifestations orofaciales peuvent être les premières et permettre le dépistage précoce de cette pathologie avant la transformation des polypes intestinaux en cancer colorectal. [214] Les syndromes associés aux anomalies de nombre sont extrêmement nombreux, le Tableau 5 répertorie les plus fréquentes. Stomatologie
■ Mutations des gènes impliqués dans la croissance PTH, PTHrp et leurs récepteurs PTH Les mutations du gène codant pour l’hormone parathyroïdienne (située au locus 11p15.3-p15.1) sont responsables d’une forme isolée d’hypoparathyroïdie, de transmission autosomique récessive ou dominante (MIM 146200). Cette pathologie est
35
22-001-A-05 ¶ Odontogénétique
Tableau 6. Gènes impliqués dans l’holoprosencéphalie (HPE). Type d’HPE
Localisation chromosomique
Gène
OMIM
HEP 1
21q22.3
HEP 2
2p21
SIX3
157170
HEP 3
7q36
SHH
142945
HEP 4
18p11.3
TGIF
142946
HEP 5
13q32
ZIC 2
603073
HEP 6
2q37.1-q37.3
?
605934
HEP7
9q22
PTCH
601309
3p21.31
TDGF1/CRIPTO
8q24
FAST1
2q14
GLI2
236100
caractérisée par une hypocalcémie et une hyperphosphatémie dues à une sécrétion déficiente de PTH. [215] Les dents présentent des hypoplasies amélaires ainsi que des hypominéralisations amélaires et dentinaires et des calcifications vasculaires dans la pulpe. [216] Une seconde pathologie s’apparente à celle-ci, il s’agit de l’ostéodystrophie d’Albright ou pseudohypoparathyroïdisme (MIM 103580). Cette pathologie est également la manifestation d’une résistance à la PTH due à une mutation du gène GNAS1 (20q13.11) codant pour une sous-unité régulatrice de protéine G empêchant l’action de la PTH et d’autres hormones. Ces patients présentent une petite taille, une obésité, un visage rond, des calcifications sous-cutanées, une brachymétacarpie, une brachydactylie et un retard mental associé à une hypocalcémie, une hyperphosphatémie et un taux élevé de PTH. D’un point de vue dentaire, on retrouve un retard d’éruption, des
anomalies squelettiques (béances antérieures) et une hypoplasie amélaire. Des ankyloses de l’articulation temporomandibulaire sont parfois décrites. [217]
PTHrp et récepteur PPR, récepteur commun à la PTH (hormone parathyroïdienne) et à la parathyroid hormone related peptide (PTHrp), joue un rôle dans la régulation de l’homéostasie phosphocalcique chez l’adulte, mais a également un rôle crucial dans le développement embryonnaire, particulièrement du squelette. Il intervient dans le processus d’ossification endochondrale responsable de toute la formation du squelette appendiculaire et axial (Fig. 29). [218] Les mutations inactivant ce récepteur sont à l’origine d’une dysplasie osseuse létale appelée chondrodysplasie de Blomstrand (MIM 215045). Le phénotype est similaire à celui des souris invalidées homozygotes, à savoir des membres courts traduisant l’accélération de l’ossification. [219, 220] À l’inverse, les mutations activant ce récepteur génèrent un retard de la formation osseuse (dû à un retard de différenciation chondrocytaire) caractérisant la chondrodysplasie métaphysaire de Jansen (MIM 156400). Les patients présentent des membres courts, déformés, une taille réduite, une sévère hypercalcémie et une hypophosphatémie moyenne. [221] Une troisième pathologie a été corrélée à une mutation activatrice de ce gène situé au locus 3p22-p21.1, l’enchondromatose, dans laquelle les patients présentent des tumeurs bénignes de l’os. [222] Au niveau dentaire, PPR est exprimé dans la papille et PTHrp au niveau de l’épithélium dentaire et de l’organe de l’émail. Ce dernier semble être indispensable aux phénomènes d’éruption. Les études de transgenèse chez la souris ont montré que le PTHrp intervient dans la régulation spatiotemporelle de l’os alvéolaire et des ostéoclastes autour des germes dentaires. [223] De plus, Calvi et al. [224] ont montré que le PPR est impliqué
Figure 28. Dysostose cléidocrânienne (avec l’aimable autorisation du docteur V. Roy). A. Radiographie panoramique d’une patiente de 9 ans atteinte de dysostose cléidocrânienne. On note la présence de deux odontomes en position médiane maxillaire empêchant l’évolution des incisives centrales, ainsi que la transposition des incisives latérales et canines maxillaires. B. Radiographie panoramique 1 an après extraction des odontomes maxillaires. Apparition de nouveaux odontomes dans les secteurs prémolaires droits. C. Photographie intrabuccale en cours de traction orthodontique des incisives centrales maxillaires. D. Macrophotographie d’un des odontomes coloré au bleu de toluidine montrant une invagination d’émail dans la dentine (× 1,8). E. Macrophotographie d’une incisive temporaire colorée au bleu de toluidine (× 1,8).
36
Stomatologie
Odontogénétique ¶ 22-001-A-05
PTHrp
CHONDROCYTES DE RÉSERVE
PTHR1 IHH
CHONDROCYTES PROLIFÉRATIFS CHONDROCYTES HYPERTROPHIQUES
Figure 29. Voie de signalisation PTH/PTHrp (d’après Strewler [215]). Le PTHrp est sécrété par les chondrocytes de la partie la plus distale qui plus tard donnera le périchondre. Il va alors activer la prolifération des chondrocytes et inhiber leurs différentiations terminales. Le récepteur du PTHrp (PPR PTH/PTHrp receptor) est exprimé au niveau des chondrocytes préhypertrophiques et des ostéoblastes. Ihh (Indian Hedgehog) est un marqueur des chondrocytes pré-hypertrophiques qui induit le production de PTHrp en rétrocontrôle de la différenciation chondrocytaire.
dans la différenciation odontoblastique et, par voie de conséquence, améloblastique. Fort de ces constats, l’investigation phénotypique dentaire reste à faire chez l’homme.
Métabolisme de la vitamine D La vitamine D est une hormone essentielle au contrôle de l’homéostasie phosphocalcique. Il existe deux sources de vitamine D : une source exogène alimentaire et une source endogène par synthèse au niveau de la peau. La synthèse de vitamine D est amorcée dans les kératinocytes à la suite d’une exposition solaire. Par hydroxylations successives au niveau du foie puis du rein, la forme active de cette hormone (la 1,25-dihydroxyvitamine D3 [1,25(OH)2D3]) est libérée. Elle va alors se lier à un récepteur nucléaire qui est un facteur de transcription contrôlant l’expression de gènes cibles de la vitamine D. Son rôle majeur est de stimuler l’absorption du calcium et du phosphate dans le duodénum et de stimuler la réabsorption du calcium et du phosphate par le néphron. Elle assure ainsi un apport d’ions nécessaires à la biominéralisation. Toute perturbation du métabolisme de la vitamine D peut provoquer un rachitisme et/ou une ostéomalacie. Le rachitisme correspond à une anomalie de minéralisation affectant les plaques de croissance et donc ne s’observe que chez les individus en période de croissance. L’ostéomalacie correspond aux défauts de minéralisation de tout autre site. Trois pathologies génétiques sont associées à des perturbations de ce métabolisme : le rachitisme pseudovitamine D déficient de type I et II (VDDRI et VDDRII) et le rachitisme hypophosphatémique lié à l’X (HVDRR). [225]
Rachitisme pseudovitamine D-déficient (PDDR ou VDDRI vitamin D-dependent rickets type I) (MIM 264700) C’est une maladie rare due à un défaut de formation de la vitamine D au niveau rénal. Il est dû à une altération de l’activité d’une enzyme rénale, la 25-hydroxyvitamine D 1a-hydroxylase, générant un manque de conversion de la 25 (OH) D3 en 1,25 (OH) 2D3. [226] Sans traitement, ces patients présentent un important retard de croissance associé à une hypotonie, et un rachitisme (hypominéralisation, notamment Stomatologie
sous les plaques de croissance). Au niveau sérique, on retrouve une hypocalcémie et un taux diminué de 1,25 (OH) 2 D 3 . L’hypocalcémie provoque une hyperparathyroïdie secondaire. La phosphatémie ainsi que la concentration de 25(OH)D3 peuvent être normales, voire augmentées. [227, 228] Les travaux de Labuda [229] ont permis de localiser cette mutation sur le bras long du chromosome 12 en q14. Elle se transmet sur le mode autosomique récessif. Les phénotypes observés dans les cas de rachitisme héréditaire vitamine D-déficient sont similaires à ceux rencontrés dans le cas de rachitisme carentiel. Les dents présentent des hypoplasies amélaires, des défauts dentinaires, un élargissement des chambres pulpaires, des racines courtes et des microdonties localisées. Zambrano et al. [230] les décrivent hypoplasiques de couleur jaune-brun. À la différence des VDDRII et HVDDR, ces auteurs ne retrouvent pas de lésions périapicales. Le traitement de cette maladie consiste en un apport de vitamine D et permet de rapidement normaliser les paramètres sériques et radiologiques. De même, la myopathie disparaît rapidement. Un diagnostic précoce permet donc de prévenir les déformations osseuses et une prise en charge dentaire adaptée. Le diagnostic différentiel avec le rachitisme hypophosphatémique lié à l’X se fait sur la sévérité de la maladie, l’absence de myopathie et l’absence de diminution de calcium sanguin. La réponse à la vitamine D est moins bonne.
Rachitisme pseudovitamine D-résistant (VDDRII vitamin D-dependent rickets type II) (MIM 277420, 277440) Le récepteur nucléaire de la vitamine D appartient à la superfamille des récepteurs nucléaires stéroïdiens. Comme tous les facteurs de transcription, il présente un site de liaison à des sites spécifiques de l’ADN des régions promotrices des gènes cibles appelés VDRE (vitamin D response elements). Pour être actif, il doit interagir avec un récepteur rétinoïque RXR (retinoid X recepteur) pour former un hétérodimère. De nombreuses protéines coactivatrices rejoignent ce complexe pour initier la transcription. Le rachitisme pseudovitamine D-déficient de type II est une pathologie récessive rare due à une mutation de ce récepteur. Les patients présentent très tôt un rachitisme, une hypocalcémie, une hypophosphatémie et une hyperparathyroïdie secondaire. Ils souffrent de douleurs osseuses, de faiblesses musculaires, voire d’hypotonies. L’hypocalcémie peut également être responsable de crises convulsives. Dans certains cas, les patients ont une alopécie totale. [231] Sur le plan dentaire, on retrouve des altérations amélaires, des microdonties et des retards d’éruption. Nishino et al. rapportent cependant des anomalies dentinaires, un élargissement des chambres pulpaires et pas d’altération amélaire. [232] Sur le plan sérique, ils présentent une concentration élevée de 1,25 (OH)2D3, ce qui distingue cette pathologie du VDDRI. À un stade plus avancé cependant, cette concentration est diminuée. Les concentrations de PTH et la phosphatase alkaline sont augmentées. Le gène codant pour ce recepteur se situe sur le chromosome 12 au locus q12-q14. De nombreuses mutations ont été décrites. Ces mutations peuvent réduire son activité ou totalement l’abolir et rendre les patients totalement résistants à la vitamine D (pour revue Malloy et al. [233, 234]). Il a été montré que les gènes impliqués dans les amélogenèses imparfaites héréditaires (amélogénine et énaméline) ont une expression stimulée par la vitamine D. [54] Ainsi, les formes carentielles et génétiques du rachitisme constituent, sur le plan dentaire, une phénocopie de ces pathologies amélaires héréditaires. Malgré l’intérêt scientifique de l’analyse du phénotype dentaire dans les dysfonctions héréditaires des grandes voies de régulation endocrinienne de la croissance, la recherche clinique dans ce domaine présente de grandes lacunes. Des travaux expérimentaux rigoureux sur la régulation de l’expression des gènes dentaires par voie hormonale sont rarissismes, de par les
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• défaut de minéralisation et chute prématurée des dents dans la forme fruste de l’hypophosphatasie résultant de la mutation du gène de la phosphatase alcaline non-tissu spécifique TNAP dans ce qui est nommé l’odontohypophosphatasie. Pour ce faire, l’interface entre odontologiste, stomatologiste, chirurgien maxillofacial et médecin demande à être développée pour permettre un diagnostic précoce et une prise en charge qui tiennent compte des progrès actuels de la génétique. Une telle collaboration permettrait un meilleur phénotypage dentaire des syndromes. Le diagnostic d’une maladie génétique n’est pas sans implication pour le patient et sa famille. La prise en charge par un spécialiste généticien et pas seulement par l’odontologiste facilite l’acceptation de la maladie et confère au patient un interlocuteur référant. Un réseau national d’odontogénétique fédérant des sites de consultation mixte a été constitué, impliquant Bordeaux, Nantes, Paris, Strasbourg, Toulouse et Versailles en 2005. Ce réseau s’adosse à des laboratoires de recherche plus fondamentale, à même d’explorer les mécanismes cellulaires et de réfléchir à des innovations thérapeutiques. Ce regroupement, sur un thème relativement orphelin, tout au moins en France, le développement dentaire, s’est fixé comme objectif de définir un consensus de diagnostic, d’explorer la structure et la fonction de certains gènes dentaires, et d’analyser les mutations sur le plan clinique et physiopathologique.
difficultés à reproduire in vitro des cellules dentaires conservant leurs phénotypes contrairement à la situation dans les ostéoblastes. [72]
Rachitisme hypophosphatémique lié à l’X (HVDRR hypophosphatemic vitamin D resistant rickets) (MIM 307800, 307810) Biologiquement, il s’accompagne de la persistance d’une hypophosphatémie et d’une hyperphosphaturie dues à un défaut de réabsorption du phosphate inorganique rénal et intestinal. La régulation du métabolisme de la vitamine D est également perturbée, donnant une concentration anormale de 1,25-dihydroxyvitamine D3. Deux hypothèses physiopathologiques ont été évoquées, un problème au niveau du transporteur sodium-dépendant du phosphate et une altération dans le métabolisme de la 1,25(OH)2 vitamine D3 (car on note une anomalie d’hydroxylation de la 25-hydroxyvitamine D). La protéine en cause est une métallopeptidase, appelée PHEX, dont le mode d’action est inconnu. Ces patients ont une taille réduite, des déformations des membres dues à une minéralisation altérée. Les dents présentent une chambre pulpaire élargie en direction de la jonction amélodentinaire (proéminence des cornes pulpaires). On retrouve ainsi de nombreuses lésions périapicales sans pathologie carieuse faisant suite à des expositions pulpaires fréquentes une fois la couche d’émail abrasée. [235] D’un point de vue histologique, l’émail est normal, seule la dentine est atteinte. Sous la jonction amélodentinaire, on trouve une importante couche de dentine interglobulaire. Le front de minéralisation montre une large zone où les calcosphérites ont mal fusionné. [236] L’analyse du contenu minéral de la dentine montre un taux plus élevé de sodium et plus faible de magnésium comparativement aux dents témoins. Les espaces interglobulaires présentent un excès de zinc qui est probablement responsable de ces défauts de minéralisation. Même si, structurellement, l’émail paraît normal, son attrition rapide signe sans doute un défaut de minéralisation. [237, 238] La forte prévalence de lésions périapicales pourrait être expliquée par la présence de microcraquelures facilitant l’invasion bactérienne. [239, 240]
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Acanthosis nigricans : maladie rare de la peau caractérisée par des plaques rugueuses, l’apparition de végétations papillaires plus ou mois brunâtres siégeant aux aisselles, au cou et sur les muqueuses (langue et lèvres). Ankyloglossie : adhérence vicieuse de la langue. Ankyloblépharon : adhérence du bord libre des deux paupières. Clinodactylie : déformation des doigts. Colobome : absence de certaines structures de l’œil par non-fusion de la suture intraoculaire. Ectropion : renversement en dehors des paupières. Hypotélorisme : réduction de l’écartement des yeux. Hypotrichose : développement réduit ou nul de la pilosité. Lentigine : petites taches brunes hyperpigmentées circonscrites. Mélanoleukoderma : marbrure de la peau. Microstomie : diminution de la taille de la bouche. Onychodystrophie : anomalie des ongles. Platyspondylie : aplatissement des corps vertébraux. Poïkylodermie : hyperpigmentation puis atrophie de la peau. Polydactylie : augmentation du nombre de doigts. Polysyndactylie : doigts anormalement courts et soudés. Tachypnée : accélération du rythme ventilatoire. Radiculomégalie : allongement et élargissement de la racine des dents.
■ Conclusion Pour des raisons didactiques et par tradition dans la littérature, une classification des pathologies génétiques et des gènes impliqués dans les anomalies dentaires s’effectue sur une division binaire : les formes isolées et les formes syndromiques. Ce concept d’« isolé » se fonde sur la notion de spécificité cellulaire de l’expression des gènes, les amélogénines de l’émail, la DSPP de la dentine, mais également de l’atteinte suspectée d’un seul tissu. Ce constat est actuellement battu en brèche par la découverte progressive d’expression « ectopique » de ces protéines, notamment dans le tissu osseux, bien qu’à un niveau plus modéré. Ainsi, une anomalie dentaire isolée constitue un signe d’appel sur le plan général qui doit faire passer en revue d’autres systèmes. L’investigation de l’os et de la surdité devrait être systématique face à une dentinogenèse imparfaite, de même qu’une recherche d’atteinte ectodermique ou oculaire devrait accompagner toute hypodontie. Peut-être faudra-t-il envisager la même évolution pour les amélogenèses imparfaites face aux associations rénales et oculaires décrites ? Réciproquement, dans différents gènes dont la mutation produit en général une cohorte d’anomalies associées aux défauts dentaires, de par l’expression et la fonction plus ubiquitaire de gènes mutés, des cas isolés d’atteintes dentaires sont rapportés : • dents surnuméraires et RUNX2 dans le syndrome cléidocrânien ; • agénésies dentaires isolées et ectodysplasine A associée à une dysplasie ectodermique fruste ;
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M. Molla. Inserm U714, universités Paris 7 et Paris 6, Institut biomédical des Cordeliers, 15, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France. Service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5, rue Garancière, 75006 Paris, France. I. Bailleul-Forestier, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5, rue Garancière, 75006 Paris, France. Fédération de génétique, service de stomatologie et de chirugie maxillofaciale, hôpital Robert Debré, 68, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. C. Artaud, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5, rue Garancière, 75006 Paris, France. A. Verloes, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Fédération de génétique, service de stomatologie et de chirugie maxillofaciale, hôpital Robert Debré, 68, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. C. Naulin-Ifi, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5, rue Garancière, 75006 Paris, France. J. Elion, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Fédération de génétique, service de stomatologie et de chirugie maxillofaciale, hôpital Robert Debré, 68, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. A. Berdal, Professeur des Universités, praticien hospitalier (
[email protected]). Inserm U714, universités Paris 7 et Paris 6, Institut biomédical des Cordeliers, 15, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France. Service de biologie, UFR d’odontologie, Garancière, université Paris 7, hôpital Hôtel-Dieu, 5 rue Garancière, 75006 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Molla M., Bailleul-Forestier I., Artaud C., Verloes A., Naulin-Ifi C., Elion J., Berdal A. Odontogénétique. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-A-05, 2006.
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G Couly : professeur d'université Paris V, stomatologie et chirurgie maxillo-faciale pédiatriques Hôpital Necker-Enfants Malades, 75015 Paris, institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du CNRS et du Collège de France (Pr Le Douarin) France
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INTRODUCTION La morphogenèse est la procédure biologique reproductible qui permet à un individu de prendre forme vivante, « de prendre corps », à partir de l'oeuf fécondé. Pour ce faire, il parcourt le périlleux chemin biologique qui le mène des étapes de l'embryogenèse à celles de l'adulte mature et autonome. La réflexion sur la morphogenèse des êtres est une préoccupation ancienne de l'humanité déjà explicitée chez les Grecs comme Aristote (l'épigenèse), Héraclite d'Ephèse (formes biologiques et conflit) ou le poète romain Lucrèce (De la nature des choses). En 1651 et 1677, les découvertes respectives de l'ovule par Harvey et du spermatozoïde par Van Leeuwenhoek, grâce à l'invention préalable du premier microscope, furent déterminantes pour les réflexions ultérieures du XVIIIe siècle concernant l'embryogenèse causale [15]. Durant la première moitié de ce siècle, l'opposition entre les préformistes, qui pensaient que le spermatozoïde était un être en miniature (l'homonculus), et les défenseurs de l'épigenèse (Harvey), ou développement par étapes, fut vive jusqu'en 1759, date où Wolff, en décrivant par l'observation les étapes morphologiques successives du développement de l'embryon de poulet, montra grâce à cette stable reproductivité la validité de l'épigenèse. L'ère de l'embryologie descriptive commençait alors. Il fallut attendre la fin du XIXe siècle pour que Driesch ouvre l'ère de l'embryologie expérimentale en confirmant par l'existence des oeufs à régulation la prééminence de l'épigenèse embryologique, appelée par la suite par Waddington « paysage épigénétique » (« epigenetic landscape ») [112]. Au XXe siècle, des techniques expérimentales nouvelles (ablation et greffe microchirurgicales, irradiations localisées, utilisation de traceurs radioactifs) ont permis de recueillir des données précieuses sur certains processus comme les mouvements cellulaires ou les territoires présomptifs. Plus près de nous, grâce à l'observation au microscope électronique et la mise au point d'outils issus de la biologie et de la génétique moléculaires, de nombreux chercheurs s'attachent actuellement à analyser la
morphogenèse à l'échelle moléculaire. L'oeuf fécondé va croître par mitoses successives et se structurer en lignées par différenciation cellulaire. Les cellules embryonnaires nous apparaissent ainsi automatisées et programmées. Mais encore aujourd'hui nous ne savons presque rien des interactions [115] qui fondent les phénomènes biologiques d'induction, de champs morphogénétiques, d'informations dites de position [118] entre les populations cellulaires de l'embryon. Nous sommes loin encore de cette connaissance de la « sociologie cellulaire » de l'être que souhaitait Chandebois [15]. Le programme génétique est probablement la structure clé du développement biologique, mais nous sommes démunis et sans réponse pour comprendre comment la structure génétique peut coder une procédure à trois dimensions, voire à quatre, celle du développement biologique. Des penseurs comme Thom ont proposé depuis quelques années des modélisations mathématiques issues de la topologie pour expliciter les dynamiques morphologiques de la gastrulation ou de la neurulation par exemple [101, 102, 103] . De nombreux êtres vivants présentent une configuration de type « géométrique » de leur organisation générale adulte, adaptée aux contraintes physiques de leur environnement (D'Arcy Thompson) [32, 97].
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BIOLOGIE DU DÉ VELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DU PÔLE CÉ PHALIQUE Le développement embryonnaire du pôle céphalique des vertébrés, et donc de l'homme, est un scénario complexe dont nombre de situations sont actuellement bien documentées. Nous n'en ferons pas l'historique. C'est au cours de la neurulation, c'est-à-dire à partir de l'ectoblaste lors de la troisième semaine, que se mettent en place les tissus qui vont contribuer à former le pôle céphalique : le système nerveux central et ses enveloppes protectrices ; les récepteurs faciaux neurosensoriels entourés de mésenchyme squelettogène, issus de la crête neurale ; les structures cervico-thoraciques antérieures entourant l'extrémité de l'endoderme ou intestin pharyngien. C'est au cours de cette étape de la neurulation que diverses défaillances développementales peuvent se manifester et être responsables de malformations céphaliques reconnaissables pour certaines par échographie chez le foetus et pour d'autres chez le nouveau-né. Longtemps décrit dans sa globalité ou explicité par la tératologie expérimentale [38, 109] ou par le biais de l'étude des malformations spontanées [78, 107, 108, 113], le développement embryonnaire du pôle céphalique possède ses propres outils d'analyse expérimentale et causale qui ont évolué au cours du XXe siècle. Parmi ceux-ci, les destructions de territoires embryonnaires (par chirurgie ou par radiothérapie) [14, 116], les marqueurs colorés et radioactifs, les greffes homologues et hétérologues ont permis de décrypter certains phénomènes généraux du développement [59, 60, 61]. D'autres, comme les chimères, l'identification cellulaire par anticorps monoclonaux, sont d'une grande utilité dans l'étude des mouvements cellulaires, des différenciations tissulaires préludant à la forme des organes. Un de ceux-là, découvert il y a quinze ans par Le Douarin [67, 68] dans le laboratoire de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France est, à ce point de vue, très performant (fig. 1). Il s'agit de la chimère caille-poule construite par greffe microchirurgicale et qui a permis d'apporter une quantité impressionnante d'informations sur la formation des êtres biologiques. La signification biologique de la tête ou son plan général d'organisation ont attiré nombre de philosophes, d'écrivains ou de scientifiques [87, 88, 114]. Goethe et Oken ont émis au XVIIIe siècle l'idée d'une segmentation de la tête intitulée ultérieurement « théorie vertébrale du crâne » [100]. Celle-ci peut évidemment être critiquée car trop schématique,
mais paradoxalement les données récentes de la biologie du développement embryonnaire précoce, en particulier celles concernant la régionalisation de la crête neurale au niveau céphalique, et la mise en évidence de gènes homéotiques lors de la différenciation cellulaire, ont relancé ce débat passionnant [1, 54, 78, 114]. La tête est à ce jour reconnue comme système biologique de perception et de communication de grande densité fonctionnelle (succion, mastication, déglutition, ventilation) et investie de charges éthologiques. Le pôle céphalique présente encore au cours de son développement une exceptionnelle unité à partir du feuillet neurectoblastique. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'oeil, la mandibule ou le septum cardiaque ont une communauté d'origine à partir des cellules de la crête neurale céphalique (CNC), ce qui nécessite bien évidemment une approche globale du développement embryonnaire.
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PHÉ NOMÈNES CELLULAIRES DE L'EMBRYOGENÈSE De l'oeuf fécondé jusqu'à l'être achevé, le développement par croissance coordonnée de l'embryon met en jeu divers phénomènes cellulaires : l'induction des champs morphogénétiques, la division, l'adhérence, la différenciation, les déplacements et la mort cellulaire. Les biologistes s'accordent actuellement pour admettre que les phénomènes cellulaires mis en jeu lors du développement requièrent des procédures coopérantes génétiques et épigénétiques.
Induction et champs morphogénétiques
[11, 15, 36, 115]
Un tissu embryonnaire n'en induit un autre à se différencier ou à s'engager dans une voie particulière que si le second présente un état biologique compétent. La nature biochimique des substances inductrices serait protéinique. Le mode de transmission ou d'action de l'agent biochimique inducteur est encore mal compris. Pour certains, il nécessiterait le contact entre les deux tissus : l'induit et l'inducteur. Les contacts cellulaires auraient alors un rôle décisif dans le transfert de l'agent inducteur. Dans d'autres circonstances, la transmission de protéines inductrices pourrait se faire à distance. Les inductions successives entre les différents tissus de l'embryon semblent être une des conditions nécessaires à l'individualisation de champs morphogénétiques. Ce sont des territoires embryonnaires qui ne présentent pas encore de différenciation organique, mais qui préfigurent l'ébauche présomptive d'un organe avant certains mouvements morphogénétiques (voir la cartographie des territoires présomptifs de la face dans la plaque neurale et ses bords [fig. 3]). Si un tel territoire est retiré, l'embryon futur en sera dépourvu faute de régulation quantitative et qualitative.
Mitose, croissance tissulaire, synthèse d'ARN messager Dès la conception, l'oeuf se divise en 2, 4, 8, 16, 2n cellules durant la segmentation grâce à la présence d'ARN messager de l'ovocyte. Conjointement, cette petite masse de cellules est l'objet d'organisation temporo-spatiale tissulaire due aux premières ségrégations et différenciations des lignées (c'est ce qui se passe lors de l'individualisation des trois feuillets : endoderme, ectoderme, mésoderme). Ces ségrégations cellulaires, dont l'origine génétique est admise, témoignent encore du fait que le développement est sous-tendu par l'activité mitotique des cellules. Les signaux régulant ou déclenchant l'importance quantitative de ces mitoses sont en rapport avec la différenciation précoce de leur phénotype. A la gastrulation, des synthèses nouvelles de protéines sont codées par les ARN messagers du génome embryonnaire. Chez les mammifères, il semble exister un
asynchronisme entre l'importance des mitoses et la synthèse rapide des ARN messagers. Le déclenchement de la différenciation cellulaire dépendrait du nombre préalable de ces mitoses mais, dans l'ensemble, ces données demeurent fragmentaires.
Membrane plasmique, cytosquelette, collage cellulaire
[10]
Les cellules embryonnaires ne sont pas des robots biologiques ; environnement joue un rôle capital dans leur comportement. Pour cela, disposent d'une organisation et d'organites intracytoplasmiques ; elles limitées par une membrane plasmique spécifique régulant les échanges l'environnement.
Membrane plasmique
leur elles sont avec
[10]
Chaque cellule embryonnaire, comme du reste l'ensemble des cellules de l'organisme, est délimitée par un système complexe de membrane. Ce n'est pas une simple interface entre la cellule et son milieu. C'est une structure active dans les relations cellules-cellules. Cette membrane est faite d'une double couche de glycolipides et de glycoprotéines intrinsèques et spécifiques de chaque cellule. Ces membranes sont des barrières de contrôle de sortie et d'entrée de tous les messages intercellulaires. Du reste, l'expression morphologique de ces phénomènes est observable. C'est par exemple l'exocytose sécrétoire d'une hormone peptidique ou l'endocytose d'un virus. D'autres phénomènes plus difficilement accessibles à l'observation mettent en jeu des trafics moléculaires dans cette membrane. Ce sont les perméations ou phénomènes de mise en relation du milieu extracellulaire avec le cytoplasme par transfert de certains messagers (tels que ions, acides aminés, hormones stéroïdes) et les transductions qui ne permettent pas la pénétration intracellulaire du messager, mais seulement sa liaison à la surface de la membrane plasmique, assurant ainsi le passage de l'information qu'il transporte vers le cytoplasme [10]. (Nous verrons le rôle de cette transduction dans la différenciation des préodontoblastes en odontoblastes.)
Cytosquelette Le cytosquelette est la charpente intracellulaire puisqu'il est formé d'un système d'organites contrôlant les mouvements et les déformations de la cellule. Il est formé de microtubules, de tubuline et de microfilaments d'actine. Le cytosquelette des cellules de la plaque neurale joue un rôle très important dans les déformations et les mouvements de celle-ci et dans sa transformation morphologique en gouttière, puis sa fermeture par contact jonctionnel postérieur [57] .
Collage intercellulaire
[15, 110]
L'élaboration de la forme des embryons ou de leurs organes en développement n'a lieu que si l'adhérence cellulaire est réalisée, sinon un être biologique ne serait qu'un tas de cellules dissociées et n'aurait aucune chance d'existence. Les contacts entre les cellules de l'embryon existent dès que celui-ci est fait de deux cellules. Les inductions, c'est-à-dire les séquences des phénomènes bio-chimiques aboutissant à la différenciation cellulaire, débutent au stade de la gastrulation et résultent d'interactions spécifiques mutuelles entre divers groupes de cellules (groupes inducteurs et compétents à subir cette induction). Ces interactions se font soit sous la forme de contact cellulaire direct avec échange de facteurs moléculaires de type protéinique soit à distance. Ces inductions successives entre groupes cellulaires finissent par assurer la cohésion et l'adhérence des
cellules mises en contact qui glycoprotéique de surface [15].
s'agrègent
grâce
à
une
reconnaissance
Edelman [39, 40] a mis en évidence un ensemble de molécules intervenant dans l'adhérence intercellulaire lors de l'étape de la neurulation : les CAM (ou « cell adhesive molecules »). Les NCAM (ou « neural cell adhesive molecules ») siègent sur tous les corps cellulaires des neurones en croissance. Ces molécules sont des protéines de la surface externe de la membrane plasmique. Elles peuvent être repérées par immunofluorescence par fabrication d'anticorps. Ceuxci sont capables d'inhiber l'adhérence des cellules. Plusieurs CAM ont été identifiées : LCAM (sur les cellules hépatiques embryonnaires), NGCAM (sur les cellules neurogliales du système nerveux central [37, 105]). La molécule responsable de l'adhérence des cellules neurales est une chaîne protéique à trois domaines. La NCAM d'une cellule se lie à une autre NCAM d'une autre cellule et ce homophiliquement. Les protéines de surface et d'adhérence cellulaire disparaissent lorsque les cellules épithéliales deviennent mésenchymateuses (quand les cellules de la crête neurale débutent leur migration). L'adhérence des cellules permet leur agrégation et intervient dans la construction de « patron morphogénétique » dont l'étude est une préoccupation de toute la biologie moderne. A côté des déterminants moléculaires de la morphogenèse, ont été identifiés des facteurs diffusibles. Ceux-ci sont des facteurs de croissance et de différenciation permettant le développement harmonieux des tissus. Ce sont des polypeptides qui avaient été proposés depuis de nombreuses années par les embryologistes comme étant les molécules servant de support à la communication entre les cellules embryonnaires au cours du développement. Grâce aux progrès de la biochimie et de la culture de cellules, un grand nombre d'entre eux sont maintenant identifiés et leur mécanisme d'action élucidé. Certains ont été identifiés par exemple lors des phénomènes de cicatrisation ou lors de la croissance des tumeurs malignes. Leur purification à homogénéité et surtout leur clonage génétique ont permis de leur attribuer des fonctions précises. NGF (« nerve growth factor »), EGF (« epidermal growth factor ») sont les plus connus et forment avec le TGF (« tumors growth factor ») une classe moléculaire commune qui se fixe sur le même groupe de récepteurs cellulaires. PDGF (« platelet derived growth factor ») est encore une famille de facteurs de croissance qui se trouvent en grande quantité sur les plaquettes et dans certaines cellules tumorales malignes. FGF (« fibroblast growth factor ») a une structure moléculaire basique ou acide et a été découvert dans les tissus nerveux en croissance ainsi que dans de nombreuses tumeurs malignes. Les cellules immunitaires en croissance et en différenciation (lymphocytes B par exemple) sont stimulées par les interleukines, le messager chimique de l'immunogenèse.
Apparition des phénotypes cellulaires L'environnement embryonnaire local semble coopérer avec le matériel génétique pour jouer le rôle déterminant dans la différenciation cellulaire. En étudiant le développement de la musculature et du squelette ostéocartilagineux du bourgeon de membre antérieur chez l'oiseau, Wolpert [117, 118] en tire argument pour proposer que les cellules embryonnaires se différencient, s'agrègent en organes ou acquièrent de nouvelles propriétés en fonction de signaux locaux, soit par contact avec d'autres cellules par rapport auxquelles elles vont orienter leur différenciation, soit en puisant localement dans leur environnement l'information nécessaire à leur différenciation, par contact avec la matrice extracellulaire ou la membrane basale : c'est l'information de position. Ainsi, les processus biologiques mis en jeu lors de la différenciation et de l'expression des divers phénotypes des cellules de la crête neurale en cours ou en fin de migration auraient un déterminisme extracellulaire [47, 48, 49, 65]. Les cellules épithéliales du neurectoderme sont capables de devenir des cellules à compétence mésenchymateuse aux propriétés invasives et migrantes. C'est le phénomène biologique constaté lors de l'individualisation des cellules de la crête neurale pour lesquelles une modification ou une perte des composants protéiniques des membranes plasmiques assurant la reconnaissance et le collage intercellulaires sont incriminées [110]. Ces mêmes cellules, totipotentes avant
leur migration du bourrelet neural, vont par contre se différencier au cours de celle-ci et, en définitive, acquérir des phénotypes très divers, soit au contact des membranes basales de l'endoderme pharyngien ou de l'ectoderme facial, soit au contact d'autres cellules déjà présentes sur leur lieu de fin de migration ou au contact de la matrice extracellulaire. C'est le cas des ostéocytes et des chondrocytes du mésenchyme facial [47, 48, 49, 73, 79].
Matrice extracellulaire et membrane basale Deux composants extracellulaires interviennent activement lors du développement et de la différenciation cellulaire, ce sont la matrice extracellulaire et la membrane basale [6, 10, 47, 48, 49, 65, 73, 79, 84, 96].
Membrane basale La membrane basale est un feutrage de glycoprotéines mucofibrillaires, de collagène de type IV, de laminine et de glycosaminoglycans dont la présence est capitale pour les phénomènes de la différenciation. Cette membrane sépare la matrice conjonctive intercellulaire de la cellule elle-même. Elle siège à la base des épithéliums en général. Cette membrane basale est une frontière anatomique et une zone d'échanges physiologiques. Elle a une action sur la différenciation et le fonctionnement cellulaire en tant que facteur modulant l'environnement en interagissant directement avec les membranes plasmiques. La membrane basale favorise encore les migrations des cellules mésenchymateuses par guidage de contact et est aussi une voie de migration possible pour d'autres cellules sous les épithéliums.
Matrice extracellulaire, fibronectines et migration cellulaire
[10, 37, 40, 105, 110]
La matrice extracellulaire est constituée de collagène de types I et III et de fibronectines. Celles-ci, largement présentes dans l'organisme adulte, sont les mieux connues des molécules de guidage et d'adhésion. C'est une classe de glycoprotéines multifonctionnelles divisée en deux groupes, soluble et fibrillaire sur les cellules. La forme soluble est trouvée dans le plasma, le liquide céphalorachidien et le liquide amniotique. La forme fibrillaire est fabriquée par une grande variété de cellules. C'est un constituant de la matrice extracellulaire. L'interaction entre les fibronectines et les cellules en migration est assurée par un récepteur spécifique de surface qui interagit avec une zone précise de la molécule. Les fibronectines et ces récepteurs constituent un système important d'adhésion qui règne dans la matrice extracellulaire ; ce système joue encore un rôle clé dans de multiples processus de l'embryologie, comme évidemment l'adhésion, la migration et la formation de patrons biologiques (forme des organes).
Mort cellulaire de l'embryogenèse ou nécrose morphogénétique
[24, 44, 66]
Le développement de l'embryon et du foetus humain et en général de tous les vertébrés est ponctué par la mort cellulaire, isolée, ou de groupement cellulaire, transitoire ou déjà organisé en structure rudimentaire (Glucksmann [44]). Ce phénomène se manifeste à une période de morphogenèse active de l'être biologique et aurait pour origine de subtils mécanismes environnementaux extracellulaires qui aboutiraient au suicide de la cellule par mécanisme enzymatique lysosomial. Nombreux sont les exemples qui illustrent ce phénomène sans distinction d'origine des tissus. Certains correspondent à la fermeture ou à l'ouverture ou à l'individualisation de structures sacculaires ou tubulaires. Ce sont, à titre d'exemple, les morts cellulaires de la membrane pharyngienne vers le 21e jour, assurant la communication de l'intestin céphalique avec le stomodaeum, celles des cordons épithéliaux des paupières contribuant à l'ouverture de ces dernières vers le 6e mois foetal. D'autres permettent la disparition d'un organe
rudimentaire transitoire ou d'un groupement cellulaire remplacé par un autre appareil telle la disparition des pro- et mésonéphros (reins primitifs cervical et thoracique) alors que se met en place le métanéphros (rein lombaire). Les poches ecto- et endobranchiales et leurs fentes ont une existence tout aussi temporaire alors que se développent dans leur environnement les parathyroïdes, le thymus ou des formations lymphoïdes. D'autres morts cellulaires correspondent à la disparition définitive d'organes, tel le cartilage de Meckel vers le 6e mois, de l'appendice caudal primitif, des pédicules organiques des glandes comme la thyroïde ou l'hypophyse. Kosaka [66] a montré que la mort cellulaire embryonnaire de l'ectoderme de recouvrement des bourgeons de la face lors de leur mise en contact est nécessaire dans la fusion de ces derniers. Le mécanisme cytochimique invoqué dans la réalisation des fentes stomodéales est corroboré par les travaux de Green et Pratt, (Couly [24]. Ces derniers ont mis en évidence le rôle des enzymes lysosomiaux dans les morts cellulaires épithéliales, des bords internes des procès palatins lorsque ces derniers fusionnent pour former le palais secondaire chez le rat. Ces auteurs ont encore démontré qu'en bloquant l'activité lysosomiale de l'ectoderme palatin, il était possible de déclencher une fente palatine par la « non-mort » cellulaire de celui-ci. Kosaka [66] objective en microscopie électronique l'existence de cellules spécialisées lors de la fusion ectodermique, contemporaine de la mort cellulaire, entre les bourgeons nasaux internes et maxillaires. Les cellules lysées de l'ectoderme sont alors phagocytées par des cellules embryonnaires spécialisées mésenchymateuses situées sous la basale. D'autres organes en développement sont l'objet de mort cellulaire tels les centres des sutures membraneuses crâniennes et les sillons mésodermiques interdigitaux permettant ainsi l'individualisation des doigts [24].
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NEURULATION ET É BAUCHE CÉ PHALIQUE &NBSP;[11, 15, 36, 46, 50, 109] La neurulation est l'étape embryonnaire au cours de laquelle les futures structures céphaliques s'individualisent. Trois stades embryonnaires vont préluder à celui de la neurulation : morula, blastula, gastrula. Nous les rappellerons succinctement.
Morula L'oeuf fécondé ou zygote se segmente en 2, 4, 8, 16... cellules ou blastomères. La morula ainsi formée se creuse d'une cavité appelée blastocyste peu avant l'implantation utérine vers le 6e jour.
Blastula Au cours de la deuxième semaine, la blastula augmente en taille au gré de l'accroissement du nombre des mitoses. La cavité blastocystique est au maximum de son volume (c'est la période prémorphogénétique). L'embryon est alors constitué de deux feuillets, l'ectoblaste et l'entoblaste, qui semblent présenter déjà une polarité dorso-ventrale.
Gastrula Au cours de la troisième semaine, on assiste à une ségrégation des premières lignées cellulaires aboutissant par arrangement temporo-spatial à la mise en
place des trois feuillets et de leur polarité céphalo-caudale : l'ectoblaste, destiné à la formation du système nerveux central, du revêtement cutané et du mésenchyme cervico-céphalique ; les cellules de l'ectoblaste migrent en profondeur par invagination pour former le chordomésoblaste ; le chordomésoblaste est l'ébauche de l'ensemble du squelette, des muscles squelettiques, du système cardio-vasculaire, des reins et du conjonctif ; l'entoblaste fournira l'ensemble du tube digestif et de l'arbre respiratoire.
Neurula et neurulation (fig. 2, 3, 4, 5, 6 et 7) Au cours de la quatrième semaine, la destinée de chacun des trois feuillets est soumise à une grande complexité morphogénétique. Chacun d'eux présente des mouvements et migrations cellulaires contribuant à l'apparition des stades morphologiques intermédiaires dont l'imagerie dynamique, parfois fugace, est toujours coordonnée dans le temps et dans l'espace. Vers le 21e jour, le chordomésoblaste induit l'ectoblaste sus-jacent à devenir le tissu neuroblastique ou neurectoblastique déterminé à devenir la plaque neurale. L'épiblaste et les crêtes neurales vont s'individualiser en bordure de la plaque neurale. Macroscopiquement [57], la plaque neurale a la forme d'une raquette à grosse extrémité antérieure et dont l'extrémité postérieure se rétrécit. Microscopiquement [57], elle est constituée de cellules jointives, cylindriques hautes dans sa partie centrale et cubiques dans sa partie périphérique. La cartographie et les déformations de la plaque neurale ont été déterminées dans sa partie antérieure par construction de chimères caille-poule dans le laboratoire de l'institut d'embryologie du Collège de France (fig. 3). Ces chimères ont été construites par greffes microchirurgicales de territoires précis de la plaque et du bourrelet (homotopes et homochromes), de l'embryon de caille vers l'embryon de poulet. Ces expériences ont montré que les territoires présomptifs du prosencéphale sont déterminés dès le stade de la plaque neurale et sont bordés par le bourrelet ectodermique qui devient, dans la région antérieure et médiane, l'antéhypophyse et l'épithélium olfactif et celui de la fosse nasale. Plus en arrière, le bourrelet fournit la peau des régions nasales, frontales et prémaxillaires. Ainsi, la plaque neurale et ses bords forment des unités embryonnaires neurosensorielles ou endocriniennes constituées par la contiguïté de la placode ou ébauche de l'organe correspondant et de son aire neurologique de projection. L'antéhypophyse est en effet en contiguïté avec l'hypothalamus, l'épithélium placodal olfactif avec le rhinencéphale télencéphalique et l'ectoderme nasofrontal borde le toit du télencéphale (fig. 3). Les mouvements de la plaque neurale ont fait l'objet également d'investigations. Dès que l'ectoblaste est induit par le chordomésoblaste sous-jacent, il devient la plaque neurale ou neurectoblaste. Celui-ci subit de profondes modifications structurelles qui ont pour conséquence la genèse de déformations déterminantes pour le développement de la tête, la mise en place des organes céphaliques et la compréhension de leurs malformations précoces. Ces déformations ont été étudiées par Jacobson [57] sur la neurula d'amphibiens grâce à des simulations sur ordinateur et modélisation mathématique couplée à la comparaison des phénomènes in vivo. La plaque neurale se déforme par modifications cytosquelettiques des cellules du pavage cellulaire puisque chaque cellule s'allonge grâce à la contraction des microfilaments. Ce phénomène est réalisé sans modification de volume cellulaire et sans mitose supplémentaire. Les déformations cellulaires ne concernent pas toutes les cellules du neurectoblaste. Seules, celles qui sont situées au-dessus de la corde subissent ce type de modification. La conséquence de celle-ci est une transformation macroscopique de la plaque dans le temps et dans l'espace, qui, rappelons-le, est la clé de la compréhension de la céphalogenèse. La plaque neurale s'allonge dans le sens antéro-postérieur (elle triple approximativement sa longueur). Elle s'élargit dans sa partie antérieure (elle
passe de 300 à 600 microns). Deux reliefs paramédians droit et gauche apparaissent alors entre les 20e et 25e jours chez l'homme, ces reliefs ont une direction antéro-postérieure ; simples élevures au début, ils deviennent de véritables bords d'une centaine de microns de hauteur qui déterminent ainsi différentiellement un sillon médian dans la plaque ou gouttière neurale. La partie la plus antérieure de la plaque manifeste un mouvement déterminant d'enroulement qui fait basculer les territoires antérieurs et dorsaux en position ventrale. C'est dans ces conditions que le territoire présomptif antéro-médian de l'antéhypophyse se retrouve à la face inférieure du diencéphale, c'est-à-dire à la partie postéro-supérieure du futur stomodéum (fig. 7). Il en est de même pour la placode olfactive qui se retrouve à la face inférieure du télencéphale. L'ensemble de ces malformations et mouvements : allongement, élargissement antérieur, formation des bourrelets neuraux, enroulement et bascule dorso-ventrale des territoires antérieurs de la plaque, sont parfaitement objectivés en microscopie électronique à balayage (fig. 4, 5 et 6).
Fermeture de la gouttière neurale Au cours de la troisième semaine, les bourrelets neuraux s'accolent. Les contacts jonctionnels postérieurs nécessaires à cet accolement transforment la gouttière neurale en un tube. Cet accolement débute classiquement dans la future région du rhombencéphale et progresse en avant et en arrière. Il s'agit d'un véritable collage grâce aux protéines de surface des cellules venant en contact. (La NCAM est une protéine dont la responsabilité serait incriminée dans la reconnaissance et le collage des cellules du neurectoblaste : voir chapitre : Phénomènes cellulaires de l'embryogenèse) (fig. 6A, B, C).
Conséquences des mouvements de la neurulation Neuropore antérieur, notion inexacte Alors que la gouttière neurale manifeste encore ses mouvements d'allongement et d'enroulement, l'accolement des bourrelets progresse en avant et suit conjointement la bascule ventrale des territoires antérieurs. Cette dynamique morphologique longtemps méconnue a pour conséquence de rendre discutable la notion de neuropore antérieur. La microscopie électronique à balayage a parfaitement objectivé que l'accolement des bourrelets neuraux se prolongeait jusque sous la face inférieure du diencéphale. Du reste, le passage en position ventrale de l'antéhypophyse est la conséquence du mouvement d'enroulement de la plaque neurale dans cette région.
Ségrégation des lignées cellulaires dans la plaque neurale (fig. 8 et 9) L'accolement du bourrelet neural par contact jonctionnel postérieur a pour conséquence les ségrégations des futures lignées cellulaires du neurectoblaste, ségrégations qui correspondent aux futures cellules entrant dans la constitution du pôle céphalique. Trois groupements cellulaires ont ainsi débuté leur différenciation : les neuroblastes du tube neural (ou futures cellules neuronales et gliales du système nerveux central) ; les cellules de l'ectoderme qui fourniront les placodes épiblastiques à l'origine des ganglions sensoriels et l'épiblaste céphalique (futur épiderme) ; les cellules des crêtes neurales (au niveau d'accolement du bourrelet neural).
Développement du tube neural (fig. 10)
L'ensemble de la gouttière neurale est fermé en un tube à la fin du premier mois embryonnaire. Ce tube est alors une structure annulaire faite de la juxtaposition de grandes cellules dont celles de topographie centrale deviendront les neuroblastes centraux et les cellules gliales. C'est à partir de cette couche centrale que se réalisent les migrations neuronales vers la partie corticale. Au niveau céphalique, l'évolution morphologique du tube neural est particulière. A la fin du premier mois, le tube neural est formé de trois puis de cinq vésicules. le prosencéphale (ou cerveau antérieur) deviendra le diencéphale et le télencéphale, lui-même sera subdivisé en deux vésicules paires et symétriques ; le mésencéphale restera indivis ; le rhombencéphale (ou tronc cérébral) deviendra le métencéphale, puis le cervelet et le myélencéphale. La constitution des trois, puis des cinq vésicules neurales contribue encore à l'allongement du tube neural, à son développement volumétrique et à l'exagération de l'enroulement de sa partie antérieure qui vient recouvrir l'ébauche cardiaque. Le massif facial devra se développer dans l'espace situé entre la face ventrale du tube et cette ébauche.
Placodes épiblastiques et épiblaste
[31]
(fig. 11)
La fermeture du tube neural par collage a eu pour conséquence l'individualisation par ségrégation des cellules de la crête neurale, des cellules neuroblastiques et des cellules de l'épiblaste. Au niveau céphalique, le revêtement épiblastique deviendra la peau de la tête et du cou mais, dans certaines régions de ce revêtement, existent des épaississements appelés placodes dont le rôle est de fournir des neurones qui par migration entreront dans la constitution des ganglions sensoriels des nerfs crâniens. Le schéma qui est représenté fournit la topographie de ces placodes telle qu'elle a été déterminée par construction de chimères caille-poule [31]. Au niveau céphalique et chez les vertébrés, on distingue les placodes suivantes : les placodes olfactives qui deviennent les nerfs olfactifs autour desquels se développeront les bourgeons nasaux internes et externes ; les placodes optiques qui deviennent le cristallin ; les placodes épibranchiales, c'est-à-dire trigéminée, géniculée, acousticofaciale ou otique, glosso-pharyngienne et vagale.
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CRÊTES NEURALES CÉ PHALIQUES (CNC) &NBSP;[67, 68, 69, 70, 71, 72] (FIG. 12) Les crêtes neurales sont les reliefs des bourrelets neuraux lors du stade de la gouttière neurale. Constituée de cellules de l'ectoblaste primaire, cette région de plicature droite et gauche siège entre ce qui deviendra le tube neural en dedans et l'épiblaste en dehors. Les crêtes neurales sont connues grâce à leurs propriétés biologiques développementales depuis les travaux de His en 1868, qui les appelait alors les « crêtes ganglionnaires ». Lorsque le collage des bourrelets neuraux s'effectue, les cellules ectoblastiques jointives situées au niveau de cet accolement perdent leur statut épithélial stationnaire pour devenir mobiles et mésenchymateuses. Ce phénomène qui n'est pas encore complètement élucidé à l'heure actuelle est la clé de l'individualisation de ce groupement cellulaire transitoire appelé crête neurale, dont le comportement biologique est
déterminant pour le développement de la tête. His [52], Horstadius [55], Raven [91] (chez les amphibiens par expérience d'excision) Johnston [59, 60, 61, 62], Chibon (par ablation et greffe orthotopique, hétérotopique et marquage de matériel neural à la thymidine tritiée) et plus récemment Le Douarin [67, 68] (fig. 12) (par construction de chimères caillepoule) ont tour à tour permis de comprendre le comportement biologique de ces cellules [79]. Il convient d'emblée de distinguer les cellules des crêtes neurales céphaliques (CNC), de celles du niveau troncal (CNT).
CNT (fig. 13) Au niveau du tronc de l'embryon, durant la quatrième semaine de gestation, la CNT se fragmente conjointement à la segmentation métamérique du mésenchyme somitique. Les amas cellulaires d'origine neurectoblastique forment les ébauches des ganglions spinaux. Ces constatations expérimentales objectivent qu'il existe ainsi une métamérisation des cellules des CNT en rapport avec la métamérisation du mésenchyme somitique.
CNC Régionalisation
[69, 70, 71, 72]
(fig. 12, 14 et 15)
En raison de la particularité du développement du tube neural céphalique (trois puis cinq vésicules) et de la proximité des placodes épiblastiques, il est classique de distinguer, dans la continuité de la crête neurale céphalique, trois amas cellulaires régionalisés. Les cellules de la CN prosencéphalo-mésencéphalique ou trigéminée : quantitativement importantes, ces cellules sont situées dans la région du futur prosencéphale postérieur et du mésencéphale et s'individualisent à proximité de la placode trigéminée. Les cellules de la CN rhombencéphalique antérieure ou facio-acoustique : elles sont situées à proximité de la placode otique au niveau du futur métencéphale et font suite aux cellules de la CN précédente. Les cellules de la CN rhombencéphalique postérieure ou glosso-pharyngée vagale : située au niveau du rhombencéphale postérieur et des trois premiers somites, cette crête neurale est à proximité des placodes vagales et glossopharyngées. Les interactions entre placodes épiblastiques et cellules de la crête neurale sont très importantes comme nous le verrons lors de la gangliogenèse sensorielle crânienne. La régionalisation de la crête neurale céphalique ou pseudo-segmentation n'est pas stricte. Il existe des chevauchements entre ces groupements cellulaires permettant des régulations quantitatives en cas de défaillance (fig. 15).
Migration
[67, 68, 79]
(fig. 12 et 14)
Après leur individualisation ou formation, les cellules des CNC forment deux colonnes bilatérales et symétriques sous l'épiblaste de couverture de l'embryon au-dessus du tube neural. Elles vont migrer, c'est-à-dire présenter un comportement invasif dans l'organisme embryonnaire, proche de celui de certaines cellules métastatiques du cancer. Pour migrer, elles doivent perdre leur compétence de cellules épithéliales jointives et stationnaires pour devenir des cellules mobiles de type mésenchymateux. Leur migration se fait selon une direction dorso-ventrale entre l'ectoderme et le tube neural jusqu'à la face inférieure de celui-ci, dans une matrice extracellulaire riche en acide hyaluronique et en fibronectine. Elles parcourent ainsi 400 à 600 microns.
Deux courants de migration sont discernables. Un courant antérieur ophtalmo-ventral les mène autour de l'ébauche du cerveau antérieur dont le développement volumétrique est rapide au cours de la cinquième semaine, et autour des ébauches des vésicules optiques. Ce courant se dirige ensuite vers les placodes olfactives qui passent, comme nous l'avons vu précédemment, de la position dorsale à la position ventrale au gré de l'enroulement céphalique primitif. Un deuxième courant branchial (cervical), latéral, de direction également ventrale, envahit les racines des ébauches aortiques dorsales et entoure l'intestin céphalique antérieur (futur pharynx). Ces cellules entrent en contact avec des cellules déjà présentes de type mésodermique et vont devenir les structures mésenchy-mateuses des arcs branchiaux.
Mitose et phénotype cellulaire (tableau I) Au cours de leur migration, les cellules des crêtes neurales céphaliques se divisent activement. L'importance quantitative de ces mitoses au cours de la cinquième semaine de gestation est responsable du début du bourgeonnement des ébauches de la face et des arcs branchiaux (sur lequel nous reviendrons). Conjointement, arrivées sur le site final de fin de migration, ces cellules se différencient en phénotypes variés et ce grâce à des signaux locaux, biochimiques, issus de l'environnement de chaque type de cellules. Il ne semble pas dans l'état actuel des recherches que les cellules des CNC soient déterminées avant leur migration. L'ensemble des dérivés issus des cellules de la crête neurale est fourni dans le tableau I [67, 68]. Une fois leur migration terminée, les cellules des crêtes neurales vont se trouver distribuées, en général, dans l'ensemble de l'organisme embryonnaire et plus particulièrement dans la tête selon trois modalités différentes : soit sous forme de cellules dispersées au niveau des surfaces épithéliales (pigmentaires) ou le long de structures vasculaires (plexus) ou nerveuses (cellules de Schwann) ; soit agrégées en des structures cohésives (ganglions, plexus) au sein d'une matrice mésenchymateuse ; soit organisées et différenciées en mésenchyme spécialisé dans le massif facial : os, cartilages, conjonctifs, graisse, muscles. L'odontoblaste ou cellule sécrétant la matrice de la dentine mérite une mention particulière car ce n'est qu'en 1984 que Lumsden [73] démontre définitivement que l'odontoblaste est issu de la crête neurale céphalique (voir chapitre du développement dentaire).
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DÉ VELOPPEMENT EMBRYOLOGIQUE DU MASSIF FACIAL ET DU COU
Origine de l'ectoderme cervico-facial et oral Au stade de la neurula, l'ectoderme facial et cervical est localisé dans la bordure de la plaque neurale. La peau naso-frontale est située dans le bourrelet neural antérieur, immédiatement contigu à la zone présomptive de l'antéhypophyse. L'ectoderme des bourgeons maxillaires et mandibulaires ainsi que celui des arcs branchiaux et de la langue se présentent sous l'aspect de bandes bien délimitées sur les bords de la neurula (fig. 16).
Origine du mésenchyme cervico-facial
[67, 68, 74, 75, 76, 82, 83, 84]
(fig. 16)
Le mésenchyme est la structure cellulaire entrant dans la constitution de tous les tissus de la face et du cou à l'exception de ceux qui forment les couvertures ectoet endodermiques. Ce mésenchyme a une double origine : mésodermique et ectoblastique (ou neurectoblastique).
Mésenchyme mésodermique Il a pour origine la plaque précordale et le mésoderme latéral et para-axial. Meier et Noden [74, 82] ont montré que le mésoderme céphalique para-axial et précordal présentait une certaine segmentation ou métamérie (ou encore somitomérie). Très rapidement au cours du développement céphalique, ce mésoderme contracte des rapports avec le mésenchyme d'origine ectodermique ou neurectodermique pour coopérer avec ce dernier à la morphogenèse de nombreuses structures tissulaires, en particulier les muscles cervicaux et faciaux (peauciers, masticateurs, du plancher buccal et de la région antérieure du cou). Le mésoderme para-axial fournit encore plus spécifiquement le squelette cartilagineux de la base du crâne (corps de l'occipital et du sphénoïde et une partie du calvarium ou voûte du crâne).
Mésenchyme ectoblastique (fig. 17) Ce mésenchyme est produit par la crête neurale. neurectoblaste ou de mésectoderme (Platt [89]).
Il
porte
le
nom
de
De nombreuses expériences ont apporté la preuve de l'origine neurectoblastique du mésenchyme céphalique : extirpation et transplantation chez l'amphibien, techniques de marquage cellulaire par les colorants vitaux (Horstadius [55] et Sellman [94]) et la thymidine tritiée (Chibon [13]). Chez les vertébrés supérieurs, les études sont moins nombreuses et sont réalisées sur l'embryon de poulet : méthode d'extirpation (Hammond et Yntema [51]) ou marquage cellulaire isotopique (Johnston [59, 60, 61, 62]). Enfin, plus récemment, grâce à la construction d'embryons chimères caille-poulet, Le Douarin [67, 68] et Le Lièvre [69, 70, 71, 72] ont précisé la contribution de la crête neurale céphalique dans l'élaboration du mésenchyme céphalique grâce au caractère durable du marquage naturel utilisé et ont ainsi démontré les différentes possibilités morphogénétiques des cellules dérivées des CNC (voir tableau I). Chibon [14] observe, lors de l'ablation de la CNC, une extrême réduction du mésenchyme céphalique et des dents. La peau est directement appliquée sur l'encéphale, les yeux sont au contact de l'encéphale et saillants à l'extérieur ; la capsule optique est entourée de très peu de mésenchyme et fait saillie elle aussi à l'extérieur. Les muscles sont directement recouverts par la peau. L'ablation de la crête neurale antérieure prosencéphalique entraîne dans l'ensemble une absence du bourgeon naso-frontal, celle de la crête rhombencéphalique antérieure se traduit par l'absence de mandibule et celle de la crête neurale rhombencéphalique postérieure provoque un raccourcissement de la région cervicale par carence mésenchymateuse au niveau des troisième et quatrième arcs branchiaux. La déficience de la région cervicale de l'embryon en mésenchyme exprime ainsi une répercussion de la déficience du mésectoderme branchial. Par contre, l'absence pratiquement totale du mésenchyme branchial n'empêche pas la constitution normale des poches endodermiques et des fentes branchiales. Il y a en définitive un déficit important du développement de la région ventrale du cou par rapport à sa partie dorsale qui, elle, se développe normalement. Chez l'embryon humain, à 25 jours, le mésoderme facial quantitativement très restreint est présent primitivement autour du tube neural et se trouve envahi par les cellules neurectodermiques. L'arrivée de ces coulées cellulaires adjointes à leur potentialité de prolifération va déclencher le développement volumétrique des différents bourgeons faciaux et branchiaux et être à l'origine de leur fusion et ainsi avoir un rôle fondamental dans le développement et la constitution du massif facial (fig. 17 A, B).
Bourgeons faciaux et arcs branchiaux
[80]
(fig. 18 et 19 A, B)
Au cours des cinquième et sixième semaines embryonnaires, l'importance quantitative des mitoses des cellules de la crête neurale en migration à la face inférieure du cerveau primitif est responsable du développement des bourgeons faciaux et des arcs branchiaux. Ceux-ci finissent par entrer en contact les uns avec les autres (certains sur la ligne médiane, d'autres latéralement) puis à fusionner. Ce phénomène de fusion nécessite au moins que soient assurées trois conditions biologiques : des bourgeons de volume suffisant pour se rencontrer (le développement volumétrique est assuré quantitativement par les cellules de la crête neurale) ; la compétence de l'ectoderme de recouvrement des bourgeons pour la mort cellulaire (voir chapitre des phénomènes biologiques du développement) ; des propriétés physico-chimiques du liquide amniotique (tenso-activité, température, teneur en protéines et acides aminés...) aptes à assurer le contact ectodermique.
Formation du palais primaire: le stomodéum
[80]
(fig. 19, 20 et 21)
Le bourgeon frontal initialement déterminé par l'éminence du prosencéphale est le siège, sur sa face inférieure et ventrale, du développement des bourgeons nasaux internes et externes (BNI et BNE). Ce sont des massifs cellulaires, entourant les deux placodes olfactives se développant grâce aux mitoses des cellules des CNC. Latéralement, les bourgeons maxillaires (BM) ont plus l'apparence de digitations et se développent sous les ébauches optiques. Au cours de la sixième semaine, les BM viennent en contact avec les BNI et BNE. Ces contacts fusionnels ectodermiques constituent le mur épithélial de Hochstetter [53, 111] . Sa disparition, en quelques jours, vers la fin de la sixième semaine, par mort cellulaire, permet la constitution d'un massif cellulaire mésenchymateux continu entre les BM droit et gauche et les BNI et BNE : c'est le palais primaire (fig. 21). Kosaka [66] a étudié la zone de contact ectodermique entre les BNI, BNE et les BM. Cette zone est constituée d'un épithélium dont les cellules ont un gros noyau et un abondant cytoplasme au niveau duquel des « gap-jonctions » ou jonctions de contact et des desmosomes assurent le collage ; puis les cellules de cette zone, ou mur épithélial, se lysent et sont phagocytées soit par des cellules mésenchymateuses sous-jacentes de la crête neurale, soit par des cellules d'ectoderme adjacentes. Le mésenchyme de la crête neurale sous-jacente aurait pour Kosaka [66] le rôle déclenchant de la mort cellulaire. L'absence de mort cellulaire, quelle qu'en soit la cause, est responsable de la persistance de l'ectoderme sur ces bourgeons. Ce dernier se différencie en épiderme et derme, ce qui est responsable d'une fente labiale ou labio-maxillaire (fig. 22). La constitution de cette fente au cours de la sixième semaine va gêner ultérieurement la migration des odontoblastes et des myocytes avec pour conséquence des anomalies de l'organisation musculaire naso-labiale et un trouble important de l'odontogenèse dans le secteur de l'incisive latérale du maxillaire. Le défaut de fusion ectodermique peut d'autre part intéresser les autres bourgeons faciaux et branchiaux et être responsable de fentes colobomateuses, macrostomiques et médiomentonnières (fig. 23).
Palais secondaire
[41, 80]
(fig. 24, 25, 26 et 27)
Au cours de la septième semaine, les BM continuent leur développement volumétrique en arrière du palais primaire et viennent en un contact médian toucher l'éperon descendant du septum du bourgeon nasal et former ainsi le palais secondaire. Ferguson a étudié ce phénomène chez les mammifères. Au cours de la septième semaine, les lames palatines croissent verticalement le long des faces latérales
de la langue puis s'élèvent au-dessus du dos de celle-ci et finissent par fusionner pour former le palais secondaire. Le phénomène d'élévation des lames palatines serait la conséquence d'une augmentation volumétrique des procès palatins générée par l'hydratation d'acide hyaluronique présent en grande quantité. L'adhérence des berges palatines est possible grâce à la mort cellulaire de l'ectoderme de recouvrement au niveau des zones de contact ectodermique [24]. Les cellules des CNC en migrant pénètrent cette zone de fusion ; puis la différenciation en muqueuses buccale et nasale débute sous le contrôle d'interactions épithélio-mésenchymateuses faisant intervenir la matrice extracellulaire et des facteurs solubles (collagène, EGF...) dont le rôle est double : stimulation ou inhibition de la croissance de l'épithélium et synthèse de facteur moléculaire par les cellules du mésenchyme. Les gènes cellulaires de différenciation dans telle ou telle voie de l'épithélium (nasale ou buccale) sont exprimés en réponse aux stimulations moléculaires de la matrice extracellulaire. Il est ainsi permis, pour certains défauts palatins tout au moins, d'incriminer la défaillance de phénomènes moléculaires. Chez tous les vertébrés, le développement du palais osseux et du voile du palais est le résultat de la fusion des procès palatins des bourgeons maxillaires. Nous verrons par la suite le rôle que joue le massif lingual dans la fermeture du palais secondaire, grâce à la synchronisation neuro-musculaire des premières séquences orales gnoso-praxiques. (Il existe une participation mésenchymateuse des deuxième et troisième arcs à la formation du voile du palais.) Les bourgeons mandibulaires droit et gauche (futur premier arc) fusionnent dès la fin de la cinquième semaine sur la ligne médiane au-dessus de l'ébauche cardiaque. Les bourgeons mandibulaires font partie de l'appareil branchial et sont recouverts en grande partie par de l'ectoderme contribuant à former le plancher de la bouche. Dans la région mésiale de cette fusion et en arrière de celle-ci, les bourgeons linguaux débutent leur développement volumétrique (voir chapitre de la langue). Le volume du bourgeon mandibulaire est assuré par les mitoses des cellules des CNC qui migrent du niveau mésencéphalique postérieur et rhombencéphalique. L'ensemble des bourgeons faciaux (BNI, BNE, BM supérieur et mandibulaire) en convergeant et en fusionnant va délimiter en totalité la cavité stomodéale tapissée d'ectoderme exclusivement. Le stomodéum est en communication avec l'ébauche du pharynx en arrière puisque la membrane pharyngienne, accolement de l'ectoderme et de l'endoderme céphalique, s'est résorbée vers le 21e jour.
Remarques concernant le développement de l'antéhypophyse (fig. 28 et 29) L'antéhypophyse, dont l'ébauche est à ce stade la poche de Rathke, provient classiquement d'une invagination ectodermique du plafond du stomodéum. En fait, c'est la dynamique morphologique de l'étape de la neurulation qui a contribué par enroulement céphalique du tube neural à faire passer l'ébauche de l'antéhypophyse primitivement dans la plaque neurale antérieure dans la région postérieure du plafond du stomodéum.
Embryogenèse de l'appareil branchial A à G)
[109]
(fig. 14, 15, 17, 30, 31 et 32
S'il est un territoire de l'embryon qui subit de profonds remaniements au cours de son développement, l'appareil branchial, qui préside à l'organogenèse du plancher buccal et de la partie ventrale du cou, est celui-là. L'archétype de l'appareil branchial des vertébrés est formé de six arcs droits et gauches audessus de l'ébauche cardiaque. Chez l'embryon humain, vers le 30e jour, cinq arcs sont individualisés, le sixième est vestigial et représenté par son artère. Chaque arc est ainsi constitué à ce stade : de mésenchyme issu de la CNC rhombencéphalique et de mésoderme ; ce
mésenchyme fournit un squelette ostéo-cartilagineux, un noyau musculaire et un tronc artériel, branche de l'aorte ; d'un nerf propre, nerf issu du tronc cérébral. Chaque arc est recouvert par de l'ectoderme en dehors (qui deviendra par la suite après fusion la peau cervicale et thoracique antéro-supérieure) et par une couverture épithéliale endodermique en dedans qui deviendra la muqueuse du pharynx, c'est-à-dire le segment le plus antérieur de l'endoderme ou intestin céphalique. Ces arcs sont séparés les uns des autres par des sillons internes et externes. Les sillons externes sont les poches ectoblastiques et les sillons internes sont les poches endoblastiques. Vers le 40e jour embryonnaire, l'appareil branchial est le siège d'un remaniement morphologique important. Au niveau du premier arc, la première poche ectodermique persiste dans sa partie dorsale et deviendra le conduit auditif externe. La première fente deviendra la membrane tympanique, et la première poche endodermique la caisse du tympan et la trompe d'Eustache (tableau II). Le deuxième arc se développe de façon volumétriquement importante et semble venir recouvrir en dehors les troisième et quatrième arcs en isolant ainsi le sinus ectoblastique (futur sinus cervical) qui disparaîtra par la suite par mort cellulaire. Par contre, au niveau des deuxième, troisième, quatrième et cinquième arcs, les poches endodermiques vont demeurer séparées par du mésenchyme et vont soit disparaître, soit être le siège de développement d'organes ou de glandes (tableau II). L'augmentation volumétrique et en longueur du tube neural est responsable de l'enroulement du pôle céphalique autour de l'ébauche cardiaque avec pour conséquence le télescopage des arcs au contact de cette ébauche. La CNC rhombencéphalique continue de migrer dans les deuxième, troisième, quatrième et cinquième arcs et fournit le mésenchyme des parois des arcs aortiques (aorte, artère pulmonaire en particulier et septum inter-auriculo-ventriculaire). Des kystes épithéliaux ectodermiques ou endodermiques amygdaloïdes, des fistules, des fibrochondromes peuvent être diversement retrouvés en association chez le même nourrisson (tableau III). Le sinus cervical peut persister sous l'aspect de kystes et fistules résiduels siégeant au quart inférieur du bord antérieur du muscle sterno-cléidomastoïdien. Dans leur ensemble, les destinées des arcs branchiaux, des poches ecto- et endoblastiques et des fentes branchiales sont représentées dans le tableau II.
Développement du pavillon de l'oreille La pavillon de l'oreille est formé par la confluence de cinq petits tubercules de mésenchyme provenant de la CNC rhombencéphalique. Ces tubercules apparaissent vers le 40e jour au pourtour de la première fente ectobranchiale qui devient elle-même le conduit auditif externe. Trois bourgeons dérivent de la berge mandibulaire de cette fente (ectoderme et mésenchyme issus du premier arc) alors que deux bourgeons se forment aux dépens de la berge hyoïdienne, c'est-à-dire du mésenchyme et de l'ectoblaste du deuxième arc. Les cellules se différencient alors en cartilage hyalin. Le pavillon a terminé sa formation vers trois mois et demi. Ainsi, chaque pavillon d'oreille est un marqueur qualitatif et quantitatif du développement des premier et deuxième arcs branchiaux.
Développement des glandes salivaires (fig. 33)
d'invagination ectoblastique de la cavité stomodéale vers la septième semaine, respectivement dans le plancher et la face interne du premier arc mandibulaire. Chaque invagination devient un bourgeon qui s'enfonce dans le mésenchyme branchial en se divisant en cordons cellulaires qui deviennent au cours du troisième mois les premiers canaux excréteurs en se creusant d'une lumière.
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DIFFÉ RENCIATION DU MÉ SENCHYME CÉ PHALIQUE
Chondrogenèse et ostéogenèse Développement du squelette céphalique 38, 39, 40 et 41)
[47, 48, 49, 89]
(fig. 34, 35, 36, 37,
Dans le mésoderme branchial, Le Lièvre et Le Douarin [67, 68, 72] montrent la localisation et la différenciation des cellules mésectodermiques en ostéoblastes et en chondroblastes et ce principalement dans le cartilage de Meckel et l'os hyoïde. En effet, chez les vertébrés, les cartilages de Meckel, de la sclère, de la capsule otique, de l'oreille externe et de la capsule nasale sont formés de cellules de la crête neurale qui se sont différenciées au contact de la basale de l'épithélium oral et des arcs branchiaux (Hall [47, 48, 49]). De même, l'ostéogenèse de membrane de la face est initiée à son début par des interactions avec l'épithélium oral à partir de ces mêmes cellules [6, 47, 48, 49, 95] (tableau IV). Par contre, le mésoderme para-axial fournit les trois pièces cartilagineuses du corps de l'occipital, le calvarium et le corps du sphénoïde [104].
Embryogenèse du cartilage de Meckel
[51]
Chez les amphibiens, Horstadius [55] et Hall [49] ont montré que le cartilage de Meckel se forme par interactions du mésenchyme de la crête neurale en migration au contact de l'endoderme pharyngien. Chez les oiseaux, comme chez les mammifères [49], c'est l'épithélium oral du premier arc qui interagit avec le mésectoderme de la CNC pour induire la chondrogenèse du cartilage de Meckel. L'ossification de membrane de la face se forme dans les mêmes conditions. De nombreux travaux se fondant sur les recombinaisons tissulaires spécifiques et hétéro-spécifiques ont démontré que l'ostéogenèse membraneuse de la mandibule, du maxillaire et du palais, ainsi que les os périorbitaires et squamosaux, nécessite en premier lieu l'interaction entre l'ectomésenchyme local issu de la CNC avec la basale de l'épithélium correspondant. Les cellules ectomésenchymateuses se différencient en cellules osseuses. Il semble que cette propriété inductive de l'épithélium oral soit présentée par d'autres épithéliums, tels que celui du dos ou de l'abdomen, alors que cette aptitude de l'épithélium oral est très exclusive lors de l'odontogenèse. Cette propriété est d'autre part limitée dans le temps pour chaque espèce. Pour Hall, l'origine de cette interaction réside dans les composants de la membrane basale de l'épithélium, grâce à la présence du collagène et des protéoglycans hydroxylés qui seraient le signal initial biochimique des cellules ectomésenchymateuses pour débuter leur différenciation en phénotypes ostéoblastiques.
Embryogenèse des articulations temporo-mandibulaires et de l'appareil masticateur (fig. 42 A à D)
Les articulations temporo-mandibulaires humaines sont des articulations de substitution couplées, apparues récemment au cours de l'évolution aux confins du neurocrâne et du splanchnocrâne. Appendu sur la face ventrale du neurocrâne, le splanchnocrâne (ou appareil de soutien de l'extrémité antérieure du tube intestinal) est représenté, chez l'homme, au stade embryonnaire, par les arcs viscéraux dont le premier est celui qui préside à l'organogenèse de la partie dynamique de l'appareil masticateur. Les rapports du neurocrâne et du splanchnocrâne sont très intimes au voisinage de la capsule otique : la face externe de cette dernière répond à la future paroi interne de la caisse du tympan. Elle entre en contact avec les cartilages de Meckel et de Reichert. Cet ensemble est surmonté en dehors par le squamosozygomatique en cours d'ossification. Alors que, chez les vertébrés non mammifères, c'est l'os articulaire de l'extrémité postérieure du cartilage de Meckel qui s'articule avec l'os carré du crâne en une articulation typique, à partir des reptiles mammaliens et chez l'homme, les exigences de la vie aérienne ont bouleversé ces rapports, transformant l'articulaire et le carré en marteau et enclume respectivement, osselets de la chaîne tympano-ossiculaire de transmission de l'onde acoustique (fig. 43). De nouveaux rapports articulaires ont dû s'établir secondairement au cours de l'évolution entre l'extrémité postérieure de l'os dentaire (condyle mandibulaire) et la face ventrale de l'os squamosal. Les articulations temporo-mandibulaires humaines actuelles se sont substituées aux articulations du carré et de l'articulaire. Entre l'os dentaire et l'os squamosal, se trouve interposé du mésenchyme qui se fragmente et préside à l'élaboration des surfaces articulaires et de l'ensemble ménisco-capsulo-musculaire. De sorte que le comportement biologique et pathologique, apparemment si particulier, des articulations temporomandibulaires s'explique parfaitement par les avatars de leur origine phylogénétique. Deux centres osseux président à l'élaboration du squelette articulaire. Ces deux centres ont la particularité d'apparaître synchroniquement chez l'embryon ; ils sont constitués de cellules issues de la crête neurale rhombencéphalique (fig. 44 A, B).
Noyau condylien des préchondroblastes (Petrovic
[86]
)
Pour Augier [5], l'extrémité condylienne de l'os apparaît à 10 semaines dans le mésenchyme sous l'aspect d'un volumineux noyau cartilagineux qui remplit un gros espace du premier arc. Il est envahi superficiellement par l'ossification ; sa direction générale de croissance est dorsale. Des mouvements articulaires existent déjà chez l'embryon de 12 semaines et sont objectivés par la présence de deux fentes articulaires.
Noyau zygomatico-squamosal, ostéo-membraneux Ce centre apparaît dans le neurocrâne en débutant son ossification vers 9-10 semaines. Il dessine d'abord le processus zygomatique et s'étend en avant à la rencontre du malaire ; en dedans, il se dirige horizontalement, constituant le plafond de la cavité glénoïde et son condyle ; il s'étale en haut et en arrière sur la paroi latérale du crâne. Sa direction générale de croissance est ventrale. Le synchronisme d'apparition existe au sein de l'appareil masticateur entre les structures qui constituent des ensembles fonctionnels. Chez l'embryon de 10 semaines, apparaissent les noyaux osseux malaires, squamoso-zygomatiques, la branche montante et le muscle masséter. Les os dentaires (mandibule) et maxillaires débutent leur ossification membraneuse à la même époque embryonnaire puisque les lames alvéolaires
externes, du postmaxillaire et du noyau principal de la mandibule, apparaissent synchroniquement entre le 50e et le 70e jour. C'est encore à 10 semaines qu'apparaissent : les noyaux de l'ali-post-sphénoïde ou future aile du sphénoïde, le coroné, le squamosal et le muscle temporal, puis le muscle ptérygoïdien interne, le muscle ptérygoïdien externe, la ptérygoïde et le noyau condylien de la mandibule, sur lequel s'insère déjà le muscle ptérygoïdien externe.
Articulation temporo-mandibulaire, analogie avec une suture membraneuse (fig. 45 et 46) Les maquettes osseuses qui concourent à la réalisation du rapport osseux sont caractérisées par le synchronisme d'apparition de leurs points d'ossification. Le noyau condylien mandibulaire et le squamosal apparaissent chez l'embryon vers la 10e semaine. Entre ces maquettes osseuses est interposé un tissu dans lequel apparaissent les fentes articulaires vers le début du 3e mois in utero. Le tissu interposé entre les deux maquettes osseuses chez l'embryon et le foetus présente une analogie histologique totale avec une suture membraneuse et se continue avec la suture tympanosquameuse. Le tissu recouvrant le condyle mandibulaire et le squamosal présente les mêmes aspects histologiques que ceux du ménisque tout au long de la vie (chez le nouveau-né et chez l'adulte). Le tissu ménisco-capsulaire et le tissu de recouvrement osseux se continuent sans aucune transition avec les périostes mandibulaires et squamosaux, tout en recevant les insertions musculaires du masséter, du temporal, du ptérygoïdien externe et du ptérygoïdien interne (fig. 45 et 46). Pour Petrovic, l'accroissement du compartiment cellulaire condylien se fait par prolifération non pas de chondroblastes différenciés, mais de préchondroblastes, cellules jeunes non encore différenciées, sensibles aux facteurs mécaniques, assurant une croissance appositionnelle. La zone des préchondroblastes est ainsi plus proche des sutures crâniennes et faciales que des cartilages de conjugaison. Ces arguments, tirés de l'embryologie (origine à partir des cellules des crêtes neurales de l'ensemble des structures osseuses et mésenchymateuses de l'articulation), de l'histologie et des mécanismes de croissance, font de cette articulation l'analogue d'une suture membraneuse mobile toute la vie.
Relations oto-méniscales chez le foetus et le nouveau-né Immatures sur le plan anatomique chez le foetus à la naissance, les articulations temporo-mandibulaires sont toutefois capables d'assurer l'efficience de la succion grâce à l'ébauche méniscale interposée entre les deux noyaux articulaires. Cette formation conjonctive préside à la constitution du ménisque et de ses freins, des surfaces articulaires, de la capsule et des ligaments. Cet ensemble est à la fois une entité embryologique et une entité fonctionnelle. Chez le foetus à la naissance, il persiste encore entre le tympanal et le squamosal, non soudés, les marques de la continuité embryologique originale sous l'aspect du frein méniscal postérieur, isthme conjonctivo-vasculaire qui fait communiquer la vascularisation de la muqueuse de la caisse du tympan avec la très riche vascularisation de l'articulation temporo-mandibulaire foetale et néonatale. L'articulation risque de payer cher cette disponibilité infectieuse potentielle (Couly et coll. [18]).
Embryogenèse des ganglions sensoriels des nerfs crâniens et du système nerveux sympathique et parasympathique Embryogenèse des ganglions sensoriels des nerfs crâniens
[31]
sensoriels des nerfs crâniens mixtes. Ces placodes ont une existence transitoire. Les cellules qui les constituent migrent en profondeur, se différencient en neuroblastes bipolaires et vont s'agréger avec d'autres cellules originaires de la crête neurale céphalique qui se différencient également en neurones pour former les ganglions sensoriels des nerfs crâniens mixtes (ces ganglions sont les équivalents des ganglions spinaux de la racine postérieure de la moelle) (fig. 47 et 48). Ces ganglions crâniens sont : le ganglion trigéminé de Gasser ; le ganglion géniculé du nerf facial ; les ganglions pétreux et jugulaires du nerf glosso-pharyngien ; le ganglion plexiforme du nerf pneumogastrique.
Embryogenèse du système nerveux sympathique et parasympathique 68] (fig. 49)
[67,
Le sympathique et le parasympathique forment le système nerveux autonome des vertébrés. Ces deux protagonistes, loin de s'opposer, vont coopérer : le parasympathique assure les grandes fonctions, le sympathique permet à l'individu de s'adapter au stress (tableau I et fig. 49).
Parasympathique Les neuroblastes multipolaires à phénotype cholinergique qui fournissent l'ensemble du système nerveux parasympathique ont pour origine la crête neurale rhombencéphalique. Ils constituent le parasympathique bulbaire formé de noyaux centraux d'origine bulbaire et dont le rôle est d'assurer les sécrétions et motricités viscérales, lacrymales, nasales, salivaires, pulmonaires, digestives et cardiaques. Ce système parasympathique possède des ganglions préviscéraux qui au niveau céphalique sont les ganglions ciliaires, de Meckel, otiques, sousmaxillaires (les ganglions juxtapulmonaires, juxtacardiaques et myentériques appartiennent également au parasympathique).
Sympathique A la différence du parasympathique, le système nerveux sympathique a une origine plus diffuse à partir des neuroblastes à phénotype adrénergique issus de la crête neurale du 7e au 23e somite. Le système nerveux sympathique cervicofacial et cérébral a pour origine les éléments neuroblastiques thoraciques supérieurs qui sont organisés en ganglions cervicaux (inférieur stellaire, moyen inconstant et supérieur) (voir l'anatomie pour l'organisation viscérale et vasculaire du sympathique cervico-céphalique).
Organogenèse des arcs aortiques et du septum cardiaque 50)
[63, 67, 70]
(fig.
Six arcs aortiques droits et gauches sont individualisés au cours de la cinquième semaine, anastomosant les parties ascendantes et les parties descendantes de l'aorte. Les cellules endothéliales vasculaires des arcs ont une origine mésodermique, par contre, les tuniques musculaires médiales et les adventices ont pour origine les cellules de la crête neurale rhombencéphalique. Il en est ainsi des différents arcs aortiques : le troisième arc (tronc branchio-céphalique et artère carotide primitive), le quatrième arc (crosse aortique) et le sixième arc (artère pulmonaire et canal artériel). Ces cellules envahissent encore l'ébauche cardiaque pour en constituer le septum inter-aortico-pulmonaire.
Embryogenèse du derme facial et cervical
[69]
et du mésenchyme cervical
Les cellules dérivées des crêtes neurales céphaliques vont constituer le derme de la face et des régions ventro-latérales du cou. Il semble que le derme des régions dorsales céphaliques ne soit pas d'origine neurectodermique. Des mélanoblastes sont retrouvés dans le derme, dérivant de la crête neurale mais en quantité nettement moins importante qu'au niveau troncal. Enfin, les cellules adipeuses du derme profond ont une origine mésectodermique. Les cellules dérivées de la CNC vont fournir encore les portions mésenchymateuses des dérivés glandulaires pharyngés. Ces cellules sont encore retrouvées dans les travées interlobulaires et dans la médullaire des lobes du thymus, les cellules parafolliculaires à calcitonine de la thyroïde et le conjonctif situé entre les cordons cellulaires des parathyroïdes. De même, ce mésectoderme constitue les glandes linguales et le tissu adipeux péritrachéal. Dans l'ensemble, les cellules de la crête neurale vont constituer le conjonctif lâche du plancher buccal, de la langue et de la face latéro-ventrale du cou. La limite dorsale de ce dernier se situe au niveau de la vésicule otique et des artères carotides internes. Aucune cellule de la crête neurale n'est retrouvée en arrière de la corde dorsale.
Embryogenèse des enveloppes de l'oeil
[61]
L'oeil est constitué d'une vésicule optique, émanation du diencéphale. Cette vésicule optique préside à l'élaboration de la rétine sensorielle et pigmentaire. Autour de cette vésicule optique primitive, vers le 40e jour, affluent les cellules de la crête neurale prosencéphalique et mésencéphalique qui vont se différencier en diverses enveloppes et structures. Ce sont : la choroïde ou leptoméninge de l'oeil ; la sclérotique ; l'épithélium interne de la cornée ; les fibroblastes du stroma ; les cellules pigmentaires de l'iris ; le mésenchyme assurant les insertions musculo-tendineuses des muscles oculomoteurs sur la sclérotique (fig. 51 A, B, C).
Myogenèse faciale et céphalique (fig. 52) La musculature striée cranio-faciale est constituée de trois groupes musculaires : muscles extrinsèques de l'oeil, muscles hypoglossiques, muscles branchiomériques d'où sont issus les muscles peauciers, masticateurs et hyoïdiens. La musculature faciale et cervicocéphalique est faite de myotubes et de tissu conjonctif. Les myocytes ou myoblastes vont en fusionnant former les myotubes. Ils ont pour origine le mésoderme para-axial, latéral et précordal. Les cellules conjonctives ont pour origine la CNC. Diverses approches morphologiques et biochimiques ont permis de considérer plusieurs classes de myoblastes dont la fusion provoque la formation des myotubes différents par leur aspect, le nombre de leurs noyaux, leur dépendance vis-à-vis du milieu de culture et la nature des protéines contractiles synthétisées préférentiellement (actine et myosine). Meier [74, 75, 76] et Noden [82, 83, 84] montrent que le mésenchyme précordal et para-axial est à l'origine des myocytes des muscles volontaires de la tête (muscles oculomoteurs, de la langue, du cou, et masticateurs). Johnston [59] montre encore que, chez l'embryon de poulet, au niveau de chaque arc branchial, le noyau musculaire mésodermique a pour origine le mésenchyme somitique. En fait, le marquage cellulaire de Le Douarin [67, 68] a permis de mettre en évidence l'invasion de ce mésoderme par les cellules de la CNC. De fait, les cellules des muscles striés dérivés de ce mésoderme et étudiées en microscopie électronique ont montré les relations intimes entre les cellules mésodermiques et mésectodermiques. Les cellules de la crête neurale participent ainsi dans une certaine mesure à l'histogenèse des muscles striés céphaliques, puisqu'elles se
différencient non seulement musculaires proprement dites.
en
éléments
conjonctifs,
mais
en
cellules
Les muscles peauciers faciaux [43] ont pour origine les cellules de la CNC du niveau rhombencéphalique qui migrent chez l'homme à partir du 35e jour dans les ébauches du premier et du deuxième arcs en se différenciant en mésenchyme. Les cellules de la crête neurale agissent en coopération avec les myocytes du mésoblaste para-axial qui envahit secondairement l'ébauche faciale embryonnaire en lui fournissant des informations de différenciation. Le blastème musculaire indivis de la musculature faciale à fibres striées apparaît vers le 35e jour embryonnaire. Il est issu du tissu mésenchymateux de l'arc hyoïdien (deuxième arc branchial). Il s'étend sur les régions céphaliques en avant et en arrière de l'oreille, dans les futures régions occipitales et faciales. A partir de l'ébauche du peaucier occipital postérieur, se formeront par différenciation le muscle peaucier occipital et les muscles postérieurs du pavillon de l'oreille. L'ébauche du peaucier antérieur facial se résout en deux couches distinctes : un peaucier profond à partir duquel se formeront les muscles de l'orifice buccal ; un peaucier superficiel (ou platysma), bien différencié à la fin de la 7e semaine, qui fournira les muscles peauciers périorificiels de l'oeil, du nez et le peaucier du cou. La musculature peaucière est différenciée vers le 50e jour chez l'embryon humain (Gasser [43]). Les myocytes fusionnent pour assurer l'organogenèse des myotubes de l'orbiculaire des lèvres et des structures musculaires des confins naso-labiaux. Les cellules de la crête neurale se différencient en derme et tissu adipeux. Dans ces conditions, les myotubes forment le vermillon de la lèvre rouge et finissent, après l'achèvement de la fusion des bourgeons, par souscroiser le philtrum dont l'origine est le bourgeon naso-frontal. (L'aspect du vermillon est dû à la présence de musculature de l'orbiculaire et de ses vaisseaux vus par transparence au travers d'un derme mince) (fig. 54 A).
Fentes labio-maxillaires et dysmigration cellulaire musculaire (fig. 53 A, B, C) Le défaut de fusion ectodermique des bourgeons maxillaires (BM) et nasaux internes (BNI) lors de la 6e semaine postconceptionnelle (quelles qu'en soient la ou les causes : absence de commande de mort cellulaire ectodermique, perturbation biochimique du liquide amniotique, insuffisance volumétrique du développement des bourgeons eux-mêmes) a pour conséquence la réalisation de fente, variable dans son importance mais toujours de grande stabilité topographique. La non-réalisation de ce stade a une première conséquence pour l'embryogenèse des structures mésenchymateuses : la dysmigration globale des cellules de la crête neurale, ce qui perturbe l'organogenèse des muscles, du squelette ostéo-cartilagineux (que nous n'envisagerons pas) et des dents. Les myocytes et les cellules ectomésenchymateuses de la crête neurale de la musculature peaucière migrent ventralement à partir de la région rhombencéphalique en passant par les bourgeons maxillaires et ce de façon contemporaine de la fusion des bourgeons faciaux. Cette migration ne peut alors se faire de façon correcte, lorsque la fente est constituée. Les myocytes et les cellules de la crête neurale vont se masser quantitativement dans le bourgeon maxillaire supérieur, c'est-à-dire dans la berge externe de la fente et, alors qu'ils y sont « séquestrés », ils s'y différencient normalement en myotubes, en derme et en conjonctif. Quatre conséquences sont objectivables.
Absence d'anatomie peaucière normale de la berge externe
indivise, une sorte de sphéroïde musculaire, bien contractile et ce synchroniquement avec le reste de la musculature faciale dans lequel il n'est pas possible de distinguer véritablement l'orbiculaire interne, les fibres du nasolabial, le myrtiforme et le transversus nasalis.
Vide musculaire de la berge interne Les muscles peauciers n'ont pas pris leur insertion normale dans la berge interne : le tubercule latéral de la sous-cloison soulevé par le crus mésial du cartilage alaire n'a pas reçu dans son derme le faisceau alaire et columellaire du naso-labial ; l'orbicularis oris est en deux parties, une partie interne et une partie externe.
Valve nasale antérieure inexistante Le transversus nasalis ne prend pas insertion dans le plancher narinaire et sa contraction élève latéralement la berge externe et l'aile du nez, élévation aggravée par la contraction des muscles peauciers, releveurs communs et releveurs propres de la lèvre supérieure.
Absence des muscles dans le lambellule médian lors des fentes labio-maxillaires bilatérales (fig. 54 A, B) Lorsque le défaut de fusion est bilatéral, les trois ébauches de la lèvre supérieure sont totalement autonomisées. Les myocytes et les cellules mésenchymateuses de la crête neurale sont alors massés dans les deux berges externes maxillaires. La partie cutanée lambellulaire médiane qui dérive des bourgeons nasaux internes devient normalement le philtrum (mais isolé). Elle est dépourvue de muscles et pauvre en mésenchyme. Aucune régulation par les migrations cellulaires de la crête neurale frontale n'a été possible. Les coupes sériées de pièce anatomique et les biopsies ont bien démontré cette situation.
Développement embryonnaire de la langue et neurophysiologie de l'oralité (voir également fig. 30 et 31) Le massif lingual se développe dans les régions médianes et internes des premier, deuxième, troisième et quatrième arcs branchiaux (fig. 55). La couverture épithéliale de la langue provient du plancher du stomodéum et de la future zone ventrale du pharynx embryonnaire, c'est-à-dire de territoires différents. Elle est ectodermique et dépend du premier arc branchial pour la partie antérieure mobile de la langue innervée par le trijumeau et le nerf facial, et serait endodermique, car se formant à partir des faces endodermiques des deuxième, troisième et quatrième arcs, pour la région basale dont l'innervation sensorielle et sensitive dépend du glosso-pharyngien et du pneumogastrique (pour la zone valléculaire et épiglottique) ; cette présomption d'origine endodermique est renforcée par la présence sur la base de la langue de formations lymphoïdes correspondant à la compétence lymphopoïétique de l'endoderme. Dans cette couverture épithéliale à double origine ecto- et endodermique, se différencient au cours du deuxième mois embryonnaire des papilles qui comportent des récepteurs sensitifs épicritiques, nociceptifs et thermiques ainsi que des récepteurs gustatifs des bourgeons du goût [9] : ceux-ci sont en grand nombre dans les papilles caliciformes qui marquent classiquement la frontière entre la langue mobile couverte d'ectoderme et la base de la langue couverte d'endoderme : c'est le V lingual. L'ensemble des messages transite dans les noyaux du tronc cérébral du trijumeau pour la sensibilité générale et du facial et glosso-pharyngien pour la sensorialité gustative.
Le mésenchyme de la langue a pour origine les cellules des crêtes neurales des niveaux mésencéphaliques et rhombencéphaliques [71, 72]. Ce mésenchyme, d'origine neurectodermique, se différencie après migration en tissu cellulaire de soutien intralingual entre les muscles, en glandes muqueuses et en fibres musculaires (et ce en très petite quantité) (fig. 56). La musculature linguale, le troisième constituant de la langue, proviendrait des cellules myoblastiques du mésoderme para-axial des quatre ou cinq premiers somites céphaliques droits et gauches, après migration le long de la paroi du pharynx vers le plancher du stomodéum [81, 82, 83, 84]. Les cellules ectomésenchymateuses issues des CNC et les myoblastes issus des premiers somites céphaliques vont converger vers le plancher des quatre premiers arcs branchiaux au-dessus de l'ébauche cardiaque et vont assurer le développement volumétrique des ébauches bourgeonnantes de la langue. A la fin de la quatrième semaine, le corps de la langue (future partie mobile) est formé par trois reliefs dans le plancher du stomodéum à la face postérieure des premier et deuxième arcs. Deux de ces reliefs appelés tubercules latéraux encadrent un troisième relief, le tuberculum impar. Les deux tubercules latéraux se développent rapidement, refoulant ainsi en arrière le tuberculum impar qui reste médian. La racine de la langue (la base) est à ce stade représentée par de petits tubercules saillant dans le plancher postérieur du stomodéum au niveau des troisième et quatrième arcs ; ils croissent rapidement et deviennent les copules. L'ensemble de ces ébauches bourgeonnantes, par déplacement relatif dépendant du développement des arcs branchiaux, fusionne vers le 40e jour embryonnaire dans le plancher stomodéal non encore cloisonné par le palais secondaire. Le développement volumétrique de l'ébauche linguale est alors très actif. L'invagination thyroïdienne est déjà objectivable à la jonction du tuberculum impar et des copules, invagination qui laissera par la suite comme marqueur développemental résiduel le foramen caecum ou jonction triple des ébauches de la langue. La musculature somitique de la langue est innervée par les deux nerfs hypoglosses qui sont des nerfs de type rachidien appartenant à la colonne somitique antérieure de la moelle. Ces noyaux hypoglossiques se sont trouvés incorporés dans le contenu crânien au cours de l'évolution des espèces par le biais de l'augmentation volumétrique du cerveau. Ainsi, l'occipital, os de la base du crâne formé par la fusion des trois ébauches primitives vertébrales isolées (sclérotome), va constituer, avec les deux nerfs hypoglosses et la musculature de la langue (myotome), une unité embryologique [5].
Neurophysiologie du développement de l'oralité Rapports avec le palais secondaire (fig. 24) La fin de l'organogenèse de la langue a lieu vers le 50e jour. La langue emplit alors le volume de la cavité stomodéale fermée en avant par le palais primaire. A partir de cette époque, les afférences sensorielles de la totalité de la sphère orale débutent leur colonisation centripète vers le tronc cérébral (jonctions axonales que contractent les fibres nerveuses des ganglions crâniens avec les récepteurs tégumentaires). Ce phénomène est conjointement associé au développement centrifuge des efférences motrices des nerfs trijumeau, facial, glossopharyngien et pneumogastrique et de celles de la partie haute du rachis cervical qui aboutissent à l'établissement d'une jonction myoneuronale dans la langue, les muscles masticateurs, les muscles pharyngés et les muscles du cou. Vers le 60e jour embryonnaire, c'est au niveau de la sphère orale que l'on peut constater les premières séquences motrices de l'embryon et objectiver ainsi le passage subtil de l'embryon non encore animé à l'embryon animé ou foetus. Le développement myoneuronal [56] est une séquence très vulnérable puisque pouvant être irréversiblement perturbé par des agressions toxiques, en particulier l'alcool, médicamenteuses (neuroleptiques) ou physiques (hyperthermiques). C'est au cours de ce 3e mois, entre les 10e et 11e semaines postconceptionnelles, que s'ébauchent le réflexe de l'ouverture buccale à la stimulation labiale, la déflexion céphalique et l'approche des mains au contact des lèvres et des points cardinaux de la face. L'animation motrice de la langue
est objectivable par l'ébauche du réflexe de succion à 10 semaines et la déglutition vers la 13e semaine. Nous soulignons encore la précession de la succion sur la déglutition. Le défaut de synchronisation de cette séquence motrice céphalique et orale, par anomalie de la neurogenèse du rhombencéphale, perturbe l'intégration normale de la langue dans la cavité buccale anatomique ; elle reste alors dans la fosse nasale, ce qui empêche la fermeture du palais secondaire. La démonstration de ce phénomène est assurée chez la rate gestante par administration de neuroleptique, ce qui a eu pour effet, vers le 11e jour, de déclencher des fentes vélo-palatines par retard de maturation myoneuronale céphalique et orale des embryons [41]. Les documents dont nous disposons chez l'homme [80] (fig. 57 A,B) attestent bien de l'ensemble de ces séquences motrices qui constituent le début de la motricité orale et dont la défaillance précoce, vers le 60e jour embryonnaire, constitue le phénomène premier responsable du syndrome de Robin néonatal [25] . Dans ce syndrome, la fente vélo-palatine est alors un exceptionnel marqueur encore visible à la naissance. L'étape de l'animation motrice embryonnaire orale achève de démontrer l'importance du tronc cérébral dans le contrôle neurophysiologique de l'activité motrice de la langue intégrée dans les structures oro-pharyngées et vis-à-vis des régulations respiratoire, cardiaque et digestive de même localisation neuro-anatomique. Pendant le reste de la vie foetale, le foetus va devoir roder et entraîner le couple succion-déglutition soit en suçant ses doigts ou ses orteils, soit en déglutissant le liquide amniotique dont les quantités vont croissantes pour atteindre deux litres au moment du terme, ce qui assure le maintien et la maturation des fonctions rénales. Cette activité de succion-déglutition engrammée pendant la vie foetale demande l'efficacité neuroanatomique de toutes les paires nerveuses du tronc cérébral (fig. 58). (Elle est objectivable en échographie dès la 15e semaine.) C'est dire que la défaillance de ce couple moteur aura pour conséquence le rétrognathisme par défaut de stimulation condylienne et le palais creux par défaut de conformation palatine par la pression linguale. Le couple succion-déglutition est un automatisme réflexe dont le centre est bulbaire et qui est déclenché par toutes les stimulations orales, que ce soit au niveau de la lèvre supérieure ou de la muqueuse de la région du prémaxillaire. Son efficacité est vitalement requise dès la naissance afin d'assurer l'oralité alimentaire du nouveau-né.
Embryogenèse de la glande thyroïde
[46]
(fig. 56 et 59)
Le développement embryologique de la glande thyroïde est lié à celui du massif lingual car ces deux organes contractent initialement des rapports étroits. Au 60e jour embryonnaire, le foramen caecum correspond à l'ébauche épithéliale endodermique de la glande thyroïde, à la jonction ectoderme-endoderme du futur V lingual. L'ébauche thyroïdienne s'invagine en profondeur au cours du 3e mois et migre en laissant le canal thyréo-glosse de Bochdalek, vestige de cette invagination qui, par mort cellulaire, disparaît vers le 4e mois. L'ébauche thyroïdienne croise en avant ou traverse le mésenchyme chondrogénique de l'os hyoïde, puis passe devant les cartilages thyroïde et cricoïde, et se stabilise sous forme d'une glande bilobulée réunie par un isthme à la hauteur des deuxième, troisième et quatrième anneaux trachéaux. La persistance du reliquat embryonnaire du canal d'invagination à épithélium respiratoire, ou son tractus fibreux résiduel, correspond à tout ou partie du trajet allant du foramen caecum de la base de la langue à l'isthme thyroïdien médian du cou. Des formations kystiques à contenu muqueux ou des thyroïdes aberrantes accessoires peuvent être décelées le long du trajet de ce reliquat de canal d'invagination.
Embryogenèse dentaire Les dents sont des composants naturels de l'organisation craniofaciale des vertébrés et plus particulièrement des mammifères. Chaque dent constitue un modèle exceptionnel de développement, de cytodifférenciation et d'organisation spatiale. Qu'il soit spatulé ou tuberculé, chaque organe dentaire est ainsi
une matrice propre. L'embryogenèse du système dentaire est indissociable de l'embryogenèse céphalique car les dents sont issues de la neurulation. L'étude embryologique des ébauches dentaires débute vers la fin du XIXe siècle. Platt [89], Sellman [94], Horstadius [55], Chibon démontrent chez l'embryon d'amphibien que les cellules de la crête neurale fournissent le mésenchyme à partir duquel se développent la dentine et la papille, et que l'ectoderme oral fournit l'émail. Miller [77], Kollar [64, 65], Ruch [93] entreprennent l'étude du rôle respectif dans le déterminisme de la forme finale de la dent (le pattern) de l'ectoderme et des cellules mésenchymateuses. Mais, chez les mammifères, l'étude des potentialités odontogéniques du mésenchyme n'est pas aisée à réaliser en raison même des difficultés d'accès des embryons à la manipulation in situ. Ce n'est qu'en 1984 que Lumsden [73] démontre pour la première fois que l'odontoblaste des mammifères est une cellule provenant de la crête neurale céphalique et que l'ectoderme du premier arc semble être le déterminant embryologique initial dans la genèse de la forme de la couronne et la position de la dent (placode épiblastique dentaire). Chez l'homme [7], le développement embryologique des dents est également la conséquence de la coopération biologique de deux groupements cellulaires issus de l'ectoderme et de l'ectomésenchyme. A la fin du 1er mois embryonnaire, les cellules protagonistes de l'organogenèse des dents sont : l'ectoderme du stomodéum formé de couches cellulaires cubiques profondes et fusiformes superficielles ; cette composante épithéliale est séparée de l'ectomésenchyme sous-jacent par la membrane basale ; l'ectomésenchyme issu des cellules des CNC des niveaux mésencéphaliques et rhombencéphaliques est responsable de l'augmentation volumétrique rapide des bourgeons de la face ; dans ceux-ci, les branches du nerf trijumeau entouré de cellules de Schwann sont déjà présentes.
Stade des lames primitives et dentaires Lame primitive Des épaississements épithéliaux apparaissent dès le début du 2e mois embryonnaire, à la face linguale des bourgeons nasaux, maxillaires et mandibulaires. Ceux-ci s'enfoncent dans l'ectomésenchyme pour constituer la lame primitive (ou mur cellulaire plongeant). Autour d'elle, s'organisent d'importantes condensations cellulaires mésenchymateuses, au sein desquelles sont reconnues de nombreuses mitoses. Le mur plongeant assure en se creusant la séparation entre les régions superficielles et maxillo-mandibulaires.
Lame dentaire A partir du versant interne du mur plongeant se forme une expansion épithéliale interne, pénétrant profondément l'ectomésenchyme : c'est la lame dentaire, qui est cernée par une condensation de cellules ectomésenchymateuses au niveau desquelles des renflements épithéliaux apparaissent, les futurs bourgeons.
Bourgeons ou ébauches dentaires Dans la continuité de la lame dentaire, des renflements épithéliaux s'individualisent par places et s'organisent morphologiquement en coiffant les cellules mésenchymateuses toujours très actives sur le plan mitotique. Entre les renflements épithéliaux, la lame dentaire involuera partiellement, morcelée par
bourgeon dentaire est alors formé : d'une composante épithéliale ; d'une composante ectomésenchymateuse ; d'une limitante de mésenchyme en cours de condensation qui deviendra le sac dentaire.
Stade de la cupule Le germe évolue rapidement sur le plan morphologique. La coiffe épithéliale prend progressivement la forme d'une cupule en augmentant de surface. Celle-ci est limitée par deux couches cellulaires : une interne qui préfigure la future différenciation en adamantoblastes, ou épithélium adamantin interne (EAI), elle-même recouverte d'une couche cellulaire ou stratum intermedium ; une externe limitant en dehors le reticulum étoilé, ou épithélium adamantin externe (EAE). La membrane basale située entre l'épithélium adamantin interne de la cupule et les cellules ectomésenchymateuses est formée de fibres de collagène, de réticuline et de glycoprotéines. L'ectomésenchyme apparaît alors condensé sous la cupule épithéliale et présente de nombreuses mitoses dans lesquelles pénètrent les premiers éléments vasculaires et apparaissent des cellules à différenciation schwanniennes qui vont préfigurer la pulpe.
Différenciation des odontoblastes et des adamantoblastes
[65, 73]
La différenciation de ces deux types cellulaires ne se conçoit actuellement que dans le cadre des interactions entre l'épithélium adamantin et l'ectomésenchyme. L'ensemble de ces interactions constitue un excellent modèle d'étude des interactions tissulaires en embryologie, en général.
Induction des cellules de la crête neurale La première de ces interactions cellulaires est celle des cellules de la crête neurale qui en fin de migration induisent l'épithélium buccal, sous lequel elles se sont localisées en fin de migration, à devenir l'épithélium adamantin interne. Chibon a montré que l'ablation microchirurgicale de la crête neurale chez les amphibiens, en supprimant ainsi quantitativement les cellules issues de celle-ci, provoque l'absence de formation de l'organe adamantin ; il n'y a pas formation de l'organe dentaire. Chibon a encore montré qu'il existait une régionalisation précise de la crête neurale vis-à-vis du déterminisme de la forme et de la position des dents futures dans la cavité buccale. Les interactions tissulaires réciproques et successives se manifestent entre l'ectomésenchyme de la crête neurale et l'épithélium adamantin par contiguïté, ce qui détermine la différenciation de ces cellules dans des voies qui vont les amener à sécréter la protéine de l'émail pour les unes et la protéine de la dentine pour les autres.
Adamantoblaste Les cellules de l'épithélium adamantin interne ou préadamantoblaste prennent alors une forme prismatique en se rangeant en colonnes, perpendiculairement à la membrane basale. Au contact de la prédentine déversée dans l'espace basal
de l'émail.
Odontoblaste Les cellules ectomésenchymateuses de la pulpe à proximité de la membrane basale se rangent en palissade, perpendiculairement à celle-ci, et ne tardent pas à former une rangée continue étroitement unie. Puis, chacune de ces cellules s'allonge et présente les signes microscopiques d'une intense activité d'élaboration cytoplasmique : la matrice dentinaire est excrétée par exocytose. Celle-ci ne tarde pas à débuter sa minéralisation. Slavkin [95, 96] et Ruch [93] ont montré que la différenciation en odontoblastes des cellules ectomésenchymateuses de la crête neurale n'est possible qu'au contact des améloblastes, après l'expression d'un nombre fixé de mitoses. Cette situation est réciproque pour la différenciation en améloblastes des cellules de l'épithélium buccal. Il s'agit d'un véritable couple morphogénétique odontoblaste-améloblaste qui, par collaboration étroite successive et action réciproque, contribue au développement de l'ébauche dentaire. Si l'un des groupements cellulaires vient à être défaillant sur le plan biologique, le développement dentaire est perturbé. Les odontoblastes comme les améloblastes élaborent puis déversent dans la matrice extracellulaire, située dans l'espace qui les sépare, de nombreuses vésicules de sécrétion qui, dans l'état actuel de nos connaissances, jouent un rôle majeur dans le transfert direct d'informations entre ces deux types cellulaires. Dès que les odontoblastes sécrètent la prédentine qui se calcifie progressivement, les améloblastes élaborent la protéine de l'émail (améline) qui, elle, se minéralise à son tour. A partir de cette interface initiale embryonnaire, les fronts de dentine et d'émail vont s'éloigner l'un de l'autre, tout comme les cellules qui ont contribué à l'élaboration initiale des matériaux calcifiés.
Déterminisme de la forme de la couronne
[73]
(fig. 60 F et G, H, 61)
L'organe en cloche Le déterminisme de la forme de la couronne a fait l'objet de recherche de la part de Lumsden (1988) [73]. Si les constituants cellulaires d'un bourgeon dentaire sont dissociés, aucune matrice ni vésicule de sécrétion ne sont objectivées. En fait les déterminismes épithélial et pulpaire ont été objectivés expérimentalement à des moments différents de l'embryogenèse dentaire dans le rôle de la forme définitive de la couronne. Ainsi, la forme de la couronne dépendrait de la détermination qualitative régionale de l'épithélium buccal car l'association d'un ectomésenchyme quelconque d'embryon de souris de neuf jours avec un épithélium buccal de la région antérieure du stomodéum produit une incisive tandis que son association avec l'épithélium buccal postérieur produit une molaire. Pour ce faire, Lumsden [73] étudie le développement des ébauches dentaires de souris en homogreffes intraoculaires par recombinaisons de crête neurale prémigratoire de souris avec de l'ectoderme de diverses origines. La recombinaison de la crête neurale céphalique du niveau rhombencéphalique avec de l'ectoderme oral du premier arc produit des dents normales avec des structures parodontales correctement développées. Cette expérience démontre bien que l'odontoblaste sécrétant la matrice de la dentine est originaire de la crête neurale céphalique chez les mammifères, comme chez les amphibiens. Cette expérience démontre encore que la compétence des cellules de la CNC s'exprime déjà avant la migration. Lorsque la recombinaison tissulaire concerne la CNC du même territoire avec de l'ectoderme non céphalique, seuls de l'os, du cartilage, du tissu nerveux se forment. Aucune ébauche dentaire ne se développe alors. Par contre, des ébauches dentaires apparaissent lorsque de la crête
neurale du niveau troncal est recombinée avec de l'ectoderme du premier arc, démontrant ainsi que la compétence odontogénique de la crête neurale n'est pas uniquement localisée au niveau céphalique. Ces expériences objectivent ainsi le rôle déterminant de l'ectoderme du premier arc jusqu'au 9e jour de gestation chez la souris dans la localisation, la forme générale de la dent et principalement celle de la couronne. Pour Lumdsen [73], l'ectoderme oral et sa basale porteraient ainsi les directives qualitatives de localisation et de forme coronaires, alors que la crête neurale fournirait l'aspect quantitatif à la dent (volume de la dentine, volume de la papille, forme des racines).
Formation des racines (fig. 60 H) La dentinogenèse radiculaire apparaît au niveau de la zone de réflexion entre épithéliums adamantins interne et externe (région du futur collet). Cette zone de réflexion s'enfonce progressivement dans le mésenchyme recouvert par la papille. C'est la gaine épithéliale d'Hertwig. On ne sait pas encore s'il s'agit d'un phénomène relatif par ascension coronaire ou d'une morphogenèse primitive. Les odontoblastes demeurés au contact du feuillet interne de la gaine épithéliale élaborent la dentine radiculaire. Il n'y a plus d'émail formé.
Formation du cément et du desmodonte Le cément serait formé par les fibroblastes du follicule au contact de la dentine radiculaire après résorption de la gaine d'Hertwig. Des fibres de collagène issu du follicule viennent s'incorporer à la matrice cémentoïde. En conclusion, de ces études embryologiques, il est permis de déduire que l'ectoderme buccal serait organisé en placodes épiblastiques dentaires spécifiques pour chaque dent, chacune de ces placodes en constituant la composante qualitative puisque l'ectoderme est déterminant pour le site, la position de celle-ci et la forme de sa couronne. Par contre, les cellules odontoblastiques issues de la crête neurale céphalique en constitueraient la composante quantitative et interviendraient dans le volume de la dentine et de la pulpe. Couly et Monteil [26] ont proposé une classification neurocristopathique embryologique des anomalies dentaires. On pourrait également proposer une classification placodale ectodermique de ces anomalies (tableau IV).
Dysmigration des odontoblastes et fente labio-maxillaire (fig. 62) La crête neurale antérieure fournit les odontoblastes des incisives qui migrent dans le bourgeon naso-frontal. Le courant cellulaire est toujours perturbé par la présence du défaut fusionnel des bourgeons. Tous les cas de figures dysmigratives sont retrouvés lors de la morphogenèse perturbée de l'incisive latérale lactéale et adulte, que l'on constate en clinique humaine : lorsque le courant cellulaire migrateur des odontoblastes se répartit de part et d'autre de la fente, les deux incisives lactéales et adultes sont représentées par deux ébauches, une pour chacune des berges de la fente ; lorsque le courant cellulaire odontoblastique se passe sur la berge externe, les incisives latérales lactéales et adultes se forment sur la berge externe. C'est l'inverse en cas de migration dans la berge interne ; parfois, le courant cellulaire est absent ou alors ne s'exprime pas phénotypiquement : on assiste à une absence des bourgeons dentaires incisifs latéraux. Dans d'autres circonstances, le courant cellulaire peut migrer dans le septum nasal et déclencher l'organogenèse d'une dent ectopique. Ce fait souligne la compétence de l'ectoderme nasal pour l'amélogenèse en réponse à l'induction des odontoblastes de la crête neurale. Enfin, le courant cellulaire odontoblastique peut encore être le point de départ de dysorganoplasie dentaire odontoïde ou prendre l'apparence d'odontomes variés
ou de malformation dentaire (fusion secondaire des ébauches, dans les fentes incomplètes, d'incisive latérale). En cas de fente labio-maxillaire bilatérale, ces dysorganoplasiques sont bilatéraux et/ou combinés.
divers
cas
de
figures
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© 1990 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Le chimérisme caille-poule. Les cellules de caille (A) sont très facilement différenciées des cellules de poulet (B) car leur chromatine est dense.
Fig 2 :
Fig 2 : Neurulation et formation de la crête neurale. Evolution des feuillets embryonnaires à 15, 21 et 30 jours.
Fig 3 :
Fig 3 : Carte des territoires présomptifs de la plaque neurale de l'embryon d'oiseau au stade 3 somites. (1) adénohypophyse ; (2) hypothalamus ; (3) épithélium de la cavité nasale ; (4) plancher du télencéphale ; (5) placode olfactive ; (6) ectoderme du bec supérieur et du diamant ; (7) vésicules optiques ; (8) neurohypophyse ; (9) toit du télencéphale ; (10) diencéphale ; (11) hémiépiphyse ; (12) ectoderme et crête neurale prosencéphalique caudale (pointillé léger) ; (13) crête neurale mésencéphalique rostrale (pointillé dense) ; (14) mésencéphale.
Fig 4 :
Fig 4 : Vue de dessus de la plaque neurale d'embryons de vertébrés en microscopie électronique à balayage (document de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France).
Fig 5 :
Fig 5 : Evolution morphologique de la plaque neurale : fermeture dorsale par contact jonctionnel postérieur des bourrelets (documents de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France). La barre = 100 microns.
Fig 6 :
Fig 6 : La neurulation. Evolution de la fermeture de la gouttière neurale en un tube par contact
jonctionnel postérieur. A. Vue dorsale de l'embryon de vertébré en microscopie électronique à balayage (embryon d'oiseau à 4 somites). B. Détails de l'accolement dorsal des lèvres de la gouttière neurale à partir de la figure 6 A (document de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France). C. Vue schématique de la fermeture antérieure de la plaque neurale au stade 3 somites.
Fig 7 :
Fig 7 : Développement de l'antéhypophyse (A). Evolution de la greffe microchirurgicale du bourrelet antérieur neural à 2, 3 et 5 somites (a, b, c). Le marquage est retrouvé au niveau de la poche de Rathke chez l'embryon de 4 jours et de 6 jours (d, e).
Fig 8 :
Fig 8 : Schéma de la cartographie précoce de la plaque neurale au cours de la troisième semaine embryonnaire (coupe horizontale).
Fig 9 :
Fig 9 : Evolution du tissu embryonnaire neuroblastique lors de la fermeture du tube neural. L'épiblaste, les crêtes neurales (CN) et le tube neural (TN) sont identifiés morphologiquement au cours de cette fermeture (documents de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France).
Fig 10 :
Fig 10 : Evolution morphologique du tube neural qui passe progressivement de 3 vésicules (25e jour) à 5 vésicules (35e jour).
Fig 11 :
Fig 11 : Cartographie de l'épiblaste. Cette cartographie expose la position des diverses placodes épiblastiques qui sont à l'origine des ganglions sensoriels des nerfs crâniens ainsi que la cartographie de la crête neurale qui participe pour une part à la formation de ces ganglions sensoriels.
Fig 12 :
Fig 12 : Migration de la crête neurale à partir du bourrelet neural. La crête neurale (CN) et le tube
neural (TN) sont objectivés par l'intermédiaire d'une greffe de caille chez l'embryon de poulet (voir la fig. 1) (documents de l'institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du Collège de France).
Fig 13 :
Fig 13 : Migration de la crête neurale troncale. A partir de la crête ganglionnaire, les cellules de la crête neurale vont passer soit entre l'ectoderme et le somite, soit entre le tube neural et le somite, soit à l'intérieur même du somite, soit vont rester entre la partie postérieure du tube neural et la partie dorsale du somite pour former le ganglion sensoriel.
Fig 14 :
Fig 14 : Schéma de l'extrémité céphalique de l'embryon humain au début du 2e mois. Ce schéma objective les coulées cellulaires de la crête neurale qui migrent des régions prosencéphaliques et rhombencéphaliques vers la face inférieure du tube neural afin d'assurer sous l'épiblaste de
couverture le début du bourgeonnement de la face. P.opt : placode optique. P.ot : placode otique. BM : bourgeon maxillaire.
Fig 15 :
Fig 15 : Chevauchement des territoires de migration des cellules des crêtes neurales céphaliques en correspondance avec le devenir du tube neural d'où elles ont migré.
Fig 16 :
Fig 16 :
Le mésenchyme d'origine mésodermique reste postérieur et fournit des dérivés musculosquelettiques dorsaux. Par contre, la crête neurale qui migre sous le tube neural va fournir du mésenchyme (ectomésenchyme ou mésectoderme) qui va coopérer avec le mésenchyme mésodermique pour former la quasi-totalité des structures faciales et cervicales tout en assurant le développement des bourgeons de la face.
Fig 17 :
Fig 17 : Schéma du développement des bourgeons de la face au début du 1er mois embryonnaire. BNI : bourgeon nasal interne. BM : bourgeon maxillaire.
Fig 18 :
Fig 18 : Evolution morphologique du pôle céphalique de l'embryon humain au cours du 2e mois. A, B, C, D. Développement volumétrique et fusion des bourgeons de la face, grâce aux mitoses des cellules des crêtes neurales (CN). Les bourgeons de la face finissent par circonscrire une cavité appelée le stomodéum. BNF : bourgeon naso-frontal. BNE : bourgeon nasal externe. BNI : bourgeon nasal interne. BM : bourgeon maxillaire. Pl.olf : placodes olfactives. S : stomodéum. BMd : bourgeon mandibulaire. E, F. Entre les 50e et 60e jours, le massif facial de l'embryon acquiert une personnalité foetale. L'ébauche des bourgeons de l'oreille est objectivable au fond et en arrière du premier sillon ectobranchial. G. Développement embryologique de la lèvre supérieure : les bourgeons maxillaires (BM) droit et gauche viennent encadrer et sous-croiser le futur philtrum provenant des bourgeons nasaux internes (BNI). (BNE : bourgeons nasaux externes).
Fig 19 :
Fig 19 : A. La face embryonnaire humaine vers le 42e jour. Aspect de l'ébauche du massif facial d'un embryon humain de 42 jours en microscopie électronique à balayage (document Nilsson).
B. Représentation schématique de la figure 19 A avec l'ectomésenchyme neural et les myocytes envahissant l'espace sous-ectodermique de l'ébauche faciale. Ce schéma résume l'ensemble des défaillances potentielles de la fusion des bourgeons et par là même le dessin des futures fentes faciales.
Fig 20 :
Fig 20 : A. Vue latérale d'un embryon humain au début du 1er mois embryonnaire. B. Coupe sagittale de ce même embryon objectivant dans cette partie paralatérale l'existence du début du bourgeonnement de la face, les ébauches des placodes olfactives et optiques et le début de la gangliogenèse des nerfs crâniens. POL : placodes olfactives. POP : placodes optiques. RH : rhombencéphale. G : ganglion de Gasser. A : arcs branchiaux. C. La placode olfactive (POL) est cernée par les bourgeons nasaux interne (BNI) et externe (BNE).
Fig 21 :
Fig 21 : Le palais primaire. A. Vue latérale d'un embryon humain de 42 jours, intéressant les régions faciales et thoracocervicales. Cet embryon présente le même aspect morphologique que la figure 19 A. B. Coupe horizontale de l'embryon précédent passant par le palais primaire. PP : palais primaire. BNI : bourgeon nasal interne. BM : bourgeon maxillaire. C. Détails de la coupe horizontale 21 B objectivant le mur épithélial de Veau : accolement entre le bourgeon nasal interne et le bourgeon maxillaire. D. Vue microscopique (× par 600) de la mort cellulaire siégeant au niveau du mur épithélial tel qu'il est représenté en microscopie sur la figure 21 C. E. Le palais primaire : détails de la figure 21 B. F. Schéma en vue inférieure du palais primaire et du toit du stomodéum chez l'embryon humain de 38 jours. Cette vue objective encore la présence de la poche de Ratkhe au niveau du toit et dans la partie postérieure du stomodéum (5). Bourgeon nasal interne (3). Bourgeon nasal externe (2). Bourgeon maxillaire (4). Ce schéma objective encore la condensation cellulaire entre les bourgeons nasaux internes correspondant au futur septum primaire (1).
Fig 22 :
Fig 22 : Schéma du défaut de fusion du bourgeon nasal interne et du bourgeon maxillaire, explicitant la possibilité de réalisation de fente labio-maxillaire par le processus de non-mort cellulaire.
Fig 23 :
Fig 23 : Schéma des défauts de fusion potentielle des cinq bourgeons péristomodéaux entrant dans la constitution du massif facial. A. Vue de face. B. Vue palatine.
Fig 24 :
Fig 24 : Le palais secondaire. Macrophotographie en coupe horizontale d'un embryon humain de 42 jours objectivant les procès palatins (PP) du palais secondaire.
Fig 25 :
Fig 25 : Coupe horizontale de l'embryon humain de 42 jours passant par le massif lingual et le plancher
buccal, objectivant l'importance du volume de la langue (L), remplissant la totalité du stomodéum, encadré par les procès palatins (PP) des bourgeons maxillaires.
Fig 26 :
Fig 26 : Les palais primaire et secondaire en vue de dessous à 45 jours.
Fig 27 :
Fig 27 : Schéma du stomodéum d'un embryon de 50 jours objectivant la présence du septum (2) du palais primaire (1) et les procès palatins (3). Le massif lingual est à ce stade constitué de deux tubercules latéraux volumineux (6). Le tuberculum impar (5) est réduit. 4 : pharynx.
Fig 28 :
Fig 28 : Développement de la poche de Rathke et de l'antéhypophyse étudié par chimérisme caille-poule (A). A. A 0 somite, la zone présomptive de l'antéhypophyse est située dans le bord antérieur du bourrelet neural (A). B. C. A 3 somites et à 4 jours, la poche de Rathke et l'antéhypophyse sont localisées au gré de l'enroulement céphalique dans la partie basale du diencéphale, c'est-à-dire au niveau du toit du stomodéum.
Fig 29 :
Fig 29 : La poche de Rathke (R) est localisée dans le toit du stomodéum vers le 30e jour embryonnaire.
Fig 30 :
Fig 30 : L'appareil branchial à 5 semaines embryonnaires. La coupe correspond à la zone A-B de la figure 16 : ce schéma objective les poches endobranchiales des arcs no 1, 2, 3, 4, 5. Le développement du 2e arc venant télescoper le 3e et le 4e arc détermine le sinus cervical ectodermique.
Fig 31 :
Fig 31 : Schéma de l'évolution des arcs branchiaux à 6 semaines. Dans le plancher buccal primitif, c'està-dire au niveau du versant ectodermique du premier arc, est objectivée l'ébauche linguale sous l'aspect des deux tubercules latéraux et du tuberculum impar. Dans les poches endobranchiales, se sont formées l'amygdale (II), les parathyroïdes et le thymus (III). TL : tubercules latéraux de la langue. TI : tuberculum impar de la langue. C : copula de la langue. E : épiglotte.
Fig 32 :
Fig 32 : A. Les arcs branchiaux (vue extérieure) : présence des sillons ectodermiques. B. Schéma des arcs branchiaux en coupe, objectivant la présence dans chaque arc d'un arc aortique, d'un noyau mésenchymateux préludant la musculature, d'une veine et d'un nerf. C. Les arcs aortiques de l'appareil branchial ; le système d'arc réunit les aortes dorsales et ventrales. D. Schéma des poches endobranchiales. E. Les ganglions des nerfs crâniens à destinée branchiale : - nerf trijumeau (V), - nerf facial (VII), - nerf glossopharyngien (IX), - nerf pneumogastrique (X). Le grand hypoglosse (XII) est un nerf somitique moteur à destinée linguale. F. Coupe parasagittale de la région céphalique d'un embryon de 32 jours, objectivant la présence des ganglions des nerfs crâniens (G : ganglion de Gasser ; J : ganglion jugulaire du nerf glossopharyngien ; P : ganglion plexiforme du nerf pneumogastrique). G. Détail du ganglion de Gasser (G). Deux nerfs sont déjà objectivables : nerf maxillaire (M) et nerf mandibulaire (MD).
Fig 33 :
Fig 33 : Ebauche ectodermique de la glande sous-maxillaire chez un embryon humain de 42 jours en coupe frontale au niveau du plancher de la bouche (× par 160). SM : bourgeon sous-maxillaire. On distingue encore sur cette coupe le nerf lingual (L) et l'ébauche du ganglion sous-maxillaire (GM).
Fig 34 :
Fig 34 : Schéma de l'ébauche du développement de la base du crâne cartilagineuse chez un embryon de 50 jours. mes : mésethmoïde. co : capsule optique. bs : basi-sphénoïde. oc : occipital. T : télencéphale. M : mésencéphale. R : rhombencéphale.
Fig 35 :
Fig 35 : Schéma du développement de la base du crâne cartilagineuse chez un foetus de 10 semaines. mes : mésethmoïde. co : capsule optique. bs : basi-sphénoïde. oc : occipital. T : télencéphale. M : mésencéphale. R : rhombencéphale.
Fig 36 :
Fig 36 : Tête d'un foetus humain de 12 semaines en coupe sagittale. Cette macrophotographie objective la présence de la plaque cartilagineuse basale du crâne. M : mésethmoïde. BS : basi-sphénoïde. O : occipital.
Fig 37 :
Fig 37 : Schéma représentant l'origine du squelette facial. Les structures naso-fronto-prémaxillaires et les incisives ainsi que le frontal ont pour origine la crête neurale antérieure mésencéphalique. Les structures squelettiques maxillo-mandibulo-zygomatiques ont pour origine la crête neurale rhombecéphalique.
Fig 38 :
Fig 38 : Les os du squelette du massif facial ont pour origine la crête neurale. Il existe une participation des cellules de la crête neurale à la formation du temporal, de la grande aile du sphénoïde et du frontal. Les cellules des crêtes neurales participent encore à la formation de l'apophyse styloïde et de l'os hyoïde. 1 : frontal, 2 : nasal, 3 : inguis, 4 : prémaxillaire, 5 : postmaxillaire, 6 : dentaire, 7 : malaire, 8 : sphénoïde, 9 : temporal, 10 : pariétal, 11 : pétreux, 12 : occipital, 13 : hyoïde et styloïde, 14 : cartilages laryngiens.
Fig 39 :
Fig 39 : Radiographie du squelette céphalique d'un foetus de 5 mois, objectivant déjà l'évolution de la minéralisation squelettique.
Fig 40 :
Fig 40 : : Radiographie du squelette céphalique d'un foetus de 6 mois, objectivant l'importance de l'ossification des os de membrane tant périencéphaliques que faciaux. vue de profil.
Fig 41 :
Fig 41 : Radiographie du squelette céphalique d'un foetus de 6 mois, objectivant l'importance de l'ossification des os de membrane tant périencéphaliques que faciaux. vue de face.
Fig 42 :
Fig 42 : Schéma du développement de la région temporo-mandibulaire chez le foetus.
Fig 43 :
Fig 43 : Coupe sagittale de la région temporo-mandibulaire et tympanique d'un foetus de 5 mois. Cette coupe objective la continuité entre le ménisque, le ligament tympano-malléolaire antérieur et ainsi la large communication entre la caisse du tympan et les espaces périarticulaires temporomandibulaires. C : condyle. M : marteau. E : enclume. LT : ligament tympano-malléolaire antérieur. ME : ménisque.
Fig 44 :
Fig 44 : Coupe sagittale du premier arc d'un foetus de 11 semaines. A. La coupe passe par l'ébauche de l'articulation temporo-mandibulaire. C : condyle. T : muscle temporal. MA : os malaire. MT : marteau. B. La figure objective le noyau préchondroblastique du condyle (C), le ménisque (ME) et l'ébauche de la racine transverse du zygoma (Z).
Fig 45 :
Fig 45 : L'articulation temporo-mandibulaire chez un foetus de 4 mois. A. Coupe transversale de l'articulation temporo-mandibulaire objectivant le condyle (C), le ménisque (ME), le muscle ptérygoïdien externe (PTE), s'insérant sur le condyle et le ménisque, et la surface articulaire squamosale (S). B. Détails de la région ménisco-condylo-squamosale objectivant la similitude des structures histologiques du ménisque et des surfaces articulaires squamosales et condyliennes.
Fig 46 :
Fig 46 : Analogie de l'articulation temporo-mandibulaire avec une suture mobile.
Fig 47 :
Fig 47 : Origine et développement des neurones entrant dans la constitution des ganglions des nerfs crâniens. Le ganglion de Gasser du trijumeau, le ganglion géniculé du nerf facial, le ganglion jugulaire et pétreux du glosso-pharyngien, le ganglion plexiforme du pneumogastrique ont des neurones dont l'origine est à la fois la placode et la crête neurale rhombencéphalique. Le nerf hypoglosse est un nerf somitique moteur et a pour origine les neuroblastes unipolaires du système nerveux central (tout comme les neurones moteurs entrant dans la constitution des 3e, 4e et 6e nerfs crâniens). Le nerf olfactif, le nerf optique et le nerf acoustique sont des nerfs sensoriels.
Fig 48 :
Fig 48 : Coupe sagittale paralatérale d'un embryon de 30 jours, objectivant la présence des ganglions des nerfs crâniens mixtes. G : ganglion de Gasser. GEN : ganglion géniculé. J : ganglion jugulaire. PL : ganglion plexiforme.
Fig 49 :
Fig 49 : Origine du système nerveux autonome. A. et B. Les neuroblastes multipolaires à phénotype cholinergique dont l'origine est la crête neurale du niveau rhombencéphalique vont former la totalité du système nerveux parasympathique (parasympathique bulbaire (B), système sécrétoire céphalique et plexus nerveux mésentériques intestinaux). Par contre, le système sympathique provient de la crête neurale troncale du 7e au 24e somite. Il est formé de neuroblastes multipolaires à phénotype adrénergique. C. Origine et organisation du sympathique.
Fig 50 :
Fig 50 : Dérivés cervico-thoraciques des crêtes neurales rhombencéphaliques. A. Les parois des arcs aortiques (3e, 4e et 6e) proviennent de la crête neurale rhombencéphalique. La crête neurale entre dans la constitution des parois de l'artère pulmonaire et de l'aorte et participe à la cloison inter-auriculo-ventriculaire. B. La crête neurale rhombencéphalique fournit le mésenchyme entrant dans la constitution des glandes cervicales et thoraciques : parathyroïdes, thyroïde, thymus, et fournit encore les cellules C de la thyroïde à calcitonine, le derme cervical et le corpuscule carotidien.
Fig 51 :
Fig 51 : Contribution des cellules des crêtes neurales aux enveloppes de l'oeil. A. Migration vers la cupule optique, chez l'embryon humain de 30 jours, des crêtes neurales mésencéphaliques et prosencéphaliques. B. Les cellules des crêtes neurales vont former la sclérotique, la choroïde, l'épithélium interne de la cornée et participent aux muscles de l'iris. C. Coupe sagittale de l'ébauche optique d'un embryon humain de 40 jours, objectivant la condensation des cellules de la crête neurale autour de la vésicule optique formée des deux rétines (rétine optique : RO ; rétine pigmentaire : RP).
Fig 52 :
Fig 52 : Schéma de l'origine somitomérique et somitique des muscles céphaliques, de leur innervation et de l'origine présumée de leurs tissus conjonctifs (d'après Noden [83]).
Fig 53 :
Fig 53 : Organisation peaucière de la face et fente labio-maxillaire. A. Le mésenchyme de la crête neurale rhombencéphalique envahit les ébauches faciales à partir du 45e jour, accompagné de l'ébauche nerveuse du nerf facial. Ces cellules vont constituer le mésenchyme du peaucier facial primitif qui apparaît alors dans les régions occipito-frontales, orbitaires, nasales, orbiculaires, buccales et cervicales. B. L'absence de coalescence entre les bourgeons nasaux internes et maxillaires perturbe l'organogenèse musculaire naso-labiale. Les myocytes restent alors « massés » dans le bourgeon maxillaire. C. Architecture musculaire de la fente labio-maxillaire unilatérale : 1. Cartilage alaire. 2. Tubercule latéral de la sous-cloison. 3. Orbiculaire interne. 4. Releveur commun. 5. Transverse du nez. 6. Chef naso-labial de l'orbiculaire. La musculature peaucière se différencie dans la berge externe de la fente. Ce phénomène a pour conséquence une désorganisation des confins musculaires naso-labiaux. Ce schéma fournit l'architecture musculaire de la fente unilatérale labio-maxillaire.
Fig 54 :
Fig 54 : Organisation musculaire dans les fentes labio-maxillaires bilatérales. A. Les bourgeons maxillaires (BM) contribuent à former la lèvre extra-philtrale et le vermillon. B. Représentation schématique de la musculature peaucière naso-labiale en cas de fente labiomaxillaire bilatérale. La musculature faciale naso-labiale provient des myocytes qui migrent latéralement dans les bourgeons maxillaires. T : transversus. B : buccinateur. NL : naso-labial. RC : releveur commun. Or : orbiculaire.
Fig 55 :
Fig 55 : Origine de la couverture épithéliale de la langue : la partie mobile a pour origine l'ectoderme du 1er arc innervé par le trijumeau (Ve paire), celle de la base de langue a pour origine la face endodermique des 2e, 3e et 4e arcs.
Fig 56 :
Fig 56 : Origine du mésenchyme de la langue. Le mésenchyme lingual a une double origine. Il provient de la crête neurale rhombencéphalique et mésencéphalique (A) après migration et des 4 ou 5 premiers somites occipitaux (B) pour les myocytes de la musculature (schéma d'un embryon de 30 jours).
Fig 57 :
Fig 57 : Début de l'oralité motrice du foetus (d'après Nishimura
[80]
).
A. Embryon humain de 50 jours. La langue est dans le stomodéum non encore cloisonné par le palais secondaire (langue : L ; palais secondaire : PS). B. A la fin du deuxième mois, l'ensemble de la mise en oeuvre des activités sensorimotrices de
la nuque contribuant à la déflexion céphalique, de la langue et des premières activités orales permet à la langue d'intégrer la cavité buccale anatomique et d'assurer par ce mouvement relatif la fermeture du palais secondaire (PS).
Fig 58 :
Fig 58 : L'ensemble de l'activité sensorimotrice de l'oralité du foetus (succion et déglutition) est assuré par cinq nerfs du tronc cérébral (trijumeau, facial, glosso-pharyngien, pneumogastrique, hypoglosse).
Fig 59 :
Fig 59 : Pathologie du tractus thyréo-glosse résiduel. 1-4 : trajet du tractus thyréo-glosse résiduel. 2-3 : kyste du tractus thyréo-glosse. 5 : thyroïde linguale.
Fig 60 :
Fig 60 : Evénements biologiques de l'odontogenèse. A. Au 35e jour embryonnaire, les cellules ectomésenchymateuses de la crête neurale viennent en contact avec la basale de l'ectoderme oral. EO : ectoderme oral du premier arc. EM : ectomésenchyme maxillaire de la crête neurale. B. Au 50e jour embryonnaire, apparition de lame primitive ou mur plongeant (MP) correspondant au début de la morphogenèse dentaire ; le mur plongeant est entouré d'une condensation de mésenchyme. EO : épithélium oral. EM : ectomésenchyme. C. La lame dentaire. Début de la formation du bourgeon dentaire (BD). D. Développement de la cupule dentaire au cours du 2e mois. EAI : épithélium adamantin interne. EAE : épithélium adamantin externe. GE : gelée de l'émail. P : ébauche de la papille. E. Formation du germe dentaire au cours du 3e mois : l'organe en cloche. La cytodifférenciation des préodontoblastes (PO) et préadamantoblastes (PA) est très active. P : papille. VX : vaisseaux. F. L'organisation anatomique du germe dentaire correspond à la fin de la cytodifférenciation des protagonistes cellulaires et au début de la minéralisation avec formation des matrices de l'émail et de la dentine.
G. Dépôt de la matrice (M) dans l'espace intercellulaire séparant adamantoblastes (A) et odontoblastes (O). H. Morphogenèse des racines. Les racines se forment à partir de la gaine épithéliale d'Hertwig (H) constituée d'odontoblastes radiculaires (OR). Germes dentaires d'une première molaire lactéale maxillaire à 4 mois.
Fig 61 :
Fig 61 : Schéma des interactions de l'ectomésenchyme de la crête neurale devenant les odontoblastes avec l'épithélium buccal fournissant les adamantoblastes, lors de l'organogenèse dentaire.
Fig 62 :
Fig 62 : Le courant migratoire des odontoblastes de la crête neurale fournissant l'incisive latérale est le plus souvent clivé en deux ébauches dentaires par le défaut de fusion entre le bourgeon nasal interne et le bourgeon maxillaire (responsable de la formation de la fente labio-maxillaire (a et b).
Tableau III. - Kystes, fistules et reliquats embryonnaires originaires de l'appareil branchial. M�senchyme 1er
Arc
- Kyste branchial et dermo�de (plancher buccal et
parotidien) 2e
- Kyste cervical
Arc
Poche ectoblastique - Fistule pr�auriculaire
- Kyste amygdalo�de
- Fibrochondromes pr�tragiens
pharyngien
et jugaux - Fistule auriculoparotidienne - Kyste et fistule du sinus
- Kyste amygdalo�de
cervical
cervical
(cervicoamygdaliens)
- Fibrochondromes cervicaux 3e Arc
- Kyste cervical (r�gion
- Kyste et fibrochondromes de la base du cou
omohyo�dienne) 4e
Arc
Poche entoblastique
- Kyste, fistule - Fibrochondrome pr�sternoclaviculaire
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-001-A-30 – 4-014-C-50
22-001-A-30 4-014-C-50
Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant G Couly
Résumé. – La croissance craniofaciale est assujettie à l’expansion volumétrique des organes neurosensoriels de la tête (cerveau, yeux, langue, complexe de la capsule nasale olfactive). Ces organes, portés par le squelette ancien de la base du crâne, d’origine enchondrale, qui agit sur un second squelette superficiel de type membraneux par une expansion adaptée des sutures ou robots adaptables de la squelettogenèse, dont le déterminisme génétique et les facteurs de croissance, qui assurent leur développement, sont aujourd’hui mieux connus. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : croissance craniofaciale, suture, fibroblast growth factor, fibroblast growth factor receptor, transforming growth factor, bone morphogenic protein.
Introduction La tête est constituée de deux régions : le crâne, protégeant le cerveau et la face, comportant les récepteurs neurosensoriels du cerveau (optique, auditif, olfactif, gustatif), ainsi que l’appareil masticateur (os, dents et muscles). La croissance de cet ensemble organique composite est complexe. Les organes en présence ne grandissent pas à la même vitesse. Les squelettes n’ont pas les mêmes origines et fonctions. Le squelette de la base du crâne, d’origine mésodermique, a un rôle de support alors que le squelette superficiel membraneux, spécifique de la tête et originel de la crête neurale, a un rôle de protection et n’est pas, semble-t-il, seul responsable de son développement. Il paraît ainsi assujetti à la croissance volumique des organes qu’il enveloppe ou protège. À la période embryonnaire, au cours de laquelle les organes céphaliques se différencient, succède une période de croissance tissulaire et de maturation fonctionnelle, la céphalogenèse, qui dure du 3e mois fœtal jusqu’à la 20e année. Au début du 3e mois fœtal, les structures et organes céphaliques sont en place : le cerveau et ses récepteurs neurosensoriels faciaux sont élaborés ; les muscles masticateurs pelvilinguaux, oculomoteurs et cervicaux sont différenciés ; les maquettes squelettiques cartilagineuses de la base du crâne et membraneuses superficielles de la face sont présentes [1, 2]. Jusqu’à 6 ans, le pôle céphalique est, topologiquement, une boule en expansion. Le volume de la tête a alors atteint 80 à 90 % de sa valeur. À partir de cet âge, la croissance volumétrique est relayée par les phénomènes d’ostéoarchitecturation d’origine biomécanique et rythmée par la mise en place de la denture adulte et la statique céphalique (fig 1).
Gérard Couly : Professeur, directeur de l’Institut d’embryologie cellulaire et moléculaire du CNRS et du Collège de France, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale pédiatriques, hôpital NeckerEnfants Malades, 149-161, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
1
Développement céphalique du fœtus et de l’enfant. Comparaison entre volumes facial et cérébral chez le fœtus et l’adulte. À la naissance, le volume facial présente 1/8e du volume crânien. En 20 ans, la face triple sa hauteur et double sa largeur. Le cerveau triple son volume entre la naissance et 2 ans. Ce développement massique monofactoriel est terminé entre 3 et 5 ans.
Squelettogenèse et thèque fibropériostée céphalique. Deux squelettes céphaliques CARTILAGE PRIMAIRE, CARTILAGE SECONDAIRE [12, 16, 18, 20]
Le tissu osseux céphalique s’élabore à partir de deux types cellulaires : les chondroblastes des centres de cartilages primaires et les préostéoblastes des sites de cartilages secondaires (ou sutures). Les chondroblastes sont localisés dans la base du crâne et constituent les compartiments de croissance des synchondroses ou centre de croissance, homologues des cartilages de croissance des membres et sensibles, comme eux, aux mêmes influences. Les préostéoblastes des sutures constituent des sites de croissance secondaire du squelette membraneux superficiel. Ce dernier s’élabore dans une enveloppe fibropériostée, formée de l’ensemble des cellules primordiales ostéoformatrices qui constitue chez le fœtus l’ébauche
Toute référence à cet article doit porter la mention : Couly G. Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-001-A-30, Pédiatrie/Maladies infectieuses, 4-014-C-50, 2002, 10 p.
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EMC [313]
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Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
2
Les contraintes de compression ou d’étirement transforment le mésenchyme ostéoformateur respectivement en tissu osseux cartilagineux ou membraneux (d’après Kummer et Pauwels).
Tissu osseux (primaire)
Ossification enchondrale
Compression (pression hydrostatique)
Cartilage articulaire
Os secondaire (lamellaire)
Disques et ménisques
Tendon de glissement
Mé se nc hy me
Tissu osseux (primaire)
Tendon Déformation (étirement)
Ossification membranaire
CROISSANCE DU NEUROCRÂNE
[2, 3, 10]
du squelette et qui s’ossifie directement sans étape intermédiaire cartilagineuse. La contiguïté des maquettes cartilagineuses faciales (capsule nasale et cartilage de Meckel) et du squelette membraneux nous suggère qu’il existe un précurseur cellulaire commun aux deux lignées des cartilages primaires et des sites secondaires. Pour Hall [12], les cartilages primaires de la face seraient les initiateurs indispensables à l’ostéogenèse membraneuse. L’unicité originelle des structures squelettogéniques de membrane suggère que l’ensemble du crâne membraneux se forme à partir d’une structure fibropériostée comportant un même précurseur ostéoblastique. Ce serait alors les facteurs biomécaniques locaux (la pression ou la tension) qui transformeraient les compartiments cellulaires squelettoblastiques respectivement en cartilage primaire ou en cartilage secondaire des sutures selon un schéma proposé par Pauwels [17] (fig 2).
Formé d’une base cartilagineuse, ou chondrocrâne, et d’une voûte ostéomembraneuse, le neurocrâne est le squelette de support et de protection de l’encéphale et de ses récepteurs sensoriels. La base du crâne de l’homme passe successivement par les stades embryonnaires mésenchymateux, fœtal cartilagineux, puis osseux. Elle est formée par l’assemblage des régions occipitales, otiques, sphénoïdales et ethmoïdales [9]. La chronologie d’apparition des points d’ossification de la base du crâne cartilagineuse est connue depuis Augier [ 2 ] (tableau I). Entre chacune des régions cartilagineuses de la base qui s’ossifient chez le fœtus persistent des synchondroses qui ont un comportement biologique de croissance bipolaire analogue à celui des cartilages des vertébrés et des membres.
Au cours du 3e mois, l’ébauche du squelette céphalique du fœtus est en place. Il comporte :
Développement rapide du cerveau et des yeux
– un châssis de cartilage primaire ou chondrocrâne, ébauche de la base cartilagineuse du crâne ; celle-ci prolonge en avant les corps vertébraux et comporte latéralement des expansions ou capsules logeant les récepteurs sensoriels optiques, gustatifs, olfactifs et auditifs du cerveau ; – des tiges de cartilage primaire formant le squelette primitif des arcs branchiaux (cartilage de Meckel du premier arc, cartilage de Reichert du second arc) ; – une enveloppe fibropériostée superficielle d’os membraneux, séparés par des sutures, entourant le cerveau et ses récepteurs sensoriels, constituant par là même les os faciaux et périencéphaliques. D’un point de vue systématique, nous envisageons le développement fœtal du squelette céphalique en distinguant le squelette péricérébral ou neurocrâne (base cartilagineuse et voûte ostéomembraneuse) du squelette facial comportant également une partie cartilagineuse (cartilages de Meckel, de Reichert et capsule nasale cartilagineuse), et le squelette membraneux superficiel. 2
La précocité du développement du cerveau et des organes neurosensoriels est prépondérante dans le déterminisme volumétrique de la tête. Chez le fœtus, le développement de la masse cérébrale est très rapide. Pendant la période fœtale, la surveillance de la croissance du diamètre bipariétal est une préoccupation des échographistes. Après la naissance, le cerveau a encore une croissance volumétrique très importante puisqu’il double son volume entre la naissance et 6 mois, et le triple entre la naissance et 2 ans. Cette expansion volumétrique et ses caractéristiques biométriques sont utilisées après la naissance par les pédiatres pour surveiller mensuellement le développement cérébral. Classiquement, il n’y a plus de croissance cérébrale après 4 ou 5 ans. L’augmentation faible du périmètre crânien constatée après cet âge devient asymptomatique jusqu’à 20 ans et est due à plusieurs phénomènes : diploétisation des os du crâne qui augmentent d’épaisseur, pneumatisation du frontal à partir de 10 ans, augmentation du volume du muscle temporal à partir de la molarisation adulte vers 6 ans et épaississement du tégument céphalique, en particulier l’hypoderme. La masse cérébrale en croissance a, sur son enveloppe
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Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
Tableau I. – Âge d’apparition des centres céphaliques d’ossification cartilagineuse et membraneuse chez l’embryon et le fœtus (d’après Augier [2]). 30e jour
60e jour
90e jour
Centres osseux de la base du crâne • Occipital
- sus-
•
- exo-
•
• Temporal
Synchondrose du sphénoïde Ces synchondroses vont persister à la naissance entre les pièces primitives du sphénoïde, c’est-à-dire le basisphénoïde, ou corps, les alipostsphénoïdes, ou grandes ailes et aliprésphénoïdes, ou petites ailes. Ces synchondroses ont disparu vers la fin de la première année. Cartilage sphénoethmoïdal
- basi• Sphénoïde
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Ce cartilage n’est pas une synchondrose, il provient de l’ossification de substitution de la partie postérieure de la capsule nasale et devient les lames orbitaires du frontal.
•
- basi-
•
- alipost-
•
- alipré-
•
(pétreux)
•
• Ethmoïde
•–
Capsule nasale embryonnaire et chondroethmoïde du fœtus
[2, 5, 8]
(fig 3)
Centres ostéomembraneux - Mandibule
•
- Articulation temporomandibulaire - Prémaxillaire et postmaxillaire - Malaire
• • •
- Squamosal
•
- Tympanal
•
- Frontal
•
- Pariétal
•
- Ptérygoïde
•
- Palatin
•
- Vomer
•
- Nasal
•
- Lacrymal
•
ostéo-fibro-périostée, une action déterminante expansive dont la réponse est assurée par la croissance des sutures crâniennes ou site de croissance. Les yeux ont une évolution volumétrique équivalente à celle du cerveau puisque la fin de leur croissance a lieu vers 4 ou 5 ans.
Biologie et topographie des synchondroses de la base du crâne [1, 2, 3, 9]
Le rôle des synchondroses, ou cartilages primaires, est déterminant pour la croissance sagittale et transversale de la base du crâne et, par voie de conséquence, pour celle de la face. Elles disparaissent à des époques variables de la vie fœtale et postnatale. Synchondroses de l’occipital Les deux synchondroses exo-sus-occipitales disparaissent au cours de la 3e année. Les deux synchondroses basi-exoccipitales persistent jusqu’à 10 ans. La synchondrose sphéno-occipitale ne disparaîtra qu’à 20 ans. Elle assure la croissance sagittale de la base du crâne. Sa synostose contribue à la soudure des corps de l’occipital et du sphénoïde. Les synchondroses occipitales témoignent de l’origine plurivertébrale de celui-ci. Synchondroses du temporal L’os temporal est formé d’une partie cartilagineuse, ou os pétreux, et de deux os membraneux : le tympanal et le squamosal. Les synchondroses entre le pétreux et l’occipital d’une part et la grande aile du sphénoïde d’autre part se ferment entre 1 et 3 ans.
La capsule nasale est une structure cartilagineuse primaire des confins craniofaciaux du fœtus et du jeune enfant. C’est le squelette cartilagineux primordial de la face. Chez le fœtus de 4 mois, la capsule est formée d’un massif facial cartilagineux creusé de deux structures tubulaires à section ovalaire, séparée par une épaisse lame médiane préfigurant le septum du nez. En arrière, la capsule nasale se continue par le cartilage sphénoethmoïdal et par le chondrosphénoïde. La capsule nasale embryonnaire est l’ébauche du chondroethmoïde, c’est un organe dont la croissance cartilagineuse primaire est très active chez le fœtus. Dans sa périphérie et au contact du feuillet externe du périchondre vont se former les ébauches des os propres du nez, des os frontaux, les unguis et les deux prémaxillaires. Les documents histologiques démontrent que, pendant la vie fœtale et jusqu’à 2 ans, le chondroethmoïde est le véritable squelette facial de l’enfant. Il porte, puis positionne les pièces squelettiques membraneuses naso-fronto-prémaxillaires et orbitaires internes. L’évolution du chondroethmoïde fœtal est complexe. Dans le massif chondroethmoïdien, il est classique de distinguer trois structures qui n’ont pas le même comportement biologique de croissance. L’une est médiane, c’est le mésethmoïde (septum et ses ailerons latéraux, cartilages triangulaires, cartilages alaires) dont la croissance et l’ossification durent 20 à 25 ans. Les deux autres structures sont latérales, ce sont les ectethmoïdes, à vocation olfactive, formant les masses latérales et les lames criblées dont les rapports supérieurs se font avec les nerfs olfactifs. Le mésethmoïde cartilagineux a, pendant les 4 à 5 premières années, période au cours de laquelle se forme l’épine nasale du frontal, une action de propulsion et de positionnement sur les os nasaux frontaux et prémaxillaires, contribuant ainsi à la formation du sinus frontal dont les conditions d’apparition sont, semble-t-il, assujetties au clivage à partir de 6 ans entre les deux tables de l’os frontal. La table interne reste au contact de la dure-mère du cerveau qui a terminé son développement volumétrique alors que la table externe subit le mouvement de propulsion du mésethmoïde ; le clivage entre les deux tables du frontal fait apparaître un espace colonisé par les cellules aériennes de l’ethmoïde. Le septum mésethmoïdien est envahi progressivement par l’ossification : – centre de la crista galli à la naissance ; – centre septal médian au cours des 4 premières années ; – ossification enchondrale dans la partie basse prémaxillaire. Le septum cartilagineux encadré par les deux lames vomériennes constitue, les 4 à 5 premières années, une structure composite proche sur le plan biomécanique du contre-plaqué qui pourrait jouer un rôle primordial dans l’amortissement et la stabilité du massif facial lors de la succion et lors de la mise en jeu des contraintes de mastication. 3
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4
* B
2 1
3
* C
* A 1
* D 3 Mésethmoïde et son rôle dans la croissance naso-fronto-prémaxillaire et la pneumatisation du frontal. A. Mésethmoïde fœtal (M). Coupe frontale à 5 mois. B. Le mésethmoïde détermine la distance entre les deux branches montantes maxillaires et ainsi la distance intercanthale interne, et la hauteur du massif facial fixe.
C. Le mésethmoïde propulse les os propres du nez (1) et la partie basse des os frontaux (2) et tracte le prémaxillaire (3) ; poussée du cerveau (4). D. Formation du sinus frontal à partir de 6 ans. Lors de l’arrêt de la croissance cérébrale, la table interne du frontal reste au contact de la dure-mère. La continuité de la poussée de croissance du mésethmoïde fait apparaître différentiellement le sinus frontal (1) par clivage entre les tables interne et externe du frontal.
Squelette facial
puis ostéocytes. En bordure de la suture, de nombreuses cellules de type chondroïde forment ce cartilage secondaire. La région centrale de la suture présente des aspects histologiques de mort cellulaire où l’on identifie parfois l’existence d’une zone vasculaire réalisant l’aspect d’une véritable fente articulaire. De nombreuses fibres de collagène sont tendues d’une berge chondroïde à l’autre de la suture. Elles sont de type tendineux, adaptées biomécaniquement à l’étirement. Elles se continuent du reste sans transition avec les périostes superficiel et profond de surface. Un certain régime de tension et d’étirement doit régner dans la suture pour maintenir cet aspect histologique. Ce régime se maintient pendant la croissance des organes céphaliques, c’est ce qui se passe par exemple pour le système sutural crânien lors de la croissance cérébrale pour lequel le périoste profond est la dure-mère. Vers 4 ans, lorsque la croissance volumétrique du cerveau se termine, le nombre des mitoses de la partie centrale des sutures diminue également, faute de sollicitation, et l’ossification marginale finit par envahir l’espace sutural précédemment en activité. La suture se ferme progressivement par indentation et s’engrène. Les os de la voûte ont alors terminé leur développement de surface de manière adaptée au volume cérébral et protègent le cerveau. Ils vont alors débuter une nouvelle période biologique, celle de leur diploétisation par l’action biomécanique des contraintes de la mastication. La suture membraneuse apparaît ainsi comme un robot biologique asservi à l’expansion volumétrique des organes neurosensoriels de la tête. La croissance de la suture et son ossification semblent être deux phénomènes biologiquement indépendants [17] . Les histoires naturelles de la pathologie du développement du crâne cérébral abondent en exemples étayant cette dépendance expansive du développement biologique des sutures. Déjà signalées par Augier [2] , puis par Delaire [11] , les anomalies du développement cérébral (en excès par hydrocéphalie, en défaut par microcéphalie, ou par anomalies asymétriques unilatérales cérébrales) entraînent des anomalies concomitantes et conjointes volumétriques des os du crâne. Les os de la voûte
Le squelette facial comporte également deux précurseurs : – l’un cartilagineux primaire, ou chondrocrâne facial, est représenté par le mésethmoïde qui persiste et le cartilage de Meckel qui se résorbe ; – l’autre est ostéomembraneux de topographie superficielle et forme le squelette facial proprement dit. Ce dernier croît à partir d’un système de sutures ou site de croissance riche en ostéoblastes appartenant à la thèque superficielle fibropériostée. SUTURE OU SITE DE CARTILAGE SECONDAIRE, ROBOT DE LA CROISSANCE MEMBRANEUSE [4, 10, 11, 12, 13, 16, 18, 19, 20]
Des travaux expérimentaux et des études génétiques récentes ont été consacrés au comportement biologique de la suture membraneuse céphalique en activité (qu’elle soit crânienne ou faciale). Des descriptions histologiques et une proposition de modèle de développement par signaux génétiques ont été fournies. L’existence de mort cellulaire a été mentionnée par Ten Cate [20] lors de la mise en tension de la suture. Les sutures de la face (comme du reste les sutures du crâne) n’ont pas d’activités spontanées de croissance et d’ossification. Pour qu’elle les présente, la suture doit être mise en tension. Ce stimulus biomécanique est lui-même la conséquence de poussées organiques sous-jacentes ou de contrainte expansive engendrée par un flux [15]. La réponse histologique de la suture à l’étirement se caractérise par l’expression de nombreuses mitoses cellulaires dans la partie centrale. Ces cellules ont l’apparence de fibroblastes. L’importance quantitative de ces mitoses assure l’élargissement de la suture. Les cellules les moins jeunes, constituant le cartilage secondaire de la suture proprement dite, cellules précurseurs de l’ossification, se retrouvent alors sur les bords de celle-ci où existe une ossification marginale sériée : ostéoblastes 4
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Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant
Croissance faciale et croissance crânienne
12 11 10 9
ORGANES CÉPHALIQUES SUSCITANT LA CROISSANCE MEMBRANEUSE DE LEUR SQUELETTE DE PROTECTION [8, 10, 15, 18, 19]
1
Le squelette ostéomembraneux céphalique subit pendant les périodes fœtales et postnatales les poussées conjointes et sousjacentes d’organes, moteurs uniques de la croissance ostéomembraneuse adaptables. Ces poussées sont doubles et combinées :
2 3
4 5
8 7 6
4 Les os membraneux et cartilagineux du crâne, de la face, ainsi que l’os hyoïde ont pour origine la crête neurale céphalique (en grisé sur le dessin). 1. Nasal ; 2. lacrymal ; 3. zygoma ; 4. maxillaire ; 5. mandibule ; 6. os hyoïde ; 7. occipital ; 8. temporal ; 9. squamotemporal ; 10. sphénoïde ; 11. pariétal ; 12. frontal. paraissent ainsi des marqueurs qualitatifs et quantitatifs de la croissance cérébrale. Les sutures elles-mêmes peuvent présenter des anomalies de leur comportement biologique, en particulier, ne pas avoir de réponse mitotique lors de leur mise en tension. Ainsi est constitué le riche domaine séméiologique des craniosténoses, associées du reste à d’autres sténoses des sutures faciales. L’ensemble des os de membrane du crâne et de la face, leurs sutures de croissance (ainsi que la dure-mère) sont issus de la crête neurale céphalique, qui n’expriment aucun gène Hox (fig 4, 5, 6). Des gènes de développement et des facteurs de croissance ont été identifiés comme intervenant lors du développement embryonnaire et du fonctionnement biologique de la suture. MSX2 dont l’expression est régulée par BMP4, intervient dans la régulation de fibroblast growth factor 2 (FGF2), Twist et transforming growth factor 2 (TGF 2) [16]. La figure 7 résume l’expression des différents gènes et facteurs de croissance mis en évidence lors des différentes étapes du développement de la croissance et de l’ossification des sutures, comme site de croissance adaptable.
* A 5
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A. Squelette membraneux céphalique d’un fœtus de 7 mois et demi. a. Frontal ; b. pariétal ; c. squamosal ; d. grande aile du sphénoïde ; e. malaire ; f. postmaxillaire ; g. prémaxillaire ; h. mandibule. Les os membraneux céphaliques ont été artificiellement assemblés. B. Sutures craniofaciales chez le fœtus et le nouveau-né.1. Fontanelle antérieure ; 2. suture coronale entre frontaux et pariétaux ; 3. suture sagittale entre les
– les unes ont pour origine la base du crâne et le squelette cartilagineux branchial, ce qui assure ainsi le positionnement spatial du futur squelette membraneux fœtal ; – les autres, organofonctionnelles, de nature biomécanique par étirement, proviennent des poussées de croissance centrifuge et conformatrice de la masse de l’encéphale, des yeux, des muscles masticateurs, de la langue. Ces organes sont responsables de la croissance adaptée des pièces membraneuses qui entrent dans la constitution de leur espace de protection. Il faut ainsi souligner la passivité et la plasticité des os membraneux, fraction ajustable du squelette céphalique et facial. Ce dernier n’a pas l’initiative de sa croissance, mais est le vassal des poussées organiques sous-jacentes. Le système nerveux central et ses récepteurs sensoriels, de même que le comportement neuromusculaire apparaissent ainsi comme les principaux instigateurs du développement céphalique. Le squelette membraneux facial, issu lui-même de l’étape de la neurulation puisque formé de cellules neurales en fin de migration, reste encore, au cours de son étape de croissance, asservi au système nerveux et conserve ainsi sa caractéristique neurale [9]. RÔLE DE LA BASE DU CRÂNE ET DES SYNCHONDROSES [3]
D’origine cartilagineuse, la formation de la base du crâne est réglée par le programme génétique. Son développement et sa croissance, sous la dépendance des synchondroses, sont contrôlés par les
* B pariétaux ; 4. suture lambdoïde entre les pariétaux et l’occipital ; 5. suture et fontanelle bregmatiques ; 6. suture métopique entre les frontaux ; 7. suture entre pré- et postmaxillaires ; 8. suture interpariétosquameuse ; 9. suture maxillomalaire ; 10. suture zygomatomalaire ; 11. suture frontomalaire ; 12. suture nasomaxillaire ; 13. suture frontonasale ; 14. suture médiomentonnière.
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4
6
* B
Étirement
6
A. Suture métopique du fœtus de 8 mois en coupe transversale. B. Événements cellulaires lors de la mise en tension de la suture. 1. Mitoses de fibroblastes dans les bords de la suture ; 2. ossification de membrane directe des ostéoblastes puis ostéocytes ; 3. formation osseuse ; 4. région centrale de la suture où siègent de nombreuses morts cellulaires ; 5. fibres de collagène avec cellules fibroblastiques jeunes formant la thèque fibropériostée ; 6. téguments de couverture (peau).
* A 4
4 2
1
3
6
3 2
2
2
2
2
2
2
4 FGFR
BMP
FGF
MSX
B1B2 B3
1.2.3
2.4.7
2.9
12
gène Twist
2 Ostéoblastes
3 Front d'ossification des ostéocytes
2 4
Ap
CBFA1
Collagène I II III
6
3 5 3 2
* A
TGF
1 Suture en formation
6
6 2
2
IGF
* B
7
Composants et acteurs moléculaires d’une suture céphalique en croissance (A) et au cours de la fermeture (B). A. Suture en croissance. 1. Centre mitotique de la suture, siège d’apoptose cellulaire ; 2. couche de précurseurs ostéoblastiques ; 3. fronts d’ossification marginale ; 4. périostes superficiels et profonds (ou duremère s’il s’agit d’os crâniens) ; 6. os formé des pièces d’os de membrane. B. Suture en cours de fermeture en 5. C. Facteurs de croissance et de transcription, récepteurs et composants de la matrice extracellulaire qui sont exprimés ou identifiés lors des différents stades de développement de la suture. TGF : transforming growth factor ; FGFR : fibroblast growth factor receptor ; BMP : bone morphogenic protein ; FGF : fibroblast growth factor ; IGF : insulin-like growth factor ; BSP : test de la bromesulfonephtaléine.
4 Dure-mère ou périoste
5 Suture en cours de fermeture ou fusion
6 Os membraneux
BSP I et II
mêmes molécules (facteurs de croissance et hormones) que celles qui interviennent dans le squelette. Les forces mécaniques dans les normes physiologiques seraient sans action sur elle. Les deux capsules orbitaires du chondrosphénoïde positionnent dans l’espace les apex des cônes orbitaires. Les deux capsules otiques, futurs os pétreux des temporaux, positionnent les os membraneux, squamosaux et du même coup les condyles de la mandibule. En somme, la base du crâne cartilagineuse assure en partie le positionnement spatial des pièces membraneuses de recouvrement céphalique. Ce type de relation est aujourd’hui inconnu. La fin de la croissance de la base du crâne confère à cette dernière sa forme héréditaire et impose ainsi à la voûte sur laquelle 6
* C elle s’implante sa forme brachycéphale ou dolichocéphale. Elle confère encore à la face son profil nasomaxillaire et son diamètre transversal. OS MEMBRANEUX DE LA VOÛTE CRÂNIENNE
La voûte du crâne est constituée par juxtaposition d’os de membrane dont l’ossification apparaît en plein mésenchyme sans modèle cartilagineux préexistant. Ces os membraneux sont séparés par des sutures et présentent sur leurs bords des sites de croissance secondaire qui leur permettent de croître en surface puis de s’ossifier de manière adaptée à la croissance volumétrique du cerveau. Les pièces osseuses membraneuses complètent le squelette d’origine
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Tableau II. – Chronologie de l’ossification de la capsule nasale et des os membraneux à son contact. Âge supposé 30e jour 40e jour 60e jour
Longueur vertex-coccyx
90e jour 120e jour
10 mm 15 mm 25 mm 30 mm 34 mm 36 mm 70 mm 130 mm
5 mois
150 mm 158 mm 200 mm
Naissance 3e mois 1re année 2e année 2 - 4 ans 18 ans
Date d’apparition des os de membrane au contact du nez cartilagineux
Devenir osseux enchondral de la capsule nasale - Apparition des capsules nasales
Pré- et postmaxillaires Frontal, palatin Vomers Nasal Lacrymal Union des vomers et du centre paraseptal vomérien - Début de l’ossification des masses latérales ethmoïdes (ectethmoïde) : - cornet inférieur - bulle ethmoïdale - cornet moyen - Début ossification de l’uncus - cornet supérieur - lame papyracée - lame criblée (ectethmoïde)
Union des masses latérales Début de l’ossification de la crista galli (mésethmoïde) Fin de l’ossification des lames criblées Début de l’ossification de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde (mésethmoïde) Soudure des vomers et de la lame perpendiculaire
cartilagineuse de la base pour réaliser le squelette encéphalique. Ces os sont les frontaux droit et gauche, les pariétaux droit et gauche, les squamosaux droit et gauche.
Croissance du massif facial Ce squelette membraneux est soumis à l’effet du développement organique des yeux, de l’ethmoïde cartilagineux, de la langue, et de la loge masticatrice avec une chronologie particulière puisque, parmi ces conformateurs organiques, ce sont les yeux qui ont terminé le plus précocement leur croissance. RÔLE DES GLOBES OCULAIRES
Union des frontaux
masses latérales, finissent leur croissance et ossification vers 4 ans, en déterminant la position des deux os planum et par conséquent, la distance entre les deux contenus orbitaires appréciée par la distance intercanthale, celle-ci étant ainsi biométriquement déterminée par le chondrocrâne. Le mésethmoïde [5] est une puissante structure médiane comportant des ailerons cartilagineux latéraux ayant une action de « bélier » sur le massif naso-fronto-prémaxillaire et palatin en refoulant la table externe du frontal, les os propres du nez tractant les branches montantes des prémaxillaires et le prémaxillaire lui-même. Cette action expansive stimule l’ensemble des sutures membraneuses séparant ces os et détermine par voie de conséquence le profil nasofrontal.
[21]
Les globes oculaires en croissance chez le fœtus et jusqu’à 5 ans ont une action expansive sur la partie membraneuse de leurs orbites : le malaire, le frontal, le maxillaire, l’unguis, l’apophyse pyramidale du palatin. Cette croissance volumétrique ajustée est assurée par les sutures frontomalaire, sphénomalaire, maxillo-unguino-ethmoïdale et sphénofrontale. L’action expansive du contenu orbitaire sur la grande aile du sphénoïde, synchondrofibrose, semble être le positionnement angulaire de celle-ci par rapport à l’axe antéropostérieur du crâne. Les microphtalmies par embryopathie ou fœtopathie s’accompagnent de micro-orbitisme volumétrique conjoint. Les prothèses expansives, mises en place par Rodallec dans les orbites trop petites chez les nourrissons atteints de microphtalmie afin d’augmenter leur contenance volumétrique, objectivent que la fraction ajustable du squelette orbitaire est bien la partie membraneuse. Celle-ci demeure chez le jeune enfant apte à la réponse expansive de la prothèse tant que le système sutural le permet. À l’inverse, les tumeurs congénitales du globe oculaire (rétinoblastome) s’accompagnent d’orbites volumétriquement monstrueuses constatées dès la naissance et correspondant à l’hyperstimulation de ce même système sutural. RÔLE DE L’ETHMOÏDE CARTILAGINEUX FŒTAL ET POSTNATAL (tableau II)
L’ethmoïde cartilagineux est un puissant organe centrofacial constituant la charpente primitive de la face et de l’étage antérieur de la base du crâne. Il est formé des deux ectethmoïdes droit et gauche et du mésethmoïde médian. Les ectethmoïdes, ou futures
ACTION DU FLUX AÉRIEN
[14]
Les résultats expérimentaux concernant l’action du flux aérien sur la croissance nasomaxillaire sont contradictoires. Il semble malgré tout que le flux aérien nasal auquel la fosse nasale membraneuse s’oppose par une compliance bien réelle dont la valeur est de 2 cm d’eau/s ait une action lentement expansive sur le segment inférieur de celle-ci, c’est-à-dire sur le plancher narinaire et la région de la fosse nasale correspondant au méat inférieur. Les enfants atteints d’imperforation congénitale unilatérale des choanes et non opérés présentent des défauts du développement de la partie pelvienne de la fosse nasale homolatérale. LANGUE, CROISSANCE FŒTALE ET POSTNATALE DU PALAIS DES MAXILLAIRES
¶ Palais, procès alvéolaire global
[7]
(fig 8)
La langue dans la bouche est une proie des dents. Elle défend âprement son territoire oral en entrant en conflit avec la face interne de celles-ci. Du fait de sa constitution histologique, équivalente à celle de la fibromuqueuse gingivale, et de sa structure osseuse spongieuse, proche de celle de l’alvéole, l’ensemble anatomique constitué par la voûte palatine osseuse et sa fibromuqueuse nous paraît proche globalement du procès alvéolaire dont il partage la très grande plasticité. On comprend alors que cet ensemble palatin puisse supporter en se conformant les contraintes de pression de la langue lors de la succion (0,5 kg/force) en prenant un profil sagittal concave qui épouse harmonieusement la convexité complémentaire 7
Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant
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* A 8
* B
Croissance, positionnement et conformation du palais. A. Les six pièces constitutives du palais fœtal et du nourrisson et leurs systèmes suturaux. B. Schéma explicitant les actions conjuguées que subissent les pièces squelettiques du palais : prémaxillaire (1), postmaxillaire (2), palatin (3). Ces actions sont la traction et le positionnement spatial par le mésethmoïde (4) et la conformation fonctionnelle par le massif musculaire lingual (5).
linguale. Ce phénomène est ainsi mis en jeu régulièrement lors de la succion fœtale et, évidemment, lors de la succion postnatale.
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
fonction, portés par cet os. Ces muscles sont ceux de la langue et de la propulsion mandibulaire mis en jeu lors des séquences orales de succion et déglutition chez le fœtus et le nourrisson, puis ceux de la régulation oropharyngée de la ventilation à partir de la naissance puis lors de l’avènement de la praxie orale à la cuillère et de la mastication en denture de lait puis adulte. La croissance mandibulaire est encore médiatisée par les gaines périostées sur lesquelles s’insèrent les muscles masticateurs. La mandibule acquiert à partir de 6 ans une architecture diploétique dans les tables de laquelle s’individualisent progressivement des zones de renfort, ou piliers haversiens, d’os compact suscitées par les contraintes de la mastication à amortir, minimiser et transmettre.
Centres de croissance à cartilage secondaire de la mandibule Il est classique de distinguer, outre le centre de croissance cartilagineux secondaire du condyle, des centres moins bien individualisés, caractérisés par la présence de tissus cartilagineux secondaires très actifs mitotiquement correspondant aux insertions musculopériostées mandibulaires. Ce sont : – le centre angulaire correspondant au couple musculaire massétéroptérygoïdien interne ; – le centre coronoïdien, région d’insertion du tendon du temporal ;
RÔLE DE LA LOGE MASTICATRICE
L’ensemble de la musculature masticatrice (muscles élévateurs et leurs espaces graisseux de glissement) a, par l’intermédiaire de ses périoste et aponévrose d’insertion, une action de positionnement sur l’os malaire et l’arche zygomatique avant même leur action d’architecturation sur ces mêmes os. C’est le muscle temporal qui assure avant tout cette action sur le complexe squelettique zygomato-malo-squamosal, par le biais des sutures zygomatomalaires, sphénomalaires sphénosquamosales. La croissance squelettique de cet ensemble contribue à l’élargissement du canal temporal. Les séquelles de poliomyélite unilatérale du trijumeau de l’enfance s’accompagnent d’atrophie musculaire masticatrice et d’un très important défaut de développement squelettique du canal temporal et de la mandibule. RÉSORPTION FŒTALE DU CARTILAGE DE MECKEL
Le cartilage de Meckel est le premier squelette de l’arc mandibulaire. Sa partie dorsale devient le marteau et l’enclume. Ceux-ci vont, après ossification, constituer avec l’étrier dans la caisse du tympan la chaîne ossiculaire de l’audition. Le reste du cartilage, flanqué en dehors de l’os membraneux dentaire, ou mandibule, se résorbe progressivement par mort cellulaire et disparaît vers le 6e mois fœtal. Une partie tout antérieure de ce cartilage est incorporée dans la symphyse de la mandibule par calcification. Le cartilage de Meckel n’a qu’un rôle très limité dans la croissance mandibulaire, essentiellement de type membraneux. CROISSANCE FŒTALE ET POSTNATALE DE LA MANDIBULE [6, 18, 19]
La mandibule, ou os dentaire, supplée progressivement pendant la vie fœtale le cartilage de Meckel, squelette primitif du premier arc qui se chondrolyse vers 6 mois. La mandibule est un os d’origine membraneuse dont la croissance est réalisée par du tissu cartilagineux secondaire. Après la période d’organogenèse (les 2 premiers mois embryonnaires), au cours de laquelle se forme la future branche horizontale au contact du périchondre externe du cartilage de Meckel et s’individualise le centre cartilagineux secondaire du condyle, la croissance fœtale et postnatale de la mandibule apparaît comme un phénomène secondaire, sans autonomie propre. Cette croissance est suscitée directement ou indirectement par l’ensemble des gaines périostées des muscles en 8
– le centre de la symphyse sur lequel s’insèrent les muscles digastriques et les muscles géniens ; ce centre interposé entre les deux maquettes osseuses mandibulaires a disparu vers la fin de la première année, ce qui assure la fusion de celles-ci ; – le centre de la branche horizontale et son périoste de recouvrement.
Cartilage secondaire condylien et succion [6, 8]
Le fœtus est équipé d’un appareil suceur très précocement opérationnel. Les muscles de la langue, ceux du revêtement oral (orbiculaire des lèvres et buccinateurs), du plancher buccal, et les propulseurs de la mandibule (les muscles ptérygoïdiens externes) assurent la capture et la vidange du mamelon ou de la tétine à partir de la naissance. La déglutition qui succède à la succion met en jeu le péristaltisme pharyngien. La majeure partie des nerfs du tronc cérébral participe au fonctionnement neurophysiologique de la succion-déglutition (nerfs trijumeau, facial, glossopharyngien, pneumogastrique, hypoglosse). Les muscles ptérygoïdiens externes apparaissent ainsi les médiateurs indispensables de la croissance cartilagineuse secondaire du condyle par le biais de la structure fonctionnelle de croissance de celui-ci. En effet, le ptérygoïdien externe s’insère sur le ménisque qui forme une coiffe conjonctive qui s’incruste dans le cartilage condylien en y envoyant des invaginations en « doigt de gant ». Les informations de tension des ptérygoïdiens externes, transmises au ménisque et à sa coiffe conjonctive lors des contractions de celui-ci pendant la succion, constituent un système fonctionnel de croissance qui permet au cartilage condylien secondaire de se développer comme une suture membraneuse en réponse aux tensions locales : mitose des préchondroblastes dans la zone de tension, ossification classique de rattrapage. Le cartilage secondaire de croissance condylien fait ainsi partie d’un ensemble anatomomicroscopique de croissance raffiné. Il se développe comme un cartilage secondaire recevant ses informations de tension de la part de la coiffe conjonctive du ménisque. L’activité de croissance de ce cartilage pendant la vie fœtale est intense, attestée par les études histologiques et par la longueur des travées osseuses formées, visualisées radiologiquement à la naissance. La direction de ces travées est en quelque sorte l’image des déplacements mandibulaires nécessités par les
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant
translations antéropostérieures contemporaines des mouvements de succion de la langue. Si, pendant la période de succion postnatale, le cartilage de croissance est encore mitotiquement très actif, à la fin de la 2e année, ce dernier a en revanche pratiquement disparu ; ces constatations plaident en faveur d’une signification ou d’une permanence biologique fonctionnelle de type succionnel de ce cartilage secondaire, l’avènement de la mastication n’étant plus un stimulant de translation et de tension suffisant. Deux applications directes en sémiologie clinique pédiatrique peuvent être proposées : les nourrissons à succion défaillante ou ceux qui sont microglossiques, ont un palais creux et étroit et ces mêmes nourrissons présentent une petite mandibule (rétrognathisme) par défaut de stimulation condylienne mandibulaire. Cette morphologie est également constatée dans le syndrome de Pierre Robin en période postnatale. La mandibule retrouve ensuite une forme et une taille satisfaisantes au gré de la praxie orale de la mastication démontrant ainsi l’importance de la composante épigénétique fonctionnelle périostée du développement postnatal de cet os. La région symphysaire qui a incorporé le cartilage de Meckel pendant la vie fœtale termine sa synostose suturale vers la fin de la première année. La symphyse s’épaissit dans le sens antéropostérieur et les tables externes et internes s’individualisent entre 3 et 6 ans avant l’éruption des incisives adultes. Les branches horizontales augmentent en hauteur et leurs tables s’épaississent entre 3 et 6 ans. L’allongement antéropostérieur des branches horizontales serait la conséquence d’une apposition périostée constante et active au bord postérieur des branches montantes. En somme, après une période fœtale et postnatale brève au cours de laquelle il est possible d’individualiser des centres ostéogéniques propres mandibulaires (le centre condylien secondaire étant le plus indiscutable), la forme finale de la mandibule apparaît asservie et adaptée à la fonction neuromusculaire orale assurée par la langue et l’ensemble de la musculature masticatrice.
Croissance des articulations temporomandibulaires Les articulations temporomandibulaires ont un développement embryologique proche de celui des sutures membraneuses : apposition de deux centres osseux de cartilage secondaire, interposition d’une structure conjonctive méniscale, maillon d’une chaîne de croissance dépendant de facteurs biomécaniques tensionnels générés par les contractions des muscles ptérygoïdiens externes. La physiologie de ces articulations est encore paradoxalement proche d’une pseudarthrose mobile. Au cours de leur croissance, les articulations temporomandibulaires vont s’isoler définitivement du contenu de la caisse du tympan vers la fin de la première année. En effet, le frein méniscal postérieur se continue par le marteau et l’enclume jusqu’à ce que la suture tympanosquameuse se synostose définitivement à cette époque. Ce phénomène est dû à l’origine embryologique branchiale commune des constituants de l’articulation et de la chaîne tympano-ossiculaire. Cette situation embryologique branchiale exceptionnelle explique la gravité des arthrites temporomandibulaires qui compliquent les otites moyennes méconnues de la première année. Le développement rapide du volume cérébral lors des 3 premières années est responsable du passage de la racine transverse du
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zygoma de la position latérocrânienne à la position sousbasicrânienne, ce qui fait réaliser à l’ensemble articulaire une migration relative conjointe sous la base du crâne. Cette situation exceptionnelle permet à l’articulation de se mettre en condition biomécanique d’amortissement des contraintes qu’elle a à supporter à partir de 6 ans par le biais des poutres composites os, muscles de la loge masticatrice (cf l’article 22-000-A-20 de l’Encyclopédie médico-chirurgicale).
Croissance coordonnée du massif facial et de la mandibule. Rôle de l’occlusion dentaire [19]
Pour Pétrovic, la croissance en longueur de la mandibule est assujettie à la position du maxillaire et ce, afin de maintenir la permanence de l’occlusion des dents durant la période d’éruption de celles-ci. Cette permanence constituerait le déterminant fonctionnel essentiel. Cette conception de la croissance régulée de la mandibule à finalité occlusale apparaît très judicieuse ; Pétrovic a fourni un modèle de croissance faciale dont la régulation est de type cybernétique. Ainsi, la croissance du maxillaire supérieur qui porte les dents, lui-même positionné par le chondrocrâne ethmoïdien, informe par le relais musculaire de la langue qui agit comme un comparateur, les muscles masticateurs (principalement les muscles ptérygoïdiens), qui modifient la position de la mandibule, afin de maintenir de manière optimale la qualité de l’occlusion. La modification tensionnelle des muscles masticateurs agit localement sur le système résorption-apposition périostée de l’os mandibulaire. Ce modèle n’est, semble-t-il, plus valable en période antédentaire, ou antéocclusale ; en effet, chez le fœtus et le nourrisson, la croissance en longueur de la mandibule semble assurée par l’intense activité de croissance du condyle par le biais des informations tensionnelles directes des ptérygoïdiens externes mis en jeu lors de la succion. Le degré de liberté de la croissance mandibulaire est alors plus grand à cette période.
Apoptose cellulaire et pathologie du fonctionnement sutural Craniosynostose et mutation du gène « MSX2 » Cette mutation s’accompagne d’une augmentation de cellules ostéogéniques du front d’ossification et d’une réduction du nombre de mort cellulaire ou apoptose de la partie centrale de la suture. Craniosynostose et apoptose cellulaire suturale La mutation de FGFR2 des ostéoblastes des sutures des malades atteints du syndrome d’Apert ou des maladies de Crouzon s’accompagne d’un nombre élevé de morts cellulaires suturales ou apoptoses. Mutations actives des gènes du récepteur FGF Elles sont associées à des fusions suturales rapides et précoces. Dysostose crânienne Elle serait en rapport avec le gène CBFA1.
Références ➤
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Croissance craniofaciale du fœtus et du jeune enfant
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
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10
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Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire G. Malka, O. Trost, A. Danino, P. Trouilloud Espace ostéo-fascio-cutané incomplètement fermé, la loge submandibulaire se situe aux confins du plancher buccal, des régions supra- et infrahyoïdiennes, carotidienne et mandibulaire. Elle a la forme d’un prisme triangulaire dont la paroi inférolatérale constitue la voie d’abord. La paroi supérolatérale correspond à la mandibule ; la paroi médiale, musculaire, contient les éléments vasculonerveux. Les parois antérieure et postérieure répondent aux pôles de la glande submandibulaire. La loge submandibulaire est essentiellement habitée par la glande submandibulaire ; les principaux éléments vasculonerveux étant les vaisseaux faciaux, les veines linguales, les nerfs lingual et hypoglosse, l’artère linguale. La voie d’abord de la loge submandibulaire traverse successivement la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS), la graisse puis le feuillet superficiel du fascia cervical superficiel contenant la veine faciale. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Loge submandibulaire ; Morphologie ; Rapports anatomiques ; Glande submandibulaire ; Éléments vasculonerveux ; Voie d’abord
Plan ¶ Introduction
1
¶ Situation
1
¶ Forme, orientation et description Paroi inférolatérale Paroi supérolatérale Paroi médiale Paroi postérieure Paroi antérieure
1 2 2 2 2 2
¶ Contenu de la loge submandibulaire Vaisseaux et nerfs Glande submandibulaire
3 3 4
¶ Voie d’abord chirurgicale de la glande submandibulaire
5
■ Introduction La loge submandibulaire est un espace ostéo-fascio-musculaire incomplètement fermé, occupé par la glande submandibulaire. Cette loge se projette superficiellement sur la région suprahyoïdienne latérale de Tillaux, [1] décrite sous le terme de trigone submandibulaire par Sobotta. [2] Elle est limitée en profondeur par le muscle mylohyoïdien qui la sépare du plancher de la bouche.
(qui recouvre la mandibule) et le muscle mylohyoïdien (qui la sépare du plancher de la bouche en dedans et en haut). Superficiellement le trigone submandibulaire répond aux régions voisines : • en avant à la région suprahyoïdienne médiane de Tillaux ; • en bas à l’os hyoïde et à la région infrahyoïdienne ; • en arrière à la région carotidienne et au trigone carotidien délimité par le sterno-cléido-mastoïdien, le ventre postérieur du digastrique et le muscle omohyoïdien ; • en haut, à la région mandibulaire.
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Loge submandibulaire aux confins • • • • •
du plancher buccal ; de la région suprahyoïdienne ; de la région infrahyoïdienne ; de la région carotidienne ; de la région mandibulaire.
■ Situation
■ Forme, orientation et description
La loge submandibulaire est palpable entre l’index placé latéralement au niveau du plancher de la bouche et le pouce placé en avant et en dessous de l’angle de la mandibule dans le trigone submandibulaire. Elle se place entre le corps de la mandibule en haut et les deux ventres du muscle digastrique en bas. Elle est dans l’angle dièdre entre le fascia cervical superficiel
La loge submandibulaire s’inscrit dans un prisme triangulaire dont le grand axe est oblique en bas en avant et en dedans. Il présente à décrire trois faces principales (inférolatérale, supérolatérale et médiale), trois arêtes (inférieure, latérale et supérieure) et deux bases (antérieure et postérieure) qui correspondent aux deux pôles de la glande submandibulaire.
Stomatologie
[3]
1
22-001-B-15 ¶ Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire
Paroi supérolatérale
(Fig. 2)
Elle est formée par la face médiale du corps de la mandibule qui présente une dépression au-dessous de la ligne mylohyoïdienne : c’est la fossette submandibulaire, sous-jacente au site d’implantation des trois dernières molaires. En arrière de cette fossette s’insère sur la mandibule le muscle ptérygoïdien médial.
Paroi médiale
Figure 1. Paroi inférolatérale (vue inférieure). 1. Glande submandibulaire ; 2. tronc veineux thyro-linguo-facial ; 3. veine jugulaire interne ; 4. artère carotide commune ; 5. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 6. muscle sternohyoïdien ; 7. os hyoïde ; 8. muscle digastrique ; 9. muscle mylohyoïdien ; 10. artère faciale ; 11. veine faciale.
Paroi inférolatérale
(Fig. 1)
C’est la paroi à travers laquelle se fait l’abord chirurgical de la glande submandibulaire. Elle comprend les plans superficiels avec successivement en allant vers la profondeur : • la peau épaisse mobile, extensible ; • le tissu cellulaire sous-cutané qui communique avec celui des régions voisines. Il comprend successivement : C une couche externe riche en graisse ; C le système musculoaponévrotique superficiel (superficial musculo-aponevrotic system ou SMAS). [4, 5] Individualisé pour la chirurgie des « lifting » cervicofaciaux, il a des dénominations variées : « morphologic unit » pour Skoog, [6], « sliding tectonic plate » pour Lemmon et Hamra ; [7] pour Fontaine il correspond au fascia superficialis dans le dédoublement duquel se trouve le muscle platysma ; [8] C c’est dans l’épaisseur de ce fascia superficialis que se trouvent les vaisseaux et les nerfs superficiels : branches de l’artère submentale (issue de l’artère faciale), veines affluentes de la veine jugulaire antérieure, vaisseaux lymphatiques issus de la face qui rejoignent les ganglions profonds, les nerfs moteurs issus du nerf facial : rameau du cou (ou branche cervicofaciale de la nomenclature française traditionnelle), et les nerfs sensitifs qui rejoignent la branche transverse du plexus cervical superficiel issue de la deuxième racine cervicale ; C une couche interne graisseuse ; • la lame superficielle du fascia cervical s’insère en haut sur le corps de la mandibule, en bas, sur l’os hyoïde, en arrière sur le ligament stylohyoïdien.
(Fig. 3)
Elle s’étend de la ligne mylohyoïdienne de la mandibule en haut, à l’os hyoïde en bas. Elle est limitée en arrière par le ventre postérieur du muscle digastrique qui perfore le tendon du muscle stylohyoïdien au-dessus de la grande corne de l’os hyoïde. Elle est limitée en avant par le ventre antérieur du muscle digastrique qui rejoint la fossette digastrique de la mandibule. Elle est formée par un fascia qui est souvent très fin qui recouvre deux muscles : • le muscle hyoglosse s’insère sur la grande corne de l’os hyoïde en bas, ses fibres ont une direction oblique en haut et en avant et vont rejoindre les autres muscles de la langue. Il disparaît sous le muscle mylohyoïdien avec lequel il ménage un hiatus ; • les fibres postérieures du muscle mylohyoïdien relient la ligne mylohyoïdienne de la mandibule et le corps de l’os hyoïde. Le bord postérieur de ce muscle, oblique en avant et en bas, ménage un interstice avec le ventre postérieur du digastrique. Au fond de cet interstice apparaît le muscle hyoglosse plus profond.
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Paroi médiale
• Ventre postérieur du muscle digastrique • Nerf hypoglosse • Muscle mylohyoïdien
Paroi postérieure Elle est formée par le ligament mandibulo-stylo-hyoïdien, fascia ligamentaire tendu entre l’angle de la mandibule et le ligament stylohyoïdien. Ce ligament est mentionné sous le nom de tractus angulaire par Seward en 1968 dans un article concernant la chirurgie de la lithiase de la glande submandibulaire. [9] Il sépare la loge submandibulaire de la loge parotidienne et de la région carotidienne en arrière, et il constitue un repère chirurgical intéressant dans la chirurgie de la région (Shimada) [10], c’est sous ce ligament que se trouve l’artère faciale.
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Paroi postérieure
• Ligament mandibulo-stylo-hyoïdien • Surplombant l’artère faciale • Repère chirurgical
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Paroi inférolatérale
Peau Tissu cellulaire sous-cutané SMAS : artère et veine submentales Nerf facial (rameau du cou)
Paroi antérieure Elle correspond au ventre antérieur du muscle digastrique dont la disposition peut être variable (Peker). [11] Stomatologie
Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire ¶ 22-001-B-15
Figure 2. A. Paroi supérolatérale (vue médiale). 1. Muscle mylohyoïdien ; 2. mandibule ; 3. peau ; 4. fascia superficialis ; 5. muscle platysma ; 6. os hyoïde ; 7. fascia cervical superficiel : feuillet direct ; 8. fascia cervical superficiel : feuillet réfléchi ; 9. muscle ptérygoïdien médial. B. Paroi supérolatérale (vue médiale). Schéma simplifié. 1. Muscle géniohyoïdien ; 2. muscle mylohyoïdien ; 3. os hyoïde ; 4. glande submandibulaire ; 5. mandibule. C. Paroi supérolatérale (vue supérieure). 1. Muscle mylohyoïdien ; 2. muscle digastrique ; 3. os hyoïde ; 4. glande submandibulaire ; 5. mandibule.
■ Contenu de la loge submandibulaire La glande submandibulaire forme l’élément le plus volumineux de la loge submandibulaire. Avant de décrire cette glande,
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Prisme triangulaire
• Paroi inférolatérale = voie d’abord • Paroi supérolatérale, mandibulaire • Paroi médiale musculaire, contenant les éléments vasculonerveux • Parois antérieure et postérieure répondant aux pôles antérieur et postérieur de la glande submandibulaire
Stomatologie
nous envisageons les vaisseaux et les nerfs qui traversent cette loge et constituent les rapports de la glande.
Vaisseaux et nerfs
(Fig. 4)
L’artère faciale naît de l’artère carotide externe dans la région carotidienne. Elle passe sous le ventre postérieur du muscle digastrique et à la face profonde du muscle stylohyoïdien avant de pénétrer dans la loge submandibulaire où elle chemine sur la face profonde de la glande avant d’aller rejoindre le bord inférieur du corps de la mandibule puis la région génienne. Elle donne quatre branches le long de ce trajet : l’artère palatine ascendante qui rejoint le pharynx, l’artère ptérygoïdienne pour le muscle ptérygoïdien interne, l’artère submandibulaire pour la glande submandibulaire et l’artère submentale pour la région submentale. La veine faciale vient de la région génienne, croise le bord inférieur du corps de la mandibule avant de rejoindre la loge submandibulaire ; elle chemine sur la face superficielle de la
3
22-001-B-15 ¶ Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire
Figure 3. Paroi médiale (vue latérale). 1. Muscle stylohyoïdien ; 2. paroi pharyngée ; 3. muscle styloglosse ; 4. muscle digastrique ; 5. muscle hyoglosse ; 6. muscle mylohyoïdien ; 7. muscle géniohyoïdien ; 8. mandibule.
glande submandibulaire puis la face superficielle du ventre postérieur du muscle digastrique. Elle se termine au niveau du tronc veineux thyro-linguo-facial. Les veines linguales superficielles croisent la face latérale du muscle hyoglosse au-dessus de l’os hyoïde, au-dessous du nerf hypoglosse pour aller rejoindre le tronc veineux thyro-linguo-facial. Les vaisseaux lymphatiques sont satellites des veines, drainent la langue, le plancher de la bouche et une partie de la face. Ils se jettent dans deux groupes nodaux : les nœuds lymphatiques préglandulaires, sur la face superficielle de la glande submandibulaire, près de l’artère submentale et les nœuds lymphatiques rétroglandulaires à la face profonde de la glande. Le nerf hypoglosse (XII) passe à la face profonde du ventre postérieur du muscle digastrique pour rejoindre la loge submandibulaire où il chemine sur la face externe du muscle hyoglosse avant de disparaître sous le muscle mylohyoïdien. Le triangle de Pirogoff est formé par le nerf hypoglosse, le bord postérieur du muscle mylohyoïdien, et le ventre postérieur du muscle digastrique : c’est dans ce triangle que se projette l’artère linguale qui est découverte en incisant le muscle hyoglosse au-dessous du nerf hypoglosse.
Glande submandibulaire
(Fig. 5) [12]
C’est une glande salivaire de 6 à 8 g, lobulée, gris rosé, décrite pour la première fois par Thomas Wharton. [13] Elle a classiquement le volume d’une grosse amande, elle est prolongée par une expansion qui occupe l’hiatus entre muscle mylohyoïdien et muscle hyoglosse, c’est à ce niveau qu’émerge le canal submandibulaire qui rejoint le plancher de la bouche puis la base du frein de la langue. Elle présente trois faces principales : • une face supérolatérale qui se moule sur la paroi supérolatérale et une face supéromédiale qui se moule sur la paroi supéromédiale sur laquelle se trouvent le nerf hypoglosse et les veines linguales superficielles ; • la face inférolatérale est en rapport avec les plans superficiels de la voie d’abord de la glande, la veine faciale creuse une gouttière sur cette face ;
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Figure 4. A. Contenu de la loge submandibulaire (vue latérale). 1. Nerf lingual ; 2. muscle styloglosse ; 3. artère carotide externe ; 4. muscle stylohyoïdien ; 5. artère faciale ; 6. artère carotide interne ; 7. artère carotide commune ; 8. nerf hypoglosse ; 9. muscle digastrique ; 10. muscle mylohyoïdien ; 11. canal submandibulaire ; 12. artère dorsale de la langue (artère ranine). B. Contenu de la loge submandibulaire (vue latérale). SH : muscle stylohyoïdien ; DG : ventre postérieur du muscle digastrique ; HG : muscle hyoglosse ; MYLOH : muscle mylohyoïdien ; GH : muscle génioglosse. 1. Processus styloïde de l’os temporal ; 2. nerf lingual ; 3. nerf hypoglosse ; 4. artère faciale ; 5. artère linguale ; 6. artère carotide externe ; 7. os hyoïde ; 8. ostium du canal de Wharton.
• la face postérieure ou pôle postérieur de la glande correspond au pédicule vasculaire. Elle adhère souvent à l’artère faciale et à la veine faciale à ce niveau. Il convient de contrôler ces deux vaisseaux lors de la chirurgie de cette glande. La glande submandibulaire se draine dans le canal submandibulaire (autrefois de Wharton) qui a un trajet oblique en avant et en dedans. Il croise le nerf lingual qui le cravate de dehors en dedans ainsi que l’artère dorsale de la langue. Il domine alors l’éminence sublinguale pour s’aboucher à l’ostium du canal submandibulaire situé au sommet de la caroncule sublinguale, de part et d’autre du frein de la langue. Stomatologie
Anatomie chirurgicale de la loge submandibulaire ¶ 22-001-B-15
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Figure 6. Voie d’abord de la loge submandibulaire. 1. Artère faciale ; 2. veine faciale ; 3. rameau mentonnier du nerf facial ; 4. angle mandibulaire ; 5. rebord basilaire de la mandibule ; 6. muscle sterno-cléidomastoïdien (bord antérieur).
Figure 5. Coupe horizontale de la tête en C3. 1. Nerf lingual ; 2. muscle styloglosse ; 3. tonsile pharyngée ; 4. muscle stylopharyngien ; 5. muscle stylohyoïdien ; 6. artère carotide interne ; 7. nerf vague ; 8. veine jugulaire interne ; 9. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 10. muscle digastrique ; 11. glande parotide ; 12. artère carotide externe ; 13. glande submandibulaire ; 14. nerf alvéolaire inférieur ; 15. glande sublinguale ; 16. vaisseaux faciaux.
• le SMAS. C’est dans l’épaisseur de ce fascia superficialis que se trouvent les vaisseaux et les nerfs superficiels : branches de l’artère submentale (issue de l’artère faciale), veines affluentes de la veine jugulaire antérieure, vaisseaux lymphatiques issus de la face qui rejoignent les ganglions profonds, les nerfs moteurs issus du nerf facial : rameau du cou (ou branche cervicofaciale de la nomenclature française traditionnelle), et les nerfs sensitifs qui rejoignent la branche transverse du plexus cervical superficiel issue de la deuxième racine cervicale ; • une couche interne graisseuse. La glande submandibulaire apparaît alors sous le feuillet superficiel du fascia cervical superficiel avec la veine faciale.
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Contenu de la loge submandibulaire
Voie d’abord de la loge submandibulaire
• • • • •
• Peau • Tissu cellulaire sous-cutané • SMAS • Graisse • Feuillet superficiel du fascia cervical superficiel contenant la veine faciale
Glande submandibulaire Artère et veine faciales Veines linguales Nerfs lingual et hypoglosse Artère linguale
■ Voie d’abord chirurgicale de la glande submandibulaire Elle correspond à la paroi inférolatérale de la loge submandibulaire. Elle se dessine (Fig. 6) sur un patient tête tournée du côté opposé et nuque en légère hyperextension. Les repères anatomiques sont le bord basilaire de la mandibule, l’angle de la mandibule, l’artère faciale repérée dans la fossette qu’elle imprime au bord basilaire de la mandibule, la veine faciale en arrière. L’incision cutanée se fait sous le bord basilaire afin d’éviter le rameau mentonnier du nerf facial, en avant de l’artère, sur un trajet de 5 cm. Elle intéressera successivement : • la peau ; • le tissu cellulaire sous-cutané ; Stomatologie
■ Références [1] [2] [3] [4]
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G. Malka (
[email protected]). O. Trost. Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital Général, 3, rue du Faubourg Raines, BP 1519, 21033 Dijon cedex, France. Laboratoire d’anatomie, Faculté de Médecine, 7, boulevard de-Lattre-de-Tassigny, 21000 Dijon, France. A. Danino. Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital Général, 3, rue du Faubourg Raines, BP 1519, 21033 Dijon cedex, France. P. Trouilloud. Laboratoire d’anatomie, Faculté de Médecine, 7, boulevard de-Lattre-de-Tassigny, 21000 Dijon, France.
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Stomatologie
¶ 22-001-B-36
Anatomie sensitive de la face N. Istria, B. Ricbourg La face est innervée pour sa plus grande partie par le nerf trijumeau (Ve paire crânienne). Certaines régions (cou, angle mandibulaire, oreille) sont innervées par d’autres branches sensitives (plexus cervical superficiel, VII bis, nerf vague). Il existe trois gros troncs importants pour le trijumeau : le nerf ophtalmique de Willis (lui-même formé de trois branches : les nerfs nasal, frontal et lacrymal) donne la sensibilité de la partie supérieure du visage notamment via le nerf supraorbitaire. Ce nerf, faisant issue au niveau du foramen supraorbitaire, peut bénéficier d’une anesthésie locorégionale tronculaire à ce niveau pour une chirurgie de la zone du front ; le nerf maxillaire supérieur dont la branche principale (le nerf infraorbitaire) passe par la fissure orbitaire inférieure, dans le plancher orbitaire puis dans le canal et le foramen infraorbitaires. Le nerf infraorbitaire fait donc issue pour donner la sensibilité de l’étage moyen de la face (paupière inférieure, joue, aile du nez, lèvre supérieure, arcade dentaire supérieure). Cette branche infraorbitaire peut être anesthésiée par un bloc sensitif à la sortie du foramen, facilitant une chirurgie cutanée de l’étage moyen de la face ; le nerf mandibulaire et sa branche terminale, le nerf mentonnier (faisant issue au foramen mentonnier après avoir cheminé dans la mandibule depuis la lingula mandibulaire ou épine de Spix). Dans sa portion intramandibulaire (nerf alvéolaire inférieur), il innerve l’arcade dentaire inférieure. Dans sa partie extramandibulaire (nerf mentonnier), il donne la sensibilité du menton et de la lèvre inférieure. Un bloc anesthésique locorégional peut être pratiqué au foramen mentonnier, voire au niveau de la lingula. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ganglion de Gasser sensitif ; Fissure orbitaire supérieure ; Foramen ovale ; Foramen grand rond ; Nerf et foramen supraorbitaires ; Nerf et foramen infraorbitaires ; Nerf et foramen mentonniers ; Ganglion ptérygopalatin ; Anesthésie tronculaire ; Contingent moteur du V3
Plan ¶ Introduction
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¶ Nerf ophtalmique de Willis Branche lacrymale Branche frontale Branche nasociliaire
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¶ Nerf maxillaire supérieur
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¶ Nerf mandibulaire Tronc antérieur Tronc postérieur
4 4 5
3
¶ Plexus cervical superficiel
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¶ Conclusion
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V1
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V2
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5 6
V3
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■ Introduction L’innervation sensitive de la face (Fig. 1) dépend de la Ve paire crânienne (le nerf trijumeau) qui possède la racine sensitive la plus grosse faisant issue du tronc cérébral. Les noyaux sensitifs et moteurs se situent au niveau de la protubérance du tronc cérébral. Le nerf trijumeau est donc un nerf mixte sensitivomoteur, les branches sensitives pour l’innervation cutanée de la face et les branches motrices pour les muscles masticateurs [1]. Stomatologie
Figure 1. Points d’émergence des nerfs sensitifs de la face. 1. Auriculotemporal ; 2. zygomaticotemporal ; 3. zygomaticofacial ; 4. infraorbitaire ; 5. buccal ; 6. grand auriculaire ; 7. mentonnier ; 8. supraorbitaire ; 9. supratrochléaire ; 10. lacrymal ; 11. infratrochléaire ; 12. nasal externe.
1
22-001-B-36 ¶ Anatomie sensitive de la face
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Les corps cellulaires des branches sensitives se situent dans le ganglion de Gasser qui présente une organisation somatotopique correspondant aux trois branches afférentes. Le nerf trijumeau sort du tronc cérébral au niveau de l’incisure trijéminale du pont dans sa portion antérolatérale (la racine motrice se situe plus médialement). Il peut exister à ce niveau un conflit entre le V et l’artère cérébelleuse supérieure qui, en formant une boucle près du nerf, peut être responsable de névralgies trijéminales. Une intervention chirurgicale de décompression est possible dans certains cas (intervention de Janetta). La branche sensitive fait relais au niveau du ganglion trijéminal de Gasser situé sur la face antérosupérieure de la partie pétreuse de l’os temporal situé dans un dédoublement de la dure-mère (le cavum trijéminal) [2]. La racine motrice passe en dessous du ganglion de Gasser. Le nerf trijumeau doit son nom aux trois branches principales efférentes du ganglion de Gasser (issues de son bord antéroexterne) qui sont, d’avant en arrière : • V1 (nerf ophtalmique de Willis) ; • V2 (nerf maxillaire) ; • V3 (nerf mandibulaire). Le nerf ophtalmique dans sa portion intracrânienne chemine dans la partie latérale du sinus caverneux puis sort du crâne au niveau de la fissure orbitaire supérieure. Le nerf maxillaire sort au niveau du foramen grand rond. Le nerf mandibulaire fait issue au niveau du foramen ovale. Ces branches donnent alors la sensibilité de la face, de l’orbite, des fosses nasales et de la cavité buccale. Le plexus cervical superficiel (PCS) distribue l’innervation sensitive de l’angle mandibulaire (l’encoche massétérine) et du cou par les branches C2, C3, C4. Ces branches forment le nerf grand auriculaire (branches antérieures et postérieures) ; une branche cervicale transverse et une branche supraclaviculaire.
Figure 3. Nerfs supraorbitaire et supratrochléaire en dissection. 1. Nerf supraorbitaire, branche latérale profonde ; 2. nerf supraorbitaire, branche médiale superficielle ; 3. foramen supraorbitaire ; 4. nerf supratrochléaire.
■ Nerf ophtalmique de Willis (Fig. 2–5) Le V1 sort du crâne par la fissure orbitaire supérieure puis donne plusieurs branches cheminant dans la cavité orbitaire. Dans le sinus caverneux, les trois branches de division du V1 sont : • nerf lacrymal ; • nerf frontal ; • nerf nasociliaire.
Branche lacrymale La plus externe, elle vient innerver la glande lacrymale. Mais des branches végétatives sont transportées par le V2 via sa branche zygomatique et s’anastomosent avec le nerf lacrymal.
Figure 4.
Nerf supraorbitaire et nerf supratrochléaire en dissection.
Elle donne de plus la sensibilité tégumentaire externe de l’œil et innerve la conjonctive oculaire (réflexe cornéen).
Branche frontale Plus médiale, elle se dirige le long du toit de l’orbite où elle se divise en deux branches (supraorbitaire et supratrochléaire) qui évoluent jusqu’au rebord orbitaire supérieur [3].
Nerf supraorbitaire Plus latéral, il peut contourner la margelle au niveau d’une échancrure ou traverser l’os frontal au niveau d’un foramen supraorbitaire. Une portion assez courte du nerf évolue en souspériosté, puis le nerf supraorbitaire se divise en deux branches : • une branche latérale profonde qui suit à environ 1 cm de la ligne temporale supérieure entre le périoste et la galéa. C’est en s’approchant de la suture coronale que des branches terminales traversent la galéa pour innerver le cuir chevelu à ce niveau ; • une branche médiale superficielle qui va traverser rapidement le muscle frontal pour donner des branches d’innervation pour le front et le cuir chevelu dans sa partie la plus antérieure.
Nerf supratrochléaire Figure 2. Étage supérieur de la face et foramen supraorbitaire. 1. Foramen supraorbitaire ; 2. échancrure supraorbitaire ; 3. fissure orbitaire supérieure ; 4. canal optique ; 5. fissure orbitaire inférieure.
2
Il contourne plus médialement le rebord supraorbitaire au niveau d’une échancrure pour remonter vers la partie médiane du front et donner son innervation cutanée après avoir traversé le muscle [4]. Stomatologie
Anatomie sensitive de la face ¶ 22-001-B-36
Figure 6. Étage moyen de la face et foramen infraorbitaire 1. Foramen zygomaticofacial ; 2. foramen infraorbitaire.
Figure 5. Naissance du nerf nasal externe V1 en dissection. Branche du nerf ethmoïdal antérieur (V1) (naissance à la jonction os nasal-cartilage triangulaire).
Branche nasociliaire La plus médiale, elle passe dans l’anneau de Zinn, suit la paroi interne de l’orbite où le nerf nasal pourra donner une branche ethmoïdale postérieure (pour la muqueuse ethmoïdale et sphénoïdale) et une branche ethmoïdale antérieure qui traverse l’ethmoïde par son foramen antérieur et innerve la muqueuse ethmoïdale et nasale (gouttière olfactive et sinus frontal) par sa branche nasale interne ainsi que l’os nasal, alors que la branche nasale externe fait issue entre l’os nasal et le cartilage triangulaire à environ 7 mm de la ligne médiane. Il innerve la partie basse du dorsum nasal, la pointe du nez et l’aile narinaire en association avec le nerf infraorbitaire. Après avoir donné le nerf ethmoïdal antérieur, cette branche donne le nerf infratrochléaire ayant une direction opposée au supratrochléaire. Elle donne la sensibilité du haut du dorsum nasal, de la glabelle et de la région canthale interne. La branche ciliaire donne des branches d’innervation pour l’œil. Il est à noter que le nerf ophtalmique donne, par ses branches intracrâniennes, des rameaux pour la dure-mère frontale, occipitale, pour la tente du cervelet (nerf récurrent d’Arnold) ainsi que des filets anastomotiques pour les nerfs III (pour mydriase), IV, et le plexus péricarotidien.
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Figure 7. Nerfs infraorbitaire et zygomaticofacial en dissection. 1. Margelle orbitaire inférieure ; 2. nerf zygomaticofacial ; 3. nerf infraorbitaire et pédicule vasculaire.
Point fort
Le nerf ophtalmique donne la sensibilité : • du front ; • de la paupière supérieure ; • de la muqueuse de la partie supérieure des fosses nasales ; • des sinus frontal, ethmoïdal et sphénoïdal ; • du globe oculaire ; • de la dure-mère frontale/occipitale.
■ Nerf maxillaire supérieur (Fig. 6–8)
Figure 8. Rapports du nerf infraorbitaire et du plancher de l’orbite. 1. Passage du nerf infraorbitaire dans le plancher de l’orbite ; 2. nerf zygomaticofacial ; 3. nerf infraorbitaire. [5-7]
La sortie du crâne s’effectue à travers le foramen grand rond après avoir suivi la portion inférolatérale du sinus Stomatologie
caverneux. Il passe ensuite dans l’arrière-fond de la fosse ptérygopalatine au niveau de sa partie supérieure (au-dessus
3
22-001-B-36 ¶ Anatomie sensitive de la face
de l’artère maxillaire). Il s’établit à ce niveau plusieurs branches de division ainsi qu’une anastomose importante avec le nerf vidien et le ganglion ptérygopalatin via le nerf ptérygopalatin. Le nerf vidien, branche du VII, traverse le canal ptérygopalatin pour ensuite traverser le ganglion ptérygopalatin [8] ; il véhicule les branches végétatives de la sécrétion lacrymale en passant par le nerf zygomatique. Le ganglion ptérygopalatin reçoit une branche afférente contenant les voies lacrymales (nerf vidien) ; il forme, avec ses fibres sympathiques et parasympathiques, un complexe trijéminosympathique. Ses branches efférentes sont les rameaux nasaux (pour les cornets et méat moyen) et le rameau pharyngien (orifice tubaire du pharynx, partie postérieure de la cloison). Il gère les fibres sécrétoires et vasomotrices du réseau lacrymal, nasal et tubaire [9]. Il peut être responsable d’algies vasculaires de la face pouvant faire l’objet d’infiltration ou d’alcoolisation [10]. Les premières branches naissent dès la fosse ptérygopalatine avec les nerfs grand et petit palatins qui effectuent leur descente vers le palais et font issue respectivement à travers les foramens petit et grand palatins. Le nerf grand palatin innerve le palais jusqu’à sa portion antérieure (donne lors de sa descente des fibres au cornet inférieur) alors que le petit palatin donne des fibres en direction opposée, à savoir vers le voile du palais et la tonsille [11]. Un rameau nasopalatin donne l’innervation du septum nasal puis traverse l’os palatin dans sa portion antérieure par le canal incisif pour donner enfin des fibres pour la partie antérieure du palais et des anastomoses avec les branches terminales du nerf grand palatin [12]. Le palais est donc innervé d’une part via les nerfs grand et petit palatins et d’autre part via le nerf nasopalatin [13, 14]. Un rameau pharyngien (nerf pharyngien) innerve les deux tiers antérieurs du rhinopharynx. Le nerf zygomatique se situe proche de la paroi externe de l’orbite d’arrière en avant et proche du nerf lacrymal puisque les fibres lacrymales provenant du nerf vidien viennent s’anastomoser à ce dernier. Une bifurcation s’effectue ensuite pour donner un nerf zygomaticotemporal [15] traversant la paroi externe de l’orbite et faisant issue au-dessus de l’arcade zygomatique. La deuxième branche, le nerf zygomaticofacial, traverse le malaire par un canal et sort par son foramen latéralement au nerf infraorbitaire, dans l’axe du canthus externe [16]. Le nerf maxillaire continue sa course en passant par la fissure orbitaire inférieure et passe sous le plancher orbitaire dans le canal infraorbitaire [17-20] ; des branches alvéolaires supérieures et postérieures vont innerver les alvéoles du bloc prémolomolaire en passant en arrière de la paroi postérieure du sinus maxillaire en pénétrant dans les canaux dentaires postérieurs au niveau de la tubérosité maxillaire. Des filets nerveux innervent l’os maxillaire et la muqueuse du sinus maxillaire [21]. Les branches alvéolaires supérieures et antérieures pour le massif incisivocanin [22] passent en avant de la paroi antérieure du sinus maxillaire (distribue des fibres à la muqueuse du méat inférieur). Le rameau infraorbitaire sort de son foramen pour innerver la paupière inférieure (donne des filets anastomotiques avec le nerf lacrymal et infratrochléaire), la partie antérieure de la joue, l’aile narinaire en complément avec le nerf nasal externe et enfin la lèvre supérieure (portion cutanée et muqueuse) [23]. Ce nerf infraorbitaire peut bénéficier d’un bloc sensitif sélectif [24, 25]. Il est à noter que des anastomoses ont été décrites avec le nerf facial [26]. Le V2 innerve donc la gencive et son arcade dentaire supérieure. Par ses branches intracrâniennes (rameau méningé moyen), le V2 innerve la dure-mère temporale et pariétale ainsi que l’artère méningée moyenne.
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Point fort
Le nerf maxillaire donne la sensibilité : • de la joue ; • de la paupière inférieure ; • de l’aile narinaire ; • de la lèvre supérieure ; • les branches profondes donnent la sensibilité de la muqueuse nasale inférieure, des dents, des gencives et du maxillaire supérieur.
■ Nerf mandibulaire (Fig. 9–11) La sortie du crâne s’effectue par le foramen ovale (avec l’artère petite méningée) au niveau de la base du crâne. Il est considéré comme un nerf mixte puisqu’il possède un contingent sensitif cutanéomuqueux et un contingent moteur pour les muscles de la manducation. Le tronc sensitivomoteur ainsi formé évolue sur 1,5 cm de long, et un contact étroit existe avec le ganglion otique sur sa face interne [27]. Dès sa sortie, il passe dans la fosse infratemporale où il donne deux troncs (antérieur et postérieur) et un rameau récurrent (méningé) qui passe la base du crâne par le foramen petit rond avec l’artère méningée moyenne [28].
Tronc antérieur Il donne les trois nerfs temporaux.
Nerf temporomassétérin Par ses branches motrices, il permet la contraction du temporal (branche profonde postérieure) et du masséter [29]. C’est d’une de ces branches que naît le filet sensitif de l’articulation temporomandibulaire (ATM) [30].
Nerf temporal moyen profond Il s’agit d’une branche profonde exclusive au muscle temporal [31].
Rameau temporobuccal Plus antérieur, il possède une branche ascendante motrice (nerf temporal profond antérieur) et une branche descendante sensitive (nerf buccal) se divisant à la face externe du buccinateur pour donner la sensibilité cutanée (filets superficiels) et
Figure 9. Étage inférieur de la face et foramen mentonnier. 1. Os alvéolaire ; 2. foramen mentonnier ; 3. os basilaire. Stomatologie
Anatomie sensitive de la face ¶ 22-001-B-36
Figure 10. Nerf mentonnier V3. A. 1. Nerf mentonnier ; 2. filets muqueux ; 3. filets cutanés (traversant le muscle orbiculaire). B. 1. Branches à destinée cutanée pour le menton et la lèvre inférieure ; 2. ramifications terminales du nerf mentonnier ; 3. branches destinées à la muqueuse labiale et vestibulaire.
muqueuse (filets profonds) de la joue allant de la commissure labiale à l’encoche massétérine. De plus, le rameau superficiel donne une anastomose avec le nerf facial.
Tronc postérieur Il donne quatre branches.
Nerf sensitif auriculotemporal [32] Il permet de donner la sensibilité de la région temporale, de la partie supérieure de l’oreille, de l’ATM [33] et de la parotide. Il faut savoir que des branches végétatives véhiculées par le nerf petit pétreux profond (issu du IX) permettent l’innervation sécrétoire de la parotide via les relais par le ganglion otique. D’autres fibres innervent le tympan (plus ou moins le conduit auditif externe) et les vaisseaux méningés. On trouvera ensuite, plus en dedans, le nerf du muscle ptérygoïdien médial, le nerf du muscle tenseur du tympan et celui du tenseur du voile du palais. Plus bas, dans l’espace ptérygomandibulaire (entre les deux muscles ptérygoïdiens), le nerf mandibulaire se divise en nerf lingual et en nerf alvéolaire inférieur.
Nerf alvéolaire inférieur Il pénètre dans le ramus au niveau de la lingula mandibulaire (épine de Spix) [34] pour cheminer dans le canal alvéolaire où il distribue les rameaux sensitifs pour le bloc prémolomolaire inférieur [35-37]. Stomatologie
B Innervation sensitive et gustative de la langue Zone d'innervation du nerf vague (X) Zone d'innervation du nerf glossopharyngien (IX) Zone d'innervation du nerf lingual : - fibres du V3 pour la sensibilité - fibres du VII bis pour la gustation Figure 11. A. Rapports du nerf alvéolaire inférieur et de l’épine de Spix. 1. Palais dur ; 2. nerf alvéolaire inférieur pénétrant dans l’épine de Spix ; 3. nerf lingual ; 4. corps de la mandibule ; 5. langue. B. Nerf lingual. Innervation sensitive et gustative de la langue. En vert, zone d’innervation du nerf vague (X) ; en rose, zone d’innervation du nerf glossopharyngien ((IX) ; en bleu : zone d’innervation du nerf lingual : fibres du V3 pour la sensibilité ; fibres du VII bis pour la gustation.
La sortie de la mandibule s’effectue au niveau du foramen mentonnier [38, 39] en regard de la canine ou de la première prémolaire pour donner le nerf mentonnier innervant le menton et la lèvre inférieure (cutanée et muqueuse) [40-42], alors que le rameau pour le bloc incisivocanin inférieur continue sa course dans la mandibule jusqu’à la ligne médiane symphysaire. Le nerf alvéolaire inférieur peut subir
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un bloc sensitif au niveau de la lingula, permettant des gestes chirurgicaux sur son territoire d’innervation [43-47].
Nerf lingual Il évolue dans la région mandibulopharyngienne dans l’espace interptérygoïdien ; il traverse les muscles styliens et passe sous le ligament ptérygomandibulaire [48]. Formant une courbe vers l’avant, il accompagne le muscle styloglosse puis continue au niveau de la face interne de la mandibule, contourne le canal de Wharton pour s’en éloigner à la partie moyenne du corpus mandibulaire afin d’innerver la langue et le plancher buccal [49, 50]. Il faut noter que le contingent trijéminal permet la sensibilité tactile [51]. La sensibilité gustative s’effectue donc par le biais de la corde du tympan (branche du VII bis) et gère topographiquement les deux tiers antérieurs de la langue (le tiers postérieur étant innervé par le IX). La corde du tympan véhicule également des fibres végétatives sécrétoires pour les glandes submandibulaires et sublinguales. Il existe également, venant du nerf dentaire inférieur et proche du nerf lingual, les nerfs des muscles mylohyoïdien [52-54] et du ventre antérieur du muscle digastrique (ventre postérieur innervé par le VII) appartenant au contingent moteur du V3. Le V3 véhicule aussi la sensibilité proprioceptive des muscles de la mimique.
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Point fort
Le nerf mandibulaire donne la sensibilité : • cutanée de la région temporale, de la joue, de la lèvre inférieure et du menton ; • muqueuse de la joue, des gencives et de la lèvre inférieure, ainsi que les deux tiers antérieurs de la langue (via le VII bis) ; • il innerve l’os mandibulaire et l’arcade dentaire inférieure ; • ses branches intracrâniennes sensibilisent le territoire de l’artère méningée moyenne (fosse cérébrale moyenne) ; • il véhicule les fibres végétatives des glandes salivaires et les branches motrices pour les muscles masticatoires.
■ Plexus cervical superficiel (Fig. 12) Il est formé par les branches des racines C2, C3 et C4. Les branches motrices sont constituées par le plexus cervical profond. Il émerge de la profondeur en arrière du muscle sterno-cléidomastoïdien (SCM), puis donne quatre branches sensitives destinées à l’ensemble du territoire cutané du cou, de la face postérieure de la tête et des épaules [55]. Anastomosées deux à deux, ces branches donnent trois anses cervicales. Les branches antérieures de C1, C2, C3 et C4 sortent au bord postérieur du SCM. Nerf grand auriculaire 2e anse cervicale [56] : • branche antérieure (encoche massétérine, auricule), anastomosée avec les fibres parotidiennes et le nerf facial ; • branche postérieure (pavillon de l’oreille et région mastoïdienne) anastomosée avec le petit occipital. Nerf cervical transverse (transverse du cou) 2e anse : innervation cutanée du cou, sus-hyoïdienne et cervicale antérieure. Nerf supraclaviculaire 4e anse : innervation cutanée basse du cou : • fibres antérieures ou suprasternales (région SCM et sternale) ; • fibres moyennes ou supraclaviculaires (région supra/infraclaviculaire) ;
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Figure 12. Plexus cervical superficiel (PCS) : branche antérieure du nerf grand auriculaire à destinée de l’encoche massétérine. Issue au bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien.
• fibres postérieures ou supra-acromiales (moignon de l’épaule). C Nerf petit occipital : 2 e anse cervicale : deux rameaux (antérieur et postérieur) pour la région mastoïdienne et occipitale.
Innervation de l’oreille Elle est mixte. La partie supérieure de l’oreille est innervée par les fibres du nerf auriculotemporal (V3). La partie postéro-inférieure du pavillon, le conduit auditif externe et le lobule sont innervés par les rameaux auriculaires du plexus cervical superficiel [57]. La conque ainsi que la partie externe du conduit auditif (zone de Ramsay Hunt) est innervée par l’intermédiaire du Wrisberg (VII bis). La branche auriculaire du pneumogastrique (X) assure l’innervation sensitive de la partie profonde du conduit auditif et de la partie inférieure du tympan. La caisse du tympan, quant à elle, est innervée par le nerf de Jacobson ou nerf tympanique, branche du glossopharyngien. Comme le plexus cervical profond, le plexus cervical superficiel peut bénéficier de bloc anesthésique sélectif (par exemple le nerf grand auriculaire) [58]. Stomatologie
Anatomie sensitive de la face ¶ 22-001-B-36
■ Conclusion La plus grande partie de l’innervation tégumentaire de la face est véhiculée par les branches de la V e paire crânienne (Fig. 13,14). La plupart des branches terminales ont des orifices de sortie qui présentent peu de variations anatomiques : les foramens supra- et infraorbitaire ainsi que le foramen mentonnier sont alignés sur une ligne virtuelle dans l’axe de la pupille centrée (Fig. 1). La connaissance de ces repères a un intérêt réel dans les voies d’abord chirurgicales mais aussi en vue d’effectuer des blocs
anesthésiques tronculaires dans le but d’une intervention sans anesthésie générale ou bien à titre purement antalgique pour le patient. Cependant, certaines zones restent innervées par d’autres nerfs, à savoir le plexus cervical superficiel pour le cou ou encore l’oreille, elle-même innervée aussi par le VII bis (zone de Ramsay Hunt) et parfois par le X (conduit auditif externe).
> Remerciements : Professeur Di Marino (laboratoire d’anatomie de Marseille), professeur Vacher (laboratoire d’anatomie de Paris). .
■ Références [1]
[2] [3] [4] [5] [6] [7] [8]
[9]
[10] [11] Figure 13. Topographie de l’innervation sensitive des trois branches du nerf trijumeau. L’angle mandibulaire (encoche massétérine) est innervé par la branche antérieure du nerf grand auriculaire (plexus cervical superficiel).
[12] [13] [14] [15] [16]
V1 [17] [18]
V2
[19] [20]
V3
PCS [21]
[22] Figure 14. Topographie de l’innervation des trois territoires du nerf trijumeau. V1 : nerf ophtalmique de Willis ; V2 : nerf maxillaire ; V3 : nerf mandibulaire ; PCS : plexus cervical superficiel. Stomatologie
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N. Istria (
[email protected]). B. Ricbourg. Service de chirurgie maxillofaciale, Centre hospitalier universitaire Minjoz, boulevard Flemming, 25000 Besançon, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Istria N., Ricbourg B. Anatomie sensitive de la face. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-B-36, 2006.
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Stomatologie [22-001-D-15]
Biomécanique osseuse cranio-maxillo-faciale
Jean-Claude Ferré : Médecin stomatologiste compétent en ODMF, docteur d'Etat en biologie humaine, docteur en sciences odontologiques, ancien assistant hospitalo-universitaire Claude Chevalier : Ingénieur (Arts et Métiers et Supelec) Jean-Louis Helary : Ingénieur (Ecole Centrale de Paris) Albert-Yves Le Cloarec : Ingénieur de recherche, docteur ès sciences René Legoux : Ingénieur (ENSM) Jo Le Tenneur : Professeur des Universités, chef du service de traumatologie au CHRU de Nantes Jean-Pierre Lumineau : Stomatologiste, chirurgien maxillofacial, ES de biologie appliquée aux sports Henri Mora : Ingénieur civil du Génie maritime Jean-Yves Barbin : Professeur émérite des Universités, ancien professeur titulaire de la chaire d'anatomie, ancien chirurgien des Hôpitaux Centre nantais d'études et de réalisations biomécaniques, 15, rue Charles-Monselet, 44000 Nantes France
Résumé Sans nier la nécessité des études classiques et conscient que la biomécanique ne saurait se limiter à des expériences de physique ardues, ou bien à des calculs, l'étude en commun de celle-ci par une équipe mixte de médecine et d'ingénieurs permet une meilleure compréhension des solutions mécaniques retenues par la nature. A l'inverse, l'examen attentif des structures mécaniques élaborées en ingénierie de pointe, et tout particulièrement en aéronautique, peut éclairer l'anatomiste grâce aux problèmes de similitude. Nous envisagerons d'abord les propriétés mécaniques de l'os puis la biomécanique de la base du crâne, de la face et de la calvaria, avant de terminer par celle de la mandibule [23] . © 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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PROPRIÉ TÉ S MÉ CANIQUES DE L'OS
Elles sont relativement mal connues, et ceci à tort, par les orthodontistes. En effet, leur étude par les moyens classiques s'avère déboucher sur un échec, l'os étant un matériau singulier difficilement mesurable et ne répondant pas aux lois classiques de la résistance des matériaux.
Techniques classiques d'étude de l'os : un constat d'échec ? De nombreux arguments militent en faveur d'un tel constat.
Essais en conditions statiques et dynamiques - Résultats approximatifs On a voulu appliquer à l'os les méthodes courantes utilisées en métallurgie : soit mesurer la déformation à l'étirement jusqu'à la rupture, d'éprouvettes d'os cortical (essais en condition statique) (fig. 1) , soit, à l'aide de techniques déjà plus élaborées , procéder à des essais en condition dynamique, dont d'ailleurs les résultats ne sont pas toujours superposables à ceux obtenus par la méthode précédente. Malheureusement, les constantes qui en résultent sont une approximation très insuffisante pour le biomécanicien car, si l'os travaille le plus souvent dans le domaine élastique, il travaille aussi dans le domaine plastique si l'effort est plus longtemps maintenu. Il est également sujet au fluage dans le cas de contraintes très longtemps maintenues, propriété utilisée en orthopédie dento-maxillo-faciale pour le déplacement unitaire des dents (reculs molaires ou canines) (fig. 1).
Non-prise en compte de l'anisotropie de l'os, une impasse majeure Ces études supposent que le matériau, objet de l'expérience, possède une symétrie mécanique, c'est-à-dire que ses propriétés mécaniques soient identiques quelle que soit la direction considérée, bref, qu'il soit isotrope. Or, ce n'est pas le cas pour l'os qui est un corps anisotrope pur, c'est-à-dire ne possédant aucune symétrie mécanique, contrairement à l'opinion d'Evans [11].
Standardisation du matériau osseux ? Un mythe Ces mêmes expériences imposent, évidemment, d'être effectuées à partir d'un matériau identique, prélevé et conservé dans les mêmes conditions. Elles impliquent donc la nécessité d'un « os standard » et, que, ainsi, des échantillons de corticale haversienne mandibulaire, fémorale ou tibiale aient sensiblement les mêmes propriétés mécaniques, non seulement chez un même individu, mais aussi pour la même pièce osseuse (la mandibule par exemple) d'un individu à l'autre. Ceci est pratiquement irréalisable et les palliatifs utilisés (nombreux prélèvements sur des tibias ou des fémurs de boeufs, applications de méthodes statistiques) sont un pis-aller.
Trop de variables dans les conditions d'expérience On ne peut comparer deux échantillons d'os s'ils n'ont pas été conservés de manière identique. Or, on sait actuellement que tout mode de conservation autre que la congélation ou la méthode de Ringer perturbe les conditions d'expérience. Le dessèchement des pièces conservées provoque, en effet, une augmentation du module de Young ainsi que de la résistance à la traction. Seraient-elles alors analogues à certains composites (au sens physique des matériaux de ce terme) à matrice dégradable sous l'influence d'agents extérieurs ? Il en est de même pour la température : à celle du corps, la variation des caractéristiques à l'os doit être tenue pour négligeable ; en revanche, entre 8 et 40 °C, le module de Young et la contrainte à la rupture diminuent . Ceci conduit à poser un deuxième problème théorique : la matrice de l'os ne serait-elle pas thermoplastique ? L'influence de l'âge du sujet sur lequel sont effectués les prélèvements est également un paramètre qui doit être pris en compte : en effet, la résistance de l'os à la compression est
pratiquement stable la vie durant, mais il n'en est pas de même pour celle à la traction qui diminue déjà vers l'âge de 50 ans en même temps qu'apparaît un néoremaniement haversien. Ainsi, les échantillons doivent être prélevés sur des sujets approximativement du même âge.
Chaque pièce osseuse est singulière Les propriétés mécaniques d'un os considéré ne sont pas identiques à celles d'une autre pièce du squelette. Car la résistance d'un os in vivo est nettement supérieure à celle d'un os isolé. Non seulement parce que ce dernier n'est plus irrigué par le sang et la lymphe, mais aussi et surtout parce que les muscles en tension réalisent un véritable haubanage permettant d'harmoniser les contraintes en compression et de diminuer les contraintes en flexion. Bref, par des « astuces de montage », la nature tente de pallier les insuffisances de l'os devant certains types de contraintes et partiellement au flambage. Dernier argument enfin, il faut constamment garder à l'esprit que le « design » d'une pièce osseuse, c'est-à-dire sa forme et sa structure, représente le meilleur compromis possible entre le matériau utilisé et les contraintes qu'elle est destinée à subir et que cette architecture, labile, peut se modifier pour s'adapter continuellement aux modifications de sens ou d'intensité des contraintes (et bien évidemment à la pathologie) [31]. Ainsi, Swansson a-t-il proposé le classement suivant dans l'ordre d'une résistance décroissante : traction : radius, ulna, fibula, tibia, humérus, fémur ; compression : fémur, tibia ?, humérus, fibula, ulna ?, radius ; flexion : ulna, tibia, humérus, fémur.
Notion de matériau composite On ne peut comprendre le comportement mécanique de l'os sans faire appel à la notion de matériaux composites. Ceux-ci, bien qu'ils existent dans la nature, les arbres par exemple, ont le plus souvent été créés de toutes pièces par l'homme. Prenons le plus ancien et le plus connu d'entre eux, le béton armé. Il est constitué de deux phases : une phase de renforcement : le treillis de fer à béton, et une matrice : le béton à charge-gravier. Bien entendu, les composites actuels sont autrement sophistiqués (les carbones-carbones, les carbones époxy, les kevlar époxy, les fibres de verre époxy, etc.). Or, on sait que, du fait de l'hétérogénéité de sa structure polyphasique, l'os est un matériau bien plus résistant que ne laisseraient supposer les caractéristiques de ses constituants. Ainsi, son comportement est-il voisin de celui des composites renforcés multidirectionnellement. A travers ce comportement analogique, il devient alors possible d'avoir une approche plus réaliste des réponses du tissu osseux aux sollicitations mécaniques extérieures. Reprenons notre exemple du béton armé : comme l'os, celui-ci résiste mal à la traction. Les ingénieurs eurent alors l'idée de le précontraindre en tendant des câbles d'acier avant la coulée du béton. Dans l'os, cette précontrainte [32] est réalisée par la mise sous tension des fibres collagènes avant la fixation sur celles-ci des cristaux d'hydroxyapatite (fig. 2, 3 et 4). Enfin, les propriétés mécaniques d'une pièce osseuse varient en relation inverse avec sa densité en ostéons [26]. Pour expliquer ce phénomène, réel, on a invoqué des problèmes de délaminage entre ces derniers et la substance fondamentale de l'os. Tel n'est pas notre avis : l'os doit être considéré comme un composite résilient, c'est-à-dire volontairement affaibli par des relations matrice-fibres de collagène faibles [14]. En cas de choc, il se produit des microfissures elles-mêmes autoréparables et non une rupture de l'os (fig. 5).
Notion de structure sandwich
L'os cortical et l'os spongieux n'ont ni la même structure histologique ni les mêmes propriétés mécaniques, mais ce n'est pas parce que celles du tissu spongieux, considérées isolément, sont très faibles comparées à la bonne résistance de l'os cortical que son rôle est pour cela moins important. Ils coexistent presque toujours, en effet, au sein d'une même pièce squelettique. La mandibule par exemple est constituée d'un étui cortical en U rigide renforcé à sa partie occlusale par des raidisseurs (les cloisons interdentaires) et à remplissage aréolaire [20]. Nous avons précisé qu'il s'agissait d'une structure à revêtement travaillant [13]. On retrouve le même type de construction au niveau de la calvaria dont les os constitutifs sont formés de deux lames d'os compact (les lames interne et externe) prenant en sandwich la diploé, structure spongieuse également aréolaire mais plus dense que celles du fémur et de la mandibule. La base du crâne elle-même répond à un principe identique puisqu'elle est renforcée par de solides poutres également à remplissage aréolaire telles que le clivus et les pyramides pétreuses. Pour comprendre ce type de construction, il faut faire appel aux techniques de l'avion : les voilures de celui-ci sont classiquement constituées de deux peaux en aluminium externe et interne prenant en sandwich (d'où leur nom) une structure en nid d'abeilles réalisée soit en carton kraft, soit en clinquant d'aluminium. La rigidité obtenue grâce à cette combinaison est sans commune mesure avec celle de ses éléments constitutifs. Au total, toute méthode d'analyse ne prenant pas en compte une pièce osseuse dans sa totalité, replacée dans son environnement musculaire, est-elle insuffisante. L'étude biomécanique des pièces squelettiques telle qu'elle doit être conduite afin de définir et d'élaborer les solutions prothétiques de remplacement optimales (prothèses de hanche, de genou ou d'épaule) impose de repenser totalement l'outil expérimental et d'emprunter ses techniques à l'ingénierie de pointe.
Techniques modernes d'étude de l'os Comment étudier cette matière vivante qui ne respecte pas la propriété fondamentale de tout matériau usuel : l'isotropie ? Comment, et à l'aide de quelles techniques, appréhender un matériau qui ne permet pas d'établir, par des mesures, les bases nécessaires à tout calcul (module de Young, limite élastique, etc.) ? Comment, enfin, imaginer l'application des méthodes classiques de calcul à un matériau qui refuse de se comporter comme n'importe quel autre matériau ? Tels étaient les problèmes à résoudre. Nous y sommes parvenus en appliquant systématiquement en parallèle deux méthodes complémentaires empruntées à l'ingénierie de pointe* : les modèles physicomathématiques (méthode des éléments finis) ; l'interférométrie holographique.
Méthode des éléments finis Certains des problèmes qui se posent à l'ingénieur sont très voisins de ceux auxquels se heurte l'anatomiste ou le biomécanicien. Or, la méthode des éléments finis (ou modélisation physicomathématique), technique devenue classique en ingénierie , permet de contourner certains de ceux-ci. Devant une telle similitude de préoccupation, nous nous sommes demandé dès 1979 (date de notre premier modèle, à l'époque, bidimensionnel) si une telle technique n'était pas transposable, avec profit, à la mandibule.
Principe élémentaire Calculer une structure en éléments finis consiste à élaborer un « modèle » plus simple que la structure à étudier mais en présentant les mêmes propriétés mécaniques. Ainsi, pour la mandibule, un plan de masse a été réalisé à partir de coupes anatomiques en série. Cette maquette est ensuite découpée en petits éléments quadrangulaires (d'où le nom de méthode des éléments finis), réunis les uns aux autres par leurs sommets appelés noeuds (fig. 6 et 7). L'ordinateur calcule alors le déplacement de ces noeuds ainsi que celui de leurs arêtes (3 angles et 3 vecteurs) qui sont pour cette raison dits à 6 degrés de liberté (fig. 8), ceci pour chaque cas de sollicitations mécaniques extérieures à l'élément. Sont également pris en compte chacun des muscles constituant le système suspenseur de la mandibule [26] dont la direction dans l'espace est schématisée, et la force qu'ils exercent pour maintenir la mandibule au repos, et donc en état d'équilibre, déterminée. Bref, la mandibule est ainsi remise « en situation ».
Application à l'os, ses difficultés La méthode des éléments finis a été créée pour le cas des matériaux isotropes. Comment alors l'appliquer à l'os ? Nos premières recherches ont été orientées vers l'établissement de règles et l'élaboration de modèles d'abord bi- puis rapidement tridimensionnels dont on ne savait initialement pas s'ils représentaient effectivement la réalité, mais dont on pouvait étudier le comportement sous certaines hypothèses afin de le comparer à celui du modèle humain. Peu à peu, par retouches aux règles initiales, il a été possible de valider des modèles fiables qui ont ensuite été traités comme des matériaux usuels, c'est-à-dire isotropes, ceci grâce à des processus d'itération autorisés par la puissance de l'ordinateur utilisé, les règles de base étant modifiées au vu des résultats (fig. 9). Mais revenons au point de départ : celui de la validation d'un premier modèle : il fallait une structure qui soit la plus indépendante possible tout en permettant des vérifications simples des efforts et des comportements. Le choix de la mandibule s'imposait de luimême puisqu'en clinique l'emplacement exact des traits de fracture est parfaitement connu [7]. L'expérimentation portait donc sur la recherche des formes, des résistances des différents tissus osseux, des zones d'insertion des muscles et des efforts développés par ceux-ci lors des déplacements de la mâchoire. Le modèle établi devait, pour être valable, reproduire la forme et l'emplacement des traits de fracture lors des chocs appliqués à la mandibule, et recouper les efforts mesurables. C'est bien ce qui a été obtenu (fig. 10 et 11). Cette première démarche justifiait donc l'approche mais demandait une confirmation sur un système plus complexe : hanche-fémur, par exemple. Là encore, les résultats obtenus montrent qu'un modèle peut être proposé qui semble validé par recoupement, puisqu'il a même permis de prévoir des épaississements de la corticale interne du fémur, liés à la pose de l'implant depuis sa queue jusqu'à l'épiphyse distale. Dès lors, la méthode s'applique à des systèmes qui associent des métaux à des matériaux vivants. Un immense champ d'investigations s'offre à nous puisqu'il devient maintenant possible de prévoir le comportement de telle ou telle prothèse, de déterminer quelle surface d'appui sera nécessaire, et surtout de prévoir la « souplesse » du système en cas de chocs... En résumé, le calcul devient l'outil idéal pour la conception de nouvelles prothèses qui n'ont aucune raison de respecter des formes « anatomiques » puisque les matériaux utilisés ont des caractéristiques intrinsèques très différentes de celles du tissu vivant.
Interférométrie holographique La méthode des éléments finis reposant sur un a priori mathématique, il semble intéressant d'observer, en direct, ce qui se passe réellement dans une mandibule soumise à des contraintes statiques.
Principe succinct Cette méthode récente consiste à fixer sur un même support deux hologrammes correspondant à deux états de contraintes légèrement différents d'un objet donné. Après développement, le support, éclairé par le rayon laser de lecture, restitue les deux images enregistrées qui sont superposées. Or, l'état de vibration de la lumière s'additionnant point par point, ou bien ces vibrations lumineuses s'amplifient, si elles sont en phase, ou bien elles s'annulent, dans le cas inverse, se traduisant sur l'interférométrie par des franges noires dites lignes d'isodéplacement. Premier avantage de l'interférométrie holographique : elle permet, grâce à ces lignes d'isodéplacement, de visualiser le sens et l'intensité des déformations sous contrainte de la pièce, objet de l'expérience. Deuxième avantage : elle met en évidence les déformations localisées et anormales de la structure de celle-ci. Nous y reviendrons. Pour cette expérimentation, nous avons utilisé dans un montage plusieurs mandibules de cadavre isolées de leurs muscles. Dans ce même montage, elles ont été ensuite remplacées par une équerre métallique d'un solide polycristallin simulant leur forme puis par un bloc de carbone-carbone.
Phénomènes singuliers Sous l'effet des contraintes, apparaissent des franges dont le nombre croît en relation directe avec l'augmentation de celles-ci jusqu'à une certaine valeur pour laquelle elles se brouillent du fait de leur trop grand nombre. Si l'on relâche progressivement la contrainte, le même cycle se reproduit en sens inverse. Mais, premier phénomène singulier, il se produit un retournement des franges : initialement perpendiculaires au grand axe de la mandibule, en début de compression, elles décrivent progressivement un cycle de 360° dans le sens des aiguilles d'une montre (pour une mandibule vue par sa face latérale gauche), jusqu'au brouillage. A la décompression, ce phénomène se reproduit mais en sens inverse (fig. 12). Or, celui-ci n'existe pas si les mêmes contraintes sont appliquées à la « mandibule » métallique. On le retrouve en revanche, si ces dernières sont appliquées à un bloc de carbone-carbone en trois dimensions (3D). Ce retournement des franges, caractéristique des matériaux composites, milite en faveur d'un comportement analogique de la mandibule par rapport à ceux-ci. Deuxième phénomène singulier : entre la phase de charge et celle de décharge, il subsiste une déformation résiduelle, l'os déformé ne reprenant pas son état initial malgré l'arrêt des contraintes : il tend, et tend seulement, dans le temps (0 + x) à reprendre celui-ci (fig. 13). Ce phénomène, baptisé hystérésis mécanique, complique encore le travail du biomécanicien... et de l'orthopédiste dento-maxillo-facial ! Troisième phénomène singulier : il existe en des endroits bien localisés une aberration des franges traduisant une anomalie de la structure même du matériau. Or, ces endroits correspondent aux localisations anatomocliniques des fractures mandibulaires. Ceci est à rapprocher de travaux précédents [13] : si, à l'aide de la méthode des éléments finis, on tente par stimulation de reproduire les fractures mandibulaires, ceci n'est possible qu'à la seule condition que les muscles suspenseurs de la mandibule soient pris en compte. Si, en revanche, on étudie les déformations d'une mandibule isolée sous contrainte (privée de ses muscles, ce qui est le cas pour les expérimentations en interférométrie holographique), on constate que ce siège des traits de fractures correspond soit à une inversion du sens du flambage, soit à une inversion du sens de la déformation des corticales médiales et latérales. Bref, même en l'absence de prise en compte des muscles, ce sont des endroits « où il se passe quelque chose ». Et s'ils correspondaient à des « fusibles mécaniques » ? On sait que, lorsque les ingénieurs ne peuvent empêcher la rupture d'une pièce, ils programment celle-ci aux endroits les moins dommageables pour eux. Ainsi, les lieux des traits de fractures correspondraient à des zones de contraintes maximales et de résilience augmentée. C'est ainsi que, du fait de sa nature même, de son organisation et de son environnement musculaire, et des propriétés mécaniques - si différentes de celles des matériaux usuels qui en découlent, l'application des classiques méthodes d'étude à l'os est inadéquate. Sans garder à l'esprit un certain nombre de notions fondamentales : celles de matériaux
composites, de structure sandwich, de haubanage musculaire, il n'est guère possible de comprendre ce matériau qui ne réagit comme aucun matériau usuel. Seule l'application à celui-ci des techniques les plus élaborées en ingénierie de pointe ou en physique de matériaux permet de progresser dans sa compréhension théorique débouchant sur des applications pratiques. Quand, par exemple, optimiser les plaques d'ostéosynthèse ou les implants grâce à celles-ci ?
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BIOMÉ CANIQUE DE LA BASE DU CRÂ NE ET DE LA FACE Selon la classique image de Testut, la base du crâne serait comparable à un bateau à quille dont la carène, renforcée par des varangues, présenterait, entre celles-ci, des zones de faiblesse. Cette comparaison tient bien compte de la quille, le châssis endochondral basicrânien profondément enfoui dans la face, mais, surtout, elle postule implicitement que les « limites mécaniques » excèdent largement les régions anatomiques, et que devraient également être prises en compte la poupe de la carène : l'écaille de l'occipital qui n'y appartient pourtant anatomiquement pas et, à la limite, le pont : la calvaria, l'une comme l'autre participant pourtant à la rigidité de l'ensemble céphalique.
Matériel et méthodes A l'aide de nombreuses coupes sériées épaisses effectuées sur crâne sec et soit parallèles aux plans frontal, sagittal médian ou de Francfort, ou bien de couples obliques pratiquées perpendiculairement au grand axe des pyramides pétreuses, nous avons tenté de vérifier et de préciser avec l'oeil du biomécanicien, de l'ingénieur ou de l'anatomiste, la topographie et le rôle des différentes poutres de renforcement, lorsqu'elles existent et, si elles manquent, nous avons essayé de dégager alors les solutions mécaniques retenues.
Première constatation De l'étude de ces différentes coupes, il résulte : que deux zones fondamentalement différentes de par leur organisation mécanique, et dont la selle turcique constitue la frontière, s'opposent : ventralement, la fosse crânienne antérieure s'étendant de celle-ci à l'os frontal ; dorsalement, la fosse crânienne postérieure à laquelle il faut adjoindre l'écaille de l'os occipital jusqu'au sillon du sinus transverse pour la lame interne et les lignes nuchales supérieures (et suprême) pour la lame externe ; la fosse crânienne moyenne étant une zone de transition ; que ces deux types d'organisation mécanique correspondent à deux fonctions bien différentes : la fosse crânienne antérieure semble avoir été « pensée » pour résister aux contraintes liées à la mastication ; les fosses crâniennes moyenne et postérieure paraissent « dessinées » pour supporter celles développées par la statique cervicale et lors des mouvements de la tête.
Fosse crânienne postérieure Théories classiques
Composée du clivus, auquel il faut adjoindre l'écaille de l'os occipital, elle serait renforcée par un système de poutres ainsi schématisé depuis Benninghoff (fig. 14) : deux poutres pétreuses (fig. 14, no 3) naissant au niveau clinoïdiens postérieurs et longeant respectivement les bords ventraux pyramides pétreuses ; un anneau circulaire renforçant le foramen magnum auquel vient occipitale postérieure (fig. 14, no 5) à sa partie toute dorsale ; deux piliers mastoïdiens craniofaciaux solidarisant la calvaria à la piliers que nous n'avons jamais retrouvés (fig. 14, no 4).
Structures mécaniques réellement observées
des processus et dorsaux des s'unir la poutre base du crâne,
[15]
Si la fosse crânienne postérieure est bien renforcée par un système de poutres, la disposition et la constitution de celles-ci semblent assez différentes de celle décrite par Benninghoff. L'anneau circulaire de renfort du foramen magnum est en réalité un anneau brisé car soudé à la partie dorsale du clivus sphénoïdal. C'est sur cet anneau, au niveau de sa face caudale et près du clivus, que sont situés les condyles occipitaux, euxmêmes supportés par un renfort. Le clivus n'est pas renforcé latéralement par la partie initiale de la poutre pétreuse dorsale. C'est au contraire une large poutre creuse à remplissage aréolaire, triangulaire selon une coupe effectuée sur le plan sagittal médian. De nombreux auteurs, dont Couly, partagent cette opinion. Nous avons observé avec Barbin l'existence constante, dans cette zone clé, d'un troisième renfort sous la forme de deux jambes de forces bilatérales, que nous avons appelé les renforts clivoforaminiens. Elles s'étendent du bord latéral du clivus à l'union de son tiers moyen et de son tiers dorsal et présentent leur maximum d'épaisseur au niveau du tubercule jugulaire, constituant le toit du canal de l'hypoglosse pour venir mourir en s'amincissant par une large base triangulaire, un « congé », partie sur l'anneau périforaminien, partie sur la zone latérale de l'écaille de l'os occipital (fig. 15). Précisons que les jambes de force ou les renforts s'unissent toujours aux pièces crâniennes qu'elles sont destinées à rigidifier par cette surface triangulaire, le « congé ». Ceci est un dispositif habituel en mécanique où le rayon de celui-ci est calculé par ordinateur : au-dessous d'un rayon minimal, le renfort casse au niveau du congé (fig. 16). De même, lorsqu'un orifice est percé dans une pièce, une carlingue d'avion par exemple, son pourtour est nécessairement renforcé pour éviter les « criques ». Clivus, arc périforaminien et jambes de force clivoforaminienne représentent un premier sous-ensemble mécanique destiné à maintenir constant l'angle clivoforaminien. Les contraintes exercées par les puissants muscles du cou, lors des mouvements de flexion-extension, se situent en effet à ce niveau et auraient tendance à ouvrir cet angle, le moment de la force étant représenté par la distance lignes nuchales-condyles M-M' (fig. 17). Comme le clivus, les pyramides pétreuses ne sont pas renforcées au niveau de leur bord ventral et caudal. Ce sont aussi des poutres creuses quadrangulaires et pyramidales, percées de nombreux orifices et également à structure aréolaire, peut-être d'ailleurs sensiblement plus dense que le clivus. Les poutres décrites correspondent en fait à l'épaisseur des angles correspondants. La base de cette pyramide pétreuse s'appuie, comme cela est mécaniquement logique, sans solution de continuité sur le processus mastoïdien dont nous avons précisé dans le cadre d'un autre travail qu'il n'était pas un pilier mais une structure-coque à parois minces, destiné à obtenir avec une extrême légèreté, mais au prix d'un encombrement augmenté, une rigidité maximale. Pyramides pétreuses et processus mastoïdien : le V pétromastoïdien représente
un deuxième sous-ensemble mécanique destiné, au cours des mouvements combinés ou non de roulis et de rotation de la tête, liés à la contraction des muscles sterno-cléido-mastoïdiens (SCM) et de certains muscles nuchaux, à assurer la rigidité de la fosse crânienne postérieure. La contraction en effet du muscle SCM développe un mouvement de flexion empruntant grossièrement le trajet de la pyramide pétreuse et aboutissant, ici encore, à des contraintes en cisaillement au niveau des bords latéraux du clivus (fig. 18). L'écaille de l'os occipital, enfin du foramen magnum au sillon du sinus transverse est une zone de transition. Elle appartient certes à la calvaria, à la rigidité de laquelle elle participe mais elle intervient aussi dans celle de la fosse crânienne postérieure dont elle représente le troisième sous-ensemble mécanique. En effet, la contraction des muscles SCM tend à fermer le V pétromastoïdien et à l'abaisser, tandis que celle des muscles de la nuque tend à ouvrir l'angle clivoforaminien (fig. 19). Pour s'opposer à ces contraintes en cisaillement, l'écaille de l'os occipital a une structure type sandwich - lames interne et externe denses avec remplissage en nid d'abeilles du diploé. Ajoutons qu'elle est précontrainte grâce à la mise sous tension des fibres collagènes avant le dépôt des cristaux d'hydroxyapatite (Bonnuci et Ascenzi) . Par ailleurs, la crête occipitale interne et les deux berges du sillon transverse jouent le rôle de raidisseur.
Fosses crâniennes antérieure et moyenne Théories classiques
[10]
Les descriptions classiques sont ici plus floues : deux systèmes de renforcement dont l'un, accessoire, ont été schématisés : la crête frontale interne qui appartiendrait à un hypothétique « arc frontooccipital », renfort endocrânien continu de la calvaria. En réalité, homologue de la crête occipitale interne, c'est une nervure naissant de la crista galli, et destinée à renforcer l'os frontal, mais qui intervient également dans la rigidité du toit des cavités nasales ; le système de renfort sphénofrontal (fig. 14 no 1 et 2) serait constitué de deux poutres, l'une ventrale, empruntant le trajet du bord ventral des petites ailes de l'os sphénoïde, le deuxième, le bord dorsal de celles-ci, du processus clinoïdien antérieur à la lame interne du carrefour sphénotemporal où elle s'unit à la précédente et à la lame interne de la calvaria, à l'aide d'un volumineux « congé », au droit - est-ce un hasard ? - de la naissance du tendon du muscle temporal.
Structures mécaniques réellement observées
[19]
On ne peut comprendre la biomécanique de la fosse crânienne antérieure sans avoir constamment à l'esprit trois notions essentielles : la fosse crânienne antérieure et la face forment un « ensemble mécanique indissociable », chaque élément constitutif participant à la rigidité de l'autre et réciproquement ; cet ensemble mécanique présente une rigidité maximale pour un poids minimal ; il est creusé, dans un but d'allégement, de nombreuses cavités : les cavités orbitaires, nasales, mais aussi les sinus maxillaires, ethmoïdaux dont le rôle mécanique est primordial. Tout s'éclaire alors, et il apparaît que la nature a fait appel, avant la lettre, à des « solutions aéronautiques ». On sait que la carlingue des avions, qui se présente comme un caisson unique, est renforcée par des « cadres » renforts circulaires disposés à distance régulière et tout particulièrement là où existent des surcontraintes, les emplantures d'ailes par exemple. Il en est de même pour la
face, à cette différence près que celle-ci est un système à caissons multiples, chacun de ceux-ci étant lui-même renforcé par des « cadres ». La partie antérieure de la fosse crânienne antérieure et la face doivent leur rigidité à un triple système de caissons : médialement, les cavités nasales ; latéralement, les cavités orbitaires ; crânialement les sinus maxillaires. Le caisson double, cavités orbitaires - sinus maxillaire, est renforcé à sa partie tout antérieure par un cadre commun, constitué du bord supraorbitaire de l'os frontal, du bord infraorbitaire et du processus frontal, de l'os maxillaire, ce dernier délimitant l'orifice antérieur des fosses nasales, et latéralement, par l'os zygomatique et son processus frontal. Ce cadre, à l'exception du processus frontal de l'os maxillaire, est constitué d'os dense. Plus en arrière, les cavités orbitaires et les sinus maxillaires sont séparés par une mince lame papyracée tandis que ces derniers sont « raidis » latéralement par le processus pyramidal et en bas par les crêtes alvéolaires de l'os maxillaire (fig. 20). Médialement, le rôle des cellules ethmoïdales, avec leurs fines cloisons parallèles, nous semble important. Ce sont des « raidisseurs ». Cette solution est d'utilisation courante en aéronautique (fig. 21). Le « positionnement », dans le plan frontal, des demi-cadres orbitosinusiens est assuré par deux jambes de force sagittales prenant appui sur l'os temporal : les processus zygomatiques (fig. 22).
Fosse crânienne moyenne Au niveau de la partie caudale de la fosse crânienne antérieure et de la face, ainsi que de la fosse crânienne moyenne, les solutions mécaniques retenues sont plus complexes comme le révèlent les coupes frontales passant par le centre de la selle turcique. Au centre, se trouve le sinus sphénoïdal, généralement impair, mais qui peut se présenter comme une structure bilobée à parois épaisses. Examiné avec l'oeil du biomécanicien ou avec celui de l'ingénieur, à qui il a été demandé de « refaire les plans », cette région est à l'évidence une zone de surcontraintes. Le sinus sphénoïdal s'appuie en effet sur une solide poutre, grossièrement horizontale, constituée dans le sens latéromédial par le tubercule articulaire de l'os temporal et le bord inférieur des grandes ailes de l'os sphénoïde, qui viennent mourir en s'amincissant sur le corps de ce même os (fig. 23). Au-dessous de cette poutre, deux structures reprennent les efforts développés au niveau du palais dur pour les transmettre à celle-ci latéralement, les processus ptérygoïdiens, structures de renfort en V, et médialement les cavités nasales. Au-dessus de cette poutre (fig. 24), les efforts sont repris par le bord postérieur des petites ailes de l'os sphénoïde (poutre sphénotemporale), solides jambes de force qui renvoient les efforts à la lame interne de la calvaria. On peut d'ailleurs s'interroger sur le rôle mécanique du sinus sphénoïdal. Comme le sinus frontal, il occupe un « carrefour mécanique » que l'on peut définir comme un lieu où arrivent et d'où partent des contraintes. Un tel dispositif existe sous le nom de « gousset » dans les grandes charpentes métalliques, constituées de tubes creux, lesquels convergent toujours vers un noeud central. Le but de ce dispositif complexe est d'assurer la stabilité de la « semelle alvéolaire » dans les trois plans de l'espace lors de la mastication mais aussi d'encaisser les contraintes exercées par les muscles manducateurs sur leurs zones d'insertion calvariennes (fig. 25).
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BIOMÉ CANIQUE DE LA CALVARIA (VOÛ TE DU CRÂ NE) &NBSP;[16] Ainsi que nous l'avons déjà précisé, la calvaria participe à la rigidité du squelette céphalique. Comme pour la base du crâne, les auteurs classiques font appel à un système de poutres de renforcement. Pour ne pas alourdir inutilement ce travail nous renvoyons, pour leur description, [12] le lecteur au Rouvière et Delmas [29] ou au Chateau [15].
Rôle réel des arcs et des piliers de renforcement Au niveau de la lame externe les arcs latéraux cranial et caudal ainsi que les lignes nuchales sont essentiellement des crêtes d'insertion musculaires destinées à renforcer la lame externe de la calvaria, là où les contraintes en traction développées par la contraction des muscles sont maximales. Rappelons que l'insertion linéaire d'un muscle ou d'un tendon puissant se traduit le plus souvent par une crête (la ligne âpre du fémur par exemple) ou plus rarement par une gorge (l'incisure mastoïdienne, ex-rainure du M digastrique) afin d'en augmenter la surface d'insertion. Au niveau de la lame interne, la crête frontale interne est une nervure de renforcement de même que la crête occipitale interne.
Structure mécanique de la calvaria Théories modernes Si les « poutres » et les « travées » de renforcement, classiquement décrites, n'interviennent que très accessoirement dans l'inertie de la calvaria, à quel dispositif attribuer celle-ci ? La structure mécanique de la calvaria fait appel au principe des structures sandwich précédemment énoncées : elle présente en effet des lames interne et externe de substance compacte prenant en sandwich le diploé, structure également aréolaire et à orientation aléatoire. C'est de cette structure, lorsque les facteurs rigidité maximale et poids minimal revêtent une importance majeure, que dépend bien l'inertie de la calvaria. Un bon exemple d'un tel dispositif est représenté par la structure de tuyaux de canalisation en PVC (fig. 25). Du fait de leur longueur, ceux-ci ont une évidente tendance à la flexion. Pour éviter celle-ci, certains constructeurs (Sogecan) ont eu l'idée de donner, à la même matière, le PVC, deux étapes physiques différentes : les parties externe et interne du tuyau (les lames interne et externe ?) se présentent comme deux couches minces et denses enserrant une couche intermédiaire aréolaire, et donc de densité moindre. Poursuivant notre comparaison anatomie-génie aéronautique et spatial dans l'espoir que les solutions retenues par l'ingénieur puissent éclairer l'anatomiste, nous leur avons demandé comment ils reconstruiraient aujourd'hui la calvaria. Il apparaît que, mécaniquement (mais non biologiquement), les lames externe et interne sont analogues à des coques en toile de carbone époxy entrecroisées sur au moins deux épaisseurs, aboutissant ainsi à une structure à revêtement bidirectionnel, entre lesquelles serait noyé un remplissage soit en nid d'abeilles, soit en polystyrène expansé, etc. Les plis (ou les nervures de renforcement), représentés par les crêtes frontale et occipitale internes, la protubérance occipitale interne, les berges du sillon du sinus transverse, seraient réalisés en intercalant des épaisseurs supplémentaires de tissus carbone époxy à fibres parallèles représentant autant de nervures ou de
raidisseurs. Nous nous sommes par ailleurs interrogés sur la manière dont la fosse crânienne postérieure, dont l'épaisseur est minime et qui est souvent translucide à la transillumination, était organisée pour subir les contraintes puissantes développées par la lame externe sur et entre les lignes nuchales par la contraction des muscles de la région postérieure du cou. Rappelons d'abord qu'il s'agit de contraintes en traction, auxquelles, on le sait, l'os résiste nettement moins bien qu'aux contraintes en compression. Comment ce problème a-t-il été résolu ? Par des raidisseurs supplémentaires, mais aussi et surtout, comme nous l'avons vu, parce que l'os est un matériau polyphasique non homogène qui ne se rompt pas brutalement comme le verre ou l'acier, mais progressivement, car à chaque interphase, une partie des contraintes est absorbée tangentiellement.
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BIOMÉ CANIQUE DE LA MANDIBULE &NBSP;[22] L'étude des corrélations entre la forme et la structure de la mandibule (son « design »), envisagée en fonction des contraintes qu'elle subit, pose des problèmes multiples. En effet, certaines théories, pourtant encore admises, élaborées pour tenter d'expliquer son inertie ou les conditions mécaniques de son fonctionnement, ne correspondent plus aux lois récentes de la résistance des matériaux. Mieux, il existe, comme nous l'avons vu, une inadéquation totale entre l'objet à étudier, la mandibule (ou l'os), et les méthodes classiques d'expérimentation devenues obsolètes. Prenant acte de cet état de fait, nous avons été contraints de repenser l'outil expérimental. Le bilan qui en résulte se résume à quatre hypothèses qu'il a fallu vérifier. Rappelons que pour cela, nous avons appliqué les méthodes de calcul utilisées lors de la conception et de l'élaboration des grandes structures métalliques, telles les plates-formes de forage « off shore ». Il a donc fallu concevoir un « modèle », c'est-à-dire remplacer une structure réelle par une structure virtuelle, simplifiée mais « équivalente », possédant des propriétés mécaniques identiques à la première. C'est cette méthode devenue classique, la « méthode des éléments finis », qui a été transposée à l'étude mécanique de la mandibule.
Première théorie : la mandibule, une structure à revêtement travaillant Classiquement, depuis Benninghoff, l'inertie de la mandibule serait assurée, pour la majorité des auteurs, par un système de poutres ou de travées de renforcement, disposées dans la spongieuse, et dans la corticale. La quantité de matériaux osseux resterait à peu près constante. Seule varierait la disposition de ce système. Dans les théories les plus modernes, les travées intraspongieuses et intracorticales correspondraient et seraient caractéristiques de l'espèce animale et de son type de mastication [25]. L'existence de renforcements corticaux nous semble admissible ne serait-ce que comme un éventuel renfort au niveau des insertions musculaires (et des surcontraintes développées par celles-ci), mais il s'agit d'un renfort local, n'intervenant que peu dans l'inertie globale de la mandibule. Quant à l'adaptation fonctionnelle de la spongieuse, sous forme de travées et de fibres de renforcement, elle nous apparaît discutable. Des microradiographies sériées et effectuées dans les trois plans de l'espace par le professeur Dhem montrent, d'ailleurs, qu'il n'existe pas chez l'homme de renforcement intraspongieux, que la structure de celle-ci est alvéolaire à orientation aléatoire, même s'il existe des zones de densité différente, probablement en relation avec l'intensité des contraintes subies. Il n'a pas non plus été retrouvé de système trabéculaire organisé intracortical . C'est encore en nous inspirant des techniques aéronautiques et spatiales que
nous avons formulé notre hypothèse de structure à revêtement travaillant. La spongieuse est équivalente au « nid d'abeilles » (structure aréolaire régulière en « kraft », en clinquant d'aluminium ou en Nomex) utilisé dans la construction des ailes d'avion (bidimensionnel) ou peut-être mieux, aux billes de polystyrène expansé (tridimensionnel) de la construction de plaisance, le principe étant le même. Son rôle est de maintenir constants la forme de l'étui cortical et l'écartement de ses parois, quelles que soient les contraintes appliquées, en sachant que l'inertie de la mandibule est assurée majoritairement par ce dernier. Ce système est celui qui permet une inertie maximale pour une légèreté maximale, au prix d'une économie importante de matériaux, mais aussi d'une organisation structurale complexe. On retrouve d'ailleurs cette notion fondamentale dans la totalité du squelette céphalique. Cette théorie n'est nullement une vue de l'esprit puisqu'elle a été vérifiée. Pour ce faire, on teste d'abord la validité du modèle en lui appliquant des sollicitations d'effets connus : on sait en effet que, par exemple, un choc appliqué à la pointe du menton entraînera, selon son intensité, différentes fractures, séquentielles ou non, de la mandibule dont les formes anatomocliniques sont parfaitement codifiées. Sur le modèle, elles se traduisent par des lignes d'isocontraintes maximales recouvrant pratiquement les lignes de fracture ! Ainsi, toute hypothèse à valider est-elle incorporée au modèle sur lequel sont alors stimulés des chocs. Si les lignes d'isocontraintes apparaissent, coïncidant avec les traits habituels de fracture, l'hypothèse est déclarée valable. Au contraire, si l'hypothèse est fausse, les lignes d'isocontraintes peuvent être totalement aberrantes.
Deuxième théorie : la mandibule, structure suspendue en porte-à-faux On sait depuis Robinson que les articulations temporomandibulaires ne subissent que de faibles pressions au cours de la mastication, et qu'elles sont anormalement incapables d'en supporter d'importantes. Ce sont, en réalité, des « pions de centrages », dispositif utilisé en mécanique pour guider une cinématique complexe. Le calcul des moments des forces de serrage a permis de démontrer que la mandibule avait un appui virtuel dans la région spigienne et que les muscles élévateurs, réalisant un véritable système musculaire suspenseur, contribuaient, comme les câbles des ponts suspendus, à encaisser chocs et pressions. Après avoir vérifié sur notre modèle la validité de cette hypothèse, nous avons modifié celui-ci en le replaçant en appui condylien. Dans ces conditions et lors de l'application de contraintes statiques identiques à celles du cas précédent, apparaissent alors des lignes d'isocontraintes totalement aberrantes, simulant des formes anatomocliniques de fractures quasi inconnues. La mandibule, structure suspendue en porte-à-faux, est intégrée dans un système craniofacial, lui-même en déséquilibre. Ce dispositif suppose un système de commandes particulièrement complexe, que l'on retrouve en robotique, et qui autorise une précision de mouvements sans commune mesure avec ce que l'on observe dans les structures classiques. Ce dispositif assure également au système un pouvoir adaptatif sans équivalent.
Troisième théorie : les « fusibles mécaniques », le dispositif de sauvegarde des rochers Lors des traumatismes mandibulaires, l'impactage des rochers par les condyles est assez exceptionnel. Rappelons que la sauvegarde des rochers semble due à la conjonction de trois facteurs bien particuliers : musculaire, articulaire, mandibulaire. Musculaire : admettre la théorie de la mandibule suspendue comme un hamac, par ses muscles élévateurs, permet de saisir qu'en cas de traumatismes, une partie de l'énergie cinétique engendrée par ceux-ci sera déjà absorbée, au moins partiellement, par le système musculaire. Articulaire : car il existe un ensemble associant articulation temporomandibulaire et vaisseaux, constitués essentiellement par les plexus veineux ptérygoïdiens. C'est le réseau veineux de la fosse infratemporale. Il
reçoit les veines méningées moyennes, les veines temporales profondes, celles du canal ptérygoïdien ainsi que les éléments veineux temporomandibulaires, parotidiens et tympaniques. Ce plexus qui se draine dans les veines maxillaires joue le rôle d'un coussinet amortisseur (comment alors supposer de fortes pressions infra-articulaires ?). Par ailleurs, la présence d'une pression, certes faiblement positive, mais néanmoins réelle, dans la partie méniscotemporale de la capsule et la disposition des plexus veineux jouent un rôle majeur dans la dispersion des pressions anormalement exercées à ce niveau. Mandibulaire : les expériences menées en commun avec GEC-Alsthom (éléments finis) et l'Aérospatiale Aquitaine (interférométrie holographique) ont permis de mettre en évidence l'aspect peut-être le plus original de ce dispositif de sauvegarde des rochers : ce sont les « fusibles mécaniques ». En mécanique, lorsque pour une raison quelconque, la ou les fractures d'une pièce sont impossibles à éviter, des zones de faiblesses, les « fusibles mécaniques », sont localisées par calcul, là où elles s'avèrent évidemment les moins dommageables, ceci signifiant que si l'ingénieur sait ne pouvoir empêcher la rupture d'une pièce, il programme celle-ci à sa convenance. Ces fusibles mécaniques correspondent aux formes anatomocliniques des fractures mandibulaires. Nous avons pu démontrer à l'aide du modèle, modifié et adapté à cette expérience, que la déformée générale de la mandibule (ou sa déformation si l'on préfère) variait en fonction de la charge statique et de sa direction, que ces zones de fractures correspondaient soit à des inversions de sens du vrillage de la mandibule, soit à des inversions du sens de la déformation des corticales internes ou externes, ou de la seule corticale externe. Ceci recoupe entièrement les « phénomènes singuliers » : inversions ou divergences de franges, chevauchement de celles-ci ou franges en boucles, que nous avons observés en interférométrie biographique. On retrouve les mêmes phénomènes de face, semblant apparemment travailler pour leur propre compte au niveau du fémur et l'on peut se demander si, comme ce dernier, la mandibule ne se comporte pas comme un « modèle à facettes ». Quoi qu'il en soit, en cas de traumatisme appliqué à la pointe du menton, il se produit une série de fractures séquentielles et programmées d'arrière en avant, intéressant selon l'intensité croissante de ce traumatisme, d'abord la région sous-condylienne, puis la région angulaire, enfin, les zones paramédiane et médiane.
Quatrième théorie : la mandibule « composite hétérogène précontraint » renforcée multidirectionnellement L'une des caractéristiques principales de l'os, rendant particulièrement ardue l'étude de ses propriétés mécaniques (cf. supra), est qu'il ne possède pas de symétrie mécanique. Ceci signifie que les propriétés mécaniques varient selon la direction dans l'espace. De plus, pour compliquer encore le problème, l'os travaille essentiellement dans le domaine plastique et peu dans le domaine élastique. Il est très sensible au fluage : propriété de continuer à se déformer sous l'effet d'une pression maintenue constante durant un assez long laps de temps. Par ailleurs, l'interférométrie holographique a démontré qu'il présentait un phénomène d'« hystérésis mécanique », ceci signifiant qu'après déformations il tend, mais tend seulement, à retrouver sa forme initiale. Ces notions essentielles obligent à reconsidérer le problème du déplacement dentaire et celui de la récidive : contrairement en effet aux idées admises, si pour déplacer une dent il convient d'appliquer des pressions faibles, celles-ci doivent être continues et non discontinues ceci afin de travailler évidemment dans le domaine élastique, mais surtout d'utiliser le phénomène de fluage sous pression maintenue. Lorsque le phénomène de recul est amorcé, il devient très rapide. Aussi, doit-on le plus souvent, dès le début du recul, diminuer la pression exercée, sous peine de voir apparaître des phénomènes de version ou de rotation en dépit des précautions prises. Ce phénomène se traduit par un tableau clinique particulier : 24 heures après l'application de la force, apparaît une légère douleur qui se prolonge le plus souvent ainsi pendant 24 heures. Elle correspond à la mise en charge de l'os alvéolaire et au passage de celui-ci dans le domaine plastique puis dans celui du
fluage. C'est seulement lorsque cette douleur disparaîtra, parce qu'une partie de cette force constante aura été absorbée par l'os, que la dent se déplacera par fluage. Ce phénomène est très comparable à un procédé industriel utilisé pour former des pièces et appelé l'« extrusion ». Il consiste à appliquer à un métal ou un alliage donné une pression donnée (généralement très élevée dans ce cas). Selon la ductibilité du métal, le procédé est utilisé soit à chaud, soit à froid. Cette pression est maintenue constante. Pendant un certain temps correspondant à la mise en charge du métal, rien ne se produit. Puis tout à coup, la pression, maintenue constante, diminue spontanément. Ceci est dû au fait que le métal ou l'alliage utilisé a quitté le domaine élastique pour le domaine plastique, voire le fluage. Il se déplace alors. L'« hystérésis mécanique », propriété qu'a l'os après déformation de tendre, mais tendre seulement, à retrouver sa forme initiale avons-nous précisé, explique probablement certaines récidives partielles, que ne peuvent totalement expliquer des troubles de la musculature orofaciale ou de la langue. On conçoit donc la nécessité d'une contention prolongée, celle-ci devant être dynamique et non statique. Le but d'une contention dynamique consiste à faire travailler les dents et si possible chacune d'entre elles dans la nouvelle position donnée, afin que les charges qu'elles subissent contribuent à une nouvelle organisation de l'os. Ceci est le principe de « positionneur ». Les expériences en interférométrie démontrent que la mandibule a un comportement mécanique voisin de celui des composites carbone-carbone renforcés tridimensionnellement. La même expérience, reprise à l'aide de la méthode des éléments finis, confirme en les précisant ces résultats et permet de mettre en évidence la reprise séquentielle des efforts par un système de fibres de renforcement multidirectionnel. Ceci n'infirme nullement notre théorie de structure à revêtement travaillant, mais induit que si la spongieuse est bien une structure aréolaire sans système de renforcement, les travées longitudinales parfois observées dans la corticale ne sont qu'un aspect limité d'un système plus complexe, multidirectionnel, dont jusqu'à présent, seul un des éléments unidirectionnels a été isolé. Cette assimilation de l'os à un matériau polyphasique non homogène, sandwich tissu compact - tissu spongieux, explique sa résistance aux fractures, puisqu'il se rompt de façon progressive, à chaque interface, une partie des contraintes étant absorbée tangentiellement.
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CONCLUSION L'application de méthodes d'ingénierie à l'étude de la structure d'une pièce anatomique osseuse remise en situation autorise la discussion de certaines idées reçues. Elle a surtout permis d'élaborer et de vérifier des hypothèses modernes plus conformes aux lois de la résistance des matériaux et particulièrement de ceux, modernes, créés par l'homme. Cette méthodologie nouvelle semble, par la puissance des moyens de calcul, revêtir une importance majeure dans la mesure où, appliquée à telle ou telle pièce anatomique osseuse ou telle articulation, elle permet d'en calculer les caractéristiques avec une précision non encore atteinte. Pour donner un exemple précis de la fiabilité de ce type d'expériences lourdes, précisons qu'en calculant à l'aide de la méthode des éléments finis, puis en contrôlant les résultats à l'aide de l'interférométrie holographique, des fémurs équipés ou non de prothèses de hanche de types différents, nous avons prédit que l'introduction de celles-ci entraînerait, quel qu'en soit le type utilisé, un épaississement de la corticale de la face postéromédiale du fémur au droit et audessous de la queue de la prothèse. Reprenant ses cas (1 700) de patients opérés à l'aide d'une prothèse de Charnley, Bechtol, à Los Angeles, a confirmé que cette hypertrophie apparaissait en effet là où l'avaient située les calculs.
Les études que nous poursuivons depuis plus de dix ans dans le cadre du Centre nantais d'études et de réalisations biomécaniques et dans celui du Laboratoire d'anatomie de l'UER de médecine de Nantes (Pr Barbin), consacrées d'abord à la biomécanique de la mandibule, puis à celle de la calvaria (voûte du crâne) et enfin, très récemment, à celle de la base du crâne et de la face, permettent une vue globale de la biomécanique de l'extrémité céphalique. Elles permettent d'éclairer la pathologie des fractures mandibulaires ou de la face, celle des conséquences mécaniques des grands bridges maxillaires. Elles ont évidemment des implications en orthopédie dentofaciale ainsi qu'en implantologie orale, puisqu'il est aisé de déterminer par calcul les zones où les implants ont le moins de chances d'être tolérés.
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Fig 1 :
Fig 1 : Courbes de Hooke d'un acier polycristallin. A noter les différences entre le domaine élastique (1) et plastique (2).
Fig 2 :
Fig 2 :
L'os est un matériau composite précontraint (Currey). Knèse a comparé l'os à un matériau précontraint comme le béton armé précontraint. L'apatite joue le rôle du ciment et le collagène celui des fers à béton. La précontrainte naîtrait d'une croissance différente entre l'apatite et le collagène. Le premier grandissant plus vite serait en précontrainte.
Fig 3 :
Fig 3 : Mise en évidence de la précontrainte dans les lamelles de l'ostéon. (D'après Ascenzi et Benvenutti, 1977).
Fig 4 :
Fig 4 :
L'os est un matériau polyphasique - Ruptures comparées d'un matériau monophasique (comme le verre) et d'un matériau polyphasique (fibre de verre) où les contraintes s'épuisent tangentiellement dans l'interphase (Gordon).
Fig 5 :
Fig 5 : A. Renforcement unique : sous l'influence d'un choc, rupture de la pièce. B. Renforcements multiples à faibles liaisons dispersées : apparition de microfissures mais pas de rupture de la pièce. (D'après Albugues et Ferré).
Fig 6 :
Fig 6 : Modèle physicomathématique « spatial » de la mandibule. A partir d'un « plan de masse » la mandibule est découpée en petits éléments, d'où le nom de « méthode des éléments finis ».
Fig 7 :
Fig 7 : Chaque élément est réuni aux autres éléments par ses sommets appelés noeuds.
Fig 8 :
Fig 8 : Déformation d'un élément sous contraintes.
Fig 9 :
Fig 9 : Pour chaque cas de contraintes, l'ordinateur calcule instantanément le déplacement des noeuds (3 angles et 3 vecteurs) (noeuds à 6 degrés de liberté).
Fig 10 :
Fig 10 : Apparition de lignes d'isocontraintes maximales à l'endroit où siègent les fractures pour une sollicitation à direction oblique appliquée à la pointe du menton.
Fig 11 :
Fig 11 : Même cas de figure mais sur la face externe. Une fois le modèle élaboré, les hypothèses de recherche à vérifier y sont incorporées, et la fiabilité de celui-ci et, partant, des hypothèses incluses, est testée en lui appliquant des sollicitations dont le résultat est parfaitement connu.
Fig 12 :
Fig 12 : a, b, c. Décomposition d'un retournement : à départ en précontrainte à appui.
Fig 13 :
Fig 13 : Courbes de Hooke d'un acier polycristallin (A) et d'une mandibule (B) et/ou d'une matière plastique. Phénomène d'hystérésis mécanique.
Fig 14 :
Fig 14 : Architecture de la base du crâne : centre de résistance, poutres, piliers (d'après Benninghoff). 1 et 2. poutres sphénofrontales ; 3. poutres pétreuses ; 4. piliers mastoïdiens ; 5. arc frontooccipital (partie initiale) ou poutre occipitale postérieure.
Fig 15 :
Fig 15 : Poutre sphénoforaminienne.
Fig 16 :
Fig 16 : Exemple de « congés » au niveau du renforcement d'une pièce (document Aérospatiale, Et. de Nantes).
Fig 17 :
Fig 17 : Contraintes engendrées par la contraction des muscles du cou. 2 et 3. lignes nuchales ; R. résistance (condyles occipitaux) ; M-M'. moment de la force F. La contraction des muscles du cou engendre des contraintes en cisaillement au niveau de la jonction cilvoforaminienne avec tendance à l'ouverture de cet angle.
Fig 18 :
Fig 18 : Contraintes engendrées par la contraction des muscles sterno-cléido-mastoïdiens. M-M' : moment de la force.
Fig 19 :
Fig 19 : Deux volumineuses poutres sphéno-pétro-mastoïdiennes transmettent les forces exercées au niveau de la mastoïde par le système musculaire et, en particulier, les muscles sterno-cléidomastoïdiens à la selle turcique (1). Les poutres clivoforaminiennes renforcent l'anneau périforaminien et s'opposent au mouvement de flexion engendré à ce niveau par le moment développé par les muscles s'insérant sur et entre les lignes nuchales (2). L'os, constituant les parois de la fosse crânienne postérieure, lui-même précontraint, et les renforts exocrâniens représentés par les lignes nuchales, et endocrâniens représentés par la poutre occipitale et les berges du sillon du sinus tranverse, maintiennent constant l'angle du V pétreux (3). M : mastoïdes ; R : résistances (condyles) ; niveau du clivus.
Fig 20 :
R : résultante des forces ; FF : forces de flexion au
Fig 20 : Cavité orbitaire et sinus maxillaire « raidis » latéralement par les cellules ethmoïdales.
Fig 21 :
Fig 21 : Airbus : encadrement de la porte passager (document Aérospatiale Et. de Nantes). A noter le renforcement autour de la porte et les raidisseurs parallèles présentant une certaine analogie
avec les cellules ethmoïdales.
Fig 22 :
Fig 22 : Selon Deffez « Base de l'étage moyen de la face. Les sites et les facteurs de croissance du maxillaire : données actuelles » (AOS no 128, 1979, 647-668). A noter les caissons représentés par les cavités orbitaires, les fosses nasales et les sinus maxillaires. Le positionnement frontal de ces cadres est assuré par des jambes de force dorsoventrales : les processus zygomatiques.
Fig 23 :
Fig 23 : Plan schématique de la zone sphénoïdale. Les effets FF' développés au cours de la mastication, sont transmis par les parois des fosses nasales (FS) et les processus ptérygoïdiens (PT) jusqu'à la pointe horizontale temporosphénoïdale. Ils sont, de là, renvoyés au sinus sphénoïdal (SS), puis repris par les jambes de force sphénotemporales (PAS). VPT : force exercée par les muscles temporaux.
Fig 24 :
Fig 24 : Sphénoïde et poutre horizontale temporosphénoïdale : reprise des efforts par le bord postérieur des petites ailes de l'os sphénoïdal (jambe de force sphénotemporale).
Fig 25 :
Fig 25 : Grossissment d'une section d'un tube en PVC. A noter la densité et l'organisation différente du PVC au niveau de la partie centrale et des parties externe et interne. Une telle organisation de la matière rappelle étrangement celle du diploé (document aimablement fourni par la société Sogecan, 152, boulevard Malesherbes, 75017 Paris).
* Grâce à la collaboration de : GEC-Alsthom, Et. ACB (Nantes) ; MBH Technologies (Nantes) ; l'Aérospatiale Aquitaine (Bordeaux).
Stomatologie [22-001-B-20]
Muscles peauciers de l'extrémité céphalique. Système musculoaponévrotique superficiel (SMAS)
B Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale Centre hospitalier universitaire, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex France
Résumé Tous les muscles peauciers ont, par définition, une insertion cutanée ; les peauciers de la tête dérivent, par différenciation progressive, d'un peaucier primitif cervicofacial : le platysma ; primitivement étendu à toute la face, il en occupe encore chez l'homme la partie inférieure, et entre en connexion avec un grand nombre d'autres muscles peauciers, voire avec ceux qui recouvrent la voûte crânienne ; tous sont innervés par le nerf facial. De façon un peu artificielle on classe les muscles peauciers de la tête et du cou en deux plans, un plan profond (muscles orificiels) et un plan superficiel (SMAS) (fig. 1 et 2) . Les muscles peauciers possèdent un certain nombre de caractères communs [22] : ils présentent, dans leur forme typique, une insertion osseuse fixe, et une insertion cutanée mobile ; l'insertion osseuse peut être remplacée par une insertion fibreuse ou périostée ; ils sont disposés radialement ou concentriquement autour des orifices agissant comme dilatateurs ou constricteurs ; la plupart des muscles peauciers n'ont pas de gaine aponévrotique sauf le platysma ; un certain nombre de muscles sont continus avec les muscles voisins, soit par accolement des deux bords sur un certain trajet, soit le plus souvent par échange de fibres musculaires ; la musculature faciale est particulièrement variable d'un sujet à l'autre. Le SMAS est une structure anatomochirurgicale strictement superficielle dérivée du platysma primitif et ne présentant aucune insertion osseuse. Il est composé uniquement du muscle platysma, du muscle risorius et de leurs expansions. Sa connaissance est précieuse pour la réalisation de certains « liftings » cervicofaciaux. © 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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NOMINA ANATOMICA OU PNA C'est la nomenclature anatomique internationale qu'il faut maintenant utiliser
[24]
.
Muscles de l'oreille externe Musculus auricularis anterior (auriculaire antérieur), superior (supérieur), posterior (postérieur).
Muscles du front et de la voûte du crâne M occipitalis (occipital). M frontalis (frontal). M procerus (pyramidal).
Muscles périorbitaires et palpébraux M orbicularis oculi (orbiculaire des paupières). M corrugator supercilii (sourcilier).
Muscles du nez M compressor nasi (transverse du nez). M dilatator naris (dilatateur des narines). M depressor septi (myrtiforme).
Muscles des lèvres M zygomaticus major (grand zygomatique). M zygomaticus minor (petit zygomatique). M levator labii superioris alaeque nasi (releveur de la lèvre et de l'aile du nez). M levator anguli oris (canin). M depressor anguli oris (triangulaire des lèvres). M depressor labii inferioris (carré du menton).
M buccinator (buccinateur). M orbicularis labii (orbiculaire des lèvres). M protractores (incisifs).
Muscles composant le SMAS M risorius (risorius de Santorini). M platysma (peaucier du cou).
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MUSCLES DU PLAN PROFOND
Muscles de l'oreille externe Muscles auriculaire antérieur et temporal superficiel (fig. 2, 3 et 4, no 18 et 18 bis) Musculus (m) auricularis anterior (auriculaire antérieur) est situé en avant de l'oreille, dans la partie inférieure de la région temporale, un peu audessus de l'arcade zygomatique. Mince, il a une forme rayonnée, et ses faisceaux dirigés obliquement en haut et en avant sont issus d'un sommet postérieur. Sa longueur est de 2 cm environ. Rapports Sa face superficielle est recouverte par les vaisseaux temporaux et la graisse préauriculaire ; sa face profonde repose sur l'aponévrose temporale. Le muscle temporal superficiel (fig. 3) occupe la partie antérieure de la région temporale, entre les muscles frontalis et le muscle auriculaire supérieur. C'est un muscle vaste, mais très mince, de forme quadrilatère.
Musculus auricularis superior (auriculaire supérieur) (fig. 3 et 4, no 19) Le muscle auriculaire supérieur, ou élévateur de l'oreille, est un muscle large, radié, mais mince. Il s'insère d'une part (insertion fixe) en haut sur le bord latéral de l'aponévrose épicrânienne, d'autre part (insertion mobile) au pavillon de l'oreille.
Musculus auricularis posterior (auriculaire postérieur) (fig. 2, 3 et 4, no 20) Le muscle auriculaire postérieur, ou rétracteur de l'oreille, est situé dans la région mastoïdienne, en arrière de l'oreille ; il s'insère d'une part (insertion fixe) à la base de l'apophyse mastoïde et à la partie voisine de l'occipital, d'autre part (insertion mobile) à la convexité de la conque.
Action des muscles auriculaires Ces muscles sont disposés en demi-cercle autour de l'oreille. Prenant leur point fixe sur les os ou sur l'aponévrose épicrânienne, ils tirent sur le pavillon dans le sens des rayons que représentent leurs fibres. L'auriculaire antérieur avec le temporal superficiel est protracteur ; l'auriculaire supérieur est un élévateur direct ; l'auriculaire postérieur, un rétracteur. Tous sont dilatateurs de l'orifice externe du conduit auditif. Cette action est d'ailleurs purement théorique. Tandis que beaucoup d'animaux peuvent dilater et resserrer l'orifice de l'oreille, et surtout diriger celle-ci à la recherche des sons, au point que le chat n'a pas moins de vingt-cinq muscles actifs, l'homme a perdu cette faculté [22].
Muscles des paupières Les muscles des paupières et des sourcils ont tous pour action soit de rétrécir la fente palpébrale, et de diminuer par conséquent la quantité de lumière qui pénètre dans l'oeil, en même temps que de le protéger contre des corps étrangers, soit d'agrandir cet orifice. Les premiers sont des constricteurs, ils comprennent l'orbiculaire des paupières, le sourcilier et le pyramidal ; les seconds sont des dilatateurs.
Musculus orbicularis oculi (orbiculaire des paupières) (fig. 5, no 2) Ce muscle occupe les paupières et la circonférence de l'orbite. C'est un muscle plat, disposé en ellipse à grand axe transversal autour de la fente palpébrale. On distingue dans chaque orbiculaire deux portions : la portion palpébrale, portion fondamentale du muscle, limitée à la paupière même ; elle est composée de deux demi-anneaux à insertions fibreuses sur leurs deux extrémités. La portion orbitaire, portion secondaire, entoure l'arcade orbitaire en dehors des paupières ; elle forme un anneau unique et presque complet à insertion osseuse. Les cartilages tarses qui constituent le squelette des paupières sont attachés à leurs extrémités, à une bandelette fibreuse appelée ligament palpébral ou canthus (interne ou externe). Le canthus interne se divise en deux faisceaux direct et réfléchi s'insérant sur l'unguis en arrière et l'apophyse montante du maxillaire supérieur en avant. Dans cette bifurcation se trouve le sac lacrymal. Le canthus externe est divisé en deux ligaments dont le principal s'insère sur l'apophyse montante du malaire à 2 mm en arrière du rebord orbitaire [7]. Le muscle ciliaire ou muscle de Riolan, faisceau marginal de la portion palpébrale, occupe le bord libre de la paupière. Le muscle de Horner est appliqué contre la face postérieure du canthus interne contre le sac lacrymal, réalisant un sphincter.
Rapports Le muscle palpébral, ou orbiculaire interne est étendu en couche mince translucide, sur le tarse des paupières ; ses fibres décrivent des courbes à concavité postérieure moulées en quelque sorte sur le globe de l'oeil. Le muscle orbitaire ou orbiculaire externe, plus vaste, plus épais, s'étend dans la région du sourcil, celle de la tempe et dans la partie supérieure de la joue. Par sa face antérieure, il est en rapport avec la peau, ici épaisse et adipeuse à
laquelle il adhère.
Action L'orbiculaire des paupières est un sphincter. Le muscle palpébral détermine l'occlusion régulière, habituelle de l'ouverture palpébrale. Le muscle orbiculaire externe lui, entre en jeu en se contractant surtout dans l'occlusion avec effort ; il a pour antagoniste le frontal, pour muscles synergiques le sourcilier et le pyramidal. L'orbiculaire est innervé par le VII, tandis que son antagoniste direct, le releveur de la paupière supérieure, reçoit sa motricité du III. Dans la paralysie faciale, l'oeil restera donc ouvert, tandis que la chute de la paupière supérieure caractérise la paralysie du releveur.
Musculus corrugator supercilii (muscle sourcilier) (fig. 1 et 6, no 13) Le muscle corrugator supercilii est situé sur l'arcade sourcilière. Il s'insère d'une part (insertion fixe) par deux ou trois faisceaux à l'arcade sourcilière, sur son extrémité interne, un peu au-dessus de la suture frontonasale, d'autre part (insertion mobile) à la peau de la moitié interne du sourcil.
Rapports Court, ramassé à son origine, aplati, étalé à sa terminaison, le corrugator se dirige d'abord en haut et un peu en dehors, puis devient horizontal ; sa direction générale suit l'arcade osseuse sur laquelle il se moule. Le corrugator est relativement profond, il n'est nulle part sous-cutané. Sa face antérieure est recouverte par le pyramidal, le frontal et l'orbiculaire ; elle adhère à la peau du sourcil par les fibres qu'elle lui envoie à travers les interstices de ces muscles. Sa face postérieure joue à la surface de l'arcade sourcilière ; elle recouvre les vaisseaux et nerfs sous-orbitaires. Le muscle est tout entier noyé dans une graisse molle, qui forme un coussinet adipeux et qui atteste que le sourcil est un tégument facial et non crânien.
Action Le corrugator est le muscle qui fronce le sourcil ; il détermine les rides verticales glabellaires ou rides du lion .
Musculus procerus (pyramidal) (fig. 1 et 6, no 15) Le procerus occupe la partie supérieure du dos du nez et la bosse frontale moyenne. Il est constitué par une petite languette qui se moule sur l'os propre du nez. Il s'insère d'une part (insertion fixe), à sa partie inférieure, au cartilage latéral du nez et au périoste des os propres du nez, d'autre part (insertion mobile) à la peau de la région intersourcilière.
Rapports Le procerus est vertical sur une longueur de 12 à 15 mm. Par sa face antérieure, le procerus est sous la peau. Par sa face postérieure, il répond aux cartilages latéraux, aux os propres du nez et à la bosse frontale moyenne.
Action Le procerus est l'antagoniste du frontal. Le frontal est élévateur de la peau du front, qu'il plisse et détend. Le pyramidal est abaisseur de la peau frontale qu'il tend et déplisse. Prenant son point fixe en bas, il exerce une traction verticale, qui porte sur la région intersourcilière et sur la tête du sourcil ; il détermine la formation d'un sillon transversal dans l'espace intersourcilier.
Muscles du nez Le nez possède des muscles qui lui sont propres et d'autres qui sont communs avec la lèvre supérieure. On peut les grouper ainsi au point de vue de leur action sur l'orifice des narines : muscles dilatateurs : transverse du nez, dilatateur des narines, releveurs superficiel et profond ; muscles constricteurs ; myrtiforme, triangulaire des lèvres.
Musculus compressor nasi (transverse du nez) (fig. 6, no 16) Ce muscle est placé transversalement sur la partie moyenne du nez au-dessus du sillon horizontal qui limite en haut l'aile du nez. Il est mince, plat. Il s'insère d'une part (insertion fixe) à une aponévrose qui recouvre le dos du nez, d'autre part (insertion mobile) à la peau du sillon nasolabial.
Rapports Triangulaire, le transverse a son sommet ramassé en un faisceau épais, arrondi, dirigé en arrière et en bas tandis que sa base mince, étalée est parallèle à l'arête médiane du nez ; sa face externe adhère à la peau.
Action Le transverse du nez est un muscle dilatateur ; il retrousse la narine, mais il est surtout le muscle sensuel. Duchenne l'a nommé le muscle de la lascivité, il vaudrait mieux dire de la sensualité, car il exprime toutes les nuances de la volupté, depuis les sensations délicates jusqu'à la passion lubrique.
Musculus dilator naris (dilatateur des narines) (fig. 6, no 21)
peau.
Action C'est un dilatateur vrai, c'est-à-dire qu'il ne retrousse pas l'angle de la narine comme le font les élévateurs ou le transverse, mais il écarte l'aile du nez de la ligne médiane et agrandit la courbe que dessine la valve externe des narines.
Musculus depressor septi (muscle myrtiforme) (fig. 6, no 25) Ce muscle est situé au-dessous de l'aile du nez, entre cette aile et le bord alvéolaire du maxillaire inférieur. On le découvre immédiatement en incisant la muqueuse buccale au-dessus de l'incisive latérale. Il s'insère d'une part (insertion fixe) aux saillies alvéolaires de l'incisive latérale et de la canine, d'autre part (insertion mobile) à toute la circonférence postérieure de l'orifice des narines. Le depressor septi a une direction verticale ; le muscle est profond. Sa face externe est recouverte par la muqueuse buccale. Sa face interne recouvre la face antérieure du bord alvéolaire.
Action Le depressor septi est essentiellement abaisseur de l'aile du nez qu'il tire en bas et en arrière. Quand cet effet est bien prononcé, la voix nasonne, d'où le nom de muscle nasillard donné au myrtiforme ; à l'état mimique, elle accompagne les expressions de sévérité, de timidité, les émotions tristes, la douleur physique.
Muscles des lèvres (fig. 1 et 2) La musculature des lèvres comprend deux systèmes de fibres, un système périphérique de fibres radiées qui rayonnent sur toute la circonférence de l'orifice buccal, et un système central de fibres circulaires, traversé perpendiculairement par les fibres radiées. Les fibres radiées sont dilatatrices. A ces fibres vient se joindre le peaucier du cou qui, par un faisceau à peu près constant de sa portion externe, s'insère à l'angle des lèvres. Les fibres circulaires sont groupées en un seul muscle impair et unique, l'orbiculaire des lèvres, qui est le constricteur ou sphincter de la bouche. L'orbiculaire est à son tour renforcé par un système de fibres antéropostérieures appelées muscle compresseur des lèvres, et par des muscles qui lui sont parallèles et disposés derrière lui en arc de cercle, les incisifs supérieur et inférieur.
Système périphérique de fibres radiées (fibres dilatatrices) o
Musculus zygomaticus major (grand zygomatique) (fig. 1, 2 et 7, n 7) Le zygomaticus major occupe la partie centrale de la joue, de la pommette à la commissure des lèvres. C'est un muscle étroit, allongé, assez épais. Il s'insère d'une part (insertion fixe) par son extrémité postérieure à l'os malaire, d'autre part (insertion mobile) par son extrémité antérieure au tégument des lèvres dans la région de la commissure, en partie à la peau, en partie à la muqueuse.
Rapports Le zygomaticus major est dirigé obliquement, à 45° environ en bas, et en dedans. Sa face externe est en rapport avec la peau de la joue.
Action Le zygomaticus major détermine par sa contraction l'ascension oblique de la commissure des lèvres en haut et en dehors ; il agit comme dilatateur de la bouche dans la préhension des aliments, la respiration difficile ; son rôle mimique est considérable ; contracté seul, il est le muscle de la grimace ; associé à l'orbiculaire des paupières (occlusion légère de l'oeil) et aux releveurs de la lèvre supérieure, il est le muscle de la joie.
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Musculus zygomaticus minor (muscle petit zygomatique) (fig. 1 et 2, n 6) Le zygomaticus minor est situé dans la région sous-orbitaire, obliquement dirigé en avant entre le zygomaticus major en arrière et le releveur profond en dedans. C'est un petit muscle allongé. Sa présence n'est pas constante. Il s'insère d'une part (insertion fixe) à la partie inférieure de l'os malaire, d'autre part (insertion mobile) à la peau de la lèvre supérieure ; il est souvent en rapport avec la portion externe de l'orbiculaire palpébral et il est entouré par l'atmosphère adipeuse de la joue. Sa face interne est en rapport avec le canin et la veine faciale.
Action Ce muscle élève en haut et en dehors la partie externe de la lèvre supérieure ; c'est donc un releveur ou élévateur de la lèvre.
Musculus levator labii superioris alaeque nasi (l'association de deux muscles) (fig. 1 et o 2, n 3) Muscle releveur superficiel (fig. 1 et 2) Ce muscle est l'élévateur commun de la lèvre et de l'aile du nez. Il occupe le sillon nasogénien. Allongé, étroit en haut, élargi à sa partie inférieure, il descend d'abord verticalement, puis un peu obliquement en dehors. Il s'insère, d'une part (insertion fixe), à la face externe de l'apophyse montante du maxillaire supérieur et au rebord orbitaire, d'autre part (insertion mobile) à la peau de la lèvre supérieure, près de la commissure, et à la partie postérieure de l'aile du nez.
Muscle releveur profond (fig. 1 et 2) Le muscle releveur profond est situé au-dessous et en dehors du releveur superficiel. Il est mince, quadrilatère. Il s'insère d'une part (insertion fixe) en haut au rebord orbitaire dans ses deux tiers internes, d'autre part (insertion mobile) en bas à la peau de la lèvre supérieure et à l'aile du nez. Le releveur profond est dirigé en bas et en dedans.
Action Les deux muscles releveurs superficiel et profond agissent synergiquement, aboutissent à une élévation directe de la lèvre supérieure et de l'aile du nez. Les releveurs, en dilatant la bouche et les narines, sont des muscles inspirateurs ; ils contribuent aussi au flair. Leur action expressive se manifeste dans deux
circonstances principales, le mécontentement, le chagrin et dans le pleurer.
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Musculus levator anguli oris (muscle canin) (fig. 1 et 8, n 5) Le muscle canin occupe la fosse canine du maxillaire supérieur. Sa forme est quadrilatère. Il s'insère d'une part (insertion fixe) en haut à la fosse canine et à la base de l'apophyse montante du maxillaire supérieur, d'autre part (insertion mobile) en bas à la peau des lèvres de la commissure à la ligne médiane.
Rapports Le levator anguli oris est dirigé un peu obliquement en bas et en dehors. C'est un muscle profond mais il devient superficiel à son extrémité inférieure. Le pédicule sous-orbitaire sépare le canin du releveur profond ; l'artère faciale passe en dessous de son extrémité inférieure.
Action Il élève la commissure en haut et en dedans.
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Musculus depressor anguli oris (triangulaire des lèvres) (fig. 1, 2 et 9, n 11) Le depressor anguli oris occupe la partie de la joue qui limite en dehors le menton. Il est large, aplati, volumineux. Triangulaire, il s'insère d'une part (insertion fixe) en bas sur la ligne oblique externe du maxillaire inférieur dans son tiers antérieur, d'autre part (insertion mobile) par son sommet à la peau de la lèvre supérieure, de la commissure jusqu'au sillon médian et même le squelette cartilagineux du nez. C'est un muscle tout à fait superficiel adhérant intimement à la peau.
Action Il abaisse la commissure en bas et en dehors. Son rôle purement physiologique paraît être bien restreint et se rapporter surtout à la mastication et à la respiration difficile. Le rôle physionomique est au contraire des plus importants. Le triangulaire est, avec le sourcilier, un des muscles caractéristiques de l'expression humaine. Duchenne [10] l'a nommé le muscle de la tristesse ; mais par d'autres associations musculaires il traduit aussi le dégoût, le mépris, la jalousie, la haine. Il est donc affecté surtout aux passions tristes et sombres, et avec les autres abaisseurs de la lèvre inférieure appartient au masque tragique, tandis que le masque comique est caractérisé surtout par l'agilité musculaire de la lèvre supérieure et du nez.
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Musculus depressor labii inferioris (carré du menton) (fig. 1 et 2, n 12) Ce muscle très mince occupe la partie latérale du menton et la lèvre inférieure. Il s'insère d'une part (insertions fixes) par en bas au tiers inférieur de la ligne oblique externe de la mandibule, d'autre part (insertions mobiles) en haut à la peau de la lèvre inférieure et en partie à sa muqueuse. Il est oblique en haut et en dedans. Ce muscle est situé superficiellement. En dehors, il est recouvert par le triangulaire qu'il croise à angle droit.
Action C'est un abaisseur de la lèvre inférieure. Il l'abaisse en bas et en dehors. La lèvre est quelquefois renversée en dehors. Avec d'autres muscles de la face se traduit l'ironie.
Musculus levator menti (muscle de la houppe du menton) C'est un faisceau musculaire, assez puissant, de forme conoïde, juxtaposé sur la ligne médiane à celui du côté opposé. Ce muscle s'insère d'une part (insertion fixe) par son sommet à la saillie alvéolaire de l'incisive externe et de la canine, d'autre part (insertion mobile) par sa base à la peau du menton, dans sa partie la plus saillante.
Action Il est élévateur de la peau du menton qu'il fronce fortement en forme de saillies et de plis rayonnants (corrugator menti), et aussi de la lèvre inférieure qu'il courbe en arc à concavité inférieure et qu'il renverse un peu en dehors. Il agit dans la mastication, surtout pour repousser les débris alimentaires, et dans l'occlusion avec effort, la protraction des lèvres, par suite dans le baiser, l'insufflation. Il prend part aussi à l'articulation des sons, notamment pour les voyelles o, u et pour les consonnes b, f, g, m, p, v, et joue un rôle important dans le marmottement, les prières à voix basse. Comme muscle physionomique, il concourt à l'expression de l'hésitation, du doute, du dédain, du dégoût. On l'a appelé le musculus superbus, bien qu'il caractérise plutôt le mépris que l'orgueil.
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Musculus orbicularis labii (muscle orbiculaire des lèvres) (fig. 1 et 2, n 10) L'orbiculaire des lèvres (sphincter des lèvres) occupe l'épaisseur des lèvres supérieure et inférieure. Sa forme est celle d'un large anneau elliptique à grand diamètre transversal comme la fente buccale qu'il entoure complètement. L'orbiculaire externe est la partie périphérique du muscle. Elle est large, mince, au moins sur ses parties latérales. Sa largeur correspond aux deux tiers externes de la largeur totale de la lèvre. L'orbiculaire interne ou m sphincter oris est un anneau compact qui occupe le bord libre renflé de chaque lèvre. Il est marginal par rapport à la fente buccale, concentrique par rapport à l'orbiculaire externe. Sa hauteur ou largeur équivaut à la moitié interne de la largeur totale de la lèvre ; il empiète sur l'orbiculaire externe. Ses fibres s'étendent d'une extrémité à l'autre de la fente buccale. L'orbiculaire dans son ensemble est le muscle majeur de l'occlusion de la bouche, il reçoit des fibres des muscles dilatateurs et superficiels particulièrement au niveau des commissures. Les muscles compresseurs des lèvres et les incisifs renforcent son action constrictrice.
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Muscle compresseur des lèvres ou muscle de Klein (fig. 10, n 27) Dans l'épaisseur des lèvres, près du bord libre, se trouve un muscle formé par des fibres à direction sagittale, qui se fixent à la peau et à la muqueuse. Son action est de favoriser la succion et particulièrement celle du sein par le nouveau-né. Le mamelon, étant saisi par la bouche à l'aide de l'orbiculaire et des incisifs, fournit un plan rigide qui permet la contraction d'avant en arrière du muscle de Klein.
Muscles incisifs (fig. 11) Les muscles incisifs (adductores anguli, protractores, protrusores) sont situés dans la partie postérieure des lèvres. Ces petits muscles sont horizontaux. Il y a de chaque côté un incisif supérieur et un incisif inférieur, annexés chacun à la lèvre correspondante. Leur action a pour effet de porter les commissures en avant et en dedans, déterminant la protraction des lèvres. Ils fonctionnent synergiquement avec l'orbiculaire interne dans la succion, la préhension des liquides, le baiser, l'expression de la moue, de la bouderie, de la petite bouche.
Modiolus (fig. 2 et 12)
[3]
L'ensemble des muscles superficiels font se mouvoir les lèvres essentiellement par action sur la commissure ; ils se terminent par un entrecroisement en partie tendineux constituant un noyau fibreux paracommissural, le modiolus, ainsi nommé du fait de l'aspect en moyeu de roue ; cette zone, très adhérente à la peau, doit être préservée lors des commissurotomies et inversement peut être utilisée dans les réanimations musculaires après paralysie faciale.
Muscles de la joue Musculus buccinator (muscle buccinateur) (fig. 8, no 9) Le muscle buccinateur, muscle de la trompette, est le muscle essentiel de la joue, dont il constitue le plan profond conjointement avec la muqueuse buccale. Large, épais, quadrilatère, il est très profond et constitue avec celui du côté opposé, un muscle creux, infundibuliforme. Ce muscle s'insère (insertion fixe) par son bord postérieur sur trois lignes en fer à cheval ouvert en avant ; en haut sur le bord alvéolaire qui répond aux trois dernières molaires maxillaires voire à la tubérosité ; en bas l'insertion se fait sur la ligne oblique externe de la mandibule depuis son origine jusqu'au voisinage du trou mentonnier ; l'insertion postérieure se fait sur le ligament intermaxillaire ou aponévrose buccinatopharyngienne, sur toute sa hauteur. En avant (insertion mobile), les fibres se terminent sur la muqueuse de la commissure des lèvres et de la partie adjacente des lèvres. Le ligament intermaxillaire ou ptérygomaxillaire joint le crochet de l'aile interne de l'apophyse ptérygoïde à l'extrémité postérieure de la ligne oblique interne ou ligne mylohyoïdienne. Ce ligament donne attache au buccinateur en avant et au constricteur supérieur du pharynx en arrière.
Rapport Le buccinateur s'étend en longueur du pharynx aux lèvres, en hauteur d'un bord alvéolaire à l'autre. La direction générale de ses fibres est antéropostérieure. Il forme avec la muqueuse buccale le plan profond de la joue et le plancher de la fosse adipeuse que contient cette partie de la face. La face externe est en rapport avec la branche montante du maxillaire inférieur, les muscles masticateurs et la boule de Bichat. Elle est longée par l'artère et la veine faciales qui la coupent obliquement, par l'artère transverse de la face, l'artère buccale et le nerf du même nom, enfin par le canal de Sténon, émané de la parotide, qui chemine obliquement entre ses fibres pour aller s'ouvrir dans le vestibule de la bouche. Sa face interne est appliquée contre la muqueuse buccale avec laquelle elle fait corps.
Action C'est un muscle cavitaire, plus viscéral que peaucier. Son action produit des effets différents suivant l'état de vacuité ou de réplétion de la cavité buccale. Si la bouche est vide et si les lèvres sont relâchées, il agit comme dilatateur transversal ; il tire horizontalement en dehors la fente buccale qu'il allonge. Ce mouvement est antagoniste de celui de l'orbiculaire des lèvres et surtout des incisifs. Si, la bouche étant vide, la fente buccale est tout à la fois fermée par le sphincter oris et projetée en avant par les incisifs, le buccinateur s'enfonce dans la cavité buccale et produit un creux dans la joue que le sujet semble avaler. Si la bouche est remplie par de l'air ou des substances solides ou liquides et l'ouverture buccale fermée par l'orbiculaire, le buccinateur distendu comprime le contenu de la cavité et l'expulse, ou vers le pharynx, ou à travers les lèvres entrouvertes. L'action du buccinateur se manifeste surtout dans la mastication, dans la succion énergique. Il expulse l'air dans le siffler, le souffler, le jeu des instruments à vent.
Aponévrose buccale ou buccinatrice Le muscle buccinateur est recouvert par une lame fibreuse qui se continue en arrière avec l'aponévrose péripharyngienne. Elle sépare le buccinateur de la masse adipeuse de la joue et limite en avant les déplacements de cette boule mobile.
Muscles du scalp Muscle occipitofrontal et galéa (fig. 3, 4 et 6) Les m. occipitalis et frontalis sont réunis par l'aponévrose épicrânienne ou galéa. On peut la considérer comme le tendon intermédiaire d'un muscle digastrique occipitofrontal. Le m occipitalis (no 22) est plat, mince, de forme quadrilatère. Sa largeur est d'environ 5 à 6 cm et sa hauteur de 3 cm. Le muscle occipital est dirigé un peu obliquement en haut et en avant. Il s'insère d'une part (insertion fixe) à la ligne courbe supérieure de l'os occipital dans ses deux tiers externes et à la partie postérieure de la région mastoïdienne, d'autre part (insertion mobile) au bord postérieur de l'aponévrose épicrânienne. Le muscle est tapissé sur ses deux faces par un dédoublement de l'aponévrose épicrânienne. Le m frontalis (no 1) occupe la région frontale, la région des sourcils et l'espace intersourcilier. Il est large, mince, quadrilatère. Il s'insère d'une part (insertion fixe) par son bord supérieur curviligne au bord antérieur de l'aponévrose épicrânienne, d'autre part (insertion mobile) par son bord inférieur à la peau de la région sourcilière et de la région intersourcilière ou glabelle ; au niveau du sourcil, les fibres musculaires croisent perpendiculairement les fibres du sourcilier et de l'orbiculaire, à travers le coussinet adipeux de cette région.
Rapports
antérieure adhère intimement à la peau et sa dissection est difficile. Sa face postérieure ou profonde glisse sur le périoste à l'aide d'une couche celluleuse, siège des bosses sanguines. Les artères frontale et sus-orbitaire, ainsi que les veines et nerfs de même nom, situés d'abord contre l'os à leur émergence orbitaire, ne tardent pas à se bifurquer en branches cutanées principales, qui s'engagent et cheminent entre peau et muscle.
Action du muscle occipitofrontal Le m occipitalis, est un tenseur de l'aponévrose épicrânienne qu'il attire en bas et en arrière. Prenant son point fixe sur l'aponévrose épicrânienne, l'action du m frontalis consiste essentiellement dans l'élévation du sourcil.
Galéa aponeurotica ou aponevrosis epicranialis (fig. 4, no 26)
[18]
La galéa est une lame fibreuse qui recouvre la convexité du crâne sur laquelle elle se moule. De nombreux synonymes ont été employés : épicrâne, aponévrose épicrânienne, galéa aponévrotique, centre tendineux de la région crânienne. En fait, il faut comprendre que cette lame fibreuse est interposée entre les différents muscles peauciers du crâne et tout particulièrement les muscles frontaux, occipitaux, auriculaires supérieurs et postérieurs. C'est ainsi qu'on a pu la considérer comme le tendon intermédiaire du muscle digastrique occipitofrontal. Grossièrement quadrilatère à surface courbe, on lui reconnaît quatre bords (antérieur, postérieur, droit, et gauche) et deux faces : superficielle et profonde.
Structure (fig. 13)
[23]
L'épicrâne est fait de trois feuillets se séparant au niveau des insertions musculaires périphériques : un feuillet superficiel identifié ou assimilé au fascia superficialis, lame porte-vaisseau ; un feuillet moyen tendineux qui fait suite aux fibres musculaires occipitofrontales ; un feuillet profond constitué des lames suprapériostiques et lame sousépicrânienne, relativement épais, et séparant le feuillet moyen de l'espace décollable dit de Merckel. Tous ces feuillets sont unis pour constituer la galéa et sont perforés de multiples orifices livrant passage aux éléments vasculaires et nerveux.
Galéa dans la région temporale
[1]
Du fait de la présence du muscle temporal et de l'arcade zygomatique, la terminaison de la galéa est imprécise et discutée suivant les auteurs. Le feuillet superficiel contient les vaisseaux temporosuperficiels. Le feuillet profond descend sur l'aponévrose temporale. Il se perd ensuite sous l'arcade zygomatique dans les téguments des régions massétérines et malaires, après avoir émis par sa face profonde des tractus fibreux s'insérant sur la face externe de l'arcade zygomatique et de l'aponévrose temporale. Certains auteurs décrivent la galéa en continuité avec le SMAS facial.
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MUSCLES DU PLAN SUPERFICIEL
Muscle peaucier ou platysma (fig. 9 et 14, no 24) Le platysma occupe la région antérieure et latérale du cou. Par ses extrémités, il s'étend sur la région pectorale et sur la région faciale. C'est un muscle large, très mince, irrégulièrement quadrilatère à grand axe vertical. Il s'insère : en bas, à la peau de la région pectorale supérieure ; en arrière, à l'aponévrose cervicale superficielle et aux aponévroses parotidienne et massétérine ; en haut, à la base de l'éminence mentonnière sur le bord inférieur de la mandibule, en remontant jusqu'à la ligne oblique externe ; à la peau de la commissure des lèvres et à la peau de la partie inférieure de la joue. Sa direction générale est légèrement oblique. Son bord antérieur est presque vertical, tandis que le bord postérieur est d'autant plus oblique que les faisceaux musculaires accessoires s'étagent sur une plus grande hauteur. Les deux platysma, convergeant l'un vers l'autre, se rencontrent par leurs bords antérieurs et s'entrecroisent sur la ligne médiane au-dessous du menton.
Rapports Le peaucier est engainé dans un fascia à deux feuillets que l'on peut considérer comme une émanation du fascia superficialis et qui s'unit avec lui au niveau des insertions thoraciques. Sa face antérieure est en rapport avec la peau. Sa face postérieure, également tapissée par son fascia, couvre une vaste étendue et des régions très différentes. Elle est en rapport avec l'aponévrose cervicale superficielle, dont elle est séparée par une couche de tissu cellulaire lâche, permettant le glissement du plan tégumentaire. Le bord antérieur rectiligne est la partie la plus épaisse, surtout en haut ; on le voit dans la contraction du muscle se détacher en relief vigoureux (signe de Babinski du cou). Le bord postérieur, très oblique, est mince et comme perdu dans le tissu cellulaire sous-cutané. La veine jugulaire antérieure, à son origine cutanée sous-mentale, est d'abord par-dessus le peaucier, puis elle perfore pour devenir sous-platysmale. La veine jugulaire externe est contenue sous le platysma en haut dans un dédoublement de la gaine du sternomastoïdien ; plus bas elle rampe sur l'aponévrose susclaviculaire. Les nerfs du plexus cervical superficiel et les ganglions lymphatiques sont également sous-jacents au platysma.
Action Le platysma soulève la peau du cou qui se tend au-devant du sternomastoïdien. Chez le vieillard, dont la mandibule, atrophiée, remonte vers le maxillaire supérieur, le platysma subit une certaine tension, qui lui fait abaisser et écarter
les angles des lèvres provoquant les plis d'amertume. Sur la face antérieure du cou en cas de fonte du tissu graisseux sous-cutané, il est responsable des fanons cervicaux. Le platysma est innervé par la branche cervicofaciale du VII.
Applications chirurgicales Le platysma constitue l'essentiel du SMAS et sa remise en tension est essentielle pour certains « liftings ». Il est le support vasculaire du lambeau musculocutané de Baron Tessier (fig. 15 et 16) .
Musculus risorius (risorius) (fig. 14, no 23) Le risorius est situé sur la partie moyenne de la joue. C'est un muscle toujours grêle, souvent extrêmement mince, de forme triangulaire à base postérieure. Il s'insère d'une part (insertion fixe), par sa base, à l'aponévrose parotidienne, d'autre part (insertion mobile), par son sommet, dans la peau de la commissure des lèvres. Il est tout à fait superficiel.
Action Le muscle de Santorini écarte les commissures et allonge la bouche dans le sens transversal. Il est un auxiliaire des muscles du rire.
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SYSTÈME MUSCULOAPONÉ VROTIQUE SUPERFICIEL OU SMAS Il s'agit d'une structure anatomique dont les éléments constituants ont fait l'objet de très nombreux travaux et publications. Initialement imaginé par Tessier [25], décrit et publié par Mitz et Peyronie en 1976 [20] il a été redécrit par de nombreux auteurs, tant français qu'anglo-saxons . Nous ne retiendrons que les points qui nous semblent majeurs et admis pour tous ou presque... Le SMAS est constitué essentiellement par le platysma et le risorius. Le SMAS est situé dans un dédoublement du fascia superficialis. Il émet des prolongements : vers le haut, vers la partie postérieure du muscle frontalis et le fascia temporal ; vers l'arrière, sur l'aire parotidienne adhérant fortement à la capsule glandulaire ; vers le bas dans le creux sus-claviculaire. En fait tout devient simple si on admet [8] qu'il est le reliquat musculaire du fascia superficialis, tapissant l'ensemble des téguments de l'individu et présent chez l'animal sous forme du pannicule charnu lui permettant de frissonner et de mobiliser sa peau par rapport aux plans profonds. Dès lors il est clair que le SMAS peut être décrit à tous les niveaux, mais le SMAS
« utile » et chirurgical doit être limité au platysma, au risorius et à leurs expansions immédiates. Le SMAS présente fibroaponévrotique.
donc
une
composante
active
musculaire
et
passive
L'intérêt chirurgical vient des adhérences à la peau par l'intermédiaire de septi fibreux unissant la face superficielle du SMAS à la face profonde du derme. Ainsi l'isolement chirurgical du SMAS au cours d'un « lifting » cervicofacial va permettre de tracter la peau en tractant le muscle (fig. 16). Le SMAS, à notre sens, doit donc être considéré comme un moyen de traction cutanée. Les limites de cette action seront liées aux adhérences aux plans profonds (points fixes orbitaire, mandibulaire, zygomatique) [13]. Le SMAS est innervé par le nerf facial qui l'aborde par sa face profonde ; sa dissection doit donc être particulièrement atraumatique pour le préserver. Inversement, le SMAS constitue une protection pour le nerf et la dissection des plans sous-cutanés bénéficiera de ce repère.
Références [1]
HASSAN ABUL, VON DRASEK ASCHER, ACLAND RD Surgical anatomy and blood supply of the fascial layers of the temporal region. Plast Reconstr Surg 1986 ; 77 : 17-24
[2]
BARRON JN, EMMET AJ Subcutaneous pedicle flaps. Br J Plast Surg 1965 ; 18 : 51-78
[3]
BELLAVOIR A. Anatomie des lèvres. In : Levignac ed. Chirurgie des lèvres. Masson. Paris. 1991 ; pp 3-9
[4]
CAIX P, GOIN JL, MODSCHIEDLER T « Total SMAS lift » ou le lifting facial profond par voie temporale : rapport préliminaire. Ann Chir Plast Esthet 1992 ; 37 : 67-74
[5]
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© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : 1. Musculus (m) frontalis ; 2. m orbicularis oculi ; 3. m levator labii superioris alaeque nasi ; 4. m levator labii superioris ; 5. m levator anguli oris ; 6. m zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 8. m masseter ; 9. m buccinator ; 10. m orbicularis labii ; 11. m depressor anguli oris ; 12. m depressor labii inferioris ; 13. m corrugator supercilii ; 14. m temporalis ; 15. m procerus ; 16. m compressor nasi ; 17. m levator mentis.
Fig 2 :
Fig 2 : 1. musculus (m) frontalis ; 2. m orbicularis oculi ; 3. m levator labii superioris alaeque nasi ; 4. m levator labii superioris ; 5. m levator anguli oris ; 6. m zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 9. m buccinator ; 10. m orbicularis labii ; 11. m depressor anguli oris ; 12. m depressor labii inferioris ; 13. m corrugator supercilii ; 14. m temporalis ; 15. m procerus ; 16. m compressor nasi ; 18. m auricularis anterior ; 18 bis. m temporalis superficialis ; 19. m auricularis superior ; 20. m auricularis posterior ; 21. m dilatator naris ; 22. m occipitalis ; 23. m risorius ; 24. m platysma.
Fig 3 :
Fig 3 : 1. musculus (m) frontalis ; 2. m orbicularis oculi ; 18. m auricularis anterior ; 18 bis. m temporalis superficialis ; 19. m auricularis superior ; 20. m auricularis posterior ; 22. m occipitalis ; 26. m galea.
Fig 4 :
Fig 4 : Scalp (vue supérieure). 1. musculus (m) frontalis ; 18. m auricularis anterior ; 18 bis. m temporalis superficialis ; 19. m auricularis superior ; 20. m auricularis posterior ; 22. m occipitalis ; 26. m galea.
Fig 5 :
Fig 5 : Musculus (m) orbicularis oculi. a. portion orbitaire ; b. portion palpébrale ; c. ligament externe ; d. faisceau musculaire interne ; e. canthus interne.
Fig 6 :
Fig 6 : 1. musculus (m) frontalis ; 2. m orbicularis oculi ; 6. m zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 13. m corrugator supercilii ; 15. m procerus ; 16. m compressor nasi ; 21. m dilatator naris ; 25. m depressor septi.
Fig 7 :
Fig 7 : Dissection anatomique de la région latérale superficielle de la face. - Les filets du nerf facial VII ont été disséqués et isolés. - Le muscle zygomatique major a été isolé.
Fig 8 :
Fig 8 : Plans profonds de la joue. a. canal de Sténon ; 5. musculus (m) levator anguli oris ; 9. m buccinator ; 10. m orbicularis labii.
Fig 9 :
Fig 9 : Dissection anatomique. Isolement du musculus depressor anguli oris.
Fig 10 :
Fig 10 : Lèvres, coupe antéropostérieure schématique. a. peau ; b. muqueuse ; 5. m levator anguli oris ; 10. m orbicularis labii ; 12. m depressor labii inferioris ; 27. m compressor labii.
Fig 11 :
Fig 11 : Muscles incisifs supérieurs et inférieurs.
Fig 12 :
Fig 12 : Constitution du modiolus. 5. musculus (m) levator anguli oris ; 6. m zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 10. m orbicularis labii ; 11. m depressor anguli oris ; 23. m risorius ; 24. m platysma ; 28. modiolus.
Fig 13 :
Fig 13 : Plans constituant le cuir chevelu (d, e, f). a. voûte osseuse crânienne ; b. périoste ; c. espace décollable de Merckel ; d. galéa ; e. fascia superficialis ; f. peau.
Fig 14 :
Fig 14 : Système musculoaponévrotique superficiel (en grisé) et plans musculaires profonds. 6. musculus (m) zygomaticus minor ; 7. m zygomaticus major ; 10. m orbicularis labii ; 11. m depressor anguli oris ; 23. m risorius ; 24. m platysma ; 28. modiolus.
Fig 15 :
Fig 15 : Malade présentant un dermato-fibrosarcome de Darrier et Ferrand. A. Lésion et plan de l'exérèse et de la reconstruction. B. Exérèse (avec vérification anatomopathologique extemporanée). C. Ascension du lambeau musculocutané du peaucier du cou. D. Lambeau en place ; fermeture du site donneur.
Fig 16 :
Fig 16 : Intervention pour lifting cervicofacial. - Le SMAS a été isolé sur ses deux faces jusqu'au sillon nasogénien. - La traction sur le SMAS mettra en tension la peau située plus en avant et va aider l'évaluation de la résection cutanée.
Stomatologie [22-001-B-30]
Système artériel cervico-maxillo-facial
Bernard Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, CHU Besançon, boulevard Fleming, 25000 Besançon France Jean-Michel Bugniet : Assistant hospitalo-universitaire Laboratoire d'anatomie, faculté de médecine de Besançon France
Résumé La connaissance des réseaux artériel, veineux et lymphatiques cervicoencéphaliques demeure en 1996 une priorité pour le chirurgien cervico-maxillo-facial. Les acquisitions thérapeutiques récentes autorisées par le développement des techniques d'imagerie moderne et des biomatériaux ne doivent pas demeurer des « audaces médicochirurgicales ». Les bases anatomiques, indispensables à la maîtrise de l'acte chirurgical, ne doivent pas plus être méconnues par les jeunes chirurgiens que rejetées par les plus confirmés. L'exposé des systèmes artériel, veineux et lymphatique cervicoencéphalique est basé sur l'anatomie topographique classique. Il en sera corrélé à la description des principales voies d'abord chirurgicales. © 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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SYSTÈME ARTÉ RIEL (FIG 1) La riche complexité du réseau artériel cervicoencéphalique est issue de deux systèmes, antérieur ou carotidien, et postérieur ou vertébro-subclavier. La crosse aortique constitue une véritable plate-forme de lancement qui, par une disposition asymétrique, émet des collatérales de premier ou de second ordre qui se répartissent en artères de transit (artères carotides internes, vertébrales) ou en artères de distribution (artères carotides externes, subclavières). Le polygone de Willis forme, à la base du crâne, le réceptacle du flux artériel issu des artères cervicoencéphaliques.
Nous décrirons successivement : l'artère carotide primitive (ACP) ; l'artère carotide interne (ACI) ; l'artère carotide externe (ACE) ; l'artère subclavière (ASC) ; l'artère vertébrale (AV) ; le réseau collatéral anastomosant ; les artères cervicoencéphaliques.
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ARTÈRE CAROTIDE PRIMITIVE OU ARTÈRE CAROTIDE COMMUNE
Origine (fig 1) Les ACP gauche et droite ont une origine distincte : il en résulte des divergences de trajet, de direction, de longueur et de rapports. L'ACP gauche naît de la portion horizontale de la crosse aortique entre le tronc artériel brachiocéphalique (TABC) et celui de l'ASC gauche, en situation thoracique. L'ACP droite naît de la bifurcation du TABC à la frontière du cou et du thorax (vestibule médiastinal).
Trajet et direction Dès sa naissance, l'ACP gauche chemine obliquement en haut et en dehors légèrement en arrière et parfois en avant. Puis, au niveau de l'articulation sternochondro-claviculaire, elle change de direction en même temps que de région pour affecter un trajet cervical vertical et ascendant. L'ACP droite est entièrement située dans la région cervicale antérieure dès sa naissance. Elle se dirige d'abord en haut et en dehors et devient progressivement verticale, parallèlement à l'ACP gauche. Les deux ACP sont alors situées de part et d'autre de la trachée, du larynx et du pharynx. Les ACP ne présentent aucune flexuosité. Si l'ACP droite est rectiligne, l'ACP gauche décrit une courbure discrète à concavité dirigée vers le dehors. L'ACP gauche excède en longueur l'ACP droite de la longueur du TABC (5 cm). Les différences de naissance et de trajet sont expliquées par l'embryologie car les ACP dérivent du troisième segment intermédiaire (portion d'aorte primitive ascendante comprise entre les extrémités antérieures des troisième et quatrième arcs aortiques). À gauche, le quatrième segment intermédiaire et le quatrième arc aortique forment la crosse aortique. À droite, le quatrième arc aortique donne naissance à l'ASC droite, alors que le quatrième segment intermédiaire forme le TABC. Ces notions expliquent que l'ACP gauche naisse directement de l'aorte.
Terminaison Les deux ACP se terminent au niveau d'un plan horizontal joignant le bord supérieur du cartilage thyroïde au bord inférieur de la quatrième vertèbre cervicale (C4). Elles bifurquent en deux branches terminales, les ACI et ACE. La bifurcation carotidienne est parfois située plus haut, entre le cartilage thyroïde et l'os
hyoïde, voire au-dessus de l'os hyoïde. Elle se rencontre parfois plus bas, au niveau du cartilage cricoïde.
Rapports Nous envisagerons les rapports des ACP successivement dans le thorax et dans le cou.
Rapports intrathoraciques de l'ACP gauche (fig 2) Dès son origine sur la convexité de la portion horizontale de la crosse, l'ACP gauche occupe une situation très en arrière du médiastin antérieur. Le TABC se trouve en avant et en dedans, l'ASC gauche est en arrière et en dehors. Les rapports de l'ACP gauche sont : en avant, le manubrium sternal par l'intermédiaire du thymus chez l'enfant ou son résidu chez l'adulte (corps de Waldeyer) ; le cul-de-sac médiastinocostal antérieur s'écarte pour former le triangle interpleural supérieur, en arrière duquel se trouve le tronc veineux brachiocéphalique gauche ; celui-ci, après avoir croisé l'ASC et le nerf phrénique gauches, vient horizontalement recouvrir l'ACP gauche ; entre artère et veine s'insinuent les nerfs cardiaques supérieurs issus du nerf pneumogastrique ; en arrière, l'ACP gauche se tient assez loin du plan prévertébral ; elle répond à l'ASC gauche et à l'origine de l'AV gauche d'une part, et au canal thoracique d'autre part ; ce dernier décrit un trajet d'abord vertical à gauche de la ligne médiane en montant derrière l'oesophage ; puis, il croise l'oesophage à son bord gauche pour se porter en arrière et en dedans de l'ASC gauche ; il se déplace en avant et en haut, se rapproche de l'ACP gauche et s'engage entre cette dernière en dedans et l'ASC gauche en dehors, avant de décrire sa crosse ; en dedans, l'ACP gauche répond d'avant en arrière : au TABC qui s'en écarte ; à la trachée et à l'angle dièdre trachéo-oesophagien qui contient le nerf récurrent gauche, sa chaîne ganglionnaire et l'artère oesophagotrachéale ; en dehors, l'ACP gauche entre en rapport avec la plèvre médiastine et le poumon gauche à sa face interne par l'intermédiaire du nerf pneumogastrique ; ce dernier est d'abord postérieur à l'ACP gauche, puis il croise sa face externe pour passer devant l'artère et rejoindre la face antérolatérale gauche de la crosse aortique ; il abandonne alors le nerf récurrent gauche ; la veine intercostale supérieure gauche croise l'ACP gauche en dehors, dans sa portion horizontale ; l'ACP gauche forme la limite antérieure du quadrilatère de Bourgery, qui reconnaît comme limites supérieure la veine intercostale supérieure gauche et inférieure la crosse de l'aorte, et en arrière l'ASC gauche ; enfin, le nerf phrénique et les vaisseaux diaphragmatiques constituent des rapports plus lointains en avant et en dehors.
Rapports intrathoraciques de l'ACP droite Son origine se trouve en avant du vestibule médiastinal, en arrière de l'articulation sterno-chondro-claviculaire dont elle est séparée par le confluent veineux de Pirogoff (terminaison de la veine jugulaire interne [VJI]). L'ACP droite est alors repérée par l'interstice séparant les deux chefs sternal et claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Elle répond essentiellement à la trachée en dedans qui en est plus proche que de l'ACP gauche. En dehors, l'ACP droite entre en rapport avec l'ASC droite dont elle s'éloigne et avec l'AV droite. Le nerf pneumogastrique droit croise la face externe de l'ACP droite pour rejoindre la face antérieure de l'ASC droite où il abandonne son rameau récurrent. Le nerf pneumogastrique droit passe entre l'ACP droite en
dedans et l'AV droite en dehors.
Rapports des ACP dans le cou Les ACP gauches et droites affectent dans le cou des rapports sensiblement analogues. Les différences rapportées dans la portion thoracique s'estompent progressivement : les ACP vont cheminer de chaque côté des axes trachéooesophagien, puis laryngopharyngé, occupant les régions carotidiennes. Chaque ACP est enfermée dans un espace prismatique triangulaire à la coupe, appelé gouttière carotidienne. Nous décrirons ses rapports avec les parois et le contenu de cette gouttière.
Rapports avec les parois de la gouttière carotidienne (fig 3) Nous décrirons trois parois : postérieure, interne et antéroexterne. La paroi postérieure de cette gouttière est ostéomusculaire : elle est constituée des apophyses transverses des vertèbres cervicales dont le plan est matelassé par les muscles prévertébraux. L'ACP repose devant les apophyses transverses, en dedans de leurs tubercules antérieurs, dans la concavité tendue entre les spondyles et les tubercules précités. Le tubercule de la septième vertèbre cervicale marque le début de l'ascension de l'AV le long du rachis dans les trous transversaires, accompagnée de la veine vertébrale [VV] et par le nerf vertébral, pour cheminer en arrière et en dehors de l'ACP homolatérale. Le tubercule antérieur de la sixième vertèbre cervicale ou tubercule de Chassaignac est plus saillant et surplombe la septième apophyse. Les muscles prévertébraux sont en avant, les muscles de la flexion (muscles long du cou et grand droit antérieur de la tête) recouverts par l'aponévrose prévertébrale ; latéralement sont les muscles de l'inclinaison (muscles droits latéraux, intratransversaires et scalènes), tapissés par l'aponévrose préscalénique. Le nerf phrénique et les collatérales musculaires de l'artère cervicale ascendante cheminent dans l'épaisseur de cette aponévrose. Le sympathique cervical chemine contre l'aponévrose prévertébrale : il présente au niveau du tubercule de Chassaignac un ganglion cervical moyen inconstant. L'artère thyroïdienne inférieure, branche de l'ASC, se place entre la paroi postérieure ostéomusculaire et l'ACP. Elle affecte un trajet transversal de dehors en dedans et se dirige vers la face antérieure du muscle scalène antérieur. Elle se coude sous le tubercule de Chassaignac pour se diriger en bas et en dedans. Elle décrit ainsi une boucle devant l'AV pour contracter des rapports intimes avec la chaîne sympathique. Puis, elle dessine une deuxième courbe concave en avant, en dehors et un peu en haut, à la face profonde de l'ACP pour redresser sa trajectoire sur la convexité du paquet vasculonerveux. La paroi interne de cette gouttière est viscérale. Elle est constituée par les viscères du cou en avant de la trachée et du larynx, qui sont étroitement proches de l'ACP droite. Le plan postérieur est représenté par l'oesophage et la face latérale du pharynx. Ceux-ci sont légèrement déjetés sur la gauche, le muscle constricteur inférieur du pharynx étant en rapport étroit avec l'ACP gauche. La paroi est complétée par les lobes latéraux du corps thyroïde, recouverts par les muscles sternothyroïdien et sterno-cléido-hyoïdien. En arrière, les cloisons sagittales de Charpy unissent les bords de l'oesophage à l'aponévrose prévertébrale. Dans l'angle trachéo-oesophagien chemine le nerf récurrent gauche accompagné de la chaîne lymphatique récurrentielle : à droite, le nerf récurrent est moins profond. Il atteint la trachée au niveau de son sixième anneau. Les ACP sont parallèles à la trachée dans cette loge, à 12 mm à droite et 10 mm à gauche de cette dernière. Les viscères cervicaux sont opératoirement indépendants du paquet vasculonerveux car leur gaine (viscérale) est bien individualisable de la gaine vasculaire. La paroi antéroexterne de cette gouttière est musculaire. Les plans juxtaposés de cette paroi constituent des plans de couverture de l'ACP et de sa bifurcation.
Le trajet de l'artère carotide primitive se projette sur la peau en une ligne oblique en haut, en dehors et en arrière : elle unit l'épiphyse claviculaire antérieure à la région rétromandibulaire comprise entre l'angle de la mandibule en avant et la mastoïde en arrière. L'incision opératoire épouse cette ligne sur le bord antérieur du muscle sternocléido-mastoïdien. La dissection reconnaît successivement les téguments, le tissu cellulaire sous-cutané, le platysma enveloppé par le fascia superficialis. On retrouve alors les branches du plexus cervical transverse et la branche suprasternale. Les veines superficielles sont représentées par la veine jugulaire externe (VJE), qui surcroise le bord externe du muscle sterno-cléido-mastoïdien, et par la veine jugulaire oblique antérieure de Kocher, qui longe le bord antérieur du même muscle. Le plan charnu du muscle sterno-cléido-mastoïdien est postérieur : ce dernier est compris entre deux feuillets de l'aponévrose cervicale superficielle dédoublée. Son orientation est oblique en haut, en arrière et en dehors, croisant le trajet de l'ACP qui est vertical. Le muscle sterno-cléido-mastoïdien constitue le muscle satellite de l'ACP. Sur un plan plus postérieur se trouve le muscle omohyoïdien qui croise l'artère à sa partie moyenne pour se diriger obliquement en arrière et en dehors. Il limite l'ACP en deux portions : la portion subomohyoïdienne est dangereuse pour le chirurgien en raison du risque de conflit avec les gros vaisseaux de la base du cou. La portion supraomohyoïdienne est dite chirurgicale car de dissection plus aisée.
Rapports avec le contenu de la gouttière carotidienne (fig 4) Les organes présents dans la gouttière carotidienne définissent le pédicule vasculonerveaux jugulocarotidien. Ce dernier comprend la VJI en dehors, l'ACP en dedans et le nerf vague ou X, qui siège dans l'angle dièdre postérieur constitué par ces deux vaisseaux. Dans son trajet de haut en bas, la VJI tend à déborder l'artère par devant, pour se retrouver franchement antérieure par rapport à l'ACP à la base du cou. Ces trois organes sont enveloppés dans une gaine conjonctive commune ou gaine vasculaire du cou. L'artère et la veine sont cependant séparées l'une de l'autre par le septum de Langenbeck, cloison celluleuse conjonctive. Les rapports de la face externe de la gaine vasculaire contre la veine jugulaire interne sont représentés par les ganglions lymphatiques de la chaîne jugulaire interne, ou ganglions cervicaux profonds. Le plus volumineux est le ganglion supraomohyoïdien de Poirier, au-dessus du tendon intermédiaire du muscle homonyme. Les ganglions antérieurs et postérieurs de la même chaîne sont en rapport avec l'ACI. On retrouve la branche descendante de l'hypoglosse en avant de l'ACP : elle s'unit à la branche descendante interne du plexus cervical profond pour former l'anse de l'hypoglosse qui émet des rameaux destinés aux muscles subhyoïdiens. Cette anse est située au-dessus du croisement du pédicule vasculonerveux pour le muscle omohyoïdien. En avant de l'ACP, se trouve la face postérieure du lobe latéral thyroïdien homolatéral. Ce dernier est creusé d'une gouttière verticale par l'artère, où la gaine périthyroïdienne adhère intimement à la gaine vasculaire (la libération de ces adhérences constitue un temps important des thyroïdectomies). L'artère thyroïdienne inférieure atteint le pôle inférieur du lobe latéral autour du nerf récurrent après avoir dessiné une double courbure en S qui la porte successivement en arrière, puis en dedans de l'ACP. L'artère thyroïdienne supérieure aborde le pôle supérieur du lobe thyroïdien en passant en dedans, puis en avant de l'ACP. Elle émet trois branches terminales. Les veines thyroïdiennes supérieure, moyenne et inférieure précroisent l'ACP avant de grossir respectivement les veines jugulaire interne, thyro-linguo-faciale et le tronc veineux brachiocéphalique. Elles représentent par leur taille trois pédicules constituants veineux des ligaments latéraux externes de la thyroïde (Gérard-Marchant). Les
nerfs
cardiaques
supérieurs
du
vague
et
moyen
du
sympathique
accompagnent l'ACP les uns en avant, les autres en arrière. Le canal thoracique décrit une crosse à concavité inférieure et antérieure pour se jeter au niveau du confluent de Pirogoff dans la veine sous-clavière (VSC) gauche : il enjambe ce faisant l'ASC gauche et croise en arrière et en dehors l'ACP gauche. Le canal thoracique pénètre alors dans un quadrilatère vasculaire orienté obliquement vers l'avant et le dehors, limité en bas par l'ASC gauche préscalénique, en haut par l'artère thyroïdienne inférieure, en avant et en dedans par l'ACP et le nerf pneumogastrique, et en arrière et en dehors par l'artère et la veine vertébrales.
Terminaison de l'ACP (rapports) Les derniers centimètres de l'ACP sont en rapport étroit avec la paroi pharyngée en avant et en dedans. Celle-ci est constituée par le muscle constricteur inférieur du pharynx recouvert par l'aponévrose latérale homonyme. L'ACP répond également en avant et superficiellement au bord antérieur du muscle sternocléido-mastoïdien et à la bandelette maxillaire de Charpy, qui unit ce dernier à l'angle de la mandibule. En dedans, l'ACP entre en rapport avec la corne du cartilage thyroïde et la membrane thyrohyoïdienne. En arrière et en dedans du plan artériel se trouve le corpuscule rétrocarotidien d'Arnold, ou glomus carotidien. Il est souvent situé au-dessus de la bifurcation, son pôle inférieur s'unissant à la fourche carotidienne par l'intermédiaire du petit ligament de Mayer dans lequel cheminent les rameaux glomiques. Enfin, l'ACP répond en dehors et en avant à la terminaison du tronc veineux thyro-linguo-facial dans la VJI au niveau de l'angle inférieur du triangle de Farabeuf.
Calibre Les ACP ont un calibre moyen d'environ 9 à 10 mm. Leur portion terminale est le siège d'une dilatation fusiforme, le bulbe ou sinus carotidien. Elle est prolongée sur la naissance des deux branches terminales, plus volontiers sur l'ACI que sur l'ACE. Il s'agit d'une zone intervenant dans la régulation tensionnelle par l'intermédiaire de barorécepteurs pariétaux.
Distribution et division L'ACP est une artère de transit dont le flux sanguin est réservé à ses deux branches terminales ; l'ACE se trouve en position antéro-interne à la naissance : elle vascularise la face, le cou, la boîte crânienne et la dure-mère. L'ACI naît en situation postéroexterne : elle traverse le cou sans abandonner de collatérales, pour assurer la vascularisation de l'encéphale. L'ACP fournit quelques branches au corpuscule carotidien ou rameaux glomiques.
Variations anatomiques L'ACP peut se terminer en une bifurcation comprenant, outre les ACI et ACE, une artère thyroïdienne supérieure. Testut cite également la possibilité de bifurcation avec des artères pharyngienne inférieure, thyroïdienne inférieure ou laryngée. Enfin, l'ACP peut ne pas se bifurquer et gagner le sinus caverneux en abandonnant au fur et à mesure de son trajet les branches habituelles de l'ACE.
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ARTÈRE CAROTIDE EXTERNE ET SES COLLATÉ RALES
Artère carotide externe (fig 5) Origine L'ACE constitue la branche antéro-interne de l'ACP, le plus souvent au niveau du plan horizontal joignant le bord supérieur du cartilage thyroïde à l'apophyse transverse de la C4.
Trajet et direction L'ACE affecte un trajet d'ensemble en forme de S qui, à partir de sa situation antérieure et interne initiale, la conduit en haut et en dehors. Chemin faisant, elle croise les faces antérieure, puis externe, de l'ACI pour se diriger verticalement dans la gouttière carotidienne vers l'angle de la mandibule. Elle traverse alors les muscles du bouquet de Riolan pour rejoindre la parotide au travers de la région sous-parotidienne antérieure. Elle pénètre enfin dans la glande pour bifurquer en deux branches terminales. L'artère temporale superficielle adopte la même direction, alors que l'artère maxillaire interne est oblique à angle droit. Le trajet de l'ACE est divisé en trois segments : cervical, sous-angulomaxillaire ou sous-digastrique, et intraparotidien. Elle est d'abord un élément de la gouttière carotidienne jusqu'au ventre postérieur du muscle digastrique (segment cervical) où elle décrit une courbe à convexité externe. Passant sous le ventre postérieur du muscle digastrique, elle dessine une courbe à convexité interne, qui la rapproche de la paroi latérale du pharynx.
Terminaison L'ACE se bifurque en artère temporale superficielle et maxillaire interne dans la glande parotide, en regard du bord postérieur du col du condyle mandibulaire. Plus rarement, la bifurcation est décrite sous la glande, derrière la branche montante de la mandibule, au-dessus de l'angle de la mâchoire.
Rapports Ils sont étudiés le long du trajet de l'ACE et divisés en trois régions : la région cervicale correspond à la portion artérielle comprise entre l'origine et le ventre postérieur du muscle digastrique ; l'artère siège dans la gouttière carotidienne ; elle est superficielle et facilement accessible au geste chirurgical ; la seconde région répond au passage de l'ACE sous le ventre postérieur du muscle digastrique et le muscle stylohyoïdien ; elle traverse alors le diaphragme stylien pour gagner l'espace subparotidien antérieur en quittant la région carotidienne ; dans la troisième région, l'artère appartient à l'espace subparotidien antérieur et à la loge parotidienne ; dans ces seconde et troisième régions, l'ACE est profonde et mal accessible.
Rapports à l'origine de l'ACE Dès leur origine, les ACI et les ACE adoptent un trajet divergent. L'ACE est placée en avant et en dedans de l'ACI. Tout au long de son trajet oblique en haut et en dehors, l'ACE contourne l'ACI en avant pour adopter une situation externe. Les deux artères carotides sont unies par le ligament intercarotidien de Rieffel, qui constitue une lame conjonctive vasculaire intercarotidienne. Le glomus carotidien est placé en arrière de la bifurcation de l'ACP et de l'origine de l'ACE. Il est relié à ces deux artères par une formation conjonctive, le ligament de Mayer. Les veines du pôle supérieur du glomus se glissent entre les deux artères pour rejoindre le tronc veineux thyro-linguo-facial ou les veines pharyngées. Le plexus intercarotidien d'Arnold est constitué par la confluence de rameaux nerveux issus du ganglion cervical supérieur du système sympathique, du ganglion plexiforme ou de sa branche ascendante. L'origine de l'ACE est accolée en dedans à la membrane thyrohyoïdienne et au muscle constricteur inférieur du pharynx (paroi pharyngée).
Rapports de la région cervicale (fig 1) L'ACE chemine dans la gouttière carotidienne : elle contracte des rapports avec les parois et le contenu de cette gouttière.
Rapports avec les parois de la gouttière carotidienne Ils ont été détaillés avec les rapports de l'ACP : nous rappellerons que la gouttière carotidienne affecte une forme triangulaire, prismatique. Elle présente trois parois à la description, respectivement externe, interne et postérieure. La paroi externe (couvercle de la région carotidienne) est revêtue des plans de couverture. On reconnaît successivement la peau, le platysma, le tissu cellulaire sous-cutané et le fascia superficialis traversé par des vaisseaux et nerfs superficiels (branche cervicale transverse du plexus cervical superficiel, branche cervicofaciale de la septième paire). La VJE croise la face externe du muscle sterno-cléido-mastoïdien : elle envoie une branche à la veine jugulaire antérieure [VJA] qui longe le bord antérieur du muscle. Ce dernier, compris dans un dédoublement de l'aponévrose cervicale superficielle, constitue à lui seul la paroi externe de la gouttière carotidienne. Sa bandelette d'insertion faciale à la mandibule, ou bandelette de Charpy, recouvre en effet les vaisseaux carotidiens. La paroi interne est constituée par l'os hyoïde et la membrane thyrohyoïdienne. En arrière, elle est représentée par les muscles constricteurs moyen et inférieur du pharynx, doublés de l'aponévrose latérale du pharynx. La paroi postérieure est plus éloignée de l'ACE. Elle est représentée par les apophyses transverses cervicales et les muscles prévertébraux, doublés par l'aponévrose cervicale profonde devant laquelle on rencontre le cordon du sympathique cervical.
Rapports avec le contenu de la gouttière carotidienne successivement, de dehors Nous décrirons celluloganglionnaire, veineux, nerveux et artériel.
en
dedans,
les
plans
Le plan celluloganglionnaire, situé sous le muscle sterno-cléidomastoïdien, regroupe en une lame ganglionnaire les nombreux ganglions de la chaîne jugulaire interne (ganglions cervicaux profonds). Le plus volumineux d'entre eux, ou ganglion de Küttner, est situé sous le ventre postérieur du muscle digastrique. Le plan veineux est constitué par la VJI qui chemine en arrière et en dehors de l'ACE, en recouvrant l'ACI. La face antérieure de la VJI reçoit trois collatérales importantes : les veines facile, linguale et thyroïdienne supérieures. Ces trois veines peuvent se jeter isolément dans la jugulaire en
croisant séparément l'ACE : le plus souvent, elles confluent pour former un court tronc commun, le tronc veineux thyro-linguo-facial. Ce dernier croise sous l'os hyoïde les premières branches de l'ACE et, cheminant en bas et en arrière, rejoint la VJI sous le cartilage thyroïde. Les veines pharyngiennes participent parfois à la constitution de ce tronc veineux, qui devient alors thyro-linguo-pharyngo-facial. Le plan nerveux est constitué par le nerf vague (X) et le nerf grand hypoglosse (XII). Le premier est situé dans l'angle dièdre postérieur jugulocarotidien : il est séparé de l'ACE par l'ACI. Le nerf grand hypoglosse passe au contact de l'ACE et de ses branches qu'il croise en dehors. Il décrit une courbe à convexité inférieure au niveau de l'artère occipitale, la courbe de l'hypoglosse. La VJI en arrière, le tronc veineux thyro-linguo-facial en avant et le nerf grand hypoglosse en haut délimitent un triangle à sommet inférieur, le triangle de Farabeuf. Le plan artériel s'inscrit dans l'aire du triangle de Farabeuf : il est constitué par l'ACE et l'émergence antérieure de ses premières collatérales (thyroïdienne supérieure, linguale, faciale et occipitale). L'artère thyroïdienne supérieure est souvent masquée par le tronc veineux thyro-linguo-facial. Elle se dirige en bas et en avant en décrivant une courbe à convexité supérieure. L'artère linguale décrit une courbe à courbe à concavité supérieure vers l'os hyoïde. L'artère faciale, plus haut située, rejoint le ventre postérieur du digastrique en traversant obliquement, d'arrière en avant et de bas en haut, le triangle de Farabeuf. L'artère occipitale se détache de la face postérieure de l'ACE et affecte un trajet vers l'arrière, en haut et en dehors. Le nerf grand hypoglosse abandonne sa branche descendante en avant de l'ACI, et le nerf du muscle thyrohyoïdien en avant de l'ACE. Le nerf laryngé supérieur croise l'ACE au niveau de l'os hyoïde. Enfin, le plexus carotidien externe est constitué de fins rameaux nerveux issus du nerf vague et du ganglion cervical supérieur du sympathique cervical.
Rapports sous le ventre postérieur du digastrique Au niveau du ventre postérieur du digastrique, l'ACE traverse le diaphragme stylien pour pénétrer dans l'espace subparotidien antérieur. Elle franchit ainsi le bouquet de Riolan (ligament et muscle stylohyoïdiens, muscle styloglosse et ligament stylomaxillaire), qui l'isole de la paroi pharyngée. L'ACE gagne alors l'espace subparotidien antérieur, alors que l'ACI, dont elle n'est séparée que par le diaphragme stylien, monte dans l'espace subparotidien postérieur. L'ACE décrit alors un coude pour rejoindre le pharynx dans la région paraamygdalienne. Elle répond à l'amygdale palatine, au nerf glossopharyngien et au rameau lingual du facial.
Rapports parotidiens L'ACE pénètre dans la région parotidienne et se plaque à la face postérieure de la glande en formant une gouttière. Puis, elle s'enfonce dans la glande à sa jonction tiers inférieur - deux tiers supérieurs, en se dirigeant vers le condyle mandibulaire, pour donner naissance à ses deux branches terminales. Dans la région parotidienne, l'ACE répond à un plan veineux profond et un plan nerveux superficiel. Le plan veineux est constitué de la VJE et de ses branches d'origine (veines maxillaire interne, temporale superficielle, auriculaire postérieure et occipitale). L'ACE est parfois entourée de fins rameaux veineux grêles, les veines carotides externes, qui rejoignent le tronc thyro-linguo-facial. Le plan nerveux correspond aux nerfs facial, auriculotemporal et au rameau parotidien du plexus cervical superficiel. L'ACE est entourée du plexus carotidien externe, parfois associé, dans le voisinage de l'artère auriculaire postérieure, au ganglion sympathique « de Scarpa ».
Branches collatérales de l'ACE (fig 6)
[6]
L'ACE donne habituellement naissance à six branches collatérales principales. On décrit, de bas en haut, les artères : thyroïdienne supérieure ; linguale ; faciale ; pharyngienne ascendante ; occipitale ; auriculaire postérieure. L'ACE donne naissance également à des branches inconstantes ou accessoires. Nous retiendrons les artères palatine ascendante, laryngée supérieure, musculaires du cou (sterno-cléido-mastoïdien, stylohyoïdien, ventre postérieur du digastrique et masséter) et l'artère accessoire de la glande submandibulaire.
Artère thyroïdienne supérieure (fig 7) Origine Cette artère, dont les ramifications se rendent au larynx et au corps thyroïde, naît au niveau ou un peu au-dessus de la bifurcation de la carotide primitive, parfois même de ce vaisseau ; plus rarement, elle se détache d'un tronc commun avec la linguale. Elle se porte d'abord transversalement en avant et légèrement en bas ; après un trajet de 5 à 10 mm, elle se courbe pour se diriger presque verticalement en bas, vers le lobe correspondant du corps thyroïde, dans lequel elle se termine. Dans sa portion descendante, elle est recouverte par l'omohyoïdien et le sternothyroïdien. Son calibre, toujours considérable, est en raison inverse de celui des autres thyroïdiennes et en rapport direct avec le volume du corps thyroïde.
Branches collatérales Dans sa première portion horizontale, l'artère throïdienne supérieure donne : un rameau subhyoïdien qui suit le bord inférieur de l'os hyoïde et se ramifie dans les muscles qui s'insèrent à cet os ; la branche sternomastoïdienne moyenne, très grêle, qui pénètre dans le bord antérieur du muscle où elle se termine ; elle peut naître directement de la carotide externe ; l'artère laryngée supérieure, qui constitue une véritable branche de bifurcation ; elle naît de la courbure formée par la portion horizontale avec la portion descendante de l'artère thyroïdienne supérieure, s'engage sous le muscle thyrohyoïdien, traverse la membrane thyrohyoïdienne avec le nerf laryngé supérieur, et se divise dans le larynx en rameaux ascendants et rameaux descendants, qui se distribuent aux muscles et à la muqueuse du larynx, de l'épiglotte et de la base de la langue ; l'artère laryngée inférieure ou cricothyroïdienne ; de volume assez grêle qui se porte transversalement au-devant de la membrane cricothyroïdienne et s'anastomose sur la ligne médiane avec celle du côté opposé.
Branches terminales L'artère thyroïdienne supérieure aborde le corps thyroïde par le sommet de son lobe latéral et se divise en trois branches terminales : une branche externe, qui longe le côté du lobe latéral ; une branche interne, qui s'infléchit en dedans pour suivre le bord
supérieur de la glande ; une branche postérieure, qui gagne la face postérieure de la glande, sur les côtés de la trachée. Toutes ces branches sont flexueuses et donnent naissance à de nombreux rameaux qui s'anastomosent dans l'épaisseur du corps thyroïde, entre eux, avec les rameaux venus de la thyroïdienne inférieure du même côté et avec les rameaux des deux thyroïdiennes du côté opposé.
Artère linguale (fig 8) Origine L'artère linguale naît de la carotide externe près de la grande corne de l'os hyoïde, généralement à 1 cm au-dessus de l'artère thyroïdienne supérieure.
Trajet Elle se porte en haut et en dedans, recouverte par le ventre postérieur du digastrique, le nerf grand hypoglosse et la veine linguale ; elle atteint ainsi le bord postérieur du muscle hypoglosse et s'engage sous sa face profonde. Reposant sur les muscles constricteur moyen du pharynx et génioglosse, elle est recouverte par l'hyoglosse, le nerf grand hypoglosse accompagné des veines linguales, la glande submandibulaire et la peau. Au niveau de la grande corne de l'os hyoïde, la linguale donne un rameau suprahyoïdien qui suit la face supérieure de l'os. Sous la face profonde du muscle hypoglosse, l'artère linguale donne une branche importante, la dorsale de la langue, qui monte se ramifier dans la muqueuse de la base de la langue et envoie souvent des rameaux en bas vers l'épiglotte, en haut vers les piliers : la dorsale de la langue naît ordinairement au point où le digastrique croise le trajet de l'artère linguale : la circulation n'y est donc pas arrêtée en cas de ligature de la linguale dans le triangle hypo-glossohyoïdien (triangle de Pirogoff) ; pour obtenir une hémostase complète de la langue, il faut lier la linguale à son origine même dans le triangle, dit triangle de Béclard.
Terminaison Arrivée au bord antérieur du muscle hypoglosse, l'artère linguale se bifurque en artère sublinguale et artère ranine. L'artère sublinguale se dirige en avant dans le sillon que délimitent le mylohyoïdien en dehors, le géniohyoïdien et le génioglosse en dedans ; elle est située en dehors du canal de Wharton et s'engage avec lui sous la face profonde de la glande sublinguale : les rameaux du nerf lingual croisent en remontant sa face interne. La plus grande partie de ses branches se terminent dans la glande sublinguale, les autres se distribuent aux fibres du génioglosse ou remontent dans la muqueuse gingivale qui revêt la face interne du maxillaire inférieur. L'artère ranine, grosse de 1,5 à 2 mm (Krause), monte entre les muscles génioglosse et lingual inférieur, accompagnée des deux veines linguales profondes, passe au-dessous du nerf lingual, et se dirige vers la pointe de la langue en décrivant des sinuosités nombreuses. Dans la partie moyenne de la langue, l'artère linguale profonde est éloignée de 1,5 cm du dos de l'organe. Dans ce trajet, l'artère donne des rameaux destinés aux muscles et à la muqueuse : les uns descendants, plus minces, les autres ascendants, se dirigeant obliquement en haut et presque alternativement en dedans et en dehors. Vers la base de la langue et au-dessus du septum, il existe de nombreuses anastomoses entre les rameaux musculaires superficiels et muqueux. Au-dessus du frein, une branche constante de 1 mm de diamètre forme une anastomose arciforme avec la branche
analogue du côté opposé, l'arc ranin, dont quelques fins ramuscules vont à la muqueuse du frein. En pratique, la ligature d'une artère linguale permet une chirurgie relativement peu hémorragique du côté homolatéral ; une infiltration de vasoconstricteur local peut parfois s'y substituer.
Artère faciale ou maxillaire externe (fig 9) Origine L'artère faciale, remarquable par son volume et ses flexuosités, naît de la face antérieure de la carotide externe, à quelques millimètres au-dessus de l'origine de l'artère linguale, parfois au même point que celle-ci, ou par un tronc commun.
Trajet Elle se porte en avant et en haut, contournant la glande submandibulaire et le bord du maxillaire, sur lequel elle apparaît au-devant du masséter et se dirige alors obliquement vers le sillon nasolabial, puis dans la vallée nasogénienne.
Terminaison Elle se termine en s'anastomosant avec la controlatérale sur le dos du nez.
Rapports À son origine, l'artère est profondément située, comme l'artère linguale : recouverte par le bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien, elle est au-dessous du digastrique et du stylohyoïdien, au-dessus de l'artère linguale, qui lui est presque parallèle, et du nerf hypoglosse ; elle est accompagnée de la veine faciale, plus superficielle. Plus haut, l'artère s'engage sous la face profonde des muscles digastrique et stylohyoïdien, presque au contact de la paroi pharyngienne, formée à ce niveau par le constricteur moyen. Au-dessus du digastrique, l'artère décrit une courbe à concavité inférieure qui la conduit sous le bord inférieur du maxillaire. L'arc, l'étendue et la forme de cette courbe sont des plus variables. Dans la partie terminale de sa courbure, la faciale contourne le bord supérieur de la glande submandibulaire, creusant une encoche, parfois très profonde, dans le tissu glandulaire. L'étendue des rapports de l'artère avec la glande varie suivant la forme et le rayon de la courbe. Arrivée sur le bord inférieur de la mandibule, la faciale monte sur la face externe de cet os, parallèlement au bord antérieur du masséter, recouverte à ce niveau par le peaucier et la peau. Puis, elle se dirige obliquement en avant et en haut, vers l'aile du nez et la vallée nasogénienne. Dans cette dernière partie de son trajet, elle repose sur le buccinateur, le canin et le transverse du nez ; elle est recouverte par le peaucier, le triangulaire des lèvres, le grand et le petit zygomatique qui la croisent obliquement, et enfin par l'élévateur de la lèvre supérieure et quelques rameaux du facial. La veine faciale est située en arrière et en dehors de l'artère ; elle forme la corde de l'arc que décrit celle-ci. C'est ordinairement entre les deux vaisseaux que l'on trouve les ganglions lymphatiques géniens.
Branches collatérales
L'artère faciale donne, de bas en haut : la palatine inférieure ou ascendante : cette branche naît parfois du tronc même de la carotide ; elle passe sous les muscles styliens, appliqués sur la paroi pharyngienne, et se rend au voile du palais, à l'amygdale (artères tonsillaires) et jusqu'à la trompe d'Eustache ; l'artère submentale [9] : plus volumineuse que la précédente, elle naît de la faciale au niveau du bord inférieur du maxillaire, et se dirige horizontalement en avant : appliquée sur la face interne de l'os, elle suit les attaches du mylohyoïdien jusqu'aux insertions du digastrique ; la submentale affecte un rapport important avec le bord supérieur de la glande submandibulaire, logé dans l'angle dièdre formé par la face interne de la mâchoire et la face externe du mylohyoïdien ; la submentale donne des rameaux à la glande submandibulaire et au mylohyoïdien ; des rameaux externes, qui contournent le bord inférieur du maxillaire, irriguent la peau, le peaucier et s'anastomosent avec les branches terminales (mentonnières) de l'alvéolaire inférieure ; ces branches montent jusqu'à la lèvre ; les branches ptérygoïdiennes : grêles, elles se détachent de la faciale, au moment où celle-ci contourne les insertions inférieures du muscle ptérygoïdien interne et s'épuisent dans ce muscle ; les branches massétérines : généralement petites, elles abordent le muscle par son bord antérieur ; les artères coronaires labiales : au nombre de deux, une inférieure, une supérieure, les coronaires naissent de la faciale au niveau de la commissure des lèvres ; elles cheminent, flexueuses, dans l'épaisseur des lèvres et vont s'anastomoser sur la ligne médiane, avec les coronaires labiales du côté opposé, formant ainsi un cercle artériel complet autour de l'orifice buccal ; les rameaux faciaux : sur son trajet facial, l'artère émet des rameaux qui vont aux muscles et aux téguments de la région, en s'anastomosant avec les rameaux de la temporale superficielle (artère transverse de la face) et de la maxillaire interne (artères buccale, suborbitaire, alvéolaire) ; l'artère de l'aile du nez : d'un volume variable, elle naît du tronc facial à la hauteur de la narine, et se divise en deux rameaux : l'un, inférieur, suit le bord externe de l'orifice de la narine ; l'autre, supérieur, ascendant, longe le bord supérieur de l'aile du nez ; du rameau inférieur naît parfois l'artère de la souscloison, quand elle n'est pas fournie par l'arcade des coronaires supérieures ; l'artère de l'aile du nez s'anastomose avec l'artère coronaire supérieure et avec l'artère nasale, branche de l'ophtalmique ; elle constitue souvent la branche terminale de la faciale, qui donne alors un rameau insignifiant, montant dans le sillon nasogénien [7].
Branche terminale Très réduite après l'émission des branches précitées, la faciale (devenue l'artère angulaire) monte sur les faces latérales du nez, donne quelques ramuscules aux muscles et aux téguments voisins, et se termine en s'anastomosant avec la branche nasale de l'ophtalmique et avec son équivalent venu du côté opposé, formant alors l'arcade dorsale du nez.
Artère pharyngienne ascendante Cette artère naît de la face interne et postérieure de la carotide, au voisinage de l'origine de la faciale et de la linguale ; elle monte verticalement, appliquée sur le pharynx. C'est essentiellement une artère du pharynx.
Artère auriculaire postérieure (fig 5) L'auriculaire postérieure, qui se rend au pavillon de l'oreille et à la partie avoisinante du cuir chevelu, naît de la face postérieure de la carotide ; elle naît parfois d'un tronc commun avec l'occipitale.
L'auriculaire postérieure se dirige en haut et un peu en arrière, suivant le bord supérieur du muscle digastrique, appliquée sur la face externe du muscle stylohyoïdien ; puis, elle s'infléchit et se porte verticalement en haut, vers le bord antérieur de l'apophyse mastoïde, où elle se divise en ses branches terminales, l'auriculaire et la mastoïdienne. Les rapports de l'auriculaire avec la parotide sont des plus variables : quelquefois, elle est tout entière en dehors de la glande ; beaucoup plus souvent, dès sa naissance, elle pénètre dans la glande et en ressort au niveau de la pointe de l'apophyse mastoïde.
Branches collatérales L'auriculaire postérieure donne : l'artère stylomastoïdienne, qui naît dans l'épaisseur de la glande parotide, passe immédiatement en dehors du nerf facial et pénètre avec lui dans l'aqueduc de Fallope ; des rameaux parotidiens dans la glande ; des rameaux auriculaires, qui se perdent dans la peau de la face postérieure du pavillon ; des rameaux musculaires et mastoïdiens tégumentaires.
Branches terminales Au-dessous du conduit auditif externe, l'artère auriculaire postérieure se divise en deux branches terminales : une branche supérieure ou auriculaire, qui monte dans le sillon auriculocrânien, donne des rameaux à la face crânienne du pavillon et quelques rameaux perforants à sa face externe, dans la région de l'hélix et de l'anthélix ; une branche postérieure ou mastoïdienne, dont les rameaux se portent en arrière aux téguments de la région mastoïdienne, au muscle occipital ; ils s'anastomosent avec les rameaux de l'occipitale en arrière, et avec ceux de la temporale superficielle en avant.
Artère occipitale (fig 10) L'artère occipitale naît de la face postérieure de la carotide externe, à peu près au même niveau que la linguale et la faciale. Elle se dirige obliquement en haut et en arrière jusqu'au niveau de l'apophyse transverse de l'atlas ; là, elle se réfléchit pour se diriger horizontalement en arrière et en haut, sous le splénius où elle se recourbe pour devenir verticalement ascendante dans sa dernière portion. Presque superficielle à son origine, elle devient bientôt très profonde, pour redevenir superficielle vers sa terminaison.
Rapports À son origine, l'artère est croisée par le bord antérieur du sterno-cléidomastoïdien ; puis elle s'enfonce et vient au contact de la veine jugulaire interne, sur une longueur de plus de 1 cm. Entre l'artère et la veine s'insinue le nerf hypoglosse qui se réfléchit autour de l'occipitale pour se porter en bas et en arrière. De là, elle suit le bord inférieur du digastrique et ne tarde pas à s'engager sous ce muscle. Le nerf spinal, oblique en bas, en dedans et en arrière, s'insinue aussi entre la veine jugulaire interne et l'artère, dont il croise perpendiculairement la face profonde. L'occipitale arrive ainsi jusqu'à la face
sous le bord postérieur du splénius, et apparaît dans l'espace laissé libre entre les insertions supérieures du sterno-cléido-mastoïdien et du trapèze. Devenue superficielle, elle repose sur l'occipital, recouverte par l'aponévrose épicrânienne et la peau, engainée dans un lacis fibreux dense, qui rend sa dissection très difficile. L'occipitale est flexueuse, en raison de la mobilité de la région qu'elle parcourt ; ses rameaux terminaux se répandent dans le cuir chevelu de toute la région occipitopariétale postérieure. Elle s'anastomose avec l'occipitale du côté opposé, avec l'auriculaire postérieure, avec la temporale superficielle.
Branches collatérales Dans son long trajet, l'occipitale donne de nombreuses collatérales ; les principales sont : l'artère sternomastoïdienne supérieure, qui naît de l'occipitale au moment où l'hypoglosse vient la croiser, se réfléchit autour de ce nerf et se dirige transversalement en dehors, pour pénétrer la face profonde du sterno-cléidomastoïdien dans lequel elle se termine ; l'artère stylomastoïdienne, qui se détache plus souvent de l'auriculaire postérieure ; des branches musculaires pour les muscles traversés ; une artère cervicale postérieure (Cruveilhier), parfois considérable, qui descend entre le splénius et le complexus jusqu'à la partie supérieure du cou ; une artère méningée postérieure, qui pénètre dans le crâne par le trou déchiré postérieur ou par le trou occipital (Cruveilhier).
Branches terminales Elles sont au nombre de deux : l'une, externe, se porte en dehors et en avant, et vient s'anastomoser avec l'auriculaire postérieure ; l'autre, interne, très longue et flexueuse, monte sur les côtés de la ligne médiane, jusqu'au sommet du crâne, distribuant ses ramifications terminales au muscle occipital et au cuir chevelu. L'un de ses rameaux pénètre dans le trou pariétal (rameau pariétal) et se répand dans la dure-mère sous-jacente, où il s'anastomose avec les ramifications supérieures de la méningée moyenne.
Branches terminales de l'artère carotide externe Artère maxillaire interne (fig 10) Origine L'artère maxillaire interne, branche de bifurcation profonde de la carotide externe, plus volumineuse que la temporale, s'étend du col du condyle au sommet de la fosse ptérygomaxillaire.
Trajet La maxillaire interne naît de la carotide externe, au niveau du col du condyle ; elle s'engage aussitôt dans une boutonnière formée par le bord interne du condyle et le bord postérieur, épaissi, de l'aponévrose ptérygoïdienne : c'est la boutonnière rétrocondylienne de Juvara. Le nerf auriculotemporal sort par cette boutonnière, au-dessus de l'artère. La maxillaire interne se dirige en avant et en dedans, dans la loge du ptérygoïdien latéral, appliquée sur la face externe, près du bord inférieur de ce
muscle, qui peut être dit « son muscle satellite ». À partir de ce point, l'artère se dirige, très flexueuse, en avant et en dedans, vers le trou sphénopalatin, fond de la fosse ptérygomaxillaire. Elle passe tantôt en dedans (voie profonde), tantôt en dehors (voie externe) du ptérygoïdien latéral. Ces deux variétés sont presque d'une égale fréquence. Variété profonde : la maxillaire interne, appliquée sur le bord inférieur de la face interne du ptérygoïdien latéral, décrit une première courbe à concavité inférieure ; puis, elle se relève et se dirige vers l'apophyse ptérygoïde ; un peu au-dessous de la base de celle-ci, elle s'applique à l'aile ptérygoïdienne externe, qu'elle creuse parfois en gouttière, et s'engage obliquement de bas en haut entre les deux faisceaux du ptérygoïdien latéral. Arrivée à la face externe de ce muscle, la maxillaire interne, devenant très flexueuse, décrit une nouvelle courbe à concavité supérieure, et vient s'appliquer à la partie supérieure de la tubérosité maxillaire ; elle creuse souvent une gouttière ou fossette sur celle-ci, et, suivant la partie supérieure de cette tubérosité, elle va traverser l'arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire pour s'engager dans le trou sphénopalatin, à partir duquel elle appartient aux fosses nasales, et prend le nom d'artère sphénopalatine. Variété externe : dans cette variété, la maxillaire interne pour arriver au trou sphénopalatin, suit la face externe du ptérygoïdien externe, cheminant dans l'interstice ptérygotemporal, au milieu du tissu fibrograisseux qui se trouve entre l'extrémité inférieure du muscle temporal et la face externe du ptérygoïdien latéral. Après avoir dépassé le ptérygoïdien, l'artère s'applique sur la tubérosité du maxillaire et se termine de la même façon que dans la variété profonde.
Branches collatérales (fig 11) La maxillaire interne émet quatorze branches collatérales ; l'habitude est de classer ces collatérales en : supérieures ou ascendantes (cinq) ; inférieures ou descendantes (cinq) ; externes ou antérieures (deux) ; internes ou postérieures (deux).
Artère tympanique De très petit volume, elle naît de la maxillaire interne près du col du condyle, elle pénètre à côté de la corde du tympan dans un conduit spécial pour arriver dans l'oreille moyenne.
Artère méningée moyenne Remarquable par son volume et son long trajet, elle constitue la plus considérable des branches de la maxillaire interne ; elle irrigue la plus grande partie de la dure-mère et toute la région temporopariétale du crâne. La méningée moyenne naît de la maxillaire interne en dedans du ptérygoïdien latéral et monte obliquement vers le trou petit rond dans lequel elle s'engage. Dans le crâne, elle se dirige en dehors et en avant, creusant un profond sillon dans la paroi osseuse de la fosse cérébrale moyenne ; après un trajet de 2 à 4 cm, elle se divise en deux branches. Dans le crâne, la méningée moyenne donne : quelques rameaux à la dure-mère de la fosse sphénoïdale et au ganglion de Gasser ; un rameau qui pénètre avec le nerf pétreux supérieur dans l'aqueduc de Fallope ; des rameaux orbitaires, qui pénètrent dans l'orbite par la fente ethmoïdale
et s'anastomosent avec l'ophtalmique ; quelques rameaux qui pénètrent par la suture pétrosquameuse et se rendent dans l'oreille moyenne. Les branches terminales de la méningée moyenne sont au nombre de deux. L'antérieure gagne l'extrémité externe de la petite aile du sphénoïde et arrive à l'angle du pariétal. La branche postérieure, plus petite, se dirige en haut et en arrière et se ramifie sur la portion écailleuse du temporal et sur la portion inférieure et postérieure du pariétal. Sur une radiographie de crâne, en vue de profil, le tronc et les deux branches terminales de l'artère moyenne se traduisent par une impression sur l'os pouvant à tort en imposer pour un trait de fracture. En fait, ces artères proéminent sur la face externe de la dure-mère et creusent sur la table interne des os du crâne des gouttières arborescentes, parfois transformées en canaux osseux sur certains points de leur trajet.
Petite méningée (Lauth) Inconstante, elle naît tout près de la méningée moyenne, dont elle n'est très souvent qu'un rameau.
Artère alvéolaire inférieure Elle naît du tronc de la maxillaire interne, au moment où celle-ci contourne le bord inférieur du muscle ptérygoïdien externe ; puis, elle se dirige en bas et en avant, appliquée sur la face interne du maxillaire inférieur par l'aponévrose interptérygoïdienne épaissie à ce niveau en ligament sphénomaxillaire. En dedans de l'épine de Spix, l'alvéolaire inférieure pénètre avec le nerf alvéolaire inférieur dans le canal dentaire, qu'elle suit dans toute son étendue. Au niveau des 34/35 ou 44/45, elle se divise en deux branches : l'une, mentonnière, émerge par le trou mentonnier et se rend aux téguments labiaux inférieurs et du menton ; l'autre, incisive, continue la direction de l'alvéolaire jusqu'à la symphyse, où elle se perd dans le diploé. Ses rameaux collatéraux, rameaux dentaires, en nombre égal à celui des racines des dents correspondantes, montent vers les dents, dans lesquelles ils pénètrent par l'orifice placé au sommet de la racine de celles-ci ; d'autres rameaux diploïques, vont au diploé de la mandibule. Le rameau mylohyoïdien se détache de l'alvéolaire au moment où celle-ci va pénétrer dans l'orifice du canal dentaire ; il creuse sur la face interne du maxillaire un sillon qui descend vers le muscle mylohyoïdien dans lequel le rameau se termine. L'artère du nerf lingual naît de l'alvéolaire inférieure avant son entrée dans le canal, elle se porte en avant et en dedans, et, après un trajet de quelques millimètres, elle aborde le nerf lingual qu'elle suit jusqu'à la langue dans laquelle elle se termine.
Artère massétérine L'artère massétérine, petite, se porte obliquement en bas et en dehors, au-devant du col du condyle, passe dans l'échancrure sigmoïde avec le nerf massétérin, en avant duquel elle est placée, et pénètre dans la partie supérieure du masséter par la face profonde de celui-ci.
Artères ptérygoïdiennes De très petit volume et en nombre très variable, elles se rendent aux muscles ptérygoïdiens.
Artère temporale profonde postérieure Elle naît très souvent d'un tronc commun avec l'alvéolaire, tronc temporodentaire de Juvara, ou directement de la maxillaire interne près de son origine. Le tronc temporodentaire, long de quelques millimètres, naît au niveau de la face interne du ptérygoïdien latéral, descend obliquement en avant, en dehors et se divise immédiatement en : une branche inférieure, qui continue le trajet primitif (l'artère alvéolaire inférieure) ; une branche supérieure qui se recourbe brusquement autour du bord inférieur du muscle ; c'est la temporale profonde postérieure. La temporale profonde postérieure monte verticalement sur la face externe du ptérygoïdien, et atteint la crête du sphénoïde. Là, elle se divise presque aussitôt en deux branches qui rampent sur le périoste, sous la face profonde du muscle temporal, et s'anastomosent avec la temporale profonde antérieure et la temporale moyenne.
Artère buccale Elle naît du tronc de la maxillaire au point où celui-ci atteint la tubérosité maxillaire, et aborde les insertions postérieures du buccinateur ; elle se répand alors sur la face externe de ce muscle, formant un plexus en rapport avec la terminaison du canal de Sténon. Ses branches terminales vont aux parois buccales et aux nombreuses glandes que l'on trouve sur la face interne du buccinateur. La buccale, à ce niveau, s'anastomose avec la faciale, avec l'alvéolaire et l'infraorbitaire.
Artère temporale profonde antérieure Cette branche, assez volumineuse, naît de la maxillaire interne, au moment où cette artère décrit ses sinuosités sur la tubérosité du maxillaire ; elle monte dans la graisse qui sépare le bord antérieur du temporal de la paroi antérieure de la fosse temporale, et se trouve ainsi plus temporale antérieure que temporale profonde. Flexueuse, elle donne au muscle de nombreux rameaux qui s'anastomosent avec ceux des artères temporale moyenne, temporale profonde postérieure et temporale superficielle. Elle émet constamment des rameaux qui passent par les trous du malaire dans l'orbite, où ils s'anastomosent avec l'artère lacrymale qu'ils peuvent même suppléer.
Artère alvéolaire Née sur la tubérosité du maxillaire, elle se dirige en bas et en avant, d'abord assez adhérente à l'os sur lequel elle est comme bridée par une lame fibreuse dépendant du périoste. Elle émet deux ou trois rameaux qui pénètrent dans les canaux dentaires postérieurs et se ramifient dans les racines des grosses molaires, dans la muqueuse des gencives et dans celle du sinus maxillaire (rameaux dentaires postérieurs et rameaux gingivaux). Son tronc se divise en plusieurs rameaux qui forment, sur la tubérosité maxillaire et sur le buccinateur, un plexus.
Artère infraorbitaire
flexuosités sur la tubérosité maxillaire, va gagner l'arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire. Elle se dirige transversalement en avant, et, après un trajet de quelques millimètres, pénètre dans la gouttière creusée sur la paroi inférieure de l'orbite ; elle suit cette gouttière et vient émerger par le trou infraorbitaire avec le nerf maxillaire supérieur. Dans la fente sphénomaxillaire, elle donne une branche orbitaire qui se divise en deux rameaux : l'un se porte en avant vers la paupière inférieure où il s'épuise ; l'autre se rend dans la glande lacrymale. Dans le canal infraorbitaire, l'artère donne une branche qui descend dans le conduit dentaire supérieur et antérieur, et se rend à la pulpe des incisives et des canines. Arrivée à l'orifice antérieur du canal infraorbitaire, l'artère s'épanouit en un bouquet de branches : les ascendantes, palpébrales, s'anastomosent avec les rameaux de l'ophtalmique ; les descendantes vont aux muscles et à la peau de la joue ; les internes, nasales, se rendent aux téguments du nez ; d'autres, externes, vont sur la pommette et s'anastomosent avec les branches de la transverse faciale.
Artère vidienne Très grêle, elle naît de l'artère maxillaire interne tout près du trou sphénopalatin, se dirige immédiatement en arrière, passe en dehors du ganglion sphénopalatin, traverse l'arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire et pénètre dans le canal vidien, accompagnée par le nerf vidien. Arrivée sous la muqueuse du pharynx, elle se termine sur la partie latérale de la voûte, dans le voisinage de la trompe à laquelle elle donne des rameaux.
Artère palatine supérieure Elle naît de la maxillaire interne tout au fond de la fosse ptérygomaxillaire et descend aussitôt dans le canal palatin postérieur ; arrivée à l'orifice inférieur de ce canal, elle se réfléchit et se dirige horizontalement en avant entre la voûte et la muqueuse palatines ; très sinueuse, elle trace de profondes gouttières sur le palais osseux. Sa branche principale chemine dans la gouttière osseuse qui longe le bord alvéolaire, jusqu'au conduit palatin antérieur dans lequel elle envoie un rameau (rameau nasal), qui s'anastomose avec la terminaison de la sphénopalatine (artère de la cloison) ; elle donne des rameaux gingivaux et alvéolaires. Peu après son origine, avant de s'engager dans le conduit palatin postérieur, la palatine supérieure fournit des rameaux staphylins, qui pénètrent par les conduits palatins accessoires et se distribuent aux muscles, à la muqueuse et à l'épaisse couche glandulaire de la voûte du palais, jusqu'à l'orifice de la trompe.
Artère ptérygopalatine (pharyngienne supérieure) Encore plus grêle que la vidienne, elle se porte en arrière, traverse le conduit ptérygopalatin, et se ramifie dans la muqueuse de la voûte en s'anastomosant avec la vidienne.
Terminale de la maxillaire interne : artère sphénopalatine (fig 12 et 13) Au trou sphénopalatin, la maxillaire interne, très réduite de volume, prend le nom de sphénopalatine et pénètre dans la fosse nasale correspondante. À l'extrémité postérieure du méat supérieur, la sphénopalatine se divise en deux branches : l'une, interne, artère de la cloison, descend obliquement en avant et vient pénétrer dans le conduit palatin antérieur, où elles s'anastomose avec la palatine supérieure ; l'autre, externe, artère des cornets et des méats, donne successivement
trois rameaux, qui suivent horizontalement les cornets, et s'épuisent dans la muqueuse qui les recouvre ; le réseau vasculaire de la pituitaire est très riche.
Artère temporale superficielle (fig 14) L'artère temporale superficielle naît dans la parotide au niveau du condyle mandibulaire : elle adopte un trajet vertical et superficiel pour vasculariser l'hémiface supérieure homolatérale et les deux tiers antérieurs du cuir chevelu. Elle fournit les artères transversales de la face, zygomato-orbitaire, temporale profonde postérieure, auriculaire antérieure, avant de se diviser en deux branches terminales, frontale et pariétale. La description précise est faite dans un autre chapitre
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Systématisation de l'artère carotide externe Les branches terminales et collatérales de l'ACE naissent habituellement proches les unes des autres : cette disposition permet de décrire deux bouquets artériels, à l'origine et à la terminaison de l'ACE. Le bouquet inférieur ou hyoïdien est situé en bas du tronc carotidien externe dans le triangle de Farabeuf. Il regroupe les artères thyroïdiennes supérieure, linguale, faciale, pharyngienne ascendante et occipitale. Le bouquet supérieur ou parotidien est formé par les deux branches terminales (temporale superficielle et maxillaire interne). Cette systématisation rend compte de l'analogie entre système artériel carotidien et système veineux jugulaire : l'équivalent carotidien externe est représenté par l'anastomose entre les deux confluents veineux parotidien et hyoïdien, ou veine carotide externe (Launay).
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ARTÈRE CAROTIDE INTERNE
Origine L'ACI constitue la branche de bifurcation postéroexterne de l'ACP. Si l'ACE est principalement destinée au cou, au massif facial et à la dure-mère, l'ACI représente l'artère du cerveau et de la cavité orbitaire. La naissance de l'ACI s'inscrit dans un plan horizontal passant en avant par le bord supérieur du cartilage thyroïde, et en arrière par l'apophyse transverse de la quatrième vertèbre cervicale (C4).
Trajet L'ACI adopte un trajet vertical vers la base du crâne. Si elle se trouve en situation postéroexterne à son origine, elle se dirige en haut et en dedans vers le pharynx pour croiser l'ACE homolatérale, qui s'éloigne du pharynx. L'ACI monte en arrière du diaphragme stylien rejoindre l'espace subparotidien postérieur (espace rétrostylien), qu'elle traverse de bas en haut pour rejoindre l'orifice externe du canal carotidien à la base du crâne.
Elle pénètre verticalement dans ce dernier, puis se coude à angle droit, devient horizontale et se dirige en avant et en dedans vers l'orifice interne et supérieur du canal carotidien. Elle pénètre alors dans le sinus caverneux qu'elle va parcourir dans toute son étendue. Elle devient de nouveau verticale, puis redevient horizontale vers l'avant et le dedans. Elle se coude à nouveau, se redresse dans la partie antérieure du sinus caverneux et retrouve un trajet vertical pour traverser la paroi supérieure du sinus, légèrement concave en arrière. Elle parvient enfin à l'étage moyen du crâne : son trajet, court, (3 à 4 mm) l'amène au niveau de l'apophyse clinoïde antérieure, au-dessus de la tente hypophysaire, à sa quadrifurcation terminale. L'ACI décrit plusieurs courbures tout au long de son trajet intrapétreux et intracrânien. Sa double courbure intracrânienne, en S italique, constitue le siphon carotidien d'Egas Moniz. Elle présente parfois des flexuosités dans son trajet cervical, qui peuvent l'amener au contact de la paroi latérale du pharynx.
Terminaison L'ACI se termine en quatre branches terminales, après avoir donné naissance à la volumineuse artère ophtalmique. Ces branches terminales sont fortement divergentes à leur origine et dans leur trajet initial. Ce sont les artères cérébrales antérieure, cérébrale moyenne (sylvienne), choroïdienne antérieure et communicante postérieure. À leur terminaison, les deux ACI ne sont distantes que de 15 à 20 mm.
Rapports Nous étudierons les rapports de l'ACI de son origine à sa terminaison, en découpant son trajet en cinq portions : dans la portion cervicale, les ACI et ACE cheminent de concert dans la partie supérieure de la région carotidienne, sous le ventre postérieur du digastrique ; dans la portion rétrostylienne (subparotidienne postérieure), l'ACI diverge de l'ACE dont elle est séparée par le diaphragme stylien ; la portion intrapétreuse correspond au canal carotidien ; la portion intrasinusienne caverneuse ; la portion terminale est endocrânienne. À son origine, l'ACI est postéroexterne par rapport à l'ACE, qui est en situation antéro-interne. L'ACI croise la face postérieure de l'ACE pour se poster en situation interne. Les deux vaisseaux s'enroulent en « pas de vis » (Paturet) sous le ventre postérieur du digastrique. Les deux carotides sont unies à leur origine par des tractus fibreux formant le ligament intercarotidien de Rieffel. En arrière, dans la gouttière carotidienne, se trouve le glomus carotidien ou corpuscule rétrocarotidien.
Rapports carotidiens de la portion cervicale Ils concernent essentiellement la gouttière carotidienne pour ses parois et son contenu.
Rapports avec les parois de la gouttière carotidienne Ils ont été décrits en détail pour l'ACE.
Classiquement, le muscle sterno-cléido-mastoïdien recouvre complètement l'origine des deux carotides interne et externe. Tillaux a montré que l'extension de la tête associée à une rotation controlatérale découvre la bifurcation carotidienne. Cette installation est adoptée lors de l'abord chirurgical du trépied carotidien.
Rapports avec le contenu de la gouttière carotidienne (fig 4) L'ACI est en situation profonde dans la gouttière : elle poursuit la direction de l'ACP et appartient comme celle-ci à la constitution du paquet vasculonerveux du cou. Ce paquet contient, outre l'ACI en dedans, la VJI en dehors et le X. Ces organes sont entourés par la gaine conjonctive vasculaire du cou, où les vaisseaux sont séparés par une mince cloison ou septum de Langenbeck. La VJI descend verticalement dans la gouttière : elle déborde l'ACI en arrière et reçoit le tronc veineux thyro-linguo-facial à sa face antérieure. Le nerf grand hypoglosse se glisse entre la VJI en dehors, le nerf vague et l'ACI en dedans. Le trajet du grand hypoglosse est variable dans cette région : il décrit habituellement sa courbe sous la branche sterno-cléido-mastoïdienne de l'artère occipitale. En arrière, l'ACI répond au sympathique cervical, en dehors elle croise obliquement le nerf laryngé supérieur (issu du nerf vague) et l'artère pharyngienne ascendante. En dehors, l'ACI répond aux ganglions lymphatiques cervicaux profonds (chaîne jugulaire interne). De la bifurcation au ventre postérieur du digastrique, les ACI et ACE sont en contact pour se séparer au niveau de ce muscle. L'ACI glisse derrière les muscles styliens en dedans du ventre postérieur du digastrique, alors que l'ACE traverse le diaphragme stylien entre le stylohyoïdien en dehors et le styloglosse en dedans, opposant la fourche stylienne à la fourche carotidienne.
Rapports carotidiens dans l'espace subparotidien postérieur Rapports avec les parois de l'espace L'espace subparotidien postérieur ou rétrostylien est limité en arrière par les apophyses transverses des deux premières vertèbres cervicales, doublées des muscles prévertébraux et de l'aponévrose cervicale profonde. En dedans, on retrouve la paroi latérale du pharynx (constricteurs moyen et supérieur). En avant, le ventre postérieur du digastrique s'associe aux trois muscles styliens irradiant en éventail de l'apophyse styloïde. En dehors, les muscles sterno-cléidomastoïdien, digastrique et l'apophyse mastoïde complètent la paroi. En haut, l'espace correspond aux orifices de la base du crâne ; en bas, il communique largement avec la gouttière carotidienne.
Rapports avec les organes de l'espace Les rapports de l'ACI avec la VJI sont différents de ceux de la portion cervicale. L'ACI s'écarte en avant et en dedans de la VJI avant d'aborder la base du crâne : ces deux vaisseaux délimitent entre eux l'espace inter-jugulo-carotidien, avant de se rejoindre à la partie inférieure de l'espace rétrostylien. Le X, issu du trou déchiré postérieur, se rapproche de l'ACI après avoir présenté le renflement du ganglion plexiforme. Ce dernier est situé en arrière de l'ACI qu'il enserre de ses rameaux pharyngiens et du nerf laryngé supérieur. Le nerf grand hypoglosse est issu du trou condylien antérieur. Il contourne le ganglion cervical supérieur du sympathique avant de descendre entre l'ACI et le nerf vague en dedans, et la VJI en dehors. Le nerf glossopharyngien est également vertical, mais il décrit sa crosse plus haut que le grand hypoglosse. Il croise en dehors l'ACI, abandonne la branche descendante du glossopharyngien et s'anastomose plus bas avec le nerf vague pour former une anse concave vers le haut. La branche externe du spinal croise également l'ACI : rameaux communicants vers les premiers nerfs cervicaux, rameaux pharyngiens et nerf cardiaque supérieur. Le rameau carotidien du sympathique vient s'accoler à l'ACI pour la suivre dans son trajet intrapétreux.
Rapports carotidiens intrapétreux Rapports à l'entrée du canal carotidien L'ACI pénètre dans le canal carotidien, creusé dans le rocher, par le trou carotidien. Cet orifice est orienté en bas, en dedans et en arrière. En arrière et en dehors de la carotide se trouvent le trou déchiré postérieur et le golfe de la jugulaire interne. Il sépare la carotide du X et du spinal. En arrière et en dedans, l'ACI répond à l'anastomose du glossopharyngien avec une branche du facial (anse de Haller).
Rapports dans le canal carotidien L'ACI épouse rigoureusement les parois du canal carotidien, tout au long de son trajet intrapétreux : elle adhère à ses parois inextensibles et ne présente aucun battement artériel (Paturet). Le trajet carotidien peut être étudié en deux portions, verticale et horizontale, raccordées par un segment courbe : dans la portion verticale (tympanique), l'ACI répond en avant à la trompe d'Eustache et au petit nerf pétreux, en arrière au limaçon et en dehors à la caisse du tympan ; dans le segment courbe, l'ACI suit un trajet intertubolimacéen puisque placée entre la trompe en avant, en dehors et en bas, et le limaçon en arrière, en dedans et en haut ; dans la portion horizontale (apexienne) la carotide répond en bas au pharynx et à la trompe, en haut à la dure-mère sphénoïdienne, au nerf trijumeau, au ganglion de Gasser et au lobe temporal (face inférieure) ; en avant, le petit et le grand nerf pétreux superficiels reçoivent un rameau sympathique du plexus carotidien pour constituer le nerf vidien, qui croise l'artère et quitte le crâne par le trou déchiré antérieur ; en arrière, la carotide répond au sinus pétreux inférieur et à l'étage postérieur du crâne (cervelet) par l'intermédiaire de l'apex du rocher.
Rapports à la sortie du canal carotidien L'ACI entre dans le sinus caverneux.
Rapports carotidiens dans le sinus caverneux Rapports carotidiens à sa terminaison
Calibre Le calibre de l'ACI décroît régulièrement de son origine (8 à 9 mm) à sa terminaison.
Collatérales L'ACI est essentiellement une artère de transit, réservant le flux sanguin à la vascularisation encéphalique. Elle envoie néanmoins quelques branches collatérales avant de participer à la constitution du polygone de Willis.
Collatérales cervicales L'ACI peut, rarement, donner naissance à une artère pharyngienne accessoire et à un rameau pour le ganglion cervical supérieur du sympathique.
Collatérales intrapétreuses De ce trajet sont issus les rameaux ostéopériostiques du canal carotidien, l'artère carotidotympanique et les rameaux pour le limaçon.
Collatérales intracrâniennes (fig 15) L'ACI envoie un rameau anastomotique pour l'artère vidienne, des rameaux méningés, les artères hypophysaires, avant de donner naissance à l'artère ophtalmique et aux artères optotubérositaires. Artères hypophysaires : elles participent à la constitution du système posthypophysaire. Artère ophtalmique : elle vascularise l'oeil et ses annexes, les paupières, les téguments des régions sourcilière et frontale ainsi que les cellules ethmoïdales. Après son origine à la face postérieure de l'ACI, l'artère ophtalmique adopte un trajet horizontal en avant et en dehors, pour traverser le canal optique d'arrière en avant en compagnie du nerf optique. Puis, elle devient sinueuse et surcroise le nerf optique, longe le bord supérieur du muscle droit interne, contourne en dessous la poulie de réflexion du muscle grand oblique pour se terminer au-dessus de l'angle interne de l'oeil en s'anastomosant à plein canal avec l'artère faciale par l'artère angulaire. Les collatérales de l'artère ophtalmique naissent dans sa portion intraorbitaire, se répartissant en : artères oculaires : artère du nerf optique ; artère centrale de la rétine ; artère ciliaire postérieure ; artères musculaires oculaires ; artères annexielles : artère lacrymale ; artère supraorbitaire ou frontale externe ; artère palpébrale interne ; artère frontale interne ou supratrochléaire ; artères ethmoïdales antérieures et postérieures. Artères optotubérositaires : elles sont réparties en deux groupes, antérieur et postérieur. Elles vascularisent le nerf optique, le chiasma, la bandelette optique et le tuber cinereum.
Collatérales terminales Elles se détachent en bouquet de l'ACI et sont destinées au cerveau et aux plexus choroïdes (quatrième ventricule excepté). Artère cérébrale antérieure. Artère cérébrale moyenne ou sylvienne : elle représente la plus volumineuse collatérale terminale et mesure environ 5 mm de calibre à son origine. Elle poursuit le trajet endocrânien de l'ACI et adopte une direction transversale en dehors : la cérébrale moyenne constitue ainsi par ses particularités de calibre et de trajet le réceptacle principal des embolies carotidiennes. Artère choroïdienne antérieure. Artère communicante postérieure. Variations
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ARTÈRE SUBCLAVIÈRE (FIG 16) L'ASC naît du TABC à droite et de la crosse de l'aorte à gauche : son origine, son trajet et ses rapports sont distincts selon le côté considéré.
Origine À droite, l'ASC naît du TABC qui bifurque en ACP en avant et en dedans, ASC en arrière et en dehors. Le repère cutané est l'articulation sternochondro-claviculaire (première vertèbre dorsale : D1). À gauche, l'ASC naît dans le thorax, de la crosse aortique dont elle représente la dernière collatérale, soit contre le flanc gauche de la trachée, soit contre le flanc gauche de l'oesophage. La troisième vertèbre dorsale (D3) constitue le repère habituel.
Trajet et direction À droite, l'ASC se dirige en haut, en avant et en dehors. Elle contourne le dôme pleural, se porte en bas et en dehors, atteint la première côte et s'engage entre les muscles scalènes. Elle décrit une courbe à concavité inférieure. À gauche, l'ASC monte verticalement du médiastin à l'orifice supérieur du thorax, puis s'infléchit comme à droite sur le dôme pleural en décrivant une courbe toutefois plus accentuée. L'ASC gauche est plus externe et plus postérieure que l'ASC droite : sa courbure est transversale, sa concavité regarde en bas, en dehors et en avant. À droite, la courbure est oblique et la concavité regarde en bas, en dedans et en arrière.
Terminaison, longueur et calibre Les deux ASC se terminent au sommet du creux axillaire, sous le milieu de la clavicule, et se suivent sans limite nette avec les artères axillaires. L'ASC gauche est plus longue de 3 cm que l'ASC droite, qui est plus volumineuse (10 mm de calibre à droite, 8 à 9 mm à gauche).
Collatérales Hormis les artères petites cervicales (grêles et inconstantes), l'ASC émet dix branches collatérales issues de six troncs : préscaléniques : AV, artère mammaire interne, tronc cervico-intercostal, tronc thyro-bicervico-scapulaire ; interscaléniques : artères scapulaires postérieure et supérieure.
Artère vertébrale Elle sera décrite infra.
Artère mammaire interne (artère thoracique interne) Origine : naissance sur l'ASC antéro-inférieure en regard du tronc thyrobicervico-scapulaire. Trajet : oblique vers le bas, en avant et en dedans, derrière la VSC, en dehors du nerf phrénique, elle descend verticalement derrière le sternum, en arrière des muscles intercostaux, en avant de la plèvre. Elle est satellite de ses deux veines et de lymphatiques (chaîne mammaire interne). Terminaison : en regard du sixième espace intercostal, en deux branches, externe thoracophrénique et interne abdominale. Collatérales : artères péricardiques antérieures : supérieure et inférieure ; artère diaphragmatique supérieure : satellite du nerf phrénique, rameaux diaphragmatiques, péricardiques, pleuraux et ganglionnaires ; artères intercostales antérieures : des six premiers espaces, deux artères par espace, anastomotiques avec les artères intercostales postérieures d'origine aortique et subclavière ; branches perforantes : segments thoraciques antérieurs, muscle grand pectoral et glande mammaire ; branches sternales : des six premiers espaces, pour le sternum, les muscles triangulaires du sternum et grand pectoral ; branches thymiques : artères thymiques latérales et accessoires. Branches terminales : branche thoracophrénique : longe le diaphragme, donne les artères intercostales des septième, huitième, neuvième espaces et se ramifie dans les deux derniers espaces ; branche abdominale : poursuit le trajet de l'artère mammaire interne, traverse le diaphragme dans la fente de Larrey et chemine dans la gaine postérieure du muscle grand droit qu'elle irrigue ; elle s'anastomose par des branches terminales aux branches terminales de l'artère épigastrique au niveau de l'ombilic. Artère mammaire interne accessoire : inconstante, née de l'ASC ou de l'artère mammaire interne, elle se distribue à l'hémithorax supérieur antérieur et latéral.
Tronc cervico-intercostal Origine : né de l'ASC postérosupérieure en regard de l'artère mammaire interne. Trajet : oblique en bas et en arrière, il croise le ganglion stellaire, rejoint le col de la première côte. Terminaison : bifurcation en artère intercostale supérieure et cervicale profonde : l'artère intercostale supérieure descend verticalement pour donner les trois premières intercostales, avec des rapports variables pour le ganglion stellaire ; elle vascularise aussi les muscles splénius du cou, grand complexus et l'oesophage ; l'artère cervicale profonde, plus grêle, monte vers l'arrière audessus de la première côte, croise les septième et huitième nerfs cervicaux pour gagner la région cervicale postérieure ; elle vascularise les muscles petit et grand complexus, transversaire du cou et les muscles de la nuque. L'artère cervicale profonde s'anastomose constamment à la branche cervicale postérieure de l'artère vertébrale.
Tronc thyro-bicervico-scapulaire (Farabeuf) (fig 15) Origine : il naît de la face supérieure de l'ASC, volumineux mais court (6 à 12 mm de longueur). Trajet : il monte obliquement en avant (très grande variabilité). Terminaison : en quatre branches terminales : l'artère thyroïdienne inférieure, branche la plus interne, monte jusqu'au niveau de la sixième vertèbre cervicale ; elle décrit alors deux
crosses : une première à convexité supérieure vers le bas et le dedans, une seconde à convexité inférieure, vers le dedans et la trachée, sur le pôle inférieur du lobe latéral thyroïdien ; elle donne naissance à : des rameaux musculaires (sterno-cléido-mastoïdien et sternothyroïdien, long du cou et prévertébraux) ; des rameaux trachéaux et oesophagiens ; l'artère laryngée postérieure anastomotique avec l'artère laryngée supérieure de l'artère thyroïdienne supérieure ; des artères parathyroïdiennes et thymiques ; trois branches terminales (inférieure, postérieure et interne) anastomotiques avec les artères thyroïdiennes supérieure homolatérale et inférieure controlatérale ; l'artère cervicale ascendante, grêle, elle monte en avant du plan scalénovertébral, en dedans du nerf phrénique ; elle se termine à la hauteur de la troisième vertèbre cervicale en irriguant les muscles prévertébraux, scalène antérieur, angulaire de l'omoplate et grand droit antérieur de la tête ; elle fournit des rameaux radiculaires ; l'artère cervicale transverse superficielle est l'artère du trapèze ; elle se dirige en dehors et en arrière, croise les muscles scalènes, le nerf phrénique et se distribue au muscle trapèze par trois ou quatre rameaux, au contact du nerf spinal ; l'artère suprascapulaire, oblique en bas et en dehors, se place derrière la clavicule, croise l'omoplate pour rejoindre la fosse supraépineuse par l'échancrure coracoïdienne ; elle croise le bord externe de l'épine pour se distribuer dans la fosse supraépineuse, avec le nerf subscapulaire ; elle livre les : artère du subclavier ; artère sterno-cléido-mastoïdienne inférieure ; artère de la fosse supraépineuse (supraépineux, trapèze) ; branche acromiale (trapèze, deltoïde) ; artère de l'omoplate ; artères innominées pour les muscles subclavier, scalène antérieur, subscapulaire, supra- et subépineux ; elle s'anastomose aux artères scapulaires postérieure et inférieure (cercle périscapulaire).
Artère scapulaire postérieure Origine : c'est la dernière et la plus externe des grosses branches de l'ASC. Elle naît à la face supérieure de l'ASC dans sa portion interscalénique. Le tronc primaire inférieur du plexus brachial est en arrière. Trajet : initialement en arrière du muscle scalène antérieur, elle monte obliquement en arrière et en dehors, franchit les branches du plexus brachial, puis croise en avant les muscles scalènes moyen et postérieur, et l'angulaire de l'omoplate. Elle descend ensuite vers l'angle supérieur de l'omoplate, longe le bord spinal entre les insertions des muscles rhomboïdes en arrière et petit dentelé en avant. Terminaison : à l'angle inférieur de l'omoplate, elle s'anastomose avec l'artère scapulaire inférieure, branche de l'artère axillaire. Segmentation : le trajet de l'artère scapulaire postérieure se divise en portions : horizontale, à la base du creux supraclaviculaire (portion cervicale) ; verticale, descendante, à la partie profonde de la région scapulaire (portion scapulaire) ; le coude, séparant les deux portions siège sous le muscle trapèze au-dessus de l'angle supérieur de l'omoplate contre les muscles angulaires de l'omoplate ; l'artère est satellite en dedans de la veine homonyme et du nerf spinal (branche externe) ; elle se divise en deux branches terminales, trapézienne et scapulaire. Collatérales : portion horizontale : branches musculaires : scalènes et angulaire de l'omoplate ; branche trapézienne, oblique en bas et en dehors de la fosse postérieure au muscle ; elle se ramifie en rameaux étagés, croise en arrière la branche externe du nerf spinal ; rameaux pour le muscle sus-épineux ; rameaux au plexus brachial ; au niveau du coude : anastomose avec l'artère de la fosse
supraépineuse, issue de l'artère scapulaire supérieure ; portion verticale : branches musculaires supra- et subépineuses, subscapulaire, rhomboïde, petit et grand dentelés, long dorsal.
Artère scalénique (Stahel) Origine : très variable, cette artère inconstante peut naître directement de l'ASC (proche de l'artère scapulaire postérieure) ou en tant que collatérale de cette dernière. Trajet : vertical, entre la face postérieure du muscle scalène antérieur et le plexus brachial.
Anastomoses et territoire de l'ASC Réseau anastomotique L'ASC s'anastomose avec :
;
ASC controlatérale par les artères vertébrales et thyroïdiennes inférieures
l'aorte thoracique par les anastomoses artérielles intercostales mammaires internes ; les artères axillaires par les artères scapulaires inférieure, postérieure et supérieure (cercle périscapulaire) ; l'ACE par les artères thyroïdiennes inférieure et supérieure ; l'ACI par les deux artères vertébrales ; le tronc basilaire et le polygone de Willis ; l'artère iliaque externe par l'artère épigastrique et l'artère mammaire interne.
Territoire de l'ASC L'ASC constitue une artère de transit pour le membre supérieur (via l'artère axillaire) autant qu'une artère de distribution régionale. Par ses collatérales, elle vascularise : la paroi thoracique et le diaphragme (trois premières artères intercostales et artère mammaire interne) ; la paroi abdominale (artère mammaire interne) ; les muscles et téguments cervicaux (artères cervicales, vertébrale, scapulaire supérieure et thyroïdienne inférieure) ; la région scapulaire et dorsale (artères scapulaires) ; la glande mammaire (artère mammaire interne) ; la thyroïde et le larynx (artère thyroïdienne inférieure) ; l'encéphale, le bulbe et la moelle épinière (artère vertébrale, tronc basilaire).
Rapports de l'ASC L'ASC offre à décrire des rapports avec le squelette intrathoracique pour l'ASC gauche, et cervicaux pour la crosse des ASC gauche et droite.
Rapports avec le squelette
dans la région supraclaviculaire, dans le cadre osseux délimité par la première côte, et parfois une côte cervicale, et la clavicule (notion de fente ou pince costoclaviculaire).
Rapports intrathoraciques de l'ASC gauche L'ASC gauche est située en haut et à gauche dans le médiastin postérieur.
Rapports de la crosse des ASC La crosse des ASC traverse le défilé des muscles scalènes et présente à décrire trois portions : la portion préscalénique (précostale) ; la portion interscalénique (supracostale) ; la portion postscalénique (postcostale). La portion préscalénique siège à l'orifice supérieur du thorax et à la base du cou. Les rapports de l'ASC varient de droite à gauche : à droite et à son origine, la portion préscalénique répond à la bifurcation du TABC ; à droite, et sur tout son trajet, l'ASC siège à la partie postérieure du creux supraclaviculaire où la complexité de ses rapports rend compte de la difficulté de son abord chirurgical ; à gauche, la portion préscalénique est plus profonde ; le nerf vague a croisé l'ASC dans son trajet thoracique et abandonne le récurrent plus bas, sous la crosse aortique ; l'ACP gauche est plus antérieure que la droite ; le canal thoracique se dirige en bas, en dehors et en avant à la hauteur de la septième vertèbre cervicale ; il passe en dehors de l'ACP, décrit une crosse à concavité inférieure pour rejoindre la VSC ; par rapport à l'ASC gauche, le canal thoracique est successivement rétro-, supra- et préartériel. La portion interscalénique : l'ASC et le plexus brachial franchissent le défilé des scalènes, espace triangulaire dont la base est inférieure et le sommet supérieur. L'ASC répond : en bas, à la face supérieure de la première côte ; en avant, au tendon du muscle scalène antérieur, croisé par le nerf phrénique en avant ; la VSC est devant, séparée de l'ASC par le tendon du scalène antérieur ; les quatre branches préscaléniques de l'ASC sont supérieures à la VSC (scapulaire supérieure, cervicale transverse superficielle et cervicale ascendante) ; en arrière, aux deux muscles scalènes moyen et postérieur et au nerf du muscle grand dentelé ; en haut, à l'artère scapulaire postérieure, aux troncs primaires du plexus brachial qui sont au-dessus et en arrière de l'ASC contre le muscle scalène moyen. La portion postscalénique : l'ASC occupe la base du creux supraclaviculaire (triangle omoclaviculaire). Celui-ci est limité par les muscles trapèze en arrière, sterno-cléido-mastoïdien en avant, et par la clavicule en bas. L'ASC est recouverte en avant par la peau et le tissu cellulaire souscutané, le platysma enveloppé par le fascia tranversalis, les branches supraclaviculaires du plexus cervical superficiel. L'aponévrose cervicale superficielle recouvre ce creux : elle est tendue entre la clavicule en bas et les muscles trapèze (en arrière) et sterno-cléido-mastoïdien (en avant). La VJE perfore cette aponévrose pour rejoindre le confluent jugulo-subclavier. L'aponévrose cervicale moyenne engaine le muscle omohyoïdien qui, contournant le muscle scalène antérieur, se dirige en haut, en avant et en dedans. Le muscle omohyoïdien divise la région en deux triangles, l'un inférieur (omoclaviculaire), l'autre supérieur (omotrapézien) : le triangle omoclaviculaire représente la région d'abord classique de l'ASC ; elle répond à la VSC en avant, appliquée contre le « mur » de la clavicule doublée du muscle subclavier ; le nerf du muscle subclavier croise la VSC en avant ; l'artère scapulaire supérieure croise la face antérieure de l'ASC et de la VSC dans son trajet rétroclaviculaire, ainsi que la VJE qui rejoint le confluent veineux jugulo-subclavier ; le triangle omotrapézien permet la convergence des cordons du
plexus brachial, à sa partie externe et inférieure ; le trajet de l'artère scapulaire postérieure a déjà été décrit (cf supra).
Rapports de l'ASC à sa terminaison Sous la clavicule, l'ASC prend le nom d'artère axillaire. Elle s'engage alors dans la fente costoclaviculaire ou espace clavi-coraco-costal.
Abord chirurgical de l'ASC L'ASC est électivement abordée par voie cervicale transversale : l'abord combiné axillo-subclavier représente une alternative intéressante par l'extension d'aval qu'elle procure.
Voie cervicale transversale Après une incision horizontale supraclaviculaire, la section du platysma et de l'aponévrose cervicale superficielle conduit à la ligature de la VJE et à la section partielle du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Les branches superficielles du plexus cervical doivent être respectées. L'aponévrose cervicale moyenne est incisée, la VJI est mobilisée sur lacs tandis que le muscle omohyoïdien est sectionné. Le nerf vague est au contact de la VJI. Abord rétro- ou postscalénique : en dehors de la VJI, le muscle antérieur est sectionné en respectant le nerf phrénique et en contrôlant le canal thoracique à gauche ou la grande veine lymphatique à droite. L'accès à l'ASC sous-jacente est centré sur le tronc thyro-cervico-scapulaire. Abord préscalénique : en dedans de la VJI, il s'agit d'une voie interjugulocarotidienne. Après écartement du muscle sterno-cléido-mastoïdien, l'ACP est contrôlée et réclinée en dedans, exposant la veine vertébrale qui est croisée par l'artère thyroïdienne inférieure en haut, le sympathique et l'anse de Vieussens en bas (risque de syndrome de Claude Bernard-Horner). L'ASC peut être contrôlée en amont ou en aval de l'artère vertébrale : le nerf récurrent peut être lésé à la face antérieure de l'ASC gauche. Extensions possibles : cléidectomie ; sternotomie médiane verticale ; thoracotomie antéro- ou postérolatérale gauche.
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ARTÈRE VERTÉ BRALE (FIG 16) L'AV est la première branche de l'ASC : elle se destine principalement à l'encéphale.
Origine L'AV naît de la face supérieure de l'ASC, au niveau de la première vertèbre dorsale. L'AV gauche poursuit le trajet vertical de l'ASC gauche intrathoracique, disposition favorisant les embolies cérébrales à gauche.
Trajet L'AV présente un trajet multicontourné. Dès sa naissance, elle gagne la profondeur du creux supraclaviculaire, en haut et en arrière, puis elle pénètre dans le canal des apophyses transverses des vertèbres cervicales (au niveau de la cinquième ou de la sixième) qu'elle suit jusqu'à l'axis. Elle change de direction, longeant en dedans l'arc postérieur de l'atlas horizontalement, et décrit une courbe à concavité antéro-interne qui la porte vers les masses latérales de l'atlas. Elle perfore la membrane occipitoatloïdienne, la dure-mère et contourne le bulbe rachidien de bas en haut, d'arrière en avant et de dehors en dedans. Elle pénètre alors par le trou occipital dans le crâne, où elle se termine.
Terminaison, calibre L'AV s'unit sur la ligne médiane avec l'AV controlatérale, au niveau du sillon bulboprotubérantiel, pour former le tronc basilaire. L'AV gauche (4 mm de diamètre) est plus volumineuse que l'AV droite.
Collatérales Branches cervicales : elles sont très grêles ; l'AV donne à chaque trou de conjugaison : des artères musculaires (muscles prévertébraux et intertransversaires du cou, muscles de la nuque) ; des artères radiculaires, satellites des nerfs rachidiens ; des rameaux ostéoarticulaires ; Branches intracrâniennes : artère méningée postérieure ; artère spinale postérieure ; artère spinale antérieure ; artère cérébelleuse inférieure ; artère olivaire.
Rapports L'AV présente des rapports à la base du cou, dans le canal transversaire, à la base du crâne, dans le canal rachidien et dans le crâne.
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Fig 1 :
Fig 1 : Vue générale latérale de la tête et du cou. 1. Artère supraorbitaire ; 2. artère supratrochléaire ; 3. artère nasale dorsale ; 4. artère angulaire ; 5. artère temporale antérieure ; 6. artère infraorbitaire ; 7. artère sphénopalatine ; 8. artère palatine descendante ; 9. artère alvéolaire postérosupérieure ; 10. artère buccale ; 11. artère labiale coronaire supérieure ; 12. muscle buccinateur et canal de Sténon ; 13. muscle constricteur pharyngé supérieur ; 14. artère labiale coronaire inférieure ; 15. glande submandibulaire (sous-maxillaire) ; 16. artère mentale ; 17. artère faciale ; 18. artère submentale ; 19. artère suprahyoïdienne ; 20. artère carotide externe ; 21. artère laryngée supérieure ; 22. artère thyroïdienne supérieure ; 23. artère cricoïdienne ; 24. artère carotide commune gauche ; 25. artère vertébrale ; 26. artère subclavière ; 27. muscle scalène antérieur ; 28. tronc thyrocervical ; 29. artère suprascapulaire ; 30. tronc costocervical ; 31. muscle scalène moyen ; 32. artère cervicale transverse ; 33. artère thyroïdienne inférieure ; 34. artère cervicale ascendante ; 35. tronc sympathique ; 36. nerf cervical cardiaque supérieur ; 37. nerf phrénique ; 38. nerf vague (X) ; 39. artère carotide interne ; 40. artère pharyngée ascendante ; 41. nerf hypoglosse (XII) ; 42. artère occipitale et branche sterno-cléido-mastoïdienne ; 43. artère linguale ; 44. artère faciale ; 45. nerf glossopharyngé (IX) ; 46. artère tonsillaire ; 47. artère palatine ascendante ; 48. artère auriculaire postérieure ; 49. artère mylohyoïdienne ; 50. artère pharyngée ascendante ; 51. artère maxillaire ; 52. artère temporale superficielle ; 53. artère transverse de la face ; 54. artère alvéolaire inférieure (et branche linguale) ; 55. artère méningée moyenne ; 56. artères temporales profondes.
Fig 2 :
Fig 2 : Rapports de l'artère primitive commune gauche. 1. Artère carotide externe ; 2. artère laryngée supérieure ; 3. membrane thyrohyoïdienne ; 4, 5. muscle constricteur inférieur du pharynx ; 6. muscle cricothyroïdien ; 7. glande thyroïde ; 8. nerf laryngé récurrent gauche ; 9. veines thyroïdiennes inférieures ; 10. artère carotide commune droite ; 11. veine brachiocéphalique gauche ; 12. nerf phrénique ; 13. artère mammaire interne ; 14. crosse de l'aorte ; 15. artère et veine subclavières ; 16. canal thoracique ; 17. anastomoses nerveuses entre récurrent et nerf cervical cardiaque supérieur ; 18. veine thyroïdienne moyenne ; 19. artère thyroïdienne inférieure ; 20. veine jugulaire interne ; 21. artère carotide commune gauche ; 22. nerf vague (X) ; 23. sinus carotidien ; 24. artère thyroïdienne supérieure ; 25. tronc veineux thyro-linguo-pharyngo-facial ; 26. artère carotide interne.
Fig 3 :
Fig 3 : Coupe horizontale du cou en C7. 1. Veine jugulaire antérieure ; 2. veines thyroïdiennes inférieures ; 3. trachée ; 4. oesophage ; 5. nerf laryngé récurrent ; 6. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 7. muscle long du cou ; 8. artère et veine vertébrales ; 9. tronc primaire du plexus brachial ; 10. veine jugulaire externe ; 11. muscle trapèze ; 12. muscle longissimus de la tête (petit complexus) ; 13. muscle semiépineux de la tête (grand complexus) ; 14. muscle multifide (transversaire épineux) ; 15. muscle splénius de la tête ; 16. muscle longissimus du cou (transversaire du cou) ; 17. huitième nerf rachidien cervical ; 18. muscle scalène moyen et dorsal ; 19. muscle scalène ventral ; 20. nerf phrénique ; 21. nerf vague (X) ; 22. artère carotide commune ; 23. veine jugulaire interne ; 24. muscle platysma (peaucier du cou) ; 25. lobe latéral gauche de la thyroïde ; 26. muscle sterno-cléido-hyoïdien ; 27. muscle sternothyroïdien.
Fig 4 :
Fig 4 : Rapports nerveux des vaisseaux carotidiens (côté droit, vue externe). 1. Ganglion jugulaire ; 2. ganglion plexiforme ; 4. ganglion cervical supérieur du sympathique ; 5. artère occipitale ; 6. racine rachidienne ; 7. muscle digastrique (ventre postérieur) ; 8. rameau externe du nerf spinal ; 9. nerf cardiaque supérieur du sympathique ; 10. racine rachidienne ; 11. chaîne sympathique cervicale ; 12. plexus cervical (branche descendante interne) ; 13. veine jugulaire interne ; 14. nerf vague (X) ; 15. anse cervicale ; 16. nerf du ventre postérieur de l'omohyoïdien ; 17. muscle omohyoïdien (ventre postérieur) ; 18. nerf inférieur du sterno-cléido-hyoïdien ; 19. muscle omohyoïdien (ventre antérieur) ; 20. nerf du ventre antérieur de l'omohyoïdien ; 21. branche descendante de l'hypoglosse (XII) ; 22. artère carotide commune ; 23. artère thyroïdienne supérieure ; 24. nerf supérieur du sterno-cléidohyoïdien ; 25. nerf laryngé supérieur ; 26. nerf du thyrohyoïdien ; 27. muscle digastrique (ventre antérieur) ; 28. artère carotide externe ; 29. artère linguale ; 30. artère faciale ; 31. nerf glossopharyngien (IX) ; 32. nerf hypoglosse (XII) ; 33. artère palatine ascendante ; 34. artère maxillaire ; 35. artère temporale superficielle ; 36. artère carotide interne ; 37. ganglion d'Andersch ; 38. nerf de Jacobson.
Fig 5 :
Fig 5 : Région bicarotidienne. 1. Apophyse styloïde ; 2. nerf facial (VII coupé) ; 3. apophyse mastoïde ; 4. muscle sternocléido-mastoïdien (coupé) ; 5. muscle digastrique (ventre postérieur coupé) ; 6. artère occipitale ; 7. nerf glossopharyngien (XI) ; 10. anse cervicale ; 8. racine antérieure ; 9. racine postérieure ; 11. artère carotide interne ; 12. artère pharyngée ascendante ; 13. nerf du sinus carotidien ; 14. veine jugulaire interne ; 15. nerf vague (X) ; 16. artère carotide commune ; 17. artère thyroïdienne supérieure ; 18. artère laryngée supérieure ; 19. os hyoïde ; 20. nerf du thyrohyoïdien ; 21. muscle digastrique (ventre antérieur) ; 22. artère linguale ; 23. artère carotide externe ; 24. nerf hypoglosse (XI) ; 25. muscle mylohyoïdien ; 26. artère faciale (VII) ; 27. muscle hyoglosse ; 28. nerf glossopharyngien (IX) ; 29. artère auriculaire postérieure ; 30. muscle stylohyoïdien ; 31. artère carotide externe ; 32. artère maxillaire ; 33. artère transverse de la face ; 34. artère temporale superficielle.
Fig 6 :
Fig 6 : Vue schématique de la distribution artérielle. 1. Artère temporale superficielle ; 2. artère auriculaire postérieure ; 3. artère occipitale et branches du sterno-cléido-mastoïdien ; 4. artère pharyngée ascendante ; 5. artère carotide interne ; 6. artère carotide externe ; 7. artère carotide commune ; 8. tronc thyrocervical (tronc thyro-bicervico-scapulaire) ; 9. tronc brachiocéphalique ; 10. artère vertébrale ; 11. muscle omohyoïdien (ventre supérieur) ; 12. artère thyroïdienne supérieure ; 13. muscle digastrique (ventre antérieur) ; 14. artère faciale ; 15. artère linguale ; 16. artère maxillaire ; 17. artère transverse de la face.
Fig 7 :
Fig 7 : Région pharyngoépiglottique (vue postérieure). 1. Langue ; 2. os hyoïde ; 3. nerf laryngé supérieur ; 4. branche interne ; 5. branche externe ; 6. artère thyroïdienne supérieure ; 7. nerf vague ; 8. artère carotide commune ; 9. glande thyroïde ; 10. glande parathyroïde supérieure ; 11. artère cervicale ascendante ; 12. glande parathyroïde inférieure ; 13. nerf laryngé récurrent gauche ; 14. artère vertébrale ; 15. tronc thyro-bicervico-scapulaire ; 16. artère subclavière gauche ; 17. oesophage ; 18. trachée ; 19. tronc brachiocéphalique ; 20. artère subclavière droite ; 21. artère suprascapulaire ; 22. artère cervicale transverse ; 23. nerf récurrent laryngé droit ; 24. artère thyroïdienne inférieure ; 25. muscle cricopharyngé ; 26. muscle constricteur pharyngé inférieur ; 27. artère carotide commune ; 28. artère laryngée supérieure ; 29. artère thyroïdienne supérieure ; 30. artère carotide interne ; 31. artère carotide externe ; 32. membrane thyrohyoïdienne ; 33. épiglotte.
Fig 8 :
Fig 8 : Plancher buccal (vue latérale). 1. Muscle constricteur pharyngé supérieur ; 2. muscle palatoglosse ; 3. nerf lingual ; 4. ganglion submandibulaire (sous-maxillaire) ; 5. artère et veine linguales profondes ; 6. canal de Warthon ; 7. artère du frein ; 8. artère et veine sublinguales ; 9. muscle géniohyoïdien ; 10. muscle hyoglosse ; 11. veine linguale ; 12. os hyoïde ; 13. artère suprahyoïdienne ; 14. muscle constricteur inférieur du pharynx ; 15. artère carotide externe ; 16. veine jugulaire interne ; 17. tronc commun thyro-linguo-facial ; 18. veine rétromandibulaire ; 19. veine faciale ; 20. artère linguale ; 21. artère dorsale de la langue ; 22. muscle stylohyoïdien ; 23. muscle stylopharyngé ; 24. muscle digastrique (ventre postérieur coupé) ; 25. muscle styloglosse.
Fig 9 :
Fig 9 : Artère faciale. 1. Artère temporale superficielle ; 2. muscle masséter ; 3. artère maxillaire ; 4. artère carotide externe ; 5. glande parotide ; 6. artère glandulaire submandibulaire ; 7. artère faciale ; 8. veine jugulaire interne ; 9. tronc veineux thyro-linguo-facial ; 10. os hyoïde ; 11. veine faciale ; 12. glande submandibulaire (sous-maxillaire) ; 13. artère submentale ; 14. artère massétérine ; 15. muscle orbiculaire ; 16. plexus alvéolaire ; 17. muscle risorius ; 18. muscle zygomatique major ; 19. muscle zygomatique minor ; 20. artère de l'aile du nez ; 21. artère faciale ; 22. veine faciale.
Fig 10 :
Fig 10 : Artère maxillaire. 1. Artère supraorbitaire ; 2. artère supratrochléaire ; 3. artère ophtalmique : 4. artère nasale dorsale ; 5. artère angulaire ; 6. artère infraorbitaire ; 7. artère et nerf buccaux ; 11. artères alvéolaires supérieures ; 8. postérieures ; 9. moyennes ; 10. antérieures ; 12. muscle ptérygoïdien moyen et artère ptérygoïdienne ; 13. nerf lingual ; 14. ligament ptérygomandibulaire ; 15. artère mentale ; 16. artère faciale ; 17. artère submentale ; 18. artère carotide externe ; 19. artère linguale ; 20. artère faciale ; 21. muscle stylohyoïdien ; 22. muscle digastrique (ventre postérieur) ; 23. artère et nerf mylohyoïdiens ; 24. nerf facial ; 25. ligament sphénomandibulaire ; 26. artère et nerf alvéolaires inférieurs ; 27. artère temporale superficielle ; 28. artère auriculaire postérieure ; 29. artère maxillaire ; 30. artère méningée moyenne ; 31. nerf auriculotemporal ; 32. ligament latéral de l'articulation temporomandibulaire ; 33. artère et nerf massétérins ; 34. muscle ptérygoïdien latéral et artère ptérygoïdienne ; 37. artères et nerfs temporaux profonds ; 35. antérieurs ; 36. postérieurs.
Fig 11 :
Fig 11 : Artère maxillaire (distribution). 1. Artère suborbitaire ; 2. artères alvéolaires supérieures ; 3. artère palatine supérieure ; 4. artère alvéolaire ; 5. artère buccale ; 6. artère massétérine ; 7. artère du nerf lingual ; 8. artère alvéolaire inférieure ; 9. artère temporale superficielle ; 10. artère tympanique ; 11. artère méningée moyenne ; 12. artère méningée accessoire ; 13. artères ptérygoïdiennes ; 14. artère temporale profonde postérieure ; 15. artère temporale profonde antérieure ; 16. artère vidienne ; 17. artère ptérygopalatine ; 18. artère sphénopalatine.
Fig 12 :
Fig 12 : Artère maxillaire (terminaison). 1. Artère infraorbitaire ; 2. artère sphénopalatine ; 3. artère nasale postérolatérale ; 4. branche septale postérieure ; 5. artère alvéolaire supérieure ; 6. anastomose dans le canal incisif ; 7. artère palatine postérieure ; 8. artère palatine descendante (dans la fosse ptérygopalatine) ; 9. artère buccale ; 10. artère palatine descendante dans son trajet palatin ; 11. artères ptérygoïdiennes ; 12. artère massétérine ; 13. artère alvéolaire inférieure ; 14. muscle styloglosse ; 15. artère faciale ; 16. artère carotide externe ; 17. artère tonsillaire ; 18. muscle constricteur pharyngé supérieur ; 19. branches tonsillaires ; 20. artère palatine ascendante ; 21. artère pharyngée ascendante ; 22. artère temporale superficielle ; 23. artère auriculaire profonde ; 24. artère tympanique antérieure ; 25. nerf auriculotemporal ; 26. artère méningée moyenne ; 27. artère méningée accessoire ; 30. artères et nerfs temporaux profonds ; 28. antérieurs ; 29. postérieurs ; 31. artère du canal ptérygoïdien ; 32. artère pharyngée ; 33. artère sphénopalatine ; 34. foramen sphénopalatin.
Fig 13 :
Fig 13 : Vascularisation des fosses nasales. 1. Branche antéroseptale, antérolatérale et nasale externe de l'artère ethmoïdale antérieure ; 2. anastomose dans le canal incisif ; 3. branche alaire de l'artère nasale latérale (de l'artère faciale) ; 4. artère palatine descendante ; 5. foramen palatin postérieur ; 6. foramen palatin postérieur accessoire ; 7. branches postérolatérales nasales de l'artère sphénopalatine ; 8. artère carotide externe ; 9. artère maxillaire ; 10. foramen sphénopalatin ; 11. artère sphénopalatine ; 12. branche postéroseptale de l'artère sphénopalatine ; 13. branches septales et latérales nasales de l'artère ethmoïdale postérieure.
Fig 14 :
Fig 14 : Artère temporale superficielle (branches collatérales). 1. Branche temporofrontale ; 2. artère transverse de la face ; 3. artère du tragus ; 4. troncs des auriculaires antérieures ; 5. tronc de l'artère temporale superficielle ; 6. artère zygomaticomalaire ; 7. branche pariétale ; 8. artère temporale moyenne.
Fig 15 :
Fig 15 : Région supraclaviculaire. 1. Veine jugulaire interne ; 2. artère carotide externe ; 3. artère cervicale ascendante ; 4. nerf phrénique ; 5. artère thyroïdienne inférieure ; 6. muscle scalène antérieur ; 7. artère cervicale transverse ; 8. artère suprascapulaire ; 9. tronc costocervical ; 10. artère et veine subclavières ; 11. tronc thyrocervical ; 12. tronc brachiocéphalique ; 13. veine jugulaire interne (coupée) ; 14. nerf laryngé récurrent ; 15. artère carotide commune ; 16. nerf vague ; 17. artère vertébrale ; 18. glande thyroïde (réclinée) ; 19. ganglion sympathique cervical moyen.
Fig 16 :
Fig 16 : Région supraclaviculaire : distribution artérielle. 1. Artère cervicale profonde ; 2. tronc des intercostales ; 3. première artère intercostale ; 4. deuxième artère intercostale ; 5. os scapulaire (omoplate) ; 6. artère mammaire interne ; 7. tronc costocervical ; 8. artère subclavière ; 9. tronc thyrocervical ; 10. artère suprascapulaire ; 11. artère carotide commune ; 12. artère cervicale transverse ; 13. artère thyroïdienne inférieure ; 14. artère cervicale ascendante ; 15. artère vertébrale.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-001-B-40
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Système lymphatique de la tête et du cou B Ricbourg
Résumé. – Le drainage lymphatique de la tête et du cou est complexe, mais schématiquement, on peut décrire un collier ganglionnaire péricervical situé à la jonction entre tête et cou et un ensemble proprement cervical. Le premier ensemble comprend six groupes répartis en ganglions ou nœuds occipitaux, mastoïdiens, parotidiens, submandibulaires, géniens et submentaux ; le territoire principal de drainage est celui de l’ensemble des téguments et de la cavité buccale. L’ensemble proprement cervical comporte les ganglions retrouvés dans le cou, qu’ils soient superficiels ou profonds. Le territoire qu’ils drainent se situe aussi bien dans les cavités du massif facial que dans le cou, avec son axe aérodigestif donnant attache au corps thyroïde. Bien souvent, en pathologie, c’est l’adénopathie qui fait découvrir la maladie et c’est ainsi que nous décrirons une sorte de cartographie en exposant pour chaque région son drainage lymphatique. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : drainage lymphatique, collier ganglionnaire péricervical,, ganglion de Küttner, ganglions occipitaux, mastoïdiens, parotidiens, submandibulaires, géniens et submentaux.
Introduction
Le drainage lymphatique de la tête et du cou est complexe, mais schématiquement, on peut décrire :
La connaissance des lymphatiques est essentielle aussi bien pour les infections que pour la recherche de la diffusion de processus néoplasiques. Rappelons quelques notions importantes :
– un collier ganglionnaire péricervical situé à la jonction entre tête et cou ;
– les vaisseaux lymphatiques suivent prioritairement les grands axes veineux ; – les ganglions sont les relais (ou nœuds) ; ils constituent les adénopathies en pathologie ; – les dents n’ont pas de drainage lymphatique ; seule la muqueuse en possède ; – l’exploration radiologique (tomodensitométrie et imagerie par résonance magnétique [IRM]) ne concerne que les ganglions, les voies lymphatiques n’étant pas isolables radiologiquement chez le sujet vivant. Habituellement, le clinicien se trouve confronté à deux types de problèmes : – la découverte d’une tumeur cervicofaciale fait rechercher les métastases ganglionnaires dans les nœuds de drainage habituels du siège de la lésion primitive ; – inversement, la découverte d’un ganglion métastatique apparemment isolé fait rechercher la lésion primitive. Souvent, il existe une bonne correspondance entre ganglion et territoire de drainage. Ceci permet donc d’établir une sorte de cartographie des lymphatiques. Mais l’on sait que les variations anatomiques et les anastomoses lymphatiques sont particulièrement riches. Les explorations tant cliniques que radiologiques sont donc systématiques, mais guidées par une cartographie que nous exposerons. Cette description est essentiellement guidée par le résultat des travaux de Mme le Professeur G Hidden [2].
– un ensemble proprement cervical que l’on distinguera en superficiel et profond.
Collier ganglionnaire péricervical Le collier ganglionnaire péricervical (Poirier et Cuneo) (fig 1) enlace la partie supérieure du cou à sa jonction avec l’extrémité céphalique. Il comprend six groupes répartis en ganglions occipitaux, mastoïdiens, parotidiens, sous-maxillaires, géniens et sous-mentaux. GROUPE OCCIPITAL
Il regroupe trois types de ganglions : superficiels, sousaponévrotiques, sous-musculaires ou sous-spléniens.
¶ Ganglions superficiels Ils sont souvent deux, situés soit en arrière des insertions supérieures du muscle sterno-cléido-mastoïdien, soit proches des insertions du muscle trapèze, sous la peau occipitale. Ils sont en rapport avec l’artère occipitale (branche externe) et le grand nerf occipital d’Arnold.
¶ Ganglion sous-aponévrotique Le plus souvent unique, il repose sur le muscle splénius.
¶ Ganglions sous-musculaires Bernard Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service de chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier universitaire Jean Minjoz, 25030 Besançon, France.
Au nombre de deux ou trois, ces ganglions sont sous le muscle splénius (Rouvière).
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ricbourg B. Système lymphatique de la tête et du cou. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-001-B-40, 2000, 7 p.
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– groupe superficiel et préauriculaire : région frontale, racine du nez, paupière supérieure, moitié externe de paupière inférieure, pavillon de l’oreille conduit auditif externe, lèvre supérieure, joue et trompe d’Eustache ; – groupe préauriculaire inférieur : parotide, nez, paupière supérieure, muqueuse jugale et gencives molaires ; – groupe intraglandulaire : parotide, téguments frontaux, pariétaux, glande lacrymale, tympan et trompe d’Eustache. Efférences : – la voie rétroglandulaire se jette dans la chaîne veine jugulaire interne (VJI) ;
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– la voie veineuse suit la VJE et s’abouche dans la chaîne jugulaire interne ; – la troisième est une voie artérielle qui suit l’artère carotide externe et se jette dans un ganglion sous-digastrique de la chaîne de la VJI. GROUPE SOUS-MAXILLAIRE (SUBMANDIBULAIRE)
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Les ganglions sont sous-aponévrotiques. Ils se répartissent à la face interne, sous la branche horizontale de la mandibule. Rouvière les classe en cinq groupes : – groupe préglandulaire : un à deux ganglions proches des vaisseaux submentaux ; – groupe prévasculaire : un ganglion volumineux contre l’artère faciale et en avant de la veine faciale ;
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Ganglions cervicaux superficiels. 1. Ganglions parotidiens ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions submentaux ; 4. ganglions satellites de la veine jugulaire antérieure ; 5. ganglions rétroauriculaires (mastoïdiens) ; 6. ganglions occipitaux ; 7. ganglions satellites de la veine jugulaire externe.
Afférences : la zone occipitale du cuir chevelu et les régions cutanées et profondes de la partie supérieure de la nuque. Efférences : elles se rendent aux ganglions latéraux profonds du cou, notamment à la chaîne suivant le nerf spinal. GROUPE MASTOÏDIEN OU RÉTROAURICULAIRE
Les ganglions sont peu volumineux, deux ou plus, inconstants chez l’adulte. Ils siègent en avant des insertions antérieures et supérieures du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Afférences : les téguments postérieurs de l’oreille et les lymphatiques de la région pariétale. Efférences : le groupe postérieur de la chaîne jugulaire interne. GROUPE PAROTIDIEN
Il regroupe trois types de ganglions (superficiels, sousaponévrotiques extraglandulaires, profonds intraglandulaires).
– groupe rétrovasculaire : un à deux ganglions en arrière de la veine faciale ; – groupe rétroglandulaire : un à deux ganglions inconstants en arrière de la glande, en dedans et sous l’angle mandibulaire ; – groupe intracapsulaire : exceptionnel. Afférences : ils drainent la lymphe de la lèvre inférieure, de la partie latérale du menton, du nez, de la joue, des gencives, de la partie interne des paupières, du « V » lingual et de la partie antérieure de la langue, des glandes submandibulaire et sublinguale, et enfin du plancher buccal. Efférences : la chaîne jugulaire interne. GROUPE GÉNIEN OU FACIAL
Ce sont des ganglions de petit volume, intercalés dans le réseau lymphatique satellite des vaisseaux faciaux. Nous individualiserons : – le ganglion mandibulaire : sous-cutané, en avant du muscle masséter, il repose sur le muscle triangulaire des lèvres, en avant de l’artère faciale ; – les ganglions buccinateurs (deux à quatre). Rouvière distingue un amas antérieur proche de la commissure labiale et un amas postérieur proche de la pénétration du canal de Sténon dans le muscle buccinateur ;
¶ Ganglions superficiels
– le ganglion nasogénien ou sous-orbitaire : inconstant, il est proche de la veine faciale, dans le sillon nasogénien ;
Au nombre de deux à quatre, ils sont préauriculaires, en avant ou au-dessus du tragus, le long des vaisseaux temporaux superficiels.
– le ganglion malaire : exceptionnel, il se trouve sous et en dehors de l’angle externe de l’œil. Afférences : les voies lymphatiques des régions géniennes, sousorbitaires, nasales. Efférences : le groupe génien se draine dans les ganglions submandibulaires.
¶ Ganglions sous-aponévrotiques, extraglandulaires Ils appartiennent à la loge sous l’aponévrose : – ganglions préauriculaires ou supérieurs ; – ganglions sous-auriculaires ou inférieurs, non loin de l’issue de la veine jugulaire externe (VJE), hors de la parotide.
¶ Ganglions profonds, intraglandulaires Ils siègent dans la glande, près de la VJE et du nerf facial. Afférences : 2
GROUPE SUBMENTAL OU SUS-HYOÏDIEN
Les ganglions sont de nombre variable et situés entre les ventres antérieurs des deux muscles digastriques. Afférences : ils drainent la lymphe du menton, de la lèvre inférieure, des joues, de la gencive inférieure, du parodonte des incisives et canines inférieures, du plancher buccal et de la pointe de la langue.
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Efférences : le groupe submental se draine dans la chaîne jugulaire interne et dans les ganglions submandibulaires homo- ou controlatéraux.
Système proprement cervical Ce sont les ganglions retrouvés dans le cou, qu’ils soient superficiels ou profonds. Le territoire qu’ils drainent se situe aussi bien dans les cavités du massif facial que dans le cou, avec son axe aérodigestif donnant attache au corps thyroïde. GANGLIONS PROFONDS OU GANGLIONS JUXTAVISCÉRAUX (fig 2)
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¶ Groupe sublingual ou lingual Inconstants, ces ganglions centrent les troncs collecteurs de la langue. Les ganglions latéraux émaillent les lymphatiques satellites des vaisseaux linguaux. Les ganglions médians s’intercalent sur les trajets des lymphatiques centraux, entre les deux muscles génioglosses. Efférences : le groupe sublingual se draine dans les ganglions submandibulaires et sus-hyoïdiens homo- ou controlatéraux, et dans les deux chaînes jugulaires internes.
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3 Triangle lymphatique du cou. 1. Chaîne jugulaire interne ; 2. chaîne cervicale transverse ; 3. chaîne spinale.
¶ Groupe rétropharyngien Les ganglions latéraux [2] siègent en avant des masses latérales de l’atlas, au contact du bord latéral de la paroi du pharynx, en avant
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de l’aponévrose prévertébrale. Les ganglions médians, inconstants, se retrouvent sur la face postérieure du pharynx, au-dessus de l’os hyoïde. Afférences : le groupe rétropharyngien draine les fosses nasales et les sinus de la face, le palais osseux et membraneux, l’oreille moyenne et la muqueuse pharyngée. Efférences : le groupe rétropharyngien se draine dans les ganglions externes de la chaîne jugulaire interne.
¶ Ganglions juxtaviscéraux proprement dits Groupe prépharyngé : ces ganglions siègent en avant de la membrane cricothyroïdienne et sont intercalés entre les ganglions laryngés subglottiques et les ganglions thyroïdiens. Groupe préthyroïdien : les ganglions sont regroupés en avant du corps thyroïde. Groupe prétrachéal : les ganglions sont regroupés en avant de la trachée. Groupe récurrentiel (chaîne récurrentielle de Rouvière) : les ganglions sont disséminés sur les faces latérales de la trachée, le long du trajet des nerfs récurrents gauche et droit. À gauche, la chaîne est en avant du nerf, à droite elle est en arrière. Ce groupe est le plus important (quatre à dix ganglions) des ganglions juxtaviscéraux. Afférences : corps thyroïde, larynx, trachée, œsophage et les efférences du groupe prétrachéal. Efférences : la chaîne jugulaire interne ou dans le confluent veineux jugulo-sous-clavier à droite et le canal thoracique à gauche, soit directement, soit par l’intermédiaire de ganglions médiastinaux. GANGLIONS CERVICAUX LATÉRAUX (fig 3)
Ils sont superficiels ou profonds.
¶ Ganglions cervicaux latéraux superficiels Ils sont regroupés dans la chaîne jugulaire externe qui chemine le long de la VJE.
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Ganglions cervicaux juxtaviscéraux. 1. Ganglion rétropharyngien latéral ; 2. ganglions cervicaux profonds latéraux ; 3. ganglions latéraux trachéaux ; 4. ganglion rétropharyngien médian.
¶ Ganglions cervicaux latéraux profonds Ils sont noyés dans une atmosphère cellulograisseuse qui s’étend sur la région carotidienne, le creux sus-claviculaire, se prolonge en 3
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arrière sous le muscle trapèze vers les régions sus- et sous-épineuses, communique vers le bas avec les régions thoraciques antérieure et axillaire. Adoptant la classification de Rouvière, nous décrirons successivement la chaîne jugulaire interne (satellite de la VJI), la chaîne du nerf spinal (satellite de la branche externe du nerf spinal), et la chaîne cervicale transverse (satellite de l’artère cervicale transverse). – Chaîne jugulaire interne : elle comprend des ganglions externes par rapport à la VJI et des ganglions antérieurs : – ganglions externes : ils suivent le bord externe de la VJI depuis le ventre postérieur du muscle digastrique jusqu’au décroisement du muscle omohyoïdien. À la partie inférieure du trajet, les ganglions sont rétrojugulaires. La chaîne se termine au confluent jugulo-sous-clavier (veineux) de Pirogoff par un tronc collecteur volumineux. À droite, il peut emprunter la grande veine lymphatique. À gauche, il se jette directement dans le confluent veineux ou dans le canal thoracique ;
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sus-sternal. La chaîne jugulaire antérieure se draine à la base du cou dans les chaînes jugulaire interne ou cervicale transverse.
¶ Chaîne jugulaire externe Elle comporte un à trois ganglions disposés sur le trajet de la VJE entre son émergence de la glande parotide à sa pénétration dans le feuillet superficiel du fascia cervical.
Drainage des différents territoires de la tête et du cou (G Hidden) LYMPHATIQUES DES TÉGUMENTS (fig 4)
¶ Téguments du cuir chevelu
– moyen : il repose entre le tronc thyro-linguo-facial et le bord supérieur de l’omohyoïdien ;
Très sinueux et multianastomotiques, les lymphatiques des téguments de la voûte crânienne sont en avant de l’aponévrose épicrânienne et du muscle fronto-occipital. La région frontotemporale se draine dans les ganglions parotidiens préauriculaires. La région pariétale est tributaire des ganglions mastoïdiens (afférences rétroauriculaires) puis des ganglions cervicaux profonds et parotidiens inférieurs. La région occipitale correspond aux ganglions occipitaux et aux ganglions cervicaux latéraux profonds.
– inférieur : exceptionnel, il siège entre le muscle omohyoïdien et la terminaison de la VJI.
¶ Téguments du cou
– ganglions antérieurs : ils sont en avant de la VJI et se divisent en trois groupes selon Rouvière (supérieur, moyen et inférieur) : – supérieur : compris entre le bord inférieur du muscle digastrique et le tronc veineux thyro-linguo-facial ; c’est le ganglion de Küttner ;
– Chaîne du nerf spinal : elle est satellite de la branche externe du nerf spinal. Elle débute au bord postérieur du muscle sterno-cléidomastoïdien, glisse sous le muscle trapèze, et se termine le long du bord supérieur de la fosse sous-épineuse. Elle conflue avec l’extrémité externe de la chaîne cervicale transverse, au niveau de l’« amas ganglionnaire sous-trapézien cervical » (Rouvière). La chaîne du nerf spinal comprend cinq à dix ganglions. Elle est tendue entre la chaîne jugulaire interne en haut et la chaîne cervicale transverse en bas.
Région suprahyoïdienne : ganglions submentaux, parotidiens inférieurs et chaîne jugulaire externe.
– Chaîne cervicale transverse : elle est disposée transversalement dans le cou, satellite postérieur de l’artère et des veines cervicales transverses. Elle s’étend de l’extrémité inférieure de la chaîne du nerf spinal au confluent veineux jugulo-sous-clavier. Son ganglion le plus interne est le ganglion de Troisier. Afférences des ganglions latéraux profonds : – la chaîne jugulaire interne collecte la lymphe de la partie antérieure de la tête et du cou, ainsi que des collecteurs des fosses nasales, du larynx, de l’oreille, de la langue, du palais, des glandes salivaires, des amygdales et du corps thyroïde ; – la chaîne du nerf spinal collecte la lymphe issue de la partie postérieure et latérale du cuir chevelu, de la nuque et de la région latérale de l’épaule et du cou ; – la chaîne cervicale transverse recueille les efférences de la chaîne du nerf spinal, ainsi que la lymphe des régions mammaire, antérolatérale du cou et du membre supérieur. Efférences des ganglions latéraux profonds : elles aboutissent soit directement dans le confluent veineux jugulo-sous-clavier, soit dans le canal thoracique (à gauche) ou dans la grande veine lymphatique (à droite).
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GANGLIONS CERVICAUX SUPERFICIELS (fig 1)
¶ Chaîne jugulaire antérieure (Rouvière) Elle regroupe quelques petits ganglions situés en dessous de l’aponévrose cervicale superficielle contre la veine jugulaire antérieure. À la base du cou, on retrouve des ganglions dans l’espace 4
4 Drainage lymphatique des plans superficiels. 1. Ganglions parotidiens ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions submentaux ; 4. ganglions cervicaux profonds ; 5. ganglions occipitaux ; 6. ganglions rétroauriculaires (mastoïdiens).
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Drainage lymphatique du rhinopharynx. 1. Ganglion rétropharyngien latéral ; 2. chaîne jugulaire interne.
6 Drainage lymphatique du vestibule buccal. 1. Ganglions parotidiens ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions submentaux.
Région subhyoïdienne : chaînes jugulaires antérieure et interne. Région sterno-cléido-mastoïdienne : chaînes jugulaire interne, antérieure et externe, et ganglions parotidiens. Région subclaviculaire : chaînes du nerf spinal ou cervicale transverse. Région postérieure du cou : chaînes du nerf spinal ou cervicale transverse en bas, ganglions occipitaux en haut.
Drainage de la cavité nasale et de la partie nasale du pharynx La cavité nasale et la partie nasale du pharynx ont un drainage commun (fig 5), dirigé vers les ganglions latéropharyngiens et les ganglions les plus crâniaux, jugulodigastriques, de la chaîne jugulaire interne. L’étage olfactif de la cavité nasale envoie des collecteurs supérieurs directement aux ganglions rétropharyngiens : ils cheminent sous la muqueuse de la paroi supérieure du pharynx. Il se draine également par des collecteurs plus bas situés, en direction d’un plexus prétubaire situé en avant de l’ostium pharyngien de la trompe auditive (orifice de la trompe d’Eustache), plexus vers lequel convergent des collecteurs issus de l’étage respiratoire et de la face crâniale du voile du palais. Du plexus prétubaire émanent deux groupes de collecteurs : les uns traversent la paroi pharyngée latérale et aboutissent aux ganglions jugulodigastriques, les autres atteignent l’angle latéral du pharynx et rejoignent les ganglions rétropharyngiens latéraux. Les collecteurs de la partie nasale du pharynx traversent soit l’angle latéral du pharynx, soit sa paroi postérieure près de la ligne médiane : avec ou sans relais dans les ganglions rétropharyngiens latéraux, ils conduisent la lymphe vers les ganglions jugulodigastriques.
Drainage de la cavité orale et de la partie orale du pharynx Le drainage lymphatique de la cavité orale et de la partie orale du pharynx est plus diversifié. Il faut distinguer : – les lymphatiques du vestibule oral (vestibule de la bouche) (fig 6) : le long des gouttières vestibulaires, supérieure et inférieure, court un plexus lymphatique. Il se draine, pour la gouttière supérieure,
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7 Drainage lymphatique du plancher buccal. 1. Ganglions subdigastriques (ganglions de Küttner) ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. chaîne jugulaire interne. vers les ganglions submandibulaires, en longeant les vaisseaux faciaux, parfois par des collecteurs labiaux vers les ganglions parotidiens infra-auriculaires. Pour la gouttière inférieure, il se draine vers les ganglions parotidiens infra-auriculaires, submandibulaires et submentaux, éventuellement des deux côtés ; – les lymphatiques du plancher oral (fig 7) et du versant lingual ou oral, de la gencive inférieure se rendent soit aux ganglions submandibulaires, soit au groupe antérieur de la chaîne jugulaire interne, ganglions jugulodigastriques échelonnés du muscle digastrique au muscle omohyoïdien et particulièrement au ganglion de Küttner. Les collecteurs issus de la face orale de la gencive supérieure, ceux du palais dur et de la face orale du voile du palais se répartissent en trois groupes, d’avant en arrière : – les plus antérieurs traversent le muscle buccinateur et suivent les vaisseaux faciaux vers les ganglions submandibulaires antérieurs ; 5
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Drainage lymphatique du trigone et de la commissure maxillomandibulaire. 1. Ganglions subdigastriques (ganglions de Küttner) ; 2. ganglions submandibulaires.
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Drainage lymphatique de la langue. 1. Ganglions submentaux ; 2. ganglions submandibulaires ; 3. ganglions subdigastriques (ganglions de Küttner).
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Drainage lymphatique de la tonsille palatine. 1. Ganglion subdigastrique (ganglion de Küttner) ; 2. chaîne spinale.
– des collecteurs moyens cheminant sous la muqueuse orale puis à la face profonde de la glande submandibulaire rejoignent les groupes latéraux profonds du cou, antérieur et latéral, au niveau de l’étage sous-digastrique ; – la troisième voie, postérieure, se rend aux ganglions rétropharyngiens latéraux ; le drainage est bilatéral pour les collecteurs émanés du palais dur et du voile du palais. La région charnière de la commissure intermaxillaire et du trigone rétromolaire (fig 8) possède une aire de drainage lymphatique étendue depuis les ganglions rétropharyngiens latéraux (Cachin) jusqu’à l’aire submandibulaire, en passant par les ganglions sousdigastriques antérieurs et latéraux. La tonsille palatine (fig 9), les arcs palatoglosse et palatopharyngien (amygdale et piliers du voile) se drainent essentiellement vers les ganglions jugulodigastriques latéraux, parfois vers les éléments supérieurs des ganglions satellites du nerf accessoire, ou vers les nœuds rétropharyngiens latéraux [1]. Les lymphatiques de la langue (fig 10) peuvent être divisés en quatre groupes (Rouvière) [6] : – les collecteurs apicaux se drainent vers les ganglions submentaux, mais peuvent atteindre, après relais dans ces derniers ou directement, le groupe antérieur des ganglions latéraux profonds du cou à l’étage moyen, jugulo-omo-hyoïdien ; – les collecteurs issus des bords de la langue vont aux ganglions submandibulaires ou aux éléments antérieurs de la chaîne jugulaire interne jugulodigastrique (ganglion de Küttner), du muscle digastrique au muscle omohyoïdien ; 6
– les collecteurs centraux gagnent de manière bilatérale les ganglions submandibulaires et les ganglions antérieurs, supérieurs ou moyens, échelonnés le long de la VJI. Langue mobile et plancher de la cavité orale partagent ainsi le même territoire de drainage, avec bilatéralité fréquente, constante pour les régions proches de la ligne médiane ; – les collecteurs issus de la racine de la langue en arrière du « V » lingual, se dirigent vers les ganglions sous-digastriques de manière bilatérale. Cependant, la communauté du réseau d’origine et l’absence de démarcation précise entre les diverses régions de la langue expliquent l’atteinte possible des ganglions submandibulaires à partir d’une lésion de la base de la langue.
Drainage du larynx Le drainage lymphatique du larynx s’oriente de manière différente de part et d’autre de l’étage glottique, « l’étage glottique étant plus une barrière qu’une zone lymphatique » (Cachin). Les lymphatiques de l’étage supraglottique du larynx et ceux de l’étage inférieur du pharynx forment de chaque côté un pédicule qui traverse la membrane thyrohyoïdienne par l’orifice du nerf et des vaisseaux laryngés supérieurs : les collecteurs se séparent alors pour se rendre aux différents ganglions échelonnés le long de la VJI, du muscle digastrique au muscle omohyoïdien. Les collecteurs de l’étage infraglottique émergent par un pédicule antérieur et deux pédicules dorsolatéraux : – le pédicule antérieur émerge de la membrane cricothyroïdienne, et avec ou sans relais dans les ganglions prélaryngés ou prétrachéaux (bilatéralité possible), rejoint les ganglions satellites de la veine jugulaire antérieure ; – les pédicules dorsolatéraux se terminent dans les ganglions les plus élevés des chaînes paratrachéales, satellites des nerfs laryngés inférieurs.
Drainage de la glande thyroïde Les collecteurs lymphatiques de la glande thyroïde peuvent être schématisés de la manière suivante (Lassau) [3] :
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Système lymphatique de la tête et du cou
– des collecteurs médians supra-isthmiques se rendent soit aux ganglions prélaryngés, soit au groupe antérieur (éléments supérieur ou moyen) de la chaîne jugulaire interne ;
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Drainage de la trachée cervicale
– des collecteurs médians infra-isthmiques se drainent vers les ganglions prétrachéaux, pouvant descendre jusqu’aux ganglions médiastinaux ventraux ;
Le drainage lymphatique de la trachée cervicale, comme celui de l’étage infraglottique du larynx, intéresse, d’une part en avant les ganglions prétrachéaux, d’autre part latéralement les chaînes latérotrachéales ou récurrentielles.
– des collecteurs émanés du sommet des lobes latéraux, satellites du pédicule thyroïdien supérieur, rejoignent des ganglions très haut situés : rétropharyngiens latéraux ou jugulodigastriques ;
Drainage de l’œsophage cervical
– des collecteurs nés de la face latérale des lobes latéraux, disposés transversalement, se jettent dans les éléments moyens du groupe antérieur satellite de la VJI ;
Le drainage de l’œsophage cervical est moins bien connu, l’organe étant difficile à injecter : il intéresserait, pour Rouvière, les ganglions satellites de la VJI et les ganglions latérotrachéaux.
– du pôle inférieur des lobes latéraux se détachent des collecteurs prévasculaires, croisant la face latérale de la VJI pour rejoindre un ganglion bas situé du groupe latéral, et d’autres plus médians, satellites de la veine thyroïdienne inférieure, et rejoignant les ganglions de la chaîne cervicale transverse ;
Références
– de la face médiale des lobes latéraux se détachent des collecteurs gagnant les ganglions des chaînes paratrachéales, satellites du nerf laryngé inférieur. En résumé, il faut retenir l’extrême diffusion en hauteur du drainage lymphatique de la glande thyroïde, la bilatéralité possible de ce drainage au niveau de l’isthme thyroïdien, et enfin la possibilité d’anastomoses entre le réseau lymphatique de la glande thyroïde et celui de la trachée.
[1] Cachin Y, Guerrier Y, Pinel J. Les adénopathies cervicales néoplasiques. Paris : Arnette, 1969 [2] Hidden G. Le drainage lymphatique de la tête et du cou. In : Anatomie clinique. Tome 3 : Tête et cou. Paris : Springer-Verlag, 1996 : 431-443 [3] Lassau JP, Hidden G, Hurau J, Alexandre JH, Chevrel JP. Les voies de drainage lymphatique du corps thyroïde chez l’adulte. CR Assoc Anat 1966 ; 132 : 610-617 [4] Netter FH. Atlas of human body. Paris : EMI, 1995 [5] Poirier P, Cuneo B. Les lymphatiques. In : Poirier P, Charpy A éd. Traité d’anatomie humaine. Tome II, Fascicule 4. Paris : Masson, 1902 [6] Rouvière H. Anatomie des lymphatiques de l’homme. Paris : Masson, 1932 [7] Spitalier JM, ColonnaD’Istria, J. La chirurgie des métastases ganglionnaires cervicales. . Paris : Masson, 1961
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Stomatologie [22-001-B-35]
Système veineux cervico-maxillo-facial
Bernard Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, CHU Besançon, Bd Fleming, 25000 Besançon. France
© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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ORGANISATION GÉ NÉ RALE On peut considérer l'extrémité cervicocéphalique comme constituée de trois couches concentriques : neurovertébrale, musculoviscérale, superficielle. Chaque couche possède un système veineux qui lui est propre. Ainsi :
:
la couche profonde neurovertébrale contient : les veines de l'axe nerveux (moelle épinière) ; les veines méningées ; les veines squelettiques et en particulier le complexe transversaire de la colonne cervicale ; la deuxième couche viscéromusculaire contient les principaux troncs individualisés ;
les veines jugulaires internes (VJI) et veines jugulaires postérieures (VJP)
la terminaison des veines subclavières ; les veines brachiocéphaliques ; des grands plexus veineux se situent également dans cette couche ; ils sont annexés aux muscles (masticateurs), ailleurs ils sont développés à la surface de certaines cavités (cavité orale et pharynx, cavité nasale) ; des plexus sont également situés au contact ou à l'intérieur des glandes et en particulier la glande thyroïde et la glande submaxillaire ; la troisième couche située dans l'enveloppe sous-cutanée contient les veines superficielles et en particulier les veines jugulaires externes (VJE) et les veines jugulaires antérieures (VJA).
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CARACTÈRES FONCTIONNELS DU DRAINAGE VEINEUX Les veines de l'extrémité cervicocrânienne ont certaines caractéristiques qui leur sont propres. Le retour veineux se fait de façon efficace vers la veine cave supérieure. Plusieurs facteurs entrent en compte dans cette efficacité et l'on doit citer la force de gravité, la force d'aspiration de la pompe thoracique, la pulsion procurée par les battements des parois artérielles mobilisant le sang veineux vers la veine cave supérieure. La contraction des muscles constitue également un facteur primordial d'évacuation du sang veineux, permettant par exemple au niveau de l'orifice buccal de chasser le sang veineux de façon ascendante pour rejoindre la veine faciale. Enfin, il est notable que les veines de l'extrémité céphalique n'ont que très peu de valvules. Dans 93 % des cas, il s'agit de valves bicuspides. Concernant les veines superficielles, elles sont présentes 8/10 à la confluence du tronc faciolingual [5]. Un autre élément fonctionnel est l'équilibre entre les systèmes jugulaires internes et jugulaires externes. Ces deux systèmes sont unis par des anastomoses dont les plus remarquables se font entre la veine faciale aboutissant à la VJI et la veine maxillaire aboutissant à la VJE. Les principaux plexus sont les suivants : le plexus alvéolaire situé au niveau de la tubérosité maxillaire communiquant avec le corps adipeux de la bouche (boule de Bichat) ; le plexus de l'articulation temporomandibulaire ; les plexus des muscles manducateurs (temporaux, massétérins, ptérygoïdiens) ; les plexus pharyngés ; les plexus de la cavité nasale ; les plexus des muscles de la région suboccipitale ; le plexus thyroïdien.
Par ailleurs, au niveau de la couche la plus profonde, on retrouve les plexus vertébraux interne et externe. Ces plexus ont un rôle fonctionnel important par leur capacité de rétention sanguine ; ils sont placés en dérivation et peuvent régulariser le débit veineux. Architecture du drainage veineux : certains troncs sont totalement indépendants de l'architecture artérielle comme la VJE et la VJA ; d'autres sont satellites ou contigus aux axes artériels comme la VJI.
Veine jugulaire interne (fig 1 et 2) Origine La VJI naît, au niveau du trou déchiré postérieur, du réceptacle des veines encéphaliques et orbitaires, et des sinus intracrâniens.
Trajet Oblique en bas, en avant et en dehors, la VJI rejoint la face postérieure de l'artère carotide interne (ACI) pour la contourner progressivement vers le
dehors. Son calibre varie de 9 à 16 mm.
Terminaison La VJI s'unit à la veine subclavière (VSC) homolatérale en regard de l'articulation sterno-chondro-claviculaire pour former le tronc veineux brachiocéphalique qui reçoit également le canal thoracique à gauche et la grande veine lymphatique à droite.
Collatérales La VJI reçoit, tout au long de son trajet, les veines répondant aux branches artérielles du système carotidien. Leur variabilité est importante, mais elles peuvent être décrites en trois troncs veineux principaux : thyro-linguo-pharyngofacial, temporomaxillaire et auriculo-occipital (Testut) .
Tronc veineux thyro-linguo-pharyngo-facial La veine thyroïdienne supérieure conflue souvent avec les veines linguales et faciales (tronc thyro-linguo-facial de Farabeuf) après un trajet oblique en haut et en dehors à partir du bord supérieur du corps thyroïde. Elle reçoit des veinules laryngées et pharyngiennes. La veine laryngée supérieure peut s'anastomoser directement avec la VJI. La veine thyroïdienne moyenne quitte le bord inférieur de la glande pour se jeter en dehors dans la VJI à son tiers moyen. Les veines thyroïdiennes inférieures gagnent directement les troncs veineux brachiocéphaliques ou la veine cave supérieure. Veine linguale : les veines profondes, dorsales et ranines, convergent en un tronc commun court : les veines profondes de la langue (deux à quatre) sont satellites de l'artère linguale et forment un véritable plexus ; les veines dorsales cheminent sur le dos de la langue entre musculeuse et muqueuse ; elles reçoivent des veinules épiglottiques et amygdaliennes ; les veines ranines quittent le frein de la langue pour rejoindre en arrière le contact du nerf grand hypoglosse et le tronc de la veine linguale ; elles sont séparées de l'artère linguale par le muscle hyoglosse. La veine faciale draine le territoire de l'artère faciale. Elle naît à l'angle interne de l'oeil, traverse obliquement la face de haut en bas et de dedans en dehors pour croiser la mandibule et rejoindre la VJI dans le cou. Elle reçoit : les veines de l'aile du nez ; le tronc labio-septo-columellaire ; le plexus alvéolaire (veines suborbitaires, palatine supérieure, vidienne et sphénopalatine) ; les veines massétérines antérieures ; la veine submentale ; les veines submandibulaires. Veines pharyngiennes ; deux plexus communiquent entre eux : le plexus sous-muqueux, bien développé en arrière, est connecté aux veines du voisinage (linguales, thyroïdiennes et oesophagiennes) et au plexus péripharyngien, par des veines perforantes qui cheminent sous le muscle constricteur inférieur du pharynx ; le plexus externe reçoit, outre ces veines perforantes, des branches ptérygopalatines méningées et des rameaux de la veine sphénopalatine ; il s'organise en un réseau de veines volumineuses réunies par des arcades transversales et par des troncs verticaux le long des parois latérales du pharynx. Ainsi s'établit une voie collatérale profonde latéropharyngée doublant la voie jugulaire interne.
Tronc veineux temporomaxillaire Il résulte de l'union des veines temporales superficielles (veines temporale moyenne, auriculaire antérieure, transverses de la face et parotidiennes) et maxillaire (plexus ptérygoïdien et plexus alvéolaire).
Tronc veineux auriculo-occipital Il réunit les veines auriculaire postérieure et occipitale. Ce tronc peut être volumineux ; il draine essentiellement le cuir chevelu dans sa moitié postérieure .
Rapports La VJI appartient au paquet vasculonerveux du cou : elle traverse successivement, de haut en bas, le trou déchiré postérieur et la fosse jugulaire, l'espace subparotidien postérieur, la région carotidienne et la base du cou.
Rapports avec les éléments du paquet vasculonerveux du cou La VJI, les artères carotides primitives (ACP), les ACI et le nerf vague (X) forment le paquet vasculonerveux. La VJI est en haut postéroexterne à l'ACI, puis externe à l'ACP, puis antéroexterne à la base du cou. Le X emprunte l'angle dièdre formé par la VJI et l'ACP : il est compris avec les vaisseaux dans un manchon conjonctivovasculaire (gaine vasculaire) cloisonné par le septum de Langenbeck. De nombreux ganglions lymphatiques recouvrent la face externe de la VJI (chaîne jugulocarotidienne).
Rapports au trou déchiré postérieur La VJI est séparée par le ligament jugulaire des nerfs spinal, vague, du sinus pétreux inférieur et de l'artère méningée postérieure (branche de l'artère pharyngienne ascendante).
Rapports dans la fosse jugulaire Cette excavation du rocher contient le golfe de la VJI, très proche de la caisse du tympan, du canal carotidien et du canal de Jacobson. En dehors, le trou stylomastoïdien contient le nerf facial et l'artère stylomastoïdienne. En dedans, le canal condylien livre passage au nerf grand hypoglosse.
Rapports dans l'espace sous-parotidien postérieur (espace rétrostylien) Rapports avec les parois de l'espace En arrière : les apophyses transverses de C1 à C4 doublées en avant des muscles grand et petit droit antérieur de la tête, long du cou. En avant : le diaphragme stylien. Ce rideau musculoaponévrotique est tendu de la base du crâne (styloïde) à la paroi pharyngée latérale et au gonion de la mandibule. Sa portion interne correspond à l'aponévrose stylopharyngée, sa portion moyenne est constituée par les muscles stylopharyngien, styloglosse et stylohyoïdien (bouquet de Riolan). Sa portion externe est formée par le ligament stylomandibulaire. La
VJI répond au muscle stylohyoïdien, au nerf facial et à la parotide. En dehors : le muscle sterno-cléido-mastoïdien et le ventre postérieur du digastrique. En dedans : le constricteur supérieur du pharynx. En haut : le rocher et les condyles occipitaux. En bas : l'espace subparotidien postérieur se poursuit avec la gouttière carotidienne.
Rapports avec le contenu de l'espace La VJI est postéroexterne, l'ACI est antéro-interne. Ces deux vaisseaux sont accompagnés par les nerfs du trou déchiré postérieur (en dedans de la VJI) et par le nerf grand hypoglosse (postéro-interne à la VJI). Le sympathique (ganglion cervical supérieur) est en arrière et en dedans de la VJI : s'en détachent le nerf cardiaque supérieur et les rameaux carotidiens. Le X est en dedans de la VJI : il émet le nerf laryngé supérieur et le nerf cardiaque supérieur du vague. Le nerf glossopharyngien (IX) passe entre l'ACI en dedans, le nerf vague et la VJI en dehors. Il se ramifie en une anastomose pour le nerf facial (anse de Haller), des rameaux pharyngiens et des rameaux carotidiens dont le nerf du sinus carotidien (Hering). Le nerf grand hypoglosse (XII) est en arrière et en dedans de la VJI. Il croise le sympathique, l'ACI et le nerf vague et s'insinue entre la VJI et l'ACI pour amorcer sa courbe sous la branche sterno-cléido-mastoïdienne de l'artère occipitale. Le nerf spinal (XI) envoie une branche interne au nerf vague et une branche externe qui croise la VJI le plus souvent en avant. Le nerf spinal aborde le muscle sterno-cléido-mastoïdien par sa face profonde. Il est satellite de la chaîne ganglionnaire du nerf spinal. Le nerf facial (VII) répond à la VJI en dehors. Il émet l'anse de Haller, les nerfs auriculaires postérieurs, du ventre postérieur du digastrique, du muscle stylohyoïdien et le nerf lingual. La VJI répond aux artères occipitale auriculaire postérieure, pharyngienne ascendante, aux veines pharyngiennes et à la parotide.
Rapports dans la région carotidienne Après avoir franchi le ventre postérieur du digastrique longé par l'artère occipitale, la VJI aborde la gouttière carotidienne et ses éléments vasculonerveux.
Rapports avec la paroi de la gouttière carotidienne La gouttière carotidienne, prismatique, est constituée de trois parois (interne, externe et postérieure). La paroi externe est constituée de dehors en dedans par les téguments, le platysma, le plexus cervical superficiel, la VJE et le muscle sterno-cléidomastoïdien. La paroi interne est séparée de la VJI par les ACP et ACI, et le nerf vague. Elle est représentée par le lobe latéral de la thyroïde, la trachée, le pharynx et l'oesophage. La paroi postérieure regroupe les muscles prévertébraux, les apophyses transverses des vertèbres cervicales, les muscles scalènes et leur aponévrose.
Rapports avec le contenu de la gouttière carotidienne Les rapports de la VJI seront décrits au-dessus et en dessous du muscle omohyoïdien, après un rappel des rapports de la VJI avec les vaisseaux carotidiens.
Rapports de la VJI avec les vaisseaux carotidiens Sous le ventre postérieur du digastrique, l'ACI est antérieure et interne à la VJI. Au niveau du bord supérieur du cartilage thyroïde, l'ACP bifurque en ACI, postéroexterne, et l'artère carotide externe (ACE) antéro-interne. La VJI est en dehors et en arrière de l'ACE. L'artère occipitale est l'unique branche de l'ACE en rapport avec la VJI. Le nerf vague est postérieur. Le glomus carotidien, en arrière de la bifurcation de l'ACI, est en arrière de la VJI. Sous la bifurcation, la VJI devient antéroexterne à l'ACP. Ces divers éléments sont contenus dans la gaine jugulocarotidienne.
Rapports de la VJI au-dessus de l'omohyoïdien La VJI répond à la bifurcation carotidienne. Elle repose sous le muscle sternocléido-mastoïdien, qu'elle croise en X : elle en est séparée par les ganglions lymphatiques de la chaîne jugulaire interne répartis entre le digastrique (ventre postérieur) et l'omohyoïdien. Ils sont nombreux. Le ganglion sous-digastrique (Küttner) et le ganglion supraomohyoïdien (Poirier) sont les plus volumineux. Sous le muscle sterno-cléido-mastoïdien, la branche externe du nerf spinal croise la VJI (en avant le plus souvent). Plus bas, le tronc veineux thyro-linguo-facial aborde la VJI. La VJI en arrière, le tronc thyro-linguo-facial en avant et le nerf grand hypoglosse en arrière délimitent le triangle de Farabeuf. Ce dernier contient, en avant et en dedans de la VJI, l'ACI, l'ACE et les artères thyroïdienne supérieure, linguale et faciale. L'artère pharyngienne ascendante naît de la face postérieure de l'ACE et rejoint rapidement la paroi pharyngée latérale. Seule l'artère occipitale, née en haut du triangle de Farabeuf, croise la VJI pour rejoindre le digastrique. La branche descendante du nerf grand hypoglosse descend en avant de l'ACI et de la VJI. Au-dessus du tendon intermédiaire de l'omohyoïdien, cette branche s'anastomose avec la branche descendante interne du plexus cervical en formant en avant de la VJI l'anse de l'hypoglosse. Le nerf laryngé supérieur est séparé de la VJI par le plan carotidien.
Rapports de la VJI au-dessous de l'omohyoïdien La VJI devient de plus en plus antérieure à l'ACP pour rejoindre le confluent de Pirogoff. Le nerf vague croise la face postérieure de la VJI pour se placer derrière la VSC et devant l'ASC (artère subclavière). En avant, la VJI est recouverte par l'aponévrose cervicale moyenne dont elle est séparée par les ganglions inférieurs de la chaîne jugulaire interne. En arrière, la VJI répond à l'artère thyroïdienne inférieure, au ganglion cervical moyen du sympathique, au nerf phrénique (en avant du muscle scalène antérieur) et à l'artère cervicale ascendante. En dedans, la VJI répond au lobe latéral de la thyroïde, au nerf récurrent accompagné de sa chaîne lymphatique récurrentielle.
Rapports de la VJI à sa terminaison La VJI quitte la paroi postérieure de la gouttière carotidienne, passe en arrière du chef claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien et gagne le creux supraclaviculaire. La VJI surcroise l'ASC et s'unit à la VSC pour former le confluent veineux jugulo-sous-clavier de Pirogoff. En avant, la VJI répond à la clavicule, à l'articulation sterno-chondroclaviculaire et au muscle sterno-cléido-mastoïdien. En arrière, la VJI répond à droite au tronc artériel brachiocéphalique (TABC), à l'origine de l'ASC et recouvre l'ACP. À gauche, l'ASC est plus postérieure et l'ACP plus superficielle. Le nerf vague croise à droite l'ASC et abandonne le nerf récurrent droit. À gauche, le nerf vague croise la face postérieure de la VJI pour gagner le médiastin postérieur où il abandonne le nerf récurrent gauche sous la crosse aortique. En dedans, la VJI répond au thymus et à la trachée dont elle est séparée par l'ACP. En dehors, la VJI répond à l'ASC, à l'anse de Vieussens, au sympathique et au nerf phrénique. Les collatérales de l'ASC (tronc thyro-bicervico-scapulaire,
tronc costocervical et artère vertébrale [AV]) sont en dehors et en arrière de la VJI. Au niveau du confluent de Pirogoff, les veines jugulaires externe, antérieure et vertébrale convergent pour rejoindre le confluent soit isolément, soit en formant des troncs communs. La VJE est oblique en bas et en dedans, toujours en dehors de la VJI. La VJA croise en avant la VJI et de dedans en dehors, la veine vertébrale (VV) rejoint la VSC. Le canal thoracique à gauche, la grande veine lymphatique à droite, rejoignent également le confluent veineux.
Veine jugulaire externe (fig 3) La VJE est une veine superficielle de la face latérale du cou. Elle naît dans la région parotidienne, surcroise le muscle sterno-cléido-mastoïdien, et rejoint le creux supraclaviculaire.
Origine La VJE naît dans la parotide, à partir du confluent veineux parotidien, alimenté par les veines temporale superficielle, maxillaire, auriculaire postérieure et occipitale. La VJE résulte de l'anastomose d'un tronc antérieur, temporomaxillaire (ou veine faciale postérieure) et d'un tronc postérieur, auriculotemporal. Après un court tronc commun intraglandulaire, ces deux troncs veineux se divisent en deux branches : la veine communicante intraparotidienne (anastomotique avec la veine faciale ou le tronc veineux thyro-linguo-facial) et une branche superficielle qui constitue la VJE. Le confluent veineux parotidien est drainé par deux voies : une voie superficielle (VJE) et une voie profonde (veine communicante, complétée par les petites veines carotides de Launay).
Trajet La VJE est oblique en bas, en dehors et en arrière pour quitter la parotide. Elle surcroise la face externe du muscle sterno-cléido-mastoïdien, traverse de haut en bas le creux supraclaviculaire et perfore les aponévroses cervicales superficielle et moyenne. Elle décrit alors une crosse à concavité antérieure qui la place sous le chef claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien.
Terminaison La VJE se déverse dans la VSC, près de l'angle veineux de Pirogoff. Sa terminaison est variable : elle peut se jeter dans la VJI, ou fusionner avec la VJA pour rejoindre la VSC. Le calibre de la VJE est variable (5 à 9 mm). Il est en rapport inverse avec celui des VJI et VJA. La VJE présente deux valvules qui sont peu efficaces. L'une siège à sa partie moyenne, l'autre est ostiale à son embouchure dans la VSC.
Collatérales à la naissance de la VJE Veine temporale superficielle Elle draine le territoire de l'artère homonyme. Cette veine naît de la confluence
avant du tragus, entre l'artère en avant et le nerf auriculotemporal en arrière. Ce tronc pénètre dans la parotide, et s'unit au niveau du col du condyle à la veine maxillaire pour former le tronc temporomaxillaire. À l'origine, la veine temporale superficielle s'anastomose sur la ligne médiane avec son homologue controlatérale, en avant avec les veines frontales et supraorbitaires, en arrière avec les veines auriculaire postérieure et occipitale. La branche postérieure communique avec le sinus longitudinal supérieur par la veine émissaire pariétale de Santorini qui emprunte le trou pariétal. Elle reçoit les veines : tégumentaires temporales et malaires ; transversales de la face ; auriculaires antérieures ; de l'articulation temporomandibulaire ; du canal de Sténon ; de la parotide.
Veine maxillaire (interne) (fig 4) Elle naît dans l'arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire de la confluence de la veine sphénopalatine (veine nasale postérieure), des veines vidiennes, des veines pharyngées supérieures (veines ptérygopalatines) et des veines pharyngées inférieures. La veine maxillaire constitue avec ses affluents les plexus ptérygoïdiens dans la région ptérygomaxillaire, de part et d'autre du muscle ptérygoïdien externe. Au niveau du col du condyle, les plexus ptérygoïdiens fusionnent en une veine simple ou double (maxillaire) qui s'engage avec l'artère homonyme et le nerf auriculotemporal dans la boutonnière rétrocondylienne de Juvara. Elle contourne le col du condyle de dedans en dehors et pénètre dans la parotide. Les plexus ptérygoïdiens sont regroupés en un plexus antérieur et un plexus postérieur. Le plexus antérieur, en avant du muscle ptérygoïdien externe, occupe la région ptérygomaxillaire. Il reçoit les veines du plexus alvéolaire, les veines émissaires du trou grand rond (Nuhn), la veine dentaire inférieure, les veines temporales profondes ptérygoïdiennes, massétérines supérieures et parfois la veine nasale supérieure. Le plexus postérieur occupe l'espace maxillopharyngé où il répond au nerf maxillaire inférieur (mandibulaire). Il reçoit les veines méningées moyennes, la petite veine méningée, les veines émissaires du sinus caverneux, du trou ovale et les veines tympaniques. Ces deux plexus sont anastomotiques à travers le muscle ptérygoïdien externe. Ils communiquent avec le plexus alvéolaire (qui se draine pour partie dans la veine maxillaire, pour partie dans la veine faciale), avec les veines pharyngiennes tributaires de la VJI et les veines articulaires temporomandibulaires. La veine maxillaire reçoit : les veines méningées moyennes antérieure et postérieure issues des lacs sanguins voisins du sinus longitudinal supérieur ; satellites des branches de l'artère méningée moyenne, elles quittent le crâne par le trou petit rond ; la veine alvéolaire inférieure : elle quitte la mandibule par l'orifice supérieur du canal dentaire en drainant les dents de la mandibule et une partie du sang veineux du plancher de la bouche (veine mylohyoïdienne) ; elle se jette soit dans le plexus ptérygoïdien antérieur, soit dans la veine maxillaire ; les veines temporales profondes ; satellites des artères, elles drainent le muscle temporal et les veines osseuses de la fosse temporale ; les veines massétérines supérieures ; les veines ptérygoïdiennes ; nombreuses, elles drainent les muscles ptérygoïdiens interne et externe.
Veine auriculaire postérieure
la région. Elle emprunte le sillon rétroauriculaire, satellite de l'artère homonyme, et croise la face externe du muscle sterno-cléido-mastoïdien pour pénétrer dans la parotide. Elle reçoit : les veinules auriculaires (pavillon) ; les veines occipitales superficielles ; les veines tégumenteuses mastoïdiennes ; la veine stylomastoïdienne.
Veine occipitale Superficielle à son origine, elle traverse le muscle trapèze et s'engage sous le muscle splénius en dehors, en avant et en bas, puis sous le petit complexus. Elle atteint la mastoïde puis, longeant le ventre postérieur du muscle digastrique, elle croise le muscle sterno-cléido-mastoïdien et pénètre dans la parotide par sa face postérieure. Dès son origine, elle est anastomotique avec : les veines occipitales superficielles ; la veine auriculaire postérieure ; le pressoir d'Hérophile ; la VJP ; la VV. Dans son trajet, elle reçoit : la veine émissaire mastoïdienne (qui provient du sinus latéral) ; des veines musculaires de la nuque et du cou parmi lesquelles la veine cervicale postérieure et la veine sterno-cléido-mastoïdienne supérieure.
Collatérales de la VJE pendant son trajet La VJE reçoit : dans la région parotidienne : les veines du canal de Sténon ; les veines articulaires temporomandibulaires ; des veinules parotidiennes ; des veines massétérines ; dans la région sterno-cléido-mastoïdienne : la veine occipitale superficielle ; la veine sous-cutanée postérieure du cou ; au niveau de sa crosse : la veine scapulaire postérieure (ou veine transverse du cou) ; la veine scapulaire supérieure (ou veine suprascapulaire) ; une branche anastomotique de la veine céphalique.
Anastomoses de la VJE La VJE s'anastomose : avec les sinus crâniens de la dure-mère par : ses branches d'origine (veine temporale superficielle, plexus ptérygoïdiens et veine occipitale) ; ses veines émissaires (veines émissaires pariétale, mastoïdienne, ou issues du sinus caverneux) ; avec les veines rachidiennes et la VJP par les branches profondes de la veine occipitale ; avec la VJA par la veine jugulaire oblique antérieure de Kocher ;
avec la VJI par : les veines carotides externes de Launay ; la veine communicante intraparotidienne ; le plexus alvéolaire ; avec la veine céphalique par l'anastomose céphalojugulaire.
Rapports de la VJE Dans la parotide, la VJE se trouve à l'union du tiers externe et des deux tiers internes de la glande. Elle répond : superficiellement, au nerf facial qui se divise en branches temporofaciale, transversofaciale et cervicofaciale ; profondément, à l'ACE et sa collatérale intraparotidienne, l'artère auriculaire postérieure ; en avant, à la branche montante de la mandibule, doublée en dedans par le muscle ptérygoïdien interne, en dehors par le muscle masséter ; en arrière, au muscle sterno-cléido-mastoïdien ; aux ganglions lymphatiques intraparotidiens.
La VJE quitte la parotide et croise le muscle sterno-cléido-mastoïdien au niveau de la grande corne de l'os hyoïde. Dans la région sterno-cléido-mastoïdienne, la VJE répond : superficiellement, au platysma et aux branches suprasternale et supraclaviculaire du plexus cervical superficiel ; profondément, à la branche cervicale transverse du plexus cervical superficiel qui s'interpose entre la VJE et le muscle sterno-cléidomastoïdien ; en avant, à la veine jugulaire oblique antérieure de Kocher ; en arrière, à la branche auriculaire du plexus cervical superficiel (la branche mastoïdienne est plus postérieure). Dans le creux supraclaviculaire, la VJE occupe le triangle supraclaviculaire, limité en bas par la clavicule, en avant par le muscle sternocléido-mastoïdien et en arrière par le trapèze. Elle perfore l'aponévrose cervicale superficielle, chemine entre les aponévroses superficielle et moyenne où elle baigne dans une nappe graisseuse contenant des ganglions lymphatiques. Puis elle perfore l'aponévrose cervicale moyenne sous le muscle omohyoïdien en décrivant sa crosse. La VJE répond : superficiellement, aux téguments, au platysma et à la branche supraclaviculaire du plexus cervical superficiel ; profondément, au muscle scalène antérieur, qui la sépare du plexus brachial, et aux artères cervicale ascendante, cervicale transverse superficielle et scapulaire supérieure ; la branche externe du nerf spinal, au bord externe du trapèze, est plus postérieure ; en avant, à la VJE, aux ganglions de la chaîne jugulaire et au bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien ; en arrière, au bord antérieur du muscle trapèze dont elle est séparée par le ventre postérieur du muscle omohyoïdien. À sa terminaison, la VJE s'abouche dans la VSC dans sa portion antérieure et supérieure en dehors de la VJA ou entre la VJA et la VV. Elle répond : en avant, au chef claviculaire du muscle sterno-cléido-mastoïdien et à la clavicule ; en arrière, à la VSC et à l'ASC plus postérieure ; entre les deux vaisseaux cheminent (de dedans en dehors) le nerf vague qui abandonne à droite son récurrent sous l'ASC, le sympathique et son anse subclavière de Vieussens, le nerf phrénique et le nerf du muscle subclavier ; en dedans, au sinus de la VJI qui reçoit la veine thyroïdienne inférieure ; en haut, à l'angle veineux de Pirogoff (VSC, VJA, VV, canal thoracique à gauche et grande veine lymphatique à droite).
Veine jugulaire antérieure (fig 5)
Située à la partie antérieure du cou, la VJA est proche de la ligne médiane. Son territoire de drainage est plus modeste que celui de la VJE. La VJA s'étend de la région mentonnière, où elle est superficielle, à la région basicervicale où elle est profonde.
Origine La VJA naît superficiellement dans la région suprahyoïdienne médiane, dans le tissu cellulaire sous-cutané recouvrant le muscle mylohyoïdien. Elle résulte de la fusion de la veine submentale superficielle (distincte des veines submentales satellites de l'artère homonyme) avec une branche veineuse anastomotique issue de la veine faciale.
Trajet La VJA chemine d'avant en arrière jusqu'à l'os hyoïde qu'elle croise en avant. Elle descend verticalement dans la région subhyoïdienne pour perforer l'aponévrose cervicale superficielle à deux travers de doigt de la fourchette sternale. Alors sous-aponévrotique, elle décrit un angle droit pour emprunter un trajet horizontal en dehors, gagner la région carotidienne sous le muscle sterno-cléidomastoïdien. Son calibre est de 5 mm environ.
Terminaison La VJA se jette dans la VSC au niveau de l'angle veineux de Pirogoff, soit isolément, soit par un tronc commun avec la VJE.
Collatérales La VJA ne reçoit que des veinules musculaires et tégumentaires des régions supra- et subhyoïdiennes, ainsi que des veinules laryngées. L'arcade des jugulaires (anastomose horizontale entre les deux VJA) reçoit normalement des veinules thymiques et médiastinales par son bord inférieur, et la veine médiane du cou (inconstamment) par son bord supérieur.
Rapports La VJA reconnaît deux portions, l'une verticale supra- et subhyoïdienne (paramédiane), l'autre horizontale où elle parcourt l'espace suprasternal, la région carotidienne et l'angle veineux de Pirogoff. Dans sa portion verticale, la VJA est intercalée entre les deux ventres antérieurs digastriques. Puis, sous l'os hyoïde, la VJA est comprise dans un dédoublement de l'aponévrose cervicale superficielle et elle répond en arrière aux muscles thyrohyoïdien, sterno-cléido-mastoïdien et à la membrane thyrohyoïdienne. Dans sa portion horizontale, la VJA répond : en avant au muscle sterno-cléido-mastoïdien ; en arrière, aux muscles sternothyroïdien et sterno-cléido-hyoïdien, à la VJI et au nerf vague qu'elle croise transversalement ; en bas, à la fourchette sternale, à l'articulation sterno-chondroclaviculaire et à la clavicule.
- Rapports à la terminaison : cf VJE. Tout au long de son trajet, la VJA est satellite d'un tronc collecteur lymphatique (voie jugulaire antérieure de Rouvière) et par des ganglions, surtout au niveau suprasternal.
Anastomoses La VJA s'anastomose avec : la VJA controlatérale par l'arcade des jugulaires, constante, et par une arcade veineuse transversale inconstante immédiatement subhyoïdienne ; la VJE par la veine jugulaire oblique antérieure de Kocher ; la VJI par son anastomose de naissance avec la veine faciale, et par des veinules dépendant de la veine thyroïdienne supérieure.
Veine jugulaire postérieure Décrite par Walther, la VJP est une veine profonde de la nuque : elle doit être décrite comme un « canal de dérivation de la veine vertébrale » (Paturet). Son calibre varie en sens inverse de celui de la VV.
Origine La VJP se détache du plexus veineux sous-occipital, en arrière du ligament occipitoaxoïdien postérieur, dans le triangle de Tillaux. Elle naît de l'union des branches des veines condyliennes postérieures, de la veine émissaire mastoïdienne et de la VV.
Trajet et rapports La VJP est d'abord oblique en bas et en dedans vers la ligne médiane. Elle croise le muscle grand oblique de la tête à sa face postérieure, puis se dirige verticalement en dedans des tubercules postérieurs des apophyses transverses cervicales. Elle repose sur le muscle intertransversaire épineux, et elle est recouverte par le muscle grand complexus. Au niveau de la septième vertèbre cervicale, elle s'infléchit en bas et en dehors et s'insinue entre la septième apophyse transverse et la première côte.
Terminaison Elle se jette à la face postérieure du confluent jugulo-subclavier ou dans le tronc veineux innominé.
Collatérales et anastomoses La VJP reçoit des veines musculaires de la nuque (surtout des plexus situés entre les muscles grand complexus et intertransversaire). La VJP s'anastomose avec : la VV à chaque espace intertransversaire ; la VJP controlatérale par une anastomose horizontale, immédiatement au-dessus de l'apophyse épineuse de l'axis ; cette
anastomose reçoit la veine médiane de la nuque ; la veine vertébrale postérieure (ou veine cervicale profonde) à chaque espace intertransversaire.
Veine vertébrale La VV s'étend du trou occipital à la région basicervicale. Elle n'est satellite de l'AV que dans sa portion cervicale. La VV est grêle, parfois dédoublée, toujours en dehors de l'artère homonyme.
Origine La VV naît profondément dans la nuque, sous le trou occipital, en arrière du ligament occipitoatloïdien postérieur, sous le muscle grand droit postérieur de la tête. Elle se détache du plexus veineux suboccipital, et reçoit trois branches anastomotiques issues des veines condyliennes postérieures, de la VJP et de la veine occipitale.
Trajet et rapports La VV se dirige d'abord en dehors, au-dessus de l'AV qui la sépare du premier nerf rachidien cervical. Satellite de l'AV, elle traverse le triangle de Tillaux, passe sous le muscle petit oblique de la tête pour se couder à angle droit au niveau de l'apophyse transverse de l'atlas. Elle descend alors verticalement dans les trous transversaires des vertèbres cervicales, avec l'AV. Dans le canal transversaire, la VV est en dehors de l'AV. Elle est croisée obliquement par les nerfs cervicaux qui séparent les vaisseaux vertébraux des muscles intertransversaires postérieurs. En avant, la VV répond aux muscles intertransversaires antérieurs. À sa sortie du trou intertransversaire de la septième vertèbre cervicale, la VV s'engage en bas et en avant dans l'aire de Waldeyer pour se placer en dehors et en avant de l'AV. Elle passe au-dessus de l'ASC, longe l'artère thyroïdienne inférieure en dedans.
Terminaison La VV se jette soit isolément, soit par un tronc commun avec la VJP, dans le confluent veineux jugulo-subclavier, en arrière et sous la terminaison de la VJI. Parfois, elle forme avec la veine cervicale descendante (veine vertébrale antérieure) un tronc commun appelé tronc veineux cervicovertébral. Ce tronc rejoint la VSC à sa face postéro-inférieure. Seule la terminaison de la VV est valvulée.
Collatérales La VV reçoit : les trois veines anastomotiques d'origine ; des branches musculaires antérieures (muscles prévertébraux) par les plexus veineux prévertébraux ; des branches musculaires postérieures, soit directement, soit par les plexus veineux rachidiens postérieurs ; les veines émissaires des trous de conjugaison ;
la veine cervicale profonde (veine vertébrale postérieure) ; la veine cervicale descendante (veine vertébrale antérieure de Lauth).
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© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Vascularisation superficielle du cou. 1. Os hyoïde ; 2. muscle platysma (coupé) ; 3. veine faciale ; 4. muscle sterno-cléido-hyoïdien ; 5. muscle omohyoïdien (coupé) ; 6. artère carotide commune ; 7. muscle thyrohyoïdien ; 8. muscle sterno-cléido-mastoïdien (coupé) ; 9. artère et veine thyroïdiennes supérieures ; 10.
nerf du muscle sternothyroïdien ; 11. veine jugulaire interne ; 12. muscle sternothyroïdien ; 13. anse cervicale ; 14. plexus brachial ; 15. muscle omohyoïdien (ventre supérieur coupé) ; 16. muscle omohyoïdien (ventre inférieur) ; 17. muscle sterno-cléido-mastoïdien (coupé) ; 18. muscle pectoralis major ; 19. muscle sternothyroïdien ; 20. os claviculaire ; 21. muscle sternocléido-mastoïdien ; 22. muscle platysma (coupé) ; 23. nerfs supraclaviculaires ; 24. muscle trapèze ; 25. glande thyroïde ; 26. nerfs cervicaux transverses ; 27. cartilage thyroïde ; 28. nerf auriculaire postérieur ; 29. veine jugulaire antérieure ; 30. veine jugulaire externe ; 31. veine communicante ; 32. veine jugulaire interne ; 33. glande parotide ; 34. veine rétromandibulaire ; 35. glande submandibulaire (sous-maxillaire) ; 36. muscle mylohyoïdien ; 37. nerf facial (rameau mentonnier) ; 38. muscle digastrique.
Fig 2 :
Fig 2 : Drainage veineux profond de la tête et du cou. 1. Muscle mylohyoïdien ; 2. tronc thyro-linguo-facial ; 3. veine jugulaire externe ; 4. veines thyroïdiennes inférieures ; 5. veine subclavière droite ; 6. veine cave supérieure ; 7. veines thymiques ; 8. veine brachiocéphalique gauche ; 9. veine subclavière gauche ; 10. veine jugulaire antérieure ; 11. veine thyroïdienne moyenne ; 12. veine jugulaire interne ; 13. veine thyroïdienne supérieure ; 14. veine rétromandibulaire ; 15. veine faciale.
Fig 3 :
Fig 3 : Veines faciale et temporale superficielle (d'après Fontaine C, Deplus S, Gillot C [2]). 1. Veines frontales ; 2. veines palpébrales ; 3. veine angulaire ; 4. veines nasales externes ; 5. veine labiale supérieure ; 6. veines commissurales ; 7. veine labiale inférieure ; 8. veine submentale ; 9. veine faciale ; 10. veine faciale profonde ; 11. veine transverse de la face ; 12. veine temporale superficielle ; 13. veine zygomaticomalaire ; 14. veines pariétales.
Fig 4 :
Fig 4 : Plexus veineux de la région maxillaire (d'après Fontaine C, Deplus S, Gillot C [2]). 1. Veines ethmoïdales ; 2. veines vorticineuses ; 3. veine sphénopalatine ; 4. veine du canal ptérygoïdien ; 5. veines temporales profondes ; 6. veine temporale superficielle ; 7. veine maxillaire ; 8. veine jugulaire externe ; 9. plexus ptérygoïdien (plan médian) ; 10. plexus ptérygoïdien (plan latéral) ; 11. veine alvéolaire inférieure ; 12. veine faciale ; 13. veine faciale profonde ; 14. plexus alvéolaire ; 15. veine infraorbitaire ; 16. veine ophtalmique inférieure ; 17. veine ophtalmique supérieure ; 18. veine frontale.
Fig 5 :
Fig 5 : Drainage veineux rachidien cervical (d'après Deplus S, Gillot C
[1]
).
1. Veine émissaire mastoïdienne ; 2. veines occipitales ; 3. plexus occipital ; 4. veine jugulaire postérieure ; 5. veine vertébrale ; 6. veine subclavière ; 7. veine vertébrale antérieure ; 8. veine cervicale profonde.
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Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu B. Ricbourg Densité extrême et variabilité, telles sont les caractéristiques vasculaires majeures propres à la peau faciale et au cuir chevelu. La chirurgie de la face et tout particulièrement cutanée à visée carcinologique prend un essor sans précédent. En effet de nouveaux lambeaux à visée réparatrice sont décrits régulièrement ; ils sont cutanés, fasciocutanés, musculocutanés, ou à pédicule sous-cutané. C’est ce qui rend la connaissance de la vascularisation cutanée faciale indispensable à tout chirurgien maxillofacial et plasticien. La chirurgie faciale requiert la connaissance des axes artériels mais aussi de leurs collatérales. Enfin et surtout la survie du lambeau va dépendre de son drainage veineux ; une incision à contre-courant provoque au minimum un œdème d’amont ; mais toute faute de tracé ignorant la veine de drainage risque d’aboutir à une mortification au moins partielle du lambeau à destinée réparatrice ; rarement l’escarification est totale. L’ignorance anatomique génère l’inconscience chirurgicale ; ainsi, l’intervention réparatrice devient alors téméraire, voire fautive et peut faire entrer dans un contexte juridique... C’est dire l’importance fondamentale de ces lignes. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Vascularisation ; Face ; Lambeau cutané
Plan ¶ Matériel
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¶ Méthodes Injection intravasculaire de produit radio-opaque Injection sélective de colorant Artériographie hypersélective de la carotide externe in vivo Thermographies par plaques cutanées Stéthoscope à ultrasons ou effet doppler
1 1 2 2 2 2
¶ Grands axes artériels et veineux de la face et du cuir chevelu Étude analytique Conception d’ensemble de l’irrigation artérielle de la face
2 3 5
¶ Drainage veineux de la face et du cuir chevelu Architecture du drainage veineux Quatre systèmes verticaux de drainage veineux Arcades horizontales
6 6 6 6
¶ Drainage lymphatique de la face
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¶ Points chirurgicaux de la vascularisation cutanée faciale Lambeaux cutanés à vascularisation périphérique Lambeaux cutanés à vascularisation par la profondeur Prothèses d’expansion et vascularisation cutanée Transplants par microanastomose vasculaire Greffes faciales
7 7 7 8 8 8
■ Matériel Les bases anatomiques qui sont présentées ici sont le fruit de travaux réalisés dans le Laboratoire d’Anatomie de Paris (Professeur André Delmas) durant de nombreuses années ; plus récemment nous avons pu travailler au Laboratoire d’Anatomie de Nice (Professeur André Bourgeon). Stomatologie
Les sujets sur lesquels nous avons étudié [1] se répartissent ainsi : • plus de 100 sujets adultes frais d’amphithéâtre ; • 20 malades, qui, en vue de bénéficier d’une chimiothérapie intra-artérielle régionale, ont subi au préalable un cathétérisme rétrograde par voie temporale superficielle ; • quatre fœtus. Les cas cliniques (environ 1500) ont été réalisés dans le service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie du CHU de Besançon ; cette confrontation anatomoclinique est essentielle dans la compréhension de la vascularisation.
■ Méthodes Injection intravasculaire de produit radio-opaque Nous avons utilisé une résine autopolymérisable, contenant du minium radio-opaque, appelée « radio-corrodant ». Les injections étaient sélectives ou globales du système vasculaire étudié. Les sujets injectés ont subi ensuite différents procédés anatomiques [2-5] : • dissection fine, voire utilisant un microscope opératoire (Fig. 1); • radiographies globales de la pièce anatomique injectée ; • radiographies des téguments prélevés (technique de Salmon) (Fig. 2) [5] : cette technique consiste à prélever l’ensemble des téguments aux vaisseaux injectés et à les étaler sur une plaque radiographique permettant d’obtenir des radiographies extrêmement précises des moules vasculaires ; • diaphanisation de Spalteholz : après une préparation identique, ce procédé chimique permet après de nombreux et différents bains, d’obtenir la transparence des parties molles (essentiellement par dissolution des graisses), alors que les produits injectés ne sont pas dissous et restent visibles ;
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22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu
Figure 1. Dissection de l’artère temporale superficielle (ATS) après injection de résine autopolymérisable.
Figure 2. faciale.
Artériographie cutanée selon Salmon. Orifice buccal. Artère
• corrosions : ici l’injection de la résine est suivie de destruction lente des tissus par un acide, une base, voire de l’eau de Javel ; l’intérêt de cette méthode est de permettre une juxtaposition des vaisseaux et du squelette permettant de mieux se situer dans l’espace ; les résultats présentés sont le travail du Dr Chignon Sicard du CHU de Nice ; • coupes macroscopiques sériées d’épaisseur constante de 1 cm (Fig. 3): elles sont l’équivalent des coupes tomodensitométriques ou obtenues par résonance magnétique ; la définition des coupes anatomiques est encore bien supérieure à celles-ci ; ces coupes sont faites dans les trois plans de l’espace.
Injection sélective de colorant [6] Sur le cadavre, l’injection de colorants de type bleu de méthylène permet d’évaluer un territoire vasculaire ; l’inconvénient du procédé est de ne pas contrôler la pression d’injection et donc d’imprégner un territoire plus étendu que physiologiquement. Chez le sujet vivant, ces injections de colorants permettent d’obtenir une carte précise des territoires artériels [1].
Artériographie hypersélective de la carotide externe in vivo (Fig. 4, 5) [7, 8] L’artériographie hypersélective est devenue très courante dans les services de neuroradiologie. Cette exploration est pour nous complémentaire de celle des radiographies pratiquées sur le cadavre. Elle permet de visualiser le remplissage artériel suivi du drainage veineux précoce.
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Figure 3. A. Coupe (d’une série) horizontale ou axiale d’une tête injectée. B. Même coupe radiographiée.
Thermographies par plaques cutanées Cette technique a été peu utilisée car trop grossière pour la face.
Stéthoscope à ultrasons ou effet doppler Il peut être utilisé pour le repérage des axes vasculaires.
■ Grands axes artériels et veineux de la face et du cuir chevelu Tous les troncs artériels sont d’origine carotidienne externe, sauf ceux issus de l’artère ophtalmique, elle-même terminale de la carotide interne. Il n’est pas de notre propos de reprendre toute l’anatomie descriptive des artères et veines de la face, décrite dans une autre partie de cet ouvrage. Seuls les points importants pour la vascularisation cutanée sont détaillés [9]. Stomatologie
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Ainsi, cinq types d’AF sont décrits : • type I : terminaison nasale à plein canal dans la faciale controlatérale ; • type II : terminaison angulaire classique ; • type III : terminaison coronaire supérieure ; • type IV : dédoublée avec une artère faciale longue ; • type V : terminaison paramandibulaire. Branches collatérales Segment I : artère massétérine, artère sous-mentale dont le territoire cutané est particulièrement important [12-15]. Segment II : artère coronaire labiale inférieure, artère faciale longue, artère du sillon nasogénien, artère cutanée de la pommette qui se termine dans le cercle artériel périorbitaire [1, 16, 17]. Segment III : artère coronaire labiale supérieure, artère du pied de l’aile narinaire. Segment IV : artère infra-alaire, artère supra-alaire périorificielle [18].
Figure 4. Diaphanisation d’une hémiface.
Plans de passage Segment I : collée sur le rebord mandibulaire, palpable. Segments II et III : l’artère est profonde passant sous les muscles du système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) (risorius, grand et petit zygomatiques). Segment IV : superficielle dans l’hypoderme. Calibre Le calibre va progressivement en décroissant depuis les 2 mm du segment I jusqu’à 1 mm en fin de segment III. Rapports avec la veine faciale La veine est constamment située en arrière de l’artère mais dans un même plan. Territoire cutané Bien que sujet à variations, il comprend : • la région génienne inférieure ; • les deux lèvres supérieure et inférieure ; • le revêtement cutané du nez.
Artère temporale superficielle (ATS) [19-24] Cette artère, moins décrite que la faciale, vascularise, en fait, un territoire étendu sur l’hémiface supérieure et sur le cuir chevelu.
Figure 5.
Corrosion d’une tête montrant l’artère faciale et l’ATS.
Étude analytique Artère faciale (AF) [1, 10-18] Origine, trajet [1, 10] Issue de la carotide externe, elle apparaît à la face au niveau du rebord mandibulaire. Nous lui distinguons quatre segments faciaux : • segment I : l’artère est fixe, palpable à 3 cm en avant de l’angle mandibulaire ; • segment II : elle est oblique en direction du pied de l’aile narinaire ; il se termine au niveau de la commissure labiale ; • segment III : caractérisé par la naissance de la coronaire labiale supérieure, il se termine au pied de l’aile narinaire ; • segment IV : il correspond à l’anastomose entre les faciales droite et gauche sous forme de l’arcade dorsale du nez. Terminaison Elle est discutée. Pour les auteurs classiques, c’est l’anastomose avec l’artère angulaire issue de l’ophtalmique. Suivant Mitz [11], nous avons retrouvé exceptionnellement cette disposition (4 %), la terminaison nasale étant largement prépondérante (78 %). Stomatologie
Origine, trajet [19, 20] L’origine se fait toujours par bifurcation de la carotide externe en ATS et artère maxillaire. Trajet : nous lui distinguons trois segments : • segment I : profond intraparotidien ; • segment II : sous-cutané profond ; • segment III : sous-cutané superficiel ; l’émergence de l’artère dans le tissu cellulaire sous-cutané se fait en un point défini par Eustathianos [21]. Ce point est situé 4-5 mm en avant du tragus, sur une ligne unissant le bord supérieur du conduit auditif externe à la partie moyenne du bord supérieur du sourcil. Terminaison Classiquement en deux branches temporofrontale et temporopariétale ; parfois la branche collatérale zygomatomalaire par son importance peut représenter l’équivalent d’une terminale (Salmon) [6]. Branches collatérales Segment I : artère transverse de la face (ATF). Segment II : • rameaux articulaires ; • rameaux auriculaires ; • artère du muscle temporal. Segment III : artère zygomatomalaire (AZM). Son importance nous a fait décrire une typologie à l’ATS [19] : • type I (80 %) : AZM naissant directement du tronc de l’ATS, elle est volumineuse, pouvant simuler une terminale ;
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22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu
• type II (20 %) : AZM mineure issue de la branche temporofrontale. Branches terminales Branche temporofrontale. Antérieure, elle est oblique et ascendante. Souvent sinueuse, elle dessine une courbe à concavité postérosupérieure passant entre 2 et 3 cm en arrière du rebord orbitaire. Elle donne de nombreuses branches pour le sourcil, le front (moitié externe), le cuir chevelu. Son calibre est toujours important, supérieur à 1,4 mm. Branche temporopariétale. Postérieure, elle monte plus ou moins verticale, semblant poursuivre la direction du tronc de l’ATS. Ses branches sont toutes pour le cuir chevelu. Son repérage chirurgical est simple : elle est située toujours dans une bande de 2 cm de large axée sur le conduit auditif externe et parallèle au plan frontal. Plans de passage [22, 23] Les segments I et II sont profonds. Le segment III voit l’artère et ses branches comprises dans un dédoublement du fascia superficialis. Cela a donné lieu au développement des lambeaux du fascia temporal. Calibre Le calibre initial de l’artère est 2 mm. Il va progressivement en diminuant et reste important pour la branche temporofrontale. Rapports avec la veine temporale Une veine accompagne en arrière chaque branche artérielle ; elles sont situées dans le même plan que les artères dans le dédoublement du fascia superficialis. Cependant dans de nombreux cas, une veine est unique, large et chemine entre les deux branches de bifurcation artérielle terminale. Elle se poursuit habituellement en se projetant au niveau du sillon préauriculaire. Une compensation se fait par le biais d’un tronc commun veineux auriculopariétal aboutissant au sillon rétroauriculaire. La veine temporale s’unit dans la parotide avec la veine maxillaire pour former la veine jugulaire externe. Territoire cutané • • • • •
Il est très étendu et comprend : la moitié supérieure de la région génienne ; la moitié supérieure du pavillon de l’oreille ; la région temporale ; le tiers externe du front ; la moitié antérieure du cuir chevelu dépassant largement la ligne médiane.
Artère auriculaire postérieure (AAP)(Fig. 6) [1, 24, 25] Elle partage avec le tronc des auriculaires antérieures, issu de l’ATS, la vascularisation du pavillon de l’oreille. Origine, trajet Branche collatérale de la carotide externe ; elle peut naître par un tronc commun avec l’artère occipitale. Trajet : obliquement ascendante en arrière, elle se dirige vers la pointe de l’apophyse mastoïde, puis vers le sillon auriculomastoïdien où elle se termine. Terminaison Elle bifurque en : • branche antérieure auriculaire ; • branche postérosupérieure mastoïdienne. Branches collatérales Elles sont à destinée du pavillon de l’oreille (lobule, hélix, conque, rameaux perforants) et de la peau mastoïdienne. Plans de passage Profonde à son origine, superficielle depuis son passage à la pointe mastoïdienne.
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Figure 6. Diaphanisation d’un pavillon auriculaire : artère auriculaire postérieure.
Calibre Il est de 1 mm dans son trajet superficiel. Veine auriculaire postérieure. Elle est habituellement beaucoup plus importante que l’artère ; souvent elle est commune avec la veine occipitale. La veine est en arrière de l’artère, mais il n’y a aucun parallélisme avec elle, d’où la difficulté des transplants rétroauriculaires. Elle rejoint la veine jugulaire externe proche de son origine. Territoire cutané. La moitié inférieure du pavillon de l’oreille et du conduit auditif externe, la peau mastoïdienne.
Artère occipitale (AO) [1, 26] Artère du cuir chevelu, elle possède un calibre et un territoire importants. Origine Elle naît en profondeur de la carotide externe, parfois d’un tronc commun avec l’AAP. Trajet Nous lui distinguons trois segments : • segment I : vasculaire profond dans l’espace jugulocarotidien. • segment II : musculaire profond sous les muscles de la nuque, flexueuse, ascendante postérieure. • segment III : sous-cutané superficiel après avoir perforé le muscle trapèze. C’est le segment chirurgical. Branches terminales La terminaison se fait par bifurcation en deux branches latérale et médiale, toutes deux ascendantes dans le cuir chevelu et s’anastomosant avec les rameaux postérieurs issus de la branche pariétale de l’ATS. Branches collatérales Segment I : • l’artère sternocléidomastoïdienne supérieure est constante et irrigue les deux tiers supérieurs du muscle homonyme ; • l’artère stylomastoïdienne naît dans 60 % des cas de l’occipitale. Segment II : les rameaux musculaires sont nombreux et certains sont constants ; en particulier on peut citer : Stomatologie
Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu ¶ 22-001-C-50
Origine, trajet C’est la seule branche collatérale de la carotide interne ; elle chemine dans la cavité orbitaire donnant de nombreuses branches viscérales orbitaires. Terminaison En artère nasale, qui elle-même prend le nom d’angulaire. Branches collatérales faciales
Figure 7. Dissection après injection artérielle : branches collatérales de l’ophtalmique.
• l’artère splénienne de Salmon [6] ; • l’artère méningée postérieure. Segment III : une artère est retrouvée dans les deux tiers des cas ; elle naît au sommet de la courbe initiale de l’occipitale et se dirige transversalement vers la ligne médiane ; nous l’appelons l’artère occipitale transverse [1]. Plans de passage Les segments I et II sont profonds. Le segment III est superficiel ; comme l’ATS, il est compris dans un dédoublement du fascia superficialis. Deux points sont d’incidence pratique chirurgicale : • le point d’émergence sous-cutané : il est fixe ; pour le trouver, il suffit de repérer la protubérance occipitale externe et de suivre la ligne courbe occipitale supérieure ; l’émergence de l’artère se fait sur cette ligne à 3,5-4 cm de la ligne médiane. Ce repérage est intéressant pour tracer les lambeaux de cuir chevelu ou mettre en place les prothèses d’expansion ; • le plan de passage de l’artère est collé sous l’aponévrose occipitofrontale ou galéa plus superficielle qu’elle. Calibre
Artère supraorbitaire. L’échancrure, ou canal supraorbitaire, est située à l’union du tiers médial et des deux tiers latéraux du rebord orbitaire supérieur. L’artère se divise en deux branches : • l’une est ascendante musculocutanée pour le muscle frontal et la peau sus-jacente ; elle se termine par anastomose avec la branche temporofrontale de l’ATS. • l’autre est horizontale externe pour le sourcil. Territoire cutané : un tiers moyen de l’hémifront, un tiers interne du sourcil. Artère supratrochléaire. Elle apparaît à la face au niveau de la poulie du grand oblique et donc à l’union des parois supérieure et interne de l’orbite. Elle monte verticale paramédiofrontale. Elle vascularise la peau médiofrontale, permettant les lambeaux médiofrontaux dits lambeaux indiens. Territoire cutané : un tiers moyen du front. Artères palpébrales. Un tronc commun naît de l’artère nasale et se divise rapidement en artères coronaires palpébrales supérieure et inférieure pour les paupières homonymes. Ces artères suivent le rebord ciliaire palpébral donnant des branches perpendiculaires. Très souvent l’artère supérieure est dédoublée. Plan de passage, calibre Le trajet des branches est entièrement sous-cutané. Le calibre est généralement inférieur à 1 mm. Territoire cutané Les branches collatérales de l’ophtalmique irriguent : • la moitié médiane du front et des sourcils ; • les deux paupières. L’artère angulaire s’anastomosant avec l’artère faciale, son territoire est variable suivant le niveau d’anastomose, mais comprend habituellement : • la région de l’angle interne de l’œil ; • la région paranasale supérieure.
Artères cutanées accessoires à terminaison faciale Artère infraorbitaire Branche collatérale de l’artère maxillaire, elle apparaît à la face en sortant du trou infraorbitaire s’épanouissant en de nombreux rameaux cutanés de la région infraorbitaire. Rameaux mentonniers
Dans le segment III, il est en moyenne de 1,5 mm et donc tout à fait accessible à une microsuture (réimplantation de scalp....) [1].
C’est la branche terminale de division externe de l’artère alvéolaire inférieure ; elle partage l’irrigation artérielle de la peau labiale inférieure avec l’artère coronaire labiale inférieure.
Rapports avec la veine occipitale
Rameaux cutanés de l’artère sublinguale
La veine occipitale est d’abord superficielle, adhérente à la face profonde de la galéa puis se bifurque en : • une branche musculaire qui constitue avec d’autres la veine jugulaire postérieure ; • une branche cutanée qui rejoint souvent la veine auriculaire postérieure.
Ils viennent de la branche de division inférieure de l’artère sublinguale. Ils partagent l’irrigation artérielle du menton avec les rameaux issus de l’artère sous-mentale.
Territoire cutané L’artère occipitale (AO) irrigue le cuir chevelu de toute la région occipitale et de la nuque.
Artère ophtalmique
[27]
(Fig. 7)
Elle appartient à la face par sa branche terminale l’artère nasale et par certaines de ses branches collatérales. Stomatologie
Conception d’ensemble de l’irrigation artérielle de la face Rappel embryologique La vascularisation céphalique est le résultat de l’anastomose des aortes ventrale et dorsale ; de ces anastomoses vont naître les deux systèmes carotidien externe et carotidien interne. Le système carotidien externe est d’abord prédominant, puis le développement prodigieux de l’encéphale va attirer à lui et
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22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu
même monopoliser pratiquement tout le système carotidien interne (l’œil n’étant qu’un prolongement encéphalique...). Le système carotidien externe, lui, va prendre possession de toute la face, sauf de l’orbite et de ses annexes qui resteront sous la dépendance du système carotidien interne.
Chez l’adulte L’anatomie classique bâtit sa description sur le profil avec deux hémifaces droite et gauche. On peut proposer aussi de considérer la face en vue frontale comme une entité. Il existe trois systèmes anastomotiques : • le réseau médian centrofacial inférieur ; • le réseau médian frontopalpébral ; • le réseau latérofacial et du cuir chevelu. Réseau médian centrofacial inférieur Ce système est d’origine carotidienne externe ; dans cette conception les artères faciales droite et gauche se terminent en s’anastomosant l’une dans l’autre par une série d’arcades anastomotiques, successivement : • arcade sous-mentale ; • arcade coronaire inférieure ; • arcade coronaire supérieure ; • arcade dorsale du nez. Réseau médian frontopalpébral C’est le résultat de la projection de l’encéphale sur la face. Il dépend du système carotidien interne. Il est représenté par les branches cutanées de l’artère ophtalmique. Ce réseau va jouer un rôle de relais en anastomosant : • les réseaux centrofacial et latérofacial ; • le système carotidien interne et externe. Réseau latérofacial et du cuir chevelu Ces constituants sont l’ATS, l’AAP, l’AO. Les anastomoses se font largement entre eux mais également au travers de la ligne médiane.
■ Drainage veineux de la face et du cuir chevelu
anastomotiques transversales au niveau supraorbitaire pour l’une, submandibulaire pour l’autre.
Arcade supérieure Elle est constituée par, successivement : • l’arcade veineuse de la racine du nez ; • la veine supraorbitaire dont le trajet, totalement distinct de l’artère homonyme, suit le rebord supérieur de l’orbite ; • la branche frontozygomatique de la veine temporale superficielle ; • une branche supra-auriculaire reliant veine temporale superficielle et veine auriculaire postérieure. Sont formés ainsi deux confluents veineux intéressants : • canthal médial point de convergence des : C veine supraorbitaire ; C veine frontale supratrochléaire, nasale, angulaire, faciale ; C arcade veineuse de la racine du nez ; • canthal latéral point de convergence des : C veine supraorbitaire ; C veine frontozygomatique ; C tronc anastomotique supraorbitofacial.
Arcade inférieure Elle est constituée de : • la veine sous-mentale ; • la veine communicante intraparotidienne ; • une veine anastomotique jugulaire externe - veine occipitale profonde. On pourrait ajouter encore de multiples troncs de drainage anastomotique, mais nous ne voulons pas en faire l’énumération. Il faut pourtant citer un tronc oblique interne unissant l’extrémité externe de la veine supraorbitaire à la veine faciale, réalisant ainsi le cercle ou triangle périorbitaire.
■ Drainage lymphatique de la face (Fig. 8)
[30]
[1, 27-29]
Architecture du drainage veineux Le sang veineux issu du tissu sous-cutané qu’il soit facial ou du cuir chevelu, va se collecter en branches qui vont se réunir pour former des troncs de position assez variable mais avec une architecture proche d’un sujet à l’autre. On peut ainsi définir quatre axes de drainage cutané à direction verticale descendante reliés par deux arcades anastomotiques transversales. Classiquement il n’y avait pas de valves, mais des travaux récents montrent le contraire [28].
D’une manière générale, le drainage lymphatique est calqué sur le drainage veineux. Issus de multiples plexus dermiques, les lymphatiques se réunissent pour former de très fins canaux, qui vont créer, au niveau de la face, trois courants lymphatiques : • temporal superficiel plus ou moins horizontal, et aboutissant aux nœuds prétragiens ou intraparotidiens ; • facial, oblique en bas et en arrière, suivant le trajet de la veine faciale, et aboutissant aux nœuds submandibulaires qui entourent la glande submandibulaire ; • courant labial inférieur aboutissant aux nœuds sous-mentaux et au système jugulaire antérieur.
Quatre systèmes verticaux de drainage veineux Les quatre systèmes de drainage cutané à direction descendante et convergente : • le système occipito-auriculaire postérieur qui se jette dans la jugulaire externe, elle-même issue du système temporal superficiel ; • le système temporal superficiel se continuant par la veine jugulaire externe ; • le système de la veine faciale de terminaison jugulaire interne ; • le système labial inférieur et mentonnier à terminaison jugulaire antérieure ; à noter qu’il est totalement indépendant du système veineux facial.
Arcades horizontales Les quatre systèmes verticaux sur chaque hémiface sont reliés entre eux et avec les systèmes controlatéraux par deux arcades
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Figure 8.
Drainage lymphatique des paupières. Stomatologie
Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu ¶ 22-001-C-50
■ Points chirurgicaux de la vascularisation cutanée faciale (Fig. 9) [31-35]
La lecture des traités classiques pourrait faire penser à une distribution ordonnée et territoriale des vaisseaux. La recherche anatomique confortée par la pratique chirurgicale montre que si, dans ses grandes lignes, le schéma est le plus souvent respecté les variations sont nombreuses. La vascularisation théorique est, le plus souvent, soumise à la réalité des anastomoses entre les différents vaisseaux voisins ; ainsi, tout territoire qui risquerait d’être mal vascularisé par atrophie de son vaisseau habituel, entraîne une hypertrophie vasculaire compensatrice venue du territoire adjacent (loi du balancement de Salmon). Il reste que l’on peut tirer de la connaissance anatomique des notions trouvant des applications immédiates en chirurgie plastique reconstructive et esthétique. En ce qui concerne la distribution terminale des vaisseaux, on sait l’existence de deux catégories de vaisseaux cutanés sur l’ensemble de l’individu : • d’une part, les vaisseaux musculocutanés ; • d’autre part, les vaisseaux cutanés purs. Ces derniers sont rarement rencontrés : • vaisseaux de la paroi abdominale inférieure ; • vaisseaux thoraciques latéraux... Ils ont donné lieu à la description de lambeaux libres ou non (groin-flap, lambeau mammaire externe). Cependant, au niveau de la face, l’épaisseur musculaire est excessivement fine et on peut assimiler au point de vue pratique les vaisseaux de la face et du cuir chevelu aux vaisseaux cutanés purs. Ils sont donc contenus dans le fascia superficialis et sous le SMAS. De leur surface partent perpendiculairement des collatérales se dirigeant vers la surface. Il est fondamental de noter que ces vaisseaux sont unis par un réseau anastomotique extrêmement dense et situé à la face profonde du derme. Au total, on va ainsi pouvoir classer les différents lambeaux faciaux suivant leur vascularisation dermique, pédiculaire, musculocutanée. C’est la classification habituelle.
Nous proposons une autre classification peut-être plus simple mais surtout basée sur un concept vasculaire simple : la peau est vascularisée soit par la périphérie, soit par la profondeur ; ainsi, pour nous il n’existe que deux catégories de lambeaux : • les lambeaux cutanés vascularisés par la périphérie et donc comportant un pédicule cutané ; • les lambeaux cutanés vascularisés par la profondeur et qui ne sont plus reliés à la peau environnante (l’incision cutanée les circonscrit). Il ne sera ici question que des lambeaux les plus utilisés en chirurgie plastique et reconstructive.
Lambeaux cutanés à vascularisation périphérique Il s’agit des lambeaux locaux classés en plastie de rotation, de glissement, de transposition. Ces lambeaux ne sont pas axés par un pédicule ; leur vascularisation d’origine dermique est aléatoire ; ce sont les lambeaux dits « au hasard ». La densité vasculaire extraordinaire de la face permet cependant d’enfreindre les lois habituelles de leur tracé (longueur = 1,5 fois la largeur). Ils sont très nombreux mais on peut citer les plus usuels : • plastie en H ; • lambeau nasogénien ; • lambeau en hachette ; • lambeau en LLL de Claude Dufourmentel ; • lambeau de reconstruction rétro-auriculaire (Fig. 10). Certains lambeaux ont leur vascularisation renforcée par la présence d’un pédicule artérioveineux dans leur attache cutanée : • lambeau de Léon Dufourmentel ; • lambeau de Converse ; • lambeau de Washio ; • lambeau frontomédian dit lambeau indien ; • lambeau frontonasal de Rieger Marchac. D’autres n’ont même pratiquement plus de peau autour du pédicule artérioveineux (Fig. 11). • lambeau hétérolabial d’Eslander-Abbé ; • lambeau hétéropalpébral.
Lambeaux cutanés à vascularisation par la profondeur (Fig. 12) Lambeaux à pédicule sous-cutané [30] Lambeau cerf-volant où l’apport vasculaire n’est pas isolé mais transite par le tissu sous-cutané sous-jacent au lambeau.
Lambeau à vascularisation musculocutanée Peu fréquents à la face, on peut citer : • lambeau du platysma ou peaucier du cou (Baron-Tessier) ; • lambeau musculocutané du sterno-cléido-mastoïdien.
Lambeaux en îlot ou Island-Flap (Fig. 13) [31-35]
Figure 9. Stomatologie
Nécrose distale d’un lambeau.
• Lambeau à base temporale superficielle pour reconstruction de cuir chevelu antérieur [34, 35]. • Lambeau pariétal de reconstruction sourcilière. • Lambeau frontal médian en îlot. • Lambeau nasogénien en îlot. • Lambeau sous-mental [12-15].
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22-001-C-50 ¶ Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu
Figure 10. Lambeau à vascularisation périphérique. A. Dessin de l’exérèse et du lambeau. B. Exérèse. C. Libération du lambeau. D. Lambeau en place. E. État clinique 1 an après l’intervention.
Figure 11. Lambeau à vascularisation périphérique axée par un pédicule artérioveineux supratrochléaire. A. Dessin de l’exérèse et du lambeau. B. Exérèse. C. Libération du lambeau. D. Lambeau en place.
Pour tous ces lambeaux, il est capital de se souvenir que la présence d’une veine est indispensable. Tout manquement à cette règle entraîne la nécrose du lambeau. C’est seulement au niveau de la lèvre que la topographie pratiquement plexiforme du système veineux permet l’évacuation sanguine du lambeau hétérolabial.
Prothèses d’expansion et vascularisation cutanée Habituellement, la prothèse d’expansion est glissée dans le tissu sous-cutané sans axe vasculaire : elle provoque une hyperthermie retrouvée par photopléthysmographie et thermographie traduisant une augmentation de la densité vasculaire. Parfois, la prothèse d’expansion est glissée sous un territoire présentant un axe vasculaire : elle induit une augmentation de calibre de cet axe. Au total cependant, il est prudent de tracer les lambeaux sur la peau distendue par l’expansion en ne comptant que sur la
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vascularisation dermique ; une attitude contraire risquerait d’entraîner des déboires.
Transplants par microanastomose vasculaire [36] Bien entendu, leur réalisation nécessite une connaissance précise des différents vaisseaux. Quelques zones donneuses faciales ont été décrites, mais elles sont peu utilisées car la mutilation au niveau de la face est toujours importante. Au niveau du cuir chevelu, les transferts sont possibles, mais la surface utilisable est peu étendue et les indications doivent être soigneusement pesées et mises en balance avec les possibilités des lambeaux classiques.
Greffes faciales Interventions d’exception à l’heure où nous écrivons ces lignes elles concrétisent la réalisation d’un certain rêve, mais impliquent, à l’évidence l’idéal de la connaissance anatomique et chirurgicale. Stomatologie
Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu ¶ 22-001-C-50
Figure 12. Lambeau à vascularisation par la profondeur/lambeau à vascularisation par le tissu sous-cutané : lambeau de Pers. A. EOA basocellulaire multirécidivé. B. Dessin de l’exérèse et du lambeau. C. Lambeau en place. D. État clinique à distance.
Figure 13. Lambeau à vascularisation par la profondeur/lambeau à vascularisation axée pédiculaire sous-cutanée ou lambeau en îlot : EOA basocellulaire multirécidivé. A. Exérèse faite et lambeau isolé. B. Mise en place du lambeau. C. Lambeau en place. D. État clinique à distance.
Stomatologie
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B. Ricbourg, Professeur des Universités, chef du service de chirurgie maxillofaciale et de stomatologie (
[email protected]). CHU de Besançon, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ricbourg B. Vascularisation cutanée de la face et du cuir chevelu. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-C-50, 2007.
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Stomatologie
Stomatologie [22-003-H-10]
Arcades dentaires permanentes
Gérard Bresson : Chargé de cours à la faculté de chirurgie dentaire Paris VII, service d'anatomie dentaire Jean Romerowski : Professeur à la faculté de chirurgie dentaire Paris VII, responsable du service d'anatomie dentaire Faculté d'odontologie-chirurgie dentaire, 5, rue Garancière, 75006 Paris France
© 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Les arcades dentaires sont représentées ici selon les trois plans crâniens de référence : plan frontal (fig. 1 et 2), plan sagittal (fig. 3 et 4) et plan horizontal (fig. 5 et 6). Dans chaque plan, l'axe général des dents est inscrit : il représente une direction moyenne qui n'a rien d'absolu. Les inclinaisons des axes coronoradiculaires de chaque unité dentaire par rapport à la verticale dans le plan sagittal et dans le plan frontal sont données avec des valeurs extrêmes qui tiennent compte des évaluations de différents auteurs (fig. 7 et 8). Enfin, l'organisation des arcades et les relations occlusales sont traitées par ailleurs (Encycl. Méd. Chir. [Paris-France], Stomatologie-Odontologie I, 22-003-P-10). © 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Les arcades dentaires dans le plan frontal. Observation par la face vestibulaire.
Fig 2 :
Fig 2 : Les arcades dentaires dans le plan frontal. Observation par la face linguale.
Fig 3 :
Fig 3 : Les arcades dentaires dans le plan sagittal. Observation par la face vestibulaire.
Fig 4 :
Fig 4 : Les arcades dentaires dans le plan sagittal. Observation par la face linguale.
Fig 5 :
Fig 5 : L'arcade dentaire maxillaire dans le plan horizontal.
Fig 6 :
Fig 6 : L'arcade dentaire mandibulaire dans le plan horizontal.
Fig 7 :
Fig 7 : Orientation des axes coronoradiculaires de chaque unité dentaire dans le plan frontal (valeurs extrêmes).
Fig 8 :
Fig 8 : Orientation des axes coronoradiculaires de chaque unité dentaire dans le plan sagittal (valeurs extrêmes).
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Articulation dentodentaire et fonction occlusale B. Tavernier, J. Romerowski, E. Boccara, C. Azevedo, G. Bresson Les notions de structure et d’adaptation sont des caractéristiques propres aux êtres vivants (Konrad Lorenz, 1973). L’appareil manducateur, comme tous les éléments constitutifs de l’être humain, n’échappe pas à cette règle. L’anatomie de l’occlusion et de l’articulation dentodentaire doit être analysée selon l’aspect fonctionnel de la manducation. Les propriétés remarquables des organismes vivants sont étroitement conditionnées par leurs structures. Toute modification structurelle entraîne des variations, voire la perte de l’activité biologique. Certains organes, bien que faisant partie d’un système complexe, sont des unités structurées et peuvent être étudiés en dehors de leur contexte systématique. La dent, en tant qu’organe, peut être divisée en unités structurales, dont l’étude permet d’éclairer le fonctionnement. L’occlusion s’établit à la fin du mouvement de fermeture ; lors de la mastication et de la déglutition. L’articulation dentodentaire fonctionne au début et pendant le mouvement de fermeture lors de la section du bol alimentaire par exemple. Enfin, l’articulation dentodentaire fonctionne lors de ce que l’on a encore coutume d’appeler parafonctions comme les crispations, bruxismes ou mâchonnements. Elle implique par conséquent des relations de contacts dentodentaires. L’ensemble de ces relations doit être étudié tant du point de vue statique (intercuspidie) que sur le plan de la cinématique mandibulaire (intercuspidation). L’occlusodontologie est un domaine complexe qui ne peut pas se restreindre à la seule étude des contacts dentodentaires. Un grand nombre de principes tentent et participent à la compréhension de ce domaine. L’analyse de ces principes montre leur faible niveau de preuve. L’articulation dentodentaire n’est pas figée. Elle s’établit avec la dentition, et fonctionne avec la denture. C’est une caractéristique intrinsèque de l’individu. Toute introduction d’un élément interférant avec l’occlusion entraîne un dysfonctionnement de l’appareil manducateur, voire une adaptation. L’étude, à partir de l’anatomie dentaire présentée ici, est effectuée par rapport à une normalité idéalisée qui peut servir de base à la compréhension de l’occluodontologie. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Intercuspidie ; Relation maxillomandibulaire ; Appareil manducateur ; Articulation dentodentaire
Plan ¶ Intercuspidie
1
¶ Anatomie incisive et canine
1
¶ Physiologie incisive et canine
2
¶ Anatomie occlusale des unités cuspidées Topographie et définitions Anatomie descriptive
2 2 2
¶ Physiologie de l’aire occlusale
4
¶ Organisation des arcades Agencement dans le plan horizontal Agencement dans le plan sagittal Agencement dans le plan frontal
5 6 6 6
¶ Relations statiques interarcades Relations antérieures Relations postérieures Relations maxillomandibulaires Relations mandibulomaxillaires
7 7 7 8 9
¶ Relations cinématiques Mouvement de propulsion Mouvements de latéralité Stomatologie
10 10 10
¶ Rôle des canines Protection canine Protection de groupe antérieur Protection de groupe postérieur
10 11 12 12
¶ Enveloppe des mouvements extrêmes et trajectoires fonctionnelles
13
■ Intercuspidie
[1-4]
L’intercuspidie est réalisée lorsque toutes les unités dentaires mandibulaires entrent en contact avec les unités dentaires antagonistes maxillaires. C’est l’occlusion habituelle ou occlusion de fonction. Ainsi, toutes les morphologies se trouvent impliquées dans ce type de relation.
■ Anatomie incisive et canine
[5-7]
Le groupe incisivocanin est caractérisé par l’existence d’un bord libre qui, au niveau canin, se dédouble pour créer les versants d’une cuspide [8-11]. Il est intéressant de noter que ces dernières structures au niveau mandibulaire sont concernées par
1
22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale
Figure 1. Les crêtes marginales des faces linguales sont de plus en plus convexes à partir de la crête marginale mésiale de l’incisive centrale jusqu’à la crête marginale distale de la canine maxillaire.
Figure 2. L’aire occlusale est limitée par l’arête marginale. M : versant mésial ; D : versant distal.
les contacts dentodentaires au cours de l’intercuspidie et de l’intercuspidation. Au niveau de l’arcade maxillaire, les crêtes marginales mésiales et distales qui bordent les fosses linguales assurent les contacts. Il s’agit de structures longitudinales dans le sens incisivocervical, convexes dans le sens mésiodistal. De ce point de vue, l’observation d’une denture naturelle non abrasée montre qu’en allant de la crête marginale mésiale de l’incisive médiale jusqu’à la crête marginale distale de la canine, ces structures deviennent de plus en plus convexes (Fig. 1). Cette observation a probablement des conséquences fonctionnelles qui ont été quelque peu obérées.
■ Physiologie incisive et canine
[12]
Le rôle essentiel des incisives et des canines concerne la réduction de volume du bol alimentaire (section et dilacération) afin de permettre l’écrasement de celui-ci par les unités cuspidées. Leur participation à la phase terminale de l’intercuspidation est éminemment critique : ceci sera analysé au cours de l’étude cinématique.
Figure 3. L’unité cuspidienne de Payne se compose d’une pointe (1), d’un versant mésial (2), d’un versant distal (3), d’un versant périphérique (4) et d’un versant central (5).
■ Anatomie occlusale des unités cuspidées Elle concerne les unités dentaires cuspidées tant au maxillaire qu’à la mandibule et constitue leur partie fonctionnelle essentielle. Elle participe fondamentalement à l’articulation dentodentaire et à l’occlusion. C’est elle qui assure essentiellement l’arrêt du mouvement d’élévation de la mandibule au cours du mouvement de fermeture.
Topographie et définitions Constituée par la conjonction de structures convexes, l’aire occlusale d’une unité cuspidée est limitée par l’arête marginale (le terme « table occlusale » suppose des surfaces planes, ce qui est impropre à la notion de convexité qui préside à la composition des faces occlusales) [13, 14]. Cette ligne fictive réunit les sommets cuspidiens par l’intermédiaire des versants cuspidiens mésiaux et distaux, et par la ligne faîtière des crêtes marginales (Fig. 2). Toutes les structures appartenant à l’aire occlusale sont dites centrales. Les autres structures sont par conséquent périphériques (les termes « internes » et « externes » sont improprement utilisés dans le langage courant : en effet, aucune des structures concernées ne se trouve à l’intérieur de la dent [« internes »]. Elles se situent toutes à la surface de celle-ci. Elles sont donc toutes « externes »).
Anatomie descriptive Les aires occlusales peuvent être considérées comme constituées de deux types de structure : les cuspides et les crêtes marginales. Les cuspides sont des éminences à caractère pyramidal : elles comportent un sommet, un versant central, un versant mésial,
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Figure 4. L’affrontement de deux surfaces convexes n’assure aucune stabilité.
un versant distal et un versant périphérique (unité fonctionnelle de Payne [15]) (Fig. 3). Sur le plan fonctionnel, il est possible de distinguer deux types de cuspides : les cuspides primaires et les cuspides secondaires [16-20]. Les cuspides linguales maxillaires et les cuspides vestibulaires mandibulaires constituent le groupe des cuspides primaires, appelées également cuspides d’appui ou encore cuspides de centrée. Lorsque les arcades dentaires sont en intercuspidie, ces structures établissent des relations avec des zones réceptrices antagonistes : fosses centrales, fossettes proximales ou embrasures occlusales. Elles ont essentiellement un rôle de stabilisation et de calage des arcades dentaires au cours de la déglutition (Fig. 4–6) et participent à l’écrasement du bol alimentaire au cours de la mastication. Cette dernière fonction nécessite, en dehors d’une grande efficacité, une possibilité d’échappement du bol alimentaire. Pour répondre à la mise en œuvre de ces fonctions, les cuspides primaires sont, à cet égard, éminemment convexes (Fig. 7). Stomatologie
Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10
Figure 5. La rencontre d’une surface convexe avec deux surfaces convexes n’évite la rotation que dans un plan.
Figure 8. La pointe cuspidienne des cuspides secondaires se situe en dehors des relations dentodentaires antagonistes. Par son versant périphérique, la cuspide maintient la joue (cuspide vestibulaire maxillaire) ou la langue (cuspide linguale mandibulaire) à l’écart des aires occlusales. Figure 6. Une surface convexe en relation avec trois surfaces convexes assure un calage et simultanément l’échappement du bol alimentaire.
Figure 7. Le caractère morphologique fondamental de la cuspide primaire est une convexité marquée dans tous les sens.
Les cuspides secondaires, ou cuspides de préhension ou encore cuspides de guidage, sont les cuspides vestibulaires maxillaires et les cuspides linguales mandibulaires. Elles présentent une pointe cuspidienne qui se situe toujours en dehors de l’aire occlusale antagoniste lors de l’intercuspidie. Elles contribuent à la protection des lèvres, des joues (arcade maxillaire) et de la langue (arcade mandibulaire), par l’intermédiaire de leur portion périphérique (Fig. 8). Elles participent au maintien du bol alimentaire sur l’aire occlusale au cours de la mastication, par l’intermédiaire de leur portion centrale (Fig. 9). Leur morphologie est plus acérée, à peine convexe (Fig. 10). Les versants cuspidiens mésiaux et distaux, tout en demeurant convexes, ont tendance à être rectilignes (Fig. 10). Les crêtes marginales limitent dans les régions proximales l’aire occlusale. Ce sont des structures hémicylindriques, allongées dans le sens vestibulolingual (Fig. 11). Elles comportent un versant central qui forme la paroi de la fossette proximale et un versant périphérique qui constitue l’une des limites de l’embrasure occlusale. Les crêtes marginales de deux dents contiguës présentent un caractère de symétrie par rapport à un plan tangent passant par la zone proximale de contact (Fig. 12). Ainsi, toutes les structures décrites sont convexes dans leur ensemble. Leur juxtaposition donne naissance aux dépressions importantes de l’aire occlusale. Les sillons sont formés par la conjonction d’une ou de plusieurs surfaces convexes (Fig. 13). La conjonction de trois surfaces convexes induit une fossette (Fig. 14). Une fosse centrale est le résultat de la conjonction de trois ou de quatre convexités (Fig. 15). Les fosses n’existent que Stomatologie
Figure 9. Au cours de la mastication, la cuspide secondaire maintient le bol alimentaire sur l’aire occlusale (d’où le terme de « cuspide de préhension » qui lui est également donné).
Figure 10. Le caractère fondamental de la cuspide secondaire est de présenter des formes de contours peu convexes, à tendance rectiligne et développée.
sur les molaires maxillaires et mandibulaires. Elles se situent au centre de l’aire occlusale et constituent les zones réceptrices spécifiques de certaines cuspides primaires lors de l’occlusion. D’autres structures convexes, appelées bulbes secondaires ou bulbes accessoires, se situent de part et d’autre des versants centraux des cuspides (Fig. 16). Il s’agit de petites coulées
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Figure 11. La crête marginale limite l’aire occlusale au niveau des parois proximales : c’est une structure hémicylindrique.
Figure 12. Les crêtes marginales de deux dents adjacentes obéissent à la règle de symétrie (effet de miroir).
Figure 13. à un sillon.
La conjonction de deux surfaces convexes donne naissance
Figure 15. Une fosse centrale naît de la conjonction de trois ou quatre surfaces convexes.
Figure 16. Les structures accessoires (bulbes et sillons) augmentent l’action sécante des aires occlusales et les possibilités d’échappement du bol alimentaire mises en œuvre par les structures principales.
Figure 17. L’aire occlusale occupe les 4/7es centraux (B et C) du plus grand diamètre vestibulolingual. V : face vestibulaire ; L : face linguale.
(règle des un septième). Enfin, toutes les aires occlusales d’une même arcade ont sensiblement la même dimension dans le sens vestibulolingual (Fig. 19).
■ Physiologie de l’aire occlusale
Figure 14. La conjonction de trois surfaces convexes induit une fossette triangulaire proximale.
d’émail, limitées par des sillons à fond mousse : les sillons secondaires ou sillons accessoires. Leur présence augmente l’efficacité manducatrice des unités cuspidées. Si le plus grand diamètre vestibulolingual est partagé en sept parties égales, l’aire occlusale occupe sensiblement les quatre septièmes centraux (Fig. 17). La cuspide primaire occupe les quatre septièmes du plus grand diamètre. Les trois septièmes sont occupés par la cuspide secondaire. L’aire occlusale est déportée dans son ensemble vers les cuspides secondaires (Fig. 18), c’est-à-dire vers la face vestibulaire sur les unités maxillaires, et vers la face linguale sur les unités mandibulaires
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Lors de la fonction de mastication et de déglutition, l’action de l’ensemble des structures a pour objectif l’efficacité maximale [21]. Ainsi, les contacts interarcades favorisent un calage qui permet la contraction des muscles au cours de la déglutition. S’agissant de la mastication, le cheminement du bol alimentaire s’inscrit dans un parcours strict : après que le volume a été suffisamment réduit par l’action sécante des groupes incisivocanins, les aliments, comprimés au niveau des aires occlusales dans les couloirs formés par les gouttières intercuspidiennes antagonistes, sont écrasés par le retour vers l’intercuspidie (Fig. 20). Ils cheminent le long des sillons intercuspidiens et s’échappent par les espaces laissés vacants entre cuspides vestibulaires et linguales antagonistes (Fig. 21). Ils sont repris en charge et ramenés sur les aires occlusales par des mouvements complexes de la langue et des joues. Le processus se déroule de manière légèrement différente dans l’espace interproximal. L’action compressive de la cuspide oblige le bol alimentaire à se diriger, soit sur le versant central de la crête marginale antagoniste et à revenir sur l’aire occlusale, soit à Stomatologie
Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10
Figure 18. L’aire occlusale est déportée dans son ensemble vers la face vestibulaire (V) à l’arcade maxillaire et vers la face linguale (L) à l’arcade mandibulaire.
Figure 21. Au niveau des unités dentaires, le bol alimentaire est défléchi sur les versants périphériques des cuspides.
Figure 22. Au niveau des embrasures, la déflexion du bol alimentaire écrasé s’effectue sur la papille interdentaire.
Figure 19. Sur une même arcade, toutes les aires occlusales des unités cuspidées ont sensiblement le même diamètre vestibulolingual.
Figure 23. Les pressions appliquées sur la face occlusale d’une dent se transmettent aux tissus de soutien, d’abord à l’intérieur de la dent concernée, mais également, grâce aux zones proximales de contact, aux unités dentaires adjacentes. Chaque dent est « épaulée » par ses voisines dans les charges qu’elle subit. Figure 20. Le bol alimentaire est d’abord écrasé entre les aires occlusales antagonistes.
■ Organisation des arcades
s’écouler par l’embrasure occlusale en direction de l’embrasure vestibulaire ou en direction de l’embrasure linguale pour se défléchir sur la papille interdentaire (Fig. 22). Ainsi, la fonction « passive » de la zone interproximale de contact n’a, entre autres, de rôle à jouer que dans la protection des tissus parodontaux. Ces phénomènes fonctionnels sont révélateurs de l’importance de la réhabilitation morphologique des embrasures en odontologie restauratrice.
Bien qu’il soit possible d’établir une relation particulière à la fonction pour chaque structure constitutive des unités dentaires et une corrélation individuelle de l’anatomie des dents avec leur physiologie, à l’évidence, les unités dentaires ne peuvent pas fonctionner séparément les unes des autres. L’agencement intraarcades permet d’établir l’« unité fonctionnelle unimaxillaire », constituée d’unités travaillant de façon solidaire. La continuité des arcades est induite par l’existence de zones interproximales de contact. Elle répartit les efforts subis par une dent aux unités collatérales (De Stefanis) (Fig. 23).
Stomatologie
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Figure 24. Dans le plan horizontal, les cuspides primaires, les cuspides secondaires et les sillons de coalescence sont organisés selon des courbes sensiblement parallèles (a à f).
Figure 25. Dans le plan sagittal, la courbe de Spee concerne, pour certains auteurs, les cuspides vestibulaires maxillaires, pour d’autres les cuspides vestibulaires mandibulaires. Spee n’a en fait décrit qu’une courbe intéressant les cuspides linguales maxillaires.
Agencement dans le plan horizontal En raison de la relative équivalence des dimensions vestibulolinguales des aires occlusales d’une même arcade [20], il est possible d’en déduire l’existence de courbes sensiblement parallèles dans le plan horizontal : courbe des cuspides primaires, courbe des cuspides secondaires et courbe des sillons de coalescence (Fig. 24). Cette vision est toutefois réductrice, car la courbe des cuspides linguales maxillaires subit une légère convergence vers la courbe des cuspides vestibulaires au niveau des prémolaires (Fig. 24 D). À la mandibule, cette convergence est même nettement plus prononcée en raison de la réduction du diamètre vestibulolingual des aires occlusales des prémolaires (Fig. 24 C).
Agencement dans le plan sagittal Partant de la cuspide vestibulaire de la première prémolaire, et se terminant en regard de la cuspide distale de la dernière molaire, les cuspides des deux arcades s’organisent selon une courbe, appelée courbe de Spee, dont la concavité est dirigée vers le haut [22] (Fig. 25). Cet agencement ordonne une relative convergence des axes coronoradiculaires des unités cuspidées vers le centre de cette courbe. Cette notion est héritée de la
théorie de la sphère développée au siècle dernier par George Monson et d’autres. Dans la réalité clinique, il semble que cette courbe et l’orientation axiale des unités cuspidées dans le sens mésiodistal soient le résultat des forces appliquées au cours de la fonction après que chaque unité dentaire a effectué son éruption et pendant que le tiers apical radiculaire effectue sa calcification [23].
Agencement dans le plan frontal Dans ce plan, la théorie de la sphère a voulu que se retrouvent des courbes concentriques dont les centres se trouveraient au niveau de l’apophyse crista-galli. En fait, l’organisation des unités dentaires dépend du niveau de la coupe étudiée. En regard des premières prémolaires, la ligne reliant les pointes cuspidiennes maxillaires peut être plane ou concave vers le bas. En regard des secondes prémolaires maxillaires, la ligne reliant les pointes cuspidiennes est droite ou convexe. Puis, la convexité s’accroît en regard des premières, puis des secondes molaires maxillaires (Wilson) [24] (Fig. 26). L’orientation des axes coronoradiculaires des différentes unités cuspidées est donc conditionnée par l’existence de ces
Figure 26. Dans le plan frontal, la convexité de la courbe passant par les pointes cuspidiennes va en diminuant depuis les deuxièmes molaires jusqu’aux premières prémolaires où elle peut s’inverser. L’association de la courbe dans le plan sagittal et des courbes dans le plan frontal répond au concept hélicoïde d’Ackermann.
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Stomatologie
Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10
Figure 27. Dans le plan horizontal, les relations antérieures interarcades s’effectuent entre bords libres mandibulaires et crêtes linguales maxillaires. En raison de sa situation dans le plan sagittal, la canine mandibulaire peut entrer en relation avec deux crêtes linguales opposées (a) ou bien avec la crête marginale mésiale et l’arête linguale de son antagoniste (b) (cf. Fig. 29).
Figure 28. L’angle formé par les axes coronoradiculaires des incisives maxillaires et mandibulaires est de 135° ± 5°.
différentes courbes. La meilleure représentation de l’association des courbes dans le plan sagittal et dans le plan frontal semble être l’organisation des aires occlusales selon un hélicoïde [13] (Fig. 26).
■ Relations statiques interarcades L’étude des relations interarcades implique l’existence d’une situation clinique asymptomatique. Les dents doivent pouvoir se rencontrer librement sans qu’aucun signe pathologique n’altère les références énoncées précédemment. De manière conventionnelle le terme d’intercuspidie sera utilisé en tant que référence à la normalité. Cette relation mandibulomaxillaire conduit les unités cuspidées à des contacts simultanés et d’intensité équivalente. Les forces appliquées aux unités dentaires ont, dans ces conditions, une résultante superposable aux axes coronoradiculaires des dents.
Relations antérieures Dans le plan horizontal Les incisives et canines entretiennent, comme les unités cuspidées, au cours de l’intercuspidie, des relations de contact de type punctiforme. L’usure fonctionnelle transforme ces contacts en des plages plus ou moins importantes. Schématiquement, les bords incisifs des dents antérieures mandibulaires sont en contact avec les crêtes marginales des incisives et canines maxillaires (Fig. 27). En intercuspidie, toutes les dents antérieures arrivent en contact simultanément et avec la même intensité. Certaines malpositions peuvent altérer la qualité des relations interincisives. En tout état de cause (et pour des raisons fonctionnelles qui seront vues infra) les canines mandibulaires doivent toujours être en contact avec les canines maxillaires en position de référence. Parce qu’elles se situent au changement d’orientation des arcades, elles participent au calage de la mandibule sur l’arcade maxillaire, tant dans le plan frontal que dans le plan sagittal [17].
Dans le plan sagittal Classiquement, c’est-à-dire en classe I d’Angle, en intercuspidie, l’axe coronoradiculaire des incisives médiales maxillaires et mandibulaires forme un angle d’environ 135° (Fig. 28). Cliniquement, l’angle formé par les axes coronoradiculaires des incisives est moins important que la morphologie particulière des faces linguales maxillaires et des faces vestibulaires mandibulaires : il s’avère indispensable qu’existe un angle fonctionnel entre ces surfaces pour permettre le mouvement initial de protrusion (voir infra : mouvements-tests de propulsion). Stomatologie
Figure 29. Les contacts dentodentaires au niveau antérieur s’effectuent entre bords libres mandibulaires et structures convexes linguales maxillaires. L’incisive médiale mandibulaire entre en contact par la partie mésiale de son bord libre avec la crête marginale mésiale de l’incisive médiale maxillaire. L’incisive latérale mandibulaire entre en contact avec la crête marginale distale de l’incisive médiale maxillaire et avec la crête marginale mésiale de l’incisive latérale maxillaire. Selon l’importance du diamètre mésiodistal des incisives latérales, la canine mandibulaire entre en contact soit avec la crête marginale distale de l’incisive latérale maxillaire et la crête marginale mésiale de la canine maxillaire (a), soit avec la crête marginale mésiale et l’arête linguale de la canine maxillaire (b).
Dans le plan frontal Les relations de contact s’établissent entre le bord incisif de l’incisive médiale mandibulaire et la crête marginale mésiale de l’incisive médiale maxillaire, entre le bord incisif de l’incisive latérale mandibulaire et la crête marginale distale de l’incisive médiale maxillaire, et également la crête marginale mésiale de l’incisive latérale maxillaire. Les relations entre canines dépendent essentiellement de la valeur des diamètres mésiodistaux des incisives : soit que le versant mésial de la canine mandibulaire entre en relation avec la crête marginale distale de l’incisive latérale maxillaire, tandis que le versant distal de la canine mandibulaire entre en relation avec la crête marginale mésiale de la canine maxillaire, soit que le versant canin mésial mandibulaire entre en contact avec la crête marginale mésiale de la canine maxillaire, alors que le versant canin distal mandibulaire entre en relation avec l’arête linguale de la canine maxillaire (Fig. 29).
Relations postérieures Les cuspides primaires entrent en occlusion en intercuspidie. Elles ont des relations de contact avec des zones réceptrices qui peuvent être de trois types : fosses centrales, fossettes proximales ou embrasures occlusales. Toutefois, il est important de noter
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22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale
Figure 32. La relation d’une cuspide décentrée peut se faire avec une fossette proximale de l’arcade antagoniste : c’est la relation d’une dent à une dent.
Figure 30. La relation d’une cuspide mésiolinguale maxillaire avec une fosse centrale antagoniste constitue un verrou d’occlusion maxillomandibulaire.
Figure 33. La relation d’une cuspide décentrée peut se faire avec une embrasure occlusale opposée : c’est la relation d’une dent à deux dents.
Verrous d’occlusion
Figure 31. La relation d’une cuspide distovestibulaire mandibulaire avec une fosse centrale antagoniste établit un verrou d’occlusion mandibulomaxillaire.
que, à aucun moment, la pointe des cuspides n’est concernée par des relations de contact avec les structures antagonistes. L’observation clinique permet de distinguer des cuspides primaires de qualité différente selon les zones réceptrices antagonistes. Ainsi, les cuspides primaires qui entrent en relation avec une fosse centrale constituent avec ces dernières structures les verrous d’occlusion. Il s’agit des cuspides mésiolinguales des molaires maxillaires (verrous d’occlusion maxillomandibulaires) (Fig. 30) et des cuspides distovestibulaires des molaires mandibulaires (verrous d’occlusion mandibulomaxillaires) (Fig. 31). Toutes les autres cuspides primaires : cuspides linguales des prémolaires maxillaires, cuspides distolinguales des molaires maxillaires, cuspides vestibulaires des prémolaires mandibulaires et cuspides mésiovestibulaires des molaires mandibulaires, peuvent se trouver dans deux situations : • soit en relation avec une fossette proximale antagoniste : la relation est alors de type cuspide-fossette (Fig. 32) ; • soit en relation avec une embrasure occlusale antagoniste : la relation est alors de type cuspide-embrasure (Fig. 33).
Relations maxillomandibulaires Elles concernent l’articulation des cuspides primaires maxillaires avec des zones réceptrices antagonistes.
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Chaque verrou d’occlusion est mis en œuvre par la relation des cuspides mésiolinguales des molaires maxillaires avec les fosses centrales des molaires mandibulaires antagonistes. Les contacts sont obtenus par l’intermédiaire des versants mésiaux, distaux et centraux des cuspides. Les versants mésiaux et distaux des cuspides maxillaires entrent en relation avec les versants centraux des cuspides linguales mandibulaires. Le versant central maxillaire est, quant à lui, en relation avec le versant central de la cuspide distovestibulaire mandibulaire (Fig. 34, 35).
Autres cuspides primaires Relation cuspide-embrasure Dans ce type de relation, chaque cuspide primaire maxillaire entre en relation de contact, par l’intermédiaire de son versant mésial et de son versant distal, avec les versants périphériques des crêtes marginales qui limitent l’embrasure occlusale antagoniste (Fig. 34). Cette relation est également appelée « relation de une dent à deux dents ». Elle représente plus de 85 % des cas rencontrés en denture naturelle. La relation cuspide-embrasure est très souvent controversée en raison du risque d’injection d’aliments dans l’espace interdentaire au cours de la mastication. Cette assertion est démentie par les faits cliniques. En fait, cette relation est parfaitement viable dans la mesure où existent une continuité de l’arcade, grâce à l’existence de zones proximales de contact, et un calage lié à la présence de verrous d’occlusion (cf. supra) (Fig. 23). Relation cuspide-fossette Dans ce type de relation, la cuspide primaire maxillaire entre en relation avec la fossette proximale mésiale mandibulaire antagoniste. Les contacts s’effectuent entre le versant cuspidien distal maxillaire et le versant central de la crête marginale Stomatologie
Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10
Figure 34. Relations statiques maxillomandibulaires : les cuspides primaires maxillaires, non concernées par les verrous d’occlusion, sont en relation avec des embrasures occlusales mandibulaires.
Figure 36. Relations statiques mandibulomaxillaires : les cuspides primaires mandibulaires, non concernées par les verrous d’occlusion, sont en relation avec des embrasures occlusales maxillaires.
Figure 35. Relations statiques maxillomandibulaires : les cuspides primaires maxillaires, non concernées par les verrous d’occlusion, sont en relation avec des fossettes triangulaires distales mandibulaires.
Figure 37. Relations statiques mandibulomaxillaires : les cuspides primaires mandibulaires, non concernées par les verrous d’occlusion, sont en relation avec des fossettes triangulaires mésiales maxillaires.
mandibulaire d’une part, et entre le versant cuspidien mésial maxillaire et le versant central de la cuspide linguale mandibulaire antagoniste d’autre part (Fig. 35). Cette situation dite de « une dent à une dent » se rencontre dans les relations de classe II d’Angle.
intercuspidie, les versants cuspidiens mésiaux et distaux maxillaires entrent en contact avec les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires (Fig. 36, 37). Les versants centraux des cuspides vestibulaires mandibulaires entrent en contact avec les versants centraux des cuspides mésiolinguales maxillaires.
Relations mandibulomaxillaires Elles concernent l’articulation des cuspides primaires mandibulaires avec les zones réceptrices maxillaires.
Autres cuspides primaires
Verrous d’occlusion
Dans ce type de relation, les cuspides sont dirigées vers les embrasures occlusales antagonistes, et les contacts sont du même type que ceux décrits pour les relations maxillomandibulaires (Fig. 36).
Les verrous d’occlusion sont créés par la mise en relation des cuspides distovestibulaires des molaires mandibulaires avec les fosses centrales des molaires maxillaires antagonistes. En Stomatologie
Relation cuspide-embrasure
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Figure 39. Dans le mouvement-test de protrusion, seules les incisives sont en contact.
Il est nécessaire de noter que les différents mouvementstests, effectués en clinique ou au laboratoire de prothèse, se déroulent à l’inverse des mouvements physiologiques : de l’intercuspidie vers des positions excentrées, alors qu’au cours de la fonction, les déplacements sont centripètes. Il est supposé que mouvements-tests et mouvements fonctionnels sont superposables, mais ce n’est pas démontré. Toutefois, en raison des contingences cliniques, il n’est possible d’utiliser que les mouvements-tests.
Mouvement de propulsion Figure 38. Les relations cuspide-fossette et cuspide-embrasure peuvent coexister sur une même arcade à condition qu’existent des verrous d’occlusion.
Relation cuspide-fossette Dans ce type de relation, les cuspides primaires mandibulaires s’orientent vers les fossettes mésiales des unités cuspidées maxillaires. La relation de contact s’effectue entre versant mésial de la cuspide vestibulaire mandibulaire et versant central de la crête marginale maxillaire, entre versant distal de la cuspide vestibulaire mandibulaire et versant central de la cuspide vestibulaire maxillaire, et, enfin, entre versant central de la cuspide vestibulaire mandibulaire et versant central de la cuspide linguale maxillaire (Fig. 37). Il n’existe pas de règle impérative concernant les relations de ces cuspides : la relation cuspide embrasure et la relation cuspide fossette sont physiologiquement acceptables et acceptées. De plus, elles peuvent parfaitement cohabiter sur une même arcade [19] (Fig. 38).
■ Relations cinématiques Dès qu’une partie du corps humain entre en mouvement, le contrôle et la régulation du déplacement s’effectuent grâce au phénomène de rétroaction (feedback). En effet, le système nerveux central est informé pas à pas de la position spatiale de l’os en mouvement et des diverses contractions et décontractions qu’il doit faire subir aux muscles moteurs, par une série de « capteurs » nerveux variés : les propriocepteurs. L’ensemble de l’appareil manducateur n’échappe pas à cette règle. Tous les éléments de l’ensemble musculo-odonto-articulaire sont pourvus de nombreuses terminaisons nerveuses, spécifiquement dévolues à la régulation de la cinématique mandibulaire. Parmi les capteurs nerveux, certains sont plus particulièrement chargés de renseigner le système nerveux central sur la position spatiale de la mandibule lorsque les dents ne sont pas en contact : propriocepteurs des articulations temporomandibulaires, fuseaux neuromusculaires, etc. D’autres interviennent plus spécifiquement dans la phase terminale de la mise en occlusion : les propriocepteurs desmodontaux. En effet, il a été montré que la proprioception desmodontale va en décroissant de l’incisive médiale à la dernière molaire [18, 25]. Si les travaux récents sur la mastication [26] sont examinés à la lumière des incidences proprioceptives vues précédemment, le rôle du secteur antérieur permet de définir les différents types de relation cinématique mandibulomaxillaire. Ainsi, l’anatomie dentaire occlusale n’est impliquée que dans la partie terminale des mouvements physiologiques.
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La mandibule est projetée en avant suivant une trajectoire sensiblement parallèle au plan sagittal médian, guidée par le jeu neuro-musculo-articulaire. Lorsque ce mouvement s’effectue avec des contacts dentodentaires, on parle alors de protrusion ou de proclusion [27]. Le mouvement physiologique de l’incision s’effectue en sens inverse. Au cours de la partie terminale du mouvement fonctionnel, les bords incisifs des incisives mandibulaires glissent sur les crêtes marginales des faces linguales des incisives maxillaires (Fig. 39). Contrôlé par la proprioception desmodontale, conduit par les relations interincisives, le mouvement se termine en position d’intercuspidie. Durant ce trajet, seules les incisives sont en contact, les dents cuspidées n’intervenant qu’au moment ultime de l’intercuspidie. Ce type de relation cinématique dentodentaire peut être considéré comme une protection incisive. Du fait du contexte anatomophysiologique qui préside à la mise en œuvre de ce déplacement particulier, le corps mandibulaire n’effectue pas une translation homothétique. L’analyse géométrique du mouvement de propulsion montre, dans une première phase, un abaissement rapide de la trajectoire condylienne alors que le trajet incisif est moins incliné : l’ensemble du corps mandibulaire effectue une rotation autour des bords incisifs mandibulaires (Fig. 40). Dans la seconde phase du mouvement de propulsion, la trajectoire condylienne devient moins pentue alors que le trajet antérieur devient plus vertical : le corps mandibulaire effectue alors une rotation globale en sens inverse. (Fig. 41). C’est la rotation de la première phase du mouvement de propulsion qui impose la nécessité de l’angle fonctionnel décrit par Wirth (Fig. 42, 43).
Mouvements de latéralité Au cours de la mastication, la mandibule effectue d’abord un mouvement sensiblement vertical d’abaissement, se déplace ensuite latéralement du côté du bol alimentaire, puis le retour vers l’intercuspidation se réalise. Là encore, c’est dans la partie terminale du cycle qu’interviennent les différentes morphologies dentaires en antagonisme fonctionnel. Le côté impliqué est celui vers lequel s’effectue le déplacement mandibulaire (côté travaillant). Du côté opposé, il n’existe aucune relation de contact interarcades (côté non travaillant). En dehors de la canine, les incisives ne sont jamais impliquées dans ce déplacement. Quelquefois, elles peuvent accompagner la canine.
■ Rôle des canines En raison de la hauteur importante de leur couronne, de leur implantation radiculo-osseuse singulièrement puissante, de leur situation au changement d’orientation de l’arcade, de leur Stomatologie
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Figure 40. Au cours de la phase initiale du mouvement de protrusion, le condyle mandibulaire parcourt une trajectoire à tendance verticale tandis que les bords incisifs mandibulaires se déplacent sur la partie la plus horizontale des faces linguales maxillaires. Ce phénomène induit une rotation du corps mandibulaire et un changement d’orientation de l’axe coronoradiculaire des incisives mandibulaires vers l’avant. Pour éviter toute contrainte, il est nécessaire qu’existe l’angle fonctionnel a.
Figure 41. Au cours de la phase suivante, le condyle mandibulaire parcourt une trajectoire plus horizontale alors que la trajectoire des bords incisifs mandibulaires devient plus verticale. L’ensemble du corps mandibulaire effectue une rotation dans le sens inverse de celle de la phase initiale.
proprioception desmodontale particulièrement développée, les canines interviennent de manière privilégiée dans les mouvements de diduction : elles représentent la première relation dentodentaire du mouvement d’intercuspidation [28] . Leurs récepteurs desmodontaux renseignent constamment le système nerveux central sur la position spatiale de la mandibule et provoquent la réponse musculaire appropriée. D’autres unités dentaires peuvent accompagner la canine dans la trajectoire mandibulaire terminale, mais il est impératif que les canines jouent leur rôle [29].
Protection canine Lorsque les canines interviennent seules dans la partie terminale du mouvement fonctionnel, et qu’aucune autre dent n’entre en relation de contact avant l’intercuspidie, la relation cinématique est de type protection canine (Fig. 44). Lors des Stomatologie
Figure 42. Au niveau des unités cuspidées, la nécessité d’un angle fonctionnel (a) entre la face vestibulaire mandibulaire et la face linguale maxillaire est imposée par la cinématique mandibulaire.
Figure 43. L’angle fonctionnel (a) permet le déplacement des unités antérieures sans contrainte au cours du mouvement mandibulaire de protrusion.
Figure 44. Dans le mouvement mandibulaire de latéralité, si les canines interviennent seules dans les contacts glissants, la relation cinématique est une protection canine pure.
mouvements-tests, en clinique ou au laboratoire de prothèse, le mouvement centrifuge provoque la désocclusion immédiate des dents postérieures. L’enregistrement des trajectoires, à l’aide d’un papier ou d’une toile de marquage, donne des résultats différents selon la position relative des canines (Fig. 45, 46).
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22-003-P-10 ¶ Articulation dentodentaire et fonction occlusale
Figure 45. Dans une relation de type protection canine pure, l’enregistrement des contacts indique les zones en relation en position de référence sur les unités cuspidées et le contact glissant sur l’arête linguale de la canine maxillaire. C’est la désocclusion immédiate des gnathologistes.
Figure 47. Au cours du mouvement de latéralité, du fait de l’abaissement du condyle controlatéral, le corps mandibulaire effectue un mouvement de rotation autour d’un axe passant par le bord libre de la canine maxillaire et le condyle homolatéral. Pour permettre cette rotation sans contrainte, un angle fonctionnel (a) est également nécessaire entre face vestibulaire mandibulaire et face linguale maxillaire.
Figure 48. Afin de permettre la rotation de l’ensemble du corps mandibulaire autour d’un axe passant par la canine et par l’articulation temporomandibulaire et la canine mandibulaire, un angle fonctionnel doit exister entre la face vestibulaire des unités cuspidées mandibulaires et les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires.
Figure 46. Dans une relation de type protection canine pure, en fonction de la position relative des canines en antagonisme, le contact glissant peut se dérouler sur la crête marginale mésiale, puis sur le versant mésial du bord libre de la canine maxillaire.
Comme cela a été montré pour le mouvement de propulsion au niveau des incisives, le mouvement de latéralité étant induit par un mouvement d’abaissement du condyle controlatéral qui aboutit à la rotation du corps mandibulaire autour d’un axe commun au condyle homolatéral et à la canine mandibulaire, l’existence d’un angle fonctionnel entre la face vestibulaire de la canine mandibulaire et la face linguale de la canine maxillaire se révèle indispensable (Fig. 47). Pour des raisons similaires, au niveau des unités cuspidées, un angle fonctionnel se révèle indispensable entre les faces vestibulaires mandibulaires et les versants centraux des cupides vestibulaires maxillaires (Fig. 48). Sur le plan de la pratique odontologique quotidienne, la nécessité de l’existence d’un angle fonctionnel au niveau des unités dentaires postérieures, implique que les unités mandibulaires soient achevées avant leur antagoniste maxillaire. En effet, une morphologie maxillaire achevée en premier conditionnerait la trajectoire de latéralité de la mandibule. Cette notion est absolument critique dans la situation de protection de groupe postérieure.
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Figure 49. Au cours du mouvement mandibulaire de latéralité, des incisives peuvent accompagner la canine par des contacts glissants : il s’agit d’une protection de groupe antérieur.
Protection de groupe antérieur Au cours du mouvement fonctionnel ou au cours du mouvement-test, une ou plusieurs incisives peuvent accompagner les canines : il s’agit alors d’une protection de groupe antérieur (Fig. 49).
Protection de groupe postérieur De la même manière, si une ou plusieurs unités cuspidées accompagnent la canine, la relation cinématique fonctionnelle est alors une protection de groupe postérieur. La protection de groupe postérieur est totale lorsque sont associées toutes les unités cuspidées (Fig. 50). Dans le cas inverse, la protection de groupe postérieur est partielle (Fig. 51). L’enregistrement des trajectoires à l’aide d’un système de marquage quelconque Stomatologie
Articulation dentodentaire et fonction occlusale ¶ 22-003-P-10
Figure 50. Dans une protection de groupe postérieur total, au cours du mouvement de latéralité mandibulaire, toutes les cuspides vestibulaires mandibulaires accompagnent les canines par des contacts glissants sur les cuspides vestibulaires maxillaires.
Figure 51. Dans une protection de groupe postérieur partiel, seules quelques cuspides vestibulaires sont impliquées dans les contacts continus.
Figure 53. En raison de l’organisation des relations interarcades dans le plan sagittal, les contacts glissants peuvent s’effectuer sur les crêtes marginales mésiales, puis sur les versants mésiaux des cuspides vestibulaires maxillaires.
tout état de cause, être transféré, sans risque, à aucune autre unité dentaire, en raison de la fragilité de leurs structures dentaires, de leurs tissus de soutien et de l’insuffisance de leur proprioception desmodontale. Enfin, la coexistence d’une protection canine d’un côté, et d’une protection de groupe postérieur du côté opposé, peut être parfaitement tolérée. Toutefois, lors de reconstructions prothétiques, il paraît souhaitable d’harmoniser les deux côtés sur le plan des relations cinématiques fonctionnelles [29].
■ Enveloppe des mouvements extrêmes et trajectoires fonctionnelles
Figure 52. Les contacts glissants s’enregistrent habituellement sur les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires.
montre deux possibilités liées aux relations interarcades dans le sens sagittal (Fig. 52, 53). Observées dans le sens centrifuge, au niveau du versant central de la cuspide mésiovestibulaire de la première molaire maxillaire, ces relations cinématiques peuvent donner lieu à une classification différente (De Pietro) : • si la trajectoire enregistrée mesure au moins 2 mm, il s’agit d’une fonction de groupe totale ; • si le contact glissant mesure de 1 à 2 mm, il s’agit d’une désocclusion progressive ; • enfin, si le trajet enregistré mesure moins de 1 mm, la désocclusion est dite retardée. Désocclusion retardée et désocclusion progressive ne sont en fait que deux aspects d’une protection de groupe postérieur partielle. Cette classification implique nécessairement la participation de la première molaire maxillaire et écarte toute protection de groupe postérieur partielle où les prémolaires seules accompagneraient la canine. L’absence de participation de la canine au mouvement mandibulaire de latéralité (en raison d’agénésie, de surplomb, de malposition, etc.) est un facteur prédisposant à la dysfonction du complexe stomatognathique. Elle explique certaines mastications unilatérales et certains bruxismes. Les différentes situations qui en résultent, si elles sont tolérées, sont strictement adaptatives. Le rôle prépondérant des canines ne peut, en Stomatologie
Toute l’histoire de l’odontologie a été dominée par la recherche sur la cinématique tout à fait particulière de l’appareil manducateur [30-35]. En effet, aucune partie du corps humain ne comporte un système de mobilisation qui repose sur deux articulations fonctionnant simultanément. Au point de départ, l’importante difficulté qui consiste à trouver des références pour la restauration de bouches totalement édentées a eu pour conséquence d’orienter les investigations uniquement sur la cinématique des articulations temporomandibulaires et sur sa résultante au niveau de l’articulation dentodentaire. De plus, les moyens techniques utilisés en leur temps ne permettaient que des systèmes graphiques appliqués à chaque plan de l’espace (plan frontal, plan sagittal et plan horizontal) sans que jamais la recomposition spatiale puisse être effectuée. Il en fut ainsi de l’arc gothique de Gysi dans le plan horizontal [13], du schéma de Posselt dans le plan sagittal et des « déterminants de l’occlusion » de l’école gnathologique [29, 30, 32]. Il en a résulté des concepts réducteurs dont l’odontologie moderne porte encore les traces. Les progrès technologiques ont permis d’approcher la cinématique mandibulaire à la fois d’un point de vue clinique [26] et d’un point de vue expérimental [36]. Grâce au gnathic replicator system [26], Gibbs et Lundeen ont retrouvé l’enveloppe des mouvements extrêmes de Posselt dans le plan sagittal et dans le plan frontal. Transposé au niveau de la cuspide mésiovestibulaire de la première molaire mandibulaire, l’enveloppe est réduite dans le plan sagittal (Fig. 54) et asymétrique dans le plan frontal (Fig. 55) et les cycles de la mastication étudiés par ces auteurs s’inscrivent bien dans cette enveloppe. Dans le plan horizontal, différentes études graphiques [19, 29, 30, 32-34] qui ne faisaient pas intervenir la canine dans le mouvement de latéralité, avaient permis l’élaboration d’une règle dont l’énoncé peut se résumer ainsi : « les trajectoires des
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Figure 54. Dans le plan sagittal, l’enveloppe des mouvements extrêmes au niveau de la cuspide mésiovestibulaire de la première molaire mandibulaire est homothétique à celle qui se situe au niveau des incisives centrales mandibulaires.
Figure 56. Les trajectoires des cuspides primaires au cours du mouvement travaillant (T) et du mouvement non travaillant (NT) forment, au niveau des structures antagonistes, un angle ouvert vers la face distale des dents à la mandibule et ouvert vers la face mésiale des dents au maxillaire.
Figure 55. Dans le plan frontal, l’enveloppe des mouvements extrêmes est réduite et asymétrique au niveau de la cuspide de la première molaire mandibulaire par rapport à l’enveloppe des mouvements extrêmes au niveau des incisives centrales.
cuspides primaires au cours du mouvement travaillant et du mouvement non travaillant forment au niveau des structures antagonistes un angle ouvert vers la face distale des dents à la mandibule et ouvert vers la face mésiale des dents au maxillaire » (règle de Guichet [31]) (Fig. 56, 57). L’étude attentive des travaux cliniques de Gibbs et Lundeen, effectués sur des cycles de la mastication [26], et une recherche réalisée en stéréographie à l’aide d’un articulateur totalement programmable [36] comportant des guides canins variables, aboutissent à une conclusion différente. En effet, l’angle formé par la trajectoire travaillante et par la trajectoire non travaillante s’alignent à partir du moment où le guide antérieur présente une inclinaison d’environ 35° par rapport au plan d’occlusion. De plus, son ouverture s’effectue en sens inverse à celle énoncée par la règle si l’inclinaison antérieure est supérieure à ce chiffre
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(Fig. 58). Cette différence de résultat est due au fait que les études antérieures ne tenaient aucun compte du rôle du groupe incisivocanin dans l’appareil manducateur et attribuaient la prépondérance à l’influence des guides condyliens. Certains auteurs ont essayé d’intégrer l’apport du guidage dans leur concept sans pourtant en donner toute l’importance [32, 33, 37-44]. Une réflexion, effectuée sur des données mathématiques, géométriques et expérimentales, permet d’affirmer qu’« un solide situé entre deux systèmes de guidage subit une influence dans son déplacement qui est inversement proportionnelle à la distance de ce solide à chacun des guides considérés ». Si l’on considère le déplacement de la cuspide mésiovestibulaire de la troisième molaire mandibulaire dans le mouvement de propulsion, se trouvant sensiblement à égale distance du guide postérieur condylien et du guide antérieur incisif, l’influence des deux guides est sensiblement équivalente (Fig. 59). Mais au fur et à mesure que les cuspides s’éloignent du guide postérieur et se rapprochent du guide antérieur, leur déplacement dans le mouvement de propulsion subit de plus en plus l’influence des groupes incisifs et de moins en moins celle des articulations temporomandibulaires (Fig. 60). En considérant le mouvement de latéralité où les canines sont impliquées, l’influence de ces dernières sur le déplacement relatif des cuspides d’appui devient prépondérante (Fig. 61). À la lumière de cette analyse, il apparaît nécessaire de revaloriser le guide incisivocanin par rapport aux guides articulaires. Sur le plan de la pratique odontologique quotidienne, la notion d’influence conduit à la nécessité d’utiliser un arc facial de transfert pour situer les différentes unités dentaires par rapport au guidage postérieur et surtout à étudier de manière approfondie le guidage canin et incisif. Stomatologie
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Figure 59. Dans le mouvement mandibulaire de protrusion, la cuspide mésiovestibulaire de la troisième molaire mandibulaire se situe à égale distance du guide postérieur condylien et du guide antérieur incisif : elle subit une influence équivalente des deux guides.
Figure 57. Guichet suggère, comme moyen mnémotechnique, de représenter l’angle formé par les trajectoires travaillantes et non travaillantes par les pattes d’un oiseau lequel entrerait dans la cavité buccale par l’arcade mandibulaire et en sortirait par l’arcade maxillaire avec les pattes en l’air.
Figure 60. Dans le mouvement mandibulaire de protrusion, la cuspide vestibulaire de la seconde prémolaire se situe à environ 20 mm du guide antérieur incisif : elle subit une influence de 80 % de la part de ce guide. Elle se situe à environ 80 mm du guide postérieur condylien et subit de la part de celui-ci une influence de 20 %.
Figure 61. Dans le mouvement de latéralité, la cuspide vestibulaire de la seconde prémolaire mandibulaire est plus proche de la canine que des incisives : elle subit par conséquent une influence du guidage canin plus importante que dans le cas précédent.
Figure 58. L’introduction d’un guide antérieur dont l’inclinaison est supérieure à 35° par rapport au plan de référence (ce qui est la règle dans les cas de normoclusion) inverse l’ouverture de l’angle formé par les trajectoires travaillantes (T) et par les trajectoires non travaillantes (NT). Stomatologie
L’étude de l’anatomie de l’occlusion et de l’articulation dentodentaire, en partant de l’analyse structurelle des unités dentaires pour aboutir à une perception globale du complexe stomatognathique, permet de mettre en valeur un certain nombre de références indispensables à l’établissement d’un diagnostic étiopathogénique et, par conséquent, à la mise en œuvre du plan de traitement le mieux adapté aux différentes situations cliniques.
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B. Tavernier, Professeur des Universités, praticien hospitalier (
[email protected]). J. Romerowski, Ancien Professeur. E. Boccara, Ancien assistant. C. Azevedo, Ancien assistant. G. Bresson, Ancien attaché de consultation. UFR d’odontologie, Paris VII, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Tavernier B., Romerowski J., Boccara E., Azevedo C., Bresson G. Articulation dentodentaire et fonction occlusale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-003-P-10, 2007.
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Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-003-S-10
22-003-S-10
Évolution de la denture permanente des Homininés PF Puech P Warembourg L Mascarelli
Résumé. – Les processus biologiques qui déterminent la structure de la dent de l’Homme moderne au cours de son développement (morphogenèse) puisent leur origine dans un plan d’expression génétique qui résulte de l’enchaînement évolutif des vertébrés au cours des temps (phylogenèse). Grâce à l’observation des animaux disparus (paléontologie) et à leur comparaison avec les animaux actuels (anatomie comparée), l’odontologie évolutive rend compréhensible la diversification des dents en reliant chaque innovation morphologique à un changement majeur du plan génétique des vertébrés. Les caractères craniodentaires, utilisés lors de l’examen de la diversification en Afrique des espèces fossiles, permettent de suivre l’évolution à l’origine des différentes espèces humaines (paléoanthropologie). Comme les caractères osseux et dentaires des primates actuels sont sous l’influence de l’environnement, l’évolution de la denture permanente des Homininés est analysée en fonction des différentes géographies (niches écologiques) et des progrès culturels qui constituent la préhistoire de l’Homme. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dent, adaptation, paléoanthropologie, Australopithecus, homme fossile, évolution, environnement, alimentation.
Introduction L’odontologie évolutive à travers les différentes adaptations de l’organe dentaire met en évidence les caractères biologiques fondamentaux et la fonction de l’appareil dentaire des Homininés dont l’évolution a, en dernière instance, été soumise aux progrès culturels qui caractérisent l’Homme. – Tout d’abord, l’association d’informations qui concernent la morphologie dentaire des espèces actuelles et fossiles ainsi que les modifications produites par l’environnement sur les différents aspects de la dent permettent de mieux comprendre la fonction de l’appareil masticateur ; l’approche moléculaire venant contribuer à une meilleure connaissance des mutations successives. Il ressort que les différences fondamentales de forme et de fonction de la dent découlent d’une scission évolutive qui procure à l’espèce une plus grande efficacité pour se nourrir. Cette revue permet de mieux appréhender le fonctionnement des dents et d’indiquer les causes ou les mécanismes qui soutiennent les caractères. Ceux-ci acquièrent de ce fait une signification phylogénétique de première importance. – Nous avons ensuite analysé la période évolutive qui concerne les Homininés (le groupe qui inclut tous les primates bipèdes) en ce qui concerne essentiellement les aspects paléoécologiques, culturels et anatomiques. L’étude de l’ensemble des Homininés fossiles (qui comprend les Homininés archaïques, Australopithecus et Homo) illustre le rôle joué par l’écologie dans l’évolution dentritique sous
Pierre-François Puech : Docteur en sciences odontologiques, docteur en géologie des formations sédimentaires (option préhistoire), habilité à diriger des recherches à l’université de la Méditerranée, UMR 6569 du CNRS au Muséum national, BP 191, 30012 Nîmes cedex 4, France. Philippe Warembourg : Docteur en chirurgie dentaire, DEA quaternaire au Muséum national d’histoire naturelle, assistant hospitalo-universitaire, UFR odontologie de Nice, 11, rue Louis-Blanc, 06400 Cannes, France. Laurence Mascarelli : Docteur en chirurgie dentaire, spécialiste qualifiée en orthopédie dentofaciale, DEA quaternaire odontologie évolutive (Marseille), assistant hospitalo-universitaire, UFR odontologie de Nice, 3 place du Général-de-Gaulle, 06000 Nice, France.
forme de radiations plutôt que par une suite linéaire des espèces à l’origine de l’Homme actuel.
Caractères dentaires des Homininés et règne animal ORIGINE DE LA DENT
La biologie est une science expérimentale et historique. En effet, chaque organisme vivant aujourd’hui représente le dernier maillon d’une chaîne ininterrompue d’espèces successives [6]. Pour cette raison, la comparaison du patrimoine biologique met en évidence la séparation génétique des vertébrés et des invertébrés, et la date à - 600 millions d’années (fig 1). C’est à ce moment que la dent des vertébrés prend son origine. Les invertébrés n’ont pas de dents véritables, mais des odontoïdes formés d’un seul feuillet imprégné de chitine, de silice ou de sels calcaires. Les premiers vertébrés bien connus sont des poissons pourvus d’une carapace osseuse couverte d’une peau percée de petits tubercules coniques, les denticules. Ces denticules, ou odontodes, ont une base osseuse et sont constitués de dentine couverte d’émail et contenant une cavité pulpaire. L’odontode est le précurseur phylogénique des dents. Chez les vertébrés les plus primitifs dépourvus de mâchoires, les denticules sont présents sur le derme externe et pharyngien. La dent correspond à une différenciation de l’odontode en milieu buccal chez les poissons. Les dents sont des phanères dermoépidermiques de la muqueuse buccale apparues indépendamment des mâchoires. DENTS DES REPTILES
L’organisation de nouveaux modules procure quatre membres (tétrapodie) aux vertébrés qui quittent le milieu marin (- 360 millions
Toute référence à cet article doit porter la mention : Puech PF, Warembourg P et Mascarelli L. Évolution de la denture permanente des Homininés. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-003-S-10, 2001, 11 p.
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EMC [257]
Évolution de la denture permanente des Homininés
22-003-S-10
Invertébrés
Vertébrés
Stomatologie/Odontologie
3
2
1
4 5
6
a
* A
b
600 millions d'années
1
1
Séparation génétique des animaux à l’origine de la dent. Les invertébrés sont pourvus d’odontoïdes formés à partir d’un feuillet. Les vertébrés possèdent des dents d’origine dermoépithéliale.
1 M
D
D
2
* B Évolution de l’occlusion des dents des reptiles. A. Vues occlusales. B. Vues vestibulaires. Stade 1 : haplodonte (occlusion monocuspide alternée). La dent des reptiles est cylindroconique. Stade 2 : triconodonte (occlusion tricuspide alternée). Chez les reptiles dits « mammaliens » ou thériodontes, on observe des dents coupantes à trois pointes. La triconodontie dérive par addition (ou bourgeonnement) de deux cuspides, l’une en avant de la cuspide primordiale (protocuspide) : le paracône à la mâchoire supérieure, le paraconide à la mandibule ; l’autre en arrière de la cuspide primordiale : le métacône à la mâchoire supérieure, le métaconide à la mandibule. M : mésial ; D : distal.
d’années). Les reptiles issus d’un ancêtre amphibien perfectionnent le système dentaire tout en conservant la dent conique ou cylindroconique à une pointe des poissons. Le rôle de ce type haplodonte (haplos = simple) est de saisir, retenir et déstructurer les aliments. Les dents sont nombreuses (polyodontie) et plus ou moins semblables (homodontie). Les dents se répartissent en plusieurs rangées sur le pourtour des mâchoires et parfois sur la voûte du palais. Le nombre de dentitions successives est élevé (polyphyodontie) avec un mode de remplacement latéral ou suivant un procédé qui participe à la fois du mode latéral et du mode vertical. L’attache des dents est généralement l’ankylose de la base sur l’os (dent acrodonte). Cependant, l’implantation peut se faire dans les alvéoles (mode thécodonte). Selon la terminologie d’Osborn [16], la dent simple est constituée du protocône au maxillaire et du protoconide à la mandibule. La fermeture de la bouche provoque une occlusion des dents qui est du type monocuspide alterné (stade 1) (fig 2). 2
A. Mouvements de fermeture de la mâchoire. a. reptiles ; b. mammifères. 1. Muscles des mâchoires ; 2. muscle temporal ; 3. apophyse coronoïde ; 4. apophyse zygomatique ; 5. angle ; 6. masséter. B. Fonctions occlusales des tubercules molaires. Action de cisaillement ou d’écrasement. Ces deux actions sont produites par le mouvement vertical avec un léger mouvement transversal de la surface occlusale : la face 1 broie, la face 2 tranche. DENTS DES REPTILES MAMMALIENS
* A
2
* B 3
M
2
Il y a 310 millions d’années, deux groupes se sont séparés des reptiles et ont développé un système de régulation thermique afin d’être moins dépendants des variations du climat : d’une part, la lignée des dinosaures et des oiseaux et, d’autre part, celle des reptiles mammaliens. La régulation de la température interne (homéothermie) des mammifères réclame plus de nourriture, ce qui nécessite un perfectionnement de la mécanique des mâchoires et des dents (fig 3A). Une évolution de l’occlusion des dents supérieures et inférieures a dû se faire pour rendre leurs rapports plus précis. Vers - 250 millions d’années, la première dent portée par le maxillaire supérieur, la canine, augmente de taille. Désormais, on distingue les incisives placées en avant sur le prémaxillaire et les dents postcanines, futures prémolaires et molaires. Les reptiles dits « mammaliens » sont alors nommés cynodontes (dents de chien) et les dents postcanines se compliquent en trois tubercules alignés (fig 2) (stade 2). Les racines sont enchâssées dans l’os alvéolaire et le nombre de dentitions de remplacement se réduit. CLASSE DES MAMMIFÈRES
Il y a 200 millions d’années, alors que le climat est favorable aux reptiles, les mammifères se développent sous la forme de petits animaux. Leur diversité initiale reflète les possibilités mécaniques offertes par la nouvelle articulation de la mandibule qui s’est libérée des os de l’audition. On distingue : – les Allothériens, aux molaires multituberculées et aux incisives à croissance prolongée ; cette lignée herbivore s’éteint vers - 35 millions d’années ; – les Protothériens (archaïques) et les Thériens (marsupiaux et placentaires), aux dents postcanines adaptées au cisaillement des aliments (fig 3B).
Évolution de la denture permanente des Homininés
Stomatologie/Odontologie
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3
4
* A
4
1
* B
Évolution de l’occlusion des dents des mammifères. A. Vues occlusales. B. Vues vestibulaires. Stade 3 : trigonodonte (occlusion cunéiforme) ; au maxillaire supérieur : le trigone ; à la mandibule : le trigonide. Stade 4 : talonide de la molaire inférieure, prolongement peu élevé et en forme de cuvette dans lequel vient s’articuler le protocone (occlusion encastrante).
Le mammifère le plus ancien suffisamment complet pour être décrit est Morganucodon. Ce petit animal de 10 cm de long possède une tête (de 3 cm) qui est une véritable paire de mâchoires puisque celles-ci mesurent 1,5 cm. Ce Protothérien triconodonte (trois tubercules alignés) possède une double articulation des mâchoires puisque s’ajoute à l’articulation reptilienne des mâchoires (entre l’os articulaire de la mandibule et l’os carré du crâne), une articulation mammalienne (entre os dentaire et temporal). Les Protothériens disparaissent vers - 100 millions d’années. Chez les premiers Thériens, comme Kuehneotherium, les trois cuspides principales sont disposées en « triangle » (trigonodonte) (fig 4) (stade 3), la molaire devient complexe.
2
3
* A
* B 5
A. Évolution de la première molaire supérieure. 1. Les trois cuspides fondamentales ; 2. le pseudohypocône du bourrelet cingulaire (ou hypocône vrai de la face occlusale) peut être lié par un pli secondaire, pli nannopithex, au protocône ; 3. hypocône dégagé du cingulum lingual. B. Schéma du talonide sur lequel repose le protocône, et du talon en vue occlusale. L’hypocône assure la relation avec la dent antagoniste distale, l’occlusion devient engrenante.
Vers - 50 millions d’années, les prosimiens dont la mandibule est faite de deux os non soudés au niveau de la symphyse, développent un hypocône à la mâchoire supérieure. Cette innovation augmente la surface occlusale utile aux végétariens et assure une relation articulaire avec la dent antagoniste immédiatement distale ; l’occlusion devient engrenante (fig 5B) (stade 5). SINGES
DENT TRIBOSPHÉNIQUE
Les trois tubercules des Thériens ont une disposition triangulaire qui résulte de la migration de la cuspide primordiale (protocuspide) en direction linguale au maxillaire et en direction vestibulaire à la mandibule. Chaque dent se loge comme un coin entre les deux dents de l’arcade opposée (stade 3) (fig 4) (occlusion cunéiforme). Dès - 167 millions d’années, la molaire inférieure de certains mammifères se différencie par la formation d’un talonide situé plus bas et en arrière du trigonide (stade 4) (fig 4). Il y a environ 140 millions d’années, la lignée menant aux marsupiaux et aux placentaires possède un talonide constitué d’une cuspide subsidiaire, l’hypoconide, qui migre vestibulairement pour devenir coupante alors que se forme l’hypoconulide au contact de la dent distale. C’est la dent prétribosphénique [13]. Vers - 105 millions d’années, une troisième cuspide, l’entoconide, se forme pour élargir la surface d’écrasement. L’adaptation occlusale est dite tribosphénique (tribo : broyer ; sphèn : coin qui s’engrène dans l’antagoniste pour trancher).
Dès la naissance des singes (simiens), la dérive des continents les sépare en deux groupes : – les singes du Nouveau Monde, les Platyrhiniens, car les orifices du nez sont ouverts sur les côtés, ont trois prémolaires pour chaque hémiarcade dentaire ; – les singes de l’Ancien Monde, les Catarhiniens, au nez dont les orifices sont dirigés vers le bas, ont deux prémolaires par hémiarcade. Au contraire des prosimiens, les simiens ont la symphyse mandibulaire soudée et la mandibule se trouve verrouillée en occlusion par l’engrènement des canines. La saillie de la canine supérieure (lacératrice) nécessite un espace (diastème) pour se loger dans la rangée dentaire opposée (fig 6). L’occlusion de la canine supérieure avec la première prémolaire inférieure (C/P) sert d’aiguisoir. MOLAIRE DRYOPITHÉCIENNE
PREMIERS PRIMATES
Les primates, prosimiens et simiens, sont des mammifères dont le crâne, à l’origine tubulaire de quadrupèdes, devient plus volumineux et arrondi dans la lignée de quadrumanes (quatre mains) qui mène à l’Homme. Les plus archaïques, comme Purgatorius daté de - 70 millions d’années, ne sont connus que par quelques dents tribosphéniques. Sa formule dentaire est de 44 dents réparties en trois incisives, une canine, quatre prémolaires et trois molaires par hémiarcade. La molaire ne mesure que 2 mm de long. Ces prosimiens possèdent un caractère dentaire particulier, le pli nannopithex (nanus = nain) qui forme une crête à partir du protocône et se dirige vers l’angle postérolingual de la dent (fig 5A) (n° 2). Les dents à pli nannopithex n’ont pas d’hypocône vrai, mais un pseudohypocône.
Tout d’abord reconnu par Gregory [10] chez le dryopithèque, hominoïde fossile vieux de 10 millions d’années, cet arrangement des sillons de la molaire inférieure est présent chez le plus ancien Catarhinien actuellement connu, Aegyptopithecus vieux de 34 millions d’années. Les Catarhiniens ont 32 dents (comme l’Homme) et se divisent en : – cynomorphes pourvus d’une queue et d’un long museau ; leurs molaires inférieures ont généralement quatre cuspides réunies deux par deux (bilophodontes) ; – anthropomorphes aux incisives latérales supérieures spatulées et à la première molaire inférieure pourvue de cinq cuspides dont l’arrangement est dit « dryopithécien » lorsque l’hypoconide forme avec le métaconide la branche du Y du schéma occlusal (fig 7). Les anthropomorphes, dépourvus de queue, constituent la superfamille 3
Évolution de la denture permanente des Homininés
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Prémolaires
Incisives
I
a
b
I1
C
P1
P2
C
Molaires
M
P3
6
Les Homininés ont abandonné la spécialisation des canines et prémolaires du singe. a. Mammifères primitifs (tarsier, lémur) ; b. singes du Nouveau Monde (ouistiti) ; c. singes de l’Ancien Monde (macaque) ; d. Homme.
Stomatologie/Odontologie
Vestibulaire Molaires supérieures Mésial
Distal
(situation encore vue chez les tarsiers)
Molaires inférieures Lingual Addition d'une quatrième cuspide sur les molaires supérieures ; perte de la cuspide mésiolinguale sur les molaires inférieures
M
S
La plupart des primates vivants
I Perte de la cinquième cuspide sur les molaires inférieures et antérieures
La cinquième cuspide des molaires inférieures se déplace vers l'extérieur c
I1
C
M
P3
S
S
I
I
Grands singes et premiers homidés d
I1
C
P3
MAMMIFÈRES ANCESTRAUX
Bilophodontie (dents dont les cuspides face à face sont réunies par des crêtes ou lophes)
Singes cynomorphes
M
7
des Hominoïdés (tableau I). Habitués à se suspendre aux branches des arbres, ils possèdent un crâne relativement haut et court.
Évolution de la molaire mammalienne.
Tableau I. – Superfamille des Hominoïdés. Classification utilisée : famille, sous-famille, genre
Diversité des Homininés et origine de la denture de l’Homme Les critères qui définissent morphologiquement l’Homme, comme la bipédie, le gros cerveau et les dents omnivores apparaissent et se renforcent après la divergence d’avec les singes effectuée il y a environ 7 millions d’années [3]. Les dents permanentes des Homininés permettent de proposer un enchaînement phylogénique qui suit les étapes d’une morphogenèse qui constitue l’anthropogenèse. Les relations buissonnantes, placées dans leur cadre géographique et culturel, distinguent les Homininés archaïques, Australopithecus et Homo (fig 8). Les phénomènes physiques naturels de la terre ont influencé les événements majeurs de l’évolution dentaire. PREMIERS HOMININÉS
¶ Homininés archaïques Impossible à classer en raison de leur caractère fragmentaire, ils présentent des traits dentaires très primitifs. Orrorin, daté de 6 millions d’années, possède une canine supérieure marquée par un sillon mésial vertical simiesque alors que l’émail des molaires est épais [27]. Ardipithecus, plus récent présente un émail fin comme celui des singes [11, 12, 30] ainsi qu’une première prémolaire inférieure à couronne asymétrique et à deux racines indiquant une relation canine supérieure-première prémolaire inférieure (C/P) archaïque.
¶ « Australopithecus anamensis » Gracile à petit cerveau, cet australopithèque parfaitement bipède vivait au Kenya, il y a 4 millions d’années [14]. 4
• Hominidé
- Homininé (Ardipithecus, Australopithecus, Homo) - Paniné (Pan, Gorilla)
• Pongidé
- Ponginé (Pongo)
• Hylobatidé
- Hylobatiné (Siamang, Gibbon)
Les dents jugales alignées en deux longues rangées parallèles rapprochées donnent à la mâchoire un contour en « U ». Le grand axe de la symphyse mandibulaire fortement incliné vers l’arrière prolonge le planum alvéolaire lingual jusqu’au niveau des deuxièmes prémolaires comme pour le chimpanzé. La canine supérieure à implantation verticale et la faible largeur dentaire intercanine approchent l’espèce du genre Homo [18]. La première prémolaire inférieure possède une couronne asymétrique et deux racines distinctes. L’émail qui recouvre les dents est épais.
¶ « Australopithecus afarensis » L’espèce datée entre 3,9 et 2,9 millions d’années présente une faible capacité crânienne (400 mL), une forte projection antérieure du massif facial et des membres supérieurs longs par rapport aux membres inférieurs (fig 9). Le spécimen le plus complet est celui d’une petite femme, « Lucy » , 1,10 m, dont le squelette est connu à 40 %. Sa mandibule fortement rétrécie en avant comporte deux longues rangées de dents postcanines, ce qui lui donne une forme en « V » [24]. La première prémolaire inférieure est pratiquement monocuspide car son épicrête descend vers la face linguale en ne rencontrant qu’une trace de métaconide (fig 10) [2]. Cette dent ne présente pas la forme sectoriale observée chez les sujets anthropoïdes et les détails microscopiques de l’usure mettent en
Évolution de la denture permanente des Homininés
Stomatologie/Odontologie
Homo sapiens 8 sapiens
Années 0
Diffusion des Homo sapiens sapiens Néanderthaliens
Première sépulture 100 000 ans
Afrique Proche-Orient
100 000
Homo néanderthalensis
Les Homininés (arbre phylogénétique).
Manifestation de l'art de 35 000 ans
Dispanition des Néanderthaliens
35 000
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Europe Domestication du feu 400 000 ans
Homo heidelbergensis Asie 500 000
Disparition des Australopithèques
1 000 000
Homo erectus Homo ergaster
Paranthropus robustus Australopithecus boisei
Premier habitat 1 800 000 ans
Australopeithecus africanus 2 000 000 Paranthropes
Australopithecus aethiopicus
Premiers outils 2 600 000 ans
Homo habilis Homo rudolfensis
3 000 000 Australopithèques
HOMO
Australopithecus afarensis Australopithecus anamensis 4 000 000
Ardipithecus ramidus
Homininés archaïques 5 000 000
évidence une fonction de cisaillement associée à l’action de broyer qui caractérise les Homininés [17]. Les molaires, très volumineuses, augmentent de la première à la troisième : M1 < M2 < M3 et leur largeur vestibulolinguale est proportionnellement plus importante que chez les singes anthropomorphes (fig 10, 11, 12).
¶ « Australopithecus africanus » L’espèce, datée de 3 à 2 millions d’années, a été reconnue par Raymond Dart grâce à l’analyse d’un petit crâne provenant de Taung
en Afrique du Sud [4]. Il mesura les distances basion-prosthion et basion-inion qui donnent l’indice d’équilibre de la tête intermédiaire entre celui du chimpanzé et celui des premiers hommes. La station corporelle de l’espèce était donc imparfaitement relevée. D’autre part, le développement dentaire de l’enfant de Taung correspondait à celui des grands singes actuels qui présentent une deuxième molaire qui fait éruption avant la canine et les prémolaires ainsi qu’un âge d’éruption de notre dent de 6 ans (première molaire) vers 3-4 ans [1]. 5
Évolution de la denture permanente des Homininés
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Australopithèques graciles
Paranthropus ou Australopithèques robustes
Australopithecus afarensis
Australopithecus africanus
Petite taille ; longs bras par rapport jambes ; fort dimorphisme sexuel
Petite taille ; dimorphisme sexuel moins marqué
Capacité crânienne
400/500 mL
400/500 mL
Forme du squelette
Bas, front plat ; prognathisme alvéolaire arcade sourcilière proéminente
Front plus haut ; face plus courte ; arcade sourcilière moins proéminente
Palais plat peu profond, incisives et canines relativement larges ; diastème entre seconde incisive et canine supérieur ; molaires taille modérée
Pas de diastème, molaires plus grandes
Très fortes mâchoires petites incisives et canines ; prémolaires et molaires trés développées
Trés fortes mâchoires ; petites incisives et canines ; prémolaires et molaires très développées
Sites
Afrique de l'Est
Afrique du Sud
Afrique de l'Est
Afrique du Sud
Dates
3,9 à 2,9 millions d'années
3,2 à 2,5 millions d'années
2,6 à 1,2 millions d'années
2à1 millions d'années
Physique
Mâchoires et dents
Paranthropus boisei
9
Stomatologie/Odontologie
Australopithèques.
Paranthropus robustus
Conformation puissante ; Conformation très dimorphisme puissante ; dimorphisme sexuel modéré ; sexuel marqué ; bras bras relativement longs relativement longs 410/500 mL Crêtes sagittale et nucale proéminentes face longue, large, plate ; torus sus-orbitaire massif
530 mL Crête sagittale ; face large, longue, plate ; torus sus-orbitaire modéré
10
La séparation de la lignée humaine d’avec les singes se reconnaît à la morphologie de la première prémolaire inférieure. L’Australopithecus afarensis permet de distinguer deux types de prémolaires inférieures (P3) monocuspides : les simiens ont développé une spécialisation coupante qui aiguise la canine supérieure alors que la lignée des Homininés s’est déspécialisée pour donner naissance à un tubercule supplémentaire : le métaconide. La couronne de P3 des Hommes présente une base au contour symétrique, et l’axe oblique transverse n’étire pas la surface occlusale.
Australopithèque AL-400
Le développement ralenti observé chez l’Homme est interprété comme un point fondamental de l’évolution des primates qui présentent, dans la série évolutive, un allongement de la durée de
6
l’enfance favorable pour la formation éducative. L’enfant de Taung appartenait donc à une nouvelle espèce que Dart baptisa : Australopithecus africanus (singe d’Afrique Australe).
Stomatologie/Odontologie
Évolution de la denture permanente des Homininés
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* B
* A
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Australopithecus afarensis, mandibule AL-400. Les dents postcanines forment deux rangées sensiblement parallèles et M1 < M2 ≤ M3. La première prémolaire inférieure a son axe transversal oblique et étiré vers l’arrière. GENRE « HOMO »
* C 11
La forme de l’arcade dentaire est dictée par la morphologie des dents. A. Mâchoire supérieure de chimpanzé. B. Mâchoire supérieure d’Australopithecus afarensis (AL-200). C. Mâchoire supérieure de l’Homme. L’Australopithecus afarensis est, par la forme de son arcade dentaire et la taille de ses dents de devant, proche du chimpanzé qui comme lui possède un palais plat peu profond et un canal incisif placé loin en arrière de la rangée dentaire. Chez 45 % des spécimens, il y a un intervalle, ou diastème, entre l’incisive et la canine. Ses molaires sont beaucoup plus grandes que celles du chimpanzé et de l’Homme actuel, rangées en ligne droite, sauf la dernière située un peu plus à l’intérieur, ce qui donne l’impression d’une amorce d’incurvation plus marquée. De grosses dents postcanines est un trait commun aux Australopithèques que l’on classe en Australopithèques graciles et en Paranthropes robustes.
Les dents jugales d’Australopithecus africanus sont en moyenne deux fois plus grandes que les nôtres alors que celles de « Lucy » sont 2,8 fois plus grandes [15]. La mégadontie des dents jugales caractérise les australopithèques.
¶ « Paranthropus » Il y a près de 2,5 millions d’années, des espèces très spécialisées représentées par des individus robustes au cerveau un peu plus gros que celui des australopithèques graciles se sont différenciées en Afrique de l’Est et du Sud, pour disparaître vers - 1 million d’années. Leur mode de locomotion bipède et l’appareil dentaire hyper-robuste sont des adaptations uniques (fig 12) ; pour cette raison, ces australopithèques sont également nommés Paranthropes ; diverses espèces existent : – Australopithecus robustus : reconnu en Afrique du Sud, son squelette facial monte très haut, effaçant le front. De profil, les pommettes placées très en avant masquent l’ouverture nasale ; – Australopithecus aethiopicus : cet Homininé est le plus ancien des Paranthropes (- 2,7 à - 2,2 millions d’années). Identifié en Afrique de l’Est, il se différencie des autres formes robustes par des incisives et des canines plus grandes [5] ; – Australopithecus boisei : cette espèce découverte à Olduvai (Tanzanie) présente un aspect robuste exagéré qui se manifeste dans la dentition, avec des dents antérieures excessivement petites comparées aux dents jugales, par des attaches musculaires développées et une crête sagittale sur le sommet des crânes masculins. Cette crête, qui existe aussi chez le gorille actuel, n’est pas présente chez les australopithèques graciles.
¶ Buissonnement des espèces La bipédie a libéré la main des australopithèques, mais nous ne savons pas si ceux-ci étaient capables de concevoir et de réaliser des outils. Les plus anciens outils connus datent d’une période où les australopithèques cohabitent avec de nouveaux Homininés dotés d’une capacité cérébrale sensiblement supérieure. Pour cette raison, on considère que les outils appartiennent à la première espèce humaine, nommée Homo habilis (homme habile). Cette arrivée fait suite à des modifications climatiques observées en Afrique de l’Est il y a 2,5 millions d’années. Yves Coppens constate que cette période charnière marque le début d’une période plus sèche, à végétation clairsemée, qui voit le déclin des grands singes au profit des babouins. C’est également le moment de disparition des australopithèques graciles et d’expansion des Paranthropes, plus robustes, aux mâchoires et aux dents faites pour réduire les aliments durs et abrasifs. Le cerveau plus volumineux des premiers hommes, accompagné de dents aux dimensions réduites, aurait favorisé l’apparition d’un nouveau mode de vie au régime alimentaire plus omnivore, composé de préférence de fruits et de roseaux immatures, de plantes aquatiques et de mollusques [21, 26]. « Homo habilis » De petite taille (1,15-1,30 m), cette espèce découverte à Olduvai (Tanzanie) possède un cerveau d’environ 600 mL et conserve de ses ancêtres le torus supraorbitaire. Connu en Afrique de l’Est et du Sud entre 2 et 1,6 millions d’années, sa face moyenne est réduite, ses incisives et canines sont larges alors que les dents postcanines inférieures sont étroites et allongées mésiodistalement [25]. La largeur réduite de la première molaire inférieure comparée à sa longueur est une indication morphologique simple qui sépare les premiers hommes des australopithèques [23]. « Homo rudolfensis » Cet homme représenté en Afrique de l’Est, du Kenya au Malawi, entre 2,4 et 2 millions d’années, possède un crâne plus haut que celui de Homo habilis de capacité voisine de 750 mL. La face ne présente pas de torus supraorbitaire alors que la face moyenne et le palais sont larges [29]. « Homo ergaster » Il apparaît en Afrique de l’Est vers 1,8 million d’années. Beaucoup plus grand qu’Homo habilis, sa taille peut atteindre 1,80 m et sa capacité crânienne 800 mL. Sa face, surmontée d’un bourrelet susorbitaire, est plus gracile que celle de ses prédécesseurs ; les dents 7
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Évolution de la denture permanente des Homininés 13
Anté-Néanderthalien de Tautavel. La face est projetée en avant sous de forts bourrelets susorbitaires.
Stomatologie/Odontologie
(vestibulolinguale) qui, comparée à celle de la première molaire, sont caractéristiques [19]. « Homo sapiens » L’évolution ultime de l’Homme est caractérisée par une capacité crânienne moyenne de 1 400 mL, un développement des lobes frontaux, une réduction de la face, une gracialisation générale des os et des dents ainsi que par l’apparition du menton (fig 14). Les hommes actuels, tout d’abord connus en Europe sous le nom de Cro-Magnon, sont venus d’Afrique pourvus d’une anatomie moderne. Au Proche-Orient, voie de passage obligée vers l’Eurasie, les Homo sapiens ont une centaine de milliers d’années à Qafzeh et à Skhul, on recherche donc des formes hybrides avec l’homme de Néanderthal qui ne disparaît que beaucoup plus tard. En France, Homo sapiens apparaît brutalement il y a 35 000 ans et y remplace l’homme de Néanderthal au début de la dernière glaciation, vers - 30 000 ans.
sont plus petites et la bipédie est tout à fait moderne. Ces traits en font un ancêtre possible de tous les humains ultérieurs [29].
¶ Variabilité de l’expression des surfaces occlusales molaires
« Homo erectus »
Les molaires supérieures des Homininés portent trois tubercules fondamentaux qui forment le trigone, auquel s’ajoute un talon constitué par l’hypocône, dont la taille est chez l’homme actuel en série décroissante de la première molaire à la troisième. La variation de taille et de disposition des tubercules permet de reconnaître quatre grades d’expression (fig 15). Sur le flanc lingual du protocône peut se développer une cuspide accessoire : le tubercule de Carabelli. Ce trait peut prendre la simple forme d’un puits ou d’une fissure, il est très peu fréquent chez les peuples mongoloïdes. Sur la face vestibulaire du paracône, on note beaucoup moins fréquemment que pour la cuspide accessoire précédente, le tubercule de Bolk.
Une mandibule et deux crânes découverts à Dmanisi (Georgie) ont été attribués pour un temps à Homo erectus et datés de 1,8 million d’années [8]. Cependant, il semble bien que le terme Homo erectus convient davantage à un stade évolutif de la lignée humaine pour une période de 1 million d’années au cours de laquelle s’est effectué un buissonnement de morphologies en fonction des géographies. En Afrique, il serait Homo ergaster, et Homo erectus se serait alors propagé sur une bonne partie de l’Ancien Monde. À Java, les Pithécanthropes traduisent, entre 1,9 et 0,2 million d’années, une robustesse parfois exagérée. Homo erectus en Chine, de 1,7 à 0,5 million d’années, possède une capacité crânienne qui se développe de 750 à 1 250 mL. Les caractères dentaires très particuliers de la mandibule de Dmanissi prouvent que l’espèce est proche d’Homo habilis [20], alors que certains traits du crâne appartiennent à Homo ergaster [7]. Une approche très fine de la stratigraphie du site pourrait préciser les raisons de ces caractères en « mosaïque » [22]. « Homo sapiens » archaïque Une série de fossiles entre 600 000 et 100 000 ans, montre l’émergence graduelle en Afrique d’une nouvelle espèce : Homo sapiens archaïque. Parallèlement à cette évolution, il s’est produit en Europe une autre évolution qui a suivi des voies originales pour aboutir aux hommes de Néanderthal [28]. Au cours de cette période s’est produite une dispersion humaine à travers tout l’Ancien Monde. « Homo neanderthalensis » Une division s’est faite parmi les Homo erectus à partir de 700 000 ans lorsque les anté-Néanderthaliens se sont individualisés. Homo heidelbergensis (Allemagne), puis les crânes de Tautavel (fig 13) (France), de Petralona (Grèce), Sima de los Huesos (Espagne), Saccopastore (Italie), témoignent de l’installation progressive des Néanderthaliens. Comparés à leurs ancêtres, ils ont un corps trapu, un crâne volumineux et étiré ainsi qu’une face projetée vers l’avant suivant l’équilibre représenté (fig 14). Les dents sont dites taurodontes, le corps tendant à s’agrandir aux dépens des racines. Du fait de l’extension apicale de la chambre pulpaire, les couronnes sont moins galbées, plus cylindriques, et la furcation des racines se fait plus apicalement. Les dents antérieures sont très développées et leurs racines ont une épaisseur 8
Ces caractères sont diversement présents chez les Homininés ; cependant, le crâne de l’anté-Néanderthalien de Tautavel présente un schéma occlusal des molaires supérieures qui n’entre dans aucun des gabarits décrits ; le métacône est partagé en trois parties ciselant la région distale des couronnes. Aux molaires inférieures, les schémas occlusaux traduisent à la fois le nombre et l’importance des cuspides. Chez les Primates, le paraconide (cuspide mésiolinguale) disparaît dans les formes supérieures si bien que le trigonide ne compte plus alors que deux tubercules. Chez les anthropomorphes, Primates dépourvus de queue, le groupement pour la première molaire présente généralement un sillon au contact de l’hypoconide et du métaconide, ce qui produit un Y avec les autres sillons (fig 15). Chez l’homme de Tautavel, la première molaire de Arago XIII a un gabarit de type X 5. Une évolution très caractéristique concerne l’hypoconulide dont le gradient s’accroît de M1 à M3 chez les Cercopithecidae, qui sont des singes cynomorphes pourvus d’une queue, alors que chez les Hominoidae, anthropomorphes, l’hypoconulide possède un gradient de réduction de M1 à M3. L’enchaînement des vertébrés nous a permis de retracer l’origine de la dent et sa diversification. Les mammifères ont inventé la mastication et tissé des relations occlusales de plus en plus complexes. Enfin, l’Homme, en suivant les dispositions générales qui s’accentuent dans la lignée des primates, a modifié la relation des mâchoires. Cette évolution de la denture a été accompagnée des modifications morphologiques qui caractérisent nos dents permanentes. Le trait dentaire qui s’impose aux Homininés est lié à la station bipède ; il s’agit de la présence de deux tubercules sur une première prémolaire inférieure arrondie. C’est la marque de rupture avec l’évolution de nos cousins les singes qui développent un complexe centré sur les rapports canine supérieure-première prémolaire inférieure.
Évolution de la denture permanente des Homininés
Stomatologie/Odontologie
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Anatomie comparée et équilibre de la face et du crâne de l’Homme de Néanderthal et de l’Homme moderne.
NÉANDERTHAL Shanidar I
La Ferassie I
Crâne long, plat et bas Occipital en « chignon »
Front bas fuyant Torus sus-orbitaire développé
}
Nez putôt large Espace rétromolaire
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Trou mentonnier près de la première molaire
Étage moyen de la face projeté en avant Pas de réel menton
HOMO SAPIENS Qafzeh
Predmost 3 Front haut
Occipital arrondi
}
Nez plus petit
Apophyse mastoïde forte
Étage moyen de la face plus plat Menton
Trou mentonnier sous prémolaires
Pas d'espace rétromolaire
ÉQUILIBRE COMPARÉ Néanderthal
Homme moderne
117,5°
134°
La dédifférenciation dentaire à l’origine des Homininés provoque une gracilisation des racines des canines qui libère la partie alvéolaire de l’os basal des mâchoires. Le trou occipital peut alors s’ouvrir en position plus antérieure. La discontinuité à l’origine de l’Homme est marquée par un ralentissement du développement dentaire et la perte de la perte de la mégadontie postérieure ; un plus grand infléchissement de la base du crâne accompagne la diminution du prognathisme des mâchoires.
– la saillie de l’éminence mentonnière ; impossible à discerner dans l’espèce humaine immédiatement précédente, les Néanderthaliens, alors qu’on lui reconnaît certains éléments du menton (fig 16).
La dernière étape est celle de la genèse de l’Homme moderne pour lequel l’arrêt de la croissance antérieure des arcades alvéolaires parachève l’équilibre entre l’axe de gravité céphalique et celui du corps. L’arcade dentaire inférieure recule par rapport à l’arcade basiliaire osseuse, ce qui produit [9] :
L’odontologie évolutive, qui étudie les origines de l’Homme à travers ses caractères dentaires, sert diverses disciplines scientifiques voisines comme la biologie de l’évolution, l’écologie ou la biologie moléculaire et génétique. Celles-ci élargissent le domaine d’étude et ont déjà joué un grand rôle en éclaircissant les relations évolutives déduites de l’examen morphologique. Avec les progrès de la biologie, il faut sans doute s’attendre à de nouvelles hypothèses et à des réponses concernant les mécanismes qui interviennent dans cette évolution.
– pour la pemière fois chez les Homininés, l’occlusion croisée au niveau incisivocanin (psalidodontie), alors que les autres espèces de la lignée ont une occlusion en bout à bout (labidodontie) ;
Conclusion
Figures 15 et 16 et Références ➤ 9
Évolution de la denture permanente des Homininés
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A. Gabarit occlusal des molaires supérieures. a. Forme 4 ; b. forme 4 moins (4-) ; 1. paracône ; 2. métacône ; 3. protocône ; 4. hypocône ; c. forme 3 plus (3+) ; d. forme 3. B. Gabarit occlusal des molaires inférieures. a, b, c. Formes en Y6, Y5, Y4 (contact entre méta- et hypoconide) ; d, e. formes en +5, +4 ; f, g. formes en X5, X4 (contact entre proto- et entoconide). 1. Protoconide ; 2. hypoconide ; 3. hypoconulide ; 4. métaconide ; 5. entoconide ; 6. tuberculum sextum (entoconulide). Il peut exister un septième tubercule entre hypoconulide et tuberculum sextum : « tubercule 7 ». C. Grades du tuberculum sextum (sixième cuspide mandibulaire) et le tuberculum intermedium (métaconulide). (1) trace ; (2) petit ; (3) moyen ; (4) grand tubercule. Le grade 3 (2) lorsque le tubercule est égal au tubercule distal hypoconulide (1) ; Le grade 4 (4) lorsqu’il est plus grand. 3. Tuberculum intermedium (côté lingual entre métaconide et entoconide).
16
* A
10
* B
A. Homme de Néanderthal (Amud). Occlusion en bout à bout ; absence de menton ; le bord antérieur de la branche montante prend naissance en arrière de la troisième molaire. B. Homo sapiens : Homme moderne. Occlusion croisée au niveau incisivocanin ; saillie du menton ; le bord antérieur de la branche montante prend naissance au niveau de la deuxième molaire.
Stomatologie/Odontologie
Évolution de la denture permanente des Homininés
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-003-S-20
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La dent en anthropologie JP Lodter AM Grimoud M Boulbet-Mauger JP Gatignol A Zerbib
Résumé. – La dent en anthropologie est l’objet de recherches dans de nombreux domaines. Il s’agit au plan macroscopique de l’estimation de l’âge, du sexe et des phénomènes de sénescence mais aussi de l’analyse des variations des caractères morphologiques des dentures temporaire et permanente à travers les âges. Les organes dentaires sont également les témoins de modes de vie et de pathologies, à partir de l’étude de l’usure dentaire, des microstries, de la carie et des hypoplasies ; à ce niveau certains caractères différentiels relèvent de l’examen microscopique. À l’échelle moléculaire, la protection qu’offre la structure de la dent à la conservation de l’ADN d’un individu, en fait un matériau de choix en matière d’identification. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dent, anthropologie, détermination de l’âge et du sexe, usures, caries, hypoplasie de l’émail, ADN pulpe dentaire, identification.
Introduction En anthropologie, l’organe dentaire représente un potentiel d’investigation attaché aux différents caractères qui témoignent de l’évolution, du mode de vie et de l’origine des individus et des populations. La dent, étant constituée des tissus les plus durs de l’organisme, est difficilement dégradée, même dans des conditions limites de conservation. De ce fait, les organes dentaires peuvent être les seuls éléments témoins de l’existence d’individus ou de populations disparus. Leurs caractères sont analysés à l’échelle macroscopique, microscopique et moléculaire. Ainsi, grâce à la richesse de ces renseignements, les domaines d’investigations de la recherche anthropologique en odontostomatologie intéressent l’histoire, la culture, la pathologie et l’identification. Les connaissances acquises permettent d’établir un lien entre passé et présent et de répondre malgré des incertitudes à de nombreuses interrogations.
époque face à la mort, puis il va être confronté à l’étude plus approfondie de l’échantillon biologique inhumé : nombre d’individus, âge, sexe. CALCUL DU NOMBRE MINIMUM D’INDIVIDUS DE LA SÉPULTURE
De nombreuses méthodes ont déjà été décrites pour le dénombrement du nombre minimum d’individus à partir des restes odontologiques : elles sont en fait directement issues du principe de la méthode de Baron [4]. Le nombre maximum de dents décomptées pour un numéro anatomique apparaît comme le nombre minimum d’individus (NMI) de la sépulture. Afin de ne pas décompter deux fois le même individu présentant une denture mixte, la dent de référence est celle qui obéit à des critères de sélection minimisant les erreurs : l’apexification doit être terminée pour les dents définitives (les dents immatures ne sont pas utilisées dans le calcul du NMI adultes) et la dent de référence doit être facilement reconnaissable afin de diminuer les biais intra- et interobservateurs. ESTIMATION DE L’ÂGE AU DÉCÈS DES INDIVIDUS
Apport de l’étude des dents présentes dans les sépultures Les dents sont les vestiges humains qui résistent le mieux aux outrages du temps. De nombreux éléments du corps humain disparaissent ou sont rapidement altérés ou détruits, les dents constituent alors de précieux témoignages des temps passés. Devant une sépulture, l’anthropologue doit tout d’abord analyser les pratiques funéraires, le comportement de l’homme vivant à cette
Jean-Philippe Lodter : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Anne-Marie Grimoud : Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier. Jean-Philippe Gatignol : Assistant hospitalo-universitaire. Alexandre Zerbib : Docteur en chirurgie dentaire attaché d’enseignement. Service d’odontologie, 3, chemin des Maraîchers, 31062 Toulouse cedex 4, France. M Boulbet-Mauger : Docteur en chirurgie dentaire, 4, rue de Fontainebleau, 31400 Toulouse, France.
¶ Techniques utilisant les stades d’éruption et de calcification des dents pour les enfants et les adolescents L’estimation de l’âge au décès des enfants est rendue possible du fait de la correspondance entre leur âge et les stades d’éruption et de calcification des dents lactéales et immatures. Différentes classifications sont disponibles : les tables de Schour et Massler [77], d’Ubelaker [85] permettent de déterminer l’âge de la mort avec une forte probabilité ± 6 mois. Nortje [63] a même proposé une étude du développement de la racine de la dent de sagesse entre 16 et 19 ans, mais cette classification n’est pas utilisable dans l’étude d’échantillons dentaires isolés du fait du faible indice de confiance dans la détermination précise des dents de sagesse. Il faut tout de même signaler que l’âge dentaire de nos ancêtres est estimé grâce à des références établies à partir de populations
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lodter JP, Grimoud AM, Boulbet-Mauger M, Gatignol JP et Zerbib A. La dent en anthropologie. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-003-S-20, 2003, 12 p.
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La dent en anthropologie
actuelles nord-américaines. Cela implique de ne pas tenir compte d’un décalage possible entre le développement des organes dentaires des populations actuelles et préhistoriques. De plus, l’étude des populations actuelles montre qu’il existe un décalage entre l’âge dentaire et l’âge civil.
¶ Techniques étudiant pour les individus adultes les phénomènes de sénescence L’ensemble de ces méthodes donne des résultats moins précis que les précédents. Technique d’estimation d’âge à deux critères dentaires de Lamendin [42] Simplifiant la méthode de Gustafson [28], Lamendin se base sur des dents monoradiculées. II note deux critères : – la parodontose : mesurée au compas à pointe sèche ou au pied à coulisse, rapportée à la longueur totale de la racine ; – la translucidité radiculaire : mesurée sur trame millimétrée sur négatoscope, également rapportée à la longueur totale de la racine. Cette technique récente ne détériore pas la dent à étudier et semble donner des résultats intéressants en odontologie légale. Étude de l’usure dentaire [38] Ici interviennent certains facteurs de variabilité qui induisent une marge d’erreur : la consistance de la nourriture, l’occlusion, le chemin de fermeture, les douleurs dentaires, les dents absentes ante mortem, les facteurs psychiques et les tics masticatoires, le sexe, la présence de terre et de sable dans les aliments, le mode de vie et de culture, les facteurs climatiques… Lovejoy [48], en étudiant l’usure des dents de la population de Libben pour 332 adultes, ne trouve pas de différence significative entre les hommes et les femmes et conclut que l’usure dentaire est un bon indicateur d’âge pour un échantillon de population donnée. Techniques étudiant le volume pulpaire [20] Les nombreux facteurs qui entraînent un rétrécissement pulpaire (agressions thermiques, caries, usure…) entravent la fiabilité de ces techniques. De plus, l’action du sol et de son microenvironnement [5] peut induire des phénomènes d’usure et de translucidité radiculaire comparables à ceux apparus physiologiquement : une fois inhumée, la dent continue à évoluer au niveau de sa structure et au bout d’un certain temps elle n’est plus à l’image de ce qu’elle était au moment du décès de l’individu.
¶ Techniques physique et chimique Étude de la structure cristalline amélaire et dentinaire Les variations cristallographiques de l’émail et de la dentine au cours de la vie peuvent être mesurées pour établir des tables de corrélation entre l’âge et la structure : mais ces tables présentent les mêmes faiblesses que les précédentes (en particulier changements de la structure cristallographique après la mort). Racémisation des acides aminés La racémisation est une conversion stéréo-isomérique de la forme L des acides aminés vers leur forme D. La forme L de ces molécules est principalement synthétisée chez les organismes vivants. Quand les acides aminés ne sont pas renouvelés, à la mort de l’individu ou dans les tissus calcifiés, la forme D apparaît jusqu’à atteindre un équilibre racémique. L’étude du ratio D/L peut permettre une détermination de l’âge de l’individu avec un intervalle de confiance variant selon les auteurs de 3 à 15 ans. En plus d’un haut niveau technique, cette méthode de détermination de l’âge au décès a pour inconvénient majeur de détruire le matériel anthropologique. ÉTUDE DU RECRUTEMENT FUNÉRAIRE
¶ Objectifs L’étude des populations du passé reste une science difficile et approximative faute de source écrite : l’anthropologue a pour rude 2
Stomatologie
tâche d’étudier les restes d’un monde de morts pour essayer de reconstituer le monde des vivants tel que ces morts l’ont connu [54]. Pour pallier l’absence de document écrit, l’anthropologue va étudier l’ensemble des éléments présents dans ces nécropoles : le matériel biologique et les éléments funéraires. Au début de l’archéologie, le mobilier semblait présenter plus d’intérêt que les vestiges humains mais cette habitude a changé progressivement : l’archéologie funéraire et l’anthropologie ont fusionné pour évoluer ensemble. L’étude des populations du passé passe maintenant par l’étude des ensembles sépulcraux et du recrutement funéraire mais aussi par l’étude de la biologie des populations. L’estimation de l’âge au décès des personnes inhumées nous donne la structure par âge de cette population et éventuellement celle de la population inhumant. Bien que passionnantes, ces estimations doivent être modulées pour différentes raisons : – la détermination de l’âge au décès des adultes de plus de 30 ans reste imprécise ; – connaît-on vraiment la période d’utilisation de l’espace funéraire au cours du temps ? – la population vivante a-t-elle eu un effectif constant ? – comment mettre en évidence les évènements ponctuels (court terme) sur une période d’utilisation de la nécropole qui peut s’étendre sur plusieurs millénaires (long terme) ? – la connaissance partielle des pratiques funéraires des populations anciennes (filtres culturels) pose le problème du recrutement des personnes inhumées ; – a-t-on fouillé tout le site ? La comparaison avec des modèles biologiques permet d’établir si le monde des morts étudié est assimilable à une population naturelle ou s’il présente des biais importants qui ne permettent pas de passer au monde des vivants.
¶ Construction de la table de mortalité La construction de la table de mortalité à partir de la répartition par âge des restes dentaires fait appel à une hypothèse qui stipule que la structure par âge de la population est constante et que son taux de natalité égale le taux de mortalité [62]. La durée d’utilisation des inhumations et des cimetières, souvent longue de plusieurs siècles, valide l’hypothèse d’un taux d’accroissement nul : les oscillations par rapport à un état stationnaire s’annulent sur le long terme. L’objectif de ces études est la mise en évidence des anomalies de la mortalité par rapport à une population de référence, nous rechercherons donc une répartition qui se rapproche le plus possible d’une mortalité classique : c’est le principe de conformité. La détermination de l’âge au décès des individus inhumés permet d’obtenir une répartition par classes d’âges de la population archéologique : les classes d’âge retenues sont 0, 1-4, 5-9, 10-14, 15-19 et > 20. Le modèle est constitué par un schéma de mortalité archaïque prenant en compte la totalité des possibilités démographiques des populations pré-jennériennes, c’est-à-dire avant la révolution industrielle. L’espérance de vie à la naissance de ces populations se situe entre 20 et 40 ans ; une population dont l’espérance de vie à la naissance ne dépasse pas 20 ans ne peut guère prétendre à sa survie sachant que les individus décèdent avant de pouvoir procréer. À l’inverse, une espérance de vie à la naissance de 40 ans ne se retrouve que pour les populations très favorisées. Quelle que soit l’espérance de vie à la naissance, la courbe des quotients de mortalité suit les mêmes modalités. La mortalité entre 0 et 4 ans est importante, le quotient entre 10 et 14 ans étant toujours le plus faible. Le rapport des décès entre 5 et 9 ans et 10 et 14 ans est toujours aux alentours de 2. Dans le cas où la diagnose sexuelle à partir des dents n’est pas définie, les courbes mixtes hommes/femmes sont utilisées. Si l’échantillon n’est pas assimilable à une population naturelle, c’està-dire si les données s’écartent trop de l’éventail des possibilités, il faut analyser les biais responsables de cette divergence :
La dent en anthropologie
Stomatologie – détermination de l’âge au décès des individus ;
– échantillon non représentatif à cause des multiples purges ; – filtres naturels (la taphonomie) ; – recrutement funéraire spécifique : filtres culturels (les nouveaunés sont enterrés ailleurs) ou évènements historiques particuliers (guerre, épidémie, catastrophe naturelle). Malheureusement, il est rare de trouver un échantillon dentaire représentatif d’une population naturelle, les biais inhérents à l’étude des restes dentaires isolés étant très importants ils faussent les résultats (sous-représentation des nouveau-nés, sous-représentation des individus dont l’usure dentaire est importante) ; mais l’application d’une méthode rigoureuse à plusieurs échantillons contemporains permet une comparaison statistique qui peut nous aider à mieux connaître nos ancêtres.
Variation des caractères morphologiques à travers les âges préhistoriques DENTS TEMPORAIRES
¶ Dimensions dentaires Les dents temporaires préhistoriques ont des dimensions plus ou moins analogues aux dents temporaires actuelles [32, 44, 79], bien que l’on enregistre une légère diminution proportionnelle des dimensions mésiodistale et vestibulolinguale, cette diminution est inférieure à 1 millimètre.
¶ Anomalies et variations des dents Les anomalies et les variations sont rares pour les dents temporaires préhistoriques. Les fréquences de ces anomalies, tant à l’époque préhistorique qu’aujourd’hui, sont, en Europe tout au moins, si faibles qu’il ne paraît pas possible d’en tirer des conclusions.
¶ Carie et usure dentaire Les caries observées sur les dents temporaires préhistoriques sont assez rares. Elles présentent différents stades de gravité, depuis la petite carie superficielle jusqu’à la lésion pulpaire. Du mésolithique à l’âge du Fer [9], les pourcentages de caries pour l’ensemble des dents temporaires vont de 0 à 5 % des dents examinées. Cependant, les pourcentages calculés sur de petits nombres de dents peuvent atteindre 9 %. Par ailleurs [60], dans le territoire de l’actuelle Hongrie, la faible fréquence de la carie des dents d’enfants aux périodes néolithique, du cuivre et du bronze est en corrélation avec une importante ingestion de fluor. Quant à l’usure des dents temporaires préhistoriques, elle était certainement plus marquée que celle des dents actuelles.
¶ Tartre et parodontopathie Le tartre peut se rencontrer sur la denture temporaire, mais il est à l’état de traces. Aucun auteur n’a jamais vu de parodontopathie dans la denture temporaire préhistorique. DENTS PERMANENTES
¶ Dimensions dentaires Différents travaux soulignent que les dimensions moyennes des dents de la période préhistorique ne s’écartaient pas sensiblement de celles des dents actuelles. Cependant, depuis cette période, les dimensions des couronnes des dents permanentes ont subi une
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diminution légère et proportionnelle ; cette diminution étant en général de l’ordre d’une fraction de millimètre. Quant à la hauteur coronaire, elle ne peut pas être mesurée systématiquement dans toutes les séries de dents examinées, en raison de l’usure ou de la détérioration de certaines couronnes. Les mesures effectuées mettent en évidence des différences ≤ 1 mm environ, sauf pour les canines où elles atteignent de 1 à 2 mm environ, selon que les couronnes sont plus ou moins trapues. Il n’existe donc pas de différences importantes de dimensions par rapport aux dents actuelles [8]. Cependant, l’examen de nombreuses dentures, de populations de l’époque du bronze ancien (1700-1500 avant JC), comparé à celui de populations plus récentes, indiquerait qu’au cours des 3 500 ans qui viennent de s’écouler, il s’est produit une réduction du nombre des cuspides de toutes les molaires supérieures et de la première molaire inférieure. Mais cette réduction a été plus ou moins rapide selon les dents.
¶ Anomalies et variations dentaires de volume, de forme et de nombre Dans de nombreuses séries dentaires, la microdontie a été observée plusieurs fois pour l’incisive latérale supérieure et la dent de sagesse. La fréquence se situait pour diverses séries entre 0 et 0,6 %. La macrodontie n’a guère été observée. Si la fusion dentaire n’a jamais été décrite, la gémination d’une molaire avec une prémolaire a été observée deux fois : une fois à Rouffignac (époque Halstatt I) et une fois aux Matelles (néolithique) [11]. Les incisives en « pelle » dans l’ancienne population des Matelles, sont relativement nombreuses, soit 5,3 % de l’ensemble des dents examinées. Les molaires présentent une série d’autres particularités dignes de retenir l’attention : ainsi le taurodontisme, fusion des racines des deuxième ou troisième molaires en une racine pyramidale, a été observé dans plusieurs séries et le tubercule de Carabelli a été plusieurs fois décrit dans différentes séries ; ses dimensions allant de l’ébauche d’une dépression jusqu’à une sorte de cuspide bien développée ; mais l’usure souvent assez marquée de certaines dents rend difficile la détermination de la présence de ce tubercule. Le pourcentage de dents présentant un tubercule de Carabelli n’a jamais dépassé 2 %. L’hypercémentose radiculaire, plusieurs fois observée, n’était jamais généralisée à toutes les dents et ne concernait que les cas où elle était anormalement importante et déformait notablement la racine. Les anomalies par agénésie ou hypodontie sont, dans les recherches sur les dentures préhistoriques, parfois difficiles à apprécier à cause de la détérioration des mâchoires, mais restent rares pour les crânes examinés. Si les première et deuxième molaires sont très rarement (et même exceptionnellement) absentes, la troisième molaire l’est assez souvent. Les fréquences varient beaucoup selon les populations et les époques. Chez les peuples primitifs cependant, la tendance à la disparition de cette troisième molaire est beaucoup moins marquée que chez les peuples évolués contemporains.
¶ Tartre et parodontopathie
[56]
L’étude des dépôts de tartre présente l’intérêt de fournir des renseignements sur l’état du parodonte et sur certains aspects de l’alimentation des sujets étudiés. Mais l’appréciation de l’importance des dépôts est parfois impossible et souvent discutable. Sur presque toutes les dentures préhistoriques étudiées, les dépôts tartriques sont peu importants. L’appréciation des dépôts de tartre est réalisée selon des indices : l’indice 0 représente l’absence de tartre, l’indice 1 des dépôts minimes et discontinus, l’indice 2 des dépôts d’épaisseur moyenne (l à 2 mm environ) et étendus à un nombre plus ou moins élevé de dents, l’indice 3 des dépôts volumineux, recouvrant même dans certains cas plus ou moins complètement les couronnes 3
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La dent en anthropologie
Stomatologie
dentaires. Un grand nombre de ces dépôts volumineux sont unilatéraux et leur présence est liée à l’absence de mastication sur une partie de la denture douloureuse. Soulignons également que les manipulations et le nettoyage des crânes détachent souvent des dépôts tartriques. Dans certaines dentures même tout le tartre a disparu post mortem. En ce qui concerne les parodontopathies, on retrouve souvent sur les crânes préhistoriques des irrégularités et des porosités du rebord alvéolaire attestant la présence de gingivite (notamment tartrique) et de parodontite chez un assez grand nombre d’adultes, ayant dépassé la trentaine. On peut aussi observer (surtout chez les sujets âgés) de nombreux cas de parodontopathie complexe (comme en témoignent les poches le long de certaines racines dentaires). La parodontopathie existait donc à l’époque préhistorique mais était moins fréquente qu’aujourd’hui. La durée moyenne de vie étant plus courte que la nôtre, les individus disparaissaient à l’âge où les parodontopathies deviennent fréquentes dans nos populations.
– l’époque actuelle : 40 à 60 % (80 à 100 % de la population). Il faut tenir compte d’une part du fait qu’une plus grande longévité entraîne une augmentation naturelle des lésions organiques, et d’autre part que les statistiques portant sur les jeunes populations européennes actuelles d’âge scolaire révèlent un important pourcentage de caries.
¶ Soins dentaires
– nombre de dents et de personnes atteintes en augmentation. Cette détérioration au cours des siècles subit une accélération chez les peuples primitifs actuels qui ont abandonné leurs coutumes et ont adopté les conditions de vie moderne ; on assiste, surtout parmi les enfants, à une destruction coronaire brutale, rapide, à point de départ cervical mais aussi occlusal.
Il n’est pas impossible que certaines dents perdues ante morten aient disparu par extraction. Si une certaine chirurgie odontologique existait dès la Haute Antiquité égyptienne, pour l’époque préhistorique les ouvrages sur l’histoire de l’odontostomatologie restent très discrets.
La carie dentaire de la Préhistoire à nos jours ÉVOLUTION DE LA CARIE DURANT LA PRÉHISTOIRE
¶ Premières manifestations Les ancêtres plus ou moins directs de l’homme, australopithèques, pithécanthropes, sinanthropes, n’ignoraient pas tout à fait la carie, de même plus près de nous les néandertaliens de Palestine. Mais les néandertaliens d’Europe en étaient curieusement indemnes. Au paléolithique supérieur, la carie n’a été signalée que sur un crâne solutréen français de la vallée du Roc en Charente par HenriMartin. C’est au mésolithique ancien français que la carie perd son caractère d’exception. À la période néolithique, bien que peu répandue, elle devient courante.
Évolution de la carie Elle s’effectue dans plusieurs directions, à savoir : – extension aux faces triturantes (dès la période gallo-romaine) et aux dents antérieures primitivement à peu près indemnes ; – destruction plus rapide et couronnes détruites plus nombreuses chez les jeunes Gallo-Romains ; – abaissement de l’âge des premières caries ; – denture temporaire affectée d’une manière sensible à partir du Moyen Âge ;
CARACTÉRISTIQUES DE LA CARIE PENDANT LA PRÉHISTOIRE
¶ Indice carieux Cet indice varie d’un site à l’autre entre 2 et 9 %. On ne saurait préciser dans quelle mesure cette variation est fonction de facteurs socio-culturels et alimentaires ou de facteurs constitutionnels ou raciaux. Ainsi, aucune relation n’a pu être établie entre la fréquence de la carie et un des éléments caractéristiques de la race, l’indice céphalique horizontal (rapport de la largeur maximale du crâne à sa longueur maximale multiplié par 100) en Europe néolithique.
¶ Rapports existant entre l’âge et la carie
Pourcentages de lésions carieuses
Sur cette question toutes les observations concordent : la carie à l’époque préhistorique est une maladie de l’adulte, l’adolescent en est préservé et si l’on met à part les assez rares caries de dents temporaires chez l’enfant, il en est de même pour celui-ci. La carie se développait en moyenne vers 18 ans et prenait son extension surtout après 30 ans. Les lésions carieuses augmentaient progressivement en nombre et en étendue chez l’adulte âgé. Ainsi, tout en admettant que la carie a été relativement fréquente au néolithique, il est reconnu qu’elle n’y apparaissait en général qu’après la trentaine. Dans l’ensemble, à ces époques, le nombre moyen de caries par sujet semble identique pour les deux sexes, ceci dans la mesure où il existe une différenciation sexuelle morphologique maxillocrânienne et sans oublier les erreurs éventuelles.
Les pourcentages sont définis, par rapport au nombre de dents examinées, du néolithique à l’époque actuelle pour les périodes suivantes [32] :
¶ Un hémimaxillaire ou un maxillaire est-il plus fréquemment atteint ?
¶ Du néolithique à nos jours Le nombre de pièces maxillodentaires, recueillies à l’occasion de fouilles archéologiques en Europe, a permis des études détaillées et statistiques assez précises. Un important matériel exhumé de tout le territoire français et collectionné au laboratoire d’anthropologie physique du Musée de l’Homme à Paris, permet de connaître quelques caractéristiques de la carie dentaire à cette époque.
– le néolithique ancien du Massif central : 2,81 % ; – l’ensemble du néolithique et l’âge des métaux en France : 3,81 % (10 à 30 % des individus) ; – la Gaule préromaine : 6,34 % ; – la Gaule romaine (cimetières burgondes et wisigothiques) : 11,35 % (30 à 40 % des individus) ; – le Haut Moyen Âge (cimetières francs de Spy et de Ciply, Belgique) 12,50 % [10] ; – du XVIIe au XIXe siècle (ossuaire de Marville, Meuse) : 23,4 % ; 4
Aucun auteur n’a trouvé de nette localisation préférentielle de la carie du côté gauche ou droit des maxillaires. Mais on constate que la carie est généralement plus fréquente au maxillaire supérieur [32].
¶ Dents permanentes les plus fréquemment atteintes par la carie Sur ce point tous les résultats concordent, les secondes prémolaires et les molaires sont les dents les plus atteintes, le maximum se situant (et parfois de loin) à la première molaire ; un grand nombre de caries se trouve aussi sur les deuxièmes molaires et même les dents de sagesse.
La dent en anthropologie
Stomatologie
En revanche, les dents antérieures sont généralement à peu près indemnes de caries [32]. Si l’on rapproche ces constatations des connaissances sur l’état actuel de la denture des populations blanches, on voit qu’il existe encore aujourd’hui de nettes différences de sensibilité à la carie pour les différents types de dents : la canine est la moins touchée, la première molaire l’est le plus et le bloc incisif inférieur est peu atteint.
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Dent « rainurée » [25].
¶ Surface de la couronne dentaire la plus fréquemment atteinte par la carie [17, 34] On a soutenu que le collet de la dent était souvent atteint et qu’ainsi la lésion carieuse aux temps préhistoriques différait nettement des lésions actuellement observées. Ce qui tendrait à prouver que la maladie, au cours des âges, s’est profondément modifiée dans ses manifestations [58]. Pour Maytie [57], le siège de prédilection des lésions s’affirme au collet et le restera au-delà du Néolithique pendant un certain temps. L’auteur avoue cependant la difficulté à faire un diagnostic différentiel exact, après un examen macroscopique, entre les vraies caries du collet et les destructions cémentaires post mortem à ce niveau ; les fausses caries n’étant décelables qu’à l’examen histologique. En outre, il est bien connu que les puits d’émail (imperfections adamantines fréquentes chez les préhistoriques et jusqu’au Moyen Âge) peuvent aussi imiter grossièrement la carie.
2
Microstries à la surface amélaire [25].
¶ Rythme d’évolution des caries chez les néolithiques La plupart des caries restent limitées au voisinage de leur point de départ même chez les vieillards. Elles ne déterminent que rarement d’importantes pertes de substance ; néanmoins de nombreuses caries atteignent la pulpe. En d’autres termes, aucune constatation ne permet de confirmer que la carie dentaire progressait moins vite ou restait plus limitée à l’époque préhistorique qu’ultérieurement.
¶ Usure et carie
[59]
Une forte usure, en raison de la fréquence d’un articulé en bout à bout, n’est pas obligatoirement associée à un nombre moindre de caries. Ces deux altérations, l’une fonctionnelle et l’autre pathologique, sont observées à la fois sur la même arcade, l’usure étant précoce et constante. La coexistence de l’usure et de la carie est manifeste chez l’homme de Rhodésie et les Ibéro-Maurusiens (Mechta-Afalou) d’Afrique du Nord ainsi que chez les hommes de Lagoa Santa au Brésil (fin du paléolithique supérieur mésolithique). Actuellement, 22,22 % des aborigènes australiens, aux dents usées, vivant à l’état sauvage, sont atteints de caries profondes.
¶ Étiologie de la carie selon les époques L’indice carieux a augmenté au fil des siècles de façon régulière et persistante en Occident, en relation (mais sans parallélisme strict) avec l’utilisation d’une nourriture de plus en plus nocive pour la denture par son chimisme et sa consistance. Cet indice atteint un degré maximal chez les peuples primitifs devenus artificiellement « civilisés ». Cependant, quelques individus dans les mêmes conditions sont malgré tout épargnés grâce à une protection d’origine génétique. En effet, la trame organique des minéraux étant de nature protéinique, elle dépend du code génétique personnel. Ces différentes constatations confirment les hypothèses actuelles sur la double étiologie de la carie locale (alimentation, hygiène buccale) et générale (facteurs génétiques, hérédité).
Micro-usures et stries L’usure dentaire décrite initialement comme un processus pathologique a été par la suite assimilée à un phénomène biologique naturel, résultat des fonctions masticatrices et/ou paramasticatrices [60] . La mise en évidence à la surface dentaire de stigmates macroscopiques (fig 1) et/ou microscopiques (fig 2) les fait assimiler
à des marqueurs d’activité. En anthropologie, la modélisation de l’usure dentaire présente divers intérêts, appréhender les habitudes et régimes alimentaires, comprendre l’évolution technique des « sociétés » humaines et définir des « marqueurs » de population et des indicateurs d’habitudes et de régimes alimentaires. Seuls certains éléments, particules de sables et de grès par exemple, peuvent être à l’origine de micro-usures se matérialisant à la surface de l’organe dentaire par l’apparition de microstries [24]. Diverses études [25, 71, 87] suggèrent que les particules de silice d’origine végétale appelées phytolithes constituent la source abrasive majeure des végétaux. Cette structure solidifiée dans les tissus végétaux, adopte différentes tailles et formes en fonction des tissus et des plantes concernées. Walker [87, 88] est l’un des précurseurs de l’étude en microscopie électronique à balayage (MEB) des micro-usures localisées sur les structures amélaires et dentinaires. Les travaux de cet auteur débouchent sur une véritable « bibliothèque » de modèles types : herbivores, frugivores, carnivores charognards et non charognards, omnivores terrestres, de telle sorte qu’il espère ainsi, après analyse d’un échantillon dentaire d’hominidés fossiles, les situer dans un régime alimentaire particulier [52, 86]. Puech [70] établit que l’orientation et la longueur des stries dépendent de l’alimentation. Il différencie de façon formelle un végétarien d’un carnivore ; l’absence de phytolithes dans la viande expliquant le taux moins élevé de microstriations chez les carnivores. Grâce à l’isolement de phytolithes à la surface de l’émail dentaire humain [39, 40, 41] , on peut mieux préciser la schématisation des différents modes d’alimentation et approfondir notre connaissance sur l’influence que 5
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l’alimentation et le mode de vie ont pu avoir sur les premiers hommes. Ces travaux encourageants ouvrent un large domaine d’investigation. Puech [72] essaie à travers la caractérisation de ces microstries - point d’application, sens, longueur, largeur, profondeur - de codifier les propriétés « physiques » des aliments ; il conclut que : – la densité détermine la charge abrasive du matériau mais également l’usage de la surface ; – la direction et le sens du mouvement sont délicats à préciser car l’entrée et la sortie du grain présentent le même aspect effilé, mais parfois, il est possible de déterminer le sens car le grain abrasif se fracture au cours de la coupe, ou alors l’entaille est produite par un outil opérant à la manière d’un poinçon ; ainsi, le sens des rainures peut être influencé par les propriétés physiques des particules abrasives, l’ampleur de la force abrasive, ou les caractéristiques structurales des surfaces d’émail usées ;
Stomatologie
¶ Hypothèses étiologiques L’hypothèse la plus communément acceptée est celle de l’utilisation ante mortem d’instruments à rapprocher du cure-dent dans un cadre de thérapeutique palliative ; en effet, l’usage de ces derniers laisse des stries microscopiques parallèles entre elles et perpendiculaires au grand axe de la dent au niveau des espaces interproximaux. Cette hypothèse, proposée par Ubelaker [85], est basée sur le fait que les rainures sont souvent associées aux problèmes carieux et parodontaux. Cette pratique provoque, par la création d’une zone de rétention, le développement de caries puis de problèmes parodontaux. FONCTION PARAMASTICATRICE DES DENTS COMME OUTIL
– la longueur rend compte de l’ampleur des mouvements du matériel abrasif ;
La littérature ethnologique permet d’établir l’importance des dents antérieures comme troisième main chez l’homme. Ce type de fonction paramasticatrice permet de définir différentes caractéristiques.
– la largeur rend compte de la taille de la particule abrasive elle-même ;
¶ Éléments macroscopiques
– la profondeur est intimement liée à la pression exercée lors de l’utilisation du matériel abrasif. Des travaux [52, 83] montrent l’interrelation entre la microstructure dentaire et la parafonction, ainsi la différence d’orientation des cristallites au sein de l’émail, par rapport à la surface occlusale de la dent, semble affecter la résistance de celui-ci à l’abrasion. L’analyse de la microstructure et des micro-usures dentaires donne donc de nouveaux éclairages sur l’interprétation des habitudes alimentaires. Toutefois, la consistance des aliments et leur contenu abrasif restent les variables principales influençant l’usure [52]. L’analyse des micro-usures dentaires en MEB se révèle être une méthode majeure dans la compréhension du mode alimentaire chez les animaux modernes et les fossiles [83, 86].
Les « rainures » indicateurs des habitudes culturelles La sollicitation de l’organe dentaire dans diverses fonctions paramasticatrices (outils, rites, habitudes) a pour conséquence l’apparition d’usure atypique de l’odonte ; de véritables rainures ou facettes d’aspect polymorphe s’individualisent ainsi à la surface amélodentinaire. RAINURES INTERPROXIMALES (« INTERPROXIMAL GROOVING »)
Les rainures interproximales sont observées non seulement chez les hominidés fossiles, de divers sites à travers l’Afrique, l’Asie et l’Europe, mais également au sein de populations plus contemporaines (aborigène d’Australie) [12]. Ces rainures présentent un certain nombre de caractéristiques.
¶ Éléments macroscopiques Ces éléments sont plus fréquemment localisés dans le secteur postérieur sur les prémolaires et les molaires, sur les dents maxillaires, sur les faces proximales et à la jonction amélocémentaire ou à proximité. Morphologiquement, ils se situent dans le sens horizontal, sont de forme semi-circulaire et présentent une variabilité dimensionnelle allant de 1 à 4 mm de diamètre.
¶ Éléments microscopiques La présence de cément, déposé secondairement le long des rainures, témoigne d’une irritation chronique des tissus dentaires et les striations longitudinales ou zones polies dans la rainure d’un mouvement de va-et-vient. 6
[89]
La localisation est très variable : faces proximales, occlusales et palatines, au maxillaire et à la mandibule, isolés ou symétriques ; morphologiquement leur variabilité est importante.
¶ Éléments microscopiques L’aspect microscopique en MEB est variable, allant de fines striations parallèles les unes aux autres avec une orientation linguolabiale à des striations plus larges d’orientations variables.
¶ Hypothèses étiologiques L’intervention des dents antérieures doit se situer dans la réalisation de tâches diverses : réalisation d’objets utilitaires (filets de pêche, paniers, sacs funéraires, cordages) [43], traction des peaux animales afin de les détendre [50], maintien d’un matériel abrasif entre les arcades dentaires associé à une découpe de celui-ci [40]. FONCTION PARAMASTICATRICE ASSIMILÉE À DES MUTILATIONS VOLONTAIRES
Dans le monde méso-américain, les pays Maya et Aztèque ont été les terres d’élection des mutilations dentaires [68]. Cette coutume a existé dès le début de la période préclassique inférieure (1 400 av JC). Différentes hypothèses rituelles ou esthétiques peuvent être envisagées. La description des différentes formes de mutilation (fig 3) est établie d’après la classification mise au point par l’anthropologue mexicain Romero [76]. Il existe ainsi de nombreuses mutilations des faces vestibulaires du bloc incisivocanin, représentées par des rainures à la jonction du tiers moyen et du tiers supérieur de la portion coronaire.
Hypoplasies dentaires L’émail dentaire peut présenter des anomalies, appelées hypoplasies, qui résultent d’atteintes systémiques ou locales lors de la formation de la dent. Ces dysplasies de l’émail peuvent être de forme circulaire ou linéaire, elles sont le témoignage de stress épisodiques survenant durant la croissance [37]. ORIGINE
Au cours de la calcification de l’émail, un trouble du stade formatif intervient au niveau d’une strie de Retzius et empêche la formation d’une partie de l’émail. Certains améloblastes qui habituellement sécrètent des protéines sont détruits et ne peuvent plus reprendre leur processus. Cet arrêt dû à un phénomène de stress va provoquer
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Schéma de mutilations volontaires de Romero [76].
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alors les qualifier de sillons transversaux observables [ 2 2 ] (microscopiquement ou à l’œil nu) [6]. La notion de sévérité a aussi été évoquée en distinguant d’une part des hypoplasies linéaires de l’émail modérées, sévères ou relativement profondes et d’autre part des hypoplasies linéaires de l’émail superficielles peu profondes. Il a été établi que les dents antérieures sont plus hypoplasiées que les postérieures [27] et une plus faible épaisseur de l’émail rend la dent plus susceptible de présenter une hypoplasie ; l’incisive centrale maxillaire et la canine mandibulaire étant les deux dents les plus touchées. Goodman [27] suggère que les études des hypoplasies linéaires de l’émail ne devraient porter que sur ces deux dents ; cette approche conduirait à un gain de temps considérable associé à une perte d’information potentielle minime. Mais à l’inverse, certains auteurs préconisent une étude de l’ensemble des dents. USURE ET HYPOPLASIE
Il a été démontré que des hypoplasies linéaires de l’émail peuvent apparaître très tôt et se manifester près du bord occlusal de la dent mais souvent ce bord s’use par la suite. Cette usure physiologique, due à l’occlusion et à l’alimentation, peut fausser les études des hypoplasies linéaires de l’émail. CARENCE NUTRITIONNELLE ET HYPOPLASIE
des hypoplasies sous forme de stries ou de bandes horizontales plus ou moins larges [27] ; ce sont de nouveaux améloblastes qui assureront la reprise de la formation de l’émail. Durant plusieurs années, de la période intra-utérine jusqu’à l’enfance, trois à quatre épisodes d’arrêt de croissance peuvent ainsi se manifester sous l’effet d’un certain nombre de perturbations de la formation. Les hypoplasies linéaires de l’émail, caractérisées par une limite cuspidienne, point de départ de la lésion et une limite cervicale, sont très étudiées en anthropologie car leur nombre et leur localisation nous renseignent sur le niveau de stress d’une population et sur le moment où ces stress se sont manifestés. HYPOPLASIES ET LIGNES DE HARRIS
Les lignes de Harris ont été largement utilisées par les anthropologues, mais l’os, à l’inverse de l’émail dentaire, se remodelant en permanence, seules les hypoplasies linéaires de l’émail témoignent de manière indélébile des souffrances de l’organisme à un moment donné ; néanmoins, la perte des dents, pour des raisons physiologiques ou pathologiques, peut nous priver de ce témoignage. ÉTIOLOGIE
L’étiologie multifactorielle des hypoplasies linéaires de l’émail ne permet plus de considérer ces lésions uniquement comme des indicateurs de stress nutritionnels. Il a été établi une corrélation entre les hypoplasies linéaires de l’émail, la taille, le poids et le statut socio-économique d’un échantillon d’enfants mexicains de Solis [27]. La faible quantité de protéines animales du bol alimentaire et son manque de diversité semblent être responsables de la survenue de ces lésions [18]. Pour d’autres [90], les hypoplasies linéaires de l’émail reflètent une susceptibilité des enfants non immunisés vis-à-vis des maladies. La majorité de celles-ci étant de bon pronostic, les survivants présentent des hypoplasies linéaires de l’émail. Malheureusement, il n’y a pas de consensus quant à la méthodologie et au recueil des données concernant les hypoplasies linéaires de l’émail, l’hétérogénéité des définitions rend la comparaison des études difficile et l’absence de gradient de sévérité fait cruellement défaut [51]. Les hypoplasies linéaires de l’émail se traduisent par une diminution de l’épaisseur de l’émail à la surface externe de la dent [27] et on peut
Il existe un consensus sur l’origine multifactorielle des hypoplasies de l’émail. Goodman [27] a montré qu’il existe une corrélation entre sous-nutrition et hypoplasies linéaires de l’émail et une corrélation inversement proportionnelle entre le poids à la naissance et la fréquence d’hypoplasies linéaires de l’émail [36]. Une étude établit que 20 à 30 % des enfants de moins de 2,5 kg et 43 à 96 % des enfants pesant entre 1 et 1,5 kg à la naissance présentent des hypoplasies linéaires de l’émail, établissant ainsi une relation entre un poids faible à la naissance et le risque de présenter des hypoplasies linéaires de l’émail. SEVRAGE ET HYPOPLASIE
Le sevrage et la phase de post-sevrage sont un facteur de stress pour l’enfant qui, à cet âge-là, n’est plus protégé par l’immunité que lui conférait les anticorps du lait maternel. Il est alors confronté aux agents pathogènes de l’environnement. Les documents anciens sur l’allaitement sont relativement rares et ne se retrouvent que pour l’époque mérovingienne ou des époques récentes. Ainsi, selon Grégoire de Tours un enfant de 3 ans pouvait être reconnu par le fait qu’il tétait encore sa mère. Du XIe au XIVe siècle, l’allaitement pouvait se prolonger jusqu’à 18 mois, voire 22 mois pour les garçons. Le sevrage provoquait ensuite une rupture dans les apports alimentaires tant quantitatifs que qualitatifs d’où l’apparition d’hypoplasies. PRÉVALENCE EN FONCTION DE L’ÂGE ET DU TYPE DE DENTS
Il a été montré que, entre 3,5 et 4 ans, les canines présentent le plus d’hypoplasies, avec une moyenne à 3,51 ans [26]. Les hypoplasies les plus fréquentes se situent au milieu de la hauteur coronaire. De façon plus précise, pour la période de 3 ans à 3,5 ans, les incisives sont aussi touchées que les canines, puis entre 3,5 ans et 4 ans, les canines sont trois fois plus atteintes. Trois hypothèses sont émises pour expliquer ces constatations [26] : – le développement et la minéralisation de l’incisive sont plus précoces que ceux de la canine ; – le temps de formation plus rapide de l’incisive par rapport à la canine la rend plus sensible au stress ; – l’existence d’une susceptibilité plus marquée de l’incisive. DIMORPHISME SEXUEL
[23, 61]
La canine est considérée comme la dent présentant le dimorphisme sexuel le plus marqué. Ainsi, selon Alvesalo [3], les canines des femmes 45 X (syndrome de Turner) ont un émail plus fin que les 7
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hommes et les femmes témoins, qui eux ont une épaisseur d’émail équivalente. Les hommes 47 XXY (syndrome de Klinefelter) ont un émail plus épais que les hommes et les femmes témoins. Ces résultats démontrent le rôle actif du chromosome X dans l’amélogenèse. Mayhalt [55] a suggéré que le chromosome X déterminait l’épaisseur de l’émail, mais c’est l’effet du chromosome Y sur la croissance de la dentine qui est responsable du dimorphisme sexuel. Les recherches d’Alvesalo [2] ont montré que le dimorphisme sexuel était lié à l’épaisseur de la dentine et non à celle de l’émail, les hommes ayant une dentine plus épaisse que les femmes. INFLUENCE DU COMPORTEMENT PARENTAL
Lukacs [49] a étudié la dentition d’une série archéologique d’Harappa (2 500-2 000 av JC) dans la vallée de l’Indus au Pakistan où 52 % des dents examinées présentaient des hypoplasies linéaires de l’émail bien distinctes. Les femmes étaient plus atteintes que les hommes avec 92 % de dents hypoplasiées contre 56 % chez les hommes. En Inde, et généralement dans l’Asie du Sud, les enfants de sexe masculin étant plus reconnus que ceux de sexe féminin, plus de soins sont accordés aux garçons qu’aux filles. Cette hypothèse est confortée par une étude sur 1344 enfants chinois âgés de 3 à 5 ans. Les garçons présentent de manière statistiquement significative plus d’hypoplasies linéaires de l’émail que les filles. Ces résultats apparemment paradoxaux, tiennent au fait que les Chinois accordent plus de soins aux garçons qu’aux filles ; de ce fait, la mortalité infantile est beaucoup plus importante chez les filles, de telle sorte que seules survivent celles qui sont le mieux armées et présentent donc peu d’hypoplasies. En revanche, dans une autre étude, Zhou démontre, pour une population chinoise rurale de 3 014 individus examinés avant, pendant, et après la grande famine qui a duré de 1959 à 1960, qu’il n’existe pas de différence statistiquement significative entre la fréquence d’hypoplasies linéaires de l’émail chez les filles et les garçons. La question reste donc ouverte. [91]
ÉVOLUTION AU COURS DE LA VIE
Une fouille [21] a permis d’examiner les dents d’une population préhistorique américaine issue du site archéologique datant de 800 à 1 100 après JC et situé près de la rivière Portage dans l’Ohio. Dans une population de 1 327 individus, ce travail a sélectionné un échantillon constitué d’individus ayant au moins six dents non usées, dont au moins trois antérieures. Les résultats indiquent que les sujets présentant des hypoplasies linéaires de l’émail meurent en moyenne 6 ans plus tôt ; les hommes atteints d’hypoplasies linéaires de l’émail meurent 5 ans avant ceux qui n’en ont pas et les femmes 7 ans plus tôt. Ces constatations ont été confirmées par d’autres travaux [16, 81].
La dent source d’ADN ancien La preuve de la persistance de l’ADN après la mort d’un organisme a tout d’abord été démontrée à partir de substrats de momies égyptiennes dès 1984. Depuis, les restes les plus divers, animaux taxidermisés, ossements, dents fossiles, parchemins, ambre et même peintures rupestres, se sont révélés être des milieux de préservation de l’ADN à travers le temps. Or, il apparaît que la dent par son très fort degré de minéralisation est souvent le dernier fossile présent sur les sites de fouilles archéologiques ou sur un cadavre qui a été soumis à des conditions extrêmes. Étant donné qu’elle contient des cellules au sein de la pulpe, elle se révèle être une source intéressante d’ADN ancien (ADNa) et un outil de choix en matière de recherche anthropologique par biologie moléculaire et en identification médico-légale. 8
Stomatologie CONSERVATION DE L’ADN ANCIEN
¶ Dégradation et facteurs influençants
[46]
Dès la mort d’un individu, plusieurs phénomènes agissent de concert et endommagent l’ADN. Dans les cellules vivantes, des mécanismes de dégradation chimique de l’ADN existent, mais ils sont compensés par des mécanismes spécifiques de réparation. Mais dès la mort, les dommages subis par l’ADN s’accumulent. Deux types de mécanismes vont agir : tout d’abord et très rapidement, une action enzymatique, soit causée par les DNAses endogènes du cadavre, c’est l’autolyse, soit due à l’action des microorganismes qui dégradent le cadavre. Ensuite plus lentement, une action chimique altère les molécules d’ADN restantes. Cette action chimique relève de deux mécanismes : l’oxydation qui va induire des mutations et des coupures de l’ADN, et l’hydrolyse, qui fragilise l’ADN et le rend plus susceptible à la fragmentation. Les conditions physico-chimiques du milieu vont influer sur les différents facteurs de dégradation de l’ADN, il s’agit : – du pH qui favorise l’hydrolyse par les acides, mais intervient inversement en favorisant l’adsorption des acides nucléiques sur une surface minérale, où il sera relativement protégé [64] : l’exemple de l’influence positive d’un pH très élevé s’incarne dans les momies égyptiennes qui étaient traitées avec du sel de natron, substance naturellement très basique ; – de la température [66], l’autolyse et la décomposition microbienne atteignant leur intensité maximale entre 34 °C et 40 °C ; plus la température augmente, moins bonne est la conservation de l’ADN, l’idéal étant la congélation du cadavre [31] ; – de l’humidité qui va également favoriser la dégradation enzymatique de l’ADN [46] ; une dessiccation précoce des tissus contribue à protéger l’ADN de l’hydrolyse et de l’oxydation ; – des pressions importantes [66] qui favorisent la conservation de l’ADN en chassant l’oxygène nécessaire à l’oxydation de l’ADN ; – des composés biologiques ; les acides humiques limitent l’oxydation de l’ADN dans les milieux riches en matière organique d’origine végétale et les composés polyphénols végétaux comme les tannins inhibent l’activité des enzymes qui dégradent l’ADN [31] ; – des constituants minéraux de l’os ou de la dent qui protègent les acides nucléiques adsorbés à leur surface ; l’ADN devient dans ces conditions 100 fois plus résistant aux enzymes nucléolytiques que l’ADN libre en solution [15] ; – du temps : dans les conditions optimales et dans les limites actuelles de la science, on estime que l’on peut extraire de l’ADN ancien jusqu’à 100 000 ans ; mais le facteur temps n’est pas un paramètre fondamental, la plupart des dommages dus à l’autolyse ayant lieu juste après la mort [65], ce qui semble important c’est le temps écoulé entre la mort et la dessiccation ou plus généralement entre la mort et la mise en place de conditions favorables à la conservation.
¶ Environnement favorable Les milieux favorables à la bonne conservation de l’ADNa sont : – les déserts chauds et secs, comme en Egypte par exemple, où la dessiccation des restes se fait très rapidement ; – les milieux secs et froids comme les glaciers ou permafrost sibérien où les basses températures qui y règnent inhibent la prolifération bactérienne, diminuent les réactions chimiques et ralentissent la dégradation de façon considérable [75] ; – les fosses à goudron, ou mares à bitume, les dépôts d’asphalte naturels où de nombreux animaux s’engluaient ; ces milieux favorisent une bonne conservation osseuse, par le biais de l’adsorption et une bonne conservation de l’ADNa [31] ; – les tourbières, lieux riches en matières organiques mais relativement pauvres en oxygène peuvent aussi présenter d’excellentes conditions de conservation de l’ADNa avec un pH neutre [31] ;
Stomatologie
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– les musées pourraient fournir de l’ADNa avec les animaux taxidermisés et les momies, mais les manipulations sans précautions d’autrefois et les conditions de stockage ont facilité les contaminations humaines et croisées entre les échantillons [7] ;
– le volume pulpaire : les molaires et les prémolaires contiennent plus de tissu pulpaire que les incisives, bien qu’il n’y ait pas de rapport significatif entre le poids pulpaire et la quantité d’ADN extrait ;
– l’ambre enfin, résine végétale qui, en s’écoulant le long du tronc, piège des insectes ou des débris végétaux, est une gangue protectrice de l’humidité et de l’oxygène et constitue un embaumement naturel ; elle représente l’environnement qui a permis les records temporels de récupération d’ADNa (jusqu’à 130 millions d’années) [15].
– la position de la dent sur l’arcade : les dents postérieures sont mieux protégées tant que les tissus mous ne sont pas dégradés et les dents incluses sont les mieux loties ;
¶ Caractéristique de l’ADN récupéré L’ADNa est à la fois dégradé et chimiquement modifié [46, 65]. On note également la présence de liaisons entre différentes chaînes d’ADN et des structures complexes de molécules d’ADN pontées et condensées [65]. La quantité d’ADN récupéré ne semble pas être en rapport avec l’âge de l’échantillon, elle correspond selon les études de 1 à 20 % de la quantité d’ADN présent dans le tissu frais [31, 33, 64]. En ce qui concerne la taille, au bout de 1 an, il paraît difficile de retrouver des fragments d’ADN supérieurs à 500 paires de bases [67]. Il semble qu’au bout de 4 ans, les fragments d’ADN acquièrent une taille stable pour des milliers d’années [1]. Pour la plupart des études, les fragments mis en évidence ont une taille comprise entre 100 et 200 paires de bases [7], ce qui correspond environ à la taille d’un nucléosome, soit 146 paires de bases, structure la plus stable de l’ADN. Toutefois, certains auteurs sont parvenus à amplifier des séquences de 800 paires de bases [29]. L’ADN retrouvé est préférentiellement mitochondrial parce que présent en très grand nombre, jusqu’à 10 000 copies par cellule, par rapport à l’ADN nucléaire et qu’il semble mieux protégé [65].
– l’âge de la personne au moment du décès : le volume pulpaire diminue avec l’âge par apposition dentinaire, les canaux radiculaires subissent la même évolution qui est majorée s’il existe un foyer infectieux apical ; – l’atteinte carieuse a le même type de conséquence. Il semblerait, en outre, que la pulpe dentaire présente une dessiccation importante dans les premières 24 heures après le décès, ce qui assurerait une stabilité à l’ADN qu’elle renferme, par un phénomène de « momification pulpaire » [69].
¶ Risques de contamination Ces risques sont liés aux nombreuses manipulations dont les échantillons font l’objet, à savoir, l’ADN moderne des manipulateurs, plus long et moins altéré que l’ADN ancien, va être préférentiellement amplifié lors des analyses et faussera les résultats. Le port systématique, par tous les manipulateurs, de masques et de gants lors des fouilles et des analyses en laboratoire devrait y remédier. Des contaminations peuvent être croisées entre plusieurs personnes inhumées ensemble. TECHNIQUES D’ANALYSE
¶ Méthodologie PARTICULARITÉS DES DENTS ANCIENNES
La dent n’est pas un milieu stérile capable de protéger l’ADN des contaminations et des inhibiteurs [19] car l’apex est ouvert sur le milieu extérieur et la dentine percée de tubuli qui peuvent se révéler perméables (excepté pour les dents incluses). La dent offre néanmoins, par ses capacités de résistance aux conditions extérieures, des possibilités d’investigation bien supérieures à celles des autres fossiles.
¶ Étude de la résistance de l’organe dentaire aux éléments L’analyse porte sur l’action de quatre éléments à savoir celles : – du feu, les dents supportent jusqu’à 400 °C pendant 2 minutes sans altération de l’ADN qu’elles contiennent et elles ne sont détruites qu’au-delà de 1 500 °C. En outre, plus les dents sont situées postérieurement sur l’arcade et mieux elles sont protégées par les structures osseuses, musculaires et cutanées de l’action du feu ; – de l’air [84], à l’air libre un cadavre se décompose plus ou moins vite selon la température, tandis que les dents ne subissent que peu ou pas d’altérations. Les seules modifications post mortem pouvant apparaître sont des craquelures, des colorations ou d’autres changements insignifiants [84] ;
Il faut procéder en premier lieu au recueil de la pulpe dentaire pour pouvoir en extraire l’ADN en utilisant du matériel stérile et en respectant l’asepsie (il existe également des techniques de prélèvement de l’ADN à partir des tissus durs de la dent, par broyage et traitement aux ultrasons [80]). Les dents sont désinfectées en surface, incisées avec un disque diamanté selon un tracé qui permet l’accès le plus large à la pulpe [14], puis fracturées avec un syndesmotome introduit dans le trait d’incision (fig 4). La pulpe est recueillie à l’aide d’une sonde. Les fragments d’ADN ancien extraits sont analysés après une réaction de polymérisation en chaîne (PCR). Cette méthode permet de cibler et d’amplifier un gène ou une portion précise de l’ADN en le repérant dans l’échantillon étudié [13].
¶ Difficultés méthodologiques Au-delà de la rareté des échantillons et des exigences propres aux techniques d’analyse, les chercheurs sont confrontés à deux types de difficultés, qui sont les risques de contamination de l’ADN et la
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Incisive ment [14].
fracturée
longitudinale-
– de l’eau [84], en cas d’immersion les tissus dentaires ne subissent aucun préjudice majeur ; – du sol [84], dans les sols acides la dent subit des décalcifications mais résiste mieux que l’os ; dans les terrains sableux et secs les dents se conservent pendant des siècles et dans les sols argileux il se forme des cavités dans la racine.
¶ Persistance de l’ADN ancien au sein des dents Outre les variables environnementales qui agissent sur la longévité du tissu pulpaire des dents et de l’ADN, des facteurs intrinsèques influencent la quantité d’ADN pulpaire [84] : 9
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présence d’inhibiteurs de l’enzyme qui initie la polymérisation lors de la PCR. Ceux-ci font l’objet de multiples hypothèses mais sont encore mal identifiés [13].
¶ Intérêt en génétique L’ADN fossile étant dégradé en petits fragments, ce ne sont aujourd’hui que de petites portions du génome qui peuvent être étudiées et essentiellement des portions répétées non codantes ou de l’ADN mitochondrial. Ce dernier revêt une importance particulière dans le domaine de la généalogie car il est transmis uniquement par la mère, sans recombinaison avec l’ADN du père, et il se présente donc comme un bon marqueur au fil des générations. Une des applications de l’analyse de l’ADN ancien est la détermination du sexe. Lorsque les anthropologues retrouvent des fragments de squelette, la diagnose sexuelle repose sur des mensurations des os du coccyx et du crâne et sur l’analyse du gène de l’amélogénine, de taille différente chez l’homme et chez la femme, dans ce dernier cas la détermination du sexe de l’individu est sans ambiguïté. APPLICATIONS
¶ Paléopathologie et paléomicrobiologie Ces deux disciplines étudient respectivement les maladies et les micro-organismes du passé. Comme les squelettes ne portent que rarement les signes pathognomoniques d’une pathologie, c’est l’étude de l’ADN du sujet qui va permettre de poser le diagnostic d’une pathologie génétique, ou de l’ADN des micro-organismes pour une pathologie infectieuse. Les germes des pathologies générales étant présents dans la pulpe dentaire, la dent reste, là encore, un outil de prédilection [7]. C’est ainsi que l’on a pu démontrer, à partir d’une dent d’enfant, de 19 dents adultes du XIVe siècle [73] et de dents incluses de squelettes du XVIe siècle [19] que c’était bien le germe de la peste Yersinia pestis qui était responsable des épidémies de « mal noir » au Moyen Âge. On a également étudié les populations bactériennes présentes non pas dans la pulpe mais dans les dépôts de tartre présents sur les dents de crânes précolombiens, d’Espagne et du Moyen-Orient, afin d’étudier la composition de la flore buccale des populations anciennes en fonction de leur mode de vie et de leur régime alimentaire, et surtout de révéler l’ancienneté de l’existence du Streptococcus mutans [47]. L’analyse de l’ADN de deux dents de lait d’un enfant décédé de la maladie de Duchenne a permis d’établir que sa sœur n’appartenait pas à la même lignée chromosomique, porteuse de la maladie [74]. Des analyses d’ADN ancien extrait d’autres tissus que les dents ont également pu mettre en évidence que la tuberculose existait déjà sur le continent américain avant l’arrivée des premiers Européens et que le virus du sida sévissait déjà en 1959 [31].
¶ Médecine légale
[7, 69]
Aujourd’hui, les méthodes génétiques viennent apporter un complément d’information lors de l’identification des cadavres, en particulier lorsqu’ils sont très dégradés (immersion, incinération….).
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Stomatologie
Le typage moléculaire permet de caractériser un individu, ou tout fragment humain, par son empreinte génétique, qui est unique et qui le différencie des autres individus. L’identification s’effectue par comparaisons avec l’ADN des personnes vivantes de la famille de la victime présumée. Le typage s’appuie sur des séquences d’ADN très variables d’un individu à l’autre, par exemple la région de contrôle de l’ADN mitochondrial ou les séquences microsatellites, c’est l’étude des polymorphismes. Ces techniques ont été appliquées pour l’identification des victimes de l’accident de l’Airbus du MontSainte-Odile, et pour identifier des corps de soldats américains restitués par le gouvernement vietnamien 24 ans après leur décès. Ainsi, de nombreux cadavres sont aujourd’hui identifiés grâce à l’analyse de l’ADN contenu dans leurs dents. Cette méthode peut également être utilisée pour la recherche du lien de paternité.
¶ Migration de population Ces études découlent du principe suivant : le nombre de nucléotides différents entre deux séquences d’ADN données, de deux individus ou de deux populations données, reflète généralement le degré de divergence entre elles dans le processus de l’évolution. Ainsi, en comparant l’ADN de deux individus ou de deux populations, on peut estimer s’ils sont d’origine proche ou lointaine. Ceci a donné lieu à l’étude de l’origine du peuplement de l’Amérique, grâce à quatre lignées mitochondriales distinctes sur 50 squelettes d’un site précolombien [82] et à l’histoire de la colonisation des îles du Pacifique qui divisait les anthropologues [30]. L’analyse génétique de 121 échantillons de dents, provenant de quatre sites préhistoriques basques, a permis de révéler l’absence d’un marqueur spécifique des populations néolithiques qui se sont répandues en Europe du SudOuest il y a 10 000 à 15 000 ans et qui seraient les ancêtres des populations actuelles [35] ; ceci confirmerait la théorie selon laquelle la population basque aurait échappé à cette expansion et serait originaire d’Européens du mésolithique [1]. Ces études s’étendent également aux origines de l’humanité. Alors que de multiples théories s’affrontent en anthropologie, l’étude des lignées mitochondriales tendrait à situer notre ancêtre commun en Afrique et à écarter l’homme de Néandertal de nos ancêtres directs pour « incompatibilité génétique », suite à l’analyse de l’ADN effectuée sur les fossiles retrouvés [7].
¶ Personnages historiques
[7]
À partir de l’analyse de l’ADN retrouvé dans des restes osseux et dentaires, on a pu établir l’identité de certains personnages célèbres présumés, par comparaison avec l’ADN des personnes vivantes de leurs familles. Dans ce cas, il est plus intéressant d’étudier l’ADN mitochondrial, car il est transmis uniquement par la mère et sert donc de marqueur pour la lignée maternelle. Ainsi, on a pu identifier, les restes de Jean-Sébastien Bach, de Jesse James et de Josef Mengele, « l’ange de la mort » d’Auschwitz qui s’était exilé au Brésil. On a aussi pu résoudre des énigmes historiques comme celles de la famille Romanov, ou encore, en sortant du domaine dentaire, on a pu confirmer que le jeune homme mort à la prison du Temple en 1795 était bien Louis XVII, grâce à l’analyse de l’ADN de son cœur conservé dans un reliquaire. Nous pouvons conclure, à la lueur de ces différents exemples d’application, que l’ADN ancien s’annonce comme l’ADN du futur.
Stomatologie
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Morphogenèse et phylogenèse : comment l’homme s’est-il constitué à partir de ses ancêtres ? P.-F. Puech La méthode de classement des animaux est actuellement fondée sur la mise en évidence de caractères évolués partagés, hérités d’une espèce ancestrale commune. De ce fait, l’anatomie du crâne de l’Homme actuel peut être considérée comme constituée de formes récupérées d’une lignée d’ancêtres. Les processus biologiques qui déterminent les structures de la tête au cours de son développement (morphogenèse) puisent leur origine dans un plan d’expression génétique qui résulte de l’enchaînement évolutif des Vertébrés au cours des temps (phylogenèse). Ainsi, l’anatomie de la tête des Vertébrés devient compréhensible par l’antiquité du squelette viscéral et de celui du crâne cérébral. Les séquences du développement de l’embryon font apparaître le rôle de la crête neurale dont les cellules sont impliquées dans la formation des mâchoires, des os dermiques, des dents et d’autres structures. Les relations persistent lors des changements de forme ou de position de ces éléments dans la lignée des Vertébrés. La complexité croissante de la tête au cours de l’évolution a ainsi contribué à une plus grande efficacité d’un mode de vie prédateur et, de ce fait, elle est contingente de l’évolution de la locomotion, les deux phénomènes se renforçant mutuellement. Après avoir suivi la succession des espèces, nous présentons quelques exemples d’optimisation des adaptations en relation avec la géographie de la diversité du vivant. Deux thèmes majeurs de ce que l’on peut appeler un « réalisme de la forme anatomique ». © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Évolution ; Développement ; Vertébré ; Anatomie ; Tête ; Homme
Plan ¶ Introduction
1
¶ Morphogenèse du crâne, de la mandibule et du système dentaire Morphogenèse Squelette céphalique
1 1 4
¶ Développement et adaptations morphologiques de l’appareil manducateur suivant la géographie Géographie Étapes menant à l’homme Espèce Primates Simiens ou Anthropoïdes Hominides et Homininés
7 7 8 10 10 11 12
¶ Conclusion
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■ Introduction Cet exposé concerne la méthode de la recherche en anatomie. Il est divisé en deux parties qui ont pour but de répondre à la question qu’un anatomiste est amené à se poser : « Comment se fait-il que je sois tel ? ». Prenons un exemple. Si j’ai deux bras et deux jambes, c’est pour deux raisons : • aspect phylogénique (ou adaptation historique) : l’homme descend de créatures à quatre pattes ; • adaptation géographique : l’homme s’est séparé de ses ancêtres en adoptant la locomotion bipède de sorte que son comportement a été facteur de sélection autant que résultat. La première partie concerne les aspects phylogéniques des différentes lignées évolutives aboutissant à l’homme. La seconde Stomatologie
partie se focalise sur l’adaptation géographique, la géographie étant la discipline qui analyse les conditions offertes par le milieu. Cette seconde partie pourrait se nommer diversité des formes et des adaptations. Ces articles portent plus spécifiquement sur l’étude de la tête des vertébrés dont la morphologie est le résultat de processus ayant opéré à différents niveaux. La tête, du latin testa, signifie coquille. Elle est située à la partie supérieure du corps et comporte deux parties : le crâne, qui renferme l’encéphale (cerveau et cervelet) et les organes des sens, et un massif osseux imbriqué sous le crâne qui entoure l’ouverture du tube digestif. L’interprétation implique deux grands processus biologiques – l’embryogenèse et l’évolution – qui sont décrits comme des développements séquentiels vers une plus grande complexité selon : • le modèle de différenciation progressive (une forme générale de moindre différenciation recèle un potentiel plus complexe selon l’illustration de C.H. Waddington) ; • le modèle additif de la corde dorsale.
■ Morphogenèse du crâne, de la mandibule et du système dentaire Morphogenèse Définition Le terme morphogenèse vient du grec morphe qui signifie « forme » et genesis, « naître ». Il concerne donc la naissance de la forme et non son ajustement. La forme est la façon dont nous voyons les choses.
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La morphogenèse est l’ensemble des processus qui déterminent la structure d’un corps. Chez un être vivant, la structure prend forme au cours du développement des tissus et des organes. Sa réalisation est déterminée par l’expression génétique et par un ensemble de phénomènes physicochimiques concernant un écosystème. La morphogenèse qui a lieu au cours du développement va conduire à une forme adaptée, mais il ne s’agit pas d’un phénomène d’adaptation.
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Mise au point
Le fait finaliste ou fait téléologique d’Aristote est le fait qu’un embryon se développe inéluctablement vers son but. La biologie met en évidence les mécanismes qui connectent les gènes au développement spatiotemporel de l’organisme (ou morphogenèse).
Mise en place du plan d’organisation, origine de la bouche
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Dorsal
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Figure 1. Neurulation. La gastrula est un stade du développement embryonnaire caractérisé par la mise en place de l’ébauche de la cavité intestinale. Le blastopore, qui formera l’anus, est l’orifice d’invagination. Au cours de la neurulation, en avant du blastopore, les cellules superficielles forment une gouttière, futur axe nerveux. De part et d’autre de cet axe antéropostérieur, des blocs homogènes segmentés forment les somites. En avant la tête s’ébauche, la bouche s’ouvrira plus tard sur la face ventrale. L’ectoderme regroupe l’épiderme (1) et la gouttière neurale (2) ; 3. corde ; 4. blastopore ; 5. endoderme ; 6. mésoderme.
Développement de l’embryon L’individu n’évolue pas ; il ne peut que croître à l’image de ses parents, se reproduire puis mourir. C’est à travers l’existence des individus que se produit la sélection. Le développement de l’embryon peut être initialement divisé en trois phases. Segmentation. Elle permet à l’œuf de passer de l’état monocellulaire à un embryon pluricellulaire de quelques dizaines de cellules de même dimension durant les quatre à cinq premiers jours. On aboutit ainsi à la production d’une morula. Entre le cinquième et le septième jour, on va assister à une spécialisation des cytoplasmes de ces cellules, aboutissant au stade de blastula, juste avant la nidation. Ces cellules, qui sont pluripotentes, sont dites « cellules souches ». Gastrulation. C’est un ensemble de mouvements cellulaires organisés en couches, conduisant à la mise en place du plan d’organisation de l’organisme. Au début de ce stade, l’embryon est constitué de deux couches cellulaires. Dans la couche externe se forme un sillon, le blastopore. Dans ce blastopore s’insinuent des cellules de la couche externe qui formeront la colonne vertébrale, à partir de la notochorde et de tissus somatiques. Dès la deuxième semaine, l’embryon s’étire longitudinalement et acquiert un pôle crânial et un pôle caudal (Fig. 1). Édification des organes : troisième semaine. À environ 15 jours, la région qui va devenir la tête (région préchordale) est faite d’ectoderme recouvrant la neuroectoderme, en avant de la notochorde. Le mésenchyme, qui est à la base de la formation du crâne, est présent à partir du 18e jour lorsque les cellules des crêtes neurales envahissent l’espace situé entre ectoderme et neuroectoderme. Avant d’étudier les interactions mutuelles entre ectoderme de surface, neuroectoderme et mésenchyme (abordées dans le paragraphe « Influences formatives »), nous allons reconsidérer les premières cellules et leur différenciation. Au XIXe siècle, la formation des différentes parties du corps était supposée venir de gamètes dans lesquels elles s’étaient préformées. Cette vue a été remplacée par une conception épigénétique du développement dans laquelle l’embryon se constitue graduellement. Les différentes cellules puis les tissus apparaissent au cours du développement du fait de l’expression génique dont le programme progresse au sein d’un écosystème aux contraintes physicochimiques. Après la fécondation, l’œuf a la capacité de produire tous les tissus nécessaires à l’organisme. Il s’agit d’un état de totipotence. Les premières divisions produisent des cellules indifférenciées. Puis, l’épigenèse débute
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Figure 2. Illustration d’une forme générale dont le potentiel complexe permet à une bille de rouler vers une détermination progressive (selon Waddington).
par l’abandon d’une partie du programme : les cellules se spécialisent. Cette spécialisation est réversible pendant un certain temps. Conrad H. Waddington a comparé le cheminement de cette spécialisation des cellules au cours du développement de l’embryon, à celui d’une bille qui descend une vallée se ramifiant en plusieurs autres vallées. La bille peut tout d’abord passer transversalement d’une vallée à sa voisine mais, finalement, elle doit suivre un chemin unique et perd sa plasticité et sa réversibilité. Le développement est canalisé (Fig. 2). L’individualisation des cellules de l’embryon permet de distinguer les invertébrés des vertébrés pour lesquels le tube neural joue un rôle prépondérant [1]. Protocordés. L’évolution des deutérostomiens (la part de vie organisée qui nous concerne plus directement comme on le verra à propos de l’origine de la bouche) débute par des créatures marines immobiles qui possédaient des fentes branchiales (hémichordés) avant d’être pourvues d’un tube nerveux dorsal et d’une notocorde (tuniciers) et enfin de muscles segmentés (céphalocordés représentés par amphioxus qui ressemble déjà à un poisson). Vertébrés. Les groupes de cellules progénitrices (polyclones) s’établissent après la dispersion des cellules qui suit la première phase de croissance de l’embryon (croissance par multiplication à l’identique) pendant laquelle les cellules restent voisines après Stomatologie
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future cavité digestive, ouverte sur l’extérieur par le blastopore. Le blastopore se ferme ensuite en son centre par rapprochement des lèvres, constituant ainsi la bouche et l’anus. Deutérostomiens (chordés [ou cordés] auxquels appartiennent les vertébrés). L’intestin primitif ou archantéron s’ouvre sur l’extérieur par le blastopore qui deviendra l’anus. La bouche se formera secondairement par invagination épiblastique formant le stomodeum. Le stomodeum évolue alors en membrane pharyngienne qui s’ouvrira pour former la bouche de l’embryon.
bl
Évolution des formes
Blastopore
Sto.
Sto.
Bouche
Bouche
anus
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Figure 3. Le mode de développement de la gastrulation détermine la classification des animaux multicellulaires en invertébrés (protostomiens [A]) et vertébrés (deutérostomiens [B]).
division (croissance cohérente). Le mouvement des cellules coïncide avec l’organisation spatiale de l’embryon. L’individualisation des polyclones qui donne une spécialisation des territoires débute avant la gastrulation et continue ensuite par la neurulation pendant laquelle la plaque neurale est le centre organisateur. Chez les vertébrés, à une première distinction succède une rénovation, ou seconde naissance par la neurulation. Diversification des formes animales : la biologie, science historique Au cours de l’évolution des vertébrés, les gènes ont modifié leur rôle ancestral. Toutefois, de nos jours, il existe un stade où l’organisation de chaque individu se prête à la comparaison avec l’organisation d’autres individus de diverses espèces car les caractères de l’embryon sont plus évidents. Ce stade est nommé zootype. À ce stade, l’homme ressemble à un cordé puis cette évidence va s’atténuer avec la complexification progressive de l’embryon. C’est Von Baer en 1928 qui, le premier, a attiré l’attention sur la ressemblance existant entre les embryons d’espèces différentes. La comparaison anatomique des animaux permet de comprendre leur plan d’organisation générale comme les caractéristiques des organes. Nous allons illustrer l’intérêt de cette anatomie comparée des animaux actuels et des animaux disparus à propos de la formation de la bouche. Origine de la bouche Il y a 600 millions d’années (Ma) se développent de petits animaux munis d’une charpente permettant de soutenir un corps formé de cellules très nombreuses. Depuis lors, une ontogenèse différente permet de classer les animaux en deux groupes (Fig. 3). Protostomiens (mollusques, annélides, arthropodes). Leur bouche se forme à partir des lèvres du blastopore (orifice apparu à la gastrulation). À ce stade, l’embryon formé d’abord de deux feuillets (ectoderme et endoderme) voit l’apparition d’un troisième feuillet, le mésoderme (formé de cellules enchâssées entre les deux feuillets primordiaux). Il se forme également la Stomatologie
Au cours des temps, les êtres vivants changent : • le mécanisme de l’évolution biologique agit sur les molécules d’acide désoxyribonucléique (ADN) (support des caractères). C’est la mutation du pool génétique ; • on reconnaît une espèce à partir des caractères morphologiques déterminés par les gènes mais les ressemblances sont souvent trompeuses, car il existe des phénomènes d’évolution parallèle et d’évolution convergente ; • la diversité est reconnue au travers de la systématique (classements). Ces classements sont fondés sur des homologies (traits hérités d’un ancêtre commun). Darwin a fourni des arguments pour faire une classification. Elle s’établit à partir d’une typologie déjà utilisée par Linné et consistant à grouper les organismes en fonction de leurs caractères morphologiques et physiologiques. S’il y a ambiguïté, le cladisme est un outil indispensable en anatomie comparée. Il s’agit de l’étude des caractères des êtres vivants visant à déterminer ceux qui sont hérités modifiés lors d’un proche passé. On distingue les caractères plésiomorphes : caractères voisins mais hérités d’ancêtres lointains, des caractères apomorphes : caractères évolués à morphologie plus avancée.
Influences formatives Règles d’assemblage Le vivant a un « moule interne » (Buffon), tandis que le minéral se constitue par apposition. Champs morphogénétiques Il existe un fonctionnement suivant le niveau d’observation (cellulaire, tissulaire, organique) qui implique un transfert de l’information. On sait maintenant que seuls 3 % de l’ADN servent de support génétique. Il existe en plus des facteurs épigénétiques impliqués dans ce transfert d’information (acide ribonucléique [ARN] des grands-parents par exemple) [2]. Centres organisateurs Chez les vertébrés, le rôle de la chorde est de première importance [3]. Ce tissu apparaît sous la forme d’un axe cylindrique mésoblastique sous la plaque neurale dorsale (Fig. 4). Nous l’avons vu, le développement de l’embryon implique une prolifération et une différenciation mais aussi des mouvements de migration cellulaire. C’est le cas des cellules d’une structure transitoire, la crête neurale, particulièrement impliquée dans le développement du massif craniofacial. C’est l’innovation clé qui a permis l’évolution des vertébrés par rénovation de l’édification antérieure [4]. Ainsi, à la suite de la gastrulation se fait la neurulation, une plaque neurale apparaît dorsalement. La formation de structures neurales se fait à partir de l’ectoderme. Durant la neurulation, les cellules diffèrent suivant leur localisation le long de l’axe antéropostérieur de l’embryon et on observe les phénomènes suivants : 1. Élargissement de l’ectoderme dorsal pour former une plaque, le neuroectoderme. 2. Formation de la gouttière neurale selon un axe antéropostérieur. 3. Individualisation de petits groupes de cellules des bords de la gouttière neurale pour former les crêtes neurales dont les cellules vont migrer à travers les tissus. 4. Après fermeture du tube neural, apparition des placodes nasales, optiques et otiques et des processus maxillaires et
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Figure 4. Le crâne constitue la pièce terminale antérieure du squelette axial dont le développement est en grande partie sous le contrôle du névraxe. La formation du tube neural (nerveux) se fait à partir de l’ectoderme : la neurulation est induite par le chordomésoblaste (A), à savoir la chorde et le mésoblaste para-axial [3]. Le tube neural induit au sein du mésoblaste para-axial la formation du squelette axial, mais avant même de s’être individualisé en quittant l’ectoblaste, il détache des groupes cellulaires, les crêtes neurales qui contribuent à organiser la voûte du crâne, la face, les arcs branchiaux et les dents. A. Corde et plaque neurale. 1. Plaque neurale ; 2. bourrelet neural ; 3. mésoderme. B. Fermeture en tube neural. 1. Chorde ; 2. fermeture de la plaque neurale ; 3. épiderme placodal. C. Gouttière neurale antéropostérieure. 1. Chorde ; 2. fermeture de la plaque neurale. D. Cellules des crêtes neurales. 1. Chorde ; 2. crête neurale ; 3. tube neural ; 4. archentéron.
mandibulaires. Ces protubérances faciales et les arcs branchiaux sont accompagnés d’une invasion du mésenchyme par des cellules de la crête neurale. 5. Le squelette craniofacial va s’organiser selon la séquence suivante : mandibule – maxillaire – os palatin – base du crâne – développement des dents. Exemple de la dent Comme de nombreux organes, les dents sont formées de tissu épithélial et de tissu mésenchymateux. C’est aussi le cas des glandes sudoripares, des glandes mammaires, de la pilosité, des poumons ou des reins. Ces organes se développent en trois phases. Initiation. Au niveau de la dent, il s’agit de l’épaississement de l’ectoderme oral, progéniteur de la lame dentaire. C’est la première manifestation de l’existence de la dent. On assiste ensuite à une condensation des cellules sous-jacentes. Ces cellules de l’ectomésenchyme trouvent leur origine dans des crêtes neurales [5, 6]. Morphogenèse. Pendant la morphogenèse les cellules condensées acquièrent une forme différente des cellules mésenchymateuses voisines. Il y a alors plissement des feuillets épithéliaux et mésenchymateux. Ces deux tissus interagissent par l’intermédiaire de signaux moléculaires dont l’étude constitue encore un axe de recherche. Différenciation. Les cellules d’origine ectodermique se différencient en améloblastes dont la sécrétion donnera l’émail. L’ébauche d’origine mésodermique quant à elle produit des odontoblastes qui donneront la dentine.
Squelette céphalique Aspects ontogéniques Rappels Le squelette craniofacial forme la tête. Son rôle est de contenir l’encéphale, de maintenir les cavités sensorielles et de fournir des points d’application aux muscles. Le squelette craniofacial se compose de deux parties : • le neurocrâne (squelette de l’encéphale) ; • le splanchnocrâne (squelette viscéral) : ce squelette soutient primitivement le pharynx branchial (branchies pour les poissons), mais les fonctions au cours de l’évolution se diversifient. On a vu que les mâchoires étaient issues de la première pièce des arcs branchiaux. Malgré son caractère homogène (le crâne est un tout), le crâne présente deux origines différentes. Chacune provient d’un tissu embryonnaire conjonctif.
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Remarque
Dans son livre sur les variations des animaux et des plantes domestiques, Charles Darwin (1875) fut l’un des premiers à signaler le « contrôle génétique » des organes formés de tissu épithélial et mésenchymateux à travers la dysplasie ectodermique liée au chromosome X. Il avait remarqué le cas d’une famille dans laquelle dix hommes sur quatre générations présentaient une faible pilosité associée à l’absence de plusieurs dents. Ces hommes devenaient rapidement chauves et souffraient de la chaleur du fait d’une extrême sécheresse cutanée. Les femmes n’étaient pas affectées directement mais transmettaient la maladie alors que les hommes atteints ne transmettaient jamais cette pathologie à leurs fils.
Le chondrosquelette est le premier. Il prend naissance à partir d’une matrice ; cartilagineux, il peut devenir secondairement osseux. Le dermosquelette : c’est un os de membrane qui va se façonner autour et entre le chondrosquelette. Il est donc d’apparition plus tardive. Faits embryologiques Le crâne apparaît au stade des 9 mm (soit environ au 36e jour pour l’homme), il se présente alors sous la forme d’une plaque basale en avant du futur foramen magnum. Cette plaque basale est triangulaire, sa base est postérieure (vers le foramen). Son sommet donne la partie sphénoïdale. À partir de cette plaque basale vont apparaître les vésicules sensorielles qui vont s’entourer de capsules (capsules nasales, optique, otique). Dès lors, le mésenchyme de la plaque s’étend latéralement pour envelopper le cerveau et réalise ainsi le crâne cérébral embryonnaire. Puis le crâne facial se met en place. Au 44e jour (stade 15 mm), la plaque se chondrifie, alors que la voûte est toujours membraneuse. La subdivision topographique crâne cartilagineux/crâne membraneux va changer puisqu’on va avoir secondairement un crâne qui va devenir osseux par endroits et s’intercaler au milieu des parties cartilagineuses. La chorde est un axe : sur sa partie dorsale on trouve le tube neural, et sur sa partie ventrale on trouve le tube digestif. Chez l’homme, cette corde disparaît par la suite. Elle est inductrice de Stomatologie
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Myxines
Lamproies
Poissons cartilagineux
Spécialisations : yeux dégénérés, lignes latérales réduites, barbillons, glandes à mucus, récepteurs chimiques particuliers, conduit pharyngocutané
Spécialisations : stades larvaires et métamorphose complexe, disque buccal suceur, vie parasitaire (chez l'adulte), régression du squelette osseux
Spécialisations : écailles caractéristiques
Figure 5. Les vertébrés sont inclus dans le phylum des cordés, caractérisés par la corde qui disparaît chez l’adulte des groupes les plus évolués. La corde et le tube nerveux permettent l’action musculaire coordonnée nécessaire à la locomotion.
Millions d'années
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Myxinikela
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- 500 millions d'années
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Craniates Cordés Cord • tube nerveux dorsal creux • fentes branchiales • corde
Cordés avec : • cerveau en trois parties • crâne
Gnathostomes
Vertébr Vert brés
Vertébrés avec : • mâchoires • nageoires paires
Craniates avec : • cartilages segmentaires protégeant le tube nerveux • deux canaux semi-circulaires dans l'oreille interne • formations osseuses dermiques
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Figure 6. Le neurocrâne (A) des poissons cartilagineux se forme à partir d’éléments tout d’abord indépendants. 1. Ébauches de vertèbres ; 2. vésicule auditive ; 3. œil ; 4. sac olfactif ; 5. trabécule ; 6. paracordal ; 7. corde dorsale. Le pharynx (B) possède sept arcs branchiaux, le premier arc forme les mâchoires. 1. Cartilage de Meckel ; 2. palato-ptérygo-carré ; 3. eau ; 4. capsule nasale ; 5. capsule optique ; 6. chondrocrâne (neurocrâne) ; 7. capsule otique.
toute la construction du crâne et a un trajet en S dans le cartilage basal pour se terminer au niveau de la vésicule cérébrale moyenne et de la membrane pharyngienne : c’est l’aplomb de la future selle turcique.
Aspects phylogéniques Évolution des Vertébrés Les espèces se diversifient au cours des temps géologiques, d’où l’émergence et l’évolution de nouvelles structures (Fig. 5). Nous appartenons au règne animal, embranchement des Vertébrés, classe des Mammifères, ordre des Primates, sousordre des Simiens, infra-ordre des Catarhiniens, famille des Hominidés. Protocordés Apparus il y a 600 Ma, ils filtrent l’eau pour se nourrir. Ils ont la tête la plus simple issue de la concentration des organes des sens et du système nerveux central à l’extrémité conductrice. Ils ne possèdent pas de squelette minéralisé et le système de locomotion ciliaire se métamorphose en un système musculaire innervé [4]. De nos jours, le Protocordé le plus étudié est l’Amphioxus. Cet animal, qui mesure 4 à 5 cm de long, présente une chambre branchiale rigide pourvue de fentes latérales. Cordés primitifs Si l’on considère le tissu osseux comme propre aux Vertébrés, les groupes les plus anciens sont : Stomatologie
• à – 500 Ma, les conodontes, avec myomères et notocorde, dont on ne peut pour le moment qu’étudier les cônes de phosphate. La crête neurale possédait la capacité de former ces denticules et les arcs branchiaux en l’absence de celle de produire un squelette [7] ; • à – 480 Ma, les poissons sans mâchoires, protégés des arthropodes et des animaux à coquille par une cuirasse osseuse. Pour cela, on les nomme ostracodermes. La chambre branchiale est pourvue d’arcs branchiaux mobiles disposés de part et d’autre des fentes branchiales. Le squelette de protection, exosquelette, est une invention de la crête neurale. La locomotion facilite les échanges gazeux. Chondrichtyens Le neurocrâne est cartilagineux dans toute sa masse, mais il se forme à partir d’éléments d’abord indépendants qui fusionnent secondairement (Fig. 6). De part et d’autre de l’extrémité de la corde dorsale, sous la partie postérieure du cerveau (rhombencéphale), se forme une paire de baguettes cartilagineuses : les paracordaux. Plus en avant, sous le cerveau antérieur, une paire de cartilages semblables est désignée sous le nom de trabécules. L’accroissement de ces ébauches aboutit à la fusion en une plaque basale sur laquelle repose l’encéphale : le plancher du neurocrâne. Vers l’avant, l’extension des trabécules autour des sacs olfactifs forme les capsules nasales. Dans la région moyenne, les parois latérales du crâne sont constituées de plaques cartilagineuses. Plus en arrière, les vésicules auditives s’entourent de capsules otiques closes qui s’appuient sur les paracordaux. Enfin, la région
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Le squelette de la première paire donne quand elle se transforme : • la mâchoire supérieure (ptérygo-palato-carré) ; • la mâchoire inférieure (cartilage de Meckel). L’hyomandibulaire de la seconde paire a la double fonction de support de l’ouïe et de jonction de la mâchoire au crâne.
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Ostéichtyens et Amphibiens Le crâne se développe de la même façon que celui des Sélaciens (poissons cartilagineux actuels : raie, roussette, requin) : • la masse cartilagineuse est faite par assemblage, puis des points d’ossification apparaissent dans le cartilage ; • par ailleurs, autour de cet édifice primaire s’intercalent des plaques osseuses dermiques.
2 Figure 7. Le squelette primitif de la tête des vertébrés est formé d’un crâne cérébral et d’un crâne viscéral (pharynx). 1. Boîte crânienne ; 2. paires d’arcs branchiaux.
Reptiles et Mammifères Tête des Vertébrés. Elle est formée d’os venant de trois origines distinctes : • la « plaque » cartilagineuse de la boîte crânienne : cette base est la partie la plus conservée du crâne au cours de l’évolution ; • les arcs viscéraux, sont présents chez les vertébrés les plus primitifs. Ce sont les arcs des ouïes puis ceux des mâchoires et de l’oreille moyenne. Ces arcs dérivent de cellules de la crête neurale comme les os dermiques du « troisième squelette » ; • les os dermiques qui complètent la tête (Fig. 8). Chez les reptiles, une diversité crânienne se manifeste par l’apparition de perforations latérales dans la région postorbitaire de la voûte dermique. Ce sont les fenêtres temporales qui permettent le développement de la musculature mandibulaire (Fig. 9). L’arc mandibulaire n’est plus soutenu par l’hyomandibulaire (comme chez les poissons) ce qui permet à la bouche d’accroître son volume. La columelle, dérivée de l’hyomandibulaire, sert à conduire les sons. L’ancêtre des Mammifères est de type synapside avec une seule fenêtre temporale en position basse au-dessous du squamosal. Cette fenêtre, tout d’abord réduite, s’est agrandie au cours de l’évolution et les relations des différents constituants crâniens se sont modifiées. Les os frontaux et pariétaux, qui représentent, chez les Reptiles, le toit de la cavité crânienne, s’étendent en direction ventrale chez les Mammifères pour
postérieure est composée d’un nombre variable d’éléments vertébraux modifiés qui constituent l’arc occipital. C’est il y a 440 Ma (Silurien) qu’apparaissent les poissons pourvus de mâchoires articulées : les Gnathostomes. Ces poissons ont pu quitter le fond des océans grâce au développement d’ailerons pectoraux. Les mâchoires permettent la préhension des proies qui étaient inutile aux agnathes microphages. Le développement naît de la rencontre d’une innovation et de ressources disponibles. Pour comprendre comment se sont constituées les mâchoires, il faut se souvenir qu’au niveau des fentes du pharynx des vertébrés passent des arcs branchiaux qui constituent le squelette qui permet aux fentes branchiales de se maintenir ouvertes pour laisser passer l’eau qui fournit l’oxygène de la respiration. Fondamentalement, le squelette viscéral (splanchnocrâne) des vertébrés est constitué de sept paires d’arcs (Fig. 7) : • la première paire, qui encadre la bouche, va permettre la mastication, d’où leur nom d’arcs mandibulaires ; • la fente viscérale qui suit se prête rarement à la respiration, d’où le nom de fente hyomandibulaire ; C la paire d’arcs suivants étant les arcs hyoïdiens ; C restent ensuite les arcs proprement branchiaux qui sont numérotés de 1 à 5. Les arcs branchiaux, mandibulaires et hyoïdiens, ainsi que la paire de cartilages trabéculaires, ont une même origine embryologique, à partir de cellules de la crête neurale.
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Figure 8. A. Les mâchoires de l’homme sont des structures homologues aux arcs soutenant les branchies. 1. Chondrocrâne (incorporé dans les os de membrane) ; 2. palato-ptérygo-carré ; 3. os de membrane recouvrant la tête. B. C’est-à-dire qu’elles sont apparues dans l’évolution à partir de la même origine et représentent le « même » organe sous différentes formes. Les os de membrane protègent le crâne. 1. Alisphénoïde ; 2. os pariétal ; 3. écaille de l’os occipital ; 4. os occipital ; 5. écaille de l’os temporal ; 6. processus styloïde ; 7. étrier ; 8. enclume ; 9. marteau ; 10. cartilage de Meckel ; 11. mandibule ; 12. maxillaire ; 13. os nasal ; 14. os zygomatique ; 15. os frontal.
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Stomatologie
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Figure 9. Williston proposa en 1925 de classer les reptiles en fonction de la disposition des fosses temporales. Un jeu de migrations osseuses avec extension et rétrécissement produit des ouvertures qui allègent le crâne et permettent des modifications de trajet et d’attache des muscles. Ces ouvertures sont impliquées dans l’architecture du crâne car elles déterminent une barre temporale supérieure (postorbitaire-squamosal) et une barre inférieure (jugalquadratojugal). A. Anapsides. Pas de fosse temporale. Anapsida (reptiles primitifs) : tortues. 1. Postorbitaire ; 2. squamosal ; 3. quadratojugal ; 4. jugal. B. Synapsides. Une paire de fosses temporales en position basse : reptiles mammaliens. C. Diapsides. Deux paires de fosses temporales : serpents, lézards, crocodiles, dinosaures. D. Eurypsides. Une paire de fosses temporales en position haute : reptiles marins également nommés parapsides (reptiles à ouverture particulière).
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Figure 10. Recomposition du crâne des reptiles aux mammifères par la formation d’ouvertures dans la couverture osseuse, ce qui améliore la mobilité latérale de la mandibule. A. Reptile ancestral. 1. Apophyse ptérygoïde ; 2. postorbital ; 3. pariétal ; 4. foramen pinéal ; 5. diencéphale ; 6. arc zygomatique ; 7. basisphénoïde et parasphénoïde ; 8. adducteur de la mandibule ; 9. mandibule ; 10. épiptérygoïde. B. Reptile synapside. 1. Dermocrâne ; 2. chondrocrâne. C. Mammifère. 1. Hémisphère cérébral ; 2. muscle temporal ; 3. muscle pariétal ; 4. glande pinéale ; 5. arc zygomatique ; 6. appareil coronoïde ; 7. masséter ; 8. muscle mylohyoïdien ; 9. muscle digastrique ; 10. muscle ptérygoïde ; 11. apoptérygoïde ; 12. alisphénoïde.
former les parois latérales du crâne. Cette modification réalise un type crânien nouveau (Fig. 10). Cette réorganisation des modifications du crâne entraîne une réorganisation totale (et notamment de la fonction de mastication) qui s’accompagne de transformations de la mandibule. L’arc zygomatique s’est élargi latéralement pour laisser le passage de masses musculaires qui vont permettre de mieux contrôler les mouvements en latéralité de la mandibule [8]. Transformations de la mandibule. La distinction la plus facile entre les Reptiles et Mammifères fossiles repose sur les os des mâchoires et les dents. Le Mammifère ne possède qu’un seul os pour la mâchoire inférieure, le dentaire, et cet os s’articule avec l’os squamosal du crâne. La mandibule des Reptiles comporte jusqu’à sept os différents. Les transformations de la mâchoire inférieure se sont faites par transfert de toutes les attaches musculaires sur un seul os : l’os dentaire. De cette manière, la mandibule devient rigide, ce qui permet de mastiquer fortement. L’os dentaire a développé des prolongements et, ainsi, l’articulation des mâchoires se fait de l’os dentaire au crâne, ce qui libère les autres os [9]. Les os libérés ont une fonction transférée à l’audition. Celle-ci devient plus fine pour la recherche de nourriture (insectes notamment) : • l’os carré devient l’enclume des osselets de l’oreille moyenne ; • l’articulaire devient le marteau ; • l’os angulaire devenu semi-circulaire encadre le tympan ; • la partie dorsale de l’arc hyoïde fournit l’étrier (Fig. 11). Les osselets migrent vers l’oreille alors que le volume du crâne grandit chez les Mammifères. Crâne des Mammifères. La tête devient plus évoluée, les dimensions de la face sont très importantes comparées à celles du crâne. Il y a environ 200 Ma les dimensions du corps sont Stomatologie
d’environ 10 cm pour Morganucodon qui avait une tête longue de 3 cm avec une rangée dentaire de plus de 1,5 cm. Ces petits animaux avaient donc une grosse tête comparée aux dimensions corporelles : cette tête était surtout une paire de mâchoires. Il en va autrement des Primates. En effet, une définition de ceux-ci pourrait être de posséder un cerveau qui s’accroît d’espèce en espèce alors que le massif facial, et notamment le volume des mâchoires, décroît.
■ Développement et adaptations morphologiques de l’appareil manducateur suivant la géographie Géographie La géographie est la science des lieux (pas celle de l’homme). Cependant, l’analyse des modes de vie montre combien l’organisation animale reflète le lieu de vie. Ainsi, deux hommes de même poids et de volume identique peuvent présenter des surfaces de peau très différentes afin de posséder une capacité de refroidissement par la sueur qui correspond au milieu (Fig. 12). L’homme a donc des dimensions et des proportions corporelles qui dépendent du climat. Toutefois, des hommes à morphologies très distinctes (hommes de Neandertal et hommes anatomiquement modernes) ont coexisté, en Europe de l’Ouest pendant plusieurs milliers d’années jusqu’à la disparition des Néandertaliens il y a 28 000 ans en Espagne.
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6 Pièces d'origine cartilagineuse Celles de provenance dermique D'origine cartilagineuse et engainées par celles de provenance dermique.
A
B
C
Figure 11. L’histoire de l’étrier est étonnante : d’un rôle de soutien des branchies, il est passé à celui de pièce d’ancrage des mâchoires sur la boîte crânienne, puis à celui d’un organe de l’oreille moyenne des mammifères. Chaque embryon de mammifère retrace, au cours de son développement, les étapes de cette évolution qui correspond à une modification de l’articulation des mâchoires qui se fait chez les vertébrés par le truchement de l’os carré et de l’os articulaire alors que chez les mammifères actuels elles s’articulent par le biais de l’os squamosal. A. Poissons cartilagineux. 1. Base du crâne ; 2. Hyomandibulaire ; 3. arc hyoïdien ; 4. maxillaire inférieur ; 5. carré ; 6. ptérygopalatin. B. Reptiles. 1. Nasal ; 2. jugal ; 3. columelle ; 4. carré ; 5. corne antérieure hyoïdienne ; 6. cartilage de Meckel ; 7. dentaire ; 8. prémaxillaire. C. Mammifères. 1. Quadratojugal ; 2. enclume ; 3. marteau ; 4. étrier ; 5. apophyse styloïde ; 6. corne antérieure hyoïdienne ; 7. dents ; 8. maxillaire supérieur.
Peau étalée
Surface de la peau représentée par un carré
on suppose que les Néandertaliens consommaient 4 500 à 5 000 kcal par jour. En cas de crise, et spécialement à la fin de chaque hiver, le nombre de Néandertaliens devait diminuer faute de nourriture et cela jusqu’à leur disparition.
Étapes menant à l’homme Il est possible d’établir une succession d’étapes menant à l’homme lorsque l’on étudie la diversité et les adaptations des animaux fossiles.
Organisation tête/locomotion
Volume
Figure 12. L’adaptation se définit comme une évolution qui augmente les chances de survie. La séparation géographique est un facteur qui peut favoriser les caractéristiques. Il existe des adaptations variées en fonction du milieu. Deux sujets de même poids et de volume identique peuvent avoir des surfaces de peau très différentes. Les plus longilignes offrent une plus grande surface de refroidissement par la sueur.
Les Néandertaliens avaient un corps massif réclamant plus d’oxygène et de calories. Leur thorax, très large, pouvait abriter de volumineux poumons. Pour mieux les connaître, on a recherché leur mode de vie à partir de leur alimentation. L’étude des restes alimentaires fossilisés, l’analyse isotopique des os et des dents ainsi que la micro-usure des dents indiquent une alimentation carnée proche de celle des Inuits. Par comparaison,
8
La diversité des formes du crâne, des mâchoires et des dents montre que la tête s’organise en fonction du milieu. Nous allons examiner les principales adaptations en relation avec la locomotion [4, 10]. Nous avons vu, au travers des aspects de la morphogenèse, que nous appartenons à l’embranchement des vertébrés dans lequel on distingue cinq classes principales : poissons, amphibiens, mammifères, reptiles et oiseaux. Toutes ces classes sont construites suivant le même modèle fondamental dont l’évolution au cours des temps géologiques a provoqué la réorganisation. Le concept d’évolution pour les vertébrés est celui de l’acquisition d’une indépendance croissante de l’organisme par rapport au milieu, ce qui amène à lier les comportements à la morphologie. Par exemple, l’évolution cérébrale a été favorisée par les systèmes de perception et d’action. L’évolution du cerveau s’est produite alors que le corps se modifiait en même temps que l’organisme changeait de milieu. Le tandem tête/locomotion est caractéristique des grands relais d’organisation qui se succèdent chez les vertébrés. Nous verrons que le but des vertébrés fut l’extension du milieu habitable, c’est-à-dire des géographies (Fig. 13). Le mécanisme héréditaire assure la morphogenèse, ensemble des processus développementaux déterminant la structure du corps. Cette naissance de la forme se fait du général vers le particulier. Les structures générales s’établissent donc en premier, les détails suivent. De ce fait, la suite des stades du développement de l’embryon humain permet de reconnaître les structures de la lignée ancestrale qui, par addition, font l’animal évolué. Pour comprendre la place de l’homme dans le règne animal, nous pouvons donc examiner les différentes innovations concernant la tête et la locomotion au cours des étapes caractérisant notre systématique (classement du règne animal) : embranchement de Vertébrés, classe des Mammifères, ordre des Primates, famille des Hominidés divisée en sous-familles (Paninés, Homininés) [11]. Stomatologie
Morphogenèse et phylogenèse : comment l’homme s’est-il constitué à partir de ses ancêtres ? ¶ 22-003-S-12
3 Poisson osseux Carpe
2 1
Amphibien Grenouille
4
Figure 14. Les structures du vertébré ancestral qui illustrent le tandem tête/locomotion. 1. Organe de l’équilibre ; 2. tube nerveux ; 3. notochorde ; 4. plate-forme préchordale.
Reptile Lézard
Mammif Mammifères res Lapin
Chat
Homme
muscles, nerfs, dents. Ces cellules ont la propriété de migrer en profondeur dans le mésenchyme et peuvent ainsi « inventer » de nouvelles structures [12]. Les yeux, fixés sur un support indépendant des mouvements du reste du corps, ainsi que les organes de l’équilibre qui contrôlent la position de la tête, contribuent à augmenter l’efficacité du tandem de ces organes de la tête et de la locomotion (Fig. 14). Très rapidement, les premiers vertébrés, qui vivent au fond des océans comme détritivores, se munissent de paires d’appendices pour la locomotion et de mâchoires pour saisir leurs proies. Les mâchoires proviennent du squelette des arcs pharyngiens, qui actionne les fentes branchiales. Ces animaux qui peuvent désormais se mouvoir dans les trois dimensions grâce aux nageoires, partent à la poursuite des proies mobiles et deviennent prédateurs. Dans la lignée évolutive, le cerveau ne cesse d’augmenter en volume alors que la tête se remodèle constamment. Un point notable sera l’abandon des branchies au profit de la respiration pulmonée. Amphibiens
Figure 13.
Le cerveau dans la série des vertébrés.
Vertébrés L’animal est un être vivant doué de sensibilité et de mouvement. Son corps peut donc être divisé en deux parties : les organes sensitifs (situés à l’avant, face aux dangers ou aux aliments) permettent de commander les organes de mouvement (locomotion). Vertébrés primitifs Le mécanisme de locomotion dans l’eau est une tige centrale, la corde, combinée à des muscles segmentés qui permettent à l’organisme d’avancer en ondulant. La corde est accompagnée d’un axe neural qui s’achève du côté céphalique par un renflement. Pour être informé des mouvements des prédateurs éventuels, et pouvoir fuir, les cordés primitifs ont deux yeux fixés sur le support du renflement céphalique qui serait à l’origine du crâne. Les vertébrés pourvus d’un crâne sont appelés crâniates. Le crâne prolonge la colonne vertébrale et constitue avec elle le squelette axial. Le mouvement ondulatoire qui résulte de la contraction des myotomes laisse la tête relativement stable, de façon à pouvoir observer correctement la proie ou le prédateur. En 1983, Carl Gans et Glenn Northcutt ont proposé une théorie à l’évolution des premiers vertébrés. L’acquisition d’un cerveau et d’un crâne protecteur n’a pu se faire qu’à travers une nouveauté cellulaire issue du système nerveux : les cellules de la crête neurale à l’origine de nombreuses structures de la tête : os, Stomatologie
Ils se ventilent en pompant de l’air à travers la cavité buccale à l’aide de narines internes, ou choanes. Il existe également des échanges gazeux au niveau de la peau. Les sacs olfactifs des poissons sont transformés en fosses nasales qui ajoutent la fonction respiratoire à celle olfactive. Les branchies pharyngiennes disparaissent et sont remplacées par deux sacs pulmonaires qui sont des invaginations ventrales du pharynx. L’odorat joue toujours un rôle de premier plan dans l’analyse de l’environnement mais il se pratique dans l’air et non plus dans l’eau comme chez les poissons. Reptiles mammaliens et crocodiles Une nouvelle circulation d’air se fait par le canal nasopharyngien. Un palais secondaire assure une fonction de carrefour aérodigestif, en arrière du champ d’action des mâchoires. La libération de la nécessité d’une ventilation buccale a ainsi permis une reformation complète du crâne. Mammifères L’homéothermie permet de peupler tous les milieux. Cependant pour assurer une température constante, il faut plus de nourriture et d’oxygène. La digestion va être améliorée par une modification de l’appareil manducateur : les mammifères inventent la mastication. On observe un transfert des attaches musculaires après recomposition des muscles moteurs des mâchoires par la partition en temporal et masséter (réalisée par l’arcade zygomatique). Ce transfert permet également de libérer des os qui entreront dans la constitution de l’oreille interne améliorant très notablement l’audition. Le crâne tubulaire propre aux quadrupèdes se sphérilise chez les primates qui vivent en position relevée et sont quadrumanes dans les arbres. La vision devient stéréoscopique et le rôle de l’olfaction diminue.
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Rhipidistiens
Truite
Homme
Dipneuste
Figure 15. Le cladisme (du grec klados : rameau) figure la suite évolutive des caractères par une progression verticale qui dans le cas présent concerne la divergence des vertébrés : deux poissons et un homme. Les poissons ont des nageoires et vivent dans l’eau, l’homme est un mammifère pourvu de quatre membres. La truite est un actinoptérygien (actino = rayon, pter = nageoire), c’est un poisson primitif aux nageoires formées de rayons. Le dipneuste est un poisson pourvu de deux appareils respiratoires : branchies et poumons (pneuste = respirer). Il partage avec l’homme un caractère plus récent que la truite : les poumons. C’est un rhipidistien (rhipid = soufflet). A cette progression verticale s’ajoute une progression en profondeur car chaque organisme vivant aujourd’hui représente le dernier maillon d’une chaîne.
Espèce Nous avons vu dans l’étude de la morphogenèse qu’il était nécessaire de comparer les animaux pour en reconnaître les particularités. La morphologie nouvelle (appelée apomorphie, du grec « apo » : en avant) est l’étape clé qui permet un classement, le clade (Fig. 15). Chez les animaux actuels, le classement se fait à partir de l’espèce, car elle possède une structure génétique qui lui est propre bien qu’elle soit composée d’individus très différents. De cette constatation découlent deux évidences. • La modification qui résulte de l’adaptation à l’intérieur de l’espèce ne modifie pas la fécondité. • La naissance d’une nouvelle espèce est une radiation, un embranchement qui donne une espèce distincte qui n’est pas féconde avec la précédente. Les recherches en paléontologie montrent que l’évolution qui donne les différentes espèces s’inscrit dans le temps et aussi dans l’espace. À l’échelle planétaire, la distribution des espèces est en corrélation avec la dérive des continents. Cette dérive a toujours lieu (l’Amérique du Nord et l’Europe s’éloignent de 2 cm par an) [13].
Primates Les Primates forment un ordre qui a été nommé « Premier » par Linné (1758) parce que les caractères spécifiques qui leur sont propres sont des particularités de l’Homme.
Particularités Les Primates vivent essentiellement en position relevée (verticale), ce qui a facilité la migration du foramen magnum et a conduit à une réorganisation constante du crâne qui s’est sphérilisé à partir d’une forme tubulaire et dont la capacité cérébrale a augmenté. La position des orbites tend vers une vision stéréoscopique. Placées initialement latéralement, les orbites viennent progressivement en position frontale à travers l’évolution des espèces. Le mécanisme olfactif subit une réduction avec perte du Rhinarium et du museau. Le nez est alors dit « sec » ou Haplorhine. Les structures des membres facilitent un usage souple des mains et des pieds avec opposabilité du pouce. Le régime alimentaire favorise les cuspides des dents basses et arrondies. Ces dents dites bunodontes caractérisent les
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omnivores/frugivores car elles permettent de réduire la pulpe des aliments par une action de pilon dans un mortier.
Augmentation du volume cérébral Chez les Mammifères autres que les Primates, le tissu cérébral représente environ 6 % du poids corporel tout au long du développement fœtal. Chez les Primates, cette proportion atteint 12 %. Les Primates commencent donc leur vie extrautérine avec un cerveau plus important que les autres mammifères. La taille du cerveau des Primates dépend de l’apport maternel pendant le développement du fœtus et la lactation. Les Primates mangeurs de feuilles disposent de moins d’énergie et ont de fait un développement cérébral moindre que celui de frugivores.
Appareil manducateur et vie dans les arbres : ou comment a-t-on reconnu les premiers Primates Du fait des caractères spécifiques des Primates reconnus par Linné en 1758 mais aussi de la diversité des formes fossiles, on les a rassemblés dans un grand groupe adapté aux habitats forestiers, les Archontoglires, qui contient deux super-ordres (Fig. 16) : • les Glires qui réunissent rongeurs et lagomorphes ; • les Archontes formés des ordres des Dermoptères, des Scandentés, et des Primates. Il n’existe pas de critère simple qui distingue les Primates, si ce n’est leur adaptation à vivre dans les arbres, accrochés aux branches terminales où fruits, fleurs et insectes sont nombreux (on trouve le Primate dans son menu). Les Archontes ont tous développé la possibilité d’agripper les branches, puis le rapprochement frontal des yeux a facilité la capture des insectes chez les primates archaïques. Exemple du Purgatorius : découvert en Amérique du Nord dans des gisements datés de 60 Ma, d’un poids estimé à 20 g, insectivore probable, il fait partie d’un groupe frère des Prosimiens (possède la synapomorphie initiale des primates : le pli nannopithex des molaires supérieures). Il s’agit du groupe des Plésiadapiformes. Deux caractères ont placé ce groupe à côté des Prosimiens. 1. La branche horizontale de leur mandibule comporte un diastème important de l’arcade dentaire sans que celui-ci soit le résultat de l’entrecroisement d’une dent supérieure. Cela laisse supposer qu’ils utilisaient leurs mâchoires pour attraper la nourriture. En revanche, les primates utilisent typiquement leurs membres pour attraper la nourriture. Stomatologie
Morphogenèse et phylogenèse : comment l’homme s’est-il constitué à partir de ses ancêtres ? ¶ 22-003-S-12
Super-ordre : Glires Rongeurs et Lagomorphes Ordre : Dermoptère Dermopt re
(flying lemurs)
Ordre : Scandentia Semi-ordre : Plésiadapiformes Pl siadapiformes Primates archaïques archa ques : Carpolestidae Paromomyidae, micromomyidae. Euprimates : Omomyiforme : Adapiforme
A 1 Ordre : Primates
Super-ordre : Archontes
ARCHONTOGLIRES
Figure 16. Les archontoglires réunissent deux super-ordres. Leur habitat est forestier et ils ont la possibilité de vivre dans les arbres.
2. La longueur de leurs doigts est en relation avec une peau tendue entre leurs pattes et permettant le vol plané comme chez les dermoptères.
Le nez et les Prosimiens Les Simiens primitifs ou Prosimiens actuels sont divisés en : • Lémuridés : ils ont le nez humide (strepsirhiniens), les incisives sont spécialisées pour un usage en peigne pour la fourrure, pour extraire la gomme des arbres ou la pulpe des fruits ; • Tarsidés : petits carnivores arboricoles nocturnes d’Asie, remarquables par leurs grands yeux et leurs longues pattes postérieures adaptées au saut, leur nez est sec (Haplorhiniens). Les Prosimiens ont une mâchoire inférieure composée de deux os (droit et gauche), non soudés à l’avant au niveau de la symphyse. Leur cavité orbitaire communique largement en arrière avec la fosse temporale (Fig. 17). Dès – 55 Ma, on trouve des primates comparables aux primates actuels, nommés euprimates. Ils ressemblent aux Lémuridés, ce sont des Adapiformes, et aux tarsiers, ce sont les Omomyiformes, d’où le trident des primates qui schématise ces origines (Fig. 18). À l’Eocène, entre – 54 et – 38 Ma, une formidable expansion des plantes à fleurs et à fruits donne naissance à d’immenses forêts couvrant la presque totalité des terres.
Simiens ou Anthropoïdes Deux périodes de changements majeurs de l’environnement sont reconnues au cours de l’évolution des primates anthropoïdes : • à environ 40 Ma, au cours de la transition Eocène-Oligocène ; • à 6 Ma, à la fin du Miocène, début du Messinien. Dans les deux cas, il s’est produit une forte régression marine due aux déplacements des plaques tectoniques. Il y a 37 Ma, la baisse du niveau des océans se traduit par un refroidissement du climat, une réduction des forêts et de la diversité de certains animaux. Un paysage nouveau fait de forêts humides qui voisinent des mangroves signe l’établissement des saisons. Les travaux menés dans le désert du Fayoun, en Égypte, ont révélé une communauté de petits primates qui correspondent aux formes présentées par les Prosimiens. Outre ces formes figure Aegyptopithecus représenté par des crânes et des fragments de squelette postcrâniens. Aegyptopithecus est l’archétype des grands singes et de l’homme. Son poids est estimé à 7 kg, le museau est encore allongé mais les orbites sont frontalisées. La cavité orbitaire est séparée de l’arrière du crâne par une lame Stomatologie
2
B Figure 17. La tête des anthropoïdes ressemble à celle de l’homme par une face relativement plate et un crâne arrondi, des orbites rapprochées et frontalisées ; de ce fait, le foramen magnum est placé en avant. Une mandibule soudée au niveau de la symphyse et de larges incisives supérieures facilitent la mastication chez les Simiens. A. Prosimien. B. Simien. 1. Paroi postorbitaire ; 2. crâne cérébral développé.
Lémuridés
Tarsidés
Simiens
Adapiformes
Omomyiformes
Simiiformes
- 60 Ma Figure 18. Les primates actuels (euprimates) et leurs formes fossiles. Ma : millions d’années.
osseuse et sa denture ne présente que deux prémolaires comme l’homme. Ce singe, bien que bon grimpeur, n’avait pas de tendance spéciale à se suspendre par les membres antérieurs. Au même niveau que Aegyptopithecus, entre 37 et 32 Ma, on a trouvé des restes de platyrhiniens qui ont trois prémolaires et qui vont disparaître de l’Ancien Monde. Du fait de la dérive des continents en Ancien Monde et Nouveau Monde, les singes se sont divisés (Fig. 19) en : • Platyrhiniens : ce sont les singes du Nouveau Monde. Les orifices de leur nez s’ouvrent sur les côtés, leur système nasal est large. Chaque hémi-arcade possède trois prémolaires et une face large [14] ; • Catarhiniens : ce sont les singes de l’Ancien Monde. Les orifices de leur nez s’ouvrent vers le bas et le système nasal est étroit, avec une face plus longue. Chaque hémi-arcade ne comporte que deux prémolaires. Il nous reste maintenant à voir comment de Catarhiniens, nous sommes devenus des Homininés. De nouvelles espèces prennent naissance alors que d’autres disparaissent. Cependant, comment se fait-il que les humains dominent actuellement la
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Paninés
Homininés
(Gorilla Pan)
Hylobatidés
Pongidés
Hominidés
(Pongo)
Cercopithécoïdés
Hominoïdés 20 Ma
B Platyrhiniens
A Figure 19. La créativité se traduit dans la forme des organismes. Leur sélection géographique correspond pour les Platyrhiniens (B) à la dérive des continents qui a séparé le Nouveau Monde de l’Ancien Monde où se sont développés les Catarhiniens (A) [14].
Homininés En Afrique
Catarhiniens
3 prémolaires
Hominidés
2 prémolaires
Prosimiens
Simiens
2 demi-mandibules
Figure 21.
Symphyse soudée
Classification des Primates. Ma : millions d’années.
A. afarensis
A. africanus
A. robustus/boisei
Paninés
Pongidés
Ponginés
Hylobatidés
Hylobatinés
H. habilis
650 cc
410 cc à 530 cc
Encéphalisation Réduction de l'hypermastication
En Asie Prognathisme réduit 450 cc
Figure 20. La séparation géographique des grands singes anthropomorphes (dépourvus de queue) distingue les Paninés (Gorilla et Pan) des Ponginés (Pongo).
Développement de l'hypermastication Canines réduites et première prémolaire inférieure bi-cuspidée
400 cc
planète ? La réponse a été proposée à travers les changements de climats qui ont vu des primates acquérir une capacité cérébrale de plus en plus grande.
Hominides et Homininés Il y a environ 20 Ma, au Miocène (– 25 à – 5 Ma), les primates ont des alimentations diverses, certains développant la possibilité de digérer un grand nombre d’espèces de feuilles. C’est à cette période que la sécheresse divise la forêt africaine. Les petits singes pourvus d’une queue, les cercopithécoïdés, qui mangent des feuilles, éliminent un certain nombre d’autres petits singes. Les grand singes, sans queue, et dont certains traits sont proches de l’homme (morphologie de la molaire par exemple) sont appelés Anthropomorphes ou Hominoïdés et développent une alimentation omnivore. C’est le cas du Proconsul découvert en Afrique. L’Afrique et l’Asie sont alors séparées par l’océan Téthys. L’isolation géographique des grands singes va donner le résultat indiqué sur la Figure 20. D’où la classification de la Figure 21. Vers 8 Ma, en Afrique de l’Est se forme la Rift Valley, ligne de bouleversements géologiques sur un axe Nord-Sud, avec effondrement et formation d’un épaulement qui, vers 6 Ma, seront sujets à de grandes variations climatiques. Au Tchad, on voit alors apparaître Sahelanthropus qui présente des caractères de la lignée des Hominoïdés. Puis Orrorin dans les collines de Tugen, ancêtre bipède aux dents « plus humaines ». Le complexe dentaire qui caractérise les Homininés inclut un raccourcissement antéropostérieur des mâchoires, une réduction de la hauteur des canines, des molaires plus ramassées, plus carrées avec des cuspides moins hautes, une molarisation des prémolaires, un émail plus épais, une usure proximale des dents plus importantes ainsi que des incisives et des canines plus verticales avec une région redressée de la symphyse mandibulaire [15]. La bipédie est le critère très important des Homininés,
12
Acquisition de la bipédie
Figure 22. La bipédie suffisait à distinguer l’homme avant que l’on connaisse les espèces fossiles. Dans l’état actuel, l’Homme se reconnaît à travers une lignée de bipèdes : les Homininés.
mais trouver son origine est quasi impossible car une nouveauté ne peut être d’emblée dominante dans une population. Tout ce qu’il fallait pour que la bipédie apparaisse parmi les Hominidés était la pression d’un avantage sélectif favorable. Des ressources alimentaires plus dispersées pouvaient fournir une telle pression sélective. Or, à 6 Ma, une catastrophe écologique fait qu’il est possible de traverser la Méditerranée à pied.
Orrorin Reconnu à partir de restes retrouvés à Tugen, par Martin Pickford et Brigitte Senut, Orrorin vivait sur les bords d’un lac du Kenya il y a 6 Ma. Il possédait des dents jugales plus petites que celles des Australopithèques, une canine courte, une P4 inférieure aux racines bien séparées (prémolaire molariforme) et des molaires inférieures rectangulaires à émail épais avec un sillon vertical de la face vestibulaire séparant la couronne en deux unités. La canine supérieure présente un sillon vertical que ne présentent plus les canines des Australopithèques [16].
Ardipithecus C’est un autre Homininé de cette époque (4,4 Ma), ses caractères sont très archaïques. L’émail des dents est peu épais (caractéristique des singes). Les restes de 17 individus étaient mélangés aux ossements d’animaux vivant en forêt. Toutefois, la bipédie est bien établie par un fémur.
Australopithecus (Fig. 22, 23) Au Pliocène (5,3 à 1,8 Ma) se développe en Afrique le genre Australopithèque. Connu depuis 1924, il comprend de nombreuses espèces bipèdes qui conservent un petit cerveau et dont les dents postcanines sont fortement développées. La Stomatologie
Morphogenèse et phylogenèse : comment l’homme s’est-il constitué à partir de ses ancêtres ? ¶ 22-003-S-12
Manifestation de l'art 35 000 ans
Disparition des Néandertaliens
Figure 23. Arbre Homininés.
phylogénétique
des
35 000 Diffusion des Homo sapiens sapiens Néandertaliens
Première sépulture 100 000 ans
Afrique Proche-Orient
100 000 Homo néandertaliens
Europe Domestication du feu 400 000 ans
Homo heidelbergensis
Asie
500 000
Disparition des Australopithèques 1 000 000 Paranthropus robustus
Homo erectus Homo ergaster
Australopithecus boisei
Premier habitat 1 800 000 ans
Australopithecus africanus 2 000 000 Paranthropes
Australopithecus aethiopicus
Premiers outils 2 600 000 ans Homo habilis Homo rudolfensis
3 000 000 HOMO Australopithèques Australopithecus afarensis Australopithecus anamensis 4 000 000 Ardipethecus ramidus
Homininés archaïques 6 000 000
forme bunodonte des cuspides et l’épaisseur de l’émail qui les recouvre supposent une adaptation à un régime alimentaire très abrasif. Le climat au cours du Pliocène est fluctuant : • à Laetoli, en Tanzanie, des dépôts sédimentaires datés de 3,75 à 3,45 Ma indiquent que l’Afrique de l’Est est une savane Stomatologie
herbeuse avec un climat un peu plus sec et chaud que de nos jours ; • à Hadar, en Éthiopie, entre 3,35 et 3 Ma, après une période dominée par la forêt, l’environnement devient un peu plus ouvert, semblable à ce qui existe de nos jours à 1 600 m d’altitude dans cette région.
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Gorille
Australopithèque gracile
A
Lucy
Paranthrope
Homo Figure 24. Les espèces de notre lignée présentent une diversité de caractères fonctionnels. Les courtes jambes de Lucy n’autorisent pas une course comparable à celle de l’homme. Les espèces robustes ont une plus faible projection antérieure des mâchoires et un très fort développement des os et des muscles servant à la mastication.
Dans ces deux sites ont été reconnus de nombreux Australopithèques de l’espèce afarensis à laquelle appartient le spécimen prénommé Lucy dont on possède une grande partie du squelette. Australopithèque « afarensis » Lucy (Fig. 24) Ce squelette est daté à 3 Ma. Il est caractérisé par : une faible capacité crânienne de 400 ml ; un fort appareil masticateur ; une forte projection antérieure du massif facial ; un palais peu profond ; la présence occasionnelle d’un diastème incisivocanin ; des membres supérieurs longs comparés aux membres inférieurs ; • des phalanges des mains et des pieds allongées et incurvées, c’est-à-dire encore adaptées au déplacement dans les arbres [17]. • • • • • •
Australopithèque « africanus » Il est connu en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud. Cette espèce est datée de 3 à 2 Ma. Elle présente des caractères plus avancés, une capacité crânienne moyenne de 450 ml, une face plus courte que A. afarensis. Le palais est plus profond dans sa partie antérieure. La première prémolaire inférieure est bicuspidée. Historiquement, l’Australopithèque africanus est le premier homininé à avoir été reconnu. C’est Raymond Dart, qui en est l’inventeur. Il résume l’intérêt de sa découverte grâce à un indice qui rend compte de l’équilibre du crâne sur la colonne vertébrale. L’étude de l’adaptation dans une approche phylogénique se fait traditionnellement à travers des traits spécifiques. Après une recherche concernant la base mécanique d’un trait, il apparaît un chemin par lequel ce trait peut être amélioré.
14
B Figure 25. L’articulation du crâne avec la colonne vertébrale indique les différences d’aptitude à la bipédie des espèces. La notion de lien entre caractères est parfois compliquée. Dans le cas présent, le point antérieur de l’arcade dentaire dépend de la fonction manducatrice qui détermine sa position relative au crâne et ses attaches musculaires. A. Australopithèque. B. Homme.
Pour la station bipède, l’indice d’équilibre du crâne est la relation entre deux distances (Fig. 25) : • la distance Ba (basion : point médian antérieur du trou occipital) – Pr (prosthion : point le plus antérieur de la portion alvéolaire du maxillaire, entre les incisives centrales supérieures) ; • la distance Ba – I (inion : partie médiane la plus saillante de la protubérance occipitale externe). Pour l’Australopithèque reconnu par Dart, celui de Taug en Afrique du Sud : • Basion – Prosthion = 89 mm ; • Basion – Inion = 54 mm ; • Basion – Inion × 100/Basion-Prosthion = 60,67. Pour le chimpanzé, la valeur moyenne de ce rapport est de 50,7. Elle est de 83,7 pour l’homme de Broken-Hill (Homo sapiens archaïque d’Afrique). Le crâne de l’Australopithèque a donc quitté l’équilibre que l’on observe chez le chimpanzé pour s’approcher de celui de l’homme qui, par sa locomotion bipède, possède une tête posée en équilibre sur la colonne vertébrale verticale. La tête peut tourner librement, les mains sont libérées au cours de la locomotion. Les contraintes musculaires imposées à la boîte crânienne ne cessent de diminuer avec l’équilibre réalisé de la tête sur la colonne vertébrale et la diminution de l’appareil manducateur de l’homme. Le rôle de la main devient essentiel. Paranthrope À partir de 2,5 Ma, des espèces très spécialisées représentées par des individus robustes, au cerveau plus volumineux de 500 ml, vont se développer en Afrique de l’Est et du Sud pour disparaître il y a environ 1 Ma. Stomatologie
Morphogenèse et phylogenèse : comment l’homme s’est-il constitué à partir de ses ancêtres ? ¶ 22-003-S-12
A
B Figure 26. Les Australopithèques ont été classés en graciles et robustes suivant les adaptations des mâchoires. A. Australopithèque gracile. B. Australopithèque robuste ou Paranthrope.
En 1996, Robinson a proposé une théorie fondée sur les bras de levier osseux et les attaches musculaires des mâchoires pour séparer les Australopithèques (formes graciles) des paranthropes (formes robustes). Les graciles auraient été plus carnivores. Les deux lignées avaient atteint un stade de développement comparable dans des spécialisations alimentaires différentes, responsables des caractéristiques physiques de chaque espèce (Fig. 26) [18]. Ainsi les espèces appartenant aux paranthropes sont : • A. robustus ou Paranthropus robustus : présent en Afrique du Sud, il possède un profil aux pommettes pouvant se trouver plus en avant que l’ouverture nasale. La partie antérieure du palais est plate et peu profonde. Les incisives sont réduites ; • A. boisei ou Paranthropus boisei : on le trouve en Afrique de l’Est. Le palais est plus large et plus profond que celui de robustus. Les dents postcanines sont particulièrement massives ; • Paranthropus aethiopicus : reconnu en 1968 par Arambourg et Coppens dans la vallée de l’Omo. Le seul crâne complet est édenté (KNM-WT 1700). La base du crâne ressemble à celle de A. afarensis. Il est daté de 2,6 à 2,3 Ma ce qui le place au début de la lignée robuste. Lorsqu’il y a coexistence d’espèces sympatriques, il se produit une plus grande divergence de morphologie et de comportement entre les espèces dans l’espace occupé en commun par l’effet de l’augmentation de la pression de compétition.
Homo Le genre Homo est reconnu par sa bipédie permanente, sa capacité cérébrale, ses dimensions dentaires réduites et son Stomatologie
ingéniosité. En 1975, Yves Coppens a fait connaître les niveaux statigraphiques de la vallée de l’Omo en Éthiopie entre 2 et 3 Ma. Il met également en évidence un site qui offre une illustration sédimentologique d’une période où s’est déroulée une crise climatique extrêmement sévère. Par la paléobotanique, la palynologie et la paléontologie des mammifères, Coppens a étudié l’agression du climat et les deux solutions « inventées » par les Homininés : • un Homininé fort et à mâchoire puissante peut manger les végétaux fibreux (plus résistants au climat), mais en gardant un petit cerveau : le Paranthrope ; • un Homininé à cerveau plus volumineux et à mâchoire d’omnivore pour diversifier son alimentation et exploiter de nouvelles ressources locales (aquatiques par exemple) [19]: l’Homme. Chez les hommes, l’alignement des structures maxillodentaires s’est traduit par une réduction des dents postcanines. La formule dentaire mandibulaire qui était depuis Proconsul M1
M3. Le cerveau plus volumineux accompagné de dents aux dimensions réduites aurait favorisé un mode de vie nouveau. Les fossiles ne sont pas encore assez nombreux pour tester valablement cette hypothèse. En effet, la découverte d’un squelette d’Homo habilis (une des premières espèces humaines) a permis de préciser que si les premiers hommes étaient ingénieux, ils étaient encore d’habiles grimpeurs comme les Australopithèques. Au cours de l’évolution humaine, la forme de la tête a considérablement changé. Des modifications d’équilibre entre les différentes parties expliquent les morphologies observées. C’est pourquoi nous parlons de la genèse de la forme par transformation [20]. Ces changements de forme existent au cours du développement anténatal et postnatal. Les pièces osseuses constituant le puzzle craniofacial se modifient en fonction de l’organisation générale de l’embryon ou de l’individu. Pour étudier ces transformations, nous pouvons séparer les fonctionnalités et prendre en considération par exemple la fonction cérébrale, la fonction de manducation ou la fonction locomotrice qui détermine l’équilibre de la tête. Cette dynamique est un système qui intègre les informations géniques et les informations physicochimiques du lieu et du moment [15]. On constate ainsi en particulier la migration de l’articulation temporomandibulaire chez l’embryon humain : d’une position latérale, elle migre en dessous de la sphère crânienne. Les crânes fossilisés des étapes représentatives de l’évolution des Homininés (primates à marche bipède) sont représentatifs d’une pareille genèse de la forme. On remarque chez l’Australopithèque le faible développement relatif du crâne cérébral comparé à l’appareil mandibulaire, chez le Paranthrope, une articulation temporomandibulaire en position externe. Cette position est intermédiaire chez l’Australopithèque afarensis et la position sous le crâne est observée chez l’Homme (Fig. 27) [21].
■ Conclusion L’apparition de la crête neurale, il y a environ 500 Ma, a coïncidé avec la conquête par les vertébrés primitifs des milieux aquatiques. Elle correspond également à l’addition d’un système nerveux céphalique qui s’est considérablement développé au cours de l’évolution, ce qui a permis de nouvelles adaptations en milieu terrestre et un développement cérébral de grande complexité à l’origine de l’Homme. Cela n’est qu’un modèle de la façon dont la naissance d’un processus de morphogenèse peut rénover une organisation et être à l’origine d’une lignée de nouvelles anatomies. Ainsi les sciences du vivant, qui président au développement de l’individu et qui déterminent sa forme et son fonctionnement, ne peuvent être isolées de leur histoire.
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Figure 27. Coupes de l’articulation mandibule/crâne (l’articulation temporomandibulaire [21]). L’augmentation du volume cérébral fait migrer l’articulation sous la sphère du crâne comme on l’observe chez le fœtus de l’homme. A. Paranthrope. B. Australopithèque afarensis. C. Homme actuel.
A
B
C
.
■ Références [1] [2]
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P.-F. Puech, Docteur en sciences odontologiques, docteur en géologie des formations sédimentaires, habilité à diriger des recherches ([email protected]). Institut de paléontologie humaine, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris et laboratoire d’anatomie de la faculté de médecine La Timone (directeur : professeur V. Di Marino), boulevard Jean-Moulin, 13005 Marseille, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Puech P.-F. Morphogenèse et phylogenèse : comment l’homme s’est-il constitué à partir de ses ancêtres ? EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-003-S-12, 2006.
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J. Romerowski, Professeur responsable du service anatomie dentaire. G. Bresson, Attaché de consultation, service anatomie dentaire. Service d’anatomie dentaire de la faculté de chirurgie dentaire de l’université PARIS VII, 5 rue Garancière, 75006 Paris. Toute référence à cet article doit porter la mention : Romerowski J. et Bresson G. Morphologie dentaire de l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-003-A-10,1994, Médecine buccale, 28-005-H-10, 2008.
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Morphologie Dentaire Temporaire. Bruno Tavernier. Traité de Stomatologie 22-003-M-10. 1994
Système dentaire temporaire Généralités Les dents temporaires sont également appelées dents caduques, dents déciduales, dents primaires, dents accessionnelles ou encore dents de lait. Cette terminologie insiste sur leur caractère fugace et précoce. Elles forment, lorsqu'elles ont toutes effectué leur évolution (c'est-à-dire vers l'âge de 2 ans et demi), un véritable système dentaire temporaire qui a pour rôle : - la préparation du bol alimentaire ; - le maintien de la dimension verticale d'occlusion de l'enfant ; - le maintien de l'espace destiné aux dents permanentes et le guidage de leur éruption ; - la stimulation fonctionnelle de l'édification faciale ; - l'aide indispensable à l'apprentissage de la phonation.
Le système dentaire temporaire commence vers l'âge de 6 mois (éruption de l'incisive centrale mandibulaire). Il la termine aux alentours de 11 ans, par la chute de la 2e molaire temporaire. Les dents temporaires sont au nombre de 20, soit 5 par hémiarcade.
Formule dentaire La denture temporaire présente par hémiarcade : - deux incisives : une incisive centrale et une incisive latérale qui seront remplacées par les incisives permanentes ; - une canine remplacée par une canine permanente ; - deux molaires remplacées par les prémolaires permanentes.
La formule dentaire s'établit donc comme suit :
Morphologie Dentaire Temporaire. Bruno Tavernier. Traité de Stomatologie 22-003-M-10. 1994
Nomenclature La nomenclature des dents temporaires a évolué au cours des années. Nomenclature par quadrants
1
Incisive centrale : A ou I Incisive latérale : B ou II Canine : C ou III Première molaire : D ou IV Seconde molaire : E ou V (fig. 1 : caractères en gris) Exemples : incisive centrale maxillaire gauche temporaire : I ou A première molaire inférieure droite temporaire : IV ou D
Nomenclature de la Fédération dentaire internationale Elle procède également par quadrant. Chaque quadrant temporaire porte un chiffre qui précède le numéro d'ordre de la dent concernée (fig. 1: caractères en noir). Le quadrant maxillaire droit porte le chiffre 5. Le quadrant maxillaire gauche porte le chiffre 6. Le quadrant mandibulaire gauche porte le chiffre 7. Le quadrant mandibulaire droit porte le chiffre 8. La seconde molaire temporaire mandibulaire gauche étant la 5e unité dentaire à partir de la ligne médiane, sa codification selon cette nomenclature sera : 7.5. De même, l'incisive latérale maxillaire droite temporaire sera codifiée : 5.2.
Caractères différentiels externes entre dents temporaires et dents permanentes ●
Les dents temporaires sont plus petites que les dents permanentes, excepté les molaires temporaires dont le diamètre mésiodistal est plus grand que celui des prémolaires permanentes.
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Les couronnes des dents temporaires sont recouvertes d'un émail plus opaque et plus fin que celui des dents permanentes, ce qui leur donne un aspect laiteux caractéristique. La couronne des dents temporaires représente le tiers de la hauteur totale, alors que le rapport hauteur coronaire/hauteur totale des dents permanentes est de l'ordre de 35 à 45 % (fig. 2). Les couronnes des unités temporaires apparaissent trapues. Le rapport du diamètre mésiodistal maximal/hauteur coronaire est plus important que celui des dents permanentes (fig. 3). La différence entre le plus grand diamètre coronaire et le plus petit diamètre coronaire (région cervicale) est importante sur les dents temporaires. Les faces proximales divergent davantage de la région cervicale vers la face occlusale que sur les unités permanentes (fig. 4). La différence entre le plus grand diamètre coronaire et le plus grand diamètre occlusal des molaires est plus marquée sur les dents temporaires que sur les dents définitives. L'aire occlusale est donc, proportionnellement, plus réduite que celle des dents permanentes (fig. 5). A l'observation par une face proximale, les dents temporaires antérieures présentent un bourrelet d'émail cervical, qui forme un angle vif avec la surface radiculaire à la jonction amélo-cémentaire (fig. 6). Les molaires temporaires présentent une éminence adamantine dans le quart cervical coronaire vestibulaire et lingual. A l'inverse des dents permanentes, les portions vestibulaires et linguales, situées au-dessus des maxima de convexité, sont plus planes (fig. 7). Les racines des dents temporaires sont proportionnellement plus fines et plus longues que celles des unités permanentes, et se terminent par un apex pointu (fig. 8). Les racines des molaires temporaires divergent fortement à partir du collet. Les germes des prémolaires définitives évoluent entre leurs racines. Cette divergence est accentuée par l'étroitesse du collet. Les racines des molaires temporaires se projettent en dehors des contours coronaires. Il n'existe pas de tronc radiculaire (fig. 9).
Caractères différentiels internes entre dents temporaires et dents définitives ●
La dentine est moins épaisse sur les dents temporaires.
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Les cornes pulpaires sont très aiguës. Elles remontent très haut sous les cuspides.
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Le plafond de la chambre pulpaire est plus convexe et plus profondément enchâssé dans la couronne, ce qui accentue l'épaisseur de dentine occlusale. Le volume pulpaire est plus important que celui des dents permanentes.
Morphologie Dentaire Temporaire. Bruno Tavernier. Traité de Stomatologie 22-003-M-10. 1994
Anatomie descriptive des dents temporaires Evolution et morphologie des secteurs antérieurs Incisives Ce sont les premières dents à apparaître sur l'arcade de l'enfant (6 à 8 mois). La date d'apparition des incisives est variable d'un individu à l'autre et dépend du degré de calcification osseuse et dentaire de l'enfant, de sa nutrition, de sa santé générale, etc. Leur séquence d'éruption est la même que celle des dents définitives : incisive centrale mandibulaire - incisive latérale mandibulaire - incisive centrale maxillaire - incisive latérale maxillaire. Elles ont de nombreux points communs avec les incisives permanentes : toutefois leur bord libre ne présente aucun mamelon et leur surface coronaire vestibulaire est uniformément convexe, sans aucune dépression. A l'arcade maxillaire, les incisives centrales sont plus grandes que les incisives latérales (série descendante). A l'arcade mandibulaire, les incisives latérales sont plus grandes que les incisives centrales (série ascendante). Elles ont, comme les incisives permanentes, un rôle dans l'incision des aliments, dans la phonation et dans le calage lingual lors de la déglutition (type infantile). Dimensions maxillaire et mandibulaire Maxillaire
Mandibulaire
Incisive centrale
Incisive latérale
Incisive centrale
Incisive latérale
Hauteur totale
16 mm
15,8 mm
14 mm
15 mm
Hauteur coronaire
6 mm
5,6 mm
5 mm
5,2 mm
Diamètre coronaire mésiodistal
6,5 mm
5,1 mm
4,2 mm
4,1 mm
Diamètre cervical mésiodistal
4,5 mm
3,7 mm
3 mm
3 mm
Diamètre coronaire vestibulolingual
5 mm
4,8 mm
4 mm
4 mm
Diamètre cervical vestibulolingual
4 mm
3,7 mm
3,5 mm
3,5 mm
Morphologie Dentaire Temporaire. Bruno Tavernier. Traité de Stomatologie 22-003-M-10. 1994
Chronologie Maxillaire
Mandibulaire
Incisive centrale
Incisive latérale
Incisive centrale
Incisive latérale
3 à 4 mois in utero
4 mois 1/2 in utero
4 mois 1/2 in utero
4 mois 1/2 in utero
4 mois
5 mois
4 mois
4 mois
7 mois 1/2
8 mois
6 mois 1/2
7 mois
18 mois
18 à 24 mois
18 à 24 mois
18 à 24 mois
Début de la résorption radiculaire
4 ans
5 ans
4 ans
5 ans
Chute de la dent
7 ans
8 ans
7 ans
8 ans
Début de la calcification coronaire Fin de la calcification coronaire Eruption Fin de la calcification radiculaire
Description iconographique (6 planches) Canines Les canines temporaires sont au nombre de quatre. Du fait de leurs dimensions importantes, elles sont souvent confondues avec les canines permanentes lorsque ces dernières restent incluses. Dimensions maxillaire et mandibulaire
Hauteur totale Hauteur coronaire Diamètre coronaire mésiodistal Diamètre cervical mésiodistal Diamètre coronaire vestibulolingual Diamètre cervical vestibulolingual
Maxillaire Canine
Mandibulaire Canine
19 mm 6,5 mm 7 mm 5,1 mm 7 mm 5,5 mm
17 mm 6 mm 5 mm 3,7 mm 4,8 mm 4 mm
Maxillaire Canine
Mandibulaire Canine
5 mois in utero 9 mois 16 à 20 mois 3 ans 7 ans 10 ans
5 mois in utero 9 mois 16 à 20 mois 2 ans 1/2 à 3 ans 7 ans 10 ans
Chronologie
Début de la calcification coronaire Fin de la calcification coronaire Eruption Fin de la calcification radiculaire Début de la résorption radiculaire Chute de la dent
Description iconographique (4 planches)
Morphologie Dentaire Temporaire. Bruno Tavernier. Traité de Stomatologie 22-003-M-10. 1994
Evolution et morphologie des secteurs postérieurs Molaires temporaires Elles sont au nombre de huit, soit deux par hémiarcade. Elles sont en série de taille descendante tant au maxillaire qu'à la mandibule. Classiquement leur chronologie d'éruption est la suivante : première molaire mandibulaire première molaire maxillaire - seconde molaire mandibulaire - seconde molaire maxillaire. Les premières molaires ne présentent que peu de similitude avec les dents permanentes. En revanche, les secondes molaires temporaires sont, à quelques différences près, identiques aux premières molaires définitives. Elles sont remplacées par les prémolaires définitives, dont le diamètre mésiodistal est plus court.
Dimensions maxillaire et mandibulaire Maxillaire
Mandibulaire
Première molaire
Seconde molaire
Première molaire
Seconde molaire
Hauteur totale
15,2 mm
17,5 mm
15,8 mm
18,8 mm
Hauteur coronaire
5,1 mm
5,7 mm
6 mm
5,5 mm
Diamètre coronaire mésiodistal
7,3 mm
8,2 mm
7,7 mm
9,9 mm
Diamètre cervical mésiodistal
5,2 mm
6,4 mm
6,5 mm
7,2 mm
Diamètre coronaire vestibulolingual
8,5 mm
10 mm
7 mm
8,7 mm
Diamètre cervical vestibulolingual
6,9 mm
8,3 mm
5,3 mm
6,4 mm
Chronologie Maxillaire
Mandibulaire
Première molaire
Seconde molaire
Première molaire
Seconde molaire
Début de la calcification coronaire
5 mois in utero
6 mois in utero
5 mois in utero
6 mois in utero
Fin de la calcification coronaire
6 mois
10 à 12 mois
6 mois
10 à 12 mois
Eruption
12 à 16 mois
20 à 30 mois
12 à 16 mois
20 à 30 mois
Fin de la calcification radiculaire
2 à 2 ans 1/2
3 ans
2 à 2 ans 1/2
3 ans
Début de la résorption radiculaire
6 ans
8 ans
6 ans
3 ans
Chute de la dent
9 ans
11 ans
9 ans
11 ans
Morphologie Dentaire Temporaire. Bruno Tavernier. Traité de Stomatologie 22-003-M-10. 1994
Description iconographique (5 planches)
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Morphologie Dentaire Temporaire. Bruno Tavernier. Traité de Stomatologie 22-003-M-10. 1994
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Caractères différentiels externes entre dents temporaires et dents permanentes
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Planche 1/6 Maxillaire
Mandibulaire
Incisive centrale
Incisive latérale
Incisive centrale
Incisive latérale
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C'est la seule unité du Les dimensions coronaires groupe incisivocanin - tant sont plus réduites dans permanent que temporaire - toutes les directions. qui présente un diamètre mésiodistal plus grand que la hauteur coronaire totale.
A l'instar de l'incisive centrale Sa morphologie est similaire à permanente, la caractéristique celle de l'incisive centrale de cette dent est la symétrie. maxillaire. Sa couronne est cependant plus courte et plus étroite. Elle est plus large que l'incisive centrale mandibulaire.
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Planche 2/6 : Observation par la face vestibulaire Maxillaire
Mandibulaire
Incisive centrale
Incisive latérale
Incisive centrale
Incisive latérale
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L'incisive centrale a un aspect trapu. Les faces proximales ont des contours fortement convexes. Le contour distal est plus convexe que le contour mésial. Ils surplombent les contours radiculaires correspondants
L'incisive latérale a des dimensions plus réduites que l'incisive centrale. Les contours proximaux sont moins convexes. Ils surplombent moins les contours radiculaires. Ils sont souvent dans le prolongement des contours radiculaires correspondants.
Observée par cette face, la dent est parfaitement symétrique. Les contours proximaux sont convexes et légèrement convergents vers la ligne cervicale.
La plus grande hauteur coronaire et le diamètre mésiodistal plus étroit donnent un aspect rectangulaire à la couronne. Les contours proximaux sont fortement convergents vers la ligne cervicale. Le contour distal est court et convexe.
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L'angle incisif mésial est bien marqué. L'angle incisif distal est convexe et surplombe la racine. Le bord incisif est rectiligne et légèrement incliné du côté distal. La face vestibulaire est uniformément convexe tant dans le sens cervico-incisif que dans le sens mésiodistal dans le tiers incisif et dans le tiers médian. Elle est davantage convexe et asymétrique dans le tiers cervical.
L'angle incisif distal est très arrondi. Le bord libre est rectiligne et incliné distalement : en effet la partie distale du bord incisif est plus cervicale que la partie mésiale. La surface vestibulaire est davantage convexe dans le sens mésiodistal. Le tiers cervical est convexe asymétriquement.
L'angle incisif mésial et l'angle incisif distal sont des angles droits. L'angle incisif mésial est légèrement plus marqué que l'angle incisif distal. Le bord incisif est parfaitement rectiligne et perpendiculaire à l'axe coronoradiculaire de la dent. La surface vestibulaire est relativement plane ou légèrement convexe dans le sens mésiodistal dans le tiers incisif et dans le tiers médian. Elle est fortement convexe dans le tiers cervical.
Du côté mésial, l'angle incisif est bien marqué. L'angle disto-incisif est arrondi. Le bord libre est rectiligne et incliné distalement : en effet la partie distale du bord incisif est plus cervicale que la partie mésiale. La surface vestibulaire est relativement plane ou légèrement convexe dans le sens mésiodistal dans le tiers incisif et dans le tiers médian. Elle est fortement convexe dans le tiers cervical.
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22 Les contours radiculaires convergent régulièrement vers un apex pointu. La surface radiculaire est uniformément convexe.
23 La racine est conique. Son apex est pointu.
24 La racine représente trois fois la hauteur de la couronne. Elle est étroite et conique se terminant par un apex relativement pointu.
25 La racine est étroite et conique et présente une inclinaison distale dans la région apicale.
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Planche 3/6 : Observation par la face linguale Maxillaire
Mandibulaire
Incisive centrale
Incisive latérale
Incisive centrale
Incisive latérale
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Observée par cette face, la dent est parfaitement symétrique. La face linguale est concave. Le cingulum est important. Il s'élève jusqu'à mi-hauteur de la couronne. Les crêtes marginales s'estompent rapidement en cheminant vers le bord incisif. La face linguale est donc lisse.
Observée par cette face, la dent est asymétrique. La face linguale est concave. Le cingulum est important et déporté vers le contour distal. Les crêtes marginales s'estompent rapidement en cheminant vers le bord incisif. La face linguale est donc lisse.
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La face linguale est plus étroite que la face vestibulaire. Le cingulum est fortement convexe. Il occupe pratiquement la moitié cervicale de la face linguale et est déporté du côté distal. Les crêtes marginales, situées de part et d'autre du cingulum, sont nettement marquées. Elles se terminent en mourant dans le bord incisif.
30 La face linguale ne porte aucun sillon, ni aucune dépression. Il n'existe pas de puits cingulaire. Le cingulum peut être très important et parfois se poursuivre par une coulée d'émail en direction du bord incisif. La fosse linguale est alors partagée en une fosse mésiale et une fosse distale.
La face linguale est plus étroite que la face vestibulaire. La fosse linguale est plus profonde. Le cingulum est davantage centré sur la face linguale. Les crêtes marginales sont plus accentuées.
31 Il n'existe pas de tubercules accessoires sur le cingulum. Des dépressions triangulaires, qui correspondent aux séparations des mamelons primitifs du bord incisif, peuvent s'inscrire dans la fosse linguale.
Il n'existe ni tubercules accessoires sur le cingulum, ni sillons entre crêtes marginales et fosse linguale. Le cingulum est plutôt centré sur la face linguale.
Il n'existe ni tubercules accessoires sur le cingulum, ni sillons entre crêtes marginales et fosse linguale. Le sommet du cingulum est souvent décalé en direction du contour distal.
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Planche 4/6 : Observation par les faces proximales Maxillaire
Mandibulaire
Incisive centrale
Incisive latérale
Incisive centrale
Incisive latérale
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La vue mésiale et la vue distale sont identiques. La ligne cervicale est fortement convexe en direction du bord incisif. Le maximum de convexité vestibulaire se situe à la jonction du premier et du deuxième quart cervical. Le maximum de convexité linguale est légèrement plus cervical que le maximum de convexité vestibulaire.
38 La racine est uniformément convexe et conique. L'apex est arrondi. Le tiers cervical et le tiers médian radiculaires sont inclinés du côté lingual par rapport à l'axe coronoradiculaire de la dent. Le tiers apical est toujours incliné en direction vestibulaire.
La ligne cervicale est fortement convexe en direction du bord incisif. Le maximum de convexité linguale est légèrement plus cervical que le maximum de convexité vestibulaire.
39 La racine est plus longue et plus effilée. Le tiers cervical et le tiers médian radiculaires sont inclinés du côté lingual par rapport à l'axe coronoradiculaire de la dent. Le tiers apical est toujours incliné en direction vestibulaire.
La ligne cervicale est modérément convexe en direction du bord incisif. Les convexités cervicales sont identiques à celles des unités maxillaires.
40 La racine se termine par un apex pointu. Le contour lingual s'incurve en direction de la face vestibulaire dans son tiers apical. La surface mésiale de la racine est lisse. La surface distale peut présenter une discrète dépression longitudinale.
La ligne cervicale est modérément convexe en direction du bord incisif. Les convexités cervicales sont identiques à celles des unités maxillaires.
41 Observée par la face distale, la racine présente une dépression longitudinale qui la sépare en deux moitiés. La surface mésiale de la racine peut présenter une discrète dépression longitudinale. La surface distale présente une dépression longitudinale).
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Planche 5/6 : Observation par la face incisive Maxillaire
Mandibulaire
Incisive centrale
Incisive latérale
Incisive centrale
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La dent est parfaitement symétrique. La surface vestibulaire est à peine convexe dans le sens mésiodistal.
Le contour général montre un axe vestibulolingual très important et l'absence de symétrie. La surface vestibulaire est à peine convexe dans le sens mésiodistal.
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Le contour général de la dent est en forme de diamant taillé. Le diamètre mésiodistal est plus grand que le diamètre vestibulolingual.
Le contour général de la dent est presque circulaire. La surface vestibulaire est davantage convexe dans le sens mésiodistal.
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La dent est symétrique : le bord incisif est perpendiculaire à l'axe vestibulolingual. Le sommet du cingulum est le plus souvent médian. Il est quelquefois déporté en direction du contour mésial ou du contour distal.
Le bord incisif n'est pas rectiligne. Il présente une coudure linguale dans sa portion distale. Le sommet du cingulum est le plus souvent médian, exceptionnellement déporté du côté distal.
La dent est symétrique : le bord incisif est parallèle à l'axe mésiodistal. Le contour lingual est plus étroit.
Le bord libre présente une concavité linguale du côté distal. Le sommet du cingulum est le plus souvent déporté du côté distal.
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Planche 6/6 : Contours internes : cavité pulpaire Maxillaire
Mandibulaire
Incisive centrale
Incisive latérale
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Le volume pulpaire est important. La chambre pulpaire est située au centre de la portion cervicale coronaire. Dans la partie incisive, le diamètre mésiodistal est considérablement plus important que le diamètre vestibulolingual (fig. 50, 54 et 58). Sur une coupe mésiodistale, la pulpe coronaire présente trois cornes dont la médiane est la plus petite (fig. 50).
La chambre pulpaire est située au centre de la portion cervicale coronaire. Dans la partie incisive, le diamètre mésiodistal est considérablement plus important que le diamètre vestibulolingual (fig. 51, 55 et 59). Sur une coupe mésiodistale, la pulpe coronaire présente trois cornes dont la médiane est la plus petite (fig. 51).
La chambre pulpaire est située au centre de la portion cervicale coronaire. Dans la partie incisive, le diamètre mésiodistal est considérablement plus important que le diamètre vestibulolingual (fig. 52, 56 et 60). Sur une coupe mésiodistale, la pulpe coronaire présente trois cornes dont la médiane est la plus petite (fig. 52).
La chambre pulpaire est située au centre de la portion cervicale coronaire. Dans la partie incisive, le diamètre mésiodistal est considérablement plus important que le diamètre vestibulolingual (fig. 53, 57 et 61). Sur une coupe mésiodistale, la pulpe coronaire présente trois cornes dont la médiane est la plus petite (fig. 53).
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La cavité pulpaire suit les contours externes de la dent (fig. 52 et 56). Dans la région cervicale, le diamètre vestibulolingual est légèrement plus important que le diamètre mésiodistal (fig. 52, 56 et 60).
La cavité pulpaire est semblable à celle de l'incisive centrale mandibulaire (fig. 53 et 57). Dans la région cervicale, le diamètre vestibulolingual est légèrement plus important que le diamètre mésiodistal (fig. 53, 57 et 61).
Dans la région cervicale, le diamètre mésiodistal de la chambre pulpaire est légèrement plus grand que le diamètre vestibulolingual (fig. 50, 54 et 58). Dans de nombreux cas le canal radiculaire est unique (fig. 50, 54 et 58), mais il peut exister un canal mésial et un canal distal. L'épaisseur de dentine diminue donc d'autant (fig. 50 et 54).
Dans la région cervicale, le diamètre mésiodistal de la chambre pulpaire est légèrement plus petit que le diamètre vestibulolingual (fig. 51, 55 et 59). Dans de nombreux cas le canal radiculaire est unique (fig. 51, 55 et 59), mais il peut exister un canal vestibulaire et un canal lingual.
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58 Une coupe horizontale dans la région cervicale montre une forme triangulaire à sommets arrondis dont l'un est lingual.
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Une coupe horizontale dans la région cervicale montre une forme triangulaire à sommets arrondis dont l'un est lingual..
Une coupe horizontale dans la région cervicale montre une forme ovoïde à grand axe vestibulolingual.
Une coupe horizontale dans la région cervicale montre une forme ovoïde à grand axe vestibulolingual.
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Planche 1/4 : Observation par la face vestibulaire Maxillaire
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Le diamètre mésiodistal au collet très réduit lui donne une forme en "diamant taillé". Le contour mésial présente un maximum de convexité situé à mi-hauteur coronaire. Le contour distal présente un maximum de convexité à la jonction du tiers incisif et du tiers médian qui surplombe de manière importante le contour radiculaire distal.
Les faces proximales convergent fortement dans le tiers cervical. En revanche, elles convergent dans le tiers incisif en direction de la pointe cuspidienne. Cette pointe cuspidienne est beaucoup plus aiguë que celle de la canine permanente. Elle est distalée par rapport à l'axe coronoradiculaire de la dent.
La silhouette est en fer de lance en raison d'une moindre divergence des contours proximaux dans la région cervicale. La hauteur coronaire est plus grande que le diamètre mésiodistal. Le contour mésial peut présenter un maximum de convexité à la jonction du tiers incisif et du tiers médian. Le contour distal peut présenter un maximum de convexité situé à mi-hauteur coronaire.
Les faces proximales convergent vers la ligne cervicale. Le sommet cuspidien est distalé. Il est plus aigu que celui de la canine mandibulaire permanente.
66 La racine est conique, longue et lisse. Elle se termine par un apex arrondi.
67 La racine est conique, longue et lisse. Elle se termine par un apex arrondi.
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Planche 2/4 : Observation par la face linguale Maxillaire
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On retrouve sur cette dent les mêmes éléments anatomiques que sur la canine permanente : cingulum, crêtes marginales et arête d'émail médiane. Le cingulum porte quelquefois deux tubercules dans sa partie incisive et un sillon en arc de cercle le sépare de la fosse linguale. La racine est, en règle générale, inclinée en direction du contour distal dans son tiers apical.
Les crêtes marginales sont peu marquées. Il n'existe pas de sillon sur la face linguale. La racine est conique, longue et lisse. Elle se termine par un apex arrondi.
70 71 Le maximum de convexité vestibulaire et le maximum de convexité linguale sont situés dans le tiers cervical coronaire : ils forment un bourrelet d'émail. Le cingulum est fortement proéminent et occupe la moitié de la hauteur coronaire. La racine est coudée en direction du contour vestibulaire dans son tiers apical.
Le diamètre vestibulolingual est plus court que celui de la canine maxillaire. Le cingulum est peu proéminent. Il occupe moins du tiers de la hauteur coronaire. La racine est à peine inclinée en direction du contour vestibulaire dans son tiers apical.
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Planche 3/4 : Observation par la face incisive Maxillaire
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La dent est décrite comme ayant, à l'observation par cette face, un aspect de diamant dont les différentes faces et arêtes sont bien définies.
L'aspect de la dent est similaire à celui de la canine maxillaire.
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Planche 4/4 : Contours internes : cavité pulpaire Maxillaire
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La cavité pulpaire suit l'anatomie générale de la dent. La chambre pulpaire est centrée sur le tiers cervical de la couronne. La corne pulpaire se projette en direction de la pointe cuspidienne et présente quelquefois deux cornes annexes. Il n'existe pas de limite nette entre chambre pulpaire et canal radiculaire.
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Dans la région cervicale, le diamètre mésiodistal de la chambre pulpaire est plus grand que le diamètre vestibulolingual.
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La cavité pulpaire suit l'anatomie générale de la dent. La chambre pulpaire est centrée sur le tiers cervical de la couronne. La corne pulpaire se projette en direction de la pointe cuspidienne et présente quelquefois deux cornes annexes. Il n'existe pas de limite nette entre chambre pulpaire et canal radiculaire.
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Dans la région cervicale, le diamètre vestibulolingual de la chambre pulpaire est plus grand que le diamètre mésiodistal.
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Planche 1/5 : Observation par la face vestibulaire Maxillaire
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Première molaire
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Première molaire
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C'est la plus atypique de toutes les unités dentaires tant permanentes que temporaires. Elle est généralement bicuspidée (une cuspide vestibulaire et une cuspide linguale). On peut trouver cependant, sur sa portion distale, deux petites cuspides (une cuspide vestibulaire et une cuspide linguale). La couronne est large dans le sens mésiodistal et courte dans le sens occlusocervical. La moitié mésiale est plus haute que la moitié distale. Les contours proximaux sont convexes et convergent vers la région cervicale.
La deuxième molaire temporaire ressemble à la première molaire définitive. Les dimensions sont réduites dans toutes les directions par rapport à la première molaire permanente à laquelle elle ressemble. Le diamètre mésiodistal est plus grand que la hauteur coronaire.
Elle est aussi atypique que son antagoniste. Elle présente habituellement quatre cuspides : deux sont vestibulaires et deux sont linguales. Quelquefois s'ajoute une cuspide distale. Il existe une nette disproportion entre la partie mésiale et la partie distale, tant en hauteur qu'en largeur. La cuspide mésiovestibulaire occupe les deux tiers du diamètre mésiodistal. Le contour mésial est rectiligne et surplombe légèrement le contour radiculaire mésial. Le contour distal est convexe et se projette en dehors du contour radiculaire distal.
L'isomorphie avec la première molaire mandibulaire définitive se retrouve dans : - la forme générale, - la disposition des cuspides et des sillons, - le nombre des racines. Si elle ressemble à la première molaire permanente, ses proportions générales sont différentes. Le diamètre mésiodistal est plus grand que la hauteur coronaire.
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Le contour occlusal est festonné. La cuspide mésiovestibulaire est habituellement émoussée. La cuspide distovestibulaire, lorsqu'elle existe, ne représente que le quart du diamètre mésiodistal vestibulaire. La ligne cervicale présente une concavité en direction de la cuspide mésiovestibulaire. La constriction cervicale est fortement prononcée (fig. 84 et 88). La surface coronaire est convexe dans le tiers cervical, surtout sous la cuspide mésiovestibulaire. A cet endroit, elle constitue une éminence appelée "tubercule de Zuckerkandl" (tuberculum molare).
La cuspide distovestibulaire est relativement importante. La séparation entre les deux cuspides vestibulaires est profonde et fortement marquée. La constriction cervicale est fortement prononcée (fig. 85 et 89). La surface vestibulaire est marquée par une forte convexité dans la région cervicale (tuberculum paramolare).
Le contour occlusal est marqué par la présence de deux cuspides séparées par un sillon peu profond. Les versants mésiaux des cuspides vestibulaires sont plus courts que les versants distaux. Le contour occlusal se présente en dents de scie. La constriction cervicale existe, mais elle est moins marquée que sur la seconde molaire mandibulaire (fig. 86 et 90). La surface vestibulaire est fortement convexe dans sa partie cervicale et mésiale (tuberculum molare) et plutôt plane dans sa moitié occlusale.
Le contour occlusal est marqué par la présence de trois cuspides : la cuspide mésiovestibulaire, la cuspide distovestibulaire et la cuspide distale, séparées par des sillons qui se terminent en général par des puits. La région cervicale est fortement étranglée (fig. 87 et 91). La surface vestibulaire est éminemment convexe dans sa partie cervicale (tuberculum paramolare) et plutôt plane dans sa moitié occlusale.
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Il existe trois racines : deux racines sont vestibulaires, la troisième est linguale. Elles sont fines et allongées. Le tronc radiculaire est pratiquement inexistant. La bifurcation prend naissance au collet. La racine mésiovestibulaire est plus longue que la racine distovestibulaire. Elles se projettent toutes deux en dehors des contours coronaires.
Elle présente également trois racines qui sont plus importantes que sur la première molaire. Quelquefois la racine distovestibulaire et la racine linguale ne forment qu'une seule et unique racine. Le tronc radiculaire est peu important ou inexistant. Les racines sont fines, longues et davantage divergentes que sur la première molaire.
Il existe deux racines : une racine mésiale et une racine distale. La racine mésiale est plus longue et plus large que la racine distale. Le tronc radiculaire est peu important. Les racines sont proportionnellement plus grandes que sur la seconde molaire mandibulaire.
Les racines sont étroites, peu incurvées et fortement divergentes. Le tronc radiculaire est peu important ou inexistant. Les racines sont fines, longues et davantage divergentes que sur la première molaire.
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Planche 2/5 : Observation par la face linguale Maxillaire
Mandibulaire
Première molaire
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La face linguale est plus étroite que la face vestibulaire. La cuspide mésiolinguale est plus aiguë. Le tubercule de Carabelli est exceptionnel sur cette dent. Il n'existe pas de sillon profond sur la face linguale.
Les dimensions sont réduites dans toutes les directions par rapport à la première molaire permanente à laquelle elle ressemble. L'isomorphie entre la deuxième molaire temporaire et la première molaire définitive est telle que si le tubercule de Carabelli existe sur la dent temporaire, il existera sur la dent définitive. Le sillon de Carabelli peut être profond.
Les cuspides vestibulaires sont visibles à l'observation par cette face. Il existe deux cuspides. La cuspide mésiolinguale est la plus importante et la plus acérée. Elle représente les deux tiers du diamètre mésiodistal. La cuspide distolinguale est une petite protubérance.
Les cuspides vestibulaires sont peu visibles à l'observation par cette face en raison de la hauteur des cuspides linguales. Il existe deux cuspides. La cuspide mésiolinguale et la cuspide distolinguale dont l'importance est à peu près équivalente. Sur certains spécimens la cuspide distolinguale est plus petite que la cuspide mésiolinguale.
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Les trois racines sont visibles. La racine linguale prend naissance directement au collet. Elle est conique, large et se termine par un apex arrondi.
Les racines sont fines, longues Les racines sont et davantage divergentes que proportionnellement plus sur la première molaire. grandes que sur la seconde molaire mandibulaire.
Les racines sont fines, longues et davantage divergentes que sur la première molaire.
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Planche 3/5 : Observation par les faces proximales Maxillaire
Mandibulaire
Première molaire
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La vue mésiale est caractéristique. Il existe une nette différence entre le diamètre cervical et le diamètre occlusal. Le contour vestibulaire est fortement convexe, surtout dans la région cervicale (tuberculum molare). Les racines se projettent en dehors des contours coronaires. Elles sont d'allure arciforme. Elles s'orientent en dehors des contours coronaires dans leur tiers cervical et dans leur tiers médian, puis s'incurvent en direction de l'axe général de la dent dans leur tiers apical. La face distale est plus étroite. Les trois racines sont visibles. La racine distovestibulaire est la plus courte et la plus étroite.
Les dimensions sont réduites dans toutes les directions par rapport à la première molaire permanente à laquelle elle ressemble. Le diamètre vestibulolingual est plus grand que la hauteur coronaire. Les racines se projettent en dehors des contours coronaires. Elles sont d'allure arciforme. Elles s'orientent en dehors des contours coronaires dans leur tiers cervical et dans leur tiers médian, puis s'incurvent fortement en direction de l'axe général de la dent dans leur tiers apical. Des extensions d'émail peuvent exister sur la surface radiculaire.
Un important bourrelet se projette en dehors du contour vestibulaire de la racine mésiale (tuberculum molare). Une crête transverse importante va de la cuspide mésiovestibulaire à la cuspide mésiolinguale. L'aire occlusale a un diamètre réduit dans le sens vestibulolingual. La racine mésiale masque la racine distale. Elle présente une dépression longitudinale sur toute sa hauteur. L'apex est souvent bifide. Les quatre cuspides et les contours de la racine mésiale sont visibles à l'observation par la face distale. Les reliefs distaux sont estompés.
Le diamètre vestibulolingual est relativement moins important que la hauteur coronaire par rapport à la première molaire permanente. Les racines sont très larges dans le sens mésiodistal. Elles sont cependant proportionnellement moins larges que sur la première molaire mandibulaire. La cuspide mésiolinguale est souvent masquée par la cuspide distolinguale à l'observation par cette face.
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Planche 4/5 : Observation par la face occlusale Maxillaire
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Première molaire
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La surface occlusale est marquée par la cuspide vestibulaire dont le versant central triangulaire se termine au centre de la dent. La cuspide linguale est plus petite avec un versant triangulaire moins proéminent. La cuspide distovestibulaire est peu volumineuse. Les versants centraux de la cuspide mésiolinguale et de la cuspide distovestibulaire forment fréquemment une crête oblique. Celle-ci est traversée par un sillon profond qui sépare la dent en une portion vestibulaire et une portion linguale.
Lorsque la dent présente quatre cuspides, celles-ci sont par ordre décroissant : - cuspide mésiolinguale, - cuspide mésiovestibulaire, - cuspide distovestibulaire et - cuspide distolinguale. Les versants centraux de la cuspide mésiolinguale et de la cuspide distovestibulaire forment une arête transverse qui n'est jamais coupée par un sillon de coalescence.
Les quatre cuspides sont visibles. Elles sont par ordre décroissant : - la cuspide mésiovestibulaire, - la cuspide distovestibulaire, - la cuspide mésiolinguale et - la cuspide distolinguale. Les versants centraux des cuspides mésiovestibulaire et mésiolinguale constituent une arête proéminente. Les cuspides sont séparées les unes des autres par le sillon de coalescence mésiodistal, par le sillon vestibulaire et par le sillon lingual. Le sillon vestibulaire est plus mésial que le sillon lingual.
Elle présente en général cinq cuspides qui sont par ordre décroissant : - la cuspide mésiovestibulaire, - la cuspide mésiolinguale, - la cuspide distovestibulaire, - la cuspide distolinguale et - la cuspide distale. Le diamètre vestibulolingual est moins important que le diamètre mésiodistal.
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La dent est plus large dans sa partie mésiale. L'angle mésiovestibulaire est un angle aigu. Lorsque la dent ne présente que deux cuspides, celles-ci sont de valeur équivalente. Il existe des spécimens à quatre cuspides qui ressemblent alors à la deuxième molaire.
Le diamètre vestibulolingual est plus important que le diamètre mésiodistal. La crête marginale mésiale est une structure importante de cette dent : elle porte quelquefois deux tubercules séparés par un sillon.
La forme générale est celle d'un losange dont les angles aigus sont représentés par l'angle mésiovestibulaire et par l'angle distolingual. La crête marginale mésiale existe de manière constante. La crête marginale distale est réduite ou absente. Quand elle existe, il s'agit souvent d'un tubercule.
La forme générale est trapézoïdale. La crête marginale mésiale est réduite ou absente. La crête marginale distale est le plus souvent absente. Quand elles existent, il s'agit le plus souvent de tubercules.
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Planche 5/5 : Contours internes : cavité pulpaire Maxillaire
Mandibulaire
Première molaire
Deuxième molaire
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Elle est composée d'une chambre et de trois canaux. La chambre pulpaire occupe la partie centrale du tiers cervical coronaire et du tiers cervical radiculaire. Elle présente trois ou quatre cornes dont la plus importante est la corne mésiovestibulaire (fig. 112 et 116). L'ensemble de la chambre pulpaire est déporté vers la paroi mésiale (fig. 112).
La cavité pulpaire se compose d'une chambre et de trois canaux. La chambre occupe la partie centrale du tiers cervical coronaire et du tiers cervical radiculaire. Elle présente quatre cornes pulpaires qui correspondent aux quatre cuspides, que l'on classera par ordre décroissant en : mésiovestibulaire, mésiolinguale, distovestibulaire et distolinguale. Il peut exister une corne en regard du tubercule de Carabelli (fig. 113 et 117).
La cavité pulpaire se compose d'une chambre pulpaire à quatre cornes (lesquelles correspondent aux cuspides) et deux ou trois canaux radiculaires (un ou deux canaux mésiaux et un canal distal). La chambre pulpaire occupe la partie centrale du tiers cervical coronaire et du tiers cervical radiculaire. Elle présente quatre cornes qui correspondent aux quatre cuspides. La corne mésiovestibulaire est la plus importante (fig. 114 et 118). L'ensemble de la chambre pulpaire est déporté vers la paroi mésiale (fig. 114).
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Le diamètre vestibulolingual de la chambre pulpaire est plus important que le diamètre mésiodistal(fig. 113 et 117).
La cavité pulpaire se compose d'une chambre pulpaire à cinq cornes (lesquelles correspondent aux cuspides) et trois canaux radiculaires (deux canaux mésiaux et un canal distal). La chambre pulpaire occupe la partie centrale du tiers cervical coronaire et du tiers cervical radiculaire (fig. 115 et 119).
119 Le diamètre vestibulolingual de la chambre pulpaire est moins important que le diamètre mésiodistal (fig. 115 et 119).
Morphologie Dentaire Temporaire. Bruno Tavernier. Traité de Stomatologie 22-003-M-10. 1994
120 Les canaux qui naissent dans la chambre pulpaire sont assez irréguliers. Ils sont souvent en forme de ruban. Ils présentent plus de variations morphologiques que les canaux permanents (fig. 112, 116 et 120).
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La racine mésiovestibulaire peut contenir de un à trois canaux. La racine distovestibulaire et la racine linguale contiennent de un à deux canaux (fig. 113, 117 et 121).
Il existe trois canaux : deux se situent dans la racine mésiale, un canal est situé dans la racine distale. Sur une coupe horizontale, la racine distale a une section en forme de huit (fig. 114, 118 et 122).
Il peut exister de un à trois canaux dans la racine mésiale, un canal est situé dans la racine distale. Sur une coupe horizontale, la racine distale a une section en forme de huit (fig. 115, 119 et 123).
¶ 22-003-S-13
Origine de la dent : odontode P.-F. Puech Cette recherche utilise l’homologie pour connaître l’origine de la dent dans le contexte de l’évolution. Les dents et les denticules dermiques externes ou de l’oropharynx sont des structures qui partagent un même caractère morphohistogénique appelé odontode. Ces diverses structures de l’exosquelette résultent des interactions entre l’épithélium et l’ectomésenchyme. Celles-ci sont homologues mais ont un développement propre et dès lors apparaissent comme divers modules du squelette dermique. Les conodontes forment les plus anciens odontodes qui, il y a 520 millions d’années, sont les premiers témoignages des craniates. Ces denticules de l’oropharynx se situent de ce fait à l’origine du squelette minéralisé. Les groupes vertébrés suivants ont un exosquelette dermique beaucoup plus évolué. La complexité vient de la diversité des éléments assemblés aux odontodes. Les dents, qui apparaissent il y a environ 400 millions d’années, ont une pluralité luxuriante qui résulte de la capacité qu’a la lame dentaire d’établir des séries de lignées spécifiques. Ce processus caractéristique de la dent véritable est issu du mécanisme de remplacement des denticules de l’oropharynx. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Vertébré ; Évolution ; Développement ; Homologie ; Squelette dermique ; Dent ; Odontode
Plan ¶ Introduction
1
¶ Nos lointains ancêtres Squelette dermique des vertébrés sans mâchoires Conodontes Naissance des dents chez les vertébrés à mâchoires Structure et processus évolutif
1 2 2 2 3
¶ Odontogenèse évolutive Morphogenèse de la dent Induction Odontode Module du squelette dermique Histologie et mode de développement
4 4 5 5 5 5
¶ Conclusion
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■ Introduction Chercher l’origine de la dent, c’est une façon d’apprendre comment construire une dent en observant la nature. Trouver sa première manifestation et éclaircir les causes de ce début, c’est de plus reconnaître la succession des étapes qui ont formé nos ancêtres à travers un legs génétique qui, dans le cas d’un nouvel organe, peut être appelé une mutation fondatrice. Ce qui représente un intérêt nouveau à une époque où la médecine s’engage à remplacer certains organes et intègre les tissus dentaires aux programmes de recherche qui serviront la médecine de demain [1, 2]. L’histoire de la dent débute avec des animaux dotés d’une organisation de « poisson » et pourvus d’un squelette externe minéralisé. Les plus archaïques sont dépourvus de mâchoires et de dents, mais ils peuvent être reconnus par un squelette fait d’épaisses écailles ou par des denticules qui se sont fossilisés (les Stomatologie
conodontes). Ces denticules sont comparables aux écailles placoïdes que possèdent de nos jours certains poissons au squelette interne cartilagineux. Dents, conodontes et écailles placoïdes sont des organes dits « homologues » ; c’est-à-dire que leurs caractères constitutifs ont la même origine bien que la forme et la fonction soient différentes. D’où « l’idée que les dents sont des organes indépendants qui peuvent se former ailleurs que dans nos mâchoires et qu’elles dérivent de la couverture squelettique, faite de plaques juxtaposées, qui recouvrait le corps de nos lointains ancêtres » [3]. L’objectif de cet article est donc d’explorer les potentialités offertes par le matériel de recherche que constituent les structures minéralisées externes des premiers vertébrés, qui ont en effet de nombreux points communs avec la dent, à l’aide des homologies afin de faire ressortir le sens des nouveautés successives qui concernent notre compréhension de la genèse de la dent actuelle. Il ne s’agit pas d’utiliser ces étapes pour construire un arbre phylogénétique à l’aide de groupes hiérarchiques, mais d’examiner les structures biologiques. Reconnaître le rôle du développement dans le contexte de l’évolution devient alors un outil de recherche dont les résultats concernent ce que l’on nomme l’odontogenèse évolutive.
■ Nos lointains ancêtres Les restes des animaux disparus au cours des temps géologiques sont découverts dans les roches des terrains sédimentaires. Il s’agit de tissus minéralisés partiellement préservés de la destruction comme les coquilles ou carapaces pour les invertébrés, de squelettes et de dents pour les vertébrés. Les plus anciens intéressent la période des premières phases de diversification des vertébrés, qui va de -550 à -230 millions d’années (Ma), que l’on nomme « ère primaire ».
1
22-003-S-13 ¶ Origine de la dent : odontode
Figure 1. Exosquelette (armure), d’un poisson âgé de 510 millions d’années, composé de tissu énaméloïde sans dentine ni tissu osseux.
Figure 3. Position et orientation des denticules de l’oropharynx (1, 2, 3) d’un thélodonte vieux de 425 millions d’années. 4. ouverture buccale ; 5. narine ; 6. œil.
1
2 mm Figure 2. Exemple d’un odontocomplexe constituant le squelette externe. 1. Odontode ; 2. sens de croissance des dépôts ; 3. tissu lamellaire ; 4. dentine ; 5. cavité pulpaire.
Squelette dermique des vertébrés sans mâchoires Si la plupart des premiers vertébrés possédaient déjà, à cette époque, un squelette interne cartilagineux, celui-ci n’était pas calcifié car il ne nous est pas parvenu. Seule la couverture squelettique externe minéralisée, qui recouvrait alors certains poissons, est connue à travers des fragments dont les plus anciens ont environ -510 Ma. Ces témoins sont très divers, on les regroupe pour cela sous le nom d’« ostracordermes » (grec : ostrakon, coquille ; derma, peau). Le simple examen de surface au microscope permet de reconnaître chez les plus primitifs une organisation faite de tubercules (éminences) et d’un système d’orifices (Fig. 1). La Figure 2 montre que le plus souvent, cet exosquelette est constitué de l’accumulation d’organes appelés odontodes, de canaux et d’orifices [4]. Certains ostracodermes, les hétéro-ostracés, possèdent à l’avant de la bouche des denticules (série de petites saillies très dures en forme de dents pointues) orientés vers l’avant qui devaient faciliter la filtration mais aussi, d’après leur disposition, empêcher l’animal d’agripper quoi que ce soit [5]. On observe chez les thélodontes, à -425 Ma, des denticules dans l’oropharynx qui ont pour fonction d’améliorer le courant de l’eau [6]. Nous verrons qu’à ce stade (cf. infra), les denticules dermiques externes et les denticules de l’oropharynx sont sous le contrôle de développements distincts et que les denticules de l’oropharynx appartiennent pleinement aux familles dentaires [7]. L’acquisition de cette innovation liée au perfectionnement des capacités pour faire circuler l’eau à l’intérieur de la bouche a eu des conséquences considérables pour les vertébrés : dorénavant, les gènes dentaires de spécialisation cellulaire, les gènes de répartition spatiale et les gènes de différenciation morphologique, tels que Sperber [8] les a présentés, contrôlent en cascade la formation et la constitution d’un véritable système dentaire dont la fonction est de faciliter l’absorption d’oxygène (Fig. 3).
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Figure 4. Ces conodontes (1), isolés ou assemblés en bouche, sont des denticules de l’oropharynx de poissons très nombreux à l’ère primaire.
Conodontes Ces vertébrés n’ont tout d’abord été connus que par un squelette dermique buccal minéralisé composé de l’assemblage de petits cônes dont la hauteur varie de 0,05 à 1 mm (d’où leur nom et celui de l’animal). Nous ne savons que ces cônes, répertoriés depuis 1856, sont faits de dentine, de tissus voisins de l’émail, d’os et de cartilage, sans toutefois rassembler nécessairement l’ensemble de ces éléments, que depuis 1992 [911]. Leur première fonction concernait la mécanique des fluides chez des poissons dépourvus de mâchoires. Une fois organisés, ils sont devenus les éléments d’un système manducateur (Fig. 4) ; ceci grâce à la diversification évolutive de ces cônes qui a probablement débuté il y a plus de 520 Ma pour se poursuivre jusqu’à –200 Ma. Le stade de prédateur a été atteint lorsque les denticules, assemblés en éléments de mors articulés, ont fourni des tenailles [12]. Les conodontes seraient devenus par ce moyen de féroces prédateurs [13].
Naissance des dents chez les vertébrés à mâchoires Les premiers poissons pourvus de mâchoires sont des placodermes. La grande variété des espèces de cette classe de vertébrés a permis d’examiner comment se sont mises en place les mâchoires et les dents au cours des temps [14]. Le corps des placodermes était protégé par des plaques osseuses pourvues de denticules. D’autres denticules répartis en rangées étaient présents sur une lame postbranchiale du squelette viscéral. Les denticules ayant dans l’oropharynx la fonction de canaliser l’eau, on a supposé que la première fonction de la mâchoire aurait pu être de participer également à cette fonction en augmentant l’efficacité à tirer de l’oxygène de l’eau. En effet, la fermeture de la bouche lors de l’élévation de la mandibule crée Stomatologie
Origine de la dent : odontode ¶ 22-003-S-13
d’une véritable filière. L’organisation du développement d’un système dentaire grâce à une lame dentaire semble donc cooptée de celle des denticules de l’oropharynx [7, 17, 18].
Osteichthyens Actinoptérygiens Acanthodiens Sarcoptérygiens Chondrichtyens
Placodermes
Structure et processus évolutif Ostéostracés Dents Arthrodires Dents
400 Ma
Mâchoires 439 Ma
Figure 5. Les systèmes dentaires sont apparus au cours de l’évolution indépendamment chez divers poissons à mâchoires. Ma : millions d’années.
une plus forte pression interne, ce qui favorise l’expulsion de l’eau par les fentes branchiales [15]. L’origine des mâchoires serait donc liée à l’action des denticules en bouche. Il faut attendre les espèces tardives pour que les mâchoires des placodermes soient pourvues de dents. Il s’agit alors d’organes hautement différenciés puisque leur mode de remplacement sert à l’ajustement de la mécanique des mâchoires. Le germe, qui se trouve sous la dent à remplacer, se forme au niveau d’une lame dentaire [16]. Plus tardivement, d’autres classes voisines de poissons ont développé de véritables dents, notamment les chondrichthyens (Fig. 5), qui partagent avec leurs cousins les placodermes un très grand nombre de gènes. De ce fait, il n’est donc pas étonnant que, subissant des contraintes comparables, ils aient acquis des organes semblables à partir d’un même modèle. Notons que les premiers poissons à se doter de mâchoires, comme les placodermes, sont aussi ceux qui ont eu les premiers un cou mobile pourvu d’un système musculaire qui relie la tête aux épaules. Cet échafaudage s’est trouvé impliqué dans le mécanisme d’ouverture de la mandibule. Ces poissons possédaient également une lame postbranchiale couverte de rangées ordonnées de denticules dermiques externes par leur genèse à partir d’une lame dentaire (Fig. 6). Cette évolution du processus embryologique détermine l’origine de la dent, la lame ayant la fonction
La notion de caractère homologue se trouve au centre de la recherche concernant le processus évolutif des organes. Les résultats que nous présentons, dans la deuxième partie de cet exposé, concernent les trois principaux critères de l’homologie qui sont indépendants de toute classification phylogénique. • La position. La détermination de la probable homologie peut se faire par la disposition relative des structures. On a reconnu de cette façon un certain nombre d’homologies concernant les os qui composent le crâne. • La structure. Des organes similaires peuvent être homologues mais de position différente s’ils partagent de nombreuses caractéristiques de composition. • La transition. Des structures différentes, dans des positions également différentes, peuvent être homologues s’il est possible de reconnaître les formes de transition. Ce sont ces formes de transition qui sont homologues par des critères de position et/ou de structure. Celles-ci peuvent être reconnues dans les stades de l’ontogenèse ou de la taxonomie intermédiaire. C’est de cette façon qu’a été établie l’homologie entre les osselets de l’oreille des mammifères et les os de l’articulation primitive de la mâchoire des reptiles.
“
Le mot homologue est utilisé dans de nombreuses disciplines scientifiques. En biologie, la notion d’homologie n’a cessé d’évoluer, cependant le concept développé en anatomie est celui qui imprègne l’idée d’évolution et de descendance. C’est en effet l’un des fondements de la systématique phylogénétique. Son essor en biologie du développement est important car la machinerie moléculaire qui dirige le développement est remarquablement conservée dans les différents phylums. Le principe consiste à comparer entre les organismes, ayant évolué différemment, le mode d’action des gènes lors du développement (évo-dévo en abrégé).
Figure 6. A. Les écailles placoïdes, les denticules dermiques et les dents sont des organes homologues : le modèle étant l’odontode. B. Les dents ont la particularité de se développer à partir d’une lame épithéliale dentaire qui remplit le rôle d’une filière pour donner les générations successives. 1. Derme ; 2. papille dermique ; 3. dentine ; 4. émail ; 5. écaille placoïde ; 6. plaque basale ; 7. cavité pulpaire ; 8. dent ; 9. denticule externe ; 10. lame dentaire.
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À retenir
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10 7
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A
Stomatologie
B
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22-003-S-13 ¶ Origine de la dent : odontode
■ Odontogenèse évolutive
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Pour comprendre l’origine de la dent, il faut avoir en mémoire les différents niveaux de structuration du système dentaire qui correspondent à une échelle de stades évolutifs. La dent, comme toutes les structures biologiques, possède une micro- et macrostructure qui résulte à la fois des demandes fonctionnelles qui se sont succédé au cours de la diversification phylogénique, et aussi de l’évolution du processus embryologique d’espèce en espèce. Il est donc nécessaire d’examiner le développement de la dent dans son contexte évolutif. Les caractères concernés constituent l’objet de l’odontologie évolutive [19].
À retenir
Il existe, en odontologie, un mode de connaissance analogique couvert par une odontologie fonctionnelle qui s’efforce de résoudre ce qui concerne l’identité fonctionnelle et offre ainsi quelque ressemblance avec les sciences physiques et chimiques qui présentent des méthodes d’interprétation analogique de découverte, et offre une intelligibilité en vertu de la conception cartésienne de la connaissance qui s’applique à la « maintenance » selon le terme anglo-saxon. Le système dentaire est considéré analogiquement comme une machine pour être objet de science. L’autre domaine traite des causes évolutives, c’est l’odontologie évolutive qui recherche les programmes génétiques et leurs modifications qui peuvent construire une nouvelle forme corporelle au cours de l’histoire. Sa méthode essentielle est l’observation avec recherche d’homologies jointe à l’expérimentation quand elle est possible avec présupposition ontologique relative à la nature de ce qui entre en activité dans le système dentaire.
Morphogenèse de la dent Les cellules s’ordonnent, au cours du développement, en vue d’une action coordonnée et les mêmes organes se forment à partir des mêmes feuillets. De cette façon, les dents se font à partir de l’interaction entre les cellules ectodermiques de l’épithélium oral et les cellules mésenchymateuses du derme sous-jacent modifiées par l’arrivée de cellules ectodermiques détachées des crêtes neurales. Les dents débutent leur formation au niveau des arcades dentaires 40 jours après le début de la phase embryonnaire alors que la tête prend forme (Fig. 7). L’épithélium s’épaissit, donne une ébauche ectoblastique et l’activité génique des cellules émet des signaux à l’ectomésenchyme sous-jacent. Alors que l’épithélium forme une lame qui s’enfonce, l’ectomésenchyme émet ses propres signaux et se condense autour de la protubérance qui prend la forme d’un bourgeon. À la 9e semaine, le bourgeon entoure la masse en croissance des cellules ectomésenchymateuses de façon à produire une cupule. Un module directeur organise alors les signaux pour toutes les cellules. Cette structure transitoire fournit des cellules au réticulum qui sépare l’épithélium adamantin interne de l’épithélium adamantin externe. L’épithélium adamantin externe prolonge la lame
dentaire ; c’est au point d’union que se développera le germe de la dent de remplacement. La croissance se poursuit pour former l’organe de l’émail à la 14e semaine. Durant ce stade de la cloche, les cuspides se constituent par plissement de l’épithélium adamantin interne et croissance différentielle. Chaque germe est, durant son développement, contenu à l’intérieur d’un follicule fibreux d’origine mésenchymateuse. Ces sacs sont unis par des bandes fibreuses tout au long des mâchoires, suggérant que la gaine fibreuse sert à maintenir l’espacement correct des dents. Le sac participe à la formation
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Figure 7. Développement prénatal de l’organe dentaire chez l’homme. A. 42-48 jours. B. 7 semaines. C. 9 semaines. D. 14 semaines, stade de la cloche. E. 6 à 12 mois après la naissance. 1. Épithélium interne ; 2. signal ; 3. épithélium oral ; 4. mésenchyme (à l’origine de la dentine) ; 5. bourgeon ectoblastique à l’origine de l’émail ; 6. lame dentaire ; 7. module directeur ; 8. organe de l’émail en cupule ; 9. papille dentaire ; 10. derme ; 11. épiderme ; 12. couche moyenne de cellules étoilées ; 13. épithélium adamantin interne : améloblastes face aux odontoblastes qui donnent la prédentine ; 14. épithélium adamantin externe ; 15. émail ; 16. dentine ; 17. pulpe à riche innervation sensitive ; 18. canal radiculaire ; 19. cément.
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Stomatologie
Origine de la dent : odontode ¶ 22-003-S-13
du desmodonte qui maintient la dent à l’os alvéolaire. De cette façon, 6 à 12 mois après la naissance, la première dent fait éruption dans la bouche.
Induction L’embryon se différencie en une mosaïque de champs morphogénétiques. À l’intérieur de ce gradient principal se développent des gradients secondaires. Ainsi, au gradient qui donne des vertèbres s’ajoute une variation entre les vertèbres successives. Une telle série est dite « méristique » (grec : meristos, partagé). La denture est également une série méristique dans laquelle chaque dent est construite sur un plan commun : couronne, chambre pulpaire, racine. À l’intérieur de ce champ morphologique continu, il y a des champs de type : incisive, canine, molaire. Nous avons vu que l’induction régionale de l’ectomésenchyme a une origine qui remonte au moins à -510 Ma et qu’elle résulte de la migration de cellules des crêtes neurales. Puis cette induction avait un potentiel squelettogénique et odontogénique du fait de la divergence des lignées qui conduit d’une part aux denticules dermiques externes et d’autre part aux denticules de l’oropharynx. On reconnaît aux denticules de l’oropharynx les capacités d’initiation sérielle et de remplacement successif selon un mode contrôlé à partir de la lame dentaire. L’établissement d’une morphogenèse de ce type chez les poissons fossiles a été déduit de ce qui est observé chez le requin actuel. La vitesse de remplacement, c’est-à-dire les générations dentaires successives, fait partie du processus général de la croissance du requin. Ce processus préétabli est spécifique et indépendant des besoins, si bien qu’une perte dentaire accidentelle ne précipite pas le remplacement. Moya Smith et Brian Hall ont proposé, en 1993 [20] , un schéma comparé de la disposition relative des générations de denticules dermiques externes et de denticules de l’oropharynx à partir de ces observations (Fig. 6). Le mécanisme de régulation moléculaire qui opère chez le requin et contrôle la forme et la dimension des éléments régénérés aboutit chez l’individu à un processus évolutif selon lequel les dents deviennent plus fonctionnelles à la suite de plusieurs remplacements. L’ontogénie programme donc une compétence dentaire fonctionnelle qui s’établit progressivement pour aboutir, à travers un enchaînement que nous nommons filière dentaire, à une hétérodontie de la denture. Le module directeur que nous avons fait figurer au stade de la cupule (Fig. 7) possède donc cette capacité autonome de régulation.
Odontode La structure de base du denticule a été nommée l’odontode. Il s’agit d’une unité morphohistogénique commune aux dents, denticules dermiques externes et de l’oropharynx et par conséquent propre au squelette dermique [7]. En 1967, Orvig [21] a défini l’odontode comme l’organe constitué de tissu dentinaire recouvert, dans la plupart des cas, de substance énaméloïde et qui se développe à partir d’une papille couverte de cellules épithéliales. Moya Smith et Brian Hall, en 1990, proposent un modèle de l’odontode à partir de données embryologiques concernant l’os dermique et les dents [22] ; cette double capacité, ostéogénique et odontogénique, venant de l’action des cellules des crêtes neurales dans l’organisation composée par les interactions entre l’épithélium et le mésenchyme chez les vertébrés. Ainsi, la structure du squelette dermique faite de tissu dentinaire, d’une couverture hyperminéralisée d’émail ou d’énaméloïde, et d’une assise osseuse (cellulaire ou acellulaire) qui sert de tissu d’attache, constitue l’odontode pleinement réalisé qui se présente aussi sous des formes moins abouties [4, 23] (Fig. 6). Les odontodes peuvent donc : • être pourvus d’une base osseuse fixée à de l’os endochondral ; • être indépendants ; • ou être fixés à de l’os dermique. Stomatologie
Moya Smith suppose que ces différentes formes sont le résultat de modifications évolutives de la durée et de l’importance relative du développement de l’émail et de la dentine [22]. Ainsi s’explique, à travers l’unité fondamentale de l’odontode, la complexité du squelette dermique des espèces fossiles et actuelles. Ceci jusque dans les plus petits détails comme par exemple le fait que certains rongeurs et primates ont de nos jours la face linguale des incisives inférieures qui peut être dépourvue d’émail afin de répondre à une spécialisation alimentaire [24].
Module du squelette dermique L’odontode est un composant du squelette dermique présent dans l’armure de plaques osseuses, les écailles, les nageoires charnues de certains poissons, les conodontes et les dents. Toutes ces structures ont pour origine les interactions épithéliomésenchymateuses qui produisent de l’os, de la dentine, de l’émail, de l’énaméloïde et d’autres tissus matriciels du squelette. Les diverses combinaisons dites « homologues » résultent des possibilités de varier le programme de développement à l’origine des tissus minéralisés des vertébrés [22] . Ainsi, certains os dermiques (frontal, pariétal, clavicule) qui, chez les poissons, sont pourvus de dentine et d’émail/énaméloïde, ont perdu ces éléments chez les mammifères. Cette réduction des éléments est un phénomène général que l’on observe dans les lignées évolutives mais cette dérive s’est effectuée de manière indépendante et inconstante. La perte d’une partie de la carapace osseuse recouvrant le corps des ostracodermes correspond, pour la plupart des vertébrés, à la restriction de la double capacité squelettique et odontogénique à la seule région céphalique. La condition actuelle qui pourrait le mieux représenter la condition ancestrale initiée par l’odontode est celle du squelette des polyptérides (poissons osseux actinoptérygiens des eaux douces d’Afrique), au niveau des rayons dorsaux des pinnulés [21, 25]. On observe alors des formations d’odontocomplexes [21] , composés d’unités superposées d’odontodes et de structures en couches (Fig. 8). Ces odontocomplexes sont également présents chez le coelacanthe (sarcoptérygien) et les Lépisostées (actinoptérygiens). L’évolution de ces odontocomplexes a produit une diversification qui permet d’établir un cladogramme (Fig. 9). Une autre façon d’être de l’odontode est de se présenter sous une forme isolée. C’est le cas le plus souvent chez les ostéichthyens, notamment chez les poissons-chats à armure (siluriformes) comme les Xiphioïdes et des Denticipitides. Ceux-ci possèdent des structures aux formes ancestrales ou très modifiées, ce qui permet d’établir un cladogramme général (Fig. 10). En effet, l’examen de la protection osseuse dermique à tubercules d’Anatolepis, qui est apparue approximativement en même temps que les plus anciens conodontes, montre que les plaques de type hétérostracé étaient déjà très spécialisées bien qu’elles concernent des poissons qui sont encore dépourvus de mâchoires [26]. Le denticep, un poisson osseux actuel (téléostéen), qui vit dans les rivières côtières du Nigeria et du Cameroun, possède des denticules externes et également un oropharynx pourvu d’odontodes longues et pointues. Les denticules externes sont isolés ou groupés en rangées. La dentine a une pointe couverte d’énaméloïde, une cavité pulpaire et un ligament qui la rattache à un support osseux circulaire. La dentine primaire déposée lors de la formation du denticule est couverte de dentine circumpulpaire (Fig. 11). Les odontodes de l’oropharynx du denticep présentent la même organisation mais le remodelage de l’os est si actif que celui-ci est truffé de pédicelles partiellement résorbés, une condition que l’on trouve dans les formes ancestrales [25].
Histologie et mode de développement Les odontodes sont des structures dont l’histogenèse a permis à Moya Smith et Michael Coates de montrer comment le changement de mode de sécrétion des cellules issues de l’épithélium et du mésenchyme peut produire différents tissus par simples modifications évolutives de la durée et du taux relatif
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22-003-S-13 ¶ Origine de la dent : odontode
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Figure 10. l’odontode.
Figure 8. L’odontocomplexe formé par groupement d’odontodes est de constitution variable : avec ou sans émail/énaméloïde, ou dentine, il peut être pourvu d’un réseau de canaux ou de cavités, selon Zhu et al. 2006 [4]. 1. Tubuli dentinaires du plus ancien odontode : od1 ; 2. cavité ; 3. couche d’émail e4 ; 4. couches d’odontodes od2, od3 ; 5. couches superposées d’odontodes séparées par de l’émail e1, e2, e3 et e4 ; 6. os vasculaire ; 7. os lamellaire ; 8. système de canaux et de pores (p).
Cladogramme général des vertébrés et apparition de
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Figure 11. Denticule isolé d’un poisson osseux actuel (le denticep). 1. Ligament ; 2. zone périphérique de la pulpe avec odontoblastes ; 3. dentine primaire ; 4. tissu énaméloïde ; 5. dentine secondaire circumpulpaire ; 6. pulpe (zone centrale faite de tissu conjonctif lâche) ; 7. support osseux circulaire.
Figure 9. Coupes histologiques d’odontocomplexes de poissons osseux actinoptérygiens (téléostéen et proches) qui présentent des couches superposées d’odontodes et d’émail ; les sarcoptérygiens (coelacanthe, poissons pulmonés et tétrapodes) ne présentent qu’une épaisseur d’odontodes couverts d’émail.
du développement. L’émail et l’énaméloïde sont par conséquent produits par les mêmes cellules [7] . De ce fait, l’émail des
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premiers conodontes a pu précéder l’énaméloïde des autres premiers poissons. La différence vient de ce que l’émail est entièrement d’origine épithéliale alors que l’énaméloïde résulte de l’activité combinée de l’épithélium et du mésenchyme. Ces modes de formation sont déduits de l’examen des lignes d’apposition et de la disposition des cristaux qui forment les protoprismes et les prismes (Fig. 12). L’émail est sécrété à l’interface mésenchyme–épithélium, avec un départ sur la lame basale et une croissance centrifuge. Alors les cellules épithéliales n’ont plus de contact avec le mésenchyme de la papille dentaire car la dentine est déjà formée, les odontoblastes étant différenciés avant les améloblastes. Le produit de sécrétion des améloblastes se dépose sur une dentine déjà minéralisée et s’éloigne de la jonction émail-dentine. Les couches successives de sécrétion d’émail accroissent ainsi l’épaisseur de l’émail et aussi la hauteur de la couronne. Moya Smith a montré que la particularité de l’énaméline, protéine de l’émail, était de déposer les cristaux alors que l’amélogénine contrôle leur croissance et leur disposition [27]. L’énaméloïde, au contraire de l’émail, peut être sécrété à la fois par les odontoblastes (cellules du mésenchyme) et les Stomatologie
Origine de la dent : odontode ¶ 22-003-S-13
Figure 12. Coupes indiquant l’hétérochronie de la formation de l’émail (5) et de l’énaméloïde (6) selon Moya Smith. Il s’agit pour la dent du stade de la cloche, organe de l’émail. L’émail se forme en direction opposée au dépôt de la dentine (7) qui a déjà débuté sa calcification. Les améloblastes (1) se différencient avant que les odontoblastes (2) ne produisent la dentine sous et à travers la lame basale (11), puis la minéralisation de l’énaméloïde débute (10) (flèche A), suit alors la minéralisation de la dentine (flèche B). 3. Jonction émail-dentine ; 4. jonction énaméloïde-dentine ; 8. canalicules dentinaires de la dentine ; 9. prédentine.
améloblastes (cellules épithéliales) dans l’espace à la jonction du mésenchyme et de l’épithélium. Les améloblastes produisent sous et à travers la lame basale et leur produit se mélange avec celui des odontoblastes. La croissance de l’énaméloïde se fait alors dans deux directions opposées et la minéralisation ne se produit que lorsque toute l’épaisseur voulue a été déposée. La prédentine débute sa formation en même temps que la minéralisation de l’énaméloïde et de ce fait, il se produit un mélange qui explique que l’énaméloïde contient des tubules de l’odontoblaste. Ainsi, les améloblastes et les odontoblastes sont compagnons les uns des autres mais ne fusionnent pas, seuls les produits élaborés (émail et dentine) peuvent se mêler ou rester côte à côte. Il existe de même une flexibilité du mésenchyme activé par les cellules des crêtes neurales lorsqu’il se condense sous forme de nodule. Ce dernier peut être préodontogénique, préostéogénique ou préchondrogénique. L’indépendance de ces populations cellulaires dans la manière de se combiner permet la formation des denticules et des dents, avec de l’os basal ou du cartilage. L’association localisée des tissus dermiques, de l’os dermique et (ou) du cartilage viscéral induit des attaches différentes qui peuvent être constituées de fibres, de tissu connectif dense, d’ankylose à os périchondral ou dermique. Sans os dermique (chez les chondrichthyens), la proximité des germes dentaires au cours du développement permet la fusion de l’os basal des différents germes en un os commun [7]. Une divergence à partir de modes différents de développement des cellules mésenchymateuses induites par les cellules des crêtes neurales est à l’origine : • des denticules dermiques, sans chondrogenèse et avec ou sans os dermique ; • ou des denticules de l’oropharynx, avec assise cartilagineuse seule ou avec l’addition d’os dermique. La structure de l’odontode, répétée comme un motif plus ou moins développé et pouvant être modifié, a été à l’origine de l’armure osseuse qui protégeait les anciens poissons appelés ostracodermes et placodermes. Au contraire de ce qui se produit pour les denticules dermiques externes, les denticules de l’oropharynx se présentent sous forme de série méristique avec un remplacement des denticules contrôlé par la lame denticulaire ; ce fait est le caractère qui différencie la dentition (action de formation et d’éruption des dents, ce que nous nommons le système dentaire). La faculté de se répliquer en un même lieu précis où l’élément se trouve intégré à une mécanique (de l’eau ou des aliments) permet un Stomatologie
ajustement (par exemple dans la complexité des détails morphologiques) grâce à la possibilité de transmettre des messages aux générations futures. Cette suite de constatations conduit à donner la définition suivante : l’odontode est une structure issue de la migration de cellules des crêtes neurales dont le développement peut être, d’une part à l’origine des denticules dermiques et d’autre part, au cas où s’installe une lame dentaire, à l’origine des denticules de l’oropharynx ou de dents véritables.
■ Conclusion Ainsi, l’étude de l’origine de la dent montre comment il est possible de jeter un autre regard sur la construction du squelette et des dents lors des premières étapes des vertébrés. On connaissait les similitudes de développement embryologique et de constitution des dents et des écailles placoïdes des poissons cartilagineux actuels. Du fait que ces derniers étaient admis comme « primitifs » comparés aux poissons osseux, on avait considéré les denticules dermiques du squelette externe des premiers poissons comme étant d’une façon ou d’une autre à l’origine de la dent. Cette référence paléontologique avait servi à définir la dent comme une phanère dermoépidermique de la muqueuse apparue indépendamment des mâchoires [28]. Cependant, les squelettes dermiques externes de protection les plus anciens que l’on connaisse se présentent sous des formes qui paraissent trop spécialisées pour avoir pu être à l’origine d’un nouvel organe comme la dent. Récemment, un scénario proposé par Gans et Northcutt [29] concernant la condition première des vertébrés (alors sous forme de simples crâniates) a modifié le cours des recherches sur l’origine de la dent en supposant que l’acquis évolutif décisif dans la conquête du milieu aquatique avait été tout d’abord l’amélioration des échanges respiratoires [30]. Si bien que les découvertes qui n’avaient pu être interprétées auparavant à propos des variations de forme de denticules coniques sédimentés au fond des mers, les conodontes, ont été identifiées comme faisant partie d’un système. Ces animaux conodontes, dont le squelette dermique minéralisé n’était constitué que de denticules de l’oropharynx, ont permis d’envisager l’odontode comme modèle. En invoquant la logique et les propriétés histologiques, il a été possible de définir plus largement l’odontode et de formuler une hypothèse phylogénique (phylogenic system definition [31]). Le squelette dermique externe se serait constitué
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22-003-S-13 ¶ Origine de la dent : odontode
après la séparation d’avec les formes ancestrales à l’origine des poissons actuels sans mâchoires, les myximes et les lamproies dépourvus d’odontodes. Une cause de variation du développement qui existe entre l’émail et l’énaméloïde a ensuite permis de comprendre la relation par combinaison d’éléments de l’odontode qui restent indépendants, ce qui facilite une individuation évolutive embryonnaire aux conditions du moment [27]. En définitive, l’unité structurale du squelette dermique des premiers poissons osseux a pu être ainsi reconnue, dès l’aube des vertébrés il y a environ 520 Ma. Ainsi, l’odontode a eu un rôle pilote dans l’évolution du squelette dermique et donc dans la formation du crâne dans son ensemble. Cette structure de base est maintenant mieux connue à travers un enchaînement de différenciations qui a fait que l’odontode, en se dotant d’un procédé de succession, est à l’origine d’un système dentaire dans différentes lignées de vertébrés, et donne naissance à la dent. Même si nous avons actuellement les éléments nécessaires pour établir une phylogénie de la dent, qui d’ailleurs se présente comme ayant au moins deux origines indépendantes, nous ne pouvons pas affirmer avoir tout découvert. Nous avons seulement acquis une meilleure connaissance des structures qui, chez les lointains ancêtres de l’ère primaire, permettent de comprendre l’origine de la dent. Il s’agit d’un modèle qui a prévalu à travers toute une variation de fonctions et de formes, c’est ce que Woodger [32] a nommé en biologie le Bauplan (projet). Ce concept ne se réfère pas à un ancêtre particulier et laisse de ce fait la possibilité de reconnaître des agencements encore inconnus et de remettre en cause toute phylogénie proposée qui ne peut jamais être plus qu’une approche temporaire qui dépend d’entités qui évoluent avec nos connaissances [33]. .
■ Références [1] [2] [3] [4]
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P.-F. Puech, Docteur en sciences odontologiques, docteur en géologie des formations sédimentaires, habilité à diriger des recherches ([email protected]). Institut de paléonthologie humaine, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France, Laboratoire d’anatomie de la Faculté de médecine La Timone (directeur : professeur V. Di Marino), 264, Boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 05, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Puech P.-F. Origine de la dent : odontode. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-003-S-13, 2007.
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Stomatologie
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Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire J. Romerowski, G. Bresson La nécessité d’adapter la morphologie des dents à la physiologie de l’appareil manducateur de chaque patient est apparue très tôt dans l’histoire de l’odontologie. Elle a donné naissance à la technique de la cire par addition. Cette technique, outre son apport à la très grande précision des morphologies, est devenue un procédé pédagogique d’importance dans la mesure où elle permet, au-delà du simple apprentissage de l’anatomie dentaire, de comprendre le rôle fonctionnel des différentes structures qui composent les unités dentaires. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Morphologie axiale ; Arête vestibulaire ; Arête linguale ; Ligne de transition ; Protection du parodonte ; Morphologie occlusale ; Verrou d’occlusion ; Relations occlusales ; Relations cuspide-embrasure ; Relations cuspide-fossette ; Protection canine ; Protection de groupe postérieur
Plan ¶ Historique
1
¶ Matériel
2
¶ Code couleur
2
¶ Méthodologie
2
¶ Application à l’étude de l’anatomie dentaire fonctionnelle sous ses aspects statiques Étape préparatoire Étape occlusale Étape axiale Étape de finition
3 3 3 6 6
¶ Application à l’étude de l’anatomie dentaire fonctionnelle sous ses aspects cinématiques Étape préparatoire Étape occlusale Étape de finition
6 7 7 9
¶ Conclusion
10
■ Historique Depuis la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, les professionnels de l’odontologie ont essayé de reproduire la si particulière cinématique mandibulaire. La création en 1925, sous l’influence de Beverly B. McCollum, de la Gnathological Society of California a été le point de départ de la mise en œuvre d’appareils de simulation de grande précision [1]. Cette recherche de précision a abouti au développement d’une technique d’élaboration des morphologies occlusales : la technique de la cire par addition. En 1941, Everitt Payne, collaborateur de McCollum, en eut le premier l’idée. L’approfondissement des sillons des faces occlusales, réalisées en cire par soustraction, s’effectuait à l’aide d’une sonde chauffée et donnait de la sorte des reliefs cuspidiens, répondant ainsi aux critères définis par son maître : « l’articulaStomatologie
tion ne peut exister qu’avec des dents qui possèdent des cuspides dont les contours, la dimension et la position sont exacts » (B.B. McCollum). Par la suite, le protocole de construction fut affiné par Everitt Payne [2], passant de l’approfondissement des sillons de coalescence à la construction d’unités cuspidiennes par addition de cire (Fig. 1). Les bases de la technique furent ainsi jetées, ouvrant la porte à son développement par d’autres auteurs [3-6]. Chacun d’eux apporta sa contribution pour répondre à des concepts différents : ainsi l’occlusion organique de l’École gnathologique [7-10] ou encore les différentes relations statiques permettant d’obtenir les relations cinématiques espérées [11]. Peter K. Thomas donna son nom à la trousse d’instruments qui facilite la pratique de la technique, ainsi qu’à une méthode de construction. Richard W. Huffman introduisit dans un but didactique un code couleur [12]. L’ensemble des techniques proposées jusqu’alors ne concernait que les faces occlusales des dents cuspidées. En 1968, Hiroshi Ueno de l’université de Portland (Oregon) eut l’idée d’étendre les principes de construction à l’ensemble des parois axiales coronaires des dents [13]. En 1971, à l’occasion de la création d’un nouveau service d’anatomie dentaire de l’UFR d’odontologie de l’université Paris VII, une méthode différente d’apprentissage de cette discipline fut développée et appliquée. Jusqu’à cette date, l’apprentissage s’effectuait, comme partout dans le monde, par soustraction et reproduction dans des blocs de plâtre, de cire ou de galalithe de la morphologie théorique des dents. Contrairement aux méthodes soustractives largement employées dans nos professions, les méthodes additives ne nécessitent pas de prédispositions artistiques particulières. De plus, elles révèlent des avantages pédagogiques étonnement remarquables [14, 15] : de la même façon que le sculpteur apprend à monter des formes en terre glaise avant de s’attaquer à un matériau dur, le futur praticien et le futur technicien de laboratoire abordent l’apprentissage de l’anatomie dentaire par la méthode additive, laquelle n’est pas exclusive car elle peut comporter également des séquences de soustraction. À la différence des techniques présentées partout dans le monde, lesquelles ne concernent que la reconstruction des faces occlusales, la méthode présentée ici propose l’élaboration des
1
22-003-P-30 ¶ Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire
Tableau 1. Code couleur.
A
1. Crête marginale mésiale
Cire violette
2. Versant mésial de la cuspide linguale
Cire verte
3. Versant central de la cuspide linguale
Cire orange
4. Versant central de la cuspide vestibulaire
Cire orange
5. Cône d’appui de la cuspide de guidage
Cire bleue
6. Arête vestibulaire et arête linguale
Cire violette
7. Lignes de transition
Cire orange
8. Finition
Cire ivoire
Source de chaleur
1
2 3
4
B Figure 1. A. Le prototype d’Everitt Payne comporte un cône cuspidien sur lequel prennent appui le versant mésial, le versant distal, le versant central et le versant périphérique de chaque cuspide. B. La conjonction de plusieurs unités d’Everitt Payne permet la mise en œuvre des faces occlusales des dents cuspidées.
couronnes des dents dans leur globalité, car du rétablissement des structures occlusales des dents dépend l’élaboration de leurs parois axiales et, par conséquent, la protection du parodonte. L’équipe d’enseignants de la Faculté, bénéficiant de l’expérience de leurs prédécesseurs, a pris conscience de la nécessaire précision des rapports et des relations donnés aux éléments mis en œuvre : aussi le développement des principes additifs de construction des unités dentaires a-t-il permis de mettre en valeur la notion de structures : la dent n’est plus un ensemble qu’il s’agit de reproduire, mais une conjonction de structures qu’il est possible d’analyser dans leur morphologie propre et d’adapter à l’environnement général des arcades. La précision des formes, du volume et/ou des proportions, de la position de chaque structure s’impose alors et au-delà, un rôle fonctionnel peut être attribué à chacune d’entre elles, confirmant ainsi le constat de Konrad Lorenz : « l’existence de structures et de fonctions créées par l’adaptation est caractéristique des êtres vivants » [16]. Cette façon d’aborder l’anatomie dentaire permet de l’adapter à chaque situation clinique.
■ Matériel La pratique de la technique de cire par addition nécessite : • une source de chaleur : une lampe à alcool sera préférée à la veilleuse d’un bec Bunsen en raison de la douceur de la flamme ; • une trousse d’instruments de PK Thomas (PKT) : les instruments n° 1 et 2 sont des vecteurs de chaleur et, par là même, les seuls instruments qui seront portés à la flamme ; ce sont des sondes aux extrémités arrondies et aux diamètres variés qui conditionnent le volume des gouttes de cire formées ; les instruments n° 3, 4 et 5 sont des instruments de soustraction qui peuvent être utilisés selon les formes à développer ; • des bâtonnets de cire à inlay de différentes couleurs qui permettent de différencier chacune des structures construites et, par-là, de discerner les erreurs éventuelles ; • une assiette à escargots en acier ou une palette à logements en céramique afin de disposer d’un réceptacle pour chaque couleur de cire et pour effectuer des mélanges lorsque certaines couleurs de cire ne sont pas disponibles ;
2
Palette de cires colorées
Modèle de travail
Figure 2. Le développement ergonomique suppose quatre temps. Temps 1 : l’extrémité de l’instrument est portée à la flamme ; temps 2 : l’extrémité chauffée de l’instrument est portée sur la cire de la couleur sélectionnée ; temps 3 : la partie intermédiaire de l’instrument emmagasine de la chaleur ; temps 4 : l’instrument dépose la cire sur le modèle de travail ; temps 5 : le cycle reprend à partir du temps 1.
• un pinceau à poils durs n° 10 qui servira à évacuer les excès de cire lors des séquences de soustraction ; • du stéarate de zinc appliqué à l’aide d’un pinceau à poils souples n° 12 qui sert à repérer les différents contacts au cours de l’étude des relations interarcades sur les plans statique et cinématique ; • des crayons de couleurs variées qui sont utilisés pour effectuer les différents marquages sur les modèles de travail afin de capter un maximum de renseignements utiles à la construction future ; • des modèles de travail comportant, selon le cas, un ou plusieurs modèles positifs unitaires (MPU).
■ Code couleur Afin de faciliter la définition de chaque structure composant la couronne des unités dentaires et la compréhension de son rôle fonctionnel, des couleurs différentes seront proposées pour l’élaboration de chacune d’entre elles (Tableau 1).
■ Méthodologie Le modèle de travail, la palette de cires et la source de chaleur sont placés aux sommets d’un triangle de manière à aller aisément depuis la source de chaleur à la palette de cire et au modèle de travail (Fig. 2). L’extrémité du vecteur de chaleur (instrument n° 1 ou 2 de PKT) est portée dans la flamme (temps 1), puis sur la cire sélectionnée (temps 2). Le temps 3 apporte la partie intermédiaire entre l’extrémité et le manche de la sonde au-dessus de la flamme de manière à ce qu’elle emmagasine de la chaleur et qu’elle maintienne la fluidité de la cire. Au cours du temps 4, la cire est déposée sur le modèle de travail et modelée en fonction de la forme préconisée pour élaborer la structure souhaitée. Quelques exercices préalables permettent de maîtriser la technique de manière à réaliser les quatre archétypes de base qui servent à la création des différentes structures (Fig. 3). Stomatologie
Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire ¶ 22-003-P-30
Figure 3. A. Archétype en forme d’hémicylindre. B. Archétype en forme de cône. C. Archétype en forme de bulbe. D. Archétype en forme d’arête.
A
B
D
C
des extensions vestibulaires et linguales situées dans le même plan horizontal que les zones proximales de contact. Afin de permettre la réalisation des crêtes marginales, les appuis proximaux libèrent un espace de 1 mm environ par rapport au niveau des crêtes marginales voisines. À l’observation par la face occlusale, ils sont placés de façon symétrique, en application de la règle de symétrie des embrasures, comme l’indiquent de nombreux auteurs [17, 19, 20]. L’embrasure linguale est profonde et étroite. L’embrasure vestibulaire est plus largement ouverte et peu profonde. Le seul contact avec la dent adjacente est représenté par le cône proximal bleu et non par l’appui proximal jaune.
Ainsi sont évitées les erreurs de manipulation telles qu’excès ou insuffisance de chauffe de l’instrument, excès ou insuffisance de chauffe de la cire, etc. Dans une première partie, la construction de la 2e prémolaire maxillaire permet de démontrer l’intérêt de la technique pour l’intégration de cette dent selon des considérations uniquement statiques [17, 18]. Une seconde partie aborde les problèmes de l’intégration des dents cuspidées dans le contexte cinématique des déplacements mandibulaires [17]. L’un des principes qui président au protocole d’élaboration – principe qui sera retenu tout au long de ce travail – est de conserver le maximum de visualisation des structures au cours des différentes étapes successives. Ainsi peuvent être contrôlés de manière constante les rapports et les relations de ces structures avec les éléments environnants et antagonistes. Dans cette perspective, la conservation de la visibilité par la face vestibulaire sera maintenue jusqu’à la dernière limite : « Toujours voir clair » (André Marmasse).
■ Application à l’étude de l’anatomie dentaire fonctionnelle sous ses aspects statiques La construction de la seconde prémolaire maxillaire s’effectue en quatre étapes qui sont : l’étape préparatoire, l’étape occlusale, l’étape axiale et l’étape de finition.
Étape occlusale Crêtes marginales
.
.
Étape préparatoire
Relations occlusales
Dans toute situation clinique, les modèles positifs unitaires présentent une préparation occlusale réduite afin de permettre l’insertion de la pièce prothétique. Il est nécessaire d’agrandir le diamètre mésiodistal de manière à agencer les différentes structures occlusales. Cette étape est aussi importante que les suivantes, dans la mesure où toute erreur commise au cours d’une étape induit des difficultés de mise en place des structures suivantes.
En intercuspidie, si la partie périphérique de la crête marginale mésiale de la 2e prémolaire maxillaire entre en contact avec le versant distal de la cuspide vestibulaire de la 2e prémolaire mandibulaire (cf. Fig. 6), nous sommes en présence d’une relation occlusale de type cuspide-embrasure, relation que l’on retrouve également sur la partie distale de la construction si le versant périphérique de la crête marginale distale entre en contact avec le versant mésial de la cuspide mésiovestibulaire de la 1re molaire mandibulaire (Fig. 4). Si le versant central de la crête marginale mésiale de la 2e prémolaire maxillaire entre en contact avec le versant mésial de la cuspide vestibulaire de la 2e prémolaire mandibulaire (Fig. 5), la relation occlusale de cette dernière cuspide sera de type cuspide-fossette. Dans ce cas, il n’y a pas de contact sur la crête marginale distale.
Contacts proximaux .
Des lignes verticales et horizontales sont tracées sur les faces proximales des dents adjacentes. Ces lignes délimitent les maxima de convexité de ces faces. Des cônes de cire bleue établissent les contacts proximaux qui sont réalisés sous forme de point, de surface circulaire ou ovoïde en fonction des conditions cliniques.
.
.
Ce sont les limites mésiale et distale de l’aire occlusale (le terme « table occlusale » doit être réservé à la forme de préparation coronaire des unités dentaires en prothèse en raison de sa connotation de surface plane alors que le terme « aire occlusale » doit être utilisé pour les dents naturelles et les reconstitutions prothétiques car il sauvegarde la notion d’association de structures convexes). Les crêtes marginales sont modelées en cire de couleur violette sous la forme d’hémicylindres. Elles se situent à la partie la plus périphérique de l’appui proximal. Vue par la face occlusale, la crête marginale suit le même contour que l’appui sous-jacent. Sa dimension vestibulolinguale est celle de la crête marginale contiguë. La partie la plus proéminente se situe en dedans du contour périphérique. C’est cette partie qui ouvre l’embrasure occlusale qu’elle forme avec la crête marginale voisine.
Appuis proximaux
Cuspide d’appui ou cuspide de centrée
Ces appuis ont pour objectif d’élargir avec précision la surface occlusale du MPU en tenant compte des embrasures. Leurs limites vestibulaires et linguales sont déterminées en plaçant une sonde, une réglette ou un instrument PKT n° 1 ou 2 perpendiculairement à la paroi axiale du MPU et tangent à la face vestibulaire ou à la face linguale adjacente de la dent voisine. Des repères sont ainsi tracés au crayon sur le MPU et sur les dents adjacentes. Il est procédé de la même façon pour tout secteur proximal. Les appuis proximaux sont alors façonnés en cire jaune. Ce sont
Pointe cuspidienne
Stomatologie
.
.
Vue par la face occlusale, la pointe cuspidienne se situe dans la continuité de la courbe des cuspides d’appui maxillaires. Cette courbe est tracée sur le modèle. La position d’intercuspidie indique la relation occlusale qu’il faut établir. Dans le cas d’une relation de type cuspide-fossette, une ligne verticale est tracée sur la face linguale du MPU, au-dessus de la fossette distale de la 2e prémolaire mandibulaire. Un cône de cire rouge est élaboré. Celui-ci n’établit jamais de contact avec les structures antagonistes.
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22-003-P-30 ¶ Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire
Il faut prendre soin de choisir la relation occlusale qui n’induit pas de distorsion anatomique (dysmorphies) [21], car ce choix n’est absolument pas déterminant quant aux objectifs cinématiques (protection canine ou protection de groupe). Versant cuspidien mésial et versant cuspidien distal
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Figure 4. Si le contact s’effectue entre le versant périphérique de la crête marginale mésiale maxillaire et le versant distal de la cuspide vestibulaire mandibulaire, la relation est de type cuspide-embrasure.
Ils sont modelés en cire verte à l’aide de l’archétype en forme d’arête. À l’observation par la face occlusale et par la face, ils font partie d’une portion de sphère. Dans le sens vestibulolingual, la pointe cuspidienne est la partie la plus périphérique de l’aire occlusale. Dans le sens occlusocervical, la partie la plus proéminente est également la pointe cuspidienne. Par conséquent, les versants cuspidiens sont moins proéminents et moins périphériques que la pointe cuspidienne. Le versant cuspidien mésial et le versant cuspidien distal rejoignent les crêtes marginales proximales de façon progressive. Ces structures interviennent dans les relations maxillomandibulaires. Dans une relation de type cuspide-fossette, le versant mésial de la cuspide de la 2e prémolaire maxillaire entre en contact avec le versant central de la cuspide distolinguale de la 2e prémolaire mandibulaire (Fig. 6). Le versant distal de cette cuspide entre en contact avec le versant central de la crête marginale de la 2e prémolaire mandibulaire. Dans le cas d’une relation de type cuspide-embrasure (Fig. 7), le versant cuspidien mésial entre en contact avec le versant périphérique de la crête marginale distale de la 2e prémolaire mandibulaire. Le versant cuspidien distal entre en contact avec le versant périphérique de la crête marginale mésiale de la 1re molaire mandibulaire. Versant cuspidien central
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Figure 5. Si le contact s’effectue entre le versant central de la crête marginale mésiale maxillaire et le versant mésial de la cuspide vestibulaire mandibulaire, la relation est de type cuspide-fossette.
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Dans le cas d’une relation de type cuspide-embrasure, une ligne verticale est tracée sur la face linguale du MPU, en regard de l’embrasure antagoniste (entre 2e prémolaire et 1re molaire mandibulaire). Un cône de cire rouge est façonné, lequel n’établit aucun contact avec les faces antagonistes.
a
b
a
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À l’aide de cire orange, l’archétype en forme de bulbe est utilisé pour réaliser ce versant. Le versant central affecte dans toutes les directions une forme convexe, en rapport avec la forme générale de la cuspide. La partie la plus proéminente du bulbe est médiane. À l’observation par une face proximale, la pointe cuspidienne demeure la partie la plus saillante de la cuspide d’appui. Les relations interarcades ne concernent que la relation de type cuspide-fossette : un contact doit être établi entre le pan mésial du versant central de la cuspide linguale maxillaire et le pan distal du versant central de la cuspide vestibulaire de la seconde prémolaire mandibulaire (Fig. 8). Dans une relation de type cuspide-embrasure, il n’existe aucun contact sur le versant central de la cuspide linguale. Comme le montre cette technique, la philosophie qui la soustend est de simuler la nature et non de représenter un concept prédéterminé.
a
b
b
Figure 6. Les relations de la cuspide linguale maxillaire sont de type cuspide-fossette lorsque les contacts s’effectuent entre le versant mésial de la cuspide linguale maxillaire et le versant central de la cuspide linguale mandibulaire (a) d’une part et entre le versant distal de la cuspide linguale maxillaire et le versant central de la crête marginale distale de la prémolaire mandibulaire (b) d’autre part.
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Stomatologie
Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire ¶ 22-003-P-30
c
c
d
c
d
c
d
d
Figure 7. Les relations de la cuspide linguale maxillaire sont de type cuspide-embrasure lorsque les contacts s’effectuent entre le versant mésial de la cuspide linguale maxillaire et le versant périphérique de la crête marginale distale de la seconde prémolaire mandibulaire (c) d’une part et entre le versant distal de la cuspide linguale maxillaire et le versant périphérique de la crête marginale distale de la 1re molaire mandibulaire (d) d’autre part.
Figure 8. Dans la relation de type cuspide-fossette, le pan mésial du versant central de la cuspide linguale maxillaire entre en relation avec le plan distal du versant central de la cuspide vestibulaire mandibulaire.
Figure 9. Dans la relation de type cuspide-fossette, le versant central de la cuspide vestibulaire maxillaire entre en contact avec le versant central de la cuspide vestibulaire mandibulaire.
C’est pourquoi, la cuspide de centrée est construite après examen de la situation relative des dents antagonistes : c’est elle qui détermine le type de relation occlusale. Il est indispensable de toujours garder présent à l’esprit que toute erreur de positionnement de la pointe cuspidienne dans le sens vestibulolingual diminue ou agrandit la surface occlusale. Cette remarque vaut pour toutes les structures. Il est donc nécessaire, à chaque étape, de contrôler la position, le volume et la forme de la structure en cours d’élaboration par rapport aux dents adjacentes.
Il est délimité, dans la partie centrale de la face occlusale, par le prolongement de la courbe des sillons de coalescence. L’observation par une face proximale montre une forme de contour éminemment convexe dans la partie centrale du versant. La convexité va en diminuant au fur et à mesure qu’elle se rapproche de la pointe cuspidienne. Dans une relation occlusale de type cuspide-embrasure, le versant central de la cuspide vestibulaire n’est pas concerné. En revanche, dans le cas d’une relation de type cuspide-fossette, le pan mésial du versant central de la cuspide vestibulaire entre en contact avec le versant distal de la cuspide vestibulaire de la 2e prémolaire mandibulaire (Fig. 9).
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Cuspide de guidage ou cuspide de préhension Pointe cuspidienne
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La courbe des pointes cuspidiennes vestibulaires est tracée sur les dents adjacentes. Puis une ligne verticale, portée sur la face vestibulaire du MPU, indique la position de la pointe cuspidienne dans le sens mésiodistal. Pour des raisons esthétiques, cette ligne peut être située plus ou moins proche du contour mésial. La hauteur de la cuspide est déterminée par la courbe de Spee. Là encore, c’est la situation clinique qui détermine le modelage. Un cône de cire bleue est façonné pour représenter la pointe de la cuspide. Ce cône s’oriente de manière à provoquer un surplomb horizontal qui protégera la joue de tout risque de morsure.
Versant mésial et versant distal
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Versant central Il est modelé en cire orange avant le versant mésial et avant le versant distal : cela permet une meilleure visibilité des relations occlusales. Stomatologie
Ils sont façonnés sous la forme d’une arête de cire verte. À l’observation par la face vestibulaire, la pointe de la cuspide reste la partie la plus saillante de la construction. Le versant mésial est plus incliné et plus court que le versant distal. Les deux versants sont légèrement convexes et se terminent du côté proximal par un angle qui souligne l’embrasure occlusale. L’examen par la face occlusale montre que la pointe de la cuspide est la partie vestibulaire la plus périphérique de l’aire occlusale. L’angle formé par le versant mésial et par le versant distal mesure environ 160°. Ces versants sont légèrement convexes et se terminent du côté proximal par un angle qui souligne l’embrasure vestibulaire. Ces angles, tant vestibulaires qu’occlusaux, sont très souvent négligés ou méconnus en odontologie restauratrice. Ils ont cependant une réelle importance esthétique et jouent un rôle majeur de protection du parodonte.
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22-003-P-30 ¶ Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire
Arrivé à ce stade du modelage, et à l’instar d’autres techniques de cire par addition, seules la face occlusale et les relations interarcades ont été prises en compte. L’étape suivante se rapporte davantage aux considérations parodontales.
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Étape axiale L’objectif de cette séquence est la mise en œuvre des lignes de force des parois axiales et par là même de la forme de protection du parodonte.
Aire occlusale Fossettes triangulaires
Arête vestibulaire .
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La ligne verticale de plus grand contour vestibulaire est réalisée autour d’un cône de cire orange qui représente le maximum de convexité de la face vestibulaire. Celui-ci se situe à la jonction du tiers cervical et du tiers médian de la couronne. Cette position peut varier selon le cas clinique et s’éloigner ou se rapprocher de la ligne cervicale. L’observation de dents naturelles montre que l’importance du surplomb horizontal du maximum de convexité est de l’ordre de 0,5 mm par rapport à la ligne cervicale. L’arête vestibulaire est modelée ensuite en cire violette sous forme d’un hémicylindre. Elle est fortement convexe dans le tiers cervical et dans le tiers médian.
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Étape de finition Une cire de couleur ivoire est utilisée pour cette séquence. Aucune modification n’est apportée, ni par addition, ni par soustraction, au bâti de cire initial. Tous les éléments architecturaux représentent les lignes de force des parois axiales et doivent conserver leur forme de contour initial.
Parois axiales Ces surfaces sont généralement lisses. La face vestibulaire peut subir une caractérisation en rapport avec la morphologie des
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Ces sillons sont accentués à l’aide de différents instruments de Peter K. Thomas (PKT). Leur finition s’obtient en utilisant une sonde légèrement chauffée comme le recommande E. Payne. Sillons secondaires
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Les espaces qui séparent les fossettes triangulaires des structures de l’aire occlusale sont comblés par des bulbes accessoires, bordés de sillons secondaires. Ils doivent être réalisés par addition et non par soustraction. Les bulbes accessoires sont des éléments de cisaillement. Les sillons secondaires sont des évents accessoires. Parfois, après une sculpture, il y a lieu d’éliminer les excès avec une brosse. Mais le remodelage avec un instrument légèrement chauffé reste toujours la dernière manipulation. Sillons de coalescence
Lignes de transition Ce sont les lignes fictives qui séparent deux faces verticales adjacentes d’une même unité dentaire. Elles représentent donc les limites extrêmes de chaque paroi axiale. À ce titre, elles constituent les limites extrêmes des embrasures. Les lignes de transition sont dessinées sur les deux dents adjacentes. Un hémicylindre de cire orange est ensuite modelé symétriquement à chaque ligne de transition des dents collatérales et est étendu sur la ligne cervicale, sur la face vestibulaire et sur la face linguale. La symétrie doit être respectée lorsque la maquette est observée par la face vestibulaire, par la face linguale ou par la face occlusale. Observées par une face proximale, les lignes de transition et les appuis proximaux définissent exactement les limites de l’embrasure gingivale.
La partie la plus proéminente de la fossette triangulaire est la ligne faîtière de la crête marginale proximale. Le point le plus profond se situe à la jonction du sillon de coalescence et de la fossette triangulaire. La fossette est plus ou moins convexe, elle n’est jamais ni plane, ni concave. Cette séquence permet de trouver éventuellement un contact occlusal manquant dans le cas de relation de type cuspide-fossette. Bulbes accessoires
Arête linguale Au milieu du tiers médian coronaire, un cône de cire orange marque le maximum de convexité (voir supra). Son surplomb horizontal est de l’ordre de 0,5 mm par rapport à la ligne cervicale, de manière à donner une forme de contour uniformément convexe de la ligne cervicale à la pointe cuspidienne. Une vue sagittale montre la différence entre les deux profils. Il faut noter que ces dernières structures doivent être aussi verticales que possible. Toute inclinaison est susceptible de modifier le rôle protecteur de la paroi verticale. Par extension, lorsque des préparations coronaires périphériques sont réalisées, la partie la plus déclive de la ligne de finition cervicale de la préparation doit se situer le plus possible à l’aplomb de la future pointe cuspidienne.
dents adjacentes. De légères dépressions triangulaires peuvent être réalisées de part et d’autre de l’arête vestibulaire dans le tiers occlusal. La face linguale est uniformément convexe sans aucune dépression, ni élévation. Les faces proximales présentent soit une zone plane, soit une zone plus ou moins concave entre les lignes de transition et les appuis proximaux. Là aussi, la souplesse de la technique apparaît de façon appréciable en ce sens qu’elle permet précisément d’apporter toute modification liée à une situation clinique donnée.
Ils sont soulignés avec une sonde modérément chauffée. Ces sillons discrets, largement ouverts, n’atteignent jamais les versants cuspidiens marginaux. Les contacts occlusaux sont contrôlés avec de la poudre de stéarate de zinc. Il y a quatre contacts dans une relation cuspide-embrasure et cinq contacts dans une relation cuspide-fossette.
■ Application à l’étude de l’anatomie dentaire fonctionnelle sous ses aspects cinématiques Cette application suppose l’utilisation d’un articulateur susceptible de reproduire partiellement ou totalement les mouvements mandibulaires et porteur de modèles de travail avec des MPU. Les règles acquises par l’étude de l’anatomie dentaire fonctionnelle sous ses aspects statiques seront intégrées dans l’étude des aspects cinématiques. Une des pierres angulaires dans les séquences de construction est la mise en œuvre des verrous d’occlusion maxillomandibulaires et mandibulomaxillaires [17, 18]. Le choix d’une relation cuspide-fossette et/ou d’une relation cuspide-embrasure ne sera déterminé que par les relations interarcades dans le plan sagittal et par la nécessité de ne pas introduire de dysmorphies [21]. La réalisation d’une protection canine pure et d’une protection de groupe postérieur [18] sera démontrée. Les quatre temps de construction présentés précédemment se retrouvent également ici. Stomatologie
Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire ¶ 22-003-P-30
Étape préparatoire
Orientation des autres cuspides d’appui maxillaires
Zones proximales de contact
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La situation des zones proximales de contact détermine la forme des embrasures et, à ce titre, au travers des embrasures occlusales, elle concerne les relations mandibulomaxillaires. Il s’avère donc nécessaire d’étudier les relations entre les cuspides vestibulaires mandibulaires non concernées par les verrous d’occlusion et les futures embrasures occlusales. À cet effet, l’axe des cuspides vestibulaires mandibulaires est tracé sur chaque face vestibulaire concernée. Une fois le choix des relations effectué, l’axe des embrasures maxillaires est reporté sur le modèle de travail. Les zones proximales de contact sont alors élaborées à l’aide de cônes de cire bleue : les extrémités des cônes s’affrontent en regard des tracés maxillaires. Dans le plan horizontal, elles sont positionnées selon les règles définies par l’anatomie fonctionnelle [17, 18].
Appuis proximaux .
Ils élargissent les tables occlusales des préparations dans le sens mésiodistal et préparent la morphologie des embrasures.
Étape occlusale Cuspides d’appui maxillaires (cuspides linguales) Cuspides « verrous d’occlusion »
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Les fosses centrales réceptrices sont tracées sur les molaires mandibulaires. Le sillon intercuspidien lingual est marqué et prolongé sur la face linguale des molaires mandibulaires. Après avoir mis les modèles de travail en position de référence (intercuspidie, occlusion en relation centrée, etc.), un axe vertical est tracé sur la surface linguale des molaires maxillaires dans le prolongement des axes tracés sur la face linguale des molaires mandibulaires. Ces axes indiquent la position dans le sens mésiodistal des cuspides mésiolinguales des molaires maxillaires. Ce marquage est ensuite reporté sur la face occlusale des molaires maxillaires. L’intersection avec la courbe des cuspides primaires dans le plan horizontal [18] donne la base de la construction des cônes cuspidiens mésiolinguaux maxillaires. Il faut se souvenir que la pointe de la cuspide doit s’orienter, non pas vers le centre de la fosse réceptrice, mais au-dessus du sillon lingual qui représente la trajectoire travaillante [22]. Les cônes qui marquent la situation des pointes cuspidiennes mésiolinguales des molaires maxillaires sont alors construits. Les pointes cuspidiennes n’entrent jamais en relation de contact avec les structures antagonistes. La pointe cuspidienne est orientée au-dessus du sillon lingual mandibulaire, prête à assurer son dégagement au cours de la trajectoire de diduction travaillante. Au cours du mouvement mandibulaire de diduction travaillante, la pointe de la cuspide mésiolinguale maxillaire se déplace au-dessus du sillon lingual mandibulaire, tout en s’élevant au-dessus des structures occlusales antagonistes, en fonction de l’importance du guidage canin. Au cours du mouvement mandibulaire de diduction non travaillante, la pointe cuspidienne parcourt une trajectoire oblique, à direction distovestibulaire, qui correspond approximativement au sillon distovestibulaire de la 1re molaire mandibulaire. L’élévation de cette pointe cuspidienne au-dessus de l’aire occlusale antagoniste est essentiellement sous l’influence de l’abaissement plus ou moins important de la trajectoire du condyle non travaillant. Au cours du mouvement mandibulaire de protrusion, les pointes cuspidiennes maxillaires se déplacent sensiblement au-dessus du sillon de coalescence des molaires mandibulaires. L’importance de l’espace de séparation entre l’extrémité des pointes cuspidiennes maxillaires et les surfaces antagonistes est sous la double influence de la trajectoire des condyles mandibulaires et du guidage incisif. Stomatologie
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L’axe de la cuspide distolinguale est tracé sur la surface linguale des molaires maxillaires. Cette cuspide doit être aussi éloignée que possible de la cuspide mésiolinguale afin de permettre le passage au cours du mouvement mandibulaire de diduction travaillante de la cuspide distolinguale des molaires mandibulaires. Les relations possibles des futures cuspides distolinguales maxillaires avec les structures antagonistes sont alors étudiées : • si l’axe de ces cuspides se situe en regard de l’espace compris entre les deux crêtes marginales antagonistes (ce qui est le cas le plus fréquent), la relation sera de type cuspide-embrasure ; • si l’axe de ces cuspides, tout en conservant un écartement visà-vis de la cuspide mésiolinguale compatible avec le passage de la cuspide linguale mandibulaire, se situe en regard de la fossette distale des molaires mandibulaires, la relation sera de type cuspide-fossette. Les relations possibles des cuspides linguales des prémolaires maxillaires seront analysées de la même façon. Les relations peuvent être de type cuspide-embrasure ou de type cuspide-fossette. Les relations des cuspides linguales maxillaires non impliquées dans les verrous d’occlusion peuvent associer indifféremment cuspide-embrasure et cuspide-fossette. La règle doit rester : « faire des dents qui ressemblent à des dents ! » (PKT). Dans une relation de type cuspide-embrasure, la pointe de la cuspide linguale maxillaire doit se situer au-dessus de la partie linguale de l’embrasure antagoniste. Dans une relation de type cuspide-fossette, de la même façon que dans une relation cuspide-fosse, la pointe de la cuspide linguale maxillaire, qu’il s’agisse d’une molaire ou d’une prémolaire, doit se situer au-dessus du sillon qui matérialise la trajectoire travaillante, c’est-à-dire au-dessus du sillon distolingual de la fossette distale mandibulaire. L’axe des cuspides linguales non impliquées dans les verrous d’occlusion étant repéré et tracé sur les faces linguales maxillaires, il est reporté sur les faces occlusales : chaque axe correspond aux bases de construction des cônes cuspidiens. Les cônes cuspidiens linguaux sont élaborés en cire rouge. Il faut se souvenir qu’à ce stade, il n’existe aucun contact entre structures antagonistes. De même, il ne doit exister aucun contact, ni au cours du mouvement mandibulaire de diduction travaillante, ni au cours du mouvement mandibulaire de protrusion, ni au cours du mouvement mandibulaire de diduction non travaillante. Choix des relations des cuspides d’appui mandibulaires (cuspides vestibulaires)
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Ce choix est induit par la construction des zones proximales de contact au cours du temps préparatoire. Toutes les crêtes marginales mésiales maxillaires sont construites en cire violette. L’axe des cuspides vestibulaires mandibulaires non impliquées dans les verrous d’occlusion est marqué. Les modèles de travail sont alors placés en position de référence. La situation de chaque axe cuspidien vestibulaire mandibulaire est analysée par rapport à la crête marginale mésiale antagoniste. Relations de type cuspide-fossette
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Si l’axe cuspidien se situe en dedans du versant central de la crête marginale, la relation de la cuspide concernée sera de type cuspide-fossette. Toutes les crêtes marginales distales sont alors élaborées en cire violette en respectant la règle de symétrie des embrasures [17, 19] . En particulier, deux crêtes marginales contiguës sont de hauteur équivalente. Lorsque les cuspides vestibulaires mandibulaires sont en relation cuspide-fossette, les crêtes marginales des molaires maxillaires ne sont pas concernées par les contacts avec les structures antagonistes. Relations de type cuspide-embrasure Lorsque les pointes cuspidiennes mandibulaires se situent, en position de référence, en regard du versant périphérique des crêtes marginales mésiales maxillaires, la relation des cuspides
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22-003-P-30 ¶ Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire
mandibulaires est de type cuspide-embrasure. Les crêtes marginales distales maxillaires sont construites en appliquant la règle de symétrie des embrasures, tout en recherchant des contacts avec les versants distaux des cuspides vestibulaires mandibulaires. Comme cela a été énoncé précédemment, dans cette construction, les cuspides primaires, non impliquées dans les verrous d’occlusion, peuvent être indifféremment dans une relation de type cuspide-fossette ou dans une relation de type cuspideembrasure. Le choix de la relation est donné par la position relative de la cuspide concernée par rapport à la crête marginale mésiale maxillaire dans le plan sagittal. Sur une même arcade, ces relations peuvent être associées dans la mesure où les verrous d’occlusion assurent le calage mandibulaire sur l’arcade maxillaire et dans la mesure où les zones proximales de contact maintiennent la continuité de l’arcade.
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Construction des cuspides vestibulaires maxillaires Construction des cuspides vestibulaires en vue de l’obtention d’une protection canine pure (désocclusion immédiate)
Élaboration des contacts propres aux verrous d’occlusion maxillomandibulaires
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Dans un 1er temps, le versant mésial de la cuspide mésiolinguale des molaires maxillaires est construit en cire verte. En position de référence, ce versant entre en contact avec le versant central de la cuspide mésiolinguale de la molaire mandibulaire antagoniste. Dans un 2e temps, le versant distal des cuspides mésiolinguales des molaires est construit en cire verte également. En position de référence, ce versant entre en contact avec le versant central de la cuspide distolinguale de la molaire mandibulaire antagoniste : les contacts, enregistrés à l’aide de stéarate de zinc, se situent à distance de la pointe cuspidienne. Au cours des différents mouvements mandibulaires, la perte de contact entre structures antagonistes est immédiate.
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Mise en place des autres structures de stabilisation maxillaires
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Les versants mésiaux et les versants distaux des cuspides linguales maxillaires restantes sont construits en cire verte. Quel que soit le type de relation que réalisent les cuspides (cuspideembrasure ou cuspide-fossette) un contact sur chaque versant mésial et sur chaque versant distal est souhaitable. Dans les différents mouvements mandibulaires, la perte de contact entre structures antagonistes est immédiate. Établissement des contacts communs aux verrous d’occlusion maxillomandibulaires et aux verrous d’occlusion mandibulomaxillaires
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Le versant central distal de la cuspide mésiolinguale des molaires maxillaires est construit en cire orange. Ce versant est fortement oblique, de direction distovestibulaire. Rappelons que la cuspide mésiolinguale des molaires maxillaires est porteuse de deux versants centraux [17, 20]. Les modèles de travail étant en position de référence, ce versant entre en contact avec le versant central de la cuspide distovestibulaire mandibulaire antagoniste, sur le pan distal. Ce contact est commun au verrou d’occlusion maxillomandibulaire et au verrou d’occlusion mandibulomaxillaire. C’est un contact de type B, indispensable à l’équilibre dans le sens vestibulolingual [17]. Le versant central mésial de la cuspide mésiolinguale des molaires maxillaires est construit ensuite à l’aide de cire orange. Ce versant a une orientation mésiovestibulaire. Son élaboration ménage, avec le versant central distal, un sillon assimilable au sillon de Stuart [6, 17, 20]. En position de référence, ce versant entre en contact avec le pan mésial du versant central de la cuspide distovestibulaire de la molaire mandibulaire antagoniste. Ce 2e contact parfait le calage en position de référence. Il est également commun au verrou maxillomandibulaire et au verrou mandibulomaxillaire. Il est de type B, donc indispensable [17].
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Versants centraux des cuspides d’appui maxillaires restantes .
Les versants centraux des cuspides linguales maxillaires non concernées par les verrous d’occlusion sont construits en cire orange.
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Selon les relations de ces cuspides avec les unités antagonistes, des contacts seront recherchés ou non : • si les relations sont de type cuspide-embrasure, les versants centraux ne sont pas concernés ; • si les relations sont de type cuspide-fossette, un contact doit être obtenu sur le versant central impliqué. Ces contacts contribuent, en position de référence, au calage de l’arcade mandibulaire sur l’arcade maxillaire. Ils sont immédiatement perdus dans tout un mouvement mandibulaire de protrusion, de diduction travaillante, a fortiori, de diduction non travaillante.
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Cônes cuspidiens. Après avoir placé les modèles de travail en position de diduction travaillante (les canines antagonistes se trouvant en position de quasi bout à bout), les axes des cuspides vestibulaires maxillaires sont marqués à l’aplomb des dépressions antagonistes les plus prononcées : espace intercuspidien, espace interdentaire, dépression triangulaire des faces vestibulaires. Ces axes doivent être compatibles avec l’anatomie des unités à reconstruire. Les modèles sont alors ramenés en position de référence et les cônes cuspidiens vestibulaires maxillaires sont confectionnés en cire bleue. Leur hauteur est fonction à la fois de l’esthétique et du passage sans interférence au-dessus des unités antagonistes. Les cuspides vestibulaires des prémolaires maxillaires ne peuvent pas, le plus souvent, passer au-dessus d’embrasures antagonistes. L’existence d’une dépression triangulaire sur la partie distale de la face vestibulaire de la prémolaire mandibulaire, qui encoche quelquefois le versant distal de cette dent (Thomas’notch), permet une trajectoire fonctionnelle sans interférence des cônes cuspidiens maxillaires correspondants [9]. Les pointes cuspidiennes vestibulaires maxillaires ne touchent jamais les faces vestibulaires antagonistes. Elles ménagent à la fois un surplomb horizontal et un recouvrement vertical. Dans le mouvement mandibulaire de diduction travaillante, le passage des cônes cuspidiens est absolument libre. Versants centraux. Établissement des contacts propres aux verrous d’occlusion mandibulomaxillaires. Les versants centraux des cuspides vestibulaires des molaires maxillaires sont construits en cire orange. Un contact doit être obtenu sur la partie centrale de chaque versant central. La relation doit s’établir entre le versant distal de la cuspide distovestibulaire mandibulaire et le versant central de la cuspide distovestibulaire maxillaire d’une part, et entre le versant mésial de la cuspide distovestibulaire mandibulaire et le versant central mésiovestibulaire maxillaire d’autre part. Construction des versants centraux des cuspides vestibulaires restantes. Ceux des prémolaires maxillaires sont élaborés à la suite. Si la relation des cuspides vestibulaires mandibulaires s’effectue dans l’embrasure antagoniste, les versants centraux des cuspides vestibulaires des prémolaires maxillaires ne reçoivent aucun contact. En revanche, si la relation des cuspides vestibulaires des prémolaires mandibulaires est de type cuspidefossette, un contact doit être recherché sur le versant mésial de la cuspide vestibulaire antagoniste. Dans la position de référence, les contacts précédemment définis doivent exister. Ils sont immédiatement perdus dans le moindre déplacement de la mandibule. Cela est parfaitement objectivé à l’observation par une face proximale et réalise la protection canine pure (désocclusion immédiate des gnathologistes). Versants mésiaux et distaux des cuspides vestibulaires. Les versants mésiaux et les versants distaux des cuspides vestibulaires maxillaires sont élaborés en cire verte. Leur morphologie obéit aux règles qui leur sont propres [17]. La construction de ces dernières structures n’interfère nullement avec la perte immédiate de contact au cours des différents déplacements mandibulaires. Stomatologie
Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire ¶ 22-003-P-30
Construction des cuspides vestibulaires maxillaires en vue de l’obtention d’une protection de groupe postérieur (fonction de groupe postérieur)
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Cônes cuspidiens. Les modèles de travail sont placés en position de diduction travaillante, les canines étant presque en bout à bout. Les axes des cuspides vestibulaires maxillaires sont marqués cette fois de telle sorte qu’ils se situent dans une position légèrement distale par rapport aux axes des cuspides vestibulaires mandibulaires correspondants. Ces tracés doivent rester compatibles avec l’anatomie des unités à construire. Après avoir ramené les modèles en position de référence, les cônes qui situent les pointes des cuspides vestibulaires maxillaires sont construits en cire bleue. Leur hauteur est donnée par le mouvement mandibulaire de diduction travaillante. En effet, si, en position de référence, chaque cône cuspidien doit ménager à la fois un surplomb horizontal et un recouvrement vertical, sans aucun contact, au cours du mouvement mandibulaire de diduction travaillante, la pointe de la cuspide vestibulaire maxillaire doit entrer en contact avec le versant distal de la cuspide vestibulaire mandibulaire antagoniste. L’étape suivante consiste à poursuivre le calage mandibulaire en position de référence. À cet effet, la partie centrale des versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires est seule concernée. La partie périphérique du versant central est, quant à elle, impliquée dans le contact glissant nécessaire à la mise en œuvre de la fonction de groupe. Versants centraux. Établissement des contacts propres aux verrous d’occlusion mandibulomaxillaires. La partie centrale des bulbes des cuspides vestibulaires maxillaires est construite sous la forme d’éléments fortement convexes en cherchant des contacts en position de référence avec le versant mésial et avec le versant distal de la cuspide distovestibulaire de la molaire antagoniste. Contacts glissants. Une fois les contacts des verrous d’occlusion mandibulomaxillaires obtenus (cf. supra), l’élaboration de la fonction de groupe est poursuivie par la terminaison du versant central de la cuspide vestibulaire la plus distale. La partie manquante du versant central de la cuspide distovestibulaire de la 2e molaire maxillaire est donc achevée. Dans un mouvement de diduction travaillante, si le frottement articulé n’existe pas depuis la position de référence jusqu’à la pointe cuspidienne, il est nécessaire de modifier la hauteur du cône cuspidien et la forme du versant central afin d’obtenir le contact glissant recherché. À l’observation par une face proximale, il est particulièrement perceptible que la cuspide vestibulaire mandibulaire décrit dans l’espace une trajectoire induite par la triple influence de la trajectoire condylienne travaillante, du guidage canin et de la trajectoire condylienne non travaillante. L’ensemble des cuspides vestibulaires mandibulaires se déplace dans ce qu’Anthony de Pietro a appelé un « continuum spatio-temporel ». L’obtention d’un contact continu sur le versant central des cuspides vestibulaires maxillaires est directement liée au déplacement des cuspides vestibulaires mandibulaires. Il faut vérifier, à l’aide de stéarate de zinc, la qualité du contact glissant obtenu. La construction du versant central de la cuspide vestibulaire immédiatement en avant de la précédente est ensuite entreprise et le contact en position de référence confirmé. Puis le frottement articulé sera assuré sur la structure construite et contrôlé, à l’aide de stéarate de zinc. Une progression à l’unité dentaire immédiatement en avant de la précédente et ainsi de suite, jusqu’à la 1re prémolaire permet d’aller jusqu’au bout de la construction. Il faut constamment s’assurer du calage en position de référence et du contact glissant sur tous les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires impliquées dans la fonction de groupe. Selon les différentes situations cliniques, la restauration proposée peut n’impliquer, dans une fonction de groupe partielle, que la 1re prémolaire ou les deux prémolaires ou encore que les deux prémolaires et la cuspide mésiovestibulaire de la 1re molaire, etc. Le frottement articulé est objectivé à l’aide de stéarate de zinc. Stomatologie
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Versants mésiaux et distaux des cuspides vestibulaires. Les versants mésiaux et les versants distaux des cuspides vestibulaires maxillaires sont élaborés ensuite en cire verte. Lorsque la fonction de groupe est entièrement assumée par les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires, les versants mésiaux et les versants distaux ne modifient en rien la qualité de cette relation cinétique. Le stéarate de zinc confirme la non-participation de ces dernières structures aux contacts glissants de la fonction de groupe. Dans certains cas, des relations statiques des arcades mandibulaires de type cuspide-embrasure, une anatomie particulière des unités mandibulaires, ne permettent pas d’obtenir un frottement articulé sur le versant central des cuspides vestibulaires maxillaires. Il est alors possible de transférer les contacts glissants recherchés à partir des crêtes marginales mésiales maxillaires jusqu’au versant mésial des cuspides vestibulaires. Dans cette dernière situation, c’est le versant distal des cuspides vestibulaires mandibulaires qui participe au frottement articulé. Dans ce cas, il est possible de construire le versant mésial de la cuspide vestibulaire maxillaire avant son versant central.
Étape axiale .
Elle est totalement superposable au temps développé dans l’étude des relations statiques.
Arêtes vestibulaires Elles sont élaborées après avoir repéré, par un cône de cire orange, le maximum de convexité vestibulaire de chaque unité dentaire.
Arêtes linguales Il en va de même pour l’arête linguale de chaque dent. Il faut remarquer que les arêtes vestibulaires et linguales se situent à l’aplomb des pointes cuspidiennes correspondantes et que, par conséquent, les formes de contour des préparations de prothèse fixée sont conditionnées par la position des pointes cuspidiennes : ainsi, les relations occlusales influencent dans une certaine mesure les conditions parodontales.
Lignes de transition Elles sont construites, enfin, en se repérant sur les homologues des dents résiduelles.
Étape de finition
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La finition affine les formes de contour des parois axiales et des parois occlusales. Les structures accessoires (bulbes et sillons) augmentent l’efficacité de la construction. Les contacts en position de référence doivent être maintenus, qu’il s’agisse des unités cuspidées en relation avec les verrous d’occlusion ou des unités cuspidées qui complètent le calage mandibulaire.
Finition de la protection canine En aucune manière les conditions ne doivent être modifiées, qu’il s’agisse des contacts en position de référence au niveau des prémolaires, au niveau des molaires ou qu’il s’agisse de la perte immédiate des relations antagonistes au cours des mouvements mandibulaires de diduction travaillante, de diduction non travaillante ou de protrusion.
Finition de la fonction de groupe Au cours du mouvement mandibulaire de diduction travaillante, la participation des cuspides vestibulaires maxillaires est conservée alors que les cuspides linguales quittent les contacts dès le début du déplacement, la canine maxillaire étant concernée de manière constante par le contact continu [18, 20]. Le frottement articulé intéresse : • soit les versants centraux des cuspides vestibulaires maxillaires ; • soit les crêtes marginales mésiales et les versants mésiaux des cuspides vestibulaires maxillaires (les crêtes marginales distales n’assurant dans ce cas que les contacts en position de référence).
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22-003-P-30 ¶ Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire
Dans certaines situations particulières, liées à des malpositions d’unités dentaires antagonistes, les contacts glissants peuvent se présenter sous la forme « relais » : ils intéressent successivement la crête marginale mésiale et le versant central de la cuspide vestibulaire. L’important est qu’il existe un contact glissant continu au cours du mouvement mandibulaire de diduction travaillante. Au cours du mouvement mandibulaire de diduction non travaillante, il n’existe aucun contact entre les arcades dentaires du côté non travaillant, de même que dans le mouvement mandibulaire de protrusion. Ainsi, la mise en œuvre des verrous d’occlusion reste un des premiers objectifs à atteindre. Les cuspides linguales maxillaires sont des structures de stabilisation : elles sont concernées par les relations statiques interarcades, mais elles ne participent jamais aux contacts glissants au cours du mouvement mandibulaire de diduction travaillante. La fonction de groupe postérieur peut être obtenue en déplaçant, en direction mésiale, les pointes cuspidiennes vestibulaires dans la mesure où sont respectées les références de la morphologie descriptive des unités dentaires. Enfin, contrairement à ce qui a pu être affirmé par ailleurs [11], la relation mandibulomaxillaire de type cuspideembrasure est moins favorable à la mise en œuvre d’une fonction de groupe postérieur qu’une relation de type cuspide-fossette.
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■ Références [1] [2]
[3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11]
■ Conclusion
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Pour chacun d’entre eux, la compréhension de l’adaptation de la morphologie à la fonction fixe les objectifs à atteindre, y compris dans l’utilisation des méthodes soustractives.
La technique de la cire par addition a été présentée ici par deux situations concrètes. À l’évidence, elle peut être appliquée à toutes les unités dentaires [17] et à toutes les situations cliniques : groupe cuspidé mandibulaire en relation avec une arcade maxillaire existante, groupes cuspidés en antagonisme et groupe incisivocanin [20, 23]. La technique de la cire par addition démontre, par les deux exemples présentés, son intérêt dans l’enseignement de l’anatomie dentaire. Elle concerne donc aussi bien l’étudiant en odontologie que l’apprenti prothésiste. Elle dépasse la « simple connaissance de la froide anatomie » [24] descriptive en offrant d’intégrer cette dernière dans l’environnement clinique propre à chaque patient. En effet, il ne s’agit plus d’apprendre à reproduire un stéréotype de chaque unité dentaire, mais bien davantage de capter sur les éléments résiduels de l’arcade les références qui permettent d’obtenir la morphologie adaptative particulière au sujet traité. La démarche analytique propre à cette technique modifie totalement la perception des situations cliniques du praticien et du prothésiste [15]. Pour le praticien, elle débouche sur une réhabilitation véritablement fonctionnelle de ses reconstructions et permet d’établir un projet en situation réelle, lequel oriente les préparations de prothèse fixée et les différentes étapes de construction. Pour le prothésiste, la technique de la cire par addition apporte une plus grande précision dans l’élaboration des différents éléments coulés, tant en prothèse fixée qu’en prothèse amovible.
[12] [13] [14] [15]
[16] [17] [18]
[19] [20]
[21] [22] [23] [24]
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J. Romerowski, Ancien Professeur de la faculté de chirurgie dentaire de l’université Paris VII ([email protected]). G. Bresson. 19, rue du Colisée, 75008 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Romerowski J., Bresson G. Utilité de la technique de la cire par addition en anatomie dentaire. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-003-P-30, 2008.
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Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-007-A-10
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Histologie de l’émail MM Auriol Y Le Charpentier G Le Naour
Résumé. – Après un rappel de l’évolution embryologique (odontogenèse et amélogenèse), la structure de l’émail adulte est étudiée à l’aide de coupes de dents usées, de techniques histologiques et d’examens ultrastructuraux en microscopie à transmission et à balayage. Pour terminer, les variations morphologiques de l’émail dans des conditions physiologiques et pathologiques sont rappelées © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction L’émail tapisse la surface de la couronne dentaire et protège ainsi dentine et pulpe sous-jacentes contre l’abrasion lors des pressions mécaniques de la mastication. Ce tissu hautement minéralisé, est formé de cristaux d’hydroxyapatite enrobés de matrice organique et d’eau. Seul tissu minéralisé dépourvu de cellules, il est élaboré en totalité pendant l’odontogenèse et ne peut être reconstruit dans la dent adulte. Du fait de sa haute teneur en minéraux, il est particulièrement sensible aux acides de provenance bactérienne qui le déminéralisent et créent ainsi des caries. L’améloblaste, cellule de souche épithéliale, préside à son élaboration pendant l’odontogenèse. Il produit toutes les substances indispensables à la croissance des cristaux d’émail, à leur minéralisation et à leur maturation. Il sécrète, initialement, des protéines (amélogénines, énamélines) dont les commandes génétiques, lorsqu’elles seront parfaitement élucidées, permettront de mieux comprendre le mécanisme des maladies héréditaires de l’émail.
1 Embryologie. Épaississement de l’épithélium buccal en « bourrelet » (« mur plongeant »). ¶ Phase initiale : bourgeon de l’émail
Développement de l’émail RAPPEL DES DIFFÉRENTS STADES DE L’ODONTOGENÈSE PRÉCÉDANT ET ACCOMPAGNANT L’AMÉLOGENÈSE [1, 21, 36, 39-43]
La portion épithéliale du bourgeon dentaire embryonnaire constitue l’ébauche de l’organe de l’émail (ou organe dentaire) d’où dérivera l’amélogenèse. L’épithélium buccal s’épaissit d’abord en « mur plongeant » (fig 1), qui se divise ensuite en deux lames dentaire et vestibulaire. De la lame dentaire naît le bourgeon de l’émail. Celui-ci subit ultérieurement d’importantes modifications morphologiques au fur et à mesure de l’odontogenèse. Celles-ci se déroulent schématiquement en quatre phases : bourgeon sphérique, cupule, cloche, puis édification de la couronne.
Le bourgeon de l’émail, de forme sphérique, est entouré par un manchon de tissu conjonctif particulier, l’ectomésenchyme (fig 2) qui est à l’origine du complexe dentinopulpaire. Il est constitué de cellules épithéliales périphériques basales cubiques et de cellules polygonales présentant les attributs des cellules malpighiennes de l’épithélium buccal dont elles dérivent. L’immunohistochimie démontre dans ces cellules la présence de filaments intermédiaires de cytokératine. La microscopie électronique y décèle des faisceaux de tonofilaments amarrés à de nombreuses jonctions desmosomales intercellulaires.
¶ Deuxième stade : cupule Le bourgeon épithélial s’aplatit en « cupule », englobant dans sa concavité du tissu ectomésenchymateux ou papille dentaire (fig 3, 4).
¶ Troisième stade : aspect en « cloche » Marie-Michelle Auriol : Maître de conférence universitaire, assistant des Hôpitaux. Yves Le Charpentier : Professeur, chef du service d’anatomie pathologique. Service d’anatomie et de cytologie pathologiques. Gilles Le Naour : Ingénieur, département de pathologie, université Paris VI et institut de stomatologie, chirurgie plastique et maxillofaciale. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
À ce stade, vont s’effectuer d’importants phénomènes d’histodifférenciation et de morphodifférenciation. Au centre de l’organe dentaire, les cellules se disjoignent, écartées les unes des autres par les abondants produits qu’elles synthétisent et
Toute référence à cet article doit porter la mention : Auriol MM, Le Charpentier Y et Le Naour G. Histologie de l’émail. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-007-A-10, 2000, 13 p.
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EMC [257]
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2 Embryologie. Organe de l’émail sphérique attenant à la lame dentaire et entouré de l’ectomésenchyme.
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Embryologie. Stade de la « cloche ». Réticulum stellaire dans l’organe de l’émail avec ectomésenchyme dans sa concavité.
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Embryologie. Stade de la « cloche ». Détail de l’organe de l’émail avec disjonction des cellules épithéliales (réticulum stellaire).
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Embryologie. Organe de l’émail aplati en cupule.
(préaméloblastes non sécrétants) et renferment de nombreux grains de glycogène. Elles portent le nom d’épithélium dentaire interne. Entre ces cellules et le réticulum étoilé, quelques cellules se différencient en une couche appelée stratum intermedium. Celle-ci est douée d’une activité phosphatase alcaline élevée. Elle constitue avec les cellules de l’épithélium dentaire interne une unité fonctionnelle dont le rôle est essentiel dans la formation de l’émail. Le point de réflexion entre épithélium dentaire interne et externe est l’origine de la future crête de Hertwig qui assurera le développement de la racine dentaire.
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Embryologie. Organe de l’émail. Épithélium interne cylindrique bordant la cupule ; dans la concavité, tissu conjonctif de la papille dentaire.
sécrètent dans le compartiment extracellulaire (glycosaminoglycanes). Elles prennent un aspect étoilé qu’on dénomme le réticulum stellaire (fig 5, 6). En périphérie, les cellules conservent leur forme cubique et sont dénommées épithélium dentaire externe. En regard de la papille dentaire, dans la concavité de la cupule, les cellules épithéliales se différencient en deux types distincts : les cellules adjacentes à la papille deviennent cylindriques hautes 2
¶ Quatrième stade : formation de la couronne dentaire Il est caractérisé par l’apparition des deux principaux tissus durs de la dent : – la dentine, tissu conjonctif spécialisé formant la majeure partie de la couronne ; – l’émail situé à sa surface (fig 7, 8). Formation de la dentine Elle précède toujours celle de l’émail. Les cellules de l’épithélium dentaire interne deviennent cylindriques hautes et leur noyau s’écarte de leur pôle basal et de la papille sous-jacente. Sous
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Stomatologie/Odontologie
7 Début de formation de la dentine au contact des odontoblastes ; émail au contact des améloblastes. Flèches indiquant l’écartement progressif des améloblastes et odontoblastes au fur et à mesure des sécrétions. 1 1. Émail ; 2. dentine.
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Améloblastes cylindriques avec prolongement cytoplasmique en bas.
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Sécrétion d’émail par les améloblastes en haut ; dentine au-dessous.
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Embryologie. Les deux sécrétions de tissus durs sont visibles : liseré d’émail en haut, liseré de dentine au-dessous.
– une bonne nutrition de l’organe dentaire ; l’influence d’une induction épithélioconjonctive, les cellules indifférenciées de l’ectomésenchyme grossissent et se transforment en odontoblastes qui sécrètent la dentine. Ces phénomènes d’induction ont été démontrés lors d’expérimentations en culture de tissu. En effet, si les cellules de l’épithélium dentaire interne manquent, l’édification de dentine par l’ectomésenchyme n’a pas lieu. Sécrétion de l’émail Dès que la sécrétion initiale de dentine a débuté, une nouvelle induction en sens inverse (influence des cellules conjonctives sur l’épithélium dentaire interne) se produit. Les cellules de l’épithélium dentaire interne se différencient en améloblastes qui vont former l’émail (fig 9, 10). Vascularisation de l’organe de l’émail Avant la sécrétion de dentine, l’organe de l’émail bénéficie des vaisseaux de la papille. Après édification de la dentine, il n’est plus en relation qu’avec les vaisseaux du sac dentaire situés en périphérie de l’épithélium dentaire externe. Sous l’effet de cette nutrition peu abondante, le réticulum stellaire va se collaber et les améloblastes assureront leur métabolisme aux dépens de leurs importantes réserves glycogéniques intracytoplasmiques. AMÉLOGENÈSE
L’émail, tissu épithélial fortement minéralisé, est constitué en majeure partie de cristaux d’hydroxyapatite de grande taille. Sa formation est régie par trois facteurs :
– la présence d’enzymes de membrane comme la phosphatase alcaline ; – l’existence de cellules épithéliales différenciées sécrétant la matière organique sur laquelle se fixe le minéral. De plus, la croissance des cristaux ne s’effectue que si la matrice peut libérer facilement le minéral qu’elle a fixé. Ainsi distingue-t-on dans l’amélogenèse deux phases, sécrétoire puis maturative. Dans une première phase, l’émail est peu minéralisé (30 %), puis ultérieurement se produisent simultanément un afflux minéral supplémentaire et une déperdition du matériel organique et de l’eau.
¶ Phase sécrétoire de l’amélogenèse C’est la synthèse et la sécrétion de la matrice organique de l’émail par les améloblastes. Protéines de l’émail [3, 5, 7, 29, 30] Elles constituent la matrice. Il s’agit d’une gamme d’enzymes incluant des protéases, des métalloprotéinases, des phosphatases et des traces d’autres protéines non collagènes communes aux autres tissus minéralisés. Parmi ces protéines, 90 % sont des amélogénines et 10 % regroupent énaméline, tuftéline, améline.
• Amélogénines Groupe hétérogène de bas poids moléculaire (20 à 30 kDa), ces protéines sont hydrophobes, riches en proline, histidine et 3
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glutamines. Les gènes [8, 20] responsables de leur transcription sont situés sur les chromosomes sexuels X et Y. Elles se dégradent ensuite sous l’influence d’une enzyme protéolytique en protéines de bas poids moléculaire (tyrosin-rich amelogenin polypeptide [TRAP] et lysin-rich amelogenin polypeptide [LRAP]). Ces deux protéines constituent la majeure partie de la matrice de l’émail adulte.
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Améloblastes. Pôle apical. Microscopie électronique à transmission.
• Autres protéines Elles ont un poids moléculaire plus élevé et se répartissent en : tuftéline, glycoprotéine acide phosphorylée (45 kDa), sécrétée au début de l’amélogenèse et restant localisée à la jonction amélodentinaire, énaméline (42 kDa) unie très solidement au minéral, améline (15 kDa). Le rôle de ces protéines demeure encore hypothétique. Si elles fournissent à l’évidence l’environnement adéquat à la fixation du minéral, elles pourraient aussi intervenir en régulant la direction de la croissance des cristaux et en combattant l’hyperpression engendrée par l’élargissement de ces derniers. Minéralisation de l’émail [11, 16, 19, 23, 37, 38, 46] Elle obéit à un mécanisme différent de celui observé dans les autres tissus minéralisés où des vésicules matricielles précèdent la formation des cristaux dans la matrice organique préformée. Ici, les vésicules matricielles font défaut et l’on assiste d’emblée à la formation de cristaux dans les protéines récemment sécrétées sans qu’il y ait de stade intermédiaire comme la prédentine ou l’ostéoïde, observées respectivement dans la minéralisation de la dentine et de l’os. Une fois formés, les cristaux d’émail s’accroissent rapidement dans la matrice organique qui continue à être sécrétée par les améloblastes jusqu’à ce que l’émail ait atteint son épaisseur définitive.
¶ Phase de maturation de l’émail
[10]
Pendant cette phase, les minéraux affluent sans cesse et permettent l’accroissement en longueur et en largeur des cristaux. Cette augmentation de volume n’est possible que grâce à la mobilisation et à l’élimination de la trame protéique. Cette trame serait d’abord soumise à une hyperpression entre les cristaux, puis à une dégradation grâce à la sécrétion par les améloblastes de protéases dégradant ces protéines en polypeptiques à poids moléculaire plus faible (TRAP et LRAP) déposés en fin manteau autour des cristaux. Les microradiographies de coupes fines étudiées par des méthodes morphométriques ont permis de mieux préciser l’évolution de l’amélogenèse. Une faible minéralisation de la matrice (30 %) survient dès sa formation. Puis la minéralisation s’accroît en surface de l’émail avant de gagner les couches profondes. Une vague de minéralisation ultérieure débute à la jonction amélodentinaire et gagne la surface. Ainsi, la couche de surface, mesurant 15 µm de large est rapidement plus minéralisée que la couche profonde.
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Améloblastes ; pôle apical avec membrane basale continue et répliquée (microscopie électronique à transmission).
¶ Modifications morphologiques
émettent des prolongements de Tomes au niveau de leur pôle basal. La jonction entre émail et améloblastes revêt alors un aspect en « dents de scie ». À la fin de la maturation de l’émail, l’assise améloblastique s’appuie contre les restes du réticulum étoilé et du stratum intermedium qui se sont collabés. Cette couche épithéliale stratifiée persiste à la surface de l’émail jusqu’à l’éruption dentaire. Elle est dénommée épithélium dentaire réduit. Une rupture prématurée de cet épithélium, mettant en contact fibroblastes du sac folliculaire et émail, peut entraîner une transformation des fibroblastes en cémentoblastes et une sécrétion de cément à la surface de l’émail.
Étude en microscopie optique
Étude en microscopie électronique à transmission [14, 22, 31-33]
Aux stades tardifs de l’odontogenèse (stades de la « cloche » et de la « couronne »), les diverses cellules entrant en jeu sont d’identification facile : l’épithélium dentaire interne dans la région du collet est fait de cellules cubiques reposant sur une membrane basale qui les sépare de la papille dentaire. En périphérie, s’étendent le stratum intermedium, le réticulum étoilé et l’épithélium externe qui entre en contact avec les nombreux vaisseaux du follicule dentaire. À l’aplomb de la couronne, l’épithélium dentaire interne devient cylindrique haut et les noyaux s’alignent au pôle proximal des cellules, près du stratum intermedium. Ces cellules, dites préaméloblastes, sont encore non sécrétantes. Dès l’apparition d’odontoblastes sécrétant une fine couche de dentine, les cellules de l’épithélium interne se transforment en améloblastes et commandent la sécrétion d’émail (substance faiblement colorée par l’hématéine éosine). Les améloblastes s’écartent peu à peu de la dentine et
En précisant les transformations des améloblastes, elle permet une meilleure compréhension de l’amélogenèse. Elle a surtout été effectuée sur un matériel expérimental (dents à croissance permanente des rongeurs, primates). Au stade de la « cloche » et de la formation de la couronne, les cellules de l’épithélium dentaire interne sont cubiques ou cylindriques basses avec un noyau central et un appareil de Golgi situé au pôle basal de la cellule près du stratum intermedium. Les mitochondries et autres organites sont éparpillés dans le cytoplasme. Au niveau du pôle apical, les lysosomes sont nombreux et possèdent une activité phosphatase acide élevée. La membrane cytoplasmique repose sur une membrane basale continue, souvent répliquée (fig 11, 12). Lors de leur différenciation, les améloblastes s’allongent. Leur noyau migre vers le pôle basal près du stratum intermedium. L’appareil de Golgi augmente de volume et occupe la majeure partie du tiers
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Histologie de l’émail
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Prolongement cytoplasmique d’un améloblaste ; feutrage de fibres collagènes sectionnées transversalement et colorées en noir par l’argent (microscopie électronique à transmission).
basal de la cellule. L’ergastoplasme granulaire se développe au niveau du pôle apical où se localisent également des bouquets de mitochondries et de nombreux grains de glycogène. Les cellules ainsi constituées sont alignées parallèlement les unes aux autres et unies entre elles par de nombreux complexes jonctionnels sur lesquels s’insèrent de fins filaments d’actine. Grâce à des injections de lanthanum, on a pu démontrer deux types de jonctions : – les unes, proximales, permettent des échanges entre cellules et émail (rentrée ou sortie de diverses substances) ; – les autres, distales, sont imperméables. La membrane basale sur laquelle s’implantent les améloblastes se désintègre après apparition de prédentine et différenciation de l’améloblaste. Au stade sécrétoire : synthèse de l’émail. La structure des améloblastes reflète dès lors la double activité de synthèse et de sécrétion de la cellule. Les protéines de la matrice sont synthétisées dans l’ergastoplasme granulaire, puis passent dans l’appareil de Golgi qui les condense en grains sécrétoires limités par une membrane. L’améloblaste émet alors, à travers des brèches de la membrane basale, un prolongement cytoplasmique, isolé du corps cellulaire par un complexe jonctionnel terminal. Ce prolongement, dépourvu d’organites de synthèse, renferme en revanche de nombreux grains sécrétoires migrés depuis le corps cellulaire et libérés contre la couche de dentine précédemment formée par les odontoblastes. Cette sécrétion de protéines se produit dans deux sites différents : – l’un siège autour de la partie proximale du prolongement de Tomes, près du complexe jonctionnel (fig 13) ; là se forme la paroi d’un puits où chemine le prolongement ; – l’autre est situé à la surface du prolongement de Tomes ; à ce niveau, s’édifie la matrice qui remplit le puits précédemment formé. L’utilisation d’anticorps antiamélogénine a permis de confirmer que ces protéines sont synthétisées dans les améloblastes et sécrétées dans le milieu extracellulaire sous forme de grains. Elles sont plus concentrées dans la paroi du puits, où elles deviendront l’émail interprismatique, que dans le puits qui constitue le futur bâtonnet de l’émail. La minéralisation de la matrice protéique débute aussitôt, grâce aux ions inorganiques apportés par les vaisseaux du follicule dentaire au contact de la surface de l’émail. Les cristaux sont dispersés au hasard dans cette matrice et s’intriquent à ceux de la dentine voisine. Au stade de maturation : modifications morphologiques de l’améloblaste. Celui-ci migre de plus en plus à distance de la dentine. Il diminue de hauteur et de volume. Les organites, moins nombreux, y sont captés par des enzymes lysosomaux. À son extrémité distale, la membrane cytoplasmique possède alors deux aspects différents. Tantôt elle est pourvue d’une bordure en
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« brosse » » allant de pair avec une jonction proximale lâche et une jonction distale serrée ; cette structure permet l’introduction dans l’émail de matériel minéral. Inversement, si la bordure cytoplasmique devient lisse en même temps que la jonction distale devient lâche et la jonction proximale serrée, les protéines et l’eau peuvent quitter l’émail. Au stade de protection, les améloblastes perdent leur bordure striée et sécrètent entre leur extrémité distale et la surface de l’émail, un matériel membrane basale-like. Des hémidesmosomes se forment le long de la membrane cellulaire distale et amarrent solidement les améloblastes à l’émail. Ce mécanisme joue un rôle physiologique fondamental dans la création de la jonction dentogingivale. Puis les améloblastes involuent, retrouvant leurs caractères de cellules malpighiennes avec nombreux tonofilaments. Voies de la minéralisation. Durant la maturation comme dans la sécrétion, l’améloblaste intervient dans des modifications qualitatives et quantitatives de la matrice organique de l’émail. Le marquage isotopique radioactif montre que les protéines migrent depuis l’émail dans les vacuoles autophagiques de l’améloblaste. Simultanément, les ions calcium et phosphore passent très rapidement dans les espaces laissés libres par la perte de substance organique et d’eau.
Structure de l’émail adulte
[6]
STRUCTURE CHIMIQUE
L’émail, le plus minéralisé des tissus durs, est constitué de 96 % de minéraux, sous forme de cristaux d’hydroxyapatite, de 4 % de matériel organique et d’eau siégeant entre les cristaux. Les minéraux sont en majeure partie des cristaux d’hydroxyapatite (Ca10 [PO4] 6 H2O), sels de calcium et de phosphore également présents dans l’os, le cartilage calcifié, la dentine et le cément. Accessoirement, des ions variés (strontium, magnésium, plomb, fluor) peuvent être incorporés ou absorbés par les cristaux lorsqu’ils sont présents pendant l’amélogenèse ou pendant la vie adulte à partir de la salive et de l’alimentation. Ce phénomène, dénommé maturation postéruptive, explique, dans une certaine mesure, la diminution de fréquence des lésions carieuses avec l’âge. L’eau serait soit libre, soit disposée autour des cristaux, soit incorporée aux protéines. La matrice organique est constituée de produits de dégradation des protéines de l’émail (amélogénine et autres variétés). Après l’éruption dentaire, une partie de la matrice serait éliminée à l’extérieur, ce qui augmenterait le taux de minéralisation. CARACTÈRES PHYSIQUES
Substance dure mais cassante, l’émail adulte est translucide, blanc bleuâtre (fig 14). Son épaisseur moyenne est de 1,5 mm. Elle varie en fonction de la topographie. Plus importante en regard des cuspides et du bord incisif, elle diminue au niveau du collet en regard de l’attache gingivale. STRUCTURE D’ENSEMBLE
L’émail est constitué d’un assemblage de bâtonnets minéralisés, autrefois dénommés prismes, tendus de la jonction amélodentinaire à la surface de la couronne et d’une substance interprismatique également minéralisée. Son étude histologique est difficile. Après décalcification, les cristaux se dissolvent et la majeure partie de la trame organique disparaît. Sur les dents usées, étudiées à la loupe, l’émail est conservé. Il n’est pas homogène. On y observe deux types de stries : les stries de Retzius et les bandes d’Hunter Schreger. Les stries de Retzius figurent les stries de croissance de l’émail pendant l’odontogenèse [4]. Sur les coupes longitudinales, ce sont des lignes d’apposition successives (fig 15, 16) séparées chacune de 4 µm et parallèles à la surface de l’émail. Sur les coupes transversales, elles sont concentriques autour de la dentine et parallèles au contour externe de l’émail. 5
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Dent adulte traitée par usure. Liseré blanc d’émail tapissant la couronne.
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Dent usée. Étude en lumière polarisée. Stries d’Hunter-Schreger perpendiculaires à la jonction amélodentinaire.
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1. Stries de Retzius ; 2. périkimatie ; 3. dentine ; 4. pulpe.
1 2
3 4
18
Émail en microscopie optique : ensemble de bâtonnets coupés longitudinalement.
19 Émail. Détail des bâtonnets.
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Dent usée. Stries de Retzius parallèles à la jonction amélodentinaire dans l’émail.
Les bandes d’Hunter-Schreger sont dues à l’alternance de zones de réfraction différente (fig 17). Elles sont visibles en lumière réfléchie sous forme de lignes sombres et claires perpendiculaires à la jonction amélodentinaire. ASPECT HISTOLOGIQUE ET ULTRASTRUCTURAL
¶ Microscopie optique L’unité fonctionnelle de l’émail est un bâtonnet (rod) à trajet flexueux tendu de la jonction amélodentinaire à la surface de la dent (fig 18 à 20) [9]. Sa longueur est variable selon sa topographie : plus court 6
dans la région cervicale, il atteint son maximum de longueur dans la région cuspidienne. Son diamètre moyen est de 4 µm ; il s’accroît de la jonction amélodentinaire à la surface. Autrefois dénommé prisme de l’émail, sur les sections transversales on lui décrivait une forme hexagonale, avec une gaine prismatique périphérique et une substance interprismatique minéralisée mais moins dure que celle des prismes (fig 21). D’autres structures sont bien visibles en microscopie optique (fig 22) : – les « buissons » de l’émail sont des zones peu calcifiées nées à la jonction amélodentinaire et irradiant en « touffes » (fig 23) dans la partie profonde de l’émail. Ces zones, plus riches en protéines et moins résistantes favorisent la propagation des caries ; – les lamelles sont des fissures droites de substance hypominéralisée, s’étendant perpendiculairement de la surface de
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Stomatologie/Odontologie
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Émail. Bâtonnets coupés sous diverses incidences (longitudinale, transversale ou oblique).
Dent usée. Lamelles de l’émail formant des fissures partant de la surface de l’émail et perpendiculaires à la jonction amélodentinaire.
21
Émail. Section transversale des bâtonnets. Aspect pseudoprismatique.
salivaire). Elles représentent peut-être des voies d’échange entre émail et dentine ;
22
Dent usée. Aspect d’ensemble de l’émail avec bâtonnets parallèles ; « buissons » de l’émail en bas, au contact de la jonction amélodentinaire.
– les aiguilles s’étendent de la jonction amélodentinaire vers la portion profonde de l’émail. Parfois en continuité avec les canalicules dentinaires, elles représentent les vestiges de prolongements odontoblastiques jeunes dirigés entre les améloblastes et secondairement emprisonnés dans l’émail sécrété. Elles ne suivent pas la direction des bâtonnets. Jonctions avec les tissus durs de la dent Jonction amélodentinaire. Sur les coupes transversales, elle revêt un aspect festonné. Sa forme d’ensemble est celle d’un S. La portion concave de la courbe correspond au tiers occlusal de la dent où l’émail plus épais résiste mieux à l’abrasion. En regard de l’attache gingivale, la surface convexe correspond à un émail plus mince. Jonction émail-cément. Classiquement [34] , elle varie selon les individus, réalisant trois types différents : le plus souvent (65 % des cas), le cément recouvre l’émail ; dans 30 % des cas, émail et cément se rejoignent bout à bout ; dans 5 % des cas, émail et cément restent séparés par une zone dentinaire, ce qui prédispose aux caries du collet. En fait, les études en microscopie à balayage ont montré les variations de cette jonction selon les dents considérées, voire dans une même dent où les trois aspects peuvent être intriqués.
¶ Microscopie électronique à transmission
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Dent usée. « Buissons » de l’émail (détail).
l’émail (fig 24) vers la dentine. Elles sont remplies de matériel organique (protéines de l’émail mêlées à des débris de provenance
[9, 18]
Cette étude est pratiquée sur l’émail sans décalcification préalable. Les bâtonnets sont des cylindres dont la largeur moyenne est de 5 µm. Ils ont une gaine plus riche en protéines. Leur lumière renferme les cristaux d’hydroxyapatite. Ceux-ci sont allongés, orientés perpendiculairement à l’axe du bâtonnet dans la portion supérieure et transversalement dans la portion inférieure où ils forment un angle de 40 à 70° par rapport aux précédents. Entre les bâtonnets, la région interprismatique, également minéralisée, comporte des cristaux orientés selon un angle de 50° environ par rapport à l’axe du bâtonnet (fig 25, 26). Les interrelations entre bâtonnets sont plus difficiles à préciser sur les coupes ultrafines. Ils ont tendance à être disposés en rangées, alignées circonférentiellement autour de l’axe longitudinal de la dent. Dans chaque rangée, les bâtonnets sont perpendiculaires à la surface de la dentine avec une légère inclinaison en regard de la cuspide. Ils sont horizontaux dans la région du collet. Cliniquement, les fractures de l’émail se font entre des rangées adjacentes. Sur cette disposition d’ensemble se greffent deux phénomènes. Chaque bâtonnet a un trajet ondulé, sinueux, déviant à droite et à gauche. Bien qu’à l’intérieur d’une même rangée les bâtonnets aient une même direction, il existe des variations d’inclinaison de 2° entre des rangées successives. Pour expliquer l’organisation des bâtonnets entre eux, deux schémas ont été proposés [24] : 7
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Schéma montrant des bâtonnets en « phase ». 1. Émail prismatique ; 2. émail interprismatique.
1 2
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Étude à la loupe de la surface de la couronne d’une molaire. Aspect irrégulier avec alternance de cuspides secondaires et de dépressions.
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Microscopie électronique à transmission. Bâtonnet coupé longitudinalement et rempli de cristaux orientés parallèlement à son axe.
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Bâtonnets sectionnés transversalement. Microscopie électronique à transmission.
27 1
Schéma montrant des bâtonnets « déphasés ». 1. Tête ou corps ; 2. gaine prismatique ; 3. queue.
2 3
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Surface de l’émail vue à la loupe : série de crêtes séparées par des sillons.
formation de l’émail : chaque améloblaste élabore un seul prisme ; l’émail interprismatique est en revanche formé par plusieurs améloblastes (fig 28).
¶ Microscopie à balayage – la disposition en « trou de serrure » ou en « pagaie ». Chaque bâtonnet comporte une tête (ou corps) et une queue. La queue des bâtonnets d’une rangée s’interposerait entre les têtes des bâtonnets de la rangée sous-jacente et viendrait toucher la tête des bâtonnets de la troisième rangée (déphasage). Cette théorie implique que tout point de l’émail appartienne à un bâtonnet et donc que la substance interprismatique n’existe pas. Selon cette interprétation, plusieurs améloblastes seraient impliqués embryologiquement dans l’élaboration d’un bâtonnet (fig 27) ; – la deuxième théorie, admise par la plupart des auteurs à l’heure actuelle, mentionne une disposition en arcade de prismes cylindriques, qui sont en phase. Alors que dans le modèle précédent, il y a décalage (déphasage) entre deux rangées successives, ici il y a interdigitation entre tête de la rangée inférieure et queue de la rangée supérieure, sans décalage. Il n’existe que deux régions, l’émail prismatique et l’émail interprismatique, le corps du prisme étant en continuité avec la région interprismatique seulement dans sa portion cervicale. Cette disposition serait le reflet du mode de 8
[15, 25]
On peut étudier à la fois la surface de l’émail et sa structure interne. Surface de l’émail [2, 12, 26-28, 45] Son aspect varie selon le type de la dent considérée. Elle est irrégulière sur les faces cingulaires des incisives et des canines ainsi que sur les faces occlusales des prémolaires et molaires. Toutes les autres faces sont lisses. Surface irrégulière : elle est facile à étudier par exemple sur une dent de sagesse incluse après extraction. Elle est hérissée de cuspides accessoires secondaires séparées par des sillons profonds (fig 29). Surface lisse : elle apparaît en fait légèrement ondulée. On y voit une succession de crêtes séparées par des sillons, l’ensemble définissant les périkymaties (fig 30). Les crêtes, linéaires, sont disposées horizontalement autour de la couronne dentaire. Les sillons signalent l’emplacement de la terminaison d’une strie de Retzius à la surface de la couronne (fig 31). Les stries de Retzius forment des anneaux concentriques sur les coupes transversales. Sur les coupes longitudinales, elles sont arciformes. Le sommet des crêtes est lisse.
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– coupes usées et polies.
• Traitement par acide [13, 35] Les plus utilisés sont l’acide phosphorique ou l’acide chlorhydrique à des concentrations et pendant des temps d’application variables. Ainsi se produit une corrosion entre émail prismatique et substance interprismatique. Selon les schémas établis par Silverstone [35], les résultats sont les suivants : – le type I le plus fréquent, est dit en « nids d’abeille » ; du fait de la déminéralisation du bâtonnet, les alvéoles deviennent profondes tandis que l’émail interprismatique persiste sous forme d’un bourrelet ; – le type II (plus rarement obtenu) montre une saillie des prismes en surface ; – le type III est l’aboutissant d’une dissolution globale des prismes et de la substance interprismatique ; la surface devient rugueuse et irrégulière. L’obtention, sur une même dent, de ces trois aspects est possible. Ceci serait expliqué par la disposition des cristaux dans les prismes et par l’orientation des prismes eux-mêmes. Interviendraient également la composition chimique des hydroxyapatites et le degré de minéralisation. En revanche, le type d’acide utilisé, sa concentration et son temps d’application ne joueraient aucun rôle.
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Surface de l’émail en microscopie à balayage. Périkymaties : alternance de crêtes et de sillons peu profonds.
Leurs flancs sont parsemés d’alvéoles en « nids d’abeille » (fig 32) correspondant aux extrémités des prolongements de Tomes améloblastiques. Autour de chaque alvéole, la paroi représente la substance interprismatique. Sur les flancs, on retrouve parfois des cratères, vestiges de perturbations de l’amélogenèse.
• Après fracture mécanique perpendiculaire à la surface dentaire Les prismes sont rectilignes dans le tiers externe. Dans les 2/3 internes, ils sont groupés en faisceaux d’orientations diverses (fig 33, 34). Les relations entre les différentes rangées sont bien visibles. Les couches de prismes peuvent être décalées les unes par rapport aux autres. Les corps d’une même rangée sont séparés par les queues des prismes de la rangée supérieure. Certains prismes
Aspect interne de l’émail On peut l’étudier grâce à divers procédés : – traitement préalable par l’acide ; – fracture perpendiculaire à la surface ;
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Surface de l’émail en microscopie à balayage. Aspect en « nids d’abeille ». Dépressions correspondant à l’empreinte des prolongements cytoplasmiques des améloblastes.
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Après fracture dentaire, en microscopie à balayage, bâtonnets parallèles disposés perpendiculairement à la surface.
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Microscopie à balayage après fracture dentaire : détail des bâtonnets.
Jonction amélocémentaire. Plus complexe qu’il ne paraît en optique, la jonction est irrégulière avec interdigitation des deux tissus. Dans l’ensemble, le cément recouvre l’émail mais il existe par endroit des disjonctions entre les deux tissus avec mise à nu de la dentine. Ainsi, les trois types de jonction décrits optiquement ne sont pas trois variétés bien individualisées, puisque souvent ils coexistent au collet d’une même dent en microscopie à balayage.
Variations morphologiques de l’émail VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES
¶ Dents temporaires Leur émail diffère de celui des dents permanentes par plusieurs caractères. Leur taux de minéralisation est plus faible tandis que leur teneur en protéine est plus élevée. La microscopie à balayage y décèle des cristaux d’hydroxyapatite plus volumineux (46 nm au lieu de 36 nm). La substance aprismatique de la jonction amélodentinaire est plus épaisse. Enfin, les microradiographies montrent une radiodensité allant en décroissant de la jonction amélodentinaire à la surface. sont parsemés de constrictions et de dilatations périodiques qui exprimeraient un cycle nycthéméral de croissance lors de l’amélogenèse.
• Sur coupes usées et polies On décèle de larges bandes courbées perpendiculairement à la jonction amélodentinaire. Elles sont les correspondantes des bandes de Hunter-Schreger vues en microcopie optique et proviennent d’une différence de réflexion de la lumière en fonction de l’orientation des faisceaux de prismes. En microcopie à balayage, ces bandes correspondent à l’alternance de groupes de bâtonnets sectionnés transversalement (diazonies) ou longitudinalement (parazonies). Jonction de l’émail avec les autres tissus durs de la dent Jonction amélodentinaire. En regard de la dentine, il existe une couche aprismatique se prolongeant dans l’émail et constituant les aspects en « aiguilles » visibles en optique. 10
¶ Variations avec l’âge L’émail adulte, tissu acellulaire non vitalisé, est incapable de régénération. Au cours du vieillissement, il se détruit progressivement, surtout dans les zones d’attrition provoquée par la mastication. On constate plusieurs modifications. Sur la surface, les zones détruites se manifestent par des érosions de l’émail et parfois de la dentine sous-jacente. En microscopie à balayage, les périkymaties s’atténuent ou disparaissent par abrasion ou usure. De plus, divers traumatismes (mécaniques, thermiques, chimiques) peuvent provoquer l’apparition de stries et de microfractures. Les fissures disparaissent. Le noircissement de l’émail est habituel ; il serait lié à l’incorporation de matériel organique provenant du milieu buccal ou à la visibilité anormale de la dentine du fait de l’amincissement de son revêtement d’émail. La perméabilité de l’émail diminue. Alors que chez les sujets jeunes, l’émail laisse passer de l’eau et des substances de faible poids moléculaire à travers des pores entre les cristaux, chez le sujet âgé, les pores sont rétrécis du fait de l’accroissement de volume des cristaux.
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Hypoplasie héréditaire de l’émail (dent usée). Amincissement de la couche d’émail avec nombreuses zones sombres d’hypominéralisation.
MODIFICATIONS PATHOLOGIQUES
Du fait de la disparition des améloblastes au terme de l’amélogenèse, tout défaut agissant durant l’odontogenèse persistera dans la dent adulte.
¶ Dysplasie génétique (amélogenèse imparfaite
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Dent après traitement par tétracycline durant l’odontogenèse. Présence d’un dépôt jaune linéaire sur l’émail.
ou dysplasie héréditaire de l’émail) Elle groupe divers types de défauts héréditaires localisés sur l’émail, à l’exclusion des autres tissus dentaires d’origine mésenchymateuse. Le mécanisme variable du défaut permet d’en décrire trois types : – l’hypoplasie caractérisée par une sécrétion défectueuse de la matrice par l’améloblaste du fait de perturbations dans la différenciation de cette cellule ; – l’hypominéralisation, caractérisée par une calcification défectueuse de la matrice organique qui s’est formée normalement (fig 35) ; – l’hypomaturation où les cristaux d’hydroxyapatite restent jeunes, sans atteindre le volume de cristaux normaux. Cliniquement, dans les deux dentitions, provisoire et permanente, l’émail est parsemé de taches brunes ou lacunes, ou peut être absent en certains points. La radiographie montre l’amincissement, voire l’absence, de la couche d’émail. L’opacité peut être réduite, devenant analogue à celle de la dentine. Cette affection héréditaire se transmet selon un mode autosomal dominant.
¶ Hypoplasies acquises de l’émail Provoquées par des facteurs extrinsèques, elles peuvent toucher toute la dentition ou ne porter que sur une ou quelques dents. Elles atteignent à la fois l’émail et la dentine sous-jacente. De multiples facteurs peuvent les engendrer (avitaminoses A, C, D, maladies fébriles, hypocalcémie, infection locale ou traumatisme, ingestion de produits fluorés). Dans les formes frustes, on constate des cavités et fissures à la surface de l’émail. Dans les atteintes plus sévères, la surface de l’émail est sillonnée de dépressions horizontales superposées les unes aux autres. Parmi ces hypoplasies acquises, deux sont particulièrement intéressantes. L’hypoplasie de l’hyperfluorose [17, 44]. Le fluor est normalement présent dans l’émail à des taux faibles. Son ingestion à faibles doses est bénéfique, protégeant l’émail contre les caries. En revanche, s’il est ingéré en trop grande quantité, il devient nocif et peut déterminer des hypoplasies diffuses. L’émail lésé présente des taches blanches ou brunes. En microscopie électronique, la substance interprismatique n’est pas minéralisée. Les prismes, pauvres en calcium, se désagrègent, ce qui crée des lacunes. L’intoxication par la tétracycline. Cet antibiotique, s’il est administré pendant l’odontogenèse, s’incorpore dans les tissus minéralisés. Il
crée au niveau de l’émail des bandes de pigmentation indélébiles (fig 36). La tétracycline forme, en effet, avec le calcium un complexe, l’orthophosphate-tétracycline-calcium, qui présente, en lumière ultraviolette, une fluorescence dorée en bande caractéristique, plus apparente dans la dentine que dans l’émail. L’émail peut être aussi hypoplasique ou absent. L’intensité des lésions est fonction de la dose et de la durée du traitement.
Applications cliniques PRÉVENTION DES CARIES PAR LE FLUOR
L’ion fluor une fois incorporé et absorbé sur le cristal d’hydroxyapatite, rend celui-ci plus résistant à la dissolution par les acides d’origine bactérienne. Sur cette constatation est fondée la prévention des caries qui sont initiées par une déminéralisation de l’émail. Pendant l’odontogenèse, l’adjonction de fluor rend les cristaux plus résistants. Mais cette adjonction ne doit pas être excessive, sinon elle favoriserait la survenue d’une hypoplasie du fait de la grande sensibilité des améloblastes au fluor. Dans l’émail adulte, qui conserve une relative perméabilité, l’action locale du fluor est manifeste pour les dentifrices fluorés et l’eau fluorée. Ceux-ci amènent une grande concentration de fluor à la surface de l’émail et entravent, de plus, l’adsorption des glycoprotéines de la salive ainsi que les précipitations de phosphate de calcium. ATTAQUE ACIDE (« ACID ETCHING »)
Ce procédé est devenu d’utilisation courante en pratique clinique (plombage des fissures, meilleure adhérence des matériaux de restauration de l’émail, meilleure adhérence des supports orthodontiques à la surface des dents). L’application d’acides a deux effets : elle décape la plaque dentaire et les autres débris en même temps qu’elle détruit une mince couche d’émail. La surface ainsi traitée devient plus poreuse grâce à la dissolution sélective des cristaux, d’où la meilleure adhérence des matériaux adhésifs. On a utilisé plusieurs types d’acides à des concentrations variables. La plupart n’agissent qu’en surface, portant sur une profondeur de 10 µm. La microscopie électronique à balayage démontre les effets morphologiques de ces acides et permet de distinguer les trois types d’action envisagés (cf supra) (fig 37 à 39) [35].
Figures 37 à 39 et Références ➤
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Histologie de l’émail
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Attaque acide de l’émail. Degré 1 en microscopie à balayage. Persistance de la saillie des bâtonnets en surface.
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Attaque acide de l’émail. Degré 2. Bouleversement de l’architecture des bâtonnets en surface avec usure irrégulière.
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Stomatologie/Odontologie
Attaque acide de l’émail. Degré 3. Destruction de nombreux bâtonnets en surface avec dépressions irrégulières sur la surface.
Stomatologie/Odontologie
Histologie de l’émail
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-007-M-10
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Histologie de la muqueuse buccale et des maxillaires MM Auriol Y Le Charpentier
R é s u m é. – La muqueuse buccale est étudiée en premier lieu avec ses fonctions, son organisation anatomique et les détails de sa structure histologique et ultrastructurale. Un court chapitre est ensuite consacré aux annexes de la muqueuse : les glandes salivaires accessoires. Enfin sont envisagés les aspects de la muqueuse de jonction oropharyngée ainsi que l’anatomie et l’histologie des maxillaires.
Muqueuse buccale C’est la muqueuse qui revêt la paroi interne des lèvres et la cavité buccale ; elle est en continuité avec la peau à la jonction vermillon, versant externe des lèvres. Elle se poursuit en arrière avec la muqueuse digestive (pharynx) et respiratoire (larynx). Elle est revêtue d’un épithélium malpighien non ou peu kératinisé. Fait particulier, elle est perforée par les dents au niveau des gencives et contracte ainsi une jonction étanche avec la dent, toute modification de cette jonction étant l’amorce des phénomènes pathologiques de parodontose.
Fonctions Elle joue de multiples rôles [7, 12] : – protection des tissus profonds contre les compressions et abrasions provoquées par les forces mécaniques mises en jeu dans la préhension des aliments et dans leur mâchage. Protection également contre les nombreux micro-organismes saprophytes de la cavité buccale qui deviendraient agressifs en cas de blessure de la muqueuse ; – fonction sensorielle assurée par de nombreux récepteurs à la température, au tact, à la douleur disséminés dans la muqueuse. Fonction gustative liée aux bourgeons du goût situés dans la muqueuse linguale dorsale ; – fonction de régulation thermique, très importante chez les animaux (en particulier le chien) mais ne jouant qu’un rôle secondaire chez l’homme. La protection de cette muqueuse buccale est régie par le système immunitaire local (organes lymphoïdes, lymphocytes et plasmocytes) qui capte, par la production d’anticorps, le matériel étranger sous forme de complexes immuns. Elle est de plus assurée par la salive qui humidifie en permanence la bouche et y déverse son immunoglobuline A (IgA) sécrétoire et ses facteurs bactériostatiques (lysozyme, lactoferrine).
Organisation anatomique
© Elsevier, Paris
On y distingue deux portions : – le vestibule externe bordé par les lèvres et les joues ; – la cavité buccale proprement dite, séparée du vestibule par l’alvéole avec les dents et la gencive. En haut, la muqueuse revêt le palais dur et le palais
Marie-Michelle Auriol : Maître de conférence universitaire, assistant des Hôpitaux. Yves Le Charpentier : Professeur, chef du service d’anatomie pathologique. Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Auriol MM et Le Charpentier Y. Histologie de la muqueuse buccale et des maxillaires. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-007-M-10, 1998, 9 p.
mou ; en bas, elle tapisse le plancher buccal et la base de la langue; en arrière, elle est limitée par les piliers du voile et les amygdales qui la séparent du pharynx. En fait, en fonction de ses relations avec les structures osseuses ou musculaires sous-jacentes, on y individualise plusieurs territoires : – les lèvres, riches en muscles striés (en particulier l’orbiculaire), ont un versant exobuccal cutané et un versant interne muqueux riche en glandes salivaires accessoires (siège électif de la biopsie de ces dernières). Entre les deux, existe une zone transitionnelle rouge, le vermillon ou zone de Klein ; – la muqueuse jugale est séparée du muscle buccinateur par un tissu conjonctif et adipeux abondant avec de nombreuses glandes salivaires accessoires ; – La langue, organe très différencié, intervient non seulement dans la fonction du goût mais aussi dans la parole et la mastication. La muqueuse y repose sur une musculeuse constituée de faisceaux intercroisés en tous sens. Sur son dos, elle présente de nombreuses papilles dont on distingue trois variétés : – les papilles filiformes sont dispersées sur toute la surface et confèrent au dos de la langue son aspect râpeux ; – les papilles fongiformes, plus grosses, sont intriquées aux précédentes mais prédominent sur les bords de la langue ; – les papilles caliciformes ou circumvallées, très apparentes, sont alignées le long du sulcus terminalis. Elles forment le V lingual et limitent le foramen coecal ; – les papilles foliées, situées dans la région postérieure et sur les bords, de forme irrégulière, sont constituées de tissu lymphoïde. La muqueuse de la face ventrale de la langue, en revanche, d’aspect lisse, est dépourvue de papilles. Elle se poursuit avec celle du plancher buccal. Langue et plancher sont réunis sur la ligne médiane par le frein de la langue ; – le plancher de la bouche : la muqueuse y revêt les glandes sublinguales. Elle présente deux saillies, les caroncules sublinguales, qui sont obliques d’arrière en avant et dessinent un V dont le sommet est situé sur la ligne médiane. Sur ces saillies s’abouchent les nombreux canaux excréteurs des glandes sublinguales ; – les gencives : à ce niveau, la muqueuse circonscrit le collet des dents et recouvre l’os alvéolaire auquel elle est étroitement fixée. Entre face externe de la gencive et muqueuse jugale, se creuse le sillon vestibulaire ; – le palais dur : la muqueuse y est étroitement amarrée au tissu conjonctif et au plan osseux sous-jacent et est sillonnée de plis transversaux ; – le palais mou, situé en arrière du précédent, est revêtu d’une muqueuse mince.
Variations histologiques selon la topographie La muqueuse buccale, de type malpighien, ressemble à la peau, mais en diffère par l’absence d’annexes (bulbes pileux, glandes sudoripares, glandes sébacées) et le petit nombre de mélanocytes. De plus, elle tire son originalité d’une humidification permanente par la salive que sécrètent les nombreuses glandes salivaires accessoires qui lui sont annexées et du turnover très rapide [9] des cellules de son épithélium (25 jours au lieu de 50 à 75 jours pour
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HISTOLOGIE DE LA MUQUEUSE BUCCALE ET DES MAXILLAIRES
Stomatologie
1
Muqueuse masticatrice (palais) : kératinisation en surface ; crêtes épithéliales s’invaginant dans un chorion dense, fibreux. Hématéine-éosine × 40.
3
Muqueuse spécialisée (dos de la langue) : papille fongiforme. Hématéine-éosine × 40.
2
Muqueuse bordante (lèvre inférieure) : pas de crêtes épithéliales au niveau de la basale ; chorion lâche hébergeant une glande salivaire accessoire. Hématéine-éosine × 160.
l’épiderme). Notons que quelques glandes sébacées hétérotopiques sont parfois visibles dans la lèvre supérieure et dans la muqueuse buccale, donnant des nodules jaunâtres appelés taches de Fordyce. Il est classique de décrire trois types de muqueuse buccale en fonction de sa topographie [16, 17, 18] : – la muqueuse masticatrice qui tapisse gencives et palais dur, aide à la compression mécanique des aliments. Kératinisée en surface, solidement amarrée aux structures osseuses sous-jacentes (palais et os alvéolaire), elle présente des crêtes épithéliales longues s’invaginant profondément dans le tissu conjonctif. Ce dernier est riche en fibres collagènes (fig 1) ; – la muqueuse bordante, revêtant versant muqueux des lèvres, joues, plancher et face ventrale de la langue, palais mou, est flexible. Elle se laisse distendre par les aliments. Non kératinisée en surface, elle ne présente que des crêtes épithéliales basales peu accusées. Son chorion, très vascularisé, est connecté aux muscles sous-jacents par une sous-muqueuse de texture lâche (fig 2) ; – la muqueuse spécialisée, cantonnée au dos de la langue, est kératinisée comme les muqueuses masticatrices. De plus, elle est pourvue de papilles intervenant dans la fonction gustative : – les papilles filiformes, élevures coniques, ont un axe conjonctif mince, revêtu d’un épithélium très kératinisé ; – les papilles fongiformes, en forme de champignon sont plus larges à leur extrémité supérieure qu’à leur base (fig 3). Les crêtes basales épithéliales sont très marquées ; – les papilles caliciformes, circumvallées, sont entourées à la base par un sillon profond au fond duquel s’abouchent les glandes salivaires accessoires séreuses de von Ebner ; – les bourgeons du goût, supports de la fonction du goût, sont en majeure partie situés au niveau des papilles. À titre accessoire, on peut les rencontrer dans d’autres territoires de la muqueuse buccale, voire dans l’oropharynx. Ces organes, en rapport avec les terminaisons nerveuses des différents nerfs sensitifs de la cavité buccale (nerfs glossopharyngien, intermédiaire de Wrisberg, pneumogastrique) sont des placodes ovoïdes de structure neuroépithéliale, invaginées dans l’épithélium (fig 4). Du côté du chorion, ils sont connectés avec les terminaisons nerveuses par un pore interne maintenu ouvert en permanence. Le corpuscule proprement dit est formé d’une vingtaine de cellules de soutien, allongées, rondes ou ovoïdes, à juxtaposition arciforme. Entre ces cellules circulent des fibres nerveuses et page 2
4
Muqueuse du dos de la langue : corpuscule du goût enchâssé dans l’épithélium. Hématéineéosine × 100.
des cellules sensorielles neuroépithéliales. Ces cellules, allongées, traversent l’épithélium au niveau d’un pore externe et entrent ainsi en contact avec le contenu de la cavité buccale ; – les papilles foliées sont formées de tissu lymphoïde à disposition folliculaire caractéristique.
Étude histologique, immunohistochimique et ultrastructurale La muqueuse buccale est constituée d’un épithélium malpighien et d’un tissu conjonctif dénommé lamina propria ou chorion. La base de l’épithélium présente des irrégularités avec crêtes épithéliales entourant des papilles conjonctives. Entre épithélium et conjonctif, se situe la membrane basale, mesurant 1 à 2 µm d’épaisseur. Il n’existe pas, comme dans l’intestin, de limite nette entre muqueuse et sous-muqueuse. Dans de nombreuses régions (joues, lèvres, palais mou), une couche de graisse avec des glandes salivaires, des vaisseaux et des nerfs, sépare la muqueuse de l’os ou des muscles sousjacents. Celle-ci correspond à la sous-muqueuse. Ailleurs (gencives, palais dur), cette sous-muqueuse manque et la muqueuse est directement attachée au périoste du squelette sous-jacent. Cette attache, non élastique, est dénommée mucopérioste. Les glandes salivaires accessoires sont situées dans le chorion ou plus profondément. Des nodules de tissu lymphoïde avec cryptes bordées par un épithélium, sont dispersés dans la muqueuse buccale. Les plus gros, postérieurs, forment les amygdales linguale, palatine et pharyngée (ils constituent l’anneau de Waldeyer). Les plus petits sont ubiquitaires (palais mou, face ventrale de la langue, plancher). Tous ces organes, intervenant dans diverses réactions immunologiques, jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les infections de la bouche.
Épithélium Il forme une barrière entre cavité buccale et tissus profonds. De type malpighien, il est constitué de plusieurs couches de cellules étroitement attachées les unes aux autres, appelées kératinocytes. Comme dans la peau, l’intégrité de cet épithélium est maintenue grâce au renouvellement permanent des cellules par l’intermédiaire des divisions mitotiques des assises profondes et de la migration vers la surface des cellules ainsi formées qui remplacent régulièrement les cellules vieillies et desquamées. Ainsi, peut-on distinguer dans l’épithélium une double population de cellules : les cellules germinales, capables de se diviser et de produire
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Stomatologie
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5 Épithélium malpighien kératinisé en surface (gencive) : kératinocytes polygonaux, régulièrement stratifiés, avec espaces clairs intercellulaires renfermant des traits parallèles (épines). Hématéine-éosine × 300. 7 Épithélium malpighien : présence de cytokératine dans les couches basale et suprabasale. Immunohistochimie. Anticorps CAM2. Grossissement × 220.
complémentaires (positivité des a2 B1 intégrines sur les cellules épithéliales basales et les couches adjacentes, positivité des a3 B1 sur la couche basale). • Étude ultrastructurale
6 Épithélium malpighien : présence de cytokératine dans toute l’épaisseur de l’épithélium. Immunohistochimie. Anticorps anti-KL1. Grossissement × 220.
constamment de nouvelles cellules ; les cellules en maturation qui se différencient progressivement vers la surface. Outre ces cellules épithéliales, on trouve également des cellules dendritiques particulières (cellules de Langerhans et mélanocytes) ainsi que quelques cellules de Merkel.
Cellules épithéliales ou kératinocytes • Aspect histologique
Il varie selon que se produit en surface une kératinisation ou non [5]. – Dans les zones kératinisées se superposent les couches suivantes : – le stratum germinatum (couche basale ou germinative) repose sur la membrane basale. Les cellules, cubiques ou cylindriques, ont un gros noyau très chromophile. Elles sont disposées en une ou deux assises. Elles sont le siège de nombreuses mitoses ; – le stratum spinosum (ou couche squameuse) est composé de cellules polygonales ou arrondies accrochées les unes aux autres par des ponts linéaires correspondant aux desmosomes (fig 5) ; – le stratum granulosum (ou couche granuleuse) est formé de cellules aplaties renfermant dans leur cytoplasme de fines granulations de kératohyaline, colorées en violet par l’hématoxyline ; – le stratum corneum (ou couche kératinisée) est constitué de fines squames acidophiles de kératine. Au sein de cette couche persistent souvent quelques noyaux résiduels pycnotiques, ou des espaces clairs représentant l’emplacement de noyaux dégénérés. Cet aspect caractérise la parakératose. – Dans les zones non kératinisées, la couche granuleuse est absente. Les cellules conservent jusqu’en surface un noyau rond et leur cytoplasme renferme un glycogène abondant, PAS (acide périodique Schiff) positif, disparaissant après digestion par l’amylase. • Immunohistochimie
Utilisant des anticorps monoclonaux anticytokératine, elle permet de définir le degré de différenciation des kératinocytes en fonction du type de leurs filaments intermédiaires. Les cytokératines à poids moléculaire élevé sont visibles dans les cellules différenciées (fig 6) [4].Les cytokératines à faible poids moléculaire sont présentes dans les cellules jeunes (fig 7). Des études plus récentes avec anticorps primaires monoclonaux spécifiques (récepteurs du collagène a2 et a3, B1 intégrines) révélés par complexes marqués avidine-biotine-peroxydase, donnent des renseignements
Les cellules germinatives sont attachées à la membrane basale par des hémidesmosomes. Leur cytoplasme renferme de nombreux organites communs à toute cellule (mitochondries, lysosomes, appareil de Golgi, ribosomes, ergastoplasme granuleux). Leur noyau est pourvu de plusieurs nucléoles. De plus, on y observe les structures propres aux cellules épithéliales de souche malpighienne (tonofilaments, desmosomes). Dans les zones kératinisées, les cellules, au fur et à mesure qu’elles migrent en surface, s’enrichissent en tonofilaments, groupés en faisceaux épais. Ceux-ci appartiennent à la classe des filaments intermédiaires. Ils sont constitués de protéines synthétisées par les ribosomes ; ils ont l’aspect de longs filaments de 8 nm de diamètre et se groupent en faisceaux de tonofibrilles. Les desmosomes assurent la cohésion entre les cellules (fig 8, 9). Dus à des modifications spécialisées des membranes cellulaires, ils sont situés en regard d’un épaississement intracellulaire (plaque d’attache des tonofilaments, constituée d’une protéine, la desmoplakine). La couche granuleuse contient des mottes de kératohyaline opaques aux électrons et disposées au contact des tonofilaments (fig 10). De plus s’observent des corps de Odland (kératinosomes). Ces organites de petite taille (100 à 200 nm de diamètre), ronds ou ovales, sont striés à l’intérieur et entourés d’une membrane trilaminaire. Ils contiennent comme les lysosomes des phosphatases acides mais également des phospholipides. Formés dans le Golgi, ils sont extrudés dans l’espace intercellulaire où ils forment des masses lamellaires avant de se désintégrer. Ils représentent ainsi une barrière physiologique à la pénétration d’eau dans la couche profonde de l’épithélium. La couche cornée est constituée de plusieurs couches de cellules kératinisées aplaties en bandes opaques (fig 10) avec disparition des organites et du noyau et rupture des desmosomes, ce qui permet la desquamation cellulaire. Dans les zones non kératinisées, les tonofilaments peu nombreux sont disposés sans groupement en faisceaux de tonofibrilles. Les grains de glycogène sont nombreux. En microscopie à balayage [3, 10, 11], la surface de l’épithélium dessine une mosaïque de cellules polyédriques de 30 à 50 mm de diamètre, limitées par des bords nets mais minces correspondant aux lames terminales. Leur noyau, petit, rond, central, est peu apparent. La face supérieure de ces cellules est parcourue par des rides (fig 11) tantôt parallèles aux bords cellulaires, tantôt curvilignes. Ces rides s’anastomosent et limitent des logettes en « nid d’abeille » lorsque survient une kératinisation (fig 12). Leur face profonde est hérissée de microvillus de taille et de répartition régulières correspondant aux desmosomes. Les assises sous-jacentes possèdent des microvillus sur toutes leurs faces.
Cellules non kératinocytes Souvent dénommées cellules claires, elles possèdent en effet un halo clair périnucléaire. Elles correspondent en fait à trois types cellulaires, authentifiés par la microscopie électronique et l’histochimie : mélanocytes, cellules de Langerhans et cellules de Merkel. De plus, on peut retrouver des lymphocytes intraépithéliaux. • Mélanocytes
Nés de la crête neurale ectodermique, ils migrent dans l’épithélium buccal comme dans la peau pendant l’embryogenèse (11 e semaine). Ils sont susceptibles de se multiplier dans certaines conditions et entraînent alors une pigmentation endogène brunâtre [6] . Situés dans l’assise basale de page 3
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10 Surface d’un épithélium kératinisé : squames opaques sans organites ni noyau. Au-dessous, kératinocytes de la couche granuleuse avec mottes opaques de kératohyaline. Microscopie électronique à transmission × 60 000. 8
Kératinocytes : présence de nombreux desmosomes dans les espaces intercellulaires. Microscopie électronique à transmission × 4 500.
9
Kératinocyte : desmosomes et tonofilaments. Microscopie électronique à transmission × 60 000.
11 Surface d’une muqueuse buccale non kératinisée : kératinocyte avec stries parallèles ou curvilignes saillantes ; sur la face inférieure, microvillus nombreux. Microscopie électronique à balayage × 4 000.
l’épithélium, ils sécrètent la mélanine, pigment brunâtre, bien mis en évidence par les colorations argentaffines (Fontana) en microscopie optique. En microscopie électronique, ce sont des cellules étoilées, dendritiques, qui, à l’inverse des kératinocytes, sont dépourvues de desmosomes et de tonofilaments. Dans leur cytoplasme s’édifient, sous l’influence d’une enzyme mélanogénétique synthétisée par les ribosomes, les prémélanosomes (grains ronds) puis les mélanosomes (ronds et striés longitudinalement) renfermant la mélanine. Dans des conditions pathologiques d’hyperproduction de pigment mélanique, ce pigment se retrouve dans certains kératinocytes et dans les cellules conjonctives (macrophages de types mélanophages). • Cellules de Langerhans [14]
Proches parentes des macrophages, elles naissent dans la moelle osseuse et migrent dans l’épithélium en même temps que les mélanocytes pendant la vie embryonnaire. En microscopie optique, elles siègent surtout dans la région suprabasale de l’épithélium, mais sont parfois en plein corps muqueux. Ces cellules, globuleuses, ont un cytoplasme clair, abondant et un noyau allongé. Dépourvues de desmosomes, elles ont de multiples prolongements arborescents qui s’insinuent entre les kératinocytes (cellules dendritiques) et contractent des rapports avec les lymphocytes T intraépithéliaux. L’histoenzymologie y démontre des activités ATPasiques (ATP : adénosine triphosphate) et estérasiques non spécifiques sur la membrane cellulaire. L’étude immunohistochimique y révèle des antigènes de surface plus spécifiques (antigène OKT6, protéine S100, HLA DR) (fig 13). Par ailleurs, en microscopie électronique, ces cellules claires (fig 14) renferment des organites pathognomoniques, les corps de Birbek (bâtonnets ou raquettes à manche strié) (fig 15). Le rôle immunologique de ces cellules est fondamental. Elles reconnaissent le matériel antigénique qui pénètre dans l’épithélium et présentent cet antigène aux lymphocytes T. Ceux-ci activent d’autres clones cellulaires (lymphocytes B et macrophages) et mobilisent leur sous-groupe T8 cytotoxique vers la cible antigénique. La fraction T4 de ces lymphocytes T active les lymphocytes B qui se transforment en plasmocytes. • Cellules de Merkel
Sans doute dérivées de la crête neurale, elles sont situées dans l’assise basale de l’épithélium. On les observe dans la gencive et le palais [8]. Ce sont des cellules rondes, sans prolongements dendritiques. Elles peuvent posséder page 4
12 Surface d’une muqueuse buccale kératinisée : stries saillantes anastomosées, circonscrivant des cavités en « nid d’abeille ». Microscopie électronique à balayage × 6 000.
quelques tonofilaments, voire quelques desmosomes. Elles renferment dans leur cytoplasme des granules de catécholamines. Elles joueraient un rôle sensoriel en libérant un transmetteur aux fibres nerveuses adjacentes. • Cellules inflammatoires
Ce sont surtout des lymphocytes, rarement des polynucléaires.
Jonction épithélium-chorion Cette zone, où les papilles conjonctives alternent avec les crêtes épithéliales, est une zone fondamentale dans les échanges épithélioconjonctifs. En microscopie optique, c’est une bande amorphe faiblement PAS positive, colorée par l’argent. La microscopie électronique a seule révélé les détails complexes de cette lame basale (basal lamina) hautement organisée. On y distingue : – la lamina densa, couche de matériel granulofilamenteux de 50 nm d’épaisseur, parallèle à la membrane basale cellulaire épithéliale, mais séparée d’elle par la lamina lucida. Elle contient du collagène IV (fig 16) ;
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23 Glande salivaire accessoire labiale (biopsie) : glande séromuqueuse. Hématéineéosine × 40.
25 Mandibule. Section perpendiculaire au rebord alvéolaire. Os compact constituant les deux corticales : os spongieux au centre. Hématéineéosine × 60.
24
Glande salivaire accessoire linguale de type muqueux. Hématéine-éosine × 160.
Structure De constitution superposable à celle des glandes principales, elles comportent des lobules sécréteurs avec des acini formés de cellules tantôt muqueuses, claires, vacuolisées, à PAS positif, tantôt séreuses, sombres, finement granuleuses. Dans les glandes à double sécrétion, acini muqueux et séreux peuvent être juxtaposés ou plus souvent dans un même acinus, les cellules séreuses, périphériques, entourent les cellules muqueuses (image en « croissant » de Gianuzzi). Dans toutes ces cellules, la microscopie électronique objective une intense activité sécrétoire. Le noyau est situé à la base. Dans le cytoplasme, à son contact, l’ergastoplasme granulaire et l’appareil de Golgi sont très développés. Au pôle apical s’accumulent de nombreux grains de sécrétion. Chaque acinus est entouré de cellules myoépithéliales douées d’une activité musculaire contractile. Les acini déversent leur sécrétion dans les canaux excréteurs. Dans ceux-ci, plusieurs segments sont individualisés : – pièce intercalaire à bordure cellulaire cubique jeune, capable dans des conditions pathologiques de régénérer à la fois les cellules acineuses et les cellules myoépithéliales périphériques. Elle joue un rôle fondamental dans la régénération ; – canal strié dont les cellules sont très riches en mitochondries invaginées dans des replis de la membrane plasmique basale. Cette pièce est indispensable à la concentration du flux salivaire (transport des électrolytes du sang vers la salive et inversement) ; – les canaux excréteurs, intra- et extralobulaires, sont revêtus d’un épithélium cylindrique riche en mitochondries. Au niveau de leur abouchement dans la muqueuse, leur bordure épithéliale devient malpighienne.
Fonctions La salive sécrétée en permanence par ces glandes prévient les infections de la muqueuse buccale. Dans cette fonction interviennent lysozyme, lactoferrine et Ig : le lysozyme et la lactoferrine sont des facteurs bactériostatiques, sécrétés par la salive. En ce qui concerne les Ig, outre les IgA, IgG et IgM sécrétées par les plasmocytes, l’IgA sécrétoire (molécule plus grosse que celle de l’IgA sérique) est synthétisée localement par les glandes salivaires. Libérée dans la salive, elle inhibe l’adhérence bactérienne à la muqueuse.
Muqueuse oropharyngée La cavité buccale s’ouvre par l’isthme pharyngobuccal dans l’oropharynx (ou mésopharynx). Cette région, carrefour aérodigestif, est en continuité vers le haut avec le nasopharynx, prolongeant en arrière les fosses nasales, vers le bas avec l’épiglotte et le larynx d’une part, avec l’hypopharynx et l’origine de l’œsophage d’autre part.
Au niveau de l’isthme pharyngobuccal, la muqueuse est identique à celle de la bouche : elle comporte un épithélium malpighien non kératinisé, un chorion et une sous-muqueuse lâches avec glandes annexes de type mucosécrétant. La particularité réside ici dans l’abondance des formations lymphoïdes dont les plus volumineuses sont les amygdales palatines. L’épithélium s’y invagine en récessus profonds et bifurqués, les cryptes, engainés de gros manchons lymphoïdes pourvus de centres germinatifs clairs. Des formations de plus petite taille, à distance de ces amygdales principales, sont observées sur le voile et la face postérieure de la langue. Tous ces îlots ont les mêmes fonctions que les ganglions lymphatiques. Ils produisent en effet des plasmocytes sécréteurs d’Ig. Le nasopharynx est revêtu d’un épithélium cylindrique pseudostratifié de type respiratoire, d’un chorion, d’une musculaire muqueuse en partie élastique et d’une sous-muqueuse. Toutefois, notamment lors du vieillissement, sur la voûte pharyngée, de nombreux secteurs de métaplasie malpighienne apparaissent. Des glandes muqueuses sont partout annexées à l’épithélium. Par ailleurs, les formations lymphoïdes sont nombreuses. Elles constituent sur la paroi postérieure du pharynx, notamment chez l’enfant, de vastes plages parfois végétantes (végétations adénoïdes).
Maxillaires Rappel anatomique Les maxillaires constituent la majeure partie du squelette de la face : – le maxillaire inférieur, ou mandibule, est pourvu d’une branche horizontale médiane et de deux branches montantes droite et gauche. Celles-ci présentent à leur extrémité supérieure deux apophyses : le coroné et le condyle. Le condyle s’articule avec l’os temporal (articulation temporomandibulaire) ; – le maxillaire supérieur (ou massif facial), de structure beaucoup plus complexe, apparaît creusé sur la ligne médiane des fosses nasales. Il forme le plancher de l’orbite en haut. Il présente deux cavités sinusiennes latérales, les sinus maxillaires. Ces deux pièces osseuses ont en commun, en regard des gencives, un os particulier, l’os alvéolaire où sont enchâssées les dents.
Structure histologique Le corps de ces deux pièces squelettiques comporte, comme dans tout os de membrane, une corticale où prédominent les processus d’ostéoformation et de modelage de l’os, une spongieuse où la résorption osseuse prépondérante crée une structure trabéculaire autour d’espaces médullaires larges (fig 25). Physiologiquement, le périoste, gaine collagène riche en fibroblastes, sépare la corticale des tissus mous. Il produit, sur sa face interne, une matrice protéique qui se minéralise secondairement par cristaux d’hydroxyapatite (ossification périostée). Cette ossification primaire subit un remodelage par l’intermédiaire des canaux de Havers qui, disposés autour de vaisseaux, édifient des lamelles osseuses concentriques (ossification endostale). Parallèlement, la résorption osseuse, également permanente, s’effectue selon deux mécanismes : – les cellules multinucléées (myéloplaxes), qui creusent des logettes de résorption (lacunes de Howship) à la périphérie de la substance osseuse ; – les ostéocytes qui lysent la paroi de leurs logettes (ostéolyse périostéocytaire). Le cortex, formé d’os compact, est recouvert d’un mince tissu fibreux, le périoste. On y trouve les canaux de Havers, espaces circulaires, entourés de 6 à 12 lamelles osseuses concentriques séparées par des lignes d’apposition et peuplées de couronnes d’ostéocytes (fig 26, 27). La spongieuse est constituée page 7
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HISTOLOGIE DE LA MUQUEUSE BUCCALE ET DES MAXILLAIRES
Stomatologie
29 Os alvéolaire : section perpendiculaire avec dent enchâssée dans la loge alvéolaire ; lamina dura à gauche ; os spongieux à droite. Hématéineéosine × 40. 26
Os compact : canaux de Havers avec ostéocytes. Hématéine-éosine × 160.
27 Os compact : tissu osseux non décalcifié traité par usure : lamelles concentriques avec ostéocytes en périphérie d’un canal de Havers. Grossissement × 160.
30 Os alvéolaire : lamina dura à droite ; à gauche, cément radiculaire ; entre les deux, quelques faisceaux collagènes et vaisseaux du ligament périodontal. Hématéine-éosine × 240.
cartilage hyalin. La capsule qui les entoure comporte une tunique fibreuse, matelassée par les tendons et aponévroses avec, à son contact, des corpuscules proprioceptifs et une tunique interne, la synoviale, lubrifiant par sa sécrétion mucoprotéique les surfaces articulaires.
Os alvéolaire
28 Os spongieux : travée osseuse creusée de logettes ostéocytaires et lacunes de moelle osseuse. Hématéine-éosine × 240.
de trabécules bordées d’ostéoblastes et creusées de logettes contenant des ostéocytes (fig 28). Ces travées, dont la trame fibrillaire est régulière avec fibres parallèles bien visibles en lumière polarisée, délimitent les lacunes de moelle osseuse adipeuse et hématopoïétique.
Situé sous la gencive des deux maxillaires, l’os alvéolaire est creusé d’alvéoles dans lesquelles s’implantent les racines dentaires (fig 29). Il appartient au parodonte, constitué en dedans par le cément de la racine dentaire et en haut par la gencive. Entre cément et os alvéolaire sont tendus les faisceaux collagènes du ligament périodontal qui s’implantent à l’intérieur de l’os alvéolaire comme dans le cément par leurs fibres de Sharpey. Cet os est constitué d’une mince lame d’os compact (lamina dura) (fig 30). Ce tissu haversien est formé de lamelles enroulées concentriquement autour de petites cavités. Il s’y produit en permanence des phénomènes d’ostéoformation et d’ostéodestruction intenses lui conférant souvent un aspect « pagétoïde ». Ce remodelage explique l’adaptation aux phénomènes mécaniques que subissent les dents : – sous l’effet d’une pression, il se produit une résorption osseuse ; – sous l’effet d’une traction, il apparaît une ostéogenèse.
Au niveau de l’articulation temporomandibulaire [13] Le cartilage articulaire fait suite à l’étui périostique. Dans cette articulation de type diarthrosique, chaque extrémité osseuse possède un capuchon de
Il conditionne également la pratique de traitements orthodontiques. L’os spongieux de soutien est constitué de lamelles osseuses grêles et de lacunes conjonctives larges contenant la moelle osseuse.
Références ➤
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Stomatologie
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-007-B-10
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Histologie du complexe pulpodentinaire MM Auriol Y Le Charpentier G Le Naour
Résumé. – Après un rappel embryologique concernant la formation de la dentine et de la pulpe, ces deux tissus sont étudiés à l’aide des techniques histologiques de routine, de l’usure dentaire et du microscope électronique à transmission et à balayage. Enfin sont envisagées les altérations du complexe liées à l’âge. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction
1
Dentine et pulpe constituent la majeure partie de la dent. Elles sont protégées en surface par l’émail de la couronne et en profondeur par le cément radiculaire. Nous les envisagerons dans un chapitre commun, comme le font la plupart des auteurs dans les traités récents d’histologie dentaire. A priori, ces deux tissus semblent très différents : la dentine est un tissu dur, minéralisé, tandis que la pulpe est un tissu conjonctif mou. Pourtant, embryologiquement, ils naissent tous deux d’un mésenchyme particulier, l’ectomésenchyme. Par ailleurs, leurs relations histologiques et fonctionnelles demeurent étroites, tant dans la dent adulte qu’au cours de l’odontogenèse.
Développement du complexe pulpodentinaire au cours de l’odontogenèse Pulpe et dentine ont pour origine la papille mésenchymateuse du bourgeon dentaire. ODONTOGENÈSE
[53, 56]
Au tout début de l’odontogenèse, il s’agit d’un blastème situé à l’emplacement des futurs arcs gingivaux maxillaire et mandibulaire. Les cellules de ce blastème sont des cellules mésenchymateuses nées dans les crêtes neurales du trijumeau et migrées ensuite dans les futures arcades dentaires. Elles induisent, après leur migration, une multiplication des fibroblastes locaux. Ce mésenchyme richement cellulaire se fragmente ensuite en regard de chaque bourgeon épithélial émis par la lame dentaire et va subir, dès lors, des modifications morphologiques étroitement couplées à celles du bourgeon de l’émail.
¶ Stades Dans un premier stade, le mésenchyme forme un manchon autour de l’organe de l’émail en forme de sphère. Marie-Michelle Auriol : Maître de conférences universitaire, assistant des Hôpitaux, service d’anatomie et de cytologie pathologiques. Yves Le Charpentier : Professeur, chef du service d’anatomie pathologique. Gilles Le Naour : Ingénieur. Département de pathologie, université Paris VI, institut de stomatologie, chirurgie plastique et maxillofaciale. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
3 1 2
Formation de la dentine coronaire par les odontoblastes de la papille mésenchymateuse. 1. Améloblastes ; 2. odontoblastes ; 3. dentine ; 4. émail ; 5. papille mésenchymateuse.
4 5
Dans un deuxième stade, il se localise dans la concavité de la cupule formée par l’organe de l’émail ; il devient la papille dentaire. Au stade de la cloche, puis de la couronne, se produisent d’importants changements. En regard de l’épithélium dentaire interne, formé de cellules cylindriques encore non sécrétantes (préaméloblastes), sous l’influence d’un phénomène d’induction épithélioconjonctive, des fibroblastes de la papille se métamorphosent en odontoblastes, disposés en palissade en périphérie de la papille. Ceux-ci sont séparés des préaméloblastes par une membrane basale continue. Puis, sous l’influence d’une induction conjonctive sur l’épithélium [25, 26, 40, 48, 55] , les odontoblastes commencent à sécréter la matrice organique de la dentine et induisent la transformation des préaméloblastes en améloblastes qui vont sécréter l’émail (fig 1 à 3). La formation de la dentine radiculaire, plus tardive, est précédée par l’apparition des crêtes épithéliales de Hertwig, nées à la jonction entre épithéliums externe et interne de l’organe de l’émail. Là encore, les cellules épithéliales induisent la métamorphose de fibroblastes en odontoblastes [41] et initient l’édification de la dentine radiculaire par ces odontoblastes (fig 4). Après désintégration de la crête de Hertwig, la dentine induira la transformation des fibroblastes du sac dentaire en cémentoblastes qui fabriqueront le cément protecteur de la racine.
¶ Vaisseaux et nerfs Durant cette odontogenèse, des vaisseaux et des nerfs se développent :
Toute référence à cet article doit porter la mention : Auriol MM, Le Charpentier Y et Le Naour G. Histologie du complexe pulpodentinaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-007-B-10, 2000, 15 p.
150 461
EMC [257]
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2 Bourgeon dentaire au stade de la cloche. Début d’édification de la dentine coronale.
3
Incisive de rat en croissance permanente. Couche profonde de dentine au contact de la papille mésenchymateuse. En surface, édification d’émail en partie dissous lors de la technique.
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5
Odontoblaste. Citernes d’ergastoplasme granulaire très développées (microscopie électronique à transmission).
– nerfs : des filets nerveux [1, 29] arrivent au contact du bourgeon dentaire au stade de la cupule. Ceux-ci se ramifient autour du germe dentaire et forment un riche plexus dans le sac folliculaire. Mais ils ne pénètrent pas la papille dentaire. DENTINOGENÈSE
[30, 41, 64]
Les odontoblastes (fig 5) issus de l’ectomésenchyme, produisent la matrice organique, secondairement minéralisée, de la dentine. Ils ne peuvent fonctionner correctement qu’en présence d’une bonne vascularisation sanguine et d’une intense activité phosphatase alcaline sur leur membrane.
¶ Schéma de la formation de la dentine
4 3
1
Formation de la dentine radiculaire au contact des crêtes épithéliales de Hertwig. 1. Émail ; 2. crête épithéliale de Hertwig ; 3. organe dentaire ; 4. améloblastes ; 5. odontoblastes ; 6. papille mésenchymateuse ; 7. dentine.
4 5
6 2 7
– vaisseaux sanguins : des bouquets vasculaires se ramifient autour du germe dentaire dans le follicule et pénètrent, au stade de la cupule, dans la papille dentaire. Au fur et à mesure de l’histodifférenciation, ils se multiplient pour atteindre leur plein développement pendant l’édification de la couronne ; 2
L’édification commence au stade de la cloche, en regard de l’épithélium dentaire interne. Elle continue jusqu’à l’entière formation de la dentine coronale. C’est la dentine primaire. La dentine radiculaire, autour de la papille dentaire, ne se construit que tardivement, après l’éruption dentaire (18 mois après celle-ci pour les dents déciduales, 2 à 3 ans après pour les dents permanentes). Au cours de la vie, une dentine secondaire physiologique continue à s’édifier en même temps que la taille de la cavité pulpaire se réduit.
¶ Différenciation des odontoblastes Le mécanisme de cette différenciation à partir de fibroblastes explique non seulement le développement normal de la dentine, mais aussi l’apposition possible, durant toute la vie, de dentine de réparation. Initialement, l’ectomésenchyme est séparé de l’épithélium dentaire interne par une membrane basale continue. Celle-ci se dégrade ensuite. Par les brèches, fibroblastes et préaméloblastes entrent en contact. Ainsi seraient assurées les interactions épithélioconjonctives [23, 36, 40], grâce à la transmission de divers facteurs de croissance présents dans l’épithélium dentaire interne. Du fait de ces interactions, les fibroblastes se métamorphosent en odontoblastes, ce qui implique des modifications à la fois morphologiques et fonctionnelles. Les cellules, d’abord petites, à noyau central et à cytoplasme pauvre en organites, deviennent cylindriques hautes (25 à 40 µm de long) et se déposent en palissade à la périphérie de la papille mésenchymateuse. Leur pôle apical se hérisse de nombreuses villosités cytoplasmiques qui s’insinuent dans les brèches de la membrane basale et entrent en contact avec les cellules de l’épithélium dentaire interne. Leur noyau migre au pôle basal. Les organites cytoplasmiques, situés entre noyau et pôle apical, sont nombreux (mitochondries, appareil de Golgi, ergastoplasme granulaire très abondant). Sur la membrane cytoplasmique, l’activité de la phophatase alcaline est intense [13, 65]. Entre ces odontoblastes
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en voie de différenciation et la région sous-odontoblastique existe une zone acellulaire comportant un riche réseau capillaire et des fibres collagènes épaisses (classiques fibres de von Korff, dont la réalité est actuellement contestée). Sous cette zone, les cellules conjonctives grossissent et deviennent des préodontoblastes, qui se transforment ensuite en odontoblastes.
6
Minéralisation de la dentine. Aspect globuleux des nodules calcifiés qui sont séparés par des zones non minéralisées (microscopie électronique à balayage).
¶ Dentinogenèse proprement dite Les odontoblastes fabriquent la trame organique collagène de la dentine, puis sécrètent cette matrice dans le milieu extracellulaire où elle subit une minéralisation secondaire. Synthèse du collagène Identique à celle observée dans le fibroblaste, elle s’effectue dans l’ergastoplasme granulaire, puis l’appareil de Golgi et les vésicules sécrétoires. Puis les fibrilles sont assemblées en dehors de la cellule pour former de grosses fibrilles (0,1 à 0,2 µm) à striation périodique transversale (collagène de type I). Elles s’intriquent à des fibrilles sans périodicité (collagène de type VII) et à de petites vésicules. Le tout est enrobé dans une substance fondamentale contenant des glycosaminoglycanes, des glycoprotéines et des glycolipides. Ce matériel s’accumule perpendiculairement à la membrane basale épithéliale et constitue la mantle dentine.
Structure dentinopulpaire de la dent adulte
Minéralisation [12, 31, 32] Tandis que l’odontoblaste émet un long prolongement cytoplasmique à son pôle apical, des cristaux d’hydroxyapatite apparaissent dans des vésicules matricielles [22, 23, 28]. Ces cristaux grossissent puis sont déversés en bouquets en dehors des vésicules. Ils fusionnent avec d’autres bouquets de voisinage, assurant la minéralisation de la matrice. La formation de la matrice étant en avance sur les phénomènes de minéralisation, il persiste toujours une substance organique non minéralisée, la prédentine, entre odontoblastes et front de minéralisation, l’épaisseur de cette couche étant de 150 µm. Une fois la couche la plus profonde de dentine (mantle dentine) édifiée, la dentine primaire physiologique (circumpulpaire) se constitue. La composante collagène de sa matrice s’assemble en fibrilles plus petites, plus étroitement juxtaposées et disposées perpendiculairement au prolongement odontoblastique. Dès lors, l’odontoblaste ne produit plus de vésicules matricielles et la minéralisation se fait de façon hétérogène. En revanche, il déverse dans la matrice diverses substances dont la phosphorine (phosphoprotéine), qui est un véritable marqueur des odontoblastes à leur stade mature. Cette protéine intervient vraisemblablement dans la minéralisation et suppléerait à l’absence de vésicules matricielles dans cette portion de la dentine. Aspect de la minéralisation. L’aspect morphologique de cette minéralisation est habituellement celui de calcifications globuleuses (fig 6) ou calcosphérites [44]. Celles-ci croissent et confluent pour former une masse calcifiée unique. Parfois persistent entre les globules de petites zones non calcifiées dénommées dentine interglobulaire. Parfois la minéralisation se dépose selon un front linéaire. Le calcium nécessaire à la constitution des hydroxyapatites emprunte deux voies différentes : – d’une part, il est véhiculé par voie extracellulaire dans les capillaires de la région sous-odontoblastique et transmis au site de minéralisation par les espaces intercellulaires et par la prédentine ; – d’autre part, il est transporté par voie intracellulaire, comme en attestent histochimie et autoradiographie qui montrent la circulation du calcium dans des canaux de la membrane cytoplasmique. Le dépôt de matrice dentinaire s’accroît à une vitesse journalière de 4 µm environ et entraîne, à la jonction de chaque augmentation quotidienne, une modification d’orientation des fibres collagènes. Celle-ci s’exagère au cinquième jour du cycle, entraînant la formation des stries de von Ebner qui sont séparées par une épaisseur de 20 µm de dentine.
DENTINE
Elle constitue la majeure partie de la dent. Entourant la pulpe, elle est revêtue par l’émail au niveau de la couronne et par le cément dans la racine. C’est un tissu conjonctif minéralisé et avasculaire en connexions permanentes avec la pulpe par l’intermédiaire des prolongements cytoplasmiques des odontoblastes. Elle est traversée, sur toute son épaisseur, par des tubules représentant 10 à 30 % de son volume et assurant sa perméabilité. Le corps des odontoblastes siège à la périphérie de la pulpe, sans être emmuré dans la matrice qu’il sécrète, à l’inverse de ce qui se passe dans l’os ou le cément, où les cellules productrices sont englobées dans leurs produits de sécrétion. De plus, la dentine étant dépourvue de vaisseaux, l’apport des substances nécessaires à sa synthèse et son renouvellement est assurée par la pulpe.
¶ Propriétés physiques et chimiques Cette substance, translucide, blanche jaunâtre, est plus dure que l’os et moins dure que l’émail. Sur les radiographies, elle apparaît moins opaque que ce dernier (fig 7). Elle est constituée par 70 % de matériel minéral, 20 % de substance organique et 10 % d’eau située à la surface des minéraux et dans les interstices entre les cristaux. La substance inorganique est constituée de cristaux d’hydroxyapatite. À ceux-ci s’adjoignent parfois des carbonates, sulfates et phosphates de calcium ainsi que des traces de fer, cuivre, plomb, zinc, strontium, magnésium, sodium, chlore et fluor. La fraction organique [5, 11, 62] renferme 90 % de collagène ainsi que des citrates, lactates, phosphoprotéines, protéoglycanes, glycoprotéines, protéines plasmatiques, phospholipides, glycérol, cholestérol et acides gras libres.
¶ Variétés de dentine (fig 8)
[54]
On distingue plusieurs types dits dentines primaire, secondaire et tertiaire. Quelle que soit la variété, du pôle apical de l’odontoblaste pulpaire part un prolongement cytoplasmique bifide qui circule dans le tubule dentinaire. Ce prolongement émet dans les canalicules accessoires des expansions latérales qui peuvent s’anastomoser avec celles d’odontoblastes voisins. En microcopie à balayage, après fracture de la dent et extirpation de la pulpe, les odontoblastes restent collés à la dentine. De forme cylindrique avec pôle basal conique, ils émettent par leur pôle apical le prolongement cytoplasmique qui s’enfonce dans la dentine. 3
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7 Molaire. Microradiographie montrant l’opacité de la dentine moins dense que celle de l’émail.
10
8 Différentes variétés de den1 tine. 1. Émail ; 2. mantle dentine ; 3. dentine tertiaire ; 4. dentine secondaire ; 5. dentine primaire ; 6. 2 prédentine.
11
Aspect histologique de la dentine primaire en haut ; prédentine au-dessous au contact d’une rangée d’odontoblastes.
Aspect histologique de la dentine primaire avec tubules bien visibles.
3 4 5
6
9 Dent usée. Dentine primaire avec tubules perpendiculaires à la surface de la dent.
12
Dentine primaire (zone sombre) et prédentine (zone claire) (microscopie électronique à transmission).
Dentine primaire (fig 9 à 13) Elle constitue la majeure partie de la dent. Sa portion périphérique, appelée mantle dentine dans la littérature anglo-saxonne [15], est la première sécrétée par les odontoblastes au tout début de leur différenciation. Elle a une épaisseur de 150 µm. Elle diffère du reste de la dentine primaire par la constitution de sa matrice organique. Comme celle de la papille dentaire dont elle dérive, elle manque de 4
phosphorine et de fibrilles collagènes épaisses. D’autre part, elle est moins minéralisée que le reste de la dentine primaire. Dentine secondaire (fig 9 à 11) Apparue plus tard après la formation complète de la racine, elle s’accroît lentement, mais ses lignes d’accroissement et sa structure tubulaire sont en continuité avec celles de la dentine primaire. Elle siège en périphérie de la chambre pulpaire et s’accumule en plus
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Dentine primaire minéralisée avec tubule dentinaire à droite (microscopie électronique à transmission).
grande abondance sur le toit et le plancher de cette chambre. Elle entraîne ainsi une diminution asymétrique du volume de la pulpe et de ses cornes. Dans les restaurations dentaires, ses tubules paraissent s’oblitérer plus vite que ceux de la dentine primaire ; la perméabilité dentinaire ainsi réduite protégerait la pulpe. Dentine tertiaire Elle est encore dénommée dentine réactionnelle, dentine réparatrice (fig 14, 15) ou dentine secondaire irrégulière. Elle exprime un mode de réaction à divers stimuli nocifs. Elle apparaît, par exemple, au contact d’une carie ou à la suite de procédés de restauration dentaire. Elle est constituée par des dépôts irréguliers localisés au niveau des odontoblastes préalablement agressés par le stimulus. Lorsqu’elle est sécrétée rapidement, elle est creusée de tubules irrégulièrement répartis et emmure souvent quelques odontoblastes. Aussi, la dénomme-t-on parfois ostéodentine. Quand sa sécrétion est plus lente, les tubules y sont plus réguliers et les odontoblastes demeurent à sa périphérie. Ce type de dentine, moins perméable que les dentines primaire et secondaire, aurait un rôle protecteur de la pulpe. On a récemment pu mentionner une nouvelle classification [54] où l’on distingue : – une dentine tertiaire réactionnelle édifiée à partir d’odontoblastes préexistants ; – une dentine réparatrice édifiée à partir de cellules jeunes, récemment différenciées en odontoblastes. Prédentine [63] C’est la matière organique dentinaire non minéralisée située entre cellules odontoblastiques et dentine minéralisée. Elle est constituée de nombreuses fibres collagènes et de substance fondamentale riche
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Dentine tertiaire. Répartition irrégulière des tubules et odontoblastes emprisonnés au sein de la dentine.
en glycosaminoprotéoglycanes. Pendant la durée de la dentinogenèse, son épaisseur reste constante, car dépôt de matrice et minéralisation se font au même rythme. Son élaboration se poursuit durant toute la vie de la dent adulte. Comme le tissu ostéoïde de l’os, précurseur de l’osséine, elle est dépourvue de calcium inorganique. Sur les préparations histologiques, elle apparaît plus faiblement colorée que la dentine. En microscopie électronique à transmission, on y constate de nombreuses fibres collagènes non minéralisées. En microscopie à balayage, les fibrilles se disposent perpendiculairement à l’axe des tubules. Elle joue un rôle de protection de la dentine. Lorsqu’elle fait défaut, la dentine minéralisée est exposée à une résorption par des odontoclastes.
¶ Aspect histologique de la dentine primaire En microscopie optique, celle-ci n’est pas homogène. Elle est creusée sur toute son étendue par un réseau de tubules, les tubules dentinaires, séparés les uns des autres par la dentine intertubulaire et tapissés par une dentine intratubulaire. D’autre part, on y trouve des zones de moindre calcification (dentine interglobulaire), qui siègent au niveau des lignes d’accroissement de von Ebner ainsi qu’à la jonction dentine-cément radiculaire (couche granuleuse de Tomes). Tubules dentinaires [49, 58, 59] Ils traversent toute l’épaisseur de la dentine depuis la pulpe jusqu’à la jonction amélodentinaire dans la couronne et cémentodentinaire dans la racine (fig 16 à 24). Le diamètre de ces tubules s’accroît au voisinage de la pulpe (3 à 4 µm). Ils ont un trajet sinueux en S, avec des courbures moins marquées dans la racine et au niveau du collet où ils sont presque rectilignes. Ils s’anastomosent les uns aux autres [37] par l’intermédiaire de canalicules latéraux. Ils se terminent près des jonctions de la dentine avec l’émail ou le cément en deux branches de diamètre égal ou en arborisations. Certains se prolongent dans la base de l’émail, prenant l’aspect de « fuseaux de l’émail ». Ces tubules semblent avoir un rôle bénéfique : assurer les échanges entre prolongement de Tomes et dentine. Ils peuvent, à l’inverse, jouer un rôle nocif : transmission des bactéries dans les caries ; transport de substances chimiques, de matériaux et de drogues utilisés dans les techniques de restauration dentaire. Dentine intratubulaire (ou péritubulaire)
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Dentine tertiaire édifiée dans la pulpe après une carie.
Sur les coupes de dents non décalcifiées (dents usées), l’intérieur du tubule apparaît tapissé par un anneau de dentine hyperminéralisée (renfermant 40 % de minéraux supplémentaires). Sur les coupes décalcifiées, elle n’est plus visible, car entièrement dissoute par les acides. Longtemps dénommée dentine péritubulaire, cette 5
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Aspect histologique des tubules dentinaires sectionnés longitudinalement.
Dent usée. Tubules dentinaires sectionnés transversalement. Prolongements cytoplasmiques des odontoblastes dans leur lumière.
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Tubules dentinaires. Section transversale.
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Dent usée. Tubules dentinaires sectionnés longitudinalement.
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Orifices des tubules dentinaires vus par la chambre pulpaire (microscopie électronique à balayage).
21
Orifices des tubules dentinaires avec odontoblastes étoilés collés sur la dentine (microscopie électronique à balayage).
dénomination est moins usitée actuellement car microscopie électronique et radiographie avec rayons mous ont précisé son siège dans le tubule. Dentine sclérotique On appelle ainsi l’obstruction des tubules par un matériel calcique avec lequel les dépôts s’accroissent (fig 25 à 28) et réduisent la perméabilité de la dentine. Mais d’autres mécanismes peuvent également favoriser cette occlusion : dépôts de dentine minéralisée 6
dans la lumière du tubule ; minéralisation diffuse entourant un prolongement odontoblastique vivant ; calcification du prolongement cytoplasmique et du contenu tubulaire. Dentine intertubulaire [21] Elle est localisée entre les tubules et représente le premier produit sécrété par les odontoblastes au cours de la dentinogenèse. Elle est
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Prolongements cytoplasmiques des odontoblastes s’introduisant dans les tubules dentinaires (microscopie électronique à balayage).
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Dépôts calciques à la surface de la dentine dans la chambre pulpaire (sénescence) (microscopie électronique à balayage).
23
Aspect d’un prolongement cytoplasmique d’odontoblaste et d’orifices de tubules dentinaires (microscopie électronique à balayage).
26
Rétrécissement de l’orifice des tubules par des dépôts calciques (sénescence) (microscopie électronique à balayage).
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Dent fracturée (microscopie électronique à balayage). Tubules dentinaires sectionnés longitudinalement.
constituée d’un réseau de fibrilles collagènes (collagène de type I) étroitement enchevêtrées, de 50 à 200 nm de diamètre et de cristaux d’apatite. Ces fibrilles et les cristaux d’apatite (100 nm de long) qui leur sont parallèles sont disposés perpendiculairement à l’axe des tubules. La substance fondamentale qui enrobe ces structures
27
Détail de ces dépôts (microscopie électronique à balayage).
est constituée de phosphoprotéines, de protéoglycanes, de gammacarboxyglutamate renfermant des protéines, de glycoprotéines et de quelques protéines plasmatiques. 7
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Tubules sectionnés longitudinalement. Accumulation de dentine sclérotique minéralisée dans leur lumière (sénescence) (microscopie électronique à balayage).
Dent usée. Dentine en bas ; jonction almélodentinaire.
Dentine interglobulaire C’est une dentine hypominéralisée, caractérisée par la présence de calcosphérites non fusionnés. Elle siège habituellement dans la dentine circumpulpaire sous la mantle dentine. Elle est due à un simple défaut de minéralisation, sans modification de la matrice organique. Elle est traversée par des tubules normaux, mais dépourvus de dentine intratubulaire. Dans diverses conditions pathologiques (déficience en vitamine D, fluorose intervenant pendant la dentinogenèse), elle s’intensifie et persiste indéfiniment dans la ou les dents atteintes. Lignes de croissance de la dentine (lignes de von Ebner) (fig 29) Elles sont les témoins des alternances entre sécrétion et repos durant la dentinogenèse [24]. Bien visibles sur les sections longitudinales de dents non décalcifiées, elles sont disposées perpendiculairement à la direction des tubules. Parallèles entre elles, elles sont séparées par un intervalle de 20 µm d’épaisseur. Dans certaines conditions pathologiques, telles une déficience de minéralisation, une carence nutritionnelle, elles s’accentuent, prenant alors le nom de « stries d’Owen ». Couche granuleuse de Tomes [51] Sur coupe de dent usée, en microscopie optique, cette couche est située entre cément et dentine radiculaire. Elle a l’aspect de cavités à contenu granulaire. Jonction dentine-émail (fig 30) Sur coupe de dent usée, elle dessine une ligne festonnée avec parfois passage de tubules dans l’émail (aiguilles de l’émail). En microscopie à balayage, on y voit une série de crêtes qui accroissent l’adhérence entre dentine et émail. Celles-ci sont plus développées dans la couronne du fait des stress occlusaux que subit cette région.
29 Stries de von Ebner parallè1 les à la jonction amélodentinaire. 1. Émail.
Jonction dentinocémentaire En périphérie de la couche granuleuse de Tomes, séparant celle-ci du cément, on a décrit une fine zone homogène dont la nature exacte est discutée : forme particulière de dentine ou tissu différent appartenant à l’appareil de fixation de la dent en soudant cément et dentine ?
¶ Altérations dentinaires physiologiques et pathologiques Résorption physiologique Celle-ci entraîne une rhizalyse des dents temporaires avant leur chute. Elle s’effectue par l’intermédiaire d’odontoclastes, grosses cellules multinucléées à activité lysosomiale intense, proches parentes des ostéoclastes du tissu osseux. Ces cellules, dans un premier temps, détruisent le cément, puis creusent des lacunes à la surface de la dentine. En microcopie à balayage, deux types de résorption ont été décrits [21] : l’un détruit simultanément dentine intratubulaire et intertubulaire et se traduit par l’apparition de lacunes à surface régulière ; l’autre respecte la dentine intratubulaire et détruit irrégulièrement la dentine intertubulaire. Des résorptions pathologiques de dentine surviennent également dans des inflammations chroniques. Ainsi, la résorption périapicale peut compliquer des affections pulpaires ou parodontales et s’accompagne toujours de résorption cémentaire (fig 31). Tatouage par la tétracycline La tétracycline, lorsqu’elle est administrée durant l’odontogenèse, forme avec le calcium dentinaire un complexe, l’orthophosphate de tétracycline. Celui-ci donne, en lumière ultraviolette, une fluorescence dorée en bandes, qui persiste dans la dentine de la dent adulte comme dans l’émail de la couronne (fig 32). Carie de la dentine Précédée par la carie de l’émail, elle réalise rapidement une lésion en cône dont le sommet est dirigé vers la pulpe (fig 33). Sur coupe déminéralisée, on voit un afflux de bactéries dans les tubules dont les parois sont plus ou moins détruites (fig 34). En microscopie électronique, la lumière des tubules est remplie de cristaux d’apatite et de cristaux plus volumineux (Witlockite), qui s’incrustent sur les prolongements dévitalisés des odontoblastes.
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Dent usée. Résorption apicale de la dentine.
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Carie de la dentine. Germes bactériens dans la lumière des tubules.
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Dentinogenèse imparfaite. Présence de fentes correspondant aux zones non minéralisées.
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Dent usée examinée en fluorescence. Lignes jaunes incrustées dans la dentine après traitement par tétracycline.
36
Dentinogenèse imparfaite. Disposition anarchique des tubules dans la dentine.
33
Dent usée. Carie de la dentine surmontée par une cupule (carie de l’émail).
Dentinogenèse imparfaite (fig 35, 36) Maladie héréditaire d’origine génétique, elle est souvent associée à une ostéogenèse imparfaite (maladie de Lobstein). Sous l’influence d’altérations génétiques, les odontoblastes n’édifient pas correctement les fibres collagènes de la matrice. La dentine malformée est creusée de tubules disposés de façon anarchique et présente de nombreuses zones de matrice non minéralisée. PULPE
Tissu conjonctif comblant la cavité centrale de la dent, la pulpe [42, 43, 45] joue un rôle physiologique fondamental. D’une part, elle produit la dentine par l’intermédiaire de ses odontoblastes. D’autre
part, elle assure la nutrition et la sensibilité de la dentine par son réseau vasculaire et ses nerfs. Enfin, elle est capable d’édifier une nouvelle dentine dans certaines conditions physiologiques ou pathologiques.
¶ Aspect anatomique On lui distingue deux portions : – la chambre pulpaire (fig 37) située dans la zone coronale ; – le canal pulpaire occupant la zone radiculaire. La chambre épouse la forme de la couronne. Sous les cuspides de la zone masticatrice, elle s’étend dans les cornes pulpaires dont il faut éviter l’ouverture lors des procédés de restauration dentaire. Le canal radiculaire (fig 38) se termine à l’apex par le foramen apical. Celui-ci met en communication pulpe et ligament parodontal. C’est 9
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Dent décalcifiée. Chambre pulpaire entourée de la dentine coronale et radiculaire.
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sanguins. Elles sont plus fréquentes dans les prémolaires et dans les dents permanentes. Elles constituent une voie de propagation des inflammations de la pulpe vers le parodonte.
¶ Aspect histologique En microscopie optique, on distingue quatre zones dans la pulpe : – la zone odontoblastique en périphérie ; – la zone acellulaire de Weill immédiatement sous-jacente et très apparente au niveau de la pulpe coronaire ; – la zone riche en cellules ; – la zone centrale, la plus étendue, avec de gros vaisseaux et nerfs. Nous décrirons successivement la composante cellulaire, la matrice de cette pulpe ainsi que les vaisseaux sanguins et lymphatiques, pour terminer par les nerfs. Cellules
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Pulpe radiculaire avec foramen apical excentré. Dent décalcifiée.
• Odontoblastes Ce sont les cellules les plus caractéristiques. Elles se disposent en une assise continue située à la périphérie de la pulpe (fig 40) et émettent, par leur pôle apical, un prolongement cytoplasmique cheminant dans les tubules dentinaires. Il s’agit d’une à cinq cellules superposées, cylindriques hautes (50 µm environ) en regard de la couronne, plus basses dans la portion moyenne et apicale. Leur aspect, bien précisé par l’étude en microscopie électronique , varie en fonction de leur état fonctionnel.
[7, 27, 50]
En phase de synthèse, elles ont un noyau basal à chromatine dispersée en mottes périphériques avec plusieurs nucléoles. Dans leur cytoplasme, les nombreuses citernes de l’ergastoplasme granulaire sont remplies de matériel granulaire. L’appareil de Golgi est très développé. De nombreuses vésicules de sécrétion sortent de la face mature du Golgi et sont transportées vers la base du prolongement cytoplasmique.
39
Canal radiculaire d’où part un fin canalicule latéral accessoire.
Le prolongement cytoplasmique [46, 47, 57] naît au pôle apical et traverse successivement prédentine et dentine minéralisée. Il est presque dépourvu d’organites (rares mitochondries) mais renferme des microtubules et des filaments. À proximité du prolongement, au niveau de la membrane cytoplasmique, sont situés des organites intervenant dans les phénomènes d’exo- et d’endocytose. Entre les cellules, les jonctions sont nombreuses (tight junctions, zones adhérentes, desmosomes), en particulier à la naissance du prolongement où des filaments d’actine forment un cercle terminal en s’insérant sur une combinaison de tight junctions et de zones
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Pulpe dentaire avec odontoblastes disposés en plusieurs couches sous la dentine.
lui qu’empruntent vaisseaux et nerfs pour entrer ou sortir de la pulpe. Ce foramen est large et central dans les dents jeunes. Il tend à s’excentrer et à se rétrécir ensuite (fig 39). Il est souvent plus proche de la face occlusale (de 0,5 à 0,75 mm) de l’apex anatomique. Il est parfois entouré d’autres orifices, les foramens accessoires. D’autres communications entre pulpe et ligament parodontal sont souvent visibles sur la face latérale de la racine. Ce sont les terminaisons de canaux latéraux où circulent des vaisseaux 10
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adhérentes. Par ce système, des échanges peuvent s’effectuer entre odontoblastes. Au niveau du pôle basal, des jonctions unissent les odontoblastes aux fibroblastes.
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Pulpe dentaire riche en fibroblastes. Odontoblastes en liseré périphérique.
En phase de repos, les cellules sont aplaties (45 µm de haut) avec un noyau à chromatine dense. Leur cytoplasme, peu abondant, est pauvre en organites et dépourvu de grains sécrétoires. Les lysosomes renferment des structures tubulaires et filamentaires. Une phase transitionnelle a également été individualisée : la cellule, plus étroite, possède un noyau central à chromatine condensée. En conclusion, l’odontoblaste ainsi formé vit aussi longtemps que la dent où il siège. En cas d’agression, cette cellule hautement différenciée est incapable de mitoses. Quand la chambre pulpaire est exposée, par exemple en cas de restauration de carie, une nouvelle dentine peut se former. Elle dérive non pas des odontoblastes préexistants, mais de nouvelles cellules, différenciées à partir de la zone sous-odontoblastique et migrées vers la zone pulpaire. Contenu des tubules [14]. Dans chaque tubule circule un prolongement cytoplasmique de l’odontoblaste. Mais des discussions sont toujours en cours concernant la longueur du prolongement et le contenu périphérique du tubule. Longueur du prolongement : en microscopie à balayage, après fracture de la dent, le prolongement s’étend sur 0,7 mm dans la dentine, le reste du tubule semblant vide. En microcopie à transmission, le prolongement n’est visible que dans la portion proximale du tubule, le reste ne contenant que des fibrilles collagènes. Cet aspect paraît lié à un artefact de fixation avec rétraction du prolongement. En effet, si l’on utilise la cryofixation, celle-ci empêche la contraction du prolongement, qui occupe alors toute la longueur du tubule. Cette constatation semble bien confirmée par les études récentes en immunohistochimie qui montrent sur toute la longueur des tubules une activité actine, vimentine et tubuline propre au prolongement. Dans les tubules, entre prolongement et paroi, on retrouve des fibrilles [8, 34, 38]. Celles-ci sont constituées de collagène de type I et V, de fibrilles nerveuses. De plus, il existerait un « fluide dentinaire » dans cet espace. Ce liquide est difficile à apprécier dans les conditions physiologiques : au cours des préparations de cavités pour restauration, le liquide sortant des tubules n’est vraisemblablement qu’un exsudat lésionnel de protéines plasmatiques et de fibrinogène. Par ailleurs, il y aurait des protéoglycanes, de la ténascine, de la fibronectine, des albumines sériques, de la transférine. Une étude récente en microscopie à balayage avec sonde a démontré, physiquement, l’existence d’une matrice complexe présente sous forme d’un gel organique, qui jouerait un rôle majeur en augmentant la conductivité. Quant à la lamina limitans ou membrane bordante, elle serait liée à un artefact de préparation tissulaire (hydrogel collabé-10) ; les coupes cryofixées, sans déminéralisation, ne montrent aucune preuve d’une telle structure [10]. Cette lamina ne devient évidente qu’après déminéralisation et serait l’expression d’une condensation chimique des divers produits intratubulaires. Le rôle de ce contenu est encore imprécis. On a invoqué un rôle nutritif, mais celui-ci, à l’inverse du tissu osseux, semble peu nécessaire, étant donné l’absence de cellules et l’absence d’homéostase calcique. Son rôle dans la sensibilité dentaire est invoqué dans la théorie hémodynamique (cf infra). Quant aux applications pratiques, elle sont nombreuses, les matériaux à base de résine pénétrant dans les tubules et assurant une meilleure adhérence.
• Fibroblastes Ce sont les cellules les plus nombreuses (fig 41, 42), en particulier dans la zone riche en cellules de la pulpe coronale. Ils forment et
42
Pulpe dentaire. Fibroblastes avec nombreux prolongements cytoplasmiques (microscopie électronique à balayage).
maintiennent la matrice pulpaire faite de substance fondamentale et de fibres collagènes. Histologiquement, les fibroblastes jeunes sont très actifs, globuleux, avec de nombreux prolongements cytoplasmiques. La microscopie électronique à transmission montre un ergastoplasme granulaire très développé, un appareil de Golgi volumineux. Au fur et à mesure du vieillissement, les cellules deviennent moins actives, s’aplatissent. On a démontré dans ces cellules des phénomènes de dégradation du collagène vieilli [60] soit par ingestion des fibres dans des sacs lysosomaux à haute activité phosphatase acide, soit par sécrétion extracellulaire d’enzymes lysant les fibres en dehors des cellules.
• Cellules mésenchymateuses indifférenciées Elles représentent le pool de cellules d’où proviennent les cellules conjonctives pulpaires. Sous l’influence de divers stimuli, elles peuvent donner naissance à des odontoblastes et à des fibroblastes. Elles sont situées dans le centre de la pulpe et dans la zone périphérique riche en cellules où elles contractent des rapports avec les vaisseaux sanguins. En microscopie optique, ce sont de grandes cellules polyédriques à gros noyau central peu coloré, à cytoplasme abondant avec expansions cytoplasmiques périphériques. Leur nombre diminue chez le sujet âgé, ce qui explique chez lui le potentiel de régénération affaibli de la pulpe. 11
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Stomatologie/Odontologie
• Macrophages [19, 20]
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Fibres de von Korff. 1. Dentine ; 2. odontoblas1 tes ; 3. fibres de von Korff.
Grosses cellules rondes ou fusiformes, ils possèdent de nombreux lysosomes avec une riche activité phosphatase acide. Ils éliminent les cellules mortes et, en cas d’inflammation, les bactéries.
2
• Lymphocytes [20] Ils sont tous de type T (comme l’ont précisé les marquages par anticorps monoclonaux). Ils appartiennent au système de défense immunitaire local.
3
• Cellules dendritiques [19, 20] Elles sont analogues aux cellules de Langerhans des épithéliums ; ce sont des macrophages particuliers assurant la captation et la présentation d’antigènes étrangers aux lymphocytes T et l’activation de ces lymphocytes de T4 helpers en T8 cytotoxiques, qui tentent d’éradiquer l’antigène actif. Elles sont mises en évidence par l’immunohistochimie (sérum antiprotéine S 100, sérum anti-OKT 6) ou la microscopie électronique (corps de Birbeck en raquette à manche strié). Elles siègent normalement dans la couche odontoblastique et émettent des ramifications dans les tubules. Leur nombre augmente dans les caries.
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Vascularisation de la pulpe. Pénétration d’un rameau de l’artère dentaire par le foramen apical. Ré1 seau capillaire à la périphérie de la 2 pulpe. 1. Émail ; 2. veines ; 3. artère ; 4. ligament parodontal ; 5. cément ; 6. dentine ; 7. os alvéolaire.
Substance intercellulaire
3 4 5 6
La matrice pulpaire [6] est constituée d’une composante amorphe ou substance fondamentale et d’une composante figurée, les fibres collagènes.
• Substance fondamentale [9] Elle est identique à celle des autres tissus conjonctifs et composée essentiellement de glycosaminoglycanes, de glycoprotéines et d’eau. Elle assure le transport de divers métabolites du sang vers les cellules.
7
• Fibres Ce sont des fibres de collagène de type I et III avec rapport constant de 55/45 pour ces deux types. Dans la pulpe jeune, ces fibres sont éparpillées sous forme de fibrilles. Avec l’âge, le rapport collagène I/collagène III reste stable mais les fibrilles se groupent en faisceaux qui prédominent dans la portion apicale de la pulpe. Cette disposition a des applications pratiques. Quand on pratique une pulpectomie au cours d’un traitement endodontique, il est préférable d’engager l’instrument dans l’apex plutôt que par la zone coronale où la pulpe, plus gélatineuse, est facilement déchirée. Les fibres de von Korff (fig 43) [52] , classiquement décrites en microscopie optique dans la chambre pulpaire, sont situées dans la zone acellulaire de Weill. Elles forment de gros faisceaux qui s’insinuent entre les odontoblastes et contractent des rapports étroits avec leur pôle d’excrétion et leur prolongement cytoplasmique. En fait, l’existence de ces fibres est mise en doute depuis les études en miscroscopie électronique à transmission. Ces fibres seraient des artefacts dus à la fixation de colorant argentique sur des grains argyrophiles de la substance fondamentale entre les odontoblastes, ce qui donne sur coupe épaisse une fausse impression de fibres. Vaisseaux sanguins et lymphatiques
• Vaisseaux sanguins (fig 44) Ils pénètrent et sortent de la pulpe par le foramen apical et les foramens accessoires. Ils proviennent de l’artère dentaire qui émet, avant son entrée dans la pulpe, une branche collatérale pour le ligament parodontal s’anastomosant avec les artères alvéolaires. Un ou deux vaisseaux de la taille d’une artériole (150 µm) entrent en compagnie de faisceaux nerveux sensitifs et sympathiques. Les vaisseaux plus petits pénètrent par les foramens mineurs. Les veines 12
quittent la pulpe en cheminant parallèlement aux artères. Les artérioles, après leur pénétration dans la pulpe, ont une lumière plus large et une paroi plus mince. Elles sont situées au centre de la pulpe et dans sa portion radiculaire et donnent de petites branches à la région sous-odontoblastique. Dans la pulpe coronale, elles se résolvent en un réseau capillaire abondant bien objectivé par le microscope à balayage après corrosion de moules de résine, par la perfusion et par la microangiographie. Ces capillaires, dans la région sous-odontoblastique, ont 4 à 8 µm et sont situés au contact des odontoblastes. Certaines anses capillaires s’étendent entre les odontoblastes jusqu’à la prédentine. Il existe également des anastomoses artérioveineuses faisant communiquer directement artères et veines et permettant l’exclusion provisoire de la circulation capillaire. Le réseau veineux assure le retour du sang.
• Vaisseaux lymphatiques [2] Ils naissent dans la région coronale sous forme de petits vaisseaux aveugles, se transforment en veinules puis en deux ou trois gros vaisseaux qui sortent de la pulpe par le foramen apical. Ces vaisseaux se drainent dans les ganglions sous-maxillaires et sousmentaux, puis cervicaux. Cette circulation intervient dans la pression du liquide extracellulaire pulpaire. Tous ces vaisseaux pulpaires sont innervés : des nerfs sympathiques adrénergiques se terminent dans la media lisse des parois artériolaires. D’autres terminaisons nerveuses libres sont en relation avec artérioles, capillaires et veines. Ils sécrètent des neuropeptides comme la calcitonine vasodilatatrice et la subtance P provoquant l’extravasation plasmatique.
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Histologie du complexe pulpodentinaire
Innervation du complexe pulpodentinaire Elle provient des branches sensitives maxillaire et mandibulaire du trijumeau et des branches sympathiques du ganglion cervical supérieur. La pulpe est richement innervée (nombre moyen de fibres supérieur à 900) [18, 33]. Les nerfs pénètrent dans la pulpe par le foramen apical en suivant le trajet des vaisseaux avec lesquels ils constituent un véritable pédicule vasculonerveux. Ils donnent de fins rameaux collatéraux dans le centre de la pulpe et se terminent par un riche plexus dans la zone acellulaire sous les odontoblastes (plexus sous-odontoblastique ou plexus de Rashkow). Ce plexus est bien visible après coloration par l’argent.
• Fibres sensitives [39, 61] Elles sont en majeure partie myélinisées (80 %). Ce sont les fibres delta A mesurant 2 à 20 µm de diamètre. Elles sont constituées d’un axone entouré d’une gaine myélinique et inclus dans le cytoplasme d’une cellule de Schwann. Elles diffèrent des autres fibres myéliniques de l’organisme parce qu’elle sont dépourvues de gaine conjonctive périneurale. L’axone groupe des filaments parallèles qui renferment des neurotubules, des mitochondries et des lysosomes. La gaine de myéline, lamellaire, présente une alternance de couches de lipides et de protéines. Née de la cellule de Schwann, elle correspond à une prolifération interne de sa membrane cytoplasmique. La cellule de Schwann, séparée du conjonctif par une lame basale, renferme des fibres myéliniques (A) et amyéliniques (C) enchâssées dans les replis de la membrane cytoplasmique. Les terminaisons des fibres dans le plexus de Rashkow varient en fonction du type de fibre. Les terminaisons des fibres myéliniques (A) ont la forme de varicosités avec alternance de dilatations riches en vésicules et mitochondries et de rétrécissements avec neurofibrilles condensées. Les terminaisons des fibres amyéliniques (C) [16] ont un diamètre plus petit. Elles sont riches en vésicules et se terminent soit dans la substance fondamentale, soit au contact des cellules. Ces terminaisons entrent en contact étroit avec les odontoblastes [17]. Certaines passent dans les interstices cellulaires et atteignent la prédentine en décrivant une boucle puis retournent à leur point de départ sous-odontoblastique. Quelques-unes entrent dans les tubules dentinaires et s’enroulent autour des prolongements cytoplasmiques. La stimulation des terminaisons nerveuses déclenche une douleur pulpaire. Divers agents externes (mécaniques, chimiques, thermiques, électriques) ou internes (inflammation) peuvent agir. La transmission est rapide au niveau des fibres A (douleur aiguë), plus lente au niveau des fibres C (douleur torpide) vers le noyau du bulbe puis le thalamus. De plus, des récepteurs thermiques, mécaniques et tactiles existent. Ils sont représentés par les fibres AB. En fait, la stimulation des nerfs du complexe dentinopulpaire n’entraîne pas seulement une réponse douloureuse. Il semble que les nerfs afférents pulpaires aient des réactions spécialisées aux stimuli mécaniques, thermiques et tactiles. Chez l’animal, on a pu montrer des discontinuités dans le périnèvre des filets nerveux. Ainsi ceux-ci perdent-ils, pendant leur trajet vers la couronne, un certain nombre de leurs axones myéliniques et non myélinisés.
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– la dentine contiendrait des terminaisons nerveuses directement excitées par les stimuli ; – l’odontoblaste agirait comme un récepteur couplé aux nerfs de la pulpe. L’existence de jonctions entre odontoblastes et nerfs pulpaires plaide en faveur de cette théorie ; – les récepteurs seraient situés dans la pulpe et seraient excités par les mouvements liquidiens à travers les tubules [4]. Cette dernière théorie est en accord avec divers résultats expérimentaux : la mobilisation de liquide dans les tubules retentit sur la répartition des liquides pulpaires et est perçue par les terminaisons nerveuses libres du plexus de Rashkow. En tout cas, l’innervation a un rôle essentiel dans la régulation de l’homéostase pulpaire. Elle ne peut intervenir que s’il existe des interactions entre nerfs, vaisseaux et cellules immunocompétentes. Ces dernières, par leurs dendrites, ont des contacts avec l’endothélium des vaisseaux et les terminaisons nerveuses libres. De plus, elles possèdent des récepteurs pour divers neuropeptides. Ainsi, pourrait-il y avoir une véritable unité fonctionnelle vasculaire, nerveuse et immunitaire, fondamentale dans la biologie de la pulpe.
¶ Pierres pulpaires ou denticules Elles sont d’observation fréquente. Il s’agit de nodules calcifiés avec un rapport entre ions Ca et ions P identique à celui de la dentine. Uniques ou multiples, elles siègent surtout à l’orifice de la chambre pulpaire ou dans le canal radiculaire. Histologiquement, ces masses arrondies sont constituées de strates concentriques de tissu minéralisé. Elles se forment aux dépens de thrombi sanguins, de cellules mortes ou de fibres collagènes. Elles sont parfois creusées de tubules et peuvent être avoisinées par quelques cellules ressemblant à des odontoblastes. Elles peuvent être libres dans la pulpe ou rattachées à la dentine (fig 45) de voisinage. Elles touchent une ou plusieurs dents ou affectent toutes les dents, ce qui fait penser à un contrôle génétique de ces concrétions. Elles peuvent entraver certains traitements endodontiques.
¶ Modifications du complexe avec l’âge Au cours du vieillissement, des modifications surviennent, portant à la fois sur la pulpe et la dentine. Elles ont été codifiées en matière de médecine légale pour présumer de l’âge des cadavres. Dans la dentine [35], l’apposition continue de dentine intratubulaire aboutit à une diminution du diamètre des tubules, voire à leur obstruction complète, avec rétraction ou mort des prolongements cytoplasmiques des odontoblastes. Il en résulte une diminution de la perméabilité dentinaire et une fragilité plus grande de la dentine. De même, survient une diminution du volume de la chambre pulpaire du fait d’apposition continue de dentine. La vascularisation sanguine devient plus faible et a pour conséquence une diminution du nombre des cellules (densité diminuée de moitié à l’âge de 70 ans).
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Chambre pulpaire. Denticule attaché à la dentine.
• Fibres vasomotrices Elles contractent des rapports étroits avec la paroi contractile des vaisseaux. Elles régulent la circulation sanguine par contraction ou relâchement des cellules musculaires vasculaires. Les fibres sympathiques sécrètent de l’adrénaline, provoquant la contraction. Les fibres parasympathiques, cholinergiques, provoquent la dilatation. Ces fibres, dépourvues de gaine de myéline, sont incluses dans les cellules de Schwann et suivent le trajet des artérioles.
¶ Sensibilité de la dentine Elle se traduit par une douleur diffuse difficile à localiser en pratique de dentisterie, diverses excitations thermiques et tactiles la provoquant. Trois théories ont été proposées pour expliquer le mécanisme de cette sensibilité : 13
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Histologie du complexe pulpodentinaire
Stomatologie/Odontologie
La synthèse du collagène, que l’on a cru longtemps diminuée, ne présente pas de changement significatif. En effet, si elle est diminuée comme dans le reste de l’organisme, sa diminution est compensée par une dégradation moins intense des fibres. La disparition et la dégénérescence des axones myéliniques et amyéliniques expliquerait une diminution de sensibilité. Enfin, apparaissent souvent des calcifications dystrophiques (faux denticules) concentriques ou linéaires (fig 46). Parmi ces modifications, certaines semblent bénéfiques, rendant le complexe pulpodentinaire plus résistant aux agressions locales (par exemple, les caries qui s’étendent plus lentement du fait de l’occlusion des tubules). De même, la production de dentine sclérotique augmente la résistance aux attritions de l’émail. En revanche, elles diminuent les capacités de réparation du complexe, du fait d’une baisse considérable du potentiel de différenciation de nouveaux odontoblastes à partir de cellules indifférenciées.
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Calcifications linéaires dans la pulpe.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-007-C-10
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Histologie du parodonte MM Auriol Y Le Charpentier G Le Naour
Résumé. – Le développement embryologique des divers constituants du parodonte est envisagé dans un premier chapitre. Puis sont analysés les principaux caractères morphologiques du cément, du ligament parodontal, de l’os alvéolaire et de la jonction gingivodentaire. Pour chacun de ces tissus, outre l’étude histologique de routine, nous avons utilisé la microscopie électronique à transmission et à balayage, ainsi que des méthodes histoenzymologiques et immunohistochimiques. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction
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On appelle parodonte l’ensemble des tissus minéralisés ou non qui assurent la fixation et l’articulation de la dent dans les maxillaires [27, 96] . Il comprend l’os alvéolaire qui circonscrit l’alvéole où s’implantent la dent, le cément, tissu minéralisé tapissant la racine dentaire, et le ligament parodontal, solidement amarré aux deux tissus durs, osseux et cémentaire. Tous ces tissus ont une même origine embryologique : les cellules conjonctives du follicule dentaire. De plus, le parodonte ainsi défini est fermé par un toit, la gencive, déprimée en cul-de-sac avant de s’insérer au collet dentaire. Le parodonte est une unité fonctionnelle dont l’importance physiologique est considérable. Il permet en effet des mouvements de faible amplitude de la dent dans son alvéole lors de la mastication. Il est capable d’adaptation à diverses contraintes artificielles lors de traitements orthodontiques ou prothétiques. Il est susceptible de réparation du fait du renouvellement permanent de ses divers constituants. Son fonctionnement peut être compromis dans certains déséquilibres occlusaux. Plus souvent, il est perturbé par des facteurs inflammatoires qui altèrent le ligament et entravent sa régénération. Nous étudierons successivement l’embryologie des tissus parodontaux, puis l’aspect et le rôle de chacun d’entre eux, en terminant par la jonction gingivodentaire.
Développement embryologique CÉMENTOGENÈSE
¶ Place dans l’odontogenèse Elle débute aux derniers stades de l’odontogenèse. L’organe dentaire épithélial, en forme de cloche, a formé l’émail, tandis que la papille mésenchymateuse, par l’intermédiaire des odontoblastes, a fabriqué la dentine de la couronne. L’organe dentaire, à la jonction entre son
Marie-Michelle Auriol : Maître de conférences universitaire, assistant des Hôpitaux. Yves Le Charpentier : Professeur, chef du service d’anatomie pathologique. Service d’anatomie et de cytologie pathologiques. Gilles Le Naour : Ingénieur, département de pathologie, université Paris VI, institut de stomatologie, chirurgie plastique et maxillofaciale. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
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1 Formation du cément après fragmentation de la crête épithéliale d’Hertwig. 1. Émail ; 2. crête d’Hertwig ; 3. papille ; 4. dentine radiculaire ; 5. odontoblastes. épithélium interne constitué d’améloblastes et son épithélium externe, émet la crête épithéliale de Hertwig (fig 1) [75, 101], qui plonge dans l’ectomésenchyme, le divisant en deux parties : en dedans, c’est la papille, future pulpe dentaire ; en dehors, c’est le follicule dentaire. Cette crête initie la différenciation des odontoblastes de la racine, à partir des cellules conjonctives de la papille. Ceux-ci sécrètent la matrice collagène de la dentine radiculaire. À l’inverse de la mantle dentine coronale, cette dentine se dépose parallèlement à la membrane basale et non perpendiculairement à elle. Puis la membrane basale se rompt [76] et les cellules épithéliales de la gaine de Hertwig se modifient : elles acquièrent, dans leur cytoplasme, un appareil de synthèse (ergastoplasme granulaire à citernes nombreuses, appareil de Golgi très développé) et sécrètent des protéines ressemblant à celles de l’émail. Celles-ci restent séparées de la mantle dentine par une couche remplie de substance fondamentale et de fibrilles collagènes, sur laquelle se dépose le cément primaire. Cette couche se minéralise plus tard pour former une structure amorphe hautement minéralisée de 10 µm d’épaisseur, appelée couche hyaline (de Hopewell Smith). La signification de cette couche hyaline demeure controversée : s’agit-il d’un tissu particulier ou seulement d’une forme de dentine ou de cément ? Quelques arguments plaident en faveur de la première hypothèse. Il n’existe en effet aucun tubule dans cette substance amorphe,
Toute référence à cet article doit porter la mention : Auriol MM, Le Charpentier Y et Le Naour G. Histologie du parodonte. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-007-C-10, 2000, 23 p.
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EMC [257]
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Cément acellulaire (à gauche) accolé à la dentine. Rangée d’odontoblastes en périphérie de la pulpe.
englobant des protéines proches de celles de l’émail ; d’autre part, celle-ci est nettement plus minéralisée que le cément ou la dentine.
¶ Cémentogenèse proprement dite
[2, 19, 20, 26, 47, 48]
Formation du cément primaire Après fragmentation de la crête épithéliale de Hertwig [44], les fibroblastes du sac folliculaire atteignent la surface de la racine. Ils se métamorphosent en cémentoblastes, cellules de grande taille pourvues de nombreux organites impliqués dans la synthèse et la sécrétion protéiques. Ces cellules insèrent leurs prolongements cytoplasmiques dans la couche hyaline encore non minéralisée et y déposent des fibres collagènes perpendiculaires à la surface radiculaire. Elles s’éloignent alors de la couche hyaline, mais continuent leur sécrétion de fibres collagènes, ce qui permet l’allongement et l’épaississement des trousseaux fibreux du cément acellulaire. Parallèlement, elles sécrètent des protéines non collagènes analogues à celles du tissu osseux (sialoprotéine, ostéocalcine). Ce premier cément formé est appelé cément acellulaire (fig 2), car les cémentoblastes qui l’ont sécrété restent disposés à sa périphérie. Il s’accroît lentement et tapisse les deux tiers de la racine. Il comporte une couche minéralisée bordée d’une frange fibreuse. Notons qu’à l’inverse de l’os et de la dentine, il n’existe dans la cémentogenèse aucune couche préalable de matrice non minéralisée comparable à l’ostéoïde ou à la prédentine. Formation du cément secondaire Le cément secondaire apparaît tardivement, au moment où la dent devient fonctionnelle et subit dès lors des pressions d’occlusion. Moins minéralisé et plus rapidement formé que le cément acellulaire, il se dépose sur le tiers apical de la racine. Les cémentoblastes sont d’abord étalés sur la matrice organique formée de protéines non collagènes et de fibrilles collagènes alignées parallèlement à la surface de la racine. Puis ils sécrètent des vésicules matricielles qui vont permettre la minéralisation. En même temps que les premiers cristaux d’apatite apparaissent dans les vésicules, les cellules sont peu à peu emprisonnées dans des lacunes au sein de leur sécrétion. Puis leur activité fonctionnelle décroît et elles se transforment en cémentocytes. Au fur et à mesure que s’organise le ligament parodontal, le cément cellulaire continue à se déposer autour des fibres du filament (fibres de Sharpey) qu’il englobe et minéralise partiellement. Cette variété de cément ne paraît pas jouer un rôle essentiel dans l’attache dentaire. En effet, s’il est très développé autour des racines des molaires et prémolaires, il peut faire défaut autour des dents à racine unique (canines et incisives). 2
Stomatologie/Odontologie
Hypothèses concernant la cémentogenèse Celle-ci suscite encore de nombreuses discussions portant sur l’initiation de la différenciation cémentoblastique et sur les éventuelles différences phénotypiques entre cémentoblastes du cément primaire et ceux du cément secondaire. Pour la majorité des auteurs, la différenciation des cémentoblastes, comme celle des odontoblastes, serait induite par l’épithélium de Hertwig et se ferait à partir des cellules conjonctives du follicule dentaire. En faveur de cette théorie, des constatations en expérimentation ou en pathologie montrent, après brèches dans l’épithélium dentaire réduit, une métamorphose des cellules du follicule dentaire à la surface de l’émail et l’apparition de dépôts de cément sur l’émail. Les études phénotypiques des cémentoblastes tendent à démontrer l’existence de deux types de cémentoblastes : l’un, identique à l’ostéoblaste, réagit positivement aux anticorps monoclonaux anticellule osseuse ; l’autre, concernant les cellules bordant la surface du cément primaire, est négatif après action de ce même anticorps. Ces deux types cellulaires seraient d’origine embryologique différente : les cémentoblastes du cément primaire viendraient seuls du follicule dentaire, les autres provenant d’une autre source. Devenir de la crête de Hertwig Après la fragmentation de la crête, les cellules épithéliales migrent dans le ligament parodontal en voie de formation. Elles y forment des îlots résiduels appelés restes de Malassez, entourés d’une membrane basale. Ces îlots, dans certaines conditions pathologiques, peuvent être à l’origine de kystes dentaires. FORMATION DE L’OS ALVÉOLAIRE
À la fin du deuxième mois de la vie intra-utérine, les germes dentaires sont situés dans une gouttière excavant maxillaire et mandibule. Parallèlement à la formation du cément primaire de la racine, l’os alvéolaire vient se déposer contre la paroi de l’alvéole et réduit progressivement l’espace entre dent et paroi, ne laissant subsister que la place du ligament périodontal. Cet os nouveau est édifié par des ostéoblastes, cellules conjonctives dérivées des fibroblastes du follicule dentaire. Après cette métamorphose, les ostéoblastes acquièrent dans leur cytoplasme les organites nécessaires à la synthèse et à la sécrétion de protéines. Ils sécrètent d’abord une matrice ostéoïde non minéralisée, puis, après émission de vésicules matricielles, ils vont assurer la minéralisation de la trame par des cristaux d’apatite. Les cristaux sont d’abord englobés dans les vésicules matricielles, puis ils se libèrent, formant des nodules confluents. Parallèlement à cette édification osseuse, les fibres collagènes du futur ligament parodontal s’insèrent dans le tissu osseux, en formant une frange fibreuse perpendiculaire à la surface de l’os et analogue à celle du cément primaire. Les ostéoblastes sont ensuite emmurés dans leur produit de sécrétion ; ils deviennent des ostéocytes situés dans des logettes. En fait, cet os nouveau subit ensuite un remodelage permanent, avec alternance de résorption osseuse par des ostéoclastes et d’édification osseuse par de nouveaux ostéoblastes issus du follicule dentaire. Ces remaniements permanents de la trame osseuse expliquent un certain nombre de constatations. Ainsi, la réimplantation d’une dent après nettoyage du tissu conjonctif radiculaire aboutit à une ankylose, sans interposition de ligament. Inversement, si le tissu conjonctif est préservé autour de la racine, le ligament se reconstruit. Le développement de l’os alvéolaire est dépendant de la présence des dents [7, 97]. L’origine commune du cément, du ligament et de l’os alvéolaire à partir des fibroblastes du follicule dentaire a été démontrée expérimentalement : un germe dentaire, prélevé en totalité et transplanté dans des sites variés (tissu sous-cutané, os, chambre antérieure de l’œil) aboutit à la formation d’une dent et de son tissu de support (cément, os alvéolaire et ligament). De même, après injection de thymidine tritiée dans le follicule de germes dentaires, on retrouve un marquage des fibroblastes du ligament, mais aussi des ostéoblastes et cémentoblastes.
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Histologie du parodonte
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FORMATION DE LA JONCTION GINGIVODENTAIRE
La jonction gingivodentaire est la portion de gencive adhérente à la dent. Elle témoigne d’une adaptation de la muqueuse buccale à l’éruption de la couronne dentaire dans la bouche.
¶ Avant l’éruption dentaire Il est nécessaire de rappeler l’aspect des tissus qui tapissent la dent avant son éruption [64, 85, 86]. La surface de la couronne est alors revêtue par une double assise de cellules épithéliales. La couche profonde, en contact avec l’émail, est faite d’améloblastes, qui après avoir sécrété l’émail, édifient une membrane basale sur laquelle ils s’implantent solidement par des hémidesmosomes. La couche superficielle est formée de cellules aplaties, représentant les restes des autres cellules épithéliales de l’organe dentaire. L’ensemble de ces deux couches porte le nom d’épithélium dentaire réduit. Entre celui-ci et l’épithélium de la muqueuse buccale, s’interpose un tissu conjonctif qui sert de support aux deux épithéliums.
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Embryologie du ligament parodontal. Tissu conjonctif jeune, pauvre en fibres collagènes. FORMATION DU LIGAMENT PARODONTAL
Il dérive des fibroblastes du follicule dentaire, mais les modalités exactes de sa différenciation varient selon les espèces et selon le type de dent (déciduale ou permanente). Les observations faites chez les primates permettent d’établir des séquences dans sa formation [2, 3, 13, 45, 94, 95] . Au début, l’espace entre cément et os est occupé par un tissu conjonctif non organisé (fig 3), peuplé de faisceaux courts de fibres collagènes tendus de la surface osseuse à celle du cément. L’attache initiale de la dent à l’os est ainsi créée. Ensuite, lors des mouvements suscités par l’éruption dentaire puis par l’entrée en fonction de la dent, cette attache se modifie. Avant l’éruption, la crête de l’os alvéolaire est plus haute que la jonction émail-cément et les fibres du ligament s’orientent obliquement. Lors de l’éruption, la crête alvéolaire est au même niveau que la jonction émail-cément. Les fibres du ligament sont alors horizontales, audessous des fibres libres de la gencive. Quand la dent entre en fonction, la crête alvéolaire est plus basse que la jonction émail-cément. Les fibres redeviennent obliques. Les fibres préexistantes s’épaississent. De nouvelles fibres sont ensuite élaborées et réorientées en permanence par les sécrétions fibroblastiques. Ces fibroblastes particuliers, provenant du follicule dentaire, possèdent en effet une plus grande vitesse de remodelage que ceux des autres tissus conjonctifs. Dans les conditions physiologiques, la vitesse de synthèse des fibres collagènes est équivalente à celle de leur dégradation. Lorsque se produit un déséquilibre entre ces deux phénomènes, l’architecture et la fonction du ligament se modifient. Ainsi, dans le rachitisme, la carence en vitamine C (qui assure l’hydroxylation des acides aminés proline-lysine) entraîne une synthèse insuffisante du collagène ; la dégradation demeurant inchangée, le ligament s’altère et les dents deviennent mobiles. Au cours de la maladie périodontale, le ligament est détruit et sa régénération est difficile. Pour pallier cette destruction, de nouveaux procédés ont été tentés en chirurgie parodontale : utilisation d’une barrière entre conjonctif gingival et ligament, pour favoriser le repeuplement du ligament avec ses fibroblastes propres ; mise en place d’un véhicule contenant des protéines de l’émail sur la surface radiculaire pour stimuler la différenciation de cémentoblastes primaires. En pratique courante, après avoir rabattu un lambeau de ligament, on procède au nettoyage de la racine en enlevant son cément (qui contiendrait des toxines microbiennes). Puis le lambeau est remis en place, ce qui permet, dans les cas heureux, la formation d’une nouvelle attache contre la racine. Cependant, ce procédé présente un écueil puisqu’il enlève non seulement le cément radiculaire mais aussi la couche hyaline nécessaire, nous l’avons vu, à l’attache du cément acellulaire à la dentine radiculaire.
¶ Au moment de l’éruption dentaire Il se produit des altérations dégénératives du tissu conjonctif qui se fragmente. Celles-ci retentissent sur l’épithélium. Les cellules épithéliales, disjointes, sont séparées par des espaces intercellulaires larges ; elles prolifèrent et migrent au sein du tissu conjonctif altéré. Elles forment ainsi un manchon cellulaire d’architecture désordonnée au-dessus de la dent. Du fait de la nécrose des cellules centrales, se creuse un canal bordé par les restes de l’épithélium. Ce canal est emprunté par la dent en éruption. Quand le sommet de la dent émerge, les cellules de l’épithélium buccal migrent vers l’apex dentaire au-dessus de l’épithélium dentaire réduit. Ainsi est formée l’attache épithéliale primaire. Puis les améloblastes se transforment en cellules malpighiennes, en conservant leur attache à la surface de l’émail. Les cellules de la couche externe de l’épithélium dentaire réduit se transforment aussi en cellules malpighiennes, mais elles conservent une activité mitotique et forment le sillon gingival définitif. Dans des conditions pathologiques, après gingivectomie, cette jonction est capable de se reformer à partir du seul épithélium buccal et après inflammation du tissu conjonctif de soutien, l’attache gingivale tend à migrer vers l’apex dentaire, s’accrochant alors sur le cément radiculaire.
Parodonte de la dent adulte CÉMENT
C’est un tissu conjonctif dur, avasculaire, qui tapisse la racine dentaire. Bien qu’il soit un des trois tissus minéralisés de la dent, il appartient au parodonte puisqu’il est, avec l’os alvéolaire, un point d’attache essentiel du ligament parodontal. Il contient 65 % de calcium et de phosphate, essentiellement sous forme d’hydroxyapatite, 23 % de substances organiques [32, 74] surtout collagènes et 12 % d’eau. Moins minéralisé que l’émail et la dentine, il a le même taux de minéralisation que l’os.
¶ Topographie Il tapisse toute la racine dentaire (fig 4, 5). Son épaisseur est maximale à l’apex (150 à 200 µm). Il s’amincit dans la région du collet (20 à 50 µm), où il se termine en biseau. Ces valeurs peuvent tripler au cours du vieillissement. On décrit classiquement trois types de disposition anatomique à la jonction émail-cément : dans 60 % des cas le cément recouvre l’émail, dans 30 % des cas il se termine au contact de l’émail, dans 1 % des cas il reste séparé de l’émail par un interstice où la dentine est nue. En fait, les études en microscopie à balayage ont montré que ces diverses variantes peuvent coexister et être intriquées sur une même dent [1].
¶ Classification Classiquement, on distingue deux types de cément [16] : 3
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Dent usée. Cément entourant la dentine radiculaire.
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minéralisation plus importante. De même, par marquage avec la tétracycline, sur les coupes transversales de la racine, elles forment des anneaux concentriques à l’axe de la dent et peuvent être utilisées en médecine légale pour estimer l’âge d’un sujet [14, 72, 92]. En fait une classification plus récente [96] tient compte de l’origine des fibres collagènes de la matrice. On distingue en effet [52] des fibres intrinsèques dues à l’activité de synthèse des cémentoblastes et des fibres extrinsèques fabriquées par les fibroblastes du ligament parodontal et incorporées ultérieurement dans la matrice cémentaire. Le cément primaire acellulaire se décompose en trois sous-groupes : cément avec fibres intrinsèques, cément avec fibres extrinsèques, cément afibrillaire. Le cément secondaire se divise en deux sous-groupes : cément avec fibres intrinsèques, cément avec fibres mixtes (intrinsèques et extrinsèques). Enfin, deux autres variétés plus accessoires sont le cément mixte stratifié et le cément intermédiaire. Cément primaire acellulaire
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Dent décalcifiée. Cément autour de l’apex dentaire.
• Cément avec fibres intrinsèques Ce cément initial est sécrété par les cémentoblastes qui synthétisent la substance fondamentale et les fibres collagènes. Il se dépose à partir du collet jusqu’au tiers supérieur de la racine avant que le ligament périodontal se différencie. C’est seulement après dépôt d’une couche de 15 à 20 µm de ce cément que s’établissent les connexions entre fibres du ligament périodontal et frange fibreuse du cément.
• Cément avec fibres extrinsèques [18]
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Cément acellulaire au contact du ligament parodontal.
Après formation des faisceaux du ligament et connexion avec la frange fibreuse du cément initial, se forme le cément primaire à fibres extrinsèques. Il s’étend du collet de la dent jusqu’aux deux tiers coronaux de la racine. Il est souvent le seul cément au niveau des dents à racine unique et s’étend alors jusqu’au foramen apical. Son épaisseur s’accroît du collet (50 µm) à l’apex (200 µm). En microscopie optique, il apparaît amorphe avec deux types de striations peu marquées : l’un consiste en lignes parallèles à la surface radiculaire qui représentent les dépôts cémentaires successifs, l’autre, perpendiculaire à la surface radiculaire, suit le trajet des fibres collagènes minéralisées du ligament (fibres de Sharpey). Ces fibres sont insérées dans la matrice et irrégulièrement minéralisées (minéralisation de la périphérie des fibres). En microscopie électronique à transmission [31], les fibres collagènes pénètrent dans le cément et y sont entièrement minéralisées. Les radiographies à rayons mous montrent que la couche la plus interne du cément acellulaire (cément à fibres intrinsèques) est moins minéralisée que les couches externes. Ces dernières se caractérisent par l’alternance de bandes plus ou moins minéralisées parallèles à la surface de la racine (fig 7). La microscopie électronique à balayage [21-23, 54, 55], après traitement préalable par l’hypochlorite qui élimine les restes du ligament parodontal, montre une surface cémentaire d’aspect pommelé. Celle-ci est parsemée de nodules minéralisés de taille variable, étroitement juxtaposés. Parfois elle se creuse de dépressions qui traduisent des phénomènes de résorption cémentaire. On y voit fréquemment des excroissances : les cémenticules. Cément secondaire cellulaire (fig 8, 9)
– le cément acellulaire (primaire) (fig 6) fournit l’attache dentaire du ligament ;
• Cément secondaire cellulaire à fibres intrinsèques
– le cément cellulaire (secondaire), sujet à des remodelages permanents (édification et destruction), s’adapte aux mouvements dentaires physiologiques. Les lamelles et lignes d’accroissement reflètent les phases de sécrétion. En microradiographie, on distingue les lignes d’accroissement par leur radio-opacité plus grande du fait de leur
Il diffère du cément primaire par plusieurs caractères : sa sécrétion commence bien avant l’organisation du ligament parodontal, sous forme d’une matrice et de fibres collagènes. La minéralisation de cette matrice n’est pas instantanée : comme dans le tissu osseux et la dentine, il existe une substance intermédiaire non minéralisée, dite cémentoïde (équivalent de l’ostéoïde et de la prédentine). Il est
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Cément acellulaire. Fibres orientées longitudinalement par rapport à la dent (microscopie électronique à balayage).
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Cément cellulaire. Cémentoblastes étendus à la surface (microscopie électronique à balayage).
Cément cellulaire. Logettes renfermant des cellules (cémentocytes).
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Dent usée. Cément cellulaire et acellulaire au contact de la dentine.
localisé au tiers apical de la racine et dans les régions interradiculaires. Son rôle dans l’attache dentaire paraît mineur, puisqu’il manque dans certaines dents (canines et incisives). Il est caractérisé par la présence de cémentoblastes incorporés dans la matrice. Les cellules présentent un phénotype proche de celui des ostéoblastes du tissu osseux, mais diffèrent de celui des cémentoblastes producteurs du cément acellulaire.
Cément avec cémentoblaste en surface (microscopie électronique à balayage).
• Cément secondaire cellulaire à fibres mixtes Après organisation du ligament parodontal, ses fibres s’incorporent dans la sécrétion continue de cément produite par les cémentoblastes. Sur coupe après usure, c’est un tissu calcifié creusé de logettes où sont enchâssés les cémentocytes. En microscopie électronique [39] , ce tissu est creusé de cavités englobant des cémentocytes à prolongements cytoplasmiques nombreux mais sans anastomoses avec les cellules voisines. Les fibres intrinsèques, fines, entièrement minéralisées, sont groupées en faisceaux denses parallèles à la surface. Les fibres extrinsèques plus grosses sont perpendiculaires à la racine et présentent souvent un centre non minéralisé. En microscopie à balayage (fig 10, 11) [11], la surface est également pommelée mais on y voit de nombreuses logettes correspondant à l’emplacement des cémentoblastes et à l’insertion des fibres de Sharpey. Les canaux accessoires s’ouvrent sur la racine (surtout sur son tiers apical). Le cément borde ces canaux et également le ou les foramina principaux. Lors de la sénescence, il peut oblitérer plus ou moins complètement l’orifice de ces divers canaux. Autres variétés de cément
• Cément acellulaire afribrillaire C’est un cément particulier qui se dépose sur l’émail sous forme d’éperons ou de plaques. Il est la conséquence d’une anomalie de 5
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Hypercémentose (sénescence). Dent examinée à la loupe.
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Racine dentaire vue à la loupe. Résorption cémentaire apicale.
l’odontogenèse avec rupture de l’épithélium dentaire interne, mettant en contact fibroblastes du follicule et émail, et induisant la métamorphose des fibroblastes en cémentoblastes [51].
• Cément intermédiaire C’est une variété de cément secondaire localisée à l’apex et n’intervenant pas dans l’attache dentaire. Il englobe des débris cellulaires de provenance variée (crête de Hertwig, odontoblastes).
• Cément stratifié, mixte Il serait la conséquence d’une adaptation aux mouvements dentaires. On y voit alterner des couches de cément acellulaire à fibres extrinsèques et des couches de cément cellulaire à fibres intrinsèques.
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Hypercémentose (sénescence) (microscopie électronique à balayage).
15
Hypercémentose localisée à une racine de molaire. Microradiographie.
¶ Résorption de la surface cémentaire Elle intervient à titre physiologique dans l’exfoliation des dents temporaires après résorption parallèle de la dentine radiculaire [98]. Elle survient également dans des conditions pathologiques diverses : traumatismes occlusaux, lésions apicales, parodontopathies, tumeurs osseuses de voisinage entraînant une rhizalyse. En fait, diverses études histologiques systématiques ont montré la fréquence de résorptions cémentaires superficielles (fig 12) (90 % des dents permanentes de l’adulte) et précisé leur mécanisme : la résorption est sous la dépendance d’une cellule analogue à l’ostéoclaste du tissu osseux, le cémentoclaste. Cette cellule, volumineuse, multinucléée, est pourvue d’une bordure cytoplasmique en brosse (multiples microvillosités émanant de la membrane cytoplasmique) et de nombreux lysosomes à activité phosphatases acides élevée. Elle crée dans le cément des lacunes isolées ou confluentes.
¶ Pathologie du cément Hypercémentose Elle est un des attributs de la dent dans la sénescence (fig 13, 14) [61]. Souvent considérable, elle peut oblitérer les canaux radiculaires et compromettre la vitalité de la pulpe. En pathologie, elle est parfois localisée, portant sur une seule dent (fig 15), voire sur une seule racine (fig 16). Ceci s’observe dans des inflammations, des fractures, ou après dévitalisation dentaire. Elle peut être diffuse au cours de la maladie de Paget (fig 17, 18). Sur les radiographies, outre les anomalies des mâchoires proprement dites, on décèle un élargissement et un arrondissement des racines, avec parfois une ankylose dentaire.
(fig 20). Leur nombre s’accroît avec l’âge. Elles seraient la conséquence d’une minéralisation de restes épithéliaux ou de thrombi vasculaires. Énamélomes Ils siègent sur la surface radiculaire. Ils peuvent être en continuité avec l’émail coronaire ou en être séparés. Ils sont formés d’émail, ou d’émail et de dentine sous-jacente, ou même d’émail, dentine et pulpe (véritable petite dent accessoire). Il s’agit d’anomalies embryologiques congénitales ou héréditaires liées à un dysfonctionnement des cellules épithéliales de la crête de Hertwig. Celles-ci se différencient en améloblastes sécréteurs.
Cémenticules
Carie du cément
Ce sont des masses arrondies faites de lamelles concentriques et dépourvues de cellules. Elles sont tantôt attachées au cément radiculaire (fig 19) ou à l’os alvéolaire, tantôt libres dans le ligament
Apanage des sujets âgés, cette carie survient après déchaussement dentaire et poche parodontale qui mettent à nu le cément. Comme dans les autres caries, il y a déminéralisation diffuse des cristaux
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Hypercémentose (dent sectionnée longitudinalement).
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Cémenticule appendu au cément.
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Hypercémentose diffuse (maladie de Paget) avec ankylose dentaire (microradiographie).
Cémenticule libre dans le ligament parodontal.
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Dent sectionnée. Microradiographie. Hypercémentose radiculaire (maladie de Paget).
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Carie du cément. Excavation remplie de germes microbiens.
d’apatite par les acides d’origine bactérienne, puis invasion bactérienne. On a décrit trois stades dans l’évolution de cette carie : ramollissement superficiel avec multiples pertuis dans la zone calcifiée, puis cavité cupuliforme en « nid d’abeille » avec fines cloisons périphériques, et enfin fusion des cavités par perte de substance importante (fig 21). Cément et pathologie parodontale Le cément, mis à nu par le glissement progressif de l’attache gingivale sur la racine, perd son aspect pommelé. Il est parsemé de rayures et la dentine est parfois mise à nu. Dans les poches parodontales constituées, l’aspect pommelé du cément est conservé
mais il est masqué par des plaques bactériennes et du tartre. La cémentogenèse est inhibée et l’attache ligamentaire se réduit. En clinique, dans le traitement des fractures radiculaires, dans les apicectomies et la chirurgie parodontale, on essaie de cureter la surface radiculaire et de la traiter par des acides pour tenter de stimuler la cémentogenèse et de recréer une attache ligamentaire [5, 79, 81] . 7
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Ligament parodontal autour de l’apex d’une dent. Os alvéolaire en bas.
Ligament parodontal. Fibres collagènes parallèles séparées par des espaces où circulent les vaisseaux.
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Ligament parodontal (à droite) vu en lumière polarisée sur dent usée.
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LIGAMENT PARODONTAL (OU DESMODONTE)
C’est un tissu conjonctif spécialisé [9, 12, 34] étendu entre cément radiculaire et os alvéolaire (fig 22 à 24). Il a pour fonction principale d’assurer la fixation de la dent dans son alvéole, en même temps qu’il contrecarre les forces considérables exercées pendant la mastication. Il est doué, de plus, d’un rôle sensoriel, car il assure la perception des diverses positions des mâchoires pendant leur fonctionnement. Sa largeur varie de 0,15 à 0,38 mm avec une zone plus étroite en regard du tiers moyen de la racine. Cette largeur tend à diminuer au cours du vieillissement. Il contracte des rapports anatomophysiologiques avec le cément, l’os alvéolaire et la pulpe dentaire avec laquelle il communique par l’espace périapical et par les canaux radiculaires accessoires. Comme les autres tissus conjonctifs, ce ligament est constitué de cellules et d’un compartiment extracellulaire formé de substance fondamentale et de fibres collagènes. Les cellules sont représentées essentiellement par des fibroblastes et des cellules mésenchymateuses indifférenciées. De plus, des ostéoblastes et ostéocytes sont situés près de l’os et des cémentoblastes, au contact du cément. Enfin, y persistent les vestiges épithéliaux de la crête de Hertwig (restes de Malassez). De plus, le contingent des cellules participant aux réactions immunitaires locales y est également présent. Le compartiment extracellulaire est constitué avant tout de fibres collagènes groupées en faisceaux, mais aussi de fibres élastiques particulières (oxytalaniques et élaunine). Les fibres sont enrobées dans une substance fondamentale riche en glycosaminoglycanes, glycoprotéines et glycolipides. 8
Fibroblastes du ligament parodontal.
Si la composante fibrillaire a longtemps paru déterminante pour le maintien d’une fixation correcte, en fait les cellules fibroblastiques responsables de l’édification des fibres jouent un rôle fondamental. La moindre de leurs altérations compromet d’emblée l’attache dentaire.
¶ Cellules Cellules conjonctives
• Fibroblastes Ce sont les cellules principales du ligament. Elles paraissent toutes semblables en microscopie optique : cellules fusiformes (fig 25) à noyau central, alignées parallèlement aux fibres des faisceaux et enveloppant celles-ci de leurs nombreux prolongements. En fait, dans le ligament comme dans les autres tissus conjonctifs, on a démontré leur hétérogénéité. Les fibroblastes renferment des lignées à sécrétions différentes [16, 28, 67] : les cultures cellulaires à partir d’explants de ligament montrent que toutes les cellules sécrètent du collagène de type I, certaines du collagène de type III (fig 26) et quelques-unes du collagène de type V. Leur morphologie varie en fonction de leur état fonctionnel. Elle est bien précisée par la microscopie électronique à transmission [25, 93]. Les cellules en cours de synthèse (fig 27) et de sécrétion des protéines sont volumineuses avec de nombreux prolongements cytoplasmiques. Elles contiennent un appareil de Golgi très développé, un ergastoplasme granulaire abondant, et de nombreuses vésicules sécrétoires. De plus, elles sont pourvues d’un cytosquelette bien développé, formé d’une part de microfilaments (diamètre
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Fibroblastes du ligament parodontal. Fluorescence après action du sérum anticollagène III sur culture de fibroblastes parodontaux.
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Fibroblaste parodontal en microscopie à transmission.
inférieur à 8 nm) de protéines contractiles (essentiellement d’actine) qui assurent la mobilité des cellules, d’autre part de filaments intermédiaires (diamètre entre 8 à 10 nm) faits de protéines non contractiles (vimentine) (fig 28). De nombreux systèmes de jonction (desmosomes, jonctions serrées et gap-jonctions) assurent des liens entre les cellules. De plus, des fibronexi (épaississements denses de la membrane cytoplasmique constitués d’une glycoprotéine, la fibronectine) unissent les filaments intracellulaires et extracellulaires. Ceux-ci permettraient la transmission des contractions microfilamentaires aux fibres collagènes extracellulaires et faciliteraient ainsi l’éruption dentaire. Ces fibroblastes assurent le remodelage permanent des fibrilles collagènes, avec un turnover à la fois plus élevé et plus rapide que celui des autres tissus conjonctifs [91]. Ils sont, en effet, capables à la fois de synthétiser et de sécréter les fibrilles collagènes (fig 29 à 31) et leur substance fondamentale, mais également de dégrader les fibrilles [24, 30, 35, 73, 103]. Cette dégradation s’effectue grâce à un double mécanisme : dégradation intracellulaire par phagocytose et digestion enzymatique des fibrilles dans des phagolysosomes, dégradation dans le milieu extracellulaire grâce à la sécrétion par les fibroblastes d’un groupe de métalloprotéinases (collagénases) qui fragmentent les fibrilles, leur dégradation étant assurée par d’autres enzymes.
• Cellules mésenchymateuses indifférenciées [42, 65] Ces cellules génitrices représentent un constituant important du ligament. Localisées au voisinage des vaisseaux, elles sont capables de se diviser et de se différencier en fibroblastes, ostéoblastes ou cémentoblastes. On discute encore à l’heure actuelle pour savoir s’il
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28 Culture de fibroblastes du parodonte. Présence de filaments intermédiaires de vimentine (sérum antivimentine).
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Culture de fibroblastes parodontaux (microscopie électronique à transmission). Filaments intracytoplasmiques.
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Fibroblaste du parodonte. Filaments colorés en noir par l’argent au contact de la membrane cytoplasmique (microscopie électronique à transmission).
existe une seule souche cellulaire donnant naissance aux trois types de cellules différenciées ou si chaque type de cellule différenciée a une souche mésenchymateuse propre. La production possible de nouvelles cellules par ce mécanisme est compensée par une destruction parallèle des cellules préexistantes (mort cellulaire physiologique par apoptose) [66]. 9
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Fibres collagènes extracellulaires (à droite) (microscopie électronique à transmission).
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Restes épithéliaux de Malassez dans le ligament parodontal.
• Cellules osseuses et cémentaires Bien que situées dans le ligament parodontal, elles participent à l’élaboration de tissus conjonctifs minéralisés (os alvéolaire et cément). Les ostéoblastes restent séparés de la paroi alvéolaire par une mince couche de tissu ostéoïde et sont situés entre les faisceaux du ligament. Au fur et à mesure de leur sécrétion, ils s’incorporent dans des logettes osseuses et deviennent des ostéocytes. Des ostéoclastes sont également visibles, en dehors de l’os, au sein de lacunes de résorption. Les cémentoblastes sont situés à la surface du cément dont ils restent séparés par une mince bande de tissu cémentoïde et s’interposent entre les faisceaux du ligament. Ils s’incorporent ensuite dans des loges cémentaires et deviennent des cémentocytes. Comme pour l’os alvéolaire, les phénomènes de résorption se traduisent par l’existence, à sa surface, de cémentoclastes creusant des lacunes.
• Myofibroblastes Cellules présentant à la fois les attributs de fibroblastes et de cellules musculaires lisses, elles sont caractérisées en microscopie électronique par la présence de myofilaments de myosine ancrés sur des zones denses d’actine fixées à la membrane cytoplasmique [78]. Elles possèdent de nombreuses vésicules de pinocytose. Elles sont aussi reconnues en immunohistochimie par leur positivité aux anticorps antimyosine. Elles interviendraient de façon physiologique dans l’éruption dentaire [ 4 ] et dans certaines conditions pathologiques pour la cicatrisation de parodontoses. Cellules épithéliales Elles proviennent de la fragmentation de la crête de Hertwig. Ce sont les restes de Malassez. Situées près du cément, dans le tiers apical du ligament, ce sont de petits amas (fig 32) ou des cordons de cellules épithéliales à noyau central, entourés d’une membrane basale sur laquelle les cellules s’implantent par des hémidesmosomes. Ces restes peuvent se calcifier et donner naissance à des cémenticules, ou favoriser l’apparition de kystes dentaires. Cellules participant aux réactions immunitaires – Les macrophages phagocytent des débris cellulaires et bactériens grâce à leur système lysosomal abondant doué d’activités enzymatiques phosphatases acides élevées. – Les mastocytes, souvent associés aux vaisseaux sanguins, augmentent en nombre en cas d’inflammation. En microscopie électronique, ils sont pourvus de grains sécrétoires opaques qui libèrent histamine et héparine pendant leur activité fonctionnelle. – Les lymphocytes, plasmocytes et leucocytes polynucléaires neutrophiles n’apparaissent qu’en cas d’inflammation ligamentaire. 10
33 Culture de fibroblastes du parodonte (microscopie électronique à balayage). Petites cellules jeunes, rondes, accolées à la surface de fibroblastes différenciés. ¶ Fibres Fibres collagènes Elles représentent la majeure partie des structures ligamentaires. Elles sont faites essentiellement de collagène de type I et de 20 % de collagène de type III. Mais les cultures cellulaires [17, 82] à partir d’explants de ligament parodontal ont également montré des sécrétions de collagène V qui interviendrait dans des conditions pathologiques pour la régénération et la cicatrisation. Ces cultures [28], encore proliférantes après 15 jours, ont un nombre appréciable de cellules jeunes en voie de différenciation (fig 33, 34). En microscopie électronique à transmission [36], ces cellules ont une activité fonctionnelle et une différenciation patente. Elles sont anastomosées entre elles par des desmosomes et présentent de nombreuses vacuoles d’endocytose témoins de leurs échanges importants. Leurs organites de synthèse sont nombreux (ergastoplasme granulaire, appareil de Golgi, vésicules sécrétoires). Par ailleurs, leur cytosquelette, constitué de microfilaments, est bien visible. Parmi ceux-ci, la vimentine est abondante. Tous ces fibroblastes, enfin, sécrètent du collagène le plus souvent de type I, avec double sécrétion de collagène I et III dans certains cas. Notons enfin que la différenciation dans le sens ostéoblaste ou cémentoblaste est elle-même suggérée dans ces cultures par l’activité phosphatase alcaline (fig 35) présente sur quelques cellules en microscopie optique. Les fibres sont sécrétées par les fibroblastes sous forme de fibrilles collagènes extracellulaires (fig 36 à 38), pourvues d’une périodicité
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Ligament parodontal. Amarrage des fibres collagènes dans le cément.
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Culture de fibroblastes du parodonte. Fibroblastes avec prolongements cytoplasmiques (microscopie électronique à balayage).
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Culture de fibroblastes parodontaux sur lattice. Fibres collagènes anastomosées formant un feutrage autour des renflements cellulaires fibroblastiques (microscopie électronique à balayage).
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Culture de fibroblastes du parodonte. Activité phosphatase alcaline sur une cellule (histoenzymologie).
6 5 4
1
Organisation en faisceaux du ligament parodontal. 1. Fibres interradiculaires ; 2. fibres apicales ; 3. fibres obliques ; 4. fibres horizontales ; 5. fibres de la crête alvéolaire ; 6. ligament transseptal.
3
2
serait dû à la durée de vie plus courte du collagène ligamentaire. Cette constatation a fait assimiler le ligament parodontal à un tissu conjonctif fœtal [70].
• Faisceaux alvéolodentaires (fig 39) Ces fibrilles se groupent en fibres, elles-mêmes associées en faisceaux alvéolodentaires qui sont classés en cinq groupes principaux :
36
– le groupe de la crête alvéolaire est tendu en « éventail » obliquement de la pointe du septum interdentaire au cément, au niveau de sa jonction avec l’émail (collet) ;
caractéristique de 67 nm [90]. Elles ont un diamètre moyen de 55 nm, très réduit par rapport à celui d’autre tendons (100 à 250 nm), ce qui
– le groupe horizontal, immédiatement sous-jacent au précédent, est formé de fibres horizontales perpendiculaires à l’axe de la dent. Il est tendu entre cément et os alvéolaire, au-dessous de la crête ;
Ligament parodontal. Fibres collagènes parallèles tendues entre cément à droite et os alvéolaire à gauche.
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Schéma du ligament gingival. 1. Groupe alvéologingival ; 2. épithélium gingival ; 7 3. os alvéolaire ; 4. groupe dentopériosté ; 5. groupe dentogingival ; 6. fibres circulaires ; 7. émail.
1
6
5
2
4
3
1
7
42 Faisceau alvéolodentaire de type transseptal, tendu au-dessus de l’os alvéolaire entre deux dents voisines. – les fibres dentopériostées sont tendues de l’apex du cément à l’os alvéolaire. Elles vont du cément d’une dent, en passant au-dessus de la crête alvéolaire, au cément de la dent adjacente. L’ensemble de ces fibres forme le ligament transseptal (fig 42) ;
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5
3
3
4 Schéma du ligament gingival : fibres circulaires du ligament transseptal. 1. Groupe circulaire ; 2. versant buccal ; 3. cément ; 4. os alvéolaire ; 5. versant lingual ; 6. groupe alvéologingival ; 7. groupe dentogingival.
41
– le groupe oblique, de loin le plus important, est tendu du cément jusqu’à l’os alvéolaire près de la couronne ; – le groupe apical est disposé en « éventail » entre cément apical et base de l’alvéole ; – le groupe interradiculaire, observé seulement dans les dents multiradiculaires, est tendu entre cément et os des racines, et forme ainsi la crête du septum interradiculaire. De chaque côté, les faisceaux sont enrobés dans le cément et dans l’os alvéolaire. On donne à cette portion incluse le nom de fibres de Sharpey. Les fibres à ce niveau sont entièrement minéralisées dans le cément primaire acellulaire. En microscopie à balayage, elles forment des dômes à la surface du cément et de l’os alvéolaire. Dans le cément cellulaire et dans l’os, elles ne sont que partiellement minéralisées sous forme d’une gangue périphérique. Elles ont alors la forme de pertuis sur les surfaces osseuses et cémentaires en microscopie à balayage.
• Ligament gingival (fig 40, 41) Outre ces fibres alvéolodentaires qui constituent le ligament parodontal proprement dit, d’autres faisceaux de fibres collagènes interviennent pour maintenir la suspension de la dent. L’ensemble de ces faisceaux est situé dans la lamina propria de la gencive et forme le ligament gingival. On y distingue cinq groupes de faisceaux : – les fibres dentogingivales, les plus nombreuses, s’étendent du cément cervical à la lamina propria des gencives libre et attachée ; – les fibres alvéologingivales unissent crête de l’os alvéolaire et lamina propria des gencives libre et attachée ; – les faisceaux circulaires s’étendent en anneau peu épais autour du collet de la dent ; 12
– le système fibreux transseptal connecte toutes les dents d’une même arcade dentaire. Il va du cément apical à la base de l’épithélium jonctionnel d’une dent jusqu’à la dent voisine. Ce faisceau a été impliqué comme la cause majeure des accidents de mauvaise contention des dents traitées par orthodontie. En effet, le remodelage physiologique de ce faisceau ne semble pas exister et le turnover y est moins rapide que dans le ligament. Toutefois, des études récentes ont montré un remodelage possible dans des conditions physiologiques et au cours des thérapeutiques orthodontiques, à condition que la contention soit prolongée. Fibres élastiques [53] S’il n’existe pas de fibres élastiques matures dans le ligament, on y retrouve en revanche deux types de fibres immatures : les fibres oxytalaniques [40, 41] et l’élaunine. Ce sont des fibrilles de 5 à 15 nm de diamètre, disposées parallèlement à l’axe longitudinal de la fibre et entourées de matériel interfibrillaire amorphe. Entremêlées aux fibres collagènes, elles sont parallèles à la surface des racines dentaires et perpendiculaires à l’axe des faisceaux collagènes. Elles se terminent près du complexe vasculolymphatique et nerveux. Leur fonction est encore mal connue : elles pourraient réguler le flot vasculaire engendré par la distorsion ligamentaire lors du fonctionnement dentaire.
¶ Substance fondamentale
[8]
Peu d’études ont porté sur cette portion essentielle du ligament, dont elle représente 65 % des composantes. Il semble que la composition de cette substance soit proche de celle des autres tissus conjonctifs. Outre une forte proportion d’eau (70 %), elle renferme acide hyaluronique (appartenant au groupe des glycosaminoglycanes), protéoglycanes (ou mucoprotéines), glycoprotéines, parmi lesquelles la fibronectine qui forme un treillis de fibrilles intercellulaires communiquant avec le cytosquelette fibroblastique et favorisant ainsi les cohésions intercellulaires et les adhérences des cellules aux fibres collagènes. Cette substance fondamentale semble avoir un effet considérable sur la capacité de la dent à supporter des pressions importantes.
¶ Structures calcifiées intraligamentaires
[68]
Elles sont fréquentes et varient dans leur aspect et leur étiologie. Le plus souvent, ce sont des cémenticules, nodules calcifiés faits de strates concentriques, soit libres dans le ligament, soit implantés à la
Stomatologie/Odontologie
Histologie du parodonte
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surface du cément. Ils peuvent confluer pour former des masses volumineuses à contours irréguliers. Parfois, il s’agit de petites particules de cément séparées de la dentine à la suite d’un traumatisme. On peut également retrouver des fragments de tissu osseux, des calcifications dystrophiques, des calcifications de thromboses vasculaires ou de restes épithéliaux.
¶ Vascularisation Le ligament est richement vascularisé [100, 102] ceci allant de pair avec le turnover très rapide de ses composantes cellulaires et extracellulaires. Cette vascularisation contribue aux échanges métaboliques tissulaires. De plus, elle intervient dans l’amortissement des forces de pression exercées sur la dent. Enfin, elle joue un rôle actif dans le processus d’éruption dentaire. Artères Elles proviennent des artères dentaires supérieure et inférieure, branches de l’artère maxillaire. De plus, participent aussi à cette vascularisation : la branche sublinguale de l’artère linguale, l’artère mentonnière, l’artère massétérine et l’artère labiale inférieure pour l’arcade dentaire mandibulaire ; l’artère palatine antérieure, les branches supérieures labiales des artères faciale et infraorbitaire pour l’arcade dentaire maxillaire. Les artères pénètrent le ligament en empruntant trois voies :
43
Ligament parodontal. Nerf myélinisé. Gaine lamellaire très opaque aux électrons (microscopie électronique à transmission).
– les artères apicales, avant d’entrer dans la pulpe, émettent des branches collatérales au ligament. Celles-ci se dirigent verticalement vers la gencive ; – les vaisseaux du tissu conjonctif gingival vascularisent la portion supérieure du ligament ; – les artères perforantes (périostées et transseptales) sortent de la paroi alvéolaire par les canaux de Volkmann. Elles sont plus nombreuses dans le ligament des dents postérieures que des dents antérieures. Elles sont également plus nombreuses dans la mandibule que dans le maxillaire. Tous ces vaisseaux circulent dans le tissu conjonctif lâche interstitiel situé entre les faisceaux collagènes. Parallèles à l’axe longitudinal de la dent, ils se ramifient et s’anastomosent en un riche réseau capillaire. Des anastomoses artérioveineuses, comme dans la pulpe dentaire, permettent l’exclusion circulatoire brutale et momentanée du réseau capillaire dans certaines conditions physiologiques ou pathologiques. Veines Le drainage veineux s’effectue vers la portion apicale du ligament où existe un riche plexus veineux. De là, le sang gagne les grosses veines des septa interalvéolaire et interradiculaire. Les veines alvéolaires inférieures se drainent dans la veine faciale et le plexus veineux ptérygoïdien. La position de repos de la dent semble conditionnée par la pression sanguine dans les vaisseaux du ligament : toute modification du volume vasculaire ou de la pression tissulaire influence la position de repos. Les minimes mouvements de la dent sont synchrones des pulsations artérielles. Lymphatiques Ils sont peu nombreux et accolés à la paroi alvéolaire. Ils se drainent vers la région apicale du ligament, puis les ganglions sousmaxillaires, sauf ceux de la troisième molaire et des incisives mandibulaires qui se drainent vers les ganglions sous-digastriques et sous-mentaux.
¶ Innervation
[49, 89]
Deux types d’innervation, sensitive et sympathique, sont décrits dans le ligament. Innervation sensitive Elle provient du trijumeau par l’intermédiaire des nerfs alvéolaires inférieur (nerf mandibulaire) et supérieur (nerf maxillaire). Des faisceaux montent de l’apex de la racine à la gencive. De plus, les
44
Ligament parodontal. Nerf amyélinique avec gaine schwannienne entourant les rameaux axonaux (microscopie électronique à transmission).
nerfs alvéolaires interdentaires pénètrent dans le ligament par les foramina de l’os alvéolaire et se divisent en branches ascendantes vers la gencive et descendante vers l’apex. Ces faisceaux contiennent un mélange de grosses fibres myélinisées et de petites fibres myéliniques ou amyéliniques (fig 43, 44). Les études autoradioraphiques et immunohistochimiques des protéines neurales ont amélioré les connaissances concernant cette innervation [ 5 8 ] . Il existe des variations régionales dans les terminaisons nerveuses. Celles-ci sont plus abondantes dans la région apicale du ligament. On distingue quatre types de terminaisons : – le premier type, le plus fréquent, concerne des terminaisons libres qui se ramifient en « branches d’arbre » tout le long de la racine et arrivent au contact du cément. Elles proviennent surtout de fibres non myélinisées mais sont enveloppées d’une cellule de Schwann. Ces terminaisons joueraient le rôle de nocirécepteurs (appréciation de la douleur) et de mécanorécepteurs ; – le deuxième type est situé autour de l’apex dentaire et ressemble à des corpuscules de Ruffini. Il est dendritique et se termine par des fibres s’étendant parmi les fibres du ligament. En microscopie électronique, de tels récepteurs se divisent en forme simple (un seul neurite) et en forme composée (plusieurs terminaisons). Ces deux sous-groupes sont enveloppés de cellules de Schwann qui sont au 13
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Histologie du parodonte
Stomatologie/Odontologie
contact des fibres collagènes, ce qui fournit la preuve de leur rôle de mécanorécepteurs. Ils sont parfois entourés d’une capsule fibreuse incomplète ;
45
Os alvéolaire autour d’une racine dentaire. Section longitudinale. Os spongieux clair. Os haversien compact de chaque côté.
– le troisième type, situé dans la partie moyenne du ligament, a la forme d’une anse ou d’un anneau. Son rôle est inconnu ; – le quatrième type, le plus rare, est associé à l’apex de la dent et consiste en une terminaison en aiguille entourée d’une capsule fibreuse. Innervation autonome Encore mal connue, elle comporte uniquement des fibres sympathiques. Les fibres de type parasympathique n’ont jamais été isolées dans le ligament. Les terminaisons de ce réseau sont en contact étroit avec les vaisseaux sanguins et influent sur le flux sanguin local.
¶ Fonctions du ligament parodontal Elles ne concernent pas le seul ligament, mais également ses supports osseux et cémentaires. Fixation de la dent à son alvéole Les faisceaux du ligament, complétés par ceux de la gencive, assurent la fixation de la dent à son alvéole. Suspension de la dent pendant sa fonction occlusale La dent est soumise à des forces intenses mais intermittentes qui s’exercent dans des directions multiples [33, 59, 69, 71, 77, 83, 87] : – forces externes axiales tendant à enfoncer la dent lors de la mastication ; – forces externes axiales tendant à expulser la dent (pression des tissus mous environnants) ; – forces externes horizontales induites par la musculature linguale ou jugale, par le contact des dents adjacentes et des dents antagonistes. Le ligament assure une mobilité physiologique de la dent qui retrouve sa position normale après cessation des forces de pression. En fait, on admet à l’heure actuelle que toutes les composantes du ligament agissent ensemble pour former un amortisseur hydraulique lors des pressions exercées par la mastication [ 6 9 , 9 9 ] . Ainsi interviennent la substance fondamentale du ligament, la pression hydrostatique vasculaire et la pression du sang dans les vaisseaux. Tous ces liquides sous pression étant incompressibles, l’hypothèse suivante a été émise : lorsqu’une force est appliquée sur la dent, en fonction de la direction de cette force, les liquides se déplaceraient vers les foramens de la lame criblée alvéolaire ou vers d’autres régions du ligament. Ces déplacements liquidiens expliqueraient la dilatation du rebord alvéolaire constatée physiologiquement. De plus, la substance fondamentale du ligament peut subir des modifications à l’échelon moléculaire pendant son fonctionnement. Celles-ci expliqueraient l’élargissement (plus de 50 %) du ligament quand il est soumis à une fonction accrue. Rôle sensoriel L’innervation sensitive assure une sensibilité tactile à la fois extéroceptive et proprioceptive, ainsi qu’une sensation de douleur. Rôle dans l’éruption dentaire [4, 5, 10, 62, 63, 88] Son rôle est probable dans l’éruption dentaire comme en attestent diverses expérimentations. Ainsi, si l’on perturbe l’architecture ligamentaire, on peut retarder ou supprimer cette éruption. Pour expliquer ce rôle, on a incriminé plusieurs facteurs : migration des fibroblastes qui sont capables de se contracter, mais aussi rôle de la vascularisation et de la pression hydrostatique tissulaire du ligament. Fonction homéostatique Les fibroblastes du ligament, dans des conditions physiologiques, peuvent synthétiser ou résorber les fibrilles et la substance fondamentale [29, 43, 66, 80] et ce turnover est particulièrement rapide 14
46
Os alvéolaire. Section transversale avec dents insérées dans leur alvéole.
dans le tissu conjonctif ligamentaire. Le remodelage permanent du tissu osseux et du cément agit parallèlement à celui du ligament proprement dit. Fonction de réparation Après destruction du ligament par une inflammation parodontale, le curetage du cément et de l’os contaminés [43, 79, 81] permet d’obtenir une synthèse de nouvelles fibres collagènes avec augmentation des sécrétions de collagène V propre à la cicatrisation et une réimplantation de ces fibres dans le tissu osseux et le cément néoformés. Sénescence du ligament Le ligament est modifié par l’âge [43]. Les cellules ont un métabolisme moins actif et le diamètre des fibres est plus petit. Le tissu collagène se modifie qualitativement : ses faisceaux fibrillaires sont épais et tendent à se minéraliser. Ce collagène nouveau est plus résistant aux enzymes de dégradation, mais ses potentiels de résistance aux forces occlusales et de réparation sont affaiblis, ce qui explique la fréquence des parodontoses chez le vieillard. OS ALVÉOLAIRE
Limite de l’alvéole dentaire, l’os alvéolaire est encore dénommé procès alvéolaire [15, 84] (fig 45, 46).
¶ Aspect anatomique L’aspect de cet os est dépendant de la dent. Il varie, en effet, en fonction du type de dent (uni- ou pluriradiculaire), de sa position
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Os alvéolaire avec insertion des fibres ligamentaires.
Os alvéolaire (lame criblée), creusé de canaux de Volkmann. Section verticosagittale.
sur l’arcade dentaire, de l’intensité et de la direction des forces occlusales qu’il supporte. Cet os appartient au groupe des os plats. Comme eux, il comporte deux corticales, externe et interne, constituées par un os compact où les lacunes médullaires sont de petite taille. Ces corticales limitent l’alvéole dentaire. Entre deux alvéoles contiguës s’érige le septum interdentaire constitué d’os spongieux (travées osseuses anastomosées entre elles et séparées par de larges lacunes de moelle osseuse).
49
Microradiographie de dents montrant le liseré opaque (lamina dura) limitant les alvéoles dentaires.
Corticales La corticale externe est appelée vestibulaire et la corticale interne linguale pour les procès mandibulaires ou palatine pour les procès maxillaires. Ces deux corticales se prolongent avec celles de la mandibule. Au niveau du maxillaire, la corticale externe se poursuit avec les procès palatins du maxillaire. Ces corticales, faites d’os compact, ont une épaisseur variable. Elles sont plus minces dans le maxillaire que dans la mandibule, et pour les deux mâchoires, plus minces dans la région antérieure que postérieure.
radiologique est un moyen d’apprécier l’état du squelette dans son ensemble. Elle se modifie dans diverses circonstances pathologiques [ 5 6 ] d’ordre général (maladie de Paget, hyperparathyroïdisme) ou d’ordre local (parodontoses).
Alvéoles
Septa interdentaires et interradiculaires
Ces logettes, situées entre les deux corticales, ont une forme et une profondeur variables en fonction du type de dent, de sa position sur l’arcade et de sa fonction occlusale. De plus, les alvéoles des dents multiradiculaires sont cloisonnées par des septa osseux interradiculaires. En regard de l’apex dentaire, le fond de l’alvéole (fundus) présente des rapports anatomiques différents selon la mâchoire considérée : au niveau du maxillaire, il est en rapport avec les fosses nasales pour les dents antérieures et avec les sinus maxillaires pour les dents postérieures ; dans la mandibule, les dents postérieures sont proches du canal dentaire. La paroi osseuse qui limite l’alvéole et entoure la racine dentaire est une lame mince de 100 à 200 µm d’épaisseur. Cette lame présente une structure originale car elle donne insertion aux fibres de Sharpey du ligament périodontal. Dans les régions antérieures des mâchoires, cette paroi fusionne avec les corticales sans qu’il y ait interposition d’os spongieux. Dans les zones postérieures, un tissu spongieux s’interpose entre elle et l’os alvéolaire. On a proposé plusieurs dénominations pour cette lame :
Les septa interdentaires séparent deux alvéoles contiguës. Les septa interradiculaires cloisonnent les alvéoles porteuses de dents multiradiculaires. Ces cloisons sont constituées d’os spongieux qui s’interpose entre cloison alvéolaire et corticales externe et interne. Ces septa sont creusés de canaux de Zuckerkandl et Hirschfeld par où passent vaisseaux sanguins, lymphatiques et nerfs interradiculaires.
– paroi ligamentaire du fait de l’insertion du ligament (fig 47), par opposition au reste de l’os alvéolaire, dit supporting bone par les Anglo-Saxons [46] ; – lame criblée ou cribriforme [6, 38, 57] du fait des nombreux canaux de Volkmann (fig 48) qui la traversent et mettent en communication vaisseaux des espaces médullaires et ligament ; – lamina dura, du fait de sa grande opacité sur les clichés radiographiques où elle forme une ligne blanche limitant la zone radioclaire du ligament (fig 49). En clinique, son exploration
Crête alvéolaire On désigne par ce terme le point où se réunissent les corticales des procès alvéolaires et l’os de la paroi alvéolaire. Cette crête est normalement située 1,5 à 2 mm au-dessous du niveau de la jonction amélocémentaire. En fait, aspect et situation de cette crête varient en fonction de la largeur de la dent, de sa situation sur l’arcade, de la hauteur de sa saillie sur la gencive, et de la situation de la jonction amélocémentaire.
¶ Structure histologique Méthodes d’étude de l’os Après décalcification et inclusion en paraffine, seule la trame collagène reste visible sous forme de fibrilles à périodicité caractéristique groupées en faisceaux parallèles. Sur coupe non déminéralisée obtenue après usure, les cristaux d’hydroxyapatite sont conservés et disposés régulièrement sur les fibres. En microscopie à balayage, la trame fibrillaire minéralisée est très apparente. 15
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Os alvéolaire. Zone compacte. Détail d’un ostéon examiné en lumière polarisée.
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Os alvéolaire. Zone spongieuse à gauche, zone compacte à droite.
54 51
Os alvéolaire. Zone compacte haversienne avec ostéocytes enchâssés dans des logettes.
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Os alvéolaire. Structure haversienne.
Caractères communs avec le reste du squelette L’os alvéolaire présente un certain nombre de caractères communs avec le tissu osseux. On y observe en effet deux types de structures. L’os compact est celui des corticales (fig 50 à 53). En périphérie, il comporte cinq ou six lamelles osseuses concentriques englobant les fibres conjonctives du périoste. En profondeur, c’est un os haversien formé d’une série d’ostéons. Chacun d’eux comporte une lacune centrale conjonctivovasculaire de 50 µm de diamètre, entourée de 10 à 15 lamelles osseuses concentriques. Les ostéocytes sont disposés dans l’épaisseur des lamelles ou entre deux lamelles contiguës. L’os 16
Os alvéolaire. Zone spongieuse. Travées osseuses anastomosées séparées par des lacunes de moelle osseuse.
55
Os alvéolaire. Zone spongieuse. Détail d’une travée bordée par une rangée d’ostéoblastes. Ostéocytes emmurés dans la travée.
spongieux est formé de travées anastomosées de tissu osseux entourant des lacunes larges de moelle osseuse (fig 54, 55). Les cellules sont dérivées des cellules conjonctives du follicule dentaire qui se sont métamorphosées. On y distingue : – les ostéoblastes (fig 56) qui sécrètent la matrice conjonctive du tissu osseux et assurent sa minéralisation. En microscopie électronique à transmission, ces cellules sont pourvues d’un appareil de synthèse très développé (fig 57 à 60). La minéralisation se fait par l’intermédiaire de vésicules matricielles où les cristaux sont élaborés avant d’être libérés dans la matrice. Ces ostéoblastes sont situés à la surface du tissu osseux ;
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Ostéoblastes.
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Ostéoblaste avec ergastoplasme granulaire très développé (microscopie électronique à transmission).
59 Fibres collagènes en partie calcifiées (fibres noires) (microscopie électronique à transmission).
58
Ostéoblaste. Détail des citernes ergastoplasmiques (microscopie électronique à transmission).
60
Activité de la phosphatase alcaline sur le tissu osseux.
61
Résorption de l’os alvéolaire. Ostéoclaste dans une lacune creusée dans l’os compact.
– les ostéocytes qui constituent l’évolution normale des ostéoblastes qui s’emmurent dans leurs sécrétions. Ils sont enchâssés dans des logettes ; – les ostéoclastes qui assurent la résorption physiologique et pathologique du tissu osseux. Ce sont de grandes cellules multinucléées situées à la surface de l’os où elles creusent des lacunes de résorption (lacunes de Howship) (fig 61). En microscopie électronique, elles ont une pseudobordure en brosse périphérique (expansions cytoplasmiques digitiformes) renfermant des filaments contractiles d’actine et de myosine (fig 62). Leur cytoplasme
renferme un riche réseau lysosomal (fig 63) avec phosphatases acides ; il sécrète également d’autres enzymes (collagénase et autres enzymes protéolytiques) qui résorbent la matrice ostéoïde. Ce tissu osseux, comme dans le reste du squelette, est le siège d’un remodelage. Celui-ci assure un équilibre entre ostéogenèse et 17
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Ostéoclaste (microscopie électronique à transmission). Bordure en « brosse » à la surface de la cellule.
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attaches de ces fibres : des fibres sectionnées localisées dans l’os ancien et se terminant à la jonction entre celui-ci et les dépôts d’os nouveau en surface ; des fibres adhésives situées entièrement dans l’os néoformé et se terminant sur la ligne de jonction avec l’os ancien, dans une zone faite d’un matériel granuleux ; des fibres arborescentes entièrement situées dans l’os nouveau et se terminant au sein de sa propre matrice ; des fibres continues qui paraissent traverser la ligne de jonction os ancien-os nouveau mais qui, en fait, assurent une jonction par des fibrilles non striées entre anciennes fibrilles et fibrilles néoformées.
¶ Physiologie de l’os alvéolaire Comme le reste du squelette, cet os est un tissu de soutien mais aussi un tissu plastique qui s’adapte sans cesse aux mouvements de la dent. Remaniements histophysiologiques
63
Ostéoclaste. Détail avec nombreux lysosomes (microscopie électronique à transmission).
L’alternance de temps de repos avec des périodes d’ossification active ou d’ostéolyse a fait l’objet d’études histomorphométriques et de marquages in vivo par la tétracycline. Ces phénomènes sont consécutifs à la fonction occlusale et aux déplacements dentaires physiologiques : – le mouvement axial de la dent entraîne une apposition osseuse au niveau du fond de l’alvéole et au niveau des crêtes des septa interalvéolaires ; – le mouvement mésial de la dent provoque une résorption du pourtour de l’alvéole en regard de la direction où se déplace la dent et une apposition sur la face distale. Interactions entre fonction occlusale et os alvéolaire La structure et l’existence mêmes de l’os alvéolaire dépendent de la stimulation fonctionnelle qu’il reçoit pendant la fonction occlusale [59]. – Expérimentalement, l’hypofonction occlusale entraîne un rétrécissement du ligament et une apposition osseuse sur la paroi alvéolaire et la crête des septa. À la longue, le nombre des travées diminue et le tissu spongieux devient mince et moins dense. Il en résulte une diminution de hauteur de l’alvéole et une atrophie fonctionnelle.
ostéolyse. Il est régi par les cellules du tissu osseux et par d’autres facteurs, locaux (prostaglandine), ou généraux (parathormone, calcitonine, vitamine D). Caractères propres à l’os alvéolaire L’os alvéolaire s’individualise du reste du squelette par le fait qu’il donne insertion aux fibres du ligament parodontal. Ces remaniements incessants sont liés aux mouvements de la dent dans son alvéole.
• Paroi de l’alvéole ou paroi ligamentaire Cette couche mince de tissu osseux (100 à 200 µm) est dénommée bundle bone par les auteurs anglo-saxons. Cette paroi est forée de larges canaux et de pertuis plus petits que détecte la microscopie électronique à balayage. Ces canaux assurent les échanges entre moelle osseuse et ligament. Les fibres collagènes de la matrice osseuse sont de deux types : fibres intrinsèques élaborées par les ostéoblastes et parallèles les unes aux autres, incrustées de cristaux d’hydroxyapatite qui leur sont parallèles ; fibres extrinsèques, synthétisées par les fibroblastes du ligament et perpendiculaires à la paroi osseuse. Ces fibres vont traverser toute l’épaisseur des septa interdentaire et interradiculaire et solidariser ainsi les dents d’une même arcade dentaire, comme les fibres transseptales. On y constate des faisceaux de lamelles osseuses parallèles à la paroi alvéolaire. Dans ceux-ci s’insèrent perpendiculairement les fibres de Sharpey du ligament qui sont minéralisées seulement à leur périphérie. On a décrit expérimentalement, par des études en microscopie électronique à haut voltage, des variations dans les 18
– À l’inverse, toute surcharge occlusale entraîne une résorption osseuse plus marquée sur la surface ligamentaire et compensée par une apposition osseuse sur les travées du tissu spongieux septal interalvéolaire. Sénescence de l’os alvéolaire Comme le reste du squelette, l’os alvéolaire subit une atrophie progressive qui se traduit par un amincissement des corticales, une diminution du nombre et de l’épaisseur des travées d’os spongieux, et une déminéralisation. La crête alvéolaire s’abaisse. Cette usure physiologique aggrave les parodontoses et favorise la chute des dents. Pathologie Les perturbations locales sont l’apanage des parodontites. Celles-ci compromettent l’équilibre du tissu osseux. Les pénétrations d’antigènes suscitent des réactions immunitaires locales qui activent les ostéoclastes, ces derniers provoquant une alvéolyse. Les perturbations d’ordre général (hyperparathyroïdisme primaire ou secondaire, maladie de Paget, ostéoporose, etc) peuvent toucher les procès alvéolaires comme le reste du squelette. JONCTION GINGIVODENTAIRE
Ce système anatomique particulier concerne l’attache de la gencive à la dent (fig 64). La gencive, rappelons-le, comporte deux portions : l’une, attachée, est une muqueuse masticatrice revêtue d’un épithélium
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Stomatologie/Odontologie
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Gencive avec cul-desac et attache épithéliale. 1. Cul-de-sac gingival ; 2. 6 émail ; 3. chorion ; 4. membrane basale ; 5. zone kéra5 tinisée ; 6. épithélium.
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Sillon gingival. Dépression peu profonde au contact de l’attache gingivale.
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Poche parodontale avec attache épithéliale refoulée vers le cément radiculaire.
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Gencive. Zone kératinisée identique à celle des muqueuses buccales masticatrices.
– l’épithélium malpighien gingival, stratifié et kératinisé, caractéristique des zones masticatrices de la muqueuse buccale, s’arrête à la crête gingivale au bord de la gencive libre ; – un épithélium malpighien, stratifié mais non kératinisé lui succède au niveau du sillon gingival en regard de la dent ; – enfin, l’épithélium jonctionnel proprement dit recouvre le plancher du sillon et s’unit à la jonction amélocémentaire au niveau du collet dentaire.
¶ Sulcus gingival
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Surface de la gencive masticatrice en microscopie à balayage. Rides anastomosées en « nid d’abeille » à la surface des cellules superficielles.
parakératinisé ou kératinisé (fig 65, 66) ; l’autre, dite libre, au contact de la dent. La jonction gingivodentaire appartient à ce dernier type. On distingue trois types d’épithélium au niveau de cette zone jonctionnelle :
C’est une dépression normalement peu profonde (fig 67) située entre dent et gencive. Il s’étend de la surface libre de l’épithélium de jonction sur la couronne au bord de la gencive libre. Sa profondeur varie de 0,5 à 3 mm en moyenne. Elle devient pathologique pour un chiffre supérieur à 3 mm (on parle non plus de sillon mais de poche parodontale) (fig 68). Avec l’accroissement de l’âge, l’épithélium jonctionnel migre vers la racine et s’insère sur le cément. Dans le sillon, on retrouve constamment des cellules épithéliales desquamées provenant des épithéliums du sillon et de la jonction, ainsi que des leucocytes polynucléaires neutrophiles. L’épithélium du sulcus est un épithélium malpighien semblable à celui de la gencive attachée, mais non kératinisé. Il est formé d’une assise germinative de cellules cubiques ou cylindriques accrochées par des hémidesmosomes sur une membrane basale rectiligne. Les cellules sus-jacentes (fig 69, 70, 71), riches en tonofilaments, polygonales, ont un cytoplasme peu abondant et un noyau central. Elles sont étroitement unies par de nombreux desmosomes. Elles 19
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Épithélium malpighien du sulcus. Cellules polygonales étroitement juxtaposées.
72 Présence dans les cellules malpighiennes de filaments de cytokératine (sérum antikératine). 73
Épithélium malpighien avec cellule de Langerhans étoilée.
74
Détail de la membrane basale épithéliale. N : noyau ; mi : mitochondries ; d : desmosomes ; mc : membrane cytoplasmique ; g : appareil de Golgi ; LL : lamina lucida ; LD : lamina densa.
mi N
70
Épithélium du sulcus (microscopie électronique à transmission). Cellules unies par de nombreux desmosomes.
n d g mc
LL
LD
est complexe. Elle est formée (fig 74) d’une lamina lucida, zone peu opaque aux électrons, située immédiatement sous la membrane cytoplasmique des cellules basales. Au-dessous de cette bande se situe la lamina densa, zone très opaque aux électrons, parallèle à la précédente. L’absence de kératinisation de cet épithélium du sulcus est la conséquence de l’inflammation constante du tissu conjonctif sous-jacent (fig 75, 76).
71
Épithélium du sulcus. Surface non kératinisée vue en microscopie à balayage. Rides parallèles non anastomosées.
sont riches en tonofilaments mis en évidence en microscopie électronique ou par les sérums anticytokératine (fig 72). Quelques cellules de Langerhans sont visibles au sein de l’épithélium (fig 73). La membrane basale assure les échanges entre épithélium et tissu conjonctif ou lamina propria. En microscopie électronique, cette lame 20
¶ Épithélium jonctionnel (fig 77, 78) Il est disposé en collier autour de la dent. Plus épais que celui du sulcus, il comporte 15 à 30 couches cellulaires. Mais il s’amincit progressivement vers la dent où il ne comporte plus que trois ou quatre couches cellulaires. Les cellules malpighiennes, disposées parallèlement à la surface de la dent, sont aplaties. La couche profonde est attachée par des hémidesmosomes à une membrane basale rectiligne qui diffère des autres basales parce qu’elle ne
Histologie du parodonte
Stomatologie/Odontologie
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Chorion du sulcus. Présence de cellules inflammatoires.
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Attache épithéliale sur le cément acellulaire (microscopie électronique à balayage).
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Chorion du sulcus. Fibres collagènes vues en balayage.
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Attache épithéliale à la jonction amélocémentaire de deux dents.
également emprunter ces espaces pour gagner le tissu conjonctif sous-jacent. Tous ces caractères attestent du caractère non différencié, immature de cet épithélium. Le tissu conjonctif diffère également de celui du sulcus. Il renferme, dans des conditions normales, des cellules inflammatoires. Celles-ci sont surtout des leucocytes polynucléaires qui apparaissent lors de l’éruption dentaire et migrent en permanence à travers les espaces intercellulaires vers le fond du sulcus et le fluide oral (3 000 polynucléaires neutrophiles par minute migrent dans la bouche par cette voie). Ce tissu conjonctif est également différent sur le plan fonctionnel, ce qui est important pour la maladie parodontale et pour la régénération de la jonction après chirurgie du parodonte [60]. En effet, alors que la lamina propria sous l’épithélium gingival provoque la maturation normale de l’épithélium sus-jacent et conditionne l’exfoliation des cellules superficielles par perte des desmosomes, le tissu conjonctif profond (ligament parodontal), situé sous l’épithélium de jonction, n’est pas capable de permettre une différenciation correcte de l’épithélium [ 5 0 ] . D’autre part, l’inflammation constante qui s’y observe empêche la kératinisation. Si l’on supprime cette inflammation, dans des conditions expérimentales (hygiène buccale associée à une couverture d’antibiotiques), l’épithélium jonctionnel se kératinise.
¶ Col (en regard de la papille interdentaire) C’est la dépression creusée entre deux dents et bordée par deux pics, buccal et lingual. L’épithélium qui la recouvre est identique à l’épithélium de jonction. Il apparaît très exposé à la maladie parodontale car bactéries, débris alimentaires et plaque s’accumulent plus facilement dans cette fossette.
¶ Vascularisation
renferme pas de collagène de type IV. L’étude immunohistochimique par anticorps monoclonaux antikératine montre le caractère immature, peu différencié, de cet épithélium. En microscopie électronique à transmission [37], les cellules sont très différentes de celles du sulcus. Elles ont un cytoplasme plus abondant, renfermant un ergastoplasme granulaire et un appareil de Golgi bien développés. En revanche, les tonofilaments y sont peu nombreux. D’autre part, les espaces intercellulaires sont vastes du fait du petit nombre des desmosomes (quatre fois moins nombreux que dans les cellules du sulcus). Dans ces espaces, il existe des leucocytes polynucléaires et des monocytes transitant depuis le chorion à travers l’épithélium. Les antigènes de la cavité buccale peuvent
La vascularisation de la gencive provient des vaisseaux périostés du périoste des parois alvéolaires. Les branches de ces vaisseaux se dirigent perpendiculairement à la surface et se terminent dans les papilles conjonctives de la gencive, sous forme d’anses. Les vaisseaux de la jonction gingivodentaire proviennent des artères alvéolaires qui courent parallèlement à l’épithélium du sulcus et se résolvent en un riche réseau capillaire situé immédiatement sous la membrane basale. Quand il existe une inflammation, des crêtes épithéliales se forment et les anses vasculaires circulent entre ces crêtes. Ainsi peut-on distinguer trois territoires vasculaires : les vaisseaux du ligament, ceux de la gencive bordant la cavité buccale et ceux de la gencive bordant la dent. Les nombreuses anastomoses entre ces trois territoires assurent une circulation collatérale abondante. 21
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Histologie du parodonte
Stomatologie/Odontologie
¶ Innervation
¶ Modifications avec l’âge
La partie gingivale du parodonte est innervée par les branches terminales de fibres nerveuses périodontales et par les branches des nerfs infraorbitaires et palatins pour les dents supérieures, les nerfs lingual, mental et buccal pour les dents inférieures. Dans la gencive attachée, la plupart des nerfs se terminent dans la lamina propria. Quelques terminaisons pénètrent entre les cellules épithéliales. Dans la jonction gingivodentaire, il existe une riche innervation de la couche basale de l’épithélium.
Au cours du vieillissement, la jonction gingivodentaire migre progressivement du collet vers l’apex de la dent. Lorsque l’inflammation, installée lors de l’éruption dentaire, s’accroît du fait d’une mauvaise hygiène buccale, apparaît une gingivite qui détruit peu à peu les tissus d’attache dentaire. La migration est alors rapide et expose la surface du cément, ce qui favorise les caries du cément.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-008-C-15
22-008-C-15
Dimension verticale : aspects physiologiques JM Ferrigno P Tavitian A Tosello V Pouysségur
Résumé. – La dimension verticale, qui correspond à la hauteur de l’étage inférieur de la face, s’établit durant la croissance grâce à la divergence des axes de croissance des maxillaires. Elle est conditionnée par les organes dentaires, ainsi que par l’articulation temporomandibulaire et son complexe neuro-musculoarticulaire, eux-mêmes sous la dépendance de phénomènes neurophysiologiques. Cette dimension verticale s’adapte tout au long de la vie aux divers troubles pathologiques, aux éléments perturbateurs et au vieillissement des tissus afin de préserver son rôle fonctionnel dans la mastication, la respiration, la déglutition et la phonation. Les méthodes d’enregistrement de la dimension verticale d’occlusion, de repos ou verticale phonétique sont très nombreuses, attestant de l’absence de méthode scientifique universelle pour sa détermination. Le critère esthétique du respect des proportions morphologiques constitue pour de nombreux auteurs un guide de référence préférentiel. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : vertical, dimension, occlusion.
Introduction La position spatiale mandibulaire, caractérisée par la relation intermaxillaire, est déterminée par trois composantes. Deux composantes horizontales que sont le positionnement dans le plan frontal et dans le plan horizontal de la mandibule, ainsi qu’une composante verticale déterminée par la dimension verticale (DV) de l’étage inférieur de la face. Sous la dépendance physiologique des déterminants antérieurs et postérieurs de la face que sont les dents, l’articulation temporomandibulaire (ATM) et le complexe neuromusculaire, la DV peut être considérée dans un premier temps comme évolutive de la naissance à la puberté, sous l’influence de la croissance des maxillaires et des procès alvéolaires. Cette croissance achevée, la DV ne se stabilise pas mais entre plutôt dans une phase d’adaptabilité, permettant chez l’adulte la réalisation des fonctions, en réponse aux nombreux facteurs pouvant la faire varier tels que les troubles pathologiques ou fonctionnels, la sénescence, les éléments perturbateurs opportunistes et les évolutions anatomiques intrabuccales. Face aux limites de cette DV adaptative, il est possible de redéterminer une dimension verticale d’occlusion (DVO), à partir de repères préextractionnels ou sans repères, par des méthodes directes liées au sens clinique du praticien ou indirectes par évaluation de la dimension verticale de repos (DVR). Cependant, si cette dernière semble la plus utilisée, la multiplicité des techniques
Valérie Pouysségur : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, centre de soins, d’enseignement et de recherche dentaire (CSERD), 84, boulevard Delfino, 06000 Nice, France. Jean-Marie Ferrigno : Assistant-praticien hospitalier. Patrick Tavitian : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Alain Tosello : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Centre dentaire, hôpital Nord, chemin des Bourelly,13015 Marseille, France.
décrites dans la littérature pour sa détermination fait état de la difficulté à en privilégier une seule. Il apparaît qu’une combinaison de deux ou trois méthodes de détermination puisse être le réel compromis pour réévaluer une DV tolérable pour le patient tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique.
Physiologie des déterminants antérieurs et postérieurs de la face DENTS
Les arcades dentaires constituent le déterminant antérieur de l’occlusion. Elles jouent un rôle important, puisque complètes elles assurent un équilibre et une répartition des forces masticatrices. Leur position est déterminante, puisqu’elles permettent que s’établissent des contacts harmonieux entre arcades dentaires antagonistes. Enfin, l’intégrité des dents permet d’éviter toute modification de ces contacts. SURFACES ARTICULAIRES DE L’ARTICULATION TEMPOROMANDIBULAIRE
¶ Articulation temporomandibulaire déterminant postérieur C’est une diarthrose, articulation bicondylienne discordante, lâche, unissant la mandibule au massif crânien. Elle comprend deux surfaces articulaires : la cavité glénoïde et le condyle mandibulaire. Condyle et cavité glénoïde Le condyle du temporal est une saillie à peu près transversale, cependant un peu oblique en dehors et en arrière. Il s’articule en
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ferrigno JM, Tavitian P, Tosello A et Pouysségur V. Dimension verticale : aspects physiologiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-008-C-15, 2000, 11 p.
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EMC [257]
Dimension verticale : aspects physiologiques
22-008-C-15
Stomatologie/Odontologie
1 crâne
Muscles abaisseurs. T : trapèze ; Te : temporal ; M : masséter ; D : digastrique ; SH : sous-hyoïdien ; SCM : sterno-cléido-mastoïdien ; Pt L : ptérygoïdien latéral.
maxillaire supérieur
Te
muscles élévateurs mandibule
T D SH
muscles paravertébraux
Colonne vertébrale
M
SCM
muscles hyoïdes hyoïde muscles suprahyoïdes muscles prévertébraux
ceinture scapulaire
avant avec la surface plane sous-temporale et en arrière avec la cavité glénoïde qui est placée en avant du conduit auditif externe et en arrière du condyle.
¶ Muscles masticateurs
Condyle mandibulaire
• Muscles propulseurs
Ce sont deux saillies oblongues allongées de dehors en dedans et d’avant en arrière.
On distingue tout d’abord le masséter, qui est le muscle masticateur le plus superficiel. C’est un muscle puissant et épais qui s’allonge de l’arcade zygomatique jusqu’à la face externe de la branche montante de la mandibule. Il est composé d’un chef superficiel et d’un chef profond. Son innervation est assurée par une branche du nerf mandibulaire ou V3, collatérale du trijumeau. Symétrique au masséter, le muscle ptérygoïdien médial (interne), épais, quadrangulaire est toujours innervé par des branches du nerf mandibulaire. En s’étendant depuis la surface de la fosse ptérygoïde jusqu’à la face interne de l’angle de la mandibule, il constitue avec le masséter une sangle musculaire qui enveloppe la mandibule.
Ménisque interarticulaire Biconcave, il assure la concordance entre deux surfaces articulaires convexes. C’est un disque allongé transversalement, ovalaire à grosse extrémité interne. Moyens d’union
• Capsule articulaire C’est un manchon tronconique fibreux, s’insérant en haut au pourtour de la zone articulaire temporale. Elle descend en se rétrécissant et s’insère sur le col du condyle.
• Ligaments Trois groupes se distinguent : – le ligament latéral externe ; – le ligament latéral interne ; – les ligaments accessoires, comprenant les ligaments sphénomaxillaire, stylomaxillaire et ptérygomaxillaire. Ce sont les ligaments latéraux interne et externe qui stabilisent le condyle quand ce dernier est en position axiale terminale [12].
¶ Interaction de l’articulation temporomandibulaire Cette partie postérieure de l’ATM est une zone bilaminaire riche en fibres, vaisseaux et nerfs. L’ATM est innervée par le nerf trijumeau ; ses parties postérieures et latérales par le nerf auriculotemporal, sa partie antérieure par une branche du nerf massétérin et parfois par le nerf temporal profond. Quant à la partie médiane, elle reçoit une innervation venant des petites branches des nerfs auriculotemporaux et massétérins.
Muscles élévateurs
• Muscles rétropulseurs Seul le temporal assure cette fonction. C’est un muscle large et plat, en forme d’éventail recouvrant la partie latérale du crâne. En s’insérant dans sa partie supérieure sur la fosse temporale, ainsi que sur l’aponévrose temporale et dans sa partie inférieure sur l’apophyse coronoïde de la mandibule tout en se prolongeant jusqu’au trigone rétromolaire, il occupe l’intégralité de la fosse temporale. Carlsoo [9] note que le temporal est le muscle de la posture le plus important de la mâchoire. Il est composé de trois faisceaux : – un chef antérieur vertical ; – un chef moyen oblique ; – un chef postérieur horizontal. Les branches temporales profondes postérieures, moyennes et antérieures du nerf mandibulaire sont en charge de son innervation. Le temporal, ainsi que le masséter et le ptérygoïdien médial constituent une chaîne verticale postérieure. En ajoutant à cela le fait que ces trois muscles comportent un grand nombre de FNM (fuseaux neuromusculaires), ainsi qu’une composition fibrillaire spécifique, on se rend mieux compte de leur rôle dans les déplacements et le positionnement mandibulaires.
COMPLEXE NEUROMUSCULAIRE
Les muscles constituent une enveloppe de tissus mous unis aux pièces osseuses (fig 1). On les divise en plusieurs groupes selon leurs fonctions : les muscles masticateurs, les muscles de l’expression (muscles peauciers du visage) et les muscles de la déglutition (langue). 2
Muscles abaisseurs
• Muscle propulseur Il s’agit du muscle ptérygoïdien latéral. Celui-ci est très court et épais, aplati transversalement.
Stomatologie/Odontologie
Dimension verticale : aspects physiologiques
Il comprend deux faisceaux antérieurs qui vont converger en arrière et en dehors pour s’unir et s’insérer sur le bord antérieur du fibrocartilage interarticulaire et sur la fossette antéro-interne du col du condyle. Ces faisceaux sont le chef sphénoïdal ainsi que le chef ptérygoïdien.
• Muscles rétropulseurs – Muscle digastrique Il naît de la rainure du digastrique en dedans de l’apophyse mastoïde, formant le ventre postérieur du digastrique. Il traverse le muscle stylohyoïdien par son tendon intermédiaire. Puis, le ventre antérieur se dirige en avant, en haut et en dedans, appliqué sur le mylohyoïdien et s’attache à la fossette digastrique du bord inférieur de la mandibule. – Muscles mylohyoïdiens Les deux mylohyoïdiens s’étendent transversalement de la face interne de la mandibule (au niveau de la ligne oblique interne) à l’os hyoïde et au raphé médian maxillohyoïdien. Ce sont deux muscles larges et minces. – Muscle géniohyoïdien Il s’étend de la partie médiane de la mandibule (au niveau des apophyses geni) à l’os hyoïde suivant une surface d’insertion en « fer à cheval ». C’est un muscle court et épais.
¶ Muscles peauciers du visage Au cours de la fermeture forcée, de nombreux muscles superficiels du visage se contractent et participent en même temps que les muscles élévateurs aux mouvements mandibulaires. Les muscles concernés sont : – le petit zygomatique, qui s’étend depuis la partie moyenne de la face externe de l’os malaire jusqu’à la face profonde de la peau de la lèvre supérieure. Il tire en haut et en dehors la lèvre supérieure ; – le releveur superficiel de l’aile du nez et de la lèvre, qui est allongé depuis le rebord interne de l’orbite jusqu’à la lèvre supérieure ; – le releveur profond de l’aile du nez et de la lèvre, qui tout en s’étendant sur la même zone anatomique est plus mince mais plus large ; – le canin, qui s’étend de la fosse canine à la lèvre supérieure. Il permet d’élever la commissure labiale et la lèvre inférieure ; – le myrtiforme, qui permet de tirer vers le bas les ailes du nez grâce à ses insertions se trouvant au niveau de l’arcade alvéolaire supérieure ainsi que sur le bord postérieur des narines ; – l’orbiculaire des lèvres, qui de par sa forme elliptique ainsi que ses faisceaux périphériques et centraux permet l’occlusion des lèvres dont il occupe l’épaisseur ; – les muscles de la houppe du menton, qui s’attachent en haut sur les saillies alvéolaires des incisives et canines, et en bas au niveau de la peau du menton. Tout comme son nom l’indique, sa forme en houppe, lui permet d’élever le menton et la lèvre inférieure. Tous ces muscles peauciers du visage sont innervés soit par des branches terminales du nerf facial provenant des rameaux palpébraux, buccaux supérieurs et sous-orbiculaires dont l’origine est temporofaciale, soit par les rameaux mentonniers et buccal inférieur qui ont une origine cervicofaciale.
¶ Langue Elle est constituée de 17 muscles dont un seul est impair : le muscle transverse qui n’a que des insertions linguales. – Le muscle génioglosse dont les fibres inférieures tirent l’os hyoïde vers le haut et les fibres antérieures attirent la pointe de la langue en arrière et en bas. Contracté en totalité, il plaque la langue sur le plancher buccal. – Le muscle lingual inférieur abaisse et rétracte la langue.
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– Le muscle hypoglosse a une action similaire. – Le muscle lingual supérieur abaisse et raccourcit la langue. – Le muscle styloglosse élargit la langue et la porte en haut et en arrière. – Le muscle palatoglosse élève la langue et la porte en arrière. – Le muscle amygdaloglosse élève la base de la langue. – Seul muscle impair, le transverse permet d’allonger et de rétrécir la langue. Les 17 muscles qui constituent la langue sont innervés par les IXe, Xe et XIIe paires de nerfs crâniens. Afin d’exercer ses fonctions physiologiques, la langue nécessite un ou plusieurs points d’appui inscrits dans sa mémoire physiologique.
¶ Vascularisation des muscles masticateurs et peauciers Éléments artériels C’est l’artère carotide qui assure l’afflux de sang artériel au niveau de la face grâce à ses branches collatérales et terminales. Les collatérales de l’artère carotide sont constituées par l’artère thyroïdienne supérieure, linguale, pharyngienne ascendante, faciale ou maxillaire externe, parotidiennes, occipitales et enfin l’auriculaire postérieure. L’artère temporale superficielle et maxillaire interne en constituent les branches terminales. Éléments veineux Les branches interne, externe et antérieure de la veine jugulaire se chargent d’assurer le retour du sang veineux des muscles décrits précédemment. Les veines faciale, linguale, pharyngienne, thyroïdiennes moyenne et supérieure viennent se drainer dans la veine jugulaire interne dont elles constituent un ensemble de collatérales. Grâce aux veines temporale superficielle et maxillaire interne qui constituent ses branches terminales, ainsi qu’à ses branches collatérales, contituées par les veines scapulaires supérieure et postérieure, les veines occipitales superficielles, les veines auriculaires postérieures ainsi que divers rameaux cervicaux sous-cutanés, la veine jugulaire externe draine le sang des parois crâniennes et des régions profondes de la face.
¶ Équilibre neuromusculaire Neurophysiologie de base
• Au niveau périphérique Trois types de récepteurs musculaires sont mis en cause dans des mécanismes sensoriels. Les FNM sont constitués par un faisceau de fibres musculaires striées servant de support à des terminaisons sensitives. On décrit une capsule fibroconjonctive remplie d’un liquide périaxial qui entoure la région moyenne du FNM et permet de l’isoler des fibres squelettiques extrafusales. Il existe deux sortes de fibres musculaires intrafusales : celles à sac nucléaire et celles à chaîne nucléaire. Les FNM sont donc composés de deux parties contractiles polaires et d’une partie équatoriale non contractile. L’innervation sensitive est assurée par des ramifications terminales d’axone du groupe Ia. L’innervation motrice est assurée par des branches d’axones squelettomoteurs appelés axones b. Les organes tendineux de Golgi (OTG), récepteurs situés dans les tendons et les cloisons aponévrotiques intramusculaires, sont formés par des supports tendineux sur lesquels reposent les terminaisons sensitives. Ces terminaisons sont reliées à un axone myélénique du groupe Ib. Le stimulus adéquat des OTG est la tension qui peut résulter soit de l’allongement passif du muscle, soit de la contraction musculaire. 3
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Dimension verticale : aspects physiologiques
Enfin, il existe des terminaisons libres qui sont décrites comme des prolongements d’axones de petit diamètre myélénique (groupe III) ou amyélénique (groupe IX). Ceux-ci sont activés soit par une pression exercée sur les zones de transition comprises entre les parties charnues du muscle et les tendons, soit dans des conditions nociceptives. Ces divers récepteurs sont rencontrés essentiellement dans les muscles élévateurs mandibulaires. Cela a été mis en évidence par l’enregistrement de potentiel d’action avec des microélectrodes implantées dans le noyau mésencéphalique du trijumeau, lors de l’étirement des muscles élévateurs provoqué par un mouvement d’ouverture mandibulaire. On comprend donc pourquoi la position de repos mandibulaire et le maintien de l’espace libre d’inocclusion ont comme support neurophysiologique la proprioception des muscles masticateurs. Transmission neuromusculaire Elle a pour caractéristique l’interposition de la plaque motrice entre le nerf et le muscle. Deux types de motoneurones sont en charge de l’innervation motrice : – les motoneurones c innervent les fibres du fuseau formant soit des terminaisons diffuses, soit des plaques fusimotrices. Ils sont dits « fusimoteurs ». Les motoneurones c statiques renforcent la sensibilité statique des terminaisons primaires et secondaires, alors que les motoneurones c dynamiques augmentent la sensibilité dynamique des terminaisons primaires ; – la plaque motrice responsable de la dynamique musculaire est constituée par les motoneurones a. Ils reçoivent des influx des nerfs crâniens et des influx périphériques issus des noyaux mésencéphaliques. Les fibres motrices des motoneurones a sont les voies efférentes stimulées par tout étirement musculaire.
• Mécanismes centraux Les centres nerveux exercent un contrôle sur les différents mouvements volontaires ou automatiques, les inhibant ou les facilitant selon le cas. Étage du tronc cérébral À ce niveau, on distingue deux structures : les différents noyaux du trijumeau (V) et la formation réticulaire. Parmi les noyaux du V, dont les différentes branches des fibres nerveuses conduisent les afférences primaires issues des récepteurs buccaux, on distingue trois noyaux sensitifs : ce sont le noyau sensitif principal pontique du V, le noyau spinal du V (formé du sous-noyau oral du V, du noyau interpolaire du V et du sous-noyau caudal) et le noyau mésencéphalique. Le noyau moteur, masticateur, renferme les motoneurones a et c des différents muscles masticateurs. La formation réticulaire est un ensemble de cellules nerveuses disposées en réseau dense le long du tronc cérébral, de la région bulbaire basse à l’hypothalamus latéral et postérieur. Elle joue un rôle de coordination et de synthèse très important. Elle contrôle les activités cérébrales par son système ascendant-activateur et les activités spinales par le système descendant-inhibiteur et facilitateur, réglant le tonus de posture et l’état vigile. La substance réticulée descendante facilitatrice, en agissant sur les motoneurones a et c tout en recevant les sensations qui parviennent de l’encéphale et dépendant du cortex, est un vecteur de transmission de l’état psychique au niveau musculaire. Cette dernière étant de plus responsable de l’automatisme de la mastication, il faudra donc obtenir un état de relaxation physique et psychique avant tout enregistrement de la DV. Étage sous-cortical et diencéphalique Le thalamus, responsable d’une fonction sensitive, est le lieu où convergent tous les messages sensitivosensoriels, constituant ainsi un centre d’intégration de la plus grande importance, relié au cortex par le faisceau thalamocortical. La composante motrice de cet étage est assurée par les corps striés constitués du noyau caudé, globus pallidus et putamen, responsables de phénomènes automatiques. 4
Stomatologie/Odontologie
Étage cortical Le cortex cérébral est constitué d’une couche continue de substance grise qui recouvre les hémisphères cérébraux. Il est formé de nombreuses circonvolutions. L’étage cortical est divisé en une aire corticale sensitive et une aire corticale motrice. L’aire corticale sensitive constituée des aires 1, 2 et 3 de Brodmann, est située dans la circonvolution pariétale ascendante. Cette aire sensitive détient une somatotopie détaillée de tout le corps, mais la plus importante reste celle de la sphère orofaciale. Elle est capable d’analyser avec précision grâce à des neurones spécialisés toutes sortes d’informations, qu’elles soient articulaires, musculaires ou encore sensorielles. De ce fait, toute variation de la position mandibulaire ne peut pas passer inaperçue, même si elle est minime. L’aire corticale motrice constituée des aires 4 et 6 de Brodmann dépend essentiellement de l’aire 4 ou aire motrice principale. Située dans le lobe frontal en avant de la scissure de Rolando, elle est représentée par des cellules pyramidales géantes appelées cellules de Betz. La surface corporelle est représentée point par point au niveau de l’aire 4. Généralement, sa stimulation entraîne une contraction des muscles situés du côté opposé par rapport au plan sagittal, à part pour quelques muscles de l’appareil manducateur dont la contraction est homo- et controlatérale. La stimulation provoquant la contraction d’un muscle n’est pas proportionnelle au volume du muscle concerné, et les muscles de la main mais surtout de la face, de la langue et du pharynx possèdent la représentation corticale la plus importante. Enfin, certaines fonctions de l’étage inférieur de la face sont sous la dépendance de la partie inférieure de l’aire 4, comme la manducation et la phonation. Réflexes myotatiques Grâce à leur régulation par les motoneurones c, ils permettent la conservation de la position de repos mandibulaire. Nous distinguons deux types de réflexes responsables de ce maintien : le réflexe monosynaptique trigéminal et le réflexe disynaptique trigéminal.
• Réflexe monosynaptique trigéminal Le point de départ de ce réflexe est l’excitation des terminaisons primaires des FNM par leur propre étirement. Les voies de conduction afférentes sont des axones du groupe Ia qui présentent des connexions monosynaptiques avec les motoneurones de la couche 9 (zone ventrale motrice) qui innervent ce muscle. Le poids de la mandibule constitue ici le stimulus qui provoque une excitation monosynaptique des motoneurones a du muscle en cause et une inhibition des muscles antagonistes.
• Réflexe disynaptique trigéminal Parallèlement à la contraction réflexe des muscles élévateurs, il se produit un relâchement des FNM et une réaction des OTG, ce qui provoque une inhibition par voie polysynaptique des motoneurones antagonistes.
• Régulation Les FNM et les OTG régulent conjointement l’activité musculaire. Mais d’autres informations sensorielles régulent l’activité posturale du réflexe myotatique. Il s’agit d’informations proprioceptives (musculaires, articulaires et épicritiques cutanées), informations sensorielles visuelles et vestibulaires. Tonus musculaire et élasticité C’est l’état permanent de légère tension dans lequel se trouve le muscle squelettique au repos. Il est sous la dépendance du motoneurone c. Il s’oppose à la force de gravité grâce à la contraction totale d’un faible nombre de fibres motrices se relayant pour éviter toute fatigue. Cette contraction tonique permet un maintien de la position de la mandibule par rapport au crâne au
Stomatologie/Odontologie
Dimension verticale : aspects physiologiques
repos ; phénomène auquel nous pouvons rajouter l’élasticité et la turgescence musculaire qui, selon Bessou [5], permettent, dans un muscle au repos, d’obtenir l’état de tension permanent que ce muscle exerce sur ses insertions. Réflexe d’inhibition réciproque C’est une inhibition qui résulte d’un mode d’organisation du système nerveux, grâce auquel, lorsque les cellules d’une fonction donnée sont activées, les cellules ayant une fonction opposée sont inhibées. Ainsi, lorsque les motoneurones innervant les fléchisseurs sont activés, il y a inhibition des motoneurones homolatéraux innervant les extenseurs. Différence de pression entre cavité buccale et milieu extérieur Lejoyeux [11] a pu noter qu’il se produit une dépression à l’intérieur de la cavité buccale lorsque celle-ci est fermée hermétiquement, équivalant à une force de 300 g dirigée de bas en haut. Cette force s’opposant au poids de la mandibule est donc un facteur important de l’équilibre mandibulaire lors de la position de repos. Poids de la mandibule Les forces de gravité sont à mettre au tout premier plan dans l’explication de la position de repos de la mandibule, conditionnant à son tour la DVR.
Dimension verticale et croissance CROISSANCE VERTICALE DU MAXILLAIRE SUPÉRIEUR
Elle s’effectue par une croissance suturale complétée par une croissance modelante périostée. Pour Scott [26], cette croissance suturale connaît son apogée entre 2 et 3 ans et cesse à partir de 7 ans. Ce sont les sutures des systèmes périmaxillaire, craniofacial et coronal qui interviennent dans la croissance verticale du squelette facial. La suture maxillomalaire, active dans les premières années de la vie, ainsi que la suture frontomaxillaire provoquent un déplacement vertical sensible au niveau du palais dur et de l’orbite, ce sont les plus actives. La croissance modelante est, quant à elle, indépendante de la croissance structurale, mais s’effectue de manière synchrone par rapport à cette dernière. Organisée à travers des phénomènes d’opposition et de résorption du périoste, et dépendant des tissus mous environnants, elle aboutit à un abaissement de l’épine nasale antérieure, et à une augmentation du volume du sinus maxillaire lors de l’éruption de la première et deuxième molaire définitive. Grâce à ces deux phénomènes, le maxillaire effectue céphalométriquement une croissance en bas et en avant, le plan palatin descendant parallèlement à lui-même, associé à une rotation. Le pic de croissance maxillaire s’effectue 6 mois avant le pic statural et 12 mois avant le pic de croissance mandibulaire. Son édification s’achève 1 à 2 ans avant la fin de la croissance staturale et pubertaire, soit entre 15 et 17 ans. CROISSANCE VERTICALE DE LA MANDIBULE
La mandibule est l’os facial qui a le plus grand potentiel de croissance postnatal. Sa croissance possède trois composantes : – une croissance verticale condylienne permettant le déplacement de la mandibule par rapport au crâne et responsable, pour Sarnat [25], de 80 % de l’édification de la hauteur du ramus. Le condyle et son cartilage sont considérés comme le centre de la croissance primaire prédéterminée génétiquement et permettant la mise en place d’une croissance condylienne adaptative entre la base du crâne et le maxillaire, toutes deux structures anatomiques en relation avec la mandibule ; – une croissance modelante basée sur une activité d’apposition et de résorption périostée permettant un remodelage et un accroissement
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de taille dans le sens vertical. Ces phénomènes, comme le note Bjork, ont tendance à atténuer les excès ou déficits de la croissance condylienne, essentiellement au niveau du bord basilaire de la mandibule ; – une croissance verticale par opposition des os alvéolaires. Comme pour le maxillaire, la croissance mandibulaire dirigée en bas et en avant s’accompagne d’une rotation, le plus souvent antérieure. Bjork [6] estime cette croissance à 3 mm par an avant 6 ans, puis 1,5 mm par an en période prépubertaire et enfin 5,5 mm par an lors du pic pubertaire ; il ajoute que la quantité de croissance condylienne est corrélée à la direction de croissance. CROISSANCE VERTICALE ALVÉOLAIRE
C’est l’espace existant entre la mandibule et le maxillaire qui, dès la vie intra-utérine, détermine l’importance de la croissance alvéolaire verticale, l’os alvéolaire et les arcades dentaires jouant un rôle de joint face aux variations des rapports intermaxillaires. Dale et Enlow [11] distinguent trois processus pour la mise en place des dents sur l’arcade. Au maxillaire, c’est une activité suturale qui permet dans un premier temps le déplacement vers le bas de l’arcade maxillaire. Il est suivi de l’éruption de la dent avec une construction équivalente d’os alvéolaire et, pour finir, d’une dérive verticale continue de la dent dans son alvéole accompagnée d’une dérive mésiale. À la mandibule, le déplacement vers le bas de la denture par croissance verticale du ramus est suivi d’un déplacement vers le haut par éruption dentaire, puis on assiste à la dérive verticale vers le haut des dents et de l’alvéole. La croissance verticale des molaires mandibulaires est moins importante que les antagonistes maxillaires et que les incisives mandibulaires. La hauteur du corps mandibulaire dépend essentiellement de la croissance alvéolaire verticale. L’association des croissances alvéolaire et condylienne représentent les deux éléments les plus importants du développement de la DV. La DV de l’étage inférieur de la face connaît donc une phase évolutive discontinue lors de la croissance de la face. Elle est sous la dépendance de la croissance verticale alvéolaire jusqu’à 12 ans, correspondant à l’éruption des deuxièmes molaires définitives. Elle se poursuit jusqu’à 17 ans grâce aux directions de croissance opposées du maxillaire et de la mandibule. Faisant suite à cette phase évolutive allant de la naissance à 17 ans, il existe une phase de pseudostabilité de cette DV ou phase d’adaptabilité.
Dimension verticale adaptative FACTEURS POUVANT FAIRE VARIER LA DIMENSION VERTICALE
¶ Sénescence Le processus de sénescence entraîne l’atrophie et l’atonie du tissu musculaire strié, ainsi qu’une ostéoporose et une diminution des réflexes. Il se produit aussi une diminution du tonus et de l’élasticité musculaire, ainsi qu’un abaissement du seuil de fatigabilité. De ce fait, le sujet âgé a tendance à se voûter et à avoir un port de la tête vers l’avant, ce qui modifie la posture mandibulaire et donc la DVR.
¶ Éléments perturbateurs opportunistes Facteurs physiques externes Tout facteur pouvant altérer la tonicité ou l’élasticité musculaire peut donc influencer la posture mandibulaire. C’est, entre autres, le cas de la chaleur, du froid, de la pression et même parfois de l’humidité. Facteurs chimiques et médicamenteux Nombreuses sont les substances médicamenteuses ou chimiques pouvant avoir une action sur le tonus et l’élasticité musculaire, la vasomotricité, la proprioception, la stimulation du cortex cérébral, 5
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Dimension verticale : aspects physiologiques
et donc sur la posture mandibulaire. C’est notamment le cas de certains antalgiques, vasoconstricteurs ou vasodilatateurs, d’antidépresseurs ou encore de myorelaxants. État de forme et psychisme L’état de tonicité musculaire dépend notamment de la formation réticulée qui, reliée au cortex, intègre toute variation du psychisme de l’individu. La posture mandibulaire et donc la DV, varient selon la fatigue, le sommeil et les états d’âme du patient.
¶ Position de la tête Smith [29] remarque que la DVR augmente avec l’extension de la tête en arrière et qu’elle diminue quand la tête est penchée en avant. Kawamura [12] attribue ce phénomène aux influx provenant des FNM siégeant dans la musculature cervicale. Tous deux suggèrent donc que la tête du patient soit dans l’axe du corps avec le plan de Francfort parallèle au sol pour toute mesure de la DV, position correspondant à la position orthostatique.
¶ Éléments intrabuccaux Dents et parodonte La perte d’une simple dent suffit à modifier un tant soit peu la DV. En effet, il y aura perte des mécanorécepteurs parodontaux et donc diminution de la sensibilité. Toute pathologie, qu’il s’agisse d’une pulpite, d’un abcès, d’une desmodontite ou d’une parodontite, a des modifications sur la posture mandibulaire. Langue La langue, de par sa mémoire physiologique, est en relation avec tous les tissus environnants. Elle intervient dans la détermination de l’espace de Donders défini verticalement par l’intervalle compris entre la face dorsale de la langue et la voûte palatine, et par les faces palatines des molaires latéralement. Si cet espace est diminué par l’interposition d’une prothèse maxillaire, la mandibule effectue un mouvement vers le bas pour conserver le volume nécessaire qui le définit. Reconstitutions prothétiques Pour le respect de cet espace de Donders, il faut tenir compte de l’épaisseur des maquettes d’occlusion lors de leur mise en place au cours des divers enregistrements. Ainsi, pour ne pas avoir de modification de cet espace physiologique, la DV doit être enregistrée avec des maquettes d’occlusion préfigurant le volume et l’encombrement de la prothèse définitive.
¶ Troubles pathologiques Niveaux musculaires, articulaires Comme le rappelle Posselt [22], toute algie faciale provoque une augmentation de la tension musculaire, modifiant ainsi les rapports entre le maxillaire et la mandibule. Toute pathologie articulaire de l’ATM modifiant les rapports articulaires, influence le diagramme de Posselt et, de ce fait, a des répercussions sur la position mandibulaire. Enfin, le syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM) a les mêmes conséquences, puisqu’il réunit à la fois des troubles articulaires et musculaires. Niveaux neurologiques Toute pathologie du système nerveux central ou du système neuromusculaire influence la DV. C’est notamment le cas de la maladie de Parkinson et du tétanos.
¶ Troubles fonctionnels Interposition de la langue entre les dents Les sujets ayant une infra-alvéolie molaire ont tendance à intercaler leur langue au niveau antérieur pour compenser la perte de DV. 6
Stomatologie/Odontologie
Respiration buccale Au-delà de ses méfaits sur la croissance, la respiration buccale tend à augmenter la DVR. Bruxisme En raison des spasmes musculaires et des abrasions dentaires qui en résultent, ce phénomène n’est pas sans conséquences sur la DV. DIMENSION VERTICALE FONCTIONNELLE
¶ Mastication La mastication est un phénomène complexe qui met en jeu pratiquement toute la musculature de la tête et du cou. Elle entraîne une augmentation de la DV, afin de libérer de la place pour le bol alimentaire, par l’action des muscles masséters, temporaux, ptérygoïdiens latéraux et médians. Si son cycle musculaire est très bien connu, on ne connaît au niveau neurologique que sa grande adaptabilité et son point de départ réticulé. Malgré cette adaptabilité, une DVO sous-évaluée provoque une fatigue musculaire plus importante, alors qu’une DVO surévaluée perturbe le patient lors de son alimentation.
¶ Respiration Comme toutes les autres fonctions de la sphère orofaciale, à la respiration correspond aussi une position mandibulaire spécifique. Lejoyeux [16] rappelle que la DVR « correspond à une position de repos respiratoire : elle marque le mouvement terminal de la phase d’expiration du cycle de la respiration ». En effet, à la fin de la phase respiratoire correspond un repos musculaire complet, recherché pour la détermination de la DVR.
¶ Déglutition C’est le temps buccal de la déglutition qui intervient dans la position mandibulaire, puisqu’il nécessite une mise en occlusion des arcades dentaires antagonistes, correspondant ainsi à la DVO du patient. Il convient de noter que si cette dernière est sous-évaluée, le patient présente alors une déglutition infantile par interposition de la langue entre les arcades afin de pallier ce manque de hauteur.
¶ Phonation Cette fonction, essentiellement active sur les muscles de la langue et de la sangle buccinatolabiale, nécessite une désocclusion des arcades antagonistes. La position mandibulaire correspondante doit permettre aux muscles masticateurs de ménager un espace libre d’inocclusion phonétique (ELIP) minimal. Pour Pound et Silverman cités par Begin [3], c’est l’espace nécessaire et suffisant à la prononciation correcte des sifflantes, phonèmes pour lesquels la mandibule est dans la position la plus haute. Il est nécessaire de noter que la phonation exige tantôt une position mandibulaire proche de la DVO pour la prononciation de certaines consonnes, tantôt en DVR pour d’autres.
¶ Esthétique Il ne s’agit certes pas d’une fonction, mais de l’harmonie de l’étage inférieur de la face par rapport aux proportions des étages moyen et supérieur. En effet, tout effondrement de la DVO s’accompagne d’un affaissement des traits, d’une accentuation des rides et d’une modification du profil de l’étage inférieur de la face. Cela confirme les propos de Begin [3] qui affirme que « la juste détermination de la dimension verticale d’occlusion préserve l’esthétique et assure le confort psychique et biologique des prothèses ». Cette harmonie du visage s’avère utile dans la détermination de la DVO. Ainsi, Turner et Fox, cités par Lejoyeux [16], vont jusqu’à affirmer que « l’apparence esthétique du visage reste l’unique guide valable pour fixer la position de la mandibule ».
Stomatologie/Odontologie
Dimension verticale : aspects physiologiques
Détermination de la dimension verticale prothétique CONDITIONS D’EXAMEN
¶ État physiologique du patient L’intégration de toute prothèse fixe, partielle, amovible ou complète constitue un corps étranger pour le patient. Il ne dépend que du praticien d’assurer son intégration. Un des critères de réussite est conditionné en partie par une bonne évaluation du rapport intermaxillaire dans un sens vertical. Alain Irsa, pour introduire l’article de Bégin et Rohr [4], précise que « le praticien doit réinventer une position entrant dans le champ de tolérance physiologique du patient ». Pour obtenir un tel résultat, une bonne détermination de la DV est capitale. Pour que cet enregistrement ne puisse en aucun cas perturber la physiologie du patient, deux facteurs sont à prendre en compte : – facteurs intrinsèques : les états physiologiques comme la fatigue ou le sommeil, les pathologies en cours, comme le souligne Lejoyeux [16], qu’elles soient générales ou localisées à l’étage inférieur de la face ; – facteurs extrinsèques : les variations thermiques, le bruit, la position du patient. Mizohami [19], observant les modifications de la position mandibulaire en occlusion dans un plan sagittal en fonction de l’inclinaison de la tête, suggère que le buste et la tête soient maintenus droits avec un plan de Francfort horizontal, lors de l’enregistrement des rapports intermaxillaires. Begin [3] ajoutant que le patient doit être debout ou assis, sans appui et les jambes non croisées.
¶ Physiologie du patient Plus que pour tout autre acte, le patient doit être le plus détendu possible. Peur et anxiété ne doivent pas être ressenties chez le patient car elles provoquent une contraction des muscles élévateurs par augmentation de la tension nerveuse. Pour éviter cela, l’évocation de souvenirs agréables est un des nombreux moyens de détente efficaces à utiliser. Il est préférable dans le cas d’un patient non réceptif, tendu et non coopérant, de reporter la séance d’enregistrement et d’avoir recours à une prémédication sédative.
¶ Espace de Donders Défini dans les paragraphes précédents, cet espace physiologique doit être respecté lors de l’enregistrement de la DV. Pour cela, il est préférable de pratiquer cet enregistrement avec la maquette maxillaire en bouche d’épaisseur égale à celle de la future prothèse maxillaire. DÉTERMINATION DE LA DIMENSION VERTICALE D’OCCLUSION
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lieu aux extractions postérieures pour des raisons de cicatrisation. Pendant ce temps, les maquettes sont placées sur les moulages et montées sur articulateur. Elles sont replacées en bouche après les extractions du bloc antérieur.
• Tatouages gingivaux de Silvermann Ce dernier suggère de tatouer deux petits points d’encre de Chine dans l’espace interradiculaire entre la canine et l’incisive latérale, bien entendu au maxillaire ainsi qu’à la mandibule. La distance entre ces points est mesurée en occlusion et sert de repère après les extractions en étant conservée dans la fiche du patient. Pour éviter toute erreur de mesure due à la mobilité des tissus, ces points se font sur la gencive attachée.
• Casque de Landa Positionné selon le plan de Francfort grâce à deux axes verticaux coulissants, il est fixé sur le haut du crâne par une sangle. Il permet de réaliser, grâce à du plâtre type protodont, une empreinte du menton du sujet en occlusion. Après les extractions, il est remplacé et permet de connaître la position du menton selon la DVO préextractionnelle.
• Profilomètre de Sears Il permet d’obtenir un enregistrement du profil du patient avant son édentation, grâce à une plaque cartonnée sagittale et une tige munie d’une mine graphique qui suit le contour facial. C’est le même procédé qu’utilise également le pantographe de Turner.
• Fil de Merkeley Afin d’obtenir un moulage du profil du patient, un fil enduit d’un matériau à empreinte est appliqué sur son visage dans un plan sagittal médian alors que celui-ci est en position d’intercuspidation maximale (PIM). On réalisera par la suite un patron en carton qui sert de référence après les extractions. Olsen [20] préconise aussi une technique similaire.
• Masque en résine Swenson Il s’agit d’un masque en résine acrylique transparente provenant d’une empreinte du visage avant extractions. Le praticien conserve ainsi la hauteur et le volume de l’étage inférieur avant les extractions.
• Enregistrement du profil obtenu par exposition à des rayons lumineux parallèles selon Smith Cette technique permet d’obtenir un enregistrement du profil du patient.
• Enregistrement du profil sur téléradiographie
Elles sont employées lorsqu’il est possible d’avoir des documents préextractionnels et que la DVO est correcte.
On effectue une téléradiographie du profil du patient, avant les extractions, en PIM. Un tracé du profil des tissus mous est alors réalisé sur papier calque afin de confectionner deux patrons en carton rigide de ce même profil. Après avoir déterminé la marge d’erreur due à la technique radiographique, en séparant horizontalement un des deux patrons et en appliquant ces deux derniers sur le visage du patient avec le patron intact, on obtient un enregistrement du profil et donc de la DVO du patient avant les extractions. Cette technique, notamment décrite par Crabtree [10], semble aisée et rapide, mais présente l’inconvénient majeur de nécessiter la présence d’un appareil de téléradiographie peu fréquent dans la plupart des cabinets dentaires.
Méthodes classiques
Méthode photographique
• Moulages préextractionnels
Wright [33] préconise de comparer les rapports de distance entre certains points du visage sur une photographie de face ou de profil avant édentation. Il se base sur les équations suivantes afin de retrouver la DVO :
Selon Batarec [2] « la dimension verticale d’occlusion est la hauteur de l’étage inférieur de la face quand les arcades sont en occlusion centrée. La dimension verticale étant la hauteur de l’étage inférieur de la face mesurée entre deux points sagittaux arbitraires situés en dessus et en dessous des lèvres ». Nous allons développer ici les techniques décrites par Samoïan [24].
¶ Méthodes utilisées
Lejoyeux [ 1 6 ] et Begin [ 3 ] suggèrent de régler des maquettes d’occlusion à la DVO avant les extractions. On procède en premier
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Dimension verticale : aspects physiologiques
22-008-C-15 Distance interpupillaire sur photo Distance ophryon/gnathion sur photo Distance ophryon/point sous-nasal sur photo Distance point sous-nasal/gnathion sur photo
=
=
Distance interpupillaire sur patient Distance ophryon/gnathion sur patient Distance ophryon/point sous-nasal sur patient Distance point sous-nasal photo/gnathion sur patient
Cette technique peut donner quelques indications globales mais manque de précision car elle ne tient pas compte de la sénescence et des difficultés de mensuration sur des photos inutilisables. Méthodes anthropocéphalométriques
• Mesure de la distance entre point sous-nasal et point menton avec le compas de Willis Willis [32] en 1935, grâce à des mesures effectuées avec un compas à coulisse directement sur le patient, établit l’égalité suivante : Distance bord inférieur de la pupille-fente labiale = Distance point sous-nasal-gnathion. Cependant, ce procédé, tout comme le Dakometer de Benett ou le Dentoprofil de Sorenson, reste très controversé. Martin et Monard [18] ont expérimenté cette technique sur 60 sujets. Cette égalité n’a jamais été vérifiée, sans doute parce que la compressibilité de la base du nez et du menton font varier les mesures.
• Mesure de la distance entre les freins labiaux inférieurs et supérieurs Seul Turrel [31] en 1955 préconise cette mesure préextractionnelle qui paraît encline à une certaine marge d’erreurs.
• Mesure de la dimension verticale d’occlusion avec un condylomètre Décrit par Lejoyeux [16], le Condylomètre de Tully utilisé par Sears, permet une mesure directe de la DVO. Il suffit pour cela de mettre en place l’appui-mentonnier, ainsi que la position repère au niveau du point sous-nasal, puis de relever la mesure au niveau de la tige verticale graduée. Méthodes téléradiocéphalométriques La téléradiographie est une technique radiologique particulière qui permet de réduire la déformation par agrandissement. Celui-ci est faible, connu et constant, que les radiographies soient effectuées de face ou de profil. Cette méthode, préconise la réalisation de deux radiographies, une de face et une de profil, lorsque le patient est en PIM. Des mesures ont été effectuées préalablement afin de les retrouver lors d’un examen radiologique postextractionnel. Ces mesures peuvent être, comme le préconise Samoïan [24], soit linéaires, soit angulaires. Il s’agit ici d’une technique à la fois très louée et très controversée.
¶ Méthodes utilisées sans document préextractionnel Méthodes directes Il s’agit de déterminer directement la DVO sans passer par l’étape intermédiaire de détermination de la DVR.
• Méthodes cliniques Réglage de la hauteur du bourrelet de cire sur la maquette On règle préalablement la maquette en épaisseur et les bourrelets de cire en largeur. Le praticien détermine alors la hauteur de ces bourrelets jusqu’à l’obtention de la DVO, et ce afin de permettre à la langue de retrouver une position spatiale optimale quelle que soit sa fonction. Il peut aussi utiliser les prothèses préexistantes du patient en rajoutant de la résine sur les faces occlusales des dents prothétiques. L’écueil de cette méthode réside dans le fait qu’elle ne fait pas appel qu’au sens critique, mais aussi à l’expérience du praticien, même si Klein [13] décrit deux systèmes mécaniques et deux 8
Stomatologie/Odontologie
tests de vérification. Ces systèmes mécaniques sont le Centrimétric d’Oppotow et l’Autocluseur de Landé. Quant aux tests, nous n’évoquerons que celui d’Amoedo décrit par Klein qui a pour but de s’assurer qu’en occlusion la distance pointe du nez-pointe du menton réalise un rapport de 6/10 avec la même distance quand la bouche est grande ouverte. Recherche de la dimension verticale d’occlusion préférée du patient en utilisant son sens tactile L’utilisation de la sensibilité du patient est un outil indispensable en prothèse complète. S’appuyant sur la proprioception des récepteurs endobuccaux dont le seuil absolu avoisine les 10 µm, Orifino et Héraud [21], préconisent l’utilisation de cales d’espacements afin de confirmer les résultats des différents tests de détermination de la DVO. Pour cela, ils utilisent des cales micrométriques espacées de 10 en 10 µm juxtaposées sur des cales support de 300, 1 000 et 2 000 µm. Ils proposent donc une séquence opératoire qui comprend dans un premier temps la détermination de la DVO par les tests classiques, puis dans un deuxième temps la vérification de cette valeur avec un jeu de cales en faisant varier l’épaisseur de la cale support interposée entre les maquettes d’occlusion. Si la perception du sujet diminue, la DVO prédéterminée est correcte. En revanche, si elle augmente, la DVO est sous-évaluée et il faut donc la surélever de la valeur de l’épaisseur de la cale support. Trois techniques utilisant la déglutition Permettant une détermination fonctionnelle de la DVO, la déglutition est privilégiée par de nombreux auteurs car lorsqu’elle s’effectue de manière normale, les arcades entrent en contact dans une position proche de la relation centrée. De plus, c’est une fonction répétée 1 800 fois par jour et considérée comme invariable au cours de la vie. Technique de Shanahan Shanahan [27] semble avoir développé à partir de 1955 la véritable technique qui permet à la fois une évaluation et un contrôle, comme le notent Begin et Rohr [4]. En pratique, il détermine d’abord la longueur des dents supérieures sur le bourrelet occlusal de la maquette supérieure. Dans un second temps, il prend deux boules de cire molle de 5 mm de diamètre qu’il place au niveau des prémolaires inférieures. Il demande au patient de déglutir plusieurs fois. Normalement, si les cônes de cire sont écrasés, c’est que la DVO est suffisante. L’auteur termine en s’assurant que l’espace libre d’inocclusion est bien respecté lors de la phonation et de la prononciation de mots contenant les lettres « S » et « M ». Begin et Rohr [4] suggèrent le renouvellement de cette méthode en guise de contrôle du montage des dents sur cire. Technique de Buchman Buchman, cité par Taddei [30] , prévoit à la place du bourrelet d’occlusion conventionnel mandibulaire, une simple plaque base sur laquelle sont fixées trois pyramides de cire molle réglées à la DVR, précédemment déterminée grâce à des tests phonétiques. La maquette supérieure est réglée en bouche parallèlement au plan de Camper et à la ligne bipupillaire. Puis, le patient est invité à déglutir une fois, ce qui provoque l’écrasement du tiers supérieur de chacune des pyramides correspondant ainsi à la DVO physiologique. Buchman solidarise alors les trois pyramides par un bourrelet de cire conventionnelle et contrôle la valeur de la DVO par d’autres enregistrements. Ismael, cité par Taddei [30], suggère de réaliser le même test que Buchman lors de l’essayage des dents montées sur cire, en versant une petite quantité de cire tendre au niveau des prémolaires inférieures. Technique de Malson [17] Malson en 1960 souligne qu’au cours de la déglutition, le cartilage thyroïde s’élève d’une façon ininterrompue, puis revient à sa position d’origine. Deux petits cônes de cire tendre sont déposés sur le bourrelet occlusal inférieur au niveau des prémolaires d’une prothèse
Stomatologie/Odontologie
Dimension verticale : aspects physiologiques
préexistante. Assis en position verticale, sans appuie-tête, le patient est invité à déglutir plusieurs fois. Malson étudie le trajet du cartilage thyroïde lors de cette fonction. Si son trajet est discontinu ou interrompu, c’est que la DVO est incorrecte et se traduit soit par une absence de contact entre les bourrelets antagonistes, soit par des contacts trop importants déplaçant les cônes de cire. Il existe en effet trois possibilités de DVO : – si elle est surévaluée, le patient se penche en avant pour déglutir et la palpation du cartilage indique un trajet en trois temps : montée, plateau (arrêt long), descente ; – si elle est sous-évaluée, le patient ne présente pas de changement de posture et le mouvement du cartilage ne présente pas de phase de plateau ; – en cas de DVO correcte, le patient ne bouge toujours pas. Le trajet du cartilage s’effectue harmonieusement, la phase de plateau est présente mais très courte. Utilisation de la hauteur correspondant au parallélisme des crêtes Sears et Saizar, cités par Lejoyeux [ 1 6 ] , suggèrent de régler l’espacement des crêtes de telle sorte que celles-ci soient parallèles afin de recevoir les forces masticatoires perpendiculairement. Cette technique reste très controversée, notamment à cause de l’irrégularité des crêtes alvéolaires dues aux phénomènes de résorption.
• Méthodes anthropocéphalométriques Règle approchée de la statuaire antique Léonard de Vinci, Michel-Ange et bien d’autres ont couramment utilisé les proportions de la face mises au point par les « canons de beauté grecque ». Léonard de Vinci estime que front, pointe du nez et menton doivent toucher un arc de cercle dont le centre est le milieu du conduit auditif interne. En fait, les Anciens distinguaient comme critère de beauté, l’égalité des trois étages frontal, nasal et buccal de la face. Cette règle de beauté ancestrale ne nous permet cependant qu’un contrôle approximatif dans notre évaluation de la DVO, afin de vérifier la conservation de l’harmonie du visage. Règle de Sigaud Lejoyeux [16] cite une classification de Sigaud datant de 1910 et indique la proportion idéale des étages de la face suivant le type constitutionnel de l’individu. Le patient musculaire présente un étage inférieur égal aux deux autres. Le respiratoire présente un étage inférieur égal à l’étage supérieur et nettement moins développé que l’étage moyen, le digestif a un étage inférieur prédominant. À l’inverse, le cérébral a un étage inférieur égal à l’étage moyen, l’étage supérieur étant plus important. Cependant, comme le notent Begin et Rohr [4], « ces méthodes basées sur des données moyennes font abstraction du comportement neuromusculaire et des particularités de l’individu ». Règle de Willis Cet auteur rapporte « la fréquence de l’égalité entre la distance séparant la fente labiale, de l’angle externe de l’œil et celle séparant le point sous-nasal du gnathion ou dimension verticale recherchée ». Pour cela, il utilise un compas coulisse appelé « compas de Willis » ou un compas à pointe sèche dans le cas de profil défavorable. Règle de Landa Selon ce dernier, la DVO est correcte, quand la distance entre le sommet du crâne et le plan de Francfort est égale à la distance entre le plan de Francfort et la pointe du menton. Règle de McGee McGee, en 1947, mesure sur un sujet au repos : – la distance séparant le centre de la pupille de la commissure des lèvres ;
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– la distance séparant la glabelle du point sous-nasal ; – la distance intercommissurale. Il considère qu’au moins deux de ces trois mesures sont égales entre elles et constantes au cours de la vie. De plus, il affirme que dans 95 % des cas elles correspondent à la DVO mesurée entre nasion et gnathion. L’étude de McGee a certes porté sur 52 cas mais celle de Martin et Monard [18], qui a porté sur 60 sujets, n’a jamais permis de vérifier cette égalité. Règle de Boyanov Il établit une égalité morphologique qui existe en cas de DVO normale, à savoir la distance séparant la commissure des lèvres au repos et la distance séparant le gnathion du point labial. Malgré une étude concluante portant sur 200 cas faite par Boyanov, Begin et Rohr [4] suggèrent d’éliminer cette technique peu fiable. Technique d’Appenrodt Il utilise le « Compas d’or » pour affirmer que le rapport entre l’étage inférieur de la face, bouche grande ouverte et la DVO est de 5/3, soit égale au nombre d’or : 1,666... Mais cette méthode paraît l’objet de beaucoup de controverses.
• Méthodes téléradiocéphalométriques De nombreux auteurs tels que Leize et al [15] ou encore Hull et Jughans, s’accordent à penser qu’en subdivisant la hauteur faciale sur une téléradiographie de profil en étage supérieur défini par la distance nasion-épine nasale antérieure et un étage inférieur allant de l’épine nasale antérieure au point menton, l’étage inférieur représente 57 % de la hauteur faciale totale. Cette technique nécessite pour la détermination de la DVO la mise en place de maquettes d’occlusion en bouche lors des clichés radiologiques. Méthodes indirectes
• Réduction de la dimension verticale de repos d’une valeur de l’espace libre d’inocclusion arbitraire Cela consiste en la détermination de la DVR par une méthode de son choix, ainsi qu’à sa quantification grâce à un pied à coulisse et deux repères faciaux. Dans un deuxième temps, on réduit la hauteur du bourrelet inférieur d’une valeur de l’espace libre d’inocclusion (ELI) choisie arbitrairement pour obtenir la DVO.
• Méthode de Langer et Michman Ces deux auteurs utilisent, en plus du compas à pointe sèche comme expliqué ci-dessus, un dispositif mécanique adaptable sur les maquettes qui leur permet de diminuer le bourrelet d’un ELI de manière extrêmement précise.
• Méthode de Provort et Towle S’appuyant sur le fait que le patient cherche sa position de repos mandibulaire entre les actes de déglutition et le maintien de celle-ci, ils déterminent la DVR par un dispositif électronique et, de là, en déduisent la DVO. DÉTERMINATION DE LA DIMENSION VERTICALE DE REPOS
¶ Méthodes cliniques Critères esthétiques Le praticien doit redonner à son patient édenté son apparence physique antérieure et donc rechercher la DVR en fonction de son aspect esthétique. En effet, une DV trop faible provoque un affaissement des traits et un abaissement des commissures donnant un aspect vieilli alors qu’une DV trop élevée provoque une tension fibromusculaire avec effacement de tous les sillons. 9
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Dimension verticale : aspects physiologiques
Stomatologie/Odontologie
Choix de la relaxation comme base de détermination
¶ Théorie de Silvermann
Cette méthode repose sur le postulat selon lequel la mandibule est à ce moment-là en position de repos.
Il fait partie des cliniciens qui pensent que la position de repos mandibulaire ne peut pas servir de point de départ pour la détermination de la DV. Sa technique est basée sur la prononciation de consonnes sibilantes type « S » ou « Z ». Pour que l’élocution soit possible, il ne doit y avoir aucun contact dentaire. Au cours de la prononciation du « S », les bords de la langue se dirigent vers les faces palatines des dents maxillaires et ménagent un couloir pour le passage de l’air au niveau du raphé médian. Les arêtes vives des incisives provoquent un sifflement au passage de l’air qui construit le son du « S ». De plus, lors de la prononciation du « S » la mandibule occupe la position la plus rapprochée du maxillaire ou « S position », sans pour autant entrer en occlusion, déterminant ainsi l’ELIP minimal.
• Relaxation naturelle Elle est physique et mentale, nous l’observons sans intervenir. On suggère au patient de fermer les yeux ou de respirer par le nez.
• Relaxation provoquée C’est le praticien qui met en œuvre diverses techniques pour l’obtenir. Il existe ainsi la méthode open-close qui consiste à faire ouvrir grand la bouche, puis de la faire fermer jusqu’à affrontement des lèvres sans effort. La méthode contact-relax consiste à faire serrer les dents du patient pendant 5 secondes, puis à lui demander de se relaxer. Sears fait compter son patient jusqu’à 30 pour obtenir une position de repos éphémère entre chaque chiffre. Enfin, nous pouvons utiliser le Myomonitor qui, grâce à des stimulations électriques répétées, a une action défatigante.
• Enregistrement de la dimension verticale de repos obtenue par relaxation Une méthode classique consiste à mesurer la distance entre deux repères faciaux avec un compas à pointe sèche. Certains utilisent une monture de lunettes supportant un fil de plomb réglable en hauteur qui pend au ras de l’aile du nez et dont la partie inférieure est colorée par trempage dans une solution. Par déplacement du fil sur la monture, ce niveau est mis en regard d’une petite boucle, fixée au niveau du menton, dans laquelle il passe et qui lui sert de guide. Il peut ainsi noter où se place habituellement le niveau coloré du fil par rapport à la boule sans modifier la position de repos. ¶ Méthodes photographiques Comme énoncé auparavant, Wright, cité par Lejoyeux [16], utilise certains rapports faciaux mesurés sur une photographie de face du sujet avant son édentation. Boyle [7], quant à lui, se sert de photographies antérieures aux édentations pour redonner à ses patients le même aspect esthétique. Cependant, Kleinfinger [14] note qu’on ne sait pas si sur les photos le patient est en occlusion ou non.
¶ Méthodes téléradiocéphalométriques Comme nous l’avons déjà expliqué, il est possible de mesurer chez le sujet au repos grâce à une téléradiographie de profil, une ligne nasion-point menton ou épine nasale antérieure-point menton. Cette technique a été introduite en odontologie par Broadbent [8] au début du siècle. Afin de déterminer la DVR, il est conseillé de prendre trois clichés radiographiques correspondant chacun à une technique de relaxation différente. Quand deux clichés sont superposables, nos mesures sont considérées comme correctes.
¶ Méthodes cinématographiques Qu’il s’agisse de cinématographie conventionnelle ou radiographique ou fluoroscopique, ces méthodes permettent d’obtenir un enregistrement continu des positions mandibulaires sans interférence du praticien.
¶ Méthodes électroniques Nous ne faisons ici que citer ces techniques car ces dernières n’ont pas encore fait leurs preuves. Il s’agit de l’utilisation de phénomènes photoélectriques ou électromagnétiques, ou l’utilisation de la radioactivité. DÉTERMINATION DE LA DIMENSION VERTICALE PHONÉTIQUE (DVP)
Ces méthodes décrites ici sont fondées sur une activité musculaire amenant la mandibule lors de la prononciation de certains phonèmes dans une position préservant un ELIP. 10
¶ Technique de Silverman Elle permet de connaître simultanément la DVP, l’ELIP et la DVO. D’abord, il règle le bourrelet mandibulaire pour préserver un espace d’inocclusion de 2-3 mm. Il fait alors lire au patient un texte contenant des mots avec des « sifflantes » tels que « tendresse », « vitesse », « délicatesse », et modifie le bourrelet d’occlusion jusqu’à une lecture parfaite. Pour obtenir la DVO, il suffit d’amener les deux maquettes en contact dans la position centrée.
¶ Technique de Pound S’inspirant des théories de Silverman, c’est lui qui a défini la méthode phonétique en prothèse totale. Les dents antérieures maxillaires seront préalablement montées sur la maquette en fonction des critères esthétiques et phonétiques. Ensuite, il règle la hauteur et la position antéropostérieure du bourrelet antérieur mandibulaire en faisant compter rapidement de 1 à 10 et suivant la classe d’Angle du patient. Il affine la position du bourrelet inférieur en faisant prononcer des sifflantes. Les incisives inférieures sont montées de manière à respecter le contour du bourrelet. L’enregistrement de l’occlusion de relation centrée se fait en fonction du guide incisif ainsi obtenu. Pour obtenir la relation d’intercuspidie maximale avec la cire molle placée dans les zones postérieures, il manœuvre la mandibule en rétrusion et fait fermer le patient jusqu’à ce que le bord libre des centrales inférieures soit en contact avec les faces palatines des centrales supérieures.
¶ Méthode de Klein Le matériel nécessaire est constitué d’une simple plaque base au maxillaire et, à la mandibule, d’une plaque base résine munie d’un bourrelet avec une surface lisse, et joignant dans le sens antéropostérieur une ligne allant d’un point situé à 2 mm en dessous de l’interligne labial au tiers supérieur du trigone rétromolaire. Les deux plaques sont placées en bouche et on adjoint à la plaque palatine deux cônes en résine autopolymérisante au stade encore plastique au niveau 36-46, d’une hauteur de 15 mm. Le patient est invité à prononcer la consonne linguopostdentale « S » à plusieurs reprises. Klein préconise de répéter rapidement « six-sept, sixsept... ». Il est important qu’aucune déglutition ne s’effectue durant la réaction de prise des cônes. Grâce à cette méthode, on obtient une DV correspondant à la DVP minimale du patient à laquelle on enlève par la suite la valeur de l’ELIP pour obtenir la DVO.
¶ Prononciation du mot « Mississippi » et intérêt du logatome Alors que Silverman [28] préconise la prononciation du mot « Mississippi » pour déterminer l’ELIP, certains auteurs recommandent la réalisation d’exercices de conditionnement tels que la prononciation du mot « Ohio » afin de mettre en fonction la musculature périlabiale. D’autres, comme Pound et Turrel, pensent que le mot doit être inclus dans une phrase afin que le patient ne concentre pas toute son attention sur ce mot. Mais c’est Pouysségur, Serre et Exbrayat [23] qui, en analysant grâce aux sciences et techniques du langage les tests phonétiques
Stomatologie/Odontologie
Dimension verticale : aspects physiologiques
classiques, ont démontré la nécessité d’utiliser pour ces tests des logatomes qui sont « des séquences phoniques dépourvues de sens et non assimilables à un référent ». En effet, en analysant les aspects articulaires, acoustiques et sémantiques, ils notent que « selon son environnement consonantique ou vocalique, un même phonème peut être articulé différemment » tout en restant perçu de manière identique par l’auditeur. Ils notent aussi, que tant chez le patient par son autocorrection que chez le praticien, le succès de la reconnaissance vocale du mot l’emporte sur l’analyse articulatoire. Pour ne garder que l’aspect articulatoire des séquences phoniques, ils suggèrent donc d’utiliser le phonème « S » entouré de voyelles neutres (é, e, è, eu) qui, selon eux, représente « l’instrument phonétique » idéal à la détermination de la DVP.
Conclusion La hauteur de l’étage inférieur de la face conditionne donc les fonctions principales de la sphère oropharyngienne. Elle réalise pour cela, avec ses déterminants, une relation de rétroactivité dépendant de facteurs anatomophysiologiques mais pouvant altérer ces derniers en cas de perturbations modifiant sa valeur. Cependant, cette valeur n’est pas constante au cours de la vie. Elle croît tout d’abord irrégulièrement en fonction de la croissance des maxillaires. Elle se stabilise vers 17 ans à la fin de la croissance pour passer dans une phase de pseudostabilité,
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s’adaptant tout au long de la vie à certaines modifications, physiologiques ou non. Cette adaptabilité de la DV peut être occasionnelle dans le cas de pathologies ou d’éléments perturbateurs opportunistes, mais elle est continue face aux phénomènes de sénescence qui touchent les déterminants de la face. La DV est en corrélation avec diverses fonctions telles que la phonation, la respiration, la mastication et la déglutition, et le respect de la personnalité du patient en préservant son esthétique. Qu’il s’agisse de la DVO, DVR ou DVP, proposer une méthode clinique de détermination réitérable et applicable à tous les patients semble pour l’heure impossible. La diversité et le nombre de techniques répertoriées dans la littérature semblent prouver la constante préoccupation des odontologistes à trouver une technique efficace. Parmi les méthodes préexistantes, celles basées sur la morphologie comme les méthodes photographiques ou certaines méthodes céphalométriques, ou encore les critères esthétiques, ne peuvent nous donner qu’une valeur approchée de cette DV pouvant nous servir de guide. Les méthodes les plus récentes utilisant un dispositif électronique sont certes très fiables, mais trop lourdes de mise en œuvre dans l’omnipratique. Une combinaison de deux ou trois méthodes de détermination fonctionnelle représente le meilleur compromis afin d’évaluer une DV entrant dans le champ de tolérance du patient. D’avis général, les méthodes utilisant la déglutition et la phonation semblent les plus intéressantes, car elles font appel à des fonctions qui restent stables tout au long de la vie.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-009-T-10
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Immunité de la cavité buccale H Chardin
Résumé. – La cavité buccale est colonisée par une flore commensale abondante et extrêmement variée. La protection périphérique des muqueuses est assurée par une exclusion immune spécifique des antigènes ellemême assurée par des immunoglobulines A sécrétoires (IgAs), associée à des mécanismes non spécifiques. La production d’IgAs dépend de la stimulation de tissus lymphoïdes associés aux muqueuses. Différents tissus de l’anneau de Waldeyer et les plaques de Peyer sont impliqués dans la production d’IgAs salivaires. Les lymphocytes B et T présents dans ces tissus sont stimulés par la reconnaissance des antigènes, des interactions cellulaires directes et des cytokines. L’environnement en cytokines induit une commutation isotypique vers IgA. Les lymphoblastes B IgA+ stimulés dans ces organes sont adressés vers les sites sécréteurs, où ils se différencient en plamocytes. Les plasmocytes sécrètent des IgA dimériques associées à une pièce J. Après fixation sur son récepteur, ce complexe moléculaire est transporté vers la salive par les cellules acineuses ou canalaires. L’IgAs est constituée par le dimère d’IgA, la pièce J, et la partie extracellulaire du récepteur (composant sécrétoire). Les IgAs contribuent au contrôle de la flore buccale en limitant les capacités d’adhésion et en favorisant l’élimination salivaire des bactéries. Les déséquilibres écologiques au sein de la cavité buccale peuvent se traduire par des pathologies dentaires ou parodontales. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : immunité sécrétoire, immunoglobulines A sécrétoires, cavité buccale, immunité antibactérienne.
Introduction La cavité buccale est un espace ouvert sur l’extérieur, humide, de température stable (34-36 °C) et d’un pH avoisinant la neutralité. Chez l’adulte sain, deux types de tissus sont présents dans cette cavité : des muqueuses plus ou moins kératinisées selon leur localisation (langue, joues, gencive, lèvres, vestibule…) et un tissu dur minéralisé, l’émail dentaire. Ces surfaces baignent dans le fluide buccal et sont colonisées par une flore microbienne commensale. L’écosystème buccal est donc constitué d’une flore buccale diversifiée vivant dans un environnement donné, la cavité buccale [38]. Cependant, il existe dans la cavité buccale plusieurs niches écologiques définies par des conditions environnementales qui leur sont propres. Ainsi, les surfaces dentaires, les différentes muqueuses, ou le sillon gingivodentaire présentent des conditions écologiques différentes et une flore plus ou moins spécifique. En outre, les conditions écologiques au sein d’une niche peuvent varier selon l’âge de l’individu. L’intégrité des tissus de la cavité buccale dépend du maintien de l’équilibre de l’écosystème. Cette homéostasie repose sur divers mécanismes de compensation, qui agissent pour maintenir un état stable en s’opposant aux perturbations qui induiraient un déséquilibre [38]. Dans la cavité buccale, l’homéostasie doit être maintenue dans chaque niche écologique. Ainsi, les systèmes contrôlant le développement de la flore associée aux surfaces dentaires à l’origine de la maladie carieuse, ne sont pas identiques à
Hélène Chardin : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, faculté de chirurgie dentaire, 1, rue Maurice Arnoux, 92120 Montrouge, France.
ceux contrôlant le développement d’une flore parodontopathique, et ces pathologies se développent indépendamment l’une de l’autre. L’homéostasie de la cavité buccale repose sur trois types de facteurs étroitement dépendants les uns des autres : la flore, l’hôte et les facteurs exogènes. Parmi les facteurs exogènes, l’alimentation, la prise de médicaments, l’hygiène buccale, le tabagisme, le port de prothèses, sont autant de facteurs qui peuvent affecter directement l’environnement buccal. Chez l’adulte sain, la flore buccale commensale est extrêmement diversifiée. Elle est composée de plus de 300 espèces bactériennes, auxquelles peuvent s’ajouter des levures. Les bactéries colonisent les différentes niches écologiques selon leurs capacités d’adhérence sur les tissus et les conditions métaboliques environnementales. En occupant l’espace, la flore commensale est un élément de protection contre l’installation ou le développement de bactéries pathogènes. Il est cependant nécessaire que sa prolifération soit contrôlée, tant quantitativement que qualitativement. Dans la cavité buccale, il est bien établi que la prolifération anormale de bactéries normalement présentes peut être à l’origine de pathologies. La température, le pH, l’hygrométrie de la cavité buccale et l’apport régulier de nutriments sont des éléments favorables à la croissance de nombreuses espèces bactériennes. Normalement, cette croissance est compensée par différents systèmes spécifiques et non spécifiques, qui participent à maintenir l’équilibre entre prolifération et élimination bactériennes. L’immunité périphérique repose principalement sur des facteurs solubles spécifiques et non spécifiques présents dans le fluide buccal. Ces facteurs participent à l’exclusion immune, c’est-à-dire limitent l’adhésion et la colonisation tissulaire, et favorisent l’agglutination et l’élimination des microorganismes. Dans certaines conditions de déséquilibre d’origine exogène (par exemple prises répétées d’aliments sucrés) ou
Toute référence à cet article doit porter la mention : Chardin H. Immunité de la cavité buccale. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Odontologie/Stomatologie, 22-009-T-10, 2002, 12 p.
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EMC 257
Immunité de la cavité buccale
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Facteurs non spécifiques
Glandes salivaires
IgAs
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clairance bactérienne. De plus, elles participent à la formation de la pellicule exogène acquise (film salivaire recouvrant l’émail des dents) et ainsi influencent la colonisation bactérienne sélective des surfaces dentaires.
SALIVE Flore buccale
MOLÉCULES ANTIBACTÉRIENNES
Dent Exclusion immune Sillon gingivodentaire Invasion tissulaire
¶ Lactoferrine
Infiltrat lymphocytaire
Réponse immunitaire spécifique --> IgM spécifique --> IgG spécifique --> IgA
Le lysozyme est une protéine de masse moléculaire 15 kDa et de point isoélectrique 10,5. Cette enzyme hydrolyse la liaison b1-4, liant l’acide N-acétyl muramique à la N-acétyl glucosamine du peptidoglycan bactérien. Le lysozyme possède donc une action bactériolytique par hydrolyse du peptidoglycan de paroi.
Gencive
Inflammation
Organes lymphoïdes périphériques
¶ Lysozyme
IgM, IgG, IgA
Compartiment vasculaire Transfert Lymphocytes stimulés Anticorps
1
Organisation générale du système de protection des muqueuses buccales. La protection périphérique de la cavité buccale est assurée par l’exclusion immune, qui représente un ensemble de mécanismes non inflammatoires permettant de limiter l’adhésion des micro-organismes sur les tissus et de faciliter leur élimination salivaire. L’exclusion immune spécifique est assurée principalement par les immunoglobulines A sécrétoires (IgAs), bien que des IgM, des IgG et des IgA provenant du fluide gingival puissent également y participer. Ces facteurs spécifiques coopèrent avec des facteurs salivaires non spécifiques. En cas de déséquilibre écologique, l’accumulation de la flore -en particulier dans le sillon gingivodentaire- peut conduire à une invasion tissulaire bactérienne. Cette invasion induit une réponse inflammatoire locale et une réponse immunitaire spécifique dans les organes lymphoïdes périphériques. Les produits de cette réponse spécifique participent au processus inflammatoire qui permet de circonscrire l’infection bactérienne. Ig : immunoglobuline.
endogène (déficit salivaire, immunitaire…), la prolifération d’une flore ou de certaines bactéries peut être à l’origine de pathologies dentaires (caries) ou parodontales, s’accompagnant d’une invasion tissulaire bactérienne. Lorsque les tissus sont envahis par des microorganismes, les réponses immunitaires non spécifiques et spécifiques sont stimulées, et elles contribuent à circonscrire l’infection et à neutraliser ou éliminer les agents pathogènes. La figure 1 illustre ces deux niveaux de protection. Dans cette revue, nous étudions quels sont les mécanismes immunitaires qui contribuent à l’homéostasie de la cavité buccale. Après un bref aperçu des systèmes de défense non spécifiques des muqueuses buccales, nous étudions surtout les facteurs spécifiques qui participent à l’exclusion immune, et en particulier le système sécrétoire. Nous nous intéressons également aux réactions immunitaires induites par l’invasion bactérienne, dans le cas de caries dentaires et de parodontopathies.
Protection non spécifique des muqueuses
La lactoferrine est une glycoprotéine de masse moléculaire 80 kDa liant le fer. In vitro, elle inhibe la croissance bactérienne par déprivation nutritionnelle en fer.
¶ Défensines
[48, 49, 56]
Le terme de « défensine » a été utilisé pour désigner des peptides antimicrobiens isolés à partir de polynucléaires humains ou de lapin. Chez l’homme, deux familles ont été identifiées : les a-défensines et les b-défensines. Structuralement, les défensines sont des peptides cationiques de 3 à 4 kD qui possèdent six résidus cystéine, permettant la formation de trois ponts disulfure intracaténaires. La position des cystéines est constante dans une même famille. Des résidus arginine, glycine et acide glutamique possèdent également une position conservée parmi les a-défensines de différentes espèces. Les a-défensines sont des peptides de 35 acides aminés riches en arginine et donc fortement cationiques. Les polynucléaires neutrophiles humains produisent quatre a-défensines (HNP1 à HNP4), alors que certaines cellules épithéliales de l’intestin grêle, les cellules de Paneth, en produisent deux autres (HD5 et HD6). Les b-défensines humaines sont au nombre de deux : HBD1 et HBD2. HBD1 existe sous plusieurs formes qui varient de 36 à 47 acides aminés selon leur clivage aminoterminal. La présence d’HBD1 a été montrée dans les glandes salivaires et les cellules épithéliales gingivales, mais pas dans les fibroblastes gingivaux. Le niveau d’expression de transcrits d’HBD1 est identique dans les tissus sains et enflammés, l’expression de ces molécules ne serait donc pas modulée par les médiateurs inflammatoires. HBD2 est un peptide de 41 acides aminés, d’une masse moléculaire d’environ 4,3 kD. Il a un effet bactéricide sur les bactéries à Gram négatif, et fongicide sur Candida albicans. HBD2 a été isolé à partir de l’épiderme et son expression est inductible ; elle est augmentée par une inflammation locale. La présence d’HBD2 a été montrée dans le tractus respiratoire, la peau et le côlon. Le mode d’action de ces peptides antibactériens est encore incomplètement connu. Certains résultats montrent que la formation de pores dans la membrane externe de la paroi des bactéries à Gram négatif ou dans la membrane plasmique aurait une importance majeure. Par ailleurs, certaines études indiquent que la synthèse protéique et/ou d’acide désoxyribonucléique (ADN) serait affectée. Il est difficile de savoir quel est le mécanisme responsable de la mort bactérienne, d’autant qu’il n’a pas été établi pourquoi certaines bactéries sont plus ou moins sensibles à l’action des défensines.
BARRIÈRES PHYSICOCHIMIQUES
Les tissus buccodentaires sont protégés par des mécanismes physiques et chimiques contribuant à l’élimination des microorganismes présents. Ainsi, la desquamation des couches superficielles des muqueuses buccales élimine les bactéries fixées sur ces tissus. Par ailleurs, le flux salivaire permet d’entraîner les microorganismes en suspension vers l’estomac lors de la déglutition. Les mucines salivaires jouent un rôle particulièrement important par leurs propriétés viscoélastiques et lubrifiantes, en modulant la 2
Exclusion immune spécifique L’exclusion immune est un système de protection périphérique non inflammatoire, permettant de limiter la colonisation des tissus par les micro-organismes. L’exclusion immune spécifique est essentiellement due à des IgAs propres au système muqueux. Les IgAs sont des anticorps (Ac) spécifiques capables de limiter
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Paratope VH IgA
CH1
IgA Chaîne légère (L) Charnière (h)
D5
D1
J
CS
Chaîne lourde (H)
2
Structure de l’immunoglobuline A sécrétoire (IgAs). L’IgAs est constituée par un dimère d’IgA identiques associé par des liaisons covalentes à une chaîne J et au composant sécrétoire (CS). Le complexe (IgA)2J est produit par un plasmocyte, alors que le CS est associé secondairement au dimère lors de son transport du conjonctif vers le produit de sécrétion.
l’adhésion des micro-organismes - et notamment des bactéries - en les agglutinant et en se fixant sur leurs adhésines. Le système sécrétoire décrit ci-dessous est donc un système spécifique stimulé par des antigènes (Ag). Cependant, certains auteurs insistent sur l’existence, dans la salive et d’autres sécrétions, d’auto-Ac sous forme d’IgAs polyréactives [7, 51]. Ces IgAs préexisteraient à tout contact avec un Ag exogène et seraient susceptibles de se lier à des auto-Ag, mais également à une grande diversité d’Ag, en particulier bactériens. Elles constitueraient donc une première barrière contre l’infection des surfaces muqueuses pendant la période pré-immune. STRUCTURE DES IgAs
La figure 2 schématise la forme majoritaire d’IgAs retrouvée dans la salive ou d’autres sécrétions. Les IgAs sont des polymères dont 90 % sont des dimères et 10 % des tétramères [27]. Elles sont donc le plus souvent constituées de deux molécules d’IgA monomérique identiques associées à une chaîne J et un composant sécrétoire (CS). Le polymère (IgA)2J est synthétisé et assemblé dans les plasmocytes [44], puis libéré dans le tissu conjonctif périglandulaire. Le CS est associé secondairement au dimère lors de la transcytose (cf infra). Les différentes molécules (IgA, J, CS) sont liées entre elles par des liaisons covalentes, formant ainsi un complexe moléculaire stable.
¶ IgA monomérique La figure 3 rappelle la structure générale des molécules d’Ig et les particularités structurales des IgA. Comme toute molécule d’Ig, l’IgA est formée de quatre chaînes : deux chaînes lourdes H (heavy) et deux chaînes légères L (light). Les chaînes lourdes et légères sont identiques deux à deux. Les chaînes lourdes a sont constituées d’un domaine variable (V H ) aminoterminal et de trois domaines constants (CH1, CH2, CH3 ou Ca1, Ca2, Ca3). Une région charnière h (hinge) est intercalée entre les domaines Ca1 et Ca2. La chaîne lourde se termine dans sa partie carboxyterminale par un peptide queue (t [tail]) de 18 acides aminés qui confère à la molécule sa capacité de polymérisation. Les chaînes légères sont constituées d’un domaine variable (VL) et d’un domaine constant (CL). Le site Ac (ou paratope) est formé par l’association des domaines VH et VL. Chaque molécule d’IgA est divalente : elle possède deux sites Ac identiques, et donc la capacité de fixer deux déterminants antigéniques (ou épitopes) identiques.
• Variabilité structurale des IgA [27] Chez l’homme, on retrouve deux sous-classes d’IgA (IgA1 et IgA2), ainsi qu’une variabilité allotypique des IgA2 représentée par les deux allotypes, IgA2m1 et IgA2m2. Les IgA1 possèdent une structure classique avec une région charnière constituée de 26 acides aminés. Des ponts disulfure intercaténaires s’établissent entre la cystéine 127 du domaine Ca1 et une cystéine du domaine CL, ainsi qu’entre les cystéines 251 et 314 des domaines Ca2. Chaque chaîne H est donc liée à une chaîne L par un pont S-S, alors que les chaînes H sont
VL CL
h = 26 aa
Ig A1
Fab
t
CH2 CH3
h = 13 aa
Fc
h = 13 aa
Ig A2
* A
Ig A2 m(1)
B Ig A2 m(2) *
3
Variabilité structurale des immunoglobulines (IgA). Les IgA sont des molécules constituées de quatre chaînes identiques deux à deux : deux chaînes lourdes (H) et deux chaînes légères (L). Les chaînes légères possèdent un domaine constant (CL) et un domaine variable (VL), alors que les chaînes lourdes possèdent trois domaines constants (CH1, CH2 et CH3) et un domaine variable VH. Une région charnière (h) est intercalée entre les domaines CH1 et CH2 et un peptide queue (t) succède au CH3 à l’extrémité carboxyterminale de la molécule. L’association des domaines VH et VL forme le site anticorps ou paratope qui se liera avec un épitope de l’antigène. Deux fragments distincts peuvent être isolés après clivage par la papaïne : un fragment Fab (antigen binding) qui conserve la propriété de lier l’antigène, et un fragment Fc (cristallisable) qui peut se fixer sur des récepteurs cellulaires. Les deux sous-classes IgA1 et IgA2 diffèrent par la longueur de la région charnière : 26 acides aminés pour les IgA1 et seulement 13 pour les IgA2. Les deux allotypes IgA2m(1) et IgA2m(2) diffèrent par les interactions entre chaînes lourdes et légères. Les IgA2m(2) possèdent une structure classique avec des ponts disulfures entre chaînes lourdes et légères, alors que les IgA2m(1) ne possèdent pas de liaison covalente entre chaînes lourdes et légères, mais un pont disulfure entre les deux chaînes légères. A. Schéma général d’une immunoglobuline. B. Différents monomère d’IgA humaine. aa : acide aminé.
liées entre elles par deux ponts S-S. La sous-classe IgA2 diffère principalement de l’IgA1 par la délétion de 13 acides aminés de la région charnière, qui est donc plus courte et moins glycosylée par la perte de cinq sérines O-glycosylées. Les IgA2 sont également plus résistantes à la protéolyse que les IgA1, car certaines enzymes bactériennes clivent cette molécule au niveau de la région charnière. Les ponts disulfure entre les deux chaînes lourdes des IgA2 sont identiques à ceux observés pour les IgA1 (C251 et 314). En revanche, des différences apparaissent pour les liaisons entre chaînes lourdes et légères : pour l’allotype IgA2m2, le pont S-S s’établit entre les cystéines 223B ou 198 du domaine Ca1 et une cystéine du domaine CL ; pour l’allotype IgA2m1, il n’existe pas de pont disulfure entre chaînes lourdes et légères, mais un pont disulfure lie les deux chaînes légères entre elles. L’allotype IgA2m1, majoritaire chez les Caucasiens, représente donc un cas unique d’Ig chez l’homme, dans lequel les chaînes lourdes et légères sont associées entre elles par des liaisons non covalentes.
¶ Chaîne J La chaîne J humaine est un polypeptide de 15 kD, composé de 137 acides aminés dont huit cystéines. Les cystéines situées en position 15 et 69 sont impliquées dans la formation de ponts disulfure avec les chaînes a ou µ des Ig, les six autres cystéines formant des ponts disulfures intrachaînes [30]. La chaîne J n’est pas indispensable à la polymérisation des IgA ou des IgM. En effet, si chez des souris knock out pour la chaîne J, le rapport IgA monomérique/IgA dimérique augmente, des dimères sont cependant présents dans le sérum [25]. La capacité spécifique de polymérisation de ces deux isotypes est liée à la présence d’un polypeptide queue de 18 acides aminés en position C-terminale des chaînes a et µ. Cependant, en conditions normales, la chaîne J est associée aux polymères et régulerait leur formation et leur fonction [30] . En particulier, différents résultats expérimentaux montrent que sa présence est nécessaire pour le transport transépithélial des Ig sécrétoires (cf infra). Plusieurs modèles de dimérisation des IgA ont été proposés. Dans l’un de ces modèles, la chaîne J formerait un pont entre les deux monomères d’IgA, alors que dans l’autre, la chaîne J ne serait liée de manière covalente qu’à 3
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un seul monomère. Le nombre de chaînes J par polymère est également encore discuté et pourrait varier en fonction du degré de polymérisation [30].
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Conjonctif périglandulaire
Ag
(IgA)2 J
¶ Composant sécrétoire Le CS est une glycoprotéine produite par différents types de cellules épithéliales, dont les cellules acineuses et canalaires des glandes salivaires. Il est constitué par la partie extracellulaire du récepteur aux Ig polymérisées (RpIg) et il est obtenu après clivage enzymatique de l’ancrage membranaire du récepteur et libération dans le canal excréteur des glandes salivaires de la partie extracellulaire (cf infra). Dans la salive, le CS est retrouvé lié à des polymères d’IgA, constituant ainsi une molécule d’IgAs, mais également sous une forme libre [41]. La forme membranaire de la molécule (RpIg) a une masse moléculaire d’environ 100 kD, alors que celle du CS est d’environ 80 kD [41] . Cette glycoprotéine comprend cinq domaines (D1 à D5) stabilisés par des ponts disulfure intracaténaires ; elle se lie aux polymères d’IgA par un pont disulfure entre la cystéine 467 de D5 et la cystéine 311 du Ca2 [30]. MODE DE PRODUCTION DES IgAs SALIVAIRES
Chez l’homme adulte, les muqueuses représentent une surface d’environ 400 m2 et la muqueuse intestinale est la première source d’Ig [11] . En effet, chaque jour environ 40 mg/kg d’IgAs sont transportés dans la lumière intestinale, alors que la production totale d’IgG de l’organisme est de 30 mg/kg. Le système sécrétoire salivaire fait partie de ce système général de protection des muqueuses qui implique un certain nombre de tissus ou d’organes lymphoïdes. Ces tissus ou organes ont été regroupés sous l’appellation mucosa-associated lymphoid tissues (MALT). Selon le site considéré, le MALT est lui-même subdivisé en gut-associated lymphoid tissue (GALT), bronchus-associated lymphoid tissue (BALT), nasal-associated lymphoid tissue (NALT) ou eusthachian tube-associated lymphoid tissue (TALT) [12]. Par sa situation anatomique, la cavité buccale fait partie à la fois des systèmes digestif et respiratoire. En 1884, Waldeyer décrit un ensemble de tissus lymphoïdes impliqués dans la protection muqueuse du carrefour aérodigestif. Cet ensemble de tissus lymphoïdes regroupés sous le terme d’« anneau de Waldeyer » comprend les amygdales palatines, les amas lymphoïdes situés en arrière du « V » lingual, les amygdales nasales (ou végétations) et les amas lymphoïdes associés à la trompe d’Eustache [50]. Les tissus lymphoïdes associés au tube digestif sont les plaques de Peyer de l’intestin grêle, l’appendice et des amas lymphoïdes disséminés [19]. Le système muqueux se caractérise par l’existence de sites inducteurs et producteurs distincts. Ainsi, les coopérations cellulaires nécessaires à la stimulation des lymphocytes B et à leur commutation isotypique vers les IgA, se déroulent dans les organes lymphoïdes associés aux muqueuses (amygdales, plaques de Peyer…), alors que la différenciation plasmocytaire et la sécrétion d’IgA ont lieu à proximité des sites de sécrétion (glandes salivaires pour la cavité buccale, mais aussi muqueuse intestinale, glandes lacrymales, glandes mammaires…). Cette organisation fonctionnelle implique l’existence d’un système d’adressage (homing) des cellules stimulées dans les sites inducteurs vers les sites de production. Ainsi, la production d’IgAs salivaires implique : – la stimulation par l’Ag de lymphocytes T et B dans les amygdales palatines ou les plaques de Peyer ; – la migration des cellules stimulées vers le tissu conjonctif situé autour des glandes salivaires ; – la différenciation plasmocytaire et la sécrétion de polymères d’IgA dans le conjonctif périglandulaire ; – le transport des pIgA du conjonctif vers la lumière de l’acinus ou du canal (transcytose). L’organisation de ce système est résumée sur la figure 4. 4
Cavité buccale
IgAs
Salive
IgAs
Glandes salivaires
Ag
Plasmocytes
Sang Organes lymphoïdes associés au MALT Lymphocytes stimulés
- Anneau de Waldeyer - Plaques de Peyer
Lymphe
4 Mode de production des immunoglobulines A (IgA) sécrétoires salivaires. Les antigènes (Ag) présents dans la cavité buccale sont transportés vers les organes lymphoïdes associés au système muqueux (amygdales palatines et linguales de l’anneau de Waldeyer et plaques de Peyer). Dans ces organes, les cellules M capturent les antigènes et les transfèrent aux cellules des follicules lymphoïdes sous-jacents. La stimulation antigénique locale de lymphocytes T et B se traduit par l’apparition de lymphocytes Th et de lymphoblastes B IgA+. Ces lymphocytes stimulés quittent les organes lymphoïdes par les vaisseaux lymphatiques, rejoignent la circulation sanguine et migrent jusqu’au conjonctif situé autour des glandes salivaires. Dans le conjonctif périglandulaire, les lymphoblastes B IgA+ se différencient en plasmocytes et sécrètent des dimères d’IgA ([IgA]2J). Ces dimères traversent les cellules des glandes salivaires pour rejoindre la salive et la cavité buccale. Le composant sécrétoire, caractéristique des IgAs, est associé au dimère au cours de cette transcytose. MALT : mucosa-associated lymphoid tissue. Villosités
CR PP
E F
PF
EAF F
F PF Paroi intestinale
5
F
F
* A
F
F
* B
Structure schématique des plaques de Peyer (A) et des amygdales (B). A. Les formations lymphoïdes des plaques de Peyer sont recouvertes d’un épithélium associé aux follicules (EAF) dans lequel on retrouve de nombreuses cellules M. La zone lymphoïde contient des follicules (F) composés majoritairement de lymphocytes B. Les régions parafolliculaires (PF) sont majoritairement constituées de lymphocytes T. B. Les amygdales palatines possèdent une architecture cryptique. L’épithélium de recouvrement (E) pluristratifié s’invagine au niveau des cryptes (CR) et perd sa structure classique pour devenir un lymphoépithélium. La zone lymphoïde possède des follicules (F) constitués de lymphocytes B et des zones parafolliculaires (PF) constituées de lymphocytes T.
¶ Structure histologique des organes lymphoïdes impliqués dans la production d’IgAs salivaires Plaques de Peyer Les plaques de Peyer (fig 5A) sont des formations lymphoïdes localisées préférentiellement dans l’iléon terminal [29]. Les follicules lymphoïdes sont recouverts d’un épithélium appelé « épithélium associé aux follicules » (EAF) qui contient environ 10 % de cellules M. Les cellules M ont été décrites par Owen en 1974 et successivement nommées microfolds cells et membrane cells [19]. Elles sont liées aux entérocytes par des jonctions étroites et des desmosomes, et se distinguent des cellules absorbantes par des microvillosités moins nombreuses, plus courtes et irrégulières. Les cellules M possèdent un noyau en position basolatérale, et une fine bande de cytoplasme apical contenant de nombreuses mitochondries, un système microvésiculaire très développé et peu (ou pas) de lysosomes. Par leurs extensions cytoplasmiques, elles entourent étroitement des lymphocytes et des macrophages [19]. Les cellules M sont spécialisées dans la capture et le transfert de macromolécules, de micro-organismes ou de petites particules de la
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lumière intestinale vers les cellules présentant l’Ag (CPA) auxquelles elles sont étroitement associées. La membrane basale qui sépare l’EAF des follicules lymphoïdes est discontinue, en particulier au niveau des cellules M [29], ce qui facilite les contacts entre les cellules M et les CPA ou les lymphocytes. Les plaques de Peyer contiennent trois zones distinctes selon leur contenu cellulaire :
CD4+) par des CPA, et leur différenciation en Th spécifiques de l’Ag, est donc un préalable indispensable à une stimulation B efficace. Les interactions séquentielles et réciproques entre lymphocytes Th et B se font directement par des molécules membranaires (CD154/CD40, CD28/B7) et indirectement par des facteurs solubles synthétisés par les Th. La commutation isotypique est sous la dépendance d’une coopération Th/B efficace.
– la zone du dôme qui contient des lymphocytes T et B et des macrophages ;
Les Ig sécrétoires salivaires sont très majoritairement des IgA. En effet, Iscaki et Bouvet [27] donnent un rapport IgA/IgA + IgG de 99,7 % dans le canal parotidien, et Brandtzaeg et al [13] décrivent un taux d’IgA dans les sécrétions parotidiennes légèrement inférieur à 100 % des Ig produites, avec un rapport IgA/IgM d’environ 70. Les glandes salivaires produisent 64 % d’IgA1 et 36 % d’IgA2, ce qui représente un pourcentage d’IgA2 important, équivalent à celui retrouvé dans la glande mammaire (40 %), et très supérieur à celui retrouvé dans les sécrétions nasales (7 %), bronchiques (25 %) ou lacrymales (20 %) [13] . Ce pourcentage élevé d’IgA 2 peut être fonctionnellement important, puisque ces molécules sont plus résistantes aux protéases bactériennes que les IgA1.
– les follicules proprement dits, majoritairement composés de lymphocytes B ; – les zones interfolliculaires contenant principalement des lymphocytes T [11]. Les plaques de Peyer possèdent un réseau lymphatique efférent qui conduit les médiateurs immunitaires vers les ganglions mésentériques et le canal thoracique. Amygdales palatines Les amygdales palatines (fig 5B) sont des formations lymphoïdes recouvertes d’un épithélium squameux stratifié non kératinisé. Dans la zone lymphoïde, on retrouve l’organisation classique des organes lymphoïdes secondaires, avec des follicules contenant une majorité de lymphocytes B et des zones parafolliculaires contenant des lymphocytes T. L’épithélium de recouvrement s’invagine pour former des cryptes amygdaliennes. L’organisation de l’épithélium de recouvrement en trois couches distinctes : basale, épineuse et superficielle, est moins évidente au niveau des cryptes, où l’épithélium est infiltré par des lymphocytes. Perry et Whyte [50] décrivent un lymphoépihtélium qui présente les caractéristiques suivantes : des cellules épithéliales de forme et contenu cellulaire modifiés, mais qui sont liées par des desmosomes, la présence d’un infiltrat de cellules mobiles non épithéliales (lymphocytes B et T, macrophages, cellules dendritiques interdigitées, cellules de Langerhans) et la présence d’une vascularisation intraépithéliale. La présence de cellules M dans les amygdales a été rapportée [26] et Sato et al [55] décrivent une population de cellules épithéliales étroitement associée aux lymphocytes infiltrés dans les cryptes, et possédant certaines caractéristiques des cellules M. Les amygdales sont drainées par un réseau lymphatique efférent analogue à celui des plaques de Peyer. Ce réseau est constitué de vaisseaux lymphatiques sous-folliculaires et interfolliculaires, mais on ne trouve pas de vaisseaux lymphatiques intrafolliculaires ou sous-épithéliaux [20].
¶ Stimulation antigénique La première étape de la stimulation est la capture et le transfert des Ag vers les follicules lymphoïdes. Les amygdales et les plaques de Peyer ne possèdent pas de vaisseaux lymphatiques afférents, le transport des Ag se fait donc par une voie transépithéliale. Les cellules M sont des cellules épithéliales associées aux follicules, et spécialisées dans les fonctions de capture et de transfert de macromolécules, de micro-organismes ou de petites particules. Les cellules M endocytent les Ag par leur pôle apical, et les transfèrent vers des vésicules d’exocytose sans passer par le compartiment lysosomal. Ainsi, la structure des molécules ne semble pas subir d’altération majeure au cours du transport, même si certaines modifications mineures dues à l’environnement acide des vésicules de transport peuvent être observées [18, 19]. Une fois libérées dans la zone folliculaire, les molécules à pouvoir antigénique vont stimuler des lymphocytes T et B. Un lymphocyte B est capable de reconnaître spécifiquement un Ag par ses récepteurs membranaires que sont les IgM et IgD. En revanche, les lymphocytes T ne reconnaissent l’Ag que si celui-ci leur est présenté par des CPA. L’activation de lymphocytes B dans les centres germinatifs et leur transformation en lymphoblastes à IgA nécessitent deux voies de stimulation complémentaires : la reconnaissance spécifique de l’Ag par les Ig membranaires, et la coopération directe avec des lymphocytes T helper (Th) exprimant le CD40L (CD154). La stimulation de lymphocytes T naïfs exprimant le marqueur CD4 (T
La stimulation des lymphocytes B à l’origine de la production d’Ig salivaires induit donc une commutation préférentielle vers les IgA. Le déterminisme du remaniement génétique à l’origine de la commutation isotypique n’est pas encore totalement connu. Cependant, de très nombreux travaux ont analysé les facteurs environnementaux influençant le choix de l’isotype. La nature de l’Ag semble être l’un de ces facteurs. Ainsi, les IgAs obtenues après stimulation par le lipopolysaccharide (LPS) des bactéries à Gram négatif sont généralement des IgA2, alors que celles obtenues après stimulation par des protéines seront majoritairement des IgA1 [11]. Les autres facteurs clairement impliqués dans le déterminisme isotypique sont les cytokines produites par les Th. Deux souspopulations de Th sont classiquement décrites et caractérisées par le profil de cytokines qu’elles produisent : les Th1 sécrètent de l’interleukine 2 (IL2) et de l’interféron c (IFN c), alors que les Th2 produisent de l’IL4, de l’IL5, de l’IL6, de l’IL10 et de l’IL13. Ces deux types de Th ont été identifiés dans les plaques de Peyer en quantités équivalentes [61]. Dans la fin des années 1980, de nombreux travaux sur des lymphocytes murins ont étudié le rôle des différentes cytokines produites par les Th sur la commutation vers IgA [4, 16, 37, 57]. L’ensemble de ces travaux montre que le transforming growth factor b (TGFb) est un puissant activateur de la commutation vers IgA, et que l’IL5 et l’IL2 augmentent la production d’IgA par les lymphocytes B ayant commuté. Les Th sécrétant le TGFb peuvent être désignés par le terme de « Th3 » [65]. L’IL2 et l’IL5 agiraient comme des facteurs de prolifération et de différenciation des lymphocytes IgA+ [35, 57]. L’IL6 est également un activateur de la sécrétion d’IgA en agissant comme facteur de différenciation terminale [5, 40]. Plus récemment, l’IL10 a été impliquée comme facteur de stimulation de la production d’IgA, et Brandtzaeg et al [11] rapportent que des lymphocytes B activés par leur CD40 ne requièrent que du TGFb et de l’IL10 pour sécréter des IgA. L’ensemble de ces données expérimentales montre que la production d’un isotype d’Ig donné dépend d’un équilibre entre différentes cytokines agissant à différents niveaux du cycle de stimulation des lymphocytes B. Pour atteindre leur stade terminal de différenciation, les lymphocytes B stimulés par l’Ag doivent coopérer avec les lymphocytes Th par un contact direct entre leurs molécules membranaires et indirectement par les cytokines synthétisées par les Th. Dans le système sécrétoire, il faut prendre en compte le fait que les premières étapes de la stimulation qui nécessitent le contact direct Th/B, ainsi que les cytokines responsables de la commutation et de l’expansion clonale, ne se déroulent pas dans le même site anatomique que la différenciation plasmocytaire et la sécrétion d’Ig [6]. Pour obtenir des IgAs salivaires, les cytokines nécessaires à la différenciation plasmocytaire et à la sécrétion d’[IgA]2J par les plasmocytes sont donc requises dans le conjonctif périglandulaire. La figure 6 résume le rôle des différents facteurs impliqués dans la production d’IgA. 5
Immunité de la cavité buccale
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Site inducteur = plaques de Peyer Stimulation
Th
B IgM+
Molécules membranaires impliquées TCR +CD4 CD154
Site sécréteur = glandes salivaires
Commutation Prolifération
Différenciation
Sécrétion
B IgA+
Lymphoblastes TGFβ Th3 ?
Plasmocytes
IL 2
CMH II / Ag CD 40
Odontologie/Stomatologie
IL5
IL10
IgA dimère
IL6
Th1 Th2 Th2
6
Effet des cytokines sur la production d’immunoglobulines A (IgA). Les lymphocytes B sont stimulés par la reconnaissance de l’antigène, des interactions membranaires directes avec un lymphocyte Th et des cytokines. Les interactions Th/B sont spécifiques (TCR+CD4/CMH II-Ag) et non spécifiques (CD154/CD40). L’environnement en cytokines détermine l’isotype des Ig produites. Dans les plaques de Peyer, le transforming growth factor b (TGFb) favorise la commutation vers IgA, l’interleukine 2
(IL2) et l’IL5 induisent la prolifération des cellules commutées et leur transformation blastique. Après migration des cellules vers le site sécréteur, l’IL5, l’IL6 et l’IL10 produites localement assurent la différenciation plasmocytaire et la sécrétion de dimères d’IgA. L’IL2 est produite par des Th1, l’IL5, l’IL6 et l’IL10 sont produites par des Th2 et le terme de Th3 a été proposé pour désigner les lymphocytes sécrétant du TGFb.
¶ Adressage des cellules stimulées
superfamille des Ig) exprimée par les cellules endothéliales. De plus, la molécule CD44, protéoglycan membranaire exprimé par les lymphocytes, est capable de lier la molécule MECA-367 murine, exprimée par les VEH associées au système muqueux. Le CD44 est également capable de lier l’acide hyaluronique, la fibronectine et le collagène, et pourrait donc jouer un rôle dans l’adhésion à la matrice extracellulaire après la diapédèse [54]. Le système décrit ci-dessus fait intervenir des molécules largement exprimées par différents types de VEH. Or, il a été montré qu’il existait un système d’adressage (homing) lymphocytaire conduisant à une migration préférentielle vers tel ou tel organe. Par exemple, des lymphoblastes stimulés dans les plaques de Peyer migrent préférentiellement vers la lamina propria intestinale, même s’ils peuvent également rejoindre d’autres sites sécréteurs [12]. Des travaux récents, rapportés par Brandtzaeg et al [12, 13], montrent que les cellules endothéliales des veinules de la lamina propria de la muqueuse intestinale expriment la molécule mucosal addressin cell adhesion molecule-1(MAdCAM-1) qui lie l’intégrine a4b7 (mucosal homing receptor, LPAM-1) qui est fortement exprimée par les lymphoblastes B IgA+ stimulés dans les plaques de Peyer. La molécule MAdCAM-1 est également exprimée par les VEH des plaques de Peyer, mais pas par celles des ganglions lymphatiques. MAdCAM-1 représenterait donc un élément d’adressage du système muqueux [13]. Cependant, MAdCAM-1 ne semble pas avoir été retrouvée dans les VEH du tissu conjonctif environnant les glandes salivaires, et le système d’adressage vers ce site sécréteur reste à ce jour encore mal défini.
Après leur stimulation dans les organes associés au tube digestif, les lymphocytes T activés et les lymphoblastes B IgA+ vont migrer vers les sites sécréteurs : lamina propria de la muqueuse intestinale ou glandes exocrines (salivaires, mammaires…). Ces cellules vont quitter leur site de stimulation par les vaisseaux lymphatiques, transiter par le canal thoracique, puis rejoindre la circulation sanguine. Les cellules lymphoïdes quittent la circulation sanguine au niveau des veinules à endothélium haut (VEH) dont les cellules endothéliales spécialisées expriment des molécules membranaires qui permettent le recrutement de leucocytes circulants. Les VEH sont retrouvées dans les organes lymphoïdes périphériques tels que les ganglions lymphatiques, les plaques de Peyer ou les amygdales, et permettent la colonisation de ces organes par des lymphocytes naïfs. La circulation permanente de lymphocytes naïfs ou stimulés permet une surveillance optimale de l’ensemble de l’organisme par les cellules immunitaires. Le recrutement de lymphocytes par les VEH passe par des interactions de molécules membranaires, permettant de fixer les lymphocytes circulants (ralentissement puis arrêt par rapport au flux sanguin) et d’induire leur diapédèse. L’expression membranaire des molécules d’adhésion, sur la cellule endothéliale comme sur les leucocytes, peut être constitutive et/ou inductible (par exemple en cas d’inflammation tissulaire). Différentes chimiokines jouent un rôle important dans l’activation du recrutement leucocytaire. Par exemple, la chimiokine 6-Ckine/secondary lymphoid-organ chemokine (6CK/SLC), de la famille des chimiokines CC, activerait l’adhésion rapide des lymphocytes sur les VEH des organes lymphoïdes périphériques. D’autres chimiokines de la famille CXC, telles que le BCA-1 et SDF-1a ont également été impliquées dans le recrutement des lymphocytes [13]. L’adhésion des lymphocytes aux cellules endothéliales se fait en plusieurs étapes successives : un attachement initial par des interactions sélectine/sucre qui permet le rolling des lymphocytes sur l’endothélium, puis l’établissement de liaisons plus fortes entre des intégrines exprimées par les lymphocytes et des molécules d’adhésion appartenant à la superfamille des Ig exprimées par la cellule endothéliale ; ces interactions fortes permettent l’arrêt des cellules par rapport au flux sanguin. Des molécules chimiotactiques induisent ensuite la diapédèse des cellules fixées. Les molécules membranaires classiquement impliquées dans les interactions fortes lymphocytes/cellules endothéliales sont les suivantes [11, 12, 54] : l’intégrine leucocytaire lymphocyte functionassociated antigen-1(LFA-1) (CD18/11a, aLb2 intégrine) lie les molécules intercellular adhesion molecule-1 (ICAM)-1 (CD54, superfamille des Ig) et ICAM-2 (CD120, superfamille des Ig) exprimées par les cellules endothéliales, l’intégrine very late antigen-4 (VLA)-4 (CD29/49d, a4b1 intégrine) exprimée par les lymphocytes lie la molécule vascular cell adhesion molecule-1 (VCAM)-1 (CD106, 6
¶ Différenciation plasmocytaire, production d’IgA et transcytose Après avoir rejoint le conjonctif périglandulaire, les lymphoblastes IgA + vont se différencier en plasmocytes et sécréter des IgA polymérisées (pIgA), majoritairement dimériques. La différenciation plasmocytaire et la sécrétion d’IgA sont sous la dépendance des cytokines produites localement (cf supra). Une fois libérées dans le conjonctif, les pIgA sont transférées vers la salive par les cellules acineuses ou canalaires. Les cellules des glandes salivaires capables d’effectuer cette transcytose sont celles qui expriment un récepteur spécifique pour les Ig polymérisées (RpIg). Ce récepteur (fig 7) est une glycoprotéine de 100 kD appartenant à la superfamille des Ig. Elle possède cinq domaines extracellulaires stabilisés par des ponts disulfures intracaténaires, un segment membranaire de 23 résidus et une queue cytoplasmique de 103 résidus [41]. En plus des deux ponts S-S classiquement retrouvés, le domaine D5 possède un troisième pont disulfure labile susceptible de former des liaisons covalentes avec une autre chaîne. La transcytose commence par la fixation des pIgA sur le RpIg au pôle basolatéral des cellules acineuses ou canalaires des glandes
Immunité de la cavité buccale
Odontologie/Stomatologie
NH2
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Tissu conjonctif
D1 Domaines extracellulaires
(IgA)2J
D2 649 aa D3
Plasmocyte
D4 D5
RpIg
GOLGI Cellule acineuse ou canalaire
SH SH
Membrane plasmique
23 aa
Domaine intracytoplasmique
103 aa COOH
7
Structure du récepteur aux immunoglobulines polymérisées (RpIg). Ce récepteur est une protéine présentant une partie extracellulaire de 649 acides aminés, un domaine transmembranaire de 23 acides aminés et un domaine intracytoplasmique de 103 acides aminés. La partie extracellulaire est constituée de cinq domaines (D1-D5), stabilisés par des ponts disulfures intracaténaires. Le domaine aminoterminal D1 interagit avec la chaîne J, et permet la fixation du polymère d’immunoglobulines sur le récepteur. Le domaine D5 possède deux cystéines susceptibles de former des liaisons covalentes avec les immunoglobulines fixées au récepteur. aa : acide aminé.
salivaires. Différents travaux expérimentaux ont montré que cette fixation se faisait entre la chaîne J et le domaine D1 du RpIg [31, 62]. Cependant, si la pièce J joue un rôle déterminant dans la phase initiale de liaison, il semble que des interactions non covalentes entre le RpIg et les domaines Ca2 et Ca3 soient également nécessaires [45]. La fixation de pIgA sur le RpIg induit l’endocytose du complexe et son transport vers le pôle apical dans des vésicules à surface lisse [41]. Au cours du transport, le RpIg s’enroule autour du dimère d’IgA, et il se forme un pont disulfure entre les domaines D5 et Ca2. Au pôle apical, la fusion de la membrane vésiculaire avec la membrane plasmique, et le clivage du RpIg à la base de son ancrage membranaire, libèrent l’IgAs dans la lumière de l’acinus ou du canal. La figure 8 résume les étapes de cette transcytose. Le RpIg n’est pas spécifique d’isotype, toute Ig polymérisée associée à une pièce J est donc susceptible de se fixer au récepteur et d’être sécrétée. Ainsi, les IgM peuvent subir une transcytose épithéliale. La sécrétion d’IgM est fonctionnellement importante dans les premiers mois de la vie, avant l’obtention d’un taux optimal d’IgA et chez les individus qui présentent un déficit en IgA, chez lesquels les IgM se substituent aux IgA pour assurer la protection périphérique des muqueuses [45, 46]. FONCTIONS DES IgAs
Les IgAs sont les principaux acteurs de l’exclusion immune, c’est-àdire qu’elles permettent l’élimination spécifique, non inflammatoire, des Ag présents sur les surfaces muqueuses. L’étude de souris knock out pour le RpIg, et donc déficientes en IgAs, a bien montré l’importance de cette protection périphérique [45]. Dans la cavité buccale, les IgAs permettent de maintenir l’équilibre écologique par différents mécanismes : – la fixation des IgAs sur les adhésines bactériennes limite les capacités d’adhésion et de colonisation tissulaire des bactéries ; – les IgAs possèdent quatre sites Ac, et sont donc douées d’un pouvoir agglutinant important. L’agrégation des bactéries favorise leur clairance salivaire ; – les IgAs sont susceptibles de neutraliser les toxines bactériennes par formation de complexes immuns.
RER
Lumière glandulaire
8 Sécrétion et transcytose des immunoglobulines A sécrétoires (IgAs). Après différenciation, les plasmocytes du conjonctif périglandulaire vont sécréter des IgA dimériques associées à une chaîne J ([IgA]2J). Ces polymères d’Ig se fixent sur les récepteurs aux Ig polymérisées (RpIg) exprimés par les cellules acineuses ou canalaires des glandes salivaires. Cette fixation provoque l’endocytose du complexe qui est transporté du pôle basal vers le pôle luminal des cellules. Au cours de la transcytose, le domaine D5 du récepteur se lie par un pont disulfure au domaine Ca2 de l’IgA. Au pôle luminal, le récepteur est clivé à la base de son ancrage membranaire, libérant ainsi dans la salive le complexe [IgA]2J-CS qui constitue l’IgAs. Dans un cadre plus général, il a également été montré que les IgAs pouvaient neutraliser les virus infectant les cellules épithéliales lorsque celles-ci expriment le RpIg [ 11 ] . Si cette fonction a probablement une portée limitée dans la cavité buccale, elle peut s’avérer importante dans d’autres sites sécréteurs, notamment au niveau intestinal.
Tolérance orale La tolérance orale se définit comme la capacité de diminuer ou d’abolir la réponse immunitaire systémique par l’administration orale préalable de l’Ag. Cette tolérance est spécifique de l’Ag. On constate en effet quotidiennement que le système immunitaire associé au tube digestif maintient un état d’équilibre permettant de contrôler l’invasion par des pathogènes, tout en tolérant les Ag alimentaires et ceux de la flore digestive commensale. Les modalités exactes de l’induction de tolérance sont encore mal connues. La nature et la dose de l’Ag, le fond génétique ou l’âge du sujet, la composition de la flore digestive, sont autant de facteurs qui vont influencer la réponse muqueuse. Cependant, différentes données expérimentales indiquent que les lymphocytes T CD4+ joueraient un rôle primordial dans la tolérance à un Ag [60, 65]. En effet, les Th différenciés à partir des T CD4+ sont les principaux activateurs de la réponse immunitaire. Il a été suggéré que les conditions de présentation des Ag à ces lymphocytes T CD4 + induiraient leur activation ou leur blocage. Ainsi, les cellules dendritiques présentes dans les formations lymphoïdes associées au tube digestif joueraient un rôle déterminant dans l’induction d’une réponse active ou d’une tolérance. Les CPA sont capables de stimuler les lymphocytes T CD4+ en leur présentant un Ag associé aux molécules de classe II du CMH, et en exprimant les molécules B7.1/B7.2 (CD80/CD86) qui interagissent avec le CD28 exprimé par le T CD4+. Le cosignal délivré par l’interaction B7.1/B7.2-CD28 est nécessaire à l’activation des T. En cas d’absence ou d’insuffisance de ce cosignal, les lymphocytes T CD4+ seraient orientés vers une voie tolérogène plutôt qu’activatrice [60]. L’expression membranaire de B7.1/B7.2 par les CPA serait dépendante de l’environnement en cytokines ou en d’autres facteurs inflammatoires. La tolérance T peut être due à une délétion, une anergie ou une suppression active des cellules. Le mécanisme de la tolérance 7
Immunité de la cavité buccale
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dépend de la dose d’Ag : de fortes doses induisent une délétion ou une anergie, alors que de faibles doses induisent une suppression active par des cellules T régulatrices [65]. Il est intéressant de noter qu’un facteur comme le TGFb est à la fois considéré comme un immunosuppresseur et un activateur de la commutation vers IgA, et donc de la réponse sécrétoire. L’hypothèse selon laquelle la voie buccale peut en même temps induire une réponse protectrice périphérique muqueuse et une tolérance systémique pourrait être particulièrement intéressante, puisque cette voie permettrait à la fois de protéger l’hôte contre la colonisation et l’invasion par les pathogènes, et de limiter le développement d’une réponse immunitaire générale potentiellement dangereuse [17]. Par ailleurs, il a été suggéré que des lymphocytes Tcd joueraient un rôle important dans la régulation de l’induction d’une tolérance orale [24, 34], sans que le mode d’action de ces cellules n’ait été décrit. L’utilisation de la voie buccale est envisagée pour traiter des pathologies immunitaires comme les maladies auto-immunes [65] ou les hypersensibilités, mais également pour le développement de nouveaux vaccins anti-infectieux [17]. Des travaux menés dans le cadre de l’allergie aux métaux ont étudié les possibilités de tolériser un animal ou de désensibiliser des individus allergiques par voie buccale. La tolérance au cuivre obtenue chez le cobaye est dépendante de la dose et de son fractionnement : une dose tolérogène unique induit une meilleure tolérance que la même dose fractionnée en plusieurs injections [64]. Chez l’être humain, il a été suggéré que le port d’un appareil orthodontique préalablement au percement des oreilles serait un facteur protecteur vis-à-vis du développement d’une allergie au nickel [63]. Cependant, les essais cliniques de désensibilisation par ingestion de sels de nickel ont donné des résultats variables [1].
Immunité buccale et carie dentaire PATHOLOGIE CARIEUSE
La carie dentaire est une destruction des tissus dentaires minéralisés d’origine bactérienne. Les bactéries cariogènes sont capables d’adhérer à la surface dentaire et/ou à la plaque dentaire, et possèdent un métabolisme fermentaire qui conduit à la libération d’acide lactique par fermentation des sucres d’origine alimentaire. Cette libération d’acide lactique entraîne la déminéralisation de l’émail et de la dentine, et donc le développement de la lésion carieuse. Cependant, si la présence de bactéries cariogènes est nécessaire au développement de la lésion carieuse, il est reconnu que la carie dentaire est une pathologie multifactorielle dans laquelle le facteur alimentaire et l’hôte sont des éléments déterminants. Les bactéries reconnues comme les facteurs étiologiques de la carie dentaire ont été successivement Steptococcus mutans et des lactobacilles. Il est maintenant admis que les streptocoques du groupe mutans, en particulier S. sobrinus et S. mutans, jouent un rôle majeur dans l’initiation et le développement du processus carieux [23]. Cependant, ces bactéries sont des constituants habituels de la flore buccale, et la carie dentaire ne se développe que lorsqu’il existe un déséquilibre entre la prolifération de ces micro-organismes et les capacités d’élimination de l’hôte. Généralement, le facteur alimentaire est un élément décisif : une alimentation sucrée, en de multiples prises, favorise le développement carieux. Soulignant l’importance du facteur alimentaire, Bowen [9] décrit cette pathologie comme a dieto-bacterial disease. En plus du facteur alimentaire, un déséquilibre salivaire quantitatif ou qualitatif peut être associé au développement carieux. D’un point de vue immunitaire, la protection contre la carie dentaire relève avant tout de l’exclusion immune. En effet, la déminéralisation des tissus dentaires commence en périphérie, par une atteinte amélaire, pour se propager dans la dentine et finalement atteindre la pulpe. La première protection contre la carie est donc représentée par l’ensemble des facteurs limitant la colonisation des tissus dentaires par les bactéries cariogènes. Nous avons vu que ces 8
Odontologie/Stomatologie
facteurs sont non spécifiques et spécifiques, et que les acteurs les plus puissants de l’immunité spécifique buccale sont les IgAs. Il a également été suggéré que des IgG d’origine sérique pourraient jouer un rôle. Dans la salive, les IgG sont en quantité beaucoup moins importante que les IgAs, et ont un pouvoir agglutinant plus faible ; leur efficacité est donc très limitée. Cependant, ces Ig pourraient moduler la colonisation bactérienne pendant l’éruption, lorsque la couronne émerge de la gencive et qu’elle est donc en contact direct avec l’exsudat gingival d’origine sérique [53]. La présence d’IgG dans les canalicules dentinaires a été montrée, mais la possibilité que ces Ig puissent limiter l’invasion bactérienne de la dentine en limitant l’adhésion sur le collagène n’a pas été évaluée [53]. VACCINATION ANTICARIE
Les premiers essais de vaccination contre la carie dentaire chez l’animal datent de la fin des années 1960 [8] et se sont ensuite largement développés. Le premier intérêt de ces études a été d’établir le rôle déterminant de S. mutans dans l’induction de la carie, et de démontrer le rôle protecteur des IgAs. En 1990, Michalek et al [42] chez l’animal et Childers et al [15] chez l’homme ont étudié la possibilité d’induire des IgAs contre le carbohydrate définissant les sérotypes de S. mutans. Le modèle animal montre que l’immunisation par voie buccale ou gastrique avec le carbohydrate inclus dans des liposomes induit une réponse IgAs qui réduit la présence de S. mutans dans la plaque, ainsi que l’activité carieuse [42]. Actuellement, les recherches concernant le développement d’un vaccin contre la carie dentaire s’orientent d’une part vers l’identification du ou des meilleurs Ag permettant d’induire une protection sans risque pour l’individu, et d’autre part évaluent les conditions vaccinales (adjuvants, voie d’inoculation…) nécessaires à l’obtention d’une réponse protectrice efficace. Compte tenu de l’existence d’autres méthodes de prévention de cette pathologie, il est également nécessaire de se poser la question de l’intérêt d’une telle vaccination. L’identification des Ag pouvant induire une réponse protectrice découle des connaissances acquises sur le développement de la lésion carieuse. L’Ag I/II est une adhésine de la surface de S. mutans qui permet son adhésion sur la pellicule acquise recouvrant la surface de l’émail. L’Ag I/II permet également l’adhésion de S. mutans sur d’autres micro-organismes préalablement fixés sur la surface dentaire (colonisateurs précoces). Cette coagrégation bactérienne se développe par l’intermédiaire de protéines salivaires qui forment des ponts entre les adhésines des colonisateurs précoces et l’Ag I/II de S. mutans [23]. L’AgI/II possède aussi la capacité de lier le collagène et d’autres molécules de la matrice extracellulaire, ce qui contribuerait à l’invasion dentinaire [23]. L’ensemble de ces caractéristiques fait de l’AgI/II un bon candidat comme Ag vaccinal. De plus, il a été montré que des IgAs anti-Ag I/II inhibent la fixation de l’Ag I/II et de S. mutans sur de l’hydroxyapatite recouverte de salive [23]. Par ailleurs, le développement de la plaque bactérienne s’accompagne de l’accumulation de S. mutans par un mécanisme d’adhésion saccharose-dépendant. Des glucosyltransférases (GTF) présentes sur la face externe de la paroi de S. mutans participent à la synthèse de glycans extracellulaires. Ces enzymes catalysent l’hydrolyse du saccharose libérant du glucose et du fructose, et le transfert du glucose vers la molécule de glycan en formation. Les GTF permettent la fixation de S. mutans aux glycans extracellulaires par une liaison enzyme/substrat. S. mutans et S. sobrinus possèdent différentes GTF qui produisent différents types de glycans solubles et insolubles. Les glycans insolubles semblent plus directement impliqués dans le pouvoir cariogène. D’autres protéines, les glucan binding proteins (GBP), qui ne possèdent pas d’activité enzymatique mais un site de liaison aux glycans, permettent l’adhésion de S. mutans sur les glycans extracellulaires. L’accumulation saccharose dépendante jouant un rôle déterminant dans le développement d’une plaque cariogène, les facteurs qui favorisent cette accumulation, tels que GTF et GBP, sont d’autres Ag candidats pour une vaccination. Il a été montré que des IgAs provenant de salive humaine neutralisent l’activité enzymatique de la GTF [59].
Odontologie/Stomatologie
Immunité de la cavité buccale
La voie d’inoculation de la solution vaccinale détermine le type de réponse immunitaire. Dans le cas d’une vaccination anticarieuse, le but est d’obtenir des IgAs salivaires limitant la colonisation des surfaces dentaires par les bactéries cariogènes et/ou le développement d’une plaque cariogène. L’obtention d’IgAs passe par la stimulation du système immunitaire associé aux muqueuses. La stimulation par voie orale semble la plus évidente, et différents travaux ont montré que cette voie permettait d’obtenir des IgAs salivaires spécifiques de l’Ag vaccinal [15, 42]. Cependant, la voie nasale a également été évaluée et semble potentiellement intéressante [53]. Des études chez les rongeurs ont montré que la voie nasale pouvait être plus efficace que la voie buccale pour obtenir des IgAs salivaires [53]. Chez l’homme, la voie nasale permet la stimulation de tissus lymphoïdes de l’anneau de Waldeyer, et il a été suggéré que les lymphoblastes stimulés dans ces tissus, notamment dans les amygdales palatines, étaient susceptibles de migrer vers un site effecteur associé aux glandes salivaires [28]. La forme vaccinale est également importante : la stimulation par des Ag solubles est souvent peu efficace, voire tolérogène (cf supra), et il est nécessaire de conditionner l’Ag avec un adjuvant et/ou un système d’enrobage. La toxine cholérique est un puissant adjuvant de l’immunité muqueuse qui a montré son efficacité chez l’animal. Cependant, elle ne peut être utilisée telle quelle chez l’homme du fait de sa toxicité. Des progrès technologiques récents permettent de produire une protéine recombinante contenant le site de liaison de la toxine cholérique au ganglioside (site actif du pouvoir adjuvant), et dépourvue de la sous-unité toxique. L’activité adjuvante de cette toxine recombinante a été montrée chez l’animal, et est donc une voie intéressante pour la vaccination humaine [23]. L’enrobage dans les liposomes [42] ou des microsphères permettant de délivrer l’Ag sous une forme particulaire a également montré son efficacité, probablement en protégeant l’Ag de la dégradation gastrique, et en favorisant sa capture par les cellules M. Des études récentes ont établi que l’encapsulation de l’Ag dans des liposomes ou des microsphères en association avec un adjuvant donnait des réponses en IgAs salivaires satisfaisantes chez la souris [23]. L’inclusion d’Ag vaccinaux dans des vecteurs microbiens tels que la forme avirulente de S. typhimurium est également à l’étude [23]. Dans le cas de maladies infectieuses, le protocole vaccinal classique avec plusieurs injections intramusculaires ou sous-cutanées de l’Ag va induire une réponse humorale et cellulaire secondaire et une mémoire immunitaire durable (rappels tous les 5 à 10 ans). Dans le cas d’une stimulation muqueuse, il a été montré qu’il existait une production d’IgAs spécifiques de l’Ag en réponse à la stimulation, mais la cinétique de la réponse secondaire et l’existence d’une mémoire durable ne sont pas démontrées. Ainsi, on peut penser qu’une stimulation muqueuse ne protège l’individu que pendant une courte période, par rapport aux durées habituellement attendues dans le cas de vaccinations classiques. De plus, il n’a jamais été établi que les individus qui présentent un indice carieux élevé possèdent une moins bonne réponse sécrétoire que les individus exempts de lésion carieuse. Par ailleurs, Brandtzaeg et al [13] insistent sur le fait que le système sécrétoire spécifique protège les muqueuses, en association avec les facteurs immunitaires non spécifiques. À la lumière de l’ensemble de ces données, on peut penser que l’intérêt de la vaccination anticarieuse n’est pas démontré et que la carie dentaire peut être prévenue par des moyens plus simples, tels que l’hygiène buccale et la réduction du nombre de prises et de la consommation globale de saccharose. Cependant, dans une revue récente, Hajishengallis et Michalek [23] décrivent une fenêtre d’infectiosité par S. mutans située entre 19 et 31 mois, avec un âge moyen de 26 mois, et montrent que l’infection précoce (autour de 2 ans) par S. mutans n’est corrélée avec un indice carieux à 4 ans plus sévère que lorsque l’infection est plus tardive. Ces auteurs proposent donc de « protéger » la période correspondant à cette fenêtre d’infectiosité par une vaccination, afin d’abolir ou de retarder la colonisation des dents par ces bactéries cariogènes. De plus, ces auteurs proposent une seconde période de vaccination pour protéger la période d’éruption des dents permanentes. La première immunisation serait donc donnée vers 13 ou 14 mois, et la
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seconde peu après l’âge de 5 ans. Cette vaccination ne serait proposée qu’à des individus reconnus comme à risque élevé : individus incapables de réaliser une hygiène buccale satisfaisante, individus présentant des défauts de structure de l’émail, enfants dont les mères ont un fort taux salivaire de S. mutans, classes socioéconomiques défavorisées [23]. En tout état de cause, il est nécessaire de prendre en compte le fait que la maladie carieuse ne met pas en jeu un pronostic vital, et donc que le risque vaccinal doit être négligeable. Dans les premiers protocoles vaccinaux, il avait été rapporté que des lapins hyperimmunisés avec des streptocoques mutans pouvaient développer une réponse contre des antigènes exprimés par le muscle cardiaque. Les Ag vaccinaux préconisés dans les nouveaux protocoles ne présenteraient pas ce risque [23]. De plus, un vaccin anticarieux doit être spécifique des bactéries cariogènes afin de ne pas déséquilibrer la flore commensale de la cavité buccale. En effet, il est admis que la flore commensale d’une niche écologique constitue l’un des éléments de l’équilibre écologique local et de la prévention contre l’installation des pathogènes. Cela a d’ailleurs été souligné dans le cas de la carie dentaire, puisque les auteurs qui préconisent une immunisation avant l’éruption des dents insistent sur le fait que protéger la période d’éruption permet d’une part que les couronnes dentaires soient colonisées par d’autres microorganismes moins - ou pas - cariogènes, ce qui pourrait rendre plus difficile la colonisation par S. mutans, et d’autre part que la maturation postéruptive de l’émail puisse se faire en l’absence des principales bactéries cariogènes [23].
Immunité du parodonte Les tissus parodontaux sont avant tout protégés par les médiateurs spécifiques (IgAs) et non spécifiques du système périphérique qui limitent la colonisation tissulaire par les bactéries de la cavité buccale. En cas de déséquilibre écologique (consommation fréquente de sucres, absence d’hygiène, déficit salivaire qualitatif ou quantitatif…), la flore buccale peut proliférer et envahir les tissus. L’invasion bactérienne des tissus parodontaux peut résulter d’une destruction dentaire (carie) avec infection pulpaire puis périapicale, ou de la prolifération d’une plaque sous-gingivale qui conduit à l’infection du parodonte par voie sulculaire. Dans tous les cas où il y a une infection bactérienne tissulaire, il existe une réponse inflammatoire locale et une stimulation de l’immunité spécifique générale dont les médiateurs participent à la réponse locale. L’inflammation contribue à protéger l’organisme de l’infection ; dans la majorité des cas, la lésion reste circonscrite au site infectieux. Cependant, l’association infection-inflammation s’accompagne d’une altération tissulaire locale qui peut, dans le cas du parodonte, conduire à une destruction osseuse et une perte d’attache. Cet exposé s’intéresse aux mécanismes immunitaires impliqués dans la réponse antibactérienne, et aux données actuelles sur leur implication dans différentes pathologies parodontales. IMMUNITÉ ANTIBACTÉRIENNE
Les bactéries qui pénètrent dans un tissu traversent le revêtement épithélial pour atteindre le tissu conjonctif. L’épithélium de recouvrement est constitué de kératinocytes et de cellules non kératinocytaires, parmi lesquelles on retrouve des cellules infiltrées qui proviennent de la circulation sanguine via le tissu conjonctif : les cellules de Langerhans et les lymphocytes Tcd. Lorsque les bactéries pénètrent dans le tissu conjonctif, elles induisent une réponse inflammatoire locale non spécifique, et une réponse immunitaire spécifique dans les organes lymphoïdes drainant le territoire infecté. Ces deux voies de l’immunité agissent en synergie pour circonscrire l’infection et éliminer les bactéries. Deux mécanismes principaux permettent l’élimination des bactéries : les protéines du complément et la phagocytose par les macrophages, et les polynucléaires neutrophiles. 9
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¶ Cellules de Langerhans Les cellules de Langerhans sont des cellules issues de la lignée monocyte/macrophage qui infiltrent les épithélia de la peau et des muqueuses. Elles sont identifiables morphologiquement en microscopie électronique par la présence de granules de Birbeck. Ces cellules expriment des molécules de classe I et de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Leur principale fonction est de présenter les antigènes aux lymphocytes T dans les organes lymphoïdes secondaires. Ainsi, après avoir capturé l’Ag, ces cellules migrent de l’épithélium vers le conjonctif, puis, par les vaisseaux lymphatiques, jusqu’aux ganglions lymphatiques. Les épithélia des muqueuses buccales possèdent de 160 à 550 cellules de Langerhans par mm2, en fonction de leur degré de kératinisation, et le nombre de ces cellules augmente en cas d’inflammation [58].
¶ Lymphocytes Tcd Deux sous-populations de lymphocytes T se distinguent par leur récepteur pour l’Ag (TCR) : les lymphocytes Tab et les lymphocytes Tcd. Les lymphocytes Tcd sont très minoritaires dans le sang circulant et sont retrouvés principalement dans les épithélia de la peau et des muqueuses. Les Tcd périphériques sont majoritairement CD4−, CD8− (doubles négatifs), alors que la muqueuse intestinale humaine contient des lymphocytes Tcd intraépithéliaux CD8+, mais dont le CD8 est un homodimère aa contrairement à sa forme habituelle ab. Les lymphocytes Tcd CD4+ sont extrêmement rares. Les Tcd reconnaissent l’Ag indépendamment des molécules de classe I ou de classe II du CMH, et les modalités de la reconnaissance par le TCRcd seraient plus proches de celles des Ig que de celles du TCRab [14] . Les Tcd seraient susceptibles de reconnaître des protéines de stress et représenteraient une première ligne de défense lorsque l’épithélium est altéré. Différents mécanismes effecteurs ont été décrits pour les Tcd [32] : d’une part ces cellules sont capables de produire différentes cytokines telles que IFNc, IL4, tumor necrosis factor a (TNFa) et d’autre part des Tcd stimulés en culture peuvent devenir cytotoxiques. Certains travaux ont montré qu’il existait peu de Tcd dans la gencive saine [33], mais que leur proportion augmentait avec l’augmentation de l’infiltrat inflammatoire en cas de gingivite ou de parodontite [21].
¶ Système du complément Le système du complément comprend neuf protéines (C1 à C9) activées en cascade par une voie spécifique (voie classique) ou non spécifique (voie alterne et voie des lectines). La voie classique commence par l’activation du C1 par un complexe Ag/Ac lorsque les anticorps (Ac) sont des IgM, des IgG1 ou des IgG3. La voie alterne permet une activation directe du C3 ; elle peut être activée par différents stimuli, dont le LPS de la paroi des bactéries à Gram négatif et les acides téichoïques de la paroi des bactéries à Gram positif . Dans l’ordre où elle se produit, l’activation des facteurs C2, C4, C3 et C5 se fait par clivage des composés inactifs en deux fragments : C2→C2a + C2b, C4→C4a + C4b, C3→C3a + C3b, C5→C5a + C5b. Les molécules C3a, C4a et C5a sont des anaphylatoxines libérées lors de l’activation, qui participent à l’inflammation en augmentant directement et indirectement la perméabilité vasculaire et le chimiotactisme des polynucléaires. Les autres composants se fixent sur les membranes cellulaires ou les parois bactériennes, et participent à la cascade d’activation qui conduit à la formation du complexe d’attaque membranaire qui perfore les membranes cellulaires. Le complexe d’attaque membranaire est constitué par plusieurs unités de C9 (au minimum six) qui s’associent aux composants C6, C7 et C8 activés fixés sur une membrane, s’insèrent dans la bicouche phospholipidique de cette membrane et forment des pores. La perforation de la membrane plasmique par le complexe d’attaque membranaire entraîne la mort de la cellule. Les bactéries possèdent une paroi qui recouvre la membrane plasmique, et dont la structure distingue les bactéries à Gram positif et à Gram négatif. La paroi des bactéries à Gram positif est constituée d’un peptidoglycan épais sur lequel le complexe d’attaque membranaire n’a aucun effet. La paroi des 10
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bactéries à Gram négatif est formée d’un peptidoglycan fin recouvert par une membrane externe constituée de phospholipides et de LPS. Les bactéries à Gram négatif sont donc susceptibles d’être atteintes par le complexe d’attaque membranaire du complément. Cependant, certaines bactéries à Gram négatif résistent à l’action lytique du complément. En particulier, Wilson et Genco [66] ont montré que Actinobacillus actinomycetemcomitans activait la voie alterne du complément par son LPS, mais n’était pas sensible au complexe d’attaque membranaire. En effet, certaines bactéries à Gram négatif possèdent un système de résistance à la lyse complémentaire par altération de l’assemblage C5-C9 à la surface de la paroi bactérienne, ou par inhibition de l’insertion du complexe d’attaque membranaire dans la membrane externe. Ainsi, il a été montré que les chaînes latérales du LPS pouvaient agir sur ces deux voies. De même, l’insertion du complexe d’attaque membranaire est prévenue par la présence d’une capsule chez les souches encapsulées. Certaines protéines insérées dans la membrane externe seraient également susceptibles d’altérer l’assemblage C5-C9 par un mécanisme analogue à celui de la protectine humaine (CD59), dont le rôle est de protéger les cellules de l’organisme de l’action lytique du complément [52]. En plus du complexe d’attaque membranaire, le système du complément participe à l’immunité antibactérienne par les anaphylatoxines libérées (C3a, C4a et C5a) et par le C3b qui est une opsonine non spécifique (cf infra). L’opsonisation par le C3b est un élément essentiel de la défense antibactérienne, en particulier pour les bactéries à Gram positif qui sont insensibles au complexe d’attaque membranaire. Il a été montré que certains facteurs de virulence des bactéries à Gram positif agissaient en altérant cette opsonisation. Ainsi, la présence d’une capsule prévient l’opsonisation médiée par le C3b, et la protéine M de S. pyogenes diminue les capacités de fixation du C3b sur la paroi, ainsi que la liaison du C3b sur son récepteur à la surface des polynucléaires neutrophiles [43]. Le système du complément est donc activé par une voie non spécifique et une voie spécifique. Lors d’un premier contact avec un antigène, la voie non spécifique est activée en premier ; la voie spécifique n’est activée que lorsque les Ig reconnaissant l’Ag sont produites, c’est-à-dire quelques jours plus tard. Lors d’un deuxième contact avec le même Ag, les Ac susceptibles de former des complexes immuns sont présents ou apparaissent très rapidement, et les deux voies d’activation sont déclenchées presque simultanément, la réponse est donc plus efficace.
¶ Phagocytes Les deux catégories cellulaires susceptibles de phagocyter et de détruire les bactéries sont les macrophages et les polynucléaires neutrophiles. Ces cellules sont non spécifiques et naturellement capables de phagocytose, mais leurs capacités de phagocytose sont fortement potentialisées par certaines molécules. Ce mécanisme d’amplification de la phagocytose est connu sous le terme d’ « opsonisation », et les molécules facilitantes sont appelées « opsonines ». L’opsonisation peut être spécifique ou non spécifique ; les opsonines sont, soit des IgG, soit le C3b. Wilson et Genco [66] ont montré que l’élimination d’A. actinimycetemcomitans nécessitait la présence de polynucléaires neutrophiles, et que cette élimination était optimale en présence de C3b et d’IgG spécifiques. La synergie entre les mécanismes non spécifiques et spécifiques est donc également retrouvée pour l’activation des phagocytes ; un individu préalablement stimulé qui a développé une réponse spécifique répond plus rapidement et plus efficacement qu’un individu non immunisé. IMMUNITÉ ET MALADIES PARODONTALES
La maladie parodontale apparaît lorsqu’une flore parodontopathique s’accumule dans le sillon gingivodentaire et induit une inflammation gingivale persistante. Elle se traduit par une destruction de l’os alvéolaire, une diminution de l’attache qui peut aller jusqu’à la perte de la dent. Il est admis que le facteur
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bactérien est indispensable et déclenche le processus qui conduit à la maladie. Cependant, la présence de bactéries parodontopathiques et de leurs facteurs de virulence ne suffit pas à expliquer la résorption osseuse, même si ceux-ci y contribuent. La destruction osseuse est attribuée au développement exagéré et/ou à la persistance d’une réponse inflammatoire de l’hôte, en réponse à l’infection bactérienne. La réponse inflammatoire est une réponse normale qui tend à circonscrire l’infection et à éliminer les pathogènes, mais qui peut aussi entraîner une destruction locale des tissus infectés. Ainsi, chez des individus immunocompétents, les atteintes parodontales sont rarement associées à une altération de l’état général, mais peuvent se traduire par une destruction importante de l’os alvéolaire. La résorption osseuse est un phénomène physiologique normalement compensé par une apposition. L’os alvéolaire est normalement remanié avec une alternance des phases de résorption ostéoclastique et d’apposition ostéoblastique. Ces mécanismes physiologiques sont largement contrôlés par différentes hormones et des cytokines dont certaines sont directement synthétisées par des cellules immunitaires spécifiques et non spécifiques [2]. L’IL1, l’IL6 et le TNFa ont été clairement associés à l’activation de la résorption osseuse. Graves [22] rapporte que, dans un modèle de parodontite expérimentale chez le singe, l’inhibition du TNFa et de l’IL1 entraîne une diminution de 56 à 80 % du recrutement de cellules inflammatoires dans le conjonctif gingival, une diminution de 67 % du nombre d’ostéoclastes et une diminution de 60 % de la résorption osseuse. Le TNFa et l’IL1 n’agissent pas directement sur la résorption osseuse mais modulent l’expression de chimiokines et de molécules d’adhérence. Ainsi, la production de la chimiokine macrophage chemoattractant protein 1 (MCP-1) est activée par le TNFa et l’IL1. Cette chimiokine est produite par des monocytes, des cellules endothéliales et des ostéoblastes stimulés par certaines infections bactériennes ; elle active le recrutement tissulaire de monocytes circulants et pourrait donc contribuer à l’inflammation locale et à la destruction de l’os alvéolaire [22]. Les cellules de la lignée monocyte/macrophages joueraient donc un rôle important en produisant de l’IL1 et du TNFa. Les polynucléaires neutrophiles sont considérés comme protecteurs car ils permettent l’élimination des bactéries pathogènes. Cependant, ils sont aussi capables de sécréter de l’IL1 et du TNFa. Différentes études dans le cas de parodontite apicale après infection pulpaire [39]
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ou dans un modèle murin d’infection par P. gingivalis [2] semblent montrer un effet globalement protecteur de ces cellules. Ceci est en accord avec le fait qu’un déficit qualitatif ou quantitatif des neutrophiles est associé à une plus grande fréquence et une plus grande sévérité des parodontopathies ; par exemple, la parodontite juvénile localisée a été associée à un défaut du chimiotactisme des neutrophiles. Les lymphocytes Th participent à la régulation de la réponse inflammatoire par leur sécrétion de cytokines. L’IL6 sécrétée par les Th2 est un activateur de la résorption osseuse [2]. Il a été montré que des souris knock out pour IL6 ou déficientes en T CD4 + ne présentaient pas de perte osseuse après infection par P. gingivalis [3]. De plus, les lymphocytes T activés peuvent exprimer le RANKligand, une protéine normalement exprimée par les ostéoblastes, et qui participe au recrutement des précurseurs des ostéoclastes en se liant à la protéine RANK [2]. Les lymphocytes T pourraient donc participer à la résorption osseuse, indirectement par la sécrétion d’IL6, et directement par le recrutement de précurseurs ostéoclastiques. Les parodontites sont associées à une augmentation du taux d’IgG sériques contre P. gingivalis et/ou A. actinomycetemcomitans [67] qui est corrélé avec celui du fluide gingival [36], ce qui traduit l’existence d’une réponse humorale systémique à l’infection bactérienne. Il a été montré que des cellules sécrétant des Ac spécifiques pouvaient également être isolées de la gencive enflammée [47]. Ces Ac ont un rôle protecteur en participant aux mécanismes de défense antibactérienne. Cependant, une activation polyclonale de lymphocytes B a été décrite dans l’infiltrat inflammatoire, sans que le rôle exact de cette activation non spécifique soit déterminé. En conclusion, la maladie parodontale est une maladie infectieuse d’origine bactérienne. Les réponses inflammatoires et immunitaires spécifiques sont des réactions physiologiques à une invasion tissulaire par des micro-organismes, et elles permettent de circonscrire l’infection en périphérie. Cependant, certains facteurs libérés lors de ces réactions peuvent contribuer à la destruction des tissus parodontaux. Les travaux portant sur les mécanismes de régulation des réponses inflammatoires et immunitaires devraient apporter une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques et contribuer à la prévention de ces maladies, d’autant plus que leur caractère familial laisse supposer l’existence de prédispositions génétiques.
Références ➤
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-009-B-10
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Phonation et orthodontie E Ameisen C Auclair-Assad ML Rolland
Résumé. – Les muscles de la sphère orofaciale jouent un rôle dans l’articulation des sons, dans la mimique, mais aussi dans la morphogenèse des arcades dentaires, d’où la relation étroite entre la phonation et l’orthopédie dento-maxillo-faciale. Ce rôle a été mis en évidence par l’examen aux jauges d’extensométrie. Il est primordial, devant tout trouble d’articulé, de faire un examen clinique complet et de rechercher des anomalies fonctionnelles responsables. Un traitement étiologique bien conduit, éducation de la musculature, doit être entrepris, l’âge idéal du patient étant de 8 à 12 ans pour obtenir une automatisation des praxies de phonation (et de déglutition) afin d’éviter une récidive. Ce ne sont pas les anomalies d’articulé dentaire qui sont responsables des anomalies d’articulation des consonnes, mais l’inverse. Alors que les troubles audibles motivent souvent des consultations en orthophonie, ce sont les troubles non audibles, le plus souvent, qui entraînent des anomalies d’articulé. D’autre part, le dépistage systématique des troubles de la phonation ne signifie pas toujours éducation. Certaines positions d’articulation des sons vont dans le sens des compensations alvéolaires d’un décalage des bases : on se garde de les corriger. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : phonation, orthodontie, sons, praxies, jauges d’extensométrie, orthophonie.
Introduction La phonation est une fonction à but de communication. Elle nécessite la participation de plusieurs unités anatomiques, permettant tout d’abord l’inspiration, puis l’expiration de l’air plus ou moins modulées, aboutissant à la formation de phonèmes. Ce sont les muscles de la cavité buccopharyngée qui permettent de transformer cet air expiré en sons audibles et compréhensibles. Or, les muscles de la sphère buccale, par l’intermédiaire des pressions qu’ils exercent sur les dents, vont modeler la forme des procès alvéolaires. Ces muscles agissent aussi pendant le temps de déglutition et en position de repos. Le temps de déglutition a déjà fait l’objet d’une étude par Deffez [18] et ne sera donc pas détaillé dans ce chapitre. Nous nous attacherons à la phonation tout en sachant qu’il faut garder présent à l’esprit que déglutition et phonation font partie d’un ensemble de fonctionnement. Il est important de noter que les anomalies orthodontiques cliniquement visibles, dans le cas où elles seraient imputables à des anomalies de la phonation, ne sont pas audibles. C’est dire l’importance de l’examen clinique précis dans l’étude de la phonation. Celle-ci est indispensable dans le cadre d’un diagnostic
Eva Ameisen : Professeur adjoint du département d’orthodontie pédiatrique de l’UFR de stomatologie de la Pitié-Salpêtrière, chef de service de l’Institut George Eastman, 11, rue George-Eastman, 75013 Paris, France. Catherine Auclair-Assad : Chef de département d’orthodontie pédiatrique de l’UFR de stomatologie de la Pitié-Salpêtrière. Marie-Laure Rolland : Professeur adjoint du département d’orthodontice pédiatrique de l’UFR de stomatologie de la Pitié-Salpêtrière. Département d’orthodontie pédiatrique de l’UFR de stomatologie de la Pitié-Salpêtrière.
orthodontique, pour permettre un traitement étiologique bien conduit et en améliorer le pronostic, en assurant sa stabilité par une éducation.
Anatomie Deux caractères anatomiques méritent d’être soulignés. D’une part, il faut, bien plus que ne le font les descriptions anatomiques, distinguer les « procès alvéolaires », gaine osseuse qui entoure les racines dentaires, du corps des maxillaires. Alors que le corps des maxillaires appartient au squelette, les procès alvéolaires dépendent des dents : ils se forment lors de l’éruption dentaire et se résorbent après leur chute. Il n’existe pas de procès alvéolaire chez l’anodonte et ils se résorbent chez l’édenté. Produits par l’activité ostéogénique des ligaments qui se comportent comme un périoste, ils font partie du système dentaire et ne donnent insertion à aucune fibre musculaire. Les lésions de l’os alvéolaire appartiennent à la pathologie du système dentaire. D’autre part, les muscles de la cavité buccale peuvent être répartis en deux groupes d’après leur rapport avec le système dentaire : les muscles de la sangle labiojugale sont situés en dehors, et ceux de la langue en dedans. Cette disposition évoque la notion d’un antagonisme entre ces deux groupes de part et d’autre des procès alvéolaires. Mais il ne s’agit pas d’un antagonisme vrai comme il en existe au niveau des os longs des membres car dans le tronc cérébral, le noyau XII est situé sur le prolongement de la colonne somitique motrice alors que les noyaux du IX, du VII et du V moteur sont situés dans le prolongement de la colonne branchiomotrice. Ce « pseudoantagonisme » est à l’origine d’une pathologie particulière du système dentaire.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ameisen E, Auclair-Assad C et Rolland ML. Phonation et orthodontie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-009-B-10, 2003, 10 p.
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EMC [257]
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A
I
Rappel de physiologie La phonation est un phénomène très complexe qui intéresse les poumons, le pharyngolarynx, les cavités sus-glottiques, nasales, la cavité buccale (langue, dents, joues et lèvres) [16].
OU
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1
Langue pour A, I, OU. Position de la langue pour l’articulation des A, I, OU.
est une consonne sourde émise sans vibration du larynx, alors que « B » est une consonne sonore émise avec vibration du larynx. Les phonèmes se classent en voyelles et en consonnes. Les voyelles sont des sons musicaux. Les consonnes sont des bruits ou sons amusicaux auxquels sont parfois associés des sons musicaux.
¶ Voyelles SONS PRIMAIRES
Ils se forment au niveau du pharyngolarynx. Ils sont modifiés dans leur timbre en traversant les cavités sus-glottiques et parfois nasales et transformés en phonèmes au niveau de la cavité buccale. L’oreille, récepteur des sons, transmet au système nerveux les informations qui permettent de modifier et d’ajuster les sons. – L’émission des sons est possible grâce à la mise en vibration de l’air sous-glottique au niveau du larynx [27]. – Jusqu’en 1950, la théorie myoélastique d’Ewald affirmait que le jet d’air venu de la sous-glotte était le générateur du son. La vibration des cordes vocales qui se comporteraient comme des « anches à bourrelet » se ferait sous la pression de l’air expiré. – À cette théorie s’oppose la théorie neurochronaxique exposée par Husson [26, 31]. Les vibrations des cordes vocales ne sont pas créées mécaniquement par le passage du jet d’air, mais provoquées par la contraction des muscles du larynx qui reçoivent des influx nerveux transmis par les nerfs récurrents. Ce sont des influx moteurs issus du système nerveux central transmis par les nerfs récurrents qui provoquent la contraction des muscles thyroaryténoïdiens internes. Cette contraction attire les cordes en dehors et la glotte s’ouvre en laissant passer un jet d’air sous-glottique. L’influx nerveux de courte durée disparaît. La contraction musculaire cesse et les cordes vocales reviennent à leur position antérieure. La glotte se ferme pour se rouvrir lors du passage de nouveaux influx nerveux. La fréquence des stimuli détermine la fréquence des vibrations et donc la hauteur du son laryngé. L’intensité du son dépend de la puissance du jet d’air expiré. Le timbre du son, correspondant à sa richesse plus ou moins grande en harmoniques, est déterminé par le tonus des cordes vocales. Le son primaire laryngé est ensuite modifié par son passage dans une série d’organes qu’il va traverser.
Les voyelles sont prononcées voile fermé. Nous avons vu que le son laryngé primaire est chargé d’un certain nombre d’harmoniques qui déterminent le timbre. C’est par le timbre que les voyelles se reconnaissent. Le renforcement des harmoniques se fait au niveau de deux zones qui sont des caisses de résonance : la cavité buccale pour le formant aigu et la cavité pharyngée pour le formant grave. Ces cavités sont séparées l’une de l’autre par le dos de la langue par rapport au palais qui détermine le point d’articulation de la voyelle. La cavité buccale comme la cavité pharyngée peuvent être modifiées dans leur forme comme dans leur dimension par la position du voile du palais, la forme de la langue, des lèvres qui peuvent s’étirer vers l’avant, la position de la mandibule entraînant une ouverture plus ou moins grande de la cavité buccale. Articulation des trois voyelles A, I, Ou (fig 1) Le « A » est prononcé bouche grande ouverte, la langue au plancher. Le « I » et le « Ou » sont prononcés avec rapprochement des mâchoires. Ce sont des voyelles fermées. Le point d’articulation est antérieur pour le « I », postérieur pour le « Ou » (« I » est aigu, « Ou » est grave). Le « I » est obtenu avec étirement des commissures labiales, alors que le son « Ou » est obtenu avec étirement vers l’avant des lèvres, augmentant l’espace. Les trois phonèmes « A », « I », « Ou » représentent le système vocalique de base. Les autres voyelles sont des voyelles intermédiaires. L’abaissement du voile entraîne la nasalisation : – « É » donne « In » – « Eu » donne « Un » – « O » donne « On »
ARTICULATION DES SONS
Les sons élémentaires du langage sont des phonèmes qui ne se superposent pas exactement aux lettres du langage écrit. Le phonème « Gn » s’écrit avec deux lettres du langage écrit, alors que la lettre « X » correspond à deux phonèmes « XS ». Certains phonèmes voisins se différencient par leur sonorité. C’est le cas, par exemple, des phonèmes « P » et « B ». Ce sont des phonèmes explosifs, bilabiaux, ayant le même point d’articulation mais « P » 2
– « A » donne « An »
¶ Consonnes Les sons consonantiques sont des bruits, des sons non musicaux, auxquels peuvent s’ajouter des sons musicaux. Dans les premiers cas, les consonnes sont dites sourdes : P, T, K, F, S, Ch. Elles correspondent au seul bruit obtenu par ouverture brusque ou par rétrécissement du conduit de passage de l’air expiré.
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Tableau I. – Consonnes utilisées dans la langue française d’après la conduite normale utilisée pour leur articulation. Continues Sourdes
Explosives Sonores
Sonores
Sourdes
B
P
D
T
Nasales Bilabiales
M
Labiodentales Linguodentales Linguopalatales latérales
F
V
S
Z
Ch
J
Linguopalatales antérieures
Ri
N
Linguopalatales moyennes
L
Gn
Linguopalatales postérieures
D, T, N
G
L
Les quatorze autres consonnes sont dites sonores car au bruit s’ajoute un son laryngien musical (B, D...) (tableau I). Fieux distingue les consonnes explosives, appelées à tort occlusives par certains auteurs, des consonnes continues aussi dites constrictives. Les consonnes explosives sont obtenues par ouverture brusque du conduit de passage de l’air expiré (P, B), alors que les consonnes continues correspondent à un écoulement continu de l’air expiré (F, V). Cet écoulement peut être prolongé à volonté et est freiné par un rétrécissement du conduit de manières différentes et à des niveaux variables. Le point d’articulation est le lieu de l’obstacle ou de rétrécissement opposé au passage de l’air expiré. Il peut être bilabial (B, P, M), labiodental (F, V), linguodental inférieur (S, Z), linguopalatal latéral (Ch, J), linguopalatal antérieur (N, D, T), linguopalatal moyen (L, Gn), linguopalatal postérieur (G, K) (fig 2). Il n’y a pas de point d’articulation linguodental supérieur ou apicodental. Normalement, chez l’adulte, la langue ne prend jamais appui sur les incisives supérieures pour la prononciation des phonèmes. En revanche, chez le jeune enfant ayant une déglutition primaire, le point d’articulation pour les explosives « D » et « T » ainsi que pour les continues « N », « L » et « Ni » est apicodental et parfois linguodental inférieur. Il est important de noter que ces points d’articulation différents correspondent à des sons identiques. Les consonnes continues « F » et « V » se prononcent grâce au passage de l’air dans un canal rétréci au niveau des lèvres. L’air passe par une fente horizontale comprise entre la lèvre supérieure et les incisives inférieures. Le « S » et le « Z » sont obtenus par le passage de l’air dans un canal étroit, arrondi, avec une cavité antérieure très petite. La langue ne s’interpose jamais entre les arcades dentaires (fig 3). Jinkine, en 1953, fait remarquer la dualité des mécanismes moteurs de la parole. Ils correspondent aux deux systèmes d’organes mis en
S, Z
K
2
Position de la pointe de la langue pour l’articulation des D, T, N, L, S, Z.
3
Position transversale de la langue pendant l’articulation des palatales antérieures.
œuvre et neurologiquement distincts : les poumons, la trachée, le larynx et le pharynx innervés par le pneumogastrique d’une part, et les muscles des effecteurs buccaux innervés par les nerfs crâniens, V, VII, IX et XII d’autre part. L’orthopédie dento-maxillo-faciale (ODMF) s’intéresse surtout aux praxies articulatoires qui aboutissent à l’émission de phonèmes. Ces praxies sont l’ensemble d’activités motrices qui concourent à l’émission de sons. Ce sont des mouvements complexes coordonnés soumis au contrôle de la volonté. Les éléments grâce auxquels s’élaborent ces actes sont les unités motrices actives. Chacune comprend un motoneurone et ces unités motrices reçoivent des stimulations différentes en provenance de plusieurs sources : – le cortex cérébral, centre nerveux supérieur qui décide de l’exécution des mouvements ; – les centres sous-corticaux, en relation avec le cortex cérébral, décident du programme d’exécution du mouvement et coordonnent ce mouvement ; – les récepteurs [3] qui transmettent des informations sur le déroulement du programme et sa progression pour les praxies articulatoires sont : 3
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1
2
3
4
4 Schéma simplifié du système moteur des effecteurs buccaux. ATM : articulation temporomandibulaire.
Cortex cérébral
Cervelet
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Centres sous-corticaux
Noyaux bulbaires moteurs
Récepteurs Vestibulaires ATM Musculaires Parodontaux Muqueuse buccale
6
Muscles orofaciaux
– les récepteurs musculaires ;
5
Appui de la langue à la papille palatine.
– les récepteurs vestibulaires ; – les récepteurs de la muqueuse buccale ; – les récepteurs parodontaux ; – les récepteurs de l’articulation temporomandibulaire (ATM). Si le mouvement ne correspond pas tout à fait au programme, des compensations se font. La transmission se fait par des voies qui descendent des centres nerveux jusqu’au niveau des motoneurones, voies pyramidale et extrapyramidale (fig 4). Les mouvements volontaires résultent d’un apprentissage ; lorsqu’ils sont fréquemment répétés, ils deviennent automatiques. C’est le cas des mouvements volontaires aboutissant à l’articulation des phonèmes. Lorsque ces mouvements ne sont pas conformes, il est possible de les modifier par un apprentissage et d’obtenir une automatisation des nouveaux mouvements. C’est le but de l’éducation musculaire.
Retentissement physiologique MISE EN ÉVIDENCE DE L’ACTION DE LA MUSCULATURE
¶ Examen clinique Technique de l’examen Il est effectué sur un enfant assis, mis en confiance, regardant l’horizon. Il faut prêter une grande attention à l’installation de l’enfant sur le fauteuil : – le dossier doit être redressé au maximum, la têtière légèrement avancée ; – dans certains cas, il peut être préférable de l’asseoir transversalement, les jambes pendantes, le dos non soutenu, de façon à pouvoir l’examiner sous différents angles. Il est souvent difficile d’obtenir un véritable relâchement. Il faut répéter de nombreuses fois l’examen pour retrouver une attitude naturelle. Il faut arriver à faire parler ou lire l’enfant suffisamment longtemps pour détourner son attention. Souvent, sinon toujours, l’examen musculaire est mené sans ordre, en revenant plusieurs fois sur un même temps de fonction. Inspection Elle permet d’observer : 4
– le caractère des lèvres (hauteur, épaisseur), le rapport des lèvres entre elles (stomion), le rapport des lèvres avec les dents ; – le caractère de la partie antérieure de la langue : volume, posture de repos, rapport avec les dents ; – le caractère des bords de la langue. Il faut écarter les commissures labiales le plus doucement possible pour éviter tout mouvement parasite. Si l’audition suffit à mettre en évidence l’articulation défectueuse du phonème « S », responsable du zézaiement ou du chuintement, c’est uniquement l’examen à contre-jour qui permet de préciser où se fait l’appui lingual dans l’articulation du « D » ou du « T » [28]. La palpation des lèvres puis des joues permet d’apprécier le tonus de la sangle orojugale en se gardant de confondre une hypertonie avec des muscles contractés. Défauts d’articulation ayant une incidence sur la croissance des procès alvéolaires Parmi les nombreux troubles de l’articulation des sons, seuls ceux des consonnes dont l’émission peut entraîner des rapports anormaux des muscles buccaux avec le système dentaire intéressent les praticiens faisant les traitements d’orthopédie maxillo-dentofaciale [6, 14, 29]. Schématiquement, on peut énumérer ces anomalies de la façon suivante : – consonnes D, T, N : au lieu de prendre contact avec la papille palatine (fig 5), la pointe de la langue prend appui sur la face palatine des incisives supérieures (fig 6) ou sur les incisives inférieures (fig 7A, B) ou s’interpose entre les dents (fig 8). Parfois, les bords de la langue s’interposent entre les molaires (fig 9, 10) ; – consonne L : la pointe de la langue peut prendre les mêmes appuis anormaux que pour l’articulation des D, T, N ; – consonne S, Z : la pointe de la langue s’interpose entre les incisives ou se relève derrière les incisives supérieures. Parfois, les bords de la langue s’interposent entre les molaires ; – consonnes F, V : la lèvre inférieure s’interpose entre les incisives (fig 11, 12). Soulignons une fois de plus que la plupart de ces troubles moteurs sont associés à des anomalies des praxies de la déglutition et qu’ils ne produisent aucun défaut audible d’articulation, alors qu’ils sont nocifs pour le système dentaire.
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Appui sur les incisives et interposition des bords de la langue.
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Appui sur les incisives supérieures et interposition des bords de la langue au cours de l’articulation des palatales antérieures.
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Appui à la papille palatine et interposition des bords de la langue au cours de l’articulation des palatales antérieures.
* A
* B 7
A. Appui de la langue sur les incisives inférieures. B. Appui de la langue sur les incisives inférieures.
¶ Examen en cinématographie sous amplificateur de brillance de Fieux [21, 23, 25] Cet examen a permis d’étudier la cinétique de la déglutition et de la phonation et a montré que pendant l’articulation des phonèmes, la langue et les lèvres se rapprochaient ou s’écartaient des incisives par des mouvements exactement opposés.
¶ Jauges d’extensométrie La clinique et la pratique des traitements mécaniques orthodontiques nous ont permis de connaître le mécanisme du
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Interposition totale de la langue.
déplacement des dents lorsqu’elles sont soumises à une force. Il n’est pas nécessaire que cette force soit importante pour entraîner un déplacement. Plusieurs tentatives ont été effectuées depuis 1950, pour mesurer les forces musculaires exercées sur les dents à l’aide de divers manomètres, dont les jauges d’extensométrie. Elles n’ont 5
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Jauges d’extensométrie. 1. Jauges d’extensométrie ; 2. joue ; 3. dent ; 4. langue ; 5. voltmètre.
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Accrochage de la lèvre inférieure pour les F, V.
Interposition partielle de la lèvre inférieure pour les F, V.
permis de mesurer que, soit l’action de la langue, soit l’action des lèvres ou des joues sur les couronnes dentaires. Parfois, seule la moyenne des forces, pendant un temps donné, a été mesurée. C’est à Cauhépé [15] que revient le mérite d’avoir, en 1958 et 1960, étudié les conditions d’équilibre des dents et d’avoir prouvé que chez l’individu normal, les positions d’équilibre musculaire sont les mêmes au repos qu’en fonction (déglutition et phonation), de telle sorte que les dents ne subissent aucun effet perpendiculaire à leur axe. Un grand nombre de mesures ont ensuite été faites [20] et plus particulièrement par les membres de l’équipe de l’Institut de stomatologie de la faculté de médecine de Paris : Coutand, Bouvet, Netter, Sasaki, Deneuville [8, 11, 17]. Le dispositif utilisé est composé de deux minuscules jauges d’extensométrie (d’une taille inférieure à celle des boîtiers orthodontiques) collées l’une du côté vestibulaire, l’autre du côté lingual de la même dent. Ces jauges sont montées dans un pont de Wheatstone (fig 13). L’ensemble est relié à un ordinateur. Lorsque ces dynamomètres sont déformés par la pression des muscles, leur résistance varie. Les variations de résistance sont directement proportionnelles aux variations de pression. Le pont de Wheatstone n’est plus équilibré et le courant passe par le galvanomètre. Une force exercée du côté vestibulaire fait dévier le galvanomètre dans un sens et une force exercée du côté lingual dans l’autre. Si des forces égales sont exercées sur les jauges, le galvanomètre reste au zéro. Le galvanomètre est réglé au zéro lorsque le sujet examiné est au repos. L’ensemble est relié à un ordinateur qui permet de créer une courbe représentative des forces opposées qui s’exercent sur les dents. On le fait parler et il déglutit spontanément sa salive. Chez un sujet normal, la courbe reste sur le zéro pendant toute la durée de l’expérimentation. Celle-ci peut durer 30 à 60 minutes. L’examen clinique permet de remarquer l’existence d’anomalies musculaires chez certains de nos patients au repos et en fonction, en 6
particulier pendant la phonation, mais ne permet pas de préciser si les pressions exercées par la langue sont bien exactement compensées par celles exercées en même temps par les muscles de la sangle labiojugale. Les jauges d’extensométrie ont permis de mesurer chez certains de nos patients une position d’équilibre musculaire différente au repos et en fonction. Chez ces sujets, la croissance des procès alvéolaires s’effectue dans une position intermédiaire entre celle qu’ils auraient s’ils étaient toujours au repos, et celle qu’ils auraient s’ils parlaient continuellement. Les dents reçoivent alors sans cesse une pression perpendiculaire à leur axe, une force résultante tantôt vestibulaire, tantôt linguale, dont on peut mesurer l’intensité. Lors de l’examen aux jauges d’extensométrie, on constate que la courbe dévie pendant la déglutition et la phonation, soit dans un sens soit dans l’autre. La déviation correspond à des forces de 20, 30 et parfois même de 40 g/cm2. Il est possible de savoir si l’anomalie d’articulé présentée par la plupart de ces patients a pour étiologie des anomalies musculaires constitutionnelles ou des anomalies musculaires fonctionnelles, de meilleur pronostic car pouvant être corrigées par une éducation musculaire [4, 30]. Chez l’adulte, le déséquilibre dentaire transmis au ligament alvéolodentaire peut provoquer, à plus ou moins brève échéance une alvéolyse. On peut donc affirmer que les anomalies musculaires des fonctions de déglutition et de phonation, qui ne perturbent pas les sons euxmêmes, (les sons étant généralement normaux), provoquent des troubles de la morphologie des arcades dentaires et compromettent l’existence même du système dentaire.
Morphogenèse des arcades dentaires Le système dentaire est formé de trois organes [11, 13] : – la dent ; – le procès alvéolaire ; – le ligament alvéolodentaire, qui dépose le cément sur les racines et édifie le procès alvéolaire. Il se comporte donc comme un périoste (phénomènes d’apposition-résorption). Chez le nouveau-né, les dents temporaires sont alignées sous la gencive, le long des crêtes des maxillaires. Elles sortent lorsque le ligament alvéolodentaire édifie le procès alvéolaire. Chaque couronne se trouve alors située entre la langue en dedans, les joues et les lèvres en dehors et se retrouve soumise aux forces opposées de ces muscles. Elle les transmet au ligament qui ajuste son activité et dirige la croissance du procès alvéolaire de telle sorte que l’axe de la dent se confonde avec la résultante des forces qu’elle subit.
Stomatologie/Odontologie
Phonation et orthodontie
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La dent temporaire pousse donc dans un couloir musculaire et est alors en équilibre. Le même phénomène se reproduit au moment de l’éruption des dents définitives. La courbe des arcades dentaires objective la ligne le long de laquelle les forces opposées de la langue et de la sangle orojugale se neutralisent. Pour aboutir à un engrènement dentaire efficace, il faut une adaptation du système dentaire dans les trois sens de l’espace, adaptations verticale, sagittale, transversale. 1
ADAPTATION VERTICALE
Il existe, au repos, un espace entre les dents, plus ou moins important suivant le type morphologique de la face, défini pour chaque enfant, constant au cours de la croissance et tout au long de la vie. Cet espace correspond à la position de repos de la mandibule et s’exprime cliniquement par l’espace libre molaire, c’est-à-dire l’espace entre les dents de 6 ans supérieures et inférieures, lorsque l’enfant est examiné au repos. Conséquences de ces caractères normaux : l’espace libre molaire est de 1 à 2 mm.
3 2
4
3
ADAPTATION SAGITTALE
L’adaptation du système dentaire se fait d’une part grâce à la tonicité et à la forme des lèvres et, d’autre part, à la posture et au volume de la langue. Conséquences de ces caractères normaux : engrènement dentaire normal dans le sens sagittal. – Inclinaisons alvéolaires moyennes : lorsqu’il n’y a pas de décalage des bases, I/F = 107° ; i/M = 90° ; I/i = 135°, avec un engrènement dentaire normal.
* A
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14
4
* B Diagnostic des anomalies alvéolaires transversales. A. De face. 1. Sinus maxillaire ; 2. dent de 6 ans inférieure ; 3. dent de 6 ans supérieure ; 4. direction du rayon (perpendiculaire au plan de morsure). B. Incidence verticale de Bouvet. 1. Image en coupe de la dent de 6 ans supérieure ; 2. limite inféro-interne du sinus ; 3. image en coupe de la dent de 6 ans inférieure ; 4. rebord interne de la mandibule.
– Inclinaisons compensatrices d’un décalage des bases dans le sens sagittal, par exemple : rétroalvéolie supérieure et/ou proalvéolie inférieure compensatrices d’un décalage des bases dans le sens d’une mandibule en retrait. Il est important de noter que les inclinaisons alvéolaires moyennes varient en fonction de l’âge. En effet, au moment de la puberté, on observe une augmentation du tonus qui provoque l’ouverture de l’angle I/i (l’effet contraire se produit au moment de la ménopause). ADAPTATION TRANSVERSALE
L’adaptation du système dentaire se fait d’une part grâce à la tonicité des joues et, d’autre part, à la posture et au volume de la langue. Conséquences de ces caractères normaux : engrènement dentaire normal dans le sens transversal. Inclinaisons alvéolaires moyennes. Lorsqu’il n’y a pas de décalage des bases, le point le plus interne de la face palatale de l’image en coupe de la dent de 6 ans supérieure se situe à 0,5 mm en dehors de la limite inféro-interne du sinus maxillaire. Le point le plus interne de la face linguale de l’image en coupe de la dent de 6 ans inférieure se situe à 1 mm en dedans du bord interne de la mandibule (moyenne droite et gauche) (fig 14). CONSÉQUENCES MORPHOLOGIQUES
15
Infraclusie incisive par interposition de la pointe de la langue.
– l’infra-alvéolie molaire : l’interposition des bords de la langue au repos entre les arcades entraîne un défaut de croissance alvéolaire qui se constate par l’augmentation de l’espace libre molaire.
¶ Dans le sens vertical
¶ Dans le sens sagittal
– l’infra-alvéolie incisive peut être due à deux mécanismes :
– La proalvéolie incisive supérieure est due à l’appui de la langue sur les incisives supérieures au repos et en fonction [33] alors que les lèvres, pour des raisons généralement d’ordre constitutionnel, exercent des pressions moindres. La résultante des forces est donc dirigée en avant ;
– l’interposition de la partie antérieure de la langue, au repos ou en fonction (fig 15) ; – l’existence de pressions concomitantes de la langue et des lèvres au moment de la déglutition et de la phonation [9] (étant donné l’anatomie des incisives supérieures) entraîne un défaut de croissance alvéolaire incisive. La résultante des forces est dirigée vers le haut (fig 16, 17) ;
– la proalvéolie incisive inférieure est plus souvent due à des anomalies constitutionnelles qu’à un appui de la langue en fonction sur les incisives inférieures. Il en est de même de : 7
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Mécanismes de l’infra-alvéolie incisive. 1. Pression de la langue ; 2. résultante des forces ; 3. pression de la lèvre.
1
2 3
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Endoalvéolie supérieure avec linguoclusie molaire unilatérale.
Ces anomalies alvéolaires peuvent être isolées ou associées (biproalvéolie, birétroalvéolie, etc). RETENTISSEMENT PATHOLOGIQUE
¶ Sur la prononciation Certains troubles de l’articulation phonétique apparaissent isolés sans qu’il existe aucune perturbation morphologique maxillofaciale. Ils sont dus à des anomalies du comportement musculaire, en particulier lingual, dont le point d’articulation se trouve dévié :
17
Infraclusie incisive par appui simultané de la pointe de la langue et de la lèvre supérieure.
2
1
3
– le sigmatisme interdental : (zozotement ou zézaiement), la pointe de la langue prend appui sur les incisives supérieures ou passe entre les arcades dentaires ; – le sigmatisme latéral : au lieu d’un écoulement d’air médian, il se produit un écoulement unilatéral ou parfois bilatéral. Dans le premier cas, le sujet met en contact la langue, la région palatale antérieure et un côté de l’arcade dentaire, ce qui ne laisse à l’air qu’un étroit passage de l’autre côté, entre la langue, les dents et les joues. Ce défaut est appelé chuintement ; – le sigmatisme dorsal : le point d’articulation devient trop postérieur et le sujet, au lieu de creuser sa langue sur la ligne médiane, tout en relevant la pointe, la relève en dôme ; l’air est ainsi poussé dans un orifice étalé entre la langue et le palais dur ; – le sigmatisme nasal : le sujet obture par erreur la voie buccale ; l’air ne peut plus s’écouler que par le nez.
¶ Sur l’articulé
18
Mécanisme de l’endoalvéolie supérieure. 1. Pression des joues sur les dents de 6 ans supérieures ; 2. résultante des forces ; 3. interposition des bords de la langue.
– la rétroalvéolie supérieure ; – la rétroalvéolie inférieure.
¶ Dans le sens transversal – L’endoalvéolie supérieure [21] est due à l’interposition des bords de la langue entre les molaires en fonction alors qu’il existe une contraction des muscles buccinateurs augmentant la pression des joues de dehors en dedans. La résultante des forces est dirigée en dedans (fig 18, 19). Les anomalies alvéolaires suivantes sont plutôt d’origine constitutionnelle : – l’endoalvéolie inférieure ; – les exoalvéolies supérieure et inférieure. 8
[1]
Les troubles d’articulé ne sont que des signes cliniques d’anomalies alvéolaires. Les couronnes sont sollicitées entre deux positions, celle qui correspond à l’équilibre des muscles au repos et celle qui est définie par le rapport des forces en fonction. La direction de la croissance alvéolaire peut être ainsi déviée. La dent s’incline alors dans une position intermédiaire où elle reste toujours déséquilibrée. La gaine osseuse alvéolaire s’édifie dans une inclinaison anormale et l’arcade dentaire est déformée. Un trouble alvéolaire est constitué qui pourra se traduire cliniquement par une anomalie d’articulé. Dans le sens vertical – Au niveau des incisives : – l’infraclusie est un signe clinique de l’infra-alvéolie incisive ; – la supraclusie est un signe clinique de la supra-alvéolie incisive ou de l’infra-alvéolie molaire.
Phonation et orthodontie
Stomatologie/Odontologie – Au niveau des molaires :
– il n’existe pas de défaut d’articulé dans le sens vertical dû à des anomalies alvéolaires. Dans le sens sagittal – La vestibuloclusie des incisives supérieures peut correspondre à une proalvéolie supérieure ou à une rétroalvéolie inférieure isolée. – La linguoclusie des incisives supérieures peut correspondre à une rétroalvéolie supérieure ou à une proalvéolie inférieure isolée.
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doigt a généralement une incisive supérieure plus haute que les autres. Le doigt sucé a un cal ou bien, parfois, la peau est plus épaisse, plus rugueuse à la palpation comparativement à la peau du même doigt de l’autre main. L’éducateur devra donc convaincre l’enfant de cesser sa mauvaise habitude à l’aide d’une psychothérapie élémentaire [9].
¶ Contre-indications liées aux parents Lorsque les parents, non motivés, ne comprennent pas la nécessité d’un tel traitement.
Dans le sens transversal – La linguoclusie molaire supérieure peut correspondre à une endoalvéolie supérieure ou une exoalvéolie inférieure isolée.
Thérapeutique INDICATIONS DE L’ÉDUCATION DE L’ARTICULATION PHONÉTIQUE [4, 19]
L’éducation de l’articulation des consonnes palatales antérieures doit toujours être associée à l’éducation de la déglutition [9]. Elle doit être entreprise chaque fois que l’on modifie la forme de l’arcade dentaire, que ce soit à l’aide d’un appareil d’orthodontie ou par intervention chirurgicale. Elle peut être le seul traitement si le trouble de l’articulé est de faible amplitude ou dans les infra-alvéolies incisives. Elle peut succéder à un traitement mécanique si le trouble d’articulé est plus important, gênant la spontanéité des mouvements de déglutition et de l’articulation phonétique. CONTRE-INDICATIONS
[2]
L’éducation de l’articulation phonétique et de la déglutition ne doit pas être entreprise si l’articulé dentaire est satisfaisant, surtout si les anomalies alvéolaires constatées compensent un décalage des bases osseuses.
¶ Contre-indications liées aux appareils d’orthodontie amovibles L’éducation doit toujours être faite, les appareils d’orthodontie étant en bouche. Il serait en effet illusoire de penser obtenir un automatisme des mouvements de déglutition si l’enfant ne peut faire des exercices que pendant quelques minutes chaque jour, en l’absence d’appareil. Celui-ci doit donc être suffisamment échancré pour permettre un contact de la pointe de la langue avec la papille palatine. Dans le cas contraire, l’éducation sera impossible. Certaines contre-indications interdisent l’éducation de la musculature ainsi que toute thérapeutique mécanique visant à modifier la forme des arcades. C’est le cas des contre-indications suivantes car elles seraient suivies de récidives.
¶ Contre-indications liées au patient Enfant non motivé L’âge idéal pour faire cette éducation se situe entre 8 et 12 ans. Dans le cas d’un enfant ayant un retard scolaire important ou suivant une autre éducation pour dyslexie ou dysorthographie, il est important que l’enfant axe ses efforts sur ses progrès scolaires plutôt que sur la correction de la forme de son arcade dentaire. De même pour un enfant ayant un quotient intellectuel inférieur à la moyenne. Enfant suceur d’un doigt Le réflexe de succion doit avoir totalement disparu quand on entreprend l’éducation. Il n’est pas possible que notre petit patient ait à la fois un comportement d’adulte et d’enfant. Le suceur de
CONDUITE DE L’ÉDUCATION NEUROMUSCULAIRE
[32, 34]
Bouvet en a expliqué la technique dès 1955. Habituellement, une série de douze à quinze séances suffit. Il faut que l’enfant prenne conscience du geste anormal et connaisse le but recherché. Pendant la première séance, on lui fait percevoir la position de la pointe de sa langue lors de la déglutition de la salive et au cours de l’articulation phonétique des D, T, N, L. On lui explique le mouvement de déglutition souhaité en le ralentissant et le décomposant dans ses principaux temps. L’enfant doit placer la pointe de sa langue à la papille palatine. À l’aide d’un doigt, on lui montre l’endroit convenable. Il doit ensuite mettre ses arcades en contact. On lui fait remarquer, grâce à une main posée sur sa joue, la contraction du muscle masséter. Cette contraction doit se prolonger pendant toute la durée du mouvement de déglutition. On lui demande de joindre ses lèvres sans les contracter. Il avale sa salive sans entrouvrir ses arcades dentaires, sans déplacer la pointe de sa langue, sans contracter l’orbiculaire des lèvres. On peut, à l’aide de deux doigts, entrouvrir délicatement ses lèvres afin de contrôler la position de la pointe de sa langue. Au cours de la deuxième séance, on entreprend l’éducation de l’articulation des phonèmes D et T, en les associant aux différentes voyelles. On vérifie que le mouvement de déglutition est correctement compris et fait. Au cours de la troisième séance, on s’attache à l’articulation des N, Gn, L. Entre chaque séance, l’enfant doit faire des exercices biquotidiens qu’il contrôle en les effectuant devant un miroir. Pendant les séances suivantes, on lui demande de prononcer des mots. Les premiers mots ne comprennent que des phonèmes correspondant aux voyelles faisant l’objet de l’éducation l’objet de sa rééducation (natte, date, dindon, tartine). Les suivants sont faits de phonèmes variés (étui, édredon, tasse, etc). On laisse à l’enfant le choix des mots car il est important qu’il prenne une part active à sa rééducation. Par la suite, on lui fait lire des phrases puis on passe à la lecture contrôlée. On lui demande ultérieurement de lire tout haut et de réciter ses leçons chaque soir en plaçant correctement sa langue. Il faut que, progressivement, il abandonne les exercices pour passer à une nouvelle habitude de prononciation dans ses actes courants. Lors des dernières séances, on demande à l’enfant de réciter une récitation. On contrôle qu’il a bien acquis le mode d’articulation des D, T, N et L et que les mouvements spontanés de la déglutition sont corrects.
Conclusion Les muscles de la sphère orofaciale jouent un rôle dans l’articulation des sons, dans la mimique, mais aussi dans la morphogenèse des arcades dentaires, d’où la relation étroite entre la phonation et l’orthopédie dento-maxillo-faciale. Ce rôle a été mis en évidence par l’examen aux jauges d’extensométrie. Il est primordial, devant tout trouble d’articulé, de faire un examen clinique complet et de rechercher des anomalies fonctionnelles responsables. 9
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Phonation et orthodontie
Un traitement étiologique bien conduit : éducation de la musculature, doit être entrepris, l’âge idéal du patient étant de 8 à 12 ans pour obtenir une automatisation des praxies de phonation (et de déglutition) afin d’éviter une récidive. Ce ne sont pas les anomalies d’articulé dentaire qui sont responsables des anomalies d’articulation des consonnes mais l’inverse.
Stomatologie/Odontologie
Alors que les troubles audibles motivent souvent des consultations en orthophonie, ce sont les troubles non audibles, le plus souvent, qui entraînent des anomalies d’articulé. D’autre part, le dépistage systématique des troubles de la phonation ne signifie pas toujours éducation. Certaines positions d’articulation des sons vont dans le sens des compensations alvéolaires d’un décalage des bases : on se garde de les corriger.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-009-D-20 (2004)
22-009-D-20
Physiologie de l’hémostase T. de Revel K. Doghmi
Résumé. – Le processus physiologique de l’hémostase est déclenché par le développement d’une brèche vasculaire. Il vise à son obturation et au colmatage de la fuite sanguine par deux étapes distinctes mais intriquées et dépendantes l’une de l’autre : l’hémostase primaire et la coagulation plasmatique. L’hémostase primaire est le mécanisme d’urgence mettant en jeu les plaquettes sanguines circulantes qui adhèrent à l’endothélium pour former le thrombus blanc ou clou plaquettaire. Secondairement, le thrombus plaquettaire est consolidé par la constitution d’un réseau de fibrine qui enserre les plaquettes agrégées dans ses mailles. La fibrine insoluble est générée à partir d’une protéine plasmatique soluble, le fibrinogène, sous l’action de la thrombine, produit final de la cascade d’activation enzymatique du système de la coagulation. Le thrombus fibrinoplaquettaire est secondairement résorbé par la mise en œuvre d’une enzyme protéolytique, la plasmine, principale protéine du système fibrinolytique. Les différentes phases de l’hémostase sont hautement régulées par un système d’activateurs et d’inhibiteurs plasmatiques assurant un contrôle local de la constitution du caillot et évitant l’activation de la coagulation à distance de la brèche vasculaire. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Hémostase primaire ; Coagulation ; Fibrinolyse ; Plaquettes ; Thrombine ; Fibrine ; Temps de céphaline activé ; Temps de Quick
Introduction
Hémostase primaire
Toute rupture de l’intégrité du circuit vasculaire à l’origine d’une fuite sanguine, déclenche une série de processus cellulaires et biochimiques assurant l’obturation de la brèche et le contrôle de l’hémorragie. L’hémostase [ 1 , 2 ] répond à l’ensemble de ces mécanismes physiologiques et comprend plusieurs étapes intriquées et interdépendantes qu’il convient d’isoler par souci descriptif en :
Il s’agit de l’ensemble des mécanismes physiologiques conduisant à l’obturation initiale de la brèche vasculaire et aux premières étapes de sa réparation. Le clou plaquettaire, ou thrombus blanc, est le produit final de l’hémostase primaire qui est secondairement consolidé par la mise en œuvre des processus de la coagulation.
– hémostase primaire, première étape d’urgence du contrôle hémorragique, conduisant au thrombus plaquettaire en une durée de 3 à 5 minutes ; – hémostase secondaire, ou coagulation plasmatique, dont le rôle est de consolider le thrombus plaquettaire par la constitution d’un réseau protéique de fibrine en une durée de 5 à 10 minutes ; – fibrinolyse assurant secondairement la dégradation enzymatique de la masse fibrinoplaquettaire à l’issue de la réparation vasculaire en une durée de 48 à 72 heures. L’ensemble de ces processus est étroitement régulé par la mise en œuvre d’un système très complexe d’activateurs et d’inhibiteurs, permettant à l’hémostase de se développer au foyer même de la brèche vasculaire sans extension à distance.
T. de Revel (Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service adjoint) Adresse e-mail: [email protected] Service d’hématologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101 avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart, France. K. Doghmi (Assistant des Hôpitaux des Armées, spécialiste d’hématologie) Service d’hématologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101 avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart, France. Service d’hématologie, Hôpital militaire d’instruction Mohammed V Rabat, Maroc.
Quatre acteurs principaux dominent cette phase : les composants de la paroi vasculaire, les plaquettes sanguines, et deux protéines plasmatiques qui sont le fibrinogène et le facteur Willebrand (VWF). Nous allons les décrire brièvement avant d’aborder les différentes étapes de leurs interactions conduisant au thrombus plaquettaire. PARTENAIRES DE L’HÉMOSTASE PRIMAIRE
¶ Paroi vasculaire La composition anatomique des vaisseaux repose sur un assemblage de plusieurs couches cellulaires et non cellulaires variant selon la nature et le calibre vasculaire. On retrouve, de dedans en dehors, la monocouche de cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses et la couche externe de tissu conjonctif ou adventice. La propriété fondamentale de la paroi vasculaire, qui sous-tend l’équilibre physiologique des mécanismes de l’hémostase, est l’hémocompatibilité de la cellule endothéliale au repos qui est ainsi thromborésistante en prévenant l’activation du système de la coagulation. En revanche, la cellule endothéliale activée et surtout les structures sous-endothéliales sont hautement thrombogènes. Toute rupture de l’intégrité de la couche endothéliale met ainsi à nu les structures sous-endothéliales qui, en contact direct avec le sang circulant, induisent les phénomènes de l’hémostase primaire et de la coagulation à l’origine d’un thrombus.
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Cellule endothéliale Les cellules endothéliales tapissent la surface interne de la lumière vasculaire et sont agencées en une monocouche de cellules cohésives dont les propriétés sont nombreuses et varient en fonction de leur état d’activation : thrombomodulation, production protéique, perméabilité sélective assurant les échanges entre le sang et le milieu intérieur. Les cellules endothéliales sont arrimées sur une couche de macromolécules qu’elles synthétisent elles-mêmes et qui sont très thrombogènes : collagène, fibronectine, laminine, VWF, glycosaminoglycanes. La thromborésistance de la face interne de la cellule endothéliale est assurée par des propriétés actives et passives qui sont la charge ionique négative de la membrane, l’agencement antiadhésif des protéines de surface, la production locale de médiateurs antiagrégants plaquettaires, d’inhibiteurs de la coagulation ou encore d’activateurs de la fibrinolyse. La thrombogénicité de la cellule endothéliale s’exprime à travers la modulation de ces propriétés induite par divers médiateurs activateurs tels que les endotoxines bactériennes, les cytokines pro-inflammatoires (interleukine [IL-1], tumor necrosis factor [TNF]) ou encore la thrombine. La cellule endothéliale activée exprime des protéines prothrombotiques (phospholipides, facteur tissulaire…) à sa surface membranaire, déclenchant ainsi les phénomènes d’adhésion/agrégation plaquettaire ou les réactions de la coagulation. La cellule endothéliale est par ailleurs le siège d’une activité métabolique intense conduisant notamment à la production de nombreuses molécules impliquées dans les phénomènes d’hémostase : – le collagène, une des principales protéines prothrombogène ; – le facteur, protéine d’adhésion plaquettaire, stocké sous la forme de multimères de haut poids moléculaire ; – le facteur tissulaire, récepteur du facteur VII, initiant la voie extrinsèque de la coagulation ; – la thrombomoduline qui, en présence de thrombine, active la protéine C, facteur inhibiteur de la coagulation ; – les protéines vasoactives telles que le monoxyde d’azote (NO) vasodilatateur ou l’endothéline vasoconstrictrice ; – les protéines modulant à la fois l’activité plaquettaire et la vasomotricité telles la prostacycline (PGI 2 ), antiagrégante et vasodilatatrice ou la thromboxane A2 (TXA2), proagrégante et vasoconstrictrice. Cellules musculaires lisses Elles assurent le tonus vasomoteur, par le biais du système nerveux autonome et de médiateurs chimiques vasoactifs synthétisés par la cellule endothéliale comme le NO et l’endothéline. Leur prolifération est sous la dépendance de facteurs de croissance d’origine endothéliale (platelet derived growth factor [PDGF], fibroblast growth factor [FGF]) dont le rôle est avancé dans la pathogénie des lésions d’athérosclérose.
¶ Plaquettes Il s’agit de cellules anucléées de 2 à 3 µm de diamètre et d’un volume de 8 à 10 ftl, produites dans la moelle osseuse par le biais d’une fragmentation cytoplasmique de leurs précurseurs mégacaryocytaires. Le taux de plaquettes sanguines varie de 150 à 400 109/l, le tiers du pool plaquettaire périphérique étant séquestré dans la rate ; elles ont une durée de vie de 8 à 10 jours. Les cellules plaquettaires, ou thrombocytes, présentent une structure très particulière en accord avec leurs fonctions primaires d’adhésion à l’endothélium et d’autoagrégation (Fig. 1) : 2
Représentation schématique d’une plaquette. Ga : granules a ; Gd : granules denses ; Ly : lysosomes ; sco : système canaliculaire ouvert ; mit : mitochondrie ; std : système tubulaire dense.
Figure 1
– membrane cytoplasmique riche en glycoprotéines fonctionnelles ; – système membranaire complexe intracytoplasmique ; – système microtubulaire et microfibrillaire ; – système de granulations intracytoplasmiques. La membrane plaquettaire est classiquement constituée, comme toute membrane cellulaire, d’une double couche lipidique au sein de laquelle viennent s’arrimer des glycoprotéines hydrophobes riches en acide sialique déterminant la charge négative. Les phospholipides constituent 80 % des lipides membranaires et sont polarisés au niveau du feuillet interne lorsque la plaquette est au repos. À l’état d’activation plaquettaire, les phospholipides sont exposés sur le versant externe de la membrane, au contact des composants plasmatiques, assurant ainsi leur fonction procoagulante. Les glycoprotéines ancrées dans la membrane jouent un rôle de récepteur dont la fonction est de transmettre un signal vers les structures cytoplasmiques, contractiles ou sécrétrices par exemple. Les glycoprotéines dont les fonctions sont les mieux connues sont le complexe gpIb/IX, récepteur de VWF impliqué dans l’adhésion plaquettaire à l’endothélium, et le complexe gpIIb/IIIa, récepteur du fibrinogène impliqué dans le processus d’agrégation plaquettaire. Un système membranaire complexe intracytoplasmique caractérise la cellule plaquettaire et ses fonctions de sécrétion. Le système canaliculaire ouvert est un réseau membranaire constitué à partir d’invaginations de la membrane plasmique, dont le rôle est de permettre le déversement et le stockage des substances des granulations plaquettaires. Le système tubulaire dense n’est pas ouvert sur l’extérieur et consiste en un lieu de stockage du Ca++ utilisé par les structures contractiles. Les microtubules et les microfibrilles représentent l’appareil contractile de la cellule plaquettaire ; ils assurent le maintien de sa forme discoïde au repos et ses mouvements et changements de forme caractérisant son état d’activation, par le biais des deux principales protéines contractiles qui sont l’actine et la myosine. Trois types de granules intracytoplasmiques sont individualisables, dont le rôle réside dans le stockage de nombreuses substances spécifiques à chacune d’entre elles. Les granules alpha sont les plus abondants et sont mis en évidence par leur teinte azurophile en coloration par le May-Grünwald-Giemsa en microscopie optique. Ils contiennent des facteurs de la coagulation et des cytokines (PDGF, transforming growth factor [TGF], epidermal growth factor [EGF]…). Les granules denses sont les moins nombreux, de l’ordre de 5 à 10 par cellule ; individualisables en microscopie électronique, ils contiennent des substances proagrégantes et vasoactives (adénosine diphosphate [ADP], adénosine triphosphate [ATP], sérotonine, histamine, Ca++…). Les lysosomes, enfin, sont le lieu de stockage de diverses enzymes à activité antibactérienne ou protéolytique (phosphatase acide, protéase, collagénase…).
¶ Facteur von Willebrand Il s’agit d’une protéine synthétisée à la fois par les cellules endothéliales et par les mégacaryocytes. Son précurseur est un
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monomère de 2 050 acides aminés d’un poids moléculaire de 270 kDa qui se polymérise secondairement en VWF de haut poids moléculaire pour être stocké par la cellule endothéliale, au sein des corps de Weibel-Palade, ou par les plaquettes, au sein des granules a, avant d’être libéré dans la circulation. Son rôle est double. Il permet l’adhésion des plaquettes aux cellules endothéliales activées, ou au sous-endothélium, via son récepteur plaquettaire gpIb/IX. Ce rôle s’exprime essentiellement lors des contraintes hémodynamiques fortes. Le VWF représente en outre la protéine transporteuse du facteur VIII coagulant, ou facteur antihémophilique A.
¶ Fibrinogène Il s’agit d’une protéine soluble synthétisée par le foie, substrat final de la coagulation qui est transformé en fibrine insoluble par la thrombine (cf. coagulation). Le fibrinogène exerce en outre un rôle important au niveau de l’hémostase primaire en assurant les ponts moléculaires interplaquettaires à l’origine des agrégats plaquettaires. DIFFÉRENTES ÉTAPES DE L’HÉMOSTASE PRIMAIRE
L’hémostase primaire met en œuvre une barrière hémostatique d’urgence par la constitution d’un « clou plaquettaire », ou thrombus blanc, venant obstruer la brèche vasculaire. Ses caractéristiques sont la rapidité de sa génération mais aussi sa fragilité, requérant une consolidation secondaire par un réseau protéique de fibrine, produit final des processus enzymatiques de la coagulation plasmatique. Plusieurs étapes permettent la formation du clou plaquettaire : – la vasoconstriction ; – l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium ; – l’activation et la sécrétion plaquettaire ; – l’agrégation des plaquettes entre elles aboutissant au clou plaquettaire.
¶ Temps vasculaire Le temps vasculaire est l’étape initiale secondaire à la constitution de la brèche vasculaire : il en résulte une vasoconstriction réduisant le calibre vasculaire qui ralentit le débit sanguin, permettant par là une réduction des pertes et une certaine stase circulatoire qui favorise la mise en œuvre des différentes étapes de l’hémostase. La vasoconstriction réflexe est induite par l’élasticité de la tunique sous-endothéliale des cellules musculaires lisses, mais aussi par le système nerveux neurovégétatif innervant les structures vasculaires. De nombreuses substances sécrétées par les cellules endothéliales ou les plaquettes activées, comme la sérotonine, l’endothéline ou le TXA2, entretiennent ou accroissent la vasoconstriction.
¶ Temps plaquettaire Adhésion plaquettaire Il s’agit d’un phénomène passif induit par la rencontre des plaquettes circulantes avec les structures sous-endothéliales hautement thrombogènes comme le collagène, mises à nu par la rupture de la couche endothéliale. L’adhésion plaquettaire est permise par la fixation du VWF au collagène qui s’arrime à la membrane plaquettaire par son récepteur, la gpIb. Différentes glycoprotéines plaquettaires participent également à cette adhésion des plaquettes, qui est un préalable indispensable à leur activation. En effet, l’interaction des récepteurs glycoprotéiques plaquettaires avec leurs ligands respectifs conduit à la transduction d’un signal intracytoplasmique déclenchant les différentes réactions métaboliques d’activation cellulaire.
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Activation plaquettaire L’activation des cellules plaquettaires est caractérisée par deux phénomènes principaux, leur changement de forme et leur activation métabolique. Il s’agit de processus actifs nécessitant de l’énergie, sous forme d’ATP dérivant du métabolisme du glucose, et la disponibilité intracytoplasmique des ions calcium (Ca ++ ) indispensables à l’activation du système contractile actine-myosine. Discoïdes à l’état de repos, les plaquettes activées deviennent sphériques, émettent des pseudopodes et s’étalent sur la surface d’adhésion. Les granules intracytoplasmiques fusionnent avec le système canaliculaire ouvert et y libèrent leur contenu, qui se déverse ainsi dans le plasma environnant. Ce phénomène de sécrétion plaquettaire, libère de nombreuses substances proagrégantes (ADP, fibrinogène, sérotonine), procoagulantes (facteur V, VWF, fibrinogène) ou vasomotrices (sérotonine, NO, TXA2) contribuant à l’amplification du processus d’hémostase primaire et créant les conditions favorables à la coagulation plasmatique. Par ailleurs, la plaquette activée génère de nombreuses substances pharmacologiquement actives à partir de ses phospholipides membranaires comme l’acide arachidonique. Celui-ci est métabolisé par la phospholipase A2 pour aboutir à la TXA2, puissant agent vasoconstricteur et proagrégant, et à d’autres prostaglandines modulant les activités plaquettaire et vasculaire. Un autre phénomène essentiel se déroulant au cours de la phase d’activation plaquettaire est le phénomène de « flip-flop » membranaire, permettant aux structures internes de la membrane de se repositionner vers l’extérieur en contact avec le plasma. Cette modification permet aux phospholipides chargés négativement, et notamment la phosphatidylsérine, de s’extérioriser et de devenir disponibles pour la fixation des facteurs de la coagulation vitamine K-dépendants, amplifiant par là considérablement les processus enzymatiques de la cascade de la coagulation. Agrégation plaquettaire L’ADP et les traces de thrombine initialement produites par les premières étapes de la coagulation sont les principaux agonistes de l’agrégation plaquettaire, qui est ensuite amplifiée par d’autres substances telles que la TXA2, l’adrénaline ou la sérotonine. L’agrégation est permise par le fibrinogène qui crée de véritables ponts adhésifs interplaquettaires par le biais de sa fixation à son récepteur membranaire spécifique, la gpIIb/IIIa. Il s’agit d’un phénomène actif requérant ici aussi énergie et disponibilité de Ca++. Si les phénomènes d’adhésion, d’activation et d’agrégation plaquettaire sont individualisables in vitro, ils se déroulent simultanément in vivo avec un phénomène de recrutement amplifiant la masse cellulaire active conduisant au clou plaquettaire hémostatique.
Coagulation L’hémostase obtenue par le clou plaquettaire est fragile et temporaire, et doit être consolidée par la génération d’un réseau protéique qui réalise ainsi une hémostase permanente. Il s’agit du processus de coagulation du plasma sanguin aboutissant à la transformation du fibrinogène plasmatique circulant soluble en fibrine insoluble enserrant le clou plaquettaire par le biais d’une série de réactions enzymatiques dont le contrôle continu permet une restriction locale sans diffusion à distance de la zone lésionnelle. Le processus central de la coagulation est la génération de la molécule de thrombine, enzyme clé de la coagulation, permettant la transformation du fibrinogène en fibrine et assurant la rétroactivation et l’amplification des différentes étapes tant de la coagulation que de l’hémostase primaire. 3
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Tableau 1. – Facteurs et protéines de la coagulation. Facteur
Nom
Fonction
Lieu de synthèse
Facteurs de la coagulation I II V VII VIII IX X XI XII XIII
Fibrinogène Prothrombine Proaccélérine Proconvertine Facteur antihémophilique A Facteur antihémophilique B Facteur Stuart Facteur Rosenthal Facteur Hageman Facteur stabilisant la fibrine
Facteur tissulaire
Substrat Zymogène Cofacteur Zymogène Cofacteur Zymogène Zymogène Zymogène Zymogène Zymogène Récepteur VIIa
Foie Foie Foie Foie Foie Foie Foie Foie Foie Foie Multicellulaire
Facteurs inhibiteurs Antithrombine Protéine C Protéine S Thrombomoduline
Inhibiteur Zymogène Cofacteur Récepteur IIa
Foie Foie Foie Cellule endothéliale
FACTEURS DE LA COAGULATION
On entend par facteurs de la coagulation des protéines plasmatiques participant au processus de la coagulation et dont on distingue trois groupes différents : les protéines à activité enzymatique, les protéines dénuées d’activité enzymatique mais servant de cofacteurs et les protéines ayant un rôle de substrat (Tableau 1). Ces protéines plasmatiques ont été initialement reconnues par défaut au cours de pathologies hémorragiques héréditaires liées à un déficit de synthèse. Elles ont été ensuite isolées, purifiées et leurs gènes séquencés, ce qui a permis l’étude de leur régulation génétique et pour certaines leur synthèse par voie recombinante. Elles sont au nombre de 12 et bien qu’elles aient chacune un nom usuel, un numéro en chiffre romain leur a été attribué selon la nomenclature internationale (Tableau 1). Le facteur activé est désigné par son numéro suivi du suffixe « a ». Les facteurs de la coagulation sont synthétisés au niveau du foie par l’hépatocyte, et toute insuffisance hépatocellulaire sévère entraîne une diminution globale des facteurs de la coagulation par défaut de production. Il est essentiel de bien comprendre que chaque facteur de la coagulation est défini par son activité coagulante évaluée par des tests in vitro de la coagulation, et par son activité antigénique évaluée par le dosage de la protéine. Un défaut fonctionnel se traduit ainsi par une diminution de l’activité coagulante avec conservation de l’activité antigénique.
¶ Précurseurs enzymatiques Les facteurs vitamine K-dépendants II, VII, IX, X d’une part, et les facteurs contacts XI, XII, prékallicréine d’autre part, circulent dans le plasma sous la forme d’un précurseur enzymatique inactif, ou proenzyme. Ils possèdent un site actif protéolytique au niveau de la région C terminale, qui est masqué tant que la molécule n’est pas activée. Ce domaine catalytique est caractérisé par une séquence précise d’acides aminés comportant notamment un résidu sérine dans une conformation spatiale particulière, d’où leur nom de sérine-protéase. L’activation consiste en une hydrolyse partielle de la molécule démasquant le site sérine-protéase. Le facteur activé a ainsi la capacité d’activer par hydrolyse un autre facteur dans une véritable cascade enzymatique. La vitamine K est nécessaire à l’acquisition des propriétés fonctionnelles des facteurs II, VII, IX et X dénommés ainsi facteurs vitamine K-dépendants. Le rôle de la vitamine K consiste en une carboxylation des résidus d’acide glutamique de la partie N terminale de la chaîne polypeptidique. La carboxylation est 4
Vitamine K dépendance
+ + + +
+ +
nécessaire à la fixation du calcium, véritable pont entre la chaîne polypeptidique et la surface phospholipidique plaquettaire ou tissulaire. En l’absence de vitamine K, le foie libère des facteurs décarboxylés très faiblement actifs. La fixation des sérines protéases procoagulantes à la surface des phospholipides confère trois types d’avantages au processus de coagulation : un accroissement de la concentration accélérant les interactions entre les différents facteurs, une restriction locale de l’activation de la coagulation, une protection des enzymes procoagulantes vis-à-vis des inhibiteurs circulants de la coagulation. Les facteurs contacts (facteurs XI, XII, prékallicréine), dont la synthèse ne dépend pas de la vitamine K, sont essentiellement définis par leur rôle dans le développement de la coagulation du plasma in vitro. En effet, leur activation est déclenchée par le contact avec une surface non mouillable (verre du tube par exemple), ou chargée négativement (sous-endothélium). Il semble que leur rôle dans l’hémostase physiologique soit mineur, et, bien que leur déficit congénital perturbe grandement les tests de coagulation, les sujets atteints ne présentent pas de manifestations hémorragiques. En revanche, les facteurs contacts participent aux processus de la fibrinolyse et de l’inflammation, tous deux étroitement reliés au système de la coagulation.
¶ Cofacteurs : facteurs V et VIII Les facteurs V et VIII sont dépourvus d’activité enzymatique mais accélèrent les réactions entre une enzyme et son substrat, d’où leur nom de cofacteurs. Ils sont activés par la thrombine (Va et VIIIa) qui réalise une hydrolyse partielle des molécules, démasquant ainsi les sites de liaison du cofacteur à l’enzyme et à son substrat. Les facteurs Va et VIIIa ont donc un rôle de potentialisateur des interactions enzymatiques et interviennent respectivement au sein de deux complexes enzymatiques de la cascade de la coagulation, le complexe tenase (VIIIa) et le complexe prothrombinase (Va) (cf. infra). Ces facteurs ne sont pas vitamine-K dépendants et sont synthétisés dans l’hépatocyte. Le facteur VIII, ou facteur antihémophilique A, circule dans le plasma associé au VWF qui joue ainsi le rôle de protéine transporteuse. Le gène codant pour le facteur VIII est situé sur le chromosome X.
¶ Fibrinogène Le fibrinogène représente le troisième type de facteur de la coagulation, jouant un rôle de substrat sans activité enzymatique ou catalytique propre. Il s’agit du substrat final de la coagulation,
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hydrolysé par la thrombine qui le transforme en chaînes insolubles de fibrine. Le fibrinogène est synthétisé par l’hépatocyte et son taux plasmatique est de l’ordre de 2 à 4 g/l, taux accru lors des états infectieux ou inflammatoires ou bien diminué par consommation excessive dans certains états pathologiques (coagulation intravasculaire disséminée [CIVD] ou fibrinogénolyse primitive). Il s’agit d’un polypeptide formé de six chaînes identiques deux à deux, reliées par des ponts disulfures. L’effet hydrolytique de la thrombine permet la polymérisation des chaînes de fibrinogène en gel de fibrine. Le fibrinogène intervient également au niveau de l’hémostase primaire, permettant l’agrégation des plaquettes entre elles en se fixant sur son récepteur membranaire gpIIb/IIIa. Le facteur XIII, ou facteur de stabilisation de la fibrine, renforce la cohésion des molécules de fibrine par la création de liaisons covalentes intermoléculaires, rendant le réseau de fibrine plus stable et plus solide. PHOSPHOLIPIDES ACTIVATEURS DE LA COAGULATION
Ils constituent une surface moléculaire catalytique permettant le déclenchement de la coagulation par l’activation des facteurs procoagulants. Il faut en effet comprendre que la coagulation est un processus de surface dont le déclenchement, la rapidité d’exécution et la restriction locale sont assurés par ces phospholipides membranaires exposés lors de conditions pathologiques ou réactionnelles. La fixation aux phospholipides membranaires de l’enzyme protéolytique, de son substrat et du cofacteur catalytique accélère grandement leurs interactions. Les phospholipides impliqués dans le déclenchement et le déroulement de la coagulation comprennent la phosphatidylsérine plaquettaire, anciennement dénommé facteur 3 plaquettaire (F3P), et le facteur tissulaire ou thromboplastine tissulaire. La phosphatidylsérine plaquettaire est exprimée à la surface de la membrane plaquettaire lors de son activation. Le facteur tissulaire, protéine transmembranaire, est exprimé de façon inductible par la cellule endothéliale activée, et de façon constitutive par les cellules sous-endothéliales, fibroblastes et cellules musculaires lisses. Le facteur tissulaire est ainsi exposé aux protéines procoagulantes lors d’une brèche vasculaire, avec mise à nu des structures sous-endothéliales. Le facteur tissulaire est le récepteur du facteur VII activé et leur liaison déclenche le processus de cascade enzymatique de la coagulation [cf. infra]. DÉROULEMENT DE LA COAGULATION IN VIVO
La coagulation in vivo se déroule en plusieurs étapes qui sont intriquées avec les différentes phases de l’hémostase primaire (Fig. 2). L’ultime étape de la coagulation repose sur la génération de son enzyme clé, la thrombine, protéine aux multiples fonctions. Son rôle à ce stade repose sur la transformation du fibrinogène en un gel de fibrine qui est la finalité même de la cascade de la coagulation, mais la thrombine interagit aussi sur de nombreux systèmes tels que l’hémostase primaire, l’inflammation ou la fibrinolyse. Phénomène complexe, la coagulation in vivo est régie par un certain nombre de principes fondamentaux que nous avons détaillés (cf. supra) : – elle est définie par une cascade de réactions enzymatiques dont les facteurs circulent dans le plasma à l’état de précurseurs inactifs qui sont activés par une hydrolyse partielle de leur chaîne protéique démasquant le site actif ; – elle s’opère localement au contact des surfaces phospholipidiques des membranes plaquettaires ou vasculopariétales ;
Figure 2
Schéma simplifié de la cascade de la coagulation. Les phospholipides, plaquettaires ou pariétaux, restreignent la cascade enzymatique à leur surface. FT : facteur tissulaire ; IIa : thrombine.
– elle est amplifiée par l’activité de cofacteurs catalytiques et par des boucles de rétroactivation enzymatique ; – elle est contrôlée par un système de régulation très précis lié à l’existence de protéines inhibitrices de la coagulation et d’un système de destruction secondaire du caillot de fibrine, la fibrinolyse (cf. infra). Plusieurs étapes sont identifiées : – 1re étape : déclenchement de la coagulation par activation du facteur VII ; – 2e étape : activation du facteur X et formation du complexe enzymatique prothrombinase ; – 3e étape : formation de la thrombine ; – 4e étape : formation du réseau de fibrine insoluble.
¶ Déclenchement de la coagulation par activation du facteur VII La rupture de la tunique endothéliale thromborésistante, secondaire à une lésion vasculaire, permet le contact du sang circulant avec les structures sous-endothéliales. La fixation du facteur VII plasmatique au facteur tissulaire, qui est exprimée de façon constitutive par les cellules musculaires lisses et les fibroblastes, représente le signal du déclenchement de la cascade enzymatique. La liaison du facteur VII permet en outre son autoactivation, amplifiant considérablement l’activité du complexe facteur tissulaire-facteur VII (FT-FVII).
¶ Activation du facteur X et formation du complexe enzymatique prothrombinase Le complexe FT-FVII active très rapidement par protéolyse le facteur X en facteur Xa. Celui-ci active en retour le facteur VII, rendant le complexe beaucoup plus actif et amplifiant ainsi sa propre production. Le facteur Xa forme, en association avec les phospholipides plaquettaires, le calcium et le cofacteur Va (cf. infra), un complexe enzymatique assurant le clivage protéolytique de la prothrombine qui génère ainsi la molécule de thrombine, d’où son nom de complexe prothrombinase. Par ailleurs, le complexe FT-FVII active, mais beaucoup plus lentement, le facteur IX (facteur antihémophilique B) en facteur IXa. Il se forme de la même façon un complexe enzymatique, appelé 5
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complexe tenase, associant facteur IXa, phospholipides plaquettaires, calcium, et le cofacteur VIIIa (cf. infra), qui active le facteur X en facteur Xa, amplifiant considérablement le rendement de la production de prothrombinase. Il existe donc deux voies d’activation protéolytique du facteur X qui sont distinctes dans leur cinétique. L’activation directe par le complexe FT-FVII est très rapide, et constitue le starter de la cascade enzymatique, pour aboutir précocement aux premières molécules de thrombine, alors que la voie indirecte passant par l’activation du facteur IX est beaucoup plus lente à se mettre en place mais est quantitativement prépondérante. Il existe une autre voie d’activation passant par le facteur XI qui est activé lentement par la thrombine nouvellement formée. Le facteur XIa active en retour le facteur IX pour renforcer la génération du complexe tenase. Le facteur XI peut également être activé par les facteurs contacts après exposition des composants du sousendothélium, mais l’importance de cette voie d’activation est mineure et les déficits en facteurs contacts n’entraînent pas de troubles hémorragiques. FORMATION DE LA THROMBINE
Le complexe prothrombinase assure la protéolyse de la prothrombine (facteur II) en thrombine (facteur IIa), protéine clé de la coagulation responsable de la génération du caillot de fibrine. En outre, la thrombine assure une amplification du rendement de la cascade enzymatique en activant les cofacteurs V et VIII qui accélèrent considérablement l’activité des complexes de la prothrombinase (Va) et de la tenase (VIIIa), conduisant à un accroissement explosif de la production de la thrombine. On considère en effet que la présence du cofacteur activé au sein du complexe enzymatique accroît son rendement par un facteur 106. Ce phénomène est nommé double boucle de rétroactivation de la génération de thrombine sur laquelle repose toute l’efficacité et la puissance du système.
¶ Fibrinoformation La dernière étape repose sur la transformation du fibrinogène soluble par l’hydrolyse de ces différentes chaînes polypeptidiques en monomères de fibrine, qui s’associent les unes aux autres grâce à des liaisons hydrogène de faible affinité pour former un gel de fibrine, ou le caillot de fibrine, qui est tout d’abord instable. Le facteur XIII, facteur de stabilisation de la fibrine, préalablement activé par la thrombine, solidifie alors les molécules de fibrine par l’établissement de liaisons covalentes entre les différentes molécules conduisant à une polymérisation des monomères de fibrine. RÉGULATION DE LA COAGULATION
Un système physiologique très complexe de régulation de la coagulation est mis en œuvre, afin de limiter l’extension locale du caillot et d’éviter la diffusion à distance de la fibrinoformation. Celui-ci a été démembré par l’identification de protéines déficitaires chez des sujets présentant une pathologie thrombotique récidivante dans un contexte familial. L’antithrombine a été la première molécule décrite et est l’un principaux inhibiteurs physiologiques de la coagulation. Il s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par le foie mais non dépendante de la vitamine K. Elle neutralise préférentiellement l’activité de la thrombine (IIa) mais aussi celle des autres facteurs de la coagulation à activité enzymatique (VIIa, IXa, Xa), à distance du caillot de fibrine. Associée à son récepteur endothélial, l’héparane sulfate, son activité inhibitrice est considérablement accrue, de l’ordre d’un facteur 1 000. L’antithrombine n’est pas active à la surface plaquettaire, lieu de formation du caillot, mais neutralise les facteurs enzymatiques dès qu’ils diffusent à distance. 6
Stomatologie
Le système protéine C-protéine S est de découverte plus récente. Il s’agit de deux protéines synthétisées par le foie sous la dépendance de la vitamine K. La protéine C est activée par la thrombine après liaison à la thrombomoduline exprimée par la membrane endothéliale. La protéine C activée (PCa) en présence de protéine S neutralise les cofacteurs Va et VIIIa, ralentissant par là considérablement la vitesse de génération de la thrombine. Les personnes présentant des déficits constitutionnels hétérozygotes en protéine C et protéine S sont à risque accru de thrombose veineuse spontanée ou en présence de facteurs de risque surajoutés. Plus récemment a été décrite une mutation du gène du facteur V, rendant la protéine insensible à l’action inhibitrice de la protéine C activée : il s’agit de la « résistance à la protéine C activée », pourvoyeur de thromboses familiales d’identification récente.
Fibrinolyse physiologique La fibrinolyse est un processus physiologique permettant la dissolution du caillot de fibrine. La fibrinolyse est bâtie selon la même conception que le système de la coagulation comprenant des molécules à activité protéolytique, qui agissent sur un substrat, contrôlées par un système d’activateurs et d’inhibiteurs permettant une régulation physiologique très précise. L’enzyme centrale de la fibrinolyse est la plasmine qui dérive d’un précurseur plasmatique inactif, le plasminogène, glycoprotéine d’origine hépatique. Le plasminogène possède une grande affinité pour la fibrine, et s’y fixe par un récepteur spécifique aux côtés de son activateur, permettant ainsi la génération locale de plasmine via le démasquage des sites protéolytiques. La plasmine protéolyse le fibrinogène et la fibrine en divers fragments de tailles variables, identifiés comme les produits de dégradation de la fibrine, ou PDF, qui sont quantifiables dans le plasma. Le taux de PDF plasmatiques est ainsi un reflet de l’activité de la plasmine et donc de l’activation de la coagulation. Les PDF sont emportés dans le courant plasmatique et épurés au niveau du foie par le système macrophagique. La fibrinolyse est contrôlée par deux systèmes équilibrés d’activation et d’inhibition de l’activité de la plasmine. Les activateurs principaux du plasminogène sont le t-PA (activateur tissulaire du plasminogène) et la pro-urokinase. Le t-PA est une sérine protéase d’origine endothéliale dont l’activité protéolytique sur le plasminogène est déclenchée lors de son adsorption sur la fibrine. La sécrétion vasculaire de t-PA est initiée par de nombreux stimuli d’activation de la cellule endothéliale : thrombine, cytokines pro-inflammatoires, anoxie, acidose, stase… La pro-urokinase ou activateur urinaire du plasminogène (u-PA), est le second activateur du plasminogène présent dans de nombreux tissus mais dont le rôle physiologique est moins connu que celui de la t-PA. Les inhibiteurs de la fibrinolyse comportent des inhibiteurs de la plasmine proprement dits et des inhibiteurs de l’activité du plasminogène. L’a–2–antiplasmine est la principale protéine à activité antiplasmine ; il s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par la cellule hépatique qui neutralise la plasmine plasmatique circulante non liée à la fibrine. Le PAI de type 1 ou PAI-1 est le principal inhibiteur des activateurs du plasminogène (PAI) ; il s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par la cellule endothéliale qui inhibe le t-PA et l’u-PA par formation d’un complexe covalent. Le PAI-1 est majoritairement localisé dans les granules a des plaquettes, et est libéré lors de l’activation plaquettaire qui initie le processus de l’hémostase. Le PAI de type 2 (PAI-2) est un autre inhibiteur synthétisé par le placenta au cours de la grossesse. Ce système très fin de régulation de l’activité de la plasmine et de sa restriction à la surface de la fibrine explique le fait que la
Stomatologie
Physiologie de l’hémostase
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fibrinolyse physiologique soit un processus qui reste localisé au niveau du thrombus. Son rôle réside en effet dans la lyse progressive du caillot après la cicatrisation de la brèche vasculaire, mais aussi dans la prévention de son extension évitant par là l’occlusion de la lumière vasculaire. Une hyperfibrinolyse primitive pathologique avec syndrome hémorragique peut s’observer au décours d’interventions chirurgicales intéressant des organes très riches en activateurs du plasminogène (t-PA et u-PA). Il existe par ailleurs des tableaux de fibrinolyse secondaire à des processus pathologiques de CIVD se développant au cours de certaines hémopathies ou états septiques sévères.
Exploration de l’hémostase Tout événement clinique hémorragique pathologique ou tout antécédent de manifestation(s) hémorragique(s) anormale(s) doit faire entreprendre un bilan d’hémostase à la recherche d’une cause acquise ou constitutionnelle. De même, une exploration de l’hémostase doit s’envisager à titre de bilan opératoire pour des interventions chirurgicales présentant un risque hémorragique. L’interrogatoire est déterminant dans la conduite du diagnostic, qui reposera sur un ensemble de tests biologiques explorant l’hémostase primaire ou la coagulation plasmatique. L’existence d’antécédents hémorragiques familiaux oriente d’emblée vers une pathologie constitutionnelle. L’interrogatoire fait par ailleurs préciser la nature des épisodes hémorragiques, leur sévérité, leur fréquence, les circonstances déclenchantes et l’âge d’apparition des premiers signes. EXPLORATION DE L’HÉMOSTASE PRIMAIRE
¶ Numération plaquettaire Devant l’apparition d’un syndrome hémorragique, la numération plaquettaire à la recherche d’une thrombopénie précède tout autre test. Rappelons que le taux normal de plaquettes se situe entre 150 et 400 109/l. Un taux supérieur à 30 109/l n’entraîne pas de risque de saignement spontané. La découverte d’une thrombopénie requiert un contrôle sur lame et une nouvelle numération sur anticoagulant citraté, l’éthylène diamine tétra-acétique (EDTA) habituellement utilisé pouvant générer une agglutination des plaquettes in vitro, minorant par là le décompte particulaire de l’automate. En cas de thrombopénie avérée, la démarche diagnostique s’emploie à retrouver l’étiologie, qu’elle soit centrale par défaut de production médullaire ou bien périphérique par excès de destruction.
¶ Temps de saignement Il s’agit de la pierre angulaire de l’exploration de l’hémostase primaire, et il est défini comme le temps nécessaire à l’arrêt spontané d’un saignement provoqué par une petite coupure superficielle. Il explore les différents éléments concourant à l’hémostase primaire, soit les plaquettes, la paroi vasculaire et le VWF. La standardisation des techniques par des procédés à usage unique a amélioré la fiabilité de ce test qui s’effectue classiquement, selon la méthode décrite initialement par Ivy, par une incision cutanée superficielle au niveau de l’avant-bras sous une pression constante de 40 mmHg. Dans ces conditions, le temps de saignement (TS) se situe entre 4 et 8 minutes. Avant toute pratique d’un TS, l’interrogatoire doit rechercher la prise de salicylés ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui allongent le TS par l’inhibition pharmacologique des fonctions plaquettaires. Rappelons par ailleurs qu’il est parfaitement inutile de demander un TS devant une thrombopénie, et notamment pour un taux inférieur à 50 109/l. En l’absence de thrombopénie, le
Figure 3
Exploration in vitro de la coagulation. Le temps de céphaline activé (TCA) explore les facteurs de la voie endogène et de la voie commune ; le temps de Quick (TQ) explore le facteur VII activé par le facteur tissulaire et les facteurs de la voie commune.
temps de saignement est allongé dans les cas de thrombopathies, acquises ou héréditaires, perturbant les fonctions plaquettaires, ou dans la maladie de Willebrand. La maladie de Willebrand est la plus fréquente des maladies hémorragiques héréditaires et est caractérisée par un déficit, quantitatif ou qualitatif, en VWF dont on rappelle qu’il joue un double rôle d’adhésion des plaquettes à la paroi endothéliale et de transporteur plasmatique du facteur VIII. Le diagnostic de maladie de Willebrand doit être évoqué devant un allongement du TS associé à un accroissement modéré du temps de céphaline activée (TCA) (cf. infra). Le diagnostic est affirmé par la diminution de l’activité fonctionnelle du VWF (agglutination des plaquettes en présence de ristocétine) et de son activité antigénique (dosage immunologique).
¶ Tests fonctionnels De nombreux tests étudient in vitro les différentes fonctions plaquettaires telles l’adhésion, la sécrétion ou l’agrégation. Ils sont indiqués devant un syndrome hémorragique sans cause évidente avec un TS allongé et une numération plaquettaire habituellement normale, ou modérément abaissée, à la recherche d’une thrombopathie héréditaire. Ils ne sont pas de pratique courante et sont réservés aux laboratoires spécialisés.
Exploration de la coagulation Le TCA et le temps de Quick (TQ) sont les deux tests de dépistage universellement utilisés pour explorer les différentes phases de la coagulation. Le dosage spécifique des facteurs de la coagulation, à la recherche d’un déficit isolé, est effectué en fonction des résultats des tests précédents. Le TCA et le TQ explorent chacun la voie d’activation de la coagulation qui lui est spécifique. En effet, l’exploration in vitro de la coagulation a depuis longtemps isolé deux voies distinctes d’activation, la voie endogène mettant en jeu les facteurs contacts et les facteurs IX et VIII jusqu’au complexe prothrombinase, et la voie extrinsèque d’activation par le facteur tissulaire impliquant le facteur VII. La voie commune comprend la thrombinoformation et implique les facteurs V, X et II et la fibrinoformation. Il est dorénavant admis que ce schéma n’est pas directement applicable in vivo mais qu’il reste utile dans l’exploration in vitro. Le TCA explore donc la voie dite endogène et le TQ la voie extrinsèque, tous deux impliquant par ailleurs le tronc commun terminal (Fig. 3). 7
Physiologie de l’hémostase
22-009-D-20 TEMPS DE CÉPHALINE ACTIVÉ
Le TCA correspond au temps de coagulation d’un plasma, décalcifié et déplaquetté, en présence de céphaline, d’un activateur des facteurs de la phase contact et de calcium. La céphaline est un substitut des phospholipides plaquettaires dont il existe plusieurs formes commercialisées, et l’activateur de la phase contact le plus communément utilisé est le kaolin. Le TCA explore les facteurs contacts (facteurs XII, XI, ) et les facteurs IX, VIII, X, V, II et le fibrinogène. Le temps normal dépend des activateurs et de la céphaline utilisée par chaque laboratoire, et varie de 30 à 40 secondes. Le TCA d’un patient donné doit être comparé au TCA témoin du laboratoire, et on considère qu’un temps est pathologique pour une valeur supérieure de 6 à 10 secondes audessus du témoin. Un TCA allongé de façon isolée, sans allongement du TQ, chez un patient qui saigne, doit faire évoquer un déficit en facteur IX (hémophilie B) ou en facteur VIII (hémophilie A), les déficits pour les autres facteurs de la voie endogène étant peu hémorragipares. TEMPS DE QUICK
Le temps de Quick correspond au temps de coagulation d’un plasma, décalcifié et déplaquetté, en présence de thromboplastine, source de facteur tissulaire, et de calcium. Le TQ explore le facteur VII, facteur de la voie extrinsèque, et les facteurs de la voie commune, X, V, II et le fibrinogène. Il est compris entre 10 et 13 secondes en fonction de la thromboplastine utilisée, et est exprimé en pourcentage par rapport à un pool de plasma calculé selon une courbe de référence. On le nomme alors taux de prothrombine (TP), ce qui peut amener une certaine confusion terminologique. La normalité se situe entre 70 et 100 %. Le TQ pratiqué dans le cadre de la surveillance d’un traitement anticoagulant par antivitamine K doit s’exprimer en INR
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Stomatologie
(international normalized ratio) calculé selon un index international permettant de s’affranchir des variations de sensibilité des différents réactifs utilisés. DOSAGE SPÉCIFIQUE DES FACTEURS DE LA COAGULATION
Ils doivent être demandés devant des tests de dépistage (TCA ou TQ) anormaux à la recherche d’un déficit, acquis ou constitutionnel, en un ou plusieurs facteurs de la coagulation. Il repose sur la capacité du plasma à tester et à corriger le temps de coagulation d’un plasma spécifiquement déficitaire en un facteur à mesurer. EXPLORATION DE LA FIBRINOFORMATION
Elle repose sur deux tests simples, le dosage du fibrinogène et le temps de thrombine. Le dosage du fibrinogène est effectué par diverses méthodes et son taux est normalement compris entre 2 et 4 g/l. Le temps de thrombine est le temps de coagulation d’un plasma après apport d’une quantité fixe et diluée de thrombine. Il est déterminé pour être normalement compris entre 16 et 20 secondes. Le temps de thrombine explore spécifiquement la fibrinoformation et est allongé en cas d’anomalie quantitative ou qualitative du fibrinogène, ou en présence d’inhibiteurs de la thrombine, telle l’héparine par exemple.
Références [1] Boneu B, Cazenave JP. Introduction à l’étude de l’hémostase et de la thrombose. Reims: Boehringer Ingelheim, 1997 [2] Sampol J, Arnoux D, Boutière B. Manuel d’hémostase. Paris: Elsevier, 1995
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Physiologie et pathologie du goût C. Gomez Le goût est une sensation permettant l’appréciation exclusivement de la sapidité d’une substance alimentaire, alors que la gustation en permet l’appréciation combinée goût-arôme-caractères physiques. Les sensations plaisir-indifférence-déplaisir induites par l’ingestion d’un aliment permettent d’en déterminer la palatabilité : un aliment palatable favorise son ingestion, alors qu’un aliment non palatable limite ou inhibe son ingestion. La saveur sucrée et la teneur en lipides des aliments sont les deux principaux déterminants d’une palatabilité élevée (rôle des lipides principalement dans l’appréciation de l’arôme et des caractères physiques). Cette étude synthétique des modalités de la réception gustative, de la neurophysiologie de la transmission gustative, de la systématisation anatomophysiologique des voies gustatives et de la pathologie du goût est justifiée, non seulement par l’intérêt actuellement attribué à la fonction gustative longtemps considérée comme secondaire, mais aussi et surtout par l’intérêt d’en connaître les dysfonctions tant « physiologiques » que pathologiques. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan ¶ Physiologie de la réception gustative Différents types de saveurs Différents types de substances sapides Récepteurs gustatifs Transduction énergétique d’un stimulus sapide
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¶ Physiologie de la transmission gustative Conditions d’efficacité d’un stimulus sensoriel Informations gustatives Sensibilité gustative et seuils gustatifs Adaptation gustative
5 5 5 6 6
¶ Systématisation anatomophysiologique des voies gustatives Voies gustatives périphériques Voies gustatives centrales
7 7 7
¶ Pathologie du goût Différents troubles du goût Étiologie
8 8 8
■ Physiologie de la réception gustative La sapidité d’une substance ne peut être perçue que lorsque cette substance est à l’état liquide, c’est-à-dire en solution ou dissoute dans la salive (cas de la plupart des substances alimentaires) : une telle condition est indispensable pour que les éléments de sapidité (molécules sapides elles-mêmes ou leurs produits de dissociation salivaire ou enzymatique) soient véhiculés au niveau des récepteurs gustatifs. Toutefois et de façon inexpliquée, certaines molécules véhiculées par voie sanguine peuvent être sapides : c’est le cas principalement de certains médicaments, non seulement après leur administration parentérale, mais aussi après leur ingestion (dès le passage sanguin de leurs métabolites). Médecine buccale
Le réflexe gustosalivaire favorise la dissolvabilité d’une substance sapide en modulant non seulement le débit salivaire, mais aussi la qualité de la salive en fonction des « besoins » du stimulus.
Différents types de saveurs Saveurs élémentaires Une saveur élémentaire est, par définition, une saveur non qualitativement discriminable. Elle est représentative non seulement d’une substance sapide fondamentale, mais aussi d’un mélange de deux ou plusieurs substances sapides fondamentales ayant la même qualité de saveur (puisque la saveur d’un tel mélange n’est pas qualitativement discriminable). Il est classique de distinguer quatre saveurs élémentaires : le sucré, l’amer, le salé et l’acide. Toutefois, il est probable qu’il existe d’autres saveurs que leur caractère non qualitativement discriminable doit faire considérer comme élémentaires. Parmi de telles saveurs, la saveur des glutamates dite umami (terminologie japonaise) a la particularité d’exhausser le goût de nombreux aliments ; le glutamate de sodium est actuellement de plus en plus utilisé comme additif « de palatabilité ».
Saveurs mixtes Une saveur mixte est composée de deux ou plusieurs saveurs élémentaires de qualité différente. Elle est représentative d’une substance sapide non fondamentale ou d’un mélange de deux ou plusieurs substances sapides (fondamentales ou non) ayant des qualités de saveur différentes. Certaines saveurs classiquement considérées comme mixtes seraient, en fait, des saveurs élémentaires supplémentaires en raison de leurs caractères qualitativement probablement non discriminables : c’est le cas de la saveur « métallique » des métaux lourds et de la saveur « alcaline » des sels alcalins.
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28-170-M-10 ¶ Physiologie et pathologie du goût
–A–H
B– 3 A
Molécule sucrée –B
Récepteur H–A–
Figure 1. Structure stéréochimique commune à l’ensemble des composés ayant une saveur sucrée.
Saveurs particulières La sensation gustative « piquante » d’une substance épicée est plus une sensation somesthésique extéroceptive qu’une sensation gustative proprement dite. Il en est de même pour certaines substances fortement alcoolisées ou fortement acides.
Différents types de substances sapides Le type d’une substance sapide est déterminé par sa qualité de saveur mais non par sa structure. Quel que soit le type de substance sapide, deux ou plusieurs saveurs de même qualité ont un effet additif (mais exceptionnellement synergique) et deux ou plusieurs saveurs de qualité différente ont un effet de masquage (mais jamais d’insipidité). L’importance de la sapidité d’une substance est conventionnellement déterminée, pour chaque type de substance sapide, par son indice de sapidité qui est défini par l’inverse de la valeur moyenne de sa molarité permettant d’évaluer son seuil de stimulation, une telle valeur étant corrigée par une constante K dont la valeur conventionnelle est telle que l’indice 1 correspond à la substance de référence. L’indice de sapidité, ainsi déterminé par le rapport 1/seuil/K, permet de comparer le potentiel sapide d’une substance à celui de la substance de référence de même type : par exemple, une substance sucrée ayant un indice de sapidité de 150 signifie que 1 g d’une dilution au 1/150e de cette substance a le même pouvoir sucrant que 1 g de saccharose.
Substances sucrées La saveur sucrée est probablement conditionnée par une structure moléculaire commune (Fig. 1) caractérisée par une distance de 3 Å entre le radical A-H électropositif et le radical B électronégatif [1]. Cette structure activerait, par l’intermédiaire d’un pont hydrogène, les sites récepteurs de polarité inverse ; une telle activation se fait d’autant plus facilement que l’hydrophobie des sites récepteurs est importante [2]. La plupart des substances sucrées sont des glucides mais tous les glucides ne sont pas sucrés. En outre, certaines substances dites sucrées sont perçues initialement sucrées puis amères (en raison des différentes zones réceptrices successivement activées lors du temps buccal de la déglutition). Sucres et succédanés Les principaux sucres proprement dits sont les oses et holosides suivants : le fructose (hexose à indice 1,6), le saccharose (diholoside à indice de référence 1), le glucose (hexose à indice 0,8), le xylose (pentose à indice 0,4), le galactose (hexose à indice 0,3), le maltose (diholoside à indice 0,3) et le lactose (diholoside à indice 0,2). Parmi les succédanés des sucres, les sucres hydrogénés dits sucres-alcools ont l’avantage d’avoir une plus faible cariogénicité que les sucres dont ils dérivent : c’est le cas principalement du xylitol (indice 1) qui est probablement non cariogène, et du sorbitol (indice 0,6) qui est utilisé couramment dans l’alimentation, plus en raison de ses avantages technologiques (viscosité, humectance) que de sa faible cariogénicité. Le maltitol et le mannitol ne peuvent être utilisés dans l’alimentation en raison respectivement d’une mauvaise absorption intestinale et d’un effet diurétique important. Édulcorants Un édulcorant [3, 4] devant avoir un potentiel calorique nul ou négligeable, il est abusif de considérer comme tel les
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succédanés des sucres en raison de leurs potentiels caloriques souvent semblables aux sucres dont ils dérivent. • L’aspartam (dipeptide synthétique composé d’acide L-aspartique et de L-phénylalanine sous forme de méthylester) est couramment utilisé en raison de sa qualité de saveur, de son indice de sapidité (150 à 200) et de son absence de toxicité (à la condition de le déconseiller aux enfants de moins de 30 mois et surtout de le contre-indiquer en cas de phénylcétonurie). • L’acésulfame K (dérivé synthétique des oxathiazinonesdioxides) a un indice de sapidité semblable à celui de l’aspartam et a l’avantage, par rapport à l’aspartam, d’avoir une grande stabilité à la chaleur (instabilité de l’aspartam dès 50 °C). • Les sacchariniques et les cyclamates doivent être utilisés avec modération en raison de l’incertitude quant à leurs potentiels cancérigènes (l’Organisation mondiale de la santé conseille de ne pas dépasser 350 mg de sacchariniques par jour ; l’utilisation des cyclamates est interdite dans l’alimentation mais autorisée dans l’édulcoration de produits pharmaceutiques). • La glycyrrhizine (acide estérifié extrait de racines de réglisse) est commercialement exploitée malgré des risques d’hypertension artérielle et de déplétion potassique. • Les dihydrochalcones (dérivés synthétiques de certaines flavones du pamplemousse) et les extraits de certains fruits tropicaux (thaumatine, miraculine, monelline) ne sont pas utilisés en raison d’une innocuité incertaine (dihydrochalcones), d’un potentiel allergisant (thaumatine), d’une interaction perturbatrice de sapidité (miraculine) et d’une difficulté de conservation (monelline). Autres substances sucrées Certains acides aminés ont une saveur plus ou moins sucrée : c’est le cas du D- ou L-glycocolle et de la L-alanine (indices de référence 1), de la D-leucine et de la D-thyrosine (indices 5), de la D-histidine et de la D-phénylalanine (indices 7), et du D-tryptophane (indice 30) qui ne peut être utilisé comme édulcorant en raison d’effets secondaires probablement dus à une hyperproduction de sérotonine. Seul le glycocolle, dit sucre de gélatine, est couramment utilisé dans l’alimentation. La plupart des sels de béryllium et des sels de plomb (principalement l’acétate de plomb) ont une saveur plus ou moins sucrée. Le chloroforme, en raison de son importante dissolvabilité salivaire, peut avoir une saveur sucrée importante (indice 40). Substances amères Le déterminisme d’une substance amère est inconnu. Toutefois, il est probable que certains radicaux (NO2, NH2, SH2, SO2) ont un potentiel amérogène : c’est le cas principalement des alcaloïdes qui sont les substances amères non seulement les plus fréquentes, mais aussi les plus amères (l’intense saveur amère des alcaloïdes dangereux, tels que les toxines de certaines plantes, en raison de la sensation très désagréable d’une saveur amère intense, permet le rejet immédiat du toxique ainsi rapidement perçu). Les principaux alcaloïdes amers sont la brucine (indice 11), la strychnine (indice 3), la quinine (indice de référence 1), et la phénylthio-urée (indice 0,9). Il existe une insensibilité ethnique et/ou familiale pour certains apparentés à la thio-urée possédant un groupement N-C = S. La plupart des sels de magnésium et des sels de potassium (principalement l’iodure de potassium) ont une saveur plus amère que salée. L’acide picrique est presque exclusivement amer. De nombreux hétérosides de poids moléculaire élevé et certains acides aminés (principalement les formes L des acides aminés sucrés) ont une saveur plus ou moins amère.
Substances salées La sapidité d’un sel est probablement conditionnée par une interaction anion/cation avec une prépondérance salée pour le sodium, le chlore et le lithium. Médecine buccale
Physiologie et pathologie du goût ¶ 28-170-M-10
Figure 2. A. Représentation schématique. 1. Cellule « prégustative » ; 2, 3. cellules gustatives ; 4. cellule basale. B. Aspect histologique (cliché et coupe histologique réalisés par G. Briançon). 1
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A
Toutes les substances salées sont des sels mais la quasitotalité des sels ont une saveur concomitante : le chlorure de sodium (indice de référence 1) est pratiquement le seul sel ayant une saveur « pure », bien qu’il puisse avoir, à de très faibles concentrations, une légère saveur concomitante sucrée.
Substances acides La sapidité d’un acide est conditionnée par la résultante pH-effet tampon salivaire et probablement par certains anions, voire par la conformation spatiale de la molécule. Toutes les substances ayant une saveur acide « pure » sont des acides mais tous les acides n’ont pas une saveur « pure ». Pour un même pH, un acide organique (tel que l’acide acétique) a souvent une saveur plus intense qu’un acide minéral (tel que l’acide chlorhydrique, indice de référence 1). L’acide borique est insipide, quel que soit son pH. Les acides aminés sont plus souvent sucrés ou amers qu’acides.
Cellules « prégustatives ». Les cellules « prégustatives » (cellules de type 1) sont des cellules périphériques peu fonctionnelles induites par les cellules basales (cellules de type 4) provenant de la différenciation des cellules épithéliales de l’épithélium buccal. Elles sont caractérisées par des microvillosités pénétrant plus ou moins le pore gustatif et des granulations apicales denses probablement responsables de la sécrétion de la substance mucoïde osmophile contenue dans la lumière centrale. Cellules gustatives proprement dites. Les cellules gustatives proprement dites sont des cellules prématures et matures (cellules de type respectivement 2 et 3) issues des cellules « prégustatives » ayant « migré » au centre du récepteur. Elles sont caractérisées par des microvillosités ne pénétrant pas le pore (cellules de type 2) et par une évagination pénétrant le pore mais dépourvue de microvillosités (cellules de type 3). En outre, les cellules matures ont l’importante particularité de posséder des vésicules cytoplasmiques basales de type synaptique.
Récepteurs gustatifs
Connexions neuronales
Les récepteurs gustatifs apparaissent chez le fœtus entre 3 et 4 mois et deviennent de plus en plus nombreux pendant la vie fœtale. Leur nombre diminue de l’enfance à l’âge adulte, en particulier à partir de 45-50 ans et surtout chez le sujet âgé [5] : alors qu’un adulte jeune possède environ 10 000 récepteurs gustatifs, un sujet très âgé peut n’en posséder que quelques centaines.
Les extrémités dendritiques des fibres gustatives forment un plexus au niveau du tissu conjonctif sous-jacent au récepteur et, après s’être démyélinisées, se connectent aux cellules gustatives par l’intermédiaire de renflements terminaux non synaptiques (cellules de type 1 et 2) et de synapses de type axonal (cellules de type 3). Chaque fibre gustative innerve plusieurs dizaines de récepteurs (une même fibre innerve souvent un petit groupe de quatre à six papilles fongiformes) et chaque récepteur reçoit l’innervation de dix à 20 fibres différentes. Il existe des extrémités neuronales dépourvues de récepteurs gustatifs dont certaines peuvent probablement être activées par des stimuli sapides intenses.
Histologie Un récepteur gustatif (Fig. 2) est un amas cellulaire ovoïde inclus dans l’épithélium de la muqueuse buccale et en connexion neuronale avec les extrémités dendritiques des protoneurones gustatifs. Il est constitué d’une cinquantaine de cellules parmi lesquelles la moitié sont des cellules fusiformes de « soutien » dont la disposition lamellaire délimite une lumière centrale en communication avec le milieu buccal par un orifice annulaire dit pore gustatif [6]. Les récepteurs gustatifs subissent un renouvellement constant (probablement tous les 7 à 10 jours) rendu nécessaire par les agressions physicochimiques permanentes de la muqueuse buccale. En outre, toute insuffisance fonctionnelle des fibres gustatives (section anatomique ou fonctionnelle) induit la dégénérescence des récepteurs correspondants (dégénérescence en quelques jours, disparition en quelques semaines) et le rétablissement fonctionnel de l’innervation des récepteurs gustatifs induit leur régénération (probablement par induction chimique à partir du neurone régénéré). Cellules gustatives Les cellules fonctionnellement différenciées sont des cellules à différents stades de maturation : faiblement différenciées en périphérie du récepteur, matures au centre du récepteur. Médecine buccale
Topographie Récepteurs linguaux La grande majorité des récepteurs gustatifs sont localisés au niveau de la langue : chez le sujet jeune, environ 8 000 des 10 000 récepteurs gustatifs sont des récepteurs linguaux. La quasi-totalité des récepteurs linguaux est incluse dans l’épithélium des papilles gustatives fongiformes, circumvallées et foliées. Papilles fongiformes. Les 150 à 200 papilles fongiformes (Fig. 3) sont des saillies épithéliales pédiculées de l’ordre de 1 mm dont la couleur rouge les rend facilement repérables. Comme les récepteurs gustatifs, leur nombre diminue avec l’âge (parfois jusqu’à quelques dizaines chez le sujet très âgé). Les papilles fongiformes sont localisées à la face dorsale de la langue, principalement sur les bords marginaux antéromoyens avec un débord dorsal d’autant plus important que leur localisation est antérieure : la majorité des papilles fongiformes sont ainsi localisées au niveau de la pointe de la langue. La base de la langue ne possède pratiquement pas de papilles fongiformes.
3
28-170-M-10 ¶ Physiologie et pathologie du goût
Tableau 1. Zones de réception gustative préférentielles. Les saveurs élémentaires en italique correspondent à une réception optimale dominante. Réception linguale pointe bords
sucré
salé
antérieurs
sucré
salé
moyens
salé
sucré
postérieurs
acide
salé
V lingual
amer Réception extralinguale
voile
amer
épiglotte
pas de spécificité préférentielle
acide
pharynx
Figure 3. Les papilles fongiformes possèdent des récepteurs gustatifs intraépithéliaux principalement localisés au niveau de leurs renflements apicaux et un tissu conjonctif très vascularisé. 1. Récepteur gustatif ; 2. tissu conjonctif (cliché et coupe histologique réalisés par G. Briançon).
Localisations vélaire et épiglottique. Les récepteurs vélaires sont localisés principalement au niveau de l’union voile mouvoile membraneux, des régions sus-amygdaliennes et du bord libre du voile (à l’exclusion de la luette). Les récepteurs épiglottiques sont localisés presque exclusivement au niveau de la face postérieure dite linguale de l’épiglotte. Autres localisations. L’oropharynx (principalement ses parois latérales) et parfois la partie supérieure de l’hypopharynx possèdent quelques récepteurs gustatifs. Il pourrait en être parfois de même au niveau du tiers supérieur de l’œsophage. Exceptionnellement et presque exclusivement chez le jeune enfant, le palais dur peut posséder quelques récepteurs gustatifs essentiellement localisés au niveau de sa partie postérieure.
Systématisation des zones de réception gustative La répartition irrégulière des récepteurs gustatifs permet de systématiser différentes zones de réception quantitativement et qualitativement préférentielle (Tableau 1). Figure 4. Les papilles circumvallées (A) possèdent des récepteurs gustatifs intraépithéliaux principalement localisés au niveau du versant papillaire de leurs sillons périphériques. Les papilles foliées (B) possèdent des récepteurs gustatifs exclusivement localisés au niveau des sillons interpapillaires. Le tissu conjonctif sous-jacent possède des glandes séreuses dont les canaux excréteurs font issue au fond des sillons. 1. Récepteur gustatif ; 2. glande séreuse ; 3. canal excréteur (clichés et coupes histologiques réalisés par G. Briançon).
Une papille fongiforme possède moins de dix récepteurs gustatifs principalement localisés au niveau de son renflement apical, chaque récepteur possédant moins de dix cellules gustatives matures. Papilles circumvallées. Les neuf à 12 papilles circumvallées (Fig. 4A) constituant le V lingual sont des saillies épithéliales non pédiculées de l’ordre de 2 à 3 mm de diamètre cernées d’un sillon périphérique contenant une substance séreuse sécrétée par les glandes de Von Ebner sous-jacentes aux papilles. Une papille circumvallée possède 100 à 200 récepteurs gustatifs principalement localisés sur les parois latérales de leur sillon périphérique, chaque récepteur possédant de dix à 20 cellules gustatives matures. Papilles foliées. Les papilles foliées (Fig. 4B) sont de petites crêtes épithéliales localisées sur les bords postéromoyens de la langue, principalement au niveau des extrémités du V lingual. Ces papilles, rudimentaires chez l’homme, sont très développées chez certains animaux. Récepteurs extralinguaux Le nombre des récepteurs extralinguaux diminue rapidement avec l’âge : un sujet âgé en est pratiquement toujours dépourvu.
4
Réception linguale Au niveau des deux tiers antérieurs. Les zones de réception préférentielles, largement intriquées, correspondent non seulement à un grand nombre de papilles fongiformes (réception quantitativement préférentielle) mais aussi à une majorité d’entre elles ayant la même sensibilité préférentielle (réception qualitativement préférentielle) : une telle répartition est responsable, pour une zone déterminée, d’une sensibilité préférentielle « bivalente » sucré-salé dont une sensibilité dominante. Au niveau du tiers postérieur. Les zones de réception préférentielle correspondent aux papilles circumvallées (sensibilité nettement dominante à l’amer). Réception extralinguale Les récepteurs vélaires ont généralement une sensibilité préférentielle « bivalente » à l’amer et à l’acide (dominance probable à l’amer), alors que les récepteurs épiglottiques et pharyngés n’auraient pas de spécificité préférentielle.
Transduction énergétique d’un stimulus sapide Adsorption des éléments de sapidité Les éléments de sapidité sont « piégés » par les microvillosités lors de l’ouverture des pores gustatifs (l’ouverture du pore dépend des ions zinc et cuivre alors que sa fermeture dépend de la fonction sulfydride R-SH) puis se lient, hypothétiquement par l’intermédiaire d’une combinaison avec la substance mucoïde des récepteurs, à la structure probablement protéique des sites récepteurs. Une telle liaison est faible puisqu’un simple passage d’eau suffit à abolir la saveur. Médecine buccale
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Bien que les sites récepteurs aient chacun une importante sélectivité d’absorption, leur distribution statistique au hasard rend compte de la plurisensibilité de chaque cellule gustative : Pfaffmann [7] énonce : « une cellule peut être très sensible au sucré et peu au salé alors qu’une cellule voisine peut avoir une sensibilité inverse ». Seule l’affinité globale de l’ensemble des sites récepteurs d’un récepteur ou d’un petit groupe de récepteurs (papille fongiforme par exemple) permet un rapport d’activation tel que le récepteur ou le groupe de récepteurs est généralement très préférentiellement sensible à une seule qualité fondamentale de stimulus.
probabilité d'efficacité % 100
50
0
juxtaliminaire supraliminaire
infraliminaire
intensité du stimulus
Potentiel de récepteur L’adsorption des éléments de sapidité est responsable d’une modification de la perméabilité membranaire des cellules gustatives qui induit une dépolarisation membranaire [8], c’està-dire un potentiel de membrane moins négatif que le potentiel initial de repos. Un tel potentiel de récepteur se propage des sites récepteurs aux extrémités neuronales : il est dit potentiel récepteur (PR) lorsqu’il concerne les cellules réceptrices et potentiel générateur (PG) lorsqu’il concerne les extrémités neuronales. Un PR ne pouvant induire un PG que lorsque le seuil d’excitabilité neuronale est au moins atteint, la suffisance d’amplitude d’un PR pour la formation d’un PG dépend du type de connexion neuronale : nécessité d’un PR de forte amplitude au niveau des connexions avec des cellules de types 1 et 2, alors que la probabilité de formation d’un PG au niveau des connexions synaptiques avec les cellules de type 3 est augmentée par la fonction excitatrice de ces synapses (grâce au passage transmembranaire des vésicules cytoplasmiques dans ces synapses).
Figure 5. Relation statistique entre l’intensité du stimulus et sa probabilité d’efficacité. Parmi les stimuli juxtaliminaires, le stimulus liminaire est défini par sa probabilité d’efficacité à 50 %, c’est-à-dire par l’activation statistique de 50 % des fibres.
potentiel membranaire c
0
b a
■ Physiologie de la transmission gustative Conditions d’efficacité d’un stimulus sensoriel Un stimulus, pour être efficace, doit non seulement être adéquat vis-à-vis de la spécificité des récepteurs et de leurs fibres afférentes (principe des énergies nerveuses spécifiques) mais aussi avoir une intensité suffisante pour dépasser le seuil d’excitabilité neuronale. Une telle réponse neuronale est dite par « tout ou rien » puisqu’elle rend compte de l’efficacité d’un stimulus sans modalité de réponse intermédiaire. Dans les conditions physiologiques de pluralité d’activation neuronale et en raison de la pluralité des valeurs des seuils d’excitabilité, l’intensité d’un stimulus est statistiquement définie par sa probabilité d’efficacité (Fig. 5).
Informations gustatives Il convient de distinguer informations gustatives et informations de la gustation, les informations de la gustation étant des informations mixtes olfactogustatives et somesthésiques extéroceptives : • les informations gustatives, dues à l’activation exclusive du système gustatif, permettent la sensation de goût, c’est-à-dire l’appréciation exclusive de la sapidité d’un stimulus ; • les informations olfactives de la composante olfactive de la gustation, dues à l’activation du système olfactif par les molécules odoriférantes du stimulus (tant par voie nasale que rétronasale par reflux choanal des molécules odoriférantes), permettent l’appréciation de l’arôme du stimulus ; • les informations somesthésiques extéroceptives buccopharyngées de la composante somesthésique de la gustation permettent l’appréciation des caractères physiques du stimulus (importance de la somesthésie linguopalatine lors de la mastication et du temps buccal de la déglutition). Médecine buccale
d
seuil d'excitabilité
e
potentiel de repos f
Figure 6. Morphologie schématique d’un potentiel d’action (PA) unitaire. ab : prépotentiel (partie infraliminaire du potentiel générateur) ; bcd : pointe de PA ; de : postpotentiel négatif (repolarisation terminale) ; ef : postpotentiel positif (hyperpolarisation). L’amplitude et la durée d’une pointe de PA ne dépendent pas de l’intensité du stimulus mais du type de fibre et de son milieu extérieur (température et concentration ionique).
potentiel membranaire
0
potentiel de repos
Figure 7. Train d’influx lors d’un stimulus prolongé. L’action stimultanée du mécanisme de repolarisation et du potentiel générateur confère à la phase de retour au potentiel de repos du postpotentiel positif une pente « accélérée » qui conditionne le temps d’émission du potentiel suivant et, de ce fait, le rythme de répétitivité des potentiels d’action.
Alors que l’unité d’influx est le potentiel d’action (PA) (Fig. 6), le train d’influx (Fig. 7) en est sa stricte reproductibilité répétitive par auto-induction de proche en proche. La fréquence des PA d’un train d’influx dépendant de l’amplitude du PG (dans la limite de la saturation des fibres en PA), la durée d’un train d’influx dépend de la persistance d’une amplitude suffisante du PG pour dépasser le seuil d’excitabilité neuronale (c’est-à-dire de la persistance d’une intensité stimulante au moins liminaire).
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second stimulus : un stimulus sucré diminue la sensibilité à un second stimulus acide et augmente la sensibilité à un second stimulus amer ; un stimulus amer augmente la sensibilité à un second stimulus sucré.
acuité de saveur (logarithme) saturation
« seuil » maximal
insipidité
Cohérence de sensibilité seuil d'identification seuil de détection intensité du stimulus (logarithme)
Figure 8. Relation entre l’intensité du stimulus et l’acuité de saveur. Le logarithme de l’intensité du stimulus est une fonction linéaire du logarithme de l’acuité de saveur, du seuil de détection au « seuil » de saturation en potentiel d’action.
Il existe fréquemment un certain degré de cohérence de sensibilité pour les stimuli sucré/salé-amer, salé/sucré, et amer/ salé : un sujet est d’autant plus sensible au salé et à l’amer qu’il est sensible au sucré ; un sujet est d’autant plus sensible au sucré ou au salé qu’il est sensible respectivement au salé ou à l’amer.
Adaptation gustative Codage quantitatif Alors que l’information neuronale d’une fibre unitaire est quantifiée par la fréquence des PA et non par leur amplitude, le codage quantitatif d’un ensemble de fibres est déterminé par la densité globale des PA (chaque fibre conserve son propre codage en fréquence) et par l’amplitude du PA globale qui dépend du nombre de fibres activées (le nombre de fibres activées croît avec l’augmentation de la surface stimulée et de l’intensité du stimulus).
Comme toute adaptation sensorielle à un stimulus prolongé, l’adaptation gustative est un phénomène temporel responsable d’une diminution d’acuité gustative d’autant plus importante que le stimulus est prolongé. Ainsi, et comme toute acuité sensorielle, l’acuité d’une sensation gustative n’est pas une traduction fidèle de l’intensité du stimulus sapide mais plutôt une interprétation dépendante de ses modalités adaptatives périphériques et centrales (probablement et contrairement aux autres systèmes sensoriels, plus centrales que périphériques).
Codage qualitatif
En cas de stimulus unitaire
Le codage qualitatif d’un ensemble de fibres (une fibre unitaire ne peut coder une information que quantitativement) est déterminé par un rapport d’activation neuronale privilégié vis-à-vis de la qualité du stimulus. Si on admet que la répartition des récepteurs gustatifs en zones de réception préférentielles permet la systématisation de réception d’une « image » du stimulus et que le pourcentage d’activation et d’inhibition des récepteurs (efférences inhibitrices d’origine centrale) permet d’en déterminer le « contraste », le codage qualitatif d’un stimulus peut être considéré comme la reproduction de l’« image » plus ou moins « contrastée » formée par sa réception.
L’adaptation gustative est d’autant plus importante non seulement que la durée du stimulus est prolongée, mais aussi que ce stimulus est intense : bien qu’une telle adaptation soit dite lente, elle est relativement rapide les 2 ou 3 premières secondes du stimulus puis lentement dégressive jusqu’à la fin du stimulus. Pour une durée et une intensité de stimulus déterminées, l’importance de l’adaptation gustative est identique pour une même qualité de stimulus mais différente pour chacune des qualités de stimulus (elle est souvent plus importante pour le sucré ou le salé que pour l’amer ou l’acide) : une telle spécificité adaptative rend compte, lors d’un stimulus à effet de masquage, de l’augmentation relative de certaines saveurs avec la durée du stimulus (c’est le cas principalement pour la saveur amère d’un stimulus sucré-amer).
Sensibilité gustative et seuils gustatifs Alors que la sensibilité d’un sujet à un stimulus est déterminée par l’acuité minimale perceptible de la sensation induite par ce stimulus, le seuil d’un stimulus est déterminé par l’intensité stimulante nécessaire pour « atteindre » la sensibilité du sujet à ce stimulus. Ainsi, une forte valeur de seuil correspond à une faible sensibilité et une faible valeur de seuil correspond à une forte sensibilité. Un stimulus gustatif est cliniquement défini par deux types de seuil (Fig. 8) : • le seuil de détection (seuil proprement dit) correspond à la molarité minimale d’un stimulus permettant d’en apprécier le caractère sapide ; • le seuil d’identification, généralement deux à trois fois plus élevé que le seuil de détection, correspond à la molarité minimale d’un stimulus permettant d’en apprécier la qualité de saveur.
Facteurs de variabilité La sensibilité gustative augmente chez l’enfant et l’adulte jeune (rôle important de l’apprentissage de la gustation) puis diminue à partir de 45-50 ans (rôle de la diminution tant numérique que probablement fonctionnelle des récepteurs). Chez le sujet âgé, alors que le seuil de détection est significativement augmenté, l’acuité gustative reste proportionnelle à l’intensité du stimulus [9, 10]. Lors de deux (ou plusieurs) stimuli consécutifs, il existe fréquemment un certain degré de modification de sensibilité au
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En cas de stimulus consécutif L’adaptation gustative à un second stimulus est d’autant plus importante, non seulement que ce stimulus succède rapidement au premier, mais aussi que l’adaptation au premier a été importante. Ainsi, et dans les conditions physiologiques d’un stimulus alimentaire, les mouvements de la mastication et le temps buccal de la déglutition, grâce à une brève activation de différents groupes de récepteurs, permettent une adaptabilité minimale responsable d’une réponse gustative optimale.
Rôle de la composante olfactive La composante olfactive d’un stimulus gustatif ne peut avoir un rôle important qu’en tout début de stimulus puisque la sensation olfactive d’un stimulus de plusieurs minutes, non seulement excède rarement 1 minute (alors que l’adaptation gustative est rarement responsable de la disparition complète de la saveur) mais aussi diminue très rapidement dès les premières secondes du stimulus (l’acuité olfactive est souvent deux fois moindre dès la deuxième ou troisième seconde). En outre, la sensibilité olfactive à un second stimulus consécutif peut être diminuée pendant plusieurs dizaines de minutes après le premier stimulus (la « récupération » du seuil d’excitabilité des récepteurs olfactifs est souvent plus lente que celle du seuil d’excitabilité des récepteurs gustatifs). Médecine buccale
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■ Systématisation anatomophysiologique des voies gustatives
1 2 3 4
L’innervation gustative (Tableau 2) est assurée non seulement par les fibres gustatives des voies du nerf intermédiaire (VII bis) et des nerfs glossopharyngien (IX) et vague (X) mais aussi, en ce qui concerne sa composante somesthésique, par des fibres somesthésiques extéroceptives du nerf trijumeau (V) et des IX et X. Les fibres gustatives peuvent être systématisées [7, 11-13], dans le sens de leurs afférences, en voies périphériques et centrales (Fig. 9) : • les voies périphériques correspondent, pour chacune des fibres gustatives, à un trajet dendritique du territoire d’innervation au ganglion périphérique « spécifique » (ganglion géniculé pour le VII bis, ganglions inférieurs pour les IX et X) ; • les voies centrales correspondent à un trajet bulbo-pontothalamo-pariétal (projections néocorticales) et un trajet bulbo-ponto-limbique (projections hypothalamiques et corticolimbiques).
5
6 7
Territoire d'innervation du VII bis Territoire d'innervation du IX Territoire d'innervation du X
X 8 IX
Voies gustatives périphériques Voies du VII bis
10
Les fibres gustatives innervant les deux tiers antérieurs de la langue sont des fibres du VII bis véhiculées successivement par le nerf lingual, la corde du tympan, le VII intrapétreux mastoïdotympanique, le ganglion géniculé, le VII intrapétreux labyrinthique et le VII pontocérebelleux. Quelques fibres gustatives quittent le nerf lingual pour rejoindre le ganglion otique (par l’intermédiaire d’un bref trajet dans le nerf maxillaire inférieur) puis le ganglion géniculé (par l’intermédiaire du petit nerf pétreux superficiel qui est issu de ce ganglion). Les fibres gustatives innervant le voile du palais sont des fibres du VII bis véhiculées successivement par le nerf palatin postérieur, le nerf sphénopalatin, le ganglion sphénopalatin, le grand nerf pétreux superficiel et le VII pontocérébelleux.
Les fibres gustatives innervant la base de la langue sont des fibres du IX véhiculées successivement par les branches terminales du IX, le IX parapharyngé, le ganglion inférieur du IX et le IX intracrânien. Les fibres gustatives innervant l’épiglotte sont des fibres du X véhiculées successivement par le nerf laryngé du X, le X rétrostylien, le ganglion inférieur du X et le X intracrânien. Une partie des afférences gustatives basilinguales juxtaépiglottiques provient du nerf laryngé du X.
Tableau 2. Innervation gustative et somesthésique de la gustation. Types de fibres
Innervation anatomique
gustatives
somesthésiques
deux tiers antérieurs
VII bis
V
nerf lingual (V)
base
IX
IX
branches terminales du IX
Épiglotte
X
X
nerf laryngé supérieur (X)
Voile du palais
VII bis
V
nerf palatin postérieur (V)
V
nerf palatin antérieur (V)
Palais *
* Le palais a un rôle important dans la composante somesthésique de la gustation. Médecine buccale
VII bis
Figure 9. Schématisation des voies gustatives périphériques et centrales. 1. Cortex gustatif primaire ; 2. cortex gustatif secondaire ; 3. noyau thalamique sensitivogustatif ventro-postéro-médian ; 4. aire hypothalamique olfactogustative (efférences au système limbique) ; 5. noyau pontique gustatif ; 6. noyau bulbaire gustatif ; 7. ganglions périphériques ; 8. trou stylomastoïdien ; 9. corde du tympan ; 10. nerf lingual.
Voies gustatives centrales
Voies des IX et X
Langue
9
Voie bulboprotubérantielle Chaque nerf gustatif s’individualise, dès sa pénétration dans le tronc cérébral, en un contingent gustatif et un contingent somesthésique extéroceptif. Les fibres de ces contingents font relais ipsilatéralement dans le noyau bulbaire dit gustatif du faisceau solitaire selon une systématisation telle que seule sa partie moyenne, recevant exclusivement les fibres gustatives, doit être considérée comme le noyau gustatif proprement dit (les parties crâniale et caudale reçoivent les fibres somesthésiques respectivement des VII bis et IX-X). Les fibres gustatives issues du noyau bulbaire gustatif font relais bilatéralement (probable controlatéralité préférentielle) dans le noyau pontique parabrachial puis, avant leur pénétration dans le diencéphale, s’individualisent en un contingent à destinée néocorticale et un contingent à destinée limbique. Les relations fonctionnelles internucléaires bulbaires entre le noyau gustatif et les noyaux salivaires, et entre le noyau gustatif et le noyau dorsal du X sont responsables d’une sécrétion « gustative » réflexe respectivement salivaire et gastrique.
Voie thalamonéocorticale Après avoir rejoint les fibres trigéminales de la voie lemniscale, les fibres gustatives à destinée néocorticale font relais ipsilatéralement dans l’extrémité médiale du noyau thalamique ventropostéromédian puis se terminent dans les aires néocorticopariétales gustatives : • l’aire gustative primaire est localisée, comme l’aire buccale somesthésique primaire, dans la partie tout inférieure du
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gyrus pariétal postcentral (elle permet une analyse plus somatotopique que discriminative des informations gustatives, une telle analyse étant précédée d’un prétraitement semblable bulbo-ponto-thalamique) ; • l’aire gustative secondaire est localisée, comme l’aire somesthésique secondaire, dans la partie profonde juxta-insulaire de la scissure latérale (elle permet un complément d’analyse très discriminatif des informations gustatives). L’intrication des sensations olfactogustatives est due aux relations fonctionnelles entre le néocortex gustatif et le paléocortex olfactif (zone temporale interne sus-jacente à l’uncus hippocampique) par l’intermédiaire probablement principal de l’insula dont le pôle cortical inférieur juxtapaléocortical est de type transitionnel néo-cortico-paléo-cortical.
Voie limbique La systématisation du contingent gustatif à destinée limbique est très partiellement connue. Toutefois, il est classique d’admettre que les relations fonctionnelles amygdalohypothalamo-cortico-limbiques permettent la régulation de la prise alimentaire de la façon schématique suivante : activation par l’hypothalamus latéral et inhibition par l’hypothalamus ventromédian, sous le contrôle modulateur de l’amygdale ; réponse plaisir-indifférence-déplaisir par le cortex du cingulum qui permet l’interprétation émotionnelle des sensations olfactogustatives mémorisées par le cortex parahippocampique.
■ Pathologie du goût
1
Le goût devant être distingué de la gustation dans le sens restrictif d’une sensation dépourvue de composantes olfactive et somesthésique extéroceptive buccopharyngée, la pathologie du goût sous-entend une pathologie concernant exclusivement le système gustatif proprement dit. Ainsi, et en raison de la fréquente difficulté de discrimination entre l’arôme et le goût d’une substance alimentaire, la vérification de la fonction olfactive s’impose chez tout sujet ayant un trouble de la gustation [14]. Alors que la gustométrie chimique ne peut être pratiquée couramment en raison de sa réalisation longue et délicate (malgré son intérêt tant qualitatif que quantitatif), l’électrogustométrie permet une détermination rapide et facile des seuils gustatifs mais de façon exclusivement quantitative [15-19]. Une électrogustométrie doit être réalisée non seulement lorsque le sujet perçoit un trouble de la gustation, mais aussi systématiquement lors de toute suspicion d’une lésion pouvant concerner les voies gustatives (les troubles du goût de certaines lésions, principalement lorsqu’elles sont unilatérales, peuvent être « insuffisants » pour être perçus par le sujet).
Différents troubles du goût Bien qu’il soit usuel d’attribuer la terminologie dysgueusie à toute anomalie de la fonction gustative, il est cliniquement préférable de distinguer dysgueusie et phantogueusie : une dysgueusie est un trouble du goût proprement dit, c’est-à-dire un trouble de la perception de la sapidité d’un stimulus ; une phantogueusie est une sensation gustative sine materia.
Dysgueusies Une dysgueusie est dite complète lorsqu’elle concerne la totalité des saveurs élémentaires, et dissociée lorsqu’elle n’en concerne pas la totalité. L’aggravation d’une dysgueusie dissociée peut la rendre complète. Les dysgueusies peuvent être quantitatives et/ou qualitatives : les dysgueusies quantitatives peuvent être des agueusies, des 1 cédérom : Gomez C. Le goût. YN Productions (Productions et réalisations audiovisuelles).
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hypogueusies ou rarement des hypergueusies (à différencier des pseudohypergueusies par réaction « gustative » émotionnelle accrue) ; les dysgueusies qualitatives ne peuvent être classées rationnellement en raison de leurs grandes variétés et/ou de difficultés de sémantique (elles sont parfois dites paragueusies, la terminologie cacogueusie ne rendant compte que du caractère interprétatif très désagréable d’une paragueusie).
Phantogueusies Les phantogueusies sont des sensations gustatives indépendantes de tout stimulus sapide [20] ; elles sont intermittentes ou continues, et généralement de type « métallique » avec ou sans concomitance amère. Il est parfois difficile de différencier une phantogueusie d’une pseudophantogueusie qui est une sensation gustative induite par un stimulus sapide mais inhabituel tel que certaines substances intrabuccales d’origine locorégionale ou parfois même certaines molécules véhiculées par voie sanguine (c’est le cas principalement pour certains médicaments non seulement après leur administration parentérale, mais aussi après le passage sanguin postingestif de leurs métabolites) ; une telle difficulté de diagnostic différentiel devient majeure lorsque le stimulus sapide potentiellement responsable d’une pseudophantogueusie est non probant (incertitude de son imputabilité) ou, a fortiori, lorsque l’existence d’un tel stimulus est incertaine.
Étiologie Les dysgueusies par dysfonction de la réception gustative sont généralement de type dissocié, alors que les dysgueusies par dysfonction de la transmission gustative et/ou de l’analyse corticale des informations gustatives sont généralement de type complet [21]. Les phantogueusies sont classiquement psychogènes ou idiopathiques mais aussi parfois secondaires à une lésion potentiellement responsable d’une dysgueusie. Toute phantogueusie peut aggraver une dysgueusie préexistante ou concomitante et certaines phantogueusies peuvent précéder l’apparition d’une dysgueusie.
Causes non neurologiques Les dysfonctions de la réception gustative secondaires à de petites lésions localisées traumatiques ou pathologiques de la muqueuse buccale ne sont pratiquement jamais spontanément perçues en raison de l’influence négligeable d’une petite zone déficitaire de réception sur l’acuité gustative globale (intérêt de l’électrogustométrie). Il en est de même pour les fréquentes petites zones congénitalement dépourvues de papilles fongiformes, alors que la rare dysautonomie familiale (absence anatomique ou parfois « seulement » fonctionnelle de la totalité des papilles gustatives linguales) est responsable d’une agueusie linguale. Causes salivaires Les troubles du goût secondaires à un déficit salivaire dépendent non seulement de son importance, mais aussi et surtout d’une éventuelle lésion xérostomique des récepteurs gustatifs (la dépapillation fongiforme en étant l’expression clinique majeure). En outre, de tels troubles du goût peuvent être aggravés par la cause même du déficit salivaire. Les troubles du goût secondaires à certains excreta salivaires (pathologiques, médicamenteux, toxiques, voire physiologiques en excès) sont classiquement des pseudophantogueusies. Causes infectieuses Parmi les stomatites, les candidoses buccales sont le plus fréquemment responsables de troubles du goût : la glossite candidosique chronique dépapillante diffuse est classiquement responsable d’une importante hypogueusie ou agueusie linguale. Les troubles du goût secondaires aux infections parodontales sont classiquement des pseudophantogueusies (outre la fréquente stimulation olfactive par reflux choanal de leurs Médecine buccale
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Tableau 3. Médicaments pouvant être responsables de troubles du goût (liste non exhaustive). Les médicaments distingués par un astérisque ont fait l’objet d’une mention spécifique dans la rubrique « effets indésirables » du dictionnaire Vidal® édition 1998. Les médicaments non ou plus commercialisés en 1998 ne sont pas mentionnés. Antibiotiques
Antifongiques
Antiparasitaires
Antiviraux
lincomycine
amphotéricine B
métronidazole*
interféron*
éthambutol
terbinafine*
tinidazole*
didanosine
sulfasalazine
griséofulvine*
lévamisole
zalcitabine*
sulfafurazole
kétoconazole
pentamidine*
zidovudine
amoxicilline ampicilline doxycycline
Anti-inflammatoires et assimilés D pénicillamine*, tiopronine*, sels d’or, colchicine, phénylbutazone, acide acétylsalicylique Médicaments à effets cardiovasculaires
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Diurétiques
Autres
captopril
hydrochlorothiazide
amiodarone*, propranolol,
fosinopril*
acétazolamide
labétalol, amrinone*,
énalapril
furosémide
dipyridamole, antivitamines K
lisinopril
clofibrate, colestyramine Médicaments à effets neurologiques et/ou psychiatriques
Anxiolytiques
Antidépresseurs
Autres
diazépam
clomipramine
lévodopa, bromocriptine,
zopiclone*
paroxétine
carbamazépine, lithium Autres médicaments
metformine, glipizide, carbimazole*, méthyl- et propylthiouracile, métoclopramide, cimétidine, allopurinol, disulfirame*, certains antinéoplasiques et immunosuppresseurs, anesthésiques locaux et certains antiseptiques locaux
molécules odoriférantes). Il peut en être de même pour certaines infections du cavum et des sinus (outre leurs classiques troubles olfactifs). Les viroses respiratoires et certains coryzas intenses peuvent être responsables (outre leurs classiques troubles olfactifs) de troubles du goût pouvant persister plusieurs semaines, voire rarement être définitifs. Il peut en être de même pour certaines hépatites virales.
Il est probable que les troubles du goût des sujets en état de malnutrition protéinique (voire en état d’hypoprotéinisme relatif par excès d’apport de glucides et/ou de lipides) soient principalement secondaires à une carence en zinc et/ou fer et/ou vitamine B12. Il peut en être de même pour la consommation excessive de fibres alimentaires (chélation du zinc et du fer par les phytates des fibres) et pour certains comportements compulsifs pseudoalimentaires tels que l’ingestion de terre dite « géophagie » (chélation du zinc et du fer par l’argile).
Causes endocriniennes La ménopause est la cause endocrinienne le plus fréquemment responsable de troubles du goût. De tels troubles du goût, généralement associés à une stomatodynie, sont classiquement des phantogueusies. Le diabète et l’hypothyroïdie peuvent être responsables plus souvent de dysgueusies (principalement hypogueusies) que de phantogueusies. L’insuffisance corticosurrénalienne et l’hypercorticisme androgénique peuvent être responsables d’hypergueusies. Causes carentielles La carence en zinc est responsable non seulement de la grande majorité des troubles du goût de cause carentielle, mais aussi de fréquents troubles olfactifs [22] . La fréquence des carences en zinc, principalement chez le sujet âgé et lors de toute situation d’hypercatabolisme, est probablement sousestimée en raison de la fréquente difficulté clinique de suspecter une telle cause carentielle et de l’imparfaite évaluation de la concentration tissulaire du zinc par le dosage de la zincémie (intérêt du dosage concomitant des phosphatases alcalines qui sont classiquement diminuées lors d’une hypozincémie). Les carences en fer, en vitamines B9 et/ou B12, et les rares autres carences vitaminiques B (B2, B3, B6) peuvent être responsables de troubles du goût principalement lors de la dégénérescence symptomatique des récepteurs gustatifs (la dépapillation fongiforme en étant l’expression clinique majeure). Les troubles du goût attribués aux carences vitaminiques A et C seraient, en fait, secondaires respectivement à une carence en zinc (rôle du zinc dans la libération hépatique de la vitamine A) et à une carence en fer (rôle de la vitamine C dans l’absorption intestinale du fer). Médecine buccale
Causes iatrogènes La radiothérapie cervicofaciale est classiquement responsable d’hypogueusie dès 20 Gy. De tels troubles du goût, généralement majeurs et parfois définitifs au-delà de 60 Gy, sont secondaires probablement plus aux lésions radiques des récepteurs gustatifs qu’à leurs lésions xérostomiques. Les troubles du goût secondaires aux matériaux d’obturations et de prothèse (principalement les résines acryliques) sont presque toujours a minima. Il peut en être de même pour les prothèses à plaque palatine dont le retentissement sur la fonction gustative ne peut s’expliquer que par une perturbation de la composante somesthésique de la gustation. Les médicaments peuvent être responsables de troubles du goût (Tableau 3) qui sont plus souvent des phantogueusies ou pseudophantogueusies que des dysgueusies [23]. Il est probable que de nombreux troubles du goût d’origine médicamenteuse soient secondaires à des carences par chélation en zinc et en certaines vitamines B.
Causes neurologiques La réalisation d’une électrogustométrie doit être toujours bilatérale en raison non seulement de la fréquente difficulté d’appréciation d’une dysgueusie unilatérale (compensation par le système gustatif controlatéral et probablement par une régulation centrale), mais aussi pour des raisons évidentes d’orientation du diagnostic topographique de la lésion : une topographie lésionnelle périphérique doit être suspectée lorsque les anomalies électrogustométriques sont unilatérales ; une topographie lésionnelle centrale doit être suspectée lorsque les anomalies électrogustométriques sont plus ou moins bilatérales.
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28-170-M-10 ¶ Physiologie et pathologie du goût
Lésions du nerf lingual Les troubles du goût secondaires à une lésion du nerf lingual sont classiquement associés à un déficit somesthésique extéroceptif des deux tiers antérieurs de la langue et, pour les lésions dans son trajet latéropelvibuccal ou interptérygoïdien, à un déficit sécrétoire des glandes salivaires sous-mandibulaires. Le type marginal d’une glossectomie permet une « récupération » optimale du déficit sensitivogustatif d’origine ainsi chirurgicale. Lésions de la corde du tympan Les troubles du goût secondaires à une lésion de la corde du tympan sont presque exclusivement secondaires à une fracture du rocher, un cholestéatome, un traumatisme lors d’une chirurgie de l’oreille moyenne, voire une fracture du condyle. De telles lésions sont également classiquement responsables d’un déficit sécrétoire des glandes salivaires sous-mandibulaires. Lésions du VII intracrânien Outre la classique paralysie faciale, les lésions du VII dans sa partie sus-jacente à l’origine de la corde du tympan peuvent être responsables de troubles du goût avec ou sans déficit sécrétoire des glandes salivaires sous-mandibulaires et, lors d’une lésion géniculée ou supragéniculée, avec ou sans déficit sécrétoire des glandes lacrymo-naso-palatines. La rare sécrétion lacrymale postprandiale, dite syndrome des « larmes de crocodile », est une déviation du réflexe gustosalivaire lors de la régénération d’un foyer lésionnel géniculé ou supragéniculé.
Les lésions du cortex olfactif temporal peuvent être responsables non seulement d’hallucinations olfactives et de troubles olfactifs, mais aussi parfois d’hallucinations gustatives et hypothétiquement de troubles du goût. De telles hallucinations sont classiquement associées à une crise comitiale uncinée avec ou sans crise psychomotrice et/ou végétative. La maladie d’Alzheimer, plus rarement les démences séniles de type Alzheimer et la sclérose en plaques peuvent être responsables d’hallucinations gustatives et/ou surtout olfactives. Il en est de même pour les psychoses hallucinatoires et la schizophrénie.
L’article original a été publié en première parution dans le traité EMC, Stomatologie/Odontologie, 22-009-D-10, 1999.
■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6]
Lésions des IX et X
[7]
Les troubles du goût secondaires aux lésions des IX et X sont classiquement associés à un déficit moteur vélopharyngé (IXX), un déficit somesthésique extéroceptif basilingual (IX) et/ou pharyngé (IX-X), et un déficit sécrétoire des glandes parotidolabiales (IX intracrânien). À l’exception de la rare lésion isolée du IX lors d’une amygdalectomie, les lésions des IX et X sont associées non seulement entre elles mais aussi classiquement à une lésion d’un ou plusieurs autres nerfs crâniens : lésions des IX-X-XI (syndrome du trou déchiré postérieur) ; lésions des IX-X-XI-XII (syndromes condylodéchiré postérieur et rétrostylien) ; lésions progressivement multiples des nerfs crâniens (syndrome de la base du crâne de Garcin).
[8] [9] [10] [11] [12]
[13] [14]
Lésions bulboprotubérantielles
[15]
Les lésions vasculaires latérobulbaires du syndrome de Wallenberg sont non seulement les plus fréquentes des lésions vasculaires du tronc cérébral, mais aussi celles le plus fréquemment responsables de troubles majeurs du goût. Les autres lésions du tronc cérébral pouvant être responsables de troubles du goût sont presque exclusivement des lésions protubérantielles médianes du syndrome de Millard-Gubler ou basales du syndrome de Foville, la syringobulbie et la sclérose en plaques.
[16] [17]
[18]
[19]
Lésions diencéphalotélencéphaliques Les lésions du thalamus ventro-postéro-médian et/ou de ses connexions protubérantielles ou néocorticales peuvent être responsables de troubles du goût, alors que les lésions des voies gustatives hypothalamolimbiques se manifestent classiquement par des troubles de la régulation alimentaire. Les lésions du cortex gustatif pariétal et probablement certaines lésions du cortex insulaire sont plus souvent responsables d’hallucinations gustatives que de troubles du goût (à l’exception des lésions traumatiques qui sont classiquement responsables d’hypogueusies ou d’agueusies). De telles hallucinations gustatives sont généralement associées à une crise comitiale sensitive avec ou sans agnosie perceptive (lésion de l’aire somesthésique primaire avec ou sans lésion du cortex associatif adjacent) et, lorsque la lésion concerne également le cortex moteur prérolandique adjacent, à une apraxie buccofaciale.
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[20] [21]
[22] [23]
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Physiologie et pathologie du goût ¶ 28-170-M-10
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C. Gomez, Stomatologiste, attaché des Hôpitaux. Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique de la face (professeur J.-M. Mondie, professeur G. Peri), Hôtel-Dieu, B.P. 69, 63003 Clermont-Ferrand, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Gomez C. Physiologie et pathologie du goût. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-009-D-10, 1999, Médecine buccale, 28-170-M-10, 2008.
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¶ 22-008-A-15
Physiologie et physiopathologie de la mastication M.-J. Boileau, M. Sampeur-Tarrit, C. Bazert La mastication est la première étape de la digestion chez la plupart des mammifères. Elle met en jeu plusieurs activités motrices qui préparent la nourriture pour la rendre compatible avec la déglutition. Pendant la séquence masticatrice, des mouvements mandibulaires rythmiques et une activité linguale coordonnée assurent le transport et la fragmentation de l’aliment. Les mouvements masticateurs sont très complexes. La mastication nécessite la coordination parfaite des motoneurones innervant les muscles impliqués. Un générateur central du programme de mastication produit leur schéma d’activité de base mais cette activité est modulée par des influx corticaux et des influx périphériques issus de l’activation des récepteurs sensoriels périphériques permettant l’adaptation des mouvements mandibulaires et des forces masticatrices à la consistance, la forme et la taille du bol alimentaire. La mastication unilatérale dominante peut induire un développement maxillofacial asymétrique ou, chez l’adulte, des dysfonctions articulaires et des lésions parodontales. L’efficacité masticatrice peut être réduite par des pathologies nerveuses, musculaires ou dentaires. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Mastication ; Mouvements mandibulaires ; Muscles masticateurs ; Neurogenèse de la mastication ; Dysfonction
Évolution phylogénique
Plan ¶ Introduction Évolution phylogénique Maturation de la mastication
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¶ Physiologie de la mastication Mouvements mandibulaires et linguaux Activités musculaires au cours de la mastication Neurogenèse de la mastication
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¶ Physiopathologie de la mastication Syndrome de mastication unilatérale dominante Perturbations de la mastication
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¶ Conclusion
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■ Introduction La mastication est la première étape de la digestion chez la plupart des mammifères. Elle associe, au cours d’une même séquence, plusieurs activités motrices, comme la préhension, l’incision des aliments, leur transport intrabuccal et leur fragmentation. Elle réalise ainsi la préparation mécanique et l’insalivation du bol alimentaire afin de le rendre apte à la déglutition. Cet acte rythmique, très complexe, est effectué grâce à l’activité coordonnée des muscles masticateurs mais aussi faciaux, linguaux et hyoïdiens. La coordination parfaite des motoneurones les innervant est d’autant plus indispensable que certains d’entre eux sont simultanément impliqués dans d’autres fonctions comme la respiration. Elle est assurée par un générateur de rythme sous-cortical, le centre de la mastication, dont l’activité peut être modifiée par des influx corticaux ou périphériques conférant à la mastication sa grande adaptabilité aux caractéristiques de l’aliment mastiqué. Stomatologie
Pour Gaspard [1], une authentique fonction de mastication n’est apparue qu’avec les reptiles théromorphes, il y a environ 200 millions d’années. Au cours de la phylogenèse, l’évolution parallèle des comportements alimentaires et des structures craniofaciales a permis de répondre à l’augmentation des besoins en tirant le meilleur parti des différentes sortes d’aliments disponibles [2]. L’évolution des comportements répond à un souci d’efficacité passant, dans un premier temps, d’habitudes microphages à des pratiques macrophages plus rapides et plus efficaces pour s’alimenter [3]. De même, chez les mammifères, la fragmentation des aliments par la mastication et l’action des enzymes salivaires assurent une augmentation considérable de l’efficacité digestive nécessaire au métabolisme rapide associé à l’homéothermie [3]. Une des premières modifications essentielles des structures craniofaciales a été la transformation, chez les vrais poissons, du squelette des deux premiers arcs branchiaux pour former deux mâchoires opposables. Puis, chez les poissons crossoptérygiens et, par la suite, les vertébrés, la mâchoire supérieure s’est fermement solidarisée au crâne. Chez les mammifères, de nouvelles modifications structurales favorisent la mastication : • la mandibule devient un os unique et la musculature craniomandibulaire se réorganise, permettant de développer des forces importantes ; • les lèvres et les joues apparaissent, aidant la langue à positionner le bol alimentaire entre les arcades ; • et surtout, le développement du palais secondaire et d’un mécanisme de protection du pharynx permet de respirer pendant une mastication prolongée. La morphologie des dents et des articulations temporomandibulaires (ATM) s’adapte au régime alimentaire.
1
22-008-A-15 ¶ Physiologie et physiopathologie de la mastication
Pour Gaspard [4], la fusion par ankylose des deux hémimandibules en un arc continu chez les simiens et les hominiens confère à la mandibule la possibilité de résister aux contraintes de torsion, de flexion et de cisaillement exercées lors de la mastication unilatérale alternée.
Maturation de la mastication La mastication fait suite à la succion-déglutition caractérisée par des mouvements mandibulaires symétriques par rapport au plan sagittal médian, lents et quasi uniformes [1]. La structuration et le remaniement des principaux muscles masticateurs autorisent, dans un deuxième temps, le jeu différentiel de leurs faisceaux contractiles conduisant à des mouvements variés. Pour Gaspard, c’est vers le cinquième mois qu’apparaît le mâchonnement unilatéral alterné, déplacement mandibulaire en diagonale avec un léger effet de torque, annonciateur de la diduction. La mastication véritable se développe après l’évolution des dents temporaires lors de l’établissement des premières clés occlusales, les afférences desmodontales jouant un rôle essentiel dans cet apprentissage. Cette maturation est rapide et le type masticateur est stable et bien coordonné vers 4 ou 5 ans pour certains auteurs [1, 5] ou lors de la mise en occlusion des premières molaires [6].
■ Physiologie de la mastication Mouvements mandibulaires et linguaux La mastication est accomplie grâce à des mouvements mandibulaires rythmiques dans les trois dimensions de l’espace qui permettent la fragmentation et l’écrasement de l’aliment entre les arcades dentaires associés à des mouvements coordonnés de la langue, des joues et des lèvres qui assurent le transport, la formation et le contrôle du bol alimentaire. Différents moyens ont été ou sont utilisés pour étudier les mouvements mandibulaires, observation directe du point interincisif ou du menton, enregistrements graphiques, photographiques, vidéographiques, radiographiques, électroniques et électromagnétiques. Plus récemment, la cinéfluorographie et la vidéofluorographie ont permis de mieux connaître les mouvements linguaux. Chaque fois que le point interincisif mandibulaire revient à sa position initiale, la mandibule a effectué un cycle masticateur. Selon la position de l’aliment entre les arcades on distingue trois modes de mastication : • la mastication unilatérale alternée, la plus fréquente et la plus physiologique : l’aliment est écrasé d’un seul côté (côté travaillant) mais avec une alternance plus ou moins régulière selon les cycles ; • la mastication unilatérale stricte ou dominante : le côté travaillant est presque toujours le même ; • la mastication bilatérale : l’aliment est écrasé simultanément des deux côtés. De nombreux sujets présentent un côté préférentiel de mastication [7]. Cependant, sa détermination est variable selon les auteurs qui analysent soit les déplacements latéraux de la mandibule lors du 1er cycle [8] ou de quelques cycles sélectionnés ou de nombreux cycles, soit l’activité musculaire ou les facettes d’usure [7]. Pour Hoogmartens [8], cette préférence latérale lors de la mastication serait indépendante des autres préférences latérales et serait donc en relation avec des mécanismes périphériques. Ainsi, pour de nombreux auteurs [5, 9], le côté préféré correspondrait à celui assurant le maximum de contacts lors du guidage occlusal.
Séquence masticatrice et différents types de cycles Pour Schwartz [2-10], une séquence masticatrice correspond à l’ensemble des mouvements de l’ingestion de l’aliment jusqu’à sa déglutition complète.
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À la différence des autres mammifères, l’homme et le macaque peuvent présenter plusieurs déglutitions dans une même séquence déterminant ainsi des sous-séquences. La plus grande partie de la mastication s’effectue avant la première déglutition [11]. Selon la forme des cycles qui la composent, leur rôle dans les transformations de l’aliment et l’activité musculaire développée, la séquence masticatrice peut être divisée en trois phases, de dénomination variable selon les auteurs. 1ère phase : série préparatoire [2], étape I de transport [12] Durant cette première phase la nourriture est rassemblée et fractionnée en morceaux de taille compatible avec la mastication puis déplacée par la langue vers l’arrière et les surfaces occlusales molaires [2]. Chez l’homme, l’incision assure la section de l’aliment et son introduction dans la bouche. Elle est réalisée par un mouvement mandibulaire rétroascendant qui contribue au début du déplacement de l’aliment vers l’arrière. Cette série de mouvements est composée, chez l’animal, d’un petit nombre de cycles de type I [2] ne comportant que deux phases, une fermeture rapide et une ouverture, et s’accompagnant d’un faible déplacement latéral. Ils sont caractérisés par une activité réduite des muscles élévateurs et une forte activité des sus-hyoïdiens. Chez l’homme, quand ils existent, ils présentent les mêmes caractéristiques que chez l’animal mais leur nombre et leur amplitude sont plus réduits. Cette réduction de la phase de transport est en relation avec la faible distance séparant les incisives des molaires et avec l’utilisation des mains ou d’instruments pour placer la nourriture dans la bouche. De plus, les conditions anatomiques humaines ne sont pas appropriées à une étape I de transport efficace [13]. Cependant, même réduite à un cycle ou deux, pour Thexton [13], cette étape est essentielle dans le déplacement vers les molaires d’un morceau d’aliment dur juste cassé par les incisives. La langue joue un rôle très important dans ce transport. Elle s’avance et vient se placer sous l’aliment encore piégé entre les incisives ou contre le palais, puis elle se rétracte pendant que la mandibule est encore abaissée. Les mouvements mandibulaires et linguaux sont coordonnés : la protraction de la langue s’effectue à de faibles niveaux d’ouverture buccale, pendant la phase d’ouverture, alors que la rétraction se produit à de grands niveaux d’ouverture, en fin de phase d’ouverture et pendant la phase de fermeture. Dans le plan frontal, la langue place le morceau d’aliment sur les faces occlusales par des mouvements de poussée, de rotation et d’inclinaison [14]. Au cours de cette phase de préparation, la langue oriente les morceaux d’aliment de sorte que leur plus grand côté soit parallèle à l’axe mésiodistal de l’arcade offrant ainsi une surface de contact avec l’arcade la plus grande possible [15]. 2ème phase : série de réduction [2], période de mastication rythmique [10] Elle assure la majeure partie du fractionnement de la nourriture grâce à des mouvements mandibulaires de type II [2] correspondant aux cycles masticateurs [11] tels qu’ils sont largement décrits dans la littérature. Selon les auteurs et l’aspect de la mastication qu’ils privilégient ces cycles sont divisés en différentes phases (Fig. 1). Ces cycles se caractérisent par une grande activité des muscles élévateurs et peuvent être divisés en trois phases [2-10] : • une phase d’ouverture, régulière et rapide chez l’homme ; • une phase de fermeture rapide jusqu’au contact avec l’aliment ; • une phase de fermeture lente caractérisée par l’écrasement de l’aliment entre les arcades et la très grande activité des élévateurs (phase de puissance ou « power stroke »). Forme des cycles masticateurs. Elle est très variable d’un individu à l’autre mais aussi pour un même individu en fonction de la place du cycle dans la séquence ou de l’aliment. Stomatologie
Physiologie et physiopathologie de la mastication ¶ 22-008-A-15
Occlusion centrée Broiement 12 % Côté non Préparation 36 % travaillant
Entrée dentaire du cycle masticatoire
Côté travaillant
Écrasement 34 %
Établissement du contact avec le bol alimentaire 12 %
Sortie dentaire du cycle masticatoire
PIM
Fermeture
Ouverture
B
A Côté droit
PIM
Côté gauche Glissement occipital
Fermeture lente
Ouverture Phase de fermeture
Phase d'ouverture
Fermeture rapide
C
Plan sagittal médian
D
Figure 1. Divisions d’un cycle masticateur en différentes phases selon : A. Murphy (in [9]). B. Lauret et Le Gall ; PIM : position d’intercuspidation maximale. C. Lund. D. Ahlgren.
La mastication étant le plus souvent unilatérale, on distingue un côté travaillant ou triturant et un côté non travaillant. Dans le plan frontal (Fig. 2, 3), le point interincisif décrit une trajectoire vaguement elliptique. La mandibule s’abaisse avec une faible déflexion latérale, le plus souvent vers le côté non travaillant, suivie d’un retour vers le côté travaillant. Elle peut aussi se déplacer d’emblée vers ce côté. À partir de l’ouverture maximale, la phase de fermeture rapide s’effectue avec une déflexion latérale vers le côté travaillant. La phase de fermeture lente est orientée médialement, ramenant la mandibule vers la position d’intercuspidation où elle effectue, chez la majorité des sujets, une pause. Chez l’homme, cette période est plus longue que chez les autres animaux et établit quasi constamment des contacts dentaires. Selon l’amplitude latérale, on distingue [5] des mouvements essentiellement verticaux de type hachoir (« chopping movements ») à l’amplitude latérale très réduite et des mouvements de broiement (« grinding movements ») dont l’amplitude latérale importante permet l’écrasement de la nourriture entre les surfaces occlusales. Lorsque la nourriture est interposée entre les arcades des deux côtés simultanément Mioche et al. [14] observent deux types de cycles : • des cycles verticaux avec un déplacement latéral minimal et sans possibilité d’identification d’un côté travaillant ; • des cycles avec déviation latérale permettant d’individualiser, lors de la fermeture, un côté travaillant qui « conduit » le mouvement même si la nourriture est écrasée simultanément des deux côtés. Dans ces cas, le côté travaillant alterne pratiquement d’un cycle à l’autre. Dans le plan sagittal (Fig. 2, 3), les cycles ont la forme d’un fuseau allongé, incliné en bas et en arrière, formant avec le plan d’occlusion un angle d’environ 71° en moyenne [5]. Le plus Stomatologie
souvent, la trajectoire de fermeture est postérieure à celle d’ouverture [5, 17]. Cette disposition est cependant variable et on peut parfois observer des croisements entre ces deux trajectoires. Dans le plan horizontal (Fig. 3), la forme des cycles est encore plus variable [18]. Elle peut être ovalaire, circulaire ou rappeler celle de l’enveloppe des mouvements limites. L’enveloppe des mouvements fonctionnels masticateurs se projette toujours en arrière de celle-ci en raison du recul de la mandibule lors de son abaissement. Mouvements linguaux. Pendant cette phase de mastication rythmique, l’excursion sagittale de la langue diminue d’amplitude et la rétraction linguale coïncide davantage avec la phase de fermeture. La partie antérieure de la langue, en position basse au moment de l’ouverture maximale, s’élève et recule pendant la phase de fermeture, elle atteint sa position la plus reculée puis continue à s’élever pour atteindre sa position la plus haute juste après l’occlusion [19]. À la fin de la phase de fermeture lente, l’os hyoïde est dans sa position la plus basse et la plus reculée. Lorsque la mandibule s’abaisse, il commence à s’élever. La partie postérieure de la langue s’avance et la langue s’allonge. Leur direction de déplacement s’inverse brusquement et la langue se raccourcit au cours de la fin de la phase d’ouverture [10]. Dans le plan frontal, des mouvements rythmiques réciproques de poussée de la langue et des joues maintiennent l’aliment entre les arcades tout en le déplaçant légèrement pour que toutes ses parties soient soumises à la force occlusale lors des cycles successifs. Thexton [13] note aussi l’existence de mouvements de rotation de la langue autour de son grand axe permettant à la nourriture présente sur son dos d’être basculée vers les surfaces occlusales d’un côté. Ce mécanisme est utilisé pour déplacer le bol alimentaire d’un côté vers l’autre [14].
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Côté droit
PIM
Au cours de cette phase, la partie postérieure de la langue s’abaisse, s’avance créant un espace postérieur et sa partie antérieure s’élève permettant à l’aliment de glisser postérieurement. L’homme et les primates peuvent simultanément mastiquer et assurer le transport de l’aliment vers le pharynx sans modification des cycles masticateurs [11]. Ainsi, Hiiaemae [11] et al. n’identifient pas de cycles caractéristiques d’une étape II de transport avant les déglutitions, en cours de séquence. À la fin des séquences de mastication, ils observent cependant, juste avant la déglutition finale, une phase d’élimination (« clearance ») spécifique de l’homme et caractérisée par des mouvements mandibulaires irréguliers, de faible amplitude. Elle permet de regrouper et de rassembler en un bol alimentaire les particules résiduelles dont la taille ne nécessite plus de trituration supplémentaire. L’arrêt des mouvements mandibulaires rythmiques pendant cette phase de forte activité linguale et jugale suggère que, chez l’homme adulte, les mouvements de la langue et la mandibule peuvent être découplés.
Côté gauche Glissement occlusal
Phase de fermeture
Phase d'ouverture
Plan sagittal médian Avant
PIM
Arrière
Amplitude des mouvements masticateurs
Mouvement charnière
Les mouvements fonctionnels ne couvrent qu’une faible partie de l’enveloppe des mouvements limites. Selon les auteurs et les populations étudiées, l’amplitude moyenne du déplacement du point interincisif mandibulaire : • dans le sens vertical, varie de 16 mm à 22 mm [5, 6] ; • dans le sens transversal, varie de quelques millimètres à 1 centimètre [5, 6, 20] ; • dans le sens sagittal, est de 6 mm environ [21]. L’ouverture maximale est influencée par la taille de l’aliment à mastiquer [14, 22]. Elle serait environ supérieure de 3 mm à l’épaisseur de la plus grosse particule et diminue donc au cours de la trituration de l’aliment.
Axe vertical Figure 2. Forme du cycle masticateur dans les plans frontal et sagittal selon Ahlgren [16].
OC
OC AR AV
D
1
G 2
G
AR
3
OC
AV
D Figure 3. Enveloppes des mouvements limites et des mouvements fonctionnels et trajectoire d’un cycle masticateur moyen projetées dans les trois plans de l’espace d’après Fontenelle et Woda (in [9]).
3ème phase : série de prédéglutition [2], étape II de transport [11] Cette série de cycles (cycles type III [2]) a été identifiée chez l’animal et se caractérise par des variations de vitesse au cours de l’ouverture.
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Vitesse et durée des mouvements masticateurs La durée moyenne des cycles est légèrement inférieure à la seconde (entre 0,59 et 1,2 s selon les sujets et les auteurs). La pause en intercuspidation est en moyenne de 100 à 200 ms [6, 20]. La durée est aussi variable selon le type des cycles [2] : • les cycles de type I (série de préparation) sont les plus courts avec des phases d’ouverture et de fermeture de durée équivalente ; • les cycles de type II (série de réduction) ont une durée intermédiaire. Leurs variations de durée sont essentiellement dues aux variations de la phase de fermeture lente ; • les cycles de type III sont les plus longs par allongement de la pause entre les pics d’activité des élévateurs et des abaisseurs. La vitesse n’est pas constante au cours du cycle. Elle est supérieure en début de phase d’ouverture et de phase de fermeture. Elle n’est supérieure dans le sens vertical que lors des déplacements latéraux. Dans la série de réduction, le contact avec l’aliment provoque un pic de décélération marquant le début de la phase de fermeture lente.
Déplacements condyliens Leur amplitude est importante et peut atteindre 40 % de celle du déplacement du point interincisif [23]. Dans 91 % des cas, à la fermeture, le condyle travaillant atteint en premier sa position verticale la plus haute et la conserve durant toute la fin de la fermeture, n’effectuant qu’un mouvement médial d’amplitude variable. Le condyle controlatéral atteint sa position la plus haute lorsque l’incisive centrale entre en occlusion. À l’ouverture, les deux condyles se déplacent immédiatement en bas et en avant. Pour Lauret et Le Gall [6], du côté travaillant, l’étirement du disque lié à la contraction des fibres discales du ptérygoïdien latéral et des élévateurs permet un déplacement du condyle vers Stomatologie
Physiologie et physiopathologie de la mastication ¶ 22-008-A-15
le haut qui favorise, lors de la phase de guidage dentaire du cycle, les contacts occlusaux étroits même sur des versants cuspidiens dits non travaillants. De même, lors de la mastication d’un aliment très dur et résistant, Komiyama et al. [24] enregistrent un déplacement du condyle travaillant au-delà des limites postérieure et supérieure des trajectoires condyliennes lors des mouvements extrêmes. Ils l’attribuent à la très forte activité des muscles élévateurs dans ces cas et à la compression du disque articulaire et de la zone rétrodiscale, soulignant le risque articulaire à long terme.
Déplacements des molaires L’enveloppe des mouvements limites au niveau des molaires est asymétrique et plus réduite dans le sens vertical que celle du point interincisif en raison de leur situation latérale et plus proche du condyle. Pour Gibbs [17], lors de la fermeture, le déplacement de la molaire du côté travaillant s’effectue à partir d’une position postérieure et latérale avec donc une légère composante antérieure dans la phase finale. La molaire controlatérale se déplace à partir d’une position antérieure et médiale avec une composante postérieure lors de la phase finale.
Contacts et guidages occlusaux lors de la mastication Lors de la mastication, la fréquence des contacts dentodentaires directs est variable selon les sujets et la place du cycle dans la séquence. En fin de série de réduction, lorsque l’aliment est écrasé, ils sont presque systématiques. Ils se produisent le plus souvent en position d’intercuspidation maximale (75 % des cas) ou en position antérieure (24 %) [25]. Ils peuvent être simples ou s’accompagner d’un glissement latéral ou sagittal. Ces glissements au cours de la phase dentaire du cycle masticateur dépendent de l’anatomie occlusale : dans les dentures abrasées, ils sont plus longs et faiblement inclinés par rapport au plan d’occlusion. Ils augmentent l’effet d’écrasement de l’aliment entre les surfaces occlusales. Les trajectoires moyennes de fermeture au voisinage de l’intercuspidation sont pratiquement verticales dans le plan sagittal (1,5° à 2° par rapport à une perpendiculaire au plan d’occlusion) [26]. Moins la trajectoire de fermeture est inclinée dans le plan frontal par rapport au plan d’occlusion, plus elle l’est dans le plan sagittal [23, 26]. La trajectoire d’ouverture est plus variable que celle de fermeture et elle est, en moyenne, par rapport au plan d’occlusion, moins inclinée dans le plan sagittal et plus inclinée dans le plan frontal que celle de fermeture [26]. Sur le plan clinique, Lauret et Le Gall [6, 27, 28] ont montré l’importance de ces guidages occlusaux fonctionnels. Lors de l’incision, le guidage antérieur rétroascendant est plus fort que lors du guidage en propulsion. De même, à la différence des mouvements de latéralité, le guidage occlusal lors de la mastication s’effectue, côté travaillant, harmonieusement sur toutes les dents cuspidées. Côté travaillant, en entrée de cycle, la canine accompagne la mandibule guidée vers la position d’intercuspidation maximale par le guidage cuspidien prémolomolaire. Côté non travaillant, en sortie de cycle, la canine joue le rôle d’appui d’un levier du deuxième genre permettant une action optimale des muscles élévateurs du côté opposé.
Forces développées lors de la mastication Pendant la mastication, la force maximale est développée entre les arcades lors de la phase d’intercuspidation. Elle est très variable selon les sujets, l’aliment et les méthodes de mesure (en moyenne de 2 à 7,2 kg pour Bates [29, 30] ou 26 kg pour Gibbs [31]) mais elle est toujours inférieure à la force maximale obtenue lors du serrement volontaire des arcades (environ 36 % de celle-ci [31]). La performance masticatrice est positivement corrélée à la force maximale du sujet [32]. Lors des guidages occlusaux en fermeture et en ouverture, la force développée est beaucoup plus faible (respectivement 8,3 kg et 5,7 kg contre 26,7 kg pour la force masticatrice maximale [31]). Stomatologie
Facteurs de variations des différents paramètres de la mastication Indépendamment des variations individuelles, des malocclusions et de différents facteurs pathologiques envisagés ultérieurement, la forme des cycles masticateurs se modifie principalement en fonction de l’âge, du sexe et de l’aliment mastiqué. Âge Les travaux de Gibbs et Wickwire [33] montrent des modifications de la forme des cycles masticateurs en fonction de l’âge et surtout du type de denture. Chez l’enfant en denture temporaire, le cycle masticateur est caractérisé par : • une large déflection latérale vers le côté travaillant à l’ouverture et un moindre déplacement à la fermeture ; • un déplacement antérieur important à l’ouverture ; • des contacts dentaires en glissement fréquents à l’ouverture et à la fermeture ; • une fermeture directe côté travaillant sans glissement antérieur au niveau des molaires. L’amplitude du mouvement latéral à l’ouverture tend à diminuer avec l’âge. Vers 10-12 ans, l’ouverture est en général presque verticale au voisinage du plan sagittal médian. Le trajet de fermeture est plus latéral et convexe. Cette inversion du cycle persistera ensuite chez l’adulte. Les enfants en denture mixte ont des cycles de forme très variée présentant, dans une même séquence masticatrice, des cycles caractéristiques de la mastication en denture mixte et de la mastication adulte. Selon Jiffry [34], la performance masticatrice des enfants est inférieure à celle des adultes. Cette différence peut être en partie expliquée par les différences de poids, de surfaces de contact dentaire, de forces occlusales développées. L’amplitude verticale des cycles masticateurs augmente au cours de la croissance parallèlement à la croissance de la mandibule mais semble ensuite, chez l’adulte, diminuer avec l’âge. Malgré les modifications physiologiques qui accompagnent le vieillissement (réduction de la masse musculaire, réduction de la salivation, réduction de la force occlusale) la performance masticatrice est maintenue. Chez des sujets présentant une denture complète, Peyron et al. [35] constatent que le nombre de cycles masticateurs nécessaires augmente avec l’âge, d’environ trois cycles tous les 10 ans, mais que les sujets âgés peuvent s’adapter à la dureté de l’aliment de la même manière que les plus jeunes. Pour ces auteurs, ni la réduction des capacités musculaires ni l’usure dentaire ne semblent donc justifier totalement cette augmentation du nombre de cycles qui pourrait être aussi en relation avec un allongement avec l’âge du temps nécessaire à la manipulation des aliments dans la bouche, à la formation du bol alimentaire et à son insalivation. Komyama (in [35]) cependant évoque une possible limite à l’adaptation de la mastication chez les personnes âgées pour des aliments très durs. Leur activité électromyographique (EMG) atteindrait un plateau alors que les sujets plus jeunes continuent à augmenter leur activité EMG. La détérioration de l’état dentaire en terme de nombre de couples antagonistes fonctionnels, fréquente chez les sujets âgés, apporte des altérations complémentaires (Cf. infra Physiopathologie). Sexe Les hommes présentent par rapport aux femmes une augmentation de différents paramètres physiologiques de la mastication [35] : • l’activité EMG des élévateurs par cycle et par séquence ; • les amplitudes et la surface des cycles ; • la fréquence de la mastication. Aliment mastiqué Les caractéristiques de l’aliment mastiqué (dureté, consistance, taille, forme, goût) influencent la plupart des paramètres
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physiologiques de la mastication traduisant l’importance des mécanismes périphériques dans l’adaptabilité de la mastication. Dureté de l’aliment. C’est la plus étudiée. Son augmentation provoque chez l’adulte : • une augmentation du nombre de cycles masticateurs et donc de la durée de la séquence [36, 37]. Horio et al. [38] signalent cependant que cette adaptation est très faible chez 20 % des sujets de leur étude qui semblent présenter une relative constance du nombre de cycles avant la déglutition, indépendamment de la réduction du bol alimentaire ; • une augmentation de l’amplitude des cycles dans les trois dimensions [37, 39] mais surtout latérale et verticale [36, 39] ; • une augmentation du travail musculaire moyen par cycle (pour Peyron, c’est la variable la plus influencée par la dureté) et de la durée de contraction [39] ; • une augmentation de la durée de la phase d’occlusion [36]. Pour Anderson et al. [37] , l’augmentation de l’amplitude transversale concerne à la fois l’excursion latérale vers le côté balançant à l’ouverture et l’excursion latérale vers le côté travaillant à la fermeture. Seules les trajectoires du cycle correspondant aux guidages dentaires restent inchangées. Les modifications liées à la dureté de l’aliment apparaissent dès le premier cycle de la séquence masticatrice et sont maximales pendant les cinq premiers cycles. Elles durent cependant pendant toute la séquence [40]. Pour Gibbs et al. [17], l’adaptation de la mastication à la dureté de l’aliment est différente chez l’enfant. L’augmentation de la dureté tend en général à réduire encore chez eux le déplacement latéral lors de la fermeture. Taille de l’aliment. Elle intervient également [22, 36]. Peyron et al. [36] notent qu’une augmentation de l’épaisseur de l’aliment provoque une augmentation de la durée du cycle, de l’amplitude d’ouverture ainsi que de la durée et de la vitesse de la phase de fermeture lente. La taille et le nombre des particules de la bouchée influencent leur chance de sélection, c’est-à-dire d’être positionnées par la langue et les joues entre les arcades. La dureté de l’aliment, la taille et la forme des particules influencent leur fragmentation après leur sélection [41]. Au cours de la séquence de mastication, on observe une diminution du travail musculaire et de l’amplitude verticale des cycles en relation avec la réduction de la taille des particules et de la dureté de l’aliment [22, 36].
Activités musculaires au cours de la mastication Tous les mouvements précédemment décrits nécessitent l’activité coordonnée des différentes sangles impliquées et particulièrement des muscles symétriques. Plus les déplacements latéraux augmentent, plus les différences temporelles dans l’activité des muscles symétriques s’accentuent. Cette coordination musculaire n’est pas unique, elle dépend de l’individu et de l’aliment mastiqué mais une certaine chronologie de mise en œuvre semble se dégager des études [9].
Muscles élévateurs de la mandibule Leur activité faible pendant les cycles de préparation, très importante pendant ceux de réduction diminue à nouveau pendant les cycles de type III [2, 10]. Pendant les cycles masticateurs proprement dits (série de réduction) ils présentent une augmentation forte et rapide de leur activité après le contact dentaire avec l’aliment. Le ptérygoïdien médial non travaillant est le premier élévateur à se contracter. Il est actif dès le début de la fermeture et dirige la mandibule en haut et latéralement vers le côté travaillant. Son homologue du côté travaillant commence son activité légèrement plus tard, avec un rôle stabilisateur dans un premier temps. Le temporal et le masséter se contractent presque simultanément, plus ou moins tôt dans la phase de fermeture. En fin de fermeture, tous les élévateurs sont actifs et le restent jusqu’à la fin de la phase dentaire du cycle [6].
6
Le pic d’activité du masséter précède le pic de la force occlusale. Son activité électromyographique intégrée est corrélée avec cette force.
Muscles ptérygoïdiens latéraux Du côté travaillant, le chef supérieur du ptérygoïdien latéral se contracte pendant la phase de fermeture contrôlant la position et le degré d’étirement de l’appareil capsuloméniscal [6]. À la sortie dentaire du cycle, les deux chefs du ptérygoïdien latéral travaillant sont contractés, l’inférieur assurant la traction antérolatérale du condyle. Il initie l’ouverture suivi par son homologue [6]. L’activité du ptérygoïdien latéral inférieur s’arrête à la fin de la phase d’ouverture.
Muscles sus-hyoïdiens abaisseurs de la mandibule Dans les séries préparatoires, l’ouverture est le moteur du déplacement. Les abaisseurs ont une activité synchrone avec les muscles protracteurs de la langue. Dans les cycles masticateurs, l’activité du digastrique commence avant le contact dentaire [9] ou au début de la phase d’ouverture [10]. Elle augmente pendant la seconde partie de cette phase.
Muscles de la langue Pendant les séries de réduction on observe une synchronisation de leur activité avec celle des muscles de la dynamique mandibulaire permettant d’isoler [10] : • un groupe musculaire actif à l’ouverture composé des muscles protracteurs de la langue (génioglosse, géniohyoïdien) et des abaisseurs ; • un groupe musculaire actif lors de la fermeture comportant le styloglosse, le sternohyoïdien et les muscles élévateurs. Les muscles linguaux présentent souvent un double pic d’activité pendant le cycle.
Muscles faciaux Pour Yamada [10], ils ne présentent pas de coordination avec les muscles mandibulaires pendant la phase de préparation. Pendant les cycles masticateurs, ils présentent souvent un double pic d’activité. L’activité du buccinateur est maximale pendant l’ouverture maximale. Les orbiculaires sont surtout actifs pendant l’ouverture.
Neurogenèse de la mastication Les mécanismes responsables de la genèse et du contrôle de mastication doivent assurer : la production du rythme des mouvements masticateurs ; la parfaite coordination des activités musculaires impliquées ; et surtout, l’adaptabilité des activités motrices aux conditions extérieures car, à tout moment durant la mastication, peuvent survenir un événement inattendu ou des modifications des caractéristiques de l’aliment. Bien que les mouvements masticateurs diffèrent d’une espèce à l’autre, la mastication présente des caractéristiques communes à tous les mammifères qui laissent supposer des mécanismes de contrôle communs [2]. De nombreuses études ont donc tenté, chez l’animal, de mieux les comprendre. Les travaux de Lund en 1969, enregistrant dans les noyaux des nerfs moteurs, après suppression de toutes les afférences sensorielles, des potentiels d’action rythmiques générateurs de mouvements masticateurs ont montré que ce rythme ne peut être généré, ni entretenu par des mécanismes réflexes. (En effet, une alternance de réflexes d’ouverture, initiés par la pression de l’aliment sur les muqueuses et les dents, et de réflexes de fermeture, liés à l’étirement des muscles élévateurs lors de l’ouverture précédente a longtemps été considérée comme l’origine du rythme masticateur. Pour Rioch, la commande corticale provoquait l’ouverture volontaire de la bouche qui engendrait par activation des fuseaux neuromusculaires un réflexe de fermeture. Cette fermeture provoquait à son tour une ouverture réflexe par augmentation de la pression sur les récepteurs muqueux et parodontaux). la • • •
Stomatologie
Physiologie et physiopathologie de la mastication ¶ 22-008-A-15
CORTEX Aire masticatrice
Adaptation et initiation GÉNÉRATEUR CENTRAL Rythme et salves motrices
Motoneurones Élévateurs
Abaisseurs
Langue
Activité musculaire coordonnée
Récepteurs articulaires Mouvements rythmiques musculaires de la mandibule et de la langue
Forces occlusales masticatrices
Bol alimentaire
Récepteurs desmodontaux
Rétrocontrôle
Figure 4. Contrôle nerveux de la mastication d’après Thexton Lund [2, 42, 43].
[13]
et
Depuis ces travaux et la mise en évidence, en 1971, par Lund et Dellow d’un générateur central du rythme masticateur situé dans la formation réticulée, il est maintenant admis, même si tous les mécanismes ne sont pas encore connus, que la genèse et le contrôle de la mastication dépendent en grande partie de ce générateur central. Son activité et ses efférences motrices finales sont modulées par des influx corticaux directs et indirects et par des influx sensoriels périphériques susceptibles de modifier l’activité musculaire masticatrice pour l’adapter aux conditions extérieures [10] (Fig. 4).
Générateur central du programme masticateur « central pattern generator » Même isolés de tout influx central ou périphérique, des groupes de neurones situés dans le tronc cérébral sont capables de générer des mouvements de type masticateur. Comme pour la respiration, il est classique de distinguer deux composantes à ce générateur central : • un générateur du rythme qui détermine la durée et la fréquence des cycles ; • un générateur des salves motrices qui détermine la durée et le type des décharges des motoneurones. Le rythme de la mastication est produit par des groupes de neurones situés dans la formation réticulée bulbaire médiale, entre le noyau moteur du V et l’olive inférieure, comprenant les noyaux réticulés paragigantocellulaire et gigantocellulaire. Ces structures sont symétriques. Il existe donc deux générateurs du rythme qui peuvent fonctionner indépendamment et Stomatologie
sont principalement contrôlés par le cortex controlatéral et coordonnés entre eux par des axones qui croisent la ligne médiane. Même activés par des séries de stimuli de fréquence aléatoire et irrégulière, ils sont capables de produire un rythme régulier. Les influx corticaux ou les afférences du V commandent des neurones du noyau paragigantocellulaire qui déchargent de façon tonique. Ces neurones se projettent directement sur des neurones du noyau gigantocellulaire qui établissent le rythme. Les efférences du générateur du rythme se projettent sur le générateur des salves motrices situé dans la partie caudale de la formation réticulée parvocellulaire latérale comportant des prémotoneurones du V. De nombreux prémotoneurones du V ont été identifiés dans les différents noyaux sensitifs du V [2]. L’alternance des mouvements d’ouverture et de fermeture nécessite trois processus : • l’inhibition, pendant la phase d’ouverture, des motoneurones commandant la fermeture. Elle est assurée par un groupe de prémotoneurones inhibiteurs, constituant une composante du générateur des salves motrices. En 1991, Lund [2] supposait qu’ils étaient situés dans le noyau supérieur du V ; • l’excitation des motoneurones commandant l’ouverture. Les motoneurones du digastrique sont activés par des interneurones situés dans le noyau oral du V. Ces interneurones reçoivent des influx excitateurs provenant des afférences à seuil faible des nerfs lingual et alvéolaire inférieur et des afférences musculaires à seuil élevé. Les motoneurones des muscles abaisseurs ne sont pas inhibés pendant la fermeture ; • l’excitation des motoneurones commandant la fermeture. À côté de leur rôle dans l’inhibition des motoneurones de fermeture, de nombreux neurones du noyau supérieur du V sont excités par des influx sensoriels qui initient les salves d’activité des muscles élévateurs. Des ramifications des axones des neurones du noyau mésencéphalique se terminent au niveau du noyau supérieur du V où elles innervent de nombreux neurones [2]. Les limites du générateur des salves motrices sont variables selon les circonstances et la complexité des mouvements. En effet, selon l’intensité de la commande rythmique adressée par le générateur de rythme et en fonction des influx excitateurs convergents qu’il reçoit des centres supérieurs ou des afférences périphériques, un interneurone peut atteindre ou non le seuil d’excitation nécessaire pour décharger. Dans le premier cas, il est intégré dans l’ensemble des neurones générateurs des salves motrices et contribue au potentiel qui déclenche la salve. Les principaux travaux menés sur le rythme masticateur ont concerné les motoneurones du V. Les activités rythmiques des motoneurones du VII et du XII et leur synchronisation avec celle du V ont été beaucoup moins étudiées. L’hypothèse d’une régulation par un même générateur central semble corroborée, pour Yamada [10], par l’existence à l’intérieur ou au voisinage du générateur de neurones de la moelle qui se projettent à la fois sur les motoneurones du V et du VII ou sur ceux du V et du XII. Cependant, après observation de cycles d’activité rythmique de longueurs différentes dans les trois nerfs ou de fréquences différentes lorsque les trois noyaux sont activés et enregistrés individuellement, Nakamura et al. [44] privilégient l’hypothèse de trois générateurs distincts. Comme les motoneurones commandant l’ouverture, les motoneurones du XII ne présentent pas d’hyperpolarisation au cours du cycle ce qui augmente l’efficacité des influx sensoriels excitateurs dans la régulation de leur activité.
Influx corticaux La stimulation de certaines zones du cortex cérébral induit des mouvements de mastication fictifs (mouvements mandibulaires rythmiques associés à des mouvements linguaux et faciaux coordonnés et à une sécrétion de salive). Cette région appelée aire corticale masticatrice est située chez l’homme et
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chez le singe en dessous du cortex moteur primaire dans la partie la plus inférieure du gyrus précentral. Les influx descendant de cette aire corticale masticatrice sont considérés comme la principale source d’activation du générateur central (Nakamura et Katakura in [10] ) mais leur rôle dépasserait cette simple activation. Plusieurs régions distinctes du cortex cérébral peuvent être incluses dans l’aire corticale masticatrice. Chacune d’entre elles pourrait jouer un rôle différent dans la mastication. Ainsi, pour Sessle et al. (in [10]), chez le singe l’aire immédiatement latérale au cortex moteur facial primaire (CMA p ) interviendrait dans l’initiation et la maintenance de la mastication et dans la coordination des mouvements linguaux et mandibulaires pendant la phase de préparation de l’aliment. De même, pour Lund [1] selon la zone corticale stimulée les caractéristiques des cycles obtenus diffèrent, s’apparentant par exemple à celles des cycles de type I (phase préparatoire) ou de type II (phase de réduction). Le cortex semblerait donc interagir avec le générateur central pour déclencher un modèle de mastication adapté aux circonstances. La mastication peut aussi être déclenchée par stimulation de certaines régions d’autres centres nerveux supérieurs tels que l’hypothalamus, l’amygdale et la formation réticulée mésencéphalique [42]. Le générateur central pourrait réguler les réponses de certains interneurones bulbaires aux influx corticaux. Ainsi, Olsson et al. [45] ont montré que celles de nombreux neurones des noyaux principal, intermédiaire et oral du V étaient diminuées pendant la mastication.
Afférences sensorielles La plupart des afférences sensorielles issues de la cavité buccale interviennent dans le contrôle de la mastication. La stimulation tonique de certains récepteurs desmodontaux et muqueux peut initier des mouvements masticateurs seule ou en association avec des influx corticaux infraliminaires. De même, la stimulation tonique des fuseaux neuromusculaires chez le chat rend des influx corticaux infraliminaires efficaces ou accélère la mastication fictive déclenchée par des influx corticaux supraliminaires. Ce type de stimulation interviendrait aussi dans la poursuite des mouvements masticateurs. Pendant la mastication, les mécanorécepteurs épithéliaux à seuil faible sont actifs de manière phasique au début de la phase de fermeture lente. Les mécanorécepteurs desmodontaux, sensibles à la force exercée sur la dent et à ses variations sont de deux types. Ceux à adaptation lente déchargent pendant toute la phase de fermeture avec une fréquence proportionnelle à la pression exercée. Ceux à adaptation rapide sont actifs au début de la phase de fermeture lente puis présentent des bouffées d’activité chaque fois que la dent vibre au contact de l’aliment. Les fuseaux neuromusculaires présentent un comportement très variable, certains ne sont activés que pendant la phase d’ouverture, alors que d’autres déchargent aussi pendant la phase de fermeture répondant au contrôle fusimoteur. Les récepteurs articulaires sont activés par les mouvements mandibulaires dont ils codent le déplacement et la vitesse mais leur action pendant la mastication est peu connue. L’effet des afférences sensorielles phasiques au cours de la mastication varie considérablement d’une phase du mouvement à l’autre et selon le type de récepteurs. Les influx qui favorisent le déroulement de la phase sont facilités. La transmission des influx susceptibles d’inhiber l’activité musculaire et d’interrompre ou perturber le déroulement de la phase dépend du stimulus. Lorsque ces influx sont normalement générés par le mouvement (récepteurs à seuil faible) leur transmission est considérablement réduite par le générateur central. Lorsqu’ils résultent d’un stimulus de forte intensité (récepteurs à seuil élevé) elle est facilitée afin d’assurer la protection des tissus buccaux.
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Ainsi, le réflexe d’ouverture des mâchoires à point de départ muqueux est modulé par le générateur central. Lorsque le stimulus est faible, son effet excitateur est réduit pendant toutes les phases de la mastication [2, 43]. Lorsque les récepteurs à seuil élevé sont recrutés par un stimulus de forte intensité, il existe une facilitation phasique du réflexe d’ouverture pendant la phase de fermeture provoquant une inhibition de l’activité des muscles élévateurs. La stimulation des récepteurs muqueux à seuil faible influence peu la durée du cycle. Celle des récepteurs à seuil élevé, pendant la phase de fermeture, provoque une réduction de sa durée par réduction des décharges des muscles masticateurs, alors que pendant la phase d’ouverture, elle allonge la durée du cycle. Une brusque augmentation de la résistance de l’aliment pendant la phase de fermeture lente induit une réponse voisine du réflexe d’ouverture avec inhibition transitoire des muscles élévateurs et brève excitation des muscles digastriques lors du premier cycle de la série de réduction. Ce réflexe d’ouverture est absent lors des cycles suivants [46]. En effet, à l’exception de ce cycle, la durée et l’amplitude des décharges des muscles élévateurs augmentent considérablement lorsque ces récepteurs sont stimulés par la dureté de l’aliment, entraînant une augmentation de la durée de la phase de fermeture lente et du cycle [46]. L’influence des afférences issues des récepteurs desmodontaux sur les muscles masticateurs passe donc d’une inhibition pendant la série de préparation à une excitation pendant la série de cycles de réduction. Cette dernière action assure un rétrocontrôle positif sur l’activité des élévateurs permettant de l’adapter à la dureté de l’aliment. Une partie de ce rétrocontrôle est également assurée par les fuseaux neuromusculaires qui sont aussi stimulés lorsque l’aliment stoppe ou ralentit le mouvement de fermeture. Pendant la fermeture lente lors de la mastication d’un aliment dur, les récepteurs desmodontaux et les afférences primaires des fuseaux neuromusculaires sont alternativement excités et non excités lors de la fracture de l’aliment, ce qui explique l’alternance de décharges et de périodes de silence dans les muscles élévateurs pendant cette phase. Le réflexe H est facilité durant la fermeture et inhibé durant l’ouverture. Différentes études (in [10, 47] ) ont montré que les influx sensoriels de la sphère orofaciale induisent aussi des réflexes excitateurs et inhibiteurs dans les muscles de la langue. Les muscles protracteurs de la langue, actifs pendant l’ouverture, sont, comme les muscles abaisseurs, insensibles aux variations de dureté de l’aliment et donc de pression sur les mécanorécepteurs desmodontaux. À l’opposé, comme les élévateurs, les muscles rétracteurs de la langue actifs pendant la fermeture sont sensibles à ces variations et présentent une augmentation de leur activité proportionnelle à l’augmentation de dureté de l’aliment. Une forte stimulation des mécanorécepteurs desmodontaux induit dans les muscles linguaux une réponse analogue au réflexe d’ouverture. Kakizaki et al. [47] observent, en effet, une décharge d’activité dans le génioglosse coïncidant avec une période d’inhibition du styloglosse. Le réflexe observé dans le génioglosse est modulé selon les phases de la mastication mais selon un schéma différent de la modulation du réflexe d’ouverture. Ce réflexe se produisant essentiellement pendant la phase de fermeture où les muscles rétracteurs de la langue prédominent, il pourrait réduire la vitesse de rétraction de la langue. Les décharges d’activité du génioglosse peuvent apparaître isolément en fin de fermeture, sans doute en réponse à l’activation de récepteurs muqueux ou linguaux. De plus, les réponses réflexes du génioglosse et du styloglosse aux afférences périphériques ne sont pas toujours antagonistes. Leur activation pourrait modifier la forme de la langue contribuant ainsi à la formation et au transport du bol alimentaire. Stomatologie
Physiologie et physiopathologie de la mastication ¶ 22-008-A-15
■ Physiopathologie de la mastication Les anomalies de la fonction masticatrice peuvent être divisées en deux grandes catégories : • le syndrome de mastication unilatérale dominante dont Planas [48] a largement décrit les conséquences sur la morphogenèse craniofaciale ; • les perturbations de la mastication liées à l’atteinte d’une des différentes structures impliquées dans son déroulement.
Syndrome de mastication unilatérale dominante Dans ce syndrome le patient mastique exclusivement ou préférentiellement d’un seul côté. Les stimuli de croissance engendrés lors de la mastication par le glissement de l’ATM du côté balançant et les frottements occlusaux puissants du côté travaillant demeurent unilatéraux et conduisent, chez l’enfant, à un développement maxillofacial asymétrique. Ce développement asymétrique favorise la persistance d’une mastication unilatérale dominante réalisant ainsi un véritable cercle vicieux pathogène.
Sémiologie et pathogénie Ce syndrome est caractérisé par une mastication préférentielle du côté qui produit le plus faible abaissement de la mandibule lors de son déplacement latéral (côté de l’angle fonctionnel masticateur de Planas le plus petit [Fig. 5]) et une déviation de la médiane incisive mandibulaire vers le côté mastiquant. On observe du côté mastiquant : • une hémimandibule plus courte et en position distale par réduction des stimuli de croissance au niveau de l’ATM ; • un corps mandibulaire plus haut surtout au niveau molaire, en relation avec les fortes sollicitations fonctionnelles ; • un condyle plus volumineux et une pente condylienne plus accentuée ; • un développement marqué du maxillaire vers l’extérieur et l’avant lié aux frottements occlusaux. Ce développement induit une déviation de la médiane maxillaire vers le côté controlatéral ; • une occlusion de classe II en relation avec le développement sagittal maxillaire et mandibulaire.
On constate du côté opposé : • un allongement excessif de l’hémimandibule par stimulation de la croissance condylienne lors des mouvements sagittaux du condyle non travaillant ; • un condyle plus allongé et une pente condylienne plus faible ; • une occlusion de classe I le plus souvent. Il existe une inclinaison frontale du plan d’occlusion vers le haut du côté mastiquant et vers le bas du côté controlatéral. Chez l’adulte, une mastication unilatérale dominante peut induire ou aggraver des atteintes parodontales ou articulaires.
Étiologie Selon l’étiologie de cette dysfonction on distingue : • le syndrome de mastication unilatérale dominante d’origine congénitale que Witt [49] assimile au syndrome dit « côté mastiquant – milieu mandibulaire » d’Eschler caractérisé par une asymétrie d’action musculaire due à une asymétrie morphologique ou physiologique de ces sangles ; • le syndrome de mastication unilatérale structural dont l’origine est une anomalie morphologique obligeant le patient à mastiquer d’un seul côté [50] (anomalie congénitale sévère, troubles de la croissance condylienne, altération unilatérale de l’ATM ou lésion buccale acquise) ; • le syndrome de mastication unilatérale acquise [50] lié à des sollicitations fonctionnelles inadéquates qui ont perturbé le développement des structures osseuses et alvéolaires d’un appareil manducateur initialement normal. Ainsi, la tétée du biberon puis l’alimentation mixée sont largement incriminées dans l’apparition de ce type de dysfonction masticatrice car elles sollicitent trop faiblement le système masticateur.
Perturbations de la mastication Leur sévérité est extrêmement variable allant de simples modifications spatiales ou temporelles des cycles masticateurs à une diminution plus ou moins importante des capacités masticatrices du sujet en passant par une mastication unilatérale stricte. Leurs causes sont nombreuses car toutes les structures impliquées dans la mastication peuvent être à l’origine de telles perturbations.
Évaluation des capacités masticatrices Pour connaître le résultat de la mastication dans des conditions données ou étudier l’incidence fonctionnelle de certaines
Figure 5. Sujet présentant une mastication unilatérale gauche. A, B. Angles fonctionnels de Planas asymétriques. C. Déviation des médianes incisives. D. Inclinaison frontale du plan d’occlusion. E, F. Usure dentaire asymétrique. Stomatologie
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anomalies, deux paramètres sont le plus souvent estimés par des méthodes granulométriques ou colorimétriques : • la performance masticatrice obtenue en mesurant la taille des particules de l’aliment mastiqué après un nombre donné de cycles ; • l’efficacité masticatrice qui correspond au nombre de cycles nécessaires pour réduire l’aliment en particules d’une taille donnée. Certains auteurs étudient aussi le nombre de cycles effectués avant déglutition ou la taille des particules dégluties, données plus physiologiques.
Causes neuromusculaires Earl (in [9]) distingue trois principales causes neurologiques à des difficultés masticatrices. Faiblesse des muscles masticateurs Unilatérale, elle provoque une déviation de la mâchoire du côté affecté par la faiblesse du ptérygoïdien latéral. Elle n’entraîne pas une gêne fonctionnelle importante mais elle peut provoquer, lorsqu’elle persiste, des modifications morphologiques adaptatives de l’ATM. Elle est due le plus souvent à une atteinte des branches motrices du V ou parfois à des hémiplégies. Bilatérale, elle rend la mastication difficile, voire impossible, le sujet ne pouvant parfois plus maintenir la bouche fermée. Elle peut être provoquée par des atteintes bilatérales du V, ou des tumeurs invasives de la base du crâne ou du tronc cérébral ou des myopathies. Spasmes permanents Les spasmes des muscles élévateurs, le plus souvent d’origine infectieuse (tétanos, encéphalite) ou tumorale, entraînent une fermeture forcée avec impossibilité d’ouvrir la bouche. Les abaisseurs sont parfois affectés entraînant une ouverture avec déviation. Mouvements masticateurs spontanés ou incoordonnés Ils sont parfois rencontrés dans certaines maladies mentales ou dans certaines intoxications médicamenteuses (phénothiazine).
Dysfonctionnements de l’appareil stomatognathique et atteintes articulaires Les dysfonctionnements musculaires ou musculoarticulaires de l’appareil stomatognathique sont fréquents et très variés. Nous nous limitons à leurs principales conséquences sur la mastication qui sont en général plus marquées dans les atteintes articulaires. Pour Mongini [51], ils s’accompagnent de cycles masticateurs irréguliers et de phénomènes de réouverture pendant la phase de fermeture. Les cycles moyens ont une forme complexe et l’enveloppe fonctionnelle est réduite. Ces modifications sont dues à des obstacles mécaniques articulaires ou à des douleurs articulaires ou musculaires qui limitent ou stoppent le mouvement. La vitesse est réduite surtout pendant l’ouverture. La fermeture s’effectue la plupart du temps dans une position différente de l’intercuspidation maximale. La mastication est très souvent unilatérale avec, pour côté préférentiel, celui de l’ATM lésée qui est ainsi moins sollicitée. En effet, l’ATM du côté mastiquant est soumise à moins de charges durant la mastication que celle du côté balançant [50, 52]. L’activité musculaire est elle aussi perturbée avec en particulier une participation des élévateurs pendant l’ouverture et une réduction ou une disparition de la phase de contraction isométrique de ces muscles lors de la fermeture. Dans les dérangements internes de l’ATM différents auteurs (in [53]) constatent une modification de la forme des cycles masticateurs avec réduction de la hauteur du cycle. La mastication du côté atteint s’effectue avec une excursion vers le côté balançant plus importante lors de l’ouverture et une excursion latérale lors de la fermeture supérieure à la normale. La durée du cycle est plus longue, surtout celle de la phase de fermeture.
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Les fractures condyliennes unilatérales provoquent des modifications durables [53] de la durée et de la forme des cycles masticateurs. La durée totale des cycles est allongée par augmentation de la durée des phases d’ouverture et de fermeture. Cette augmentation s’atténue avec le temps. L’amplitude verticale des cycles est légèrement réduite, quel que soit le côté mastiquant, un mois et demi après la fracture en relation avec la douleur résiduelle de l’ATM. De plus, les cycles présentent une réduction de l’excursion vers le côté mastiquant lors de la phase de fermeture et une augmentation de l’excursion latérale vers le côté balançant lors de l’ouverture. Comme dans les cas de dérangement interne de l’ATM, ces modifications de la forme du cycle sont en général plus marquées lorsque le sujet mastique du côté non atteint [53]. De même, la phase d’ouverture est davantage modifiée que la phase de fermeture. Cette différence pourrait être due aux éléments anatomiques impliqués dans le contrôle de ces deux phases. En effet, pour Osborn (in [53]) la trajectoire normale d’ouverture est principalement contrôlée par les ligaments de l’ATM et pour Koolstra et Van Eijden (in [53]) celle de fermeture le serait principalement, voire exclusivement, par les muscles. La rupture des ligaments articulaires lors de fractures de l’ATM altérerait donc la trajectoire d’ouverture surtout lors de la mastication controlatérale. L’atteinte associée du ptérygoïdien latéral contribue, par la dysfonction du chef inférieur, à augmenter l’excursion latérale vers le côté balançant lors de l’ouverture alors que l’atteinte du chef supérieur n’a que peu d’effet sur la trajectoire de fermeture contrôlée principalement par les autres muscles élévateurs non affectés par la fracture.
Causes dentaires L’importance des contacts occlusaux et des afférences proprioceptives dans la mastication explique les modifications des cycles et des schémas de coordination musculaire observées lors d’atteintes dentaires ou de perturbations de l’occlusion. Elles sont parfois à l’origine d’une mastication unilatérale dominante. Malocclusions Les sujets porteurs de malocclusions évoquent rarement des difficultés masticatrices excepté lorsque les contacts occlusaux sont limités à quelques couples. Cependant, Ahlgren [16] observe, dans les malocclusions, une irrégularité de la forme des cycles et du rythme masticateur. Gibbs [54] constate également une réduction des retours en position d’intercuspidation maximale. Dans les classes III, Proschel [21] note des variations significatives de l’amplitude des cycles et du rythme masticateur. Les cas présentant une occlusion inversée latérale ont souvent des cycles inversés. La supraclusion incisive est une des malocclusions dont les répercussions sur la mastication ont été le plus étudiées. Elle est le plus souvent associée à des cycles presque verticaux aux excursions latérales très réduites. La mastication est souvent bilatérale ou unilatérale dominante en raison des blocages occlusaux. Elle s’accompagne souvent, pour Graber (in [9]), d’une augmentation de l’activité du faisceau postérieur du temporal et du faisceau profond du masséter créant, lors de la fermeture, une composante de rétraction qui peut induire dans certains cas, une incoordination méniscocondylienne. Enfin, les contacts cuspide-cuspide créeraient une instabilité et une incoordination musculaire responsables d’une hyperactivité musculaire et des craquements articulaires. Extractions et pathologies dentaires Les douleurs dentaires peuvent limiter la mastication ou induire une mastication unilatérale du côté opposé [48]. De plus, les extractions et les délabrements dentaires réduisent les contacts dentaires et perturbent la sensibilité proprioceptive parodontale. Helkimo et al. [55] constatent une corrélation entre l’efficacité masticatrice et le nombre de contacts interarcades. Selon Agerberg et Carlsson (in [22]), au-dessous de 20 dents bien réparties, il existe une diminution des capacités masticatrices. Cependant, pour Sarita et al. [56] , ce nombre doit être Stomatologie
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modulé en fonction de la dureté de l’aliment. Ainsi, l’intégrité des groupes incisivocanins et de quatre couples antagonistes des secteurs postérieurs offre des capacités masticatrices satisfaisantes pour des aliments mous mais pas pour des aliments durs. Pour Sarita et al. [56], la réduction du nombre de couples de molaires en occlusion a peu d’effet tant que toutes les prémolaires et un couple de molaires sont en occlusion. À l’opposé, lorsque les arcades sont extrêmement courtes la gêne masticatrice est très sévère, imposant une nourriture adaptée. À la réduction des surfaces triturantes s’ajoute la difficulté de contrôle du bol par la musculature buccale. Prothèse Comme l’a indiqué Bates [29, 30], le facteur prépondérant dans les répercussions des prothèses sur la mastication est leur stabilité. Lorsque la rétention de la prothèse adjointe est excellente ou en cas de prothèse fixée ou implantoportée la fonction est presque similaire à celle observée en denture naturelle. En général, cependant, il existe une réduction de l’efficacité masticatrice avec les prothèses adjointes. La langue et les joues participent à la stabilisation. De plus, on constate une diminution des capacités d’adaptation à la dureté de l’aliment chez les sujets porteurs de prothèses amovibles en relation sans doute avec l’altération et la diminution du rétrocontrôle desmodontal.
■ Conclusion La mastication est une fonction essentielle et complexe dont on connaît aujourd’hui de mieux en mieux le déroulement même si les mécanismes impliqués dans son contrôle nerveux ne sont pas tous élucidés. Stéréotypée par l’activité du générateur central de rythme, elle reste cependant éminemment adaptable grâce aux nombreux mécanismes de rétrocontrôle qui assurent non seulement l’optimisation de ses performances grâce à l’adaptation aux caractéristiques de l’aliment mais aussi la protection des différentes structures du système stomatognathique. La connaissance de ces mécanismes et leur prise en compte dans les thérapeutiques odontologiques sont nécessaires au respect de l’harmonie fonctionnelle de l’appareil manducateur. .
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M.-J. Boileau, Professeur des Universités ([email protected]). M. Sampeur-Tarrit, Assistant hospitalo-universitaire. C. Bazert, Ex-assistant hospitalo-universitaire. UFR d’odontologie, université Victor-Segalen Bordeaux 2, 16, cours de la Marne, 33082 Bordeaux cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Boileau M.-J., Sampeur-Tarrit M., Bazert C. Physiologie et physiopathologie de la mastication. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-008-A-15, 2006.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-009-D-15
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Physiologie nasale R Gola L Guyot F Cheynet O Richard
Résumé. – La fonction morphogénétique mise à part, le nez a une triple fonction olfactive, ventilatoire et immunitaire. Dans la fonction ventilatoire, le conditionnement de l’air inspiré, c’est-à-dire la régulation des débits aériens, la filtration, l’humidification et le réchauffement de l’air se font grâce à un triple mécanisme valvaire, narinaire, nasal et septoturbinal. Cette fine mécanique, variable d’un individu à l’autre et chez le même individu d’une fosse nasale à l’autre et d’un moment à l’autre, passe inaperçue dans les conditions normales habituelles. En raison des modifications de la perméabilité nasale, liées à la congestion veineuse de décubitus, la ventilation nasale optimale est la ventilation exclusivement nasale, bouche fermée, pendant le sommeil. Toutes ces fonctions essentielles peuvent être perturbées par diverses pathologies. Elles sont menacées dans la chirurgie non fonctionnelle du nez et le chirurgien doit impérativement les connaître pour les préserver ou les réparer. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : ventilation nasale, physiologie nasale, dysmorphose faciale.
Introduction Dans les conditions normales, la voie ventilatoire nasale est la seule voie physiologique. La voie ventilatoire orale n’est qu’une voie complémentaire ou de substitution en cas de besoins accrus de la ventilation (efforts…) ou d’obstruction nasale. En effet, premier maillon des voies respiratoires, l’organe nasal n’est pas un conduit inerte : il change constamment pour adapter les caractéristiques aérodynamiques et physicochimiques de l’air inspiré. Cela explique la supériorité physiologique de la ventilation nasale sur la ventilation orale. Le nez a quatre fonctions : olfactive, ventilatoire, immunitaire et morphogénétique. Cette dernière fonction morphogénétique est ici à peine ébauchée car, du fait de son importance, elle mérite d’être traitée à part.
Fonction olfactive Le nez intervient dans la protection de l’individu et joue un rôle, variable selon l’espèce, dans le comportement social, alimentaire et sexuel [9]. La muqueuse olfactive est située au sommet des fosses nasales sur une surface de 2 à 3 cm2 et sur la partie supérieure du septum (tache jaune). Les molécules odorantes, après s’être dissoutes dans le mucus qui recouvre la muqueuse, parviennent par diffusion au contact des cils qui tapissent la surface de la muqueuse olfactive.
Raymond Gola : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Laurent Guyot : Praticien hospitalier. François Cheynet : Praticien hospitalier. Olivier Richard : Assistant des Hôpitaux, chef de clinique à la Faculté. Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13915 Marseille cedex 20, France.
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Fonction olfactive rétronasale.
Ces cils sont au nombre de 5 à 20 par cellule sensorielle neuroréceptrice dont l’activation chimique (fixation protéique) et la production de courants ioniques déclenche la perception de l’odeur par transmission neuronale. En ventilation normale, du fait de l’étroitesse des fosses nasales et du développement important des cornets, moins de 10 % des molécules odorantes aspirées par les narines atteignent le neuroépithélium olfactif. Le humage est indispensable pour forcer le courant inspiratoire à balayer la fente olfactive. Inversement, l’olfaction rétronasale participe grandement à la finesse du goût (« on goûte surtout par le nez »), les choanes étant largement ouverts sur le nasopharynx et les cornets s’interposant moins entre le courant odorant et la fente olfactive (fig 1).
Toute référence à cet article doit porter la mention : Gola R, Guyot L, Cheynet F et Richard O. Physiologie nasale. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-009-D-15, 2003, 8 p.
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A X
X
B
C
Y
Y
D 2
* B
1
1
* A
1/2 X
2
Fonction ventilatoire. A. Flux laminaire: la vitesse d’un fluide ou d’un gaz est plus rapide au centre qu’à la périphérie du tube. B. Expérience de Venturi : la pression du fluide ou du gaz varie avec la taille du
Y
* C tube. Dans les zones étroites où le débit augmente la pression diminue et inversement dans les zones larges où le débit ralentit, la pression augmente. C. Principe de Bernouilli : la vitesse d’un fluide ou d’un gaz varie en fonction du calibre du tube. Elle est égale en A et D. Elle est plus rapide en B, plus lente en C.
Fonction ventilatoire La fonction ventilatoire du nez (10 000 litres d’air par jour) regroupe, elle-même, un certain nombre de fonctions et de réflexes qui participent au conditionnement de l’air inspiré : régulation des débits aériens (rhéostat), filtration, humidification (hygrostat) et réchauffement (thermostat).
a
b
c
d
e
f
RÉGULATION DES DÉBITS AÉRIENS
L’écoulement de l’air dans les fosses nasales obéit aux lois physiques de la dynamique des fluides. Lorsqu’un fluide progresse à l’intérieur d’un conduit, sa pression diminue au fur et à mesure de l’écoulement. Entre les narines et les choanes, il existe donc une différence de pression (ou gradient de pression) d’autant plus élevée que la résistance nasale est plus grande. Cette résistance nasale est importante puisqu’elle représente la moitié de la résistance totale des voies aériennes supérieures. À faible débit, le flux aérien est laminaire. À proximité des parois nasales, du fait de sa viscosité, il est presque sans mouvement mais, au centre de la fosse nasale, dans l’espace septoturbinal, il se déplace très rapidement (fig 2). À fort débit, le flux devient turbulent ; ce régime turbulent s’observe également, lorsque les parois sont irrégulières, ce qui est le cas des fosses nasales, même en cas d’écoulement faible.
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Orifice narinaire externe. Variations en fonction de l’âge des individus. Nouveau-né (a), enfant (b), adulte (c). Variations en fonction de l’origine ethnique des individus. Sujet d’origine caucasienne (leptorhinien) (d), sujet d’origine asiatique (mésorhinien) (e), sujet d’origine africaine (platyrhinien) (f).
Au cours de la traversée des fosses nasales, l’air inspiré va rencontrer un certain nombre d’obstacles constituant la résistance nasale, d’abord au niveau du nez cutané (valve narinaire), puis et surtout, au niveau du nez muqueux (valves nasale et septoturbinale). La valve narinaire représente un tiers de la résistance nasale, les valves nasale et septoturbinale représentent deux tiers de la résistance. C’est à la partie antérieure des fosses nasales que la résistance est la plus nette. La résistance nasale opposée par les valves narinaire et nasale est relativement constante, celle opposée par la valve septoturbinale est extrêmement variable.
¶ Valve narinaire La valve narinaire, située à l’entrée de l’auvent narinaire ou nez cutané correspond aux orifices narinaires externes, d’une surface de 1 cm2 environ. Chez le sujet d’origine caucasienne, l’orifice narinaire est ovalaire, à grosse extrémité postérieure et son grand axe est oblique en avant et en dedans (leptorhinien). Chez le sujet d’origine asiatique au nez épaté, l’axe narinaire peut prendre une direction très oblique (mésorhinien) et chez le sujet d’origine africaine au nez négroïde, l’axe peut prendre une direction presque horizontale (platyrhinien) (fig 3). L’orifice narinaire externe varie également en fonction des positions relatives de la columelle et de l’aile du nez. En effet, il ne se situe pas dans un plan horizontal mais regarde légèrement en bas, en avant et en dehors de sorte que de profil, l’aile narinaire découvre la columelle et que de face les deux orifices, vus en fuite, se remarquent à peine. La morphologie et l’inclinaison des orifices narinaires externes influencent la direction du courant aérien. Ainsi pour un angle nasolabial fermé, le courant aérien prend une direction verticale et inversement pour un angle nasolabial ouvert, le courant prend une 2
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Axes anatomiques de l’auvent nasal et des fosses nasales (coupe parasagittale et vue médiale des fosses nasales).
direction horizontale. Ces courants sont à distinguer des axes anatomiques de l’auvent nasal et des fosses nasales (fig 4). La valve narinaire est animée par la pars alaris du muscle nasal (muscle dilatateur des narines, muscles myrtiforme et depressor septi) (fig 5). Dès son admission dans le vestibule narinaire, l’air inspiré est confronté à un certain nombre de résistances dont la plus importante est constituée par le « cul-de-sac » entre cartilages supérieurs et inférieurs. À l’inverse, le « ventricule », à la face interne du lobule, oppose une résistance à l’air expiré [5]. L’air inspiré quitte ensuite le vestibule par l’orifice narinaire interne. Cet orifice, situé à la jonction nez cutané-nez muqueux, précède le deuxième et principal obstacle, la valve nasale.
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Orifices narinaires et valve nasale, aspect schématique: orifice narinaire externe (1), orifice narinaire interne (1,4) et valve nasale (0,7) (coupe frontale du nez).
* B VII
0,7 1,4 1
* A 5
8
Valve nasale. Elle correspond à un angle dièdre entre cartilage supérieur et septum (10 à 15°).
Orifice narinaire externe. A. Innervation motrice du nez : la valve narinaire est animée par le muscle levator labii superioris alaeque nasi et par la pars alaris du muscle nasal (muscle dilatateur des narines, muscles myrtiforme et depressor septi) (vue latérale du nez). B. Mouvement des ailes du nez (vue inférieure du nez).
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Orifice narinaire interne. La flèche indique la porte d’entrée de la valve nasale (vue inférieure du nez). 15°
– en dedans, le cartilage septal (fixe) ; – en avant, les deux éléments précédents, séparés sur leur bord antéromédial par l’incisure interseptocartilagineuse et réunis par un étui périchondral souple, la « valve membraneuse » correspondant au triangle faible médian [4] ; L’orifice narinaire interne (narine interne de Zuckerkandl) , plus grand (surface de 1,5 cm2 environ) que l’orifice externe, ne crée pas ou peu de résistance à l’écoulement aérien nasal [1]. Cet orifice oblique par rapport au septum est limité : [20]
– en dehors, par le limen nasi formé par la plica nasi correspondant au bord inférieur retourné du cartilage supérieur, prolongé de tissus mous jusqu’à l’orifice piriforme ; – en dedans, par la crête septale située à la jonction cutanéomuqueuse et correspondant approximativement au bord caudal du cartilage septal ; – en bas, par le bord inférieur de l’orifice piriforme. Cet orifice narinaire interne est particulièrement visible lorsque l’on soulève l’aile du nez. Il faut le ménager lors des incisions intercartilagineuse et interseptomembraneuse ainsi que lors des résections cartilagineuse et muqueuse (fig 6, 7).
¶ Valve nasale La valve nasale [12] correspond à un volume compris entre l’orifice narinaire interne en avant et l’orifice piriforme en arrière. Ce volume, situé dans l’auvent nasal ou nez muqueux et orienté dans un plan oblique en bas et en arrière, est délimité par : – en dehors, le cartilage supérieur dans son tiers inférieur (mobile), prolongé des tissus mous du triangle faible latéral jusqu’à l’orifice piriforme ;
– en bas et en arrière, l’orifice piriforme et le plancher des fosses nasales, au-dessus duquel s’avance plus ou moins, suivant son degré de turgescence, la tête du cornet inférieur, indissociable fonctionnellement de la valve nasale (fig 8). La valve nasale est, de ce fait, plus longue dorsalement que ventralement. La limite entre nez fixe et nez mobile passe, non pas, par la jonction entre cartilages supérieurs et inférieurs mais par l’extrémité supérieure de la valve nasale. Une légère pression exercée à ce niveau obstrue facilement le nez alors que l’auvent narinaire et les fosses nasales sont libres (fig 9). La valve nasale correspond à un passage étroit de quelques millimètres entre deux zones dilatées (avec un ratio de 0,7 par rapport à l’orifice narinaire externe selon Bachmann et Legler [1]). Ce segment de limitation de flux (« flow limiting segment » où se trouve la zone de résistance maximale au flux aérien s’étend sur toute la longueur de la « valve membraneuse ». La valve nasale proprement dite (de valva : battant de porte) correspond à la partie supérieure du volume et forme un angle de 10 à 15° qui a tendance à augmenter d’avant en arrière. La partie basse, large, de la valve est seule fonctionnelle. Si, anatomiquement, la valve nasale appartient au nez muqueux, physiologiquement, elle dépend du nez cutané (fig 9). Auvent narinaire et valve nasale sont étroitement liés sur le plan anatomophysiologique (lamelles cartilagineuses incluses dans une gaine périchondrale, « accrochage » fréquent entre les bords caudal 3
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Nez fixe
Nez mobile
* A
* B
* C
* D
9 La limite entre nez fixe et nez mobile passe par le bord supérieur de la valve nasale. En cartouche : une légère pression exercée au niveau de la valve nasale obstrue facilement le nez alors que l’auvent narinaire et les fosses nasales sont libres. et céphalique retournés des cartilages supérieurs et inférieurs). Cette notion d’unité fonctionnelle valve nasale-auvent narinaire est fondamentale. L’incision intercartilagineuse inévitable, dans la rhinoplastie classique à « toit ouvert », ne perturbe la valve nasale que le temps de la cicatrisation. De même, il n’existe pas de différence fonctionnelle entre les incisions inter- et intracartilagineuses car les résections cartilagineuses aboutissent à la même consolidation cicatricielle. En revanche, l’affaiblissement excessif des structures cartilagineuses supérieures et/ou inférieures conduit à un collapsus valvaire avec limitation du flux aérien qui s’aggrave avec l’âge. La valve nasale est sous la dépendance du muscle levator labii superioris alaeque nasi (muscle releveur commun de l’aile du nez et de la lèvre supérieure) et du muscle nasalis avec ses deux composantes, la pars transversa qui la ferme (mouvement volontaire) et la pars alaris (mouvement volontaire et involontaire) qui l’ouvre. La partie supérieure de la valve nasale se ferme à l’inspiration et s’ouvre à l’expiration (fig 10). La tendance naturelle au collapsus de la valve nasale du fait de sa nature cartilagineuse souple et du faible degré de l’angle septum-cartilage supérieur est compensée par trois éléments : – le retournement du bord caudal du cartilage supérieur [8] qu’il faut respecter ou diminuer de façon prudente s’il est hypertrophique. Son ablation et, a fortiori, le raccourcissement du bord caudal du cartilage supérieur, doit s’accompagner de la réalisation d’une nouvelle valve nasale ; – la résistance élastique du cartilage inférieur et de la jonction intercartilagineuse. Cette dernière ne joue pas le rôle d’articulation, qui lui est classiquement attribué ; – le couple cartilage inférieur-muscles dilatateurs. Les incisions et les décollements doivent ménager les muscles narinaires. En assurant un débit constant, la valve nasale est essentielle dans la régulation permanente du flux aérien [13]. L’augmentation du flux nasal est liée davantage à l’augmentation des fréquences inspiratoires qu’à celle de la quantité d’air qui passe au niveau de la valve. La valve fonctionne passivement ou activement selon le degré de l’activité respiratoire : – passivement : au repos et en activité respiratoire calme, la valve nasale change la direction du flux aérien et détermine une résistance statique à l’écoulement de l’air dont la vitesse augmente permettant un passage une fois et demie plus important. C’est cet effet qui donne la sensation subjective de perméabilité nasale à condition que 4
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Valve nasale. A. Fermeture à l’inspiration. B. Ouverture à l’expiration (coupes frontales du nez). C. Fermeture à l’inspiration. D. Ouverture à l’expiration (vues endoscopiques d’une valve nasale droite).
la sensibilité soit préservée. Cette notion de sensibilité et de proprioception tant muqueuse que cutanée (au niveau du vestibule narinaire) est très importante ; le nez, pour être « confortable », doit posséder une sensibilité de type discriminatif, notion trop souvent ignorée en clinique. Il suffit pour s’en convaincre de constater la sensation de gêne ventilatoire et la perte de la « satisfaction nasale » après anesthésie locale ; – activement : à l’effort et en activité respiratoire accrue, la tendance au collapsus de la valve est compensée par l’intervention des muscles dilatateurs du nez, véritables muscles respiratoires accessoires. Leur mise en jeu, autonome, étudiée par électromyographie, se fait durant la phase inspiratoire (synergie respiratoire). Elle est proportionnelle à la résistance ventilatoire et à la pression négative intrathoracique. Lorsque l’activité des muscles dilatateurs est dépassée, la ventilation orale apparaît. À l’expiration, la pression intranasale devient positive, écartant légèrement la valve. Toute atteinte statique (angle inférieur à 10°, diminution de 1 mm de la lumière de la partie antérieure du nez muqueux [3] ) ou dynamique (collapsus de la valve quand le débit ventilatoire augmente) au niveau de la valve nasale entraîne une gêne ventilatoire. Les principales atteintes statiques sont d’origine cartilagineuse (« nez sous tension », déviation septale, déviation ou ballonnement du cartilage supérieur) ou muqueuse (épaississement, synéchie). Les atteintes dynamiques sont la conséquence d’une atteinte musculaire (paralysie faciale décompensant une déviation septale jusque-là bien tolérée) ou cartilagineuse (flaccidité ou rigidité par ballonnement excessif du cartilage supérieur) (fig 11).
¶ Valve septoturbinale La valve septoturbinale est comprise entre le septum et les cornets moyen et inférieur. Elle est soumise aux variations vasomotrices de la muqueuse érectile qui recouvre ces structures (surtout le bord inférieur des cornets inférieur et moyen), modifiant ainsi le calibre des fosses nasales (fig 12).
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a
c
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b
d
e
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* A
Pathologie valvaire ; a. Aspect normal ; b. Collapsus de la valve (« nez sous tension ») ; c. Déviation septale ; d. Déviation du cartilage supérieur ; e. Synéchie muqueuse (coupes frontales du nez).
EC
La muqueuse pituitaire qui recouvre le septum présente en regard des zones de jonction entre cartilage et os des épaississements ou « arêtes septales » oblique et verticale. L’épaississement muqueux, situé à la partie dorsale du septum antérieur, particulièrement riche en tissu spongieux érectile et comparable à celui des cornets, réaliserait une valve septale, régulatrice du flux aérien (fig 12). Le septum contribue à la régulation du flux aérien mais sa rigidité en fait un élément statique. Il est rarement droit chez le sujet caucasien, mais toutes les déviations n’affectent pas de façon significative le débit aérien. Elles ne nécessitent aucun traitement sauf si elles sont responsables conjointement d’une anomalie morphologique du nez ou d’une gêne fonctionnelle. Les épaississements allongés en forme de crête, les luxations et déviations du septum, de direction parallèle au flux sont classiquement moins gênants que les déviations perpendiculaires au flux. En fait, les déviations septales hautes ou les épaississements limités en forme d’éperon, lorsqu’ils siègent en regard de l’espace septoturbinal dans sa partie moyenne, et qu’ils sont suffisamment volumineux, sont une cause d’obstruction nasale et de conflit méatosinusien. Il est également souvent rapporté qu’un contact entre septum et cornet hypertrophié peut constituer une épine irritative à l’origine d’algies ou de phénomènes vasomoteurs. Il semble que ce soit davantage l’obstruction nasale qui en résulte qui soit responsable de ces phénomènes que le simple contact septoturbinal qui est à l’origine de crises d’éternuements. Une relation anatomique et physiologique existe entre septum et cornet. Quand le septum est droit, les cornets sont souvent symétriques. Quand le septum est dévié, les cornets inférieur et moyen, du côté concave, occupent la place laissée libre, et sont souvent hypertrophiés. La trajectoire du flux aérien dans les fosses nasales est fonction de leur forme allongée et de leur architecture tourmentée, liée en particulier aux cornets qui créent un courant turbulent (ce qu’expriment parfaitement les termes « turbinate » en anglais, « turbinato » en italien pour cornet). La trajectoire dépend aussi de la forme et de l’orientation des orifices narinaires, des valves nasales et de la morphologie du septum et du « pied de cloison ». Grossièrement, le trajet du flux aérien suit la bissectrice de l’angle formé par les axes anatomiques de l’auvent nasal et des fosses nasales (fig 13). Lorsque l’air pénètre dans la fosse nasale, il butte sur la tête du cornet inférieur. Théoriquement, il peut contourner l’obstacle selon trois voies, inférieure, médiale et supérieure : – voie inférieure : l’air emprunte peu le méat inférieur et l’espace compris entre le cornet et le plancher nasal ;
GM GS
SC
* B 12
Valve septoturbinale. A. Siège électif de la zone érectile turbinale: bord inférieur des cornets inférieur et moyen (coupe parasagittale et vue médiale des fosses nasales). B. Coupe frontale des fosses nasales : aspects histologiques de la muqueuse du cornet inférieur et de la muqueuse du cornet moyen. EC : épithélium cilié ; GM : glande muqueuse ; GS : glande séreuse ; SC : sinus caverneux.
– voies médiale et supérieure : la plus grande partie du flux aérien emprunte les espaces médial septoturbinal et latéral sinusoturbinal correspondant au méat moyen. La tête du cornet moyen, libre dans les fosses nasales clive, en effet, le flux aérien. L’air empruntant l’espace septoturbinal rencontre plus haut la tête du cornet supérieur, libre, qui clive à son tour le flux aérien. Ainsi, en s’élevant dans la fosse nasale et en rencontrant un nombre grandissant d’obstacles, le flux aérien devient faible et turbulent, ce qui favorise l’olfaction. Le flux ventilatoire est nécessaire à l’analyse olfactive. Chez l’enfant, le flux aérien passe surtout par l’espace septoturbinal dans sa partie basse, les méats étant de volume réduit. Chez l’adulte, le flux aérien passe surtout par les espaces septoturbinal et sinusoturbinal en regard du cornet moyen (méat moyen). Ces espaces, et davantage l’espace septoturbinal (1-3 mm) que l’espace sinusoturbinal, naturellement étroit (0,5-1 mm), constituent la zone ventilatoire principale [6, 14] mais tout le nez est intéressé par le passage du flux aérien inspiratoire (fig 14). Par ailleurs, c’est dans la partie antérieure des fosses nasales que le flux aérien est le plus rapide [ 1 6 ] ainsi que dans l’espace septoturbinal. 5
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* A 15
Trajet du flux aérien expiratoire dans les fosses nasales (coupe parasagittale, vue médiale des fosses nasales).
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* B 13
A. Axes anatomiques de l’auvent nasal et des fosses nasales. B. Trajet du flux aérien inspiratoire dans les fosses nasales (coupe parasagittale, vue médiale des fosses nasales).
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Trajet du flux aérien inspiratoire dans les fosses nasales. La zone physiologique la plus importante, représentée ici par un cercle, est l’espace septoturbinal moyen et l’espace sinusoturbinal moyen (coupes frontales des fosses nasales).
À l’expiration, la résistance est fournie presque exclusivement par les cornets. Mais le phénomène n’est pas inverse, car le flux aérien à l’entrée des choanes va rencontrer une formation turbinale totalement différente. Le nez est symétrique dans le plan frontal, mais ne l’est pas dans le plan sagittal (fig 15). 6
Cycle nasal. Aspect schématique (coupes frontales des fosses nasales).
L’air pénètre dans les sinus davantage à l’expiration qu’à l’inspiration du fait de la différence de diamètre entre choanes et narines. Cela explique que certaines odeurs d’origine sinusienne soient perçues davantage à l’expiration qu’à l’inspiration. Cela explique également certaines expansions sinusiennes par obstacle antérieur aux ostiums sinusiens. L’action expansive du flux aérien s’exerce essentiellement sur la valve narinaire, sur la partie basse (ostéomembraneuse) des fosses nasales, sur le développement des os maxillaires, des sinus maxillaires et du nasopharynx. La muqueuse pituitaire et la muqueuse des cornets inférieurs en particulier possèdent une vasomotricité très active dont les variations sont à l’origine du cycle nasal [11] présent chez 80 % des sujets normaux adultes [10], régulé par le système nerveux végétatif avec une alternance cyclique d’une cavité nasale à l’autre. Lorsque la muqueuse dans une fosse nasale est en turgescence, par vasodilatation, (prédominance du système parasympathique), la muqueuse de l’autre fosse nasale est en état de rétraction par vasoconstriction (prédominance du système orthosympathique). La situation s’inverse au cours de la période suivante. Ce cycle vasomoteur est d’une périodicité moyenne de 3-4 heures (extrêmes 2 à 5 heures) (fig 16). Les modifications de perméabilité qui en découlent dans chaque fosse nasale ne sont pas ressenties par le sujet car la perméabilité nasale totale (ou résistance nasale totale) ne varie pas. Lors de la phase congestive du cycle nasal, la valve turbinale prédomine sur la valve nasale et inversement. Le passage de l’air se fait de façon privilégiée du côté le plus perméable, c’est dire l’importance de la valve nasale. La durée et l’amplitude du cycle nasal sont variables d’un individu à l’autre, et varient aussi en fonction de l’âge. Chez l’enfant, la durée des cycles est plus courte.
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qui est, normalement, de 30 à 32°, c’est-à-dire inférieure à celle du corps. Cette fonction essentielle de la muqueuse nasale est sous la dépendance de la différentiation morphologique et fonctionnelle du réseau vasculaire (shunt artérioveineux du chorion profond). Ce mécanisme de conditionnement est ensuite complété au niveau de l’arbre trachéobronchique (30 %). Inversement, le courant inspiratoire, en s’échauffant, produit un refroidissement du sang veineux turbinal qui contribue, à son tour, à la régulation de la température du cerveau, comme en témoigne l’alternance de l’activité électrique du cortex, synchrone du cycle nasal.
Sens du mouvement mucociliaire
Tapis muqueux
Phase retour
Mouvement actif
Fonction immunitaire 17
Mouvement mucocilaire.
Cette dernière fonction, pourtant primordiale de l’organe nasal, a été longtemps négligée. Porte d’entrée de l’appareil respiratoire, richement vascularisé et innervé, le nez constitue une interface avec l’environnement aérien, assurant la protection des muqueuses et des organes situés en aval (sinus, oreille moyenne, arbre trachéobroncho-alvéolaire). Malgré son importance fondamentale, cette fonction ne sera qu’évoquée, car elle est très complexe et en pleine évolution. Trois lignes de défense s’articulent pour assurer la fonction immunitaire nasale : – la première ligne de défense épithéliale comprend deux éléments qui se renforcent mutuellement, l’un statique, la barrière épithéliale, l’autre dynamique, le système mucociliaire ; – la deuxième ligne de défense spécifique comprend le système immunitaire annexé à la muqueuse nasale avec une production d’IgA sécrétoires ;
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Mouvement mucociliaire et évacuation du mucus dans les fosses nasales (coupe parasagittale, vue médiale des fosses nasales).
Le déterminisme du cycle nasal reste obscur mais de nombreux facteurs peuvent le modifier : activité physique, température ambiante, position du corps, obstruction nasale chronique. En décubitus latéral : le cycle nasal expliquerait le changement fréquent de côté lors du sommeil. FILTRATION
Un certain nombre de grosses particules sont arrêtées au niveau du vestibule, grâce aux vibrisses. Un maximum de particules en suspension restent prisonnières du mucus tapissant toute la muqueuse où elles sont retenues grâce aux propriétés d’adhésivité du mucus. Ce dernier est disposé en deux couches, une profonde, fluide et une superficielle, visqueuse (fig 17). Le mouvement mucociliaire et la pente du plancher des fosses nasales et des méats permettent ensuite l’évacuation (4 à 8 mm par minute) du mucus contaminé vers l’arrière, où il est dégluti [15] (fig 18). HUMIDIFICATION
L’humidification de l’air inspiré, qui nécessite un litre d’eau environ par jour, se fait par simple contact avec la couche de mucus composée d’eau pour 95 % qui tapisse la muqueuse, accessoirement par les glandes nasales antérieures. La valve nasale intervient dans la fonction d’humidification par son rôle de nébulisation [2]. RÉCHAUFFEMENT
Le conditionnement de l’air inspiré est assuré à 70 % dans les fosses nasales au contact des cornets turgescents. Le rétrécissement nasal entraîne un ralentissement du débit et augmente la chaleur locale
– la troisième ligne de défense est caractérisée par l’inflammation non spécifique. C’est la rupture des équilibres physiologiques, cellulaires et/ou moléculaires qui conditionne le déclenchement d’une réaction inflammatoire, qu’elle soit immune ou non. Les modèles expérimentaux ont démontré que les mécanismes de base des rhinites saisonnières et, par extension des rhinites perannuelles, sont des réactions allergiques de type IgE, se développant dans les fosses nasales. Le mastocyte de surface en est le véritable starter, en conduisant à la libération d’histamine et de médiateurs vasoactifs et chimiotactiques. L’intervention de médiateurs chimiques, autres que l’histamine, rend compte de l’effet, parfois incomplet, des antihistaminiques prescrits à titre symptomatique [18].
Fonction morphogénétique Morphologie faciale et physiologie nasale sont étroitement liées [7]. Les fonctions ventilatoires physiologiques du nez se doublent chez l’enfant d’une fonction morphogénétique mettant en jeu l’expansion volumétrique par le flux aérien. Le passage de l’air dans les fosses nasales associé à l’application de la langue sur le palais et les remparts alvéolodentaires est en partie responsable du développement tridimensionnel des cavités narinaires, nasosinusiennes et nasopharyngées pendant la croissance (fig 19, 20). La ventilation nasale est également indispensable à l’eutrophie de la muqueuse pituitaire et de son chorion. Cette bonne santé muqueuse est nécessaire à sa capacité d’expansion. Tout trouble de la ventilation nasale ou toute pathologie de la muqueuse s’accompagnera d’une anomalie de la croissance nasosinusienne. À la naissance, le nouveau-né normal présente une ventilation exclusivement ou préférentiellement nasale jusqu’à l’âge de 2 à 5 mois. Cette ventilation nasale physiologique est assez précaire car les résistances nasales du nouveau-né sont plus élevées que celles de l’adulte. Les cornets volumineux obstruent les méats et limitent la filière ventilatoire à l’espace paramédian septoturbinal. Une inflammation muqueuse est rapidement responsable d’une 7
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Croissance de la face. Rôle expansif et eutrophique de la ventilation nasale lorsqu’elle est associée à une bonne fonction linguale, aspect schématique en coupe frontale.
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obstruction nasale sévère. Les résistances nasales décroissent progressivement avec l’augmentation de volume des cavités nasosinusiennes, pour atteindre les valeurs adultes entre 8 et 12 ans. Pendant les premières années et plus particulièrement entre l’âge de 1 et 2 ans, la face, peu développée par rapport au crâne, grandit très rapidement. Cette notion est absolument fondamentale. La face est de ce fait très sensible à la moindre gêne ventilatoire nasale. Lorsque l’obstruction nasale s’installe plus tard, vers 5-6 ans, les déformations sont moins importantes. Un simple retard de croissance de l’étage moyen de la face peut devenir un véritable déficit si la ventilation orale concomitante perdure avec ses conséquences propres sur la morphogenèse de l’étage inférieur de la face. Les conséquences morphogénétiques varient selon que l’obstruction est uni- ou bilatérale, symétrique ou asymétrique, partielle ou totale, précoce ou tardive, temporaire ou permanente.
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Formation du sinus maxillaire, coupe frontale des fosses nasales et des sinus.
La perte de la force expansive du flux aérien nasal limite le développement des structures ostéomembraneuses de l’étage moyen de la face. L’hypoplasie nasosinusienne retentit sur le complexe palatodentaire et, par différents mécanismes (engrènement occlusal, ventilation orale, postures linguale, mandibulaire et craniorachidienne), sur l’étage inférieur mandibulaire de la face. « L’adulte porte la marque indélébile de l’insuffisance nasale de l’enfant » [19].
Conclusion
L
La fonction morphogénétique mise à part, le nez a une triple fonction olfactive, ventilatoire et immunitaire. Dans la fonction ventilatoire, le conditionnement de l’air inspiré, c’est-à-dire la régulation des débits aériens, la filtration, l’humidification et le réchauffement de l’air se font grâce à un triple mécanisme valvaire, narinaire, nasal et septoturbinal. Cette fine mécanique, variable d’un individu à l’autre et chez le même individu d’une fosse nasale à l’autre et d’un moment à l’autre, passe inaperçue dans les conditions normales habituelles. En raison des modifications de la perméabilité nasale, liées à la congestion veineuse de décubitus, la ventilation nasale optimale est la ventilation exclusivement nasale, bouche fermée, pendant le sommeil [17]. Toutes ces fonctions essentielles peuvent être perturbées par diverses pathologies. Elles sont menacées dans la chirurgie non fonctionnelle du nez et le chirurgien doit impérativement les connaître pour les préserver ou les réparer.
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8
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-008-A-05
22-008-A-05
Salivation B Vidailhet O Robin A Polo P Bravetti P Mahler
Résumé. – La sécrétion salivaire fait partie intégrante des processus physiologiques de la cavité buccale. Elle est assurée par un ensemble complexe de glandes exocrines dites majeures (parotides, submandibulaires et sublinguales) et de glandes mineures disséminées dans la cavité buccale. Les variations qualitatives et quantitatives de ce fluide vont lui attribuer des fonctions digestive, protectrice, excrétrice et endocrinienne contrôlées par des mécanismes nerveux issus des systèmes orthosympathique et parasympathique, auxquels s’ajoute une influence hormonale. Ces différentes fonctions et régulations subissent, au cours de la sénescence, des remaniements qui ont une influence non négligeable sur la physiologie salivaire et orofaciale. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction Les glandes salivaires, annexées à la cavité buccale, sécrètent un fluide appelé salive. Son rôle essentiel en physiologie orofaciale intervient au cours de la mastication, de la phonation, de la déglutition et de la gustation. La sécrétion salivaire résulte de processus complexes soumis à de nombreuses régulations nerveuses et hormonales. La salive est élaborée par deux catégories de glandes exocrines [2, 21] : – les glandes salivaires dites « majeures », anatomiquement bien délimitées et présentant une architecture interne complexe, sont au nombre de trois : les glandes parotides, submandibulaires et sublinguales : – la glande parotide est la plus volumineuse ; sa situation anatomique est superficielle, au-dessous et en avant du méat acoustique externe, et en arrière du ramus ; elle est de forme pyramidale et possède un canal excréteur, le conduit parotidien, qui débouche dans la cavité buccale à la face interne de la joue, en regard des molaires supérieures ; – la glande submandibulaire a la taille d’une grosse amande ; située dans la partie latérale de la région sus-hyoïdienne, elle longe la base de la branche horizontale de la mandibule ; son canal excréteur, le conduit submandibulaire, long de 5 à 6 cm, chemine entre les glandes sublinguales et le muscle génioglosse ; il s’abouche au sommet de la caroncule linguale ; – la glande sublinguale est de forme allongée, aplatie transversalement ; elle est située entre la mandibule et la base de la langue, de part et d’autre du frein lingual ; son canal excréteur, le conduit sublingual, s’abouche au niveau de la papille sublinguale, en dehors de la caroncule linguale ;
Béatrice Vidailhet : Assistant hospitalier universitaire, département de physiologie, unité de formation et de recherche, Nancy I, hôpital central, 29, avenue de Lattre de Tassigny, 54035 Nancy, France. Pierre Bravetti : Maître de conférences, praticien hospitalier, département de chirurgie buccale, unité de formation et de recherche en odontologie, Nancy I, France. Olivier Robin : Maître de conférences, praticien hospitalier, département de physiologie, unité de formation et de recherche en odontologie, service d’odontologie, 6-8, place Deperet, 69365 Lyon cedex 07, France. Anne Polo : Interne en odontologie, faculté de chirurgie dentaire, rue du Docteur Heydenreich, 54012 Nancy, France. Patrick Mahler : Professeur des Universités, praticien hospitalier, département de physiologie, unité de formation et de recherche en odontologie, 24, avenue des Diables bleus, 06357 Nice cedex 04. France.
– les glandes salivaires dites « mineures » sont disséminées sur toute la surface de la muqueuse buccale, excepté au niveau des gencives et du vermillon des lèvres ; constituées d’amas cellulaires, leur existence et leur situation sont variables en fonction des individus ; ces glandes labiales, jugales, palatines, vélaires, linguales, dorsales ou marginales sécrètent une quantité de salive négligeable par rapport au volume total salivaire.
Histoembryologie des glandes salivaires (fig 1) Les ébauches parotidiennes et submandibulaires apparaissent dès la sixième semaine de la vie intra-utérine et celles des glandes sublinguales et accessoires, respectivement à la neuvième et à la douzième semaine [2, 15]. Les glandes salivaires se développent à partir de bourgeons épithéliaux d’origine épiblastique, entoblastique ou mixte. Au terme de l’embryogenèse, elles sont organisées en lobes constitués de plusieurs lobules, eux-mêmes formés de plusieurs acini. Les glandes salivaires sont ainsi qualifiées de glandes lobulaires exocrines. L’acinus est constitué d’un amas de cellules sécrétrices regroupées autour d’un canal collecteur appelé canal intercalaire. Autour des canaux intercalaires et des acini, se trouvent des cellules myoépithéliales dont les prolongements cytoplasmiques contiennent des myofibrilles contractiles facilitant l’expulsion de la salive et participant ainsi à la régulation du débit sécrétoire. On distingue plusieurs types d’acini suivant leur produit de sécrétion, leur morphologie et leur coloration à l’hématoxyline éosine : – l’acinus séreux est constitué de cellules séreuses basophiles (coloration bleue) de forme sphérique, possédant un gros noyau situé au pôle basal, lieu de synthèse des enzymes salivaires ; – l’acinus muqueux est constitué de cellules muqueuses acidophiles (coloration rose pâle), d’aspect tubulaire ; ces cellules possèdent un noyau aplati situé au pôle basal et un cytoplasme gaufré contenant du mucus ;
Toute référence à cet article doit porter la mention : Vidailhet B, Robin O, Polo A, Bravetti P et Mahler P. Salivation. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-008-A-05, 2000, 7 p.
150 458
EMC [257]
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Stomatologie
transformant progressivement en épithélium stratifié de type buccal à l’approche de l’ostium. Ces canaux participent également aux processus de réabsorption des électrolytes.
5
Vascularisation des glandes salivaires [1]
1
5
La vascularisation artérielle des glandes salivaires est assurée par différentes branches de la carotide externe : artères faciale et linguale pour les glandes submandibulaires, artères sublinguale (branche de l’artère linguale) et sous-mentale (branche de l’artère faciale) pour les glandes sublinguales, et artère faciale pour les glandes parotides. Les artérioles remontent le long des canaux et forment, au niveau des canaux striés, un premier plexus capillaire. Le sang artériel est ensuite acheminé vers les acini où un second plexus vasculaire permet les échanges ioniques. Le retour veineux est assuré par les veines faciales puis jugulaires internes pour les glandes submandibulaires et sublinguales, et par les veines jugulaires pour les glandes parotides.
1
3
6 3
2 2 4
Innervation des glandes salivaires
[1, 5]
(fig 2) 4
1
Structures d’une glande séromuqueuse (mixte) [12]. 1. Acinus séreux ; 2. acinus muqueux ; 3. canal intercalaire ; 4. canal strié ; 5. cellules myoépithéliales ; 6. croissant séreux.
– l’acinus mixte réunit des cellules séreuses et muqueuses disposées de la façon suivante : les cellules muqueuses forment un tube qui se termine par un croissant de cellules séreuses. Selon ces critères, les parotides sont qualifiées de glandes séreuses, les glandes submandibulaires et sublinguales de glandes mixtes, avec prédominance d’acini séreux pour les submandibulaires et d’acini muqueux pour les sublinguales. Les glandes accessoires sont également qualifiées de glandes mixtes. La salive sécrétée par les acini est collectée par un réseau de canaux différenciés en canal intercalaire pour l’acinus et en canal strié pour le lobule (fig 1). Les canaux striés rejoignent des canaux excréteurs dont les parois sont formées d’un épithélium bistratifié entouré d’un tissu conjonctif. Les canaux excréteurs des glandes parotides et submandibulaires sont tapissés d’un épithélium pseudostratifié, se
Le contrôle de la sécrétion salivaire est sous la dépendance des deux divisions, ortho- et parasympathique, du système nerveux autonome. Si ces deux systèmes déclenchent habituellement des effets physiologiques antagonistes au niveau des organes qu’ils innervent, leur action est complémentaire au niveau des glandes salivaires. INNERVATION PARASYMPATHIQUE
Les fibres parasympathiques sécrétomotrices destinées aux glandes salivaires prennent leur origine dans une longue colonne cellulaire, au niveau bulbaire, qui constitue les noyaux salivaires. La partie rostrale correspond au noyau salivaire supérieur et la partie caudale au noyau salivaire inférieur, bien qu’il n’existe pas de frontière anatomique très nette entre ces deux noyaux. À leur extrémité inférieure, les noyaux salivaires fusionnent avec le noyau dorsal moteur du nerf vague (X), centre de contrôle parasympathique de nombreuses fonctions vitales. La sécrétion des glandes submandibulaires et sublinguales est contrôlée par le noyau salivaire supérieur, celle des glandes parotides et labiales par le noyau salivaire inférieur.
2
Représentation schématique de l’innervation des glandes salivaires. VII’ : nerf intermédiaire ; IX : nerf glossopharyngien.
Ganglion otique
Glande parotide
Nerf petit pétreux Nerf auriculotemporal
Ganglion submandibulaire
Nerf tympanique Nerf lingual
Corde du tympan
VII'
Noyau salivaire supérieur
Ganglion sublingual Bulbe
Glande submandibulaire
Glande sublinguale IX
Ganglion cervical supérieur
Noyau salivaire inférieur
Tractus intermediolateralis (D1-D2) Orthosympathique
2
Parasympathique
Salivation
Stomatologie
L’innervation parasympathique des glandes submandibulaires et sublinguales est donc assurée par des fibres efférentes préganglionnaires issues du noyau salivaire supérieur. Ces fibres empruntent le trajet du nerf intermédiaire (VII bis), de la corde du tympan et du nerf lingual (branche du nerf mandibulaire), pour rejoindre les ganglions submandibulaire et sublingual. À ce niveau, elles effectuent leur relais synaptique avec les fibres postganglionnaires qui se distribuent aux glandes salivaires correspondantes. L’innervation parasympathique des glandes parotides et labiales est assurée par des fibres efférentes préganglionnaires issues du noyau salivaire inférieur. Ces fibres empruntent le trajet du nerf glossopharyngien (IX), puis du nerf tympanique et du nerf petit pétreux, pour rejoindre le ganglion otique. À ce niveau, le relais synaptique s’effectue avec les fibres postganglionnaires qui se distribuent aux glandes parotides, via le nerf auriculotemporal, branche du nerf mandibulaire (V3).
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Tableau II. – Volume moyen de sécrétion des glandes mineures [22]. Glandes palatines : 0,70 µL/min/cm2 d’épithélium Glandes labiales : 1 µL/min/cm2 Glandes jugales : 2,5 µL/min/cm2
plasmatique. Son potentiel d’hydrogène (pH) varie entre 6,7 et 8,5 chez l’homme. Elle est composée à 99 % d’eau. Le 1 % restant est représenté par des constituants organiques et inorganiques [5].
¶ Constituants organiques L’essentiel des composants organiques de la salive est représenté par deux catégories de protéines : les protéines extrinsèques, issues du sérum, et les protéines intrinsèques, synthétisées par la glande salivaire. Protéines extrinsèques Elles sont représentées par des albumines sériques (5 à 10 % des protéines totales), des immunoglobulines (Ig) de type IgA, IgG, IgM et des alpha- et bêtaglobulines. Leur concentration (20 % des protéines totales) décroît lorsque le débit salivaire augmente.
INNERVATION ORTHOSYMPATHIQUE
Les fibres nerveuses orthosympathiques sécrétomotrices destinées aux glandes salivaires sont issues du tractus intermediolateralis, au niveau des segments dorsaux supérieurs de la moelle épinière (D1D2). Ces fibres préganglionnaires effectuent leur relais synaptique au niveau du ganglion cervical supérieur avec les fibres postganglionnaires qui rejoignent les glandes salivaires en cheminant le long des axes vasculaires (carotide externe, artère maxillaire, artère faciale, artère linguale). Au niveau des glandes salivaires, les fibres ortho- et parasympathiques innervent les cellules acineuses, les cellules myoépithéliales et les vaisseaux sanguins. Deux types de connexions neuroeffectrices ont été décrits entre les terminaisons nerveuses et les cellules acineuses : le type « épilemnal » où la fibre nerveuse est séparée de la cellule acineuse par une membrane basale et le type « hypolemnal » où la fibre nerveuse se termine au contact direct de la cellule acineuse, en dessous de la membrane basale. Le premier type (épilemnal) caractérise habituellement l’innervation orthosympathique, alors que le deuxième type (hypolemnal) est le plus souvent associé à une innervation parasympathique.
Protéines intrinsèques [1, 5]
• Enzymes salivaires – L’amylase salivaire représente 30 % des protéines salivaires totales. Elle est sécrétée en majorité par les parotides. Les glandes submandibulaires n’assurent que 20 % de sa sécrétion, les glandes sublinguales et accessoires n’en produisent que très peu. – Le lysozyme est présent à hauteur de 10 % des protéines totales. Il inhibe l’agrégation des Streptococcus mutans et la fermentation du glucose. – D’autres enzymes sont également présentes dans la salive : kallicréines, collagénases d’origine tissulaire, gélatinases, peroxydases, élastases, protéases, lipases, cholinestérases et ribonucléases. Toutes ces enzymes sont capables de dégrader les graisses, les hydrates de carbone ou les protéines et certaines d’entre elles possèdent un pouvoir antibactérien.
• Mucines
Caractéristiques physicochimiques de la salive
Les mucines salivaires sont des glycoprotéines composées de protéines (75 %) et d’hydrates de carbone (25 %). Elles sont sécrétées principalement par les glandes sublinguales et parotides. La fraction protéique est constituée d’acides aminés tels que la proline, la glycine et l’acide glutamique. Les hydrates de carbone sont essentiellement représentés par le mannose, le galactose et le glucose. Ces mucines participent à l’élaboration de la pellicule exogène acquise et confèrent à la salive son pouvoir lubrifiant.
[1]
DÉBIT SALIVAIRE
Le volume de salive sécrétée par l’ensemble des glandes salivaires est en moyenne de 750 mL par 24 heures. Il varie cependant en fonction du type de stimulation, du rythme circadien et de l’état de vigilance du sujet (tableau I). La salive totale obtenue résulte d’un mélange du produit de sécrétion des glandes parotides, submandibulaires, sublinguales et des glandes accessoires des muqueuses labiale, palatine, linguale et jugale (tableau II). À cette salive séromuqueuse se mélange le fluide gingival qui représente 0,1 % du volume salivaire total.
• Glycoprotéines marqueurs du groupe sanguin Dans 80 % de la population, des glycoprotéines ayant un pouvoir antigénique proche de celui des glycoprotéines marqueurs du groupe sanguin sont retrouvées dans la salive.
• Immunoglobulines sécrétoires
COMPOSITION DE LA SALIVE
La majeure partie des Ig est synthétisée au niveau des glandes salivaires. Les plus représentées sont les Ig de type IgA dont la concentration salivaire est largement supérieure à la concentration sérique.
La salive est un mélange complexe de sécrétions produites par les glandes salivaires, de résidus alimentaires, de fluide gingival, de cellules épithéliales et de nombreux électrolytes d’origine
Tableau I. – Variation des pourcentages de sécrétion salivaire des glandes majeures au cours de différentes situations.
Glandes submandibulaires Glandes parotides (séreuses) Glandes sublinguales (muqueuses)
Sécrétion non stimulée (de repos)
Sécrétion stimulée acide (gustation)
Sécrétion stimulée mécanique (mastication)
Sécrétion au cours du sommeil
70 % 20 % 5%
60 % 31 % 3%
30 % 60 % 5%
45 à 80 % 0% 10 %
3
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Stomatologie
Tableau III. – Tableau récapitulatif du rôle éventuel des hormones et substances hormone-like isolées dans les extraits de glandes salivaires [8]. Rôle dans le métabolisme général et sur la fonction salivaire Hormones stéroïdes
Synthèse du cholestérol dans la glande submandibulaire
Insuline
Synthèse d’une hormone insuline-like dans la parotide chez l’animal. Les glandes salivaires auraient une implication fonctionnelle dans certains états pathologiques comme le diabète
Parotine
Métabolisme ostéocalcique, glucidique et lipidique
Nerve growth factor
Développement et conservation de l’intégrité fonctionnelle des voies sympathiques
Epidermal growth factor
Stimulation des mitoses et régulation de la multiplication cellulaire
Facteurs de régulation de leur concentration salivaire
Contrôle sympathique α-adrénergique Contrôle hormonal : androgènes, hormones thyroïdiennes
Facteur déterminant du développement et de la mise en place des structures faciales et buccodentaires Kallicréine
Régulation du débit vasculaire dans la glande salivaire (médiateur de la vasodilatation) lors des périodes sécrétoires
Rénine
Régulation locale de la pression sanguine
Prostaglandine
Stimulation du flux salivaire Modulation de la libération d’autres peptides synthétisés par les glandes salivaires comme la rénine
Autres composants organiques La salive contient des facteurs de croissance, principalement le nerve growth factor (NGF) et l’epithelial growth factor (EGF) dont la sécrétion augmente lors des maladies parodontales. De plus, la glande submandibulaire semble être le siège d’une synthèse hormonale concernant principalement les androgènes, l’insuline et les hormones thyroïdiennes (tableau III). Des constituants tels que l’urée, l’acide urique et le cholestérol sont également présents dans la salive, ainsi que des cellules épithéliales desquamées et des leucocytes dits corpuscules salivaires.
¶ Constituants inorganiques Les constituants inorganiques de la salive sont les ions sodium, potassium, calcium, hydrogène (H+ ), chlorures, phosphates, bicarbonates, thiocyanates, des halogènes (l’iode, le fluor) et des métaux (le cuivre et le fer). Parmi ces constituants, le sodium, les chlorures et les bicarbonates ont une concentration salivaire inférieure à la concentration plasmatique, à l’inverse du potassium, du calcium, des phosphates, de l’iode et des thiocyanates. Le cuivre, le fer et les fluorures sont à l’état de traces. Les ions H+ sont responsables du pH salivaire, tamponnés par les ions bicarbonates.
Rôles de la salive La salive possède quatre fonctions distinctes : digestive, protectrice, excrétrice et endocrinienne. La salive facilite la formation du bol alimentaire ainsi que la déglutition grâce aux substances lubrifiantes mucilagineuses qu’elle contient. Elle joue également un rôle dans la gustation en solubilisant les substances sapides, étape indispensable à leur fixation sur les récepteurs gustatifs situés dans les bourgeons du goût. La fonction digestive proprement dite est assurée par l’amylase sécrétée par les glandes parotides et submandibulaires, et par les protéases et lipases sécrétées principalement par les glandes linguales séreuses. La salive assure également la protection de la muqueuse buccale et des dents. En particulier, les mucines salivaires, résistantes à la dégradation protéolytique, protègent la muqueuse buccale contre le 4
Contrôle sympathique α-adrénergique et parasympathique cholinergique Contrôle hormonal : androgènes
dessèchement, les substances toxiques et irritantes présentes dans les aliments et les enzymes bactériennes. Elles assurent également la lubrification des muqueuses, indispensable aux fonctions de déglutition et de phonation. Les peroxydases complètent l’action des mucines grâce à leur pouvoir antibactérien. L’EGF salivaire renforce le potentiel de cicatrisation des tissus muqueux. Quant à la protection des dents, elle résulte de l’influence de la salive sur les phénomènes de minéralisation de l’émail. D’une part, la salive inhibe les phénomènes de déminéralisation, grâce aux ions phosphates et bicarbonates qui contrôlent la neutralité du pH salivaire. D’autre part, elle renforce la charge minérale de surface par diffusion d’éléments tels que le calcium, les phosphates, le fluor, augmentant ainsi la dureté de l’émail. Enfin, le flux salivaire assure un nettoyage mécanique des surfaces muqueuses et dentaires, éliminant en partie la flore pathogène. Ce phénomène est amplifié par les mouvements des lèvres et de la langue. Les glandes salivaires, en sécrétant de 0,6 à 1,5 L d’eau par jour, participent au maintien du degré d’hydratation de l’organisme à un niveau satisfaisant. De nombreuses substances sont excrétées dans la salive, puis réabsorbées ou catabolisées, comme l’iode, les graisses, les hormones sexuelles et les anticorps. Leur taux salivaire dépend de leur concentration plasmatique et du débit. Plusieurs médicaments, dont certains antibiotiques, ont une excrétion salivaire importante. Des études récentes ont révélé la présence d’hormones actives et d’autres médiateurs chimiques, dits hormone-like, dans des extraits de glandes salivaires, principalement submandibulaires (tableau III). Le NGF, l’EGF, l’insuline, la kallicréine et la rénine ont été plus précisément isolés au niveau des cellules canalaires des canaux striés. L’origine des hormones salivaires reste discutée. On admet en général qu’elles proviennent de la circulation sanguine. Cependant, une synthèse locale au sein des glandes salivaires est probable pour les stéroïdes et pourrait concerner d’autres types d’hormones et de substances telles que l’insuline et la parotine, cette dernière ayant été isolée initialement au niveau des glandes parotides.
Salivation
Stomatologie
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Sécrétion salivaire MÉCANISMES DE FORMATION DE LA SALIVE
[1, 11, 13, 25]
En 1954, Thaysen émet l’hypothèse d’une formation de la salive en deux étapes permettant d’expliquer la variation de concentration des principaux électrolytes salivaires par rapport à leur taux plasmatique et son évolution en fonction du débit salivaire (fig 3). [24]
La première phase se déroule au niveau de l’acinus où le fluide plasmatique filtre à travers les cellules acineuses, sans modifications ioniques notables, et aboutit à la formation d’une salive isotonique au plasma appelée « salive primaire » (tableau IV). La seconde phase s’effectue dans le canal strié où la salive primaire est modifiée par une sécrétion et une réabsorption d’électrolytes, conduisant à la formation de la salive finale, hypotonique au plasma. Cette hypothèse a été vérifiée par l’étude des mécanismes de transfert des électrolytes du système canalaire, par microperfusion des canaux excréteurs. La filtration acineuse permet d’obtenir une salive dont la concentration en électrolytes est proche de celle du plasma, sauf pour le potassium. Lors de son passage dans les canaux striés, la salive va subir une forte réabsorption de sodium et s’enrichir en potassium grâce au fonctionnement d’une pompe à Na +/K +/ATPase (sodium/potassium/adénosine triphosphatase) située au pôle basal des cellules des canaux striés. L’hypotonicité de la salive varie en fonction du lieu de prélèvement. Elle est d’autant plus marquée que l’on s’éloigne de l’acinus. Lorsque le débit salivaire augmente, la salive est moins hypotonique, suite à une moindre réabsorption au niveau des canaux striés. Parallèlement à la réabsorption du sodium, une sécrétion d’ions bicarbonates au niveau des canaux striés assure la régulation du pH salivaire à l’origine du pouvoir tampon de la salive. Ainsi, le pH légèrement acide de la salive primaire va augmenter au cours de la progression de la salive dans les canaux striés (fig 4). Les sécrétions protéiniques proviennent essentiellement des cellules acineuses.
120
140 120
CI (100,9)
100
100
Na+
80
80 HCO -
60
60
3
CI-
40
HCO3 (27,5) K (4,1)
K+
20
40
Concentration en mEq/L
140 Concentration en mEq/L
160
Na (143,3)
Salive
20
0
0 2,0 3,0 4,0 Débit salivaire (mL/min) 3 Relations entre le débit salivaire et les concentrations en sodium, potassium, chlore et bicarbonate [24]. Na+: sodium ; Cl- : chlore ; HCO3- : bicarbonate ; K+ : potassium. 0
1,0
Tableau IV. – Concentration ionique (mEq/L) des quatre milieux impliqués dans le mécanisme de la sécrétion salivaire de repos [25]. Plasma (milieu extracellulaire)
Milieu intracellulaire
Salive primaire
Salive finale
Na+
145
10
160
1,5
Cl-
120
36
120
22
4
157
15
24
K
+
HCO3Na+
: sodium
24 ; Cl-
: chlore
; K+
8 : potassium
; HCO3- : bicarbonate.
Représentation schématique de l’organisation microvasculaire autour de l’axe sécréteur salivaire avec les principaux sites d’échange (d’après Hendricks, cité par Azerad). 1. Réseau capillaire entourant les cellules acineuses ; 2. réseau capillaire entourant les canaux (surtout striés) ; 3. sang artériel ; 4. sang veineux ; 5. urée ; 6. acides aminés ; 7. modifications secondaires ; 8. glucose ; 9. salive. H2O : eau ; Na+ : sodium ; Cl- : chlore ; K+ : potassium ; HCO3- : bicarbonate. MÉCANISMES DE CONTRÔLE DE LA SÉCRÉTION SALIVAIRE
¶ Contrôle nerveux
[1, 5, 10]
• Couplage excitation-sécrétion
Plasma 160
4
1
La sécrétion salivaire est déclenchée par la fixation des neurotransmetteurs sur leurs récepteurs membranaires, via la synthèse de différents seconds messagers intracellulaires (acide adénosine monophosphorique [AMP] cyclique, inositol triphosphate et diacylglycérol) qui activent les mécanismes cellulaires responsables de la sécrétion. Compte tenu du fait que les terminaisons nerveuses peuvent libérer plusieurs neurotransmetteurs, la stimulation d’une fibre nerveuse peut déclencher des actions complexes au niveau des sites effecteurs glandulaires. En effet, les cellules acineuses possèdent plusieurs récepteurs différents, capables d’interagir spécifiquement avec différents neurotransmetteurs. Le neurotransmetteur du système parasympathique, l’acétylcholine, se fixe sur des récepteurs muscariniques. Toutefois, une sécrétion parasympathique « atropine-résistante » a été mise en évidence. Elle résulte de la libération de neuropeptides tels que la substance P, le VIP (peptide intestinal vasoactif) et le CGRP (calcitonin gene related peptide), colocalisés dans les terminaisons nerveuses avec l’acétylcholine. Ces neuropeptides joueraient un rôle de renforçateur de la sécrétion salivaire en interagissant avec l’acétylcholine. Le neuromédiateur du système orthosympathique, la noradrénaline, se fixe sur les récepteurs adrénergiques α et β. Le neuropeptide Y est parfois colocalisé avec la noradrénaline dans les fibres orthosympathiques. Si toutes les cellules acineuses salivaires semblent posséder des récepteurs cholinergiques sur leur membrane basolatérale, il existe une variabilité importante concernant l’innervation orthosympathique et la présence des deux types de récepteurs adrénergiques α et β. Ainsi, selon les glandes, la stimulation orthosympathique déclenche une salivation variable. Cependant, d’une façon générale, il est admis que l’activation du 5
Salivation
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Stomatologie
5 Schéma du contrôle nerveux de la sécrétion salivaire (modifié d’après Garrett). VII’ : nerf intermédiaire ; IX : nerf glossopharyngien ; X : nerf vague.
Facteurs psychiques (stress, anxiété...)
Centres supérieurs (cortex moteur, hypothalamus)
+
Stimuli gustatifs Noyau du faisceau Récepteurs gustatifs
-
Forces masticatrices Complexe sensitif
Centres salivaires médullobulbaires
VII', IX, X
V Solitaire
Orthosympathique /Parasympathique +
-
+
Mécanorécepteurs desmodontaux
Trigéminal
-
Glande salivaire
ou
sécrétion salivaire
système parasympathique déclenche une sécrétion abondante d’une salive fluide, alors que celle du système orthosympathique déclenche une sécrétion moins abondante d’une salive visqueuse, riche en protéines. La sécrétion salivaire « parasympathique » résulterait, en partie, d’une vasodilatation des plexus vasculaires glandulaires, due à la libération d’acétylcholine et de VIP. La plus faible sécrétion salivaire d’origine sympathique pourrait résulter d’une simple vidange de la glande par contraction des cellules myoépithéliales.
• Sécrétion salivaire réflexe (fig 5) Une sécrétion salivaire réflexe est habituellement déclenchée, au cours de la mastication, par la stimulation des mécanorécepteurs desmodontaux, d’une part, et des récepteurs gustatifs, d’autre part. Les influx afférents issus des mécanorécepteurs desmodontaux empruntent le trajet des nerfs maxillaire (V2) et mandibulaire (V3) pour rejoindre le complexe sensitif trigéminal. Les influx afférents issus des récepteurs gustatifs empruntent le trajet de trois nerfs crâniens (VII bis, IX et X) avant d’atteindre le noyau du faisceau solitaire bulbaire. La projection de fibres nerveuses du complexe sensitif trigéminal et du noyau du faisceau solitaire sur les noyaux salivaires supérieur et inférieur témoigne de l’existence de ces deux mécanismes réflexes de la sécrétion salivaire. Si la salivation réflexe déclenchée par la stimulation des mécanorécepteurs desmodontaux joue un rôle essentiel au cours de la mastication, son importance quantitative est cependant moindre que la salivation réflexe d’origine gustative. L’importance de cette dernière dépend néanmoins de la nature du stimulus gustatif, l’acide citrique ayant, à cet égard, une efficacité maximale. Il est à noter que la stimulation des récepteurs olfactifs, voire celle des récepteurs visuels et auditifs (réflexes conditionnés) est également capable de déclencher une salivation réflexe. Le rôle des centres nerveux supérieurs dans les mécanismes de la sécrétion salivaire est encore mal connu. La stimulation de certaines régions cérébrales telles que le cortex moteur et l’hypothalamus, structure impliquée dans la régulation du comportement alimentaire, est capable de déclencher une sécrétion salivaire. Des projections nerveuses issues de l’hypothalamus sur les noyaux salivaires parasympathiques et les neurones sympathiques médullaires préganglionnaires ont d’ailleurs été identifiées. Ainsi, les mécanismes de déclenchement réflexe de la sécrétion salivaire au cours de l’alimentation sont complexes. Ils impliquent 6
Tableau V. – Tableau récapitulatif du contrôle exercé par certaines hormones sur la salivation. Influences sur la salivation Stéroïdes sexuels
Modifications anatomiques : dimorphisme sexuel chez le rat Augmentation de l’activité enzymatique protéolytique chez le rat mâle
Hormones thyroïdiennes
Modifications morphologiques de la glande Régulation des activités protéolytiques de type enzymatique (rénine, kallicréine)
Insuline
Modifications morphométriques de la glande Rôle important sur l’activité de synthèse et de libération des protéines glandulaires
des influx afférents d’origine périphérique (récepteurs desmodontaux et gustatifs de la cavité buccale) et d’origine centrale (hypothalamus notamment).
¶ Contrôle endocrinien
[8]
Bien que l’activité sécrétrice des glandes salivaires soit en majorité sous la dépendance du système nerveux autonome, diverses études ont mis en évidence une influence hormonale faisant intervenir les androgènes, les œstrogènes, les hormones thyroïdiennes et les corticoïdes (tableau V).
Sénescence et salivation
[3, 4, 6, 16, 19, 23, 26]
La salivation subit l’influence du vieillissement qui se traduit par des modifications histologiques des glandes salivaires et des variations qualitatives et quantitatives de la salive. Les modifications histologiques liées au vieillissement s’observent au niveau des tissus de soutien et du parenchyme glandulaire. Au niveau du tissu conjonctif de soutien, deux phénomènes concomitants apparaissent, une fibrose et une accumulation de graisse [9]. La fibrose se traduit par une augmentation de la quantité et de la densité des composants du squelette fibreux. Les fibres de collagène sont fragmentées et disposées de façon anarchique. Les fibres élastiques sont plus nombreuses, plus épaisses et fragmentées. Chez
Salivation
Stomatologie
l’homme, le phénomène de fibrose est surtout visible au niveau des glandes submandibulaires labiales et des glandes muqueuses de la langue. Par ailleurs, un processus de remplacement des acini par du tissu adipeux s’observe progressivement avec l’âge. Cette manifestation du vieillissement, surtout décrite au niveau des glandes parotides, peut également concerner les glandes submandibulaires. Au niveau des acini, le vieillissement induit une atrophie avec perte des granules sécrétoires, rétrécissement cellulaire et donc une augmentation de la lumière canalaire [ 1 4 ] . Cette nouvelle configuration, se rapprochant plus d’une structure canalaire que de celle d’un acinus, pourrait expliquer l’augmentation relative de la proportion des canaux par rapport aux acini. Les canaux intralobulaires deviennent hyperplasiques et dilatés. À ces principales modifications s’ajoutent une infiltration lymphocytaire non inflammatoire au niveau du parenchyme et des canaux, ainsi que l’apparition de cellules particulières, les oncocytes, marqueurs du vieillissement chez l’animal [9]. Les modifications structurales des glandes salivaires, liées au vieillissement, devraient se répercuter sur la composition et le débit salivaires. Cependant, les résultats des études actuelles sont contradictoires. En effet, s’ils mettent en évidence une diminution du débit salivaire de repos chez le sujet âgé, principalement au niveau des glandes submandibulaires et labiales, aucune modification du débit, suite à une stimulation, n’est en revanche observée. Dans certains cas, le débit salivaire pourrait même être supérieur à celui d’un sujet jeune. La baisse du débit au repos serait probablement liée à une diminution de la stimulation des récepteurs de la cavité buccale, en particulier des mécanorécepteurs desmodontaux et tendineux dont l’activité est directement liée au degré d’édentation.
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Tableau VI. – Résultats des expérimentations de stimulation faites sur les glandes salivaires de sujets âgés. Stimulation des récepteurs a-adrénergiques
Stimulation des récepteurs b-adrénergiques
Parotide
Baisse de la sécrétion protéique
Aucune modification de la sécrétion protéique
Submandibulaire
Aucune modification de la sécrétion protéique
Baisse de protéique
la
sécrétion
La diminution du nombre des acini au cours du vieillissement n’aurait donc aucune répercussion notable sur le potentiel de sécrétion des glandes salivaires. À cet égard, l’hypothèse selon laquelle le sujet jeune aurait une réserve d’acini inactifs qui remplacerait progressivement les acini vieillissants a été proposée. Si les conclusions s’orientent vers une relative stabilité du débit salivaire au cours de la vie, le vieillissement semble avoir des conséquences plus importantes sur la composition de la salive. Concernant les électrolytes, seule la concentration en ions sodium et en ions chlore diminuerait avec l’âge. En revanche, la concentration en protéines salivaires serait davantage modifiée, en particulier pour les mucines [7]. En effet, des études ont montré, chez le rat, que la synthèse des protéines diminue progressivement avec l’âge dans les glandes parotides et submandibulaires [14]. De même, des perturbations de la sécrétion protéinique salivaire ont été mises en évidence par des stimulations α et β adrénergiques sur les glandes submandibulaires et parotides de sujets âgés [6] (tableau VI). Les résultats obtenus peuvent s’expliquer par une modification membranaire ou par une diminution du taux de protéines intervenant dans le codage au cours du vieillissement.
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7
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-008-A-20
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Temps buccal de la déglutition salivaire I Breton P Nicolas JH Torres
Physiologie et principes de rééducation Résumé. – La déglutition est une fonction évolutive, qui s’adapte à la maturation du système nerveux central et périphérique, et aux modifications anatomiques locorégionales (langue, procès alvéolaires, dents, os hyoïde), au cours de la vie, de la naissance à l’âge adulte. Son premier temps, buccal, est une praxie, accessible donc aux techniques de rééducation. Les dyspraxies de la déglutition s’intègrent dans le cadre plus général d’un équilibre musculaire orofacial, perturbant les rapports maxillomandibulaires et dentodentaires. Cette rééducation musculaire s’impose chaque fois qu’une anomalie du comportement neuromusculaire intervient par ses caractéristiques dans une dysmorphose dentomaxillaire ou un dysfonctionnement de l’articulation temporomandibulaire. L’objectif de la rééducation consiste à corriger la dysfonction linguale, et permettre au patient, par un travail proprioceptif et de tonification musculaire, de s’adapter à un nouvel équilibre fonctionnel. Pour l’orthodontiste, dont le but est la stabilité à long terme de la correction de ces anomalies, la restauration d’une déglutition fonctionnelle au sein de fonctions orofaciales équilibrées, nécessite ainsi un diagnostic préalable de la dyspraxie, puis une prise en charge par une rééducation personnalisée et intégrée au schéma thérapeutique. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction La déglutition est une fonction trilogique, intéressant anatomiquement trois étages anatomiques différents (la cavité buccale, le pharynx, l’œsophage) Elle met en jeu des effecteurs musculaires et des commandes nerveuses spécifiques et caractérisées selon ces étages, et dont le but conjoint est le transport des aliments conditionnés vers l’estomac. C’est la fonction coordonnée la plus précoce, puisqu’elle débute dès le troisième mois in utero, suivant ainsi de 2 semaines l’ébauche de la succion, et alors qu’aucun stimulus nutritionnel n’est encore présent. La déglutition est une fonction évolutive ; elle s’adapte, au cours de la croissance, à la maturation du système nerveux central et périphérique, et au développement des structures anatomiques locorégionales (langue, procès alvéolaires, dents, os hyoïde). Son premier temps, buccal, est une fonction nutritionnelle du système stomatognathique, au même titre que la mastication. Considérée comme un réflexe in utero, elle devient ensuite une praxie, car elle intègre petit à petit un contrôle volontaire après la naissance. Cette fonction peut, de ce fait, être l’objet d’un apprentissage. La déglutition physiologique peut présenter des variantes (plus particulièrement dans son premier temps) par rapport aux caractéristiques propres à la praxie normale, sans pour autant entraver l’accomplissement de la fonction de transport alimentaire. En revanche, les anomalies répétées de la dynamique musculaire de la déglutition sont considérées comme l’un des facteurs pouvant
Isabelle Breton : Masseur-kinésithérapeute des Hôpitaux, service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie. Pierre Nicolas : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux, médecin stomatologiste, service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie. Jacques-Henri Torres : Professeur des Universités, praticien hospitalier, médecin stomatologiste, service d’odontologie. Centre hospitalier de Montpellier, hôpital La-Peyronie, 34295 Montpellier cedex 5, France.
perturber le développement des procès alvéolaires et des bases osseuses des maxillaires. Ces anomalies s’intègrent plus globalement dans un trouble du comportement musculaire stomatognathique, qui met en scène le tonus et les postures de repos des muscles de la lèvre, des joues, de la langue, dans l’accomplissement des grandes fonctions de la sphère orofaciale (notamment la respiration, la phonation, la mastication). Le temps buccal est le seul temps de la déglutition accessible aux techniques de rééducation. Elles permettent l’acquisition des caractéristiques voulues, et le perfectionnement dans l’accomplissement de la fonction, avec l’immense intérêt de la pérennité du résultat. La rééducation apparaît donc comme un traitement conjoint à toute thérapeutique en orthopédie dentomaxillo-faciale, et qui vise notamment à prévenir les récidives. L’examen du temps buccal de la déglutition devient ainsi une routine dans l’examen clinique d’une dysmorphose maxillofaciale.
Muscles en présence LANGUE
[15, 19]
La langue est un ensemble musculaire, soutenu par une charpente ostéofibreuse, formée par l’os hyoïde, la membrane hyoglossienne et le septum lingual. Comme l’exige sa situation à un carrefour tant anatomique que fonctionnel, elle est en rapport avec des structures variées, toutes mobiles (mandibule, os hyoïde, épiglotte, pharynx, voile du palais), sauf la base du crâne (par le muscle styloglosse). Elle est constituée de huit muscles pairs et d’un muscle impair : – le génioglosse : son action positionne la langue sur le plancher buccal ; par ses fibres antérieures, il attire la pointe en arrière et en bas, par ses fibres postéro-inférieures, il dirige l’os hyoïde et la base de langue vers le haut ;
Toute référence à cet article doit porter la mention : Breton I, Nicolas P et Torres JH. Temps buccal de la déglutition salivaire. Physiologie et principes de rééducation. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-008-A-20, 2000, 8 p.
150 471
EMC [257]
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Temps buccal de la déglutition salivaire
– l’hyoglosse : il abaisse et rétracte la langue ; – le styloglosse : il élargit la langue et porte la langue en haut et en arrière ; – le palatoglosse : il élève le corps lingual et abaisse le voile ; en rétrécissant ainsi l’isthme du gosier, il canalise le bol alimentaire ; – le longitudinal (ou lingual) supérieur : seul muscle impair, il abaisse et raccourcit la langue ; – le longitudinal (ou lingual) inférieur : il abaisse et rétracte la langue ; – le pharyngoglosse : il élève la langue vers l’arrière ; – l’amygdaloglosse : inconstant, il a une action semblable à la précédente ; – le transverse : il n’a aucune insertion osseuse, il allonge et rétrécit la langue. ABAISSEURS DE LA MANDIBULE
– Le digastrique est caractéristique par une double insertion osseuse et par un relais sur l’os hyoïde ; il intervient dans la succiondéglutition du nourrisson, par l’abaissement mandibulaire, conjoint au retrait de la langue provoqué par le muscle hyoglosse. – Le géniohyoïdien, aplati de haut en bas, relie la partie postérieure de la symphyse à l’os hyoïde. Son insertion hyoïdienne entoure celle de l’hyoglosse. – Le mylohyoïdien est tendu depuis la face interne du corps mandibulaire, en haut, à l’os hyoïde en bas et au raphé médian. ÉLÉVATEURS DE LA MANDIBULE
Le temporal et le masséter, muscles puissants de la mastication, interviennent lors du passage de la position de repos mandibulaire à la position d’intercuspidation maximale, laquelle, en l’absence d’anomalie occlusale, est superposable à la relation myocentrée. Ce chemin de fermeture représente un trajet court, et ne nécessite qu’une force musculaire faible et un temps de contact bref. SANGLE PÉRIPHÉRIQUE
– Le buccinateur : il tire en arrière la commissure, et creuse les joues en les appliquant contre les arcades dentaires. – L’orbiculaire des lèvres : le faisceau externe fronce les lèvres, en avant ; le faisceau interne les appuie sur les arcades dentaires.
Action morphogénétique musculaire ACTION SUR LES PROCÈS ALVÉOLAIRES
Si la quantité et le rythme de croissance dépendent du système [1, 7] , la direction de la croissance des procès alvéolaires, endocrinien dans le sens vertical et vestibulolingual, est exclusivement assujettie aux forces qui s’y exercent. Ces forces peuvent être intrinsèques, dépendantes des muscles et des fonctions orofaciales, ou extrinsèques : forces orthopédiques et orthodontiques, habitudes vicieuses (mordillements de corps étrangers, interpositions, succion...). Selon Cauhépé et Château [3, 5], les procès alvéolaires s’équilibrent dans un couloir, où s’annulent les pressions musculaires de groupes antagonistes comme langue-orbiculaire et langue-buccinateur. Physiologiquement, pour que l’équilibre soit stable, ce couloir doit être le même, tant au repos qu’en fonction. À la différence de l’antagonisme qui régit les muscles de posture, où les relais synaptiques sont courts et situés dans le prolongement des mêmes colonnes médullaires, il s’agit ici d’un antagonisme fonctionnel, car les relais sont polysynaptiques, entre des noyaux différents du système nerveux central. ACTION SUR LES BASES OSSEUSES
Depuis les travaux de Petrovic et de Couly, on sait que l’action des muscles ne se limite pas aux procès alvéolaires, mais concerne également la croissance des bases osseuses, tant mandibulaire que maxillaire [4, 17]. 2
Stomatologie/Odontologie
¶ Maxillaire Le palais présente une structure osseuse spongieuse, semblable à celle de l’alvéole. La langue a une action morphogénétique qui modèle la voûte palatine par conformation et stimulation de la suture palatine. Pendant la période fœtale et avant la première dentition, la langue occupe la totalité de la cavité buccale. Interposée entre les arcades, elle est en contact latéralement avec les joues et antérieurement avec les lèvres. Son rôle apparaît prépondérant à ce moment du développement. Il s’apparente à celui du globe oculaire dont l’expansion contrôle la conformation de l’orbite. Dès la première dentition, la langue doit se situer contre le palais, tant au repos qu’en fonction de déglutition. En corollaire, on se rend compte que la langue obstrue la cavité buccale. Celle-ci n’est donc plus adaptée à la fonction de respiration, qui doit se faire exclusivement par les fosses nasales. Une persistance anormale de la succion-déglutition, avec syncinésies des buccinateurs et création du vide intrabuccal, provoque une version linguale des secteurs latéraux, ce qui aggrave l’endognathie maxillaire.
¶ Mandibule Le cartilage de croissance condylien est très actif pendant la période de succion-déglutition, qui entraîne une translation mandibulaire stimulante. Puis, après l’apparition des dents, c’est le décalage temporel de contractions des deux faisceaux du muscle ptérygoïdien latéral qui devient le facteur déterminant de la croissance condylienne par les mouvements de latéralité de la mandibule, lors de la mastication [ 4 ] . De plus, le corps mandibulaire a un accroissement propre, indépendant de la croissance des branches mandibulaires et en dedans de celles-ci [10]. ANOMALIES MORPHOLOGIQUES DES ARCADES
Depuis Cauhépé [2], on s’est rendu compte de l’impossibilité de systématiser ou de classifier les troubles de la déglutition, tant les positions de la langue et les syncinésies musculaires sont variées. Il existe par ailleurs une intrication de nombreux autres facteurs étiologiques (constitutionnels, environnementaux) dans la genèse d’une dysmorphose maxillofaciale. Les troubles de la déglutition interviennent volontiers en association avec une succion digitale, avec une obstruction rhinopharyngée entraînant une respiration buccale exclusive ou mixte, avec des troubles phonatoires, des tics de mordillements, ou des troubles de la posture de repos. Il ne peut donc pas être envisagé de décrire les anomalies des arcades dentaires résultant spécifiquement d’une anomalie de la déglutition. On repère cependant des anomalies évocatrices de troubles du comportement musculaire : – une endoalvéolie supérieure bilatérale et symétrique, dont l’origine fonctionnelle signe le syndrome de Cauhépé-Fieux, avec déviation du chemin de fermeture, latéromandibulie, endoclusie latérale. Comme la langue est en posture basse, c’est la pression du buccinateur qui prédomine, par son tonus musculaire de base, mais également lors de la contraction si la dyspraxie fait intervenir des syncinésies jugales ; – la béance antérieure, signe clinique pouvant révéler une dysmorphose maxillofaciale complexe [12], associant des anomalies basales (excès vertical antérieur, classe II ou III squelettique), et des anomalies dentoalvéolaires (supra-alvéolie molaire, infra-alvéolie incisive), dont il faudra dégager la composante fonctionnelle [11] ; – l’infra-alvéolie molaire, uni- ou bilatérale, avec supraclusion antérieure, que l’on peut évoquer sur une céphalométrie de profil, par la position des apex des dents de 6 ans par rapport au plan palatin ; – proalvéolie antérieure, que l’on différenciera de la dolichoprémaxillie, grâce à l’analyse de Delaire.
Stomatologie/Odontologie
Temps buccal de la déglutition salivaire
Physiologie de la déglutition On oppose classiquement la succion-déglutition du fœtus et du jeune enfant (ou de type primaire) et la déglutition de type adulte ou mature (de type secondaire). Quoiqu’il en soit, cette dernière représente en fait, une adaptation comportementale à l’apparition des dents (les « prédateurs » de la langue selon Couly [8]) et à la descente de l’os hyoïde. Cette évolution est également rendue possible par la maturation conjointe du système nerveux (la myélinisation de la voie pyramidale, vecteur de la motricité volontaire, se poursuit au-delà de la première année de vie extrautérine). Chez l’enfant au-delà de 10 ans et chez l’adulte, on préférera les termes de déglutition fonctionnelle et de déglutition dysfonctionnelle [18, 21]. CARACTÉRISTIQUES DU TEMPS BUCCAL CHEZ LE NOURRISSON
Le temps buccal chez le nourrisson se caractérise par le vide intrabuccal, la bouche étant utilisée comme pompe aspirante. Les muscles effecteurs concourent à créer et à maintenir ce vide. Au repos, la langue occupe la totalité de la cavité buccale, interposée entre les arcades, en contact latéralement avec les joues et antérieurement avec les lèvres. L’étanchéité nécessaire est créée : – en avant, par la contraction labiale et la compression des gencives autour du mamelon ou de la tétine ; la musculature du menton induit l’élévation de la lèvre inférieure ; – en arrière, par la fermeture de l’isthme du gosier, le voile s’abaissant et se plaquant contre la paroi pharyngée postérieure. La langue joue le rôle de moteur de la pompe à vide, par un mouvement alterné de protraction et de rétraction, rythmique. Interviennent également tous les muscles abaisseurs (digastriques, ptérygoïdiens latéraux, mylohyoïdiens et jusqu’aux sternohyoïdiens et omohyoïdiens). La mandibule est propulsée. CARACTÉRISTIQUES DU TEMPS BUCCAL DE TYPE ADULTE
La déglutition de type adulte est adaptée aux solides et aux petites quantités de liquides, telles que la salive. Elle se produit de 1 200 à 3 000 fois par nycthémère. Pour les grands volumes de liquides, l’adulte reprend la succion-déglutition, pour le transit vers l’œsophage. Le bol alimentaire, convenablement mastiqué et insalivé, est rassemblé sur le dos de la langue, conformé en « gouttière ». Les afférences (langue, voile, desmodonte) s’assurent de la qualité du bol, avant la phase de déclenchement de la déglutition. Les lèvres sont au contact, sans contraction de l’orbiculaire. Par l’action des élévateurs, les arcades sont serrées, en occlusion d’intercuspidation maximale [18] ; la mandibule est ainsi stabilisée dans les trois plans de l’espace. Le mylohyoïdien se contracte. La pointe de la langue s’élève et prend un appui palatin antérieur. Le corps se déprime en « gouttière », d’avant en arrière. Puis, une onde péristaltique de pression se déclenche, refermant d’avant en arrière l’espace entre palais et langue, le voile du palais étant alors élevé et rigidifié par les péristaphyllins médiaux. Le bol atteint ainsi l’isthme du gosier, stade à partir duquel le processus ne peut plus être arrêté volontairement. L’os hyoïde s’élève, l’épiglotte se ferme en « clapet » sur les voies respiratoires. On ne note aucun appui dentaire, ni interposition de la langue. Les postures de repos de la langue, des lèvres et de la mandibule servent de base de départ à la praxie de déglutition. La langue au repos occupe le palais, pointe affleurant la papille palatine, bords au contact des collets des dents, sans y prendre appui, sans interposition entre les arcades. Les lèvres doivent être en contact, au repos, sans contraction des muscles du menton. Ce contact définit le point stomion, situé au devant de l’incisive supérieure, 2 à 3 mm au-dessus du bord occlusal, dans le plan sagittal médian. Selon Château, la posture de repos mandibulaire est immuable, par
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rapport à la base du crâne, dépendante de l’antagonisme fonctionnel abaisseurs-élévateurs, créant un espace libre molaire normal de 2 à 3 mm [5].
Dyspraxies de la déglutition Avant d’envisager un diagnostic de dyspraxie, il faut avoir éliminé toute anomalie anatomique des effecteurs de la déglutition (absence d’anomalie du frein lingual, volume normal de la langue, intégrité des centres nerveux corticaux, bulbaires et des voies nerveuses afférentes et efférentes). Par ailleurs, dans les dyspraxies, la fonction de déglutition est conservée : il n’y a pas de dysphagie, contrairement aux apractophagies (qui se définissent comme des dysphagies du premier temps de la déglutition malgré l’intégrité des fonctions motrices et sensorielles). Les dyspraxies de la déglutition n’apparaissent pas de façon isolée, mais s’intègrent dans un cadre dysfonctionnel orofacial, où interviennent les postures de repos et le tonus de la langue, des lèvres, des muscles masticateurs, des anomalies de la phonation et de la respiration. Tout se passe comme s’il existait un retard de l’adaptation du comportement neuromusculaire à l’apparition des dents [9], une lenteur au développement du schéma corporel, avec l’équivalent, au plan neurophysiologique, d’un contrôle bulbaire du processus moteur. La dysfonction peut atteindre tous les effecteurs musculaires, et concerner leur posture de repos ou leur action : langue, sangle périphérique, muscles masticateurs. LANGUE
La posture de repos de la langue peut être : – basse, pointe derrière l’arcade incisive inférieure, surtout si la respiration est buccale ; – interposée, soit de la pointe, soit des bords latéraux, uni- ou bilatéralement, soit totalement entre les arcades. Lors de la déglutition, la langue peut venir s’interposer entre les secteurs antérieurs, latéraux, ou s’interposer totalement ; l’interposition peut, là encore, être uni- ou bilatérale. La langue peut prendre des appuis sur la face palatine des couronnes dentaires. SANGLE PÉRIPHÉRIQUE
Au repos, les lèvres peuvent être en inocclusion ; le point stomion peut aussi être situé trop haut par rapport au bord occlusal. En fonction, les contractions de l’orbiculaire sont variables, entraînant parfois des mouvements complexes qui associent aussi le buccinateur. Il peut exister des interpositions latérales jugales, au repos ou en fonction, qui sont difficiles à mettre en évidence cliniquement, mais qui peuvent être suspectées par l’observation d’une ligne de morsure jugale équivalente aux indentations linguales. MUSCLES MASTICATEURS
Les muscles abaisseurs et élévateurs de la mandibule peuvent présenter un déséquilibre : – en synergie, avec une force musculaire développée excessive sur les élévateurs ; – en synergie inversée : la mandibule, lors de la déglutition, est immobilisée, par une action prépondérante des muscles abaisseurs, notamment le muscle digastrique, comme chez le nourrisson ; – en dyssynergie : les masséters se contractent en même temps que les muscles sus-hyoïdiens ; à l’origine de ces contractions déséquilibrées, on note des prématurités occlusales, cause de dysfonctions de l’articulation temporomandibulaire. 3
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* A 1
Inocclusion labiale habituelle. A. Posture basse de la langue en « position de repos ».
Stomatologie/Odontologie
* B
* C
B. Début de la déglutition : occlusion labiale par contraction de l’orbiculaire des lèvres. C. Fin de la déglutition : contraction des muscles labiaux et périlabiaux.
2
Contraction des zygomatiques et de la houppe du menton permettant une étanchéité labiale inférieure chez un enfant rétrognathe. A. Position de repos. B. Déglutition.
* A
Rééducation
[6]
La rééducation musculaire permet, par une réhabilitation de la fonction perturbée, de recréer les conditions d’exercice d’une physiologie qui ne soit pas génératrice de troubles morphogénétiques. Elle contribue aussi par l’acquisition de nouveaux automatismes, au maintien de l’harmonie architecturale établie par le traitement orthodontique. Elle est obligatoirement neuromusculaire : pour être efficace, elle doit être active et autoconsciente. BUTS
Le but de cette rééducation est triple : – corriger les dyspraxies labiales, linguales et respiratoires ; – permettre au patient de s’adapter à cette nouvelle fonction (tonification musculaire) ; – automatiser les fonctions corrigées (travail proprioceptif).
* B Si la position est bonne, le praticien aperçoit en général le dessous de la langue. La langue peut aussi être basse : l’examinateur aperçoit alors le dessus de la langue. La langue peut se trouver : – interposée entre les lèvres entrouvertes ; – basse, étalée entre les arcades ; – basse, pointe de langue en dessous du plan occlusal, en appui sur le plancher buccal ; – insérée dans une béance antérieure (cf fig 3D) ; – insérée dans une béance latérale ; – intercalée latéralement entre les arcades. Dans un cas de supraclusion importante ou de décalage antéropostérieur, la langue n’est pas visible. Néanmoins, la recherche d’un aspect festonné des bords latéraux ou sur la pointe de la langue de ces patients permet d’objectiver des appuis anormaux. Les patients âgés de plus de 7 ans arrivent d’ordinaire à définir euxmêmes la position de leur langue.
¶ Examen de la déglutition BILAN KINÉSITHÉRAPIQUE OU ORTHOPHONIQUE
Le patient est assis dos bien droit, bouche bien éclairée.
¶ Examen de la posture linguale
en « position de repos » (inocclusion physiologique) Le praticien demande au patient de rester le plus détendu possible et écarte délicatement ses lèvres entre pouce et index. 4
Demander au patient d’avaler sa salive. Examen exobuccal Observer l’activité des muscles peauciers : toute contraction de la musculature labiale et périlabiale met en évidence une déglutition dysfonctionnelle. Elle signe en effet la pérennisation d’une succiondéglutition, qui nécessite l’étanchéité de la cavité buccale (fig 1, 2).
Stomatologie/Odontologie
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Temps buccal de la déglutition salivaire
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* A
* B
* C
* D
Projection de la langue au cours de la déglutition. A, B. Vers l’avant entre les arcades. C, D. Dans une béance antérieure associée : étanchéité apicale linguale du rétrognathe . E. Latéralement.
* E Examen endobuccal Le praticien écarte légèrement les lèvres entre deux doigts et observe une projection de la langue : – vers l’avant entre les lèvres : entre les arcades (fig 3A, B) ; – dans une béance antérieure associée : étanchéité apicale linguale du rétrognathe (fig 3C, D) ; – dans les diastèmes interdentaires : latéralement (fig 3E) ; antérieurement et latéralement, l’interposition entre les arcades pouvant être uni- ou bilatérale.
¶ Examen phonétique Il permet de mettre en évidence les appuis linguaux lors de la prononciation des différents phonèmes. – Prononciation des palatales : au lieu de frapper les papilles palatines, la langue s’antériorise et frappe les incisives, ou s’interpose entre les arcades.
– Prononciation des sifflantes et des chuintantes : une absence de rétrusion de la langue peut être substituée au mouvement physiologique de recul sans appui incisif. On observe alors des appuis dentaires ou une interposition linguale entre les arcades. – Prononciation des labiales : toute dissymétrie de contraction des lèvres devra être rééduquée.
¶ Recherche d’une dysfonction ventilatoire
[21]
C’est la mécanique respiratoire qui règle la posture linguale en déterminant verticalement la position de l’os hyoïde. Le bilan nasopharyngé permet de rechercher une ventilation nasale stricte. Il s’attache à déceler d’éventuels obstacles à une bonne ventilation : cloison nasale déviée, végétations adénoïdes, grosses amygdales... qui obligent la langue à se déplacer vers l’avant pour dégager le carrefour aéropharygien. La suppression de ces obstacles doit précéder toute thérapeutique fonctionnelle. 5
Temps buccal de la déglutition salivaire
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¶ Examen du frein labial Demander au patient de placer sa pointe de langue au palais et d’ouvrir la bouche au maximum. Un frein court peut être responsable d’une langue basse et trop avancée et réduire considérablement la mobilité linguale.
¶ Évaluation du degré de connaissance du schéma corporel et de la mobilité linguale Une diminution de la mobilité linguale est une entrave à sa fonction. On vérifie la mobilité de la pointe en demandant des mouvements de protraction, d’élévation, de diduction. Puis on demande au patient de se lécher le tour des lèvres, de « tirer la langue pointue », etc.
¶ Recherche des parafonctions Il faut mettre en évidence d’éventuels parafonctions telles que la succion du pouce, le mordillement de la lèvre supérieure ou inférieure, de la face interne de la joue, la tétée nocturne de la langue, le bruxisme... Ces parafonctions, souvent associées à une déglutition atypique, peuvent constituer le reflet d’une immaturité affective ou d’une anxiété. Leur suppression peut nécessiter l’utilisation de techniques de relaxation neuromusculaire [20]. RÉÉDUCATION
¶ Indications de la rééducation La rééducation neuromusculaire s’impose chaque fois qu’une anomalie du comportement musculaire intervient dans une dysmorphose dentomaxillaire, primitivement ou secondairement à une correction mécanique de la dysmorphose. Cette correction s’adresse à des anomalies de fonction, mais ne peut néanmoins être réalisée sans traitement préalable des anomalies de repos. Pourraient bénéficier de la rééducation du comportement neuromusculaire : – les enfants présentant
[13]
:
– une malposition linguale en position d’inocclusion physiologique ; – une déglutition dysfonctionnelle ; – un trouble de la phonation ; – les adolescents chez qui la correction orthodontique de la dysmorphose ou des anomalies alvéolaires n’a pas permis une correction spontanée du déséquilibre musculaire, ce qui laisse la porte ouverte à la récidive ; – les adultes : – ayant entrepris un traitement orthodontique ou chirurgical ; – pour qui la gêne fonctionnelle liée au déséquilibre musculaire est devenue intolérable (syndrome algodysfonctionnel) [14].
¶ Contre-indications à la rééducation Contre-indications générales Les atteintes globales du système nerveux central : la trisomie 21 dans ses formes sévères, une débilité profonde... (car l’éducation fonctionnelle requiert un minimum de compréhension et de mémoire). Les atteintes organiques des centres neurologiques liées à des troubles d’origine constitutionnelle, infectieuse ou traumatique (les troubles de la déglutition liés à des atteintes neurologiques relèvent d’une rééducation particulière [16]). Les perturbations psychiques et affectives graves pouvant entraîner des troubles de la vigilance et de la compréhension. 6
Stomatologie/Odontologie
La non-coopération du patient (cette thérapie demande une très forte motivation et donc une totale adhésion de la part du patient), ou de la famille s’il s’agit d’un enfant jeune. Contre-indications locales Elles sont le plus souvent anatomiques et doivent impérativement être levées avant toute tentative de rééducation : – les anomalies de forme et de volume de la langue : – la macroglossie vraie : une macroglossie peut en effet être vraie, c’est-à-dire liée à des troubles d’ordre général (trisomie 21, troubles endocriniens, acromégalie, lymphangiome), ou relative (une langue d’apparence volumineuse n’est souvent qu’une langue basculée trop en avant dans la cavité buccale) ; – la brièveté du frein lingual ; – les troubles de la ventilation ayant pour origine des obstacles dans les voies respiratoires hautes ; – les grands décalages maxillomandibulaires sagittaux et transversaux.
¶ Techniques de rééducation Correction de la position de la langue au repos Après avoir expliqué au patient comment bien repositionner sa langue en inocclusion physiologique et s’être assuré de la compréhension du mouvement corrigé, le praticien doit veiller à l’automatisation de cette correction. Pour ce faire, il demande au patient de penser à repositionner sa langue tout au cours de la journée en s’aidant de moyens mnémotechniques divers (chez l’enfant l’aide parentale peut être requise). L’automatisation de la correction de cette anomalie de repos n’est obtenue qu’au prix d’une autodiscipline stricte. Rééducation de la déglutition Deux objectifs sont à atteindre : – casser le réflexe « langue-lèvre » ; pour cela, les exercices se feront lèvres entrouvertes et non lèvres closes, jusqu’à l’acquisition d’un comportement lingual adapté ; – obtenir un mouvement lingual efficace d’avant en arrière, qui assure le joint langue-palais : les exercices préliminaires de mobilisation et de renforcement lingual préparent à ce mouvement.
• Déglutition de la salive Chez les patients présentant une déglutition atypique de type succion-déglutition, il faut faire prendre conscience de l’avancée linguale et de la contraction des peauciers de la face lors de la déglutition (cf bilan). La correction de la déglutition se pratique d’abord devant un miroir (fig 4). En progression, cet exercice est demandé arcades dentaires écartées, puis en position d’intercuspidie maximale. La déglutition doit aussi être automatisée. Une fois la correction comprise et acquise au cabinet, on demande donc au patient de réaliser chez lui des séries de déglutition corrigées, puis d’essayer de penser à corriger sa déglutition salivaire tout au cours de la journée. Cette déglutition est considérée comme corrigée quand aucune anomalie de déglutition n’est plus visualisée au cours de la séance de rééducation.
• Déglutition des liquides Ce travail est mis en place après l’acquisition d’une déglutition de la salive correcte, mais avant son automatisation. Demander au patient d’avaler un petit verre d’eau par gorgées successives (avaler un verre d’eau en continu n’est pas significatif d’une déglutition automatisée car seule la dernière déglutition met en jeu la pointe de la langue), lèvres ouvertes. Si la poussée de la langue au palais n’est pas suffisante, l’eau tend à fuir vers l’extérieur.
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Stomatologie/Odontologie
* A 4
Correction de la déglutition de la salive. A. Déposer, à l’aide d’une seringue, une goutte d’eau sur le dos de la langue. B, C. Demander de placer la langue en position corrigée (B), puis de serrer les arcades dentaires.
• Déglutition des solides Le travail effectué est le même. La texture des aliments s’épaissira du gélifié (flans), vers le « mou » (compotes), puis le solide. Exercices de lecture, rééducation orthophonique Les palatales « L, N, D, T », les sifflantes « S », les chuintantes « CH, J ». La rééducation vise à normaliser les appuis linguaux lors de la prononciation des différents phonèmes. Le travail de rééducation débute par un travail sur le phonème isolé (prise de conscience proprioceptive du mouvement corrigé de la langue). En progression, on recherche ensuite une correction des appuis lors de l’enchaînement de plusieurs phonèmes. Pour obtenir l’automatisation de cette correction dans le langage parlé, on peut aussi travailler sur les planches de lectures réalisées par madame Fournier [6]. Ces planches, qui sont remises au patient, permettent un travail évolutif à domicile. Tonification du plancher buccal
• Exercice du piston Il va permettre au patient de contrôler ses muscles mylohyoïdiens et géniohyoïdiens, indispensables à la déglutition. La tête du patient est en position naturelle par rapport au rachis. Le patient doit poser la pointe de sa langue sur les papilles palatines les plus postérieures en appuyant très fort « comme s’il voulait perforer son palais ». On lui demande ensuite de placer ses doigts sur le rebord basilaire de la mandibule afin qu’il ressente la contraction. Il faudra exercer une pression de 2 à 3 secondes puis relâcher, et répéter ainsi dix fois de suite. Le kinésithérapeute devra rester vigilant et s’assurera que c’est bien la pointe de la langue qui appuie et qu’elle ne s’écrase pas en se repliant contre le palais. Tonification de la langue
• Exercice du pas de cheval On demande de faire claquer la langue de façon à imiter le bruit des sabots d’un cheval, 20 fois de suite au début, puis davantage en progression.
* B
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* C
Le praticien maintient la lèvre inférieure pour éviter tout mouvement sur les peauciers (C). Demander au patient d’avaler sa salive sans modifier la position de la pointe de la langue, en poussant progressivement la goutte d’eau le long du palais et en écrasant la langue contre celui-ci, d’avant en arrière.
Pour augmenter la difficulté on demandera au patient d’alterner distinctement les deux sons « clac », « cloc ». Il ne faut pas hésiter, en cas de difficulté, à expliquer que la partie antérieure de la langue doit coller au palais et s’en détacher comme une ventouse.
• « Langue de rat - langue de chat » (exercice de tonification de la partie moyenne de langue) Alterner une contraction forte de la langue en affinant la pointe (fig 5A) avec un étalement (fig 5B). La compréhension de cet exercice peut être facilitée par la pratique de « langue pointue par syncinésie » (fig 5C).
• Appui Demander de pousser sur un abaisse-langue avec la pointe de la langue tenue droite (fig 5D).
Conclusion La rééducation du premier temps de la déglutition apparaît donc comme le partenaire indispensable de tout traitement en orthopédie dentomaxillo-faciale, qu’il soit fonctionnel, fixe ou incluant un temps chirurgical. En préalable, les postures de repos et le tonus de la langue, des lèvres, des muscles masticateurs, ainsi que les anomalies de la phonation et de la respiration, doivent être évaluées lors de l’examen clinique d’une dysmorphose maxillofaciale. Ensuite, et dans le respect des contre-indications, la rééducation s’intègre dans la prise en charge complète des anomalies fonctionnelles de la sphère orofaciale. La rééducation constitue aussi un excellent test de la motivation du sujet vis-à-vis de son traitement, car elle exige une prise de conscience des caractéristiques dyspraxiques ainsi qu’une participation volontaire à leur correction, ce qui constitue un avantage considérable par rapport aux techniques de « rééducation passive » par appareil intrabuccal. Mais l’intérêt de la rééducation réside surtout dans le fait qu’en restituant une fonction normale, on offre au jeune patient la chance d’une croissance correctement dirigée et à l’adulte l’entretien de la stabilité du résultat morphologique obtenu. Le praticien se doit donc de connaître les principes de rééducation, de manière à personnaliser son schéma thérapeutique.
Figure 5 et Références ➤ 7
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Tonification de la langue. A, B. Alterner une contraction forte de la langue en affinant la pointe (A) « langue de rat », avec un étalement (B) « langue de chat ». C. Langue pointue par syncinésie : le rapprochement des deux index pointés de chaque côté de la langue sans aller au contact entraîne un resserrement spontané de la langue. D. Appui.
[8] Couly G. La langue, appareil d’orthopédie dentofaciale, « pour le meilleur et pour le pire ». Rev Orthop Dentofac 1989 ; 23 : 9-17 [9] Deffez JP, Fellus P, Gerard C. Rééducation de la déglutition salivaire. Paris : CDP, 1995 [10] Delaire J. Le rôle du condyle dans la croissance de la mâchoire inférieure et dans l’équilibre de la face. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1990 ; 91 : 179-192 [11] Fieux J. Béances incisives et troubles de la déglutition. Orthod Fr 1953 ; 24 : 209-221 [12] Fourestier J, Ribault J, Maria B, Servantie B. Les béances chez l’enfant. Contribution à leur étude. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1985 ; 86 : 147-152 [13] Fournier M, Brulin F. Le moment de la rééducation en orthopédie dentofaciale. Rev Orthop Dentofac 1975 ; 9 : 37-41 [14] Gola R, Chossegros C, Orthlieb JD. Syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM). Paris : Masson, 1992
[15] Kamina P. Dictionnaire atlas d’anatomie. Paris : Maloine, 1983
* A
* B
* C
* D
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8
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Stomatologie [22-011-S-10]
Anatomie pathologique des lésions tumorales de la cavité buccale, des glandes salivaires et des maxillaires
Marie-Michelle Auriol : Maître de conférences universitaire, assistant des Hôpitaux Yves Le Charpentier : Professeur, chef du service d'anatomie pathologique Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75013 Paris France
Résumé Dans le champ de la pathologie cervicofaciale, nous avons étudié successivement les tumeurs de la cavité buccale, des glandes salivaires et des mâchoires. Les principales caractéristiques des tumeurs bénignes et malignes de la muqueuse et des parties molles de la bouche sont envisagées en premier lieu. Puis, les tumeurs des glandes salivaires sont analysées, en fonction des nouveaux concepts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Enfin, parmi les tumeurs des mâchoires, les néoplasmes odontogéniques sont définis et complétés par quelques tumeurs récemment individualisées. Puis sont inclus d'autres types de tumeurs osseuses bénignes ou malignes qui affectent également d'autres régions du squelette. © 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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INTRODUCTION Les tumeurs groupées dans ce chapitre sont polymorphes. À côté de variétés communes aux autres territoires de l'organisme, certaines sont particulières à la région cervicofaciale. Parmi ces dernières figurent les tumeurs des glandes salivaires principales et celles des glandes salivaires accessoires qui se présentent cliniquement comme des tumeurs de la muqueuse buccale. Par ailleurs, un certain nombre de tumeurs osseuses, dénommées tumeurs odontogènes, sont propres aux mâchoires.
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TUMEURS DE LA MUQUEUSE BUCCALE On en distingue deux groupes : les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes.
Tumeurs bénignes Lésions pseudotumorales Elles peuvent être confondues, cliniquement, avec un certain nombre de lésions pseudotumorales, parmi lesquelles nous rappellerons : le botryomycome : bourgeon charnu hyperplasique, n'ayant aucune tendance à la cicatrisation, il ressemble à un angiome. Rougeâtre, ulcéré, saillant à la surface de la muqueuse, histologiquement, il est tapissé d'exsudats fibrinoleucocytaires et le tissu conjonctif sous-jacent héberge de nombreux capillaires entourés de cellules inflammatoires polymorphes ; l'angiogranulome de la grossesse ressemble au précédent, mais est souvent plus volumineux ; le nodule diapneusique, hernie de la muqueuse buccale à travers un diastème dentaire, est très fréquent. Histologiquement, il est revêtu d'un épithélium normal. Son axe conjonctif fibreux comporte parfois quelques fibres musculaires disposées perpendiculairement à sa surface ; le groupe des épulis, tuméfactions siégeant sur la gencive, a été progressivement démantelé. Il renferme, à côté de gingivites chroniques localisées avec parfois infiltration plasmocytaire prédominante, des granulomes périphériques à cellules géantes d'origine traumatique probable. Parmi les tumeurs bénignes vraies, celles de loin les plus nombreuses sont de type conjonctif. Nous étudierons néanmoins d'abord les tumeurs épithéliales.
Tumeurs bénignes épithéliales Elles sont représentées presque exclusivement par le papillome (fig 1). Celui-ci, saillant sur la muqueuse où il s'implante par un pied étroit ou large, est constitué par un épithélium malpighien épaissi dont les crêtes renflées s'invaginent profondément dans le chorion. En surface, il est souvent kératinisé. Il peut comporter des cellules épithéliales clarifiées évoquant une étiologie virale. L'immunohistochimie pourrait confirmer la présence de Papillomavirus dans ces cellules. On y rattache l'hyperplasie épithéliale focale constituée de multiples excroissances dues à des hyperplasies segmentaires de l'épithélium.
Tumeurs bénignes conjonctives Elles sont polymorphes, pouvant simuler la structure de tous les types de tissus conjonctifs.
Fibrome Il réalise un nodule dur, bien limité, fait d'un tissu collagène dense.
Lipome De consistance molle, de coloration jaune, il est constitué d'adipocytes groupés en lobules que séparent des axes conjonctivovasculaires.
Léiomyome, rhabdomyome, chondrome et ostéome Ils sont exceptionnels.
Tumeur à cellules granuleuses Elle est fréquente dans la muqueuse buccale. Elle siège en général dans la langue. Histologiquement, elle entraîne en surface une hyperplasie épithéliale pseudoépithéliomateuse. Elle est constituée de cellules acidophiles à cytoplasme granuleux, groupées en nappes compactes. D'origine longtemps contestée, elle paraît dériver des cellules de Schwann comme en attestent microscopie électronique [17] et immunohistochimie (positivité de la protéine S100).
Tumeurs vasculaires Les hémangiomes, congénitaux ou acquis, forment un nodule rougeâtre, parfois ulcéré en surface, et difficile à distinguer alors d'un botryomycome. L'étude histologique y montre des structures vasculaires de type capillaire ou caverneux renfermant du sang dans leur lumière. Ils peuvent être multiples dans le cadre d'une angiomatose cervicofaciale (maladie de Rendu-Osler, syndrome de Sturge-Weber-Krabbe). Les lymphangiomes, souvent multinodulaires sur la langue, peuvent être diffus et entraîner une macroglossie. Ils sont constitués de cavités vasculaires remplies de lymphe (fig 2).
Tumeurs nerveuses Elles sont fréquentes dans la sphère cervicofaciale, en particulier dans la cavité buccale. Les schwannomes et les neurofibromes [7] siègent surtout dans la langue, le vestibule et le plancher. Ils surviennent souvent dans le cadre d'une maladie de Recklinghausen. Le névrome myélinique s'observe dans une maladie familiale héréditaire, dans le contexte d'autres tumeurs. Le névrome d'amputation, petit nodule douloureux, succède à un traumatisme. Très fréquent, il se caractérise par une prolifération de cellules de Schwann en regard d'un filet nerveux sectionné.
Tumeurs malignes Parmi elles, les tumeurs épithéliales ou carcinomes sont de loin les plus fréquentes. Les sarcomes sont, pour la plupart, rarement observés.
Tumeurs épithéliales ou carcinomes Il s'agit dans la majorité des cas de carcinomes épidermoïdes. Ceux-ci peuvent survenir de novo ou se greffer sur une lésion blanche (leucoplasie) ou rouge (érythroplasie) [13]. C'est dire l'importance d'une surveillance régulière de ces lésions et, dès le moindre doute de transformation, la nécessité d'effectuer des frottis complétés toujours par la biopsie. Cette dernière est, en effet, seule capable de préciser, en cas de cancérisation, le degré de celleci (carcinome intraépithélial ou dysplasie sévère, carcinome micro-invasif, carcinome invasif).
Dysplasie sévère et carcinome intraépithélial Ces deux termes sont actuellement considérés comme synonymes. On constate dans les lésions une transformation segmentaire de l'épithélium portant sur toute sa hauteur sans modifications de la membrane basale. L'épithélium est irrégulièrement stratifié, avec des noyaux de forme et de taille inégales, hyperchromatiques et des mitoses visibles jusqu'en surface (fig 3).
Carcinome micro-invasif Il présente un aspect proche du précédent. Mais, ici, on détecte quelques brèches dans la basale avec effraction de cellules carcinomateuses dans le chorion.
Carcinome épidermoïde invasif Il est fréquemment constaté d'emblée et se différencie du précédent par la pénétration de lobules carcinomateux en plein chorion (fig 4) ou déjà dans les tissus adjacents. On y distingue, selon le degré de différenciation, plusieurs types histologiques : les carcinomes différenciés sont des lobules de cellules épidermoïdes accrochées les unes aux autres par de nombreux ponts intercellulaires ; ils évoluent souvent vers une kératinisation (globes d'ortho- ou de parakératose ou dyskératose liée à des kératinisations monocellulaires). Les carcinomes peu différenciés sont formés de cellules épidermoïdes juxtaposées mais avec peu de ponts d'union. Les anomalies nucléaires et les mitoses y sont nombreuses. Les carcinomes indifférenciés sont faits de cellules basophiles sans ponts d'union avec nombreuses atypies cytonucléaires et mitoses. Le pronostic de ces carcinomes épidermoïdes infiltrants est fonction de multiples facteurs : taille initiale de la tumeur, présence ou non de métastases ganglionnaires homo- ou controlatérales, type histologique (les formes moins différenciées étant en principe plus sévères) et enfin topographie. Les cancers de la lèvre ont en principe un bon pronostic. Les cancers de la langue [5], malgré un traitement précoce, tendent à récidiver et à métastaser rapidement. Les cancers du plancher, de la gencive et du palais ont une gravité locale du fait de leur extension précoce au squelette. Ceux du sinus maxillaire enfin, longtemps latents, sont de très mauvais pronostic.
Autres variétés de carcinomes Carcinome à cellules fusiformes Pseudosarcomateux, il survient d'emblée ou est une forme de récidive d'un carcinome épidermoïde initialement bien différencié. De pronostic péjoratif, il se manifeste par une tumeur bourgeonnante, ulcérée, à croissance rapide. Histologiquement, on y observe des cellules indépendantes, fusiformes, ressemblant aux sarcomes habituels. L'étude immunohistologique permet de retrouver dans le cytoplasme de quelques cellules des filaments de cytokératine, ce qui signe l'origine épidermoïde de ces tumeurs.
Papillomatose orale floride (carcinome verruqueux des auteurs anglo-saxons) C'est une lésion papillomateuse plus ou moins kératosique qui s'étend en nappe. Son évolution est lente mais se fait inexorablement vers un carcinome infiltrant. On en distingue trois stades histologiques : stade I (aspect de papillome avec gros bourgeons épithéliaux renflés à la base) ; stade II (apparition de petits bourgeons secondaires sur les faces latérales des papilles et épaississement des couches cellulaires basales) ; stade III (carcinome épidermoïde micro-invasif ou infiltrant).
Carcinome de type nasopharyngien (lymphoépithéliome de Regaud) C'est un épithélioma indifférencié développé au sein d'un stroma lymphoïde abondant. Il est beaucoup plus rare dans la bouche que dans le pharynx. Une métastase ganglionnaire cervicale en est souvent le signe révélateur.
Tumeurs malignes conjonctives : sarcomes Ces sarcomes n'ont en général aucune particularité dans leur siège buccal par rapport à leurs localisations dans les parties molles.
Fibrosarcome Il est formé de fibroblastes disposés en faisceaux, avec de nombreuses mitoses. Chez l'enfant, il serait de meilleur pronostic avec des cas de guérison après simple exérèse.
Histiocytome fibreux malin Il ne présente pas de particularité dans la bouche.
Rhabdomyosarcome Dans sa forme rhabdolytique, il siège électivement dans le muscle lingual. Les cellules tumorales, très différenciées, sont pourvues de myofibrillles apparentes après coloration de Regaud ou immunohistochimie (desmine +). Sa forme rhabdopoïétique ou botryoïde est l'apanage de l'enfant. D'aspect macroscopique trompeur (bourgeon rougeâtre, oedématié, souvent ulcéré), l'étude histologique y montre une tumeur faite de cellules musculaires embryonnaires avec quelques ébauches de différenciation myofibrillaire.
Liposarcome Il est exceptionnel dans la bouche.
Tumeurs vasculaires Hémangiopéricytome
[8]
Il peut atteindre n'importe quel secteur de la muqueuse. Il est constitué de péricytes tumoraux entourant des capillaires nombreux. Il provoque des récidives souvent tardives et rarement des métastases.
Angiosarcome (ou hémangioendothéliome) Il est rare. Le diagnostic immunohistochimique.
Angiosarcome de Kaposi
en
est
difficile,
nécessitant
une
étude
par les syndromes d'immunodépression (sida surtout mais aussi sujets transplantés) [41]. Outre ses classiques localisations cutanées, il siège souvent dans la muqueuse buccale. Il s'y manifeste par une ou plusieurs tuméfactions bleuâtres parfois ulcérées. Histologiquement, on y observe des fibroblastes à noyaux volumineux avec mitoses, enserrant de nombreuses lumières vasculaires capillaires (fig 5). De petites hémorragies avec précipitation d'hémosidérine parsèment la tumeur.
Schwannomes malins Ils sont exceptionnels dans la muqueuse buccale.
Localisations de processus hémolymphoprolifératifs Leucémies aiguës Les localisations buccales, surtout gingivales classiques. Elles révèlent souvent la maladie.
Lymphomes non hodgkiniens
des
leucémies
aiguës
sont
[25]
Ils sont plus fréquents à l'heure actuelle car favorisés par les syndromes d'immunodépression (sida surtout, transplantés) [32]. Ils sont à différencier de proliférations lymphomateuses polyclonales passagères EBV+ (virus EpsteinBarr) rencontrées en cas de transplantation d'organes. On y distingue les mêmes types histologiques que dans les ganglions.
Plasmocytome Le plus souvent localisé, il peut appartenir à un myélome diffus qu'il faut systématiquement rechercher. Il en existe une forme diffuse [2] entraînant une hypertrophie gingivale majeure.
Tumeurs mélaniques Mélanose circonscrite précancéreuse de Dubreuilh Elle peut siéger sur la muqueuse buccale, en particulier sur la joue et les lèvres. C'est une lésion pigmentée, brunâtre, avec histologiquement, une prolifération de mélanocytes dans l'épaisseur de l'épithélium. Elle peut donner naissance à un mélanome malin, généralement nodulaire, de gravité moindre que les mélanomes malins habituels.
Mélanome malin Il est rare dans la bouche et survient presque toujours de novo. Il affecte surtout palais et gencive supérieure. Le foyer tumoral, parfois brunâtre, est souvent ulcéré. Histologiquement, la prolifération mélanocytaire est souvent polymorphe. Le diagnostic en est facile quand il existe du pigment mélanique (dont la nature est confirmée par la coloration de Fontana). Dans les formes achromiques, on doit s'aider de l'immunohistochimie (HMB 45 +), voire de la microscopie électronique. Le pronostic, fonction de la taille et du degré d'extension en profondeur du néoplasme, est le même que dans les localisations cutanées.
Métastases Très rares, elles sont le plus souvent des extensions de contiguïté de métastases osseuses mandibulaires ou maxillaires.
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TUMEURS DES GLANDES SALIVAIRES La majorité des tumeurs des glandes salivaires sont de nature épithéliale . Nous envisagerons d'abord ce groupe, de loin le plus important, puis nous étudierons les tumeurs conjonctives, les lymphomes et les exceptionnelles métastases.
Tumeurs épithéliales Le polymorphisme très grand de ces tumeurs est expliqué par le développement embryologique des glandes salivaires [6] : dans l'ébauche malpighienne initiale, se différencient progressivement des cellules épithéliales sécrétantes et des cellules myoépithéliales capables, comme les cellules conjonctives, d'élaborer divers types de substances interstitielles. La récente classification de l'OMS (1991) [43] apporte, par rapport à la précédente (1972) [47] quelques modifications. Elle mentionne un certain nombre de tumeurs nouvelles, jusqu'ici rapportées dans la littérature sous des dénominations variables (myoépithéliome, épithélioma polymorphe de faible malignité...). Elle supprime le terme de tumeur à malignité intermédiaire et lui substitue le nom de carcinome (carcinome à cellules acineuses, carcinome mucoépidermoïde). Nous suivrons en gros cette classification. Les tumeurs épithéliales des glandes salivaires se divisent en deux groupes : tumeurs bénignes ou adénomes et tumeurs malignes ou carcinomes.
Tumeurs bénignes Adénome pléomorphe (ou tumeur mixte) C'est la plus fréquente des tumeurs salivaires (74 %) . Elle s'observe à tout âge, y compris chez l'enfant et atteint plus souvent la femme que l'homme. Elle siège surtout dans la parotide, puis la glande sous-maxillaire. Elle affecte également les glandes salivaires accessoires (palais, lèvre supérieure). Macroscopiquement, il s'agit d'un nodule bien circonscrit, voire encapsulé, ferme ou de consistance molle, gélatiniforme. Histologiquement, son aspect est presque toujours caractéristique : on y retrouve une prolifération de cellules épithéliales et myoépithéliales dans un stroma abondant avec des plages chondroïdes ou myxoïdes (fig 6). Les cellules épithéliales se groupent en massifs compacts où se creusent des cavités remplies de substance acidophile, PAS (acide para-amino-salicylique) positive. Elles subissent parfois une métaplasie malpighienne pouvant englober des globes cornés. Les cellules myoépithéliales sont souvent fusiformes. Elles sont accumulées en placards ou sont dispersées dans un stroma abondant. Certaines sont plasmocytoïdes, avec noyau excentré sans croissant clair périnucléaire (cellules hyalines). Le stroma peut revêtir des aspects multiples : les stromas chondroïdes et myxoïdes (fig 7) sont les plus
caractéristiques ; ailleurs, il s'agit d'un tissu collagène riche en fibres ou d'un stroma hyalin ; des fibres élastiques sont fréquemment observées autour des vaisseaux ou au sein des lobules épithéliaux ; on peut rencontrer également du tissu adipeux ou osseux ainsi que des cristalloïdes de tyrosine ou d'oxalate organisés en figures radiaires biréfringentes en lumière polarisée.
Évolution Ces tumeurs sont presque toujours bénignes mais peuvent récidiver localement sous forme de multiples nodules situés dans la cicatrice opératoire. La cancérisation [31] est rare. Elle est estimée à 5 % des cas et surviendrait plus volontiers dans les adénomes évoluant depuis 10 à 15 ans avant le traitement. Elle se fait le plus souvent sous forme d'un carcinome (adénocarcinome ou carcinome indifférencié, carcinome mucoépidermoïde, carcinome adénoïde kystique). À titre exceptionnel, il s'agit d'une cancérisation à la fois épithéliale et conjonctive réalisant un carcinosarcome. Quant aux classiques tumeurs bénignes métastatiques, elles sont exceptionnelles et seraient la conséquence de migrations intravasculaires de substance myxoïde pendant l'exérèse initiale et peuvent être réséquées chirurgicalement.
Diagnostic différentiel Aisé dans la plupart des cas, il est parfois difficile quand le contingent myoépithélial est presque exclusif et risque d'être confondu avec une tumeur conjonctive ou nerveuse. Au moindre doute, l'immunohistochimie et la microscopie électronique permettent la mise en évidence des deux types cellulaires, myoépithélial et épithélial. L'immunohistochimie, en particulier, détecte à la fois des filaments de cytokératine et des myofilaments, protéine S100 et actine positifs.
Myoépithéliome Cette tumeur, constituée exclusivement de cellules myoépithéliales, est rare (1 à 5 % des tumeurs salivaires) [26]. Elle siège dans n'importe quelle glande salivaire, avec une prédilection pour la parotide et le palais. Elle se manifeste macroscopiquement par un nodule blanc, ferme, en général bien circonscrit. Histologiquement, à la différence de l'adénome pléomorphe, elle est dépourvue de structure épithéliale canalaire et son stroma ne comporte aucune plage chondroïde ou myxoïde. Les cellules ont une morphologie variable : cellules fusiformes groupées en faisceaux et évoquant a priori une tumeur conjonctive ; cellules plasmocytoïdes ; cellules claires riches en glycogène. La nature myoépithéliale des cellules tumorales est confirmée par les études ultrastructurale [16] et immunohistochimique.
Évolution Ce néoplasme, réputé plus agressif que l'adénome pléomorphe, volontiers. Des formes malignes en ont été décrites à titre exceptionnel.
récidive
Tumeur de Warthin (cystadénolymphome) Tumeur bénigne fréquente (4 à 11 % des tumeurs salivaires) [10], elle se caractérise par l'association de cellules oncocytaires et d'un stroma lymphoïde. Elle siège surtout dans la parotide. Macroscopiquement, il s'agit d'un nodule parfois volumineux, le plus souvent creusé de cavités à contenu rougeâtre.
Histologiquement, on observe des végétations (fig 8) faisant saillie dans des cavités : les végétations sont bordées d'une double assise cellulaire ; en dedans, les cellules sont hautes, cylindriques à cytoplasme acidophile, granulaire, très riche en mitochondries ; en dehors, les cellules sont basses et cubiques. L'axe conjonctif de ces végétations est riche en petits lymphocytes parfois agencés autour de follicules à centre clair. Dans les cavités, l'inflammation est fréquente. Parmi les variations morphologiques, signalons les formes avec métaplasie malpighienne massive de l'épithélium, et celles avec nécrose ischémique partielle ou globale. L'évolution est bénigne, si l'on excepte d'exceptionnelles cancérisations des cellules épithéliales.
Oncocytome Comme le précédent, il siège surtout dans la parotide et comporte des cellules oncocytaires souvent associées à un stroma lymphoïde. Les oncocytes, caractérisés en microscopie électronique par des mitochondries nombreuses, volumineuses, avec des anomalies de disposition des crêtes, sont agencés en travées que sépare un fin réseau vasculaire. Il faut rapprocher de ces tumeurs les hyperplasies oncocytaires nodulaires multifocales parfois bilatérales décrites récemment. L'évolution est bénigne. Des récidives sont possibles à partir de microfoyers oncocytaires multifocaux. Une variété maligne a été décrite à titre exceptionnel.
Autres adénomes On en distingue, avec l'OMS
[43]
, différents types.
Adénome à cellules basales Cette tumeur de l'adulte âgé est rare. Elle siège dans 75 % des cas dans la parotide. Macroscopiquement c'est un nodule circonscrit, parfois creusé d'un kyste. Histologiquement, il revêt plusieurs aspects, sans incidence sur le pronostic : forme solide avec masses compactes de cellules basophiles avec bordure de cellules hautes, palissadiques, dispersées dans un stroma collagène peu abondant ; forme trabéculaire et tubulaire où les cellules sont groupées en cordons anastomosés ou en cavités glandulaires au sein d'un stroma lâche ; forme membraneuse enfin, où des membranes basales épaisses et hyalines bordent les structures épithéliales ou s'invaginent parfois au sein des lobules, y réalisant des aspects de pseudocylindres, comme dans l'épithélioma adénoïde kystique.
Adénome canaliculaire Il est formé de cellules cylindriques adossées en deux couches et disposées en cordons qui s'écartent parfois pour délimiter des canalicules plus ou moins kystiques.
Autres variétés rares Cystadénome, papillome canalaire, adénome sébacé.
Tumeurs malignes épithéliales Carcinome à cellules acineuses De pronostic incertain, variant d'un patient à l'autre, ce néoplasme a longtemps été classé dans les tumeurs de faible malignité. Caractérisé par la présence de cellules acineuses sécrétantes de type séreux, il siège habituellement dans la parotide.
Macroscopie C'est un nodule plus ou moins encapsulé, de couleur chamois, parfois parsemé de zones nécrotiques et de cavités kystiques.
Histologie Le plus souvent, la prolifération cellulaire est massive. Ailleurs, il existe des microkystes ou des kystes volumineux où s'invaginent parfois des végétations . La composante cellulaire, polymorphe, varie d'une tumeur à l'autre : les cellules acineuses (fig 9), seules caractéristiques, sont majoritaires dans 40 % des tumeurs. Elles sont disposées en nappes ou ordonnées autour de petites lumières. Leur cytoplasme, basophile, contient des grains sécrétoires PAS positifs, visibles en microscopie électronique sous forme de grains opaques aux électrons ; les cellules intercalaires, plus petites et cubiques, bordent des fentes étroites ou kystiques ; les cellules vacuolisées, peu nombreuses, sont pourvues de vacuoles optiquement vides ; les cellules claires, fréquentes, ont un cytoplasme sans grains de sécrétion. Elles traduiraient une souffrance des organites cytoplasmiques (en particulier une dilatation du réticulum endoplasmique).
Évolution Elle est difficile à prévoir. Les études en cytométrie de flux ont révélé de façon inconstante des anomalies de l'ADN (acide désoxyribonucléique). La numération des AgNOR* montre un nombre plus élevé de grains dans les formes les plus évolutives, mais sans une fiabilité absolue. Aussi tient-on compte, pour le pronostic, de la taille et de la bonne ou mauvaise limitation de la tumeur, du nombre des mitoses [27]. Les récidives sont fréquentes (35 % des cas). Les métastases ganglionnaires ou à distance (poumon, os, cerveau) sont classiques. Mais tous ces accidents sont souvent tardifs (plus de 5 ans après l'exérèse initiale), ce qui justifie une surveillance prolongée des patients.
Carcinome mucoépidermoïde Tumeur, comme la précédente, de pronostic incertain, ce néoplasme est constitué de deux types de cellules, épidermoïdes et mucosécrétantes. Il est fréquent (29 % des tumeurs malignes salivaires). Il atteint les glandes salivaires principales, surtout la parotide, mais aussi les glandes accessoires, en particulier celles du palais. Quelques cas en ont été décrits dans les mâchoires (sur glande hétérotopique ou sur kyste odontogène).
Macroscopie Le nodule, en règle mal limité, est souvent creusé de cavités à contenu mucoïde.
Histologie L'aspect est polymorphe au sein d'une même tumeur et d'un patient à l'autre. Les cellules épidermoïdes sont dans certains cas évidentes, groupées en massifs avec ponts d'union et tonofilaments en microscopie électronique. Mais la kératinisation y est rare. Souvent, la population épidermoïde est clairsemée, dispersée au sein de cellules intermédiaires ou autour de kystes. Les cellules muqueuses, mucicarminophiles et alcianophiles, sont également PAS positives (fig 10). Elles bordent des cavités glandulaires ou des kystes où elles déversent leurs sécrétions. Les cellules intermédiaires sont majoritaires dans certaines tumeurs. Cellules basophiles à noyau hyperchromatique, ce sont des cellules jeunes, indifférenciées, comme en atteste la microscopie électronique (cellules riches en ribosomes et pauvres en autres organites) [18]. Les cellules claires, parfois dominantes, sont riches en glycogène (la coloration par le PAS est positive mais disparaît après digestion enzymatique). Les cellules oncocytaires, peu nombreuses, sont riches en mitochondries. Le stroma est abondant, collagène ou hyalin. Il peut renfermer des lymphocytes.
Éléments du pronostic Certains auteurs ont proposé la classification de ces tumeurs en trois groupes de gravité croissante : tumeurs très différenciées (plus de 50 % de structures épidermoïdes ou glandulaires) de bon pronostic ; tumeurs moins différenciées, contenant 10 à 50 % de cellules mucosécrétantes mélangées à de nombreuses cellules claires et oncocytaires ; tumeurs indifférenciées à cellules intermédiaires majoritaires (moins de 10 % de cellules mucosécrétantes) de mauvais pronostic. D'autres ont cherché, dans la cytométrie de flux et la numération des AgNOR, des arguments complémentaires. En fait, il semble à l'heure actuelle qu'après l'étude rétrospective d'Auclair [1], on en revienne à des critères histologiques classiques (pourcentage de la composante intrakystique, extension nerveuse, nécrose, nombre de mitoses, degré d'anaplasie). Ainsi sont définies, en fonction du nombre de points obtenus à la suite de cette analyse, des tumeurs : de faible malignité (0-4) ; de malignité intermédiaire (5-6) ; hautement malignes (chiffre supérieur à 7).
Évolution Tout carcinome mucoépidermoïde, par définition, est susceptible de donner des récidives ou des métastases ganglionnaires et viscérales (poumons, os, cerveau).
Carcinome adénoïde kystique Ce carcinome fut longtemps dénommé cylindrome du fait des pseudocylindres caractéristiques de sa forme cribriforme. Il demeure la plus fréquente des tumeurs des glandes salivaires accessoires dans la plupart des dénombrements. Observé à tout âge, y compris chez l'enfant, il siège par ordre de fréquence décroissante dans la parotide, la sous-maxillaire, le palais. Plus rarement, il affecte la glande sublinguale et les autres glandes salivaires accessoires (lèvre inférieure, région rétromolaire). Quelques cas en ont été rapportés dans les mâchoires.
Macroscopie La tumeur, nodulaire au début, devient rapidement infiltrante.
Histologie Elle est constituée de deux types cellulaires canalaire et myoépithélial que confirment la microscopie électronique et l'immunohistochimie. Selon le groupement de ces cellules, on en décrit trois variétés : le type cribriforme, le plus fréquent, est caractéristique (fig 11). Il est formé de massifs cellulaires constitués de cellules à cytoplasme pâle, à noyaux anguleux. Ceux-ci sont creusés de pseudocylindres arrondis, petits ou larges, au sein desquels on individualise tantôt des mucines, tantôt une substance hyaline, éosinophile, correspondant en microscopie électronique à une accumulation de membranes basales ; le type tubulaire comporte des cellules disposées en cordons ou agencées autour de lumières tubulaires. Le stroma est abondant et souvent hyalin ; le type solide (ou « basaloïde ») est formé de lobules pleins de cellules basophiles à noyaux hyperchromatiques avec nombreuses mitoses. Quel que soit le type histologique, les atteintes nerveuses sont fréquentes. Les extensions locales sont la règle, surtout dans le palais où la tumeur infiltre rapidement le squelette.
Évolution La malignité, variable d'une tumeur à l'autre, est confirmée par la survenue de récidives locales et de métastases locorégionales ou à distance (poumons, os). Ces accidents peuvent être tardifs (plus de 5 ans après l'exérèse initiale).
Éléments du pronostic Le caractère péjoratif des formes solides est confirmé par plusieurs études rétrospectives [19]. La cytométrie de flux constate une fréquence accrue des aneuploïdies dans ces cas. Le nombre des AgNOR y serait plus élevé que dans les autres variétés. En fait, interviennent la notion de taille de la tumeur et surtout son siège, avec une gravité particulière des tumeurs palatines qui diffusent rapidement dans l'infrastructure.
Carcinome épithélial-myoépithélial Cette tumeur rare (1 % des tumeurs salivaires), tire son nom actuel de sa double composante cellulaire épithéliale et myoépithéliale. Elle siège avant tout dans la parotide (50 % des cas). Macroscopiquement, il s'agit d'un nodule souvent circonscrit. Histologiquement, on y constate des cellules épithéliales canalaires, cubiques bordant une lumière à contenu PAS positif et des cellules myoépithéliales disposées en nappes compactes en périphérie des précédentes (fig 12). De forme polygonale ou allongée, ces dernières ont un cytoplasme clair, riche en glycogène (coloration par le PAS positive, disparaissant après digestion diastasique). L'évolution est celle d'une tumeur de faible malignité [4], donnant des récidives tardives, locales ou ganglionnaires et rarement des métastases à distance (8 % des cas).
Adénocarcinome polymorphe de faible malignité Cette tumeur, décrite en 1983, est fréquente (7 à 11 % des tumeurs des glandes salivaires accessoires) [26]. Elle touche avant tout le palais puis par ordre de
Cliniquement, il s'agit d'un nodule qui paraît bien circonscrit mais peut saigner et s'ulcérer.
Macroscopie La tumeur, apparemment bien limitée, est dépourvue de capsule.
Histologie Elle infiltre les tissus de voisinage. On y constate une zone centrale compacte faite de cellules épithéliales pâles à noyau vésiculeux sans mitoses. Les cellules se groupent en lobules. Elles revêtent parfois un aspect papillaire à l'intérieur de kystes. Des foyers cribriformes pseudocylindromateux y sont fréquents. En périphérie, les cellules tumorales s'agencent en travées ou petits canaux. Autour des nerfs et des vaisseaux, elles prennent une disposition concentrique.
Évolution Le pronostic est bon dans l'ensemble [3]. Toutefois, l'extension osseuse est fréquente, obligeant à une intervention mutilante (maxillectomie partielle). Les métastases locales ou régionales surviendraient seulement dans 9 % des cas (Vincent et al, 204 cas [48]).
Carcinome épidermoïde Rare, il siège surtout dans la parotide. Mal circonscrit, infiltrant, il est tantôt bien différencié, tantôt peu différencié. Avant d'admettre ce diagnostic, il faut éliminer l'hypothèse d'une métastase ganglionnaire d'un carcinome épidermoïde locorégional propagée secondairement à la glande. Il risque aussi d'être confondu avec certains cancers mucoépidermoïdes pauvres en cellules mucosécrétantes. Son pronostic est grave (récidives et métastases locorégionales).
Carcinome à petites cellules Tumeur à différenciation neuroendocrine, cette variété est similaire aux carcinomes pulmonaires qu'il faudra éliminer avant d'admettre un siège salivaire primitif.
Carcinome indifférencié ou carcinome lymphoépithélial Il est analogue au carcinome indifférencié nasopharyngien. Il associe en effet une prolifération de cellules épithéliales indifférenciées à un stroma lymphoïde abondant [9]. Les récidives et les métastases y sont habituelles.
Adénocarcinome dénommé par Ellis et Auclair
[26]
, SAI (sans autre indication)
Il ne serait pas rare. Sa différenciation est double, associant des glandes et des canaux, sans qu'on puisse trouver l'une ou l'autre des structures histologiques caractéristiques des autres adénocarcinomes. Cette tumeur extensive peut donner des récidives et des métastases.
Autres variétés
Nous ne ferons que citer, pour terminer, d'autres variétés de carcinomes : adénocarcinome à cellules basales, homologue malin de l'adénome à cellules basales, cystadénocarcinome, carcinome canalaire, enfin, dont les canaux dilatés sont comblés de massifs de cellules basophiles riches en mitoses et nécrose centrale (pseudocomédocarcinomes) et dont l'évolution est hautement maligne (décès en moins de 3 ans).
Tumeurs conjonctives Presque toutes sont bénignes (90 %). Ce sont des lipomes, des angiomes ou hémangiopéricytomes, des tumeurs nerveuses (neurinome, neurofibrome, névrome plexiforme) souvent observées dans le cadre d'une maladie de Recklinghausen. Les tumeurs malignes, exceptionnelles, sont des histiocytofibromes malins, des schwannomes malins, des rhabdomyosarcomes.
Lymphomes malins Ce sont pour la plupart des lymphomes non hodgkiniens [21]. Ils sont soit isolés soit associés à une maladie de système à rechercher systématiquement. Ils se greffent parfois (6 %) sur une sialadénite myoépithéliale auto-immune (syndrome de Sjögren) [33] ou sur une lésion lymphoépithéliale bénigne.
Macroscopie Ils siègent surtout dans la parotide où ils réalisent des nodules ou une masse tumorale mal limitée.
Histologie L'étude immunohistochimique, si possible sur fragment congelé, est fondamentale pour préciser le type du lymphome et le caractère monoclonal des cellules. L'aspect est parfois celui d'un lymphome B habituel, nodulaire ou diffus, à petites ou grandes cellules. Plus souvent, le lymphome, particulier, est de type MALT (mucosa-associated lymphoid tissue).
É volution Elle est fonction du type histologique. Les lymphomes de type MALT sont l'objet d'un traitement local. Les autres sont à traiter comme leurs homologues ganglionnaires.
Métastases Les métastases siègent essentiellement dans la parotide (75 %) [42]. Il s'agit le plus souvent d'invasion de la glande par des tumeurs de voisinage (carcinomes épidermoïdes ou mélanomes malins des téguments cervicofaciaux). D'autres sont secondaires à des métastases ganglionnaires intraparotidiennes. Les métastases
adénocarcinomes du rein à cellules claires).
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TUMEURS DES MAXILLAIRES Certaines lèsent les mâchoires au même titre que les autres pièces squelettiques [29] . D'autres, nées des tissus dont la structure s'apparente à celle du bourgeon dentaire, ne se rencontrent que dans les maxillaires et sont dénommées tumeurs odontogéniques.
Tumeurs odontogènes Ces tumeurs hétérogènes sont classées en trois groupes, en fonction de leur ressemblance avec tel ou tel stade du développement du bourgeon dentaire : les tumeurs épithéliales pures rappellent la structure de l'organe de l'émail, d'origine malpighienne où se différencient ensuite les améloblastes sécrétant l'émail ; les tumeurs à la fois épithéliales et conjonctives, où se retrouvent des tissus rappelant l'organe de l'émail et des tissus rappelant l'ectomésenchyme pulpaire. Dans celles-ci peut se produire une induction épithélioconjonctive qui aboutit à la formation de tissus minéralisés (émail, dentine, cément) ; les tumeurs conjonctives pures sont formées d'un tissu analogue à l'ectomésenchyme et peuvent englober quelques vestiges épithéliaux odontogéniques non tumoraux. Pour la classification de ces tumeurs, nous suivrons celle adoptée récemment par l'OMS (1992) [34]. La majorité des tumeurs odontogènes sont des tumeurs bénignes. Les variétés malignes sont exceptionnelles.
Tumeurs bénignes Tumeurs épithéliales pures Améloblastome Cette tumeur représente 1 % des tumeurs et kystes des mâchoires. Plus fréquente dans le sexe masculin, elle atteint surtout les quatrième et cinquième décennies, mais se voit aussi chez l'enfant et le vieillard. Elle siège le plus souvent dans la mandibule (80 % des cas) angle surtout, puis branche montante et région incisive. Des observations d'améloblastome périphérique ou sur kyste odontogène ont été également rapportées. Macroscopiquement, la tumeur est pleine ou kystique. Histologiquement, pronostique :
on
en
distingue
trois
variantes
de
même
signification
la forme folliculaire, la plus typique, caricature l'organe de l'émail. Elle comporte des lobules épithéliaux bordés d'une assise périphérique de cellules cylindriques améloblastiques (fig 13) et occupés en leur centre par des cellules disjointes, étoilées avec des microcavités kystiques. Au sein des follicules s'observent parfois des cellules granuleuses ou une métaplasie épidermoïde ; la forme plexiforme comporte des cordons épithéliaux anastomosés. Dans chacun, on retrouve une assise de cellules cylindriques préaméloblastiques et
une zone interne de cellules étoilées ; l'améloblastome kystique est creusé d'une ou plusieurs cavités dont la bordure épithéliale est souvent en métaplasie malpighienne. Il risque d'être confondu avec un kyste épidermoïde. Mais on retrouve en périphérie quelques îlots folliculaires typiques.
Évolution En l'absence de traitement, la tumeur est agressive, pouvant rompre la corticale osseuse et diffuser dans les parties molles. Même traitée tôt, les récidives y sont fréquentes et souvent multiples.
Tumeur odontogénique épidermoïde Cette tumeur rare se traduit radiologiquement par une ostéolyse uniloculaire. Histologiquement, les lobules de cellules épidermoïdes bien différenciées sont bordés d'une assise de cellules plates ; ils comportent souvent des calcifications. Malgré une tendance extensive, les récidives y sont rares.
Tumeur épithéliale odontogène calcifiée (tumeur de Pindborg) Elle associe à des structures épithéliales malpighiennes des dépôts d'une substance proche de l'amylose et des calcifications. Elle siège surtout, comme l'améloblastome, dans l'angle mandibulaire et s'associe souvent à une ou plusieurs dents incluses. Elle est rarement bifocale [11]. Radiologiquement : elle réalise une ostéolyse parsemée de petites opacités. Histologiquement : les cellules malpighiennes sont groupées en petits îlots, parfois clarifiés ou nécrosés. La substance amyloïde présente les affinités tinctoriales de l'amylose (rouge Congo positif avec dichroïsme en lumière polarisée, fluorescence après thioflavine T et étude en lumière ultraviolette). Les calcifications sont parfois confluentes, incrustant les dépôts amyloïdes. Ailleurs, elles se déposent sur des cellules épithéliales dégénérées, y formant des anneaux de Lisegang. Évolution : cette tumeur exceptionnelles et tardives.
guérit
après
résection.
Les
récidives
y
sont
Tumeur odontogénique à cellules claires Cette tumeur, exceptionnelle, est constituée de lobules de cellules épithéliales claires, riches en glycogène. En périphérie, on y retrouve souvent une assise de cellules cylindriques de type améloblastique, ce qui permet de confirmer sa nature odontogénique et d'éliminer d'autres tumeurs à cellules claires (adénocarcinomes salivaires ou métastases).
Tumeurs épithéliales et conjonctives Fibrome améloblastique Tumeur de l'enfant ou de l'adolescent, il siège presque toujours dans la mandibule et s'associe dans trois quarts des cas à une dent incluse. Radiologiquement, on détecte une ostéolyse bien limitée. Histologiquement, on y constate des structures épithéliales rappelant l'organe de l'émail et du tissu conjonctif simulant la papille dentaire : les cellules épithéliales sont tantôt groupées en lobules à bordure cylindrique ou cubique avec cellules disjointes au centre, tantôt disposées en travées ressemblant à la lame dentaire (fig 14). Évolution
:
après
exérèse,
les
récidives
sont
fréquentes
(43,5
%).
La
transformation sarcomateuse du conjonctif est exceptionnelle (fibrosarcome améloblastique).
Fibro-odontome améloblastique Proche de la précédente, cette tumeur contient, en plus des tissus épithéliaux et conjonctifs décrits ci-dessus, des dépôts de substances dentaires minéralisées (émail, dentine).
Odontoaméloblastome Exceptionnel, il comporte à la fois des îlots épithéliaux améloblastiques agressifs comme ceux de l'améloblastome et des tissus minéralisés dentaires (émail, dentine). Très extensif localement, il récidive souvent.
Tumeur odontogénique adénomatoïde Anciennement appelée adénoaméloblastome, cette tumeur comporte une prolifération d'épithélium odontogénique creusée de pseudocavités et un tissu conjonctif anormal. Elle affecte les sujets jeunes (deuxième-troisième décennies) et siège le plus souvent dans le maxillaire supérieur (région canine). La radiographie décèle une ostéolyse limitée, souvent associée à une dent incluse. Histologie : les cellules épithéliales sont groupées en nappes compactes [39] ou en cordons. Elles sont creusées de cavités remplies d'une substance acidophile PAS positive ressemblant à de l'amylose et interprétée par certains comme une dentine dysplasique. Évolution : pas de récidives après énucléation.
Odontomes Ils résultent d'anomalies de développement du bourgeon dentaire et sont donc plus des malformations que d'authentiques tumeurs. De découverte fortuite en radiographie chez l'enfant, ils se présentent sous forme d'une ou plusieurs opacités bien circonscrites. Histologiquement, on en distingue deux types, souvent associés : l'odontome composé, entouré d'un sac conjonctif, est constitué de multiples petites dents, renfermant chacune des tissus minéralisés dentaires et de la pulpe ; l'odontome complexe groupe de façon anarchique les mêmes tissus dentaires minéralisés et du tissu pulpaire. Ils ne récidivent pas après exérèse.
Tumeurs ectomésenchymateuses (avec ou sans inclusion d'épithélium odontogénique) Fibrome odontogénique Rare, il comporte un tissu conjonctif riche en fibroblastes et fibres collagènes. Sa nature odontogénique est confirmée par l'association possible de vestiges épithéliaux odontogéniques.
Myxome odontogénique Tumeur de l'adolescent et de l'adulte jeune, il siège surtout dans la mandibule.
Radiologiquement, il crée une ostéolyse uni- ou pluriloculaire, avec parfois rupture de la corticale. Il peut se développer au contact d'une racine dentaire, d'une dent incluse ou à la place d'une dent manquante. Histologiquement, le tissu conjonctif tumoral est fait de rares cellules fusiformes ou étoilées enchâssées dans une substance mucoïde abondante, PAS + et alcianophile. On y retrouve parfois quelques vestiges d'épithélium odontogénique. Évolution : l'énucléation est souvent incomplète, donnant lieu dans 25 % des cas à de fausses récidives. Aussi préfère-t-on à l'heure actuelle la résection à l'énucléation.
Cémentoblastome bénin Tumeur toujours appendue à la racine d'une dent (molaire ou prémolaire), elle affecte le sujet jeune. Histologiquement, on y retrouve des mottes de cément séparées par de fins axes conjonctivovasculaires renfermant des cémentoblastes. L'énucléation simple de la tumeur et de la dent correspondante n'est suivie d'aucune récidive.
Tumeurs malignes Elles sont exceptionnelles.
Carcinomes odontogéniques Ils englobent l'améloblastome malin, dont le seul critère de malignité est l'apparition de métastases, le carcinome épidermoïde primitif intraosseux, la variante maligne de la tumeur odontogénique à cellules claires, la transformation carcinomateuse de kystes odontogéniques.
Sarcomes odontogéniques (fibrosarcome et odontosarcome améloblastiques) Observés chez les adultes jeunes, ils représentent l'équivalent malin des fibromes et odontomes améloblastiques, qui peuvent les précéder. Le tissu conjonctif prend un aspect sarcomateux tandis que la composante épithéliale bénigne tend à disparaître au fur et à mesure de l'évolution. Leur agressivité locale est grande mais les métastases y sont exceptionnelles.
Tumeurs non odontogènes Elles comprennent des tumeurs bénignes et des tumeurs malignes.
Tumeurs bénignes Tumeurs ostéoformatrices Ostéome vrai Il atteint électivement les mâchoires et le massif facial (os frontal, ethmoïde). Il réalise soit une protubérance dure attachée à l'os par une base plus ou moins large, soit une opacité centro-osseuse découverte par une radiographie.
syndrome de Gärtner.
Ostéome ostéoïde et ostéoblastomes Ils sont rares dans les mâchoires.
Torus palatinus et mandibulaire Ils ont tous deux l'aspect d'excroissances osseuses situées respectivement sur le palais et sur la face interne de la mandibule. Faits d'os compact adulte, ils sont fréquents dans certaines races (Esquimaux, sujets de race noire).
Tumeurs ostéo- et cémentogènes (fibrome cémento-ossifiant) Autrefois séparés, le fibrome ossifiant et le fibrome cémentifiant, du fait de leurs intrications fréquentes et de leurs parentés histologiques, ont été regroupés par la dernière classification de l'OMS sous le terme de fibrome cémento-ossifiant. La tumeur siège surtout dans les régions molaires et prémolaires de la mandibule ; elle se présente radiologiquement sous forme d'une ostéolyse parsemée de zones opaques plus ou moins confluentes. Histologiquement, dans un tissu conjonctif riche en fibroblastes à noyau régulier, s'édifie une substance minéralisée (fig 15) dont la nature cémentaire ou osseuse est souvent difficile à préciser. En faveur du cément, la présence de nodules basophiles compacts, tandis que l'os est fait de travées différenciées bordées d'ostéoblastes et creusées de logettes ostéocytaires. Le diagnostic en est souvent difficile avec la dysplasie fibreuse dont les édifications osseuses sont moins organoïdes. Le curetage ou l'énucléation en assurent la guérison. Une forme particulière, le fibrome ossifiant juvénile [46], plus destructive, est constituée d'une trame conjonctive abondante renfermant des masses d'os immature.
Tumeurs cartilagineuses Chondrome Rare dans les mâchoires, il dérive de cartilage embryonnaire persistant anormalement après la naissance. Il comporte histologiquement des logettes contenant chacune un seul chondrocyte à noyau régulier et creusées dans une substance chondroïde abondante.
Chondroblastome et fibrome chondromyxoïde Ils sont exceptionnels.
Fibrome desmoïde Développé à partir du mésenchyme osseux, il serait non pas une tumeur vraie mais une cicatrice anarchique après un traumatisme souvent retrouvé dans les antécédents des patients. Apparu chez l'enfant et l'adolescent, il siège dans l'angle mandibulaire. Radiographiquement, il réalise une ostéolyse avec soufflure, voire rupture de la corticale. Histologiquement, s'y associent des fibroblastes et des fibres collagènes. Les récidives sont possibles.
Granulome central à cellules géantes
Individualisé initialement sous le terme de granulome réparateur à cellules géantes, il affecte les mâchoires beaucoup plus souvent que les autres os du squelette. Il atteint surtout les adolescents et adultes jeunes. Il siège dans la région des arcades dentaires (surtout mandibule). Radiologiquement, c'est une ostéolyse uniloculaire ou pluriloculaire segmentée par des cloisons osseuses. La corticale est soufflée et parfois rompue. Histologiquement [12] : sur un fond conjonctif riche en fibroblastes, on observe des cellules géantes plurinucléées (fig 16) et des hémorragies avec dépôts d'hémosidérine. L'énucléation ou le curetage amènent la guérison. Quelques récidives sont possibles. Le diagnostic, en l'absence de renseignements cliniques, peut se poser non pas tellement avec l'ostéoclastome, exceptionnel dans les mâchoires, mais avec les « tumeurs brunes » de l'hyperparathyroïdie et le chérubisme (maladie familiale kystique multiloculaire des mâchoires).
Autres tumeurs conjonctives et tumeurs nerveuses Angiomes : rares dans les mâchoires, ils sont le plus souvent de type caverneux. Angiodysplasies actives : ce sont des malformations exceptionnelles. Lipome et léiomyome. Tumeurs nerveuses : il s'agit le plus souvent de schwannomes développés aux dépens du nerf dentaire inférieur dans la mandibule. Histologiquement, on y retrouve les deux mêmes types A et B d'Antoni que dans les autres localisations. Les neurofibromes s'observent dans le cadre d'une maladie de Recklinghausen.
Tumeur mélanotique neuroectodermique (melanotic prognoma) Dérivée de la crête neurale, c'est une tumeur du nourrisson qui siège presque toujours dans le maxillaire. Histologiquement, à des cellules cubiques disposées en pseudolobules s'associent de petites cellules rondes pseudolymphocytaires. Du pigment mélanique est mis en évidence, surtout dans les cellules cubiques. Évolution : malgré une agression locale importante, il n'y a pas de récidive après exérèse.
Histiocytose X (histiocytose langerhansienne) De nature controversée, il s'agirait non pas d'une tumeur vraie mais d'une maladie dysimmune suscitant la prolifération de cellules de Langerhans. L'atteinte des mâchoires y est fréquente, au même titre que les autres localisations osseuses. Elle y est révélée par une mobilité anormale ou une expulsion de dents saines, parfois par une tuméfaction gingivale ou une fracture spontanée [14]. Histologiquement, il s'agit d'un granulome inflammatoire riche en éosinophiles, contenant un plus ou moins grand nombre d'histiocytes. L'étude immunohistochimique permet de caractériser les cellules de Langerhans (positivité de la protéine S 100 et de l'OKT 6). La microscopie électronique objectiverait les corps de Birbeck spécifiques.
Tumeurs malignes
Fibrosarcome Il est exceptionnel dans les maxillaires. Son diagnostic ne peut être retenu qu'après élimination des aspects fibrosarcomateux observés dans certains ostéosarcomes ou chondrosarcomes indifférenciés.
Chondrosarcome Il survient plus souvent dans le maxillaire que dans la mandibule
[30]
.
Histologiquement, on en distingue trois types de gravité croissante : le type I très différencié, ressemble à un chondrome bénin, mais on y note quelques anomalies nucléaires ; le type II comporte un tissu cartilagineux (fig 17) dont les logettes contiennent souvent plusieurs cellules avec des noyaux irréguliers et des mitoses fréquentes ; le type III, indifférencié, présente une substance fondamentale, jeune, myxoïde renfermant des cellules fusiformes ou étoilées. D'autres variétés ont été décrites : chondrosarcome mésenchymateux associant à des zones chondroïdes des secteurs anaplasiques à cellules fusiformes qui s'agencent souvent autour de vaisseaux [23] ; chondrosarcome à cellules claires : il est rare.
Ostéosarcome Il représente 6 à 7 % des ostéosarcomes du squelette . Il survient plus souvent chez l'homme (deux hommes pour une femme) et à un âge plus élevé (25 à 30 ans) que l'ostéosarcome des os longs . Son apparition est favorisée par une irradiation antérieure pour tumeur bénigne pendant l'enfance, par une maladie de Paget osseuse, ou une dysplasie fibreuse polyostotique. Radiologiquement, on constate une ostéolyse parsemée de zones opaques avec fréquente rupture de la corticale et extension dans les parties molles en particulier la gencive. Histologiquement, la tumeur habituellement hétérogène, est classée en trois types : type I, différencié, juxtacortical périosté ou intramédullaire ; type II squelettogène (fig 18) (70 % des cas) ; type III télangiectasique ou anaplasique à cellules rondes ou à petites cellules. Le pronostic en a été amélioré, comme dans le reste du squelette, par la chimiothérapie pré- et postopératoire .
Sarcome d'Ewing Tumeur de l'enfant, il est formé de cellules jointives à cytoplasme clair, riche en glycogène, à noyau vésiculeux et peu nucléolé. Celles-ci se disposent en nappes lobulées par des septa conjonctifs grêles. La nécrose y est fréquente.
Autres sarcomes Ostéoclastomes malins, exceptionnels dans les mâchoires, histiocytome fibreux malin, liposarcome, rhabdomyosarcome, angiosarcome, schwannome malin.
Lymphomes Plasmocytomes Tumeurs du sujet âgé, ils peuvent être l'expression locale parfois inaugurale d'un myélome plasmocytaire multiple du squelette. Le caractère monomorphe des cellules, la présence d'atypies nucléaires, le caractère monotypique de l'immunoglobuline sécrétée (kappa ou lambda) permettent d'affirmer le diagnostic.
Lymphomes proprement dits
[40]
Ils peuvent être secondaires à un lymphome ganglionnaire ou buccal ou apparaître primitifs. Il s'agit le plus souvent de lymphomes de haut grade, à grandes cellules. Leur pronostic semble toutefois meilleur que celui de leurs homologues ganglionnaires [15]. Signalons la fréquente localisation dans les mâchoires du lymphome de Burkitt chez l'enfant.
Métastases Pour la plupart ostéolytiques, elles surviennent habituellement dans le contexte d'une dissémination métastatique diffuse. Elles sont rarement révélatrices du cancer primitif latent. Elles s'observent surtout dans les cancers ostéophiles (cancers du sein, de la prostate, de la thyroïde) mais aussi dans les carcinomes digestifs, les cancers bronchiques et les mélanomes malins.
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Fig 1 :
Fig 1 : Papillome-épithélium malpighien épaissi avec kératine en surface. Hématéine-éosine × 40.
Fig 2 :
Fig 2 : Lymphangiome lingual. Cavités vasculaires remplies de lymphe. Hématéine-éosine × 40.
Fig 3 :
Fig 3 : Carcinome épidermoïde intraépithélial. Stratification irrégulière des cellules et basophilie. Inflammation dans le chorion. Hématéine-éosine × 100.
Fig 4 :
Fig 4 : Carcinome épidermoïde invasif. Présence, dans le chorion, de lobules de cellules carcinomateuses, centrés souvent par des globes cornés. Hématéine-éosine × 40.
Fig 5 :
Fig 5 : Sarcome de Kaposi : prolifération de fibroblastes tumoraux autour de lumières capillaires à bordure endothéliale aplatie. Hématéine-éosine × 250.
Fig 6 :
Fig 6 : Adénome pléomorphe parotidien. Association de plages claires, myxoïdes et de zones sombres riches en cellules myoépithéliales. Hématéine-éosine × 100.
Fig 7 :
Fig 7 : Adénome pléomorphe parotidien. Zone myxoïde avec cellules myoépithéliales fusiformes ou étoilées. Hématéine-éosine × 400.
Fig 8 :
Fig 8 : Tumeur de Warthin (cystadénolymphome) de la parotide. Végétations tapissées par un épithélium clair. Zones sombres correspondant à des amas de lymphocytes. Hématéine-éosine × 40.
Fig 9 :
Fig 9 : Carcinome à cellules acineuses de la parotide. Cellules à cytoplasme granuleux, chargé de grains de sécrétion. Hématéine-éosine × 40.
Fig 10 :
Fig 10 : Carcinome mucoépidermoïde. Cavités remplies de mucus et bordées par des cellules mucosécrétantes (cellules sombres), au sein de massifs épidermoïdes. PAS × 250.
Fig 11 :
Fig 11 : Carcinome adénoïde kystique. Aspect cribriforme. Massifs épithéliaux creusés de cavités à contenu mucoïde. Hématéine-éosine × 250.
Fig 12 :
Fig 12 : Carcinome épithélial-myoépithélial de la parotide. Tubes bordés par une assise de cellules épithéliales cubiques. En périphérie, cellules claires de nature myoépithéliale. Hématéine-éosine × 250.
Fig 13 :
Fig 13 : Améloblastome mandibulaire. Follicule bordé par une assise de cellules cylindriques (améloblastes) ; cellules disjointes au centre. Hématéine-éosine × 250.
Fig 14 :
Fig 14 : Fibrome améloblastique. Cellules conjonctives dans une substance fondamentale lâche ; deux îlots améloblastiques au centre. Hématéine-éosine × 250.
Fig 15 :
Fig 15 : Fibrome ostéocémentifiant. Trame de tissu conjonctif riche en fibroblastes. Masses minéralisées à contours irréguliers de type cémentaire. Hématéine-éosine × 250.
Fig 16 :
Fig 16 : Granulome central à cellules géantes. Tissu conjonctif riche en fibroblastes et nombreuses cellules géantes plurinucléées. Hématéine-éosine × 250.
Fig 17 :
Fig 17 : Chondrosarcome du maxillaire. En bas, différenciation cartilagineuse nette avec logettes chondrocytaires au sein de la chondrine. En haut, accumulation de chondrocytes tumoraux. Hématéine-éosine × 400.
Fig 18 :
Fig 18 : Ostéosarcome mandibulaire. Prolifération d'ostéoblastes à contours irréguliers, à noyaux hyperchromatiques. Fines travées d'osséine sécrétées par les cellules. Hématéine-éosine × 400.
* Les NOR (nucleolar organizers regions) ou organisations nucléolaires, mis en évidence dans les noyaux par argentation (AgNOR1), sont d'autant plus nombreux que la tumeur est plus proliférante.
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Biopsie M.-M. Auriol, G. Le Naour La biopsie demeure un geste indispensable pour le diagnostic de nombreuses affections inflammatoires ou tumorales de la sphère bucco-cervico-faciale. Elle consiste, classiquement, à prélever un fragment de tissu vivant et à en préserver la morphologie par une fixation immédiate en vue de l’étude histologique ultérieure. Reste au clinicien, dans tous les cas, à faire la synthèse entre les résultats anatomopathologiques et les constatations cliniques et à permettre ainsi une démarche thérapeutique adaptée. À la biopsie classique sont venues s’adjoindre, ces dernières décennies, diverses techniques complémentaires : examen extemporané en cours d’intervention chirurgicale pour s’assurer par exemple de l’intégrité des limites de résection périphériques d’une tumeur ou pour apprécier l’existence ou non de métastases ganglionnaires ; méthodes cytologiques, qu’elles s’adressent à des liquides de ponction ou à des frottis d’apposition effectués sur une lésion muqueuse ou sur la tranche de section d’un ganglion. Des moyens d’investigation perfectionnés comme la microscopie électronique, l’immunohistochimie et maintenant la biologie moléculaire, peuvent être appliqués aux fragments biopsiés ou aux produits de cytologie. Ils nécessitent, pour la plupart, des conditions de conservation différentes (congélation pour certaines réactions immunohistochimiques et pour la biologie moléculaire, fixateurs spéciaux pour la microscopie électronique). Si la biopsie demeure indispensable pour le dépistage des tumeurs malignes et pour le choix des thérapeutiques qui leur sont appliquées, elle n’est pas dépourvue de quelques risques et doit donc rester le domaine de médecins compétents, seuls capables d’en poser les indications et d’en éviter les écueils. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Biopsie extemporanée ; Frottis buccaux ; Histologie ; Cytologie ; Immunohistochimie ; Microscopie électronique
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
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¶ Biopsie simple Étapes techniques Principales indications de la biopsie
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¶ Biopsie-exérèse
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¶ Biopsie extemporanée (ou biopsie peropératoire) Technique Indications Contre-indications
5 5 5 6
¶ Cytologie exfoliative Technique Lecture au microscope Résultats Intérêt et limites de la cytologie
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¶ Cytoponction
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¶ Techniques particulières Immunohistochimie Microscopie électronique
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¶ Biologie moléculaire
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Stomatologie/Odontologie
La biopsie est d’utilisation courante en pathologie stomatologique. Les résultats en sont très fiables dans la mesure où un certain nombre de règles sont respectées, tant dans le mode de prélèvement que dans la technique ultérieure au laboratoire d’anatomie pathologique. [1, 2]
■ Biopsie simple Étapes techniques Technique de prélèvement Elle nécessite un matériel simple : un bistouri froid à lame pointue, une paire de ciseaux et une pince biopsique. Le bistouri électrique et le laser sont contre-indiqués du fait de leur action nocive sur les tissus (coagulation). Il faut éviter également les écrasements du fragment par la pince à disséquer. La biopsie est pratiquée le plus souvent sous anesthésie locale en utilisant un liquide dépourvu de vasoconstricteurs, injecté autour de la lésion et non en plein cœur de celle-ci afin d’empêcher toute dilacération artificielle des tissus. Plus rarement, on l’effectue sous anesthésie générale en cas de lésion profonde (squelette facial, glandes salivaires principales) ou lors d’un bilan endoscopique d’extension d’un cancer. Le fragment doit être prélevé en pleine lésion, en évitant les territoires nécrotiques. Il doit être suffisamment volumineux
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(0,5 à 1 cm de long en moyenne) pour permettre une orientation ultérieure correcte lors de l’inclusion en paraffine et de la coupe. Il doit être assez profond pour intéresser non seulement l’épithélium, mais aussi le chorion sous-jacent.
Fixation Temps initial fondamental pour préserver l’aspect du tissu à examiner, la fixation incombe au clinicien. Elle doit être rapide, sans laisser le fragment se dessécher sur une compresse. Elle nécessite une quantité suffisante de liquide (en moyenne 10 fois le volume du fragment). On vérifie toujours que le fragment est correctement immergé. Les fixateurs les plus utilisés sont le liquide de Bouin (mélange d’acide picrique, de formol et d’acide acétique) ou le formol du commerce dilué de moitié. Si plusieurs prélèvements sont effectués chez le même patient, il faut prévoir plusieurs pinces à biopsie pour éviter les souillures, et un flacon par fragment.
Envoi de la biopsie au laboratoire
Figure 1. Biopsie de la muqueuse buccale. Kératose orthokératosique. Épithélium malpighien épaissi, mais régulièrement stratifié avec plusieurs assises de cellules granuleuses (flèche) sous une abondante couche de kératine (K).
Chaque biopsie doit être accompagnée d’une fiche de renseignements dûment remplie par le clinicien. Celle-ci comporte obligatoirement nom et prénom du patient, date de naissance complétés par des renseignements cliniques mentionnant le siège exact du prélèvement, l’aspect macroscopique de la lésion et le diagnostic évoqué cliniquement. Les antécédents sont éventuellement à mentionner.
Confection du document histologique Arrivé au laboratoire d’anatomie pathologique, le prélèvement subit une série de manipulations stéréotypées qui conduisent à la confection d’un bloc solide de paraffine, sécable au microtome. Après déshydratation dans des alcools à concentration croissante et passage dans le xylène, le fragment est inclus dans de la paraffine chaude. Celle-ci se solidifie après refroidissement et on obtient un bloc que l’on coupe au microtome. Les coupes ainsi obtenues ont une épaisseur moyenne de 3 à 5 µm. Ces coupes sont ensuite étalées sur lames de verre et colorées par la méthode de routine (hématéine-éosine-safran : HES) éventuellement complétée par des techniques d’appoint qui permettent par exemple la détection d’une mucosécrétion (acide périodique Schiff : PAS ou bleu alcian) ou l’appréciation de la teneur en fibres de collagène, en réticuline ou en élastine d’un tissu conjonctif (trichrome de Masson, argentation de Vilder, orcéine). La durée totale de cette technique est de 2 à 5 jours selon la taille du fragment.
Principales indications de la biopsie Applicable à la plupart des lésions buccales, la biopsie doit toutefois être proscrite en cas de suspicion d’un angiome, car elle risque de provoquer une hémorragie incoercible. De même, dans les lésions pigmentées, on lui préférera une exérèse d’emblée afin d’éviter les risques de dissémination d’un éventuel mélanome malin.
Biopsie de la muqueuse buccale Elle a pour but essentiel la détection d’un carcinome. Elle est indispensable dès qu’existe la moindre suspicion de cancer. Ainsi : • toute lésion rouge, a priori suspecte d’une érythroplasie ou d’un carcinome in situ, doit être biopsiée ; • toute lésion blanche isolée apparue récemment sur une muqueuse saine, toute lésion blanche uni- ou multifocale connue dans le cadre d’un lichen ou d’une candidose chronique, ou toute leucokératose essentielle doit être impérativement biopsiée si elle se modifie (aspect végétant, fissuration ou ulcération, induration de la base).
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Figure 2. Biopsie de la muqueuse buccale. Carcinome intraépithélial (OIN III). Épithélium malpighien basophile, irrégulièrement stratifié, à noyaux de taille variable, avec réaction inflammatoire dans le chorion.
Par la biopsie et seulement par elle, on précise s’il s’agit : • d’une kératose simple, non dysplasique, avec cellules épithéliales régulièrement stratifiées, sans anomalies cytonucléaires ni activité mitotique anormale et couche superficielle d’orthokératose (Fig. 1) ou de parakératose ; • d’une dysplasie (néoplasie intraépithéliale orale : OIN)3, dont on évalue le degré : dysplasie légère (OIN I) avec anomalies cytologiques portant seulement sur le tiers basal de l’épithélium ; dysplasie modérée dite de bas grade (OIN II) ; dysplasie sévère dite de haut grade (OIN III) équivalente d’un carcinome intraépithélial, avec anomalies cytologiques intéressant toute l’épaisseur de l’épithélium et mitoses visibles jusqu’en surface (Fig. 2,3) ; • d’un carcinome micro-invasif avec quelques brèches dans la membrane basale épithéliale laissant filtrer des boyaux carcinomateux dans le chorion superficiel ; • d’un carcinome épidermoïde infiltrant, dont on apprécie le degré de différenciation, les cancers bien différenciés étant a priori de meilleur pronostic que les tumeurs peu différenciées ou indifférenciées. La biopsie est également très utile au diagnostic d’affections dermatologiques vésiculobulleuses. Dans de telles circonstances, il faut rappeler quelques particularités de la technique biopsique : • ici, le prélèvement doit porter sur la totalité d’une bulle lorsque celle-ci n’est pas ulcérée ou doit se faire à cheval sur la lésion et la zone saine, lorsque la bulle a perdu son toit, ce qui est quasi constant en milieu buccal (Fig. 4). Ainsi peut-on préciser le siège intraépithélial (pemphigus) ou sous-épithélial Stomatologie/Odontologie
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Figure 3. Biopsie de la muqueuse buccale. Carcinome intraépithélial (OIN III) de forme bowenoïde. Présence, dans l’épaisseur de l’épithélium, de grosses cellules tumorales arrondies à noyau bourgeonnant (flèche).
Figure 4. Biopsie de la muqueuse buccale. Bulle de pemphigus ulcérée. Ulcération tapissée d’exsudats fibrinoleucocytaires (étoile) ; bordure épithéliale de la bulle avec ébauche de décollement (flèche) intraépithélial entre l’assise épithéliale basale et les kératinocytes sus-jacents (K).
(érythème polymorphe, pemphigoïde) de la bulle et détecter une éventuelle étiologie (inclusions virales de l’herpès, cellules acantholytiques du pemphigus) ; • par ailleurs, afin de permettre l’étude des anticorps antitissulaires (anti-immunoglobulines, anticomplément, antifibrine), pratiquée en immunofluorescence, il faut dans la mesure du possible congeler un fragment dans l’azote liquide ou le faire porter frais immédiatement au laboratoire.
Autres régions Glandes salivaires accessoires Technique de prélèvement. On prélève habituellement les glandes salivaires accessoires labiales inférieures mais certains auteurs [4] ont prôné l’étude des glandes salivaires palatines ou, plus récemment, celle de la glande sublinguale de même structure histologique, ce qui permet l’obtention d’une plus grande quantité de parenchyme salivaire. Le prélèvement des glandes salivaires labiales est très simple : après incision de la muqueuse sur le versant interne muqueux de la lèvre, à mi-distance entre la commissure et la ligne médiane, on prélève isolément par excision quatre à six glandes accessoires, puis on suture la plaie. Indications. Elles sont de plus en plus fréquentes : • recherche de l’étiologie d’un syndrome sec buccal ou oculaire ; • recherche d’un syndrome de Sjögren primitif ou secondaire, en cas de maladie du collagène connue (sclérodermie, polyarthrite rhumatoïde, lupus, etc…) ; Stomatologie/Odontologie
Figure 5. Glande salivaire accessoire normale. Canaux excréteurs (C) ; acini (étoile).
Figure 6. Glande salivaire accessoire. Sarcoïdose. Destruction presque complète de ce lobule glandulaire par des amas (flèche) de cellules épithélioïdes avec quelques cellules géantes ; nombreux lymphocytes périphériques ; rares canaux excréteurs résiduels (C).
• diagnostic d’une maladie générale (sarcoïdose ou amylose) dont les glandes salivaires accessoires sont un des reflets fidèles de la diffusion anatomique. Résultats. Les glandes examinées peuvent être normales (Fig. 5), ce qui ne permet pas d’infirmer un diagnostic présumé. Elles sont souvent atrophiques chez le sujet âgé, avec réduction possible de la surface acineuse à 50 % après 70 ans et substitution de tissu adipeux au parenchyme sécrétoire. Dans d’autres cas, la biopsie permet un diagnostic de certitude : • mise en évidence d’un granulome épithélioïde et gigantocellulaire, quasi pathognomonique d’une sarcoïdose (Fig. 6) ; • découverte de dépôts amyloïdes (Fig. 7,8), [5, 6] dichroïques en lumière polarisée après coloration par le rouge Congo (Fig. 9,10). La nature AA ou AL de ces dépôts sera précisée après réaction de Wright ou utilisation de méthodes immunohistochimiques (anticomposant P, anti-SAA, anti-SAL) ; • présence d’infiltrats lymphoïdes nécessaires au diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren. Les critères établis par Chisholm et Mason en 1969 sont toujours utilisés à l’heure actuelle. Pour que le diagnostic soit possible, il faut exiger au moins un nodule lymphoïde de plus de 50 cellules/4 mm2 de glande. Selon le nombre total des nodules, on définit les stades III (un nodule) ou IV (plus d’un nodule) de Chisholm [7] (Fig. 11), les stades I et II ne comportant que des infiltrats lymphocytaires non nodulaires, non significatifs. Biopsie osseuse Elle est effectuée le plus souvent sous anesthésie générale et examinée après décalcification préalable dans des liquides appropriés, ce qui allonge le délai de réponse. Il faut en
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Figure 7. Glande salivaire accessoire. Dépôts d’amylose colorés en rose avec persistance des canaux excréteurs (C). Quelques acini résiduels (étoile).
Figure 8. Dépôts amyloïdes roses, circulaires, autour des canaux striés et des acini.
Figure 9. Biopsie de glande salivaire accessoire. Amylose. Coloration par le rouge Congo : coloration orangée des dépôts amyloïdes.
connaître les limites de fiabilité. En effet, le fragment étant de petite taille, l’interprétation peut en être aléatoire, étant donné la diversité structurale de la plupart des tumeurs observées dans le massif facial. Ainsi, la présence de cellules géantes nombreuses peut correspondre à des entités diverses : granulome à cellules géantes (Fig. 12), chérubisme, tumeur brune de l’hyperparathyroïdie. De même, un aspect myxoïde, s’il peut correspondre à un myxome vrai, peut aussi appartenir à une tumeur
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Figure 10. Biopsie de glande salivaire accessoire. Amylose. Étude en lumière polarisée : biréfringence des dépôts amyloïdes.
Figure 11. Glande salivaire accessoire. Syndrome de Sjögren. Infiltrats lymphocytaires abondants (flèche). Persistance des canaux excréteurs (C), raréfaction des acini (étoile).
Figure 12. Biopsie osseuse mandibulaire. Granulome central à cellules géantes. Cellules géantes plurinucléées au sein de cellules fusiformes (fibroblastes).
maligne (ostéosarcome ou chondrosarcome). C’est dire l’intérêt d’une confrontation étroite, clinique, radiologique et histologique pour aboutir à un diagnostic exact. Plus rarement, la biopsie permet le diagnostic de métastase d’une tumeur maligne située à distance. Celle-ci peut être soit révélatrice d’une tumeur primitive latente (par exemple certains carcinomes digestifs), Stomatologie/Odontologie
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Figure 13. Biopsie mandibulaire. Métastase d’un épithélioma du sein. Nombreuses cellules épithéliomateuses indépendantes ou groupées en massifs.
Figure 15. Biopsie ganglionnaire. Métastase d’un carcinome épidermoïde buccal. Lymphocytes résiduels du ganglion (L) ; lobules métastatiques de cellules épidermoïdes bien différenciées.
• orientée par le chirurgien, soit à l’aide de fils repérant par exemple l’avant, soit par épinglage sur liège accompagné d’inscriptions précisant les directions, ou d’un schéma sur une feuille d’accompagnement ; • électrocoagulation éventuelle du lit de la tumeur après son ablation. De telles biopsies-exérèses nécessitent toujours l’étude par l’anatomopathologiste des limites de résection muqueuses et profondes afin de s’assurer que celles-ci passent en zone saine.
■ Biopsie extemporanée (ou biopsie peropératoire) Figure 14. Immunohistochimie. Sérum anticytokératine (KL1). Métastase mandibulaire d’un épithélioma du sein : marquage brunâtre de toutes les cellules épithéliomateuses ; rares travées osseuses résiduelles (OS).
soit observée dans le contexte d’un essaimage osseux diffus (adénocarcinome mammaire ou prostatique) (Fig. 13,14). Biopsie ganglionnaire Celle-ci consiste, en fait, en l’exérèse d’un ganglion pour en préciser la nature inflammatoire ou tumorale. Ce ganglion doit, si possible, être envoyé frais au laboratoire (en milieu hospitalier) pour permettre des frottis d’apposition sur la tranche de section et surtout certaines études immunohistochimiques indispensables au diagnostic des lymphomes et à leur typage exact. Ces dernières ne peuvent être effectuées, pour la plupart, que sur un tissu congelé, sans fixation préalable. La détection des métastases de cancer épidermoïde est une des indications majeures de la biopsie ganglionnaire (Fig. 15).
■ Biopsie-exérèse Elle consiste à enlever une lésion en entier, sans en connaître au préalable la nature exacte. Couramment utilisée en matière de tumeur présumée bénigne et de petite taille, elle s’adresse à diverses tumeurs bénignes cutanées (nævi) ou muqueuses (papillomes). Elle a également ses adeptes en matière de tumeur maligne, mais certaines précautions doivent alors être rigoureusement respectées : • tumeur de petite taille (quelques millimètres à 1 centimètre) ; • enlevée en passant à distance, grâce à un bistouri froid ; Stomatologie/Odontologie
Ce type d’examen permet un diagnostic en quelques minutes, mais sa lecture peut être difficile, du fait de l’épaisseur plus grande des coupes et de leur coloration moins fine.
Technique Le plus souvent, le fragment est durci par réfrigération et coupé avec un microtome à congélation. Les coupes de 5 µm d’épaisseur, recueillies dans l’eau, sont ensuite placées sur une lame et colorées par le bleu de toluidine ou par l’hématéineéosine. La coupe au cryostat à l’aide d’un microtome performant permet l’obtention de coupes plus fines (3 µm) mais de surface limitée et n’est utilisable qu’en milieu hospitalier. D’autres appareils sophistiqués sont facilement transportables pour la pratique d’examens extemporanés en clinique, à distance d’un laboratoire d’anatomie pathologique.
Indications Cet examen peropératoire est indiqué en matière de chirurgie stomatologique dans plusieurs circonstances.
Curages ganglionnaires Il s’agit de savoir s’il y a ou non métastase et de compléter éventuellement un curage fonctionnel en curage radical. Notons à ce sujet l’intérêt des frottis d’apposition qui explorent rapidement plusieurs ganglions et permettent de ne couper en congélation que ceux qui paraissent suspects.
Étude des limites d’exérèse d’un cancer Leur étude est parfois indiquée. Certains sont adeptes de l’étude extemporanée des bords, soit séparés d’avance par le chirurgien, soit prélevés par l’anatomopathologiste sur la pièce
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montée fraîche au laboratoire. Mais cette méthode d’examen, assez grossière, n’est pas infaillible. Aussi, beaucoup préfèrent l’étude ultérieure des limites prélevées par l’anatomopathologiste après fixation de la pièce.
Tumeurs salivaires parotidiennes L’examen extemporané, à défaut de biopsie rarement pratiquée avant l’intervention, permet de préciser la nature exacte de la lésion et de compléter éventuellement l’exérèse par une parotidectomie totale, tant en cas d’adénome pléomorphe que dans les tumeurs malignes.
Contre-indications Il faut se souvenir que l’examen extemporané n’est pas fiable dès que l’on suspecte un lymphome ou certaines tumeurs épithéliales ou conjonctives rares dont la nature véritable ne sera précisée que par l’étude histologique, couplée à d’autres méthodes complémentaires (immunohistochimie).
Figure 16. Frottis buccal inflammatoire. Nombreux leucocytes polynucléaires et cellules épithéliales superficielles d’aspect normal.
■ Cytologie exfoliative Cette méthode non agressive est facile à exécuter dans la cavité buccale et donne des résultats rapides et comparables en tous points à ceux obtenus en gynécologie sur les frottis cervicovaginaux.
Technique Le prélèvement est effectué avec un écouvillon ou une spatule par grattage suffisamment profond, sans faire saigner toutefois. Le produit recueilli est étalé sur lames soigneusement dégraissées, en évitant d’écraser les cellules. Le séchage doit être immédiat et rapide par simple agitation de la lame à la main ou par application d’une laque (comme en matière de frottis vaginaux). Les éventuelles indications portées sur chaque lame (par exemple initiales du nom du patient) devront l’être du côté du frottis. Les lames sont ensuite placées dans des boîtes adaptées afin d’éviter leur bris pendant le transport. L’envoi à l’anatomopathologiste est accompagné, comme pour les biopsies, de renseignements précis (nom, âge, sexe, site du prélèvement, aspect clinique de la lésion, diagnostic évoqué). Si des frottis sont effectués en différents sites, ils sont numérotés séparément. Au laboratoire, ces frottis sont colorés par la méthode de Papanicolaou ou par l’hématéine-éosine. Pour cette dernière technique, on fait agir 3 minutes l’hémalun (colorant nucléaire) ; après rinçage à l’eau courante et passage par le carbonate de lithium, on applique pendant 1 minute l’éosine (colorant cytoplasmique). Après rinçage à l’eau et déshydratation, les coupes sont montées à l’Eukitt.
Lecture au microscope Elle permet d’apprécier les éléments suivants.
Qualité du frottis Elle est mauvaise lorsque les cellules épithéliales sont rares ou lorsqu’elles sont nombreuses et, de ce fait, superposées les unes aux autres et plus ou moins écrasées.
Aspect du fond du frottis Il est selon les cas, propre, inflammatoire (Fig. 16) ou hémorragique.
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Figure 17. Frottis buccal sur bulle. Amas de cellules épithéliales acantholytiques à gros noyau et à cytoplasme peu abondant (cellules de Tzanck caractéristiques d’un pemphigus) ; fond du frottis hémorragique.
Existence possible de structures non épithéliales Il peut s’agir de cellules inflammatoires (polynucléaires, macrophages), d’agents pathogènes (filaments mycéliens ou spores).
Analyse précise des cellules épithéliales On tient compte de leur nombre, de leurs types et de leurs éventuels groupements.
Cellules normales Les seules exfoliées dans les frottis sains sont des cellules superficielles, polygonales souvent plicaturées à petit noyau central, à cytoplasme abondant et des cellules intermédiaires un peu plus volumineuses à noyau plus gros. D’autres cellules normales, mais plus profondes, se rencontrent en cas d’ulcération (notamment inflammatoire) ; il s’agit de cellules parabasales arrondies à gros noyau central.
Autres cellules d’aspect anormal Elles s’observent dans divers processus lésionnels : • dans les viroses (herpès), des cellules épithéliales à noyaux bourgeonnants ou multiples avec inclusions virales sont fréquentes ; • dans le pemphigus, des cellules acantholytiques isolées ou groupées en petits amas (cellules de Tzanck) s’exfolient sur les frottis (Fig. 17) ; Stomatologie/Odontologie
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Figure 18. Frottis buccal. Présence de cellules tumorales de type épidermoïde. Cellules à cytoplasme tantôt basophile, tantôt acidophile avec volumineux noyaux hyperchromatiques.
Figure 19. Frottis buccal. Candidose. Coloration à l’acide périodique Schiff (PAS). Nombreux hyphes mycéliens PAS positifs ; fond du frottis avec cellules épithéliales normales.
• des cellules dysplasiques et tumorales caractérisent les processus carcinomateux. Celles-ci présentent des modifications conjointes de leur noyau et de leur cytoplasme (Fig. 18) : les noyaux sont augmentés de volume et hyperchromatiques (fortement colorés par l’hématéine du fait de leur richesse en acide désoxyribonucléique) avec une augmentation du rapport nucléocytoplasmique. Leur taille varie d’une cellule à l’autre, ce qui définit l’anisocaryose. Les nucléoles y sont volumineux et souvent multiples. Quant aux mitoses, elles sont rarement observées cytologiquement. Le cytoplasme est basophile (par augmentation de l’acide ribonucléique) ou parfois acidophile, dyskératosique (cellules à cytoplasme chargé de kératine). Mais ces critères, soulignons-le, ne sont ni constants ni spécifiques. Ils ne permettent pas, entre autres, de différencier une dysplasie d’un authentique carcinome invasif.
sous forme de cellules d’aspect normal. De même, les cancers développés en profondeur à partir des assises parabasales et tapissés souvent d’une abondante kératinisation, peuvent rester muets sur les frottis. Les faux positifs sont beaucoup plus rares. En l’absence de renseignement clinique, on peut confondre les cellules acantholytiques du pemphigus ou les cellules d’une inflammation virale avec des cellules cancéreuses.
Résultats Ils sont exprimés par formulation de la conclusion diagnostique : • les frottis normaux, plus ou moins inflammatoires, ont un fond plus ou moins riche en leucocytes polynucléaires et ne contiennent que les variétés superficielles et intermédiaires des cellules épithéliales, avec parfois quelques cellules parabasales ; • les frottis renfermant des cellules atypiques, suspectes, ne permettent pas de conclusion formelle et imposent une biopsie pour un diagnostic histopathologique précis ; • les frottis avec cellules d’aspect carcinomateux ne permettent pas, du fait de l’absence de notion architecturale, de différencier OIN III (dysplasie sévère, carcinome in situ), des carcinomes micro-invasifs et invasifs. Là encore, la biopsie s’impose impérieusement pour évaluer la lésion et son degré d’infiltration.
Intérêt et limites de la cytologie [8,
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Cytodétection Les frottis sont très fiables dans la cytodétection du cancer buccal (95 % de résultats concordants avec ceux de la biopsie). Toutefois, il faut connaître la possibilité de faux négatifs : • ceux-ci peuvent être imputables à l’opérateur (frottis trop épais ou hémorragique) ou à l’anatomopathologiste (lecture trop rapide ou méconnaissance de cellules anormales rares) ; • ils sont surtout liés au type de cancer lui-même. Ainsi, les carcinomes verruqueux, fréquents dans la bouche et la sphère otorhinolaryngologique, hautement différenciés, s’exfolient Stomatologie/Odontologie
Surveillance • Les cancers traités, qu’il s’agisse d’électrocoagulation, de radiothérapie ou de chimiothérapie, sont fréquemment la source de frottis « faux positifs ». En effet, tous ces traitements entraînent des régénérations épithéliales atypiques, dysplasiques, qui peuvent persister des mois après la fin du traitement. • Dans la surveillance des lésions blanches multiples, les frottis sont utiles pour détecter la cancérisation d’un lichen, d’une candidose chronique ou d’une leucoplasie essentielle. Ils permettent d’orienter la biopsie ultérieure sur la zone suspecte cytologiquement.
En urgence Des frottis peuvent être utiles pour détecter rapidement viroses et mycoses (Fig. 19) chez les sujets immunodéprimés (syndrome de l’immunodéficience acquise, transplantés). En conclusion, les frottis, de technique aisée, sont un bon moyen d’exploration des lésions buccales. Mais ils ont leurs limites et doivent toujours être complétés par la biopsie avant tout traitement anticancéreux.
■ Cytoponction Pratiquée dans les ganglions cervicaux, les nodules parotidiens ou les masses cervicofaciales, la cytoponction peut ramener un liquide d’aspect purulent qui, cytologiquement, est constitué de polynucléaires plus ou moins altérés et de macrophages. Elle permet également la détection aisée de carcinomes épidermoïdes, en particulier dans les métastases ganglionnaires. Ses résultats sont limités en matière de lymphome, car un diagnostic précis ne peut être posé qu’à la vue de l’ensemble architectural du ganglion et d’études immunohistochimiques approfondies.
■ Techniques particulières Elles sont applicables, tant aux fragments biopsiés qu’aux produits de cytologie.
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Immunohistochimie Cette technique, apparue cette dernière décennie, s’avère de plus en plus indispensable pour bon nombre de diagnostics histologiques. Elle repose sur l’utilisation d’anticorps polyclonaux ou monoclonaux marqués à la fluorescéine ou à la peroxydase pour la détection d’antigènes cellulaires ou extracellulaires très divers.
Technique Certains anticorps sont étudiés après inclusion en paraffine, mais beaucoup nécessitent un traitement particulier du fragment. Celui-ci doit être immergé frais et immédiatement dans l’azote liquide et conservé au congélateur à − 70 °C (après protection par du papier d’aluminium). Étude en immunofluorescence Elle permet la mise en évidence en lumière ultraviolette de réactions antigène-anticorps sur les cellules ou les substances intercellulaires grâce à l’utilisation d’un anticorps purifié préparé sur l’animal et couplé à un marqueur fluorescent. Cette méthode est applicable en paraffine pour la détection d’immunoglobulines (IgA, IgG, IgM) et de chaînes légères (kappa ou lambda) dans les cellules. Ainsi, est-elle indispensable pour préciser le type sécrétoire d’un plasmocytome. Sur fragment frais congelé et coupé au cryostat, elle détecte dans les tissus les antigènes variés : immunoglobulines, complément et fibrine. Elle est ainsi indispensable au diagnostic de nombreuses affections vésiculobulleuses. Par exemple, elle extériorise des dépôts d’IgG autour des cellules épithéliales du pemphigus ou ces mêmes dépôts sur la basale et le chorion superficiel au cours du lupus.
Figure 20. Carcinome à cellules fusiformes (langue). Îlot de cellules tumorales épidermoïdes jointives (flèche) au sein d’une prolifération de cellules fusiformes sarcomatoïdes.
Méthode par immunoperoxydase Elle est applicable sur coupes en paraffine ou sur fragment congelé selon les anticorps utilisés. Elle consiste à coupler un anticorps donné à une enzyme, par exemple la peroxydase. La réaction enzymatique qui en découle provoque la précipitation sur le complexe antigène-anticorps d’un produit coloré insoluble visible en microscopie optique. Cette technique s’applique au diagnostic de bon nombre de tumeurs : • tumeurs bénignes salivaires à type d’adénomes pléomorphes : certaines d’entre elles, très riches en cellules myoépithéliales et pauvres en structures épithéliales et en stroma, sont difficiles à diagnostiquer. Seule la présence, en leur sein, de protéine S 100, d’actine et de cytokératine souvent associées dans les mêmes cellules, permet un diagnostic de certitude ; • carcinomes épidermoïdes à cellules fusiformes : ils soulèvent le problème d’un sarcome et seule la présence de cytokératine dans quelques cellules authentifie le diagnostic (Fig. 20,21) ; • carcinomes indifférenciés, difficiles à distinguer d’un lymphome. Il faut y appliquer systématiquement un sérum antipanleucocytaire qui s’avère négatif et un sérum anticytokératine, positif dans quelques cellules ; • autres tumeurs : C lymphomes : l’immunohistochimie est indispensable pour confirmer leur diagnostic et préciser leur type B (Fig. 22,23) ou T ainsi que leurs sous-groupes. En effet, la classification, d’intérêt pronostique et thérapeutique, tient compte non seulement du caractère diffus ou nodulaire de la tumeur et de ses caractères cytologiques (petites ou grandes cellules) mais également du type de sécrétion cellulaire, seul détectable par l’immunohistochimie ; C l’histiocytose langerhansienne (histiocytose X) : lorsque le nombre des éosinophiles ou des histiocytes est réduit, elle peut être confondue avec un granulome inflammatoire banal, d’autant qu’elle siège souvent dans la région alvéolaire des maxillaires (Fig. 24). La mise en évidence de
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Figure 21. Immunohistochimie. Sérum antikératine (KL1). Marquage d’un îlot de cellules épidermoïdes différenciées et de quelques cellules fusiformes indépendantes.
Figure 22. Biopsie ganglionnaire. Lymphome non hodgkinien à grandes cellules, de phénotype B. Destruction du ganglion par la prolifération de lymphocytes tumoraux.
cellules protéine S 100-positives et CD1 a-positives prouve l’existence d’une prolifération histiocytaire langerhansienne et confirme le diagnostic (Fig. 25) ; C citons également l’intérêt de l’anticorps HMB 45 pour le diagnostic des mélanomes malins achromiques et celui de divers autres anticorps comme la chromogranine et la synaptophysine, dans l’étude des tumeurs neuroendocrines. Stomatologie/Odontologie
Biopsie ¶ 22-011-R-10
Figure 23. Biopsie ganglionnaire. Lymphome B. Immunohistochimie : sérum anti-CD20. Marquage de toutes les cellules tumorales.
Figure 24. Biopsie osseuse mandibulaire. Histiocytose langerhansienne. Granulome riche en leucocytes polynucléaires éosinophiles avec nombreuses cellules plus volumineuses à noyau excentré (cellules de Langerhans) (flèche).
Figure 25. Biopsie mandibulaire. Histiocytose langerhansienne. Immunohistochimie : sérum antiprotéine S100. Marquage en brun des cellules de Langerhans.
Microscopie électronique Longtemps considérée comme fondamentale pour la connaissance ultrastructurale de diverses lésions, elle a l’inconvénient d’être une technique lourde nécessitant une fixation Stomatologie/Odontologie
Figure 26. Carcinome à cellules acineuses parotidiennes. Nombreux grains de sécrétion dans le pôle apical des cellules épithéliales (étoile) ; lumière acineuse (flèche). Microscopie électronique à transmission × 5 000.
Figure 27. Histiocytose langerhansienne. Corps de Birbeck (flèche). Microscopie électronique à transmission × 4 000.
immédiate dans le glutarhaldéhyde, d’une post fixation dans l’acide osmique, d’une déshydratation, d’une inclusion dans une résine puis des coupes ultra fines avec un ultramicrotome et d’un dépôt de produits de contraste sur les coupes avant l’étude au microscope électronique toutes ces étapes demandent du temps et de la minutie. Aussi, ce type d’examen cède-t-il le pas à l’immunohistochimie. Retenons pourtant son intérêt pour l’étude : • des grains sécrétoires dans les tumeurs ; exemple : le carcinome parotidien à cellules acineuses (Fig. 26) ; • des filaments de soutien : tonofilaments des cellules malpighiennes, myofilaments des tumeurs musculaires lisses ou striées ; • des mélanosomes dans les tumeurs mélaniques, pigmentées ou non ; • des corps de Birbeck, marqueurs ultrastructuraux spécifiques des cellules de Langerhans dans l’histiocytose langerhansienne (histiocytose X) (Fig. 27).
■ Biologie moléculaire Depuis quelques années, les techniques de biologie moléculaire permettent de détecter des anomalies du génome ou de son expression, au niveau des tissus non tumoraux ou tumoraux de l’organisme, et, à l’aide des mêmes bases, de détecter la
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présence d’agents étrangers. Lorsque ces techniques s’adressent à l’acide désoxyribonucléique, elles sont parfois applicables à des prélèvements fixés. Une congélation immédiate ou rapide dans l’azote liquide nécessitant une « programmation » de l’examen est toutefois préférable ; elle est indispensable lorsqu’il s’agit d’une étude portant sur l’acide ribonucléique. Les principales techniques utilisées sont : la polymerase chain reaction (PCR) sur tissus frais ou congelés ou sur tissus et cellules déjà fixés (formol) et inclus en paraffine, l’hybridation in situ avec des sondes à acide désoxyribonucléique ou acide ribonucléique, la PCR in situ. Des études cytogénétiques peuvent également être réalisées sur biopsies par des techniques d’hybridation in situ (FISH). Certaines indications sont du domaine du diagnostic, telle la détection d’agents pathogènes (mycobactéries, virus) ; d’autres, du domaine de la recherche approfondie, tentent d’élucider l’expression des oncogènes ou des antioncogènes au cours de la carcinogenèse, et ouvrent ainsi la voie à diverses biothérapies susceptibles de rectifier ou de modifier les désordres engendrés par les tumeurs malignes.
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■ Références [1]
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M.-M. Auriol, Maître de conférences universitaire, assistante des Hôpitaux. Service d’anatomie pathologique (professeur F. Capron), Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. G. Le Naour, Ingénieur d’études ([email protected]). UFR 968, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale (professeur J.-C. Bertrand), Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France, Université Pierre et Marie Curie, Paris VI, France.
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Stomatologie/Odontologie
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Examen clinique en stomatologie E. Maladière, C. Vacher L’examen clinique demeure l’étape initiale essentielle dans l’approche diagnostique de toute pathologie médicale. Même si la stomatologie reste généralement une « affaire » de spécialiste, l’examen de base doit pouvoir être abordé par le plus grand nombre de nos collègues spécialistes, omnipraticiens ou en formation, objet de cet exposé. Ainsi, après un rappel d’anatomie topographique et une présentation de l’examen clinique en stomatologie, celui-ci est abordé par région anatomique. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Anatomie topographique ; Cavité buccale ; Chirurgie maxillofaciale ; Examen clinique ; Face ; Stomatologie ; Tête et cou
Plan ¶ Introduction
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¶ Rappel d’anatomie topographique Cavité buccale Région faciale Région cervicale
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¶ Conduite de l’examen clinique en stomatologie Interrogatoire Examen proprement dit
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¶ Examen clinique détaillé par régions anatomiques Orifice buccal et lèvres Langue Freins de lèvre et de langue Muqueuse buccale Glandes salivaires Denture et parodonte Massif facial osseux Articulations temporomandibulaires Innervation faciale Aires ganglionnaires cervicofaciales
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¶ Conclusion
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■ Introduction Il est toujours bien surprenant de recevoir un patient possédant déjà un dossier d’imagerie bien fourni, alors que le diagnostic s’impose après un simple examen clinique bien conduit. Étymologiquement, issu du grec, l’ « examen » consiste à sortir (ex) d’un groupe (agmen) les signes pathologiques [1]. Il est « clinique » lorsqu’il se pratique au lit (kline) du patient et par extension dans notre spécialité au fauteuil, c’est-à-dire sans l’aide de moyens de laboratoire. D’autre part, la « stomatologie », terme issu également du grec (stoma et logos signifiant respectivement bouche et discours), désigne la spécialité médicale consacrée à l’étude de la bouche et de ses annexes à l’état normal ou pathologique [2]. Cette discipline, introduite en 1868, a été longtemps caractérisée par une double orientation : la stomatologie en tant que Stomatologie
spécialité médicale et l’odontologie destinée plus particulièrement aux techniques dentaires. Il est admis par tous que la stomatologie, dont la spécificité est la cavité buccale, se préoccupe plus largement de toute la sphère cervico-maxillofaciale. Elle correspond à une branche de la médecine et ne peut se concevoir sans connaissances générales. Cet exposé vise à présenter une ligne de conduite méthodique nécessaire pour diriger un examen clinique standard. Ne sont pas abordées les différentes orientations de la spécialité (orthopédie dentofaciale, chirurgie maxillofaciale...). Un rappel d’anatomie topographique est présenté en préambule. Il est nécessaire avant aborder la conduite d’ensemble de l’examen, puis les particularités liées à chaque région anatomique susceptible d’être intéressée.
■ Rappel d’anatomie topographique En pratique quotidienne, le stomatologiste est souvent amené à élargir son examen à toute la région cervicofaciale. Un bref rappel d’anatomie topographique de la cavité buccale, ainsi que de la région faciale et cervicale, s’impose [3, 4].
Cavité buccale La bouche, cavité située entre le massif osseux facial supérieur et la mandibule, est limitée par (Fig. 1) : • en avant, les lèvres ; • en haut, la voûte palatine, qui la sépare des fosses nasales ; • en bas, le muscle mylohyoïdien, sous lequel siège la région cervicale ; • latéralement, la face interne des joues ; • en arrière, le voile du palais en haut, les piliers antérieurs et postérieurs ainsi que l’amygdale latéralement, et la base de langue en bas. Derrière cet isthme débute la région oropharyngée. La cavité buccale peut se diviser en deux parties par les arcades alvéolodentaires, en forme de fer à cheval (Fig. 2).
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Figure 1. Cavité buccale et pharynx, coupe sagittale médiane. 1. Fosse nasale ; 2. os sphénoïde ; 3. palais ; 4. lèvre supérieure ; 5. vestibule supérieur ; 6. atlas ; 7. ostium de Sténon ; 8. axis, 9. pilier antérieur ; 10. amygdale ; 11. pilier postérieur ; 12. langue mobile ; 13. base de langue ; 14. lèvre inférieure ; 15. vestibule inférieur ; 16. épiglotte ; 17. os mandibulaire ; 18. muscle géniohyoïdien ; 19. os hyoïde ; 20. muscle mylohyoïdien.
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Figure 3. Région pelvilinguale, vue antérieure. 1. Pointe de langue ; 2. bord latéral de langue ; 3. face ventrale de langue ; 4. repli palatoglosse ; 5. frein de langue ; 6. sillon pelvilingual ; 7. plancher postérieur ; 8. crête sublinguale ; 9. ostium de Wharton ; 10. plancher antérieur ; 11. sillon pelvimandibulaire.
supérieure, l’ostium du canal de Sténon, excréteur de la glande parotide. La joue se poursuit en haut et en bas par les vestibules, espaces virtuels à l’état de repos. Ceux-ci sont interrompus sur la ligne médiane par les freins labiaux. En avant, la joue se prolonge par la face interne des lèvres et l’orifice buccal. Sa limite postérieure est la commissure intermaxillaire, figurée par une ligne arciforme verticale, joignant les deux régions rétromolaires supérieure et inférieure. En dedans des arcades dentaires, l’espace est largement occupé par la langue mobile. Cette cavité a pour limite supérieure le palais osseux auquel fait suite le voile en arrière, et pour limite inférieure le plancher buccal qui contourne la langue. On peut ainsi définir un plancher antérieur et un plancher latéral (Fig. 3). Le frein de la langue compartimente incomplètement le plancher antérieur en deux zones latérales marquées par les crêtes salivaires ou sublinguales, liées à la saillie des glandes sublinguales. À leur extrémité antéro-interne s’ouvre l’ostium du canal de Wharton, excréteur des glandes sous-mandibulaires. Latéralement, le plancher buccal se poursuit par la face interne mandibulaire dont la largeur toute relative en arrière justifie la dénomination de sillon pelvimandibulaire. Plus important, le sillon pelvilingual détermine la zone de réflexion du plancher dans la langue proprement dite. La langue mobile est subdivisée en une pointe, un bord latéral, une face ventrale et une face dorsale. Le « V » lingual, bien identifié par les papilles caliciformes, délimite la langue mobile de la base proprement dite. Cette dernière, jointe au voile du palais et au pilier antérieur de l’amygdale, constitue la limite postérieure de la cavité buccale. Ces trois éléments appartiennent à l’oropharynx. L’anatomie topographique de la cavité buccale étant relativement complexe, il est plus aisé de la représenter sous forme de schémas simplifiés. Ceux-ci, faciles à reproduire, doivent être insérés dans le dossier du malade afin d’y mentionner avec précision les lésions constatées (siège précis, formes et dimensions).
20 Figure 2. Cavité buccale, vue antérieure. 1. Lèvre supérieure ; 2. frein labial supérieur ; 3. vestibule supérieur ; 4. arcade dentaire maxillaire ; 5. palais osseux ; 6. voile ; 7. luette ; 8. face interne de joue ; 9. commissure intermaxillaire ; 10. pilier postérieur de l’amygdale ; 11. amygdale ; 12. pilier antérieur de l’amygdale ; 13. repli palatoglosse ; 14. base de langue ; 15. « V » lingual ; 16. langue mobile ; 17. arcade dentaire mandibulaire ; 18. vestibule inférieur ; 19. frein labial inférieur ; 20. lèvre inférieure.
En dehors de ces arcades, la face interne de la joue présente une fine saillie horizontale, la linea alba, reflet de la ligne d’occlusion des dents où naît, en regard de la deuxième molaire
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Région faciale La face s’étend de la ligne d’implantation des cheveux jusqu’au bord basilaire de la mandibule et réunit (Fig. 4) : • des régions médianes : frontoglabellaire ; nasale (limitée latéralement par les sillons nasogéniens) ; labiale (comprenant les lèvres supérieure et inférieure, et les commissures) ; mentonnière (sous le sillon labiomentonnier) ; • des régions latérales : frontotemporales ; orbitaires (incluant paupières, globes oculaires, muscles oculomoteurs et éléments vasculonerveux de la loge postérieure) ; zygomatiques ; géniennes et parotidomassétérines. Stomatologie
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Figure 5.
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Figure 4. Régions cervicofaciales, vue latérale. Régions faciales : 1. frontale ; 2. temporale ; 3. orbitaire ; 4. zygomatique ; 5. auriculaire ; 6. nasale ; 7. jugale ou génienne ; 8. parotidomassétérine ; 9. labiale ; 10. mentonnière. Régions cervicales : 11. rétromandibulaire ; 12. sous-mentale ; 13. sousmandibulaire ; 14. sous-hyoïdienne, 15. sterno-cléido-mastoïdienne ; 16. sus-claviculaire ; 17. nuque.
Région cervicale Comprise entre le bord inférieur de la mandibule et les reliefs supérieurs sternoclaviculaires, la région cervicale se divise en trois parties (Fig. 4) : • postérieure, constituée par les muscles de la nuque, et limitée en avant par le bord antérieur du muscle trapèze ; • latérale, comprise entre les bords antérieurs du trapèze et du sterno-cléido-mastoïdien. Elle est subdivisée en un triangle sus-claviculaire en arrière de la région sterno-cléidomastoïdienne (dans laquelle se trouve la gouttière jugulocarotidienne) ; • antérieure, subdivisée de dehors en dedans en régions soushyoïdienne (contenant la filière laryngotrachéale et la glande thyroïde), sous-mentale (limitées latéralement par les régions sous-mandibulaires, avec la glande sous-mandibulaire, l’artère faciale et le rameau labiomentonnier du facial), enfin, la loge rétromandibulaire en arrière du ramus mandibulaire.
■ Conduite de l’examen clinique en stomatologie Interrogatoire Après avoir enregistré les données concernant l’état civil (nom, âge, profession...), très rapidement la question touchant au motif de la consultation est posée [5] . Les symptômes, autrement dit les troubles fonctionnels ressentis subjectivement par le patient, sont recueillis et détaillés. La plus grande importance est donnée à la chronologie des faits (y compris recherche d’un éventuel facteur déclenchant), à leur mode évolutif et à leur prise en charge thérapeutique éventuelle. Les répercussions sur l’état général (asthénie, amaigrissement, fièvre, équilibre psychique...) sont également analysées. Il est important de laisser l’intéressé s’exprimer selon sa propre terminologie en le guidant sans l’influencer. Stomatologie
Inspection de la cavité buccale en ouverture.
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Point fort
L’interrogatoire est le premier temps de l’examen, mais également le premier contact avec le patient, il s’agit d’une étape décisive. Cette étape permet d’orienter le diagnostic dès le départ, grâce à la qualité des informations recueillies, mais elle conditionne les rapports de confiance ultérieurs avec le patient.
L’interrogatoire se termine avec la recherche d’antécédents personnels, qu’ils soient médicaux ou chirurgicaux, ceux-ci pouvant être en rapport avec le trouble actuel. Il se termine par le recueil de données concernant le patient : habitudes de vies, intoxication alcoolotabagique éventuelle, traitements médicaux en cours (notamment prise d’anticoagulant ou d’antiagrégant plaquettaire), existence d’allergie, état vaccinal et plus rarement affections de nature héréditaire.
Examen proprement dit
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Point fort
Il s’agit de l’examen clinique proprement dit qui vise à dépister les signes objectifs de l’affection. Les manifestations de la maladie sont constatées objectivement par le praticien. Comme pour les autres disciplines médicales, l’examen en stomatologie fait appel principalement à l’« inspection » et à la « palpation », issus du latin inspectare et palpare signifiant respectivement examiner par la vue et explorer par les mains.
Le patient est installé confortablement sur un fauteuil d’examen plutôt qu’au lit et il est rassuré. Un équipement adapté (éclairage de bonne qualité et une instrumentation spécifique type abaisse-langue, miroirs plans, sondes, ....) est également nécessaire. Classiquement, l’examen clinique en stomatologie est divisé en deux temps, l’un endobuccal concernant directement la bouche, l’autre exobuccal hors de la cavité buccale [6].
Examen endobuccal L’examen de la cavité buccale débute par une simple inspection en ouverture buccale (Fig. 5). Ce premier temps donne une
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Figure 6.
Figure 7.
Inspection de la cavité buccale et de l’oropharynx.
Inspection du plancher buccal et des ostiums de Wharton.
Figure 9.
Traction de la langue à l’aide d’une compresse.
peuvent être prévenus chez les enfants ou les patients particulièrement sensibles par une anesthésie de contact (spray de lidocaïne à 1 %, pastille de tétracaïne...). La palpation, temps essentiel, se pratique avec l’extrémité de l’index, protégé par un doigtier, ou avec plusieurs doigts. Il est prudent d’interposer entre les arcades un abaisse-langue ou une cale, chez les sujets susceptibles de mordre (chez l’enfant notamment). La palpation entraîne souvent un réflexe nauséeux et doit plutôt être réalisée à la fin de l’examen. Le praticien analyse successivement les différents sites de la cavité buccale peu accessibles à la vue : planchers, langue mobile, base de langue. Il peut, par l’autre main, s’aider d’une traction antérieure de la langue. L’existence de douleurs provoquées est précisée, ainsi que l’éventuelle présence d’une tuméfaction (en notant consistance et limites de l’infiltration), d’une hypo- ou anesthésie notamment dans le territoire lingual, d’un corps étranger oropharyngé... L’examen dentaire fait appel aux miroirs plans et aux sondes dentaires (droite, coudée) pour la recherche de caries, mobilités dentaires, douleurs provoquées et de poches parodontales, mais également aux tests de vitalité (thermique ou électrique) pour la détection de mortifications dentaires.
Examen exobuccal
Figure 8.
Inspection de la face interne de joue et de l’ostium de Sténon.
vision partielle de la cavité buccale, principalement du palais, de la face interne des joues, de la face dorsale linguale et des faces occlusales dentaires. L’examinateur demande ensuite au patient de tirer la langue (Fig. 6), ce qui permet l’inspection d’une partie de l’oropharynx (pilier du voile, luette et paroi postérieure du pharynx). Ce temps est capital chez l’enfant chez qui l’introduction prématurée d’un abaisse-langue risque de compromettre la poursuite de l’examen. L’abaisse-langue est ensuite utilisé, avec douceur, sur la face latérale et ventrale de la langue, afin d’exposer les planchers latéraux et antérieurs (Fig. 7). Il est souvent nécessaire afin de déplisser la face interne des joues et des vestibules, et pour effacer le volume lingual afin d’apercevoir l’oropharynx (Fig. 8). Enfin, l’inspection se termine par un examen au miroir plan préalablement chauffé, pour éviter la buée. Le miroir permet non seulement de visualiser les faces dentaires et les espaces interdentaires, mais aussi l’oropharynx et la filière laryngée. Dans ce cas, le praticien saisit la pointe de langue entre pouce et index sur une compresse (Fig. 9) et place le majeur sur l’arcade dentaire afin de maintenir l’ouverture buccale. La traction de la langue en avant permet ainsi d’effacer sa base du champ d’examen. Le praticien évite de toucher la muqueuse oropharyngée afin de prévenir les réflexes nauséeux. Ceux-ci
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L’inspection débute, en réalité, dès l’interrogatoire, par l’observation de certains signes parfois évidents. Elle doit néanmoins se faire méthodiquement. La sphère cervicofaciale s’apprécie étage par étage selon trois incidences principales (face, profil, incidence axiale). Sont analysés successivement : • les téguments : coloration, souplesse, présence d’éventuelles lésions cutanées (plaies, tumeurs, éruptions, cicatrices...) ; • les déformations sous-jacentes. De face, la région concernée est comparée à l’étage controlatéral (exemple : abaissement du bord basilaire lors des hypercondylies). De profil, l’examen recherche un défaut de projection antéropostérieure d’un étage par rapport aux autres (exemple : recul de la lèvre supérieure témoin d’une rétromaxillie). L’inspection axiale note les asymétries antéropostérieures droite-gauche (exemple : défaut de projection antérieure de la pommette lors de fracture du malaire), mais aussi les anomalies dans le sens transversal ; • la posture de la tête sur le cou, la motricité faciale... (cf. infra). La palpation permet d’apprécier : • la présence de douleurs provoquées, diffuses ou exquises, dont l’intensité peut être chiffrée, soit à l’aide d’une échelle visuelle analogique, soit en utilisant des critères cliniques (grimaces associées, mouvements de retrait...) ; • les téguments, avec notamment température et mobilité par rapport aux plans sous-jacents ; • les tissus sous-jacents : sous-cutané, musculaire, ganglionnaire... en précisant en cas de tuméfaction la consistance (de type osseuse lors d’ostéome, rénitente lors de tumeur, ou au contraire fluctuante lors de collection hématique ou purulente...), la mobilité par rapport au plan profond, la présence d’un thrill palpatoire (avec ou sans souffle à l’auscultation) etc. ; Stomatologie
Examen clinique en stomatologie ¶ 22-010-A-10
• l’état des reliefs osseux, notamment en contexte traumatologique (décalage, mobilité anormale, ressaut), souvent gêné par un œdème ; • les aires ganglionnaires cervicales, la sensibilité faciale, les articulations temporomandibulaires... (cf. infra).
■ Examen clinique détaillé par régions anatomiques
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Point fort
Figure 10. Examen du frein lingual.
Si un examen méthodique est nécessaire, celui-ci doit être orienté et approfondi selon l’orientation diagnostique recherchée.
Orifice buccal et lèvres Il s’agit du premier temps d’examen lorsque le patient entrouvre les lèvres [7]. À l’état statique sont analysées la forme et les dimensions de l’orifice buccal, l’état de la muqueuse labiale (sécheresse lors de ventilation buccale...), la compétence labiale, alors que l’examen dynamique note principalement la tonicité de l’orbiculaire.
Langue Cet organe est d’abord observé sous un angle statique. Son examen peut être facilité en la tractant avec deux doigts après avoir entouré sa pointe d’une compresse. L’inspection permet d’apprécier plusieurs paramètres [8] : • la forme : allongée ou étroite ; • le volume : macroglossie vraie ou relative, microglossie très rare ; • la situation par rapport aux dents et au pharynx ; • l’aspect de la muqueuse : couleur, sensibilité, hyperplasie des papilles ou au contraire langue dépapillée (pouvant être de type « géographique »), lésions type ulcération ou tumeur. La langue est ensuite étudiée au cours de ses différentes fonctions, déglutition et phonation, en notant sa position, sa mobilité et le rôle du frein (dont la brièveté peut entraîner une ankyloglossie avec impossibilité d’élévation ou de protraction linguale).
Freins de lèvre et de langue Le frein lingual est apprécié en demandant au patient de plaquer la langue au palais ou de tirer la langue vers l’avant (Fig. 10). L’examen des freins labiaux est réalisé en écartant les lèvres (Fig. 11). Il peut exister également deux freins latéraux vestibulaires supérieurs ou inférieurs en regard des prémolaires. Les freins sont appréciés selon leur aspect (normal ou hypertrophique), leur longueur (souple ou court) et leur conséquence (ankyloglossie pour les freins linguaux, et pour les freins labiaux diastème interincisif supérieur, récession gingivale incisive inférieure).
Muqueuse buccale L’examen des muqueuses buccales ne peut être schématisé, on peut cependant émettre un certain nombre de principes. Le diagnostic repose d’abord sur l’analyse minutieuse des lésions visibles et palpables, permettant l’identification de lésions élémentaires (érythèmes, macules, papules, érosions, ulcérations, tumeurs...) [9]. L’aspect (couleur, souplesse...), la disposition Stomatologie
Figure 11. Examen du frein labial supérieur.
(linéaire, annulaire, serpigineuse...), la topographie et le mode évolutif de ces lésions élémentaires apportent des données sémiologiques indispensables au diagnostic étiologique [10]. Par exemple, devant une ulcération muqueuse, il convient de décrire le fond (induré orientant vers une néoplasie, souple de type aphte ou post-traumatique) et la périphérie (bourgeonnante et saignante au contact lors de tumeur maligne). De même, en présence d’une tuméfaction muqueuse ou sousmuqueuse (voussure), il est important de décrire le siège, les limites anatomiques, les dimensions, la consistance (osseuse en cas de torus ou de kyste des maxillaires, rénitente en cas de lésions malignes, fluctuante lors d’hématome ou d’abcès...), la présence éventuelle d’un souffle... L’examen doit s’accompagner dans la majorité des cas d’un examen exobuccal, notamment des surfaces cutanées et phanères, et d’un examen général orienté. L’examen histologique, aisément réalisé par la biopsie, est au mieux effectué par l’équipe médicale qui prend en charge le patient, afin de ne pas transformer la lésion (en lésion seconde). L’histologie est souvent le seul moyen de confirmer l’« impression clinique ». Ainsi, on ne peut se contenter d’un diagnostic de « stomatite », qui regroupe toutes les atteintes inflammatoires de la muqueuse buccale. Au même titre, les lésions chroniques de la muqueuse buccale, parfois dénommées lésions blanches ou kératoses, rassemblent des maladies très diverses, congénitales, réactionnelles (traumatiques, actiniques, tabagiques...), infectieuses (candidoses, infections par virus de l’immunodéficience humaine...), dermatologiques (lichen plan, lupus érythémateux...) et dysplasiques (kératoses préépithéliomateuses, carcinomes...).
Glandes salivaires L’interrogatoire est primordial, à la recherche de symptômes et d’antécédents orientant vers une étiologie (tuméfactions rythmées par les repas en cas de pathologie lithiasique, sécheresse oculaire ou nasale lors de syndrome de Gougerot-Sjögren...) [11]. L’examen exobuccal apprécie en premier lieu la présence d’une tuméfaction (globale ou nodulaire, uni- ou bilatérale) et
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22-010-A-10 ¶ Examen clinique en stomatologie
Figure 12. Palper bimanuel du plancher buccal.
Figure 15. Inspection dentaire au miroir.
H 18 17 16 15 14 13 12 11
21 22 23 24 25 26 27 28
48 47 46 45 44 43 42 41
31 32 33 34 35 36 37 38
D
G B Figure 13. Formule dentaire chez l’adulte.
H 55 54 53 52 51
61 62 63 64 65
85 84 83 82 81
71 72 73 74 75
D
G Figure 16. Percussion dentaire.
B Figure 14. Formule dentaire chez l’enfant.
l’état cutané en regard (inflammatoire lors de pathologie infectieuse ou tumorale) sur l’aire d’une glande salivaire. La palpation bidigitale, endo- et exobuccale (Fig. 12), confirme l’origine salivaire de la tuméfaction et recherche la présence d’une éventuelle lithiase. L’examen endobuccal note l’aspect de la salive à l’ostium canalaire (épaisse, purulente) après expression manuelle de la glande concernée. La recherche d’une voussure et le « toucher pharyngien » doivent être systématiques à la recherche d’une masse d’origine parotidienne. Enfin sont précisées la présence ou l’absence de signes d’accompagnement orientant vers une pathologie maligne : paralysie faciale (glande parotide), hypoesthésie linguale (glande sous-mandibulaire), adénopathies cervicales.
Denture et parodonte Cet examen s’intéresse à l’organe dentaire mais aussi aux tissus de soutien voisins (cément, desmodonte ou ligament dentoalvéolaire, os alvéolaire et gencive), encore appelé parodonte. Il vise à analyser [12] : • la formule dentaire (nombre et situation des dents), qui normalement est constituée : chez l’adulte de 32 dents définitives, 16 par maxillaire, huit par hémimaxillaire comprenant d’avant en arrière deux incisives, une canine, deux prémolaires, trois molaires (Fig. 13) ; chez l’enfant, de 20 dents temporaires ou lactéales, dix par maxillaire, cinq par hémimaxillaire, comprenant d’avant en arrière : deux incisives, une canine, deux molaires (Fig. 14) ; • l’hygiène buccodentaire (gingivite et plaque tartrique), l’état des soins dentaires, l’haleine (halitose, éthylisme...) ; • les arcades dentaires : courbe de Spee, encombrements ou malpositions dentaires, absences (agénésies, inclusions) et pertes dentaires (avulsions) ; • l’organe dentaire : anomalies morphologiques (micro- ou plus fréquemment macrodonties) ; abrasions, fractures et caries dentaires (Fig. 15, 16) ; anomalies de couleur par comparaison aux autres dents (teinte grisâtre en cas de mortification,
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Figure 17.
Inspection de l’occlusion en intercuspidation maximale.
plaque jaunâtre, dysplasie de l’émail) ; mobilités dentaires (transversale, axiale, douloureuse ou non) ; vitalités pulpaires (par des tests thermiques ou électriques), qualité des reconstructions prothétiques... ; • l’état de la gencive et notamment son aspect (habituellement rose pâle, mais rouge vif lors de gingivite odontiasique ou tartrique), sa consistance (normalement ferme et peu dépressive), son volume (augmenté lors de gingivite hypertrophique), ses attaches dentaires (récessions gingivales correspondant à une migration apicale de l’attache épithéliale au-delà de la jonction amélocémentaire). Les poches parodontales sont appréciées par des sondes graduées et peuvent faire l’objet de prélèvement à visée bactériologique ; • l’occlusion (ou articulé dentaire), qui est analysée en intercuspidation maximale (Fig. 17). Le papier à articuler peut mettre en évidence des prématurités et interférences mineures, mais si importantes...
Massif facial osseux Son étude est essentiellement envisagée dans le cadre de la traumatologie [13], des kystes, des tumeurs bénignes, des pseudotumeurs des maxillaires [14] et de la chirurgie orthopédique des Stomatologie
Examen clinique en stomatologie ¶ 22-010-A-10
Figure 18.
Palpation des reliefs osseux (margelle infraorbitaire).
Figure 19. Recherche d’une mobilité transversale ou sagittale du massif osseux (recherche d’une fracture occlusofaciale type Le Fort).
Figure 20. Pression antéropostérieure de la symphyse mandibulaire (recherche d’une fracture de la mandibule).
maxillaires [15, 16]. Très accessible à la clinique (Fig. 18), l’examen du massif facial est toujours comparatif et analysé dans les trois plans de l’espace (horizontal ou axial, frontal ou coronal, et sagittal). La face peut se subdiviser en trois étages : • supérieur ou craniofacial, comprenant une partie centrale frontoglabellaire et deux régions latérales frontotemporales ; • moyen, compris entre l’arcade dentaire maxillaire (Fig. 19) et la ligne horizontale passant par la racine nasale et les sutures frontomalaires. Cet étage se subdivise, par une ligne verticale passant en dedans des pupilles, en un tiers médian (pyramide nasale et paroi interne orbitaire) et en deux tiers latéraux (console zygomatique, parois et margelles orbitaires inférieure et externe) ; • inférieur, représenté par la mandibule (Fig. 20).
Articulations temporomandibulaires Les manifestations cliniques d’un trouble temporomandibulaire sont souvent d’un polymorphisme extrême, notamment en ce qui concerne les douleurs [17]. Stomatologie
Figure 21. Palpation prétragienne du condyle mandibulaire.
Figure 22. Palpation endoaurale du condyle mandibulaire.
Les douleurs, classiquement localisées à l’interligne articulaire ou dans l’oreille, prédominent parfois sur le territoire d’un ou plusieurs muscles masticateurs. Plus trompeur, elles peuvent se résumer à des céphalées diversement interprétées par le patient, des douleurs périorbitaires, des manifestations otologiques (otalgies, acouphènes...), des cervicalgies... La palpation prétragienne ou endoaurale peut objectiver des douleurs provoquées (Fig. 21, 22). Les bruits décrits par le patient peuvent être retrouvés par le praticien à la palpation (ressaut) ou à l’auscultation (bruit). Deux types de bruits sont possibles, les claquements (sonores et brefs, traduisant le plus souvent un conflit condylodiscal) et les crépitations (peu sonores et prolongées, de type « frottement de sable », traduisant plutôt une atteinte des surfaces articulaires osseuses). La mobilité mandibulaire fait appel à l’étude de l’ouverturefermeture buccale (normalement supérieure à 40 mm), la propulsion, et les diductions droite et gauche, mesurées en millimètres. Lors des deux premiers mouvements, la survenue d’une latérodéviation du point interincisif inférieur et la translation antérieur des condyles sont précisées. L’examen occlusal et alvéolodentaire recherche des douleurs dentaires, des abrasions dentaires, des récessions gingivales. Même en l’absence de point d’appel dentaire, la recherche d’un trouble de l’occlusion est la règle devant toute souffrance temporomandibulaire (articulation cranio-bi-condylo-occlusale). L’examen ne s’arrête pas au bilan local, mais doit intégrer aussi l’étude de la statique craniorachidienne et la structure psychoaffective du patient si souvent négligée. Ces symptômes, en l’absence d’étiologie organique (principalement tumorale et traumatique) sont classiquement nommés syndrome algodysfonctionnel des articulations temporomandibulaires (SADAM).
Innervation faciale La recherche d’un trouble sensitivomoteur facial [18] doit être systématique dans de nombreux domaines : traumatologie, cancérologie, chirurgie buccale ou maxillaire. Tout déficit, moteur ou sensitif, doit être précisé au patient et clairement
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22-010-A-10 ¶ Examen clinique en stomatologie
V1
V2
Figure 24. Palpation des aires ganglionnaires cervicales.
V3 PCS
Figure 23. Étude des territoires sensitifs de la face. V1 : nerf ophtalmique ; V2 : nerf maxillaire ; V3 : nerf mandibulaire ; PCS : plexus cervical superficiel.
noté dans le dossier, à plus forte raison avant une intervention chirurgicale afin que ce déficit ne soit pas imputé au geste opératoire.
Innervation faciale motrice Le nerf facial (VII) assure l’essentiel de la motricité de la face. Un déficit total (paralysie) ou partiel (parésie) peut siéger soit sur un des territoires, supérieur ou inférieur (d’origine soit centrale, soit périphérique par atteinte des branches de division), soit sur les deux territoires (d’origine périphérique par lésion du tronc nerveux). La paralysie faciale totale se traduit au repos par un effacement des rides frontales, la chute de la queue du sourcil, du sillon nasogénien et de la commissure labiale. Au cours de la mimique, les déviations s’accentuent ou apparaissent si elles étaient peu marquées, avec la perte de la mobilité frontale et labiale du côté atteint, et l’abolition de l’occlusion palpébrale (le globe oculaire se portant en haut et en dehors, décrivant le signe de Charles-Bell). Le nerf trijumeau (V) permet, par sa branche mandibulaire (V3), l’innervation motrice des muscles masticateurs. Son atteinte se traduit par une amyotrophie temporomassétérine. Trois nerfs oculomoteurs (III, IV et VI) engendrent la mobilité du globe oculaire. L’atteinte du nerf moteur oculaire commun (III) entraîne une diplopie horizontale majorée dans toutes les directions et masquée par un ptosis, une impossibilité de mobilisation du globe oculaire et une mydriase aréflexique consensuelle ou directe. La lésion des nerfs pathétique (IV) et moteur oculaire externe (VI) engendrent une diplopie et une impossibilité de mobilité du globe oculaire, respectivement, vers le bas et vers l’extérieur. Interviennent enfin dans la motricité endobuccale et oropharyngée le nerf glossopharyngien (IX), dont l’atteinte se traduit par une dysphagie non douloureuse et le « signe du rideau », ainsi que le nerf grand hypoglosse (XII) responsable de la mobilité linguale.
Innervation faciale sensitive La sensibilité faciale est assurée notamment par le nerf trijumeau (V). Ce nerf se divise en trois branches, définissant ainsi trois territoires (Fig. 23). Le nerf supraorbitaire, issu de la branche ophtalmique (V1) assure la sensibilité de la région fronto-naso-palpébrale supérieure et de la cornée (l’anesthésie cornéenne est un excellent signe d’atteinte du trijumeau).
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Le nerf infraorbitaire, branche terminale du nerf maxillaire (V2), émerge à 1 cm au-dessous de la margelle du même nom, permet l’innervation sensitive de la partie supérieure des joues, des faces latérales de la pyramide nasale, de la pointe nasale, des paupières inférieures, de la muqueuse des fosses nasales, des cavités sinusiennes et des dents maxillaires. Le nerf mandibulaire (V3) se divise rapidement en nerf lingual destiné à l’hémilangue, en nerf buccal pour la face interne des joues et en nerf alvéolaire inférieur. Ce dernier permet la sensibilité des dents mandibulaires et, par sa branche terminale mentonnière, la région labiomentonnière, dont l’hypoesthésie constitue le classique signe de Vincent. Le nerf facial intervient par l’intermédiaire du nerf intermédiaire de Wrisberg (VII bis) pour l’innervation de la zone de Ramsay-Hunt. Les branches du plexus cervical superficiel permettent l’innervation des régions cervicales.
Aires ganglionnaires cervicofaciales La recherche d’adénopathie cervicofaciale est indispensable lors de tout examen clinique s’orientant vers un contexte néoplasique, mais aussi infectieux ou hématologique [19]. Après un premier temps d’inspection, l’examinateur se place derrière le patient et réalise une palpation de la région cervicale en légère flexion (Fig. 24). L’examen clinique doit préciser le nombre de ganglions (adénopathie unique ou polyadénopathie) ; leur siège (prétragien, parotidomassétérin, sous-mental, sous-mandibulaire, sousdigastrique, spinal, jugulocarotidien, sus-claviculaire) ; leur taille dans le plus grand axe ; leur consistance (indurée ou au contraire souple) ; leur sensibilité (indolore, sensible ou hyperalgique) ; leur mobilité ou adhérence par rapport au plan superficiel et profond, et leur évolutivité dans le temps. Une ou plusieurs adénopathies cervicales dures, indolores, fixées aux plans voisins et de volume progressivement croissant doivent faire évoquer la possibilité d’une lésion maligne, surtout en cas de contexte éthylotabagique.
■ Conclusion Ainsi, l’examen clinique en stomatologie, comme pour les autres disciplines médicales, demeure l’étape initiale déterminante à plusieurs titres. Sur le plan médical, un examen minutieux et bien orienté, à la recherche d’éléments déterminants, permet d’aboutir à une meilleure hypothèse diagnostique et par conséquent à une prise en charge du patient plus efficace. Concernant les « coûts de santé », l’examen clinique possède certainement le meilleur rapport coût-efficacité [20]. Il aboutit à la demande d’examens complémentaires bien orientés. Enfin, la relation médecin-malade est hautement conditionnée par ce premier contact. Le rapport de confiance du patient et toutes les conséquences, notamment médicolégales, en découlent. Stomatologie
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E. Maladière, Praticien hospitalier ([email protected]). Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale (service du Dr C. Payrot), Centre hospitalier Saint-Jean, 20, avenue du Languedoc, BP 4052, 66046 Perpignan cedex, France. C. Vacher, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, Centre hospitalo-universitaire Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Maladière E., Vacher C. Examen clinique en stomatologie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-010-A-10, 2008.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
Stomatologie
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Autoévaluations
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Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque Y.-S. Cordoliani Le radiodiagnostic dentaire représente plus de la moitié des actes radiologiques des pays développés, mais une faible part de l’exposition aux rayons X en raison de la petite quantité de rayons X délivrée par chaque acte. Le risque essentiel attribué à cette activité est l’induction de cancers à long terme car le risque tératogène et le risque génétique sont nuls eu égard à l’insignifiance des doses délivrées à l’utérus et aux organes génitaux. Pour le risque cancérogène associé à ces faibles doses de rayonnement, les données épidémiologiques ne sont pas probantes mais les instances internationales prônent un modèle de calcul de risque extrapolé des effets des fortes doses de rayonnement sous forme d’une relation linéaire sans seuil pour ne pas sous-estimer le risque. L’estimation et la mention sur le compte rendu de la dose délivrée par tout examen radiologique sont dorénavant obligatoires et inscrites dans le Code de santé publique par la transposition de la directive Euratom 97/43. Les doses délivrées par les examens usuels du radiodiagnostic dentaire sont indiquées et les effets potentiels de ces doses mis en perspective. Le respect des principes de justification et d’optimisation permet de pratiquer le radiodiagnostic dentaire en toute sérénité. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Radiodiagnostic dentaire ; Dosimétrie ; Cancer ; Estimation du risque ; Orthopantomographie ; Scanner ; Dentascanner
Plan ¶ Introduction
1
¶ Données quantitatives
1
¶ Rappels de notions de dose et d’exposition Unités Radioactivité naturelle et exposition humaine
1 1 2
¶ Fondements des calculs de la radioprotection Effets cancérogènes Effets tératogènes Effets génétiques
2 3 4 4
¶ Exposition des patients Obligations légales Évaluation des doses délivrées par les principales techniques utilisées en radiodiagnostic dentaire Conséquences théoriques de l’exposition aux rayons X en odontologie
5 5
¶ Conclusion
8
5 7
■ Introduction L’imagerie dentaire repose toujours sur l’utilisation de rayons X. Les progrès récents de l’imagerie des rayons X ont été essentiellement les détecteurs numériques pour l’imagerie conventionnelle, et le scanner multicoupes pour la tomodensitométrie. Si les premiers ont eu pour effet, réel ou potentiel, de diminuer sensiblement la dose délivrée par examen, le second est potentiellement plus irradiant. Stomatologie/Odontologie
Parallèlement à ces progrès, la décennie écoulée a vu s’accroître la préoccupation concernant les effets secondaires à long terme des rayonnements ionisants (RI) et a assisté à la mise en place d’un encadrement de la pratique des rayonnements ionisants, [1] découlant de la directive européenne Euratom 97/43. [2]
■ Données quantitatives L’imagerie dentomaxillaire représente une part importante des actes radiologiques pratiqués en France. La Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) dénombrait, en 2003, un peu plus de 33 000 installations de radiologie dentaire, pour un nombre total d’installations radiologiques légèrement inférieur à 50 000. De plus, le diagnostic dentaire recourt actuellement fréquemment au scanner, notamment en implantologie. Le radiodiagnostic dentaire contribue ainsi à l’exposition d’origine médicale qui se surajoute à l’exposition au rayonnement naturel. Cependant, cette radiologie, par définition focalisée, ne contribue que pour une faible part à l’exposition des populations.
■ Rappels de notions de dose et d’exposition Unités On distingue l’unité physique, le gray et ses sous-multiples, et l’unité de radioprotection, pondérée par l’efficacité du rayonnement et la sensibilité des organes, le sievert et ses sousmultiples :
1
22-010-D-10 ¶ Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque
Radioactivité naturelle et exposition humaine
Tableau 1. Facteurs de pondération utilisés pour le calcul de l’équivalent de dose efficace (CIPR 2006). a Tissu ou organe
Facteur de pondération
Moelle hématopoïétique, sein, poumon, estomac, côlon
0,12
Œsophage, thyroïde, foie, vessie, gonades
0,05
Os (surface), cerveau, reins, glandes salivaires
0,01
Autres : surrénales, conjonctif, lymphatiques, vésicule, muscle, graisse, pancréas, prostate, rate, thymus, utérus...
0,05
Nous vivons dans un monde naturellement radioactif. Nous sommes donc en permanence exposés aux rayonnements ionisants et la valeur de cette exposition diffère considérablement selon les régions (Tableau 2). En effet, selon la nature du sol ou l’altitude, les doses globales peuvent être sensiblement différentes d’une région à l’autre. En France, par exemple, si l’on prend comme référence l’irradiation naturelle de la région Île-de-France (au sol sédimentaire contenant peu d’éléments radioactifs), on constate que la dose de rayonnement reçue en Bretagne (où le sol granitique contient des produits de filiation de l’uranium) est augmentée de 50 %, soit un supplément de 1 mSv environ. Dans certaines régions du monde (hauts plateaux andins, terres riches en phosphates, sables contenant du thorium), l’exposition au rayonnement naturel est très supérieure à celle de la France et peut atteindre des valeurs plus de dix fois supérieures à celles de la France (certaines régions d’Inde, d’Iran et du Brésil). La dose délivrée par le rayonnement naturel en fonction du temps représente une échelle de valeurs commode pour apprécier les niveaux de dose, en particulier dans le domaine des faibles doses qui nous intéresse ici (voir encadré ci-dessous).
b
a
L’utilisation de facteurs de pondération permet une « mise en facteurs communs » d’irradiations fractionnées portant sur des parties du corps différentes. Par exemple, une dose de 50 µSv reçue lors d’un panoramique dentaire peut être additionnée à la dose de 700 µSv reçue lors d’une radiographie de l’abdomen, en affectant à chaque organe atteint par l’une et l’autre expositions les coefficients de pondération correspondants. Notez que les glandes salivaires se voient dorénavant attribuer un coefficient propre, alors que, selon les précédentes recommandations, elles étaient intégrées au groupe des organes non pris en compte individuellement. b Pour l’ensemble de ces tissus.
• le gray (Gy) mesure la dose absorbée, c’est-à-dire la quantité d’énergie transférée à la matière par l’intermédiaire du rayonnement : 1 Gy = 1 J/kg ; • le sievert (Sv) est une unité pondérée censée rendre compte des effets biologiques. Cette notion est due au fait que, selon leur nature ou leur énergie, les radiations ionisantes sont plus ou moins efficaces pour l’obtention d’un effet donné (on dit que leur efficacité biologique diffère). On définit donc un rayonnement de référence (rayonnement électromagnétique X ou c) et on exprime l’efficacité d’un rayonnement d’autre nature en pondérant la dose délivrée par un coefficient appelé facteur de qualité (FQ). Si le rayonnement est plus efficace pour un effet donné que le rayonnement de référence, son FQ sera supérieur à l’unité. En radiodiagnostic qui n’utilise que des rayons X, la dose en Gy est égale à la dose en Sv. Par ailleurs, l’exposition du radiodiagnostic, particulièrement celle du diagnostic dentaire, n’affecte jamais l’ensemble du corps, mais des parties plus ou moins importantes de celui-ci. Comme la sensibilité des organes et des tissus dépend de leur nature, on affecte à chacun un coefficient de pondération en fonction de sa sensibilité. Pour une certaine dose absorbée dans un volume, on évalue par calcul (méthode de Monte-Carlo) la proportion de chaque organe ou tissu concerné, que l’on multiplie par le coefficient de pondération correspondant. La dose ainsi calculée, exprimée en sieverts, est la dose efficace. Ces coefficients sont susceptibles d’être corrigés en fonction de l’évolution des connaissances. Ainsi, les prochaines recommandations de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) vont modifier ces coefficients de pondération, en diminuant fortement le coefficient de pondération pour les gonades et, pour ce qui nous concerne, en introduisant les glandes salivaires parmi les organes à prendre en compte (Tableau 1). En pratique, il est conseillé d’exprimer en grays la dose absorbée par un organe ou une région du corps et de n’utiliser le sievert que pour la dose efficace résultante pour l’organisme entier.
“
Point important
Ordre de grandeur des doses résultant de l’exposition au rayonnement naturel : • en 1 an = 2 mGy (2 000 µGy), • en 1 semaine = 40 µGy, • en 1 jour = 5 µGy, • en 1 heure = 0,25 µGy.
■ Fondements des calculs de la radioprotection La responsabilité des radiations ionisantes à fortes doses dans la genèse de cancers est un fait établi. L’extrapolation aux faibles doses, c’est-à-dire le calcul du risque cancérogène potentiel des faibles doses, à partir du risque mis en évidence aux fortes doses, est à la base de toutes les mesures et réglementations de radioprotection adoptées par la plupart des pays développés d’après les recommandations de la CIPR. Cette réglementation a pour but de garantir un niveau supérieur de risque et d’inciter les utilisateurs à maintenir l’exposition des patients à un niveau « aussi bas que raisonnablement possible ». Il ne faut cependant pas confondre « niveau supérieur de risque » et probabilité d’induction de cancer, confusion courante qui conduit beaucoup d’auteurs à présenter le risque en termes de cancers induits rapportés à un grand nombre d’examens, ce qui est physiquement et biologiquement discutable et méthodologiquement incorrect.
Tableau 2. Exposition humaine annuelle moyenne aux rayonnements ionisants en France (en mGy). Île-de-France
Bretagne
Rayonnement tellurique
1,75
2,95 (granite)
1,7
Rayonnement cosmique
0,35
0,35
1,1 (altitude)
Isotopes internes (40K, 14C)
0,3
0,3
0,3
Total
2,4 mGy
3,6
3,1
50 %
30 %
Surcroît d’irradiation naturelle par rapport à la région Île-de-France
2
Alpes
Stomatologie/Odontologie
Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque ¶ 22-010-D-10
Nous rappellerons les bases nécessaires à la compréhension du sujet avant de citer, à partir des données de la littérature, les doses délivrées par les examens les plus courants. Ces données nous permettront d’évaluer et de discuter le risque potentiel dû à cette activité radiologique particulière.
Effets cancérogènes Données épidémiologiques Quelles sont nos sources de connaissance sur l’effet cancérogène des radiations ionisantes ? La plus importante est l’étude des survivants d’Hiroshima et Nagasaki, connue sous le nom de « Life span study ». Le suivi épidémiologique d’une population de 86 000 personnes irradiées montre, depuis 1950, environ 800 cas de cancers rapportés à l’irradiation subie lors des bombardements. [3] Il faut garder à l’esprit que la probabilité pour tout individu de développer un cancer au cours de son existence est de l’ordre de 25 %. Ces 800 cancers représentent donc l’excès de cancers observés, en sachant que doivent survenir naturellement environ 25 000 cancers dans cet effectif. Les irradiations concernées ont été administrées dans un temps très bref (fort débit de dose). À partir de ces données épidémiologiques solides (grands effectifs, surveillance rigoureuse) a été mise en évidence une relation indiscutable entre l’irradiation et la survenue de cancers avec une relation sensiblement linéaire entre la dose reçue et la probabilité d’apparition de ceux-ci, mais uniquement pour des doses élevées : il n’y a pas d’augmentation significative du taux de cancers chez les personnes ayant reçu des doses inférieures à 0,1 mSv. Pour ces faibles doses, il n’y a pas d’effet observable parce que la mise en évidence statistique d’un effet dont la probabilité est très faible nécessiterait des effectifs de plusieurs milliers d’individus. L’effet potentiel des faibles doses de radiations ionisantes (doses inférieures à 100 mSv) a donc été calculé en intégrant ce groupe aux groupes ayant reçu des doses plus fortes. [4] Par ailleurs, l’utilisation des données d’Hiroshima et Nagasaki pour le calcul du risque des expositions aux faibles doses d’autre origine, notamment médicale, est un facteur de surestimation. En effet, les faibles doses sont généralement reçues de façon partielle et fractionnée ou à faible débit de dose, alors que la population japonaise de référence a été exposée de façon quasi instantanée lors des explosions nucléaires. Il est cependant bien établi, en radiobiologie, qu’une même quantité de rayonnement n’a pas le même effet lorsqu’elle est administrée en une fois à fort débit de dose ou en plusieurs fois ou à faible débit. [5] Le facteur de réduction du risque pour une dose de rayonnement ionisant administrée en plusieurs fois ou à faible débit de dose est compris entre 2 et 10. Par souci de sécurité, on utilise le facteur de réduction minimal (= 2) dans les calculs de risque des expositions à faibles doses. On voit donc que le calcul de l’effet de faibles doses, en extrapolant la partie linéaire de la courbe en deçà du seuil d’observation statistique et en négligeant l’effet du faible débit de dose, surestime le risque. Néanmoins, dans un souci de sécurité maximale, c’est ce modèle délibérément pessimiste qui est retenu par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), chargée de fixer les limites réglementaires d’exposition, avec la certitude de ne pas sousestimer le risque. Il est le fondement des calculs des effets carcinogènes des faibles doses régulièrement publiés par les institutions internationales. Sur ces bases, l’excès de risque relatif global de mortalité par cancer serait d’environ 6 % par Sv. [6] L’application d’un modèle d’extrapolation linéaire, sans seuil et sans facteur de réduction de dose à partir de ces estimations donne les taux de cancers qui pourraient survenir pour une exposition beaucoup plus faible ; par exemple, une dose efficace de 0,03 mSv, résultant d’un panoramique dentaire, induirait un risque maximal de 3 10–5 × 6 10–2 = 1,8 10–6 soit environ deux cancers par million d’examens. Outre la méconnaissance des phénomènes biologiques qui interviennent aux faibles doses (cf. infra), cette extrapolation renvoyant à la notion discutée de Stomatologie/Odontologie
Risque calculé
10-5 10-6 10-7 10-8 10-9
Âge
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Figure 1. Évolution du risque théorique de cancer en fonction de l’âge au moment de l’irradiation d’après Maillie. [8] Exemple de risque dégressif avec l’âge : probabilité maximale de cancer de la thyroïde après une exposition de 0,3 mGy. On constate que le risque, un peu inférieur à 1/million pour la vie entière si l’exposition a lieu dans l’enfance, est divisé par 10 si celle-ci a lieu à 40 ans et par 100 à 60 ans.
« dose collective » ne prend pas en compte la disparité importante de radiosensibilité en fonction de l’âge. En effet, la radiosensibilité des organismes en développement ou en croissance est importante, alors que celle des organismes adultes ou âgés est beaucoup plus faible. En pratique, on considère que le risque théorique global est multiplié par 3 en dessous de 10 ans et diminue au-delà de 30 ans pour être divisé par 3 audessus de 50 ans. [7] Les données concernant une exposition partielle suggèrent même un facteur encore plus important. Ainsi, par exemple, le risque d’une exposition de la thyroïde serait divisé par 100 selon que l’exposition a lieu dans l’enfance ou après 60 ans [8] (Fig. 1). En tout état de cause, la relation linéaire sans seuil ne donne pas une estimation du risque mais une limite supérieure de ce risque. Or, elle est utilisée de façon erronée, sinon tendancieuse, pour les projections de cancers imputables aux faibles doses. Ce qui est avec certitude un plafond théorique se voit ainsi promu au rang de modèle prévisionnel et ce modèle est retenu, à partir de la seule cohorte d’Hiroshima et Nagasaki, malgré l’incertitude non résolue pour les doses inférieures à 100 mSv. [4] Pourtant, un tel mode de calcul est constamment démenti par les faits. Ainsi, on ne met pas en évidence d’augmentation des affections malignes parmi les professions exposées, personnel de radiologie ou de radiothérapie, [9] travailleurs de l’industrie nucléaire, [10] ni parmi les populations vivant dans des régions de forte irradiation naturelle, parfois supérieures d’un facteur 10 à l’irradiation naturelle moyenne en France. [11, 12]
Données biologiques La connaissance des mécanismes biologiques de la cancérogenèse a considérablement progressé ces dernières années et le modèle simple de cancérogenèse faisant démarrer le processus d’une lésion ponctuelle du génome, par activation d’un oncogène ou inactivation d’un gène suppresseur, a été modulé par la mise en évidence de réactions de défense, à l’échelle de la cellule, du tissu ou de l’organisme. Parmi les résultats les plus importants qui concernent les expositions à faible dose et faible débit de dose, domaine de l’exposition médicale, il faut retenir les faits suivants : • les lésions de l’acide désoxyribonucléique (ADN) potentiellement cancérogènes sont les cassures double brin (CDB), pour lesquelles les mécanismes de réparation peuvent être incomplets. Ces CDB surviennent naturellement dans toute cellule du fait du métabolisme, et on estime que dans chaque cellule se produisent chaque jour une dizaine de CDB. Pour produire le même taux de CDB avec des rayonnements X, il faut soumettre les cellules à une exposition continue de 5 mGy min–1 ; [13] • une cellule dont l’ADN est lésé peut mourir sans se diviser ou après quelques divisions (apoptose) ou être réparée intégralement. Dans ces cas, l’effet de la lésion de l’ADN est nul. Elle peut aussi être incomplètement ou non réparée, ce qui peut initier le processus cancérogène. À faible débit de dose, la non-réparation et l’élimination des cellules lésées sont la règle. [5]
3
22-010-D-10 ¶ Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque
On peut donc retenir que, dans le domaine des faibles doses, inférieures à 100 mSv, les données épidémiologiques ne permettent pas de conclure, faute d’effectifs suffisants. En revanche, les données biologiques les plus récentes laissent penser que, dans l’intervalle de dose de 2 à 100 mSv, qui est celui de l’exposition naturelle aux rayonnements ionisants, les mécanismes d’adaptation mis en jeu depuis des millions d’années chez les organismes vivants fournissent une protection efficace contre les lésions du génome lorsqu’elles sont quantitativement limitées. Quoi qu’il en soit, si le modèle de la relation linéaire sans seuil est discutable quant à son fondement scientifique, il incite à la prudence dans l’utilisation des rayonnements. Il faut donc toujours employer la dose la plus faible possible pour obtenir un résultat donné (optimisation). Cela est particulièrement important lorsqu’on explore des enfants dont les tissus en croissance sont beaucoup plus radiosensibles que ceux des adultes.
Effets tératogènes L’induction de malformations et, plus généralement, d’anomalies de développement par l’exposition in utero à des rayonnements ionisants est un fait bien établi expérimentalement.
Notions importantes Trois notions très importantes sont à retenir d’emblée : • ce sont des effets déterministes, qui procèdent de mécanismes de mort cellulaire et qui n’apparaissent qu’au-dessus d’un seuil ; • la sensibilité de l’enfant en formation n’est pas constante au cours de la grossesse ; • l’incidence spontanée de malformations est élevée : 3 % des grossesses. Le retard mental, associé ou non à un syndrome malformatif, a la même incidence de 3 %.
Effets potentiels d’une irradiation en fonction du stade de la grossesse Avant l’implantation (j8 ou 1 semaine postconception) L’œuf est au stade de morula. Chacune des cellules qui le constituent est capable de produire un embryon normal. Si une ou plusieurs d’entre elles sont tuées, la multiplication des autres permet de compenser. L’effet d’une irradiation obéit donc à la loi du tout ou rien : si toutes les cellules ont été lésées la grossesse s’arrête et n’est même pas décelée (pas de retard de règles). Si les lésions ne portent que sur une partie des cellules, la grossesse se poursuit normalement. Pendant l’organogenèse (du 9e jour au début de la 9e semaine postconception) C’est pendant cette période que la radiosensibilité est la plus forte, particulièrement entre la 3e et la 5e semaine postconception. Les cellules sont différenciées et se divisent rapidement. La mort d’un groupe de cellules peut occasionner à ce stade l’arrêt de développement, partiel ou total, d’un organe ou d’un membre, engendrant une malformation majeure. Il s’agit d’un risque déterministe qui n’apparaît qu’au-dessus d’un seuil, situé par la plupart des auteurs aux environs de 200 mGy et pour lequel la CIPR retient, dans un souci de prudence, la valeur de 100 mGy. [14] Au cours de la maturation fœtale (de la 9e semaine au 9e mois) En règle, les organes sont formés et la mort d’un groupe de cellules ne peut plus causer qu’une malformation mineure ou partielle d’un organe. Une exception importante est le cerveau, qui connaît, jusqu’à la 15e semaine, une phase de développement cruciale, celle de la migration neuronale. À partir d’une couche germinative située en profondeur, près des ventricules
4
cérébraux, les neurones migrent vers la superficie pour s’organiser en couches dans le cortex. De nombreux facteurs extrinsèques, dont l’exposition aux rayonnements ionisants, comportent à ce stade un risque de « mal-développement » cérébral, se traduisant par un retard mental, associé ou non à une diminution du périmètre crânien. Ce risque de maldéveloppement a un seuil de 500 mGy. On estime cependant que des diminutions du QI peuvent apparaître au-dessus de 200 mGy. [14] Rappelons qu’un retard mental (QI < 70) est observé spontanément chez 3 % des enfants. Chez l’homme, les études faites après Hiroshima et Nagasaki n’ont pas montré d’augmentation du taux de malformations. En revanche, on a constaté chez quelques enfants une diminution du périmètre crânien, associée ou non à un retard mental. Bien que les conditions précaires d’hébergement et nutrition aient pu jouer un rôle dans l’apparition de ces insuffisances de développement, il est vraisemblable qu’elles aient eu pour cause l’irradiation in utero. Elles représentent le seul effet observé. Selon les propres termes de Mole, expert mondialement reconnu de radiopathologie : « La conclusion, fondée sur l’ensemble des données disponibles, est que l’idée largement répandue de la forte radiosensibilité des mammifères, homme compris, à l’induction de malformations par irradiation au stade de l’embryon, est fausse. » [15] À défaut d’effets tératogènes, peut-on attendre d’autres effets sur l’enfant à naître après exposition d’une femme enceinte ? Un article publié dans un journal médical général [16] faisait état d’un petit poids de naissance d’enfants nés de mère ayant eu des radiographies dentaires pendant leur grossesse. Les doses reçues à l’abdomen étant insignifiantes, les auteurs postulent qu’il pourrait s’agir d’un effet sur la thyroïde ou l’axe hypothalamo-hypophysaire malgré la faiblesse des doses reçues et l’absence de contrôle de la fonction thyroïdienne. Peut-être eût-il été plus rigoureux de chercher une explication ou des facteurs confondants dans le retentissement de l’état dentaire sur l’alimentation durant la grossesse, la corrélation entre l’état dentaire et le poids de naissance étant bien établie. [17]
“
Conduite à tenir
Doses délivrées à l’utérus en radiodiagnostic dentaire. Le radiodiagnostic dentaire, peu énergétique ou très focalisé, ne délivre à l’ovaire ou à l’utérus que des doses infimes, inférieures à 0,1 µGy pour un panoramique [18] soit l’équivalent de 30 minutes d’irradiation naturelle et il peut être pratiqué sans risque chez la femme enceinte. [7] Le port d’un tablier de plomb par la patiente lors de la prise du cliché ne modifie pas la dose reçue au pelvis et n’a pas de justification objective. [19] Il peut cependant être utilisé pour le confort psychologique de la patiente.
Effets génétiques Les rayonnements ionisants sont capables, au même titre que de multiples agents physiques et chimiques, d’induire des mutations et des anomalies chromosomiques lorsqu’ils sont délivrés à forte dose et à fort débit de dose en expérimentation animale. Les données épidémiologiques humaines, qui ont porté sur la descendance des survivants d’Hiroshima et Nagasaki et celle de malades irradiés, n’ont pas montré d’augmentation des anomalies génétiques. [20] De même, les études de grande envergure portant sur des populations soumises à des niveaux d’irradiation naturelle importante n’ont montré aucune augmentation des maladies à transmission héréditaire ou d’anomalies chromosomiques susceptibles d’augmenter ces maladies. [21] Stomatologie/Odontologie
Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque ¶ 22-010-D-10
L’absence d’effets génétiques s’explique par les mécanismes de réparation efficace des lésions de l’ADN constituant les chromosomes, bien connus depuis les années 1980. [22] La réévaluation du risque génétique a d’ailleurs amené les instances scientifiques internationales à diviser par 4 le coefficient de pondération des gonades utilisé pour le calcul de la dose efficace ; ce coefficient passera de 0,2 à 0,05 dans les prochaines recommandations de la CIPR.
Tableau 3. Doses résultant d’un cliché rétroalvéolaire : (60 à 70 kV, film rapide « E »). Dose moyenne arrondie (d’après les valeurs de [23, 25-27, 34]). Dose (mGy)
Dose (mGy)
mandibule
maxillaire supérieur
Cerveau
0,004
0,004
Thyroïde
0,008
0,003
■ Exposition des patients
Glandes salivaires (moyenne)
0,05
0,04
Surface osseuse
0,003
0,002
Obligations légales
Moelle osseuse
0,003
0,003
Dose efficace
2 µSv (8 heures de rayonnement naturel)
La connaissance de la dose délivrée lors de toute exploration radiologique est indispensable. Le décret 2003-270 dispose que le compte rendu de chaque acte comporte « les éléments nécessaires à l’estimation de la dose reçue par le patient ». [1] À la différence des scanners et appareils de radiologie générale, les appareils de radiographie dentaire ne peuvent être équipés d’indicateurs de dose. Il faut donc indiquer les paramètres de l’exposition (distance, kilovoltage, ampérage et temps d’exposition). Chaque praticien doit connaître également l’ordre de grandeur de la dose délivrée par les principaux examens qu’il réalise ou qu’il utilise pour délivrer ses soins, afin de pouvoir répondre aux questions de ses patients. Enfin, la mesure de dose fait partie des contrôles de qualité mis en place pour tous les appareils de radiologie à partir de 2005. La confrontation des résultats de l’installation aux valeurs de la littérature et aux niveaux de référence diagnostiques (NRD) européens [7] permet à chacun de vérifier qu’il se situe dans la norme pour la dose délivrée par ses explorations radiologiques. Selon la directive Euratom 97/43, les NRD sont « des niveaux de dose dans les pratiques radiodiagnostiques pour des examens types sur des groupes de patients types ou sur des fantômes types, pour des catégories larges de types d’installations. Ces niveaux ne devraient pas être dépassés pour les procédures courantes se conformant aux bonnes pratiques normales et utilisant des matériels performants ». Ces NRD sont établis en étudiant la distribution des doses pour un examen donné dans plusieurs sites, et en retenant pour valeur de NRD le 75e percentile de cette distribution. Ils ne représentent donc ni une limite, ni une valeur optimale mais une valeur indicative en dessous de laquelle chacun doit s’efforcer de se situer pour l’examen considéré, pour une pratique courante, chez des patients de morphologie moyenne. Cette valeur peut être dépassée lorsqu’on examine des patients « hors normes » ou dans des conditions d’examen difficiles. En France, l’usage des NRD est inscrit dans la loi [1] et les valeurs de NRD ont été fixées, par arrêté du ministère de la Santé, pour des examens radiographiques et tomodensitométriques courants. Le radiodiagnostic dentaire ne s’est pas vu fixer de niveaux de référence nationaux, mais les NRD européens constituent un indicateur parfaitement valable pour la pratique nationale.
Niveau de référence européen (dose d’entrée)
4 mGy
Évaluation des doses délivrées par les principales techniques utilisées en radiodiagnostic dentaire Toutes les techniques de radiodiagnostic dentaire ont fait l’objet de mesures de doses, dont l’accès aux résultats est parfois ardu en raison de l’hétérogénéité des conditions de mesures et d’expression des résultats. Nous avons tenté de simplifier la présentation de ces résultats sous formes de tableaux, établis pour chaque technique à partir des principales références de la littérature, auxquelles nous renvoyons le lecteur désireux de disposer de l’intégralité des résultats de ces mesures.
Radiologie conventionnelle Radiographie endobuccale Elle est la plus pratiquée, permettant une excellente analyse individuelle de la dent et de ses rapports osseux. L’exposition Stomatologie/Odontologie
Organe
Tableau 4. Doses résultant de la réalisation d’une étude radiographique de toute la bouche, par technique « long cône » (20 clichés). Doses arrondies d’après Underhill. [24] Organe
Dose (mGy)
Dose (mGy)
localisateur circulaire
collimation rectangulaire
Cerveau (hypophyse)
0,29
0,09
Thyroïde
0,63
0,27
Glandes salivaires (moyenne) 0,39
0,39
Surface osseuse
0,67
0,20
Moelle osseuse
0,14
0,04
Dose efficace (mSv)
0,51
0,16
Figure 2. Cliché rétroalvéolaire numérique. Par rapport à un cliché sur film conventionnel, à paramètres physiques constants (kV, mA), le temps de pose est réduit de près de la moitié, ce qui diminue proportionnellement la dose (ici inférieure à 2 µSv) et le risque de flou de mouvement (cliché dû à l’obligeance du docteur A. Benmansour).
résultante [23-27] est très faible, équivalant à moins d’une demijournée d’exposition naturelle (Tableau 3). Le niveau de référence européen correspond à la dose dans l’air, mesurée à l’extrémité du cône ou du localisateur, pour une exposition correspondant à la radiographie d’une molaire maxillaire. Il a été établi à 4 mGy. [7] L’utilisation d’une collimation rectangulaire supplémentaire, réduisant le faisceau d’un localisateur cylindrique à la seule partie utile pour couvrir le récepteur, diminue considérablement la dose reçue, [24] surtout en cas d’exploration endobuccale complète (Tableau 4). La numérisation permet une réduction de dose de 30 à 50 %, [28] un gain de temps substantiel et une grande facilité d’archivage, tout en conservant une excellente définition (Fig. 2). [29, 30] Panoramique dentaire (Fig. 3) L’orthopantomographe fournit une vision globale simultanée des arcades maxillaire et mandibulaire, en revanche, la résolution spatiale qu’il procure pour chaque dent est nettement inférieure à celle du cliché rétroalvéolaire correspondant. La dose reçue lors d’un cliché panoramique conventionnel est 10 à 20 fois supérieure à celle reçue pour un seul cliché rétroalvéolaire (Tableau 5). [24, 31] En contrepartie, elle reste inférieure à celle d’une exploration endobuccale complète, notamment avec
5
22-010-D-10 ¶ Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque
Figure 3. Cliché panoramique (orthopantomographie) numérique. Par rapport à un cliché sur un film conventionnel, l’ampérage peut être réduit, ce qui diminue proportionnellement la dose. Les doses absorbées aux organes voisins sont figurées en cartouches. La dose efficace résultante est de 0,03 mSv.
Tableau 5. Doses résultant de la réalisation d’un orthopantomogramme (panoramique), d’après [24, 34, 35]. Organe
Dose (mGy)
Cerveau
0,03
Glandes salivaires
0,03
Thyroïde
0,02
Glandes salivaires
0,4
Surface osseuse
0,06
Moelle osseuse
0,01
Dose efficace (mSv)
0,03
Peau (dose d’entrée)
0,6
les appareillages à balayage complexe et pilotage informatisé de nouvelle génération. [32, 33] Cependant, même pour des appareils comparables, la dose peut varier du simple au double pour la même exploration. [34] En raison du mode d’acquisition de l’appareil, le niveau de référence est difficile à définir. En effet, l’intensité est modulée en fonction de la position du tube pour s’adapter à l’épaisseur traversée et la dose à l’entrée est donc variable, maximale en région occipitale, proposée comme point de mesure par certains, avec une valeur de 0,7 mGy. [35] Le bureau de radioprotection du Royaume-Uni propose l’utilisation du produit de la dose en sortie de tube par la largeur de la fente d’émission. D’autres proposent de réaliser un produit (dose × surface), comme en radiologie conventionnelle. [36] En tout état de cause, aucune de ces approches n’est réellement satisfaisante et la Commission européenne n’a pas fixé de niveau de référence, dans l’attente d’une méthode de mesure simple et reproductible. [7] Téléradiographie (céphalométrie) Elle n’est qu’une variante de la radiographie craniofaciale traditionnelle, l’allongement de la distance foyer-objet permettant de minimiser l’agrandissement radiographique. La dose d’entrée, prise comme NRD européen, est de 1,5 mGy pour l’incidence de profil et de 3 mGy pour l’incidence de face. La dose efficace correspondant au cliché de profil est de 2,5 µSv, [7] soit une demi-journée d’exposition au rayonnement naturel.
Tomodensitométrie (scanner) Cette technique a pris une grande place, en particulier en implantologie. Elle a l’avantage de permettre, grâce à des
6
Figure 4. Dentascanner : outre l’étude individuelle de chaque dent à l’échelle 1/1, l’acquisition volumique (A) se prête à toute reconstruction, plane, surfacique ou curviligne, permettant, par exemple, l’étude du canal mandibulaire et de ses rapports sur toute sa longueur (B). Le computed tomography dose index (CTDI), pour cette exploration chez un adolescent, est de 300 mGy · cm, soit une dose efficace d’environ 0,8 mSv, équivalant à 4 mois d’irradiation naturelle.
logiciels spécifiques (Dentascan®), des reconstructions dans tous les plans à partir d’une acquisition unique de coupes millimétriques dans le plan axial transverse (Fig. 4). La dose absorbée résultant d’une acquisition en mode hélicoïdal pour reconstructions multiplanaires est à considérer pour trois organes : les glandes salivaires, la thyroïde et la moelle hématopoïétique contenue dans les os intéressés par les coupes. On y ajoute souvent le cristallin. En fait, pour ce dernier, le risque n’est pas un risque stochastique de cancérogenèse, mais un risque déterministe théorique de cataracte. Ce mécanisme déterministe Stomatologie/Odontologie
Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque ¶ 22-010-D-10
Tableau 6. Doses délivrées en tomodensitométrie (dentascanner).
a
Série 1
Bilan d’implantologie Pour deux sites d’implantation (mandibule, postérieur)
Pour plusieurs sites d’implantation (maxillaire, 6 à 8)
Scanner
Tomographies
Scanner
dose en mGy
dose en mGy
dose en mGy
dose en mGy
Glandes salivaires
9,5
1,2
3,4
5,1
Thyroïde
1,7
0,2
0,2
8,1
Arcade
18,0
0,6
1,2
3,6
Organe
Série 2
Tomographies
Dentascanner TDM, protocole standard,
TDM, protocole « faible dose »,
dose en mGy
dose en mGy
Glandes salivaires
2,3
0,4
Thyroïde
2,5
0,5
Arcade
24
0,3
Dose efficace
1,9 mSv
0,3 mSv
La série 1 [39] compare le scanner à la tomographie en bilan d’implantologie. Les valeurs citées sont des moyennes pour les deux côtés du fantôme exploré. On constate que, pour un petit nombre d’implants, le scanner est plus irradiant, alors que pour un grand nombre, ce sont les tomographies qui irradient davantage. La série 2 [40] compare un examen tomodensitométrique standard (120 kV, 165 mAs ; pitch = 1) avec un protocole « faible dose » (120 kV, 35 mAs ; pitch = 2). a
Tableau 7. Risque théorique de cancers létaux par million d’examens (d’après
[7, 23]).
Bilan rétroalvéolaire complet
Panoramique
Moelle osseuse
0,7
0,06
Sein
0,1
–
Thyroïde
0,8
0,06
Surface osseuse
0,5
0,03
Autres
0,4
0,06
Total
2,5
0,21
implique l’existence d’un seuil et l’on sait qu’il n’y a pas de risque de cataracte pour des doses inférieures à 2 Gy en dose unique ou inférieures à 5 Gy en irradiation fractionnée. [37] La prise en compte de ce risque en diagnostic dentaire est donc irréaliste. Le scanner délivre au volume exploré une dose plus importante que les explorations conventionnelles. En contrepartie, le rayonnement est étroitement collimaté et la dose reçue par les organes adjacents est minime. Par ailleurs, les indicateurs de dose figurent obligatoirement sur la console du scanner et doivent être mentionnés sur le compte rendu, [1] ce qui permet d’évaluer très facilement la dose délivrée et d’optimiser les paramètres en fonction de l’information attendue et du contexte. Ces indicateurs tomodensitométriques, caractérisant une procédure, sont l’indice de dose de scanographie pondéré (IDSP), correspondant au computed tomography dose index (CTDI) des Anglo-Saxons, et le produit dose × longueur (PDL). Le CTDI est un index d’exposition quantifiant la dose délivrée en fonction des paramètres pour une coupe. Il montre immédiatement l’influence des paramètres choisis (kV et mAs) sur la dose. Pour tenir compte aussi d’un élément, essentiel en acquisition hélicoïdale, qui est le pas (pitch), les constructeurs affichent également (ou exclusivement) le CTDI volumique, qui est le CTDI divisé par le pas (il est donc inférieur au CTDI nominal quand le pas est supérieur à 1, supérieur quand le pas est inférieur à 1). Cet index ne reflète cependant pas la dose totale reçue par le patient. Pour exprimer cette dose totale, il faut utiliser le produit dose × longueur (PDL), exprimé en mGy · cm. C’est cette grandeur qui est appropriée pour l’estimation de la dose qui figure sur le compte rendu d’examen. Comme en radiologie conventionnelle avec le produit dose × surface (PDS), cette grandeur permet d’avoir une indication de la dose efficace correspondante, par utilisation de coefficients dépendants de la région explorée. [38] En pratique, on peut retenir, pour une estimation rapide, que la dose efficace pour un scanner de la tête et du massif facial est approximativement la valeur du PDL (en mGy · cm) divisée par 350. Il n’existe pas de niveau de référence européen pour ce type d’exploration. Les doses Stomatologie/Odontologie
1 cliché rétroalvéolaire
0,1
enregistrées pour un DentaScan® sont mentionnées dans le Tableau 6. La première série [39] compare un examen réalisé avec des paramètres standards à la dose délivrée par l’exploration tomographique nécessaire pour la même indication. Elle montre que, lorsque l’exploration porte sur plusieurs dents, l’exploration scanographique, même non optimisée, a sensiblement le même résultat dosimétrique. La seconde série [40] montre que la modification des paramètres permet d’obtenir un examen informatif en diminuant considérablement la dose délivrée. Il est particulièrement important d’utiliser ces paramètres de réduction de dose lorsqu’on explore des anomalies dentaires chez l’enfant.
Conséquences théoriques de l’exposition aux rayons X en odontologie Avec la relation linéaire sans seuil, il est possible de calculer, par extrapolation des effets observés à forte dose et fort débit de dose lors des explosions japonaises, le nombre théorique maximal de cancers qui pourraient survenir après l’irradiation subie en diagnostic dentaire. On peut lire ainsi par exemple : « la probabilité de cancérogenèse radio-induite après un bilan endo-oral complet est estimée entre 7 et 17 cancers par million d’examen réalisés ». [41] On a pu, de la même manière, estimer le risque de cancer par organe en une méta-analyse de publications multipliant les doses d’explorations radiologiques dentaires par les coefficients de risque théoriques. [7, 23] Le Tableau 7 donne les moyennes obtenues. Il faut cependant relativiser le risque du radiodiagnostic en général et celui du diagnostic dentaire en particulier, où les doses reçues sont de l’ordre de celles résultant de l’exposition au rayonnement naturel. Nous avons vu que les estimations de risque étaient calculées avec les paramètres les plus péjoratifs, et, pour le risque cancérogène, il faut garder à l’esprit que, de l’avis même des commissions qui établissent les estimations, « la possibilité qu’il n’y ait pas de risque dû à des expositions comparables à l’irradiation naturelle ne peut être éliminée. À de telles doses et débits de dose, on doit reconnaître que la limite inférieure de l’estimation du
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22-010-D-10 ¶ Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque
risque tend vers zéro ». [42] Il faut garder présent à l’esprit que toutes les estimations de cancers ne devraient pas être présentées en probabilité de cancers induits mais en limite supérieure du risque de cancers induits, en n’excluant pas que le risque réel soit compris entre zéro et ce chiffre plafond ; le solécisme mathématique et médical qui emploie probabilité au lieu de limite supérieure du risque contribue à fausser une perception de ce risque qui devrait être beaucoup plus sereine. Cependant, l’impossibilité de démontrer l’absence de risque à ces niveaux de dose doit inciter les praticiens du radiodiagnostic dentaire à limiter les examens au strict nécessaire et à connaître et utiliser les guides de bonne pratique, [7] ainsi que les matériels les plus performants pour aboutir au diagnostic au moindre coût radique.
■ Conclusion Le risque des faibles doses de rayonnements ionisants, domaine du radiodiagnostic odontologique, est controversé, faute de preuve épidémiologique tangible de l’existence ou de l’absence de seuil. L’incertitude sur le risque, si faible soit-il, impose cependant la prudence dans l’utilisation des rayonnements, surtout chez l’enfant et le sujet jeune. Aucune radiographie ne doit être réalisée si elle n’apporte pas une amélioration certaine de la prise en charge du patient. Quand une exploration est justifiée, elle doit être réalisée avec le matériel et la technique les plus performants afin d’obtenir l’information diagnostique au moindre coût radique. Le respect de ces deux principes de justification et d’optimisation garantit un rapport risque/bénéfice de la pratique radiologique très supérieur à celui de nombreuses pratiques médicales ne faisant pas l’objet du surinvestissement médiatique qui caractérise les rayonnements ionisants.
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Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque ¶ 22-010-D-10
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[42] NationalAcademy of Sciences. Health effects of exposure to low-levels of ionizing radiation (BEIR V report). Washington DC: National Academy of Sciences; 1990.
Pour en savoir plus Tous les textes législatifs et réglementaires concernant la radioprotection des patients sont accessibles sur le site de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection : www.asn.gouv.fr (onglet « textes »).
Y.-S. Cordoliani, Professeur* ([email protected]). Hôpital du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Cordoliani Y.-S. Explorations radiologiques en odontostomatologie. Dosimétrie et estimation du risque. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-010-D-10, 2005.
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¶ 22-010-D-20
Imagerie dento-maxillo-faciale. Radiologie conventionnelle analogique et numérique. Échographie L. Hauret, D. Bar, P. Marion, C. Gräf, F. Dupouy, MT. Péjac, B. Boyer Malgré le développement de l’échographie, de la tomodensitométrie et de l’imagerie par résonance magnétique, la radiographie est toujours essentielle pour le diagnostic en pathologie dento-maxillofaciale. Dans ce domaine, la radiologie analogique est maintenant supplantée par la radiologie numérique. Nous envisagerons, dans un premier temps, les principes de la radiologie sous ses deux formes, analogique et numérique. Deuxièmement, les techniques particulières d’imagerie dento-maxillofaciale seront abordées en insistant sur le développement récent de la tomographie numérisée à faisceau conique. Enfin, l’échographie sera étudiée dans un troisième temps. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Radiologie dento-maxillo-faciale ; Radiologie analogique ; Radiologie numérique ; Tomographie numérisée à faisceau conique ; Échographie
Production des rayons X
Plan ¶ Radiologie conventionnelle Production des rayons X Formation de l’image radiante Détection de l’image radiante Présentation de l’image définitive Stockage et transmission des informations
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¶ Techniques particulières Téléradiographie Orthopantomographie Tomographie numérisée à faisceau conique : le NewTom 9000® Méthodes endobuccales
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¶ Échographie Principe de l’échographie Propriétés des ultrasons Interaction du faisceau ultrasonore avec la matière Production des ultrasons Présentation des données Développements récents Indications
■ Radiologie conventionnelle
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La formation de l’image se fait schématiquement en quatre étapes au sein d’une chaîne radiologique : • production des rayons X (RX) ; • formation de l’image radiante : modulation du faisceau de RX par la traversée de l’objet ; • détection de l’image radiante : recueil sur un détecteur (analogique ou numérique) de l’image radiante ; • présentation de l’image définitive. Les deux premières étapes sont identiques en radiologie analogique et numérique ; les deux autres sont distinctes (Fig. 1). Stomatologie
Le faisceau de RX qui va traverser l’objet est produit par un tube à RX, enceinte en verre où règne un vide poussé, composée d’une cathode et d’une anode entre lesquelles règne une différence de potentiel très élevée créée par le passage d’un courant de haute tension. La cathode émet un faisceau d’électrons par l’intermédiaire d’un filament traversé par un courant de chauffage. Le faisceau d’électrons, fortement accéléré sous l’effet de la différence de potentiel, va frapper l’anode, cible métallique qui va générer le rayonnement X par interaction entre les électrons et la matière. Le courant de chauffage et le courant haute tension sont fournis par un générateur (Fig. 2). La zone d’impact sur le métal, dépendant de la surface apparente du filament, définit le foyer électronique du tube. Pour diminuer la surface apparente de production des RX (foyer optique), l’anode est inclinée par rapport au faisceau d’électrons d’un angle de 10 à 20° (Fig. 3). La taille du foyer optique, qui peut s’échelonner de 0,1 mm à 3 mm, conditionne la finesse de l’image radiologique (résolution spatiale).
Formation de l’image radiante L’image radiante est une image virtuelle, ombre portée de l’objet, formée par le faisceau de RX modulé par la traversée de l’objet radiographié. Elle résulte de l’interaction des RX avec la matière par effet Compton ou effet photoélectrique à l’origine d’une atténuation du faisceau, variable en tout point de l’objet traversé et qui va générer un contraste permettant la formation de l’image. L’effet Compton prédomine aux hautes énergies et dépend de la masse volumique des tissus. L’effet photoélectrique prédomine aux faibles énergies et dépend, quant à lui, du numéro atomique des tissus.
Détection de l’image radiante Détection analogique La détection de l’image radiante se fait par effet photographique en deux étapes, la formation de l’image latente puis le développement du film.
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22-010-D-20 ¶ Imagerie dento-maxillo-faciale. Radiologie conventionnelle analogique et numérique. Échographie
Figure 1. Formation de l’image en mode analogique (A) et numérique (B). RX : rayons X.
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Figure 2.
Principe de production des rayons X (tube à anode fixe).
Point important
L’information que contient l’image radiante, pour être analysable par l’œil, nécessite sa transformation en image latente puis lumineuse : la formation de l’image latente se fait par projection de l’image radiante sur un support plan, un détecteur, et est fondamentalement différente en radiologie analogique et numérique.
ment du faisceau de RX, soit une diminution de la dose au prix d’une petite perte dans la restitution des détails par rapport au film sans écran. Les variations d’impression du bromure d’argent vont permettre d’obtenir un contraste sur le film mais la quantité d’argent formée est faible et ne sera visible à l’œil nu qu’après amplification : c’est la deuxième étape de développement du film. Développement
Figure 3.
Les différents foyers du tube à rayons X.
Formation de l’image latente Les photons X viennent impressionner les cristaux de bromure d’argent d’un film radiographique et libèrent de l’argent métallique de couleur noire. Plus les photons sont nombreux (faible absorption lors de la traversée de l’objet), plus la libération d’argent sera grande et plus la région du film en projection de l’objet sera noire. Le récepteur de l’image radiante est en fait une cassette qui contient, soit un simple film radiographique, soit, en plus du film et de part et d’autre de celui-ci, des écrans renforçateurs qui ont la propriété de transformer les RX en rayons lumineux : ceux-ci vont également impressionner le film et donc renforcer l’action des RX, autrement dit, permettre un meilleur rende-
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C’est le processus physicochimique de réduction assurant la transformation en argent métallique de l’ensemble des cristaux altérés par les RX. Cette révélation du film est suivie d’une étape de fixation visant à empêcher la transformation secondaire des cristaux intacts qui réaliserait un noircissement du film. La procédure se termine par rinçage et séchage du film.
Détection numérique Principe L’obtention d’une image lumineuse est plus complexe et se fait en plusieurs étapes. Transformation de l’énergie X en signal électrique. Au film radiographique se substitue un détecteur à disposition matricielle qui va transformer point par point (on parle d’éléments images ou pixels) les photons de l’image radiante en un signal électrique mesurable et proportionnel à l’énergie X reçue. Numérisation du signal électrique. Elle se fait au sein d’un convertisseur analogique/numérique. Le signal électrique est un signal analogique, grandeur continue qu’on va transformer en Stomatologie
Imagerie dento-maxillo-faciale. Radiologie conventionnelle analogique et numérique. Échographie ¶ 22-010-D-20
Figure 4. Détecteurs numériques.
autant de valeurs discontinues (échantillonnage) que de pixels dans l’image à construire. Puis on va attribuer une valeur à chaque échantillon (quantification). Cette information numérique va être mise en mémoire (stockage matriciel). Visualisation de l’image. Elle est obtenue par transformation des valeurs numériques point par point en niveaux de gris pour former une image reconstruite accessible à l’œil, soit par balayage d’un écran vidéo (console de visualisation), soit par impression sur un film radiographique par l’intermédiaire d’un faisceau laser, soit encore par édition sur papier à l’aide d’une imprimante. Les détecteurs numériques définissent les différents systèmes de radiologie numérique commercialisés. On distingue les détecteurs permettant d’obtenir l’image numérique en temps différé (écrans à mémoire) de ceux permettant d’obtenir l’image en temps réel : détecteurs charge-coupled device (CCD), détecteurs complementary metal oxide semiconductor (CMOS) et tubes intensificateurs d’image (Fig. 4). Écrans à mémoire Il s’agit d’un détecteur mobile utilisé dans le cadre d’une chaîne de radiologie classique : générateur, tube à RX, cassette. Seul le contenu de la cassette va changer : elle contient un écran dit « écran à mémoire » qui remplace le couple filmécran traditionnel et va recueillir le faisceau de RX. L’écran est formé de cristaux qui ont la propriété de retarder l’émission lumineuse et donc de stocker l’information. Celle-ci sera révélée par l’intermédiaire d’un faisceau laser sous forme lumineuse puis électrique au sein d’une unité de lecture. Les écrans à mémoire peuvent être utilisés pour l’ensemble de la radiologie conventionnelle, notamment la radiologie craniofaciale et les panoramiques dentaires. Ils peuvent également être utilisés en radiologie dentaire intrabuccale, grâce à la mise au point d’écrans de petite taille et d’unités de lecture dédiées qui lisent les écrans très rapidement et permettent d’obtenir l’image sur console en très léger différé. Principe des écrans à mémoire. Le principe repose sur l’acquisition des données par luminescence photostimulable en trois étapes. Recueil de l’information. Il se fait sur un écran, composé de cristaux phosphorescents (d’où le nom impropre d’écrans au phosphore), qui, excités par les RX, vont générer une émission lumineuse mais de façon rémanente : l’énergie est en effet conservée au sein d’électrons « pièges » qui vont réaliser un stockage de l’information. On dispose ainsi d’une image latente. L’émission lumineuse va être accélérée, stimulée lors d’une deuxième étape appelée photostimulation. Stomatologie
Photostimulation. L’émission lumineuse est accélérée sous l’action d’un rayonnement infrarouge émis par un faisceau laser : celui-ci balaye l’écran, libère les électrons liés aux sels des cristaux et déclenche des émissions lumineuses dont l’intensité va refléter point par point l’intensité de l’image radiante. Une fois la lecture laser effectuée, les informations qui pourraient encore se trouver sur l’écran vont être effacées par exposition à un flash de haute intensité lumineuse (type lampe au sodium) qui va nettoyer en quelque sorte les niveaux pièges et l’écran sera de nouveau disponible. Signal électrique numérisable. Le signal lumineux est recueilli par un tube photomultiplicateur qui génère un signal électrique amplifié. C’est ce signal électrique qui sera numérisé. Le cycle de traitement d’une cassette comprend le temps de déchargement-rechargement de la cassette, la lecture de l’écran, l’écriture du film et le développement. Caractéristiques du détecteur. La luminescence émise par les écrans, et là réside la grande différence avec le couple filmécrans classique, va être proportionnelle au flux de photons X captés pour une large gamme d’exposition : cette grande latitude de pose va imposer au système d’identifier la plage dynamique « utile », celle qui contient l’information nécessaire : c’est le calibrage, effectué en même temps que la lecture, qui va rechercher dans l’image latente les niveaux extrêmes d’énergie. Ce calibrage garantira l’utilisation de tous les niveaux de gris lors de la formation de l’image et permettra un noircissement identique quelles que soient les constantes utilisées. Il n’y a plus de risque de sous- ou de surexposition comme cela pouvait être le cas en imagerie argentique classique. Cependant, la réduction de dose, possible grâce au calibrage, sera en fait très modeste (10 %) pour conserver une qualité suffisante de l’image. Qualité d’image. La résolution spatiale se rapproche de l’imagerie analogique sans l’égaler. Elle est limitée par le flou de diffusion des écrans à mémoire qui résulte d’un compromis entre rendement et épaisseur de l’écran. La résolution en contraste est supérieure à celle des films analogiques avec une efficacité de détection quantique proche de 100 %. Ergonomie. L’absence de clichés à refaire est un avantage majeur des écrans à mémoire. Capteur « charge-coupled device » Il s’agit d’un capteur de petite taille, contenu dans un boîtier plat, mobile, relié directement au système de numérisation par un câble souple. Il va permettre d’obtenir une image numérique en temps réel.
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22-010-D-20 ¶ Imagerie dento-maxillo-faciale. Radiologie conventionnelle analogique et numérique. Échographie
Le capteur est composé d’un scintillateur et d’un dispositif à transfert de charges CCD reliés par des fibres optiques. Le signal électrique est toujours généré après une étape lumineuse mais de façon directe, permettant d’obtenir l’image en temps réel. Principe des capteurs « charge-coupled device ». Il repose sur l’obtention du signal électrique en trois étapes. Transformation de l’image radiante en signal lumineux. Elle se fait au sein d’un scintillateur, composé d’un sel de gadolinium fluorescent, dont les cristaux excités vont émettre un signal lumineux d’intensité proportionnelle à l’énergie X reçue. Transfert de l’information à la plaque « charge-coupled device ». Les photons lumineux générés par le scintillateur sont canalisés et véhiculés vers le CCD par l’intermédiaire d’un bloc de fibres optiques qui va transférer l’information et la réduire à la taille de l’écran CCD tout en protégeant celui-ci des RX de l’image radiante. Certains systèmes ont un scintillateur et une plaque CCD de taille identique, ce qui évite une perte d’information. Transformation en signal électrique. Elle se fait au sein du capteur CCD proprement dit qui est composé d’une plaque de silicium (cible photoconductrice) et d’électrodes disposées en trame et définissant un grand nombre de points ou pixels (plus de 200 000) où se formeront les charges électriques, proportionnelles à l’éclairement de la cible (intégration) qui seront analysées ligne par ligne et colonne par colonne par le réseau d’électrodes (lecture). Elles seront ensuite transférées vers des registres de sortie, réalisant une analyse dynamique point par point de l’information. Le signal électrique véhiculé par le câble est numérisé, l’image étant disponible en temps réel sur la console de visualisation. Qualité d’image. Les capteurs CCD allient les avantages d’une image en temps réel et d’une résolution spatiale quasiment égale à la radiographie analogique pour les systèmes les plus performants, mais le grand nombre de points à analyser limite la surface du capteur : ses meilleures indications sont donc la radiologie dentaire intrabuccale où le capteur remplace les films intrabuccaux analogiques. Capteurs « complementary metal oxide semiconductor » Ils représentent le dernier développement dans le domaine des capteurs numériques directs Extérieurement, les capteurs CMOS ressemblent aux capteurs CCD. Ils sont, néanmoins, moins coûteux à fabriquer, plus fiables et d’une durée de vie plus longue. Enfin, ils consomment moins d’énergie. Surtout, c’est avec ce type de technologie que les meilleurs résultats en termes de résolution spatiale et de résolution en contraste sont obtenus dans le domaine des capteurs numériques directs. [4] Barrettes « charge-coupled device » Les capteurs CCD sont actuellement limités dans leurs indications par leur petite taille donc par un champ d’exploration réduit. On peut néanmoins exploiter la technique CCD sur une plus grande surface en disposant les capteurs de façon linéaire : ce sont les barrettes CCD couplées à un faisceau de RX collimaté par un diaphragme à fente. Le faisceau diaphragmé balaye l’ensemble de la surface à explorer : la reconstruction d’une image bidimensionnelle est obtenue par intégration des charges accumulées pendant l’ensemble de l’exposition aux RX. On obtient ainsi une image numérique bidimensionnelle sur une surface plus grande qu’avec les capteurs plans mais au prix d’un temps de pose long et de contraintes thermiques pour le tube à RX.
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Point important
La réalisation des panoramiques dentaires numériques est une excellente application des barrettes CCD.
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Tube intensificateur d’image Il s’agit d’un détecteur fixe installé sur les tables télécommandées ou avec arceau : l’image radiante est captée par un amplificateur de luminance qui la transforme en une image lumineuse très intense, analysée par un tube analyseur d’image générant un signal vidéo qui sera numérisé. L’image numérique est obtenue en temps réel sur un moniteur. Ses meilleures applications sont la radiologie avec contraste type sialographie mais également la tomographie numérisée à faisceau conique. Principe du tube intensificateur d’image. Ce type de détecteur n’est pas nouveau. C’est lui qui a permis dans les années 1960 le développement de la radioscopie télévisée puis secondairement de l’angiographie numérisée avant d’être utilisé en radiologie conventionnelle. Il associe un amplificateur de luminance et une caméra de télévision reliés par une optique. Rappelons que l’amplificateur permet de transformer l’image radiante X en un signal lumineux amplifié transmis à une cible photoconductrice puis analysé au sein de la caméra par un faisceau électronique qui va balayer la cible (tube analyseur d’image) et générer un signal vidéo : c’est ce signal vidéo qui sera ensuite numérisé. Caractéristiques du détecteur. L’amplificateur de luminance est caractérisé essentiellement par son champ, lié à la taille de l’écran primaire. Un compromis est nécessaire entre un champ d’exploration suffisant et une résolution spatiale qui sera d’autant meilleure que l’écran est petit. Les plus grands champs des amplificateurs actuels vont de 36 à 40 cm. De plus petits champs (jusqu’à 14 cm) peuvent être utilisés grâce à un zoom électronique. La résolution spatiale est liée à la taille de l’écran primaire mais aussi à la taille des grains luminescents qui ne peut être réduite qu’au détriment du facteur de conversion et donc du rapport signal/bruit : un compromis est donc nécessaire. La caméra de télévision est caractérisée par le nombre de lignes du balayage de l’image lumineuse ou standard du tube (1 249 lignes le plus souvent) et sa bande passante ou nombre d’éléments images transmis par seconde (25 à 100MHz) qui vont fixer la résolution spatiale et le rapport signal/bruit.
Présentation de l’image définitive En radiologie analogique, l’impression des grains de bromure d’argent du film radiographique va figer l’information contenue dans l’image radiante sans modification ou traitement ultérieur possible. En radiologie numérique, la numérisation et le stockage des données obtenus à partir de l’image radiante vont permettre de découpler l’acquisition de l’information et sa visualisation : autrement dit, de modifier a posteriori les informations contenues dans la mémoire de stockage et de réaliser des opérations de fenêtrage, rehaussement de contours, zoom, mesures et tout cela à partir d’une seule acquisition : • fenêtrage : modification du contraste ou du noircissement de l’image, inversion des contrastes ; • rehaussement de contours : utilisation de filtres numériques pour améliorer la perception de certains détails ; • zoom : agrandissement d’une zone d’intérêt ; • mesures : distance, angle sont évalués de façon électronique directement sur l’écran et reproduits sur le support. Dans le cadre de l’imagerie dento-maxillo-faciale, il existe désormais de multiples logiciels d’imagerie dentaire avec des outils informatiques adaptés au mieux à ce type d’imagerie. En contrepartie, la « découpe » de l’information en petits éléments de surface (pixels) nécessaire à la numérisation se paye par une restitution de la finesse des détails (définition de l’image ou résolution spatiale), inférieure à celle du film radiographique bien que les détecteurs les plus récents concurrencent fortement le film analogique en ce domaine.
Stockage et transmission des informations En radiologie analogique, le film assure à la fois les fonctions de support de l’image, de moyen de transmission et de mode de stockage. Stomatologie
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En radiologie numérique, la mémorisation des données numériques permet un découplage entre la fonction support de l’image (film ou écran vidéo) et le stockage (cédérom, bases de données). L’écran vidéo représente par ailleurs un excellent moyen de communication avec le patient dans le cadre de l’information médicale de ce dernier. La numérisation permet également la transmission de l’information par l’intermédiaire de réseaux, d’une part au sein du service d’imagerie ou d’une structure clinique entre les différents postes, d’autre part entre le service d’imagerie et d’autres services cliniques ou correspondants extérieurs (télétransmission, téléconsultation à distance, Internet).
■ Techniques particulières Téléradiographie La téléradiographie craniofaciale est un document nécessaire à l’évaluation orthodontique. Elle réclame une technique mensurative (agrandissement × 1), reproductible et comparative chez le même patient à des moments différents, et d’un patient à l’autre. La forme divergente du faisceau de RX entraîne un agrandissement de la structure projetée sur le détecteur. Cet agrandissement sera d’autant plus important que la distance foyerstructure est faible et que l’objet est éloigné du détecteur (Fig. 5). La téléradiographie va rendre négligeable cet agrandissement en augmentant la distance foyer-film. En revanche, la distance foyer-film élevée, théoriquement supérieure à 3 m, exige un générateur suffisamment puissant pour compenser l’atténuation du faisceau lié à la longue trajectoire des RX. Ces conditions rendent compte de l’insuffisance des statifs annexes pour la téléradiographie proposés avec certains appareils panoramiques où la distance foyer film est inférieure à 2 m en raison de l’encombrement et en raison de la puissance du tube limitée. La contention céphalique, par céphalostat avec olives intra-auriculaires par où passe le rayon directeur, permet la reproductibilité dans le temps de l’examen dans les mêmes conditions d’acquisition des images. Au total, l’image téléradiographique procure une projection sans déformation et en grandeur réelle de la tête (squelette, dents, profil cutané). Elle permet la mise en évidence de points anatomiques remarquables que l’orthodontiste utilise lors de son tracé sur calque aux fins d’analyse céphalométrique.
Orthopantomographie Cette méthode vise à l’exploration zonographique (tomographie en coupe épaisse) des arcades dentaires en utilisant deux principes, le balayage à fente et la tomographie courbe : • balayage à fente : le faisceau de RX est collimaté par un diaphragme à fente et son déplacement va permettre de balayer la structure à radiographier ; • tomographie : il s’agit d’une tomographie rotatoire permettant de privilégier un plan de coupe curviligne. Elle est obtenue par un déplacement rotatoire à vitesse angulaire identique, mais en sens inverse du foyer et du récepteur qui est une cassette rigide plane. Pour que le plan de coupe soit bien adapté à la conformation de la mandibule, deux solutions sont possibles : Figure 5. Influence de la distance foyer-film sur l’agrandissement.
Stomatologie
Figure 6.
Procédé de l’orthopantomographie.
• soit le mouvement s’effectue en trois temps, avec rotation en fait autour de trois centres successifs ; • soit le mouvement n’est pas circulaire mais elliptique avec combinaison d’une rotation et d’une translation de l’ensemble tube-détecteur : c’est le cas de la plupart des orthopantomographes actuels (Fig. 6). Le temps de pose varie de 12 à 20 secondes en fonction des équipements.
“
Point important
L’orthopantomographie permet de réaliser des panoramiques dentaires en acquisition analogique (films avec écrans renforçateurs aux terres rares) ou numérique (écrans à mémoire ou barrette CCD).
Tomographie numérisée à faisceau conique : le NewTom 9000® [5-10] Principe Le dispositif consiste en un générateur de rayons X qui émet un faisceau de forme conique. Celui-ci traverse le volume anatomique à explorer pour arriver sur une aire de détecteurs plane. La largeur du faisceau est constante : elle correspond à une angulation du faisceau de 14°. Le tube à rayons X et l’aire de détecteurs sont solidaires et alignés. Ils réalisent autour du volume d’intérêt un mouvement de rotation qui sera complet : 360° avec une courte impulsion de rayons X par degré, ce qui représente l’acquisition de 360 images (Fig. 7). Du fait de la conicité du faisceau, on peut acquérir, en une seule rotation du complexe source-détecteur, les données brutes concernant l’ensemble du volume sans mouvement de translation du patient. On peut acquérir au maximum, en une rotation, les données correspondant à un volume anatomique de dimensions comparables à celles d’un cube de 13 cm de côté (du plancher orbitaire jusqu’au bord inférieur de la mandibule par exemple) en environ 70 secondes, dont 36 secondes d’exposition aux rayons X. Chaque élément du système de détection va déterminer la quantité de rayons X absorbée dans le corps anatomique pour toutes les incidences. Les signaux produits par le système de détection sont transformés en données numériques et transférés sur une matrice 512 × 512. C’est à partir de ces données brutes, correspondant à 360 images numériques de 260 000 pixels, que l’on peut effectuer les procédures de reconstructions primaires axiales et secondaires. Ainsi, la
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Figure 9.
Délimitation de l’espace de reconstruction.
Tube collimateur Figure 7. Principe de la tomographie à faisceau conique. (Copyright QR s.r.l. Verona.)
Le foyer est de 1,5 mm de diamètre. Le filtre à la sortie du générateur, avant le tube collimateur, est en aluminium et mesure 1,8 mm d’épaisseur. Système de réception L’aire de détection est de forme plane bidimensionnelle. Le système de détection est constitué d’un intensificateur d’image et d’une caméra numérique vidéo à matrice 512 × 512. Logiciel
Figure 8.
NewTom 9000®. (Copyright QR s.r.l. Verona.)
principale différence avec la tomodensitométrie réside dans le fait que l’acquisition en tomographie à faisceau conique ne nécessite qu’une seule rotation alors que le scanner en réalise un grand nombre.
Éléments constitutifs du système Statif Il se présente sous la forme d’un grand anneau fixe de 192 cm de largeur sur 71 cm de profondeur. Son centre est pourvu d’une cavité cylindrique permettant la mise en place de la tête du patient dans l’espace d’exploration. Il contient l’équipement principal, à savoir le système d’émission et de détection des rayons, et autorise des mouvements de rotation de l’ensemble permettant ainsi l’exposition et les mesures d’absorption de tous les éléments unitaires du volume à analyser (Fig. 8). Support du patient C’est une table sur laquelle le patient se trouve couché dans la position la plus confortable possible, et dans la plus complète immobilité. Générateur de rayons X Le générateur développe 110 kV pour un courant d’intensité variant de 10 à 15 mA. Il existe un contrôle automatique de l’exposition permettant d’adapter la quantité de rayons X émise à la densité des tissus du volume à explorer.
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Il assure le centrage, le pilotage du complexe tube/détecteur, l’acquisition des données brutes, le traitement de ces données pour la construction de la matrice de densités et enfin les différentes reconstructions avec le travail de l’image et le stockage des données. Reconstruction primaire. Parmi les 360 images acquises, l’opérateur choisit une vue latérale sur laquelle il va délimiter l’espace à reconstruire en traçant deux plans axiaux parallèles. Il choisit l’angulation de départ ainsi que l’épaisseur de coupe. Une fois la reconstruction terminée, on obtient une série de coupes axiales au rapport 1 : 1 (Fig. 9, 10). Il est très important de noter que, grâce à l’acquisition volumique, le choix de l’angulation des reconstructions axiales est infini. Reconstructions secondaires. Ces reconstructions sont réalisées à partir de coupes axiales et toujours de manière perpendiculaire. En mode 2D, à l’instar de ce qui est réalisé en tomodensitométrie, on peut réaliser des coupes transversales perpendiculaires aux coupes axiales (Fig. 11) et des coupes longitudinales curvilignes. Des reconstructions en mode 3D sont également possibles (Fig. 12).
Principales indications de la tomographie à faisceau conique Cette nouvelle technique permet de répondre à l’ensemble des problèmes qui se posent en imagerie dento-maxillo-faciale : l’étude radiologique préimplantaire, l’examen des articulations temporomandibulaires, l’exploration des sinus maxillaires, le bilan des troisièmes molaires, dents incluses et ectopiques, la pathologie tumorale de la mandibule et du maxillaire et enfin le bilan radiologique orthodontique.
Avantages et inconvénients de la tomographie volumique numérique à faisceau conique par rapport à la tomodensitométrie Avantages Dose d’irradiation de rayons X. Pour un examen classique, elle est jusqu’à six fois inférieure à celle du scanner en fonction du site anatomique et elle est légèrement supérieure à celle d’un examen radiographique panoramique. Acquisition volumique. Du fait de la conicité du faisceau de rayons X, la machine est capable d’acquérir les données brutes d’un cube de 13 cm de côté en une seule acquisition avec la Stomatologie
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possibilité de réaliser des reconstructions primaires dans n’importe quelle angulation et ce, de façon illimitée en nombre. Tous les plans de l’espace sont accessibles sans renouveler l’acquisition. Artefacts métalliques. Ils sont bien moins importants lors de la tomographie que lors de la réalisation de scanners. Prix de l’examen. Il est significativement inférieur à celui de la tomodensitométrie. Inconvénients Précision et résolution spatiale des reconstructions. La qualité visuelle des reconstructions obtenues par examen tomodensitométrique est supérieure, cependant, la définition géométrique des images radiographiques réalisées par la tomographie à faisceau conique semble largement suffisante pour la plupart des indications d’imagerie dento-maxillo-faciale. Cela est d’autant plus vrai avec le dernier modèle NewTom 3G® utilisant Stomatologie
Figure 10. pes axiales.
Reconstructions primaires : cou-
Figure 11.
Reconstructions transversales.
une caméra vidéo à matrice 1 000 × 1 000 dans sa chaîne de détection qui améliore la qualité visuelle des reconstructions. Durée de l’examen et artefacts de mouvement. Pour certains patients, il n’est pas évident de rester immobile sans déglutir durant 70 secondes d’où l’augmentation de la probabilité de survenue d’artefacts de mouvement (5 % des examens). Cependant, là encore, le dernier modèle NewTom 3G® permet une acquisition en 36 secondes réduisant très significativement ces problèmes d’artefacts de mouvements.
Conclusion Cet appareil s’inscrit en plein dans l’évolution des techniques d’imagerie médicale, avec une diminution des doses d’irradiation et la conservation d’une bonne qualité des images radiologiques. La France est restée longtemps « frileuse » face à cette évolution puisque seulement trois appareils étaient installés jusqu’en 2004. Néanmoins, l’installation récente de trois
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Figure 12. sions.
Reconstructions en trois dimen-
nouvelles machines semble témoigner de la percée de cette technique à l’instar de Allemagne et de l’Italie où il existe déjà plusieurs dizaines d’appareils.
Méthodes endobuccales Longtemps restées le dernier bastion de l’imagerie analogique, ces techniques particulières à l’imagerie dento-maxillo-faciale basculent, elles aussi, dans le monde de l’imagerie numérique.
Clichés rétroalvéolaires Technique fondamentale de l’exercice dentaire, le cliché rétroalvéolaire apporte quotidiennement au praticien des renseignements inestimables sur l’anatomie des racines, des canaux et des apex ainsi que sur l’os alvéolaire, la lamina dura et l’espace desmodontal. C’est un outil indispensable pour le diagnostic, le contrôle et la surveillance du traitement canalaire. Techniques analogiques [1-3] Méthode classique. La plus ancienne méthode des clichés rétroalvéolaires repose sur l’utilisation d’un classique tube dentaire annexé au fauteuil du praticien de type Coolidge autoredressé au foyer apparent très fin à l’énergie imposée de l’ordre de 50-60 kV et à la puissance de 7 à 10 mA. Seul le temps de pose est réglable et varie selon la région examinée. Les films dentaires utilisés sont des films de très haute définition, sans écran, contenus dans une pochette étanche à la lumière et à la salive. Dans l’emballage du film se trouve une pellicule plombée destinée à réduire l’irradiation des tissus situés en arrière de la pellicule et à protéger l’émulsion du rayonnement secondaire. Méthode du long cône ou des faisceaux parallèles. L’arrivée des appareils plus performants, développant une tension réglable jusqu’à 90 Kv et un ampérage de 10 à 15 mA, permet d’envisager l’éloignement du tube radiogène, la conicité du faisceau de RX tendant alors à se réduire et à se rapprocher du parallélisme. Au tube est annexé un localisateur cylindrique ou quadrangulaire, porteur d’un diaphragme de plomb qui ne laisse sortir que la portion de faisceau nécessaire à l’impression du film. Le film est maintenu en bouche par un porte-film, en arrière et parallèlement au grand axe de la dent examinée, le rayon directeur étant perpendiculaire à la dent et au film. L’éloignement du tube amène la distance foyer-film à 40-50 cm. L’orthogonalité du rayon au film et à l’objet, la distance réduite film-dent permettent d’obtenir une projection morphologique et dimensionnelle la plus fidèle possible des structures dentaire et alvéolaires. Techniques numériques Écrans radioluminescents à mémoire. [11-14] Les écrans radioluminescents à mémoire à usage endobuccal constituent l’application en imagerie dento-maxillo-faciale des écrans à mémoire. Ils sont fins comme des films argentiques conventionnels, flexibles de façon telle qu’ils permettent un positionnement facile en bouche, compatibles avec la quasi-totalité des angulateurs de film, réutilisables et enfin sans aucun câble de liaison, ce qui facilite également leur mise en place en bouche (Fig. 13). Plusieurs tailles d’écrans existent suivant les constructeurs. La lecture de ces plaques se fait avec un système laser
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Figure 13. Soredex.)
Écran à mémoire intrabuccal Digora Optime®. (Copyright
parfaitement ergonomique en moins de 5 secondes. La résolution spatiale reste inférieure à celle des films analogiques (12 pl/ mm). Néanmoins, les études montrent qu’il ne semble pas y avoir de différence significative par rapport aux clichés analogiques quant à la performance diagnostique (Fig. 14). Enfin, ce système peut être utilisé avec n’importe quelle unité de radiologie intraorale. Capteurs « charge-coupled device », détecteurs « complementary metal oxide semiconductor » [15-20] Ces types de capteurs sont limités dans leur surface. Ils ont donc trouvé tout naturellement leur application dans les méthodes de radiologie endobuccales où leur taille reste inférieure à 50 mm en longueur et 40 mm en largeur. Ils égalent la radiologie analogique dans le domaine de la résolution spatiale avec une résolution réelle de l’image à 20 pl/mm pour le système le plus performant. Ces données rendent compte de leur acuité en matière de diagnostic avec une absence de différence significative par rapport à la radiologie analogique. Ainsi, cette technique permet d’obtenir en temps réel des images numériques pouvant bénéficier secondairement de tous les traitements liés à ce type d’imagerie sans perte diagnostique par rapport aux clichés analogiques classiques (Fig. 15). Néanmoins, ces capteurs présentent deux désavantages. Premièrement, ils sont rigides et présentent une épaisseur non négligeable pouvant rendre difficile leur installation en bouche. De plus la présence d’un cordon les reliant au système informatique peut également entraver leur installation en bouche. Ainsi le gain de dose lié à la technique peut parfois être altéré par la nécessité de refaire des clichés par mauvais positionnement du capteur.
Clichés occlusaux Cette méthode utilise en technique analogique un film 57 × 76 mm dit « mordu » car il est maintenu dans le plan occlusal par morsure légère du patient. C’est une technique complémentaire des incidences fondamentales (panoramique ou rétroalvéolaire) qui procure la 3e dimension, horizontale du volume maxillodentaire. Deux types de projection se complètent, ils Stomatologie
Imagerie dento-maxillo-faciale. Radiologie conventionnelle analogique et numérique. Échographie ¶ 22-010-D-20
Figure 14. Clichés du système Digora Optime®. (Copyright Soredex.)
V = F × L. Il en résulte que lorsque la fréquence augmente, la longueur d’onde diminue : la résolution de l’image va augmenter avec la fréquence mais à l’inverse, la pénétration des ultrasons va diminuer.
Interaction du faisceau ultrasonore avec la matière Le comportement de la matière vis-à-vis des ultrasons s’exprime par l’impédance acoustique, qui se définit comme le produit de la densité du milieu traversé par la vitesse des ultrasons dans ce milieu, et qui traduit la résistance du milieu à la propagation de l’onde ultrasonore. La surface de séparation entre deux milieux d’impédance différente s’appelle l’interface. L’interaction des ultrasons avec la matière est à l’origine de l’atténuation de l’onde acoustique, atténuation qui relève de trois mécanismes. Figure 15. Capteur complementary metal oxide semiconductor (CMOS) intrabuccal Kodak RVG 6000®. (Copyright Eastman Kodak Company.)
sont définis par l’angulation du rayonnement par rapport au film : incidences ortho-occlusales et incidences dysocclusales. Il est à noter que ces clichés occlusaux peuvent également bénéficier de la numérisation en utilisant des écrans à mémoire que l’on fait mordre, à l’instar de simples films, au patient.
Réflexion Elle est à l’origine même de la formation d’une image échographique. Elle se produit lorsque l’onde rencontre une interface séparant deux milieux d’impédance différente et sera d’autant plus marquée que la différence d’impédance sera élevée. C’est elle qui permettra de visualiser les limites entre les différentes structures.
Absorption
■ Échographie
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Principe de l’échographie L’échographie reprend l’idée du sonar (sound navigation and ranging). Une sonde émet des impulsions ultrasonores qui se propagent à travers l’organisme, se réfléchissent sur les obstacles rencontrés, formant des « échos » qui constituent une information captée en retour par la sonde, transformée en signal vidéo affiché sur un moniteur. Les échos à l’origine de l’image échographique résultent des propriétés acoustiques de la matière.
Propriétés des ultrasons Les ultrasons sont des ondes mécaniques dont la fréquence (nombre de vibrations par seconde) est élevée, inaudible à l’oreille humaine et supérieure à 20 000 hertz. Les ultrasons utilisés en médecine s’échelonnent en fait de 1 à 13 MHz. Elles sont caractérisées par leur fréquence F, leur longueur d’onde L et leur vitesse de propagation liées par la relation : Stomatologie
Elle correspond à une perte d’énergie de l’onde durant son parcours et donc à une perte d’information pour la formation de l’image. Elle dépend des milieux traversés mais il faut surtout retenir qu’elle est d’autant plus grande que la fréquence de l’onde est élevée : les ondes émises par les sondes de haute fréquence vont donc rapidement s’épuiser et ces sondes ne pourront explorer que les structures superficielles.
Diffusion Elle se produit lorsque l’onde incidente rencontre un obstacle de dimension inférieure à la longueur d’onde : celui-ci va se conduire comme un réémetteur de l’onde dans toutes les directions. La rétrodiffusion va permettre de reconnaître l’architecture interne des organes. Par ailleurs, les structures cristallines (os, corps étrangers) et l’air vont constituer des obstacles à la propagation de l’onde ultrasonore. Par exemple, l’air des structures digestives peut gêner l’exploration de la cavité abdominale. Au total, la formation de l’image est liée à la réflexion qui va visualiser les limites des organes explorés (interfaces) et à la diffusion qui va permettre de visualiser leur structure interne.
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Figure 17.
Figure 16.
Principe des sondes électroniques en échographie.
Production des ultrasons Elle se fait au sein de la sonde, formée de pastilles de céramique ferroélectrique (transducteurs) qui vont, grâce à leurs propriétés piézoélectriques, convertir l’énergie électrique reçue en trains d’ondes ultrasonores (émission) et inversement générer, lors du recueil des échos (réception), un signal électrique. La sonde est caractérisée par son mode de balayage, sa fréquence et sa focalisation.
Mode de balayage Alors qu’initialement, c’était la mobilisation de la sonde par l’opérateur qui assurait la formation de l’image, le balayage est maintenant assuré par le mouvement des transducteurs, soit par entraînement mécanique, soit par commutation électronique. Sondes mécaniques Elles sont constituées d’un transducteur unique oscillant ou de multiples transducteurs rotatifs et permettent un balayage sectoriel (image en éventail). Il existe également des sondes annulaires, constituées de céramiques disposées en anneaux concentriques entraînés par un moteur dans un mouvement oscillant. Sondes à balayage électronique Elles sont composées d’un grand nombre de transducteurs (jusqu’à 128) excités tour à tour, et permettent un balayage linéaire (barrettes linéaires donnant une image rectangulaire) ou sectoriel (Fig. 16). Le balayage sectoriel peut être obtenu de façon géométrique grâce à la distribution en éventail des transducteurs (barrettes convexes) ou par un procédé électronique dit « phased array » : le déclenchement décalé, « à retard » des transducteurs permet d’obtenir une ligne de tir oblique dont on va faire varier l’angle.
Fréquence des sondes Les sondes sont aussi caractérisées par la fréquence de l’onde émise : les sondes basse fréquence (3,5 MHz) permettent d’étudier les structures profondes (abdomen) alors que les sondes haute fréquence (5 à 13 MHz) étudient les structures superficielles. Outre les sondes à fréquence unique, il existe des sondes multifréquences à plusieurs fréquences d’émission, le plus souvent deux, à partir de la même sonde. Enfin, les sondes à large bande passante vont émettre non pas sur un pic fréquentiel étroit mais sur un large spectre de fréquence. Elles permettent d’explorer les plans superficiels avec une haute fréquence et les plans profonds en basse fréquence, optimisant ainsi l’image obtenue.
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Doppler carotide.
Les sondes les mieux adaptées à la pathologie cervicofaciale sont des sondes haute fréquence (5 et 10 MHz), électroniques et à balayage linéaire.
Focalisation des sondes Le faisceau ultrasonore émis par la sonde se déplace initialement perpendiculairement au front de l’onde ultrasonore mais va rapidement diverger, entraînant une détérioration de la résolution de l’image. Pour s’opposer à l’élargissement du faisceau, on fait appel à la focalisation qui peut être géométrique ou électronique. Focalisation géométrique Elle fait appel, soit à la modification de courbure de la sonde, soit le plus souvent à l’utilisation d’une lentille convergente placée au contact de la céramique. Focalisation électronique Elle reprend le principe des lignes à retard : l’excitation combinée de plusieurs transducteurs élémentaires mais déphasés dans le temps permet de focaliser l’onde d’excitation sur une profondeur donnée. La variation des lignes à retard permet un réglage de la focalisation à la profondeur souhaitée.
Présentation des données Mode A (amplitude) C’est la présentation de l’écho sous forme d’une déflexion verticale de la ligne d’un oscilloscope ; il s’agit d’une exploration unidimensionnelle qui n’est plus employée.
Mode B (brillance) C’est la présentation de l’écho sous forme d’un point brillant ; présentation la plus souvent utilisée, elle est réalisée en temps réel.
Mode TM (temps-mouvement) Il est utilisé surtout en cardiologie, où la distance de l’écho à la sonde est représentée en fonction du temps sous forme d’une courbe.
Mode doppler L’échographe enregistre la modification de fréquence du faisceau de retour, liée au mouvement de la cible. Cette variation de fréquence est représentée par une courbe, un spectre, un point coloré ou un bruit : • le mode est dit doppler continu ou pulsé en fonction du mode d’émission ; • le mode est dit doppler couleur si la modification de fréquence est représentée par un point coloré. Le mode doppler permet l’étude des vaisseaux et la recherche du caractère hypervascularisé ou non d’une lésion (Fig. 17). Stomatologie
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Figure 19. Figure 18.
Plancher buccal en échographie.
Glande sous-maxillaire en imagerie harmonique.
Indications Elles sont dominées en stomatologie par l’exploration des glandes salivaires et de leurs canaux excréteurs, des parties molles cervicales avec en particulier les chaînes lymphatiques et les éléments de la langue (mobile, base et plancher) (Fig. 19).
Développements récents Imagerie d’harmonie tissulaire C’est une application qui a pour intérêt d’améliorer l’imagerie en permettant une meilleure élimination du bruit (Fig. 18). L’imagerie d’harmonique consiste à émettre à une fréquence donnée et à réceptionner des échos dont la fréquence est un multiple de la fréquence émise, le plus souvent le double de la fréquence d’émission (imagerie de deuxième harmonique). Les échos harmoniques de faible intensité ont une fréquence qui correspond à un multiple de la fréquence fondamentale d’émission. Ils résultent de la déformation de l’onde ultrasonore en traversant les tissus. Les tissus superficiels génèrent peu d’harmonique car le signal est peu déformé, mais ils sont en revanche à l’origine d’une part importante des bruits sur l’image. En appliquant des filtres, on supprime une partie du bruit composé des fréquences fondamentales.
Imagerie tridimensionnelle L’acquisition volumique est assurée par l’addition de différents plans de coupe contigus, obtenue après balayage de l’objet. La reconstruction de l’image peut se faire à partir des données stockées sous forme numérique dans n’importe quel plan selon un mode bidimensionnel, éventuellement avec effet de volume comme en tomodensitométrie (TDM) ou en imagerie par résonance magnétique (IRM). Plusieurs types de techniques peuvent être mis en œuvre.
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■ Références [1]
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Acquisition libre L’opérateur conduit l’examen librement et un système de capteur (ultrasons, infrarouges ou champs électromagnétiques) localise la sonde dans les trois plans. On peut également recourir à un système logiciel de reconnaissance de la continuité des images.
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Acquisition mécanisée La sonde motorisée réalise un balayage régulier de l’espace, linéaire, angulaire ou rotatoire.
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Acquisition matricielle Encore en évaluation, ces sondes comportent plusieurs alignements de transducteurs permettant l’acquisition simultanée de plusieurs tranches, donc d’un volume autorisant une reconstruction après redistribution des pixels des images 2D dans des éléments de volume ou voxels. Par ailleurs, ces sondes permettent une focalisation dans l’épaisseur du plan de coupe. Stomatologie
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22-010-D-20 ¶ Imagerie dento-maxillo-faciale. Radiologie conventionnelle analogique et numérique. Échographie
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L. Hauret, Spécialiste des Hôpitaux des Armées ([email protected]). Hôpital d’instruction des armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. Cabinet de radiologie dento-maxillo-faciale, 7, allées de Chartres, 33000 Bordeaux, France. D. Bar, Radiologue, ancien assistant des Hôpitaux de Paris. Cabinet de radiologie dento-maxillo-faciale, 7, allées de Chartres, 33000 Bordeaux, France. P. Marion, Spécialiste des Hôpitaux des Armées. C. Gräf, Spécialiste des Hôpitaux des Armées. Hôpital d’instruction des armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. F. Dupouy, Technicien en imagerie médicale. MT. Péjac, Technicien en imagerie médicale. Cabinet de radiologie dento-maxillo-faciale, 7, allées de Chartres, 33000 Bordeaux, France. B. Boyer, Professeur agrégé du Val-de-grâce. Hôpital d’instruction des armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Hauret L., Bar D., Marion P., Gräf C., Dupouy F., Péjac MT., Boyer B. Imagerie dento-maxillo-faciale. Radiologie conventionnelle analogique et numérique. Échographie. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-010-D-20, 2006.
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Stomatologie
¶ 22-010-D-40
Imagerie par résonance magnétique : bases physiques et contrastes R. Felizardo, G. Bidange, B. Boyer, J.-M. Foucart L’imagerie par résonance magnétique (IRM) fait appel aux propriétés physiques de certains éléments des tissus biologiques : au sein d’un fort champ magnétique, excités par une série d’ondes de radiofréquence, les protons des molécules d’eau restituent l’énergie emmagasinée sous forme d’un signal, capté par une ou plusieurs antennes. Ce procédé permet d’obtenir une cartographie de distribution de l’eau et des lipides dans l’organisme. Trois types d’images (dites pondérées en T1, T2, ou densité de protons), possédant chacun des caractéristiques propres, peuvent être obtenus en faisant varier les paramètres de l’examen. Au fil du temps, pour chaque type de pondération d’image, de nombreuses séquences ont été développées. Par combinaison des trains de radiofréquence et évolution des modalités de recueil du signal, celles-ci ont permis la réduction du temps d’acquisition pour les examens conventionnels et l’émergence d’une imagerie instantanée (snapshot). En pathologie maxillofaciale et otorhinolaryngologique, l’IRM trouve son application essentielle dans le bilan d’extension des processus tumoraux, bénins ou malins, et infectieux. L’angiographie par résonance magnétique et l’imagerie de diffusion permettent par ailleurs des explorations non invasives, ne nécessitant pas obligatoirement d’injection de produit de contraste, et toujours plus rapides. Le but de ce chapitre, destiné aux praticiens non spécialistes en imagerie, est d’aborder les caractéristiques des images pondérées en T1, T2 et densité de protons, et d’offrir un aperçu des techniques disponibles en IRM. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : IRM ; Relaxation ; Image pondérée en T1 ; Image pondérée en T2 ; Densité de protons ; Écho du signal ; Angiographie par résonance magnétique ; Sialo-IRM
Plan ¶ Signal en imagerie par résonance magnétique (IRM)
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¶ Localisation spatiale du signal en imagerie par résonance magnétique
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¶ Technologie des appareils d’imagerie par résonance magnétique Aimant Chaîne de radiofréquence Bobines de gradients de champs Antennes Chaîne informatique Image et contraste
2 2 2 2 2 3 3
¶ Que mesure-t-on en imagerie par résonance magnétique ? Densité de protons (rhô) Temps de relaxation en T1 Temps de relaxation T2 Écho du signal Angiographie magnétique (ARM) Imagerie de diffusion Susceptibilité magnétique Séquences d’acquisition Contraste et pathologie Image, anatomie, vocabulaire et avenir
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Stomatologie
■ Signal en imagerie par résonance magnétique (IRM) La matière vivante mise en présence d’un champ magnétique intense révèle des propriétés magnétiques non apparentes à l’état normal. Un grand nombre de particules élémentaires (noyaux, électrons...) s’aimante : on parle alors de paramagnétisme. Ces particules sont appelées paramagnétiques. Parmi ces particules, on retrouve le proton formant le noyau d’hydrogène présent en grande quantité sous forme d’eau dans l’organisme humain. Les noyaux d’hydrogène soumis à un champ magnétique 10 000 à 30 000 fois supérieur à celui du champ magnétique terrestre au sein d’un appareil d’IRM vont être aimantés. Si on les soumet alors à une excitation par l’action d’une onde de radiofréquence bien déterminée, ceux-ci seront capables de restituer une partie de l’énergie lors de l’arrêt de l’excitation (Fig. 1). L’énergie libérée le sera sous forme également d’une radiofréquence qui sera captée par une antenne au plus près du sujet et convertie en signal électrique. Le signal reçu a une intensité qui est proportionnelle au nombre de protons aimantés et excités. L’IRM revient de façon simpliste à faire une cartographie de l’eau de l’organisme après aimantation et excitation de celle-ci. Nous verrons que, en fonction des tissus environnants et de leur état (normal ou pathologique), l’aimantation et le signal diffèrent.
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22-010-D-40 ¶ Imagerie par résonance magnétique : bases physiques et contrastes
Aimantation RF
Signal
A
C
B
Figure 1. A. Principe général de l’imagerie par résonance magnétique (IRM). B. Soumis à un champ magnétique intense, les protons d’un volume élémentaire de matière (voxel) s’orientent selon l’axe du champ principal. C. Excités par une onde de radiofréquence (RF), les protons emmagasinent son énergie avant de la restituer. Le signal ainsi formé permet de calculer l’image du volume analysé (pixel).
■ Localisation spatiale du signal en imagerie par résonance magnétique L’IRM cherche à faire une cartographie en niveaux de gris de la distribution des protons dans les différentes structures examinées : il s’agit d’une imagerie protonique. Afin de reconstruire une image fidèle des structures examinées, l’IRM doit pouvoir, au sein d’un signal global, réattribuer une adresse à chaque unité de volume élémentaire ou voxel (cette étape a valu le prix Nobel de médecine à Mac Cormack et Hounsfield). Pour l’IRM, on a nécessité de coder les informations spatiales contenues dans le signal grâce à un outil physique : le gradient linéaire de champ magnétique. Ainsi, au sein de l’enceinte d’IRM, des électroaimants ou bobines de gradient vont se superposer au champ magnétique principal et l’augmenter de façon linéaire dans la direction où est appliqué le gradient. Le décodage des informations spatiales contenues dans le signal est réalisé par un outil mathématique : la transformée de Fourier qui permet d’extraire les différentes fréquences individuelles d’un signal composite contenant plusieurs fréquences [1].
Aimants permanents Ce sont les plus simples, ils ne consomment pas d’électricité puisqu’il s’agit d’un bloc aimanté. On évite ainsi les contraintes des systèmes de refroidissement. Corollaire : ils ne produisent qu’un faible champ magnétique (0,3 T). Leur conception permet une imagerie interventionnelle.
Aimants résistifs Ils font appel à la technique des électroaimants. Grands consommateurs d’électricité, ils génèrent un échauffement nécessitant des systèmes de refroidissement. Le champ magnétique principal est de faible intensité : 0,2 T. Ils sont utilisés en IRM interventionnelle grâce à leur architecture ouverte.
Aimants supraconducteurs À très basse température (-270 °C), certains corps n’offrent plus de résistance au courant électrique, ce qui permet de générer des champs magnétiques intenses (jusqu’à 4 T). Ces machines nécessitent de maintenir la bobine dans un état supraconducteur par la présence d’hélium.
Chaîne de radiofréquence
■ Technologie des appareils d’imagerie par résonance magnétique C’est une chaîne de cinq principaux éléments qui permet la réalisation d’une IRM : l’aimant, l’émetteur de radiofréquence, les bobines de gradient de champ, la ou les antennes de réception du signal et enfin une chaîne informatique de calcul et de traitement du signal pour créer les images.
Précis et puissant, l’émetteur de radiofréquence est le plus souvent intégré à l’antenne de volume.
Bobines de gradients de champs Elles permettent la variation de l’épaisseur et l’orientation des coupes et ainsi le codage spatial de l’image. Le gradient de champ magnétique est créé par des électroaimants dont la puissance et la précision influent sur le temps d’acquisition. Les techniques rapides comme l’échoplanar nécessitent des temps inférieurs à la seconde et ne sont accessibles que sur les machines de forte puissance (1 à 3 T) [3].
Aimant De ses performances dépendent la qualité des images et la rapidité d’acquisition. En fonction des objectifs du site d’installation, les aimants peuvent être de différents types, selon que l’on privilégie une imagerie de recherche, de diagnostic ou la possibilité d’une imagerie interventionnelle. La fonction de cet aimant est de générer un champ magnétique principal intense et homogène. Il varie selon les appareils de 0,15 à 3 teslas (T) et peut atteindre 4 T pour la recherche [2]. Plus cette valeur de champ magnétique principal est élevée, plus l’intensité du signal est élevée et la qualité ou résolution des images sera élevée (coupes fines, matrices élevées). Trois types d’aimants sont disponibles en IRM : ils diffèrent par leur technologie mais également par leurs performances, notamment l’intensité du champ magnétique. Ce sont les aimants permanents, les aimants résistifs et les aimants supraconducteurs.
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Antennes L’atténuation du signal variant avec la distance entre le récepteur et le sujet, on est amené à placer des antennes au plus près de l’organe examiné afin de maintenir un signal suffisant. Plusieurs types d’antennes sont disponibles : l’antenne dite « corps entier » sert d’émetteur de radiofréquence et de récepteur de signal, elle est le plus souvent intégrée à la machine. Par la suite, en fonction de l’organe examiné, on dispose d’un arsenal d’antennes de surface dédiées à tel ou tel organe : tête, articulation, extrémités, etc. ; enfin, si l’on privilégie un organe en ne cherchant pas à explorer un grand volume ou, avec une faible profondeur, on dispose d’antennes dites de « surface » comme les antennes « oreille interne ou articulation temporomandibulaire » antennes « rachis » etc. (Fig. 2) [4, 5]. Actuellement, les techniques dites en « réseau » permettent d’associer plusieurs antennes de surface entre elles [6]. Stomatologie
Imagerie par résonance magnétique : bases physiques et contrastes ¶ 22-010-D-40
Aimantation des protons
Décroissance du signal
LCS
SG SB SB SG LCS sp T1
Figure 2. Combinaison d’antennes de surface pour l’exploration de la tête et du cou.
Chaîne informatique Elle permet le calcul et la restitution des images ainsi que leur traitement et la réalisation de reconstructions bi- ou tridimensionnelles. Cet élément évolue au gré des rapides avancées des systèmes de traitement d’images, de la cadence et des associations de processeurs.
Image et contraste La différence de signal entre les organes est à la base du « contraste » et permet de les différencier au sein des images. Le contraste dépend, selon les techniques, d’un ou plusieurs paramètres traduisant les propriétés physiques de la matière. En échographie, il ne dépend que de la mesure de la transmission et de la réflexion des ultrasons. En scanner, il dépend uniquement de la mesure et de l’absorption du rayonnement X. Le signal des différentes structures et leur contraste dans l’image sont alors toujours les mêmes. En IRM, en revanche, le contraste dépend de la mesure de plusieurs paramètres tissulaires (concentration en protons d’hydrogène, temps de relaxations en T1 et T2 des tissus...). Une même structure, un même tissu peuvent se présenter différemment selon le paramètre mesuré. Ainsi, le liquide cérébrospinal apparaîtra blanc en T2 et noir en T1 mais gris en densité de protons. Le but diagnostique
sp rhô
sp T2
Figure 3. Aimantation des tissus. Selon les tissus (SB : substance blanche, SG : substance grise, LCS : liquide cérébrospinal), la vitesse d’évolution du signal est différente. Selon les séquences utilisées (spT1 : séquence pondérée T1, spT2 : séquence pondérée T2, sp rhô : séquence pondérée en densité de protons), le signal relatif des différents tissus va varier.
en IRM sera, en faisant varier les paramètres et en concentrant l’examen sur certains tissus, de différencier, grâce au contraste, les signaux issus des structures normales des signaux des structures pathologiques (Fig. 3, 4).
■ Que mesure-t-on en imagerie par résonance magnétique ? Densité de protons (rhô) La mesure de l’aimantation des protons d’hydrogène permet de réaliser une image qui est le reflet de leur concentration dans les tissus (densité rhô). Pour la majorité des tissus mous biologiques, la différence de densité de protons est faible, néanmoins, certains liquides tel le liquide cérébrospinal ou un œdème, sont riches en protons et donneront un signal élevé. À l’opposé, des structures biologiques comme les corticales osseuses, les calcifications ou l’air ne présentent que peu de protons. L’image est dite pondérée en densité de protons (sp rhô) (Fig. 4B).
Temps de relaxation en T1 Tous les noyaux des atomes constituant des tissus biologiques possèdent un moment magnétique nucléaire dès lors qu’ils ont
Figure 4. Variation du signal en fonction de la pondération. Le liquide cérébrospinal apparaîtra en hyposignal par rapport à la substance blanche et la substance grise en T1 (A) alors qu’il devient en hypersignal modéré en densité de protons (B) et franc en T2 (C). De même la substance blanche va voir son signal s’inverser par rapport à la substance grise selon la pondération. Stomatologie
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de l’image. Ce contraste ne dépendra plus uniquement de la seule quantité totale de protons, mais surtout de leur capacité à émettre plus ou moins longtemps : l’image est alors dite pondérée en T2 (spT2) (Fig. 4C).
Écho du signal T1
rhô
Signal plus faible pondéré T1
Signal intense pondéré rhô
Figure 5. Temps de relaxation T1. Le temps de relaxation T1 correspond au temps nécessaire pour que l’aimantation globale du voxel atteigne les deux tiers de sa valeur. Lorsque la repousse du signal est totale, l’aimantation traduit la densité des protons.
un nombre impair de protons ou de neutrons. L’élément le plus simple utilisé en IRM est l’atome d’hydrogène très représenté dans les organismes vivants et son proton unique. Quand on applique un champ magnétique intense à ces tissus, les moments magnétiques aléatoires des noyaux d’hydrogène vont progressivement s’aimanter (ceci nécessite 3 à 10 s). À ce terme, tous les noyaux aimantés participent à l’image. La mesure de l’aimantation des noyaux hydrogène n’est le reflet de leur concentration dans les tissus que si cette mesure est effectuée quand tous les noyaux sont aimantés. Si la mesure est effectuée avant cette aimantation complète, le signal résultant témoigne du nombre de protons aimantés et reflète la vitesse d’aimantation des protons des tissus. Cette vitesse d’aimantation des tissus n’est pas constante dans le temps ; il s’agit en fait d’une accélération. Comparer la vitesse d’aimantation de deux tissus revient à comparer deux accélérations. Par définition, en IRM, le temps nécessaire pour que l’aimantation globale d’un tissu atteigne deux tiers de sa valeur définitive est appelé T1 ou temps de relaxation longitudinale (Fig. 5). Les tissus qui s’aimantent rapidement (comme la graisse) obtiendront très vite une grande quantité de protons aimantés disponibles pour réaliser une image en fournissant un signal intense ; on les qualifie de tissus à T1 court. A contrario, les tissus à aimantation plus lente (comme l’eau) donneront un signal plus faible. On les qualifie de tissus à T1 long. La vitesse d’aimantation différentielle dans les tissus est mise à profit pour obtenir d’autres contrastes que ceux issus de la densité de protons. Ainsi le contraste de l’image ne dépend plus de la seule densité protonique, mais surtout de la vitesse à laquelle un ou plusieurs tissus s’aimantent (T1) ; l’image est alors dite pondérée en T1 (sp T1) (Fig. 4A) [7].
Temps de relaxation T2 Après une première phase d’aimantation, les protons tissulaires vont êtres excités par une onde de radiofréquence ou onde électromagnétique de fréquence déterminée permettant de placer les noyaux en résonance magnétique. À l’arrêt de cette excitation, les protons restituent une partie de l’énergie reçue sous forme d’un signal de précession qui est capté par l’antenne et transformé en signal électrique. Ce signal de faible intensité s’amortit rapidement et décrit une décélération non constante. De même qu’en T1, on pourra mettre à profit la différence de vitesses d’amortissement pour comparer les tissus. Le temps pendant lequel l’intensité du signal décroît de deux tiers de sa valeur initiale est appelé par définition T2 : c’est le temps de relaxation transversale. Il existe des tissus comme l’eau, qui émettent pendant longtemps (ces tissus sont appelés à T2 long) et d’autres qui émettent pendant une brève période comme les muscles (T2 court). L’intensité du signal des tissus va dépendre de l’instant de la mesure. Plus elle sera tardive, plus la vitesse de décroissance du signal où T2 interviendra dans le contraste
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L’utilisation des gradients de champ afin d’induire une variation linéaire de l’intensité du champ magnétique de la machine permet un codage spatial du signal ; cependant elle entraîne une diminution du signal. Ce signal qui s’épuise peut être réactivé sous la forme d’un écho du signal. Pour cela on utilise des gradients bipolaires qui font appel à un déphasage puis rephasage des spins, ou par l’émission à nouveau d’une onde de radiofréquence (écho de spin) [8]. L’intensité de cet écho, plus faible que celle du signal originel, est alors directement liée à la vitesse de décroissance du signal en absence de gradient (T2). Ainsi la réalisation d’échos du signal permet de faire intervenir T2 dans l’intensité du signal et donc dans le contraste de l’image. Plus l’écho sera réalisé tardivement, plus la vitesse de décroissance du signal (T2) interviendra dans le contraste de l’image.
Angiographie magnétique (ARM) [9] À la différence de la radiologie conventionnelle ou du scanner, la visualisation des vaisseaux ne nécessite pas l’administration systématique de produit de contraste. Les vaisseaux vont présenter un signal élevé car les protons sont en mouvements et provoquent ainsi des artefacts que l’IRM va mettre à profit pour les différencier des tissus mous. En effet, les protons qui se trouvent dans le plan de coupe à un temps donné reçoivent le signal de radiofréquence et sont excités. Cependant leur vitesse (liée à la vitesse des flux sanguins) ne leur permet pas de rester dans la coupe lors de leur réponse au signal. De ce fait l’image résultante est celle de vaisseaux vides et donc un excellent contraste entre la lumière vasculaire et les tissus pariétaux. L’angiographie par résonance magnétique ou ARM utilise des séquences dites de temps de vol ou de contraste de phase [10]. Le temps de vol fait appel à des échos de gradient et repose sur l’arrivé de sang frais non saturé mais aimanté dans le plan de coupe alors que les tissus environnants sont saturés par les répétitions successives d’excitations. Ainsi les protons qui arrivent produisent le signal le plus intense car à la différence des tissus environnants ils n’ont pas besoin d’un temps T1 pour s’aimanter de nouveau. De plus, l’utilisation de séquences d’écho de gradient à TR court permet de supprimer par saturation le signal des autres tissus (dont le T1 est plus long) et de favoriser le rehaussement paradoxal. Cette technique est plus adaptée aux vaisseaux à fort débit et notamment aux zones de fortes turbulences (bifurcations). Des logiciels de traitement de type maximum intensity projection (MIP) [11] sont utilisés pour séparer les tissus mous des vaisseaux (Fig. 6, 7). Le contraste de phase fait appel à la conception d’erreur d’information que portent les protons mobiles par rapport aux protons immobiles qui sont aisément codables. Dans cette technique, seule l’information induite par les protons mobiles est récupérée réalisant des images de flux. Deux acquisitions sont nécessaires dans cette technique. Une première acquisition fait appel à un gradient bipolaire, puis une seconde avec un même gradient bipolaire inversé puis une soustraction d’image où seuls les spins mobiles circulant dans les vaisseaux seront représentés, le fond de l’image constituée des tissus mous étant supprimé. Cette technique est adaptée aux vaisseaux à flux lents (Fig. 8), mais à l’inverse du temps de vol, ne permet pas une bonne lecture des zones de turbulences. Elle permet également de calculer les vitesses circulatoires et le sens du flux. Cependant, ces techniques nécessitent des temps d’acquisitions longs, avec une résolution temporelle faible et sont limitées à un champ réduit. Afin de s’affranchir de ces paramètres, des séquences avec injection de produits de contrastes (chélates de gadolinium) [12] peuvent améliorer le rendu Stomatologie
Imagerie par résonance magnétique : bases physiques et contrastes ¶ 22-010-D-40
Repousse de l'aimantation
Signal faible
Signal intense Figure 6. Angiographie magnétique en temps de vol. Les protons, situés dans la coupe étudiée, sont saturés par des excitations successives et produisent moins de signal. Les protons contenus dans le sang circulant et qui pénètrent s’aimantent alors plus rapidement et fournissent un signal relatif plus intense.
Figure 7. Angiographie magnétique de la tête. Exploration du polygone de Willis en temps de vol avec reconstruction maximum intensity projection (MIP).
diagnostique en ARM avec un champ de vue très large, un temps d’acquisition de quelques secondes réduisant les artefacts de mouvements et un renforcement du contraste (Fig. 9).
Imagerie de diffusion [13] Les techniques d’imagerie de diffusion revêtent une importance grandissante notamment en imagerie cérébrale puisqu’elles permettent la mise en évidence de lésions d’ischémie cérébrale même microscopiques à des temps précoces où le traitement pharmacologique est encore possible. Cette technique repose sur le principe de diffusion moléculaire issu de l’agitation thermique qui provoque des mouvements de translation aléatoires des molécules (ou mouvements browniens). Dans le cas des accidents vasculaires cérébraux, la diffusion de l’eau est ralentie dans la zone ischémique ce qui est détecté en IRM de diffusion (Fig. 10) [14]. Stomatologie
Figure 8. Angiographie magnétique en contraste de phase. Exploration du réseau veineux profond cérébral.
Figure 9. Angiographie magnétique avec injection. Exploration des vaisseaux du cou en pondération T1 avant puis après injection de gadolinium et réalisation d’une soustraction et d’une reconstruction maximum intensity projection (MIP).
Susceptibilité magnétique La valeur de l’aimantation des tissus dépend de leur concentration en particules capables de s’aimanter (particules paramagnétiques). La susceptibilité magnétique est une constante physique qui permet de définir la capacité d’aimantation d’un corps simple ou d’un tissu. À titre d’exemple, les corps riches en éléments paramagnétiques comme les liquides présentent une susceptibilité magnétique bien supérieure à celle des corticales osseuses ou de l’air. Ceci peut être avantageusement mis à profit en diagnostic puisque la désoxyhémoglobine, la méthémoglobine et certains hématomes sont plus riches en particules paramagnétiques que les tissus sains environnants [15]. Ainsi on se retrouve à la frontière entre deux structures de susceptibilité très différente face à un gradient de champ
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22-010-D-40 ¶ Imagerie par résonance magnétique : bases physiques et contrastes
Figure 10. Imagerie de diffusion. Exploration d’un accident vasculaire cérébral. L’imagerie en pondération T2 (A) ne révèle pas de signe d’ischémie ou d’hémorragie. L’imagerie de diffusion (B) met en évidence un hypersignal au sein du lobule paracentral gauche traduisant un accident ischémique très récent détecté grâce au ralentissement de la diffusion de l’eau au sein de la zone ischémiée (remerciements docteur Calcina, Val-de-Grâce).
Figure 11. Sensibilisation des lésions hémorragiques par l’écho de gradient. Exploration de la tête en écho de spin (A) : nodule en cocarde frontal droit (flèche) correspondant à un angiome caverneux. En écho de gradient (B), la lésion est mieux visible et s’accompagne de plusieurs autres micronodules bilatéraux en signal correspondant à d’autres localisations non détectées en écho de spin et témoignant d’une cavernomatose.
magnétique. Un « artefact de susceptibilité magnétique » [16] est créé par perte du signal en écho de gradient à cette frontière. Une fausse coque noire [17] apparaît autour de l’hématome. Certaines images pathologiques comme les microhémorragies ou les lésions de cisaillement des traumatismes craniocérébraux, mal définies en écho de spin, seront bien mises en évidence grâce à la présence de cet artefact en écho de gradient (Fig. 11). À l’inverse, des frontières extrêmes comme les interfaces airtissus vont nuire à la qualité des images par la création de ces artefacts agrandissant les cavités en écho de gradient [18]. On privilégiera alors l’écho de spin pour l’exploration de tissus comme l’hypophyse ou des lobes frontaux situés au voisinage de sinus ou de cavités aériques.
Séquences d’acquisition Les séquences d’acquisitions sont les outils permettant de mesurer les différents paramètres abordés jusqu’à présent : la densité de protons (rhô), T1, T2, le flux. Elles font appel à une série de séquences de radiofréquences et de commutations de gradients afin de former une image. Lors d’une acquisition classique en double transformée de Fourier, la durée de l’examen est fonction de trois paramètres : le nombre de lignes de la matrice de Fourier, le temps de répétition (ou temps s’écoulant entre l’acquisition de deux lignes du plan de Fourier) et le nombre d’acquisitions nécessaire. La réduction du temps d’examen est un souci constant lors de l’exploration de certaines régions contenant des organes mobiles (médiastin, abdomen) afin d’éviter les artefacts de mouvement. Dans cette optique les différents constructeurs
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n’ont de cesse de concevoir des séquences toujours plus rapides en visant à réduire un ou plusieurs des facteurs cités précédemment tout en conservant un rapport signal/bruit permettant une bonne résolution d’image utile au diagnostic. Des séquences rapides ou ultrarapides ont été développées en écho de spin (FAST SE, Turbo SE, RARE ...) ou en écho de gradient (FLASH, GRASS ...). Enfin des séquences d’acquisition instantanées (snapshot imaging) telle que turboFLASH ont facilité les explorations cardiaque ou pulmonaire [19, 20]. Les séquences les plus rapides (environ 50 ms) sont les techniques échoplanar qui elles, ne font appel qu’à une seule impulsion d’excitation. Dans la sphère ORL et maxillofaciale, les différentes séquences seront habituellement des séquences pondérées T2 avec annulation du signal de la graisse (FatSat, STIR) puis des séquences pondérées T1 avant et après injection de produit de contraste (gadolinium) notamment lors de l’exploration des espaces profonds de la face ou toute recherche de tumeurs (prise de contraste tumorale) [12, 21, 22]. Les séquences T1 permettront de bien analyser les balises graisseuses des différentes régions (disparition de cette graisse au niveau des foramens de la base du crâne dans le cas de tumeurs nerveuses par exemple) (Fig. 12). Les séquences après injection permettront de bien délimiter l’étendue des tumeurs. Les séquences de flux en temps de vol ou contraste de phase seront utilisées lors d’explorations vasculaires en angio-IRM (ARM) lors de la recherche d’un éventuel anévrisme ou de malformations vasculaires. Stomatologie
Imagerie par résonance magnétique : bases physiques et contrastes ¶ 22-010-D-40
Figure 12. Exploration d’une tumeur de la région sphénoïdale. Les séquences frontales pondérées T1 permettent de bien détecter l’effacement des balises graisseuses en hypersignal T1 (A). La séquence après suppression du signal de la graisse et injection de gadolinium permet de bien délimiter l’extension de la lésion (B).
séquences permettant de mesurer la densité de protons révéleront alors un signal plus intense par rapport au tissu sain environnant. En séquence pondérée T1, l’eau libre s’aimante lentement, le signal engendré par le processus inflammatoire sera faible, alors qu’en séquence pondérée T2, l’atténuation du signal étant plus lente pour l’eau libre que pour les tissus environnants, celle-ci donnera un signal plus précoce et plus intense.
Facteurs modifiant les temps de relaxations T1 et T2
Figure 13. Sialo-imagerie par résonance magnétique (normale) des glandes sous-mandibulaires. Coupe axiale épaisse acquise en quelques secondes, très fortement pondérée T2 : seuls les liquides (canaux de Wharton et canalicules salivaires) donneront un signal au sein de l’image.
Des séquences rapides dérivées de la cholangio-IRM (RARE et HASTE) [23] permettent l’exploration des conduits des glandes salivaires (sialo-IRM), l’exploration des quatre glandes pouvant être effectuée en une vingtaine de secondes (Fig. 13) [24].
Contraste et pathologie La reconnaissance d’une pathologie en imagerie repose sur la modification des balises de références (graisse, parois...), la structure même d’une région ou d’un organe, mais également sur les modifications du signal (et donc du contraste) entre la zone pathologique et les tissus sains. Cette dernière situation peut être illustrée par l’exemple de lésions infiltrant un organe ou d’atteintes inflammatoires. La plupart des processus pathologiques modifient la concentration en protons et les temps de relaxations T1 et T2 des tissus. La mesure de ces paramètres tissulaires fait appel aux séquences d’imagerie qui vont permettre de faire prédominer la mesure sur rhô, T1 ou T2, voire de combiner ces facteurs dans la mesure pour mettre en évidence les structures pathologiques.
Facteurs modifiant la densité protonique Un processus pathologique s’accompagne le plus souvent d’un œdème ou d’une réaction inflammatoire. Dans ce processus, la concentration des protons est donc augmentée. Les Stomatologie
La plupart des processus pathologiques allongent les temps de relaxation T1 et T2. Ils présenteront donc un signal plus faible que les tissus normaux en spT1 et un signal plus intense en spT2 (Fig. 14). Les images pathologiques seront plus aisément dépistées en T2 du fait de l’hypersignal induit. Les séquences en T2 apparaissent comme les plus sensibles. Nous avons vu que les temps de relaxations T1 et T2 étaient majoritairement allongés lors d’un processus pathologique. Il demeure certains cas où, à l’inverse, ces temps sont raccourcis.
Raccourcissement du temps de relaxation T2 Les protéines et les macromolécules protéiques raccourcissent le T2 des liquides dans lesquels ils sont contenus : ainsi les liquides riches en protéines auront un signal faible en T2. De même, la mélanine présente dans les mélanomes est responsable d’un raccourcissement du temps de relaxation T2 : les mélanomes apparaîtront donc en hyposignal en T2. Les hématomes peuvent avoir un signal intense, faible ou composite selon leur « âge » [17]. Les produits de dégradation de l’hémoglobine, comme la désoxyhémoglobine, l’hémosidérine raccourcissent le T2 [25, 26]. Certains produits de contraste comme les « ferrites » ont pour rôle de réduire le T2 des tissus dans lesquels ils diffusent. Ils sont utilisés par exemple pour la détection des métastases hépatiques car ils permettent l’annulation du signal du tissu hépatique rehaussant ainsi le signal des métastases.
Raccourcissement du temps de relaxation T1 Nous avons vu que les protéines et les macromolécules pouvaient raccourcir le T2 mais aussi le temps de relaxation T1. Ainsi à l’inverse des liquides peu protéiques des tissus environnants, les liquides riches en protéines présenteront un signal intense en séquences pondérées T1 ; on retrouve la même image dans les rétentions sinusiennes. Les autres tissus raccourcissant le T1 sont la graisse, la méthémoglobine contenue au sein des hématomes au décours de la phase aiguë (Fig. 15) et la mélanine qui, grâce à leur propriétés paramagnétiques, vont donner un hypersignal intense en T1.
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Figure 14. Tumeur allongeant les temps de relaxation T1 et T2. Masse de la parotide droite (flèche) en hyposignal T1 (A) par rapport au tissu sain et en hypersignal T2 (B) (adénome pléiomorphe).
masquer le signal issu de la prise de contraste par injection de gadolinium par exemple au sein d’une masse tumorale. En séquence pondérée T2, le signal inné d’une lésion peut être également masqué par le signal très important de la graisse (qui est majoré en T2). Afin de s’affranchir de cet « éblouissement » du signal, des séquences dites « d’annulation de la graisse » sont largement utilisées. Il est préférable d’utiliser des séquences d’annulation de la graisse par présaturation de son signal (FatSat) que des séquences dites STIR ou séquences d’inversionrécupération à temps d’inversion court quand une injection de gadolinium est effectuée, sinon le signal du gadolinium risque également de s’annuler. De même en séquence pondérée T2, le signal intense des liquides peut présenter un obstacle à la bonne reconnaissance d’une pathologie. Ainsi, les lésions cérébrales périventriculaires ou situées à proximité du LCS peuvent être masquées par « l’éblouissement » dû au signal intense de ce LCS. Ceci nécessitera de faire appel à des séquences d’annulation de l’eau libre en pondération T2 (séquences fluid attenuated inversion recovery [FLAIR]) [28, 29]. Figure 15. Raccourcissement du T1 par la méthémoglobine. Hématome sous-dural subaigu en hypersignal T1.
De même, le gadolinium présente les mêmes propriétés, il s’agit d’une terre rare pouvant être injectée par voie veineuse. Cette molécule paramagnétique raccourcit considérablement le temps de relaxation T1 des tissus dans lesquels elle diffuse, leur conférant un signal intense en spT1 (Fig. 16) [12, 27].
Annulation du signal de la graisse ou de l’eau En séquence pondérée T1, les balises graisseuses des différents tissus ou régions apparaissent en signal intense pouvant
Image, anatomie, vocabulaire et avenir En IRM, le terme d’« hyposignal » caractérise un signal faible, plutôt noir sur l’image. Celui d’« hypersignal » représente un signal intense, blanc sur l’image. Un signal « intermédiaire » est un signal d’intensité moyenne, de tonalité grise sur l’image. En fait la notion d’intensité de signal n’est que relative et il est important, lorsque l’on parle d’hypo- ou hypersignal, de prendre le signal d’une structure en référence. Le spécialiste en imagerie, fort de ses connaissances techniques, doit fournir à son correspondant des images au contraste optimisé pour la pathologie recherchée. L’analyse et l’interprétation des images nécessitent alors et avant tout une bonne Figure 16. Raccourcissement du T1 par le gadolinium. Coupe pondérée T1 (A) : tumeur dans le conduit auditif interne droit (flèche) en discret hypersignal avant injection par rapport au liquide cérébrospinal. Le raccourcissement du T1 de la tumeur par le gadolinium lui confère un hypersignal intense après injection (B) : schwannome du VIII.
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Stomatologie
Imagerie par résonance magnétique : bases physiques et contrastes ¶ 22-010-D-40
connaissance de l’anatomie macroscopique, notamment la place des balises graisseuses et les frontières des différentes régions anatomiques. Tout déplacement, disparition ou majoration de ces balises participe au diagnostic : « sans connaissances anatomiques précises, pas d’analyse sémiologique possible ! ». L’IRM continue de progresser tant au niveau matériel que sur les méthodes d’exploration. Les temps d’acquisitions se sont considérablement réduits autorisant des séquences en temps réel à visée cardiocirculatoire. En couplant une imagerie statique et une imagerie fonctionnelle ou prévisionnelle comme l’imagerie de perfusion, de diffusion ou spectrométrique, elle permet une meilleure analyse des tissus. Gageons que cette imagerie de plus en plus fonctionnelle permettra de comprendre et d’explorer non seulement les structures anatomiques et leurs pathologies mais d’explorer leur fonctionnement et de préciser le diagnostic.
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R. Felizardo, Assistant hospitalo-universitaire ([email protected]). UFR d’odontologie, Université Paris VII. CHU Hôtel-Dieu, 5 rue Garancière, 75006 Paris, France. G. Bidange, Attaché hospitalier. CHU Hôtel-Dieu, 1 place du Paris Notre-Dame, 75181 Paris Cedex 4, France. B. Boyer, Professeur agrégé. Hôpital d’instruction des armées Bégin, service de radiologie, 69 avenue de Paris, 00498 Armées, 94160 Saint-Mandé, France. J.-M. Foucart, Maître de conférence. UFR d’odontologie, Université Paris VII, UMR CNRS 7052. CHU Hôtel-Dieu, 5 rue Garancière, 75006 Paris, Fance. Toute référence à cet article doit porter la mention : Felizardo R., Bidange G., Boyer B., Foucart J.-M. Imagerie par résonance magnétique : bases physiques et contrastes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-010-D-40, 2006.
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Stomatologie [22-010-D-30]
Radiologie en stomatologie et en pathologie maxillofaciale : Imagerie maxillofaciale. Tomodensitométrie
Pierre Dubayle : Radiologiste des hôpitaux des Armées Bruno Boyer : Professeur agrégé du Val-de-Grâce Pascal Goasdoué : Assistants des hôpitaux des Armées Hélène David : Assistants des hôpitaux des Armées Philippe Le Clainche : Assistants des hôpitaux des Armées Danielle Pajoni : Maître de conférences des Universités Jean-Michel Foucart : Assistant hospitalo-universitaire Christian Pharaboz : Professeur au Val-de-Grâce Service de radiologie (Pr Pharaboz), hôpital d'Instruction des Armées Bégin, 00498 Armées France
Résumé Développée à partir de 1967, par Godfrey Hounsfield, prix Nobel de médecine en 1979, la tomodensitométrie (TDM) à rayons X a pris une place prépondérante dans l'exploration de la pathologie dentofaciale. L'apparition en 1989 du scanner à balayage spiralé ou hélicoïdal a permis grâce à la rapidité d'acquisition et la possibilité d'obtention de coupes chevauchées sans augmentation du temps d'examen et de l'irradiation du patient, d'améliorer la qualité des images obtenues et des reconstructions multiplanaires et tridimensionnelles. © 1996 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
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PRINCIPES PHYSIQUES
Principes généraux
[4, 5, 10]
Le principe fondamental de la TDM reste celui de la chaîne radiologique, et repose sur la mesure des profils d'atténuation d'une coupe transverse d'un patient grâce à une multitude de projections angulaires (fig 1). Le faisceau de rayons X émis par le tube subit une atténuation à travers l'objet, proportionnelle à un coefficient d'atténuation μ fonction du numéro atomique des différents composants de l'objet selon la formule : . I : intensité du rayonnement émergent ; I° : intensité du rayonnement incident ; μ : coefficient d'absorption linéaire spécifique du corps traversé ; x : épaisseur de l'objet traversé. Le rayonnement atténué est capté par une couronne de détecteurs qui transforment l'énergie photonique du faisceau de rayons X en un signal électrique dont l'intensité est proportionnelle à l'intensité du rayonnement X. Les données sont acquises pendant la rotation de 360° de l'ensemble tubedétecteurs autour de l'objet, soit environ 1 000 000 de mesures. Les calculs arithmétiques de rétroprojection et de convolution permettent de connaître la valeur d'atténuation ou densité exprimée en unités Hounsfield (UH) d'une unité de volume élémentaire ou voxel, et de lui attribuer en fonction de sa densité une valeur sur l'échelle des gris. L'image TDM est donc une image numérique obtenue par reconstruction matricielle.
Chaîne radiologique Tube radiogène Si le tube est identique dans son principe à ceux utilisés en radiologie conventionnelle, il s'en distingue par une capacité de dissipation calorique beaucoup plus élevée. La réalisation de coupes fines en continu sur des volumes de plus en plus grands, en particulier lors des acquisitions volumiques en balayage spiralé ou hélicoïdal, est responsable d'un échauffement du tube. Ceci impose des performances exceptionnelles en capacité de dissipation calorique, autour de 5 MCU (Méga-unités calorifiques) pour les tubes actuels [11]. Le rayonnement X émis par le tube est filtré, puis, par l'intermédiaire d'une collimation, est ajusté à l'épaisseur de coupe souhaitée qui varie de 1 à 10 mm.
Détecteurs
[4, 10]
Les détecteurs mesurent l'intensité du rayonnement X qui émerge après la traversée de l'objet examiné. Disposés en couronne fixe ou mobile avec la rotation du tube, les détecteurs sont gazeux, constitués de chambres à ionisation contenant du xénon, ou solides, composés de cristaux phospholuminescents (iodure de césium par exemple). Les détecteurs solides ont l'avantage d'un rendement deux fois supérieur aux détecteurs gazeux, mais l'inconvénient d'une rémanence longue. Le nombre de détecteurs, leur taille, leur composition varient d'un scanner à l'autre et constituent un facteur de qualité important.
Ensemble mécanique
[2, 10]
Il englobe le système de détection et le lit. Un anneau rigide supporte et solidarise le tube à rayons X et les détecteurs dans leurs mouvements. Il se déplace autour du malade d'un angle variable en un temps variable. Avec les scanners dits séquentiels, une rotation de 360° est utilisée pour réaliser une acquisition complète. L'image est reconstruite puis le lit se déplace d'une courte distance avant de réaliser la coupe suivante. Cette alternance rotationdéplacement se répète coupe à coupe. En raison du câble d'alimentation entre le couple tube-détecteurs et le générateur, une seule rotation de 360° est possible, puis après quelques secondes nécessaires au ralentissement et au freinage, le système repart dans le sens inverse. Cette procédure est longue et nécessite un délai de plusieurs secondes entre chaque coupe. La mise au point des slips rings, contacteurs reliant sans câblage électrique le couple tube-détecteurs au système informatique de reconstruction et au générateur quand celui-ci est fixe, ou au réseau dans le cas de générateur embarqué, a permis le développement dans un premier temps des systèmes à rotation continue, puis des systèmes à balayage spiralé où la rotation se combine avec le déplacement simultané de la table. Le générateur peut être au sein du statif solidaire de l'ensemble tube-détecteurs, il est dit embarqué ou indépendant. Le générateur extérieur au statif autorise un temps de rotation sur 360° inférieur à la seconde. Le statif peut être incliné dans un plan craniopodal de 20 à 30° ce qui permet la réalisation de coupes coronales ou plutôt pseudocoronales directes.
Système informatique Console d'acquisition Tous les mouvements du statif et de la table sont contrôlés de façon centralisée au niveau de la console d'acquisition. Les consoles actuelles le plus souvent Sun ou Silicon-graphics ont une puissance informatique élevée et une interface utilisateur-machine ergonomique [11].
Consoles de traitement Intégrées à la console d'acquisition dans le cadre de consoles multitâches ou indépendantes, elles permettent le post-traitement des images et la réalisation de reconstructions tridimensionnelles (3D) et bidimensionnelles (2D).
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PRINCIPES DE RECONSTRUCTION DE L'IMAGE TOMODENSITOMÉ TRIQUE &NBSP;[4, 5, 10] L'image TDM est une image reconstruite à partir des profils d'atténuation recueillis au cours des mesures effectuées pendant la rotation de l'ensemble tube-détecteurs. À chaque angle de rotation du faisceau de rayons X, le profil d'atténuation
change. L'ensemble des profils recueillis ou sinogramme va subir un filtrage, puis une rétroprojection.
Filtrage L'image obtenue à partir des profils de reconstructions est une image imparfaite, floue en périphérie, nette au centre. Il est donc nécessaire de filtrer cette image. Les algorithmes de filtrage ou de convolution dits " durs " renforcent les contours des structures anatomiques au détriment du rapport signal/bruit et sont utilisés pour l'exploration de structures anatomiques à haut contraste, pour lesquelles une excellente définition est nécessaire (os, dents...). À l'inverse, les algorithmes " mous " augmentent le rapport signal/bruit et permettent une meilleure discrimination des tissus mous qui ont une faible différence de densité entre eux. En contrepartie, ils lissent les contours et réduisent la définition de l'image (fig 2).
Rétroprojection Dans la deuxième étape de la reconstruction, les données brutes filtrées des profils d'atténuation sont rétroprojetées sur un système géométrique : la matrice, de résolution variable et caractérisée par le nombre de lignes et de colonnes qui vont définir sa taille (512 × 512, ou 1 024 × 1 024). L'unité élémentaire de la surface de la matrice est le pixel. La taille du pixel est liée à la taille de la matrice mais aussi à celle du champ de reconstruction. Le voxel ou volume élémentaire correspond à la surface du pixel multipliée par la hauteur de coupe. La définition ou résolution spatiale dépendra directement de la taille du voxel (fig 3).
Visualisation de l'image. Notion de fenêtrage Grâce aux mesures et calculs effectués, une densité physique exprimée en unité Hounsfield va être attribuée à chaque pixel. L'échelle de densité de Hounsfield se répartit de - 1 000 UH pour l'air à + 1 000 UH pour le calcium. L'image sur l'écran de visualisation s'exprime en 256 niveaux de gris : à chaque mesure de densité du voxel est attribué un niveau de gris. Mais si l'échelle de Hounsfield se répartit sur 2 000 unités, l'écran de visualisation ne dispose que de 256 niveaux de gris et l'oeil humain n'est sensible qu'à 15 à 20 niveaux de gris. En conséquence, si toutes les valeurs d'atténuation de l'échelle de Hounsfield étaient représentées sur l'image reconstruite, l'examinateur ne pourrait distinguer qu'une nuance de gris pour les tissus dont la densité en UH est voisine. L'utilisation de la fonction de fenêtrage a pour but d'augmenter le contraste d'objets présentant des valeurs d'atténuation voisines. Le concept de fenêtrage consiste à déployer l'ensemble de l'échelle des 256 niveaux de gris sur une portion de l'échelle de Hounsfield arbitrairement sélectionnée (fig 4). La fenêtre se caractérise par deux paramètres : le centre qui détermine les objets dont les valeurs d'atténuation seront représentées dans le niveau moyen de l'échelle de gris ; la largeur qui fixe l'intervalle de niveaux de gris représentés.
Toutes les structures dont la densité se situe sous la limite de la fenêtre apparaîtront noires, celles au-dessus seront blanches. Une fenêtre étroite augmente donc le contraste entre des structures de densité voisines (fig 5).
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TOMODENSITOMÉ TRIE SPIRALÉ E &NBSP;[2, 3, 9]
Principes La TDM à balayage spiralé ou hélicoïdal a bouleversé les protocoles d'exploration et présente de nombreux avantages. Contrairement au scanner conventionnel à balayage séquentiel, le scanner spiralé explore un volume grâce à la rotation continue du couple tube-détecteurs autour du lit en déplacement (fig 6). La projection des données rend compte d'une distribution hélicoïdale de forme sinusoïdale autour de l'axe de déplacement de la table et donc du patient. Les avantages du scanner spiralé sont nombreux : rapidité de l'exploration : elle permet d'obtenir plus facilement l'immobilité du patient et de s'affranchir des artefacts de mouvements, facteurs de dégradation de la qualité de l'image, et d'exploiter au mieux l'injection de produit de contraste avec un rehaussement maximal et homogène des vaisseaux ou des parenchymes ; acquisition volumique continue : elle permet lors de la reconstruction des coupes, de choisir a posteriori l'incrément ou espacement intercoupes et de réaliser si besoin, sans augmenter le temps d'examen ou l'irradiation du patient, des coupes chevauchées indispensables à des reconstructions 2D et 3D de qualité. Les limites du scanner spiralé sont liées à la capacité de dissipation calorique du tube, conditionnant la durée de l'exploration. Les scanners les plus récents proposent des explorations spiralées continues allant jusqu'à la minute. L'opérateur devra choisir un paramètre additionnel qui est la vitesse de déplacement de la table exprimée en millimètres par tour. Le rapport de la vitesse de déplacement de la table sur l'épaisseur de coupe est appelé le pitch.
Reconstruction de l'image La reconstruction de l'image repose sur les mêmes principes que pour le scanner conventionnel et les algorithmes de filtrage sont les mêmes, cependant une étape supplémentaire d'interpolation de la coupe est nécessaire avant la reconstruction. En effet, une reconstruction directe des données conduirait à obtenir des coupes artefactées par le déplacement du lit. Pour corriger l'effet négatif de ce mouvement, il est nécessaire de calculer d'abord des données brutes planes à partir des données volumiques pour chaque image reconstruite. Cette correction s'effectue par des algorithmes d'interpolations linéaires de 360° (calcul à partir de données recueillies sur deux rotations de 360°) ou 180° (calcul des données recueillies sur deux fois 180°, soit une rotation de 360°).
Avec l'algorithme 360°, les données brutes pour chaque position angulaire sont interpolées à partir de deux projections mesurées dans la même position angulaire juste avant et juste après la position Z de la table choisie pour être le centre de la coupe. Cette position Z est arbitraire et les images peuvent être reconstruites pour n'importe quelle position dans le volume, ce qui permet la réalisation de coupes chevauchées. Avec l'algorithme d'interpolation linéaire 180°, les données de deux positions angulaires opposées de 180° sont interpolées en partant du principe que les profils d'atténuation de deux positions angulaires opposées sont identiques.
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RECONSTRUCTIONS MULTIPLANAIRES (2D) ET VOLUMIQUES (3D) &NBSP;[1, 2, 7]
Reconstructions multiplanaires, Dental-scanner L'empilement des coupes acquises en mode séquentiel ou mieux en mode spiralé avec chevauchement des coupes lors de la reconstruction, crée un volume dans lequel il est possible de reconstruire d'autres coupes dans n'importe quel plan de l'espace, chaque pixel ayant des coordonnées tridimensionnelles. L'orientation des reconstructions multiplanaires peut être déterminée à partir d'une coupe axiale et leur épaisseur peut être modifiée (fig 7). En pathologie maxillofaciale, les reconstructions multiplanaires permettent d'obtenir des coupes frontales et sagittales même si leur réalisation directe n'est pas possible, et d'éviter les artefacts engendrés par les prothèses dentaires en acquisition coronale directe (fig 8). Des reconstructions curvilignes sont possibles, leur tracé est obtenu par détermination sur une coupe axiale d'un ensemble de points par lesquels passera la coupe reconstruite. C'est ce principe qui est exploité par le Dental-scanner, logiciel de reconstruction 2D autorisant des reconstructions curvilignes de type panoramique ainsi que des reconstructions orthogonales à ces reconstructions curvilignes avec un espacement variable, le plus souvent de 2 mm (fig 9). Le choix d'un champ de vue et d'un format de reproduction adaptés donnent sur le film des images à l'échelle 1 permettant la mesure directe par exemple du site receveur en implantologie. Initialement développé pour des applications en implantologie, puis étendu à toute la pathologie dentaire, ce logiciel peut être utilisé pour l'exploration d'autre régions anatomiques (oreille moyenne, articulation temporomandibulaire).
Reconstructions volumiques Deux types de reconstructions 3D sont possibles.
Reconstruction 3D surfacique Elle montre la surface des structures en créant une impression de relief. Pour ce faire, une source lumineuse virtuelle éclaire l'objet. Le premier voxel rencontré dont la densité est supérieure à une valeur seuil définie par l'opérateur est
retenu. En fonction de la distance du voxel à la source virtuelle, un niveau de gris lui est attribué, les voxels les plus proches seront les plus blancs réalisant ainsi un ombrage en fonction de la distance à la source. Une fonction de lissage complète la visualisation de l'image. La rotation autour de l'objet accentue l'impression de relief. La reconstruction 3D nécessite donc la définition d'un seuil de densité choisi en fonction des structures examinées : os ou dent ; les structures dont la densité est inférieure à la densité seuil apparaîtront noires (fig 10). La réalisation d'une segmentation de l'image permet d'éliminer les structures parasites. Cette segmentation est manuelle, réalisée coupe à coupe à l'aide d'un curseur en tenant compte des contours des structures ou de leur densité. Notons que ces segmentations manuelles nécessitent un temps médecin important.
Reconstruction MIP (maximum intensity pixel) Elle est très utilisée en angioscanographie, mais peut être intéressante dans l'exploration ostéoarticulaire (fig 11). Les images MIP sont réalisées par la projection à travers le volume de faisceaux imaginaires et la représentation sur un plan des pixels dont la valeur d'atténuation est la plus intense le long de ce faisceau imaginaire. Ces images projetées peuvent l'être dans différents plans, coronal, sagittal, axial ou même oblique. La reconstruction des images avec un petit angle de rotation permet la visualisation sur un mode dynamique ou mode ciné.
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FACTEURS DE QUALITÉ DE L'IMAGE TOMODENSITOMÉ TRIQUE &NBSP;[4, 6, 8]
Résolution spatiale Elle indique le plus petit détail visible à fort contraste. De nombreux facteurs interviennent sur la résolution spatiale : des facteurs intrinsèques inhérents à l'appareillage qui sont la taille du foyer du tube, la qualité de la collimation, le nombre et l'espacement des détecteurs. Ils s'expriment en paire de lignes par centimètres ; des facteurs extrinsèques choisis par l'opérateur ; le temps de pose ou la vitesse de rotation par tour en scanner spiralé : l'augmentation du temps de pose permet d'augmenter le nombre de projections qui conditionne la résolution spatiale, influence d'autant plus grande que le contraste est faible ; la taille du pixel et du voxel : on conçoit aisément que plus la taille du pixel est faible, plus la résolution spatiale est élevée. Elle dépend du nombre de points de la matrice, de la taille du champ d'exploration et de l'épaisseur de coupe. Pour augmenter la résolution spatiale, il faut donc diminuer la taille du champ et l'épaisseur de coupe. L'exploration dentofaciale autorise des coupes de 1 mm et des petits champs de vue de 10 à 13 cm et permet d'obtenir une excellente résolution spatiale ; le filtre de convolution : l'utilisation d'un filtre " dur " augmente la résolution spatiale.
Résolution en densité C'est la plus petite variation de contraste décelable par l'appareil. Elle dépend directement du rapport signal sur bruit (S/B). Le rapport S/B augmente avec : le temps de pose et la dose : celle-ci est fonction de l'intensité du courant appliquée au tube exprimée en milliampères (mA) et de la durée de l'exposition exprimée en secondes (mAs). Quand la dose est doublée le rapport S/B est multiplié par ; le filtrage : l'utilisation de filtres " mous " permet d'augmenter la résolution en densité mais là encore, au détriment de la résolution spatiale. Le rapport S/B diminue avec : l'épaisseur du patient : le faisceau est atténué au cours de la traversée du patient de près de 50 % tous les 4 cm obligeant à une augmentation de dose pour une qualité d'image identique. Ce paramètre joue peu en pathologie maxillofaciale où l'épaisseur des régions traversées est faible ; l'épaisseur de coupe ; si la réduction de l'épaisseur de coupe augmente la résolution spatiale, elle diminue le rapport S/B d'un facteur . Un compromis est donc nécessaire.
Artefacts Artefacts de mouvements Le temps d'examen est le premier responsable des artefacts engendrés par les mouvements involontaires ou volontaires du patient, tels que la déglutition ou la respiration. Ces mouvements affectent la qualité de la coupe axiale, mais également la qualité des reconstructions si le mouvement se produit entre deux coupes, il y aura en effet une erreur dans la localisation des structures anatomiques et cette erreur entraînera lors des reconstructions des artefacts en raies (fig 12). La réduction des temps d'acquisition grâce au balayage spiralé permet de diminuer ces artefacts et introduit une nouvelle notion de résolution temporelle.
Artefacts de volume partiel La densité du voxel correspond à la valeur moyenne des densités des constituants du voxel. Si ces constituants ont des densités différentes, la valeur de densité exprimée sur l'image sera fausse. Pour pallier à cet artefact, il faut diminuer l'épaisseur de coupe.
Artefacts métalliques La présence d'éléments très denses dans le plan de coupe (prothèses dentaires), génère des stries radiaires dégradant fortement la qualité de l'image, en raison de coefficients d'absorption très élevés dépassant les capacités de reconstruction de l'ordinateur.
Durcissement du faisceau
Au cours de la traversée de l'objet, le rayonnement X polychromatique subit une atténuation qui va être plus importante sur les composantes de basse énergie, entraînant un durcissement du faisceau en profondeur responsable de pseudohypodensités d'autant plus importantes que les objets traversés sont denses (os).
Facteurs de qualité en tomodensitométrie spiralée
[3, 8]
En TDM spiralée, le déplacement simultané du lit pendant l'acquisition entraîne un étalement de la courbe du profil d'atténuation ce qui a pour conséquence l'obtention d'une coupe d'épaisseur réelle plus importante que l'épaisseur nominale et donc une diminution de la résolution spatiale dans l'axe des " Z " et une augmentation de l'effet de volume partiel. Le facteur de majoration de l'épaisseur réelle de coupe est plus important avec l'algorithme d'interpolation linéaire 360° que pour l'algorithme 180° (respectivement de 1,3 et 1 pour un pitch de 1). Cependant à paramètres d'acquisition identiques, le rapport S/B est plus élevé avec l'algorithme d'interpolation 360°. Le choix des algorithmes d'interpolation sera donc fait en fonction du résultat souhaité. Un compromis est nécessaire avec un pitch supérieur à 1 : soit on veut favoriser la résolution spatiale et l'algorithme 180° sera choisi, soit on choisit la résolution en densité et ce sera l'algorithme 360°. Un pitch inférieur ou égal à 1 limite le volume exploré mais permet un meilleur compromis en terme de qualité de l'image, la faible vitesse de déplacement permettant de conserver une bonne résolution spatiale et autorisant l'utilisation de l'algorithme 360° qui fournit le rapport S/B optimal.
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INDICATIONS DE LA TOMODENSITOMÉ TRIE EN PATHOLOGIE MAXILLOFACIALE &NBSP;[7]
Implantologie Le Dental-scanner permet de faire une mensuration précise du site receveur, la mise en place de repères chirurgicaux métalliques permet de guider ces mesures (fig 13).
Anomalies dentaires Qu'il s'agisse des anomalies de nombre et de position, la réalisation de reconstructions multiplanaires par le logiciel Dental-scanner ou de reconstructions 3D surfaciques ou MIP est d'un apport très important (fig 11). L'étude des rapports des dents 38 et 48 avec le canal du nerf dentaire inférieur avant avulsion est une indication de plus en plus fréquente du Dental scanner (fig 15).
Traumatologie
L'étude des fractures complexes du massif facial et de la mandibule en coupes axiales, coronales, les reconstructions multiplanaires et 3D (fig 14 et 16), permettent un bilan exhaustif de lésions parfois difficiles à mettre en évidence en radiologie standard. Il faut souligner à nouveau l'intérêt du scanner spiralé qui permet la réalisation d'un examen en un temps bref ce qui est très précieux chez des patients agités ou fragiles.
Pathologie tumorale La TDM permet une approche du bilan étiologique et surtout un bilan d'extension précis de l'envahissement osseux et des parties molles.
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CONCLUSION La TDM représente un moyen d'exploration dentomaxillaire incontournable. Les progrès technologiques autorisent une constante amélioration de la chaîne radiologique (tube, détecteur et informatique) permettant d'accroître la qualité de l'image et de raccourcir les temps d'acquisition et de calcul. Il est vraisemblable que dans un avenir proche, grâce au développement de consoles de traitement sophistiquées très interactives, les reconstructions multiplanaires et l'imagerie 3D seront obtenues très rapidement quasiment en temps réel, et qu'elles n'auront plus alors seulement un intérêt " esthétique " de représentation spatiale mais qu'elles seront le véritable instrument du diagnostic.
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© 1996 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Med
Chir (Elsevier, Technologie.
Fig 1 :
Fig 1 : Principe du scanner. Mesure des profils d'atténuation à différentes positions angulaires du couple tube-détecteurs.
Fig 2 :
Fig 2 : Coupe axiale de la mandibule. Reconstruction en filtre " dur " (A) et en filtre " mou " (B). En filtre dur la résolution spatiale est meilleure, les contours des différentes structures : os, dents, parois du canal du nerf dentaire sont plus nettes.
Fig 3 :
Fig 3 : La matrice est constituée de x rangées et de y colonnes qui représentent n pixels. Le voxel est égal au produit du pixel par la hauteur de coupe h.
Fig 4 :
Fig 4 : Notion de fenêtrage. Les 256 niveaux de gris sont attribués à une portion de l'échelle de Hounsfield préalablement définie.
Fig 5 :
Fig 5 : Coupe axiale de la mandibule. Visualisation en fenêtre large (200, 2000) (A), et en fenêtre étroite (50, 400) (B). En fenêtre étroite les tissus de densité voisine : muscles, graisse sont bien différenciés, en revanche, les tissus de densité élevée au-delà des limites de la fenêtre sont uniformément blancs, l'émail n'est plus distingué de la dentine ou de l'os alvéolaire.
Fig 6 :
Fig 6 : Tomodensitométrie spiralée. Le déplacement du lit pendant l'émission continue du faisceau de rayons X réalise un balayage spiralé autour du patient.
Fig 7 :
Fig 7 : Reconstructions multiplanaires : frontale oblique d'une molaire (A) et sagittale oblique d'une prémolaire (B). Les différents constituants de la dent sont bien analysés ainsi que le foramen mentonnier.
Fig 8 :
Fig 8 : Coupe coronale directe (A) ininterprétable en raison d'artefacts générés par les prothèses dentaires. Reconstructions panoramiques (B) à partir d'une acquisition axiale spiralée permettant une étude satisfaisante des apex. Sinusite maxillaire bilatérale avec effraction de matériel d'obturation dans la cuvette du sinus maxillaire gauche (flèche).
Fig 9 :
Fig 9 : Dental-scanner. À partir de coupes axiales (A) parallèles au plan basilaire de la mandibule, des reconstructions panoramiques (B) et obliques perpendiculaires aux coupes panoramiques sont obtenues (C).
Fig 10 :
Fig 10 : Reconstructions 3D surfaciques de la mandibule (A). Un seuillage adapté et une segmentation des images permettent d'isoler les dents de la mandibule (B). Inclusion de 38.
Fig 11 :
Fig 11 : Panoramique dentaire (A), inclusion de 23 en position haute avec fil de traction (flèche). En tomodensitométrie les reconstructions MIP (maximum intensity pixel) (B) et 3D surfaciques (C) réalisées avec un seuillage qui soustrait l'os alvéolaire, révèlent une lacune (flèche) de l'articulation dentoalvéolaire traduisant l'ankylose.
Fig 12 :
Fig 12 : Dental-scanner. Le mouvement du patient est responsable d'une déformation artefactielle de l'arcade dentaire sur les reconstructions en raison d'un mauvais empilage des coupes dû à un déplacement des coupes axiales les unes par rapport aux autres.
Fig 13 :
Fig 13 : Dental-scanner. Bilan préimplantologie. Reconstructions obliques. Un guide métallique dans une gouttière en résine (flèches) permet de bien localiser le lieu d'implantation et d'évaluer la hauteur de l'os disponible.
Fig 14 :
Fig 14 :
Reconstruction 3D surfacique. Fracture-disjonction du massif facial de type Le Fort II. L'étude volumique permet de bien apprécier le trait de fracture qui intéresse les sinus maxillaires, le nez, le malaire gauche et le plancher orbitaire gauche.
Fig 15 :
Fig 15 : Dental-scanner. Étude des rapports du canal dentaire avec 38. Reconstructions panoramiques (A) (la reconstruction panoramique la plus haute est la plus vestibulaire) et obliques (B). Le canal est de topographie vestibulaire par rapport aux apex.
Fig 16 :
Fig 16 : Reconstructions 3D surfaciques (A) et multiplanaires axiales obliques, axiales et sagittales dont les plans de coupes sont déterminés à partir de la reconstruction volumique (B). Fractureenforcement du malaire droit. Les fractures des parois du sinus maxillaire (petites flèches), de l'apophyse orbitaire du malaire (tête de flèche) et de l'apophyse zygomatique (flèche creuse) sont bien analysées.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-010-D-60 (2004)
22-010-D-60
Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale G. Teman A. Lacan M. Suissa L. Sarazin
Résumé. – L’indication des examens d’imagerie dentofaciale doit être parfaitement posée en fonction du type et de la localisation de la lésion afin d’apporter la réponse la plus adaptée et la plus précise à un problème donné. Ce chapitre décrit les principes d’interprétation radiographique, les anomalies dentaires, les pathologies dentaires, les lésions des maxillaires y compris l’articulation temporomandibulaire. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Anomalies dentaires ; Lésions du maxillaire ; Imagerie dentofaciale
Introduction Un bon traitement découle obligatoirement d’un bon diagnostic. L’imagerie maxillofaciale est un outil indispensable pour permettre ce bon diagnostic ; il doit néanmoins être précédé d’un examen clinique complet qui permettra d’orienter vers le type d’imagerie à réaliser. Surtout, l’interprétation diagnostique de l’examen d’imagerie maxillofaciale ne sera satisfaisante que si cet examen est corrélé à la symptomatologie et à l’examen clinique. Il est indispensable de connaître le guide du cheminement des examens d’imagerie afin de limiter les examens d’imagerie uniquement à ceux qui sont utiles, et de permettre d’avoir une stratégie diagnostique cohérente.
Quels examens d’imagerie sont à réaliser devant une symptomatologie donnée ? [1, 2, 3, 4]
Ils sont représentés dans le Tableau 1.
Périodicité des examens radiologiques dans le cadre d’un bilan dentaire En cas de lésion carieuse ou infectieuse ou de facteur de risque de ce type de lésion, il est nécessaire de répéter le panoramique tous les 18 mois éventuellement complété par des clichés rétroalvéolaires et rétrocoronaires, au mieux par un bilan long cône. NB : il faut limiter au maximum l’exploration radiologique des femmes enceintes surtout pendant l’embryogenèse (4 premiers mois de grossesse). Néanmoins si un examen radiologique présente un caractère urgent, notamment avec un risque infectieux important, des examens d’imagerie maxillofaciale doivent être réalisés avec le consentement éclairé de la patiente et avec la mise en place d’un tablier de protection sur le ventre.
G. Teman Adresse e-mail : [email protected] A. Lacan, M. Suissa, L. Sarazin Institut de radiologie de Paris Scanner Hoche, 31, avenue Hoche, 75008 Paris, France.
BILAN ORTHODONTIQUE (Fig. 1, 2)
[5, 6]
¶ Classes d’angle Le télécrâne de profil permet de définir la classification d’angle et la classification de Balard. Les classes d’angle déterminent la relation dentaire entre l’arcade supérieure et l’arcade inférieure dans le sens antéropostérieur alors que la classification de Balard étudie les rapports osseux entre le maxillaire et la mandibule : – classe I : c’est une occlusion engrenée avec une canine inférieure et une première molaire inférieure mésialisées d’une demi-dent par rapport à leurs homologues supérieures ; – classe II : la canine supérieure et la première molaire supérieure sont mésialisées d’une demi-dent par rapport à leurs homologues inférieures (division 1 : vestibuloversion des incisives supérieures, division 2 : palatoversion des incisives supérieures) ; – classe III : il existe une augmentation de la mésio-occlusion de la première molaire inférieure par rapport à la classe I avec généralement une occlusion inversée du secteur antérieur, les incisives antérieures étant en situation postérieure par rapport aux incisives inférieures. Ces différentes classifications sont mieux visualisées par le télécrâne de profil qui permet également des analyses céphalométriques standardisées les plus connues étant celles de Steiner, de Wits, de Tweed et de Ricketts. Actuellement, il existe des programmes informatiques permettant une analyse céphalométrique quasi immédiate, en plaçant les points et plans céphalométriques.
¶ Anomalies morphologiques dentaires Les anomalies morphologiques dentaires les plus fréquentes sont : la microdontie (12, 18, 22, 28), la macrodontie (11, 21) le taurodontisme (35, 36, 45, 46), la dilacération (distorsion de la dent), la fusion (11-12, 21-22), la concrétion (union des racines de deux dents par une masse cémentaire) et la « dens in dente » (invagination d’une microdent sur une dent) (12-22). Les autres anomalies sont des anomalies plus localisées et plus parcellaires telles que des anomalies de couronnes ou de racines (par exemple la rhizalyse qui correspond à une résorption plus ou moins complète d’une racine).
¶ Anomalies en nombre Les anomalies en nombre sont assez fréquentes notamment l’agénésie (surtout les incisives latérales du maxillaire et les
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Stomatologie
Tableau 1. – Examens d’imagerie à réaliser devant une symptomatologie donnée Pano Bilan de la 1ère consultation dentaire Algie Caries Lésion infectieuse Bilan orthodontique Anomalie dentaire Dent incluse Bilan endodontique Bilan parodontal Bilan pré-implantaire Bilan avant greffe Bilan postimplantaire Complications post-thérapeutiques Traumatisme Pathologie buccosinusienne Lésion sectorielle Tumeur osseuse Anomalie des parties molles ATM : anomalie osseuse ou arthrosique ATM : suspicion de lésion discale
1+ 1+ 1+ 1+ 1+ 1+ 1+ 1 1 1 1 1+ 1 1+ 1 1+ 1+ (+) 1
occl
(+) (+) 2
(+) (+)
RA/BW 2 2+ 2+ 2 RA 2+ RA (+) 2+ (+) (+) 2 RA 2 RA + 2+
Inc.Spec
Téléc
LC
(+)
Tom
Sialo
Écho
(+)
(+) 2+
2+ (+)
4+
(+)
(+) (+) (+)
2+
(+) (+)
(+)
(+) (+)
IRM
3+
3+ 3 (+) +
(+)
(+) 2+
TDM
(+)
1+
3 3+ 3+ (+) 2+ ++ 3+ 3+ 3+ 2+ 3+ 2+ 2+ 2+
(+) 3+ 3 +
Pano : panoramique dentaire ; Occl : clichés occlusifs ; LC: bilan long cône ; RA/BW : clichés rétroalvéolaires/ Bite Wings ; Inc Spec : incidence radiologique spéciale ; Téléc : télécrâne ; Tom : tomographie ; Sialo : sialographie ; Echo : échographie ; TDM : examen tomodensitométrique (avec Dentascan) ; IRM : examen IRM ; ATM : articulation temporomandibulaire. Numéro dans la case du tableau : ordre chronologique des examens ; (+) : examen possible mais avec un intérêt limité ; + : examen souvent indispensable
Figure 1
Canine incluse bloquée par un composé odontoïde (reconstruction 3D).
deuxièmes prémolaires de la mandibule), et la duplication de dents surnuméraires (hyperdontie). Les composés odontoïdes sont une forme particulière d’anomalie de nombre avec des dents surnuméraires dysmorphiques ; on différencie l’odontome composé, qui est formé de nombreuses microdents malformatives accolées dans un sac, de l’odontome complexe qui correspond à une formation grossière anarchique composée de tissu dentaire et notamment amélaire très dense au scanner.
¶ Anomalies de position En ce qui concerne les anomalies de position, on différencie les anomalies au niveau de crête, telles que le diastème ou la transposition qui correspond à une inversion de situation entre deux dents des anomalies éloignées de la crête (ectopie et dent incluse). Il est important de localiser la dent incluse et d’étudier ses rapports avec les dents adjacentes et les sinus maxillaires pour l’arcade du haut ; il est indispensable de connaître, au niveau de la mandibule, les rapports des dents incluses dans les secteurs postérieurs (38 et 48), avec le canal mandibulaire. Si 38 et 48 doivent être extraites et se projettent sur le cliché panoramique en regard du canal mandibulaire, un complément tomodensitométrique (TDM) apparaît nécessaire pour déterminer avec précision la situation vestibulolinguale du canal mandibulaire et surtout l’importance du contact entre les racines et le canal mandibulaire. L’examen d’imagerie permettra de déterminer parfois la cause de l’inclusion (malposition dentaire ou manque de place dans le cadre d’une dysharmonie dentomaxillaire) ; une ankylose pourra être suspectée en cas d’absence d’espace périradiculaire et d’une dédifférenciation entre le cément et la spongieuse. Il faudra enfin rechercher les complications secondaires aux dents incluses telles que les répercussions sur les dents voisines (résorption de la racine, 2
Figure 2 Le scanner permet de localiser de façon précise les rapports du canal mandibulaire avec les racines des dents de sagesse ; dans ce cas, le canal mandibulaire est au contact des apex de 48, s’insinuant entre les racines vestibulées et la racine linguale. déplacement de la dent, gêne à l’éruption d’une dent adjacente). La dent incluse peut être un facteur prédisposant à la formation d’un kyste ou même d’une tumeur. Le scanner, dans le cadre d’une dent incluse, doit toujours comporter un Dentascan ainsi qu’une reconstruction 3D. Les anomalies dentaires, en nombre ou en position, peuvent être associées à des malformations faciales, la plus connue étant la fente palatine qui peut être unilatérale ou bilatérale, médiane ou paramédiane. Les reconstructions TDM en 3D permettent au chirurgien d’appréhender, après précision, la malformation à « réparer ».
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Stomatologie
Figure 5
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Récession osseuse importante avec alvéolyse de 32.
Figure 3
Racine mésiovestibulée bilobée de 16 et 26 avec une obturation canalaire incomplète de cette racine au niveau de 16 engendrant une petite zone d’ostéolyse périapicale en regard.
Figure 6 Communication buccosinusienne avec comblement inflammatoire du sinus maxillaire. NB : une lacune limitée de l’os, en regard d’apex tronqués d’une dent obturée, peut être un aspect de résection apicale. Figure 4
BILAN PARODONTAL (Fig. 5)
Dépassement de pâte dentaire dans le canal mandibulaire.
¶ Anomalies acquises dentaires Les anomalies acquises dentaires peuvent être : – des phénomènes de « destruction » secondaires à des formes d’abrasion tels que l’attrition qui est une usure du sommet des couronnes, des conséquences infectieuses ou inflammatoires telles que les caries et les granulomes internes, des aspects postthérapeutiques tels que des lacunes de bords nets au niveau des couronnes, des conséquences d’un traumatisme, des phénomènes de résorption parfois inexpliqués ; – des phénomènes de « construction » au niveau dentaire tels que la dentine secondaire qui est un épaississement dentinaire rétrécissant la chambre pulpaire souvent après une « agression » de la dent, ou tels que l’hypercémentose qui est un épaississement dentinaire d’origine inflammatoire donnant un aspect épaissi des apex en forme de massue. Le calcul pulpaire et la sclérose sont plus rares et se traduisent par des opacités intrinsèques de la chambre pulpaire. BILAN ENDODONTIQUE (Fig. 3, 4)
[3]
L’imagerie a plusieurs intérêts en endodontie : elle détermine des anomalies inhabituelles en nombre ou en morphologie des racines permettant une reprise d’obturation canalaire (les incisives et les canines ont généralement une racine, les prémolaires deux racines, les molaires trois racines) ; une obturation incomplète entraîne le plus souvent une lésion osseuse périapicale. On recherchera également d’autres complications de traitement endodontique telles qu’une fissuration de racine ou un dépassement de pâte dentaire. Le dépassement de pâte dentaire a des conséquences pathologiques lorsqu’il fuse dans le sinus maxillaire pour le maxillaire, et quand il rentre dans le canal mandibulaire pour la mandibule.
[3, 4]
Le bilan parodontal d’un patient se fait par un examen clinique avec sondage pour déterminer la profondeur des poches parodontales et par un examen radiologique ; l’examen radiologique de référence est le bilan long cône avec parfois grille millimétrique. On distingue deux types de lésions parodontales : – la récession osseuse est un phénomène plus ou moins généralisé de « rétraction » osseuse avec un niveau de crête trop haut pour le maxillaire et trop bas pour la mandibule. Les racines des dents sont « découvertes » et sont moins protégées ; – la lésion parodontale verticale est un phénomène plus local. Elle correspond à une résorption des tissus de soutien périradiculaire de la dent, avec lyse osseuse. Elle peut aller jusqu’à la poche parodontale et traduit généralement un phénomène inflammatoire local qui peut être dû à une prothèse débordante. PATHOLOGIE INFECTIEUSE (Fig. 6, 7)
[7]
On différencie les lésions infectieuses dentaires, des lésions péridentaires intéressant les tissus de soutien des dents, l’os ou les parties molles.
¶ Caries Les caries sont des zones de décalcification nécrotique créant une lacune de bords flous au niveau de la couronne, du collet, parfois des racines au panoramique dentaire ou au cliché rétrocoronaire et rétroalvéolaire. Il faut faire attention de ne pas diagnostiquer une carie devant une fine image en demi-teinte en périphérie de la dent car il existe des fausses images radiologiques dues à des effets de bord ; la confrontation à l’examen clinique est alors indispensable. L’examen tomodensitométrique a peu d’intérêt dans une recherche de caries. 3
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Stomatologie
lésion dentaire. Les deux autres causes de sinusite d’origine dentaire à connaître sont la communication buccosinusienne, et la présence d’un corps étranger d’origine dentaire (le plus souvent de la pâte dentaire). Elles sont diagnostiquées par l’exploration conjointe clinique et tomodensitométrique.
Figure 7
Ostéite ; la texture osseuse est hétérogène.
¶ Infection péridentaire L’infection péridentaire va de la simple desmodontite qui provoque un élargissement du ligament alvéolodentaire, au kyste apicodentaire qui donne une lacune finement cerclée périapicale, les racines pouvant se résorber. Le granulome périapical est une lacune de plus petite taille que le kyste, en forme de goutte d’eau et correspondant à un phénomène de défense d’une dent mortifiée. Le traitement peut parfois être chirurgical par résection apicale. La péricoronarite est une inflammation du capuchon péricoronaire pour une dent incluse, pouvant grossir et se transformer en kyste péricoronaire. Les infections plus diffuses telles que les cellulites et les abcès pour les parties molles montrent en échographie et en scanner un feutrage tissulaire avec des zones d’aspect liquidien en cas d’abcès. Les ostéites ont la même sémiologie radiologique et tomodensitométrique que sur le reste du corps. Ce sont des lésions de siège ubiquitaire, dans un contexte clinique inflammatoire. Leur aspect radiologique se traduit par une modification de la texture osseuse avec des zones de résorption, des séquestres, des plages hétérogènes de bords flous, parfois associées à des appositions périostées.
¶ Pathologies buccosinusiennes Les infections sinusiennes maxillaires, surtout si elles sont unilatérales, peuvent avoir une origine dentaire. La forme la plus habituelle de sinusite maxillaire d’origine dentaire provient d’une lésion osseuse périapicale en regard d’une prémolaire ou d’une molaire du maxillaire ; la corticale de l’infrastructure du sinus maxillaire peut alors être déformée, refoulée vers le haut, amincie et même déhiscente en regard de la lésion périapicale. Le scanner permet au mieux, avec des reconstructions Dentascan, de visualiser la morphologie de la corticale du bas-fond du sinus maxillaire ainsi que le retentissement inflammatoire du sinus maxillaire contigu à la
La communication buccosinusienne est due à un defect du bas-fond sinusien rompant la barrière naturelle entre la bouche et le sinus maxillaire. Elle crée une infection et un comblement du sinus maxillaire ; si la transparence du sinus maxillaire est respectée, cela signifie qu’il persiste une barrière muqueuse même si la paroi osseuse est déhiscente. La communication buccosinusienne est souvent secondaire à une extraction dentaire difficile ayant créé une brèche dans la paroi du sinus maxillaire ; il faudra également rechercher un fragment migré de la dent extraite dans le sinus. La présence d’un corps étranger en situation intrasinusienne provoque des complications inflammatoires ou infectieuses ; le dépassement de pâte dentaire dans les secteurs prémolaires et molaires du maxillaire peut migrer dans le sinus maxillaire, parfois en situation très haute. Quand il existe un comblement intrasinusien adjacent à la pâte dentaire, la présence de petites calcifications au sein de ce comblement peut témoigner d’une greffe aspergillaire secondaire. Le traitement chirurgical doit alors être réalisé. PATHOLOGIE TUMORALE (Fig. 8, 9, 10, 11)
[8, 9]
Seule l’histologie permet d’avoir une certitude diagnostique ; néanmoins, l’imagerie est le meilleur moyen d’exploration avant la chirurgie, permettant un diagnostic d’extension et une orientation sur le type de lésion (Tableau 2). Il existe d’assez nombreuses formes histologiques de lésions carcinomateuses et sarcomateuses odontogéniques, certaines proviennent d’une dégénérescence maligne d’anciennes lésions odontogéniques. De ce fait, malgré le risque faible devant certaines lésions odontogéniques, une chirurgie apparaît quasiment toujours nécessaire. PATHOLOGIE DE L’ARTICULATION TEMPOROMANDIBULAIRE (ATM) (Fig 12, 13)
[3]
On retrouve les pathologies de toutes les articulations ; ce qui la différencie, c’est la présence de lésions méniscales (explorées en imagerie par résonance magnétique [IRM]). Le ménisque, en situation normale, s’interpose entre le condyle mandibulaire et l’os temporal, tant en position bouche fermée qu’en position bouche ouverte. Les luxations discales peuvent se faire dans tous les plans de l’espace mais principalement dans le plan antérieur. L’interposition discale peut être partielle ; le pronostic sera plus péjoratif si l’interposition discale est totalement absente et si la luxation persiste lors de l’épreuve dynamique jusqu’à l’ouverture maximale. Les autres pathologies du ménisque à rechercher sont le disque fixé (ankylose discale) et la perforation discale. Figure 8
Kyste péricoronaire ; la lésion osseuse, lobulée, refoule les corticales.
4
Stomatologie
Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale
Figure 11
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Tori palatins.
TRAUMATOLOGIE (Fig. 14, 15)
[10]
Devant un traumatisme dentaire, on recherchera en imagerie (panoramique, rétroalvéolaire, scanner) : – une absence de lésion, une simple contusion n’ayant pas de traduction radiologique ; – une luxation partielle ou complète de la dent ; – une fissuration, voire une fracture de la dent ;
Figure 9
Ostéosarcome ; les calcifications envahissent les parties molles.
Figure 10 Métastase d’un cancer bronchique dans la région de l’articulation temporomandibulaire (ATM), touchant le lobe temporal (prise de contraste en imagerie par résonance magnétique [IRM]).
– une lésion osseuse associée. Le pronostic n’est pas le même selon la topographie de la fracture dentaire, celles ayant le pronostic le plus favorable étant les fractures coronaires sans effraction de la chambre pulpaire. Si le traumatisme est suffisamment important pour avoir atteint une dent, il faut éliminer une fracture osseuse du massif facial et surtout des maxillaires si possible par exploration tomodensitométrique. Enfin, un suivi clinique et radiologique après un traumatisme doit être fait car il existe des complications tardives même pour les simples contusions : un kyste périapical, une mortification de la dent ou un arrêt de développement d’une dent définitive sont les complications tardives les plus graves. Devant un traumatisme facial, l’examen TDM permet une exploration exhaustive de toutes les lésions ; on recherchera des fractures multiples. Le risque septique est important quand la solution de continuité se situe au niveau de la cavité buccale, surtout au niveau des zones dentées. Si la fracture intéresse la mandibule et plus particulièrement la région de l’ATM, le pronostic fonctionnel est engagé. La fracture des parois des cavités sinusiennes provoque un hémosinus. Le fait qu’une fracture du massif facial intéresse le cadre orbitaire est un facteur de gravité. BILAN PRÉIMPLANTAIRE (Fig. 16)
[11, 12, 13, 14]
¶ Évaluation des risques possibles d’échec Avant la réalisation d’un examen type Scanora ou mieux tomodensitométrique en vue de la pose d’un implant, il est impératif d’évaluer les facteurs de risque possibles d’échec : – nombreuses lésions carieuses ; Outre les pathologies discales, les problèmes fonctionnels peuvent provenir uniquement d’anomalies condyliennes ou de la cavité articulaire (TDM+) : une dysmorphie condylienne, une malposition du condyle dans sa cavité glénoïde en position bouche fermée (surtout s’il existe des troubles d’occlusion), ou des phénomènes dégénératifs de type arthrosique. L’ouverture buccale peut être gênée par des phénomènes inflammatoires ou par un processus occupant intra-articulaire (tumeur bénigne ou maligne, pannus dans le cadre d’une polyarthrite rhumatoïde).
– lésions parodontales adjacentes (furcation, poche parodontale…) ; – déminéralisation osseuse du secteur implantable ; – anomalies orthodontiques réduisant l’espace implantable ; – bilan occlusal défavorable ; – infection buccosinusienne. Cette évaluation est au mieux effectuée par la réalisation d’un panoramique dentaire, au besoin complété par un bilan long cône. 5
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Stratégie des explorations en imagerie maxillofaciale
Stomatologie
Tableau 2. – Orientation diagnostique
Où ? L’épicentre de la lésion est une dent ou un de ses composants Quand ? Contexte Lésion connue ou présente sur un ancien cliché de plus de 5 ans Évolutivité lente Contexte infectieux Contexte de métastases ou de lésion maligne anciennement opérée dans la même région Comment ? Morphologie de la lésion Lésion lytique Lésion mixte Lésion condensante sans contexte de métastases Excroissance osseuse bien limitée avec une corticale Tumeur différenciée « structurée » Présence de cloisons Lésion différenciée contenant des images très denses évoquant de l’émail Lésion destructurée Absence de contraste en IRM Prise de contraste isolée au niveau de la lésion en IRM Formation arrondie à bords réguliers Coque périphérique Bords irréguliers Bords flous, mal définis À la périphérie de la lésion : Refoulement des corticales (avec amincissement des corticales), des dents, du canal mandibulaire Prise de contraste en périphérie de la lésion, infiltrant les parties molles Résorption radiculaire régulière au contact de la lésion Perte rapide de dent Respect du ligament alvéolodentaire de la dent au contact de la lésion Infiltration du ligament alvéolodentaire avec un aspect élargi et irrégulier Dent maintenue dans une masse ostéolytique Corticales rompues lysées avec des bords irréguliers sans refoulement Corticales « en feu d’herbe » Destructuration des travées osseuses par infiltration contiguë à la lésion Envahissement ou infiltration des parties molles Tumeur des parties molles lysant les structures osseuses contiguës, sans refoulement des corticales Formation arrondie isolée dans le sinus Lacune de Stafné Image radioclaire visible sur le panoramique non retrouvée en scanner
Orientation vers la bénignité
Orientation vers la malignité
++ surtout si la lésion est périapicale
Une lésion lytique englobant une dent peut également être maligne
+++ ++ + ++
+ + ++ + torus/exostose ++ ++ ++
+
+ ++
++ + ++ ++
+
++ ++ ++ +++ + +
++ +
++ + ++ +++ ++ +++ ++ ++ +++ +++ Artefact/Projection aérique/raréfaction isolée des travées osseuses
IRM : imagerie par résonance magnétique.
Figure 12
Le ménisque s’interpose entre le condyle mandibulaire et l’éminence temporale en situation bouche ouverte (aspect normal).
certains cas, il permet de s’affranchir des artéfacts métalliques. Toutefois, il est moins précis que le scanner en raison d’un facteur d’agrandissement constant et d’une résolution spatiale moins bonne. Télécrâne de profil Il permet une étude complémentaire de la zone édentée notamment au niveau symphysaire. Scanner
¶ Indications des techniques d’imagerie
Le scanner, associé au Dentascan, est maintenant reconnu comme l’examen d’imagerie de référence en implantologie orale (intérêt médicolégal). Il permet une étude anatomique fiable et précise : pas de déformation, ni de facteur d’agrandissement et étude dans les trois plans de référence.
Panoramique dentaire
¶ Guide d’interprétation d’un scanner dentaire
Il est réalisé en première intention, mais insuffisant. Il permet une évaluation du secteur édenté et une estimation approximative de la hauteur de l’os, compte tenu d’un facteur d’agrandissement constant. Il ne permet pas une étude dans le plan vestibulopalatin ou lingual.
dans le cadre du bilan préimplantaire
Scanora Il permet de réaliser des radiographies panoramiques et des tomographies perpendiculaires à la courbure des maxillaires. Dans 6
Il faut différencier le Dentascan classique du Dentascan angulé. Dans le Dentascan classique Les coupes réalisées à l’aide du logiciel de reconstruction sont coronales obliques, verticales, perpendiculaires à un axe de référence tracé sur le topogramme en vue occlusale. On sélectionne ensuite le secteur à implanter, puis on repère le numéro de la coupe coronale
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Stomatologie
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Figure 13
Luxation discale irréductible ; le ménisque reste en position, trop antérieur, en situation bouche fermée (13-1) et en situation bouche ouverte (13-2).
Figure 16 Modèle implantaire positionné sur les reconstructions coronales obliques.
Figure 14
Luxation de 11 avec fracture de la table osseuse vestibulée ; absence de 21 et fissuration de 12.
mandibulaire – est donc fondamental. Il ne doit pas être confondu avec une simple image géodique sus- ou sous-jacente. Le meilleur moyen de le repérer quand la corticale n’est pas visible, est de le retrouver sur des coupes adjacentes ; ainsi, par extrapolation, la position exacte du canal peut être retrouvée. Le temps suivant constitue une étude volumique en tenant directement compte du modèle de l’implant qui va être utilisé. L’implant étant figuré en taille réelle sur un calque, on s’assure successivement des impératifs suivants : – l’implant doit avoir son « apex » à distance supérieure ou égale à 2 mm de la corticale supérieure du canal mandibulaire ; – il doit exister une bande d’os de 1 mm autour de l’implant. On s’en assure donc en évaluant la quantité d’os autour de l’implant sur la coupe centrale ainsi que sur la coupe adjacente mésiale et distale ; il s’agit donc d’une étude volumique sur 6 mm en mésiodistal (chacune des coupes fait 2 mm d’épaisseur). La densité osseuse est estimée de façon subjective sur le Dentascan. Elle est calculée de façon objective grâce au logiciel Denta PCy. – On classe cette densité en quatre types : – type I : os corticalisé ; spongieuse hyperdense ; – type II : os corticospongieux dense ; corticales épaisses ;
Figure 15
Fracas osseux maxillaire et zygomatique.
– type III : os corticospongieux peu dense avec corticales fines ; – type IV : importante raréfaction osseuse avec corticales fines.
oblique correspondant à ce secteur. Sur la coupe coronale oblique, on mesure successivement l’épaisseur de crête et la hauteur d’os disponible qui, pour le maxillaire, va jusqu’aux corticales des fosses nasales ou de l’infrastructure du sinus maxillaire (en fonction du site antérieur ou postérieur) ; pour la mandibule, on repère la hauteur maximale d’os disponible par rapport à la corticale basilaire et le foramen mentonnier pour les secteurs antérieur et prémolaire et par rapport à la corticale supérieure du canal du nerf alvéolaire pour le secteur molaire. Les mesures doivent être effectuées jusqu’à la crête ; quand elle est amincie, elles sont faites avec une épaisseur virtuelle de 5 mm. On doit également considérer une éventuelle coudure ou angulation de l’os disponible. Au niveau mandibulaire, le repère du canal du nerf alvéolodentaire inférieur – canal
Dans le Dentascan angulé Il s’agit d’un Dentascan avec guides chirurgicaux. On réalise une reconstruction coronale oblique selon l’axe chirurgical des guides (à la différence du Dentascan classique où les reconstructions coronales obliques sont verticales, perpendiculaires à l’axe de référence). Il s’agit donc d’une étude anatomique selon l’axe d’implantation prévu par le guide. Son intérêt est plus net sur les repères en regard du foramen mentonnier : une angulation mésiale d’un guide peut rendre l’axe chirurgical à distance du foramen mentonnier et du canal mandibulaire. Les guides sont radio-opaques, sans générer d’artéfacts et avec une longueur suffisamment grande (5 mm) pour créer l’axe chirurgical (par exemple, tube en titane). 7
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Figure 17
Stomatologie
Implant mal positionné dans le canal mandibulaire.
¶ Denta PCy ou S implanty Il s’agit d’un logiciel destiné au chirurgien. Chaque dossier est stocké dans un support type disquette ou cédérom. Ses intérêts sont la simulation implantaire. On peut placer un implant virtuel sur les coupes réalisées dans les trois plans de l’espace tout en faisant varier l’axe et les dimensions de cet implant, et prévoir plusieurs plans de traitement pour choisir le compromis le plus adapté en fonction du projet prothétique et du volume osseux disponible. Il aide également à l’analyse de la qualité de l’os dans la zone d’ostéo-intégration. L’impression de document se fait en grandeur réelle. Par ailleurs, le support numérique permet l’archivage et la télétransmission.
¶ Perspectives Citons la navigation chirurgicale et l’utilisation de la robotique dans la mise en place des implants.
¶ Bilan postimplantaire (Fig. 17, 18) En l’absence de complication, le contrôle s’effectue à l’aide d’un panoramique et de clichés rétroalvéolaires. En cas de complication (douleur, infection, anesthésie) le meilleur examen de contrôle est le scanner. Il permettra de préciser l’état de l’implant, sa localisation et ses rapports (avec le canal mandibulaire ou le sinus maxillaire), l’état de l’os péri-implantaire (signes d’ostéolyse), la présence d’une fistule, d’une encoche corticale, d’un foyer infectieux.
Figure 18
Greffe osseuse préimplantaire dans le sinus maxillaire.
[2] Goaz P, White SC. Oral radiology, principles and interpretation. Saint-Louis: CV Mosby, 1987 [3] Teman G, Lacan A, Sarazin L. Imagerie maxillo-faciale pratique. Paris: Quintessence International, 2002 [4] White SC, Pharoah MJ. Oral radiology. Principles and interpretation. Saint-Louis: CV Mosby, 2000 [5] Bassigny F. Manuel d’orthopédie dento-faciale. Paris: Masson, 1991 [6] Sassouni V. Orthodontics in dental practice. Saint-Louis: CV Mosby, 1971 [7] Stockdale CR, Chandler NP. The nature of the periapical lesion: a review of 1108 cases. J Dent 1988; 16: 123 [8] Martin-Duverneuil N, Chiras J. Imagerie maxillo-faciale. Paris: Flammarion, 1997 [9] Sarazin L, Teman G, Lacan A, Sarazin G. Indications du Dentascanner en odontologie. Rev Odontostomatol 2002; 31: 109-123 [10] Andreasen JO, Andreasen FM. Essentials of traumatic injuries to the teeth. Copenhagen: Munksgaard, 1990 [11] Lacan A. Nouvelle imagerie dentaire. Paris: CDP, 1993
Références [1] Chomenko AG. Atlas for maxillofacial pantomographic interpretation. Chicago: Quintessence Publishing, 1985
8
[12] Lacan A. Interprétation d’un examen scanner. Dentascan en implantologie dentaire. Alternatives février 1999 (n° 1): [13] Lacan A, Teman G. Étude de la densité osseuse. Intérêt du logiciel Denta PC. Alternatives mai 1999 (n° 2): [14] Treil J, Escude B, Cavezian R, Pasquet G. L’imagerie en coupes en implantologie: tomodensitométrie avec logiciel spécifique. Actual Odontostomatol 1993; 181: 73-89
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-012-H-10
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Anesthésiques locaux M Cathelin
Résumé. – Les anesthésiques locaux (AL) sont des drogues qui ont la propriété d’interrompre, d’une manière réversible, la propagation de l’influx nerveux. Ils agissent en bloquant les canaux sodiques des axones. Ils sont divisés en deux grands groupes : les aminoesters et les aminoamides. Leur structure physicochimique et leur pharmacocinétique (absorption, distribution, métabolisme) conditionnent leur activité : puissance, délai d’action, durée d’action, bloc différentiel sensitivomoteur. Leurs effets pharmacologiques induisent une toxicité différente suivant leur famille et suivant chacun des produits dans chaque famille. L’AL idéal devrait : – être puissant ; – avoir un délai d’action court et une durée d’action plus ou moins longue ; – avoir un bloc différentiel sensitivomoteur important (bloc moteur flexible et bloc sensitif long) ; – et bien sûr ne pas présenter de toxicité ni cardiaque ni neurologique. Bien que l’AL idéal ne soit pas encore synthétisé, on possède un large éventail de produits satisfaisants. Dans la famille des aminoesters, la procaïne est utilisée seulement en cas de contre-indication des aminoamides : sa puissance est très moyenne et ses propriétés allergisantes non négligeables. En revanche, dans la majorité des actes réalisés sous anesthésie locale ou locorégionale, on a le choix entre de nombreux AL de la famille des aminoamides. Le chef de file, moyennement puissant et peu toxique est la lidocaïne. Son métabolisme est hépatique (comme tous les aminoamides) d’où sa contre-indication dans les insuffisances hépatiques. Suivant les indications, on emploie la mépivacaïne (peu recommandée chez la femme enceinte), l’articaïne (AL de choix chez la femme enceinte) ou la ropivacaïne (plus puissante et peu toxique), qui à l’heure actuelle est considérée comme l’AL le plus satisfaisant. La lévobupivacaïne, à l’étude, ne semble pas apporter plus d’avantage. Tous ces produits ont leurs indications : procaïne en cas de déficit hépatique, mais risque de réactions allergiques, articaïne chez la femme enceinte, bupivacaïne pour sa puissance mais attention à sa toxicité cardiaque, ropivacaïne très souvent et EMLAt pour les enfants. Le risque zéro n’existant pas, il faut prévoir, surtout au cabinet dentaire, des anticonvulsivants, de l’oxygène et savoir prendre toutes les précautions pour qu’un accident cardiaque ne se produise pas. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : anesthésiques locaux, AL, influx nerveux, aminoester, aminoamide, cocaïne, procaïne, lidocaïne, ropivacaïne, bloqueurs de canaux sodiques, bloqueurs de canaux potassiques.
Introduction Les anesthésiques locaux (AL) sont des drogues qui interrompent la propagation de l’influx nerveux, de manière réversible quand elles sont placées au contact de cette fibre nerveuse, à concentration appropriée. Le blocage de la conduction nerveuse intéresse les fibres sensitives, motrices et sympathiques. La cocaïne fut le premier anesthésique local découvert en 1860 lorsque Niemann isole à partir des feuilles de coca un alcaloïde, la cocaïne, qui fut ensuite introduite comme AL en 1884 par Freud et Koller. Durant la première moitié du XXe siècle, plusieurs dérivés de la cocaïne furent synthétisés.
En 1905, la procaïne est synthétisée par Einhorn, mais ce n’est qu’en 1943 que Löfgren synthétise la lidocaïne, anesthésique local efficace sans être trop toxique. C’est un amide dérivé de l’acide diéthylaminoacide. Depuis cette époque, tous les nouveaux AL synthétisés et utilisés en clinique ont été des produits à « fonction amide » à l’exception de la chloroprocaïne. Connaître la physiologie de la conduction nerveuse est obligatoire pour comprendre tous les mécanismes d’action des anesthésiques locaux. Ces mécanismes sont nombreux, dépendent des structures nerveuses sur lesquelles ils agissent et des propriétés physicochimiques et pharmacocinétiques des AL eux-mêmes. Les effets pharmacologiques et toxiques sont ensuite étudiés. De nombreux AL sont largement employés en clinique, quels sont leurs indications, leurs qualités et leurs effets délétères ?
Myriam Cathelin : Praticien hospitalier anesthésie-réanimation, médecin des Hôpitaux, 274, chemin de Bellevue, Bredannaz, 74210 Doussard, France.
Quelles perspectives pour l’avenir ? Peut-on espérer trouver l’AL idéal ?
Toute référence à cet article doit porter la mention : Cathelin M. Anesthésiques locaux. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-012-H-10, 2003, 12 p.
150 607
EMC [257]
Anesthésiques locaux
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Stomatologie/Odontologie
Physiologie de la conduction nerveuse HISTORIQUE
La compréhension du mécanisme d’action des AL a évolué parallèlement à celle des progrès de la physiologie. Successivement de nombreuses hypothèses ont été avancées. En 1936, il semble que ce soit Young qui, le premier, ait défini les propriétés électriques de l’axone et proposé un mode d’action des AL. En 1949, Marmont donne une explication de la physiologie du potentiel d’action. Entre 1951 et 1964, Hodgkin et Huxley définissent le rôle des ions dans le potentiel d’action. Ils supposent l’existence de canaux sodiques dont l’activité (flux ioniques) dépend du voltage. C’est alors que Taylor puis Hille (1966) montrent que les AL interagissent avec le fonctionnement des canaux sodiques de façon à bloquer la genèse et la conduction du potentiel d’action [2]. CONDUCTION NERVEUSE
¶ Bases électrophysiologiques de la genèse du potentiel d’action [6] L’axone est formé de couches de phospholipides renfermant des protéines servant de récepteurs membranaires. Certaines de ces protéines traversent la membrane cellulaire, créant ainsi des pores ou canaux, au travers desquels peuvent passer des flux ioniques allant du milieu extracellullaire vers le milieu intracellullaire (ou inversement). Ces canaux sont sélectifs pour un ion donné. À noter que le canal sodique transporte 12 fois plus l’ion sodium que l’ion potassium. Les flux sont déterminés par les différences de charge et de concentration de part et d’autre de la membrane. Au repos, il existe une différence de potentiel de - 60 à - 90 mV entre l’intérieur de la cellule, riche en ions potassium et chargé négativement, et l’extérieur de la cellule, riche en ions sodium et chargé positivement. Durant la dépolarisation d’un nerf, la perméabilité à l’ion sodium (ou conductance ou gNa) augmente, modifiant ainsi le potentiel de repos (qui devient moins négatif) de - 90 mV à - 50 mV. Au seuil critique de - 50mV, la conductance au sodium croît rapidement jusqu’à + 30 mV permettant la propagation de l’influx nerveux. Ce potentiel d’action est donc une dépolarisation transitoire de la membrane qui permet une entrée massive des ions Na dans la cellule. Puis apparaît une phase de repolarisation avec inhibition de cette conductance au Na (gNa) et augmentation progressive du courant potassique permettant ainsi le rétablissement d’un potentiel de repos.
Ext
Int a
1
b
c
Canal sodique. a. Canal inactivé ; b. canal ouvert ; c. canal fermé
Ce blocage réduit la perméabilité du canal sodique à l’ion Na+ et donc entraîne une réduction du courant de dépolarisation (sans modifier le potentiel de repos) d’où un blocage de l’influx nerveux. Il est bon de rappeler que les effets des AL peuvent également agir au niveau des canaux sodiques du tissu cardiaque, ce qui explique leur toxicité cardiaque. FACTEURS MODIFIANT LE BLOCAGE
Une concentration minimale inhibitrice de l’AL est nécessaire pour induire un blocage de l’influx nerveux. Elle est égale à la concentration minimale d’AL nécessaire pour bloquer in vitro la conduction nerveuse pour un nerf donné et permet de comparer la puissance des différents AL les uns par rapport aux autres. Il est en général nécessaire de dépasser cette dose en clinique pour obtenir une dose efficace. FIBRE NERVEUSE ET EFFET DES AL
[6]
Les nerfs sont divisés suivant leur myélinisation, leur diamètre, leur rapidité de conduction et leur fonction. Il existe deux types de fibres nerveuses : myélinisées (A et B) et non myélinisées (C), la myéline étant un isolant. – Dans les fibres amyélinisées, l’axone est en contact direct avec le milieu extracellulaire, la conduction obéit à la loi du « tout ou rien ». – Dans les fibres myélinisées, la myéline est interrompue régulièrement au niveau des nœuds de Ranvier et la conduction de l’influx nerveux se fait donc en sautant d’un nœud à l’autre. Il existe deux manières de bloquer les fibres myélinisées suivant la longueur de la fibre exposée à l’AL [15] :
¶ Canaux sodiques
– soit blocage complet de deux nœuds de Ranvier consécutifs ;
Le canal sodique change de configuration en fonction des potentiels de membrane et contrôle de façon sélective le passage des ions à travers le pore de la membrane. À l’état de repos il est fermé, aucun courant de sodium n’est enregistré. Lors d’une dépolarisation, il passe à l’état actif, il s’ouvre et le courant sodique devient maximal puis rediminue, devient nul, le canal devient inactivé (fig 1).
– soit faibles doses d’AL bloquant partiellement trois nœuds au moins. C’est ce que l’on appelle la conduction décrémentielle. La rapidité de conduction est proportionnelle au degré de myélinisation, mais aussi au diamètre de la fibre : ainsi une plus grande concentration d’AL sera nécessaire pour produire un blocage de la conduction des grosses fibres et une plus faible concentration pour le blocage des plus petites fibres. Le bloc différentiel est défini par le blocage des fibres sensitives alors que la conduction n’est pas altérée au niveau des fibres motrices, surtout si on emploie de petites doses d’AL, ou suivant le site d’injection, ou le produit employé. La bupivacaïne, et maintenant la ropivacaïne, ont un bloc différentiel bien marqué, d’où leur utilité pour obtenir un bloc sensitif très net sans bloc moteur. Ce bloc différentiel s’explique par les deux manières de bloquer la conduction nerveuse (cf supra).
Mécanisme d’action des anesthésiques locaux [7]
BLOCAGE DU CANAL SODIQUE
Le blocage se fait par une interaction de l’AL avec le site récepteur spécifique lié à ce canal, mais les mécanismes de la fixation ellemême de l’AL sur le récepteur sont mal connus. 2
Anesthésiques locaux
Stomatologie/Odontologie
Caractéristiques physicochimiques des AL
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Tableau I. pKa
Liposolubilité
Puissance relative
L’activité clinique des AL est sous la dépendance de plusieurs facteurs :
Procaïne
8,9
0,02
1
Lidocaïne
7,9
2,9
2
– structure physicochimique ;
Prilocaïne
7,9
0,9
2
– liposolubilité ;
Mépivacaïne
7,6
0,8
2
– pKa ;
Bupivacaïne
8,1
28
8
– pourcentage de liaison aux protéines.
Étidocaïne
7,7
28
8
Ropivacaïne
8,1
6,1
6
RELATION DE L’ACTIVITÉ DES AL AVEC LEUR STRUCTURE PHYSICOCHIMIQUE
[21]
En 1946, Löfgren le premier décrit un schéma de la structure des AL, repris par Denson et Mazoit. Ils se composent d’un pôle lipophile et d’un pôle hydrophile séparés par une chaîne intermédiaire [12]. CH3
C2H5
NH COCH2
C2H5
CH3 Pôle lipophile
N
Chaîne intermédiaire
Pôle hydrophile
– Le pôle lipophile est un cycle aromatique. – Le pôle hydrophile est un groupement amine. – La chaîne intermédiaire possède soit une liaison ester, soit une liaison amide, déterminant deux groupes : – les aminoesters (procaïne, tétracaïne) ; – les aminoamides (les plus utilisés maintenant : lidocaïne, mépivacaïne, ropivacaïne entre autres). Bien sûr des modifications peuvent intervenir à un niveau quelconque de l’AL (pôles lipophile ou hydrophile ou au niveau de la chaîne intermédiaire), entraînant et expliquant leur différence de puissance d’activité et de toxicité. Leur liaison amide ou ester conditionne en partie : leur métabolisme, leur durée d’action, mais aussi leur type de biodégradation et leur toxicité. Ainsi, les composés esters sont rapidement hydrolysés dans le plasma par les pseudocholinestérases, alors que les composés amides sont lentement métabolisés dans le foie. Bien sûr, des modifications peuvent aussi intervenir sur la chaîne intermédiaire, sur le groupement amine ou le cycle aromatique entraînant des répercussions sur leur puissance, leur durée et leur délai d’action ainsi que sur leur toxicité. LIPOSOLUBILITÉ
L’activité d’un AL dépend de son passage à travers les membranes nerveuses et donc de sa liposolubilité. Les composés à haute liposolubilité sont les plus puissants et avec la plus longue durée d’action (tableau I).
PKA
Le pKa ou constante de dissociation représente la proportion de molécules ionisées et non ionisées. Il conditionne le délai d’apparition du bloc nerveux. Le degré d’ionisation est très important : seule la forme non ionisée traverse rapidement les membranes cellulaires, et le délai d’action sera d’autant plus court que la forme non ionisée sera plus liposoluble. Le degré d’ionisation d’une substance dépend de la nature de la substance (acide ou base), de sa constante de dissociation (pKa) et du pH du milieu dans lequel elle est. Le pKa d’une drogue est égal au pH auquel elle est à 50 % ionisée et 50 % non ionisée (= constante de dissociation). Une base faible est plus ionisée dans une solution acide. Si le pH diminue, il augmente l’ionisation de la base. Les AL sont des bases faibles à pKa compris entre 7,8 et 8,9. Ceux dont le pKa est le plus proche du pH physiologique ont une plus grande quantité de forme non ionisée : ceux-là diffusent plus rapidement à travers la membrane nerveuse que ceux dont le pKa est plus élevé.
Pharmacocinétique
[6]
Les AL peuvent être classés suivant leur puissance anesthésique, leur délai et leur durée d’action. Ces variables dépendent de la distribution et de la disparition de la drogue au niveau du site d’injection. Par définition, les AL sont injectés à proximité du site à anesthésier, et bien entendu une absorption systémique se produit, jouant un rôle dans leur action mais aussi dans leur toxicité, ce qui est à prendre en considération lors de leur utilisation. DISTRIBUTION LOCALE
Après l’injection, il y a distribution locale, laquelle est influencée par de nombreux facteurs tels que vitesse et volume d’injection, propriétés physicochimiques du produit, débit sanguin local, adjonction de vasoconstricteurs, nature et viscosité de l’excipient, site d’injection. Ainsi, un volume important injecté rapidement augmente l’étendue de l’anesthésie au cours d’administration de l’AL, mais aussi sa toxicité. ABSORPTION SYSTÉMIQUE
LIAISON AUX PROTÉINES
Plus le taux de liaison aux protéines du plasma est élevé, plus la durée d’action de l’AL est longue. Cette fixation réduit la quantité d’AL disponible pour agir sur le nerf, mais constitue un réservoir fonctionnel libérant progressivement l’AL. Par exemple, la liaison aux protéines de la bupivacaïne et de l’étidocaïne excède 90 % tandis que la lidocaïne et la mépivacaïne sont liées à 64 et 77 % ; les deux premières ont une durée d’action deux fois plus longue que les secondes.
Après injection, une partie de la dose rejoint sa cible, pendant qu’une autre partie passe dans la circulation systémique. L’absorption du produit varie en fonction de la vascularisation, de l’ajout de vasoconstricteurs et du profil pharmacologique de la substance. Cette absorption est d’autant plus rapide que la densité et le diamètre capillaire sont importants. De même, une vasodilatation, un débit sanguin important augmentent l’absorption. Les vasoconstricteurs diminuent le taux d’absorption et donc doivent en principe diminuer leur toxicité. 3
Anesthésiques locaux
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Tableau II. Puissance
Clairance
½ vie d’élimination
Durée d’action
Procaïne
1
5,62
0,14
1 h -1 h 30
Mépivacaïne
2
0,78
1,9
7h
Lidocaïne
2
0,95
1,6
1 h-2 h
Étidocaïne
8
1,11
2,7
>3h
Bupivacaïne
8
0,58
2,7
8 h-16 h
Ropivacaïne
6
0,73
1,9
8 h-16 h
À noter que les substances fortement liées aux protéines et les plus liposolubles auraient une absorption systémique plus lente, ce qui diminuerait du même coup leur toxicité, c’est le cas de l’étidocaïne. Lors d’administrations répétées, l’accumulation systémique tend à survenir plus rapidement avec les dérivés à courte durée d’action. En revanche, avec les dérivés à longue durée d’action c’est l’accumulation locale qui est la plus importante en cas d’injections répétées. DISTRIBUTION GÉNÉRALE
Après absorption au niveau des sites d’injection, les AL sont provisoirement captés par le poumon (système tampon vite saturé). Les AL se distribuent ensuite dans tout l’organisme ; distribution bien étudiée après administration par voie veineuse. En fonction du temps, les courbes de concentrations plasmatiques se décomposent en une phase rapide du sang vers les tissus, une plus lente vers les tissus lentement perfusés et une qui traduit le métabolisme et l’excrétion des anesthésiques locaux. En cas d’injection accidentelle intravasculaire en chirurgie de la face, les risques neurologiques sont augmentés car, en effet, dans cette chirurgie, le captage par le poumon n’a pas lieu du fait du site de l’acte chirurgical. Chez le sujet âgé, la demi-vie d’élimination est plus longue. La distribution fœtale existe et le passage transplacentaire est tel que la concentration de fraction libre d’AL s’équilibre de part et d’autre de la barrière placentaire. La comparaison des demi-vies montre que les produits ayant une demi-vie plus longue ont en général une durée d’action plus prolongée. C’est effectivement le cas de la bupivacaïne et de l’étidocaïne qui ont une durée d’action trois à quatre fois supérieure à celle de la lidocaïne et de la mépivacaïne (tableau II). Cette redistribution (rapide puis lente) semble liée en partie à leur capacité de liaison aux protéines et à leur liposolubilité. Les AL s’accumulent ensuite dans les différents tissus. C’est ainsi que les produits fortement liposolubles s’accumulent surtout dans les tissus adipeux. MÉTABOLISME
¶ Dérivés esters Ils sont hydrolisés très rapidement par les pseudocholinestérases plasmatiques. La clairance de ces produits (procaïne entre autres) dépend entièrement du métabolisme plasmatique. La procaïne est hydrolysée en acide para-aminobenzoïque et en diméthylamine éthanol. Ce métabolite, proche de l’aniline, est probablement à l’origine des phénomènes de sensibilisation. À bien noter qu’un déficit congénital en pseudocholinestérase prolonge la demi-vie plasmatique des esters, de même que la compétition avec d’autres produits empruntant la même voie métabolique tels que les curares dépolarisants (succinylcholine).
¶ Dérivés amides Ils ont un métabolisme plus complexe que les dérivés esters. Ils sont métabolisés essentiellement au niveau du foie. 4
Stomatologie/Odontologie
Les dérivés amides auront une clairance qui dépend de la circulation hépatique. Ainsi, dans le cas de réduction de la circulation hépatique, il en résulte une plus grande concentration plasmatique après injection de ces dérivés (en cas d’atteinte hépatique mais aussi d’insuffisance cardiaque). Ils se transforment en métabolites qui sont éliminés dans les urines et ont une activité très faible donc une demi-vie d’élimination longue. Ainsi, la lidocaïne est transformée successivement en deux métabolites, le MEGX et le GX (tous deux retrouvés dans le plasma des patients ayant reçu de la lidocaïne). Si le MEGX a une demi-vie relativement courte, le GX a une demi-vie plus longue. Ces deux métabolites contribuent sûrement à la toxicité du produit. La prilocaïne donne l’orthotoluidine puis la 4- et 6-hydroxytoluidine qui seraient responsables de la méthémoglobinémie observée quand on administre une dose supérieure à 600 mg.
Effets pharmacologiques
[9]
TOXICITÉ CENTRALE
Les AL traversent rapidement la barrière hématoméningée induisant d’abord une stimulation suivie, pour des doses plus importantes, d’une dépression. Cette dépression est proportionnelle aux concentrations plasmatiques. Ainsi, si à doses faibles, la lidocaïne a un effet anticonvulsivant, (doses comprises entre 1,5 et 3 µg/mL), à partir de 5 µg/mL peuvent apparaître des troubles mineurs : paresthésies périorales, vertiges, engourdissements, puis troubles sensoriels tels que diplopie, bourdonnements, nausées. La crise convulsive généralisée peut apparaître pour des doses au-dessus de 10 µg/mL ; sur l’électroencéphalogramme (EEG) apparaît à ce moment-là un tracé type de « crise temporale ». Ensuite surviennent un coma et une dépression respiratoire. Les perturbations neurologiques naissent dans le système limbique au niveau de l’amygdale. La lidocaïne pourrait avoir une affinité particulière pour les petits neurones dont est constituée l’amygdale. Avec la bupivacaïne on a rapporté des accidents mortels dans les pays anglo-saxons. Il semble qu’à la lumière d’autres informations, des accidents graves aient été notés également avec d’autres AL. Entre la lidocaïne, l’étidocaïne et la bupivacaïne, le rapport de toxicité neurologique est de 1-2-4. TOXICITÉ AU NIVEAU TRONC CÉRÉBRAL
C’est l’atteinte des centres respiratoire, vagal et cardiovasculaire, qui explique certaines manifestations telles que : augmentation du rythme cardiaque, nausées. Ces accidents sont en général provoqués par une injection intraartérielle accidentelle ou lâchage de garrot dans les blocs intraveineux. Le traitement des accidents d’origine centrale doit reposer avant tout sur les anticomitiaux : benzodiazépine-barbituriques. Leur mécanisme fait intervenir le système GABA-récepteurs benzodiazépines ou récepteurs barbituriques, les sites récepteurs étant différents entre les deux groupes de médicaments. EFFET SUR LE SYSTÈME NERVEUX VÉGÉTATIF
Ils augmentent l’activité du système orthosympathique. EFFET SUR LA PLAQUE MOTRICE
Les AL ont une action présympathique en diminuant la libération d’acétylcholine par l’influx nerveux. EFFET SUR LE MUSCLE UTÉRIN
À forte concentration, ils provoquent une vasoconstriction de l’artère utérine qui entraîne une diminution de la force et de la fréquence des contractions utérines lors de l’accouchement.
Stomatologie/Odontologie
Anesthésiques locaux
EFFETS RESPIRATOIRES
La lidocaïne a un effet bronchodilatateur sûrement par effet relaxant direct sur les muscles lisses bronchiques. Elle pourrait être efficace dans la prévention du bronchospasme. EFFETS SUR LE SYSTÈME CARDIOVASCULAIRE, CARDIOTOXICITÉ
Les mécanismes d’action cellulaire des AL modifient l’activité électrique des cellules cardiaques et en particulier la conduction intracardiaque. Ainsi, ces produits peuvent avoir des effets bénéfiques, par exemple antiarythmiques, mais peuvent aussi dans certaines circonstances entraîner des accidents cardiaques graves s’il y a une trop grande modification dans la conduction. La cardiotoxicité est électrophysiologique au niveau du tissu conductif et mécanique déprimant la contractilité myocardique. L’action des AL sur la conduction résulte de la modification dans le fonctionnement des canaux sodiques siégeant dans les membranes cellulaires. Ils modifient essentiellement l’activité électrique des fibres cardiaques à « réponse rapide » telles que les fibres du myocarde et les fibres du tissu de conduction intranodal (faisceau de His, tissu de Purkinje). Celles qui ont une montée lente du potentiel d’action (nœuds sinusal et auriculoventriculaire) sont en revanche peu sensibles aux effets des AL [11]. Par exemple, l’effet plus marqué de la bupivacaïne que de la lidocaïne sur le canal sodique paraît en rapport avec la plus grande liposolubilité de cet AL. En effet, un AL hydrosoluble ne peut atteindre le récepteur situé dans le canal sodique que lorsque celui-ci est ouvert, alors qu’un AL liposoluble comme la bupivacaïne peut toujours traverser la membrane cellulaire. Il peut par voie intracellulaire atteindre le récepteur situé dans le canal sodique si celui-ci est ouvert mais également lors des phases où le canal sodique est au repos. De plus, il inhibe le courant calcique et certains courants potassiques. Cette théorie explique l’effet plus marqué de la bupivacaïne sur la conduction intramyocardique [11]. Les agents ayant un effet sur la membrane (bupivacaïne, étidocaïne) allongent la durée du potentiel d’action (PA) et prolongent la période réfractaire du potentiel de repos (PR) en augmentant le rapport PR/PA. Aussi, dans certaines circonstances, ces AL peuvent provoquer la survenue de troubles du rythme ventriculaire. En revanche, la lidocaïne raccourcit la durée du PA et du PR : c’est pourquoi, même administrée à des doses importantes, elle ne favorise pas la survenue de troubles du rythme ventriculaire. EFFETS CARDIAQUES BÉNÉFIQUES DES AL
L’action antiarythmisante de la lidocaïne est bien connue : elle entraîne une modification de la conduction et des périodes réfractaires au niveau des fibres cardiaques. À faibles doses, la bupivacaïne et l’étidocaïne ont aussi des propriétés antiarythmiques, et diminuent la fréquence de survenue d’extrasystoles induites par perfusion de catécholamines. EFFETS DÉLÉTÈRES CARDIOVASCULAIRES DES AL
Ils proviennent des effets inotropes et dromotropes négatifs [11], le ralentissement de la conduction intranodale pouvant favoriser l’apparition d’un bloc auriculoventriculaire chez certains patients. Les AL provoquent avant tout, des effets toxiques directs sur le système cardiovasculaire en fonction de leurs taux sériques. Les effets cardiotoxiques potentiels des AL étant pratiquement proportionnels à leur pouvoir analgésique, il y a lieu par exemple de tenir compte du fait que la bupivacaïne a une activité anesthésique locale quatre fois supérieure à celle de la lidocaïne et donc sa toxicité reste, de ce fait, relative par rapport aux autres AL. Également, la bupivacaïne déprime la conduction dans les branches du faisceau de His d’une manière plus nette que la lidocaïne. Malgré
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cela, l’effet chronotrope négatif de la bupivacaïne sur le faisceau de His a une incidence négligeable chez les malades ayant au moins une branche du faisceau de His dont les cellules ne sont pas altérées (ce qui est le cas le plus fréquent). Dans le tissu de Purkinje, la conduction est très faiblement ralentie par la lidocaïne. En revanche, la bupivacaïne en diminuant la conduction et en augmentant les périodes réfractaires peut favoriser des troubles du rythme ventriculaire. Du reste, des études expérimentales ont montré l’apparition de troubles du rythme ventriculaire lors de perfusion de doses toxiques de bupivacaïne. À des doses équianalgésiques de lidocaïne, en revanche, on n’a pas noté d’arythmie. HYPERSENSIBILITÉ
L’hypersensibilité est rare et peut se manifester par un rash, une urticaire, un œdème, un bronchospasme, un choc anaphylactique. Ces réactions allergiques sont essentiellement le fait des aminoesters. Ces réactions d’hypersensibilité sont elles-mêmes dues au métabolite de ces produits, l’acide para-aminobenzoïque. Les dérivés amides auraient occasionné quelques exceptionnels accidents allergiques, et cette notion est indispensable à connaître pour éviter des explorations allergologiques inutiles. Les patients rapportent très souvent des « accidents allergiques » (en chirurgie dentaire surtout) qui ne sont autres que des accidents mineurs : malaise vagal ou conséquence d’une effraction vasculaire lors de l’injection de l’AL (donc des accidents toxiques mineurs). METHÉMOGLOBINÉMIE
Accident rare, signalé après un surdosage en prilocaïne lors d’un bloc intraveineux. Le risque de survenue de cet accident serait attribué à son métabolite, l’orthotoluidine. TOXICITÉ LOCALE
À forte concentration, un effet myotoxique et neurotoxique a été signalé. C’est l’apparition du syndrome de la queue de cheval après rachianesthésie.
Principaux anesthésiques locaux Ne seront envisagés dans cette étude que ceux donnant lieu à une utilisation clinique courante. COCAÏNE
[3]
Introduite en 1884 en médecine, c’est le premier anesthésique local trouvé au Pérou à partir de la feuille de l’Erythroxylon coca : en 1859, Niemann trouvait l’alcaloïde du coca qu’il nommait cocaïne. (À l’heure actuelle, le « crack », un dérivé illégal liposoluble de la cocaïne, est une des drogues les plus dangereuses.)
¶ Métabolisme Elle est absorbée très rapidement, au niveau des voies aériennes respiratoires, surtout par les muqueuses trachéale et laryngée. On retrouve un pic plasmatique maximal 30 à 60 minutes après application sur ces muqueuses, ce pic étant proportionnel à la dose administrée. L’absorption au niveau des muqueuses est immédiate, ce qui est un facteur de surdosage. Elle a une demi-vie comprise entre 30 et 90 minutes. Elle est surtout métabolisée en deux métabolites par des cholinestérases plasmatiques.
¶ Pharmacologie Action anesthésique Elle bloque la conduction dans les fibres nerveuses au niveau des canaux sodiques, et le blocage des fibres apparaît dès l’application du produit à la concentration de 0,02 %. 5
Anesthésiques locaux
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Stomatologie/Odontologie
Tableau III. Agents
Puissance
Concentrations équipotentes
Temps installation
Durée action
Doses Mx
Procaïne
1
2%
Long > 15 min
30-90 min
500 700 si A
Lidocaïne
2
1%
5-15 min
60-120 min
300-400 500 si A
Prilocaïne
1,8
1%
10-15 min
60-120 min
400 600 si A
Étidocaïne
8
0,25 %
5-15 min
180-360 min
300 400 si A
Mépivacaïne
1,5
1%
5-15 min
90-180 min
300-400 500 si A
Bupivacaïne
8
0,25
long
180-360 min
100-150 150-200 si A
Ropivacaïne
8
0,25
long
180-360 min
150 200 si A
D’après M Girard MD, Présentation sur les anesthésiques locaux – Hôpital Maisonneuve-Rosemont – Université de Montréal.
Action sympathomimétique
– sa dégradation est ralentie et donc sa toxicité augmentée ;
Elle bloque le recaptage de la norépinéphrine et de l’épinéphrine dans les terminaisons nerveuses sympathiques. Elle potentialise donc les effets des catécholamines d’où vasoconstriction locale, hypertension, tachycardie même à des doses moyennes.
– elle peut prolonger l’effet d’autres produits métabolisés par ces cholinestérases (exemple : la succinylcholine).
Système nerveux central. Système cardiovasculaire Elle a un effet biphasique. Elle provoque un effet bref de stimulation corticale avec logorrhée, euphorie puis rapidement un effet dépresseur, convulsions, arrêt respiratoire. Ses effets toxicomanogènes, et ses graves effets sur le système nerveux central et cardiovasculaire (risque de troubles du rythme en particulier) font qu’elle est inscrite au tableau B. Les effets toxiques très graves se manifestent dès 200 mg et la dose mortelle est autour de 1,20 g. Usage clinique Elle est employée en topique seulement, en général sous forme de liqueur de Bonain : cocaïne + menthol → phénol pour des anesthésies de surface. La cocaïne est la seule drogue capable d’induire une anesthésie locale, et une vasoconstriction, c’est le prototype d’une classe de drogues ayant des interactions avec le système nerveux autonome. Elle est utilisée en solution à 4 % (200 mg dose très toxique,1,20 g dose mortelle). Ses réactions toxiques qui peuvent apparaître rapidement, d’une manière inattendue et sous une forme très sévère font que son emploi devient de plus en plus exceptionnel et est remplacé par de la lidocaïne naphazolinée. ANESTHÉSIQUES LOCAUX À FONCTION ESTER
¶ Procaïne (Novocaïnet) La procaïne est un dérivé de l’acide para-aminobenzoïque synthétisé par Einhorn en 1905. Elle a une courte durée d’action. Son pKa est élevé [6, 9], ce qui fait que sa forme ionisée dans le plasma est forte ; aussi ses propriétés de pénétration et de propagation sont faibles. Elle a des effets antiarythmiques et quinidine-like. Vasodilatatrice, elle est rapidement absorbée après administration parentérale, ne restant pas longtemps sur le site d’injection, aussi y ajoute-t-on souvent des vasoconstricteurs. Absorbée rapidement, elle est hydrolisée par des cholinestérases plasmatiques. En cas d’altération de la synthèse de ces cholinestérases : 6
Propriétés allergisantes Comme dans tous les dérivés esters, un des métabolites, l’acide para-aminobenzoïque, porteur d’une fonction amine en para- peut provoquer des accidents allergiques avec : – réactions cutanées ; – bronchospasme ; – choc anaphylactique. Administration Elle est peu utilisée à l’heure actuelle, et quand elle l’est c’est en solution de 0,5 à 2 % (avec en général une adjonction d’adrénaline à 1/100 000) pour l’anesthésie d’infiltration, et seulement en cas de contre-indication à l’emploi d’AL à fonction amide.
¶ Tétracaïne (Pantocaïnet) Elle a une durée d’action plus longue et une puissance anesthésique plus forte que la procaïne. Métabolisée par les cholinestérases plasmatiques en acide para-aminobenzoïque, elle a des propriétés allergisantes. Elle a été employée en cas de contre-indications des AL de type amide (par exemple en cas d’hyperthermie maligne), la dose maximale tolérée est de 1 à 1,5 mg/kg en solution à 1 %. ANESTHÉSIQUES LOCAUX À FONCTION AMIDE
¶ Lidocaïne (Xylocaïnet) La lidocaïne, synthétisée en 1946 par Löfgren, est largement utilisée en clinique depuis 1948 comme anesthésique local. Elle a été ensuite proposée et utilisée à partir de 1963 comme antiarythmisant en cardiologie et en chirurgie cardiaque. Elle est considérée comme substance de référence parmi les aminoamides. Caractères physicochimiques (tableau III) Elle se présente sous forme de poudre blanche (chlorhydrate) soluble dans l’eau et l’alcool. Son pKa est de 7,8. Rappelons que plus le pH du milieu dans lequel on injecte l’anesthésique local se rapproche du pKa, plus la puissance et l’activité analgésique de celui-ci sont importantes.
Stomatologie/Odontologie
Anesthésiques locaux
La fixation aux protéines sanguines est moyenne, ce qui fait que la quantité de lidocaïne libre active augmente plus vite que la concentration plasmatique totale de lidocaïne. Effets pharmacologiques Sur le nerf périphérique, la puissance anesthésique est moyenne et on emploie donc souvent un vasoconstricteur pour augmenter sa puissance et sa durée d’action. Les durées d’action les plus longues sont obtenues avec des solutions additionnées d’adrénaline.
• Effets neurologiques centraux À faibles doses plasmatiques (0,5 à 4 µg/mL), la lidocaïne est anticonvulsivante. L’effet de 1 mg/kg de lidocaïne injecté par voie veineuse directe est comparable chez le chat à celui de 5 mg/kg de pentobarbital. Chez l’homme, la dose de 2 mg/kg injectée en 3-4 minutes par voie veineuse est très efficace vis-à-vis de l’état de mal épileptique. En revanche, à fortes concentrations plasmatiques (> 7-8 µg/mL), la lidocaïne entraîne de grandes crises convulsives : crises tonicocloniques de durée brève (1 minute environ). À concentrations plasmatiques moyennes, on peut voir apparaître des troubles neurologiques ou manifestations préconvulsives, qui reflètent en réalité des crises convulsives localisées (distribution et absorption au niveau de l’amygdale et du système limbique). Le diazépam est l’agent thérapeutique proposé (bloquant l’activité épileptique au niveau des noyaux amygdaliens) à la dose minimale de 0,1 mg/kg. Certains auteurs estiment qu’il faudrait 0,25 mg/kg pour arrêter les crises convulsives de la bupivacaïne.
• Effets cardiovasculaires et hémodynamiques Aux concentrations thérapeutiques, ils modifient l’activité des cellules cardiaques, comme ceci a été expliqué dans les chapitres précédents. L’effet majeur de la lidocaïne est donc une diminution de la durée du potentiel d’action et une petite diminution de la durée de la période réfractaire : elle tend ainsi à homogénéiser l’excitabilité des fibres conductrices distales, donc à réduire les possibles survenues d’arythmie. Par son action sur les cellules automatiques ventriculaires, elle tend également à protéger ou à restaurer le rôle prédominant du pacemaker sinusal. La lidocaïne a donc une action très fortement antiarythmisante. Elle n’a pratiquement pas d’effet sur la conduction dans le tronc et les branches du faisceau de His. Les quelques rares observations rapportées de bloc auriculaire infranodal provoqué par l’administration intraveineuse de lidocaïne concernent des patients présentant une insuffisance coronaire évolutive (infarctus récent). À faibles doses, elle augmente le tonus des muscles libres vasculaires. À fortes doses, elle est vasodilatatrice. En conclusion, aux doses normales on ne note aucun effet hémodynamique mais, à partir de 4-5 mg/kg, on observe une dépression cardiovasculaire. Pharmacocinétique
• Absorption À la suite de son administration, la lidocaïne diffuse plus ou moins vite suivant plusieurs facteurs : – quantité et concentration utilisées ; – adjonction de substances vasoconstrictrices ; – site d’injection. Au niveau des muqueuses : appliquée en pulvérisations ou par tamponnement à 5 % au niveau de l’oropharynx ou de l’arbre trachéobronchique (2 % pour les enfants) elle agit en 5 minutes pour une durée de 10 à 30 minutes.
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Elle peut être appliquée en gel à 2 %. Par infiltration à la concentration de 0,5 à 1 %, elle agit rapidement et pour une durée de 60 à 120 minutes. La dose limite est de 4 à 5 mg/kg si seule, 7 mg/kg si on y ajoute un vasoconstricteur.
• Métabolisme Son métabolisme est avant tout hépatique. Aussi, dès qu’il y a diminution du débit hépatique, insuffisance hépatique sévère, insuffisance cardiaque, hypovolémie, syndrome cirrhotique, il y a risque d’augmenter les accidents toxiques de la lidocaïne. À noter que certaines substances accélèrent le métabolisme hépatique (barbiturique) ou le ralentissent (halogénés, cimétidine) et peuvent ainsi interférer avec le métabolisme de la lidocaïne.
• Taux plasmatique de lidocaïne, chirurgie odontologique et chirurgie de la face C’est un des anesthésiques les plus employés en anesthésie buccodentaire. Son utilisation pose donc le problème d’accidents toxiques cardiovasculaires ou neurologiques avec un passage du produit dans la circulation. Dans ce type de chirurgie, il n’y a pas de relais-absorption par le poumon, donc le passage dans la circulation générale est plus rapide et on doit en tenir compte pour les quantités injectées ainsi que pour la rapidité d’injection, car un accident toxique peut survenir dès qu’on se trouve dans une situation physiopathologique avec passage plus rapide du produit.
• Hypersensibilité Les accidents allergiques de type anaphylactique restent exceptionnels avec les dérivés de type amide (pas plus de trois ou quatre cités). Chez des patients à terrain atopique, il ne faut pas du reste entreprendre des tests aux dérivés amides sans raison formelle. Il a été démontré que chez des patients allergiques aux dérivés esters à qui on a fait des tests aux dérivés amides, ceux-ci se sont toujours montrés négatifs.
¶ Prilocaïne (Citanestt) La prilocaïne aurait une durée d’action plus longue que la lidocaïne. Son délai d’installation est un peu plus lent (tableau III). Son métabolisme est rapide, donc sa toxicité aiguë est peu importante. En revanche, ses produits de dégradation, l’orthotoluidine en particulier, sont des dérivés capables de favoriser la formation de méthémoglobine. La dose limite de sécurité est de 400 à 500 mg seule ou 600 mg avec vasoconstricteur. Elle est donc très intéressante à la dose de 0,5 % (en particulier pour les anesthésies locorégionales intraveineuses), mais également pour les anesthésies par infiltration du fait de son métabolisme rapide.
¶ Étidocaïne (Duranestt) Cette molécule est très proche chimiquement de la lidocaïne, mais cette différence même minime entraîne un changement radical des propriétés physicochimiques. La liposolubilité est 50 fois celle de la lidocaïne. La fixation aux protéines est augmentée de 50 %. Métabolisme : parmi les métabolites identifiés, l’un est proche de l’hydantoïne, lui-même connu pour ses propriétés anticonvulsivantes, ce qui expliquerait peut-être sa faible toxicité. Elle est trois fois plus puissante que la lidocaïne avec un délai d’action court. Cependant, si elle produit un bon bloc moteur, elle produit un bloc sensitif inconstant, ce qui limite son emploi dans les anesthésies par infiltration (tableau III). À noter son effet cardiotoxique plus important que celui de la lidocaïne mais moins important que celui de la bupivacaïne. 7
Anesthésiques locaux
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Tableau IV.
Stomatologie/Odontologie
Tableau V. pKa
Liaison protéines
Délai action
Puissance
Durée action
Liposolubilité
Puissance
pKa
Liaison protéines
Articaïne
7,8
95 %
0,8
6
2
Lidocaïne
2,9
1
7,7
65 %
Lidocaïne
7,9
64 %
0,8
4
1,5
Bupivacaïne
28
4-8
8,1
95 %
Bupivacaïne
8,1
95 %
0,6
16
8
Ropivacaïne
6,1
4-6
8,1
94 %
Produit
Tableau comparatif d’après [10]
¶ Mépivacaïne (Scandicaïnet, Carbocaïnet) La mépivacaïne diffère de la lidocaïne par la structure du pôle amine. Peu soluble, elle a cependant un pKa peu élevé de 7,6 qui favorise sa diffusion tissulaire. Sa résorption est rapide. Son métabolisme est hépatique. À noter que le fœtus métabolise mal la mépivacaïne, ce qui n’en fait pas un bon AL en obstétrique ou chez la femme enceinte. La mépivacaïne a un délai d’installation semblable à la lidocaïne et une durée d’action légèrement supérieure à celle-ci (tableau III). Employée pour les anesthésies par infiltration à 1 %, elle serait ellemême pourvue d’un certain pouvoir vasoconstricteur. Les posologies maximales sont les mêmes que pour la lidocaïne (300/400 mg seule et 500 mg avec adrénaline).
¶ Articaïne (Alphacaïnet) AL de type amide, elle appartient à la série du thiophène et est employée pour les infiltrations et les blocs en anesthésie locorégionale (tableau IV). Fortement liée aux protéines, elle a une forme ionisée assez faible, donc elle est moins toxique pour les femmes enceintes. Moins liposoluble, elle passe moins la barrière placentaire et est donc moins toxique pour le fœtus. Sa clairance plasmatique est très importante, donc d’élimination rapide. Elle est plus puissante que la lidocaïne et d’une durée d’action légèrement plus longue. C’est l’AL de choix chez la femme enceinte. Elle se présente en solution à 4 % avec ou sans adrénaline, la dose conseillée est de 7 mg/kg.
¶ Bupivacaïne (Marcaïnet) C’est un dérivé de la mépivacaïne. Sa liposolubilité est dix fois celle de la lidocaïne. Elle est caractérisée, contrairement aux autres, par une demi-vie plasmatique assez longue. Son métabolisme est essentiellement hépatique. Elle est quatre fois plus puissante que la lidocaïne et que la mépivacaïne (tableaux IV et V). Sa durée d’action est deux à trois fois plus longue que celle de la lidocaïne. Elle est peu sensible à l’addition d’adrénaline. Elle induit un bloc différentiel de très bonne qualité avec un bloc moteur peu important et un bloc sensitif de très bonne qualité. Elle développe une toxicité cardiaque importante : en 1979, Albright rapportait six décès (bradycardie, troubles du rythme et difficulté de réanimation). Mais depuis et jusqu’en 1998 aucun accident grave n’a été répertorié. Une meilleure technique, une meilleure surveillance ont probablement porté leurs fruits [13]. L’effet plus marqué de la bupivacaïne que de la lidocaïne sur le canal sodique paraît en rapport avec la plus grande liposolubilité de 8
cet AL. En effet, un AL hydrosoluble ne peut atteindre le récepteur situé dans le canal sodique que lorsque celui-ci est ouvert, alors qu’un AL liposoluble comme la bupivacaïne peut toujours traverser la membrane cellulaire. Il peut, par voie intracellulaire, atteindre le récepteur situé dans le canal sodique si celui-ci est ouvert, mais également lors des phases où le canal sodique est au repos. Elle provoque un net ralentissement des vitesses de conduction au niveau des oreillettes et ventricules, ainsi qu’un élargissement des complexes QRS. De plus, elle inhibe le courant calcique et certains courants potassiques. Cette théorie explique l’effet plus marqué de la bupivacaïne sur la conduction intramyocardique [11]. Également, la bupivacaïne déprime la conduction dans les branches du faisceau de His d’une manière plus nette que la lidocaïne. Malgré cela, l’effet chronotrope négatif de la bupivacaïne sur le faisceau de His a une incidence négligeable chez les malades ayant au moins une branche du faisceau de His dont les cellules ne sont pas altérées (ce qui est le cas le plus fréquent). Dans le tissu de Purkinje, la conduction est très faiblement ralentie par la lidocaïne. En revanche, la bupivacaïne en diminuant la conduction et en augmentant les périodes réfractaires peut favoriser des troubles du rythme ventriculaire. Du reste, des études expérimentales ont montré l’apparition de troubles du rythme ventriculaire lors de perfusion de doses toxiques de bupivacaïne. À des doses équianalgésiques de lidocaïne, en revanche, on n’a pas noté d’arythmie [11, 13]. Les agents ayant un effet sur la membrane (bupivacaïne, étidocaïne) allongent la durée du PA et prolongent la période réfractaire du PR en augmentant le rapport PR/PA. Aussi, dans certaines circonstances, ces AL peuvent provoquer la survenue de troubles du rythme ventriculaire. Cependant, si on tient compte du fait que la bupivacaïne est très puissante, sa toxicité reste par conséquence relative. À noter aussi que, dès les doses pouvant entraîner des accidents neurologiques, on peut également voir apparaître des accidents cardiovasculaires. Elle se présente en solution de 0,25 à 0,50 % avec ou sans adrénaline. La dose maximale est de 100 mg ou 150 mg avec adrénaline.
¶ Ropivacaïne
[4, 21]
On espère toujours trouver l’AL idéal qui se définirait ainsi : – délai d’installation court, – durée d’action longue, – bloc moteur flexible, – faible neurocardiotoxicité, donc plus d’efficacité clinique avec une plus grande marge de sécurité. La ropivacaïne a été commercialisée en 1996. Elle se différencie de la bupivacaïne par la présence d’un carbone asymétrique sur le cycle amine. Il existe sur la bupivacaïne et la mépivacaïne deux molécules appelées « énantiomères » lévogyre (L) et dextrogyre (D). Avec la ropivacaïne, on a obtenu le premier AL ne contenant qu’un seul énantiomère lévogyre, lequel engendrerait une moindre toxicité cardiaque, alors que la mépivacaïne et la bupivacaïne sont un
Anesthésiques locaux
Stomatologie/Odontologie
mélange contenant les deux énantiomères [21], donc plus toxiques cardiovasculaires. CH3
CH3
NH-CO CH3
H9C4-N
Bupivacaïne
NH-CO CH3
H7C4-N
Ropivacaïne
Caractères physicochimiques L’activité d’un AL dépend de son passage à travers la membrane nerveuse, donc de sa liposolubilité [4] (tableau V). La liposolubilité de la ropivacaïne est quatre fois moins importante que celle de la bupivacaïne, son volume de distribution est plus faible d’où sa puissance un peu inférieure, mais en même temps elle devrait être moins toxique. La liaison aux protéines de la ropivacaïne est identique à celle de la bupivacaïne, d’où leur durée d’action identique. Le pKa est également identique [2, 6] pour les deux produits, d’où un délai d’action semblable. Le bloc sensitif est le même que celui obtenu avec la bupivacaïne, de très bonne qualité, et le bloc différentiel est supérieur à celui de la bupivacaïne. Le bloc moteur est légèrement inférieur avec la ropivacaïne, moins profond. La ropivacaïne aurait un effet vasoconstricteur intrinsèque. Sa clairance est un tout petit peu plus élevée que celle de la bupivacaïne, c’est donc un avantage en termes de toxicité. Sa toxicité serait moindre du fait : – qu’elle ne contient qu’un énantiomère lévogyre, ce qui entraînerait une moindre toxicité cardiaque et cérébrale ; – qu’elle n’est active que sur les canaux sodiques et non comme c’est le cas pour la bupivacaïne sur les canaux sodiques et potassiques. La ropivacaïne apparaît comme l’AL le plus sûr à l’heure actuelle, mais il y a tout lieu d’être très prudent car on ne dispose pas d’assez de recul. Aucun accident toxique grave n’a été rapporté. Il semble qu’on n’ait pas à craindre d’accidents très graves et qui plus est en cas d’accident, la réanimation serait plus simple qu’avec la bupivacaïne [22].
¶ Lévobupivacaïne Produit non commercialisé, trop peu d’essais ont été faits jusqu’à présent, aussi ne peut-on pas encore affirmer ses véritables caractéristiques. Elle a un profil semblable à celui de la bupivacaïne [17]. Des essais comparatifs entre la lévobupivacaïne, la bupivacaïne et la ropivacaïne montrent que la lévobupivacaïne serait moins puissante que la bupivacaïne et plus puissante que la ropivacaïne. Le délai d’action est assez rapide, mais moins rapide que celui de la ropivacaïne. Il n’y a pas de différence de durée d’action entre la ropivacaïne et la lévobupivacaïne [8]. Il semble que le bloc moteur obtenu soit moins important et le bloc sensitif plus prolongé qu’avec la bupivacaïne, mais semblable à celui de la ropivacaïne. La lévobupivacaïne aurait une toxicité cardiaque moins importante que la bupivacaïne mais peut-être plus importante que celle de la ropivacaïne. Elle aurait aussi un effet dépresseur sur l’EEG comme la ropivacaïne, mais moindre que la bupivacaïne [16].
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Les avantages de ce produit seraient : – sa moindre toxicité cardiaque par rapport à la bupivacaïne ; – son bloc différentiel sensitivomoteur plus marqué que celui de la ropivacaïne [1]. Pas d’effet délétère sur le fœtus semble-t-il. À noter que sa dose maximale est de 150 mg, identique à celle de la ropivacaïne.
¶ Emlat
[18]
C’est un mélange de prilocaïne et lidocaïne employé pour réaliser une anesthésie du derme et de l’épiderme. L’AL local obtenu existe sous une forme ionisée hydrosoluble et une forme basique non hydrosoluble. On sait que seule une forme basique est capable de franchir la barrière cutanée, alors que la pénétration cutanée est favorisée par le contenu en eau. L’Emlat réunit donc ces deux conditions, d’où sa bonne pénétration cutanée. Par ailleurs, le derme est un tissu très vascularisé contenant de nombreuses terminaisons nerveuses (fibres véhiculant le toucher, le chaud et la douleur) [18]. L’absorption sanguine est lente, le taux maximal dans le derme est obtenu en 2-3 heures (chez le nourrisson ce temps est raccourci car le derme est très mince). Indications Est principalement employé pour des ponctions chirurgicales, des vaccinations, des petits actes de dermatologie, des prélèvements sanguins. Mode d’utilisation Se présente sous forme de tubes de 5 g à 5 % contenant 125 mg de lidocaïne et 125 mg de prilocaïne. Une heure avant le geste à accomplir, il faut appliquer une couche épaisse et poser un pansement occlusif. À l’heure actuelle, il existe sous forme de « patch » prêt à l’emploi. Pour anesthésier une surface de 10 cm2, il faut 1 à 2 mg pendant 1 heure et si on veut obtenir une anesthésie sur 5 mm de profondeur il faut laisser agir 120 minutes et la durée d’anesthésie sera alors de 60 minutes.
Emploi des AL en stomatologie et en chirurgie maxillofaciale En stomatologie, odontologie et chirurgie maxillofaciale, les AL sont couramment et abondamment employés pour des anesthésies locales par infiltration ou par pulvérisation. Leur principal avantage est la sécurité qu’ils assurent au patient du fait de l’absence ou de la discrétion de leurs effets secondaires. Ils sont principalement employés pour des anesthésies de surface ou d’infiltration. ANESTHÉSIE DE SURFACE
Cette technique consiste à délivrer par tamponnement ou par pulvérisation un agent anesthésique sur la surface à anesthésier. La cocaïne peut être employée par tamponnements (solution de 4 à 10 %) pour des anesthésies de surface. La lidocaïne est présentée : – en gel à 2 % – en flacon pressurisé à 5 % : on obtient alors une anesthésie en 2 à 3 minutes, d’une durée de 30 à 45 minutes. Pour les anesthésies de contact et par tamponnements, attention, les taux plasmatiques peuvent rapidement être très proches de ceux obtenus par injection intraveineuse. 9
Anesthésiques locaux
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Stomatologie/Odontologie
Tableau VI.
Seuil toxique Dose maximale unique D’après
Lidocaïne
Bupivacaïne
Mépivacaïne
Ropivacaïne
Lévobupivacaïne
5-6 µg/mL
1,6 µg/mL
5-6 µg/mL
2 µg/mL
2 µg/mL
4 mg/kg
2,5 mg/kg
5 mg/kg
4 mg/kg
4 mg/kg
[14]
.
L’Emlat se présente sous forme de pommade ou de « patch » prêts à l’emploi (cf supra).
Accidents dus aux AL CONDUITE À TENIR
ANESTHÉSIE LOCALE PAR INFILTRATION
Elle consiste à infiltrer les tissus sous-cutanés ainsi que les plans plus profonds. La lidocaïne, la mépivacaïne, la prilocaïne, l’articaïne et la ropivacaïne sont les plus utilisées sous forme simple ou avec adjonction de vasoconstricteurs. La lidocaïne ou Xylocaïnet est la plus employée en stomatologie à des concentrations de 0,5 à 1 %. La forme adrénalinée permet d’atteindre des doses de 7 à 8 mg/kg sans risque avec des durées d’action pouvant aller jusqu’à 400 minutes. S’il est vrai que le passage dans le sang se fait à des taux relativement élevés, il est cependant au-dessous de ceux provoquant des effets toxiques (à moins d’un état pathologique précis du patient). La mépivacaïne ou Scandicaïnet est très utilisée ; elle est très semblable à la lidocaïne. Sa durée d’action est supérieure, et elle aurait un effet vasoconstricteur. Ce n’est pas un bon AL pour la femme enceinte et le fœtus, car le fœtus le métabolise très mal. L’articaïne ou Alphacaïnet est très voisine de la lidocaïne (un peu plus puissante) et s’emploie en général avec des vasoconstricteurs, c’est l’anesthésique conseillé pour la femme enceinte. La ropivacaïne a une durée d’action plus longue, ce qui induit une meilleure analgésie postopératoire. ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE
Cette anesthésie se pratique de plus en plus en vue de réduire le risque, mais aussi la durée d’hospitalisation. Beaucoup d’actes d’odontologie, de stomatologie sont effectués sous anesthésie locale (par infiltration particulièrement) mais de plus en plus d’actes chirurgicaux maxillofaciaux et ORL sont pratiqués sous anesthésie locale ou locorégionale. Si jusque-là cette méthode était peu employée, c’est parce qu’elle nécessitait des anesthésistes bien formés, connaissant bien l’anatomie de la tête et du cou, mais aussi les AL (caractères physicochimiques, pharmacocinétique, pharmacologie). Les indications sont très nombreuses : – chirurgie dentaire (par exemple bloc de l’épine de Spix) ; – chirurgie palatine ; – chirurgie cutanée (plaies) ; – chirurgie plastique ; – chirugie de la pyramide nasale (fracture) ; – chirurgie endonasale ; – chirurgie otologique. Toutes ces interventions se font soit avec une anesthésie locale par infiltration, soit par locorégionales au moyen de blocs, exemples : bloc du nerf nasal, des supra- et infraorbitaire, du mental, etc [20]. Toutes ces régions sont très vascularisées et l’absorption par les muqueuses est très rapide, aussi faut-il faire attention aux surdosages (tableau VI). 10
Les principaux effets généraux indésirables des anesthésiques locaux sont : – des manifestations vagales ; – des phénomènes d’allergie ; – des manifestations toxiques.
¶ Malaises vagaux Ils sont très fréquents au cours des anesthésies locales réalisées pour des actes de chirurgie odontologique, stomatologiques, ainsi que pour des actes mineurs de chirurgie maxillofaciale. Ils sont dus au caractère anxiogène de l’acte, quelquefois à la position assise du patient. Une bradycardie, une hypotension, quelquefois une brève perte de conscience les caractérisent. Il suffit dans la plupart des cas d’allonger le patient pour que tout rentre dans l’ordre, plus rarement on peut être amené à injecter 0,25 mg d’atropine.
¶ Phénomènes allergiques Les réactions allergiques sont exceptionnelles avec les dérivés aminoamides, en revanche plus fréquentes avec les dérivés aminoesters ; ceux-ci sont hydrolisés par les pseudocholinestérases en acide paraminobenzoïque et en diméthylamine éthanol. Ces métabolites, et surtout le diméthylamine (proche de l’aniline), sont responsables des réactions allergiques. Ces réactions se caractérisent par un prurit et une urticaire, puis un œdème de Quincke. Ensuite les choses peuvent s’aggraver et ce sera un bronchospasme, une hypotension sévère et enfin un collapsus. Dans ce cas, un traitement urgent s’impose : oxygénation, remplissage vasculaire rapide et adrénaline.
¶ Accidents toxiques Ils surviennent lors d’imprégnation importante provoquant une concentration plasmatique d’AL très élevée, elle-même pouvant entraîner un accident neurologique ou cardiaque grave (tableau VI). Accident neurologique Ces accidents sont souvent mineurs, à type de logorrhée, fourmillements, sensation de malaises, mais ce sont aussi de possibles convulsions. Les convulsions peuvent entraîner en moins de 1 minute une hypoxémie et une hypercapnie importantes qui vont exiger un traitement rapide : – le thiopental a une action rapide mais a le défaut d’être cardiodépresseur ; – les benzodiazépines sont préférables : diazépam, midazolam. Accidents cardiovasculaires Ils ont en général été rapportés lors d’emploi de bupivacaïne : troubles du rythme ventriculaire et arrêt cardiaque. L’emploi de la lidocaïne a été préconisé car c’est un excellent antiarythmique, mais c’est illogique par le fait qu’elle agit sur les mêmes récepteurs que la bupivacaïne.
Stomatologie/Odontologie
Anesthésiques locaux
À l’heure actuelle, on conseille le brétylium mais aussi la clonidine. En cas d’arrêt cardiaque la dobutamine s’impose [5]. PRÉVENTION DES ACCIDENTS
Tout d’abord des règles de bon sens. Ainsi, il est impératif de toujours injecter des doses infratoxiques dans la région à anesthésier (au-dessous de 7 mg/kg pour la lidocaïne adrénalinée et de 3 à 4 mg/kg pour la lidocaïne simple). Technique rigoureuse : – choix judicieux de l’AL suivant le site et l’acte ; – vitesse d’injection du produit : très modérée, sans à-coup ; – vérifier qu’il n’y ait pas d’effraction vasculaire ; si oui, ne pas injecter ; – surveillance du malade pendant et après l’anesthésie. Une injection intravasculaire accidentelle pourra être à l’origine d’un accident cardiaque grave (troubles du rythme ou collapsus) ou d’un accident neurologique (convulsions).
Indications et contre-indications suivant le terrain ¶ Âge Enfant [19] Chez l’enfant, le bloc moteur est très sensible à la concentration du produit. Il semble que la myéline du tout-petit ne soit pas encore mature, donc l’AL aurait une action plus importante sur ce nerf non entièrement myélinisé. Les amides sont métabolisés par le système des cytochromes P450 non matures à la naissance. La clairance des AL est donc très faible à la naissance, puis augmente progressivement avec l’âge ; en revanche, ils ont un grand volume de distribution, ce qui fait que l’on ne risque pas trop d’atteindre un pic toxique si on ne fait qu’une seule injection. Mais le danger d’atteindre ce niveau est important si l’on réitère les injections. On peut donc employer des doses proportionnelles à leur poids mais pas les répéter. Vieillards Chez les gens âgés, la clairance totale diminuant, la demi-vie d’élimination de tout produit y compris les AL est augmentée. En administration unique cela n’a aucune incidence, mais en cas d’injections réitérées on peut rapidement obtenir une accumulation du produit.
¶ Femme enceinte Chez la femme enceinte, les anesthésiques locaux franchissant tous la barrière placentaire, il faut éviter la mépivacaïne (Scandicaïnet), car le fœtus métabolise mal ce produit. En revanche, l’articaïne (Alphacaïnet) étant fortement liée aux protéines, a une forme ionisée assez faible et est donc peu toxique pour le fœtus, elle est conseillée chez la femme enceinte. Chez la femme enceinte, la bupivacaïne à 0,75 % a été interdite aux États-Unis à la suite d’accident cardiaque. Notons qu’en stomatologie, elle n’est pratiquement jamais utilisée.
¶ Cardiopathies La cardiotoxicité (principalement de la bupivacaïne) peut être augmentée quant à la cardiopathie s’ajoute une diminution du débit cardiaque.
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¶ Cirrhose Elle diminue la clairance des AL.
¶ Insuffisance rénale Elle crée une accumulation du métabolite de l’AL employé qui a des propriétés convulsivantes.
¶ Déficit en pseudocholinestérases Dans ce cas-là, la durée du bloc des AL à fonction ester (procaïne) est considérablement allongée d’où la toxicité accrue.
¶ Porphyries hépatiques Ne sont autorisés que les dérivés esters type procaïne.
¶ Hyperthermies malignes Sont autorisés tous les AL y compris ceux à fonction amides mais non adrénalinés.
¶ Interférences médicamenteuses – Inhibiteur de la monoamine oxydase (IMAO) : il faut arrêter ces derniers, 2 semaines avant l’emploi des AL. – Cimétidine : elle provoque une inhibition du métabolisme hépatique de la lidocaïne, il y a donc possibilité d’accidents toxiques. – Bêtabloquants : ils provoquent une augmentation des taux plasmatiques de lidocaïne. Pour ces produits, il convient donc d’adapter la posologie des AL utilisés.
Conclusion Comme le disait V. Pauchet en 1927 « la méthode d’anesthésie idéale n’existe pas, chaque procédé a ses indications. C’est une lacune de ne pas les connaître pour s’en servir à l’occasion.Tous les chirurgiens devraient connaître trois procédés : éther, rachianesthésie et anesthésie régionale » (préface à la 4e édition de l’Anesthésie Régionale, en 1927). À cette époque les anesthésistes n’existaient pas, l’anesthésie générale était représentée par l’éther, et des AL apparaissaient timidement et pourtant, on entrevoyait déjà l’essor de l’anesthésie locale et locorégionale. Il est certain que depuis la découverte de la cocaïne, bien du chemin a été parcouru. Deux grandes familles d’AL ont vu le jour, les aminoesters et les aminoamides, mais c’est dans la seconde famille qu’à l’heure actuelle on trouve tous les derniers AL synthétisés. L’AL le plus sûr, à ce jour, semble-t-il, est la ropivacaïne (introduite en 1996) et un autre, dérivé de la bupivacaïne, la lévobupivacaïne est à l’étude. Il est utile de trouver des AL de plus en plus fiables, car les anesthésies locale et locorégionale sont de plus en plus utilisées. L’AL idéal devrait être puissant, avec un délai d’action bref, un bloc différentiel sensitivomoteur net et surtout ne présentant pas de toxicité centrale et cardiaque, ce qui n’est pas encore le cas. Il est donc important pour bien manier ces AL de connaître leur famille, leurs propriétés physico-chimiques qui conditionnent leur activité ; connaître leur pharmacologie, c’est-à-dire leurs différents effets sur le système central et cardiovasculaire en particulier, ainsi que les accidents possibles qui pourraient intervenir lors de leur emploi. Peut-être peut-on songer à d’autres familles d’AL : des amines secondaires, des AL très longs comme des bloqueurs de canaux potassiques. Tout cela n’est malgré tout pas pour demain et ce ne sera probablement pas encore l’AL idéal. 11
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Anesthésiques locaux
Stomatologie/Odontologie
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12
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-012-G-10
22-012-G-10
Antalgiques D Muster
Résumé. – Les antalgiques sont des médicaments symptomatiques agissant de façon aspécifique sur les sensations douloureuses qu’ils atténuent ou abolissent sans agir sur leur cause ; à la différence des anesthésiques, ils n’altèrent pas les autres sensations ni la conscience. Les antalgiques morphiniques sont soit extraits de l’opium, soit produits par synthèse ou hémisynthèse ; leurs indications en odontostomatologie sont limitées, mais plusieurs de leurs représentants sont utilisés dans les douleurs de forte intensité (buprénorphine, codéine et dextropropoxyphène, associés ou non au paracétamol...). Les antalgiques non morphiniques regroupent de nombreuses molécules de nature chimique très variée : ils exercent souvent une action anti-inflammatoire et antipyrétique et sont efficaces sur les douleurs d’intensité moyenne (aspirine, paracétamol, noramidopyrine, anti-inflammatoires non stéroïdiens à dose antalgique...). Les antalgiques dits adjuvants sont habituellement utilisés pour d’autres indications que la douleur, mais ils peuvent aussi, dans certaines situations, avoir un effet antalgique (antiépileptiques, antimigraineux, antidépresseurs...). © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : sélection des antalgiques, évaluation de la douleur, antalgiques morphiniques, buprénorphine, codéine, dextropropoxyphène, aspirine, paracétamol, noramidopyrine, anti-inflammatoires non stéroïdiens, adjuvants.
Introduction La douleur, qu’elle soit secondaire à une intervention ou symptôme d’un état pathologique, est aujourd’hui de plus en plus difficilement admise par le malade et le soulagement rapide de sa souffrance apparaît comme une priorité thérapeutique. L’appel au praticien correspond souvent à un deuxième recours de la part du patient en cas d’échec de son automédication habituelle. Elle correspond dans ce cas à une demande de technicité supérieure impliquant une évaluation précise et un soulagement rapide. Les antalgiques sont des médicaments symptomatiques agissant de façon aspécifique sur les sensations douloureuses qu’ils atténuent ou abolissent sans agir sur leur cause. À la différence des anesthésiques, ils n’altèrent pas les autres sensations ni la conscience.
Bases physiopharmacologiques
[2]
Le message nociceptif périphérique est véhiculé par différentes fibres nerveuses ou nocicepteurs polymodaux, fibres A delta et C de petit calibre, activées par des stimulations mécaniques, thermiques et chimiques. De nombreuses substances chimiques participent à la genèse des messages nociceptifs (histamine, sérotonine, prostaglandines...). Par ailleurs, des neuropeptides, comme le peptide lié au gène de la calcitonine et surtout la substance P, ont vu leur rôle clairement
Dominique Muster : Professeur, associé, stomatologiste attaché consultant, pharmacien, docteur ès-sciences physique, service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France.
démontré dans l’activation de l’inflammation neurogène précoce. D’autres substances (bradykinine, cytokines...) sont impliquées dans la persistance du processus douloureux, ainsi que le facteur de croissance neuronale, qui accroît l’excitabilité cellulaire des nocicepteurs et favorise l’action du système sympathique qui joue un rôle majeur dans le contrôle de la douleur. Du fait de la diversité de ces substances interagissant toutes entre elles, l’approche pharmacothérapeutique est extrêmement complexe. Cependant, de nouvelles voies thérapeutiques ont ouvert des perspectives intéressantes, notamment la recherche d’inhibiteurs spécifiques de la cyclo-oxygénase (COX2), induite par le processus inflammatoire, qui respecteraient la COX 1, constitutive et physiologique, offrant ainsi une meilleure tolérance que les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) actuels qui agissent sur les deux COX. La synthèse d’antagonistes de la bradykinine, de la substance P et des récepteurs au N-méthyl-D-aspartate constitue un des axes de recherche majeurs pour la mise au point d’analgésiques. La notion de centre unique de la douleur est remise en cause par le fait que, aux différents niveaux du circuit de la douleur, le transfert de l’information nociceptive est constamment modulé par différents systèmes de contrôle. Ainsi, au niveau segmentaire, l’activation des fibres cutanées de gros calibre (Aa et b) bloque les stimuli douloureux véhiculés par les fibres de petit calibre. Ce mécanisme de gate control de la corne postérieure de la moelle est utilisé en thérapeutique par les techniques de neurostimulation électrique. Les aspects pharmacologiques sont moins bien connus et dépendent pour partie des systèmes gabaergique et endomorphinique. Les contrôles d’origine supraspinale passent par les voies descendantes inhibitrices et sont très complexes. Ils mettent en jeu
Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D. Antalgiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-012-G-10, 2002, 6 p.
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EMC [257]
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les voies bulbospinales sérotoninergiques et les voies noradrénergiques dont les effets s’exercent par la stimulation des récepteurs a2-noradrénergiques. La mise en évidence de ces systèmes offre de nouvelles perspectives dans la lutte contre la douleur.
Différentes classes d’antalgiques [1, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 15, 16, 17, 18]
Elles recouvrent des molécules très diverses et la distinction classique entre antalgiques centraux et périphériques ne rend plus compte de la réalité de l’action de ces molécules. On préfère maintenant classer les antalgiques en opioïdes et non opioïdes. Les antalgiques opioïdes sont, soit extraits de l’opium, soit produits par synthèse ou hémisynthèse. Leurs indications en odontostomatologie sont limitées, mais plusieurs de leurs représentants sont utilisés : la buprénorphine inscrite en liste I et prescrite sur ordonnances sécurisées, produit puissant ayant peu d’effets secondaires et, plus fréquemment, la codéine et le dextropropoxyphène associés ou non au paracétamol, ainsi que la poudre d’opium associée au paracétamol et à la belladone. Les antalgiques non opioïdes regroupent de nombreuses molécules de nature chimique très variée ; ils exercent souvent une action antiinflammatoire et antipyrétique et sont efficaces sur les douleurs d’intensité moyenne. Les principaux représentants de cette classe sont : – l’aspirine et les dérivés salicylés ; l’aspirine est analgésique à la posologie de 1 à 2 g/j et exerce des effets anti-inflammatoires lorsque sa posologie atteint 4 à 6 g/j ; – le paracétamol dont l’activité est comparable à celle de l’aspirine mais qui est dépourvu de propriétés anti-inflammatoires ; sa posologie est habituellement de 3 g/j ; il est présent dans de nombreuses spécialités destinées à l’adulte et à l’enfant ; – les AINS, qui, à dose antalgique, conviennent pour les douleurs d’intensité moyenne ; le kétoprofène en est un exemple ; – la noramidopyrine (ou métamizole), qui est un antalgique puissant, mais qui appelle à la prudence, car elle a provoqué quelques rares cas d’agranulocytose sévère par réaction immunoallergique ; – les antalgiques dits « purs », qui sont représentés par la floctafénine et le néfopam (injectable par voie intramusculaire ou intraveineuse), ce dernier ayant une action proche de celle des antidépresseurs (tableau I).
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Tableau I. – Quelques antalgiques opioïdes et non opioïdes, purs ou associés. Spécialités
Antalgiques opioïdes Agonistes purs faibles Topalgict 50 mg Topalgict LP 100 mg Contramalt 100mg
Tramadol chlorhydrate Tramadol chlorhydrate Tramadol chlorhydrate
1-2 gl 4 ×/j 1 cp 2 ×/j 1 cp 2 ×/j
Agonistes et antagonistes partiels Temgénict 0,2 mg
Buprénorphine
1 cp 3×/j
Dérivés du para-aminophénol Dafalgant 500 mg
Paracétamol
1-2 gl 3 ×/j
Dolipranet 500 mg
Paracétamol
1 cp 4 ×/j
Anti-inflammatoires non stéroïdiens Dolobist
Diflunisal
1-2 gl 2 ×/j
Advilt 200 mg Advilt 400 mg Algifènet Brufent 400 mg Upfent Nureflext 200 mg Oralfènet
Ibuprofène Ibuprofène Ibuprofène Ibuprofène Ibuprofène Ibuprofène Ibuprofène
2 cp 3 ×/j 1 cp 3 ×/j 1-2 cp 3 ×/j 1 cp 3 ×/j 1-2 cp 3 ×/j 1-2 cp 3 ×/j 1-2 gl 3 ×/j
Antalgiques non opioïdes
Alève 200 mg
Naproxène
1 cp 2-3 ×/j
Acide tiaprofénique MSD 100 mg Surgamt 100 mg Surgamt 200 mg
Acide tiaprofénique Acide tiaprofénique Acide tiaprofénique
1 cp 3 ×/j 2 cp 3 ×/j 1 cp 3 ×/j
Topfenat 50 mg Toprect 25 mg
Kétoprofène Kétoprofène
1-2 gl 3 ×/j 1 cp 2-3 ×/j
Dérivés de l’amino-4 quinoléine Idaract 200 mg
Floctafénine
1 cp 3 ×/j
Paracétamol 400 mg + codéine 25 mg Paracétamol 400 mg + codéine 25 mg Paracétamol 500 mg + codéine 30 mg Paracétamol 600 mg + codéine 50 mg
1 cp 3 ×/j 1 cp 3 ×/j 1 cp 3 ×/j 1 cp 3 ×/j
Paracétamol 300 mg + poudre d’opium 10 mg + caféine 30 mg Paracétamol 400 mg + dextropropoxyphène 30 mg Paracétamol 400 mg + dextropropoxyphène 30 mg Paracétamol 400 mg + dextropropoxyphène 27 mg + caféine 30 mg
1-2 gl 3 ×/j
Associations d’antalgiques opioïdes et non opioïdes Algisédalt Lindilanet Efferalgant Codéine Klipalt Lamalinet Dialgirext Di-Antalvict
ANTALGIQUES OPIOÏDES
Ils sont représentés par les dérivés de l’opium et obtenus par extraction comme la morphine, par hémisynthèse, ou par synthèse. On appelle agonistes les médicaments qui produisent les mêmes effets que la morphine, et agonistes-antagonistes des médicaments qui, tout en s’opposant à certains effets de la morphine, conservent sa propriété la plus importante : l’analgésie. Les antalgiques opioïdes sont puissants et réservés aux douleurs de forte intensité (douleurs cancéreuses). Depuis quelques années, l’évolution se fait toutefois vers une utilisation plus systématique des morphiniques ; il n’est pas inutile de rappeler qu’il n’y a pas de problème de pharmacodépendance et de toxicomanie lors de la prescription de morphiniques dans le cadre d’un syndrome douloureux. Les dérivés morphiniques présentent des effets indésirables :
Principe actif
Exemple de posologie adulte
Propofant
1 gl 4 ×/j 1 gl 4 ×/j 1 cp 3 ×/j
cp : comprimés ; gl : gélules.
Les antalgiques morphinomimétiques doivent être utilisés avec prudence selon le terrain : jeune enfant, vieillard, asthmatique, épileptique, insuffisant rénal, hépatique ou cardiaque. En ce qui concerne les interactions médicamenteuses, il existe des associations dangereuses, en particulier avec les antidépresseurs inhibiteurs de la mono-amine-oxydase (IMAO) non sélectifs et les imipraminiques, ainsi qu’avec les dépresseurs du système nerveux central sympatholytiques, les analeptiques respiratoires et les produits hypotenseurs.
¶ Principales présentations
– digestifs : nausées, vomissements, constipation ; – respiratoires : aux doses thérapeutiques, la dépression respiratoire reste modérée et peut être contrôlée ; – urinaires : risque de rétention (surtout en cas d’adénome prostatique chez le sujet âgé). 2
Morphine Elle existe sous forme de chlorhydrate et de sulfate. Le rapport d’efficacité entre la morphine par voie orale et par voie parentérale est de 3 à 1.
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Le chlorhydrate est présenté :
– effet antiagrégant plaquettaire (troubles de la coagulation) ;
– sous forme de solution buvable (Morphine Coopert 0,1 % et 0,2 %) à 10 mg/10 mL et 20 mg/10 mL en ampoules de 10 mL ; la dose journalière de départ est en général de 60 mg en six prises (soit six ampoules à 10 mg/10 mL) ; ce médicament est réservé à l’adulte et à l’enfant de plus de 6 mois pour des douleurs intenses et rebelles aux antalgiques de niveau plus faible, en particulier les douleurs d’origine cancéreuse ;
– action allergisante.
– sous forme injectable : Morphine Lavoisiert, ampoules de 1 mL à 10 ou 20 mg ; ampoules de 5 mL à 50 mg ou 100 mg ; Morphine Meramt, ampoules de 1 mL à 10 mg ou 20 mg, ampoules de 2 mL à 20 mg. Le sulfate de morphine est présenté en comprimés enrobés à libération prolongée : un comprimé pour 12 heures, soit deux comprimés par jour. Les comprimés (Moscontint) sont dosés à 10, 30, 60, 100 et 200 mg, ce qui permet d’ajuster la dose (60 mg au départ chez l’adulte et 1 mg/kg/j chez l’enfant de plus de 6 mois). Il existe aussi sous forme de gélules (Skenant LP à 10, 30, 60, 100 et 200 mg). Buprénorphine La grande activité de la buprénorphine (Temgésict 0,2 mg comprimé sublingual) permet une large marge thérapeutique, ses effets secondaires sont mineurs et son efficacité est très bonne dans toute la sphère oto-rhino-laryngologique et buccodentaire pour les douleurs intenses postopératoires ou néoplasiques. Les doses sont de un à deux comprimés trois fois par jour (à moduler pour le sujet âgé et l’enfant de plus de 7 ans). Il existe une forme injectable à 0,3 mg/mL. Autres dérivés synthétiques de la morphine Nous ne ferons que mentionner : péthidine (Dolosalt), qui est plus utilisé en anesthésiologie que dans notre spécialité et pentazocine (Fortalt). En revanche, d’autres dérivés, moins actifs que la morphine (six fois moins), sont intéressants dans notre spécialité et ne sont pas inscrits sur la liste des stupéfiants : codéine en association avec le paracétamol (Klipalt, Efferalgant codéine, Lindilanet, Algisedalt) ; dextropropoxyphène (Antalvict), également en association avec le paracétamol (Di-Antalvict, Dialgirext, Propofant) ; chlorhydrate de tramadol (Topalgict).
Elle est contre-indiquée en cas d’hypersensibilité aux salicylés ou aux AINS, d’ulcère gastroduodénal en évolution, de maladie hémorragique, chez la femme enceinte à partir du 6e mois et en cas d’administration simultanée de méthotrexate ou d’anticoagulants oraux. De très nombreuses formes d’aspirine existent sur le marché (dont une quarantaine à l’état pur ou associé figurent dans le Dictionnaire Vidalt). Parmi elles : la Catalginet (0,10 g, 0,25 g, 0,50 g, 1 g) et l’acétylsalicylate de lysine (Aspégict) qui existe aussi en plusieurs dosages de poudre pour solution buvable (100, 250, 500 et 1 000 mg) et sous forme injectable (500 mg/5 mL, 1 g/5 mL). Dans les produits apparentés aux salicylés figure notamment le diflunisal (Dolobist) qui inhiberait moins l’agrégation plaquettaire que l’aspirine ; 750 mg de diflunisal auraient le même effet que 3 g/j d’aspirine.
¶ Paracétamol C’est le métabolite actif de la phénacétine qu’il a pratiquement remplacé. Ses effets sont comparables à ceux de l’aspirine, mais il n’est pas anti-inflammatoire. La toxicité du paracétamol est faible aux doses thérapeutiques et il comporte une très large marge de sécurité puisque la dose habituelle est de 3 g/j et que le seuil de toxicité se situe à partir de 10 g/j. Il peut être prescrit chez les ulcéreux, chez la femme enceinte et ne provoque pas de troubles de la crase sanguine. En cas de surdosage, la toxicité hépatique est importante, entraînant nécrose et insuffisance résiduelle. Le paracétamol est le seul principe actif de très nombreuses spécialités (Dolipranet, Efferalgant, Dafalgant, Paralyoct, etc). Il existe des formes pédiatriques (Dolipranet, Efferalgant) et des formes injectables (Pro-Dafalgant). De plus, le paracétamol est associé dans plusieurs spécialités, soit à la codéine (Sédarènet, Oralgant Codéine, Efferalgant Codéine), soit au dextropropoxyphène (Di-Antalvict, Propofant), ces associations permettant la prise en charge de douleurs de plus forte intensité.
¶ Noramidopyrine ANTALGIQUES NON OPIOÏDES
Il s’agit d’un groupe de substances de natures chimiques très variées, connues depuis longtemps et qui agissent sur les médiateurs chimiques algogènes périphériques : bradykinine, histamine, prostaglandines. Leur action analgésique est beaucoup plus faible que celle des dérivés morphiniques. Pour fixer les idées, on peut admettre que 600 mg d’aspirine équivalent à 60 mg de codéine, qui eux-mêmes équivalent à 10 mg de morphine. Ils agissent sur les douleurs de moyenne intensité provenant de la peau, des muscles, des articulations ou des dents, mais ils sont peu efficaces sur les douleurs viscérales. Ils ont souvent une composante anti-inflammatoire et antipyrétique.
¶ Aspirine et dérivés salicylés L’aspirine (acide acétylsalicylique) est certainement le médicament dont la consommation mondiale est la plus forte. Elle est antipyrétique et anti-inflammatoire ; la posologie analgésique est de 1 à 2 g/24 h et il faut atteindre 4 à 6 g/24 h pour avoir un effet anti-inflammatoire. L’aspirine n’est pas dépourvue d’effets secondaires : – irritation de la muqueuse gastrique ;
Ce dérivé pyrazolé (Novalginet) a une action antalgique puissante mais présente un risque immunoallergique d’agranulocytose grave. On trouve ce produit en association avec des antispasmodiques (Avafortant, Viscéralginet Forte), ou avec la caféine (CéfalinePyrazolét, Optalidont), ou encore avec le paracétamol (Salgydalt).
¶ Antalgiques dits « purs » Ils n’ont aucune action antipyrétique ou anti-inflammatoire. Depuis le retrait de la glafénine, on ne trouve plus guère dans cette catégorie que la floctafénine (Idaract), réintroduite après un retrait temporaire, et le néfopam (Acupant), qui est un antalgique injectable (intramusculaire, intraveineux). Son action paraît assez proche de celle des antidépresseurs et il possède des effets secondaires anticholinergiques.
¶ Anti-inflammatoires non stéroïdiens à dose antalgique Actuellement, un nouvel usage des AINS est proposé. En effet, ces produits utilisés à la moitié de la dose anti-inflammatoire présenteraient une action antalgique suffisante pour les douleurs banales, modérées, avec des effets secondaires réduits. Certaines molécules ont même une indication « purement » antalgique et sont commercialisées sous un autre nom. 3
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On peut citer ainsi : – l’ibuprofène à demi-dose, 200 mg (Advilt, Nurofent, Oralfènet, Upfent) ; – le fénoprofène (Nalgésict) ; – le kétoprofène (Toprect), etc.
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l’hypersensibilité à la carbamazépine, et la surveillance médicale doit être stricte (glaucome, rétention urinaire, affections hépatiques ou rénales). Lorsque la douleur est ou devient réfractaire au traitement médicamenteux, différentes solutions chirurgicales sur les branches nerveuses concernées peuvent être proposées. Rivotrilt
ANTALGIQUES DITS « ADJUVANTS »
Il s’agit de médicaments habituellement utilisés pour d’autres indications que la douleur, mais qui, dans certaines situations, peuvent avoir une activité antalgique. Des antiépileptiques (Tégrétolt, Rivotrilt) se sont avérés efficaces pour le traitement de certaines névralgies faciales (névralgies essentielles du trijumeau). Par ailleurs, les antimigraineux (DésernilSandozt, Dihydroergotamine-Sandozt, Dihydroergotamine GNR, Imijecty, Avlocardylt) sont utilisables dans les algies vasculaires de la face. Enfin, différents médicaments antidépresseurs (Deroxatt, Prozact, Xanaxt, Ataraxt) sont susceptibles de soulager les psychalgies (stomatodynies, glossodynies, palatodynies) qui surviennent fréquemment chez un adulte dépressif et cancérophobe [3, 4, 7, 13, 14, 19].
¶ Antidépresseurs Ils sont fréquemment utilisés dans le traitement de la douleur chronique et en particulier quand il existe une composante neuropathique : en effet, il existe des arguments forts pour affirmer que l’amitriptyline, la doxépine, l’imipramine, la clomipramine, la nortriptyline et la désipramine ont un effet antalgique. Initialement, cet effet était rattaché à l’action antidépressive, mais d’autres mécanismes sont aussi invoqués, en particulier une action potentialisatrice de l’analgésie morphinique ou un effet analgésique propre par une action sur les synapses sérotoninergiques ou les opioïdes endogènes. Les paresthésies buccales psychogènes peuvent bénéficier d’un traitement instauré pour 3 semaines à 1 mois (et réduit progressivement sur 3 semaines, avant suppression) faisant appel aux molécules suivantes : paroxétine (Deroxatt 20 mg, un comprimé par jour), fluoxétine (Prozact 20 mg, une gélule par jour le matin). En cas d’anxiété, on peut associer l’alprazolam (Xanaxt 0,25 mg, un demi- à un comprimé) ou l’hydroxyzine (Ataraxt 25 mg, deux comprimés le soir au coucher).
¶ Antiépileptiques De nombreux antiépileptiques (carbamazépine, valproate, clonazépam, phénytoïne) ont été utilisés dans le traitement des douleurs neuropathiques, seuls ou en association avec des antidépresseurs ou d’autres produits (morphiniques par exemple) : ils semblent tout particulièrement efficaces lorsqu’existent une composante fulgurante à la douleur, une hyperesthésie ou des sensations de brûlures. Le clonazépam (Rivotrilt) est couramment utilisé pour traiter les douleurs neuropathiques fulgurantes. Ces médicaments ont par ailleurs des propriétés myorelaxantes pouvant s’avérer utiles pour contrôler les spasmes musculaires. Tégrétolt La carbamazépine (Tégrétolt) reste le traitement de choix de la névralgie faciale essentielle en première intention. On peut commencer le traitement avec un demi- à un comprimé à 200 mg deux fois par jour, ou deux à quatre cuillères-mesure de suspension buvable deux fois par jour. Cette posologie est parfois suffisante pour entraîner la disparition des décharges douloureuses. Avec le temps, l’efficacité de la carbamazépine peut s’atténuer ; on peut alors augmenter les doses par paliers jusqu’à la suppression de la douleur (jusqu’à quatre comprimés par jour). Il faut tenir compte des contreindications telles que les blocs auriculoventriculaires ou 4
Cet anticonvulsivant (clonazépam) de la famille des benzodiazépines a été proposé dans le traitement des aphtes à raison de quelques gouttes par jour. On peut également le prescrire sous forme de solution buvable dans le traitement de certaines algies faciales à raison de dix gouttes trois fois par jour ou cinq gouttes le matin, cinq gouttes à midi et 15 gouttes le soir pendant 3 semaines. Il ne doit pas être prescrit en cas d’insuffisance respiratoire. Certains auteurs l’ont préconisé dans le traitement des stomatodynies à raison d’un demi-comprimé trois fois par jour, sucé pendant 5 minutes sans déglutir puis recraché.
¶ Anesthésiques locaux Ces produits, administrés par voie systémique, semblent être doués de propriétés analgésiques, en particulier pour traiter les douleurs neuropathiques. Cependant, tous les auteurs n’ont pas retrouvé cet effet bénéfique et il n’existe pas aujourd’hui de protocoles bien précis concernant ces molécules.
¶ Baclofène Il s’agit d’un agoniste de l’acide gamma-aminobutyrique, neurotransmetteur inhibiteur, utilisé habituellement dans le traitement de la spasticité et administré par voie orale à raison d’un demi- à un comprimé à 10 mg trois fois par jour (Baclofène-Irext, Liorésalt), mais parfois par voie intrathécale. Son mécanisme d’action précis n’est pas connu. Il se révèle également efficace dans les névralgies du trijumeau, le hoquet rebelle ou d’autres atteintes neuropathiques.
¶ Produits divers utilisés pour soulager la douleur La liste est longue, mais on peut citer la clonidine, la capsaïcine, les neuroleptiques. Dans la migraine, le tartrate d’ergotamine, le sumatriptan et le zolmitriptan sont des médicaments de la crise, alors que la dihydroergotamine, le méthysergide, l’oxétorone, le pizotifène, les bêtabloquants, certains inhibiteurs calciques (flunarizine) sont proposés en traitement de fond. Avlocardylt 40 mg Ce bêtabloquant peut être administré comme traitement de fond de la migraine et des algies de la face à raison de un à trois comprimés par jour. Il faut bien sûr prendre en compte les contre-indications et interactions médicamenteuses nombreuses propres aux bêtabloquants. Désernil-Sandozt Il est utilisé pour le traitement de fond des migraines et des algies vasculaires de la face. Son administration se fait progressivement, en commençant par un demi-comprimé au repas du soir pendant quelques jours, puis deux à trois comprimés aux repas et, après quelques semaines, la dose d’entretien efficace est recherchée par réduction progressive. Dihydroergotamine-Sandozt et dihydroergotamine GNR Elles se prescrivent à raison de 30 gouttes de solution buvable trois fois par jour en cas d’algies vasculaires de la face. Imijecty 6 mg/0,5 mL L’Imijecty se présente sous forme de seringue préremplie avec ou sans injecteur automatique. Elle s’utilise à raison d’une injection
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sous-cutanée (6 mg par crise d’algies vasculaires de la face clairement diagnostiquée). Une deuxième injection peut également être faite au moins 1 heure après. Il est contre-indiqué de l’associer aux alcaloïdes de l’ergot de seigle, aux IMAO et aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.
– aspirine en cas de risque hémorragique ;
Zomigy
– aspirine, AINS, noramidopyrine, floctafénine en cas de terrain allergique.
Outre son action au niveau des centres périphériques de la migraine, le Zomigy agit également au niveau central (tronc cérébral). Il appartient à la classe des agonistes sélectifs des récepteurs dopaminergiques. L’efficacité est significative dans l’heure suivant la prise d’un comprimé orodispersible.
Choix et modalités de prescription
[9, 12]
Il y a lieu de prendre en compte de multiples facteurs : types de douleurs, caractéristiques de la douleur, terrains et antécédents, interférences médicamenteuses, préférences du malade, intensité de la douleur, forme galénique, voie d’administration et horaires d’administration. On distingue classiquement deux grands types de douleurs. – Les douleurs neuropathiques ou par désafférentation peuvent avoir un fond permanent, le plus souvent à type de brûlures, et elles répondent alors préférentiellement aux antidépresseurs, ou bien se traduire par des accès paroxystiques qui relèvent davantage des anticonvulsivants. – Les douleurs par excès de nociception sont les plus fréquentes en odontostomatologie ; les douleurs de pulpite, qui sont parmi les plus intenses, en sont l’exemple. Lors de son congrès de 1990 consacré à la douleur, l’Organisation mondiale de la santé a défini une stratégie antalgique en trois paliers basée sur l’intensité de la douleur : – le niveau 1 correspond aux douleurs d’intensité faible à modérée ; c’est l’indication des antalgiques non morphiniques tels l’aspirine, les AINS à doses antalgiques, le paracétamol et les antalgiques « purs » ; – le niveau 2 est subdivisé en 2a et 2b : – le niveau 2a (douleurs moyennes) est l’indication des opiacés faibles (codéine, dextropropoxyphène, seuls ou en association avec le paracétamol), de l’aspirine, de la noramidopyrine ou du néfopam ; – le niveau 2b (douleurs « sérieuses ») est l’indication préférentielle de la buprénorphine ; il est à noter que seules les associations fortement dosées en paracétamol et en codéine réduisent significativement les douleurs du niveau 2 ; – le niveau 3, subdivisé également en 3a et 3b (douleurs d’intensité forte à très forte) est l’indication des morphiniques ; il est rare d’y être confronté en odontostomatologie. En pratique, le choix d’un antalgique dépend à la fois des caractéristiques de la douleur (étiologie, intensité) et de celles du patient ; en outre, l’existence d’un terrain ou d’antécédents particuliers peut contre-indiquer la prescription de certains produits, par exemple :
– aspirine et AINS en cas d’ulcérations digestives ; – paracétamol en cas d’hépatite évolutive ; – opioïdes en cas d’insuffisance respiratoire ;
La prescription d’antalgiques peut également être limitée par d’éventuelles interactions médicamenteuses : aspirine chez un patient sous traitement anticoagulant par exemple. En cas de doute, il est toujours conseillé de se reporter au dictionnaire Vidalt. En ce qui concerne les modalités du traitement antalgique, il est conseillé de respecter quelques principes essentiels : – espacer régulièrement les prises (en fonction de la pharmacocinétique du médicament choisi) de façon à couvrir les 24 heures lorsque la douleur est permanente ou administrer l’antalgique en fonction de l’apparition éventuelle de prodromes en cas de douleurs paroxystiques ; – administrer l’antalgique à posologie suffisamment élevée pour qu’il soit efficace ; – lorsque le traitement est inefficace à posologie maximale, ne pas essayer un autre antalgique de même niveau, mais passer à un produit de niveau immédiatement supérieur ; – selon les symptômes associés, des anxiolytiques, des hypnotiques, des décontracturants ou de anticonvulsivants peuvent être utiles. Enfin, certains syndromes algiques résistant à toutes les thérapeutiques antalgiques bien conduites ont en fait une composante psychogène importante sinon majeure ; tel est le cas pour diverses douleurs sine materia (glossodynie par exemple). Dans cette situation, le recours à un psychiatre peut se révéler utile.
Conclusion En odontostomatologie, les antalgiques ne sont très souvent que le complément de l’acte chirurgical local qui demeure primordial et l’identification du type de la douleur est donc essentielle avant toute prescription. Les progrès récents réalisés dans la connaissance des mécanismes périphériques et centraux impliqués dans la douleur ont permis de mieux comprendre le mode d’action des antalgiques. Ceux-ci, malgré leur diversité, ne peuvent cependant pas toujours répondre à toutes les situations et conditions cliniques qui se présentent aux praticiens. De plus, la plupart ont des effets secondaires potentiels qui limitent leur emploi à des indications précises. Ainsi, les AINS sont caractérisés par leur mauvaise tolérance digestive et si les opioïdes restent le traitement de choix des douleurs sévères, leur utilisation est restreinte du fait des risques de pharmacodépendance. Si le recours aux antalgiques est la méthode la plus habituelle pour contrôler la douleur, il ne faut cependant pas négliger ni les approches psychologiques (notamment dans les douleurs chroniques), ni la kinésithérapie, ni les thérapeutiques plus agressives (anesthésiques ou neurochirurgicales) lorsqu’elles s’avèrent nécessaires.
Références ➤
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Antalgiques
Stomatologie/Odontologie
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Antibiotiques : avantages et inconvénients des pénicillines seules versus association pénicillines-métronidazole Q. Timour Le traitement médical d’une infection buccodentaire comprend souvent l’administration d’un antibiotique. Celle-ci est habituellement empirique, donc le choix de l’antibiotique doit tenir compte de la sensibilité des germes les plus souvent responsables de l’infection à traiter. Dans une infection parodontale, les bactéries responsables sont, outre le streptocoque, majoritairement constituées des germes anaérobies qui sont : peu sensibles à l’action des pénicillines qui ont, en revanche, une excellente activité antistreptococcique ; très sensibles à l’action des nitro-imidazolés comme le métronidazole. Dans toute infection parodontale, la présence des bactéries aéroanaérobies justifie l’emploi concomitant d’un antibiotique antistreptococcique et d’un antibiotique capable de détruire les bactéries anaérobies. L’association amoxicilline-métronidazole constitue donc un excellent choix dans le traitement des infections parodontales. La connaissance des paramètres pharmacocinétiques de l’antibiotique choisi et l’adaptation de ce choix au terrain physiologique, physiopathologique et aux éventuels traitements médicamenteux du patient permettent de réduire au minimum le risque inhérent à leur emploi. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Parodontopathies infectieuses ; Bactéries aérobies et anaérobies ; Sujets à risque ; Pénicillines ; Métronidazole
Plan ¶ Introduction
1
¶ Sensibilité des germes présents Identification des bactéries Choix de l’antibiotique
1 1 2
¶ Caractéristiques cinétiques des pénicillines et du métronidazole Chez les sujets aux fonctions hépatiques et rénales normales Chez les sujets à fonctions hépatiques et/ou rénales altérées
2 2 3
¶ Évaluation du risque Terrain physiologique Terrain physiopathologique
3 3 3
¶ Conclusion
4
■ Introduction En matière de traitement anti-infectieux, il est exceptionnel que l’odontologiste mette en œuvre une antibiothérapie dirigée. En effet, cette méthode nécessite un prélèvement bactérien, une culture, l’isolement d’un germe et le recours à l’antibiogramme. Il pratique donc, dans l’immense majorité des cas, une antibiothérapie probabiliste. Cette dernière tient compte de la nature des germes statistiquement les plus fréquemment rencontrés dans la cavité buccale. Ils sont essentiellement représentés par les bactéries aérobies (streptocoques notamment) et, en cas d’infections parodontales, par les bactéries anaérobies strictes ou aéroanaérobies (Actinomyces, Fusobacterium, Clostridium, Porphyromonas, Bacteroides, Peptostreptococcus, Prevotella...). Stomatologie
Le choix de l’antibiotique doit non seulement tenir compte de la nature des germes présents et de leur sensibilité spécifique aux antibiotiques, mais également : • de la capacité de diffusion de l’antibiotique au sein du tissu infecté, ce qui implique la connaissance des paramètres pharmacocinétiques de l’antibiotique choisi ; • de la possibilité de respect, par le patient, des consignes d’utilisation du (des) produit(s) prescrit(s), notamment de la durée de la prescription de l’antibiotique, même après la disparition des signes cliniques de l’infection ; • de l’évaluation du risque du traitement basé notamment sur le terrain du patient. En effet, il est important de tenir compte de la toxicité de l’antibiotique choisi et des facteurs de risque présents chez un patient soit à un moment précis de son existence (âge, grossesse) soit de façon quasi permanente (allergie, par exemple) ainsi que du (des) traitement(s) associé(s). La connaissance de ces éléments permet d’établir ainsi le rapport bénéfice/risque (B/R) et d’éviter qu’une prescription ne se complique d’une réaction néfaste pouvant être grave, voire menacer la vie du patient. L’exposé qui suit est rédigé dans cette optique avec : • sensibilité des germes présents : bénéfice de l’association amoxicilline-métronidazole vs amoxicilline seule ; • caractéristiques cinétiques des pénicillines et du métronidazole ; • évaluation du risque.
■ Sensibilité des germes présents Identification des bactéries La gestion efficace des infections buccodentaires nécessite avant tout l’identification des micro-organismes présents dans la
1
22-012-B-11 ¶ Antibiotiques : avantages et inconvénients des pénicillines seules versus association pénicillines-métronidazole
cavité buccale et leur sensibilité vis-à-vis de l’antibiotique choisi. Or, dans la flore buccale, les bacilles à Gram négatif anaérobies stricts comme Prevotella oralis, Prevotella intermedia, Fusobacterium nucleatum et Porphyromonas gingivalis ou Porphyromonas endodontalis ont été isolés. Ces deux derniers sont souvent associés aux maladies parodontales. En effet, dans un foyer parodontal infecté, source de complications infectieuses telles que les abcès parodontaux, en dehors des streptocoques, ce sont surtout les anaérobies qui prédominent [1]. Dans une étude récente, Eckert et al. [2] ont montré chez 65 patients atteints d’infections d’origine dentaire, la présence de 226 espèces bactériennes différentes. Le rapport anaérobio-aérobie était de 2/1. Parmi les bactéries aérobies, les plus fréquentes étaient des cocci à Gram positif : les streptocoques (chez 46 patients), les staphylocoques (chez 10 patients), et les cocci à Gram négatif : Neisseria (chez 9 patients). Parmi les anaérobies à Gram positif, ils ont surtout retrouvé Eubacterium (chez 19 patients), Peptostreptococcus (chez 16 patients), et Actinomyces (chez 12 patients). Parmi les anaérobies à Gram négatif, Prevotella était retrouvé chez 46 patients et Fusobacterium chez 21 patients.
“
Points importants
• L’identification des bactéries s’effectue essentiellement à l’aide de la biologie moléculaire ou l’hybridation ADN/ADN. • L’abcès dentaire et les maladies parodontales ont presque toujours pour origine les bactéries de la flore buccale (Fusobacterium necrophorum, Fusobacterium nucleatum, Peptostreptococcus, Prevotella melaninogenica, Prevotella oralis). La même flore peut, dans certaines situations, être responsable du développement de sinusites, otites, abcès amygdaliens, abcès du poumon...). • Il existe une synergie d’action entre les germes aérobies et anaérobies expliquant le fait que la plupart des infections endobuccales sont dues à une flore mixte aéroanaérobie.
Choix de l’antibiotique L’ensemble des bactéries présentes dans un foyer infectieux n’est que rarement sensible à l’action d’un seul antibiotique, ce qui nécessite l’emploi d’au moins deux agents antibactériens à spectre d’activité différent couvrant la totalité des bactéries aérobies et anaérobies présentes dans un foyer parodontal infecté. D’une façon générale, le choix de l’antibiotique dépend de l’origine de l’infection qui peut être classée en deux grands groupes : • les infections d’origine dentaire (abcès alvéolodentaires aigus) originaires de la pulpe dentaire : elles sont généralement provoquées par les bactéries aérobies. L’utilisation d’un antibiotique par voie systémique pourrait être préconisée en même temps que le drainage de l’abcès alvéolodentaire, débridement du canal de la dent infectée et la mise en place dans le canal concerné d’un agent antiseptique tel que l’hydroxyde de calcium [3] ; • les infections d’origine parodontale : elles sont habituellement provoquées par des bactéries anaérobies à Gram négatif (avec parfois Actinobacillus actinomycetemcomitans). L’antibiothérapie par voie systémique doit toujours être associée au curetage du canal infecté. Dans les infections parodontales régénératives ou postchirurgicales, la monothérapie cède la place à l’association amoxicilline-métronidazole ou amoxicilline-acide clavulanique [4]. Dans une étude réalisée chez 30 patients présentant des infections dentaires, l’association amoxicilline-acide clavulanique et l’association pénicilline-métronidazole ont montré la même efficacité [5].
2
Tableau 1. Choix de l’antibiotique en fonction de la nature de l’infection et sensibilité des germes. Nature de l’atteinte
Prédominance de germes
Anti-infectieux Références efficaces
Infections d’origine dentaire
Aérobies
Pénicillines
Eckert et al., 2005 [2]
Infections Anaérobies endoparodontales
Amoxicillinemétronidazole
Liebana et al., 2004 [1]
Parodontites agressives
Anaérobies
Amoxicillinemétronidazole
Ashkenazi, 2005 [9]
Gingivites ulcéronécrotiques
Anaérobies
Amoxicillinemétronidazole
Ashkenazi, 2005 [9]
Maladies parodontales
Anaérobies
Amoxicillinemétronidazole
Rooney et al., 2002 [12] Lopez et al., 2000 [13]
Maladies parodontales
Anaérobies
Amoxicillinemétronidazole
Berglundh et al., 1998 [14]
Parodontopathies réfractaires
Anaérobies
Amoxicillinemétronidazole
Haffajee et al., 2004 [8]
Parodontopathies généralisées agressives
Anaérobies
Amoxicillinemétronidazole
Guerrero et al., 2005 [15]
Infections endodontiques et cellulites purulentes
Anaérobies
Pénicilline Khemaleelakul V-métronidazole et al., 2002 [16]
Les infections précoces (pendant les 3 premiers jours) sont essentiellement causées par des bactéries aérobies, notamment des streptocoques qui sont sensibles aux amoxicillines dérivés des pénicillines à spectre large d’activité. L’adjonction du métronidazole élargit le spectre aux bactéries anaérobies et constitue, de ce fait, un excellent choix dans le traitement des infections buccodentaires locales et dans celui de leur extension [6]. En effet, les cellulites d’origine dentaire (de la deuxième mais surtout de la troisième molaire) sont souvent liées à des péricoronarites, des caries dentaires avec exposition pulpaire, des parodontites ou encore des suites infectieuses des traitements dentaires, où des bactéries à Gram négatif sont impliquées. L’association amoxicilline-métronidazole qui présente une efficacité optimale [7], s’est, par ailleurs, montrée efficace dans le traitement des infections de nature et de localisation diverses telles que les parodontopathies réfractaires [8], parodontites agressives, les gingivites ulcéronécrotiques [9] et les abcès périapicaux [10], alors que dans une telle situation, les pénicillines permettent de traiter seulement la composante aérobique de l’infection [11]. Le Tableau 1 indique l’efficacité de l’association amoxicillinemétronidazole dans diverses infections buccodentaires rapportées dans la littérature [12-16].
■ Caractéristiques cinétiques des pénicillines et du métronidazole Chez les sujets aux fonctions hépatiques et rénales normales Pénicillines Les pénicillines A ou aminopénicillines comprennent les ampicillines et leurs esters ainsi que les amoxicillines. Tous ces produits peuvent être administrés par voie digestive mais, par cette voie, les Cmax (concentrations maximales) obtenues sont Stomatologie
Antibiotiques : avantages et inconvénients des pénicillines seules versus association pénicillines-métronidazole ¶ 22-012-B-11
Tableau 2. Caractéristiques cinétiques des pénicillines et du métronidazole. Produits
Ampicillines
Esters d’ampicillines
Amoxicillines
Métronidazole
Cmax µg/ml (PO)
3,5 (500 mg)
7 à 9 (400 mg)
10 (500 mg)
15-20 (500 mg)
modifiée par aliments
modifiée par aliments
non modifiée par aliments
non modifiée par aliments
Durée d’action
12 h
12 h
12 h
8h
Posologie
1 g, 2 × j
0,4 à 0,6 g, 2 × j
1 g, 2 × j
500 mg, 3 × j
Distribution
Cavité buccale, ORL, bronches, foie, reins...
Cavité buccale, ORL, bronches, foie, reins...
Cavité buccale, ORL, bronches, foie, reins...
Poumons, reins, foie, peau, bile, LCR, salive, liquide séminal, sécrétions vaginales....
Destruction
Hépatique mais faible
Hépatique mais faible
Hépatique mais faible
Hépatique importante
Élimination
Rénale
Rénale
Rénale
Rénale
LCR : liquide céphalorachidien.
Tableau 3. Adaptation posologique des pénicillines lors de l’insuffisance rénale. Clairance de la créatinine (ml/min) : permet l’exploration globale de la fonction rénale Dose utilisée
120
30-10
< 10
(sujet aux fonctions rénales normales)
1 g, 2 × j
■ Évaluation du risque L’emploi de ces médicaments doit tenir compte du terrain du patient dont les particularités sont révélées par un interrogatoire soigneux nécessaire avant toute prescription.
Terrain physiologique 1 g à la 1re prise, suivi de 500 mg toutes les 12 h
1 g à la 1re prise, suivi de 500 mg toutes les 24 h
L’âge ne présente pas de problèmes particuliers. Il faut adapter la posologie au poids corporel du patient. La grossesse ne contre-indique l’emploi ni des pénicillines [23], ni du métronidazole [24, 25]. L’allaitement envisagé avec les pénicillines [26] n’est toutefois pas conseillé avec le métronidazole [27].
différentes d’un produit à un autre (Tableau 2). De plus, certaines d’entres elles subissent l’influence de la nourriture. C’est ainsi que, pour une même posologie, les amoxicillines ont la Cmax la plus élevée par rapport aux ampicillines et leurs esters. De plus, seules les amoxicillines ne subissent pas l’influence de la nourriture [17] . Elles sont habituellement prescrites chez l’adulte à la dose de 1 g, 2 fois par jour.
Terrain physiopathologique
Métronidazole
Toxicité
Le métronidazole est administré en odontologie par voie orale aux posologies habituelles de 500 mg, 3 fois par jour. L’apport de la nourriture retarde d’environ 1 heure la Cmax du métronidazole qui passe de 1 heure à 2 heures [18]. Cependant, la prise de la nourriture n’interfère pas avec le développement de l’effet du métronidazole.
Chez les sujets à fonctions hépatiques et/ou rénales altérées Pénicillines Si en cas d’insuffisance hépatique, l’administration des pénicillines ne pose pas de problèmes particuliers puisqu’elles ne subissent pratiquement pas de dégradation par le foie, il n’en est pas de même en cas d’insuffisance rénale qui nécessite une adaptation posologique. Cette dernière est basée sur la clairance de la créatinine (Tableau 3).
Métronidazole La demi-vie du métronidazole augmente en cas d’insuffisance hépatique sévère mais aucune réduction posologique n’est nécessaire si la fonction rénale du sujet est normale [19] . L’atteinte rénale ne modifie pas la demi-vie du métronidazole lui-même mais celle de son principal métabolite hydroxylé (hydroxyméthyl-5-nitro-imidazole), dont l’activité antianaérobique est de 30 % de celle de la molécule-mère, est multipliée par 4 [20]. Cependant, une atteinte rénale isolée ne nécessite pas de réduction posologique [21] . En revanche, chez les sujets souffrant d’insuffisance rénale associée à une insuffisance hépatique, la réduction posologique s’impose [22]. La coloration des urines en brun rougeâtre est liée à la présence de pigments hydrosolubles provenant du métabolisme du produit. Stomatologie
L’administration d’une pénicilline comme celle du métronidazole doivent tenir compte du terrain du patient et de leurs toxicités spécifiques.
Pénicillines Le principal risque de l’administration des pénicillines est la survenue de réaction allergique, parfois grave incluant œdème laryngé et choc anaphylactique [28]. Ces réactions surviennent généralement chez des sujets présentant un terrain atopique [29], les asthmatiques par exemple. Des réactions telles qu’augmentation modérée et transitoire des transaminases sériques, anémie, leucopénie, thrombopénie réversibles ainsi que néphrite interstitielle aiguë ont également été rapportées. Des cas d’hépatites cholestatiques, de syndrome de StevensJohnson et de nécrolyse toxique épidermique ont été rapportés lors de l’association amoxicilline-acide clavulanique [30] . L’emploi d’une telle association est donc à éviter au profit de l’association amoxicilline-métronidazole. Interactions médicamenteuses • Le méthotrexate (antinéoplasique utilisé également dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du psoriasis) dont les pénicillines inhibent la sécrétion tubulaire rénale. Il en résulte une augmentation des effets et de la toxicité hématologique. • L’allopurinol : du fait du risque accru de réactions cutanées. Problèmes particuliers du déséquilibre de l’INR. Selon le Vidal : de nombreux cas d’augmentation de l’activité des anticoagulants oraux ont été rapportés chez des patients recevant des antibiotiques. Le contexte infectieux ou inflammatoire marqué, l’âge et l’état général du patient apparaissent comme des facteurs de risque. Dans ces circonstances, il apparaît difficile de faire la part entre la pathologie infectieuse et son traitement dans la survenue du déséquilibre de l’INR. Cependant, certaines classes d’antibiotiques sont davantage impliquées : il s’agit notamment des fluoroquinolones, des macrolides, des cyclines, du cotrimoxazole et de certaines céphalosporines.
3
22-012-B-11 ¶ Antibiotiques : avantages et inconvénients des pénicillines seules versus association pénicillines-métronidazole
Tableau 4. Contre-indications des pénicillines et du métronidazole. Pénicillines
Métronidazole
Allergies
Allergies aux b-lactamines (pénicillines et céphalosporine : risque d’allergie croisée, dans 15% des cas)
Hypersensibilité aux imidazolés ou intolérance au gluten, en raison de la présence d’amidon de blé
Mononucléose infectieuse
Contre-indication
Pas de contre-indication
Effet antabuse
Non
Oui : s’abstenir de boissons alcoolisées et ne pas l’associer au disulfirame
bactéries pathogènes telles que A. actinomycetemcomitans, P. gingivalis, P. intermedia, la réduction de la taille de la lésion inflammatoire. Ces informations indiquent qu’un traitement systémique par association amoxicilline-métronidazole (1 g, 2 fois par jour et 500 mg, 3 fois par jour respectivement) pour une période de 8 jours améliore de manière significative les signes cliniques d’une atteinte parodontale d’origine infectieuse. L’emploi d’une pénicilline seule, s’il est justifié dans les infections dentaires pures, est cependant peu efficace dans le traitement des maladies parodontales d’origine infectieuse. Une pénicilline utilisée seule ne présente donc aucun avantage car son spectre d’action couvre mal les anaérobies dont la destruction nécessite l’emploi d’un autre antibiotique comme le métronidazole, ce qui justifie pleinement l’association de ces deux agents anti-infectieux.
INR (International Normalized Ratio) rapport international normalisé. Il est réservé à la surveillance des traitements anticoagulants oraux par antivitamines K. Il est calculé comme suit : INR =
(
TQpatient TQtémoin
ISI
)
TQ patient : le temps de Quick mesuré pour le plasma du patient à tester. TQtémoin : le temps de Quick témoin (TP = 100 %). ISI : l’indice de sensibilité international spécifique du réactif thromboplastine utilisé. L’INR n’a pas d’unité. Il est, par définition, indépendant du réactif utilisé, et plusieurs mesures successives, faites dans des laboratoires différents, peuvent être comparées entre elles sans problème. La valeur normale d’INR est = 1. Dans les affections thromboemboliques traitées par une antivitamine K, l’INR se situe entre 2,5 (le plus souvent) et 4 (prothèse cardiaque par exemple).
Métronidazole
Enfant de moins de 6 ans
.
■ Références [1]
Toxicité En dehors de désordres digestifs (nausées, vomissements et diarrhées), les principaux effets secondaires signalés avec le métronidazole sont glossite, stomatite, goût métallique, anorexie. Exceptionnellement, quelques cas de pancréatites réversibles à l’arrêt du traitement ont été rapportés. Des réactions allergiques telles qu’urticaire, œdème de Quincke et exceptionnellement choc anaphylactique peuvent survenir. Des troubles des systèmes nerveux central et périphérique (vertiges, ataxie, céphalées, neuropathies sensitives périphériques et convulsions) ainsi que des troubles psychiatriques (confusion, hallucinations) ont également été rapportés. De très rares cas de neutropénie, d’agranulocytose, de thrombopénie et d’hépatite cholestatique ont été signalés.
[2]
Interactions médicamenteuses
[7]
• Alcool : effet antabuse (chaleur, rougeurs, vomissements, tachycardie). Éviter la prise de boissons alcoolisées et de médicaments contenant de l’alcool [31]. • Disulfirame : bouffées délirantes, état confusionnel [32]. • Antivitamine K : le métronidazole est un inhibiteur du cytochrome P450, enzyme responsable de dégradation des antivitamines K. De ce fait, une augmentation d’INR est possible lors de l’association métronidazole et antivitamine K avec, pour conséquence, la survenue d’hémorragie [33]. • Fluoro-uracile : augmentation de la toxicité du fluoro-uracile par diminution de sa clairance [34]. Les contre-indications des pénicillines et du métronidazole sont résumées dans le Tableau 4.
[8]
[3] [4]
[5]
[6]
[9] [10]
[11]
[12]
■ Conclusion Ainsi, selon la littérature, l’association amoxicillinemétronidazole est préconisée dans le traitement de diverses infections d’origine parodontale avec des signes cliniques, radiographiques, microbiologiques et histopathologiques caractéristiques d’une maladie parodontale. L’administration de l’association métronidazole-amoxicilline aboutit à : l’amélioration des conditions parodontales, l’élimination/suppression des
4
[13] [14]
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Q. Timour ([email protected]). Laboratoire de pharmacologie médicale, UFR, Faculté de Médecine Grange Blanche, Université Claude Bernard Lyon, Centre de Pharmacovigilance, Hospices Civils de Lyon. Toute référence à cet article doit porter la mention : Timour Q. Antibiotiques : avantages et inconvénients des pénicillines seules versus association pénicillines-métronidazole. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-012-B-11, 2007.
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¶ 22-012-C-11
Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes Q. Timour En odontostomatologie, le traitement de l’inflammation est souvent basé sur l’apport des antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS). Ce choix s’explique davantage par des habitudes acquises que sur des données scientifiques récentes. Les AINS couramment utilisés sont représentés par les salicylés ou par les propioniques, et ces derniers sont souvent administrés à des posologies habituellement analgésiques. Ces posologies ne permettent pas de lutter efficacement contre l’inflammation et ses conséquences (trismus, douleur). Or, la maîtrise de la douleur est un problème auquel se heurte quotidiennement le praticien. Le choix de l’anti-inflammatoire doit en tenir compte. Les corticoïdes sont plus efficaces que les AINS dans le traitement de l’inflammation quelle qu’en soit l’étiologie, la nature ou la localisation. De plus, la plupart des douleurs rencontrées en odontostomatologie sont d’origine inflammatoire : combattre l’inflammation est donc combattre la douleur. Par ailleurs, le choix de l’anti-inflammatoire doit tenir compte du terrain du patient auquel il est destiné. Il est nécessaire de peser le risque de son association au(x) traitement(s) du patient afin d’écarter le risque de la survenue d’effets indésirables (interactions médicamenteuses). Un traitement corticoïde correctement mené permet de lutter efficacement contre l’inflammation et ses conséquences (le trismus et la douleur) sous réserve du respect : des contre-indications : état infectieux, certaines viroses en évolution (notamment hépatites, herpès, varicelle, zona), états psychotiques encore non contrôlés par un traitement, vaccins vivants atténués, hypersensibilité à l’un des constituants ; du choix d’un produit à demi-vie intermédiaire (prednisolone, méthylprednisolone) ; du moment de son administration (toute la dose en une seule prise matinale) ; de la durée du traitement (courte : 4 jours au maximum) et de la modalité de l’interruption du traitement qui doit être brutale (et non progressive comme c’est le cas lors de la corticothérapie prolongée). Ce n’est qu’à la condition de respecter l’ensemble de ces règles que l’odontologiste peut prescrire les corticoïdes en toute sérénité. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Corticoïdes ; AINS ; Bénéfice/risque ; Odontostomatologie ; Douleurs inflammatoires
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Genèse de l’inflammation
1
¶ Différentes phases de l’inflammation Phase précoce vasculaire Phase tardive cellulaire avec migration des monocytes et macrophages
2 2
¶ Mécanismes d’action des anti-inflammatoires Mécanismes d’action des corticoïdes Mécanismes d’action des AINS
3 3 3
¶ Toxicité et effets indésirables des anti-inflammatoires Toxicité et effets indésirables des corticoïdes Toxicité et effets indésirables des AINS
3 3 5
¶ Applications cliniques des anti-inflammatoires Pourquoi utiliser un anti-inflammatoire ? Pourquoi utiliser un corticoïde ? Quelle dose employer ? Dans quelles indications ?
7 7 7 7 7
¶ Conclusion
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Stomatologie/Odontologie
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La prescription de tout médicament, anti-inflammatoires compris, doit tenir compte du rapport entre son efficacité (bénéfice : B) et sa toxicité (risque : R). Cette dernière peut être liée : à ses propriétés pharmacodynamiques et/ou pharmacocinétiques ; à des facteurs de risque présents chez un patient soit de façon quasi permanente (allergie) soit à un moment précis de son existence (âge, grossesse, pathologies diverses, traitements associés...). Le choix d’un anti-inflammatoire doit tenir compte de l’efficacité du produit et des facteurs de risque (rapport B/R) afin qu’une prescription à visée thérapeutique ne se complique pas d’une réaction pouvant être grave, voire menacer la vie du patient. C’est dans cet esprit que nous débattrons de cette question après avoir donné quelques précisions quant aux mécanismes d’action des anti-inflammatoires.
■ Genèse de l’inflammation L’inflammation indique la riposte de l’organisme à une agression dont la nature en odontostomatologie est habituellement soit infectieuse (maladies parodontales) soit traumatique (chirurgie implantaire ou parodontale, extractions de sagesses incluses, etc.).
1
22-012-C-11 ¶ Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes
La réaction inflammatoire a généralement pour but de protéger l’hôte mais peut, en odontostomatologie, contribuer également à la destruction tissulaire aboutissant chez certains individus à la perte d’attache et à la mobilité dentaire, voire à la perte des dents [1].
Voie de la cyclo-oxygénase : COX Fièvre
■ Différentes phases de l’inflammation L’inflammation se développe en deux phases.
Phase précoce vasculaire Elle nécessite l’intervention de l’histamine, des kinines (notamment de la bradykinine) et des prostaglandines. Ces médiateurs provoquent une augmentation de la perméabilité capillaire responsable de la fuite hors des vaisseaux des protéines, d’eau et d’électrolytes donc d’œdème et de douleur. Cette phase est accessible aux AINS qui inhibent la production des prostaglandines, issues de l’action de l’une des enzymes de dégradation de l’acide arachidonique, en l’occurrence, la cyclo-oxygénase. La cascade de réactions inflammatoires débute à partir des phospholipides membranaires dont la dégradation aboutit à la production de l’acide arachidonique. Ce dernier conduit, par deux voies métaboliques différentes, à la synthèse des prostaglandines (voie de la cyclo-oxygénase : COX) et à celle des leucotriènes (voie de la lipo-oxygénase) (Fig. 1). Il existe deux isoformes de la cyclo-oxygénase (COX) (Fig. 2) : • la COX1 : isoforme constitutive de la plupart des tissus. Les prostaglandines issues de la COX 1 assurent différentes fonctions telles que lutte contre l’ulcère digestif (PGE 2 ), déroulement de la grossesse (PGF2a) et oxygénation fœtale en maintenant ouvert le canal artériel (PGE2), etc. L’inhibition de la COX1 par les AINS explique d’ailleurs la plupart de leurs effets secondaires (Cf. infra) ;
COX1 (-)
(-) COX2
PG constitutives : effets protecteurs, par exemple de la muqueuse digestive
PG inductibles : • douleur • inflammation
Aspirine AINS
Inhibition = effets toxiques Figure 2. Effets cyclo-oxygénases.
Inhibition = effets thérapeutiques
des
AINS
sur
les
différentes
isoformes
de
• la COX2 : isoforme inductible par les cytokines, l’endotoxine, etc. qui interviennent dans la genèse de l’inflammation, douleur et fièvre. L’inhibition de la synthèse de la COX2 explique les effets thérapeutiques des anti-inflammatoires.
Phase tardive cellulaire avec migration des monocytes et macrophages Ces dernières sécrètent l’interleukine 1 (IL1) et le tumor necrosis factor-alpha (TNF-a) qui font partie des principales Figure 1. Voies métaboliques de production des prostaglandines et des leucotriènes. Sites d’action des anti-inflammatoires.
Phospholipides membranaires
O2
Phospholipase A2 (-) Acide arachidonique Corticoïdes
(+)
AINS
Lipomodulines (-) Voie de lipo-oxygénase
Voie de cyclo-oxygénase
Hydroperoxydes Endoperoxydes PGG2-PGH2 (+) Leucotriènes Isomérases Phase cellulaire de l'inflammation avec migration des monocytes et macrophages et libération d'enzymes qui entretiennent les phénomènes inflammatoires
SRS-A Phase vasculaire précoce de l'inflammation avec capillarodilatation, fuite des protéines, œdème, chaleur et douleur Allergie
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Stomatologie/Odontologie
Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes ¶ 22-012-C-11
cytokines inflammatoires [2]. Ces dernières sont à l’origine de la production de l’IL8 et du macrophage chemo-attractant protein-1 (MCP-1) qui attirent les neutrophiles et les mastocytes au foyer inflammatoire.
■ Toxicité et effets indésirables des anti-inflammatoires Toxicité et effets indésirables des corticoïdes (Tableau 1)
■ Mécanismes d’action des anti-inflammatoires Les mécanismes par lesquels les anti-inflammatoires s’opposent à l’inflammation et en suppriment les conséquences (œdème, douleur, trismus) dépendent de l’anti-inflammatoire utilisé.
Mécanismes d’action des corticoïdes Sur les cytokines L’expression de nombreux gènes impliqués dans la réaction inflammatoire (cytokines, enzymes, récepteurs, adhésion des molécules...) est inhibée par les corticoïdes. Ces derniers se fixent sur les récepteurs cytosoliques et, après différentes étapes intermédiaires, aboutissent à l’augmentation de la transcription des gènes codant pour les protéines anti-inflammatoires incluant la lipocortine 1, l’interleukine 10, antagonistes de récepteur d’interleukine 1 [3]. L’action anti-inflammatoire des corticoïdes résulte en réalité de l’interaction entre les récepteurs activés des corticoïdes et les facteurs de transcription, notamment nuclear factor-kappaB (NFkappaB) et l’activator protein-1 (AP-1) qui sont les médiateurs de l’expression des gènes de l’inflammation. Par ailleurs, les interactions entre corticoïdes et NF-kappaB aboutissent à une modification de l’activité des histones (protéines basiques en contact étroit avec l’ADN) et à un remodelage de la chromatine [4, 5]. Les cytokines modulent l’expression des molécules d’adhésion cellulaire (cadhérines, intégrines, sélectines, immunoglobulines dont l’intercellular adhesion molecule-1 [ICAM-1]). En inhibant l’expression des gènes des cytokines, les corticoïdes inhibent également leur activité modulatrice sur l’expression des molécules d’adhésion cellulaire.
Sur l’acide arachidonique Les corticoïdes en stimulant la lipomoduline inhibent l’activité des phospholipases C réduisant ainsi la production de l’acide arachidonique et, en conséquence, la synthèse des prostaglandines et celle des leucotriènes (Fig. 1).
Si l’utilisation des corticoïdes sur de courtes périodes peut être responsable de la survenue de réactions cutanées [6], de myopathie [7], d’hyperglycémie [8], de pancréatite [9], et de problèmes psychiatriques [10], neurologiques [11], vasculaires [12] hématopoïétiques [13] et immunologiques [14], ces effets sont généralement modérés et ne sont observés qu’avec des doses élevées de cortisol (80 à 200 mg ou équivalents). Ces effets régressent généralement à l’arrêt du traitement. Cependant, il faut en tenir compte et éviter de les administrer à des patients présentant, au préalable, de telles pathologies. Ces effets sont surtout observés avec le cortisol (non utilisé comme anti-inflammatoire mais comme traitement substitutif de l’insuffisance corticosurrénalienne). En revanche, l’utilisation prolongée des corticoïdes provoque de l’ostéoporose [15], de l’insuffisance corticosurrénalienne [16], des pathologies digestives ulcéreuses [17], des effets secondaires ophtalmologiques tels que glaucome [18], de l’hyperlipidémie [19]. Cette utilisation prolongée contrecarre, chez l’enfant, la croissance par atteinte des cartilages épiphysaires [20]. L’emploi régulier des corticoïdes utilisés par voie buccale, en modifiant le pH salivaire, peut également provoquer l’érosion des dents observée, par exemple, chez les asthmatiques les utilisant en inhalation [21]. D’une façon générale, les effets secondaires des corticoïdes sont de type métabolique (métabolisme hydrominéral, glucidique, calcique, protidique). Ils inhibent également l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et sont immunosuppresseurs et ulcérigènes.
Effets métaboliques Effet sur le métabolisme hydrominéral Il se traduit par une rétention du Na+ associée à une hypokaliémie et une alcalose. Ces effets sont fréquents avec le cortisol, mais faibles, voire absents avec les corticoïdes de synthèse (seuls ces derniers sont utilisés en odontostomatologie). Cependant si le patient est simultanément traité par d’autres hypokaliémiants (diurétiques de l’anse ou thiazidiques, minéralocorticoïdes, amphotéricine B ....), l’hypokaliémie s’aggrave et il faut donc éviter d’utiliser un corticoïde.
Mécanismes d’action des AINS
Effet sur le métabolisme des glucidiques
Les AINS ne s’opposent qu’à la production des prostaglandines en inhibant la voie de la cyclo-oxygénase, ce qui montre qu’ils n’interviennent que sur la phase vasculaire précoce de l’inflammation. Ils sont donc moins efficaces que les corticoïdes (Fig. 1).
L’emploi des corticoïdes retentit sur le métabolisme des glucides et provoque une augmentation de la néoglycogenèse et donc de la glycémie [22]. L’organisme réagit en augmentant la sécrétion de l’insuline qui augmente l’appétit et, surtout, mobilise les réserves lipidiques (effet sur le métabolisme des
Tableau 1. Toxicité et effets indésirables des corticoïdes. Effets indésirables
Cure courte en odontostomatologie
Traitement prolongé
Doses employées
Évolution à l’arrêt du traitement corticoïde
Cutanés, neurologiques, psychiatriques, immunologiques
Avec cortisol
Avec tous les corticoïdes
Fortes en cas de traitement court
Favorable en cure courte
Ostéoporose
Non
Possible
Doses thérapeutiques
Pas de régression
Insuffisance corticosurrénalienne
Non
Possible
Doses thérapeutiques
Favorable mais 1 an après l’interruption du traitement
Ulcère gastroduodénal
Non
Possible
Doses thérapeutiques
Nécessité de traitement antiulcéreux
Ophtalmologiques
Non
Possible
Doses thérapeutiques
Nécessité de traitement antiglaucomateux
Rétention Na+-excrétion K+
Non
Possible
Doses thérapeutiques
Nécessité de restaurer l’équilibre ionique
Doses thérapeutiques
NB : hypokaliémie possible si autres hypokaliémiants
Stomatologie/Odontologie
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22-012-C-11 ¶ Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes
Hypothalamus
survient, elle persiste durant toute la phase de l’administration des corticoïdes et environ 1 an après son interruption et peut provoquer, en cas de stress (quelle qu’en soit la cause) un collapsus circulatoire. Les recommandations en matière de corticothérapie doivent donc être parfaitement respectées par l’odontologiste (Cf. infra). En cas de traitement pour une durée inférieure ou égale à 5 jours, le traitement doit être interrompu brutalement. En revanche, si la durée du traitement est supérieure à 6 jours, le traitement doit être interrompu de façon progressive (Fig. 3). L’emploi local (nasal, oculaire...) des corticoïdes peut également, aux posologies élevées et en cas d’utilisation prolongée, provoquer une insuffisance corticosurrénalienne (ICS) (Tableau 1).
(-)
CRF
ICS si traitement corticoïde prolongé
Hypophyse
ACTH (-)
Corticoïdes et grossesse (Tableau 2)
Cortisol
CS (-)
Figure 3. Rythme de sécrétion du cortisol. ICS : insuffisance corticosurrénalienne.
lipides) vers la face et le tronc provoquant ainsi une obésité faciotronculaire (syndrome de Cushing : face lunaire). Chez le sujet déjà diabétique, la demande de l’insuline augmente sous corticoïdes. Effet sur le métabolisme calcique L’emploi des corticoïdes diminue l’absorption duodénale du Ca2+ aboutissant ainsi à une hypocalcémie. Cette dernière est suivie de la stimulation des parathyroïdes et de la libération de la parathormone (PTH). La PTH chélate le Ca2+ de l’os normalisant ainsi la calcémie mais au prix d’une résorption osseuse avec la survenue d’une ostéoporose chez l’adulte [23] et d’un rachitisme chez l’enfant [24].
Effets sur la réponse immune Il s’agit d’une réaction entraînant l’aggravation d’une infection existante ou l’activation d’une infection latente et l’accroissement de la susceptibilité à l’infection. Le risque est plus élevé chez les patients recevant de fortes doses de corticoïdes et chez ceux recevant, en plus, d’autres immunosuppresseurs. Les enfants recevant de fortes doses de corticoïdes présentent un risque spécifique du développement de maladies infantiles telles que la varicelle. Quelques cas d’accidents mortels ont été rapportés chez les patients atteints de varicelle et ayant pris des corticoïdes [25]. La corticothérapie est donc contre-indiquée chez les enfants atteints de la varicelle ou susceptibles d’en être contaminés [26].
Effets sur le tractus gastro-intestinal Les corticoïdes comme les AINS sont toxiques pour la muqueuse digestive. En effet, les corticoïdes augmentent la fréquence de survenue des ulcères gastro-duodénaux (UGD) qui passe de 1 % (patient contrôle ne recevant pas de corticoïdes) à 2 % sous corticoïdes [27]. Cependant, ce risque semble être plus élevé avec les AINS [28]. Il en est de même des hémorragies digestives faibles avec les corticoïdes mais plus abondantes lors de l’association corticoïdes-AINS [29]. Une telle association est donc à éviter [30].
Effets sur le fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien La cortisolémie matinale est très élevée (5 fois plus que la nuit) et provoque, de ce fait, par un mécanisme de feed back négatif, la mise au « repos » des glandes surrénales (Fig. 3). Lorsque la cortisolémie diminue (vers minuit), il y a de nouveau la reprise de l’activité surrénalienne (rythme circadien). En cas de corticothérapie prolongée, la survenue d’une insuffisance corticosurrénalienne est une réalité incontestable. Lorsqu’elle
L’emploi des corticoïdes durant la grossesse fait poser la question de leurs éventuels effets tératogènes et/ou fœtotoxiques : • sont-ils tératogènes ? Si des fentes sphénopalatines ont été rapportées chez l’animal, aucun effet notable de ce type n’est à craindre dans l’espèce humaine. En effet, un rapport du UK Commettee on Safety of Medecine conclut qu’il n’y a aucune preuve convaincante que l’emploi des corticoïdes durant la grossesse puisse augmenter l’incidence de malformations congénitales. Si en cas d’utilisation prolongée et répétée il y a un risque de retard de développement intra-utérin, le traitement de courte durée ne semble poser aucun problème [31, 32] ; • sont-ils fœtotoxiques ? Aucune étude, à notre connaissance, n’a démontré d’effets toxiques chez le fœtus ni sur le développement psychologique de l’enfant [33] . La survenue d’insuffisance corticosurrénalienne [34] ou d’immunosuppression [35] n’a pas été rapportée chez l’enfant traité avant la naissance par les corticoïdes.
Interactions médicamenteuses (Tableau 3) D’ordre pharmacocinétique Au niveau hépatique : les inducteurs enzymatiques [36] tels que les barbituriques, carbamazépine, phénytoïne, rifampicine peuvent en augmentant la destruction des corticoïdes en réduire l’efficacité. Le phénomène inverse s’observe avec les inhibiteurs enzymatiques tels que le ritonavir, les antifungiques (kétoconazole, itraconazole) ou encore l’érythromycine [37] qui augmentent les concentrations plasmatiques des corticoïdes. Au niveau rénal : les diurétiques de l’anse et les diurétiques thiazidiques qui favorisent l’excrétion des ions K+ provoquant ainsi une hypokaliémie peuvent lors de leur association aux corticoïdes provoquer une perte excessive du K+ responsable d’hypokaliémies sévères. Un risque similaire d’hypokaliémie existe lors de l’association des corticoïdes à l’amphotéricine B et aux bronchodilatateurs tels que les b2 agonistes. L’hypokaliémie provoquée par les corticoïdes peut accroître le risque de la genèse des torsades de pointe (arythmie ventriculaire sévère) lors de l’emploi des médicaments potentiellement torsadogènes (sultopride, macrolides, Prepulsid®, quinidine et quinidiniques, sotalol, amiodarone, la plupart des neuroleptiques, etc.). NB : les inhibiteurs calciques accroissent également les concentrations plasmatiques des corticoïdes et, en conséquence, augmentent le risque de survenue de l’insuffisance corticosurrénalienne [38]. Interactions d’ordre pharmacodynamique • Avec les anticoagulants antivitamine K (AVK) et héparines : attention à l’effet propre des corticoïdes et à la potentialisation probable des effets des AVK et de ceux des héparines.
Tableau 2. Toxicité comparative des corticoïdes versus AINS durant la grossesse. Tératogènes
Fœtotoxiques
CAT
Contre-indication
Corticoïdes
Non
Non
Durée du traitement aussi courte que possible
Non
AINS
?
Oui
Ne pas les utiliser en fin de grossesse
Oui
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Stomatologie/Odontologie
Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes ¶ 22-012-C-11
Tableau 3. Interactions médicamenteuses des corticoïdes. Corticoïdes +
Mécanisme
Risque
CAT
Inducteurs enzymatiques (barbituriques, diphénylhydantoïne, carbamazépine, rifampicine)
Cinétique
Destruction accrue des corticoïdes donc baisse de l’efficacité
Association à éviter*
Inhibiteurs enzymatiques
Cinétique
Destruction retardée, augmentation de la toxicité
Association à éviter*
Diurétiques hypokaliémiants, minéralocorticoïdes, amphotéricine B
Cinétique
Hypokaliémie, torsades de pointes
Association à éviter**
Antidiabétiques
Dynamique
Augmentation de la glycémie
Association à éviter*
AVK et héparines
Dynamique
Effets propres et potentialisation de l’effet des anticoagulants. Hémorragie
Association à éviter**
AINS
Dynamique
Potentialisation réciproque de l’effet ulcérigène
Association à éviter**
Survenue d’ulcère gastroduodénal Vaccins vivants atténués
Immunologique
Accidents mortels possibles
Association à éviter***
* association possible si réadaptation posologique ; ** association possible sous surveillance clinique et biologique ; *** association contre-indiquée.
Tableau 4. Toxicité et effets secondaires des AINS. Réactions
Allergiques
PG-indépendantes
PG-dépendantes
AINS
Urticaires
SNC : céphalées, vertiges, perte d’audition, acouphène
Digestives : UGD
Choc anaphylactique
Œil : baisse de l’acuité visuelle avec déficit du champ visuel
Rénales : IRF voire IRO
Syndrome de Lyell
Cardiovasculaire : augmentation de la PA, IC
Pulmonaire : bronchospasme
Syndrome de Stevens-Johnson
Hépatite immunologique : syndrome de Reye Fertilité : baisse possible chez la femme
SNC : système nerveux central ; PA : pression artérielle ; IC : insuffisance cardiaque ; UGD : ulcère gastroduodénal ; IRF : insuffisance rénale fonctionnelle ; IRO : insuffisance rénale organique.
• Avec les AINS. • Avec les vaccins vivants atténués (VVA) : risque de maladie généralisée éventuellement mortelle, notamment chez les sujets immunodéprimés. Les VVA sont des vaccins dirigés contre des virus (poliomyélite par voie orale, rougeole, rubéole, oreillons, fièvre jaune, ...). Il existe un seul vaccin antibactérien de ce type largement utilisé chez l’homme : le vaccin contre la tuberculose ou BCG (bacille de Calmette-Guérin).
Toxicité et effets indésirables des AINS (Tableau 4) La toxicité et les effets secondaires des AINS sont de trois types : allergique, prostaglandines indépendantes (PGindépendantes) et prostaglandines dépendantes (PG-dépendantes).
Effets allergiques De nombreuses réactions telles que rash cutanés, urticaires, rhinites et angioœdèmes peuvent s’observer avec n’importe quel AINS [39]. Cependant, trois faits sont à signaler : • les chocs anaphylactiques bien que possibles sont rares ; • des réactions de bronchospasme connues sous le nom de l’asthme à l’aspirine ne seraient pas des réactions de nature allergique mais PG-dépendante (Cf. infra) ; • des atteintes cutanées ou muqueuses sévères telles que syndrome de Lyell (nécrolyse épidermique) ou de StevensJohnson semblent avoir une composante allergique. De telles réactions sont rapportées avec la plupart des AINS, notamment avec les oxicams [40]. Certains auteurs imputent de telles réactions à la plupart des AINS et à l’aspirine et soulignent sa nature allergique [41].
Effets indésirables PG-indépendants Au niveau du système nerveux central : les effets néfastes centraux de l’aspirine [42] sont observés notamment à de fortes doses et incluent céphalées, vertiges, nervosités, acouphène, Stomatologie/Odontologie
dépression, somnolence et insomnies. La perte d’audition et l’acouphène sont les réactions les plus fréquentes observées avec les AINS. Au niveau oculaire : une baisse très importante de l’acuité visuelle peut s’observer avec les AINS notamment avec l’ibuprofène [43]. En effet, utilisé à raison de 400 mg, 3 fois par jour, l’ibuprofène a provoqué une baisse considérable de l’acuité visuelle (10/100) et la suppression de la réponse lors de potentiels évoqués visuels (VEP) ainsi qu’une perte de champ visuel. Le retour à la normale n’est observé qu’au bout d’environ 1 an et sous traitement avec une héparine de bas poids moléculaire associée à un corticoïde (méthylprednisolone). Il s’agit d’une névrite optique avec déficit du champs visuel : visual field defect [43]. Au niveau cardiovasculaire : l’ensemble des AINS peuvent accroître la pression artérielle. Ce risque est plus élevé avec l’indométacine, le piroxicam et l’ibuprofène. Ils s’opposent également à l’action antihypertensive des médicaments antihypertenseurs : d’une part par la rétention du Na+ liée à leur emploi et d’autre part probablement par un effet anti-PG. De plus, ces produits peuvent provoquer une insuffisance cardiaque. Syndrome de Reye : il s’agit de la survenue sous aspirine d’une encéphalopathie d’origine hépatique souvent associée à une stéatose du foie et à une sévère hypoglycémie. Ce syndrome survient notamment chez l’enfant avant l’âge de 12 ans lorsqu’il souffre de pathologies infectieuses virales telles que la varicelle [44]. L’utilisation d’un AINS, dans le traitement de la fièvre et/ou de la douleur, n’est pas recommandée chez l’enfant atteint de varicelle ou d’influenza [45]. Les autorités sanitaires anglaises préconisent de ne pas prescrire d’aspirine chez les adolescents de moins de 16 ans [46]. Autres effets : • hépatite cholestatique avec le sulindac [47] et pancréatites également avec sulindac ont été rapportées [48] ; • par ailleurs, l’emploi chronique des AINS peut chez la femme être responsable d’infertilité. Cet effet semble être lié à l’inhibition de la synthèse des PG via COX2, compromettant
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22-012-C-11 ¶ Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes
Tableau 5. Interactions médicamenteuses des AINS. AINS +
Mécanisme
Risque
CAT
Pansements gastriques
Cinétique
Baisse de l’efficacité
Espacement des prises : 2 h
AVK
Cinétique
Augmentation de l’INR
Association à éviter***
Hémorragie MTX
Cinétique
Hémorragie de toutes les muqueuses et toxicité hématologique
Association à éviter***
Sulfamides hypoglycémiants
Cinétique
Baisse de la glycémie
Préférer les corticoïdes
Sels de lithium
Cinétique
Toxicité neurologique et cardiovasculaire
Association à éviter***
Antihypertenseurs
Cinétique
Baisse de l’efficacité des antihypertenseurs
Association à éviter*
Corticoïdes
Dynamique
Toxicité digestive
Contre-indiquée**
Antithrombotiques
Dynamiques
Hémorragie
Contre-indiquée*
* association possible si réadaptation posologique ; ** association possible sous surveillance clinique et biologique ; *** association contre-indiquée.
ainsi l’ovulation. Les auteurs suggèrent d’éviter de recourir aux AINS si la femme souhaite une grossesse [49].
Effets indésirables PG-dépendants Au niveau digestif : les AINS peuvent provoquer une inflammation ou un ulcère au niveau du tractus digestif. Des complications hémorragiques d’UGD ne sont pas rares. Le mécanisme est complexe. Il est à la fois lié à la toxicité locale PG-dépendante et à la toxicité générale PG-indépendante des AINS. Ce dernier mécanisme s’explique par l’inhibition de la COX1 constitutive [50] permettant dès lors la rétrodiffusion cellulaire des ions H+ précisément inhibée par les PG. De ce fait, l’utilisation des anti-COX2 sélectifs [51] était recommandée car, a priori, ces produits étaient moins toxiques pour la muqueuse digestive. Leur retrait du fait de leur retentissement cardiaque relance le problème de l’emploi des AINS chez les patients souffrant déjà d’UGD. De nombreux facteurs favorisent la survenue d’UGD. Il s’agit du sujet âgé, d’antécédents d’UGD ou d’antécédents d’hémorragie gastroduodénale, d’emploi concomitant de corticoïdes [52]. Le risque est également élevé chez l’enfant [53] ainsi que chez les patients chez qui la présence d’Helicobacter pylori a été confirmée. Le risque d’UGD persiste même si Helicobacter pylori a été éradiqué [54]. En cas de prescription d’un anti-inflammatoire chez un sujet atteint d’UGD et/ou de RGO, il faut : • préférer les corticoïdes aux AINS ; • faire précéder la prise d’anti-inflammatoire de la prise d’un inhibiteur de pompe à protons tel que l’oméprazole (Mopral®, par exemple, 1 cp de 20 mg la veille de la prise des corticoïdes, poursuivre le traitement avec Mopral® pendant toute la durée de corticothérapie et l’arrêter 48 heures après l’arrêt des corticoïdes). Au niveau rénal : les AINS peuvent provoquer des désordres rénaux avec une insuffisance rénale fonctionnelle, voire organique (par modifications des régimes de pression au niveau des artères glomérulaires) lors de leur utilisation topique ou systémique [55]. La plupart de ces effets sont liés à l’inhibition de la synthèse des PG [56]. Les facteurs de risque sont le sujet âgé, ceux traités par des diurétiques ou par des inhibiteurs de l’enzyme de conversion [57]. Au niveau pulmonaire : il semblerait que la survenue de l’asthme à l’aspirine soit liée à l’inhibition de la synthèse des PG pulmonaires dont la présence dans les bronches provoque, physiologiquement une bronchodilatation. L’inhibition de leur synthèse laisse le champ libre aux leucotriènes également présents dans les bronches qui provoquent donc une bronchoconstriction [58]. L’hypothèse d’une action antiprostaglandine l’emporte sur celle d’une réaction allergique. En effet, l’asthme provoqué par l’aspirine contre-indique l’emploi de tous les AINS. Ces derniers ne partageant pas tous la même structure (pas d’analogie
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structurale entre les différents AINS), une réaction d’allergie croisée est donc a priori exclue, ce qui plaide en faveur d’un mécanisme commun partagé par tous les AINS en l’occurrence un effet antiprostaglandine.
AINS et grossesse (Tableau 2) Il est toujours difficile de parler d’effet tératogène de l’aspirine et des AINS en général (à l’exception des indoliques) en l’absence de preuves formelles, il est en revanche unanimement admis que les AINS inhibent la synthèse des PG de type : • PGE2, favorisant la fermeture prématurée du canal artériel fœtal [59, 60] avec pour conséquence une hypertension artérielle pulmonaire persistante à la naissance [61] . Des cas d’insuffisance ventriculaire droite ont également été rapportés [62] ; • * PGF2a, dont l’inhibition de la synthèse augmente d’une part la durée de la grossesse (risque de postmaturité évaluée par certains auteurs à 1 semaine [59]) et d’autre part augmente la durée de l’accouchement. Il est à rappeler que les concentrations utérines de PGF 2 a sont supérieures chez la femme enceinte par rapport à son homologue non enceinte et que ces concentrations augmentent avec l’évolution de la grossesse. Elles jouent un rôle important (à côté de l’ocytocine posthypophysaire) dans le déclenchement des contractions utérines permettant l’accouchement ; • thromboxane A2 (TXA2), dont l’inhibition de production consécutive à l’inhibition de la voie de la COX1 par les AINS, notamment l’aspirine, explique l’effet antiagrégant plaquettaire des AINS (cet effet est irréversible avec les salicylés), ce qui explique les hémorragies per partum avec de tels produits.
Interactions médicamenteuses (Tableau 5) Elles sont nombreuses et parfois de conséquences graves. L’administration d’un AINS nécessite au préalable un interrogatoire soigneux visant à connaître le(s) traitement(s) prescrit(s) à un patient. Les interactions s’expliquent par deux grands mécanismes. Pharmacocinétique Lorsque l’administration de l’AINS interfère avec l’une des étapes cinétiques d’un autre médicament. Il s’agit donc d’interaction à différents niveaux. Au niveau digestif : avec les pansements gastriques (Gaviscon ® , Phosphalugel ® , Maalox ® ...) dont la présence retarde l’absorption des AINS. De plus, en alcalinisant les urines, les antiacides (pansements gastriques) augmentent l’excrétion des AINS conduisant ainsi à une baisse de concentration et en conséquence d’efficacité de ces produits. La prise de pansements digestifs est indiquée soit pour un UGD, soit pour un reflux gastro-œsophagien (RGO), deux pathologies pouvant contre-indiquer l’administration des AINS qui sont rappelons-le ulcérigènes. En revanche, le métoclopramide augmente l’absorption digestive de l’aspirine. Stomatologie/Odontologie
Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes ¶ 22-012-C-11
Au niveau plasmatique : les AINS (médicaments acides faibles) se fixent sur l’albumine plasmatique sur laquelle se fixent également tous les autres médicaments acides faibles. Lorsque deux médicaments acides faibles sont simultanément présents, une compétition dans la fixation aux protéines plasmatiques peut avoir lieu et c’est toujours l’AINS qui chasse l’autre acide faible, quel qu’il soit. S’il s’agit d’une AVK, l’augmentation de sa fraction libre (donc non liée à l’albumine) accroît l’INR (International Normalized Ratio), donc la toxicité des AVK qui se traduit par des réactions hémorragiques d’autant plus sévères que l’INR est plus élevé. À noter que : • seule la fraction libre d’un médicament est active. Lorsque le médicament est fixé aux protéines plasmatiques, la quantité fixée indique la fraction de réserve qui se libère au fur et à mesure que la fraction libre est détruite et éliminée ; • l’INR remplace aujourd’hui le taux de prothrombine dont l’évaluation de l’efficacité des AVK. En règle générale, sa valeur thérapeutique se situe entre 2,5 (thrombose veineuse profonde) et 4,5 (prothèse valvulaire cardiaque). La valeur imposée par le cardiologue ne doit en aucun cas être modifiée par l’odontologiste ou le stomatologue sous peine de réactions hémorragiques (si l’INR augmente, lors d’interaction AVK-AINS, par exemple) ou thrombotiques (si l’INR diminue, cf. infra). Une interaction pharmacocinétique par compétition au niveau de l’albumine peut également s’observer entre : • AINS et sulfamides hypoglycémiants avec pour conséquence la chute de glycémie pouvant, dans les cas sévères, conduire au coma hypoglycémique ; • AINS et méthotrexate (MTX) pouvant conduire à l’augmentation de la toxicité du MTX avec hémorragie de toutes les muqueuses, et atteintes des lignées sanguines. Le MTX est un antinéoplasique qui appartient à la famille des antimétabolites (antivitamine B 9 ) antiacide folique. Il est habituellement utilisé dans le traitement des carcinomes bronchiques, placentaires, mammaires ainsi que dans le traitement de polyarthrite rhumatoïde et dans celui du psoriasis. Au niveau rénal : l’aspirine augmente la toxicité des sels du lithium dont elle augmente la rétention. En fait, le lithium suit le métabolisme du Na + . La rétention du Na + par les AINS explique la rétention du Li 2+ avec risque neurologique et cardiovasculaire. La cardioprotection exercée par l’aspirine est abolie lors de son association à l’ibuprofène. Une telle association est donc à éviter. Il en est de même de toute association des AINS entre eux [63]. Interactions pharmacodynamiques Le plus grand risque consiste en l’accroissement de la toxicité digestive des AINS associés entre eux [64] ou associés aux corticoïdes [65]. Il ne faut pas oublier que certains AINS comme l’aspirine et l’ibutilide ont des propriétés antithrombotiques (antiagrégants plaquettaires) et de ce fait leur association à d’autres antithrombotiques (AVK, héparines et fibrinolytiques) comporte un risque sérieux de réactions hémorragiques.
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■ Applications cliniques des anti-inflammatoires Pourquoi utiliser un anti-inflammatoire ? L’emploi des anti-inflammatoires est justifié dans le traitement de l’inflammation et des douleurs qui, en odontostomatologie, sont très souvent d’origine inflammatoire [66]. Il n’y a que peu d’études comparant l’efficacité des corticoïdes à celle des AINS. La plupart des études disponibles comparent l’efficacité des AINS à celle des analgésiques et montrent que les antiinflammatoires sont plus efficaces que le paracétamol dans la suppression des douleurs dentaires soulignant ainsi la nature inflammatoire de ces douleurs. Stomatologie/Odontologie
Pourquoi utiliser un corticoïde ? L’efficacité des corticoïdes dans le traitement des douleurs d’origine inflammatoire et dans celui de l’inflammation ellemême est soulignée dans de nombreux travaux. Une première étude [67] indique l’efficacité des corticoïdes dans les douleurs dentaires (endodontic interappointment pain) avec inflammation pulpaire asymptomatique. Les auteurs ont utilisé, en double aveugle, soit 3 cp de 12 mg de dexaméthasone, soit une dose équivalente d’un placebo (dextrose) en apparence identique aux comprimés de dexaméthasone. Les résultats ont montré que l’administration per os de dexaméthasone a entraîné une baisse significative de la perception des sensations douloureuses versus placebo (p < 0,01). D’autres auteurs [68] montrent l’efficacité de la dexaméthasone administrée par voie orale ou injectée en intramusculaire dans les douleurs consécutives aux traitements endodontiques. L’efficacité des corticoïdes en utilisation topique endoalvéolaire ou en injection sous-muqueuse est apportée dans l’étude de Graziani et al. [69]. Ces auteurs ont évalué l’efficacité de la dexaméthasone dans le contrôle d’œdème, trismus et douleurs à j1 et à j7 après l’intervention contre l’efficacité d’un placebo et concluent que les corticoïdes avaient réussi à réduire de façon significative l’œdème, le trismus et la douleur. Des résultats similaires attestant l’efficacité des corticoïdes en cas de chirurgie au niveau de la cavité buccale ont été rapportés dans la littérature par de nombreux auteurs [70-74]. La plupart des auteurs rapportent une efficacité sur la douleur (en utilisant l’échelle visuelle analogique), sur le trismus (en mesurant la distance interincisive) et sur l’œdème.
Quelle dose employer ? Dans une étude récente Numazaki et Fujii [75] confirment l’efficacité d’un prétraitement corticoïde en prévention de douleurs postchirurgicales. Les auteurs qui ont étudié l’effet de différentes doses de dexaméthasone concluent que le meilleur effet était obtenu avec une dose de 8 mg. La dose de 16 mg n’apportait rien de plus sur le plan thérapeutique. Cette étude était faite chez les patients programmés pour une chirurgie buccale réalisée sous anesthésie générale. L’utilisation de la dexaméthasone a été faite par voie intraveineuse (IV) et s’est avérée efficace dans la réduction des douleurs postchirurgicales (la demande en diclofénac était réduite dans le groupe prétraité par la dexaméthasone). Dans un intéressant article, Alexander et Throndson [76] ont effectué une revue générale de l’utilisation des corticoïdes lors de chirurgies des dents incluses, des extractions multiples, de remodelage alvéolaire tel que alvéoloplastie, vestibuloplastie, ainsi que dans toutes sortes de chirurgie extensive. Ils préconisent l’emploi d’un corticoïde, la dexaméthasone en l’occurrence, à raison de 2 cp de 4 mg, la veille de l’intervention (ou le matin de l’intervention si la chirurgie est programmée dans l’aprèsmidi) et l’administration de la même dose le lendemain et le surlendemain de la chirurgie. Ces auteurs concluent que l’emploi de corticoïdes permet de réduire la réponse inflammatoire à une agression traumatique d’origine chirurgicale.
Dans quelles indications ? Les corticoïdes peuvent être utilisés dans le traitement des douleurs liées à l’inflammation pulpaire, dans les douleurs consécutives aux traitements endodontiques et dans le traitement des péricoronarites. Dans cette dernière indication, ils sont associés aux antibiotiques. Ils sont également et surtout utilisés dans la prévention de l’œdème et de la douleur lors de la chirurgie buccodentaire (Tableau 6). Il est à noter que : • l’association corticoïdes-AINS ne permet d’obtenir aucun bénéfice supplémentaire dans la réduction d’œdème alors que le risque de survenue d’atteinte digestive ulcéreuse s’accroît significativement ; • l’antibiothérapie n’est pas nécessaire si la corticothérapie est instaurée à titre prophylactique pour une courte durée, sauf bien entendu en cas de risque infectieux postopératoire
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Tableau 6. Règles de la corticothérapie en odontostomatologie. Produits utilisés
Produits à demi-vie intermédiaire tels que : prednisolone (Solupred®) méthylprednisolone (Médrol®, Solu-Médrol®)
Doses utilisées
®
Exemple de Solupred : 1 mg/kg (soit 3 cp de 20 mg pour un adulte pesant 60 kg) Médrol : 2 cp de 4 mg pour un adulte pesant 60 kg
Moment de prise
Uniquement le matin*
Durée de traitement
4 jours maximum en commençant la veille de l’intervention en cas de chirurgie programmée
Arrêt de l’administration
Brutal
Association aux antibiotiques
Non (sauf si justifiée par l’état infectieux buccodentaire)
* La première dose peut être donnée à un autre moment en fonction des exigences cliniques. Mais la seconde et les suivantes doivent TOUJOURS être administrées en une seule dose matinale.
Tableau 7. Prescription des anti-inflammatoires en odontostomatologie chez des patients souffrant de diverses pathologies. Affections préexistantes
AINS
Corticoïdes
CAT
UGD
Non
Oui
Association au Mopral®
Asthme à l’aspirine
Non
Oui
AINS contre-indiqués
Terrain atopique
Non
Oui
RAS
Diabète insulinodépendant
Oui
Non
Si corticoïdes augmenter le nombre d’unités d’insuline
Diabète non insulinodépendant
Non
Oui
Surveillance stricte de la glycémie
Ostéoporose et rachitisme
Oui
Non
RAS
Statut immunitaire altéré
Oui
Non
RAS
Pathologies bronchopulmonaires
Non
Oui
RAS
Insuffisance rénale
Non
Oui
RAS
Hémopathies hémorragiques
Non
Oui
RAS
UGD : ulcères gastroduodénaux.
clairement établi ou en cas d’utilisation chez des patients présentant un statut immunitaire altéré (dans ce cas s’abstenir de l’emploi des corticoïdes). En cas d’utilisation des corticoïdes dans le traitement de péricoronarite, le recours aux antibiotiques peut être envisagé ; • en cure courte (inférieure à 4 à 5 jours), le traitement peut et doit être interrompu brutalement. L’odontologiste doit tenir compte d’éventuelles pathologies présentes chez son patient dans le choix de l’anti-inflammatoire (Tableau 7). L’ensemble de ces résultats montre une efficacité certaine des corticoïdes dans la prévention de l’inflammation et de ses conséquences (douleur, trismus, œdème) en cas de chirurgie programmée et en cas de traitement endodontique. En revanche, il n’y a que peu d’études comparant l’efficacité antiinflammatoire des corticoïdes versus AINS. Cependant, le mécanisme d’action des corticoïdes indique une action en amont de la synthèse de l’acide arachidonique contrecarrant la biosynthèse des deux voies métaboliques, cyclo-oxygénase et lipo-oxygénase, donc sur les phases vasculaires et cellulaires de l’inflammation associée à une action anticytokines alors que seule la phase vasculaire de l’inflammation est accessible aux AINS. Il est donc possible d’admettre une supériorité d’effet des
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“
Points essentiels
Respecter les contre-indications de la corticothérapie. En cas de recours aux corticoïdes, ces derniers doivent être administrés en préopératoire, depuis la veille, à de fortes doses en une seule prise matinale et durant au moins 2 jours suivant la chirurgie (durée totale du traitement : 4 jours). Un tel usage : • ne peut pas interférer avec les processus de guérison ; • ne provoque pas d’insuffisance corticosurrénalienne qui n’est à craindre que si la durée du traitement excède 6 à 7 jours ; • ne doit pas être associé aux AINS ; • ne nécessite pas d’antibiothérapie systématique.
corticoïdes sur les AINS, ce qui justifie pleinement l’emploi des corticoïdes en chirurgie odontostomatologique en respectant les contre-indications à leur emploi.
■ Conclusion À la lumière des données décrites dans la littérature et rapportées ci-dessus, il est possible d’admettre la supériorité des corticoïdes sur les AINS en termes : d’efficacité (Tableau 8), de toxicité (Tableau 9) en cas de cure courte et en l’absence des contre-indications. Le rapport bénéfice/risque est donc en faveur des corticoïdes qui doivent être utilisés (en l’absence des contreindications) par les odontostomatologistes dans la prévention et le traitement de toute inflammation et douleur d’origine chirurgicale ainsi que dans le traitement des douleurs liées aux Tableau 8. Bénéfice/risque comparatif des anti-inflammatoires. AINS
Corticoïdes
Efficacité
Faible
+++
Toxicité
+++
Très faible en cure courte
Choix
+++ dans les inflammations aiguës et en l’absence des contre-indications
Tableau 9. Toxicité comparative des anti-inflammatoires. Molécules/ Effets toxiques
AINS
Corticoïdes
Syndrome de Lyell, de Stevens-Johnson, de Reye
Oui
Non
Ulcère gastroduodénal
Oui (fréquents et sévères)
Oui, moins fréquents et moins sévères
Bronchospasme
Oui
Non
Effets MB
Non
Oui : diabète Ostéoporose, en cas de traitement prolongé
Immunosuppression
Non
Oui (pas de nécessité d’antibiothérapie sauf une infection à traiter)
IAM
Fréquente albumine, rein
Vaccins vivants atténués : dirigés contre les virus poliomyélite par voie orale, rougeole, rubéole, oreillons, fièvre jaune,...) dirigé contre les bactéries : BCG Hypokaliémie
Stomatologie/Odontologie
Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes ¶ 22-012-C-11
traitements endodontiques et dans celui des péricoronarites. Dans cette dernière indication, ils peuvent être associés à un antibiotique. Il est à rappeler que l’odontologiste a, pratiquement toujours, à faire face à une inflammation de caractère aigu (un peu comme les ORL, grands utilisateurs des corticoïdes) et non à une inflammation de caractère chronique qui, comme en rhumatologie, nécessite souvent l’emploi d’un AINS. Cependant, en cas de contre-indications de la corticothérapie, la prescription d’un AINS peut être envisagée. Elle doit tenir compte des mêmes recommandations nécessaires à l’établissement du rapport B/R. Ce dernier semble être en faveur des AINS tels que les dérivés de l’acide phénylacétique du groupe des acides arylcarboxyliques représentés par le diclofénac (Voltarène®) comparativement aux salicylés et aux propioniques.
L’auteur remercie : • le Pr Jacques Descotes, chef du service, Centre antipoison – Centre de pharmacovigilance pour ses conseils avisés et aide précieuse dans la rédaction de ce manuscrit ; • le Dr B. Bui-Xuan, maître de conférences, praticien hospitalier, pour son aide à l’élaboration du cas clinique. .
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Stomatologie/Odontologie
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9
22-012-C-11 ¶ Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes
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Q. Timour ([email protected]). Laboratoire de pharmacologie médicale, UFR, Faculté de Médecine Grange Blanche, Université Claude Bernard Lyon I, 8, avenue Rockefeller, 69373 Lyon cedex 08, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Timour Q. Anti-inflammatoires : avantages et inconvénients des AINS versus corticoïdes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-012-C-11, 2007.
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Stomatologie/Odontologie
¶ 22-012-A-10
Antiseptiques en chirurgie dentaire et stomatologie D. Muster L’appellation antiseptique est aujourd’hui limitée aux produits utilisés sur peau ou muqueuse lésée, alors que les désinfectants concernent les surfaces inertes (sols, dispositifs médicaux) et la peau saine (solutions biocides). Les antiseptiques sont des médicaments (agents antimicrobiens) dont l’utilisation thérapeutique doit être précise et limitée dans le temps. La pathologie infectieuse constitue un important motif de consultation en chirurgie dentaire et stomatologie : suites chirurgicales ; stomatites bactériennes, virales ou mycosiques ; pathologies parodontales, périapicales ou carieuses. Le prescripteur doit connaître les effets indésirables locaux ou plus rarement généraux des molécules qu’il utilise, ainsi que les incompatibilités éventuelles des associations d’antiseptiques. Les antiseptiques majeurs, bactéricides à large spectre, sont surtout représentés par les biguanides et les dérivés iodés ou chlorés. D’autres antiseptiques peuvent également rendre des services, mais à condition de bien connaître leurs limites. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Antiseptiques ; Bains de bouche ; Activité antimicrobienne ; Infections orales ; Chlorhexidine ; Hexétidine ; Ammoniums quaternaires ; Povidone iodée ; Dérivés phénoliques ; Peroxyde d’hydrogène ; Chirurgie dentaire
■ Généralités
Plan ¶ Généralités Définitions et mécanismes d’action Qualités attendues Facteurs influençant l’activité des antiseptiques Critères de choix Principes généraux d’utilisation Prescription
1 1 2 2 3 3 3
¶ Principales catégories d’antiseptiques utilisés Biguanides Dérivés halogénés Alcools Acides Ammoniums quaternaires Hexahydropyrimidines Phénols Formaldéhydes Carbanilides Amidines Agents oxydants non halogénés Colorants Dérivés métalliques Antiseptiques d’origine végétale Associations d’antiseptiques
4 4 5 5 6 6 6 6 7 7 7 7 8 8 8 8
¶ Conclusion
8
Stomatologie/Odontologie
[1-3]
Définitions et mécanismes d’action [4-7] L’antisepsie est un acte médical préventif ou thérapeutique vis-à-vis d’infections localisées, superficielles ou profondes. Elle est réalisée au moyen d’antiseptiques, produits ayant une activité antibactérienne, antifongique et antivirale à l’égard des micro-organismes présents sur la peau et les muqueuses et, en tant que médicaments, ayant des indications, des règles d’utilisation et des précautions d’emploi bien définies. L’appellation antiseptique est aujourd’hui limitée aux produits utilisés sur peau ou muqueuse lésée, alors que les désinfectants concernent les surfaces inertes (sols, dispositifs médicaux) et la peau saine (« solution biocide »). Autrefois régis par les normes Afnor, les désinfectants doivent désormais répondre aux normes CE, alors que les antiseptiques ont accédé au statut de médicaments et doivent donc être soumis à une autorisation de mise sur le marché (AMM) tout en répondant aux exigences de la pharmacopée française : indication de l’activité avec et sans substance interférente, propreté microbiologique ou stérilité, étiquetage. Les antiseptiques sont donc devenus des agents « antimicrobiens » utilisés dans des conditions précises. Les normes européennes sont élaborées en consensus par les acteurs du marché (producteurs, utilisateurs, pouvoirs publics, consommateurs). Leur emploi inconsidéré peut être source de réactions allergiques diverses tant chez les patients [8] que chez les soignants [9]. La toxicité sélective (toxicité vis-à-vis des micro-organismes, mais pas des cellules humaines) est de première importance pour les antiseptiques. Le degré de sélectivité des agents antiseptiques peut varier en fonction des tissus avec lesquels ils viennent en contact. Un antiseptique conçu pour le lavage des mains peut être moins sélectif qu’un antiseptique utilisé dans
1
22-012-A-10 ¶ Antiseptiques en chirurgie dentaire et stomatologie
Tableau 1. Spectre d’activité théorique des principaux antiseptiques (d’après Plats et al., 2002). Bactéries à Gram positif
Bactéries à Gram négatif
Champignons
+++
++
+
Dérivés iodés
+++
+++
Dérivés chlorés
+++
+++
Alcools
++
+++
Biguanides
Spores
Virus
Virus
VE
VN et Pox V
0
±
0
++
++
++
++
++
++
++
++
++
+
0
+
±
+
+
0
?
0
Chlorhexidine Halogénés
Alcool éthylique 70° Alcool isopropylique Tensioactifs Ammoniums quaternaires Diamidines
+
0
+
0
0
0
Carbanilides
++
±
0
?
?
0
Triclocarban Dérivés métalliques ±
±
0
0
0
0
Oxydants
++
±
+
±
0
Anaérobies
Lentement
Lentement
levuricide
virucide
+
Péroxyde d’hydrogène 10 vol Colorants
±
±
0
0
0
0
Activité létale : forte : +++ ; moyenne : ++ ; faible : + ; nulle : 0 ; non précisée : ? VE = virus enveloppés : Herpes viridae (cytomégalovirus, varicelle, zona, herpès simplex, EpsteinBarr), virus des oreillons, de la rougeole, de la rubéole, de la fièvre jaune, de la rage, virus respiratoire syncytial, influenzae (grippe) et para-influenzae, rétrovirus : VIH, HTLV, hépatite C, hépatite B (± hépatite D). VN = virus nus : entérovirus, polio, coxsackie, échovirus, hépatite E, rotavirus, adénovirus, papillomavirus (verrues, condylomes), parvovirus, calcivirus, astrovirus ; Pox V = poxvirus (variole, vaccine, Molluscum contagiosum,...), virus enveloppé très résistant.
un bain de bouche en raison du degré de protection supérieur apporté par l’épithélium hautement kératinisé de la peau par rapport à l’épithélium oral. Les différents antiseptiques peuvent être classés selon leur mécanisme d’action et l’on peut distinguer ainsi [10] : • ceux qui dénaturent les protéines ; • ceux qui entraînent un éclatement osmotique de la cellule ; • ceux qui interfèrent avec des processus métaboliques spécifiques. Les antiseptiques qui causent une dénaturation des protéines ou un éclatement osmotique vont tuer les organismes. L’interférence avec des processus métaboliques spécifiques affecte habituellement la croissance cellulaire et la reproduction sans tuer la cellule. Le Tableau 1 indique les spectres d’activité théoriques des principaux antiseptiques.
Qualités attendues [11-13] Les principales qualités que l’on attend d’un antiseptique sont les suivantes : • action germicide puissante à basse concentration ; • selon l’usage que l’on veut en faire, action rapide ou lente, spectre antimicrobien large ou étroit ; • stabilité et résistance à la contamination, absence d’inactivation par les cellules de l’organisme, les fluides tissulaires ou les exsudats résultant de l’infection ; • adhésion et pénétration grâce à une tension superficielle basse lorsqu’il est appliqué de façon topique sans absorption par les tissus en quantité susceptible d’entraîner une toxicité générale ; • efficacité contre les micro-organismes à une concentration non irritante pour les tissus, absence d’interférence avec la guérison et la réparation tissulaire ; • absence d’induction d’hypersensibilité même appliqué de façon répétée ; • absence de toxicité en cas d’ingestion accidentelle (volontaire ou non) ou de résorption inattendue ; • absence de corrosion des instruments ou de dégradation du linge, des pansements, caoutchouc ou d’autres matériaux ; • coût raisonnable.
2
De nombreuses molécules antiseptiques, souvent associées entre elles, sont disponibles pour l’utilisation en chirurgie dentaire et stomatologie. Cette utilisation a été souvent empirique et il n’y a que très peu d’essais cliniques comparatifs rigoureux. En pratique, l’antiseptique idéal n’existe pas et tous sont plus ou moins fortement inhibés par les matières organiques et leur innocuité n’est jamais absolue, même pour les mieux tolérés. L’écosystème buccal est complexe et fragile, sous la dépendance de multiples facteurs. Une molécule active y entraînera des modifications positives dans une phase thérapeutique, en réduisant la masse bactérienne ou en agissant sur des agents pathogènes. Lorsque l’équilibre est atteint, l’action devient défavorable si elle se poursuit. L’objectif thérapeutique doit donc être précis et limité dans le temps.
Facteurs influençant l’activité des antiseptiques [7, 14, 15] L’étude des multiples phénomènes qui influencent l’activité des antiseptiques (notamment les modalités d’utilisation et le nombre de germes résiduels) est encore très incomplète. De nombreux facteurs physicochimiques viennent modifier l’activité des antiseptiques en intervenant sur leur disponibilité au niveau de leur(s) site(s) d’action : • influence de la température : elle est liée à l’énergie d’activation du produit ; • effet des solvants : ils peuvent être synergiques ou antagonistes ; • effets du pH : l’activité antiseptique est liée à la forme non libre le plus souvent ; • effet des électrolytes : les sels de l’eau « dure » interfèrent avec de nombreux antiseptiques ; • formation de complexes et adsorption : elles diminuent la disponibilité du produit ; • effet des surfactants : l’effet est lié à l’affinité de l’antiseptique pour les micelles, fonction de la concentration du surfactant ; • concentration de l’antiseptique : il existe une relation exponentielle entre la concentration de l’antiseptique et le temps nécessaire pour obtenir l’effet attendu ; Stomatologie/Odontologie
Antiseptiques en chirurgie dentaire et stomatologie ¶ 22-012-A-10
Tableau 2. Adaptation des spectres d’activité antibactérienne des antiseptiques à diverses pathologies buccales (d’après Feki et al., 2006).
Gingivite
Chlorhexidine Chlorhexidine Hexetidine Ammonium Dérivés Sanguinarine Listérine® Triclosan à 0,12 % à 0,20 % i.v. iodés
Formaldéhyde Dérivés Alcool oxygénés
++
+
+
–
+
++
+
+
–
+
+
+
+
+
Parodontite Flore agressive
++
++
Flore perturbée
+
++
Flore stabilisée
++
+
Halitose
+
Candidose
+
Complications + postchirurgicales
+ +
+
+
–
+
+
+
–
–
+
+
++
+
–
–
++
–
++ : spectre adapté ; + : spectre moyennement adapté ; – : spectre inadapté.
• distribution entre phases liquides non miscibles : l’effet est lié au coefficient de distribution entre les phases ; • temps de contact ; • interaction avec les matières organiques.
Critères de choix Pour choisir un antiseptique approprié, il faut prendre en compte : • sa composition (étude des principes actifs et leur concentration) ; • son dossier technique (normes in vitro, tests in vivo) ; • les évaluations cliniques (protocoles comparatifs, taux d’infections de site opératoire ou d’infections sur cathéters, etc.) ; • le dossier pharmacologique (toxicité, tolérance, contreindications).
Principes généraux d’utilisation [5,
14, 15]
Ils doivent être utilisés sur les tissus vivants : un antiseptique s’utilise sur la peau ou les muqueuses et ne doit pas être utilisé pour la désinfection du matériel (sauf exceptions concernant les surfaces en contact étroit avec le patient). Ils doivent être utilisés sur des tissus propres en raison de l’effet inhibiteur exercé par les matières organiques ; ainsi, un nettoyage préalable est souvent nécessaire, suivi d’un rinçage et d’un séchage avant l’antisepsie. Il faut respecter scrupuleusement les dates de péremption qui sont obligatoirement notées sur les flacons. Une solution antiseptique peut être l’objet d’une contamination microbienne, et peut devenir cause d’infection. La date d’ouverture doit être indiquée sur le flacon et éventuellement la date de péremption du produit ouvert. En général après ouverture : • une solution alcoolique se conserve 1 mois ; • toute autre solution aqueuse diluée et préparée dans les services doit s’utiliser de façon extemporanée. Lorsque cela est possible et adapté, les doses unitaires stériles doivent être préférées. Pour éviter les contaminations, il est recommandé de ne pas toucher l’ouverture du flacon avec des doigts ou des objets souillés et de nettoyer chaque jour l’extérieur des flacons avec un détergent-désinfectant. Les pompes distributrices peuvent également présenter un risque de contamination des flacons si elles sont réutilisées. Si l’on ne peut respecter la règle « une pompe, un flacon », il faut assurer leur entretien régulièrement. Il ne faut pas reconditionner les antiseptiques, ni transvaser, ni compléter un flacon. Les flacons doivent être conservés à l’abri de la lumière et loin des sources de chaleur. Les précautions d’emploi doivent être respectées (et notamment les contre-indications,...), ainsi que le mode d’emploi, notamment la concentration et le temps de contact minimum. Stomatologie/Odontologie
Il faut bien repérer les incompatibilités des différents produits (par exemple Dakin® ou chlorhexidine avec le savon, d’où l’importance du rinçage après nettoyage). Il ne faut jamais mélanger ou employer successivement deux antiseptiques différents en raison du risque d’inactivation des produits par antagonisme ou du risque de toxicité. Si plusieurs étapes successives d’antisepsie sont nécessaires chez un même sujet, il est conseillé d’utiliser la même famille d’antiseptiques. Il faut surveiller la tolérance locale : érythème, dessèchement, irritation. Il faut individualiser les antiseptiques utilisés chez des patients infectés (infections cutanées, isolement « contact »). Il est préférable d’utiliser des unidoses ou de jeter le flacon une fois le traitement terminé.
Prescription [6, 7, 9, 12, 16, 17] La pathologie infectieuse constitue un important motif de consultation dans notre spécialité : suites chirurgicales, stomatites bactériennes, virales ou mycosiques, pathologies parodontales, périapicales ou carieuses. Le Tableau 2 indique l’adaptation des spectres d’activité à diverses pathologies buccales. Diminuer le nombre d’agents infectieux pathogènes est rarement le seul objectif du prescripteur. D’autres actions sont aussi couramment recherchées : actions antalgique et antiinflammatoire, recherche d’effet détergent, rafraîchissant ou de confort, notamment chez les sujets à la muqueuse fragilisée (chimiothérapie, radiothérapie, stomatites chroniques, etc.). En outre, il est bien connu que le pH a une action importante sur l’activité de plusieurs principes actifs antiseptiques. Or, celui-ci est variable chez une même personne, d’une personne à l’autre, et peut être franchement modifié dans certaines situations telle l’hyposialie, qu’elle soit iatrogène (radiothérapie, médicaments, etc.) ou non (Gougerot-Sjögren, etc.). Le prescripteur doit connaître les effets indésirables locaux (causticité, eczéma de contact) ou plus rarement généraux (toxicité viscérale, anaphylaxie) des molécules qu’il utilise, ainsi que les incompatibilités éventuelles des associations d’antiseptiques. D’une manière générale, il est préférable de ne pas associer entre elles, simultanément ou successivement, différentes spécialités antiseptiques. Pour tous les antiseptiques, le risque d’effet indésirable local ou systémique augmente en cas d’applications répétées, sur de larges surfaces, sous occlusion, sur une peau lésée, sur une muqueuse, ainsi que sur la peau du prématuré ou du nourrisson. La possible contamination des antiseptiques par des micro-organismes doit être également connue afin de pouvoir choisir le conditionnement et les modalités de conservation (température, exposition à la lumière, etc.) appropriés. La seule limite au recours systématique à des présentations « pour usage unique » est en fait le prix élevé de celles-ci.
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Tableau 3. Effets indésirables et contre-indications des principales catégories d’antiseptiques. Catégorie d’antiseptiques
Effets indésirables
Contre-indications
Biguanides
Possibilités d’urticaire de contact allergique (rare), mais des réactions allergiques systémiques (choc anaphylactique) sont survenues après application cutanée avec ou sans érosion cutanée. Risque d’effets systémiques non exclu en cas d’applications étendues, sous pansement occlusif, sur peau lésée, sur les muqueuses et chez le nourrisson. Intolérance locale (notamment en cas d’association au menthol, nouveau-nés et enfants), possibilité de coloration des dents
Hypersensibilité connue à la chlorhexidine (notamment antécédents de réaction érythémateuse et/ou prurigineuse à la chlorhexidine). Ne pas mettre en contact avec le cerveau, les méninges, l’œil, l’oreille. Incompatibilité avec les surfactifs anioniques et les savons (inactivation)
Chlorhexidine
Halogénés Dérivés iodés
Alcools Éthanol
Coloration en brun de la peau et du linge, réactions allergiques Antécédents d’intolérance à l’iode, association aux mercuriels, rares, mais dermites irritatives possibles, cytotoxicité au niveau nourrisson < 1 mois, de façon prolongée pendant les 2e et 3e trimestres de la grossesse des tissus profonds et des muqueuses. Surcharge iodée et hypothyroïdie en cas d’applications répétées ou prolongées ou étendues (sur peau lésée, sur les muqueuses, sous pansement occlusif ou chez le nourrisson). Ne pas utiliser de façon prolongée et sur des surfaces étendues, notamment chez la femme enceinte (risque d’hypothyroïdie du nouveau-né), chez le jeune enfant, et chez les grands brûlés (risque de troubles de la fonction rénale avec acidose métabolique) Rares : possibilité d’urticaire de contact d’origine Application sur les yeux, les muqueuses ou les plaies. immunologique (liée à l’alcool éthylique lui-même ou à des Antécédents d’urticaire de contact à ce produit impuretés ou à d’autres constituants des solutions alcooliques), ou d’urticaire de contact non immunologique liée à un déficit en acétaldéhyde-déshydrogénase en particulier chez les sujets d’origine orientale
Amidines
Rares phénomènes de sensibilisation locale (eczéma de contact) Hypersensibilité connue aux diamidines
Hexamidine
Intolérance locale (notamment en cas d’association au menthol)
Carbanilides
Exceptionnelles réactions cutanées allergiques (eczémas de Hypersensibilité connue au triclocarban contact) avec photosensibilisation (ne pas utiliser sur les zones photoexposées)
Triclocarban
Ammoniums quaternaires Possibilité de dermite irritative, voire d’eczéma de contact allergique (non rare). Causticité : lésions érosives pouvant Surfactifs cationiques évoluer vers l’ulcération ou la nécrose. Ne pas appliquer sous pansement occlusif. Risque d’effets systémiques (effets curarisants) en cas d’ingestion accidentelle, ou d’application sur de grandes surfaces, sous pansement occlusif, sur peau lésée ou sur les muqueuses (surtout chez le nourrisson)
Hypersensibilité aux ammoniums quaternaires ou aux autres composants. Ne pas appliquer sur les muqueuses génitales (risque de lésions érosives), ni mettre en contact avec les méninges, le cerveau, l’œil, l’oreille moyenne. Association avec les surfactifs anioniques et savons (inactivation)
Hexahydropyrimidine
Hypersensibilité connue à l’un des constituants en cas d’association
Hexétidine Colorants antiseptiques Éosine
Agents oxydants Peroxyde d’hydrogène
Intolérance locale (notamment en cas d’association au menthol, nouveau-nés et enfants)
Produits extrêmement salissants, colorant la peau et le linge (en Hypersensibilité connue à l’un des composants rouge avec l’éosine ou en brun-violet avec la solution de Milian). Possibilité de photosensibilisation avec l’éosine. Allergiques (très rares) : des cas de choc anaphylactique ont été décrits après application cutanée de solution de Milian Bactériostatique faible (action surtout sur les germes anaérobies)
Le Tableau 3 indique les effets indésirables et contreindications des principales catégories d’antibiotiques.
■ Principales catégories d’antiseptiques utilisés Selon leur spectre d’activité, on peut distinguer (bien que les limites entre catégories soient souvent à relativiser) : • des antiseptiques majeurs, bactéricides à large spectre : biguanides et halogénés essentiellement ; • des antiseptiques intermédiaires, bactéricides à spectre étroit : ammoniums quaternaires ; • des antiseptiques mineurs, bactériostatiques à spectre étroit : notamment carbanilides, diamidines et dérivés métalliques ; • d’autres produits variés, dont certains sont considérés à tort comme antiseptiques (peroxyde d’hydrogène, colorants). Les actifs anticariogènes spécifiques (fluor et dérivés) ne sont pas abordés ici. Des informations complémentaires sur d’autres formes pharmaceutiques pourront être trouvées dans l’article « Topiques » [8, 18].
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Hypersensibilité connue aux péroxydes, mise en contact avec les yeux. Ne pas associer le KMnO4 avec le nitrate d’argent ou l’eau oxygénée
Biguanides [12, 15, 19-25] Cette famille comprend principalement la chlorhexidine actuellement disponible dans de nombreuses spécialités sous forme de savons, de solution aqueuse ou de solution hydroalcoolique à la concentration de 0,05 % à 0,5 %. Elle est rapidement bactéricide et possède une légère activité fongistatique. Notons son incompatibilité avec les agents anioniques. La chlorhexidine est un biguanide chloré, connu depuis les années 1950, commercialisé en France depuis 1972 et largement employé notamment en dermatologie, chirurgie dentaire et stomatologie en raison de sa faible toxicité et de son large spectre antibactérien. La forme chimique la plus utilisée est le digluconate de chlorhexidine, les concentrations d’efficacité optimale étant comprises entre 0,10 % et 0,20 %. Elle serait bactériostatique à faible dose et bactéricide à forte dose. Son action est très puissante sur les bactéries à Gram positif, en particulier les streptocoques, et a été démontrée in vitro sur la majorité des germes pathogènes de la cavité buccale. Elle a une activité plus faible et variable sur les bactéries à Gram négatif, Stomatologie/Odontologie
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et les lactobacillus lui seraient résistants. Il en est de même des spores, mycobactéries et virus, à l’exception du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et de certains virus du groupe herpès.
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Point important
La chlorhexidine est de loin l’agent qui permet de réduire plus efficacement les plaques supra- et sous-gingivales.
L’efficacité de la chlorhexidine est liée à sa concentration, au pH, à la formulation, mais aussi à sa rémanence, due à son pouvoir de fixation sur les surfaces dentaires. Son activité persiste ainsi pendant plusieurs minutes, avec une efficacité stable. L’alcool dans lequel le principe actif est dilué potentialiserait son activité. Elle présente en plus des propriétés antiinflammatoires et cicatrisantes. Son activité est amoindrie en présence de matières organiques et elle est inhibée par les dérivés anioniques, savons et détergents présents dans la plupart des dentifrices. Elle est incompatible avec les autres antiseptiques, exception faite des ammoniums quaternaires. Peu toxique et peu irritante (son emploi à proximité de la conjonctive ou dans les conduits auditifs externes n’est toutefois pas recommandé), elle peut créer parfois des réactions d’hypersensibilité allant même jusqu’à des réactions allergiques de type anaphylactique et une photosensibilisation. Lorsque la chlorhexidine est utilisée en bains de bouche, elle peut provoquer une coloration brune de la langue, des dents et des composites ainsi que des troubles du goût réversibles à l’arrêt du traitement. Son emploi à long terme peut entraîner l’apparition de résistances. Les spécialités contenant de la chlorhexidine seule ou en association sont très nombreuses, qu’il s’agisse de bains de bouche ou de solutions pour applications locales : Bucasept® 0,15 %, Collunovar® 0,15 %, Corsodyl® 0,2 %, Paroex® 0,12 %, Prexidine® 0,12 %, Eludril® 0,10 % (+ chlorobutanol) ; Cytéal®, Dosiseptine®, Biseptine® (+ chlorure de benzalkonium), Hibidil®, Hibiscrub®, Hibisprint®, Hibitane®, etc. La chlorhexidine doit être conservée à température ambiante et à l’abri de la lumière. La contamination fréquente des flacons de chlorhexidine aqueuse doit faire préférer les solutions hydroalcooliques.
Dérivés halogénés [7, 12, 16, 26] Les dérivés iodés et les dérivés chlorés sont les principaux dérivés halogénés utilisés comme antiseptiques en odontostomatologie.
Dérivés iodés In vitro, l’iode est bactéricide (y compris sur les bactéries acido-alcoolo-résistantes), sporicide, fongicide et virucide. Il est actif sur les bactéries de la cavité buccale, aussi bien à Gram positif qu’à Gram négatif, après un contact de 15 secondes. Les recommandations étendent ce temps à 2 minutes pour un maximum de sécurité, notamment avant chirurgie. Les antiseptiques iodés sont principalement représentés par la povidone iodée, un complexe iodé avec la polyvinylpyrrolidone qui renferme environ 10 % d’iode et plus connu sous le nom de Betadine®. L’iodophore permet par simple dilution dans l’eau une libération progressive d’iode libre qui est l’élément microbicide actif. L’iode sous forme moléculaire est capable de traverser rapidement la membrane cellulaire. Son action est due à son pouvoir oxydant sur les protéines membranaires et enzymatiques. Cette activité persiste même en présence de sang. Ces produits iodés sont peu toxiques, mais allergisants et cette Stomatologie/Odontologie
allergie est croisée avec tous les dérivés de l’iode. La Bétadine® est en outre contre-indiquée chez les femmes enceintes après le premier trimestre et chez les femmes qui allaitent. Parmi les effets indésirables, il faut signaler la possibilité de dysfonctionnements de la thyroïde en cas d’utilisation prolongée et de coloration transitoire des dents, de la langue et de la peau. Ils ne doivent en aucun cas être associés aux dérivés mercuriels en raison du risque de formation d’un composé caustique. L’efficacité de la povidone iodée comme antiseptique oral a été mise en avant dans la prévention du risque d’endocardite à porte d’entrée buccodentaire. La combinaison d’agents antibactériens dont le mélange polyvidone iodée et peroxyde d’hydrogène serait plus efficace pour réduire la gingivite que chacun de ces produits employés séparément. Ils diminuent la colonisation bactérienne sans spécificité. Il faut noter que ces produits iodés sont contreindiqués en cas d’intolérance à l’iode. La povidone iodée remplace avantageusement l’alcool iodé (à 1 ou 2 %), qui ne se conserve que quelques semaines et devient irritant ensuite. Il était classiquement utilisé pour l’antisepsie des zones de ponction ou d’injection et comme traitement d’appoint des mycoses cutanées. Spécialités : • Betadine® dermique 10 % : solution pour application locale ; • Betadine® bain de bouche et gargarisme : solution pour bain de bouche à 10 %.
Dérivés chlorés En ce qui concerne les dérivés chlorés, ils sont bactéricides par libération d’acide hypochloreux, présent le plus souvent sous forme de sels (hypochlorites). Le chlore agit par oxydation et destruction des protéines structurales et enzymatiques de la cellule microbienne. L’hypochlorite de sodium (NaOCl) est une eau de Javel diluée et neutralisée pour l’usage médical qui présente une bonne activité sur les bactéries et les virus, mais il est caustique et allergisant. Les hypochlorites sont rapidement neutralisés par les matières organiques (sang, protéines, etc.). Quelques effets indésirables peuvent survenir tels qu’une sensation de brûlure ou d’irritation sur une peau lésée et un risque irritatif sous occlusion. Spécialités : • Amukine® : solution pour application locale (hypochlorite de sodium, chlorure de sodium) ; • Dakin Cooper® stabilisé : solution pour application locale (hypochlorite de sodium). Ces spécialités, préparées selon des procédés qui permettent une conservation prolongée, remplacent avantageusement le soluté de Dakin ® officinal, très utilisé pour l’irrigation des plaies, mais qui avait l’inconvénient de ne se conserver que 3 semaines au maximum.
Alcools [7, 16] Les alcools sont des agents bactéricides pouvant être utilisés comme antiseptiques ou désinfectants. Ils ne sont pas coûteux et sont relativement peu toxiques lorsqu’ils sont utilisés localement. L’activité antiseptique des alcools repose sur la dénaturation des protéines et des membranes lipidiques des micro-organismes en présence d’eau. Les alcools sont très rapidement bactéricides, fongicides et virucides (2 minutes). Leur spectre comprend également les mycobactéries. En revanche, les spores sont insensibles et sont de possibles contaminants des solutions antiseptiques alcooliques. L’activité sur les prions semble nulle. La rémanence des alcools est courte. L’éthanol (CH3CH2OH) est un agent bactéricide (plus actif sur les bactéries à Gram négatif que sur celles à Gram positif), faiblement virucide et fongicide. Il pénètre dans les bactéries en dénaturant leurs protéines. Son activité maximale se situe lorsque le titre est de l’ordre de 70° du fait de l’indispensable présence d’eau. Il est utilisé comme antiseptique de la peau, surtout avant les injections parentérales et pour la désinfection du matériel. Il est
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mal supporté sur les plaies érodées et les muqueuses. Il sert aussi de solvant à de nombreux antiseptiques. L’alcool éthylique modifié pour l’usage médical contient habituellement 0,2 % de camphre et est coloré en jaune par la tartrazine (excipient à effet notoire). La présence de ces additifs est à connaître en raison de leurs effets indésirables propres : toxicité neurologique et digestive pour le camphre, hypersensibilité de type I pour la tartrazine. Les spécialités OTC contenant de l’alcool éthylique sont très nombreuses. L’activité antimicrobienne des dérivés iodés et de la chlorhexidine est augmentée en solution alcoolique. L’isopropanol (CH 3 -CHOH-CH 3 ) et le 1-propanol (CH3CH2CH2OH) sont surtout utilisés comme antiseptiques de la peau et désinfectants. Leur activité germicide est supérieure à celle de l’éthanol. Le chlorobutanol (1,1,1-trichloro-2méthyl-2-propanol) est un agent bactériostatique et antifongique utilisé comme conservateur de solutions médicamenteuses (ophtalmiques, nasales, etc.). Il possède, en outre, un effet anesthésique local. Il n’est commercialisé en France que sous forme d’association. L’alcool benzylique (C6H5CH2OH) est un antibactérien qui possède également une activité anesthésique locale. Il est souvent employé comme antiprurigineux et utilisé en odontologie. En France, il n’est commercialisé que sous forme d’association pour son action légèrement anesthésique. Il est ainsi présent dans la Biseptine® associé à la chlorhexidine et au chlorure de benzalkonium.
Ils sont synergiques avec la chlorhexidine et les alcools, mais incompatibles avec les savons anioniques et de nombreux autres antiseptiques. Ils sont inactivés par le pus et le sang, ce qui limite encore leur intérêt. Ils sont présents dans de nombreux produits d’hygiène corporelle. Le chlorure de benzalkonium, le chlorure de miristalkonium et le cétrimide sont parmi les ammoniums quaternaires les plus connus. Ils sont commercialisés, le plus souvent associés à d’autres principes actifs (alcool, anesthésique local...), pour l’usage dermatologique sous forme de solutions aqueuses ou alcooliques et de crèmes à la concentration de 0,5 % environ ainsi que sous forme de bains de bouche ou de sprays. Spécialités : • Sterlane® (solution aqueuse : lopobutan, dapabutan, chlorure de miristalkonium) ; • Stérilène® (solution alcoolique : cétrimide). Ces deux solutions sont utilisées pour l’antisepsie des plaies superficielles et comme traitement d’appoint des dermatoses infectieuses ; • Alodont ® (chlorure de cétylpyridinium, chlorobutanol, eugénol) : ce bain de bouche est souvent prescrit dans le traitement des aphtes buccaux ou d’autres affections de la cavité buccale et en soins postopératoires en stomatologie ; • Lysocalm® spray (cétrimide + lidocaïne) : c’est un traitement local d’appoint pour les affections de la muqueuse buccale et de l’oropharynx.
Acides [16]
Hexahydropyrimidines [7, 12]
L’acide borique est utilisé pour l’antisepsie en dermatologie. L’acide borique et le borate de sodium sont en outre présents dans diverses spécialités utilisées en dermatologie ou en stomatologie : Eau Précieuse®, Glyco-Thymoline 55®, Borostyrol® solution, etc. Les acides acétique, benzoïque, lactique et tartrique entrent dans la composition de nombreux topiques et préparations en qualité de conservateurs, mais sont également associés dans quelques spécialités antiseptiques (Dermacide®, Lactacyd®). Le mode d’activité antiseptique des acides varie suivant les molécules. Leur spectre d’activité comprend les bactéries à Gram négatif et, dans une moindre mesure, les bactéries à Gram positif et les champignons. Les acides sont bactériostatiques et fongistatiques. L’utilisation d’un antiseptique acide est toutefois favorable au développement de Candida albicans. Les mycobactéries, les spores et la majorité des virus résistent aux acides. L’activité antiseptique des acides est donc globalement faible. Leurs effets secondaires sont essentiellement locaux. Compte tenu des concentrations utilisées (0,5 % à 5 %), la causticité, qui se manifeste par un érythème desquamatif cutané et par des érosions muqueuses, est rare. Un rinçage soigneux diminue encore ce risque.
L’hexétidine est un antiseptique de synthèse dérivé de la pyrimidine, fréquemment rencontré dans les préparations à usage pharyngé et buccodentaire. La solution à 0,1 % est plus active sur les bactéries à Gram positif que sur celles à Gram négatif. Son action serait moindre que celle d’autres molécules antiseptiques et sa durée d’action est limitée. L’hexétidine a un effet antiplaque inférieur à celui de la chlorhexidine. Elle présente une activité in vitro au mieux égale à celle de la chlorhexidine, mais n’a pas de capacité de rétention sur les surfaces buccales. On lui attribue comme effets indésirables une altération temporaire du goût et un engourdissement buccal. Elle n’a pas les effets secondaires de la chlorhexidine. Spécialités : Hextril ® bain de bouche, gel gingival, pâte dentifrice. Notons que le bain de bouche Hextril® est contreindiqué chez l’enfant de moins de 6 ans. Elle est aussi commercialisé en association : • Givalex® bain de bouche et collutoire (+ chlorobutanol et salicylate de choline) ; • Angispray® collutoire (+ chlorobutanol et acide propionique).
Ammoniums quaternaires [7, 12, 27]
Les dérivés phénoliques sont présents dans de nombreux produits d’hygiène. Les molécules sont variées (eugénol, acide salicylique, résorcinol, thymol, menthol, etc.). Ils agissent par dénaturation des protéines et de la membrane cytoplasmique. Il existe de nombreuses interactions avec d’autres composés chimiques, tels que les sels de métaux lourds et certains agents tensioactifs non ioniques. Leur toxicité implique leur utilisation à de faibles concentrations, ce qui réduit notablement leur activité antibactérienne. Les principaux dérivés phénoliques retrouvés dans des bains de bouche sont : • la Listérine® (huiles essentielles : thymol, eucalyptol, méthylsalicylate, menthol), qui présente une activité antibactérienne de large spectre, ainsi qu’un effet anti-inflammatoire et réduit le nombre des bactéries productrices de composés de sulfurés volatils. Sa tolérance est très bonne, elle n’entraîne ni coloration des tissus dentaires, ni altération du goût, autorisant une utilisation au long cours. Elle agit en favorisant la
Les ammoniums quaternaires sont des agents tensioactifs : ils possèdent un pôle hydrophobe et un pôle hydrophile ; ce dernier étant chargé positivement, on parle de « surfactifs cationiques ». Leur spectre est assez étroit (activité sur les bactéries à Gram positif ; faible activité sur les bactéries à Gram négatif ; faible activité sur les champignons ; activité pratiquement nulle sur la plupart des virus ; le VIH y est toutefois sensible). Leur activité bactéricide in vitro est quasi nulle envers les principaux germes de la flore buccale. In vivo, tout reste à démontrer. Aux concentrations habituellement utilisées, les ammoniums quaternaires sont peu irritants et peu toxiques, mais des réactions d’hypersensibilité peuvent survenir. Les effets indésirables possibles sont : une sensation de brûlure, de l’inconfort, des ulcérations, une coloration brunâtre des dents et de la langue et une augmentation de la formation du tartre.
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Phénols [11-13, 28, 29]
Stomatologie/Odontologie
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dénaturation des protéines de la bactérie et en endommageant la membrane cellulaire, ce qui libérerait son contenu. Elle serait capable d’extraire les lipopolysaccharides dérivés des endotoxines des bactéries à Gram négatif contenues dans la plaque dentaire, ce qui lui conférerait une activité antiplaque. Malgré sa faible capacité à adhérer aux tissus buccaux, elle exerce une activité anti-inflammatoire et antibactérienne suffisante pour agir efficacement sur la plaque et la gingivite. Elle semble aussi empêcher l’apparition de souches résistantes dans la plaque dentaire, ainsi que la formation d’agents pathogènes indésirables. Ses effets thérapeutiques sur la parodontite n’ont pas été corroborés. Les effets indésirables peuvent être une sensation de brûlure et un mauvais goût au début du traitement qui peuvent disparaître en quelques jours. Elle n’altère pas l’équilibre de la flore bactérienne buccale. Il est recommandé de se rincer la bouche avec 20 mL de solution non diluée pendant 30 secondes, deux fois par jour, pour la prévention de la carie dentaire, la lutte contre la gingivite, l’halitose et la maintenance implantaire. Au Canada, Listérine® est le seul antiseptique buccal en vente libre reconnu par l’Association dentaire canadienne (ADC) pour sa capacité à réduire et à prévenir efficacement l’accumulation de la plaque supragingivale et l’évolution de la gingivite. En postchirurgie parodontale, ces bains de bouche ne sont pas toxiques pour les tissus durs et mous et n’interfèrent pas avec les processus de cicatrisation ; • le biclotymol qui est un dérivé chloré du thymol et est commercialisé en association ; • le triclosan, antibactérien de synthèse qui a une action sur les bactéries à Gram positif et à Gram négatif, ainsi que sur les anaérobies. Il a une activité antimicrobienne à large spectre et des propriétés antiplaque sans effets secondaires. Le triclosan adsorbe la paroi des bactéries salivaires et de la plaque adhérente et interfère avec le métabolisme bactérien. Il est compatible avec la formulation des bains de bouche et des dentifrices et a une bonne rétention orale après brossage. Son action est potentialisée en association avec le citrate ou le sulfate de zinc mais reste inférieure à la chlorhexidine. Le triclosan possède une action antalgique et anti-inflammatoire. Les spécialités à base de dérivés phénoliques sont surtout des associations d’antiseptiques : • Listérine® (original coolmint, protection dents et gencives) : bain de bouche (thymol, eucalyptol, méthylsalicylate, menthol) ; Listérine® action antitartre (+ chlorure de zinc) ; • Borostyrol ® : solution pour application locale (thymol, lévomenthol, salol, benjoin du Laos, acide borique) ; • Glycothymoline 55® : solution buccale (benzoate de sodium, salicylate de sodium, borate de sodium, thymol, cinéol, lévomenthol) ; • Synthol® liquide : solution pour applications cutanées et pour bains de bouche (lévomenthol, vératrol, résorcinol, acide salicylique) ; • Hexaspray® : collutoire (biclotymol) ; • Sagaspray ® 2,5 % : solution pour pulvérisation buccale (biclotymol).
Formaldéhydes [12] Le formaldéhyde a une activité forte sur les bactéries à Gram négatif et moyenne sur les bactéries à Gram positif, mycobactéries, spores et virus. Il est présent à 35 % dans un bain de bouche en association avec un antibiotique, la tyrothricine. Celle-ci est active sur les cocci et bacilles à Gram positif, ainsi que sur certains cocci à Gram négatif. Spécialité : Veybirol-Tyrothricine®. Suite aux recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) concernant l’éviction des antibiotiques locaux et du formaldéhyde, cette spécialité a été récemment retirée.
Carbanilides [7, 16] Le triclocarban est un agent bactériostatique de type diarylurée (carbanilide). Il est employé dans les détergents, savons, mousses à raser, pommades, etc. Stomatologie/Odontologie
Il ne supporte pas un chauffage au-delà de 50 °C : en effet, à cette température, il se transforme en un composé susceptible d’induire une méthémoglobinémie. Un risque d’irritation cutanée est possible ainsi que celui de photosensibilisation. Spécialités : • Cutisan® : poudre pour application cutanée (triclocarban) ; • Septivon ® : solution pour application cutanée à 0,5 % (triclocarban) ; • Solubacter® 1 % : solution pour application locale (triclocarban).
Amidines [7] L’hexamidine appartient à la famille des diamidines. Elle est active contre les germes à Gram positif et les Candida. Elle peut entraîner des réactions de sensibilisation chez les sujets prédisposés et des manifestations bénignes telles que des sensations de picotements, des démangeaisons, des brûlures et une sécheresse cutanée. Spécialités : • Désomédine® : solution pour pulvérisation nasale (hexamidine) ; • Hexomédine ® collutoire : collutoire avec pompe doseuse (hexamidine, tétracaïne).
Agents oxydants non halogénés [7,
12, 16, 30]
Peroxyde d’hydrogène Le peroxyde d’hydrogène ou eau oxygénée (H2O2) est un agent bactériostatique. Il est stable en milieu acide, plus favorable à sa conservation. En milieu alcalin ou réducteur, il se décompose en eau et oxygène. Il est également décomposé par la catalase des tissus. La solution d’eau oxygénée à 10 volumes est peu pénétrante et peu bactéricide. On l’utilise telle quelle ou diluée au 1/5e dans la désinfection de plaies et en gargarisme. L’eau oxygénée peut s’utiliser en bain de bouche, en application locale mélangée à du bicarbonate de soude qui potentialise son action ou en irrigation sous-gingivale. Elle a une faible action bactéricide, ce qui fait qu’elle est rarement utilisée seule : il est conseillé de l’utiliser simultanément avec de l’hypochlorite de sodium en l’ajoutant en dernier car si l’eau oxygénée est laissée seule dans le canal dentaire, la libération d’oxygène augmente la pression intracanalaire, donc la douleur. Elle permet une diminution de l’adhérence bactérienne, mais provoque de nombreuses réactions sous forme d’irritations, de picotements, de décoloration de la langue. Elle peut être indiquée, sur prescription médicale, pour ses propriétés hémostatiques, en cas de saignements difficiles à contrôler. Il est important, lors de l’utilisation de ces antiseptiques, de respecter un temps de contact de quelques minutes (3 à 5 minutes). Un rinçage peut être effectué secondairement. Spécialités : Dentex® : solution à 35 % pour bains de bouche (peroxyde d’hydrogène). Des doses trop élevées de peroxyde d’hydrogène peuvent léser les muqueuses et une utilisation prolongée peut entraîner une hypertrophie des papilles de la langue de type « langue noire villeuse ». L’utilisation chez la femme enceinte est déconseillée et tout contact avec les yeux doit être évité. Ce bain de bouche est recommandé pour l’hygiène orobuccale en cas d’irritations mineures de la muqueuse et des gencives.
Permanganate de potassium Le permanganate de potassium (KMnO4) est un oxydant énergique plus actif sur les bactéries à Gram négatif que sur les bactéries à Gram positif. Il inactive aussi la plupart des virus. Son action est due au dégagement d’oxygène naissant qui se produit en présence de matières organiques en solution neutre. On l’emploie en dermatologie (solution à 0,01 %) pour l’antisepsie de la peau, des muqueuses et des plaies. Il est toxique par la voie orale et impropre à la désinfection du matériel médicochirurgical.
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Les agents oxydants (peroxyde d’hydrogène ou « eau oxygénée ») ont des propriétés antiseptiques par libération d’oxygène avec un spectre d’activité large (bactéries anaérobies, virus). Leur action associée sur l’inflammation a été longtemps mise en avant (pâte de Keyes [eau + eau oxygénée + bicarbonate de potassium]). Si leur efficacité n’est pas controversée, la libération de radicaux hydroxyles, agressifs vis-à-vis de la membrane cellulaire, de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et de divers constituants cellulaires, les remet en question. Spécialités : • Dosoxygénée® 10 volumes : solution pour application cutanée (peroxyde d’hydrogène) ; • eau oxygénée stabilisée Codex 10 volumes Gilbert® : solution pour application locale (peroxyde d’hydrogène) ; • permanganate de potassium Lafran® : composant/solution pour application locale (permanganate de potassium).
spécialités encore commercialisées sont Métacuprol® (sulfate de cuivre), Dermocuivre® pommade (sulfate de cuivre et oxyde de zinc), Ramet Dalibour Acide® pain et solution (sulfate de cuivre et de zinc). Des eczémas de contact sont possibles.
Dérivés mercuriels [33] En raison de leur toxicité et de leurs effets indésirables importants, ils ont été retirés du marché.
Antiseptiques d’origine végétale Si diverses plantes ont des propriétés antiseptiques (ail, citron, girofle, millepertuis, thym, etc.) [34, 35] il est évoqué ici que deux produits d’origine végétale : la sanguinarine et les huiles essentielles.
Sanguinarine [21, 24, 36, 37]
Colorants
[7, 16]
Les colorants sont des antiseptiques faibles qui sont de moins en moins utilisés : rouge à l’éosine, vert de méthyle, cristal violet qui peuvent être prescrits en solution aqueuse ou faiblement alcoolique. Le bleu de trypan peut être utilisé dans les affections cutanées ou muqueuses, virales, comme l’herpès. L’éosine est un antiseptique faible, uniquement actif sur les bactéries, mais qui présente l’avantage d’assécher les plaies. Elle peut induire quelques effets secondaires : un risque de photosensibilisation et des éruptions cutanées localisées. Spécialités : • Chromargon® : solution pour application locale (acriflavine, oxyquinol) ; • Eosine aqueuse Gifrer® 2 % : solution pour application locale (éosine disodique) ; • Eosine aqueuse Gilbert ® 2 % : solution pour application locale (éosine disodique) ; • Parkipan ® : pommade (bleu de trypan, amyléine, titane dioxyde).
Dérivés métalliques [16] Les métaux lourds sont de « vieux » antiseptiques dont l’utilisation s’est considérablement restreinte ces dernières années compte tenu de leur rapport efficacité/tolérance souvent défavorable.
Argent Les dérivés argentiques sont bactériostatiques, avec une activité plus importante sur les bactéries à Gram négatif que sur celles à Gram positif. Ils sont en outre actifs sur les virus et sur les champignons. Leur mode d’action repose sur une inhibition de la réplication de l’ADN microbien et le blocage des systèmes enzymatique respiratoires. Les dérivés argentiques sont incompatibles avec les oxydants. Leur tolérance cutanée est bonne, mais les patients doivent être informés de la possible survenue d’un noircissement de la peau après exposition à la lumière. Le nitrate d’argent (solution à 0,5-2 %) possède une activité antiseptique faible, mais ses propriétés asséchantes le font encore prescrire en dermatologie. Des résistances bactériennes ont été décrites. Il doit toujours être conservé à l’abri de la lumière et de l’air. L’argent ionique (à une concentration de 10–9 à 10–6 mol/L est bactéricide, fongicide et virucide. Cette activité à large spectre est bénéfique pour son utilisation en application locale [31]. Outre ses applications traditionnelles en solution, il faut signaler son utilisation plus récente pour diminuer l’infectabilité des dispositifs médicaux (implantation ionique en surface de cathéters, prothèses ou implants [29] ou systèmes de libération à partir de structures nanocristallines [32]).
Sulfate de cuivre et de zinc Leur activité antiseptique est faible et ils ne sont plus utilisés que pour leurs propriétés astringentes en dermatologie. Les
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C’est un alcaloïde de synthèse extrait de la sève de Sanguinaria canadensis et dont le nom chimique est le benzophénathradine qui aurait des propriétés antibactériennes et antiinflammatoires jugées intéressantes en parodontologie. La question est discutée, mais la faible activité réelle in vivo tend à le faire disparaître de la plupart des spécialités. Elle existe sous forme de bains de bouche et de dentifrice, mais le produit ne serait efficace sur la réduction de la plaque et sur l’inflammation que si le dentifrice et le bain de bouche sont utilisés simultanément à une fréquence de quatre fois par jour. Elle pourrait aussi avoir un intérêt à long terme (jusqu’à 3 mois) pour prolonger par exemple les effets d’un traitement de 2 semaines à la chlorhexidine.
Huiles essentielles Parmi les produits d’origine naturelle, les huiles essentielles exercent une activité antiseptique incontestée, mise en évidence dès l’origine de leur utilisation, et souvent largement supérieure à celles observées avec d’autres préparations de phytothérapie, voire de certains composés issus de la synthèse chimique. Ces huiles essentielles exercent principalement une activité antibactérienne vis-à-vis de champignons responsables de mycoses et même virucide, comme par exemple celles d’ail, de cannelle, d’eucalyptus, de lavande, de pin, de sarriette et de thym. À l’état isolé, des constituants comme le thymol, le géraniol, le citral et le linalol sont plus actifs que le phénol lui-même [38].
Associations d’antiseptiques De nombreux antiseptiques commercialisés sont en fait des associations d’antiseptiques entre eux ou des associations d’antiseptiques et d’antalgiques, anesthésiques locaux, etc. Les principales ont été évoquées plus haut.
■ Conclusion Le chirurgien-dentiste ou le stomatologiste disposent d’un grand choix de prescriptions antiseptiques. Il faut bien différencier les produits d’hygiène buccale ne présentant qu’une activité pharmacologique modérée, voire nulle, et pouvant être utilisés au long cours et les produits à visée thérapeutique dont l’activité pharmacologique est bien définie, qui répondent à des tableaux cliniques précis et dont l’utilisation ne peut être que ponctuelle, en cure courte [39]. Il est important pour le praticien de bien connaître à la fois les différents antiseptiques et produits d’hygiène buccodentaire pour les prescrire à bon escient en fonction de leurs indications. En cas de doute sur leur composition, leurs propriétés pharmacologiques, leurs effets indésirables, leurs interactions, leurs contre-indications, leurs précautions d’emploi ou leurs modalités d’administration, il ne manquera pas de se référer aux dictionnaires spécialisés [40] ou à d’autres ouvrages généraux [39, 41-43]. Mais l’hygiène bucco-dentaire passe également par une bonne hygiène de vie (notamment au niveau de la consommation de Stomatologie/Odontologie
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tabac, de sucres...), ainsi que par l’indispensable action mécanique du brossage et des autres moyens d’hygiène locale. Enfin, la variété des pathologies de la muqueuse buccale et leur caractère parfois invalidant devraient inciter les fabricants à développer de nouvelles formes pharmaceutiques pour la thérapeutique locale en général et la thérapeutique antiseptique en particulier, afin de mieux cibler son action et d’éviter les effets secondaires propres aux molécules les plus actives.
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Points essentiels
• Les antiseptiques sont des médicaments avec AMM destinés à réduire le nombre de micro-organismes sur les tissus vivants lésés. • Ils peuvent être regroupés par familles chimiques : les biguanides, halogénés et ammoniums quaternaires, hexahydropyrimidines et dérivés phénoliques sont parmi les plus employés en chirurgie dentaire et stomatologie. • Leurs mécanismes d’action sont complexes, variés et rarement univoques, permettant une activité sur un large spectre (bactéries, virus, champignons, spores), mais soumis cependant à des cas de résistance. • De nombreux facteurs physicochimiques peuvent modifier leur activité en intervenant sur la biodisponibilité au niveau du site d’action. • Les critères de choix d’un antiseptique sont fonction de l’action recherchée (immédiate, rémanente et/ou cumulative). • L’utilisation thérapeutique des antiseptiques doit être précise et limitée dans le temps. • Bien que d’indication locale, une absorption transépithéliale n’est pas à négliger, donnant lieu à des précautions d’emploi et des contre-indications chez certains sujets. • Il est indispensable d’éviter les interactions médicamenteuses éventuelles à l’origine de perte d’activité, de résistance, de sélection ou encore d’incompatibilités.
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D. Muster, Professeur associé, praticien attaché consultant, pharmacien, Docteur ès sciences ([email protected]). Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, Centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D. Antiseptiques en chirurgie dentaire et stomatologie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-012-A-10, 2008.
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-014-F-10
22-014-F-10
Biomatériaux, biomatériels et bio-ingénierie en chirurgie orale et maxillofaciale (I) D Muster JL Vouillot JH Dubruille
R é s u m é. – Les principaux métaux, céramiques, polymères de synthèse ou matériaux d’origine biologique utilisés comme biomatériaux en chirurgie orale et maxillofaciale sont passés en revue (caractérisation physicochimique et mécanique, comportement en milieu biologique et interactions avec l’organisme, biocompatibilité, biodétérioration, corrosion, dégradation). Leurs principales utilisations cliniques (à l’état massif, sous forme de revêtement, ou sous forme de composite) sont indiquées. Elles concernent des biomatériels (prothèses, implants, matériaux de comblement ou d’apposition...) ou des systèmes thérapeutiques (libération contrôlée). Les problèmes à résoudre et les orientations actuelles de la recherche sont évoqués ainsi que les perspectives de l’ingénierie tissulaire. © 1999, Elsevier, Paris.
Généralités Les biomatériaux sont à la base de ce que certains considèrent comme la révolution thérapeutique majeure du dernier tiers du XXe siècle. Réservés initialement à des situations critiques, ils sont maintenant employés pour satisfaire à des besoins que le patient perçoit en terme de réhabilitation, de confort, d’agrément et d’esthétique.
Définitions
© Elsevier, Paris
Selon la définition du consensus de Chester (1991), les biomatériaux sont des matériaux destinés à être en contact avec les tissus vivants et/ou les fluides biologiques pour évaluer, traiter, modifier les formes ou remplacer tout tissu, organe ou fonction du corps. Ils se différencient des médicaments en ce sens qu’ils ne réalisent pas leur objectif thérapeutique principal par un effet chimique à l’intérieur de l’organisme et n’ont pas besoin d’être métabolisés pour être actifs. Ils doivent ainsi être considérés comme des matériaux avancés, mais avec la dimension supplémentaire de la biocompatibilité, qui leur impose de « réconcilier » des paramètres scientifiques et techniques avec la biologie humaine. La science des biomatériaux peut être définie comme l’étude et la connaissance des matériaux dans le contexte de leurs interactions avec les systèmes vivants. Elle est à la thérapeutique chirurgicale ce que la pharmacologie est à la thérapeutique médicale. Le développement de
Dominique Muster : Professeur associé à l’université Louis-Pasteur, stomatologiste attaché consultant des hôpitaux universitaires, pharmacien, docteur d’État ès sciences physiques, LEED biomatériaux, centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France. Jean-Luc Vouillot : Chirurgien-dentiste, diplôme universitaire de réhabilitation orale et implantologie, CES biologie buccale et parodontologie, Les Cattleyas, 2, rue du Bochet, 25320 Montferrand-Le-Château, France. Jean-Hermann Dubruille : Professeur à l’université Pierre et Marie Curie, UFR de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D, Vouillot JL et Dubruille JH. Biomatériaux, biomatériels et bio-ingénierie en chirurgie orale et maxillofaciale (I). Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-014-F-10, 1999, 22 p.
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biomatériaux et biomatériels est une tâche complexe, que seuls des groupes multidisciplinaires peuvent mener à bien, en réunissant des spécialistes qui souvent n’avaient pas l’habitude de dialoguer entre eux : cliniciens, physiciens, mécaniciens, chimistes, biologistes, industriels, juristes, économistes... Si les aspects fonctionnels de la performance des matériaux peuvent être prévus avec une certaine fiabilité, l’appréciation de la performance biologique des implants demeure encore difficile et la vérification clinique tempère parfois l’enthousiasme suscité par les résultats expérimentaux.
Importance économique Les biomatériaux représentent, au niveau international, à la fois un enjeu social considérable (actuellement, on peut considérer que 5 % de la population est porteuse d’un biomatériel implanté) et un enjeu économique important (avec un marché mondial qui avoisinera les 6 milliards d’euros en 2002). Ce marché est dominé par les États-Unis (le marché américain de la technologie représentant à lui seul près de 60 % du marché mondial), bien que le contrôle des coûts pour la santé ait amené un certain déclin. L’Europe, quant à elle, est en train de reconquérir du terrain grâce à son esprit d’innovation conforté par une recherche solide et une industrie plutôt prudente mais pleine de ressources. La Commission européenne a apporté son soutien à 41 projets de biomatériaux dans le cadre du programme 1994-1998 sur les technologies industrielles et les matériaux (IMT/BRITE-EURAM) à hauteur de 60 MECU, avec une part sans cesse croissante pour la recherche industrielle.
Critères de sélection Les biomatériaux doivent, d’une part satisfaire à des caractéristiques physicochimiques appropriées au site d’implantation et à la fonction à remplir, d’autre part être biocompatibles. La biocompatibilité se définit aujourd’hui, non plus seulement comme l’absence de réactions toxiques, mais plutôt comme le contrôle permanent des influences réciproques entre l’organisme et EMC [257]
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
l’implant, de façon que l’un n’ait pas d’effets défavorables sur l’autre. En fait, la biocompatibilité est de nature capricieuse et il n’y a pas de relation doseréponse garantie comme en pharmacologie ou en toxicologie pour un médicament. Elle est liée à une application spécifique et soumise à des possibilités de détection de modifications minimes dans les tissus au voisinage d’un implant. Le terme de biocompatibilité est tout à fait adapté pour décrire le phénomène de tolérance biologique d’un matériau, mais l’adjectif ne devrait pas être employé, car un matériel biocompatible est une chose qui n’existe pas dans l’absolu, l’application qui en est faite étant le facteur déterminant. C’est de toute façon une notion relative : un matériau peut être biocompatible dans une situation donnée et non biocompatible dans une autre. Propriétés physicochimiques, biocompatibilité et biofonctionnalité vont donc permettre d’apprécier la potentialité de coopération finalisée hôte-implant. Le succès d’un biomatériau dépend essentiellement des facteurs suivants : l’ensemble des propriétés physiques, chimiques et biologiques de l’implant, l’adéquation biomécanique de sa conception, la qualité technique de sa mise en place chirurgicale, l’état du receveur avant l’intervention, son comportement après celle-ci et, enfin, le suivi postopératoire à court et à long terme.
Connaissance du site receveur Avant d’aborder les tests proprement dits d’évaluation des biomatériaux, il est indispensable de connaître le site receveur sur les plans physique, chimique, biologique en situation statique et dynamique, dans des conditions normales ou pathologiques.
Sur le plan chimique L’environnement biologique est essentiellement représenté sur le plan ionique par les ions sodium (Na+, 140 mEq/L) et chlore (Cl-, 100 mEq/L). Il existe 6 mEq/L d’acides organiques avec un pH à 7,4. La pression partielle d’oxygène est de 90 mmHg et celle de gaz carbonique de 40 mmHg. Il faut aussi être conscient de la complexité des phénomènes enzymatiques cellulaires faisant appel à des processus d’oxydation, de réduction, d’hydrolyse et de l’importance des ions métalliques dans le déroulement des réactions enzymatiques. L’inflammation, la nécrose, l’infection vont modifier, perturber ces chaînes de réaction, faire prendre des voies anaérobies, modifier le pH. Quand un implant est inséré, le traumatisme chirurgical va normalement développer un environnement acide secondaire à l’acte avec un pH retournant à la normale en quelques jours. Mais si le pH ne revient pas à la normale, ou bien si ce retour à la normale est empêché par la présence d’hématomes et si ceux-ci sont en contact avec le matériel d’implant, le pH acide persistera pendant plusieurs semaines. De même, dans les aires de stase, les concentrations de dioxyde de carbone dissous augmentent et le pH devient acide (diminuant à 5 par exemple). La présence d’une infection peut survenir dans un pH alcalin (par exemple pH 9). On peut remarquer qu’il est avantageux d’utiliser un implant réalisé en un matériau dont les performances mécaniques ne sont pas affectées par les variations de pH.
Sur le plan physique La caractérisation physique du site receveur est particulièrement importante pour les implants ayant un rôle de substitution fonctionnelle. Elle peut se faire dans des conditions expérimentales, bien définies : organe entier ou échantillon, organe frais ou plus ou moins desséché... Si les tests in vivo sont théoriquement plus souhaitables, ils se heurtent, en fait, à deux problèmes : quelle extrapolation peut-on faire entre l’espèce animale considérée (par exemple un quadrupède rongeur) et l’homme ? Jusqu’où peut-on, chez l’homme, pousser les investigations cliniques ? Les problèmes d’éthique qui en résultent poussent au développement de modèles mathématiques ou biologiques et de systèmes experts. Que ce soit in vitro ou in vivo, les composants du site concerné doivent être étudiés d’abord en statique, analysant sa composition, son organisation spatiale, cellulaire, tissulaire, anatomique, ses états de surface. L’étude physique doit tenir compte également du caractère évolutif du système considéré. Enfin, elle doit porter sur le tissu sain et sur le tissu pathologique.
Sur le plan dynamique Il est indispensable de connaître un certain nombre de caractéristiques mécaniques : résistance en traction, compression, torsion, flexion ; module d’élasticité, limite élastique, résistance à la fatigue, dureté, coefficient de friction ; répartition, direction, importance des forces exercées... Tous ces éléments ne sont pas toujours connus avec une extrême précision et l’affinement des connaissances en biomécanique devrait être générateur d’avancées particulièrement remarquables. Cependant, vouloir substituer des biomatériaux de façon stable à des tissus ayant des capacités remarquables d’adaptation à court et à long terme, constituera encore longtemps un très difficile challenge. page 2
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Tests d’évaluation Ils comprennent essentiellement la caractérisation physicochimique et mécanique ainsi que l’appréciation de la biocompatibilité et de la biofonctionnalité.
Caractérisation physicochimique et mécanique Elle doit concerner, non seulement le biomatériau lui-même, mais aussi, en amont, les procédés de fabrication et, en aval, les procédés de stérilisation, de conditionnement et de stockage. La caractérisation chimique doit comporter la caractérisation du matériau luimême, des impuretés, monomères, antioxydants, plastifiants, la résistance du produit fini à l’hydrolyse, l’oxydation, aux variations de pH. Les produits plastiques doivent être soumis aux tests d’absorption afin de connaître l’importance de ce phénomène (lipide et silicone par exemple) et ses conséquences physicochimiques. Les tests de corrosion pour les produits métalliques doivent faire partie de cette caractérisation. Ceux-ci doivent être des mesures électrochimiques (mesure du potentiel de corrosion, tracé des courbes de polarisation, détermination de la vitesse de corrosion, étude de la variation du potentiel en fonction du temps), des observations de l’échantillon (microscopie optique ou électronique pour détecter l’existence de piqûres, d’attaque aux joints de grains, de dissolution préférentielle), des études des produits de corrosion au niveau du métal lui-même (méthodes d’étude des surfaces) et de la solution par des analyses chimiques, électrochimiques et spectroscopiques. La caractérisation physique et mécanique doit comporter toute une série de tests. Les tests physiques doivent comporter l’analyse de la structure moléculaire, cristalline du produit, son poids moléculaire, sa conductivité thermique, ses propriétés électriques. Les tests mécaniques sont en partie semblables à ceux utilisés pour caractériser le site receveur, c’est-à-dire : résistance à la tension, compression, flexion, torsion, module d’élasticité, limite élastique, dureté et microdureté, coefficient de friction, initiation et propagation des microfissures, résistance à la fatigue, à la corrosion. Le procédé de fabrication doit être parfaitement connu. S’agit-il d’une fabrication propre ou stérile, à quel niveau se fait-elle, le produit fini est-il en état d’équilibre ? La fabrication du biomatériel a-t-elle nécessité l’utilisation de monomères catalyseurs, antioxydants, plastifiants ? Quelle est l’importance des impuretés sur le plan quantitatif et qualitatif ? Toutes ces considérations sont importantes à connaître pour les plastiques. En effet, secondairement, lors de l’usure, de la destruction du produit, les impuretés, monomères, etc, peuvent se retrouver dans l’organisme et avoir une toxicité propre. Les types de manipulations du produit qui peuvent entraîner des destructions chimiques ou mécaniques doivent être connus. Pour les produits métalliques, le caractère forgé ou moulé doit être noté. La stérilisation est un élément capital à connaître : – elle doit être active bactériologiquement, ce qui peut être difficile à affirmer en cas de matériaux poreux, huileux ; – elle ne doit pas dégrader le matériau, ce qui est le cas de la chaleur pour les matériaux plastiques (thermoplastiques) et des rayonnements c qui peuvent modifier les caractéristiques mécaniques des plastiques ; – le produit stérilisant ne doit pas être capté par le matériau (cas du dioxyde d’éthylène) et risquer ainsi d’être remis en circuit secondairement ; il doit pouvoir être enlevé totalement, surtout pour les matériaux poreux. Tous ces tests de caractérisation physicochimique doivent être réalisés sur le produit fini, mais aussi après essai sur machine de simulation et en milieu biologique avec ou sans essai de simulation.
Biocompatibilité et biofonctionnalité La deuxième série de tests d’évaluation comprend un certain nombre d’étapes. En première ligne, on trouve en général les cultures de cellules ou de tissus, puis viennent les examens anatomopathologiques après implantation chez l’animal. Ces derniers permettent d’apprécier les réactions locales, locorégionales et générales consécutives à l’implantation du biomatériau. Ces tests sont complétés, le cas échéant, par : – des études isotopiques qui permettent de suivre le ou les modes et degrés de dégradation, ainsi que les voies d’excrétion et de dégradation ; – des tests immunologiques, recherchant des phénomènes allergiques immédiats ou retardés ; – des tests bactériologiques ; – des tests de carcinogenèse, mutagenèse et de tératogenèse. Une fois les tests précliniques de toxicité réalisés, il est temps de passer aux essais en place chez l’animal, qui permettent de tester plus précisément la biocompatibilité de l’implant en situation de fonction, c’est-à-dire en situation quasi réelle. Cet avant-dernier niveau d’évaluation utilise les mêmes batteries de tests de toxicité, ainsi que les caractérisations physicochimiques et mécaniques du
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
matériau et du site receveur, après sacrifice de l’animal. Ici, le choix de l’animal revêt une importance particulière : il faut en effet qu’il y ait une similitude des structures et des fonctions que l’implant est amené à remplacer. Les essais cliniques représentent la dernière étape avant la mise sur le marché. L’intérêt de protocoles rigoureux et d’essais multicentriques n’est plus à démontrer. Il est fait appel à l’examen clinique, aux différents moyens d’imagerie, appréciant globalement la biofonctionnalité et à des tests biologiques, toxicologiques et immunologiques qui affinent la connaissance du comportement du biomatériau dans l’organisme. La spectroscopie et l’imagerie métabolique des traceurs nucléaires représentent des méthodes prometteuses pour le suivi fonctionnel non invasif des greffes et des matériaux implantés chez l’homme. L’évaluation clinique doit reposer sur une méthodologie stricte : sélection des patients, dossiers informatiques, logiciels d’analyse et de reconvocation, documentation complète histologique et mécanique des échecs après ablation de l’implant et en tenant compte de la loi Huriet sur la protection des personnes.
Biocompatibilité en culture cellulaire Au cours de ces 20 dernières années, la plupart des essais in vitro ont été des essais de cytotoxicité basés sur deux ou trois tests plus qualitatifs que quantitatifs, réalisés à l’aide de lignées cellulaires permanentes, ou d’origine embryonnaire, ou transformées, ou néoplasiques. Ces lignées présentent souvent des sensibilités différentes suivant le test utilisé, pour un même matériau et des conditions de culture identiques. En outre, elles sont peu différenciées et leur fonction principale est une expansion numérique rapide qui ne reflète en aucune manière la réalité physiologique d’un tissu humain différencié (os, cartilage, gencive...) où la cellule différenciée est engagée dans la synthèse et la régulation de l’homéostasie de sa matrice extracellulaire. La biocompatibilité basale prend en compte les fonctions cellulaires communes à toutes les cellules : – la prolifération ; – le taux de protéines cellulaires ; – l’état de la membrane cellulaire ; – l’attachement et l’étalement de la cellule sur le substrat. La biocompatibilité spécifique prend en compte les fonctions et structures spécifiques de chaque type cellulaire différencié : – morphologie cellulaire et inclusions cytoplasmiques caractéristiques ; – synthèse de protéines spécifiques (collagènes, protéines non collagéniques de la substance fondamentale, enzymes spécifiques...) ; – modulation du métabolisme cellulaire par les hormones dont l’action est associée au tissu d’origine. Dans le domaine qui nous intéresse, les modèles de culture sont : l’ostéoblaste, le chondrocyte articulaire, la cellule épithéliale de l’épithélium gingival humain, le fibroblaste du tissu conjonctif sous-jacent. Ces modèles de cultures de cellules différenciées humaines doivent être, préalablement à toute expérimentation, bien définis quant aux paramètres de leur prolifération, à l’expression de leur phénotype, c’est-à-dire leur capacité à synthétiser in vitro les protéines que ces cellules synthétisent in vivo. Ces cellules différenciées vieillissent en culture, aussi faut-il prendre soin de : – mettre en culture des cellules provenant d’échantillons de tissu humain sain prélevés toujours au même endroit lors d’opérations chirurgicales réalisées sur des individus âgés de 20 à 40 ans ; – toujours travailler sur les premières générations cellulaires (troisièmesixième passages), les deux premiers passages étant congelés dans l’azote liquide de manière à constituer une banque à partir de laquelle seront réalisées plusieurs études. Le protocole d’évaluation de la cytocompatibilité, proposé à l’Afnor dans le cadre de la normalisation, repose sur quatre expérimentations : – l’étude de la prolifération cellulaire par la mesure des paramètres de cette prolifération : temps de doublement, équation de la courbe de prolifération ; – l’étude du taux de protéines cellulaires (exprimé en microgrammes [µg] de protéines/105 cellules pour une densité cellulaire fixe), qui est le reflet de l’état métabolique global de la cellule ; – l’évaluation du relargage du 51Cr, qui est le reflet de l’état de la membrane cellulaire (degré de lyse de la membrane) ; cette technique est toutefois très délicate (réalisation, interprétation) ; – l’évaluation microscopique de l’attachement et de l’étalement par la cinétique de l’attachement et la mesure de la surface d’étalement ; si le matériau est transparent, l’examen est réalisé au microscope optique ; si le matériau n’est pas transparent, l’examen de l’étalement est réalisé au microscope électronique à balayage. La qualité de l’attachement est étudiée en microscopie électronique à transmission.
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Cette étude en quatre temps est toujours réalisée au contact du matériau ou à partir d’extraits du matériau, en parallèle avec des témoins négatifs (pas d’effet négatif connu) et des témoins positifs (provoquant un effet négatif connu).
Biocompatibilité en cultures de tissus ou d’organes La difficulté qu’ont certains pays à expérimenter sur l’animal, ainsi que le choix délicat du modèle animal, justifient le développement de tests in vitro approfondis permettant une évaluation fonctionnelle au contact du matériau et de rendre compte de l’influence de l’état de surface du matériau sur les systèmes biologiques. Le principe de la technique consiste à cultiver le tissu ou l’organe à l’interface milieu nutritif-air. Dans un tel système, les interactions entre les différents types cellulaires composant le tissu ou l’organe, nécessaires à leurs fonctions, sont maintenues. Par ailleurs, le temps de culture, relativement court (6 à 15 jours), limite les éventuelles modifications métaboliques du tissu ou de l’organe occasionnées par la culture à long terme. Ces conditions permettent donc aux tissus ou aux organes de croître et/ou de survivre in vitro dans des conditions relativement proches de celles du tissu ou de l’organe in vivo. Un modèle in vitro utilisant la technique de culture organotypique a pu être mis au point pour les tissus mous et, plus récemment, pour le tissu osseux. Ce modèle quantitatif présente une bonne corrélation avec les tests in vitro couramment utilisés, les expérimentations in vivo et cliniques et permet la présélection d’un matériau en fonction de sa future utilisation. En effet, les critères retenus prennent en compte à la fois la cytotoxicité et la cytocompatibilité d’un matériau, la première étant liée à une notion de tolérance et la seconde à une notion d’acceptation biologique. La viabilité, la multiplication, la migration et l’adhésion cellulaire sont les paramètres quantitatifs à apprécier. Leur analyse, assistée par ordinateur, non seulement limite l’incertitude liée aux appréciations individuelles, mais permet également l’obtention et l’interprétation des résultats en moins d’une journée. Pour le tissu osseux, on utilise soit du tissu osseux de fémur, de tibia ou de calvaria d’embryons de poulet de 18 jours, soit de l’os alvéolaire humain adulte, soit de l’os spongieux de crêtes iliaques de sujets âgés de moins de 18 ans.
Réponse immunitaire La réponse immunitaire à un biomatériau implique à la fois des composants humoraux et cellulaires. Le contrôle de ces processus commence à être suffisamment bien compris pour envisager de concevoir des matériaux plus biocompatibles. L’identification et le clonage des cytokines spécifiques, de leurs récepteurs et des cellules T ont ouvert de nouvelles voies de recherche. Les études de l’interaction de ces composants de la réponse immunitaire avec les matériaux employés dans les biomatériels en sont encore à leurs débuts, malgré un volume déjà important de publications.
Biocompatibilité chez l’animal Il est recommandé de faire les essais sur plusieurs espèces animales (rongeur, lapin, mouton, chien, veau et singe). Étant donné les variations d’âge, les variations génétiques nutritionnelles et constitutionnelles, la standardisation animale est souvent difficile ; cependant, une certaine uniformité est possible en organisant des séries d’expériences de comparaison. Le site d’implantation est important. Idéalement, l’implant doit être inséré dans un site conforme à l’usage pour lequel il a été conçu. L’efficacité de l’anesthésie, les techniques chirurgicales et les soins postopératoires doivent être uniformes et du plus haut niveau. La durée de l’implantation doit être planifiée de façon rigoureuse. Il faut compter 1 semaine pour que les réactions tissulaires associées au traumatisme opératoire se stabilisent. Des prélèvements en nombre suffisant doivent être réalisés (par exemple, pour des implantations à court terme, à 1, 2 et 4 semaines et, pour des implantations à long terme sur deux espèces animales, à 12, 26 et 52 semaines chez le lapin et à 12, 26, 52 et 104 semaines chez le mouton) sur un nombre approprié d’animaux (c’est-à-dire un minimum de deux par temps d’implantation) pour donner des résultats valables. La batterie de tests comprend : examens anatomopathologiques, études isotopiques, tests immunopathologiques, tests bactériologiques, tests de carcinogenèse, de mutagenèse et de tératogenèse. Les normes Afnor se rapportant à ces essais portent les numéros : NF S 90700, -701, -703 et NF S 91-142, -143, -144, -145, -146.
Évaluation de la biofonctionnalité La biofonctionnalité est appréciée par des essais du biomatériel en place chez l’animal et par des investigations cliniques sur patients sélectionnés. Les essais en place chez l’animal vont tester, plus précisément, la biocompatibilité de l’implant en situation presque réelle, son comportement page 3
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
Tableau I. – Classification des biomatériaux.
Stomatologie/Odontologie
Tableau III. – Propriétés mécaniques de quelques tissus (d’après [37, 94, 107]).
Biomatériaux d’origine non vivante Biomatériaux métalliques - métaux purs : précieux (Au, Ar, Pt) non précieux (Ti, Ta, W, Nb) - alliages métalliques : aciers inoxydables (316L ...) de titane (Ti-Al6-V4, Ti-Al5-Fe2,5 ...) chrome-cobalt (avec ou sans W, Mo, Ni) - composés intermétalliques : amalgames dentaires Ag-Sn-Ag à mémoire de forme (nitinol) Biomatériaux céramiques - céramiques dites bio-inertes : à base d’oxydes (Al2O3, ZrO2 ...) à base de carbures et de nitrures (Si, Ti) carbones (vitreux, pyrolytique, quasi-diamant ...) - céramiques dites bioactives : à base de phosphate de calcium (HA, TCP ...) à base d’autres sels de calcium (carbonates, sulfates, aluminates) bioverres et vitrocéramiques Biomatériaux à base de polymères de synthèse - élastomères : silicones, polyuréthanes ... - plastiques : thermodurcissables (résines époxy, triazines ...) thermoplastiques (PMMA, PHEMA, PVA, polyéthylène, PTFE, polysulfone, PEEK ...) - biorésorbables : PGA, PLA, polydioxanone ... Biomatériaux composites de synthèse Biomatériaux organo-organiques, minéralominéraux, organominéraux Biomatériaux d’origine biologique - origine végétale : bois et dérivés (cellulose ...), squelette d’algues rouges - origine animale : dérivés tissulaires allogéniques ou xénogéniques (dent, os, cartilage, collagène, fibrinogène, coquille d’œuf, nacre, chitine, corail ...) Biomatériaux composites mixtes Biomatériaux d’origine biologique associés à des biomatériaux d’origine non vivante HA : hydroxyapatite; TCP : phosphate tricalcique ; PMMA : polyméthacrylate de méthyle ; PHEMA : polyhydroxyéthylméthacrylate ; PVA : alcool polyvinylique ; PTFE : polytétrafluoroéthylène ; PEEK : polyétheréthercétone ; PGA : acide polyglycolique ; PLA : acide polylactique.
en fonction et sa biostabilité dans le temps. Le choix de l’animal est important et il faut une certaine similitude dans le système ostéoarticulaire et masticatoire avec l’homme. Les investigations cliniques constituent la dernière étape et doivent être limitées, au début, en nombre, en temps et en équipes qui testent le biomatériel avec un groupe de contrôle indépendant. L’essai fait appel aux tests cliniques et aux moyens d’imagerie permettant d’apprécier globalement la biofonctionnalité. Des tests de toxicité, d’allergie (migration leucocytaire, numération-formule, tests cutanés) et de recherche de produits dégradés (sang, urines, cheveux) doivent en particulier être réalisés. Enfin, l’analyse des implants retirés après réintervention ou décès fournit une dernière série de renseignements particulièrement précieux.
Stabilité durant la fabrication et la livraison Des tests appropriés (physiques, chimiques et microbiologiques) doivent garantir que les qualités du biomatériau n’ont pas été altérées durant les phases de fabrication du biomatériel, durant la stérilisation, le transport et le stockage.
Sécurité sanitaire En France, la loi du 1er juillet 1998 renforce la veille sanitaire et le contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme.
Résistance à la rupture (MPa)
Type
Module d’élasticité (GPa)
Os compact (cortical)
60 (cisaillement) 200 (compression)
30 (longitudinal) 17 (radial)
Os spongieux (trabéculaire)
51-237
6-22
Cartilage (auriculaire) (articulaire)
3 11-35
20 3,7-10,5
Dentine
50-60
15-20
Peau
7-12
16
MPa : mégapascal ; GPa : gigapascal.
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé participe à l’application de la réglementation relative à l’importation, aux essais, à la fabrication, la préparation, l’exportation, la distribution en gros, le conditionnement, la conservation, l’exploitation, la mise sur le marché, la publicité, la mise en service ou l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et des produits à finalité cosmétique ou d’hygiène corporelle. Sont concernés : sang, greffes, thérapies géniques ou cellulaires, médicaments, biomatériaux et dispositifs médicaux, cosmétiques. Cette agence se substitue à l’Agence du médicament.
Différentes classes de biomatériaux Les biomatériaux que nous allons passer en revue (tableau I) représentent les principaux biomatériaux en usage et une brève considération de leurs caractéristiques physiques, chimiques et biologiques montre dans quelle mesure ils peuvent satisfaire à la grande variété des besoins dans le domaine de l’odontostomatologie et de la chirurgie maxillofaciale. Le tableau II compare les propriétés des matériaux par classes. Le tableau III indique les propriétés mécaniques de quelques tissus. Pour la réalisation de biomatériels, ces matériaux sont utilisés, soit à l’état massif, soit sous forme de revêtements, soit enfin sous forme de composites. Selon les applications envisagées, c’est la stabilité à long terme qui est recherchée ou, au contraire, la dégradation contrôlée dans un laps de temps déterminé. La consultation des ouvrages cités en référence [9, 10, 37, 60, 70, 72, 84, 93, 94, 107, 132, 135, 136] peut s’avérer utile pour aborder les différents aspects de la recherche, du développement et des applications cliniques. Deux normes nous intéressent plus particulièrement. Il s’agit de la norme XP ISO/TR 10451 de décembre 1995 (NF S 91-151) qui concerne les implants dentaires (état de l’art, répertoire des matériaux) et de la norme NF S 91-155 de novembre 1995 qui concerne les matériaux implantables de reconstruction osseuse (comblement, apposition et recouvrement) en chirurgie dentaire et maxillofaciale (état de l’art, répertoire des matériaux, méthodologie d’évaluation).
Tableau II. – Comparaison des propriétés des matériaux par classe (d’après [9] modifié). Module d’élasticité γ
Résistance à la rupture σy
Limite de résistance σu
Contrainte de rupture εu
Résilience
Dureté
Résistance à l’environnement biologique
Réponse locale de l’hôte
Céramiques
+
±
+
-
±
+
+
-
Métaux
±
+
±
±
+
±
-
+
Polymères
-
-
-
+
-
-
±
±
+ : élevée ; ± : moyenne ; - : faible.
Biomatériaux métalliques Généralités sur les matériaux métalliques [70] La majorité des éléments sont des métaux. Par contraste avec les éléments non métalliques, ils sont bons conducteurs de la chaleur et de l’électricité, brillants et opaques et peuvent être déformés plastiquement. Toutes ces propriétés particulières résultent de l’existence de la liaison métallique. Celle-ci, comme son nom l’indique, est la liaison principale (mais pas l’unique) des métaux et de leurs alliages. Dans un métal, les électrons ayant l’énergie la plus élevée ont tendance à quitter leur atome d’origine (les transformant ainsi en ions) et à se mêler pour former une « mer » d’électrons plus ou moins libres. Les électrons se déplacent facilement, ce qui explique la conductivité électrique élevée des métaux. La liaison métallique n’est pas directionnelle, page 4
donc les ions métalliques ont tendance à s’empiler en structures simples et denses, comme des billes qu’on agiterait dans une boîte. Les ions métalliques constituent une trame plus ou moins fixe de charge positive (le réseau cristallin) à travers laquelle les électrons se déplacent en constituant une sorte de « nuage électronique ». Ces solides sont opaques, car les électrons « libres » absorbent l’énergie des photons lumineux, ils sont brillants car ces électrons réémettent de l’énergie absorbée par émission de photons en repassant de l’état excité à l’état normal. Les atomes qui ont plusieurs électrons de valence les perdent moins facilement et constituent des solides où la liaison métallique est en
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Stomatologie/Odontologie
Tableau IV. – Éléments de la classification périodique intéressants pour la réalisation de biomatériaux métalliques (d’après [9]). III A 13 Al
IV B
VB
VI B
VII B
22 Ti
23 V
24 Cr
25 Mn
40 Zr
41 Nb
42 Mo
73 Ta
74 W
VIII 26 Fe
27 Co
28 Ni 46 Pd
77 Ir
78 Pt
compétition avec la liaison covalente. C’est le cas des métaux de transition tels que le fer, le nickel, le tungstène, le titane, dont les points de fusion sont élevés. La combinaison d’un métal avec un ou plusieurs autres éléments métalliques ou non métalliques réalise un alliage. Dans de tels alliages, les phases ne sont généralement pas des cristaux de l’un et l’autre des éléments purs, mais des composés, des mélanges. Par exemple, dans un acier, on n’observe pas des cristaux de fer d’une part et de carbone d’autre part, mais on observe des composés : le fer mélangé à une petite quantité de carbone, la cémentite qui est un carbure de fer Fe3C etc. La distribution, la structure des phases d’un alliage métallique sont, contrairement au cas des céramiques, très sensibles au traitement thermique que l’alliage a subi, car les atomes sont beaucoup plus mobiles à l’état métallique que lorsqu’ils sont liés à leurs voisins par des liaisons ioniques ou covalentes. Outre les caractéristiques de base qu’ils partagent avec les métaux purs, les alliages ont des températures de fusion plus basses que celles des métaux purs et cette fusion a lieu à divers intervalles de températures. Les alliages sont généralement plus résistants que les métaux purs en raison du durcissement de la solution solide des atomes de l’alliage. Dans de nombreux cas, des relations entre phases solides rendent possible l’utilisation du traitement thermique pour accroître la résistance de ces alliages. Les métaux sont préparés par réduction de leur minerai naturel, selon les procédés en phase solide ou liquide. Les métaux et alliages, à l’état fini, peuvent être classés en métaux coulés ou en métaux forgés, selon que leur forme finale résulte du refroidissement du métal liquide ou de la déformation mécanique du métal solide. En général, la coulée (moulage) peut être utilisée pour créer des formes complexes, tandis que le forgeage peut donner une résistance plus grande. Certains alliages peuvent être soit coulés, soit forgés, tandis que d’autres sont destinés à n’être fabriqués que par une seule méthode.
Métaux et alliages utilisés comme biomatériaux [70] Les éléments métalliques susceptibles de présenter un intérêt pour le remplacement ou la réparation organotissulaire sont indiqués dans le tableau IV, représentant une partie de la classification périodique des éléments. Les métaux ont été utilisés comme biomatériaux depuis le XVIe siècle, mais ce n’est qu’avec l’introduction de l’asepsie qu’ils sont entrés dans la pratique chirurgicale. Le développement des métaux et des alliages en tant que biomatériaux a suivi étroitement celui de la métallurgie moderne tout au long du XX e siècle. Les aciers inoxydables, qui ont été élaborés pour des applications industrielles nécessitant à la fois résistance mécanique et résistance à la corrosion, se sont également avérés utiles comme matériaux implantés. Il en est de même des alliages de cobalt et de titane, initialement développés pour des applications aéronautiques en raison de leur résistance thermique et de leur rapport poids/résistance mécanique favorable. Ce qui fait qu’aucun des alliages actuellement employés comme biomatériaux n’a été conçu initialement à des fins biomédicales. On fait appel aux métaux et alliages comme biomatériaux dans des applications où leurs propriétés sont particulièrement adaptées aux exigences de la fonction à remplir. C’est le cas, par exemple, des implants orthopédiques où la résistance joue un grand rôle ou encore des stimulateurs cardiaques qui nécessitent une bonne conductivité électrique.
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Les métaux purs ne sont employés que dans des applications bien précises. Les alliages métalliques couramment utilisés en clinique peuvent être classés en cinq groupes : les aciers inoxydables, les alliages à base de cobalt, les alliages de titane, les alliages à base de platine et les alliages à mémoire de forme (composés intermétalliques).
Métaux purs [70] Principales propriétés Le fer manque de résistance à la corrosion et présente à l’état isolé une cytotoxicité certaine (qui disparaît lorsqu’il est mis en alliage). Il faut noter que pour la fixation des fractures, les ligatures à base de fil de fer ont été les premières utilisées et décrites déjà par Fabricius. Le plomb est toxique. Le cuivre est hautement cytotoxique et manque des propriétés mécaniques nécessaires. Le zinc semble inhiber la régénération osseuse. L’aluminium a une limite d’élasticité élevée, mais manque des propriétés mécaniques nécessaires. Le nickel a été considéré pendant de longues années comme intéressant en couche mince : en particulier, Lambotte de Bruxelles recommandait l’utilisation d’acier nickelé en 1909. Il faut remarquer qu’en 1924 Zierold a reconnu que si le nickel provoquait une légère irritation des tissus, il déclenchait en revanche une accélération de l’ostéogenèse. Mais la démonstration d’effets carcinogènes et allergisants l’ont fait tomber en défaveur dans ce type d’application. L’argent a été utilisé avec succès par Lister pour la fixation des fractures. Il n’est pas toxique pour l’os, mais sa limite élastique est insuffisante. Il a cependant été utilisé également pour la cranioplastie, la réalisation de clips vasculaires, de tube de trachéotomie et pour la prothèse pénienne de Jonas en silicone-argent. En implantation intramusculaire, il provoque une réponse locale similaire à celle produite par l’acier inoxydable, avec une légère réaction inflammatoire au début et une épaisse capsule collagénique avasculaire après 5 mois (Williams, 1989). Enfin, ses intéressantes propriétés bactéricides ont amené plus récemment à l’incorporer dans des céramiques pour prévenir le risque infectieux en prothèse articulaire. L’or a été utilisé par Petronius dès le XVIe siècle pour la réparation des fentes palatines. Sa ductilité est élevée. Mais, bien qu’il soit résistant à l’attaque par l’environnement biologique, ses très médiocres propriétés mécaniques le font écarter des matériaux destinés à l’implantation. Le platine est extrêmement résistant à la corrosion et parmi les mieux tolérés des métaux, mais il a de médiocres propriétés mécaniques. Il est essentiellement utilisé à l’état d’alliage, notamment pour les électrodes de stimulateurs cardiaques. Outre leur prix élevé, les métaux précieux de type or ou platine présentent l’inconvénient d’une masse volumique importante ainsi que d’une forte conductivité électrique et thermique. Le zirconium a été pris en considération pour des applications chirurgicales dès 1950, car il possède une excellente résistance à la corrosion et une absence de toxicité sur les tissus de l’organisme. Il possède des propriétés mécaniques voisines de celles du tantale, tout en étant nettement moins dense. Un alliage avec 2,5 % de columbium (autre dénomination du niobium) a été étudié plus récemment pour accroître sa résistance en fatigue. Le tantale a été envisagé pour la réalisation d’implants chirurgicaux par Burke dès 1940, essentiellement en raison de sa résistance à la corrosion, laissant augurer une remarquable biocompatibilité. Jusqu’à une époque récente, ses propriétés mécaniques avaient toutefois restreint ses applications aux fils métalliques, agrafes et feuilles pliables. Le niobium (ou columbium) est un métal très similaire. Il faut cependant noter que le tantale et le niobium n’offrent de bonnes propriétés mécaniques (tableau V) et une excellente résistance à la corrosion que s’ils sont très purs (99,90 % au minimum). Leur point de fusion élevé nécessite le recours à la métallurgie des poudres ou à la fusion par faisceau d’électrons ou par arc sous ultravide (pour éviter la contamination par l’hydrogène, le carbone, l’oxygène, l’azote). Ainsi, par des conditions de fabrication appropriées, le tantale et le niobium peuvent être employés pour des implants soumis à des contraintes élevées en
Tableau V. – Propriétés mécaniques du tantale et du niobium (d’après Plenk et Schider, 1990). Tantale
Niobium
Propriétés recuit Dureté Vickers (HV 10) Module d’élasticité (103 MPa) Résistance à la rupture (MPa) Élongation (%)
écroui
80-100
recuit
120-300
60-10
400-1000 1-25
275-350 25-40
186-191 200-300 20-50
écroui 110-180 103-116 300-1000 1-25
MPa : mégapascal.
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Schématisation de la ré-
7 ponse tissulaire aux métaux im-
plantés (d’après Williams, 1987). 1. Implant ; 2. zone de nécrose ; 3. aire d’infiltration cellulaire, d’intensité variable ; 4. collagène 8 orienté ; 5. îlot de fibres musculaires ; 6. vaisseaux sanguins ; 7. collagène lâche ; 8. muscle normal.
dépit de leur résistance à la rupture plus faible. En outre, leur comportement en fatigue ne varie pas de façon significative en environnement corrosif, la sensibilité à l’entaillement et la tendance à la propagation des fissures sont faibles. Leur module d’élasticité est plus proche de celui de l’os que celui des alliages à base de cobalt. Leur comportement en friction les rend toutefois peu indiqués pour des surfaces articulaires. Des études in vitro et in vivo ont confirmé une excellente biocompatibilité à court et à long terme pour ces deux métaux. Il n’y a pas d’inhibition de la croissance des fibroblastes et un contact étroit avec l’os s’établit autour d’implants intraosseux, avec ou sans mise en charge. Ce contact osseux direct a pu être observé pendant des périodes allant jusqu’à 10 ans pour des implants dentaires en tantale. Le tantale est employé notamment pour des implants dentaires, des fils de suture tendineux ou cutanés, des treillis herniaires, des électrodes intracérébrales ou intramusculaires. Le titane pur est relativement peu résistant, bien que sa résistance et sa ductilité puissent varier considérablement en contrôlant sa teneur en oxygène. Le titane F 67 possédant la teneur en oxygène la plus élevée, est utilisé pour la fabrication d’implants dentaires ou orthopédiques, à l’état massif ou sous forme de revêtement (cf infra).
Réactions tissulaires aux métaux implantés En général, les réactions tissulaires aux métaux vont dépendre de la nature du métal en question et de son comportement en corrosion dans l’environnement biologique. La réaction type au niveau des tissus mous a été schématisée par Williams pour un implant intramusculaire. Elle comporte les modifications morphologiques suivantes : développement d’une capsule fibreuse séparant l’implant du tissu musculaire environnant et variant dans le temps quant à son
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épaisseur, son organisation et ses rapports avec le tissu adjacent. Une aire de nécrose peut s’observer au contact de l’implant, entourée elle-même par une région d’infiltration cellulaire chronique. Une bande de collagène orienté dense en est souvent voisine, entourée elle-même par une zone de collagène plus lâche pouvant contenir vaisseaux, vacuoles, tissu adipeux, fragments musculaires et des populations cellulaires distinctes. Dans certains cas, la capsule a des limites bien définies, mais dans d’autres elle peut s’étendre de façon irrégulière et diffuse dans le muscle environnant (fig 1). En ce qui concerne les tissus durs (implants intraosseux), le processus de réparation osseuse se déroule dans l’espace existant entre l’implant et l’os. Si cet espace est peu important (moins de 0,35 mm d’après Carlsson et al), de l’os néoformé va avoir tendance à le remplir ; mais ce processus peut être modifié par des influences mécaniques et chimiques (ainsi des micromouvements intermittents inhibent la régénération osseuse autour d’implants en titane : Aspenberg et al). Au bout d’un certain temps et pour la plupart des matériaux, l’espace se trouve comblé en partie par de l’os néoformé et en partie par du tissu fibreux non minéralisé. Dans certains cas cependant, l’os nouveau peut combler tout l’espace et un contact intime entre l’os et l’implant est réalisé (cas des implants dits « ostéointégrés »). En cas d’implantation, non plus d’un solide à l’état massif, mais de particules, il peut y avoir plusieurs possibilités. Les particules peuvent encourager activement l’ostéogenèse et accélérer la réparation de la perte de substance si elle est minime, ou bien favoriser son envahissement par du tissu osseux plutôt que par du tissu non minéralisé si elle est importante. Mais ces particules peuvent aussi, soit se comporter de façon neutre et la croissance osseuse se produit autour d’elles, soit au contraire empêcher la conversion totale en os nouveau et favoriser la formation de tissu fibreux autour de chacune d’elles. Là aussi, la nature chimique du matériau joue un rôle critique.
Alliages métalliques Le tableau VI présente les principaux alliages métalliques utilisés comme biomatériaux. Le tableau VII indique quelques caractéristiques techniques de métaux et alliages utilisés pour la réalisation d’implants chirurgicaux. Les normes NF EN 25832-1 à -9 (S94-051 à -59) concernent les aciers inoxydables, les alliages à base de cobalt, le titane et les alliages de titane.
Alliages à base de fer [21, 31, 70, 90, 105, 108, 137] Bien que de nombreux types d’aciers aient été proposés pour l’utilisation comme matériaux implantés, l’acier 316L (ASTM F 138, F 139, grade 2) demeure le plus utilisé en pratique. Le L dans sa désignation correspond à sa basse teneur en carbone (Low carbon content) qui lui assure une meilleure tenue en corrosion, une teneur supérieure à 0,03 % augmentant le risque de formation de carbides dont la précipitation réduit la formation de la couche protectrice d’oxyde de chrome Cr2O3.
Aciers inoxydables traditionnels La combinaison originale du fer et du chrome dans un alliage a été développée en 1821, mais ce n’est pas avant 1926 que l’acier inoxydable a été utilisé en chirurgie orthopédique. Du molybdène a été ajouté dans les années 1940 et l’alliage n’a guère changé depuis. L’acier inoxydable est encore largement utilisé pour les matériels d’ostéosynthèse et il conserve aussi sa place dans la
Tableau VI. – Principaux alliages métalliques et leurs utilisations (d’après [9]). Élément de base
Principaux éléments de l’alliage
Fe
C + Cr, Ni, Mn, Mo, V
Co
Nom générique
Applications type
Aciers inoxydables
Matériels d’ostéosynthèse Instruments chirurgicaux
Cr, Mn, W, Mo, Ni, Nb, Ta
Alliages à base de cobalt
Composants de prothèses articulaires
Ti
Al, V, Fe, Nb, Zr
Alliages à base de titane
Matériels d’ostéosynthèse Composants de prothèses articulaires Instruments chirurgicaux
Pt
Ir, Pd
Alliages précieux
Électrodes
Tableau VII. – Quelques caractéristiques techniques de métaux et alliages utilisés pour la réalisation d’implants chirurgicaux (d’après [60] et Ashby et Jones, 1991). Matériau Titane (Ti) Titane-aluminium-vanadium (Ti-Al-V) Cobalt-chrome-molybdène (Co-Cr-Mo) Acier inoxydable (316L) Tantale (Ta) Or (Au) Platine (Pt)
Analyse élémentaire (%)
Module d’élasticité (GPa)
Limite de résistance à la traction (MPa)
Ductilité en traction (%)
Surface
99+ Ti 90Ti-6Al-4V 66Co-27Cr-7Mo 70Fe-18Cr-12Ni 99+ Ta 99+ Au 99+ Pt
97-116 117-130 235 193 150-186 97 166
240-550 860-896 655 480-1000 690 207-310 131
> 15 > 12 >8 > 30 11 > 30 40
Oxyde de Ti Oxyde de Ti Oxyde de Cr Oxyde de Cr Oxyde de Ta Au Pt
GPa : gigapascal (109 Pa) ; MPa : mégapascal (106 Pa) ; 1 Pa = 1 N/m2 z 0,1 kgf/m2 ; N/m2 : newton par mètre carré ; kgf : kilogramme force.
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Stomatologie/Odontologie
BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
panoplie des matériaux utilisables en prothèse osseuse ou dentaire. Les deux types de dommages contre lesquels il doit être prémuni sont la fatigue mécanique et la corrosion localisée (en particulier la corrosion caverneuse et la corrosion par frottement). La structure et les propriétés des aciers dépendent de la teneur en carbone, de la présence ou non d’éléments ajoutés ainsi que des traitements thermiques ou physicochimiques subis (trempe, recuit, revenu). Les aciers inoxydables peuvent être classés en quatre catégories de base, en fonction des phases caractéristiques présentes à température ambiante : – les aciers austénitiques, comportant une phase solide appelée austénite, qui est une solution solide de fer c avec du carbone au taux de 2 % ou moins et qui est stabilisée par la présence de nickel ; – les aciers ferritiques, à basse teneur en nickel, pour lesquels la phase austénitique formée à haute température se dissocie en fer a et carbone à basse température ; – les aciers martensitiques, pour lesquels chauffage et refroidissement rapides peuvent entraîner une transformation de phase non diffusionnelle interne de la phase austénitique en une nouvelle phase, la martensite, sans précipitation ; – les aciers à durcissement par précipitation, qui ont une teneur suffisamment élevée en carbone pour qu’un précipité de carbure Fe3C puisse se former par traitement thermique. La ferrite (solution solide très limitée de carbone dans le fer a) est un constituant malléable et de faible dureté des aciers à bas carbone (0,10 %) ; l’austénite est une solution solide de carbone dans le fer c. La meilleure résistance à la corrosion est obtenue avec les aciers dits austénitiques qui contiennent à la fois du nickel et du chrome et ont une structure cristalline austénitique. Les spécifications pour les aciers inoxydables chirurgicaux, habituellement appelés 316L, sont typiquement de 17 à 20 % pour le chrome, 12 à 14 % pour le nickel, 2 à 4 % pour le molybdène avec un maximum de 0,03 % pour le carbone. Les propriétés mécaniques témoignent d’un comportement correct mais non particulièrement remarquable. Le matériel est forgé et non coulé ; son utilisation dans des composants coulés individuellement est de ce fait exclue, au moins en l’état actuel de la technologie. Quoique l’acier inoxydable contienne du chrome, sa résistance à la corrosion n’est pas très bonne et l’on observe fréquemment une rupture du film de passivation conduisant à une corrosion importante. Celle-ci peut compromettre la biocompatibilité, la libération de quantités excessives de produits de corrosion ayant des effets nocifs sur les tissus. Pour optimiser l’utilisation de l’acier, le métallurgiste dispose de certains moyens. Il peut ainsi intervenir sur la composition de l’acier inoxydable : l’augmentation des teneurs en molybdène, chrome, nickel rend le matériau amagnétique ; la réduction des teneurs en soufre, manganèse, aluminium supprime les inclusions (MnS) et améliore ainsi la résistance à la fatigue et à la corrosion localisée (piqûre) ; la réduction de la teneur en carbone évite la corrosion intergranulaire. Il peut également intervenir au niveau de la méthode d’élaboration (en utilisant notamment la refusion sous vide, qui améliore la propreté vis-à-vis des oxydes) et au niveau de la méthode de transformation par hypertrempe du matériau (qui évite la corrosion intergranulaire et la rupture par fatigue) ou par écrouissage de façon homogène et forgeage (qui augmente les caractéristiques mécaniques, en évitant d’amoindrir la résistance à la corrosion liée à l’écrouissage hétérogène). Enfin, le fabricant peut intervenir au niveau de l’état de surface pour éviter toute amorce de fissure, piqûre etc. Pour les implants temporaires, l’acier de type 316L refondu sous vide semble une solution bien confortée par expérience. On peut espérer que les progrès en cours dans les méthodes d’élaboration permettront bientôt d’atteindre encore plus simplement le niveau de propreté inclusionnaire prescrit à juste titre par les normes. Pour les implants définitifs, en revanche, il semble qu’une augmentation de la teneur en molybdène soit une voie à envisager (plus de 3 %). Les recherches sont orientées vers la mise au point de nouveaux alliages sans chrome (cependant, il faut bien voir que c’est le chrome qui donne le caractère d’inoxydabilité) et sans nickel, ainsi que vers la réalisation de traitements de surface appropriés. Les techniques d’implantation ionique permettent, par exemple, d’apporter dans les couches les plus superficielles une surconcentration d’éléments favorables à la surface de travail ou facilitant d’ultérieurs recouvrements (tels des couches d’accrochage pour les céramiques).
Aciers inoxydables avancés Acier 22-13-5 L’acier inoxydable 22-13-5 contient plus de chrome, manganèse, azote et moins de nickel que le 316L.
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Tableau VIII. – Composition chimique d’aciers inoxydables biomédicaux (d’après [135]). Composition (en %) Élément
Acier Cr-Ni-Mo 316L
Acier double phase 25Cr-7Ni-4Mo-N
C Cr Ni Mo N Mn P S Si Fe
≤ 0,03 17-20 12-14 2-4 ≤2 ≤ 0,025 ≤ 0,01 ≤ 0,75 reste
≤ 0,02 25 7 4 0,25 reste
Acier sans nickel Il s’agit d’acier ferritique à haute teneur en chrome, développé au Japon, qui permet d’éviter la libération ionique de nickel tout en présentant une remarquable résistance à la corrosion en « crevasse » et une bonne cytocompatibilité.
Aciers double phase (« duplex stainless steels ») Ces aciers possèdent des microstructures austénitiques-ferritiques avec une haute teneur en chrome (22-25 %), molybdène (3-4 %), azote (0,15-0,30 %) et une basse teneur en nickel (4-7 %). Ces aciers présentent de meilleures propriétés mécaniques que les aciers austénitiques avec le même degré de déformation plastique à froid. Une haute teneur en azote (0,25-0,30 %) augmente la résistance à la corrosion localisée in vitro et in vivo et améliore l’usinabilité. Un exemple en est le 25Cr-7Ni-4Mo-0,3N (Cigada et al [21]).
Superalliages Le MA 956, produit par alliage mécanique d’une dispersion d’oxydes à base de fer (aciers à dispersoïdes) est particulièrement résistant du point de vue mécanique et à la corrosion in vitro-in vivo. C’est un acier ferritique qui développe une couche d’a-alumine après traitement thermique à haute température. Il y a cependant des préoccupations quant à l’utilisation comme biomatériaux des alliages ferritiques qui peuvent être rendus fortement magnétiques par l’action de champs magnétiques, notamment ceux produits par certaines techniques d’imagerie (imagerie par résonance magnétique). Le tableau VIII indique la composition chimique d’aciers inoxydables biomédicaux. Quoique l’acier inoxydable soit largement utilisé en orthopédie, il ne possède cependant pas des propriétés idéales pour l’utilisation en stomatologie et en chirurgie maxillofaciale, où ses applications sont souvent réduites aux fils ou aux plaques pour l’ostéosynthèse et aux attelles de reconstruction mandibulaire.
Alliages à base de cobalt [14, 45, 70, 90, 105, 124] Ils ont été mis au point par Haynes en 1907 et ils sont connus sous le nom de stellites en raison de leur brillant éclat métallique. Ils ont été utilisés pour la première fois en dentisterie vers le milieu des années 1930 et leur bonne résistance à la corrosion, jointe à leur tolérance par les tissus, ont conduit à leur introduction en chirurgie orthopédique quelques années après. Ces matériaux sont habituellement dénommés alliages cobalt-chrome et il en existe deux types principaux : l’alliage Co-Cr-Mo, qui est habituellement coulé, et l’alliage Co-Ni-Cr-Mo, qui est habituellement forgé. L’ American society for testing and materials (ASTM) recommande quatre types d’alliages à base de cobalt pour la réalisation d’implants chirurgicaux : l’alliage coulé Co-Cr-Mo (F 76), l’alliage forgé Co-Cr-W-Ni (F 90), l’alliage Co-Ni-Cr-Mo forgé (F 562) et l’alliage forgé Co-Ni-Cr-Mo-W-Fe. Leurs compositions chimiques sont résumées dans le tableau IX. Les deux éléments de base des alliages à base de cobalt forment une solution solide contenant jusqu’à 65 % de cobalt et 35 % de chrome. Le molybdène est ajouté pour produire des grains plus fins, amenant une résistance plus élevée après coulage ou forgeage. L’un des alliages forgés à base de cobalt les plus prometteurs est l’alliage CoNi-Cr-Mo appelé MP 35 N, qui contient approximativement 35 % de cobalt et nickel. La dénomination MP fait référence aux multiples phases dans sa microstructure. Cet alliage a un degré élevé de résistance à la corrosion en eau de mer sous contrainte. L’écrouissage peut accroître considérablement la résistance de l’alliage. Cependant, cet écrouissage est particulièrement difficile lors de la réalisation de biomatériels de dimension importante, comme les queues de prothèse de hanche. Seul le forgeage à chaud peut être utilisé pour travailler mécaniquement l’alliage (usinage). Une autre façon d’accroître la résistance fait appel au pressage isostatique à chaud après atomisation de l’alliage en poudre dans une chambre. Après page 7
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Tableau IX. – Composition chimique de différents alliages cobalt-chrome (d’après [135]). Composition Élément
Co-Cr-Mo Alliage coulé
Co-Cr-W-Ni Alliage forgé HS25
Co-Ni-Cr-Mo Alliage forgé MP 35N
Cr Mo Ni Fe C Si Mn P S W Ti Co
27,0-30,0 5,0-7,0 < 1,0 < 0,75 < 0,35 < 1,0 < 1,0 complément
19,0-21,0 9,0-11,0 < 3,0 < 0,40 < 0,40 1,0-2,0 < 0,04 < 0,03 14,0-16,0 complément
19,0-21,0 9,0-10,5 33,0-37,0 < 1,0 < 0,15 < 0,15 < 0,15 < 0,015 < 0,01 1,0 complément
tamisage, pour obtenir une taille et une distribution uniforme des poudres, celles-ci sont placées dans une chambre de pressage isostatique. La température de la chambre est inférieure à la température de fusion de l’alliage. La liaison des particules métalliques se produit par diffusion à l’état solide, entraînant la formation de grains fins. La solution solide, homogène dans des conditions de recuit total, montre une structure austénitique qui est conservée après forgeage à chaud à des températures supérieures à 650 °C, mais les grains sont allongés. Cependant, l’écrouissage en dessous de 650 °C entraîne une distorsion de la structure du réseau austénitique et une nouvelle phase apparaît. Les propriétés à l’usure abrasive de l’alliage forgé Co-Ni-Cr-Mo sont semblables à celles de l’alliage coulé Co-Cr-Mo (0,15 mm/an) ; cependant, le premier n’est pas recommandé pour les surfaces portantes d’une prothèse de hanche en raison de ses faibles propriétés en friction, que ce soit vis-à-vis de lui-même ou d’autres matériaux. La résistance supérieure à la fatigue et à la rupture en traction de l’alliage forgé Co-Ni-Cr-Mo le rend adapté à des application requérant une longue durée en service sans fracture ou fatigue. C’est le cas des tiges de prothèses de hanche. Le tableau X montre les propriétés mécaniques de différents alliages à base de cobalt. Comme c’est le cas pour d’autres alliages, l’accroissement de la résistance est accompagné par une diminution de la ductilité. Quoique les alliages coulés et forgés aient tous deux une excellente résistance à la corrosion, il y a eu quelques préoccupations concernant la possibilité de corrosion galvanique aux points de soudure. La détermination expérimentale du taux de nickel libéré à partir de l’alliage Co-Ni-Cr-Mo et de l’acier 316L en solution de Ringer à 37 °C a permis de constater que, bien que l’alliage de cobalt présente une libération initiale plus importante d’ions nickel dans la solution, le taux de libération était à peu près identique après 5 jours pour les deux alliages (3 × 10–10 g/cm2/j) en dépit d’un contenu de l’alliage Co-Ni-Cr-Mo en nickel environ trois fois supérieur à celui de l’acier 316L. Enfin, il faut noter que le module d’élasticité des alliages à base de cobalt ne change pas puisque leur limite de rupture en traction varie. Les valeurs vont de 220 à 234 GPa (gigapascal), valeurs qui sont plus importantes que pour d’autres matériaux comme l’acier inoxydable (200 GPa). L’alliage Co-Cr-Mo est particulièrement sensible à l’écrouissage, de sorte que les procédés de travail utilisés avec les autres métaux ne peuvent pas être employés. L’alliage est coulé selon la méthode de la cire perdue. En contrôlant la température du moule, on agit sur la taille des grains : élevés à haute température, ils diminuent la résistance. Cependant, il va en résulter une précipitation des carbures avec des distances plus importantes entre elles, entraînant une diminution de la fragilité du matériau. Le forgeage à chaud et les techniques de pressage isostatique à chaud des alliages Co-Cr-Mo sous forme de poudre ont été discutés plus haut. Pour accroître la résistance à la fatigue (107 cycles) de l’alliage coulé Co-Cr-Mo, qui est considérée comme plutôt basse (environ 250 à 300 MPa [mégapascal]) par Tableau X. – Propriétés mécaniques de différents alliages à base de cobalt (d’après [135]). État métallurgique
Résistance en traction (MPa)
Limite élastique (%)
Limite d’endurance (MPa)
coulé forgé fritté
650-1000 1175-1600 1275-1380
8-25 8-28 12-16
190-400 500-970 620-900
Co-Cr-W-Ni
recuit écroui
900-1220 1350-1900
40-60 10-22
280-415 500-590
Co-Ni-Cr-Mo
recuit écroui écroui et vieilli
800 1000-1280 1793
40-50 10 8
330-340 555 850
Alliage Co-Cr-Mo
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Tableau XI. – Différents grades de titane commercialement pur (Ti Cp). Ti Cp selon normes DIN 17 850
Oxygène %
Fer %
Résistance à la traction (MPa)
Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4
0,12 0,18 0,25 0,35
0,2 0,3 0,3 0,5
250 350 450 550
MPa : mégapascal.
rapport à sa résistance en traction, certains ont proposé l’addition de nickel (4 à 9,5 %) et l’addition d’éléments traces (0,1 %) sous forme d’aluminium, de titane et de bore. Cependant, l’addition d’azote en solution interstitielle n’améliore pas la résistance à la fatigue pour les alliages à basse teneur en carbone (0,14 %), bien qu’elle accroisse la résistance tout en maintenant une bonne ductilité. Quant au béryllium, s’il améliore le moulage et les propriétés des métaux de base, il s’avère en revanche sévèrement toxique. Il est toujours susceptible de ségrégation aux joints de grains, même s’il est bien toléré jusqu’à des concentrations de 3 % dans un alliage. En ce qui concerne la biocompatibilité, on peut dire qu’il n’y a guère de différence dans la réaction tissulaire à court et à moyen terme pour les aciers inoxydables, les alliages chrome-cobalt ou les alliages de titane ; ce sont plutôt les conditions dans lesquelles ces métaux sont implantés qui sont importantes et il a été expérimentalement démontré que des implants solides d’acier et d’alliage chrome-cobalt étaient susceptibles d’ostéo-intégration, tout comme le titane, lorsqu’ils étaient implantés avec la même technique sophistiquée. Des différences peuvent apparaître à plus ou moins long terme, avec formation d’une membrane de tissus mous entre la surface de l’implant et l’os. Celle-ci peut résulter du traumatisme de l’implantation, d’une microinstabilité de l’implant et/ou de la corrosion de ce dernier. Les effets adverses sont probablement exercés à travers des perturbations du système immunitaire (allergies), des médiateurs biologiques (chimiotaxie), de la capacité de phagocytose, de l’adhérence bactérienne, de la microcirculation, de la carcinogenèse.
Titane et alliages à base de titane [8, 13, 16, 50, 55, 56, 61, 70, 75, 77, 87, 90, 91, 105, 113, 119, 122, 143, 145]
Le titane a été découvert par Gregor en 1791, puis redécouvert en 1875 par Klaproth qui lui a donné son nom, mais il est resté une curiosité jusqu’en 1938, date à laquelle un procédé de production industrielle a été développé par Kroll. C’est un élément de transition à densité basse et à point de fusion élevé. Il possède un ensemble unique de propriétés mécaniques et de résistance à la corrosion qui le rend particulièrement approprié pour des applications très contraignantes, notamment dans la chimie et l’industrie aérospatiale. Ces propriétés sont également à l’origine de son utilisation en chirurgie. Dans les premiers stades de son utilisation, le titane a été employé sous une forme commercialement pure qui est essentiellement un alliage dilué de titane et d’oxygène. Il y a plusieurs qualités de titane commercialement pur, contenant des quantités variables d’oxygène dissous et de fer (tableau XI) ; la résistance est d’autant meilleure que la teneur en oxygène est élevée. Le titane le plus pur (grade 1) est le plus mou, le plus ductile et le plus fragile avec une résistance en traction de l’ordre de 240 MPa. Le titane de grade 4 a une résistance en traction de l’ordre de 500 MPa, que l’écrouissage à froid peut encore améliorer à 800 MPa (qualité utilisée pour les implants dentaires). De bien meilleures propriétés mécaniques ont pu être obtenues par l’emploi du titane sous forme d’alliages. Les alliages de titane sont d’utilisation beaucoup plus récente que celle des aciers et des alliages à base de cobalt. Il n’y a aujourd’hui que deux alliages principaux de cette catégorie qui soient d’usage courant : leur composition est indiquée dans le tableau XII. Le F 136, plus connu sous le nom de Ti-6Al-4V (ou TA6V, contenant 90 % de titane, 6 % d’aluminium et 4 % de vanadium), est l’alliage commercial le plus répandu, très utilisé dans les applications aérospatiales. Par rapport au titane pur, les alliages Ti-6Al-4V présentent surtout l’avantage d’une conductivité Tableau XII. – Composition chimique des alliages de titane utilisés en clinique (d’après [135]). Composition (%) Élément
N2 C H2 Fe O2 Al V Ti ELI : extra-low interstitial.
Ti-6Al-4V (grade ELI)
Ti-6Al-4V (grade standard)
< 0,05 < 0,08 < 0,0125 < 0,25 < 0,13 5,50-6,50 3,50-4,50 complément
< 0,05 < 0,10 < 0,015 0,30 0,20 5,50-6,75 3,50-4,50 complément
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Tableau XIII. – Titane et alliages de titane (d’après Black, 1992). Matériau Condition
Ti-6Al-4V
Ti-5Al-2,5Fe
Ti-6Al-4V
Ti-6Al-7Nb
Ti-5Al-2,5Fe
AN
AN
AN
HF
HF
HF
4,5
4,4
4,45
4,4
4,52
4,45
127
127
-
127
105
-
Dureté Vickers (HV)
240-280
310-350
-
-*
400
-
σUTS (MPa)
550-575
900
965
-*
900-1000
985
15
8
16
-*
10-12
13
Densité
(g/cm3)
Ti type 4
Élasticité (en traction) (GPa)
Élongation (% minimal)
AN : recuit ; HF : forgé ; * : spécifié par le fabricant ; GPa : gigapascal ; MPa : mégapascal ; σUTS : limite de résistance en traction.
thermique environ moitié moindre et d’une limite de fatigue supérieure d’environ 50 %. Des préoccupations concernant les effets biologiques du vanadium ont stimulé le développement dans les 15 dernières années d’alliages Ti-5Al-2,5Fe ; ceux-ci possèdent, en outre, des propriétés mécaniques supérieures. Les alliages de titane présentent deux phases principales : une phase a qui est stable à haute température et une phase b (martensitique) qui apparaît à température plus faible. L’addition d’aluminium tend à stabiliser la phase a, tandis que le vanadium stabilise la phase b ; le F 136 est ainsi décrit comme un alliage a + b. La présence de ces deux phases majeures et la possibilité d’agir sur leur microstructure par des traitements chimiques et thermiques permettent d’obtenir une très large variété de microstructures et de propriétés mécaniques en rapport. Les propriétés mécaniques du titane sous forme pure ou alliée sont rappelées dans le tableau XIII. On peut voir que le module d’élasticité du titane représente seulement la moitié de celui de l’acier inoxydable ou des alliages à base de cobalt, se rapprochant ainsi de celui de l’os (la rigidité de ce matériau est cependant encore cinq à dix fois supérieure à celle de l’os cortical). La résistance mécanique du TA6V est relativement élevée (elle n’est dépassée que par certains alliages chrome-cobalt forgés) et la ductilité faible. L’un des intérêts du Ti-5Al-2,5Fe est sa ductilité plus élevée, donnant une formabilité plus aisée. Le titane a une très haute résistance électrique et est amagnétique. Les alliages de titane peuvent être mis en forme par moulage, métallurgie des poudres, forgeage et usinage. Les alliages de titane, comme tout matériau sophistiqué, sont cependant très sensibles aux traitements thermomécaniques. Dans tous les cas, le paramètre important à prendre en compte est celui de la structure métallographique obtenue, car elle détermine de façon bien plus importante que pour l’acier inoxydable la résistance à la fatigue. En revanche, pour un état structural donné, il y a peu de différences entre les limites d’endurance à l’air ou dans un environnement biologique simulé. Si l’alliage TA6V présente une excellente tenue à la corrosion et à la fatiguecorrosion, il faut toutefois remarquer que ces propriétés optimales ne peuvent être obtenues que par des techniques industrielles rigoureuses identiques à celles utilisées en aéronautique. L’élimination des irrégularités de surface et des contaminants est importante, comme pour tous les métaux, lors de la réalisation d’un matériel destiné à l’implantation. Le titane demeure cependant sensible à l’usure qui peut engendrer à la fois des particules d’oxyde de titane et d’alliages de titane. Cette usure peut provenir du frottement au niveau des surfaces articulaires en contact avec du polyéthylène à haute densité (cas des prothèses articulaires), des micromouvements du fût intraosseux en contact avec le ciment ou l’os, de l’abrasion par les tissus environnants et du contact métal-métal délibéré ou involontaire. La nitruration en surface par plasma froid, ou l’implantation ionique d’azote (qui accroît d’un facteur 1 000 la résistance à l’usure), représente des solutions à ce problème. Le titane est un métal hautement réactif, qui est relativement instable par rapport à son oxyde, que ce soit en présence d’air ou d’eau. Paradoxalement, c’est cette grande réactivité qui rend le métal si résistant à l’attaque par les environnements aqueux ; en effet, ce métal très peu noble en lui-même (potentiel : 1,75 V) est protégé par une couche d’oxydes de titane qui se forme spontanément et se reforme également très rapidement après lésion de celleci. De ce fait, le titane apparaît aujourd’hui comme le métal le plus résistant à la corrosion, d’autant que la couche de protection peut être renforcée par oxydation anodique. L’oxyde de titane est semi-conducteur, tandis que l’oxyde de l’acier inoxydable est conducteur. À l’air, à température ambiante, l’épaisseur de la couche d’oxyde après 2 jours est d’environ 1,7 nm et, après 40 jours, de l’ordre de 3,5 nm, et pouvant atteindre 200 nm après 6 ans (cas de certains implants dentaires). Il est important de savoir que la couche d’oxyde ne se compose pas seulement de dioxyde de titane (TiO2 ou rutile), mais consiste en plusieurs oxydes : TiO, TiO2, Ti2O3, Ti3O4. Au cours du temps, la couche d’oxyde se renforce. Cette croissance en épaisseur de la couche d’oxyde est considérablement plus marquée dans l’os qu’à l’air (Kasemo, 1983). En raison de cette passivation, le titane montre une meilleure résistance à la corrosion que la plupart des autres métaux employés dans l’industrie.
Au moment de l’implantation, les tissus minéralisés se situent à une distance de 1 à 10 µm de l’oxyde, mais ce hiatus décroît au bout de 6 mois vers une valeur de 100 Å au fur et à mesure de l’ostéo-intégration. Ce sont les modifications biologiques de ce hiatus qui sont à l’origine du processus d’ostéointégration. La plupart des études montrent que la couche d’oxyde est d’abord hydratée, puis recouverte par des couches moléculaires d’eau (Healy et Ducheyne, 1992). Les molécules suivantes sont probablement des protéines, des protéoglycanes, des lipoprotéines et des glycosaminoglycanes. Le détail de cette organisation n’est pas encore très clairement défini mais peut être représenté schématiquement sur la figure 2. La couche finale avant le tissu minéralisé est constituée de fibres de collagène. La plupart des chercheurs sont d’accord aujourd’hui sur le fait que cette interface n’est pas statique mais dynamique. En cas d’implant lisse en titane enfoui, il se produit une croissance directe de l’os sur la surface macroscopiquement lisse du titane. C’est une ostéogenèse adhésive (sur la couche de protéoglycanes épaisse d’environ 20 nm) donnant une liaison osimplant résistante à la traction (c’est l’« ostéointégration », terme qui décrit d’ailleurs surtout un comportement clinique). Branemark a observé les résistances suivantes à la traction pour des vis en titane : 350 N au maxillaire supérieur, 1 000 N au maxillaire inférieur. La biocompatibilité de chaque métal est régie par le degré de corrosion et la toxicité des ions métalliques libérés. Pour le titane, son excellente résistance à la corrosion et le taux très bas de diffusion des ions métalliques à l’intérieur des tissus, associés à l’apparente absence d’effets biologiques du métal, laissent augurer d’une bonne biocompatibilité. Ceci a été confirmé par diverses études cliniques et expérimentales, toutes en faveur d’une réponse tissulaire minimale à ce métal. Même lorsque du titane est observé sous forme visible (coloration) au niveau d’un tissu (par exemple à un taux de plusieurs centaines de ppm, le taux normal de titane dans les tissus étant de 50 ppm), ce tissu est toujours viable et l’on ne voit que rarement des cellules géantes multinucléées. Les parties observées dans les tissus entourant certains implants en alliage de titane paraissent plutôt être des produits d’usure avec la même composition élémentaire que des précipités de produits de corrosion comme cela a été démontré pour les aciers inoxydables et les alliages à base de cobalt. La suggestion d’une sensibilisation induite par la libération d’ions titane par usure du Ti-6Al-4V doit être traitée avec prudence, car ce métal se retrouve en fait sous la forme d’oxyde de titane pour lequel un rôle biologique est peu probable. La libération ionique à partir des alliages de Ti-6Al-4V augmenterait la largeur de la zone amorphe de liaison à l’interface os-métal par comparaison au titane pur. En résumé, le titane présente un certain nombre d’avantages. Il est bien accepté par les tissus durs ou mous, sa résistance à la fatigue-corrosion est nettement supérieure à celle des autres alliages utilisés en implantologie, grâce à une couche de passivation spontanée (de 25 à 100 Å), faiblement soluble. Son élasticité est plus voisine de celle de l’os (deux fois celle de l’acier). Les produits de corrosion sont en général bien tolérés et il n’y a guère de réactions immunologiques défavorables (hypersensibilité, allergie) décrites chez l’homme. Outre son coût plus élevé, ses inconvénients sont essentiellement un médiocre comportement à l’usure (qui peut être amélioré par implantation ionique ou nitruration) et la survenue de coloration bleue ou noire dans les tissus voisins (débris d’usure ?). Par ailleurs, il présente une tendance à la formation de complexes, notamment avec l’acide oxalique et les fluorures. Enfin, des cas de sensibilisation ont été décrits chez l’animal et récemment chez l’homme : elles sont en général le fait des alliages (Ti-Al-V). La biocompatibilité du
2
Interfaces os-titane (d’après Fallschussel, 1986).
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
Tableau XIV. – Résistance à la fatigue (en mégapascal [MPa]) de quelques métaux utilisés comme implants (d’après [90]). Matériau Acier inoxydable 316L (recuit) Alliage coulé Co-Cr-Mo Alliage forgé Co-Cr-Mo Ti commercial pur forgé Ti-6Al-4V
À l’air
En solution saline
260-280 310 550 300 605
230-270 240-280 475 240 500
titane et de ses alliages n’est pas toujours idéale en raison de la destruction de la couche de passivation (oxydes de titane) par les forces de cisaillement. Les modifications qui en résultent dans les charges de surface peuvent conduire à des modifications majeures de la conformation des protéines adsorbées, qui vont, à leur tour, entraîner une réaction biologique (certaines protéines peuvent être altérées au point d’être reconnues comme antigènes). Le titane et l’alliage TA6V sont déjà assez largement utilisés actuellement en orthopédie et en chirurgie cardiovasculaire, et la tendance générale est de les préférer de plus en plus aux autres métaux. Il en est de même en chirurgie orale et maxillofaciale, notamment au niveau de nombreux implants dentaires, des attelles porte-greffons dans la reconstruction mandibulaire, des plaques d’ostéosynthèse et de la reconstruction crânienne. Des revêtements à base de céramique (Al2O3, hydroxyapatite, carbone diamant) ont aussi été envisagés plus récemment pour accroître encore les propriétés de tolérance biologique. Le tableau XIV indique la résistance à la fatigue de quelques métaux utilisés comme implants.
Caractéristiques d’imagerie des alliages à base de fer, cobalt ou titane [7, 29] Les plaques de titane produisent le moins d’effets de diffusion et ne conduisent pas à une distorsion de l’image squelettique. Les plaques de vitallium présentent le plus d’artefacts, masquant la morphologie osseuse sous-jacente. Les plaques d’acier inoxydable entraînent également des effets de diffusion, mais moindres que ceux du vitallium. Les plaques d’acier inoxydable 316L sont initialement paramagnétiques (ne devant donc pas causer d’artefact ou de déplacement), mais les manipulations chirurgicales peuvent induire des aires de potentiel ferromagnétiques à l’intérieur d’un implant. Le vitallium et le titane (corps pur ou alliage) n’ont pas de caractéristiques magnétiques et peuvent donc se prêter à l’imagerie sans soucis concernant des artefacts ou des déplacements.
Alliages à base de platine [70] Ils sont peu utilisés pour la fabrication de biomatériels en chirurgie osseuse en raison de leur coût élevé, mais on les emploie comme électrodes dans les appareillages de stimulation électrique, par exemple dans la stimulation faradique de la croissance osseuse, en raison de leur grande résistance à la corrosion ajoutée à de bonnes propriétés mécaniques. Le platine peut être utilisé allié à 1 à 10 % de rhodium ou d’iridium. Les propriétés mécaniques du platine et de ses alliages sont données dans le tableau XV. Des implants dentaires possédant une partie centrale en platine iridié et un revêtement en hydroxyapatite ont été développés en Hollande.
Composés intermétalliques [1, 5, 36, 70, 83, 130] Ce sont des composés à caractère métallique marqué qui, à l’état ordonné, sont stables dans un domaine bien défini de concentrations. On trouve dans cette catégorie les amalgames dentaires Ag-Sn-Ag (traités ailleurs) et les alliages à mémoire de forme Ni-Ti. L’alliage dénommé nitinol (acronyme pour nickel, titane et naval ordnance laboratory où il fut développé) contenant 55 % de nickel et 45 % de titane a été envisagé comme matériau implantable en raison de ses propriétés de déformation inhabituelles. Il est dit à « mémoire de forme », car lorsqu’il est déformé à température ambiante, puis légèrement chauffé, cet alliage retourne
Stomatologie/Odontologie
à sa forme originelle. La température à laquelle prend place cette transformation est modifiée par l’addition d’éléments à l’alliage. Cet alliage Ni-Ti a une bonne résistance à la corrosion et une bonne ductilité mais dans des conditions de recuit simple, la limite de rupture n’est que de 103-130 MPa avec 60 % d’élongation. L’écrouissage porte à 350 MPa la limite de rupture (avec 10 à 12 % d’élongation) ; cependant, ces chiffres demeurent très inférieurs par rapport à d’autres alliages. Les alliages Ni-Ti présentent une dureté supérieure et une usure inférieure aux alliages Co-Cr. Enfin, la libération possible de nickel dans le milieu biologique pose problème, en raison du faible nombre d’essais cliniques réalisés à ce jour. Le nitinol a un module d’élasticité bas (33 GPa) et une résistance à la traction relativement élevée (1,7 GPa). Mais sa déformabilité plastique est faible. Le mécanisme du phénomène de mémoire de forme n’est pas complètement compris, mais il est vraisemblablement en rapport avec des événements spécifiques se produisant durant la transformation de phase martensitique et durant la transformation inverse. En exploitant cette propriété de mémoire de forme, il deviendrait possible de programmer un implant en nitinol pour qu’il change de forme ou de dimension en réponse à une élévation de température suffisamment faible pour être bien tolérée par les tissus qui l’environnent. L’alliage nitinol 55 a été utilisé depuis 1972 en orthodontie où il simplifie et réduit les phases de traitement. D’autres applications envisagées ont été la réalisation de plaques et agrafes qui se contracteraient ou s’incurveraient légèrement à la température du corps amenant les fragments osseux en contact plus étroit, de matériels rétractables destinés à être mis en place dans des pertes de substance (kyste, fente palatine etc) à travers des orifices plus petits que le diamètre intérieur, ou encore de matériels pour le traitement des scolioses (crochets de Harrington) pour lesquels un simple réchauffement de 3 à 5 °C après 10 à 15 jours (par induction électromagnétique) permet le rétablissement de la force de distraction initiale sans que l’on ait recours à une nouvelle intervention. Il existe une importante expérience clinique (depuis 1978) en Russie et dans les pays de l’Est, une certaine expérience également aux États-Unis, Canada et Japon pour des applications spécifiques. Malgré ses intéressantes propriétés physicochimiques et mécaniques (mémoire de forme thermique ou mécanique, superélasticité, résistance à la corrosion, compatibilité avec l’imagerie par résonance magnétique), et malgré des études favorables quant à sa biocompatibilité, ce matériau très innovant n’est cependant pas encore rentré dans la pratique clinique courante, que ce soit sous forme de matériels pour chirurgie sous endoscopie, de stents, de filtres caves ou d’implants dentaires.
Biodétérioration des biomatériaux métalliques [70] Aspects généraux de la corrosion Les surfaces des implants métalliques sont soumises à la corrosion résultant du contact avec l’électrolyte que représentent les fluides biologiques et cette corrosion est accélérée si l’implant est mis en charge lors de sa fonction. La corrosion change non seulement la nature de la surface, mais aussi la résistance et d’autres propriétés mécaniques du matériau. En outre, les produits de corrosion peuvent être libérés dans les tissus environnants, induisant des réactions locales et générales. Les réactions des métaux en environnement aqueux sont de nature électrochimique, impliquant le mouvement d’ions métalliques et d’électrons. L’oxydation d’un métal (agissant comme une anode) requiert une réaction cathodique équivalente. Pour les métaux implantés, la réaction cathodique initiale est la réduction de l’oxygène dissous en ions hydroxyles : 1/2 O2 + H2O + 2 emétal → H2 + 2 OH– Au niveau des plaies, des espaces « morts » autour des implants et des crevasses entre les composants, il peut y avoir des concentrations en oxygène très basses. Dans un tel environnement, la réduction de l’eau peut se produire : 2 H2O + 2 emétal → H2 + 2 OH– Pour tous les métaux, il existe une différence de potentiel entre le métal et une solution ne contenant que des ions métalliques en équilibre avec l’hydrogène.
Tableau XV. – Autres métaux et alliages (d’après Black, 1992). Ta
Ta
Pt
Pt-10Rh
Pt-10Rh
W
Condition
Matériau
AN
CW
AN
AN
75 % CW
SN
Densité (g/cm3)
16,6
16,6
21,5
20
20
19,3
Élasticité (en traction) (GPa)
186
186
147
-
-
345
-
-
38-40
90*
165*
225
205
515
135-165
310
620
125-140
20-30
2
35-40
35
2
z0
Dureté Vickers (HV) σUTS (MPa) Élongation (% minimal)
AN : recuit ; CW : écroui ; SN : fritté ; * : dureté Brinell ; GPa : gigapascal ; MPa : mégapascal.
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
Tableau XVI. – Série galvanique en environnement biologique simulé pour quelques métaux et alliages intéressants comme biomatériaux (d’après Hench et Ethridge, 1982).
b 1
Potentiel (VNHE)
TiO2 0
0
a
Ti3+ –1
–1 Ti2O3 TiO Ti
–2
–2 –1
0
1
2
3
4
5
–2
6
7
8
9
10
11 12
13 14
pH
3 Diagramme de Pourbaix pour le système Ti-H2O à 37 °C (d’après [143]). b délimitent le domaine de stabilité thermodynamique de l’eau. VNHE : Les lignes j a et j NHE : électrode normale à hydrogène ; VSCE : SCE : électrode au calomel saturé.
d’autres types de sérum. Il faut aussi se souvenir que des variables comme le pH, la concentration en électrolytes et la pression partielle d’oxygène peuvent changer en solution. L’utilisation des diagrammes du type Pourbaix ou des courbes de densité de courant-potentiel permet de choisir des matériaux qui se situent dans des régions passives à l’intérieur des variations de l’environnement physiologique. La possibilité de corrosion galvanique par contact entre des métaux de nature différente représente un autre problème associé avec les matériels implantés à composantes multiples. Ces derniers ne devraient pas être utilisés pour un même matériel, en raison des différences de potentiel existantes qui vont conduire à la corrosion. Des différences de potentiel s’observent aussi entre les matériaux coulés et les matériaux forgés : des cas significatifs de corrosion ont été rapportés pour de telles combinaisons. Par ailleurs, le carbone étant à la fois un conducteur et un matériau électrochimiquement très noble, l’association carbone-métal au niveau de matériels implantés peut entraîner une accélération de la vitesse de corrosion. Enfin, une autre source potentielle de corrosion peut provenir d’une aération différentielle et des potentiels électriques d’origine physiologique (fig 5).
Active
Actif
La série électrochimique est une liste des potentiels normaux d’électrodes des éléments métalliques par rapport à l’électrode à hydrogène standard. Les métaux ayant le potentiel positif le plus élevé sont les moins réactifs : ils sont dits nobles. Cependant, même si le tableau des potentiels normaux donne une classification générale des métaux en contact et prédit, par exemple, que le fer se corrodera s’il est mis en contact avec le platine, la série électrochimique demeure d’importance secondaire pour ce qui est des conditions réelles des matériaux implantés. Dans l’environnement physiologique hostile, il y a de nombreux ions présents et la surface du métal aura tendance à former des films d’oxyde passivants. Le tableau XVI, basé sur les potentiels obtenus de façon empirique pour des combinaisons de métaux dans l’eau de mer, est bien plus utile. Étant donné que l’eau de mer contient un grand nombre d’ions présents in vivo, elle représente un analogue des conditions physiologiques et l’ordre des métaux dans ce tableau est le même que celui auquel on peut s’attendre in vivo. Les métaux haut placés dans la série électrochimique (à savoir les métaux les plus positifs) tendent à s’ioniser rapidement, produisant une double couche électrique avec une charge négative. Les métaux plus nobles ne s’ionisent pas aussi facilement et présentent vraisemblablement une charge de surface positive. Ainsi, la série galvanique dans l’eau de mer prédit qualitativement comment deux métaux vont agir l’un sur l’autre lorsqu’ils sont en contact dans un environnement physiologique. L’existence d’un film d’oxyde (film de passivation) sur la surface influence considérablement les résultats. Un type particulier de diagrammes d’équilibre a été développé et permet d’apprécier le comportement des métaux dans des conditions variées de pH et de potentiel. Ces diagrammes d’équilibre particuliers sont appelés diagrammes de Pourbaix. L’équation de Nernst est utilisée pour les construire : E = E0 + 2,3RT/nF log(aox/ared) où E est le potentiel d’équilibre, E0 est le potentiel standard d’équilibre, R la constante des gaz parfaits, T la température absolue, n le nombre d’électrons transférés, F la constante de Faraday, aox l’activité des éléments oxydés et ared l’activité des éléments réduits. Il faut remarquer que, pour les solutions diluées, l’activité d’un ion peut être remplacée par sa concentration. Les diagrammes de Pourbaix sont des diagrammes d’équilibre qui montrent quels composés sont stables à des valeurs données de pH et de potentiel (fig 3) ; Pourbaix les a construits pour la plupart des métaux et a envisagé leur application pour les biomatériaux métalliques. Ces diagrammes sont utilisés pour prévoir la direction de la réaction spontanée, le type de produit de corrosion et les effets de l’environnement sur le comportement en surface. Cependant, les diagrammes de Pourbaix sont particulièrement laborieux à construire pour les alliages et ils n’indiquent pas les cinétiques de réaction. C’est pourquoi un autre type de diagramme est souvent utilisé pour déterminer la réactivité d’un métal : il s’agit de la courbe densité de courantpotentiel (fig 4). La courbe s’obtient en augmentant la différence de potentiel entre le métal et une électrode de platine. La variation de la densité de courant mesurée est proportionnelle à l’importance de la dissolution du métal. La protection contre la corrosion peut être réalisée en oxydant la surface (passivation), cette oxydation pouvant se produire spontanément ou être induite artificiellement. Le type de solution utilisé pour réaliser les tests de polarisation a une grande importance et la présence de composés organiques en solution peut influencer considérablement les résultats. Ainsi, il a été démontré que les protéines augmentaient la vitesse de corrosion de l’acier inoxydable et du titane pur (échantillons cylindriques) mais n’avaient pas d’effet sur l’alliage Ti-6Al-4V. En corrosion par frottement, les protéines diminuent la vitesse de corrosion de plaques d’acier inoxydable mais n’ont pas d’effets appréciables sur les alliages de titane. En ce qui concerne les métaux purs, on a montré que les vitesses de corrosion du chrome et du nickel étaient légèrement augmentées en présence de protéines, tandis que le cobalt et le cuivre se dissolvaient de façon nettement plus importante ; le molybdène, en revanche, voyait sa corrosion inhibée par les protéines. Du fait des comportements complexes liés aux différents ions et composés organiques en solution, le type de solution utilisé pour les tests de corrosion in vitro devrait s’approcher le plus possible des fluides intercellulaires ou du sérum, d’où l’emploi par certains expérimentateurs de sérum bovin ou
2
1
Potentiel
Anodique (+) Actif, réactivité maximale
2
Or Graphite Argent Acier inoxydable (passivé) 316L Acier inoxydable 304 (passivé) Titane Hastelloy B Acier inoxydable 316L (non passivé) Aluminium
Passive
Noble
Cathodique (-) Noble, réactivité minimale
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Potentiel (VSCE)
Stomatologie/Odontologie
Transpassive
Logarithme densité courant
4
Courbe de polarisation d’un métal présentant trois régimes de corrosion (d’après Hench et Ethridge, 1982).
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
+
–
+
–
+
–
pO2
+
–
élevée
+
–
+
–
+
–
+
–
pO2 basse
A
5
B
Illustration de facteurs locaux affectant la corrosion dans l’os (pO2 : pression partielle
en oxygène). A. Conditions de stagnation dans la plaie autour de l’implant (basse pression en oxygène). B. Contraintes sur l’os induisant des potentiels bioélectriques.
Biocompatibilité et corrosion [17, 26, 51, 66, 73, 83, 117, 126, 127, 128] Les ions métalliques sont libérés par corrosion à partir du métal sous différentes formes. Ces produits sont transportés par diffusion dans l’organisme où des réactions tissulaires peuvent se produire, allant de la réponse toxique sévère du type « abcès stérile » à la réaction « vitale » aboutissant à l’intégration du matériau dans l’organisme, en passant par des réponses du type capsulaire caractérisées par un tissu fibreux, dense et non vascularisé mais sans cellules mortes ou encore du type « ankylose ». L’examen histologique combiné avec des tests de corrosion in vivo conduit aux résultats représentés sur la figure 6. La résistance de polarisation Rp est approximativement proportionnelle à la résistance à la corrosion. Les valeurs importantes de Rp correspondent à de faibles courants de corrosion. La résistance à la corrosion varie approximativement d’un facteur 10 000 entre les éléments favorisant le passage en solution tels que cobalt, cuivre, nickel, vanadium et les éléments passivants tels que tantale, niobium, titane. La toxicité des éléments contenus dans les alliages est en rapport avec la solubilité de leurs produits de corrosion et les taux de l’élément présent. Ainsi, à pH neutre, les hydroxyles de cobalt et de nickel ont des solubilités dépassant le seuil de toxicité (en général, inhibition de 50 % de la croissance). Ceci n’est pas le cas pour le fer et le cobalt ou du nickel purs et, de ce fait, les courants de corrosion partiels du cobalt et du nickel sont, dans cet alliage, très inférieurs au courant du cobalt ou du nickel purs. Ceci explique les réactions tissulaires mineures observées avec l’acier inoxydable et les alliages de cobalt. Il a été établi que la solubilité dans les fluides extracellulaires n’est pas en stricte corrélation avec la toxicité et que la taille des particules des produits de corrosion peut jouer un rôle important. Ainsi, des particules qui ne peuvent être phagocytées en raison de leur grande taille peuvent avoir une toxicité moindre que des particules plus petites pouvant être ingérées par des cellules. Malheureusement, en l’état actuel et malgré l’existence de moyens d’appréciation de la biocompatibilité des éléments métalliques, il n’est pas possible de réaliser un alliage métallique qui ne contienne que des éléments biocompatibles et aucun élément susceptible d’induire des réactions tissulaires nocives (fer, cobalt, chrome, nickel, molybdène, vanadium, manganèse, notamment). Résistance de polarisation ohm cm2 Capsule (tissu cicatriciel)
108
107
Abcès stérile (toxique)
316 L-CW
Alliage Co
304 L-CW 106
Zr Ti Alliages Ta Nb Ti Pt
Ag V
105
Au
Ni Cu 104
Al Mo Fe
Tissu conjonctif lâche vascularisé (vital)
Co
6
Les résistances de polarisation, globalement proportionnelles à la résistance à la corrosion, sont groupées selon le type de réaction.
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Stomatologie/Odontologie
Dans le milieu biologique, solution d’environ 0,9 % de NaCl, le pH est aux alentours de 7,4 dans des conditions normales. Les modifications liées à l’acte chirurgical résultent en une élévation à 7,8 suivie d’une chute à 5,5. Après quelques jours, on retrouve la valeur normale de 7,4. Les matériaux les plus résistants à la corrosion sont le titane et ses alliages, le niobium et le tantale, suivis par le vitallium et l’acier. Dans les conditions de passivité en milieu biologique, le courant de corrosion pour ces matériaux métalliques est très faible, de sorte que seulement quelques microgrammes de métal réagissent par jour et par implant. Des conditions particulières, comme le frottement, peuvent accroître sensiblement cette corrosion. À côté du frottement, d’autres types de corrosion, comme la corrosion caverneuse, la corrosion galvanique, la corrosion fissurante, la fatigue-corrosion peuvent prendre place dans l’environnement biologique. Dans les crevasses observées au niveau de contact vis-plaques, le pH peut descendre à 1. Les matériels modernes, réalisés en conformité avec de saines pratiques métallurgiques utilisant des matériaux et des processus de fabrication « propres », ne montrent que rarement des signes visibles de corrosion. Cependant, des études chez l’animal avec des implants passifs au niveau des tissus mous (Ferguson et al, Black et al), avec des remplacements segmentaires d’os et des remplacements articulaires totaux (Woodman et al), révèlent une tendance générale à l’élévation du contenu en métaux au niveau du sérum, des urines et des sites tissulaires prélevés. En outre, certaines études montrent l’évidence de l’interaction de ces composés métalliques avec la physiologie générale incluant des augmentations liées au temps dans l’importance des pools protéiques sériques à haut poids moléculaire (Woodman et al) et dans les concentrations de taux dans les sites de stockage tissulaires (Ferguson et al) ; en particulier, le chrome (en provenance des aciers inoxydables et des alliages à base de cobalt) et l’aluminium (provenant des alliages Ti-6Al-4V) s’accumulent dans divers tissus mous prélevés. Il est extrêmement difficile d’apprécier la part de toxicité liée à un élément métallique déterminé entrant dans la constitution d’un implant ou d’une prothèse. Les raisons en sont nombreuses. Tout d’abord la plus grande partie des informations disponibles concernant la toxicité des métaux proviennent soit d’observations de pathologie professionnelle réalisées dans l’industrie, soit d’études écologiques, diététiques ou pharmacologiques. Compte tenu du fait que la méthode d’administration peut influencer de façon substantielle la réponse physiologique, on peut légitimement se demander dans quelle mesure de telles données sont applicables au problème de la corrosion-dégradation des implants dans l’organisme, car elles ont été recueillies dans des conditions impliquant l’inhalation, le contact cutané, l’ingestion ou l’injection. Elles permettent néanmoins d’établir des orientations générales sur les effets des métaux implantés dans l’organisme. Les matériaux métalliques prothétiques constituent des pools d’éléments traces dans l’organisme qui peuvent être mobilisés par corrosion, dissolution et usure, risquant de perturber l’équilibre des éléments traces de tout l’organisme. Des études détaillées des taux normaux d’éléments traces chez l’homme ont montré que les bases de données disponibles sont très peu fiables. Les valeurs considérées comme normales sont souvent trop élevées, essentiellement en raison de contamination et de « blancs » insuffisants (Michel). Ainsi, les taux normaux des principaux éléments constitutifs des alliages à base de cobalt (cobalt, chrome, nickel) ont été grandement surestimés dans le passé. Des études récentes par la très sensible méthode d’activation neutronique et la spectrométrie d’absorption atomique ont permis de montrer des élévations importantes dans le sérum, les urines et les tissus mous prélevés chez des patients porteurs de prothèse totale de hanche. Les premières estimations d’éléments libérés dans l’organisme à partir des alliages à base de fer ou de cobalt faisaient état de doublement possible de la charge métallique. Plus tard, d’autres estimations n’indiquaient qu’un accroissement de l’ordre de 1/10e. Des taux de corrosion de l’ordre de 0,15 à 0,30 x 10–6 g/cm2/j ont été avancés par certains auteurs, tandis que d’autres indiquaient des chiffres de 10–5 à 10–8 g/cm2/j selon le degré de passivation. Quoi qu’il en soit, il est certain que tous les métaux libérés (aluminium, chrome, cobalt, fer, manganèse, nickel, titane, vanadium) ont des rôles biologiques dans l’organisme humain. Certains sont essentiels, comme le chrome dans le métabolisme des sucres et le cobalt dans la synthèse de la vitamine B12. D’autres sont franchement toxiques comme l’aluminium qui est neurotoxique. Ces effets biologiques peuvent être classés en métaboliques, bactériologiques, immunologiques et oncogéniques. Les exemples des processus métaboliques sont très variés, deux viennent d’être cités et la plupart des métaux peuvent être considérés comme jouant un rôle dans le métabolisme normal à l’état de trace, et comme toxiques dans des situations de surcharge. En particulier, l’aluminium entre en compétition avec le magnésium, catalyseur jouant un rôle dans la polymérisation de la tubuline, l’une des principales protéines structurales du système nerveux central et périphérique. Un autre sujet de préoccupation concerne l’effet des matériaux étrangers sur les infections à la fois immédiates et tardives au niveau des sites implantaires. L’hypothèse qui se dégage actuellement est celle d’une médiation physique, en rapport avec la compétition entre les cellules hôtes et les bactéries
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invasives durant la colonisation de l’interface implant-tissu (Gristina), plutôt que celle d’une médiation chimique en rapport avec la composition de l’implant. En ce qui concerne les processus immunologiques, on sait que le chrome (à la fois dans ses états de valence + 3 et + 6), le cobalt et le nickel sont des haptènes, capables de liaison avec les protéines pour former des complexes immunogènes. L’étude d’une population normale (non porteuse d’implant) par Fregert et Rorsman suggère une incidence globale approximative de 10 % de la sensibilisation à ces ions métalliques, avec de larges variations en rapport avec la dose, le sexe, l’habitation et l’exposition au lieu de travail ainsi que d’autres facteurs. Des études récentes utilisant un test plus sensible que les tests épicutanés (inhibition de la migration leucocytaire) suggèrent qu’une proportion élevée, de l’ordre de 75 %, des patients ayant subi l’ablation d’implants à base de cobalt, développaient une hypersensibilité au métal et que 50 % d’entre eux montraient des signes de réponse active suggérant un défi continuel au seuil de sensibilité. Une étude parallèle de Merrit et Brown a concerné 32 patients traités par ostéosynthèse et retestés à l’ablation du matériel. En dépit du niveau élevé de sensibilité en préopératoire (59 %), les mêmes données se dégagent. Des patients ayant présenté une sensibilité à un métal en préopératoire courent le risque d’une activation par l’implantation, tandis que ceux qui sont insensibles en préopératoire ont une réelle probabilité (ici 16 %) de devenir sensibilisés. Les manifestations cliniques des allergies aux matériaux métalliques implantés sont rares. Les cas rapportés mettent en cause essentiellement le nickel, le cobalt et le chrome. Les réactions d’hypersensibilité retardée au niveau de la peau consistent surtout en éruptions eczématiformes. Ces réactions se produisent essentiellement chez les patients qui ont des implants statiques métal contre métal. Les patch tests pré- ou postopératoires sont de médiocres indicateurs d’une allergie à un implant. Les patch tests aux métaux peuvent être cependant indiqués pour des patients ayant des antécédents d’allergie au nickel avant une intervention chirurgicale. Si une réaction s’avère positive pour un métal déterminé, l’implant doit être retiré et s’il doit être remplacé, il faut veiller à ce que le nouvel implant ne comporte pas le métal en question dans sa composition chimique. Le chrome (état de valence + 6), le cobalt et le nickel ainsi que beaucoup de leurs composés sont des oncogènes chez l’animal. Si la littérature vétérinaire rapporte de nombreux cas de tumeurs au niveau de sites implantaires en rapport avec l’utilisation de matériels d’ostéosynthèse en acier inoxydable, les tumeurs au niveau des sites implantaires sont rares chez l’homme. Il y a cependant lieu de demeurer prudent sur les effets de la stimulation chronique du système immunitaire par les éléments métalliques libérés lors des processus de corrosion in vivo, qui risquent d’encourager la survenue de tumeurs malignes. Il est par ailleurs connu que les processus de carcinogenèse liés aux métaux ont des latences longues, avec une exposition minimale de 5 à 10 ans et un délai typique d’expression tumorale de l’ordre de 20 ans chez l’homme.
Fracture d’implants métalliques [70] Au niveau des implants orthopédiques ou dentomaxillaires, la survenue de fractures n’est pas aussi fréquemment observée que la corrosion (fracture de la tige d’une prothèse totale de hanche : 0,23 à 11 % des cas selon les séries étudiées), mais les conséquences peuvent en être plus sévères. De nombreux mécanismes typiques des fractures métallurgiques ont été observés avec les implants métalliques, de sorte que l’un des outils les plus utiles pour l’évaluation des ruptures en service est la métallographie, c’est-à-dire l’analyse des microstructures métalliques : le rôle du métallographe dans l’analyse des ruptures en service de biomatériels est tout à fait analogue à celui de l’anatomopathologiste en médecine. Certes, dans des cas d’urgence traumatologique, il peut arriver que les tailles et variétés optimales de matériels ne soient pas toujours disponibles et le chirurgien doit parfois réaliser son intervention avec ce qu’il a à sa disposition. La forme et la conception de l’implant, les défauts de fabrication, l’incompatibilité mécanique entre le matériel et son site d’implantation, une manipulation incorrecte par l’opérateur représentent autant de facteurs favorisant la rupture en service des implants. Par ailleurs, le patient peut aussi ne pas tenir compte des instructions concernant la surcharge des implants et l’importance des mouvements tolérables. La fatigue est aussi un problème pour des matériels qui sont soumis à des mises en charge importantes de façon répétée. Les tests de fatigue établissent le nombre limite de cycles avant fracture pour une charge donnée. Mais la fatigue ne se produit pas seulement de façon isolée et pour les implants osseux, il vaut mieux parler de fatigue-corrosion. L’initiation des fissures de fatigue et la croissance de celles-ci sont plus rapides pour la fatigue-corrosion que pour la fatigue isolée. Il y a aussi des différences d’aspect visibles : les fractures de fatigue à l’air sont larges et brillantes, celles en présence de chlorures ont une surface terne, avec des produits de corrosion sur celle-ci.
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Revêtements par métaux poreux Leur but est d’augmenter l’ancrage osseux grâce aux porosités. Ils sont réalisés par frittage de poudres, de fibres ou par pulvérisation de plasma de billes. On a ainsi réalisé des revêtements à base de titane (commercialement pur = CP), Ti-6Al-4V, alliages CoCr. Parmi les inconvénients, la libération accrue d’éléments métalliques due à l’augmentation des surfaces peut avoir des effets généraux (notamment métaboliques et immunologiques) et locaux (notamment sur la minéralisation de l’os néoformé). Le frittage à haute température peut entraîner une diminution de la résistance à la fatigue du substrat. Un risque de fracture du revêtement par concentration de contraintes peut être présent et entraîner une ostéolyse. La repousse osseuse à l’intérieur des pores est souvent lente et il peut y avoir formation de tissu fibreux à l’interface. Enfin, l’ablation de l’implant peut poser des difficultés opératoires.
Perspectives [70, 90] Face à l’important développement des matières plastiques et des céramiques, il apparaît clairement que les métallurgistes ne sont pas restés inactifs. Aujourd’hui, la métallurgie des poudres, le frittage permettent d’obtenir un gain de matière et des compositions qui seraient trop hétérogènes par fusion. Quant à la tenue en service, il faut remarquer que, dans bien des cas, la durabilité, la résistance à l’usure, l’abrasion ou la corrosion dépendent des propriétés superficielles du matériau. Aux techniques classiques sont venus s’ajouter plus récemment les implantations ioniques ou les traitements par laser et plasmas froids. Ainsi, par l’évolution rapide des procédés d’élaboration, de transformation et de mise en forme, les matériaux traditionnels peuvent subir des mutations importantes et rester tout à fait compétitifs. Les progrès ont concerné notamment : – l’ajustement des compositions chimiques en éléments principaux, renforçant à la fois la résistance à la corrosion et les performances mécaniques ; – l’amélioration des puretés chimiques des produits issus de l’aciérie, abaissant les teneurs en éléments secondaires ou résiduels indésirables ; – la réalisation de propretés internes réduisant, à des niveaux très faibles, les taux d’inclusions non métalliques ; – la maîtrise des opérations de mise en forme à chaud garantissant des structures métallographiques convenables. Composition, pureté chimique, propreté inclusionnaire, structure métallographique sont les garants de la tenue des biomatériels dans le temps. Les principaux problèmes encore incomplètement résolus avec les biomatériaux métalliques concernent : – la corrosion électrochimique et la durée de passivation ; – les mécanismes de dégradation non électrochimiques, incluant les interactions protéines-métal ; – les réactions d’hypersensibilité et les phénomènes immunologiques en général ; – les interactions avec les principales voies métaboliques. Le futur des biomatériaux métalliques va dépendre d’une meilleure compréhension et d’un meilleur contrôle de leurs propriétés de surface. En raison de la différence de leurs liaisons atomiques, les métaux sont difficiles à unir aux polymères ou aux céramiques dans les conceptions composites. Le développement des recherches sur les propriétés biologiques des interfaces métal-tissus devrait déboucher sur une fixation biologique véritable grâce au contrôle des propriétés des surfaces métalliques. La libération d’ions métalliques résultant de la corrosion, fut-elle minime, pose certes problème ; mais, bien que des doses élevées de certains des éléments constituants des alliages biomédicaux aient été impliquées dans la genèse de diverses affections, il faut relativiser la notion de danger potentiel pour la santé. Si le rôle des métaux traces demande à être approfondi, un impact majeur sur l’utilisation des biomatériaux métalliques est peu probable en l’état actuel des recherches. Le principal challenge que devront affronter les biomatériaux métalliques dans les années à venir est celui des matériaux composites renforcés par fibres. Ces matériaux devraient offrir la possibilité de créer des biomatériels plus compatibles, quant à leur élasticité, avec l’os hôte. Le contrôle du remodelage osseux devrait faciliter la reconstruction à long terme, mais un sérieux approfondissement des connaissances relatives à la biomécanique et à la biochimie osseuse est encore nécessaire avant que les matériaux composites ne conquièrent une part significative du marché des prothèses articulaires ou radiculodentaires. page 13
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Comme cela a déjà été le cas dans le passé, il est peu probable que soient développés de nouveaux alliages exclusivement destinés aux applications chirurgicales. Les retombées de l’industrie aérospatiale relatives aux progrès
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de la technologie des procédés d’élaboration et de traitement de surface continueront sans nul doute à influencer encore, dans les prochaines années, l’utilisation des biomatériaux métalliques.
Biomatériaux céramiques 2
1
3
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carbures (carbures de silicium SiC, carbures de tungstène WC...) et les nitrures (nitrure de silicium Si3N4, nitrure de titane TiN...). La notion de céramique étant attachée à celle de composés métal-métalloïdes, aucun élément simple ne devrait être considéré comme de nature céramique. Cependant, les matériaux à base de carbone (diamant, quasi-diamant, graphite, carbone amorphe...) présentent des caractéristiques d’élaboration et des propriétés d’emploi telles qu’ils sont souvent assimilés à des céramiques et le terme de « céramiques noires » est employé par certains auteurs.
Céramiques traditionnelles et céramiques nouvelles
5
7 Principaux traits caractéristiques de la microstructure d’une céramique cristalline : grains, joints de grains, pores, microfissures et seconde phase (d’après Ashby et Jones, 1991). 1. Porosités résiduelles venant de l’élaboration ; 2. joints de grains à la rencontre de deux cristaux ; 3. grains (cristaux) de la céramique ; 4. microfissures dues aux contraintes thermiques ou mécaniques ; 5. particules ou grains d’une seconde phase (dans les alliages).
Généralités sur les matériaux céramiques [52, 70, 141] Comme les alliages métalliques, les matériaux céramiques sont des solides polyphasés. Les céramiques et les verres ont en commun d’être, pour la plupart, constitués de matières premières minérales telles qu’oxydes ou silicates, traitées à des degrés divers à haute température. Ce sont à la fois des matériaux très anciens, que l’on trouve dans toutes les civilisations et dans notre vie courante actuelle, et des matériaux avancés, sans cesse plus performants, utilisés aussi bien dans les industries de pointe (électronique, aéronautique, biomédical...) que dans les secteurs de grande consommation (automobile, bâtiment...). Si l’on considère l’organisation du squelette atomique, on constate que les composés céramiques sont généralement cristallisés, mais qu’ils peuvent être amorphes. Pour les cristaux (l’essentiel des céramiques non silicatées), les atomes constitutifs sont arrangés selon un ordre tridimensionnel rigoureux, où une « maille » répète un « motif » cristallin selon des règles de symétrie strictes. Pour les verres (nombre de composés silicatés fondus et refroidis), il peut subsister dans l’empilement atomique un ordre à courte distance, mais l’ordre à grande distance disparaît. Les verres sont des solides amorphes. De façon générale, les propriétés importantes de ces matériaux céramiques sont directement liées à leur structure (fig 7). Ce sont des solides inorganiques et non métalliques, associant liaisons covalentes et liaisons ioniques, essentiellement cristallisés dans le cas des céramiques, amorphes dans celui des verres. Ce type de liaisons explique leurs caractéristiques principales et leurs applications : – leurs propriétés mécaniques de résistance et de dureté sont très élevées, entraînant une bonne résistance à l’usure et à l’abrasion ; – leur température de fusion, souvent élevée, et leur stabilité chimique expliquent un bon comportement à chaud avec des applications de type réfractaire ; – dans la plupart des cas, ces matériaux ont aussi une excellente résistance à la corrosion ; – des propriétés électroniques particulières, liées elles aussi à leur structure, leur ont ouvert de nouveaux domaines d’utilisation tels que l’électronique ; – en revanche, toujours en raison de leur structure, ces matériaux souffrent d’une grande fragilité. Ce dernier point est très étudié à l’heure actuelle et l’on note des progrès sensibles liés, entre autres, aux conditions de fabrication. Mais on reste loin des caractéristiques des matériaux ductiles comme les matériaux métalliques, ce dont il faut tenir compte dans les conditions d’utilisation. Les composés céramiques sont des associations métal-métalloïdes. La nature du métalloïde permet ainsi de distinguer notamment les oxydes (oxyde d’aluminium ou alumine Al2O3, oxyde de zirconium ou zircone ZrO2...), les page 14
Il est d’usage de distinguer les céramiques traditionnelles résultant de très vieilles techniques et les céramiques nouvelles qui ont bénéficié des progrès technologiques permettant d’obtenir des matériaux, aux propriétés remarquables, utilisés dans les domaines les plus variés (industrie aérospatiale, microélectronique, moteurs à turbine, valves cardiaques, prothèses articulaires, implants dentaires...). Par rapport aux céramiques traditionnelles (produits de terre cuite, porcelaines, faïences, verres), les céramiques nouvelles sont en général des produits frittés (agglomérés par chauffage) à partir de poudres, alors que les céramiques traditionnelles correspondent à un mélange d’oxydes en proportions variables. Constituées d’oxydes, de carbures, de nitrures, de borures ou de siliciures, elles ont de multiples emplois liés notamment à leur dureté et à leur faible réactivité. Elles représentent une classe de matériaux aux propriétés remarquables : très haute résistance à toutes les formes de corrosion, haute résistance à l’usure et au traitement thermique, bonne résistance mécanique. Toutefois, leur principal inconvénient est l’absence de déformation plastique avec une rupture se produisant dans la zone de déformation élastique, elle-même très réduite. Diverses solutions technologiques ont été apportées pour corriger cette fragilité, qui demeure cependant leur principal défaut.
Céramiques utilisées comme biomatériaux Deux grandes catégories de biomatériaux céramiques peuvent être distinguées : les céramiques dites bio-inertes et celles dites bioactives. Les céramiques dites bio-inertes comprennent les céramiques à base d’oxydes, les céramiques à base de carbures ou de nitrures et les matériaux carbonés. Les céramiques dites bioactives regroupent, quant à elles, principalement les céramiques à base de phosphates de calcium ainsi que les verres et les vitrocéramiques. Le consensus de Chester a préconisé l’abandon du terme de biocéramique au profit de celui de biomatériau céramique. Bien que de nombreuses compositions de céramiques aient été testées en vue d’applications médicales, seules quelques-unes sont utilisées en clinique : – l’alumine et la zircone, dans le remplacement articulaire ou radiculodentaire ; – les phosphates de calcium, comme revêtements sur des alliages métalliques ou à l’état de particules ou de blocs poreux pour la réparation ou la reconstruction osseuse ; – les verres bioactifs et les vitrocéramiques à l’état massif pour le remplacement des osselets de l’oreille ou des vertèbres, ou comme revêtement sur des alliages métalliques ou des aluminocéramiques, ou encore à l’état de particules ou de blocs pour la réparation ou la reconstruction osseuse.
Céramiques dites bio-inertes [70, 89, 133] Le concept de céramique dite bio-inerte se réfère au comportement du matériau dans le tissu hôte : la céramique est essentiellement stable, avec une interface abrupte, et même si de petites quantités de produit de dégradation se forment, celui-ci ne produit pas d’effets indésirables. Dans les tissus durs et mous, ces céramiques se recouvrent d’une capsule fibreuse dont l’épaisseur varie avec le matériau et avec l’amplitude des micromouvements relatifs. Par définition, on appelle céramique dense une céramique qui contient moins de 5 % en volume de pores. Les céramiques bio-inertes les plus connues sont l’alumine, la zircone et certaines variétés de carbones. Les tableaux XVII et XVIII résument quelques-unes de leurs propriétés.
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Tableau XVII. – Comparaison de certaines propriétés de l’alumine, de la zircone et de l’os. Propriétés
ZrO2TZP zircone
Al2O3 alumine
Os
5,74-6,08
3,90-3,99
1,7-2,0
150-210
380-420
3-30
Résistance en compression (MPa)
2000
4000-5000
130-180
Résistance en traction (MPa)
650
350
60-160
900-1560
250-560
60-100
7-10
4-6
2-12
Densité
(g/cm3)
Module d’élasticité (GPa)
Résistance en flexion (MPa) Résistance à la rupture (MPa·m1/2 [ou MPa '≠ m])
TZP : tetragonal zirconia polycrystalline ; GPa : gigapascal ; MPa : mégapascal.
Tableau XVIII. – Quelques propriétés des matériaux carbonés (d’après Black, 1992). Matériau
C
C
C
Conditions de fabrication
LTI
VT
ULTI
Densité (g/cm3)
1,7-2,2
1,4-1,6
1,5-2,2
Taille des grains (µm)
30-40*
10-40*
8-15*
Module de Young (traction) (GPa)
18-28
24-31
14-21
Dureté (Hv)
150-250
150-200
150-250
Contrainte de rupture en traction (MPa)
280-560
70-210
350-700
LTI : low temperature isotropic ; ULTI : ultra low temperature isotropic ; VT : vitreux ; GPa : gigapascal ; MPa : mégapascal ; Hv : dureté Vickers ; * : Angströms.
Céramiques à base d’oxydes Alumine [27, 70] L’alumine naturelle est connue sous le nom de corindon, oxyde d’aluminium cristallisant dans le système rhomboédrique, dont certaines variétés recherchées sont le rubis ou le saphir, des impuretés leur conférant la couleur caractéristique (rouge ou bleu d’azur). C’est la pierre la plus dure après le diamant. La technique du frittage permet d’obtenir des pièces présentant une densité élevée (porosité fermée très faible) et une structure cristalline fine, avec les caractéristiques mécaniques supérieures qui en découlent. Le frittage peut se réaliser en deux étapes (compression de la poudre d’alumine, puis frittage à haute température des pièces comprimées dans des fours) ou une seule (frittage sous charge ou hot-pressing : la poudre d’alumine est comprimée dans un moule, lui-même placé dans un four). L’ASTM exige dans ses standards un minimum de 99,5 % d’alumine pure avec moins de 0,1 % d’oxydes (SiO2, Na2O surtout) pour l’utilisation comme implant. La résistance en flexion doit être supérieure à 400 MPa, le module d’élasticité étant au minimum de 380 GPa et la densité de 3,9 g/cm3. Quelques implants dentaires sont réalisés en monocristaux d’a-Al2O3 (ils peuvent alors porter abusivement le nom de saphir ou de rubis) ; cependant, la majorité des implants sont constitués d’une céramique à grains très fins de variété a, ou corindon (a-Al2O3), car le saphir (comme le diamant) est très difficile à préparer pour réaliser des pièces de taille relativement importante. L’alumine à haute densité (supérieure à 3,93), à haute pureté (supérieure à 99,5 %) est utilisée pour la réalisation de têtes fémorales et cupules articulaires en prothèse de hanche ainsi que pour des implants dentaires ou oto-rhino-laryngologiques en raison de la combinaison d’une excellente résistance à la corrosion, d’une bonne biocompatibilité, d’une haute résistance à l’usure et d’une tenue mécanique raisonnable. La solidité, la résistance à la fatigue et à la fracture de l’alumine polycristalline sont fonction de la taille des grains et de la pureté, dépendant elle-même des conditions de frittage. Une alumine ayant un grain moyen de 4 µm et une pureté de 99,7 %, présente une résistance en compression de 5 000 MPa, une résistance à la flexion de 500 MPa, une résistance au choc de 0,50 MPa, un module de Young de 380 GPa et une excellente résistance à la fatigue dynamique et par choc (Dörre et Hübner). L’accroissement de la taille moyenne des grains à seulement 7 µm peut entraîner une réduction de 20 % de ces propriétés mécaniques. On a donc intérêt à préparer une céramique à grains fins. Cependant, il n’est pas simple de préparer une céramique dense pure à grains fins : en effet, la taille des grains augmente quand la porosité diminue. L’addition de 0,1 % de MgO permet de limiter la taille des grains à 2 µm. L’alumine n’est pas complètement inerte en milieu physiologique in vitro. Le séjour de céramiques denses d’alumine sans mise en charge dans une solution de Ringer peut diminuer de près de 50 % la résistance en fonction des
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conditions de traitement (Krainess et Knapp). Des méthodes existent pour la prédiction des durées de vie et la conception statistique de tests d’épreuve pour céramiques (Ritter et al). L’application de ces techniques a montré qu’il est essentiel que les implants d’alumine soient produits avec les critères les plus élevés en matière d’assurance de qualité. Le vieillissement est dû à l’attaque des joints de grains dans lesquels les ions de faible valence ont tendance à se localiser, ce qui accroît la possibilité d’échange ionique avec le milieu. La céramique dense d’alumine présente une grande inertie vis-à-vis du tissu hôte : la capsule fibreuse ne dépasse pas l’épaisseur de quelques cellules et aucune preuve d’inflammation ou de rejet n’a été décrite. Un contact osseux direct ne s’observe que dans les zones chargées uniquement en compression. Si l’interface subit des contraintes de cisaillement par des forces tangentielles, il se produit des mouvements relatifs entre l’implant et l’os, entraînant la formation d’une capsule fibreuse. Les fibres de collagène du tissu conjonctif péri-implantaire sont essentiellement orientées de façon parallèle à la surface de l’implant. Il a cependant pu être montré que, pour certains implants, et même en cas de charge fonctionnelle, un contact direct avec l’os pouvait s’observer. Des lamelles d’os mature avec des ostéocytes vitaux poussent dans les rainures et les lacunes de stabilisation de l’implant, aussi bien chez l’animal que chez l’homme. Le matériau osseux qui se dépose à la surface immédiate de l’alumine ne consiste pas en cristaux de calcium, mais en sels minéraux amorphes. On observe parfois, entre l’os et la céramique d’alumine, des capillaires sans environnement de tissu conjonctif. L’importance de la surface de l’implant joue visiblement un rôle déterminant en ce qui concerne la réaction tissulaire. Des influences chimiques peuvent aussi être importantes à plus long terme, en particulier la libération d’ions aluminium, qui peuvent amoindrir la vitesse de formation osseuse. Le tissu péri-implantaire est constitué, en majorité, par du tissu conjonctif et ce n’est qu’en certains endroits qu’on trouve du tissu ostéoïde. Il ne se produit pas, d’après Osborn, de véritable liaison avec l’os. S’il existe, pour certains implants, une liaison stable, celle-ci provient plutôt d’un ancrage micromécanique. Comparativement à l’oxyde d’aluminium polycristallin, les monocristaux d’a-alumine semblent présenter une meilleure biocompatibilité, selon Kawahara.
Zircone [18, 27, 48, 49, 86] La zircone, utilisée le plus souvent pour ses remarquables propriétés réfractaires, possède également d’intéressantes caractéristiques : bonne résistance à toutes les formes de corrosion, bonne biocompatibilité, bonnes caractéristiques mécaniques, en particulier en flexion (1 000 à 1 500 MPa), et enfin bonne résistance à l’usure et au frottement. S’il existe une grande différence de module d’élasticité entre les céramiques d’alumine et les métaux (environ le double), ce n’est pas le cas des céramiques de zircone qui présentent une élasticité similaire à celle des métaux et une ductilité élevée. Leur résistance à la fatigue atteint 107 cycles sur le banc d’essai. La zircone existe sous trois formes cristallines stables selon la gamme des températures de frittage. Elle est en général stabilisée à l’aide d’additifs qui sont également des oxydes : MgO, CaO, Y2O3, Al2O3... Le taux d’additifs est de l’ordre de 5 à 10 %. Si les propriétés mécaniques de la zircone sont dans l’ensemble nettement supérieures à celles de l’alumine et si sa biocompatibilité macroscopique paraît excellente, il subsiste des controverses, notamment sur sa biocompatibilité microscopique, sur son altération avec le temps, sur une éventuelle radioactivité résiduelle, sur le couple de frottement zirconeultrahigh molecular weight polyethyelene (UHMWPE). La résistance à l’usure du couple zircone-zircone est en revanche médiocre et des suivis cliniques prolongés ne sont pas encore disponibles pour les prothèses articulaires. Les études de Christel en chirurgie orthopédique et de Dubruille et al en chirurgie orale n’ont montré acune différence entre la réaction du tissu au contact de l’alumine et sa réaction au contact de la zircone. In vitro et in vivo chez l’animal, les travaux d’Ichikawa et Ito ont également montré l’excellente biocompatibilité de la zircone.
Céramiques à base de carbures et de nitrures [39, 58, 70] Ces matériaux avancés possèdent souvent des propriétés mécaniques intéressantes (dureté élevée, bonnes propriétés à l’usure et au frottement), mais leur biocompatibilité demande à être approfondie. Leur utilisation sous forme de revêtement pourrait s’avérer prometteuse.
Carbure de silicium Ce matériau pressé à chaud (HP SiC : hot pressed silicon carbide) montre une résistance en flexion (450-700 MPa) supérieure à l’Al2O3, avec un module d’élasticité plus élevé (400-430 GPa), mais un facteur d’intensité critique de contrainte (KIC) non amélioré, sinon inférieur à celui de l’alumine. page 15
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Nitrure de silicium Ce matériau également pressé à chaud (HP Si3N4 : hot pressed silicon nitride) présente une résistance en flexion (650-900 MPa) très supérieure à l’Al2O3 ; le module d’élasticité et le KIC sont identiques à ceux de l’alumine.
Carbures et nitrures de titane Ces matériaux peuvent être utilisés, soit sous forme massive (ils sont dans ce cas élaborés par frittage), soit sous forme de revêtement (dépôt en phase gazeuse, carburation ou nitruration du titane). Dans ce dernier cas, la couche de TiN ou TiC présente une épaisseur toujours faible qui peut entraîner des difficultés pour le polissage des surfaces de frottement et l’obtention d’un indice de rugosité faible. Rappelons cependant que les essais de biotolérance sont aujourd’hui insuffisants, en particulier sous forme de fines particules.
Carbones [63, 70]
1 Hélium
Hydrocarbure
2
Si les mines de crayons taillées au siècle dans des blocs de graphite naturel furent probablement les premiers objets en carbone, le matériau carbone a, en fait, été créé et développé dans la deuxième moitié du siècle dernier pour répondre aux besoins nés des premières applications de l’électricité. Depuis, ses qualités remarquables ont été exploitées pour répondre à des besoins nouveaux et autoriser des progrès industriels continus, que ce soit au début des années 1950 avec la production d’énergie nucléaire par la filière graphite-gaz ou au cours des années 1960 avec la demande des industries aéronautiques et spatiales, puis enfin avec l’arrivée dans le domaine biomédical dès le début des années 1970 (implantation des premières valves cardiaques en carbone pyrolytique) et l’élaboration de matériaux composites carbone-carbone pour les applications en chirurgie orthopédique, dentaire et vétérinaire dans les années 1980. Les carbones sont un exemple important de matériaux céramiques inertes et denses destinés à l’implantation. Le carbone pyrolytique isotropique a été introduit en clinique dès 1969 et il a depuis trouvé une large utilisation en chirurgie vasculaire. Il possède également une résistance élevée et un module d’élasticité proche de celui de l’os. Les carbones turbostratiques ont également un excellent comportement sous contrainte cyclique. À la différence des métaux, des polymères et d’autres céramiques, ces matériaux carbonés ne souffrent guère de la fatigue. Ceci a été confirmé aussi bien pour les carbones pyrolytiques low temperature isotropic (LTI), que pour les carbones vitreux. Le carbone se présente en fait sous de nombreuses formes, allant de l’état amorphe à l’état polycristallin et possédant des propriétés extraordinairement variées, sous étroite dépendance structurale. Jusqu’à la découverte récente des fullerènes, on ne connaissait que deux variétés allotropiques (formes physiques différentes) de carbone pur : le diamant et le graphite. À la différence du graphite, les carbones turbostratiques réalisent un empilement plus désordonné, avec des déplacements et des rotations au hasard des couches de cristallites ressemblant au graphite et ayant des dimensions supérieures à 100 Å. Comme il n’y a pas d’orientation préférentielle des cristallites, les propriétés sont les mêmes dans toutes les directions (isotropiques). Les liaisons fortes C-C, avec les plans des cristallites orientés de façon désordonnée, donnent au carbone isotropique une très haute résistance. La liaison faible entre les couches permet d’importantes contraintes de cisaillement à faibles contraintes. Il en résulte un module d’élasticité d’environ 21 GPa, de l’ordre donc de celui de l’os. Les densités vont de 1,5 g/cm3 à la limite théorique de 2,2 g/cm3. Trois types de carbones isotropiques peuvent être préparés : les carbones LTI, vitreux et ultra low temperature isotropic (ULTI). Les propriétés physiques et mécaniques des carbones biomédicaux sont résumées dans le tableau XVIII. Les carbones pyrolytiques sont formés par dépôt de la structure isotropique sur un substrat (en général le graphite polycristallin) dans un lit fluidisé. La pyrolyse d’un hydrocarbure gazeux (par exemple, le méthane) à des températures de 1 000 à 2 500 °C réalise le lit fluidisé (fig 8) qui produit des dépôts de carbone isotropique d’environ 1 mm d’épaisseur. Ces structures, formées à des températures inférieures à 1 500 °C, se sont avérées très utiles dans le génie biomédical ; elles sont appelées carbones LTI. Les carbones pyrolytiques ont une excellente thromborésistance sans traitement préalable. Ils ont aussi de bonnes propriétés en friction attribuables à des caractéristiques de non-sensibilité à la rayure et au fait qu’ils peuvent supporter des déformations élastiques importantes sous charge élevée. La résistance à l’usure peut être améliorée par codéposition de Si à basse température (inférieure à 1 500 °C) dans un lit fluidisé ou par implantation ionique de Si. L’inclusion de silicium rend le carbone très dur, de sorte que sa résistance à l’usure est bien supérieure à celle du carbone vitreux. Le taux d’usure d’un revêtement carboné allié au silicium sur une valve cardiaque est approximativement 1,5 x 10-5 cm/an, de sorte que seulement 25 % d’un revêtement donné serait usé au bout de 100 ans. L’adhésion de films minces de carbone LTI sur le substrat est attribuée à l’une ou l’autre combinaison de quatre mécanismes d’adhésion incluant XVIe
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8 Schéma de la technique du lit fluidisé (d’après Bokros, 1972). 1. Serpentin de chauffage ; 2. lit de particules fluidisé par courant gazeux.
l’adhésion interfaciale, l’adhésion des couches intermédiaires, l’interdiffusion ou l’engrènement mécanique. Les films présentent une bonne liaison à de nombreux métaux avec des valeurs allant de 10 MPa à 35 MPa, les valeurs limites dépendant des matériaux substrats et des conditions de dépôt. La stabilité à long terme de ces revêtements demande encore à être confirmée. Un autre type de carbone turbostratique est le carbone vitreux. Le carbone vitreux tire son nom de son aspect noir, brillant et de son mode de fracture conchoïdal. Ce n’est pas un verre, cependant, mais plutôt un solide polycristallin avec une très petite taille de grain. Il est formé par le chauffage modéré et contrôlé d’un corps polymérique ; après la disparition des composés volatils, il reste un résidu carboné. La diminution de volume résultante est de l’ordre de 50 %. Du fait que les composés volatils doivent diffuser à partir de la structure, le degré de chauffage doit être réduit, limitant l’épaisseur à environ 7 mm. Comme pour les carbones LTI, la structure est isotropique et la densité est proche de 1,5 g/cm3. La résistance à l’usure et la résistance en traction ne sont cependant pas inférieures à celles des carbones pyrolytiques LTI. Le troisième type de carbone turbostratique est obtenu par dépôt en phase vapeur (carbone ULTI). Les atomes de carbone sont évaporés à partir d’une source de carbone chauffée et condensée sur un substrat refroidi de céramique, métal ou polymère. L’épaisseur de ces revêtements est habituellement inférieure à 1 µm. Un avantage de ce processus est que le revêtement ne change pas la topographie de la surface ni les propriétés mécaniques du substrat, tout en lui conférant les propriétés de biocompatibilité du carbone. Dans son comportement mécanique, le carbone vitreux ressemble à la dentine. La densité du carbone vitreux est de l’ordre de 1,5 g/cm3, le module élastique est de l’ordre de 27 GPa. La résistance mécanique limitée de ces matériaux nécessite des implants massifs (de gros volumes). Ceci conduit souvent au fait que les implants en carbone vitreux présentent des reflets brillants noirs à travers l’os et la muqueuse. Les carbones LTI possèdent une surface microporeuse avec une porosité qui atteint 20 à 25 µm en profondeur. L’élasticité du carbone LTI est aussi de l’ordre de grandeur de la dentine ou de l’os naturel. Le module d’élasticité est de l’ordre de 20 à 30 GPa. Pour augmenter la résistance mécanique de ce carbone LTI, il est allié au silicium. Le carbone ULTI résulte d’une réaction de transport chimique à basse température et les couches déposées de carbone ULTI sont imperméables mais très fines (0,5 à 1 µm). L’absence de radioopacité représente un inconvénient. La réaction de l’os et des tissus mous à d’autres formes de carbone (LTI et ULTI) n’est pas significativement différente de celle du carbone vitreux.
Céramiques dites bioactives [57, 60, 70, 79, 82, 88, 103, 116, 134, 138] Le terme de matériau bioactif s’applique aux biomatériaux conçus pour engendrer ou moduler une activité biologique. Au niveau de l’interface matériau-os, cette bioactivité se traduit par une interface diffuse.
Stomatologie/Odontologie
BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
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Tableau XIX. – Formule chimique et solubilité des différents phosphates de calcium. La solubilité augmente du tétracalcium phosphate au dicalcium phosphate (d’après [135]). Nom
Formule chimique
Rapport Ca/P
Produit de solubilité à 37 °C, pH = 7,3
CaHPO42H2O Ca3 (PO4)2 Ca5 (PO4)3OH Ca4O(PO4)2
1,00 1,50 1,67 2,00
1,87⋅10-7 (mol2⋅L-2) 2,83⋅10-29 (mol15⋅L-15) 5,5⋅10-118 (mol18⋅L-18) (insoluble)
Dicalcium phosphate Tricalcium phosphate Pentacalcium phosphate (hydroxyapatite) Tétracalcium phosphate
Tableau XX. – Propriétés physiques et mécaniques de l’hydroxyapatite (d’après [135]). Densité (g/cm3)
Module d’élasticité (GPa)
Résistance à la compression (MPa)
Résistance à la traction (MPa)
Résistance à la flexion (MPa)
3,05-3,15
80-120
300-900
40-200
100-120
GPa : gigapascal ; MPa : mégapascal.
Céramiques à base de sels de calcium [6, 12, 23, 28, 33, 34, 42, 60, 70, 96, 99, 115, 142]
Les plus utilisées sont celles à base de phosphate de calcium (hydroxyapatite et phosphate tricalcique), que ce soit comme substituts osseux ou comme revêtements compacts ou poreux d’implants endo-osseux (tableaux XIX, XX).
Céramiques d’hydroxyapatite L’hydroxyapatite est le composant minéral principal de l’os. La composition élémentaire de ce matériau est indiquée dans la formule : Ca 10 (PO 4 ) 6 (OH) 2 . D’un point de vue pratique, l’hydroxyapatite synthétique est chimiquement et cristallographiquement similaire à celle qui constitue naturellement l’os et, comme on s’y attend, c’est un matériau parfaitement biocompatible. La plupart des études histologiques rapportées dans la littérature font état d’un contact osseux direct entre l’hydroxyapatite et l’os hôte. Il paraît n’y avoir aucune tendance à l’encapsulation par les tissus mous de ce matériau et d’autres travaux (Daculsi, Dubruille) ont clairement mis en évidence l’existence d’une liaison directe de l’hydroxyapatite avec l’os hôte. Il est maintenant généralement admis que l’hydroxyapatite est pratiquement inerte sous sa forme très dense. L’hydroxyapatite n’est ni « ostéogénique », ni « ostéo-inductrice ». Comme nous le verrons plus loin, l’ostéo-induction est la conversion phénotypique de cellules des tissus mous en précurseurs de tissu osseux par une stimulation appropriée telle que la matrice d’os déminéralisé ou la bone morphogenetic protein (BMP). L’ostéogenèse, quant à elle, est la formation de tissu minéralisé par les ostéoblastes. L’os greffé autogène est ostéogénique. Il provoque la migration des ostéoblastes formateurs d’os et des préostéoblastes vers un site où ils synthétisent de l’os néoformé. L’hydroxyapatite est cependant « ostéophile » ou « ostéoconductrice », comme les greffes d’os autogène dévitalisé ou l’os de banque. L’hydroxyapatite synthétique agit comme une charpente pour la pénétration des vaisseaux et le dépôt consécutif d’os néoformé. Avec des greffes dévitalisées ou de l’os de banque, le processus de remplacement par de l’os vivant peut être extrêmement lent, car l’os mort doit d’abord être résorbé par l’activité ostéoclastique, puis remplacé par creeping substitution. Avec de l’hydroxyapatite dense, il n’y a pas de résorption, mais sous forme macroporeuse, elle agit simplement comme un agent ostéoconducteur qui est intégré dans le tissu osseux néoformé. Plusieurs formes d’hydroxyapatite ont été utilisées expérimentalement et cliniquement. Ces formes sont des blocs de céramique solides, des blocs poreux et des particules solides et poreuses. Les blocs poreux d’hydroxyapatite ont été utilisés pour la reconstruction craniofaciale, mais ils doivent être façonnés avant implantation. Les résultats rapportés ont été plus ou moins favorables. Cette forme dense et solide d’hydroxyapatite ne permet pas, cependant, la pénétration osseuse et est difficile à façonner au moment de la chirurgie. L’utilisation d’hydroxyapatite sous forme de particules a fait l’objet de nombreuses publications. Ces matériaux consistent en particules irrégulières, poreuses ou les deux à la fois ; elles possèdent des propriétés variables et souvent leur résistance mécanique est faible. L’hydroxyapatite sous forme de particules a été utilisée essentiellement en chirurgie orale pour la réhabilitation alvéolaire et parodontale. La grande faiblesse de la méthode résidait dans l’éparpillement des granules hors du site d’insertion, sans qu’il y ait jamais incorporation osseuse (problème qui n’est pas à redouter lorsque le matériau est enfoui dans un alvéole déshabité). Ce sont les raisons pour lesquelles ce matériau a été abandonné en apposition crestale ou vestibulaire, des travaux expérimentaux ultérieurs ayant constaté une encapsulation fibreuse des granules. En outre, la mise en charge par une prothèse amovible était susceptible d’entraîner une extériorisation des blocs, conduisant à la dépose du matériau.
Céramiques de phosphate tricalcique et autres céramiques biorésorbables Céramiques de phosphate tricalcique De composition chimique très voisine de celle de l’hydroxyapatite, le phosphate tricalcique b-Ca3(PO4)2, bien qu’absent des systèmes vivants, est parfaitement biocompatible. Il disparaît des lieux d’implantation par deux processus : biodégradation de la céramique par dissolution des joints de grains du solide et biorésorption des grains de la céramique par phagocytose et dissolution intracellulaire. Il peut ainsi aider la régénération naturelle de l’os et les céramiques macroporeuses peuvent faciliter la croissance des tissus mous et de l’os. L’emploi de phosphate b-tricalcique permet d’obtenir, en 2 semaines, le remplissage des pores interconnectés par du tissu conjonctif, qui est graduellement remplacé par de l’os tandis que commence la résorption de la céramique. Au bout d’environ 6 semaines, tous les pores occupés au début par du tissu conjonctif sont remplis par du tissu osseux. La résorption de la céramique ne se réalise pas seulement par dissolution, mais aussi par dégradation (fragmentation). Les ostéoblastes et ostéoclastes, les fibroblastes et les cellules géantes sont impliqués dans ce dernier processus. Neuf mois après l’implantation, la céramique de phosphate tricalcique est totalement remplacée par du tissu osseux lamellaire mature. En raison de sa résorbabilité, le phosphate tricalcique n’est pas indiqué comme matériau d’implant durable. En revanche, en association, il est volontiers utilisé avec l’hydroxyapatite pour améliorer les propriétés de dissolution de cette dernière (matériau de comblement pour pertes de substance osseuse en clinique).
Céramiques biphasées (biphasic calcium phosphate [BCP]) L’association de phosphate tricalcique sous forme b (b-TCP) et d’hydroxyapatite dans un rapport massique 40/60 constitue des céramiques phosphocalciques biphasées. Elles sont macroporeuses (pores de 400600 µm, avec 50 % de macroporosité) et donc aisément colonisables par les cellules osseuses (Passuti et Daculsi). Sous réserve d’une indispensable stabilité d’ostéosynthèse, elles ont montré chez le chien (Gauthier et al) une qualité de consolidation au moins équivalente à celle d’allogreffes cryoconservées, malgré des propriétés mécaniques nettement moindres. Des blocs de polyméthylméthacrylate (PMMA) chargés en hydroxyapatite ont en revanche abouti dans les mêmes conditions à des échecs. À la différence des allogreffes, les blocs de céramiques phosphocalciques subissent des phénomènes concomitants de résorption/substitution osseuse et agissent comme une charpente disponible, sans résorption préalable, pour l’apposition osseuse. Une bioactivité contrôlée basée sur les différences de résorption hydroxyapatite/TCP peut être obtenue. Une dissolution/résorption plus ou moins rapide peut être également obtenue en fonction de la porosité (macroporosité : de 400 à 600 µm ou microporosité : de 1 à 10 µm) et du caractère intercommunicant des pores. Une proportion de 40 % de b-TCP et 40 % d’hydroxyapatite permet un bon équilibre entre la résorption et l’apposition osseuse. Ce mécanisme de dissolution/résorption ne peut intervenir qu’en comblement au sein de l’os. En revanche, lorsque le matériau est utilisé en simple apposition, l’enkystement fibreux semble inévitable.
Autres céramiques à base de calcium Céramiques à base de carbonate de calcium Le carbonate de calcium (aragonite) ne semble pas indiqué comme substitut osseux car il est rapidement résorbé et remplacé, non pas seulement par de l’os néoformé, mais surtout par du tissu ressemblant au collagène non minéralisé et pauvre en cellules.
Céramiques à base de sulfate de calcium Le plâtre de Paris, sulfate de calcium hémihydraté CaSO4, 1/2 H2O, se réhydrate facilement, en suspension aqueuse, pour donner un dihydrate CaSO4, 2 H2O (gypse) au cours du phénomène de la prise, correspondant à la page 17
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croissance anarchique des cristallites de ce dernier. Il est parfaitement biocompatible et sa biorésorption, bien que très rapide, est assez variable (quelques semaines à quelques mois) ; cette variabilité est probablement due à différents états d’hydratation du solide et à sa microstructure. Il présente de très médiocres qualités mécaniques, mais il est facile à utiliser comme matériau de comblement. C’est d’ailleurs l’un des biomatériaux le plus anciennement employés pour cette application (Dressman dès 1832) et des travaux récents ont montré tout l’intérêt qu’il pouvait apporter associé à des antibiotiques (cinétique de relargage de 4 à 6 semaines) et à de la poudre d’os dans des pertes de substances osseuses infectées.
1
2
Céramiques à base d’aluminate de calcium De nombreuses céramiques d’aluminate de calcium ont été testées pour des applications en chirurgie orthopédique ou maxillofaciale. Elles sont désignées par l’acronyme alcap : aluminium, calcium, pentoxyde de phosphore. Cependant, les préoccupations récentes relatives aux effets toxiques de l’aluminium (libéré sous forme d’ions Al + + +) ont freiné les recherches sur ce type de céramiques.
Verres et vitrocéramiques [43, 44, 70, 95, 112, 118, 125, 144] Les verres, dont les propriétés de liaison aux tissus vivants ont été découvertes par Hench et al en 1971, ont une composition pondérale (en %) du type : Na2O : 24,5 ; CaO : 24,5 ; SiO2 : 45 ; P2O5 : 6. Ces verres, dénommés Bioglasst, font preuve d’une bioactivité importante, permettant leur liaison aussi bien avec les tissus mous qu’avec les tissus durs. L’inconvénient est qu’ils ne peuvent être utilisés dans des conditions impliquant une mise en charge en raison de la faiblesse de leurs propriétés mécaniques. En 1973, Bromer et al réduisaient le contenu en oxydes alcalins de verres de type Bioglasst et précipitaient l’apatite cristalline dans ces verres par un traitement thermique. La vitrocéramique qui en résultait, dénommée Ceravitalt, possédait une résistance mécanique assez élevée, de l’ordre de 150 MPa au maximum en flexion, mais une bioactivité un peu inférieure au Bioglasst. Les propriétés mécaniques, là encore, n’étaient pas suffisantes pour l’utilisation dans des conditions de mise en charge. En 1982, Kokubo et al ont préparé un composite similaire par cristallisation d’un verre. Pour cela, la b-wollastonite (CaO-SiO2), qui possède un squelette silicaté, a été choisie comme phase de renforcement des cristaux d’apatite. Le traitement thermique d’une poudre de verre compacte ayant la composition pondérale suivante (en %) : MgO : 4,6 ; CaO : 44,7 ; SiO2 : 34 ; P2O5 : 16,2 ; CaF2 : 0,5 donnait un composite dense et homogène, dans lequel 38 % d’oxyfluoroapatite et 34 % de b-wollastonite sous forme de particules allongées de 50 à 100 nm étaient dispersées dans une matrice vitreuse MgO-CaO-SiO2. La vitrocéramique résultante, appelée A-W, présentait une résistance en flexion d’environ 200 MPa à l’air libre, ce qui est supérieur aux 160 MPa de l’os cortical humain, ainsi qu’une assez bonne résistance à la fatigue mécanique en environnement biologique. Un autre type de vitrocéramique contenant de l’apatite et de la wollastonite a été préparé en 1989 par Berger et al par traitement thermique d’un matériau vitreux de composition différente. Il est dénommé Ilmaplantt et est utilisé dans le domaine maxillofacial. En 1983, Höland et al développaient une vitrocéramique bioactive et usinable, nommée Bioveritt, contenant apatite et phlogopite (Na, K) Mg3 (AlSiO10) F2. Elle a été utilisée comme vertèbre artificielle. Le tableau XXI donne la classification actuelle des biomatériaux à base de verres et de vitrocéramiques. Lorsqu’on réalise des implants enfouis de céramique bioactive, on observe une couche de substance homogène fortement basique de quelques micromètres entre la vitrocéramique et l’os lamellaire mature, sans couche de tissu conjonctif. Il n’y a pas de cellules inflammatoires, ni de cellules géantes à corps étranger, autour de l’implant. Après 6 à 7 semaines d’implantation, il existe une liaison directe entre l’os et la céramique, sans couche conjonctive intermédiaire. Après 3 à 4 mois, jusqu’à 70 % de la surface de la céramique se trouve directement recouverte d’os, tandis que le reste de la surface est en contact avec l’os spongieux (espace médullaire et vaisseaux). Des ostéocytes vitaux atteignent aussi bien l’interface que les canaux de Havers. La microscopie électronique montre la résorption de la surface de la vitrocéramique à leur contact.
3 4
9 Liaison os-bioverre (d’après Hench, 1984). 1. Os mature minéralisé ; 2. ostéoïde : fibres de collagène ; 3. gel de surface : cristaux ectopiques ; 4. bioverre.
La liaison directe entre la céramique et l’os sans couche intermédiaire de tissu conjonctif s’observe aussi bien pour des implants mis en charge que pour des implants non mis en charge. La liaison entre l’os et la vitrocéramique s’effectue par deux zones intermédiaires, caractérisables par leur composition chimique : une couche intermédiaire riche en silice et une couche intermédiaire riche en phosphates de calcium. Dans ces couches intermédiaires, s’ancrent les fibrilles de collagène et les mucopolysaccharides de l’os (fig 9). Après ces deux zones intermédiaires, il existe une liaison chimique directe entre la vitrocéramique et les composants anorganiques ou organiques de l’os : liaisons covalentes avec l’apatite SiO-PO4 ; liaisons covalentes avec le collagène SiO-NH3 ; liaisons hydrogènes ; liaisons de Van der Waals. Il résulte de ces liaisons chimiques une tenue dans l’os supérieure à celle obtenue par le seul ancrage micromécanique. La résistance en cisaillement de la liaison osvitrocéramique augmente avec le temps, à la différence de celle du ciment-os (fig 10). Le comportement bioactif de la vitrocéramique est lié à l’activité ionique ou à la solubilité du matériau. La diffusibilité des ions en surface de l’implant détermine la cinétique de croissance, le type et l’épaisseur d’os néoformé. L’équilibre est difficile à trouver entre liaison et non-liaison, activités de surface et dissolution ; il existe en outre une insuffisance de connaissances concernant les processus métaboliques de la réparation osseuse péri-implantaire. Malgré de nombreuses publications modifiant l’un ou l’autre paramètre de fabrication et malgré la réalisation de couches composites (bioverrestitane-hydroxyapatite...), les utilisations demeurent très limitées : chirurgie maxillofaciale, plastique reconstructrice (os de petite taille, contraintes mécaniques limitées), implants dentaires, matériaux de comblement. Il faut savoir que tous les bioverres ou vitrocéramiques ne sont pas forcément bioactifs et que certains ont une composition engendrant la formation de tissu conjonctif intermédiaire (fig 11). Ainsi, les vitrocéramiques riches en oxyde de bore engendrent la formation de tissu conjonctif fibreux, tandis que les vitrocéramiques riches en fluorure de calcium aboutissent à l’ankylose, avec sporadiquement formation de tissu conjonctif fibreux.
SiO2
b
Tableau XXI. – Classification des biomatériaux à base de verres et de vitrocéramiques (d’après [44]). A Vitrocéramiques pour implants 1 Verres et vitrocéramiques du système SiO2-CaO-Na2O-P2O5 (BioglassT de Hench) 2 Vitrocéramiques du système SiO2-CaO-MgO-P2O5-F (AWT de Kokubo) 3 Vitrocéramiques du système SiO2-Al2O3-MgO-CaO-Na2O-K2O-P2O5-F (vitrocéramique au mica de Höland, Vogel) 4 Vitrocéramiques du système SiO2-CaO-P2O5 (céramiques de Brömer) 5 Vitrocéramiques sans SiO2 (système P2O5-Al2O3-Ca avec addition d’oxyde de fer ou d’alliage Co-Cr) (en développement) B Vitrocéramiques pour restaurations dentaires 1 Vitrocéramiques au mica 2 Vitrocéramiques à la leucite 3 Vitrocéramiques avec apatite-leucite 4 Vitrocéramiques à la zircone
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c
a
d CaO
Na2O
10 Comportement de verres bioactifs de différentes compositions (d’après Hench, 1984). a. Liaison osseuse ; b. encapsulation fibreuse ; c. dissolution ; d. absence de formation de verre. Toutes les compositions renferment 6 % de P2O5.
BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
Force d'adhésion à l'os (MPa)
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revêtement (équipement coûteux et sévère contrôle de qualité sont nécessaires). Leur aspect esthétique « intéressant » est à noter. Il a été prouvé que ces revêtements diminuaient la libération ionique de titane ou des constituants de l’alliage en milieu salin. On les emploie en couches de 0,2 à 0,5 µm. Il est aussi possible de réaliser des composites TiN-Al2O3 (CVD), en faisant toutefois attention à la diminution de la résistance à la corrosion de la matrice due aux hautes températures. On peut enfin noter qu’ils ont également été utilisés pour revêtir des prothèses dentaires en cobalt-chrome (afin de prévenir les réactions allergiques) et des instruments chirurgicaux destinés au prélèvement de tissus pour analyses de métaux traces (pour éviter des interférences avec celles-ci).
a
60
30
Revêtements en carbone
b
0 0
10
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20
Semaines
11
Comparaison de la formation d’une liaison entre le tissu osseux et un verre biologique ou un ciment à os (polyméthylméthacrylate) (d’après Krajewski et Ravaglioli, 1988). a. Ciment à os ; b. verre. MPa : mégapascal.
Revêtements [71] Revêtements par céramiques bio-inertes [3, 32, 41, 67, 71] Leur but est d’augmenter la résistance à l’usure et au frottement, tout en réalisant une barrière à la libération d’ions métalliques du substrat. Quant à l’inertie chimique, elle devrait favoriser l’acceptation tissulaire. Les principaux types de céramiques utilisés sont : alumine (Al2O3), zircone (ZrO2), carbures (SiC, TiC), nitrures (Si3N4, TiN), carbones (LTI, ULTI, diamond-like carbon [DLC]).
Revêtements en alumine (Al2O3) Les revêtements en alumine sont intéressants en raison de leur « bio-inertie », favorisant le contact osseux, de leur caractère isolant (qui évite les effets de piles), de leur résistance à l’abrasion, de leur résistance à la corrosion, et enfin de l’élasticité permettant la déformation de l’implant sans fissuration du revêtement (couches de 0,2 à 0,5 µm). Pour les céramiques à base d’oxydes d’aluminium recouvertes de vitrocéramique, on observe également le plus souvent une séparation fibreuse. La diffusion des ions aluminium dans le revêtement n’y est sans doute pas étrangère. Au contraire, les implants d’acier recouverts de vitrocéramique entraînent la plupart du temps la formation d’une liaison directe os-vitrocéramique à leur surface. Des revêtements en alumine ont ainsi été employés pour améliorer la résistance à l’abrasion et à la corrosion des implants métalliques, et donc leur biocompatibilité. Le principal problème lors de la réalisation de revêtements en alumine par torche à plasma est la formation, à haute température, de phase instable c-Al2O3 se distinguant de la phase stable a, caractéristique des implants en alumine massive, par une résistance à la corrosion considérablement limitée. La méthode de choix pour l’application semble ainsi être la pulvérisation cathodique.
Revêtements en zircone (ZrO2) Leur intérêt réside là aussi dans leur bio-inertie (contact osseux), leur résistance mécanique, leur « élasticité » supérieure à celle de l’alumine, leur dureté et leur caractère isolant. Certains problèmes se posent toutefois : la décomposition hydrothermique (liée à la stérilisation à la vapeur), leur stabilité à long terme « in vivo », leur radioactivité éventuelle (liée à la présence d’impuretés et pouvant être éliminée par un contrôle de qualité). La friction et l’usure ainsi que l’adhérence (très liée à la technique d’application) méritent encore des études approfondies. L’expérience clinique est de moins de 10 ans (contre plus de 20, pour l’alumine). Enfin, le coût de réalisation n’est pas négligeable (il peut être réduit par l’utilisation du procédé sol-gel).
Revêtements en nitrure de titane (TiN) Ils ont retenu l’attention pour les applications biomédicales dès 1976, puis sont tombés dans l’oubli pendant une dizaine d’années. On s’est alors à nouveau intéressé à leur inertie chimique (hémo- et biocompatibilité satisfaisantes), leur résistance à la corrosion, leur dureté élevée, leurs bonnes propriétés à l’usure et au frottement. On manque encore de recul pour apprécier leur biocompatibilité à long terme et l’adhérence de ce type de
La première utilisation de revêtements en carbone LTI chez l’homme a concerné des valves cardiaques (Debakey dès 1969) en raison de son excellente résistance et de sa longue tenue en fatigue. Le carbone ULTI a été utilisé en couches de 0,1 à 1 µm en raison de son excellente biocompatibilité et de sa thromborésistance, ainsi que de sa très bonne résistance à la fatigue. La force de liaison du carbone ULTI à l’acier ou au Ti-6AL-4V, mesurée par test d’adhérence, excède 70 MPa ; cette bonne performance résulte en partie de la formation de carbures à l’interface. En revanche, sa résistance à l’usure est à améliorer (codéposition ou implantation de Si). Le carbone diamant (DLC) paraît particulièrement prometteur à l’heure actuelle et fait l’objet de nombreuses investigations. La réalisation des revêtements se fait par PVD, CVD, implantation ionique, dépôt ionique. La structure moléculaire de ces revêtements est tétraédrique et semblable à celle du diamant, mais avec substitution de certains des atomes de carbone par des atomes d’hydrogène. Ce matériau est chimiquement inerte, imperméable, biocompatible/hémocompatible, très résistant à l’abrasion, et présente une longue tenue en fatigue. Des interrogations subsistent quant à la qualité cristalline du dépôt et à l’interface substrat-dépôt (adhérence). Des revêtements en carbone diamant ont été réalisés, en particulier sur acier 316L (fiches et vis orthopédiques), sur Ti-6Al-4V (prothèses de hanche), sur chrome-cobalt F-75 coulé. Des revêtements en carbone ULTI à haute densité et à haute résistance peuvent aussi être réalisés avec des épaisseurs de 0,1 à 1 µm. Le carbone vitreux est, quant à lui, un matériau de basse densité et trop peu résistant pour cet usage.
Revêtements par céramiques bioactives Il s’agit essentiellement des céramiques à base de phosphate de calcium et des bioverres [2, 4, 11, 19, 20, 22, 25, 30, 47, 54, 56, 64, 76, 78, 85, 92, 97, 109, 111, 121, 139]. Un large éventail de techniques permet de les déposer sur des métaux (surtout le titane) [102, 140] ou sur l’alumine [38].
Revêtements en céramiques à base de phosphate de calcium Les avantages des céramiques à base de phosphate de calcium sont les suivants (Lemons et Phillips) : substances chimiques de haute pureté et de compositions semblables aux constituants des tissus biologiques normaux (carbone, phosphore, oxygène, hydrogène), excellents profils de biocompatibilité vis-à-vis des tissus lorsqu’ils sont utilisés dans les applications pour lesquelles ils ont été conçus, possibilités de réaliser un attachement entre certaines céramiques de phosphates de calcium et les tissus durs et mous, conductivités électriques et thermiques minimales avec la possibilité de réaliser une barrière physique et chimique au transport ionique (notamment ions métalliques), modules d’élasticité plus proches de l’os par rapport à de nombreux autres matériaux utilisés pour les implants soumis à des contraintes de charge, couleurs similaires à celles de l’os, de l’émail ou de la dentine, importante base de données concernant la science, la technologie et les applications. Parmi leurs inconvénients, on peut mentionner : des variations dans les caractéristiques chimiques et structurales parmi certains produits disponibles pour la fabrication d’implants, une résistance mécanique relativement faible en traction et en torsion dans des conditions de mises en charge répétées, une adhérence relativement faible au substrat pour certains revêtements, une solubilité variable selon le produit et l’application clinique, des informations limitées sur la stabilité structurale et mécanique des revêtements dans les conditions de mise en charge in vivo (en particulier, tension et cisaillement), l’altération des propriétés chimiques et structurales du substrat en rapport avec certaines technologies de revêtement, l’expansion d’applications qui excèdent parfois l’évolution des informations de laboratoire sur les propriétés. Les revêtements en hydroxyapatite ont été particulièrement étudiés ces 12 dernières années, avec plus de 250 publications internationales référencées (cf notamment la revue d’Epinette et Geesink), soit un nombre de publications équivalent à celles réalisées pour les autres types de revêtements. Le principal intérêt des matériaux bioactifs est de décourager le développement de tissu fibreux et d’accroître la fixation de l’implant à l’os. page 19
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Ces céramiques bioactives peuvent favoriser la réparation osseuse pour peu que la perte de substance n’excède pas 0,5 à 1 mm (pour 2 mm il y a, à coup sûr, formation de tissu fibreux au lieu de tissu osseux). Cependant, dès la première année, des phénomènes de dégradation vont avoir lieu. La résorption probable de la surface externe du revêtement à 1 an est de 10 à 15 µm. La disparition des revêtements en hydroxyapatite in vivo peut s’expliquer par plusieurs mécanismes (Bauer et al) : résorption ostéoclastique au cours du processus de remodelage osseux (pH 4,8) ; dissolution à pH neutre des revêtements ayant une proportion importante de phosphates de calcium non apatitiques ou à faible cristallinité (par exemple 70 %) ; délamination due à la perte de liaison avec le substrat ; abrasion, en cas d’instabilité initiale. L’importance de chaque mode varie considérablement selon la pureté de l’hydroxyapatite elle-même, son processus de fabrication et sa cristallinité, le substrat sur lequel le revêtement est déposé et la méthode de dépôt. La survenue d’un problème infectieux avec diminution du pH (le pus est acide) entraîne aussi une accélération de la fonte du revêtement. Chez les patients âgés, la diminution du turnover osseux et de la vascularisation entraîne, au contraire, un ralentissement de la fonte de l’hydroxyapatite. Les inconvénients résident, bien sûr dans leur fragilité, avec une capacité limitée de mise en charge. La résistance décroît avec l’épaisseur et 50 µm paraît représenter un compromis entre les meilleures propriétés mécaniques des revêtements minces (de 15 à 20 µm) et la dégradation plus lente des revêtements épais (supérieur à 100 µm). Le mécanisme de l’attachement de l’hydroxyapatite sous forme de revêtement au métal est mal connu (interdigitation mécanique solide, combinaison chimique avec le substrat, connexion avec contact frictionnel flexible). Les méthodes de revêtement font appel au plasma spraying, au dépôt électrophorétique et frittage, ou au dipping. Pour les implants revêtus d’hydroxyapatite commercialisés c’est le plasma spraying qui est essentiellement, sinon exclusivement, utilisé. Le plasma spraying peut entraîner une incorporation d’impuretés jusqu’à 100 µm de profondeur dans le titane, perturbant la qualité de la couche d’oxyde en surface et pouvant diminuer l’ostéo-intégration à long terme. L’adhérence interfaciale est de 17 à 74 MPa ; pour le titane non revêtu : 7 à 1,54 MPa. La liaison oshydroxyapatite est plus résistante que la liaison hydroxyapatite-implant. Il y a des différences entre apatites synthétiques et biologiques quant à leur dissolution en rapport avec les interactions avec les protéines, la distribution des défauts cristallins ou les différences au niveau des structures cristallines (Daculsi et Legeros). L’hydroxyapatite agit comme un site de nucléation avec rôle de guidage des cristaux implantés par les cristallites néoformés (Hemmerle et al). Ces revêtements d’hydroxyapatite ont été appliqués à des substrats métalliques (titane en particulier) et non métalliques (polyuréthane, polysulfone, carbone pyrolytique). Il est essentiel pour la performance clinique à long terme d’obtenir un revêtement avec une bonne stabilité, sans compromettre la bioactivité. Même les revêtements d’hydroxyapatite à haute cristallinité sont ostéoconducteurs, tandis que la production de revêtements à cristallinité volontairement réduite peut compromettre la durabilité du revêtement sans forcément accroître sa bioactivité. Parmi les optimisations possibles, signalons : l’incorporation de fluor (augmente la biostabilité et la bioactivité), celle de zirconium (augmente les propriétés mécaniques) ; la réalisation de couches sandwichs (supérieure à dissolution rapide, inférieure à haute cristallinité) ; l’incorporation de BMP et autres agents ostéo-inducteurs ; l’adjonction d’antibiotiques ou d’ions argent. Les implants métalliques recouverts d’hydroxyapatite présentent une phase de guérison raccourcie par rapport à ceux non revêtus et peuvent donc être mis en charge plus précocement. La température critique pour l’hydroxyapatite est d’environ 1 250 °C. Des températures plus élevées sont susceptibles d’induire une transition de la phase cristalline en phase amorphe, avec diminution prévisible de la tenue en milieu biologique. Bien qu’il soit possible de recouvrir de nombreux matériaux, il apparaît que le titane et ses alliages donnent, en général, des revêtements ayant une adhérence supérieure (plus 33 % environ par rapport à d’autres substrats), car le titane présente non seulement une liaison mécanique avec le revêtement, mais aussi une liaison chimique. Lors de la réalisation d’un revêtement, les facteurs suivants doivent être considérés avec une attention toute particulière : épaisseur du revêtement, résistance mécanique, porosité, pureté chimique de l’hydroxyapatite après pulvérisation, cristallinité du matériau hydroxyapatite et propriété de dissolution du revêtement. Cependant, si la technique de revêtement n’est pas bien maîtrisée, les phénomènes d’ostéolyse risquent d’être très préoccupants, ce qui fait qu’il vaut mieux être prudent dans l’application de ces revêtements en clinique. Leur biocompatibilité et leur bioréactivité avec l’os font des céramiques à base de phosphates de calcium un matériau particulièrement attractif pour la réalisation de revêtements d’implants. page 20
Stomatologie/Odontologie
Il a été démontré que les revêtements d’implants en phosphates de calcium contenant de l’hydroxyapatite, du phosphate tricalcique et d’autres phases cristallines entraînent une fixation précoce plus solide pour les implants poreux, une pénétration osseuse plus importante et une apposition osseuse plus étroite sur les surfaces d’implants non poreux. Le titane et les alliages de titane sont des matériaux d’implantation particulièrement adaptés au revêtement par phosphates de calcium, en raison de leur haute réactivité chimique avec l’hydroxyapatite. De minces revêtements en phosphates de calcium sont susceptibles d’une bonne adhésion sur des implants en titane. Des revêtements en verres aux phosphates de calcium ont aussi fait l’objet d’études pour améliorer la fixation des implants. Cette utilisation est de plus en plus courante en chirurgie orthopédique générale, mais il semble bien que pour les implants dentaires les résultats soient décevants (communication avec le milieu buccal, qualité du matériau et de la technique de dépôt).
Revêtements en bioverres Ils ont une longue histoire (plus de 25 ans) et il en existe de nombreux types selon les pays où ils ont été développés : Bioglasst (États-Unis), Ceravitalt (Allemagne), Bioveritt (Allemagne), Biovetrot (Italie)... Différents procédés d’application en surface ont été utilisés : émaillage, pulvérisation plasma, immersion (dipping), procédé sol-gel... Leurs avantages sont indéniables : intéressantes performances biologiques grâce à la liaison aux tissus durs et mous (formation en surface du matériel d’une couche d’apatites mixtes et en particulier d’hydroxyapatite) ; barrière contre la libération d’ions toxiques venant du substrat. Mais leurs inconvénients ont restreint leurs applications pratiques. Parmi eux mentionnons : la fragilité intrinsèque (intérêt des revêtements minces) ; le contrôle de l’interface bioverre/substrat (adhérence, structure, composition, diffusion ionique, coefficient d’expansion thermique, solubilité, contraintes résiduelles...) ; le contrôle de l’interface bioverre/tissus (la dissolution incontrôlée entraîne une réaction inflammatoire et une encapsulation fibreuse).
Composites De très nombreux composites ont été étudiés expérimentalement, mais la plupart n’ont guère dépassé le stade du laboratoire. Leur réalisation a pour but de renforcer : – soit des céramiques à base de phosphates de calcium [35, 46, 53, 59, 65, 74, 80, 98, 104, 106, 114, 123] ; – soit des verres ou vitrocéramiques [15, 40, 101, 120]. Les recherches récentes dans le domaine des matériaux frittés ont surtout visé l’amélioration de la contrainte de rupture et l’augmentation de la zone de déformation à la rupture, beaucoup trop faible (inférieure à 0,1 %). Deux approches principales semblent évidentes : d’une part optimiser les technologies de fabrication afin d’éliminer des défauts critiques (pores, inclusions) ; d’autre part augmenter la ténacité de ces matériaux, donc le KIC (recherches orientées vers les composites fibreux et les matériaux à phases dispersées). La fabrication doit donc tendre à obtenir une densité maximale et une structure fine et homogène, sans aucun défaut de surface. Dans le cas des composites fibreux, il s’agit de la mise au point d’un compromis entre un solide déformable (fibres de carbone, fibres d’alumine, fibres de carbure de silicium et même fibres métalliques) et une matrice peu déformable (alumine, carbure de silicium...). Ce compromis doit permettre de garder les propriétés mécaniques. Ces composites peuvent être à fibres orientées ou dispersées. D’importantes recherches sont actuellement en cours dans ce domaine, en particulier pour la mise au point de matériaux présentant d’excellentes propriétés mécaniques à haute température. Parmi les matériaux à phases dispersées, on peut citer : – les céramiques à phase dispersées : c’est le cas de la zircone avec des ajouts de stabilisation tels que MgO, CaO, Al2O3, Y2O3... (cf supra) ; – les céramométalliques ou cermets. Il y a incorporation à la matrice céramique de particules métalliques qui, grâce à leur ductilité, augmentent la ténacité du matériau. Les premières expérimentations ont porté sur des mélanges d’oxydes d’aluminium Al2O3 avec du fer (10 % en poids). Elles n’ont pas donné de résultats intéressants pour l’amélioration des caractéristiques. En revanche, d’autres associations toujours avec l’alumine, mais cette fois avec du molybdène et son carbure, avec du tungstène et son carbure ainsi qu’avec du titane (titane qui a d’ailleurs été également associé à l’oxyde de zirconium) ont permis une amélioration très sensible de certaines caractéristiques. Ces céramométalliques présentent une résilience et une ténacité améliorées, permettant des utilisations mécaniques performantes, notamment comme outils de coupe destinés à l’usinage d’aciers de haute dureté.
Stomatologie/Odontologie
BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (I)
L’utilisation de matériaux à base de Ta2O5, de céramiques à base de spinelle (MgOAl2O3) et celle de céramiques à haute résistance de type Sialons (Si2AlON3, par exemple) sont à l’étude. Un composite appelé « ostéocéramique » à 50 % de β-TCP et de spinel d’aluminate de magnésium (MgAl2O4) a été proposé dès 1969 par Janikowski et McGee comme implant dentaire et substitut osseux. Des études postérieures ont confirmé une résistance en compression et en traction supérieures à celles de l’os cortical, un module d’élasticité comparable à celui du titane et une bonne biocompatibilité avec les tissus osseux et conjonctivoépithéliaux (Niederauer et al), des morphologies spécifiques de surfaces pouvant être réalisées pour moduler la réponse tissulaire. Pour accroître la résistance à la fracture et donc la fiabilité des céramiques d’hydroxyapatite, Suchanek et al ont proposé un renforcement par des fibres d’hydroxyapatite d’un diamètre moyen de 2 µm (whiskers, réalisés par synthèse hydrothermique en autoclave à 200 °C pendant 10 heures sous 2 MPa en partant de phosphate de calcium amorphe). Ces « renforcements biocompatibles » paraissent préférables aux autres proposés (particules d’Al2O3, plaquettes de SiC, fibres de Si3N4 ou diopside, fibres métalliques, particules de zircone, nanoparticules de SiC) qui peuvent favoriser la dégradation de l’hydroxyapatite avec formation de particules de TCP, accroître le module d’élasticité, la corrosion, l’usure et les réactions tissulaires défavorables, voire la carcinogenèse. Des composites hydroxyapatite-zircone sont également à l’étude pour réaliser des substituts osseux (Silva et Domingues) combinant une phase bioactive et une phase bio-inerte dix fois plus résistante mécaniquement. Un nouveau matériau pour l’augmentation tissulaire des tissus mous a été récemment décrit (Hubbard et al) : la Coap Titet, gel à base de carboxyméthylcellulose et de particules d’hydroxyapatite (de 75 à 125 µm) stérilisable à l’autoclave. À la différence d’autres matériaux (collagène, tissu graisseux), ils permettent un maintien du volume pendant au moins 2 ans. On a pu également utiliser des fluoroapatites de calcium, des phosphates tétracalciques, des composites polymères-phosphates de calcium (les
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polymères de synthèse envisagés sont, soit résorbables comme l’acide polylactique, soit non résorbables comme le polyéthylène ou le PMMA, mais leurs avantages respectifs restent à préciser), ainsi que des composites phosphates de calcium-facteurs de croissance, et/ou protéines morphogénétiques.
Perspectives [43, 60] Les biomatériaux céramiques sont maintenant couramment utilisés pour des applications orthopédiques et dentaires comportant une mise en charge et comme matériaux de comblement. Leurs applications devraient aller encore en s’élargissant avec différentes structures composites et revêtements plus ou moins sophistiqués (multibiomatériaux). L’une des grandes tendances actuelles est de développer des biomatériaux de synthèse similaires aux tissus à remplacer. L’idée d’anisotropie chimique et mécanique constitue un objectif pour les biomatériels du futur. L’anisotropie chimique devrait fournir une surface bioactive pour un ancrage stable au niveau des tissus durs et mous. L’anisotropie mécanique devrait fournir, quant à elle, des propriétés physiques et mécaniques dans les trois dimensions qui répondraient de la meilleure façon à la demande fonctionnelle liée aux transferts de forces. Dans l’avenir, la régénération des tissus naturels, grâce à l’utilisation de facteurs de croissance, de substances morphogénétiques et de systèmes cellulaires fera de plus en plus appel aux biomatériaux céramiques comme structure support pour des applications spécifiques au niveau osseux. Actuellement, on cherche à développer des composites à matrice polymérique avec des phases de céramiques structurales et des surfaces bioactives pour la liaison avec l’os. En général, seules les références les plus récentes sont indiquées ici ; pour les références antérieures, se reporter à l’article paru en 1993 [70].
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-014-F-15
22-014-F-15
Biomatériaux, biomatériels et bio-ingénierie en chirurgie orale et maxillofaciale (II) D Muster JL Vouillot JH Dubruille
R é s u m é. – Les principaux métaux, céramiques, polymères de synthèse ou matériaux d’origine biologique utilisés comme biomatériaux en chirurgie orale et maxillofaciale sont passés en revue (caractérisation physicochimique et mécanique, comportement en milieu biologique et interactions avec l’organisme, biocompatibilité, biodétérioration, corrosion, dégradation). Leurs principales utilisations cliniques (à l’état massif, sous forme de revêtement, ou sous forme de composite) sont indiquées. Elles concernent des biomatériels (prothèses, implants, matériaux de comblement ou d’apposition...) ou des systèmes thérapeutiques (libération contrôlée). Les problèmes à résoudre et les orientations actuelles de la recherche sont évoqués ainsi que les perspectives de l’ingénierie tissulaire. © 1999, Elsevier, Paris.
Biomatériaux polymériques de synthèse Généralités sur les matériaux polymériques de synthèse [9, 29, 64, 69, 84, 87, 141]
Tableau I. – Classification, selon leur état physique, de quelques biomatériaux à base de polymères de synthèse (d’après Szycher, 1988). Nom
© Elsevier, Paris
Par rapport aux autres matériaux métalliques ou céramiques, les polymères sont dans l’ensemble des matériaux relativement « jeunes ». Ils ne se sont pratiquement développés industriellement qu’à partir de la deuxième moitié du XXe siècle et il existe donc, pour ces produits, un important potentiel de progrès. Depuis la première matière plastique entièrement synthétique, la bakélite, commercialisée en 1910 par le chimiste d’origine belge Baekeland, de nouveaux polymères n’ont cessé d’apparaître sur le marché. La chimie macromoléculaire a vu le jour au début du XIXe siècle avec la modification chimique de polymères naturels comme la cellulose et le caoutchouc : une croissance exponentielle s’en est suivie, avec des étapes allant du celluloïd, premier plastique de synthèse, élaboré par Hyatt en 1869, aux polymères vivants de Szwarc en 1968. Depuis que ces matériaux existent, de nombreux polymères ont été utilisés en médecine et dans le domaine de la santé en général. Les applications s’étendent rapidement et le marché est très diversifié. Cependant, le coût élevé de la multidisciplinarité nécessaire au développement d’un nouveau produit, comparé à l’étroitesse relative du marché, fait que peu de nouveaux polymères biomédicaux sont commercialisés.
Dominique Muster : Professeur associé à l’université Louis-Pasteur, stomatologiste attaché consultant des hôpitaux universitaires, pharmacien, docteur d’État ès sciences physiques, LEED biomatériaux, centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France. Jean-Luc Vouillot : Chirurgien-dentiste, diplôme universitaire de réhabilitation orale et implantologie, certificat d’études spécialisées en biologie buccale et parodontologie, Les Cattleyas, 2, rue du Bochet, 25320 Montferrand-Le-Château, France. Jean-Hermann Dubruille : Professeur à l’université Pierre et Marie Curie, UFR de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D, Vouillot JL et Dubruille JH. Biomatériaux, biomatériels et bio-ingénierie en chirurgie orale et maxillofaciale (II). Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-014-F-15, 1999, 23 p.
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Polydiméthylsiloxane (silicone) Polyuréthane (PU) Polyéthylène (PE) Polypropylène (PP) Polytétrafluoroéthylène (PTFE) Polyéthylène téréphtalate (PET) Polyméthacrylate de méthyle (PMMA) Polychlorure de vinyle (PVC) Polyhydroxyéthyle méthacrylate (PHEMA)
Catégorie mous ou élastiques semi-cristallins
vitreux hydrogels
Les polymères de synthèse représentent, de loin, la classe la plus étendue et la plus variée de biomatériaux. Cela vient essentiellement du fait que les polymères de synthèse offrent une large gamme de compositions et de propriétés. Ils peuvent, en outre, être fabriqués facilement sous des formes et des structures complexes. Enfin, leurs surfaces peuvent être aisément modifiées physiquement, chimiquement ou biochimiquement. La plupart des réactions de polymérisation utilisée dans l’industrie se ramènent à trois grandes catégories : la polycondensation (exemple : polyamide), la polymérisation en chaîne, radicalaire ou ionique (exemple : polyéthylène) et la polymérisation par transfert de groupe (exemple : polymères fonctionnalisés). La diversité des biomatériaux à base de polymères de synthèse apparaît bien dans le tableau I qui les sépare en quatre catégories : les polymères mous ou élastiques, les polymères semi-cristallins, les polymères vitreux (acryliques et autres polymères apparentés) et les hydrogels. Si l’architecture des cristaux métalliques peut être considérée comme « classique », celle des polymères est à qualifier comparativement de « baroque ». Les polymères sont composés de longues chaînes formées par la répétition d’un motif élémentaire, le monomère. Quoique leurs propriétés diffèrent largement, tous les polymères sont constitués de longues molécules, avec un squelette d’atomes de carbone liés par des liaisons covalentes. Ces longues molécules sont liées entre elles par des liaisons faibles de type Van der Waals et hydrogène, ou bien par celles-ci plus une réticulation par liaison transversale. Le point de fusion de ces liaisons faibles est bas et peu éloigné de la température environnante. Ces matériaux EMC [257]
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (II)
présentent un phénomène de fluage et la déformation élastique, qui apparaît lors de la mise en charge, s’accentue avec le temps. Il faut noter que les propriétés des polymères peuvent être très différentes d’un fabricant à l’autre, notamment en raison du processus de fabrication qui peut, à des degrés divers, aligner les molécules ou par des additifs « maison ». Pour toutes ces raisons, les données de la littérature sont, au mieux, approximatives. Un fabricant identifie le polymère qu’il vend mais dévoile rarement ses additifs : il est ainsi essentiel de connaître, non seulement le polymère, mais aussi sa source, lors de la conception d’un nouveau matériel. De façon très générale, les avantages des polymères sont les suivants : – une bonne stabilité chimique qui explique une excellente résistance à la corrosion, pour de nombreuses applications, que ce soit dans l’environnement biologique, les milieux alimentaires, l’atmosphère... ; – une faible densité qui conduit à des produits particulièrement légers ; – une mise en forme en règle générale très facile, à relativement basse température, rendant possible la fabrication économique de pièces de formes complexes pouvant intégrer plusieurs fonctions ; – la facilité et la diversité de conditionnement (fluides plus ou moins visqueux, pâtes, fibres tissées ou non, mousses, solides) ; – et enfin certaines analogies avec les structures biologiques. Il existe, en outre, la possibilité de modifier les polymères de base : – par renforcement : la résistance et la rigidité, le comportement au fluage, la résistance à l’impact notamment peuvent être considérablement accrus et l’expansion thermique ou la dureté modifiée par l’addition de fibres, de charges... ; – par plastification : la rigidité, la déformation élastique peuvent être modifiées considérablement par l’addition de plastifiants ; – par modification de surface : la surface d’un polymère peut être transformée notamment par irradiation, greffe ou implantation ionique pour augmenter la dureté, pour favoriser une activité chimique ou biologique, pour accroître la biocompatibilité... Enfin, les polymères peuvent être aussi utilisés comme adhésifs. Inversement, d’autres caractéristiques peuvent limiter leur domaine d’application ; les principales sont les suivantes : – propriétés mécaniques modestes qui interdisent de les employer pour la réalisation de structures subissant des mises en charges importantes ; les composites à matrice organique représentent une des solutions possibles à ce problème ; – faible module d’élasticité qui peut, dans certains cas, constituer un inconvénient, mais dans d’autres, au contraire, représenter un avantage, permettant des déformations importantes sans rupture ; – limitation en température : pour beaucoup de polymères, les propriétés mécaniques en particulier sont déjà fortement réduites à des températures modérément élevées ; – sensibilité plus ou moins marquée à l’environnement (biodétérioration) ; cette dernière propriété pouvant d’ailleurs être recherchée pour des applications spécifiques ; – absence ou mauvaise radio-opacité ; là encore, cette propriété peut être intéressante pour mieux suivre la réparation tissulaire. La caractérisation chimique, physique et mécanique des polymères représente un aspect important de la conception d’un biomatériel (Doillon et Silver, 1989). La caractérisation chimique est nécessaire pour confirmer la formule du motif monomère du polymère et pour déterminer le taux des impuretés présentes. La détermination du poids moléculaire moyen et la distribution des poids moléculaires jouent un rôle dans la réalisation de processus reproductibles de transformation de polymères en biomatériels. Les tests mécaniques, enfin, sont essentiels pour estimer la durée de vie dans l’application envisagée. En général, les polymères présentent une moindre résistance et un module d’élasticité plus faible ainsi qu’une élongation à la fracture plus élevée en comparaison d’autres classes de biomatériaux. Ce sont des isolants thermiques et électriques, et lorsqu’ils sont constitués de polymères à haut poids moléculaire, sans plastifiants, ils sont relativement résistants à la biodégradation. Comparés à l’os, la plupart des polymères ont des modules d’élasticité inférieurs avec des ordres de grandeur plus proches des tissus mous.
Biodétérioration des polymères de synthèse [46, 87, 143]
Biodégradation, biorésorption, biodétérioration La durabilité chimique des polymères dépend de la force des liaisons chimiques dans la molécule et de leur disponibilité en surface. Des effets stériques peuvent protéger les liaisons chimiques de l’environnement, offrant page 2
Stomatologie/Odontologie
une protection contre la dégradation. Des facteurs physiques, comme le degré de cristallisation, peuvent aussi affecter le degré de dégradation. Plus le polymère est cristallin, moins il aura tendance à gonfler et moins il sera susceptible de se dégrader. Il apparaît que l’hydrophilie du polymère est un facteur déterminant de la dégradation. Ainsi, les polyamides et polyuréthannes se détériorent plus vite que les polystyrènes, polyéthylènes, polyméthacrylate de méthyle (PMMA) et polytétrafluoroéthylènes (PTFE). Un petit nombre de réactions ont été invoquées pour expliquer les mécanismes de la dégradation des polymères. Ils incluent des réactions hydrolytiques, des réactions d’oxydoréduction et des réactions impliquant des radicaux libres. Ces réactions peuvent dégrader le polymère, par dégradation au hasard ou par réaction de dépolymérisation en chaîne. La dégradation désordonnée implique des ruptures de chaîne au niveau de sites pris au hasard, produisant des fragments qui sont volumineux, comparés aux unités de monomères. La réaction de dépolymérisation en chaîne, en revanche, consiste en un détachement d’unités individuelles. L’étude de la stabilité mécanique et chimique de différents polymères a montré que tous ces matériaux subissent une forme de vieillissement. Cela proviendrait du fait que la plupart des plastiques et des élastomères ne sont pas en équilibre thermodynamique et ont ainsi tendance à changer leur ordre moléculaire au fur et à mesure du vieillissement. La plupart des conditions conduisant à la dégradation des polymères (température, radiations, oxydations...) ne se retrouvent pas dans un organisme vivant. Seules peuvent intervenir des réactions d’hydrolyse, la formation de radicaux libres, des réactions enzymatiques et, éventuellement, une dégradation microbiologique. Ainsi, des ruptures de la liaison carbone-carbone, des réactions d’oxydation sont peu probables. En revanche, les plus importantes réactions de dégradation susceptibles de se produire in vivo font intervenir des molécules d’eau : hydrolyse des motifs chimiques hydrolysables, ou plus simplement inhibition des matériaux hydrophiles. Il peut également se former des radicaux libres dans les chaînes polymériques transformant la structure linéaire en structure réticulée. Ces réactions de biodégradation entraînent des modifications des propriétés techniques des matériaux, perte de résistance mécanique ou modification de la plasticité des polymères, éventuellement fragmentation. Elles peuvent aussi engendrer la migration des substances présentes dans le biomatériau. Des réactions d’oxydoréduction, de décarboxylation et de clivage de doubles liaisons peuvent constituer d’autres mécanismes de dégradation. Ces réactions peuvent être utilisées pour expliquer l’instabilité des liaisons amides, carboxyles et esters dans divers polymères. La dégradation des prothèses en silicone a été très étudiée et on sait notamment que le contenu en lipides des silicones employés pour les prothèses valvulaires augmente avec le temps d’implantation. Les esters de cholestérol, les acides gras et les triglycérides sont tous absorbés par le silicone des valves, sans toutefois excéder 1,5 % en poids. Des triphosphates pourraient être transportés par des lipides à l’intérieur des structures prothétiques en silicone, entraînant leur détérioration chimique. Il est bien certain que les facteurs environnementaux auxquels les polymères sont les plus sensibles, à savoir la température élevée, les radiations électromagnétiques et l’oxygène atmosphérique ne concernent guère l’environnement biologique. Les polymères sont en revanche soumis in vivo à une dégradation par hydrolyse, en particulier si le polymère contient des liaisons sensibles à l’hydrolyse comme celles comportant les groupes COO et NHCO. Pour qu’il y ait dégradation significative, le polymère doit être, en outre, hydrophile. Les plus stables sont, en conséquence, les polymères non hydrolysables et hydrophobes (PTFE). Les polymères hydrolysables mais hydrophobes, avec une faible perméabilité à l’eau, ne souffrent que très peu de l’hydrolyse et seulement en surface (polyamides et polyesters aromatiques), tandis que les polymères hydrophiles hydrolysables sont exposés à la dégradation en masse (polyesters aliphatiques). Le terme de dégradation est préférable à celui de biodégradation, car ici c’est uniquement l’eau, et non des facteurs biologiques, qui est impliquée. Cependant, des enzymes peuvent influencer la dégradation hydrolytique de certains polymères, en particulier ceux avec une activité estérasique. Alors que l’hydrolyse est probablement le mécanisme de dégradation le plus important pour les polymères à hétérochaîne, elle n’a guère d’importance pour les polymères à homochaîne. Ces matériaux, comprenant le polyéthylène, le polypropylène et le PTFE sont de ce fait beaucoup plus stables. Les polyéthylènes à haute densité (UHMWPE) sont lentement oxydés. D’autres matériaux comme les poly(éther-uréthannes) peuvent subir à la fois dégradation hydrolytique et dégradation oxydative. L’oxydation des polymères dans les tissus n’a pas habituellement grande importance, mais peut être plus marquée en présence de superoxydes, de peroxydes et de radicaux libres. S’il est peu vraisemblable que les cellules puissent endommager de façon notable des polymères monolithiques à surface lisse, en revanche les particules de moins de 10 µm peuvent être englobées par les macrophages. Cependant, ces cellules ont une durée de vie limitée, mesurée en jours ou en
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Tableau II. – Irritants et sensibilisants contenus dans les polymères (d’après Silver et Doillon, 1989). Polymère
Agent chimique
Effets chimique
Poly(acétate de vinyle)
Dibutyl maléate Dibutyl sébacate Glyoxal
Poly(chlorure de vinyle)
Chlorure de vinyle
Tumeurs hépatiques, lésions osseuses, sclérodermie
Résines époxy
Bisphénol A, amines, amides, anhydrides et polymères à bas poids moléculaire
Dermatoses
Phénol-formaldéhyde
Bisphénol A, butylphénol paratertiaire, phénylphénol paratertiaire, formaldéhyde
Dermatoses
Acryliques
Méthylméthacrylate, benzylperoxyde, polymères cyanoacryliques
Dermatoses, troubles neurologiques
Polyester
Polyéthylèneglycol, styrène, peroxides, huiles, surfactants, chlorure de méthyle
Dermatoses
Polyuréthannes
Toluène-di-isocyanate, 4-cyclohexyl-isocyanate, catalyseurs aminés
Dermatoses, irritation pulmonaire
semaines, de sorte qu’il paraît difficile qu’une dégradation suffisante puisse se produire avant la mort de ces cellules elles-mêmes. De ce fait, il y a peu d’observations sur la dégradation des polymères directement liée à l’influence cellulaire. Les macrophages peuvent toutefois fissurer la surface des silicones par l’intermédiaire des peroxydes libérés en surface et dégrader des polyesters marqués in vitro. Certaines bactéries peuvent dégrader des structures macromoléculaires non protéinacées sous l’action de leurs enzymes intracellulaires. Le Nylont est dégradé plus rapidement lorsque les tissus sont enflammés. Les polyuréthannes, en particulier les poly(esters-uréthannes) souffrent de dégradation bien mise en évidence dans certaines applications comme les adhésifs osseux et les prothèses artérielles. Différents degrés de dégradation enzymatique (leucine aminopeptidase, papaïne et chymotrypsine) et oxydative (peroxyde d’hydrogène) ont été également observés, bien que de faible importance.
Biocompatibilité des matières plastiques L’inconvénient majeur des biomatériaux à base de polymères de synthèse par rapport aux autres classes de biomatériaux réside ainsi dans le fait qu’ils peuvent contenir des substances toxiques libérables ou qu’ils peuvent leur donner naissance au contact de l’environnement biologique (précisément par réactions de biodégradation). Le tableau II énumère certains des additifs pouvant être extraits des polymères commerciaux. En général, les polymères et les composites de polymères sont particulièrement sensibles aux techniques de stérilisation et de manipulation. La plupart sont électrostatiques et attirent la poussière et autres particules lorsqu’ils sont exposés à des environnements d’air semi-propres. Comme beaucoup peuvent être façonnés par découpe ou autopolymérisation in vivo (PMMA), un soin particulier doit être apporté pour maintenir la qualité des conditions de surface de l’implant. Le nettoyage des polymères poreux contaminés n’est pas possible sans un environnement de laboratoire chimique. Le talc sur les gants chirurgicaux, le contact avec des gazes ou le fait de toucher une zone contaminée doivent être éliminés pour tous ces biomatériaux. La biocompatibilité des implants polymériques peut être affectée par la présence de polymères à bas poids moléculaire, d’additifs incorporés intentionnellement, de contaminants accidentels lors de la fabrication, d’impuretés dans les additifs eux-mêmes et, enfin, de produits de dégradation des polymères ou des additifs. Lorsque l’on implante des plastiques, la toxicité de ces additifs et la facilité avec laquelle ils peuvent être libérés dans les tissus environnants doivent constituer une préoccupation majeure. Les monomères résiduels dus à une polymérisation incomplète peuvent aussi être des irritants tissulaires. La polymérisation à 100 % est pratiquement impossible à réaliser et il est très difficile d’obtenir des polymères purs, de qualité médicale, c’est-à-dire dépourvus d’additifs comme les antioxydants, charges, agents antidécoloration, plastifiants, etc. Sous contrainte physiologique, une libération de constituants peut ainsi se produire dans les tissus environnants, concernant essentiellement les monomères résiduels ou les additifs introduits au cours de la fabrication ou, plus simplement, au cours de la stérilisation de l’implant (par exemple des résidus d’oxyde d’éthylène). Cette libération d’agents chimiques par le matériau peut induire des processus toxiques, allergiques, voire tératogéniques, mutagéniques et carcinogéniques. D’autre part, des interactions matériaux/cellules, comme l’absorption par le matériau de constituants cellulaires peuvent mener à des modifications des propriétés physicochimiques et mécaniques de celui-ci, à l’absorption de composants cellulaires vitaux (antigènes, anticorps, hormones), à une thrombogenèse pour les matériaux en contact avec le sang. Il est clair que tous ces mécanismes n’interviennent pas simultanément pour tous les matériaux implantés et que, par ailleurs, la réponse du tissu ou du matériau ne sera pas toujours détectable. L’implantation de matériaux polymériques induit à terme une détérioration de leurs performances. Déjà, la stérilisation par rayonnement aura pu amorcer
Dermatoses Dermatoses Réactions allergiques
un vieillissement radio-induit (cas des polyéthylènes notamment). Des produits comme les silicones interagissent avec les composants sanguins absorbant des composants lipidiques (générant ainsi des fissures), initient l’adhésion plaquettaire et peuvent éventuellement favoriser le processus de thrombose. À savoir que, même si la polymérisation est complète en surface, elle peut être incomplète dans la masse et l’usinage peut exposer la résine en surface et celle-ci pourra être ensuite relarguée dans les tissus. Pour ces raisons, les polymères susceptibles d’être utilisés in vivo doivent être très bien caractérisés, en particulier pour éviter que de telles réactions tissulaires soient interprétées comme résultant de la réponse des tissus aux polymères de base. La forme, la texture et la qualité de la surface de l’implant jouent un rôle qui peut être aussi important dans la biocompatibilité d’un matériau, que sa nature chimique. Un bloc à surface parfaitement polie provoquera une réaction tissulaire faible ou nulle, alors que des particules du même matériau dont les formes seront irrégulières, induiront des réactions intenses. Les implants compacts, comprenant les blocs, les feuilles, les non-tissés, les fils monobrins et les fils gainés, induisent la plus faible réaction tissulaire, dans la mesure où leur surface est lisse et non mouillable. Les surfaces présentant des rugosités ou des aspérités sont mécaniquement irritantes et entraînent une réaction histiocytaire plus ou moins importante. La surface non mouillable ou hydrophobe ne provoque que peu ou pas d’adhérence et une invasion cellulaire très limitée. Les matériaux moins hydrophobes ou plus irritants peuvent conduire à une encapsulation fibreuse complète de l’implant, l’isolant totalement des tissus adjacents. Les risques liés aux implants compacts résident dans une éventuelle fragmentation d’origine mécanique ou due à la dégradation du matériau : écailles, fibres libérées par un non-tissé, atteinte de la gaine d’un fil gainé... Dans ce cas, chaque fragment stimule sa propre réaction cellulaire et la réaction globale peut être intense. De façon générale, les matières plastiques à surface lisse sont séparées de l’os par une capsule conjonctive et il n’y a pas de liaison directe avec l’os (déterminante pour la résistance au cisaillement). Les implants poreux, tels que mousses rigides ou souples, tissus, tricots, velours, fils câblés ou tressés, font l’objet d’une infiltration cellulaire dans les trames du matériau poreux. Selon l’intensité des propriétés « irritantes », mécaniques ou chimiques du matériau, cette infiltration est limitée ou au contraire intense. Il peut être observé une invasion par des macrophages ou cellules géantes, ou par des fibroblastes ; dans ce dernier cas, la structure de l’implant peut être modifiée : fendillement, déformation ou perte de souplesse. Finalement, les implants de structure poreuse peuvent évoluer, selon le pouvoir irritant du matériau, vers un enkystement avec persistance d’une activité cellulaire ou, au contraire, être envahis par des cellules normales du tissu adjacent et être « incorporés » au tissu lui-même. Les fibres de collagène du tissu conjonctif peuvent s’étendre parallèlement à la surface et partiellement pénétrer dans les pores. Dans le cas des implants dentaires, il ne s’agit pas d’un néopériodonte et histologiquement tous les implants en matière plastique présentent une réaction inflammatoire plus ou moins étendue dans la région péri-implantaire.
Polymères de synthèse utilisés comme biomatériaux [87] Les polymères biomédicaux peuvent être classés de façon simplifiée en élastomères et plastiques. Les élastomères, par la nature de leurs molécules à longues chaînes, sont capables de résister à d’importantes déformations et de retourner à leur dimension originelle. Les plastiques, en revanche, sont des matériaux plus rigides. Ils peuvent être divisés en deux types : les thermoplastiques et les thermodurcissables. Lorsqu’on les réchauffe, les polymères thermoplastiques peuvent être fondus, remis en forme ou préformés. Dans ce sens, ils ont un comportement similaire à la cire. page 3
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Tableau III. – Quelques caractéristiques techniques de polymères utilisés pour la réalisation d’implants chirurgicaux (d’après Lemons et Phillips, 1993). Matériau
PTFE PET PMMA PE PP PSF SR POM
Module d’élasticité (GPa)
Limite de résistance à la traction (MPa)
Allongement à la rupture (%)
0,5-3 3 3 8 9 3,5 0,1 3
17-28 55 69 48 35 69 5 70
200-600 50-300 2-15 400-500 500-700 20-100 300-900 10-75
PTFE : polytétrafluoroéthylène ; PET : polyéthylène téréphtalate ; PMMA : polyméthacrylate de méthyle ; PE : polyéthylène ; PP : polypropylène ; PSF : polysulfone ; SR : élastomère de silicone ; POM : polyoxyméthylène.
Les plastiques thermodurcissables ne peuvent pas être réutilisés, car les réactions chimiques qui se sont déroulées sont irréversibles. Un exemple est constitué par les résines époxy, qui nécessitent des agents de polymérisation pour réticuler les molécules en un plastique thermodurcissable. Le tableau III indique quelques caractéristiques techniques des principaux polymères utilisés pour la réalisation d’implants.
Élastomères Un certain nombre d’élastomères (communément appelés « caoutchoucs ») ont fait l’objet d’applications médicales comme matériaux implantables ; mais ce sont surtout les silicones et les polyuréthannes qui se sont révélés intéressants pour l’implantation.
Silicones [22, 25, 59, 66, 83, 89, 95, 102, 111, 113, 122, 133] Un procédé commercialement viable de production des silicones a été développé dans les années 1940. Dans les années 1950, les silicones ont commencé à être appliqués dans le domaine médical, notamment pour des implants en raison d’un comportement en milieu biologique jugé comme reflétant un haut niveau de bio-inertie. Les silicones utilisés comme implant à long terme comprennent des élastomères, des gels, des adhésifs, des huiles et des lubrifiants. Les adhésifs et les élastomères à base de silicone contiennent une charge à base de silice amorphe. La réticulation fait appel au platine, à des systèmes à base d’acétoxy ou de peroxyde, avec une tendance à privilégier ces dernières années le platine car il n’y a pas de produits de dégradation dans ce procédé. Les élastomères implantables à base de silicone sont très purs, mais pas absolument indemnes de traces de contaminants (métaux, particules, contaminants organiques solubles) ou de silicone oligomère. Les silicones représentent l’un des matériaux les plus largement utilisés dans le domaine médicochirurgical et dentaire. Chimiquement, le polydiméthylsiloxane usuel est composé d’environ 65 à 68 % de polydiméthylsiloxane de poids moléculaire variant entre 300 000 et 400 000, de 30 à 35 % de silice et de 2 % de peroxyde. La silice accentue les qualités mécaniques du polymère et le peroxyde joue le rôle de catalyseur. Traditionnellement, les silicones sont considérés comme inertes, ce qui les a fait largement utiliser en chirurgie reconstructrice. Cependant, cette inertie doit être considérée à trois niveaux : chimique, biologique et immunologique. Les implants en silicone ont été historiquement considérés comme biologiquement inertes par opposition au silicone fluide. Cependant, en tant que matériau étranger, le silicone est encapsulé par du tissu fibreux. En outre, une réaction inflammatoire peut se produire en réponse au silicone fluide ou en gel, avec parfois des lésions granulomateuses. Le silicone injecté peut être retrouvé dans les macrophages, les ganglions régionaux et dans le système réticuloendothélial chez l’animal. Un granulome (parfois dénommé siliconome) n’est cependant pas l’indication d’une réponse immunologique, mais d’un foyer inflammatoire chronique en réponse à une agression tissulaire provoquée par une substance faiblement soluble. Des réponses générales au silicone (notamment des connectivites) ont également été décrites. Mais les statistiques n’ont amené aucune preuve d’un lien de causalité entre implants en silicone et maladies auto-immunes. En raison de la survenue de ces réponses locales et générales, il est malgré tout difficile actuellement de continuer à considérer le silicone comme chimiquement ou biologiquement inerte. Par ailleurs, il interagit avec les éléments figurés du sang, absorbe le cholestérol et autres lipides sanguins, favorise l’adhésion plaquettaire et vraisemblablement déclenche le processus de coagulation. Ces phénomènes conduisent à une détérioration accélérée des silicones et limitent donc leur utilisation. Immunologiquement, il est connu que le silicone n’entraîne pas la formation d’anticorps. Cependant, l’aspect histologique au niveau du site d’injection est comparable à celui d’une réponse à une médiation cellulaire. Il est possible que le silicone agisse comme un haptène (antigène incomplet). La silice cristalline (différente du silicone) peut servir d’adjuvant immunologique et page 4
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stimuler le système immunitaire. Les surfaces de silicone adsorbent des protéines. Les protéines plasmatiques adhérentes au silicone peuvent subir des changements de conformation et les protéines altérées peuvent devenir immunogènes. Il y a peu de composés toxiques connus du silicone, contrairement à la silice et à l’asbeste, et la littérature ne fournit guère de données quant à une action nocive du silicone pour la santé. Des études récentes (Kennan, 1996) ont montré qu’il n’y avait pas d’hydrolyse significative de silicone de qualité médicale (Silastict) en surface ou dans la masse lorsqu’il était soumis à des tests accélérés de vieillissement en milieu salin. Depuis leur première utilisation dans les années 1950, les silicones n’ont pas cessé de gagner en importance. La quantité annuelle de silicone implantée à long terme est d’environ une centaine de tonnes. Ce volume est trop faible pour être attractif d’un point de vue économique pour la plupart des producteurs de matériaux bruts, tout particulièrement si l’on considère le risque élevé des procès en responsabilité avec indemnisation très élevée pour les implants à long terme. Il est cependant nécessaire de pouvoir disposer de ce matériau car les silicones sont critiques pour la fabrication de nombreux matériels médicaux implantables, comme le silicium métallique est critique pour l’industrie électronique. Les shunts pour l’hydrocéphalie, les lentilles intraoculaires, les matériels pour traiter le décollement rétinien, les implants pour la chirurgie reconstructrice des tissus mous après malformation congénitale ou cancer, les stimulateurs et défibrillateurs cardiaques, les pompes implantables, les phalanges et articulations artificielles, les matériels pour l’incontinence, les prothèses péniennes, les implants laryngés, les implants cochléaires, les matériels d’expansion tissulaire ainsi qu’une grande variété de shunts et de cathéters constituent une liste non limitative d’implants qui sont partiellement ou totalement en silicone et pour lesquels il n’existe très souvent pas d’autres matériaux de substitution. Ces élastomères présentent certaines particularités en fonction de leur traitement physicochimique et de leur conditionnement physique. La vulcanisation à chaud conduit aux formes les plus résistantes. La vulcanisation à température ambiante conduit à des liquides ou à des pâtes utilisés comme matériaux souples. Les silicones, élastomères polymérisant à la chaleur et produits par la réticulation de gommes siliconées à haut poids moléculaire, sont les plus utilisés des élastomères. La réticulation pour les silicones médicaux s’obtient à partir de résines hydrosilylées (H-Si =) et une catalyse au platine, s’effectuant sans libération de produits secondaires. Ils peuvent être produits à des degrés très variables de dureté et de module d’élasticité sans l’addition de plastifiant ; ils ne nécessitent pas non plus la présence d’antioxydants, d’absorbeurs d’ultraviolets (UV), ou d’autres additifs qui sont régulièrement mélangés aux autres élastomères et qui réduisent leur biocompatibilité. Ils peuvent être fabriqués facilement sous des formes variées par moulage et, en raison de leur haute stabilité à la chaleur, ils peuvent être stérilisés de façon répétée par la vapeur et même la chaleur sèche. Les silicones peuvent être copolymérisés avec des uréthannes, des styrènes, des carbonates et d’autres groupes chimiques pour réaliser des polymères présentant des propriétés désirées appartenant aux deux catégories. La stabilisation de ce matériau à l’état solide résulte d’une encapsulation fibreuse non adhérente. Par ailleurs, les silicones présentent une « mémoire » et de ce fait doivent être adaptés au contour osseux à l’état « relaxé », car la déformation du matériel peut conduire à son extrusion. En outre, lorsque les implants en silicone sont en place pendant des périodes de temps importantes, il peut se produire une usure au contact de l’os, conduisant à des réactions histiocytaires. Une lyse du lit de l’implant et la formation de kystes dans les os voisins peuvent être observées. Une grande variété de silicones bruts ou préformés ont été implantés pour la réparation des planchers orbitaires (lames de Silastict) et pour la réalisation de membranes non résorbables en chirurgie parodontale (Silastict renforcé), pour des reconstructions mentonnières, zygomatiques et nasales, ainsi que dans la chirurgie de l’articulation temporomandibulaire (ATM). Des matériaux polymérisant à température ambiante peuvent être employés pour la fabrication d’implants chirurgicaux sur mesure, façonnés à partir d’un moulage facial et permettant une correction esthétique plus précise chez des patients atteints de difformité post-traumatique ou congénitale majeure. Un modèle en cire de l’implant est façonné sur le moulage facial et une impression au plâtre réalisée à partir du moulage enduit de cire. Le silicone polymérisant à température ambiante est vulcanisé dans le moule en plâtre après que l’on ait ôté le modèle en cire. Dans d’autres altérations des contours faciaux, des silicones préformés ou des blocs de silicones bruts sont utilisés pour améliorer ces contours. Les techniques chirurgicale intraorales ou extraorales sont utilisées avec des incisions esthétiques placées aussi à distance que possible de la poche de l’implant. Les silicones fluides ont posé un certain nombre de problèmes (infection, migration du liquide, formation de kystes et atteintes cutanées allant de la pigmentation à la gangrène) qui ont fait stopper leur utilisation dans un certain nombre de pays. Les silicones ont été largement utilisés, en particulier pour les prothèses mammaires et des modèles remplis de gel ou remplis de fluide salin ainsi que
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Tableau IV. – Caractéristiques mécaniques des polyuréthannes biomédicaux (d’après Gogolewski, 1989). Résistance à la traction (MPa)
DénominationT Biomer SolG Biomer ExtG Cardiothane 51 Pellethane 2363 Tecoflex 80A 60D 72D Rimplast PYUA 102 PYUA 103 TPH hydrophiles Thoratec BPS-215 BPS-105 Texin AM, DM, M Biothane Érythrothane
31-41 28-35 43 35-48 42 42 21 10 2,7-38 38 35 48 18 43
Module d’élasticité initial (MPa) 2,8-5,5 12,4 Flx
Limite d’élongation (%)
Dureté Shore
600-800
75 A
3,6-14 2,8 15,0
580 350-600 580-800 400
72 A 55D, 75D, 80A, 90A
28 Flx 13,8 Flx 1,6-16,3 10,3 4,1 8,3 12,0 4,8
700 1000 200-900 700 870 175-550 136 520
70A 60A
des modèles gonflables sont disponibles. Les résultats ont été en général bons, cependant des problèmes existent en cas de fuite au niveau de l’implant, lorsque le matériau traverse l’enveloppe de silicone et entraîne une fibrose constrictive. Un implant mammaire remplit de gel avec un revêtement en polyuréthanne a été retiré du marché car du toluène a été détecté dans les urines de femmes porteuses de ces implants. Certaines controverses récentes ont entraîné la suspension temporaire de l’utilisation des gels de silicone en prothèse mammaire dans de nombreux pays, en attendant un complément d’informations. Même si cette mesure ne concerne pas l’utilisation dans d’autres domaines de la chirurgie reconstructrice, une matériovigilance s’impose néanmoins.
Polyuréthannes [87] Le terme de polyuréthannes est un terme générique appliqué à des centaines de composés différents résultant de la réaction d’un di-isocyanate avec un polyol. Leur intérêt comme biomatériaux est lié à la combinaison de propriétés élastiques et de propriétés de biocompatibilité, en particulier l’hémocompatibilité. Il est possible de faire varier leurs propriétés mécaniques de façon très large en changeant les produits de départ et les conditions de synthèse. Les poly(éthers-uréthannes) dérivent habituellement du poly(tetramethylene oxide) (PTMO), ou du poly(propylene oxide) (PPO) ou du poly(ethylene oxide) (PEO), tandis que les poly(esters-uréthannes) dérivent de polyesters polyols comme les poly(caprolactones). L’extension de chaîne peut être réalisée à l’aide de composés comme les glycols, ou les diamines dont le 1,4butanediol et l’éthylène diamine constituent les meilleurs exemples. La nature de l’extenseur de chaîne est très importante pour déterminer les propriétés du polymère, car il influe sur la flexibilité de la chaîne moléculaire, l’attraction intermoléculaire et la microstructure. Une autre caractéristique importante des élastomères de polyuréthanne est qu’ils sont généralement constitués de copolymères à deux phases, ce qui leur a fait donner le nom de polyuréthannes segmentés. La dureté et le module du polymère seront augmentés si l’on augmente les taux d’isocyanates et d’extenseurs de chaîne. Remarquables pour leur haute résistance, leur tenue à l’abrasion et à la déchirure, leur diversité d’emploi, les polyuréthannes ont été très employés dans le domaine cardiovasculaire (prothèses vasculaires, cathéters, isolation de stimulateurs cardiaques, valves cardiaques, cœur artificiel...) et comme vecteurs de médicaments. Leur apparente thromborésistance serait liée à leur capacité d’adsorber de façon préférentielle la sérum-albumine. La plus grande difficulté est leur sensibilité à la dégradation, car ce problème n’est pas limité aux poly(esters-uréthannes), ce qui a entraîné des échecs au niveau des fils de stimulateurs cardiaques et de prothèses vasculaires. Il est bien connu actuellement que le groupe ester est sensible à l’hydrolyse, ce qui a fait que les premiers poly(esters-uréthannes) ont souffert de dégradation in vivo. La réalisation de poly(éthers-uréthannes) s’est avérée plus stable et a conduit au développement de polymères segmentés à base d’éthers dans le domaine médical dès les années 1970. Les noms commerciaux les plus communément rencontrés à cette époque sont certainement le Biomert, le Pellethanet et le Tecoflext. Des progrès réalisés ces dernières années et, en particulier, des combinaisons de nouveaux additifs ont permis d’obtenir une résistance plus importante à l’hydrolyse et une grande souplesse d’emploi. Les polyuréthannes correspondent eux aussi à de nombreux polymères différents dont la biocompatibilité peut varier considérablement. Certains sont stables, ne se dégradent pas dans l’organisme et présentent une bonne tolérance tissulaire (polyuréthannes-éthers, surtout les « segmentés ») ; d’autres sont susceptibles de se dégrader et d’induire des réactions tissulaires avec cellules géantes.
Absorption d’eau (%) 1,2 0,18 1,6
Fatigue (cycles en 106) 74 1,5 23 2
85A, 93A, 100A, 65D, 72D
75A 70A 85A, 65D, 70D 44D 83A
Différents types de polyuréthannes sont actuellement disponibles sur le marché : l’Avcothanet est un copolymère de polyuréthanne et de polydiméthylsiloxane, le Biomert, basé sur un polyéther du poly-1,4butanediol, l’Omidermt préparé par greffe de monomère hydrophile comme l’acrylamide et l’hydroxyéthylméthacrylate. Le tableau IV résume les principales caractéristiques mécaniques de quelques polyuréthannes biomédicaux. Une importante application des polyuréthannes réside dans la greffe de peau, lors du traitement des brûlures notamment. Une valeur moyenne de 7 à 6 MPa pour la résistance en traction et de 47 à 111 % pour la limite d’élongation sont des chiffres retenus en général pour cette dernière application. La perméabilité à l’oxygène est proche de celle de la peau naturelle et bien sûr l’hémocompatibilité est tout à fait satisfaisante. Les prothèses vasculaires constituent cependant leur plus grand domaine d’application. On les préfère aux polyesters ou au PTFE en raison de leurs propriétés du type élastomère, avec de bonnes caractéristiques mécaniques (en particulier élasticité et résistance à la corrosion, équivalents à ceux des vaisseaux naturels). Enfin, un copoly-imide-uréthanne de polytétraéthylèneglycol s’est avéré particulièrement intéressant pour la réparation de lésions ostéocartilagineuses (PorimidtC) et le maintien du capital osseux alvéolaire après extraction dentaire (PorimidtD).
Autres élastomères Des polypeptides élastomériques de synthèse (bioelastics) ont été développés. L’approche générale consiste à utiliser le polypentapeptide élastomérique (Val-Pro-Gly-Val-Gly) n comme matrice, celle-ci étant ultérieurement modifiée pour acquérir les propriétés désirées. Le polyhexapeptide (Val-Ala-Pro-Gly-Val-Gly-Val)n est ajouté ensuite soit en parallèle, soit en séquence, pour augmenter la résistance, le module d’élasticité et la facilité de manipulation.
Polymères acryliques Les termes d’acryliques ou de résines acryliques sont employés pour désigner les polymères à base de dérivés des acides acrylique et méthacrylique, en particulier leurs esters avec divers alcools.
Polyméthacrylate de méthyle [70, 87] Le PMMA a été parmi les premiers plastiques développés dans la deuxième et la troisième décades du XX e siècle. Son emploi comme matériau implantable a été envisagé dès le début des années 1940 (réparation des pertes de substance crânienne, notamment par Zander). En chirurgie orthopédique, le PMMA a été utilisé à une large échelle lorsque les Judet introduisirent leurs prothèses de tête fémorale en Perspext ou Plexiglasst en 1946. La polymérisation à froid, développée suite à des brevets français et allemands, grâce à des amines tertiaires accélérant la polymérisation initiée par des peroxydes, augmente encore les possibilités d’application. Dès le début des années 1950, un certain nombre de résines pour la restauration dentaire ont été mises sur le marché, fournissant aux dentistes un matériau polymérisant in situ et ayant la couleur de la dent. Les cranioplasties et autres interventions de chirurgie reconstructrice se trouvèrent simplifiées, puisqu’il n’était plus nécessaire de passer par l’intermédiaire de moulages en plâtre. Ridley (1952) remarqua, par ailleurs, que les éclats de cockpits atteignant les yeux de pilotes de chasse était bien tolérés par les tissus oculaires. Ce fut le début de travaux qui devaient aboutir aux lentilles de contact et aux cristallins artificiels. L’une des phases les plus importantes pour le développement des résines acryliques biomédicales a été certainement l’introduction, au début des page 5
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années 1960, du PMMA polymérisant à froid comme ciment à os par le chirurgien orthopédiste Charnley, guidé dans ses choix par son dentiste Smith, pour stabiliser les queues de prothèses fémorales ancrées dans le fémur. Si de nombreuses autres applications ont été développées depuis, les principales demeurent cependant la fabrication des prothèses dentaires, les matériaux d’obturation, les lentilles intra-oculaires, la fixation des endoprothèses articulaires et la cranioplastie. Les réactions biologiques à la présence d’un implant acrylique (habituellement PMMA) sont provoquées par les constituants du polymère à bas poids moléculaire (monomères, initiateurs, accélérateurs et stabilisants) et par les propriétés physiques du matériau (taille des particules des débris d’usure, élévation de température durant la polymérisation in situ et rigidité du matériau). La plupart des réactions produites par les composés à bas poids moléculaire surviennent peu de temps après l’implantation, qu’il s’agisse de toxicité locale et générale, ou d’hypersensibilité. À long terme, des réactions histologiques peuvent être produites par ces composés ou par les caractéristiques physiques de l’implant. Le monomère est plutôt toxique, l’effet le plus habituel et le plus sévère étant une chute transitoire de la pression artérielle. Des cas d’arrêt cardiaque ont aussi été rapportés. De ce fait, le chirurgien doit faire attention à mélanger soigneusement le ciment et à minimiser son contact avec les tissus adjacents lors de l’insertion dans la cavité osseuse. La concentration maximale de méthacrylate de méthyle dans le sang après arthroplastie de la hanche est de l’ordre de 1 mg pour 100 mL, valeur bien inférieure à celles susceptibles d’entraîner des effets significatifs chez l’animal. En outre, le méthacrylate de méthyle disparaît rapidement de la circulation sanguine grâce au métabolisme (cycle des citrates). Dans les tissus immédiatement adjacents au ciment, des concentrations maximales de 0,01 à 3 % en poids ont pu être mesurées. Elles sont donc supérieures aux limites de toxicité indiquées par les tests en culture cellulaire, ce qui signifie d’inévitables effets toxiques dans les tissus environnants. Les monomères peuvent aussi causer des réactions allergiques (stomatites allergiques des patients porteurs de prothèses dentaires, dermites digitales des chirurgiens orthopédistes). Enfin, selon les conditions de polymérisation, des résidus de composés auxiliaires comme l’hydroquinone, le dibenzoylperoxyde ou des amines aromatiques peuvent être retrouvés éventuellement à des taux allant de la partie par million (ppm) pour l’hydroquinone à environ 1 % pour le peroxyde ou les amines. Les taux de libération sont relativement faibles (allant de 0,6 µg/cm 2/j au début, à 0,002 µg/cm2/j après plusieurs semaines), mais ils ont pu poser problème (cas de la diméthylparatoluidine, en particulier). Tous ces composés sont des allergènes potentiels, mais les cas observés en clinique proviennent surtout d’autres applications que celles de matériaux implantés. Les réactions aux débris d’usure sont plutôt spécifiques du type de particules que du matériau lui-même. Les élévations thermiques observées lors de la polymérisation du ciment sont de l’ordre de 45 à 70 °C au niveau de l’interface os-ciment, ce qui peut poser problème lorsqu’on sait que les protéines coagulent à 56 °C et que le collagène se détériore à 70-72 °C. Cependant, il n’y a pas que la température qui doit être prise en considération, mais aussi le temps d’exposition. Des réactions liées aux propriétés mécaniques ont également pu être observées. En ce qui concerne les réactions histologiques à long terme, la nécrose de l’os et de la moelle au voisinage immédiat du ciment peut résulter de l’élévation thermique. La phase de réparation s’étale sur 3 semaines, le remplacement du tissu osseux par du tissu conjonctif pouvant aboutir à l’encapsulation de l’implant. La phase de stabilisation est caractérisée par une croissance osseuse en direction de l’implant et un remodelage osseux. Au bout de 7 à 15 ans, un descellement peut se produire et son mécanisme reste encore partiellement mal compris (infection tardive, débris d’usure, séquelles de la chirurgie, mauvaise distribution des forces, résorption graduelle de l’os). Par ailleurs, une perturbation de la minéralisation de l’os directement adjacent au ciment peut s’observer et a été attribuée aux résidus de diméthylparatoluidine. Les tissus mous paraissent avoir une tolérance équivalente ou même une meilleure tolérance que l’os aux résines acryliques. Si, au niveau oculaire, il n’y a jamais de formation de capsule avec les cristallins artificiels, dans tous les autres sites de l’organisme un implant solide de PMMA se voit toujours encapsulé ; l’épaisseur de la capsule, l’importance et la durée de l’infiltration par des cellules inflammatoires dépendent largement de facteurs mécaniques et géométriques, comme la mobilité ou l’existence d’aspérités. Même si l’on admet des périodes d’induction de 20 à 25 ans pour la formation de tumeurs, l’absence de cas de tumeurs malignes liées à un implant de PMMA dans la littérature après plus de 40 ans d’utilisation est plutôt rassurante, la matériovigilance demeurant cependant de mise. La large utilisation du ciment acrylique en dépit des problèmes évoqués (cf supra), réside dans sa manipulation rapide et aisée. Beaucoup d’efforts de page 6
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Tableau V. – Propriétés du polyméthacrylate de méthyle (PMMA) (d’après Park, 1984).
Densité (g/mL) Résistance à la traction (MPa) Élongation (%) Module d’élasticité (GPa) Absorption d’eau (%, 24 h)
Coulé
Moulé
1,17-1,20 1,48-1,50 55-80 3-7 2,4-3,1
1,17-1,20 1,49 48-70 3-10 3,1
recherche ont été consacrés à d’éventuels substituts mais, jusqu’à présent, aucun ne s’est imposé. Quelques propriétés du PMMA sont indiquées dans le tableau V. On a tenté d’apporter des améliorations en ajoutant par exemple des gels aqueux pour diminuer l’élévation thermique, mais des interférences avec les propriétés mécaniques ne sont pas exclues. On a essayé également de réduire la microporosité par des techniques de centrifugation et de préparation du ciment sous vide, qui semblent avoir fait leurs preuves. Des fibres de carbone peuvent améliorer la résistance et la rigidité, mais en accroissant la viscosité, ces charges peuvent gêner une bonne adaptation. Des fibres d’aramide (Kevlart) ont aussi été testées pour des ciments orthopédiques ou dentaires. Pour augmenter la biocompatibilité des ciments à base de PMMA, certains ont proposé d’y incorporer une poudre vitrocéramique. Enfin, un biociment, réalisé sur la base d’un époxyde méthacrylate enrichi de vitrocéramique et de phosphate tricalcique en poudre, n’entraînerait pas de nécrose primaire et donnerait un contact direct avec l’os sans interposition de tissu conjonctif. En ce qui concerne les applications maxillofaciales, les formes autopolymérisables peuvent être adaptées directement au contour de la dysmorphose à corriger, lorsque les matériaux préformés ne sont pas applicables. Elles sont plus largement utilisées pour corriger les pertes de substance craniofaciales que pour la face elle-même, particulièrement avec du matériel mélangé et polymérisé in situ. L’agression tissulaire engendrée par la température élevée de polymérisation représente un problème majeur lorsque l’attachement des tissus est plus souhaité que l’encapsulation. En outre, il entraîne une résorption osseuse lorsqu’il est placé sous contrainte au niveau de la mandibule (cas de certaines génioplasties). Dans le contexte de l’implantologie orale, le PMMA a été employé tout d’abord tel quel, puis en tant que matrice de composites. Les charges utilisées dans ce type de matériau ont été rendues poreuses par l’utilisation d’agents moussants, comme la dinitrosopentaméthylène-tétramine. De bons résultats ont été rapportés par certains auteurs utilisant ces composites : résistance raisonnable, bonne biocompatibilité générale et formation d’une membrane pseudopériodontale avec des fibres de tissu conjonctif perpendiculaires à la surface de l’implant, mais cela ne semble pas être la règle générale. Des composites similaires à base d’acide polyacrylique ont aussi été développés comme implant radiculaire. Ils font appel à l’alumine comme charge et l’acide acrylique peut être polymérisé soit par la chaleur, soit par l’irradiation. Un tel composite exposé à l’eau présente un certain degré d’expansion et il a été suggéré que cela pourrait faciliter la rétention au niveau de la préparation alvéolaire. Des réserves doivent cependant être formulées dans l’utilisation des polymères en tant qu’implants dentaires, car même si la conformation macromoléculaire se montre neutre dans le contact avec le tissu, des réactions physiologiques indésirables sont toujours à craindre en raison de la composition complexe et des additifs introduits lors de la synthèse (plastifiants, monomères résiduels...). Plus récemment, des microsphères de silice ont été produites à partir de silicium, d’oxyde de bore et de traces d’oxyde de sodium. Ces microsphères subissent une lixiviation à l’aide d’acide et sont ensuite neutralisées, lavées, et incluses dans du PMMA créant ainsi une surface poreuse avec de nombreux pertuis et arêtes. De tels implants seraient bien acceptés par les tissus parodontaux des primates. Nous citerons pour terminer l’utilisation de billes de ciment acrylique à la gentamycine dans le traitement de l’infection osseuse. C’est une méthode originale de comblement d’un foyer osseux infecté préalablement évidé. Connaissant la propriété que possède un mélange méthacrylate de méthylesulfate de gentamicine de libérer progressivement l’antibiotique, on accroît cette propriété en réduisant le ciment sous forme de billes. On obtient ainsi des concentrations locales élevées d’antibiotique et ces billes sont faciles à enlever si, par la suite, on veut les remplacer après assèchement par de la greffe spongieuse. Des résultats particulièrement favorables ont été obtenus dans le traitement des ostéites localisées et des pseudarthroses infectées.
Hydrogels [87, 112] Ils constituent une forme particulière de polymères implantables. Leur nom vient de leur affinité pour l’eau et de l’incorporation d’eau dans leur structure. Cette eau peut exister sous au moins trois formes structurales différentes, dépendant de la concentration d’eau dans l’hydrogel. Selon la prédominance de telle ou telle forme, l’énergie libre interfaciale et la biocompatibilité peuvent être affectées de façon significative.
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Le polyhydroxyéthyl méthacrylate (PHEMA) est surtout employé pour la fabrication des lentilles de contact souples et d’implants intraoculaires. D’autres utilisations concernent la réalisation de ciments dentaires (avec addition d’apatite synthétique), de produits de comblement endodontiques biodégradables ainsi que l’immobilisation de molécules enzymatiques, de cellules et de médicaments. L’alcool polyvinylique (PVA) possède des propriétés hydrophiles, une résistance en traction, une résistance à l’usure et une perméabilité qui le rendent intéressant pour la réalisation de cartilage artificiel en chirurgie articulaire. Réalisant une membrane semi-perméable, il n’est pas perméable à l’acide hyaluronique et concentre aussi le fluide synovial dans l’articulation. Ces hydrogels de PVA peuvent être partiellement cristallisés par un processus de recuit avec déshydratation, qui augmente le module d’élasticité (en traction) lorsque le degré de cristallinité s’accroît.
Tableau VI. – Propriétés des polyamides (d’après Park et Lakes, 1992).
Polyesters et polyamides
Par rapport aux polymères naturels (enzymatiquement dégradables dans l’organisme), ces polymères de synthèse offrent l’avantage d’être souvent moins immunogènes et plus biocompatibles. Ils peuvent être préparés de façon reproductible dans des conditions de contrôle rigoureux et peuvent être fabriqués si nécessaire en quantité pratiquement illimitée. Ces biomatériaux présentent l’intérêt d’être assimilables ou excrétables par l’organisme. De très nombreux matériaux potentiellement biorésorbables pour l’implantation ont été étudiés à travers le monde depuis une vingtaine d’années. Parmi eux, les α-hydroxyacides ont été très étudiés : les plus communs d’entre eux sont l’acide glycolique, l’acide L-lactique et la dioxanone. L’acide glycolique, qui n’est pas optiquement actif, peut être polymérisé pour produire du PGA. La forme L de l’acide lactique est, quant à elle, polymérisée pour produire de l’acide poly-L lactique (PLLA). Parmi les complications des polymères biorésorbables, des réactions tissulaires défavorables peuvent consister en une réaction inflammatoire plus ou moins marquée, une réaction à corps étranger ou une lyse osseuse. Elles peuvent être dues à la libération rapide des produits de dégradation excédant les possibilités locales d’élimination de l’organisme. Si les produits de dégradation sont de nature acide, une chute du pH local peut favoriser cette réaction. Par ailleurs, les régions cristallines d’un polymère semi-cristallin biorésorbable (comme le PLLA), sont plus résistantes à la dégradation que les régions amorphes. Ainsi, durant l’hydrolyse, les régions amorphes se dégradent préférentiellement avec libération d’une multitude de fins cristallites pouvant être responsables d’une réaction physiologique retardée au PLLA. Les techniques habituelles de stérilisation à la vapeur ou à la chaleur sèche ne peuvent être appliquées aux matériels en polymères résorbables, car elles entraînent une déformation plastique et une dégradation hydrolytique importante. C’est pourquoi ces matériels sont presque exclusivement stérilisés à l’oxyde d’éthylène (ETO). Cette stérilisation est réalisée à des température de l’ordre de 21 à 70 °C et à une humidité relative de 30 à 60 %. Les concentrations efficaces de gaz sont de l’ordre de 400 à 1 600 mg/L. L’ETO est utilisé sous forme pure ou sous forme de mélange 12/88 ou 20/80 % avec, respectivement, du gaz carbonique ou du fréon. La possibilité de formation de sous-produits dans le matériel stérilisé (éthylène diol ou éthylène chlorohydrine) et de possibles réactions chimiques entre le résidu gazeux présent dans le matériel stérilisé et les protéines tissulaires sont sources de préoccupation. Des procédés de traitement à la chaleur sous vide et/ou gaz inerte avec une atmosphère à basse humidité pourrait en représenter une solution à ce problème.
Propriétés générales et principales applications [44, 87, 117] Les polyesters biomédicaux les plus utilisés sont les polymères thermoplastiques linéaires aromatiques et aliphatiques, comme le poly(éthylène téréphtalate) (PET ou Dacront), l’acide polyglycolique (PGA), l’acide polylactique (PLA), la polydioxanone et les copolymères de PLA et PGA. La plupart des polyesters linéaires aliphatiques sont biodégradables dans l’environnement physiologique et sont utilisés comme matériaux de suture ou pour la libération contrôlée de médicaments. Plusieurs nouveaux polyesters aliphatiques biodégradables sont disponibles sur le marché pour des utilisations biomédicales : poly(β-hydroxybutyrate) et polyorthoesters. Nous reviendrons plus loin sur cette catégorie bien particulière de polymères. Les polyamides sont également très employés comme matériaux biomédicaux. Leurs propriétés sont résumées dans le tableau VI. Les Nylont sont généralement classés en deux groupes : aliphatiques et aromatiques avec de nombreux types disponibles. Les deux polyamides aromatiques (ou aramides) les plus connus sont l’Aramidt et le Kevlart. Un polymère contenant à la fois des groupes esters et amides a été synthétisé plus récemment et testé in vitro et in vivo (Barrows, 1989). Dans le domaine orthopédique, le Dacront a été utilisé seul ou en combinaison avec d’autres matériaux (poly[2-hydroxyéthyl méthacrylate], silicone) pour la reconstruction tendineuse. D’autres utilisations orthopédiques ont concerné le comblement de pertes de substance osseuses. La plupart des Nylont aliphatiques ne conviennent pas pour l’usage orthopédique, car ils se détériorent à long terme. Des polyamides aromatiques, comme le Kevlart, ont été testés comme prothèse tendineuse. D’autres utilisations du Nylont ont concerné le remplacement de la tête fémorale, la réalisation de clous intramédullaires et de membranes pour l’arthroplastie du genou. L’application médicale du Dacront qui a connu le plus grand succès est sans conteste la chirurgie cardiovasculaire, avec les prothèses valvulaires et vasculaires, où l’acceptation biologique est en général meilleure que pour les polyamides. Des mèches de Dacront ont donné des résultats tout à fait satisfaisants dans la réparation des hernies inguinales et ventrales ainsi que dans la réparation des pertes de substance tissulaire de la paroi abdominale. D’autres applications du Dacront ont concerné la reconstruction trachéale (combinée à des fils d’acier ou des silicones), la reconstruction œsophagienne, la prothèse urétrale (renforcée par des silicones), la reconstruction du plancher orbitaire. Les plaques de Nylont 6 ont été utilisées pour traiter les fractures blow-out de l’orbite ; des mèches de Dacront liées à des plaques de Nylont ou de silicone peuvent faciliter la pénétration tissulaire empêchant la migration de l’implant orbitaire. Le Dacront a également été utilisé dans le remplacement des disques intervertébraux (corps central en silicone entre deux couches de mèches de Dacront tissées et siliconées), mais des complications à type de résorption de l’os adjacent ou d’infection ont été observées. Les polyamides (Nylont PA-6 -6/6 -6/10 -11), présentent des biocompatibilités très variables selon la nature précise du polymère, son degré de pureté et selon la forme physique de l’implant. Ils sont susceptibles de s’imbiber d’eau extracellulaire et de subir une biodégradation à long terme par hydrolyse des fonctions amides, soit directe, soit sous l’action des enzymes protéolytiques. Si une telle biodégradation se produit, elle peut entraîner une perte de résistance mécanique et parfois, des fragmentations à l’origine de réactions tissulaires fibroblastiques avec cellules géantes. Le PET (ou polyester) présente une bonne biocompatibilité. Il n’a guère tendance à s’imbiber d’eau et provoque une réaction histiocytaire modérée avec formation d’une gaine de tissu fibreux à faible activité cellulaire. Il est toutefois susceptible de subir à la longue par sa fonction ester, une légère biodégradation par hydrolyse.
Type Propriétés Densité (g/cm3) Résistance à la traction (MPa) Élongation (%) Module d’élasticité (GPa) Température de ramollissement (°C)
66
610
6
11
1,14 76 90 2,8 265
1,09 55 100 1,8 220
1,13 83 300 2,1 215
1,05 59 120 1,2 185
AramidT
KevlarT
1,30 120 < 80 > 2,8 275
1,45 2700 2,8 130
Biomatériaux polymériques de synthèse biorésorbables [4, 26, 51, 54, 58, 87, 96, 97, 129, 132, 134, 138]
Polyesters aliphatiques Les poly(α-hydroxyacides) comprennent notamment les PGA, le PLA et leurs copolymères. Leur grand avantage est leur dégradation par simple hydrolyse de la liaison ester en environnement aqueux (cas des fluides biologiques). En outre les produits de dégradation sont métabolisés en gaz carbonique et eau ou sont excrétés par les reins. Tandis que le PGA est hautement cristallin, la cristallinité se perd rapidement dans les copolymères PGA/PLA et ils tendent de ce fait à se dégrader plus rapidement que le PGA ou le PLA purs. L’acide lactique existe sous deux formes stéréo-isomériques qui donnent naissance à quatre polymères morphologiquement distincts. Le D-PLA et le L-PLA sont deux polymères de structure semi-cristalline, tandis que le D-PLA est un polymère racémique ayant une structure amorphe. Le méso-PLA peut être obtenu à partir du DL-lactide. Le PGA, le PLA et leurs copolymères sont très utilisés dans les sutures, la libération contrôlée et les implants orthopédiques. Le DL-PLA est habituellement utilisé pour la libération contrôlée où il est important d’avoir une dispersion homogène du médicament à l’intérieur d’une matrice monophasée. Le L-PLA est préféré quant à lui dans des applications où une grande résistance mécanique et une solidité sont requises (sutures, agrafes et matériels orthopédiques). page 7
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Propriété mécanique
c
a
2
1
4
b
6
8
10
(mois)
Système os-plaque résorbable. a : os ; b : plaque ; c : os + plaque
L’application potentielle d’implants biodégradables pour l’ostéosynthèse présente de nombreux avantages sur les matériels métalliques conventionnels. Idéalement, de tels implants pourraient permettre la fixation requise au stade précoce de la réparation des fractures et, plus tard, ils se dégraderaient progressivement en restaurant ainsi graduellement les contraintes à l’os (fig 1). En outre, ce matériel d’ostéosynthèse, une fois dégradé, n’aurait pas besoin d’être ôté, évitant ainsi les risques et le coût d’une deuxième intervention chirurgicale. Les matériaux métalliques, quant à eux, sont trop rigides par rapport à l’os cortical (le module de l’élasticité de l’os étant de 6 à 20 GPa et celui des métaux de l’ordre de 100 à 200 GPa) et perturbent le remodelage osseux par dérivation des contraintes (effet « bouclier »). Pour éviter ces phénomènes, on a tenté de développer des plaques métalliques à rigidité variable ou des matériaux composites à base de méthacrylate et de carbone, de fibre de verre et de polycarbonate, de fibre de carbone renforcées par du carbone, de PLLA et de carbone, ou enfin de polyhydroxybutyrate renforcé par de l’hydroxyapatite. Des plaques et des vis résorbables ont aussi été développées, le principal obstacle demeurant la réalisation d’une vitesse de dégradation adéquate telle que le matériel puisse maintenir des propriétés mécaniques suffisantes pendant au moins 4 mois, permettant ainsi une bonne minéralisation du cal. Les propriétés mécaniques de compliance relative des polymères biorésorbables par comparaison aux métaux, les problèmes de biocompatibilité qu’ils peuvent poser et le délicat contrôle du processus de dégradation restreignent leur usage actuel aux environnements où les contraintes de charge sont faibles (réduction de fractures des fragments osseux ou ostéocartilagineux de petite taille faiblement chargés en chirurgie orthopédique ou maxillofaciale). Des résultats particulièrement intéressants ont été rapportés, tant au point de vue de la biocompatibilité que de la biofonctionnalité, pour des plaques en copolymères d’acide polyglycolique et d’acide polylactique. Dans le domaine maxillofacial et orthopédique, ce sont l’acide glycolique et l’acide lactique. Des plaques en polydioxanone ont également été expérimentées. La polydioxanone présente, dans sa chaîne polymérique, outre la liaison ester, une liaison éther, expliquant son temps de résorption plus prolongé. Les produits de dégradation sont ici l’acide glycolique et le 1,2-glycol qui va être transformé par oxydation en l’acide correspondant. Il faut remarquer que les produits d’hydrolyse de ces biomatériaux, déjà largement utilisés comme matériels de suture, sont des éléments du métabolisme normal chez l’homme. En cas d’infection, il se produit une résorption prématurée du matériel avec cicatrisation osseuse de seconde intention et formation d’un cal hypertrophique. Pour qu’une plaque biorésorbable approche la résistance ou la rigidité d’une plaque métallique, elle devra être plus volumineuse. Toutefois, une plaque trop volumineuse pourra être considérée comme difficilement acceptable esthétiquement dans certaines régions où la peau est fine (face, notamment). Cependant, les limitations relatives à la résistance du polymère peuvent être surmontées par un dessin approprié de l’implant. Beaucoup d’autres matériaux biorésorbables sont actuellement à différents stades de développement et n’ont encore reçu que peu ou pas d’applications cliniques : polyglyconate, polyhydroxybutyrate, polyhydroxyvalérate, polyorthoesters et pseudopolypeptides basés sur la tyrosine. Enfin, des copolymères PLA/PGA vecteurs de protéines (facteurs de croissance) ont été utilisés pour imprégner des implants en titane poreux et favoriser leur fixation à long terme. Une autre utilisation des copolymères d’acide polyglycolique et d’acide lactique (polyglactine 910 ou Vicrylt) sous forme de treillis concerne la chirurgie parodontale, osseuse et mucogingivale. Les sutures en polydioxanone ont une tenue plus longue que celles en PGA ou en PLA : elles conservent plus de la moitié de leur résistance originelle en traction après 4 semaines d’implantation alors que pour le PGA et le Vicrylt celle-ci disparaît totalement. Des feuilles de polydioxanone de 0,25 ou 0,5 mm d’épaisseur ont été utilisées avec succès après perforation dans le traitement des fractures du plancher de l’orbite [83]. page 8
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Pour la libération contrôlée, ce sont les copolymères poly(glycolide-lactide) et les polylactides qui sont les plus utilisés (véhicule d’antagonistes de l’alcool et des barbituriques, d’antibiotiques, d’antitumoraux, de contraceptifs, d’anesthésiques locaux, d’antipaludéens, de vaccins, d’hormones et d’enzymes). Dans la réparation des nerfs, il est souhaitable de minimiser la réaction tissulaire fibroblastique, car elle empêche la régénération des nerfs endommagés. C’est pourquoi des tubes biodégradables en PGA, en PLA ou leurs copolymères, ont été employés, mais ils ne sont efficaces qu’en cas de perte de substance nerveuse inférieure à 1 cm. Les polyesters biodégradables, comme le PGA, PLA et leurs copolymères prennent une importance croissante en chirurgie osseuse, que ce soit comme revêtement sur des matériaux non résorbables comme des fibres de carbone, pour améliorer leur manipulation, ou comme trame pour faciliter la régénération tissulaire. Les propriétés mécaniques des polylactides sont résumées dans le tableau VII et le tableau VIII fournit des données sur la dégradation de divers polymères résorbables. La poly(e-caprolactone) (PCL) est un polyester aliphatique qui a été très étudié comme biomatériau potentiel. Il peut être dégradé par un mécanisme d’hydrolyse dans des conditions physiologiques et des fragments de PCL à poids moléculaire faible peuvent être englobés par les macrophages et y subir une dégradation intracellulaire. C’est un polymère semi-cristallin dont l’état est caoutchouteux à température ambiante et qui possède la propriété de former des mélanges compatibles avec de nombreux autres polymères. La dégradation se fait à un rythme beaucoup plus faible que le PLA et ces polymères peuvent ainsi être utilisés pour des systèmes à libération contrôlée restant actifs plus de 1 an. Il sont également utilisés comme agrafes biodégradables. Ils ont aussi été proposés comme matériel d’interposition absorbable et non réactif pour ralentir la cicatrisation osseuse après ostéotomie.
Poly(orthoesters) Les poly(orthoesters) (POE) sont une famille de polymères de synthèse hydrophobes, dégradables, qui peuvent subir un processus d’érosion limité à l’interface eau/polymères dans certaines conditions, d’où leur emploi essentiellement dans les systèmes à libération contrôlée, leur hydrolyse étant modulée par l’addition d’acides ou de bases.
Poly(anhydrides) Ce sont des biomatériaux résorbables se dégradant par érosion de surface et sont employés essentiellement comme système à libération contrôlée, sans nécessiter d’incorporer des catalyseurs ou excipients divers pour la formulation.
Polyphosphazènes Ce sont des polymères à haut poids moléculaire dont le squelette comprend une alternance d’atomes de phosphore et d’azote. Outre leur application pour la libération contrôlée de médicaments, ils ont été proposés comme matrice tridimensionnelle poreuse pour la régénération des tissus durs. En conclusion, les applications biomédicales des polymères biorésorbables peuvent être classées en trois groupes : charpente temporaire ou support pour la régénération tissulaire, barrière temporaire, systèmes à libération contrôlée de médicaments. Tableau VII. – Propriétés mécaniques des polylactides (d’après Gogolewski, 1992). Matériau
Module de Young (GPa)
Résistance à la traction (GPa)
7-40 3-5 6-14 8-30
0,09-0,12 0,06 0,3-2,5 0,20
Os Polylactides Polylactides (orientés) Polylactides/fibres de verre résorbables
Tableau VIII. – Dégradation de divers polymères résorbables (d’après Gogolewski, 1992). Polymère (suture)
Polydioxanone (PDST) Poly(glycolide-co-triméthylène carbonate) (MaxonT) Polyglycolide (DexonT) Poly(glycolide-co-lactide) (VicrylT) Poly(L-lactide) (non orienté) Poly(L-lactide) (orienté) Polyhydroxybutyrate/valérate (non orienté)
Résistance retenue (%/semaine) 60/4 40/6 55/4 17/4 30/2 30/3 40/8 88/5 -
Délai de perte totale de résistance (mois)
Délai de résorption complète (mois)
2
6
2,5
6
1 1
4 2
3 12 -
12-36 12-48 intact à 36 mois
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Tableau IX. – Polymères biodégradables actuellement en utilisation clinique ou expérimentale (d’après Hofmann et Wagner, 1993). Polyglycolide (DexonT, MedisorbT, BiofixT) Polylactide (PhusilineT, PolypinT) Poly-p-dioxanone (PDST, EthipinT, OrthosorbT) Copolymère glycolide/lactide (VicrylT, LactomerT, LactoSorbT) Copolymère glycolide/triméthylène carbonate (MaxonT) Polyhydroxybutyrate/valérate (BiopolT) Polyanhydrides Acides pseudopolyaminés Polyorthoesters Polyphosphazènes
Les sutures, les matériels d’ostéosynthèse (clous, vis et plaques), les greffes vasculaires, les guides de régénération nerveuse, les ligaments artificiels dégradables sont des exemples du premier groupe. La prévention de l’adhésion des tissus après chirurgie, les membranes en chirurgie parodontale et la peau artificielle sont des applications du deuxième groupe. La plus large application demeure bien sûr celle du troisième groupe (libération contrôlée). La fixation temporaire (2 ou 3 mois) de prothèses orthopédiques pourrait constituer une application d’avenir là où la fixation par ciment n’est pas souhaitable (épaule, notamment). Le tableau IX mentionne quelques polymères biodégradables en utilisation clinique ou expérimentale.
Polymères fluorocarbonés [87] Les polymères fluorocarbonés comprennent un petit groupe de polymères basés sur un squelette carboné et des groupes latéraux fluorés ou associant le fluor à un autre halogène. La réaction directe entre le polyéthylène et la fluorine convertit le polyéthylène en PTFE ou Téflont.
Polytétrafluoroéthylène Le PTFE représente l’extrême de cette série en étant totalement fluoré. Comme la liaison carbone-fluor est très forte, il en résulte une exceptionnelle stabilité pour le PTFE, ce qui l’a fait sélectionner comme biomatériau. Les formulations commerciales décrites comme PTFE peuvent associer des copolymères de TFE et d’autres fluorocarbones, destinés à optimiser les propriétés. La fabrication du PTFE n’est pas parmi les plus aisées, mais le produit final peut être facilement usiné. Le PTFE a la structure d’un polymère thermoplastique, mais son poids moléculaire et sa cristallinité sont si hauts qu’il ne peut pas être fabriqué par les processus de moulage ou d’extrusion généralement appliqués aux matériaux thermoplastiques. On utilise donc, pour le produire, l’agglomération par frittage, qui consiste à compacter la poudre fine sous des températures et des pressions très élevées. C’est probablement le plus inerte des matériaux plastiques et il a le plus bas coefficient de friction. En dépit de ses propriétés, son usage dans le corps humain est plutôt limité en raison de propriétés physiques médiocres (en particulier, sa tendance au fluage à froid). La résistance en traction est de 15-35 MPa, la résistance en compression de 10 MPa, la ductilité de 300 % et la résistance à l’impact de 150 J.m-1. L’addition de charges aux polymères peut améliorer certaines de ces propriétés qui demeurent cependant plutôt faibles. Le PTFE, polymère thermoplastique le plus inerte, ne contenant pas d’additifs, présente la meilleure biocompatibilité. Des études d’implantation sur la paroi abdominale du rat, sous forme de feuilles minces, ont montré que le PTFE ne provoque pas de réaction inflammatoire, n’adhère pas aux tissus adjacents, mais présente en surface, puis au sein du réseau polymère, des cellules normales de l’endothélium péritonéal. La feuille de PTFE augmente d’épaisseur et, fait surprenant, alors qu’avant implantation elle ne prenait pas le colorants histologiques, elle apparaît colorée, comme si le matériau avait été « adopté » par le milieu biologique. Bien que le PTFE soit réputé comme très bien toléré en tant qu’implant massif solide, la libération de débris d’usure provoque dans les tissus une réaction de type granulome. L’emploi du PTFE n’est de ce fait pas souhaitable pour les applications comportant une mise en charge. Il a été utilisé comme prothèse ligamentaire, mais le retrait du polymère altère considérablement la capacité de reproduire les réponses mécaniques naturelles aux charges des ligaments, conduisant à l’instabilité. Il continuera cependant à être utilisé en attendant que de meilleurs matériels et matériaux fassent leurs preuves. Dans une forme renforcée et expansée, il est utilisé comme substitut des vaisseaux sanguins et pour des prothèses otologiques. Le PTFE est utilisé pour la prothèse vasculaire depuis les années 1970, mais il ne convient que pour des diamètres supérieurs à 6 mm. Des membranes non résorbables en PTFE expansé (e-PTFE, membrane GoreText) ou en PTFE dense (d-PTFE) sont également disponibles pour la régénération tissulaire guidée (RTG). Le PTFE est souvent utilisé pour la réalisation d’implants de petit volume en reconstruction faciale et dans la chirurgie de l’oreille moyenne.
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Tableau X. – Propriétés des polyéthylènes (d’après Park et Lakes, 1992 et Eyerer et al, 1990). Propriétés Poids moléculaire (g/mol) Densité (g/cm3) Résistance en traction (MPa) Élongation (%) Module d’élasticité (MPa) Cristallinité (%)
Basse densité
Haute densité
UHMWPE
3 à 4 × 103 0,90-0,92 7,6 150 96-260 60-70
5 × 105 0,92-0,96 23-40 400-500 410-1240 70-80
2 × 106 0,96-0,99 27-50 200-250 1800-2700 70-90
UHMWPE : polyéthylène à poids moléculaire ultrahaut.
Le PTFE-poudre mélangé avec de la glycérine a aussi été injecté dans le larynx, avec des résultats satisfaisants, pour améliorer la phonation en cas de paralysie unilatérale des cordes vocales.
Perfluorocarbones Une autre utilisation de la famille des PTFE consiste en la réalisation de substituts sanguins grâce à des perfluorocarbones. La perfluorodécaline est considérée comme ayant la meilleure biocompatibilité, bien qu’elle ne s’émulsifie pas aussi facilement. La biocompatibilité peut poser problème, notamment quant aux effets sur la biochimie hépatique et le système immunitaire. Cependant, les perfluorocarbones demeurent des substances très attractives pour des applications comme la perfusion et l’imagerie tissulaires, la préservation d’organes et la thérapeutique anticancéreuse.
Polyéthylènes [10, 87] Ils sont produits sous différents types : polyéthylène à basse densité (LDPE), à haute densité (HDPE), et à ultrahaute densité (UHMWPE) en fonction de leur cristallinité, le dernier matériau étant un HDPE avec un poids moléculaire de l’ordre de 2 à 10 × 106 g/mol. L’UHMWPE a des avantages suivants : – très bonnes propriétés de glissement ; – exceptionnelle résistance à l’impact, même à basse température ; – bonne résistance à la fatigue cyclique et bonne biocompatibilité. Ses inconvénients sont les suivants : fluage important, basse rigidité, résistance à l’usure modeste bien que supérieure à celle de tous les autres polymères, faible stabilité à l’oxydation. L’action combinée des contraintes chimiques et mécaniques dans l’organisme aboutit à des changements locaux de densité de l’UHMWPE pouvant entraîner une certaine fragilité et réduire la résistance à la fatigue et à l’humidité. Des variations dans les conditions de synthèse permettent d’accroître le poids moléculaire moyen. L’optimisation des processus de fabrication sous haute pression permet d’accroître la résistance au fluage, la rigidité et les performances en glissement. En faisant varier la durée d’irradiation et la dose et en utilisant une atmosphère inerte, il est possible d’obtenir une stérilisation fiable et de minimiser l’altération du matériau. Le polyéthylène reste l’un des plus importants matériaux pour l’implantation, surtout pour les implants orthopédiques. Les principales propriétés des polyéthylènes sont résumées dans le tableau X. Le premier polyéthylène a été réalisé en 1939 en faisant réagir l’éthylène gazeux à haute pression (100-300 MPa) en présence d’un catalyseur (peroxyde) destiné à initier la polymérisation. Ce procédé permet d’obtenir du LDPE. En utilisant des catalyseurs de Ziegler (organométalliques, oxyde de chrome, oxyde de vanadium ou de molybdène), il est possible de produire à basse pression (10 MPa) du HDPE. Ce polymère est une molécule essentiellement linéaire, avec peu de chaînes latérales. Le résultat en est un accroissement de la densité et de la cristallinité. L’UHMWPE a été largement utilisé pour les implants orthopédiques, en particulier pour les surfaces portantes articulaires (prothèse de hanche ou de genou). Ce matériau n’a pas de solvant connu à température ambiante et, de ce fait, seul un frittage à haute température et haute pression peut être utilisé pour obtenir les produits désirés. Les procédés conventionnels d’extrusion et de moulage sont difficiles à employer dans ce cas. Les polyéthylènes à haut poids moléculaire ont de meilleures propriétés mécaniques (résistance à la traction et à l’impaction), mais seuls les polymères à haute densité et à poids moléculaire ultrahaut sont à la fois bien acceptés par les tissus et capables de performances mécaniques appropriées. Les LDPE ont d’autres utilisations et donnent lieu à des réponses tissulaires plus marquées. Le polyéthylène à poids moléculaire ultrahaut et à haute densité est utilisé comme standard de comparaison dans les tests de toxicité des biomatériaux. Il est résistant à tous les acides, les bases, les substances chimiques inorganiques et insoluble à la température ambiante. Il a un coefficient très bas de friction et une résistance à l’usure remarquable. Certaines des parties articulaires en polyéthylène à haute densité peuvent, en outre, être renforcées par l’incorporation de fibres de carbone. Il est important que ces produits proviennent de fabricants fiables. Les résultats à long terme page 9
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révèlent, comme pour d’autres matériaux, des problèmes de dégradation (avec, notamment, des phénomènes de captation des lipides). Enfin, leur surface est malheureusement thrombogène, ce qui, joint à leur rigidité relative, limite leur utilisation dans le domaine cardiovasculaire. D’autres applications comprennent les implants otologiques, ainsi que les filets utilisés pour réparer la paroi abdominale et le diaphragme. En chirurgie maxillofaciale et plastique, leur utilisation s’est raréfiée depuis l’apparition de silicones, malgré qu’ils soient bien tolérés, non cancérogènes et de manipulation aisée (découpe, meulage) en salle d’opération. Après une réponse initiale inflammatoire, suivie par une réaction minime à corps étranger, une mince capsule (1 à 2 cellules d’épaisseur) enveloppe le plastique. L’analyse d’implants en polyéthylène mis en place 18 à 32 ans auparavant a montré un certain degré d’oxydation chimique, mais une excellente acceptation clinique (réaction tissulaire minimale). Le polyéthylène est chimiquement inerte, mais le plus souvent additionné d’antioxydants. Sa biocompatibilité est bonne, surtout s’il s’agit de HDPE de très haut poids moléculaire. En implantation abdominale sous forme de feuille, le polyéthylène n’adhère pas ou très peu aux tissus adjacents et se recouvre de cellules normales de l’endothélium péritonéal. En revanche, sous forme de mousse, il induit une infiltration fibroblastique entraînant fendillement, déformation et perte de souplesse. Des HDPE poreux, favorisant la pénétration d’os et de tissu mou, ont aussi été testés comme revêtements d’implants dentaires à cœur métallique.
Thermoplastiques à haute résistance Polyacétals, polysulfones, polycarbonates [87, 135] Plus récemment, de nouveaux matériaux polymériques ont été développés avec des propriétés se rapprochant de celles des métaux légers. Ces polymères ont d’intéressantes propriétés mécaniques, thermiques et chimiques dues à la rigidification de leurs chaînes de base. Les polyacétals et les polysulfones ont été testés comme matériaux d’implant ; les polycarbonates ont trouvé des applications dans les matériels d’assistance cardiorespiratoire, l’emballage alimentaire, etc. Les polyacétals sont des résines thermoplastiques obtenues par polymérisation du formaldéhyde. Le polyformaldéhyde (polyoxylméthylène) est bien connu sous le nom de Delrint. Ces polymères ont un poids moléculaire raisonnablement élevé (supérieur à 20 000 g/mol) et de très bonnes propriétés mécaniques. Le Delrint possède une importante résistance mécanique, un bon comportement au fluage, une bonne tenue en fatigue et est facile à fabriquer. Il a été proposé comme alternative possible au UHMWPE pour les surfaces de glissement en prothèse articulaire. Cependant, la résistance à l’usure est moindre que celle du UHMWPE, avec une réaction tissulaire plus marquée. Leur utilisation essentielle est actuellement les stents et les anneaux valvulaires en chirurgie cardiovasculaire. Parmi les polysulfones, le plus utile est préparé par réaction du sel disodique de bisphénol A (2, 2-[4-hydroxyphénol] propane) avec le 4, 4’-dichlorodiphénylsulfone. Ces polymères ont une haute stabilité thermique et présentent des propriétés mécaniques tout à fait intéressantes, une bonne résistance à l’hydrolyse et une biocompatibilité qualifiée d’excellente, bien que des travaux récents aient montré une possible inhibition de l’ostéogenèse. Ils ont été testés comme matériaux de revêtement poreux pour implants osseux et dentaires. Les porosités interconnectées des polysulfones produits par frittage ont un diamètre de 40 à 400 µm. Le module d’élasticité est plusieurs fois supérieur à celui du UHMWPE et la résistance en traction, environ le double. L’addition de 30 % en poids de fibre de carbone peut sextupler le module d’élasticité et celle de 20 % en poids de phosphate tricalcique peut améliorer la réponse tissulaire d’implants dentaires. Ils présentent un module d’élasticité assez bas pour permettre un remodelage osseux proche de la normale dans les pores de l’implant, et assez élevé pour empêcher la distorsion de la structure poreuse lors de la mise en place et de la mise en charge, ainsi qu’une résistance au cisaillement à l’interface voisine de celle obtenue avec des métaux poreux tels que le titane. On les utilise comme revêtements de queues de prothèses fémorales ou d’implants dentaires à âme métallique (acier inoxydable, titane). D’autres utilisations des polysulfones concernent des composants de pacemakers et de valves cardiaques, des implants neurologiques et enfin l’instrumentation médicale. Un aspect problématique des implants métalliques revêtus de polymères poreux est la résistance limitée de l’attachement à la partie métallique (des résines à base de méthylméthacrylate et de tributylborane ont été proposées pour l’améliorer). En revanche, un des avantages potentiels des revêtements en polymères poreux réside dans leurs bonnes possibilités d’adaptation au niveau des cavités préparées. page 10
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Tableau XI. – Propriétés des polyacétals, polysulfones et polycarbonates (d’après Park et Lakes, 1992).
Densité (g/cm3) Résistance à la traction (MPa) Élongation (%) Module d’élasticité (GPa) Absorption d’eau (%, 24 heures)
Polyacétal (DelrinT)
Polysulfone (UdelT)
Polycarbonate (LexanT)
1,425 70 15-75 3,65 0,25
1,24 70 50-100 2,52 0,3
1,20 63 60-100 2,45 0,3
Les polycarbonates sont des polymères résistants, amorphes et transparents préparés par réaction du bisphénol A et du diphényl carbonate. Le plus connu porte le nom commercial de Lexant. Le tableau XI résume les principales propriétés des polyacétals, polysulfones et polycarbonates.
Polyéthers éthercétones (PEEK) [48] Les PEEK à haut poids moléculaire ont été développés en 1978 par la firme ICI (Victrext) en Angleterre pour l’isolation de câbles à haute température. Ce sont des polymères thermoplastiques, visqueux et cristallins (degré de cristallinité maximal : 48 %). Ils possèdent d’excellentes propriétés mécaniques (notamment tribologiques), une bonne stabilité dans l’environnement biologique, une biocompatibilité satisfaisante, mais posent certains problèmes de fabrication (température de fusion élevée, solubles uniquement dans les acides forts à température ordinaire). Une possibilité de préparation des PEEK est la polycondensation de 4,4’-difluorobenzophénone et d’hydroquinone à 320 °C en présence de diphénylsulfone et de carbonate de potassium. Les PEEK peuvent être produits sous des formes variées grâce aux technologies modernes de mise en œuvre des thermoplastiques. Des produits d’extrusion et d’injection sont surtout utilisés. Les propriétés mécaniques des PEEK peuvent être encore améliorées par les fibres ou des particules de renforcement. En raison des propriétés mécaniques modulables, de leur résistance chimique importante et de leur mise en œuvre sans additif, les PEEK renforcés par des fibres de carbone représentent un matériau intéressant pour l’utilisation médicale. Le tableau XII indique quelques propriétés physiques et mécaniques des PEEK et des PEEK renforcés (implants pour la chirurgie dentaire et maxillofaciale, prothèses de hanche, plaques d’ostéosynthèse). En raison des utilisations potentielles des PEEK renforcés par des fibres de carbone pour des implants mis en charge, différents tests ont été entrepris. L’estimation de l’activité de la lacticodéshydrogénase (LDH) en cultures cellulaires de fibroblastes de souris a montré une très bonne biocompatibilité in vitro. L’étude d’ostéoblastes en culture a montré que les PEEK ne sont pas cytotoxiques. Des expérimentations in vitro sur la résistance à long terme de PEEK ont montré une résistance au cisaillement et à la compression inchangée après 5 000 heures de vieillissement en liquide physiologique. Dans les expérimentations in vivo, on a observé pour des implants une réaction non spécifique à corps étranger semblable à celle du UHMWPE. Des échantillons cylindriques de PEEK implantés dans le tissu musculaire sont bien tolérés après 12 semaines. Des plaques d’ostéosynthèse en PEEK renforcées de fibres de carbone courtes ont également été testées in vivo. Là aussi, après 12 semaines d’implantation, on observe une réaction à corps étranger non spécifique. La guérison de la fracture se réalise après formation d’un cal et la plaque suffit à assurer une protection mécanique suffisante pendant la réparation. Au cours d’expérimentations in vivo de films de PEEK, aucune réaction à corps étranger n’a pu être mise en évidence après 7 jours d’implantation. Tableau XII. – Quelques propriétés physiques et mécaniques des polyéthers éthercétones (PEEK) et des PEEK renforcés. PEEK
PEEK avec 30 % de fibre de carbone
Densité (g/cm3)
1,32
1,44
Résistance à la traction (MPa)
1,00
210
50-150
1,3
Propriétés
Extension à 25 °C (%) Module d’élasticité en traction (MPa)
3700
-
Module d’élasticité en flexion (MPa)
3700-3800
13 000-21 000
0,15
0,15
Absorption (%) après 24 heures à 40 % de saturation complète
0,44
-
Température de transition vitreuse (°C)
143
-
Température de fusion (°C)
334
-
Température d’utilisation (oC) sans contrainte mécanique à l’air à long terme
250
250
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Thermodurcissables
Un polymère à base de PEMA et de tétrahydrofurfurylméthacrylate (THFMA) a été proposé comme substitut cartilagineux (Reissis et al, 1994).
Résines époxy
BOPt
L’époxy est le seul plastique thermodurcissable qui ait été implanté avec succès, notamment comme encapsulant pour les matériels électroniques.
C’est un copolymère de synthèse inerte, en principe non antigénique et non tératogénique, utilisé depuis 1974 en chirurgie (d’abord en URSS, puis en Europe et au Mexique). Il peut se présenter sous trois formes : fibre, bâton, sirop-poudre. Dans sa forme fibre-bâton, c’est un composite, car il associe des faisceaux de fibres de polyamide au sein d’une matrice composée à 90 % par un copolymère de 1-vinyl-2-pyrolidone (NVP) et à 10 % par du gluconate de calcium. Selon ses concepteurs, ce biomatériau est partiellement biorésorbable et ostéoconducteur (mais non ostéo-inducteur) ; il n’est pas radio-opaque, le poids moléculaire moyen est de l’ordre de 80 000. La polymérisation n’est pas exothermique et le matériau adhère à l’os, ne nécessitant pas de moyen de fixation complémentaire. Il est possible d’incorporer un antibiotique au moment de la préparation, le relargage de l’antibiotique est constaté pendant 3 à 4 semaines. Toutes ces formes sont stérilisées par rayonnement γ. Implanté dans l’organisme, le gluconate de calcium se solubilise et la dissolution crée une structure poreuse propice à l’envahissement cellulaire. Le copolymère subit une hydrolyse puis une phagocytose. Les fibres de polyamide non résorbables sont dilacérées puis intégrées dans la matrice osseuse néoformée. On n’observe pas de granulome inflammatoire et un front d’ossification progresse lentement au contact du copolymère, qui se dégrade lentement et partiellement. Des travaux plus récents ont noté la présence de nombreuses cellules géantes après implantation à court et à long termes chez le lapin, probablement en rapport avec la dégradation du matériel in vivo. Des essais de toxicité à partir des substances de base et des produits finis ont confirmé l’absence d’effets toxiques à moyen et long terme. L’utilisation proposée de ce biomatériau pour le comblement de perte de substance a été assez large dans les domaines maxillofacial, orthopédique et traumatologique, tout spécialement dans la chirurgie rachidienne, étant donné sa très bonne résistance mécanique et en chirurgie esthétique (lifting facial sous-périosté ; greffe d’apposition sous-périostée), étant donné sa grande adaptabilité, sa facilité de manipulation, sa stabilité volumique (sous réserve du contrôle de l’infection) et sa bonne tolérance biologique [109]. Radiologiquement, il faut un délai de 8 à 15 mois pour objectiver une repousse osseuse.
Triazines [48] À base d’aldéhydes et de cétones, ces résines comportent le noyau azine. Renforcées par des fibres de carbone, elles ont été proposées en Allemagne pour la réalisation de cupules sans ciment de prothèses de hanche. Des pertes de substances ont toutefois été observées au niveau du biomatériau après 4 ans d’implantation.
Composites [15, 32, 87, 109, 110, 126] Si les polymères ont une faible rigidité, leur résistance mécanique ne leur permet pas toujours de supporter, ne serait-ce que temporairement, les contraintes squelettiques. Cette situation peut être améliorée en renforçant ces matériaux par des fibres, pour atteindre des propriétés mécaniques élevées, tout en conservant un bas module d’élasticité. Les performances mécaniques obtenues peuvent être si élevées que la technologie aéronautique utilise ce type de matériau depuis de nombreuses années. Les matériaux composites comportent trois éléments : la matrice, les fibres de renforcement et l’interface fibres/matrice. Il faut bien être conscient que la multiplication des interfaces n’est pas sans compliquer les problèmes de biocompatibilité. Bien qu’il existe des combinaisons traditionnelles, comme les fibres de verre dans la résine époxy, il existe en fait un nombre infini de matériaux composites réalisables. Un certain nombre de combinaisons matrice/charge ont été essayées pour des applications encore limitées en chirurgie osseuse (tableau XIII). Des combinaisons de polymères et d’autres catégories de biomatériaux synthétiques sont constamment proposées. Certains composites ont déjà été évoqués dans les paragraphes précédents. D’autres sont développés ici. Plusieurs types de polymères parmi les plus inertes ont été combinés avec des particules ou des fibres de carbone, d’alumine, d’hydroxyapatite et de vitrocéramique. Certains sont poreux, d’autres se présentent sous la forme de composites structuraux solides. Dans certains cas, des polymères biodégradables, comme l’alcool polyvinylique (PVA), les polylactides ou polyglycolides, les cyanoacrylates ou d’autres formes hydratables ont été combinées avec des particules ou des fibres biodégradables de phosphate de calcium pour des applications variées (charpente structurale, plaques, vis...). La biorésorption de tout le système, après que les tissus se soient reformés et remodelés de façon adéquate, paraît offrir des avantages significatifs.
Composites à base de polyuréthannes Un treillis en Dacront (PET) recouvert de polyuréthanne, réalisant un matériau relativement non poreux et non biodégradable, a été proposé comme matériau de reconstruction destiné à supporter des greffes d’os autogènes ou d’os broyés pour la reconstruction mandibulaire et craniofaciale. Il est bien connu que, lorsque des greffes osseuses sont utilisées isolément pour améliorer les contours faciaux, il se produit souvent une résorption imprévisible engendrant souvent des modifications non souhaitées au niveau des contours. Une armature externe réalisée avec cet élastomère permet d’éliminer ce problème et fournit une matrice maintenant en place les particules osseuses. Les avantages de l’os autogène sont ainsi associés à ceux des matériaux alloplastiques, optimisant l’aspect de la reconstruction.
Composites à base d’acryliques Des copolymères de N-vinylpyrolidone polymérisables par irradiation UV ont été testés en vue d’applications comme pansements et adhésifs tissulaires.
HTRt (hard tissue replacement) Dans les années 1970 une racine en polymère poreux a été développée aux États-Unis : il s’agit du HTRt, constitué essentiellement de PMMA, de PHEMA et d’hydroxyde de calcium. Le HTRt a fait l’objet d’une évaluation plus récente qui a démontré l’absence d’inflammation significative dans 93 % des sites osseux, 78 % des sites conjonctifs et 100 % de sites musculaires. L’attachement physique se produisait dans 71 % de sites osseux, 44 % de sites conjonctifs et 14 % de sites musculaires. La densité de l’os néoformé est apparue plus importante par rapport aux contrôles. Cependant, aucune formation d’os métaplasique n’a été observée dans les sites non osseux, indiquant que ce matériau n’est pas ostéogénique. Diverses applications ont été proposées en chirurgies orale et maxillofaciale (comblement, reconstruction), où sa bonne biocompatibilité a été confirmée, les capacités ostéoconductrices étant plus manifestes lorsque les implants étaient au contact de surfaces d’os spongieux.
Composites à base de PTFE Si très peu de matériaux ont été développés spécifiquement pour l’implantation dans l’organisme, il en existe cependant un, le Proplastt. Il s’agit de composites de PTFE et de fibres de graphite (Proplastt I) ou de particules d’alumine. Son objectif initial était la réalisation d’un revêtement sur les prothèses orthopédiques, pour obtenir une interface résiliante entre les métaux rigides et l’os. Mais il est rapidement apparu que les propriétés mécaniques n’étaient pas appropriées pour ce type d’applications soumises à fortes contraintes. Des utilisations ont été envisagées en chirurgie
Tableau XIII. – Quelques applications des composites (d’après Black, 1988). Matrice
Charge
Carbone Époxy
Fibre de carbone Fibre de graphite
UHMWPE UHMWPE Acide polylactique-polyglycolique Polyméthacrylate de méthyle Polytétrafluoroéthylène Polyhydroxyéthyle méthacrylate Silicone
Fibre de carbone HA Fibre de carbone Fibre de carbone Fibre de carbone Polyéthylène térépthalate Polyaramide
Application Composant de prothèse articulaire Plaque d’ostéosynthèse Composant de prothèse articulaire Composant de prothèse articulaire Composant de prothèse articulaire Plaque d’ostéosynthèse partiellement résorbable Ciment à os Revêtement poreux en prothèse articulaire Prothèse tendineuse Prothèse tendineuse
UHMWPE : polyéthylène de ultrahaute densité.
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maxillofaciale, notamment pour la prothèse temporomandibulaire partielle ou totale. Certains chirurgiens ont largement employé ce biomatériau, en particulier aux États-Unis, mais des problèmes mécaniques sont survenus et ont abouti au retrait du marché dans cette application.
Composites à base de polyéthylène [56] Enfin, des composites à base de HDPE et d’hydroxyapatite se sont avérés posséder des propriétés mécaniques voisines de celles de l’os cortical. Un substitut ossiculaire réalisé en ces matériaux (Hapext) a été récemment mis sur le marché. Une autre application a été celle de planchers orbitaires.
Revêtements à base de polymères de synthèse Polyacétals, polyéthylènes, polysulfones et PTFE ont été envisagés comme matériaux de revêtements (sous forme poreuse ou texturée) pour améliorer la fixation des composants de prothèses de hanche (acétabulaires ou fémoraux). Toutefois, l’expérience clinique de tels revêtements est relativement limitée et de courte durée. L’acceptation biologique de ces surfaces polymériques par l’os et la durabilité mécanique des polymères dans le cas des remplacements articulaires majeurs font encore l’objet d’investigations. Si les revêtements polymériques paraissent intéressants pour réduire les interfaces abruptes, faciliter l’adaptation os-implant et réduire l’effet « bouclier », deux problèmes principaux limitent à l’heure actuelle leur utilisation : – d’une part, il n’existe pas vraiment de résine plastique, même de haute densité, capable de résister à la fois aux contraintes mécaniques et à l’imbibition prolongée par les fluides biologiques ; – d’autre part, l’adhérence aux substrats métalliques de tels revêtements demeure limitée et son augmentation implique l’adjonction d’agents souvent très toxiques (les méthodes de greffage pourraient représenter une solution d’avenir).
Perspectives L’utilisation de polymères de synthèse et de composites continue de s’accroître dans le domaine des biomatériaux. Les polymères renforcés par fibres offrent l’avantage de pouvoir se conformer aux propriétés des tissus, d’être anisotropes en ce qui concerne les caractéristiques mécaniques, de
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pouvoir être utilisés sous forme de revêtement pour l’attachement tissulaire et de pouvoir être fabriqués à coût relativement bas. Les recherches relatives aux biomatériaux polymériques en général s’orientent vers : – la réalisation de polymères fonctionnels, c’est-à-dire susceptibles d’avoir une fonction chimique particulière à l’interface matériau-tissu vivant (par exemple la capacité d’interaction avec les ostéoblastes et/ou les fibroblastes) pour favoriser la réparation osseuse ou ligamentaire. Des groupements ionisés peuvent ainsi être fixés sur le polymère (par exemple orthophosphates, carbonates, carboxylates...). La fonctionnalité peut également être obtenue par la modification de l’état de surface par implantation ionique (par exemple, d’ions argent pour réduire le risque d’infection) ; – la recherche de polymères résorbables, tels que les copolymères d’acide lactique et d’acide glycolique, utilisables en chirurgie traumatologique pour l’ostéogenèse résorbable ou encore les polyanhydrides et/ou polyaminoacides, qui sont utilisés dans l’industrie pharmaceutique pour les formes à effet retard de médicaments. Parmi les principaux problèmes mal résolus avec les polymères, on peut citer les suivants : – l’instabilité aux rayons γ ; – la réactivité à certains types de médicaments ; – la variabilité de chaque lot ; – la compatibilité tissulaire ; – la stabilité hydrolytique ; – la calcification ; – les risques liés aux additifs ou composants de bas poids moléculaire dus aux produits de dégradation in vivo, aux produits résiduels de stérilisation ; – le comportement en fonction à long terme ; – le manque de base de données adaptée à l’évaluation pratique des propriétés de la masse et de la surface, des additifs, de la réactivité des tissus mous, des interactions avec le sang, de la mutagénicité, de la carcinogénicité et de la stérilisabilité ; – le manque de standards appropriés. Cependant, l’expérience à long terme, les intéressants profils de biocompatibilité ainsi que la possibilité de contrôler les propriétés grâce à des structures composites pour les adapter aux applications cliniques continuent à faire des polymères et composites d’excellents candidats pour les applications dans le domaine des biomatériaux. Une extension des applications de cette classe de biomatériaux est, même très vraisemblablement, à attendre dans les prochaines années.
Biomatériaux d’origine biologique Biomatériaux d’origine végétale Arbres d’Europe (bouleau, chêne) et d’Afrique (ébène vert) [2, 87, 99] Le bois est un biomatériau polymérique naturel réalisant un composite tridimensionnel dont chacun des constituants majeurs apporte sa contribution spécifique (cellulose, hémicellulose, lignine). La paroi cellulaire peut être considérée comme un composite (matrice : lignine et hémicellulose) renforcé par fibres (microfibrilles de cellulose), avec une structure de type « sandwich », mais aussi comme un réseau polymérique interpénétré [99]. Concernant les propriétés mécaniques, le bois peut s’avérer plus efficace que l’acier, notamment pour un composant léger chargé en flexion [2]. En Autriche, des cylindres de différentes espèces de bois d’Europe (frêne, bouleau, chêne) et d’Afrique (ébène vert) ont été implantés dans le tibia de lapin. Ces implants, qui présentent une résistance en traction et des propriétés élastiques similaires à celles de l’os, n’ont causé aucune réaction toxique ou allergique. Après une réaction à corps étranger diminuant avec le temps, des travées d’os néoformé ont été mises en évidence autour des implants et à l’intérieur des pores. La formation d’os se produisait en contact étroit avec la surface du bois et après 14 à 32 semaines d’implantation, de l’os mature de type lamellaire et des ostéomes ont été retrouvés dans certains pores. Le bois lui-même ne semblait pas altéré durant la période d’observation. Il en a été conclu que des espèces sélectionnées de bois pouvaient fournir un matériau convenant à l’implantation et susceptible d’ancrage par pénétration osseuse. Ce biomatériau, de manipulation simple et façonnable à la demande, a été utilisé en clinique pour le comblement de pertes de substances diaphysaires après résection tumorale. En conjonction avec une fixation simultanée par plaque, cette méthode peut être considérée comme une alternative au remplissage avec du ciment.
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Graminées arborescentes d’Asie (bambou) [71] Le bambou, comme le bois, possède des propriétés mécaniques longitudinales proches de celles de l’os humain. Ses composants potentiellement cytotoxiques peuvent être aisément écartés par extraction à l’éthanol et au méthanol. En outre, il possède un avantage supplémentaire par rapport au bois : celui de contenir du silicium en surface (côtés externe et interne de la tige), le rôle important de ce dernier dans le processus de liaison à l’os étant bien connu. Ce matériau composite naturel peu coûteux a été étudié en Chine et en Hollande par Li et al [71] qui ont également réalisé à sa surface des revêtements en céramique bioactive destinés à favoriser l’ostéo-intégration.
Squelettes calcifiés d’algues rouges (Corallina officinalis) [38] Les travaux d’Ewers et al [38] à Vienne et Kiel chez le rat ont démontré l’intérêt de ce matériau qui possède une large surface spécifique et une porosité interconnectée (10 à 30 µm) favorisant l’ostéogenèse et l’étalement cellulaire sur et à l’intérieur de l’implant. Ces auteurs ont en outre corroboré les observations de Eggli et al (1986) : l’os se forme tout aussi bien dans des porosités inférieures aux 200 µm traditionnellement jugés nécessaires pour la pénétration du tissu osseux (Holmes, 1979).
Dérivés des parois cellulaires Cellulose [28, 33, 49, 80, 87, 105, 118, 127] La cellulose est un polysaccharide des membranes végétales représentant le matériau organique brut renouvelable le plus abondant dans le monde. Les matériaux cellulosiques se dégradent en matériaux bioassimilables rejoignant le cycle du carbone. Les possibilités de copolymères greffés [49, 127] n’ont guère été explorées pour des applications biomédicales.
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Tableau XIV. – Propriétés physiques de cellulose régénérée, d’os cortical fémoral et de ciment acrylique (d’après Barbie et al, 1987). Cellulose régénérée Densité Module de Young (GPa) Contrainte maximale (flexion) (MPa) (1)
Os cortical
Ciment(2) acrylique
1,45
1,86
1,084
16,7 ± 0,3
23,4 ± 0,3(1)
5,7 ± 0,2
30 à 50
216 ± 24
60 à 70
: suivant la direction longitudinale ; (2) : Simplex P de Howmedica.
La cellulose régénérée selon le procédé viscose a été proposée pour la confection d’une gaine d’ajustage des queues de prothèse de hanche, gaine capable d’assurer in vivo un scellement intrafémoral de la prothèse par joint d’effort modulable (Pommier et al, 1986). L’implantation étudiée sur un modèle animal (fémur de lapin) a montré une interaction mécanique favorable par gonflement avec l’os (contact osseux) et une réaction cellulaire minimale, sans résorption apparente, une dégradation très lente de la cellulose ne pouvant être exclue (Gross et al, 1992 ; Baquey et al, 1992). Le concept de « scellement de joint d’effort modulable » a été envisagé pour le scellement des queues de prothèse de hanche et des implants dentaires. Les propriétés physiques de ce matériau sont comparées dans le tableau XIV à celles de l’os cortical fémoral et du ciment acrylique. L’usage en hémodialyse de membranes cellulosiques obtenues selon le même procédé témoigne de leur biocompatibilité. Les membranes de dialyse sont pour la plupart fabriquées à partir de cellulose régénérée non modifiée ; toutefois, des substitutions, au niveau des groupes hydroxyles sont susceptibles d’optimiser l’hémocompatibilité [33, 105]. Par ailleurs, l’existence de travaux portant sur la modification chimique de polysaccharides, en vue de leur conférer une bioréactivité particulière, permet d’envisager une modulation de la biocompatibilité intrinsèque de la cellulose régénérée. La biocompatibilité tissulaire de la cellulose et de ses dérivés a été étudiée par Miyamoto et al. Ils ont trouvé que son absorption par les tissus vivants dépendait du degré de cristallinité et de la structure chimique ; la réaction à corps étranger était relativement modeste pour tous les échantillons examinés. Des mèches de cellulose oxydée (Surgicelt) ont été utilisées en chirurgie parodontale pour obtenir une régénération tissulaire guidée, mais leur utilisation essentielle demeure l’hémostase locale. Des membranes de cellulose recouvertes d’hydroxyapatite ont été expérimentées pour le traitement de fractures avec perte de substance importante [118]. Le Surgicelt a été évalué quant à ses capacités de stimuler la formation d’os sous-périosté à la fois chez l’animal et chez l’homme (traitement chirurgical des fentes palatines : Skoog, 1967 ; Thylander et Strensöm, 1974 ; Nappi et Lehmann, 1980). Toutefois, il apparaît que la cicatrisation osseuse est plutôt retardée et le pH élevé crée un environnement local peu favorable. Enfin, des films d’hydroxypropylcellulose ont été proposés dans le traitement topique des ulcérations de la muqueuse buccale [80] (Rodle et al, 1988).
Saccachitine [125] C’est un polysaccharide des mycéliums de champignons médicinaux d’Asie du genre Ganoderma tsugae. Ses deux principaux constituants, la N-acétylglucosamine (également principal monomère structural de la chitine) et le β-1, 3-glucane seraient responsables des propriétés cicatrisantes. Des membranes de 0,1 à 0,2 mm d’épaisseur avec des pores de 10 à 20 µm ont été utilisées dans le traitement des brûlures. Ces polysaccharides sont des immunostimulants non spécifiques, activant les macrophages.
Biomatériaux d’origine animale Il s’agit ici de biomatériaux à base de dérivés organotissulaires allogéniques ou xénogéniques. Ils font appel à des tissus d’origine humaine ou animale (vertébrés ou invertébrés) auxquels on a fait subir un traitement préalable destiné à faciliter leur stockage, leur manipulation et leur acceptation par le receveur. Dans le domaine qui nous concerne, ce sont essentiellement des dérivés des tissus durs et mous ou des fluides biologiques. Des composites entre matériaux naturels et artificiels ont également été réalisés. De nombreux embranchements du règne animal ont été explorés pour en extraire des biomatériaux aux propriétés variées (tableau XV).
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Tableau XV. – Biomatériaux d’origine animale. Cnidaires anthozoaires (madréporaires → corail) Arthropodes : - antennates (crustacés, insectes → chitine) - chélicérates (arachnides → soie d’araignée) Mollusques (moules → byssus, huîtres → nacre, seiche → « os ») Cordés : vertébrés (mammifères → dérivés tissulaires variés [dents, os, cartilage, tissu conjonctif, sang], oiseaux → coquilles d’œufs)
Dérivés de tissus durs et mous de mammifères [87] Ivoire Il a, depuis longtemps, tenté les chirurgiens car sa composition chimique est voisine de celle de l’os. Stanley, dès 1849, a eu l’idée de remplacer les pertes de substance osseuse des maxillaires inférieurs par un morceau d’ivoire. En 1890, Gluck a fait de nombreux essais d’endoprothèses (ostéoarticulaires, dentaires, ligamentaires et vasculaires) à base d’ivoire. Il a été le pionnier de la science des biomatériaux et a développé, sur des bases biomécaniques et biologiques, de nombreux biomatériels allant de la prothèse articulaire à la régénération tissulaire guidée. Koenig, Mauclaire et Beaume ont également utilisé des prothèses en ivoire pour la réparation de pertes de substance du maxillaire inférieur ou du crâne. Des succès ont été rapportés par ces auteurs, les échecs étant souvent attribués à une mauvaise fixation ou à l’infection de la prothèse en question.
Dent L’implantation de dents provenant de « banques de dent » ou d’animaux (porc) n’est plus guère d’actualité, d’autant que la racine naturelle est un organe creux, repère de septicité et d’infection. Des tenues allant de 2 à 11 ans ont toutefois été rapportées, mais le lot commun est la rhizalyse.
Os [11, 67, 87, 98, 137] Si l’os autogénique est en général reconnu comme le meilleur matériau pour le comblement de pertes de substance osseuse, le prélèvement de ces autogreffes présente cependant un nombre non négligeable d’inconvénients. Tout d’abord le prélèvement de l’autogreffe nécessite une chirurgie additionnelle augmentant le temps opératoire et les risques selon le site (hémorragie, pneumothorax, infection, douleur chronique, déformation, paresthésie...). Des cicatrices supplémentaires se trouvent également créées. D’autre part, la quantité d’os disponible au niveau du donneur peut être insuffisante pour la correction de pertes de substance importantes (c’est ainsi notamment le cas chez les enfants et les adultes frêles). La forme de l’os donneur limite aussi l’adéquation du transplant. Mais le plus sérieux problème réside dans la résorption imprévisible et l’échec. Le taux d’échec varie selon les différents sites anatomiques et peut approcher 30 % en chirurgie orthopédique, voire 70 % pour les greffes d’apposition dans les régions craniofaciales. En ce qui concerne les greffes osseuses de côte ou de crête iliaque utilisées pour la reconstruction des crêtes alvéolaires, au moins 40 à 60 % de l’os greffé peut être résorbé durant la première ou les 2 premières années et l’os restant se résorbe entièrement au bout de 3 à 5 ans. Les inconvénients qui en résultent pour les patients sont connus : rebasages nombreux, inconfort, périodes sans prothèse, coûts accrus... Le développement des techniques microchirurgicales pour la transplantation d’os vivant de plus de 6 cm a permis d’obtenir des succès dans la reconstruction craniofaciale et en chirurgie orthopédique. Cependant, bien que le transfert de tissus vascularisés permette théoriquement d’éviter les complications de la résorption des greffes, ces transplants sont en fait limités dans leurs applications en raison du peu de sites donneurs anatomiquement adaptés, de la longueur du temps opératoire, et de la minutie qu’ils requièrent de la part de l’équipe chirurgicale. C’est pourquoi, le problème de la disponibilité d’os allogénique ou xénogénique a été très étudié. Rappelons ici que de l’os nouveau peut être formé par trois mécanismes de base (tableau XVI) : l’ostéogenèse, l’ostéoconduction et l’ostéo-induction. Dans l’ostéogenèse, les ostéoblastes viables sont transplantés d’une région du corps (souvent l’os spongieux iliaque) au niveau du site où la présence d’os nouveau est souhaitée. Dans l’ostéoconduction, l’os dévitalisé ou l’implant se comportent comme un treillis favorisant la pénétration des vaisseaux suivie par la résorption de l’implant et la formation d’os nouveau à partir des bords de la perte de substance (creeping substitution). L’ostéo-induction est la conversion de tissu mésenchymateux en os par un stimulus approprié (BMP [bone morphogenic protein], par exemple).
Os allogénique La simplification des techniques opératoires réduit automatiquement le temps d’intervention, la perte de sang, la douleur au site donneur, le séjour à l’hôpital et les complications. La disponibilité d’allogreffes osseuses de forme et de taille variées rend aussi plus facile l’adaptation de celle-ci à la perte de substance. Cependant, les allogreffes elles-mêmes sont susceptibles d’agir sur page 13
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Tableau XVI. – Mécanismes de la réparation osseuse (d’après Glowaki, 1984). Types
Principes physiologiques
Exemples
Ostéogenèse
Transplantation d’ostéoblastes et de préostéoblastes viables
Os spongieux Périoste Greffes vascularisées
Ostéoconduction
Pénétration osseuse à partir des bords de la perte de substance avec résorption graduelle de l’implant
Segments corticaux Os de banque (allogénique ou xénogénique) Matériaux résorbables
Ostéo-induction
Conversion phénotypique de cellules mésenchymateuses en cellules osseuses
Os et/ou dentine déminéralisés
le système immunitaire. Divers procédés sont employés pour réduire la réponse antigénique à des niveaux tolérables par le patient : traitement chimique, ébullition, irradiation, congélation, lyophilisation, décalcification, déminéralisation et réduction de la matrice antigénique de l’os. Des études cliniques et expérimentales ont cependant montré que l’os conservé est inférieur à l’os frais autogène et qu’il est coûteux d’entretenir des banques d’os. En outre, des considérations biomécaniques sont indispensables pour guider le choix du type d’os allogénique utilisé. Enfin, la sécurité infectiologique absolue est difficile à garantir, malgré un coût parfois considérable des contrôles.
Os conservé C’est un os de banque prélevé sur le cadavre frais de façon aseptique. Les avantages sont évidents, mais trois inconvénients semblent majeurs : – aucune solidité et simple rôle de remplissage ; – résorption considérable et rapide ; – réponse antigénique à partir du système réticuloendothélial. De toute façon, il faut savoir qu’il n’y a pas de greffe osseuse tous usages. Les os du squelette humain diffèrent tellement selon les individus en fonction des caractères anatomiques, de la circulation et des capacités de régénération, que chaque os a en conséquence ses propres exigences en matière d’immobilisation et de type de greffe osseuse. Comme pour la plupart des substituts osseux, le lieu et les conditions d’implantation doivent répondre à certaines conditions afin de favoriser la réhabilitation et l’incorporation. Ainsi, le greffon osseux lyophilisé doit être implanté dans un lit spongieux de bonne qualité. Si l’environnement est scléreux et peu vascularisé, un avivement par curetage est indispensable. Le greffon doit être placé au contact intime avec l’os receveur sur la plus grande surface possible ; au mieux, ces greffes sont encastrées et non pas seulement apposées en évitant toute interposition des tissus fibreux. De plus, le contexte local doit être strictement aseptique. L’utilisation d’allogreffes, sous forme de têtes fémorales d’os de banque, a longtemps été de pratique quotidienne en chirurgie osseuse. L’amélioration des techniques de conservation et des connaissances immunologiques, a autorisé cet essor. Plusieurs modalités de conservation par congélation sont possibles. Le stockage le plus courant de ces fragments osseux se fait à la température nécessaire et suffisante de -80 °C. En effet, au-dessus de cette température, les enzymes de dégradation ne sont pas suffisamment inactivées et une lente désintégration du greffon se produit avec le temps. Les têtes de fémur et plus généralement les greffons allogéniques ne sont pas débarrassés des cellules hématopoïétiques et médullaires, ni de la substance organique au sein des logettes intertrabéculaires. Ces éléments gênent la pénétration des cellules du receveur ainsi que la formation du blastème de régénération. Ils ralentissent donc les phénomènes de repousse osseuse et par conséquent l’ostéoconduction. Le froid détruit les éléments cellulaires du donneur contenu au sein des os, de même qu’il dénature partiellement les sites antigéniques de la trame protéique, rendant les phénomènes d’immunisation extrêmement rares. Des techniques de conservation plus sophistiquées existent, préservant les greffons osseux dans l’azote liquide à -196 °C. Elles nécessitent l’emploi de cryopréservateurs. Les prélèvements osseux, quel que soit leur mode de conservation, obéissent à des critères de sélection stricts (exclusion des patients ayant présenté infection bactérienne parasitaire ou virale, néoplasie, maladie de système comme la polyarthrite rhumatoïde, affection hématologique...). Des examens doivent être systématiquement effectués visant à dépister, notamment, hépatite, sida et syphilis. La chaîne de stérilité ne doit donc pas être interrompue entre le prélèvement et l’utilisation. L’avantage de ces têtes de banque conservées par le froid est représenté par la facilité d’approvisionnement. Il faut tenir compte, cependant, des coûts de la conservation et de ceux des examens biologiques systématiques, souvent très élevés.
par le froid. Après traitement chimique, l’os est congelé à -80 °C et ensuite lyophilisé pendant 4 jours, de telle sorte que l’humidité résiduelle soit inférieure à 5 %. La stérilisation est assurée par rayonnement gamma. Avant son utilisation, l’os lyophilisé doit être reconstitué par immersion dans du liquide physiologique pendant une dizaine de minutes. Pour accélérer l’incorporation du greffon, il a été proposé de l’imbiber, non pas de liquide physiologique, mais de la moelle du patient. L’os lyophilisé n’a pas les propriétés ostéo-inductrices de la matrice osseuse décalcifiée. D’autre part, il n’apporte pas, comme l’autogreffe, des cellules vivantes favorisant l’ostéogenèse. Cependant, il présente un certain nombre d’avantages par rapport à l’allogreffe habituelle cryoconservée sans traitement particulier. Tout d’abord, le lavage mécanique et chimique instauré libère les logettes osseuses et les espaces intertrabéculaires qui peuvent être immédiatement envahis par les cellules et le blastème de régénération, ce qui favorise secondairement l’ostéoconduction. Le greffon osseux lyophilisé peut être associé à des autogreffes. À terme, l’os lyophilisé subit le phénomène de creeping substitution et est remplacé par de l’os nouveau. La facilité de conservation est également un avantage de ce type de substitut osseux. En effet, il peut être conservé plusieurs années à température ambiante sans que les greffons se dégradent, ou ne perdent leurs qualités, contrairement aux allogreffes cryoconservées. Enfin, le mode de préparation utilisé évite l’immunogénicité des implants. La lyophilisation peut se concevoir, non seulement pour des greffons osseux de forme standardisée, mais également pour des segments osseux ou des pièces osseuses plus complètes. Ces pièces sont le plus souvent multiperforées afin de favoriser la pénétration cellulaire.
Os xénogénique [20, 36, 55, 57, 116] Les transplants d’os xénogéniques sont accompagnés par une réaction de défense immunologique plus marquée. Les hétérogreffes non traitées ne sont plus employées. Elles sont en effet à l’origine d’une réaction immunologique intense qui exclut tout espoir de succès. Cette réalité fut reconnue dès 1867 par Ollier. Elles n’avaient pour avantage que leur abondance et leur facilité de prélèvement. Des tentatives ont été faites pour développer des préparations spéciales en tenant compte des propriétés immunologiques du matériel osseux xénogénique. Dans les années 1950, Maatz et Bauermeister proposèrent de traiter l’os hétérologue provenant de jeunes porcins ou bovins par différents procédés de macération visant à le déprotéiniser. Ce fut l’os de Kiel. Après des résultats positifs en expérimentations animale et clinique, il a cependant été démontré que l’os de Kiel empêchait plutôt qu’il ne favorisait la régénération osseuse. À peu d’exceptions près, ce type de transplant n’est guère plus utilisé. La valeur de la moelle autogène associée à l’os de Kiel prête également à contestation. Celui-ci a connu un large succès d’implantation pendant une dizaine d’années mais les mauvais résultats cliniques discréditèrent ce procédé qui, en fait, laissait en place une grande partie organique. Kaban, Mulliken et Glowacki ont utilisé de l’os provenant de cadavres humains ou bovins, ou de poulets et ont préparé par extraction une poudre d’os déminéralisé. Celle-ci a été employée sous trois formes pour différents cas cliniques (poudre, copeaux, blocs). Soixante-dix patients ont reçu des implants d’os déminéralisé pour des reconstructions maxillo-cranio-faciales, 48 pour des pertes de substance parodontale et 27 pour des interventions de chirurgie orthopédique (pseudarthrose, kyste, scoliose). Les implants sont bien tolérés, faciles à utiliser et ne gênent pas la guérison des tissus mous. La réparation osseuse et le maintien de la correction ont été démontrés chez des patients avec un suivi dépassant 4 ans. Enfin, d’autres auteurs ont utilisé de l’os traité par la chaleur : l’os calciné à température adéquate étant bien toléré et remplacé par de l’os néoformé, le principal problème étant d’éviter l’obtention de produits fragiles ayant la consistance de cendres et non utilisables en pratique clinique.
Substituts osseux hétérologues commercialisés Os lyophilisé
• Surgibonet
L’os de banque lyophilisé de nature allogénique est prélevé sur cadavre frais (moins de 12 heures après le décès), de préférence chez des sujets jeunes. Les critères d’exclusion sont aussi rigoureux que ceux des allogreffes conservées
Il provient d’os de bœuf adulte déprotéinisé. Il présente donc les caractéristiques chimiques et structurales de l’os. Fabriqué aux États-Unis, il répond aux normes établies par la FDA (Food and Drug Administration). La
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déprotéinisation explique l’absence d’immunogénicité de ce biomatériau qui, de plus, n’est pas à l’origine de réaction pyrogène. Les logettes osseuses libres de tous débris subissent un envahissement cellulaire, les lamelles osseuses servant de trame à la régénération osseuse. Le substrat est soumis au processus classique de creeping substitution. L’avantage de ce produit est certainement sa large gamme de présentation, qui offre plusieurs structures, permettant de répondre à de nombreuses applications (y compris celles impliquant des contraintes biomécaniques importantes). En effet, il existe des greffons de Surgibonet préparés à partir d’os spongieux sans qualité mécanique particulière pour le remplissage des cavités, mais également des greffons spongieux destinés aux zones portantes pour les membres inférieurs ou pour le rachis. Ces greffons ont subi des tests de compression entre 250 et 600 kg. Le Surgibonet est également disponible sous forme d’implants corticospongieux et corticaux purs. Ce biomatériau, qui ne peut être restérilisé, nécessite certaines précautions d’emploi. Il doit être introduit en tenant compte des travées osseuses et des lignes de force ; manipulé ou inséré sans précautions, il se fracture. Il peut être taillé et coupé à la demande à la scie. Un vissage peut être pratiqué sous réserve de faire un avant-trou. Son application implique l’absence de tout processus infectieux local. • Bio-Osst, Laddect et Lubboct
D’autres biomatériaux dérivés de l’os bovin sont présents sur le marché : BioOsst, Laddect et Lubboct. Ils sont utilisables pour diverses applications en chirurgie orthopédique ou dentaire. • Pyrostt
Il est défini par ses concepteurs comme un os minéral déprotéinisé. Il s’agit d’un os d’origine animale qui subit un traitement pyrolytique ménagé (d’où son nom de Pyrostt) afin d’éliminer les substances organiques. Ce traitement pyrolytique n’est qu’une étape d’un processus plus complexe qui permet de conserver la structure et la nature cristalline de l’os. De même, cet os conserve son organisation macroscopique comportant des logettes libres de toutes substances ou débris organiques entre les lamelles osseuses. Compte tenu du traitement subi par l’os, la taille de ces logettes est d’ailleurs supérieure à celles des allogreffes non traitées, ce qui favorise la pénétration cellulaire et le processus de régénération osseuse. Pour faciliter cet envahissement cellulaire, il est préférable de déposer ce substitut dans un environnement spongieux ; l’association du biomatériau et des autogreffes est possible. Des analyses cristallographiques ont montré que ce biomatériau contenait 93 % d’hydroxyapatite (ce taux correspond à celui de la structure minérale naturelle de l’os) et environ 7 % de phosphate tricalcique alpha. Les indications du Pyrostt sont présentées comme très larges, dès lors qu’il existe une perte de substance osseuse et sous réserve de l’absence d’infection. Le Pyrostt a une résistance mécanique inférieure à celle d’un greffon spongieux et ne doit pas être utilisé comme matériau de consolidation, mais comme matériau de comblement simple, une ostéosynthèse complémentaire étant nécessaire si les conditions mécaniques locales l’exigent. Il n’entraîne ni réaction à corps étranger, ni perturbations immunologiques. Le Pyrostt se présente sous forme de bâtonnets de 5 mm sur 5 mm de section et de 2 à 5 cm de longueur. Préparé à partir de l’os animal, il pourrait l’être à partir d’os humain et la technique de préparation serait applicable à des segments osseux beaucoup plus volumineux. Il est stérilisé par rayonnement gamma et peut être stocké à température ambiante jusqu’à sa date de péremption.
Matériaux ostéo-inducteurs [1, 3, 39, 73, 78, 87, 91, 104, 106, 115, 116, 124, 130, 140, 146] Les matériaux ostéo-inducteurs comprennent la matrice d’os déminéralisé, diverses solutions de protéines et la moelle autogène. L’os déminéralisé fait preuve de constantes propriétés d’ostéo-induction lorsqu’il est implanté dans des tissus mous mais cela pour une espèce donnée. Les facteurs ostéoinducteurs extraits de la matrice d’os déminéralisé ou produits par des méthodes de recombinaison ne sont pas spécifiques d’une espèce donnée, mais requièrent un vecteur biocompatible. Des travaux récents suggèrent que le collagène pourrait être un constituant essentiel du vecteur permettant l’expression optimale des propriétés ostéo-inductrices des agents ostéoinducteurs. L’addition de collagène et d’agents ostéo-inducteurs à un matériau ostéoconducteur pourrait réaliser un matériau composite, reproduisant les capacités ostéogéniques de l’os autogène, tout en évitant les inconvénients des prélèvements osseux chirurgicaux. • Os décalcifié et déminéralisé
De nombreux facteurs influencent le succès d’une greffe osseuse en clinique. L’un des résultats les plus désirés est la capacité de la greffe de stimuler la formation d’os. Dès que les cellules osseuses sont privées de leur apport sanguin originel, leurs chances de survie sont très faibles. De ce fait, un stimulus cellulaire doit être fourni par l’hôte. L’existence d’une substance inductrice ostéogénique dans l’os a été postulée dès 1938 par Levander, et Goldhaber a mis en évidence pour la première fois une induction ostéogénique en 1961. Les recherches menées par Urist et al suggèrent que la BMP est un facteur couvrant la protéine non collagénique initiatrice de la
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calcification (CIP) et que les deux sont attachées au collagène de l’os en tandem. Le traitement d’os décalcifiés avec des tampons et de l’acide éthylène diamine tétra-acétique (EDTA) découvre la CIP, et la CIP calcifie ensuite le tissu mou. Un peu plus tôt, Urist et al avaient reporté que des implants osseux allogéniques dégraissés et déminéralisés dans le muscle de rat provoquaient la différenciation de cartilage au huitième jour, la formation d’os fibreux au dixième jour, la formation d’os lamellaire au 20e jour, et l’apparition de moelle osseuse au 30e jour. L’utilisation d’os décalcifié pour stimuler la formation osseuse n’est pas nouvelle pour la communauté scientifique. Des copeaux d’os cortical de bovins décalcifiés ont été utilisés dès 1889 pour remplir les cavités ostéomyélitiques. Depuis cette époque, à la fois des préparations d’os allogénique et xénogénique, d’os calcifié et déminéralisé ont été utilisées pour tenter d’induire la croissance osseuse. Les procédés de digestion et d’extraction détruisent les membranes cellulaires hautement antigéniques et les glycoprotéines hapténiques solubles, et le collagène restant demeure un faible antigène. Dans les préparations d’os décalcifié, il apparaît que l’antigénicité de la greffe ne joue pas un rôle critique, puisque la greffe ancienne est éliminée et que le site de greffe est remodelé avec de l’os néoformé. Initialement, Urist avait utilisé une préparation, la « collapatite », consistant en os dans laquelle une grande partie des protéines non collagéniques avait été éliminée à l’aide d’urée et de soluté physiologique à 8,8 %, pour laisser essentiellement du collagène et de l’hydroxyapatite. En 1971, Urist avait aussi démontré que la matrice de dentine était inductrice d’os. Cette propriété n’a cependant pas été retrouvée par d’autres. Outre la BMP, il faut signaler que d’autres facteurs biologiquement actifs ont aussi été extraits des cellules osseuses ou d’os déminéralisé par différents laboratoires : hSGF (human skeletal growth factor), BDGF (bone-derived growth factor), EMDF (extracellular matrix derived factor), IOF (intramembranous osteogenic factor), BCF (bone chemotactic factor), etc. Leurs actions sur les cellules osseuses vont de l’effet chimiotactique à l’effet mitogénique. Tous ces facteurs plus récemment découverts soulignent l’importance de la régulation du métabolisme osseux au niveau local. Il est possible que la BMP initie le stade couvert du développement osseux et que les facteurs de croissance stimulent le stade ouvert de ce développement. Le développement induit par la BMP est irréversible, tandis que la stimulation de la croissance produite par les facteurs de croissance est réversible et comparable aux effets de la somatomédine. Depuis la démonstration en 1965, par Urist, des propriétés ostéo-inductrices de matrice osseuse allogénique décalcifiée par l’acide chlorhydrique, sa méthode a été affinée et des gélatines de matrice osseuse possédant des propriétés ostéo-inductrices plus constantes ont été préparées. Un prolongement des travaux d’Urist a conduit ces dernières années à la conception de systèmes à libération contrôlée pour délivrer localement la BMP (hydroxyapatite, phosphate tricalcique, plâtre de Paris, collagène). Une comparaison entre le collagène insoluble, l’hydroxyapatite, le phosphate tricalcique, des billes de bioverre et de PMMA comme vecteurs ont montré que le collagène représentait le meilleur système pour la libération contrôlée de BMP. D’autres études ont également montré que le collagène était un excellent système de libération pour les facteurs de croissance dans la cicatrisation des tissus durs et mous. Une structure tridimensionnelle paraît nécessaire pour une libération efficace de la BMP. Si la matrice d’os déminéralisé ou la BMP purifiée sont reconnues pour induire de façon reproductible la formation d’os hétérotopique chez les rongeurs ou les lapins, les résultats sont plus controversés chez les primates non humains [37] . Les sources limitées et l’immunogénicité des BMP naturelles constituent des inconvénients pour leur utilisation pratique (Gao et al, 1997). Les BMP initient, favorisent et maintiennent la chondrogenèse et l’ostéogenèse, mais sont aussi impliquées dans la morphogenèse d’organes autres que l’os. L’environnement biomécanique (forces physiques) et le microenvironnement (matrice extracellulaire) jouent un rôle non négligeable. Des matériaux biomimétiques, comme les collagènes, l’hydroxyapatite, les protéoglycanes et les glycoprotéines de l’adhésion cellulaire (fibronectines et laminine) peuvent être utilisés pour reproduire les structures osseuses sous réserve d’une architecture appropriée [104].
Cartilage [50, 76, 82, 87] Les autogreffes cartilagineuses ne présentent pas moins d’inconvénients que les greffes osseuses autogènes. Même si sur le plan biologique ces transplants sont parfaitement tolérés (le greffon pouvant conserver sa qualité de tissu vivant et actif grâce à une nutrition par imbibition), sur le plan évolutif les inconvénients sont la résorption (d’un tiers au mieux), d’où la nécessité d’une hypercorrection originelle et les possibilités de déformation. Enfin, le greffon cartilagineux ne se fixe jamais au tissu avoisinant et il est beaucoup plus sensible à l’infection que l’os. Au cours des dernières décennies, les homogreffes de cartilage costal irradié ont été employées comme matériel de correction des malformations faciales, page 15
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notamment en Europe et au Canada. Il a été constaté un phénomène d’intégration des greffons de cartilage costal irradié lorsqu’ils sont utilisés comme matériel de remplacement interosseux. Ce phénomène n’existe pas dans le cas d’homogreffe ou d’autogreffe de cartilage non irradié. Utilisé comme implant, ce matériau présente les avantages d’une bonne facilité d’emploi et de manipulation, d’une bonne adaptabilité, d’une très bonne tolérance et d’une absence de résorption. Son stockage est facile, le cartilage costal prélevé en cours d’autopsie chez des sujets jeunes, indemnes de toute affection de système. Les fragments, une fois nettoyés, sont placés dans un bocal contenant du sérum salé à 9/1 000 et irradiés à une dose de 4 à 5 Mrad. Après stérilisation, le cartilage peut être conservé indéfiniment dans un bocal hermétiquement clos à la température de 4 °C. Dans la restauration des contours faciaux, ce matériau a été utilisé au cours des rhinoplasties (affaissement de l’arête nasale avec ou sans évidement septal, greffe de soutien columellaire pour pointes tombantes, dépression au niveau des cartilages alaires, dépression des orifices piriformes), pour le comblement de dépression prémaxillaire ou frontomalaire, la reconstruction du plancher de l’orbite, l’allongement de la branche montante dans les interventions libératrices d’ankylose temporomandibulaire, le comblement de dépressions frontales. Son utilisation n’est cependant pas recommandée pour les reconstructions du pavillon de l’oreille, du fait de la mauvaise tolérance de l’implant dans cette région à faible suppléance vasculaire et au tissu de recouvrement peu épais. D’autres auteurs comme Sailer ont utilisé la transplantation de cartilage lyophilisé allo- ou xénogénique. Ceux-ci sont prélevés dans des conditions non stériles et stérilisés par une solution de bêtapropiolactone à 1 % pendant 2 heures à 37 °C, ensuite le cartilage est lyophilisé, ce qui le rend facilement stockable à la température ambiante et réduit son antigénicité de 500 à 100 fois. Il est réhydraté au moment de l’utilisation dans une solution physiologique contenant 1 million d’unités de pénicilline G et 2 g de streptomycine par litre pendant 2 heures. Sailer a réalisé 800 transplants chez l’homme en chirurgie cranio-maxillo-faciale. Pour la reconstruction des contours faciaux, il recommande le lyocartilage allogénique et pour le comblement des fentes palatines, le lyocartilage allo- ou xénogénique.
Collagène [17, 34, 87, 93, 128, 131] Le terme générique de collagène concerne le principal matériau de soutien de la peau, des tendons, des cartilages et du tissu conjonctif. Il représente le tiers des protéines des êtres vivants et correspond à un groupe de protéines fibreuses composées essentiellement de trois aminoacides : glycine, proline et hydroxyproline. Différents types de collagène, génétiquement et structuralement distincts, sont rencontrés dans les tissus conjonctifs des organismes vivants : 14 au moins ont été mis en évidence. Les propriétés du collagène qui en font un produit indiqué pour la fabrication de biomatériaux dépendent de la séquence d’aminoacides qui déterminent sa structure en triple hélice et fibrillaire, mais aussi de ses interactions avec d’autres macromolécules et cellules. Sa structure native joue un rôle important tant au niveau des propriétés mécaniques que des propriétés biologiques. Sur ces deux plans, aucune gélatine ne peut lui être comparée. Ses propriétés hémostatiques (agrégation des plaquettes sanguines et formation de caillot sanguin) peuvent être d’une grande utilité en chirurgie. Il s’est en outre avéré que les substrats de collagène modifiaient la morphologie, la migration, l’adhésion et, dans certains cas, la différenciation des cellules. L’attachement des fibroblastes à des substrats collagéniques par l’intermédiaire de la fibronectine a été le plus étudié. D’autres glycoprotéines attachent à leur matrice les chondrocytes (chondronectine) et les cellules épithéliales (laminine). La fibronectine, outre ses fonctions de protéine d’attachement, joue également un rôle important dans les processus de réparation tissulaire. La fabrication de matériaux collagéniques suppose trois conditions : – la préparation et l’analyse de collagènes plus ou moins solubles hautement purifiés ; – la maîtrise de la mise en forme de la protéine ; – la stérilisation du matériau. Le collagène peut être réticulé chimiquement pour le stabiliser. C’est ce qui se passe lorsque l’on tanne les peaux pour obtenir du cuir. Les fibres de collagène des valves cardiaques de porc sont stabilisées par l’utilisation de glutaraldéhyde comme agent de réticulation. Ces valves naturelles sont couramment utilisées pour le remplacement valvulaire chez l’homme. Inversement, le collagène peut être rendu soluble par digestion protéolytique contrôlée. Il en résulte une solution visqueuse presque transparente qui formera spontanément, 10 minutes après chauffage à 37 °C, un gel blanc, ferme et opaque. Celui-ci a été utilisé au niveau des tissus mous chez l’homme en chirurgie reconstructrice des altérations des contours. Après injection au niveau du site nécessitant une augmentation de volume, la chaleur de l’organisme entraîne une gélification rapide ayant pour résultat la préservation de la restauration des contours. page 16
Stomatologie/Odontologie
Un interrogatoire et des tests appropriés préalables permettent d’éliminer les sujets à risques : ceux qui ont présenté ou présentent une affection autoimmune ou une maladie du collagène et les grands allergiques. Le Zydermt I est une dispersion de 35 mg/mL de collagène et le Zydermt II en contient 65 mg/mL. Ce sont deux produits complémentaires, le Zydermt II étant particulièrement indiqué dans le traitement des cicatrices, sillons intersourciliers et sillons nasogéniens, le Zydermt I dans les rides de la patte d’oie, de la lèvre supérieure, sur les peaux très fines et pour les petites retouches, cela sans nécessiter de surcorrections et sans désagrément pour les patients. D’autres applications des implants à base de Zydermt sont par exemple la correction des insuffisances vélopharyngées ; des applications utilisant des quantités plus importantes sont également possibles et le collagène peut enfin être modifié chimiquement pour augmenter sa persistance et sa consistance. C’est ainsi que du collagène réticulé peut être souhaitable en des aires soumises à contrainte ou lorsqu’une persistance à long terme est requise. Des biomatériaux à base de collagène réticulé avec des concentrations de glutaraldéhyde allant de 0,1 à 3 % ont été utilisés notamment pour la fabrication de valves cardiaques et de prothèses vasculaires ; cependant, des complications sont possibles comme, par exemple, la survenue de calcifications au niveau de l’implant. Il faut noter ici que le collagène n’est pas issu du tissu nerveux, mais de la peau des bovins. Celle-ci, comme d’ailleurs les muscles, n’est pas un tissu réputé infectieux et il n’y a guère de risque de transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine après traitement des rides [119]. Dans les biomatériaux, la structure native de la macromolécule est indispensable car elle confère au collagène une grande partie de ses propriétés, en particulier la résistance mécanique. Cette dernière est cependant insuffisante pour certaines applications ; dans ce cas, les matériaux composites réalisés avec du collagène et des polymères synthétiques ou des céramiques peuvent être envisagés. C’est ainsi que Mittelmeier a développé, en 1977, l’idée d’une régénération osseuse multicentrique autour de petites particules d’hydroxyapatite finement pulvérisées et réparties (faute de quoi ces particules précipitent ou sont éliminées à travers le courant sanguin) dans du collagène dénaturé, dépolymérisé et lyophilisé provenant de peau de porc, dont les propriétés hémostatiques sont bien connues (microfibrilles de collagène). Les fines particules d’apatite sont mélangées avec le collagène durant la phase humide. Pour éviter une dissolution trop facile des filaments de collagène, ceux-ci sont stabilisés par un processus de reconnexion. Des préparations à base de collagène et d’apatite (Collapatt) influencent favorablement la régénération osseuse aussi bien en expérimentation animale qu’en clinique. Au niveau du site d’insertion de Collapatt dans l’os, la régénération commence dès la deuxième semaine, atteint son maximum la troisième semaine et est complète après la quatrième semaine ; l’image histologique ultérieure est celle d’un remodelage osseux normal. La formation d’os est décelable au contact direct des granules d’apatite. Il n’a pas été observé de réactions allergiques, ni de réactions à corps étranger. Le remodelage de l’os n’est pas perturbé par les granules d’apatite, qui se résorbent lentement. Plusieurs centaines d’implantations chez l’homme ont été réalisées par cet auteur, avec de bons résultats. Lemons a également étudié des combinaisons organiques, anorganiques et ses conclusions vont dans le même sens quant aux combinaisons collagènehydroxyapatite. Il en est de même de Matukas et Crago pour des applications concernant la chirurgie des contours : aucun des patients traités n’a présenté d’infection postopératoire, ni de résorption significative.
Dérivés des fluides biologiques Fibrinogène et fibrine [14, 30, 77, 79, 87, 92] Le fibrinogène a servi à la mise au point de colles hémostatiques pour tissus mous, décrites ailleurs (Tissucolt, Tissealt, Beriplastt, Hemacuret, Biocolt...). La chirurgie plastique faciale demeure un de leurs domaines d’application (collage de greffes osseuses pour fentes palatines, rehaussement de sinus maxillaire, collage de cartilage auriculaire ou nasal, de peau lors de lifting cervicofaciaux) ainsi que l’hémostase après extraction dentaire en cas de coagulopathie. La fibrine insoluble a, quant à elle, été utilisée dès 1944 par Blum à Londres, puis à partir de 1955 par l’équipe de Gerendas en Hongrie pour réaliser un « bioplast ». Il employait de la fibrine humaine ou bovine (dont les propriétés antigéniques ont été modifiées par traitement thermique) pour fabriquer de petits blocs et des plaques jaune-brun translucides par compression à 130 °C d’un mélange de fibrines stabilisées et de glycérine. Ces blocs facilement modelables étaient stérilisés par irradiation gamma. La dégradabilité des implants résultants peut être empêchée par réticulation avec le formaldéhyde. Ce matériau est bien toléré et a été utilisé notamment en chirurgie orthopédique, reconstructrice et en chirurgie maxillofaciale pour combler des cavités kystiques après exérèse et dans l’arthroplastie de l’ATM.
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Acide hyaluronique [65, 86, 142, 148] Entrant dans la composition en particulier du liquide synovial articulaire de l’humeur aqueuse ou vitreuse de l’œil, c’est un des principaux (glycosaminoglycanes) GAG distribués dans l’espace extracellulaire. Son étonnante compatibilité immunologique est attribuée à la conservation de son identité chimique à travers les espèces. C’est un modulateur de l’inflammation qui possède des propriétés bactériostatiques et favorise la réparation tissulaire. Ses limites résident dans son hydrosolubilité et sa résorption tissulaire rapide. Il est possible, par réticulation ou estérification, d’obtenir des polymères à meilleures propriétés rhéologiques sans affecter son excellente biocompatibilité. Une biodégradabilité modulable peut ainsi être réalisée expliquant son utilisation dans la libération contrôlée (notamment topiques pour la libération d’analgésiques ou d’antimitotiques), l’ingénierie tissulaire, en chirurgie plastique des tissus mous (Hylan Bt, paupières notamment) en chirurgie générale pour prévenir les adhérences postopératoires (Seprafilmt, Lubricoatt).
Dérivés des œufs d’oiseaux Coquille d’œuf [6, 37] La poudre de coquille d’œuf de poule a été proposée comme substitut osseux en chirurgie maxillofaciale [37]. Elle comporte une fraction minérale (98 %) composée majoritairement de carbonate de calcium et une matrice protéique résiduelle (2 %). La fraction organique est composée de protéines (70 %) et de polysaccharides riches en groupements sulfate (kératane et dermatane sulfate) proches des protéoglycanes rencontrés dans l’os animal et humain. Elle peut être facilement stérilisée à l’oxyde d’éthylène, elle n’a démontré aucune toxicité en expérimentation animale et a été utilisée pour le comblement de kystes maxillaires. Sa purification doit cependant être soigneuse car de légères réactions immunogènes sont possibles. Son association à la BMP et à des polymères biodégradables a été envisagée. Pour l’instant, les principales applications cliniques sont d’ordre parodontologique. D’autres espèces d’œufs sont en cours d’expérimentation, notamment l’œuf d’autruche pour la reconstruction du plancher orbitaire.
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d’hémodialyse, de la peau artificielle et des vecteurs de médicaments. Il peut aussi inhiber la fibroplasie lors de la cicatrisation tissulaire et faciliter la croissance et la différentiation tissulaire en culture. Il offre une matrice non protéique pour la croissance tissulaire tridimensionnelle et peut jouer le rôle d’un « primaire » pour la prolifération et la reconstruction cellulaire et tissulaire. Ce matériau biodégradable et biocompatible est susceptible également d’applications en ostéosynthèse ou comme matériau de comblement, car il se dégrade au fur et à mesure de la régénération osseuse. Chez l’animal, la chitine et le chitosane stimulent les cellules impliquées dans la défense immunitaire vis-à-vis des cellules tumorales et des agents pathogènes. Dès 1987, une peau artificielle à base de fibres de chitine (0,08 à 0,5 mm d’épaisseur) stérilisée à l’oxyde d’éthylène a été mise sur le marché (Beschitin-Wt). Le gel d’ascorbate de chitosane (pH 7,0-7,5) a été proposé par Muzzarelli et al [88] pour la reconstruction tissulaire parodontale. Selon ces auteurs, sa structure en « nid d’abeille » stimule la reconstruction tissulaire et la résorption se produit en 2 mois. Enfin, Kawakami et al ont développé, pour des applications identiques, un composite associant hydroxyapatite, oxyde de zinc, oxyde de calcium et chitosane dans une pâte à durcissement rapide. Un ouvrage récent fait le point sur la chitine et ses applications médicochirurgicales [64].
Dérivés des sécrétions d’arachnides Soie d’araignée [21, 100] Les étonnantes propriétés structurales des protéines de la soie d’araignée, notamment au point de vue résistance et élasticité, ont fait envisager son utilisation comme matériau de renforcement dans des composites, comme suture chirurgicale de très faible diamètre et comme ligament artificiel. Les techniques de génie génétique sont susceptibles de réaliser à la demande des protéines aux propriétés adaptées à l’utilisation finale.
Dérivés des mollusques
Dérivés des madréporaires
Nacre [5, 31, 72, 74, 75, 120]
Corail [8, 41, 61, 81, 87, 94, 121, 123]
Elle est fournie par les coquilles de lamellibranches, notamment par les pintadines (huîtres perlières). La nacre de mollusque bivalve Pinctada maxima est constituée essentiellement de carbonate de calcium naturel (aragonite, CaCO3) et de 2 à 3 % de composés organiques. Des études histologiques avaient mis en évidence une excellente intégration de ce matériau dans l’os maxillaire en cas d’utilisation pour la reconstruction radiculodentaire, avec en particulier l’absence de tissu mou entre l’os néoformé et l’implant. Les qualités mécaniques in situ ne se sont toutefois pas avérées suffisantes pour la réalisation d’implants dentaires et ceux-ci ont été abandonnés. Actuellement, l’utilisation de la nacre se limite à celle de matériau de comblement. Le peu de matière organique restant appelle cependant à la prudence, quant à l’éventualité de réactions immunologiques, bien que des expérimentations chez l’animal se soient montrées plutôt rassurantes à ce sujet.
Le nom de coraux est couramment donné aux madréporaires qui sont des hexacoralliaires, au contraire du corail rouge qui lui est un octocoralliaires (huit tentacules). Ils possèdent un squelette calcifié arborescent. Avec des algues calcaires et des mollusques, ils interviennent dans la formation des récifs. Le corail naturel, soumis à des protocoles rigoureux de préparation et de purification, peut être utilisé comme biomatériau de substitution à la greffe osseuse, tant en chirurgie orthopédique qu’en chirurgie cranio-maxillofaciale ou en neurochirurgie. L’architecture corallienne permet la pénétration osseuse car elle est poreuse ; la porosité ouverte et la taille des pores (150 µm, en moyenne) favorise la pénétration du matériau par des éléments cellulaires et l’établissement d’une vascularisation. La composition chimique du corail comporte : carbonate de calcium sous forme d’aragonite (plus de 97 %), oligoéléments (0,5 à 1 %), magnésium (0,05 à 0,2 %), acides aminés (0,07 %), sodium, potassium et phosphore. De nombreux éléments se retrouvent à des taux sensiblement équivalents à ceux de l’os des mammifères, en particulier les oligoéléments qui jouent un rôle capital dans le processus de minéralisation et dans l’activation des réactions enzymatiques au sein des cellules osseuses. Le strontium intervient notamment dans la formation et la croissance du cristal osseux, il assure une action protectrice sur les mécanismes de calcification et augmente la minéralisation. Le fluor accroît la formation osseuse par effet direct sur la prolifération des cellules ostéoblastiques. Les expérimentations animales effectuées sur cinq espèces (rat, lapin, mouton, porc, chien) ont montré l’absence de réaction inflammatoire, de réaction infectieuse ou d’encapsulation fibreuse avec une excellente tolérance tissulaire (en site osseux, sous-cutané, musculaire, sous-périosté, fibromuqueux). Le corail guide la croissance osseuse et est progressivement résorbé pour être remplacé par de l’os néoformé dans des délais variant selon le site implanté, la porosité du corail utilisé et le métabolisme propre de l’os. Cinq phases histologiques ont été décrites : invasion du corail par les éléments cellulaires sanguins ou extravasés de la moelle osseuse, établissement d’une vascularisation, résorption du corail par les ostéoclastes, apposition ostéoblastique concomitante et remodelage de l’os néoformé en fonction de l’architecture de l’os implanté. Le processus de résorption est dû notamment à la dégradation du squelette carbonaté du corail par l’anhydrase carbonique contenue dans les ostéoclastes.
Byssus de moule [90] Les fibres de collagène produites par les moules sont cinq fois plus résistantes et 16 fois plus résilientes que les tendons humains ; elles constituent un remarquable absorbeur de choc et pourraient servir de modèle pour des ligaments artificiels.
Os de seiche [101] Le flotteur de ce mollusque marin est un matériau poreux constitué essentiellement d’aragonite pur et comportant très peu de résidus organiques. Son utilisation comme matériau de comblement a pu être envisagée.
Dérivés des carapaces de crustacés et des cuticules d’insectes Chitine [60, 88, 103, 139, 147] C’est, avec la cellulose, le polysaccharide le plus rencontré dans la nature. Elle possède des propriétés cicatrisantes (Prudden, 1970), antibactériennes (Nishimura, 1984) et hémostatiques (Malette, 1983). Le chitosane (forme partiellement désacétylée de la chitine), préparé à partir de déchets de carapaces de crustacés, a été utilisé pour réaliser des membranes
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (II)
Depuis 1979, les principales applications cliniques ont concerné la chirurgie orthopédique, maxillofaciale, préprothétique, parodontale, ORL, reconstructrice et plastique et la neurochirurgie. Un certain nombre de conditions doivent cependant être strictement respectées sous peine d’échec thérapeutique : – préserver les échanges (contact avec os avivé), dans un lit osseux spongieux bien vascularisé ; – éviter toute mobilité anormale contrecarrant la liaison osseuse, l’irritation mécanique entraînant réaction inflammatoire et fistulisation ; – en cas de risque de contamination septique important, imprégner avec une ampoule de 40 mg de gentamicine dans 20 mL de sérum physiologique ; – éviter l’inclusion de particules étrangères (fraises et meules diamantées lors de remodelage peropératoire) ; – faire attention aux médicaments administrés par voie générale (inhibiteurs de l’anhydrase carbonique...). À l’heure actuelle, le corail ne semble cependant pas avoir répondu à tous les espoirs qu’il a suscités, avec en particulier une résorption trop rapide (disparition en 3 semaines constatée en expérimentation animale). La conservation du volume osseux n’est pas forcément assurée et il n’entraîne pas d’amélioration véritable de la régénération osseuse. Cependant, à la différence de l’hydroxyapatite dense, il n’entrave pas la coaptation osseuse d’implants insérés extemporanément ou secondairement.
Perspectives [16, 19, 42, 43, 53, 67, 85, 108, 114, 137] Les principaux problèmes concernant les matériaux d’origine biologique concernent les réponses antigéniques à bas bruit et à long terme, la pureté et la sécurité microbiologique du produit, l’altération de ses propriétés mécaniques dans le temps (calcification...). Il est particulièrement important pour tous les biomatériaux préparés à partir de tissus humains ou animaux de s’entourer du maximum de garanties quant à la sélection des donneurs et aux techniques de stérilisation employées, pour éviter notamment les risques de transmission des virus de l’hépatite ou du sida avec les produits d’origine humaine ou ceux du virus lent de l’encéphalite spongiforme bovine (maladie de la « vache folle ») avec ceux d’origine animale. En sus de la réglementation européenne applicable aux dispositifs médicaux, obligatoire depuis le 14 juin 1998, les implants issus de l’animal (bœuf, porc ou corail) sont actuellement soumis au respect de procédures particulières afin de minimiser les risques de transmission virale ou des agents transmissibles non conventionnels (ATNC). Ces dispositions relatives à la sécurité microbiologique spécifiques à la France restent obligatoires après la mise en vigueur de la législation européenne. Depuis 1996, les dispositifs médicaux, dans la fabrication desquels sont utilisés des produits d’origine bovine, ne peuvent être importés, mis sur le marché, mis en service ou utilisés dans le cadre d’investigations cliniques que s’ils figurent sur une liste établie par le Ministre chargé de la Santé. Cette liste (tableaux XVII, XVIII, XIX) est périodiquement actualisée (dernière édition papier datant du 17 juin 1998, accessible également par le service télématique 3614 Misasol ou par le site Internet : http://www santé.gouv.fr/htm/point sur/matério/index.htm). Elle comporte : dénomination commerciale, fabricant et/ou distributeur, composant(s) d’origine bovine. Les critères d’évaluation concernent l’origine des animaux, les modalités d’élevage et d’alimentation, l’infectivité du tissu quant au risque d’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine), la validation du procédé d’inactivation et/ou d’élimination des virus et agents transmissibles non conventionnels : le principe de précaution justifie pour beaucoup au moratoire sur les xénogreffes.
Stomatologie/Odontologie
Tableau XVII. – Liste actualisée au 17 juin 1998 des dispositifs médicaux incorporant des produits d’origine bovine, pour lesquels le groupe d’experts a émis un avis favorable quant à leur sécurité microbiologique. Dénomination commercialeT
Utilisation
Bio-Oss
Substitut osseux
Biostite Calciresorb Collagène Cérapatite Collagène Endobon Endobon EMD Endoderm Endoplast 50 Etik Bone Laddec Lubboc Oxbone Oxbone CMF Oxbone Neuro
Fabricant et/ou distributeur
Composant(s) d’origine bovine
Substitut osseux Substitut osseux
Edward Geistlich Sons Ltd Coletica Ceraver Osteal
collagène collagène
Substitut osseux
Ceraver Osteal
collagène
Substitut osseux Substitut osseux Gel de comblement Substitut osseux Substitut osseux Substitut osseux Substitut osseux Substitut osseux Substitut osseux
Merck Clevenot Merck Clevenot OVI - SA
Oxbone Dent
Substitut osseux
Bioland
Pyrost Zyderm I, II, test Zyderm Zyplast
Substitut osseux Traitements rides + cicatrices Traitements rides + cicatrices
Ostéo France Collagène France
os os élastine + collagène os os os os os collagène + hydroxyapatite collagène + hydroxyapatite os collagène
Collagène France
collagène
Bioland Transphyto SA Transphyto SA Bioland Bioland Bioland
Os
Extrait concernant le domaine dentaire et maxillofacial.
Tableau XVIII. – Liste actualisée au 17 juin 1998 des produits d’origine animale autre que bovine, ovine ou caprine pour lesquels le groupe d’experts a émis un avis favorable quant à leur sécurité microbiologique. Dénomination commercialeT
Utilisation
Fabricant et/ou distributeur
Biocoral Collapat
Substitut osseux Substitut osseux
Inoteb Ostéo France
Colle chirurgicale Colle GRF Interpore 206 Ossatite
Colle biologique Colle biologique Substitut osseux Substitut osseux
Pro Ostéon 500 Restylane
Substitut osseux Traitement rides
Cardial/Bard FII Interpore Europe Medical Calcium Phosphate Interpore Europe Q-Med-AB/QYMed SARL
Composant(s) d’origine bovine corail animal collagène, hydroxyapatite porcins gélatine porcine gélatine porcine corail animal gélatine porcine corail acide hyaluronique
Tableau XIX. – Liste actualisée au 17 juin 1998 des produits d’origine animale autre que bovine, ovine ou caprine pour lesquels le dossier de sécurité microbiologique est en cours d’examen. Dénomination commercialeT Bionacre
Utilisation Substitut osseux
Fabricant et/ou distributeur Medbio Oyster Res/Biomat
Composant(s) d’origine bovine nacre
Signalons, pour terminer, la parution prévue fin 1998 du rapport ANAES/ANDEM sur les substituts osseux. Pour tous les biomatériaux d’origine biologique, il faut souligner la difficulté de s’assurer en pratique courante qu’ils ont satisfait à tous les critères de sélection et avec quelle sécurité la conformité à ces critères a été établie. Peutêtre le génie génétique permettra-t-il d’ouvrir de nouvelles perspectives dans ce domaine.
Principales applications cliniques (biomatériels, ingénierie tissulaire) En chirurgie orale et maxillofaciale, les biomatériaux sont employés pour la réparation ou la reconstruction des tissus durs et mous de la sphère dentomaxillo-faciale. Leurs applications (biomatériels) concernent la réalisation de matériaux implantables de comblement, de reconstruction et de recouvrement, d’implants dentaires, de matériels d’ostéosynthèse craniomaxillo-faciale et de matériels pour l’endoprothèse articulaire (ATM).
Matériaux de comblement, de reconstruction et de recouvrement [13, 27, 52, 87, 108, 145] Définitions – Matériau de comblement osseux : biomatériau spécifique, résorbable ou non, mis en place chirurgicalement dans le but de restaurer une perte de substance osseuse. page 18
– Matériau de reconstruction tissulaire : biomatériau spécifique, résorbable ou non, mis en place chirurgicalement dans le but de maintenir, restaurer ou augmenter le volume tissulaire. – Matériau de recouvrement osseux : biomatériau spécifique, résorbable ou non, mis en place chirurgicalement en surface d’un os avec ou sans perte de substance pour obtenir une régénération tissulaire sélective et guidée. La norme NF S 91-155 de novembre 1995 concerne les matériaux implantables de reconstruction osseuse (comblement, apposition et recouvrement) en chirurgie dentaire et maxillofaciale (état de l’art, répertoire des matériaux, méthodologie d’évaluation). En annexe, sont donnés des tableaux de classification des matériaux de reconstruction osseuse et des fiches de caractérisation. Les tableaux XX et XXI rassemblent certains de ces matériaux actuellement sur le marché.
BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (II)
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Tableau XX. – Biomatériaux implantables commercialisés à ce jour en chirurgie orale et maxillofaciale. AppellationT
Éléments constitutifs essentiels
Distributeur HA
Présentation granulé
Indication comblement
Propriétés
Alvéograft
Drug Cony USA
NR
Bioapatite
PRED Coletica
HA
grains
comblement
R
Biocoral
Pharmadent (Inoteb)
Ca CO3 origine coralienne
grains
comblement
R
Bioglass
Geltech
verre bioactif
grains
comblement
R
Biogran
Orthovita Suissor
verre bioactif
grains
comblement
R
Bionacre
Aria-Dental
Ca CO3 origine
grains
comblement
R
Bio-Oss
Pharmadent Geistlich
os bovin cortical + spongieux
granulés
comblement
R
Bio-Oss Collagène
Pharmadent Gestlich
os bovin + collagène
granulés
comblement
R
Biosel
Depuy France
HA + TCP
granulés
comblement
R
Biostite
PRED Coletica
HA + collagène d’origine bovine
cylindres
comblement
R
Bone Source
Leibinger
HA (origine coralienne°)
blocs
comblement
R
Bone Sourse
Leibinger
HA d’origine chimique
Poudre + ciment
comblement
R
PMMA + PHEM
poudre
comblement
NR
BOP Calcid
Cote
HA
granulés
comblement
R
Calcigraft
Ugln’Dentaire
vitrocéramique
granulés, poudre + cônes
comblement
R
Calciresorb
Ceraver Osteal
TCP β
granulés + blocs
comblement
R
Calcitite
Calcitek
HA
grains
comblement
NR
Cartilage Costal
Scient’x
Cartilage humain
blocs
substitution
R
Cérapatite
Ceraver Osteal
HA Al2O3
granulés blocs
comblement
NR
Céravital
Leitz
verre bioactif
granulés
comblement
R
Chondroplast
Biomedic
os bovin
blocs
comblement
R
Collagraff
Zimmer
HA TCP + collagène
blocs
comblement
R
Durapatite
Calcitek
HA
granulés
comblement
NR
Endobon
Merck
HA os humain
blocs
comblement
R
Etik Bone
Depuy Bioland Pierre Rolland
os bovin traité
granulés
comblement
R
Etik Hap
Pierre Rolland Depuy Bioland
HA
granulés
comblement
R
Eurocer 400
Depuy Bioland fourniture hôpital
HA TCP
granulés
comblement
R
Gelacap
Incermed
Al2O3
grains dans cellules
comblement
NR
HTR
Septodont
PMMA + PHEMA + hydroxyde de calcium
particules injectables
comblement
NR
Ilmaplant
Glasring
HA TCP
maquettes grains
reconstitution
R
Interpore
Biotech
HA
blocs granulés
comblement
NR
Laddec
OST-Développement
os bovin traité
blocs
comblement substitution
R
Lubboc
OST-Développement
os bovin traité, usage orthopédique
blocs
» «
R
Maxill-Hap
Zimmer
HA + collagène bovin
blocs
comblement
R
Mbcp
Elmor’yan
biphase HA/TCP
granulés bâtonnets disques plaquette coins
comblement apposition
R
Osprovit
Feldmuhle Ceramtec
HA
blocs granulés
comblement
R
Ossatite Composite
Médical MCP
HA + gélatine bovine
blocs plaques ciment
comblement
R
Ossatite Pore
Médical MCP
HA
granulés blocs
comblement
R
Osticon
Ambitec
TCP
cônes
substitution
R
Ostilit
Ambitec
TCP
blocs
comblement
R
Ostrix
Ambitec Depuy Bioland
HA
granulés
comblement
R
Oxbone
Depuy Bioland Depuy France
os bovin traité
formes granulés
comblement
R
Péribon
Incermed
Al2O3
poudre
comblement
NR
Périograf
Cook Wait Lab
HA
grains
comblement
NR
Pyrost
Ostéo (CH) Ostéo France
os bovin
bâtonnets blocs
comblement
R
Surgibone
Sigma Médical Unilab
HA + TCP
blocs
comblement
R
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Tableau XX. – (Suite.) Biomatériaux implantables commercialisés à ce jour en chirurgie orale et maxillofaciale. AppellationT Synthograf
Éléments constitutifs essentiels
Distributeur Jonhson et Jonhson
Présentation
TCP
grains
Indication comblement
Propriétés R
TBE Phoenix
Lepine
os humain sélectionné traité désactivé
blocs grains
comblement
R
TCH
Depuy Bioland ETAC
HA + TCP
granulés
comblement
R
Triosité
Zimmer
BCP TCP HA
grains bâtonnets
comblement
R
Ce tableau ne peut être exhaustif en raison des nombreux changements intervenant tant au niveau des distributeurs que des fabricants ainsi qu’au niveau du suivi des produits. PMMA : polyméthacrylate de méthyle ; PHEMA : polyhydroxyméthacrylate d’éthyle ; R : résorbable ; NR : non résorbable.
Tableau XXI. – Biomatériaux de recouvrement commercialisés à ce jour. AppellationT
Distributeur
Composition
Présentation
Indication
Propriétés
Biobarrier
Imtec
PTF
patrons
recouvrement BTG
NR
Biofix
Bioscience
PGA
patrons
recouvrement
R
Treillis Vycril
Johnson et Johnson Éthicon
treillis vycril
patrons
recouvrement
R
Goretex
Gore
PTF
patrons
RTG
NR
Guidore
Gore
PGA
patrons
RTG
R
Pangen
PRED Coletica
collagène origine bovine
cubes
hémostase
R
Paroguide
PRED Coletica
collagène (bovin) chondroïtine sulfate
patrons
RTG/ROG
R
Resolut
Gore Pharmadent
PLA/PGA
patrons
RTG
R
Tefgen
PRED
PTFE (Téflon dense)
patrons
RTG/ROG
NR
PLA : acide polylactique ; PGA : acide polyglycolique ; RTG : régénération tissulaire guidée ; PTFE : polytétrafluoroéthylène ; R : résorbable ; NR : non résorbable.
Des études sont en cours sur des substituts osseux présentés sous forme injectable. Il s’agit de biomatériaux composites associant une charge minérale (sels de calcium) dispersée dans un solvant auxquels on ajoute dispersants, liants et plastifiants pour optimiser leurs conditions de mise en œuvre. Des antibiotiques, des antimitotiques ou des substances favorisant la repousse osseuse (BMP, TGF,...) peuvent y être incorporés.
Implants dentaires [23, 24, 35, 87, 108] Définitions Les implants dentaires sont des éléments artificiels destinés à créer, au maxillaire ou à la mandibule, des ancrages osseux stables, résistants, efficaces, non iatrogènes, durables, sur lesquels s’adapte une prothèse amovible ou fixée qui doit redonner au patient partiellement ou complètement édenté, une fonction adéquate, un confort satisfaisant et une esthétique compatible avec toute fonction sociale. Les implants dentaires s’adressent aux cas d’édentement complet mandibulaire et/ou maxillaire, aux cas d’édentement partielle correspondant à un groupe de dents contiguës, et aux cas d’édentement unitaire. En raison de la simplicité du concept consistant à remplacer directement une dent extraite par une dent artificielle, le remplacement dentaire par des matériaux implantés remonte à très loin dans l’histoire de l’humanité. Pour ne parler que de ces 50 dernières années, les matériaux suivants ont été utilisés pour le remplacement radiculaire par différents praticiens dont ceux mentionnés ci-après : porcelaine (Brill, 1936), Vitalliumt (Strock, 1939), aciers inoxydables (Formiggini, 1946), tantale (Scialom, 1963), titane (Chercheve, 1962 ; Tramonte, 1965 ; Linkow, 1968 ; Branemark, 1969 ; Juillet, 1972), résines acryliques (Hodosh, 1964), céramique (Sandhaus, 1969), carbone vitreux (Grenoble, 1973)... On peut dire qu’au cours de l’histoire des implants dentaires, pratiquement tous les matériaux ont été utilisés sous les formes les plus variées et plus ou moins biomécaniquement élaborées (vis, spirales, grilles, aiguilles, lames, cylindres, troncs de cône, etc). Les implants dentaires peuvent être classés en deux grandes catégories selon qu’ils sont : – à la surface de l’os, sous le périoste et la muqueuse gingivale : il s’agit alors d’implants juxtaosseux ou sous-périostés ; – à l’intérieur de l’os qu’ils pénètrent, lorsqu’il s’agit d’implants endo-osseux. Les matériaux employés de nos jours à l’état massif sont essentiellement : l’acier inoxydable, les alliages chrome-cobalt, le titane et ses alliages, le tantale, le carbone et ses composites, les aluminocéramiques monocristallines (Biocéramt) ou polycristallines (CBSt, Bioloxt, Synthodontt, Frialitet...), la zircone, l’hydroxyapatite polycristalline frittée et les vitrocéramiques (Bioglasst, Céravitalt...). page 20
Pour les revêtements, on fait appel aux matériaux suivants : carbone pyrolytique, carbone diamant, hydroxyapatite, alumine, bioverres... Les propriétés des uns et des autres peuvent aussi être appariées avec plus ou moins de réussite dans des structures composites. En ce qui concerne le matériau de base, le titane sous forme pure ou alliée et la céramique massive d’alumine ou de zircone réalisent chacun un compromis satisfaisant à l’heure actuelle ; la mise au point d’implants revêtus constitue, quant à elle, une des perspectives d’avenir les plus intéressantes lorsque cette technologie sera parfaitement maîtrisée. De particulière importance sont : – la stabilité de l’implant dans l’os environnant ; – le joint épithélial ; – la prévention de l’infection ; – le contrôle de la prolifération tissulaire péri-implantaire. Tous ces facteurs sont, en fait, en interrelation. La norme XP ISO/TR 10451 de décembre 1995 (NF S 91-151) concerne les implants dentaires (état de l’art, répertoire des matériaux). En annexe, sont données des recommandations de sécurité et d’efficacité, ainsi qu’une note explicative pour remplir les fiches de caractérisation. Un article de Dubruille et al [35] fait le point sur la réhabilitation orale et l’implantologie.
Matériels d’ostéosynthèse cranio-maxillofaciale [7, 18, 45, 87, 129, 134]
Les principes du traitement des fractures faciales sont les mêmes que pour toutes les autres fractures. Ils impliquent une réduction anatomique exacte pour restaurer la forme correcte de l’os, suivie d’une contention efficace, l’immobilisation devant faciliter la guérison rapide et la restauration de l’intégrité de la fonction. Deux méthodes de base sont disponibles : d’une part, la méthode conservatrice où la réduction est réalisée sans recours à la chirurgie et où l’immobilisation est assurée par un blocage intermaxillaire et, d’autre part, l’ostéosynthèse dans laquelle un implant est utilisé pour maintenir les segments osseux en position correcte après réduction pendant la durée de la réparation osseuse. Parmi les critères influant la décision thérapeutique de l’ostéosynthèse figurent la complexité de la fracture, les forces normalement exercées sur l’os et leur tendance à déplacer les fragments, l’efficacité de l’immobilisation externe et le degré d’atteinte de la vascularisation. La nature extrêmement vasculaire des tissus faciaux prédispose habituellement au traitement conservateur. Il est en outre plus facile de réaliser un système stable au niveau de la mandibule qu’au niveau des os longs, car les forces musculaires peuvent être réduites au minimum et il existe un nombre suffisant de procédés efficaces d’immobilisation. Bon nombre de fractures de la mandibule et d’autres parties du squelette facial sont, de ce fait, traitées de façon
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conservatrice. Dans certains cas cependant, l’ostéosynthèse peut s’avérer nécessaire ou, simplement, plus souhaitable que toute autre méthode d’immobilisation externe. L’une des méthodes d’immobilisation externe très répandue est le blocage intermaxillaire, dans lequel les dents de la mandibule et du maxillaire sont solidarisées par des fils métalliques. Quant à l’ostéosynthèse, elle peut être réalisée par des fils métalliques ou des plaques. La fixation peut être exclusivement interne ou associée à des ligatures intrabuccales. Roberts a été parmi les premiers à décrire l’utilisation de plaques pour la fixation des fractures mandibulaires et de nombreux types de plaques sont actuellement disponibles, y compris des plaques d’ostéosynthèse à compression. Ces plaques peuvent être réalisées en titane, en acier ou en alliage chrome-cobalt. Différents procédés ont été décrits par Pini, puis Michelet et enfin Champy et al. Le procédé d’ostéosynthèse par plaques vissées miniaturisées (miniplaques ou microplaques) assure, après réduction, le maintien et la contention des fractures de la mandibule au moyen de plaques en acier inoxydable de dimensions réduites par rapport à celles utilisées pour la fixation des os longs. Ces plaques sont fixées par des vis de même composition, selon une technique bien codifiée, au niveau de la corticale osseuse de la région mandibulaire fracturée, après abord endobuccal du foyer de la fracture. Ce mode de traitement, sitôt le geste chirurgical terminé, recrée les conditions les plus proches possibles d’une vie normale pour le blessé, en particulier du point de vue alimentaire : l’alimentation mixée peut être donnée dès le troisième jour après l’intervention et l’alimentation normale reprise dès le huitième jour. Nul ne conteste plus que l’ostéosynthèse par miniplaques : – améliore le confort du blessé en supprimant les contraintes du blocage, permettant la reprise plus rapide d’une alimentation et d’une vie relationnelle normale ; – diminue le risque postopératoire lié à l’anesthésie générale, en laissant le libre accès à la cavité buccale ; – permet une réinsertion rapide du blessé dans la vie active, allégeant le coût des charges supportées par la société, non seulement par la réduction du nombre d’heures de travail perdues, mais aussi par la diminution du risque de sinistrose. L’utilisation de miniplaques dans le traitement des fractures de la mandibule et de l’étage moyen de la face a connu un essor considérable ces 20 dernières années, mais cette élégante modalité de traitement nécessite une rigueur certaine, tant dans les indications que dans la réalisation pratique de la pose de la plaque, sous peine de déboires. Les reprises chirurgicales des plaques vissées miniaturisées sont exceptionnelles ; elles sont dues à des défauts de réduction ou de contention, à des désunions muqueuses ou à l’infection du foyer (causes souvent associées). Des microplaques ont également été développées. Leur utilisation est réservée à la zone centrofaciale, où les os sont minces et les contraintes mécaniques minimes. Des plaques biodégradables sont également utilisées en clinique : leur application nécessite une adaptation particulière de l’acte chirurgical à ce type de matériau. Deux inconvénients existent cependant : la fragilité des vis et le surdimensionnement du matériel polymérique par rapport au matériel métallique. Leur emploi demeure souvent limité aux tiers supérieur et moyen de la face pour minimiser le risque mécanique. Dans certains cas, des montages métalliques sont utilisés au lieu des plaques d’ostéosynthèse pour stabiliser la fracture, notamment en cas de réintervention pour pseudarthrose. De la moelle d’os autogène peut être ajoutée pour stimuler l’ostéogenèse, de la même façon que pour la reconstruction mandibulaire. Le titane apparaît comme un métal particulièrement adapté à cette application. Une autre méthode de fixation des fractures fait appel à des broches insérées à travers la peau dans l’os. Après réduction de la fracture, ces broches sont réunies entre elles par une barre métallique. D’autres procédés, enfin, utilisent le crâne comme base stable : c’est le cas des diadèmes.
Prothèses de l’articulation temporomandibulaire
[47, 62, 87, 136]
Le chirurgien peut être confronté au problème posé par sa reconstruction pour des raisons fonctionnelles mais aussi morphologiques, puisque certaines atteintes de la dynamique articulaire ont un retentissement au niveau de la morphologie faciale. Si l’on est dans l’ensemble moins interventionniste en Europe qu’aux États-Unis, les méthodes conservatrices étant en général préférées, il n’en demeure pas moins que certains cas requièrent la chirurgie ; divers procédés faisant appel à des implants ont été décrits. La prothèse doit s’adapter aux impératifs dynamiques de l’ATM. Cette articulation est connue pour ne pas travailler en pression. Les principaux efforts supportés sont des forces en flexion, en particulier lors du deuxième temps du mouvement d’ouverture, celui de translation, puis d’arrêt du condyle. L’utilisation de matériaux prothétiques est née des aléas des transplants biologiques. Divers types de prothèses partielles ou totales ont été
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décrits utilisant la conjonction de matériaux tels qu’acryl et stellite, acier inoxydable et polyéthylène, tiges en alliage de titane avec tête et cupule en céramique d’alumine... Une prothèse condylienne métallique anatomique composée d’un alliage CrCo-Mo, la queue de la prothèse étant recouverte de Proplastt I (PTFE-C) ou II (PTFE-Al2O3) pour améliorer la stabilisation du matériel, a été développée aux États-Unis. Selon Kent et al, l’avantage principal de cette prothèse sur l’utilisation de polymères d’interposition est que sa mise en place devrait permettre à la fois la correction du trouble articulaire et de l’asymétrie faciale existante, du rétrognathisme mandibulaire ou de l’openbite. La mise en fonction postopératoire immédiate est possible. Une étude portant sur 192 prothèses chez 127 patients avec un suivi de 58 mois avait donné des résultats favorables quant à la réhabilitation fonctionnelle articulaire dans plus de 90 % des cas. Mais la survenue d’un certain nombre de complications ces dernières années (fragmentation du revêtement en Proplastt sous pression, entraînant réaction à corps étranger et échec de l’implant, voire réaction tumorale à cellules géantes et dégénérescence osseuse) ont amené la FDA, en 1991, à faire retirer du marché ce type de prothèse. Des prothèses en Vitalliumt coulé revêtues de carbone ont également été implantées. D’autres auteurs ont utilisé une prothèse intermédiaire à cupule non scellée, inspirée de la prothèse de hanche (prothèse SF). Il faut noter ici que les effets nocifs du ciment sur un col pauvre en spongieux pourraient entraîner une nécrose des corticales (l’épaisseur d’os d’une corticale à l’autre est de 6 mm au maximum). Par ailleurs, il est impossible de forer des puits d’ancrage dans la cavité glénoïde. Enfin, si une interface métal-polyéthylène présente un meilleur coefficient d’usure qu’une interface acier-acier, celui-ci est cependant moins bon que pour une interface en aluminocéramique. Des problèmes se posent cependant sur le plan de la fabrication en raison de la miniaturisation. Chassagne et al ont dressé en 1990 le bilan de l’expérience de l’École nancéienne portant sur 72 prothèses de ce dernier type placées chez 62 malades avec 13 cas de dépose. Suite à ce bilan, ils ont été amenés à parfaire la technique de pose et à introduire certaines modifications de la prothèse initiale. La longueur de la queue a été réduite de 25 à 20 mm, la prothèse est coulée d’une seule pièce en alliage TA6V avec une cupule en céramique (alumine Bioloxt), interface en HDPE, introduction d’une plaque d’interposition en titane sous l’embase. Les auteurs concluent que ces modifications permettent d’augmenter la surface du vissage bicortical efficace et facilitent un autocentrage de la queue, évitant les erreurs de parallaxe qui seraient à l’origine de la majorité des complications rencontrées. Lachard et al [13] ont fait le point sur les ankyloses temporomandibulaires et Van Loon et al [20] ont passé en revue les différents types de prothèses et leurs limites d’applications. L’arthroplastie de l’ATM demeure toujours préoccupante dans notre spécialité et n’a pas encore réellement reçu de solution pleinement satisfaisante comme c’est le cas, par exemple, pour la hanche.
Ingénierie tissulaire [40, 63, 68, 106, 107, 144] Cette technique consiste à employer des cellules ou des tissus pour la substitution complète ou partielle de tissus ou d’organes (ou tout au moins de leurs fonctions principales). Elle fait appel à des matériaux possédant des propriétés de dégradation contrôlée pour servir de structure-support aux cellules (exemple : polymères naturels ou de synthèse, céramiques dégradables) et à la modification des surfaces. Grâce à ces méthodes, la croissance ou la migration de types cellulaires sélectionnés peut être favorisée ou retardée, la forme du tissu de remplacement peut également être adaptée. La notion de conformabilité (« compliance ») est importante à prendre en compte : il s’agit de la capacité d’un implant de se conformer étroitement aux propriétés physiologiques et mécaniques des tissus du site implantaire. Enfin, dans la mesure du possible, des techniques chirurgicales peu invasives seront utilisées pour la mise en place. La néomorphogenèse s’efforce ainsi : – de créer un environnement où les cellules sont suffisamment proches pour former des structures (exemple : charpente polymérique) ; – de réaliser un nouveau tissu à l’extérieur de l’organisme et le transplanter ensuite dans cet organisme pour qu’il puisse y remplir sa fonction. Elle devrait permettre, dans l’avenir, d’aboutir à la production de tissus et d’organes « préfabriqués ». En dépit du développement rapide et spectaculaire de cette discipline, les problèmes à résoudre sont cependant encore nombreux, que ce soit au niveau de la structure support, des cellules ou des multiples facteurs spécifiques nécessaires à la viabilité du tissu produit par les méthodes de génie tissulaire, ou des aspects éthiques et réglementaires. page 21
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BIOMATÉRIAUX, BIOMATÉRIELS ET BIO-INGÉNIERIE EN CHIRURGIE ORALE ET MAXILLOFACIALE (II)
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•
Dans les 20 prochaines années, il faudra vraisemblablement repenser tout ou partie des prothèses ou implants actuellement utilisés en clinique. Outre des propriétés physicochimiques et mécaniques soigneusement adaptées, les matériaux de restauration devront également présenter des interfaces biologiquement fonctionnelles avec les cellules vivantes. Cela devrait permettre d’obtenir des matériaux biomimétiques parfaitement intégrés et réalisant une coopération fonctionnelle finalisée avec l’organisme.
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Une intensification de l’évaluation des nouveaux matériaux d’origine vivante ou non vivante est à prévoir. Par ailleurs, l’augmentation de l’expérience clinique permettra de réévaluer certains des matériaux existants, jusqu’alors considérés comme « sûrs ». Enfin, il faudra mettre en place des modalités d’agrément plus rigoureuses (pour éviter les dérives) et plus adaptées (pour ne pas geler l’innovation).
En général, seules les références les plus récentes sont indiquées ici ; pour les références antérieures, se reporter à l’article paru en 1993 [28].
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-012-K-10
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Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie D Muster
Résumé. – En odontostomatologie, comme dans bien d’autres secteurs de la médecine, la pathologie médicamenteuse s’est développée au rythme de la commercialisation des molécules thérapeutiques, et de leur consommation souvent abusive. Sa fréquence est devenue extrême et le praticien est constamment confronté aux problèmes des effets indésirables des médicaments qu’il prescrit et de leurs contre-indications. Une réévaluation continue des moyens thérapeutiques utilisés en pathologie buccodentaire apparaît ainsi hautement souhaitable. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : effets indésirables buccodentaires, effets indésirables des médicaments, contre-indications, pathologie iatrogène, médicaments en odontostomatologie, réaction aux médicaments, thérapeutique dentaire, symptomatologie liée aux médicaments.
Effets indésirables
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Classiquement, on désigne sous le nom d’effet indésirable toute réaction nocive et non recherchée survenant de façon fortuite chez certains sujets soumis, à des fins thérapeutiques, prophylactiques ou diagnostiques, à un traitement par un ou plusieurs médicaments. Les effets indésirables peuvent être, soit attendus, soit inattendus. Les premiers découlent d’un effet pharmacodynamique autre que l’effet thérapeutique ou principal du médicament (exemple : sécheresse de la bouche observée avec les antidépresseurs possédant des propriétés anticholinergiques). On parle parfois d’effets « latéraux ». Les seconds ne sont pas la conséquence d’un effet pharmacodynamique répertorié de la molécule. On peut les classer en effets allergiques, idiosyncrasie, manifestations d’expression différée et interférence avec les mécanismes de défense naturels. EFFETS ALLERGIQUES
Une sensibilisation immunologique antérieure déclenche une réaction d’expression variable (anaphylaxie, cytotoxicité) lors d’une nouvelle administration du médicament. L’existence d’un « terrain allergique » est évoquée sur des antécédents d’eczéma constitutionnel, de « rhume des foins », d’asthme, d’intolérances médicamenteuses acquises ayant une allure évocatrice : – sur le plan clinique : prurit, urticaire, éruption cutanée, œdème de Quincke, œdème de la glotte, choc anaphylactique, asthme ; – sur le plan biologique : éosinophilie, leucopénie, thrombopénie. Mais les atteintes peuvent être trompeuses, notamment les atteintes hématologiques, hépatiques ou rénales.
Leur reproduction chez l’animal demande une sensibilisation préalable et ne présente en fait aucun intérêt, car elle n’est pas spécifique. Leur reproduction chez le malade ne doit en revanche jamais être recherchée, car peuvent alors survenir des accidents mortels. La constatation ou la simple suspicion d’un effet indésirable de nature allergique doit faire interrompre immédiatement le traitement, et l’on doit avertir le malade du danger potentiel. Cette attitude pourrait être nuancée pour les effets indésirables de nature orthoergique (ou « toxique ») en fonction de leur gravité, mais la distinction entre accidents allergiques ou orthoergiques n’est pas toujours aisée et la prudence est de règle. IDIOSYNCRASIE
Il s’agit d’une susceptibilité particulière d’un sujet donné vis-à-vis d’un médicament. Elle découle d’une particularité acquise (induction ou inhibition enzymatique hépatique) ou constitutionnelle (déficit enzymatique érythrocytaire, anomalies de certaines hydroxylases). Ce dernier point est le champ de recherche de la pharmacogénétique. La tératogenèse repose sur une coïncidence temporelle parfaite entre une forte concentration d’un médicament (ou d’un métabolite) et une phase précise du développement mitotique d’une ébauche. Elle paraît mieux entrer dans ce cadre que dans le suivant. MANIFESTATIONS D’EXPRESSION DIFFÉRÉE
Il peut s’agir d’une toxicité cumulative ou d’une accumulation insidieuse (néphrotoxicité de la phénacétine), ou bien de réactions (mutagenèse, oncogenèse) survenant ou s’exprimant parfois longtemps après l’exposition aux médicaments. INTERFÉRENCE AVEC LES MÉCANISMES DE DÉFENSE NATURELS
Dominique Muster : Professeur associé, stomatologiste attaché consultant, pharmacien, docteur ès sciences physiques, service de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France.
L’action des médicaments sur les mécanismes de défense non spécifiques peut entraîner des effets indésirables. C’est ainsi que les antibiotiques peuvent causer un développement excessif de la flore
Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D. Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-012-K-10, 2003, 11 p.
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EMC [257]
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
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intestinale, avec des bactéries et champignons non physiologiques. L’administration par voie générale à long terme de corticoïdes peut aussi réduire la résistance aux infections.
Contre-indications
[20]
La plus grande fréquence ou la plus grande gravité d’un effet indésirable dans une catégorie particulière de la population interdit son usage dans cette catégorie. L’impératif est d’autant plus grand que le bénéfice thérapeutique escompté est mince ou qu’il existe d’autres traitements moins dangereux. On distingue généralement les contre-indications absolues et les contre-indications relatives : tout ceci est assez arbitraire, et le poids d’une contre-indication est diversement ressenti par un praticien isolé ou par une équipe médicale dotée de tous les moyens de diagnostic et de surveillance. Il est nécessaire que l’odontologiste ou le stomatologiste interroge soigneusement son malade. Un avis médical est nécessaire lorsque le malade semble présenter une quelconque affection ou une quelconque intolérance médicamenteuse (lui-même ou un membre de sa famille). La prescription doit éviter le manque de précision qui peut entraîner une action indésirable. Prescrire « au moment des douleurs », « en cas de besoin » ou « à la demande » est trop vague et peut être nocif dans ses conséquences. Les facteurs de terrain doivent être pris en compte, sans oublier les aspects gériatriques. Cependant, toutes précautions prises, l’incident peut toujours survenir. Il doit être accepté et faire l’objet d’une note décrite au service de pharmacovigilance, dont la raison d’être est de recueillir les observations permettant d’éviter la répétition de ces incidents, lorsqu’ils sont inhérents aux médicaments. Enfin, il faut bien remarquer qu’une excessive attention accordée aux effets indésirables des médicaments peut faire perdre de vue aux praticiens l’un des aspects les plus importants de la thérapeutique, à savoir le rapport entre risques et bénéfices (que le praticien et le patient peuvent d’ailleurs très diversement apprécier).
Principaux aspects SELON LA CATÉGORIE DE MÉDICAMENTS
Les contre-indications et effets indésirables des principaux médicaments susceptibles d’être utilisés en odontologie et stomatologie sont résumés, par catégorie de médicaments, dans les tableaux I, II, III, IV, V, VI, VII [9]. SELON LE TYPE DE TERRAIN
Certains états physiologiques ou pathologiques doivent inciter le prescripteur à la prudence [3, 11, 13, 14, 16, 19, 20, 21, 27].
¶ Affections héréditaires Nous rappelons deux affections héréditaires : le déficit en gIucose-6phosphatase-déshydrogénase (G-6-PD) et les porphyries. La fréquence du déficit en G-6-PD dans certains groupes ethniques, et les conséquences de l’administration de médicament oxydant chez les sujets atteints, justifient le dépistage de l’anomalie dans ces groupes et l’information précise du patient et de sa famille, étant donné la nature courante des médicaments capables de déclencher une crise hémolytique. Parmi ceux susceptibles d’être utilisés dans le domaine stomatologique, nous mentionnons : l’acide acétylsalicylique, l’acide ascorbique, la floctafénine, le sulfaméthoxazole (Bactrimt) et le bleu de méthylène. Les porphyries hépatiques sont des maladies héréditaires donnant une très grande sensibilité à certains médicaments. La fréquence des accidents ainsi déclenchés (crises douloureuses abdominales surtout) 2
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va en augmentant avec l’irruption sur le marché de nouveaux médicaments, notamment les anesthésiques. Il convient d’éviter les anesthésiques locaux suivants dans les porphyries : lidocaïne, bupivacaïne, mépivacaïne, étidocaïne, prilocaïne ; il en est de même pour certains antalgiques : noramidopyrine, dextromoramide, clométacine.
¶ Sujet âgé
[3, 11, 12, 13, 14]
Les sujets âgés représentent près d’un cinquième de la population, mais plus d’un tiers des prescriptions. Ils présentent souvent une polypathologie avec la polymédication en rapport. Un quart des patients spécialisés âgés de plus de 65 ans reçoivent six médicaments ou plus quotidiennement ; les sujets plus âgés ont en moyenne 13 prescriptions par an, et environ 90 % des patients âgés de 75 ans et plus prennent régulièrement des médicaments, et plus d’un tiers d’entre eux en prennent trois ou plus quotidiennement [13]. En outre, certains sujets âgés présentent un ralentissement psychomoteur plus ou moins marqué entraînant des difficultés de communication et des erreurs au niveau de l’observance du traitement. La conséquence des polymédications est l’incidence accrue des effets indésirables de ces médicaments. Les clairances hépatiques et rénales diminuent, avec un risque d’augmentation des concentrations des médicaments. Le débit cardiaque est diminué, la résorption digestive est ralentie et une insuffisance rénale existe quelquefois. La diminution du flux sanguin hépatique va retentir sur la transformation des médicaments transformés par le foie (diazépam, paracétamol, indométacine…). Le rapport entre la masse grasse et la masse maigre augmente chez les sujets âgés, avec tendance à l’accumulation des produits liposolubles. La diminution de l’eau totale entraîne la concentration des médicaments hydrosolubles, et peut atteindre le seuil de toxicité s’ils sont prescrits en fonction du poids. Il est important de procéder à un interrogatoire approfondi du patient concernant ses antécédents, les affections dont il souffre et les traitements en cours. Les grandes fonctions (digestive, hépatique, rénale, cardiaque) seront évaluées et des contacts sont pris avec le généraliste ou les spécialistes traitants. On choisit de préférence un médicament bien connu, à marge thérapeutique large, à demi-vie courte et à faible toxicité rénale, avec un seul principe actif par symptôme. On prend soin d’éviter les associations. On favorise l’utilisation de médicaments nécessitant un nombre de prises réduit par jour (par exemple doxycycline au lieu de tétracycline). Les instructions doivent être données par écrit, avec une ordonnance bien lisible, claire et commentée au malade ainsi qu’à son entourage. Pour faciliter l’observance, on accorde la préférence à des médicaments conditionnés de telle sorte que leur ouverture soit aisée, avec des boîtes à alvéoles pour faciliter la répartition journalière. On demeure vigilant quant à la tolérance et aux effets indésirables. On prescrit toujours la plus faible dose utile, en choisissant une forme galénique adaptée (éviter les gouttes, les grosses gélules, les suppositoires). On tiend compte également de la xérostomie souvent induite par les médicaments et compliquée par le fait que les sujets âgés ne boivent pas suffisamment. Plus de 400 médicaments ont un potentiel xérostomique (sympathomimétiques, diurétiques, anticholinergiques, antidépresseurs tricycliques, antihistaminiques, antiparkinsoniens, médicaments psychotropes, médicaments cardiovasculaires et myorelaxants) engendrant d’importantes difficultés au niveau du confort oral et des fonctions en rapport (risque de caries chroniques, de parodontoses, difficultés d’élocution et de déglutition, brûlures buccales, troubles de la rétention prothétique, susceptibilité aux infections orales et altération du goût).
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
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Tableau I. – Contre-indications et effets indésirables des analgésiques. MÉDICAMENTS
CONTRE-INDICATIONS
EFFETS INDÉSIRABLES
Paracétamol
Insuffisance hépatocellulaire, hypersensibilité connue au paracétamol (exceptionnelle)
- Réactions cutanées allergiques très rares, thrombopénies allergiques exceptionnelles - Hépatotoxicité possible à doses suprathérapeutiques (> 4 g/j chez l’adulte) en cas de jeûne ou d’atteinte hépatique préalable ou chez l’alcoolique (glutathion hépatique abaissé)
Aspirine et salicylés
Allergie à l’aspirine et aux salicylés, maladies ulcéreuses gastroduodénales, maladies hémorragiques constitutionnelles ou acquises, risques hémorragiques, viroses dont la varicelle (risque de syndrome de Reye), grossesse au 3e trimestre, association aux antivitamines K (salicylés à forte dose) ou au méthotrexate
- Réactions allergiques (2 %) : éruptions cutanées, bronchospasme, choc anaphylactique - Troubles digestifs : gastralgies, ulcérations gastriques, hémorragie digestive occulte ou patente (hématémèse, melaena) pouvant entraîner une anémie ferriprive - Syndromes hémorragiques avec allongement du TS persistant 4 à 8 jours après l’arrêt - Syndrome de Reye très rare (encéphalopathie avec atteinte hépatique aiguë chez l’enfant ou le jeune adulte atteint de virose, dont varicelle ou syndrome grippal)
Noramidopyrine
Antécédents d’agranulocytose quelle qu’en soit l’étiologie, allergie ou intolérance à la noramidopyrine, à l’amidopyrine, à l’aspirine, à la codéine, enfants de moins de 15 ans, déficit en G-6-PD, porphyries hépatiques
- Risque d’agranulocytoses immunoallergiques (< 1 cas par million de patients traités) imprévisibles et non liées à la dose ou à une administration antérieure éventuelle, réversibles en général en 10 jours après l’arrêt mais létales dans 10 % des cas - Autres réactions allergiques : éruptions cutanées, crises d’asthme, possibilité de choc anaphylactique surtout après injection veineuse (sensibilisation croisée possible avec l’aspirine et/ou les dérivés pyrazolés du type phénylbutazone)
Floctafénine
Allergie à la floctafénine ou à la glafénine ou à l’antrafénine (allergie croisée), association aux bêtabloquants (réactions anaphylactiques aggravées), cardiopathies ischémiques, insuffisance cardiaque sévère, déficit en G-6-PD
- Réactions allergiques rares : prurit, urticaire, œdème de Quincke, dyspnée de type asthmatiforme, possibilité de choc anaphylactique (environ 6 cas/100 000 traitements avec la floctafénine mais 34 cas/100 000 avec la glafénine qui a été retirée du marché) → contre-indication à l’utilisation ultérieure de tout analgésique de cette classe - Exceptionnels : nausées, vomissements, hypotension orthostatique passagère, insuffisance rénale aiguë oligoanurique probablement d’origine immunoallergique, anémie hémolytique (en cas de déficit en G-6-PD), sensations de brûlure à la miction
Analgésiques périphériques
Analgésiques centraux non morphiniques Néfopam
Convulsions et antécédents de troubles convulsifs, risque de glaucome par fermeture de l’angle, rique de rétention urinaire par obstacle urétroprostatique, enfant de moins de 15 ans (absence d’études cliniques)
- Injection intramusculaire douloureuse - Sueurs, somnolence, nausées, plus rarement vomissements - Effets atropiniques : bouche sèche, tachycardie, palpitations, vertiges, rétention d’urines, excitabilité, irritabilité
Analgésiques morphiniques mineurs Codéine
Allergie à la codéine ou à la dihydrocodéine (croisée entre ces deux produits), asthme, insuffisance respiratoire, insuffisance hépatique, toxicomanes, association aux agonistesantagonistes morphiniques, enfants < 1 an ou < 3 ans ou < 6 ans ou < 15 ans (selon le produit) Pour Dicodin : grossesse, allaitement, insuffisance rénale grave, association aux IMAO Celles du paracétamol et de l’aspirine s’ils sont associés
- Constipation, nausées et somnolence (plus fréquents avec la dihydrocodéine ?) - Plus rares : réactions cutanées allergiques, bronchospasme, vomissements, sensations vertigineuses, dépression respiratoire (modérée aux doses thérapeutiques) - Ceux du paracétamol et de l’aspirine s’ils sont associés
Dextropropoxyphène
Hypersensibilité connue au dextropropoxyphène, insuffisance hépatique, insuffisance rénale sévère, association aux agonistesantagonistes morphiniques, toxicomanes, grossesse, allaitement, enfant de moins de 15 ans, Celles du paracétamol s’il est associé
- Nausées, vomissements, plus rarement constipation, asthénie, douleurs abdominales, céphalées, sensations vertigjneuses, euphorie, somnolence, troubles visuels mineurs - Rares mais imposant l’arrêt définitif : hypoglycémie parfois sévère (insuffisance rénale ou hépatique, sujets âgés ou malnutris, association à des produits hypoglycémiants ou surdosage), hépatites cholestatiques, réactions cutanées allergiques, désorientation - Ceux du paracétamol s’il est associé
Tramadol
Grossesse, allaitement, enfant de moins de 12 ans, hypersensibilité connue au tramadol ou aux opiacés, insuffisance respiratoire sévère, insuffisance hépatique grave, épilepsie non contrôlée, intoxication aiguë ou surdosage avec produits dépresseurs du SNC et/ou alcool, phénylcétonurie (pour les comprimés effervescents car présence d’aspartam), association aux agonistes-antagonistes morphiniques et aux IMAO
- Étourdissements (26 %), nausées (24 %), constipation (24 %), céphalées (18 %), somnolence (16 %), vomissements (9 %), prurit (8 %), plus rarement états confusionnels et hallucinations, sueurs, sécheresse buccale, douleurs abdominales, asthénie, troubles visuels, dépression respiratoire, réactions allergiques (urticaire, oedème de Quincke, bronchospasme, choc anaphylactique), troubles mictionnels voire rétention urinaire - Convulsions (environ 1 cas sur 1 000 patients) essentiellement chez les patients ayant des facteurs favorisants (épilepsie, médicaments abaissant le seuil épileptogène) - Risque de dépendance et d’usage abusif avec syndrome de sevrage à l’arrêt (environ 1 cas sur 6 000 patients)
Analgésiques morphiniques majeurs Morphine orale
Insuffisance respiratoire, insuffisance hépatocellulaire sévère, syndrome abdominal aigu d’étiologie non déterminée, traumatismes crâniens, hypertension intracrânienne, états convulsifs, intoxication alcoolique aiguë, delirium tremens, allergie connue aux différents produits, certaines associations (buprémorphine, nalbuphine, pentazocine), grossesse (2e partie du travail), allaitement
Fentanyl percutané Buprénorphine
- Constipation, nausées, plus rarement vomissements, dépression respiratoire, sédation, manifestations dysphoriques (chez les sujets âgés surtout), confusion mentale, vertiges, hypotension orthostatique, bradycardie, augmentation de la pression intracrânienne, de la pression dans les voies biliaires, rétention urinaire en cas d’obstacle urétroprostatique - Dépendance physique et psychique avec accoutumance pouvant apparaître après 1 à 2 semaines et syndrome de sevrage - Possibilité d’intolérance locale au dispositif adhésif (environ 3 % des cas) - Les autres effets indésirables globalement semblables à ceux des agonistes morphiniques
Association contre-indiquée avec les autres morphiniques
G-6-PD : glucose-6-phosphatase déhydrogénase ; IMAO : inhibiteur de la monoamine oxydase ; SNC : système nerveux central.
3
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
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Tableau II. – Contre-indications et effets indésirables des anti-inflammatoires. MÉDICAMENTS
CONTRE-INDICATIONS
EFFETS INDÉSIRABLES
Allergie connue à l’un de ces produits ou aux AINS apparentés ou à l’aspirine, ulcère gastroduodénal en évolution, insuffisance hépatocellulaire sévère, insuffisance rénale sévère, lupus érythémateux disséminé, grossesse (au 1er trimestre et formellement au 3e trimestre) et allaitement
- Digestifs : nausées, gastralgies, vomissements, dyspepsie, diarrhée, hémorragie digestive occulte, plus rarement ulcère gastroduodénal, perforation et hémorragie digestive patente
Diflunisal
Allergie connue au diflunisal ou à l’aspirine ou aux autres AINS, ulcère digestif évolutif, hémorragies digestives, association à l’indométacine, insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 10 mL/min), grossesse et allaitement, utilisation chez l’enfant
- Allergies (parfois croisées avec l’aspirine ou les AINS) : prurit, urticaire, érythème polymorphe, syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson, réactions anaphylactiques - Nausées, dyspepsie, diarrhée, douleurs gastro-intestinales, rarement vomissements, constipation, très rarement ulcère, hémorragie digestive, hépatite - Céphalées, plus rarement somnolence, insomnie, asthénie, acouphènes, vertiges, troubles visuels, dépression, confusion mentale, hallucinations - Divers rares : thrombopénie, agranulocytose, anémie hémolytique, insuffisance rénale
Arylcarboxyliques
Allergie connue à l’un de ces produits ou aux AINS apparentés ou à l’aspirine, ulcère gastroduodénal en évolution, insuffisances hépatiques ou rénales sévères, enfants < 15 ans (sauf mention), grossesse (au 1er trimestre et formellement au 3e trimestre) et allaitement
- Digestifs (10 %) : nausées, gastralgies, vomissements, dyspepsie, diarrhée, hémorragie digestive occulte, intolérance locale (par voie rectale), plus rarement ulcère gastroduodénal, perforation et hémorragie digestive patente, colites, rectites
Anti-inflammatoires non stéroïdiens Ibuprofène
- Allergiques : prurit, éruptions cutanées, œdème de Quincke, crise d’asthme, voire choc anaphylactique, exceptionnellement dermatoses bulleuses (syndrome de Stevens-Johnson, syndrome de Lyell) - Neurologiques (très rares) : vertiges, céphalées, plus rarement troubles visuels bénins, somnolence, acouphènes, asthénie, insomnie, méningite aseptique - Divers : élévation des transaminases, exceptionnellement hépatite, insuffisance rénale aiguë, oligurie, syndrome néphrotique, cystite médicamenteuse, anémie, leucopénie, agranulocytose (imposant l’arrêt immédiat)
- Allergiques : prurit, éruptions cutanées, œdème de Quincke, crise d’asthme, voire choc anaphylactique, exceptionnellement syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson - Neuropsychiques (≥ 1 %) : vertiges, céphalées, plus rarement troubles visuels bénins, somnolence, acouphènes, asthénie, insomnie, méningite aseptique - Divers : élévation des transaminases, exceptionnellement hépatite, insuffisance rénale aiguë, oligurie, syndrome néphrotique, cystite médicamenteuse, anémie, leucopénie, agranucolytose (imposant l’arrêt immédiat) Anthraniliques ou fénamates
Allergie connue à l’acide niflumique ou à l’acide méfénamique ou à l’aspirine, ulcère gastroduodénal en évolution, insuffisance hépatocellulaire sévère, insuffisance rénale sévère, enfants < 6 mois (pour le Niflurilt enfants), enfant < 13 ans (pour les autres produits), grossesse (au 1er trimestre et formellement au 3e trimestre) et allaitement
- Digestifs (10-30 %) : nausées, gastralgies, vomissement, dyspepsie, diarrhée (5 %), hémorragie digestive occulte, intolérance locale (par voie rectale), plus rarement ulcère gastroduodénal, perforation et hémorragie digestive patente, colites, rectites - Allergiques : prurit, éruptions cutanées, œdème de Quincke, crise d’asthme, voire choc anaphylactique, exceptionnellement dermatoses bulleuses (syndrome de Stevens-Johnson, syndrome de Lyell) - Neuropsychiques : céphalées, plus rarement vertiges, acouphènes, somnolence - Divers : élévation des transaminases, exceptionnellement insuffisance rénale aiguë, oligurie, syndrome néphrotique, cystite médicamenteuse, fluorose osseuse (après traitement prolongé pendant plusieurs années à forte dose)
Anti-inflammatoires stéroïdiens Corticoïdes de synthèse
Surtout en traitement prolongé forte dose ; une corticothérapie courte (1-2 mg/kg/j de prednisone en 1 prise matinale pendant moins de 10 j) permet l’arrêt brutal et ne nécessite pas de surveillance particulière Troubles digestifs (< 2 %), troubles musculosquelettiques et métaboliques, troubles psychiques, troubles cutanés, œdèmes des muqueuses, troubles oculaires, infections bactériennes virales ou mycosiques favorisées,...
La recherche de solutions alternatives à ces médicaments dans chacune de leurs indications demeure un sujet d’actualité pour atténuer ou éliminer cette action secondaire (tableau VIII).
¶ Enfant
[3, 14]
Nouveau-nés, nourrissons et enfants représentent trois types de terrains différents ; cependant dans notre spécialité, il est très rare que l’on soit amené à prescrire chez les deux premiers et nous nous limitons donc à la prescription chez l’enfant. 4
Aucune contre-indication pour une corticothérapie brève ou d’indication vitale. Certaines viroses en évolution (herpès et zona oculaires, hépatites virales aiguës) États infectieux ou mycosiques non contrôlés, ulcère gastroduodénal en évolution Cirrhose éthylique avec ascite, goutte, états psychotiques
La pharmacocinétique des médicaments chez l’enfant comporte certaines particularités. L’activité des enzymes hépatiques est augmentée et donc la vitesse de transformation des médicaments, bien qu’il reste encore des incertitudes quant à la maturation des différents systèmes enzymatiques. L’excrétion rénale est également augmentée. Certains effets peuvent différer chez l’enfant par rapport à l’adulte, avec des effets paradoxaux (comme l’agitation au lieu de la sédation). Si un certain nombre de formes pharmaceutiques sont bien adaptées à la pédiatrie, ce n’est malheureusement pas toujours le cas avec les erreurs et les imprécisions posologiques qui en résultent.
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
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Tableau III. – Contre-indications et effets indésirables des antibiotiques. MÉDICAMENTS
CONTRE-INDICATIONS
EFFETS INDÉSIRABLES
Pénicillines du groupe G Benzylpénicilline sodique
Allergie connue aux pénicillines
Pénicilline V ou phénoxyméthylpénicilline
Allergie aux sulfites
Réactions allergiques (0,01-0,05 %) : urticaires, exanthèmes maculopapuleux, œdème de Quincke, éosinophilie, fièvre, arthralgies, voire choc anaphylactique (0,01 %) sont croisés avec les céphalosporines dans 2 % des cas environ Rares neutropénies (1 %), anémie hémolytique très rare, thrombopénie latente en règle générale, allongement du TS
Aminopénicillines ou pénicillines du groupe A Amoxicilline par voie orale
Allergie connue aux pénicillines
Mononucléose infectieuse accru d’éruptions cutanées)
Amoxicilline + acide clavulanique
(risque
Allergie connue aux pénicillines
Mononucléose infectieuse accru d’éruptions cutanées)
(risque
Réactions allergiques (0,001-0,05 %) : urticaires, exanthèmes maculopapuleux, œdème de Quincke, éosinophilie, fièvre, arthralgies, voire choc anaphylactique (0,01 %) : l’allergie est croisée avec les céphalosporines dans 2 % des cas environ Éruptions cutanées non allergiques fréquentes si association à l’allopurinol (> 22 % des cas), mononucléose infectieuse ou infection à CMV, leucémie lymphoïde Troubles digestifs (plus fréquents avec l’ampicilline) : diarrhée, quelques cas de colites pseudomembraneuses, nausées, vomissements, candidoses digestives Rares : augmentation modérée et transitoire des transaminases, neutropénie, anémie hémolytique, allongement du TS, thrombopénie, néphrite interstitielle aiguë À très fortes doses chez les insuffisants rénaux : possibilité d’encéphalopathies Réactions allergiques (0,001-0,05 %) : urticaires, exanthèmes maculopapuleux, œdème de Quincke, éosinophilie, fièvre, arthralgies, voire choc anaphylactique (0,01 %) : l’allergie est croisée avec les céphalosporines dans 2 % des cas environ Éruptions cutanées non allergiques fréquentes si association à l’allopurinol (> 22 % des cas), mononucléose infectieuse ou infection à CMV, leucémie lymphoïde Troubles digestifs (plus fréquents qu’avec l’amoxicilline seule) : diarrhée, nausées, vomissements, candidoses, douleurs abdominales, colite pseudomembraneuse rare Rares : augmentation modérée et transitoire des transaminases (exceptionnellement hépatite immunoallergique), néphrite interstitielle aiguë, neutropénie, anémie hémolytique, allongement du TS
Céphalosporines de 1e génération Céfaclor
Allergie aux céphalosporines
Réactions allergiques (≤ 0,05 %) : urticaires, exanthèmes maculopapuleux, œdème de Quincke, éosinophilie, fièvre, arthralgies, voire choc anaphylactique, possibilité de maladie sérique paraissant plus fréquente avec le céfaclor qu’avec les autres bêtalactamines surtout chez l’enfant de moins de 6 ans et en cas de traitements répétés (l’allergie est croisée avec les pénicillines dans 2 % des cas environ) Rares : leucopénie, thrombopénie, élévation modérée des transaminases
Céphalosporines de 2e génération Céfuroxime
Allergie aux céphalosporines (ou à la lidocaïne pour les formes intramusculaires)
Réactions allergiques (≤ 0,05 %) : urticaires, exanthèmes maculopapuleux, œdème de Quincke, éosinophilie, fièvre, arthralgies, voire choc anaphylactique (l’allergie est croisée avec les pénicillines dans 2 % des cas environ) Troubles digestifs (3 %) : diarrhée, nausées, vomissements, candidoses digestives Rares : leucopénie, thrombopénie, élévation modérée des transaminases
Allergie aux macrolides (rare), certaines associations
Troubles digestifs (plus fréquent avec les macrolides à 14 atomes, érythromycine en particulier) : nausées, gastralgies, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales, très rares cas de sténose du pylore avec l’érythromycine chez des nouveau-nés Hépatites exceptionnelles (risque très réduit avec les macrolides à 16 atomes, voire nul avec la spiramycine), réactions cutanées allergiques rares (environ 0,5 %) Érythromycine IV : irritation veineuse, exceptionnellement surdité transitoire (dose-dépendante), allongement de QT, ESV, torsades de pointe, bloc auriculoventriculaire Risque d’ergotisme avec les dérivés de l’ergot de seigle (sauf pour la spiramycine)
Macrolides Spiramycine
Allongement de l’espace QT (pour l’érythromycine injectable
Josamycine
Allergie aux macrolides (rare), certaines associations Allongement de l’espace QT (pour l’érythromycine injectable
Clarithromycine
Azithromycine
Troubles digestif (plus fréquent avec les macrolides à 14 atomes, érythromycine en particulier) : nausées, gastralgies, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales, très rares cas de sténose du pylore avec l’érythromycine chez des nouveau-nés Hépatites exceptionnelles (risque très réduit avec les macrolides à 16 atomes, voire nul avec la spiramycine), réactions cutanées allergiques rares (environ 0,5 %) Érythromycine IV : irritation veineuse, exceptionnellement surdité transitoire (dose-dépendante), allongement de QT, ESV, torsades de pointe, bloc auriculoventriculaire Risque d’ergotisme avec les dérivés de l’ergot de seigle (sauf pour la spiramycine)
Allergie aux macrolides (rare), certaines associations (vasoconstricteurs dérivés de l’ergot de seigle, astémizole, bépridil, cisapride, statines, halofantrine)
Troubles digestifs : nausées, gastralgies, vomissements, diarrhée
Allergie aux macrolides (rare), certaines associations (vasoconstricteurs et agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot de seigle, cisapride)
Troubles digestifs : nausées, gastralgies, vomissements, diarrhée, flatulence
Hépatites toxiques exceptionnelles, réactions cutanées allergiques très rares Risque d’ergotisme avec les vasoconstricteurs dérivés de l’ergot de seigle
Hépatites toxiques exceptionnelles, réactions cutanées allergiques très rares Risque d’ergotisme avec les vasoconstricteurs dérivés de l’ergot de seigle
CMV : cytomégalovirus ; TS : temps de sédimentation ; IV : intraveineux ; ESV : extrasystole ventriculaire ; UV : ultraviolets.
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Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
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Tableau III suite. – Contre-indications et effets indésirables des antibiotiques. MÉDICAMENTS
CONTRE-INDICATIONS
EFFETS INDÉSIRABLES
Hypersensibilité connue aux streptogramines (très rare)
Troubles digestifs dose-dépendants (transitoires et réduits par la prise aux repas) : nausées, pesanteur gastrique, gastralgies, plus rarement vomissements, diarrhée Très rares : réactions allergiques, pustulose exanthématique aiguë généralisée
Enfants < 8 ans, grossesse (2e et 3e trimestre) et allaitement, insuffisance hépatique, insuffisance rénale (sauf pour la doxycycline), allergie aux tétracyclines (très rare) Exposition au soleil ou aux UV, certaines associations (rétinoïdes)
Dyschromies ou hypoplasies dentaires définitives chez le fœtus et l’enfant < 8 ans
Streptogramines ou synergistines Pristinamycine
Tétracyclines ou cyclines Tétracyclines par voie orale
Photosensibilisation cutanée fréquente avec parfois photo-onycholyse Troubles digestifs fréquents nausées, gastralgies, vomissements, diarrhée, stomatites, candidoses digestive, ulcération œsophagienne (→ prendre avec un grand verre d’eau), très rarement colite pseudomembraneuse à Clostridium difficile, entérocolite à staphylocoques Rares : anémie hémolytique, leucopénie, thrombopénie, péricardites, hyperazotémie (accrue par les diurétiques), réaction allergiques, hypertension intracrânienne Propres à la minocycline : troubles vestibulaires (70 %), pigmentation brun-bleu parfois définitive des cicatrices d’acné ou brûlures (non liée à la dose) ou pigmentation diffuse prédominant au visage (dose cumulée > 100 g), rares cas d’hépatites et lupus
Nitro-imidazolés (antianaérobies) Métronidazole (antianaérobies)
Hypersensibilité aux dérivés nitroimidazolés (rare)
Troubles digestifs (5 à 10 %) : nausée, modifications du goût (métallique), anorexie, vomissements, diarrhée, épigastralgies, glossites, stomatites, muguet buccal Leucopénie modérée réversible à l’arrêt, plus rarement prurit, urticaire, troubles neurologiques (céphalées, vertiges, ataxie, paresthésies, polynévrites sensitivomotrices), colorations brun/rouge des urines avec le métronidazole Effet antabuse avec l’alcool (25 %) : nausées, vomissements, douleurs abdominales, bouffées vasomotrices, céphalées, hypotension orthostatique
Métronidazole + spiramycine
Hypersensibilité aux dérivés nitroimidazolés (rare)
Troubles digestifs (5 à 10 %) : nausée, modifications du goût (métallique), anorexie, vomissements, diarrhée, épigastralgies, glossites, stomatites, muguet buccal Leucopénie modérée réversible à l’arrêt, plus rarement prurit, urticaire, troubles neurologiques (céphalées, vertiges, ataxie, paresthésies, polynévrites sensitivomotrices), coloration brun/rouge des urines avec le métronidazole Effet antabuse avec l’alcool (25 %) : nausées, vomissements, douleurs abdominales, bouffées vasomotrices, céphalées, hypotension orthostatique
CMV : cytomégalovirus ; TS : temps de sédimentation ; IV : intraveineux ; ESV : extrasystole ventriculaire ; UV : ultraviolets. À noter enfin que certains antibiotiques (daprone, minocycline, mictecamycine) peuvent être à l’origine d’un syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (ou DRESS syndrome) associant éruption cutanée, atteinte viscérale et anomalies hématologiques [3].
Tableau IV. – Contre-indications et effets indésirables des antifongiques. MÉDICAMENTS
CONTRE-INDICATIONS
EFFETS INDÉSIRABLES
Antifongiques polyéniques Formes orales Amphotéricine B Nystatine
Hypersensibilité connue aux produits (exceptionnelle)
Possibilité de nausées voire vomissements avec les formes orales Possibilités d’allergie tout à fait exceptionnelles
Allergie au fluconazole ou aux antifongiques du groupe des triazolés Grossesse (effet tératogène non exclu), allaitement et enfant (absence d’études)
Nausées (2 %), douleurs abdominales (1,4 %), céphalées (1,6 %)
Antifongiques azolés Fluconazole
Miconazole
Certaines associations (cisapride, halofantrine [torsades de pointe]) précautions pour AVK, ciclosporine, tacrolimus, phénytoïne, sulfamides hypoglycémiants, théophylline, disopyramide, rifabutine
Très rare (≤ 0,6 %) : diarrhée, vomissements, vertiges, réactions cutanées allergiques, élévation réversible des transaminases, quelques cas d’hépatites Surdosage : traitement symptomatique (élimination favorisée par diurèse provoquée, une hémodialyse de 3 heures réduisant de 50 % les taux plasmatiques)
Certaines associations : antivitamines K, astémizole, cisapride, sulfamides hypoglycémiants, halofantrine (inhibition de leur métabolisme)
Troubles digestifs bénins (1 à 2 %) : nausées, diarrhée Exceptionnels : éruptions cutanées allergiques ou hallucinations cédant à l’arrêt
Hypersensibilité connue à l’un des composants
Possibilité d’irritation locale, ou de sensibilisation cédant à l’arrêt
Antifongiques azolés à usage local
AVK : antivitamine K.
La prescription en pratique quotidienne chez l’enfant est faite selon le poids, après anamnèse sérieuse (antécédents familiaux, traitements en cours, réaction à des traitements antérieurs, automédication maternelle). On prescrit un nombre très limité de médicaments aux caractéristiques bien connues et possédant si possible une forme 6
pédiatrique. Le meilleur traitement est celui, à efficacité égale, qui est le plus facile à administrer et le plus agréable. La voie digestive doit toujours être préférée. L’ordonnance précise notamment l’âge et le poids ainsi que la voie d’administration, la forme pharmaceutique, la posologie par unité de prise et par 24 heures, les heures d’administration et la durée du traitement. Cette ordonnance
Stomatologie/Odontologie
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
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Tableau V. – Contre-indications et effets indésirables des antiviraux. MÉDICAMENTS Valaciclovir
CONTRE-INDICATIONS
EFFETS INDÉSIRABLES
Hypersensibilité connue au valaciclovir ou à l’aciclovir ou aux autres constituants
- Céphalées modérées (11 à 14 %), nausées et/ou vomissements (20 %), diarrhée ou constipation (10 %), cristallurie et augmentation réversible de la créatininémie en cas d’hydratation insuffisante (à prévenir par une hydratation correcte), très rare cas de thrombopénie et réactions allergiques - Rares cas de troubles neurologiques régressifs à la diminution des doses (sensations ébrieuses, confusion, hallucinations, somnolence) surtout chez des insuffisants rénaux et des transplantés traités à dose suprathérapeutique
Grossesse et allaitement (innocuité non démontrée)
Aciclovir
Hypersensibilité connue à l’aciclovir
Grossesse et allaitement (innocuité non démontrée)
- Céphalées (13 %), nausées et/ou vomissements (5 à 8 %), diarrhée (2 %), anorexie, cristallurie et augmentation réversible de la créatininémie en cas d’injection IV trop rapide ou d’hydratation insuffisante (à prévenir par une hydratation correcte) - Très rares : réactions allergiques, fièvre, arthralgies, élévation des transaminases, vertiges, asthénie, insomnie, confusion mentale, hallucinations, myoclonies - Locaux : possibilité de douleurs et d’inflammation au point d’injection (9 % des cas)
IV : intraveineux.
Tableau VI. – Contre-indications et effets indésirables des anesthésiques locaux. MÉDICAMENTS
CONTRE-INDICATIONS
EFFETS INDÉSIRABLES
- Allergie à la lidocaïne (exceptionnelle) ou au parahydroxybenzoate de méthyle
- Malaise vagal : bâillements, fatigue intense, pâleur, sueurs, sécheresse buccale, nausées, oppression respiratoire, bradycardie, hypotension, lipothymie voire perte de connaissance - Réactions allergiques exceptionnelles : malaise avec prurit, urticaire, œdème sous-cutané, toux, bronchospasme, œdème laryngé, chute tensionnelle voire collapsus cardiovasculaire
Anesthésiques locaux injectables Lidocaïne
- Patients sous anticoagulants (sauf par voie IV), épilepsie non contrôlée, porphyries - Enfants < 30 mois, troubles de la conduction auriculoventriculaire non appareillés - Antécédents d’hyperthermie maligne, anesthésie de zones infectées - Formes adrénalinées : allergie aux sulfites, anesthésie des extrémités, hyperthyroïdie, injection IV, certaines associations (bêtabloquants et cimétidine, imiprominiques avec les formes adrénalinées Anesthésiques locaux de surface Lidocaïne non injectable à 5 % ou 2 %
Allergie à la lidocaïne (exceptionnelle) ou au parahydroxybenzoate de méthyle
Porphyries, infection ou traumatisme important à la zone d’application Nourrisson et enfant < 6 ans (pour la lidocaïne à 5 %)
Crème anesthésique locale
- Réactions allergiques exceptionnelles : prurit, urticaire, œdème sous-cutané, toux bronchospasme, œdème laryngé, chute tensionnelle voire collapsus cardiovasculaire → réactions exceptionnelles à ne pas confondre avec un malaise vagal beaucoup plus fréquent - Lidocaïne à 5 %T: risques de résorption non souhaitée, et possibilité de spasme laryngé réflexe lors de la pulvérisation des voies aériennes hautes chez le nourrisson et l’enfant de moins de 6 ans (contre-indication) - Anesthésie bucco-pharyngo-laryngée : risque de fausse note si alimentation et/ou boissons (à proscrire pendant les 2 heures suivant l’anesthésie)
Porphyries, méthémoglobinémie congénitale
- Locaux : pâleur (37 %), érythème (30 %), œdème (6 %), prurit (2 %), sensations de brûlure, exceptionnellement allergie à la lidocaïne ou à la prilocaïne
Application dans le conduit auditif externe en cas de tympan lésé ou sur l’œil Allergie aux anesthésiques locaux du groupe à liaison amide (exceptionnelle)
- Ototoxicité chez l’animal en cas de contact avec l’oreille moyenne
IV : intraveineux.
est expliquée aux parents et, le cas échéant, à l’enfant. Le traitement doit bien sûr être surveillé avec vigilance, tant au niveau du comportement de l’enfant que de celui des parents. Rappelons que l’utilisation des pénicillines et des macrolides ne pose aucun problème particulier, à condition d’adapter la posologie au poids. En revanche, celle des tétracyclines est contre-indiquée avant l’âge de 8 ans, en raison de l’hypoplasie de l’émail et de la coloration brunâtre des dents qu’elles peuvent provoquer. En ce qui concerne les analgésiques de niveau 1, la phénacétine (Polypirinet) et la noramidopyrine (Optalidont, Algo-Buscopant) sont contre-indiquées en raison, respectivement, de leur toxicité rénale et médullaire.
En ce qui concerne les analgésiques de niveau 2, les dérivés morphiniques non toxicomanogènes (dextropropoxyphène ou codéine associés aux analgésiques de niveau 1 dans Di-Antalvict, Propofant, Codolipranet, Lindilanet, Sédarènet) sont contreindiqués chez l’enfant de moins de 15 ans, en raison de l’agitation (effet paradoxal), de l’excitation psychomotrice et de l’angoisse qu’ils peuvent provoquer. Les corticoïdes sont à éviter en raison de leurs effets sur le métabolisme calcique, mais un traitement de courte durée (inférieure à 4 jours) ne pose aucun problème particulier. En ce qui concerne les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), il est possible d’utiliser les salicylés et le diclofénac (Voltarènet 2 à 7
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
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Stomatologie/Odontologie
Tableau VII. – Contre-indications et effets indésirables de divers produits utilisés en stomatologie. MÉDICAMENTS
CONTRE-INDICATIONS
EFFETS INDÉSIRABLES
Bains de bouche antiseptiques Enfants de moins de 6 ans Hypersensibilité aux différents composants
- Intolérance locale (notamment due au menthol), réactions allergiques voire œdème de la face (notamment avec povidone iodée et salicylate de choline), possibilité de coloration des dents et de la langue en usage prolongé (avec chlorhexidine)
Antibiotiques locaux utilisés en stomatologie Tyrothricine
Enfants de moins de 6 ans Hypersensibilité à la tyrothricine ou aux anesthésiques locaux associés
- Possibilité d’allergie aux anesthésiques locaux ou à la tyrothricine - Engourdissement de la langue et possibilité de fausses routes par anesthésie du carrefour oropharyngé notamment chez l’enfant de moins de 6 ans (avec les anesthésiques locaux)
Correcteurs des hyposialies Substituts salivaires
Exceptionnels : picotements, brûlures et nausées cédant à l’arrêt du traitement
Sialagogues
Obstruction des voies biliaire, cirrhose hépatique
- Possibilité de selles molles pouvant justifier une diminution de la posologie - La coloration des urines est un phénomène normal à négliger
Fluorose avérée
- Surdosage chronique prolongé (en cas de consommation pendant plusieurs années d’environ 10 mg/j chez l’adulte, 5 mg/j chez l’enfant et 2 mg/j chez le nourrisson) risque de fluorose dentaire avec lésions de l’émail visible à l’œil nu (lignes blanchâtres fines, horizontales et parallèles, puis taches opaques blanchâtres, punctiformes puis confluentes, puis, à un stade plus avancé, taches jaunâtres ou brunâtres par porosité de l’émail, fragilisation de l’émail, zones d’érosion et pertes de substance)
Prévention des caries dentaires Fluor
Traitement des parodontopathies Piasclédinet
Régurgitation à odeur lipidique (ingérer au cours des repas)
Traitement des aphtes Colchicine
Grossesse (effet embryotoxique chez l’animal) Insuffisance rénale sévère, insuffisance hépatique sévère Pour Colchimaxt : risque de glaucome par fermeture de l’angle et risque de rétention urinaire par obstacle urétroprostatique
- Exceptionnels et réversibles à l’arrêt du traitement : urticaire, éruptions morbiliformes, azoospermie, troubles hématologiques (anémie, neutropénie, agranulocytose)
Tableau VIII. – Quelques médicaments buccodentaires entraînant un risque de toxicité chez le sujet âgé par leur seul effet et indépendamment des incompatibilités pharmacologiques [13]. Médicament Clindamycine Métronidazole Céphalosporines AINS Analgésiques opioïdes Glucocorticoïdes Benzodiazépines
Risque accru chez le sujet âgé Diarrhées et colites Concentrations plasmatiques toxiques (sujets de plus de 70 ans) Interférences avec les mécanismes de la coagulation et risques d’hémorragies Atteinte de la fonction rénale et/ou gastro-intestinale Augmentation de la demi-vie plasmatique, dépression respiratoire Fonte musculaire et ostéoporose (en cas de thérapeutique au long cours) Troubles de la mémoire et diminution des performances psychomotrices
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.
3 mg/kg/j) et l’ibuprofène (Advilt). En revanche, les propioniques (Profénidt), les indoliques (Indocidt), les pyrazolés (Butazolidinet) et les piroxicams (Feldènet) doivent être évités.
– dérivés de synthèse de la vitamine A (Roacutanet, Tigasont, Soriatanet) (interdiction absolue) ;
¶ Femme enceinte
– médicament du système nerveux central (lithium, anticonvulsivants et anticomitiaux type Di-hydant, barbituriques, tranquillisants type Valiumt), anorexigènes de type amphétaminique, dérivés de la phénothiazine, aspirine, antibiotiques (tétracycline, aminosides, chloramphénicol, métrodinazole) anticoagulants notamment de type coumarinique, AINS, stupéfiants.
[3, 12, 14, 16, 19]
Une femme enceinte sur deux en moyenne consomme un médicament durant la période d’embryogenèse, et quatre à six principes actifs sont consommés durant la grossesse. La part de l’automédication est importante (30 % des consommations). Certains médicaments sont toxiques pour le fœtus (risques d’avortement spontané), quelquefois tératogènes (risques de malformations).
– antimitotiques (pas d’indications odontostomatologiques) ;
Pour les antibiotiques, on peut utiliser notamment : pénicilline, amoxicilline, macrolides.
La prescription chez la femme enceinte est la plus limitée possible et bien ciblée en cas de nécessité. Il est de préférence fait appel aux produits les mieux connus et posant un minimum de problèmes.
Pour les antalgiques : paracétamol (Dolipranet, Efferalgant…), dextropropoxyphène (Di-Antalvict, Dialgirext, Propofant).
Les médicaments suivants sont à éviter pendant la grossesse en raison de leurs pouvoirs tératogènes :
Pour les anti-inflammatoires : corticoïdes en cure courte, en cas de nécessité.
– thalidomide (interdiction absolue) ;
Les anesthétiques locaux ne posent en principe pas de problème.
8
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
Stomatologie/Odontologie
¶ Allaitement
[14]
Dans la pratique, on distingue les produits qui ne passent pas dans le lait maternel (ou très peu), ceux qui passent et sont dangereux, et ce qu’il est possible de donner avec prudence (n’ayant engendré aucun incident rapporté dans la littérature). Certains médicaments sont contre-indiqués de façon absolue (aminosides, antimitotiques, anticoagulants oraux, antithyroïdiens, atropine, chloramphénicol, dérivés de l’ergot de seigle, iodures, laxatifs chimiques, lithium, métronidazole, morphiniques, phénytoïne, tétracyclines) ou de façon relative (acide acétylsalicylique, corticoïdes, digitaliques, diurétiques, psychotropes, théophylline). Ces listes n’étant pas exhaustives, on consultera avec profit le dictionnaire Vidalt en cas de doute. Au niveau des antalgiques, les morphiniques sont à proscrire en odontostomatologie. Parmi les antalgiques non morphiniques, on peut utiliser avec prudence le paracétamol, l’acide acétylsalicylique et le dextropropoxyphène (Antalvict). En ce qui concerne les antibiotiques, peuvent être utilisés : – parmi les macrolides : érythromycine, spiramycine (Rovamycinet), josamycine ; en revanche, l’association spiramycinemétronidazole (RodogyIt) ainsi que les macrolides de type clindamycine (Dalacinet) sont contre-indiqués ;
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Sur le plan biologique, l’atteinte des fonctions rénales s’évalue par les dosages plasmatiques de l’urée et de la créatinine, ainsi que par la clairance de la créatinine. Dans la pratique, il faut : – éviter les médicaments néphrotoxiques : les antibiotiques tels que aminosides, céphaloridine, colistine, méthicilline, chlortétracycline et diméthylchlortétracycline, les sulfamides, certains AINS (phénylbutazone, indométacine), l’amphotéricine B, la phénacétine, la floctafénine, les sels d’or, l’acide aminocaproïque, le cis-platinum, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont les principaux ; – éviter les surdosages d’anesthésiques locaux lors des soins buccodentaires, les spécialités associant plusieurs antalgiques et en général toutes les associations médicamenteuses ; – choisir si possible un médicament ayant une large marge thérapeutique et de préférence à faible élimination rénale (exemple : doxycycline, minocycline, macrolides) ; – réduire la posologie en diminuant les doses ou en allongeant les intervalles d’administration. Mais il est préférable de consulter les tables déterminant la posologie par rapport à la clairance de la créatinine ou, en cas de besoin, demander des dosages plasmatiques des médicaments ; – ne pas aggraver les troubles fréquents chez l’insuffisant rénal (troubles de la coagulation, anémie, ostéomalacie, troubles hydroélectrolytiques).
– parmi les pénicillines : ampicilline, amoxicilline (Hiconcilt, Clamoxylt), céphalosporines (Céphalexinet, Céfalotinet…) avec prudence.
¶ Insuffisance cardiaque
¶ Insuffisance hépatique
– hépatiques, réduisant l’arrivée des médicaments au foie, retardant ainsi leur destruction et leur élimination biliaires : c’est le cas des substances détruites et éliminées par le foie ;
[27]
Assurée par les enzymes microsomiales pour la plupart des médicaments, la destruction hépatique est étroitement liée à l’intégrité du fonctionnement du foie. L’insuffisance hépatique retarde la destruction des médicaments, avec un accroissement des taux sanguins et tissulaires et le développement d’effets toxiques. Il faut donc, en fonction de la sévérité de l’atteinte hépatique : – réduire la posologie, ou, pour la même posologie, espacer les prises, si l’atteinte est modérée ; – proscrire formellement l’utilisation de certains médicaments si l’atteinte est sévère (macrolides, salicylés, dérivés de l’aniline, tétracyclines). C’est le cas notamment des macrolides, dont le foie assure la destruction et l’élimination et dont l’utilisation peut conduire à une cholestase. Il faut également éviter les salicylés, les dérivés de l’aniline, les tétracyclines capables de provoquer une nécrose hépatique. L’appréciation de l’atteinte hépatique est évaluée par différents tests, dont les tests de cytolyse (taux de transaminases élevés).
¶ Insuffisance rénale
[21]
La diminution de l’excrétion rénale augmente en général la demivie des médicaments, d’où un risque de surdosage par accumulation du principe actif et des métabolites. Des trois processus d’élimination rénale en jeu, c’est la diminution de la filtration qui est le facteur le plus important. D’autre part, l’hypoprotéinémie due au syndrome néphrotique augmente la fraction libre, active, des médicaments. C’est le cas des médicaments dont le taux de liaison aux protéines est élevé (sulfamides, anticoagulants oraux, diurétiques). Enfin, les perturbations métaboliques de l’insuffisant rénal expliquent une sensibilité particulière à certains médicaments (analgésiques, hypnotiques), probablement liée à une altération des récepteurs.
[27]
La réduction du débit d’un myocarde défaillant peut s’accompagner de la réduction en aval des débits :
– rénaux, donc du débit de filtration glomérulaire, favorisant la rétention du produit dans l’organisme.
¶ Diabète
[15]
Pour le diabétique non insulinodépendant (sous sulfamides hypoglycémiants), il est nécessaire d’éviter la prescription de salicylés, de phénylbutazone et de certains antibiotiques (tétracycline, chloramphénicol, doxycycline) ou de certains antifongiques (Daktarint). En ce qui concerne le diabétique traité par l’insuline, il faut éviter les salicylés qui sont hypoglycémiants, les corticoïdes qui sont hyperglycémiants, et se souvenir que l’antibioprophylaxie est souvent indispensable.
¶ Patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine [16] Les toxidermies sont beaucoup plus fréquentes chez les malades séropositifs que dans la population générale (exanthèmes maculopapuleux, éruptions lichénoïdes photo-induites, syndrome de Stevens-Johnson et de Lyell particulièrement graves). Ceci n’est pas dû au seul fait que la plupart des infections opportunistes nécessitent des médicaments fréquemment inducteurs de réactions médicamenteuses. Il existe bien un accroissement du risque lié à l’immunodéficience : ce risque croît parallèlement à la chute des lymphocytes CD4+ circulants. SELON LES RÉPERCUSSIONS BUCCODENTAIRES
[13, 24, 25, 29]
Pour terminer, il paraît intéressant de rappeler brièvement la symptomatologie buccodentaire que peut engendrer la prise de nombreux médicaments prescrits pour diverses affections. Cette symptomatologie est souvent péniblement perçue ; le tableau IX en donne un résumé. 9
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
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Stomatologie/Odontologie
Tableau IX. – Symptomatologie buccodentaire due aux médicaments [13, 24, 29]. Symptomatologie Sécheresse buccale (xérostomie)
Hypersalivation Perturbation du goût (dysgueusie) Tuméfaction des glandes salivaires Énanthèmes, stomatites, lichen, lupus, ulcérations Papules et pustules périorales Hypertrophie et hyperplasie gingivales Coloration anormale des dents (dyschromie) Aphtose buccale
Médicaments - Anticholinergiques : de nombreux antispasmodiques, antidépresseurs, antiparkinsoniens, antihistaminiques (Actifedt, Ataraxt, Théralènet, Zyrtect, Denoralt, Phénergant, Polaraminet), hypnotiques (Imovanet), - Psychotropes (phénothiazines, antidépresseurs tricycliques, butyrophénone), lithium - Bêtabloquants - Antihypertenseurs centraux (Aldomett, Catapressant, Hypérium,...) - Diurétiques seuls ou en association Pilocarpine, néostigmine, sels métalliques D-Pénicillamine ; clofibrate, lithium, lincomycine, griséofulvine, imipramine, captopril, biguanides, métronidazole antithyroïdiens de synthèse Phénylbutazone, iode, antihypertenseurs centraux, méthyldopa Aspirine, potassium comprimés, isoprénaline sublinguale, sels d’or, streptomycine, antipaludéens de synthèse Carbamazépine Phénytoïne, contraceptifs oraux, nifédipine, ciclosporine Tétracycline Nicorandil
Tableau X. – Médicaments altérant la fonction gustative [10]. Famille Antimicrobiens
Antifongiques
Antituberculeux Anticoagulant Anticonvulsif Antidiabétiques Antihistaminiques Anti-inflammatoires
Hypolipidémiants Antimitotiques et immunosuppresseurs
Antiparkinsoniens et myorelaxants Antithyroïdiens
Antiarthritiques
Diurétiques et antihypertenseurs
Traitements locaux buccaux
Tranquillisants, hypnotiques Psychotropes
10
Molécule Ampicilline Céfamandole Lincomycine Métronidazole Tétracycline Pentamidine Amphotéricine B Griséofulvine Terbinafine Éthambutol Phénindione Carbamazépine Phénytoïne Biguanides Glipizide Azelastine Maléate de chlorphéniramine Salicylates Phénylbutazone Dexaméthasone Cholestyramine Fenofibrate 5-Fluoro-uracile Azathioprine Bléomycine Cisplatine Méthotrexate Lévodopa Baclofène Carbimazole Méthimazole, thiamazole Méthylthio-uracile, prophylthio-uracile Allopurinol Auranofine D-Pénicillamine Sulfasalazine Amiloride Amrinone Captopril Diltiazem Énalapril Nifédipine Trinitrine Spironolactone Diazoxide Chlorhexidine Hexétidine Lauryl-sulfate de sodium Benzocaïne Procaïne Lidocaïne Zopiclone Carbonate de lithium Trifluopérazine
Nom de spécialité Totopent Kéfandolt Lincocinet Flagylt Tétramigt Pentacarinatt Fungizonet Fulcinet Lamisilt Dexambutolt, Myambutolt Pindionet Tégrétolt Di-Hydant Glibénèset Allergodilt
Questrant Lipanthylt Fluoro-uracile Rochet Imurelt Bléomycine Roger Bellont Cisplatine Lillyt Méthotrexatet, Ledertrexatet Modopart, Sinemett Liorésalt Néo-Mercazolet
Zylorict, Allopurinol MSDt Ridaurant Trolovolt Salazopyrinet Modamidet Inocort Captolanet, Loprilt Tildiemt Rénitect Adalatet Lénitralt Aldactonet Hyperstatt Collu-Hextrilt
Xylocaïne Imovanet Tréralithet Terfluzinet
Stomatologie/Odontologie
Contre-indications et effets indésirables des médicaments utilisés le plus souvent en odontostomatologie
Xérostomie, dysgueusie et stomatites représentent les trois types les plus fréquents d’effets indésirables buccodentaires dus aux médicaments [24]. Concernant la dysgueusie iatrogène, une liste plus détaillée indiquant la famille, la molécule et le nom de spécialités des médicaments potentiellement en cours est donnée dans le tableau X.
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En cas de doute ou pour approfondir ses connaissances dans un domaine particulier, il est vivement recommandé au praticien de consulter les ouvrages classiques consacrés aux médicaments (dictionnaire Vidalt et guide Dorosz notamment) ainsi que les bases de données en ligne sur les sites Internet appropriés (vidal.fr, afssaps.sante.fr…).
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Interactions médicamenteuses en stomatologie M. Biour, D. Bandon Les effets indésirables secondaires à une interaction médicamenteuse sont habituellement liés à une diminution d’efficacité ou à l’inverse à une augmentation des effets pharmacodynamiques d’un des médicaments. Le risque d’interaction médicamenteuse augmente avec le nombre de médicaments prescrits. Des études récentes ont montré qu’une interaction médicamenteuse était retrouvée chez 7 % des patients consommant de six à dix médicaments et atteignait 40 % des patients traités par 16 à 20 produits. Cet article présente les interactions médicamenteuses observées avec les médicaments utilisés en stomatologie et qui ont un retentissement clinique significatif. Les listes des interactions médicamenteuses présentées dans cet article ont été rédigées en novembre 2005 à partir d’une sélection de médicaments utilisés en stomatologie et des interactions correspondantes qui sont décrites dans les différents résumés des caractéristiques des produits (RCP) et dans la rubrique « interactions médicamenteuses » du site de l’AFSSaPS (http://afssaps.sante.fr). Afin de faciliter la lecture de nos listes, nous avons classifié les interactions en trois niveaux de gravité : contre-indication ; association déconseillée ; risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter des précautions d’emploi. Les interactions médicamenteuses entraînent des effets indésirables qui sont le plus souvent évitables. Il convient donc d’y penser systématiquement avant toute prescription et au besoin d’actualiser ses connaissances dans les différents ouvrages disponibles. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Effet indésirable ; Interaction médicamenteuse ; Stomatologie
Plan ¶ Introduction
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¶ Anti-infectieux (voie générale) Signification des nombres Antibiotiques
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¶ Anti-inflammatoires et antalgiques Signification des nombres Anti-inflammatoires et antalgiques
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¶ Médicaments à usage local, sialorrhants et sels de fluor Signification des nombres Médicaments à usage local Sialorrhants Sels de fluor (voie orale)
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■ Introduction Les interactions médicamenteuses constituent une source d’évènements indésirables non négligeables, et donc un risque de morbidité et de mortalité pour les patients. Des évaluations récentes ont montré qu’une interaction médicamenteuse était retrouvée chez 7 % des patients consommant de six à dix médicaments et atteignait 40 % des patients traités par 16 à 20 produits. On distingue habituellement deux types d’interaction médicamenteuse : les interactions d’ordre pharmacodynamique et les interactions d’ordre pharmacocinétique. Stomatologie
Les interactions « pharmacodynamiques » concernent des médicaments qui vont agir sur le même effecteur (récepteur) ou sur des effecteurs différents. Ces interactions sont souvent utilisées en clinique humaine afin d’optimiser l’efficacité des traitements (associations de plusieurs antidiabétiques, d’antihypertenseurs ou d’antiangineux, par exemple). Les interactions « pharmacocinétiques » ont pour conséquence une modification des paramètres pharmacocinétiques (absorption intestinale, distribution, métabolisme et élimination) de l’un ou des deux médicaments interagissant. Ces interactions ne sont habituellement pas utilisées en clinique en raison de la variabilité interindividuelle et des conséquences cliniques qui peuvent revêtir un haut degré de gravité. Néanmoins, presque tous les médicaments, associés deux par deux, sont susceptibles d’induire une interaction pharmacocinétique. Fort heureusement, seulement une faible proportion de ces associations est capable d’induire une interaction avec un retentissement clinique significatif. Dans nos listes d’interactions, nous n’avons mentionné que des interactions validées et responsables d’un effet cliniquement et/ou biologiquement significatif. Avant toute prescription, il est vivement recommandé d’établir avec le patient la liste des médicaments qu’il consomme régulièrement ou irrégulièrement. Cette tâche est souvent difficile et un interrogatoire « policier » est parfois nécessaire pour faire « avouer » aux patients certaines habitudes d’automédication (antalgiques, sirops antitussifs, tisanes, laxatifs etc.) et la nature de certaines prescriptions que le patient considère comme non médicamenteuses (pilule contraceptive, stérilet, collyre, etc.).
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De nombreuses sources d’informations sur les interactions médicamenteuses sont disponibles. Cependant, celles contenues dans les résumés des caractéristiques des produits (RCP) repris dans le dictionnaire des spécialités du Vidal® sont les seules validées. Il existe au sein de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSaPS) un groupe de spécialistes (médecins et pharmaciens) qui est chargé de la réactualisation des informations concernant les interactions médicamenteuses contenues dans les différents RCP. Ils travaillent à partir d’une sélection d’interactions publiées dans la littérature internationale et à partir de l’expérience acquise par le réseau national des Centres régionaux de pharmacovigilance. Ces travaux font l’objet de mises à jour permanentes. Elles sont disponibles librement sur le site de l’AFSSaPS (http://afssaps.sante.fr). En cas de doute, il ne faut pas hésiter à consulter ce site, voire les RCP des médicaments suspectés d’interagir. Compte tenu des délais de mise à jour des RCP, il peut exister un décalage entre les informations présentées sur le site et celles du RCP. Pour obtenir des informations complémentaires, il est toujours possible de contacter un Centre régional de pharmacovigilance (adresses et téléphones des Centres dans les premières pages blanches du Vidal®). Les listes des interactions médicamenteuses présentées dans cet article ont été rédigées en novembre 2005 à partir d’une sélection de médicaments utilisés en stomatologie et des interactions correspondantes qui sont décrites dans les différents RCP et dans la rubrique « interactions médicamenteuses » du site de l’AFSSaPS. Afin de faciliter la lecture de nos listes, nous avons classifié les interactions en trois niveaux de gravité : • contre-indication : il s’agit d’une contre-indication absolue ; • association déconseillée : l’association ne doit pas être utilisée, sauf en cas de nécessité justifiée et il faut alors mettre en œuvre des moyens de surveillance adaptés ; • risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter des précautions d’emploi : l’association est possible en respectant les recommandations ; il revient au prescripteur de se déterminer sur l’intérêt (rapport bénéfice/risque) d’une telle association. Les interactions médicamenteuses entraînent des effets indésirables qui sont le plus souvent évitables. Il convient donc d’y penser systématiquement avant toute prescription et au besoin d’actualiser ses connaissances dans les différents ouvrages disponibles.
■ Anti-infectieux (voie générale) Signification des nombres (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. (2) Risque d’hypertension intracrânienne. (3) Diminution de l’absorption digestive des cyclines. Prendre les sels de calcium, de fer ou de zinc à distance des cyclines (plus de 2 heures si possible). (4) Diminution de l’absorption digestive des cyclines. Prendre le topique gastro-intestinal à distance des cyclines (plus de 2 heures si possible). (5) Diminution des concentrations plasmatiques de ciclosporine avec risque de perte d’activité immunosuppressive. Une surveillance rapprochée de la ciclosporinémie est nécessaire, ainsi qu’une éventuelle adaptation posologique. (6) Diminution de l’absorption digestive des lincosanides. Prendre le topique gastro-intestinal à distance des lincosanides, plus de 2 heures avant si possible. (7) Potentialisation des curares lorsque le lincosanide est administré par voie parentérale et/ou péritonéale. Il est nécessaire de surveiller l’état de curarisation en fin d’anesthésie.
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(8) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’agoniste dopaminergique avec accroissement possible de son activité ou apparition de signes de surdosage. (9) Par extrapolation à partir de l’érythromycine, de la josamycine et de la clarithromycine. Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. (11) Augmentation des effets indésirables de la colchicine aux conséquences potentiellement fatales. (12) Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). (13) Risque d’augmentation des concentrations sanguines de ciclosporine et de la créatininémie. Il convient de doser régulièrement la ciclosporinémie et la créatininémie afin d’adapter la posologie de ciclosporine au cours de l’association et après son arrêt. (14) Augmentation des concentrations plasmatiques de la clarithromycine et inhibition de la formation de son métabolite actif. Une surveillance clinique et biologique régulière semble nécessaire, notamment en début de traitement. (15) Risque majoré d’effets indésirables (concentrationdépendants) à type de rhabdomyolyse. Utiliser des doses plus faibles d’atorvastatine. Si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint, utiliser une statine non concernée par ce type d’interaction. (16) Augmentation des concentrations plasmatiques de la pravastatine. Une surveillance clinique et biologique est nécessaire au cours de l’association et après son arrêt. (17) Risque majoré d’effets indésirables (concentrationdépendants) à type de rhabdomyolyse. (18) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire chez les sujets prédisposés (syndrome du QT long congénital). (19) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si cela est possible, interrompre le macrolide. Si l’association ne peut être évitée, contrôle préalable du QT et surveillance électrocardiographique monitorée. (20) Augmentation des concentrations plasmatiques de carbamazépine avec signes de surdosage par inhibition de son métabolisme hépatique. Une surveillance clinique et de la carbamazépinémie sont nécessaires, ainsi qu’une éventuelle réduction de la posologie de la carbamazépine. (21) Risque d’augmentation de la ciclosporinémie et du risque néphrotoxique nécessitant une surveillance de la ciclosporinémie et de la fonction rénale, ainsi qu’une éventuelle adaptation posologique pendant l’association et après son arrêt. (22) Augmentation de la digoxinémie par augmentation de son absorption. Une surveillance clinique et éventuellement de la digoxinémie sont nécessaires pendant le traitement par le macrolide et après son arrêt. (23) Risque de survenue d’hypoglycémies sévères nécessitant une surveillance clinique et biologique régulière. (24) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5, avec risque d’hypotension. Il convient de débuter le traitement par phosphodiestérase de type 5 à la dose minimale. (25) Augmentation importante des concentrations de vardénafil, avec risque d’hypotension sévère. Il convient de réduire la posologie de vardénafil. (26) Augmentation des concentrations plasmatiques de la benzodiazépine par diminution de son métabolisme hépatique avec majoration de la sédation. Une surveillance clinique et une réduction de la posologie de la benzodiazépine pendant le traitement par l’anti-infectieux peuvent être nécessaires. (27) Risque d’augmentation des effets indésirables de la rifabutine (uvéites) par augmentation de ses concentrations plasmatiques et de celles de son métabolite actif par la clarithromycine. Accélération du métabolisme de la clarithromycine par la rifabutine et augmentation des concentrations Stomatologie
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plasmatiques de son métabolite actif. Un renforcement de la surveillance clinique est nécessaire, notamment en début d’association. (28) Risque d’augmentation de la tacrolimusémie et du risque néphrotoxique. (29) Risque d’augmentation des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire, notamment chez l’enfant. (30) Augmentation des concentrations plasmatiques de toltérodine chez les métaboliseurs lents, avec risque de surdosage. (31) Augmentation de l’effet dépresseur respiratoire de l’analgésique opiacé par diminution de son métabolisme hépatique. Une adaptation posologique est nécessaire en cas d’association. (32) Augmentation des concentrations de buspirone, avec majoration importante de la sédation. (33) Augmentation des concentrations plasmatiques de carbamazépine avec signes de surdosage par inhibition de son métabolisme hépatique. Il est préférable d’utiliser un autre macrolide ou une autre classe d’antibiotique. En cas de légionellose, l’érythromycine reste l’antibiotique de choix et dans ce cas une surveillance clinique avec contrôle des concentrations plasmatiques de carbamazépine est souhaitable en milieu spécialisé. (34) Risque d’augmentation de la ciclosporinémie et du risque néphrotoxique. (35) Risque de majoration des effets indésirables du disopyramide : hypoglycémies sévères, allongement de l’espace QT et troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si l’association ne peut être évitée, une surveillance clinique, biologique et électrocardiographique régulière est indispensable. (36) Surdosage en analeptique respiratoire, plus particulièrement dangereux chez l’enfant. Il est préférable d’utiliser un autre macrolide non interactif. En cas de légionellose, l’érythromycine reste l’antibiotique de choix et dans ce cas une surveillance clinique, avec contrôle éventuel des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire, est souhaitable. (37) Quelques cas de majoration des effets indésirables du triazolam (troubles du comportement) ont été rapportés. (38) Bradycardie et/ou troubles de la conduction auriculoventriculaire, par diminution du métabolisme hépatique du vérapamil par l’érythromycine. Une surveillance clinique et électrocardiographique régulière est nécessaire. S’il y a lieu, adaptation de la posologie du vérapamil pendant le traitement par l’érythromycine et après son arrêt. (39) Inhibition de l’absorption de la carbidopa avec diminution des concentrations plasmatiques de la lévodopa. Il convient de mettre en place une surveillance clinique avec une éventuelle adaptation posologique de la lévodopa. (40) Augmentation de la toxicité du fluorouracile par diminution de sa clairance. (41) Effet antabuse (chaleur, rougeurs, vomissements, tachycardie). Pendant le traitement, éviter la prise de boissons alcoolisées et de médicaments contenant de l’alcool. (42) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’INR est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et 8 jours après son arrêt. (43) Risque de bouffées délirantes ou d’état confusionnel. (44) Augmentation des effets de la toxicité hématologique du méthotrexate par inhibition de la sécrétion tubulaire rénale des pénicillines. (45) Risque accru de réactions cutanées à prendre en compte. (46) Augmentation des concentrations sanguines de l’immunodépresseur nécessitant une surveillance de la fonction rénale et un contrôle des concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt. (47) Risque de diminution de l’efficacité du losartan, à prendre en compte. Stomatologie
(48) Doublement des concentrations de névirapine, avec risque d’augmentation de ses effets indésirables, nécessitant une surveillance clinique et une éventuelle adaptation posologique en cours d’association et après son arrêt. (49) Augmentation des concentrations plasmatiques de phénytoïne pouvant atteindre des valeurs toxiques. En cas d’association, une surveillance clinique et biologique étroite est nécessaire. (50) Risque d’augmentation des effets indésirables de la rifabutine (uvéites) par augmentation de ses concentrations plasmatiques et de celles de son métabolite actif. Un renforcement de la surveillance clinique et biologique est nécessaire, notamment en début de traitement. (51) Diminution des concentrations plasmatiques et de l’efficacité des deux anti-infectieux. Il convient d’espacer les prises des deux produits de 12 heures et éventuellement de surveiller les concentrations plasmatiques de l’azolé antifongique et d’adapter les doses. (52) Augmentation du temps de demi-vie du sulfamide avec survenue possible de manifestations hypoglycémiques. Il convient de prévenir le patient du risque d’hypoglycémie, de renforcer la surveillance glycémique, et éventuellement d’adapter la posologie du sulfamide pendant et à l’arrêt de l’association. (53) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire avec risque de surdosage. Il convient d’entreprendre une surveillance clinique et de réaliser des mesures de concentration plasmatique de l’analeptique respiratoire, et éventuellement d’adapter la posologie au cours de l’association et après son arrêt. (54) Diminution des concentrations plasmatiques et de l’efficacité de l’itraconazole. En cas d’association, une surveillance clinique et si possible des dosages plasmatiques sont nécessaires pour adapter la posologie. (55) Diminution de l’absorption digestive de l’antifongique azolé par augmentation du pH intragastrique, à prendre en compte. (56) Augmentation des concentrations plasmatiques du corticoïde, avec risque d’apparition d’un syndrome cushingoïde, à prendre en compte. (57) Risque d’augmentation des concentrations de buprénorphine par diminution de son métabolisme hépatique. Une surveillance clinique et une éventuelle adaptation de la posologie de la buprénorphine sont nécessaires pendant l’association et, le cas échéant, après l’arrêt. (58) Augmentation de la digoxinémie avec nausées, vomissements, troubles du rythme. Cette association nécessite une surveillance clinique et, s’il y a lieu, de l’électrocardiographie et de la digoxinémie, avec adaptation de la posologie de la digoxine pendant l’association et après son arrêt. (59) Sauf avec la lercanidipine (association déconseillée) : risque majoré d’effets indésirables, notamment d’œdème. L’association nécessite une surveillance clinique et une éventuelle adaptation posologique au cours de l’association et après son arrêt. (60) Risque majoré d’effets indésirables, notamment d’œdème. (61) Risque d’acouphènes et/ou de diminution de l’acuité auditive lié au cinchonisme (surdosage). L’association nécessite une surveillance des concentrations plasmatiques de l’antiarythmique, et une éventuelle adaptation posologique au cours de l’association et après son arrêt. (62) Augmentation des concentrations plasmatiques de midazolam, avec majoration de la sédation. (63) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsades de pointes ainsi que d’acouphènes et/ou de diminution de l’acuité auditive lié au cinchonisme (surdosage). Si l’association ne peut être évitée, elle nécessite une surveillance clinique et électrocardiographique étroite. (64) Augmentation des concentrations sanguines du tacrolimus. Si l’association ne peut être évitée, elle nécessite une surveillance stricte de la fonction rénale et un contrôle des
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concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt. (65) Augmentation importante des concentrations de vardénafil, avec risque d’hypotension sévère. (66) Majoration de la neurotoxicité de l’antimitotique. (67) Diminution des concentrations plasmatiques de kétoconazole. Il convient d’espacer les prises des deux anti-infectieux d’au moins 12 heures, et de surveiller les concentrations plasmatiques de kétoconazole et éventuellement adapter la posologie. (68) Augmentation des concentrations plasmatiques de névirapine et diminution de celles du kétoconazole. (69) Augmentation importante des concentrations sanguines de tacrolimus. (70) Diminution de l’absorption digestive du kétoconazole. Prendre le topique gastro-intestinal à distance du kétoconazole (plus de 2 heures si possible). (71) Légère augmentation des effets du zolpidem, à prendre en compte.
Antibiotiques Cyclines Métacycline • Contre-indication Rétinoïdes (2) Risque d’hypertension intracrânienne. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Anticoagulants oraux (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. Sels de calcium (3) Diminution de l’absorption digestive des cyclines. Prendre les sels de calcium, de fer ou de zinc à distance des cyclines (plus de 2 heures si possible). Sels de fer (3) idem Sels de zinc (3) idem Topiques gastro-intestinaux (4) Diminution de l’absorption digestive des cyclines. Prendre le topique gastro-intestinal à distance des cyclines (plus de 2 heures si possible).
Lincosanides Clindamycine • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Ciclosporine (5) Diminution des concentrations plasmatiques de ciclosporine avec risque de perte d’activité immunosuppressive. Une surveillance rapprochée de la ciclosporinémie est nécessaire, ainsi qu’une éventuelle adaptation posologique. Curarisants (7) Potentialisation des curares lorsque le lincosanide est administré par voie parentérale et/ou péritonéale. Il est nécessaire de surveiller l’état de curarisation en fin d’anesthésie. Topiques gastro-intestinaux (6) Diminution de l’absorption digestive des lincosanides. Prendre le topique gastro-intestinal à distance des lincosanides, plus de 2 heures avant si possible. Lincomycine • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Curarisants (7) Potentialisation des curares lorsque le lincosanide est administré par voie parentérale et/ou péritonéale. Il est nécessaire de surveiller l’état de curarisation en fin d’anesthésie.
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Topiques gastro-intestinaux (6) Diminution de l’absorption digestive des lincosanides. Prendre le topique gastro-intestinal à distance des lincosanides, plus de 2 heures avant si possible.
Macrolides Azithromycine • Contre-indication Alcaloïdes de l’ergot de seigle vasoconstricteurs (9) Par extrapolation à partir de l’érythromycine, de la josamycine et de la clarithromycine. Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Cisapride (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Dihydroergotamine (12) Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Ergotamine (12) idem • Association déconseillée Alcaloïdes de l’ergot de seigle dopaminergiques (8) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’agoniste dopaminergique avec accroissement possible de son activité ou apparition de signes de surdosage. Colchicine (11) Augmentation des effets indésirables de la colchicine aux conséquences potentiellement fatales. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Anticoagulants oraux (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. Ciclosporine (13) Risque d’augmentation des concentrations sanguines de ciclosporine et de la créatininémie. Il convient de doser régulièrement la ciclosporinémie et la créatininémie afin d’adapter la posologie de ciclosporine au cours de l’association et après son arrêt. Clarithromycine • Contre-indication Alcaloïdes de l’ergot de seigle vasoconstricteurs (9) Par extrapolation à partir de l’érythromycine, de la josamycine et de la clarithromycine. Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Bépridil (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Cisapride (10) idem Dihydroergotamine (12) Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Ergotamine (12) idem Mizolastine (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Pimozide (10) idem Sertindole (10) idem Simvastatine (17) Risque majoré d’effets indésirables (concentration-dépendants) à type de rhabdomyolyse. • Association déconseillée Alcaloïdes de l’ergot de seigle dopaminergiques (8) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’agoniste dopaminergique avec accroissement possible de son activité ou apparition de signes de surdosage. Colchicine (11) Augmentation des effets indésirables de la colchicine aux conséquences potentiellement fatales. Ébastine (18) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire chez les sujets prédisposés (syndrome du QT long congénital). Stomatologie
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Halofantrine (19) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si cela est possible, interrompre le macrolide. Si l’association ne peut être évitée, contrôle préalable du QT et surveillance électrocardiographique monitorée. Luméfantrine (19) idem Tacrolimus (28) Risque d’augmentation de la tacrolimusémie et du risque néphrotoxique. Toltérodine (30) Augmentation des concentrations plasmatiques de toltérodine chez les métaboliseurs lents, avec risque de surdosage. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Aminophylline (29) Risque d’augmentation des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire, notamment chez l’enfant. Anticoagulants oraux (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. Antiprotéases (atazanavir et ritonavir) (14) Augmentation des concentrations plasmatiques de la clarithromycine et inhibition de la formation de son métabolite actif. Une surveillance clinique et biologique régulière semble nécessaire, notamment en début de traitement. Atorvastatine (15) Risque majoré d’effets indésirables (concentration-dépendants) à type de rhabdomyolyse. Utiliser des doses plus faibles d’atorvastatine. Si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint, utiliser une statine non concernée par ce type d’interaction. Carbamazépine (20) Augmentation des concentrations plasmatiques de carbamazépine avec signes de surdosage par inhibition de son métabolisme hépatique. Une surveillance clinique et de la carbamazépinémie sont nécessaires, ainsi qu’une éventuelle réduction de la posologie de la carbamazépine. Ciclosporine (21) Risque d’augmentation de la ciclosporinémie et du risque néphrotoxique nécessitant une surveillance de la ciclosporinémie et de la fonction rénale, ainsi qu’une éventuelle adaptation posologique pendant l’association et après son arrêt. Digoxine (22) Augmentation de la digoxinémie par augmentation de son absorption. Une surveillance clinique et éventuellement de la digoxinémie sont nécessaires pendant le traitement par le macrolide et après son arrêt. Disopyramide (23) Risque de survenue d’hypoglycémies sévères nécessitant une surveillance clinique et biologique régulière. Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (sauf vardénafil) (24) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5, avec risque d’hypotension. Il convient de débuter le traitement par phosphodiestérase de type 5 à la dose minimale. Midazolam (26) Augmentation des concentrations plasmatiques de la benzodiazépine par diminution de son métabolisme hépatique avec majoration de la sédation. Une surveillance clinique et une réduction de la posologie de la benzodiazépine pendant le traitement par l’anti-infectieux peuvent être nécessaires. Pravastatine (16) Augmentation des concentrations plasmatiques de la pravastatine. Une surveillance clinique et biologique est nécessaire au cours de l’association et après son arrêt. Rifabutine (27) Risque d’augmentation des effets indésirables de la rifabutine (uvéites) par augmentation de ses concentrations plasmatiques et de celles de son métabolite actif par la clarithromycine. Accélération du métabolisme de la clarithromycine par la rifabutine et augmentation des concentrations Stomatologie
plasmatiques de son métabolite actif. Un renforcement de la surveillance clinique est nécessaire, notamment en début d’association. Théophylline (29) Risque d’augmentation des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire, notamment chez l’enfant. Triazolam (26) Augmentation des concentrations plasmatiques de la benzodiazépine par diminution de son métabolisme hépatique avec majoration de la sédation. Une surveillance clinique et une réduction de la posologie de la benzodiazépine pendant le traitement par l’anti-infectieux peuvent être nécessaires. Vardénafil (25) Augmentation importante des concentrations de vardénafil, avec risque d’hypotension sévère. Il convient de réduire la posologie de vardénafil. Erythromycine • Contre-indication Alcaloïdes de l’ergot de seigle vasoconstricteurs (9) Par extrapolation à partir de l’érythromycine, de la josamycine et de la clarithromycine. Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Bépridil (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Cisapride (10) idem Dihydroergotamine (12) Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Ergotamine (12) idem Mizolastine (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Pimozide (10) idem Sertindole (10) idem Simvastatine (17) Risque majoré d’effets indésirables (concentration-dépendants) à type de rhabdomyolyse. • Alcaloïdes de l’ergot de seigle dopaminergiques (8) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’agoniste dopaminergique avec accroissement possible de son activité ou apparition de signes de surdosage. Aminophylline (36) Surdosage en analeptique respiratoire, plus particulièrement dangereux chez l’enfant. Il est préférable d’utiliser un autre macrolide non interactif. En cas de légionellose, l’érythromycine reste l’antibiotique de choix et dans ce cas une surveillance clinique, avec contrôle éventuel des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire, est souhaitable. Buspirone (32) Augmentation des concentrations de buspirone, avec majoration importante de la sédation. Carbamazépine (33) Augmentation des concentrations plasmatiques de carbamazépine avec signes de surdosage par inhibition de son métabolisme hépatique. Il est préférable d’utiliser un autre macrolide ou une autre classe d’antibiotique. En cas de légionellose, l’érythromycine reste l’antibiotique de choix et dans ce cas une surveillance clinique avec contrôle des concentrations plasmatiques de carbamazépine est souhaitable en milieu spécialisé. Ciclosporine (34) Risque d’augmentation de la ciclosporinémie et du risque néphrotoxique. Colchicine (11) Augmentation des effets indésirables de la colchicine aux conséquences potentiellement fatales. Disopyramide (35) Risque de majoration des effets indésirables du disopyramide : hypoglycémies sévères, allongement de l’espace QT et troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si l’association ne peut être évitée, une surveillance clinique, biologique et électrocardiographique régulière est indispensable. Ébastine (18) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire chez les sujets prédisposés (syndrome du QT long congénital).
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Halofantrine (19) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si cela est possible, interrompre le macrolide. Si l’association ne peut être évitée, contrôle préalable du QT et surveillance électrocardiographique monitorée. Luméfantrine (19) idem Tacrolimus (28) Risque d’augmentation de la tacrolimusémie et du risque néphrotoxique. Théophylline (36) Surdosage en analeptique respiratoire, plus particulièrement dangereux chez l’enfant. Il est préférable d’utiliser un autre macrolide non interactif. En cas de légionellose, l’érythromycine reste l’antibiotique de choix et dans ce cas une surveillance clinique, avec contrôle éventuel des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire, est souhaitable. Toltérodine (30) Augmentation des concentrations plasmatiques de toltérodine chez les métaboliseurs lents, avec risque de surdosage. Triazolam (37) Quelques cas de majoration des effets indésirables du triazolam (troubles du comportement) ont été rapportés. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Alfentanil (31) Augmentation de l’effet dépresseur respiratoire de l’analgésique opiacé par diminution de son métabolisme hépatique. Une adaptation posologique est nécessaire en cas d’association. Anticoagulants oraux (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. Atorvastatine (15) Risque majoré d’effets indésirables (concentration-dépendants) à type de rhabdomyolyse. Utiliser des doses plus faibles d’atorvastatine. Si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint, utiliser une statine non concernée par ce type d’interaction) Digoxine (22) Augmentation de la digoxinémie par augmentation de son absorption. Une surveillance clinique et éventuellement de la digoxinémie sont nécessaires pendant le traitement par le macrolide et après son arrêt. Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (sauf vardénafil) (24) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5, avec risque d’hypotension. Il convient de débuter le traitement par phosphodiestérase de type 5 à la dose minimale. Lisuride (42) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’INR est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et 8 jours après son arrêt. Midazolam (26) Augmentation des concentrations plasmatiques de la benzodiazépine par diminution de son métabolisme hépatique avec majoration de la sédation. Une surveillance clinique et une réduction de la posologie de la benzodiazépine pendant le traitement par l’anti-infectieux peuvent être nécessaires. Pravastatine (16) Augmentation des concentrations plasmatiques de la pravastatine. Une surveillance clinique et biologique est nécessaire au cours de l’association et après son arrêt. Vardénafil (25) Augmentation importante des concentrations de vardénafil, avec risque d’hypotension sévère. Il convient de réduire la posologie de vardénafil. Vérapamil (38) Bradycardie et/ou troubles de la conduction auriculoventriculaire, par diminution du métabolisme hépatique du vérapamil par l’érythromycine. Une surveillance
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clinique et électrocardiographique régulière est nécessaire. S’il y a lieu, adaptation de la posologie du vérapamil pendant le traitement par l’érythromycine et après son arrêt. Josamycine • Contre-indication Alcaloïdes de l’ergot de seigle vasoconstricteurs (9) Par extrapolation à partir de l’érythromycine, de la josamycine et de la clarithromycine. Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Cisapride (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Dihydroergotamine (12) Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Ergotamine (12) idem Pimozide (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. • Association déconseillée Alcaloïdes de l’ergot de seigle dopaminergiques (8) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’agoniste dopaminergique avec accroissement possible de son activité ou apparition de signes de surdosage. Colchicine (11) Augmentation des effets indésirables de la colchicine aux conséquences potentiellement fatales. Disopyramide (35) Risque de majoration des effets indésirables du disopyramide : hypoglycémies sévères, allongement de l’espace QT et troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si l’association ne peut être évitée, une surveillance clinique, biologique et électrocardiographique régulière est indispensable. Ébastine (18) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire chez les sujets prédisposés (syndrome du QT long congénital). Halofantrine (19) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si cela est possible, interrompre le macrolide. Si l’association ne peut être évitée, contrôle préalable du QT et surveillance électrocardiographique monitorée. Triazolam (37) Quelques cas de majoration des effets indésirables du triazolam (troubles du comportement) ont été rapportés. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Aminophylline (29) Risque d’augmentation des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire, notamment chez l’enfant. Anticoagulants oraux (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. Carbamazépine (20) Augmentation des concentrations plasmatiques de carbamazépine avec signes de surdosage par inhibition de son métabolisme hépatique. Une surveillance clinique et de la carbamazépinémie sont nécessaires, ainsi qu’une éventuelle réduction de la posologie de la carbamazépine. Ciclosporine (21) Risque d’augmentation de la ciclosporinémie et du risque néphrotoxique nécessitant une surveillance de la ciclosporinémie et de la fonction rénale, ainsi qu’une éventuelle adaptation posologique pendant l’association et après son arrêt. Théophylline (29) Risque d’augmentation des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire, notamment chez l’enfant. Stomatologie
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Midécamycine
Pénicillines
• Contre-indication Alcaloïdes de l’ergot de seigle vasoconstricteurs (9) Par extrapolation à partir de l’érythromycine, de la josamycine et de la clarithromycine. Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Cisapride (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Dihydroergotamine (12) Ergotisme avec possibilité de nécrose des extrémités (diminution de l’élimination hépatique des alcaloïdes de l’ergot de seigle). Ergotamine (12) idem • Association déconseillée Alcaloïdes de l’ergot de seigle dopaminergiques (8) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’agoniste dopaminergique avec accroissement possible de son activité ou apparition de signes de surdosage. Colchicine (11) Augmentation des effets indésirables de la colchicine aux conséquences potentiellement fatales. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Anticoagulants oraux (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. Ciclosporine (21) Risque d’augmentation de la ciclosporinémie et du risque néphrotoxique nécessitant une surveillance de la ciclosporinémie et de la fonction rénale, ainsi qu’une éventuelle adaptation posologique pendant l’association et après son arrêt.
Benzylpénicillines
Spiramycine • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Lévodopa (39) Inhibition de l’absorption de la carbidopa avec diminution des concentrations plasmatiques de la lévodopa. Il convient de mettre en place une surveillance clinique avec une éventuelle adaptation posologique de la lévodopa.
Macrolides associés Spiramycine et métronidazole • Association déconseillée Alcool (41) Effet antabuse (chaleur, rougeurs, vomissements, tachycardie). Pendant le traitement, éviter la prise de boissons alcoolisées et de médicaments contenant de l’alcool. Disulfirame (43) Risque de bouffées délirantes ou d’état confusionnel. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Anticoagulants oraux (42) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’INR est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et 8 jours après son arrêt. Lévodopa (39) Inhibition de l’absorption de la carbidopa avec diminution des concentrations plasmatiques de la lévodopa. Il convient de mettre en place une surveillance clinique avec une éventuelle adaptation posologique de la lévodopa. Fluorouracile (40) Augmentation de la toxicité du fluorouracile par diminution de sa clairance. Stomatologie
• Association déconseillée Méthotrexate (44) Augmentation des effets de la toxicité hématologique du méthotrexate par inhibition de la sécrétion tubulaire rénale des pénicillines. Pénicillines A : amoxicilline, ampicilline, bacampicilline et pivampicilline • Association déconseillée Méthotrexate (44) Augmentation des effets de la toxicité hématologique du méthotrexate par inhibition de la sécrétion tubulaire rénale des pénicillines. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Allopurinol (45) Risque accru de réactions cutanées à prendre en compte.
Synergistines Pristinamycine • Association déconseillée Colchicine (11) Augmentation des effets indésirables de la colchicine aux conséquences potentiellement fatales. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Ciclosporine (46) Augmentation des concentrations sanguines de l’immunodépresseur nécessitant une surveillance de la fonction rénale et un contrôle des concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt. Sirolimus (46) idem Tacrolimus (46) idem
Antifongiques Fluconazole • Contre-indication Cisapride (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Halofantrine (10) idem Pimozide (10) idem • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Alfentanil (31) Augmentation de l’effet dépresseur respiratoire de l’analgésique opiacé par diminution de son métabolisme hépatique. Une adaptation posologique est nécessaire en cas d’association. Aminophylline (53) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire avec risque de surdosage. Il convient d’entreprendre une surveillance clinique et de réaliser des mesures de concentration plasmatique de l’analeptique respiratoire, et éventuellement d’adapter la posologie au cours de l’association et après son arrêt. Anticoagulants oraux (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. Ciclosporine (46) Augmentation des concentrations sanguines de l’immunodépresseur nécessitant une surveillance de la fonction rénale et un contrôle des concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt.
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Fosphénytoïne (49) Augmentation des concentrations plasmatiques de phénytoïne pouvant atteindre des valeurs toxiques. En cas d’association, une surveillance clinique et biologique étroite est nécessaire. Losartan (47) Risque de diminution de l’efficacité du losartan, à prendre en compte. Névirapine (48) Doublement des concentrations de névirapine, avec risque d’augmentation de ses effets indésirables, nécessitant une surveillance clinique et une éventuelle adaptation posologique en cours d’association et après son arrêt. Phénytoïne (49) Augmentation des concentrations plasmatiques de phénytoïne pouvant atteindre des valeurs toxiques. En cas d’association, une surveillance clinique et biologique étroite est nécessaire. Rifabutine (50) Risque d’augmentation des effets indésirables de la rifabutine (uvéites) par augmentation de ses concentrations plasmatiques et de celles de son métabolite actif. Un renforcement de la surveillance clinique et biologique est nécessaire, notamment en début de traitement. Rifampicine (51) Diminution des concentrations plasmatiques et de l’efficacité des deux anti-infectieux. Il convient d’espacer les prises des deux produits de 12 heures et éventuellement de surveiller les concentrations plasmatiques de l’azolé antifongique et d’adapter les doses. Sirolimus (46) Augmentation des concentrations sanguines de l’immunodépresseur nécessitant une surveillance de la fonction rénale et un contrôle des concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt. Sulfamides hypoglycémiants (52) Augmentation du temps de demi-vie du sulfamide avec survenue possible de manifestations hypoglycémiques. Il convient de prévenir le patient du risque d’hypoglycémie, de renforcer la surveillance glycémique, et éventuellement d’adapter la posologie du sulfamide pendant et à l’arrêt de l’association. Tacrolimus (46) Augmentation des concentrations sanguines de l’immunodépresseur nécessitant une surveillance de la fonction rénale et un contrôle des concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt. Théophylline (53) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’analeptique respiratoire avec risque de surdosage. Il convient d’entreprendre une surveillance clinique et de réaliser des mesures de concentration plasmatique de l’analeptique respiratoire, et éventuellement d’adapter la posologie au cours de l’association et après son arrêt. Triazolam (26) Augmentation des concentrations plasmatiques de la benzodiazépine par diminution de son métabolisme hépatique avec majoration de la sédation. Une surveillance clinique et une réduction de la posologie de la benzodiazépine pendant le traitement par l’anti-infectieux peuvent être nécessaires. Itraconazole • Contre-indication Atorvastatine (17) Risque majoré d’effets indésirables (concentration-dépendants) à type de rhabdomyolyse. Bépridil (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Cisapride (10) idem Halofantrine (10) idem Mizolastine (10) idem Pimozide (10) idem Sertindole (10) idem Simvastatine (17) Risque majoré d’effets indésirables (concentration-dépendants) à type de rhabdomyolyse. Vardénafil (homme de plus de 75 ans) (65) Augmentation importante des concentrations de vardénafil, avec risque d’hypotension sévère.
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• Association déconseillée Buspirone (32) Augmentation des concentrations de buspirone, avec majoration importante de la sédation. Ébastine (18) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire chez les sujets prédisposés (syndrome du QT long congénital). Lercanidipine (60) Risque majoré d’effets indésirables, notamment d’œdème. Luméfantrine (19) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si cela est possible, interrompre le macrolide. Si l’association ne peut être évitée, contrôle préalable du QT et surveillance électrocardiographique monitorée. Midazolam (62) Augmentation des concentrations plasmatiques de midazolam, avec majoration de la sédation. Quinidine (63) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsades de pointes ainsi que d’acouphènes et/ou de diminution de l’acuité auditive lié au cinchonisme (surdosage). Si l’association ne peut être évitée, elle nécessite une surveillance clinique et ECG étroite. Tacrolimus (64) Augmentation des concentrations sanguines du tacrolimus. Si l’association ne peut être évitée, elle nécessite une surveillance stricte de la fonction rénale et un contrôle des concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt. Toltérodine (30) Augmentation des concentrations plasmatiques de toltérodine chez les métaboliseurs lents, avec risque de surdosage. Vardénafil (homme de moins de 75 ans) (65) Augmentation importante des concentrations de vardénafil, avec risque d’hypotension sévère. Vinca-alcaloïdes cytotoxiques (66) Majoration de la neurotoxicité de l’antimitotique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Anticoagulants oraux (1) Augmentation de l’effet anticoagulant oral et du risque hémorragique. Un contrôle plus fréquent de l’international normalized ratio (INR) est nécessaire, pouvant amener à une éventuelle adaptation de la posologie de l’anticoagulant oral pendant le traitement par l’antibiotique et après son arrêt. Anticonvulsivants inducteurs enzymatiques (54) Diminution des concentrations plasmatiques et de l’efficacité de l’itraconazole. En cas d’association, une surveillance clinique et si possible des dosages plasmatiques sont nécessaires pour adapter la posologie. Antihistaminiques de type H2 (55) Diminution de l’absorption digestive de l’antifongique azolé par augmentation du pH intragastrique, à prendre en compte. Budésonide (56) Augmentation des concentrations plasmatiques du corticoïde, avec risque d’apparition d’un syndrome cushingoïde, à prendre en compte. Buprénorphine (57) Risque d’augmentation des concentrations de buprénorphine par diminution de son métabolisme hépatique. Une surveillance clinique et une éventuelle adaptation de la posologie de la buprénorphine sont nécessaires pendant l’association et, le cas échéant, après l’arrêt. Ciclosporine (46) Augmentation des concentrations sanguines de l’immunodépresseur nécessitant une surveillance de la fonction rénale et un contrôle des concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt. Digoxine (58) Augmentation de la digoxinémie avec nausées, vomissements, troubles du rythme. Cette association nécessite une surveillance clinique et, s’il y a lieu, de l’ECG et de la digoxinémie, avec adaptation de la posologie de la digoxine pendant l’association et après son arrêt. Dihydropyridines (59) Sauf avec la lercanidipine (association déconseillée) : risque majoré d’effets indésirables, notamment Stomatologie
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d’œdème. L’association nécessite une surveillance clinique et une éventuelle adaptation posologique au cours de l’association et après son arrêt. Fluticasone (56) Augmentation des concentrations plasmatiques du corticoïde, avec risque d’apparition d’un syndrome cushingoïde, à prendre en compte. Hydroquinidine (61) Risque d’acouphènes et/ou de diminution de l’acuité auditive lié au cinchonisme (surdosage). L’association nécessite une surveillance des concentrations plasmatiques de l’antiarythmique, et une éventuelle adaptation posologique au cours de l’association et après son arrêt. Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (sauf vardénafil) (24) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5, avec risque d’hypotension. Il convient de débuter le traitement par phosphodiestérase de type 5 à la dose minimale. Inhibiteurs de la pompe à protons (55) Diminution de l’absorption digestive de l’antifongique azolé par augmentation du pH intragastrique, à prendre en compte. Rifampicine (51) Diminution des concentrations plasmatiques et de l’efficacité des deux anti-infectieux. Il convient d’espacer les prises des deux produits de 12 heures et éventuellement de surveiller les concentrations plasmatiques de l’azolé antifongique et d’adapter les doses. Triazolam (26) Augmentation des concentrations plasmatiques de la benzodiazépine par diminution de son métabolisme hépatique avec majoration de la sédation. Une surveillance clinique et une réduction de la posologie de la benzodiazépine pendant le traitement par l’anti-infectieux peuvent être nécessaires. Kétoconazole • Contre-indication Atorvastatine (17) Risque majoré d’effets indésirables (concentration-dépendants) à type de rhabdomyolyse. Bépridil (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Cisapride (10) idem Halofantrine (10) idem Mizolastine (10) idem Névirapine (68) Augmentation des concentrations plasmatiques de névirapine et diminution de celles du kétoconazole. Pimozide (10) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Sertindole (10) idem Simvastatine (17) Risque majoré d’effets indésirables (concentration-dépendants) à type de rhabdomyolyse. Tacrolimus (69) Augmentation importante des concentrations sanguines de tacrolimus. Vardénafil (homme de plus de 75 ans) (65) Augmentation importante des concentrations de vardénafil, avec risque d’hypotension sévère. • Association déconseillée Alcool (41) Effet antabuse (chaleur, rougeurs, vomissements, tachycardie). Pendant le traitement, éviter la prise de boissons alcoolisées et de médicaments contenant de l’alcool. Ébastine (18) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire chez les sujets prédisposés (syndrome du QT long congénital). Lercanidipine (60) Risque majoré d’effets indésirables, notamment d’œdème. Luméfantrine (19) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Si cela est possible, interrompre le macrolide. Si l’association ne peut être évitée, contrôle préalable du QT et surveillance électrocardiographique monitorée. Midazolam (62) Augmentation des concentrations plasmatiques de midazolam, avec majoration de la sédation. Stomatologie
Toltérodine (30) Augmentation des concentrations plasmatiques de toltérodine chez les métaboliseurs lents, avec risque de surdosage. Vardénafil (homme de moins de 75 ans) (65) Augmentation importante des concentrations de vardénafil, avec risque d’hypotension sévère. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antihistaminiques de type H2 (55) Diminution de l’absorption digestive de l’antifongique azolé par augmentation du pH intragastrique, à prendre en compte. Budésonide (56) Augmentation des concentrations plasmatiques du corticoïde, avec risque d’apparition d’un syndrome cushingoïde, à prendre en compte. Buprénorphine (57) Risque d’augmentation des concentrations de buprénorphine par diminution de son métabolisme hépatique. Une surveillance clinique et une éventuelle adaptation de la posologie de la buprénorphine sont nécessaires pendant l’association et, le cas échéant, après l’arrêt. Ciclosporine (46) Augmentation des concentrations sanguines de l’immunodépresseur nécessitant une surveillance de la fonction rénale et un contrôle des concentrations de l’immunodépresseur par dosage sanguin, et une éventuelle adaptation posologique, au cours de l’association et après son arrêt. Dihydropyridines (sauf lercanidipine) (59) Sauf avec la lercanidipine (association déconseillée) : risque majoré d’effets indésirables, notamment d’œdème. L’association nécessite une surveillance clinique et une éventuelle adaptation posologique au cours de l’association et après son arrêt. Fluticasone (56) Augmentation des concentrations plasmatiques du corticoïde, avec risque d’apparition d’un syndrome cushingoïde, à prendre en compte. Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (sauf vardénafil) (24) Augmentation des concentrations plasmatiques de l’inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5, avec risque d’hypotension. Il convient de débuter le traitement par phosphodiestérase de type 5 à la dose minimale. Inhibiteurs de la pompe à protons (55) Diminution de l’absorption digestive de l’antifongique azolé par augmentation du pH intragastrique, à prendre en compte. Isoniazide (67) Diminution des concentrations plasmatiques de kétoconazole. Il convient d’espacer les prises des deux anti-infectieux d’au moins 12 heures, et de surveiller les concentrations plasmatiques de kétoconazole et éventuellement adapter la posologie. Rifampicine (51) Diminution des concentrations plasmatiques et de l’efficacité des deux anti-infectieux. Il convient d’espacer les prises des deux produits de 12 heures et éventuellement de surveiller les concentrations plasmatiques de l’azolé antifongique et d’adapter les doses. Topiques gastro-intestinaux (70) Diminution de l’absorption digestive du kétoconazole. Prendre le topique gastro-intestinal à distance du kétoconazole (plus de 2 heures si possible). Triazolam (26) Augmentation des concentrations plasmatiques de la benzodiazépine par diminution de son métabolisme hépatique avec majoration de la sédation. Une surveillance clinique et une réduction de la posologie de la benzodiazépine pendant le traitement par l’anti-infectieux peuvent être nécessaires. Zolpidem (71) Légère augmentation des effets du zolpidem, à prendre en compte.
■ Anti-inflammatoires et antalgiques Signification des nombres (1) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique digestif (synergie additive).
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(2) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique à prendre en compte. (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. (4) Réduction possible de l’effet antihypertenseur à prendre en compte. (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. (6) Risque controversé de diminution d’efficacité du stérilet (dispositif intra-utérin). (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. (8) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’entreprendre une surveillance clinique et/ou biologique étroite. (9) Augmentation de la lithémie pouvant atteindre des valeurs toxiques. Si l’association ne peut être évitée, il convient de surveiller étroitement la lithémie et d’adapter la posologie du lithium au cours de l’association et après l’arrêt. (10) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. (11) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme pendant les premières semaines d’association, pour des doses de méthotrexate inférieures à 15 mg par semaine. (12) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association est déconseillée pour des doses de méthotrexate supérieures à 15 mg par semaine. Il convient de respecter un intervalle d’au moins 12 heures entre l’arrêt ou le début d’un traitement par le kétoprofène et la prise de méthotrexate. (13) Majoration possible de l’hyperkaliémie à prendre en compte. (14) L’utilisation de plusieurs antiagrégants plaquettaires majore le risque de survenue de saignement et doit faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). (15) Augmentation du risque hémorragique devant faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). (16) Majoration du risque hémorragique à prendre en compte. (17) Toxicité accrue sur la lignée rouge nécessitant un contrôle par la numération formule sanguine des réticulocytes de 8 à 15 jours après le début de l’association. (18) Contre-indication pour des doses d’aspirine supérieures ou égales à 1 g par prise et/ou 3 g par jour. Contre-indication également pour des doses inférieures en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal. (19) Association déconseillée pour des doses d’aspirine inférieures à 1 g par prise et/ou 3 g par jour, en l’absence d’antécédent d’ulcère gastroduodénal. (20) Augmentation du risque hémorragique. Utiliser un autre anti-inflammatoire ou un autre antalgique ou antipyrétique. (21) L’utilisation conjointe de médicaments agissant sur l’hémostase à divers niveaux majore le risque de saignement. Ainsi, chez le sujet de plus de 65 ans, l’association d’héparine à dose préventive à l’aspirine nécessite une surveillance clinique et/ou biologique. (22) Majoration de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association à l’aspirine nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme durant les premières semaines de l’association. La surveillance hématologique doit être renforcée en cas d’altération, même légère, de la fonction rénale, ainsi que chez le sujet âgé. (23) Augmentation de l’excrétion urinaire de l’aspirine par alcalinisation des urines. Espacer d’au moins 2 heures les prises de topiques gastro-intestinaux, antiacides et charbon des prises d’aspirine.
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(24) Diminution de l’effet uricosurique. (25) Majoration de l’effet hypoglycémiant par de fortes doses d’aspirine. Prévenir le patient et renforcer l’autosurveillance glycémique. (26) Diminution de la salicylémie pendant le traitement par les corticoïdes et risque de surdosage après l’arrêt des corticoïdes. (27) Risque d’inhibition de l’effet de l’interféron. Utiliser de préférence du paracétamol. (28) En cas de choc ou d’hypotension à la floctafénine, réduction des réactions cardiovasculaires de compensation par les bêtabloquants. (29) Addition des effets indésirables atropiniques à type de rétention urinaire, constipation, sécheresse de la bouche .... (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. (33) Diminution de l’effet de la méthadone. (34) Risque de diminution de l’effet antalgique et/ou apparition d’un syndrome de sevrage. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’évaluer régulièrement l’effet antalgique et éventuellement d’adapter les doses du dérivé morphinique. (35) Diminution des concentrations plasmatiques et de l’efficacité de la morphine. Il convient d’évaluer régulièrement l’effet antalgique et éventuellement d’adapter les doses de morphine. (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. (39) Augmentation des concentrations plasmatiques de carbamazépine. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et biologique afin de pouvoir adapter le traitement. (40) Risque de diminution des concentrations plasmatiques de tramadol. (41) Risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. (42) Risque d’apparition de manifestation d’excitation centrale évoquant un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. (43) Risque d’apparition de convulsions et/ou d’un syndrome sérotoninergique. (44) Par extrapolation à partir des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) non sélectifs, risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. (45) Augmentation de l’effet dépresseur respiratoire nécessitant de débuter ou d’adapter la posologie du fentanyl aux doses les plus faibles. (46) Augmentation des concentrations de buprénorphine nécessitant une surveillance clinique et une adaptation de la posologie de buprénorphine pendant le traitement par antiprotéase et, le cas échéant, après son arrêt.
Anti-inflammatoires et antalgiques Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), AINS antalgiques et antalgiques non opiacés Acide méfénamique. Acide niflumique. Morniflumate. Nimésulide • Association déconseillée Autres AINS (+ aspirine à dose non antiagrégante) (1) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique digestif (synergie additive). Stomatologie
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Anticoagulants oraux (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Héparines à dose curative ou sujet âgé (8) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’entreprendre une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Lithium (9) Augmentation de la lithémie pouvant atteindre des valeurs toxiques. Si l’association ne peut être évitée, il convient de surveiller étroitement la lithémie et d’adapter la posologie du lithium au cours de l’association et après l’arrêt. Méthotrexate (doses supérieures à 15 mg par semaine) (10) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antagonistes de l’angiotensine II (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Antiagrégants plaquettaires (14) L’utilisation de plusieurs antiagrégants plaquettaires majore le risque de survenue de saignement et doit faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Aspirine à dose antiagrégante (2) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique à prendre en compte. Bêtabloquants (sauf esmolol) (4) Réduction possible de l’effet antihypertenseur à prendre en compte. Ciclosporine (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Diurétiques (7) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique à prendre en compte. Héparines à dose préventive (hors sujet âgé) (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (7) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique à prendre en compte. Médicaments hyperkaliémiants (13) Majoration possible de l’hyperkaliémie à prendre en compte. Méthotrexate (doses inférieures à 15 mg par semaine) (11) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme pendant les premières semaines d’association, pour des doses de méthotrexate inférieures à 15 mg par semaine. Tacrolimus (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Acide tiaprofénique • Association déconseillée Autres AINS (+ aspirine à dose non antiagrégante) (1) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique digestif (synergie additive). Anticoagulants oraux (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Héparines à dose curative ou sujet âgé (8) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’entreprendre une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Lithium (9) Augmentation de la lithémie pouvant atteindre des valeurs toxiques. Si l’association ne peut être évitée, il convient de surveiller étroitement la lithémie et d’adapter la posologie du lithium au cours de l’association et après l’arrêt. Stomatologie
Méthotrexate (doses supérieures à 15 mg par semaine) (10) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antagonistes de l’angiotensine II (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Antiagrégants plaquettaires (14) L’utilisation de plusieurs antiagrégants plaquettaires majore le risque de survenue de saignement et doit faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Aspirine à dose antiagrégante (2) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique à prendre en compte. Bêtabloquants (sauf esmolol) (4) Réduction possible de l’effet antihypertenseur à prendre en compte. Ciclosporine (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Dispositifs intra-utérins (6) Risque controversé de diminution d’efficacité du stérilet (dispositif intra-utérin). Diurétiques (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Héparines à dose préventive (hors sujet âgé) (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Médicaments hyperkaliémiants (13) Majoration possible de l’hyperkaliémie à prendre en compte. Méthotrexate (doses inférieures à 15 mg par semaine) (11) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme pendant les premières semaines d’association, pour des doses de méthotrexate inférieures à 15 mg par semaine. Pentoxifylline (15) Augmentation du risque hémorragique devant faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Tacrolimus (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Thrombolytiques (16) Majoration du risque hémorragique à prendre en compte. Aspirine • Contre-indication Anticoagulants oraux (18) Contre-indication pour des doses d’aspirine supérieures ou égales à 1 g par prise et/ou 3 g par jour. Contre-indication également pour des doses inférieures en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal. Méthotrexate (doses supérieures à 15 mg par semaine) (10) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. • Association déconseillée Anticoagulants oraux (19) Association déconseillée pour des doses d’aspirine inférieures à 1 g par prise et/ou 3 g par jour, en l’absence d’antécédent d’ulcère gastroduodénal. AINS (1) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique digestif (synergie additive). Héparines à dose curative ou sujet âgé (20) Augmentation du risque hémorragique. Utiliser un autre anti-inflammatoire ou un autre antalgique ou antipyrétique. Uricosuriques (24) Diminution de l’effet uricosurique.
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• Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (sartans) (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Antidiabétiques (insulines) (25) Majoration de l’effet hypoglycémiant par de fortes doses d’aspirine. Prévenir le patient et renforcer l’autosurveillance glycémique. Antiagrégants plaquettaires (14) L’utilisation de plusieurs antiagrégants plaquettaires majore le risque de survenue de saignement et doit faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Corticoïdes (26) Diminution de la salicylémie pendant le traitement par les corticoïdes et risque de surdosage après l’arrêt des corticoïdes. Dispositifs intra-utérins (6) Risque controversé de diminution d’efficacité du stérilet (dispositif intra-utérin). Diurétiques (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Héparines à dose préventive (hors sujet âgé) (21) L’utilisation conjointe de médicaments agissant sur l’hémostase à divers niveaux majore le risque de saignement. Ainsi, chez le sujet de plus de 65 ans, l’association d’héparine à dose préventive à l’aspirine nécessite une surveillance clinique et/ou biologique. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Interférons alfa (27) Risque d’inhibition de l’effet de l’interféron. Utiliser de préférence du paracétamol. Méthotrexate (doses inférieures à 15 mg par semaine) (22) Majoration de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association à l’aspirine nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme durant les premières semaines de l’association. La surveillance hématologique doit être renforcée en cas d’altération, même légère, de la fonction rénale, ainsi que chez le sujet âgé. Pentoxifylline (15) Augmentation du risque hémorragique devant faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Thrombolytiques (16) Majoration du risque hémorragique à prendre en compte. Topiques gastro-intestinaux, antiacides et charbon (23) Augmentation de l’excrétion urinaire de l’aspirine par alcalinisation des urines. Espacer d’au moins 2 heures les prises de topiques gastro-intestinaux, antiacides et charbon des prises d’aspirine. Floctafénine • Contre-indication Bêtabloquants (28) En cas de choc ou d’hypotension à la floctafénine, réduction des réactions cardiovasculaires de compensation par les bêtabloquants. Ibuprofène • Association déconseillée Autres AINS (+ aspirine à dose non antiagrégante) (1) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique digestif (synergie additive). Anticoagulants oraux (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Héparines à dose curative ou sujet âgé (8) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’entreprendre une surveillance clinique et/ou biologique étroite.
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Lithium (9) Augmentation de la lithémie pouvant atteindre des valeurs toxiques. Si l’association ne peut être évitée, il convient de surveiller étroitement la lithémie et d’adapter la posologie du lithium au cours de l’association et après l’arrêt. Méthotrexate (doses supérieures à 15 mg par semaine) (10) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antagonistes de l’angiotensine II (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Antiagrégants plaquettaires (14) L’utilisation de plusieurs antiagrégants plaquettaires majore le risque de survenue de saignement et doit faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Aspirine à dose antiagrégante (2) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique à prendre en compte. Bêtabloquants (sauf esmolol) (4) Réduction possible de l’effet antihypertenseur à prendre en compte. Ciclosporine (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Dispositifs intra-utérins (6) Risque controversé de diminution d’efficacité du stérilet (dispositif intra-utérin). Diurétiques (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Héparines à dose préventive (hors sujet âgé) (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Médicaments hyperkaliémiants (13) Majoration possible de l’hyperkaliémie à prendre en compte. Méthotrexate (doses inférieures à 15 mg par semaine) (11) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme pendant les premières semaines d’association, pour des doses de méthotrexate inférieures à 15 mg par semaine. Tacrolimus (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Thrombolytiques (16) Majoration du risque hémorragique à prendre en compte. Kétoprofène • Association déconseillée Autres AINS (+ aspirine à dose non antiagrégante) (1) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique digestif (synergie additive). Anticoagulants oraux (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Héparines à dose curative ou sujet âgé (8) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’entreprendre une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Lithium (9) Augmentation de la lithémie pouvant atteindre des valeurs toxiques. Si l’association ne peut être évitée, il convient de surveiller étroitement la lithémie et d’adapter la posologie du lithium au cours de l’association et après l’arrêt. Stomatologie
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Méthotrexate (doses supérieures à 15 mg par semaine) (12) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association est déconseillée pour des doses de méthotrexate supérieures à 15 mg par semaine. Il convient de respecter un intervalle d’au moins 12 heures entre l’arrêt ou le début d’un traitement par le kétoprofène et la prise de méthotrexate. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antagonistes de l’angiotensine II (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Antiagrégants plaquettaires (14) L’utilisation de plusieurs antiagrégants plaquettaires majore le risque de survenue de saignement et doit faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Aspirine à dose antiagrégante (2) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique à prendre en compte. Bêtabloquants (sauf esmolol) (4) Réduction possible de l’effet antihypertenseur à prendre en compte. Ciclosporine (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Dispositifs intra-utérins (6) Risque controversé de diminution d’efficacité du stérilet (dispositif intra-utérin). Diurétiques (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Héparines à dose préventive (hors sujet âgé) (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Médicaments hyperkaliémiants (13) Majoration possible de l’hyperkaliémie à prendre en compte. Méthotrexate (doses inférieures à 15 mg par semaine) (11) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme pendant les premières semaines d’association, pour des doses de méthotrexate inférieures à 15 mg par semaine. Tacrolimus (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Naproxène • Association déconseillée Autres AINS (+ aspirine à fortes doses) (1) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique digestif (synergie additive). Anticoagulants oraux (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Héparines à dose curative ou sujet âgé (8) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’entreprendre une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Lithium (9) Augmentation de la lithémie pouvant atteindre des valeurs toxiques. Si l’association ne peut être évitée, il convient de surveiller étroitement la lithémie et d’adapter la posologie du lithium au cours de l’association et après l’arrêt. Méthotrexate (doses supérieures à 15 mg par semaine) (10) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. Stomatologie
• Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antagonistes de l’angiotensine II (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Antiagrégants plaquettaires (14) L’utilisation de plusieurs antiagrégants plaquettaires majore le risque de survenue de saignement et doit faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Aspirine à dose antiagrégante (2) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique à prendre en compte. Bêtabloquants (sauf esmolol) (4) Réduction possible de l’effet antihypertenseur à prendre en compte. Ciclosporine (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Dispositifs intra-utérins (6) Risque controversé de diminution d’efficacité du stérilet (dispositif intra-utérin). Diurétiques (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Héparines à dose préventive (hors sujet âgé) (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Médicaments hyperkaliémiants (13) Majoration possible de l’hyperkaliémie à prendre en compte. Méthotrexate (doses inférieures à 15 mg par semaine) (11) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme pendant les premières semaines d’association, pour des doses de méthotrexate inférieures à 15 mg par semaine. Pentoxifylline (15) Augmentation du risque hémorragique devant faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Tacrolimus (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Thrombolytiques (16) Majoration du risque hémorragique à prendre en compte. Zidovudine (17) Toxicité accrue sur la lignée rouge nécessitant un contrôle par la numération formule sanguine des réticulocytes de 8 à 15 jours après le début de l’association. Néfopam • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Médicaments atropiniques (29) Addition des effets indésirables atropiniques à type de rétention urinaire, constipation, sécheresse de la bouche .... Valdécoxib • Association déconseillée Autres AINS (+ aspirine à dose non antiagrégante) (1) Augmentation du risque ulcérogène et hémorragique digestif (synergie additive). Anticoagulants oraux (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite.
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Héparines à dose curative ou sujet âgé (8) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’entreprendre une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Lithium (9) Augmentation de la lithémie pouvant atteindre des valeurs toxiques. Si l’association ne peut être évitée, il convient de surveiller étroitement la lithémie et d’adapter la posologie du lithium au cours de l’association et après l’arrêt. Méthotrexate (doses supérieures à 15 mg par semaine) (10) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antagonistes de l’angiotensine II (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Antiagrégants plaquettaires (14) L’utilisation de plusieurs antiagrégants plaquettaires majore le risque de survenue de saignement et doit faire l’objet d’une surveillance régulière clinique et biologique (temps de saignement). Bêtabloquants (sauf esmolol) (4) Réduction possible de l’effet antihypertenseur à prendre en compte. Ciclosporine (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association. Diurétiques (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Héparines à dose préventive (hors sujet âgé) (3) Augmentation du risque hémorragique. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et/ou biologique étroite. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (7) Risque d’insuffisance rénale aiguë chez les sujets à risque (âgés et/ou déshydratés). Il convient d’hydrater le malade et de surveiller la fonction rénale en début d’association. Médicaments hyperkaliémiants (13) Majoration possible de l’hyperkaliémie à prendre en compte. Méthotrexate (doses inférieures à 15 mg par semaine) (11) Augmentation de la toxicité, notamment hématologique, du méthotrexate. L’association nécessite un contrôle hebdomadaire de l’hémogramme pendant les premières semaines d’association, pour des doses de méthotrexate inférieures à 15 mg par semaine. Tacrolimus (5) Risque d’addition des effets néphrotoxiques, notamment chez le sujet âgé. Il convient de surveiller la fonction rénale en début d’association.
Antalgiques opiacés Agonistes de palier II Codéine ou dihydrocodéine • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Buprénorphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Nalbuphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Naltrexone (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Autres analgésiques morphiniques agonistes (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. Antitussifs (type codéine, dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine et pholcodine) (30) idem
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Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Dextropropoxyphène • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Buprénorphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Carbamazépine (39) Augmentation des concentrations plasmatiques de carbamazépine. Si l’association ne peut être évitée, il convient de mettre en place une surveillance clinique et biologique afin de pouvoir adapter le traitement. Nalbuphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Naltrexone (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Autres analgésiques morphiniques agonistes (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. Antitussifs (type codéine, dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine et pholcodine) (30) idem Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Tramadol • Contre-indication IMAO non sélectifs (41) Risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. IMAO-A sélectifs (41) idem IMAO-B sélectifs (42) Risque d’apparition de manifestation d’excitation centrale évoquant un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. Linezolide (44) Par extrapolation à partir des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) non sélectifs, risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Carbamazépine (40) Risque de diminution des concentrations plasmatiques de tramadol. Buprénorphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Nalbuphine (32) idem Naltrexone (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Autres analgésiques morphiniques agonistes (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. Antitussifs (type codéine, dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine et pholcodine) (30) idem Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Stomatologie
Interactions médicamenteuses en stomatologie ¶ 22-013-A-10
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS) (43) Risque d’apparition de convulsions et/ou d’un syndrome sérotoninergique. Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Venlafaxine (43) Risque d’apparition de convulsions et/ou d’un syndrome sérotoninergique. Agonistes de palier III Fentanyl • Contre-indication Buprénorphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Nalbuphine (32) idem • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Naltrexone (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Autres analgésiques morphiniques agonistes (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. Antitussifs (type codéine, dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine et pholcodine) (30) idem Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Ritonavir (45) Augmentation de l’effet dépresseur respiratoire nécessitant de débuter ou d’adapter la posologie du fentanyl aux doses les plus faibles. Hydromorphone • Contre-indication Buprénorphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Nalbuphine (32) idem • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Naltrexone (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Autres analgésiques morphiniques agonistes (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. Antitussifs (type codéine, dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine et pholcodine) (30) idem Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Morphine • Contre-indication Buprénorphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Nalbuphine (32) idem • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Stomatologie
Naltrexone (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Autres analgésiques morphiniques agonistes (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. Antitussifs (type codéine, dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine et pholcodine) (30) idem Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Rifampicine (35) Diminution des concentrations plasmatiques et de l’efficacité de la morphine. Il convient d’évaluer régulièrement l’effet antalgique et éventuellement d’adapter les doses de morphine. Oxycodone • Contre-indication Buprénorphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Nalbuphine (32) idem • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Naltrexone (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Autres analgésiques morphiniques agonistes (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. Antitussifs (type codéine, dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine et pholcodine) (30) idem Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Péthidine • Contre-indication Buprénorphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. IMAO non sélectifs (41) Risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. IMAO-A sélectifs (41) idem IMAO-B sélectifs (42) Risque d’apparition de manifestation d’excitation centrale évoquant un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. Linezolide (44) Par extrapolation à partir des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) non sélectifs, risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma. Nalbuphine (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Naltrexone (31) Risque de diminution de l’effet antalgique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Autres analgésiques morphiniques agonistes (30) Risque majoré à prendre en compte de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage.
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Antitussifs (type codéine, dextrométorphane, éthylmorphine, noscapine et pholcodine) (30) idem Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Agonistes-antagonistes Buprénorphine • Contre-indication Analgésiques morphiniques agonistes purs de palier III (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Méthadone (33) Diminution de l’effet de la méthadone. • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Analgésiques morphiniques agonistes purs de palier II (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Antitussifs (type codéine et éthylmorphine) (32) idem Naltrexone (34) Risque de diminution de l’effet antalgique et/ou apparition d’un syndrome de sevrage. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’évaluer régulièrement l’effet antalgique et éventuellement d’adapter les doses du dérivé morphinique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiprotéases (amprénavir, atazanavir, fosamprénavir, nelfinavir et ritonavir) (46) Augmentation des concentrations de buprénorphine nécessitant une surveillance clinique et une adaptation de la posologie de buprénorphine pendant le traitement par antiprotéase et, le cas échéant, après son arrêt. Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Itraconazole (46) Augmentation des concentrations de buprénorphine nécessitant une surveillance clinique et une adaptation de la posologie de buprénorphine pendant le traitement par antiprotéase et, le cas échéant, après son arrêt. Kétoconazole (46) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Nalbuphine • Contre-indication Analgésiques morphiniques agonistes purs de palier III (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Méthadone (33) Diminution de l’effet de la méthadone. • Association déconseillée Alcool (38) Majoration de l’effet sédatif des morphiniques. Antitussifs (type codéine et éthylmorphine) (32) Diminution de l’effet antalgique avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage. Naltrexone (34) Risque de diminution de l’effet antalgique et/ou apparition d’un syndrome de sevrage. Si l’association ne peut être évitée, il convient d’évaluer régulièrement l’effet antalgique et éventuellement d’adapter les doses du dérivé morphinique. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi
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Barbituriques (36) Risque majoré de dépression respiratoire à prendre en compte, d’autant plus qu’elle peut être fatale en cas de surdosage. Benzodiazépines et apparentés (36) idem Médicaments sédatifs (37) Majoration de la dépression centrale à prendre en compte. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules et l’utilisation de machines.
■ Médicaments à usage local, sialorrhants et sels de fluor Signification des nombres (1) Risque d’apparition d’érythème, de phlyctènes, voire de nécroses cutanéomuqueuses en rapport avec la formation de complexes caustiques. (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). (3) Risque d’effet Antabuse (chaleur, rougeur, vomissement, tachycardie). Il convient d’éviter la prise de boissons alcoolisées et de médicaments contenant de l’alcool. (4) Augmentation de l’effet des anticoagulants et du risque hémorragique. Il convient de renforcer la surveillance de l’INR, et d’adapter la posologie pendant l’association et après son arrêt. (5) Augmentation possible de la toxicité du fluorouracil à prendre en compte. (6) Risque de bouffées délirantes ou de survenue d’un état confusionnel. (7) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. (8) Hémorragies imprévisibles qui peuvent éventuellement être graves. (9) Augmentation des concentrations plasmatiques de phénytoïne pouvant atteindre des valeurs toxiques. Il convient d’entreprendre une surveillance clinique étroite, de contrôler la phénytoïnémie, et d’adapter éventuellement le traitement pendant l’association et après son arrêt. (10) Augmentation de l’effet hypoglycémiant avec survenue possible de manifestations hypoglycémiques, voire de coma. (11) Diminution de la résorption digestive du fluor. Il convient de prendre les deux produits à au moins 2 heures d’intervalle. (12) Le calcium, le magnésium, l’aluminium ou le fer peuvent chélater les ions fluor et diminuer leur résorption digestive. Il convient de prendre les deux produits à au moins 2 heures d’intervalle. (13) Risque d’addition des effets indésirables cholinergiques, notamment digestifs, à prendre en compte. (14) Risque de bradycardie excessive par addition des effets bradycardisants, à prendre en compte.
Médicaments à usage local Bains de bouche. Antiseptiques Acide benzoïque • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Acide borique • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Stomatologie
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Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Cétylpyridium • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...).
Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Salol • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...).
Chlorobutanol • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Chlorhexidine • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Cinéole • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Eugénol • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Formaldéhyde • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Hexétidine • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Lévomenthol • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Povidone iodée • Association déconseillée Antiseptiques mercuriels (1) Risque d’apparition d’érythème, de phlyctènes, voire de nécroses cutanéomuqueuses en rapport avec la formation de complexes caustiques. Salicylate • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Stomatologie
Thymol • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...). Tyrothricine • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Antiseptiques locaux (2) L’utilisation simultanée ou successive d’autres antiseptiques est à éviter compte tenu des interférences possibles (antagonisme, inactivation...).
Bains de bouche. Antibiotiques Métronidazole • Association déconseillée Alcool (3) Risque d’effet Antabuse (chaleur, rougeur, vomissement, tachycardie). Il convient d’éviter la prise de boissons alcoolisées et de médicaments contenant de l’alcool. Disulfirame (6) Risque de bouffées délirantes ou de survenue d’un état confusionnel. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Anticoagulants oraux (4) Augmentation de l’effet des anticoagulants et du risque hémorragique. Il convient de renforcer la surveillance de l’INR, et d’adapter la posologie pendant l’association et après son arrêt. Fluorouracil (5) Augmentation possible de la toxicité du fluorouracil à prendre en compte.
Bains de bouche. Antifongiques Miconazole • Contre-indication Anticoagulants oraux (8) Hémorragies imprévisibles qui peuvent éventuellement être graves. Cisapride (7) Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsade de pointes. Halofantrine (7) idem Pimozide (7) idem Sulfamides hypoglycémiants (10) Augmentation de l’effet hypoglycémiant avec survenue possible de manifestations hypoglycémiques, voire de coma. • Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Fosphénytoïne (9) Augmentation des concentrations plasmatiques de phénytoïne pouvant atteindre des valeurs toxiques. Il convient d’entreprendre une surveillance clinique étroite, de contrôler la phénytoïnémie, et d’adapter éventuellement le traitement pendant l’association et après son arrêt. Phénytoïne (9) idem
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22-013-A-10 ¶ Interactions médicamenteuses en stomatologie
Sialorrhants
Sels de fluor (voie orale)
Pilocarpine
• Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Minéraux (12) Le calcium, le magnésium, l’aluminium ou le fer peuvent chélater les ions fluor et diminuer leur résorption digestive. Il convient de prendre les deux produits à au moins 2 heures d’intervalle. Topiques gastro-intestinaux (11) Diminution de la résorption digestive du fluor. Il convient de prendre les deux produits à au moins 2 heures d’intervalle.
• Risque associatif à prendre en compte ou pouvant nécessiter une précaution d’emploi Anticholinestérasiques (13) Risque d’addition des effets indésirables cholinergiques, notamment digestifs, à prendre en compte. Médicaments bradycardisants (14) Risque de bradycardie excessive par addition des effets bradycardisants, à prendre en compte.
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M. Biour ([email protected]). Unité de pharmacovigilance, hôpital Saint-Antoine, 184, rue du faubourg Saint-Antoine. 75571 Paris cedex 12, France. D. Bandon. Faculté d’odontologie, 27, boulevard Jean-Moulin, 13555 Marseille cedex 5, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Biour M., Bandon D. Interactions médicamenteuses en stomatologie. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-013-A-10, 2006.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Stomatologie
¶ 22-012-C-10
Médicaments de l’inflammation D. Muster Les anti-inflammatoires appartiennent à des classes chimiques très variées et agissent de façon purement symptomatique sur la réaction aspécifique des tissus à un agent agresseur. Les glucocorticoïdes, antiinflammatoires stéroïdiens, ont tous une activité hormonale, concernant principalement les régulations métaboliques, et exercent un effet freinateur sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Certains états pathologiques demandent une attention particulière mais ne contre-indiquent pas forcément une corticothérapie en cure courte. Les extractions de dents de sagesse incluses et la dermatologie buccale figurent parmi leurs indications avec des modalités propres d’administration. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) regroupent différentes classes chimiques, mais sans structure stéroïdienne. L’inhibition de la biosynthèse des prostanoïdes par les AINS est responsable de bon nombre de leurs propriétés pharmacologiques mais aussi de leurs effets indésirables (principalement digestifs, rénaux et cutanés). Ils peuvent être prescrits en odontostomatologie, soit pour leurs propriétés antalgiques, soit pour leurs propriétés antiœdémateuses et anti-inflammatoires, après analyse soigneuse du rapport bénéfice/risques. Les nouveaux anti-inflammatoires (coxibs, inhibiteurs sélectifs de la cyclo-oxygénase 2) sont, dans la pratique clinique actuelle, surtout utilisés en rhumatologie, mais ils n’apportent toutefois pas d’avantage notable quant à la survenue d’effets secondaires comparés aux autres AINS. Les enzymes sont des anti-inflammatoires d’efficacité modeste, utilisés surtout comme antiœdémateux. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Corticoïdes ; AINS ; Enzymes ; Inflammations de la muqueuse buccale
Plan ¶ Introduction
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¶ Rappel physiopathologique
1
¶ Anti-inflammatoires stéroïdiens : glucocorticoïdes Classification et principales caractéristiques Contre-indications Précautions d’emploi Interactions médicamenteuses Principales indications
2 2 3 3 3 3
¶ Anti-inflammatoires non stéroïdiens Contre-indications, précautions d’emploi, interactions médicamenteuses Principales indications
4
¶ Nouveaux anti-inflammatoires Coxibs Anticytokines
5 5 5
¶ Références médicales opposables (RMO)
5
¶ Enzymes
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4 4
■ Introduction L’inflammation peut se définir comme un processus biologique de défense de l’organisme contre un agent agresseur. Aussi, supprimer la réaction inflammatoire ne constitue pas forcément un acte thérapeutique bénéfique. Cependant, cette réaction se manifeste par des symptômes plus ou moins pénibles décrits par Stomatologie
Celsius puis par Galien : rougeur, chaleur, douleur, tuméfaction et gêne ou impotence fonctionnelles. Ces manifestations peuvent inciter le praticien à prescrire un anti-inflammatoire. La thérapeutique anti-inflammatoire est destinée à contrôler l’excès de réaction aspécifique des tissus et à éviter la transformation de la phase aiguë de l’inflammation en phase chronique. Du fait de la grande variété des stimuli phlogogènes (immuns, microcristaux, infections, corps étranger, traumatismes{) qui peuvent léser l’organisme, les anti-inflammatoires sont utilisés dans tous les domaines de la pathologie. Ils appartiennent à des classes chimiques différentes les unes des autres et sont souvent doués en outre d’une activité antipyrétique et antalgique périphérique. Leur mode d’action est purement symptomatique puisque le cours de la maladie n’est pas arrêté en général. L’inflammation n’est qu’une conséquence et le traitement de sa cause, dans la limite de nos connaissances, est le but principal du praticien. [27] Nous n’envisagerons dans ce chapitre que les antiinflammatoires par voie générale ; la voie locale étant traitée dans le chapitre consacré aux topiques.
■ Rappel physiopathologique
[15]
L’inflammation est un mécanisme universel de défense et de réparation tissulaire après agression. Bénéfique pour l’organisme, elle doit, pour atteindre son but, faire payer le prix au malade avec des symptômes pénibles, locaux (rougeur, chaleur, tumeur,
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22-012-C-10 ¶ Médicaments de l’inflammation
douleur), généraux (fièvre, asthénie, anorexie, myalgies, torpeur{), et parfois dangereux (occlusion ou rupture d’une artère au cours d’une vascularite par exemple). Face à une telle situation, le traitement de l’inflammation elle-même (priorité du malade) prime souvent pour le médecin sur le traitement de la cause (priorité de la maladie). Dans sa forme localisée, comme la réaction locale à un corps étranger, la formation d’un abcès vise à isoler la réaction puis à éliminer le corps étranger par ouverture à l’extérieur. Si l’élimination ne se réalise pas, l’isolement du corps étranger se fait par une fibrose qui réduit les échanges. Dans sa forme générale, c’est le choc septique, qui peut survenir d’emblée ou faire suite à l’extension d’une réaction locale. La finalité d’un processus inflammatoire est triple : détruire l’agent agresseur, détruire les tissus lésés et réparer les dégâts. Sa mise en œuvre est le fruit d’une intervention coordonnée de cellules effectrices (polynucléaires, macrophages, lymphocytes cytotoxiques) et de substances solubles, sécrétées par le système immunitaire, chargées de téléguider les cellules sur le site de l’agression (chimiokines), de les arrêter (molécules d’adhésion), de les activer (cytokines pro-inflammatoires : interleukine [IL] 1, tumour necrosis factor [TNF], IL6{) ou de les inactiver (cytokines anti-inflammatoires : IL4, IL10, IL13{) et de faire produire des anticorps par les lymphocytes B (IL4, IL5, IL10{). Mais pour que la réaction immunitaire soit pleinement efficace, l’inflammation est un préalable essentiel (fièvre, vasodilatation, afflux de cellules effectrices{), déclenchée par l’IL1 et le TNF. Ce sont ces cytokines qui sont responsables des manifestations cliniques (fièvre, anorexie, myalgies, cachexie{), mais entraînent des réactions bénéfiques pour l’organisme : hyperleucocytose, hyperplaquettose, résistance à l’agression, réduction des molécules d’adhésion pour les phagocytes, destruction des tissus lésés{ Ce sont elles aussi qui, avec l’IL6, induisent la synthèse hépatique des protéines de l’inflammation dotées d’effets anti-inflammatoires (protéine C réactive, protéine amyloïde sérique [SAA], facteurs du complément{). La plasticité de la réaction inflammatoire dépend en outre des facultés des lymphocytes T et B à reconnaître l’antigène grâce à des structures de reconnaissance spécifiques en liaison avec le complexe majeur d’histocompatibilité (molécules de classe II pour les lymphocytes T CD4+ et de classe I pour les lymphocytes T CD8+). Le résultat est, dans les conditions normales, une réaction adaptée aux besoins : immunité cellulaire dépendante des lymphocytes CD4+ de type TH1, sécréteurs
d’IL2, d’interféron d et d’IL17, ou immunité humorale par les lymphocytes CD4 de type TH2, sécréteurs d’IL4, IL13, IL5, IL10.
■ Anti-inflammatoires stéroïdiens : glucocorticoïdes [8, 11, 13, 16-19-22, 29, 32-38]
Ces stéroïdes analogues ou précurseurs de la cortisone, naturellement sécrétée par les glandes surrénales, possèdent de nombreuses propriétés pharmacologiques dont beaucoup sont à l’origine d’effets indésirables (diabète{). Ils ont tous une activité hormonale sur les régulations métaboliques (glucidique, protidique, lipidique notamment) et ils entraînent la mise au repos des surrénales par un mécanisme de freination hypothalamohypophysaire. Contrairement aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les glucocorticoïdes sont capables d’inhiber toutes les phases de la réaction inflammatoire. Par leur action directe sur les vaisseaux, ils diminuent les phénomènes vasculaires de l’inflammation. Par leur effet antiprolifératif sur les histiocytesmonocytes-macrophages de tous les types, les lymphocytes, les plasmocytes, les fibroblastes et les polynucléaires neutrophiles, ils inhibent les phénomènes cellulaires précoces et tardifs de l’inflammation. À très fortes doses, les glucocorticoïdes ont un effet lymphocytolytique permettant une inhibition de l’immunité à médiation cellulaire et, à un degré moindre, une diminution de la synthèse des anticorps humoraux.
Classification et principales caractéristiques Les glucocorticoïdes de synthèse, communément appelés corticoïdes, sont utilisés en odontostomatologie essentiellement pour leurs effets anti-inflammatoires ou exceptionnellement antiallergiques. Le Tableau 1 en donne une brève présentation. Du point de vue pratique, on gardera en mémoire que les corticoïdes sont bien résorbés par voie orale et que la demi-vie biologique, comprise entre 12 et 54 heures, est très supérieure à la demi-vie plasmatique. Par voie orale, la demi-vie biologique détermine par conséquent la répartition des prises (rythme de prise se limitant à une dose unique quotidienne administrée le matin en une seule prise afin de reproduire le rythme circadien
Tableau 1. Quelques glucocorticoïdes par voie orale. Principe actif
Spécialité (®)
Dosage
Présentation
Bétaméthasone
Betnesol 0,5 mg Célestène 0,5 mg Célestène 0,5 mg Célestène 2 mg
0,5 mg 0,5 mg 0,5 mg/ml 2 mg
Cp soluble Cp Soluté buvable Cp dispersible sécable
Cortisone
Cortisone Roussel Roussel-Diamant
5 mg
Cp
Dexaméthasone
Décadron
0,5 mg
Cp sécable
36-54
Hydrocortisone
Hydrocortisone Roussel 10 mg
10 mg
Cp
8-12
Méthylprednisolone
Médrol 4 mg Médrol 16 mg
4 mg 16 mg
Cp sécable Cp sécable
12-36
Hydrocortancyl 5 mg Solupred 5 mg Solupred 20 mg Solupred 1 mg/ml
5 mg 5 mg 20 mg 1 mg/ml
Cp sécable Cp effervescent Cp effervescent Solution buvable Flacon 50 ml
12-36
Cortancyl 1 mg Cortancyl 5 mg Cortancyl 20 mg
1 mg 5 mg 20 mg
Cp Cp Cp sécable
12-36
Prednisolone
Prednisone
Demi-vie biologique (h)
36-54 8-12
Équivalences : 25 mg cortisone ⇔ 20 mg hydrocortisone ⇔ 0,75 mg dexaméthasone ou bétaméthasone ⇔ 5 mg prednisone ⇔ 4 mg méthylprednisolone. Cp : comprimé.
2
Stomatologie
Médicaments de l’inflammation ¶ 22-012-C-10
physiologique du cortisol). Pour un corticoïde donné, le pouvoir anti-inflammatoire, l’action sur le métabolisme glucidique et le freinage de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien sont des actions strictement parallèles. Ainsi, l’importance des effets pharmacologiques (désirés et indésirables) est proportionnelle à la dose prescrite et à la durée du traitement. Les corticoïdes sont des molécules que l’organisme synthétise pour réguler de nombreux mécanismes physiologiques immunitaires et métaboliques. Les composés utilisés en thérapeutique à plus fortes doses ont des propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices très utiles. Les corticoïdes ont des mécanismes d’action originaux qui sont essentiellement génomiques (transcriptionnels) caractérisés par l’activation (transactivation) ou l’inhibition (transrépression) de nombreux gènes cibles. Ces actions s’exercent dans de nombreuses cellules impliquées dans l’immunité innée (macrophages, polynucléaires, mastocytes), dans l’immunité adaptative (lymphocytes) mais aussi dans d’autres cellules (fibroblastes, cellules épithéliales et endothéliales). L’efficacité anti-inflammatoire s’explique par l’inhibition de la synthèse de nombreuses cytokines, enzymes et médiateurs de l‘inflammation ou l’induction de cytokines et de molécules antiinflammatoires (lipocortine). Les corticoïdes régulent aussi les phénomènes d’activation et de survie cellulaire (apoptose) expliquant leur efficacité cytostatique dans certaines affections hématologiques malignes. Les corticoïdes figurent parmi les plus « doués » des antiinflammatoires classiques. Ils agissent comme de véritables verrous de l’inflammation : neutralisation des cytokines proinflammatoires, stimulation des cytokines anti-inflammatoires, diminution de la présentation de l’antigène aux lymphocytes T, de l’expression des molécules human leukocyte antigen (HLA), et de la prolifération des lymphocytes induits par l’antigène, en plus de leurs effets « AINS classiques ». Ces multiples propriétés devraient faire des corticoïdes les anti-inflammatoires de référence, si ce n’était leurs nombreux effets secondaires qui semblent conditionnés par la concentration de leurs récepteurs cellulaires dont la synthèse obéit à un polymorphisme génétique.
Contre-indications Les contre-indications absolues sont classiques : en particulier, tous états infectieux évolutifs non contrôlés par un traitement, notamment certaines viroses (hépatites, herpès, varicelle, zona) et les états psychotiques. L’administration de médicaments non antiarythmiques donnant des torsades de pointe (sultopride, érythromycine intraveineuse, vincamine{) représente une contre-indication relative.
Précautions d’emploi Une attention particulière doit être portée en cas de diabète (contrôle de l’équilibre glycémique), que le diabète soit insulinodépendant ou non insulinodépendant. Cette surveillance permettra, si nécessaire, d’augmenter les doses d’insuline, de renforcer les hypoglycémiants oraux en association à une restriction glucidique stricte. L’hypertendu bien équilibré par un traitement adapté peut recevoir une corticothérapie de courte durée. La maladie ulcéreuse gastroduodénale, qu’elle soit évolutive ou non, n’empêche pas la prescription d’une corticothérapie en cure courte ; la protection gastrique antiulcéreuse sera systématique. La corticothérapie en cure courte ne pose aucun problème de malformation ou de fœtotoxicité, quel que soit le stade de la grossesse. Enfin, il est admis qu’une corticothérapie en cure courte n’expose pas aux complications des traitements prolongés (retard de croissance chez l’enfant et ostéoporose chez le sujet âgé). Aucune adaptation du régime alimentaire n’est à prévoir, étant donné l’absence de retentissement minéralocorticoïde des dérivés cortisoniques lorsqu’ils sont administrés en cure courte. Stomatologie
Interactions médicamenteuses Les corticoïdes sont des substances à faible risque d’interactions médicamenteuses graves. Il existe des précautions d’emploi liées aux troubles métaboliques et des adaptations de posologies avec certains médicaments, surtout pour des traitements de longue durée. Pour plus de détails, on se reportera aux références bibliographiques. [15, 26, 30]
Principales indications L’importance du phénomène inflammatoire aigu consécutif à certains actes chirurgicaux en odontostomatologie peut justifier la prescription d’une corticothérapie de courte durée (inférieure à 5 jours). Par définition, on peut dire que la corticothérapie en cure courte constitue un traitement suffisant pour limiter l’inflammation aiguë sans les importants effets indésirables inhérents à toute corticothérapie prolongée. La posologie doit être adaptée au poids du patient : elle est habituellement de 1 mg/kg/j de prednisolone, en général le matin de l’intervention, et poursuivie 3 jours après. Une association est impérative à une antibiothérapie à large spectre ou adaptée à la flore pathogène en raison du caractère immunosuppresseur des corticoïdes. Cette indication a fait l’objet d’évaluations essentiellement après extraction des dents de sagesse incluses. Les corticoïdes réduiraient efficacement l’œdème postchirurgical. Une autre modalité consiste en l’administration d’une dose unique (flash) et importante par voie veineuse (par exemple 125 mg de méthylprednisolone) juste avant l’intervention sous anesthésie générale. En dermatologie buccale, la thérapeutique est souvent locale, même pour les affections les plus sévères (dermatose bulleuse, lichen érosif étendu). L’administration de corticoïdes par voie générale peut s’imposer, à la place ou en complément du traitement local. Elle suppose un bilan préalable à sa prescription : glycémie à jeun, bilan biologique lipidique, hépatique, rénal, contrôle de la tension artérielle, voire radiographie pulmonaire et examen parasitologique des selles. On utilise alors essentiellement la prednisone (Cortancyl®) à raison de 0,5 à 1 mg/kg, posologie réduite progressivement et prolongée de 1 à 6 mois pour le lichen plan érosif et de 2 ans pour le pemphigus avec relais par la corticothérapie locale. Signalons aussi l’intérêt des comprimés orodispersibles de Solupred® 5 mg qui se délitent rapidement dans la bouche grâce à la salive et sont ensuite avalés avec un peu d’eau, associant une action locale à l’action générale, notamment en cas de pemphigus ou de pemphigoïde bulleuse et pour certains lichens (2 comprimés 4 à 6 ×/j pour un adulte de 60 kg en traitement d’attaque, 1 comprimé 3 ×/j en entretien). Certains préfèrent l’utilisation d’un corticoïde retard : acétonide de triamcinolone (Kenacort Retard®) en injection intramusculaire de 80 mg/mois. Il faut réserver la corticothérapie en bolus (par perfusion intraveineuse de 1 g de méthylprednisolone répétée 3 jours de suite) aux formes diffuses, invalidantes et en cas d’échec de tous les autres moyens thérapeutiques. L’utilisation des corticoïdes par voie parentérale face à une situation d’urgence médicale (réaction allergique à manifestation cutanéomuqueuse ou respiratoire et choc anaphylactique) doit être soigneusement pesée. Actuellement, la tendance est à privilégier l’adrénaline et à n’utiliser les corticoïdes qu’en complément éventuel.
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Point important
Les extractions de dents de sagesse incluses et la dermatologie buccale figurent parmi les indications des corticoïdes.
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22-012-C-10 ¶ Médicaments de l’inflammation
■ Anti-inflammatoires non stéroïdiens
[4-7, 10, 12-14, 16, 18, 23, 25, 30-32, 35-39]
Les AINS regroupent différentes classes chimiques de synthèse de structure non stéroïdienne, à la différence des glucocorticoïdes. Le Tableau 2 indique les différentes familles tout en sachant bien que cette classification chimique ne préjuge ni de leur efficacité, ni de leur tolérance. Les essais cliniques des AINS en odontostomatologie sont relativement rares et leur méthodologie pas toujours rigoureuse.
Contre-indications, précautions d’emploi, interactions médicamenteuses Les principales contre-indications concernent les ulcères digestifs, les insuffisances hépatocellulaires ou rénales sévères, les allergies à l’une des classes d’AINS. Des précautions s’imposent pour les enfants, les femmes enceintes (pas d’administration durant le 1er ou le 3e trimestre) ou l’allaitement. L’inhibition de la biosynthèse des prostanoïdes par les AINS rend compte de bon nombre de leurs propriétés pharmacologiques, mais aussi de leurs effets indésirables (principalement digestifs, rénaux et cutanés). Les AINS actuellement disponibles s’opposent à la fois aux effets physiologiques des prostanoïdes (sur le rein, le tube digestif) et physiopathologiques (sur la douleur, l’œdème). Ce mécanisme d’action commun aux AINS implique que, la plupart du temps, la puissance antiinflammatoire va de pair avec la toxicité digestive et rénale. Tous les AINS, quelles que soient leur voie d’administration, leur forme galénique orale, leur classe chimique, exposent aux risques de toxicité gastro-intestinale. Les effets digestifs sont à prédominance gastrique et comportent des signes fonctionnels à type de brûlures, de douleurs et de nausées. Des hémorragies extériorisées (hématémèse, méléna) ou occultes peuvent apparaître, et ainsi être responsables d’une anémie en cas de saignements chroniques. Le risque est d’autant plus important que la posologie et la concentration locale de l’AINS au voisinage de la muqueuse sont élevées et que le traitement est prolongé. L’ibuprofène semble être l’un des AINS les mieux tolérés. Il faut savoir que chez les patients n’ayant pas d’antécédent ulcéreux, le risque de complications graves gastrointestinales lors d’un traitement court (inférieur à 1 semaine) paraît faible, voire négligeable.
Beaucoup moins fréquente que la toxicité digestive, la toxicité rénale (insuffisance rénale aiguë) est, en général, réversible à l’arrêt du traitement. Tous les AINS peuvent être à l’origine d’atteintes cutanéomuqueuses de gravité variable (de la simple urticaire au redoutable syndrome de Lyell) et sont susceptibles d’induire un pseudoasthme (bronchoconstriction, crise d’asthme). Des vertiges et de la somnolence ont aussi été rapportés. Chez l’enfant, la pathologie inflammatoire aiguë nécessite exceptionnellement l’administration d’un AINS. On limitera absolument l’usage des AINS à ceux qui ont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pédiatrique (Surgam®, Apranax®) et en respectant la posologie en fonction du poids. Le traitement de la douleur et éventuellement de la fièvre (éruption de la première dentition) peut faire appel à l’aspirine ou à l’ibuprofène. Pour certains, le paracétamol serait préférable. Chez le sujet âgé, particulièrement exposé aux risques d’effets indésirables, on préfère les AINS à demi-vie courte (arylcarboxyliques, cf. Tableau 2) et on limite le traitement à 1 semaine. Différentes interactions ont été décrites avec les AINS : on se reporte aux références bibliographiques [15, 26, 28, 30] et, bien sûr, au dictionnaire Vidal® en cas de doute.
Principales indications Les AINS peuvent être prescrits, soit pour leurs propriétés antalgiques, soit pour leurs propriétés antiœdémateuses et anti-inflammatoires.
Propriétés antalgiques Certains AINS (ibuprofène, kétoprofène) exercent une action antalgique propre, observée à des doses en moyenne 2 à 3 fois plus faibles que les doses anti-inflammatoires. Dans cette indication, on se reportera à la rubrique des antalgiques.
Propriétés antiœdémateuses et anti-inflammatoires Les AINS sont des médicaments symptomatiques et ne dispensent en aucun cas du traitement étiologique, chaque fois que ce dernier est possible. Avant toute prescription d’un AINS,
Tableau 2. Quelques anti-inflammatoires non stéroïdiens par voie orale. Classes
Principes actifs
Présentation
Spécialités (®)
Posologie journalière adulte
Modes d’action
Principaux effets indésirables
Salicylés et assimilés)
Acide acétylsalicylique
Sachet 500 mg Sachet 0,5 g 1g
Aspégic Catalgine
3-6 g 3-6 g
Acétylation de la cyclo-oxygénase (irréversible)
Dolobis
500-1500 mg
Allergie, troubles neurologiques Risque de syndrome de Reye (enfant)
Diflunisal
Cp 250 mg
Acide tiaprofénique
Cp 100 mg 200 mg Cp 200 mg Cp 400 mg Cp 200 mg Cp 400 mg
Arylcarboxyliques
Flanid Surgam Advil Brufen Nureflex
200-1200 mg 1,2-2,4 g 200-1200 mg
Kétoprofène
Cp 200 mg Cp 25 mg
Nureflex Nurofen Toprec
Sachet 400 mg 200-1200 mg (NR) 25-75 mg
Acide niflumique
Gélule 250 mg
Nifluril
750-1500 mg
Ibuprofène
Anthraniliques
Troubles gastro-intestinaux 200-600 mg
Inhibition compétitive de la cyclo-oxygénase (réversible)
Rares réactions cutanées Troubles gastro-intestinaux
Inhibition compétitive de la cyclo-oxygénase (réversible)
Réactions allergiques Troubles gastro-intestinaux
Cp : comprimé.
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Stomatologie
Médicaments de l’inflammation ¶ 22-012-C-10
une analyse soigneuse et individualisée du rapport bénéfices/ risques est souhaitable. Deux éventualités cliniques sont surtout rencontrées. Infection aiguë d’origine dentaire Il est admis qu’il est préférable de ne pas prescrire d’AINS (même dans un but antalgique) lors d’un processus septique comme une cellulite, car les AINS seraient susceptibles de diminuer les défenses naturelles de l’organisme. Des observations cliniques relatives à l’extension d’infections aiguës (cellulites diffuses) lors d’un traitement par des AINS ont été rapportées. Elles faisaient également état d’une inadéquation du traitement primaire de l’infection qui négligeait la cause dentaire et se limitait à un traitement antibiotique insuffisant et inadapté. Acte chirurgical Les actes chirurgicaux dans la sphère buccale sont souvent générateurs d’œdème postopératoire. La recherche d’un effet antiœdémateux par la prescription d’un AINS est légitime, bien que de nombreuses études cliniques constatent que les AINS sont moins efficaces que les glucocorticoïdes pour réduire l’œdème réactionnel postopératoire (après extraction des dents de sagesse incluses, par exemple). Toutefois, dans ce domaine, les AINS semblent s’avérer de meilleurs antalgiques que les glucocorticoïdes. Par ailleurs, tous les AINS inhibent, à des degrés divers, l’agrégation plaquettaire en allongeant de façon plus ou moins variable le temps de saignement. Peu d’études cliniques ou de données épidémiologiques relatives à l’influence des AINS sur des actes chirurgicaux buccodentaires sont disponibles. En chirurgie orale, le risque hémorragique paraît toutefois faible de par la spécificité des actes et l’on peut ainsi dire que la prise d’aspirine avant une intervention ne doit pas justifier son report. Schématiquement, on peut considérer que le risque hémorragique dépend probablement de la durée de l’inhibition de l’agrégation plaquettaire, soit par ordre décroissant : aspirine > AINS à demi-vie longue (type piroxicam) > AINS à demi-vie courte (type ibuprofène).
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gastriques. Le grand mérite d’une nouvelle classe de molécules récemment développée est qu’elle n’inhibe que la COX2, responsable de l’inflammation : il s’agit du Vioxx ® et du Celebrex®. Pour l’instant, l’AMM en France concerne uniquement la prise en charge des poussées d’arthrose ou de polyarthrite rhumatoïde, d’autres indications étant susceptibles d’apparaître dans un proche avenir. Une très grande prudence demeure toutefois de mise depuis le retrait récent du marché du Vioxx® après analyse des résultats intermédiaires d’un essai clinique qui a montré un doublement du risque relatif d’événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux) par rapport au placebo. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) [1] signale cependant que l’augmentation du risque n’est significative dans cette étude qu’au-delà de 18 mois de traitement continu, ce qui n’est le cas que pour un petit nombre de patients en France. [3] Depuis leur AMM respective en France en 1999 et 2000, les deux premiers AINS inhibiteurs spécifiques de la COX2 ou coxibs (rofécoxib) suscitent d’âpres controverses scientifiques et économiques. Les autorités françaises de santé ont demandé à la Commission de la transparence de réévaluer l’amélioration du service médical rendu dont ils ont été accrédités. L’Afssaps a rappelé d’une part que l’absence d’effet des COX2 sur l’agrégation des plaquettes est une particularité qui doit être présente à l’esprit lors de la prescription d’AINS chez des patients ayant des facteurs de risque cardiovasculaires et d’autre part que les coxibs pouvant présenter le même type d’effets indésirables (notamment digestifs) que les AINS conventionnels, les règles de bon usage des coxibs sont celles de tout traitement par AINS.
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Les nouveaux anti-inflammatoires (coxibs) n’apportent pas d’avantage notable quant à la survenue d’effets secondaires comparés aux autres AINS.
Point fort
Les AINS peuvent être prescrits en Odontostomatologie, soit pour leurs propriétés antalgiques, soit pour leurs propriétés anti-œdémateuses et anti-inflammatoires, après analyse soigneuse du rapport bénéfice/risques.
▲ Mise en garde Il ne faut pas prescrire d’AINS lors d’un processus septique comme une cellulite.
■ Nouveaux anti-inflammatoires Coxibs [2, 9, 14] Lors de l’inflammation, il y a excès de production d’une enzyme, appelée cyclo-oxygénase (COX), qui se présente sous deux formes chez l’homme, la COX1 et la COX2. Jusqu’à présent, la totalité des anti-inflammatoires inhibaient simultanément ces deux enzymes, provoquant d’un côté une diminution de l‘inflammation, mais de l’autre des répercussions Stomatologie
Mise au point
Anticytokines [24] Les anticytokines ont ouvert une nouvelle ère dans la thérapeutique anti-inflammatoire, et en particulier les anti-TNF a dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde réfractaire au méthotrexate ou dans la maladie de Crohn. Elles semblent également efficaces dans les spondylarthropathies, la maladie de Sjögren, les vascularites graves, les uvéites réfractaires, la maladie de Behçet ou les dermatomyosites. Néanmoins, ces nouvelles thérapeutiques invitent à la prudence, car en bloquant les cytokines pro-inflammatoires les plus importantes dans la lutte antibactérienne, elles exposent à des risques d’infection grave, et en particulier de tuberculose ainsi qu’à certains cancers. En outre, le blocage de ces cytokines peut libérer l’activité des cytokines antagonistes naturelles comme l’IL10 avec un risque d’induction de lupus.
■ Références médicales opposables (RMO) Lors de la prescription des AINS à dose anti-inflammatoire : il n’y a pas lieu d’associer et il peut être dangereux d’associer deux AINS par voie générale (RMO mars 1994) ; • il n’y a pas lieu d’associer un AINS par voie générale à l’aspirine prise à doses supérieures à 500 mg/j ou de l’associer à un autre AINS, même à doses antalgiques (RMO mars 1997) ; •
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22-012-C-10 ¶ Médicaments de l’inflammation
Tableau 3. Médicaments antiœdémateux à base d’enzymes par voie orale. Principe actif et source
Spécialités (®)
Action enzymatique
Posologie moyenne (adulte)
Remboursement
Ribonucléase animale (pancréas) + trypsine + chymotrypsinogène Bromelaïne végétale (ananas) Alpha-amylase bactérienne (Bacillus subtilis) ou fongique (Aspergillus) Lysozyme animale (blanc d’œuf) ou végétale vitamine B6(pyridoxine)
Ribatran
Nucléase
1 cp 3 x/j
NR
Extranase Maxilase
Protéase Carbohydrase (endoamylase) Mucopolysaccharide
3 cp 3 x/j 1 cp 3 x/j
NR R 35 %
1 cp 6 x/j
NR
Lyso-6
Cp : comprimé.
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il n’y a pas lieu d’associer un antiulcéreux au traitement par un AINS sauf chez les sujets à risque digestif pour lesquels cette association constitue l’une des précautions possibles. Le misoprostol (Cytotec®) et l’oméprazole (Mopral®, Zoltum®) sont les seuls antiulcéreux ayant l’AMM dans cette indication ; il n’y a pas lieu, car dangereux, de prescrire un AINS à partir du sixième mois de la grossesse, sauf indications obstétricales précises ; il n’y a pas lieu de prescrire un AINS à des doses supérieures aux doses recommandées ; il n’y a pas lieu de prescrire un AINS par voie intramusculaire au-delà des tout premiers jours de traitement, la voie orale prenant le relais (la voie parentérale ne diminue pas le risque digestif, comporte des risques spécifiques et n’est pas plus efficace au-delà de ce délai) ; il n’y a pas lieu, car généralement déconseillé en raison de risques hémorragiques, de prescrire un AINS chez un patient sous antivitamine K, ou sous héparine ou ticlopidine ; il n’y a pas lieu, particulièrement chez le sujet âgé, en raison du risque d’insuffisance rénale aiguë, de prescrire un AINS chez un patient recevant un traitement conjoint d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)-diurétiques, sans prendre les précautions nécessaires ; il n’y a pas lieu d’associer un traitement AINS à la corticothérapie, sauf dans certaines maladies inflammatoires systémiques évolutives (cas résistants de polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, angéites nécrosantes{).
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■ Enzymes Les enzymes sont des anti-inflammatoires d’efficacité modeste. Elles sont utilisées comme antiœdémateux par voie locale (voir le chapitre Topiques : [27] comprimés à sucer) ou par voie orale et sont proposées dans le traitement des œdèmes post-traumatiques ou postchirurgicaux. Le Tableau 3 résume les principales spécialités disponibles. La principale contre-indication est l’hypersensibilité à l’un des composants. Elles sont surtout prescrites chez l’adulte et, à posologie moindre, chez l’enfant de plus de 6 ans. Par mesure de précaution, il est préférable de ne pas les utiliser pendant la grossesse.
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■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6]
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D. Muster, Professeur associé, stomatologiste attaché consultant, pharmacien, docteur ès sciences physiques ([email protected]). Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier régional universitaire, B.P. 426, 67091 Strasbourg cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D. Médicaments de l’inflammation. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-012-C-10, 2005.
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Médicaments psychotropes en stomatologie et en odontologie D. Muster, J. Valfrey, H. Kuntzmann La prescription de psychotropes touche environ un quart de la population. Les anxiolytiques, les antidépresseurs, les hypnotiques et les neuroleptiques représentent les catégories les plus utilisées. Après un rappel concernant la pharmacodynamie, la pharmacocinétique et le métabolisme des principales classes de psychotropes, leurs répercussions odontostomatologiques et leur contrôle sont envisagés. Les effets secondaires buccodentaires des psychotropes résultent surtout des altérations quantitatives et qualitatives de la sécrétion salivaire. Un examen régulier de la cavité buccale est nécessaire chez tout patient recevant ce type de traitement. La xérostomie est responsable d’altérations des tissus durs et mous (caries, parodontopathies, mycoses...). Des recommandations hygiénodiététiques et une thérapeutique sialagogue appropriée permettent de lutter efficacement contre ces inconvénients. Enfin, la prise de psychotropes impose des précautions anesthésiologiques particulières. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Psychotropes ; Effets secondaires ; Bouche ; Dents ; Salive ; Hygiène buccodentaire ; Xérostomie ; Sialagogue ; Antidépresseurs ; Anxiolytiques ; Hypnotiques ; Neuroleptiques ; Prémédication ; Anesthésie ambulatoire
Plan ¶ Introduction
1
¶ Grandes catégories de psychotropes Psycholeptiques ou sédatifs psychiques Psychoanaleptiques : stimulants psychiques Psychodysleptiques ou perturbateurs de l’activité mentale
2 2 4 4
¶ Rappel de pharmacodynamie, pharmacocinétique, métabolisme Anxiolytiques Hypnotiques Antidépresseurs Thymorégulateurs Neuroleptiques et antipsychotiques Psychostimulants
4 4 4 4 5 5 5
¶ Conséquences pour la pratique odontostomatologique Neuroleptiques antipsychotiques Antidépresseurs Anxiolytiques
5 5 5 6
¶ Contrôle des effets secondaires buccodentaires des psychotropes Catégorie de psychotropes à surveiller particulièrement Conséquences cliniques Traitement préventif et curatif
7 7 7 9
¶ Psychotropes et anesthésie Prémédication par psychotropes Précautions pour l’anesthésie chez les patients sous psychotropes Cas particuliers des vasoconstricteurs
10 10 11 11
■ Introduction Il existe de nombreux médicaments possédant une action psychotrope, c’est-à-dire capables de modifier l’activité psychique, l’état mental ou le comportement. Dans ce chapitre, il ne Stomatologie/Odontologie
sera traité que des médicaments dont l’effet primaire et l’utilisation thérapeutique principale sont psychotropes. Les médicaments pour lesquels les effets psychotropes ne représentent que des effets secondaires seront ainsi écartés. En 2000, en France métropolitaine, près d’un quart de la population protégée par le régime général stricto sensu (24,5 %) a bénéficié du remboursement d’un médicament psychotrope. Les taux spécifiques variaient avec l’âge et le sexe (33 % des hommes et 55 % des femmes après 70 ans). Les anxiolytiques étaient les plus utilisés (17,4 %), suivis des antidépresseurs (9,7 %), des hypnotiques (8,8 %), des neuroleptiques (2,7 %), des médicaments utilisés dans la dépendance alcoolique (0,5 %) et du lithium (0,1 %). [1, 2]
“
Point important
La prescription de psychotropes touche environ un quart de la population.
Le traitement est prescrit par un médecin généraliste dans la majorité des cas : en 2001, les médecins généralistes sont ainsi à l’origine de plus de 90 % des prescriptions de benzodiazépines. [1, 2] Si les Français restent en tête de la consommation de médicaments psychotropes, ils sont en passe d’être rattrapés par d’autres pays européens (Royaume-Uni...). [3, 4] Les traitements occasionnels sont prescrits en face d’une souffrance temporaire : crise d’angoisse, état dépressif réactionnel... Les traitements réguliers concernent les pathologies chroniques : psychoses chroniques, maladie maniacodépressive.
1
22-012-F-10 ¶ Médicaments psychotropes en stomatologie et en odontologie
La prescription d’un traitement psychotrope doit répondre à une démarche de soins logique, après un diagnostic précis en tenant compte des comorbidités psychiatriques et somatiques, des précautions d’emploi et des contre-indications. La monothérapie doit être privilégiée dans la mesure du possible. L’objectif est de traiter de façon adaptée les patients qui souffrent de troubles psychiatriques, mais aussi de limiter les abus, notamment en matière de consommation d’anxiolytiques et d’hypnotiques. [3, 5-9]
Tableau 2. Anxiolytiques ou tranquillisants dits mineurs. Classe
DCI
Spécialités
Benzodiazépines
Alprazolam
Xanax®
Bromazépam
Anyrex Gé®
(utilisées comme anxiolytiques) Bromazépam® Lexomil® Quiétiline®
■ Grandes catégories de psychotropes [10-15]
Il n’est pas aisé de situer les psychotropes parmi l’ensemble des substances à action psychotrope en raison de l’existence de plusieurs classifications évoluant avec le temps et se heurtant aux difficultés liées à la position soit limitrophe, soit biappartenante de certaines molécules. La plus classique est celle de Delay et Deniker [10] (Tableau 1). Par souci de simplification, il n’est réuni toutefois ici sous le nom de « psychotropes », que six catégories de médicaments : les anxiolytiques (ou tranquillisants), les neuroleptiques (ou antipsychotiques), les hypnotiques, les thymorégulateurs (ou normothymiques), les antidépresseurs et les psychostimulants (Tableaux 2 à 7). Les psychodysleptiques (hallucinogènes et stupéfiants) et les médicaments utilisés dans le traitement des états de dépendance (alcool, tabac, opiacés...) sont juste mentionnés mais non développés ici.
• • • • •
les anxiolytiques (ou tranquillisants) ; les neuroleptiques (ou antipsychotiques) ; les hypnotiques ; les thymorégulateurs (ou normothymiques) ; les antidépresseurs et les psychostimulants.
Psycholeptiques ou sédatifs psychiques On peut distinguer quatre types d’activité pharmacoclinique.
Urbanyl®
Clorazépate dipotassique
Tranxène®
Clotiazépam
Vératran®
Diazépam
Novazam Gé® Valium®
Loflazépate d’éthyle
Victan®
Lorazépam
Équitam® Lorazépam® Témesta®
Autres anxiolytiques
Nordazépam
Nordaz®
Oxazépam
Séresta®
Prazépam
Lysanxia®
Buspirone
Buspar® Buspirone®
“
Six catégories sont envisagées :
Clobazam
Captodiame
Covatine®
Etifoxine
Stresam®
Hydroxyzine
Atarax®
Méprobamate
Équanil® Méprobamate® Novalm®
DCI : dénomination commune internationale.
Contrairement aux neuroleptiques, ils n’engendrent jamais d’effets neurologiques extrapyramidaux.
Hypnotiques Les hypnotiques produisent, selon les composés ou les doses utilisés, un sommeil plus ou moins physiologique ou au contraire incoercible. Les hypnotiques barbituriques ont cédé la place, depuis 1970 environ, aux hypnotiques appartenant à la famille des benzodiazépines. Depuis 1985, sont apparus des composés non chimiquement benzodiazépiniques mais pharmacologiquement proches.
Anxiolytiques
Neuroleptiques (ou antipsychotiques)
Les anxiolytiques réduisent l’anxiété et sont donc utilisés dans les syndromes anxieux ou pour lutter contre la composante anxieuse des autres syndromes psychiatriques. Ils ont comme cibles privilégiées l’anxiété et la tension émotionnelle . Les plus utilisés d’entre eux appartiennent actuellement à la famille des benzodiazépines qui possèdent en commun cinq propriétés : sédative, anxiolytique, myorelaxante, anticonvulsivante et amnésiante, à des degrés divers. Ces médicaments sont très largement prescrits en pratique courante de médecine générale ou de psychiatrie ambulatoire, en raison de leur efficacité sur l’anxiété et les désordres émotionnels, sans toutefois qu’ils soient actifs dans les psychoses fonctionnelles.
Les neuroleptiques sont des psychodépresseurs utilisés dans le traitement des psychoses aiguës ou chroniques, dont principalement la schizophrénie et les troubles schizophréniques, mais également les états d’agitation du type maniaque, les délires aigus et d’autres psychoses hallucinatoires chroniques. Certains produits sont réservés à l’usage des psychiatres en milieu hospitalier ; d’autres sont au contraire d’utilisation courante en pratique de ville. Ils sont caractérisés par une puissante activité thérapeutique dans les psychoses et par leur aptitude à produire une symptomatologie neurologique : extrapyramidale et neuroendocrinienne.
Tableau 1. Classification générale des psychotropes (d’après Delay et Deniker). Psycholeptiques
Psychoanaleptiques
Psychodysleptiques
1. Hypnotiques
1. Stimulants de la vigilance
1. Hallucinogènes et onirogènes
2. Tranquillisants, sédatifs
2. Antidépresseurs
2. Stupéfiants
3. Neuroleptiques
3. Autres stimulants
3. Alcool et dérivés
4. Régulateurs de l’humeur
2
Stomatologie/Odontologie
Médicaments psychotropes en stomatologie et en odontologie ¶ 22-012-F-10
Tableau 3. Hypnotiques. Classe Cyclopyrrolones
Tableau 5. Thymorégulateurs. DCI
Spécialités
Zopiclone
Imovane
®
Zopiclone Imidazopyridines
Benzodiazépines (utilisées comme hypnotiques)
Éthanolamines Phénothiazines
Zolpidem
Ivadal
Classe
DCI
Spécialités
Thymorégulateurs
Sels de lithium
Neurolithium®
®
Téralithe®
®
Dépakine®
Acide valproïque
Stilnox®
Valproate
Dépakote®
Zolpidem Gé®
Valpromide
Dépamide®
Estazolam
Nuctalon®
Flunitrazépam
Rohypnol®
Loprazolam
Havlane®
DCI : dénomination commune internationale.
Tableau 6. Neuroleptiques et antipsychotiques.
Lormétazépam
Noctamide®
Nitrazépam
Mogadon®
Témazépam
Normison®
Classe
Triazolam
Halcion®
Neuroleptiques de première génération
Doxylamine
Donormyl®
Phénothiazines
®
Acéprométazine + acépromazine + clorazépate dipotassique
Noctran
Acépromazine + méprobamate
Mépronizine®
Niaprazine
Nopron®
Cyamémazine
Tercian®
a
Moditen®
Tableau 4. Antidépresseurs ou thymoanaleptiques.
Dérivés de la diphénylbutylpipéridine Spécialités
Benzamides substitués
Antidépresseurs imipraminiques et apparentés Clomipramine
Anafranil®
Dosulépine
Prothiaden®
Imipramine
Tofranil®
Amitriptyline
Élavil®
Haldol®
Penfluridol
Sémap®
Pipampérone
Dipipéron®
Flupentixol
Fluanxol®
Zuclopenthixol
Clopixol®
Pimozide
Orap®
Amisulpride
Solian®
Sulpiride
Aiglonyl® Dogmatil® Synedil® Barnetil®
c
Tiapridal®
Tiapride Benzisoxazoles
Défanyl®
Rispéridone
e
Risperdal®
e
Abilify®
Doxépine
Quitaxon
Dérivés de la quinolinone Aripiprazole
Maprotiline
Ludiomil®
Dibenzo-oxazépines
®
Surmontil®
Dibenzodiazépines
Loxapac®
Loxapine Clozapine
Clozapine®
b
Leponex®
Antidépresseurs sérotoninergiques purs ou IRS À fort potentiel d’interactions médicamenteuses
Fluoxétine
Olanzapine
Fluoxétine® Prozac
®
Fluvoxamine
Floxyfral®
Paroxétine
Deroxat® Divarius®
Citalopram
Séropram®
Escitalopram
Seroplex
Sertraline
Zoloft®
Antidépresseurs psychotoniques
Viloxazine
Vivalan®
Antidépresseurs intermédiaires ou médians (IRSNA)
Milnacipran
Ixel®
À faible potentiel d’interactions médicamenteuses
Melleril®
Neuroleptiques de deuxième génération (dits « atypiques »)
Laroxyl
Trimipramine
Neuleptil®
Halopéridol
Sultopride
®
Amoxapine
d
Thioridazine Butyrophénones
Nozinan® Piportil®
Propériciazine
®
Thioxanthènes
DCI
a
Pipotiazine
DCI : dénomination commune internationale.
Antidépresseurs sédatifs et anxiolytiques
Largactil®
Chlorpromazine
Lévomépromazine
Théralène
Antidépresseurs intermédiaires ou médians
Spécialités
Fluphénazine
Alimémazine
Classe
DCI
e
Zyprexa®
DCI : dénomination commune internationale. a Ces neuroleptiques sont employés dans le traitement symptomatique de l’anxiété, en cas d’inefficacité des thérapeutiques habituelles. b La clozapine est réservée au traitement des schizophrénies chroniques sévères (évoluant depuis au moins 2 ans) en cas de résistance. c Réservé aux hôpitaux. d Vient d’être retiré en raison du risque arythmique pouvant être majoré en cas d’interactions médicamenteuses. e Risque d’accident vasculaire cérébral chez les patients âgés atteints de démence.
Antidépresseurs divers
Tianeptine
Stablon®
Classe
DCI
Spécialités
Venlafaxine
Effexor®
Psychostimulants non amphétaminiques
Adrafinil
Olmifon®
Modafinil
Modiodal®
Méthylphénidate
Concerta LP®
Antidépresseurs sédatifs
Miansérine
Athymil®
(NaSSA)
Mirtazapine
Norset®
IMAO sélectifs de type A = antidépresseurs intermédiaires ou médians
Moclobémide
Moclamine®
IMAO non sélectifs = antidépresseurs psychotoniques
Iproniazide
Marsilid®
Antidépresseurs IMAO
Psychostimulants amphétaminiques
Ritaline® Ritaline LP®
DCI : dénomination commune internationale.
IMAO : inhibiteur des monoamines oxydases A ; IRS : inhibiteur de la recapture de la sérotonine ; IRSNA : inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ; NaSSA: antidépresseurs spécifiques de la sérotonine et noradrénaline. DCI : dénomination commune internationale.
Stomatologie/Odontologie
Tableau 7. Psychostimulants ou nonanaleptiques.
Les neuroleptiques appartiennent à différentes familles chimiques : phénothiazines, butyrophénones, benzamidines, thioxanthènes notamment.
3
22-012-F-10 ¶ Médicaments psychotropes en stomatologie et en odontologie
Régulateurs de l’humeur (thymorégulateurs ou normothymiques) L’originalité de ces médicaments, dont les prototypes sont les sels de lithium et la carbamazépine (Tégrétol®), est leur action préventive à l’égard des deux phases, expansive ou dépressive, de la psychose maniacodépressive (trouble bipolaire) et leur action curative sur les états maniaques. Certains psychiatres considèrent les thymorégulateurs comme une classe autonome de psychotropes.
Psychoanaleptiques : stimulants psychiques Dans ce groupe, on distingue trois types d’agents.
Antidépresseurs Les antidépresseurs (thymoanaleptiques) sont des agents psychotropes capables d’inverser l’humeur dépressive et sont prescrits dans les états authentiquement dépressifs. L’originalité de ces molécules est précisément leur action sur les états de dépression de l’humeur. Ils appartiennent à plusieurs classes pharmacochimiques : imipraminiques, inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS), inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA) et autres antidépresseurs.
Stimulants de la vigilance (psychostimulants) La classe des médicaments psychostimulants, après la mise en évidence des propriétés toxicomanogènes des amphétamines et leur retrait progressif, se limite aujourd’hui au méthylphénidate (Ritaline®), à l’adrafinil (Olmifon®), proposé dans les troubles de la vigilance du sujet âgé, et à son métabolite actif le modafinil (Modiodal®) réservé aux hôpitaux. Il existe accessoirement de nombreuses substances commercialisées comme antiasthéniques. Antagonistes des hypnotiques, ce sont des amines d’éveil dont le type est l’amphétamine. Il ne reste plus en France d’amphétamines vraies commercialisées, sauf, depuis 1996, la Ritaline ® , pour les enfants hyperkinétiques. Toutefois, des médicaments comme les anorexigènes en possèdent les propriétés pharmacocliniques. Leurs actions stimulantes sur l’activité intellectuelle, l’éveil, l’asthénie, s’accompagnent d’accoutumance et de dépendance, voire de pharmacopsychoses...
Autres stimulants On peut y classer la caféine, les acides phosphoriques, l’acide ascorbique.
Psychodysleptiques ou perturbateurs de l’activité mentale À côté des hallucinogènes (LSD, chanvre indien, mescaline) capables de produire des psychoses artificielles et des inducteurs d’ivresse (alcool, éther), on peut aussi y placer les stupéfiants : soit des substances illicites (héroïne, cocaïne), soit des médicaments comme la morphine, le Dolosal ® , le Palfium ® , le Temgésic®. Ces derniers ont des indications thérapeutiques précises et limitées dans le traitement des états hyperalgiques ou comme traitement de substitution chez les toxicomanes (Méthadone ® , Subutex ® ). Leurs dangers d’assuétude et de toxicomanie doivent les faire utiliser dans des indications rigoureusement définies.
■ Rappel de pharmacodynamie, pharmacocinétique, métabolisme
[5]
Anxiolytiques Les anxiolytiques sont des substances qui appartiennent à des classes chimiques distinctes dont la propriété pharmacologique
4
“
À retenir
Psycholeptiques ou sédatifs psychiques. Anxiolytiques. Hypnotiques. Neuroleptiques (ou antipsychotiques). Régulateurs de l’humeur (thymorégulateurs ou normothymiques). Psychoanaleptiques : stimulants psychiques. Antidépresseurs. Stimulants de la vigilance (psychostimulants). Autres stimulants (caféine, acide ascorbique, acide phosphorique). Psychodysleptiques ou perturbateurs de l’activité mentale. Hallucinogènes. Stupéfiants.
essentielle est d’agir sur le système acide gamma-aminobutyrique (GABA)ergique. L’agonisme GABAergique concerne non seulement les benzodiazépines mais également des apparentés tels que les carbamates, des hypnotiques non benzodiazépiniques (zolpidem, zopiclone) et des anesthésiques généraux. Toutes ces substances présentent des propriétés similaires associant : action anxiolytique, sédative, myorelaxante, anticonvulsivante, amnésiante et accessoirement orexigène. Les anxiolytiques offrent une bonne biodisponibilité, le métabolisme est hépatique et l’élimination s’effectue par voie urinaire. L’absorption est quasi totale, seule la vitesse de résorption est variable : selon la formulation galénique (plus rapide avec les solutions buvables que les comprimés ou gélules), selon la voie d’administration (plus rapide par voie veineuse que par voie sublinguale ou orale). L’administration par voie intramusculaire ne présente pas d’avantages en termes de rapidité d’action, et la biodisponibilité est irrégulière. Elle est réservée aux situations où l’observance est compromise, lors d’un risque de surconsommation, ou pour obtenir un effet surajouté (effet placebo). Les métabolites intermédiaires sont actifs et certains métabolites terminaux tels que l’oxazépam (Séresta®) sont commercialisés. Leur utilisation est intéressante chez les insuffisants hépatiques. La distinction entre benzodiazépines à demi-vie courte, intermédiaire ou longue a peu d’intérêt en pratique clinique en raison des métabolites actifs. Les benzodiazépines à demi-vie très courte (triazolam, Halcion®) sont peu à peu retirées du marché en raison d’effets amnésiants prononcés. À la différence des barbituriques, les benzodiazépines ne sont pas inducteurs enzymatiques.
Hypnotiques Les hypnotiques représentent une classe pharmacologique proche des anxiolytiques, dont les propriétés sédatives sont privilégiées. Il s’agit essentiellement de benzodiazépines ou d’apparentés, sachant que les barbituriques ne doivent plus être utilisés dans les troubles du sommeil. Accessoirement, certaines substances dont l’effet hypnotique est secondaire sont prescrites dans cette indication, en particulier les neuroleptiques sédatifs (Nozinan ® , Tercian ® , Théralène ® ), et les antihistaminiques (Atarax®, Donormyl®).
Antidépresseurs Les antidépresseurs partagent une spécificité d’action sur les neuromédiateurs centraux : sérotonine, noradrénaline, dopamine. Les mécanismes d’action restent mal connus, mettant en jeu d’autres systèmes de médiation, la régulation des récepteurs neuronaux, des seconds messagers, la sécrétion de facteurs Stomatologie/Odontologie
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neurotrophiques. La classification pharmacoclinique des antidépresseurs distingue : les IMAO sélectifs (IMAO A), les imipraminiques, les IRS, les IRSNA, les antidépresseurs spécifiques de la sérotonine et noradrénaline (NaSSA), et les atypiques. L’administration des antidépresseurs s’effectue per os, la voie parentérale n’apporte pas de bénéfice pharmacocinétique en plus des soins de nursing et de l’effet placebo surajoutés. La biodisponibilité varie de 30 à 80 % selon les produits. Les antidépresseurs sont métabolisés au niveau hépatique. L’élimination s’effectue par voie biliaire et urinaire. Les interactions médicamenteuses sont nombreuses, en particulier au niveau métabolique. Les médicaments inhibiteurs des cytochromes P450 (CYP2D6, 3A3/4, 2C19), qui participent à l’élimination des antidépresseurs, peuvent provoquer l’augmentation des taux sériques avec majoration des effets indésirables (imipraminiques). Inversement, certains antidépresseurs (fluvoxamine [Floxyfral ® ] ; paroxétine [Déroxat ® ] ; fluoxétine [Prozac ® ]) inhibiteurs des mêmes cytochromes P450 peuvent perturber le métabolisme de médicaments coprescrits, psychotropes et non psychotropes.
Thymorégulateurs Les thymorégulateurs agissent directement sur les neuromédiateurs tels que la sérotonine, ont un effet stabilisateur de membrane et modifient les activités enzymatiques protéine G-dépendantes. Ils s’administrent par voie orale et sont métabolisés au niveau hépatique, à l’exception des sels de lithium (ion métallique directement éliminé par voie rénale). Il existe de nombreuses interactions médicamenteuses, notamment avec la carbamazépine.
Neuroleptiques et antipsychotiques Les neuroleptiques et antipsychotiques sont des antagonistes dopaminergiques (effets antipsychotiques, effets extrapyramidaux et endocriniens) avec des propriétés antagonistes sérotoninergiques (effets antipsychotiques), antihistaminiques (sédation, prise de poids), anticholinergiques (effets atropiniques), antimuscariniques (troubles mnésiques et moteurs) et a-adrénolytiques (hypotension orthostatique). L’administration des neuroleptiques s’effectue par voie orale ou intramusculaire dans les situations d’urgence ou pour les formes à action prolongée. La résorption digestive est variable, les produits sont très lipophiles et subissent un catabolisme hépatique avec un effet de premier passage important. Les métabolites sont nombreux, certains majorent les effets de la molécule mère (phénothiazines). Ils sont éliminés par voie urinaire et biliaire. Les neuroleptiques d’action prolongée se libèrent lentement par hydrolyse et agissent pendant plusieurs semaines. Le penfluridol (Sémap®) est le seul neuroleptique d’action prolongée administré par voie orale.
Psychostimulants Le méthylphénidate (Ritaline®) est un stimulant du système nerveux central. Il augmenterait la concentration des monoamines (dopamine et noradrénaline dans la fente synaptique). L’effet clinique est supposé dû à l’activation de la formation réticulée du tronc cérébral ainsi que du cortex. L’adrafinil (Olmifon®) est un psychotonique non amphétaminique dont le mécanisme d’action passe par une composante essentielle qui est une activation de type a-1 adrénergique postsynaptique des systèmes centraux d’éveil.
■ Conséquences pour la pratique odontostomatologique Le praticien qui soigne un patient sous psychotropes doit avoir présent à l’esprit un certain nombre d’inconvénients liés à ce type de traitement et pouvant avoir des incidences non Stomatologie/Odontologie
négligeables sur l’évolution de son état de santé. Les troubles de la salivation et du goût ainsi que leur traitement seront développés dans le chapitre suivant. Les précautions en matière d’anesthésie seront rappelées en fin d’article.
Neuroleptiques antipsychotiques [16] Compte tenu de la pathologie psychiatrique qu’ils présentent, les patients auxquels un traitement neuroleptique a été prescrit prennent souvent plus d’un médicament de cette catégorie et ils peuvent, en outre, absorber simultanément d’autres substances (alcool, antitussif, aspirine...) qui ne sont pas forcément mentionnées dans les réponses au questionnaire médical. Beaucoup de ces médicaments peuvent majorer les effets dépresseurs des agents antipsychotiques et conduire à des complications si des sédatifs ou hypnotiques, des anxiolytiques, des anesthésiques ou des analgésiques opioïdes sont utilisés au cours du traitement dentaire. La chlorpromazine (Largactil®) potentialise les effets des anesthésiques généraux et augmente la dépression respiratoire et l’analgésie liées aux opioïdes. Les effets cardiaques de la thioridazine (Melleril®) peuvent être potentialisés par l’hydroxyzine (Atarax®). Ces deux médicaments ont aussi une activité antimuscarinique non négligeable. La plupart des effets secondaires extrapyramidaux des antipsychotiques apparaissent avec l’administration du médicament et disparaissent à son retrait, mais une dyskinésie tardive peut se développer après utilisation prolongée et devenir irréversible. La dyskinésie tardive a des conséquences importantes en pratique dentaire en raison de l’atteinte notable de la musculature faciale. Son apparition est estimée chez 15 à 20 % des patients recevant une médication antipsychotique. La langue est particulièrement concernée avec des mouvements alternatifs de protrusion, de rétraction et de rotation. Tous les antipsychotiques peuvent entraîner de tels désagréments bien qu’ils aient été observés initialement avec la phénothiazine. L’utilisation prolongée de dérivés de la phénothiazine peut parfois entraîner une leucopénie qui prédispose le patient à l’infection, et des candidoses buccales sont fréquemment observées. En outre, la réduction du flux salivaire causée par les propriétés anticholinergiques des antipsychotiques peut entraîner une xérostomie et une incidence accrue des caries du collet. Par ailleurs, l’hypersalivation induite par la clozapine (Leponex ® ) peut gêner certains actes cliniques. Le patient doit être prévenu que cet état peut s’accentuer la nuit. L’hypotension orthostatique peut se produire en particulier avec les phénothiazines aliphatiques (Largactil®, Nozinan®, Tercian®) et les thioxanthènes (Fluanxol®, Clopixol®). Dans le traitement d’urgence du collapsus cardiovasculaire, l’adrénaline est contre-indiquée et c’est la noradrénaline qui doit être préférée dans cette circonstance. Enfin, des stomatites lichénoïdes ont pu être reliées à la consommation de phénothiazine et de carbamazépine. [17]
Antidépresseurs [16] Antidépresseurs tricycliques Les effets anticholinergiques des antidépresseurs tricycliques ont d’importantes conséquences dentaires. La réduction du flux salivaire augmente le risque de caries dentaires, de candidose buccale et d’anomalies fonctionnelles orales. L’utilisation d’anxiolytiques, de barbituriques et d’autres sédatifs doit être soigneusement contrôlée chez les patients recevant des tricycliques en raison de l’addition des effets antidépresseurs. Les anesthésiques locaux contenant des vasoconstricteurs doivent être utilisés avec précaution chez les patients recevant des antidépresseurs tricycliques. En raison des effets cardiotoxiques des tricycliques et de leur potentialisation des médicaments adrénergiques, l’administration de doses élevées ou l’injection intravasculaire accidentelle d’anesthésiques locaux peut précipiter l’arythmie, l’hypotension, l’hypertension ou l’insuffisance cardiaque congestive. L’adrénaline est le vasoconstricteur de choix en anesthésie locale pour les patients recevant des antidépresseurs tricycliques.
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La cessation trop rapide de ces médicaments peut entraîner une hyperesthésie au toucher et des réactions hyperalgiques, ainsi que des paresthésies, des céphalées et des spasmes musculaires. La prescription prolongée d’imipraminiques peut engendrer une avitaminose B (stomatite, glossite, névrite optique rétrobulbaire, polynévrite).
Inhibiteurs de la monoamine oxydase Ces inhibiteurs administrés simultanément avec la mépéridine (Dolosal®) peuvent entraîner de l’hyperthermie, de l’excitation et des manifestations ressemblant à celles d’une overdose d’opioïdes. Ces interactions imposent de ne pas utiliser la mépéridine en même temps que les IMAO ou plusieurs semaines après leur cessation. D’autres opioïdes, pas forcément similaires chimiquement à la mépéridine, doivent aussi être utilisés avec précaution. L’hypotension peut se développer si on utilise simultanément des anethésiques généraux et des IMAO. Il est prudent d’arrêter l’utilisation des IMAO 2 semaines avant la chirurgie.
Antidépresseurs de seconde génération Les effets anticholinergiques et sédatifs de ces agents doivent être présents à l’esprit. La stimulation centrale est plus fréquente que la dépression. Cet effet secondaire peut aggraver l’état d’un patient déjà nerveux. La relation structurale étroite de l’amoxapine (Défanyl®) avec l’antipsychotique loxapine (Loxapac®) et le risque résultant accru de désordres extrapyramidaux peuvent poser problème chez un patient nécessitant des soins prothétiques.
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine L’incidence élevée des troubles gastro-intestinaux, surtout nausées et vomissements, au début d’un traitement avec les IRS peut poser des problèmes cliniques et amener à retarder un soin car une certaine tolérance à ces effets secondaires peut se développer.
Douleurs faciales atypiques L’amitriptyline (Elavil®, Laroxyl®) et d’autres antidépresseurs sont parfois utilisés pour soulager les douleurs faciales et notamment les algies temporomandibulaires (syndrome de Costen ou syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur [SADAM]) et d’autres douleurs faciales atypiques. La réponse à ces médicaments varie d’un patient à l’autre et bien que les doses efficaces soient plus basses que celles requises pour le traitement des dépressions, un délai d’action de quelques semaines a pu être décrit. Les paresthésies buccales psychogènes peuvent être notablement améliorées par un traitement associant la paroxétine (Deroxat® 20 mg, 1 comprimé/j ou Prozac® 20 mg, 1 gélule/j) pendant 3 semaines à 3 mois et l’hydroxyzine (Atarax® 25 mg, 2 comprimés le soir au coucher en cas d’anxiété) ou l’alprazolam (Xanax® 0,25 mg, ½ à 1 comprimé le soir). [18]
Sels de lithium Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent diminuer l’excrétion rénale du Li+ et conduire à des concentrations plasmatiques toxiques après plusieurs jours d’utilisation combinée. Les puissants AINS que sont le piroxicam (Feldène®) et l’indométacine (Indocid®) sont les plus susceptibles d’entraîner cette interaction mais des médications vendues sans ordonnance peuvent également intervenir. Les patients prenant du lithium se plaignent fréquemment d’un goût métallique altérant la saveur de la nourriture. La plupart de ces patients souffre d’une dysfonction des glandes salivaires entraînant une diminution du flux salivaire. La polydipsie est commune, probablement parce que les sels de lithium induisent xérostomie et diurèse. Dans les phases précoces de la thérapie au lithium, des spasmes faciaux et des paralysies faciales transitoires, prédominant au niveau mandibulaire, ont été décrits. Des effets
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tératogènes, comme des fentes palatines et des malformations auriculaires ou oculaires, ainsi qu’une atteinte cardiaque ont pu être associés avec l’administration de lithium durant le premier trimestre de la grossesse.
Anxiolytiques [19] Le principal souci du praticien prescrivant un anxiolytique demeure le risque d’une dépression excessive du système nerveux central (SNC). Cette dépression peut résulter de l’agent anxiolytique lui-même ou de son association à d’autres dépresseurs du SNC que le praticien peut projeter d’administrer ou que le patient a déjà pris. Les anxiolytiques additionnent leurs effets avec ceux des anesthésiques, antipsychotiques, antidépresseurs, analgésiques opioïdes, sédatifs-hypnotiques. L’alcool peut augmenter de façon marquée l’effet dépresseur du SNC dû aux benzodiazépines. Si des dépresseurs du SNC sont utilisés pour la sédation profonde et l’anesthésie générale en clinique dentaire, il est nécessaire de disposer d’équipements d’aspiration, de monitorage, de médicaments d’urgence et d’oxygène sous pression positive. Il faut rappeler aux patients que les antihistaminiques, même en petite quantité, comme c’est parfois le cas dans les préparations délivrées sans ordonnance pour traiter un refroidissement ou une insomnie, peuvent ajouter leur effet dépressif du SNC à celui de l’anxiolytique prescrit. Étant donné le ralentissement psychomoteur induit par les benzodiazépines, le praticien doit attirer l’attention du patient sur les risques de la conduite automobile ou de l’utilisation de machines potentiellement dangereuses pour une durée pouvant aller jusqu’à 24 heures après l’administration. Parmi les interactions susceptibles de préoccuper le praticien figure celle entre les benzodiazépines et les antagonistes des récepteurs H2, notamment la cimétidine (Tagamet®). Largement prescrite pour le traitement des ulcères gastroduodénaux ou des reflux gastro-œsophagiens, mais également parfois obtenue sans prescription, la cimétidine peut accroître de plus de 30 % la biodisponibilité du midazolam (Hypnovel®) administré par voie orale, par inhibition enzymatique au niveau du foie. Il peut en résulter un effet hypnotique de plus longue durée et plus intense que prévu. La ranitidine peut aussi accroître la biodisponibilité des benzodiazépines. Il faut également faire attention aux interactions avec les macrolides (érythromycine, clarithromycine, josamycine...). D’autres médicaments peuvent potentialiser de façon significative l’effet du midazolam administré par voie orale, notamment le diltiazem (Tildiem®), le vérapamil (Isoptine®) et certains antifongiques : itraconazole (Sporanox®), kétoconazole (Nizoral®). Enfin, le praticien doit être conscient que les gros fumeurs sont souvent résistants aux propriétés dépressives du SNC des benzodiazépines. Des doses plus importantes que la normale sont de ce fait requises pour obtenir le degré désiré de sédation ou d’anxiolyse. Les benzodiazépines ont des propriétés anticholinergiques faibles et le diazépam (Valium®) est ainsi contreindiqué chez les patients ayant un glaucome à angle étroit. L’action anticholinergique des benzodiazépines peut s’additionner à celle d’autres médicaments comme les antipsychotiques, les antidépresseurs et les agents anticholinergiques. Bien que les patients puissent se plaindre de xérostomie lors de l’utilisation au long cours de benzodiazépines, celle-ci n’est pas préoccupante en cas d’utilisation clinique courte. Un léger effet anticholinergique peut même être bénéfique pour bon nombre d’interventions en bouche. Ainsi, l’utilisation en cure courte de benzodiazépines en dentisterie opératoire élimine le problème d’accumulation. En pratique courante, le praticien doit avoir en mémoire un nombre limité d’anxiolytiques qu’il connaît bien et sélectionner parmi eux le plus adapté compte tenu de la pharmacodynamie du médicament et des besoins du patient.
Sédatifs hypnotiques [20] C’est de la responsabilité du clinicien de s’assurer que le patient recevant ou devant recevoir un sédatif ou hypnotique est conscient du danger d’association avec d’autres dépresseurs Stomatologie/Odontologie
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du SNC, en particulier l’alcool. Si l’utilisation d’un sédatif ou hypnotique pour un patient donné est prévue, le praticien doit s’assurer que le patient est accompagné lors de son rendez-vous par une personne susceptible de la prendre en charge après la fin de l’acte opératoire et de le reconduire chez lui. Le patient doit aussi être averti des risques potentiels de prise simultanée d’autres préparations contenant des dépresseurs du SNC comme certaines médications destinées à lutter contre les refroidissements ou l’insomnie et pouvant contenir des antihistaminiques. En fait, les antihistaminiques ont des propriétés dépressives du SNC souvent suffisantes pour la sédation lors d’actes dentaires. La diphénhydramine (Actifed®, Nautamine®) est particulièrement utile pour les patients intolérants aux autres dépresseurs du SNC et les patients âgés répondent particulièrement bien à ce composé. Les patients souffrant d’apnée du sommeil (obèses, personnes âgées) doivent être traités avec précaution car les hypnotiques peuvent exacerber cet état. L’utilisation d’hypnotiques et sédatifs est généralement contre-indiquée chez la patiente enceinte, tout spécialement durant le premier trimestre de la gestation.
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Points forts
L’avènement des psychotropes a tranformé le traitement des maladies mentales. Malheureusement, la prise régulière et surtout prolongée de ces médicaments entraîne des manifestations buccodentaires fréquentes dominées par la sécheresse, très importante, de la cavité buccale et les troubles du goût.
Catégorie de psychotropes à surveiller particulièrement Tous les psychotropes [14, 26-33] ont été plus ou moins mis en cause dans la survenue d’une pathologie iatrogène buccodentaire. Trois classes de psychotropes doivent notamment faire l’objet d’une surveillance particulièrement attentive.
Neuroleptiques
Bien que les praticiens puissent avoir à traiter des patients ayant reçu un stimulant du SNC (par exemple sous forme de caféine contenue dans le café), il est rare que cela pose des problèmes significatifs. Cependant, la consommation excessive de café doit être suspectée lorsqu’un patient ne répond pas de façon appropriée à une dose thérapeutique d’un anxiolytique ou d’un sédatif hypnotique. Les patients présentant des effets secondaires de stimulants du SNC se révèlent hyperexcitables, hyperactifs et irritables. Ils peuvent aussi présenter des tremblements et des fasciculations musculaires. Il faut enfin se rappeler que toute stimulation excessive du SNC est suivie d’une dépression.
Leurs effets diffèrent selon la molécule, les posologies et la durée du traitement. Ils entraînent parfois une hypersialorrhée [34, 35] (habituellement contemporaine du stade du parkinsonisme iatrogène) ; c’est également le cas au stade des dyskinésies tardives (probablement liées, dans ce cas, aux mouvements incessants). Ils sont en fait surtout connus pour l’importante propriété sialoprive de certains d’entre eux, essentiellement les phénothiazines les plus sédatives (Nozinan®, Tercian®...) qui possèdent le pouvoir atropinique le plus manifeste, ainsi que certaines butyrophénones. On ne saurait oublier par ailleurs le rôle évident des propriétés anticholinergiques des antiparkinsoniens de synthèse (Artane®, Lepticur®...) fréquemment associés aux neuroleptiques incisifs, moins redoutables à cet égard.
Le praticien ne devra pas hésiter à consulter, en cas de doute, les guides et dictionnaires classiques. [21, 22]
Antidépresseurs tricycliques
Stimulants du système nerveux central
[20]
■ Contrôle des effets secondaires buccodentaires des psychotropes
Ils présentent les mêmes risques d’hyposialie en rapport avec un pouvoir atropinique encore plus net (Anafranil ® , Laroxyl ® ...). Certains nouveaux antidépresseurs présentent l’intérêt d’être dépourvus de ces inconvénients.
[6-9, 23, 24]
Lithium
L’avènement des psychotropes a transformé le traitement des maladies mentales. Malheureusement, la prise régulière et surtout prolongée de ces médicaments entraîne des manifestations buccodentaires fréquentes dominées par la sécheresse, très importante, de la cavité buccale.
Il peut induire une sensation de bouche sèche, transitoire, en début de traitement ; toutefois, cet effet est bien différent dans la mesure où il s’accompagne d’une polyuropolydipsie qui relève d’une action centrale sur la régulation hydrique (une hypersalivation a été rapportée plus exceptionnellement).
Ce trouble de la sécrétion salivaire s’accompagne de lésions muqueuses, d’une part, et de lésions dentaires, d’autre part. Les caries que l’on voit, chez les malades sous psychotropes, sont spécifiques et soulèvent des problèmes pathogéniques et thérapeutiques non résolus.
Associations
À l’origine de ces caries, on a pu évoquer : l’absence de brassage mécanique, une modification des défenses immunologiques et enzymatiques, une exaltation du microbisme buccal due à l’importance de la plaque dentaire. Les travaux de Cornebise [25] avaient rejoint en leur temps des constatations déjà connues : • il n’y a pas de spécificité bactérienne malgré l’affinité des caries pour les collets ; • l’acidité n’explique pas entièrement le processus carieux, pas plus que l’existence des levures ; • il n’existe pas de variation systématique dans la salive d’individus avec ou sans carie ; • certains régimes alimentaires deviennent cariogènes sous l’influence des psychotropes. Stomatologie/Odontologie
Fréquemment prescrits en association, les psychotropes se potentialisent mutuellement. Chez les psychotiques chroniques, il faut prendre en considération l’origine plurifactorielle des troubles buccodentaires : aux propriétés atropiniques s’ajoutent un effet antalgique également lié aux neuroleptiques (et antidépresseurs) et un « terrain » particulier dominé par la triple indifférence de ces patients (psychotique, neuroleptique et « asilaire ») ne prédisposant guère aux soins d’hygiène et aux préoccupations esthétiques.
Conséquences cliniques [3,
36-43]
Les effets secondaires buccodentaires des psychotropes doivent être parfaitement connus et contrôlés avec efficacité, faute de quoi ils risquent d’entraîner en quelques mois une importante dégradation de la denture, source non seulement d’inconfort, mais aussi d’une pénible sensation de déchéance aggravant la psychose initiale. La difficulté de prise en charge au fauteuil dentaire n’est aucunement une raison pour refuser de soigner des patients
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sous traitement psychiatrique car les affections buccodentaires et leurs complications vont aggraver le handicap, altérer la qualité de vie et retarder l’insertion sociale. [44]
Tableau 8. Répercussions buccodentaires des psychotropes (d’après Coudert, Parret, Vignat). Population témoin
Psychotropes et hyposialie [45] Les psychotropes peuvent déclencher ou aggraver une sécheresse buccale, soit par leur propre action anticholinergique (antidépresseurs imipraminiques, neuroleptiques tels que chlorpromazine, clozapine, olanzapine, thioridazine...), soit par leurs effets indésirables (antidépresseurs IMAO ou IRS, amphétaminiques tels que bupropion ou méthylphénidate, lithium...). En fait, le mécanisme d’action des psychotropes dans l’hyposialie est complexe et comprend : • une action sur le système nerveux autonome par un effet parasympatholytique anticholinergique à l’origine du déficit salivaire ; • un effet sympathomimétique, au moins à petites doses, augmentant la viscosité de la salive. Ces effets sont le plus souvent dépendants de la dose, d’où une sensibilité individuelle, et les effets secondaires augmentent avec l’âge ; • une action sur les noyaux gris centraux ; • un mécanisme de sensibilisation que l’on peut rapprocher de celui des sialadénites, mettant en jeu l’appareil immunitaire. L’intrication de ces processus peut entraîner une atteinte du flux salivaire sur une longue durée, voire définitive après l’arrêt du traitement psychotrope. Lors des atteintes des glandes salivaires par des médications psychotropes, l’aspect histologique est particulier, mais non spécifique. Il s’agit d’une sclérose péricanalaire très importante irréversible avec dans quelques cas des envahissements lymphocytaires qui peuvent faire penser à un Gougerot-Sjögren. D’où l’intérêt de pratiquer des biopsies des glandes salivaires accessoires qui permettent de mieux identifier l’origine de l’hyposialie. L’hyposialie iatrogène est liée à la diminution quantitative du flux salivaire (0,37 ml/min en moyenne comparé à 1 ml/min pour la population témoin) en rapport avec une atteinte fonctionnelle résultant d’une modification de l’irrigation vasculaire (déshydratation ou insuffisance hémodynamique) ou surtout de l’innervation des glandes salivaires. Les psychotropes aggravent l’involution salivaire physiologique. En fait, ce sont plutôt les troubles qualitatifs de la sécrétion salivaire dus aux psychotropes qui jouent un rôle déterminant par leurs conséquences infectieuses et surtout trophiques. Ces modifications qualitatives consistent essentiellement en une diminution du pH. Le pH de la salive paraît indépendant du flux salivaire (un abaissement du pH salivaire a été constaté dans 80 % des cas étudiés indépendamment du degré d’asialie), mais il reste remarquablement constant pour chaque malade. Les psychotropes entraînent l’apparition d’un pH acide (6,22 ± 0,63) par rapport à la population témoin (6,56 ± 0,43). Il va s’ensuivre un rééquilibrage de la flore locale. Il y a en outre des modifications d’enzymes et d’immunoglobulines salivaires. La moyenne de la concentration en protéines totales de la salive des sujets soumis aux psychotropes est de 2,08 mg/ml alors que pour la population témoin, elle est de 1,30 mg/ml. La moyenne de la concentration en immunoglobulines (Ig) A des patients traités par psychotropes est de 11,30 mg/100 ml comparée à celle de la population témoin qui est de 11,18 mg/100 ml. Le Tableau 8 résume les répercussions buccodentaires des psychotropes. Il va en résulter une série de manifestations cliniques : • mycoses (muguet, perlèche, langue noire...), avec sensation de brûlure ou de picotement ; les antidépresseurs tricycliques et certains neuroleptiques (Dogmatil®) sont volontiers à l’origine de candidoses dont le risque majeur est la dissémination ; • altération des tissus avec parodontopathies (extension de la plaque dentaire, parodontolyse) et caries dentaires évolutives, invasives et destructrices (siégeant classiquement sur le collet, peu douloureuses, avec dystrophie pulpaire, dentine poreuse et friable, puis désintégration de la couronne). Une action directe sur les tissus durs de la dent est évoquée pour certains psychotropes (chlorpromazine, halopéridol).
8
a
Population malade
a
Débit salivaire de repos
1 ml/min
Protéines totales
1,30 mg/ml
2,08 mg/ml
IgA
11,18 mg/100 ml
11,30 mg/100 ml
pH : moyenne des mesures effectuées en différents points de la cavité buccale
6,56 ± 0,43
6,22 ± 0,63
Présence des levures
46 %
84 %
Indice CAO
b
Indice parodontal
0,37 ml/min
18,30
23,92
1,15
1,85
IgA : immunoglobulines A. a Les valeurs données sont des moyennes. b C : dents cariées ; A : dents absentes ; O : dents obturées.
C’est dire l’intérêt d’un examen régulier de la cavité buccale chez tout patient recevant des psychotropes. On recherchera des signes subjectifs : • plaintes douloureuses, de tonalité et d’intensité fort variables, avec certes sensation de siccité et de soif mais surtout paresthésies (muqueuse « cartonnée »), picotements, brûlures et hyperesthésie sensitivosensorielles, puis altération du goût... ; • plaintes fonctionnelles, avec sensation d’inconfort global, gêne au niveau de la phonation ou de la mastication (ces fonctions pouvant encore ou non déclencher ou augmenter la salivation), mauvaise haleine, intolérance à une prothèse... ; Si de telles sensations sont susceptibles d’avoir un retentissement psychologique non négligeable, il ne faudrait pas oublier que des plaintes fort comparables peuvent, à l’inverse, de façon intriquée ou en l’absence même de tout facteur iatrogène, être l’expression d’un trouble psychopathologique (citons les classiques xérophobies, glosso- et stomatodynies observées chez certains « fonctionnels », névrosés, déprimés). On recherchera aussi des signes objectifs : • l’inspection apprécie l’authenticité et l’intensité de la xérostomie et recherche d’éventuelles complications (gingivostomatite, glossite, pharyngite, altérations dentoparodontales...) ; un tel retentissement est parfois évident avec langue rouge, vernissée, lisse ou fissurée, dépapillée et sèche, salive rare, épaisse et collante, saignements et ulcérations, perlèche ou déjà denture polycariée ; • l’examen permet de contrôler que les instruments collent aux parois et que la muqueuse jugale, essuyée à la compresse, est longue à se réhumidifier (atteinte des glandes accessoires) ; il précise l’état morphologique et fonctionnel des glandes principales (pression des glandes parotides et sousmaxillaires) ; il met parfois en évidence une relative xérophtalmie ; l’association d’un tarissement plus global et/ou la mise en évidence de signes généraux inciteraient à rechercher une maladie de système. Des examens complémentaires pourront être pratiqués au fauteuil ; test du morceau de sucre, détermination du pH salivaire, pesée de cotons... Le recours à des examens plus approfondis s’impose rarement dans ce contexte (biopsie des glandes salivaires accessoires au niveau du versant muqueux de la lèvre inférieure, échographie, sialographie, scintigraphie au technétium 99m, scanner, imagerie par résonance magnétique...).
Psychotropes et altération du goût [46-48] Nombre de médicaments peuvent affecter le goût si l’on considère la dysgueusie comme une conséquence possible de la xérostomie induite par les médicaments. Toutefois, certaines classes de médicaments peuvent provoquer une altération des perceptions gustatives sans même que la xérostomie soit en cause. Le Tableau 9 résume types d’effets, incidence et mécanismes. Stomatologie/Odontologie
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Tableau 9. Psychotropes et altérations du goût (d’après Gagnon et Martel, 2002). Classes
Types d’effets
Incidence
Mécanisme(s)
0, 1-6 %
Blocage des récepteurs membranaires, inhibition gustine, inhibition transmission neuronale des récepteurs
Dysgueusie, hypogueusie, phantogueusie
0, 1-9 %
Inhibition récepteurs 5-HT et NA, inhibition transmission neuronale des récepteurs, xérostomie
Phantogueusie, phantogueusie amer
<1%
Inhibition transmission neuronale des récepteurs
Fluphénazine, rispéridone, trifluopérazine Lithium
Dysgueusie,
<1%
Inhibition canal sodique, inhibition NA
Agueusie, hypogueusie Alprazolam, diazépam, oxazépam, flurazépam, dysgueusie (métal, amer) zopiclone... Anxiolytiques/hypnotiques
Antidépresseurs Amines tertiaires et secondaires, trazodone, bupropion, sertraline, paroxétine, venlafaxine Antipsychotiques
phantogueusie (salé, amer)
La détection précoce des troubles gustatifs en cours de traitement est à privilégier car plusieurs d’entre eux peuvent se chroniciser, devenir irréversibles au point d’affecter la qualité de vie des patients et devenir ainsi une cause supplémentaire d’inobservance au traitement médicamenteux.
Traitement préventif et curatif [3,
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29, 45, 49-57]
Points forts
Un certain nombre de mesures s’imposent : • recherche de la posologie et de la durée efficaces minimales pour les troubles en cause ; • instauration d’une thérapeutique sialogogue. Bien souvent, les « petits moyens » classiques (hydratation fractionnée, mastication de carottes ou de céleri, de chewing-gum fluoré sans sucre, succion de noyaux de pruneaux ou de cerises, de rondelles de citron, ...) s’avèrent en pratique les plus efficaces, les thérapeutiques « mécaniques » semblant effectivement d’une action plus fiable que les éventuelles propriétés « neuro-vasculosécrétoires » des chimiothérapies dites sialogogues ; • réduction formelle des sucres pour éviter la prolifération de la flore cariogène et des levures ; • adjonction systématique de bains de bouche alcalins (solution bicarbonatée, éventuellement eau de Vichy) et, en cas de mycoses avérées, des cures antifongiques successives utilisant des antifongiques buccaux au cours de la journée dans les périodes interprandiales exclusivement ; • très bonne hygiène buccodentaire avec notamment des brossages gingivodentaires fréquents : après chaque repas et le soir au coucher ; • soins odontologiques compétents avec présentation régulière chez un chirurgien-dentiste ou un stomatologiste.
La recherche de la posologie et de la durée efficaces minimales pour les troubles en cause, ainsi qu’une attitude prudente quant à l’association trop systématique des correcteurs neurologiques (les antiparkinsoniens pouvant être remplacés dans certains cas par la vitamine B6). L’instauration d’une thérapeutique sialagogue : apport hydrique, si possible acidulé ; la dihydroergotamine sous toutes ses formes, notamment la forme retard (Séglor® gélules : une gélule le Stomatologie/Odontologie
matin et une gélule le soir au milieu des repas), assure une couverture continue durant tout le nycthémère. Nous rappelons que la dihydroergotamine, comme tous les dérivés de l’ergot de seigle, ne doit pas être coprescrite avec la triacétyloléandomycine, du groupe des macrolides, car l’usage simultané de cet antibiotique avec les médicaments métabolisés par le foie entraîne une élévation des concentrations sanguines de ces derniers ; anétholtrithione (Sulfarlem S 25 ® ) ; teinture de jaborandi du Codex, à condition qu’elle soit fraîche et utilisée à doses suffisantes (jusqu’à 200 à 300 gouttes par jour ; ces doses seront atteintes en augmentant progressivement la posologie usuelle de 60 gouttes/j, l’effet sialagogue recherché étant souvent obtenu à des doses proches du seuil de toxicité) ; ou encore : Génésérine®, Daflon®. Le Salagen® (pilocarpine) a été récemment commercialisé ; les indications initialement limitées aux hyposialies et xérostomies postradiothérapiques chez l’adulte ont été étendues au traitement des sécheresses buccales et oculaires au cours du syndrome de GougerotSjögren, en cas d’inefficacité des traitements locaux (posologie : 1 comprimé à 5 mg 3 à 4 x/j). Ce produit est habituellement bien toléré, mais une hypersudation gênante peut s’observer (palpitations et troubles de l’accommodation sont rares). Il peut également faire l’objet d’une préparation magistrale (chlorhydrate de pilocarpine, gouttes ou cachets, 5 mg 4 ×/j). Contreindications principales : asthme non contrôlé, iridocyclite, glaucome. Bien souvent, les « petits moyens » classiques (hydratation fractionnée, mastication de carottes ou de céleri, chewing-gum fluoré sans sucre, succion de noyaux de pruneaux ou de cerises, de rondelles de citron...) s’avèrent en pratique les plus efficaces, les thérapeutiques « mécaniques » semblant effectivement d’une action plus fiable que les éventuelles propriétés « neuro-vasculosécrétoires » des chimiothérapies dites sialagogues. Le Tableau 10 indique quelques sialomodulateurs. La réduction formelle des sucres est le meilleur moyen d’éviter la prolifération de la flore cariogène et des levures. Les boissons sucrées, les bonbons, les laitages sucrés notamment sont donc à proscrire formellement (ce qui n’est évidemment pas toujours facile chez ces sujets, notamment de sexe féminin). L’adjonction systématique de bains de bouche alcalins (solution bicarbonatée, éventuellement eau de Vichy) et, en cas de mycoses avérées, des cures antifongiques successives utilisant des antifongiques buccaux au cours de la journée dans les périodes interprandiales exclusivement. L’action locale doit être aussi directe que possible (écraser les comprimés dragéifiés, garder en bouche les solutions antifongiques...) ; sont également conseillés grattage à l’abaisse-langue et bains de bouche adaptés (Bétadine®). Une très bonne hygiène buccodentaire avec notamment des brossages gingivodentaires fréquents : après chaque repas et le soir au coucher.
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22-012-F-10 ¶ Médicaments psychotropes en stomatologie et en odontologie
Tableau 10. Quelques sialomodulateurs. Spécialités ou préparations
Principes actifs
Exemple de posologie adulte
Sialagogues (et substances diverses pouvant favoriser la sécrétion salivaire) Dihydroergotamine Sandoz®
Dihydroergotamine
1 comprimé ou 30 gouttes 3 ×/j (solution buvable)
Génésérine 3®
éséridine oxyde
20 gouttes 3 ×/j
Salagen®
chlorhydrate de pilocarpine
1 comprimé 3 ×/j
Sulfarlem S 25®
anétholtrithione
1 comprimé 3 ×/j
Chlorhydrate de pilocarpine (solution 2 %)
préparation magistrale
30 gouttes 3 ×/j
Teinture mère de Jaborandi (au 1/5)
préparation magistrale
30 gouttes 3 ×/j
Extranase®
bromélaïnes
2 comprimés 3 ×/j
Glossithiase®
acide ténoïque, lysozyme
1 comprimé 6 ×/j
Lyso-6®
lysozyme, pyridoxine
1 comprimé 6 ×/j
Lysopaïne ORL®
lysozyme, suc de papayer
1 comprimé 6 ×/j
Fluidifiants (et associations)
bacitracine Maxilase®
a-amylase
Ribatran®
trypsine, ribonucléase pancréatique, chymotrypsinogène
1 comprimé 3 ×/j
Bisolvon®
bromhexine
1 comprimé 3 ×/j
Solacy®
L-cystine, soufre, rétinol, levure
1 gélule 3 ×/j
1 comprimé 3 ×/j
N.B. : Dihydroergotamine à ne pas associer aux macrolides (érythromycine, josamycine).
Des soins odontologiques compétents avec présentation régulière chez un chirurgien-dentiste ou un stomatologiste. En procédant aux détartrages prophylactiques et en traitant les caries au début ou déjà avancées, ils supprimeront soigneusement toutes les rétentions alimentaires et ils institueront au besoin un traitement de protection dentaire (à base notamment de fluorure). En effet, l’application hebdomadaire de gel fluoré à 1 % permet de prévenir l’apparition de caries évolutives dues à une hyposialie iatrogène par prise de psychotropes. Si des prothèses mobiles s’avèrent nécessaires, il faut savoir que les muqueuses desséchées refusent l’adhérence ; l’acidification du milieu (majeure chez l’édenté) provoque une déshydratation du gel muqueux. Ce contexte nécessite la réalisation de prothèses aussi parfaites et équilibrées que possible, de préférence en métal plutôt qu’en résine et régulièrement entretenues avec une solution alcaline. Quant aux troubles de l’occlusion, certains auteurs américains [58] proposent le port de plaques ou de gouttières (en résine dure ou résiliente) la nuit ou la journée, entre les repas pour décourager le bruxisme et apaiser douleurs et trismus. Cependant, d’autres auteurs critiquent l’emploi des gouttières en résine résiliente qui auraient plutôt tendance à engendrer chez le patient des habitudes de mordillement, d’où l’apparition de nouvelles parafonctions et de fatigue musculaire. [59] L’approche thérapeutique des troubles de la gustation n’est guère aisée. Il importe d’éliminer la présence de xérostomie. Si ce problème est observé, il faut reconsidérer les médicaments susceptibles de provoquer une réduction importante du débit salivaire et revoir leur posologie ou la nécessité de les poursuivre. Parallèlement, il faut maintenir une bonne hydratation et administrer conjointement un sialagogue comme déjà indiqué. Si la xérostomie n’est pas en cause, on peut tenter de modifier l’alimentation pour pallier la distorsion gustative en maximisant la saveur et la texture des aliments. Toutefois, les changements apportés en salant ou en sucrant davantage ne peuvent s’appliquer à toutes les conditions médicales. Enfin, l’ajout d’un agent thérapeutique spécifique ne peut encore s’appuyer que sur de rares essais pharmacologiques. Ainsi, l’utilisation de suppléments de zinc (25-100 mg/j) peut s’avérer efficace pour les dysgueusies dont l’étiologie implique une déficience en zinc.
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■ Psychotropes et anesthésie Deux aspects seront essentiellement considérés : la prémédication par psychotropes et les précautions à prendre pour l’anesthésie de patients sous psychotropes. [55, 60]
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Points forts
En matière d’anesthésiologie • Le choix de la prémédication est important avant une anesthésie générale et/ou une anesthésie locale aussi bien pour un acte majeur que pour un acte considéré comme mineur. La prémédication vise à apporter un confort psychologique chez tous les patients et plus particulièrement chez ceux qui présentent une grande anxiété. • Les solutions d’anesthésiques locaux avec vasoconstricteurs nécessitent des précautions d’emploi chez les hypertendus, les sujets âgés et les enfants. Les vasoconstricteurs sont responsables d’interférences médicamenteuses avec les antidépresseurs imipraminiques, les IMAO sélectifs et non sélectifs.
Prémédication par psychotropes La prémédication vise à apporter un confort psychologique aux patients pour certains actes requérant une anesthésie générale ou locale, voire pour un simple examen endobuccal chez les sujets pusillanimes. Elle est toujours administrée à jeun. La qualité de l’environnement du malade au moment de la consultation, les paroles rassurantes au bloc opératoire et un comportement serein constituent des facteurs au moins aussi importants que le choix de la prémédication. [61]
Prémédication avant une anesthésie générale Il s’agit ici d’une intervention réalisée à l’hôpital ou en clinique. Stomatologie/Odontologie
Médicaments psychotropes en stomatologie et en odontologie ¶ 22-012-F-10
On distingue la prémédication de la veille au soir, celle du matin (1 heure avant l’intervention ou à l’appel du patient pour la chirurgie) et celle au bloc opératoire précédant immédiatement l’intervention. [61] Les deux premières sont en général des prémédications administrées per os et les molécules les plus utilisées sont les benzodiazépines type alprazolam (Xanax®) 0,25 à 1 mg la veille et le matin en fonction de l’acte envisagé et de l’anxiété du patient. Les effets sont souvent imprévisibles par cette voie : à dose équivalente, on observe autant de patients surdosés que sous-dosés. [61] Au bloc opératoire, la prémédication par voie intraveineuse fait appel chez l’adulte au midazolam (Hypnovel®), benzodiazépine d’action courte, administrée à la dose de 0,5 à 2 mg en titration qui permet une adaptation adéquate à l’état d’anxiété du patient. [61-64] La prescription systématique d’atropine est inutile, sauf chez l’enfant qui fait plus volontiers des réactions parasympathicomimétiques. Cas particuliers Terrain atopique. S’il existe des antécédents allergiques ou un terrain spasmophile, l’hydroxyzine (Atarax®) sera préférée et administrée à raison de 1 à 1,5 mg/kg per os. Elle possède des propriétés anxiolytiques, antiémétiques et antihistaminiques. [62] Enfant. Chez l’enfant, [61, 65, 66] le midazolam (Hypnovel®) est administré par voie intrarectale à la dose de 0,3 mg/kg, en association en intraveineuse avec l’atropine dont la dose est ajustée en fonction du poids (1/16 mg de 3 à 5 kg, 1/8 mg de 5 à 10 kg, 1/4 mg de 10 à 30 kg, 1/2 mg au-dessus de 30 kg). Prévention des nausées et vomissements. Le dropéridol (Droleptan®) est un neuroleptique qui est réservé aux gestes comportant un risque de nausées et/ou de vomissements postopératoires. [63] Il est administré à la dose de 0,6 mg à 1 mg par voie intraveineuse de préférence en fin d’intervention. Il n’est plus administré en prémédication en raison des effets indésirables qu’il génère pour des doses supérieures à celles recommandées (réactions anxieuses, troubles du rythme ventriculaire...).
Prémédication avant une anesthésie locale ou locorégionale À l’hôpital ou en clinique Avant l’anesthésie locale ou locorégionale pour des actes chirurgicaux pratiqués en ambulatoire tels que les extractions dentaires, les ablations de matériel d’ostéosynthèse, les biopsies du plancher buccal, les prélèvements d’adénopathies, une prémédication est le plus souvent nécessaire. Elle peut être réalisée par voie intraveineuse, intramusculaire, ou per os. Pour la sédation intraveineuse, on utilise : • soit une benzodiazépine, le midazolam (Hypnovel®), à la dose de 0,12 à 0,30 mg/kg intraveineuse en dose unique. Le réveil se produit en 15 à 45 minutes avec retour aux performances initiales en 3 à 4 heures. En cas de surdosage, il existe un antidote : le flumazénil (Anexate®) ; [61-64] • soit une technique de diazanalgésie qui permet de diminuer la douleur induite lors de l’infiltration de l’anesthésique local. Elle associe une benzodiazépine, midazolam (Hypnovel®), à un analgésique morphinomimétique, alfentanyl (Rapifen®), 20 à 40 g/kg ou sufentanil (Sufenta® ) 5 à 10 µg en une injection unique pour conserver le caractère ambulatoire de l’acte ; [61] • soit le propofol (Diprivan ® ) utilisé en mode anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC). Cette technique a l’avantage d’obtenir un contrôle parfait de la sédation sans dépression respiratoire. [61] Pour la sédation intramusculaire, on utilise : • le midazolam (Hypnovel®), administré 30 minutes avant le geste à la dose de 0,025 à 0,12 mg/kg en fonction de l’état général du patient ; Stomatologie/Odontologie
• la prémédication per os fait appel à des benzodiazépines à donner 1 heure avant l’intervention : alprazolam (Xanax®) 0,25 mg à 1 mg ou diazépam (Valium®) 5 à 10 mg selon l’acte envisagé et l’anxiété du patient. Au cabinet La prémédication est uniquement per os (cf. supra).
Précautions pour l’anesthésie chez les patients sous psychotropes Les traitements par antidépresseurs non-IMAO, neuroleptiques et anticomitiaux doivent être continués jusqu’à la veille de l’intervention et interrompus le jour de celle-ci. Ils seront repris après l’intervention. Les antidépresseurs de type IMAO doivent être arrêtés, la décision d’arrêt est à prendre avec le psychiatre. Les antidépresseurs de type IMAO non sélectif (iproniazide, Marsilid®), doivent être arrêtés 3 semaines avant l’anesthésie. Les IMAO sélectifs (IMAO-A : moclobémide [Moclamine®] et toloxatone [Humoryl®]) qui sont réversibles ne doivent être arrêtés que 24 heures avant le geste. [63, 66]
Cas particuliers des vasoconstricteurs Les solutions d’anesthésiques locaux avec vasoconstricteurs sont souvent utilisées en stomatologie. Les vasoconstricteurs permettent de diminuer les saignements et d’augmenter la durée d’action de l’anesthésique local. Leur utilisation doit être prudente et précédée d’un test d’aspiration afin d’éviter leur passage dans la circulation générale, responsable d’effets secondaires (tachycardie, poussée d’hypertension artérielle). Leur utilisation nécessite des précautions d’emploi chez les hypertendus, les sujets âgés, les enfants. Leur emploi doit être prudent avec les dérivés de la guanéthidine, les antidépresseurs imipraminiques, les IMAO sélectifs et non sélectifs : ils peuvent être responsables d’hypertension paroxystique avec possibilité de troubles du rythme. Pour la pratique, les conseils à tenir ci-dessous peuvent être retenus. Dans les cas d’un patient sous IMAO non sélectif, l’anesthésie locale adrénalinée est contre-indiquée au cabinet dentaire. Pour pouvoir réaliser une anesthésie locale chez un patient sous IMAO non sélectif, il faut arrêter l’IMAO 3 semaines avant l’anesthésie, soit utiliser un anesthésique sans vasoconstricteur. Dans le cas d’un patient sous antidépresseur tricyclique, l’anesthésie locale adrénalinée est possible sous réserve de certaines précautions : • vérifier l’absence d’injection intravasculaire ; • réaliser une injection lente ; • limiter l’apport : la faible concentration en vasoconstricteur des produits disponibles permet en pratique de limiter cet apport. L’apport adrénaliné associé à une anesthésie locale sous-cutanée ou gingivale doit être limitée à moins de 0,1 mg d’adrénaline en 10 minutes ou 0,3 mg en 1 heure chez l’adulte (0,1 mg d’adrénaline = 10 ml pour une solution de 1/100 000 ou 20 ml pour une solution à 1/200 000). Une telle limite ne pose pas de problème pratique lors d’une anesthésie dentaire locale. Un patient traité avec un antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine peut bénéficier d’une anesthésie locale adrénalinée. Un relais thérapeutique au profit d’un tel antidépresseur n’est cependant pas intéressant dans la mesure où la modification du traitement antidépresseur demande une fenêtre thérapeutique identique à celle nécessaire à la réalisation d’une anesthésie locale adrénalinée. [27]
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D. Muster, Professeur associé, stomatologiste attaché consultant, pharmacien, docteur ès sciences physiques ([email protected]). Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France. J. Valfrey, Praticien hospitalier. H. Kuntzmann, Interne des Hôpitaux. Département d’anesthésie-réanimation, Centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D., Valfrey J., Kuntzmann H. Médicaments psychotropes en stomatologie et en odontologie. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-012-F-10, 2005.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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13
Pharmacologie des anesthésiques généraux S Ausset JC Tortosa F Olive E Morell Y Le Manac’h
Résumé. – L’anesthésie est une spécialité dont la pharmacopée, quoique assez réduite, évolue beaucoup, les innovations se faisant vers des produits puissants dont l’action est plus courte et dont la rémanence, comme les effets secondaires, sont moins marqués. Néanmoins, il faut toujours, pour permettre aux chirurgiens de travailler dans de bonnes conditions, associer plusieurs produits qui visent à endormir le malade et à l’analgésier. L’utilisation des myorelaxants a moins souvent son utilité en chirurgie maxillofaciale et en stomatologie qu’en chirurgie viscérale ; leur emploi est alors affaire de choix du praticien. Après un bref rappel de pharmacocinétique pour comprendre le devenir des médicaments dans l’organisme, cet article passe en revue les produits utilisés de manière spécifique par le médecin anesthésiste. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : anesthésie générale, inhalation, intraveineuse, morphiniques, curares.
Introduction
Absorption
L’anesthésie générale peut être considérée comme une intervention pharmacologique qui prévient les effets adverses de la chirurgie en procurant analgésie, perte de conscience et suppression des réponses neurohormonales au stress [37]. Elle agit sur un effecteur, le cerveau, où les mécanismes d’action apparaissent bien plus complexes qu’on ne le pensait il y a quelques années. La compréhension de l’action des produits de l’anesthésie passe par la pharmacocinétique, qui seule explique pourquoi des produits qui s’éliminent si lentement agissent aussi peu de temps, mais sont susceptibles d’avoir des effets résiduels qui peuvent être délétères. Cette notion semble guider la recherche des nouveaux produits, puissants certes, mais dont la rémanence est nulle. Les anesthésiques généraux changent donc, la façon de les administrer évolue et se fait plus fine, peut-être guidée bientôt par la mesure systématique de la profondeur de l’anesthésie, conséquence pratique de la recherche fondamentale.
Éléments de pharmacocinétique
[7, 20, 63]
Dans le devenir du médicament existent plusieurs phases (fig 1). L’absorption, passage de l’extérieur dans l’organisme, dépend de la voie d’administration. La distribution dépend du pourcentage qui arrive au plasma, ou biodisponibilité, de la liaison aux protéines qui détermine la fraction libre – seule active –, de la vascularisation tissulaire et de la diffusion dans chaque tissu. Le métabolisme peut générer des métabolites actifs ou inactifs. Ceux-ci, ou le médicament lui-même, sont ensuite excrétés.
Sylvain Ausset : Assistant (anesthésie-réanimation). Jean-Christophe Tortosa : Assistant (anesthésie-réanimation). Frédéric Olive : Assistant (anesthésie-réanimation). Éric Morell : Assistant (anesthésie-réanimation). Yvon Le Manac’h : Anesthésiste, spécialiste du service de santé des Armées. Service de santé des Armées, hôpital d’instruction des Armées Percy, 92140 Clamart, France.
Distribution Secteur plasmatique
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-012-H-20
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Fraction liée
Fraction libre
Sites d'action
Stockage Métabolites
Excrétion
Métabolisme
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Devenir des médicaments.
MODÈLES PHARMACOCINÉTIQUES
Ce sont des descriptions simplifiées du devenir d’un médicament, distribué dans un système à un ou plusieurs compartiments et éliminé à partir du compartiment central plasmatique. L’évolution des concentrations plasmatiques en fonction du temps définit un certain nombre de paramètres propres à chaque produit. Dans le modèle unicompartimental (fig 2), la répartition dans le volume V1 est instantanée et la concentration maximale à t0. Il permet de définir le volume apparent de distribution (Vd), espace théorique dans lequel le médicament se distribue de manière homogène à la même concentration que dans le plasma ; plus il est grand, plus la fixation tissulaire est intense. La demi-vie d’élimination (t½), qui est le temps nécessaire pour que la quantité de substance présente dans l’organisme diminue de moitié, dépend de la capacité de l’organisme à éliminer le produit. La clairance est le volume, lui aussi théorique, totalement épuré d’un produit dans un temps donné : elle peut être rénale, hépatique, voire pulmonaire. Les organes le plus richement vascularisés, qui captent 75 % du débit cardiaque (fig 3), et le compartiment vasculaire, forment le compartiment central du modèle bicompartimental de distribution (fig 4), dont le compartiment périphérique serait formé par le reste
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ausset S, Tortosa JC, Olive F, Morell E et Le Manac’h Y. Pharmacologie des anesthésiques généraux. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-012-H-20, 2000, 9 p.
Pharmacologie des anesthésiques généraux
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Stomatologie
Les gaz et les anesthésiques volatils administrés sous forme de vapeur passent sans difficulté une surface d’échange de 4 m_, l’épithélium pulmonaire.
[C] 100 %
Dose
¶ Fraction libre et fraction liée aux protéines Albumine et globulines fixent une proportion plus ou moins importante des médicaments, ainsi dissociés en une partie liée et une partie libre. Seule cette dernière est responsable de l’action pharmacologique, et disponible pour le métabolisme et l’excrétion. En baissant, elle déplace l’équilibre fraction libre-fraction liée qui provoque un relargage du médicament depuis les protéines.
50 %
V
t1/2
t0
kel
2
¶ Importance du pH du milieu pour la diffusion du médicament
Modèle unicompartimental. kel : constante d’élimination.
Foie : 30 %
Organes richement vascularisés = 75 % du débit cardiaque
Cœur : 5 %
Débit sanguin
t
Cerveau : 15 %
5 L / min Rein : 25 % Autres organes
25 %
3 Dose IV
¶ Coefficient de partage et liposolubilité Le coefficient de partage est le rapport des solubilités dans deux milieux différents, l’eau et l’huile pour les liquides, l’air et un liquide (ou un tissu) pour les gaz anesthésiques. Une grande liposolubilité se traduit par une grande affinité pour le tissu nerveux, donc une plus longue durée d’action puis d’élimination depuis les tissus de stockage.
Répartition du débit sanguin.
log [C]
Compartiment Élimination central
La plupart des médicaments utilisés en anesthésie sont des bases ou des acides faibles, partiellement dissociés ; il existe un équilibre entre la forme ionisée et la forme non ionisée, contrôlé par le pKa (pH où les concentrations des fractions, ionisée et non ionisée, sont égales) et régi par l’équation de Henderson-Hasselbalch : pH – pKa = log [A-]/[HA] pour les acides pH – pKa = log [B]/[BH+] pour les bases En pratique, un acide faible est très dissocié en milieu basique et peu dissocié en milieu acide. Les formes ionisées, hydrophiles, permettent une administration en intraveineuse sans problème, et les formes non ionisées, lipophiles, traversent plus facilement les membranes biologiques.
α
Phase de distribution
MÉTABOLISME ET ÉLIMINATION
B
Compartiment périphérique
Phase d'élimination
* A
β
t1/2α
4
A
t1/2β
Modèle bicompartimental. A. Schématisation. B. Évolution des concentrations plasmatiques.
t
* B
Avant élimination, les produits d’anesthésie subissent une transformation. Celle-ci peut être une hydrolyse directement plasmatique, mais la plupart des métabolites, actifs, inactifs ou toxiques, ont une origine hépatique. Leur élimination se fait dans les urines par le rein, la bile par le foie, ou par le poumon pour les gaz anesthésiques et le 4-hydroxybutyrate de sodium (c-OH). CONCLUSION À LA PHARMACOCINÉTIQUE
des organes. Dans ce modèle, la courbe de concentration évolue en deux phases, de distribution et d’élimination. Pendant la première, l’essentiel du produit va d’abord aux organes richement vascularisés, puis un équilibre de concentration s’établit entre le compartiment central et le compartiment périphérique : c’est la redistribution. La deuxième phase, d’élimination, est beaucoup plus longue.
La pharmacocinétique, malgré ses imperfections, permet d’avoir un raisonnement sur le devenir des médicaments. Cependant, elle est sujette à des variations en fonction des terrains considérés et de leur évolution.
PHASES DE PHARMACOCINÉTIQUE
Dans l’anesthésie générale, les hypnotiques sont les produits qui procurent le sommeil anesthésique. Ce faisant, ils n’assurent qu’une partie des objectifs de l’anesthésie générale tels qu’ils ont été définis par Kissin [37]. Les produits intraveineux appartiennent à plusieurs classes médicamenteuses, alors que les gaz anesthésiques, en dehors du protoxyde d’azote, constituent une seule famille médicamenteuse.
¶ Absorption Dans la voie orale, l’absorption se fait surtout au niveau de l’intestin, qui se draine dans la veine porte. Le métabolisme du médicament commence donc avant son passage dans la circulation générale. Cet effet de « premier passage hépatique » peut affecter une part importante du produit, voire le rendre inefficace. Toutes les autres voies, sublinguale, intranasale, intrarectale, sous-cutanée, intramusculaire ou transcutanée, évitent ce passage hépatique, mais la cinétique en est parfois aléatoire. La voie de prédilection de l’anesthésiste reste la voie intraveineuse, qui assure une biodisponibilité de 100 % et permet d’obtenir rapidement des concentrations élevées de médicaments. 2
Hypnotiques
ANESTHÉSIQUES INTRAVEINEUX
¶ Barbituriques Parmi les dérivés de l’acide barbiturique, deux sont disponibles en anesthésie. Le thiopental (Nesdonalt), dérivé soufré, et le
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Pharmacologie des anesthésiques généraux
méthohexital (Briétalt), dérivé oxyméthylé, sont caractérisés par une action rapide et brève. Sans être les produits idéaux, leurs caractéristiques cliniques en font les standards de l’induction anesthésique. Thiopental [24] Sur le plan physicochimique, le thiopental est présenté sous forme d’un sel sodique de couleur jaune, additionné de carbonate de sodium pour éviter la formation d’acide libre au contact de l’air. Les flacons de 0,5 ou 1 g sont dilués en solution de 2,5 % (1 % en pédiatrie), de pH 10,8, irritante pour les veines. Du point de vue pharmacocinétique [68], ce produit lié à 80 % aux protéines a une demi-vie de distribution de 2 à 4 minutes qui rend compte de la brièveté du sommeil anesthésique. Il est très rapidement redistribué vers les muscles puis la graisse, pour être très lentement éliminé par métabolisme hépatique (t½b entre 10 et 12 heures). Le site d’action préférentiel des barbituriques est le récepteur de l’acide c-aminobutyrique (GABA) [24] ; celui-ci est le principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central [28] et intervient notamment dans l’induction du sommeil et le contrôle de l’excitabilité neuronale, donc de l’épilepsie. Sur le plan pharmacodynamique [24], le thiopental a une action électroencéphalographique (EEG) dose-dépendante, qui peut aller jusqu’au silence électrique pour une concentration plasmatique de plus de 5 mg/dL [8] , et s’accompagne d’une diminution de la consommation cérébrale d’oxygène. Les potentiels évoqués peuvent néanmoins être enregistrés. La pression intraoculaire est diminuée. Cette dépression centrale s’accompagne d’une dépression des centres respiratoires qui se prolonge après le retour de la ventilation spontanée. Les réflexes laryngés et surtout trachéaux [31] sont conservés, sauf pour de fortes doses. Le thiopental est responsable d’une veinodilatation [24], donc d’une baisse de la précharge et du débit cardiaque, et d’une tachycardie réactionnelle qui entraîne une chute de la pression artérielle, accentuée chez les hypertendus, traités ou non. Celle-ci s’accompagne d’un effet inotrope négatif [67] qui peut être délétère en cas de pathologie cardiaque. Il ne modifie pas les fonctions rénales ou hépatiques, ni la réponse médullosurrénalienne au stress chirurgical. Il peut être utilisé pour l’induction d’une césarienne sans risque pour le fœtus. La dose d’induction [24] du thiopental se situe entre 2,5 et 4,5 mg/kg chez l’adulte. Elle doit être majorée chez l’enfant et, inversement, diminuée chez les personnes âgées et chaque fois que l’état général du malade est altéré. L’injection peut entraîner un rash cutané ou des réactions anaphylactoïdes. Elle est d’autant plus douloureuse que le calibre de la veine est petit. L’injection intra-artérielle accidentelle est très douloureuse et entraîne un spasme artériel qu’il faut traiter immédiatement par lidocaïne ou papavérine. L’évolution des extravasations peut aller jusqu’à la nécrose extensive. Si le réveil est cliniquement très rapide après une dose unique, les tests psychotechniques restent altérés pendant 8 à 12 heures. Toute conduite de véhicule est déconseillée pendant 24 heures. La perfusion continue majore le retard de réveil. L’entretien d’une sédation pendant 2 ou 3 jours est suivi d’une phase d’élimination qui peut atteindre près de 1 semaine [68]. Du fait de leur métabolisme, les barbituriques peuvent être à l’origine de poussées de porphyries chez les patients qui en sont affectés. Méthohexital [24, 68] Moins utilisé que le thiopental, le méthohexital a des propriétés similaires. La dose d’induction est de 1,5 mg/kg. Il est moins irritant localement en cas d’extravasation. Sa clairance quatre fois plus rapide entraîne de moindres phénomènes d’accumulation. La perfusion continue ou l’emploi de fortes doses peut provoquer des convulsions. L’augmentation de fréquence cardiaque qui suit son injection est supérieure à celle du thiopental. Il procure un réveil plus rapide. Ce produit ne présente donc aucun avantage sur le thiopental.
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¶ Propofol (Diprivant) C’est un anesthésique intraveineux récent. Rapidement, il a été très largement utilisé, tant pour l’induction que pour l’entretien de l’anesthésie du fait de la qualité et la rapidité du réveil qu’il procure. L’élaboration de nouvelles techniques d’administration lui permettent de concurrencer les anesthésiques volatils halogénés (AVH) – notamment en chirurgie ambulatoire – et les benzodiazépines (BZD) lorsqu’une simple sédation est requise, par exemple pour réaliser un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) [4]. Sur le plan physicochimique, cet alkylphénol hautement liposoluble est intégré dans une émulsion lipidique à 10 % d’huile de soja, 2,25 % de glycérol et 1,2 % de phosphatide d’œuf purifié. La solution à 1 %, disponible en flacons de 20, 50 ou 100 mL, est stable à la lumière. Sa préparation sans conservateur favorise la croissance bactérienne et impose son utilisation sur la base d’une stricte asepsie, moins de 6 heures après en avoir cassé les ampoules [54]. Sa cinétique est caractérisée par une très forte liaison aux protéines (95 %), une demi-vie de distribution située entre 2 et 8 minutes [35] avec un pic d’action à 92 secondes [22]. La demi-vie d’élimination varie entre 4 et 23 heures en fonction du terrain, et résulte d’une clairance élevée par métabolisme hépatique et extrahépatique [70]. Un point essentiel dans l’administration du propofol est la stabilité de la demi-vie plasmatique après administration continue, qui permet un réveil rapide après une anesthésie ou une sédation prolongée [26]. Les enfants de moins de 4 ans éliminent plus rapidement le produit [46], à l’inverse des sujets âgés [36]. Le propofol agirait en potentialisant l’action du GABA [29]. De manière comparable au thiopental, il diminue l’activité et la consommation d’oxygène cérébrale [62], la pression intracrânienne et intraoculaire [59] . Les effets sur l’activité épileptogène restent controversés [59, 62] : malgré une efficacité clinique sur les crises d’épilepsie, il faudrait peut-être l’éviter pour l’anesthésie des épileptiques [66]. Il permet un monitorage des potentiels évoqués et a donc trouvé rapidement une place de choix en neurochirurgie. La dépression des centres respiratoires affecte davantage le volume courant que la fréquence respiratoire, l’apnée obtenue varie avec les produits associés lors de l’induction [59]. Les réflexes trachéaux et laryngés sont également déprimés. La dépression myocardique et la vasodilatation, doses- et concentrations-dépendantes, existent à l’induction comme en entretien et sont responsables d’une diminution de la pression artérielle, sans qu’existe obligatoirement une tachycardie réflexe [59]. Le propofol ne modifie pas les fonctions rénales ou hépatiques, ni la réponse médullosurrénalienne au stress chirurgical [59]. Il traverse aisément la barrière fœtoplacentaire [62]. Il possède une activité antiémétique à des doses non hypnotiques [ 5 9 ] . De manière significative, son administration pour l’induction et l’entretien de l’anesthésie permet la meilleure prévention des nausées et vomissements postopératoires [25] . La description de réactions anaphylactoïdes impose son emploi prudent chez le patient multiallergique [41]. La dose d’induction du propofol est de 1 à 3 mg/kg chez l’adulte. Elle doit être majorée chez l’enfant et réduite chez le vieillard. L’incidence des douleurs à l’injection augmente quand le calibre de la veine est petit. L’addition, en extemporané, de 1 mL de lidocaïne à 1 % dans la seringue d’induction, diminuerait cette sensation [59]. L’entretien utilise l’administration de bolus répétés, à laquelle on préfère, pour la stabilité, l’utilisation de seringues autopulsées. Le réveil est en règle de bonne qualité, mais peut s’accompagner d’hallucinations ou de conduites désinhibées. Il autorise l’anesthésie pour des actes ambulatoires. Le propofol présente la caractéristique d’avoir des effets reliés directement à sa concentration plasmatique. La connaissance des concentrations utiles pour obtenir divers stades du sommeil anesthésique a permis d’envisager une administration par divers dispositifs. L’anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC) utilise un module de calcul et un logiciel de commande 3
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élaboré à partir des bases pharmacocinétiques pour réaliser une induction moins brutale qu’avec un bolus, un entretien et un réveil « programmé » du patient à la fin de l’opération [5], qu’il s’agisse de sommeil ou de simple sédation, éventuellement contrôlée par le patient lui-même [55].
¶ Étomidate (Hypnomidatet, Étomidate Lipurot) L’étomidate est un anesthésique synthétisé en 1965 et utilisé en anesthésie depuis 1972 [3] qui a de faibles effets hémodynamiques et respiratoires. Ce dérivé imidazolé est proposé en solution à 2 % dans le propylène glycol ou en émulsion lipidique, et en solution alcoolique à 12,5 % utilisée pour l’entretien de l’anesthésie. Sa liaison protéique s’élève à 75 %, sa demi-vie de distribution est de 2,7 minutes et sa demi-vie d’élimination de 3 à 5 heures, en fonction de la vitesse du métabolisme qui est essentiellement hépatique. Ces caractéristiques, altérées par le grand âge, le rendent adapté à une administration continue [3, 59]. Il diminue la pression intracrânienne (PIC) sans modifier la pression artérielle moyenne, tout comme la pression intraoculaire [59]. Diverses études suggèrent qu’il peut être responsable, à côté d’un taux élevé de myoclonies d’origine centrale, de crises d’épilepsie généralisée chez les épileptiques [58], et qu’il serait donc un produit de choix pour les sismothérapies [1]. La dépression myocardique est modeste, tout comme la dépression des centres respiratoires, qui peut être précédée d’une polypnée transitoire. L’étomidate a un effet dépresseur sur la fonction corticosurrénalienne qui se prolonge pendant 24 heures après administration unique chez l’adulte [59]. Chez le nouveau-né issu d’une césarienne, cet effet est transitoire après passage transplacentaire et pourrait exposer l’enfant à une hypoglycémie [15]. Il n’est pas histaminolibérateur [3]. La dose d’induction est de 0,2 à 0,6 mg/kg – habituellement 0,3 mg/kg –, la durée dépendant de la dose administrée. Chez l’enfant, l’administration peut être intrarectale, à la dose de 6,5 mg/kg, efficace en 4 minutes [59]. L’entretien, de 2 heures au plus pour éviter une sidération surrénalienne, utilise la forme à 125 mg/mL, et permet un réveil souvent agité. L’osmolalité du propylène glycol, qui atteint 4 900 mOsm dans l’Hypnomidatet, explique la fréquence des douleurs à l’injection, le risque de thrombophlébites [18], voire d’hémolyse [53]. Son utilisation préférentielle est l’induction anesthésique des patients fragiles. Il autorise un réveil rapide et il est donc parfois utilisé en injection unique pour des actes courts : cardioversion, sismothérapie... [59].
¶ Kétamine (Kétalart, Kétamine Panpharmat) La kétamine est une molécule de la famille des phencyclidines, dont certaines sont des stupéfiants [59]. Synthétisée en 1962, elle se présente sous la forme d’un sel cristallin dont la solution est le mélange racémique de deux énantiomères S(+) et R(-), dont la puissance d’activité est différente. Ses multiples présentations sont une source d’erreur : en effet les ampoules, toutes de 5 mL, contiennent 50 ou 250 mg, et ne se distinguent les unes des autres que par la concentration qui y est inscrite et la couleur des caractères imprimés sur les ampoules. C’est un produit bon marché, facile à stocker, qu’on trouve donc facilement dans les pays du tiers-monde où ses caractéristiques rendent de grands services. Sa pharmacocinétique répond à un modèle à deux compartiments, avec une demi-vie de distribution de 7 à 16 minutes [59, 61] et une demi-vie d’élimination de 1 à 3 heures [ 3 8 , 6 0 ] , du fait d’un métabolisme hépatique. Son principal métabolite, la norkétamine, a un tiers à un cinquième de la puissance du produit lui-même. Contrairement aux autres anesthésiques généraux, l’action de la kétamine sur les récepteurs du GABA est minime [38], voire nulle [30]. 4
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Ses sites d’action sont multiples et rendent compte des effets cliniques. Son action principale serait d’inhiber l’action excitatrice du glutamate sur les récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), responsables de l’installation des douleurs chroniques [38] et les récepteurs non-NMDA médullaires. Ces deux actions seraient à l’origine de son effet analgésique, qui fait la particularité de cet hypnotique. L’inhibition de la transmission cholinergique porte sur les récepteurs nicotiniques et muscariniques, et expliquerait les effets secondaires du réveil. En modifiant le recaptage de la noradrénaline et de la sérotonine au niveau synaptique central, elle aurait une action hypertensive et émétisante. Le racémique S(+) a un effet analgésique et hypnotique supérieur, mais passe moins facilement au niveau cérébral ; on lui attribue des effets indésirables moins accentués. Sur le plan pharmacodynamique, la kétamine a un effet dosedépendant qui provoque l’apparition d’un « état dissociatif », caractérisé par une analgésie et une amnésie sans perte de conscience. L’augmentation de la PIC par la vasodilatation et l’hypertension artérielle (HTA) peut être combattue par l’hyperventilation ou par les BZD [38]. La faible dépression de la ventilation et la bronchodilatation s’accompagnent d’une diminution de la réponse ventilatoire à l’hypercapnie et à l’hypoxie. La conservation des réflexes protecteurs des voies aériennes supérieures peut disparaître lors de l’association à d’autres produits de l’anesthésie. Le risque de fausses routes est aggravé par l’existence d’une hypersalivation. L’hypertension et la tachycardie auraient une origine essentiellement centrale. Enfin, la kétamine augmente souvent le tonus musculaire, ce qui peut gêner le contrôle de la ventilation quand elle est utilisée seule. Les perturbations psychologiques indésirables du réveil anesthésique après administration de kétamine (rêves, illusions, excitation,...) atteindraient une fréquence de 10 à 30 % [59]. La réduction la plus efficace de ces effets secondaires passe par l’association aux BZD. Ce produit peu histaminolibérateur est utilisé en induction à la posologie de 0,5 à 2 mg/kg par voie intraveineuse. On peut aussi l’utiliser par voie intramusculaire à la dose de 4 à 6 mg/kg. Chez l’enfant, la voie orale [59] et rectale [60] permet d’obtenir une sédation en 20 à 40 minutes avec des doses de 3 à 10 mg/kg ; néanmoins, l’effet semble assez peu prévisible. Les effets d’une dose unique par voie intramusculaire permettent de réaliser un geste court relativement douloureux, comme un pansement [60] ou une pose de cathéter [59]. L’entretien de l’anesthésie par la kétamine repose sur son emploi au pousse-seringue électrique (PSE) à la vitesse de 15 à 45 µg/kg/min. En perfusion, le débit de la solution ramené à 1 mg/mL est réglé entre 30 à 60 gouttes par minute en fonction des signes de réveil. Pour prévenir l’hypersalivation et les délires du réveil, on a mélangé dans le même flacon du diazépam (Valiumt) et de l’atropine, obtenant ainsi le « pastis » (d’après sa couleur) toujours utilisé dans le tiers-monde. Les anesthésistes cherchent à utiliser les qualités analgésiques de la kétamine en l’associant, en particulier au propofol, pour des gestes brefs ou superficiels. Cette association semble intéressante en anesthésie pour chirurgie de guerre [48]. Le réveil est rapide, mais les effets hallucinatoires peuvent retarder la sortie de salle de réveil. L’utilisation de petites doses de kétamine pendant l’intervention pourrait diminuer les besoins postopératoires en analgésiques [38]. Les indications classiques sont l’atonie, encore qu’il existe des alternatives, l’état de choc [61] – mais la prolongation de celui-ci peut épuiser les stocks de catécholamines et démasquer les effets cardiodépresseurs du produit [59] –, l’anesthésie pédiatrique pour les procédures courtes, et le brûlé à sa phase initiale, avant que s’installe une tachyphylaxie [61]. L’HTA et l’insuffisance coronaire, l’élévation de la PIC ou de la pression intraoculaire, la notion de maladie psychiatrique ou le risque de delirium tremens constituent des contre-indications [59, 61]. La kétamine potentialise les curares [59]. Du
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fait de son conservateur, qui est neurotoxique [59], et des résultats discutables [30], son administration intradurale ou péridurale semble contestable, voire déraisonnable. Au total, l’emploi de la kétamine est freiné du fait de ses effets secondaires, malgré de grandes qualités et un mode d’action original qui pourrait lui faire envisager une deuxième jeunesse.
¶ Benzodiazépines Le chef de file des BZD est le diazépam (Valiumt), synthétisé en 1959, et dont les dérivés sont très nombreux. En anesthésie, plusieurs produits sont utilisés en prémédication, mais seulement trois molécules sont disponibles en injectable : pour des raisons de solubilité, le diazépam et le flunitrazépam (Narcozept) sont proposés en solution de propylène glycol, alors que le midazolam (Hypnovelt) est en solution aqueuse [34]. La pharmacocinétique des BZD répond à un modèle bicompartimental, dont les caractéristiques varient avec le produit. Elles sont métabolisées par le foie, et donnent pour certaines des métabolites actifs. Le mécanisme d’action [16] résulte d’une liaison sélective à des sousunités des récepteurs GABA-ergiques qui augmente l’affinité du neurotransmetteur à son récepteur. Il en résulte une action hypnotique, sédative, anxiolytique et amnésiante [28]. Sur le plan pharmacodynamique [16], les BZD augmentent peu la PIC, même en cas de traumatisme crânien. Elles diminuent la pression artérielle moyenne, plus que les résistances vasculaires systémiques, par un effet inotrope négatif. Les hypotensions induites par ces drogues, quoique rares, peuvent venir aussi d’une dépression de la réponse pressive du baroréflexe. Le diazépam et le flunitrazépam modifient en outre l’autorégulation de la circulation coronaire. La dépression respiratoire centrale peut s’accompagner d’une apnée, et l’augmentation des résistances des voies aériennes supérieures y ajoute une composante obstructive qui peut avoir un retentissement clinique, d’autant que les BZD ont une élimination lente. Ces produits très liposolubles atteignent des concentrations élevées chez le fœtus et dans le lait maternel. Un risque tératogène a été évoqué et les fait éviter pendant le premier trimestre de la grossesse. Les réactions allergiques sont rares [34]. L’utilisation des BZD en induction anesthésique est rare, du fait de la lenteur de leur action et de la grande variabilité interindividuelle, ceci malgré une certaine neutralité hémodynamique [34, 64]. Utilisées seules et en injection unique, elles permettent la réalisation d’actes courts (endoscopie, radiologie), mais exposent à un risque respiratoire et à un retard de réveil qui peut nuire à « l’aptitude à la rue » en chirurgie ambulatoire [16]. Leur utilisation sur des actes prolongés se traduit souvent par un réveil tardif du fait de l’accumulation du produit [34]. Ces produits peuvent aggraver une myasthénie par leurs effets myorelaxants [64]. Les BZD sont souvent utilisées en France, dans 41 % des anesthésies générales [39], mais essentiellement en prémédication ou en sédation. La sédation dans les unités de soins intensifs y fait en revanche largement appel. L’utilisation du diazépam en anesthésie est devenue exceptionnelle. Sa formulation dans le propylène glycol aggrave son agressivité pour les veines et l’existence de métabolites actifs de demi-vie longue rend sa durée d’action imprévisible. Le flunitrazépam, plus puissant, n’a pas de métabolites actifs. C’est un hypnotique dix fois plus puissant que le diazépam [34], dont l’accumulation au cours d’une sédation prolongée, par exemple en unité de soins intensifs, peut conduire à des retards de réveil importants. Par voie orale, sa puissance en fait une prémédication idéale chez les patients très anxieux ou alcooliques [64]. Le midazolam, synthétisé en 1976, est original par son hydrosolubilité en milieu acide, qui permet de le présenter en solution aqueuse, bien mieux tolérée à l’injection. Il présente une diffusion rapide et une élimination précoce, sans phénomène d’accumulation. Son métabolite principal est peu actif et éliminé par
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les urines [34]. L’induction, sans phénomène excitatoire, se heurte surtout à la variabilité de la réponse des patients, et il sert, administré quelques minutes avant l’induction elle-même, surtout de « co-inducteur » pour diminuer les doses des autres agents d’induction [64]. Il remplace avantageusement le diazépam dans la prévention des troubles psychodysleptiques dus à la kétamine. Par ailleurs administré par voie intranasale, rectale ou sublinguale, c’est un agent de prémédication rapide et d’action courte chez l’enfant. Les BZD ont un antagoniste compétitif spécifique, le flumazénil (Anexatet), qui antagonise efficacement la sédation. La dépression respiratoire bénéficie moins de ces effets [49]. Il peut être proposé pour faciliter le réveil après une sédation, mais sa courte durée d’action et son élimination rapide permettent la réapparition des effets des BZD, phénomène qui doit être pris en compte lors des procédures ambulatoires [27].
¶ Dropéridol (Droleptant) C’est un neuroleptique incisif d’action courte de la famille des butyrophénones [65] qui a longtemps été associé à un analgésique central dans la neuroleptanalgésie. On contrôlait ainsi la réponse neurovégétative à l’agression. Cette technique a rapidement connu une désaffection depuis l’avènement de techniques plus maniables, utilisant par exemple le propofol. Elle présentait l’avantage de garder les patients vigiles, mais était lourde et lente. Quoique les doses utilisées aient diminué [9], les posologies utilisées restent élevées. En 1997, la modification de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), à la suite d’accidents cardiovasculaires (troubles du rythme et morts subites) et la disparition du conditionnement 50 mg/10 mL ont de fait supprimé la possibilité de faire des neuroleptanalgésies, et le dropéridol ne garde plus guère d’indications en anesthésie que pour la prévention des nausées et vomissements postopératoires, pour laquelle son AMM a été rétablie, mais où les doses maximales ne dépassent pas 2,5 mg.
¶ Gamma-OH Le 4-hydroxybutyrate de sodium, ou c-OH [40, 45], est un produit synthétisé vers 1960 par Henri Laborit. Très largement utilisé dans les années 1970, il est à nouveau envisagé dans la sédation et la ventilation des patients en collapsus et des traumatisés crâniens graves. Il se présente en ampoules de 10 mL contenant 2 g de c-hydroxybutyrate sous forme de sel de sodium. Contrairement au GABA, dont il est le métabolite, il passe la barrière hématoencéphalique pour modifier l’activité des systèmes GABA-ergiques. Son effet hypnotique apparaît après une latence de 5 à 10 minutes, et est entretenu par des réinjections ou au PSE. Il diminue le métabolisme cérébral, modifie les potentiels évoqués, préserve la ventilation et modifie peu la pression artérielle, mais entraîne des bradycardies. Il a un effet ocytocique et ne déprime pas l’activité cardiaque ou respiratoire du fœtus. Son principal effet secondaire est l’apparition d’une alcalose métabolique et d’hypokaliémie par transfert intracellulaire, intéressant pour l’induction des patients en hyperkaliémie. En anesthésie, son utilisation est devenue anecdotique, sauf en cas de choc hémorragique. La posologie habituelle est de 50-60 mg/kg, répétée à demi-dose toutes les 90 à 120 minutes. Elle est réduite à 15-30 mg/kg/h lors de la sédation en réanimation, obligatoirement associée à un morphinique qui parfait la sédation ; un suivi métabolique régulier s’impose lors d’un usage prolongé. AGENTS ANESTHÉSIQUES PAR INHALATION
Ils comprennent les AVH, descendants de l’éther et du chloroforme, et le protoxyde d’azote. Leur voie d’administration est la voie pulmonaire. Celle-ci leur donne une pharmacocinétique originale qui les rend maniables. La précision des débits et à des concentrations délivrés par les appareils d’anesthésie permet d’ajuster rapidement la concentration efficace, connue par les analyseurs de gaz que la généralisation de la réinhalation des gaz a banalisés. 5
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¶ Anesthésiques halogénés Caractéristiques physicochimiques des AVH [57] Les AVH sont conservés sous forme liquide et administrés sous forme de vapeur, par un vaporisateur. La vaporisation dépend de la pression de vapeur saturante, qui varie avec la température et avec le produit, de la quantité de chaleur requise pour obtenir une vaporisation sans baisse de température, et du point d’ébullition. La concentration alvéolaire minimale (CAM ; MAC pour les AngloSaxons) définit la puissance de l’anesthésique. C’est la concentration qui entraîne l’immobilité chez 50 % des patients soumis à un stimulus nociceptif d’origine chirurgicale. Cette concentration, mesurée en fin d’expiration par les analyseurs, est en relation directe avec la concentration artérielle systémique. On constate que le produit de la MAC par le coefficient de partage huile/gaz qui correspond à la solubilité dans l’huile est pratiquement le même, quel que soit le produit, ce qui suggère un effet non spécifique obtenu à une concentration critique. Cela explique aussi que la MAC effective puisse être la somme des concentrations de deux gaz anesthésiques (protoxyde d’azote et un AVH, par exemple). Particularités pharmacocinétiques Au plan pharmacocinétique, [23, 57], le gaz anesthésique arrive dans le poumon avec le volume courant inhalé, se dilue dans l’air alvéolaire dont la globalité représente un volume bien plus grand, la capacité résiduelle fonctionnelle. Ce gaz traverse l’épithélium pulmonaire jusqu’à l’équilibration des concentrations entre l’air alvéolaire et le sang capillaire pulmonaire. Il est alors transporté aux différents tissus, où il diffuse pour tendre vers une équilibration des concentrations entre le sang capillaire et les tissus (en particulier le cerveau, qui est l’effecteur) en fonction du coefficient de partage huile/gaz, donc de la solubilité dans l’huile. Le sang veineux, appauvri en AVH, revient vers le poumon et se recharge en AVH. Pour le réveil anesthésique, le phénomène inverse se passe ; le sang artériel devenant plus pauvre en AVH, celui-ci revient dans le sang depuis les tissus et traverse la membrane alvéolocapillaire vers l’alvéole dont l’air est devenu pauvre en AVH. Au total, ces gaz progressent toujours de la concentration la plus élevée vers la concentration la moins élevée. Parmi les facteurs influençant la cinétique des AVH, la solubilité a un rôle central. Tout gaz mis en présence d’un liquide s’y dissout partiellement, créant un équilibre qui définit le coefficient de partage sang/air. Les gaz peu solubles, dont la concentration alvéolaire instantanée augmente plus vite, atteignent plus vite le taux induisant l’effet anesthésique recherché. L’élévation de concentration dans le mélange inspiré et l’importance de la ventilation alvéolaire favorisent encore la vitesse d’installation de l’anesthésie. Au réveil, la baisse de la pression partielle au-dessous de 0,6 MAC va entraîner le réveil, d’autant plus vite que les tissus peu vascularisés auront peu stocké l’AVH du fait d’une administration peu prolongée. Caractères communs Les AVH diffèrent par leur structure et leur métabolisme [23]. À côté de la toxicité hépatique, la toxicité rénale pourrait être favorisée par la chaux sodée des circuits filtre, où elle sert à fixer le CO2. La toxicité hépatique, reconnue d’abord pour l’halothane, apparaît surtout lors d’administrations répétées, par un phénomène probablement immunologique qui vise les métabolites de ce produit. Ce mécanisme a également été incriminé dans les hépatites à l’enflurane ou à l’isoflurane (qui est un de ses isomères), plus rares parce que le métabolisme est 100 fois moindre. Le desflurane est encore moins métabolisé et donc plus sûr. Les métabolites du sévoflurane n’exposent pas à ce risque. Tous les AVH sont contreindiqués en cas de porphyrie. La toxicité rénale vient de la production d’ions fluor ; cependant, seul le méthoxyflurane a été concerné par ce problème, peut être parce que son métabolisme est 6
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partiellement rénal. La réaction du sévoflurane avec la chaux sodée [21, 23] provoque la formation d’oléfine, toxique rénal chez le rat ; néanmoins, aucun cas d’insuffisance rénale n’a été décrit chez l’homme, malgré le nombre d’anesthésies pratiquées. Des systèmes d’évacuation des gaz expirés sont recommandés dans les salles d’opération pour lutter contre la pollution et un risque de toxicité chronique des AVH. Les agents halogénés provoquent tous une diminution de la pression artérielle moyenne, par diminution du débit cardiaque pour l’halothane et l’enflurane, en diminuant les résistances vasculaires systémiques pour les autres. Ils ont tous un effet dépresseur myocardique, surtout l’halothane, qui est aussi le plus arythmogène. L’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane ont un effet vasodilatateur coronarien. La dépression respiratoire leur est commune, par dépression de la réponse ventilatoire au CO2. La réponse ventilatoire à l’hypoxémie reste très déprimée pour une concentration alvéolaire de 0,1 MAC, ce qui peut avoir des conséquences au réveil. En revanche, l’effet bronchodilatateur constant en fait des anesthésiques de choix chez l’asthmatique. Tous les AVH sont des vasodilatateurs cérébraux qui augmentent le débit sanguin cérébral et la PIC. Ils sont donc évités en chirurgie du crâne et chez les traumatisés crâniens. Les halogénés empêchent, même pour de faibles concentrations, un monitorage fiable des potentiels évoqués. L’enflurane a une activité épileptogène. Ils diminuent tous la pression intraoculaire, diminuent le tonus utérin et potentialisent les curares. Enfin, tous les halogénés sont susceptibles d’induire une crise d’hyperthermie maligne chez les sujets sensibles. Les cinq AVH disponibles sont l’halothane, l’enflurane, l’isoflurane, le desflurane et le sévoflurane. Quoiqu’il soit possible d’induire une anesthésie avec ces produits, ils sont surtout utilisés pour l’entretien de l’anesthésie. Halothane C’est un liquide incolore [57] , dont les vapeurs ne sont pas désagréables à respirer, ce qui permet de l’utiliser pour l’induction en pédiatrie. Sa MAC est de 0,75 %. Vingt pour cent de la dose sont métabolisés par le foie. Du fait de sa toxicité, il est contre-indiqué en cas d’atteinte hépatique préexistante ou de prise simultanée de médicaments inducteurs enzymatiques (isoniazide…). L’administration de catécholamines sous halothane provoque facilement des troubles du rythme qu’on peut prévenir par l’injection de lidocaïne [23]. Les bêtabloquants majorent la dépression du myocarde. L’halothane procure une anesthésie stable et profonde. Le réveil est souvent marqué par des nausées et des vomissements, ainsi que par des frissons intenses qui peuvent être délétères chez le coronarien. Enflurane C’est un produit plus âcre [57], très soluble dans le caoutchouc, dont la MAC est de 1,68 %, et dont 2,4 % seulement sont métabolisés. Il est plus myorelaxant que l’halothane et possède une activité proépileptogène qui le contre-indique chez le patient comitial. Ses effets secondaires sont proches de ceux de l’halothane, mais moins marqués. Isoflurane C’est un isomère de l’enflurane, dont la MAC est 1,15 % et dont le métabolisme ne dépasse pas 0,5 % des quantités inhalées. Il est irritant pour les voies aériennes supérieures et donc impropre à une utilisation pour l’induction anesthésique. Il est très peu dépresseur myocardique, mais procure, en provoquant une vasodilatation, une hypotension facilement réversible tout en préservant au mieux le débit sanguin cérébral [50] . Cet effet vasodilatateur, au niveau coronaire, a été accusé de favoriser un vol sanguin vers les zones saines aux dépens des artères sténosées.
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Desflurane Très peu soluble dans le sang, il a une MAC de 6 % et est très faiblement métabolisé (0,02 %) [14]. Sa température d’ébullition est de 23,5 °C. Comme il est nécessaire d’obtenir de grands volumes d’évaporation, un évaporateur chauffant et pressurisé est nécessaire pour son administration, qui utilise de préférence les circuits à bas débit de gaz frais, afin d’abaisser le coût de cet anesthésique. Ce produit mal toléré pour l’induction anesthésique du fait de son caractère irritant, procure un réveil très rapide, dont la qualité est comparable à la référence, le propofol [57]. Il peut provoquer une stimulation sympathique si sa concentration varie brutalement [14]. Sévoflurane Il a également une solubilité très faible [52], ce qui favorise une induction et un réveil rapides. Sa MAC, de 2 % chez l’adulte, monte à 2,5 % chez l’enfant. Il est métabolisé pour 5 % de la dose inhalée et produit des fluorures inorganiques, sans qu’une toxicité rénale ait été décrite à ce jour. Il diminue les résistances vasculaires, est inotrope négatif mais modifie peu la fréquence cardiaque pour les faibles concentrations. Le réveil est très rapide. Le sévoflurane présente de nombreux avantages par rapport à l’halothane en anesthésie pédiatrique. Il ne ralentit pas la conduction auriculoventriculaire, ce qui explique la rareté des bradycardies à l’induction. Il est bronchodilatateur, n’irrite pas les voies aériennes, mais la diminution rapide du tonus des muscles respiratoires accessoires provoque rapidement une obstruction haute des voies aériennes supérieures, surtout chez les enfants ayant de grosses amygdales [51].
¶ Protoxyde d’azote
[43, 56]
C’est un gaz dont les effets sont connus depuis 1867. Inodore, incolore, il est stocké en bouteille sous forme liquide et délivré dans les blocs opératoires par des prises murales. Sa faible solubilité explique sa cinétique rapide. Très diffusible, il pénètre rapidement dans les cavités closes, comme les sinus ou l’oreille interne, et y augmente la pression. Son élimination est tout aussi rapide, et ses effets disparaissent en quelques minutes, même après une administration prolongée. C’est un comburant contre-indiqué dans la chirurgie au laser ou quand le bistouri électrique est utilisé dans les voies aériennes supérieures. Sa faible puissance imposerait de l’utiliser à 104 % de 1 atm pour arriver à une MAC. Il n’est donc pas utilisé comme agent exclusif d’une anesthésie, mais comme complément. C’est un dépresseur myocardique et un sympathomimétique, dont les effets respiratoires sont minimes mais qui augmente la PIC, ce qui le contre-indique en chirurgie du crâne. Il inactive la vitamine B12, ne doit donc pas être administré plus de 24 heures car il peut provoquer une anémie de Biermer, et sa polyneuropathie sensitivomotrice, vue également dans les toxicomanies au N2O. Le protoxyde d’azote est donc utilisé en complément de l’anesthésie, le plus souvent en étant mélangé aux AVH, dont il améliore la diffusion à l’induction. Dès une concentration de 25 %, il a un effet analgésique, exploité en chirurgie dentaire ou en obstétrique, en mélange équimolaire O2-N2O (Entonoxt). Le risque d’utiliser un mélange hypoxique est prévenu par l’utilisation de débitmètres de sécurité, qui ne délivrent pas de mélange O2-N2O à une FiO2 inférieure à 0,21, et par l’emploi d’analyseurs de gaz. Il doit être évité en cas de pneumothorax, qui peut devenir suffocant chez les cardiaques, en cas d’antécédents de nausées et vomissements postopératoires. Dans la chirurgie des cavités closes du massif facial, il est préférable de l’arrêter avant la fermeture chirurgicale, en hyperventilant pour faire descendre la fraction inspirée en dessous de 50 %.
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parfois utilisés comme agent intraveineux principal ou unique pour une anesthésie. Si la morphine elle-même a été synthétisée en 1853, il faut attendre la péthidine en 1939, puis la phénopéridine pour entrer dans l’anesthésie moderne. Le fentanyl, morphinique de synthèse, est le chef de file des produits puissants utilisés actuellement : alfentanil, sufentanil et rémifentanil. L’action des morphiniques vient de l’activation de trois récepteurs µ, d, j, évoqués dès 1954 et isolés en 1973 dans le cerveau, puis dans la moelle épinière en 1976 [12, 33]. Leur structure est depuis très étudiée. Ils sont responsables des différents effets des morphiniques. La dépression respiratoire intense s’accompagne d’une bradypnée qui peut aller jusqu’à l’apnée et d’une rigidité thoracique qui peut gêner la ventilation assistée. La bradycardie, constante, est facilement antagonisée par l’atropine. Les nausées et les vomissements peuvent devenir très invalidants au moment du réveil, et expliquent que les techniques d’induction en séquence rapide, pour les estomacs pleins, ne les utilisent pas. La morphinisation se traduit par un prurit, un myosis et une sédation aggravée par les hypnotiques. La rétention d’urine est un phénomène également invalidant. Seule la morphine est histaminolibératrice. Les différences entre les différents morphiniques se situent au niveau de leur puissance et de leur pharmacocinétique laquelle explique la durée variable des effets secondaires. La morphine n’est pas utilisée pour l’anesthésie elle-même, mais pour l’analgésie postopératoire, tant chez l’adulte que chez l’enfant. On peut l’utiliser par voie intraveineuse, sous-cutanée ou orale. Elle présente l’avantage sur la nalbuphine (Nubaint) et la buprénorphine (Temgésict) d’avoir une action incrémentielle et d’être aisément antagonisable par la naloxone (Narcant), seul antagoniste vrai. FENTANYL (FENTANYLt)
C’est actuellement le plus ancien des morphiniques utilisés pour l’anesthésie générale [2]. Très liposoluble, il agit en 2 ou 3 minutes avec une intensité 100 fois supérieure à celle de la morphine, avec des effets cardiovasculaires modestes. À distance de l’anesthésie, un relargage systémique depuis les graisses où il est stocké peut provoquer une apnée, surtout après une administration prolongée. Il passe la barrière placentaire. ALFENTANIL (RAPIFENt)
C’est une évolution du fentanyl [2, 17] ; il a une demi-vie de distribution très courte qui impose son emploi au PSE pour des anesthésies prolongées. Le risque d’accumulation expose alors à une dépression respiratoire prolongée. Son administration peut s’accompagner d’une rigidité thoracique et d’une bradycardie intense. L’apnée après un bolus est brève. En pratique, il est indiqué dans la chirurgie courte, où il est administré en bolus, de préférence unique. SUFENTANIL (SUFENTAt)
Dérivé lui aussi du fentanyl, le sufentanil [13] est environ 10 fois plus puissant et présente l’avantage d’un moindre risque d’une apnée par relargage. Ce produit maniable procure comme son aîné une bonne stabilité hémodynamique, sans histaminolibération. Le sufentanil peut être utilisé en bolus pour la chirurgie courte, inférieure à 2 heures. Une meilleure stabilité des taux plasmatiques est assurée par son emploi au PSE pour des durées plus longues. RÉMIFENTANIL (ULTIVAy)
Morphiniques CARACTÈRES COMMUNS
Les morphiniques forment avec les hypnotiques le deuxième volet quasi obligatoire de l’anesthésie pour chirurgie. Ils ont en commun une action analgésique utilisée pendant et après la chirurgie. Ils sont
C’est un nouveau morphinique puissant dont l’originalité tient à son métabolisme [69] . L’existence d’une liaison ester permet une destruction rapide par les estérases aspécifiques plasmatiques et tissulaires, ce qui assure une disparition rapide et totale des effets cliniques en rapport avec une élimination totale du produit, quelle que soit sa durée de perfusion. Ainsi, sa demi-vie reste à 3 minutes 7
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après une perfusion de 3 heures, et la reprise de la ventilation spontanée se fait à la cinquième minute. Cette clairance rapide supprime naturellement les autres effets secondaires, au premier rang desquels la dépression respiratoire et les troubles digestifs. Mais il n’y a plus d’analgésie résiduelle, caractéristique des autres dérivés du fentanyl, ce qui impose une gestion différente de l’analgésie postopératoire, qui utilise préférentiellement la morphine administrée avant le réveil anesthésique. Sa puissance provoque volontiers de grandes bradycardies avec hypotension, et son administration se fait au PSE, avec des bolus étalés sur 30 secondes ou 1 minute. Son champ d’utilisation est vaste, depuis les actes réflexogènes aux suites peu douloureuses jusqu’aux chirurgies lourdes où un réveil rapide est recherché.
Myorelaxants ou curares À l’inverse des produits anesthésiques, tant hypnotiques que morphiniques, les curares sont des produits hydrosolubles qui ne passent pas la barrière hématoméningée et ne procurent ni sommeil ni sédation. Leur site d’action est, à l’union des nerfs et des muscles, la jonction neuromusculaire, où ils agissent par compétition avec l’acétylcholine dans le cas des curares non dépolarisants, soit en créant une dépolarisation avec une période réfractaire pour le muscle qui se prolonge plusieurs minutes pour le curare dépolarisant, qui est la succinylcholine (Célocurinet). Ce sont les produits les plus impliqués dans les accidents allergiques de l’anesthésie du fait de leur radical ammonium quaternaire, qui leur est commun [42]. Les accidents surviennent deux fois plus souvent avec la succinylcholine pour un même nombre d’utilisations. L’autre danger des curares vient de l’impossibilité de les antagoniser avant plusieurs minutes : il faut donc, avant de les injecter, s’assurer de la possibilité de pouvoir ventiler le patient endormi. Le pancuronium (Pavulont) est le premier curare véritablement moderne, même s’il est moins utilisé. Il doit être gardé au réfrigérateur. Il est peu histaminolibérateur, ne provoque pas de grandes variations hémodynamiques et son effet légèrement tachycardisant est contrebalancé par l’effet bradycardisant des morphiniques. Son action pour une dose d’induction de 0,1 mg/kg se prolonge durant 50 à 60 minutes. Son élimination rénale le contreindique chez l’insuffisant rénal [19]. Le vécuronium (Norcuront), plus récent, est présenté sous forme de lyophilisat. Sa moindre durée d’action permet de l’antagoniser plus précocement. Il a les mêmes qualités que le pancuronium. L’activité
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de son principal métabolite atteint 80 % de celle du vécuronium, et peut être à l’origine de retards de décurarisation, parfois 2 heures après une injection unique [11]. Le rocuronium (Esmeront) [32]est une évolution du vécuronium dont le principal intérêt réside dans un délai d’installation très bref, de l’ordre de la minute (3 minutes en moyenne pour les autres curares non dépolarisants), qui l’a fait proposer pour les inductions à séquence rapide, mais sa durée d’action n’a pas été diminuée. L’atracurium (Tracriumy) doit être gardé au réfrigérateur. À température ambiante, son activité diminue [10] mais reste encore très bonne après plus de 1 mois. Ce produit se distingue par l’originalité de son métabolisme [6], qui passe par la voie de Hoffmann. Cette dégradation, indépendante des fonctions hépatique et rénale, assure une excellente régularité dans la décurarisation, obtenue après une dose unique d’induction en une vingtaine de minutes. Il doit être injecté lentement pour ne pas provoquer d’histaminolibération. L’un de ses isomères, le cisatracurium (Nimbext) est moins histaminolibérateur [47]. S’il garde l’avantage de sa dégradation, il a une durée de vie plus longue [6]. Le mivacurium (Mivacront) est un produit d’action très courte (environ 10 minutes) qui est malheureusement très histaminolibérateur à sa posologie efficace. Par ailleurs, son métabolisme par la cholinestérase plasmatique peut souffrir du déficit de cet enzyme. La lente élimination par les voies accessoires impose alors de ventiler le malade pendant plusieurs heures [44]. La succinylcholine [19] est le seul curare dépolarisant disponible en France. Il doit être gardé au réfrigérateur. Cette molécule, constituée de deux molécules accolées d’acétylcholine, provoque, en 30 à 60 secondes, une dépolarisation membranaire au niveau de la plaque motrice, responsable des fasciculations visibles à son injection. La lenteur de son élimination par la cholinestérase plasmatique empêche toute action au niveau de la jonction neuromusculaire et explique la myorelaxation. Ce produit demeure plus allergisant que les autres curares.
Conclusion L’anesthésie générale est un mode d’anesthésie qui peut recouvrir l’ensemble des procédures chirurgicales. En dehors de quelques cas, elle repose sur l’association d’un hypnotique et d’un analgésique, dont le choix dépend du terrain du patient d’un côté, de la nature et de la durée du geste chirurgical de l’autre côté. La myorelaxation est moins souvent indispensable en chirurgie maxillofaciale, et son emploi doit être minimal pour ne pas exposer les patients à une sensibilisation à ces produits.
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Pharmacologie des anesthésiques généraux
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-014-D-10
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Pharmacologie endodontique A Claisse-Crinquette D Claisse
Résumé. – L’évolution des concepts biologiques et des techniques a modifié l’approche des traitements canalaires et a considérablement limité la pharmacopée endodontique. Il apparaît que les solutions d’irrigation et les médications temporaires actuellement utilisées sont d’une grande utilité, mais qu’elles ne répondent pas totalement aux critères requis. Les progrès conjoints de la pharmacodynamie et des connaissances histologiques, physiologiques, immunologiques et pathologiques de l’organe dentaire et de son environnement nous permettent cependant, dans un souci d’efficacité et de tolérance, d’adopter, en fonction des circonstances cliniques, une attitude thérapeutique subordonnée aux règles de la biologie. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : pharmacologie endodontique, irrigants, médications temporaires.
Introduction Depuis des décennies, de nombreux agents thérapeutiques ont été proposés pour répondre aux objectifs endodontiques : parage canalaire, contrôle de l’infection et maîtrise de la douleur. Si beaucoup ont disparu de notre arsenal thérapeutique, d’autres résistent à l’épreuve du temps et ont même vu leurs indications se multiplier au fur et à mesure de l’avancement des recherches et des résultats cliniques obtenus. L’évolution des concepts et des techniques endodontiques a considérablement réduit la pharmacologie endodontique. Elle se limite actuellement à quelques solutions d’irrigation et produits à usage médical. Leur choix tient compte des objectifs recherchés, ainsi que de la qualité et des contraintes des substances utilisées.
Solutions d’irrigation L’irrigation contribue de façon très significative à améliorer les résultats des manœuvres endodontiques. L’irrigant a deux actions complémentaires : – une action physique liée à la quantité de solution utilisée ; sa fonction essentielle est l’élimination mécanique des débris intracanalaires par lavage et lubrification ; – une action chimique liée aux qualités de l’irrigant, notamment à son action solvante et déminéralisante, son activité antibactérienne et sa bonne tolérance. L’effet de l’irrigant est fonction de sa nature, de sa concentration, de la température d’utilisation et du temps d’action. De nombreux agents chimiques ont été proposés pour l’irrigation canalaire, certains sont tombés en désuétude, essentiellement pour des raisons de manque d’efficacité, de toxicité ou de difficultés d’utilisation et
Anne Claisse-Crinquette : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Dominique Claisse : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. 452, avenue de Dunkerque, 59130 Lambersart, France.
de conservation. C’est le cas des acides, des bases fortes et des enzymes. D’autres, tels les dérivés chlorés, les oxydants et les chélateurs, sont couramment utilisés car ils répondent mieux aux critères requis. DÉRIVÉS CHLORÉS
Parmi les dérivés chlorés, l’hypochlorite de sodium, utilisé à des concentrations de 1 à 5 %, reste, aujourd’hui encore, la solution d’irrigation de choix en endodontie. La chloramine ne présente aucun avantage particulier par comparaison avec l’hypochlorite de sodium.
¶ Action solvante Grossman [34] a démontré la supériorité de l’hypochlorite de sodium sur les acides, les bases fortes et les dérivés oxygénés en ce qui concerne son pouvoir solvant. La rapidité, l’efficacité de destruction et de dissolution des tissus organiques et des débris nécrotiques sont une aide appréciable lors du parage canalaire [68]. La dynamique instrumentale crée une agitation de la solution qui potentialise son pouvoir solvant [53, 65]. L’hypochlorite de sodium présente aussi l’avantage de détruire la prédentine en mettant au jour le front de minéralisation [48], mais il a un effet négligeable sur la dentine. C’est l’action oxydante de l’hypochlorite de sodium sur les matières organiques qui permet une dissolution rapide dès les premières minutes de contact [31]. Plus le pH se rapproche de la neutralité, plus l’action oxydante est importante, mais plus la solution est instable et toxique [23]. Les solutions à pH 10 utilisées en France représentent un bon compromis entre pouvoir solvant, stabilité et toxicité. La cytotoxicité est proportionnelle à la concentration. Le problème est donc de choisir la concentration minimale qui préserve un pouvoir solvant suffisant, tout en assurant une action antiseptique satisfaisante. Pour Hand [35], les solutions à 5,25 % sont significativement plus efficaces que les dilutions à 2,5, 1 et 0,5 %. Rosenfeld [65] et Sénia [72] estiment que les solutions à 5,25 % sont les plus efficaces.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Claisse-Crinquette A et Claisse D. Pharmacologie endodontique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-014-D-10, 2001, 6 p.
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Thé [80] obtient en 30 minutes une dissolution totale du tissu nécrotique avec de l’hypochlorite de sodium à 3 %. Trépagnier [82], Gordon [31] et Koskinen [47] pensent qu’une concentration à 2,5 % est largement suffisante. Moorer [53] et Machtou [51] estiment qu’une concentration comprise entre 0,5 et 2 %, associée à un renouvellement et une agitation de la solution, est cliniquement suffisante. Par ailleurs, Cunningham [14] a montré que l’élévation de la température à 37 °C d’une solution d’hypochlorite de sodium à 2,5 % potentialise son pouvoir solvant sans altérer sa stabilité. L’efficacité est alors comparable à une solution à 5,2 %. Cette idée est confirmée par Abou-Rass [1].
¶ Action antiseptique Dans un système canalaire infecté, le pouvoir antiseptique de la solution d’irrigation permet de réduire le nombre de bactéries [7, 43]. Il ressort des études précitées qu’une préparation canalaire réalisée avec de l’eau distillée donne, lors de prélèvement immédiat, 20 % de cultures négatives, alors qu’avec de l’hypochlorite de sodium nous obtenons 80 % de cultures négatives. Si le prélèvement est différé à 48 heures, le pourcentage de cultures négatives est de 3 % pour l’eau distillée et de 50 % pour l’hypochlorite de sodium [3, 77]. Il n’y a donc pas stérilisation canalaire mais assainissement [43]. L’action bactéricide de l’hypochlorite de sodium est liée à la libération de chlore et d’oxygène et à la formation d’acide hypochloreux. Le chlore, qui est un élément bactéricide très actif, peut être fixé par la matière organique, empêchant ainsi la formation d’acide hypochloreux. L’action solvante de l’hypochlorite de sodium sur la matière organique entrave ainsi son action antiseptique [36]. Le renouvellement de la solution est donc capital pour obtenir l’efficacité antiseptique souhaitée. De nombreux auteurs préconisent l’utilisation d’hypochlorite de sodium à 5,25 % [24, 36], estimant l’action antibactérienne « raisonnable et suffisante » [75]. Si la concentration joue un rôle important dans l’activité antimicrobienne, l’élévation de température semble en revanche sans effet [63].
¶ Toxicité Les solutions d’irrigation sont susceptibles de franchir le foramen apical et d’entrer en contact avec les tissus vivants. La toxicité relative [6, 75] de l’hypochlorite de sodium est le revers inéluctable de son pouvoir solvant et de son efficacité antiseptique. Elle est en rapport avec son alcalinité et sa concentration. Pour réduire la toxicité, la majorité des auteurs préconise des dilutions variant de 1 à 5,25 % et une technique d’irrigation appropriée. Mais, cliniquement, une solution d’hypochlorite de sodium entre 0,5 et 2 % peut être utilisée en toute sécurité [51, 53]. AGENTS OXYDANTS
Le peroxyde d’urée et le peroxyde d’hydrogène sont des oxydants. Le peroxyde d’hydrogène ou eau oxygénée, de formule H2O2, est l’agent oxydant le plus utilisé en endodontie. La solution employée lors de la préparation canalaire est un soluté à 10 volumes. Elle contient 3 % en poids de peroxyde d’hydrogène et peut dégager 10 fois son volume d’oxygène gazeux.
¶ Action solvante Les propriétés solvantes du peroxyde d’hydrogène sont quasiment nulles, mais il possède une action hémostatique intéressante à exploiter en cas d’hémorragie pulpaire.
¶ Action antiseptique Le peroxyde d’hydrogène est antiseptique par libération d’oxygène. Son action est brève et rapidement neutralisée par les débris 2
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organiques. C’est pourquoi de nombreux auteurs ont préconisé d’utiliser en alternance les oxydants et l’hypochlorite de sodium [32, 33, 51, 77] . L’effervescence due à la libération de chlore et d’oxygène assainit, désodorise et facilite l’élimination des débris hors du canal. Elle augmente en outre la perméabilité tubulaire [37] . Il semblerait cependant que le rôle et l’importance attribués à cette effervescence soient un peu exagérés [79].
¶ Toxicité En cas d’utilisation d’eau oxygénée, il est recommandé de terminer la préparation canalaire par un rinçage final à l’hypochlorite de sodium afin de limiter les douleurs et les emphysèmes gazeux postopératoires [9, 33, 44, 56]. CHÉLATEURS
Les chélateurs ont une grande affinité pour les métaux alcalinoterreux comme le calcium. Ces acides faibles réagissent avec la partie minérale des parois dentinaires. Ils substituent aux ions calcium des ions sodium qui se combinent avec la dentine pour donner des sels solubles. La déminéralisation obtenue facilite ainsi la pénétration et l’élargissement des canaux fins ou imperméables [51, 57] . Dès 1957, Nygaard-Ostby [59] préconise l’utilisation en endodontie de l’acide éthylène-diamine tétra-acétique (EDTA) à des concentrations variant de 10 à 15 %. De ce produit sont nés deux dérivés, l’EDTAC et le REDTA, qui résultent de l’adjonction d’agents mouillants, Cetavlont ou cétrimide, qui majorent le pouvoir de pénétration et l’activité antibactérienne. L’addition de soude a pour effet de faire passer le pH de 4 à 7,4 %. Cette notion de pH est extrêmement importante car les solutions à pH augmenté ou neutre ont une action chélatrice plus importante que les solutions acides [15, 70]. Pour Goldberg [28], l’efficacité maximale du produit est obtenue au bout de 15 minutes, alors que Seidberg [70] pense que si l’action de l’EDTA est rapide, son pic d’activité est maximal durant la première heure. Weinreb et Meier [86] préconisent, pour une meilleure efficacité, un renouvellement de la solution toutes les 3 minutes. De nombreux auteurs s’accordent à dire que seuls les chélateurs peuvent éliminer les boues dentinaires [27, 28, 46], mais qu’ils semblent totalement dépourvus d’action solvante sur les tissus organiques [88]. En revanche, l’utilisation successive d’EDTA à 17 % puis d’hypochlorite de sodium à 2,5 % permet d’éliminer à la fois la pellicule pariétale et les débris organiques [30, 87], améliorant ainsi l’effet antibactérien [13]. Le RC-PREP mis au point par Steward [76] est une combinaison d’EDTA à 15 % et de peroxyde d’urée à 10 % dans une base de propylèneglycol. Ce produit associe donc des actions chélatrice, antiseptique et lubrifiante [76], mais sa capacité de nettoyage est médiocre. La présence résiduelle au niveau des parois de nombreux débris et d’une couche épaisse de boue dentinaire est probablement liée à la viscosité du produit [4, 50, 51, 62, 66]. Parmi les acides organiques que l’on trouve naturellement dans l’organisme, l’acide citrique possède des propriétés chélatrices et une absence de toxicité. L’utilisation en endodontie d’une concentration à 50 % améliore les états de surface canalaire en agissant sur la partie minérale [49, 55]. Son action solvante sur le tissu organique est limitée [83] et son efficacité bactéricide varie selon les souches bactériennes et la concentration de la solution utilisée [58, 74]. Kaufman [45] recommande, quant à lui, l’utilisation du salvizol qui est apparenté à la famille des ammoniums quaternaires. Ce produit posséderait une action solvante sur les matières minérales, un pH neutre, une absence de toxicité, un large spectre antibactérien et des propriétés fongicides. Berg [8] ne partage pas cet enthousiasme.
Pharmacologie endodontique
Stomatologie/Odontologie SOLUTIONS ANNEXES
– L’eau distillée et le sérum physiologique sont des solutions d’irrigation qui ne possèdent aucune propriété antibactérienne ni solvante. Ils n’ont pas d’effet toxique et n’entraînent pas d’effet secondaire. Ces irrigants sont fréquemment utilisés comme groupe témoin lors d’expérimentation. Seule leur action de nettoyage mécanique est recherchée [3, 77] et leur indication principale reste le rinçage final [51]. – L’iode et l’iodure de potassium ont aussi été proposés comme solution d’irrigation, mais leur effet antibactérien est discutable. – La chlorhexidine et l’hexétidine sont des substances dont l’activité antibactérienne est démontrée [22, 60]. Elles semblent un peu moins efficaces que l’hypochlorite de sodium à 2,5 % sur les souches aérobies et anaérobies, mais elles présentent une absence totale de toxicité [64]. Ces solutions d’irrigation font l’objet d’applications prospectives.
Médications intracanalaires temporaires Plutôt que l’utilisation de substances antibactériennes puissantes, c’est aujourd’hui le nettoyage et la mise en forme canalaire qui constituent l’élément déterminant de la réussite des traitements endodontiques [68, 77]. Le bien-fondé des médicaments intracanalaires est donc remis en question et leur utilisation devient de plus en plus restreinte. Leur rôle actuel est de s’opposer à une éventuelle contamination entre les séances et/ou de compléter la désinfection canalaire qui doit être antibactérienne et antienzymatique. La flore endodontique d’une dent infectée se compose de 90 % de germes anaérobies, avec un nombre réduit d’espèces bactériennes, une vingtaine environ, et une à 11 espèces par canal [55, 78]. Il existe une interdépendance et des relations nutritionnelles entre les espèces bactériennes. Une sélection s’opère au sein du canal et un équilibre écologique se met finalement en place. Les médicaments placés dans la chambre pulpaire ou dans le canal exercent leur activité antibactérienne par contact direct avec les micro-organismes et/ou par émission de vapeurs de substances volatiles. ANTISEPTIQUES
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– Le phénol camphre associe des propriétés antiseptique et analgésique. La libération lente du phénol, liée à sa dissolution, le rend moins toxique tout en gardant un bon pouvoir antimicrobien. – Le monochlorophénol présente une meilleure efficacité antibactérienne que le phénol. Il agit sur 95 % des bactéries endodontiques, il est efficace contre les champignons et il reste actif en présence de sang, de protéines et de sérum, mais sa toxicité est importante. – Les thymols et les menthols possèdent une forte action antiseptique et entrent dans la composition de nombreuses spécialités, mais leur toxicité est identique à celle du phénol. – L’eugénol est analgésique et antiseptique. Malgré un potentiel irritatif élévé, il a cliniquement un effet calmant sur les tissus vivants. – La créosote est antiseptique et anesthésique, mais tout aussi irritante que les autres dérivés phénoliques. – Le métacrésylacétate possède d’excellentes propriétés sédatives, mais une toxicité sévère sur les cellules et les tissus. – Le crésol semble légèrement plus efficace et moins toxique que le phénol.
¶ Aldéhydes L’activité antibactérienne est due à l’action rapide des groupements aldéhydes avec les groupes aminés des protéines cellulaires. Les micro-organismes sont morts, mais ils peuvent encore être nuisibles comme substance pyrogène. – Le formol est une solution aqueuse à 40 % de formaldéhyde (gaz soluble dans l’eau). C’est un antiseptique puissant et toxique, mais combiné avec le crésol, le thymol ou d’autres phénols, il devient moins irritant. – Le glutaraldéhyde est moins volatil et a un poids moléculaire plus élevé que le formaldéhyde. Son pouvoir irritant est, par conséquent, considérablement diminué.
¶ Alcools À concentration élevée, les alcools dénaturent les protéines bactériennes. Ils sont faiblement antiseptiques et n’ont pas d’effet sur les spores.
Les antiseptiques chimiques et végétaux non spécifiques sont intéressants à utiliser vu la diversité de la flore canalaire. À concentration appropriée et par contact prolongé, ils sont efficaces contre les bactéries, mais leur action non sélective peut causer de sérieux dommages au niveau des tissus périapicaux et peut interférer avec la guérison ou même l’entraver [54]. Le choix d’un antiseptique repose sur :
Ils sont utilisés comme solvants d’autres agents antiseptiques, mais non recommandés comme médicaments intracanalaires.
– des qualités physiques et notamment un grand pouvoir mouillant et de diffusion qui permettent une action rapide, prolongée et en profondeur ;
– L’hypochlorite de sodium a une action antiseptique et solvante sur les tissus organiques. La solution de 2,5 à 5 % peut être laissée dans le canal comme médication temporaire, mais elle est plutôt utilisée comme produit d’irrigation.
– des qualités biologiques telle une action antibactérienne, antienzymatique, fongique et une absence de toxicité. L’intensité de la réponse inflammatoire face à l’agression du produit est fonction de la concentration du produit, de la quantité utilisée, du pouvoir et du mode de pénétration, de la durée de contact avec les tissus périapicaux et de leur potentiel de défense.
¶ Phénols et composés Le phénol est un poison protoplasmique qui entraîne une coagulation des protéines. C’est un produit volatil, légèrement soluble dans l’eau, à tension superficielle basse et efficace à faible concentration (1 à 2 %). Il possède un effet irritant important sur les tissus vivants et présente un léger effet anesthésiant qui est entravé par la présence de pus ou de protéines.
¶ Halogénés – Les dérivés chlorés sont des antiseptiques puissants, mais ils possèdent une certaine toxicité.
– Les chloramines sont des substances qui présentent d’excellentes propriétés antimicrobiennes, mais un pouvoir lytique minimal sur les tissus organiques. Ces amines chlorées sont stables, mais irritantes et moins toxiques que les autres composés du chlore. À une concentration comprise entre 2,5 et 5 %, elles représentent une bonne alternative comme médicaments intracanalaires. – L’iode est un produit bactéricide, antimycosique, antiviral, sporicide et sédatif. Il conserve son activité antiseptique en présence de matières organiques et il est peu agressif sur les tissus. La teinture d’iode est réservée à la désinfection du champ opératoire. – L’iodo-iodure de potassium à 2 % est antimicrobien et possède une toxicité acceptable, mais ne semble pas très efficace sur la flore endodontique. 3
Pharmacologie endodontique
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Bien que très efficaces dans les infections canalaires, les antiseptiques présentent une agressivité tissulaire importante et une perte d’activité en présence de débris tissulaires qui risquent de causer des dommages sévères aux tissus périapicaux et qui peuvent interférer ou entraver la guérison. Ces inconvénients majeurs font que ces médicaments disparaissent de plus en plus de notre arsenal thérapeutique. ANTIBIOTIQUES
Les antibiotiques sont bactéricides ou bactériostatiques et restent actifs en présence des fluides tissulaires. En théorie, ils ne sont pas irritants pour le périapex. Ils agissent par interférence ou compétition avec les principales enzymes intervenant dans le métabolisme des substances nécessaires au développement et à la multiplication des bactéries. Les principales spécialités utilisées en endodontie sont le Grinazolet (métronidazole) et la Septomixinet (sulfate de polymixine B, tyrothricine, néomycine) du laboratoire Septodont et le Cortexant (sulfate de framycétine, acétate d’hydrocortisone) du laboratoire Zizine. Ces antibiotiques sont parfois associés à des antiinflammatoires. Ils sont introduits dans le système canalaire à l’aide d’une lime ou d’un Lentulot dans le but de réduire rapidement les manifestations aiguës. Mais leur utilisation peut être à l’origine de manifestations allergiques, de sensibilisation et de résistance. De plus, sur un plan strictement clinique, il faut noter que ces pâtes antibiotiques présentent des excipients lysolubles qui sont difficiles à éliminer des surfaces canalaires. L’emploi de ces médicaments intracanalaires reste relativement rare.
Stomatologie/Odontologie
Les préparations commerciales sont nombreuses. Elles sont fluides et associées au méthylcellulose pour les obturations canalaires réalisées à l’aide d’un bourre-pâte. Elles sont utilisées avec durcisseur pour les coiffages pulpaires.
¶ Propriétés La majorité des propriétés de l’hydroxyde de calcium sont liées à son pH élevé. Élaboration de tissus calcifiés L’hydroxyde de calcium, par son pH élevé et sa faible solubilité, provoque, au contact du conjonctif, une altération de surface limitée. Sous la zone de nécrose superficielle de 1 à 1,5 mm d’épaisseur et à partir d’une matrice fibrocicatricielle induite par les fibroblastes, s’édifie un tissu calcifié [11]. Placé sur une plaie pulpaire, l’hydroxyde de calcium permet la formation d’un pont néodentinaire constitué, de la périphérie vers le centre, d’une couche de fibrodentine atubulaire et compacte, puis d’une zone polymorphe d’ortho- et de fibrodentine, enfin d’une couche dentinaire structurée avec tubuli, prolongements odontoblastiques, prédentine et odontoblastes [10, 11]. Au niveau du desmodonte, ce sont les cémentoblastes et les ostéoblastes qui vont, à partir des mêmes phénomènes initiateurs, induire la formation de tissu ostéoïde et/ou cémentoïde [71, 85]. L’édification de tissu minéralisé ne peut être induite que si l’hydroxyde de calcium est placé directement sur les tissus vivants non infectés [41]. Action antiseptique
CORTICOSTÉROÏDES
La mise en place de corticostéroïdes (dexaméthasone), après préparation canalaire, diminue la douleur de façon significative dans les 24 heures, mais ils altèrent les mécanismes de défense et rendent les tissus périapicaux particulièrement sensibles à l’infection, c’est la raison pour laquelle ils sont parfois associés avec des antibiotiques à large spectre. Ces médicaments sont des agents toxiques agissant localement. Ils ne semblent pas générer les effets généraux néfastes des stéroïdes, mais leur usage systématique comme médicament intracanalaire est déconseillé. HYDROXYDE DE CALCIUM
Parmi les médications intracanalaires temporaires, l’hydroxyde de calcium proposé dès 1920 par Hermann [40] occupe, aujourd’hui encore, une place de choix.
¶ Matériau L’hydroxyde de calcium de formule Ca(OH)2, encore appelé chaux hydratée, chaux délitée ou chaux éteinte, provient du mélange de chaux vive (CaO) et d’eau. C’est une fine poudre cristalline, blanche et instable qui, au contact de l’air, se transforme en carbonate de calcium. Son poids moléculaire est de 74,02 et son pH est voisin de 12,4. Ce produit alcalin est donc agressif, mais sa faible solubilité dans l’eau (1,19 g/L) s’oppose à la diffusion alcaline toxique. L’hydroxyde de calcium peut être utilisé sous forme de préparation magistrale ou commerciale. La préparation magistrale est un mélange de poudre d’hydroxyde de calcium pur avec du sérum physiologique ou de l’eau distillée. Cette préparation, qui a la même radio-opacité que la dentine, est condensée dans le canal à l’aide de fouloir. Certains auteurs ont préconisé d’associer des anesthésiques, des vasoconstricteurs, des antiseptiques, des anti-inflammatoires ou des radio-opacifiants [84]. 4
L’ion OH est responsable de l’alcalinité de l’hydroxyde de calcium, son pH à 12,4 lui confère un effet bactéricide et s’oppose à l’acidose des tissus enflammés. Comme la majorité des antiseptiques, il est cytotoxique mais sa faible solubilité limite cette action néfaste. L’ensemble des auteurs [41, 67] s’accordent à dire que les propriétés antibactériennes de l’hydroxyde de calcium en font un pansement canalaire de choix, notamment en présence de canaux infectés et de lésions périapicales. Mais il se résorbe rapidement et oblige donc à le renouveler régulièrement. Action hémostatique Les propriétés hémostatiques de l’hydroxyde de calcium sont dues à la présence de calcium qui est un facteur de la coagulation sanguine. Son utilisation est donc préconisée, d’une part en cas d’hémorragie consécutive à une hyperhémie pulpaire ou à une surinstrumentation apicale, et, d’autre part, en présence de tissu de granulation, de perforation ou de résorption apicale [84].
¶ Indications cliniques Les propriétés de l’hydroxyde de calcium l’indiquent dans de nombreuses situations cliniques. Dent immature Lors du traitement de la dent immature par apexogenèse ou apexification, le coiffage direct du tissu pulpaire vivant à l’aide d’hydroxyde de calcium permet d’obtenir un pont dentinaire minéralisé qui isole la pulpe et lui permet de poursuivre physiologiquement la maturation radiculaire et la fermeture apicale. Sur les dents nécrosées, les stimulations successives à l’aide d’hydroxyde de calcium induisent la fermeture apicale par formation d’un tissu ostéocémentoïde. Perforations iatrogènes, fractures radiculaires En cas de perforations iatrogènes ou de fractures radiculaires, la mise en place d’hydroxyde dans le canal, le plus rapidement possible et durant plusieurs mois, va permettre d’obtenir, comme dans le cas d’une apexification, une reminéralisation radiculaire. La
Stomatologie/Odontologie
Pharmacologie endodontique
formation de tissu dur au niveau de la zone lésée va permettre d’assainir et d’assécher le canal, permettant ainsi une obturation endodontique définitive hermétique et durable [52, 84]. Résorptions L’hydroxyde de calcium est considéré à l’heure actuelle comme le traitement de choix des résorptions. En présence de résorptions internes, l’hydroxyde de calcium, par son action caustique sur le tissu organique associée aux manœuvres des instruments endodontiques, permet l’élimination du tissu pulpaire enflammé et conduit à l’arrêt du processus destructeur évolutif en quelques jours [17]. Si la résorption interne a perforé la racine, une thérapeutique transitoire à l’aide d’hydroxyde de calcium durant quelques mois permet la formation de tissu minéralisé dans la zone lésée et la réparation desmodontale, condition nécessaire avant la mise en œuvre de l’obturation canalaire définitive [25]. Quelle que soit l’étiologie, les résorptions externes traumatiques, idiopathiques ou autres, sont traitées endodontiquement. Pour éviter les processus de résorption dus aux éventuelles toxines de la pulpe nécrosée, il est nécessaire de réaliser un parage canalaire, une mise en forme et des stimulations à l’aide d’hydroxyde de calcium durant environ 1 an. La diffusion des ions OH dans les zones de résorptions augmente le pH, diminue l’infection et l’inflammation, contrariant ainsi l’activité ostéoclasique [2, 18]. Nécrose pulpaire L’hydroxyde de calcium peut, enfin, être utilisé comme médication temporaire intracanalaire en présence de nécrose pulpaire avec ou sans lésion périapicale. L’hydroxyde de calcium, par la valeur élevée de son pH, possède un effet antibactérien dépendant de la concentration en ions
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hydroxydes dissociés, il présente une capacité de dissoudre les tissus nécrotiques et pompe les sérosités résiduelles. Il est donc particulièrement indiqué dans les traitements des canaux infectés [41, 67] mais aussi lors d’hémorragies consécutives à des manœuvres iatrogènes ou à une pathologie canalaire. L’hydroxyde de calcium ne semble pas posséder de propriétés spécifiques, mais il induirait des modifications tissulaires capables de stimuler les réactions de défense et le potentiel réparateur des structures dentaires et péridentaires.
Conclusion L’activité thérapeutique des solutions d’irrigation et des médications canalaires temporaires peut dépendre de paramètres maîtrisables comme la concentration et la quantité de produit utilisé et, par conséquent, la toxicité du produit, le contact avec le substrat (tissu organique ou micro-organismes), la température de la solution et la présence ou non de débris organiques intracanalaires. D’autres facteurs difficilement contrôlables peuvent modifier leur efficacité thérapeutique. Il en est ainsi de la virulence bactérienne, la résistance de l’hôte, la susceptibilité ou la résistance microbienne. Il apparaît donc que, parmi les produits utilisés, aucun ne répond totalement aux critères requis. Mais les progrès de la pharmacodynamie, conjointement à l’évolution des connaissances de l’organe dentaire et de son environnement aux plans histologique, physiologique, immunologique et pathologique, ont permis de dégager une attitude thérapeutique subordonnée en toutes circonstances aux règles de la biologie. Ainsi, l’arsenal thérapeutique, pléthorique il y a encore quelques années, est de plus en plus réduit. L’évolution se fait dans le sens de la simplification et de la normalisation. Une fois l’indication thérapeutique posée dans le contexte opératoire, le souci d’efficacité et la tolérance biologique sont les facteurs essentiels du choix de la solution d’irrigation et de la médication canalaire temporaire.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-015-A-10 (2004)
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Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires H. Lamendin G. Toscano P. Requirand
Résumé. – L’usage des plantes médicinales, à des fins préventives, thérapeutiques ou pour l’hygiène buccodentaire, relève de la capacité professionnelle des médecins-stomatologistes et chirurgiens-dentistes. Mais il faut qu’ils soient compétents en la matière, d’autant qu’aucune plante n’est anodine. Après une information réglementaire, à titre documentaire, sont rapportés quelques exemples d’emploi et, pour terminer, une ouverture vers une phytothérapie systémique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Plantes médicinales ; Réglementation ; Phytothérapie ; Aromathérapie ; Protéomique
Introduction Alors qu’il existe une demande de plus en plus importante pour des traitements par les plantes, beaucoup considèrent encore ceux-ci comme des survivances de « pratiques populaires », la plupart du temps de bon sens, certes, mais seulement employées pour attendre un rendez-vous chez son praticien. Il existe, cependant, une phytothérapie médicale (dont buccodentaire), prescrite sur ordonnance. Hélas, beaucoup trop ne pensent pas à y faire appel, ou ne le font pas par manque de formation et d’information à ce sujet. Car l’enseignement de la phytothérapie, qui se dispense dans des facultés de médecine et de pharmacie, n’est pas encore entré en faculté de chirurgie dentaire, alors que pourtant : « la promotion de l’usage des plantes médicinales et leur intégration dans le système de santé, font partie des priorités de l’Organisation Mondiale de la Santé ». À noter qu’en France même, la production de plantes médicinales est en augmentation significative depuis 20 ans, bien que depuis le milieu des années 1980, les prescriptions magistrales de phytothérapie ne soient plus prises en charge par la Sécurité Sociale. On peut s’interroger. Un avis du Conseil national de l’Ordre des médecins [25] a précisé : « La phytothérapie devrait faire partie de l’arsenal de tout médecin ; tout généraliste devrait la pratiquer ; elle ne peut donc être considérée comme une spécialité ». À l’évidence, il devrait en être de même pour les chirurgiens-dentistes.
Législation et réglementation Mis à part les végétaux alimentaires courants (fruits et légumes, condiments) qu’on trouve en épicerie ou sur les marchés, la vente des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée française (et européenne) relève du monopole pharmaceutique, sauf dérogations
H. Lamendin (Dr. ès-Sciences, DSO, ancien directeur-adjoint de l’institut de recherches appliquées au domaine de la santé - département biologie - de l’université d’Orléans). Chalet Marcus, 5, chemin des Noyers, 05600 Guillestre, France. G. Toscano (Pharmacien, DU de phytothérapie et plantes médicinales de la faculté de pharmacie de Montpellier) Faculté de pharmacie, université Montpellier I, 15, avenue Charles-Flahaut, 34093 Montpellier cedex 5, France. P. Requirand (DSO, Professeur honoraire de la faculté d’odontologie de Montpellier) UFR d’odontologie, université Montpellier I, 545, avenue du Professeur J.-L. Viala, 34193 Montpellier cedex 5, France.
établies par décrets. De par la loi du 1er juillet 1960, cinq plantes simples seulement bénéficiaient d’une dérogation : le tilleul, la camomille, la verveine, l’oranger et la menthe. Les autres étaient débitées en officines ou en herboristeries. D’assez nombreuses herboristeries existaient encore, bien que déjà en voie de disparition, l’article 59 de la loi du 11 septembre 1941 (signée Philippe Pétain) ayant supprimé l’École nationale d’herboristerie, et donc le diplôme qu’elle délivrait. En 1939, on recensait environ 40 000 herboristeries en France. En 1972, on n’en comptait plus que 600 (dont une trentaine à Paris). Depuis lors, la profession s’est pratiquement éteinte. Mais une association pour le « renouveau de l’herboristerie » a été créée et dispense même un certain enseignement. Depuis le décret du 15 juin 1979, la liste des plantes « libérées » (si l’on peut dire) s’est considérablement allongée. Aux cinq précédentes sont venues s’adjoindre vingt-neuf autres : la bardane, le bouillon blanc, le bourgeon de pin, la bourrache, la bruyère, le chiendent, le cynorrhodon (fruit de l’églantier), l’eucalyptus, le frêne, la gentiane, la guimauve, l’hibiscus, le houblon, la lavande, le lierre terrestre, la matricaire, la mauve, la mélisse, le ményanthe, l’olivier, l’ortie blanche, la pariétaire, la pensée sauvage, les pétales de rose, les queues de cerise, la reine des prés, les feuilles de ronces, le sureau, la violette. Ces plantes ne peuvent être vendues mélangées entre elles ou à d’autres espèces, à l’exception des suivantes, dont les mélanges entre elles sont autorisés : tilleul, verveine, camomille, menthe, oranger, cynorrhodon (églantier), hibiscus. Divers arrêts de la Cour de cassation ont estimé que les plantes sont des « médicaments » par présentation (indications, thérapeutiques, posologie…), que seules celles « en l’état » figurant sur les listes fixées par décrets (cités ci-dessus) peuvent être vendues en dehors des officines, et que celles ayant subi des opérations de micronisation et de nébulisation vendues en gélules, ou présentées sous forme d’ampoules, ne doivent plus être considérées comme « en l’état ». L’Agence française de sécurité sanitaire pour les produits de santé (Afssaps), quant à elle, a classé les plantes en deux catégories : celles dont les bénéfices sont supérieurs aux risques et celles dont les risques sont trop importants pour qu’elles soient utilisées. Les interactions entre certaines plantes et des traitements médicamenteux restent aussi à étudier, de façon approfondie. Par exemple, un simple jus de pamplemousse peut parfois augmenter l’action des bêtabloquants, des anticalciques, des inhibiteurs des protéases ou diminuer celle de la ciclosporine, de la digoxine, ainsi que de certains hypotenseurs et antihistaminiques. [ 9 ] En phytothérapie, il est donc indispensable que les prescriptions ou
Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires
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conseils d’utilisation ne soient donnés que par un praticien (médecin, chirurgien-dentiste dans le domaine qui le concerne) ou un pharmacien.
Huiles essentielles La vente des huiles essentielles (dont la liste a été fixée par le décret du 23 juin 1986 : essences provenant de l’absinthe, la petite absinthe, l’armoise, le cèdre, l’hysope, la sauge, la tanaisie, le thuya) relève également du monopole pharmaceutique (loi du 30 juin 1984), ainsi que leurs dilutions et préparations, ne constituant des produits ni « cosmétiques », ni à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires (loi du 1er juillet 1998). À noter que la frontière entre médicaments et aliments (ou compléments alimentaires) est de moins en moins nette, d’autant que certaines plantes sont, à la fois, alimentaires et médicinales. Aucune réglementation n’a encore tranché. Les huiles essentielles (HE) ne sont pas des corps simples, mais, en général, des assemblages de molécules ayant chacune leurs propriétés particulières. L’importance de la connaissance des familles, genres et espèces botaniques est évidente, mais aussi de celle de leur provenance. Des plantes botaniquement identiques peuvent, en effet, donner des essences dont les différences peuvent être plus ou moins importantes. C’est notamment le cas pour le romarin, dont les spécificités biochimiques et les propriétés varient selon qu’il provient d’Afrique du Nord, de Corse ou de France continentale. [5] Une même espèce botanique, en fonction de différentes conditions (sol, ensoleillement, saison de cueillette, partie de la plante), peut fournir des huiles essentielles de compositions différentes. Ces variations génèrent la notion de chémotype. C’est pourquoi des contrôles systématiques des huiles essentielles ou essences (avec les techniques les plus modernes) sont toujours nécessaires avant emploi. La distillation demande aussi beaucoup d’attention (les détartrants chimiques doivent être absolument bannis). Il ne faut donc employer que des huiles essentielles de bonne qualité, à l’espèce botanique certifiée (attention, la lavande est souvent falsifiée) et dont l’extraction et le produit final sont garantis. L’huile essentielle d’eucalyptus, par exemple, si elle est rectifiée (redistillée) afin de la concentrer en eucalyptol perd certaines qualités médicinales, des composants actifs à l’état de traces ayant disparu. [5] DIFFÉRENTS TYPES
À noter que certaines huiles essentielles sont presque exclusivement constituées d’une seule molécule (comme Mentha pulegium, par exemple) ou de deux ou trois (telles que Salvia sclarea rosaedora, Citrus reticulata, Eugenia caryophyllus), mais la plupart sont polymoléculaires (molécules de même famille chimique ou non). Parmi les huiles essentielles utilisées en médecine dentaire (cette dénomination, utilisée dans plusieurs pays, est plus appropriée que celle de chirurgie dentaire, par trop restrictive), on peut citer : Chamaemelum nobile (camomille romaine), Cinnanomum verum (vrai cannelier), Cistus ladaniferus (ciste de Crête), Eugenia caryophyllus (clous de girofle), Helichrysum italicum (hélicryse d’Italie, immortelle des sables), Laurus nobilis (laurier d’Apollon), Melaleuca alternifiolia (mélaleuque à feuilles alternes, arbre à thé, tea-tree), Mentha piperata (menthe poivrée). Bien entendu, cette énumération est loin d’être exhaustive. À propos d’huiles essentielles, il a été dit qu’elles sont « d’une efficacité redoutable » contre les parodontopathies ; ce qui sous-entend la nécessité d’emploi et de prescription pertinents. Pour un effet bien ciblé, on peut procéder à des aromatogrammes (analyses de biologie clinique), dont le mode opératoire et l’interprétation sont identiques avec ceux des antibiogrammes, avec la seule différence qu’au lieu de tester les actions d’antibiotiques issus de la synthèse chimique contre des germes bactériens identifiés, ce sont des huiles essentielles, produits naturels, qui sont testées. Les actions (bactériostatiques, bactéricides et fongicides) contre les micro-organismes pathogènes des huiles essentielles, sont dues à une activité chimique directe, découlant de leur causticité et toxicité à leur égard. 2
Stomatologie/Odontologie
Ayant leur spécificité, associées à des complexes d’huiles essentielles, les huiles végétales vierges (HV) entrent dans bon nombre de préparations thérapeutiques (exemples : HV d’amande douce, noisette, bourrache, onagre…). Elles doivent être extraites de façon naturelle par première pression à froid et ne subir ni traitement ni raffinage. Peuvent aussi être utilisés (tels quels) des hydrolats aromatiques (HA) ou distillats (eau ayant servi pour la distillation), qui contiennent en moyenne 2 ‰ d’huiles essentielles, pour lavages de bouche ou instillations profondes de poches parodontales. Pour cela, il est possible d’employer, notamment, le distillat de lavande. Enfin, un mélange d’huiles essentielles diffusé en aérosol, ou par simple évaporation au moyen d’une petite lampe, peut assurer la destruction de germes contenus dans l’air, tout en dégageant une odeur discrète et agréable, pouvant masquer celle de l’habituel eugénol. Cette méthode est utilisable pour tous les cabinets dentaires, [16] y compris les salles d’attente. D’aucuns ont observé un autre effet bénéfique de cette méthode, qui est celui d’être calmant (thérapeutique « antistress »). Ceci, sans compter, dit-on, la sensation de « bien-être » (améliorant la qualité de vie et les performances au travail) procurée au praticien et à ses collaborateurs. [14] Les huiles essentielles de lavande, pin, romarin, thym, eucalyptus… sont, entre autres, employées à cet effet. Il est important de bien choisir l’huile essentielle (ou le mélange d’huiles essentielles), ainsi qu’un appareil adapté au lieu. CONDITIONS D’EMPLOI
Pour illustrer nos précédents propos sur la phytothérapie [13, 25] et l’aromathérapie, [26, 32] voici quelques citations, de divers auteurs : « … Les constituants végétaux sont biodisponibles et peuvent agir… Le végétal peut donc soigner, il peut guérir, il peut aussi tuer », préface de Maurice Jacob. [25] « La phytoaromathérapie…on ne le répétera jamais assez, est une médecine dangereuse, car elle agit… ». [32] « Il est dangereux de se lancer dans l’usage des simples en néophyte. Il faut les connaître, les étudier et apprendre à les manier. Cela peut prendre des années ». [11] « La phytothérapie est une thérapeutique à part entière ; c’est une thérapeutique d’application difficile, qui nécessite une sérieuse connaissance en la matière ». [25] Cela démontre, une fois encore, qu’il serait nécessaire de développer l’enseignement de la phytothérapie et de l’aromathérapie en faculté d’odontologie, si l’on veut que les chirurgiens-dentistes ne soient pas privés d’une partie de moyens thérapeutiques utiles, auxquels ils peuvent avoir recours, et relevant de leur capacité professionnelle. La « phytothérapie » proprement dite, utilise des plantes ou leurs organes, dans leur ensemble, sans dissocier les constituants chimiques. L’emploi de ce totum est basé sur le fait qu’il doit exister une synergie d’activités pharmacologiques entre plusieurs constituants. C’est le cas, par exemple, de la prêle des champs, dont on peut prescrire de quatre à six gélules (de 0,350 g) de poudre, par jour, pour ses effets reminéralisants. « L’usine végétale » est capable de multiples synthèses et ses possibilités étant encore à peine entrevues, [26] un autre type de thérapeutique est représenté par la « plante-matière-première » [28] , dont l’étude a prit le nom de « matière médicale », puis de « pharmacognosie ». [13] En phytothérapie, comme aussi en aromathérapie, n’existant pas de « pensée unique », les exemples d’emploi de végétaux rapportés à la suite, soit pour traitements d’appoint, soit comme curatifs ou préventifs par eux-mêmes, sont documentés à partir d’expérimentations pratiques faites par différents praticiens ou pharmacologues compétents. La phytothérapie et l’aromathérapie, en plus de leur usage local, peuvent être employées en pathologie buccodentaire par voie systémique en fonction de la sémiologie des protéines sériques issues du génome et modifiées par l’environnement. La phytothérapie est alors prescrite au moyen des techniques bio-informatiques des « profils protéiques », surtout lorsque les patients sont asymptomatiques sur le plan général. [7]
Stomatologie/Odontologie
Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires
Phytothérapie buccodentaire L’usage de plantes pour des applications buccodentaires est connu depuis la plus haute Antiquité. [6, 18, 22] Il a perduré à travers les siècles, tant par des praticiens qu’en médecine populaire. Diverses enquêtes, ici ou là, ont montré que les connaissances à propos des plantes médicinales buccodentaires sont toujours d’actualité dans un large public. [8, 20, 23, 27] De nombreux médicaments contemporains et produits d’hygiène buccodentaires contiennent d’ailleurs des extraits de plantes (sous différentes formes). [17, 19, 21] À titre documentaire, parmi les plantes les plus connues en phytothérapie pour leur utilité dans le domaine buccodentaire (elles sont plus de 130), une dizaine d’entre elles sont présentées ci-après. CAMOMILLE (ENCADRÉ 1)
La camomille (Chamaemelum) est un genre de plante de la division des composées-radiées. On classe les trois principales espèces médicinales en camomille romaine (Anthemis nobilis), camomille puante, dite « maroute » (Anthemis cotula), et camomille pyrèthre (Anthemis pyrethrum). Encadré 1 La camomille. Indications : douleurs dentaires et de dentition chez les nourrissons, aphtes, parodontopathies. Prescriptions : conserver en bouche une tisane de camomille, laquelle soulage des douleurs ; huile essentielle en traitement local ; dilutions homéopathiques en 9 ou 15 CH de Camomilla, qui sont en réalité des dilutions de matricaire allemande (Matricaria camomilla), lesquelles sont très efficaces dans les éruptions dentaires du nourrisson. Précautions d’emploi : des sujets allergiques à l’ambroisie peuvent réagir de la même façon avec la matricaire camomille. La fleur de camomille (parfois, vulgairement appelée « marguerite ») ressemble à un soleil. Au IIe siècle, Galien fut le premier à utiliser la camomille pour soigner les migraines et les névralgies. Les camomilles, en général, sont originaires d’Europe occidentale et d’Afrique du Nord, mais elles sont souvent acclimatées et cultivées partout ailleurs. En infusion, la camomille est employée comme calmant et contre les inflammations des muqueuses. Elle soulage également des douleurs aphteuses. Les qualités analgésiques de la camomille romaine sont toujours bien connues de notre temps. L’huile essentielle de camomille est employée comme anti-inflammatoire, antalgique, préanesthésique, calmante (système nerveux central). Comme principe actif, on trouve de la camomille dans des dentifrices actuels (particulièrement à visée parodontothérapique) et des gommes à mâcher. [ 1 7 ] Il en figure aussi dans des bains de bouche médicamenteux. [19] La camomille sauvage (Matricaria recutita), une matricaire, est signalée comme étant particulièrement efficace (en infusion de fleurs séchées) contre les douleurs de dents chez les enfants. Un laboratoire a proposé un nouveau gel pour massage des gencives afin d’apaiser les douleurs de poussées de dents chez les enfants. Il est composé de safran, guimauve et… camomille. GIROFLE (ENCADRÉ 2)
Le girofle (qui est un nom masculin, contrairement à l’usage courant) ou gérofle ou clou de girofle, est le bouton floral d’un arbre originaire des Îles Moluques, lesquelles sont la patrie du giroflier (Eugenia caryophyllata, ou caryophyllus, Myrtacées). « Des patriotes François très-eftimables (sic), ont travaillé avec fuccès à introduire, en 1770, dans les Îles de France (Maurice), de Bourbon (Réunion) & de Séchelles, des plants de girofliers … C’eft au zele de M. Poivre particulièrement, que la France a cette obligation : de là ces arbres ont été transplantés à Cayenne… » a rapporté Jean-Christophe Valmont de Bomare. Le girofle existait dans l’arsenal thérapeutique arabe et se trouve dans la pharmacopée de la médecine chinoise, où il servait de
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Encadré 2 Le girofle. Indication : antisepsie et analgésie dentaire. Prescriptions : infusion de clous de girofle ou solution d’essence de girofle, en bains de bouche, pour toutes affections buccales ; huile essentielle en traitement local. Conseils : placer du clou de girofle dans la carie d’une dent douloureuse, comme solution d’attente avant le rendez-vous chez le chirurgien-dentiste. Précautions d’emploi : l’eugénol peut donner des eczémas de contact : « l’allergie est croisée avec celle que provoque le Baume du Pérou ou de San Salvador tiré de Myroxylon pereirae ». « masticatoire » (terme qu’employait déjà Hippocrate). Il ne fut importé en Europe que vers le VIIIe siècle. En France, c’est en 1623 que le clou de girofle a été introduit en thérapeutique dentaire comme analgésique et antiseptique. Il a surtout été employé en le plaçant, in situ, dans la carie dentaire. De plus, Pierre Fauchard proposa une « Poudre pour netteier et blanchir les dents » dans laquelle il faisait entrer du girofle. Le clou de girofle renferme des cellules à essence connue sous le nom d’eugénol (allyl-gaïacol), composant, avec l’oxyde de zinc, le classique eugénate toujours utilisé par les chirurgiens-dentistes. En cas d’alvéolite après extraction dentaire, les praticiens peuvent également avoir recours à l’eugénol. L’huile essentielle extraite des boutons floraux contient 70 à 80 % d’eugénol. Elle a des propriétés anesthésiante et cautérisante pulpaire, anti-infectieuse et antibactérienne à large spectre d’action, antivirale et antifongique. Du girofle (sous diverses formes) entre dans des bains de bouche, des dentifrices et des gommes à mâcher. GUIMAUVE (ENCADRÉ 3)
La guimauve (Althaea officinalis, Malvacées) ou Bourdon de SaintJacques, est souvent plus connue (surtout dans les textes anciens) sous le nom d’althéa, expression grecque signifiant, dit Pline : « riche en remèdes ». Pourtant, le même Pline attribuait ce nom d’althéa non pas à la guimauve, mais à une mauve « à grandes feuilles et racines blanches ». En fait, il devait pourtant s’agir d’une guimauve, dont une des appellations anciennes est d’ailleurs « mauve blanche ». Le nom de guimauve viendrait d’une déformation du latin bismalva, « deux fois la mauve », afin de mettre l’accent sur la force de ses propriétés ; cette plus grande efficacité est d’ailleurs signalée par Pline. Venue des steppes asiatiques bien avant l’ère chrétienne, la guimauve s’est facilement acclimatée en Europe et était recensée dans un des capitulaires de Charlemagne. Encadré 3 La guimauve. Indications : parodontopathies, stomatites, glossites, douleurs de dentition des nourrissons. Prescriptions : bains de bouche avec une décoction de guimauve (50 g de racines pour 1 l d’eau) pour toutes les inflammations de la cavité buccale (on peut associer des feuilles de sauge à cette décoction). Conseils : pour les éruptions dentaires chez le nourrisson, faire mâchonner, sous surveillance, une racine de guimauve afin de décongestionner la gencive et de calmer la douleur. Contre-indications : néant. En son temps, parlant de la manière de rendre les dents blanches et d’entretenir les gencives, Pierre Fauchard proposait une composition très élaborée de racines de guimauves, précisant que « pour préparer les racines de guimauve & les entretenir douces & molles, il faut les cueillir à l’automne, choifir les plus droites & les plus unies, les couper de la longueur que le fouhaite, & les faire fécher au soleil, ou dans un lieu médiocrement chaud, jufqu’à ce qu’elles ne contiennent plus d’humidité… ». La guimauve a d’importantes propriétés émolliente et anti-inflammatoire pour les muqueuses. On en trouve, notamment, dans un « gel premières dents », très récent. 3
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Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires
Stomatologie/Odontologie
LAVANDE (ENCADRÉ 4)
La lavande vraie (Lavandula vera ou angustifolia ou officinalis) fait partie des Labiées. Elle croît en Europe méditerranéenne, sur des terrains calcaires, de 700 m jusqu’à 1 800 m d’altitude. Ses feuilles sont longues, étroites et blanchâtres, toute la plante a une odeur aromatique très agréable. L’étymologie de lavande viendrait de « lavare » qui signifie « laver » d’où le nom de lavandières de nos campagnes et la tradition de la lavande dans le linge. En Europe, la lavande a été cultivée pour son huile essentielle dès le XVIe siècle. La lavande vraie est inscrite dans la liste des tisanes à la Pharmacopée française (Xe édition).
Encadré 4 La Lavande. Indications : xérostomie, halitose buccale, aphtes. Prescriptions : fleurs et feuilles de lavande, en masticatoire ; infusion de sommités en bains de bouche (une cuillerée à dessert par tasse) ; hydrolat de lavande en bains de bouche ; huile essentielle pour attouchements sur les aphtes. Précautions d’emploi : néant. La grande lavande dite spic ou aspic (Lavandula spica ou latifolia), qui croît également sur terrains calcaires, ne se développe pas audessus de 800 m d’altitude. Elle est plus grande, à odeur camphrée. Les hybrides de la lavande aspic et de la lavande vraie donnent les lavandins, cultivés pour leur forte teneur en huile essentielle. Il existe une autre espèce qui croît sur terrains siliceux à basse altitude : la lavande stoechade (Lavandula stoechas), stoechas d’Arabie ou lavande des îles d’Hyères (appelées par les Anciens « Isles Stécades »), aux fleurs pourpres, à l’odeur entêtante. La lavande stoechade et la lavande aspic sont surtout provençales, mais se trouvent également en Algérie. Elles fleurissent 1 mois après la lavande vraie. La lavande stoechade se caractérise par une forte teneur en oxyde (1,8 cinéole). « Les fleurs et les feuilles de lavande excitent puissamment la salivation, quand on les tient dans la bouche et qu’on les mâche » indiquait Jean-Christophe Valmont de Bomare. Cet effet sialagogue est toujours reconnu. Il permet, notamment et par principe, l’élévation du pouvoir tampon salivaire, lequel favorise la défense des dents contre les attaques acides. Scarron, dans une épître, a cité la lavande parmi les plantes que les courtisanes avaient en bouche « pour avoir le flavier doux ». C’est toujours un bon moyen pour lutter contre l’halitose d’origine buccale. Actuellement, en pharmacie, on trouve toujours des bains de bouche dans lesquels la lavande figure comme « principe actif ». [17] Pour soulager la douleur dentaire, autrefois, il était conseillé de placer dans la carie de l’huile essentielle d’aspic sur un coton. Cette pratique n’est plus usitée, mais toujours utile, en cas de besoin. Présentement, pour les abcès dentaires, par voie interne (avec visée antiseptique), certains indiquent des gélules gastrorésistantes contenant des huiles essentielles, dont de lavande. De l’huile essentielle de lavande figure parmi les composants d’un gel gingival. Pour en soulager la sensibilité, l’huile essentielle de lavandin faite au Monastère de la Paix-Dieu (Gard) est conseillée en application sur les aphtes (humecter un coton-tige et tamponner la partie ulcérée). MÉLALEUQUE À FEUILLES ALTERNES (ENCADRÉ 5)
Le mélaleuque à feuilles alternes (Melaleuca alternifolia, Myrtacées), originaire d’Australie, a été baptisé « arbre à thé » (tea tree) par l’équipage du capitaine Cook, qui avait utilisé ses feuilles pour remplacer la boisson nationale une fois leur provision épuisée. C’est sous cette appellation de tea tree qu’il est le plus connu et généralement désigné. Le Melaleuca alternifolia est utilisé depuis des siècles par les Bundjalung (tribu aborigène d’Australie) pour soigner toutes sortes d’affections de la peau, avec des compresses de feuilles écrasées. Des colons s’emparèrent de ce remède et en tirèrent une huile 4
Encadré 5 Le tea tree. Indications : aphtoses, stomatites, parodontopathies, abcès dentaires. Prescriptions : huile essentielle en traitement local. Conseils : pour le blanchiment des dents, mettre une goutte d’huile essentielle sur la brosse à dent. Contre-indications : néant. essentielle à puissante activité bactéricide, antivirale et fongicide, laquelle est très vite devenue le remède national polyvalent des Australiens. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée australienne a inclus un flacon de cette huile dans le paquetage de tous ses soldats. Cependant, du fait d’un petit nombre d’arbres disponibles, la distillation de cette huile demeura longtemps artisanale, et afin de ne pas nuire à une production déjà faible, les coupeurs de feuilles furent exemptés de service militaire. Mais, après la guerre, des recherches aboutirent à des plantations mécanisées, ce qui augmenta considérablement la production. Une équipe de chercheurs australiens a récemment constaté que l’huile essentielle de tea tree a une action blanchissante sur les dents. MENTHE (ENCADRÉ 6)
La menthe (Mentha), dérivé de Mintha, nom grec d’une nymphe que Perséphone (la Proserpine des romains) jalouse, assassina, et qui fut transformée en menthe par son amant, Hadès, dieu des Enfers. La menthe comporte de nombreuses espèces. Les plus connues sont les menthes : sauvage (herbe-du-mort), sylvestre, des champs, Pouliot, aquatique, verte et crispée, frisée ou crépue, très commune en Sibérie. La menthe officinale, dite « poivrée » (Mentha piperata), est un hybride de la menthe aquatique et de la menthe verte. Sa première description botanique remonte à 1696 (à Mitcham, Angleterre). Les menthes font partie des Labiées. Encadré 6 La menthe. Indications : érosions buccales, douleurs gingivales. Prescriptions : feuilles fraîches de menthe, en masticatoire, pour les érosions buccales ; bains de bouche avec une décoction de feuilles de menthe (10 pincées par litre d’eau) pour atténuer les douleurs gingivales ; huile essentielle en traitement local. Contre-indications : les dentifrices contenant de la menthe sont interdits aux personnes en cours de traitement homéopathique ; l’huile essentielle, riche en cétones, est contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante et l’enfant de moins de 6 ans. Celse proposait ce remède : « lorsque la dent fait mal, il faut arracher de la menthe sauvage avec ses racines et la mettre dans un chaudron, verser dessus de l’eau, placer le malade assis tout contre, recouvert de tout côté d’un linge. Alors on jette dans le chaudron des pierres brûlantes… et le patient, la bouche ouverte reçoit la vapeur…, il s’ensuit une sueur abondante et la pituite retenue (en ancienne médecine, l’une des quatre humeurs) coule par la bouche ». De son côté, Scribonius Largus conseillait « de mâcher de la menthe sauvage, de faire passer la salive sur les dents douloureuses, de l’y maintenir un certain temps, et ainsi de permettre à la salive de pénétrer la cavité pathologique ». La sensation de fraîcheur que l’on éprouve lorsqu’on mâche de la menthe est due à l’engourdissement des muqueuses de la bouche. En usage externe, la menthe possède, en effet, des propriétés anesthésiques et analgésiques puissantes que l’on peut utiliser au cabinet. Elle est également décongestionnante, antiprurigineuse, anti-inflammatoire et antinauséeuse. De l’essence de menthe est utilisée dans des pâtes et élixirs dentifrices d’aujourd’hui. Dans le Vidalt figurent plusieurs médicaments composés pour partie de menthol (tiré de la menthe), proposés en traitement adjuvant ou local d’appoint, pour les parodontopathies, stomatites, aphtes, douleurs dentaires, blessures sous prothèses, ou en bains de bouche, après extractions dentaires.
Stomatologie/Odontologie
Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires
En outre, le menthol entre dans la composition du liquide (ou mélange) de Bonain (phénol + menthol + cocaïne), anesthésique local de contact, employé en chirurgie dentaire. Le menthol est aussi présent dans des pâtes et élixirs dentifrices. MILLEPERTUIS (ENCADRÉ 7)
Le millepertuis (Hypericum perforatum, Hypéricacées) est dit « herbe aux mille trous », « herbe aux piqûres » et « chasse diable ». Le millepertuis est une « herbe de la Saint-Jean. La dénomination « herbe de la Saint-Jean » a été attribuée à sept plantes, dont la millefeuille, la petite joubarbe, la grande marguerite, l’armoise, la sauge et le lierre terrestre. Ces herbes devaient être récoltées entre l’Angélus de midi du 23 juin et celui de midi du 24 ! Encadré 7 Le millepertuis. Indications : inflammations buccales. Prescriptions : bains de bouche de tisane de prêle des champs et de millepertuis, qui agit favorablement sur toutes les inflammations de la bouche (50 g de chaque en décoction) ; applications locales d’huile essentielle, laquelle peut être employée seule ou additionnée d’autres huiles essentielles appropriées. Précautions d’emploi : à utiliser en usage externe (par voie interne, l’activité antidépressive du millepertuis nécessite des précautions et comporte des contre-indications). La distribution du millepertuis couvre la plupart de l’Europe, l’Asie occidentale et centrale… et il s’est naturalisé sur tous les continents. Il croît parfois en masse et sa densité s’étend sur de grandes étendues. C’est ainsi qu’aux États-Unis, sur la région côtière du Pacifique, un coléoptère dut être importé d’Australie pour délivrer du millepertuis 200 000 hectares de pâturages ; la consommation excessive de millepertuis pouvant provoquer des phénomènes de photosensibilisation chez le bétail. Le parenchyme des feuilles du millepertuis a la particularité d’être parsemé de petites glandes à essence translucides qui, regardées en transparence, apparaissent comme mille petits trous, d’où son appellation. Le millepertuis contient beaucoup d’huile essentielle. Il était dénommé «andosaemon » par les Anciens Grecs, parce que ses feuilles écrasées entre les doigts donnent un sang rouge, comparable au sang humain, parfois dit « sang du Christ ». Paracelse et bien d’autres ont toujours vanté ses propriétés. L’huile de millepertuis, préparée par macération et digestion (500 g de sommités fleuries pour 1 l d’huile d’olive) est vulnéraire, calme les brûlures, régénère et cicatrise les plaies. Elle est active sur les douleurs, surtout nerveuses. Les feuilles de millepertuis légèrement pilées et mises dans le trou de l’oreille calment souvent les maux de dents, disait-on. De nos jours, on peut se procurer facilement une pâte dentifrice et un chewing-gum dentifrice (à dominante végétale) contenant du millepertuis (comme antiseptique et cicatrisant), en compagnie de camomille et de souci des jardins, entre autres. SAUGE (ENCADRÉ 8)
La sauge (Salvia officinalis, Labiées) était considérée chez nos ancêtres (les Gaulois), ainsi que chez tous les autres peuples de l’Antiquité, comme la plante salvatrice par excellence, tellement merveilleuse qu’ils la jugeaient tous capable de guérir toutes les maladies. Aux yeux des Druides, la sauge avait le pouvoir d’arrêter les fièvres, toux, bronchites et rhumatismes… On croyait qu’elle avait des vertus magiques. C’était un peu la sorcière de la famille : « celui qui veut vivre à jamais doit manger la sauge en mai ». L’École de Salerne prônait cet axiome : « pourquoi mourrait l’homme dont le jardin héberge la sauge ? ». « Qu’à de sauvi din soun jardin, a pas besoun de médecin » est un dicton provençal, qu’on connaît toujours bien. La culture de la sauge doit remonter au début de notre ère, tout d’abord en Grèce puis en Italie. Au Moyen-Âge, les moines bénédictins l’introduisent dans leur jardin. De là, elle ira dans ceux des paysans. Elle était recommandée dans les Capitulaires de Charlemagne. La sauge, « herbe sacrée des Latins », est aussi dite
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Encadré 8 La sauge. Indications : aphtes, parodontopathies, stomatites. Prescriptions : bains de bouche prolongés de décoction d’une poignée de fleurs et de feuilles de sauge dans 1 l d’eau, ce qui est préconisé pour les trois indications mentionnées ci-dessus (pour les parodontopathies, on peut y associer de la guimauve). Contre-indications : néant. Précautions d’emploi : l’huile essentielle de sauge n’est à employer en usage interne que sur prescription d’un praticien averti. « thé » de Provence, de France, de Grèce et d’Europe. Selon SaintSimon, Louis XIV buvait chaque matin, à son lever, deux tasses de sauge et de véronique. Cette habitude est confirmée dans des notes de Fagon (premier médecin du Roi), datant de 1701. La sauge officinale possède des propriétés locales astringentes et cicatrisantes. La sauge des prés (Salvia pratensis) et la sauge sclarée (Salvia sclarea) ont les mêmes propriétés. La sauge officinale, à la différence de la sauge sclarée, fournit une huile essentielle composée à 50 % de thuyone, laquelle est neurotoxique. Dans le Vidalt (section produits de soins, d’hygiène et de santé) on trouve une spécialité antiseptique contenant un extrait hydroglycolique de sauge. Son nom s’inspire d’ailleurs du mot « sauge ». La sauge officinale est inscrite à la Pharmacopée française (Xe édition) et dans la liste des tisanes. Autrefois, on donnait ce conseil : « faut frotter les dents et laver la bouche tous les matins à jeun avec les feuilles de sauge ou de la décoction ». Pour apaiser la douleur des dents la sauge a aussi été indiquée en masticatoire : « mâchez des feuilles de romarin ou de sauge, baissez la tête, et laissez couler les eaux qui en tombent en crachant, la fluxion et le mal s’apaiseront » (sic). Aujourd’hui, on emploie de l’essence essentielle de sauge officinale dans des dentifrices et bains de bouche. La sauge entre dans la composition du « Tégarome » (de Jean Valnet), produit d’hygiène à base de plantes pouvant être utilisé contre les aphtes et les parodontopathies (Le « Tégarome » est un mélange d’essences de lavande, thym, sauge, eucalyptus, romarin, cyprès, niaouli et géranium). THÉ (ENCADRÉ 9)
Le thé était déjà connu en 2737 avant J.-C. Le mot thé, dont la forme est tirée du latin, vient du chinois «teh » par le néerlandais ou «theh », mot usité dans la Province de Fokien. Le thé fut signalé pour la première fois en Occident par le vénitien Ramusio (1485-1557). On dit qu’il arriva à Paris en 1636, à Londres en 1650 et à Moscou en 1659. En France, la première thèse médicale consacrée au thé fut celle de de Mauvillain, filleul de Richelieu, soutenue en mars 1648.
Encadré 9 Le thé. Indication : prévention contre la carie dentaire. Conseils : consommer du thé et, chez l’adulte, prendre le temps de le laisser séjourner en bouche avant de l’avaler. Précaution d’emploi : le thé contient de la théine (caféine) pour laquelle, dans l’urine, il existe un seuil maximum toléré (12 µg/ml) au-dessus duquel un contrôle de dopage chez un sportif serait déclaré positif. Une tasse de thé contient 150 mg de théine, au maximum. Le thé est une substance constituée par les feuilles du théier (Thea officinarum ou sinensis, Ternstroemiacées), arbrisseau cultivé principalement en Chine, au Japon, à Ceylan (Sri Lanka), en Inde et Insulinde… mais qui a aussi été introduit dans notre hémisphère. À notre époque, l’Inde et Ceylan totalisent 75 % des exportations mondiales de thé. Celui-ci est un puissant antioxydant grâce à ses flavonoïdes, notamment les catéchines et les polyphénols (dans le thé vert). Ces flavonoïdes ont une action beaucoup plus puissante que les vitamines C ou E. 5
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Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires
La présence de fluor dans le thé (environ de 30 à 500 mg/kg, selon la variété et la provenance), lui confère des propriétés particulières en prévention buccodentaire. D’autant qu’il est le végétal le plus riche en fluor. En effet, une petite tasse de thé contient déjà, au minimum, 0,3 mg de fluor. La teneur en fluor des thés de deux vallées étant significativement différente (de 600 mg à 200 mg/kg), le nombre des sujets indemnes de caries dentaires (47,2 % versus 24,1 %) dans les deux populations d’enfants s’est trouvé directement corrélé à la teneur en fluor des thés produits et consommés sur place. Cette importante étude épidémiologique demeure de référence. En matière de coloration des dents par le thé, cela n’est pas contesté, mais toutes les personnes buvant du thé n’ont pas les dents colorées, même si elles en sont parfois grandes consommatrices. Les différents types individuels de variations de pH salivaire (en liaison avec celles du débit et du pouvoir tampon), pourraient expliquer le fait que d’aucunes présentent des dents tachées par le thé (mais aussi le café, le tabac, la chlorhéxidine…) et d’autres pas, quelles que soient leur consommation et hygiène. Hormis son aspect inesthétique, cette coloration ne présente pas d’inconvénient du point de vue buccodentaire et ne peut donc être opposée aux incontestables avantages du thé en matière de prévention. Bien entendu les prescriptions de phytothérapie doivent être précises (doses, mode d’emploi) et obligent à la rédaction d’une ordonnance. Les conseils d’utilisation de plantes (en matière de prévention et d’hygiène) ne nécessitent pas d’être mis par écrit. Cependant, dans tous les cas, il est prudent de bien indiquer les modalités d’usage et contre-indications éventuelles en cas de prise concomitante de certains médicaments, ce qui sous-entend une connaissance éclairée en matière de phytothérapie, d’où une formation nécessaire. Ceux qui désireraient en savoir plus sur d’autres plantes médicinales ayant des applications buccodentaires peuvent notamment consulter les articles publiés à ce propos dans la revue « Le ChirurgienDentiste de France », depuis 1998, dans la rubrique « Connaissances d’hier et d’aujourd’hui ».
Stomatologie/Odontologie
– HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 2 ml ( antiinfectieuse majeure) ; – HE Pinus pinaster (pin maritime) : 4 ml (antiseptique). ÉRUPTIONS DENTAIRES
Appliquer sur la gencive ce mélange, avec un doigt, chez les nourrissons et enfants : – HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 0,2 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique) ; – HE Lavandula latifolia (lavande aspic) : 0,5 ml (antalgique) ; – HE Helichrysum italicum (immortelle) : 0,5 ml (antihématome) ; – HV Hypericum perforatum (millepertuis) qsp : 30 ml (excipient). APHTES, LICHEN BUCCAL
Déposer ou appliquer localement, avec un doigt, quelques gouttes, 6 fois par jour, du mélange suivant : – HE Ravensara aromatica (ravensare aromatique) : 5 ml (antivirale, anti-infectieuse) ; – HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 5 ml (antibactérienne, antivirale) ; – HE Lavandula angustifolia (lavande vraie) : 3 ml (antiseptique, cicatrisante, antalgique) ; – HE Laurus nobilis (laurier noble) : 0,2 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; – HE Commiphora molmol (myrrhe) : 2,8 ml (anti-infectieuse, anti-inflammatoire) ; – HV Calophyllum inophyllum (calophylle inophylle) qsp : 30 ml (cicatrisante, anti-inflammatoire). HERPÈS
Aromathérapie buccodentaire
Déposer sur les lésions, ou appliquer avec un doigt, 2 gouttes de la composition ci-dessous, toutes les 2 heures :
On le sait, les huiles essentielles possèdent de nombreuses propriétés : antibactériennes, antivirales, antalgiques, antiinflammatoires, antiœdémateuses, antispasmodiques, anxiolytiques, désinfectantes de l’air… . [3, 12, 32] Ces propriétés trouvent tout naturellement leurs applications au cabinet du praticien et en prescriptions. [14, 26] Ci-après sont donnés quelques exemples d’utilisation quotidienne [signification des abréviations : Ess : essence ; HE : huile essentielle ; HV : huile végétale ; (z) : zeste ; CT : chémotype ; (éc.) : écorce ; qsp : quantité suffisante pour].
– HE Commiphora myrrha ou molmol (myrrhe) : 4 ml (antivirale, anti-infectieuse, anti-inflammatoire) ; – HE Ravensara aromatica (ravensare aromatique) : 4 ml (antivirale, anti-infectieuse) ; – HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 2 ml (antibactérienne, antivirale). NÉVRITES OU NÉVRALGIES FACIALES
ACTION RELAXANTE ET DÉSTRESSANTE
On peut diffuser dans la salle d’attente le mélange suivant : – Ess (z) Citrus aurantium ssp. bergamia (bergamote) : 5 ml (relaxante, sédative, hypnotique légère) ; – HE Lavandula angustifolia (lavande vraie) : 3 ml (calmante, décontracturante) ;
Appliquer localement sur la zone sensible, 6 fois par jour, quelques gouttes de ce mélange : – HE Laurus nobilis (laurier noble) : 0,5 ml (antalgique puissant, antispasmodique) ; – HE Mentha piperita (menthe poivrée) : 0,5 ml (antalgique, antiinflammatoire, anesthésiante) ;
– HE Litsea citrata (litsée citronnée) : 2 ml (calmante, sédative) ;
– HE Tanacetum annuum (anti-inflammatoire) ;
– HE Ocimum basilicum var bas (basilic exotique) : 2 ml (antispasmodique puissant).
– HE Helichrysum italicum (immortelle) : 0,1 ml (antihématome, anti-inflammatoire).
DÉSINFECTION ATMOSPHÉRIQUE
L’air du cabinet du praticien peut être assaini par ce mélange :
(tanaisie
annuelle) :
0,5 ml
INFLAMMATIONS GINGIVALES
– Ess (z) Citrus limonum (citron) : 2 ml (anti-infectieuse) ;
Faire un massage local, deux fois par jour, avec la composition suivante :
– HE Eucalyptus radiata (eucalyptus radié) : 2 ml (antibactérienne, antivirale) ;
– HE Lavandula angustifolia (lavande vraie) : 0,5 ml (antiseptique, cicatrisante, antalgique) ;
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Stomatologie/Odontologie
Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires
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– HE Eucalyptus citriodora (eucalyptus citronné) : 0,3 ml (anti-inflammatoire) ;
– HE Cinnamomum zeylanicum (écorce) (cannelle de Ceylan) : 1,5 ml (antibactérienne, antifongique très puissant) ;
– HE Mentha piperita (menthe poivrée) : 0,1 ml (antalgique, anesthésiante, anti-inflammatoire) ;
– HE Pimpinella anisum (anis vert) : 1,5 ml (correcteur de goût). Badigeonner autour des sites implantaires avec cette solution :
– HE Helichrysum italicum (immortelle) : 0,1 ml (antihématome) ;
– HE Laurus nobilis (laurier noble) : 1 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ;
– HE Laurus nobilis (laurier noble) : 0,1 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; – HV Hypericum perforatum (millepertuis) qsp : 10 ml (cicatrisante et régénératrice des tissus). PARODONTOPATHIES
Instiller dans les poches la préparation suivante, préalablement diluée à 3 % dans le mélange d’huiles végétales ci-dessous : – HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 3 ml (antibactérienne, antivirale) ; – HE Laurus nobilis (laurier noble) : 3 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; – HE Commiphora myrrha ou molmol (myrrhe) : 2 ml (antivirale, anti-infectieuse, anti-inflammatoire) ; – HE Helichrysum italicum (immortelle) : 1 ml (antihématome) ; – HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 1 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique) ; – HV Calophyllum inophyllum (calophylle inophylle) : 20 ml (cicatrisante, anti-inflammatoire) ; – HV Hypericum perforatum (millepertuis) : 80 ml (cicatrisante et régénératrice des tissus). INFECTIONS BUCCODENTAIRES
Avaler une gélule 4 fois par jour entre les repas, pendant 5 à 7 jours : – HE Origanum compactum (origan compact) : 50 mg (antiinfectieuse puissante à large spectre) ;
– HE Lavandula angustifolia (lavande officinale) : 1 ml (antiseptique, cicatrisante, antalgique) ; – HE Chamomilla reticuta (matricaire) : 1 ml (anti-inflammatoire, cicatrisante) ; – HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 1 ml (antibactérienne, antivirale) ; – HE Pimpinella anisum (anis vert) : 0,6 ml (agent de saveur) ; – HE Helichrysum italicum (immortelle) : 0,3 ml (antihématome) ; – HV Calophyllum inophyllum (calophylle inophylle) : 3 ml (cicatrisante, anti-inflammatoire) ; – HV Rosa rubiginosa (rose musquée) qsp : 30 ml (cicatrisante, régénératrice). HÉMORRAGIE
Appliquer une compresse imbibée de quelques gouttes de ce mélange : – HE Cistus ladaniferus CT pinène (ciste ladanifère) : 3 ml (antihémorragique puissante, anti-infectieuse) ; – HE Pelargonium × Asperus c. u Egypte (géranium rosat) : 2 ml (antihémorragique) ; – HE Myrte communis CT cinéole (myrte verte) : 1 ml (astringente, décongestionnante) ; – HV Corylus avelana (noisette) qsp : 10 ml (excipient). RÉGÉNÉRATION MUQUEUSE APRÈS CHIRURGIE
– HE Cinnamomum zeylanicum (écorce) (cannelle de Ceylan) : 25 mg (antibactérienne, antifongique très puissante) ;
Tamponner les gencives, après l’acte, avec cette solution :
– excipient qsp : 1 gélule n° 30.
– HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 10 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique) ;
ANESTHÉSIE DE CONTACT
Déposer, ou appliquer avec un doigt, 2 gouttes sur la zone à anesthésier, 10 minutes avant l’injection ou un autre acte douloureux : – HE Mentha piperita (menthe poivrée) : 4 ml (anesthésiante, antalgique) ; – HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 1 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique). EXTRACTION, POSE D’IMPLANT
Prendre 2 jours avant l’intervention sur un petit morceau de sucre, ou très peu de miel, 3 gouttes 3 fois par jour de la composition suivante :
– HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 10 ml antibactérienne, antivirale) ; – HE Laurus nobilis (laurier noble) : 10 ml bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ; – HE Lavandula angustifolia (lavande officinale) : 10 ml (antiseptique, cicatrisante, antalgique) ; – HE Chamaemelum nobile (camomille romaine) : 10 ml (antiinflammatoire, antispasmodique) ; – HE Artemisia dracunculus (estragon) : 10 ml (antispasmodique neuromusculaire) ; – HE Helichrysum italicum (immortelle) : 5 ml (antihématome) ; – HV Calophyllum inophyllum (calophylle inophylle) : 10 ml (cicatrisante, anti-inflammatoire) ;
– HE Laurus nobilis (laurier noble) : 7,5 ml (bactéricide, fongicide, antalgique puissant) ;
– HV Rosa rubiginosa (rose musquée) : 15 ml (cicatrisante, régénératrice).
– HE Melaleuca alternifolia (tea tree ou arbre à thé) : 7,5 ml (antibactérienne, antivirale) ;
NAUSÉES, HYPOTENSION
– HE Thymus vulgaris CT thymol (thym CT thymol) : 4,5 ml (antiinfectieuse puissante) ;
Dés apparition du symptôme, faire sucer un petit morceau de sucre imprégné de 3 gouttes de :
– HE Eugenia caryophyllus (clou de girofle) : 4,5 ml (antibactérienne, antivirale, antifongique) ;
– HE Mentha piperita (menthe poivrée) : 4 ml (antivomitive, neurotonique, hypertensive). Les compositions et mélanges ci-dessus ne comportent aucune contre-indication, sauf restriction d’emploi voulue par le
– HE Chamaemelum nobile (camomille romaine) : 3 ml (antiinflammatoire, antispasmodique) ;
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Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires Fibroblastes
Hépatocytes
Glycoprotéines de structure
Glycoprotéines de l’inflammation
Tissus ADN Génome
ARNm Protéome extracellulaire Transcriptome Sérum Phytothérapie
Figure 1
Génome et protéome. ADN : acide désoxyribonucléique ; ARNm : acide ribonucléique messager.
prescripteur. Très rarement, on peut observer une réaction d’intolérance chez certains sujets sensibles ; le praticien doit alors remplacer l’huile essentielle en cause (test cutané) par une autre de même intention. Il faut absolument éviter tout contact d’huiles essentielles avec les yeux. Si cela se produisait, rincer la cavité oculaire avec de l’huile végétale alimentaire. Les préparations aromatiques regroupent plusieurs composants (parfois beaucoup), lesquels agissent en synergie (certains potentialisant d’autres) comme cela se trouve en phytothérapie dans les extraits de plantes, qui sont complexes naturellement en euxmêmes (à noter que suite à des expérimentations, dans le souci identique d’une meilleure efficacité thérapeutique, la plupart des spécialités pharmaceutiques de synthèse sont, elles aussi, complexes). Sur ordonnance, on peut se procurer les formules précédemment énumérées dans toutes les pharmacies, qu’elles soient composées directement sur place ou par l’intermédiaire d’une autre officine ou d’un laboratoire spécialisé.
Plantes médicinales et protéomique (de la tradition à la modernité) Le texte suivant, du professeur Pierre Requirand, propose une autre approche de l’utilisation de la phytothérapie, choisie à partir d’une symptomatologie biochimique. La phytothérapie depuis longtemps et l’aromathérapie plus récemment proposent de nombreux remèdes à action locale dans le but de réduire l’inflammation et la douleur, d’éviter la surinfection des tissus nécrosés ou d’améliorer la cicatrisation. On peut aussi utiliser les plantes médicinales par voie systémique au moyen des techniques bio-informatiques qui se développent depuis que l’on est dans la phase postgénomique. GÉNOME ET PROTÉOME
Le séquençage du génome humain est presque terminé. La communauté scientifique s’accorde pour considérer que ces nouvelles connaissances doivent maintenant être valorisées par l’étude des protéines issues des gènes. L’ensemble des protéines est appelé protéome depuis 1995. La protéomique étudie la structure et la fonction du protéome ainsi que l’action des médicaments sur les protéines. C’est dans le cadre de l’action des médicaments sur le protéome que la phytothérapie et l’aromathérapie trouvent leur place (Fig. 1). PROTÉOME SÉRIQUE REFLET DE LA PATHOLOGIE
La Figure 2 donne un exemple des possibilités de mise en parallèle des protéines de structure de la matrice extracellulaire des tissus parodontaux et du protéome sérique. Jayle a été le premier à suggérer une corrélation métabolique entre ces constituants du tissu conjonctif et l’augmentation des glycoprotéines sériques telles que l’orosomucoïde et l’haptoglobine au cours de la réaction inflammatoire. [24] Puis, plus récemment, il a été constaté que : « Les modifications pathologiques à l’intérieur d’un organe peuvent avoir un reflet dans des modèles protéomiques sériques ». [29] Enfin, il a pu être avancé que : « La protéomique est la prochaine étape pour comprendre comment les gènes sont reliés aux fonctions biologiques et aux maladies ». [31] 8
Stomatologie/Odontologie
TISSUS
SANG
Ostéopontine 44 kDa Ostéonectine 33 kDa
Orosomucoïde 44 kDa Haptoglobine β 48 kDa
Figure 2
Mise en parallèle des protéines de structure de la matrice extracellulaire des tissus parodontaux et du protéome sérique. THÉRAPEUTIQUE ET PROTÉOME
« Il est valable de considérer la relation entre maladie et thérapeutique au niveau de l’expression protéique ».. [31] « Les médicaments doivent être regroupés en fonction de leur action sur les protéines ». [1] La phytothérapie doit faire partie, au même titre que les produits de synthèse, des remèdes agissant sur le protéome. Une nouvelle discipline est proposée : [15] la Bioinformatique du Médicament. Dans la chimiothèque des substances pouvant agir sur le protéome, il est estimé qu’il faudrait tester, en plus des produits de synthèse, au moins 15 000 substances naturelles connues ou à découvrir et « … explorer le potentiel des médecines traditionnelles parvenues jusqu’à nous ». Pour l’instant, les cliniciens ne disposent que d’une méthode réunissant les deux aspects de la bio-informatique : celle du Centre européen d’informatique et d’automation. [30] Le protéome du patient est représenté sous la forme d’un profil protéique. La phytothérapie et l’aromathérapie sont proposées à partir d’un programme informatique superposant le potentiel d’action sur les protéines d’environ 600 plantes et le protéome du patient. EXEMPLE D’APPLICATION : LE TRAITEMENT DES APHTOSES
L’étiologie de cette pathologie reste encore du domaine des hypothèses, et on ne peut proposer un traitement spécifique pouvant s’adapter à tous les patients.
¶ Données de l’histologie
[7]
Au stade de l’ulcération, l’infiltrat inflammatoire est surtout constitué de polynucléaires neutrophiles. Les artérioles et les veinules sont obstruées et envahies par des microthrombi fibrineux. Mais on fait aussi l’hypothèse qu’il y aurait production d’immunoglobulines jouant un rôle dans la vascularite.
¶ Données du protéome Les modifications du protéome sérique sont en accord avec ces deux aspects de l’histologie, et confirment que l’ulcération de l’aphte peut être considérée comme une microthrombose. Mais les protéines impliquées dans la microthrombose sont différentes d’un patient à l’autre et appellent une phytothérapie et une aromathérapie adaptées à chaque cas. La thrombose peut se traduire dans le sérum par une augmentation des protéines de la phase aiguë de l’inflammation (orosomucoïde, haptoglobine, céruléoplasmine…). L’aphtose est dans un contexte de microangiopathie. Quelques plantes agissent sur ces protéines : – la ballote fétide appelée aussi marrube noir (Ballota nigra, Labiées) : – la bourse à Pasteur (Capsella bursa pastoris, Crucifères) : – la menthe sylvestre (Mentha sylvestris, Labiées) : – la menthe à feuilles rondes (Mentha rotundifolia, Labiées). La thrombose peut se traduire dans le sérum par une association de ces protéines de l’inflammation et des lipoprotéines, du cholestérol et/ou des triglycérides. On est alors dans les conditions d’une
Stomatologie/Odontologie
Phytothérapie et aromathérapie buccodentaires
aphtose dans un contexte d’athérothrombose. La phytothérapie a beaucoup de possibilités en ce domaine. Quelques plantes agissent sur le complexe inflammatoire lipidique :
– le lierre terrestre (Glechoma hederacea, Labiées) ;
– l’artichaut (Cynara scolymus, Composées) :
– l’essence de verveine (Verbena, Verbénacées).
22-015-A-10
– la réglisse (Glycyrrhyza glabra, Papilionacées) ;
– le genêt d’Espagne (Spartium junceum, Papilionacées) : – l’arbre de Judée (Cercis siliquastrum, Papilionacées) : – le damiana (Turnera aphrodisiaca, Turneracées), bien connu des phytothérapeutes sexologues qui l’utilise pour son action vasodilatatrice : – la myrrhe (Commiphora myrrha, Burseracées). Cette famille agit sur le métabolisme des lipides ; contrairement aux statines et aux fibrates, la myrrhe agit au niveau de l’élimination du cholestérol par les acides biliaires. [10] La thrombose peut aussi se faire dans un contexte de vascularite par complexes immuns. La production d’anticorps peut se voir dans des imprégnations hormonales [4] ou à partir de production d’autoantigènes. [2] Quelques plantes modèrent l’activité anticorps : – la menthe des champs (Mentha arvensis, Labiées) ; on remarquera que toutes les menthes n’ont pas le même potentiel ; – le cerisier (Cerasus vulgaris, Rosacées) ; – l’orme (Ulmus campestris, Ulmacées) ;
Conclusion Les méthodes bio-informatiques pour le choix d’une phytothérapie systémique sont bien adaptées à la pathologie buccodentaire. Les patients jeunes atteints de maladie parodontale et ceux atteints d’aphtose, d’herpès ou de divers lichens sont le plus souvent asymptomatiques sur le plan général. La bio-informatique remplace alors l’absence de signes cliniques généraux par la recherche d’une sémiologie protéique. C’est la sémiologie protéique qui appelle une phytothérapie adaptée à chaque patient.
Remerciements. – Pour leur aide documentaire, à : Dominique Baudoux (Ghislenghien, Belgique), spécialiste en aromathérapie, et Gilles Peyron (Guillestre), pharmaciens, ainsi qu’à Jean-Louis Disdier (Blanzy), Régis Lhermite (Avignon) et Louis-Henry Limouza (Lyon), odontologistes.
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9
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-012-A-05
22-012-A-05
Sialomodulateurs D Muster
Résumé. – À la fois la xérostomie et la sialorrhée peuvent poser des problèmes de prescription au praticien. Un certain nombre de médicaments sont utilisés comme sialagogues pour maintenir les bénéfices de l’effet protecteur de la salive, sous forme de spécialités ou de formules magistrales (dihydroergotamine, ésérine oxyde, anétholtrithione, pilocarpine, jaborandi). D’autres substances de natures diverses peuvent aussi apporter une aide (flavonoïdes, leucocianidol, extraits de Zea mays, agents mucolytiques...). Les substituts salivaires peuvent être utilisés quand il n’est plus posible de stimuler la fonction. Pour la sialorrhée, certains médicaments parasympatholytiques ou antiémétiques peuvent être utilisés, mais il faut être vigilant quant à leurs effets secondaires. Des conseils hygiénodiététiques ont aussi leur importance. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : sialomodulateurs, xérostomie, sialorrhée, sialagogues, substituts salivaires, antisialorrhéiques.
Définition et généralités Dans cet article, nous passons en revue essentiellement les traitements par voie générale. Il existe également des traitements par voie locale, comme les gels humectants et les salives artificielles administrées en pulvérisation ou par des prothèses réservoirs (cf article « Topiques », 22-012-A-50 de l’Encyclopédie MédicoChirugicale) qui peuvent être instaurés isolément ou en association. La sécrétion salivaire est influencée par un grand nombre d’états physiologiques et pathologiques. Les perturbations à ce niveau sont généralement mal ressenties par le patient, et des traitements symptomatiques immédiats sont souvent demandés après une première appréciation clinique, en attendant des bilans plus complets. Parmi les sialomodulateurs, les sialagogues et les fluidifiants des sécrétions servent à lutter contre la sensation de bouche sèche et les difficultés qui en résultent pour la mastication ou la déglutition des aliments (tableau I).D’autres médicaments, au contraire, permettent de réduire l’hypersalivation gênante (sialorrhée).
Sialagogues Rappelons parmi les causes principales des hyposialies et xérostomies : la prise au long cours des psychotropes ou des anticholinergiques, la radiothérapie des cancers des voies aérodigestives supérieures et le syndrome de Gougerot-Sjögren. Les autres causes, déshydratation, maladies infectieuses et avitaminoses, ne donnent que des troubles transitoires. Le traitement est différent selon que le parenchyme fonctionnel est présent ou absent. L’appréciation de la persistance d’un parenchyme fonctionnel est donnée par l’examen clinique, les tests salivaires, la
Dominique Muster : Stomatologiste, attaché consultant des hôpitaux universitaires, pharmacien, docteur d’E´tat ès sciences physiques, professeur associé, stomatologie et chirurgie maxillofaciale, CHRU, BP 426, 67091, Strasbourg cedex, France.
sialographie, la scintigraphie, l’examen cytologique de la salive, voire les biopsies [1, 4, 5, 9, 12, 18, 21, 22, 23]. LISTE ALPHABÉTIQUE DES SPÉCIALITÉS
Elles sont prescrites en général pendant 3 à 6 mois. – Dihydroergotaminet . Elle est prescrite sous forme de comprimé (un comprimé trois fois par jour) ou de solution (30 gouttes trois fois par jour), juste avant les repas. Effets indésirables : risque d’accidents ischémiques, interaction avec la troléandomycine, l’érythromycine et la josamycine. Génésérine 3t (ésérine oxyde salicylate). Elle est prescrite sous forme de granules (deux granules trois fois par jour) ou de solution (30 gouttes trois fois par jour), une demi-heure avant les repas. Le surdosage entraîne le myosis, la bradycardie, l’hypersalivation et justifie l’administration d’atropine. – Ikarant (dihydroergotamine). La solution buvable à 2 mg/mL est prescrite à raison de 30 gouttes trois fois par jour, au milieu des repas, dans un verre d’eau. – Séglort gélule 5 mg ou Séglort Gé solution buvable (dihydroergotamine). On en donne une gélule matin et soir au milieu des repas ou 30 gouttes de solution buvable trois fois par jour dans un demi-verre d’eau au moment des repas. – Salagent (pilocarpine), prochainement commercialisé. Les indications sont limitées aux hyposialies et xérostomies postradiothérapiques chez l’adulte [19]. – Sulfarlem S 25t (anétholtrithione). Il est prescrit à raison d’un comprimé trois fois par jour au moment des repas par cures de 3 semaines par mois. Contre-indication : cirrhose et obstruction des voies biliaires. Effets indésirables : ramollissement des selles, coloration foncée des urines. – Tamikt (dihydroergotamine) : une capsule trois fois par jour au milieu du repas avec un verre d’eau.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D. Sialomodulateurs. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-012-A-05, 2001, 4 p.
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EMC [257]
Sialomodulateurs
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Tableau I. – Quelques sialomodulateurs. Spécialités ou préparations
Principes actifs
Exemple de posologie adulte
SIALAGOGUES (et substances diverses pouvant favoriser la secrétion salivaire)
Stomatologie/Odontologie
carie ou par l’atteinte du parodonte. Il est donc essentiel, en même temps que le traitement médicamenteux, de conserver aux patients une bonne hygiène buccodentaire avec usage d’hydropulseur, gel de fluor et nettoyage des prothèses. Dans les cas d’usage de médicaments psychotropes, une diminution des doses par le médecin est également à envisager. Pour améliorer leur confort quotidien, il faut proposer systématiquement aux patients des recommandations basées sur la physiologie de la salivation et le rôle de la salive [3, 25] :
Dihydroergotamine-Sandozt
dihydroergotamine mésilate
1 cp ou 30 gouttes 3 × /j (solution buvable)
Génésérine 3t
ésérine oxyde
2 granules 3 × /j ou 20 gouttes 3 × /j
Salagent
chlorhydrate de pilocarpine
1 cp 3 × /j
– boire pour augmenter les apports hydriques (1,5 L/j), dès le réveil et répartir dans la journée ;
Sulfarlem S 25t
anétholtrithione
3 cp 3 × /j
– boire des eaux plutôt pétillantes (gazeuses) ;
Chlorhydrate de pilocarpine
1 cp (5 mg) 3 × /j ou 30 gouttes 3 × /j
– sucer et consommer du citron et des agrumes ;
Teinture mère de jaborandi (au 1/5)
30 gouttes 3 × /j
– sucer des noyaux de fruits (pruneaux d’Agen par exemple) ; – boire pendant les repas pour humecter le bol alimentaire ;
ANTISIALORRHÉIQUES Primpérant
métoclopramide
1 cp 3 × /j ou 1 cuillère à café 3 × /j (solution buvable)
Pro-Banthinet
bromure de propanthéline
1 cp 4 × /j
Génatropinet
atropine N-oxyde
1 cp 3 × /j ou 10 gouttes (solution buvable)
Teinture alcoolique de belladone (au 1/10)
– stimuler la salivation par du chewing-gum, des bonbons acidulés ;
30 gouttes 3 × /j FLUIDIFIANTS (et associations)
Extranaset
bromélaïnes
2 comprimés 3 × /j
Glossithiaset
acide ténoïque, lysozyme
1 comprimé 6 × /j
– ne pas hésiter à adjoindre des corps gras (beurre, huiles...) aux aliments ; – éviter les bains de bouche alcoolisés ou agressifs ; – protéger les dents de la carie par l’utilisation du fluor (dentifrices, gels, bains de bouche).
Substances diverses pouvant contribuer à favoriser la sécrétion salivaire Les prescriptions se font en général pour des durées allant de 3 semaines à 3 mois.
Lyso-6t
lysozyme, pyridoxine
1 comprimé 6 × /j
Lysopaïne ORLt
lysozyme, papayer, bacitracine
1 comprimé 6 × /j
– Daflont (flavonoïdes, extraits de rutacées) : deux comprimés matin, midi et soir (au moment des repas).
Maxilaset 3000
alpha-amylase
1 comprimé 3 × /j
Ribatrant
trypsine, ribonucléase pancréatique, chymotrypsinogène
1 comprimé 3 × /j
– Flavant (leucocianidol) : deux comprimés trois fois par jour pendant 3 semaines.
soufre, rétinol, levure, L-cystine
1 gélule 3 × /j
Solacyt
cp : comprimé. Remarque : Dihydroergotamine à ne pas assococier aux macrolides (érythromycine, josamycine). Probanthine et génatropine contre-indiquées chez prostatiques, cardiaques, glaucomateux. Primpérant à ne pas associer au lévodopa.
PRÉPARATIONS MAGISTRALES (À RÉALISER PAR LE PHARMACIEN)
– Jaborandi (feuilles, Rutacées) : sous forme de teinture au 1/5e (55 gouttes = 1 g), la posologie habituelle est de 30 gouttes trois fois par jour, une demi-heure avant chaque repas. – Pilocarpine [6, 7, 10, 11, 14, 26] : c’est l’alcaloïde principal du jaborandi. En tant que sialagogue, il est préférable aux préparations de jaborandi dont la teneur en alcaloïdes est assez variable. Ce parasympathicomimétique a démontré son efficacité dans une étude randomisée (5 mg augmentent significativement en 30 minutes les secrétions parotidiennes, sous-maxillaires et sublinguales, avec retour à la normale en 3 heures), mais il n’est pas disponible sous forme de spécialité autre qu’en collyre, en France. Il faut donc le faire préparer en mentionnant : chlorhydrate de pilocarpine (gouttes ou cachets), 5 mg, quatre fois par jour. Il est préférable de commencer à demi-dose pour vérifier la tolérance. En général, il n’y a pas d’effet significatif sur la tension artérielle ou le rythme cardiaque. Une hypersudation peut être observée, avec parfois hypotension et nausées. L’hyposialie ou l’asialie est une véritable infirmité qui conduit, en cas de persistance, à des manifestations infectieuses (bactériennes et fongiques) de la muqueuse buccale, des canaux et du parenchyme des glandes salivaires. La denture est également condamnée par la 2
– Insadolt (insaponifiable de Zea mays L) : deux comprimés trois fois par jour pendant 3 semaines à 3 mois, ou une cuillère à café de solution buvable, au début des repas. – Resivitt (leucocianidol) : deux ampoules matin, midi et soir pendant 3 semaines Le Sulfarlem S 25t stimule directement l’excrétion et la secrétion salivaires. Le Daflont diminue l’inflammation buccale et la dihydroergotamine favorise la vascularisation des glandes salivaires [17].
Fluidifiants et associations diverses à visée anti-inflammatoire Un certain nombre de spécialités appartenant à des familles diverses peuvent rendre des services pour certains patients. Les mucomodificateurs appartiennent à de nombreuses familles physicochimiques correspondant principalement à des dérivés de la cystéine, à des dérivés organiques tels que les terpènes, phénols et autre pipérazine, à des dérivés d’origine végétale, et enfin à des enzymes protéolytiques. La carbocystéine est le représentant le plus utilisé des mucorégulateurs. Elle agit en modifiant le métabolisme cellulaire des cellules bronchiques et n’est active que in vivo, alors que les mucolytiques vrais sont actifs in vitro et in vivo (agents réducteurs à groupe thiol libre, enzymes protéolytiques et substances naturelles comme l’essence de térébenthine). S’il convient d’être prudent chez un patient aux antécédents d’ulcère, il n’en est pas de même lorsque l’ulcère est l’objet d’un traitement spécifique [16].
Stomatologie/Odontologie
Sialomodulateurs
22-012-A-05
Des compléments d’information sont donnés dans le chapitre consacré aux anti-inflammatoires.
– du neurologue parce qu’il faut toujours, devant une véritable sialorrhée, suspecter une tumeur cérébrale (les centres de la sécrétion salivaire sont dans le plancher du IVe ventricule) ;
LISTE ALPHABÉTIQUE DES SPÉCIALITÉS
– du gastroentérologue parce que toute lésion digestive peut, par réflexe, provoquer une sialorrhée.
– Alphachymotrypsine Choayt (chymotrypsine) : deux comprimés trois fois par jour. Enzyme à visée antiœdémateuse. – Alphinternt (chymotrypsine, trypsine) : un comprimé trois fois par jour. Enzyme à visée antiœdémateuse. – Bisolvont (bromhexine) : un ou deux comprimés trois fois par jour ou une cuillère à café de solution per os trois fois par jour. Mucomodificateur mucolytique. – Exomuct (acétylcystéine) : un sachet trois fois par jour (contreindiqué en cas d’ulcère gastrique). Mucomodificateur mucolytique. – Extranaset (bromélaïnes) : deux comprimés trois fois par jour. Enzyme antiœdémateuse. – Glossithiaset (acide ténoïque, lysozyme) : un comprimé six fois par jour à laisser fondre sous la langue ou au contact de la muqueuse buccale affectée, pendant 10 jours. – Imudont (mélange de lysats bactériens) : 6-8 comprimés par jour pendant 10-20 jours. À visée immunostimulante. – Lyso-6t (lysozyme, pyridoxine) : un comprimé six fois par jour à laisser fondre sous la langue; pendant 10 jours. – Lysopaïne ORLt (lysozyme, suc de papayer, bacitracine) : un comprimé six fois par jour à laisser fondre sous la langue, pendant 10 jours. – Maxilaset 3000 (alpha-amylase) : un comprimé trois fois par jour. Enzyme à visée anti-inflammatoire. – Maxilaset 200 U/mL (alpha-amylase) : une cuillère à soupe trois fois par jour. Enzyme à visée anti-inflammatoire. – Muciclart Gé sirop adulte (carbocistéine) : une cuillère à soupe trois fois par jour. Mucomodificateur mucolytique. – Mucothiolt (diacétylcystéine) : un comprimé trois fois par jour. Mucolytique. – Ribatrant (trypsine, ribonucléase pancréatique, chymotrypsinogène) : un comprimé trois fois par jour. Enzyme à visée antiœdémateuse. – Solacyt (L-cystine, soufre, rétinol, levure) : une gelule trois fois par jour pendant 15 jours. À visée trophique, anti-inflammatoire et immunostimulante.
Antisialorrhéiques Les hypersialorrhées [2, 8, 13] sont souvent transitoires car elles relèvent d’une irritation réflexe périphérique (éruption dentaire, péricoronarite, stomatite, angine, affection gastro-œsophagienne) ou plus rarement centrale (maladie de Parkinson, encéphalite, épilepsie, tumeur cérébrale). Elles peuvent également provenir d’une cause générale (diabète, hyperthyroïdie) ou d’une intoxication (iode, plomb, mercure). La sialorrhée est une éventualité rare, mais embarrassante. Lorsqu’elle ne résulte pas de lésions inflammatoires ou tumorales de la cavité buccale, elle relève alors du psychiatre, du neurologue ou du gastroentérologue : – du psychiatre parce que beaucoup de soi-disants sialorrhéiques ne sont que des dysphagiques fonctionnels et que le ptyalisme gravidique peut être considéré comme une manifestation de névrose gravidique ;
En attendant une thérapeutique étiologique, un traitement symptomatique peut être proposé. Cette thérapeutique doit être de courte durée. Les agents utilisés pour diminuer la sécrétion salivaire sont des anticholinergiques qui bloquent les mêmes récepteurs que ceux activés par les substances cholinergiques (sialagogues). Leur utilisation dans cette application est hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Les contre-indications des anticholinergiques sont bien sûr à prendre en compte : glaucome à angle fermé, rétention urinaire liée à des affections de la prostate. Parfois, on peut faire appel à des neuroleptiques (par exemple : Tranxènet, Haldolt...) ou à des thymoanaleptiques (par exemple : Laroxylt, Anafranilt...), de préférence en concertation avec un psychiatre.
LISTE ALPHABÉTIQUE DES SPÉCIALITÉS
– Débridatt (trimébutine) : un comprimé trois fois par jour avant les repas (ou une cuillère à café trois fois par jour de solution buvable). – Génatropinet (atropine N-oxyde) : comprimés à 0,5 mg ou solution buvable à 0,15 % prescrits à raison de un à deux comprimés ou 10 à 20 gouttes deux à trois fois par jour au moment des repas. – Primpérant 10 mg ou Primpérant 0,1 % (métoclopramide) : un comprimé trois fois par jour avant les repas (ou une cuillère à café trois fois par jour de solution buvable). Lors de l’hypersialie en soins palliatifs, on peut prescrire, pour éviter l’encombrement des voies aériennes supérieures par excès de sécrétions salivaires, Scopolamine Coopert (ampoule solution injectable 0,5 mg/2 mL), à raison d’une demi- à deux ampoules toutes les 4 heures en injection sous-cutanée. Ce parasympatholytique de type atropinique diminue la mobilité intestinale et exerce un effet tachycardisant moindre que l’atropine. Au niveau du système nerveux central, l’effet sédatif est prédominant, contrairement à l’atropine. L’application d’un patch Scopoderm TTSt (commercialisé pour la prévention du mal des transports) dans la région mastoïdienne a donné également des résultats intéressants (cf article « Topiques », 22-012-A-50 de l’Encyclopédie Médico-Chirugicale), avec une efficacité de 72 heures et des effets indésirables négligeables [24].
PRÉPARATIONS MAGISTRALES (À RÉALISER PAR LE PHARMACIEN)
– Sulfate d’atropine : 0,2-0,4 mg. On peut prescrire sulfate d’atropine 0,02 g et eau distillée 20 g, à raison de cinq gouttes par jour entre les repas [2]. – Teinture de belladone. La belladone est extraite des feuilles de solanacées (Atropa belladona) qui contiennent plusieurs alcaloïdes (hyoscyamine, scopolamine et atropine). Elle se prescrit en général sous forme de teinture de belladone : 30 à 50 gouttes par 24 heures en moyenne chez l’adulte. La tolérance est très variable selon les patients. Il ne faut pas augmenter les doses dès qu’il y a trouble de l’accommodation visuelle et sécheresse de la bouche. 3
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Sialomodulateurs
Stomatologie/Odontologie
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-012-B-10
22-012-B-10
Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux D Muster
Résumé. – Les principales familles d’antibiotiques intéressant l’odontostomatologiste sont les bêtalactamines, les macrolides, les cyclines, les nitro-imidazolés. Les bêtalactamines restent la famille antibiotique la plus utilisée, la plus efficace et la moins coûteuse. Les doses et les modes d’administration dépendent de la gravité de l’infection. L’association au métronidazole permet de lutter contre la flore anaérobie. En cas d’allergie à la pénicilline, on peut faire appel aux macrolides et aux synergistines. Il ne faut jamais prescrire des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans les infections orofaciales en première intention. Le traitement médical des infections orofaciales n’exclut pas le traitement chirurgical, qui reste essentiel, ainsi que celui de la cause dentaire. L’antibioprophylaxie, préventive, doit être de courte durée (24 heures, jamais plus de 48 heures) et prescrite chez des patients à risque (valvulopathies, immunodéprimés). En odontostomatologie, les antifongiques par voie générale sont surtout utilisés chez les patients fragilisés, notamment chez les immunodéprimés. On fait appel essentiellement à des antifongiques imidazolés ou à des bistriazolés. L’aciclovir peut être utilisé par voie générale dans les 48 heures suivant l’apparition des manifestations buccofaciales du virus herpétique. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : antibiotiques, antifongiques, antiviraux, bêtalactamines, macrolides, synergistines, cyclines, métronidazole, antibiothérapie, antibioprophylaxie, miconazole, kétoconazole, fluconazole, itraconazole, aciclovir, idoxuridine, infections orofaciales, candidoses, herpès, stomatites, cellulites, parodontites.
Introduction Que ce soit au niveau de l’organe dentaire ou des muqueuses et semi-muqueuses de la sphère orofaciale, le risque infectieux demeure une préoccupation essentielle en odontostomatologie. Le traitement et la prévention des infections bactériennes, mycosiques ou virales, font appel à des médicaments administrés par voie locale et/ou par voie générale, dont le choix est fonction de l’étiologie et du terrain. Dans cet article, sont évoqués les antibiotiques, les antifongiques et les antiviraux administrés par voie générale. Pour la voie locale, on se référera au chapitre sur les topiques. Au sein de l’environnement général de la cavité buccale, il existe un certain nombre de microenvironnements avec leur microflore particulière (tableau I). Les variations qualitatives et quantitatives existant au niveau des différents sites (langue, salive, plaque dentaire) sont dues aux interactions complexes de nombreux facteurs écologiques (anatomiques, salivaires, microbiens, hygiénodiététiques...) que la thérapeutique doit prendre en compte, tout en évitant de perturber durablement leur subtil équilibre afin de gérer au mieux le rapport bénéfices/risques et désormais aussi le coût.
Dominique Muster : Professeur associé, stomatologiste attaché consultant, pharmacien, docteur ès sciences physique, service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France.
Antibiotiques MODALITÉS GÉNÉRALES D’UTILISATION [3, 11, 12, 13, 15, 18, 19, 20, 23, 29, 31, 42]
La thérapeutique de toute pathologie infectieuse oscille en permanence entre l’intérêt d’instituer un traitement efficace et le risque de sélectionner, ce faisant, des bactéries résistantes qui sont responsables d’infections ultérieures. En fait, les antibiotiques ne « guérissent » pas l’infection, mais aident plutôt l’organisme à se débarrasser des agents microbiens infectants. Il est important, une fois prise la décision d’utiliser un antibiotique, de prescrire une dose suffisamment importante et une durée de traitement suffisamment longue pour empêcher le développement de souches résistantes. La compliance du patient est bien sûr aussi capitale : il doit se conformer strictement à la dose, à la fréquence et à la durée du traitement. Les signes de l’infection peuvent être clairs (fièvre, douleurs locales) ; ils peuvent être discrets et limités à une fièvre modérée, voire à une asthénie. C’est le cas en particulier de certaines infections focales (par exemple, foyer infectieux dentaire ou otorhinolaryngologique). Le traitement d’un syndrome infectieux avant un examen médical soigneux risque de dissimuler la cause de la maladie. Il faut éviter les syndromes dits « décapités » par un traitement suffisant pour faire disparaître les signes cliniques de localisation, mais insuffisant pour empêcher le développement de l’infection. Outre l’apparition de souches bactériennes résistantes, il
Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D. Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-012-B-10, 2001, 9 p.
150 529
EMC [257]
Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux
22-012-B-10
Tableau I. – Proportions relatives des micro-organismes oraux à l’état normal (d’après [26]). Microorganisme
Langue
Salive
Plaque proximale
Plaque sous-gingivale
Streptococcus mutans
0
2
2
0
Streptococcus sanguis
2
2
3
2
Streptococcus oralis
3
3
3
2
Streptococcus salivarius
3
3
1
1
Actinomyces spp.
0
2
4
3
Lactobacillus spp.
0
1
1
0
Veillonella spp.
3
0
2
2
Bacteroides spp.
0
1
1
2
Fusobacterium spp.
1
1
1
2
Spirochaètes
0
0
0
1
Candida spp.
3
1
0
0
0 : non retrouvé habituellement ; 1 : présent occasionnellement en petit nombre ; 3 : habituellement présent en nombre modéré ; 4 : habituellement présent en nombre élevé.
faut tenir compte également de la possibilité de complications allergiques ou d’incompatibilité avec d’autres médicaments. Les traitements antibiotiques sont inefficaces dans la plupart des affections virales et ne doivent pas être employés, hormis dans quelques cas particuliers. L’antibiothérapie s’appuie sur le spectre thérapeutique des antibiotiques. Il est donc impératif d’établir au préalable un diagnostic de certitude ou de forte présomption d’infection bactérienne. Les très nombreux travaux de pharmacologie et d’infectiologie réalisés ces 50 dernières années ont abouti à la mise à disposition des praticiens d’une grande variété d’antibiotiques. Les principales familles (molécules et spécialités commercialisées en France) sont résumées dans l’article de Lavalle et al [24, 25]. En pathologie buccodentaire, le choix de l’antibiotique se fait en fonction : – du type des lésions ; – des germes le plus souvent concernés ; – du terrain sur lequel survient l’infection ; – des caractéristiques pharmacologiques de l’antibiotique : spectre d’action, diffusion tissulaire, disponibilité et tolérance. L’antibiothérapie est réservée aux infections bactériennes ou présumées bactériennes. Elle n’a pas à être prescrite dans l’aphtose, les infections virales (herpès) et les infections mycosiques. Un prélèvement bactériologique est utile pour rechercher un streptocoque hémolytique et nécessaire dans les infections graves récidivantes ou chroniques telles que les ostéites. Un prélèvement histologique s’impose pour le diagnostic d’une actinomycose. Dans notre spécialité, on prescrit en première intention des pénicillines A, des macrolides, des synergistines, ainsi que des nitroimidazolés en association. Les lincosanides et l’association amoxicilline-acide clavulanique ne sont prescrits qu’en deuxième intention. Dans les pathologies sévères à flore aérobie et anaérobie, en l’absence d’allergie aux bêtalactamines, il est recommandé d’utiliser l’association pénicilline-nitro-imidazolés. Les cyclines doivent être réservées aux parodontopathies (parodontite juvénile). Les céphalosporines ou les fluoroquinolones n’ont que des indications exceptionnelles dans notre spécialité. Il est souhaitable pour le praticien de bien connaître les interactions médicamenteuses et, pour de nouvelles molécules, de consulter le Vidalt. En cas d’infection, les anti-inflammatoires ne doivent pas être prescrits de façon isolée en première intention ; il faut attendre que l’infection soit maîtrisée. La douleur doit être traitée préférentiellement par des antalgiques. 2
Stomatologie/Odontologie
L’antibioprophylaxie dans notre spécialité, chez les sujets à risques, doit être commencée 1 heure avant les gestes à risque. Sa durée varie selon les cas, allant de 48 heures en cas de valvulopathie à plusieurs semaines sur terrain irradié (prévention de l’ostéoradionécrose). En revanche, certains états physiologiques ou pathologiques peuvent conduire à moduler le choix ou à le restreindre : – chez l’enfant, les risques de coloration dentaire et d’hypoplasie de l’émail contre-indiquent l’utilisation de cyclines ; – chez la femme, la grossesse et l’allaitement contre-indiquent la tétracycline et le métronidazole ; – chez la personne âgée, il faut prendre en compte les prescriptions médicamenteuses en cours, souvent nombreuses, et réduire les posologies (élimination plus lente) ; – insuffisance hépatique : contre-indication à l’ampicilline, à l’érythromycine et aux tétracyclines ; – ulcère gastroduodénal : les antiacides (hydroxyde d’alumine) peuvent limiter ou retarder l’efficacité des tétracyclines et de l’érythromycine ; – insuffisance rénale : adapter la posologie à la fonction rénale ; – troubles du comportement et affections neurologiques graves : éviter la prise de métronidazole ; – tout antécédent allergique à un antibiotique contre-indique formellement sa prescription ainsi que ceux de la même famille. Devant un terrain allergique sévère : éviter les pénicillines. Enfin, de nombreuses associations médicamenteuses doivent être évitées (parmi les quatre familles les plus prescrites : pénicillines, macrolides, cyclines et imidazolés) : – l’allopurinol (antiuricémique) accroît les risques de manifestations cutanées des pénicillines ; – les dérivés de l’ergot de seigle (dihydroergotamine, Gynergènet Caféiné) contre-indiquent la prise de certains macrolides ; – les antivitamines K (anticoagulants) risquent d’être potentialisés par la prise de pénicillines, de tétracyclines et de métronidazole ; – l’insuline peut être potentialisée par des cyclines (risque d’hypoglycémie) ; – la théophylline (bronchodilatateur chez l’asthmatique) contreindique la prise d’érythromycine ; – la carbamazépine (Tégrétolt) chez l’épileptique ou lors de névralgie du trijumeau contre-indique la prise de certains macrolides ; – la disopyramide (Rythmodant, Isorythmt), antiarythmique cardiaque, contre-indique la prise de certains macrolides ; – le disulfirame (Espéralt), utilisé pour le sevrage alcoolique, contreindique la prise de métronidazole ; – les rétinoïdes (antiacnéiques, kératolytiques) contre-indiquent la prise de tétracyclines ; – les contraceptifs oraux ont leur efficacité diminuée lors de la prise d’ampicilline, d’amoxicilline, de tétracycline ou de métronidazole. L’exposition au soleil sous cyclines majore le risque de photosensibilisation. Les effets de l’alcool sont majorés par le métronidazole. Un interrogatoire médical permet de suspecter un terrain allergique et/ou un terrain particulier. Il doit comporter les questions suivantes. – Avez-vous déjà eu des réactions allergiques lors de la prise de médicaments ? Lesquelles ? – Avez-vous des crises d’asthme, d’eczéma ? – Prenez-vous des médicaments actuellement ? Lesquels ? – Suivez-vous un régime particulier ? – Envisagez-vous de vous exposer au soleil prochainement ?
Stomatologie/Odontologie
Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux
Tableau II. – Choix des antibiotiques proposés par le groupe de travail de l’ANDEM (1996) [37]. Famille d’antibiotique
Retenu en première intention
Spectre
Diffusion os/salive
Toxicité
++
+/
+
Pénicilline A
++
++/
+
Pénicilline A + acide clavulanique
+++
++/
++
non (deuxième intention : oui)
+
++/
++
non
Pénicilline V et G (voie injectable)
Cyclines Macrolides
++
++/+++
+
Lincosamides
+++
++/
++
Synergistines
+++
++/
+
Vancomycine Teicoplanine
++
+/
+++
+
++/
+
Nitro-imidazolés
oui
oui
oui non (deuxième intention : oui) (toxicité) oui réservé pour antibioprophylaxie EI* oui (plutôt en association)
* EI : endocardite infectieuse (antibiotique réservé à l’usage hospitalier).
– Êtes-vous enceinte ? – Êtes-vous sous contraceptifs oraux ? – Combien pesez-vous ? – Pourrez-vous avaler des comprimés, des gélules ? Le bénéfice thérapeutique doit être obtenu en 24 à 48 heures. En cas d’échec d’un antibiotique au bout de 48 heures, il faut s’interroger sur l’indication, sur la compliance, sur les doses et éventuellement changer de classe d’antibiotique ou passer à l’antibiotique de deuxième intention. Le traitement doit être poursuivi 3 jours après la disparition des signes cliniques, puis arrêté brutalement. En cas d’apparition d’effets indésirables ou inattendus après l’utilisation d’antibiotiques, il faut prévenir son centre de pharmacovigilance. Des questions sont souvent posées quant à la tolérance des antibiotiques : les antibiotiques « fatiguent ». Il s’agit là d’une erreur évidente sur la cause de la fatigue. Toute maladie infectieuse entraîne une asthénie (fatigue), en rapport notamment avec les décharges septiques, et celle-ci est donc liée, non pas au traitement, mais à la maladie pour laquelle celui-ci est prescrit. Des troubles digestifs sont également imputés à une médiocre tolérance digestive et entraînent l’utilisation d’une série de produits destinés à réensemencer la flore intestinale (par exemple, Ultralevuret, 1 gélule 3 fois par jour chez l’adulte, 2 fois chez l’enfant). Ces produits sont habituellement inutiles. Si le malade souhaite apporter quand même à son tube digestif des éléments de stabilité, il est simple d’absorber chaque jour deux ou trois yaourts. De nombreux antibiotiques peuvent être pris indifféremment à jeûn, pendant ou après les repas. Toutefois, certains patients ont besoin d’être rassurés par des directives précises pour prendre leur antibiotique et le praticien peut alors à son gré indiquer sur l’ordonnance une conduite à tenir. PRINCIPALES FAMILLES D’ANTIBIOTIQUES [11, 12, 23, 30, 31, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39]
Le tableau II indique le choix des antibiotiques en odontologie et stomatologie proposé par le groupe de travail de l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale (ANDEM). Le tableau III résume la posologie, le rythme d’administration, les modalités de prises, les principaux effets indésirables, interactions médicamenteuses et contre-indications.
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¶ Bêtalactamines L’action bactéricide des pénicillines du groupe A, inhibant la formation de la paroi bactérienne, est particulièrement bien ciblée sur les germes habituellement rencontrés dans les infections en odontostomatologie. Les différentes molécules de ce groupe (ampicilline [ProAmpit, Totapent...], amoxicilline [Clamoxylt, Hiconcilt...], bacampicilline [Penglobet]), ayant une activité antibactérienne similaire, sont choisies en fonction de leurs propriétés pharmacocinétiques et de leur tolérance. L’ampicilline présente, par rapport à la pénicilline G, un spectre élargi vers les bacilles à Gram négatifs. Les taux sériques obtenus par l’amoxicilline (7 à 10 mg/L en 2 heures à 500 mg) sont supérieurs à ceux de l’ampicilline (3 à 4 mg/L en 2 heures à 500 mg). La bacampicilline, avec un spectre identique à celui de l’ampicilline et de l’amoxicilline, possède une meilleure absorption intestinale, d’où son pic sérique plus élevé et plus précoce (7,8 mg/L en 45 à 60 minutes à 400 mg ; 9 mg/L en 45 à 60 minutes à 600 mg) et une concentration dans la gencive et l’os trois fois plus élevée que celle de l’amoxicilline. Cette absorption massive et rapide permet de limiter les effets intestinaux indésirables. Les allergies, qui font la mauvaise réputation des pénicillines, ne sont en fait que peu fréquentes et le plus souvent à type de simple exanthème. L’allergie vraie est donc relativement rare. Quant aux phénomènes allergiques spectaculaires, comme l’œdème de Quincke qui est très rare, ils peuvent se manifester avec tous les antibiotiques. En cas de réaction cutanée, s’il s’agit d’un simple rash peu ou pas prurigineux, on peut être amené à discuter l’arrêt du traitement en fonction de son intérêt thérapeutique. L’évolution spontanée se fait cependant vers la guérison et ne contre-indique pas l’utilisation ultérieure des bêtalactamines. Seule une urticaire précoce, très prurigineuse, impose l’arrêt impératif du traitement et l’arrêt de toute prescription ultérieure de bêtalactamines. L’efficacité des pénicillines, leur bonne tolérance, l’absence d’effets secondaires, mis à part les phénomènes d’allergie (qu’un interrogatoire préalable permet de suspecter), l’absence pratiquement d’interactions médicamenteuses, expliquent qu’elles sont prescrites en première intention dans la plupart des infections de nos spécialités. Quant à la prescription de l’association acide clavulanique-amoxicilline Augmentint, elle doit être réservée à des affections graves et ne doit être prescrite qu’en deuxième intention. En France, l’usage des génériques est encore peu répandu, mais compte tenu du contrôle des coûts sanitaires de plus en plus astreignant, on assistera sans doute, dans un proche avenir, à un large développement de la prescription de ces produits, comme cela est déjà le cas en Europe et surtout aux États-Unis. Dans cette catégorie, on trouve notamment l’Agramt 500, l’Amodext Gé 500 et l’Amodext Gé 1 g.
¶ Macrolides Ils se divisent en trois groupes : – les macrolides vrais : azithromycine (Zithromaxt), érythromycine (Éryt, Abboticinet), josamycine (Josacinet), spiramycine (Rovamycinet) ; – les lincosamides : clindamycine (Dalacinet), lincomycine (Lincocinet) ; – les synergistines : pristinamycine (Pyostacinet), quinupristine + dalfopristine (Synercidt) . Ils ont une action bactériostatique par inhibition de la synthèse protéique. Leur spectre, plus étroit que celui des pénicillines A, concerne les anaérobies à Gram positifs (Actinomyces) et à Gram négatifs (Prevotella). Leur absorption est rapide si la prise a lieu 1 heure avant les repas. Mais le pic sérique obtenu est faible : 2 à 3 mg/mL en 2 heures. Malgré une résorption variable et de nombreuses interactions médicamenteuses, les macrolides présentent une diffusion tissulaire importante, tant au niveau osseux que salivaire. L’usage des lincosamides ne se justifie guère dans la spécialité. 3
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Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux
Stomatologie/Odontologie
Tableau III. – Modalités de prescription de quelques antibiotiques, d’après [2], modifié. Molécule
Posologie
Rythme d’administration exemple de prescription
Prise des antibiotiques
2 prises/j
Bêtalactamines
- Bacampicilline : Penglobet (200, 400, 600)
A : 800 à 1200 mg/24 h E > 5 ans: 25 à 50 mg/kg/24 h
- Amoxicilline :
A : 2 g/24 h
Clamoxylt (250, 500, 1) Agramt, Amodext
E > 30 mois : 25 à 50 mg/kg/24 h
Effets indésirables
- Manifestations allergiques - Éruptions cutanées allergiques ou non - Manifestations digestives
Interactions médicamenteuses - Allopurinol
Contre-indications
- Allopurinol aux bêtalactamines Allergie aux bêtalactamines
Indifférent
Plus rarement : - Augmentation transitoire des transminases
1 cp 2 fois/j
- Mononucléose infectieuse
- Néphrite interstitielle aiguë - Anémie, leucopénie, thrombopénie réversibles
- Pivampicilline : ProAmpit (500) 2 ou 3 prises/j
Association
- Amoxicilline (1 g) + acide clavulanique (125 mg) :
A : 2 à 3 g/24 h + 250 à 375 mg/24 h E > 30 mois : 80 mg/kg/24 h
2 cp ou 1 sachet 2-3 fois/j 1 dose/kg 3 fois/j
- Manifestations digestives - Manifestations allergiques Au début des repas
- Allopurinol
- Allopurinol
- Incidence sur les paramètres biologiques
- Allergie aux bêtalactamines
- Éruptions cutanées allergiques ou non
Plus rarement : Augmentint (1 g/125 mg) Augmentint (100 mg/125 mg enfant et nourrisson)
- Mononucléose infectieuse - Leucémie lymphoïde - Antécédent d’atteinte hépatique liée au produit
- Hépatite - Néphrite interstitielle aiguë
- Anémie, leucopénie thrombopénie réversibles Macrolides
- Érythromycine : Éryt (125, 250, 500) Abboticinet
A : 1-3 g/24 h E > 5 ans : 30 à 50 mg/kg/24 h
2 à 3 prises/j
Avant les repas
- Manifestations digestives Manifestations allergiques cutanées - Élévation transitoire des transaminases
- Carbamazépine - Ciclosporine - Triazolam
- Bromocriptine
- Anti-H1
- Théophylline et aminophylline - Antihistaminique H1 (terfénadine et astémizole)
Propiocinet
- Josamycine : Josacinet (1 000, 500, 250) Spiramycine :
A : 1 à 2 g/24 h E : 30 à 50 mg/kg/24 h
2 prises/j
Avant les repas
A : 6 à 9 MUI
2 ou 3 prises/j
Indifférent
Rovamycinet (1,5 MUI, 3 MUI)
E > 20 kg : 1,5 MUI/ 10 kg/24 h
2 cp 3 fois/j, 2 prises/j
Azithromycine : Zithromaxt
2 cp 1 fois/j
Midécamycine :
2 prises/j
Mosilt 400
2 cp 2 fois/j
4
- Allergie à l’érythromycine - Ergot de seigle
- Warfarine
- Manifestations allergiques cutanées
- Ergot de seigle
- Manifestations allergiques
- Ergot de seigle
- Manifestations digestives, hépatiques, neurologiques
Au cours des repas
- Troubles digestifs - Manifestations cutanées allergiques
- Allergie à la josamycine - Ergot de seigle - Allergie à la spiramycine
- Allergie à l’érythromycine - Malabsorption - Ergot de seigle
- Ergot de seigle
- Allergie à la midécamycine - Ergot de seigle - Insuffisance hépatique
Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux
Stomatologie/Odontologie
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Tableau III (suite). – Modalités de prescription de quelques antibiotiques, d’après [2], modifié. Molécule
Rythme d’administration Exemple de prescription
Posologie
Roxithromycine Rulidt 150
A : 300 mg/24 h
2 prises/j
Rulidt 100
E : 5 à 8 mg/kg/24 h > 7 ans
1 cp 2 fois/j
Rulidt 50
2-7 ans
Clarithromycine : Zeclar 250, 125 Naxyt 250
A : 500 mg/24 h
Lincosamide Clindamycine : Dalacinet (300)
E : 15 mg/kg/24 h
A : 600 à 2 400 mg/24 h
Rodogylt (750 000 UI + 125) Birodogylt (1 500 000 UI + 250)
prises/j cp 2 fois/j dose poids 2 fois/j cp 2 fois/j
3 ou 4 prises/j 3-4 gélules/j
Avant les repas
Au cours des repas Indifférent
Indifférent
E : 8 à 25 mg/kg/24
2 ou 3 prises/j
Association
Spiramycine + métronidazole
2 1 1 1
Prise des antibiotiques
Au cours des repas
Effets indésirables
- Ergot de seigle
- Allergie aux macrolides
- Vertiges, céphalées, nausées
- Cisaprise
- Ergot de seigle
- Érythromycine - Incompatibilité physicochimique : ampicilline, phénytoïne, barbituriques, aminophylline, gluconate de calcium, sulfate de magnésium
- Allergie à la lincomycine ou à la clindamycine
- Réactions allergiques - Troubles digestif
- Anticoagulants oraux - Disulfirame - Vécuronium
- Hypersensibilité aux imidazolés et/ou à la spiramycine
500 à 750 mg/24 h E 6 à 10 ans : 1,5 MUI/24 h E 10 à 15 ans : 2,25 MUI/24 h A et E > 15 ans
1 cp 2 fois/j
Leucopénie modérée
E > 8 ans : 75 à 150 mg/10 kg/24 h
- Alcool - 5-fluorouracile
1 cp 3 fois/j 1 cp 2 à 3 fois/j
2 prises/j
Lysoclinet
- Ergot de seigle
- Troubles digestifs - Troubles hématologique - Réactions cutanées et allergiques - Hépatoxicité
- Modification du goût, glossite, stomatite
A : 600 mg/24 h
- Allergie aux macrolides
- Manifestations digestives cutanées allergiques - Candidoses, glossite, stomatites, dysgueusies
2 cp 2 à 3 fois/j
Métacycline + lysozyme
Contre-indications
- Manifestations digestives
A : 3 à 4,5 MUI/24 h
Association
Interactions médicamenteuses
1 gélule 2 fois/j
En dehors des repas avec suffisamment de liquide - Dyschromie dentaire - Sels de magnésium
- Réactions allergiques
- Sels de fer
- Rétinoïdes
- Photosensibilisation - Troubles hématologiques
- Sels de magnésium - Anticoagulants oraux
- Grossesse/allaitement - Enfant < 8 ans
- Dyschromie dentaire - Troubles digestifs - Hyperazotémie extrarénale
A : adultes ; E : enfants ; cp : comprimés ; MUI : millions d’unités internationales.
Il semble qu’il existe de plus en plus de résistance aux macrolides. En revanche, ils sont peu toxiques et bien tolérés, sauf pour l’érythromycine qui peut entraîner des problèmes gastro-intestinaux. L’azithromycine (Zithromaxt) est le premier représentant d’une nouvelle classe, les azalides, issus de la famille des macrolides. Les propriétés de l’azithromycine permettent la prescription d’une prise unique par jour de 500 mg pendant 3 jours. Cette prise unique doit être faite 2 heures avant ou 2 heures après les repas. Les précautions d’emploi sont réduites : pas de précautions particulières dans l’insuffisance hépatique ni chez les sujets âgés. L’association demeurant contre-indiquée est celle avec les dérivés de l’ergot de seigle et de l’ergotamine. Un autre macrolide récent, la dirithromycine (Dynabact), présente également des caractéristiques pharmacologiques autorisant la prise unique quotidienne du fait de sa très longue tenue et de sa capacité à se concentrer fortement et durablement, notamment dans les tissus oto-rhino-laryngologiques.
¶ Cyclines Après avoir été très utilisées dans la spécialité pour des pathologies infectieuses de moyenne importance, elles ne sont pratiquement plus
prescrites qu’en parodontologie (surtout dans les parodontites juvéniles localisées). Cette désaffection s’explique à la fois par leur spectre d’activité, la résistance de nombreuses souches bactériennes et leurs effets indésirables, notamment les dyschromies dentaires avec hypoplasie de l’émail (interdisant leur prescription chez la femme enceinte et chez l’enfant avant 8 ans) et les phénomènes de photosensibilisation cutanée (interdisant l’exposition aux ultraviolets pendant la durée du traitement). Enfin, certaines cyclines augmentent l’effet des anticoagulants, majorant donc le risque hémorragique.
¶ Nitro-imidazolés Les dérivés imidazolés sont bactéricides, actifs sur les souches anaérobies, sans induire de résistances, et ont peu d’action sur la flore oropharyngée commensale. Comme ils sont inactifs sur les germes aérobies, ils doivent, dans notre spécialité, être utilisés en association avec une autre famille d’antibiotiques. Le métrodinazole fait partie de la famille des nitro-5-imidazolés. Il est commercialisé sous le nom de Flagylt, et sous celui de Rodogylt et Birodogylt lorsqu’il est associé à la spiramycine. Il existe un autre nitro-5-imidazolé, l’ornidazole, commercialisé sous le nom de Tibéralt Roche 500 mg. 5
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Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux
L’expérience clinique a montré que l’association du métronidazole aux pénicillines a permis d’obtenir d’excellents résultats dans les infections cervicofaciales à point de départ dentaire. Cliniquement, l’association du métronidazole à la spiramycine s’est avérée très efficace sur les infections gingivales.
¶ Autres catégories d’antibiotiques Il n’y a pas lieu d’utiliser en pratique courante dans nos spécialités les céphalosporines, ni les fluoroquinolones ; leurs indications sont exceptionnelles. QUEL ANTIBIOTIQUE PRESCRIRE POUR QUELLE AFFECTION ? [9, 16, 27, 28, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 43]
L’antibiothérapie s’impose : – devant une péricoronarite sur dent permanente ; – devant une gingivite ulcéronécrotique ; – face à des parodontites à progression rapide, notamment chez le sujet jeune ; – face aux complications de ces différentes pathologies : cellulites, ostéites, adénites infectieuses, voire septicémie ou infection focale. Elle est indiquée chez le patient à risque infectieux d’ordre général dans les cas suivants : – pulpites aiguës et chroniques irréversibles ; – gingivites ; – abcès parodontaux. Une antibiothérapie n’est pas justifiée chez un sujet sain dans le traitement : – des caries ; – d’une pulpite aiguë ou chronique ; – d’une gingivite chronique ; – d’un abcès parodontal ; – d’une alvéolite sèche ; – d’un accident d’éruption de dents temporaires. Chez le sujet sain, elle peut être envisagée lors de : – complications infectieuses de pathologies apicales après nécrose pulpaire ; – traumatismes alvéolodentaires ; – certaines parodontites et péri-implantites précoces ou tardives. Une antibiothérapie seule ne suffit pas, mais peut accompagner un geste chirurgical (extraction, drainage...), notamment face à un abcès collecté qui ne permet pas la diffusion du médicament. Dans les complications de la pathologie pulpaire avec lésion périapicale (ostéite périapicale, granulome, kyste radiculodentaire), l’antibiothérapie a complètement transformé le pronostic dentaire. Les antibiotiques utilisés sont les bêtalactamines, avec en premier lieu l’amoxicilline (Agramt, Amodext Gé, Clamoxylt, Zamocillinet...), au rythme d’une dose toutes les 8 heures et associée éventuellement au métronidazole (Flagylt). En deuxième intention, on peut faire appel à l’association amoxicilline-acide clavulanique (Augmentint, Ciblort). En cas d’allergie à la pénicilline, les macrolides sont prescrits (en particulier les macrolides apparentés : les synergistines, Pyostacinet ou Staphylomycinet). Dans les maladies parodontales (parodontite à début précoce prépubertaire, juvénile, dans les parodontites à début rapide ou réfractaires), l’antibiothérapie est un élément indispensable du traitement. Les cyclines sont largement utilisées, principalement la doxycycline (Doxyt 100 Gé, Doxycycline–Ratiopharmt ou Doxycline Plantiert...), mais aussi l’association métronidazole-spiramycine (Rodogylt, Birodogylt), ou encore l’amoxicilline à la dose de 2 à 3 g et plus rarement, l’association amoxicilline-acide clavulanique. 6
Stomatologie/Odontologie
Les gingivites communes odontiasiques ou associées à des maladies générales ou à la prise de médicaments relèvent plutôt de l’amoxicilline. Les accidents d’évolution des dents de sagesse (péricoronarites) réagissent bien à l’association spiramycine-métronidazole (Rodogylt ou Birodogylt) ou à l’amoxicilline (Clamoxylt, Agramt, Amodext...). Les stomatites bactériennes relèvent essentiellement des bêtalactamines (Clamoxylt, Penglobet...) ou des macrolides (Rulidt, Eryt, Dynabact...) associés éventuellement au métronidazole (Rodogylt). Il existe maintenant des formes ulcéronécrotiques très sévères que l’on rencontre chez les patients sous chimiothérapie, ou lors des syndromes d’immunodépression acquise (sida) qui nécessitent des doses élevées d’antibiotiques avec un traitement prolongé largement au-delà des délais habituels, jusqu’à 15 jours environ. Les cellulites ont vu leur pronostic complètement modifié par l’utilisation de la pénicilline en 1947 et les bêtalactamines demeurent le traitement de choix, sauf en cas d’allergie à la pénicilline. Les doses et le mode d’administration dépendent de l’importance des signes cliniques. En revanche, pour une cellulite circonscrite aiguë sévère nécessitant l’hospitalisation du patient, et dans les cellulites gangréneuses diffuses, il est recommandé de donner de la pénicilline G (Pénicilline G Diamantt) par voie intraveineuse à la dose de 15 millions d’UI/j associée à trois flacons de métronidazole. En cas d’allergie à la pénicilline, on prescrit des synergistines (Pyostacinet...) à la dose de 3 g/24 h ou éventuellement de la téicoplanine (Targocidt) à la dose de 200 à 400 mg/j en intraveineux. Exceptionnellement, d’autres traitements peuvent être appliqués en réanimation infectieuse : corticothérapie (choc septique), anticoagulants (coagulation intravasculaire diffuse), oxygénothérapie hyperbare, trachéotomie, drainages étagés cervicofaciaux (pour éviter la diffusion médiastinale de l’infection responsable encore de complications mortelles). Les actinomycoses cervicofaciales nécessitent des traitements de longue durée par des macrolides ou des bêtalactamines. Les ostéites de la mandibule, devenues rares, sont pour certaines résistantes à l’antibiothérapie. La téicoplanine (Targocidt) à la dose de 400 mg intraveineuse en traitement d’attaque, suivie d’un traitement d’entretien de 200 mg intramusculaire en maintenant un taux sérique de 10 à 15 mg/L, peut donner des résultats satisfaisants, sans empêcher de nouvelles poussées inflammatoires. Les biomatériaux imprégnés d’antibiotiques (microbilles) peuvent s’avérer intéressants dans cette indication. Les ostéites actuellement rencontrées sont tout à fait particulières, car il s’agit en fait la plupart du temps d’ostéomyélites sclérosantes diffuses mandibulaires dont certaines peuvent être associées à un SAPHO (synovite, acné, pustulose palmoplantaire, psoriasis, hyperostose, ostéite). Ces ostéites réagissent mal à l’antibiothérapie. Dans la pathologie infectieuse des glandes salivaires (sous-maxillites et parotidites), la spiramycine (Rovamycinet) semble être l’antibiotique de choix. Les doses utilisées sont de 6 à 9 millions d’UI par voie orale (2 à 3 comprimés à 3 millions d’UI/j) ou par voie injectable, sur une durée de 20 jours dans les parotidites chroniques. QU’EN EST-IL DE L’ANTIBIOPROPHYLAXIE ? [4, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 41]
L’antibioprophylaxie systématique a peu d’indication chez le sujet sain (extraction de dents en désinclusion, chirurgie des kystes des maxillaires, chirurgie implantaire, chirurgie orthognathique, greffes osseuses avec ou sans membrane). Elle intervient en pré-, en per- ou en postopératoire dans la chirurgie osseuse pour une durée courte. Elle ne doit en aucun cas être prescrite pour prévenir les conséquences de fautes d’hygiène ou d’asepsie opératoire, la meilleure prévention des surinfections étant une technique rigoureuse lors de l’exécution de l’acte.
Stomatologie/Odontologie
Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux
Chez les patients à risque infectieux grave, l’antibioprophylaxie doit, en revanche, être systématique, notamment : – chez les patients immunodéprimés (greffes, chimiothérapie, virus de l’immunodéficience humaine [VIH], déficit congénital...), dénutris, ayant subi une radiothérapie maxillofaciale, hyperthyroïdiens et diabétiques mal équilibrés ; – chez les patients présentant un risque d’endocardite infectieuse : porteurs de prothèses valvulaires souffrant de cardiopathies congénitales cyanogènes, d’insuffisance ou de rétrécissement des valves aortiques ou mitrales ou ayant déjà présenté une endocardite infectieuse. L’antibiothérapie doit être prescrite 1 heure avant tout acte sanglant ou d’endodontie. Elle est prolongée lorsqu’un acte laisse subsister une porte d’entrée bactérienne potentielle et lorsqu’un acte est pratiqué pour une pathologie existante. La conférence de consensus de 1992 sur la prophylaxie des endocardites infectieuses a abouti au schéma thérapeutique suivant, pour tous les actes qui sont autorisés dans le cadre de ces patients à haut risque.
Tableau IV. – Principaux antifongiques, d’après [1], modifié. Antifongiques par voie locale Famille
Polyéniques
Principe actif Spécialités Amphotéricine B Fungizonet
Nystatine Mycostatinet
Présentation
Suspension buvable 100 mg/mL
Suspension buvable 100 000 U/ dose
– Pour les actes d’odontostomatologie pratiqués en ambulatoire : – s’il n’y a pas d’allergie aux bêtalactamines : amoxicilline (Clamoxylt) à la dose de 3 g per os, prise unique 1 heure avant le geste ;
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Imidazolés
Miconazole
Daktarint
– s’il y a allergie aux bêtalactamines : pristinamycine (Pyostacinet) à 1 g per os, 1 heure avant le geste, ou clindamycine (Dalacinet) à 600 mg per os, 1 heure avant le geste. – Les posologies pédiatriques sont : amoxicilline 75 mg/kg ; pristinamycine 25 mg/kg ; clindamycine 15 mg/kg.
Gel buccal 2 %
Posologie
- Nourrissons et enfants 1 cuillère à café (5 mL)/ 10 kg/j en 2 ou 3 prises - Adultes : 1,5 à 2 g/j en 2 ou 3 prises
Miconazole GNR
- Enfants : 10 à 40 doses/j en 3 à 4 prises - Adultes : 4 à 6 MU/j en 3 à 4 prises
Réactions locales
- Nourrissons et enfants 1 cuillère mesure × 4/j - Adultes : 2 cuillères mesure × 4/j 2 applications/j
Réactions locales
– Les posologies pédiatriques sont : amoxicilline 50 mg/kg intraveineux avant et 25 mg/kg per os 6 heures plus tard ; vancomycine 20 mg/kg (maximum 1 g). Même s’il n’y a guère eu de changements depuis cette conférence de consensus de 1992, mis à part que les Américains considèrent actuellement que la pose de brackets est une situation à risque, une révision de ces recommandations (qui demeurent la référence) est néanmoins prévue dans les prochaines années. Il n’existe pas de consensus concernant l’antibioprophylaxie lors de soins buccodentaires chez les patients porteurs de prothèses articulaires. Pour les autres prothèses implantées (mammaires, ophtalmologiques...), il n’y a pas lieu d’instituer une antibioprophylaxie. Les patients atteints d’une cardiopathie ischémique (angine de poitrine, infarctus du myocarde), d’un trouble du rythme avec ou sans présence d’un stimulateur cardiaque, d’une hypertension artérielle ou d’une pathologie vasculaire périphérique, ne nécessitent pas d’antibioprophylaxie.
Antifongiques
Dysgueusie
Interaction avec : - antiarythmiques - sulfamides hypoglycémiants - antivitamines K
Gel dermique 2%
– s’il n’y a pas d’allergie aux bêtalactamines : amoxicilline (Clamoxylt...) 2 g par voie intraveineuse, 1 heure avant le geste et 1 g per os, 6 heures plus tard. Pas de dose après ; – s’il y a allergie aux bêtalactamines : téicoplanine (Targocidt) 400 mg intraveineux en direct, ou bien vancomycine (Vancocinet...) 1 g intraveineux en perfusion d’environ 60 minutes. Pas de dose après.
Troubles digestifs
- Nourrissons : 5 à 30 doses/j en 3 à 4 prises
Britane
– Pour les actes pratiqués sous anesthésie générale :
Effets secondaires principaux
Antifongiques par voie générale Imidazolés
Triazolés
Kétoconazole Nizoralt
Fluconazole Triflucant
cp 200 mg suspension buvable 1 mg/goutte
gélules 50, 100, 200 mg
- Enfants : 4 à 7 gouttes/ kg/j
Hépatoxicité
- Adultes : 200 mg/j ou 400 m/j en 1 prise
Interactions médicamenteuses nombreuses
- Adultes : 50 mg/j en 1 prise, voire 100 à 400 mg si besoin
Troubles digestifs
Interactions médicamenteuses nombreuses
On fait appel essentiellement à des antifongiques imidazolés ou à des bistriazolés. Les traitements par les polyènes ou par les bases pyrimidiques sont à réserver au milieu hospitalier. Le tableau IV résume les principaux antifongiques utilisés par voie locale ou générale.
[5, 6, 10, 17, 22, 40, 45]
En odontostomatologie, les antifongiques par voie générale ne sont utilisés qu’en cas d’intolérance au traitement local (dysgueusie) et chez les patients fragilisés, notamment les immunodéprimés. Le traitement des candidoses oropharyngées est essentiellement local. La durée du traitement chez le patient immunodéprimé est fonction du pronostic de réversibilité/irréversibilité de l’immunodépression.
DÉRIVÉS IMIDAZOLÉS
Les antifongiques imidazolés utilisés à l’heure actuelle par voie générale sont essentiellement le miconazole (Daktarint, 2 comprimés à 125 mg 4 fois par jour pendant 10 jours, soit 1 g/j) et le kétoconazole (Nizoralt, 1 comprimé à 200 mg/j au milieu d’un repas ou 200 gouttes, soit 2 cuillères à café, de suspension buvable, à prendre de préférence avec une boisson acide type café, jus d’orange 7
Thérapeutiques anti-infectieuses : antibiotiques, antifongiques, antiviraux
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ou Coca Cola lightt). Les précautions d’emploi sont nombreuses. Le kétoconazole a ainsi un effet tératogène qui rend obligatoire le test de grossesse et un effet hépatotoxique qui nécessite le dosage des transaminases avant traitement (l’interruption est de règle en cas de résultats de l’ordre de deux à trois fois la valeur normale). DÉRIVÉS BISTRIAZOLÉS
Le dérivé le plus utilisé est le fluconazole (Triflucant 50, 100 ou 200) per os. Il a une affinité particulière pour le cytochrome P450 fongique, ce qui limite la probabilité d’apparition d’effets indésirables. Il est bien toléré, mais présente un risque de toxidermie. Sa prescription est déconseillée pendant la grossesse ou l’allaitement et il ne faut pas l’associer aux antivitamines K et sulfamides hypoglycémiants, ni à la rifampicine, à la phénytoïne ou à la ciclosporine. Il est habituellement prescrit à la dose de 50 à 100 mg/j pendant 1 à 2 semaines. De 100 à 200 mg sont nécessaires dans le cas de candidoses associées au sida et 200 mg en cas de candidose œsophagienne. L’itraconazole (Sporanoxt) est proposé en thérapeutique alternative en cas de résistance au fluconazole, avant de passer à des traitements plus lourds en milieu hospitalier.
Antiviraux
Stomatologie/Odontologie
ACICLOVIR
Le Zoviraxt 200 est disponible en comprimés et en solution pour le traitement des manifestations buccofaciales du virus herpétique (virus herpes simplex [VHS]). Sous la forme triphosphatée, il inhibe l’acide désoxyribonucléique (ADN) polymérase du VHS1, du VHS2 et du virus varicelle-zona. La posologie est de 5 comprimés ou cinq mesurettes de 5 mL/j pendant 10 jours lors de la primo-infection et 5 jours pour les récidives. Il est plus efficace de l’administrer dans les 48 heures suivant l’apparition des symptômes. Les contreindications sont rares, essentiellement rénales ou hématologiques (il est prudent de demander en cas de doute une clairance de la créatinine ainsi qu’une numération-formule sanguine avec plaquettes) et on ne l’utilise pas chez l’enfant de moins de 2 ans. Le Zélitrext (valaciclovir) s’administre à la dose de 2 comprimés 3 fois par jour pendant 7 jours dans la prévention des douleurs du zona chez les sujets de plus de 50 ans.
IDOXURIDINE
Elle est essentiellement utilisée localement et on se reporte donc au chapitre traitant de la voie locale.
[5, 7]
AUTRES ANTIVIRAUX
La plupart des infections virales rencontrées en pathologie buccodentaire sont traitées symptomatiquement. Deux médicaments sont disponibles pour leur traitement : l’aciclovir et l’idoxuridine.
Les interférons et la trithérapie préventive ou curative des infections à VIH sortent du cadre de cet article.
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22-012-A-50
Topiques D Muster
Résumé. – En odontostomatologie, le terme « topiques » désigne des médicaments destinés à agir localement par voie externe sur les tissus mous (peau, muqueuses) ou durs (émail, dentine) de la sphère orofaciale. Ils contiennent un ou plusieurs principes actifs (antiseptiques, antibiotiques, antifongiques, antiviraux, antiinflammatoires, analgésiques, anesthésiques, vitamines, sels minéraux...) incorporés dans un excipient destiné à assurer leur maintien sur la surface traitée et/ou à favoriser leur pénétration locale. Ils sont appliqués sous des formes pharmaceutiques variées : bains de bouche, collutoires, substituts salivaires, pommades, crèmes, gels, suspensions, solutions, tablettes à sucer et également systèmes à libération contrôlée. Ce dernier groupe, combinant des biomatériaux et des médicaments, présente les plus importantes potentialités d’innovation, particulièrement pour le traitement des maladies de la muqueuse buccale. Les traitements topiques sont utiles pour améliorer rapidement le bien-être et le confort des patients, car ils agissent immédiatement au niveau de la zone atteinte. Leur temps de contact avec les zones cibles est toutefois bref et leur utilisation doit être souvent renouvelée. Ils peuvent être utilisés seuls ou combinés à des traitements par voie générale, en fonction du type de pathologie en cause. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : topiques, traitements par voie locale, bains de bouche, collutoires, substituts salivaires, corticoïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens, rétinoïdes, ciclosporine, fluorures.
Définition et généralités En odontostomatologie, on désigne sous le nom de topiques des médicaments destinés à agir localement par voie externe sur les tissus mous (peau, muqueuses) ou durs (émail, dentine) de la sphère orofaciale. Les topiques sont composés d’un ou plusieurs principes actifs incorporés à un excipient destiné à assurer leur maintien sur la surface traitée et/ou à favoriser leur pénétration locale. Pour les étudier, nous avons adopté une classification par forme pharmaceutique : bains de bouche, collutoires et substituts salivaires ; comprimés à sucer, gommes à mâcher ; crèmes, pommades et gels ; suspensions ; solutions ; topiques caustiques (kératolytiques) ; dispositifs à libération contrôlée. Ces thérapeutiques locales visent, en général, une action immédiate de soulagement des zones atteintes pour améliorer rapidement le bien-être ou le confort du patient. Leur temps de contact au niveau de la zone cible est toutefois limité et leur renouvellement est souvent nécessaire. La rémanence est faible.
Bases physiologiques
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MUQUEUSE BUCCALE
La muqueuse buccale est un domaine relativement limité où se croisent plusieurs spécialités médicales : odontostomatologie,
Dominique Muster : Professeur associé, stomatologiste attaché consultant, pharmacien, docteur ès sciences physiques, service de stomatologie et chirurgie maxilla-faciale, CHRU, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France.
dermatologie, oto-rhino-laryngologie et médecine interne. En dépit de sa faible surface (comparée à la peau), la bouche présente des zones tout à fait variées, chacune ayant un type différent d’épithélium et remplissant des fonctions physiologiques propres. Il y a ainsi un épithélium kératinisé sur le palais dur, alors que la muqueuse buccale est normalement non kératinisée. La muqueuse gingivale, plus exposée aux traumatismes ou à l’infection, présente souvent une forme de kératinisation parakératosique. Il existe deux différences notables entre les surfaces muqueuses et la peau. La première est que les muqueuses sont généralement recouvertes par un mucus protecteur et lubrifiant. La seconde est la sensibilité des membranes muqueuses aux hormones circulantes. Comme la muqueuse vaginale, la muqueuse buccale présente des modifications durant le cycle hormonal. Cette sensibilité aux hormones indique que les cellules des deux muqueuses ont des sites récepteurs pour les hormones circulantes. Il y a des altérations de la muqueuse buccale avec l’âge, plus marquées chez la femme. D’autres hormones comme l’hormone parathyroïdienne affectent l’état de la muqueuse et l’un des premiers signes du développement d’un hypoparathyroïdisme, par exemple, peut être l’apparition d’une candidose orale chronique. Un autre caractère des membranes muqueuses est leur renouvellement, beaucoup plus important que celui de la peau. Ceci est rendu nécessaire, les cellules épithéliales non kératinisées ou partiellement kératinisées devant être constamment remplacées car elles sont soumises à des agressions quotidiennes plus importantes qu’au niveau de la peau, tel le traumatisme de la mastication. Le renouvellement accru est reflété dans l’effet des antimitotiques. C’est ainsi que le méthotrexate produit souvent des ulcérations de la muqueuse buccale avant toute autre toxicité : son inhibition mitotique se manifeste en premier dans un tissu à renouvellement
Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D. Topiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-012-A-50, 2001, 14 p.
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EMC [257]
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rapide. Une réduction de l’index mitotique muqueux va ainsi entraîner une solution de continuité épithéliale. Au plan histologique, la muqueuse buccale peut être classée en trois zones fonctionnelles : – les régions sécrétant de la salive, qui ont un épithélium non kératinisé et qui incluent la majorité des zones anatomiques comme le palais mou, le plancher de la bouche, la muqueuse buccale et labiale, la face inférieure de la langue et la muqueuse alvéolaire ; – la muqueuse masticatoire du palais dur et de la gencive, qui sont exposées à des traumatismes plus importants et qui ont soit un épithélium kératinisé épais, soit une couche de kératine franchement parakératosique ; – les zones hautement spécialisées où la muqueuse rencontre la peau, à savoir le vermillon des lèvres et la région bien particulière du dos de la langue, avec sa kératinisation hautement sélective et ses fonctions spéciales gustatives. La muqueuse non kératinisée du palais mou présente au microscope électronique à balayage un aspect microplicaturé de la surface cellulaire. L’épithélium oral kératinisé présente, quant à lui, une surface avec des puits et des cratères. La peau de poisson, qui ne forme pas habituellement de couche kératinisée, a une structure tout à fait similaire à la muqueuse buccale non kératinisée. Ainsi, les épithéliums qui ne se kératinisent pas et qui sont constamment humides ont des similitudes interspécifiques. La muqueuse non kératinisée du col utérin a aussi une apparence similaire. En ce qui concerne les caractéristiques de perméabilité, la muqueuse buccale est plus proche de la peau (ce qui peut être lié à son origine embryologique à partir du stomodeum primitif). Son étude est difficile en raison de la grande variété de zones fonctionnelles dans la région restreinte que représente la cavité buccale et les estimations globales ne sont pas satisfaisantes. La muqueuse buccale est en permanence humide : même les zones kératinisées sont très hydratées et, de ce fait, présentent une perméabilité accrue à l’eau en comparaison de la peau. Il n’y a pas de follicules pileux ni de glandes sébacées offrant d’autres voies de passage et il y a de vastes régions qui ne sont pas kératinisées. Il apparaît que les zones dépourvues de couche cornée offrent néanmoins plus de résistance au passage des substances que la peau privée de sa couche cornée. Le transport des substances peut se faire entre les cellules de l’épithélium buccal, l’espace intercellulaire étant suffisamment large pour permettre le passage d’ions et de petites molécules. Des travaux ont montré que lorsque la barrière naturelle entre l’environnement oral et le tissu gingival était diminuée par l’action de la hyaluronidase ou de la collagénase, il y avait une augmentation de la pénétration des substances ainsi qu’un accroissement de la sécrétion de fluide gingival. La principale voie de passage à travers l’épithélium buccal est vraisemblablement celle de la simple diffusion, comme pour la peau. Elle dépend ainsi de la nature physique et chimique de la substance. Le degré d’ionisation affecte la vitesse de pénétration et ceci dépend souvent du pH. La perméabilité de la muqueuse buccale est semblable à celle de la peau totalement hydratée. Le transport actif et l’endocytose ne semblent pas jouer un rôle notable. Les mucines produites par les régions non kératinisées agissent comme une barrière efficace, notamment contre les antigènes qui ne franchissent pas le sulcus gingival intact. Comme pour la peau, la couche kératinisée de la muqueuse orale peut réaliser une importante barrière contre l’absorption (notamment des stéroïdes). ÉMAIL DENTAIRE
L’épaisseur de la couche d’émail dentaire varie entre 3 mm (près de la jonction émail-dentine au collet) et 6 mm (à la surface occlusale de la dent). Le principal composant inorganique de l’émail est un phosphate de calcium : l’hydroxyapatite. L’hydroxyapatite se présente sous forme cristalline et constitue 96 à 97 % du poids total. Il y a aussi 0,4 à 0,8 % de matériel organique et 3,3 à 3,6 % d’eau. 2
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Le matériel organique constitue la matrice dans laquelle les cristaux d’hydroxyapatite se sont formés durant la genèse de l’émail. La composante principale de la matrice est une protéine appelée « énamelline ». Les pourcentages en volume des constituants mentionnés sont approximativement 86 % pour l’apatite, 2 % pour le matériel organique et 12 % pour l’eau. Il est généralement admis que les régions interprismatiques représentent des zones où le transport de solutions est plus facile qu’à travers les prismes. La perméabilité dans les régions interprismatiques est influencée par la présence de fluorures. L’hydroxyapatite est cristallographiquement isomorphe avec la fluoroapatite. L’apatite de l’émail est une apatite dite « déficiente », c’est-à-dire qu’un certain nombre d’ions sont absents de certains sites du réseau, sans autres effets structuraux. Une caractérisation qualitative de la diffusion à travers l’émail a été obtenue à partir d’expériences réalisées avec des colorants, des alcools, de l’eau et des traceurs radioactifs. Ces expériences ont démontré que des molécules et des ions, complètement différents d’un point de vue structural, étaient capables de pénétrer l’émail. Un rôle de tamis moléculaire a été démontré avec une série homologue d’alcools, ainsi qu’une pénétration préférentielle des molécules de colorant le long des régions interprismatiques. L’interaction entre les particules en diffusion et les constituants de l’émail joue également un rôle significatif. Des expériences qualitatives et quantitatives ont montré la perméabilité de l’émail dentaire à l’eau et aux petits ions et molécules (pores de 10 à 25 Å, aire d’absorption de 4 ± 1 m2·g−1 et coefficient de diffusion de 10−7 à 10−9 cm2·s−1). La plupart des membranes de l’émail présentent un comportement de sélectivité ionique par lequel les cations sont plus mobiles que les anions. Un effet de tamis moléculaire a été observé pour le glycérol et le sorbitol. La porosité serait de 0,5 à 1,5 %, avec une distribution des pores variable selon la localisation intra- ou interprismatique des régions étudiées. La présence de constrictions organiques dans les pores, créant des barrières de diffusion, a été suggérée. Mise à part la présence de ces constrictions organiques, les interactions des particules en diffusion avec les constituants de l’émail peuvent influencer la diffusion à travers les pores. L’effet de tamis moléculaire de l’émail joue un rôle considérable pour les processus de transport ionique dans l’émail qui se comporterait comme une membrane échangeuse d’ions. Les ions monovalents comme le sodium (Na+), le potassium (K+), le fluor (F+) et le chlore (Cl−) pénètrent la couche d’hydratation (couche d’eau fortement liée enveloppant le cristal d’apatite et réalisant un milieu d’échanges ioniques) mais ne s’y concentrent pas. Les anions multivalents et les cations qui sont hydratés et/ou polarisables, comme le citrate (charge : 3−), le dioxyde de carbone (CO22−), le magnésium (Mg2+), le strontium (Sr2+) et le radium (Ra2+), tendent à être concentrés dans la couche d’hydratation et servent à neutraliser la charge en surface. Ils sont plus fermement retenus que les précédents, mais peuvent néanmoins être libérés tout à fait aisément. Certains ions comme le sodium (Na+) et le fluor (F−), qui pénètrent la couche d’hydratation, peuvent être incorporés dans la surface du cristal. Un petit nombre d’ions comme le Sr2+, le Ra2+ et le F− peuvent pénétrer plus profondément la structure du cristal. L’émail peut ainsi être considéré comme une membrane semiperméable, avec une perméabilité différentielle pour les anions et pour les cations. Le fluor pénétrerait ainsi par des échanges iso- et hétéro-ioniques avec l’hydroxyapatite. L’aptitude des fluorures à diminuer la solubilité de l’émail dans les acides semble essentiellement liée au fait que le fluor a tendance à se combiner au phosphate de calcium pour former de la fluoroapatite bien cristallisée et moins soluble que l’hydroxyapatite. Il n’est cependant pas nécessaire de substituer tous les groupements hydroxyles : même une apatite partiellement substituée serait plus stable. La fluoration de l’émail pourrait en outre diminuer la formation de la pellicule exogène acquise par un effet d’adsorption compétitive entre les protéines salivaires et les ions fluorures. La réactivité des surfaces
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d’hydroxyapatite a été exploitée cliniquement pour tenter de modifier la structure de la surface dentaire par l’application de solutions de fluorures ou de gels.
Bains de bouche, collutoires et substituts salivaires BAINS DE BOUCHE
[2, 26, 29, 44, 45, 54, 61, 63, 64, 65, 73, 91, 109, 112, 113, 118]
Ce sont des solutions ayant essentiellement des propriétés antiseptiques destinées à l’hygiène et aux soins de la bouche. Ils sont utilisés à l’état pur ou dilué (selon les indications du fabricant) et ne doivent pas être avalés. Ils sont de composition très variée : outre des principes actifs à visée antiseptique (polyvidone iodée, digluconate de chlorhexidine, peroxyde d’hydrogène, hexétidine, cétylpyridinium chlorure...), ils peuvent contenir des antifongiques (amphotéricine B, nystatine...), des antalgiques (acide acétylsalicylique...), des anti-inflammatoires (corticoïdes), des anesthésiques locaux (amyléine, lidocaïne, procaïne, mais aussi hydrate de chloral, chlorobutanol, thymol...), des « tonifiants » etc. Ils sont souvent prescrits à raison de deux à quatre fois par jour pendant 1 minute au moins après chacun des principaux repas. Ils constituent un traitement local d’appoint des affections de la cavité buccale (aphtes, glossites, gingivites, stomatites, mycoses, soins pré- et postopératoires, soins postantimitotiques ou postradiothérapiques). La durée du traitement ne devrait pas dépasser une dizaine de jours et ils ne doivent pas être avalés. Les traitements prolongés pourraient exposer à un déséquilibre de la flore microbienne normale de la cavité buccale, avec un risque de sélection et de diffusion bactérienne ou fongique. Ils sont bien sûr contre-indiqués dans le cas d’hypersensibilité aux différents composants et chez les enfants de moins de 30 mois, en cas de présence de menthol. La présence de dérivés terpéniques peut engendrer un risque de convulsions chez l’enfant et le nourrisson, ainsi qu’un risque d’agitation et de confusion chez le sujet âgé. La présence d’acide salicylique, d’anesthésiques locaux, de formaldéhyde, de tyrothricine, de chlorhexidine peut comporter un risque de sensibilisation. Il convient d’être très réservé vis-à-vis du tixocortol [15] et de la polyvidone iodée, en raison de leur pouvoir allergisant. Une coloration brune de la langue ou des dents (particulièrement chez les consommateurs de thé ou de café) peut apparaître durant la période d’utilisation de bains de bouche contenant de la chlorhexidine. Dysgueusie, sensation de brûlure de la langue et desquamation de la muqueuse buccale peuvent occasionnellement être observées. L’utilisation à doses suprathérapeutiques de bains de bouche fluorés peut entraîner l’apparition de traces jaunâtres ou brunâtres sur l’émail dentaire (fluorose). Ce risque existe essentiellement chez l’enfant. Il est à noter que certains bains de bouche fluorés peuvent empêcher l’ostéo-intégration ou accélérer la corrosion d’implants dentaires ou de restaurations métalliques. Les antiseptiques mercuriels doivent être évités en cas d’utilisation de bains de bouche à la polyvidone iodée (cytotoxicité muqueuse). La présence d’anesthésiques locaux peut engendrer un risque de fausses-routes. Nous indiquons, dans la liste ci-dessous, les principaux bains de bouche commercialisés avec leurs principes actifs. Dans la grande majorité des cas, seule l’activité antiseptique est formellement objectivée. Leur utilisation, à l’état pur ou dilué (selon indications du fabricant), doit être précisée. Quelques préparations magistrales sont également mentionnées.
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¶ Bains de bouche antiseptiques Liste alphabétique des spécialités – Alodontt (cétylpyridinium chlorure [antibactérien, antifongique, anti-inflammatoire local], chlorobutanol [action antalgique immédiate], eugénol [action antalgique prolongée]). – Bain de bouche à la myrrhet (ratanhia [astringent], myrrhe [antiseptique]). – Bain de bouche Liphat (résorcine, chloral hydrate, vératrol, lévomenthol). – Bétadinet (polyvidone iodée ou polyvinylpyrrolidone iodée, menthol). – Bucaseptt (chlorhexidine gluconate). – Buccawaltert (lidocaïne chlorhydrate, cétrimide, sodium salicylate, phénol). – Corsodylt (chlorhexidine digluconate). – Dontopivalonet (tixocortol pivalate, chlorhexidine acétate). – Eludrilt solution pour bain de bouche (chlorhexidine digluconate 0,1 %, chlorobutanol 0,5 %, docusate sodique ou dioctyl sulfosuccinate de sodium, menthol). – Fluocarilt bi-fluoré bain de bouche (monofluorophosphate de sodium, fluorure de sodium). – Fluoseptt (bifluorure d’ammonium, salicylate de benzyle). – Givalext bain de bouche (hexétidine [action antibactérienne et antifongique], choline salicylate et chlorobutanol [action antiinflammatoire et antalgique]). – Glyco-thymoline 55t (benzoate de sodium, borate de sodium, salicylate de sodium, thymol, cinéole, lévomenthol). – Halitat (chlorhexidine digluconate 0,05 %, lactate de zinc, chlorure de cétylpyridinium). Cette solution inhiberait la croissance des bactéries anaérobies responsables de la production de composés soufrés volatils. – Hextrilt bain de bouche à 1% (hexétidine, menthol). – Listérinet (eucalyptol, thymol, salicylate de méthyle, menthol) : retarderait la formation de la plaque et respecterait la flore buccale. – Meridolt gamme (fluorure d’amines, fluorure d’étain). – Paroext (digluconate de chlorhexidine 0,12 %, sans alcool). – Parodontaxt bain de bouche concentré aux plantes (girofle [antalgique], cumin [astringent], menthe [rafraîchissant], myrrhe [antiseptique], sauge [antiseptique et astringent], camomille [calmant], échinacée [anti-inflammatoire]). – Parogencyl gencives fragiliséest (perméthol, provitamine B5). – Periogardt (sanguinarine). Diminue la rétention de la plaque dentaire et neutralise les composés sulfurés volatils. – Prexidinet (chlorhexidine gluconate 0,12 %, menthol). – Syntholt liquide (chloral hydrate, lévomenthol, vératrol, résorcinol, acide salicylique). – Veadent plust (cétylpyridinium chlorure). – Veybirol-Tyrothricinet (formaldéhyde, tyrothricine, teintures végétales). Anti-infectieux local associant un détergent à l’antibiotique. Le tableau I rassemble les bains de bouche contenant de la chlorhexidine seule ou associée, les bains de bouche sans alcool, les bains de bouche contenant du fluor et les bains de bouche contenant des anesthésiques locaux.
¶ Bains de bouche à la chlorhexidine non associée – Bucaseptt (non remboursé [NR]). – Corsodylt (NR). 3
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Tableau I. – Quelques bains de bouche associés ou non associés, sous forme de spécialités ou de préparations magistrales. Liste alphabétique des spécialités t
Alodont Eludriltsolution pour bain de bouche Givalextbain de bouche Glyco-thymoline 55t Halitatsolution buccale Hextrilt Listérinet Paroext Prexidinet Veybirol-Tyrothricinet
Principes actifs
Remboursement
cétylpyridinium chlorure, vératrol, chlorobutanol, eugénol digluconate de chlorhexidine, chlorobutanol, docusate sodique ou dioctyl sulfosuccinate de sodium, chloroforme héxétidine, choline salicylate, chlorobutanol, menthol benzoate, salicylate, borate de sodium, thymol, cinéole, lévomenthol lactate de zinc, digluconate de chlorhexidine, cétylpyridinium chlorure hexétidine, menthol eucalyptol, thymol, salicylate de méthyle, menthol digluconate de chlorhexidine sans alcool digluconate de chlorhexidine, menthol formaldéhyde, tyrothricine, teintures végétales
R 35 % R 35 %
Formules magistrales Bain de bouche composé
R 35 % R 65 % NR NR NR NR R 35 % R 35 %
(À préparer par le pharmacien) Première formule
Fungizone suspension buvable 40 mL (= un flacon) Eludril 90 mL (= un flacon) Eau bicarbonatée (14 ‰) qsp 500 mL
Deuxième formule
Mycostatine suspension buvable 24 mL (= un flacon) Eludril 90 mL (= un flacon) Eau bicarbonatée (14 ‰) qsp 400 mL
Solution d’Alphonse
Fungizone suspension buvable 40 mL (= un flacon) Hextril 60 mL( = quatre doses) Procaïne 1 % 20 mL Eau bicarbonatée (14 ‰) qsp 200 mL
R : remboursement ; NR : non remboursé.
– Paroext (NR).
– Givalext.
– Prexidinet (remboursement [R] 35 %).
– Syntholt.
¶ Bains de bouche à la chlorhexidine associée
¶ Préparations magistrales (à réaliser par le pharmacien)
– Au tixocortol pivalate : Dontopivalonet (R 35 %). – Au chlorobutanol : Eludrilt solution pour bain de bouche (R 35 %). – Au chlorure de zinc et au chlorure de cétylpyridinium : Halitat (NR). La concentration en chlorhexidine dans les bains de bouche n’est pas un facteur prédictif de l’activité antibactérienne, les excipients jouant un rôle essentiel dans la modulation de l’activité de la chlorhexidine [64].
¶ Bains de bouche sans alcool Leur avantage est qu’ils sont moins irritants, facilitant l’observance du traitement : ils sont d’utilisation agréable, même sur des muqueuses fragilisées (après chirurgie, orthodontie, chez les personnes âgées). Ils répondent, en outre, aux préoccupations peutêtre excessives des auteurs anglo-saxons concernant l’utilisation régulière de bains de bouche contenant de l’alcool et les cancers oropharyngés, la diminution de la résistance à l’usure des résines et composites dentaires, la mucite postradiothérapique, les patients immunodéprimés et ceux présentant une hypersensibilité à l’alcool [26]. – Paroext (chlorhexidine non associée). – Parodontaxt (chlorhexidine, fluor).
¶ Bains de bouche contenant du fluor – Fluocarilt bi-fluoré bain de bouche. – Fluoseptt. – Meridolt gamme.
Bains de bouche bicarbonatés Le bicarbonate de sodium dissout les mucosités, alcalinise, lubrifie, neutralise les bactéries et diminue la sécheresse buccale. On prescrit, par exemple, bicarbonate de sodium : – un sachet de 1 g dans un verre d’eau tiède trois fois par jour ; – ou une cuillère à café dans un verre d’eau tiède ; – ou 5 à 10 g/L d’eau tiède. L’eau bicarbonatée a été proposée comme anticandidosique en raison de ses propriétés d’alcalinisation améliorant certains symptômes subjectifs liés aux facteurs favorisants que sont le pH acide et la xérostomie, mais elle n’a pas de réelles propriétés fongicides [110]. Bains de bouche à l’oxyde de zinc L’oxyde de zinc, très utilisé pour les ciments dentaires (par exemple Oxyde de zinc Pierre Rollandt en pot de 300 g) et en dermatologie, possède des propriétés astringentes, antiseptiques et isolantes. Il peut aussi être employé pour réaliser un bain de bouche, apportant une réelle sédation, notamment dans les poussées érosives des lichens buccaux. On prescrit par exemple : bain de bouche trois fois par jour avec une cuillère à café d’oxyde de zinc dans un verre d’eau tiède (à mélanger pour obtenir une suspension et garder quelques minutes en bouche avant de recracher, le temps qu’un film protecteur se dépose en surface de la muqueuse). Bain de bouche composé
¶ Bains de bouche contenant des anesthésiques locaux
Il est utilisé dans le traitement local des candidoses buccales. Première formule.
– Alodontt.
– Fungizonet suspension buvable : 40 mL (un flacon) ;
– Buccawaltert.
– Eludrilt solution pour bain de bouche : 90 mL (un flacon) ;
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– eau bicarbonatée à 1,4 % qsp 500 mL. En fonction des études les plus récentes de stabilité et d’efficacité [64], une nouvelle formulation a été préconisée. Deuxième formule.
¶ Bains de bouche anti-inflammatoires et antalgiques
– Mycostatinet, suspension buvable : 24 mL (un flacon) ;
¶ Bains de bouche aux corticoïdes
– Eludrilt solution pour bain de bouche : 90 mL (un flacon) ;
La prednisolone (Solupredt 20 mg) en comprimés effervescents permet de réaliser un bain de bouche prescrit à raison de deux ou trois fois par jour, pur ou associé à l’Eludrilt (si on veut éviter qu’il soit avalé), essentiellement dans les cas de lichen érosif ou d’ulcérations aphtoïdes (après s’être assuré qu’il ne s’agit pas d’un herpès). On prescrit par exemple 2 comprimés de Solupredt 20 mg + une demi-cuillère à café d’Eludrilt dans un demi-verre d’eau tiède, deux à trois fois par jour.
– eau bicarbonatée à 1,4 % qsp 400 mL. À renouveler au bout de 2 jours, pour une conservation au réfrigérateur. Succédané de l’eau de Saint-Christau – Sulfate de cuivre : 0,5 g ; – glycérine : 5 g ; – eau qsp 100 g. Une cuillère à café dans un verre d’eau tiède. Les indications supposées en sont les lichens et les glossodynies. Formulations pour bouches sèches [97] Première formule. – Acide citrique : 12,5 g ; – essence de citron : 20 mL ; – glycérine : 20 mL ;
L’acide acétylsalicylique (Catalginet, Aspégict) est prescrit en bains de bouche dans le traitement des aphtes (250 à 500 mg dans un demi-verre d’eau, quatre ou cinq fois par jour).
COLLUTOIRES
Les collutoires sont des préparations de consistance semi-liquide, de composition très variable, destinées à être appliquées sur les gencives et les parois internes de la cavité buccale. Ils contiennent souvent de la glycérine qui leur confère un aspect sirupeux. Ils constituent un traitement local d’appoint des affections limitées à la muqueuse buccale et à l’oropharynx. Nous ne faisons que mentionner les principaux collutoires et leurs principes actifs par catégorie. Ils sont en général utilisés à raison de une ou deux pulvérisations trois fois par jour, pendant 5 à 10 jours.
– eau qsp 1 L. Une cuillère à café dans un verre d’eau tiède. Deuxième formule.
¶ Liste alphabétique des spécialités
– Bicarbonate de sodium : 320 g ;
– Biocidant solution pour pulvérisation nasale (céthexonium, NR).
– borate de sodium : 160 g ;
– Collubleut (méthylthioninium chlorure ou bleu de méthylène, NR).
– salicylate de sodium : 80 g ;
Collutoires antibactériens
– Collu-Hextrilt (hexétidine, R 35 %).
– eau qsp 1 L. Une cuillère à café dans un verre d’eau tiède. Une solution aqueuse contenant 1 % de chlorure de sodium et 2 % de bicarbonate de sodium a été conseillée comme solvant du mucus accumulé dans la bouche [52].
– Collunovart 0,11 % (chlorhexidine, R 35 %).
¶ Bains de bouche antibiotiques
Collutoires antibactériens + anesthésiques locaux
La tétracycline est utilisée en bains de bouche de 2 minutes, quatre fois par jour, dans le traitement des aphtes (250 mg dans 5 mL d’eau ou de sérum physiologique), dans les aphtoses herpétiformes ou majeures en association avec la triamcinolone acétonide (50 mg dans une suspension de tétracycline à 2,5 g/100 mL en bains de bouche de quelques minutes trois fois par jour) ou la nystatine (tétracycline : 2,5 g ; nystatine : 250 000 U ; glycérine : 100 mL). La tétracycline inhiberait l’activité de la collagénase et son application locale semble agir également par action caustique en raison du pH très basique du chlorhydrate de tétracycline [91].
¶ Bains de bouche à la ciclosporine Dans certaines formes évolutives de lichens, on peut utiliser le Sandimmunt 100 mg/mL solution buvable, sous forme de bains de bouche en solution à 10 % pendant 15 minutes quatre fois par jour durant 2 mois, ou encore le Néoralt 100 mg/mL solution buvable. Les quantités importantes nécessaires rendent le traitement particulièrement coûteux. Pour réduire le coût, des corticoïdes topiques peuvent être utilisés concomitamment : ils accélèrent la résolution de l’érythème et des ulcérations. La ciclosporine topique peut aussi être utilisée en bains de bouche chez les patients souffrant de réaction greffon contre hôte (GVH) orale chronique et peut constituer une thérapeutique adjuvante chez les patients atteints de pemphigus oral ou de pemphigoïde.
– Hexasprayt (biclotymol, R 35 %). – Locabiotalt (fusafungine, R 35 %). – Lysofont solution pour pulvérisation buccale (chlorhexidine, NR).
– Amygdolt (chlorhexidine, amyléine, NR). – Colludolt (hexamidine, lidocaïne, NR). – Collustant (chlorhexidine, amyléine, NR). – Drillt maux de gorge (chlorhexidine, tétracaïne, NR). – Eludrilt (chlorhexidine, tétracaïne, R35 %). – Givalext (hexétidine, choline salicylate, chlorobutanol, NR). – Hexomédinet collutoire (hexamidine, tétracaïne, R 35 %). – Oromédinet (hexamidine, tétracaïne, NR). – Solutricinet Maux de gorge (hexamidine, tétracaïne, NR). – Strepsilsprayt à la lidocaïne (amylmétacrésol, alcool dichloro-2,4 benzylique, lidocaïne, NR). Collutoire antibactérien + corticoïdes Thiovalonet (chlorhexidine, tixocortol, R 35 %). Collutoire antibactérien + vasoconstricteur local Collupressinet (chlorhexidine, félypressine, NR).
¶ Préparations magistrales (à réaliser par le pharmacien) Elles font appel à l’acide borique (antiseptique faible, non irritant pour les muqueuses délicates), à l’eau oxygénée ou soluté officinal 5
Topiques
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de peroxyde d’hydrogène (antiseptique assez puissant), à la liqueur de Labarraque ou au soluté alcalin d’eau de Javel (désinfectant et antiseptique puissant) [61]. Collutoire utilisé pour les aphtes
Stomatologie/Odontologie
Certains auteurs recommandent également l’usage du lait comme substitut salivaire. Outre ses propriétés d’humidification et de lubrification des muqueuses déshydratées, il neutralise les acides buccaux, réduit la solubilité de l’émail et contribue à la réminéralisation de l’émail [36].
– Borate de sodium : 5 g ; – tanin : 2 g ;
Comprimés à sucer
– glycérine : 30 g. Collutoire boraté (muguet, stomatites) – Borate de sodium : 5 g ; – glycérine : 20 g. Collutoire utilisé pour le muguet – Eau oxygénée : 20 g ; – glycérine boratée au 1/5 : 25g. Collutoire utilisé pour les stomatites – Liqueur de Labarraque : 2 à 4 g ; – glycérine : 20 g. SUBSTITUTS SALIVAIRES
Les substituts salivaires peuvent être utilisés lorsqu’il n’est pas possible de stimuler la sécrétion salivaire, ce qui est le cas lorsque le parenchyme glandulaire n’est plus totalement ou partiellement fonctionnel. La plupart des produits commercialisés sont plus visqueux que la salive, ne reproduisent pas les variations de viscosité de la sécrétion salivaire et ne contiennent ni enzymes salivaires, ni anticorps. La majorité des produits proposés est à base de solutions de carboxyméthyl-cellulose, avec parfois incorporation de certaines mucines d’origine animale (extraits de glandes sous-maxillaires bovines ou d’estomac de porc) pouvant poser des problèmes de sécurité infectiologique. De nombreuses formulations contiennent des fluorures. Malheureusement, la majorité des produits commerciaux n’a pas été soumise à des essais cliniques contrôlés. En outre, comme les substituts salivaires ont une durée d’action limitée, ils doivent être administrés de façon répétée, créant des problèmes d’observance et de coût. Enfin, ils manquent aussi de mouillabilité, leur goût est médiocre et ils ne peuvent être ciblés sur les différents sites intraoraux (surface de la muqueuse ou de l’émail). L’avenir est à la coopération entre industrie pharmaceutique et biotechnologie pour compléter en macromolécules natives les salives artificielles et moduler leur action en fonction des différentes surfaces et des différentes flores locales [57, 101] . Actuellement, on ne trouve plus sur le marché que deux aérosols (Artisialt, Syaline-sprayt) et un gel humectant (Bio-X-Trat).
¶ Liste alphabétique des spécialités – Artisialt : six à huit pulvérisations endobuccales par jour (R 35 %).
Ils apportent un contact avec le principe actif plus durable que les bains de bouche. Leur efficacité est souvent modeste, mais ils peuvent constituer un appoint thérapeutique apprécié par certains patients. La durée de leur prescription varie de 5 à 10 jours. À BASE DE CORTICOÏDES
Le Betneval buccalt (R 35 %), à base de valérate de bétaméthasone, se présente sous forme de tablettes. Il se délite dans la salive en libérant progressivement le principe actif. Sa posologie est d’une ou deux tablettes au contact des lésions renouvelées trois à cinq fois par jour. Ce traitement est à poursuivre 10 jours ou plus et à renouveler à chaque poussée. Les aphtes et les poussées érosives de lichen buccal constituent ses principales indications. Il est bien sûr contre-indiqué en cas de lésions buccales d’origine virale et chez l’enfant de moins de 6 ans. À BASE D’ANTIFONGIQUES
La Mycostatinet (nystatine) peut être utilisée sous forme de comprimés dragéifiés (à 500 000 UI) qui doivent être croqués ou écrasés et gardés dans la bouche quelques minutes avant d’être avalés. La posologie est de 8 à 12 comprimés par jour, en trois ou quatre prises en dehors des repas, pendant 3 semaines dans les formes de moyenne gravité. Il est possible également de laisser fondre en bouche des comprimés (6 à 8 comprimés par jour, pendant 10 jours) ou des ovules gynécologiques (3 à 4 par jour). AUTRES
Il s’agit essentiellement de traitements locaux d’appoint pour les affections limitées de la muqueuse buccale et de l’oropharynx (aphtes, irritations, gingivites, stomatites...). Leur posologie est en moyenne de 1 comprimé six fois par jour. Ils associent divers principes actifs. – Aphtoralt (NR) : chlorhexidine, tétracaïne, acide ascorbique (vitamine C). – Cantalènet (NR) : lysozyme (agent de défense naturel), chlorhexidine (antiseptique) et tétracaïne (anesthésique local). – Glossithiaset (R 35 %) : lysozyme et acide ténoïque (à visée décongestionnante). – Hexalyset (R 35 %) : lysozyme, biclotymol et énoxolone (à visée anti-inflammatoire et antiseptique).
– Glandosanet : n’est plus commercialisé en France, mais le demeure dans d’autres pays européens (Autriche, Grande-Bretagne, Allemagne...).
– Imudont (R 35 %) : lysats bactériens à visée immunostimulante.
– Oralbalancet : trois applications par jour entre les repas, avec un doigt propre, sur la gencive et le palais (NR). Produit souvent bien apprécié par les patients, l’Oralbalancet n’est plus commercialisé et a été remplacée par Bio-X-Trat, gel humectant.
– Lysocalmt (NR) : lysozyme et lévomenthol (à visée adoucissante).
– Syaline-sprayt : quatre à six pulvérisations par jour (R 35 %).
– Lyso-6t (NR) : lysozyme et pyridoxine. – Lysofont comprimé (NR) : chlorhexidine et tétracaïne. – Lysopaïne ORLt (R 35 %) : bacitracine (antibiotique d’action locale), lysozyme et papayer (anti-inflammatoires).
¶ Préparations magistrales
– Maxilase-Bacitracinet (NR) : bacitracine et a-amylase (enzymes antiœdémateuses).
De nombreuses formulations de salives artificielles (plus d’une trentaine [cf norme AFNOR NF S91-141 et [56]) ont été proposées par différents auteurs, essentiellement pour tester des matériaux dentaires.
– SSTt : sorbitol, polyéthylène glycol, acide malique, citrate de sodium, phosphate dicalcique, huile de coton hydrogénée, acide citrique, stéarate de magnésium, silice colloïdale (stimulant de la sécrétion salivaire).
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Topiques
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Tableau II. – Quelques crèmes, pommades ou gels buccaux. Spécialités t
Aftagel gel buccal Alcyakt gel gingival Borostyrolt crème Elugelt gel dentaire Flogencylt Gencigelt Hexigelt 0,5 % Pansoralt gel buccal Parodiumt gel gingival Pyralvex gelt
Principes actifs
Remboursement
lidocaïne, sulfate de zinc gingko flavone glycosides thymol, salol, lévomenthol chlorexidine 0,2 %, glycérol b-escine acide hyaluronique hexétidine choline salicylate, cétalkonium chlorure chlorexidine, formaldéhyde, « Rheum palmatum » rhubarbe, acide salicylique
NR NR NR NR R 35 % NR NR NR NR NR
R : remboursement ; NR : non remboursé.
GOMMES À MÂCHER
– Alcyakt gomme à mâcher (NR) : cette spécialité sans sucre assure une libération prolongée de ginkgo flavone-glycosides lors de la mastication. Elle est prescrite comme soin protecteur des dents et gencives, à raison de une dragée trois fois par jour, à mastiquer pendant 10 minutes. – Fluogumt sans sucre (NR) : cette spécialité, indiquée dans la prophylaxie de la carie dentaire après évaluation des apports fluorés alimentaires, assure un apport de fluorure de sodium de 0,250 mg par tablette. Elle est prescrite à raison de une à six tablettes par jour chez l’adulte et l’enfant de plus de 6 ans. – Tonigumt, Freedentt (NR) : la mastication de ces chewing-gums sans sucre contribue à stimuler la sécrétion salivaire.
Crèmes, pommades et gels
(tableau II)
Comme pour la peau, les crèmes peuvent également être appliquées sur les muqueuses et semi-muqueuses [49, 62] souvent en dehors de leur AMM (autorisation de mise sur le marché). Il convient d’appliquer les pommades, crèmes ou gels à l’aide d’un Coton-Tiget ou par massage avec un doigt propre sur la lésion à traiter, en général trois ou quatre fois par jour, pendant 5 à 10 jours. Les études scientifiques sur les modalités et la durée d’applications sont quasi inexistantes. Elles ont l’avantage de distribuer le ou les principes actifs sur les zones sélectionnées. Les problèmes posés sont les suivants : disponibilité du principe actif dans le gel, tenue en bouche, salivation, tolérance gustative et tolérance digestive. TOPIQUES MUQUEUX À VISÉE ANTIBACTÉRIENNE, ANTIFONGIQUE ET ANTIVIRALE
¶ Crèmes, pommades et gels à visée antibactérienne Cette catégorie rassemble des spécialités variées, dont deux sont sans alcool (Elugelt, Hextrilt gel). – Alcyakt gel gingival (gingko flavonoglycosides) : deux applications par jour pendant 1 mois. – Borostyrolt solution pour application locale (thymol, lévomenthol, salol) : trois applications par jour. – Elugelt gel dentaire (chlorhexidine 0,2 %) : s’applique par brossage de 3 minutes avec brosse souple, trois fois par jour. Ce gel est antiseptique et serait cicatrisant. – Flogencylt (b-escine) : cinq applications par jour pendant 5 jours sont recommandées pour le traitement des aphtes et ulcérations de la muqueuse buccale pour ce gel à propriétés accessoires antalgiques et antiœdémateuses, qui possède une bonne tenue sur les muqueuses buccales.
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– Hexomédinet gel à 1 % (hexamidine) : ce gel cutané bactéricide peut être prescrit à raison de deux ou trois applications par jour en cas de perlèche streptococcique, notamment chez l’enfant. – Hextrilt gel gingival à 0,5 % (hexétidine) : ce gel antiseptique sans alcool est indiqué à raison de trois ou quatre applications par jour en cas d’inflammation et de lésions superficielles de la cavité buccale (aphtes, suites opératoires, irritations par prothèses). – Pansoralt (choline salicylate, cétalkonium chlorure) : quatre applications par jour pendant 7 jours. Ce gel antiseptique possède également une activité antalgique qui se manifeste en 2 à 3 minutes et dure de 3 à 4 heures. Il est proposé en cas d’aphtes, d’accoutumance au port de prothèses et d’appareillages orthodontiques. Il ne doit pas être appliqué chez l’enfant de moins de 6 ans et en cas d’antécédents d’hypersensibilité aux salicylés. – Parodiumt gel gingival (chlorhexidine [antibactérien], formaldéhyde [cicatrisant et hémostatique], rheum palmatum [antiœdémateux local]) : ce gel antibactérien, adoucissant, antifongique et cicatrisant, qui adhère bien sur les muqueuses buccales, est proposé pour les gingivorragies et gingivites, à raison de trois applications par jour. – Pyralvex-Gelt (rhubarbe, acide salicylique) : il s’applique à raison de trois applications par jour, en massages locaux, en cas de lésions inflammatoires limitées de la muqueuse buccale et d’aphtes.
¶ Crèmes, pommades et gels antibiotiques Dans certaines formes de lichen, la griséofulvine a été proposée (Griséfuline pommadet) : elle est appliquée dans une gouttière à porter quatre fois par jour pendant une demi-heure. Une antibiothérapie locale par l’acide fusidique (Fucidinet crème et pommade) ou l’érythromycine (Érythrogelt) peut être indiquée en cas de surinfection bactérienne d’une perlèche.
¶ Crèmes, pommades et gels antifongiques Ils sont indiqués dans les cas de candidose orale et de perlèche. Il faut retirer les prothèses adjointes lors de leur application sur la muqueuse orale. Les gels buccaux peuvent également être appliqués sur la face muqueuse des prothèses. – Daktarint gel buccal (miconazole) : deux cuillères-mesure, quatre fois par jour, pendant 15 jours (garder 1 minute en bouche avant d’avaler). – Daktarint gel pour application cutanée à 2 % (miconazole) : une application matin et soir pendant 15 jours sur la peau (perlèche). – Fonxt (oxiconazole) : une application par jour, après la toilette. – Lomexint crème à 2 % (fenticonazole) : une ou deux applications par jour, pendant 15 jours.
¶ Crèmes, pommades et gels antiviraux Leur efficacité est souvent modeste et liée à la précocité de leur application (dès les premières sensations de brûlure, toutes les 2 heures et pendant 4 jours). À base d’aciclovir – Activirt (aciclovir) crème à 5 % : cinq applications par jour, pendant 10 jours. – Zoviraxt (aciclovir) : cinq applications par jour, pendant 5 à 10 jours À base de penciclovir Denavirt (penciclovir) crème à 1 % : six ou huit applications par jour. Autres – Cuterpèst (ibacitabine) gel à 1 % : trois à dix applications par jour. 7
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– Parkipant pommade (bleu trypan, amyléine, dioxyde de titane) : trois applications par jour. TOPIQUES À BASE D’ANTIMITOTIQUES LOCAUX
Ils peuvent être indiqués en cas de papillomes et de condylomes, notamment chez les sujets porteurs du virus de l’immunodéficience humaine. Leur utilisation est souvent difficile en raison de leur effet irritatif à proximité des muqueuses et de la peau saine. – Efudixt (fluorouracil) : une application par jour en couche mince avec un doigtier ou un Coton-Tiget, pendant 3 semaines, en surveillant la numération formule sanguine et en évitant le contact avec peau ou muqueuse saine. – Condylinet (podophyllotoxine) solution à 0,5 % : deux applications par jour à l’aide d’un applicateur contenu dans le conditionnement, pendant 3 jours consécutifs, et à répéter pendant 5 semaines successives au maximum. Il faut éviter tout contact avec la peau et les muqueuses saines avoisinantes. TOPIQUES MUQUEUX À VISÉE ANTI-INFLAMMATOIRE ET/OU ANTALGIQUE
À base de corticoïdes Les corticoïdes topiques sous forme de crèmes, pommades ou gels sont utilisés essentiellement pour le traitement des dermatoses buccales et celui des cicatrices cutanéomuqueuses, en raison de leur activité anti-inflammatoire et antimitotique. S’il est bien connu que leur action immunosuppressive favorise le développement des infections notamment fongiques, celle-ci est cependant peu fréquente avec les corticoïdes utilisés en applications locales. Le traitement local du lichen buccal érosif constitue une de leurs principales applications. Bien que les restrictions d’application au niveau du visage mentionnées dans le dictionnaire VIDALt puissent faire hésiter, les crèmes et pommades à base de corticoïdes de classe II (activité forte) peuvent être utilisées en bouche et rendre de notables services dans le traitement des formes érosives du lichen buccal (à noter toutefois que, contrairement au lichen cutané riche en cellules de Merckel, le lichen buccal n’est pas toujours douloureux). Le problème principal est de les faire tenir en bouche pendant un temps suffisant. Ainsi, une association de corticoïdes de classe II en crème (Diprosonet, Synalart 0,025 % crème, Betnevaly 0,1 %, Locoïdt crème 0,1 %) ou en pommade (Topsynet 0,05 % pommade) et d’un adhésif (Orabaset ou Coregat : à noter parfois une désagréable sensation d’arrachement lorsqu’on l’ôte) peut être appliquée le soir au coucher (mélange un tube : un tube, donnant une pâte rose, à appliquer en force après avoir ôté le film salivaire). Cette préparation peut être également mise en place dans une gouttière moulée en polyuréthane confectionnée à partir d’empreintes dentaires, à porter quatre fois par jour pendant une demi-heure. La décroissance thérapeutique (en passant à deux fois par jour, puis une fois par jour) est réalisée sur 1 à 3 mois pour éviter les récidives [10]. Un mélange avec du gel de polysilane peut également être réalisé pour atténuer le caractère désagréable du goût. Sur la demi-muqueuse des lèvres on utilise, selon le caractère aigu ou chronique : – soit un corticoïde de niveau II, en crème ou pommade (Diprosonet, Betnevaly 0,1 %, Nérisonet), ou en crème hydrophile ou lipophile (Efficortt) ; – soit un corticoïde de niveau I (Dermovalt crème, Diprolènet crème ou pommade). Pour le lichen plan érosif, le pemphigus bulleux, le pemphigus vulgaire, les stomatites allergiques de contact, certains auteurs préconisent l’application de triamcinolone 0,1 % dans de l’Orabaset (Kenalogt, Orabaset), sur les lésions buccales, deux à quatre fois par jour, ou encore l’application de fluocinonide 0,01 % et 0,05 % en onguent (Lidext) sur les lésions buccales six fois par jour. 8
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À base d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) – Le Niflurilt gel gingival, associait un AINS (acide niflumique) et un antiseptique (hexétidine) et s’appliquait en brossages et/ou massages gingivaux deux ou trois fois par jour, pendant quelques minutes. Il a été récemment retiré en raison d’accidents de sensibilisation. – L’Arthrodontt 1 %, pâte gingivale contient de l’enoxolone (AINS) et s’applique de la même façon. Autres – Alcyakt gel gingival (gingko flavonoglycosides) : deux applications par jour en massages locaux, pendant 1 mois. Il possède une action antiradicaux libres, antiélastase, vasorégulatrice et inductrice de la synthèse du collagène [11] . Son action antiinflammatoire sans AINS est intéressante en cas de gingivite ou de complément d’un traitement parodontal. – Gel de polysilane Midyt (diméticone) : utilisé pour le traitement symptomatique des gastralgies, son application dans la bouche avant de l’avaler en cas de lésions diffuses ou sur la face muqueuse des prothèses peut apporter un soulagement local apprécié (une application trois fois par jour sous la prothèse) en cas de lésions sous-prothétiques. – Gencigelt (acide hyaluronique) : il a une action antiœdémateuse et favorise la réparation tissulaire gingivale. Il est présenté en tube doseur, avec seringues et embouts pour applications professionnelles, ainsi qu’en sachets minidosés à remettre aux patients pour prolonger le traitement [85]. – Sensigelt (fluorhydrate de nicométhanol, nitrate de potassium) : il s’emploie pour la désensibilisation dentinaire : trois applications locales par jour, avec une brosse souple ou avec un doigt, pendant 1 minute. La capsaïcine (extrait de pigment de solanacées) en application locale [7, 24, 25, 28, 58, 68] serait efficace pour le traitement des algies postzostériennes [16]. Elle est surtout utilisée dans les pays anglosaxons. Le Dolpyct baume, seule spécialité courante en contenant, n’est plus commercialisé en France (mais l’est toujours dans certains pays européens : Belgique, Italie). Le Zostrixt, surtout utilisé aux États-Unis, est également commercialisé en Autriche. TOPIQUES MUQUEUX À VISÉE ANESTHÉSIQUE
Différentes spécialités sont disponibles avec un ou plusieurs principes actifs. En fonction de leur concentration en anesthésique local, ils peuvent être prescrits aux patients ou doivent être appliqués par le praticien. Il faut veiller aux contre-indications, effets secondaires et toxicité, notamment chez les enfants. Le risque de fausses-routes est notable. – Aftagelt : c’est un gel buccal à base de lidocaïne (anesthésique local) et de sulfate de zinc (astringent), à appliquer au doigt sur les lésions trois fois par jour, présenté en flacon de 15 mL. – Dynexant 2 % pâte gingivale (lidocaïne) : quatre applications par jour en massant ; proposée dans les blessures par prothèses, les aphtes, les gingivites. – Emlat (lidocaïne, prilocaïne) crème à 5 % : c’est un anesthésique local transcutané transmuqueux indiqué avant chirurgie superficielle (biopsie ou exérèse de lésions instrumentale ou par laser), avant infiltration à l’aiguille d’anesthésiques locaux. Elle est présentée notamment en tube de 5 g, avec deux pansements adhésifs (boîte unitaire). Pour la peau, on peut l’utiliser selon une posologie de 2 à 3 g chez l’adulte et 1 à 2 g chez l’enfant de plus de 1 an. Le contact préalable doit être de 1 heure au minimum et l’anesthésie obtenue persiste 1 à 2 heures. Pour les muqueuses, une application de 10 minutes suffirait et l’anesthésie durerait environ 20 minutes. – Topext gel à 20 % (benzocaïne) : c’est un anesthésique local de contact pour la muqueuse endobuccale, à goût agréable, sans amertume, qui exerce également une action bactériostatique et
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fungistatique. Il est utilisable avant intervention douloureuse ou injection, mais aussi en cas d’ulcération aphteuse ou d’irritation mucogingivale. L’action anesthésique se fait en 30 secondes et l’activité est à 100 % en 10 à 15 minutes. Cet anesthésique de type ester pénètre moins rapidement le système sanguin que ceux de type amide, augmentant la marge de sécurité. Il est présenté en flacon de 15 mL. – Xylocaïnet visqueuse : c’est un gel oral à 2 % de lidocaïne (tube de 100 g) pour anesthésie de contact des voies digestives supérieures. La posologie est de 1 cuillerée à dessert à répartir au niveau des lésions, trois fois par jour, avant les repas ou au moment des douleurs (attendre 2 heures avant toute ingestion). TOPIQUES DENTAIRES FLUORÉS
– Fluocarilt Bi-fluoré 2000 gel dentaire : ce gel dentaire, à haute teneur en fluor, réservé à l’adulte, s’applique sur les dents détartrées, à l’aide de gouttières spéciales pour un meilleur contrôle de l’administration. En prophylaxie de routine, il s’utilise deux fois par an, et plus fréquemment en cas de polycaries. – Fluogelt : ce gel dentaire, à haute teneur en fluor, réservé à l’adulte, s’applique sur les dents détartrées à l’aide de gouttières individuelles pendant 10 minutes. Il est indiqué dans la prévention des caries dentaires postradiothérapie (après radiothérapie : une application par jour en période d’adaptation, puis au minimum deux applications hebdomadaires) ou dans certains cas de bouches sèches. Le traitement ne doit pas être interrompu. TOPIQUES MUQUEUX À VISÉE TROPHIQUE OU PROTECTRICE
– A 313t pommade (rétinol) ou Avibont pommade (rétinol) : elles s’appliquent à raison de deux ou trois fois par jour sur la peau ou les lèvres (en cas de gerçures, crevasses, plaies et brûlures superficielles...), en massant légèrement pour faciliter la pénétration. – Vaseline en pommade (Vaseline Stérilisée Coopert) : elle constitue un traitement d’appoint des lésions d’irritation et de sécheresse cutanées, à raison de deux ou trois applications par jour sur la peau ou les lèvres (notamment en cas de diminution de la hauteur d’articulé). – Dexerylt (glycérol, vaseline, paraffine liquide) : cette crème, émolliente et hydratante, est recommandée en cas de sécheresse cutanée ou de brûlures superficielles et s’applique en couches minces une ou deux fois par jour.
Suspensions Les suspensions résultent de la dispersion d’une phase solide au sein d’une phase liquide dans laquelle elle n’est pas soluble. SUSPENSIONS BUVABLES
¶ Antifongiques Ce sont essentiellement les antifongiques qui sont utilisés sous forme de suspension. La voie locale doit demeurer le traitement de première intention pour les mycoses buccales. Le principal problème demeure celui de la rémanence de l’effet local (le fait de garder le produit en bouche 1 minute avant d’avaler est d’une efficacité certaine mais modeste), ce qui incite à développer des formes pharmaceutiques nouvelles assurant une libération continue contrôlée. Les suspensions buvables sont administrées en général à raison de trois cuillères à café (trois fois 5 mL) par jour chez l’adulte, en dehors des repas, pendant 2 à 3 semaines. Il est important de garder le produit au moins 1 minute en bouche avant d’avaler.
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La suspension peut également être utilisée en badigeonnage local, quatre à six fois par jour. Liste alphabétique des spécialités – Fungizonet suspension buvable (amphotéricine B) : flacon de 40 mL ; nourrisson et enfant 50 mg/kg/j, soit une cuillère à café par 10 kg/j ; adulte 1,5 à 2 g/j, soit trois à quatre cuillères à café par jour. – Mycostatinet (nystatine) : poudre pour suspension buvable, flacon de 24 mL à 2,4 MUI (24 cuillères-mesure de 1 mL) ; nourrisson 5 à 30 cuillères-mesure par jour ; enfant 10 à 40 cuillères-mesure par jour ; adulte deux à trois flacons par jour. Les effets indésirables sont exceptionnels (nausées, réaction locale). L’administration simultanée de pansements et topiques digestifs est à éviter. Autres Pour favoriser la cicatrisation des aphtes, on peut également prescrire (hors autorisation de mise sur le marché) des suspensions buvables utilisées pour le traitement des ulcères digestifs : – Ulcart: suspension buvable, à raison de quatre sachets par jour, à garder quelques minutes en bouche avant d’avaler ; – Maaloxt suspension buvable : une cuillère à soupe ou un sachet quatre fois par jour. SUSPENSIONS INJECTABLES LOCALEMENT
À la frontière des traitements topiques, les injections intralésionnelles constituent une voie d’administration locale qui court-circuite l’étape de pénétration transépidermique. Ce sont surtout des corticoïdes retard qui sont injectés en intralésionnel sous cette forme (lésions érosives du lichen à surface limitée, berges des aphtes géants, cicatrices chéloïdes...). On utilise des suspensions injectables à 40 mg/mL de méthylprednisolone (Dépo-Médrolt 40 mg/mL) ou d’acétonide de triamcinolone (Kenacort Retard 40t). On peut, par exemple, réaliser une injection intralésionnelle de 1 à 3 mL, répétée toutes les 3 semaines, avec une aiguille fine (type intradermique) ou l’appareil Dermo-jett. Les résultats sont en général satisfaisants, mais les récidives ne sont pas exclues. Les effets indésirables systémiques des corticoïdes ont un faible risque de survenue après administration locale, compte tenu des faibles taux sanguins. SUSPENSIONS POUR INSTILLATION LOCALE
On utilise également, en applications professionnelles, un antibiotique, le métronidazole, sous forme de suspension à 25 % (Elyzolt), en instillation à l’intérieur des poches parodontales à raison de deux applications consécutives à 7 jours d’intervalle. SUSPENSIONS POUR INHALATION BUCCALE
La béclométasone (Bécotidet) en suspension pour inhalations buccales, à 250 mg/dose, en flacon pressurisé avec embout buccal assurant 80 inhalations, se prescrit à raison de une inhalation quatre fois par jour. Ce médicament, surtout utilisé dans le traitement de l’asthme, peut apporter un soulagement, notamment dans les formes érosives oropharyngées du lichen et en cas d’aphtes multiples, notamment dans la partie postérieure de l’oropharynx. Il est par ailleurs important de rincer soigneusement l’embout buccal après utilisation pour ne pas favoriser les infections fongiques. AUTRES
Les aphtes buccaux peuvent bénéficier d’attouchements avec un coton inhibé de collyres contenant des corticoïdes : par exemple, Désocortt (prednisone, chlorhexidine), trois fois par jour, pendant 5 jours. 9
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Solutions SOLUTIONS INJECTABLES LOCALEMENT
Des solutions injectables d’antibiotiques peuvent être utilisés en intralésionnel et des anesthésiques locaux en solution injectable sont utilisés pour des infiltrations superficielles à visée antalgique et décontracturante.
¶ Infiltrations péritemporales superficielles L’un des traitements du syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM) très algique consiste à réaliser des infiltrations, autour de l’artère temporale superficielle, de Xylocaïnet à 1 % sans adrénaline. La technique est la suivante : à 1 cm en avant du bord supérieur du tragus, l’aiguille étant dirigée verticalement vers le haut, celle-ci est enfoncée sous la peau, la pointe devant rester dans le tissu cellulaire sous-cutané, à proximité de l’artère. On vérifie que la pointe n’est pas dans un vaisseau et on injecte un demi-cm3 de Xylocaïnet à 1 % sans adrénaline de chaque côté. Cette infiltration doit être réalisée tous les 3 jours, de façon bilatérale. Le nombre total d’infiltrations est de six à dix, réparties sur une période de 3 à 5 semaines.
¶ Pénicillinothérapie en injections locales Selon Abravanel et al [1], l’injection in situ de pénicilline G s’avérerait plus efficace que la chirurgie dans le traitement des épulis, avec absence de récidive plus de 1 an après. La technique consiste à réaliser, après anesthésie au spray, trois injections de 1 M d’U de pénicilline G (Pénicilline G Diamantt 1 000 000 UI, Pénicilline G Panpharmat) dans 3 cm 3 de sérum physiologique, à 3 jours d’intervalle (avec une seringue de 5 cm 3 et une aiguille intramusculaire). La disparition de l’épulis se fait en général en 5 semaines. SOLUTIONS POUR APPLICATIONS LOCALES
Il s’agit essentiellement de solutions à visée anti-inflammatoire et/ou antalgique que l’on utilise pour le traitement d’appoint des aphtes, des gingivites, des parodontopathies, des blessures légères par appareil de prothèse et autres lésions inflammatoires limitées de la muqueuse buccale. Le Pyralvext solution (rhubarbe, acide salicylique) et le Borostyrolt solution pour application locale (thymol, lévomenthol, salol, benjoin, acide borique) s’appliquent au pinceau ou avec un Coton-Tiget sur les zones à traiter deux ou trois fois par jour. Le Dakin Coopert stabilisé solution antiseptique est également utilisé en parodontologie. Notons enfin que, pour les nécroses muqueuses postradiothérapie de faible étendue, Bertoin et al [8] indiquent l’application locale d’un vasodilatateur, type Fonzylanet, à l’aide d’une compresse (pendant 3 minutes et trois fois par jour), associée à une antibiothérapie par voie générale type Augmentint 500 mg (1 comprimé matin et soir, pendant 10 jours).
Topiques caustiques et kératolytiques TOPIQUES CAUSTIQUES
¶ Acide trichloracétique L’acide trichloracétique en solution à 33 % (par exemple, Acide trichloracétique Pierre Rollandt en flacons de 60 mL) est utilisé localement comme topique grâce à ses propriétés caustiques, astringentes et hémostatiques. On l’emploie notamment dans le traitement des aphtes, dont il stoppe généralement l’évolution, et de certaines gingivostomatites. 10
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En pratique, une faible quantité de solution est déposée au niveau des tissus à traiter, avec un Coton-Tiget par exemple, ou en attouchement suivi d’un rinçage à l’eau. Sa manipulation, réservée au praticien, doit être soigneuse, car l’ingestion accidentelle peut entraîner des lésions digestives et il peut également provoquer des taies cornéennes. Il a été prouvé que la coagulation des couches cellulaires superficielles réalise un écran protecteur pour les couches cellulaires profondes (contrairement à l’acide chromique).
¶ Acide salicylique Il agirait en inhibant la cholestérol-sulfotransférase et modifie ainsi l’équilibre des lipides de la couche cornée. Il est également bactériostatique et fongicide. Il n’existe pas en France de formulation commerciale contenant uniquement de l’acide salicylique, mais des formulations destinées principalement au traitement des verrues qui l’associent à de l’acide lactique dans un collodion.
¶ ATS L’ATS, association des deux acides trichloracétique et salicylique dans la proportion de six à un, a été largement utilisé par Darcissac [20], en solution à 3 % ou à 30 %, dans le traitement des gingivostomatites, des accidents muqueux d’évolution des dents, dans le traitement d’entretien des parodontoses et les plaies postopératoires (avulsion, gingivectomie...).
¶ Nitrate d’argent Le nitrate d’argent en crayon a également été utilisé en attouchements pour stopper l’évolution des aphtes mineurs et pour détruire de petites lésions inflammatoires (gingivites, aphtes), à l’exclusion des tumeurs cellulaires, même bénignes. TOPIQUES KÉRATOLYTIQUES
Ils sont à base d’acide rétinoïque (vitamine A acide, trétinoïne), qui possède des effets immunomodulateurs complexes, augmente la prolifération des cellules kératinisées non adhérentes et provoque une desquamation superficielle. Leurs indications concernent le lichen buccal dans ses formes hyperkératosiques (formes blanches : réseaux, papules, plaques opalescentes ; pas dans les formes érosives), mais aussi dans les leucoplasies et dans la langue noire villeuse.
¶ Crèmes – Kerlocalt 0,05 % : crème à 0,05 % de trétinoïne (NR). – Locacidt : crème à 0,05 % de trétinoïne (R 65 %). – Rétacnylt crème : crème à 0,025 % et 0,05 % (NR). – Rétin At 0,05 % : crème à 0,05 % (NR). – Retitopt : crème à 0,05 % de trétinoïne (NR). Les applications se font à raison de une ou deux fois par jour (le soir, ou matin et soir), par attouchements avec un Coton-Tiget des lésions hyperkératosiques de la muqueuse buccale. Elles peuvent être réduites ensuite à une application 1 jour sur 2, voire 1 jour sur 3.
¶ Solutions – Locacidt : solution pour application locale à 0,1 % de trétinoïne (R 65 %). – Aberelt 0,2 % : solution pour application locale à 0,2 % de trétinoïne (NR). Les applications sont à faire à l’aide d’un Coton-Tiget pendant 1 minute au moins et rincées (plutôt qu’en bains de bouche dilué à 10 %, pour des raisons de tolérance locale), matin et soir, sur une période de 3 semaines à 3 mois. Il faut avertir les malades que si la notice d’utilisation (qu’il leur arrive de lire) mentionne d’éviter le contact avec les yeux, la bouche, les narines, les muqueuses, cette
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Topiques
Tableau III. – Libération contrôlée. Intérêt : ciblage local, potentiel innovant. Gouttières (PMMA) Corticoïdes, AINS, antifongiques Fibres creuses (EVA) Antibiotiques (Actistite) Patchs (polyacryliques, PVP, hydroxypropylcellulose, gélatine) Anesthésiques locaux, analgésiques opioïdes, corticoïdes Comprimés collés (hydroxyapatite, éthylcellulose, copolymères acryliques) Fluorure de sodium, antiseptiques, sulfate de zinc, antifongiques, corticoïdes Prothèses réservoirs (PMMA, membrane semi-perméable) Substituts salivaires PMMA : polyméthylméthacrylate ; EVA : éthylvinylacétate ; PVP : polyvinylpyrolidone ; AINS : antiinflammatoires non stéroïdiens.
restriction ne concerne bien sûr pas l’application du produit au niveau des lésions elles-mêmes. Elle incite en revanche à prendre toutes les précautions pour ne pas répandre le produit sur d’autres zones non pathologiques, en raison de son pouvoir caustique. L’excipient alcoolisé de ces solutions peut entraîner des sensations de brûlures immédiates au moment de l’application et des épisodes de sécheresse buccale. C’est pourquoi la recherche s’oriente actuellement vers des excipients non alcoolisés. Il faut également rappeler aux patients de ne pas utiliser simultanément d’autres préparations locales à base d’alcool (certains bains de bouche) ou à pouvoir desquamant (autres kératolytiques que celui prescrit). Le schéma thérapeutique dégressif suivant peut être utilisé : application deux fois par jour pendant 15 jours, puis une fois par jour, puis 1 jour sur 2 et ainsi de suite jusqu’à une fois par semaine. Des corticoïdes locaux (Diprosonet ou bain de bouche au Solupredt par exemple) peuvent être associés en fin de traitement aux rétinoïdes locaux, ou prescrits en alternance, notamment en cas de lésions rouges (matin ou soir, une fois par jour ou 1 jour sur 2).
Libération contrôlée C’est là que résident certainement les plus importantes et les plus innovantes possibilités thérapeutiques pour les affections de la muqueuse buccale. Le principe général est de cibler localement l’action du principe actif, pour éviter d’inonder l’ensemble de l’organisme, avec le lot d’effets indésirables qu’engendrent souvent les molécules les plus actives. L’utilisation de systèmes à libération contrôlée intrabuccale de principes actifs est encore très réduite dans le domaine buccodentaire. Il peut s’agir soit de gouttières, de fibres creuses, de pastilles ou de patchs collés sur les dents ou la muqueuse buccale, soit, enfin, de dispositifs divers (prothèses-réservoir...) (tableau III). Leur intérêt peut être résumé comme suit : – une quantité connue d’un médicament très actif peut être maintenue en contact avec les tissus pour une période de temps prolongée ; – la concentration médicamenteuse n’est pas diluée de façon excessive par la salive ; – le médicament est libéré en fonction du temps à concentrations importantes ; il s’accumule dans la salive qui va baigner même les sites les moins accessibles de la cavité buccale, comme par exemple l’oropharynx postérieur ; – le risque d’ingestion accidentelle d’une grande quantité de médicament est minimisé ; – des médicaments coûteux sont mieux préservés lorsqu’ils sont administrés de cette façon ; – dès que le système conteneur est réalisé, de nombreuses administrations sont aisément réalisables ;
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– l’acceptation et la tolérance par le patient sont souvent très bonnes. GOUTTIÈRES
La réalisation technique de ces gouttières est tout à fait classique et comprend une prise d’empreintes préalable, son envoi au laboratoire de prothèse et enfin l’essai en bouche après réalisation. L’adaptation de la gouttière est fonction des impératifs anatomiques et fonctionnels propres à assurer le meilleur confort possible au patient [103]. Les principes actifs disposés dans ces gouttières peuvent être des corticoïdes, des AINS, des antifongiques, du fluor, etc. Leur forme est celle de pommades, de crèmes, de gels, de suspensions. Il faut indiquer au patient comment appliquer le principe actif, en recouvrant toutes les surfaces internes de la gouttière avec la forme galénique prescrite et comment insérer la gouttière quatre fois par jour, pendant 15 à 20 minutes à chaque fois. On explique aussi au patient qu’il est préférable de retenir la salive accumulée aussi longtemps que possible et de ne la recracher que lorsque c’est vraiment nécessaire. Le traitement est à poursuivre jusqu’à résolution des lésions. Une cessation progressive peut être indiquée (cas des corticoïdes, notamment), par exemple en réduisant à deux applications par jour, puis à une seule, avant d’arrêter complètement. PROTHÈSES-RÉSERVOIR
Le port de prothèses dentaires peut être rendu extrêmement inconfortable par la xérostomie. En dépit de systèmes de conception souvent ingénieuse, le problème de la combinaison de l’apport d’un substitut salivaire avec un système de libération simple, efficace et facile à nettoyer, n’a pas encore été résolu de façon satisfaisante [105]. Un système combinant deux plaques polymériques en PMMA et un réservoir obturé par une membrane semi-perméable a été élaboré par Brook en 1991 [14] pour obtenir une libération contrôlée de corticoïdes pendant une période de 6 jours pour le traitement des ulcérations orales. FIBRES CREUSES
[31, 32, 41, 53, 66, 108, 119]
Des méthodes d’application des antibiotiques par voie locale (sousgingivale) et à libération contrôlée se sont développées depuis près d’une vingtaine d’années pour le traitement des parodontites. Elles commencent à être utilisées en pratique clinique depuis seulement quelques années. L’étiologie bactérienne des maladies parodontales justifie le recours à l’antibiothérapie lorsque le traitement conventionnel par détartrage-surfaçage radiculaire, associé ou non à la chirurgie, ne donne pas les résultats attendus. Par rapport à l’antibiothérapie systémique, l’utilisation des antibiotiques à libération contrôlée présente l’avantage d’éviter certains effets secondaires tout en maintenant une concentration élevée de la molécule antibactérienne. La sensibilisation à l’antibiotique reste toutefois possible. Les indications de ces produits se situent dans les limites de l’antibiothérapie en parodontologie, lorsque les sites à traiter sont localisés et peu nombreux. Un protocole d’utilisation rigoureux doit être respecté pour assurer l’efficacité du traitement. Goodson [31] est le premier à utiliser des fibres creuses perméables d’acétate de cellulose, remplies d’une solution de tétracycline à 20 %. Ces supports ont été remplacés depuis par les fibres monolithiques en éthylène-vinyl-acétate (Actistitet), pouvant libérer la tétracycline au-delà de 9 jours, à une concentration élevée. Les autres molécules antimicrobiennes (métronidazole, chlorhexidine, doxycycline, minocycline) sont disposées sur des supports résorbables. Avec la matrice gélifiée et hydrolysée de chlorhexidine (Perio Chipt), ainsi que le polymère de doxycycline (Atridoxt), la concentration est efficace pendant plusieurs jours grâce à une libération contrôlée de produits actifs. Ces deux produits sont moins documentés dans la littérature. 11
Topiques
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Couche superficielle (0,7 mm) - Lactose
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Tableau IV. – Systèmes thérapeutiques buccoadhésifs à activité analgésique et anti-inflammatoire locale (d’après [43]). Principe actif
Couche adhésive (0,4 mm) -CP934, HPC -Acétonide de triamcinolone
1,1 mm
7 mm
1
Comprimé Aftacht destiné au traitement de l’aphtose buccale (d’après [78]). HPC : hydroxypropylcellulose.
Étant donné le coût, le temps passé, et le fait que le traitement mécanique donne des résultats cliniques et microbiologiques équivalents, il est totalement injustifié d’utiliser ces molécules en première intention au cours de la thérapeutique initiale. Comme toute antibiothérapie, l’utilisation de ce type de traitement peut être améliorée par un diagnostic microbiologique préalable, afin d’évaluer qualitativement la flore sous-gingivale (cultures avec ou sans antibiogramme, ou sondes ADN, difficiles en routine). Au vu des résultats cliniques, cette approche est évitée chez les patients au contrôle de plaque insuffisant ou peu coopérants. Une indication de choix de l’antibiothérapie locale se situe au niveau des poches résiduelles isolées, présentant un saignement au sondage persistant après détartrage-surfaçage radiculaire (mauvaise réponse au traitement non chirurgical à la réévaluation ou au cours de la maintenance). En présence d’un abcès parodontal aigu, le drainage par la poche parodontale peut être complété par la mise en place d’un antibiotique local si cette mise en place est possible. Sur des sites devant bénéficier d’une technique de régénération et sur lesquels l’infection est mal contrôlée, une antibiothérapie locale, quelques semaines avant, peut permettre en particulier d’améliorer les conditions tissulaires. Peu d’études sont disponibles sur l’utilisation des antibiotiques locaux dans des sites à faible potentiel de réponse, comme les lésions interradiculaires. Par rapport à l’antibiothérapie systémique, il est intéressant d’évaluer quelle est la meilleure voie d’administration, selon que l’on se réfère au patient ou au site. Elle ne peut cependant pas être considérée en soi comme un traitement des parodontites. C’est un adjuvant permettant de contrôler des pathologies localisées. Si celles-ci sont plus généralisées, le recours à la chirurgie reste le traitement de choix, lorsqu’il est possible. Les résultats obtenus sont stabilisés, à condition qu’une maintenance rigoureuse et adaptée à la forme de parodontite soit mise en place. COMPRIMÉS
Des comprimés devant être collés (par exemple avec un adhésif orthodontique) ou fixés (par exemple à l’aide d’un système de type bracket orthodontique), sur une molaire (au niveau d’une face non triturante) ont été développés pour libérer du fluorure de sodium, des corticoïdes, des antiseptiques, du sulfate de zinc, des antifongiques [21, 22, 67, 75]. Cette forme reste pour l’instant du domaine de la recherche. « PATCHS »
Des patchs buccaux polymériques ont été développés, notamment pour la libération contrôlée de corticoïdes (acétonide de triamcinolone) (fig 1), d’anesthésiques locaux (dibucaïne) ou d’analgésiques opioïdes (buprénorphine). Des films constitués d’un substitut végétal de la gélatine libérant des corticoïdes sont également en cours de développement pour le traitement du lichen buccal. 12
Forme galénique
Excipients bioadhésifs
Acétonide de triamcinolone
Comprimé bicouche
Carbopolt 934P
Acétonide de triamcinolone (liposomes) Acétonide de triamcinolone (liposomes) Prednisolone
Pâte
Hydroxypropylcellulose Orabaset
Prednisolone Bétaméthasone Érythromycine
Patch multilaminaire Comprimé Patch multilaminaire
Benzocaïne
Patch multilaminaire
Lidocaïne et acétonide de triamcinolone Trétinoïne Tétracaïne
Gel
Eudispertt HV Gélatine
Gel
Carbopolt 934P Paraffine blanche Hydroxypropylcellulose Carboxyméthylcellulosesodique Gomme Karaya Polyéthylène glycols Polyvinylpyrrolidone Polyéthylène glycols Hydroxypropylcellulose Gantrezt MS-955 Polyéthylène glycols Zilactint Eudispertt HV Hydroxypropylcellulose
Onguent Film Gel Patch
Carbopolt 934 : polymère de l’acide acrylique ; Eudispertt : copolymère de l’acide méthacrylique et de l’acide méthylméthacrylique ; Gantrezt MS-955 : sel sodique et calcique d’un copolymère d’anhydride maléique et de méthyl vinyl éther ; Zilactint : hydroxypropylcellulose estérifiée par l’acide salicylique (ou tannique) et réticulée avec de l’acide borique.
Enfin, des patchs transdermiques, appliqués dans la région mastoïdienne, ont été utilisés dans le traitement de l’hypersialorrhée par la scopolamine : ils ont l’avantage de ne nécessiter qu’une application tous les 3 jours [106]. PROBLÈMES POSÉS PAR LA MISE AU POINT DE SYSTÈMES BIOADHÉSIFS À APPLICATION BUCCALE
La mise au point d’un système bioadhésif à application buccale doit respecter un cahier des charges contraignant, expliquant la rareté des systèmes bioadhésifs commercialisés (tableau IV). Les principaux problèmes pour le formulateur sont les suivants : ceux liés à la fonction de la cavité orale, à l’adhésion, à la forme médicamenteuse, à la viscosification salivaire, à l’accessibilité, à la perméabilité tissulaire, à la taille du système et au rapport pH/solubilité [42].
¶ Problèmes liés à la fonction de la cavité orale La cavité orale est par nature le siège de sollicitations mécaniques intenses liées à la mastication des aliments et, dans une moindre mesure, à l’élocution. De ce fait, il est particulièrement difficile de créer un dispositif de libération capable de résister aux violentes contraintes de compression, de cisaillement et d’arrachement générées par la mastication des aliments. À cela s’ajoute, pour les dispositifs localisés sur la muqueuse bordante (dite non kératinisée), la déformabilité de la muqueuse qui sollicite la cohésion diamétrale du joint mucoadhésif par des cycles de contraction-extension.
¶ Problèmes d’adhésion Un dispositif rationnel doit adhérer rapidement et intensément à la muqueuse. À notre connaissance, seuls les polymères de l’acide acrylique présentent ces deux propriétés. Mais ils ne peuvent être utilisés tels quels en raison du micro-pH local très bas qu’ils génèrent, entraînant de sévères irritations de la muqueuse, sans parler du risque pour l’émail dentaire. Il est possible de les neutraliser, au moins partiellement, mais la neutralisation a deux conséquences néfastes : d’une part, elle diminue sensiblement le pouvoir bioadhésif du polymère in vivo et, d’autre part, la neutralisation favorise le gonflement du polymère, d’où une perte rapide de la cohésion du joint mucoadhésif.
¶ Problèmes liés à la forme médicamenteuse Les formes semi-solides étaient réputées plus faciles à appliquer sur une muqueuse que les formes sèches. De nombreux médicaments à
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Topiques
application buccale sont encore des gels ou des pâtes, surtout ceux ayant une activité locale. Or, le phénomène de bioadhésion nécessite, dans son étape initiale, un transfert d’eau depuis le tissu vers la forme médicamenteuse. Les formes semi-solides véhiculant par nature une certaine quantité d’eau, ce transfert ne peut se faire. De ce fait, leurs propriétés mucoadhésives laissent le plus souvent à désirer et ces formes sont rapidement lessivées de la muqueuse puis dégluties par le patient. Une seule préparation, développée par les laboratoires Squibb, aurait échappé à cet inconvénient : il s’agit de Orahésivet, mélange de trois hydrocolloïdes (carboxyméthylcellulose, pectine et gélatine), dont le lessivage prématuré était évité par le fait que ce mélange était dispersé dans un gel de polyéthylène. Cette préparation, brevetée à la fin des années 1950 sous le nom de Plastibaset, a eu une durée de vie assez longue car, il y a quelques années, on pouvait encore trouver en pharmacie une spécialité stomatologique dénommée Kenalogt, commercialisée par les laboratoires Squibb, dans laquelle un corticoïde était véhiculé par cette base bioadhésive.
¶ Problème de viscosification salivaire Les polymères bioadhésifs sont par nature des hydrocolloïdes. En l’absence d’une formulation adéquate, ces polymères vont progressivement se solubiliser dans la salive, entraînant une augmentation régulière de sa viscosité jusqu’à ce que la bouche devienne collante, notamment à la hauteur des lèvres. Cette sensation particulièrement désagréable entraîne rapidement une mauvaise observance de la part du patient. L’un des principaux avantages d’un dispositif développé pour l’usage vétérinaire était, entre autres, son insolubilité dans la salive, le système disparaissant progressivement par érosion.
¶ Problème d’accessibilité On pense notamment aux traitements des poches parodontales, pour lesquels il existe un certain nombre d’articles qui peuvent laisser perplexe : est-il raisonnable, pour ce type de pathologie, d’attendre une réponse thérapeutique de la part d’un dispositif de libération placé à l’extérieur, et le plus souvent à distance de la poche ? Actuellement, une forme bioadhésive, assurant la libération prolongée d’un antibiotique dans la poche parodontale, après curetage de cette dernière, est en développement.
¶ Problème de perméabilité tissulaire Contrairement à la muqueuse intestinale, la muqueuse buccale n’est pas un organe d’absorption. Sa perméabilité varie considérablement
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selon la région envisagée. La muqueuse sublinguale est très perméable. La muqueuse palatine antérieure et, à un moindre degré, la muqueuse gingivale, peuvent être considérées comme imperméables ; entre les deux, la muqueuse de la joue et la muqueuse alvéolaire. Pour une libération dans le fluide salivaire, le problème de la perméabilité locale est de moindre importance et un site d’application particulièrement intéressant semble être le palais antérieur (gêne modérée, muqueuse faiblement hydratée, inextensible).
¶ Problème de dosage en principe actif Il paraît encore difficile de développer des systèmes mucoadhésifs de grande taille pour une application buccale. À titre indicatif, des dispositifs actuellement en cours de développement dans la recherche d’un effet systémique incorporent entre 50 et 100 mg de polymère bioadhésif dans un système de 14 à 16 mm de diamètre pour 200 à 300 mm d’épaisseur. Il n’est donc pas raisonnable d’y incorporer un principe actif à plus d’une dizaine de milligrammes, car au-delà la chute du potentiel bioadhésif est trop marquée.
¶ Problème de pH et de solubilité Ce problème se pose surtout avec l’emploi des polymères bioadhésifs anioniques polycarboxyliques dont les propriétés mucoadhésives sont d’autant plus élevées qu’ils sont sous forme protonée. D’une part, la richesse de ces polymères en groupements carboxyliques entraîne fréquemment la formation de complexes insolubles avec de nombreux principes actifs et, d’autre part, l’acidité locale qui en résulte défavorise l’absorption des principes actifs basiques, lesquels sont majoritaires dans l’arsenal thérapeutique actuel. Il est important de poursuivre des travaux, aussi bien sur la perméabilité de la muqueuse buccale que sur le comportement physique des matériaux bioadhésifs en milieu hydraté. La mise au point d’un système bioadhésif performant pour la muqueuse buccale, outre son intérêt pour la distribution topique de principes actifs, offrirait également de nouvelles opportunités pour accéder à la circulation générale, comme c’est déjà le cas pour les muqueuses vaginale ou rectale basse.
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Vitamines et oligoéléments en odontostomatologie D. Muster Les vitamines sont surtout indiquées dans les états de carence. En dehors de ces indications, leur utilisation est empirique ou pharmacologique. L’article passe en revue les différentes vitamines liposolubles et hydrosolubles, les manifestations de leur carence au niveau de la sphère orofaciale et les possibilités qu’elles offrent en thérapeutique médicale des pathologies buccodentaires. Les oligoéléments sont envisagés dans le même esprit. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Vitamines ; Oligoéléments ; Maladies de la muqueuse buccale ; Caries dentaires
Plan ¶ Introduction
1
¶ Vitamines hydrosolubles Vitamines du groupe B Vitamine C
1 1 3
¶ Vitamines liposolubles Vitamine A Vitamine D Vitamine E Vitamine K
3 3 4 4 4
¶ Oligoéléments Zinc Cuivre et manganèse Fluor Fer
4 4 5 5 5
¶ Conclusion
5
■ Introduction La bouche est un indicateur sensible de l’état nutritionnel, ceci en raison des tissus à la fois durs et mous qui la composent avec leurs besoins nutritionnels spécifiques. Les vitamines sont surtout indiquées dans les états de carence (action physiologique : apport insuffisant, besoin accru, mauvaise absorption). En dehors de ces indications, leur utilisation est empirique ou pharmacologique (algies neurologiques, gingivites, stomatites, etc.) [1-21]. Certes, il faut relativiser la notion de carence en dehors des pays en développement ; néanmoins des déséquilibres variés liés à l’alimentation et à l’environnement sont susceptibles de perturber le subtil équilibre de notre métabolisme. Il existe de nombreux travaux relatant des observations de carence chez l’homme et d’autres observations thérapeutiques par les vitamines où l’empirisme de la démarche n’efface pas le bénéfice retiré par les patients. Enfin, l’accroissement de la population gériatrique incite à ne pas oublier les carences spécifiques liées au vieillissement [22]. Stomatologie
La désaffection pour les traitements vitaminiques, en raison de l’absence de preuves scientifiques de leur efficacité, écarte sans doute à tort des produits souvent bénéfiques à l’usage.
■ Vitamines hydrosolubles (Tableau 1) Vitamines du groupe B Les vitamines hydrosolubles du groupe B sont en général dérivées : • de la pyridine (vitamines B3 et B6) ; • des purines et des pyrimidines (vitamines B1, B2, B9) ; • des complexes d’acides aminés et d’acide organique (vitamines B5, B8, B9) ; • ou d’un complexe porphyrine-nucléotide (vitamine B12). Ces vitamines sont soit des activateurs d’enzymes (vitamines B1, B2, B3, B6, B9, B12), soit des agents nucléaires (vitamines B8, B9, B12). Les carences en vitamines du groupe B provoquent chez l’homme et l’animal de sérieuses altérations de l’immunité humorale ou cellulaire. Leur déficit se traduit cliniquement par des glossites, stomatites et chéilites angulaires. Une déficience d’une vitamine du groupe B peut affecter l’utilisation d’autres vitamines et ellesmêmes peuvent être affectées par divers médicaments et états pathologiques.
Vitamine B1 La vitamine B 1 ou thiamine sert de cocarboxylase à de nombreuses enzymes et est essentielle au métabolisme normal des glucides (décarboxylation des acides a-cétoniques). Sa carence conduit au béri-béri, caractérisé par : polynévrite, insuffisance cardiaque, troubles digestifs et mentaux. Les carences frustes sont souvent plus répandues qu’on ne le croit dans les pays industrialisés et frappent surtout les sujets âgés. L’hypovitaminose pourra être suspectée dans certaines conditions : éthylisme, alimentation à prédominance glucidique, radiothérapie antitumorale, traitements par sulfamides ou par antifongiques, notamment. L’existence de lésions spécifiques cutanéomuqueuses n’a pas été clairement prouvée.
1
22-013-B-50 ¶ Vitamines et oligoéléments en odontostomatologie
Tableau 1. Quelques vitamines par voie générale en pathologie de la muqueuse buccale. Groupe
Dénomination
Mode d’action
Spécialités®
Remboursement
Indications
Posologie indicative
A
Rétinol
Facteur de protection épithéliale
Avibon
NR
Ulcérations,
1 cap/j/10 j
A 313
R 35%
glossites
Antioxydant
Ephynal
R 35%
Hyperkératoses,
1-3 cp/j
empêche dégradation tissu conjonctif
Tocopa
R 35%
Parodontopathies, aphtes
1 gl/j
E
Alpha-Tocophérol
Toco 500
1 cap/j
B1
Thiamine
Métabolisme des glucides
Bévitine
NR
Névralgies, paresthésies
1 cp 3x/j
B2
Riboflavine
Respiration cellulaire
Béflavine
NR
Rhagades, perlèche,glossite, chéilites, dysgueusie
1 cp 3x/j
B3 (PP)
Nicotinamide
Métabolisme des glucides et des protéines
Nicobion 500 mg
NR
Aphtes, stomatites, gingivites, sialorrhée
1 cp/j
B5
Dexpanthénol
Métabolisme des lipides
Bépanthène
NR
Stomatites, aphtes
1 cp 3x/j
B6
Pyridoxine
Métabolisme des protéines
Vitamine B6 Richard
NR
Névralgies, paresthésies, aphtes
1 cp 3x/j
B8 (H)
Biotine
Métabolisme des glucides,
Biotine Roche
NR
Langue saburrale, glossite losangique
1-3 cp/j
Spéciafoldine 5 mg
R 65%
Carences en folates
1-3 cp/j
lipides et acides aminés B9
Acide folique
Synthèse noyau cellulaire
gingivite, parodontolyse B12 C
Cyanocobalamine Maturation cellulaire dans la moelle osseuse
Delagrange, Gerda
Acide ascorbique
Multiples
Métabolisme cellulaire
Vitamine B12
R 65%
Système rédox, chaîne respiratoire
Glossites hématologiques
1 Ap i.m./j/10j
Parodontopathies,
variable selon spécialités
stomatites, gingivites, aphtes
Ap : application ; cap : capsule ; cp : comprimé ; gl : gélule ; i.m. : intramusculaire.
Son absence sensibiliserait toutefois les tissus buccaux aux autres carences. Son action pharmacologique neurotrophique à haute dose est utilisée dans les névralgies et névrites du trijumeau ainsi que pour certaines algies des aphtoses. La Bévitine® peut se prescrire à raison de 1 comprimé 3 fois par jour.
Vitamine B2 La riboflavine résulte de la combinaison d’une flavine avec un sucre à 5 carbones (ribose). Son rôle biochimique est de contribuer à la formation de deux coenzymes flavoprotéiniques, FAD (flavin adenine dinocleotide) et FMN (flavin monocleotide), qui sont impliqués dans de nombreuses réactions d’oxydoréduction. Chez l’animal jeune se voient des retards de croissance, des désordres cutanéomuqueux, une atteinte oculaire, des troubles digestifs et neurologiques. L’ariboflavinose ne se voit chez l’homme qu’en cas de carences importantes et globales. Au niveau stomatologique : perlèche, chéilite et glossite (langue « magenta ») sont présentes. La Béflavine®(comprimés ou ampoules à 10 mg) est prescrite habituellement à raison de 20 à 40 mg/j comme cicatrisant et eutrophique de la muqueuse labiale ainsi qu’en cas de stomatites et glossites. Elle peut également contribuer à soulager certaines dysgueusies (1 cp 3 x j).
Vitamine B3 La carence en vitamine B3 (niacine, vitamine PP) entraîne typiquement la pellagre dont les troubles peuvent se résumer à la triade : dermatose, diarrhée, démence. Constante dans les grandes dénutritions et les déséquilibres alimentaires majeurs, c’est la rançon de la misère. Elle peut aussi compliquer amibiase et alcoolisme chronique. Les manifestations stomatologiques consistent en une stomatite érythémateuse (avec lèvres sèches, crevassées, parfois perlèche) et ulcéreuse avec aphtes plus grisâtres et plus étendus que les aphtes ordinaires. La glossite est habituelle (langue « pointillée », puis langue « nue ») avec glossodynie (glossopyrosis).
2
On a pu proposer son utilisation pour le traitement des aphtes, des stomatites et des gingivites (Nicobion 500 ® : nicotinamide) à la dose de 1 comprimé par jour avec des résultats plus ou moins probants.
Vitamine B5 L’acide panthoténique, précurseur du coenzyme A est très répandu (« panthos » signifiant partout) si bien que son déficit alimentaire est inconnu. Sa carence chez l’animal se traduit, entre autres, par des altérations cutanéomuqueuses (avec troubles de la kératinisation) et notamment chéilite et glossite ainsi que des phanères (en particulier : alopécie). On en a déduit des propriétés curatrices de la calvitie et des troubles trophiques des ongles (associée ou non à la biotine) ainsi que des troubles de la cicatrisation. Toutes ces indications paraissent très relatives à la majorité des auteurs. Les doses habituelles sont de 500 mg à 2 g/j et la tolérance est excellente.
Vitamine B6 C’est un dérivé de la pyridine. Les formes actives sont les phosphates de pyridoxal et de pyridoxamine qui circulent liés à l’albumine. Ces coenzymes (intervenant dans plus de 60 systèmes enzymatiques) jouent un rôle essentiel dans le métabolisme des acides aminés, le catabolisme du tryptophane et la synthèse d’acide c-amino-butyrique. Les effets généraux de la carence chez l’animal consistent en troubles cutanéomuqueux et neuromusculaires avec anémie microcytaire hypochrome. Il n’existe pas de syndrome clinique de carence individualisée attribué à la vitamine B6 chez l’adulte. Un besoin génétique accru en pyridoxine peut se manifester chez l’enfant. Toutes les indications stomatologiques de cette vitamine sont relatives : aphtes, glossodynies, prévention de la carie dentaire (aucune étude clinique rigoureuse n’a donné de résultats convaincants). Stomatologie
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Dans l’aphtose, le schéma de prescription suivant a pu être proposé : 0,50 g/j en intraveineuse, puis 1 g/j par voie orale (Bécilan ®: comprimés ou ampoules à 250 mg). Les déficits en vitamines B1, B2, B6 ont pu être évoqués dans l’origine des stomatodynies [10]. La prescription de l’association Vitamine B1-B6 Roche® peut contribuer à soulager certaines algies orofaciales.
Vitamine B8 (ou H) La D-biotine est une coenzyme transporteur de radicaux CO2 intervenant dans les réactions de carboxylation. Il est inhabituel qu’une déficience en biotine se développe spontanément chez l’homme. Chez l’homme, les manifestations stomatologiques, quand elles existent, sont à type d’atrophie en plages ou diffuses des papilles de la langue (qui reste pâle à la différence des autres carences). La biotine est susceptible de donner des résultats pour certaines glossites saburrales avec plages dépapillées (par exemple, à dose de 1 cp 3 × j pendant 1 mois).
Vitamine B9 (ou acide folique ou folates) Les monoglutamates interviennent dans le métabolisme des acides aminés, la synthèse des protéines, des purines et des pyrimidines. Les carences en acide folique sont les plus fréquentes des carences vitaminiques observées notamment chez les femmes et les personnes âgées. Les manifestations cliniques consistent en glossites et stomatites en aires très douloureuses avec ulcérations aphtoïdes fréquemment associées. Les traitements anticancéreux antifoliques (méthotrexate) ou antirhumatismaux entraînent des ulcérations superficielles diffuses. Différentes spécialités peuvent être prescrites : Spéciafoldine®, Lederfoline®, Elvorine®. Des bains de bouche peuvent être effectués avec la solution buvable à 50 mg de Lederfoline®.
Vitamine B12 Le terme générique de vitamine B12 désigne en fait un groupe de cobalamines. La vitamine B12 intervient avec l’acide folique dans le métabolisme des purines et pyrimidines. L’homme est totalement dépendant des apports alimentaires essentiellement représentés par les produits laitiers et la chair de ruminants. Les végétaux ne contiennent pas de vitamine B12. Le déficit en vitamine B12 détermine une anémie associée à une glossite (quelquefois préanémique). Il peut s’agir de carence d’apport (régime végétarien, malade parasité par le bothriocéphale) ou de carence d’absorption (carence en facteur intrinsèque gastrique dans la maladie de Biermer ou les suites d’une gastrectomie). La carence en vitamine B12 de l’anémie de Biermer entraîne une stomatite érosive parfois, mais surtout une glossite dépapillante caractéristique avec glossodynie. Plusieurs médicaments peuvent entraîner une carence en vitamine B 12 (méthotrexate, cholestyramine, néomycine, colchicine, phenformine, contraceptifs oraux). Il suffit de 1 à 2 mg/j pour corriger les troubles d’une carence démontrée par le dosage de la vitamine B12. La non-dissociation de la vitamine B 12 (ND B 12 ) de ses protéines porteuses est la cause la plus fréquente d’hypovitaminose B 12 chez le sujet âgé. Une posologie de 1000 µg de cyanocobalamine orale tous les 4 jours, correspondant à 250 µg par jour, s’avère suffisante pour corriger en une semaine les hypovitaminoses par ND B12 [23] ; Un lien entre la carence en vitamine B12 et le syndrome de Sjögren a été récemment envisagé [19] à l’occasion d’un cas de paralysie faciale récidivante. Stomatologie
La vitamine B12 aurait aussi été utilisée avec un certain succès dans les névralgies du trijumeau et les glossodynies de la ménopause à doses de 1000 µg/j pendant 3 à 4 semaines (Hydroxocobalamine Rolland 1000 µg® en ampoules de 2 ml). Ses propriétés analgésiques restent toutefois très discutées.
Vitamine C La vitamine C ou acide l-ascorbique, est la lactone d’un acide hexuronique présentant une parenté étroite avec les sucres en C6. Son rôle physiologique exact est mal connu. Elle participe à la synthèse du collagène, au métabolisme de la tyrosine, du fer, des hormones surrénaliennes, des cellules impliquées dans les réactions immunitaires, etc. L’ubiquité de ces actions s’explique par le fait que la vitamine C participe aux réactions d’oxydoréduction à l’échelon cellulaire. Parmi les meilleures sources, il faut citer les fruits (par ordre décroissant : cassis, fraise, citron, orange, etc.) et les légumes, à propos desquels il faut souligner la grande fragilité à la cuisson (persil, raifort, poivron, choux de Bruxelles, etc.). Elle joue un rôle important dans les mécanismes d’ossification (fixation du calcium) et de formation des dents, elle possède un effet hémostatique en augmentant la résistance capillaire, elle exerce enfin une action trophique sur le tissu conjonctif et favorise la résistance aux infections. Sa carence détermine le scorbut avec stomatite hémorragique, qui s’observe encore sous nos climats en cas de mauvaise alimentation (conserves : scorbut du « vieux célibataire », des étudiants, etc.). En dehors du traitement spécifique du scorbut, des succès parfois durables peuvent être obtenus dans le traitement des aphtes récidivants par la vitamine C à fortes doses (2 g/j en moyenne), d’abord par voie intraveineuse pendant 2 semaines, puis per os pendant des mois, en intercalant des injections intraveineuses à raison d’une par semaine. Toutes les autres indications sont très relatives : parodontopathies, stomatites (notamment celles dues à l’alcool ou aux métaux lourds), gingivites (notamment gravidiques), retards de cicatrisation, certains états hémorragiques (en association avec la vitamine K et les flavonoïdes). Les doses habituellement prescrites sont de 1 g à 2 g/j chez l’adulte, 0,5 g à 1 g chez l’enfant (Laroscorbine® comprimés à 500 mg et à 1 g). À doses élevées, elles est excitante pour le système nerveux central et entraîne une insomnie : les prises ne doivent pas avoir lieu le soir. Elle peut être responsable d’accidents hématologiques chez le sujet porteur d’un déficit en G6PD. Elle peut enfin, à forte dose, favoriser une lithiase oxalique, qui constitue une contre-indication.
■ Vitamines liposolubles (Tableau 1) Vitamine A [12,
24-26]
La vitamine A est essentielle au maintien de l’intégrité des épithéliums, en favorisant la synthèse des mucopolysaccharides et la sécrétion de mucus. La vitamine A pourrait protéger contre les réactions radicalaires, d’où une action anticancéreuse. Elle entraîne la stimulation du système réticuloendothélial. La vitamine A, in vitro, stimule aussi les LT killers et l’acide rétinoïque module l’activité des L natural killers. Au niveau des muqueuses buccales, sa carence entraîne une kératinisation alors qu’à l’inverse l’administration de fortes doses de vitamine A entraîne une atrophie muqueuse avec glossodynie. La vitamine A exerce une action trophique générale et son emploi est préconisé pour favoriser la cicatrisation.
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Par voie générale, on peut la prescrire pour favoriser la cicatrisation des ulcérations buccales ou labiales (A 313 ® , Arovit ® , Avibon ® ). Les doses (1 500 à 30 000 UI/jour) ne doivent pas être répétées trop fréquemment. La vitamine A est contre-indiquée chez la femme enceinte. Des doses élevées de vitamine A ou de dérivés acides de la vitamine A (« rétinoïdes », Soriatane ® ) sont utilisées dans le traitement des kératoses chroniques de la cavité buccale. Par voie locale, elle est prescrite sous forme de pommades à visée protectrice au niveau des lèvres notamment (A 313® pommade, Avibon® pommade : 2 applications/j en massant) ou sous forme de topiques kératolytiques à base d’acide rétinoïque Leurs indications concernent le lichen buccal dans ses formes hyperkératosiques (formes blanches : réseaux, papules, plaques opalescentes ; pas dans les formes érosives), mais aussi les leucoplasies et la langue noire villeuse. Le seul topique kératolytique actuellement encore sur le marché pour ces indications est le Locacid® : solution à 0,1 % de trétinoïne pour application locale (R 65 %). Les applications sont à faire à l’aide d’un coton-tige pendant 1 minute au moins et rincées (plutôt qu’en bains de bouche dilués à 10 % pour des raisons de tolérance locale), matin et soir, sur une période de 3 semaines à 3 mois. Il faut avertir les malades que si la notice d’utilisation mentionne d’éviter le contact avec les yeux, la bouche, les narines, les muqueuses, cette restriction ne concerne bien sûr pas l’application du produit au niveau des lésions ellesmêmes. Elle incite en revanche à prendre toutes précautions pour ne pas répandre le produit sur d’autres zones non pathologiques en raison de son pouvoir caustique. L’excipient alcoolisé de ces solutions peut entraîner des sensations de brûlures immédiates au moment de l’application et des épisodes de sécheresse buccale ; c’est pourquoi la recherche s’oriente actuellement vers des excipients non alcoolisés. Il faudra également rappeler aux patients de ne pas utiliser simultanément d’autres préparations locales à base d’alcool (certains bains de bouche) ou à pouvoir desquamant (autres kératolytiques que celui prescrit). Le schéma thérapeutique dégressif suivant peut être utilisé : application deux fois par jour pendant 15 jours, puis une fois par jour, puis un jour sur deux et ainsi de suite jusqu’à une fois par semaine.
Vitamine D Ce nom général concerne un groupe de stéroïdes possédant une activité antirachitique. La prescription de vitamine D ne relève pas, en principe, de notre spécialité : c’est un problème de médecine générale ou de pédiatrie. Les indications de prévention des caries chez les malades aux besoins accrus (vieillards, femmes enceintes) demeurent théoriques et, en fait, les risques d’intoxication font que l’emploi des vitamines D en odontostomatologie est réservé à quelques cas précis (carences certaines).
Vitamine E La vitamine E est le terme générique utilisé habituellement pour désigner les différents tocophérols, largement répandus dans les produits naturels d’origine végétale ou animale, mais l’activité vitaminique E est essentiellement fonction de la proportion d’a-tocophérol.
En dépit de nombreux travaux qui lui ont été consacrés, les fonctions biochimiques de la vitamine E et son mécanisme d’action demeurent mal connus. L’action sur le métabolisme lipidique est contestée et les propriétés antioxydantes ne résument pas son activité dans l’organisme (le sélénium notamment serait beaucoup plus efficace). Une action potentialisatrice des antitumoraux a été évoquée. Des travaux ont mis en évidence une action sur l’activité bactéricide des leucocytes (qui diminue) et sur l’immunité lymphocytaire (qui augmente) ; elle pourrait également inhiber l’agrégation plaquettaire. En clinique, aucune différence significative n’a été trouvée entre les taux sériques de vitamine E de patients avec et sans troubles parodontaux. Certains auteurs mentionnent toutefois des réductions des phénomènes inflammatoires après 3 semaines de traitement et évoquent un effet inhibiteur des prostaglandines. Des doses de 200 à 400 mg sont couramment prescrites (Ephynal® comprimés à 100 mg). La vitamine E topique appliquée 2 fois par jour (400 mg/ml de solution huileuse) s’est avérée efficace en cas de mucite d’origine chimiothérapique (Wadleigh, 1992) [27] amenant la guérison des lésions buccales dès 4 jours de traitement. En outre, des dérivés polymériques sous forme d’hydrogels ont montré des effets sur la régénération tendineuse [28].
Vitamine K La carence en vitamine K se manifeste, après antibiothérapie de longue durée ou à cause d’une malabsorption dans les cas d’ictères obstructifs, de sprue, par une tendance au saignement et à l’hémorragie. En effet, la vitamine K est indispensable à la synthèse par le foie de divers facteurs entrant dans la coagulation sanguine, et en particulier la prothrombine. On l’administre (Vitamine K1 Roche® : phytoménadione) en suspension buvable à 10 mg/ml ou en injections intramusculaire ou intraveineuse à 10 mg/ml à la dose de 10 à 20 mg/j, dans les avitaminoses des ictères, dans l’hypocoagulabilité, avant une intervention chirurgicale ou en cas d’hémorragie chez un patient sous anticoagulant.
■ Oligoéléments (Tableau 2)
[16, 29-40]
Zinc Le zinc, oligoélément essentiel, est reconnu comme nécessaire au maintien de l’intégrité cutanée et est impliqué dans la plupart des mécanismes du métabolisme cellulaire : le zinc est un cofacteur indispensable d’un grand nombre d’enzymes (plus de 100 métalloenzymes) parmi lesquelles les ADN et ARN polymérases.
Tableau 2. Quelques oligoéléments. Principe actif Zinc
Spécialités
Indications
Posologie indicative
Zinc Oligosol
Aphtes
1 Ap sub. ling./j
NR
1 gl 150 mg 2x/j
NR
Sulfate de zinc (préparation magistrale) Fluor
Remboursement
Fluor Oligosol
Prévention caries dentaires
1 Ap sub.ling./j
NR
Zymafluor (0,25-0,5-0,75-1 mg)
(enfant 0-12 ans)
1-4 cp/j*
R 35 %
1/4-1 ml/j*
R 35 %
Fluorex *Après bilan personnalisé des apports en fluor. Ap sub. ling. : ampoule sublinguale ; cp : comprimé ; gl : gélule.
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Stomatologie
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Le rôle du zinc dans la cicatrisation paraît chose acquise actuellement mais plusieurs hypothèses sont encore discutées pour expliquer son mode d’action au niveau des tissus et c’est par son importance dans le bon fonctionnement du système immunitaire que l’on explique son rôle dans la cicatrisation. Des études chinoises chez des patients atteints d’aphtose buccale récidivante ont montré qu’en maintenant en permanence un taux de zinc sérique normal, il serait possible de prévenir les récidives d’aphtose [27]. Le sulfate de zinc sous forme de poudre dans des gélules dosées à 150 mg apparaît comme la forme galénique la plus appropriée. En effet, 100 mg de sulfate de zinc apportent environ 40 mg de zinc métal, alors que 100 mg de gluconate de zinc n’apportent que 15 mg de zinc métal. Les travaux de Bekourian [41] amènent à conseiller sa prescription sous la forme de gélules à 150 mg (chez l’adulte) ou à 100 mg (chez l’enfant) de sulfate de zinc, à préparer par le pharmacien (2 × j, matin et après-midi à 1h30 des repas, pendant 3 mois). Pour des cures de réinduction, la posologie de 100 mg/j est à recommander pendant 1 mois. Il est également possible de prescrire le zinc sous forme de spécialité : Rubozinc®, 2 gélules par jour pendant 3 mois. L’évaluation doit être faite au bout de 3 mois de traitement et les cures suivantes ainsi que leurs espacements seront adaptés en fonction des réactions de chaque patient. En cas d’intolérance à ces formes, le zinc peut également être prescrit sous forme de : Zinc Oligosol® : 1 ampoule par jour sublinguale à garder 1 minute en bouche avant d’avaler, le matin à jeun pendant 3 mois Le zinc aurait également un effet bénéfique sur la réduction des mycoses orales en cas de mucite orale (travaux de PeyratCollangettes et al.) [42, 43]. D’autres travaux [44, 45], ont montré l’intérêt du sulfate de zinc dans le traitement de la dysgueusie liée aux antithyroïdiens de synthèse (50 mg, 3 à 4 ×j) Enfin le zinc associé au cuivre sous forme d’oligosols ou de gélules à 200 mg 3 fois par jour peut contribuer à soulager certaines dysgueusies [46].
Cuivre et manganèse Le cuivre favorise l’élaboration des anticorps, renforce la résistance vis-à-vis de l’infection, des toxines, inhibe certains virus et potentialise l’action de certains antibiotiques. Il pourra être prescrit en cas de stomatite ou de gingivite, ne serait-ce que pour réduire la posologie efficace des antibiotiques. Le manganèse, catalyseur sélectif des oxydations cellulaires pourra être prescrit en cas de pyorrhées alvéolaires, de retard de la cicatrisation, d’états infectieux. Ces deux oligoéléments seront prescrits en oligosols, mis en flacon pressurisé doseur. Pour le manganèse, la formule associe les gluconates de manganèse 0,0295 g % et de cuivre 0,0259 g %. Pour le cuivre, la formule associe les gluconates de cuivre 0,025 g % d’argent 0,003 g % et d’or colloïdal 0,00007 g %. La voie perlinguale est employée le matin à jeun.
Fluor Le mode d’action exact du fluor n’est pas connu et plusieurs hypothèses sont émises : • action sur l’émail : formation de fluoroapatites à la place des cristaux d’hydroxyapatite. Les cristaux de fluoroapatite sont de plus grande taille, plus réguliers et moins solubles dans les acides. Le fluor sous forme ionisée aurait également un rôle dans la reminéralisation des lésions débutantes ; Stomatologie
• action sur la plaque bactérienne dentaire : l’accumulation de fluor au niveau de la plaque pourrait perturber certaines enzymes responsables du processus carieux et également diminuer l’adhérence de certaines bactéries sur l’émail. L’administration de fluor per os n’est efficace que pour les dents en cours d’édification (chez les enfants, de la naissance à 12 ans et la femme enceinte à partir du 5e mois). Elle peut être faite par : • fluoration de l’eau de boisson. L’apport normal est de 1 mg/ 24h (1 mg/l d’eau ou 1 ppm. (partie par million). L’eau minérale naturelle de la source Badoit contient 1,2 mg de fluor/l. L’excès de consommation (plus de 10 mg/j) expose à la fluorose avec atteinte dentaire et osseuse. Il faut tenir compte que certains aliments apportent déjà une quantité appréciable de fluor (pommes, bananes, cresson, radis et surtout le thé, en moyenne 100 mg/kg de feuilles sèches) ; • fluoration du sel de cuisine, méthode récemment admise en France (mais difficile à doser) ; • administration de fluor sous forme de fluorure de sodium (comprimés : Zymafluor® 0,25 mg - 0,50 mg - 0,75 mg 1 mg ; solution buvable : Fluorex®, Zymafluor® 0,114 %). La dose journalière nécessaire à la prophylaxie de la carie est proche de celle qui peut donner la fluorose. Il faut donc tenir compte de la teneur en fluor de l’eau de boisson qui varie selon les régions et aussi de l’alimentation avant toute prescription de fluor. L’absorption des ions fluorures au niveau gastro-intestinal se fait par transport passif. Elle dépend de la solubilité du composé utilisé et est particulièrement diminuée en présence de calcium, de magnésium et d’aluminium. Dans le plasma, les fluorures existent sous forme libre et sous forme liée et se concentrent dans les tissus durs de l’organisme. L’élimination est surtout rénale avec une faible réabsorption tubulaire. Avant de prescrire du fluor par voie générale, il faut : • s’assurer que le patient ne reçoit pas d’autres sources de fluor, en particulier dans l’eau de boisson (il est bon de s’enquérir à la mairie ou auprès de la DDASS de son pourcentage en fluor) ; • contrôler régulièrement les dents pour vérifier l’absence de développement d’une fluorose. Certains minéraux tels que le calcium, le magnésium, l’aluminium ou le fer peuvent chélater les ions fluor et diminuer leur absorption. L’ingestion simultanée de lait ou de produits laitiers, de même que d’antiacides à base de sels de magnésium ou d’aluminium doit être évitée.
Fer La carence en fer est responsable d’une chéilite angulaire et d’une glossite érythémateuse dépapillante. Il y aussi anémie hypochrome et éventuellement dysphagie sidéropénique. Ces lésions font le lit du Candida albicans. Le fer peut être prescrit sous forme de différentes spécialités : Ascofer® 1 gélule 3 fois par jour, Fer UCB® 1 application 3 fois par jour, Fumafer ® 1 comprimé trois fois par jour, Tardyféron® 80 mg 1 comprimé par jour (de préférence au cours des repas). Il doit être pris à distance (plus de 2 h) de certains médicaments : sels de calcium, cyclines, biphosphonates, thyroxine, topiques gastro-intestinaux, etc. pour éviter toute chélation.
■ Conclusion Il nous a paru important de rappeler quelques notions de base sur les vitamines et les oligoéléments. En effet, vitamines et oligoéléments sont à même de réaliser un apport thérapeutique souvent peu coûteux pour bon nombre de pathologies médicales de la cavité buccale. De nouveaux travaux de recherche clinique mériteraient d’être initiés pour réévaluer une efficacité parfois mise en doute par l’empirisme d’études anciennes [47]. En cas de doute sur les contre-indications, effets indésirables et interactions médicamenteuses éventuelles, il est recommandé au praticien de se référer aux dictionnaires classiques [4, 47].
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Points importants
• Les vitamines sont surtout indiquées dans les états de carence. En dehors de ces indications, leur utilisation est empirique ou pharmacologique. • L’administration de vitamines ou d’oligoéléments par voie générale ou locale peut constituer un apport thérapeutique non négligeable en pathologie médicale buccodentaire. De nouveaux travaux d’évaluation devraient permettre d’affiner leurs modalités de prescription. • Les carences en vitamines du groupe B provoquent chez l’homme et l’animal de sérieuses altérations de l’immunité humorale ou cellulaire. Leur déficit se traduit cliniquement par des glossites, stomatites et chéilites angulaires. Une déficience d’une vitamine du groupe B peut affecter l’utilisation d’autres vitamines et elles-mêmes peuvent être affectées par divers médicaments et états pathologiques. Si l’implication de la vitamine B12 dans les algies d’origine neurologiques est très discutée, un lien entre sa carence et le syndrome de Sjögren paraît vraisemblable. • La vitamine C joue un rôle important dans les mécanismes d’ossification et de formation des dents, elle possède un effet hémostatique en augmentant la résistance capillaire, elle exerce enfin une action trophique sur le tissu conjonctif et favorise la résistance aux infections. • La vitamine A est essentielle au maintien de l’intégrité des épithéliums, en favorisant la synthèse des mucopolysaccharides et la sécrétion de mucus. • Par voie générale, on peut la prescrire pour favoriser la cicatrisation des ulcérations buccales ou labiales. • Par voie locale, les indications concernent le lichen buccal dans ses formes hyperkératosiques. • En dépit de nombreux travaux qui lui ont été consacrés, les fonctions biochimiques de la vitamine E et son mécanisme d’action demeurent mal connus. • La vitamine E topique s’est avérée efficace en cas de mucite d’origine chimiothérapique. • La vitamine K est indispensable à la synthèse par le foie de divers facteurs entrant dans la coagulation sanguine, et en particulier la prothrombine. • Le zinc, oligoélément essentiel, est reconnu comme nécessaire au maintien de l’intégrité cutanée et est impliqué dans la plupart des mécanismes du métabolisme cellulaire. • Le sulfate de zinc peut prévenir efficacement les récidives d’aphtoses. • L’administration de fluor per os n’est efficace que pour les dents en cours d’édification. • Il faut tenir compte de la teneur en fluor de l’eau de boisson et aussi de l’alimentation avant toute prescription. • La carence en fer est responsable d’une chéilite angulaire et d’une glossite érythémateuse dépapillante.
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D. Muster, Professeur associé, praticien attaché consultant, Pharmacien, Docteur ès sciences physique ([email protected]). Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, Centre hospitalier régional universitaire, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Muster D. Vitamines et oligoéléments en odontostomatologie. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-013-B-50, 2006.
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¶ 22-020-A-06
Embouts des lampes à photopolymériser B. Pelissier, F. Duret Pour transmettre la lumière de l’ampoule aux matériaux dentaires, des guides optiques sont nécessaires. Les lampes à polymériser actuelles utilisent des embouts rigides de différentes formes et conceptions qui sont solides, mais qui peuvent subir des dégradations lors de chocs violents et de stérilisations inadaptées, ce qui entraîne une diminution plus ou moins importante de la puissance et de l’intensité de ces lampes. Le guide lumineux d’une lampe est donc un élément clé de la photopolymérisation. Il est important de connaître son rôle, son mode de fonctionnement et son influence sur la polymérisation des matériaux esthétiques. Différents embouts peuvent être utilisés en fonction de certaines procédures cliniques de restauration. La technologie LED de seconde génération, associée à différents modes d’insolation (mode à pleine puissance, mode progressif et mode pulsé), permet une bonne polymérisation des matériaux dentaires et de traiter de nombreuses situations cliniques. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Embout ; Guide lumineux ; Lampes à polymériser ; Photopolymérisation ; Dentisterie restauratrice
Plan ¶ Introduction
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¶ Analyse des fibres optiques utilisées en dentisterie Rôle de la fibre optique dans la photopolymérisation La puissance est dépendante du guide de lumière Caractéristiques chimiques des fibres optiques Caractéristiques physiques des fibres optiques Guides de lumière
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¶ Fibres optiques et clinique Quelle forme pour quel acte clinique ? Fibres optiques et utilisations cliniques
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.
¶ Conclusion
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12 .
■ Introduction
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.
.
Avec un temps de travail quasi illimité et des apports successifs de couches de matériaux de teintes et d’opacités différentes, la photopolymérisation a permis au praticien de réaliser des restaurations fonctionnelles mais aussi esthétiques (Fig. 1). Grâce aussi aux progrès des systèmes adhésifs et des résines composites, la lampe à polymériser fait partie actuellement du matériel indispensable d’un cabinet dentaire [1, 2]. Le principal objectif d’une lampe à polymériser est de lancer puis d’accompagner la réaction de prise des matériaux composites dans les meilleures conditions possibles. Mais, il existe aussi d’autres objectifs : • lampe pouvant être utilisée pour tous les matériaux composites, céramiques et esthétiques ; • lampe programmable (différents modes d’irradiation lumineuse) [3-6] ; • lampe fiable et sûre ; • lampe facile d’utilisation et de conception simple ; • lampe facile d’entretien et de stérilisation. Stomatologie
Ce que recherchent les praticiens, c’est une lampe fiable et surtout d’utilisation facile. Le clinicien peut s’appuyer aujourd’hui sur la technologie LED de seconde génération qui est performante, fiable, adaptable à la pratique quotidienne et d’un coût raisonnable [7, 8] . Petit à petit, les lampes LED prennent la place des lampes halogènes, même si ces dernières ont montré de très bons résultats et restent encore d’actualité lorsque les règles strictes d’utilisation sont respectées. En dentisterie, nous rencontrons traditionnellement deux types de fibres optiques : les fibres ayant pour fonction de transmettre des images en les déformant le moins possible, et les fibres qui ont pour fonction de transmettre la lumière en préservant la puissance de la source émettrice. Il existe enfin certaines fibres ayant des fonctions particulières comme les fibres constitutives des tenons radiculaires ou autres formes de renforcement de composites. Pour transmettre la lumière de l’ampoule aux matériaux composites et esthétiques, des guides optiques sont donc nécessaires. Les anciennes lampes à polymériser utilisaient de longs cordons de fibres optiques. Souvent, ces cordons subissaient des cassures plus ou moins nombreuses des fibres, entraînant une baisse plus ou moins importante de l’intensité de la lumière émise et une polymérisation incomplète des matériaux composites et adhésifs. Les lampes actuelles utilisent des embouts rigides de différentes formes et conceptions qui sont plus solides, mais qui peuvent subir des dégradations lors de chocs violents et de stérilisations inadaptées (Fig. 2).
■ Analyse des fibres optiques utilisées en dentisterie Nous n’aborderons ici que les propriétés physiques et chimiques des fibres dites de transmission de lumière ou fibre « de puissance ».
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22-020-A-06 ¶ Embouts des lampes à photopolymériser
Figure 1. A, B. Insolation du système adhésif Unifil® Bond de GC avec une Lampe à LED (Miniled® de Satélec).
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3 2
Figure 3. Fibre optique. 1. Cœur ; 2. gaine optique ; 3. revêtement de protection.
Figure 2.
Différentes formes d’embout lumineux.
Rôle de la fibre optique dans la photopolymérisation Les caractéristiques d’une fibre sont les suivantes : • épaisseur de la gaine en plastique : de 10 à 30 µm ; • rayon extérieur de la gaine : 120 µm ; • rayon du cœur : de quelques micromètres (fibre monomodale) à 50 µm (fibre multimodale). Les fibres peuvent être en matières minérales ou en matériaux
“
Point important
Les fibres « de puissance » ou « de lumière » sont utilisées quotidiennement dans les appareils de photopolymérisation. Elles peuvent être monofibrées, c’est-à-dire composées d’une seule fibre, ou multifibrées, c’est-à-dire composées d’une multitude de petites fibres très serrées, sensiblement identiques aux fibres dites « de transmission d’image » que l’on utilise en prothèse, radiologie, implantologie ou endodontie (Fig. 3-5).
organiques. Enfin, elles peuvent être souples, liquides ou rigides. Le rôle d’un guide de lumière à l’extrémité d’une lampe à polymériser est très important dans le mécanisme d’amorçage de la réaction de photopolymérisation car il sera le garant de la transmission de la puissance de la source de lumière, permettant l’amorçage de la réaction de prise des polymères, qu’elle soit cohérente (laser) ou non (mercure, halogène, plasma ou LED).
2
Figure 4.
Multifibre.
Sachant que cette réaction de photopolymérisation se caractérise par l’activation d’un photo-initiateur, il va de soi que la fonction de la fibre sera de favoriser le transport d’une onde ayant le maximum d’énergie à la bonne longueur d’onde jusqu’à cette molécule initiatrice qui est en général de la camphoroquinone (CQ : pic de sensibilité à 465 nm) et accessoirement d’autres molécules comme les phényl-propanedione (PPD : pic de sensibilité à 390 nm). En effet, la réaction de photopolymérisation commence toujours par une phase dite d’amorçage caractérisée par la vitesse de disparition de l’initiateur (ou coefficient d’efficacité « f »), elle-même caractérisée par la rupture homolytique de radicaux relativement labiles du photo-initiateur provoquée par leur rencontre avec les photons de la lumière. Il y a transmission de l’énergie portée par l’initiateur sur une seconde moléStomatologie
Embouts des lampes à photopolymériser ¶ 22-020-A-06
mW/cm2
Figure 6.
Figure 5.
Monofibre.
cule (souvent une amine) ; plus de photons frapperont les molécules d’initiateur, plus il y aura d’initialisation de chaînes de polymère. Il existe donc une relation précise et directe entre le nombre de photons frappant les initiateurs (CQ ou PPD) et le pourcentage de polymérisation caractéristique du nombre de chaînes de polymère dans notre composite. Cela souligne l’importance du guide de lumière. La relation est la suivante : Ri = 2f Iabs avec R la vitesse d’amorçage, f le coefficient ou facteur d’efficacité (rendement quantique) et Iabs la lumière absorbée par le composant. Nous comprenons donc facilement que plus la lumière est puissante et plus la valeur Ri, donc le pourcentage de chaîne de polymère, sera élevée. La fonction principale de notre fibre sera d’apporter le maximum de photons sur les radicaux chimiques labiles des photo-initiateurs pour avoir le maximum d’amorçage de chaîne de polymère.
La puissance est dépendante du guide de lumière La puissance d’une lampe peut être exprimée de différentes manières suivant l’objectif que nous visons [9]. Pour des questions de simplicité, nous parlerons de puissance (en W) ou de densité de puissance (en mW/cm 2) (alors que les opticiens parlent plus de Candela, Lux, Lumen... voire de température de couleur). Pour un clinicien, ce qui importe est d’avoir le maximum de photons venant frapper le composite, car plus ils seront nombreux, et plus ils activeront un grand nombre de molécules de camphoroquinone (CQ), ce qui aura pour conséquence d’augmenter la polymérisation de son matériau. Comme toute source de lumière, une LED doit être considérée comme une source ponctuelle capable d’émettre un cône de lumière chargée d’une bonne énergie (bonne longueur d’onde dans le bleu) pour la polymérisation. Une LED émettant suivant un cône assez large, cela nous oblige à placer un réflecteur autour de sa base (qui doit rester propre car il concentre entre 20 et 30 % de la puissance de la lampe). Grâce à la lumière dirigée directement, mais aussi celle renvoyée par le réflecteur, nous introduisons dans le guide de lumière un faisceau concentré dont le flux énergétique est de l’ordre de 15 % de la puissance totale de la LED. Avec les LED de seconde génération, cela nous donne une puissance d’environ 750 mW à l’entrée du guide de lumière, ce qui est remarquable en termes de rendement (à titre indicatif, c’était la puissance que nous mesurions au bout des embouts des lampes Plasma Apollo 95E) [10, 11]. Comme nous mesurons en général seulement 500 mW en bout de guide de lumière (ou 1 250 mW/cm2 pour un guide de 7,5 mm) le choix de ce dernier est très important. En effet pour optimiser la lumière que nous projetons sur les matériaux, nous Stomatologie
Embout ou tips.
devrons choisir le guide de lumière en fonction de l’acte clinique, ainsi que les différents modes d’irradiation associés [11-13]. Avant de décrire chaque application, nous devons rappeler qu’il ne faut pas confondre puissance (dépendant de la source) et densité de puissance (dépendant de la source, de la position spatiale et des caractéristiques géométriques du guide de lumière sélectionné).
Puissance d’une lampe à photopolymériser Elle est en général exprimée en milliwatt (mW) et correspond au flux énergétique que l’on mesure dans le faisceau lumineux en un point précis et défini. C’est malheureusement rarement la valeur indiquée par les fabricants. On lui préfère la densité de puissance car le nombre est toujours plus élevé donc plus flatteur pour le vendeur (compte tenu du fait qu’en dentisterie, nous utilisons des embouts lumineux d’un diamètre maximum de 11 mm).
Densité de puissance ou intensité Cette mesure, dépendant de la surface à l’extrémité du guide de lumière et exprimée en milliwatt par cm2 (mW/cm2), est malheureusement trop souvent la valeur de référence pour les lampes à polymériser en dentisterie. Nous pensons qu’il ne s’agit pas d’une bonne référence car elle dépend de la surface de l’extrémité du guide de lumière, mais aussi de l’espace séparant cette extrémité et la surface du composite. C’est la puissance projetée en quelque sorte. Cela signifie que pour une même lampe nous n’aurons pas la même densité avec un guide de lumière de 5,5 mm et un de 7,5 mm de diamètre. Il est donc possible de faire croire qu’une lampe peu puissante est équivalente à une lampe de bonne qualité (Fig. 6). Donnons un exemple. Supposons une lampe de 350 mW de puissance avec un guide de lumière de diamètre de sortie de 6 mm. Cette lampe aura une densité de puissance de 1 250 mW/cm2 (350/surface du guide qui est 0,29 cm2), alors qu’une seconde lampe de 700 mW aura une densité de puissance de 900 mW/cm2 avec un embout de 10 mm de diamètre. Le premier fabricant pourra faire croire que sa lampe est plus puissante (1 250 mW/cm2) que le second (900 mW/cm2), alors que cela est faux puisque la seconde lampe (700 mW) est deux fois plus puissante que la première (350 mW). Si la seconde lampe utilisait le même guide (6 mm) que la première, sa densité serait alors de 2 400 mW/cm2 !
Caractéristiques chimiques des fibres optiques Fibres liquides Principalement présente dans les premières lampes à polymériser mais aussi dans les lampes plasma actuelles, la fibre liquide est un long tube souple en Téflon® FEP ou PFA (Lumatec®) ou PVC (Lumenz®) entouré d’un cerclage métallique et rempli d’un liquide non toxique à base de solution saline aqueuse (CaCl) ou de métal/terre alcaline alide fermé, à ses deux extrémités, par deux fenêtres en quartz permettant une bonne transmission dans les ultraviolets (UV) et visible, zone privilégiée en dentisterie.
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22-020-A-06 ¶ Embouts des lampes à photopolymériser
“
Point important
Pour une lampe à polymériser, la référence absolue est la puissance de cette lampe (ou flux énergétique à une longueur d’onde précise) en mW en sortie de guide. Si cette valeur n’est pas connue, la densité doit être clairement indiquée en rapport de la surface du guide de lumière utilisé. Il n’y a pas de valeur absolue pouvant servir de référence donnée en mW/cm2.
Rayon réfléchi
Rayon incident n1 L1
Dioptre séparant les milieux d'indices n1 et n2
i1
i2
n2
D’une très bonne ouverture numérique (entre 60 et 75°), ces fibres travaillent très correctement entre 270 et 700 nm (il existe des versions spéciales haute énergie dépassant les 2 000 nm). Signalons aussi que certaines sociétés proposent des liquides glucosés particuliers qui, associés à des filtres passe-haut, permettent de filtrer les UV. Cette disposition est évidemment très importante puisque cela permet une utilisation directe en dentisterie. Ces fibres sont en général plus résistantes aux hautes températures que les fibres plastiques souples. Même si elles affichent en général une résistance à long terme à la température qui se situe entre –5 ° et 50 °C, il faut savoir que certaines versions résistent à des pics de plus de 200 °C (elles sont utilisées dans les lampes plasma dentaires). C’est cette raison qui justifie leur utilisation dans ce type de lampes déportées du fauteuil et très énergétiques. De longueur variant entre 1 et 2 m en dentisterie, elles restent assez coûteuses.
Composition des fibres souples plastiques Des fibres sont récemment apparues sur le marché dentaire des guides de lumière en temps qu’option jetable. Elles peuvent être mono- ou multifibres, mais sont en général utilisées comme monofibres en dentisterie. Leur semi-rigidité permet au dentiste de les déformer, si le besoin s’en fait sentir, pour accéder à des zones difficiles ou pour n’utiliser qu’un seul type de fibre. Elles sont composées de polyméthyl méthacrylate (PMMA) très pur entouré d’une gaine de différents polymères comme les fluoropolymères (Mitsubishi) les polyéthylènes, les polyvinyles, les chlorides ou les polyoléfines. L’ouverture numérique est de 60° avec une émission et une réception de 0,5. En général, elles ont des gaines très fines (moins de 1 %), permettant d’utiliser un maximum de surface active. Leur transmission est excellente (99 %) sur de très courtes distances comme les guides de lumière en dentisterie. En revanche, elles ont une transmission moyennement efficace entre 450 et 600 nm (0,1 dB/m), préférant les UV et les zones R/IR (0,7 à 0,8 dB/m), mais cela est pratiquement sans effet sur 10 cm. Malgré le fait qu’elles sont en PPMA, elles peuvent résister jusqu’à 130° sans déformation avec une bonne résistance à long terme se situant entre –40° et + 70°. De formes très standardisées en dentisterie, elles restent très économiques.
Composition des fibres de verres rigides monofibrées C’est la fibre dentaire par excellence. Il existe de nombreuses variétés de verre en fonction de leurs applications : l’aluminosilicate (bulbe des ampoules), les silicates alcalins ou non (tubes cathodiques, protection contre les rayons X), mais surtout les borosilicates qui sont à la base de la plupart des fibres optiques mono- ou multifibrées. La composition de base du barreau, zone active centrale du guide de lumière, est en général de 75 % de SiO2 et de 8 à 10 % de B 2 O 3 (oxyde de Bores) auxquels s’ajoutent 5 % de terre alcaline et l’oxyde d’alumine. Ce sont des verres neutres qui sont préparés à partir d’étirages successifs de grands barreaux. Ils constituent le cœur de la fibre qu’elle soit mono- ou multifibrée. Nous trouvons, en plus de ces composants, des composants accessoires comme du sodium, du potassium, du baryum et de l’oxyde de plomb. Pour des raisons de salubrité publique,
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Rayon réfracté Figure 7. Réfraction ou réflexion.
Air
ng gaine
( n0 = 1) Normale α
nc cœur ng gaine
Rayon incident Figure 8. Positionnement de la gaine d’indice ng/fibre de verre d’indice nc.
l’oxyde de plomb est passé de 40 % dans les guides des années 1990 à 20 % en 2002. Aujourd’hui, il est pratiquement absent des guides de lumière utilisés (moins de 1 %) dans la mesure où ceux-ci sont de qualité. La partie périphérique des barreaux est constituée d’un verre d’indice différent faisant partie des borosilicates alcalins ou Fiolax® (Schott) auxquels sont adjoints, à concentration plus ou moins forte, des colorants, ce qui explique qu’ils peuvent être transparents, ambrés ou noirs. Le Fiolax® sert donc de gaine extérieure des microfibres ou des macro-/monofibres. Lorsqu’il s’agit de barreaux multifibrés, il n’existe aucun système de collage entre les petites fibres. La cohésion observée au microscope est due à une condensation thermique, conduisant à une structure très serrée, limitant au maximum les zones correspondant aux gaines qualifiées de zones borgnes ou aveugles. Il est possible que ces fibres soient recouvertes d’une troisième gaine en caoutchouc, en métal ou en plastic noir (présent ou non suivant les cas) qui n’a qu’un rôle de protection mécanique.
Caractéristiques physiques des fibres optiques Les fibres optiques, qu’elles soient macroscopiques (monofibres) ou microscopiques (multifibres) sont composées de deux parties fonctionnelles (Fig. 7, 8) : • le cœur de la fibre ayant un fort pouvoir de transmission et un indice de réfraction nc parfaitement connu et variable suivant les fabricants ; • la gaine optique, sorte d’enrobage en verre ayant un indice optique ng plus faible que le cœur, forçant ainsi le rayon lumineux à ne pas être difracté à l’extérieur durant son transport.
Profils d’indice Les fibres sont classées selon leur profil d’indice, correspondant lui-même à l’ouverture numérique qui n’est autre que le sinus d’un angle critique (ou limite) entre le rayon lumineux incident et l’axe de la fibre. Au-delà de cet angle, le rayon se réfracte sur ou à l’extérieur de la fibre. Les fibres dites monomode correspondent à de très petites fibres (5 à 10 µm), forçant le rayonnement à être parallèle à la Stomatologie
Embouts des lampes à photopolymériser ¶ 22-020-A-06
Indice de réfraction
380 µm
200 µm
Impulsion d'entrée
Impulsion de sortie
Figure 9.
Rayonnement et indices.
n
Fibre à saut d'indice
125 µm
50-100 µm
n
Fibre à gradient d'indice
125 µm
10 µm
n
Fibre monomode
Fibre multimode Fibre monomode
Gaine à faible indice
Cœur de 10 µm
Cœur de 50 à 85 µm
Gaine à gradient d'indice
n(r)
nc
ng
a
r
r
a
A
Figure 10. Fibre monomode.
nc
gaine extérieure. Ce sont les dispositions que nous observons en dentisterie dans les guides de lumière multifibrée (Fig. 9-11). Les fibres multimodes, correspondant aux monofibres en dentisterie, se présentent en saut d’indice (nc est très supérieur à ng), donnant ainsi au rayonnement des angles de réflexion ramenant sans arrêt l’onde dans le cœur de la fibre (sorte de tunnel où l’onde lumineuse se reflète sur les parois). Les fibres à gradient d’indice, présentant une décroissance progressive de nc à ng, contraignaient le rayonnement à une réflexion progressive et douce. Elles ne sont pas utilisées aujourd’hui comme guide de lumière de lampe à polymériser. Ces fibres peuvent présenter des gradients de profils paraboliques, en progression géométrique, en triangle ou en forme très complexe.
Atténuation et résistance L’atténuation, exprimée en décibel par km (dB/km) correspond à un rapport entre la puissance émise par la source lumineuse et celle reçue par le composite. Cette atténuation est Stomatologie
ng
r
a
B Figure 11. Profils d’indice des fibres. a : rayon du cœur ; r : distance par rapport à l’axe ; nc : indice de réfraction du cœur de la fibre ; ng : indice de réfraction de la gaine. A. Profil à saut d’indice. B. Profil parabolique.
très faible (inférieure à 0,5), mais dépend en dentisterie d’un certain nombre de facteurs qui sont : • la longueur d’onde : nos fibres sont assez performantes entre 400 et 500 nm, mais moins efficaces dans le rouge (pour le blanchiment) ;
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• une fibre ayant un angle de 45° perd plus de 40 % de puissance par rapport à une fibre droite si elle est monofibre et 25 % si elle est multifibre. Il faut donc choisir préférentiellement une fibre courbe multifibre ; • à surface égale, une fibre monofibre présente 20 % de plus de surface active par rapport à une multifibre du fait de l’absence des zones aveugles. Une fibre droite doit donc être choisie monofibrée. Tout revêtement déposé inconsidérément réduit significativement la transmission, surtout dans les monofibres, en créant une véritable fuite lumineuse par modification accidentelle des gradients d’indice. Une fibre monofibrée a un angle de sortie plus divergent qu’une fibre multifibre. En effet, la fibre multifibre se comportant comme une fibre monomode à conduction parallèle, il est logique que la divergence des rayons lumineux soit moins forte que pour une fibre multimode à saut d’indice fondé sur la réflexion du rayon à l’intérieur du conduit optique. Il est donc logique de choisir une fibre monofibre pour les travaux de proximité et multifibre au-delà de 4 mm de la sortie de fibre. En revanche, cette divergence est un avantage pour des sources lumineuses très larges car l’angle optique de pénétration des rayons y est supérieur. La résistance des guides de lumière aux agents chimiques et stérilisants est connue. Ils sont résistants à la totalité des désinfectants que nous utilisons comme les produits iodoformes, les oxydants, les phénols, les ammoniums quaternaires les acides citriques ou les alcools, mais, il faut être attentif sur le fait que ces derniers (en particulier en lingettes) peuvent laisser un dépôt gras diminuant jusqu’à 20 % leur transmission. Globalement, les verres de nos guides de lumière ont une bonne résistance aux attaques acides ou alcalines. Ils résistent très bien aux cycles de stérilisation par autoclave jusqu’à 140 °C, du fait de leur faible conductibilité thermique (1 W/mK à 90 °C). On considère expérimentalement qu’une bonne stérilisation doit durer 15 minutes à 134 °C sous 2 bars (200 KPa) et que les propriétés optiques ne sont pas diminuées en deçà de 80 % durant les 1 000 premières stérilisations. Au-delà, la perte de transmission est très rapide pour être en dessous de 50 % après 1 200 chocs thermiques puis à 10 % après 2 000 stérilisations (tests réalisés durant 30 min à 150 °C). Il n’en reste pas moins vrai que certaines fibres ayant des dépôts dits de coating augmentent leur ouverture numérique, afin de limiter les réfractions parasites du rayonnement à la sortie de fibre ; il est nécessaire de ne jamais dégrader ce revêtement en l’arrachant physiquement au moment où l’on cherche à décoller le composite venu s’y coller ou en utilisant des produits agressifs. Le polissage d’une fibre, pour lui redonner une bonne transmission de sortie, est toujours possible, à condition de le faire réaliser par un professionnel.
Guides de lumière Il existe quatre grandes catégories de guides de lumière, les guides indéformables solides et les guides souples (ou déformables) solides ou liquides.
Guides indéformables Ce sont de loin les guides de lumière les plus utilisés en dentisterie. Ce sont les tips noirs, ambrés, cristallins ou opalescents que l’on place à l’extrémité de toutes nos lampes et que l’on stérilise. Ils ont des formes très variables qui, nous le verrons, sont justifiées en regard de nos besoins cliniques (Fig. 2). Ce sont, pour environ deux tiers, des borosilicates (association de silice [SiO2] et oxyde de bore [B2O3]) auxquels sont rajoutés, en proportion variable, des composants comme les oxydes de plomb (favorisant la transmission lumineuse et protégeant contre les radiations des rayons X), de sodium, de magnésium, de calcium ou d’aluminium. Pour des raisons de santé publique, le plomb doit être progressivement abandonné car de nouveaux verres sans plomb transmettent aussi bien la lumière et une lampe à polymériser n’émet jamais de rayon X.
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Figure 12. Guide monofibré.
Figure 13. Guide multifibre.
En dentisterie, on trouve deux catégories de guides en borosilicates : • les monofibres (LSK) qui apparaissent comme un barreau de verre pur et cristallin. Les monofibres sont rarement recouvertes d’une surface noire (elles apparaissent comme un barreau de verre pur). Elles ont l’avantage de diminuer la réduction de la puissance de la lampe au cours de leur trajet, mais ont l’inconvénient de pouvoir gêner l’opérateur. L’expérience a prouvé que l’on s’habitue très vite à ce genre de guide et que ces guides ont l’avantage d’éclairer l’intérieur de la bouche, réduisant ainsi le contraste lumineux entre la dent et son environnement presque noir du fond de la bouche. Ils sont plus divergents que les multifibres (Fig. 12) ; • les multifibres (FSK) qui sont composés d’une multitude de monofibres d’un diamètre variable (100 à 600 µm) réunies par collage (bonded) à disposition irrégulière ou par fusion (hot-fused) très compacte, transmettant 15 % de plus de lumière du fait de la réduction des espaces interfibres. Elles ont l’avantage non négligeable de ne faire apparaître la lumière qu’à leur extrémité, donc d’éviter toute perte en cours de trajet. Cela est majeur avec les lampes halogènes qui diffusent toujours un peu d’UV, mais cela est moins capital pour les lampes LED qui n’en produisent jamais. Ce groupe de fibres est moins divergent que les monofibres, mais a l’inconvénient de réduire sa surface active de 15 à 20 %, chaque microfibre étant recouverte d’une surface miroir non conductrice (Fig. 13).
Guides déformables Ce sont, en général, des guides longs et souples de plus de 1 m, tels que nous les trouvons dans les lampes plasmatiques ou les anciennes lampes halogènes. Ils sont soit constitués d’un liquide (fibres liquides glucosées) pouvant servir de filtre UV et réservé aux rayonnements très caloriques (lampe Apollo 95E®), soit d’un ensemble de microfibres souples en verre ou en polymère. Ces guides ont été utilisés historiquement dans les premiers prototypes de lampe LED, car on associait à chaque LED une fibre pour multiplier les puissances en sortie. Le premier prototype de la MiniLed® avait 150 LED associé à 150 microfibres (1997). Aujourd’hui, cela est inutile en regard de la puissance des nouvelles lampes LED. Stomatologie
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Parmi les guides déformables, on trouve aussi des guides plastiques transparents (polymères) légèrement déformables, comparables dans leurs formes aux fibres indéformables ; mais, ces fibres sont moins conductrices de lumière qu’une fibre rigide (on perd entre 20 à 30 % de l’énergie par rapport à une fibre indéformable) et elles ne sont pas stérilisables.
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■ Fibres optiques et clinique Quelle forme pour quel acte clinique ?
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Nous ne parlerons pas des lampes ayant la LED à l’extrémité et qui sont introduites en bouche. Une telle lampe LED ne supporte pas une température supérieure à 120 °C et n’est donc pas stérilisable. Même, si nous pouvons les recouvrir, comment affirmer qu’il n’y a pas de risque, au moment où notre attention est particulièrement orientée sur le risque de l’infection croisée avec le syndrome d’immunodéficience humaine (sida) ou l’hépatite ? Nous avons donc rejeté sans appel cette option dangereuse. De plus, ces systèmes limitent les orientations possibles de projection de lumière à un seul angle et empêchent l’utilisation de projection à diamètre variable (turbo tips, tips ODF...). Elles semblent donc cliniquement non adaptées à la pratique quotidienne de nos cabinets dentaires. Nous avons donc le choix entre les monofibres (Fig. 5) et les multifibres (Fig. 4). Les grands critères de choix pour le clinicien sont les suivants. Une monofibre est idéale pour toute action rapprochée car elle transmet plus de lumière à puissance égale de source. Elle a donc l’avantage de préserver la puissance à son plus haut niveau. Elle a deux inconvénients. Elle peut être éblouissante et un contact intempestif (doigt ou joue) sur sa courbure peut réduire la puissance d’émission en créant une sorte de fuite de lumière (c’est la lumière que nous percevons). Classiquement, nous la trouvons : • sous forme de barreau droit, limitant les risques d’éblouissement et de perte en courbure et maximisant la puissance pour les scellements de brakets ODF antérieurs céramiques ou composites, les scellements de facettes, les composites frontaux et toutes les actions de blanchiment mettant en jeu des produits photosensibles. Avec cet embout, une lampe de 500 mW fournira une puissance de 1 400 mW/cm2 (Fig. 14) ; • sous forme de barreau coudé turbo réservé à toutes les polymérisations peu profondes (moins de 2 mm) pouvant être réalisées rapidement. Ce sont les petits composites (puits et fissures ou composites punctiformes), les composites de collet ou les brackets métalliques obligeant à une insolation latérale. Il sera aussi utilisé dans certains produits endodontiques (Epiphany®). À l’extrémité de ce type de turbo, il est possible de frôler les 2 000 mW/cm2 théoriques si le diamètre de l’embout est de 5 mm. Même en diminuant le diamètre, il est en général impossible de faire mieux pour des raisons purement optiques (Fig. 15, 16). Une multifibre est plus efficace au-delà de 3 mm de profondeur car la lumière qui en sort y est moins divergente. Par ailleurs, au-delà de 45° de courbure, les avantages que l’on a à utiliser une monofibre disparaissent car les fuites de lumière dépassent la préservation d’énergie. Le guide multifibré a donc l’avantage de préserver la puissance à longue distance et dans les grandes courbures. Enfin, il est moins éblouissant et un contact intempestif (doigt ou joue) n’a aucun effet sur sa puissance. Classiquement, nous le trouvons : • sous forme de multifibres de grands diamètres (supérieurs à 9 mm), pour les grandes cavités, mais obligeant à des expositions longues, proche des 40 secondes. Notre lampe de 500 mW donnera, pour 10 mm de diamètre, une densité de 650 mW/cm2 ; cela obligera le praticien à doubler le temps classique d’exposition, voire plus, si la lumière déborde sur les côtés de la dent, ce qui est trop souvent le cas pour ces embouts larges et divergents (Fig. 17) ; • sous forme de multifibres de diamètre normal (7 ou 8 mm) pour une utilisation quotidienne. C’est l’embout standard par Stomatologie
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Figure 14. Embout monofibré droit. 1. Blanchiment ; 2. ODF frontale ; 3. grands composites frontaux ; 4. facette ; 5. zone d’activation.
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Figure 15. Embout monofibré coudé. Grand diamètre. 1. Sillon ; 2. stratifications simples ; 3. monofibré ; 4. petites obturations ; 5. zone active du monofibré ; 6. zone d’équivalence ; 7. pulpe.
définition. Il est moins puissant en polymérisation rapprochée qu’un embout monofibré, mais il est plus efficace entre 3 et 8 mm de profondeur. Il est donc idéal pour les gros composites postérieurs, les collages d’inlays et d’onlays céramiques, ou pour les collages ODF postérieurs. Sa puissance tourne classiquement, pour notre lampe de 500 mW, autour de 1 100 mW/cm2 (Fig. 18).
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Figure 16. Embout monofibré coudé. Petit diamètre. 1. Bracket ODF ; 2. collets et petites obturations antérieures ; 3. transillumination des tenons ; 4. collets et petites obturations postérieures ; 5. collet 2 mm ; 6. zone d’activation monofibre ∅ 5,5 mm.
Figure 18. Embout multifibré coudé. Diamètre normal. 1. Pulpotomie ; 2. espaces interdentaires ; 3. attelles de contention ; 4. ODF linguale ; 5. molaire : collet 2 mm.
Sous forme de multifibres ayant une extrémité très fine (entre 3 et 4 mm de diamètre) et un angle de 90°, voire plus. C’est l’embout de la puissance localisée. Il sera très utile en ODF linguale, en polymérisation interdentaire ou pour les attelles linguales. On l’utilisera aussi en transillumination avec les tenons radiculaires et sur les produits photosensibles servant aux obturations radiculaires. Il peut dépasser les 2 000 mW/ cm2, mais n’ira pas au-delà (Fig. 19).
Fibres optiques et utilisations cliniques
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Figure 17. Embout multifibré coudé. Gros diamètre. 1. Brackets postérieurs ; 2. grande reconstitution ; 3. tenon ; 4. zone d’action multifibrée.
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Le choix d’un guide de lumière est donc directement en relation avec l’acte clinique [14] à réaliser pour des questions de besoin en puissance mais aussi pour des questions d’ergonomie. C’est pour cette raison que chaque fabricant propose plusieurs types de guides. Quand la surface du composite à polymériser est supérieure au diamètre de l’embout, les portions de la restauration doivent se chevaucher d’au moins 1 mm. Même dans des restaurations de faible étendue, des études montrent que des embouts de plus grand diamètre donnent de meilleurs résultats d’uniformité de polymérisation que ceux de petit diamètre [15]. Si on ne respecte pas ces chevauchements pendant l’insolation, il y aura des zones qui ne seront pas correctement polymérisées. Pour éviter le chevauchement fastidieux, des embouts de gros diamètre sont disponibles pour la plupart des lampes à polymériser. Ces embouts interchangeables sont particulièrement utiles dans la photopolymérisation des facettes en composite. Certains embouts de gros diamètre sont adaptables sur des lampes actuelles et émettent un faisceau plus important dû à la présence d’un collecteur plus large qui va recueillir la lumière de la source. D’autres cependant dispersent le même faisceau collecté à l’entrée sur uniquement un plus gros diamètre à l’aide d’effets optiques, mais la majorité de ceux-ci a une intensité réduite. Étant donné que la profondeur Stomatologie
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Figure 20. A, B. Propreté des tips.
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rendu de polissage avec moins de rayures que les autres kits de maintenance commerciaux testés [16]. Le polissage d’une fibre, pour lui redonner une bonne transmission de sortie, est toujours possible, mais à condition de le faire réaliser par un professionnel si l’on veut un résultat parfait.
Rupture des fibres de verre 4
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Figure 19. Embout multifibré coudé. Diamètre fin. 1. Pulpotomie ; 2. espaces interdentaires ; 3. attelles de contention ; 4. ODF linguale ; 5. endodontie : entrée des canaux ; 6. zone d’activation linguale.
de polymérisation sera moindre, le composite doit être monté en couches plus fines. Demetron et Caulk présentent de bons exemples d’embouts dont les portes d’entrée sont de gros diamètre. L’augmentation de l’intensité obtenue avec un tip de petit diamètre est due à une convergence en phase du faisceau lumineux. Les praticiens doivent faire attention de ne pas effectuer un effet de balayage sur des restaurations de grande taille car cela entraînera une polymérisation non uniforme et inadéquate comme on l’a expliqué plus haut. Certains fabricants offrent une variété d’embouts. Demetron, par exemple, présente 13 types conçus pour optimiser la photopolymérisation pour une situation spécifique. L’un d’entre eux, l’embout Turbo, peut concentrer le diamètre de la source de 13 mm d’une lampe Demetron à un diamètre de sortie de 8 ou 4 mm, potentialisant l’intensité de sortie à 35 ou 50 %. Ils sont utiles dans les cas de préparation de cavités profondes ou dans le collage des restaurations indirectes avec des ciments dual.
Encrassement à la sortie des embouts Les fenêtres de sortie des embouts peuvent être contaminées pas des dépôts de composites collés à leur extrémité. Pendant la phase d’insolation, les embouts non protégés par des barrières de protection peuvent entrer en contact avec le matériau dans sa phase plastique. Ce dernier peut rester collé à la surface, obstruer en partie la sortie du faisceau lumineux et donc contribuer à la perte d’intensité et du rendement de la lampe (Fig. 20). Suite à des procédures de décontamination ou d’autoclavage pour certains types d’embouts, il peut également se former des rayures, un dépolissage ou des dépôts calcaires sur les embouts. Ces rayures ou ces dépôts divers doivent être enlevés à l’aide de disque de polissage spécial disponible dans des kits de maintenance commerciaux. Kofford et al. ont démontré que les disques proposés par Demetron/Kerr Optics Maintenance Kit (Danbury, Connecticut, États-Unis) donnaient un meilleur Stomatologie
Les plusieurs centaines de fibres de verre qui constituent certains embouts peuvent se casser (brisures ou fêlures) suite à des chutes ou à des chocs lors de la manipulation de la lampe. Le guide lumineux de la lampe peut se fracturer en petits éclats qui sont parfois à peine perceptibles. La conséquence est également une quantité de lumière réduite à la pointe de l’appareil de polymérisation ou tout simplement un dommage définitif de la lampe. Il est important de savoir qu’un guide optique transmettra toujours de la lumière bleue même s’il est complètement endommagé. Une méthode très simple pour vérifier les guides optiques est de placer une de ses extrémités sur de l’écriture et vice versa. Si les caractères perçus à l’extrémité qui n’est pas en contact de la feuille sont flous, parcellaires ou invisibles, le faisceau optique est endommagé et doit être remplacé. Une autre méthode est de tenir la sortie distale en contre-jour et de vérifier la présence de mouchetures ou de zones ombragées. Si plus de 10 % de la surface totale apparaît sombre, en d’autres mots plus de 10 % de fibres optiques endommagées, l’embout devra être remplacé [17].
Moyens de contrôle de l’infection [18] Les cabinets dentaires doivent maintenir un niveau élevé du contrôle de contamination afin de protéger les patients et le personnel. Les guides optiques sont bien souvent en contact direct avec les tissus de la cavité buccale lors de la polymérisation. En 1989, Caughman et al. ont signalé que la contamination des guides optiques et des manches de pistolets des lampes était commune après une utilisation clinique [19]. Actuellement, parmi les méthodes de désinfection du guide optique, on retrouve l’utilisation : • d’un désinfectant tel que le glutaraldéhyde pour essuyer le guide optique après chaque patient ; • de guides optiques autoclavables ; • de guide préstérilisé, en plastique à usage unique ; • de barrières jetables pour couvrir le guide. Plusieurs solutions de désinfectant peuvent être utilisées pour le nettoyage du guide optique. Caughman et al. ont trouvé qu’une solution de dérivé phénolique contenant 2 % de glutaraldéhyde pouvait éliminer toute présence de bactéries quand le guide était essuyé ou enveloppé dans un tissu imbibé de cette solution. Cependant, le nettoyage avec un tissu trempé dans de l’alcool à 70 % n’enleva pas toutes les bactéries viables [19]. Autoclave Les guides optiques peuvent également être autoclavés afin d’assurer leur stérilité, mais cette procédure peut réduire la transmission de lumière de la lampe à la dent. L’intensité peut diminuer jusqu’à 50 % de sa valeur initiale après que le guide
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est passé trois fois à l’autoclave avec de l’eau non déminéralisée [20]. Il se produit, dans ce cas, des dépôts calcaires. Cependant, la baisse d’intensité était seulement de 6,25 % après 30 cycles à l’autoclave en utilisant cette fois de l’eau déminéralisée [16]. Avec un polissage adéquat de l’extrémité de l’embout optique en utilisant ce système de désinfection, on obtenait une intensité équivalente à l’intensité initiale [16, 20]. Si le polissage peut restaurer la transmission lumineuse, l’autoclavage et le polissage sont des méthodes qui demandent du temps. De surcroît, le fait de polir et de passer le guide optique à l’autoclave de manière répétée pourrait l’abîmer définitivement [17]. Immersion dans du glutaraldéhyde Essuyer avec un désinfectant est une méthode rapide et pratique, mais un contact d’au moins 10 minutes est nécessaire pour obtenir des actions virucides ou sur des spores. Certaines études ont démontré que des solutions à base de glutaraldéhyde peuvent réduire la transmission lumineuse à travers les guides lumineux ou endommager les fibres optiques qui constituent le guide optique [21, 22]. Nelson et al. [22] ont trouvé que l’immersion des embouts optiques dans du Cidex 7® (Johnson and Johnson Medical, New Bronswick, NJ), avec une solution alcaline à base de glutaraldéhyde à 3,4 % pendant 1 000 heures produisait une réduction de l’intensité lumineuse de 49 %. Cet effet n’était pas complètement réversible même après le polissage de l’extrémité de l’embout. Dugan et Hartleb [23] ont déclaré que l’immersion des guides lumineux dans du Cidex 7® pendant 4 jours provoquait une destructuration irréversible des fibres de verre du guide optique par une attaque érosive. Ce délabrement des fibres optiques provoquait un dispersement de la lumière qui engendrait une diminution du rendement lumineux. Embouts plastiques jetables Il existe des embouts optiques jetables qui éliminent les dépenses liées à la stérilisation et à la maintenance. Selon Rueggeberg et Caughman [24], les guides en plastique peuvent supporter une intensité de 850 mW/cm2 pendant 6 minutes. Selon les lampes à polymériser et le type de guide optique jetable utilisé, il peut y avoir une augmentation (jusqu’à 14 %) ou une diminution (jusqu’à 8 %) du rendement lumineux des lampes. De même, l’intensité lumineuse peut diminuer de façon significative (23 %) si l’embout en plastique rentre en contact avec les tissus buccaux ou de toute autre matière où l’on risque d’apposer pour diminuer l’éblouissement. Barrières translucides Des protections translucides telles que le plastique en cellophane d’emballage, les gaines pour embouts et les doigtiers peuvent être des alternatives économiques efficaces pour éviter la contamination des guides optiques. Ces barrières procurent une méthode pratique et non invasive pour éviter tout contact entre l’embout et le milieu buccal. Ils diminuent également le risque de dommage causé par une désinfection chimique ou à l’autoclave répétée. Scott et al. [18] ont étudié les effets de l’utilisation de trois types de barrières de protection sur l’intensité lumineuse : deux protections jetables commerciales (Cure Sleeve, Arcona-Henry Schein Inc, Calif. et Cure Elastic Steri-Shield, Santa Barbara, Calif.) et une protection en plastique pour emballage alimentaire étaient utilisées dans cette étude. Ils ont démontré que les deux premiers diminuaient significativement l’intensité lumineuse de la lampe halogène utilisée (Optilux 501 LCU, Kerr États-Unis, Orange, Calif.). Le pic de longueur d’onde de la lumière transmise à travers ces barrières n’était pas altéré. Même avec son aspect peu professionnel, c’est l’emballage plastique qui donne les meilleurs résultats. Cependant, il n’est pas forcément une barrière efficace contre la contamination croisée car il peut présenter des défauts et des trous microscopiques [14]. Ces auteurs ont également déclaré que même si la diminution était statistiquement significative pour les deux premiers produits, cette baisse était faible et elle ne pouvait donc pas altérer la polymérisation des résines composites.
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[25].
Dans une étude [18], 44 % des praticiens ont déclaré qu’ils ne possédaient pas d’embouts interchangeables. La méthode de nettoyage la plus répandue était celle de la lingette à base d’alcool. La stérilisation des embouts était relativement peu pratiquée. Ceux qui avaient des embouts stérilisables utilisaient souvent des lingettes de désinfection entre les patients pour ne stériliser qu’à la fin de la journée. Seulement 9 % des praticiens ont déclaré l’utilisation d’une barrière ou gaine dans la prévention de la contamination croisée (Fig. 21) [25]. Le même embout est utilisé pour toute restauration par plus de 90 % des praticiens. On aurait pu mesurer la taille moyenne des embouts mais grâce au radiomètre qui possède des graduations de diamètres différents on peut avancer que les embouts utilisés couramment étaient de diamètre moyen, dépassant rarement 1,5 cm.
Facteurs liés à l’opérateur Techniques de montage du matériau Plusieurs études ont préconisé l’utilisation de la technique incrémentale par opposition à la technique de montage en bloc [15]. La technique « couche par couche » diminuerait les effets de la rétraction de prise et procurerait une meilleure polymérisation dans l’épaisseur du matériau. Cette technique peut également réduire le rapport de surface collée et de surface non collée (selon le facteur cavitaire ou facteur C) ayant pour effet une diminution de stress, donc de la rétraction surtout si l’on utilise du composite fluide [26-30]. Kuijs et al. [31] ont également démontré que la formation de stress et sa localisation ne dépendent pas de la technique de montage ou de l’ordre de placement des incréments. À juste titre, ils déclarent qu’on pourrait remettre en cause la technique incrémentale concernant la diminution de la rétraction, mais cela n’implique pas qu’elle ne doit pas être recommandée. Elle permet une manipulation aisée, une meilleure modélisation et surtout une meilleure profondeur de polymérisation. Caughman et al. [32] ont déclaré que la durée de l’exposition est l’un des facteurs les plus importants qui gouvernent la photopolymérisation. Si l’intensité de la lumière est suffisante afin d’exciter la camphoroquinone, la durée de l’exposition est le facteur limitant dans les cas où : • intensité = 280 mW/cm2 ; • épaisseur = 2 mm ; • distance du matériau = 6 mm (cf. distance de la lampe). Yap et Seneviratne [33] démontrent qu’une polymérisation efficace à 2 mm d’épaisseur ne pouvait pas être accomplie à 200 mW/cm2. Il fallait au minimum 120 secondes à 300 mW/ cm2. Trente secondes étaient requises pour une polymérisation efficace dans les mêmes conditions pour une intensité de 500 à 600 mW/cm 2 , ce qui est plus acceptable cliniquement actuellement. Stomatologie
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Nous avons déjà souligné que le temps d’exposition devait être augmenté dans les cas suivants : • l’utilisation d’une teinte plus foncée ; • l’insolation à travers des barrières telles que des structures dentaires ou des céramiques pour compenser une baisse modérée de l’intensité de la lampe halogène. Pour les lampes LED de seconde génération, cela ne rentre plus en compte, vu la fiabilité et la stabilité des ampoules LED. Il n’est pas rare que les études soulignent la nécessité de rallonger les temps d’exposition pour une polymérisation efficace [34-39] . Tanoue et al. [40] , par exemple, démontrent qu’une exposition supérieure à celle indiquée par les fabricants était nécessaire pour une conversion adéquate. Ils ont également démontré l’efficacité de l’allongement de l’exposition sur les propriétés « postinsolation ». Selon une étude de Rueggeberg et al. [41] une exposition de 60 secondes pourrait optimiser la polymérisation. Si l’on passait à 80 secondes, il n’y avait pas de différence significative avec l’exposition de 60 secondes pour une épaisseur de 2 mm. Il est à noter que cette étude ne comportait que des composites de teinte universelle ou grise. Bien que de nombreuses études [42, 43] aient démontré qu’on pouvait compenser une baisse de l’intensité d’une lampe à polymériser par une augmentation du temps de polymérisation, il existe des limites à de telles affirmations appliquées à la pratique clinique. La réciprocité temps/intensité n’est pas toujours vérifiée pour tous les composites et elle peut être affectée par la teinte et l’épaisseur du matériau [44]. Des temps d’insolation trop longs ne sont pas acceptables dans la pratique quotidienne. Mis à part une perte de temps, on pourrait aussi induire une augmentation de la température pulpaire et des dommages irréversibles à la dent avec les technologies halogène et plasma [45]. Actuellement, avec les lampes LED de seconde génération ayant des puissances supérieures aux lampes halogènes et présentant différents types d’embout, des temps de 10 à 20 secondes peuvent être préconisés et les résultats obtenus en dureté sont excellents à 2 mm de profondeur [8]. Cliniquement, les restaurations composites sont plus faciles à réaliser avec des temps de mise en œuvre corrects. Distance embout-matériau et angle d’attaque
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Une citation, couramment rencontrée dans la littérature dentaire, est que la perte d’intensité lumineuse suit une loi du carré de l’inverse de la distance de la fenêtre de sortie du guide lumineux à la surface du composite. Cette relation entre l’intensité et la distance de l’embout lumineux à la restauration dépend cependant de plusieurs facteurs dont le degré de divergence du faisceau lumineux émanant de l’embout lumineux [46]. La loi de l’inverse du carré de la distance stipule que la lumière est émise d’une source punctiforme rayonnant sur 360°. Mais, dans le cadre de la photopolymérisation, cette loi entre en vigueur seulement à des distances supérieures à 10-12 mm [32, 46]. Donc, même s’il existe une baisse d’intensité, certains chercheurs supposent que l’effet de cette diminution sur la profondeur de polymérisation est modéré et relativement linéaire aussi longtemps que la distance avoisine les 10-12 mm [6, 46]. Malgré les résultats des recherches qui varient, la signification clinique de toutes ces affirmations est que l’intensité lumineuse diminue rapidement quand la distance de l’embout optique à la surface du composite augmente [37, 47, 48]. Moseley et al. [49] ont démontré des réductions allant de 30 à 50 % pour des différentes lampes à polymériser découlant d’une augmentation de la distance de 2 mm à 10 mm. Prati et al. [48] ont déclaré que chaque millimètre d’éloignement de la restauration correspondait à une réduction approximative de 10 %. Ces trouvailles reflètent les résultats de Harrington et Wilson [50] qui ont trouvé une baisse d’environ 66 % de l’intensité à une distance de 7 mm, ainsi que ceux de Pires et al. [37], notamment une réduction de 55 % à une distance de 6 mm et de 75 % à 12 mm. Dans cette dernière étude par exemple, une intensité lumineuse de 405 mW/cm2 était réduite à 200 mW/cm2 à une Stomatologie
distance de 6 mm pour diminuer encore à 100 mW/cm2 à 12 mm du composite, donc insuffisante pour une bonne polymérisation [51]. Une baisse plus modérée était rapportée dans une étude [52] qui mesurait l’effet de distance du guide lumineux de la restauration sur la polymérisation de la résine. Cette étude démontra une diminution de 10 % à 6 mm et de 23 % à 10 mm. Cependant, cette étude révéla une différence significative de la polymérisation à une épaisseur de 2 mm de matériau quand la lampe était à 6 mm pendant une insolation de 40 secondes. Quand la distance passait à 8 mm, 60 secondes étaient nécessaires pour atteindre une polymérisation équivalente à celle obtenue pour les échantillons maintenus à 6 mm de distance. Une étude [37], quasiment similaire, démontre que, à une distance de 6 mm, la dureté à 2 mm d’épaisseur était seulement le quart de celle de la surface ; quant à une distance de 12 mm, la surface était 20 fois plus dure qu’à 2 mm. Il a été conclu que la distance devrait toujours être maintenue la plus faible possible, ne dépassant pas les 4-5 mm si possible, et que le temps d’exposition devrait être augmenté quand on s’éloigne de la surface afin de maximiser la polymérisation de la résine. La distance idéale de la source lumineuse de la surface du composite est de 1 mm (et non au contact du matériau dans sa phase plastique car on risquerait d’encrasser l’embout) et la sortie optique doit être positionnée à 90° de la surface [53]. Quand le guide est incliné, l’énergie lumineuse est dispersée sur une plus grande surface. La lumière est également réfléchie de la surface, diminuant ainsi l’intensité lumineuse. Dans les restaurations molaires, la crête marginale des dents adjacentes peut intercepter la lumière quand celle-ci est inclinée. La distance peut être cependant une préoccupation clinique même si l’on place la lampe contre la dent. On peut rencontrer cette situation dans la restauration des cavités de classe II quand un incrément gingival doit être polymérisé. La distance, dans ce cas, est suffisamment importante, de l’ordre du centimètre pour que l’intensité lumineuse soit affectée (réduction de 50 %) [37, 44, 53]. Prati et al. [48] ont extrapolé leurs résultats sur cette situation clinique particulière où ils ont essayé de polymériser une couche de 2 mm de composite située au niveau du plancher d’une boîte proximale faisant 8 mm de hauteur à l’aide d’une lampe émettant à 300 mW/cm2. D’abord, selon ces auteurs, l’intensité de la lampe sera diminuée de moitié avant d’atteindre la surface du matériau. Ensuite, les 150 mW/cm2 restants seront réduits à 40 mW/cm2 en traversant le premier millimètre du composite. Finalement, seulement 13 mW/cm2, soit une réduction de 96 % de l’intensité initiale, parviendront aux parties les plus profondes en contact avec la dentine. L’utilisation d’une lampe à polymériser de forte intensité possédant une intensité supérieure à 400 mW/cm2 est, dans ce cas, salutaire. Pour de nombreux appareils, une intensité minimale de 600 mW/cm2 est nécessaire pour s’assurer qu’une intensité adéquate atteigne cette couche juxtagingivale de la boîte proximale [54-56]. Des artifices tels que des matrices, cônes lumineux ou des coins interdentaires transparents ne peuvent pas résoudre entièrement le problème de l’éloignement de la lampe. Afin de compenser efficacement cette baisse d’intensité, des temps d’exposition plus longs sont préconisés. Certains auteurs conseillent également une insolation après la finition à travers les surfaces proximales [53, 57]. Dans la photopolymérisation des résines composites postérieures, l’expérience de l’opérateur est un des facteurs de réussite. Un positionnement stable du guide lumineux pendant toute la durée de l’insolation est nécessaire afin d’optimiser la polymérisation des composites. En raison de la très faible polymérisation latérale de la surface couverte par la sortie du guide lumineux, le positionnement stable du guide lumineux perpendiculaire à la surface est important, d’autant plus important quand le diamètre du guide approche le diamètre de la cavité.
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22-020-A-06 ¶ Embouts des lampes à photopolymériser
■ Conclusion De nombreuses situations cliniques peuvent être traitées par des techniques de polymérisation rapide ou des techniques progressives ou adaptées [58]. Actuellement, il est important que le praticien puisse choisir, lui-même, la technique qui lui semble la mieux appropriée à sa pratique quotidienne, tout en respectant les principes de la dentisterie adhésive [39, 59, 60]. Le guide lumineux d’une lampe est un élément clé de la photopolymérisation. Il est donc important de connaître son rôle, son mode de fonctionnement et son influence sur la polymérisation des matériaux esthétiques. La technologie LED de seconde génération, associée à différents modes d’insolation (mode à pleine puissance, mode progressif et mode pulsé), permet une bonne polymérisation des matériaux dentaires [8]. Différents embouts peuvent être utilisés en fonction de certaines procédures de restauration. Actuellement, certaines lampes LED de seconde génération sont très intéressantes car elles ont différents programmes d’irradiation lumineuse comme par exemple, la Miniled® de Satélec, la Bluephase® d’Ivoclar-Vivadent ou l’Elipar Freelight 2® de 3M-Espe. .
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B. Pelissier, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, responsable du département d’odontologie conservatrice, endodontie ([email protected]). F. Duret, Professeur, attaché au département d’odontologie conservatrice, endodontie. UFR d’odontologie de Montpellier I, 545, avenue du professeur Jean-Louis-Viala, 34193 Montpellier cedex 05, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Pelissier B., Duret F. Embouts des lampes à photopolymériser. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-020-A-06, 2007.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-020-A-05
22-020-A-05
Lampes à photopolymériser B Pelissier JC Chazel E Castany F Duret
Résumé. – Sans doute l’un des apports majeurs de l’odontologie conservatrice au cours des dernières décennies a été la photopolymérisation des biomatériaux de restauration à base de polymères. Elle procure au praticien un temps de travail quasi illimité pour la mise en forme du matériau et une prise instantanée au moment où il choisit d’irradier le matériau. C’est grâce à cette photopolymérisation qu’il a été possible d’associer esthétique et composite, en exploitant l’apport successif de couches de matériaux de teintes et d’opacités adaptées. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : lampes à photopolymériser, lampes halogènes, lampes au xénon ou plasma, lampes à diodes électroluminescentes ou LED, dentisterie restauratrice.
Introduction La photopolymérisation a deux contreparties. La première, c’est la longueur du temps de réalisation d’une stratification, ce qui a généré l’essor de lampes à haute énergie pour des temps d’irradiation plus courts [7, 8, 23, 29]. La seconde, à l’inverse, ce sont les contraintes brutales induites par la photopolymérisation, suffisamment intenses pour casser le joint d’étanchéité que forme le matériau au contact des parois cavitaires. Des lampes halogènes progressives ont été développées pour initier une polymérisation en douceur. Les principes régissant l’amorçage photochimique des composites ont connu ces dernières années de nouveaux développements, avec l’apparition d’une part de nouvelles sources lumineuses de haute énergie et la proposition de nouveaux dispositifs programmés pour une irradiation séquentielle ou progressive [2, 5, 9, 12, 30] et d’autre part, de la technologie des lampes électroluminescentes [16, 19, 22, 27, 31]. Il est important de connaître l’influence de ces nouveaux générateurs de lumière sur les performances des biomatériaux composites et sur celles des nouveaux matériaux à base de polymères (compomères, composites compactables ou bioactifs).
Généralités En effet, la qualité de la polymérisation d’une matrice de composite va influencer les performances du matériau ; c’est vrai pour ses performances mécaniques (résistance à l’endommagement par usure, fatigue), mais également pour d’autres propriétés majeures : – propriétés optiques : indice de réfraction, résistance à la dyschromie ;
Bruno Pelissier : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, responsable du service d’odontologie conservatrice, endodontie. Jean-Christophe Chazel : Chargé de cours. Emmanuel Castany : Assistant hospitalo-universitaire. François Duret : Chargé de cours. Service d’odontologie conservatrice, endodontie, UFR d’odontologie de Montpellier I, 545, avenue du Pr Jean-Louis Viala, 34193 Montpellier cedex 5, France. Niigata (Japon).
– propriétés biologiques : la présence de monomères résiduels peut induire des problèmes de biocompatibilité sur le plan local (cytotoxicité pulpaire) ou sur le plan général (allergie). De nombreuses variables peuvent influencer le degré de polymérisation d’une matrice de composite. Ces principales variables sont : – la nature de la lampe ; – le temps de polymérisation ; – la nature et la structure des biomatériaux composites ou dérivés (composites dits compactables, compomères) ; – l’épaisseur du matériau ; – la teinte du matériau ; – la technique incrémentale. Pendant vingt ans, les lampes halogènes ont été utilisées et ont permis de polymériser les composites. Ces dernières années, l’émergence de nouvelles technologies a considérablement bouleversé et diversifié le marché des lampes à photopolymériser pour les résines dentaires. Dès lors, il nous a paru intéressant de faire un point technique sur les principes de fonctionnement de ces matériels, qui restent assez obscurs pour la plupart des praticiens. Il existe aujourd’hui un certain nombre de possibilités pour déclencher puis accompagner la polymérisation des monomères présents dans de nombreux produits dentaires comme les composites en dentisterie restauratrice ou les adhésifs en orthodontie [4, 5, 9]. Depuis de nombreuses années sont disponibles des composites photopolymérisables dont la réaction de réticulation est déclenchée par une lumière émise dans une gamme de longueur d’onde située entre 400 et 500 nm. L’objectif d’une lampe à photopolymériser est de lancer puis d’accompagner la réaction de prise des matériaux composites. À la différence d’une réaction de polymérisation classique qui suppose de mettre en présence deux composés (ou plus) réagissant entre eux au moment de leur mise en contact, la photopolymérisation permet que ces composés soient toujours en présence l’un de l’autre, sous forme inactive, et qu’en absence de lumière, ils ne réagissent pas. C’est un troisième corps, lui aussi présent, qui rend l’un d’eux
Toute référence à cet article doit porter la mention : Pelissier B, Chazel JC, Castany E et Duret F. Lampes à photopolymériser. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-020-A-05, 2003, 11 p.
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Lampes à photopolymériser
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Stomatologie/Odontologie
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Ampoules halogènes.
Amorçage photochimique.
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Spectre d’émission de la lumière.
Nous allons essayer de détailler les trois principales sources technologiques utilisées dans les lampes présentes sur le marché, c’est-à-dire :
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Spectre d’absorption de la camphoroquinone type.
– les lampes halogènes ; – les lampes plasma ; – les lampes à diodes électroluminescentes (LED).
Lampes halogènes Pendant plus de vingt ans, la source lumineuse la plus utilisée a été la lampe halogène. Comment fonctionne-t-elle ? Une lampe à photopolymériser de type halogène utilise un principe de fonctionnement extrêmement simple, et commun aux lampes présentes dans la majorité des éclairages domestiques. Sous l’effet du passage d’un courant électrique, un filament de tungstène est porté à incandescence à très haute température, de l’ordre de 2 200 °C. Comme tout corps chauffé, le filament émet alors de la lumière, sachant que plus la température est haute, plus la lumière sera blanche. suffisamment actif (ou excité) pour qu’il vienne réagir sur le deuxième. Cette réaction de photopolymérisation se passe en trois temps. Dans la réaction proprement dite de polymérisation [10, 13, 24, 26, 28] (fig 1), c’est un premier corps, appelé photo-initiateur, qui absorbe l’énergie photonique émise et va passer dans un état réactif. D’une manière générale, et plus spécifiquement en dentisterie, les photoinitiateurs font partie de la famille des dicétones sensibles dans des zones de longueurs d’onde situées entre 390 et 490 nm. Plus précisément, la zone de meilleure sensibilité du photo-initiateur le plus utilisé en dentisterie restauratrice, la camphoroquinone (CQ), se situe à 470 nm (± 20 nm). L’idéal est donc d’avoir le maximum d’intensité dans une zone située entre 400 et 500 nm pour les lampes à photopolymériser. C’est ce que les lumières halogènes, plasmatiques et à diodes électroluminescentes nous offrent. L’important est d’avoir une lumière émise dans la zone où la camphoroquinone l’absorbe, mais qui est suffisamment large pour recouvrir tout le spectre de 425 à 500 nm, car il existe d’autres photoinitiateurs sensibles à des longueurs d’onde différentes. L’idéal serait aussi qu’elle ne soit émise que dans une gamme de longueur d’onde efficace pour éviter les effets thermiques ou autres dispersions énergétiques (fig 2, 3). 2
PRINCIPES DES LAMPES HALOGÈNES CONVENTIONNELLES
Une lampe halogène est composée d’un filament, d’une enveloppe de verre appelée communément ampoule, et d’un gaz de remplissage (fig 4). Les choix des composants d’une lampe incandescente type halogène dépendent essentiellement de deux facteurs : – ils doivent avoir un haut point de fusion ; – ils doivent avoir un bas ratio de vaporisation. Dans toutes les lampes traditionnelles, c’est le filament de carbone relié aux connexions électriques qui est utilisé, mais malheureusement son rendement reste faible puisqu’il est d’environ 7 lm/W. Le tungstène remplace actuellement le carbone car il a une brillance très supérieure ; c’est un matériau très réfractaire dont la température de fusion est de 3 380 °C. À ce matériau réfractaire, on ajoute des additifs comme l’oxyde de thorium pour en améliorer les propriétés. Son point de fonte est proche du carbone (3 500 °C) et son ratio de vaporisation n’est pas aussi déterminant que pour le carbone, car il est compensé par le cycle tungstène halogène que nous décrivons
Lampes à photopolymériser
Stomatologie/Odontologie
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Ampoule halogène. 1. Réflecteur dit par « focus » ; 2. filament tungstène ; 3. gaz halogène ; 4. bulbe verre de quartz.
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Cycle tungstène halogène. 1. Vaporisation d’atomes de tungstène ; 2. combinaison d’atomes de tungstène et d’halogène ; 3. dépôt d’atomes de tungstène sur le filament ; 4. départ d’un nouveau cycle.
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7 plus loin. Une lampe tungstène halogène utilisée en dentisterie se compose en général d’un bulbe fait de verre de quartz. Les températures de fonctionnement étant bien supérieures à celles des ampoules à incandescence traditionnelles, l’ampoule est réalisée dans des matériaux résistants aux hautes températures (entre 250 °C et 350 °C) et à une pression de 20 bars comme le quartz ou le Vycort. Sa forme cylindrique favorise cette résistance. Les matières organiques et minérales présentes à la surface de la peau ayant la propriété de réagir avec le quartz en le fragilisant ou en le ternissant, on préconise de ne pas toucher une lampe halogène avec les doigts. Les filaments de tungstène sont en général en position transverse par rapport à l’axe général de la lampe. Chaque filament de tungstène est soudé à une feuille de molybdène, qui elle-même se poursuit par deux connecteurs en molybdène. Très souvent, la feuille de molybdène est incluse dans une base céramique, elle-même entourée du bulbe en quartz. Cette lampe est située dans un réflecteur dit « par focus », jouant à la fois le rôle d’orientation de la lumière émise vers l’entrée de la fibre mais aussi celui d’absorption de chaleur, permettant une préfiltration des rayonnements. Très souvent, devant le réflecteur est placée une glace permettant de respecter le dimensionnement et l’alignement du montage optique : lampe, réflecteur, guide de lumière (fig 5). Dans l’ampoule se trouve un gaz de remplissage. Si cette ampoule était remplie d’air, le filament s’oxyderait rapidement et la durée de vie de l’ampoule serait de quelques dixièmes de secondes. Si à la place de l’air, on faisait le vide, le filament aurait tendance à se sublimer ; il perdrait alors des atomes, s’amincirait et claquerait. On remplit donc alors l’ampoule d’un gaz inerte, argon, krypton ou xénon mélangé à un gaz halogène. Le gaz halogène limite la sublimation du tungstène par régénération, et son dépôt sur le verre de l’ampoule. La différence essentielle entre une ampoule à incandescence et une ampoule dite halogène provient donc en grande partie du gaz de remplissage diatomique appartenant à la famille des halogènes ou à un de leurs dérivés. Les fabricants utilisent majoritairement : – la diode de formule chimique I2 ; – le bromure de méthyle CH3Br ; – le dibromure de méthyle CH2BR2. CYCLE TUNGSTÈNE HALOGÈNE
Connu depuis près d’un siècle, le principe du cycle halogène n’a été mis en pratique dans la technologie des lampes qu’à la fin des années 1950. Ce cycle permet une durée de vie plus longue, une température de fonctionnement plus élevée, une efficacité supérieure à celle des ampoules à incandescence traditionnelles. Le cycle halogène peut être scindé en quatre phases distinctes (fig 6) : – les molécules de dihalogène présentes à l’intérieur de l’ampoule côtoient des atomes de tungstène provenant du filament ;
Filament détérioré. 1. Filament neuf ; 2. filament en fin de vie ; a : zone fragilisée.
– à bonne distance du filament, là où la température est la plus faible, un atome de tungstène se combine avec plusieurs molécules de dihalogène pour former une molécule de plus grande taille ; – lorsque cette molécule est soumise à une température élevée à proximité du filament, elle se décompose en molécules de dihalogène et en un atome de tungstène qui va se redéposer sur le filament ; – les molécules de dihalogène peuvent alors de nouveau se combiner avec un atome de tungstène pour recommencer un nouveau cycle. On pourrait donc penser qu’un filament puisse durer indéfiniment, cependant, le tungstène se redéposant en un point différent de celui d’où il vient, il apparaît à la longue une série de points fragiles sur le filament, source de ruptures potentielles [1, 11]. Ces zones fragilisées présentant une résistance électrique plus importante, elles sont plus chaudes et moins aptes à recevoir un nouveau dépôt de tungstène ; le phénomène s’accélère en fin de vie de filament. À l’inverse, les zones froides, notamment au niveau des connexions électriques, réagissent avec les molécules de dihalogène, et fragilisent là aussi l’ampoule halogène. Bien que la durée de vie théorique d’une lampe halogène soit de 7 000 heures contre 1 000 heures pour une lampe à incandescence, pour une utilisation optimale, il est préférable de changer l’ampoule deux fois par an. Le type de fonctionnement intermittent des lampes à photopolymériser, la présence de filtres optiques, le confinement de ce type d’ampoule dans une pièce à main ayant tendance à provoquer une usure prématurée (fig 7). La lumière émise est donc générée par la chaleur dégagée par un corps porté à haute température ; plus cette température est élevée et plus elle émet de la lumière. L’énergie photonique résultante fait apparaître une lumière dont le spectre de longueur d’onde se situe de 350 nm à bien au-delà des infrarouges, c’est-à-dire au-delà de 1 000 à 12 00 nm. Ce spectre n’est pas régulier, mais est régulièrement croissant dans la zone qui nous intéresse, c’est-à-dire de 400 à 500 nm. Comme nous pouvons le constater, la partie utilisée de l’émission halogène peut être estimée à 20 % de sa puissance totale, tout le reste se transformant essentiellement en chaleur (fig 8). Il est donc nécessaire d’avoir une lampe très puissante pour avoir une forte capacité de polymérisation, mais la chaleur dégagée rendrait son utilisation dangereuse. Une lampe halogène ne semblerait donc pas être la solution pour amener beaucoup d’énergie dans notre zone de longueur d’onde. L’halogène peut recouvrir le spectre, mais elle recouvre aussi bien d’autres longueurs d’onde visibles, et oblige à un filtrage transformant en radiateur notre source de lumière. Le seul intérêt de cette source est son faible coût. La lampe halogène est la source énergétique actuellement la plus utilisée. L’appareil conventionnel émetteur de rayons visibles est muni d’une lampe halogène de 75 à 150 W, du type en usage dans les appareils de projection. La tension est généralement stabilisée électroniquement à 15 V. L’appareil est muni d’un triple filtre destiné à ne livrer passage qu’aux rayons d’une longueur d’onde supérieure 3
Lampes à photopolymériser
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120 100 Pourcentage de puissance
90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0
500
1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000 4 500 5 000 5 500 6 000 6 500 7 000 7500 8 000
Nombre de cycles (1 cycle = 3 x 40 secondes)
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Diminution du pourcentage de la puissance de la lampe halogène en fonction du nombre de cycles.
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Spectre d’émission non filtré de la lampe halogène.
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Spectre d’émission filtré d’une lampe halogène.
Les intensités des lampes à photopolymériser peuvent varier selon les modèles (400 mW/cm2 à 800 mW/cm2). La dureté du composite augmente également avec le temps d’exposition aux rayons [4, 10, 21, 26] . La photopolymérisation des matériaux cosmétiques avec des lampes halogènes conventionnelles nécessite un temps d’insolation de 20 à 40 secondes : il ne faut pourtant pas hésiter à le prolonger, surtout lorsqu’on est amené à polymériser au travers de l’émail ou d’une matrice. Le taux de conversion d’un composite dépend aussi du matériau lui-même et de sa composition, ainsi que de sa réaction de prise, c’est-à-dire de la longueur d’onde dans laquelle ses composants réagissent. Le cycle halogène et le fonctionnement intermittent entraînent une perte lumineuse normale des lampes halogènes, qui influence l’intensité de la lumière, donc indirectement le profil de polymérisation. Il faut donc contrôler régulièrement cette intensité, et changer régulièrement les ampoules [11, 17, 20] (fig 11). DIFFÉRENTS TYPES DE LAMPES HALOGÈNES
Il existe différents types de lampes halogènes ; il est possible par différentes programmations de modifier les différents paramètres de la photopolymérisation : le temps, l’intensité, la cinétique de l’intensité et la fréquence des temps d’insolation. Actuellement, les principales lampes halogènes sont programmables. Pour lutter contre la contrainte lors de la réaction de prise, des lampes halogènes avec différents modes de polymérisation ont été mises sur le marché. D’après de nombreux auteurs [3, 5, 9, 12, 14, 15, 18, 25, 30] , il est préférable d’opter pour une photopolymérisation progressive par rapport à une photopolymérisation rapide et brutale. Ces lampes initient la réaction de polymérisation en délivrant une faible intensité lumineuse qui réduit le taux de conversion, et peut ainsi diminuer les contraintes à l’interface dent/composite. Pour les lampes halogènes traditionnelles, il est possible de créer cette polymérisation progressive en se rapprochant avec l’embout progressivement de la restauration composite. Il existe plusieurs types de lampes progressives : – les lampes progressives par palier, qui ont une exposition commençant avec une faible intensité (environs 100 mW/cm 2) pendant 5 à 10 secondes, puis à pleine puissance pour le reste du cycle programmé ; Description d’une lampe halogène ; filtre passe-bas : après 500 nm ; embout 8 mm : 200 à 1 000 mW/cm2 ; embout 11 mm : 100 à 450 mW/cm2. 1. Bouton ; 2. ampoule ; 3. filtre ; 4. embout.
– les lampes progressives en continu, qui ont une intensité lumineuse variant en continu de 0 à la puissance maximale, maintenue jusqu’à la fin du temps d’exposition programmé ;
à 400 nm, les intensités les plus performantes étant obtenues, selon les appareils, dans un créneau se situant entre 450 et 500 nm. Cette gamme de rayons produit une lumière bleutée (fig 9). La lampe, le filtre et le ventilateur se situent dans le pistolet, la lumière est alors transmise par un embout rigide en quartz ou en verre (fig 10).
– les lampes progressives par impulsion. Actuellement, les lampes halogènes, pour la plupart, sont à haute intensité ; elles délivrent plus de 1 000 mW/cm2, dans l’optique de diminuer le temps d’exposition en assurant une polymérisation correcte du matériau. Cette technologie rejoint la technologie plasma qui est décrite plus loin. Le refroidissement de ces sources lumineuses est capital pour ralentir le vieillissement de l’ampoule.
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Lampe halogène Astralis 10t (Vivadent).
La durée de vie de l’ampoule est souvent inférieure à celles des ampoules de lampes halogènes conventionnelles. DESCRIPTION D’UNE LAMPE HALOGÈNE ACTUELLE : ASTRALIS 10t (VIVADENT)
La lampe halogène Astralis 10t (Vivadent) est une lampe halogène ayant une intensité lumineuse de 1200 mW/cm 2 , un spectre d’émission large couvrant des longueurs d’ondes comprises entre 400 et 500 nm. Elle possède une ampoule halogène de 100 W. Nous pouvons la classer dans la catégorie des lampes halogènes à haute énergie (fig 12). Cette lampe halogène possède plusieurs programmes de polymérisation, et se situe donc dans la gamme actuelle des lampes programmables : – un mode haute énergie à 1200 mW/cm2 : ce mode permet une polymérisation plus rapide de 10 secondes. Il rejoint la technique des lampes plasma qui utilisent des énergies plus importantes avec des temps d’insolation plus courts. Ce type d’insolation avait été introduit pour diminuer le temps de mise en œuvre des techniques de stratification, trop longues selon certains cliniciens. Ce mode de polymérisation permet de raccourcir le temps d’insolation pour des applications cliniques précises (fines couches, adhésifs orthodontiques, matériaux adaptés…) ; – un mode adhésif d’intensité lumineuse de 650 mW/cm2 : le choix d’une intensité plus faible a été conçu pour éviter des élévations de température trop importantes dans les zones proches de la pulpe. Ce mode paraît intéressant, car toutes les lampes halogènes chauffent ; la chaleur dégagée lors des insolations profondes peut entraîner des effets irréversibles sur la pulpe. Il est donc conseillé actuellement de faire des polymérisations moins intenses, progressives, ou bien d’utiliser des adhésifs type dual pour les couches profondes ; – un mode pulsé : l’intensité lumineuse s’élève progressivement de 150 mW/cm2 à 650 mW/cm2 pendant les 10 premières secondes. Ensuite, pendant les 10 secondes suivantes, l’intensité fluctue entre 650 mW/cm2 et 1 200 mW/cm2. Ce mode permet la polymérisation progressive des matériaux pour éviter les contraintes brutales induites par la photopolymérisation, suffisamment intenses pour casser le joint d’étanchéité que forme le matériau au contact des parois cavitaires. Ce mode est donc à l’opposé des techniques de polymérisations rapides ;
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– un mode collage indirect : il est en réalité le premier mode décrit plus haut à haute énergie. Seul le temps d’insolation a été rallongé, pour permettre une meilleure probabilité de diffusion des ions photoniques à travers les matériaux. En effet, le temps joue un rôle important dans la polymérisation finale d’un matériau ; toutes les études de dureté le montrent. Ce mode permet l’activation des gels de blanchiment selon les fabricants ; mais, pour cette application, est-ce le temps d’insolation générant de la chaleur qui active les gels d’éclaircissement, ou bien est-ce le spectre d’émission de cette lampe qui active les gels d’éclaircissement ? De nombreux produits d’éclaircissement possèdent des additifs différents réagissant soit à la lumière soit à la chaleur. Il va de soi que, les lampes halogènes ayant un large spectre d’émission et générant de la chaleur, elles permettent l’activation des gels de blanchiment. Nous remarquons que cette lampe programmable peut s’adapter aux nombreuses techniques de restaurations directes, indirectes et esthétiques. De nombreuses situations cliniques peuvent donc être traitées par des techniques de polymérisation rapide ou des techniques progressives ou adaptées, et le dentiste peut ainsi choisir lui-même la technique qui lui semble la mieux appropriée.
Lampe xénon ou arc plasma ou à haute énergie Dans l’échelle de température, le plasma, appelé quatrième état de la matière, succède aux états solides, liquides et gazeux. Cet état plasma est obtenu en ionisant très fortement un gaz, ce qui génère de très hautes émissions de lumière et de température. Dans cet état, maintenu par la collision d’électrons et une haute température, on trouve donc en quantité égale une très forte concentration d’ions positifs et négatifs. Les lampes plasma produisent un spectre très proche de celui de la lumière naturelle, les étoiles étant en grande partie constituées de plasma. Dans le domaine industriel, on utilise ce type de source lumineuse dans des projecteurs de cinéma ou de simulation d’éclairage solaire, dans des systèmes d’endoscopie ou bien encore dans des appareils de vidéoprojection. Les lampes plasma ou PAC light (plasma arc curing light) ont été introduites en dentisterie pour diminuer le temps d’insolation pendant les techniques longues de stratification des composites [23]. Cette technique de polymérisation rapide peut être une alternative à la dentisterie traditionnelle des lampes halogènes, mais dans certaines conditions (couches fines de composite, spectre d’absorption des photo-initiateurs en corrélation avec le spectre d’émission de la lampe qui est en général centré sur le spectre d’absorption de la camphoroquinone). LAMPE PLASMA
¶ Généralités Les lampes à arc plasma appartiennent à la grande famille des lampes à décharge. Une ampoule plasma est composée de deux électrodes (anode et cathode), d’un corps de lampe en céramique ou en verre, d’un amorceur, et d’un gaz de remplissage (fig 13). Si l’efficacité lumineuse des lampes à incandescence est limitée par la température de fusion du filament de tungstène (= 37 Im/W, ou
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Ampoules plasma.
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Constitution d’une lampe plasma. 1. Fil de connexion ; 2. cathode métallique ; 3. entrée de remplissage du gaz ; 4. cathode ; 5. fil d’amorçage ; 6. anode ; 7. anode métallique ; 8. écrou ; 9. connexion filtrée ; 10. barreau conducteur ; 11. revêtement réfléchissant ; 12. espace interélectrodes ; 13. ampoule.
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Principe de l’ampoule plasma. 1. xénon ; 2. électrodes ; 3. arc.
au plus 45 Im/W avec des ampoules en verre spécifique), et si elles peuvent atteindre des températures de couleur < à 3 400 K, les lampes aux halogénures métalliques apportent de toutes nouvelles possibilités. Les principaux avantages par rapport aux lampes à incandescence sont : – une efficacité lumineuse trois à quatre fois supérieure, pouvant atteindre près de 100 Im/W ; – une répartition spectrale approchant celle de la lumière du jour, avec une température de couleur située entre 4 500 et 6 500 K, et une luminance 20 fois supérieure qui est proche de la source de lumière ponctuelle idéale ; – l’indice de rendu des couleurs, situé entre 80 (HTI-st ou lampe de grande luminance) et 95 (HMI-st ou lampe de spectre coloré), tend vers le maximum théorique possible du rendu naturel des couleurs ; – la plupart des lampes plasma sont réamorçables à chaud, à tous les stades de refroidissement.
¶ Terminologie Le brûleur désigne le lieu de la décharge : le volume où, sous l’action conjointe des substances de remplissage, de la pression et de l’énergie électrique, l’arc (lumineux) s’établit. Si les avantages des lampes HTI-st se trouvent dans la luminance plus importante et une petite taille, les HMI-st se distinguent par un excellent rendu des couleurs et un bon comportement lumineux au cours de leur durée de vie. L’écartement des électrodes nous permet de classer les lampes plasma dans la catégorie des lampes à arc court (2,3 à 14 mm) et des lampes à arc moyen (4 à 44 mm).
¶ Construction de la lampe La lampe utilisée en dentisterie fait partie des lampes dites à décharge. La lumière est générée par un arc qui apparaît entre deux électrodes tungstène, dans un gaz xénon pur créant un état plasma. Chaque électrode se comporte comme une anode et une cathode. Le tube, lui-même réalisé en quartz, est entouré d’un réflecteur servant à la fois à orienter la lumière et à faire une préabsorption, sorte de filtrage des rayons chauffants (rouge et infrarouge) (fig 14). La cathode qui émet les électrons est d’autant plus efficace que le tungstène est dopé (influence sur la vie de la lampe). Sa forme est très importante, car elle définit en général la forme de l’arc. Enfin, c’est son usure qui limite la vie de nos lampes à photopolymériser. L’anode reçoit les électrons et, de ce fait, est victime d’une élévation de température obligeant nos lampes à avoir des systèmes d’évacuation très intenses et malheureusement bruyants. Il est à signaler enfin l’existence dans le bulbe de sorte d’électrodes secondaires, ayant pour fonction de récupérer les impuretés pouvant polluer le gaz xénon.
¶ Caractéristiques de fonctionnement Le cycle d’allumage d’une lampe plasma peut se décomposer en trois phases : l’amorçage, le survoltage et le maintien. 6
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Détérioration des électrodes. 1. Après 5 heures d’opération ; 2. après 1 000 heures d’opération.
Pour obtenir l’établissement d’un arc plasma, il faut tout d’abord créer l’ionisation du gaz présent dans l’ampoule. Pour cela, une décharge électrique de haute tension (de 15 000 à 20 000 V pendant 50 nanosecondes) est appliquée entre les deux électrodes, cette impulsion représentant une énergie de 0,7 J. Une fois que cet amorçage est réalisé, un arc se forme entre les deux électrodes. Cet état étant très fugitif, une tension de 170 V est appliquée pour maintenir l’allumage et ne pas souffler l’arc, cette phase durant 300 millisecondes (fig 15). Enfin, un courant continu est appliqué entre les deux électrodes pour assurer le régime de fonctionnement de la lampe, la tension variant de 12 à 16 V suivant l’usure et la puissance de la lampe. En fonctionnement, la cathode émet des électrons qui migrent à travers l’arc pour venir frapper l’anode. Pour cette raison, les deux électrodes ont des géométries très différentes et leur usure n’est pas uniforme. En effet, 80 % de l’énergie thermique générée étant conduite par l’anode, celle-ci est de masse plus importante. La cathode présente une forme conique pour que l’arc plasma jaillissant de la cathode se trouve centré à l’intérieur de l’ampoule. Comme on l’a vu plus haut, des électrons sont prélevés sur l’anode, plus particulièrement à chaque amorçage de la lampe. À l’usage, celle-ci a tendance à se détériorer, comme le montre la figure 16. L’anode se détériorant, l’espace entre les deux électrodes grandit petit à petit, l’amorçage devenant de plus en plus aléatoire. De plus, la matière extraite de la cathode vient se fixer sur l’enveloppe de verre de l’ampoule, diminuant le rendement lumineux de la lampe plasma. Les constructeurs d’ampoules plasma garantissent leur produit pour 500 heures de fonctionnement. Dans le cadre d’une utilisation dans le domaine dentaire, c’est moins la durée de fonctionnement que le nombre d’amorçages qui dégrade la lampe. La moyenne d’amorçages réalisable avec une lampe se situe aux alentours de 50 000 amorçages, soit une durée de vie comprise entre 24 et 36 mois. Si une lampe fonctionne de manière pulsée, la durée de vie s’en trouve diminuée. Le changement de l’ampoule est assez onéreux, mais c’est aussi le prix du confort d’une polymérisation rapide. Le facteur essentiel du fonctionnement d’une lampe plasma est l’espace entre les électrodes, plus cet espace augmente et moins l’énergie lumineuse est intense. À titre informatif, la brillance d’une lampe à xénon varie entre 20 000 et 500 000 cd/cm2, alors que celle du soleil varie entre 100 000 et 150 000 cd/cm2. L’amorçage de la lampe xénon se fait toujours à l’aide d’un pic de voltage s’échelonnant entre 10 000 et 30 000 V et durant 0,2 à 0,5 seconde. Suivant ce pic, la lampe fonctionne en bas voltage se situant entre
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Lampe plasma Apollo 95Et (DMDS) (d’après dossier scientifique DMDS).
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Description d’une lampe plasma. Filtre 1 : IR filtre après 800 nm. Filtre 2 : UV filtre avant 400 nm. Filtre 3 : ! filtre passe-bas : après 500 nm. Embout 8 mm : 1 400 à 1 900 mW/cm2.. 1. Bouton ; 2. ampoule plasma ; 3. dispositif de filtres ; 4. fibre liquide ; 5. embout.
Pourcentage de puissance
120 100 80 60 40
20
20 0 0
500
1 000
1 500 2 000
2 500
3 000
3 500 4 000
4 500
5 000 5 500
6 000
6 500 7 000
Nombre de cycles (1 cycle = 5 x 3 secondes)
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Diminution du pourcentage de la puissance de la lampe plasma en fonction du nombre de cycles.
12 et 24 V. Il est à signaler qu’une lampe à plasma est en général réamorçable à chaud. La luminance est d’autant plus élevée que l’arc est court et qu’elle est très sensible à son positionnement dans l’espace. Trois éléments essentiels influencent la vie, dans la mesure du respect de l’alimentation : – le temps de fonctionnement : plus celui-ci est court et répétitif et moins la durée de vie est importante. Par exemple, une lampe donnée pour 10 000 heures en usage normal ne dépasse pas 10 à 20 heures en usage dentaire ; – le refroidissement : l’évacuation de la chaleur d’une lampe plasma est fondamentale, et une surélévation de la température conduit à la diminution de vie des électrodes ; – une lampe qui travaille horizontalement ne peut pas travailler verticalement. Il existe un angle maximum d’acceptance bien connu des fabricants. La durée de vie d’une lampe mise en mauvaise condition peut être réduite de 50 fois sa valeur. Le plasma a deux zones d’émissions fortes, de 440 à 500 nm et dans les infrarouges. Il est donc nécessaire de filtrer tous les rayonnements situés au-delà de 500 nm, comme pour les lampes halogènes. Ceci explique en grande partie le système de filtre optique complexe mis en œuvre dans ce type de lampe (fig 17, 18). DESCRIPTION DE LA LAMPE APOLLO 95Et (DMDS)
[7, 8, 21]
Une lampe à polymérisation ultrarapide plasmatique de type Apollo (fig 19) utilise une ampoule spécifique ILC de 300 W. Il est aussi possible d’utiliser une lampe Osram de type XO de 180 W, et d’obtenir le même effet. Cette ampoule est composée de deux électrodes en tungstène, espacées de quelques millimètres et enfermées dans une enceinte de gaz xénon, afin d’éviter leur oxydation, donc leur dégradation rapide. Lorsque deux électrodes sont soumises à une différence de potentiel se situant entre 20 000 et 30 000 V, un arc électrique extrêmement lumineux apparaît, 10 à 20 fois plus important que dans le cas d’une
Spectre d’émission filtré de la lampe plasma.
lampe halogène, et dont l’un des pics d’émission se situe entre 400 et 500 nm. Devant cette ampoule, sont placés des filtres dits « passehauts » supprimant les rayons ultraviolets (UV) et « passe-bas » supprimant les rayonnements d’au-delà de 500 nm. Il reste malgré tout certains effets thermiques dus à des rayonnements infrarouges (IR) lointains. Le résultat de cette émission et de ce filtrage nous fournit un arc centré entre 400 et 500 nm (fig 20). Pour obtenir encore plus de puissance, sans toutefois augmenter l’effet calorifique, un élément supplémentaire est adapté, capable de filtrer soit le 400/450 nm soit le 450/500 nm. C’est ce filtre, placé dans des embouts différents, qu’il convient de sélectionner en fonction des composites utilisés. Actuellement, chaque appareil est fourni avec les deux embouts ; ces différents embouts ont donc été fabriqués pour pallier les problèmes liés aux photo-initiateurs présents vers 380-430 nm existant dans certains matériaux qui ne polymérisaient pas par absence de réactivité lors de l’insolation (spectre d’émission trop centré sur celui de la camphoroquinone). La lampe plasmatique est toujours fabriquée selon le même principe. Elle comprend : – deux électrodes en tungstène placées dans un tube renfermant du gaz xénon et émettant entre 320 et 1 800 nm avec un pic moyen situé à 430 nm et un autre, très haut situé à 475 nm, justifiant du choix de cette source, puisque nous sommes au centre de la zone de photosensibilité des photo-initiateurs des composites dentaires ; – une carte de puissance, fournissant l’énergie nécessaire à la lampe et régulant sa puissance ; – un système de filtrage interne, réduisant le spectre de la lampe à un simple pic de 100 nm de large ; – un filtre liquide, réduisant faiblement la puissance de la lumière et portant une bague de déclenchement en remplacement de la pédale ; – un embout magnétique stérilisable, réduisant la bande passante de 50 nm entre 450 et 500 nm, ou 400 et 450 nm ; – un clavier de contrôle, comportant une sélection des modes (durcissement ou éclaircissement) et du temps (1, 2, 3 secondes ou SC, soit environ 5 secondes à deux puissances différentes). Cette programmation semble intéressante pour l’utilisation de certaines techniques et conditions cliniques. 7
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Ampoules de lampes à diodes électroluminescentes (LED). 1. Diode CMS (composant monté en surface). 2. Diode CMS (forte puissance montée sur dissipateur technique). 3. Ampoule LED. a. Anode ; b. cathode ; c. boîtier plastique optique ; d. connexion ; e. lentille dôme ; f. puce semi-conducteur ; g. cuvette réfléchissante. 4. Matrice de diode électroluminescente CMS.
Lampe à diode électroluminescente ou LED PRINCIPE ET APPLICATION À LA PHOTOPOLYMÉRISATION
Depuis peu, pour lancer la réaction de polymérisation, il existe un dernier type de source, la source LED, qui nous semble idéale car son spectre est strictement complémentaire du spectre de la camphoroquinone, sans aucune autre émission parasite [16, 19, 21, 22, 31]. En termes de résultat, la dernière génération de lampes à photopolymériser à base de diodes électroluminescentes concurrence maintenant les lampes halogènes, pour un poids n’excédant pas 200 g, batterie comprise. Technologie la plus récente, les diodes électroluminescentes sont tout simplement des dispositifs à semiconducteur, émettant une radiation électromagnétique en présence d’une polarisation directe. Leurs principaux avantages sont : – un fonctionnement à basse température ; – une haute stabilité mécanique ; – une très longue durée de vie ; – un spectre d’émission très étroit. La longueur d’onde d’émission des composants électroniques varie en fonction du matériau semi-conducteur utilisé. Un corps est dit conducteur lorsque, sous l’effet d’un champ électrique, des charges électroniques peuvent s’y déplacer. Un semiconducteur est un corps dont la résistivité se situe entre celle des conducteurs et celle des isolants à température ambiante. Pour la compréhension des dispositifs à semi-conducteur, il est essentiel de bien se remémorer quelques notions physiques : – un électron est une charge négative ; un courant électrique consiste à orienter les mouvements des électrons dans un même sens, du pôle négatif au pôle positif d’un générateur ; – lorsqu’une agitation thermique ou un champ électrique libère un électron de la bande de conduction d’un atome, celui-ci devient un ion positif. L’électron manquant crée sur sa bande de valence de l’atome, un trou ; – si un électron d’un atome voisin vient combler ce trou, l’atome devient neutre ; si au contraire, un électron supplémentaire vient se fixer sur un atome, il est chargé négativement, c’est un ion négatif. Les électrons et les trous sont mobiles, tandis que les ions positifs et négatifs sont liés au réseau cristallin du semi-conducteur. Dans un cristal semi-conducteur pur, à une température donnée, il existe un état d’équilibre entre les électrons et les trous, la conductibilité du semi-conducteur ne varie pas, et l’on dit que le semi-conducteur est intrinsèque. Toutefois, en combinant les semi-conducteurs avec d’autres composés chimiques dont l’atome possède un électron de plus ou de moins que le semi-conducteur, opération appelée dopage, on va créer des alliages susceptibles de fournir des électrons, semiconducteurs de type N ou, au contraire, susceptibles d’en recevoir, semi-conducteurs de type P. 8
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Spectres de différentes diodes électroluminescentes.
La structure d’une diode électroluminescente sera donc constituée d’un assemblage de semi-conducteurs de types P et N, assemblage appelé jonction P-N, qui sera le siège d’une émission rayonnante, le semi-conducteur étant très fortement dopé. À cette jonction seront ajoutés un boîtier comportant un dispositif optique permettant de collecter et diffuser la lumière émise, ainsi que des connexions électriques, anode et cathode, pour pouvoir appliquer un champ électrique (fig 21).
¶ Fonctionnement de la LED Lorsqu’une différence de potentiel est appliquée aux bornes de la jonction P-N de la diode électroluminescente, un champ électrique est généré. La barrière de potentiel existant entre les zones P et N est surmontée. Les électrons vont circuler de la région N vers la région P, et les trous vont faire le trajet inverse. Un courant prend naissance ; on dit alors que la diode est polarisée en direct. Ce courant donne naissance à une recombinaison des électrons de la bande de conduction avec les trous de la bande de valence, l’électron restituant alors son énergie par émission de photons. En résumé, on peut dire que lors qu’un électron « tombe » dans un trou de la bande de valence, l’énergie issue de cette transition provoque l’émission de lumière. Le composant LED est fabriqué à base de silicium, voire de germanium. Pour devenir de bons conducteurs, ces deux matériaux peuvent être dopés. Ceci est important, car ils sont de très mauvais conducteurs (un atome dopeur pour un million d’atomes de silicium). Il est à signaler que le dopage est différent entre la cathode et l’anode, définissant ainsi le sens du courant. L’intérêt de la diode est de ne laisser passer le courant que dans un sens, elle fonctionne comme une soupape antiretour émettrice de lumière. La deuxième caractéristique de la diode est que, suivant les dopages utilisés, nous avons des couleurs d’émission différentes (fig 22). Donc, le choix de la longueur d’onde dépend du dopage possible du silicium. Les dopages classiques sont :
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120
Pourcentage de puissance
100 80 60 40 20 0 0
2 500
5 000
7 500
Nombre de cycles (1 cycle = 5 x 9 secondes à pleine puissance)
23
Diminution du pourcentage de la puissance de la lampe à diodes électroluminescentes (LED) en fonction du nombre de cycles.
25
Spectre d’émission de la lampe à diodes électroluminescentes (LED) GC-e-Lightt (GC), tip long droit anamorphosé de diamètre 5,5 mm. Centre de la distribution spectrale à 463 nm.
26
Lampe LED GC-e-Lightt(GC).
¶ Sensibilité
24
Description d’une lampe à diodes électroluminescentes (LED). Pas de filtre, embout 5,5 mm : 1 200 mW/cm2 (grade F : 2 000 mW/cm2), embout 8 mm : 600 mW/cm2 (grade F : 850 mW/cm2). 1. Bouton ; 2. LED ; 3. embout.
– pour le rouge : oxyde de zinc, gallium, phosphore ; – pour l’orange et le jaune : utilisation en plus de l’arsenic ; – pour le bleu et le vert qui nous intéressent, nous arrivons dans les galliums phosphores ou dans les galliums azotes.
¶ Caractéristiques de fonctionnement À la différence des autres sources lumineuses, les LED sont très peu sensibles au temps (fig 23). Les diodes électroluminescentes présentent une fiabilité comparable à celle des autres dispositifs à semi-conducteurs, sous réserve toutefois de respecter les conditions de refroidissement nécessaires au fonctionnement de la jonction P-N. Les fabricants garantissent alors une durée de vie allant de 50 000 à 100 000 heures (fig 24). Leur émission lumineuse est dans un spectre relativement étroit (quelque dizaines de nanomètres) avec une distribution gaussienne ; ceci évite l’utilisation des filtres passe haut et passe bas. Cette longueur d’onde est le résultat de l’excitation de la jonction P-N au moment du passage du courant. Elle est donc fonction du dopage du silicium. Il n’y a pas d’élévation de chaleur comme pour les lampes halogènes et au xénon, plasma. Cette absence de chaleur est intéressante pour les polymérisations des matériaux composites surtout en profondeur ; les réactions pulpaires sont donc meilleures (fig 25).
La réponse lumineuse au passage du courant est quasi immédiate ; cela se traduit par une absence d’échauffement. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas de ventilateur pour les lampes LED. Le vieillissement du composant est faible. De ce fait, la stabilité cd/cm2 reste très grande au-delà de plus de 50 000 heures d’utilisation (moins de 5 % de perte). Ce n’est que depuis 1999 que des LED à 450 mW, d’une puissance acceptable pour la polymérisation, sont arrivées sur le marché. Une LED doit être alimentée entre 25 et 80 mA maximum, sa bonne zone d’alimentation est de 50 mA. À cette valeur d’alimentation, les LED utilisées en dentisterie émettent entre 3 et 10 mW par élément. Une élévation de température diminue l’efficacité des LED. Plus une LED est grosse, et plus sa densité optique est importante, mais plus elle conduit vers une lumière collective non homogène. Les LED actuelles produisent pour les moins puissantes 50 mW et pour les plus puissantes 400 mW. Dans le domaine de longueur d’onde intéressant les composites photopolymérisables, une diode électroluminescente absorbant une puissance électrique de 5 W restitue une énergie optique de 500 mW, soit un rendement lumineux de l’ordre de 10 %. À titre de comparaison, pour la même puissance optique utile, une lampe halogène consomme une puissance énergétique 15 fois supérieure, avec à la sortie, pour 75 W, un rendement inférieur à 1 %, sans parler du bruit issu des ventilateurs de refroidissement. De plus, les lampes LED ayant une consommation faible, elles n’ont pas de cordons les reliant à l’unité, et possèdent des batteries sans effet mémoire. DESCRIPTION D’UNE LAMPE LED : LA LAMPE GC-E-LIGHTt (GC)
La lampe GC-e-Lighttde GC est une nouvelle lampe à photopolymériser employant la technologie LED (fig 26). Elle possède 64 ampoules LED, et sa puissance peut varier de 250 mW/cm2 à 1 300 mW/cm2 ; ses embouts ont des variations 9
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d’angulation de 25 ou 45°, et des diamètres variant de 5,5 à 8 mm. Sa batterie est une batterie lithium qui se recharge en 2 heures et demie sans effet mémoire, ayant une capacité de 200 insolations à pleine puissance. Il existe différents menus :
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Lampe LED Mini-Lightt(SEDR).
– menu favoris : ce menu affiche les 15 derniers menus utilisés ; – menu polymérisation rapide : l’insolation est à haute intensité (750 ou 1500 mW/cm2) pendant un temps court de 6, 9 ou 12 secondes ; – menu polymérisation pulsée : à 6 × 1 seconde, 10 × 1 seconde ou 10 × 2 secondes à haute intensité (750 ou 1 500 mW/cm2) ; – menu traditionnel : c’est en comparaison le même que celui utilisé par les lampes halogènes classiques avec une intensité utilisée dans sa globalité pendant le temps d’insolation. Il existe trois modes : – mode médium pendant 40 secondes à 250 mW/cm2 ; – mode standard pendant 40 secondes à 350 mW/cm2 ; – mode turbo pendant 20 secondes à 600 mW/cm2 ; – menu traditionnel soft polymérisation : ce mode est comparable au mode progressif des lampes halogènes ; – 20 secondes à 600 mW/cm2 ; – 20 secondes à 300 mW/cm2 ; – menu librairie : ce menu permet de sélectionner les composites, et donc d’adapter la lampe à la longueur d’onde des initiateurs présents dans ces composites, en respectant leurs propriétés physiques et chimiques. On peut donc sélectionner les ampoules LED en fonction des photo- initiateurs présents ; – menu code barre pour lire les indications des fabricants en ce qui concerne leurs produits ; – menu Internet qui peut être utile pour aller chercher les informations physiques et chimiques des matériaux que l’on veut utiliser. Nous remarquons que cette lampe LED est programmable, et peut donc s’adapter aux nombreuses techniques de restauration directes, indirectes et esthétiques. De nombreuses situations cliniques peuvent donc être traitées par des techniques de polymérisation rapide, de polymérisation traditionnelle, ou des techniques progressives ou adaptées. Le choix des modes est important, et peut évoluer en fonction des nouveaux matériaux apparaissant sur le marché (mode Internet, menu librairie). Ce concept de lampe sans fil et ne dégageant pas de chaleur paraît être très intéressant. Les résultats de dureté [21], donc de polymérisation, in vitro, montrent actuellement de bons résultats. La technologie LED semble être actuellement bien adaptée à la dentisterie moderne.
– une puissance élevée entre 350 et 500 mW (soit une densité allant de 900 à 1 250 mW/cm2 sans facteur multiplicatif), c’est-à-dire une moyenne de puissance de 440 mW soit 1 100 mW/cm2) ; – un test de dureté en profondeur très élevé ; – un spectre centralisé à 450 nm afin de polymériser les composites à 430 et 470 nm ; – une conception extrêmement simple avec trois menus : – menu polymérisation rapide (10 secondes à pleine puissance) ; – menu polymérisation progressive (10 secondes de 0 à 100 % et 10 secondes à pleine puissance) ; – menu pulsé (10 fois 1 seconde) ; – une élévation thermique minime permettant une utilisation continue très longue (jusqu’à 100 coups de 10 secondes) ; cette lampe est silencieuse (pas de ventilateur) ; – une batterie d’une grande capacité (250 coups de 6 secondes) et sans effet mémoire (3,6 V, 2 100 mAh et Li-Ion) (autonomie importante et recharge en 2 heures) ; – petite (26 cm x 2,5 cm guide optique inclus), légère (185 g) et facile à utiliser (pas de fil) ; – un produit qui pourra évoluer avec de nouvelles technologies LED sans remettre en question le développement initial.
Conclusion ÉVOLUTION ACTUELLE
¶ Généralités Les lampes LED de deuxième génération apparaissent actuellement sur le marché. Elles concurrencent les lampes halogènes, en délivrant une énergie lumineuse élevée (jusqu’à 1 000 mW/cm2 pour la MiniLED de SEDR) [21, 22]. C’est grâce à une maîtrise de plus en plus forte des couches de composants électroniques, associée à une connaissance des effets thermiques des émissions des semiconducteurs, que les fabricants de LED arrivent à augmenter les puissances de ces composants d’un facteur deux tous les 3 ans. Les temps d’insolation peuvent donc être diminués, dans le strict respect de la dentisterie restauratrice adhésive et de ses techniques incrémentales. La technologie LED de deuxième génération est fiable, ne dégage pas de chaleur, silencieuse (absence de ventilateur) et sans fil (batterie) ; les lampes sont faciles à utiliser et petites.
¶ Description de la Mini-lightt (SEDR) La lampe Mini-lightt de SEDR est une lampe LED de deuxième génération (fig 27). Les caractéristiques de cette lampe LED sont : 10
Les principes régissant l’amorçage photochimique des composites ont connu ces dernières années de nouveaux développements, avec l’apparition d’une part de nouvelles sources lumineuses de haute énergie et la proposition de nouveaux dispositifs programmés pour une irradiation séquentielle ou progressive, et d’autre part, de la technologie des lampes électroluminescentes. Il nous a semblé important de connaître le fonctionnement de ces nouveaux générateurs de lumière, car il est bien établi que la qualité de la polymérisation d’une matrice de composite va influencer les performances du matériau ; c’est vrai pour ses performances mécaniques (résistance à l’endommagement par usure, fatigue), mais également pour d’autres propriétés majeures (optiques, biologiques). La nature de la lampe et le temps de polymérisation peuvent influencer le degré de polymérisation [1, 2, 8, 21, 28] d’une matrice de composite. Mais d’autres facteurs, tous importants, l’influencent (nature et structure des biomatériaux, épaisseur du matériau, teinte du matériau, technique incrémentale). Les lampes LED offrent actuellement de nombreux avantages par rapport aux autres sources lumineuses, et semblent être bien adaptées à la dentisterie moderne, surtout depuis l’apparition des lampes LED de deuxième génération.
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Stomatologie [22-020-E-10] Doi : 10.1016/S1283-0852(05)40023-3
Laser Er:YAG et odontologie restauratrice
M.-F. Bertrand a, b, * : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, J.-P. Rocca a, b : Professeur des Universités, praticien hospitalier a Département d'odontologie conservatrice et endodontie, laboratoire surfaces-interfaces en odontologie, UFR od université de Nice-Sophia Antipolis, 24, avenue des Diables bleus, 06357 Nice cedex 4, France b Centre hospitalier universitaire de Nice, 5, rue Pierre Dévoluy, 06006 Nice, France *Auteur correspondant.
Résumé
La capacité du laser Er:YAG (λ = 2 940 nm) à éliminer les tissus cariés et à préparer des cavités pour re adhésive a largement été démontrée dans la littérature. Les appareils commercialisés permettent de préparer en un temps tout à fait compatible avec un exercice clinique. Tous sont munis d'un système interne de refro basé sur la pulvérisation d'un mélange d'air et d'eau au point d'impact du rayonnement laser. Celui-ci maintenir l'élévation de température intrapulpaire bien en deçà du seuil biologiquement acceptable de 5 °C. études histologiques ont montré que la réponse pulpaire à l'irradiation par laser Er:YAG des tissus dentaires e localisée et réversible, comparable à celle créée par un fraisage à grande vitesse dans les mêmes con refroidissement. Lors de l'usage du laser Er:YAG, les observations microscopiques ont montré l'absence dentinaire et de débris, ainsi que la présence de nombreux reliefs microscopiques liés à une élimination plus de la dentine intertubulaire. La possibilité d'un collage directement sur cette surface sans prétraitement a évoquée dans la littérature. Dans une publication récente, les auteurs ont montré que le traitement aci d'observer des caractéristiques microscopiques en tous points comparables sur les interfaces dentine/compos observées lors de préparations réalisées à la fraise. Les valeurs d'adhérence de la résine composite à la denti pas supérieures à celles obtenues sans application d'acide, mais sont équivalentes à celles mesurées lors d conventionnel. Les restaurations en composite, mises en place dans les cavités préparées avec le laser E traitées à l'acide orthophosphorique, se sont révélées être moins sensibles à l'infiltration de colorant. Les applications cliniques concernant la préparation des cavités au laser Er:YAG n'ont pas montré d'effets s dommageables. L'absence de douleurs, ainsi que la suppression du bruit et des vibrations liés aux instrumen peuvent même être considérées comme avantageuses par rapport aux préparations mécaniques plus conventio
Mots clés : Laser Er:YAG, Dentisterie restauratrice, Émail, Dentine, Collage dentaire, Résine composite
Ha
Laser Er:YAG
Le laser Er:YAG émet dans l'infrarouge moyen à une longueur d'onde de 2 940 nm. Le milieu actif est un grena et d'aluminium Y3 Al5 O12 dopé avec des ions erbium Er3+. Le pompage est obtenu avec un flash lumineux tr correspondant à une bande d'absorption de l'ion Er3+ incorporé au cristal.
L'une des principales caractéristiques du laser Er:YAG est de fonctionner selon un mode pulsé. La Figure l'intérêt de ce mode de fonctionnement avec une puissance émise au cours du temps qui varie et l'introducti paramètres importants :
• l'énergie d'une impulsion, qui est en général exprimée en mJ/pulse ; • la fréquence d'émission des impulsions, qui s'exprime en pulses par seconde ; • la durée d'une impulsion, de l'ordre de quelques dizaines à quelques centaines de microsecondes dans le laser.
Figure 1
Figure 1. Mode continu et mode impulsionnel. Zoom
La transmission du faisceau laser peut être assurée par une fibre optique souple (Figure 2A). Cela présente d'une grande maniabilité. En revanche, la perte d'énergie est relativement importante, de l'ordre de 60 %, et c est particulièrement fragile. La conduction du faisceau peut également être assurée par un bras articulé, u encombrant certes, mais plus solide et avec un minimum de perte d'énergie (Figure 2B).
Figure 2
Figure 2. Transmission du faisceau laser. A. Fibre optique souple (Key 3™, Kavo). B. Bras articulé (Fidelis Plus™, Fotona). Zoom
Un contre-angle optique est monté au bout de la fibre ou du bras. La transmission de la lumière en tête de co peut être assurée par un miroir (Figure 3A). Ce système oblige à travailler à distance des tissus impactés notion de distance focale à respecter, de l'ordre de 9 à 15 mm. En dessous ou au-dessus de cette distance, o efficacité d'ablation. Un deuxième inconvénient est lié au fait que le miroir s'encrasse très rapidement et do régulièrement nettoyé à l'aide d'une compresse. La lumière peut également être transmise vers les tissus miné le biais d'un embout spécial en quartz ou en saphir (Figure 3B). Le principal avantage est de s'affranchir de focale et ainsi de pouvoir travailler en contact ou très près des tissus dentaires.
Figure 3
Figure 3. Contre-angles optiques. A. Contre-angle optique 2060™, Kavo : miroir. B. Contre-angle optique ™, Fotona : saphirs. Zoom
Tous les systèmes sont munis d'un spray de refroidissement indispensable pour l'ablation tissulaire sans éch L'émission se faisant dans l'infrarouge moyen, un faisceau pilote de couleur rouge facilite le guidage du faisceau
Ha
Ablation des tissus dentaires minéralisés
La propriété importante qui a permis d'envisager l'usage du laser Er:YAG en odontologie restauratrice est l'abs rayonnement laser par deux composants principaux des tissus dentaires : l'eau et l'hydroxyapatite (Figur l'eau, le plus fort pic d'absorption dans le moyen infrarouge se situe à la longueur d'onde de 2 940 nm, ce q parfaitement avec la longueur d'onde du laser Er:YAG. Ainsi, l'absorption dans l'eau du rayonnement laser se dix fois plus importante que pour le laser CO2 , et 20 000 fois plus que pour le laser Nd:YAG. Pour l'hydroxya (PO4 )6 (OH)2 , le pic d'absorption moyen se situe à 9 600 nm. Ainsi, l'action d'une irradiation laser sur l'éma dentine résulte de la combinaison de l'absorption du rayonnement dans l'eau et l'hydroxyapatite. À la longueur 2 940 nm, l'absorption est deux fois plus élevée pour la dentine que pour l'émail. L'ablation dentinaire est efficace que l'ablation amélaire.
Figure 4
Figure 4. Spectres d'absorption de l'eau et de l'hydroxyapatite. Zoom
Notion d'effet thermomécanique
Hibst et Keller ont été les premiers en 1989 à étudier l'usage d'un laser Er:YAG pulsé pour éliminer les tissus minéralisés, émail et dentine, qu'ils soient sains ou cariés. [1] À propos du processus d'ablation, ces auteur l'hypothèse suivante : l'émail et la dentine sont éliminés en partie par un processus de vaporisation continue sous la forme de microexplosions. L'eau des tissus est vaporisée sans fonte des composants organiques et ino Il en résulte une expansion volumétrique et une pression interne élevée qui conduit à une élimination de ma forme d'une microexplosion. Cette hypothèse d'un effet thermomécanique avait également été émise pou osseuse. [2] Hibst et Keller ont également réalisé des observations en microscopie optique et en microscopie é à balayage qui démontraient l'absence de zones de fusion, de craquelures ou d'aspect fondu. [3] Ils en conclua majeure partie de l'énergie incidente est consumée par le processus d'ablation et que seule une petite partie d entraîne un échauffement du tissu restant.
Aptitude à éliminer émail et dentine
L'efficacité du laser est corrélée à différents paramètres tels que l'énergie en mJ/pulse, la fluence en J/cm2, la puissance en W/cm2, le nombre de pulses par seconde et la durée du traitement. Li et al. ont montré que tissulaire évaluée par la profondeur d'un impact dans l'émail ou la dentine est fonction de la fluenc logarithmique). [4] Mehl et al. ont testé différents types de paramètres : de 250 à 400 mJ/pulse ; de 3 irradiation pendant 20 à 180 secondes. [5] Ils ont mesuré les taux d'ablation tissulaire ainsi que l'élé température à différents niveaux. Le volume d'ablation dépend du tissu (dentine > émail), de l'orientation dentinaires (transversale > parallèle), du nombre et de la taille des tubuli dentinaires (différentes localisations types de dentine, sclérodentine). Il peut se révéler plus important sans spray d'eau mais, dans ce cas, la te augmente rapidement, pouvant sérieusement endommager les tissus environnants. Lors de l'usage du sp aucune élévation de température biologiquement inacceptable n'est observée quel que soit le temps d'irra utilisant les paramètres suivants : 250 mJ/pulse, 15 Hz pour une durée d'irradiation de 40 secondes, sous sp une ablation de 6 mm [3] de dentine a pu être obtenue. À 400 mJ/pulse, le volume d'ablation était de 0,017 mm la profondeur au point d'impact de 50 µm. Hossain et al. ont confirmé la relation linéaire entre la profondeur d' l'énergie délivrée par pulse, la plus grande efficacité du rayonnement dans la dentine que dans l'émail, le fait q pas d'altération notable de l'ablation lors de l'ajout d'un spray d'eau. [6]
Conclusion
Le laser Er:YAG s'est révélé apte à éliminer les tissus dentaires minéralisés, avec une ablation plus effica dentine, plus riche en eau.
Variation de température intrapulpaire
rendait acceptable, moins de 5 °C dans la pulpe) et entraînait des changements structuraux minimes, voire ab points d'impacts tissulaires. [7] Ils ont observé une élévation moyenne de température de 2,2 °C dans la pulpe à l'aide d'un thermocouple), lors de la préparation de cavités amélodentinaires au moyen d'un laser Er:YAG rég énergie de 95 mJ/pulse et une fréquence de 6 Hz. Paghdiwala et al. ont observé que l'élévation de températu dans la pulpe lors de l'irradiation laser était influencée par le niveau de puissance et le temps d'exposition, ain l'épaisseur de dentine résiduelle, et qu'elle pouvait être contrôlée par l'usage d'un spray d'eau. [8] Visuri et al. o que, sans spray d'eau, l'élévation de température dans la pulpe pouvait dépasser 15 °C lors de l'ablation dentaires au moyen du laser Er:YAG. [9] Elle était de moins de 3 °C lors de l'usage combiné du rayonnement spray d'eau (en travaillant avec une fluence maximale de 57 J/cm2 et une fréquence comprise entre 2 Glockner et al., en réalisant des cavités palatines sur incisives et canines au laser Er:YAG (500 mJ/pulse refroidissement air et eau), ont même mesuré une diminution de température intrapulpaire de 37 °C à 25Armengol et al. ont étudié l'élévation de température se produisant dans la pulpe lors de l'ablation denti mJ/pulse, 10 Hz), en la reliant à l'épaisseur de dentine résiduelle (1 à 2 mm). [11] Celle-ci augmentait à m l'épaisseur de dentine restante diminuait et pouvait atteindre plus de 15 °C lors de l'usage du laser Er:YAG d'eau, à 1 mm d'épaisseur de dentine. Les auteurs n'ont toutefois jamais observé, en présence d'un spray élévation de plus de 4 °C. Une étude réalisée au sein de notre laboratoire (LASIO, UNSA) a montré que l'él température intrapulpaire ne dépassait pas 2 °C lors de la préparation d'une cavité cervicale sur prémolaire d'un laser Er:YAG sous spray d'eau (épaisseur de dentine résiduelle inférieure à 1 mm) (Figure 5). [12]
Figure 5 Figure 5.
Variation de température intrapulpaire lors de la préparation au laser Er:YAG d'une classe V sur prémolaire. [12]
Les mesures ont été réalisées au moyen d'un microthermocouple de type K placé a de la paroi pulpaire vestibulaire. Une cavité de classe V a été préparée sur la face v au moyen d'un laser Er:YAG. Les variations de température intrapulpaire ont été en toutes les secondes, pendant toute la préparation. Zoom
Conclusion
Un spray d'eau continu est indispensable pour réduire les effets thermiques lors de l'ablation des tissus minéralisés, émail et dentine, par un rayonnement laser Er:YAG.
Observations microscopiques
Les auteurs se sont aussi beaucoup intéressés aux modifications morphostructurales apportées aux tissus lorsqu'ils sont soumis à l'irradiation d'un laser Er:YAG, ainsi qu'aux éventuels dommages thermiques sur les environnantes. Dostalova et al. ont étudié les modifications de surface sur l'émail et la dentine : une irradiatio Er:YAG sans spray d'eau provoquait des microcraquelures sur les bords d'émail de la cavité ; une irradiation spray d'eau n'en provoquait pas et l'ablation demeurait localisée, sans dommage thermique identifié sur l'é dentine environnante. [13] La présence d'une zone endommagée en sub-surface après irradiation de l'émail d'eau, avec présence de nombreuses microcraquelures, était confirmée par l'étude de Frentzen et al. [14] Les Tokonabe et al. résument bien les différentes observations qui ont pu être réalisées sur les tissus dentaires m [15] Ils ont appliqué diverses méthodes d'étude (stéréomicroscopie, microscopie électronique à balayage, mi aux rayons X pour calculer le ratio calcium/phosphore, reconstruction en trois dimensions, étude histolog surfaces amélaires et dentinaires soumises à une irradiation sous spray d'eau. L'émail et la dentine ne montrai carbonisation, pas de zones d'aspect fondu ni dans la zone irradiée, ni dans le tissu environnant. Des marges n zone irradiée et zone non irradiée étaient mises en évidence dans l'émail. La surface d'émail soumise à faisceau laser était irrégulière, semblable à celle observée après mordançage acide. La dentine irradiée révélai de boue dentinaire et des ouvertures tubulaires visibles, apparemment non altérées. Le ratio calcium/ apparaissait non modifié (émail : 1,669 pour la zone irradiée et 1,625 pour la zone non irradiée ; dentine : 1,7 zone irradiée et 1,622 pour la zone non irradiée). Armengol et al. ont étudié les surfaces dentinaires de dents cariées, et ont observé, après irradiation, la présence de nombreuses micro-irrégularités, l'absence de boue des tubuli dentinaires ouverts, une volatilisation plus importante de la dentine intertubulaire plus riche en eau p
évidence la capacité du rayonnement laser Er:YAG à éliminer les tissus cariés. Le temps requis était plus lo laser du fait de la plus grande difficulté à différencier le tissu dentinaire carié du tissu dentinaire sain sous-jace ne faisant pas la distinction (environ deux à trois fois plus de temps). Leurs observations microscopiques on celles réalisées lors de l'irradiation laser d'un tissu dentinaire sain. L'étude plus récente de Shigetani et al. toutefois que peu de différence entre le temps requis pour éliminer les tissus cariés à l'aide d'instrumen conventionnels et le temps d'irradiation nécessaire à leur volatilisation. [19]
Conclusion
Le laser Er:YAG permet l'ablation des tissus dentaires minéralisés plus efficacement et avec moins de thermiques dans la dent traitée que les autres types de lasers. Les surfaces traitées ont une morphologie q favorable aux techniques de restauration adhésives (Figure 6). [20]
Figure 6
Figure 6.
Observations des tissus dentaires minéralisés soumis à l'action du laser Er:YAG (microscopie électonique à balayage). [12]
A. Émail. L'ablation par irradiation laser se fait sans distinction entre substance intraprismat substance interprismatique. Ainsi, la structure des prismes n'est pas identifiable.
B. Dentine. La surface est dépourvue de débris et de boue dentinaire. Elle présente des irrég élimination plus importante de la dentine intertubulaire plus riche en eau. Les tubuli dentina ouverts. Zoom
É tudes histologiques
Différentes études histologiques ont permis de vérifier l'absence de réactions pulpaires irréversibles lors de l'a tissus dentaires minéralisés avec un laser Er:YAG. Wigdor et al. ont préparé des cavités s'étendant jusqu'à 1 m dentine sur dents de chien avec différents types de lasers. [21] En réalisant des observations histologiques à concluaient que le laser Er:YAG provoque moins de dommages pulpaires par comparaison avec le laser Nd:YA CO2 ou la turbine. Ils observaient le même aspect histologique dans la pulpe que pour les dents contrôles no Sonntag et al. ont poursuivi les observations histologiques sur dents de chien jusqu'à 28 jours après la prép cavités de classe V. [22] Ils n'obtenaient toujours pas de différence significative de réponse pulpaire entre les d cavités étaient préparées de manière conventionnelle et celles où les cavités étaient préparées au laser E réponses pulpaires étaient en général localisées et d'intensité moyenne. Dostalova et al. ont réalisé histologique sur prémolaires humaines extraites pour raison orthodontique. [23] Des cavités de classe V ont été au moyen d'un laser Er:YAG (345 mJ/pulse, 2 Hz, 150 pulses), puis les dents ont été extraites. Les coupes his n'ont pas révélé de réaction inflammatoire dans la pulpe, avec notamment une couche odontoblastique préser vascularisation normale. Takamori a réalisé des coupes histologiques sur des pulpes dentaires de rat, ainsi qu par immunohistochimie des modifications des nerfs pulpaires après préparation d'une cavité amélodentinaire d au laser Er:YAG. [24] Cet auteur a poursuivi ses observations jusqu'à 35 jours après la préparation. Il n'a p évidence de différences importantes entre pulpe des dents préparées au laser et pulpe des dents préparées à a tout de même noté, dans le cas du laser, une augmentation plus précoce des fibres nerveuses impliqué réponse neurogénique, une prolifération de fibroblastes plus importante et plus précoce, ainsi qu'une form fréquente de dentine tertiaire. Il semble probable que, suite à l'augmentation plus rapide des fibres nerveuses dans la réponse neurogénique, la prolifération fibroblastique et la formation de dentine réactionnelle se prod
[25]
Conclusion
Les études histologiques ont montré que la réponse pulpaire à l'irradiation par laser Er:YAG des tissus de minime, localisée et réversible, comparable à celle créée par un fraisage à grande vitesse dans les mêmes co refroidissement (spray d'eau).
Ha
Collage d'une résine composite É tude de l'étanchéité des restaurations en composite Collage à l'émail
La nécessité du prétraitement acide de l'émail irradié avant collage d'un composite semblait acquise. Ainsi, Co ont préparé des cavités standardisées de classe V avec un laser Er:YAG avec ou sans applicatio orthophosphorique avant collage d'un composite. [26] L'infiltration d'une solution aqueuse de rhodamine B a ét en millimètres et le ratio infiltration/longueur de l'interface a été calculé. La plus grande perte d'étanch observée lors de l'usage du laser Er:YAG seul. Ils n'ont pas obtenu d'infiltration amélaire lors de l'usage de la fr laser quand l'acide était appliqué avant collage. Setien et al. ont également testé l'étanchéité de restau composite de cavités de classe V préparées avec un laser Er:YAG avec ou sans application d'acide sur l'ens parois cavitaires. [27] En évaluant l'infiltration à l'interface dent-composite d'une solution de nitrate d'argent échantillons non traités à l'acide ont montré une perte d'étanchéité amélaire, sans que le colorant ne dépasse de l'émail. Ceballos et al. ont travaillé de manière différente. [28] Ils ont utilisé des cavités standardisées d toutes préparées avec une fraise carbure de tungstène puis traitées de diverses manières avant obturation au : application d'acide orthophosphorique à 35 %, traitement au laser Er:YAG, traitement au laser puis app l'acide. En utilisant une solution aqueuse de fuscine basique comme colorant, 91,7 % de leurs cavités traitée montraient une perte d'étanchéité amélaire. En revanche, seulement 41,7 % de leurs échantillons traités au la l'acide n'ont pas montré d'infiltration à la limite occlusale.
Collage à la dentine
La conduite à tenir en ce qui concerne la dentine irradiée était bien moins claire en 2001 au regard d d'étanchéité publiées. Corona et al. ont obtenu le ratio d'infiltration le plus élevé au niveau cervical, paroi essen dentinaire, pour les cavités préparées au laser Er:YAG et non traitées à l'acide orthophosphorique. [26] Dans to la dentine soumise à l'action du laser Er:YAG, avec ou sans application d'acide, s'était révélée moins apte l'herméticité des obturations en composite. À l'inverse, pour Setien et al., ce sont les cavités préparées au la seul qui ont obtenu la meilleure étanchéité au niveau cervical, équivalente à celle obtenue lors de pr conventionnelles. [27] En revanche, les cavités préparées au laser puis traitées à l'acide orthophosphorique ont infiltration de colorant plus importante. Ceballos et al. ont observé une infiltration de colorant dans tous leur qui atteignait le mur pulpaire dans la plupart des cas. [28] Ils n'ont pas montré de différence significative méthodes de traitement testées : fraise et acide ; laser Er:YAG seul ; laser Er:YAG et acide.
Cette disparité des résultats nous a conduit à mener une étude d'étanchéité sur des cavités standardisées d préparées au laser Er:YAG. [12] Nous avons utilisé une méthode d'infiltration d'une solution aqueuse de bleu de à l'interface dent-restauration. Le laser Er:YAG a été utilisé avec une énergie affichée de 500 mJ/pulse et 1 spray d'eau (fluence : 44,2 J/cm2). Divers traitements de surface ont été appliqués avant usage d'un systèm monocomposant à base d'acétone (Prime&Bond NT™, Detrey-Dentsply) : sans application préalab orthophosphorique, application uniquement sur l'émail ou application sur l'ensemble des parois cavitaires. Da groupes étudiés, la perte d'étanchéité s'est révélée plus importante au mur cervical essentiellement den rapport au mur occlusal bordé d'émail. Lorsque la dentine irradiée n'a pas été soumise à l'action orthophosphorique, la perte d'étanchéité cervicale des restaurations en composite était significativement plus lors de l'usage additionnel de l'acide après préparation au laser Er:YAG. Une publication récente confirme nos Palma Dibb et al. ont évalué l'étanchéité de restaurations en composite de cavités de classe V préparées au la en systématisant l'usage d'acide phosphorique à 37 % et en faisant varier les systèmes adhésifs utilisés. obtenu d'excellents résultats avec le Prime&Bond NT™, qui correspond au système adhésif utilisé dans notre termes d'étanchéité globale, évaluée par le rapport de la longueur totale de l'infiltration sur la longueur
l'interface dent-matériau, ce sont finalement les restaurations en composite mises en place dans les cavités avec le laser Er:YAG puis traitées à l'acide orthophosphorique à 35 % pendant 15 secondes qui se sont mo moins sensibles à l'infiltration de colorant (Figure 7).
Figure 7 Figure 7.
Étanchéité de restaurations en résine composite de cavités de classe V préparées a d'un laser Er:YAG. [12] Les cavités ont été entièrement préparées au moyen d'un las Les restaurations ont été réalisées en utilisant un système adhésif amélodentinaire monocomposant base acétone, et une résine composite hybride photopolymérisable conditionnement acide des tissus, lorsqu'il était appliqué, a été réalisé au moyen d' d'acide orthophosphorique à 35 %. Zoom
É tude de l'adhérence à la dentine
L'adhérence à la dentine irradiée est un sujet controversé avec des études publiées dont les résultats son contradiction. Visuri et al. ont comparé le collage à la dentine d'une résine composite après préparation de dentinaire à l'aide d'un laser Er:YAG ou d'une fraise en carbure de tungstène, avec ou sans traitement acide (traitement de la surface par laser Er:YAG à 350 mJ/pulse et 6 Hz, application d'une solution d'acide phospho % pendant 30 secondes). [30] Ils ont obtenu une résistance au cisaillement plus élevée pour la dentine traitée u au laser Er:YAG par rapport à la dentine soumise à l'action de l'acide, que ce soit après utilisation de la fraise o Les auteurs concluaient que l'usage du laser Er:YAG pourrait éliminer la nécessité d'un prétraitement acide de avant collage d'une résine composite. Ceballos et al. ont employé le même type de protocole avec utilisa énergie de 180 mJ/pulse et d'une fréquence de 2 Hz. [31] Deux points différaient toutefois : ils n'ont pas pass sur la surface dentinaire avant traitement à l'acide et ils ont thermocyclé les échantillons avant réalisation de cisaillement. De manière significative, les valeurs obtenues pour la dentine traitée avec un acide orthophospho % pendant 15 secondes étaient supérieures à celles de la dentine irradiée puis soumise à l'action de l'acide. des travaux de Visuri et al. [30], les valeurs d'adhérence à la dentine, lorsque celle-ci était uniquement soumis du rayonnement laser, se sont toujours révélées très faibles. Eguro et al. ont également travaillé sur le col résine composite sur une surface dentinaire soumise à l'action du laser Er:YAG, à 120 mJ/pulse et 4 Hz. toutefois pratiqué des tests mécaniques de traction et ont obtenu des valeurs de résistance en traction signifi plus élevées dans le cas où l'irradiation tissulaire était suivie d'une application d'acide phosphorique à 37 % p secondes.
Une étude a été conduite au sein de notre laboratoire (LASIO, UNSA) afin de déterminer les valeurs d'adhé dentine irradiée d'une résine composite (Figure 8). Le premier système adhésif testé était un système monoco base d'acétone. [12] Les résultats de notre essai de cisaillement n'ont pas montré de différence significative surfaces dentinaires préparées au laser Er:YAG et celles préparées à la fraise. Un second volet a concerné l systèmes adhésifs automordançants. [33] Les valeurs d'adhérence de la résine composite à la dentine irradi révélées inférieures ou égales à celles obtenues pour une dentine fraisée. Ramos et al. ont observé, en concord nos résultats, que les valeurs d'adhérence obtenues avec les systèmes adhésifs automordançants étaient inférieures à celles mesurées sur des surfaces dentinaires fraisées. [34] L'absence de boue dentinaire préparation de la dentine au moyen d'un laser Er:YAG n'a pas permis d'améliorer la résistance au cisaillement même que cette absence ait représenté un inconvénient. Deux hypothèses développées dans la littérature amener des éléments d'explication quant à ces résultats décevants : l'absence de « charges » naturelles formées par les particules de boue dentinaire, et l'altération microstructurale des fibres de collagène sous rayonnement laser. L'impact du rayonnement laser Er:YAG sur le réseau de collagène en sub-surface n'a pas clairement défini. L'irradiation laser pourrait être la cause d'une altération microstructurale des fibres de colla que de microruptures.
Figure 8
Figure 8.
Adhérence d'une résine composite à la dentine traitée par la Contrainte de rupture en cisaillement (MPa). [12] Quatre systèmes adhésifs ont été testés :
• le Prime & Bond NT™ (Detrey-Dentsply), système adhésif monocomposant à base acétone : on applique donc dans un temps un gel d'acide phosphorique puis une combinaison pri adhésif ;
• le Clearfil SE Bond™ (Kuraray), système adhésif fondé sur dans un premier temps d'un self-etching primer , association prétraitement acide et du promoteur d'adhésion, puis dans u temps de la résine adhésive ;
• le iBond™ (Heraeus Kulzer), système adhésif automordanç en un » où prétraitement acide, promoteur d'adhésion et rés adhésive sont réunis en un seul produit à appliquer ;
• le Xeno III™ (Detrey-Dentsply), système adhésif automord tout en un », se présentant sous la forme de deux produits à juste avant application en une seule fois. Zoom
Caractérisation de l'interface dentine-résine
Lors de l'usage du laser Er:YAG sur la dentine, différents points semblent favorables au collage. C'est tout création d'irrégularités de surface qui favorisent la rétention micromécanique, ainsi que l'absence de smear sont aussi des ouvertures tubulaires préservées qui autorisent la formation de brides de résine. D'autres point moins favorables au collage, principalement l'absence de déminéralisation de surface. Il n'y a donc pas d'hyb dans la dentine intertubulaire, ni à l'entrée des tubuli. De plus, les ouvertures tubulaires ne sont pas élarg diminue la surface de collage à la base des brides de résine. [35]
Différentes études tendent à montrer que l'application du rayonnement laser sur la dentine n'altère pa minéralisé. [13, 15 et 16] Simplement, du fait d'un contenu en eau et en matière minérale différent entre le fractions du tissu, une élimination plus efficace de la dentine intertubulaire conduit à une surface irréguli associe l'usage d'un agent acide à l'action du laser Er:YAG, on perd les irrégularités de surface par dissolu dentine péritubulaire hautement minéralisée. On ouvre également les tubuli en leur donnant une forme d'ento déminéralise la surface. La déminéralisation permet une hybridation et une augmentation de la surface de c base des brides de résine. [35] Avec le traitement de la surface irradiée à l'acide orthophosphorique à 35 %, une couche hybride d'une épaisseur de l'ordre de 5 à 6 µm, ainsi qu'une élimination de la dentine péritubulaire des tubuli sur une distance de 3,5 à 4,5 µm. Or, l'importance d'hybrider la dentine est aujourd'hui reconnue. [3 la couche hybride ainsi que les brides de résine qui s'étendent dans les tubuli scellent la dentine et sont susc s'opposer à l'infiltration des bactéries, de leurs toxines et des acides.
Ha
É tudes cliniques
Quelques évaluations cliniques concernant l'usage du laser Er:YAG pour pratiquer l'éviction des tissus ca préparation des cavités avant collage d'une résine composite ont été publiées. Matsumoto et al. ont préparé d de classe V avec un laser Er:YAG (250 mJ/pulse, 8 Hz, spray d'eau) sur un total de 40 patients, réalisant 60 ca anesthésie locale. [37] Ils n'ont observé aucune réaction défavorable au cours de la préparation et une absence dans 80 % des cas. Les suites cliniques sur une période de 30 jours après la préparation et l'obturation composite n'ont révélé aucun problème particulier. Le temps de travail nécessaire pour réaliser la cavité au compris entre 10 secondes et 3 minutes, en fonction de la taille de la cavité. Les auteurs concluaient que pouvait être considéré comme approprié pour une utilisation clinique. Keller et Hibst ont réalisé des préparatio Er:YAG sur 33 patients et 67 dents (de 250 à 350 mJ/pulse pour la préparation de l'émail, de 150 à 250 mJ/pu
décrite au cours de la préparation dans 36 % des cas, une réaction légèrement douloureuse dans 57 % et moy douloureuse dans 6 % des cas. Un suivi clinique et radiographique postopératoire de 6 mois n'a révélé aucune induite. Suite à ces observations, une étude clinique prospective a été réalisée, impliquant cinq services h dentaires en Allemagne. [39] Afin d'évaluer la perception des patients, une comparaison a été faite entre p mécanique conventionnelle et préparation au laser Er:YAG (de 250 à 400 mJ/pulse et de 2 à 4 Hz pour la prép l'émail, de 150 à 300 mJ/pulse et de 1 à 3 Hz pour la préparation de la dentine, spray d'eau). L'étude a con patients et 206 préparations. Ils étaient 80 % à trouver que la préparation conventionnelle était moins confort préparation au laser, sans bruit ni vibrations, et 82 % d'entre eux indiquaient préférer le laser Er:YAG pour le des caries. Dostalova et al. ont suivi sur 24 mois des obturations réalisées après préparation de cavités au la (400 mJ/pulse et de 2 à 4 Hz pour l'émail, 200 mJ/pulse et de 1 à 2 Hz pour la dentine, spray d'eau). [40] Ils o des résultats tout à fait comparables à ceux obtenus pour des systèmes classiques de préparation à la fraise, pour des restaurations en résine composite que pour des restaurations en ciment verre-ionomère.
Quels sont les points essentiels qui ressortent de notre expérience clinique ? Nous utilisons le laser Er:YA traitement de tout type d'atteinte carieuse. Les principales difficultés rencontrées concernent tout d'abord travailler non plus par pression sur un instrument, mais par impacts. Cela nécessite de bien visualiser où les im déposés, ce qui n'est pas forcément évident en fonction de la situation de l'atteinte carieuse. Cet inconvénient à s'atténuer avec le temps, c'est-à-dire l'expérience, ainsi qu'avec l'utilisation des embouts en quartz ou en mode contact ou quasi-contact. Autre point, la moindre efficacité du rayonnement laser sur le tissu amélaire riche en eau augmente significativement le temps de travail lors d'atteintes carieuses de petit volume se prod des faces proximales, de par la nécessité d'éliminer une certaine épaisseur d'émail sain. Une première ap fraisage de l'émail avant curetage au laser Er:YAG peut être employée dans ce cas. De nouvelles mac puissantes permettront sûrement de surmonter cet obstacle. La surface créée est parfaitement propre, san boue, que ce soit dans l'émail ou dans la dentine. Les systèmes adhésifs monocomposants donnent alors de très satisfaisants en termes d'adhésion et d'étanchéité. D'un point de vue clinique, il convient aussi de rema l'usage d'un laser Er:YAG dans le traitement de la maladie carieuse peut être conduit sans anesthésie, dans le nombre de cas. De plus, l'absence de vibrations est également un avantage très positivement ressenti par Cette possibilité de travailler sans anesthésie et sans générer de vibrations peut représenter un apport considé le traitement de certains patients. Enfin, le fait que le laser Er:YAG soit efficace à la fois sur tissus durs et ti permet, par exemple, avec une unique instrumentation, de nettoyer une lésion carieuse cervicale tout en déga limite cervicale sous-gingivale.
Conclusion
Les premières applications cliniques concernant l'élimination des tissus cariés et la préparation des cavité Er:YAG avant mise en place d'un matériau adhésif n'ont pas montré d'effets néfastes. L'absence quasi systém douleurs, ainsi que la suppression du bruit et des vibrations liés aux instruments rotatifs peuvent, de considérées comme avantageuses par rapport aux préparations mécaniques plus conventionnelles.
Ha
Conclusion
Différentes approches ont été employées in vitro concernant la réalisation de restaurations en résine composit cavités amélodentinaires préparées au moyen d'un laser Er:YAG. Les résultats de ces études nous ont permis un protocole de collage basé sur l'usage d'un système adhésif en deux étapes avec application dans un prem d'acide orthophosphorique, puis d'un unique produit renfermant promoteur d'adhésion et résine adhésive. L futures devront se diriger vers une évaluation clinique de restaurations en composite collées par ce type d adhésif dans des cavités préparées au laser Er:YAG.
Figure 1
Figure 1 : Mode continu et mode impulsionnel.
Figure 2
Figure 2 : Transmission du faisceau laser. A. Fibre optique souple (Key 3™, Kavo). B. Bras articulé (Fidelis Plus™, Fotona).
Figure 3
Figure 3 : Contre-angles optiques. A. Contre-angle optique 2060™, Kavo : miroir. B. Contre-angle optique ™, Fotona : saphirs.
Figure 4
Figure 4 : Spectres d'absorption de l'eau et de l'hydroxyapatite.
Figure 5
Figure 5 : Variation de température intrapulpaire lors de la préparation au laser Er:YAG d'une cavité de classe V sur prémolaire. [12]
Les mesures ont été réalisées au moyen d'un microthermocouple de type K placé au contact de la paroi pulpaire vestibulair cavité de classe V a été préparée sur la face vestibulaire au moyen d'un laser Er:YAG. Les variations de température intrap ont été enregistrées toutes les secondes, pendant toute la préparation.
Figure 6
Figure 6 : Observations des tissus dentaires minéralisés soumis à l'action du laser Er:YAG (microscopie électonique à balayage). [12]
A. Émail. L'ablation par irradiation laser se fait sans distinction entre substance intraprismatique et substance interprismati Ainsi, la structure des prismes n'est pas identifiable. B. Dentine. La surface est dépourvue de débris et de boue dentinaire. Elle présente des irrégularités par élimination plus importante de la dentine intertubulaire plus riche en eau. Les tubuli dentinaires sont ouverts.
Figure 7
Figure 7 :
Étanchéité de restaurations en résine composite de cavités de classe V préparées au moyen d'un laser Er:YAG. [12] Les cavi été entièrement préparées au moyen d'un laser Er:YAG. Les restaurations ont été réalisées en utilisant un système adhésif amélodentinaire monocomposant base acétone, et une résine composite hybride photopolymérisable. Le conditionnement a des tissus, lorsqu'il était appliqué, a été réalisé au moyen d'un gel d'acide orthophosphorique à 35 %.
Figure 8
Figure 8 : Adhérence d'une résine composite à la dentine traitée par laser Er:YAG. Contrainte de rupture en cisaillement (MPa). [12] Quatre systèmes adhésifs ont été testés :
• le Prime & Bond NT™ (Detrey-Dentsply), système adhésif monocomposant à base acétone : on applique donc dans un pr temps un gel d'acide phosphorique puis une combinaison primer + adhésif ; • le Clearfil SE Bond™ (Kuraray), système adhésif fondé sur l'utilisation dans un premier temps d'un self-etching primer , association du prétraitement acide et du promoteur d'adhésion, puis dans un second temps de la résine adhésive ;
• le iBond™ (Heraeus Kulzer), système adhésif automordançant « tout en un » où prétraitement acide, promoteur d'adhési résine adhésive sont réunis en un seul produit à appliquer ;
• le Xeno III™ (Detrey-Dentsply), système adhésif automordançant « tout en un », se présentant sous la forme de deux pr mélanger juste avant application en une seule fois.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-032-E-10
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Accidents d’évolution des dents de sagesse JM Peron
Résumé. – Les accidents occasionnés par l’évolution des dents de sagesse (DS) sont fréquents dans la pratique courante et sont dominés par les accidents infectieux. L’évolution des DS peut ne pas aboutir à une mise en place normale sur l’arcade dentaire du fait d’un manque de place, ou du fait d’une anomalie dans son cheminement qui nécessite une verticalisation du germe en croissance : il peut se trouver notamment bloqué par la couronne de la 2 e molaire qui lui sert de guide. Le résultat est une dent dont une partie de la couronne est visible sur l’arcade et dont le reste est recouvert par un capuchon muqueux ; la même situation se rencontre lorsque la DS subit une désinclusion, c’est-à-dire la mise à nu de sa couronne par récession muqueuse et osseuse. Les péricoronarites sont les accidents les plus fréquents et s’accompagnent habituellement d’adénopathies. Ces accidents peuvent se compliquer de cellulites aiguës qui évoluent au niveau du carrefour oropharyngé et peuvent être une menace grave pour la liberté des voies aériennes. Les autres accidents aigus, telles les stomatites, sont moins fréquents. Les accidents subaigus sont rares, comme les sinusites, les ostéites, voire les thrombophlébites. Parfois, c’est en raison d’un accident mécanique, comme la destruction de la couronne de la 2 e molaire, que la DS fait parler d’elle ; il est des cas où la pathologie dont elle est responsable est une découverte fortuite d’examen radiologique des maxillaires : les kystes péricoronaires (dentigères) sont les plus fréquents. Le traitement des accidents infectieux repose sur le traitement de la cellulite ou de tout autre foyer aigu ou subaigu de façon concomitante avec le traitement du foyer causal. Les accidents pseudotumoraux requièrent obligatoirement un examen anatomopathologique de toute pièce d’exérèse ; de même que des prélèvements bactériologiques spécifiques sont indispensables dans toute évolution traînante malgré un traitement primaire bien conduit. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dent de sagesse, 3 es molaires, inclusion dentaire, évolution anormale, péricoronarite, cellulites, ostéites, kystes péricoronaires.
Introduction
Élaboration des dents de sagesse
La 3e molaire ou « dent de sagesse » (DS) est, selon Darwin, une dent en voie normale de disparition… Pour l’instant, la pathologie qu’elle est susceptible d’occasionner à un individu, au cours de son évolution, reste un motif de consultation fréquent. Les accidents des DS surviennent au moment de leur éruption physiologique qui se situe, en moyenne, entre 18 et 25 ans : ce sont les accidents d’évolution proprement dits, que l’on distingue du classique accident de « désinclusion » survenant plus tardivement ; leur dénominateur commun est l’infection qui peut entraîner des complications graves, locorégionales ou à distance. En règle générale, c’est la DS mandibulaire qui est la plus grande pourvoyeuse de ce type d’accidents. Les DS peuvent également être responsables d’accidents mécaniques au niveau de la denture de voisinage, ou tumoraux et, dans ce cas, leur découverte peut en être tout à fait fortuite : la DS peut être incluse ou ectopique et n’avoir jamais fait parler d’elle auparavant. L’élaboration de ces dents, leurs conditions d’éruption sur les arcades, leur environnement anatomique, rendent compte des situations pathologiques habituellement rencontrées.
Vers la 16e semaine de vie intra-utérine, à l’extrémité distale de la lame dentaire primitive, apparaissent des digitations épithéliales qui formeront les germes des 2e et 3e molaires permanentes : la première molaire définitive occupe la partie terminale postérieure de cette lame et son iter dentis est rattaché à la crête gingivale. Les ébauches des deux dents suivantes apparaissent comme des dépendances des dents qui les précèdent : la 2e molaire se différencie à partir du bourgeon de la 1re molaire et celui de la DS à partir de celui de la 2e molaire. Leur iter dentis est rattaché au gubernaculum de la 1re molaire et non à la gencive. Ces dents apparaissent ainsi être une dent de « remplacement » de la dent précédente, qui va cependant évoluer derrière elle et non la rhizalyser pour prendre sa place (fig 1). En effet, après la formation de leur couronne, ces deux dents migrent progressivement vers la gencive en se verticalisant au contact de la face distale de la molaire précédente, décrivant la classique « courbe de Capdepont ».
Jean-Marc Peron : Professeur de chirurgie, service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, centre hospitalier universitaire de Rouen, hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Lecat, 76031 Rouen cedex, France.
Anomalies d’évolution des dents de sagesse et leurs conséquences Normalement, le processus de verticalisation aboutit à l’éruption de la dent en bonne position sur l’arcade ; l’épithélium gingival se
Toute référence à cet article doit porter la mention : Peron J. Accidents d’évolution des dents de sagesse. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-032-E-10, 2003, 8 p.
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* B
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Position des germes dentaires au stade de l’organe en « cloche », d’après Cantaloube [2]. 1. Muqueuse buccale ; 2. lame dentaire ; 3. sac folliculaire ; 4. papille mésenchymateuse ; 5. organe de l’émail.
2
Blocage dans la concavité du système radiculaire de la 2e molaire.
* C 4
3
Odontome barrant la route de 48.
Conditions réelles de la péricoronarite sur les 3e molaires inférieures, d’après Cantaloube [2]. A. Ancienne conception scolaire, classique depuis Capdepont : ouverture du « sac folliculaire » ou de la « cavité virtuelle péricoronaire » considérée comme un caractère anatomique constant ; péricoronarite secondaire. B. Réalité anatomique normale (habituelle) : présence de l’attachement épithélial adhérant fortement à l’émail ; absence de cavité ; absence de péricoronarite. C. Réalité pathologique (accidentelle) : présence d’un kyste d’éruption (péricoronaire, intrafolliculaire) préexistant : l’ouverture du kyste dans la bouche provoque la péricoronarite
musculotendineuse ptérygoïdienne qui conditionnerait l’orientation de croissance de l’os alvéolaire tubérositaire et repousserait en avant la DS. En fait, les deux étiologies qui viennent d’être exposées (manque de place, défaut de verticalisation) paraissent le plus souvent s’intriquer.
continue sans interruption avec l’épithélium péricoronaire qui disparaît au moment de la mise en place définitive de la couronne. Puis la couronne va à la rencontre de ses antagonistes, tandis que se termine l’édification des racines et du parodonte. Le premier écueil à ce bon ordonnancement est le manque de place sur l’arcade pour l’évolution de la dent : pour la 2e molaire, l’espace postérieur est le plus souvent suffisant ; ce n’est pas toujours le cas pour la DS inférieure notamment, coincée sous le bord antérieur de la branche montante par insuffisance de l’espace rétromolaire. De plus, cette dent se met en place à un moment où l’os mandibulaire est mature : elle va devoir traverser un os particulièrement compact dans cette région. Le deuxième écueil peut être l’impossibilité pour la DS inférieure de se verticaliser complètement, même en présence d’un espace rétromolaire suffisant : un redressement d’axe trop important pour la dent en formation peut être incriminé, de sorte que la dent n’achève pas son trajet et sa couronne reste enclavée sous le collet de la dent de 12 ans ; de plus, à une obliquité potentiellement défavorable du germe se surajoute le développement vers l’arrière de l’arc mandibulaire, qui entraîne également vers l’arrière l’ébauche des racines en les incurvant (fig 2). Bien sûr, c’est sans compter une éventuelle malformation du germe, une détérioration traumatique, voire iatrogène lors de l’avulsion d’une 2e molaire, ou une tumeur bénigne qui lui ferme le chemin (fig 3). Au maxillaire, l’absence d’obstacle osseux permet à la DS de faire plus facilement son éruption, soit en bonne position, soit plutôt en vestibuloversion sur le versant inféroexterne de la tubérosité. Pour expliquer l’inclusion de cette DS, en dehors d’une pathologie du germe dentaire, Cauhépé évoque le rôle de la sangle 2
Il faut y ajouter le processus de « désinclusion » qui intervient plus tardivement, après l’âge normal d’éruption : il s’agit alors plutôt d’un « dégagement » secondaire de la dent, dû à une récession gingivale et osseuse, ou causé par l’infection d’une poche parodontale développée sur la face distale de la 2e molaire. Ainsi, quel que soit le mécanisme incriminé, la résultante finale est une DS dont la couronne est plus ou moins complètement exposée sur l’arcade ; la partie restante est recouverte par un « capuchon muqueux » ; la porte est ouverte aux accidents infectieux, dont la pathogénie reste discutée. La théorie de Capdepont attribue un rôle essentiel à la formation d’une cavité péricoronaire au niveau de laquelle une prolifération bactérienne est à l’origine des complications : la DS oblique en avant vient buter sur la couronne de la 2e molaire, ce qui provoque l’écrasement et l’ouverture du sac péricoronaire. Une cavité se forme alors entre la muqueuse buccale et le sac folliculaire qui a fusionné avec elle. Cette cavité est le lieu d’une stagnation salivaire, d’accumulation de débris alimentaires et de bactéries à l’origine d’une inflammation puis d’une suppuration qui ne peut s’évacuer complètement en raison du capuchon muqueux qui fait obstacle en persistant partiellement sur la couronne de la dent. Pour d’autres, la survenue de l’infection est due à la présence d’un kyste péricoronaire, cavité réelle qui apparaît lors de la constitution de la dent avant la fusion avec la muqueuse gingivale. Cette théorie expliquerait pourquoi certaines DS sont à l’origine d’accidents de désinclusion tandis que d’autres, dont la situation anatomique est comparable, ne sont jamais à l’origine d’accidents d’évolution. Ceci a été confirmé histologiquement par de nombreux auteurs. Cliniquement, la présence d’une cavité se vérifie en tentant d’introduire une sonde entre la couronne dentaire et la muqueuse qui la recouvre (fig 4).
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c
Panoramique de « débrouillage » montrant : l’intimité des rapports entre le basfond sinusien et les DS supérieures ; le kyste marginal postérieur sur 48 ; la destruction de la couronne de 37 occasionnée par 38.
Environnement anatomique des dents de sagesse DENT DE SAGESSE SUPÉRIEURE
De forme très variable, souvent naine, elle est située dans la partie postéroexterne de la tubérosité du maxillaire entre la 2e molaire supérieure en avant, l’espace ptérygomaxillaire, en arrière et plus particulièrement à ce niveau la sangle musculotendineuse formée par les ptérygoïdiens, le ligament ptérygomaxillaire et le buccinateur, qui cravate la tubérosité maxillaire. En dehors, elle est contiguë au muscle buccinateur et à la boule graisseuse de Bichat. En dedans, le voile du palais est situé à l’aplomb de la tubérosité du maxillaire et de l’aile interne de l’apophyse ptérygoïde. En haut et en avant, elle est en rapport avec le fragile plancher du sinus maxillaire (fig 5). DENT DE SAGESSE INFÉRIEURE
Elle est moins inconstante dans sa forme que son homologue supérieure ; ses rapports anatomiques sont complexes. En avant, la 2e molaire est le rapport primordial rencontré par la DS : guide dans son évolution normale, ou obstacle plus ou moins infranchissable ; comme au niveau de l’arcade maxillaire, l’environnement parodontal de cette dent est important à prendre en compte. En arrière, c’est la corticale osseuse dense du trigone rétromolaire, ou du bord antérieur de la branche montante mandibulaire, qui la recouvre parfois en tout ou partie. En bas, elle est en rapport avec le canal mandibulaire et son contenu vasculonerveux, expliquant les difficultés chirurgicales rencontrées lors des avulsions ; ce d’autant qu’il existe une dysmorphose radiculaire, une malposition ou une inclusion dentaire. En haut, elle est bien entendu en rapport avec ses homologues antagonistes ; en cas de rétention ou d’inclusion, elle n’est pas recouverte par de l’os alvéolaire, mais par un os compact comme nous l’avons vu. En dehors, la DS est classiquement à distance de la corticale externe, ce d’autant qu’elle est plus évoluée sur l’arcade. L’angle mandibulaire est recouvert par la puissante sangle massétérine et les espaces de glissement celluleux situés au contact de la face externe de la branche montante mandibulaire.
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L’hypothèse selon laquelle l’apparition d’un kyste péricoronaire pourrait être favorisée par un obstacle mécanique n’est pas non plus exclue. Enfin, la région de la DS, difficilement accessible à un brossage rigoureux, est à l’origine de lésions carieuses fréquentes. Ces lésions carieuses peuvent aussi survenir sur une dent incluse ou enclavée et conduire à la mortification et à ses complications.
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Muscle buccinateur et région génienne, d’après Ginestet. a. Base de l’os malaire ; b. fosse ptérygomaxillaire ; c. fosse canine (muscles zygomatiques) ; d. vestibule buccal ; e. abcès de Chompret et L’Hirondel ; f. fusée vestibulaire du précédent ; g. espace interptérygoïdien.
D’autre part, il existe une particularité anatomique régionale qui est la gouttière buccinatomaxillaire qui vient s’ouvrir en avant dans la région génienne au niveau du quadrilatère de moindre résistance de Chompret (fig 6). En dedans, la DS est en relation plus ou moins intime avec la corticale interne sur laquelle est plaqué le nerf lingual ; ses apex se situent sous la ligne d’insertion du muscle mylohyoïdien ; elle est toute proche de l’espace para-amygdalien qui est le carrefour stratégique des régions celluleuses cervicofaciales en continuité avec les espaces médiastinaux. Cette situation au sein d’un carrefour de régions anatomiques profondes est importante à retenir. Pour ce qui est de la diffusion d’une infection, la position anatomique de la DS (incluse et plus ou moins inclinée suivant différents plans de l’espace, ou ectopique) peut influer dans une certaine mesure sur la localisation initiale ; en fait, tous les espaces communiquent, ce qui rend potentiellement dangereux tout accident infectieux de cette région.
Accidents infectieux PÉRICORONARITES
¶ Péricoronarite aiguë congestive C’est une inflammation du sac péricoronaire et de la fibromuqueuse adjacente survenant au cours de l’éruption de la dent dans la cavité buccale. Sa symptomatologie est celle rencontrée lors des accidents de dentition, mais exacerbée. Elle se manifeste par une douleur spontanée de la région rétromolaire. L’examen retrouve une muqueuse rouge, œdématiée, laissant apparaître une partie de la couronne de la DS. La pression est douloureuse et peut faire sourdre un liquide sérosanglant. Les empreintes des cuspides de la dent antagoniste peuvent être observées sur ce capuchon muqueux (fig 7). Dès ce stade, la radiographie panoramique permet de se rendre compte des possibilités d’évolution de la dent incriminée, ainsi que de la situation des autres DS. L’évolution est variable : soit l’accident guérit avec la mise en place de la dent sur l’arcade ; soit se constitue un des tableaux suivants.
¶ Péricoronarite aiguë suppurée C’est le classique « accident de la DS », qui succède à la péricoronarite congestive, ou constitue l’épisode inaugural. Le sac péricoronaire est le siège d’une infection (fig 8). 3
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Péricoronarite aiguë.
Mortification d’origine carieuse sur dent de sagesse ectopique, révélée par une cellulite.
ACCIDENTS MUQUEUX
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Péricoronarite suppurée.
Ils succèdent ou accompagnent une péricoronarite. On décrit des ulcérations de la région du trigone rétromolaire, des gingivostomatites de gravité variable, allant de la gingivite érythémateuse aux formes ulcérées et ulcéromembraneuses. Dans ce cadre, citons la forme classique décrite par Chompret : la « stomatite odontiasique » : c’est une gingivite érythémateuse qui évolue très rapidement vers une forme ulcérée et se propage à une hémiarcade, voire aux deux. Elle s’accompagne d’une altération de l’état général, avec asthénie, fièvre et anorexie liée à la douleur, et d’une réaction ganglionnaire. Ces gingivostomatites peuvent se compliquer d’une angine ulcéromembraneuse de Vincent homolatérale et de pharyngites. ACCIDENTS CELLULAIRES
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Péricoronarite chronique.
[5]
Ils compliquent une péricoronarite qui échappe au traitement ou qui a été négligée ; l’infection se propage en sous-gingival vers les espaces celluleux adjacents. Ils peuvent être provoqués également par la mortification de la DS due à la carie, même sur dent complètement incluse (fig 10), ou à une atteinte parodontale profonde (cul-de-sac parodontal entre 2e et 3e molaires) ; l’infection se propage par voie transosseuse. Ces infections peuvent être aiguës circonscrites, diffuses d’emblée, ou subaiguës.
¶ Cellulites aiguës Nous rappelons ici les différentes formes cliniques qui peuvent s’observer à partir d’un accident d’évolution des DS. Cellulites à évolution externe
• Abcès buccinatomaxillaire de Chompret-L’Hirondel
Le patient se plaint de douleurs plus intenses, qui deviennent insomniantes, avec otalgies violentes. La péricoronarite s’accompagne d’un trismus, d’une dysphagie, d’une gêne à la mastication et parfois d’une fébricule. Malgré le trismus, on peut observer une muqueuse rouge, œdématiée jusqu’au pilier antérieur et au sillon gingivojugal. Il existe une adénopathie régionale douloureuse. La pression extrêmement douloureuse du capuchon muqueux laisse sourdre un liquide purulent. Chaque accident permet à la dent de se dégager un peu plus lorsqu’il régresse ou bien évolue vers une abcédation ou le passage à la chronicité.
¶ Péricoronarite chronique (fig 9) Les douleurs s’atténuent, avec quelques périodes de réchauffement qui sont parfois traitées médicalement sans geste sur la porte d’entrée. Une adénopathie sous-maxillaire est fréquente, indolore. Dans cette forme, il existe une suppuration chronique du sac péricoronaire entraînant une fétidité de l’haleine. 4
C’est le classique « abcès migrateur » ; il se forme en dehors et en avant. La collection chemine dans le tissu cellulaire compris entre la table osseuse externe et le buccinateur ; le soulèvement muqueux vestibulaire, parfois discret, est centré en regard de la dent causale. Au bout de quelque temps se développe une tuméfaction génienne appliquée sur la partie moyenne de la face externe de la mandibule, alors que les régions mentonnières et angulaires sont libres. L’examen clinique et radiographique de l’arcade dentaire homolatérale ne retrouve pas de dent mortifiée et objective le foyer causal ; la pression de la collection externe qui permettrait de voir sourdre du pus dans la région de la DS est caractéristique.
• Abcès massétérin Il va se collecter en arrière et en dehors. Sa symptomatologie est dominée par un trismus serré, des douleurs violentes qui rendent l’examen difficile : la collection fait corps avec la face externe de l’angle mandibulaire, tandis que la tuméfaction vestibulaire se situe en dehors du bord antérieur de la branche montante. Le danger est la diffusion de la collection vers les espaces infratemporaux et vers la face interne de la mandibule via l’échancrure sigmoïde. La séquelle classique de ce type d’abcès est la constriction permanente due à l’involution fibreuse des masses musculaires régionales. Cellulites à évolution interne Elles sont graves de par leur retentissement précoce et rapidement évolutif sur la filière respiratoire.
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L’abcès sous-mylohyoïdien est responsable d’une collection qui fait corps avec le bord basilaire de la branche horizontale mandibulaire, puis s’étend vers l’espace sus-hyoïdien latéral pour évoluer vers les téguments cervicaux. L’abcès sus-mylohyoïdien donne une tuméfaction collée à la table interne de la branche horizontale. Les signes fonctionnels sont importants : douleur, trismus, dysphagie ; leur exacerbation rend compte de la diffusion de la collection vers le plancher buccal et l’oropharynx : c’est l’urgence en matière de pathologie due aux DS.
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Ostéite sur suppuration chronique d’un kyste péricoronaire.
Cellulites postérieures Inaugurales, ou plus souvent extension de la cellulite sus-mylohyoïdienne, elles en partagent le même pronostic évolutif. Elles se collectent au niveau de la face interne de la mandibule, soulevant le pilier antérieur et le voile et sont à distinguer du phlegmon périamygdalien. Le danger est la possible diffusion du processus infectieux vers le médiastin via l’espace sous-parotidien antérieur. Il a été décrit une forme de cellulite plus spécifique à la DS supérieure [6] , le phlegmon sus-amygdalien de Terracol : la tuméfaction siège au-dessus de l’amygdale, sous forme oblongue, soulevant une muqueuse lisse et rouge ; le trismus est beaucoup plus modéré. Le danger reste la diffusion aux espaces parapharyngés.
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Ostéite hypertrophique de la branche montante gauche due à une péricoronarite chronique (kyste marginal postérieur).
Cellulites diffuses Elles peuvent constituer l’évolution d’une cellulite circonscrite et sont alors qualifiées de « diffusées » ; elles s’opposent aux cellulites d’emblée diffuses, qui sont des fasciites nécrosantes au pronostic sombre du fait de leur toxicité et du fait de leur extension rapide aux tissus cervicaux et médiastinaux.
¶ Cellulites subaiguës Le patient se plaint d’une tuméfaction persistante ou en augmentation de volume, évoluant depuis plusieurs semaines ; l’épisode infectieux initial n’a pas conduit à un traitement étiologique. La tuméfaction sous-cutanée angulaire est sensible, mais devient inflammatoire, douloureuse au moment des poussées, avec constitution d’un véritable blindage sur la face externe de la mandibule ; bien entendu, l’ouverture buccale se limite au cours de cet épisode. Une fistule cutanée ou muqueuse peut être observée avec écoulements purulents itératifs, pérennisant cette évolution chronique. La dent en cause est désignée par la constatation d’une masse corticale externe au contact d’un foyer de péricoronarite. Ce tableau peut être dû à un traitement incomplet ; mais bien plus, sa persistance, voire son passage à la chronicité doit faire évoquer un tableau d’infection spécifique, ou tumoral, et faire pratiquer les prélèvements indispensables.
¶ Adénophlegmon
ACCIDENTS GANGLIONNAIRES
¶ Ostéite subaiguë
Ils accompagnent une inflammation ou une infection muqueuse ou cutanée. Les premiers relais ganglionnaires des régions molaires et rétromolaires sont les ganglions sous-angulomandibulaires et sous-maxillaires.
C’est la diffusion de l’infection aux espaces celluleux adjacents de l’adénite. Il se manifeste par une tuméfaction très douloureuse, insomniante, sous-mandibulaire mal limitée dissimulant les reliefs de la mandibule. Le patient est gêné par un trismus serré par atteinte du masséter, voire par un torticolis par contracture du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Les signes généraux sont marqués avec fièvre, frissons et asthénie. Localement, la peau est inflammatoire. La zone ganglionnaire, centrale, est dure et extrêmement sensible, la zone périphérique est œdémateuse et garde le godet. Le diagnostic différentiel est celui d’une cellulite sous-mylohyoïdienne en début d’évolution, qui reste à vrai dire le diagnostic le plus évoqué de nos jours. ACCIDENTS OSSEUX
Comme tous les accidents infectieux, ils sont essentiellement observés au niveau mandibulaire. Elle se constitue rarement d’emblée ; elle s’installe dans les suites d’un accident infectieux d’évolution lente (fig 11) et doit faire rechercher un facteur favorisant local (irradiation cervicale) ou général (immunodépression, diabète).
¶ Adénite congestive
¶ Ostéite chronique
Elle est banale : cette petite tuméfaction sensible de la région sousmaxillaire attire l’attention du patient chez qui s’installe une péricoronarite aiguë. Les ganglions sont augmentés de volume, sensibles à la palpation, souples. Cette adénite peut parfois évoluer vers la suppuration.
Elle est rare ; elle provoque une tuméfaction de l’angle mandibulaire sensible, recouverte par des téguments érythémateux, peu inflammatoires, où peut parfois être observée une fistule cutanée. Il peut exister une anomalie de la sensibilité dans le territoire du nerf alvéolaire inférieur. La radiographie montre des corticales épaissies entourant un foyer de densification osseuse ; au maximum se trouve ainsi réalisée une forme hyperostosante (fig 12). La survenue d’une ostéite reste enfin une complication classique de l’avulsion d’une DS, après alvéolite, fracture…
¶ Adénite suppurée La péricoronarite causale ne cède pas et se surinfecte. Le ganglion satellite devient franchement douloureux, augmente rapidement de volume et devient rénitent. Une réaction inflammatoire localisée masque ses contours. Des signes généraux (fièvre, asthénie) s’installent. Non traitée, ou chez un malade aux défenses immunitaires altérées, elle peut évoluer vers un adénophlegmon.
ACCIDENTS SINUSIENS
La DS supérieure est en relation avec le sinus maxillaire ; mais c’est surtout la mortification de cette dent après évolution sur l’arcade qui est responsable de sinusites et non un accident d’évolution. La 5
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Refoulement de la cavité sinusienne (muqueuse sinusienne saine).
pathologie sinusienne d’origine dentaire évolue essentiellement selon un mode subaigu ou chronique, se traduisant par des signes unilatéraux (obstruction nasale, jetage plus ou moins purulent avec cacosmie). Même en cas de très volumineux développement, un kyste péricoronaire refoule à sa périphérie une cavité sinusienne, dont la muqueuse est en règle générale saine, et n’est pas en général responsable d’infection sinusienne (fig 13).
Stomatologie/Odontologie
Destruction de la 2e molaire.
niveau des secteurs prémolaires et molaires ; il s’agit d’une dysharmonie dentomaxillaire postérieure. En revanche, l’existence d’une dysharmonie dentomaxillaire antérieure, se traduisant notamment par un chevauchement incisif, était classiquement considérée comme la résultante d’une force mésiale provoquée par les DS : à ce jour, aucune preuve scientifique ne peut venir confirmer ce point de vue [1, 7]. Il en est de même des troubles des articulations temporomandibulaires considérés comme la conséquence de ces modifications d’articulé (Anaes) ; cependant, l’expérience clinique montre que des douleurs des articulations temporomandibulaires peuvent être mises sur le compte d’une modification de la cinétique mandibulaire apparaissant lors du contact douloureux du capuchon muqueux inflammatoire par la dent antagoniste ; il s’agit d’une occlusion de convenance temporaire qui s’installe à titre antalgique.
ACCIDENTS VASCULAIRES D’ORIGINE INFECTIEUSE
LÉSIONS MUQUEUSES MÉCANIQUES
Exceptionnelles, mais gravissimes, les thrombophlébites craniofaciales peuvent survenir par embolie septique ou suppuration chronique. Leur localisation est, soit superficielle, facio-ophtalmique, soit profonde, ptérygoïdienne. Elles peuvent, en l’absence de traitement, aboutir à de graves séquelles oculaires, ou nerveuses.
L’éruption en position vestibulaire de la DS supérieure est responsable de traumatismes de la muqueuse jugale qui peuvent probablement être évoqués, par leur chronicité, dans l’installation de lésions leucoplasiques, voire plus agressives [6]. Les prothèses adjointes sont parfois accusées de favoriser la désinclusion de DS : la muqueuse est détruite entre la couronne dentaire et la prothèse ; bien souvent, il est observé une ankylose entre les racines de la DS et l’os environnant éburné.
ACCIDENTS INFECTIEUX À DISTANCE
Dès lors que la pathologie dont est responsable une DS constitue un tableau d’infection subaiguë ou chronique, une infection focale à distance par dissémination vasculaire peut être redoutée. Partant de ce foyer, les bactériémies peuvent contaminer le cœur (endocardites sur pathologie valvulaire ou autre), le rein (greffons, glomérulonéphrites), l’appareil pulmonaire (infections à répétitions), l’œil (uvéites, iridocyclites) ; l’infection autour de prothèses orthopédiques a été également signalée [1].
FRAGILISATION DE L’ANGLE MANDIBULAIRE
Accidents mécaniques
La présence d’une DS inférieure incluse au niveau de l’angle mandibulaire rompt les lignes de résistance de cette région et constituerait logiquement une zone de fragilité par laquelle passe le trait de fracture. L’étude de Lee confirme le fait que la présence d’une DS double le risque de fracture angulaire ; elle montre, en revanche, qu’il n’y a pas de corrélation significative entre la position de la dent incluse et le pourcentage de risque [4]. Bien sûr, la DS incluse dans le foyer reste une menace d’infection à prendre en compte dans le traitement d’une fracture angulaire.
Leur survenue permet souvent de révéler la présence d’une DS incluse ou enclavée.
Accidents kystiques
LÉSIONS DE LA FACE DISTALE DE LA DEUXIÈME MOLAIRE
Ces accidents sont d’autant plus probables que la DS est en situation mésioversée et bloquée par la 2e molaire. L’appui continu de la couronne de la 3e molaire sur la face distale de la 2e peut provoquer des lésions carieuses du collet ou de la couronne (fig 5, 14). Lorsque l’appui et les phénomènes de pression s’effectuent plus bas au niveau de la racine de la dent, ils peuvent provoquer une rhizalyse et conduire à la mortification ; bien souvent se constitue également une alvéolyse localisée aboutissant à la création d’un foyer parodontal difficile d’accès pour les soins d’hygiène et dont les conséquences ont été précédemment évoquées. TROUBLES DE L’ARTICULÉ DENTAIRE
La pression d’éruption des DS, surtout lorsqu’elles sont en position mésioversée, peut être à l’origine de rotations et chevauchement au 6
KYSTES MARGINAUX ET LATÉRAUX
Ils se forment à partir du sac péricoronaire. Le kyste marginal postérieur se développe à la face distale de la couronne de la DS inférieure et forme, sur la radiographie, un croissant clair encochant la branche montante (fig 5, 15). Le kyste marginal antérieur se situe à la face antérieure de la couronne d’une DS inférieure en version mésiale et forme un croissant radioclair sous la couronne de cette dent ; il est difficile de le distinguer d’un foyer parodontal, bien banal dans cette situation. Le kyste latérodentaire se développe à la face vestibulaire des racines ou de la couronne de la dent. Sur la radiographie, l’image kystique est superposée à celle des racines. KYSTES DENTIGÈRES (PÉRICORONAIRES)
Ils se constituent par accumulation de sérosités entre la couronne de la dent déjà formée et l’épithélium de l’émail devenu inactif, ou bien, ils pourraient se former en dehors du follicule dentaire, aux dépens d’îlots épithéliaux de voisinage inclus dans le conjonctif.
Accidents d’évolution des dents de sagesse
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Kyste marginal posté-
rieur.
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anatomopathologique de toute la pièce opératoire est indispensable [3] pour confirmer le diagnostic et surtout éliminer une greffe améloblastique. De façon très exceptionnelle, il a été rapporté le développement d’un carcinome épidermoïde ou mucoépidermoïde à partir de l’épithélium kystique.
Autres accidents
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A. Kyste péricoronaire de l’angle mandibulaire gauche, tuméfaction osseuse et déplacement dentaire. B. Kyste péricoronaire de l’angle mandibulaire gauche, destruction osseuse régulière et rhizalyse des dents voisines.
Toute une symptomatologie hétéroclite a pu être qualifiée d’accidents dus aux DS et rangée sous l’appellation « accidents réflexes », prenant en compte le fait que les DS se situent dans des régions richement vascularisées et innervées par les nombreuses branches du nerf trijumeau ; la physiopathologie des maladies évoquées fait appel à des phénomènes vasomoteurs, ou d’irritation réflexe, pour expliquer : les troubles trophiques (pelade), musculaires (spasme, tic, torticolis), sécrétoires (sialorrhée, larmoiement), vasculaires (érythème, acouphènes), neurologiques (algie inexpliquée, hypoesthésie, paralysie faciale ou oculaire). Aujourd’hui, ce concept est pour le moins controversé ; pour ce qui concerne la DS inférieure, au terme d’une étude bibliographique exhaustive, l’Anaes conclut (en 1997) « qu’il n’existe aucun argument scientifique prouvant la relation de cause à effet entre la présence d’une 3e molaire mandibulaire en désinclusion et l’une quelconque de ces manifestations » [1]. À l’évidence, le problème est de dépister une cause systémique ou locorégionale, notamment tumorale profonde, devant des signes sémiologiques disparates.
Traitement
* A
Nous avons vu que les accidents d’évolution des DS étaient nombreux dans leur localisation et leur type. Nous ne détaillons pas la prise en charge thérapeutique de chaque type d’accident mais les grandes lignes de traitement, notamment des complications infectieuses qui sont les plus fréquentes. Dans tous les cas, l’indication d’extraction de la DS responsable ne peut être posée qu’après un bilan clinique et radiologique permettant de se rendre compte d’éventuelles difficultés opératoires et d’en apprécier le possible retentissement général, ou fonctionnel locorégional ; ce dont le patient sera averti. TRAITEMENT DES COMPLICATIONS INFECTIEUSES
¶ Péricoronarites
* B Ils sont parfois diagnostiqués fortuitement : une radiographie panoramique est demandée dans un bilan systématique et permet de découvrir une lésion qui évolue sans doute depuis longtemps et n’ a jamais occasionné de souci particulier. Le plus souvent, un retard d’éruption dentaire asymétrique, l’apparition d’une tuméfaction, volontiers de siège mandibulaire (fig 16A), la survenue d’un épisode infectieux périmaxillaire conduisent à demander le bilan radiographique. L’ image observée est radioclaire, régulière, presque toujours uniloculaire, avec un liseré de condensation périphérique ; elle englobe la couronne de la dent incluse, les parois du kyste venant s’insérer à son collet. On peut observer une rhizalyse des dents adjacentes, traduisant l’évolution lente et progressive du kyste (fig 16B),et parfois un refoulement des germes ou des dents adjacentes de la dent causale. Selon la taille du kyste, la dent peut se trouver en situation ectopique, refoulée dans le condyle mandibulaire, le coroné ou dans le sinus maxillaire, avec un kyste qui l’occupe en entier. L’examen
Un premier accès de péricoronarite congestive nécessite des soins locaux comportant des bains de bouche antiseptiques, la prescription d’antalgiques et l’application méticuleuse d’acide trichloracétique dilué sur le capuchon muqueux inflammatoire. L’acide trichloracétique peut causer très rapidement des brûlures de la muqueuse adjacente et il faut veiller à ne pas toucher lèvres et muqueuses en insérant le coton imbibé dans la cavité buccale. Lorsque les accès se répètent, l’indication d’avulsion de la dent causale est posée à froid. Les péricoronarites suppurées nécessitent une antibiothérapie visant les streptocoques et les germes anaérobies ; il peut être recommandé en première intention les associations macrolide-métronidazole ou bêtalactamine-métronidazole, prescrites en plus des antalgiques et bains de bouche habituels. C’est à froid que l’avulsion de la DS est réalisée.
¶ Lésions carieuses Lorsque celles-ci sont importantes et ne sont pas accessibles à une restauration, l’avulsion est indiquée.
¶ Accidents muqueux Les ulcérations répétées conduisent le plus souvent à l’avulsion de la DS causale. 7
Accidents d’évolution des dents de sagesse
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Quant aux gingivostomatites, leur lien avec l’évolution d’une DS n’est pas toujours évident en l’absence de signes locaux. Un traitement symptomatique est préconisé, mais c’est l’absence d’amélioration ou la récidive qui fait poser l’indication d’avulsion.
¶ Accidents cellulaires
[5]
Les cellulites aiguës causées par les DS sont dangereuses parce qu’elles intéressent, comme nous l’avons vu, les structures postérieures de la cavité buccale et de l’oropharynx ; elles sont préoccupantes aussi parce que difficiles à prendre en charge parfois de façon simple, en raison de leur retentissement sur l’état général, du trismus gênant le geste opératoire, ou lorsque des difficultés d’avulsion sont prévisibles du fait de la morphologie et/ou de la situation de la dent. En effet, le geste étiologique sur la porte d’entrée infectieuse est l’extraction de la dent, mais aussi l’ablation de tout le tissu habituellement fongueux et inflammatoire qui s’est développé autour de l’inclusion ; ceci pour rappeler également que ce n’est pas l’antibiothérapie qui est le traitement de la porte d’entrée. Au stade de cellulite séreuse, l’avulsion peut être encore parfois effectuée sous anesthésie locale, sinon il vaut mieux procéder comme dans le cas suivant d’autant plus que l’état général est atteint par la durée d’évolution, la douleur, la fatigue du patient, etc. Au stade de cellulite suppurée, le drainage de la collection est nécessaire en urgence, sous anesthésie générale : c’est la seule façon de soulager efficacement le patient, en réalisant d’emblée un traitement complet. Une analyse bactériologique permet d’adapter l’antibiothérapie. Ce schéma de traitement complet en un temps s’impose quand un foyer infectieux doit être impérativement éradiqué du fait d’une pathologie générale associée ; il est recommandé en cas d’évolution traînante, subaiguë, encore trop souvent due à la prescription isolée d’une antibiothérapie à l’aveugle.
¶ Accidents ganglionnaires Leur traitement est confondu avec celui de la dent causale ; ils régressent sous antibiothérapie le plus souvent. L’adénophlegmon collecté requiérait un drainage chirurgical.
¶ Accidents osseux En règle générale, l’abord chirurgical du foyer est indiqué pour prélèvements bactériologiques standards et spécifiques, biopsies, et éradication du foyer causal ; parfois, le geste osseux associé est d’emblée une séquestrectomie. Le traitement antibiotique doit être adapté, mais délicat en raison du faible tropisme osseux des antibiotiques. Cette antibiothérapie à doses efficaces est donc prolongée. Dans certains cas, un curetage du foyer d’ostéite, une décortication, sont indiqués encadrés par l’antibiothérapie. Le traitement d’une anomalie générale pouvant favoriser le développement de l’ostéite doit évidemment être mis en œuvre.
¶ Accidents sinusiens Leur traitement comporte une antibiothérapie, la suppression de la cause, c’est-à-dire l’avulsion de la DS. Parfois, une ponction-
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Stomatologie/Odontologie
drainage du sinus s’impose. La survenue d’une communication buccosinusienne est à redouter dans les suites d’accidents sinusiens ; elle doit être prévenue par une fermeture buccosinusienne soigneuse lors de l’avulsion de la dent causale et après avoir éradiqué tout foyer infectieux sinusien, sous peine d’échec et de passage à la chronicité.
¶ Accidents vasculaires d’origine infectieuse Leur diagnostic nécessite la mise en route en urgence d’une antibiothérapie intraveineuse massive et d’un traitement anticoagulant.
¶ Accidents infectieux à distance Sur des terrains favorisant la survenue de greffe bactérienne, comme les patients valvulaires, l’avulsion sous antibioprophylaxie des DS en désinclusion est préconisée. TRAITEMENT DES ACCIDENTS MÉCANIQUES
¶ Lésions de la deuxième molaire Après avulsion de la DS traumatisante, son avulsion dépend des possibilités de restauration endodontiques et bien évidemment du degré d’atteinte de l’environnement parodontal causé par la mésioversion de la DS.
¶ Fractures de l’angle mandibulaire L’avulsion est recommandée, sauf lorsqu’elle compromet la stabilité de la réduction ; une surveillance attentive doit être instituée dans l’évolution secondaire de la fracture. L’indication d’avulsion est recommandée après consolidation de façon concomitante avec l’ablation du matériel de contention. TRAITEMENT DES ACCIDENTS KYSTIQUES
Leur traitement est chirurgical et comprend l’énucléation kystique soigneuse et l’avulsion de la DS en cause. Parfois, l’avulsion des dents adjacentes refoulées par le kyste est nécessaire si les conditions d’exérèse ne sont pas satisfaisantes sans ce geste.
Références [1] Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé. Indications et non-indications de l’avulsion des troisièmes molaires mandibulaires. Recommandations et Références Médicales,1997 [2] Cantaloube D, Fusari JP. Accidents d’évolution des dents de sagesse. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-032-E-10, 1991 : 1-12 [3] Curran AE, Damm DD, Drummond JF. Pathologically significant pericoronal lesions in adults: histopathologic evaluation. J Oral Maxillofac Surg 2002 ; 60 : 613-617 [4] Lee JT, Dodson TB. The effect of third molar presence and position on the risk of an angle fracture. J Oral Maxillofac Surg 2000 ; 58 : 394-398 [5] Peron JM, Mangez JF. Cellulites et fistules d’origine dentaire. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Stomatologie-Odontologie, 22-033-A-10, 2002 : 1-14 [6] Ragot JP. Pathologie de la dent de sagesse supérieure. Actual Odontostomatol 1981 ; 133 : 103-143 [7] Van Der Schoot EAM, Kuitert RB, Van Ginkel FC, Prahl-Andersen B. Clinical relevance of third permanent molars in relation to crowding after orthodontic treatment. J Dentistry 1997 ; 25 : 167-169
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-032-A-10
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Anomalies de l’éruption E Moulis C Favre De Thierrens MC Goldsmith JH Torres
Résumé. – La dentition est un processus dynamique qui correspond non seulement à la formation des dents, mais aussi à leur éruption. C’est un phénomène complexe qui amène les dents sur l’arcade, depuis leur site de développement jusqu’à leur position fonctionnelle. Seule l’éruption et ses anomalies sont abordées dans cet article. Les accidents survenant lors de l’odontogenèse, et qui provoquent des anomalies de structure des tissus dentaires ou des anomalies de nombre, font l’objet d’un autre article. L’éruption, processus localisé, symétrique et programmé dans le temps, est régulée par le follicule dentaire et est accompagnée de multiples modifications tissulaires comme la résorption et l’apposition d’os alvéolaire, la croissance radiculaire et le développement du desmodonte. Les anomalies de l’éruption peuvent être d’ordre chronologique (éruptions précoces et prématurées, éruptions retardées, exfoliations prématurées et retardées des dents temporaires) ou d’ordre topographique (dystopies). Enfin sont abordés dans une dernière partie les éruptions difficiles ou les accidents d’éruption dans leurs aspects cliniques. D’étiologies variées, ces différentes anomalies peuvent concerner les dents temporaires, les dents permanentes, ou les deux dentures à la fois. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : éruption dentaire, dentition, anomalies dentaires, anomalies chronologiques, anomalies topographiques, syndrome d’éruption.
Introduction La dentition, au sens propre du terme, est un processus dynamique correspondant non seulement à la formation des dents, mais aussi à leur éruption. Ce phénomène complexe amène les dents sur l’arcade, depuis leur site de développement jusqu’à leur position fonctionnelle, et fait donc partie intégrante de la croissance craniofaciale de l’enfant. La dentition débute dès les premiers stades du développement embryonnaire, lors de la constitution de la lame dentaire (sixième semaine de vie intra-utérine) et aboutit à la mise en place de la denture adulte avec l’éruption de la troisième molaire permanente vers 20 ans, la denture temporaire n’étant qu’une étape de cette dentition. Seule l’éruption et ses anomalies sont abordées dans cet article, les accidents survenant lors de l’odontogenèse et qui amènent à des anomalies de structure des tissus dentaires ou des anomalies de nombre faisant l’objet d’un autre article. Après un bref rappel sur les théories actuelles de l’éruption et sur la chronologie de l’éruption normale, nous décrirons les diverses anomalies de l’éruption. Ces anomalies sont d’ordre chronologique : éruptions précoces, éruptions retardées, exfoliations prématurées et retardées des dents temporaires, ou d’ordre topographique : dystopies primaires. Enfin, les éruptions difficiles ou les accidents d’éruption dans leurs aspects cliniques sont abordés dans une dernière partie. D’étiologies variées, ces diverses anomalies de l’éruption peuvent concerner les dents temporaires, les dents permanentes, ou les deux dentures à la fois.
Estelle Moulis : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Carle Favre De Thierrens : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Marie-Christine Goldsmith : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Jacques-Henri Torres : Professeur des Universités, praticien hospitalier. UFR d’odontologie, 545, avenue du Professeur-Jean-Louis-Viala, BP 4305, 34193 Montpellier cedex 5, France.
Éruption normale MÉCANISMES BIOLOGIQUES DE L’ÉRUPTION
L’éruption dentaire est un processus de croissance complexe impliquant à la fois les dents et les tissus osseux environnants, et qui correspond au déplacement d’une dent depuis son site de développement dans les maxillaires jusqu’à sa position fonctionnelle sur l’arcade [5, 35, 39]. L’éruption est ainsi accompagnée de multiples modifications tissulaires comme la résorption et l’apposition d’os alvéolaire, la croissance radiculaire et le développement du desmodonte [21]. Ce processus localisé, symétrique et programmé dans le temps, est coordonné par le follicule dentaire ; il concerne successivement les deux dentures, temporaire et permanente, et peut être divisé en trois phases ou cinq périodes [21, 27, 36].
¶ Phase prééruptive Elle correspond à la période des mouvements prééruptifs au sein de l’os alvéolaire. Au cours de cette période, la couronne dentaire est formée et il existe peu de mouvements, mais une légère dérive du germe [4, 21].
¶ Phase éruptive préfonctionnelle Elle débute avec la croissance radiculaire et se subdivise en trois périodes : l’éruption intraosseuse, la pénétration de la muqueuse et l’éruption préocclusale. Le mouvement initial des germes pendant cette phase est axial, mais les mouvements éruptifs se font dans les trois sens de l’espace, en particulier en direction mésiale [21]. Le développement de la racine coïncide avec le début de la période intraosseuse. Le trajet d’éruption, dont la principale direction est axiale, n’est pas seulement intra-alvéolaire mais, pour les dents
Toute référence à cet article doit porter la mention : Moulis E, Favre De Thierrens C, Goldsmith MC et Torres JH. Anomalies de l’éruption. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-032-A-10, 2002, 12 p.
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Anomalies de l’éruption
successionnelles, passe également entre les racines des dents temporaires en cours de résorption. L’éruption des dents se fait le long du canal gubernaculaire (gubernaculum dentis), le canal de l’os alvéolaire reliant la crypte osseuse à la muqueuse buccale [5, 6]. La pénétration de la muqueuse se fait en principe lorsque la croissance radiculaire atteint la moitié ou les deux tiers de la longueur radiculaire définitive. La période préocclusale est relativement brève, elle dure seulement quelques mois et se termine lorsque la dent atteint son antagoniste au niveau du plan d’occlusion.
¶ Phase fonctionnelle postocclusale C’est la plus longue (plusieurs années). En effet, les mouvements axiaux et la croissance alvéolaire se poursuivent, même après la mise en occlusion fonctionnelle de la dent, mais à un rythme beaucoup plus lent. On observe également une dérive mésiale accompagnant l’attrition interproximale des dents [4]. Cette phase postocclusale se termine lorsque la dent disparaît [35]. Si les hypothèses visant à expliciter les mécanismes de l’éruption sont nombreuses, c’est que, aujourd’hui encore, ce phénomène complexe n’est pas complètement élucidé [5, 11, 36]. Une des principales théories, unifactorielle, situait le moteur de l’éruption au sein du desmodonte à la fois par la contraction du collagène desmodontal, la traction des fibroblastes desmodontaux et les pressions exercées par les fluides tissulaires ou vasculaires [4]. Cette théorie est aujourd’hui abandonnée au profit d’une conception plurifactorielle. En effet, plusieurs facteurs sont impliqués dans le processus de l’éruption et y jouent un rôle essentiel : le remodelage osseux alvéolaire associant d’une part la résorption osseuse vers le site d’éruption et d’autre part l’apposition osseuse au fond de l’alvéole, la croissance radiculaire et la traction du ligament desmodontal [19, 21, 42]. Le remodelage osseux est coordonné par le follicule dentaire, tissu d’origine ectomésenchymateuse [7]. Ainsi, avant la phase d’éruption intraosseuse, on observe au sein du follicule dentaire un afflux de cellules mononucléées, précurseurs des ostéoclastes responsables de la résorption osseuse qui créent une voie de passage pour le germe [21, 44]. Cette coordination par le follicule est possible grâce à l’intervention de très nombreux médiateurs [7, 25, 26, 27]. En particulier, la résorption osseuse serait sous la dépendance de l’epidermal growth factor (EGF) [45], du transforming growth factor [43] b(TGF-b), de l’interleukine 1a et du colony-stimulating factor 1 (CSF-1) [46, 47, 48], tandis que l’apposition osseuse au fond des alvéoles serait régulée par des bone morphogenetic proteins [42]. De plus, la transcription du gène c-fos stimulée par les EGF et CSF-1 serait déterminante pour la stimulation de l’activité des ostéoclastes nécessaires à la résorption [42, 47]. Enfin, la cell adhesion molecule serait essentielle à la formation de l’épithélium de jonction, fusion de l’épithélium oral et de l’épithélium amélaire réduit [24]. Si le rôle du follicule dentaire est essentiel, en particulier lors des phases initiales de l’éruption, la croissance radiculaire et la mise en place du ligament ne seraient en fait que des conséquences de l’éruption. En effet, l’éruption de dents aux racines non formées est tout à fait possible [4, 11, 21]. CHRONOLOGIE DE L’ÉRUPTION NORMALE
La chronologie et les dates d’éruption des dents temporaires ou permanentes présentent une variabilité relativement importante, liée à divers facteurs tels que l’origine ethnique ou le sexe, sans toutefois avoir de véritables conséquences pathologiques. Ainsi, l’éruption est plus précoce chez les filles et chez les individus de race noire. De plus, des conditions socio-économiques favorables, les conditions géographiques (un climat chaud) ou le degré d’urbanisation sont autant de facteurs accélérant l’éruption des dents [1, 23, 36]. Outre ces facteurs environnementaux, les conditions séculaires interviennent aussi. Aujourd’hui, globalement, l’éruption est plus précoce que par le passé [35] . Des tables présentant la chronologie normale de 2
Stomatologie/Odontologie
Tableau I. – Chronologie de l’éruption normale des dents temporaires (écart-type de 2 à 3 mois) [21]. Dents temporaires
Âge moyen d’éruption
Incisives centrales mandibulaires
6-8 mois
Incisives centrales maxillaires
10 mois
Incisives latérales maxillaires
12 mois
Incisives latérales mandibulaires
14 mois
Canines
18 mois
Premières molaires
16 mois
Secondes molaires
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l’éruption des dents ont donc pu être établies, tolérant des écartstypes de 2 à 3 mois pour les dents temporaires et de 8 à 18 mois pour les dents permanentes [33, 35].
¶ Éruption des dents temporaires L’éruption des dents temporaires présente peu de variations individuelles chez les enfants de type caucasien. La chronologie de l’éruption de ces dents temporaires est donnée dans le tableau I [21, 36] . En moyenne, l’éruption des dents temporaires débute autour de 8 mois avec les incisives centrales mandibulaires et se termine vers 30 mois avec les secondes molaires maxillaires. Certaines études ont montré une éruption plus précoce chez les garçons et du côté gauche [5, 36]. En moyenne, pour la plupart des enfants, l’éruption des dents temporaires dure approximativement 2 ans.
¶ Éruption des dents permanentes En denture permanente, la variabilité des dates d’éruption est plus importante qu’en denture temporaire. En particulier, une plus grande variabilité est observée pour les canines, les prémolaires et secondes molaires, tandis qu’elle est moindre pour les incisives et les premières molaires. La séquence d’éruption des dents permanentes est la même pour les deux sexes. Cependant, l’éruption chez les filles est significativement plus précoce que chez les garçons d’environ 6 mois, ce phénomène s’accentuant lors de la puberté. Il existe également une différence entre le maxillaire et la mandibule, celle-ci présentant une légère avance d’éruption [21, 28, 36]. En moyenne, l’éruption des dents permanentes dure 6 ans (excepté pour la troisième molaire), elle débute vers 6 ans avec les incisives centrales mandibulaires et se termine vers 12 ans avec les secondes molaires (tableau II). Les troisièmes molaires font éruption entre 18 et 25 ans.
Anomalies chronologiques Les accidents de dentition d’ordre chronologique sont les éruptions précoces ou les éruptions retardées. Ces éruptions peuvent intéresser une seule ou les deux dentures. L’éruption précoce ou « dentitio praecox » est l’apparition sur l’arcade, avant la date normale, d’une ou plusieurs dents normalement constituées ; une première éruption avant l’âge de 5 mois en denture temporaire et avant l’âge de 5 ans en denture permanente peuvent être considérées comme précoces. On parle de retard d’éruption pour la dentition temporaire lorsqu’elle débute après 10 mois, et pour la dentition permanente lorsqu’elle débute après 7 ou 8 ans [23]. Les étiologies de ces éruptions précoces ou retardées peuvent être diverses, mais elles ne sont pas toujours clairement déterminées. Elles sont d’origine génétique, malformative, systémique (endocrinienne, infectieuse, métabolique…) ou sont encore dues à des facteurs locaux (tumeurs, traumatismes, position du germe…). Enfin, parmi les accidents d’ordre chronologique, il faut évoquer les exfoliations prématurées de dents temporaires et permanentes, ainsi que les chutes retardées de dents temporaires.
Stomatologie/Odontologie
Anomalies de l’éruption
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Tableau II. – Chronologie de l’éruption normale des dents permanentes au maxillaire et à la mandibule, l’âge moyen d’éruption d’une dent correspond à l’âge où cette dent est présente chez 70 % des enfants (écart-type de 8 à 24 mois) [16]. Dents permanentes Maxillaire
Âge moyen d’éruption Filles
Âge moyen d’éruption Garçons
Incisives centrales maxillaires
7,20 ans
7,47 ans
Incisives latérales maxillaires
8,20 ans
8,67 ans
Canines maxillaires
10,98 ans
11,69 ans
Premières prémolaires maxillaires
10,03 ans
10,40 ans
Secondes prémolaires maxillaires
10,88 ans
11,18 ans
Premières molaires maxillaires
6,22 ans
6,40 ans
Secondes molaires maxillaires
12,27 ans
12,68 ans
Âge moyen d’éruption Filles
Âge moyen d’éruption Garçons
6,26 ans
6,54 ans
Dents permanentes Mandibulaires Incisives centrales mandibulaires Incisives latérales mandibulaires
7,34 ans
7,70 ans
Canines mandibulaires
9,86 ans
10,79 ans
Premières prémolaires mandibulaires
10,18 ans
10,82 ans
Secondes prémolaires mandibulaires
10,89 ans
11,47 ans
Premières molaires mandibulaires
5,94 ans
6,21 ans
Secondes molaires mandibulaires
11,66 ans
12,12 ans
ÉRUPTIONS PRÉCOCES ET PRÉMATURÉES
1
Incisives mandibulaires néonatales.
Il convient de différencier les éruptions précoces des éruptions prématurées, ces dernières amenant sur l’arcade des dents immatures encore à l’état de germes [23].
¶ En denture temporaire Dents natales et néonatales [8, 14, 40] Les dents natales sont présentes dès la naissance de l’enfant tandis que des dents néonatales font éruption au cours du premier mois de l’enfant. La prévalence de ces éruptions est faible 1/2 000 à 1/3 500 [36], avec une dent néonatale pour trois dents natales. Ces dents sont le plus souvent des dents temporaires ayant fait une éruption précoce (80 % des cas), mais elles peuvent aussi être des dents surnuméraires appelées alors dents prédéciduales (20 % des cas). Dans la majorité des cas, il s’agit d’incisives mandibulaires (85 %) (fig 1), dans 5 % des cas d’incisives maxillaires ou de molaires, enfin, dans 10 % des cas, de formations odontoïdes. Seule une radiographie permet d’identifier les dents surnuméraires ou d’évaluer le degré de minéralisation de la racine dans le cas des éruptions précoces. Les dents surnuméraires sont avulsées en raison des risques de morsure et de blessure de l’enfant (lèvre, langue) ou de la mère lors de l’allaitement maternel. En revanche, dans les cas d’éruption précoce, il est préférable de conserver ces dents afin que la denture temporaire puisse remplir pleinement son rôle. Toutefois, les dents très mobiles, du fait de l’immaturité des racines, sont également avulsées afin d’éviter les risques d’inhalation ou de déglutition par le nouveau-né. Histologiquement, ces dents natales et néonatales présentent un émail hypocalcifié et hypoplasique, ainsi que des défauts de minéralisation de la dentine [40]. L’étiologie de ces éruptions reste inconnue le plus souvent ; une position superficielle du germe ou un facteur héréditaire (gène autosomique dominant) pourraient être en cause [14, 40]. Ces dents natales et néonatales font partie du tableau clinique de plus de 50 syndromes parmi lesquels [5, 14, 21] : – le syndrome d’Hallermann-Streiff ou dyscéphalie oculomandibulaire, qui peut être accompagné d’une hyperodontie ou, au contraire, d’une oligodontie ; les malformations dentaires et les
malocclusions sont fréquentes ; de plus, une micrognathie et une brachycéphalie font également partie des signes cliniques [9] ; – le syndrome d’Ellis-van Creveld ou dysplasie chondroectodermique (plus de 50 % des cas présentent des dents natales [2]) ; ce syndrome associe une hypodontie, une dysplasie ectodermique hidrotique, une chondrodysplasie des os longs (nanisme), une polydactylie des mains et des malformations cardiaques ; sa transmission est autosomique récessive [36] ; – le syndrome de Beare, qui associe également au niveau buccodentaire une fente palatine et une oligodontie ; – le syndrome de « pachyonychia congenita », qui associe une kératodermie palmoplantaire, une hyperhidrose, une pachyonychie, ainsi que des kératoses cutanées et muqueuses ; – « steatocystoma multiplex » [20] ; – le syndrome de Sotos ou gigantisme cérébral, qui présente une macrodolichocéphalie liée à une maturation staturale et osseuse précoce ; de plus, ces enfants présentent un retard mental ; – la trisomie 13 ; – les fentes palatines. Historiquement, la présence de dents natales a souvent été associée à une destinée exceptionnelle, ainsi Hannibal, Mirabeau, Danton, Louis XIV, Richelieu ou encore Napoléon Ier auraient présenté ce type d’éruptions précoces [6]. 3
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Anomalies de l’éruption
Stomatologie/Odontologie
Éruption précoce
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Éruption précoce de dents successionnelles (24, 25) après perte prématurée des dents temporaires.
L’éruption précoce des dents temporaires est due le plus souvent à la position superficielle du germe dentaire (facteur local), mais elle est également observée dans les cas d’hyperthyroïdisme et de puberté précoce [36]. Éruption prématurée [6, 23, 28] L’éruption prématurée des dents temporaires amène sur l’arcade dentaire des dents immatures, à l’état de germes. L’étiologie de ces éruptions prématurées peut être : – traumatique, liée à des manœuvres obstétricales comme l’utilisation des forceps ; – tumorale :
3
Kyste péricoronaire d’éruption de la 12.
– les histiocytoses X (maladies de Hand-Schüller-Christian et de Letterer-Siwe), lors desquelles la prolifération de cellules de la lignée histiomonocytaire formant des granulomes intraosseux est responsable de la destruction de tissus de soutien des dents temporaires ; – les tumeurs à cellules géantes, anciennement appelées tumeurs à myéloplaxes ; – les sarcomes des maxillaires ; – infectieuse : – la folliculite expulsive de Capdepont ; cette rare infection du follicule dentaire est responsable de la perte précoce de dents temporaires ; les germes, infectés par la voie du canal gubernaculaire, généralement à la suite d’une blessure de la gencive, sont expulsés ; cette expulsion peut être accompagnée de signes généraux graves, fièvre, diarrhée, asthénie ; – l’ostéomyélite du nourrisson ; il s’agit d’une ostéite infectieuse (flore polymicrobienne) ; les germes immatures sont éliminés avec la séquestration de l’os alvéolaire.
¶ En denture permanente L’éruption précoce de toute la denture permanente est exceptionnelle. L’étiologie de ces éruptions précoces peut être [5, 29, 36] : – endocrinienne : – l’hyperthyroïdie ; – la puberté précoce ; – l’acromégalie (hypersécrétion d’hormone somatotrope) ; – liée à différents syndromes présentant une augmentation de la vascularisation locale : – les angiomes faciaux ; – le syndrome de Sturge-Weber-Krabbe (angiomatose encéphalotrigéminée), associant une angiomatose des leptoméninges et faciale, un retard mental, des crises d’épilepsie, une hémiplégie et des anomalies oculaires ; – le syndrome de Klippel-Trenaunay (angiodysplasie ostéodystrophique), très proche du syndrome de SturgeWeber-Krabbe ; – les hémihypertrophies faciales ; – liée à d’autres syndromes : – le syndrome de Sotos (gigantisme cérébral) ; – le syndrome de Turner (syndrome XO). L’éruption précoce d’une seule dent permanente est une situation beaucoup plus fréquente, généralement d’étiologie locale : la perte prématurée de la dent temporaire, en particulier à la suite d’une atteinte carieuse et infectieuse (fig 2). Toutefois, en général, l’éruption de la dent successionnelle est anticipée si son édification radiculaire 4
atteint la moitié de sa longueur définitive. Dans le cas contraire, son éruption est retardée par la zone cicatricielle [12]. ÉRUPTIONS RETARDÉES
Les éruptions retardées en denture temporaire sont plus rares qu’en denture permanente, mais dans tous les cas, avant de parler de retard d’éruption ou « dentitio tarda », le diagnostic différentiel avec une agénésie doit être fait par les examens radiographiques. Le stade ultime d’évolution du retard d’éruption est l’inclusion dentaire. Les retards d’éruption sont localisés à une seule dent ou à un groupe de dents, mais ils peuvent également concerner l’ensemble de la denture temporaire ou permanente, ou les deux dentures.
¶ En denture temporaire Les éruptions retardées en denture temporaire peuvent être d’étiologies générales ou locales, ces dernières étant constituées par différents obstacles qui retardent mécaniquement l’éruption des dents [23, 28, 36]. Étiologies locales
• Obstacles gingivaux – L’hyperplasie congénitale de la gencive. – Les hyperplasies gingivales médicamenteuses provoquées par les antiépileptiques (hydantoïnes) ou les thérapeutiques anti-rejet de greffe (ciclosporine) peuvent retarder l’éruption des dents temporaires. Une gingivectomie peut faciliter l’éruption de ces dents temporaires.
• Obstacles tumoraux – Le kyste péricoronaire d’éruption se développe à partir du sac folliculaire de la dent en cours d’éruption, et se traduit par une tuméfaction gingivale bleuâtre indolore. Il atteint le plus souvent les deuxièmes molaires ou les incisives centrales temporaires et disparaît spontanément lorsque la dent fait éruption. Toutefois, la marsupialisation de ce kyste peut accélérer sa guérison dans les cas de surinfection (fig 3). – Les améloblastomes sont des tumeurs épithéliales bénignes ayant tendance à récidiver.
Anomalies de l’éruption
Stomatologie/Odontologie
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Dyplasie ectodermique anhidrotique chez un enfant de 3 ans caractérisée par une hypodontie et des retards d’éruptions.
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– La dysostose cléidocrânienne ou maladie de Pierre Marie Foy et Sainton est une affection à transmission autosomique dominante. Le crâne est élargi, la face est réduite et les clavicules sont hypoplasiques. Si l’éruption de la denture temporaire est retardée, la denture permanente présente de nombreux germes surnuméraires, les kystes péricoronaires et les inclusions dentaires sont fréquentes [17]. – La maladie de Lobstein est une des formes de l’ostéogenèse imparfaite.
• Étiologies carentielles [5, 32, 35] Ce sont : – les carences en vitamine A ; – L’épulis, granulome hyperplasique, peut se développer au cours de l’évolution d’une dent temporaire et gêner son éruption. Son traitement est l’excision.
• Obstacles dentaires – Les dysmorphoses dentomaxillaires : la dysharmonie dentomaxillaire par macrodontie relative existe en denture temporaire et peut être responsable de retards d’éruption. – Les dents surnuméraires sont de véritables obstacles sur le trajet d’éruption des dents temporaires. – Les odontomes sont aussi des obstacles capables de gêner l’éruption des dents temporaires.
• Obstacles osseux – Le chérubisme est une expansion progressive des maxillaires par apposition de tissu fibreux radioclair multiloculaire. Cette dystrophie osseuse a une transmission autosomique dominante. – L’hémiatrophie faciale, affection très rare d’origine inconnue, est caractérisée par une atrophie de la peau, des muscles et des os qui s’étend à l’hémiface. Les retards d’éruption et les inclusions dentaires sont nombreux.
– les carences en vitamine D ; – le rachitisme vitamino-D résistant.
• Étiologies endocriniennes [5, 36] Ce sont : – l’hypopituitarisme ; – l’hypothyroïdie ; – l’hypoparathyroïdie. Parmi les retards d’éruption des dents temporaires, il faut également citer les enfants prématurés et avec un faible poids de naissance [41]. Enfin, dans certains cas, aucune étiologie locale, systémique ou génétique n’a pu être déterminée (fig 5) [32].
¶ En denture permanente Les retards d’éruption en denture permanente peuvent concerner une seule dent. Ils sont alors d’étiologie locale et ce sont les plus fréquents, mais ils peuvent également atteindre un groupe de dents ou toute la denture. Dans ce cas, leurs causes sont systémiques ou génétiques. Étiologies locales [5, 23, 28, 36]
Étiologies générales
• Anomalie du germe
• Étiologies génétiques [13, 14, 36]
Une anomalie du germe lui-même peut être responsable d’un retard d’éruption. Ces anomalies sont constitutionnelles ou acquises ; en particulier, les traumatismes en denture temporaires ont souvent pour séquelles des retards d’éruption des dents permanentes.
– Le syndrome de Papillon-Léage et Psaume ou syndrome orodigito-facial type I, à transmission dominante liée à l’X, associe aux retards d’éruption des dents temporaires une hypodontie des incisives latérales mandibulaires, une hypertrophie des freins labiaux, une fente palatine, des malformations des doigts (syndactylie, brachydactylie) et un retard mental. – Dans le syndrome de Gardner ou polypose adénomateuse familiale, de nombreuses dents temporaires restent très souvent incluses. – Dans le syndrome de Down ou trisomie 21, non seulement l’éruption des dents temporaires est retardée, mais la séquence d’éruption de ces dents est également perturbée [10] . D’autres anomalies buccodentaires sont fréquentes (macroglossie, hypodontie, microdontie, bruxisme, dyskinésie buccolinguale…) à côté d’anomalies systémiques, cardiaques, neurologiques, hématologiques… – La dysplasie ectodermique anhidrotique ou maladie de ChristSiemens-Touraine est une affection caractérisée par la triade hypotrichose (cheveux, poils, cils et sourcils rares), hypohidrose (absence partielle ou totale des glandes sudoripares) et hypodontie où les retards d’éruption sont très fréquents (fig 4) [37]. – Dans l’achondroplasie ou nanisme par insuffisance de croissance endochondrale, les enfants présentent un hypodéveloppement de l’étage moyen de la face, un encombrement antérieur, de nombreuses malocclusions et des retards d’éruption des dents temporaires [14]. – La maladie d’Albers-Schoenberg est une ostéopétrose associant à l’ostéosclérose une anémie hypochrome avec hépatosplénomégalie.
• Obstacles gingivaux Les obstacles gingivaux à l’éruption de la denture permanente sont les mêmes qu’en denture temporaire : l’hyperplasie congénitale de la gencive et l’hyperplasie gingivale médicamenteuse (hydantoïnes, ciclosporine).
• Obstacles dentaires L’avulsion précoce de la dent temporaire (traumatisme, pathologie carieuse), avant que l’édification radiculaire de la dent permanente n’ait atteint la moitié de sa longueur définitive, entraîne un retard d’éruption de cette dent permanente lié à la cicatrisation osseuse et fibromuqueuse de l’alvéole. Une alvéolectomie d’induction peut être nécessaire pour faciliter l’éruption de cette dent permanente. Les pertes d’espace liées aux avulsions trop précoces des dents temporaires sans pose de mainteneur d’espace, en particulier, l’avulsion précoce des deuxièmes molaires temporaires, entraînent la mésioversion des premières molaires permanentes et l’inclusion des deuxièmes prémolaires à la mandibule (fig 6) et des canines ou deuxièmes prémolaires au maxillaire. La persistance de la dent temporaire sur l’arcade au-delà de sa date physiologique de chute qui peut s’observer dans les cas d’ankylose (fig 7) ou de retard de rhizalyse constitue également un obstacle. Les dysmorphoses dentomaxillaires, en particulier l’encombrement de la dysharmonie dentomaxillaire par macrodontie relative, peuvent être responsables de retards d’éruption des dents permanentes. 5
Anomalies de l’éruption
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Stomatologie/Odontologie
7
Ankylose de la molaire temporaire (75).
* A
8
Germe surnuméraire responsable d’un retard d’éruption de la 35.
* B 9 Mesiodens responsable d’un retard d’éruption de la 21.
* C 5
A. Retard d’éruption des dents temporaires et permanentes sans étiologie précise chez un enfant de 8 ans. B, C. Reconstitutions tridimentionnelles réalisées par le professeur Demars et le professeur Fortier à partir d’un examen tomodensitométrique effectué au centre d’imagerie médicale numérisée des docteurs Castro et Gombergh (Paris). On constate que les secondes prémolaires maxillaires et mandibulaires ont pris une position plus superficielle que les secondes molaires temporaires qui sont incluses.
10 6
Retard d’éruption de la 45 lié à la mésioversion de la 46 après perte précoce de la 85 non compensée par un mainteneur d’espace.
Odontome responsable d’un retard d’éruption de la 21.
La présence de dents surnuméraires peut retarder l’éruption des dents permanentes, en particulier les mésiodens du secteur incisif (fig 8, 9). De même, les odontomes peuvent retarder l’éruption des dent permanentes (fig 10).
• Obstacles tumoraux Le kyste radiculodentaire de la dent temporaire nécrosée et l’infection parodontale qui en découle peuvent entraîner des 6
troubles de la rhizalyse et retarder l’éruption de la dent sous-jacente ou déplacer le germe de la dent successionnelle (fig 11).
Anomalies de l’éruption
Stomatologie/Odontologie
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Kyste radiculodentaire de la dent temporaire nécrosée (51) responsable d’un retard d’éruption et de la rotation du germe de la dent successionnelle (11).
* A
* B
12
Kyste folliculaire développé aux dépens de la 35, ayant entraîné le déplacement et le retard d’éruption du germe de la 35, ainsi que la résorption de la racine mésiale de la 36.
Le kyste folliculaire développé aux dépens du sac folliculaire de la dent permanente est le plus souvent d’origine infectieuse (piqûre septique lors d’un traitement endodontique de la dent temporaire). Les contraintes mécaniques par manque de place peuvent aussi être la cause de développement de kystes folliculaires sur les canines maxillaires. Pour les kystes de petit volume, l’avulsion de la dent temporaire est suffisante. En revanche, lorsque le kyste s’étend autour des germes voisins, l’exérèse chirurgicale de la membrane kystique est nécessaire (fig 12, 13). Le kyste péricoronaire d’éruption est moins fréquent en denture permanente qu’en denture temporaire ; il a le même aspect clinique (cf fig 3) et provoque lui aussi un retard d’éruption. Il en va de même pour les tumeus odontogènes, parmi lesquelles les améloblastomes [34]. Obstacles osseux Comme en denture temporaire le chérubisme et l’hémiatrophie faciale, les obstacles osseux sont responsables de nombreux retards d’éruption des dents permanentes. Étiologies générales [5, 23, 28, 36, 38] Lorsque le retard d’éruption intéresse l’ensemble de la denture permanente, il faut plutôt rechercher une cause générale ; elles peuvent être nombreuses : – les étiologies endocriniennes sont les mêmes qu’en denture temporaire : l’hypothyroïdie, l’hypopituitarisme, l’hypoparathyroïdie, mais il faut aussi noter des retards d’éruption dans les cas d’hypogonadisme ; – les étiologies carentielles, les carences en vitamines A et D (le rachitisme) comptent parmi les causes systémiques les plus fréquentes des retards d’éruption en denture permanente ;
* C 13
A. Volumineux kyste folliculaire développé aux dépens de la 35 après une thérapeutique endodontique de la 75 chez un enfant de 8 ans. B. Cliché mordu-occlusal de ce même kyste folliculaire. C. Cicatrisation à 5 ans, après exérèse chirurgicale du kyste, l’éruption des 35 et 45 a pu s’effectuer normalement.
– les étiologies génétiques ; de très nombreux syndromes, dont la plupart ont déjà été évoqués pour la denture temporaire, sont également associés à des retards d’éruption en denture permanente : – le syndrome de Down ou trisomie 21 ; – le syndrome de Turner (XO) ; – le syndrome de Gardner ou polypose adénomateuse familiale ; – la dysostose cléidocrânienne ou maladie de Pierre Marie Foy et Sainton ; – la dysplasie ectodermique anhidrotique ou maladie de ChristSiemens-Touraine (cf fig 4) ; – le syndrome d’Hutchinson-Gilford ou progéria (nanisme et pseudosénilité), souvent associé à des retards dentaires, des dyplasies dentinaires ainsi qu’à des anomalies de position (dystopies) ; 7
Anomalies de l’éruption
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Stomatologie/Odontologie
– le syndrome tricho-rhino-phalangien de type I et II ; – le syndrome de Rothmund-Thomson ou poïkilodermie congénitale ; ce syndrome associe des dents surnuméraires ou des agénésies, des retards d’éruption, ainsi qu’un hypogonadisme et une cataracte bilatérale ; – le syndrome de Papillon-Léage et Psaume et le syndrome de Mohr (syndrome oro-digito-facial de type I et II) ; – le syndrome d’hyperimmunoglobulinémie E, syndrome d’immunodéficience transmis selon le mode autosomique dominant associé à un retard de résorption des dents temporaires responsable secondairement de retards d’éruption des dents permanentes [31] ;
* A
– la dysplasie craniométaphysaire, anomalie osseuse causée par un dysfonctionnement des ostéoclastes, est caractérisée par une sclérose des maxillaires, ainsi que des retards d’éruption [15] ; – le syndrome de Fairbanks ou la dysplasie ostéoglophonique ; – les syndromes présentant une fibromatose gingivale : syndromes de Murray-Puretic-Drescher, de Rutherfurd, de Cross, de Laband et de Ramon ; – les mucopolysaccharidoses de type VI (syndrome de Maroteaux-Lamy), I-H (maladie de Hurler) et II (maladie de Hunter) ; – la mucolipidose I ; – la mannosidose ; – l’aspartylglycosaminurie.
* B 14
A. Retards d’éruption et inclusion des molaires permanentes chez une jeune fille de 18 ans affectée du syndrome d’Albright ou pseudohypoparathyroïdie. B. Vue clinique de l’arcade maxillaire de cette même patiente. Noter l’arrêt de l’éruption de la 26.
– le syndrome de Bloch-Sulzberger ou « incontinentia pigmenti » ; cette affection serait transmise selon un mode dominant lié à l’X ; elle associe aux retards dentaires une oligodontie, des lésions vésiculeuses, verruqueuses et pigmentées cutanées, des anomalies du système nerveux, des yeux et du squelette ; – le syndrome d’Apert ou acrocéphalosyndactylie, associant une craniosynostose, des syndactylies des pieds et des mains, des synostoses diverses, ainsi que de fréquents encombrements dentaires [18] ; – la maladie d’Albers-Schoenberg ou ostéopétrose ; – le syndrome d’Andersen Pindborg ou syndrome GAPO ; ces enfants présentent une absence d’éruption des dents permanentes, un retard de croissance sévère, une alopécie, une craniosténose et une atrophie optique ; cette affection a une transmission autosomique récessive ; – le syndrome de Gorlin-Chaudhry-Moss associant une craniosynostose, une hypoplasie de l’étage moyen facial, une hypertrichose, des anomalies cardiaques et des organes génitaux ; – le syndrome de Dubowitz : retards dentaires, microcéphalie, retard mental et courte stature sont les principales caractéristiques de ce syndrome ; – l’amélogenèse imparfaite ou « amelogenesis imperfecta » ; aux anomalies de l’émail sont associées des retards dentaires ; – le syndrome d’(Axenfeld-)Rieger ; oligodontie et multiples retards dentaires sont associés à une dysgénésie mésodermique primaire de l’iris ; – le syndrome de Romberg ou atrophie hémifaciale ; – le syndrome de Lowry-MacLean ; retards dentaires, craniosynostose, retard mental, glaucome, fente palatine et anomalies cardiaques sont fréquents ; – le syndrome d’Albright ou pseudohypoparathyroïdie (fig 14A, B) ; 8
EXFOLIATION PRÉMATURÉE DES DENTS TEMPORAIRES ET PERMANENTES
La cause la plus fréquente de la perte précoce d’une dent temporaire reste la maladie carieuse non traitée et son évolution avec atteinte pulpaire puis parodontale. Les dysharmonies dentomaxillaires par macrodontie relative sont également génératrices d’exfoliations prématurées des dents temporaires. En effet, il n’est pas rare de voir dans ce cas l’éruption d’une seule dent permanente associée à la résorption de deux dents temporaires par manque de place, accélérant ainsi la séquence d’exfoliation des dents temporaires. Outre ces étiologies locales, il faut citer les étiologies générales : le diabète insulinodépendant responsable de rhizalyses accélérées des dents temporaires [30], la folliculite expulsive de Capdepont et l’ostéomyélite du nourrisson (cf supra) sont responsables de l’élimination des dents temporaires immatures, à l’état de germes, après une éruption prématurée. Enfin, ces exfoliations précoces de dents temporaires font partie du tableau clinique d’un certain nombre de maladies responsables d’atteintes parodontales sévères : les dysplasies dentinaires de type I, les histiocytoses X, le chérubisme, l’hypophosphatasie (déficit congénital en phosphatases alcalines responsable d’une hypoplasie parodontale et d’un défaut de structure cémentodentinaire), le syndrome de Chediak-Higashi (à transmission autosomique récessive et caractérisé par une anomalie leucocytaire et une sensibilité accrue aux infections), la maladie de Swift-Feer (intoxication mercurielle), le syndrome de Papillon-Lefèvre (hyperkératose palmoplantaire associée à une parodontopathie sévère), le syndrome de Thanos (ou syndrome de Pederson) et, enfin, la maladie de Takahara (ou acatalasie) qui présente une nécrose gangréneuse des procès alvéolaires [5, 21, 28, 36]. Concernant les dents permanentes, les causes locales d’exfoliation précoce sont infectieuses ou tumorales. Elles sont nombreuses et variées, mais ne font pas l’objet de cet article, tandis que les causes générales sont plus rares ; parmi celles-ci, le syndrome de PapillonLefèvre, le syndrome d’Ehlers-Danlos type VIII et l’acro-ostéolyse. EXFOLIATION RETARDÉE DES DENTS TEMPORAIRES
Quand ce phénomène concerne l’ensemble de la denture temporaire, il est d’étiologie générale. Ainsi, il accompagne certains syndromes : le syndrome de Down (trisomie 21), la dysostose cléidocrânienne
Stomatologie/Odontologie
Anomalies de l’éruption
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* A 15
Retard d’exfoliation des dents temporaires et retard d’éruption des dents permanentes chez une jeune fille de 15 ans. Aucune étiologie locale, systémique ou génétique n’a été mise en évidence.
16
A. Ankylose des molaires temporaires (54, 65, 74, 75, 84 et 85) chez un enfant de 8 ans. B. Vue clinique de la 65 ankylosée chez ce même patient.
(maladie de Pierre Marie Foy et Sainton) et fait aussi partie du tableau clinique de l’hypopituitarisme. Toutefois, dans certains cas, aucune étiologie locale, systémique ou génétique n’a pu être déterminée (fig 15) [5, 23, 28, 36]. Localisé à une seule dent temporaire, son étiologie est alors locale. Les causes de la chute retardée d’une dent temporaire peuvent être variées : – l’agénésie de la dent successionnelle ; dans ce cas, la dent temporaire ne subit pas de résorption et peut rester sur l’arcade pendant de nombreuses années ; – l’éruption ectopique de la dent successionnelle retarde la résorption de la dent temporaire ; ainsi, dans les cas de dysharmonie dentomaxillaire par macrodontie relative, l’éruption vestibulaire de la canine maxillaire permanente ou l’éruption linguale des incisives mandibulaires permanentes sont accompagnées d’un retard de chute des dents temporaires concernées ; de même, la position excentrique du germe de remplacement peut entraîner une résorption asymétrique d’une seule racine d’une molaire temporaire et retarder ainsi son exfoliation ; – l’ankylose des dents temporaires est relativement fréquente et affecte souvent plusieurs molaires de manière symétrique chez un même enfant (fig 16) ; cette affection peut se rencontrer très tôt chez des enfants de 3 ou 4 ans mais se rencontre le plus souvent entre 8 et 12 ans et concerne jusqu’à 10 % des enfants de cette classe d’âge [21] ; l’étiopathogénie de ce phénomène est mal connue, une tendance familiale héréditaire est souvent mise en cause ; de plus, des facteurs locaux comme les malocclusions ou des forces masticatrices excessives seraient favorisants [22]. Du point de vue histologique, ces dents temporaires sont généralement ankylosées : on note une fusion entre le cément et l’os alvéolaire. De plus, la rhizalyse de ces dents est retardée. Cliniquement, tandis que la croissance alvéolaire verticale se produit au niveau des dents adjacentes, les dents ankylosées restent en infraclusion. Les conséquences sont un retard d’éruption de la dent successionnelle, des versions des dents voisines, en particulier des premières molaires permanentes, ainsi que la persistance d’une déglutition dysfonctionnelle par interposition linguale. La thérapeutique dépend de la présence ou non du germe de la dent successionnelle. Dans le cas d’agénésie de ce germe, une consultation d’orthopédie dentofaciale s’impose. Dans le cas contraire, après une phase de surveillance, il peut être nécessaire d’avulser ces dents ankylosées afin d’éviter les malocclusions ultérieures et les difficultés techniques liées à une avulsion trop tardive.
* B
Anomalies topographiques de l’éruption Les anomalies de l’éruption peuvent être d’ordre topographique, responsables de dystopies primaires, c’est-à-dire d’anomalies de position dentaires. Les dystopies primaires comprennent les ectopies, les rotations, les transpositions, ainsi que les anastrophies. Les dystopies peuvent également être secondaires. D’origines diverses, elles sont liées à des anomalies des muqueuses (comme l’hypertrophie d’un frein), à des anomalies de fonctions orofaciales qui, en perturbant l’équilibre du canal musculaire dans lequel font éruption les dents, en perturbent la position. Enfin, de très nombreux syndromes sont associés à des dystopies et malocclusions. Ces dystopies secondaires ne font pas partie des accidents de dentition et seules les dystopies primaires sont abordées dans cet article. ECTOPIE
La dent ectopique fait éruption dans un site plus ou moins éloigné de la normale. Les dents affectées sont les dents permanentes et la cause la plus fréquente est l’encombrement. Les canines maxillaires, par manque de place, peuvent faire éruption dans la région palatine ou vestibulaire mais aussi évoluer vers la cavité nasale ou orbitaire. Les premières molaires permanentes maxillaires peuvent faire une éruption mésiale, entraînant la résorption de la racine distale de la deuxième molaire temporaire (fig 17). Quant aux incisives mandibulaires, elles font éruption en position linguale. Les troisièmes molaires ont souvent une position ectopique : dans la branche montante pour les dents mandibulaires ou dans le sinus maxillaire pour les dents maxillaires. Les dents surnuméraires sont souvent responsables d’ectopies des dents permanentes, en particulier les mesiodens dans les secteurs antérieurs (fig 18). Les fentes palatines sont également causes d’encombrements et de malpositions dentaires. Enfin, le développement d’un kyste folliculaire (cf fig 12) ou les traumatismes peuvent avoir pour séquelle une ou plusieurs ectopies. 9
Anomalies de l’éruption
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Stomatologie/Odontologie
Accidents d’éruption : éruptions difficiles Outre les anomalies chronologiques et topographiques, il existe d’autres complications des éruptions : ce sont les éruptions difficiles ou les accidents de dentition qui présentent divers signes cliniques et peuvent intéresser les deux dentitions. ACCIDENTS DE LA DENTITION TEMPORAIRE
17
Première molaire permanente maxillaire (26) ectopique entraînant la résorption de la racine distale de la deuxième molaire temporaire (65).
18 Germe surnuméraire dans la région incisive maxillaire responsable d’une ectopie de la 51.
Les signes cliniques du syndrome d’éruption des dents temporaires ou teething syndrome sont en général bénins et locaux et/ou régionaux, plus rarement généraux [28] . Ces signes cliniques apparaissent brutalement et cessent dès que la dent temporaire apparaît sur l’arcade. Ils peuvent se reproduire lors des différentes éruptions. Plusieurs théories permettent d’expliquer ces manifestations cliniques d’une éruption difficile [23] : – la théorie infectieuse : les troubles locaux sont observés lors d’une infection du sac péricoronaire par la voie du canal gubernaculaire après effraction de la gencive ; – la théorie réflexe : l’irritation du nerf trijumeau provoque par voie réflexe les différentes manifestations régionales et générales. L’hygiène et les conditions de vie peuvent être des facteurs aggravants.
¶ Signes locaux
19
Transposition de la canine maxillaire (13) et de la première prémolaire (14).
[23, 35]
Prurit gingivodentaire C’est la complication la plus fréquente et la plus bénigne. L’enfant mordille souvent et fortement un objet ou un doigt, il présente une hypersialorrhée et sa muqueuse gingivale est rouge et tuméfiée. Ces signes rétrocèdent dès que la dent fait éruption. Un simple gel anesthésique peut soulager l’enfant. Péricoronarite
ROTATION
La dent est en position normale sur l’arcade mais elle a subi une rotation de 45° à 180° autour de son axe longitudinal. Cette anomalie topographique est rare. Elle affecte principalement les deuxièmes prémolaires maxillaires et mandibulaires, les incisives latérales et les premières molaires maxillaires. Ces rotations sont secondaires à des traumatismes, à des pertes précoces de dents temporaires, à un encombrement ou à la présence de dents surnuméraires. TRANSPOSITION
La transposition correspond à la permutation des positions de deux dents souvent adjacentes ; c’est une forme rare de dystopie primaire. Cette anomalie affecte la denture permanente et le cas le plus fréquent est la transposition de la canine et de la première ou deuxième prémolaire maxillaire (fig 19). La canine mandibulaire est parfois concernée, surtout dans les cas d’agénésie des incisives mandibulaires. Les transpositions multiples sont exceptionnelles. L’étiologie de ces transpositions peut être génétique (anomalie de position du germe), en relation avec des agénésies ou un germe surnuméraire, ou encore liée au développement d’un kyste odontogène [3]. ANASTROPHIE
Cette anomalie rare correspond au retournement du germe, racine en direction buccale, tandis qu’il est à sa place sur l’arcade. Les mesiodens sont le plus souvent concernés. Dans ce cas, leur éruption est impossible, le germe reste inclus. 10
La péricoronarite est d’abord congestive, les signes inflammatoires locaux sont très marqués, les gencives sont tuméfiées, rouges et douloureuses, l’hypersialorrhée est importante. Cette péricoronarite peut également s’accompagner de fièvre, de diarrhée et d’adénopathies ; l’enfant est agité et dort très peu. L’évolution peut être la suppuration, avec la formation d’un véritable abcès autour de la dent en éruption, les signes généraux étant plus marqués. Le traitement est symptomatique : anti-inflammatoires, antipyrétiques et gels anesthésiques. Gingivites ulcéronécrotiques ou suppurées Ces affections sont rares en denture temporaire. Leurs manifestations locales sont sérieuses : décapitation des papilles interdentaires, saignements et tuméfactions douloureuses des gencives. Les signes généraux sont également marqués : asthénie, fièvre et adénopathies. Une antibiothérapie est nécessaire en plus du traitement symptomatique. Kyste péricoronaire d’éruption Il se développe à partir du sac folliculaire de la dent temporaire et se traduit par une tuméfaction gingivale bleuâtre, indolore et fluctuante (cf fig 3). Il atteint le plus souvent les deuxièmes molaires ou les incisives centrales et disparaît spontanément lorsque la dent fait éruption. Toutefois, la marsupialisation de ce kyste peut accélérer sa guérison dans les cas de surinfection. Folliculite expulsive de Capdepont Cette affection rare, où l’infection du follicule de la dent temporaire par voie gingivale entraîne l’expulsion prématurée du germe, peut être accompagnée de signes généraux graves : fièvre, diarrhée, asthénie.
Stomatologie/Odontologie
Anomalies de l’éruption
¶ Signes régionaux Ils sont fréquents ; il s’agit d’érythroses jugales (l’enfant a les joues très rouges), de larmoiements, d’hydrorrhée nasale, d’hypersialorrhée ou d’adénopathies cervicales.
¶ Signes généraux Ils sont beaucoup plus rares en denture temporaire, mais peuvent être de diverse nature : érythème fessier, asthénie et insomnie, irritabilité, fièvre, crises convulsives, perte d’appétit, diarrhées, vomissements ou troubles respiratoires comme la toux sèche, la bronchite ou l’asthme. ACCIDENTS DE LA DENTITION PERMANENTE
[23, 35, 36]
Les accidents de dentition des dents permanentes ou « dentitio difficilis » les plus fréquents concernent les troisièmes molaires mandibulaires ou dents de sagesse mandibulaires et plus rarement les autres dents permanentes. Ces accidents sont infectieux dans la majorité des cas.
¶ Accidents infectieux L’accident infectieux le plus fréquent est la péricoronarite ; elle est congestive puis suppurée. L’infection du sac péricoronaire de la dent en cours d’éruption, comme en denture temporaire, est caractérisée par une inflammation de la muqueuse qui est rouge, œdématiée et douloureuse. Cette péricoronarite est la lésion initiale d’où peuvent découler tous les autres accidents. Le traitement est symptomatique : anti-inflammatoires, antalgiques et antiseptiques locaux. Dans les cas les plus graves, l’antibiothérapie peut être nécessaire. La stomatite odontiasique est une atteinte plus généralisée ; c’est une hémistomatite d’aspect ulcéromembraneux. Le traitement associe l’antibiothérapie ainsi que les anti-inflammatoires, antalgiques et antiseptiques locaux. La cellulite est souvent une complication locorégionale de la péricoronarite de la troisième molaire mandibulaire par infection du tissu cellulaire périmandibulaire. Elle peut être jugale, pelvibuccale, sus-amygdalienne ou localisée au pilier antérieur du voile du palais. Son évolution est l’abcédation, avec une forme particulière : l’abcès migrateur buccinatomaxillaire de Chompret-L’Hirondel, collection suppurée vestibulaire antérieure, située au niveau des prémolaires. Les cellulites et abcès de la fosse ptérygomaxillaire ou temporale accompagnant l’évolution des dents de sagesse maxillaires sont très rares, mais gravissimes. Ces accidents sont accompagnés de signes régionaux (trismus, adénopathies) ou généraux (fièvre, asthénie). L’antibiothérapie et les traitements symptomatiques sont indispensables. Les complications osseuses sont exceptionnelles ; ce sont les ostéites locales ou les ostéomyélites diffuses.
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Les complications générales sont rares, elles sont représentées par les infections focales, ophtalmologiques, rénales, cardiaques, articulaires ou hépatiques. Elles sont liées à une bactériémie ou, exceptionnellement, à une septicémie. Outre ces accidents infectieux, des accidents mécaniques, tumoraux, nerveux, voire réflexes peuvent accompagner l’éruption des dents de sagesse mandibulaires : – les accidents mécaniques : – les ulcérations jugales ; – les déplacements dentaires d’encombrements antérieurs ;
parfois
responsables
– la résorption de la racine distale de la seconde molaire mandibulaire ; – les caries distales coronaires ou coronoradiculaires de la seconde molaire mandibulaire ; – les accidents tumoraux : – les kystes péricoronaires d’éruption, les kystes marginaux et les kystes dentigères, tous des tumeurs bénignes, rencontrées le plus souvent aux dents de sagesse mandibulaires ; – les accidents nerveux et réflexes ; ils seraient liés à une irritation trijéminosympathique, leurs aspects cliniques sont divers : – musculaires : trismus, parésies, spasmes ; – trophiques : pelade, zona, herpès ; – vasomoteurs : sialorrhée, larmoiements, hydrorrhée nasale, érythème, acouphènes ; – neurologiques : hypoesthésies.
Conclusion Les accidents de dentition ou accidents d’éruption, qu’ils concernent les dents temporaires ou les dents permanentes, sont de formes cliniques et d’étiologies diverses et variées. Leur dépistage précoce peut permettre non seulement d’éviter certaines complications ultérieures comme les inclusions dentaires ou les malocclusions, mais peut aussi parfois être à l’origine du diagnostic d’une pathologie générale de l’enfant. Un examen clinique et radiographique, orthopantomogramme et rétroalvéolaire, minutieux et systématique, ainsi que l’établissement de visites de contrôle biannuelles, sont autant d’éléments qui permettent un diagnostic précoce des anomalies de l’éruption et leur prise en charge pluridisciplinaire. Lors de l’examen d’un enfant, la prévention doit être l’objectif principal du praticien afin de favoriser non seulement la croissance craniofaciale de cet enfant, mais aussi l’établissement de sa denture permanente, de son occlusion et de ses fonctions orofaciales dans les meilleures conditions, assurant ainsi son avenir buccodentaire.
Références ➤
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Anomalies de l’éruption
Stomatologie/Odontologie
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-032-H-10
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Anomalies dentaires JC Ajacques
Résumé. – De nombreuses anomalies du système dentaire (éruption, forme, nombre, structure) relèvent d’un mécanisme génétique dont les acteurs et les modalités sont de mieux en mieux connus. Des troubles systémiques peuvent aussi être responsables de situations pathologiques qui perturbent les facteurs fondamentaux de l’odontogenèse. À un catalogue clinique déjà anciennement établi, il faut ajouter les données contemporaines de la génétique moléculaire et de la biologie. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : odontogenèse normale, odontogenèse pathologique, histopathologie, génétique.
Introduction L’anomalie constitue une irrégularité, une déviation par rapport à ce qui est habituel ou considéré comme tel. De ce point de vue, le système dentaire est défini par des normes qui concernent le nombre de dents, leur forme, leur situation sur l’arcade, la constitution histologique de chacune, et il n’est pas jusqu’à l’éruption, phénomène physiologique dont le temps est un facteur intrinsèque, qui ne se déroule d’habitude dans un cadre chronologique précis aux limites spécifiques. Face à un catalogue qui répertorie ainsi l’ensemble des variations de morphologie, les agénésies plus ou moins sévères, les altérations structurales familiales, les écarts d’apparition sur l’arcade, la recherche contemporaine, avec la biologie moléculaire et la génétique, a permis un progrès immense dans la connaissance des origines et du développement du système dentaire, en ouvrant des voies passionnantes pour expliquer les écarts, les altérations, les déviations de toute sorte, que l’observation clinique avait reconnus depuis longtemps.
Gènes et système dentaire La mise en place et l’élaboration des caractéristiques du système dentaire se trouvent, comme toute l’organogenèse, placées sous contrôle génétique. L’intervention des gènes dans l’odontogenèse a été parfaitement caractérisée par Slavkin, lorsqu’il écrit que celle-ci « résulte d’un système polygénique agissant de manière séquentielle à des périodes critiques et sur des sites privilégiés ». Les données actuelles fournies par la biologie moléculaire et l’embryologie expérimentale confirment cette manière de voir. L’organisation de l’embryon est en effet entièrement dominée dès le début par l’établissement des polarités (rostrocaudale et dorsoventrale) puis la segmentation en territoires, dont le devenir propre est codé par le système régulateur. Interviennent ainsi des
Jean-Claude Ajacques : Stomatologiste, 59, avenue de Saxe, 69003 Lyon, France.
gènes du développement précoce pour l’orientation de l’embryon, des gènes de régionalisation pour l’acquisition de l’identité positionnelle de chaque unité tissulaire organogénétique des métamères, des gènes effecteurs dont l’activation va désigner les phénotypes cellulaires et provoquer l’histogenèse et la morphodifférenciation. ENSEIGNEMENTS DE LA DROSOPHILE ET DES MODÈLES ANIMAUX
C’est par l’étude des mutations dans les modèles animaux qu’on a pu recueillir une grande quantité de données. Le plus ancien et le plus connu de ces modèles est la drosophile. Parmi la dizaine de gènes du développement précoce qui interviennent dans la formation de l’insecte, un des premiers est le gène Bicoïd transcrit par les cellules maternelles, et dont le messager s’accumule dans ce qui deviendra le pôle céphalique de l’œuf. Après traduction, la protéine Bicoïd diffuse le long de l’axe embryonnaire selon un gradient exponentiel décroissant, et sa concentration devient nulle vers le milieu de l’œuf. La mutation de ce gène conduit à des embryons dépourvus de partie antérieure, alors que l’injection de messager chez les mutants restaure le développement de cette région. Au cours de la mise en place de l’axe antéropostérieur, le gène Bicoïd joue donc un rôle morphogène, en contrôlant le développement du pôle céphalique embryonnaire. Il existe de même un gène caudal et un gène dorsal, dont les actions contrôlent l’organisation des régions postérieure et dorsale par un effet de gradient moléculaire comparable. Vers la fin du développement précoce, le blastomère s’organise en compartiments qui sont à la base de la segmentation ultérieure. Celle-ci est également sous le contrôle de gènes de segmentation. Leur clonage a permis de préciser leur action, et l’on a pu ainsi déterminer que les zones d’expression de ces différents gènes correspondent, à la cellule près, à la compartimentation embryonnaire. Mais l’identité finale de chaque segment et son devenir sont définis par les gènes du complexe homéotique HOM-C, dont la séquence est établie et le mode de fonctionnement précisé : il s’agit d’un mécanisme d’activation séquentielle par segment, d’où résulte qu’en
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ajacques JC. Anomalies dentaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Odontologie/Stomatologie, 22-032-H-10, 2002, 19 p.
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Anomalies dentaires
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Odontologie/Stomatologie
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Odontogenèse. Coupe transversale d’un germe de la première molaire de souris. A. Cliché. Coloration à l’hématoxyline. Grossissement × 40. B. Schéma. 1. Améloblastes sécréteurs ; 2. matrice de l’émail ; 3. prédentine ; 4. odontoblastes différenciés.
* A chaque point de l’embryon, la palette des gènes exprimés et les concentrations de leurs produits sont différentes, ce qui se traduit par des phénotypes différents, et donc un devenir particulier. Ainsi, les gènes du complexe homéotique ne fournissent pas seulement une information positionnelle, ils interviennent également dans l’expression de la différenciation cellulaire sur un site précis. CHEZ LES MAMMIFÈRES ET L’HOMME
¶ Homéogènes Par le caractère très conservé des séquences de nucléotides formant les homéoboîtes, les gènes de ce complexe sont retrouvés à travers l’évolution dans toutes les espèces depuis les amphibiens jusqu’à l’homme, avec une homologie de structure et une homologie de fonctions remarquables. Chez les mammifères, les gènes des protéines à homéodomaine sont regroupés en deux familles : les gènes Hox (ou homéogènes) et les gènes à homéoboîtes divergentes. Au nombre de 39, scindés en quatre complexes (Hox A, Hox B, Hox C et Hox D), localisés sur des chromosomes différents, les gènes Hox des mammifères sont caractérisés par leur homologie avec le complexe HOM-C de la drosophile. Leurs domaines d’expression s’établissent très tôt, et s’ordonnent le long de l’axe céphalocaudal selon une « collinéarité spatiale » tout à fait identique à celle de la drosophile, conférant son identité à chaque segment embryonnaire. Chez l’homme, le rhombencéphale se segmente dès le 21e jour en sept rhombomères associés à l’organisation des arcs branchiaux. L’embryologie moléculaire montre, chez l’animal d’expérience, que le domaine d’expression des gènes Hox, déterminé par hybridation in situ, coïncide avec les limites de ces structures, ce qui confirme leur rôle dans la spatialisation [78]. Toutefois, l’expression homéotique dans la désignation du devenir des unités morphogénétiques n’est pas seule en cause : ainsi, la transformation homéotique du deuxième arc branchial (hyoïdien) en premier arc (maxillomandibulaire) chez le mutant Hoxa-2 nul démontre que ces dérivés segmentaires sont homologues sériellement, et que l’expression des gènes Hox autorise l’accomplissement d’un programme morphogénétique précis. En l’absence du gène fonctionnel requis dans ce cas, les cellules des crêtes neurales (CCN) du deuxième arc exécutent le programme ancestral [94]. Les gènes Hox ne sont exprimés dans le neurectoderme qu’à partir du deuxième rhombomère. Ils ne participent pas à la spécification des cellules des crêtes neurales du premier arc pharyngien. Ce rôle est dévolu aux gènes à homéoboîtes divergentes [135].
¶ Gènes à homéoboîtes divergentes Ils sont dispersés dans le génome. Leurs séquences présentent une grande similitude avec celle des gènes homéotiques de la drosophile, et pour ce fait, ils sont dénommés, par homologie avec ceux-ci, Emx, Otx, Msx, Pax… [100]. Leurs profils d’expression et les phénotypes qui résultent de leur perte de fonction [113] illustrent le rôle qu’ils 2
* B jouent dans la désignation des dérivés des crêtes neurales du mésencéphale et du prosencéphale, et dans l’élaboration du système dentaire : chez la souris, l’inactivation conjointe de Msx 1 et Msx 2 conduit à une anodontie. Le mutant Dlx 1/ Dlx 2 nul présente une agénésie sélective des molaires supérieures. L’expression de ces gènes apparaît séquentielle à la fois dans le temps et l’espace, ce qui a conduit à penser qu’il existe un « code combinatoire odontogène d’homéoboîtes » [136] qui désigne la place, la forme et la taille des organes dentaires. Enfin, l’expression séquentielle des homéogènes qui interviennent pour désigner des sites ou spécifier des cellules ectomésenchymateuses, est elle-même soumise à un contrôle de la part de nombreux facteurs, tels les facteurs de croissance, et parmi eux les protéines des groupes des bone morphogenetic proteins (BMP) ou des fibroblast growth factors (FGF) agissant aussi selon un code spatiotemporel [1, 140, 142].
Odontogenèse normale L’odontogenèse résulte des interactions tissulaires entre l’épithélium oral et le mésenchyme dérivé des crêtes neurales au sein des bourgeons maxillaires. L’organe de l’émail provient de l’ectoderme buccal. Les cellules mésenchymateuses à l’origine de la dentine, du ligament et de l’os alvéolaire sont issues des crêtes neurales du mésencéphale postérieur et du rhombencéphale antérieur [64]. Cette notion d’interactions épithéliomésenchymateuses au cours de l’odontogenèse avait été évoquée dès 1981 par Thesleff [133], puis caractérisée par Ruch comme le mécanisme responsable de la morphogenèse et de la cytodifférenciation [119]. À partir de la description de l’organogenèse de la première molaire mandibulaire de souris, on a pu proposer un modèle embryologique de référence, qui permet la caractérisation des déterminants moléculaires, ainsi que l’observation des événements cellulaires et morphologiques séquentiels du phénomène. STADES DE LA MORPHODIFFÉRENCIATION DANS LE MODÈLE ANIMAL (fig 1)
Dès le 8e-9e jour de la neurulation de l’embryon de souris, des contingents de cellules des crêtes neurales, issus des régions caudales du mésencéphale et rostrale du rhombencéphale, migrent à travers les bourgeons maxillaire et mandibulaire pour se différencier en lignées cellulaires mésenchymateuses, et devenir ultérieurement des chondroblastes, des ostéoblastes, de l’ectomésenchyme papillaire dentaire, des odontoblastes et des fibroblastes [87]. Au 10e jour (E10), les bourgeons mandibulaires fusionnent sur la ligne médiane, tandis que quelques contingents de cellules épithéliales d’origine ectodermique prolifèrent, et forment une zone de cinq à six assises cellulaires d’ectoderme oral correspondant aux localisations bilatérales des dents molariformes.
Odontologie/Stomatologie
Anomalies dentaires
Dès le 12e jour de gestation (E12), cet ectoderme buccal s’invagine dans l’ectomésenchyme, pour former la lame dentaire qui délimite les positions des incisives et des molaires. Au 13e jour (E13), la morphogenèse de la première molaire est perceptible et, à E14, l’organe de l’émail se scinde en un épithélium interne (EDI) et un épithélium externe (EDE). Au stade E15–E16, l’organe de l’émail devient concave à l’interface entre EDI de l’émail et zone voisine des odontoblastes présomptifs. Un début de différenciation odontoblastique est rendu évident dès le 16 e jour par l’immunomarquage des phosphoprotéines dentinaires. L’odontogenèse a atteint le stade en cupule. Le dernier état de l’organe en cupule correspond aux stades 24 et 25 de Theiler. La position des cinq cuspides en formation, caractéristiques de la morphologie molariforme, est très visible. L’organe en cloche et les stades suivants voient s’élaborer les régions cuspidiennes et intercuspidiennes au cours des phases néonatale et postnatale du développement. La dentinogenèse de la couronne de la première molaire (M1) s’étend donc du 16 e jour de gestation (cytodifférenciation des odontoblastes) et durant les 12 à 15 premiers jours de la vie postnatale. La biominéralisation est détectable dès le 19e jour de gestation, le long de la région occlusale de la cuspide linguale majeure. L’amélogenèse, définie comme la première expression des protéines de l’émail, commence au 18e jour de gestation, et se poursuit au cours du développement postnatal. La jonction amélodentinaire est visible dès le 20e jour. Enfin, l’élaboration radiculaire (rhyzagenèse) s’étend du 5e au 28e jour du développement postnatal (P5–P28) jusqu’à la mise en fonction de M1, c’est-à-dire le contact occlusal avec la dent maxillaire. DÉTERMINISME DE L’ODONTOGENÈSE
L’odontogenèse résulte donc des interactions entre un épithélium buccal et le mésenchyme environnant. Cette induction est un phénomène séquentiel et interactif, où des informations réciproques fournies par les deux tissus modulent les stades de l’histodifférenciation et de la morphodifférenciation. Dans la placode dentaire, l’épithélium primitif oral constitue un site présomptif. On a supposé que cet épithélium était capable d’instruire l’ectomésenchyme des crêtes neurales et d’induire l’odontogenèse. Des expériences de recombinaisons tissulaires semblaient confirmer ce point de vue. On pense maintenant plus volontiers que les cellules ectomésenchymateuses des crêtes neurales sont subdivisées en clones à potentiel dentaire spécifique et instruisent l’épithélium oral, dont le rôle permissif autorise l’accomplissement de leur programme. À l’appui de cette opinion, on a pu montrer que des CCN postrhombencéphaliques ont aussi un potentiel odontogène, et que l’expression non réprimée de ces cellules est responsable de la formation de dents ectopiques [88].
¶ Spécification des cellules des crêtes neurales La détermination des CCN en clones odontogéniques est le fait d’un mécanisme complexe d’expression différentielle de gènes à homéoboîtes, Dlx’s [ 1 3 7 ] Msx’s [ 1 4 9 ] Lf’s, avant l’initiation de l’odontogenèse et dans ses tout premiers stades. Des souris transgéniques nulles pour les gènes Dlx1 et Dlx2 ne développent aucune molaire maxillaire, alors que les molaires mandibulaires et les incisives sont normales. Des recombinaisons hétérologues entre épithélium et mésenchyme de sujets mutants et normaux ont montré que l’ectomésenchyme sous-jacent à l’épithélium molaire avait perdu son potentiel odontogène au profit d’un phénotype « chondrogénique » préétabli [137] : c’est une présomption du rôle d’homéogènes spécifiques à l’odontogenèse. Il existerait des codes génétiques distincts pour la formation des différents types de dents, avec une expression induite par des signaux épithéliaux.
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Cette spécification des CCN intervient au cours de la formation de l’ébauche dentaire [141], et varie selon le stade embryonnaire. Chez la souris, au stade E10, les cellules mésenchymateuses des crêtes neurales répondent toutes de façon identique à un signal épithélial comme FGF8. Au stade E10,5 le domaine d’expression de ces cellules dépend toujours de l’épithélium, mais est toutefois spatialement délimité dans l’ébauche maxillaire et n’induit plus aucune formation ectopique. Au stade E11 l’ablation de l’épithélium oral n’affecte plus l’expression spatiale des cellules ectomésenchymateuses. De plus, cette expression paraît différer dans l’ébauche maxillaire et mandibulaire puisqu’un épithélium maxillaire ou mandibulaire, indifféremment, peut induire l’expression de Dlx2 et Dlx5 dans la mandibule, ainsi que celle de Dlx2 dans l’ébauche maxillaire, alors qu’aucun des deux n’induit l’expression de Dlx5 dans l’ébauche maxillaire. Du fait que l’action répressive de l’épithélium s’exerce de façon univoque, ces expérimentations montreraient qu’il existe bien une préspécification des cellules mésenchymateuses de l’ébauche maxillaire, qui répondent de manière différente de celles de l’ébauche mandibulaire [40].
¶ Modulation des actions réciproques épithélium/ectomésenchyme Elle semble aussi confirmée par le fait que l’inactivation de Lef1, Pax9, Msx1 et follistatine perturbe la transition bourgeon-capuchon : Lef1 et follistatine sont exprimées dans l’épithélium [75], Pax9 et activine dans le mésenchyme. Des facteurs de croissance tels BMP2, 4, FGF’s sont également impliqués dans ces relations [134].
Morphogenèse et cytodifférenciation Les deux contingents cellulaires (épithélial et ectomésenchymateux) de l’ébauche dentaire interagissent sous le contrôle de la membrane basale continue qui les sépare. Cette médiation matricielle est triple : – régulariser l’apport et la diffusion de facteurs de croissance entre les deux tissus ; – favoriser le modelage morphologique de la dent ; – servir de support d’informations pour la cytodifférenciation des odontoblastes et des améloblastes. La membrane disparaîtra dès l’accession des cellules au stade fonctionnel. MORPHOGENÈSE
La morphogenèse résulte d’événements cellulaires et intercellulaires. C’est, semble-t-il, par des activités mitotiques différentielles et des phénomènes d’apoptose que se constitue le patron de la future dent [81]. Outre cette cynétique, une répartition spatiale des cellules fonctionnelles apparaît propre à chaque dent [81, 82]. L’enamel knot (EK) (zone particulière caractérisée par l’absence de mitoses et une forte incidence d’apoptoses), structure transitoire de la cupule dentaire, y jouerait un rôle en contrôlant la prolifération cellulaire [67]. L’expression localisée de transcrits codant pour FGF4 BMP2 et BMP4 en serait une preuve [144]. Mais ce rôle de l’EK dans la cuspidogenèse est controversé, et les facteurs en cause n’ont pas toujours été retrouvés. Des interactions entre cellules, et entre cellules et substrat, participent aussi au modelage morphologique [19, 35, 74]. Il s’agit d’un mécanisme complexe, qui consiste dans l’expression séquentielle de molécules de liaisons cellulaires transmembranaires, de molécules de liaisons cellulaires de surface, et de molécules de liaison du substrat ou de la matrice extracellulaire. 3
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Crossin et Edelman [29] ont constaté que la glycoprotéine d’adhésion cellulaire est présente dans les cellules des crêtes neurales avant leur migration depuis le neuroépithélium, qu’elle disparaît pendant cette migration, pour réapparaître une fois leur destination atteinte et leur différenciation entamée. Ces molécules (fibronectine, laminine, cytotactine, tenascine) sont exprimées à des moments déterminés et sur des sites définis au cours du développement [30, 132]. La matrice extracellulaire et le cytosquelette des cellules sont en relation étroite : la fibronectine du domaine d’attachement cellulaire se lie à un complexe récepteur spécifique connecté à un réseau de microfilaments intracellulaires sur les sites d’adhésion cellule/substrat [24, 57].
Odontologie/Stomatologie
En même temps que s’élabore le patron dentaire, les cellules compétentes vont acquérir leur phénotype fonctionnel. Cette cytodifférenciation concerne les préodontoblastes voisins de l’épithélium dentaire interne (EDI). Elle a lieu sur l’injonction et le contrôle de nombreux facteurs de transcription et de croissance modulés par la membrane basale.
Une protéine nouvelle, l’améloblastine (ou améline) a été récemment isolée dans différentes espèces [42, 77]. D’un poids moléculaire de 62 kDa, elle est topographiquement restreinte à la zone superficielle du tissu. La tuftéline, bien que non caractérisée, paraît présente à la jonction amélodentinaire [31], de même que la phosphoprotéine dentinaire, autrefois considérée comme spécifique à ce tissu, mais qui a récemment été caractérisée sur ce site [17]. Des enzymes protéolytiques (de la classe des sérines protéases et métalloendoprotéases) ont été vues dans l’émail en formation. Leur distribution dans le temps, comme leur état physique, varient selon le stade de développement, ce qui pourrait indiquer une modulation fonctionnelle : libres, intégrées à la matrice ou liées à la phase minérale. Les unes interviennent dans la protéolyse de manière spécifique, d’autres, en éliminant toute trace protéique dans la trame, assurent une croissance cristalline sans contraintes [22]. Enfin, des sérums protéines (albumine, alpha-2HS glycoprotéines et gammaglobulines) montrent des traces de présence au cours de l’amélogenèse [85].
¶ Dentinogenèse
Dynamique de l’amélogenèse
Par hybridation in situ, on a pu localiser des transcrits de la famille des transforming growth factors (TGF)-b dans l’EDI, des récepteurs dans les préodontoblastes compétents. La surexpression de TGF-b active la synthèse de fibronectine qui, en interaction avec son récepteur, permet la polarisation de l’odontoblaste et la sécrétion de prédentine à son pôle apical. Des mécanismes autocrines et des synergies avec d’autres facteurs circulants paracrines interviennent au sein d’un processus complexe où tous les acteurs et leur rôle ne sont pas toujours élucidés. La dentinogenèse procède en direction apicale. Les odontoblastes élaborent des protéines matricielles, collagènes (type I et type V) et non collagéniques : ostéocalcine, ostéonectine, ostéoporine, protéoglycans, sialoprotéines [25] (présentes aussi dans l’os), ainsi que la phosphoprotéine (PPD) et la sialoprotéine dentinaires propres au phénotype dentinaire [90]. La forte affinité de la PPD avec le calcium confirme son intervention principale dans la nucléation et la croissance du cristal d’hydroxyapatite. Il est important de souligner que l’élaboration de la matrice dentinaire et sa biominéralisation sont pour une part sous contrôle de la vitamine D, peut-être par une action sur la sécrétion de la PPD [18]. Ceci est confirmé par l’expérimentation [159] et la clinique des carences vitaminiques (cf infra).
Le stade initial de la nucléation de la phase minérale se situe à la jonction amélodentinaire. Nous avons vu que sur ce site, sialophosphoprotéine dentinaire et tuftéline étaient présentes [12]. Un réseau d’amélogénines rendues insolubles par la perte du téléopeptide fournit le support matriciel, jusqu’à ce que leur dégradation progressive vers le stade de maturation laisse place aux prismes de l’émail mature. Un mécanisme de contrôle assure aux cristaux une taille et une morphologie régulières. Il est possible que cette modulation soit assurée par des protéines inhibitrices liées aux surfaces cristallines. Les amélogénines (> 20 kDa) et les énamélines de 32 kDa sont candidates à ces fonctions. L’arrêt de la maturation et la constitution d’un tissu immature pourraient être imputables à un défaut de résorption de ces protéines [117]. En même temps, la forte relation entre les amélogénines et la phase minérale assure une protection des surfaces cristallines au cours de leur croissance, et les protège ainsi de l’influence néfaste d’une molécule adventice. L’albumine, inhibitrice de l’hydroxyapatite [ 5 0 ] et présente accidentellement (du fait d’une hyperhémie par exemple) serait ainsi écartée par les protéines spécifiques de la matrice en cours de minéralisation. Certaines protéines, présentes à la phase tout initiale de l’amélogenèse, pourraient être des messagers au cours des interactions épithéliomésenchymateuses : la tuftéline est retrouvée dans la zone de jonction amélodentinaire, et l’améloblastine est exprimée par les cellules épithéliales de la zone de la gaine de Hertwig [43]. Enfin, le processus de sécrétion serait autorégulé par un véritable feedback, dans la mesure où les produits de dégradation des protéines matricielles provoqueraient l’arrêt de ce processus. À l’opposé, la présence d’un taux élevé de protéines inhibitrices de la croissance cristalline pourrait être à l’origine de la formation d’un émail immature, ce qui semble le cas chez l’animal d’expérience, où l’albumine d’origine exogène (dans une situation d’hyperhémie) serait responsable de l’apparition de taches dysplasiques sur l’émail [125].
HISTODIFFÉRENCIATION
¶ Amélogenèse Constituants moléculaires La matrice organique sécrétée par les améloblastes comporte plusieurs classes de protéines. Les amélogénines sont les plus abondantes au début de la phase sécrétoire, et représentent 90 % de la trame [130] . D’un poids moléculaire de 25 kDa (porcine) [46] avec quelques faibles variations dans les espèces, elles sont fortement polarisées par un téléopeptide hydrophile appelé à disparaître progressivement. Elles perdent vite du poids par hydrolyse, de sorte que la couche d’émail interne est dominée par une accumulation d’amélogénines de 20 kDa [23, 41] dont la dégradation se poursuit et conduit à des fragments de 11à 13 kDa très solubles (sauf le TRAP : tyrosine rich amelogenin peptid), puis à de petites chaînes ou à des acides aminés perdus dans le tissu. Les énamélines (terme qui a d’abord désigné les protéines non amélogéniques) sont codées par un gène spécifique, et ont pu être séquencées dans les tissus [47] . Elles constituent l’essentiel de l’armature des prismes [48]. D’un poids initial de 140 à 150 kDa, la molécule est, elle aussi, protéolysée en fragments de 89 kDa puis 32 kDa, qu’on retrouve fortement liés à l’apatite [129] dans les secteurs les plus anciennement élaborés de la matrice. 4
¶ Régulation de l’histogenèse La régulation de l’histodifférenciation des cellules fonctionnelles obéit, semble-t-il, à des gradients spatiotemporels. Déjà, on sait que quatre à cinq cycles mitotiques sont nécessaires avant le début de la différenciation. Par ailleurs, ce sont les effectifs de ces cellules et leur répartition dans l’espace qui concourent au modelage de l’organe dentaire (rôle de l’EK ?). La sortie de ces
Odontologie/Stomatologie
Anomalies dentaires
cellules de leur cycle, contrôlée par une surexpression de kynases cyclines, les rend inaptes à répondre désormais aux stimuli épigénétiques.
Anomalies dentaires ANOMALIES D’ÉRUPTION
L’éruption des dents est un phénomène séquentiel propre à chaque espèce. Ainsi, l’anthropologie comparée nous apprend par exemple que la séquence d’éruption des prémolaires et molaires est du type P2M2 chez le singe, et du type M2P2 chez l’homme. Au-delà de cette spécificité, l’éruption connaît des fluctuations chronologiques individuelles, dont les écarts-types ont été établis depuis longtemps par les chercheurs, et recensés dans des tableaux de références [121]. Il est possible d’évaluer un « âge dentaire » à partir de l’observation de marqueurs physiologiques (stade de maturation radiologique des germes) au même titre que l’âge osseux, mais en fonction d’éléments statistiques valables pour une population homogène donnée [112]. En effet, une certaine variabilité préside à la chronologie globale du phénomène. Des études transversales menées dans des pays différents à des époques différentes, il ressort qu’ici comme ailleurs, dans l’économie de la croissance, le sexe, la race, les conditions géographiques et socioéconomiques pourraient être des facteurs contraignants. Le seul paramètre évident de ces études transversales reste la modification générale de l’âge d’éruption dans le sens d’un retard [61, 147]. Toutefois, cette remarque n’est pas significative pour une échelle chronologique si courte, et les facteurs environnementaux (niveau de vie, régimes alimentaires, etc) y ont sans doute un rôle important. On parle d’anomalie d’éruption lorsque cet événement physiologique survient très en deçà ou très au-delà des âges limites admis d’habitude, après avoir tenu compte de l’existence éventuelle d’un retard de croissance (évalué par l’âge osseux) ou d’un syndrome malformatif à retentissement dentaire reconnu.
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En même temps qu’il migre vers son site sur l’arcade, le follicule élabore sa racine. Cette rhyzagenèse n’est pas, comme on le pensait, une des causes de l’éruption, puisque des dents sans racine parviennent à évoluer [95, 103]. Elle ne fait que l’accompagner. Au stade gingival, la muqueuse orale subit une attaque protéolytique, en même temps que prolifère l’épithélium adamantin. Les deux tissus vont fusionner en un seul épithélium de jonction, à la limite couronne/racine. Sa croissance en direction apicale lui permet de suivre la progression du germe [97]. Quant à l’entité anatomophysiologique desmodontale que représente le ligament alvéolodentaire, avec le cément, la lamina dura et l’os alvéolaire, elle se met en place à l’étape préocclusale de l’éruption. Il est licite de penser qu’à ce moment, la croissance résiduelle de la racine et l’apposition osseuse au pôle apical contribuent à la dynamique du système. Les mécanismes d’organisation du parodonte restent encore assez peu élucidés.
¶ Étude clinique Les anomalies de l’éruption consistent dans la précocité ou le retard d’apparition des dents avec un écart chronologique de plusieurs mois, voire plusieurs années. Elles sont, soit en relation avec une pathologie génétique ou malformative, soit liées à un trouble systémique métabolique ou endocrinien. Précocité Les dents natales, présentes à la naissance, ne constituent pas à proprement parler un cas d’éruption précoce, dans la mesure où il s’agit de formations odontoïdes surnuméraires muqueuses, très peu ou même non calcifiées, vite éliminées, et qui siègent en général à l’emplacement des futures incisives de lait supérieures, mais plus souvent inférieures. En revanche, l’apparition prématurée de dents lactéales n’est pas rare dans quelques syndromes tels que [20, 38] : – le syndrome d’Ellis-Van Creveld ;
¶ Mécanismes biologiques
– le syndrome d’Hallermann-Streiff ;
L’éruption dentaire englobe tous les phénomènes qui accompagnent le mouvement de la dent, depuis son site intraosseux jusqu’à sa position fonctionnelle sur l’arcade dentaire. Cette progression lui fait traverser différentes phases, alvéolaire, gingivale, éruptive préocclusale et postocclusale [98]. Il s’agit d’un processus étalé dans le temps dont les étapes se superposent, en impliquant des tissus différents. La migration intraalvéolaire du germe, l’élaboration radiculaire, l’apparition du ligament parodontal et le modelage osseux sont des événements synchronisés de la même façon que le réarrangement vasculonerveux ou la modification de la muqueuse buccale au moment de l’émergence. La multiplicité des agents concernés rend compte des nombreuses théories émises pour éclairer le mécanisme. Beaucoup sont maintenant abandonnées : pression sanguine, traction des fibroblastes… L’événement le plus important est le phénomène de résorptionapposition osseuse autour du follicule. Les ostéoclastes tracent un passage vers la crête alvéolaire, tandis que se produit une apposition simultanée au pôle apical. C’est le follicule qui est responsable de cette coordination [26, 96]. Il agit par de nombreux médiateurs, enzymes (métalloprotéase) [54] et facteurs de croissance, que met en évidence l’immunolocalisation dans le follicule en culture. Parmi eux, le plus anciennement connu, epidermal growth factor (EGF), stimule in vitro la croissance osseuse par la voie des prostaglandines actives sur la différenciation des ostéoblastes [131, 138]. Interviennent aussi TGF-b [151] et colony stimulating factor (CSF)1 [127]. Ce dernier, avec EGF, renforcerait l’expression du gène c-fos dans le follicule de l’animal d’expérience [152].
– le syndrome pachyonychia congenita ; – le syndrome de Sotos. Deux ordres de mécanismes pathogéniques contribuent à l’apparition précoce des dents sur l’arcade : les uns tiennent à l’environnement osseux et parodontal, les autres reflètent sans doute de façon plus directe l’accélération ou le renforcement de tous les intervenants du processus de l’éruption.
• Exfoliation (fig 2A) L’exfoliation prématurée des dents lactéales et/ou définitives fait partie du tableau clinique de plusieurs maladies de nature différente, mais qui ont en commun une atteinte parodontale grave, osseuse ou inflammatoire : – l’hypophosphatasie, déficit congénital en phosphatases alcalines (autosomique récessif) est responsable, par l’hypoplasie parodontale et le défaut structural cémentodentinaire, de la chute précoce des dents de lait. Il s’agit plus d’une élimination que de l’éruption consécutive des dents permanentes ; – l’histiocytose est une prolifération anarchique de cellules de la lignée histiomonocytaire, dont le résultat est la formation d’un granulome intraosseux. La destruction du système de soutien et la prolifération intragéodique provoquent l’expulsion des dents. C’est pour les mêmes raisons de destruction du parodonte, soit de nature dégénérative dans le syndrome de Papillon-Léage, soit secondaire à l’inflammation et à l’infection du parodonte dans les déficits immunitaires (syndrome de Chediak-Higashi, syndrome de Wiskott-Aldrich) que ces maladies se manifestent par la chute précoce des dents de lait et l’expulsion plus ou moins rapide des germes. 5
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* A • Éruption prématurée L’éruption prématurée sans participation pathologique du parondonte est de nature différente. Les séquences éruptives sont respectées, mais la chronologie est précoce dans certains hyperfonctionnements endocriniens [49] : – puberté précoce ; – hyperthyroïdie. Il est notable que dans ces déséquilibres, l’âge dentaire est avancé, ce qui plaide pour l’hypothèse d’un renforcement de l’action des médiateurs hormonaux sur les étapes de l’odontogenèse et de l’éruption. Le mécanisme responsable est moins évident dans l’angiomatose ou l’hypertrophie hémifaciale, mais il est peut-être lié à l’existence des mêmes éléments de déséquilibre que pour les troubles vasculaires ou trophiques. Retard (fig 2B) Les retards d’éruption relèvent de trois ordres de causes : locales, systémiques ou génétiques.
• Origine locale Les causes locales sont évidentes. Il s’agit d’un obstacle à l’éruption : dents incluses interposées, odontome, kyste plus ou moins volumineux ayant déplacé le germe, réduction de l’espace libre entre deux dents. Mais il s’agit parfois de troubles trophiques dont on devra retrouver l’existence et la nature (traumatisme du germe, irradiation). Ces délais d’éruption n’intéressent en général qu’un secteur des maxillaires.
• Origine systémique Viennent au premier rang les désordres endocriniens. La perturbation est d’ailleurs plus sévère dans le sens du retard, qu’elle ne l’était à l’inverse dans le sens de la précocité. En outre, les dysendocrinies sont beaucoup plus fortement répercutées sur l’âge de maturation osseuse que sur l’âge dentaire et l’éruption. On y trouve : – l’hypogonadisme ; – l’hypothyroïdie, avec des retards dépassant 10 % dans l’athyréose (60 % sur la maturation squelettique). La thyroid stimulating hormone (TSH) contrôle probablement les premiers stades de l’éruption, car chez les enfants hypothyroïdiens, l’organe dentaire reste profondément inclus dans l’os sans évoluer, alors que le stade d’élaboration du germe n’est pas altéré ; – l’hypopituitarisme, où les écarts atteignent 25 % sur l’âge dentaire et 50 % sur l’âge squelettique [49], sans que soit clairement établi le rôle respectif de toutes les stimulines (adrenocorticotrophic hormone [ACTH], growth hormone [GH], thyroid stimulating hormone [TSH], luteinizing hormone-releasing hormone [LH-RH], etc) concernées dans les dysfonctionnements hypothalamohypophysaires. 6
A. Exfoliation des dents définitives chez un enfant de 6 mois atteint d’histiocytose X. B. Ankylose (éruption retardée).
* B Tableau I. – Retard d’éruption de cause génétique. Syndromes - syndrome de Down - syndrome de Turner - syndrome de Gardner - Progeria - incontinentia pigmenti - ostéopétrose d’Albers-Schönberg - syndrome de Gorlin Ensemble syndromiques - avec anomalie de l’émail - amélogenèse imparfaite héréditaire - avec retard de croissance : - syndrome de Rieger - syndrome de Dubowitz - syndrome de Rothmund-Thompson - pycnodysostose - pseudohypoparathyroïdisme (Albright) - rachitisme vitaminodépendant - avec dystrophie ou hyperplasie gingivale - fibromatose de Muray-Puretic-Drescher - syndrome de Rutherford - syndrome de Cross - syndromes oro-facio-digitaux (OFD) I et II - mucopolysaccharidose I (Hunter) - mucopolysaccharidose VI (Maroteau) - mucolipidose I
• Origine génétique Les facteurs génétiques sont impliqués dans les retards d’éruption avec les modèles mendéliens, ou au sein de syndromes chromosomiques. – Modèles mendéliens. (Les abréviations MK suivies d’un nombre désignent le numéro de référence sous lequel figure l’affection dans le catalogue « Mackusik : Mendelian Inheritance In Man. The John Hopkins University Press 9th ed, 1997) ». L’absence d’éruption peut être transmise sur le mode autosomique dominant (MK 12535) [124] ou sur le mode autosomique récessif, avec hypoplasie maxillaire et genu valgum (MK 27305) [128]. L’ankylose dentaire (MK 15795), à transmission autosomique dominante, est secondaire à la fusion os/cément qui empêche la dent d’évoluer avec son soutien parodontal [106]. – Ensembles syndromiques. Les ensembles syndromiques dont le tableau comporte un retard d’éruption sont nombreux, et se regroupent autour de quatre types de défauts : anomalies de l’émail, retard de croissance, hyperplasie gingivale et dystrophies de la muqueuse. Le mécanisme pathogénique est le reflet d’un dysfonctionnement survenu au cours d’une des phases éruptives. Ainsi, dans les anomalies de l’émail, l’exposition directe de la dentine au contact du mésenchyme induit une ankylose radiculaire, ce que Urist a démontré expérimentalement [143]. L’infiltration de la muqueuse orale dans les maladies métaboliques de surcharge, ou les hyperplasies gingivales (génotypiques ou systémiques) constituent un obstacle, par défaut de résorption de l’épithélium. – Les affections génétiques qui comportent des anomalies d’éruption (tableau I).
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* A
* B 4
A. Oligondotie dans un syndrome d’Ellis-Van Creveld. B. Anodontie mendélienne.
¶ Réduction (fig 3, 4, 5)
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Oligodontie d’un syndrome de dysplasie ectodermique.
Éruption dystopique Elle n’intéresse guère qu’une dent, et le plus souvent par manque de place. On a toutefois décrit une forme autosomique dominante pour la M1 maxillaire. Quant à l’anastrophie, elle est réservée au mésiodens qui reste inclus et silencieux dans de nombreux cas.
ANOMALIE DE NOMBRE
La formule dentaire chez l’homme est stable. Elle comporte 20 dents lactéales et 32 dents permanentes. Quatre groupes morphologiques bien distincts se répartissent dans des régions définies et selon une fonction déterminée. Le nombre de dents peut varier, le plus souvent dans le sens d’une diminution. La réduction d’un ou deux éléments est d’observation banale. Plus exceptionnelle est l’absence de nombreuses unités, voire de presque toutes les dents : c’est l’oligodontie, isolée ou syndromique, que Gorlin définit comme « l’absence d’un grand nombre de dents » [53]. Quant à l’augmentation de nombre, ou polyodontie, il s’agit d’un phénomène rare.
L’observation clinique chez un enfant ou un adolescent fait découvrir l’absence sur l’arcade d’une ou plusieurs dents : on doit penser à des raisons simples pour l’expliquer. Il peut s’agir d’un germe permanent inclus, d’un important retard électif de l’élaboration de ce germe. Dans certaines circonstances, celui-ci a pu être éliminé par une infection locale grave, une extraction accidentelle ou prématurée. Dans tous les cas, c’est l’examen radiologique qui confirme l’absence de cet élément et peut amener d’autres découvertes. On peut parler d’agénésie lorsque aucun de ces facteurs étiologiques n’est en cause. De plus, l’oligodontie, comme on l’a vu, concerne le plus souvent plusieurs dents de groupes différents. Agénésie et oligodontie L’absence d’un ou deux éléments dentaires (agénésie partielle, oligodontie) a suscité une abondante littérature. D’un point de vue statistique, il est admis que la dent de sagesse est le plus souvent intéressée par l’agénésie, suivie de la seconde prémolaire inférieure et de l’incisive latérale supérieure. La réduction numérique de la formule dentaire, par disparition de la dernière dent de chaque série, est un trait phylogénétique observé chez les primates au cours de l’évolution. Elle est corrélative de l’enroulement crânien et du raccourcissement de la face qui accompagne ce dernier. La fréquence de l’agénésie de la troisième molaire chez l’homme serait pour certains auteurs en relation avec ce trait phylogénétique. Toutefois, le déterminisme génétique de cette réduction avec agénésie de la troisième molaire n’est pas assuré. Si la réduction de taille des maxillaires est incontestable entre les premiers hominidés (-10 M d’années) et l’homo sapiens (-35 000 ans), les anthropologues ont relevé que cette réduction est encore plus significative depuis 400 ans. Ce changement évolutif est trop rapide pour être le résultat de la seule pression de sélection ou d’un effet de mutation génique, et reconnaîtrait alors une cause environnementale [111]. On note aussi, 7
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– il n’est pas rare de découvrir une ou deux dents incluses ; – dans les syndromes ectodermiques, la part de ce qui revient à la première et à la seconde dentition n’est pas aisée à faire, car les deux phénomènes se recoupent plus ou moins, et la morphologie des organes dentaires présents rend leur détermination incertaine. Quant à l’anodontie, forme extrême de l’agénésie, elle est exceptionnelle. Le premier cas historique connu est sans doute celui de Pyrrhus, roi d’Épire (318-272 avant JC) si l’on se réfère au portrait qu’en a fait Plutarque [109]. La première dentition n’est jamais concernée. En revanche, l’agénésie de la deuxième dentition est totale. Aspects génétiques
• Phénotypes mendéliens
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Hypodontie sévère dans un syndrome aglossie-dactylie.
sans pour autant établir de relation causale entre les phénomènes, que l’incisive latérale maxillaire se situe, du point de vue spatialisation, dans une zone de « non-mort » cellulaire (Couly) où l’absence de coalescence entre les bourgeons faciaux maxillaires et frontal est une cause de fente congénitale. Certains ont voulu donner à cette agénésie de la latérale supérieure valeur d’équivalent mineur d’une fente faciale, ce qui revient à confondre deux anomalies très différentes, car même si des altérations dentaires (gémination de latérales) sont connues dans les fentes labioalvéolaires, les deux processus malformatifs n’ont pas la même origine génétique : l’agénésie de la latérale est régie par une mutation autosomique dominante à forte pénétrance intrafamiliale (MK 15040), et obéit à un mécanisme génétique totalement différent de celui des fentes labiopalatines. L’oligodontie constitue rarement le seul élément du phénotype. Elle est plus souvent syndromique au sein de complexes malformatifs où dominent les « génopathies » ectodermiques. L’expérience clinique permet de dire que plusieurs conditions se retrouvent dans les cas habituels : – le nombre de dents absentes au sein d’un même groupe morphologique est élevé, par exemple quatre à cinq incisives peuvent manquer sur les huit que comporte la formule dentaire ; – les agénésies ne se limitent pas à un seul groupe, et tous peuvent être concernés à un degré plus ou moins grand ; – il est exceptionnel qu’un seul maxillaire soit atteint ; – certains éléments dentaires présents sont volontiers dysmosphiques. Il peut s’agir d’une macrodontie, mais le plus souvent d’une microdontie ; 8
C’est la troisième molaire qui est de loin la plus affectée par l’agénésie (le tiers de la population) et dans ce cas, trois dents au moins sont généralement absentes (MK 1914). La seconde prémolaire est presque aussi souvent concernée d’après Erwin et Cockern [37], pour lesquels la transmission se fait selon le mode autosomique dominant (MK 10660). Beaucoup plus rarement peuvent manquer les canines [34] ou les incisives centrales. Gruneberg a retrouvé sept cas d’absence de canines, transmis selon le mode autosomique dominant à travers trois générations [55] (MK 11460). Quant à l’agénésie des incisives centrales chez plusieurs membres de trois générations d’une même famille sans autre anomalie associée, c’est pour Huskins le seul cas connu lié à l’X [62] (MK 30240). L’absence d’incisive latérale supérieure (MK 15040) représente l’expression ultime d’un trait dont la variabilité est extrême. Parfois la dent est absente, parfois sa morphologie en « grain de riz » est spéciale. Dans les études familiales étendues, Joehr (1934) comme Woolf [156] concluent que le trait est transmis selon le mode autosomique dominant avec pénétrance réduite et expressivité variable. Pour Witkop [154] la forme en grain de riz de la latérale est l’expression partielle du gène, et l’agénésie résulte de son état homozygote [120, 126]. L’absence héréditaire d’incisives centrales mandibulaires a été rencontrée par Kurtz et Brownstein [79], Miller, Pitts [108]. Dans un cas (Miller), une seule incisive était concernée par l’agénésie sur trois générations. L’hérédité est autosomique dominante (MK 14733) [101]. Enfin, Cramer [28], Ribble [116], Warr [150] s’accordent pour considérer, avec Gorlin [53], que l’anodontie n’intéresse que la seconde dentition. Dans chaque observation rapportée, la consanguinité est la règle. L’hérédité est autosomique récessive (MK 20678) [16, 59, 63] ou liée à l’X (MK 31350) [36].
• Formes syndromiques L’oligodontie syndromique fait partie du phénotype de diverses atteintes ectodermiques, ou de syndromes à composante craniofaciale prépondérante, dans lesquels s’impliquent les dérivés mésenchymateux. Cas de l’incisive unique (fig 6B, C) C’est à la fois une anomalie de nombre et de forme. Il s’agit d’une dent maxillaire impaire, médiane et symétrique. L’anomalie isolée peut être transmise sur le mode autosomique dominant (MK 14725). Reconnue chez des sujets de petite taille avec retard de croissance [115] et déficit en GH, elle constitue un signe d’appel [3]. Associée à diverses malformations faciales du syndrome de la ligne médiane [58] (syndrome de Binder, atrésie choanale, holoprosencéphalie), elle témoigne de la participation dentaire aux dysneurulations fronto-naso-maxillaires, associées ou non à un
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Étiologie
* A
* B 6
* C
A. Polyodontie non syndromique. B, C. Dent maxillaire impaire médiane.
Oligondotie syndromique – Hypodontie syndromique non spécifique – MK 30510 dysplasie ectodermique liée àl’X – MK 22490 dysplasie ectodermique autosomique récessive – MK 14615 incontinentia pigmenti – MK 30560 syndrome de Glotz – MK 10005 syndrome d’Arskog (où les dents sont conoïdes) – MK 14873 kératose palmoplantaire – MK 12350 syndrome de Crouzon – MK 10358 ostéodystrophie d’Albright – Hypodontie des prémolaires – MK 16675 dysplasie otodentale – Hypodontie antérieure – MK 18050 syndrome de Rieger – Hypodontie mandibulaire antérieure – MK 30360 syndrome de Coffin Lowry – MK 22550 syndrome d’Ellis-Van Creveld – MK 10330 syndrome hypoglossie hypodactylie – MK 31120 - MK 25210 syndromes orofacia digitaux I et II
déficit endocrinien [27]. Elle doit être considérée comme un marqueur potentiel de ces diverses dysembryoplasies et de troubles hormonaux hypothalamohypophysaires [73]. Plusieurs cas d’incisive maxillaire unique ont été relevés, en association avec des délétions du chromosome 18 et du chromosome 7. La délétion du bras court du chromosome 18 (18p 11.3) est le syndrome de délétion autosomique le plus fréquent. L’holoprosencéphalie y est présente chez 10 % des patients ainsi que l’incisive unique [13]. D’autres observations d’incisive unique ont rapporté une délétion 7q 36.1 [99], syndrome beaucoup plus rare. Il existe un gène pour l’holoprosencéphalie autosomique dominante sur le même locus 7q 36, mais les deux anomalies ne coexistent pas toujours. Le mécanisme cytogénétique en cause dans ces malformations reste encore mal élucidé.
L’absence de dents (oligodontie, anodontie) signe un défaut dans l’initiation de l’odontogenèse. Le mécanisme génique est mal connu, mais l’expérimentation animale nous a déjà montré (cf supra) que des souris transgéniques nulles pour certains homéogènes présentent des agénésies sélectives. La clinique humaine apporte avec le syndrome de Rieger (oligodontia and primary mesodermal dysgenesis of the iris [MK 18050]) des éléments d’interprétation. Il s’agit d’un syndrome autosomique dominant lié au chromosome 4q 25. Le tableau montre au niveau craniofacial des anomalies des structures antérieures de l’œil, une hypoplasie dentaire avec dysmorphisme et oligodontie. Il s’agit d’une mutation du gène à homéoboîte RIEG, homologue du gène otlx2 de la souris, et qui est un facteur de transcription. Chez l’animal d’expérience, son expression a lieu dans l’épithélium odontogène à un stade très précoce, et sur les zones prédictives de l’ectomésenchyme. Elle persiste sous l’effet des signaux mésenchymateux au moins jusqu’au stade de la cloche [102]. Le gène code pour une protéine bicoïde, dont le rôle dans la polarisation des structures antérieures est essentiel (cf supra) [122]. D’autres déterminismes entrent en jeu, tels que la mutation d’un gène pléiotrope : l’oligodontie de la dysplasie ectodermique anhydrotique (MK 30510) liée à l’X est ainsi rapportée à une mutation de la portion p 11-q 14 de ce chromosome.
¶ Augmentation (fig 6A) L’augmentation de la formule dentaire (polyodontie) est beaucoup plus rare que sa réduction. Elle intéresse un ou deux éléments supplémentaires, parfois un nombre de dents important, voire impressionnant (41 éléments supplémentaires dans une observation citée par Brabant). Il s’agit le plus souvent d’une découverte de radiologie, soit fortuite, soit recherchée dans un syndrome où elle est habituelle, car les dents surnuméraires restent presque toujours incluses. Les secteurs le plus souvent concernés par la polyodontie sont dans l’ordre, les secteurs incisif, molaire et enfin prémolaire. Le maxillaire supérieur est en cause dans la plupart des cas. Hyperodontie incisive Le mesiodens est une formation sagittale médiane entre les deux incisives centrales maxillaires. Sa forme conoïde est particulière. Il peut être double, et occupe volontiers une position anastrophique. C’est une anomalie fréquente suspectée devant une malposition ou un retard dans ce segment de l’arcade, mais qui, sans signes cliniques, peut rester ignorée. Les incisives permanentes peuvent avoir un doublon surnuméraire inclus, en général limité à une formation coronaire. Le dédoublement de la dent par un effet de schizodontie est l’apanage de la latérale maxillaire. Elle accompagne souvent une fente labiomaxillaire du côté lésé, mais aussi parfois du côté sain. Le phénomène peut se rencontrer en dehors de toute malformation labioalvéolaire et être là aussi unilatéral. Les dents jumelles sont d’habitude plus petites que leurs homologues normales. Pour certains auteurs, c’est un équivalent mineur de fente faciale congénitale. Hyperodontie molaire et prémolaire Les molaires surnuméraires ont, elles aussi, une forme rudimentaire, siègent en arrière des dents de sagesse et restent le plus souvent incluses. On peut voir jusqu’à cinq molaires dans un cadran maxillaire, parfois mandibulaire. Quant aux prémolaires supplémentaires dont le nombre est variable, elles demeurent à un stade d’élaboration peu avancé, ou se développent parallèlement au bord basilaire de la mandibule ou au voisinage du sinus. Elles sont presque toujours une découverte de radiographie. 9
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Les termes de microdontie et macrodontie concernent des dents anormalement petites ou grandes, soit pour la totalité de la denture, soit pour quelques éléments. Microdontie
* A
Lorsqu’un seul élément est affecté, il s’agit le plus souvent d’une dent terminale d’une série, incisive latérale supérieure, troisième molaire maxillaire, plus rarement deuxième prémolaire. La microdontie de la latérale maxillaire accompagne volontiers la fente labioalvéolaire. La microdontie généralisée des déficits en hormone de croissance ne surprendra pas chez un sujet de petite taille, dont toutes les mensurations sont réduites. Elle résulte d’une hypostimulation des facteurs somatotropes par la GH. La microdontie de plusieurs dents ou de toute la denture, souvent avec retard d’éruption et agénésie, fait partie du tableau de plusieurs syndromes [45, 65, 83] : – syndromes à composante ectodermique : – syndrome de Christ-Siemens-Touraine MK 30510 (dysplasie ectodermique anhidrotique) ; – syndromes d’Ellis-Van Creveld MK 22550 (dysplasie chondroectodermique) ;
* B
* C 7
A, B. Dysmorphie des incisives centrales. C. Dysmorphie dans une dysplasie ectodermique. D. Anomalie cingulaire. E. Tubercule de Carabelli.
* D
– syndrome de Goltz MK 30560 (hypoplasie dermique focale) ; – syndrome de Levin cranioectodermique) ;
I
MK
21833
(dysplasie
– syndrome de Rothmund-Thomson MK 26840 (poïkilodermie congénitale) ; – syndrome de dysorganogenèse avec hypoplasie majeure de l’étage inférieur, la microdontie y est moins constante : – syndrome de Gorlin-Chaudhry-Moss (craniosynostose et hypoplasie médiofaciale) ;
MK
12315
– syndrome de Hallermann-Strieff MK 23410 (dyscéphalie oculomandibulaire) ; – syndrome de Seckel MK 21060 (nanisme à tête d’oiseau) ; – syndrome de Williams MK 19405 (syndrome du faciès d’elfe) ; – syndrome avec hypothyroïdisme : dans la trisomie 21 (syndrome de Down). Macrodontie L’augmentation de volume peut être coronaire, radiculaire ou globale. Lorsqu’une seule dent est affectée, on se trouve plus volontiers devant un cas de fusion ou de concrescence. La macrodontie de l’hypertrophie hémifaciale est unilatérale. Généralisée à toutes les dents, elle appartient à quelques ensembles syndromiques :
* E
– syndrome KBG (MK 14805) avec retard de taille, anomalies squelettiques et macrodontie [60] ;
Hyperodontie syndromique
– aneuploïdies de l’X (MK 31424) [7].
Elle est rare et accompagne parfois le syndrome de Gardner, la dysostose cléidocrânienne ou le syndrome de Sturge-Weber.
¶ Anomalies morphologiques
ANOMALIES DE FORME (fig 7)
Les dysmorphies rassemblent à la fois des anomalies de taille des dents (volume coronaire ou coronoradiculaire) et des anomalies de la morphologie dentaire.
¶ Anomalies de taille Les anomalies de taille obéissent à un déterminisme largement multifactoriel. Il existe un dimorphisme sexuel de certaines dents (principalement les canines et les monoradiculées antérieures) puisque la différence dimensionnelle peut être de 6 % [15]. Les études anthropologiques ont montré la variabilité de ce trait selon les données ethniques, mais les écarts restent peu significatifs. 10
Les anomalies morphologiques peuvent donner à la dent un aspect inhabituel. Le tubercule de Carabelli (MK 11470) [33] cuspide surnuméraire à la face palatine de la première molaire maxillaire, et le tubercule de Bolk situé à la face antérovestibulaire des molaires supérieures, sont deux traits morphologiques anormaux dont l’hérédité est multifactorielle. Leur répartition serait plus fréquente au sein de certaines populations endogames du Grand Nord finlandais. Pour Kraus [76], le trait serait lié à l’état homozygote du gène alors que l’hétérozygotie est responsable de puits, fossettes ou tubercules à la surface de la dent. Un certain nombre de phénotypes mendéliens, à hérédité autosomique dominante, sont des témoins d’altération des gènes de
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Dens invaginatus (microradiographie). Grossissement × 12,5. (Cliché du Pr Kérébel). 1. Dentine de la dent mère ; 2. dentine de la dent fille ; 3. émail de la dent mère ; 4. émail de la dent fille.
A. Taurodontisme dans un syndrome 49 XXXXY. B. Taurodontisme dans un déficit en GH.
* A
* B
structure : l’incisive en « pelle » (MK 14735) ou l’hypertrophie cingulaire en « talon » des incisives centrales (MK 12528) connaissent une distribution ethnique particulière (mongols). Pour Portin [110] l’hérédité serait polygénique. Il faut y ajouter des dystrophies coronoradiculaires non spécifiques responsables de divers tableaux de fusion, gémination ou concrescence [84] ainsi que la dent invaginée ou « dens in dente » [107] (MK 12530) et le taurodontisme (MK 27270). La fusion est réalisée lorsque deux germes normaux s’unissent par la dentine au cours de leur élaboration. Toutes les modalités d’union peuvent se présenter : partielle ou totale, coronaire ou radiculaire, avec une chambre pulpaire commune ou individualisée. Elle se voit surtout dans la région incisivocanine en denture lactéale. La gémination représente probablement une division incomplète d’un germe, en général une incisive. La concrescence unit deux dents par le cément. Il n’est pas rare que le phénomène s’observe entre une dent incluse et un élément normalement évolué sur l’arcade. L’hypercémentose peut être importante. Le « dens in dente » est une invagination de l’organe de l’émail dans la pulpe, et l’incisive latérale supérieure permanente est la plus impliquée (fig 8). Selon l’importance de l’invagination, limitée à la couronne, intéressant la racine ou occupant toute la hauteur de la dent, on distingue trois types d’anomalies (types I, II et III). Suspectée devant l’existence d’un pertuis sur la face palatine, confirmée par la radiographie au cours de soins endodontiques difficiles, elle a une structure d’émail très anarchique [60]. Le taurodontisme (fig 9) est une dysmorphie découverte à l’examen radiographique, caractérisée par une vaste chambre pulpaire des prémolaires mais surtout des molaires, avec effet de champ. Le déplacement apical de la furcation radiculaire a pour résultat une augmentation de la taille camérale. Il s’agit d’un trait morphométrique à distribution quasi continue dont le taurodontisme représente l’expression extrême. Le développement normal de la dent requiert non seulement les éléments cellulaires
inductibles compétents, mais les relations spatiales appropriées de ces éléments. Le taurodontisme survient lorsque l’invagination du diaphragme de Hertwig dans les gaines épithéliales radiculaires est retardée au-delà de sa survenue habituelle. De 2,6 % dans la population chromosomiquement normale, sa prévalence augmente avec les atteintes chromosomiques, et passe à 56 % dans la trisomie 21, et 94 % dans les syndromes poly-X [66]. On retrouve encore le taurodontisme dans les syndromes qui comportent des anomalies ectodermiques : – syndrome trichodento-osseux (MK 19032) ; – dysplasie otodentaire (MK 16675) ; – absence congénitale de dents, cheveux clairsemés et taurodontisme (MK 27298) ; – microdontie dens invaginatus et taurodontisme lié à l’X (MK 31349).
¶ Données étiologiques Des mécanismes chromosomiques président à ces anomalies morphologiques. Le chromosome X, déjà responsable de l’épaisseur de l’émail [8, 10], contiendrait un ou plusieurs gènes impliqués dans la taille de la [9, 139] couronne . En effet, l’épaisseur de l’émail est augmentée chez les sujets mâles 47 XXY et diminuée chez les sujets féminins 45 XO. L’association du taurodontisme aux aneuploïdies de l’X indique que ce dernier est également en cause dans le développement de la racine. Ce trait morphométrique, prévalant chez les sujets poly-X, est d’autant plus renforcé que le nombre d’X augmente [145, 146]. Mais, plutôt que l’expression d’oligogènes majeurs pour ce trait et portés par le chromosome X, le taurodontisme serait une rupture du développement homéostasique. Pour Witkop, c’est le ralentissement de l’activité mitotique qui est responsable, et non l’excès d’hétérochromatine [155]. Le chromosome Y semble intervenir dans la taille des dents. Pour Alvesalo, cet effet, quoique variable, est significatif dans les syndromes 47 XYY [11]. Cette notion est renforcée par l’observation de la taille des dents chez les sujets porteurs d’une délétion du Y, qui fait suggérer l’existence d’un gène régulateur (TS gène) contrôlant l’épaisseur dentinaire sur la portion YqII. ANOMALIES DE STRUCTURE (fig 10)
Les anomalies de structure reflètent les altérations des tissus constitutifs de la dent, d’origine génétique ou liées à 11
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* A
* B 10
* D
* C
Amélogenèse imparfaite. A. Forme hypominéralisée. B. Forme hypomature (avec l’autorisation des éditions Masson, Manuel de génétique bucco-dentaire de Farge). C. Forme dans une hypocalciurie idiopathique. D. Radiographie : striation transversale. E. Radiographie : minceur de l’émail.
* E
l’environnement local ou systémique. Dans tous les cas, il s’agit soit d’une atteinte qualitative ou quantitative de la matrice protéique, soit d’un trouble de sa minéralisation.
¶ Anomalies de l’émail Ce sont des altérations hétérogènes de surface qui siègent sur une dent ou sur l’ensemble de la denture temporaire ou permanente. L’aspect macroscopique est variable. La lésion va de l’anomalie localisée punctiforme de l’émail à l’atteinte extensive de la surface coronaire. Parfois, tout l’émail peut s’éliminer du fait de sa fragilité. Un triple mécanisme étiologique peut être en cause : mutation d’un gène de l’émail, effet pléiotrope d’une anomalie génétique ou chromosomique dans un syndrome malformatif, atteinte (d’origine variée) de la sécrétion protéique ou du métabolisme phosphocalcique dans une pathologie postaméloblastique. Mais quelle qu’en soit la cause, l’expression clinique de la pathologie de l’émail se limite à trois grands types de défauts basés sur la dualité des phases organique et minérale de l’amélogenèse : type hypoplasique, types hypomature et hypominéralisé. Formes anatomiques La forme hypoplasique (60 % des cas) résulte d’un déficit matriciel. Le volume d’émail est réduit, la forme générale de la dent peut en être affectée, avec perte des points de contact. La surface coronaire est irrégulière, parfois bosselée avec des stries horizontales ou verticales, des fissures et des puits dans lesquels se déposent des pigments exogènes. L’émail est lisse et dur, mais sa minceur laisse transparaître la coloration jaune de la dentine. Ces lésions sont visibles sur les radiographies sous forme de striations transversales ou verticales et d’une image de l’émail globalement aminci. Le mode de transmission est autosomique dominant ou récessif, ou lié à l’X. La forme hypominéralisée (7 %) est le reflet d’une calcification insuffisante de la phase organique. Le volume d’émail est normal, mais sa consistance est très altérée. Le tissu est mou et friable, facile à éliminer, avec un aspect terne et crayeux. La densité radiologique est faible et la jonction amélodentinaire peu visible. Parfois, les formes hypoplasique et hypocalcifiée peuvent coexister. La transmission est autosomique dominante ou récessive. La forme hypomature est fréquente (40 % des cas). 12
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Dans ces cas, l’émail est d’épaisseur normale mais sa dureté est moindre. L’aspect montre des marbrures jaune brun par place, ou des opacités blanchâtres, en flocon neigeux ou en bande localisée au bord libre de la dent. Radiologiquement, la densité amélaire apparaît un peu affaiblie et le contraste avec la dentine moins marqué. Le mode de transmission est autosomique dominant ou récessif, ou lié à l’X. Histopathologie Cette distinction commode sur le plan clinique ne répond pas absolument à la réalité histopathologique de l’amélogenèse imparfaite (AI). Sur le plan microscopique, les seuls critères morphologiques sont insuffisants pour identifier les formes hypomature et hypocalcifiée, et il faut avoir recours à la microsonde pour apprécier la composition minérale des tissus [70]. L’expérimentation animale reproduit pour sa part des types de lésions comparables à certaines observations chez l’homme : hypoplasies et opacités qui sont des défauts qualitatifs. En fait, toute perturbation de la phase sécrétoire (toxiques, traumatismes, etc) de l’amélogenèse est une cause possible d’anomalie clinique de l’émail. En microscopie photonique, la couche d’émail présente par endroits des amincissements, microhypoplasies dont la structure est anarchique, faite de globules plus ou moins calcifiés présents dans toute l’épaisseur tissulaire ou dans sa zone externe. La zone profonde, en général prismatique, est plus souvent grossière et d’aspect laminaire. Parfois, la structure prismatique classique est respectée, mais l’émail hypominéralisé, et la surface recouverte d’une mince zone amorphe. En microscopie électronique à balayage, on voit une surface très désorganisée, criblée de plages irrégulières et de cratères et vallonnements. La haute résolution donne souvent des images de gros cristaux de 50 nm au sein des cristaux de taille et de forme normales. Certaines images cristallines anormales apparaissent à l’interface des prismes dont l’extrémité est arrondie [70], mais il n’y a pas de critère morphologique ultrastructural qui permette de distinguer une hypominéralisation d’une hypomaturation [71] (fig 11). Étude clinique des anomalies de l’émail
• Dysplasies. Dystrophies Le terme convient aux lésions de l’émail qui ne relèvent pas d’une étiologie génétique, mais d’une perturbation de l’amélogenèse sous l’effet de facteurs locaux ou systémiques [125] . Il s’agit d’une
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* B
* C
* A 11
A. Amélogenèse imparfaite, type hypomature. B, C. Aspects microscopiques (clichés du Pr Kérébel). D. Cristaux d’émail avec « beam damage ». Microscopie électronique à transmission. Grossissement × 200 000 environ (cliché du Pr Kérébel).
* D pathologie améloblastique ou postaméloblastique, et l’intoxication fluorée ou les anomalies du métabolisme phosphocalcique y ont une responsabilité reconnue. Il peut parfois s’agir d’un traumatisme de germe, d’une infection virale, d’une hypoxie transitoire, et ces stigmates signent la survenue et la durée de l’agression.
• Odontodysplasie régionale (OR) C’est une anomalie structurale rare qui donne un aspect de « dents fantômes » (ghost teeth) à un quadrant de l’arcade, rarement plus, et presque toujours en denture lactéale. Les filles sont plus concernées que les garçons (ratio 1,4/1). La pathologie de l’OR est encore mal connue. Les dents atteintes sont radiotransparentes, l’émail est hypoplasique avec des rapports Mg/Ca et Na/Ca très élevés [118]. La structure des prismes est affectée et la composition minérale de l’hydroxyapatite très inférieure à la normale [72], sans doute à la suite d’un déficit des enzymes responsables du métabolisme des protéines de la matrice au cours de la nucléation.
• Amélogenèse imparfaite Le terme d’amélogenèse imparfaite héréditaire (AIH), qui pourrait convenir à toute altération structurale de l’émail d’origine embryogène, est réservé depuis Witkop aux seules anomalies cliniques isolées de ce tissu, par opposition aux atteintes comparables qui figurent aussi dans le phénotype d’un grand nombre de maladies génétiques ou chromosomiques. Amélogenèse imparfaite héréditaire mendélienne. De nombreuses classifications ont été proposées par divers auteurs. Elles étaient basées sur l’aspect lésionnel et le type de transmission [153]. Il en résultait 14 formes difficiles à mettre en œuvre dans une enquête. Mackusick a, de son côté, établi dans son catalogue de l’hérédité mendélienne chez l’homme [92] un classement qui tient compte des caractères de transmissibilité de l’AIH à l’intérieur de chaque phénotype, hypoplasique ou hypomature.
Depuis, les connaissances acquises sur les données génétiques et le phénotype correspondant, permettent d’avancer une classification moléculaire précise (cf infra). Classification de l’AIH selon Mackusick. Hérédité dominante – AI de type hypocalcifié (MK 10450) atteinte des deux dentitions, épaisseur normale mais émail mou et friable ; – AI de type hypoplasique (MK 10453) qui comporte différents aspects : émail lisse, rugueux, avec puits, plages localisées, en amas ; – AI à type d’hypoplasies de l’émail localisées héréditaires en cupules linéaires et horizontales (MK 13090). Hérédité récessive – AI de type hypoplasique local (MK 20465) où fissures et cupules se disposent en lignes horizontales au tiers moyen de la couronne dans les deux dentitions ; – AI de type hypomature pigmentée (MK 20470) où l’émail est mou, d’aspect brillant et de couleur orangée, sans contraste de densité avec la dentine. Hérédité liée à l’X – AI de type hypomature (MK 30310) où l’émail, d’épaisseur normale avant l’éruption, y est opaque et vite abrasé ; – AI de type hypoplasique (MK 30120) avec émail dur et rugueux, anormalement mince. La taille des dents apparaît de ce fait réduite. Amélogenèse imparfaite syndromique. Elle accompagne de nombreuses maladies génétiques ou chromosomiques. L’AI de type hypocalcifié est en règle observée dans les maladies métaboliques : 13
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* B * A 12
* C
Dentinogenèse imparfaite. A. Héréditaire de type II. B. Aspects radiographiques. C. Aspects microscopiques. Dentines coronaires. Grossissement × 125. D. Front de minéralisation. Variation du diamètre et de la striation des fibres de collagène. Microscopie électronique à transmission. Grossissement × 90 000 (clichés du Pr Kérébel).
* D
– hypophosphatasie ;
¶ Étude clinique des anomalies de la dentine
– rachitisme hypophosphatémique lié à l’X. Pseudorachitisme avec déficit en vitamine D ;
Dentinogenèse imparfaite (DI)
– ostéodystrophie d’Albright. Elle se rencontre également dans les atteintes ectodermiques : – épidermolyse bulleuse ; – dysplasies ectodermiques ; – syndrome trichodento-osseux ; – syndrome de Goltz ; – syndrome oculodento-osseux. Les AI de types hypomature et hypoplasique peuvent être présentes dans : – la sclérose tubéreuse ; – le syndrome de Morquio ; – les syndromes poly-X.
¶ Anomalies de la dentine (fig 12) La dentinogenèse imparfaite (DI) et la dysplasie dentinaire (DD) représentent l’expression clinique des anomalies de la dentine. Celles-ci sont d’origine génétique ou non, et le mécanisme pathogénique est une atteinte de la matrice dentinaire, soit par altération qualitative des protéines constitutives, soit par insuffisance d’élaboration de la trame organique, sachant que dans l’un comme dans l’autre cas, le processus de minéralisation est, lui aussi, perturbé. Le trouble génique réside dans une mutation des gènes régulateurs et/ou des gènes de structure (protéoglycanes, fibronectine, cytotactine, collagènes I et III, phosphoprotéine dentinaire, protéine de liaison avec la vitamine D), tous associés à la formation de ce tissu. 14
La DI se rencontre soit isolée, soit associée à une des formes de l’ostéogenèse imparfaite (OI). L’aspect des dents et leur image radiologique sont évocateurs du diagnostic de DI : l’examen retient l’usure coronaire plus ou moins intense, la dent pouvant parfois être totalement arasée. La coloration générale est ambrée, translucide. L’émail fragile, d’aspect bleuté, peut se détacher facilement. Par ailleurs, on ne note généralement aucune évolution carieuse. Sur les clichés radiographiques, la forme globuleuse des couronnes et la finesse des racines, renforcées par une striction coronoradiculaire, leur confèrent une forme dite en « battant de cloche », tandis que l’espace pulpaire caméral ou radiculaire est réduit à un volume filiforme. Parfois, aucune image pulpaire n’est visible. C’est Shields qui a distingué trois groupes dans la DI [123] : – DG-I I associée à l’ostéogenèse imparfaite ; – DG-I II isolée : c’est la « dentine opalescente », description princeps de Capdepont, avec une fréquence entre 1/6 000 et 1/8 000 ; – DG-I III ou forme de « l’isolat de Brandywine » décrite dans une population du Maryland. Elle est caractérisée par l’atteinte des dents temporaires, dont l’usure très rapide conduit à des expositions pulpaires multiples. L’aspect clinicoradiologique diffère un peu des autres formes, dans la mesure où la dentine ambrée est plus molle et le volume pulpaire respecté sur les dents définitives. Une autre classification sur des critères biologiques a été proposée par Gage. Pour cet auteur, sa forme I correspond à la DG-I mendélienne de Capdepont, ses formes II, III et IV font partie du
Anomalies dentaires
Odontologie/Stomatologie
tableau clinique de l’ostéogenèse imparfaite respectivement modérée, moyenne ou sévère. Dans le domaine biologique, les rapports hydroxylysine/lysine, et collagène I/collagène II varient, et ce sont ces critères qui distinguent une forme de l’autre, toujours selon Gage. Dysplasie dentinaire (DD) Deux types de dysplasie dentinaire sont décrits, selon que l’atteinte intéresse la couronne ou la racine des dents. La dysplasie dentinaire coronaire, ou DD de type II, se caractérise par l’atteinte des dents de lait dont la couleur ambrée et translucide la rapproche cliniquement de la DG-I II. Toutefois, la chambre pulpaire présente un aspect caractéristique en « chardon ». Les dents permanentes ont une couleur normale. La structure histologique de la dentine est très anarchique : des zones de dentine globulaire alternent avec des zones atubulaires et des zones normales. La dysplasie dentinaire radiculaire ou DD de type I, ou encore forme des « dents sans racines », est exprimée cliniquement par des dents lactéales ou permanentes où la couleur et l’aspect de la couronne sont normaux. Seules les racines sont affectées et anormalement courtes, favorisant une certaine mobilité. La chambre pulpaire est habituellement absente. La structure des tubules dentinaires est désorganisée. Anatomopathologie Alors que la dentine normale offre une disposition régulière de tubules de taille uniforme, dans la DI, la structure du tissu est très aberrante : on y voit alterner des zones normales et des zones à fibres collagéniques denses ou, au contraire, très clairsemées. Leur taille peut varier de la finesse extrême à la fibre géante, avec une striation transversale, parfois la structure est vésiculaire. Dans la DI avec OI, l’immunomarquage confirme que la réactivité au collagène III est plus élevée à la fois dans la dentine et le tissu osseux. En réalité, les différentes formes cliniques de DI ont de nombreux traits ultrastructuraux en commun [148], et il semble que des affections différentes dans leur étiologie soient capables de désordres dentinaires comparables à la DI. Une meilleure définition des anomalies de la dentine repose sur une connaissance plus précise des troubles moléculaires qui accompagnent les maladies du collagène et de la matrice extracellulaire. Du point de vue génétique Toutes les anomalies dentinaires sont héritées selon le mode autosomique dominant : – forme mendélienne de la DI-II (MK 12579) ; – forme associée à l’OI : DI-I/OI (MK 12624) ; – DI-III (MK 12550) ; – DD-I (MK 12540) ; – DD-II (MK 12542).
Étiologie des anomalies dentaires Les anomalies dentaires observées chez l’homme relèvent de deux ordres de facteurs étiologiques : génétiques et non génétiques. ÉTIOLOGIE GÉNÉTIQUE
[2]
C’est la mutation d’un gène spécifique du développement dentaire qui peut être à l’origine d’une anomalie de nombre, forme ou structure, tandis que la mutation d’un gène pléiotrope peut affecter les éléments odontogènes au même titre que d’autres tissus ou organes, et reproduire ainsi des anomalies similaires au sein d’un ensemble malformatif.
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Dans les anomalies chromosomiques, l’altération de tout ou partie d’un chromosome implique plusieurs gènes dont certains peuvent intéresser le développement dentaire. Ce mécanisme a été bien étudié pour les anomalies des chromosomes sexuels.
¶ Mécanismes monogéniques On connaît le rôle des gènes à homéoboîtes dans la mise en place du système dentaire et le contrôle des différents aspects de la morphogenèse et la cytodifférenciation. Le catalogue des phénotypes de l’hérédité mendélienne chez l’homme, de Mackusick, recense six phénotypes d’oligodontie ou anodontie, et deux d’anomalies d’éruption (MK 19410, 10660, 11460, 15040, 14733, 20678, 12535, 15795). De même, les anomalies morphologiques résultant de la mutation spécifique d’un gène unique sont au nombre de cinq, et ont toutes une hérédité autosomique dominante. Aucune d’entre elles ne correspond à un locus connu, et la nature de ces gènes est imprécise. Il s’agit de : – la « dens indente » (MK 12530) ; – la « dens invaginatus » (MK 12528) ; – la fusion des deux incisives centrales (MK 14725) ; – l’allongement de taille de la couronne d’une des incisives centrales supérieures (MK 14730) ; – la forme en « pelle » des incisives supérieures centrales ou latérales (MK 14740). Les gènes responsables de la cytodifférenciation des cellules progénitrices des tissus calcifiés sont mieux connus. Émail La transmission mendélienne de l’amélogenèse imparfaite se fait selon : – un mode autosomique dominant ; – un mode autosomique récessif ; – un mode lié à l’X. Il existerait donc deux mutations géniques distinctes responsables des phénotypes d’AI, l’une concernant les gènes autosomiques, l’autre concernant un gène situé sur le chromosome X [80]. – En ce qui concerne les AI liées à l’X, l’analyse de liaison a identifié le locus sur le bras court du chromosome X dans les bandes 22 et 23 (Xp 22.1-p 22.3). En même temps, la reconnaissance chez les adultes atteints d’une mutation « non sens » sur le gène AMELX codant pour l’amélogénine a permis de confirmer que l’AI.X résulte de la mutation de ce gène situé en Xp 22-23 [6]. Selon le mécanisme moléculaire en cause (perte d’exons, délétion d’un seul acide aminé, mutations de plusieurs codons), le défaut affecte toute ou partie de la protéine, et l’aspect clinique varie de l’hypoplasie à la dysmaturité de l’émail. Ces deux types (hypomature et hypocalcifié) peuvent coexister chez le même individu. L’expressivité de l’affection est donc variable, et cette différence est due au phénomène de lyonisation (l’inactivation aléatoire, précoce et définitive d’un des deux chromosomes X féminins). Les zones hypoplasiques sont issues des clones d’améloblastes exprimant le gène mutant, alors que les zones voisines normales expriment le gène normal. Il existe un autre locus codant pour une AI de type hypoplasique retrouvé en Xq 22q 28 [5]. Enfin, Bailey a souligné l’existence d’un locus en Yp 11 codant pour l’amélogénine (AMELY) [14]. – La plupart des amélogenèses imparfaites sont autosomiques dominantes, et par conséquent, liées à une mutation sur un autosome (on a identifié sur le chromosome 4, dans la région 4q 11 – q21, un gène responsable d’une forme hypoplasique [44]). Il est intéressant de noter que le gène de l’albumine (4q 11 – q13) est proche (bien qu’aucune mutation n’ait été reconnue, on sait que l’albumine peut perturber la maturation de l’émail), et que le gène 15
Anomalies dentaires
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Tableau II.
Odontologie/Stomatologie
Tableau III. Nature
Conséquence
Délétion de 5 kb
Défaut de traduction de la protéine
Mutation non-sens de l’exon 5 Délétion d’une cytosine
Traduction d’une protéine tronquée de 74 acides aminés
Délétion d’un C codon 96 de l’exon 6
Absence des 18 derniers acides aminés
Substitution C/T codon 3 de l’exon 5
Substitution de la thréonine par l’isoleucine
Substitution G/T codon 129 de l’exon 6
Amputation de la protéine de 15 acides aminés
Délétion de 9 paires de bases de l’exon 2
Perte du peptide signal
de l’améloblastine a un locus en 4q 21 [89] . Certaines formes d’amélogenèse imparfaite autosomique dominante ne paraissent pas liées au chromosome 4. On a pu situer le locus de la tuftéline sur le chromosome 1, en 1q 21 – q31 [32], et il n’est pas exclu que certaines AI soient dues à une mutation de cette protéine constitutive de la trame organique de l’émail. De cette reconnaissance progressive des gènes en cause et des phénomènes moléculaires qui résultent de leur mutation, on peut dès maintenant prévoir une classification des AI dans laquelle les phénotypes et le mode de transmission parfaitement décrits par Witkop reposeront sur des critères génétiques plus précis [4] (tableau II). Dentine Si l’on a pu rapporter le locus du gène codant pour la DI héréditaire au chromosome (4q13 –q21) [21], le mécanisme moléculaire reste encore mal connu. Dans l’os comme dans la dentine, il s’agit d’une anomalie d’élaboration de la trame protéique. Dans l’OI, la mutation d’un gène du collagène COL 1 A1 est la cause du déficit quantitatif de la matrice, alors que les altérations qualitatives des chaînes 1 et 2 résultent de la mutation du gène COL 1 A2. De manière comparable, la DI est la conséquence d’une expression erronée des protéines spécifiques de l’odontoblaste, parmi lesquelles la phosphoprotéine dentinaire et les collagènes I et III ont une place prééminente. Mais au point de vue moléculaire il ne s’agit pas de mutations connues portant sur les gènes COL 1 A1 et COL 1 A2 en cause dans l’OI. Par ailleurs, les anomalies bien documentées de la dentine (DI des deux types, DD-II) ont des images ultrastructurales très semblables, alors que leur étiologie diffère. Il semble donc exister un type de réponse commune de l’odontoblaste à des mutations autres que celles codant pour le collagène I, et le fait que des patients atteints de syndromes différents puissent présenter des altérations dentinaires comparables tendrait à montrer que, si les odontoblastes répondent de la même façon, la DI héréditaire est peut-être génétiquement hétérogène, avec des stigmates infracliniques d’atteinte générale méconnus jusque-là.
¶ Mécanismes pléiotropes La mutation d’un gène pléiotrope est le mécanisme responsable des anomalies dentaires rencontrées dans les diverses maladies génétiques. De ce point de vue, le locus de la dysplasie ectodermique liée à l’X est assigné à la portion q12 de ce chromosome, et l’anodontie qui accompagne l’affection lui est classiquement rapportée, sans qu’on connaisse les événements moléculaires en cause. Le tableau III regroupe les atteintes dentaires les plus fréquentes dans divers syndromes.
Type d’anomalie
Syndrome
Éruption néonatale
Fentes alvéolaires Dysplasie chondroectodermique Syndrome de Sotos
Éruption précoce
Syndrome adrénogénital Syndrome de Sotos Syndrome de Sturge-Weber-Krabbe Hypertrophie hémifaciale
Éruption retardée
Syndrome de Down Hypothyroïdisme Hypopituitarisme Syndrome d’Ellis-Van Creveld Mucopolysaccharidoses Épidermolyse bulleuse
Chute prématurée
Hypophosphatasie Syndrome d’Ehlers-Danlos Syndrome de Papillon-Lefèvre
Rétention - Inclusion
Syndrome de Pierre Marie-Sainton
Anomalies morphologiques
Dysplasies ectodermiques Syndrome de Down Incisive maxillaire unique Dysplasie otodentaire Taurodontisme
Anomalies de taille Microdontie
Nanisme de Roussel Syndrome de Down Syndrome de Mohr
Macrodontie
Hyperplasie hémifaciale Syndrome de Langer-Giedion
Anomalies de nombre Oligodontie Polyodontie Anomalies de structure Émail
Dentine
Displasie ectodermique Dent maxillaire unique Syndrome de Pierre Marie-Sainton Syndrome de Gardner Amélogenèses imparfaites Syndrome de Morquio Dysplasie oculodento-osseuse Slérose tubéreuse Ostéogenèse imparfaite avec DI Dentinogenèses imparfaites Dysplasies dentinaires Odontodysplasie régionale
DI : Dentinogenèse imparfaite.
Le chromosome X (dont ou connaît déjà la responsabilité dans l’amélogenèse AIX) est déterminant dans l’établissement de la taille de la couronne. L’épaisseur de l’émail est augmentée chez les sujets masculins 47 XXY, et diminuée chez les sujets féminins 45 XO. On a aussi reconnu des troubles structuraux du type AI chez des sujets poly- X (49 XXXX) [39]. Le chromosome Y interviendrait aussi dans la taille des dents. Pour Alvesalo [11], cet effet, quoique variable, est significatif dans les syndromes 47 XYY. Cette notion paraît renforcée par l’observation de la taille des dents chez les porteurs d’une délétion du Y, qui fait suggérer l’existence d’un gène régulateur (TS gene) contrôlant l’épaisseur dentinaire. ÉTIOLOGIE NON GÉNÉTIQUE
Des anomalies dentaires en tout point comparables aux précédentes (phénocopies) peuvent relever de causes non génétiques.
¶ Mécanismes chromosomiques
¶ Anomalies de forme
Le rôle des chromosomes X et Y dans l’expression des caractéristiques dentaires est confirmé par l’examen des sujets porteurs d’aberrations chromosomiques.
Elles sont consécutives à un traumatisme direct du germe, accidentel ou chirurgical. Elles sont également fréquentes après une exposition radiothérapique.
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Anomalies dentaires
¶ Anomalies de nombre Elles peuvent résulter de facteurs environnementaux au sein des bourgeons maxillaires. Il s’agit d’inclusions ou de localisations ectopiques dans les syndromes du premier arc ou les fentes congénitales de la face : ce sont des événements embryogéniques, comme les tumeurs odontogènes observées en dehors de toute malformation.
¶ Anomalies de structure La clinique offre des exemples de pathologies qui illustrent la responsabilité des facteurs systémiques variés dans les dysembryoplasies des tissus dentaires, ce que l’expérimentation vient confirmer. L’impact des troubles du métabolisme phosphocalcique se situe au cours de la phase postaméloblastique de l’amélogenèse contemporaine de la minéralisation. Nikiforuk avait déjà montré que l’hypocalcémie systémique est en cause dans les altérations amélaires [104]. Dans l’hypophosphatémie liée à l’X où le taux de calcium sérique est normal, il n’y a pas de lésions de l’émail, alors que dans l’hypercalciurie idiophathique (fuite urinaire du Ca), on observe des anomalies du type de celles de l’AI hypocalcifiée. En clinique humaine, des anomalies dentaires sont décrites dans des contextes de troubles du métabolisme phosphocalcique, de carence en vitamine D, de rachitisme vitaminodépendant ou de rachitisme vitaminorésistant. Le rôle de la vitamine D dans l’élaboration des tissus dentaires est éclairé par l’expérimentation. Chez l’animal, l’hypovitaminose D est responsable d’altérations structurales par suite du déséquilibre ionique qu’elle induit [114]. La 1,25 (OH) 2 vitamine D3 est présente très tôt dans les tissus en voie de différenciation. Les gènes cibles de cette hormone, les calbindines D9k et D28k sont exprimés dans les améloblastes, ainsi que chez l’homme, dans les odontoblastes pour la calbindine D28b [93]. La sécrétion de la matrice dentinaire et sa phase minérale sont contrôlées par la vitamine D, peut-être en partie du fait de son action sur la sécrétion de phosphoprotéine dentinaire, surtout par sa médiation dans la phase minérale. Au cours du processus de minéralisation, la calbindine D28k jouerait un rôle dans le transfert par voie transcellulaire des ions calcium et phosphates vers la prédentine [86]. Chez l’homme, dans les deux types de rachitisme (rachitisme vitaminorésistant et rachitisme vitaminodépendant), c’est aussi par suite d’un défaut d’activité de la vitamine D que surviennent les troubles. Dans le rachitisme vitaminorésistant (où le taux de 1,25 [OH] 2 vitamine D3 est normal), le dysfonctionnement est consécutif à un déficit des mécanismes de liaison à l’hormone. Dans le rachitisme vitaminodéficient, la synthèse de la 1,25 (OH) 2 vitamine D3 est perturbée (taux sérique effondré), l’hypocalcémie et l’hypophosphatasie consécutives sévères sont responsables des hypoplasies généralisées de la maladie. L’administration de vitamine D met fin à ces désordres métaboliques et à leurs répercussions dentaires. Des lésions d’hypoplasies et des opacités diffuses, selon la dose ingérée et la durée d’exposition, ont été obtenues expérimentalement
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chez le mouton par administration de fluor. Chez l’homme, la fluorose endémique est connue de longue date chez des populations exposées à des teneurs élevées de fluorures dans les eaux de boisson (États-Unis, Maroc) [56]. Mais on a aussi vu apparaître des stigmates de cette dystrophie chez des sujets soumis à un programme de prévention de la carie, et la fluorose clinique est devenue un marqueur biologique de l’intoxication chronique dans les enquêtes épidémiologiques de surveillance. Les signes histopathologiques de la fluorose consistent en une réduction de taille des cristaux d’émail et l’existence d’espaces plus importants entre eux, ainsi que dans des anomalies de la trame amélaire [158]. Le mécanisme pathogénique réside dans la perturbation de la nucléation et la croissance des cristaux, contemporaine de la dégradation synchrone de la matrice organique. Le taux de fluor en excès a pour effet d’inhiber l’enzyme, qui hydrolyse l’amélogénine au cours de la maturation [ 1 5 7 ] . Cliniquement, les sujets présentent des dyschromies blanches diffuses dans les formes légères, qui peuvent s’associer, dans les cas plus sévères, à des puits, érosions ou hypoplasies et à un émail d’aspect crayeux et opaque. D’autres agents pharmocologiques ont une action spécifique sur les cellules odontogènes : ce sont les drogues antinéoplasiques utilisées dans le traitement des hémopathies de l’enfant. Ceci a été reconnu par de nombreux auteurs [51, 68, 91], dont les avis concordent pour constater que les effets secondaires sont les plus redoutables lorsque le traitement est mis en œuvre vers l’âge de 3 ans, époque où l’odontogenèse des dents permanentes aborde sa phase proliférative et de différenciation la plus active. L’action pathogène des antimitotiques sur la formation de la dent est confirmée par le fait qu’ils n’ont plus aucune répercussion sur des dents déjà évoluées [69]. Ils agissent par inhibition du cycle cellulaire, soit de façon spécifique en s’y insérant au cours d’une phase privilégiée de la division (c’est le cas du méthotrexate qui inhibe la formation de l’acide désoxyribonucléique [ADN] durant la phase S du cycle), soit de façon non spécifique en détruisant l’ADN aussi bien en phase de division qu’en phase de repos. Dans ce dernier cas, c’est en empêchant la synthèse d’enzymes ou de protéines qu’interviennent divers types d’antimitotiques (dexaméthasone, vincristine ou antibiotiques antitumoraux du type actinomycine). Leur toxicité est plus ou moins redoutable, mais il est difficile de faire la part de chacun, dans la complexité des protocoles mis en œuvre en hématologie. Les anomalies secondaires rencontrées dans ces cas sont d’autant plus graves que l’enfant a été traité plus jeune, et consistent en une dysplasie radiculaire évoquant la DD-I, parfois une microdontie ou des altérations de l’émail. Au niveau dentaire, les colorations secondaires à la prise de tétracycline illustrent sa toxicité sur la matrice collagénique, dont la sécrétion rythmique est reflétée par l’apparition de bandes jaunâtres visibles à la surface de la couronne. Enfin, toute perturbation durable de l’équilibre systémique peut engendrer les altérations qui accompagnent les troubles électrolytiques de l’insuffisance rénale chronique de l’enfant dialysé, ou l’hypoxie tissulaire de l’insuffisance respiratoire dans la mucoviscidose ou les cardiopathies congénitales cyanogènes.
Références ➤
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Anomalies dentaires
Odontologie/Stomatologie
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-032-A-15
22-032-A-15 23-400-A-16
Inclusion dentaire (I) C Favre de Thierrens E Moulis M Bigorre S De La Chaise
Aspects biologiques, odontogéniques, physiologiques et pathologiques Résumé. – Les dents incluses représentent un pôle d’intérêt majeur en odontostomatologie, compte tenu de leur prévalence élevée. L’appellation générique « dents incluses », au sens large, correspond à une entité clinique à part entière. Elle regroupe différents diagnostics anatomocliniques comme autant de sous-entités, s’appuyant sur une sémiologie variée. Son cadre nosologique est résumé par un ensemble de définitions complémentaires. Après avoir rappelé les définitions de la classification odontostomatologique des dents incluses, classiquement admises dans la plupart des traités scientifiques odontostomatologiques, le point actuel sur les aspects biologiques, odontogéniques, physiologiques et pathologiques récents de l’inclusion dentaire, est entrepris à travers une analyse de la littérature internationale. Il fait l’objet d’une première partie sur le thème de l’inclusion dentaire. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dent incluse, dent retenue, dent enclavée, dent ectopique, dent de sagesse, germe dentaire, inclusion dentaire.
Introduction Après la carie dentaire, classée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme un des fléaux mondiaux en regard de sa prévalence élevée, et les parodontopathies, les dents incluses représentent un pôle d’intérêt majeur en odontostomatologie, compte tenu de leur fréquence élevée, fréquemment en rapport avec les dysharmonies dentomaxillaires [1, 64, 76]. Dans son livre « De Carnibus », Hippocrate rapportait déjà l’observation du manque de place pour les dents en rapport avec la forme du crâne et du palais [23, 91]. C’est en France, à l’école de médecine de Montpellier, que l’on retrouve notamment les traces des dents de sagesse et des premiers dentarius medicus, grâce au chirurgien le plus célèbre du XIVe siècle, Guy de Chauliac [11, 23, 29]. La correction des malpositions dentaires par avulsion fut préconisée très tôt dans l’histoire de l’art dentaire, notamment dès 1728 par Fauchard [32].
Carle Favre de Thierrens : Vice-doyen de la faculté d’odontologie de Montpellier, maître de conférences des Universités, praticien hospitalier en chirurgie buccale au CHU de Montpellier, praticien hospitalier odontologiste des hôpitaux publics au CHI de la sous-région sanitaire Sète-Agde-Bassin de Thau. Estelle Moulis : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier en odontologie pédiatrique au CHU de Montpellier. Michèle Bigorre : Praticien hospitalo-universitaire en chirurgie plastique pédiatrique au CHU de Montpellier. Faculté d’odontologie de Montpellier, 545, avenue du Professeur-Jean-Louis Viala, BP 4305, 34193 Montpellier cedex 5, France. Sybille De La Chaise : Sage femme. Faculté de médecine de Montpellier-Nîmes.
L’appellation générique « dents incluses » regroupe en fait plusieurs diagnostics anatomocliniques, occupant une place prépondérante dans la pathologie odontostomatologique quotidienne, dominée par les dents de sagesse incluses [1, 64]. Ces différents diagnostics s’appuient sur une sémiologie variée, dont le cadre nosologique est classiquement résumé par un ensemble de définitions complémentaires, d’expression nominale relativement constante, que ce soit dans les traités odontostomatologiques, les revues de la littérature, les dossiers de consensus ou les dictionnaires des termes techniques de médecine et de chirurgie, mais dont la signification selon les différentes interprétations internationales n’est toujours pas, en 2002, totalement en adéquation [1, 2, 4, 12, 13, 15, 16, 18, 21, 22, 23, 30, 40, 45, 50, 51, 56, 64, 65, 69, 77, 81, 83, 86, 87, 123, 124, 125] . Certains aspects des inclusions dentaires amènent à une réflexion complémentaire sur les rétentions des dents temporaires et les accidents d’éruption ou accidents de dentition, qui constituent deux sous-chapitres formant une entité pathologique au sein des « anomalies de l’éruption ». Les accidents de dentition et les anomalies chronologiques – dont le stade ultime d’évolution du retard d’éruption est l’inclusion des dents temporaires et/ou définitives –, comme l’ensemble des syndromes d’éruption dentaire, sont traités dans le cadre des « anomalies de l’éruption » (voir article EMC préalable et complémentaire « Anomalies de l’éruption » des mêmes auteurs [67]). Afin d’éviter des répétitions avec cet article récent, et dans le seul objectif d’approfondir le chapitre particulier mais néanmoins complexe de l’inclusion dentaire, entité clinique à part entière, proche mais non synonyme en tous points de la non-éruption dentaire, l’inclusion des dents définitives sera le principal objet de cette revue, les dents
Toute référence à cet article doit porter la mention : Favre de Thierrens C, Moulis C, Bigorre M et De la Chaise S. Inclusion dentaire (I). Aspects biologiques, odontogéniques, physiologiques et pathologiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-032-A-15, Odontologie, 23-400-A-16, 2003, 10 p.
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EMC [201]
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définitives étant, de loin, les plus fréquemment affectées par l’inclusion, tandis que l’inclusion des dents temporaires est rare et ne doit pas être confondue avec une éventuelle réinclusion [4, 12, 67, 81] .
Inclusion dentaire et dents incluses : précisions sémantiques et objectifs Le thème « dents incluses », au sens large, impliquerait de traiter une étude à visée tant exhaustive que spécifique de chaque type de dent permanente, mandibulaire et maxillaire (incisives, canines, prémolaires, molaires), ainsi que des dents ectopiques, surnuméraires, odontoïdes, mésiodens… et ce, tout du moins lorsqu’elles se présentent en inclusion, « impaction » en anglais, et non pas « inclusion », comme la traduction thématique simple du français à l’anglais permettrait de le penser [44]. Ce qui semble n’être qu’une nuance de linguistique, est déjà, à la base, à l’origine des nombreuses différences d’interprétations concernant les dents incluses, de par le monde. Ces différences conduisent à mettre davantage l’accent sur l’étude de l’inclusion des dents, principalement les dents permanentes, plus que sur l’étude de chacune des dents incluses, et ce, afin de savoir de quoi on parle réellement en matière de dents incluses, face à des observations cliniques identiques et aux différentes modalités cliniques clairement identifiées, ce qui n’est pas totalement le cas aujourd’hui, à l’analyse de la littérature internationale relative aux dents incluses. Un des principaux objectifs, dont l’étude est actuellement attendue, réside dans l’apport de contributions mettant à plat l’ensemble de la problématique inhérente à cette thématique, afin que la communauté professionnelle internationale soit en mesure de tendre, voire de s’accorder, sur une même base de langage scientifique référant aux dents incluses. Dans ce domaine particulièrement, où les distorsions relatives aux raisons précédemment invoquées sont fréquentes, une même base de langage scientifique référant aux dents incluses est le passage obligé, le point de départ indispensable, le prérequis incontournable à de futurs travaux de recherche sur le sujet, enfin comparables s’ils s’appuient sur une terminologie exactement nommée et reconnue de tous. En effet, déjà au départ de la problématique des dents incluses, le terme anglais cible l’inclusion en tant qu’« état pathologique » : « impaction ». Alors que, le plus fréquemment – c’est-à-dire hors rare pathologie propre du développement de l’organe dentaire, ou syndrome général susceptible de générer une inclusion –, le terme français identifie l’inclusion moins en tant qu’« état pathologique », qu’en tant qu’« anomalie » dentaire congénitale (de siège ou de direction, prééruptive et/ou éruptive), voire en tant que « processus compliquant l’évolution physiologique » de la dent en cours de développement physiologique, et d’éruption plus ou moins anormale. L’éruption plus ou moins anormale est classiquement interprétée au sens de anatomiquement et/ou physiopathologiquement « arrêtée », « stoppée », voire « bloquée » (sans pour autant approfondir le sens de « anormale » jusqu’à une signification plus fondamentale, histopathologique ou anatomopathologique). Rappelons que l’évolution physiologique de toute dent en cours de développement, y compris celle susceptible de rester ultérieurement en inclusion, présente un temps préalable où elle est encore naturellement incluse dans l’organisme, au sens littéral du mot inclusion, du latin « inclusus », enfermé, contenu dans ; certains auteurs parlant, de ce fait, d’inclusion dentaire selon cette signification physiologique, tandis que les Anglais qualifient à juste titre cet état physiologique dentaire normal ou préalable à l’inclusion pathologique, d’un autre mot signifiant la même chose mais dit différemment : « unerupted », c’est-à-dire « n’ayant pas fait éruption » (« unerupted tooth » se retrouvant néanmoins lui-même parfois 2
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traduit en « dent incluse », au sens pathologique strict, ce qui n’est pas sans semer le trouble et les erreurs d’interprétations, le risque de confusions entre la physiologie et la pathologie, perdurant en fait dans les deux langues) [1, 28, 33, 44, 56, 57, 58, 63, 64, 98]. L’étude clinique des dents incluses débouche implicitement sur la question de leur avulsion ou de leur conservation, qui n’est pas résolue sur le plan fondamental, mais peut être éclairée en regard des considérations précédentes relatives à la terminologie exacte de l’inclusion [1, 64, 69]. Si la question est tranchée sur le plan clinique, pour les dents incluses pathologiques, symptomatiques (75 % des dents de sagesse partiellement désincluses), notamment à l’origine de péricoronarites à répétition, elle n’est pas réglée pour les dents incluses asymptomatiques (98 % des dents de sagesse totalement incluses), face à la diversité des modalités rencontrées, depuis leur diagnostic jusqu’à l’indication ou non de l’acte thérapeutique chirurgical, en passant par l’évaluation du bénéfice-risque optimal de ce dernier [1, 6, 21, 46, 64, 65, 69, 81, 85, 86, 87, 97, 105, 109] . A fortiori, la question reste sensible pour les dents physiologiquement incluses, à l’état de germe, dont l’inclusion naturelle est observée, découverte radiologiquement, en cours de développement normal [1, 6, 21, 64, 69, 85]. Encore en 2002, toute la complexité de ce thème réside dans le diagnostic exact, mais en fait repose, à la base, à travers plusieurs classifications en vigueur, sur la difficulté internationale de retenir des appellations précises et identiques, reposant sur une sémiologie précise conduisant à un diagnostic précis, et, en réponse, d’adopter la formalisation de définitions précises pour les appellations correspondantes, susceptibles de tendre vers l’exactitude de l’identification des différentes modalités sémiologiques cliniques et radiologiques observées, c’est-à-dire capable d’appréhender et d’intégrer la globalité de la problématique des dents incluses, tant sur le plan histologique qu’anatomoclinique et physiopathologique [1, 64]. Encore actuellement, cette problématique soulignée par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) en 1997 au sujet des dents les plus fréquemment en inclusion, les dents de sagesse mandibulaires, perdure au point qu’elle repose toujours sur l’absence de conclusion consensuelle internationale, universelle et définitive en la matière, susceptible de prendre en compte, ne serait-ce que, avant même la résolution de la problématique des définitions et des classifications, celle, au départ, des appellations des différentes dents incluses constituant l’entité « dents incluses », au sens large, « impacted teeth » en anglais, à ne pas s’y tromper [1]. Après avoir rappelé les définitions et modalités de la classification odontostomatologique des dents incluses, au sens large, classiquement admises dans la plupart des traités scientifiques odontostomatologiques, la présente revue propose la présentation des autres définitions et/ou modalités des principales classifications nationales, internationales et étrangères, intégrant le thème des dents incluses et de leurs indications d’avulsion (ou de conservation). Le point actuel sur la question de l’inclusion dentaire et des dents incluses est entrepris à travers une analyse de la littérature internationale récente, ainsi que la synthèse des analyses antérieures, qui se sont affinées au fil des années précédentes, mais aussi la critique objective des publications et propositions rationalisées et officielles d’organismes d’État en matière de santé publique. Ces dernières se révèlent paradoxalement différentes d’un État à un autre, à l’heure de la construction de l’Europe, et face aux modèles hégémoniques américains particulièrement élaborés, dans ce domaine clinique, comme dans le domaine scientifique. Par une méthodologie comparative des données, à condition que leur validité puisse être attestée et retenue si elles sont fondées sur la sémiologie et/ou sur les rares preuves fondamentales à
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Inclusion dentaire (I). Aspects biologiques, odontogéniques, physiologiques et pathologiques
disposition sur le sujet, et par une formalisation rigoureuse, la contribution qu’apporte l’analyse nosologique transversale permettra de tendre vers une homogénéisation des significations proposées, voire d’approcher une uniformisation des termes qualifiant l’ensemble des dents incluses et de leurs définitions. L’ensemble des définitions des dents incluses doit répondre, au plus proche possible, à la réalité clinique observable et radiologiquement identifiable, et doit être susceptible de représenter la quintessence consensuelle des classifications en vigueur, sans les contredire quand elles se contredisent, en les apurant de leurs divergences, qui, le plus fréquemment, sont des écarts d’interprétations. L’identification transversale de la grande variété des modalités caractérisant les dents incluses et leur prise en charge mérite alors que soit revue et complétée, à l’examen de la littérature internationale, et au regard objectif et synthétique de ces classifications, émanant, pour les plus récentes, d’études préparatoires d’évaluation rétrospectives et prospectives, la formalisation des définitions des dents incluses, afin de contribuer à une classification odontostomatologique nosographique, médicochirurgicale, synthétique, référentielle (aux données actuellement consensuelles), tant anatomoclinique que physiopathologique. L’objectif prioritaire d’une telle classification ou nomenclature réside dans une meilleure appréhension de l’identification de l’ensemble des dents incluses interpellant le praticien, outre d’un point de vue étymologique, sémantique, nosologique et nosographique, du point de vue du diagnostic précis, sans lequel une indication adaptée ne peut leur être portée – indication d’avulsion ou simplement de conservation –, et, par conséquent, la qualité de leur prise en charge, en tant qu’obligation de santé publique, assurée – prise en charge thérapeutique ou seulement diagnostique –. En rapport avec l’ensemble de ces considérations, le thème des dents incluses et de leurs aspects thérapeutiques doit également être rapproché de l’intérêt des procédures orthodontiques préventives ou curatives, efficientes, en réponse à la fréquence des dysharmonies dentomaxillaires, en rapport ou non avec la prévalence des dents incluses. Cette dernière considération doit notamment être rapprochée de l’incidence constatée de leurs aspects thérapeutiques – notamment les germectomies –, générant un impact notable en santé publique, épidémiologie et économie de la santé. L’étude clinique des dents incluses impliquant leur prise en charge, avulsionnelle, mais aussi, dans certains cas, conservatrice, l’aspect thérapeutique particulièrement étendu, faisant principalement appel à des techniques chirurgicales, orthopédiques, orthodontiques ou chirurgico-orthodontiques, s’oriente nécessairement, secondairement, vers la formalisation des procédures médicochirurgicales, plus ou moins simples ou complexes, pour une prise en charge de qualité. La thérapeutique, outre les recommandations et certains de ses aspects satellites, n’est pas l’objet du présent travail. Elle a récemment fait l’objet de travaux particulièrement élaborés et significatifs à ce sujet dans l’EMC [26, 27, 96, 103, 104] . Privilégiant l’intérêt concret du lecteur spécialiste, en vue de l’intérêt final et supérieur de son patient, l’étendue du thème et les multiples aspects associés nous ont volontairement conduits, dans cet article sur le thème des « dents incluses » : – à traiter en priorité de l’étude de l’inclusion des dents définitives incluses, les plus fréquemment incluses étant les troisièmes molaires mandibulaires, ou dents de sagesse mandibulaires ; – à orienter en priorité l’étude de l’inclusion depuis sa sémiologie et son diagnostic, vers l’orientation thérapeutique consécutive, recommandée, c’est-à-dire à ses indications d’avulsion, ou de conservation ; – à prendre en compte l’impact des indications orthodontiques en rapport avec le thème, sans pour autant en détourner ou en alourdir
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le sujet premier qui est celui des diverses inclusions dentaires et, implicitement, la conduite à tenir en réponse à leur sémiologie ; – à ne pas prioriser l’étude des complications infectieuses, tumorales et/ou générales, et leur traitement, liées aux dents incluses en général, et aux troisièmes molaires mandibulaires en particulier [17, 67, 104] ); – à ne pas prioriser le traitement de l’urgence associée aux dents incluses en général, et aux troisièmes molaires mandibulaires en particulier [17, 67, 104]) ; – à exclure les cas de réinclusion, notamment de dents déciduales ou de racines dentaires fracturées, résiduelles...
Rappel des définitions et modalités de la classification odontostomatologique des dents incluses, au sens large Au sein de la pathologie dentaire, les dents incluses sont généralement traitées dans les anomalies – anormalité, conséquence et/ou résultat d’un processus de formation et/ou de développement anormal – dentaires, dont une classification neurocristopathique avait été proposée [19], tandis que la génétique et les progrès de la biologie moléculaire relative aux anomalies dentaires, aujourd’hui en pleine évolution, viennent apporter des précisions complémentaires, qui seront développées plus loin [83]. Classiquement, les dents incluses se retrouvent classées parmi les anomalies dentaires congénitales prééruptives – principalement les anomalies de position, de siège et/ou de direction –, et/ou éruptives, tandis que le cas particulier, mais en fait le plus fréquent, des malpositions dentaires en rapport avec les malformations maxillaires, est aussi traité en relation avec l’orthopédie dentofaciale [2, 4, 16, 17, 18, 22, 33, 42, 45, 56, 67, 81, 83, 91]. Parmi les anomalies prééruptives, on les retrouve dans les anomalies de position, topogénie ou dystopies (siège et/ou direction), mais aussi de nombre, voire de volume et/ou de morphologie (forme, taille…), plus rarement de développement et/ou de structure (malformations) [2, 4, 16, 17, 18, 22, 33, 42, 45, 56, 67, 81, 83]. Parmi les anomalies éruptives ou anomalies de l’éruption, on les retrouve dans les anomalies chronologiques – dont le stade ultime d’évolution du retard d’éruption est justement l’inclusion des dents temporaires et/ou définitives, seul objet de cette revue –, et/ou les accidents de dentition, d’évolution, d’éruption (voir article complémentaire EMC « Anomalies de l’éruption » [67], notamment pour l’inclusion des dents temporaires) [2, 4, 16, 17, 18, 22, 33, 42, 45, 56, 67, 81, 83]. La dent incluse, définie au sens large, répond généralement aux cas de dents dont le phénomène d’éruption ne leur a pas permis de faire totalement irruption dans la cavité orale, plus précisément d’évoluer normalement jusque dans le milieu buccal en atteignant une relation d’occlusion fonctionnelle au sein des arcades alvéolodentaires mandibulaire ou maxillaire, en particulier, et du système stomatognathique, en général [1, 2, 4, 12, 13, 15, 16, 18, 21, 22, 23, 30, 40, 45, 50, 51, 56, 64, 65, 69, 77, 81, 83, 86, 87, 123, 124, 125] . Les dents incluses, définies au sens large, s’adressent à différentes sous-entités. DENT EN RÉTENTION
La dent en rétention a été initialement définie comme une dent retenue malgré elle, avant d’atteindre le milieu buccal. Son potentiel évolutif étant initialement considéré comme intègre, il est classiquement, et toujours, admis que sa maturation radiculaire aboutira à une relation statiquement figée de sa rétention, susceptible de déterminer, dès lors, une relation qualifiée d’inclusion proprement dite, ou bien d’enclavement. 3
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DENT INCLUSE PROPREMENT DITE
La dent incluse proprement dite a été définie comme une dent encore incluse dans l’organisme, dont l’éruption ne lui a pas permis de faire irruption dans la cavité orale. Plus exactement, c’est une dent dont l’édification radiculaire apicale s’est terminée avant que le processus d’éruption ne lui ait permis d’évoluer jusque dans le milieu buccal, c’est-à-dire sans la moindre effraction de la muqueuse orale, ou, plus précisément, sans ouverture, donc sans contamination du sac péricoronaire par la flore bactérienne buccale. L’inclusion peut exister à proximité de l’environnement normal ou présumé normal, ou non, ailleurs dans les maxillaires – elle est dite inclusion « ectopique » –, ou plus loin ailleurs dans l’organisme – elle est dite alors « hétérotopique » –. DENT ENCLAVÉE
La dent enclavée – terme utilisé principalement en France – a été définie comme une dent dont l’édification radiculaire apicale s’est terminée après que le processus d’éruption lui ait permis d’évoluer jusque dans le milieu buccal, mais sans pouvoir atteindre une relation d’occlusion fonctionnelle au sein des arcades dentaires, généralement en raison du blocage mécanique de la couronne contre un obstacle anatomique voisin, le plus souvent, une dent adjacente mésiale. La définition classique précise bien que la dent ayant commencé son évolution n’a pu atteindre une relation d’occlusion fonctionnelle au sein des arcades dentaires mandibulaire ou maxillaire. En ce sens, et par opposition à la dent incluse proprement dite, la définition classique admet que l’enclavement sous-entend qu’il y ait eu ouverture du sac péricoronaire, c’est-à-dire effraction de la muqueuse orale. Cette définition reste valable après avoir précisé qu’elle identifie en priorité une modalité clinique de dent enclavée ne pouvant à elle seule représenter fidèlement toutes les modalités cliniques de dents enclavées. En conséquence, elle devra être particulièrement réévaluée et modifiée. DENT EN DÉSINCLUSION
La dent en désinclusion a été initialement définie comme une dent restée incluse, une grande partie de la vie, jusqu’à ce que certaines transformations morphologiques de la cavité orale favorisent son exposition au milieu buccal.
Mise au point et concordance linguistique Préalablement à la mise en adéquation des différentes définitions des termes, il s’agit de rappeler la correspondance exacte des appellations employées de par le monde, à travers les traductions linguistiques, principalement entre francophonie et anglophonie. En effet, la traduction anglaise (thème) de « dent incluse », au sens large est « impacted tooth », dont la traduction française (version) n’est absolument pas en rapport avec la traduction littérale « dent impactée » – cette dernière devant être réservée à la traumatologie –, mais une traduction restrictive à un type de dent incluse : « dent barrée », donc non fausse – car les dents barrées en font partie –, mais non totalement représentative et imparfaite – car les dents barrées se classent généralement parmi les dents enclavées plutôt que parmi les dents incluses proprement dites, tout en appartenant au grand ensemble des dents incluses, au sens large [28, 44, 57, 58]. Alors que l’anglais « impacted tooth » identifie, au sein de la communauté scientifique anglophone, les « dents incluses au sens large » (quoique, comme vu précédemment, d’après la version linguiste pure, à tort, plus volontiers les « dents enclavées »), la 4
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littérature scientifique anglophone identifie distinctement les « dents incluses proprement dites », n’ayant pas évolué, n’ayant pas fait éruption, au sens de leur émergence buccale, sous l’appellation de « unerupted tooth » – traduction littérale : négation de « erupted », soit, en terme franglais « non « éruptée » », en français littéral « non percée », en français scientifique « n’ayant pas fait éruption » (« unerupted » ou « unerupted tooth » ne se trouvant pas sur le plus célèbre des dictionnaires anglais ou d’autres lexiques médicaux, contrairement à l’entité « impacted tooth », pour « dent incluse ») [1, 28, 44, 57, 58, 63] . La présente mise au point quant à la concordance linguistique des termes utilisés est nécessaire pour la suite de l’analyse proposée, car il est indispensable d’identifier sans se tromper les mêmes entités décrites. Pour s’en convaincre, les deux constatations suivantes sont flagrantes pour témoigner des sources de divergences graves relevées : – de prime abord, l’anglophonie utilise comme terme général de « dents incluses », au sens large, « impacted teeth », c’est-à -dire, d’après la traduction linguiste pure, celui que la francophonie semble, en première lecture, réserver à tort pour les dents enclavées, « dents enclavées » ; – de même, la francophonie utilise comme terme général de « dents incluses », au sens large, « dents incluses », c’est-à-dire, d’après la traduction, celui que l’anglophonie semble, en première lecture, réserver à tort pour les dents incluses proprement dites, « unerupted teeth ». En fait, à la traduction linguiste pure, il faut apporter la correction de l’interprétation scientifique visant à la conformité la plus exacte possible avec la réalité clinique. C’est ainsi que la traduction linguiste de « impacted tooth » correspond réellement à la traduction scientifique de « dent incluse », au sens large et/ou proprement dite, et non pas, nul ne doit s’y tromper, à la traduction scientifique de « dent impactée », le verbe « impacter » n’existant pas dans la langue française si ce n’est à travers le langage scientifique dérivé de l’anglais [28, 44, 57, 58]. Tandis que la traduction de « unerupted tooth » correspond effectivement aux dents « n’ayant pas fait éruption », à l’état physiologique dentaire normal, ou préalable à l’inclusion, au sens pathologique (« dent retenue » de la définition classique et de l’Anaes) [1] ; c’est-à-dire plutôt aux dents encore physiologiquement en cours de développement normal, en cours de processus normal d’éruption – « n’ayant pas fait éruption » qualifiant plus un processus qu’un état –, que aux dents incluses pathologiques, au sens large [1]. Ces dernières comprenant, d’une part, les dents incluses, proprement dites, « impacted teeth » (l’Anaes leur ayant associé « unerupted teeth » en 1997, tandis que leur état antérieur de « dent retenue » est assorti, pour l’Anaes, du terme général « impacted teeth » ? !) et d’autre part, ce que les Français traduisent plus spécifiquement, en les nommant classiquement, les dents enclavées, devant dès lors être qualifiées de l’état « partially erupted » – « partiellement éruptée » en franglais, « ayant fait éruption partielle » ou plus simplement « en éruption partielle » en français scientifique, qualifiant plus un état statique, arrêté, qu’un processus dynamique, en cours – [1, 28, 44, 57, 58, 98]. Comme le précise très justement en explicitant cette appellation “partially erupted” dans la littérature internationale, la classification de la Faculté de chirurgie dentaire du Collège Royal des chirurgiens d’Angleterre : « dent n’ayant pas pu évoluer (au sens plus précis du verbe intraduisible « to erupt ») dans une position fonctionnelle normale », en avertissant bien que la nuance est très importante, mais néanmoins relative à la notion de date normale ou retardée d’émergence clinique, en fonction des paramètres d’ordre temporel et spatial [1, 98]. Le terme anglais de « dents incluses », « impacted teeth » paraît impropre, au premier abord évocateur d’un sens différent en français, appartenant au chapitre de la traumatologie, mais, hormis
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sa traduction française qui semble trompeuse, il se veut correspondre à une définition large de l’inclusion, ou « impaction » en anglais, qui cible bien l’inclusion en tant que pathologie clinique, c’est-à-dire l’inclusion de l’ensemble des dents incluses décrites, autrement dit, les dents incluses au sens large [98]. Tandis que le terme « unerupted tooth » doit n’être réservé que, très justement – ce qui constitue un point positif issu de l’analyse de cette inadéquation linguistique –, aux dents incluses n’ayant pas fait éruption, principalement celles en voie d’éruption normale ou précédant l’inclusion, qui se voient attribuer une terminologie plus précise, plus ciblée [98]. L’appellation française « dents incluses », semble a priori plus conforme à la réalité de l’inclusion des dents classiquement nommées ainsi, fréquemment sans davantage de précision, et semble aussi pouvoir correspondre ou s’inscrire volontiers dans la définition de l’OMS relative à la théorique invasivité chirurgicale aseptique de l’acte chirurgical nécessaire à leur abord (à l’instar de la précision du terme anglais « unerupted tooth », physiologique comme potentiellement pathologique), mais nous verrons qu’elle ne résiste pas à l’analyse [57, 58, 76]. L’appellation française classique ne résiste pas à l’analyse, notamment par le simple fait qu’une partie des « dents incluses », au sens large, celles classiquement qualifiées de « dents enclavées » (terme plus ou moins synonyme de « dents barrées » que nous renvoie exprès la traduction anglaise comme pour souligner la contradiction avec l’inclusion proprement dite), sont en fait plus ou moins en communication avec le milieu buccal septique [33]. Ce paramètre déterminant est source d’ambiguïté et instaure une confusion majeure entre le terme au sens large – qui peut difficilement, sauf précision complémentaire attenante, à la fois représenter des dents aseptiques et des dents septiques –, et ses subdivisions classiques, « dent incluse proprement dite » – exclusivement aseptique –, et « dent enclavée » – classiquement septique [33]. L’appellation anglaise « impacted tooth » – ainsi que « unerupted tooth » – doit donc être prise en compte en tant que mot clé pour une recherche documentaire de qualité ciblée réellement sur le sujet, notamment à partir des descripteurs « MeSH » (Medical Subject Headings) de la plus grande banque de données bibliographiques, la National Library of Medicine, américaine, sur le site Internet PubMed Medline [70]. C’est en partant de cette divergence à la base, depuis le défaut de correspondance des deux langues parmi les plus courantes au monde, que vraisemblablement nul ne se risque à tenter de vouloir changer, qu’il y a lieu d’intégrer les deux termes « dents incluses » et « impacted teeth » en tant qu’appellations coexistantes signifiant la même entité « dents incluses, au sens large ». Et c’est à partir de ce postulat réaliste, parce que non modifiable, que les diverses classifications, multiples et variées, nationales et internationales, françaises, anglaises ou autres, en vigueur et à venir, susceptibles d’englober le thème des dents incluses et leur aspect thérapeutique, devront et pourront, en priorité, être analysées et faire l’objet d’une étude comparative approfondie, afin que, à travers l’ensemble des classifications, la grande variété des modalités cliniques caractérisant les dents incluses et leur prise en charge soit plus clairement identifiée transversalement d’une classification à l’autre. Préalablement à la finalité de pouvoir tendre vers une base scientifique, tout du moins théorique, cliniquement applicable dans la pratique, par cette nécessaire analyse des classifications cliniques en vigueur, il y a lieu de rappeler les différents éléments de la biologie de la dent et de l’inclusion dentaire pouvant guider l’analyse en question. Il s’agit des éléments de la biologie de la dent ayant une incidence sur l’inclusion, tant purement biologiques qu’ontogéniques,
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étiopathogéniques, physiopathologiques, paléontologiques, épidémiologiques, communs à toutes les dents incluses et/ou propres à chaque dent incluse.
Biologie de l’inclusion dentaire : odontogénie, étiopathogénie, physiopathologie, paléo-odontologie, épidémiologie, pharmacovigilance, odontologie médicolégale, en rapport avec l’inclusion dentaire ODONTOGÉNIE ET CROISSANCE DU GERME DENTAIRE EN RAPPORT AVEC L’INCLUSION DENTAIRE
L’odontogénie ou odontogenèse, formation des follicules dentaires et des dents, appartient à l’ontogénie ou ontogenèse, développement de l’individu (par opposition à la phylogénie ou phylogenèse, développement de l’espèce). L’ontogénie se compose de l’embryogénie ou embryogenèse, développement de l’embryon, puis de l’organogénie ou organogenèse, développement des différents organes, dont l’organe dentaire, organe épithéliomésenchymateux. Les feuillets primordiaux issus du zygote : l’entophylle et l’ectophylle, donnent respectivement, d’une part, l’entoblaste, et d’autre part, l’ectoblaste et le mésoblaste. L’ectoblaste donne l’épiblaste et le neurectoblaste. Le neurectoblaste donne le tube neural – qui donnera le névraxe – et les crêtes neurales. Au niveau des crêtes neurales céphaliques, dériveront les arcs branchiaux. Les feuillets primordiaux initiant le développement craniofacial font l’objet d’une évolution complexe au niveau de la cavité buccopharyngienne, donnant naissance aux branchiomères (équivalents des métamères) de l’appareil branchial, pharyngien ou viscéral. Le premier arc – au niveau duquel se forment muscles masticateurs et maxillaires, dérivés ectomésenchymateux sous l’induction de l’ectoblaste oral, est centré sur l’ébauche du nerf trijumeau, qui innerve muscles masticateurs et maxillaires, et toutes leurs futures dents ou odontodes. C’est au niveau du premier arc que la lame épithéliale primitive d’origine ectoblastique, issue de l’épithélium oral, donne, avec l’ectomésenchyme odontogène, la lame dentaire. La lame dentaire initie le développement des bourgeons dentaires à partir desquels s’organisent, autour du mésenchyme fibroblastique pulpaire, au niveau coronaire, les tissus dentaires mésenchymateux odontoblastiques – dérivant de la crête neurale céphalique odontogène – et ectoblastiques améloblastiques – dérivant de l’ectoderme oral – ; et au niveau radiculaire, les tissus dentaires mésenchymateux odontoblastiques, mais aussi fibroblastiques (voire cémentoblastiques) parodontaux et probablement ostéoblastiques alvéolaires – dérivant de la crête neurale céphalique odontogène –, constituant les germes dentaires. L’histomorphogenèse, le développement, la croissance, l’édification, l’évolution et l’éruption primaire des germes dentaires sont intimement liés quant aux mécanismes biologiques et chronologiques, qu’il était nécessaire de resituer ici afin d’analyser plus loin la distinction entre les anomalies d’éruption en général et l’inclusion en particulier (voir article complémentaire EMC « Anomalies de l’éruption » [67]) [2, 10, 14, 33, 40, 41, 59, 67, 68, 83, 99, 100, 110, 116, 131]. Le terme « germe dentaire » est généralement préféré pour définir la dent –incluse au sens physiologique strict, enfouie au sein des maxillaires, aseptique –, depuis le stade primitif du bourgeon jusqu’au moment de son éruption dans le milieu buccal, c’est-à-dire jusqu’au moment de son irruption dans la cavité orale, à travers la muqueuse orale gingivale, ou éruption gingivale (stade 3 du développement radiculaire). En ce sens, le germe dentaire caractérise plutôt la première phase de l’évolution dentaire [8, 56, 81]. Le terme « dent immature » s’adresse de toute évidence au germe dentaire, par définition toujours immature, mais est généralement 5
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préféré, notamment quant l’évolution se passe normalement, pour la dent – « désincluse », au sens physiologique strict où elle n’est plus incluse (au sens physiologique strict), et devenue, en parallèle, septique –, depuis le premier moment de son éruption dans le milieu buccal (stade 3 : couronne et racines minéralisées aux trois quarts) jusqu’au moment terminal de son édification radiculaire (stade 4 : formation apicale), lui permettant – notamment la totalité de sa couronne, ayant fait éruption – d’atteindre une relation d’occlusion fonctionnelle au sein des arcades alvéolodentaires mandibulaire ou maxillaire [1, 56, 81]. Suite à la première phase – incluse – (phase prééruptive), de l’évolution dentaire, cette deuxième phase, éruptive (phase éruptive préfonctionnelle comprenant période intraosseuse, effraction gingivale et période préocclusale) de l’évolution dentaire relative à l’émergence gingivale de la couronne jusqu’à son dégagement total et jusqu’au contact occlusal avec la dent antagoniste (phase fonctionnelle postocclusale), correspond histologiquement à la fin de l’édification radiculaire, ou formation apicale de la dent – première phase de l’apexogenèse – [1, 49, 61, 81, 83]. La fin de cette phase éruptive signe la fin « anatomomorphologique » de l’évolution dentaire normale de la dent immature, mettant un terme à cette appellation classique de dent immature, considérée ensuite cliniquement par la plupart des auteurs en tant que « dent mature » [1, 49, 61, 81, 83]. Cependant, cet achèvement « clinique » de l’évolution dentaire est complété par la maturation radiculaire apicale, correspondant histologiquement à la deuxième phase de l’apexogenèse, c’est-à-dire la minéralisation apicale physiologique définitive, durant en moyenne, pour les dents définitives, 2 à 4 ans de plus, selon les dents (3 ans pour les dents temporaires) [10, 33]. Cette maturation est théoriquement, histologiquement, nécessaire, pour certains auteurs, principalement histologistes, mais aussi cliniciens endodontistes, à l’appellation « dent mature » [10, 33]. Néanmoins, nous retiendrons conventionnellement, à l’instar de l’Anaes, la définition clinique conventionnelle relative aux dents immatures et matures [1, 22, 33]. Toutefois, si la définition du germe dentaire, par l’Anaes, englobe la totalité des temps détaillés précédemment : « stade primitif d’une dent, depuis le stade de bourgeon jusqu’à la maturation complète de la dent, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’édification radiculaire soit achevée », elle laisse une imprécision relative quant à la maturation complète selon si l’édification radiculaire comprend la lente phase minéralisatrice de l’apexogenèse ou non [1]. Si on considère que l’édification radiculaire ne comprend pas cette phase, s’agit-il de la maturation complète ? Non. Mais, paramètre intéressant, dans ce cas, le germe dentaire comprendrait aussi le temps allant de l’émergence à l’occlusion, ce qui, cliniquement, est peu usité, mais possède encore un sens histologique vrai (stade 3 au stade 4) [3, 10]. Peu usité lors de l’évolution normale, ce paramètre peut devenir intéressant à utiliser pour mieux définir et comparer les états pathologiques (dent permanente incluse, dent retenue, dent enclavée) conduisant à l’inclusion non physiologique, comme le propose l’Anaes [1]. Si, au contraire, l’édification radiculaire « achevée » comprend la lente phase minéralisatrice de l’apexogenèse, il s’agit bien de la maturation complète, mais alors une ambiguïté perdurerait quant à la définition même du germe dentaire, qui, restant histologiquement fondée par rapport au processus histologique complémentaire d’apexogenèse, ne correspond plus vraiment à l’équivalence clinique conventionnelle de la définition du germe dentaire – qui ne considère plus, dans le meilleur des cas, la dent en tant que germe après son contact occlusal – [1, 22]. 6
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Il est étonnant de noter que les définitions de l’Anaes ne semblent pas en adéquation quand il s’agit de conditions physiologiques, histologiques, d’une part, puis pathologiques, d’autre part [1]. Les définitions retiennent tous les critères histologiques – jusqu’à la phase minéralisatrice de l’apexogenèse – lorsqu’il s’agit du germe dentaire, et ne retiennent que les critères cliniquement usités, en rapport avec la première phase de l’apexogenèse, certes la plus significative, lorsqu’il s’agit des dents permanentes incluses, retenues, ou enclavées [1]. Cette dernière constatation est en adéquation avec l’analyse comparative proposée ci-après sur le sujet, des définitions des dents permanentes incluses, retenues, ou enclavées, pour lesquelles les critères cliniques prédominent sur les preuves scientifiques qui font défaut. La nuance qu’apporte la définition plus histologique qu’anatomoclinique, donc plus fondée, du germe se devant d’être précisée, mais n’étant pas l’objet premier de notre propos – qui se devait néanmoins de la prendre en compte –, apparaît davantage, entre le domaine fondamental et le domaine clinique, comme une divergence de considération inhérente à la différence des champs d’investigation de ces domaines, que comme une réelle différence. Car cette nuance se résume en fait, en rapport avec le contexte pathologique, tout du moins thérapeutique, notamment de l’indication chirurgicale de germectomie, à un écart plus sémantique que réel, les cliniciens chirurgiens utilisant ce terme ne considérant a priori plus la dent en tant que germe après son éruption gingivale normale, voire éventuellement peu de temps après, jusqu’à sa position occlusale stable sur l’arcade, et non jusqu’à environ 3 ans après qu’elle ait pris sa position occlusale stable sur l’arcade. Et ce, même si la tendance générale admet ou, tout du moins, s’accorde à devoir repousser la limite chronologique de l’immaturité clinique en conformité avec la date histologique 3 ans après la date cliniquement admise de la maturation – fin du développement radiculaire en voie de minéralisation –, concomitante au contact occlusal. Nous réserverons pour la clarté de l’analyse qui suit, les termes « germe dentaire », « dent immature » et « dent mature » du point de vue chirurgical – respectivement germe dentaire avant éruption, dent immature entre éruption et occlusion, et dent mature après occlusion, si la dent arrive à ces stades (ou, a contrario leur négation, si inclusion : germe dentaire, dent immature, voire dent mature avant éruption ; ou si enclavement : germe dentaire, dent immature, voire dent mature entre éruption et occlusion) –, plutôt que – formalisé ici par obligation et par défaut –, du point de vue anatomomorphologique – respectivement germe dentaire avant occlusion, dent immature entre occlusion et maturation, dent mature après maturation –, ou du point de vue histologique et endodontique – respectivement germe dentaire synonyme de dent immature jusqu’à la maturation, dent mature après maturation –. BIOLOGIE DE L’INCLUSION DENTAIRE
L’inclusion dentaire, phénomène considéré classiquement comme pathologique, correspondrait de ce fait, a priori, à la négation de l’éruption dentaire en particulier, et de l’évolution dentaire en général, phénomènes classiquement considérés comme physiologiques [67]. Si l’évidence que l’inclusion dentaire correspond à une des modalités de la non-éruption, ou de la non-évolution, est certaine, l’inclusion dentaire ne se résume-t-elle pour autant systématiquement, uniquement qu’à une des complications pathologiques de la physiologie de l’éruption ou de l’évolution ? Certainement pas, même si un cas de modèle mendélien d’absence totale d’éruption, à transmission autosomique dominante, a été signalé dans la
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Inclusion dentaire (I). Aspects biologiques, odontogéniques, physiologiques et pathologiques
littérature comme un cas unique, génétique, d’expression totale, semblant directement confondre totalement l’inclusion et la non-éruption [107]. Traiter de la pathologie de l’inclusion dentaire ne revient pas tout à fait au même que traiter du simple complément pathologique de la biologie de l’évolution ou de l’éruption, biologie elle-même non totalement élucidée, traitée au niveau des anomalies de l’éruption (voir article complémentaire EMC «Anomalies de l’éruption » [67]) [2, 10, 16, 18, 38, 45, 83] . En effet, outre la remarque faite à ce sujet dans le chapitre préalable « Inclusion dentaire et dents incluses : précisions sémantiques et objectifs », il y a lieu de prendre aussi en considération un certain nombre de paramètres physiologiques complémentaires à l’étude de la biologie de l’évolution ou de l’éruption, conditionnant le processus d’inclusion, davantage vu en tant qu’entité physiopathologique – et permettant de parler, à l’instar de la biologie de l’évolution ou de l’éruption dentaire, de son complément physiopathologique ou biologie de l’inclusion dentaire. Il y a lieu de prendre en considération l’ensemble des considérations suivantes, relatives au fonctionnement de l’organe dentaire et de son environnement lorsqu’il est le siège de dysfonctionnements, se situant notamment à l’interface de la physiologie et de la pathologie. PHYSIOLOGIE DE L’INCLUSION DENTAIRE
Du point de vue physiologique, l’équilibre de la croissance osseuse et dentaire – radiculaire et ligamentaire –, contribue à l’évolution dentaire, considérée, selon les auteurs, à la fois d’un point de vue statique en tant qu’état final, et d’un point de vue dynamique en tant qu’ensemble des processus évolutifs permettant à l’organe dentaire d’atteindre une relation d’occlusion fonctionnelle au sein des arcades alvéolodentaires mandibulaire ou maxillaire, en particulier, et du système stomatognathique en général, ou, autrement dit, en tant que passage de la position de développement intraosseuse à la position fonctionnelle masticatrice de sa face occlusale dans le plan d’occlusion [1, 10, 38, 83]. Cet objectif fonctionnel final qui constitue la raison d’être de l’organe dentaire « mature » ne doit pas faire perdre de vue que, préalablement pour le permettre, l’évolution dentaire est un phénomène séquentiel, génétiquement et chronologiquement déterminé selon la dent (gènes dits « dentaires » induisant la différenciation de la lame dentaire – nombre de dents –, et gènes dits de « spatialisation » contrôlant les champs morphogénétiques des dents de la lame dentaire – position et morphologie –), notamment depuis les stades initiaux de la minéralisation coronaire du germe dentaire physiologiquement inclus, et de sa croissance radiculaire et ligamentaire [1, 2, 10, 30, 31, 38, 60, 72, 83, 110, 115, 117, 118, 119, 120]. De plus, sa croissance radiculaire et ligamentaire est sous contrôle endocrinien (mode paracrine), notamment du facteur de croissance épidermique (epidermal growth factor [EGF]), déterminant son évolution normale – selon un déplacement dans une direction axiale –, dont, après cette première phase d’inclusion (au sens physiologique), son éruption normale – terme plus précis pour mieux caractériser l’aspect clinique le plus dynamique de l’évolution dentaire, c’est-à-dire la deuxième phase d’éruption, allant de l’émergence gingivale de la couronne jusqu’à son dégagement total [1, 2, 10, 34, 38, 78, 83, 110, 115, 117, 118, 119, 120]. L’EGF est un polypeptide qui s’exprime notamment dans les tissus dentaires, stimule la prolifération des cellules épithéliales et du mésenchyme folliculaire [2, 83]. Le récepteur à l’EGF, EGF-R, est une glycoprotéine transmembranaire d’activité tyrosine-kinase [132] . L’EGF et l’EGF-R sont des déterminants moléculaires de la morphogenèse, localisés dans les cellules épithéliales du bourgeon dentaire [132] . L’EGF-R a été détecté dans le follicule dentaire, l’épithélium dentaire externe et la papille dentaire (future pulpe
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dentaire), au stade de la morphogenèse de la cupule dentaire (ou capuchon dentaire, stade suivant le stade du bourgeon dentaire, et précédant le stade de la cloche dentaire), ainsi que, ultérieurement, dans les améloblastes sécréteurs [132]. Outre les références chronologiques et les écarts types de l’éruption standard, l’âge dentaire – âge biologique déterminé le plus souvent par des marqueurs physiologiques telles les dates individuelles d’éruption et de maturation, observables cliniquement et radiologiquement –, fait l’objet de recherches en cours – en partenariat entre la faculté d’odontologie de Montpellier et, à Bordeaux, le laboratoire « Anthropologie des populations du passé », ainsi que l’unité « Société, santé, développement » du Centre national de la recherche scientifique. L’utilisation d’autres marqueurs – parmi les indicateurs biologiques (sexe, race), radiologiques, géographiques, environnementaux, socioéconomiques et socioculturels – est susceptible d’expliquer la variabilité de l’écart éventuel entre l’âge chronologique du développement dentaire observé (stades d’éruption, de maturation, de calcification, de dentition), l’âge du développement osseux (cartilages de conjugaison, radiographie du poignet et des vertèbres cervicales), l’âge légal d’état civil de l’individu, et éventuellement les taux de croissance faciale, pondérale et staturale [2, 20, 25, 37, 67, 88, 91, 102] . L’orientation des fibres de collagène du sac folliculaire varie selon les stades du développement radiculaire ou rhizagenèse. Au stade 1, stade du quart du développement radiculaire, les fibres courent circonférentiellement autour du germe, sans insertion au cément ni à la crypte osseuse. Au stade 2, stade de la moitié du développement radiculaire, quelques fibres principales apparaissent entre le cément et l’os alvéolaire, les plus cervicales d’entre elles fusionnant avec les fibres gingivales sus-jacentes. Au stade 3, stade des trois quarts du développement radiculaire, les fibres principales de Sharpey forment progressivement le ligament alvéolodentaire, selon une orientation oblique, tendues presque perpendiculairement du cément à la paroi alvéolaire, tandis que le germe en pleine évolution va se désinclure de sa crypte osseuse pour faire son éruption gingivale dans la cavité orale, à travers un véritable conduit épithélial, sans exposition conjonctive ni hémorragie [3, 43, 122]. Un concept unifactoriel – desmodontal – relatif à l’éruption normale, basé sur les pressions exercées par les fluides vasculaires ou tissulaires (pression hydrostatique desmodontale ou pulpaire), la migration des fibroblastes desmodontaux et la contraction du collagène desmodontal n’expliquerait que partiellement l’éruption [8, 62, 74, 75, 112] . Le concept actuel, plurifactoriel – desmodontal et osseux – relatif à l’éruption normale, et plus précisément à la migration intraalvéolaire du germe, basé sur l’association concomitante, synchronisée, à la fois de la croissance osseuse via le remodelage osseux alvéolaire – avec en amont, la résorption osseuse vers le site d’éruption et en aval, l’apposition osseuse au fond de l’alvéole –, à la fois de la croissance radiculaire et pulpaire – organisation du paquet vasculonerveux et médiateurs neurovasoactifs –, et à la fois de la contraction du collagène desmodontal, voire aussi de la préparation de l’émergence de la muqueuse gingivale, semble être en mesure d’expliquer l’ensemble du phénomène d’éruption, sous l’orchestration chronologique fortement présumée de l’EGF aux différents stades de l’organogénie, prenant pour cible les différents tissus impliqués dans le processus d’éruption, l’organe dentaire étant déjà connu comme étant le siège de signaux du système neuroendocrinien [2, 30, 34, 35, 36, 47, 49, 67, 115, 131]. Quelles que soient les circonstances fondamentales ou cliniques de l’éruption, voire les complications susceptibles de les accompagner, notamment infectieuses, pour les plus fréquentes, à type de péricoronarite, la dent « désincluse », au sens physiologique strict 7
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où elle n’est plus incluse (au sens physiologique strict), atteint une position dite « normale » sur l’arcade, si, outre la finalité préalablement rappelée de la relation d’occlusion fonctionnelle au sein des arcades alvéolodentaires mandibulaire ou maxillaire, elle présente, plus précisément à la fin de son évolution, des rapports normaux, c’est-à-dire sans trouble, d’alignement avec les dents adjacentes, et d’engrènement avec les dents antagonistes, et si le dégagement total de sa couronne et la présence de gencive attachée signent un environnement parodontal favorable au maintien de la finalité occlusale fonctionnelle au sein du système stomatognathique [1, 33, 122] (Voir article complémentaire EMC « Anomalies de l’éruption » [67]). PATHOLOGIE DE L’INCLUSION DENTAIRE : INDICATIONS D’AVULSION OU DE CONSERVATION
On retrouve dans la littérature, à part, bien entendu, l’inclusion dentaire liée à l’ensemble des syndromes d’éruption dentaire traités dans le cadre des anomalies de l’éruption (dont les accidents de dentition et les anomalies idiopathiques d’étiologies chronologiques générales – carentielles, endocriniennes, génétiques type dysostose cléïdocrânienne – ou chronologiques locales, dont le stade ultime d’évolution du retard d’éruption est justement l’inclusion des dents temporaires et/ou définitives, seul objet de cette revue) (voir article complémentaire EMC « Anomalies de l’éruption » [67]), l’inventaire pathologique des signes tangibles d’inclusion dentaire relatifs [2, 4, 5, 7, 9, 16, 17, 18, 22, 24, 33, 34, 39, 42, 45, 46, 48, 52, 53, 54, 55, 56, 66, 67, 71, 73, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 101, 106, 108, 111, 113, 114, 121, 126, 127, 128, 129, 130, 134]
:
– aux cas des anomalies dentaires prééruptives (implicitement plus ou moins malpositions) : – de position pure, topogénie ou dystopies : siège et/ou direction (malposition pure, ectopie, rotation, transposition, anastrophie) ; – mais aussi de nombre (surnuméraires ou agénésies) ; – de volume et/ou de morphologie (forme, taille…) ; – plus rarement de développement et/ou de structure (germes mal formés, dysmorphiques, traumatiques) ; ces anomalies sont éminemment responsables de rétention – les dents retenues étant redéfinies plus loin – et d’inclusion – les dents incluses, au sens large étant redéfinies plus loin –, et justifiables de l’avulsion de la dent si symptomatique ; – aux cas pathologiques d’inclusion dentaire, morbidités et/ou comorbidités associées – détaillés aussi au chapitre ultérieur de l’épidémiologie de l’inclusion : – concomitamment à leur position d’inclusion éventuelle, partiellement désincluse (dent enclavée), et justifiables de l’avulsion de la dent symptomatique ou asymptomatique : – dent cariée ; – ou dent porteuse d’une pulpopathie ; – ou de ses complications ; – en rapport avec un kyste dentaire ; – ou une tumeur bénigne ou supposée maligne ;
– et/ou en rapport avec des cas cliniquement avérés d’inclusion, et justifiables de l’avulsion de la dent symptomatique : – dent retenue, justifiable de l’avulsion de la dent si symptomatique ; – incluse, justifiable de l’avulsion de la dent si symptomatique, ou si asymptomatique mais en rapport avec d’autres signes observés avant 20 ans tels un problème dentaire parodontal et/ou osseux (sauf, en raison d’un risque postchirurgical de défaut parodontal et/ou osseux, après 30 à 40 ans, la dent, généralement sans symptomatologie, tendant vers l’ankylose) ; 8
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– ou enclavée, – justifiable de l’avulsion de la dent symptomatique ou asymptomatique –, en position anormale, plus ou moins distoangulaire ou mésioangulaire, en contact, ou associée : – à un défaut de rotation du germe en développement ; – une perte du rapport de position entre le germe en évolution et l’éventuelle dent déciduale ; – une avulsion, d’origine carieuse, prématurée, de l’éventuelle dent déciduale exposant à la fermeture prématurée du diastème, avec inclusion de la dent successionnelle n’ayant pas atteint la moitié de son édification radiculaire ; – une résorption, d’origine carieuse, retardée, de l’éventuelle dent déciduale (ankylose) ; – un traumatisme dento-alvéolo-maxillofacial ; – une carie proximale de la dent adjacente ; – ou une résorption radiculaire exposant à la fracture de la dent adjacente ; – ou une atteinte parodontale de la dent adjacente ; – ou une perte osseuse alvéolaire de la dent adjacente ; – en désinclusion pathologique, justifiable de l’avulsion de la dent symptomatique ou asymptomatique ; – siège de péricoronarites (justifiable de l’avulsion de la dent symptomatique) – aiguë congestive, suppurée, puis chronique – récidivantes ou récurrentes, voire compliquées – cellulites séreuses et phlegmons circonscrits, ostéites… – ; – éventuellement en rapport avec un kyste marginal péricoronaire ou folliculaire (dentigère) ; – ou en rapport avec une tumeur odontogène, bénigne (améloblastome, odontome…) ou supposée maligne, ou non odontogène ; – ou en rapport avec une gencive particulièrement fibreuse ou kératinisée, justifiable de l’avulsion de la dent symptomatique ou asymptomatique ; – ou en rapport avec un frein, justifiable de l’avulsion de la dent symptomatique ou asymptomatique ; – ou en rapport avec d’autres raisons d’empêchement prothétiques, justifiables de l’avulsion de la dent symptomatique ou asymptomatique (sauf la dent totalement incluse après 30 à 40 ans) ; – ou en rapport avec d’autres comorbidités – justifiable de l’avulsion de la dent symptomatique ou asymptomatique, régionales ou générales associées : – en rapport avec une fracture osseuse irréductible (ou une chirurgie orthognathique mandibulaire sagittale) ; – à l’éradication des foyers infectieux, avant un traitement immunosuppresseur, avant une irradiation cervicofaciale (cancer des voies aéorodigestives supérieures devant être irradiées), ou pour prévenir un risque infectieux général (endocardite infectieuse…) connu (toutes dents asymptomatiques ne devant et ne pouvant être systématiquement avulsées dans l’hypothèse de la survenue d’une comorbidité générale à un âge ultérieur), ou avant toute installation programmée de facteur de comorbidité générale contre-indiquant une intervention chirurgicale (mise sous anticoagulants…) (et, a contrario, l’avulsion est contreindiquée si facteur de comorbidité générale et/ou comorbidité générale elle-même contre-indiquant une intervention chirurgicale, sauf procédure de prise en charge permissive adaptée au contrôle de ce facteur de comorbidité générale et/ou de la comorbidité générale elle-même) ;
– et/ou en rapport avec des cas prédictifs d’inclusion, et justifiable de l’avulsion de la dent symptomatique et, plus particulièrement dans ces cas, de la conservation de la dent asymptomatique, sauf si une relation, ultérieurement discutée, est établie entre l’inclusion dentaire et le ou les signes observés :
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Inclusion dentaire (I). Aspects biologiques, odontogéniques, physiologiques et pathologiques
– malpositions et déplacement dentaire mésialisant, plus ou moins lié à la croissance osseuse ; – encombrement dentaire de la région incisivocanine ; – dysharmonie dentomaxillaire (manque de place [justifiable de l’avulsion de la dent symptomatique ou asymptomatique si traitement orthodontique impliquant un recul molaire par exemple, où, a contrario, l’avulsion est contre-indiquée si possibilité de traitement orthodontique impliquant une traction canine par exemple, ou de transplantation]) ;
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au sens large (voire, pour certaines données sans notion de preuve fondamentale ou clinique manifeste, le diagnostic différentiel). ÉTIOPATHOGÉNIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INCLUSION DENTAIRE
Voir « L’inclusion dentaire (2e partie) : Aspects physiopathologiques, étiopathogéniques, paléo-odontologiques, épidémiologiques et médicolégaux ». PALÉO-ODONTOLOGIE DE L’INCLUSION DENTAIRE
– trouble d’alignement et occlusal ; – dysfonction consécutive de l’appareil manducateur…
Mais, à l’analyse, l’étiologie semble rester, tout du moins, partiellement, inconnue, abstraction faite des cas en rapport avec un trouble associé répertorié [22, 91]. Aujourd’hui encore, on ne retrouve, paradoxalement, presque pas – malgré l’accumulation, à défaut de preuves, des signes tangibles précédemment rappelés –, de pathologie de l’inclusion du complexe organe dentaire clairement, scientifiquement identifiée en tant que telle, à l’échelon de la biologie moléculaire. D’un point de vue pathologique strict, la biologie de l’inclusion demande alors que soient examinées les données de l’étiopathogénie de l’inclusion, conduisant à une approche plus physiopathologique de l’inclusion proprement dite, ci-après. Tandis que les données qu’il est convenu d’englober dans la pathologie traditionnelle de l’inclusion précédemment rappelées – syndromes d’éruption dentaire, anomalies dentaires prééruptives, morbidités et/ou comorbidités associées – constituent, au final, impliquées de façon coresponsable et/ou concomitante, l’inclusion
Voir « L’inclusion dentaire (2e partie) : Aspects physiopathologiques, étiopathogéniques, paléo-odontologiques, épidémiologiques et médicolégaux ». ÉPIDÉMIOLOGIE DE L’INCLUSION DENTAIRE
Voir « L’inclusion dentaire (2e partie) : Aspects physiopathologiques, étiopathogéniques, paléo-odontologiques, épidémiologiques et médicolégaux ». PHARMACOVIGILANCE, ODONTOLOGIE MÉDICO-LÉGALE ET INCLUSION DENTAIRE
Voir « L’inclusion dentaire (2e partie) : Aspects physiopathologiques, étiopathogéniques, paléo-odontologiques, épidémiologiques et médicolégaux ».
Remerciements. – Les auteurs adressent leurs remerciements aux professeurs Dominique Deville de Perière, doyen de la faculté d’odontologie de Montpellier, Marie-Christine Goldsmith et Pedro Montoya, praticiens hospitaliers en chirurgie plastique pédiatrique au CHU de Montpellier, pour leurs précieux conseils.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-032-K-10
22-032-K-10
Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées G Sauveur M Mesbah
Résumé. – Les résorptions dentaires sont pathologiques, hormis la forme physiologique qui accompagne la chute des dents déciduales. Lorsque le parodonte et/ou la pulpe dentaire subissent des agressions traumatiques ou infectieuses, un processus de destruction est initié dans les tissus durs de la dent : cément, dentine et … émail. Ces résorptions sont le résultat de l’action de cellules de type clastique suivant un processus complexe. En fonction de la nature du stimulus et du siège de l’irritation, les manifestations de cette résorption sont internes ou externes, superficielles ou profondes, réversibles ou irréversibles. Cette résorption peut prendre une forme évolutive dite de remplacement, lorsqu’un tissu néoformé semblable à l’os comble la perte de tissu dentaire, jusqu’à disparition complète de la racine, ou une forme inflammatoire, elle aussi progressive, qui intéresse souvent à la fois la racine et l’os environnant. L’apport de la biologie durant ces dernières décennies a permis de comprendre ce phénomène et d’expliquer pourquoi différentes classifications ont été proposées au fil des années. Malgré le caractère plus récent de la classification de Trope, c’est celle de Tronstadt qui est retenue par la majorité des auteurs et qui est utilisée ici en raison de sa clarté. Le diagnostic des résorptions est toujours tardif en raison de l’absence de signes cliniques au stade initial. Lorsque ceux-ci apparaissent sous la forme d’une dyschromie, d’une mobilité, d’une absence totale de mobilité, voire d’une complication infectieuse, il est souvent trop tard. C’est dire que le diagnostic précoce repose sur la radiographie qui peut révéler, de façon fortuite, une résorption débutante. Quant au traitement, il est avant tout étiologique et pluridisciplinaire, et demande une prise en compte des processus biologiques. Il est essentiellement préventif, souvent palliatif, parfois curatif visant à arrêter le processus pathologique. Certaines de ces résorptions, internes ou externes, cessent d’évoluer et cicatrisent spontanément, d’autres arrêtent leur évolution mais après suppression des causes traumatiques ou infectieuses qui les ont provoquées. D’autres cas de résorption échappent à nos possibilités thérapeutiques actuelles. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : résorption, résorption dentaire, ankylose, résorption interne, résorption externe, traumatisme, ostéoclaste, odontoclaste, cémentoclaste.
Introduction Les résorptions dentaires restent encore mal connues. C’est un phénomène relativement répandu qui a fait l’objet d’une reconnaissance par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sous le nom de « résorption pathologique des dents » et il est répertorié dans la classification internationale des maladies dans laquelle on retrouve une rubrique « Adaptation à l’odonto-stomatologie » (CIMAO : OMS, Genève 1997) sous les références : – résorptions externes : K03.30 ; – résorptions internes : K03.31 (granulomes internes et pink spot) ; – résorptions pathologiques des dents sans précision : K03.5.
Gabriel Sauveur : Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier. Mohand Mesbah : Assistant hospitalier universitaire. UFR d’odontologie de Paris 7, service d’odontologie Garancière-Hôtel-Dieu, 5, rue de Garancière, 75006 Paris, France ; Laboratoire de biologie orofaciale et pathologie, Inserm U-0110, IFR 58, Institut biomédical des Cordeliers, 15-21, rue de l’Ecole-de-Médecine, 75006 Paris, France.
Terminologie : rhizalyse ou résorption ? La rhizalyse (riza, racine ; lusi, dissolution) est une résorption physiologique ou pathologique d’une racine dentaire, selon le Dictionnaire des termes de médecine [41]. La rhizalyse physiologique aboutit à la chute de la dent temporaire et la rhizalyse pathologique s’exerce sur les dents temporaires ou permanentes, pour le Dictionnaire médical [94]. La résorption (resorbere, avaler de nouveau) est une disparition partielle ou totale d’un organe ou d’un produit pathologique solide, liquide ou gazeux, dont les éléments sont peu à peu repris par la circulation sanguine ou lymphatique pour le Dictionnaire des termes de médecine [41]. Le terme de résorption radiculaire est plus général et présente le mérite de ne pas se référer au mécanisme. On peut retenir la définition consensuelle de l’American Association of Endodontists (1994) : « La résorption est un état associé à un processus physiologique ou pathologique provoquant une perte de tissu dentinaire, cémentaire ou osseux ». Actuellement, l’ensemble des auteurs tend à considérer les rhizalyses comme physiologiques et les résorptions comme pathologiques [24].
Toute référence à cet article doit porter la mention : Sauveur G et Mesbah M. Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-032-K-10, 2003, 16 p.
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EMC [257]
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Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
Classification des résorptions pathologiques
Stomatologie/Odontologie
1 Résorption externe de surface. Sur la face M de cette dent 23 incluse mise en place chirurgicalement après alvéoloplastie et avec un recul de 10 ans, on note une légère résorption externe de surface.
De nombreux auteurs ont travaillé sur les résorptions radiculaires et plusieurs classifications ont été proposées selon leur topographie et leur mode d’évolution [19, 50, 120, 122]. Nous retenons la classification de Tronstad [120], qui distingue les résorptions internes des résorptions externes, que nous complètons par la classification des résorptions cervicales de Heithersay [50], autre forme de résorption externe. RÉSORPTIONS RADICULAIRES INTERNES
Les résorptions internes font appel à un processus centrifuge, au cours duquel les parois canalaires sont résorbées à partir de la pulpe. Ce phénomène évolutif peut s’initier sur n’importe quelle paroi pulpaire, camérale ou canalaire, et aboutir à une cavité intradentaire. Elles se rencontrent le plus fréquemment au tiers médian du canal, plus rarement dans la zone apicale [44]. Ce sont des affections rares (2 %), qui peuvent affecter n’importe quelle dent, avec une prédilection pour les incisives [29]. Les résorptions internes peuvent être transitoires, souvent observées suite à un choc ou lors d’un traitement orthodontique ou parodontal [85]. Dans la zone lésée, les odontoblastes sont détruits, la prédentine se minéralise, la zone va se réparer et les cellules pulpaires de relais vont sécréter une nouvelle matrice dentinaire. Les résorptions internes peuvent être évolutives, lorsqu’elles sont stimulées. Cette stimulation se fait par invasion microbienne à travers les tubuli dentinaires sur le site de nécrose, puis progression vers la pulpe vitale. C’est un phénomène rare [120]. Les résorptions internes se divisent en deux groupes.
¶ Résorptions de remplacement Ce processus interne résorbe la dentine qui est remplacée par un tissu dur, type ostéodentine, différent de la dentine mais proche de l’os et du cément [3, 4]. Les contours de la lésion sont irréguliers, le remodelage osseux provoque un accroissement continu de la perte de substance. Cette résorption est asymptomatique. Le test de la percussion, négatif, signe l’intégrité de la paroi radiculaire et l’absence d’extravasation du tissu métaplasique. Après perforation de la paroi dentaire, le test devient positif et une douleur peut se déclencher. La découverte de ces lésions est occasionnelle, lors d’un examen radiologique de routine.
¶ Résorptions inflammatoires Cette pathologie aboutit à une résorption régulière de la dentine sans minéralisation de remplacement. L’espace est envahi par un tissu de granulation au sein duquel des cellules inflammatoires géantes vont résorber les parois canalaires de manière centrifuge, provoquant un élargissement localisé du canal, avec un contour défini et net [13]. À la limite coronaire de la zone résorbée, on trouve un tissu pulpaire nécrosé, responsable de la résorption et de son évolution [29] . En effet, ce processus a la particularité de se développer à la jonction d’un parenchyme pulpaire sain et d’un parenchyme nécrosé. La résorption étant une activité de cellules vivantes, quand la pulpe est totalement nécrosée la résorption s’arrête [120, 129]. Concomitant à une inflammation pulpaire chronique, ce processus est essentiellement asymptomatique. La vitalité d’une portion de la pulpe, nécessaire à l’activité de résorption, peut répondre positivement aux tests de sensibilité, en fonction du siège de la lésion. Une réponse négative peut signer une vitalité apicale et une nécrose coronaire. Une douleur peut se manifester après perforation de la paroi dentaire, coronaire ou radiculaire [85]. Une coloration rosée de la couronne apparaît quand la résorption coronaire est volumineuse ; c’est la pink spot desease décrite par Mummery en 1920. Cette dyschromie est l’expression des vaisseaux capillaires du tissu de granulation qui lyse l’émail. 2
* A 2
* B
Résorption externe de remplacement, d’origine orthodontique. A. Stade de début : on voit un aplatissement des apex de ces trois dents. B. Stade plus évolué : la progression de la résorption provoque un raccourcissement de la racine aux deux tiers (Radiographies du Pr P Canal).
Leur mise en évidence radiologique est fortuite. Une incidence appropriée montre une cavité avec une densité radiologique régulière, allongée ou circulaire, dont les limites sont en continuité avec les parois canalaires. RÉSORPTIONS RADICULAIRES EXTERNES
¶ Résorptions de surface Les résorptions externes de surface sont des résorptions radiculaires discrètes, superficielles et limitées, intéressant la couche la plus profonde du ligament et le cément. Elles sont réversibles et peuvent se réparer spontanément par apposition cémentaire à partir des zones intactes du desmodonte vivant bordant la lésion. Ces résorptions sont asymptomatiques. Elles ne sont pratiquement pas visibles à la radiographie ; toutefois, pour des résorptions de profondeur appréciable, avec une incidence appropriée, il est possible de les déceler, ce sous forme d’excavation sur un radiogramme (fig 1, 2).
¶ Résorptions inflammatoires C’est le type de résorption externe le plus couramment rencontré. Elles affectent aussi bien les faces latérales des racines que l’aire
Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
Stomatologie/Odontologie
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Résorption externe inflammatoire. Sur la face D de cette incisive centrale, on note une cavité provoquée par une résorption externe inflammatoire au niveau des deux tiers apicaux.
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Résorption externe apicale. Sur la racine D de la 6, on constate une résorption de remplacement, alors que sur la racine M on note une résorption inflammatoire. Sur la 5, on note une résorption de remplacement en voie de transformation inflammatoire.
apicale. Ce type de résorption se présente comme une excavation dans le cément et la dentine, car les barrières de protection du cément ont été détruites ; il existe une inflammation parodontale chronique. Les tubuli exposés peuvent être envahis par des bactéries venant de la pulpe, quand celle-ci est infectée. Ce processus de résorption peut être transitoire, lorsque la source d’infection est jugulée par un traitement endodontique. Elle peut se présenter sous une forme évolutive, lorsque l’infection n’a pu être arrêtée ou lorsqu’il y a persistance des facteurs d’activation des mécanismes de résorption (physicochimiques ou mécaniques), le processus de résorption inflammatoire pouvant à terme aboutir à une résorption radiculaire complète. Ce phénomène progresse plus rapidement sur les dents immatures car la dentine présente une épaisseur réduite et des tubuli largement ouverts. Ces résorptions sont réputées asymptomatiques, mais le patient peut toutefois signaler des douleurs spontanées, continues, diffuses et lancinantes. L’examen clinique peut montrer une dent en souffrance, délabrée, support prothétique ou d’un appareillage orthodontique. Dans les cas les plus avancés de résorption inflammatoire, la dent est mobile, sensible à la palpation et à la percussion. À la radiographie, la résorption inflammatoire se manifeste par une radioclarté concernant à fois la racine et l’os alvéolaire contigu, la surface externe de la dentine est irrégulière, crénelée, mais le canal radiculaire ne présente pas de modifications morphologiques. Quand la résorption inflammatoire intéresse l’aire apicale, elle se manifeste par des images radioclaires qui signent une amputation radiculaire et une résorption de l’os en regard des foramina canalaires. L’espace desmodontal peut être maintenu dans certains cas de résorption d’origine non infectieuse (fig 3).
¶ Résorptions de remplacement et ankyloses
dentoalvéolaires La résorption de remplacement et l’ankylose sont deux formes d’un même processus clinique : le remplacement d’une racine résorbée par de l’os. Elles diffèrent cependant par leurs mécanismes biologiques. Résorption de remplacement La résorption de remplacement est un phénomène pathologique où le ligament, stimulé par un traumatisme, réagit en mobilisant des cellules clastiques qui détruisent la dent. En absence d’infection ajoutée, un tissu osseux néoformé remplace la perte de tissu dentinaire. La présence de ce ligament est toujours constante. La résorption externe de remplacement peut être transitoire, quand la destruction desmodontale n’intéresse que de petites zones de la surface radiculaire, où s’installe initialement une résorption qui est compensée par la suite par les cellules desmodontales bordant la résorption. Cette résorption externe de remplacement transitoire va évoluer comme une résorption de surface. La résorption externe de remplacement peut également être progressive ; lorsque la nécrose desmodontale est importante (plus de 20 % de la surface radiculaire
concernée), la réaction inflammatoire initiale, destinée à éliminer les débris tissulaires, met à nu la surface radiculaire sans protection. L’interface inflammatoire entre les deux tissus conjonctifs de nature différente, l’os parodontal et la dentine, renferme des médiateurs de l’inflammation et des cellules clastiques qui peuvent résorber l’os et la dent. Comme dans le remodelage osseux, les phases de résorption sont suivies de phases d’apposition ; la matrice osseuse va progressivement se substituer au tissu dentaire résorbé (fig 4). Ankylose L’ankylose est considérée comme un phénomène physiologique, car elle consiste en une fusion de la racine dentaire avec l’os alvéolaire par disparition de l’espace ligamentaire. Il y a continuité entre la dent et l’os adjacent car la racine a perdu ses barrières de protection sur une surface importante. La dent est intégrée au tissu osseux et les tissus radiculaires intéressés par le remodelage osseux : ils sont résorbés par les ostéoclastes et remplacés par une matrice osseuse. C’est un processus dynamique mis en évidence essentiellement chez le jeune enfant lors d’une réimplantation. Les tests de mobilité et percussion sont majeurs ; ils permettent de soupçonner une résorption de remplacement avant l’examen radiographique. Ces tests sont réalisés régulièrement. Pour une résorption de remplacement transitoire, le son à la percussion est normal. Pour l’ankylose, le son à la percussion est métallique. Dans le cas d’une ankylose transitoire, la mobilité diminue dans un premier temps et, avec la cicatrisation de l’espace desmodontal, la mobilité redevient normale. Dans une ankylose, d’autres signes cliniques peuvent être concomitants, parmi lesquels la sousocclusion, l’absence de migration mésiale et la version des collatérales signant une perturbation de la continuité de l’arcade. On note, au plan radiologique, une disparition de l’espace radioclair correspondant au desmodonte. Il y a remplacement progressif du cément et de la dentine par l’os, signant un envahissement haversien. Les limites de l’anomalie sont irrégulières. Il faut en général de 6 mois à 1 an pour qu’une ankylose soit mise en évidence radiologiquement.
¶ Résorptions cervicales externes C’est une forme rare mais souvent agressive de résorption dentaire. Habituellement, elle est localisée au collet de la dent et se manifeste après altération ou destruction du cément en dessous de l’attache épithéliale et au-dessus du septum osseux. Ce phénomène pathologique résorbe progressivement le cément, l’émail et la dentine pour parfois atteindre la pulpe. Initialement, la zone lésée contient une masse de tissu fibreux et des vaisseaux sanguins, des cellules clastiques arrivent dans la zone agressée et commencent à résorber la surface dentaire. Par la suite, dans le tissu en résorption et à la surface dentinaire se forme progressivement un tissu fibroosseux issu d’une calcification anarchique de la matrice ostéoïde. La plupart du temps, la pulpe reste indemne, sauf s’il y a envahissement de l’espace pulpaire par des germes ou du tissu nécrotique [50]. 3
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Stomatologie/Odontologie
* B
* C
* A 5
Résorption externe cervicale. A. Radiographie montrant la résorption. On note que celle-ci a un contour irrégulier. B. Mise en évidence de la lésion après réclinaison du lambeau V. La résorption intéresse la partie la plus cervicale de l’émail, située sous l’attache épithéliale. C. Après curetage de la lésion, une obturation à l’aide d’un ciment verre-ionomère a été réalisée. Le curetage de lésion note une progression péricanalaire, que nous visualisons à l’obturation. D. Autre cas montrant que ce type de résorption peut avoir une position plus cervicale, et là au niveau cémentaire.
* D Une classification clinique tenant compte de l’étendue de la résorption a été proposée [50] : – classe 1 : légère résorption à proximité cervicale et faible pénétration dentinaire ; – classe 2 : résorption plus accentuée avec pénétration dentinaire plus profonde, à promixité pulpaire, avec une faible ou sans extension dans la dentine radiculaire ; – classe 3 : envahissement plus important de la dentine cervicale, mais également de la dentine radiculaire ; – classe 4 : envahissement de la dentine par la résorption s’étendant au-delà du tiers cervical de la racine.
6
Le diagnostic précoce est difficile et les signes cliniques varient avec l’évolution de la pathologie, allant de la légère anomalie gingivale à une coloration rosée de la couronne de type pink spot, qui est due à l’invagination du tissu de granulation et à ses nombreux capillaires.
endocrines en relation avec le métabolisme phosphocalcique [64]. Deux localisations de résorption idiopathique ont été relatées [80].
En général, ces résorptions ne sont pas douloureuses car le parenchyme pulpaire est protégé par une fine couche de dentine. La progression centrifuge de la résorption est stoppée quand elle atteint la prédentine, la résorption dentinaire progresse en direction coronaire et apicale en cernant le canal [122], ce qui permet à la dent de répondre aux tests électriques et thermiques. Une ligne radio-opaque séparant une zone radioclaire de la pulpe évoque la présence d’une résorption cervicale externe ; son contour peut être régulier ou crénelé, l’aspect de la crête osseuse reste normal au stade de début (fig 5).
¶ Résorptions externes idiopathiques De nombreux cas de résorption radiculaire externe sans rapport avec aucune cause immédiate ont été rapportés. Elles peuvent être localisées ou généralisées. Bon nombre de ces résorptions sont en relation avec des pathologies systémiques ou des perturbations 4
Résorption idiopathique. Sur les racines de la 6, on observe une résorption de remplacement. Les limites sont régulières, l’apex en forme de dôme est homothétique par rapport à l’apex initial.
Résorptions apicales idiopathiques Cette résorption se présente comme un raccourcissement homothétique de la racine : l’apex est arrondi et l’espace desmodontal est respecté. Elle peut intéresser une ou plusieurs dents. C’est un processus lent qui peut s’arrêter soudainement (fig 6). Résorptions cervicales idiopathiques Cette résorption commence dans la zone cervicale de la racine et se manifeste sous deux formes cliniques. La première se présente sous l’aspect d’un cratère large et peu profond, elle peut être fulgurante ou de progression lente ; elle peut être localisée ou intéresser plusieurs dents. La deuxième se manifeste comme une résorption envahissante ; elle a été décrite comme une résorption ténébrante intradentaire [28], une résorption envahissante extracanalaire ou comme une résorption cervicale invasive [50].
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Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
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Étiologie des résorptions Leur étiologie est tout aussi diverse que leur classification et parfois difficile à mettre en évidence. RÉSORPTIONS INTERNES
Ce sont des lésions qui se développent à l’intérieur de la cavité pulpaire, en détruisant la couche protectrice dentinaire constituée par la prédentine et les odontoblastes, et en exposant celle-là au tissu conjonctif enflammé. Bien que relativement rare, la résorption interne est plus fréquente au niveau des monoradiculées, avec une prédilection pour les incisives [29], et se situe entre la chambre pulpaire et l’apex. Il y a deux formes de résorption interne.
¶ Résorption interne de remplacement
* A
* B
* C
* D
Ce type de résorption rappelle la résorption externe de surface à son stade de début, nommée résorption transitoire [121]. Ces deux types de résorption auraient la même origine pour certains auteurs [4] , alors que pour d’autres il s’agit d’une résorption métaplasique [85]. Cette résorption se produit lorsque les odontoblastes sont détruits dans une région du canal radiculaire et que la prédentine lésée se reminéralise [16]. Les causes sont traumatiques ou thermiques, accidentelles ou iatrogéniques (dentisterie restauratrice, prothèse, orthodontie, parodontie…).
¶ Résorption interne progressive ou inflammatoire Le tissu résorbé est remplacé par un tissu granuleux (fig 7). Les facteurs intervenant dans ce processus sont : – les traumatismes : – la luxation ; – l’extrusion ; – les fractures radiculaires ; – l’expulsion ; – les traitements orthodontiques [61] ; – les infections : – l’infection pulpaire ; – les pulpotomies ; – les coiffages pulpaires directs des dents permanentes ; – le défaut d’étanchéité des obturations coronaires ; – les agents chimiques utilisés :
7
Résorption interne. A. Cette radiographie montre une résorption interne intéressant le tiers moyen de la racine. On remarque que la lésion présente un contour régulier, une forme arrondie et symétrique par rapport à l’axe du canal, et elle se trouve dans la continuité de ce canal. B. Résorption intéressant le tiers moyen à un stade plus évolué. C. Stade terminal où la résorption a détruit complètement les tissus dentaires. Noter que la lésion n’a pas envahi l’os avoisinant. D. Résorption du tiers moyen, vraisemblablement d’origine traumatique (anamnèse) confirmée par une perte de substance coronaire.
Plus récemment, une étude portait ce chiffre à 90 % et qualifiait ces résorptions de transitoires [121]. Ces résorptions apparaissent, cessent d’évoluer et guérissent spontanément. Elles se caractérisent par une atteinte légère, superficielle, du cément et du desmodonte, sous forme d’encoche (fig 8). Leur étiologie est presque essentiellement traumatique, qu’il s’agisse [44] :
– pour le blanchiment des dents ;
– de polymicrotraumatismes en rapport avec l’occlusion et des parafonctions ;
– en endodontie et parodontie ;
– d’un traumatisme accidentel ;
– les agents thermiques :
– d’un traumatisme iatrogénique :
– le meulage des dents ;
– en orthodontie [25, 59] ;
– l’utilisation de matériau à prise exothermique ;
– en parodontie [21] ;
– l’utilisation de la gutta chaude en endodontie. Cette liste n’est pas exhaustive. RÉSORPTIONS EXTERNES
¶ Résorptions externes de surface D’après une étude américaine [78], modifiée par une étude suisse, 50 % des dents d’un individu présentent des signes de petite résorption [91].
– en prothèse (surocclusion) ; – en endodontie ; certaines méthodes de compactage de gutta chaude créent une élévation de température qui peut entraîner des résorptions dans 30 % des cas [107] ; – en anesthésie : la technique d’infiltration intraligamentaire, caractérisée par l’introduction d’une aiguille de 40/100e dans l’espace desmodontal, peut créer un traumatisme du fait du passage de l’aiguille dans le desmodonte, de la pression exercée par le praticien pour injecter le liquide anesthésique, enfin par la toxicité de la solution anesthésique ; 5
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* A 10
* A
* B
Résorption externe inflammatoire, mécanique. A. Sur ce radiogramme, on constate que la dent de sagesse crée une résorption, par pression, au tiers cervical de la 47. B. Cas extrême de ce type de résorption.
* B
8
Parois pulpaires. Sur cette coupe histologique d’une dent mature (A), colorée à l’hémalun-éosine-safran, on constate que les odontoblastes (o) sont bien alignés en regard de la prédentine (pd), alors que sur cette coupe de dent ayant reçu un stress (B), on constate une désorganisation de la palissade odontoblastique et un recrutement de cellules géantes aux abords des vaisseaux sanguins (flèches). Cette désorganisation peut engendrer une résorption interne si les défenses pulpaires ne la circonscrivent pas. d : dentine ; p : pulpe.
* A * A 9
* B
Résorption externe de surface. A. Au niveau de cette fracture, dont les fragments sont séparés par un tissu conjonctif fibreux (pseudarthrose), on note que les angles des fragments sont émoussés par une résorption externe de surface. B. Test de photoélasticimétrie, image rappelant les contraintes subies par un apex après résection suivant un plan perpendiculaire à l’axe de la dent.
– d’un traumatisme plus important, entraînant par ordre d’intensité croissant : des subluxations, des concussions, des extrusions, des contusions, des luxations latérales, les pourcentages de résorptions allant de 5 à 33 % [5] ; aux fractures radiculaires horizontales est associé ce type de résorption dans 60 % des cas [2] ; la résorption se fait au niveau du trait de fracture et se traduit par un adoucissement des angles du plan de fracture en dehors de toute infection. Certains auteurs pensent que la résorption apparaît lorsque la réparation se fait avec du tissu conjonctif (60 % des cas [64]). Pour d’autres auteurs, c’est une résorption sélective au bord aigu des deux fragments radiculaires [120]. Quel en est le mécanisme ? Une étude en photoélasticimétrie [109] montre qu’une dent dont on a sectionné l’apex subit des contraintes lors de la mastication qui se traduisent par un adoucissement des bords aigus du plan de section (fig 9). Ces lésions n’évoluent pas ; elles guérissent spontanément en 14 jours [48].
¶ Résorptions inflammatoires externes C’est la forme de résorption la plus fréquente et les causes sont multiples [123]. 6
11
* B
Résorption externe. A. Cette canine ectopique et incluse semble présenter une image de résorption à sa pointe cuspidienne. B. Cas identique à un stade de résorption plus avancé.
Résorption inflammatoire externe de cause mécanique (par pression) Au cours de tentative d’éruption, une dent incluse bloquée contre la racine d’une dent déjà sur l’arcade peut provoquer une résorption de cette racine. C’est le cas le plus souvent des incisives latérales et des canines incluses [26, 62, 64, 110], et des deuxièmes molaires mandibulaires [10, 91] (fig 10, 11). On peut aussi trouver ce type de résorption en présence de dents surnuméraires [112] (fig 12). Au cours de traitements orthodontiques, les résorptions de ce type sont des complications fréquentes, plutôt localisées à l’apex, qui provoquent un raccourcissement de la dent concernée. Elles intéressent généralement des monoradiculées soumises à des mouvements de rotation [33], lorsque les forces sont mal réparties ou de trop forte intensité, peut-être chez des patients prédisposés. La notion de durée du traitement est un facteur important [103]. On peut ajouter que plus de 40 % des cas traités présentent des résorptions inflammatoires après 5 ans [21, 105]. Résorption inflammatoire de cause infectieuse Ce type de résorption vient compliquer une blessure du parodonte causée par un choc, un traitement orthodontique, voire un traitement parodontal, qui initie une réponse inflammatoire par la production de facteurs de résorption des tissus durs. Parallèlement, l’infection va se développer le plus souvent à partir de l’endodonte [90] où la pulpe s’est nécrosée après un traumatisme ou un traitement orthodontique trop violent ayant entraîné la rupture du paquet vasculonerveux [11].
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Résorption externe inflammatoire, mécanique. L’odontome crée une résorption par pression au tiers cervical de la 24.
* A
* B 14
13
Résorption externe apicale inflammatoire. Résorption inflammatoire, par pression, en rapport avec un granulome créé par un dépassement de cône de gutta percha.
* C
Résorption externe apicale inflammatoire. A. Cette photo montre, sous un granulome, un apex résorbé. Noter l’irrégularité de sa surface. B. Sur cette vue, l’apex, qui se trouve sous la lésion kystique, est indemne de toute résorption. C. Radiographie montrant une résorption amputante, en rapport avec un dépassement de cône de gutta percha. D. Quand la résorption est en deçà de l’hypomochlion, l’utilisation d’un implant endodontique, ou de stabilisation, rétablit l’équilibre biodynamique.
* D
La surface radiculaire, endommagée du fait de la perte de cément, va exposer les tubulis dentinaires à cet endroit. Le passage des toxines bactériennes par les tubuli va accélérer le processus de résorption, pouvant entraîner la disparition totale de la racine. Ce type de nécrose peut se trouver à n’importe quel niveau de la racine. Les résorptions apicales accompagnent toujours un granulome dont l’évolution est lente par rapport à la résorption inflammatoire traumatique (fig 13). On associe souvent le kyste au granulome à propos de lésions apicales. Certains auteurs ont montré que, contrairement au granulome, le kyste ne crée pas de résorption des racines des dents qui l’entourent, ni de l’apex de la dent qui lui a donné naissance [108] (fig 14).
¶ Résorptions externes de remplacement et ankylose Résorptions externes de remplacement Elles sont appelées aussi résorptions externes de substitution, ou encore résorptions-ossifications [120]. C’est un processus par lequel la dent se résorbe progressivement et est remplacée par de l’os. L’étiologie est traumatique, liée à une luxation où le ligament peut être lésé partiellement (fig 15). En fonction de la surface détruite, l’évolution peut se faire vers une forme transitoire (moins de 20 % de la surface de la racine) ou vers une forme progressive lorsque la surface détruite est supérieure à 20 %. Ankylose L’ankylose est un processus par lequel la dent se fusionne à l’os sans interposition de tissu conjonctif (le ligament) [6, 75] (fig 16). À part les ankyloses liées à certaines maladies systémiques qui frappent plusieurs dents, la forme individuelle apparaît après une lésion importante du ligament, soit en rapport avec une nécrose de
15
Résorption externe de remplacement et ankylose. Ces radiographies montrent une incisive en infraclusion, en rapport avec un traumatisme ayant provoqué une ingression. On remarque sur la face M une zone de résorption de remplacement. Ces deux clichés montrent l’intérêt de varier les incidences de manière à obtenir des renseignements nécessaires au diagnostic.
ce ligament suite à la réimplantation d’une dent dans de mauvaises conditions (conservation à sec pendant plus de 60 minutes), soit après curetage de ce ligament avant réimplantation pour les mêmes raisons de réimplantation tardive. Les facteurs favorisants sont liés à l’âge, au sexe et aux conditions de réimplantation [60]. Différences entre ankylose et résorption de remplacement Ces différences reposent sur : – une absence de ligament dans l’ankylose ; – l’interface de tissu conjonctif dans la résorption de remplacement renferme des cellules inflammatoires et ostéoclastiques qui résorbent la dent et l’os, contrairement à l’ankylose ; – la radiographie, où on note dans la résorption de remplacement une perte de substance dentinaire avant son remplacement par de l’os, alors que dans l’ankylose il n’y a pas d’interruption entre l’os et la dentine ; 7
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* B 17
* A
* B
* A
* C 16
* D
Résorption externe de remplacement et ankylose. A. Radiographie d’une canine incluse. B. Mise en place chirurgicale et contention. C. Sur le radiogramme, 5 ans après, on remarque un début de résorption de remplacement à l’apex. D. Cette résorption semble s’être stabilisée, 7 ans après.
– le mécanisme biologique de la résorption et de l’ankylose est différent (cf infra) ; – l’aspect clinique d’une ankylose s’accompagne d’une infraclusion et d’une rupture de la continuité de l’arcade, surtout chez l’enfant pour des raisons de croissance osseuse ; – la vitesse d’apparition de l’ankylose correspond à la vitesse du remodelage osseux, plus rapide chez le jeune que chez l’adulte [127] ; – l’ankylose ne peut être diagnostiquée avant 6 mois ; – l’ankylose est difficile à mettre en évidence à la radiographie ; – une résorption apparaît après ankylose au bout de 2 ans chez le prépubère et de 10 ans chez l’adulte ; – chez le prépubère, l’ankylose crée une infraclusion ; – la réimplantation n’est qu’une solution temporaire en attendant la solution prothétique [32].
¶ Résorption cervicale externe inflammatoire La résorption cervicale externe commence dans la région cervicale de la dent en dessous de l’attache épithéliale [26, 121]. Les termes de résorption externe/interne ou résorption invasive sont utilisés en raison du mode d’extension de la lésion dans l’épaisseur de la racine. Cette extension enveloppe le canal radiculaire qui est protégé par la prédentine (fig 17). Il y a différents stades dans l’évolution de cette lésion et Heithersay [50] propose une classification à quatre degrés, de la petite résorption au collet au processus de résorption s’étendant au-delà du tiers coronaire de la racine [35]. Ce type de résorption apparaît après un traumatisme de l’attache épithéliale et de la surface radiculaire, juste sous l’attache. Des cellules clastiques ainsi stimulées commencent à résorber la dent. 8
Résorption externe cervicale. A. Ce radiogramme montre une résorption s’étendant de la face M à la face D. Le contour est irrégulier, l’image est contrastée et on peut voir à l’intérieur de la résorption des densités différentes évoquant les anciennes limites du canal. B. Sur ce cliché, le parodonte superficiel, recouvrant la lésion, présente un état inflammatoire. C. La levée d’un lambeau P confirme l’image radiologique.
* C La nature du traumatisme peut être : – physique : chocs ou parafonctions (bruxisme…) ; – iatrogénique en orthodontie (détartrage…) [55] ;
[53]
, en chirurgie, parodontie
– chimique, en endodontie, en esthétique (blanchiment) [35] ; – en anesthésiologie, anesthésie intraligamentaire. Le point de départ de cette résorption est donc une lésion du desmodonte avec rupture de l’attache épithéliale. L’infection est entretenue par la septicité du milieu buccal. Les dents les plus touchées semblent être les plus exposées (canines et incisives) [15]. Cette résorption peut se situer tout autour de la dent au collet.
¶ Résorptions externes idiopathiques En dehors de toute cause identifiable locale (traumatisme, infection, parafonction), certaines résorptions externes inexpliquées peuvent avoir une origine systémique, telle une infection endocrinienne en rapport avec le métabolisme osseux : maladie de Paget, hypophosphatémie, hypocalcémie [64], hypercalciurie [69]. Une étude évoque des microtraumatismes sur un terrain prédisposé, des perturbations vasomotrices d’origine nerveuse réflexe, grâce à des facteurs prédisposants probablement génétiques [91]. Les résorptions se présentent sous deux formes [80] : – à l’apex, elles font penser à la forme de résorption externe de surface ou à la forme inflammatoire d’origine mécanique, par pression ; – au niveau cervical, elles sont en forme de cratère, peu profondes ou au contraire envahissantes, description fréquemment évoquée dans la littérature. Des procédés d’investigation nouveaux pourront permettre de mieux connaître ce type de lésions dans l’avenir.
Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
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Tableau I. – Étiologies des résorptions. Causes iatrogénique
fonctionnelle
Facteurs accident
T r a u m a t i q u e
p h y s i q u e c h i m i q u e
choc léger choc brutal
orthodontie
parodontie
endodontie
OC
esthétique
4
1
prothèse 17
2
pression
anesthésie
professionnelle sportive
26
28
21
3
8
13
18
22
toxicité
5
9
15
23
causticité
6
10
16
24
thermique
parafonction
7
infectieux
11
14
12
pathologique idiopathique tumeur
ectopie
31
32
29
27
30
19 20
25
hormonal
33
1. Contusion-luxation, verticale ou latérale ; 2. réimplantation après expulsion ; 3. forces : durée, intensité, répartition ; 4. surfaçage, détartrage, ultrasons ; 5, 6. pharmacopée : topiques ; 7. ultrasons ; 8. surinstrumentisation, surobturation, dépassement . 9, 10. pharmacopée : topiques, antiseptiques, anesthésiques ; 11. gutta chaude, ultrasons ; 12. coiffage pulpaire, pulpotomie ; 13. obturation débordante, surocclusion ; 14. fraisage, exothermie de prise du matériau ; 15, 16. pharmacopée (produits de blanchiment, peroxydes) ; 17. surocclusion ; 18. limites prothétiques intrasulculaires ; 19. fraisage, exothermie de prise du matériau ; 20. syndrome du septum ; 21. aiguille intraligamentaire ; 22. pression du liquide anesthésique ; 23, 24. anesthésique et ses adjuvants ; 25. desmodontite ; 26. bruxisme, habitudes et tics divers ; 27. embouts d’instruments (musique, sport...) ; 28, 29, 30. sports violents ; 31. tumeurs, granulomes, péricoronarites... ; 32. dents incluses ; 33. troubles systémiques, hormonaux. OC : odontologie conservatrice.
RÉSORPTIONS INTERNE ET EXTERNE COMBINÉES
La résorption interne a un point de départ endodontique et évolue vers le cément qui joue le rôle de barrière qu’elle peut perforer sans aller au-delà. La résorption externe, en revanche, détruit le cément, puis la dentine, et ne passe pas la barrière constituée par la prédentine et les odontoblastes [70]. Cette résorption peut détruire toute la dentine et laisser intacte la cavité endodontique. Il n’y a donc jamais passage de la forme interne à la forme externe, et vice et versa. Par contre, sur une même dent on peut observer ces deux types de lésions sous les différents aspects précédemment passés en revue. Certains auteurs pensent que ces deux lésions peuvent communiquer [86] (tableau I).
Diagnostic Les résorptions, tout du moins à leur début, sont asymptomatiques. Le diagnostic précoce d’une résorption est fortuit ; il se produit à l’occasion de l’examen d’un cliché radiographique réalisé pour des raisons diverses. À un stade plus avancé de la résorption, des signes cliniques vont apparaître : – au niveau de la dent :
– une fistule ; – au niveau de l’occlusion : infraclusion, surtout chez un enfant. Ces signes cliniques entraînent les tests de routine : thermique, électrique, de transillumination, de mobilité, de percussion axiale et transversale, qui ne sont pas spécifiques des résorptions (fig 18). L’examen radiographique est l’étape qui suit toute investigation clinique en odontologie. La radiographie, malgré son rôle essentiel pour le diagnostic de ces lésions, s’avère insuffisante pour certaines résorptions, internes ou externes de surface, stabilisées ou non, qui, trop discrètes, passent inaperçues à moins d’être parfaitement situées tangentiellement par rapport au rayon incident. Le cliché radiographique rétroalvéolaire pris sous au moins trois incidences est complété par un examen tomodensitométrique de pratique plus courante que les images fournies par résonance magnétique, autre moyen d’obtenir la troisième dimension. Ces images peuvent permettre un diagnostic différentiel entre toutes les formes de résorptions à partir de critères tels que : – la forme de la lésion, régulière, irrégulière, diffuse ou variable ; – ses contours, nets, ou déchiquetés, ou diffus ; – sa densité : opacité-clarté ; – ses rapports avec les tissus avoisinants ;
– une coloration anormale de la dent signant la nécrose ;
– ses rapports avec la barrière cémentoïde et la barrière prédentinaire ;
– une tache rose (pink spot) signant la résorption interne ;
– le degré de résorption (appréciation du volume) (tableau II).
– une mobilité anormale ;
Le diagnostic positif tient compte de l’anamnèse qui peut révéler :
– une immobilité accompagnée d’un son métallique à la percussion, avec modification de la proprioception signalée par le patient ;
– un traumatisme récent ou ancien ;
– au niveau du parodonte : – une réaction inflammatoire cervicale ; – un abcès parodontal ;
– des traitements chirurgicaux, parodontaux, endodontiques, prothétiques, esthétiques (blanchiment) sur la dent atteinte (fig 19) ; – des habitudes comportementales liées au stress entraînant des parafonctions. 9
Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
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Éléments de diagnostic
inflammatoire mécanique infectieuse
O
douleur
-
+ *• -
superficiel
O
O
profond
O
éruption
+
+ *• +
+ -
+ -
douleur
O
O
son
O
+/-
parodonte
dent
-
mobilité
électriques transillumination percussion
tests
de surface
dyschromie
thermiques
radiologiques
Résorptions internes
Résorptions externes ankylose
O
++ + + + sourd
++
+++
+++
O
Légendes : O normal + présence du signe - absence du signe
• *
De la classification au diagnostic.
de de inflammatoire cervicale remplacement remplacement pink spot pink spot pink spot
+/--+/O + * + *• + + + + + + + + ++ + métal métal
+ ++ *• +
18
Stomatologie/Odontologie
+++
*•
+ ++
-
*• +/-
O
O
O
O
+
+/+/+ + *
O
O
+ + *• + *•
*• + • • • + + *
O
O
O
+
++
+++
fonction de l'âge fonction de l'évolution fonction du siège
évolution transformation involution
Tableau II. – De la radiologie au diagnostic. Résorptions externes Éléments de diagnostic
inflammatoire de surface
forme
Résorptions internes
mécanique
infectieuse
ankylose
de remplacement
cervicale
de remplacement
inflammatoire
variable
régulière
variable
régulière
irrégulière
+/- irrégulière
irrégulière
régulière
contour
flou
net
flou
net
flou
flou
flou
net
densité
faible
moyenne
forte
forte
forte
variable
faible
forte
/
/
invasive
en continuité
en continuité
invasive
/
/
respect
respect
respect
respect
respect
respect
invasive
invasive
localisée
invasive
invasive
invasive
invasive
invasive
invasive
localisée
faible
variable
important
important
important
moyen
important
moyen
r a p p o r t s
/tissus environnants /pulpe /cément/dentine
volume
Mécanismes biologiques de la résorption ODONTOGENÈSE ET MISE EN PLACE DES TISSUS
Le développement dentaire résulte de la migration des cellules des crêtes neurales dans le compartiment mésenchymateux du premier arc branchial : l’ectomésenchyme [118]. Elles induisent localement une augmentation de la prolifération des cellules épithéliales aboutissant à la formation d’une lame épithéliale s’enfonçant dans l’ectomésenchyme sous-jacent. Une série d’interactions épithéliomésenchymateuses mène aux étapes successives : – initiation ; – morphogenèse ; – différenciation terminale des odontoblastes, responsables des précurseurs de la dentine, et des améloblastes, sécréteurs des protéines de l’émail. L’épithélium, en s’invaginant, sépare le mésenchyme en deux parties : une partie externe, appelée sac folliculaire, qui donnera les cellules et les tissus de soutien de la dent (os, ligament alvéolodentaire et cément) et une partie interne, l’ectomésenchyme, qui donnera la dentine et la pulpe [97]. 10
TISSUS MINÉRALISÉS ET PROTÉINES MATRICIELLES : SIMILITUDES ET DIFFÉRENCES
Le schéma général de la formation des tissus minéralisés comprend la sécrétion d’une matrice extracellulaire par des cellules spécialisées, couplée à l’initiation et la croissance des cristaux d’hydroxyapatite [43]. Chaque tissu minéralisé présente des modalités différentes dans sa composition matricielle comme dans l’avancement des étapes de la formation matricielle et de la biominéralisation. Ainsi, dans le cas des tissus minéralisés d’origine conjonctive, tels que l’os, le cément et la dentine [23], la matrice est essentiellement composée de fibres de collagène, alors qu’elle ressemble plutôt à un gel dans l’émail d’origine épithéliale [96]. De plus, les modalités de la minéralisation de ces matrices varient. En ce qui concerne l’os, le cément et la dentine, la matrice organique est d’abord sécrétée puis minéralisée [18, 42, 43, 66, 67, 73]. Concernant l’émail, une biominéralisation séquentielle se produit, avec une première phase de nucléation cristalline et une deuxième phase très différente où la quasi-totalité des protéines matricielles est dégradée, en association avec la croissance [96]. Concernant la phase minérale, l’émail est le tissu le plus dur de l’organisme. Il contient 96 % de minéral formé essentiellement de
Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
Stomatologie/Odontologie
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Tableau III. – Protéines matricielles des tissus minéralisés (d’après Gehron-Robey [42]). Émail Pas de collagène
Cément
Dentine
Os
Collagène de type I (majoritaire), III, V et FACITS
Protéines spécifiques Amélogénines Enaméline
Protéines spécifiques CAP ?
Protéines non spécifiques
- Protéines détectées uniquement dans des tissus minéralisés
Améloblastine Tuftéline
Protéines spécifiques DSP DPP
Protéines spécifiques
Ostéocalcine Sialoprotéine osseuse DMP-1 - Protéines ubiquitaires Ostéonectine MGP Ostéopontine
Protéines sériques trouvées dans la totalité des tissus minéralisés Albumine a2-HS glycoprotéine
* A
* B 19
Résorption externe inflammatoire du tiers moyen. A. Stade de début. B. Cas identique, à un stade plus évolué, où la destruction intéresse la quasi-totalité du tiers moyen. Noter que l’os environnant participe à la résorption. C. Stade intermédiaire.
* C cristaux d’hydroxyapatite. La dentine contient près de 70 % de minéral, alors que l’os et le cément contiennent entre 60 et 70 % de minéral [43]. Les différentes protéines composant la matrice peuvent se diviser en deux groupes : – un groupe spécifique des tissus minéralisés, comme l’ostéocalcine, la sialophosphoprotéine dentinaire [23, 89] et les amélogénines [133] ; – un groupe de protéines aussi synthétisées dans les tissus non minéralisés comme le collagène de type I [7, 23], la tuftéline [71] et l’améloblastine [72] ; parmi ce dernier groupe, certaines isoformes résultant d’épissages alternatifs et/ou de modifications posttraductionnelles sont spécifiques des tissus minéralisés, comme par exemple le collagène de type I [42] (tableau III). RÉSORPTION OSTÉOCLASTIQUE
¶ Ostéoclaste L’os est un tissu dynamique en remaniement perpétuel. Le remodelage osseux est continu tout le long de la vie et est nécessaire pour le maintien de la pérennité de l’architecture squelettique. Ce remodelage résulte de deux processus intimement liés, l’apposition osseuse résultant de l’activité des ostéoblastes/ostéocytes et la
CAP : cementum adhesion protein, protéine d’adhésion cémentaire ; DSP : dentin sialoprotein, sialoprotéine dentinaire ; DPP : dentin phosphoprotein, phosphoprotéine dentinaire ; DMP : dentin matrix protein, protéine de la matrice dentinaire ; MGP : matrix Gla-protein, protéine matricielle Gla.
résorption osseuse issue de l’activité des ostéoclastes. L’ostéoclaste est une cellule géante, multinucléée, formée par la fusion de cellules mononucléées dérivées du tissu hématopoïétique (fig 20) ; ces précurseurs, bien que distincts, font partie de la lignée monocytemacrophage [113]. Le fait marquant qui se dégage de l’étude du remodelage osseux est l’importance des processus de communication entre ces deux familles cellulaires. En effet, les données actuelles indiquent que la lignée des ostéoblastes contrôle la formation et l’activité des ostéoclastes par l’intermédiaire d’un certain nombre de facteurs de croissance et de cytokines produits localement au sein du tissu osseux. La synthèse de ces facteurs est sous le contrôle d’hormones circulantes [56, 76, 83], lesquelles peuvent moduler la productions de cytokines et entrer en synergie entre elles pour coupler leur actions sur les cellules osseuses. Une variété de facteurs ostéotropiques, telles la 1,25(OH) 2 vitamine D 3 , la parathormone, la prostaglandine E 2 et les interleukines sont essentielles pour induire la formation de l’ostéoclaste en coculture [ 11 3 ] . Ces facteurs ostéotropiques agissent par l’intermédiaire de l’ostéoblaste qui va secréter un facteur de différentiation des ostéoclastes (osteoclast differentiation factor [ODF]), qui va activer l’ostéoclastogenèse grâce aux interactions cellulaires. En effet, par transduction de signal, il existe une activation des cellules progénitrices issues de la circulation systémique [77, 84]. La promotion de la résorption résulte de deux mécanismes, l’un faisant appel à une nouvelle génération d’ostéoclastes à partir de précurseurs, l’autre à l’activation d’ostéoclastes préexistant dans l’os. Les facteurs systémiques et les facteurs locaux agissent sur ces deux mécanismes, à savoir activation et formation des ostéoclastes (fig 21). C’est ainsi que la 1,25(OH)2vitamineD3 active la résorption osseuse à travers l’ostéoblaste, par sa voie génomique, et agit directement sur l’ostéoclaste par sa voie membranaire [79].
¶ Mécanismes moléculaires dans la résorption ostéoclastique Ainsi activé, l’ostéoclaste s’attache à la surface osseuse et initie le processus de résorption, après une série d’événements conduisant à la polarisation cellulaire. L’une des conséquence du réarrangement du cytosquelette est la formation d’une zone de contact hermétique entre les bords de l’ostéoclaste et la surface osseuse minéralisée. La zone hermétique englobe la lacune de Howship vers laquelle la membrane cellulaire s’organise telle une bordure en brosse sécrétoire. Le pôle opposé de la membrane cellulaire, le pôle basolatéral, fait face au milieu extracellulaire et présente des similitudes avec la membrane apicale des cellules épithéliales [128]. La résorption de l’os fait intervenir la dissolution des cristaux d’hydroxyapatite et la dégradation protéolytique des protéines 11
Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
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20
* A
Stomatologie/Odontologie
Cellules de l ’os. A. Lamelle osseuse en formation. Les ostéoblastes (ob) sécrètent la matrice ostéoïde (mo), qui va par la suite se minéraliser. Lors du processus de minéralisation, certaines cellules peuvent être emprisonnées par la matrice en élaboration, comme les ostéocytes (oc). B. Zone de résorption : l’ostéoclaste, cellule géante et plurinucléée (noyau, flèche) est directement en contact avec la surface osseuse minéralisée sans interposition de matrice ostéoïde non minéralisée.
* B
Vaisseaux sanguins
Flots cellulaires hématopoïétiques
Ostéoclastes progéniteurs
1,25 (OH)2D3 2 PTH PGE2 IL TNF
ODF-R/ RANK-L
Fusion
Ostéoclaste latent
ODF nVDR Ostéolaste
Os
Ostéoclaste actif 1,25 (OH)2D3
Mécanismes moléculaires de différenciation et d’activation de l’ostéoclaste (d’après Mesbah et al [79]). 1. Voie génomique de la 1,25(OH)2D3 faisant intervenir un récepteur nucléaire (nVDR) induisant une synthèse protéique, en particulier la synthèse du facteur de différenciation des ostéoclastes (ODF) agissant sur la prolifération et la différenciation des cellules progénitrices, qui possèdent le récepteur à ce facteur (ODF-R, RANK-L). 2, 3. Voie membranaire de la 1,25(OH)2D3, voie rapide agissant par l’intermédiaire d’un récepteur membranaire (1,25 MARRS), qui, activé, va provoquer une cascade de réactions cellulaires par l’intermédiaire de seconds messagers. PTH : parathormone ; PGE2 : prostaglandine E2 ; Il : interleukine ; TNF : tumour necrosis factor.
matricielles osseuses. La dissolution minérale fait appel à une production acide par l’ostéoclaste, production couplée à l’activité d’un certain nombre d’enzymes telle l’anhydrase carbonique II couplée à une pompe à protons [1, 128]. L’hydrolyse des protéines osseuses fait appel à des hydrolases lysosomiales, agissant à pH acide, et à des collagénases. Ces enzymes lysosomiales appartiennent à la famille des cystéine protéinases, parmi lesquelles les cathepsines qui sont abondamment sécrétées par l’ostéoclaste [57]. D’autre part, les ostéoclastes contiennent un taux élevé de métalloprotéinases matricielles qui agissent de concert avec les collagénases pour dégrader la matrice collagénique [54]. Des sérine protéases, des phosphatases, principalement la TRAP, ont également été suggérées pour jouer un rôle dans la résorption osseuse. De plus, il ne faut pas oublier que la dégradation de l’ostéoïde par les ostéoblastes précède la résorption ostéoclastique ; il faut donc prendre en compte à la fois le rôle des enzymes ostéoblastiques et celui des enzymes ostéoclastiques. MÉCANISMES DE LA RÉSORPTION DENTAIRE
¶ Cellules : odontoclaste et cémentoclaste Contrairement à la dent, l’os est un tissu dynamique en perpétuel remaniement. À la différence que, la dent ne doit pas normalement subir de résorption. La seule période où la résorption dentaire est 12
* A
Os
21
22
* B
Résorption externe superficielle. A. Coupe histologique d’une dent mature, grossissement × 20. On remarque sur la surface radiculaire une excavation intéressant le cément (c) et pénétrant dans la dentine (d). On constate que cette résorption s’est cicatrisée par apposition cémentaire (nc). B. Même zone, grossissement × 40. On constate dans l’épaisseur du cément de cicatrisation des lacunes (flèches) occupées par des cémentocytes, piégés lors de la sécrétion de la matrice extracellulaire et de sa minéralisation.
normale, physiologique, a lieu durant la chute des dents déciduales. Les mécanismes sous-jacents à cette propriété de prévention à la résorption de la dent sont inconnus à ce jour. Toutefois, il est connu que la surface de la dent est protégée de la résorption par des barrières physiques telles que des couches non minéralisées de matrices extracellulaires et des fibres parodontales. Jusqu’ici, il est admis que la résorption radiculaire de la dent permanente a lieu dans des sites où ces barrières sont détruites, comme conséquence d’une inflammation, d’un traumatisme ou d’un stress mécanique [49] (fig 22). Toutefois, les résorptions osseuses et dentaires sont similaires par le fait qu’elles impliquent la décalcification de cristaux minéraux dans un microenvironnement et une dégradation de matrices organiques, proches par leur constitution, par des protéinases. On considère que les cellules multinucléées responsables de la destruction des tissus durs, odontoclastes/cémentoclastes, ont une ultrastructure et des caractéristiques histochimiques analogues à celles de l’ostéoclaste [40, 102, 116] . Le processus de cytodifférenciation des odontoclastes/ cémentoclastes, durant la phase initiale de résorption, commence par l’apparition de cellules mononucléaires TRAP-positives (tartrate resistant acide : phosphatase résistante à l’acide tartrique), présumées être des précurseurs odontoclastiques, aux abords des vaisseaux sanguins du tissu conjonctif, pulpaire ou desmodontal. Ensuite, elles entrent en contact avec la surface dentaire, dentine ou cément, par élongation de leur processus cellulaire. Après attachement à la surface dentaire, elles fusionnent avec leurs voisines pour former
Stomatologie/Odontologie
Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
des odontoclastes multinucléés. Toutefois, une différence remarquable entre la résorption interne et la résorption externe concerne la relation entre les précurseurs clastiques, préodontoclastes, et les cellules sécrétrices, odontoblastes et cémentoblastes. En effet, sur des résorptions externes, des travaux ont montré qu’il y a une étroite relation entre les cémentoblastes et les précurseurs odontoclastiques, et qu’il y a fréquemment un contact physique cellule-cellule comme celui qui existe dans l’os entre les ostéoblastes/cellules stromales et les ostéoclastes progéniteurs. Il n’y a aucune évidence que les cémentoblastes aient les mêmes potentialités que les ostéoblastes, mais il est toutefois possible que les cémentoblastes puissent stimuler la formation de cémentoclastes/odontoclastes par des mécanismes similaires à ceux qu’utilisent les ostéoblastes lors de la formation des ostéoclastes pendant la résorption osseuse. En effet, il été rapporté que les cellules dentaires expriment les facteurs de différenciation des ostéoclastes (ODF [orthodontie dentofaciale]/RANKL [receptor activator of NF kappa B ligand]), lesquels jouent un rôle important dans la régulation de l’ostéoclastogenèse et de la résorption osseuse [95]. Ces contacts cellulaires n’ont pas été mis en évidence pour des résorptions internes dans la dent humaine. Ces différences ne sont pas dues à la nature différente des composants matriciels, mais plutôt à des processus de cytodifférenciation : la résorption interne est bien un phénomène pathologique, en raison de l’infiltration des cellules inflammatoires dans la cavité pulpaire avant l’apparition des odontoclastes à la surface dentinaire [101], alors que la résorption externe s’apparente à la première phase d’un processus de remaniement.
¶ Mécanismes moléculaires dans la résorption dentaire
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Traitement des résorptions Le traitement des résorptions est pluriel. Il est basé sur l’étiologie et le mécanisme d’évolution de ces pathologies, ces mêmes facteurs qui ont permis d’établir le diagnostic dont seules les grandes lignes sont évoquées ici. Ces traitements partent de la thérapeutique la plus simple consistant à attendre une guérison spontanée, attitude passive mais positive par rapport à l’abstention qui consiste à attendre impuissant la destruction complète de la dent faute de moyens. Entre ces deux limites, il y a de nombreux protocoles dont certains, notamment en traumatologie, ont fait l’objet d’un consensus. Sans entrer dans les détails, il faut rappeler que la plupart de ces traitements sont avant tout préventifs. TRAITEMENTS PRÉVENTIFS
Le premier de ces traitements préventifs est l’information : il concerne surtout les résorptions traumatiques, que ces traumatismes soient accidentels (sports violents) par le port de protections, ou non accidentels (professions à risque) par l’observation des consignes de sécurité et iatrogéniques où chaque discipline odontologique est concernée par le respect des protocoles opératoires. La prévention prend un aspect thérapeutique lors des manœuvres de réimplantation des dents expulsées [12]. Le protocole opératoire pour ce genre d’intervention a été établi par l’Association internationale de traumatologie dentaire (IADT) [38] devant la multitude de situations pouvant se présenter face à une expulsion dentaire. Ce consensus tient compte de différents paramètres :
Similaire à l’os, la dentine est largement constituée de collagène I (86 %) et de protéines non collagéniques contenant une phase minérale associée à l’hydroxyapatite. Tout comme la résorption osseuse, la résorption dentaire implique une dissolution des cristaux d’hydroxyapatite et une dégradation protéolytique de la matrice organique.
– les circonstances de l’accident : nature du choc, découverte de la dent ;
Des travaux ont montré que les odontoclastes sont capables de synthétiser et de sécréter des collagénases chez le bovin [87] ; il a été mis en évidence une cystéine protéase, la cathepsine K, durant la résorption radiculaire physiologique chez le bovin [68], pathologique chez le murin lors du mouvement dentaire provoqué [30] et chez l’homme [88]. Il a également été mis en évidence la présence de métalloprotéinases matricielles dans des odontoclastes chez le rat [30, 68] et chez l’homme [88].
– l’évaluation des conditions de récupération de la dent, faisant intervenir l’âge du sujet, son état de santé, les lésions associées éventuelles.
Il apparaît donc que les tissus dentaires d’origine mésenchymateuse, dentine et cément, sont non seulement constitués d’éléments analogues à ceux du tissu osseux, mais que la résorption dentaire fait appel à des schémas moléculaires similaires à ceux qu’utilise la résorption osseuse.
– par voie générale : prescription antibiotique ; certains auteurs préconisent le traitement à la pénicilline [47, 100], d’autres conseillent les tétracyclines, pour leur action sur les collagénases [100] ;
Pour conclure, la différence primordiale entre la rhizalyse, résorption physiologique, et la résorption pathologique réside dans la mise en place de ces processus. En effet, dans la résorption physiologique, il y a participation des cellules sécrétrices de la matrice extracellulaire, les cémentoblastes, dans la mise en place et le recrutement des cellules clastiques, cémentoblastes et odontoclastes, à la suite de signaux cellulaires émanant de l’environnement et du sac folliculaire de la dent permanente, alors que dans la résorption pathologique le phénomène résulte d’une agression après laquelle les cellules sécrétrices du tissu mis en cause sont lésées et le tissu n’est plus capable de différencier de nouvelles cellules cicatricielles de relais qui permettraient la réparation et la synthèse d’une matrice extracellulaire pour protéger la surface radiculaire, cémentoïde à la surface externe et prédentine sur les parois du canal pulpaire, car les cellules clastiques ne peuvent agir que sur une matrice minéralisée. C’est la maîtrise de ces agressions et la compréhension des phénomènes physicochimiques qu’elles induisent qui vont nous permettre de contrôler et de limiter les dégats provoqués par la résorption physiologique, de les anticiper, voire de les annihiler.
– les conditions de conservation : nature du milieu, hygrométrie, température, pH… ; – le temps écoulé entre l’accident et la réimplantation ;
C’est dans ce type de prévention que des progrès ont été réalisés ; certains sont acquis et d’autres encore au stade de l’expérimentation. L’action préventive des résorptions après réimplantation passe par une thérapeutique médicale :
– par voie locale, sous forme topique : antibiothérapie : – la Coxyclinet [39] ; – la tétracycline ; – la dexaméthasone [100] ; – l’alendronate, biphosphate de troisième génération qui inhibe l’action des ostéoclastes et ralentit la résorption ; – l’Emdogaint, extrait protéique de la matrice amélaire [12, 36, 58] ; la réelle performance de ce produit a été expérimentée [46, 124] et l’IADT l’a préconisé [38]. – l’acide trichloracétique, utilisé dans le cas de résorption cervicale avant obturation [52]. Des débats ont porté sur le milieu de conservation de la dent, milieu utilisable dès la réception de la dent. Aux solutions classiques (lait, salive, sérum physiologique…) ont été préférées des solutions salines de composition et acidité définies : – la Hank’s balanced salt solution (HBSS) de pH 7,2 [45, 63] ; – le Viaspan de pH 7 [3, 126]. 13
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Résorptions pathologiques des dents permanentes évoluées
Ces solutions ont été utilisées pour des dents recueillies et conservées selon différents protocoles : pour des dents conservées en milieu sec pendant plus de 30 minutes des auteurs ont utilisé la solution de Hank [31] ou le Viaspan [124] ; pour des dents conservées en milieu sec pendant moins de 60 minutes, certains ont préconisé un bain de fluorure d’étain à 2 %, à pH 5,5, pendant 5 à 20 minutes [122]. Actuellement, il est conseillé d’adjoindre au milieu de conservation certains facteurs de croissance, tels que des insulin-like growth factors [8] , qui semblent améliorer la viabilité des fibroblastes desmodontaux et inhiber l’action des collagènases [93]. En dehors de la composition de la solution, la température de conservation semble également jouer un rôle dans la dessiccation du milieu desmodontal et de prévention de la vitalité cellulaire [111]. Parmi les traitements préventifs, la thérapeutique endodontique prévient la résorption externe inflammatoire après exposition des tubuli dentinaires. Cette thérapie est initiée par une désinfection du canal à l’aide d’hydroxyde de calcium. Certains auteurs potentialisent cette désinfection par adjonction d’une composition corticoïde-antibiotique, type Ledermixt [22, 30, 119]. Afin d’éviter des mouvements répétitifs qui vont engendrer des forces nocives, la prévention passe par une contention qui va stabiliser la dent et permettre une cicatrisation. Cette contention doit être souple, afin de ne pas gêner la mobilité physiologique de la dent. Des études ont porté sur l’utilisation du système Titanium Trauma Splint (TTS) et concluent à son efficacité [14, 37, 130]. TRAITEMENTS CURATIFS
Ces traitements sont pluridisciplinaires et consistent tout d’abord à éliminer les causes infectieuses, d’origine endodontique en réalisant le traitement selon les normes actuelles et d’origine parodontale par le traitement habituel des foyers parodontaux, puis à réaliser l’obturation chirurgicale de la résorption après curetage et obturation canalaire, voire de l’apex en cas de résection apicale associée. Pour cette thérapie, de nombreux matériaux sont utilisés (Gutta Percha, IRM, EBA), plus récemment le MTA (Mineral Trioxyagregate-Proroott), produit très performant mais dont la mise en œuvre est difficile, et des composites injectables [27]. Si la lésion a atteint l’os environnant, un comblement osseux peut être nécessaire, protégé ou non par un treillis de Vicrylt, une membrane ou un greffon de conjonctif enfoui. La guérison suit dans la mesure où les protocoles intègrent les notions de biologie et de physiologie [124].
Stomatologie/Odontologie
TRAITEMENT DE L’ANKYLOSE
Il n’y a pas de traitement de l’ankylose. Cependant, différentes alternatives sont proposées, elles consistent : – à ne rien faire, compte tenu de l’évolution lente du processus ; – à attendre, mais en pratiquant un traitement conservateur de la dent [82] ; – à réaliser une décoronation de la dent, traitement qui consiste à sectionner la couronne en laissant en place la racine afin de préserver le capital osseux [36, 74] et prévenir le déplacement des dents collatérales par la mise en place d’un mainteneur d’espace ou d’une prothèse d’attente.
Conclusion Devant une résorption apicale, la précocité du diagnostic est essentielle. En l’absence de symptomatologie, l’anamnèse et la découverte de certains signes cliniques discrets peuvent inciter le praticien à pratiquer un examen radiologique, seul moyen de diagnostic incontournable. Les résorptions dentaires se situent à tous les niveaux de la racine. Externes et d’évolution centripète, elles prennent un aspect particulier du collet à l’apex. Situées dans le canal pulpaire, d’évolution centrifuge, elles se développent à partir de celui-ci. Il y a une différence fondamentale entre ces deux types de résorption : l’externe, d’origine parodontale, épargne le canal ; l’interne, d’origine pulpaire, épargne le parodonte. Il existe des formes dites de remplacement, où les tissus cémentodentinaires résorbés sont remplacés par un tissu osseux sans interface, et des formes inflammatoires purement d’origine infectieuse, où la perte de tissu dentaire est remplacée par un tissu de granulation qui va initier la destruction de l’os environnant. Cette néoformation et/ou l’activation des cellules clastiques vont sécréter des facteurs de résorption. L’ankylose est une forme de résorption de remplacement à évolution plus lente, se rencontrant dans le cas d’absence importante, voire complète, de ligament, surtout après réimplantation posttraumatique. Ces deux types de résorption, ankylose et résorption de remplacement, aboutissent à la disparition progressive de la racine. Cette évolution morbide est plus rapide dans le cas d’une résorption inflammatoire, sachant que le passage de la forme de remplacement à la forme inflammatoire est possible. Un aspect du traitement consiste à empêcher ce passage, en supprimant la cause de l’infection ajoutée, endodontique ou parodontale. Chaque cas trouve une approche thérapeutique différente : préventive, curative ou basée sur l’abstention. Ces traitements sont conduits compte tenu des mécanismes moléculaires régissant la résorption, à savoir les facteurs initiant la différentiation cellulaire et les molécules générées par celle-ci.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-037-P-10
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Adénopathies cervicofaciales C de Labrouhe E Favre JC Bertrand
Résumé. – Les adénopathies cervicales sont fréquentes et d’étiologie très variée. La confrontation entre les données cliniques, les explorations biologiques, voire l’examen histologique, permet d’en poser le diagnostic et d’en indiquer le traitement. Chez l’enfant ou l’adulte jeune, les adénopathies d’origine infectieuse prédominent. Chez l’adulte après 40 ans, la hantise est celle d’une affection maligne, de pronostic souvent péjoratif. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : adénopathies, cervicofaciales, chroniques, infectieuses, inflammatoires, malignes.
Introduction Les adénopathies cervicales ont de multiples causes. Il s’agit souvent de maladies infectieuses chez l’enfant et l’adulte jeune, mais elles font craindre des pathologies cancéreuses au pronostic souvent péjoratif après 40 ans. À tout âge, la tuberculose reste d’actualité. Un interrogatoire rigoureux et un examen clinique soigneux et systématique permettent souvent une orientation diagnostique. Des examens complémentaires sont pratiqués pour étayer celui-ci et aider à établir une stratégie thérapeutique adaptée. Le recours au prélèvement ganglionnaire à visée histologique est souvent nécessaire à l’affirmation d’un diagnostic précis.
Généralités RAPPELS HISTOLOGIQUES
¶ Ganglion lymphatique Les ganglions lymphatiques, amas de lymphocytes groupés en structures encapsulées et organisées, sont des organes réniformes de taille variable situés sur le trajet des gros vaisseaux lymphatiques. Les lymphocytes T et B y accèdent par la vascularisation sanguine et lymphatique afférente [5]. L’aspect histologique d’un ganglion, à un moment donné, reflète la stimulation antigénique locale et l’état immunologique de l’individu [27] . Ainsi, le cortex contient en proportions variables des follicules lymphoïdes primaires n’ayant pas subi de stimulation antigénique, contrairement aux follicules lymphoïdes secondaires dont le centre germinatif clair est constitué de cellules lymphoïdes à haute activité mitotique [23].
Corinne de Labrouhe : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux. Estelle Favre : Praticien hospitalier. Jacques-Charles Bertrand : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Clinique de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
¶ Système vasculaire lymphatique La lymphe est formée par extravasation de liquide extracellulaire selon des lois de pression hydrostatique. À partir de capillaires [6], les vaisseaux lymphatiques afférents se drainent dans le sinus souscapsulaire des ganglions puis, par l’intermédiaire des sinus médullaires, donnent naissance aux vaisseaux lymphatiques efférents [27]. Ces derniers convergent, puis rejoignent le système veineux par le canal thoracique à gauche et la grande veine lymphatique à droite [27].
¶ Formes anatomopathologiques Les ganglions lymphatiques ont pour fonction la filtration non spécifique de la lymphe par activité phagocytaire des macrophages, ainsi que la séquestration et la production des lymphocytes B et T [27]. L’augmentation de volume d’un ganglion est consécutive à l’augmentation du nombre de ses cellules, soit par multiplication intrinsèque, soit par colonisation extrinsèque, soit par les deux mécanismes [5, 10, 21] : – en réponse à une stimulation antigénique, les lymphocytes se transforment en grandes cellules blastiques ou en plasmocytes et sécrètent des lymphokines amplifiant la réponse locale ; le ganglion peut rester hypertrophié si l’antigène persiste ; – infiltration de cellules inflammatoires (polynucléaires, monocytes) d’origine sanguine en réponse à un agent infectieux ; – prolifération locale de lymphocytes ou de macrophages malins, ou colonisation par des cellules malignes métastatiques ; – surcharge macrophagique dans certaines dyslipidémies, stase lymphatique, congestion vasculaire... ANATOMIE DU DRAINAGE LYMPHATIQUE
Les ganglions lymphatiques de la tête et du cou se répartissent en deux grands systèmes [6] : le cercle ganglionnaire péricervical et le triangle lymphatique cervical.
¶ Cercle ganglionnaire péricervical C’est un réseau horizontal situé à l’union de la tête et du cou. Il est constitué par [6, 23] :
Toute référence à cet article doit porter la mention : de Labrouhe C, Favre E et Bertrand JC. Adénopathies cervicofaciales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-037-P-10, 2000, 10 p.
Adénopathies cervicofaciales
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– les ganglions occipitaux superficiels et profonds, qui drainent la région occipitale et se jettent dans les chaînes spinale et jugulaire interne ; – les ganglions mastoïdiens, qui drainent la région temporale et le pavillon de l’oreille puis rejoignent la chaîne spinale ; – les ganglions parotidiens sus-aponévrotiques (prétragiens), sousaponévrotiques (préauriculaire et sous-auriculaire) et intraparotidiens qui drainent la parotide, l’oreille externe et moyenne, la région cutanée de la tempe à la lèvre supérieure, les trois quarts externes des paupières. Les ganglions profonds drainent les fosses nasales et le voile ; ils rejoignent les chaînes satellites de la veine jugulaire externe et la chaîne rétroglandulaire, accessoirement le groupe sous-mandibulaire ; – les ganglions sous-mandibulaires, qui se répartissent en préglandulaires et rétroglandulaires, prévasculaires et rétrovasculaires selon le pédicule facial et inconstamment intraparenchymateux ; ces ganglions drainent la face du nez au menton, la muqueuse jugale, la gencive vestibulaire, les dents et la base de la langue ; ils aboutissent aux ganglions sous-digastriques, plus rarement sus-omo-hyoïdiens et sous-mentaux ; – les ganglions géniens, inconstants, situés sur le trajet des vaisseaux afférents sous-mandibulaires ; – les ganglions sous-mentaux, qui drainent le menton, la partie antérieure des joues, la pointe de langue et la partie sus-hyoïdienne du cou. Ils se jettent dans le ganglion sus-omo-hyoïdien.
¶ Triangle lymphatique cervical Trois chaînes anastomosées entre elles composent ce réseau vertical en triangle latérocervical. Elles cheminent dans un prolongement de l’aponévrose cervicale moyenne, entre la voie veineuse et la face profonde du muscle sterno-cléido-mastoïdien. – La chaîne jugulaire interne se décompose par rapport au plan veineux en ganglions externes et antérieurs. Ces derniers comportent un groupe supérieur (ganglion sous-digastrique de Küttner), moyen (ganglion de Poirier) et plus rarement inférieur. La majeure partie de la face est drainée par cette chaîne. – La chaîne spinale longe le nerf homonyme au bord antérieur du trapèze. – La chaîne cervicale transverse longe le pédicule vasculaire homonyme. Il s’y ajoute des ganglions cervicaux antérieurs, soit la chaîne jugulaire antérieure qui draine la peau cervicale sous-hyoïdienne vers la chaîne jugulaire interne, soit les ganglions juxtaviscéraux (prélaryngés, prétrachéaux, récurrentiels) drainant le voile et le pharynx.
¶ Drainage lymphatique lingual Le réseau de drainage lingual, système particulier, se répartit en cinq groupes, fréquemment anastomosés sur la ligne médiane : le drainage de la pointe de la langue aboutit au groupe sous-mental, puis sous-omo-hyoïdien ; les bords antérieurs de la langue se drainent vers le groupe sous-digastrique ou sus-omo-hyoïdien par l’intermédiaire des ganglions sous-mandibulaires. Le drainage marginal postérieur et central du dos de la langue mobile s’effectue vers les ganglions sous-digastriques. Leur atteinte bilatérale est possible à partir d’une lésion de la base de la langue.
Diagnostic positif Toute adénopathie requiert une démarche clinique rigoureuse reposant sur un examen clinique rigoureux, lequel oriente l’indication des examens complémentaires souvent nécessaires [5]. DIAGNOSTIC CLINIQUE
¶ Interrogatoire Il est primordial [2, 5, 12, 14, 23] et précise l’âge et l’état général du patient (asthénie, fièvre, amaigrissement, manque d’appétit, insomnie), la 2
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date et les circonstances d’apparition de l’adénopathie, son caractère asymptomatique ou associé à des signes locaux (douleur provoquée ou spontanée, en faveur d’une adénite, aspect cutané, écoulement par une fistule…), voire des signes locorégionnaux (douleurs cervicales irradiées, otalgies, gêne pharyngée ou dysphagie, dysphonie), et son évolution dans le temps. Parmi les antécédents sont recherchés une tuberculose, un cancer thyroïdien ou des voies aérodigestives supérieures, une maladie de système, une radiothérapie cervicale, une transfusion sanguine... Sont précisés également l’état sérologique et vaccinal, l’hygiène et le mode de vie (profession, consommation de tabac et d’alcool, toxicomanie, contact avec des animaux familiers, sexualité non protégée, séjours à l’étranger, prise médicamenteuse récente [antiépileptiques, phénylbutazone]…).
¶ Examen clinique Examen local Il permet de noter le siège de l’adénopathie, son volume, et l’état des téguments en regard. Certaines adénomégalies peuvent être visibles dès l’inspection. La palpation doit être minutieuse, tête fléchie en avant pour obtenir un bon relâchement musculaire cervical. Un cou court et gras ou musclé est difficile à examiner correctement. Les aires sous-mentales et sous-mandibulaires sont explorées par un palper bimanuel face au patient : un index sur la face cutanée et un index muni d’un doigtier refoulant le plancher buccal. La région sous-mandibulaire est examinée par des doigts en crochet en faisant glisser les parties molles sur le rebord basilaire, différenciant ainsi un ganglion non fixé de la glande sousmandibulaire restant en place. Afin d’examiner la chaîne jugulocarotidienne, l’examinateur se place derrière le patient dont la tête est fléchie vers l’avant et en légère rotation homolatérale. Faire tousser le patient permet de palper les aires sus-claviculaires [5, 22]. Les autres aires ganglionnaires (axillaires, spléniques, inguinales…) sont également palpées. Les résultats de cet examen sont consignés sur un schéma daté. Sont ainsi définis : – le nombre de ganglions perçus ; – leur caractère uni- ou bilatéral ; – leur siège d’origine (orientation vers une lésion primitive) ; – leur volume, mesuré au mètre-ruban, appréciant leur vitesse d’évolution ; – leur caractéristique douloureuse (quand ils sont inflammatoires) ou non ; – leur mobilité par rapport au plan superficiel cutané et aux plans profonds (musculaire ou vasculaire) ; – l’aspect de la peau en regard (inflammatoire, fistulisation, ulcération, en « peau d’orange ») ; – leur consistance ferme, voire dure et ligneuse, élastique ou molle, d’aspect collecté fluctuant. Examen locorégional Un examen régional doit rechercher une porte d’entrée microbienne potentielle cutanéomuqueuse (rougeur cutanée, ulcération, impétigo, folliculite, trace de piqûre d’insecte ou d’aiguille, griffure de chat, érysipèle ou angine…), ou toute lésion évoquant une tumeur primitive (cutanée cervicofaciale ou muqueuse de la cavité buccopharyngée). La peau de la face, du cou et du cuir chevelu est soigneusement examinée. La cavité buccale est examinée sous un bon éclairage, à l’aide de deux abaisse-langue afin de bien déplisser les muqueuses. À partir de 40 ans, une laryngoscopie indirecte au miroir doit être systématique, en phonation et en respiration ; cet examen indirect permet également le contrôle du cavum. L’examen ne doit jamais oublier le toucher pharyngé avec palpation de la base de langue et du voile [2, 22]. En l’absence de lésion visible à cet examen clinique simple, une exploration du larynx, du pharynx, des fosses nasales et du cavum
Adénopathies cervicofaciales
Stomatologie
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doit être pratiquée par un spécialiste, avec un bon éclairage et au mieux à l’aide d’un nasofibroscope [2, 22]. Toute lésion suspecte amène à pratiquer une endoscopie sous anesthésie générale. La glande thyroïde doit être soigneusement palpée.
– Endoscopie sous anesthésie générale, chez tout patient de plus de 40 ans alcoolotabagique [14] : elle permet un examen des muqueuses du larynx, pharynx et du cavum, avec prélèvements biopsiques au moindre doute. Cet examen est pratiqué en cas de suspicion de lésion primitive à l’origine de la métastase ganglionnaire.
Examen général
– Radiographie thoracique : dans le cadre d’un bilan infectieux (tuberculose), de sarcoïdose ou carcinologique.
Dans le cadre d’une pathologie générale, outre un examen minutieux des téguments, il faut pratiquer une palpation de toutes les aires ganglionnaires (axillaire, inguinales…) et une palpation abdominale à la recherche d’une hépatosplénomégalie. Les adénopathies médiastinales sont appréciées par radiographie thoracique. Des signes de troubles de l’hémostase doivent être recherchés. DIAGNOSTIC PARACLINIQUE
Les examens paracliniques sont indispensables à la confirmation d’un diagnostic, mais ils sont demandés en fonction des orientations de l’examen clinique.
¶ Examens biologiques – Numération formule sanguine et vitesse de sédimentation : dépistage d’un processus infectieux (mononucléose, hyperleucocytose bactérienne ou neutropénie virale) ou d’une hémopathie.
– Radiographie standard, à la recherche de calcifications ganglionnaires ou de lithiase salivaire. – Tomodensitométrie avec injection : elle permet d’apprécier les rapports de volumineuses adénopathies avec les structures adjacentes, notamment vasculaires et laryngées, à la recherche d’un envahissement pathologique. Cet examen permet de juger de l’opérabilité en cas de volumineuse adénopathie. – Échographie haute fréquence : elle peut retrouver des adénopathies infracliniques mais ne peut en apprécier le caractère malin ou bénin. Cet examen peut également éliminer une masse d’origine salivaire avant un geste de ponction. – Imagerie par résonance magnétique ou techniques d’angiographie : elles ne sont pratiquées que pour des indications très particulières. – Sialographie salivaire après des clichés standards sans préparation : à faire en cas de suspicion d’origine salivaire à la masse cervicale.
– Intradermoréaction (IDR) à la tuberculine : tuberculose. – Tests sérologiques : mononucléose infectieuse, toxoplasmose, virus de l’immunodéficience humaine (VIH), syphilis.
¶ Examens bactériologiques Par ponction ganglionnaire du pus, un examen direct et une mise en culture peuvent être pratiqués. Avant un tel geste, il est indispensable de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un processus aux dépens du tissu salivaire (glande parotide ou sous-maxillaire), car alors la ponction est formellement proscrite. Il faut spécifier au laboratoire les orientations diagnostiques pour le choix d’éventuels milieux spéciaux de culture ou la recherche de parasites [11, 12].
¶ Examens histologiques – Par ponction cytologique à l’aiguille fine, mais le diagnostic peut être imprécis ou faussement négatif et a surtout une valeur d’orientation [5, 21].
Diagnostic différentiel Les pièges anatomiques que posent la grande corne de l’os hyoïde, le cartilage thyroïde et l’apophyse transverse de C2 sont éliminés par un bon examen clinique. Le problème du diagnostic différentiel se pose surtout devant une masse cervicale unique et isolée, chronique ou persistant depuis plus de 1 mois. En fonction de son siège cervical, de son caractère aigu ou chronique et du contexte, les diagnostics suivants doivent être éliminés. RÉGION SOUS-MENTALE
– Kyste dermoïde médian. – Kyste du tractus thyréoglosse : lésion médiane mobile lors de la déglutition par adhérence à l’os hyoïde.
– Par examen histologique d’une adénectomie chirurgicale fraîche, prélevée sous anesthésie générale : il ne faut jamais pratiquer une biopsie en « quartier d’orange » car, s’il s’agit d’une adénopathie métastatique, on est responsable d’une effraction de la capsule, favorisant la dissémination tumorale ; si le ganglion semble inextirpable, il est préférable, si possible, de prélever un autre ganglion plus petit [2, 7, 11, 14, 22]. Pour une orientation diagnostique rapide, on pratique alors une empreinte de l’adénopathie sectionnée en deux et un frottis, avant toute fixation [21]. Il est préférable de pratiquer l’exérèse de l’adénopathie la plus volumineuse dans sa totalité, afin de faciliter l’examen histologique et les multiples techniques de marquage immunohistochimiques permettant de typer les hémopathies malignes. Au total, sur une pièce fraîche d’adénectomie, il est impératif de demander : un examen bactériologique (tube sec et stérile) avec recherche de tuberculose si nécessaire, une empreinte de la tranche de section ganglionnaire (réponse rapide) et un examen anatomopathologique avec marqueurs immunohistochimiques [11, 14]. Les prélèvements ainsi réalisés sont rapidement transportés aux laboratoires concernés afin d’éviter tout dessèchement ou altération. Ne jamais utiliser l’eau ou le sérum physiologique comme fixateur.
– Grenouillette sus-hyoïdienne ou processus tumoral de la glande salivaire sublinguale.
¶ Autres explorations
– Kyste congénital du deuxième arc ou kyste amygdaloïde : bien limité et mobile, au bord antérieur et en dedans du muscle sternocléido-mastoïdien. En période de surinfection, il peut être confondu avec un adénophlegmon.
Certaines de ces explorations cherchent surtout à éliminer un éventuel diagnostic différentiel.
RÉGION SOUS-MANDIBULAIRE
– Pathologie de la glande sous-mandibulaire, infectieuse ou tumorale : la tuméfaction s’étend vers la face interne de l’os mandibulaire, dont elle reste séparée. L’orifice de Wharton peut présenter des signes inflammatoires ou infectieux. La suspicion d’une pathologie salivaire doit formellement proscrire tout geste intempestif de ponction. – Cellulite d’origine dentaire : tuméfaction inflammatoire aiguë, solidaire du rebord mandibulaire le plus souvent, dans un contexte infectieux général. RÉGION LATÉROCERVICALE
– Tumeur du pôle inférieur de la glande parotidienne. – Parotidite : signes inflammatoires ou infectieux à l’orifice du canal de Sténon. – Kyste congénital du premier arc.
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Adénopathies cervicofaciales
– Lymphangiome kystique. – Tumeur du glomus carotidien : pulsatile avec un souffle auscultatoire. Cette tumeur d’évolution très lente est mobile dans le sens transversal, mais pas dans le sens vertical. L’artériographie est indispensable. – Anévrisme carotidien. – Tumeur thyroïdienne : elle s’ascensionne à la déglutition. Un nodule latéralisé, proliférant sous le plan musculaire et hypofixant à la scintigraphie, peut être de diagnostic délicat [11]. – Laryngocèle externe, extériorisée à travers la membrane thyrohyoïdienne. – Tumeurs nerveuses : de siège plutôt basicervical, elles se développent aux dépens des branches du plexus cervical ou brachial. Le déficit sensitif ou moteur n’est pas constant. Il peut s’agir d’un schwannome, d’un neurofibrome associé ou non à la maladie de von Recklinghausen. – Tumeurs malignes primitives du cou : fibrosarcomes, rhabdo- ou léiomyosarcomes.
Diagnostic étiologique ADÉNOPATHIES D’ORIGINE INFECTIEUSE
Les adénopathies infectieuses peuvent être d’origine bactérienne, virale ou parasitaire. Les adénopathies infectieuses sont généralement unilatérales, situées dans le territoire de drainage de la porte d’entrée cutanéomuqueuse [5] . Elles peuvent prendre différentes formes évolutives : adénite aiguë, adénophlegmon ou adénopathie chronique.
¶ Formes cliniques Adénite aiguë L’adénite aiguë présente un premier stade congestif ou séreux avec augmentation rapide du volume du ganglion, lequel est spontanément douloureux et recouvert d’une peau chaude et érythémateuse. Une zone inflammatoire extraganglionnaire se constitue, dite périadénite ; elle se traduit par une induration à la palpation et une fixation du ganglion à la peau. Au stade suivant, l’adénite devient suppurée, avec augmentation des douleurs, adhérences cutanées et fluctuation. En dehors de tout traitement, le tableau évolue vers une fistulisation ou un adénophlegmon. Ces adénites aiguës font partie du tableau clinique de nombreuses infections de la sphère oto-rhino-laryngologique ou cutanées. Leur étiologie est le plus souvent bactérienne banale, streptocoque ou staphylocoque selon la porte d’entrée [23]. Au niveau de la cavité buccale, les lésions responsables peuvent être une péricoronarite de dent de sagesse inférieure, une gingivostomatite ou une parodontite, mais pas une infection d’origine dentaire (la pulpe dentaire ne comporte pas de vaisseau lymphatique) [23]. L’hyperleucocytose à neutrophiles et l’accélération de la vitesse de sédimentation sont habituelles. L’évolution d’une adénite aiguë est favorable sous traitement adapté, mais l’adénopathie peut rester palpable quelques semaines après la guérison [22]. L’adénite peut évoluer vers la fluctuation par inefficacité ou insuffisance de traitement. À ce stade, un geste local de drainage est alors nécessaire, associé au traitement médical par voie générale [22, 23] . L’adénite subaiguë est d’apparition plus lente et plus atténuée, et peut évoluer vers une adénopathie chronique.
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suppurée. Il siège préférentiellement dans la région jugulocarotidienne et expose le patient à de graves complications locales (thrombose vasculaire) ou régionales (diffusion médiastinale, localisation sus-hyoïdienne) [22, 23] (cf infra). Adénopathie de l’enfant L’enfant présente une hyperplasie ganglionnaire plus importante et plus rapide, en réponse à la stimulation antigénique. Les ganglions ne sont pas palpables à la naissance. Le développement du système lymphatique est maximal entre 4 et 8 ans, puis régresse progressivement après la puberté [10]. Adénopathie tuberculoïde Cette adénite présente des amas arrondis ou ovalaires de cellules épithélioïdes dérivées des histiocytes et de cellules géantes [3], entourés de lymphocytes et de fibroblastes. Trois orientations étiologiques se discutent : tuberculose en présence d’une nécrose caséeuse (très rarement histoplasmose américaine) ; sarcoïdose ou tuberculose en l’absence de toute nécrose ; maladie des griffes du chat, pasteurellose ou tularémie en présence d’une nécrose suppurative [3].
¶ Adénopathies d’origine bactérienne Tuberculose C’est une infection par Mycobacterium tuberculosis hominis surtout et parfois Mycobacterium tuberculosis bovis. L’enquête épidémiologique avec un interrogatoire précis (cf supra) sur le mode de vie est indispensable car il oriente le diagnostic et permet le dépistage de la maladie chez les proches. Il s’agit le plus souvent d’adultes jeunes vivant en promiscuité avec de mauvaises conditions sanitaires, d’une population émigrée, de personnes âgées ou immunodéprimées (traitement immunosuppresseur, VIH) [3, 5]. La tuberculose ganglionnaire reste assez fréquente en Afrique et intéresse une population plus jeune qu’en France [8]. Une tuberculose pulmonaire ou ganglionnaire correctement traitée est présente dans près d’un quart des cas [3]. Le diagnostic repose sur : – l’IDR à 10 unités : test positif (papule supérieure ou égale à 6 mm à la 72e heure), voire phlycténulaire ; en période aiguë (miliaire tuberculeuse), l’IDR peut être négative [3] ; – des prélèvements : ponction ganglionnaire, crachats, tubage gastrique. L’examen direct met rarement en évidence des bacilles acido-alcoolo-résistants à la coloration de Ziehl (BAAR), également présents dans la lèpre et l’actinomycose ; la culture sur milieu de Löwenstein est quant à elle spécifique mais demande un minimum de 3 semaines [3]. L’examen histologique d’une pièce d’adénectomie note des follicules de cellules épithélioïdes et de cellules géantes sans nécrose caséeuse initiale puis avec formation secondaire de caséum [3]. La radiographie thoracique de face et de profil systématique est normale dans près de 50 % des cas [8]. Parfois, le bacille ne peut être isolé ; le diagnostic de tuberculose est alors porté sur un faisceau d’arguments posant l’indication d’un traitement d’épreuve par antituberculeux [3]. Les adénopathies tuberculeuses présentent plusieurs formes cliniques [5] :
Adénophlegmon
– les adénopathies chroniques sont la présentation la plus fréquente, la primo-infection étant plus ou moins lointaine, voire passée inaperçue. Les ganglions sont multiples, fermes, indolores, de taille inégale et sans périadénite au niveau des chaînes spinale et cervicale haute, augmentent progressivement de volume, puis évoluent vers un abcès froid avec ramollissement puis fistulisation permettant la drainage d’un pus grumeleux, le caséum [12, 20] ;
Dans l’adénophlegmon, le processus inflammatoire s’étend au-delà de la capsule ganglionnaire, avec aggravation des signes locaux et généraux. Il peut être primitif ou consécutif à une adénite aiguë
– les adénopathies peuvent accompagner un chancre d’inoculation : petite ulcération superficielle buccale, à fond violacé, à bords minces et décollés, siégeant surtout sur l’amygdale ou la gencive
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Stomatologie
Adénopathies cervicofaciales
mandibulaire [14, 21] . Les adénites sont principalement sousmandibulaires, indolores, mobilisables au stade initial puis progressivement fixées par la périadénite. Elles évoluent également vers le ramollissement puis la fistulisation avec écoulement d’un pus grumeleux verdâtre ; – l’adénopathie chronique calcifiée, froide et de découverte souvent fortuite est le témoin d’une ancienne tuberculose guérie ; – les adénopathies peuvent accompagner des ulcérations tuberculeuses buccopharyngées ou laryngées secondaires chez des tuberculeux pulmonaires. Le traitement des adénopathies tuberculeuses repose sur l’association de plusieurs antituberculeux sur une durée de plusieurs mois. Si des adénopathies résiduelles persistent après un traitement médical correctement suivi, un évidement cervical peut être proposé [3, 22] . Ce geste est d’autant plus difficile que le contexte est inflammatoire. Syphilis Il s’agit d’une infection sexuellement transmissible due à un spirochète, Treponema pallidum. L’enquête épidémiologique est indispensable à l’interrogatoire, à la recherche de rapports non protégés contaminants. Dans un but de prévention, les partenaires doivent être recherchés pour dépistage et traitement. Le diagnostic de certitude est bactériologique : – tests sérologiques par TPHA (Treponema pallidum haemagglutination assay) (hémagglutination passive), VDRL (venereal disease research laboratory) et FTA (fluorescent Treponema antibody) (immunofluorescence indirecte) ; – prélèvements par ponction du ganglion ou raclage du chancre (sans le faire saigner) pour examen direct au microscope à fond noir et mise en culture. Lorsque le chancre primaire est absent, ou au stade de syphilis secondaire, le diagnostic n’est pas toujours facile. L’étude histologique du produit de ponction du ganglion peut être évocatrice [4] : hyperplasie folliculaire prédominante, plasmocytose intense surtout au niveau des zones périfolliculaires et médullaires, images de vascularite oblitérante, fibrose capsulaire importante. Après une incubation de 20 jours, la syphilis se révèle sous la forme d’un chancre primaire, exulcération muqueuse à fond induré [14]. Ce chancre précède de 8 jours les adénopathies sous-mandibulaires groupées, dont une est plus volumineuse, dure, indolore et mobile sans périadénite [4, 5] . Ces polyadénopathies persistent après cicatrisation du chancre : 2 à 4 mois après traitement et 1 à 2 ans en son absence [23]. La syphilis secondaire est beaucoup plus rare depuis la pénicillinothérapie ; elle réalise une micropolyadénopathie généralisée avec des ganglions fermes, non inflammatoires, mobiles et indolores, disséminés dans les aires cervicales postérieures (occipitales, mastoïdiennes et épitrochléennes) [14]. Plus tardivement peuvent apparaître roséole, arthralgies, alopécie. Tularémie Cette infection est une anthropozoonose rare due au germe Francisella (Pasteurella) tularensis, coccobacille aérobie strict à Gram négatif. Elle est transmise à l’homme par piqûre d’un insecte vecteur (tique principalement), par contact cutané direct ou par ingestion de viande de lièvre contaminée [1, 5]. Elle prédomine dans le centre et l’Est de la France. Les professions exposées sont les bouchers, les cuisiniers et les chasseurs. Le germe se multiplie au niveau de la porte d’entrée puis est responsable d’une bactériémie après essaimage ganglionnaire, avec des atteintes viscérales (poumon et système lymphatique). Après 1 à 14 jours d’incubation apparaît un syndrome pseudogrippal puis des adénopathies inflammatoires dans le territoire de drainage. Le chancre d’inoculation apparaît parfois comme une ulcération légèrement congestive recouverte d’une croûtelle. Les localisations oculoganglionnaires (contact avec des doigts souillés) associent
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conjonctivite purulente et adénopathies prétragiennes. L’atteinte oropharyngée (contamination par voie orale) associe une amygdalite sévère, érythématopultacée unilatérale avec des adénopathies inflammatoires satellites. La contamination pulmonaire est possible par voie aérienne (personnel du laboratoire d’analyse) ou par le biais d’une bactériémie : toux sèche ou douleurs pleurales, infiltrat radiologique inhomogène disséminé. Plus rarement, sont décrites des formes pseudotyphiques, avec diarrhées et douleurs abdominales par ulcérations digestives. Quelle que soit la forme clinique, la complication la plus fréquente est la suppuration ganglionnaire, même après antibiothérapie. Le diagnostic est affirmé par la bactériologie : – recherche du germe par ponction d’un ganglion, grattage d’une lésion cutanée, hémoculture ou examen des selles... ; – sérologie (il existe des réactions croisées avec les sérologies de la brucellose et la yersinose) ; – IDR à la tularine, positive dès la deuxième semaine ; elle déclenche en 48 heures une réaction érythématopultacée, voire phlycténulaire [14]. En prévention, il existe un vaccin vivant atténué qui diminue l’importance des manifestations. Le traitement curatif repose sur les aminosides en monothérapie (gentamycine : 2 mg/kg trois fois par jour durant 7 jours, par voie intraveineuse ou intramusculaire). En présence d’une adénite suppurée, un geste de drainage chirurgical est nécessaire. Maladie des griffes du chat C’est une lymphoréticulose bénigne d’inoculation pour laquelle plusieurs germes ont été suspectés : Chlamydiae, mycobactéries, virus et un bacille à Gram négatif du genre Rothia [3, 5]. Actuellement, le germe incriminé est Rochalimaea henselae [20, 28]. Cette affection survient neuf fois sur dix avant l’âge de 18 ans. Après 2 à 3 semaines, une volumineuse adénopathie subaiguë apparaît, satellite du point d’inoculation, sous la forme d’une papule rouge et indolente ou d’une vésiculopustule [ 1 4 , 2 3 ] . L’évolution est spontanément favorable même en l’absence de traitement, parfois après fistulisation de l’adénopathie. Le pus est jaune verdâtre, apparemment stérile en culture sur les milieux usuels [20]. L’IDR est positive à l’antigène spécifique de Reilly, mais elle peut correspondre à une ancienne maladie des griffes du chat passée inaperçue [3, 14]. Sur un plan histologique, l’adénopathie est tuberculoïde suppurative. Le traitement repose sur les cyclines [22]. Adénites à mycobactéries atypiques Souvent dues à Mycobacterium scrofulaceum, ces adénites surviennent surtout chez l’enfant très jeune (65 % avant 3 ans). La porte d’entrée serait cutanée (cuir chevelu, oreille externe ou face [17]) et muqueuse (voies aériennes supérieures [13, 23]). Après 2 ans, une grande partie des enfants présentent une réaction positive aux sensitines de mycobactéries, d’où l’existence probable de primo-infections latentes immunisantes [17]. L’adénopathie cervicale est froide, isolée, ferme et mobile, de croissance initiale rapide ; elle évolue en 1 à 2 mois vers la suppuration et la fistulisation, avec conservation de l’état général et absence d’image pulmonaire [13, 17, 23]. Son siège est prétragien et sousmental, voire sous-angulomandibulaire et cervical supérieur. L’évolution est bénigne et reste localisée mais peut durer plusieurs mois avec cicatrisation puis réapparition des fistules. Les séquelles sont esthétiques. Le diagnostic différentiel de tuberculose est parfois difficile à éliminer mais le jeune âge, la fistulisation rapide et des réactions tuberculiniques faibles sans notion de contage sont en sa défaveur. Les sérologies éliminent la tularémie et la maladie des griffes du chat. 5
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Adénopathies cervicofaciales
Stomatologie
Le diagnostic est posé grâce :
Autres adénopathies bactériennes
– aux IDR aux sensitines de mycobactéries atypiques positives dès le quatrième jour ;
Elles peuvent être consécutives à une infection comme :
– à l’examen direct de la ponction ganglionnaire qui ramène du pus franc : présence de nombreux BAAR et absence de germe banal ; – à la mise en culture des prélèvements sur milieu de LöwensteinJensen et de Coletsos ; ce sont des germes, parfois saprophytes de contamination, à croissance lente de 2 à 4 semaines [13, 22, 23], dont la recherche doit être précisée au laboratoire ; les germes isolés sont Mycobacterium scrofulaceum principalement, mais aussi Mycobacterium gordonae, kansasii, intracellulare et avium. Dans l’attente des résultats, les patients sont souvent placés sous traitement d’épreuve par antituberculeux en raison de réactions tuberculiniques souvent positives et de la présence de BAAR à l’examen direct du produit de ponction [13, 17] . Un traitement chirurgical local peut être proposé [23]. Actinomycose C’est une affection par Actinomyces, bacille à Gram positif, anaérobie strict, asporulé et filamenteux, faisant partie de la flore endogène de Veillon. L’atteinte cervicofaciale est la plus fréquente (50 à 60 % des cas). La porte d’entrée est endobuccale : soin dentaire, traumatisme oral, lithiase salivaire, mauvaise hygiène buccodentaire [20] . Après quelques semaines, l’adénopathie apparaît, de siège sous-angulomandibulaire, ligneuse, adhérente, évoluant vers l’abcédation, dans un contexte apyrétique. La fistulisation laisse sourdre un pus épais contenant des grains caractéristiques actinomycosiques jaunes, dits « grains sulfures ». Des atteintes thoraciques (20 à 25 %), abdominales (15 à 20 %) ou pelviennes (5 %) sont possibles.
– la [3] ;
pasteurellose :
adénopathie
tuberculoïde
suppurative
– la brucellose : adénopathie basicervicale de volume modéré et peu douloureuse, souvent associée à un ganglion axillaire, avec arthralgies, sueurs, asthénie, anorexie et fièvre ondulante ; la biologie révèle une leuconeutropénie modérée et une mononucléose. Le diagnostic repose sur l’IDR à la mélitine et le sérodiagnostic de Wright, positif à partir du 15e jour ; traitement par tétracyclines [14, 23] ; – la peste : Yersinia pestis ; – la diphtérie : Corynebacterium diphteriae.
¶ Adénopathies d’origine virale Plus rares que les bactériennes, elles ont peu de caractéristiques spécifiques et le contexte prend toute son importance. Mononucléose infectieuse Cette affection est due à l’Herpèsvirus d’Epstein-Barr. De 15 à 20 % de la population seraient des porteurs sains [23] . Elle atteint l’adolescent ou l’adulte jeune (entre 15 et 25 ans), par contamination salivaire. Elle débute par une angine érythématopultacée ou ulcéronécrotique, voire pseudomembraneuse, associée à des signes généraux : fièvre, malaise, asthénie et myalgies [ 5 ] . La polyadénopathie est modérément inflammatoire, sous-mandibulaire et spinale, avec une discrète splénomégalie [14]. Le diagnostic repose sur : – la numération formule sanguine : hyperleucocytose et monocytose ;
Le traitement repose sur la pénicilline par voie parentérale prolongée [20].
– le MNI-test (8 % de faux positifs) à confirmer par la réaction de Paul-Bunnell-Davidsohn positive vers le septième jour. Le traitement de la mononucléose est symptomatique, avec repos au lit. La guérison est spontanée en 3 à 6 semaines [23]. L’ampicilline est contre-indiquée car elle peut provoquer l’apparition d’un érythème morbilloscarlatiniforme [22].
Cas particulier de l’adénophlegmon
Syndrome immunodéficitaire acquis (sida)
Le diagnostic est posé d’après les cultures en milieu spécial enrichi, en anaérobiose stricte. À l’examen direct du pus, les grains jaunes et des filaments palissadiques sont caractéristiques.
L’adénophlegmon évolue de manière aiguë, sous un aspect pseudotumoral inflammatoire, dans un contexte fébrile avec altération de l’état général parfois majeure. L’examen clinique note un empâtement mal limité du cou, très inflammatoire et douloureux, avec une peau tendue, luisante et hyperhémiée. L’adénophlegmon rétropharyngien (chez le nourrisson surtout) se traduit par une dysphagie, une « voix de canard », une dyspnée avec tirage et un torticolis [23]. Chez l’enfant, l’adénophlegmon siège principalement dans la région sous-angulomandibulaire. Le germe le plus fréquent est le staphylocoque doré, dont l’origine cutanée est habituelle, surtout avant 2 ans [18]. La porte d’entrée n’est pas toujours facile à mettre en évidence, car 2 à parfois 8 semaines peuvent s’écouler avant l’apparition de l’adénophlegmon. Le contexte (absence d’hygiène de l’enfant et de l’entourage) est un élément d’orientation [18]. Deuxièmes par ordre de fréquence, chez l’enfant de 2 à 5 ans, sont les adénophlegmons par streptocoques bêtahémolytiques, d’origine pharyngoamygdalienne. Entre 5 et 10 ans, les streptocoques alphahémolytiques d’origine buccodentaire sont responsables [18]. Chez l’adulte, l’adénophlegmon est principalement d’origine buccodentaire, parfois à germes anaérobies. L’adénophlegmon impose une hospitalisation pour antibiothérapie adaptée par voie intraveineuse et drainage chirurgical ; toute corticothérapie est formellement contre-indiquée. Lorsque les signes locaux s’amendent, un relais thérapeutique per os peut être envisagé [18, 22] . 6
Les patients atteints par le VIH peuvent développer des adénomégalies sur toutes les aires ganglionnaires, y compris cervicales. Ces adénopathies sont fermes, indolores et mobiles, persistant dans au moins deux aires ganglionnaires, souvent d’un diamètre supérieur à 1 cm [5]. Au stade de sida avéré, les adénopathies disparaissent par déplétion lymphocytaire ; leur réapparition doit faire suspecter un lymphome, un sarcome de Kaposi lymphonodal ou une infection opportuniste à mycobactéries. D’autres parasites ou mycoses (toxoplasmose, Pneumocystis carinii, cryptococcose, histoplasmose…) peuvent être responsables de tuméfactions cervicales chez le patient atteint par le VIH [5, 15]. Un prélèvement ganglionnaire pour étude histologique et bactériologique est indispensable [15]. Au stade lymphadénopathique, les ganglions examinés présentent surtout une hyperplasie de type folliculaire aspécifique, spontanément résolutive. Au stade de sarcome de Kaposi, une prolifération de cellules fusiformes d’origine endothéliale délimite des fentes vasculaires ; l’atteinte ganglionnaire peut être massive ou parcellaire capsulaire [15, 24]. Herpès Il s’agit d’une infection par le virus Herpès simplex hominis de type 1, responsable d’une gingivostomatite lors de la primo-infection avec des adénopathies cervicales hautes bilatérales, une fièvre et une dysphagie en rapport avec les lésions muqueuses érosives. L’évolution est spontanément favorable en 10 à 15 jours. Lors des récurrences herpétiques, les adénopathies sont classiquement absentes, sauf en présence d’une surinfection.
Stomatologie
Adénopathies cervicofaciales
Rubéole Dans cette affection fréquente due à un togavirus , la polyadénopathie cervicale rétroauriculaire ou sous-occipitale survient 1 semaine avant l’éruption cutanée et peut persister de 2 à 3 mois [5]. Ces adénopathies sont petites, bien mobiles et peu sensibles, associées à des arthralgies et une fébricule. La numération sanguine révèle une leucopénie avec plasmocytose, et parfois une mononucléose [14]. Le diagnostic est confirmé par dosage des anticorps à 15 jours d’intervalle. Le traitement est symptomatique. Chez la femme enceinte non immunisée, on pratique une sérothérapie par gammaglobulines humaines. La prévention est la vaccination des filles séronégatives avant la puberté. [22, 23]
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de réactions granulomateuses identiques à celles de la toxoplasmose, la tuberculose ou la sarcoïdose. Un examen attentif recherche les corps de Leishman-Donovan, inclusions cytoplasmiques des macrophages représentant la forme intracellulaire du parasite. Un traitement médical n’est instauré que dans les formes viscérales [20]. Trypanosomiases
Dans cette infection par paramyxovirus, les ganglions sont petits et mobiles, coexistant avec le signe de Koplik à l’ostium des canaux de Sténon.
En Afrique, la maladie du sommeil est due à une piqûre par la mouche tsé-tsé. Une fièvre irrégulière et un érythème circiné s’associent à des adénopathies cervicales postérieures indurées. Sans traitement, la maladie aboutit au décès. La maladie de Chagas est due à une piqûre de punaise, souvent sur la face. Le point de piqûre devient induré, érythémateux et douloureux, avec des adénopathies régionales au bout de 3 jours, puis une dissémination viscérale, dont le système nerveux central [23]. Ces deux affections doivent bénéficier d’un traitement médicamenteux approprié.
Autres adénopathies d’origine virale
Échinococcose
– Cytomégalovirus : tableau proche de la mononucléose infectieuse, avec des adénopathies moins volumineuses.
Echinococcus granulosus peut exceptionnellement entraîner un kyste hydatique du ganglion sous-maxillaire, sa localisation hépatique étant bien plus fréquente. L’adénopathie est indolore, molle, fluctuante, à contours lisses, bien mobile, de croissance lente et continue [23]. La ponction est strictement contre-indiquée en raison du risque de dissémination. La numération sanguine retrouve une hyperéosinophilie. Le diagnostic est affirmé par des tests d’hémagglutination indirecte et de précipitation. Le traitement repose sur l’exérèse chirurgicale [23].
Rougeole
– Virus Herpès zoster : adénopathies régionales indolores accompagnant l’éruption métamérique. – Adénovirus : adénopathies de petite taille, peu inflammatoires, relativement mobiles, sans tendance à la suppuration. Lors des atteintes kératoconjonctives, les adénopathies sont prétragiennes [23]. – Virus coxsackie et échovirus.
¶ Adénopathies d’origine parasitaire Toxoplasmose Cette infection très courante passe souvent inaperçue, puisque 90 % de la population a une sérologie positive à 30 ans. L’agent infectieux est un parasite intracellulaire, Toxoplasma gondii [5, 16, 28]. Le contage se fait par contact avec des déjections de chat ou consommation de viande contaminée insuffisamment cuite ou de crudités ou légumes souillés. La primo-infection associe des adénopathies occipitales et spinales (multiples, indolores et mobiles) à un syndrome grippal inconstant. Ces ganglions persistent de 6 à 12 mois, mobiles, fermes et indolores. Chez des patients immunodéprimés, la symptomatologie peut être plus grave, avec des atteintes neurologiques dont l’encéphalite [16, 23]. Le diagnostic repose surtout sur le contexte et la sérologie avec dosage des immunoglobulines (Ig) M présentes dès la première semaine et pour quelques mois. Le taux des IgG est maximal vers 1 à 2 mois. En cas d’évolution ganglionnaire depuis plusieurs mois, le diagnostic de toxoplasmose devient difficile : les IgM ont disparu et les IgG peuvent n’être que le signe d’une infection ancienne ; le contexte prend alors toute son importance pour le diagnostic différentiel, notamment avec un lymphome non hodgkinien [16].
¶ Adénopathies d’origine mycosique – Histoplasmose : lésions granulomateuses avec manifestations cutanéomuqueuses et adénopathie abcédée froide. Par inhalation des spores, les manifestations sont pulmonaires. Diagnostic par examen direct des prélèvements, mise en culture sur milieu de Sabouraud ou gélose au sang et IDR à l’histoplasmine [14, 23]. – Sporotrichose : pénétration par lésion cutanée avec adénopathie de l’aire de drainage. – Coccidioïdomycose : forme pulmonaire, forme cutanée ou forme disséminée. Les atteintes buccales s’accompagnent d’adénopathies abcédées froides. – Paracoccidioïdomycose : lésions buccales avec adénopathies rétroauriculaires à fistulisation rapide puis nécrose, de mortalité non négligeable [23]. ADÉNOPATHIES D’ORIGINE INFLAMMATOIRE IMMUNOALLERGIQUE
Ce sont des maladies résultant d’une activation du système immunitaire, avec des adénopathies localisées ou généralisées.
Leishmaniose
¶ Sarcoïdose
Encore appelée kala-azar ou fièvre doum doum, la leishmaniose est une réticuloendothéliose parasitaire transmise par des insectes, les simulies. Cette affection est endémique en Asie, Amérique du Sud, Afrique et certains pays méditerranéens. La période d’incubation est variable, de 1 ou 2 semaines à quelques années [19]. Selon la zone d’endémie, les manifestations sont cutanées, muqueuses ou viscérales. La forme chronique de leishmaniose, la plus fréquente chez l’enfant, est de localisation essentiellement viscérale, contrairement à l’adulte, chez qui l’atteinte ganglionnaire peut être isolée et parfois spontanément résolutive [19]. Le diagnostic est alors histologique sur un prélèvement ganglionnaire car les examens hématologiques et sérologiques peuvent rester négatifs. La leishmaniose est responsable
Dans la sarcoïdose ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann, les adénopathies cervicales sont sus-claviculaires, fermes, mobiles, indolores et de petite taille, ne passant jamais au stade de suppuration [5, 23]. L’histologie est de type tuberculoïde, avec absence de toute nécrose, suppurative ou caséeuse [3]. Le diagnostic différentiel en est donc la tuberculose, au stade précaséeux. Le lavage bronchoalvéolaire (hyperlymphocytose alvéolaire de 30 % dont 90 % de lymphocytes T) et le dosage sérique de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, élevé dans 90 % des sarcoïdoses actives, sont des éléments diagnostiques [3, 14]. En fonction du stade de la maladie, une corticothérapie est proposée [22]. 7
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Adénopathies cervicofaciales
Stomatologie
¶ Connectivites et maladies auto-immunes de système
¶ Adénopathies malignes hématologiques
Près de la moitié des cas de lupus érythémateux disséminé ont des adénopathies cervicales diffuses. Un tiers des cas de polyarthrite rhumatoïde ont des adénopathies axillaires et épitrochléennes [22] . Elles sont plus rares dans la sclérodermie systémique.
Les adénopathies malignes hématologiques sont en général mobiles, fermes ou élastiques, indolores et sans aspect inflammatoire.
¶ Adénite nécrosante de Kikuchi C’est une affection décrite en 1972 par Kikuchi et Fujimoto, chez des jeunes femmes japonaises (30 ans), d’étiologie incertaine : infectieuse ou auto-immune [27]. L’adénopathie en contexte fébrile est présente à 85 %, avec parfois diarrhée, frissons, nausées et vomissements, asthénie, rash cutané aspécifique, douleurs thoraciques ou abdominales. L’adénopathie est douloureuse, cervicale, unique, parfois thoracique ou abdominale, et évolue vers la guérison en 3 à 6 mois [23, 27]. Le diagnostic n’est qu’histologique, proche de certains lymphomes [28]. Les adénopathies contiennent des foyers de nécrose avec des débris éosinophiles et nucléaires, des nodules confluents de petits lymphocytes et des plasmocytes. Il n’y a pas de traitement spécifique et un geste chirurgical d’exérèse est souvent proposé.
¶ Autres adénopathies inflammatoires – Lymphadénopathie angio-immunoblastique : par prolifération de lymphocytes B, parfois confondue avec une maladie de Hodgkin, mais absence de cellules de Sternberg. C’est une polyadénopathie du sujet âgé (après 60 ans), sus-claviculaire ou axillaire, avec fièvre, sueurs, amaigrissement et prurit [23]. Il existe une hyperglobulinémie polyclonale, une hypoalbuminémie et une anémie hémolytique. – Hyperplasie ganglionnaire gigantocellulaire ou maladie de Castelman : les adénopathies sont surtout médiastinales, rarement cervicales [23]. L’étiopathogénie en reste discutée. – Histiocytose sinusale ou hyperplasie lymphoïde bénigne pseudotumorale : elle touche l’enfant, avec des adénopathies volumineuses et indolores, superficielles et bilatérales, rapidement croissantes, des adhérences pouvant faire évoquer une hémopathie maligne [23, 26]. Le pronostic est bénin, à guérison spontanée. – Syndrome de Chediak-Higashi : maladie génétique de l’enfant avec une dépigmentation de la peau, des cheveux et des yeux par infections récidivantes à staphylocoque doré. Une polyadénopathie est parfois retrouvée [23]. L’évolution en est toujours fatale avec un décès avant l’âge de 4 ans.
¶ Adénopathies réactionnelles aux médicaments Certains auteurs comparent ces adénopathies à un pseudolymphome. Elles apparaissent vers le neuvième jour de la prise médicamenteuse, rarement après le quinzième jour. Elles précèdent l’apparition de signes cutanés (éruption morbilliforme, prurit) et s’associent à une éosinophilie sanguine, des arthralgies, une hépatomégalie… [20]. Les médicaments incriminés sont les hydantoïnes, les produits iodés, la phénylbutazone, la pénicilline, la L-dopa, les antiparkinsoniens, la carbamazépine, les rétinoïdes. Les adénopathies régressent le plus souvent lors de l’arrêt du médicament incriminé et récidivent s’il est repris. Des dégénérescences en hématosarcome seraient décrites sous traitement par diphénylhydantoïne ; ce traitement impose donc une surveillance des aires ganglionnaires et arrêt impératif en cas d’adénopathies [20, 23]. ADÉNOPATHIES D’ORIGINE TUMORALE
Étant donné la gravité du pronostic, en cas de suspicion d’adénopathie tumorale, le diagnostic de certitude doit être le plus rapide possible afin d’établir une stratégie thérapeutique adaptée. 8
Lymphome hodgkinien Il touche surtout l’adulte jeune (de 20 à 30 ans) et débute souvent par une ou plusieurs adénopathies cervicales basses et superficielles, unilatérales, plus ou moins fermes, indolores, sans périadénite et sans signe accompagnateur. L’évolution se fait vers une bilatéralisation cervicale et une dissémination générale. À un stade plus avancé, apparaissent des signes généraux : fièvre, prurit et splénomégalie, douleurs lors de l’ingestion d’alcool. La ponction ganglionnaire retrouve parfois des cellules de Sternberg, mais seule une adénectomie chirurgicale permet un diagnostic histologique fiable et précise certains facteurs pronostiques [2, 5]. Un bilan d’extension permet de classer la maladie en quatre stades, en fonction de l’importance et du nombre de territoires atteints : rate, foie, poumon, squelette, moelle osseuse [22, 23]. Cette classification clinique permet d’établir un pronostic et une stratégie thérapeutique associant diversement chimiothérapie, radiothérapie et corticothérapie. Lymphome non hodgkinien Il touche plutôt l’homme de 50 à 70 ans, avec des manifestations extraganglionnaires dans 20 à 40 % des cas. Les adénopathies sont un signe clinique précoce. Elles sont élastiques, mobiles, multiples, pouvant former une masse ganglionnaire plus volumineuse que dans le lymphome hodgkinien. Elles sont le plus souvent sus-claviculaires. Il existe dans 20 % des cas une localisation au niveau de l’anneau de Waldeyer, accessible à la biopsie, sous l’aspect d’une tuméfaction lisse, ferme, recouverte d’une muqueuse normale ou violacée [2, 11, 22]. Dans 10 à 20 % des cas, des signes généraux sont associés : asthénie, fièvre, amaigrissement, sueurs nocturnes, splénomégalie. Le type histologique et le bilan d’extension permettent d’évaluer le pronostic et d’établir la stratégie thérapeutique. Il existe différents grades de malignité à l’examen histologique. Leucémies En cas de leucémie, la clinique est souvent dominée par des troubles hémorragiques, des infections, une asthénie et de la fièvre. Le diagnostic repose sur l’examen histologique de la biopsie médullaire. Les adénopathies sont retrouvées surtout dans les leucémies lymphoïdes chroniques du sujet de plus de 50 ans ; elles sont volontiers volumineuses, fermes, élastiques et mobiles, bilatérales et symétriques, de siège cervical et sus-claviculaire [2, 5]. La numération sanguine retrouve une hyperlymphocytose mature, et le myélogramme montre une infiltration lymphocytaire mature. Dans 75 % des leucémies lymphoblastiques aiguës, il existe des adénopathies diffuses, moins symétriques, indolores, fermes et mobiles. Les adénopathies sont plus rares dans les leucémies myéloïdes. Le traitement repose sur des protocoles de chimiothérapie et radiothérapie. Dans les leucoses aiguës, les adénopathies sont plus rares, souvent associées à une angine ulcéro-nécrotico-hémorragique faisant parfois évoquer une mononucléose [2]. Macroglobulinémie primaire Des adénopathies cervicales sont retrouvées dans 50 % des cas de maladie de Waldenström chez l’homme de plus de 50 ans. Elles sont fermes et indolores, sans signe inflammatoire, associées à une asthénie, une hépatosplénomégalie. Le diagnostic est affirmé par la présence d’un pic monoclonal d’IgM sur l’immunoélectrophorèse des protéines sériques, signe d’une prolifération maligne monoclonale de lymphocytes B.
Stomatologie
Adénopathies cervicofaciales
Des adénopathies cervicales sont rarement présentes dans le myélome multiple ou plasmocytome et dans les syndromes histiocytaires [22, 23].
¶ Adénopathies malignes métastatiques Adénopathies métastatiques d’un carcinome épidermoïde Les adénopathies malignes métastatiques cervicales sont essentiellement en rapport avec un carcinome épidermoïde des voies aérodigestives supérieures ou un épithélioma malpighien plus ou moins différencié. Ce diagnostic est à évoquer systématiquement devant une adénopathie chez un homme de la cinquantaine, éthylique et tabagique [2]. Une mauvaise hygiène buccodentaire est souvent corrélée à ce terrain. Cette dernière ne doit pas être considérée comme facteur causal, mais doit amener à un examen complet de la cavité buccale à la recherche d’une lésion primitive, ulcérobourgeonnante à base indurée [11, 14]. Dans 5 % des cas, l’adénopathie est d’apparence primitive (de la région sous-digastrique surtout) et motive la consultation [5]. De façon plus fréquente, le patient consulte pour une lésion de la cavité buccale et l’examen clinique met en évidence les adénopathies cervicales, péjoratives sur le plan du pronostic. L’interrogatoire recherche alors des signes associés : otalgie unilatérale, obstruction nasale unilatérale, hypoacousie unilatérale par otite séreuse, gêne pharyngée, sialorragie, dysphagie, odynophagie, dysphonie ou épistaxis [2, 11]. La cavité buccale est inspectée et palpée soigneusement, site par site, à la recherche d’une lésion et de son induration sous-jacente, en insistant sur les loges amygdaliennes, la région valléculaire (examen indirect au miroir), le cavum (rhinoscopie postérieure au nasofibroscope) et l’hypopharynx. Toute lésion ou adénopathie isolée impose un examen très minutieux des voies aérodigestives supérieures par endoscopie sous anesthésie générale, permettant de pratiquer de nombreuses biopsies et de rechercher une autre lésion cancéreuse simultanée [2, 5, 11]. Parfois, malgré les investigations, l’adénopathie reste isolée, sans lésion primitive retrouvée, on parle alors d’adénopathie cervicale maligne d’apparence primitive, sans porte d’entrée. Celle-ci serait à un stade infraclinique, parfois apparente plusieurs mois après [2]. Avant de conclure à une absence de lésion primitive, il est impératif de réexaminer très minutieusement les loges amygdaliennes, le cavum et les sinus piriformes [11]. Lors de l’endoscopie sous anesthésie générale, il est préconisé de biopsier à titre systématique, même en dehors de toute lésion visible, la loge amygdalienne homolatérale à l’adénopathie d’apparence primitive, à la recherche d’un microfoyer [9]. L’essaimage néoplasique ganglionnaire se fait par voie veineuse ou par voie lymphatique, avec une lymphophilie variable selon le siège de la lésion primitive. L’essaimage lymphatique se fait par les collecteurs afférents, selon le territoire de drainage vers le premier relais ganglionnaire. Lorsque les capacité de filtration de cette adénopathie envahie sont dépassées, des cellules néoplasiques partent par les vaisseaux efférents vers le relais ganglionnaire suivant. L’adénopathie capitale, carrefour du drainage lymphatique facial, est le ganglion sous-digastrique dit de Küttner ; c’est donc le plus fréquemment envahi. La propagation lymphatique peut néanmoins sauter un relais ganglionnaire ou se faire de façon rétrograde [22, 23]. L’adénopathie peut donner une orientation sur le site de la lésion primitive, connaissant les réseaux de drainage, mais il faut se méfier des migrations à contre-courant ou croisées [23]. En cas d’adénopathie sus-claviculaire, il faut se méfier d’un cancer pulmonaire, digestif, mammaire ou testiculaire ; concernant le ganglion sus-claviculaire gauche ou ganglion de Troisier, il s’agit souvent d’une néoplasie gastrique [23]. Les adénopathies suspectes d’envahissement sont dures, ligneuses, indolores et initialement mobiles. Lorsqu’elles augmentent de volume, elles deviennent fixées aux plans superficiels et profonds.
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Elles peuvent prendre un aspect inflammatoire en cas de brusque poussée évolutive, ou évoluer vers la fluctuation puis la fistulisation [23]. L’examen cervical avec mesure de l’adénopathie dans son plus grand diamètre permet une classification de l’envahissement ganglionnaire (UICC 1987) : – N0 : absence d’adénopathie clinique ; – N1 : adénopathie homolatérale, unique, inférieure ou égale à 3 cm ; – N2a : adénopathie homolatérale, unique, comprise entre 3 et 6 cm ; – N2b : adénopathies homolatérales multiples, toutes inférieures à 6 cm ; – N2c : adénopathie(s) controlatérale(s) unique ou bilatérales, inférieure(s) à 6 cm ; – N3 : adénopathie mesurant plus de 6 cm. Un bilan général est indispensable, afin de rechercher des métastases viscérales (pulmonaire, osseuse, hépatique, cérébrale) et de préciser l’état nutritionnel et physique du patient avant toute décision thérapeutique. En l’absence d’une lésion primitive, l’adénopathie est d’apparence primitive, soit dans 5 % des cas. Son siège est le plus souvent sousdigastrique, de croissance rapide avec une évolution vers la fixation [9] . S’il persiste une hésitation diagnostique, on doit entreprendre une adénectomie sous anesthésie générale avec examen extemporané. Il est alors impératif de ne pas provoquer de rupture capsulaire en prélevant un ganglion intact (ne surtout pas faire de biopsie en « quartier d’orange »). De plus, il faut prévoir systématiquement la possibilité d’une extension opératoire si l’examen extemporané confirme la nature épidermoïde du ganglion métastatique (incision adéquate permettant de s’élargir pour un évidement cervical) et en prévenir le patient [14]. Le pronostic est fonction du siège de la lésion primitive, de l’histologie et du stade clinique d’extension tumorale ; il est nettement moins bon en cas d’adénopathie d’apparence primitive, sans lésion causale retrouvée [7, 9, 21, 23]. Les facteurs pronostiques péjoratifs, par ordre de gravité croissante, sont : la présence d’une adénopathie homolatérale à la lésion, la présence d’une adénopathie controlatérale à la lésion, la présence d’une rupture capsulaire à l’examen histologique, l’adénopathie d’apparence primitive [9]. Le traitement des adénopathies métastatiques est indissociable de celui de la lésion primitive. Le traitement de choix est l’évidement cervical lorsque l’extension le permet. Une radiothérapie complémentaire peut être indiquée, en fonction de l’analyse histologique de cet évidement. Adénopathies métastatiques d’autres tumeurs L’adénocarcinome donne des métastases plus volontiers susclaviculaires. La lésion primitive peut être un épithélioma glandulaire sus- ou sous-diaphragmatique [2]. En cas d’adénopathie sus-claviculaire (ganglion dit de Troisier), il faut se méfier d’une possible lésion primitive thoracique, voire sousdiaphragmatique (tube digestif, rein, prostate) [11]. Le mélanome malin peut donner des métastases ganglionnaires cervicales. Une adénopathie cervicale peut également être révélatrice d’une tumeur thyroïdienne : cancer papillaire, vésiculaire ou médullaire du corps thyroïde [2]. Les cancers thyroïdiens indifférenciés ont un pronostic redoutable. Une paralysie récurrentielle est à rechercher et une scintigraphie thyroïdienne est pratiquée. Le traitement repose sur une ablation de la glande, partielle ou totale en fonction du type histologique, et sur un évidement cervical uni- ou bilatéral [21, 22]. Il existe de très rares cas de tissu salivaire hétérotopique intraganglionnaire, susceptible de développer un adénome pléomorphe, tumeur bénigne ; il ne s’agit donc pas là d’une métastase, mais c’est un diagnostic piège [25]. 9
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Adénopathies cervicofaciales
¶ Adénopathie après irradiation La radiothérapie cervicale, quelle qu’en soit l’indication, modifie l’architecture ganglionnaire. Histologiquement, lors d’une irradiation, il y a un premier stade de destruction cellulaire, avec nécrose et dégénérescence lymphocytaire,
Stomatologie
et disparition des follicules. Au deuxième stade, après 24 heures, il y a une repopulation rapide avec réapparition des centres germinatifs, et au bout de 8 semaines, présence de mastocytes. Le troisième stade se poursuit sur 9 à 12 mois, avec une déplétion secondaire et une prolifération fibreuse [23].
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Algies faciales G. Thiéry, E. Sagui, L. Guyot La face est le support sensoriel le plus riche du corps. Anatomiquement, le trijumeau ou V, par ses trois branches, est responsable de son innervation sensitive. Les algies faciales, exacerbations sensitives, sont donc fréquentes et variées. Le stomatologue et chirurgien maxillofacial est souvent confronté aux algies faciales. Il doit les diagnostiquer. La clinique est en général suffisante. Certaines pathologies sont de son ressort comme les syndromes algodysfonctionnels de l’appareil manducateur (SADAM). Pour les autres, il doit aiguiller son patient vers d’autres spécialistes : neurologues, ophtalmologues, odontologues, ou otorhino-laryngologistes. Le traitement des algies faciales fait appel au traitement antalgique général. Pour certaines pathologies, le traitement est plus spécifique. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Douleurs de la face ; Douleur orofaciale ; Algies faciales ; Odontalgies ; Dysfonction temporomandibulaire
Plan ¶ Introduction
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¶ Algies faciales neurogènes ou névralgies de la face Névralgies du trijumeau (V)
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¶ Algies faciales vasculaires Dissections des artères cervicoencéphaliques Maladie de Horton ou céphalée avec artérite gigantocellulaire Algies vasculaires de la face
4 4 4 5
¶ Algies faciales stomatologiques, oto-rhino-laryngologiques et ophtalmologiques Algies faciales stomatologiques Algies oculaires Algies otorhinologiques
7 7 8 8
¶ Algies faciales dans le cadre des dysfonctionnements de l’appareil manducateur (DAM) Douleurs articulaires Douleurs musculaires
8 8 9
¶ Douleurs orofaciales idiopathiques Algie faciale atypique Odontalgie atypique Stomatodynie (glossodynie ou “burning mouth syndrome”) Myalgie orofaciale idiopathique
9 9 9 10 10
¶ Thérapeutiques Traitement des algies faciales neurogènes Traitement de l’algie vasculaire de la face Traitements des dysfonctionnements de l’appareil manducateur Traitement des douleurs orofaciales idiopathiques
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■ Introduction L’algie faciale est un motif fréquent de nos consultations. Huit à 10 % de la population en souffre [1, 2]. Les femmes sont deux fois plus concernées que les hommes [3]. À cette fréquence s’ajoute la diversité des étiologies ; c’est dire l’importance de Stomatologie
leur prise en charge diagnostique et thérapeutique. Notre exposé se décompose en deux grandes parties : dans un premier temps diagnostiquer pour ensuite traiter au mieux et au plus actuel. L’algie faciale se définit comme une douleur de la face. Elle est le plus souvent associée à des douleurs du crâne ou céphalées, dans le cadre des algies craniofaciales. Ces céphalées constituent un diagnostic différentiel et ne sont pas traitées ici. Par opposition, il serait plus juste d’utiliser le terme d’algie orofaciale. Les algies faciales sont recensées dans plusieurs classifications comme dans l’International Headache Society (IHS) [4] ou l’International Association for the Study of Pain (IASP) [5]. Cette dernière définit la douleur comme « une expression sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion réelle ou potentielle des tissus, ou décrite en termes d’une telle lésion ». Elle met en avant la subjectivité du vécu de la douleur, son caractère symptomatique ou non et ouvre en grand le caractère idiopathique de certaines douleurs. Ces données reposent sur l’anatomophysiopathologie de cette région richement innervée. Les trois branches du nerf trijumeau (V) (Fig. 1) rejoignent le complexe sensitif du trijumeau situé au niveau du tronc cérébral, complexe schématiquement composé du noyau principal (relais de la sensibilité discriminative) et du noyau spinal (noyaux oral et caudal, relais des informations nociceptives). Le noyau caudal est composé de neurones nociceptifs spécifiques répondant à des stimulations douloureuses, et des neurones convergents répondant à des stimulations multiples (mécanique, thermique, chimique) provenant de sphères différentes (muqueuse, orale, sphère myoarticulaire, méninge...) et se projetant de manière étendue sans respecter l’organisation trigéminée en trois branches. Cette particularité associée à la contiguïté existant entre ce noyau et les cornes médullaires postérieures de C1-C3 explique la fréquence des douleurs projetées au niveau orofacial et cervical. Les autres nerfs sensitifs participant à la douleur orofaciale sont le nerf glossopharyngien IX (paroi pharyngée, langue, palais postérieur, amygdale, tympan), le rameau laryngé supérieur du nerf pneumogastrique X (larynx), le plexus cervical superficiel (partie postérieure du crâne, pavillon de l’oreille et cou) et le rameau sensitif du nerf intermédiaire de Wrisberg VII bis (conque). Les convergences
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Cortex
(frontal, angulaire, somatosensoriel, insulaire) Thalamus
(noyau ventro-postéro-médian groupe postérieur)
V1 Ganglion de Gasser
Noyau principal
Sous-noyau oral V2
V3
Plexus cervical
Sous-noyau interpolaire
Noyau spinal
Complexe sensitif du trijumeau
Sous-noyau caudal
Figure 1. Territoire sensitif du trijumeau et organisation du complexe sensitif du trijumeau et de ses connexions. V1 : nerf ophtalmique ; V2 : nerf maxillaire ; V3 : nerf mandibulaire (d’après Dallel et al. 2003).
plurielles du nerf trijumeau avec les nerfs cervicaux, les autres nerfs crâniens et les fibres du contingent sympathique expliquent partiellement les tableaux sémiologiques complexes parfois associés. Parallèlement, la plasticité, propriété exprimée par les neurones à convergence des sous-noyaux caudal et oral du complexe sensitif du trijumeau, peut modifier durablement les messages nociceptifs provenant de la périphérie. Cette modulation est une caractéristique de la douleur chronique. Enfin, la sensation douloureuse ne peut être imputée seulement à la transduction des nocicepteurs. Elle est aussi élaborée par la modulation centrale [6]. La face est donc une véritable « tour de Babel » sensitive et sensorielle. La richesse de la symptomatologie, empruntant à plusieurs spécialités, peut expliquer le nomadisme de certains patients. À ce titre, elle constitue un véritable problème de santé publique (arrêt de travail, coût direct...). Depuis la loi de mars 2002, il existe un support législatif précisant : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. » (Art. L. 1110-5) [7]. Sans prétendre à une stricte réalité physiopathologique, nous proposons de diviser les algies faciales en cinq groupes : • algie faciale neurogène ; • algie faciale vasculaire ; • algie faciale stomatologique, otorhinolaryngologique et ophtalmologique ; • algie faciale des articulations temporomandibulaires ; • douleurs orofaciales idiopathiques. L’examen clinique doit être méthodique. Il dure plus de 30 minutes. Il débute par l’interrogatoire. Il est toujours plus difficile chez des patients ayant déjà consulté, à forte composante psychologique, ou chez les sujets à des douleurs chroniques. • Le siège de la douleur (face exclusive, crâne, en hémicrânie dans les migraines, rétro- ou périorbitaires, diffuse ou précise dans les névralgies du trijumeau). Il faut demander au patient de pointer du doigt la localisation, précise dans les névralgies, diffuse dans les douleurs myofaciales. • Le côté de la douleur (unilatérale, toujours du même côté ou alternante, bilatérale). • L’intensité de la douleur, évaluée par sa description, son retentissement psychologique dans la vie de tous les jours, arrêt de travail, réveil nocturne, utilisation d’outils telle l’échelle visuelle analogique (EVA).
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• Le caractère de la douleur (en « éclair », en « coup de poignard », électrique dans les névralgies, en « étau », pulsatile dans les migraines). • La durée de la douleur (secondes, minutes ou heures). Les douleurs qui durent plus de 6 mois sont qualifiées de chroniques ou de douleur-maladie. • La fréquence des accès douloureux (par jour, semaine ou mois, intervalle libre entre les crises). • L’évolution dans le temps (âge de début, période d’accalmie, aggravation récente). • Les facteurs déclenchants (soins dentaires, mastication, effort, froid, prise d’alcool dans les algies vasculaires, existence de trigger zone dans les névralgies, manque de sommeil, stress, traumatisme, médicaments...). • L’existence de prodromes (signes annonciateurs de la douleur, irritabilité, troubles de l’humeur, l’aura des migraines). • Les signes d’accompagnements (douleur de localisation extrafaciale, nausées, vomissements, phénomènes vasomoteurs et sécrétoires des algies vasculaires, signes digestifs dans les migraines...). • Les traitements ou moyens de soulagement déjà institués et leur efficacité. À l’issue de cet interrogatoire, une orientation diagnostique est souvent obtenue. Si une étiologie neurologique est évoquée, le plus souvent migraine ou processus intracrânien, le patient est adressé chez le neurologue. On peut considérer que les douleurs qui apparaissent brutalement ou s’aggravent rapidement témoignent d’une affection nécessitant des investigations urgentes. En revanche, les algies faciales qui évoluent par crises avec un intervalle libre, ne s’aggravant pas, sont le plus souvent bénignes. Cet interrogatoire est complété par l’examen clinique : • inspection à la recherche d’érythème, d’éruption cutanée ; • palpation soigneuse de la face, en particulier les articulations temporomandibulaires, et du cou avec recherche de points douloureux électifs. Palpation des muscles de l’appareil manducateur (temporal, masséter, stylohyoïdien, digastrique, ptérygoïdien médial et latéral), palpation douce des globes oculaires ; • étude de la sensibilité dans le territoire du trijumeau ; • examen endobuccal : ouverture buccale, état dentaire, parodontal ; • étude neurologique des paires crâniennes (de I à XII). Stomatologie
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À l’issue de ce long examen, dans 90 % des cas, le diagnostic est réalisé. Un réseau neural artificiel (Artificial Neural Network) basé sur un questionnaire binaire de 18 questions a été récemment expérimenté. Il permet de déterminer l’étiologie des algies faciales dans 95 % des cas [8]. Ainsi en dehors des urgences neurologiques ou de formes atypiques (scanner cérébral et/ou imagerie par résonance magnétique [IRM] et/ou ponction lombaire), les examens complémentaires sont fonction de l’étiologie suspectée (panoramique dentaire...) et n’ont pas d’indication en urgence.
■ Algies faciales neurogènes ou névralgies de la face Elles intéressent les nerfs sensitifs, essentiellement les branches du nerf trijumeau et le nerf glossopharyngien. Ces névralgies peuvent être essentielles ou symptomatiques (secondaires à une pathologie précise). Les branches du nerf trijumeau sont les suivantes. • L’ophtalmique (V1) innerve le territoire cutané de la partie antérieure de la région temporale supérieure et du dos du nez, ainsi que le philtrum. Le territoire muqueux comporte les sinus frontaux, sphénoïdaux, postérieurs ainsi que le septum nasal. Il transmet également la sensibilité de l’œil, surtout conjonctive bulbaire et palpébrale. • Le nerf maxillaire (V2) innerve le territoire cutané de la partie moyenne de la région temporale, pommette, lèvre supérieure, aile du nez et vestibule de la fosse nasale. Le territoire muqueux comprend la voûte palatine et le voile du palais, l’orifice tubaire, le sinus maxillaire et en partie la fosse nasale, les gencives et les dents du maxillaire. • Le nerf mandibulaire (V3) est la seule branche mixte. Elle assure la sensibilité des faces antérieures et supérieures de la joue, la lèvre inférieure, du menton et de la partie antérieure du pavillon de l’oreille. Le territoire muqueux comprend les deux tiers antérieurs de la langue à l’exception de la sensibilité interne de la joue et du plancher de la bouche, les gencives et les dents de la mandibule. Elle est motrice pour les muscles masticateurs.
Névralgies du trijumeau (V) Névralgie essentielle du trijumeau Le terme de névralgie faciale doit être réservé exclusivement à la névralgie du trijumeau. Le diagnostic repose sur le terrain, les caractères de la douleur, l’examen clinique. Prévalence Décrit par Andre en 1756 [9], on le nomme également « tic douloureux de Trousseau ». Son incidence est faible (4,5/100 000) [10] . Exceptionnelle chez l’adulte jeune, elle survient plus volontiers chez les femmes après 50 ans, avec un sex-ratio de 3 : 2 [11]. Cette incidence atteint 25,6/100 000 après l’âge de 70 ans. Des formes familiales se retrouvent dans moins de 5 % des cas [12]. Caractères de la douleur La localisation est strictement unilatérale, intéressant le territoire d’une des branches du trijumeau. Dans plus de la moitié des cas, il s’agit de la branche maxillaire V 2 , plus rarement la branche V3, et exceptionnellement la branche V1 (< 5 %) [13]. À chaque accès, la douleur atteint le même territoire. Plusieurs branches peuvent être touchées en même temps, parfois même les trois branches. La douleur est atroce, en éclairs fulgurants, décharges électriques, broiement, coup de couteau, arrachement. Pendant l’accès, le malade s’immobilise, se crispe, avec une décharge clonique au niveau de l’hémiface (réflexe moteur appelé « tic douloureux »). Stomatologie
Les accès douloureux durent quelques secondes et sont groupés en salves pouvant atteindre 1 à 2 minutes. La fréquence est de 1 à 10 salves/j. Une période réfractaire sans douleur suit chaque accès. La douleur est essentiellement diurne. Les douleurs surviennent spontanément ou après stimulation, attouchement ou palpation d’une zone « gâchette » (trigger zone) qui se situe souvent dans le territoire douloureux. Les excitations peuvent être indirectes : autre territoire, stimulation sensorielle (lumière vive, bruit), situation de la vie quotidienne (élocution, rire, mastication), imposant aux patients des conduites d’évitement et une attitude figée. L’examen clinique est strictement normal, ne retrouvant en particulier aucune hypoesthésie dans le territoire du V.
“
À retenir
Critères cliniques décrits par l’International Headache Subcommittee A. Crises paroxystiques de douleurs faciales durant de quelques secondes à moins de 2 minutes, concernant une ou plusieurs branches du V. B. Douleur ayant au moins une des caractéristiques suivantes : 1. intense, aiguë, superficielle, à type de « coup de poignard » ; 2. déclenchée par la stimulation de zone gâchette, ou par certaines activités quotidiennes (manger, parler, se raser, se laver les dents). C. Crises identiques pour un même patient. D. Pas de déficit neurologique associé. E. Pas d’attribution à d’autres pathologies.
L’évolution est discontinue et variable. Un patient sur deux ne présente pas plus de deux accès, et 28 % plus de quatre. Dans d’autres cas, la fréquence tend à augmenter avec le temps. Les épisodes douloureux deviennent plus sévères et plus longs. Lorsque les caractéristiques et le profil de la douleur sont typiques, aucun examen en théorie n’est nécessaire pour affirmer le diagnostic. En revanche, il est de règle de prescrire une IRM pour éliminer une cause inflammatoire ou confirmer la présence d’un conflit vasculonerveux. L’efficacité de la carbamazépine (Tégrétol ® ) a également valeur de test thérapeutique. Les formes cliniques sont variables : • formes bénignes où les périodes douloureuses sont espacées et brèves ; • formes vieillies, se chronicisant avec un fond douloureux permanent ; • formes avec orage vasomoteur associant larmoiement et rhinorrhée, surtout dans les formes très douloureuses ou chronicisées, à ne pas confondre avec les algies vasculaires ; • formes bilatérales représentant 3 % des cas, et jamais simultanément ; • formes résistantes d’emblée ou secondairement au traitement médical. L’étiopathogénie avance plusieurs hypothèses : des zones de démyélinisation au niveau du ganglion ou sur le trajet périphérique du nerf pourraient être à l’origine d’activités électriques anormales dans les fibres nociceptives ; un couplage entre fibres non douloureuses et douloureuses ou un dysfonctionnement de type neuropathique pourrait induire une réponse exagérée à des stimulations non nociceptives périphériques (trigger-zone) ; un conflit vasculonerveux au niveau du ganglion trigéminal, détectable parfois lors des séquences angiographiques de l’IRM, pourrait être à l’origine des douleurs. Ces trois éléments ne s’excluent pas.
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Névralgie symptomatique du trijumeau C’est le diagnostic que l’on doit éliminer devant toute névralgie du V. Les névralgies symptomatiques ou secondaires s’opposent à la névralgie faciale essentielle par des caractéristiques sémiologiques : • jeune âge du patient ; • douleur avec exacerbation mais persistance d’un fond douloureux entre les crises ; • douleur à type de brûlures, d’arrachement, de dysesthésies ; • absence de « zone gâchette » ; • localisation à plusieurs territoires du nerf trijumeau ; voire bilatérale ; • présence de signes vasomoteurs. L’examen neurologique est anormal : • abolition ou diminution du réflexe cornéen ; • hypoesthésie dans le territoire du V ; • parésie et amyotrophie des muscles temporaux et masséter ; • atteinte neurologique extratrigéminale (surdité et syndrome vestibulaire...). Un examen radiologique complémentaire est indispensable (IRM, tomodensitométrie [TDM], artériographie...). On distingue les causes périphériques et les causes centrales. Causes périphériques • Les mononeuropathies sont des causes fréquentes. Parmi elles, la névralgie postzostérienne ou herpétique, caractérisée par des brûlures et des dysesthésies persistantes plus de 3 mois après l’éruption cutanée du zona, le plus souvent la branche ophtalmique. Le grand âge, l’immunodépression, le traitement initial antiviral et antalgique insuffisant sont autant de facteurs péjoratifs. • Les névralgies symptomatiques d’une lésion expansive (tumorale, infectieuse...) sont plus rares : la lésion est alors située au niveau de l’angle pontocérébelleux (neurinome de l’acoustique VIII, cholestéatome), du rocher (postotitique), de la région caverneuse (atteinte du V et des nerfs oculomoteurs), ou au niveau des ganglions de Gasser (neurinomes ou méningiomes). • L’anesthésie douloureuse des lésions tronculaires du V lors des traumatismes faciaux, des chirurgies (stomatologique, sinusienne, carcinologique ORL) ou survenant après radiothérapie est moins connue mais est sans doute sous-estimée. Certaines douleurs sont assez bien identifiées, comme les odontalgies atypiques suite à des soins ou des extractions dentaires, ou les névralgies sous-orbitaires par lésion du V2 lors des traumatismes du malaire ou postchirurgie sinusienne ou orthognatique. Ces dysesthésies douloureuses sont à rapprocher des douleurs de désafférentation. Dans le cadre d’un dommage corporel, le patient peut majorer, consciemment ou inconsciemment, ces algies post-traumatiques. • Les polyneuropathies trigéminées au cours des connectivites sont de mécanisme inflammatoire ou dysimmunitaire. On rencontre surtout le lupus érythémateux, la sclérodermie, le syndrome de Sharp, et le syndrome de Goujerot-Sjögren. Leur symptomatologie évolue progressivement ; elles peuvent se bilatéraliser. Causes centrales Les pathologies se localisent au niveau bulbaire ou protubérantiel : tumeurs, pathologie vasculaire de type accident vasculaire central (syndrome de Wallenberg, syndrome bulbaire médian), syringobulbie, et en particulier la sclérose en plaques (SEP). L’incidence de la névralgie dans cette affection serait d’environ 4 %. La SEP est en fait la première étiologie des névralgies trigéminales symptomatiques.
Névralgie essentielle du nerf glossopharyngien (IX) [14] Cette névralgie est beaucoup moins fréquente que la névralgie du V, un cas de névralgie du glossopharyngien pour 70 à 100 cas de névralgie du V. Elle touche dans la même proportion les adultes de plus de 60 ans. Elle en a les mêmes caractéristiques, douleur par crise. Elle est unilatérale, le plus souvent à
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gauche. Elle est localisée à l’amygdale, au conduit auditif externe, la base de langue, et irradie dans l’oreille et l’angle mandibulaire. Des formes isolées otalgiques peuvent être prises pour des formes otitiques ou tympaniques. La « zone gâchette » est la muqueuse pharyngée et la région amygdalienne ; ainsi la déglutition, la toux, la rotation de la tête, plus rarement la parole, l’ouverture de la bouche, et non la mastication comme dans la névralgie faciale. La douleur peut s’accompagner de toux, d’hypersialorrhée, de troubles du rythme cardiaque (syncope, hypotension artérielle).
Névralgie symptomatique du nerf glossopharyngien Elles sont plus fréquentes que les formes essentielles. Les étiologies peuvent être infectieuses (amygdalite, otite, tuberculose), un cancer ORL (dysphonie, dysphagie, examen ORL endoscopique et TDM pathologiques), une cause neurologique (tumeur de la fosse cérébrale postérieure, neurinome, avec abolition du réflexe nauséeux, hypoesthésie, parésie du voile, atteinte des autres paires crâniennes). Le syndrome d’Eagle [15] ou stylalgie correspondrait à la compression du nerf glossopharyngien par une hypertrophie de l’apophyse styloïde ou l’ossification du ligament stylohyoïdien. Ces anomalies pourraient être la conséquence d’un traumatisme ou d’une glossectomie. La douleur sourde du cou et de la gorge s’accompagne de dysphagie, d’otalgie, de sensation de corps étranger oropharyngé. Elle peut prendre toutes les caractéristiques d’une névralgie du IX, avec la particularité d’une exacerbation au tirage de langue. À l’examen, la palpation de la loge amygdalienne reproduit la symptomatologie et retrouve l’hypertrophie de l’apophyse styloïde. De même, l’atténuation par injection d’anesthésique local est un bon test diagnostique. L’orthopantomogramme montre les anomalies anatomiques. Le traitement repose sur la fracture au doigt de l’apophyse styloïde. En cas d’échec, la résection chirurgicale par voie externe ou interne doit être envisagée.
■ Algies faciales vasculaires On classe ces étiologies selon le degré d’urgence diagnostique, du plus urgent au moins urgent.
Dissections des artères cervicoencéphaliques Les dissections des artères cervicoencéphaliques (artères carotides et vertébrales) sont fréquemment responsables d’algies faciales. Souvent inaugurales, elles associent des céphalées pouvant irradier à la face, des cervicalgies. Les dissections de l’artère carotide interne s’accompagnent d’un syndrome de Claude Bernard-Horner homolatéral, par atteinte du sympathique péricarotidien. Le diagnostic en urgence est confirmé par l’échodoppler cervical, par l’IRM et l’angio-IRM cérébrale. Ces dissections peuvent entraîner la survenue d’un accident ischémique cérébral ou oculaire, si elles ne sont pas traitées en urgence. Devant toute algie faciale atypique associée à un syndrome de Claude Bernard-Horner, il faut éliminer en urgence une dissection de l’artère carotide interne.
Maladie de Horton ou céphalée avec artérite gigantocellulaire [16] Elle doit être évoquée devant toute algie faciale et/ou céphalée d’apparition récente chez un sujet de plus de 60 ans, en particulier chez les femmes. La douleur est présente dans 60 à 90 % des cas, uni- ou bilatérale. Elle est le symptôme révélateur le plus fréquent. Cette artérite gigantocellulaire atteint préférentiellement les artères de gros calibre, avec une prédilection pour les branches de l’artère carotide externe. Les céphalées temporales signent l’atteinte de l’artère temporale superficielle. La douleur est permanente avec parfois des renforcements matinaux paroxystiques. Elle est exacerbée, à type d’hyperesthésie, par le contact avec le cuir chevelu (frottement du peigne, de Stomatologie
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l’oreiller, port de lunette, de chapeau...). Des signes purement orofaciaux peuvent amener le patient à consulter : douleur linguale, claudication intermittente de la langue, odontalgies, otalgies. Ils traduisent l’atteinte d’autres branches de l’artère carotide externe. Mais c’est la claudication intermittente de la mâchoire qui est un signe pathognomonique de la maladie de Horton. Au bout de quelques minutes de mastication, le patient ressent une fatigue, puis une douleur imposant l’arrêt provisoire de la prise alimentaire. Des signes à distance, telles des douleurs rhizoméliques aux ceintures scapulaires et pelviennes, sont rapportés dans la moitié des cas. Ce sont des signes également pathognomoniques. Ce tableau s’accompagne d’une altération de l’état général. À l’examen, on recherche des artères temporales indurées, dilatées avec des nodosités, et sensibles. Le pouls temporal peut être diminué, voire aboli. Un œdème facial, peut être ressenti par le patient, voire même constaté à l’examen clinique. Le bilan biologique, en urgence, montre un syndrome inflammatoire avec une vitesse de sédimentation et une C reactive protein (CRP) augmentées. Le diagnostic doit être confirmé histologiquement par la biopsie de l’artère temporale, réalisée du même côté que la douleur. Une corticothérapie doit être démarrée sans attendre pour éviter les complications oculaires irréversibles : cécité par obstruction de l’artère centrale de la rétine. Les autres complications plus rares sont la nécrose de l’hémilangue, la nécrose partielle du scalp, une paralysie oculomotrice. L’apparition d’algies faciales, sans étiologie évidente, chez un patient de plus de 50 ans, doit conduire en urgence à la réalisation d’un bilan biologique, à la recherche d’un syndrome inflammatoire. L’existence de ce signe biologique impose la mise en route d’un traitement corticoïde, afin d’éviter les complications oculaires les plus graves.
Algies vasculaires de la face [17] Les algies vasculaires de la face ou cluster headache (céphalées en « grappe ») font partie des céphalées trigéminodysautonomiques. Elles ont en commun : • le caractère localisé et strictement unilatéral de la douleur, dans les territoires trigéminaux, ophtalmiques ou maxillaires ; • la survenue régulière d’accès intenses relativement brefs pendant des périodes de durée variable ; • l’association à un dysfonctionnement sympathique. Malgré un apparent polymorphisme lié aux nombreuses variétés topographiques, l’algie vasculaire de la face constitue une entité sur le plan clinique, physiopathologique et thérapeutique. Elle concerne 0,1 % de la population générale. Cette fréquence faible ne reflète pas la réalité ; les diversités topographiques sont responsables d’une sous-estimation de cette pathologie. Elle touche habituellement les hommes jeunes (sexratio homme/femme de 7/1). L’augmentation de la consommation tabagique féminine devrait modifier ce ratio (homme/ femme de 2,5). L’âge de la première crise se situe entre 20 et 40 ans.
Symptomatologie clinique La forme habituelle essentielle intéresse la région péri- et rétro-orbitaire. La douleur peut irradier vers la tempe en « branche de lunettes », la joue et la région infraorbitaire, la mâchoire, la narine, l’oreille, l’hémicrâne, et même dans certains cas s’étendre jusqu’au cou ou l’épaule homolatérale. La douleur est strictement unilatérale, de début brutal. Elle reste identique pour un même patient dans 80 % des cas. Elle est intense, pénétrante, à type de broiement, de pression ou de brûlure. La sévérité des crises est telle qu’elle induit une agitation du patient. Il stoppe toute activité. Il présente un comportement moteur (marche forcée, tourne en rond, compression manuelle oculaire). Le patient décrit sa douleur de façon imagée : fer rouge, lame pénétrante, horrible, « rat qui ronge »...Avant les traitements actuels, elle pouvait conduire au suicide. Stomatologie
Cette douleur s’accompagne de signes végétatifs homolatéraux dans 95 % des cas, de fréquence décroissante : • larmoiement ; • injection conjonctivale ; • rhinorrhée, congestion nasale ; • œdème palpébral ; • syndrome de Claude Bernard-Horner incomplet, associant myosis-ptosis (seul signe neurologique admis), le ptosis peut devenir permanent après un certain temps d’évolution ; • troubles transitoires du rythme cardiaque, tachy- ou bradycardie ; • plus rarement une sudation de l’hémifront et de la face, une saillie anormale de l’artère temporale, avec hyperpulsatilité et hypersensibilité, dont la pression diminue la douleur.
Périodicité des crises Dans 90 % des cas, il s’agit d’accès douloureux épisodiques. Les crises surviennent en salves durant quelques semaines (de 3 à 15 semaines), toujours séparées par un intervalle libre de plus de 1 mois. La durée des crises varie de 15 à 180 minutes. Elle atteint l’acmé en 15 à 30 minutes. Leur fréquence est de une à huit crises ou salves/j. L’horaire est le plus souvent fixe, nocturne ou matinal, réveillant le patient. Les périodes de rémission se font souvent au printemps ou en automne. En somme, il s’agit d’une douleur stéréotypée, pluriquotidienne, survenant à la même heure, salve de même durée et épisodes de plusieurs semaines. Des facteurs associés sont décrits, comme le tabac (lien fort). Le facteur principal déclenchant est l’alcool, mais seulement pendant les cycles. En dehors des crises, l’alcool n’a pas d’influence. L’hypoxie (haute altitude, apnées du sommeil), le stress, les dérivés nitrés, l’histamine par effet vasodilatateur sont d’autres facteurs déclenchants. L’examen clinique et neurologique, en dehors des crises, est normal. Durant la crise, la recherche attentive de signes neurovégétatifs face à une douleur paroxystique de la région orbitaire est capitale pour diagnostiquer une AVF. La compression de l’artère temporale superficielle peut atténuer la douleur. Rarement, en période intercrise, peuvent persister une hyperesthésie à la palpation et un ptosis. Le diagnostic est purement clinique. Les examens complémentaires sont normaux. C’est seulement dans les cas d’algies vasculaires de la face atypiques, ou dans les formes résistant au traitement qu’est réalisée une IRM, pour éliminer les algies vasculaires de la face symptomatiques d’atteintes vasculaires ou d’expansion intracérébrale.
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À retenir
Critères diagnostiques d’algies vasculaires de la face selon l’International Classification of Headaches Disorders [4]. A. Au moins cinq crises réunissant les critères B-D. B. Douleur unilatérale, sévère à très sévère, orbitaire, supraorbitaire et/ou temporale durant 15-180 minutes sans traitement. C. La céphalée est associée à au moins un des signes suivants survenant du côté de la douleur : 1. injection conjonctivale et/ou larmoiement ; 2. congestion nasale et/ou rhinorrhée ; 3. œdème palpébral ; 4. sudation du front ou de la face ; 5. myosis et/ou ptosis ; 6. sensation d’inquiétude ou agitation. D. La fréquence des crises varie d’une crise, 1 jour sur 2, à huit crises par jour. E. Les symptômes ne sont pas attribuables à une autre pathologie.
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22-041-A-10 ¶ Algies faciales
Formes cliniques L’algie vasculaire de la face chronique est caractérisée par des crises durant plus de 1 an, sans rémission ou avec des rémissions inférieures à 2 semaines. Elle représente 10 % des cas. Elle succède le plus souvent à des formes épisodiques, mais dans 15 %, elle apparaît d’emblée. La réversibilité est possible. Elle est source de désocialisation, de syndrome dépressif. L’algie vasculaire de la face symptomatique, caractérisée par une sémiologie clinique et un profil évolutif atypiques, et une réponse partielle au traitement doit faire rechercher des atteintes vasculaires ou d’expansion intracérébrale comme un méningiome, une dissection ou un anévrisme artériel (vertébral, carotidien intracaverneux), un adénome hypophysaire, une malformation artérioveineuse. Les formes topographiques doivent être rattachées aux algies vasculaires de la face par leur symptomatologie douloureuse. Elles sont variables par leur localisation [18]. • Syndrome de Sluder (1908) : racine du nez, région orbitaire, palais, dents maxillaires, altération du goût dans deux tiers des cas. • Syndrome de Charlin (1931) : angle interne de l’œil, racine et aile du nez, larmoiement avec photophobie, blépharospasme, œdème conjonctival. • Névralgie du nerf vidien de Vail (1932) : racine du nez et région orbitaire. • Faciocéphalalgies autonomes de Bricknert et Riley (1935) : vasodilatation hémicéphalique. • Névralgie ciliaire de Harris (1936) : tempe, joue et œil avec congestion oculaire. • Névralgie pétreuse de Gardner (1947) : région orbitaire externe avec irradiation jugale. • Syndrome de Montbrun-Benistry : région rétro-orbitaire, irradiation occipitale évoluant dans un contexte posttraumatique. Les formes frontières regroupent les algies chroniques, à caractère vasculaire, avec des signes vasomoteurs au premier plan, qui diffèrent des formes classiques par la périodicité, le profil évolutif, la sensibilité à certaines thérapeutiques, la localisation anatomique, fonction des structures parasympathiques impliquées. Ces céphalées trigéminodysautonomiques sont plus souvent symptomatiques et imposent une exploration neuroradiologique (IRM couplée à une angio-IRM). Les étiologies sont centrées sur le tronc cérébral, les régions orbitaires et hypophysaires. Dans la classification IHS de 2004 [4], l’algie vasculaire de la face, l’hémicrânie chronique paroxystique et la névralgie du V sont regroupées sous le terme de douleurs trigéminovasculaires. Par ordre décroissant de fréquence, on décrit : • l’hémicrânie chronique paroxystique [19] : plus souvent la femme, topographie temporo-orbitaire, douleur lancinante térébrante, durée des crises de 2-45 minutes, fréquence de 1-40/j. La pierre angulaire du traitement est l’indométacine, qui constitue un test diagnostique. La posologie oscille entre 50 et 200 mg/j, éventuellement sous couvert d’un protecteur gastrique. Les contre-indications à cette molécule peuvent bénéficier du vérapamil ; • le SUNCT syndrome (short-lasting unilateral neuralgiform headache attacks with conjunctival injection and tearing) [20] : topographie temporo-orbitaire, douleur en « coup de poignard », durée de 5-250 secondes, fréquence de 1/j à 30/h ; • le cluster tic : débute comme une névralgie trigéminale essentielle, suivie par une symptomatologie typique d’algie vasculaire de la face. Cette forme répond très bien aux antiépileptiques ;
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• l’hémicrânie continue [21] : topographie unilatérale, douleur pulsatile, durée continue < 3 mois avec possibilité d’exacerbation, fréquence de 5-12/j, sensible à l’indométacine (Indocid®).
Diagnostics différentiels Ils sont nombreux. • Les névralgies faciales essentielles ou secondaires, de localisation trigéminale, imprévisible, non périodique, à type de décharge électrique, de quelques minutes, sensible à la carbamazépine. • Les douleurs ophtalmiques, en particulier le glaucome. • Le syndrome paratrigéminal de Raeder ou de l’apex orbitaire [22] qui associe une douleur névralgique ou pulsatile et une hypoesthésie dans le territoire du nerf ophtalmique, une atteinte sympathique complète (syndrome de Claude BernardHorner). • Le syndrome de Tolosa-Hunt associe une ophtalmoplégie (moteur oculaire commun), une douleur récidivante, parfois à bascule, sensible aux corticoïdes. Il existe un syndrome inflammatoire. • Les affections stomatologiques ou d’origine dentaire. • Les algies post-traumatiques. • Les douleurs sinusiennes. • Les sphénoïdites, 99 % des cas d’origine infectieuse, avec des douleurs rétro-oculaires associées à des douleurs du vertex. • Les céphalées du phéochromocytome : céphalées occipitales intenses, accompagnées de tachycardie, d’hypertension artérielle et d’une sudation importante. • La migraine touche plus souvent la femme jeune ; les signes vasomoteurs et le syndrome de Claude Bernard-Horner sont rares, la douleur est de topographie variable selon les crises (unilatérale, bilatérale, à balance), précédée de prodrome ou aura, accompagnée de nausées, de photophobies. À l’agitation motrice de l’algie vasculaire de la face s’oppose la recherche de l’isolement sensoriel du migraineux. • Les céphalées idiopathiques dites de tension, dans un contexte psychologique particulier, augmentées par l’attention, douleur à type de pression céphalique, d’étau péricrânien. • Les céphalées chroniques quotidiennes résultent de l’évolution de migraine ou de céphalées dites de tension qui ont évolué, souvent dans un contexte d’abus médicamenteux ou de traitement mal adapté. La céphalée est présente plus de 15 jours par mois, évoluant depuis plus de 3 mois, d’une durée quotidienne sans traitement de plus de 4 heures, sans cause lésionnelle.
Physiopathologie Elle fait intervenir des troubles vasomoteurs, similaires à ceux de la migraine. À l’inverse de cette dernière, les artères concernées seraient les diverses branches de la carotide externe et notamment la maxillaire interne (artère temporale superficielle et méningée pour la migraine). La notion d’évolution en trois phases est classique : • phase de spasme artériel ou artériolaire responsable de prodromes dans la migraine, silencieuse dans les algies vasculaires de la face ; • phase de vasodilatation correspondant à la phase céphalalgique ; • phase œdémateuse caractérisée par un œdème de la paroi artérielle avec troubles de la perméabilité vasculaire. Le système trigéminovasculaire est à l’origine de la douleur ; activation parasympathique réflexe et controlatérale, lésion orthosympathique par distension de l’artère carotide. Depuis 10 ans, l’hypothalamus est invoqué pour expliquer le caractère cyclique et la périodicité. Si le mécanisme neurovasculaire est bien établi, le primum movens des algies vasculaires de la face est toujours imparfaitement élucidé. Stomatologie
Algies faciales ¶ 22-041-A-10
■ Algies faciales stomatologiques, oto-rhino-laryngologiques et ophtalmologiques
Parodontite apicale aiguë
Algies faciales stomatologiques [23]
Abcès apical aigu
Douleur d’origine pulpaire (Fig. 2)
Il fait suite à la parodontite apicale aiguë ou chronique non traitée. Le pus s’accumule dans le périapex, responsable de douleurs intenses. Il existe souvent une tuméfaction, localisée ou diffuse, fluctuante ou indurée.
Hypersensibilité dentinaire La douleur est déclenchée par le froid, les solutions hypertoniques (sucre par exemple). Elle est due à la disparition des barrières protectrices de la pulpe (émail, cément et dentine) due à des caries, des maladies parodontales, l’abrasion, les traumatismes, les surfaçages radiculaires... Pulpite La pulpite réversible, dont la sémiologie est identique à la précédente affection décrite, est due à l’inflammation légère responsable d’une hypersensibilisation nerveuse périphérique due aux molécules pro-inflammatoires. Elle résulte en général de la pénétration bactérienne dans les tubules exposés par des lésions carieuses, des restaurations non étanches. Elle peut également être liée à une irritation aseptique répétée (amalgame par exemple). Le test au froid positif cesse dès l’arrêt de l’application du stimulus. La pulpite irréversible fait suite à la précédente, ou fait suite à une inflammation chronique ayant évolué à bas bruit depuis des années. La douleur est intense, spontanée et provoquée, durable, pulsatile, augmentée en décubitus. Le test au froid exacerbe la douleur avec persistance à l’arrêt de cette stimulation. La douleur est difficile à localiser. Le patient décrit la dent causale en décrivant des épisodes antérieurs moins douloureux. Le test au chaud est le seul moyen de l’identifier. En cas de pulpite avancée, avec un desmodonte inflammatoire, le test de percussion exacerbe la douleur. La douleur peut irradier à une autre dent, on parle de synalgie dentodentaire ; à la peau, on parle de synalgie dentocutanée, avec possibilité de pelade ; à la muqueuse, on parle de synalgie dentomuqueuse (dentonarinaire, dento-auriculaire, dentolaryngée).
Figure 2. Territoires de projections douloureuses correspondant à une pathologie dentaire. Maxillaire supérieur : incisive = région frontale ; canine et première prémolaire = région maxillaire ; deuxième prémolaire = aire sous-orbitaire ; deuxième prémolaire et première molaire : malaire ; deuxième et troisième molaires = articulation temporomandibulaire et oreille. Mandibule : incisive, canine, première prémolaire = corps mandibulaire ; deuxième prémolaire et première molaire = sous-maxillaire ; deuxième et troisième molaires = région du cou. Stomatologie
Suite à une pulpite, la pulpe se nécrose et l’inflammation s’étend au périapex. La dent devient sensible à la pression, avec « sensation de dents longues ». Légère, elle devient de plus en plus importante, continue, sourde et pénible.
Fêlures dentaires Elles peuvent être à l’origine de toutes les lésions précédemment décrites. La symptomatologie est riche : de la gêne à la douleur vive à la mastication. Elle se localise préférentiellement aux molaires mandibulaires et aux prémolaires maxillaires. On recherche la restauration occlusale intéressant les crêtes marginales, des parafonctions et des fosses cuspidiennes profondes. Le diagnostic difficile fait appel au test de morsure sur un coton cuspide par cuspide, réveillant la douleur au relâchement après morsure. La transillumination par fibre optique ou le microscope opératoire peuvent être aussi utilisés. Douleurs post-traitement endodontique Elles sont présentes dans 15 à 25 % après préparation canalaire.
Douleurs de la muqueuse buccale et du parodonte Douleurs traumatiques La lésion est une ulcération dont les étiologies sont nombreuses : traumatismes mécaniques (frottements d’appareil dentaire, dents délabrées, aliments durs, morsures, piqûres), traumatismes thermiques (boisson ou aliment), ou chimiques (aliment pimenté, bain de bouche...). Douleurs infectieuses Elles sont souvent le reflet d’une hygiène buccale déficiente, associée à une intoxication tabagique. Elles peuvent être d’origine bactérienne. On trouve les érosions, les stomatites, les gingivites. • L’abcès parodontal aigu se développe à partir d’une poche parodontale. Il faut le différencier de l’abcès apical aigu vu précédemment. Au test du froid (dent sensible) l’origine est parodontale. • La gingivite ulcéronécrotique due aux bacilles fusiformes et aux spirochètes se rencontre chez le jeune. La douleur est intense. La gencive enflammée présente une nécrose des papilles interdentaires, des saignements au contact, et est recouverte d’une pseudomembrane nécrotique grise. • Le syndrome du septum correspond à un tassement alimentaire interdentaire ou une obturation débordante. La mastication est douloureuse. La douleur à la pression de la papille signe le diagnostic. Ce phénomène mécanique est responsable d’une surinfection bactérienne secondaire. • Les péricoronarites constituent des accidents d’évolution des dents de sagesse. • Les infections virales comprennent les infections herpétiques par le virus herpes simplex (HSV1), qui touche les lèvres ; le zona, résurgence du virus de la varicelle qui touche un réseau du rameau trigéminal, par exemple maxillaire (gencive, palais, joue, lèvre supérieure). Présentes surtout chez les patients âgés, elles peuvent entraîner des séquelles douloureuses de type neuropathique. • Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est responsable de douleur par allodynie mécanique et sécheresse buccale. À l’atteinte virale et bactérienne se surajoutent les effets neurotoxiques iatrogènes des médicaments antirétroviraux. • Enfin, les infections mycosiques candidosiques aiguës ou chroniques sont bien sûr très fréquentes, favorisées par la fatigue, ou la prise de corticoïdes ou d’antibiotiques.
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Douleurs d’origine immunologique ou auto-immune
Algies otorhinologiques
Les aphtes touchent 20 à 25 % de la population. Ils sont typiques, comme une ulcération de la muqueuse, solitaires ou groupés, de quelques millimètres de diamètre, à fond jaune beurre frais. En cas de regroupement en bouquets multiples, on parle d’aphtose. Ils peuvent être symptomatiques d’une maladie de Behçet. Les maladies auto-immunes dont la polyarthrite rhumatoïde sont responsables d’atteintes des muqueuses et des glandes salivaires avec xérostomie et surinfection. Également responsable de sécheresse buccale, le syndrome sec ou syndrome de Gougerot-Sjögren. Les maladies bulleuses auto-immunes ou non (érythème polymorphe, syndrome de Stevens-Johnson et syndrome de Lyell) provoquent dans la bouche des bulles suivies d’érosions douloureuses. Le lichen plan buccal, touchant 1 à 2 % de la population, peut être douloureux lors des poussées associées à des périodes de stress et d’anxiété.
Elles sont souvent mises en cause en excès. On distingue les sinusites aiguës ou chroniques. Les douleurs des premières sont brutales, pulsatiles. La douleur est posturale, le plus souvent unilatérale, majorée par la position penchée en avant, la pression du sinus, et s’accompagne de jetage et d’une rhinorrhée purulente, avec des épisodes d’obstruction nasale, de larmoiement. Elles sont plus fréquentes en fin de matinée et de soirée. Le diagnostic est confirmé par l’endoscopie nasale et l’imagerie des cavités nasosinusiennes. La topographie est fonction des sinus atteints. • Sinusite maxillaire : la plus fréquente, douleur dans la région sous-orbitaire, irradiant dans tout le maxillaire et les dents maxillaires. La douleur est accentuée par la pression du nerf sous-orbitaire. On distingue les sinusites maxillaires d’origine dentaire (SMOD), par atteinte des dents antrales. • Sinusite frontale : la plus violente, dans la région susorbitaire, exacerbée par la pression de l’angle supéro-interne orbitaire, paroxysme essentiellement diurne. • Sinusite ethmoïdale ou éthmoïdite : douleur généralement peu importante, profonde, interorbitonasale, en pince-nez. • Sinusite sphénoïdale : rare mais caractéristique, céphalée intense postérieure, rétro-orbitaire, irradiant vers le vertex et l’occiput. Les sinusites chroniques sont en général indolores, sauf lors des poussées aiguës. Les otalgies sont le fait des otites, et concernent le plus souvent les enfants. Les otites externes présentent une douleur lancinante, exacerbée par la mobilisation du pavillon auriculaire, elles sont parfois accompagnées de démangeaisons. Les otites moyennes sont les otites séreuses, et les otites aiguës moyennes sont infectieuses. Les otites internes sont d’origine virale (oreillon, rougeole ou grippe) ou bactérienne (otite moyenne mal traitée) et sont accompagnées de bourdonnements, de surdité et de vertige.
Douleurs d’origine métabolique, nutritionnelle, hémopathique... Il s’agit souvent de brûlures rencontrées dans de nombreux troubles généraux : diabète, anémie ferriprive, déficit en vitamine B12, reflux gastro-œsophagien..., ou des chéilites au cours d’avitaminoses en B 2 , B, C ou PP et des carences martiales. Douleurs d’origine cancéreuse Plus de 20 000 nouveaux cas de cancer des voies aérodigestives supérieures sont diagnostiqués en France chaque année, causant plus de 10 000 décès/an. Devant toute douleur buccale, en particulier chez un homme de plus de 55 ans, éthylotabagique, présentant ou non une altération de l’état général, il faut éliminer un cancer. Les douleurs, de caractéristique variable, sont dans 19,2 % des cas le premier signe révélateur d’un cancer [24]. Douleurs iatrogènes L’ensemble des soins peut entraîner des douleurs, traitement orthodontique, chirurgie orthognatique, blocage intermaxillaire. Les alvéolites surviennent après des extractions dentaires, le plus souvent après celle des dents de sagesse. On distingue l’alvéolite sèche sans réaction infectieuse, de guérison spontanée, en une dizaine de jours, et l’alvéolite suppurée, survenant le 5 e jour, de douleur moins prononcée dans un contexte fébrile. Cette dernière nécessite une révision alvéolaire et une antibiothérapie. Les douleurs postmédicamenteuses sont nombreuses, et de mécanismes divers : neuropsychotropes, antagonistes calciques, antiparkinsonien, immunosuppresseur, radiothérapie, chimiothérapie.
Algies oculaires En fonction de la symptomatologie, plusieurs diagnostics doivent être évoqués. • Œil rouge, avec larmoiement, blépharospasme, douleur périorbitaire, photophobie, parfois baisse de l’acuité visuelle. Il évoque une affection du segment antérieur de l’œil : glaucome aigu, urgence ophtalmique, ou subaigu par fermeture de l’angle, une kératite, une uvéite antérieure aiguë, une sclérite. • Œil blanc, avec douleur rétro-oculaire, altération de la vision, et aggravation par les mouvements oculaires. Il évoque plus volontiers une névrite optique, d’étiologies nombreuses. • Les algies oculaires chroniques sont plus à mettre sur le compte de trouble de la réfraction ou de glaucome chronique. • Les douleurs orbitaires avec exophtalmie, ophtalmoplégie, déficit visuel, ou souffle vasculaire, orientent vers le diagnostic de tumeur intraorbitaire, de pathologies orbitaires inflammatoires, infectieuses, endocriniennes, voire de fistule artérioveineuse.
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■ Algies faciales dans le cadre des dysfonctionnements de l’appareil manducateur (DAM) Les DAM (ou SADAM pour syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur) forment une entité clinique extrêmement polymorphe qui affecte préférentiellement les sujets jeunes féminins de 20 à 40 ans. Les DAM sont un défaut d’adaptation de l’appareil manducateur à un trouble de l’occlusion ou à une parafonction (crispation des mâchoires, grincement des dents...), majoré par un trouble d’ordre psychique ou général (stress). Il existe un terrain favorisant avec, comme facteurs de risque : • un édentement postérieur avec un recul mandibulaire et une diminution de la dimension verticale d’occlusion ; • une dysfonction ou une afonction (béance antérieure) du guide incisivocanin (promandibulie compensée ou rétromandibulie avec version palatine des incisives supérieures) ; • perte des premières prémolaires maxillaires (extractions souvent pratiquées pour corriger les encombrements dentaires) responsable de rétrusion maxillomandibulaire ; • parafonctions par crispation des mâchoires, grincement de dents (bruxomanie), mastication unilatérale prédominante. La sémiologie est riche. Les douleurs des DAM sont en rapport avec des troubles articulaires et/ou musculaires qu’il faut discerner avant de débuter le traitement.
Douleurs articulaires Les signes articulaires sont liés au déplacement discal qui se traduit au début par un claquement articulaire à l’ouverture et à la fermeture de la bouche (déplacement discal réductible). Au bout d’une certaine durée d’évolution, il peut se produire un épisode aigu avec des douleurs vives au niveau de l’articulation temporomandibulaire (ATM) et un trismus. On parle alors de Stomatologie
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déplacement discal irréductible. Spontanément ou du fait du traitement (gouttière, rééquilibration occlusale), le déplacement discal s’accompagne de l’apparition d’un nouveau disque (néodiscisation par métaplasie des tissus rétrodiscaux) et d’une fonction articulaire satisfaisante avec disparition des douleurs. Dans les cas défavorables avec des lésions importantes du disque ou par absence de néodiscisation, il n’y a plus de séparation entre les surfaces articulaires condylienne et temporale (arthrose temporomandibulaire) avec des douleurs, des bruits articulaires à type de crissements ou de frottements et des modifications osseuses importantes.
Douleurs musculaires Les douleurs musculaires sont liées aux spasmes musculaires ou à leur diffusion. Elles s’accompagnent d’un trismus et de signes extramanducateurs. Le spasme du muscle masséter (essentiellement le faisceau profond) se manifeste par des douleurs jugales et se projette au squelette et aux dents maxillaires, à la mandibule et aux molaires inférieures, au sourcil, à la région auriculaire et en avant de l’ATM. Le spasme du muscle ptérygoïdien latéral entraîne des douleurs en regard de l’ATM et sous l’arcade zygomatique. Il se projette également à la région maxillaire et au niveau rétro-orbitaire (sensation d’œil qui tire). Le spasme du muscle temporal est responsable de douleurs crâniennes latérales avec des irradiations au squelette et aux dents maxillaires. Le ptérygoïdien médial donne des douleurs à la face interne des angles mandibulaires qui se projettent dans la cavité buccale. Les douleurs projetées au niveau des dents sont parfois responsables d’extractions intempestives de dents postérieures, ce qui aggrave la symptomatologie des DAM par perte de calage postérieur. L’extension du spasme aux autres muscles faciaux et cervicaux explique les signes extramanducateurs : signes otologiques (acouphènes, sensation d’oreille bouchée) par spasmes des muscles tenseurs du voile et du tympan, douleurs de la nuque, du cou et des épaules, troubles de la posture craniorachidienne avec possibles sensations de déséquilibre objectivées par un examen stabilométrique et signes ophtalmologiques (troubles de la convergence avec vision trouble intermittente). Les explorations complémentaires ont pour objectifs de confirmer le diagnostic et d’éliminer les autres causes de douleurs temporomandibulaires et de trismus. Le cliché panoramique dentaire est demandé dans tous les cas. On retrouve des remaniements articulaires (tête condylienne déformée, ostéolyse ou exostose de la fovea), des signes d’hyperfonction musculaire (hypertrophie des angles mandibulaires, allongement du coroné) et des facteurs favorisants dentaires (édentement molaire, perte dentaire avec égression compensatrice). L’IRM est beaucoup plus performante que l’examen TDM. L’IRM permet, avec des clichés dynamiques bouche fermée et ouverte, d’observer les modifications de l’appareil discal et des surfaces articulaires.
■ Douleurs orofaciales idiopathiques Ce sont des douleurs mal comprises, de mécanisme imparfaitement identifié et de traitement difficile. Le profil psychologique particulier des patients souffrants, leur demande pressante de soulagement et l’impossibilité du praticien à y répondre compliquent encore la situation. Apparaît alors un nomadisme médical (7,5 praticiens consultés en moyenne). Certains tableaux cliniques sont cependant bien individualisés : l’algie faciale atypique, l’odontalgie atypique, la stomatodynie, et les myalgies orofaciales idiopathiques. En 2001, Woda et Pionchon ont proposé de regrouper ces quatre tableaux sous le terme de douleurs orofaciales idiopathiques [25]. La fréquence de ces entités est difficile à préciser. Elles ont en commun une prévalence féminine et intéressent l’adulte jeune le plus souvent (40-51 ans) sauf pour la glossodynie (après Stomatologie
60 ans). Des facteurs de risque ont été repérés, mais le lien exact avec la pathologie reste à préciser : facteurs hormonaux (rôle de la ménopause), traumatismes nerveux mineurs répétitifs, soins dentaires, extractions...), et événement de vie. Mais l’origine psychogène de ces affections a été remise en question. L’anxiété comme la dépression ne sont que des facteurs de comorbidité (facteurs psychologiques, troubles de l’humeur : anxiété, dépression, ou psychosociaux) et sont donc les conséquences et non les causes de telles douleurs. Les patients souffrent de ne pas savoir la cause de leur douleur. Ces douleurs doivent bien évidemment rester des diagnostics d’élimination. Ces mêmes auteurs ont proposé des critères diagnostiques [26] : • la douleur est buccale, péribuccale ou faciale et ne suit pas un trajet nerveux ; • la douleur est présente depuis plus de 4 à 6 mois ou revient périodiquement sous la même forme depuis plusieurs mois ou années ; • la douleur est continue, présente pendant toute ou partie de la journée et n’interfère pas ou peu avec le sommeil ; • la douleur ne présente pas de caractère paroxystique majeur ; • il n’existe pas de cause organique indiscutable au vu de la clinique, de l’examen radiologique ou des examens de laboratoire. L’étiologie pourrait faire intervenir une sensibilisation d’interneurones centraux des noyaux du trijumeau par des stimuli nociceptifs antérieurs. Sur ceux-ci convergent des afférences nociceptives et non nociceptives. À la suite de la sensibilisation centrale, les stimulations non nociceptives vont aussi être perçues comme douloureuses, contribuer à entretenir la douleur chronique et à amplifier la topographie de la région douloureuse initiale. Il pourrait exister une sensibilité génétique. Plusieurs centres cérébraux (noyaux thalamiques médians et latéraux, locus coeruleus), des aires corticales (cortex cingulaire antérieur, préfrontal, l’insula, les amygdales, cortex somatosensoriel) contribuent à activer la composante psychologique de la douleur chronique.
Algie faciale atypique Elle touche la bouche, les maxillaires et la face. Elle peut être qualifiée d’horrible par le patient. Elle est décrite comme une brûlure, un serrement, une constriction, un mouvement dans l’os, un tiraillement. Elle est uniquement diurne. La mastication et la phonation peuvent être des facteurs aggravants. Il n’existe pas de zone gâchette. Avec le temps, les douleurs s’étendent au voisinage sans jamais respecter les territoires du trijumeau. Dans un cas sur trois, elles se bilatéralisent. Elles ont souvent été précédées d’un microtraumatisme accidentel ou chirurgical (dentaire, ORL, maxillofacial). Cette douleur s’accompagne parfois de dysesthésie, de paresthésie ou d’allodynie, d’hyperpathie. Un érythème ou un œdème peut également être présent, rarement une hyperthermie locale. Les patients peuvent rapporter des symptômes généraux : cervicalgie ou lombalgie chronique, troubles digestifs fonctionnels, troubles cutanés prurigineux ou dysménorrhée. L’étiologie est inconnue. On a pu décrire des facteurs psychologiques : dépression, anxiété, cancérophobie, stress intense, événement professionnel ou familial stressant dans les 6 mois précédents.
Odontalgie atypique Elle semble correspondre à la localisation dentaire d’une algie faciale atypique. L’odontalgie concerne une dent saine, le plus souvent prémolaire et molaire du maxillaire. La douleur continue est variable en intensité, sourde ou profonde. Elle n’est pas déclenchée par des stimuli thermiques, chimiques. Elle évolue peu dans le temps. Élément important, elle n’est pas nocturne et résiste à l’anesthésique local. L’extraction abusive ne résout en rien cette douleur. Celle-ci migre à une autre dent. Des extractions en « dominos », responsables d’édentation totale, peuvent conduire à une véritable algie
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faciale atypique. Devant la persistance de la douleur après extraction, on parle de dents fantômes. D’autant que les antécédents retrouvent souvent des traumatismes nerveux dentaires : pulpectomies, extractions (3 à 5 % après soins dentaires), chirurgie sinusienne. Une étiologie neuropathique pourrait donc être mise en cause.
Stomatodynie (glossodynie ou “burning mouth syndrome”) Il s’agit d’une entité douloureuse de la muqueuse buccopharyngée, langue, palais, gencive, lèvres, pharynx, sans cause organique. Le patient décrit une douleur continue, chronique, le plus souvent bilatérale, symétrique, à type de brûlure. Sa forme la plus connue est sa localisation linguale, aux deux tiers antérieurs (syndrome de la langue brûlante). Elle est diurne et s’aggrave au cours de la journée, pour être maximale à l’endormissement. Elle peut rarement être accompagnée de dysesthésies localisées de la muqueuse buccopharyngée, mais sans aucune lésion visible. Généralement spontanée, elle peut aussi être déclenchée ou aggravée par l’ingestion d’aliments épicés ou acides. La prise de nourriture ou de boisson peut diminuer les sensations douloureuses (chewing-gum). Des signes subjectifs comme sensation de soif, de bouche sèche ou de troubles gustatifs accompagnent la douleur. Il faut écarter les causes locales, radiothérapie, mucites postchimiothérapiques, xérostomie due à des médicaments psychotropes et exclure les causes systémiques (syndrome de Sjögren, diabète, carence vitaminique). L’examen peut retrouver une langue animée de mouvements incessants, donnant un aspect mousseux de la salive. Ce syndrome touche les femmes, en postménopause, dans la soixantaine, avec souvent une notion de cancérophobie. Son étiologie serait neuropathique.
Myalgie orofaciale idiopathique Les douleurs myofaciales les plus fréquentes au niveau de la face le sont aux dépens des muscles de la manducation (masséters, temporaux, ptérygoïdiens) et participent à l’ADAM. Les deux tableaux cliniques les plus typiques sont les céphalées de tension, appelées désormais céphalées idiopathiques, et les arthromyalgies idiopathiques. Les douleurs sont diurnes, maximales au réveil. L’intensité est fluctuante dans la journée avec de fréquentes périodes de rémission. La douleur est sourde, locale, ressentie dans les muscles manducateurs, la zone auriculaire, l’ATM. Elle est aggravée par la mise en fonction de la mandibule. À l’examen, on retrouve des cordes de tension musculaire (bandes rigides) et des points gâchettes. La pression de ces points accentue la plainte douloureuse et fait apparaître des zones de douleurs référées, dont la topographie est spécifique du muscle concerné ; ptérygoïdien avec douleur dans la région de l’ATM, temporal et céphalées idiopathiques. La vaporisation d’un spray refroidissant ou l’infiltration d’un anesthésique local provoque une diminution de plus de 50 % de la douleur. On retrouve des symptômes associés : sensation de raideur musculaire, de malocclusion, d’acouphènes, de vertige, de douleur dentaire. Il existe des facteurs déclenchants ou favorisants : traumatismes locaux, séquelles chirurgicales, hypersollicitations d’origine professionnelle, sportive, posturale, mais aussi facteurs psychologiques comme le stress ou l’anxiété se traduisant par des parafonctions comme le bruxisme nocturne, le serrement des dents diurnes, l’onychophagie. À l’heure actuelle, l’étiopathogénie des myalgies orofaciales serait l’ischémie [27], par effort soutenu des muscles masticateurs, qui induirait une désensibilisation du système vasodilatateur, une réduction de la perfusion sanguine, des altérations métaboliques, voire tissulaires des muscles.
■ Thérapeutiques Nous n’abordons ici que les traitements des pathologies qui ne sont pas abordées dans d’autres chapitres de l’EMC, ou qui n’ont pas été déjà évoqués.
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Traitement des algies faciales neurogènes Névralgie essentielle du trijumeau Les moyens thérapeutiques sont médicaux et chirurgicaux. Sur le plan médical, les essais thérapeutiques se heurtent à la faible prévalence de l’affection et l’aspect non éthique à tester un placebo dans une pathologie des plus douloureuses qu’il soit. Ainsi, peu de molécules ont fait la preuve de leur efficacité, et beaucoup sont utilisées par analogie avec d’autres types de douleurs. La carbamazépine (Tégrétol®) est la molécule la plus évaluée [28]. Les trois essais randomisés contre placebo dans la névralgie du trijumeau rapportent une efficacité de 58 à 80 %. Ses effets secondaires, expérimentés par 70 % des patients, sont principalement des troubles de l’équilibre, une somnolence, des sensations ébrieuses, limitant son emploi [29] . La posologie utilisée varie de 400 à 1 200 mg/j. Sur la base de séries de cas et non plus d’essais randomisés, les autres molécules sont : • l’oxcarbazépine (Trileptal®), prodrogue mieux tolérée de la carbamazépine, mais source d’hyponatrémies parfois symptomatiques ; • la lamotrigine (Lamictal®), antiépileptique nécessitant une titration d’au moins 1 mois, bien toléré sur le plan général mais pouvant très rarement entraîner un syndrome de Stevens Johnson ; • le baclofène (Liorésal®), bien toléré en dehors d’une somnolence dose-dépendante, • la gabapentine (Neurontin®), utilisée avec succès bien que son emploi repose sur l’analogie faite avec l’efficacité de cette molécule dans la névralgie postzostérienne. La posologie est encore une fois individuelle, et la dose maximale de 3 600 mg/j peut être nécessaire. Les principaux effets secondaires consistent en des vertiges, un syndrome confusionnel et une possible prise de poids. Le traitement chirurgical fait appel à deux stratégies ; d’une part, une stratégie ablative, qu’elle soit thermique, mécanique ou par rayonnement ; d’autre part, une stratégie chirurgicale classique consistant en une décompression microvasculaire. La thermocoagulation percutanée rétrogassérienne est la stratégie ablative thermique [30]. La lésion thermique est réalisée à la jonction entre le ganglion de Gasser et la racine trigéminale, à une température située entre 60 °C et 70 °C. Les principales complications sont [31] : l’anesthésie douloureuse (1 %), l’anesthésie cornéenne, source de kératite rebelle (1,5 %), et une paralysie masticatrice, temporaire dans 20 % des cas, mais pouvant être persistante (2 %). La compression percutanée du ganglion de Gasser par ballonnet est une technique exposant à moins de complications mais grevée d’un taux d’échecs et de récidives plus important. La radiochirurgie par rayonnement gamma, technique non invasive, est limitée par le nombre restreint de centres en France. Son action est différée par rapport aux autres techniques. La décompression vasculaire microchirurgicale est la stratégie chirurgicale classique, consistant en une séparation de l’élément vasculaire du trijumeau, soit par interposition d’une plaque en Téflon® s’il s’agit d’une artère, soit par coagulation et section s’il s’agit d’une veine. Indications La carbamazépine est le traitement à essayer en première intention [32] . La posologie est individuelle. En cas d’effets secondaires gênants, l’oxcarbazépine doit être essayée, sauf s’il existe une allergie à la carbamazépine. Le traitement de seconde intention fait appel aux autres molécules citées. La gabapentine a la préférence de la plupart des praticiens en traitement de deuxième intention. Le baclofène peut être associé à un antiépileptique. L’indication d’un traitement chirurgical se base sur l’échec ou l’intolérance d’un traitement médical bien conduit d’une névralgie essentielle du trijumeau. Le choix de la technique initiale reste controversé [30]. L’avis du patient est indispensable dans la stratégie thérapeutique. Stomatologie
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Névralgie essentielle du glossopharyngien Le traitement médical se base sur les mêmes molécules que celles utilisées dans la névralgie du trijumeau. La gabapentine est souvent la molécule de deuxième intention après la carbamazépine.
Traitement de l’algie vasculaire de la face La différence doit être faite entre traitement de la crise et traitement de fond, et entre forme épisodique et forme chronique. Deux options sont disponibles pour le traitement de la crise : le sumatriptan (Imiject®) est la première option. Il est utilisé à la dose de 6 mg en injection sous-cutanée. Son efficacité est de 75 %. Son emploi est limité par ses contre-indications, notamment cardiovasculaires, et un âge supérieur à 65 ans. Il ne peut être employé plus de deux fois par 24 heures alors qu’un patient peut présenter jusqu’à huit occurrences par jour. Les effets secondaires les plus fréquents sont les paresthésies distales et les douleurs thoraciques. L’oxygénothérapie à 7 l/min pendant au moins 15 minutes est l’autre alternative thérapeutique [33, 34]. Ce traitement ne présente pas de contre-indication en dehors d’une bronchopneumopathie chronique obstructive. Sa mise en place peut se faire au domicile, mais sa portabilité est difficile. Son taux d’efficacité est de 60 %. Le traitement de fond fait appel à plusieurs molécules : le vérapamil (Isoptine ® ) est le plus régulièrement efficace. La tolérance est bonne à condition d’avoir éliminé un trouble de la conduction au préalable. Les effets secondaires le plus souvent observés sont les œdèmes des membres inférieurs, la constipation et la bradycardie. L’association avec le sumatriptan est possible. Dans les formes chroniques, de plus fortes doses doivent être utilisées, jusqu’à 720 mg/j, voire plus. Le lithium (Téralithe®) est la seconde molécule utilisée. Son efficacité est similaire à celle du vérapamil, au prix d’effets secondaires plus fréquents, d’une efficacité plus longue à obtenir et d’une fenêtre thérapeutique étroite [35]. Il n’est efficace que dans les formes chroniques. La posologie utilisée se situe entre 750 et 1 500 mg/j. La posologie optimale dépend de la lithémie, qui doit être comprise entre 0,6 et 1 mEq/l. L’équilibre est atteint entre 5 et 8 jours. L’apparition d’un tremblement, d’un nystagmus, d’une ataxie ou d’un trouble de la vigilance doit faire craindre un surdosage. Les corticoïdes sont employés avec succès bien qu’il n’existe aucun essai randomisé. Il n’existe pas de schéma posologique optimal. Le méthysergide (Désernil®) est un traitement validé sur des essais thérapeutiques anciens de qualité méthodologique insuffisante. Il est indiqué dans les formes épisodiques, mais ne peut être associé au sumatriptan ou à l’ergotamine. Des effets secondaires mineurs sont fréquents, comme l’insomnie, nausées, vertiges, mais la possibilité d’une fibrose rétropéritonéale ou d’un ergotisme nécessite d’interrompre le traitement au moins 1 mois tous les 6 mois, voire moins [36]. D’autres traitements ont été proposés, mais leur efficacité diffère selon les essais thérapeutiques, toujours en ouvert, ou bien leur rapport bénéfice-risque peu favorable : ergotamine ; valproate (Dépakine®), propranolol (Avlocardyl®), topiramate (Epitomax®), gabapentine [37]. Quel traitement proposer ? Le choix du sumatriptan dans le traitement de la crise s’impose en première intention de par le plus grand nombre de sujets répondeurs, la facilité d’utilisation. Toutefois, l’existence de contre-indications ou d’effets secondaires motive l’oxygénothérapie en deuxième intention. Le traitement de fond doit se faire en fonction du caractère chronique ou épisodique de l’algie vasculaire de la face. Dans les deux cas, le vérapamil doit être essayé en première intention, en sachant augmenter les doses. Dans les formes épisodiques, une corticothérapie orale sur quelques semaines peut être prescrite en adjonction du vérapamil, avec une décroissance rapide en quelques semaines. Dans les formes chroniques, le traitement de deuxième intention est le lithium, qui peut aussi être associé au vérapamil. Le méthysergide est un traitement de troisième intention qui interdit l’emploi du sumatriptan. Stomatologie
Traitements des dysfonctionnements de l’appareil manducateur La douleur étant le symptôme essentiel des DAM, sa prise en charge doit être adaptée à la physiopathologie. Sachant qu’il n’y a pas de parallélisme anatomoclinique et que la crispation des mâchoires par hyperfonction musculaire est le plus souvent responsable de ces douleurs, le clinicien peut se retrouver désarmé. Compte tenu de l’évolution cyclique de cette pathologie et du terrain stressé souvent retrouvé, il apparaît utile de proposer aux patients un complément thérapeutique (et non une alternative) pour traiter à la fois le symptôme et le terrain. Les prescriptions médicamenteuses doivent être ponctuelles, à l’occasion d’épisodes douloureux aigus (désunion condylodiscale). Il s’agit de prescriptions d’antalgiques de niveau 1 ou 2. Les autres niveaux ne sont pas employés et doivent faire rechercher une pathologie non dysfonctionnelle ou psychiatrique associée. Les autres traitements médicamenteux peuvent être des anti-inflammatoires non stéroïdiens en l’absence de contre-indications, des myorelaxants tels que le thiocolchicoside (Coltramyl®) ou le tétrazépam (Myolastan®). Il faut vérifier le respect des contre-indications avant de prescrire ces médicaments et prévenir le patient des effets secondaires notables comme les troubles de la vigilance. L’injection de toxine botulique A (Dysport® ou Botox®) dans les muscles masticateurs permet d’obtenir une amélioration très importante des douleurs et une diminution du trismus. La toxine botulique A bloque la plaque neuromusculaire et entraîne une diminution transitoire de l’activité contractile. On utilise en moyenne un flacon de 500 unités Dysport ® par patient en injectant 150 unités par muscle masséter et 100 unités par muscle temporal. Les injections temporales et massétérines se font directement dans les muscles en plusieurs points ; on ressent souvent une difficulté à enfoncer l’aiguille en raison de la contracture musculaire. La diminution des contractures apparaît quelques jours après l’injection et dure de 3 à 6 mois. Bien que les injections puissent être répétées plusieurs fois, il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’un traitement d’appoint visant à faire passer un cap difficile au patient.
Traitement des facteurs favorisants Avant de commencer le traitement, une séance éducative s’impose, visant à rassurer le patient sur la bénignité des troubles, sur le pronostic et les facteurs étiopathogéniques. Il faut expliquer au patient qu’il est lui-même acteur et en partie responsable (de manière inconsciente) de sa pathologie... et de sa prise en charge. L’implication active du patient est un facteur clé du succès thérapeutique [9]. Il faut faire supprimer toutes les mauvaises habitudes prises par le patient et remettre une fiche d’information notifiant l’importance : • d’arrêter l’usage de chewing-gum et des mauvaises habitudes de morsures (onychophagie) ; • d’éviter les aliments durs ou ceux qui requièrent une ouverture buccale forcée. Par exemple couper une pomme en morceaux plutôt que d’y mordre à pleines dents ; • de limiter les ouvertures de bouche brutales, importantes et prolongées (lors du bâillement, en chantant...et lors de soins dentaires). Il faut faire prendre conscience au patient de l’existence de moments de crispation des mâchoires (lors d’un effort physique ou lors d’un effort de concentration intellectuelle) et lui expliquer les moyens d’y remédier : • en expliquant comment faire des exercices d’automassages des muscles masticateurs avec une légère ouverture de bouche en insistant sur le faisceau profond du muscle masséter ; • en mettant la mandibule en position de repos en évitant les contacts dentaires en prononçant la lettre « N » et en mettant la langue en arrière des incisives supérieures ; • en interposant dans la bouche un objet comme un stylo.
Thérapies physiques et adjuvantes Il existe une multitude de thérapies adjuvantes d’efficacité discutée. Malgré le manque de méthodologie standardisée et les
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difficultés d’évaluation, il semble que la plupart d’entre elles soient efficaces à court terme, moins à long terme. La réussite de ces thérapies s’explique par le fait que les patients souffrent moins lorsqu’on s’occupe d’eux et qu’on les informe de ce qu’on leur fait. Les méthodes de thérapies adjuvantes qui sont proposées dérivent de la kinésithérapie-rééducation avec des exercices passifs puis actifs d’étirement des muscles masticateurs, associés à des exercices de diduction visant à entretenir le jeu articulaire. Quels que soient les exercices, ils doivent être réalisés progressivement et lentement, de manière indolore, répétés dans la journée et dans le temps, débutés avec un spécialiste puis continués par le patient. Ils sont très efficaces mais la limite est l’observance à long terme. Les autres méthodes dérivent de la médecine chinoise et utilisent les points et méridiens spécifiques. L’acupuncture utilise des aiguilles comme stimulateur et l’acupressure, la pression digitale. Pour notre part, nous expérimentons avec succès une thérapie appelée la RESC (résonance énergétique par stimulation cutanée) dont le principe est schématiquement celui d’une acupuncture inverse, c’est-à-dire que le retrait du doigt sur un point donné d’un méridien d’acupuncture entraîne un transfert d’énergie et une action thérapeutique.
ou bénéfiques ainsi que des facteurs psychosociaux et comportementaux ayant un impact sur le handicap. Le patient est sollicité à considérer sa douleur non pas comme une sensation vague et envahissante, mais à délimiter dans le temps l’intensité de la douleur vue comme une suite d’épisodes d’intensité variable, qui peuvent se modifier avec le temps et de les consigner dans un journal. Grâce à ces données et aux observations du patient, le thérapeute peut établir le bilan initial et expliquer au patient les buts du traitement. Au stade suivant, le thérapeute explique au patient les mécanismes qui sont à l’origine de la douleur et sa modulation par l’état émotionnel. Il met à sa disposition plusieurs techniques cognitives et comportementales en les adaptant aux différentes caractéristiques de chaque douleur. En même temps, le patient est sollicité à assumer un mode de vie plus actif et à réduire sa consommation de médicaments analgésiques. En particulier, il faut lui préconiser une activité sociale et des loisirs. Les stades ultérieurs du traitement comprennent l’apprentissage et l’application correcte de ces techniques, leur maintien, leur adaptation à des éventuelles situations spécifiques et des contrôles réguliers. .
■ Références
Traitement des troubles de l’occlusion
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Les traitements occlusaux ont pour objectif de recréer des conditions les plus harmonieuses possibles de l’engrènement dentaire avec le port d’une gouttière occlusale, temporaire, modulable au fur et à mesure de l’évolution de la pathologie. Elle permet la stabilisation de la mandibule lors de la fermeture, un reconditionnement musculaire (correction des parafonctions, relaxation des muscles manducateurs) et un recentrage articulaire (diminution des pressions intra-articulaires, réaménagement des relations condylodiscales : repositionnement discal ou formation d’un néodisque). Bien construite, la gouttière doit obtenir la résolution des douleurs et la diminution des claquements en quelques jours ou semaines. En pratique, on choisit une orthèse en résine dure, en position mandibulaire et recouvrant la totalité de l’arcade dentaire pour éviter les égressions segmentaires. Le résultat obtenu est ensuite stabilisé par des thérapeutiques occlusales définitives par meulage, prothèse, orthodontie, chirurgie orthognatique des bases osseuses pour fermer une béance antérieure par exemple.
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Traitement des douleurs orofaciales idiopathiques
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Il s’agit d’une prise en charge multidisciplinaire : neurologues, psychiatres et psychologues. Le traitement n’est pas chirurgical. Les traitements antalgiques classiques sont le plus souvent inopérants. Dans tous les cas, il faut être à l’écoute du patient, stopper son nomadisme médical, le rassurer quant à l’absence de cause organique, et affirmer la réalité de sa douleur. En plus des thérapies médicamenteuses, on fait appel aux thérapies comportementales et aux techniques de relaxation. Le traitement médical est basé sur les antidépresseurs tricycliques et les anticonvulsivants. Les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine ont obtenu les meilleurs résultats [38]. Les neuroleptiques, les anxiolytiques, les analgésiques, les anesthésiques, les opiacés, voire la combinaison de ces médicaments n’ont pas leur place dans le traitement de ces pathologies. On évite les bains de bouche divers. Récemment, des topiques locaux, tel le clonazépam, semblent être intéressants [39]. Il faut préconiser une activité de loisir et sociale. Les thérapies cognitivocomportementales ont pour but de réduire ou de minimiser la douleur, les comportements négatifs et les facteurs émotifs et d’encourager le patient à mieux gérer sa douleur. Le traitement comporte cinq phases. Les deux premières ont pour but de procéder à une évaluation initiale structurée et détaillée de la douleur, de son intensité, des facteurs aggravants
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G. Thiéry, Praticien hospitalier, Adjoint du chef de service ([email protected]). Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, Hôpital d’instruction des Armées Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France. E. Sagui, Praticien hospitalier, Adjoint du chef de service. Service de neurologie, Hôpital d’instruction des Armées Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France. L. Guyot, Professeur des Universités, praticien hospitalier, Chef du Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale et plastique de la face. Hôpital Nord, Chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Thiéry G., Sagui E., Guyot L. Algies faciales. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-041-A-10, 2007.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-033-A-10
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Cellulites et fistules d’origine dentaire JM Peron JF Mangez
Résumé. – Les complications infectieuses aiguës dues à la mortification de la pulpe dentaire ou aux infections périodontales sont très fréquentes et à l’origine d’abcès localisés au niveau des tissus mous de la face et du cou : on les appelle les « cellulites » parce qu’ils se développent au niveau des espaces celluleux remplissant les loges entourant la mandibule et le maxillaire. Ces loges communiquent entre elles, notamment par l’intermédiaire de l’espace para-amygdalien, puis avec les grands espaces anatomiques de décollement qui s’étendent depuis la base du crâne jusqu’au médiastin ; c’est souligner le risque grave, voire vital, que représente la diffusion de ces abcès. La situation de la dent causale rend compte de la topographie de l’abcès qui se développe au niveau vestibulaire et/ou sous-cutané, ou au niveau palatin. Les collections postérieures s’accompagnent de trismus et de dysphagie ; leur évolution fait courir le risque d’obstruction des voies aériennes. Chez les patients aux défenses immunitaires amoindries peuvent survenir des accidents infectieux rares : les fasciites nécrosantes, véritables gangrènes, qui mettent en jeu rapidement le pronostic vital. Il existe des formes subaiguës et chroniques qui succèdent bien souvent à un traitement incomplet, qui laisse persister notamment la porte d’entrée de l’infection. Cette évolution au long cours doit également faire poser la question d’une infection à germes spécifiques. Une séquelle particulière est représentée par la fistule muqueuse facilement identifiée, ou la fistule cutanée dont le diagnostic est parfois tardif parce que la relation de cause à effet avec l’existence d’un foyer infectieux dentaire est méconnue. Le traitement des cellulites dentaires doit obéir à un principe médical intangible, celui de traiter une infection en même temps que sa porte d’entrée. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : cellulites dentaires, abcès dentaires, fistules dentaires.
Introduction L’ « abcès dentaire », motif de consultation quasi journalier en pratique de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, ne présente pas le plus souvent de caractère de gravité. Un traitement adapté de la collection et de sa porte d’entrée est le garant d’une évolution favorable. En revanche, dans un petit nombre de cas, l’attention doit être immédiatement attirée par des signes « inhabituels », qu’il faut bien savoir reconnaître parce qu’ils traduisent une forme de gravité particulière qui peut engager le pronostic vital ; dès lors, le traitement doit être reconsidéré comme un acte chirurgical majeur à effectuer en collaboration avec l’équipe de réanimation. Les cellulites chroniques résultent de l’absence ou de l’inadaptation d’un traitement qui ne répond pas aux principes de base du traitement d’une infection ; si, exceptionnellement maintenant, elles font le lit d’une infection spécifique, il n’est pas rare de voir, tardivement, des fistules cutanées dont l’origine dentaire aura été longtemps méconnue, parce que le foyer infectieux est quiescent, ou la cellulite inaugurale oubliée depuis longtemps. Nous ne donnons qu’une vue synthétique d’un certain nombre d’aspects fondamentaux en rapport avec cette question (anatomie,
bactériologie, etc) : ces prérequis indispensables sont largement traités dans d’autres parties de cet ouvrage ; nous conseillons au lecteur de s’y reporter.
Porte d’entrée infectieuse MORTIFICATION DE LA PULPE DENTAIRE
La mortification de la pulpe dentaire est le dénominateur commun de la majorité des étiologies dentaires : – la carie dentaire en est, bien sûr, la cause primordiale : l’infection diffuse dans l’espace desmodontal et, soit évolue d’un seul tenant sur un mode aigu, soit se « refroidit » pour aboutir au granulome et au kyste périapical, qui peuvent se « réchauffer » à tout moment et ramener au cas précédent ; – les traumatismes dentaires aboutissent au même résultat, parfois après une simple contusion, à bas bruit : si bien que les patients ne se souviennent plus forcément du traumatisme initial. Habituellement, la surveillance d’une dent proche ou incluse dans un foyer de fracture, d’une dent fracturée ou luxée, permet d’anticiper les problèmes. INFECTION PARODONTALE
C’est la deuxième cause d’accidents infectieux aigus : Jean-Marc Peron : Professeur, service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie. Jean-François Mangez : Praticien hospitalier, département d’anesthésie-réanimation. Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Lecat, 76031 Rouen cedex, France.
– la parodontolyse détruit directement l’espace desmodontal et, à terme, mortifie la pulpe dentaire « a retro » ;
Toute référence à cet article doit porter la mention : Peron JM et Mangez JF. Cellulites et fistules d’origine dentaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-033-A-10, 2002, 14 p.
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EMC [257]
Cellulites et fistules d’origine dentaire
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Tableau I. – Flore buccale endogène.
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A
Bactéries à Gram + Cocci aérobies-anaérabies facultatifs : Streptocoques alpha-hémolytiques Streptocoques bêtahémolytiques Streptocoques non hémolytiques Staphylocoques
++++ + +++ +++ +++
Cocci anaérobies
C
B 4
6
5
Bacilles aérobies-anaérobies facultatifs : +++
Actinomyces Lactobacilles Diphtéroïdes
4
+++ ++++
Bactéries à Gram -
2
Cocci aérobies-anaérobies facultatifs
+++
Cocci anaérobies
++++
Bacilles aérobies-anaérobies facultatifs
+
D E
Bacilles anaérobies : Bacteroides
+++
Prevotella, Porphyromonas sp.
+++
Fusobacterium sp.
+++
Spirochètes
+++
Levures
+++
Virus
?
++++ : habituellement présents et majoritaires ; +++ : habituellement présents et minoritaires ; + : parfois présents et minoritaires et transitoires.
– les péricoronarites d’éruption et de désinclusion, en particulier de la troisième molaire, inférieure le plus souvent, peuvent être la porte d’entrée de complications infectieuses souvent très bruyantes. GESTES THÉRAPEUTIQUES
Ils sont moins fréquemment en cause. La relation de cause à effet est évidente après dentisterie restauratrice, notamment au décours ou à distance de gestes proches de la pulpe, d’obturations canalaires, après chirurgie parodontale, et après avulsions de dents infectées. Bien entendu, tout acte de chirurgie maxillofaciale traumatologique ou orthopédique, la pratique implantologique, exposent à un risque infectieux et, dans ce cas, à la survenue de séquelles particulièrement graves dont la possibilité aura été expliquée au patient. Plus rarement, certains actes d’orthopédie dento-maxillo-faciale peuvent être classiquement la cause de mortification pulpaire. Pour mémoire, enfin, nous citons la piqûre septique, notamment la tronculaire ensemençant l’espace infratemporal, pour rappeler la nécessité d’une désinfection soigneuse de la muqueuse avant tout acte invasif, de même que l’obéissance aux règles d’hygiène et d’asepsie largement diffusées à présent.
Germes en cause
(tableau I)
Ils proviennent de la flore buccale endogène [8]. La diversité de cette flore rend compte du grand nombre d’agents pathogènes responsables : ils peuvent s’associer, par exemple beaucoup d’infections à bacilles à Gram négatif font intervenir également des cocci à Gram positif et à Gram négatif. L’association spirochètesFusobacteriae est bien connue et redoutable. Ils peuvent se sélectionner, par exemple les Gram négatif qui sont souvent copathogènes dans une infection déclarée, peuvent devenir les germes principaux après que les autres, volontiers des bactéries aérobies ou facultatives, ont disparu.
Hôte Pourquoi un même germe issu de la flore buccale commensale peut-il entraîner une infection quiescente ou, à l’inverse, dévastatrice ? 2
F
G 3
1
Coupe frontale de la face passant par la première molaire, d’après Testut et Jacob. 1. Muscles de la face ; 2. muscle buccinateur ; 3. muscle mylohyoïdien ; 4. muqueuse gingivale ; 5. muqueuse jugale ; 6. muqueuse palatine ; A. cellulite périmaxillaire externe à évolution génienne haute ; B. cellulite périmaxillaire externe à évolution buccale entre buccinateur et muqueuse ; C. il n’y a pas de phlegmon palatin mais des abcès sous-périostés ; D. cellulite périmaxillaire externe à évolution buccale entre buccinateur et muqueuse ; E. cellulite périmaxillaire externe à évolution génienne basse ; F. cellulite périmaxillaire interne à évolution sus-mylohyoïdienne ; G. cellulite périmaxillaire interne à évolution sous-mylohyoïdienne, c’est-à-dire sous-maxillaire. AFFAIBLISSEMENT DES DÉFENSES DE L’HÔTE
[6]
Il joue un rôle essentiel en le désarmant contre les infections banales qui, dès lors, s’exacerbent. Il peut être lié à des facteurs physiologiques : l’âge, la grossesse (dernier trimestre), la nutrition (carence protéique et vitaminique) ; des facteurs environnementaux : traumatismes physiques et/ou psychiques ; des facteurs immunitaires : congénitaux, acquis (le syndrome de l’immunodéficience acquise, les traitements immunosuppresseurs, le diabète et sa microangiopathie, l’obésité, l’insuffisance hépatocellulaire d’origine virale ou alcoolique, notamment). PRESCRIPTION MÉDICAMENTEUSE
Une prescription médicamenteuse inappropriée peut éventuellement être incriminée comme cela a été rapporté concernant les antiinflammatoires et la gravité d’évolution de certaines cellulites ; toutefois, les données bibliographiques actuellement disponibles ne permettent pas d’établir de façon certaine une relation de cause à effet, bien qu’un certain nombre d’observations rapportées confirmeraient ce fait. Une antibiothérapie inadaptée, facteur de sélection de germes, ou se substituant à un acte chirurgical au lieu de l’encadrer, fait courir le risque de ne plus permettre de maîtriser simplement les phénomènes infectieux [1].
Propagation de l’infection À PARTIR DU FOYER INFECTIEUX INITIAL
Elle se fait directement hors de la gencive, par voie sous-périostée, à partir d’une péricoronarite. À partir de l’espace desmodontal, l’infection traverse l’os, décolle le périoste, puis bientôt le rompt et colonise les parties molles périosseuses qui sont constituées par un tissu celluloadipeux remplissant les espaces délimités par les zones d’insertions musculoaponévrotiques au niveau des tables osseuses internes ou externes (fig 1).
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Apex molaires et ligne oblique interne.
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Arche dentaire maxillaire.
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Arche dentaire mandibulaire.
2
5 4 6
10 5
15
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Parallèlement, une propagation par voie veineuse et lymphatique est bien entendu possible, facteur de diffusion précoce de l’infection, dépassant rapidement les barrières anatomiques locales et envoyant des métastases septiques à distance qui, avec le choc toxique, caractérisent l’état septicémique. ZONE D’IMPLANTATION DE LA DENT CAUSALE
Habituellement, l’infection se localise au voisinage de la zone d’implantation de la dent causale ; elle peut cependant diffuser à partir de ce site. Selon son appartenance maxillaire ou mandibulaire, sa situation antérieure ou postérieure, sa proximité par rapport aux tables osseuses et la situation de son apex par rapport aux insertions musculoaponévrotiques, l’infection se développe dans l’une des unités formant le puzzle des régions anatomiques maxillofaciales. Les apex correspondent au cul-de-sac muqueux vestibulaire au niveau des deux arcades dentaires, sauf au niveau mandibulaire où les apex molaires sont en position inférieure. Par rapport aux tables osseuses, les apex dentaires sont proches de la table externe du maxillaire, sauf les racines palatines des prémolaires et molaires (fig 2). Au niveau mandibulaire, la première molaire est en position axiale : en avant d’elle, toutes les dents sont plus proches de la table externe ; en arrière, elles jouxtent la table interne et on peut remarquer également que les apex des deux dernières molaires sont situés au-dessous de la ligne d’insertion du muscle mylohyoïdien (fig 3, 4). Ainsi, les infections issues des dernières molaires peuvent-elles ensemencer directement la région cervicale et/ou l’espace paraamygdalien, encore appelé espace sous-parotidien antérieur ou ptérygopharyngien (fig 5) [4], qui constitue un véritable carrefour
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12 13
5
Espaces parapharyngés, d’après Couly. 1. Espace sous-parotidien postérieur ou rétrostylien ; 2. rideau stylien ; 3. espace rétropharyngien ; 4. ligament sphénomaxillaire ; 5. aponévrose interptérygoïdienne ; 6. épine du sphénoïde ; 7. trou ovale, projection ; 8. pénétration de la carotide externe ; 9. flèche signalant le passage dans la loge parotidienne, la boutonnière de Juvara et l’espace ptérygomaxillaire ; 10. ligament ptérygomaxillaire ; 11. bandelette maxillaire ; 12. flèche signalant le passage dans la gouttière parotidienne puis l’espace rétrostylien ; 13. flèche signalant le passage dans la loge sous-maxillaire puis l’espace para-amygdalien ; 14. muscle mylohyoïdien ; 15. ligament stylohyoïdien ; 16. apophyse styloïde ; 17. cavité rhinopharyngée ; 18. cavité hypopharyngée ; 19. paroi oropharyngée latérale ; 20. trompe d’Eustache.
stratégique pour la dissémination de l’infection vers les autres espaces cervicaux et vers le médiastin, via la gouttière vasculaire et l’espace décollable de Renke. En dehors des structures osseuses et du côté vestibulaire buccal, la propagation des infections contourne les limites du muscle buccinateur et des muscles peauciers. À ce propos, rappelons l’existence d’une particularité anatomique de la région : la gouttière buccinatomaxillaire qui vient s’ouvrir en avant dans la région génienne au niveau du quadrilatère de moindre résistance de Chompret (bord antérieur = bord postérieur du triangulaire des lèvres, bord supérieur = bord inférieur du buccinateur, bord postérieur = bord antérieur du masséter, bord inférieur = bord inférieur mandibulaire) ; à ce niveau, la muqueuse buccale tapisse directement les téguments de la région génienne (fig 6). 3
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Diffusion thème.
de
l’éry-
b
c
a g
d
f
e
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Diffusion de la tuméfaction cervicale.
6 Muscle buccinateur et région génienne, d’après Ginestet. a. Base de l’os malaire ; b. fosse ptérygomaxillaire ; c. fosse canine (muscles zygomatiques) ; d. vestibule buccal ; e. abcès de Chompret et L’Hirondel ; f. fusée vestibulaire du précédent ; g. espace interptérygoïdien. Enfin, du côté palatin, l’infection se collecte en sous-périosté et ne diffuse pas.
Tableaux cliniques CELLULITES AIGUËS
¶ Tableau standard de cellulite circonscrite Cellulite séreuse La cellulite séreuse est le stade initial, purement inflammatoire ; les signes de la desmodontite aiguë prédominent : douleurs violentes spontanées, exacerbées par le contact de la dent antagoniste (dent « trop longue ») et le décubitus ; puis, peu à peu, apparaît une tuméfaction assez mal limitée, comblant les sillons ou dépressions de la face, effaçant les méplats. La peau en regard est tendue, lisse, rosée ; elle est collée à l’os sous-jacent, douloureuse avec augmentation de la chaleur locale ; elle est élastique et ne prend pas le godet. L’examen endobuccal retrouve une muqueuse soulevée et rouge au voisinage d’une dent qui ne répond pas aux tests de vitalité ; elle est légèrement mobile et la moindre tentative de percussion axiale serait très douloureusement ressentie. À ce stade, les signes généraux sont en rapport avec l’intensité de la douleur qui est calmée incomplètement par les antalgiques. Une radiographie panoramique est nécessaire pour préciser l’état de l’os autour de la dent responsable et réaliser un bilan de débrouillage du reste de la denture. Cellulite suppurée En l’absence de traitement approprié, la cellulite suppurée s’installe dans les jours qui suivent et les caractères généraux d’un abcès sont maintenant présents. Le patient qui dort peu depuis plusieurs jours et qui s’alimente difficilement d’autant plus qu’existe un trismus, est pâle, fatigué, fébrile. Sa douleur est devenue lancinante avec céphalées et sensation de battements au niveau de sa tuméfaction faciale. À ce niveau, la peau est rouge, chaude et luisante ; la palpation prudente permet de constater que cette tuméfaction s’est limitée, elle fait « corps avec l’os » ; les téguments prennent maintenant le godet et, au bout d’un certain temps d’évolution, une fluctuation peut être retrouvée. 4
Dans la cavité buccale, l’examen difficile retrouve un soulèvement muqueux oblong, rouge et très douloureux qui comble le cul-de-sac vestibulaire au voisinage de la dent causale ; cette constatation peut parfois également être faite au niveau palatin ou au niveau de la table interne de la mandibule. À ce stade, en dehors de signes généraux graves témoignant d’une toxi-infection, il est crucial de dépister l’installation d’éventuels signes locaux de gravité, dont la constatation doit permettre d’anticiper une évolution pouvant mettre en jeu le pronostic vital ou fonctionnel : – un érythème qui, à partir de la tuméfaction, tend à s’étendre vers la partie basse du cou ou déjà vers les creux sus-claviculaires et la fourchette sternale (fig 7) ; – une tuméfaction sus-hyoïdienne latérale qui tend à progresser vers la région cervicale médiane, ou l’inverse (fig 8) ; – une crépitation neigeuse au palper de la tuméfaction ; – une tuméfaction du plancher buccal, qui n’est plus la collection limitée au niveau de la table interne de la mandibule et parfois déjà associée à un œdème lingual débutant (fig 9) ; – une douleur oropharyngée très vive, qui gêne la déglutition salivaire, s’accompagnant d’un trismus serré ; – une tuméfaction jugale qui ferme l’œil du patient (fig 10). Évolution L’évolution spontanée de cet abcès est encore malheureusement observée ; le plus souvent, la collection se fistulise à la peau et/ou à la muqueuse : cette « soupape de sécurité », si elle permet un soulagement transitoire, laisse les problèmes en place ; et pour peu qu’un traitement antibiotique « efficace » soit institué, le passage à la chronicité est assuré.
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* A
Œdème du plancher buccal.
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* B Œdème orbitaire.
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Cellulites de la région labiomentonnière. A. Cellulite labiale inférieure par infection apicale de l’incisive centrale. B. Cellulite du menton par infection apicale de l’incisive centrale. 1. Muscle carré du menton ; 2. muscles de la houppe du menton.
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Cette évolution peut également se faire vers des complications propres à l’unité anatomique dans laquelle l’infection s’est développée, ou vers la diffusion de l’infection vers les régions voisines, pouvant à son tour gagner les espaces cervicaux, voire le médiastin. Au total, le diagnostic de cellulite aiguë n’est pas en général très difficile à poser : l’anamnèse, l’examen clinique exo- et endobuccal, un bilan radiographique simple sont suffisamment explicites, même en cas de localisation particulière, comme nous allons le voir.
Cellulite mentonnière.
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Cellulite vestibulogénienne basse par infection 2 périapicale de la première molaire inférieure. 1. Muqueuse vestibulaire ; 2. muscle buccinateur.
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¶ Tableaux particuliers en fonction de la localisation de l’infection Cellulites périmandibulaires
• Groupe incisivocanin La collection (fig 11) se développe du côté de la table externe où elle contourne les insertions des muscles carré et houppe du menton : au-dessus, elle est superficielle, vestibulaire, donnant un aspect de grosse lèvre ; au-dessous, elle est profonde et se développe dans l’éminence mentonnière, voire la région sous-mentale (fig 12). L’étiologie de la mortification incisive due à un traumatisme oublié est classique et, en pratique, ce tableau peu fréquent n’appelle pas de discussion diagnostique.
• Groupe prémolomolaire Différentes localisations peuvent se rencontrer, voire s’associer. Le plus souvent, la collection se situe en dehors de la mandibule. – Cellulite génienne (fig 13, 14) : la symptomatologie est dominée par la limitation d’ouverture buccale d’autant plus intense que la
dent est postérieure avec association d’une otalgie réflexe. Le soulèvement muqueux vestibulaire est centré en regard de la dent causale (fig 15) ; au bout d’un certain temps d’évolution, parfois d’emblée, une tuméfaction génienne, au-dessus du bord inférieur de la mandibule, se développe de façon concomitante. L’anatomie de la région explique pourquoi l’« abcès migrateur » ou buccinatomaxillaire de Chompret et L’Hirondel se collecte dans cette région après que le pus, issu de l’alvéole de la dent de sagesse, a cheminé le long de la gouttière buccinatomaxillaire. En fait, les 5
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Cellulite génienne.
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Cellulite massétérine.
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Cellulite sous-mylohyoïdienne. a. Muscle mylohyoïdien ; b. loge sublinguale ; c. loge sous-maxillaire ; d. fusée sous-cutanée.
b a c
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d
Tuméfaction vestibulaire.
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Cellulite sus-mylohyoïdienne, du plancher buccal. a. Muscle mylohyoïdien ; b. glande sublinguale ; c. glande sous-maxillaire.
infections provenant des molaires empruntent le même chemin ; ce qui peut rendre difficile l’identification de la dent causale. Quoi qu’il en soit, le diagnostic de cette cellulite ne pose pas de difficulté ; le kyste sébacé abcédé peut être évoqué pour discuter. – Cellulite massétérine : elle est peu fréquente et, classiquement, l’« accident de la dent de sagesse » en constitue le type de description ; cependant, l’anatomie nous apprend que cette dent est linguale : il faut donc admettre qu’il s’agit plus volontiers d’un accident sur dent de sagesse en malposition avec racines vestibulaires. Les autres molaires sont exceptionnellement en cause. Le tableau est dominé par un trismus très serré et des douleurs intenses qui rendent compte de la difficulté de l’examen : la tuméfaction est plaquée sur la face externe de l’angle mandibulaire (fig 16), tandis qu’une tuméfaction vestibulaire est visible en dehors du bord antérieur de la branche montante. Le problème ici est de bien voir si la collection n’a pas tendance à s’étendre au niveau de la face interne, ou au niveau de la partie postérieure du plancher buccal, ce qui change radicalement le degré d’urgence. En effet, la cellulite collectée initialement sous le masséter peut diffuser par l’échancrure sigmoïde vers la région para-amygdalienne et les espaces infratemporaux. Le tableau de cette cellulite ne peut être confondu avec celui d’une parotidite, qui comble l’espace intermandibulo-mastoïdien en soulevant le lobule de l’oreille. L’anamnèse et l’examen endobuccal retrouvant un écoulement de pus par l’orifice du canal de Sténon, éliminent cette hypothèse diagnostique. Parfois, l’abcès se collecte en dedans de la mandibule, de part et d’autre du muscle mylohyoïdien. Le trismus, la douleur, rendent également l’examen difficile. 6
b
a c
– Cellulite sous-mylohyoïdienne (fig 8, 17) : la tuméfaction fait corps avec le bord basilaire de la branche horizontale et s’étend dans l’espace sus-hyoïdien latéral, pour évoluer vers les téguments cervicaux. Le plancher buccal est œdémateux simplement : la collection n’est pas à ce niveau. Ce n’est pas une sous-maxillite aiguë : la tuméfaction reste séparée du bord inférieur de la mandibule ; ce n’est pas un adénophlegmon cervical, dont le point de départ se situe au niveau de la région sous-digastrique. – Cellulite sus-mylohyoïdienne : c’est la « cellulite du plancher buccal », peu fréquente, dont le danger primordial est l’obstruction des voies aériennes. La dent de 6 ans en est souvent la cause (fig 18). La tuméfaction est collée à la table interne de la branche horizontale
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Évolution d’une cellulite du plancher.
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Phlegmon de la face interne de la branche montante.
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Cellulite droite.
temporale
du processus infectieux. Au niveau cervical, le phlegmon périamygdalien s’accompagne d’une adénopathie sous-digastrique très douloureuse, mais qui reste mobilisable ; tandis que le phlegmon de la face interne se collecte dans l’espace sous-parotidien antérieur, puis tend à gagner la région sous-maxillaire, qui n’en est que la continuité anatomique : à l’effacement du méplat sousmandibulaire, succède à plus ou moins brève échéance, une collection latérale comme il a été vu précédemment. Sachant également que l’espace sous-parotidien antérieur est le carrefour des loges anatomiques cervicofaciales, qu’il met en relation avec les espaces celluleux profonds conduisant au médiastin, l’examen tomodensitométrique est indispensable pour connaître les limites de la collection et adapter les voies d’abord pour drainer correctement la collection. Cette cellulite est heureusement d’observation exceptionnelle. – La cellulite temporale (fig 21) est également exceptionnelle de nos jours ; sa complication primordiale est la myosite rétractile du muscle temporal responsable d’une constriction permanente. Cette cellulite complique la précédente, ou une cellulite massétérine ; cliniquement, la déformation externe est discrète : il existe un effacement du méplat suprazygomatique par rapport au côté sain, tandis que les signes déjà évoqués sont retrouvés au niveau du vestibule buccal.
en regard de la dent causale, puis elle gagne le sillon pelvilingual : tuméfaction sous-muqueuse rouge qu’il sera facile de différencier d’une périwhartonite (antécédents, pus à l’orifice du canal de Wharton, radiographie occlusale). Enfin, le creux sous-mandibulaire se comble. Les signes fonctionnels s’exacerbent : douleur, trismus, dysphagie avec hypersalivation et gêne à l’élocution. Il faut considérer cette cellulite comme une urgence absolue dès ce stade ; en effet, plus ou moins rapidement l’œdème s’accroît et la langue se trouve refoulée, d’autant plus vite que la cellulite s’étend vers l’oropharynx et vers le plancher buccal antérieur. Le danger est dès lors patent, chez un patient en équilibre ventilatoire précaire, que des manœuvres difficiles d’intubation peuvent décompenser brutalement (fig 19). Cellulites postérieures (fig 20). – Au niveau de la face interne mandibulaire, elles partagent le même degré de gravité que la cellulite du plancher, dont elles peuvent être l’extension. Ici encore le trismus serré, la dysphagie intense, l’otalgie violente, rendent compte de l’agitation du malade qui s’oppose à toute tentative de mobilisation. L’examen permet difficilement d’identifier la molaire responsable, bien souvent la dent de sagesse ; il est possible de visualiser le bombement du pilier antérieur du voile avec l’amygdale déjetée en dedans. Le reste du voile est normal ; il n’existe pas d’œdème de la luette. Ces constatations importantes permettent d’écarter le diagnostic de phlegmon périamygdalien et de bien reconnaître l’origine dentaire
Cellulites périmaxillaires Par définition, elles ne se rencontrent qu’au niveau externe par rapport à l’os : là où existe du tissu cellulaire. Du côté palatin, la fibromuqueuse, peu extensible, adhère fermement au plan osseux, ce qui limite le décollement, donnant un aspect en « verre de montre ».
• Groupe incisivocanin De façon analogue aux incisives mandibulaires, la collection issue en général d’une incisive centrale contourne ici le muscle myrtiforme (fig 22) et intéresse, soit, au-dessus de lui, le seuil narinaire, soit, au-dessous, la lèvre supérieure en « museau de tapir » (fig 23). L’incisive latérale peut parfois donner ce tableau, ou une cellulite vestibulaire, ou, de façon plus spécifique, un abcès palatin. La canine est responsable d’une collection vestibulaire et nasogénienne, s’accompagnant d’un œdème diffusant rapidement à la paupière inférieure. Ces cellulites sont à différencier, bien sûr, d’infections cutanées staphylococciques (fig 24) dont elles partagent toutefois le danger de thrombophlébite de la veine angulaire de la face.
• Groupe prémolomolaire (fig 25, 26, 27) Les infections périapicales des racines palatines de la première prémolaire ou des deux premières molaires sont responsables 7
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* A
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Cellulite de la région nasolabiale. A. Cellulite labiale supérieure par infection périapicale de l’incisive centrale. 1. Muscle myrtiforme. B. Cellulite sous-narinaire par infection périapicale de l’incisive centrale.
* B 25 Cellulite vestibulaire 1 supérieure. 1. Sinus maxillaire ; 2. muscle buccinateur ; 3. muqueuse ; 4. fibromuqueuse palatine. 2 4
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3 Cellulite labiale supérieure.
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Staphylococcie labiale.
26
Cellulite jugale. 1. Sinus maxillaire ; 2. 1 muscle buccinateur ; 3. muqueuse vestibulaire ; 4. fibromuqueuse palatine.
4 2
3
27 d’abcès palatins (fig 28). Du côté externe, tout dépend de la longueur des racines par rapport à la limite d’insertion maxillaire du buccinateur : au-dessous se constitue un abcès purement vestibulaire ; au-dessus se forme un abcès jugal qui bombe dans le vestibule buccal supérieur et distend la joue en s’étendant vers la paupière inférieure, dont l’œdème ferme la fente palpébrale au bout d’un certain temps d’évolution. Le danger primordial est celui de phlegmon périorbitaire avec son risque de cécité (fig 10, 29). Chez l’enfant, il est important de souligner la rapidité avec laquelle peut évoluer ce type de cellulite : le traitement ne souffre aucun retard. Enfin, c’est plutôt à l’occasion d’un épisode carieux ou parodontal que la dent de sagesse supérieure se mortifie ; elle peut être responsable d’un exceptionnel abcès infratemporal : la symptomatologie fonctionnelle est bruyante (trismus, douleurs hémifaciales pulsatiles, fièvre), les signes physiques désignant cette région profonde apparaissent progressivement : œdème temporal 8
Abcès palatin.
sous-périosté
puis jugal, œdème bipalpébral puis installation d’une exophtalmie et d’une limitation de l’oculomotricité, dysesthésies sous-orbitaires
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Abcès palatin.
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sous-périosté
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Parulie.
Un tel tableau peut se rencontrer également chez l’adulte dans l’évolution de poches parodontales profondes, ou de dents rhizalysées.
¶ Cellulites aiguës diffuses « Par opposition au phlegmon circonscrit, on décrit sous le nom de phlegmon diffus, l’inflammation diffuse du tissu cellulaire, sans tendance aucune à la limitation, compliquée par la nécrose étendue des tissus enflammés... On le désignait sous le nom de phlegmon gangreneux, d’érysipèle phlegmoneux... » (Lecène) [5]. Ces infections rares, mortelles pour un tiers des patients, sont à présent désignées sous le nom de fasciites nécrosantes ; elles ne sont pas spécifiques de la région cervicofaciale, mais dans cette localisation, un point de départ dentaire est retrouvé dans deux tiers des cas [7]. Étiopathogénie [7] Ces fasciites surviennent plus volontiers chez des patients aux défenses amoindries ; parfois, cependant, aucune pathologie associée ne peut être retrouvée. Les germes incriminés sont bien entendu issus de la flore buccale, dont principalement le streptocoque pyogène (hémolytique groupe A) le plus souvent associé à des germes anaérobies tels Fusobacterium, Prevotella, Bacteroides. Comme le soulignaient les auteurs classiques, l’unité pathogénique est la nécrose extensive : elle intéresse d’abord l’aponévrose superficielle et le tissu hypodermique sus-jacent, où est retrouvée une thrombose vasculaire provoquée par l’infection, qui va provoquer à son tour une nécrose des plans superficiels. Plusieurs notions fondamentales pour la prise en charge peuvent être déduites de ce qui précède : – il s’agit d’une toxi-infection avec souvent production de gaz par les anaérobies, ce qui aggrave les décollements et la nécrose ;
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Voie de propagation orbitaire des cellulites dentaires.
et bombement des culs-de-sac vestibulaires supérieur et inférieur. Le scanner est indispensable pour localiser la collection. Le risque primordial est celui de thrombophlébite ptérygoïdienne avec son risque d’extension au sinus caverneux.
– l’extension est rapide et profonde : les signes cliniques sont en retard ; c’est insister sur l’importance d’un scanner demandé précocement pour faire le bilan de cette extension au niveau cervical et savoir si le médiastin est déjà menacé ; – le geste chirurgical de débridement, fondamental pour le pronostic, doit anticiper l’extension plutôt que la suivre : c’est un geste lourd de conséquence.
Abcès sous-périostés (fig 30)
Clinique
Ces collections se développent dans des zones où la muqueuse buccale adhère au périoste sans couche de tissu cellulaire intermédiaire : cette disposition existe au niveau palatin, comme il a été vu précédemment, et au niveau de la fibromuqueuse gingivale attachée ; les parulies sont de petits abcès, surtout rencontrés chez l’enfant, provoqués par l’infection apicale de dents temporaires, qui se fistulisent rapidement, puis se reforment en l’absence de traitement, ou se pérennisent sous forme d’une fistule gingivale chronique.
D’emblée, les signes généraux sont intenses, témoignant d’un syndrome septique grave pouvant conduire à un état de choc. Au niveau de la région de départ, il existe un œdème et surtout une rougeur qui diffuse au niveau des téguments cervicaux, au sein de laquelle il existe parfois des phlyctènes hémorragiques ; la palpation peut retrouver la crépitation neigeuse. Un peu plus tard s’installent quelques taches cyaniques témoignant de la nécrose superficielle. C’est sans attendre qu’il faut prendre en charge le patient en collaboration avec le réanimateur ; obtenir le scanner 9
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cervicothoracique en urgence qui permet de situer le niveau des décollements et des poches hydroaériques par rapport au médiastin et guide l’intervention. Cette situation dramatique a conduit à des descriptions de tableaux cliniques particuliers en fonction de la région anatomique de départ de l’infection ; nous les rappelons brièvement.
• Phlegmon du plancher buccal de Gensoul (« Ludwig’s angina » des Anglo-Saxons) L’infection à point de départ d’une molaire inférieure gagne les loges sus- et sous-mylohyoïdiennes pour s’étendre très rapidement vers la région sous-mentale et le tissu cellulaire centrolingual, puis vers le côté opposé ; tandis que l’extension en profondeur démarre à partir de l’espace para-amygdalien et à partir de la loge hyo-thyroépiglottique vers l’espace prétrachéal. Tous les signes cliniques décrits précédemment sont ici exacerbés, l’œdème pelvilingual est majeur ; la dyspnée s’aggrave rapidement.
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• Cellulite diffuse faciale (de Ruppe, Petit-Dutaillis, Leibovici
Collection subaiguë sous-cutanée.
et Lattès, Cauhépé) La molaire inférieure est toujours en cause ; la cellulite, d’abord jugale, diffuse rapidement vers la région massétérine et vers la fosse infratemporale. Son extension cervicale mais surtout endocrânienne conditionne le pronostic.
• Cellulite diffuse péripharyngienne (angine de Sénator) Elle succède à une infection amygdalienne ou de la dent de sagesse ; dyspnée, dysphonie et dysphagie sont présentes. Le pharynx apparaît rouge, tuméfié sur toute sa surface ; le cou est « proconsulaire ». L’extension médiastinale est particulièrement rapide. Ces fasciites diffuses ne sont pas à proprement parler des cellulites initialement circonscrites, qui se sont étendues aux loges voisines faciales, voire cervicales qui constituent l’entité appelée cellulites diffusées : il manque à ces dernières la composante de nécrose extensive. Cependant, l’expérience montre que l’on peut se trouver en présence de tableaux « intermédiaires », du fait d’une évolution spontanée plus longue, ou du fait d’un traitement inapproprié qui aura sélectionné des germes plus agressifs, anaérobies notamment, ou amoindri les défenses immunitaires. CELLULITES SUBAIGUËS
Le point de départ est une cellulite aiguë circonscrite standard qui, soit évolue spontanément, soit ne bénéficie pas d’un traitement complet. La persistance du foyer causal assure l’ensemencement infectieux, malgré le renouvellement des cures d’antibiotiques et pour cause : la collection purulente initiale s’est réduite, parfois considérablement, et tend à s’entourer d’une gangue inflammatoire qui évolue plus tard vers la sclérose, pérennisant l’affection et créant une barrière efficace au traitement médical. Actuellement, deux tableaux cliniques sont habituellement rencontrés.
¶ Tuméfaction qui traîne C’est au bout de plusieurs semaines après le début de l’affection que le patient consulte, par exemple, pour un trismus serré si une molaire (inférieure bien souvent) est en cause, une tuméfaction et des douleurs latérofaciales, associées à un fébricule ; le foyer infectieux persiste, ou a été traité. L’évolution après la thérapeutique mise en œuvre n’a pas été franchement favorable amenant à la prescription de nouveaux antibiotiques, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, voire de corticoïdes dans le but de faire céder un trismus inquiétant. À l’examen, la tuméfaction faciale est dure, mal limitée, un peu sensible, la peau en regard est peu inflammatoire ; les doigts 10
n’impriment pas de godet et ne retrouvent pas de fluctuation. En endobuccal, un comblement vestibulaire indique la région causale, où, soit la dent est toujours là, soit le site d’avulsion n’est pas encore cicatrisé et inflammatoire [3]. Un examen radiographique est indispensable pour préciser l’état de l’alvéole et de l’os environnant : persiste-t-il un foyer infectieux (granulome, kyste, séquestre osseux si l’avulsion a été difficile) ? Une ostéite est-elle en train de se constituer ? Le terrain sur lequel se développe cette infection traînante doit être précisé. Il faut prévenir le patient qu’un geste de révision s’impose sur la collection et le foyer initial, puis lui expliquer qu’une rééducation très attentive doit être mise en œuvre pour récupérer son amplitude d’ouverture buccale, qui peut rester limitée toutefois si une myosite s’est installée. Au cours du geste de révision, il faut procéder à des prélèvements bactériologiques à la recherche d’une infection spécifique, ainsi qu’à des prélèvements pour examen anatomopathologique.
¶ Collection sous-cutanée (fig 31) Elle peut constituer une évolution de la forme précédente. La collection est située directement sous les téguments au niveau d’une zone de moindre résistance comme le quadrilatère de Chompret dans la région génienne, ou la région mentale, plus rarement dans la région sous-maxillaire ou nasogénienne. L’inspection révèle une tuméfaction nodulaire, assez bien limitée, rougeâtre, avec une couverture cutanée amincie sur son sommet. La palpation peut mettre en évidence à ce niveau une fluctuation. L’examen endobuccal est superposable à celui de la forme précédente.
¶ Évolution Elle se peut se faire vers le réchauffement : c’est le retour au tableau aigu avec ses conséquences et ses complications. Le passage à la chronicité donne un tableau assez voisin avec la perception par le patient d’un noyau dans sa joue, puis insidieusement se constitue une fistule au fur et à mesure que la peau se déprime et s’infiltre. Une autre éventualité, rare actuellement, est l’installation et l’évolution sur le mode subaigu d’un placard tégumentaire infiltré, rougeâtre, mal limité, à la surface mamelonnée ; un peu de pus ou de liquide séreux louche fait issue du centre de certains de ces placards. Hormis une infection d’origine cutanée, une infection spécifique (fig 32, 33) doit être évoquée et recherchée par les prélèvements bactériologiques adéquats après contact avec le laboratoire.
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* A 32
Actinomycose.
* B 34 33
Tuberculose jugale.
A. Fistule chronique. B. Granulome apical responsable.
Ce ne sont pas des affections très fréquentes. Elles sont diagnostiquées souvent à l’occasion d’une n-ième poussée infectieuse, pour laquelle un avis spécialisé est demandé ; en effet, la plupart du temps, le patient est négligent vis-à-vis de sa denture, comme de ce « bouton », qui est là depuis longtemps et qui ne l’inquiète pas parce que la pommade qui lui a été prescrite résout rapidement les épisodes infectieux, au cours desquels il constate un petit écoulement séropurulent. L’épisode aigu initial, qui a été calmé par un traitement antibiotique, est complètement oublié. Cependant, la fistule peut aussi être la conséquence d’un foyer qui s’est constitué à bas bruit.
ou tel groupe dentaire mandibulaire (mentonnières, sousmandibulaires, géniennes basses), ou maxillaire (géniennes hautes, nasogéniennes, très rarement sous-palpébrales). Cependant, des trajets fistuleux moins directs, voire erratiques, peuvent être observés. Le diagnostic repose encore une fois sur les données de l’interrogatoire, de l’examen clinique retrouvant un cordon joignant la fistule au foyer causal, confirmé par la radiographie (fig 34B). En pratique, il faut écarter l’infection spécifique déjà vue, une fistule du premier arc branchial dans la région sous-mandibulaire ; un aspect atypique, rétracté, atone, doit faire évoquer un épithélioma dans les régions génienne ou nasogénienne et conduire à une biopsie au moindre doute diagnostique.
¶ Au niveau muqueux
Traitement
L’aspect de la fistule a été évoqué lors de l’étude des parulies ; elle siège pratiquement toujours au centre d’une saillie bourgeonnante plus rouge que la muqueuse environnante.
Le traitement médicochirurgical de l’infection associé à celui de sa porte d’entrée est un principe intangible.
¶ Au niveau du revêtement cutané
TRAITEMENT DES CELLULITES AIGUËS CIRCONSCRITES
FISTULES D’ORIGINE DENTAIRE
L’aspect clinique (fig 34A) est celui d’une pustule centrée par un orifice fistuleux inflammatoire, d’où peut sourdre un peu de sérosité ; parfois, la lésion cutanée prend l’aspect d’un botryomycome qui masque l’orifice de la fistule ; parfois enfin, très ancienne, elle prend un aspect infundibuliforme au sein d’une zone cutanée rétractée qui adhère à l’os sous-jacent. La topographie de ces fistules est logiquement la même que celle des cellulites ; ce qui permet dans une certaine mesure d’évoquer tel
¶ Méthodes Vis-à-vis de la cellulite
• Ponction Elle peut être proposée pour confirmer une collection, pour effectuer un prélèvement bactériologique avant le drainage ; il s’agit d’un geste diagnostique qui est insuffisant comme moyen d’évacuation de la collection. 11
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Cellulites et fistules d’origine dentaire
• Drainage chirurgical Endobuccal, cervical ou les deux associés, il doit être effectué dans les conditions d’asepsie habituellement respectées pour toute intervention dans cette zone. L’anesthésie doit être adaptée à l’ampleur prévisible du geste. Drainage endobuccal. – En vestibulaire, au niveau maxillaire et au niveau de l’arc antérieur mandibulaire, le bistouri incise horizontalement au sommet de la tuméfaction directement vers la corticale externe sur 2 cm ; la spatule-rugine décolle le périoste le plus largement possible pendant que l’aide aspire la collection ; il faut être prudent dans la région d’émergence du nerf alvéolaire inférieur. L’incision est laissée béante ; il n’est pas indispensable de mettre en place une lame ou une mèche si le décollement a été suffisamment large : il s’agit d’un geste rapide, réalisable au fauteuil. Au niveau maxillaire, l’incision vestibulaire permet de contrôler toutes les collections. – En lingual, il convient de procéder de la même manière, sachant cependant que le décollement doit se faire avec précaution bien au contact de la table interne. Il est préférable de décaler l’incision muqueuse en vestibulaire ou lingual par rapport à l’alvéole de la dent causale si une extraction est pratiquée dans le même temps : le décollement sous-périosté est ainsi plus facile à réaliser, parce que la muqueuse offre plus de laxité que si le décollement est effectué à partir de l’alvéole au niveau de la muqueuse attachée ; par cette méthode également, l’orifice de drainage se referme moins vite. – Au niveau palatin, il est conseillé d’exciser un quartier d’orange de fibromuqueuse au sommet de la tuméfaction : le drainage est plus complet et la muqueuse, en se réappliquant sur la voûte, ne bouche pas l’orifice de drainage ; ce qui est habituel en cas d’incision simple. La cicatrisation muqueuse évolue en règle rapidement sans nécessiter de protection particulière de la voûte. – Au niveau postérieur, il faut bien repérer la saillie du bord antérieur de la branche montante et inciser verticalement vers le versant externe ou interne de ce repère, en fonction de la situation de la collection. Ensuite, la rugine décolle largement en souspériosté ; puis, il est conseillé de contourner le bord antérieur pour décoller le versant opposé de la branche montante, où une petite collection, qui était passé inaperçue au cours de l’examen clinique, peut parfois être retrouvée et évacuée. Là encore, un décollement large permet de se passer de tout matériel endobuccal. En pratique, dans cette situation, les conditions d’examen sont difficiles, l’exposition réduite par le trismus, la cellulite souvent collectée au niveau cervical : l’intervention est menée le plus souvent sous anesthésie générale permettant une exploration complète. Exceptionnellement, l’extension de ce type de cellulite dans la fosse temporale amène à réaliser un drainage externe par une incision horizontale suprazygomatique associée aux voies d’abord endobuccales précitées ; une lame de drainage est passée sous l’arcade zygomatique pour rejoindre le vestibule buccal postérieur. Drainage cervical. Il est mené par une incision horizontale parallèle au bord inférieur de la mandibule, au point déclive de la tuméfaction, comme pour un abcès standard. La longueur de l’incision n’a pas besoin d’être très importante, mais suffisante pour permettre au chirurgien d’y passer l’index. Les plans sous-cutanés sont discisés avec une pince à hémostase, ce qui donne accès à la collection qui est aspirée, après un éventuel prélèvement bactériologique. Au fauteuil, habituellement, il est difficile d’en faire beaucoup plus ; chez le patient endormi, l’opérateur peut explorer au doigt la cavité de l’abcès et en effondrer tous les cloisonnements, réalisant de ce fait un geste de drainage beaucoup plus efficace. L’ intervention se termine par la mise en place d’un dispositif pour lavages aux antiseptiques et aspirations journaliers : une lame ondulée, ou deux petits tubes de silicone souple, en « canon de fusil », font l’affaire. 12
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Comme il a été vu, les cellulites des espaces postérieurs se collectent dans l’espace para-amygdalien ; la région sous-mandibulaire est en règle le point déclive de cet abcès : il est aisé de contrôler ces espaces profonds à partir d’une incision de cette région. Plusieurs incisions cervicales étagées et/ou controlatérales peuvent être réalisées suivant la situation et l’extension de la collection. De même, une incision endobuccale concomitante est souvent nécessaire pour contrôler correctement une collection étendue. Enfin, il est indispensable de surveiller attentivement les suites opératoires pour voir à temps si le drainage effectué est satisfaisant ou doit être repris ou élargi. Anesthésie. Anesthésie locale : elle peut être administrée au fauteuil. Les produits les plus couramment utilisés sont : lidocaïne (Xylocaïnet), procaïne (Novocaïnet), mépivacaïne (Scandicaïnet), surtout, dans notre spécialité, en solution adrénalinée ou non, suivant l’effet recherché (augmentation du pouvoir anesthésique, vasoconstriction locale). L’efficacité de ces produits est médiocre en phase aiguë : ce sont des bases faibles qui sont inactivées pour partie par l’acidose locale au niveau du sepsis. En pratique, il n’est guère possible d’effectuer plus qu’une injection intramuqueuse « traçante » à l’endroit de l’incision : l’anesthésie est précaire et le geste prévu doit être rapide. Les blocs tronculaires aux anesthésiques locaux sont plus efficaces en théorie mais nécessitent de maîtriser parfaitement la technique dans des conditions d’exposition parfois difficiles. Une anesthésie de contact par le froid peut également être appliquée au niveau tégumentaire ; toutefois, l’application de froid est douloureuse, l’anesthésie est superficielle et de très courte durée : elle peut servir pour l’incision, pas beaucoup plus. Rappelons enfin que toute sédation complémentaire intraveineuse doit être proscrite au cabinet pour tout acte chirurgical, si les conditions de sécurité maximale et de compétence ne sont pas respectées. Anesthésie générale : les antécédents médicochirurgicaux sont colligés et notés sur l’observation du patient servant de relais en vue de la consultation d’anesthésie : – terrain atopique et/ou allergique ; – passé cardiovasculaire et notamment valvulopathie aortique ou mitrale, coagulopathie ; – diabète insulinodépendant, immunosuppression ; – état nutritionnel, etc. Une éventuelle intubation difficile est systématiquement recherchée : – le critère de Mallampati, qui reste le critère de base en vue d’une intubation difficile, n’est pas un bon moyen compte tenu d’un trismus associé possible aux cellulites dentaires ; – l’ouverture buccale peut être limitée ; il faut coter cette ouverture ; – la mobilité du rachis cervical ; – la localisation de la cellulite a son importance ; une cellulite du plancher buccal, du fait de sa diffusion dans les parties molles, peut entraîner des difficultés d’intubation et surtout poser des problèmes lors de l’extubation (risque d’œdème postopératoire). Les traitements associés pris par le patient sont notifiés et font l’objet d’un éventuel relais avant l’intervention : traitement antihypertenseur, traitement anticoagulant, insulinothérapie, fractions coagulantes intraveineuses (maladie de Willebrand par exemple). L’anesthésie générale permet, compte tenu de la douleur périopératoire, d’augmenter le confort du patient, en permettant au chirurgien d’effectuer un geste complet en un seul temps. Bien entendu, les règles de sécurité de base doivent être respectées (décret sécurité en anesthésie, jeûne du patient, consultation préopératoire, passage en salle de surveillance postinterventionnelle [SSPI].) La réanimation peropératoire est relativement simple :
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Cellulites et fistules d’origine dentaire
– voie veineuse, réhydratation périopératoire ;
– vancomycine :
– poursuite de l’apport de dérivés sanguins (fractions coagulantes) ;
• en cas d’allergie aux pénicillines ;
– poursuite de l’antibiothérapie en cours ;
• 1 g intraveineux toutes les 12 heures ;
– début d’une analgésie suffisante à commencer en peropératoire. Pour la période de réveil, il faut distinguer les drainages par voie externe associés ou non à des avulsions dentaires, le drainage endobuccal de la cellulite avec les risques d’inhalation pulmonaire septique, et les cellulites du plancher buccal qui posent des problèmes de réveil et d’extubation compte tenu de l’œdème périopératoire. Ces patients sont admis en unités de soins intensifs en cas de problèmes et peuvent n’être extubés qu’après la disparition de la composante œdémateuse. Analgésie postopératoire. Comme pour l’intervention chirurgicale, la douleur postopératoire doit être prise en compte, de façon systématique en sortie de bloc opératoire puis de façon plus rationnelle dans les suites en faisant appel aux échelles visuelles analogiques de la douleur. Les médicaments non morphiniques les plus utilisés sont, dans les formes intraveineuses : – propacétamol (Pro-Dafalgant) ; – chlorhydrate de tramadol (Topalgict) ; – néfopam (Acupant). Les dérivés morphiniques par voie générale : – morphiniques morphine et dérivés (codéine) ; – morphiniques agonistes-antagonistes (nalbuphine, buprénorphine). Les médicaments assurant le relais per os (pris dès que possible) ou prescrits au cabinet peuvent être : – dérivés codéinés (Efferalgan Codéinet) ; – dextropropoxyphène (Antalvict, Di-Antalvict). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (kétoprofène, diclofénac, acide niflumique) ne sont pas indiqués dans ce type de pathologie car ils augmentent le risque de saignement en postopératoire et diminuent les réponses de l’organisme à l’infection. Vis-à-vis de l’infection
• En ambulatoire, au cabinet La prescription d’une antibiothérapie est probabiliste et, compte tenu des germes habituellement en cause, peuvent être proposés : amoxicilline + acide clavulanique (1,5 g/j), spiramycine + métronidazole (6 cp/j), clindamycine (0,6 à 1,2 g/j), pristinamycine (1-2 g/j). La durée de prescription, initialement de 5 jours, est à revoir en fonction de l’évolution et des résultats d’un éventuel prélèvement bactériologique.
• Au cours d’une hospitalisation Pour drainage au bloc opératoire d’une cellulite déjà plus grave et en attendant les résultats de la bactériologie, le schéma suivant peut être proposé : – ampicilline : • 2 g intraveineux en 30 minutes préopératoire ; • 1 g intraveineux ou per os toutes les 8 heures ; • association possible aux imidazolés, 0,5 g toutes les 8 heures ; – amoxicilline : • 2 g intraveineux en 30 minutes préopératoire ; • 1 g intraveineux ou per os toutes les 8 heures ; • association possible à l’acide clavulanique ;
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• association possible aux imidazolés, 0,5 g toutes les 8 heures. Ce traitement doit être adapté dès les résultats bactériologiques connus. La voie d’administration et la durée du traitement varient suivant le type d’infection, son extension et son évolution sous traitement. Chez les patients immunodéprimés, il faut couvrir les bacilles à Gram négatif aérobies et anaérobies par une bêtalactamine à large spectre : uréidopénicilline +/- inhibiteurs de bêtalactamases. Toute infection dentaire chez un valvulaire nécessite évidemment des précautions appropriées. Le traitement antiseptique est dans tous les cas un adjuvant primordial, tant en bains de bouche (à débuter quelques heures après l’intervention), qu’en irrigation par le système de drainage mis en place et, au mieux, deux fois par jour jusqu’à son ablation. Vis-à-vis de la porte d’entrée infectieuse C’est, au minimum, la trépanation dentaire avec le drainage pulpaire et, au maximum, l’extraction dentaire avec le curetage chirurgical de l’alvéole et du tissu parodontal. Au cabinet, le traitement dentaire est assez souvent impossible à réaliser dans le même temps que le drainage : l’anesthésie locale n’est pas suffisante, contraignant à attendre un « refroidissement » sous traitement médical, avant de réaliser un geste complet. En fin de compte, la décision de conservation de la dent est fonction : – d’abord, des conditions générales : la gravité du tableau infectieux, une pathologie associée peuvent contre-indiquer formellement de laisser subsister plus longtemps un foyer infectieux patent ; – ensuite, des conditions locales : la dent peut ne pas être récupérable du fait de l’ampleur de la destruction carieuse, du fait de l’extension de l’alvéolyse périapicale, notamment étendue aux furcations radiculaires, ou du fait de la parodontolyse. La conservation peut être difficile au cas où une reprise de traitement canalaire est indispensable, notamment sur une pluriradiculée, et/ou quand la morphologie radiculaire laisse prévoir un échec possible ; – enfin, de l’attitude du patient vis-à-vis de l’entretien de sa denture et de sa décision éclairée par l’explication des critères généraux et locaux énoncés ci-dessus. Malheureusement, il est encore assez fréquent qu’au cours d’une intervention pour traitement d’une cellulite, on soit amené à éradiquer, avec l’accord du patient, d’autres foyers infectieux qui font peser la menace d’une évolution aiguë semblable dans un délai plus ou moins long.
¶ Indications Quel est le degré d’urgence ? Quels moyens utiliser ? La réponse à ces questions dépend de l’état du patient, du stade de la cellulite, de sa situation et de son extension, de l’ampleur du geste à prévoir et de ses conséquences. Première situation : il s’agit d’une urgence dont la prise en charge en milieu hospitalier ne se discute pas. – Le patient est en mauvais état général du fait d’une infection sévère et/ou parce qu’il est fatigué, dénutri ; – il existe des signes cliniques locaux de gravité ; la cellulite est également inquiétante de par sa localisation postérieure, son volume et son extension à plusieurs loges anatomiques. Deuxième situation : l’hospitalisation pour drainage sous anesthésie générale et surveillance est recommandée : – chez l’enfant, le vieillard, le patient atteint d’une pathologie préexistante qui demande le traitement réglé de l’infection en un temps ; 13
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Cellulites et fistules d’origine dentaire
– quand la cellulite traîne depuis des jours avec un traitement incomplet, ou malgré un traitement paraissant bien conduit, indiquant une révision du drainage ; – quand le drainage impose une incision sur deux sites ; – quand, en ambulatoire, le trismus laisse prévoir une difficulté dans le contrôle de l’anesthésie locale et du drainage ; quand ces mêmes conditions sont susceptibles d’aggraver la prise en charge d’une complication per- ou postopératoire. Troisième situation : les conditions précédentes étant éliminées, la situation est favorable à une prise en charge ambulatoire : – la cellulite est au stade séreux, le drainage dentaire est réalisable et amène la guérison ; – la cellulite peut être contrôlée par une seule voie d’abord ; – le patient accepte d’être suivi pour la surveillance du drainage et le traitement secondaire de la dent responsable. TRAITEMENT DES CELLULITES AIGUËS DIFFUSES
Ces urgences vitales imposent une prise en charge en réanimation, par une équipe médicochirurgicale coordonnée.
¶ Traitement médical C’est tout d’abord le traitement d’un choc septique par les moyens de réanimation habituels. Parallèlement, l’antibiothérapie doit limiter la progression de l’infection et combattre un état septicémique. Il est proposé, par la conférence de consensus sur les fasciites nécrosantes [ 9 ] , le schéma suivant concernant notre région anatomique : association pénicilline G et clindamycine ou éventuellement rifampicine, en attendant les résultats des cultures des prélèvements opératoires. Sachant que l’isolement des anaérobies est difficile, le traitement doit comporter systématiquement un antibiotique dirigé contre eux. L’oxygénothérapie hyperbare [10] est classiquement recommandée pour lutter contre l’infection anaérobie : la disponibilité d’un caisson hyperbare, la variabilité des protocoles ne permettent pas de confirmer scientifiquement l’impression favorable procurée par ce traitement adjuvant. En aucun cas, cependant, il ne doit retarder le geste chirurgical.
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¶ Traitement chirurgical La précocité et la qualité du geste chirurgical sont les éléments déterminants du pronostic. L’intervention consiste à traiter la porte d’entrée et à débrider toutes les zones où existent des décollements et exciser tous les tissus nécrosés jusqu’à l’obtention de tranches tissulaires qui saignent ; les sacrifices tégumentaires, musculaires, peuvent être importants : ils ne peuvent être évités sous peine de se laisser dépasser par le processus infectieux et de perdre le contrôle de la situation que ne rétablit pas l’antibiothérapie. Tant qu’il reste du tissu nécrosé, le pronostic est engagé : c’est dire que la prise en charge initiale doit être réalisée par un chirurgien aguerri, qui suit lui-même l’évolution du patient et sait s’il doit compléter son geste les jours suivants ; le réanimateur compte sur son expérience et sa disponibilité. La trachéotomie, elle, peut prêter à discussion : elle est accusée de favoriser l’ensemencement septique du médiastin antérieur en raison du décollement de l’espace prétrachéal ; cependant, elle permet une ventilation assistée dans de meilleures conditions et assure une liberté des voies aériennes stable mettant à l’abri le patient d’une éventuelle réintubation difficile [2]. La réalisation de ce geste de façon réglée, au bloc opératoire, doit permettre d’en minimiser le risque. TRAITEMENT DES CELLULITES SUBAIGUËS ET CHRONIQUES
Il repose sur le traitement ou la reprise de traitement du foyer causal dont il faut faire une révision chirurgicale, sous couvert d’une antibiothérapie qui est adaptée à la population bactérienne retrouvée. Dans le même temps, un débridement sous-périosté associé à un drainage externe si besoin, doit être réalisé, ou renouvelé. La rééducation de la mobilité mandibulaire est entreprise dès que possible. TRAITEMENT DES FISTULES
Le traitement du foyer responsable amène la plupart du temps et à lui seul la guérison de la fistule. Ce n’est qu’en cas de fistule cutanée ancienne avec adhérence importante qu’une intervention secondaire correctrice peut se discuter.
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-037-H-10
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Kystes et fistules congénitaux de la face et du cou J Lebeau B Raphaël G Bettega
R é s u m é. – Les kystes et fistules congénitaux de la tête et du cou sont des malformations fréquentes. Leur topographie et leur trajet sont stéréotypés par l’inclusion ou le défaut de coalescence qui les a provoqués. L’embryopathogénie causale doit donc être connue de celui qui a l’ambition de traiter ces lésions car ce traitement ne peut être que chirurgical, imposant une exérèse totale sous peine d’une récidive inéluctable. © 1999, Elsevier, Paris.
Introduction Fréquents mais souvent méconnus, les kystes et fistules congénitaux de la tête et du cou ne peuvent avoir qu’une seule sanction thérapeutique : leur exérèse chirurgicale. En effet, l’abstention induit à plus ou moins brève échéance l’apparition de complications mécaniques ou infectieuses. La compréhension des phénomènes embryopathogéniques originels permet d’en préciser les rapports anatomiques. Il en appelle logiquement une classification embryologique adoptée par de nombreux auteurs. Nous avons cependant opté pour une classification topographique plus proche de la démarche clinique et de la stratégie chirurgicale qu’elle sous-tend. Nous déclinons ainsi d’une part les kystes médians développés entre la glabelle et la fourchette sternale, et d’autre part les kystes latéraux parmi lesquels ceux d’origine branchiale retiennent particulièrement l’attention.
Rappel embryologique Bourgeons faciaux et tube neural
© Elsevier, Paris
Au stade tritissulaire de l’embryon, le mésoblaste est enchâssé dans le disque entre l’ectoblaste et l’entoblaste, lesquels se rejoignent aux deux pôles pour constituer, en avant la membrane pharyngienne et en arrière la membrane cloacale. Sur la face dorsale, la différenciation de l’ectoblaste en neuroblaste identifie la plaque neurale qui se creuse en gouttière puis se ferme pour former le tube neural. Les migrations cellulaires et les tensions intercellulaires provoquent des mouvements macroscopiques de tout le tissu qui s’allonge d’avant en arrière et se contracte à son extrémité antérieure. En avant de la chorde, le cerveau embryonnaire s’allonge et se ferme tout en effectuant une rotation en spirale vers l’arrière. La membrane pharyngienne qui était située en avant va subir dans l’espace les effets de cette rotation et devenir ventrale. Dans le même temps, les bourgeons, frontal médian, maxillaire et mandibulaire latéraux, qui évoluent par prolifération mésenchymateuse, vont enfouir la membrane pharyngienne vers la profondeur. D’abord séparés par des sillons, les bourgeons confluent pour modeler la future face.
Jacques Lebeau : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Bernard Raphaël : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Georges Bettega : Praticien hospitalier. Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, hôpital Albert-Michallon, centre hospitalier universitaire, BP 217, 38043 Grenoble cedex 9, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Lebeau J, Raphaël B et Bettega G. Kystes et fistules congénitaux de la face et du cou. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-037-H-10, 1999, 11 p.
La gouttière neurale est devenue tube, nous l’avons vu, par fusion débutant vers le 22e jour. Cette fusion débute en regard du quatrième somite cervical et va progresser en arrière d’une part, fermant l’orifice caudal vers le 26e jour, et en avant d’autre part ne laissant qu’un orifice rostral appelé neuropore antérieur qui lui se fermera vers le 24e jour. Du fait de la contraction craniofaciale et de la rotation en spirale de l’extrémité céphalique, le neuropore antérieur bascule sous le télencéphale. Parfois le neuropore reste ouvert un peu après le 24e jour, marquant une petite dépression de la paroi de la vésicule cérébrale antérieure ou fovea inter ocularis. Cette fovea se situe sous le système commissural interhémisphérique. L’épiblaste qui recouvre le neuroectoderme se sépare de ce tissu mais il reste uni de façon très éphémère par un petit canal appelé canal neuroporal. Peter en 1913 puis Stenberg en 1927 ont situé l’orifice externe de ce canal au niveau d’une aire triangulaire dont la base supérieure est au niveau de la suture frontonasale. Une des théories les plus communément admises est celle de l’espace prénasal. Vers la fin du deuxième mois, les centres d’ossification de l’os nasal sont le siège d’une précipitation calcique et la capsule nasale cartilagineuse est formée (fig 1). Ainsi est délimité un espace prénasal qui s’étend de la base du crâne à la pointe du nez. Dans cet espace, un prolongement dure-mérien est accolé à la face profonde du derme. Dans la majorité des cas, ce diverticule régresse laissant comme stigmate le trou borgne. On conçoit alors qu’une dysraphie mineure du neuropore antérieur puisse être à l’origine de kystes situés dans la région glabellaire mais pouvant s’étendre tout le long du dorsum nasal et au maximum s’ouvrir dans les espaces sous-arachnoïdiens.
Appareil branchial Constitution de l’appareil branchial (fig 2) Latéralement, en arrière et sous le tube neural qui effectue sa rotation en spirale, le modelage du cou s’effectue par progression latérale des parois entourant l’intestin pharyngien selon une organisation symétrique par rapport à l’axe sagittal. Cette progression latéroventrale constitue « l’appareil branchial », par vraisemblable analogie avec la disposition de ce développement embryonnaire constituant les branchies chez les poissons. En fait, ce raccourci phylogénétique est faux car il y a divergence dans le développement des embryons de différentes espèces à partir de structures initiales communes. Cette divergence est bien entendu irréversible, l’ontogenèse obéissant à un attracteur fondamental propre à chaque espèce. Ce « piège sémantique », selon l’expression de Leperchey [23], étant évité, il persiste néanmoins une disposition latéropharyngée qui s’organise en arcs branchiaux débordant ventralement la paroi latérale du pharynx pour se rejoindre sur la ligne médiane. Cet épaississement mésodermique est centré par la disposition vasculaire constituée alors par les aortes ventrales et dorsales anastomosées entre elles. Cette anastomose ou arc aortique centre l’épaississement mésodermique, refoulant l’ectoderme en dehors et l’endoderme en dedans. Il va ainsi s’esquisser une succession de renflements appelés arcs branchiaux, et de dépressions appelées poches branchiales. Chaque arc branchial va être le théâtre d’une différenciation musculaire et squelettique et sera centré par un filet nerveux.
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KYSTES ET FISTULES CONGÉNITAUX DE LA FACE ET DU COU
Stomatologie
1 Modélisation en trois dimensions du chondrocrâne d’un embryon de 18 mm (travail effectué dans le laboratoire du professeur H Gérard au centre hospitalier universitaire de Nancy).
1 a b V
c
b
2
d VII
3 IX
M
c a
e
4
X 1
f 2 XII
3 4
2 Appareil branchial. M. Bourgeon maxillaire ; 1, 2, 3, 4. arcs branchiaux ; V, VII, IX, X, XII : nerfs crâniens ; a. aorte ventrale ; b. aorte dorsale ; c. stomodéum.
3 Coupe frontale de l’appareil branchial. 1, 2, 3, 4. Arcs branchiaux ; a. futur tympan ; b. conduit auditif externe ou méat acoustique externe ; c. canal de Rabl ; d. amygdale ou tonsille palatine ; e. canal pharyngothymique ; f. corps ultimobranchial.
Évolution de l’appareil branchial (fig 3)
osselets. Elle sera remplacée par une précipitation calcique qui formera la mandibule. Chaque hémiarc rejoint le second sur la ligne médiane ventrale, laissant au niveau de la symphyse un vide triangulaire à base inférieure qui s’ossifiera secondairement. Le reste du mésenchyme se différenciera en muscles masticateurs, muscle mylohyoïdien, ventre antérieur du muscle digastrique, muscle élévateur du voile du palais et muscle du marteau. – Le deuxième arc est l’arc hyoïdien. Centré par l’artère qui donnera l’artère linguale, son nerf directeur est le nerf facial. Le cartilage de Reichert sera à l’origine, en haut de l’étrier, de l’apophyse styloïde du temporal et, sur la ligne médiane, des petites cornes et de la partie supérieure du corps de l’os hyoïde. Cette notion est intéressante à garder à l’esprit car elle explique le trajet des kystes et fistules du tractus thyréoglosse. La structure musculaire issue du mésenchyme est représentée par le muscle platysma, le muscle de l’étrier, le muscle stylohyoïdien et le ventre postérieur du digastrique. – Le troisième arc est centré sur ce qui deviendra le segment proximal de l’artère carotide interne. Son nerf directeur est le glossopharyngien, neuvième paire crânienne. Le squelette se différenciera en moitié inférieure de l’os hyoïde et grande corne. – Le quatrième arc, centré par la crosse de l’aorte à gauche et le tronc brachiocéphalique à droite, est innervé par le nerf laryngé supérieur. Son squelette est cartilagineux, c’est le cartilage thyroïde et la partie supérieure du cricoïde. – Les cinquième et sixième arcs ne sont pas différenciés macroscopiquement. Ils vont se poursuivre avec les structures thoraciques. On leur reconnaît néanmoins un axe artériel et un axe neural. Le squelette est également médian et antérieur. C’est la partie inférieure du cartilage cricoïde, les aryténoïdes, et ensuite les anneaux trachéobronchiques.
Arcs branchiaux
Évolution des sillons ectobranchiaux
Les arcs branchiaux se réunissent puis se fondent sur la ligne ventrale selon un axe médian. Cependant, l’appareil branchial laisse libre un espace sous le plancher du pharynx appelé champ mésobranchial de His. C’est à ce niveau, occupé uniquement par du mésenchyme, qu’une évagination de la paroi ventrale de l’intestin pharyngien évolue. Cette évagination croît en direction caudale constituant le canal thyréoglosse. Ce canal se développe à la jonction des trois tubercules, ébauches de la future langue. Les deux tubercules latéraux se développent plus rapidement que le tubercule médian ou tubercule impar. Ce dernier est de ce fait refoulé en arrière. La migration thyroïdienne laissera, à la jonction du tubercule impar et des copulas, future base de langue, un stigmate en forme de dépression : le foramen cæcum. Il existe quatre arcs branchiaux séparés par des sillons ou poches. Les sillons situés sur la face externe sont appelés poches ectobranchiales ; il en existe quatre. Les sillons situés sur le versant pharyngien sont appelés poches entobranchiales et sont au nombre de cinq [20]. Les auteurs anglo-saxons réservent l’appellation de poche au sillon entobranchial tapissé d’entoblaste et le qualifient de poche pharyngienne. Chez les espèces où se développent des branchies, la cloison qui sépare la poche entobranchiale de la poche ectobranchiale se résorbe, faisant communiquer alors directement la cavité pharyngée avec l’extérieur. Le développement humain exclut cependant ce type d’évolution.
Nous avons vu que chaque arc est centré par un vaisseau et un nerf. Les structures vasculaires et surtout leurs anomalies jouent un rôle incontestable dans la survenue de certaines malformations d’origine branchiale comme l’ont montré les travaux expérimentaux de Poswillo [34]. – Le premier arc est appelé arc mandibulaire. L’arc aortique qui le centre est à l’origine de l’artère faciale et le nerf qui l’accompagne est le nerf mandibulaire, troisième branche terminale du nerf trijumeau. La structure de soutien va évoluer. En effet, elle est représentée par le cartilage de Meckel dont seule persistera la partie supérieure s’intégrant dans la formation des page 2
– Seul le premier sillon va persister, c’est le méat acoustique externe. Son extrémité médiale ne sera séparée de la poche entobranchiale que par une mince paroi d’accolement ecto/entodermique : le tympan. Autour de l’orifice externe de ce conduit auditif, six bourgeons issus des crêtes neurales rhombencéphaliques vont se différencier. Ces bourgeons, encore appelés colliculi, proviennent pour les trois premiers du premier arc. Les trois suivants sont issus du second arc hyoïdien. Les « colliculi » sont numérotés de un à six, de bas en haut et d’avant en arrière. L’explosion dimensionnelle est précoce jusqu’au 50e jour (fig 4), le pavillon étant en place dès la 7e semaine. La topologie de l’ébauche va évoluer en raison de sa migration dorsale sous
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Évolution de l’oreille externe. 1, 2, 3, 4, 5, 6. Numérotation des colliculi.
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4 1
6 Évolution du canal thyréoglosse. 1. Foramen cæcum ; 2. os hyoïde ; 3. cartilage thyroïde ; 4. thyroïde.
1 e 2
2 a
b
3
c 3
a
4
4
– La quatrième poche est à l’origine d’un bourgeonnement parathyroïdien. Ce bourgeon, comme le précédent, va migrer caudalement et donnera la parathyroïde supérieure. – La cinquième poche enfin s’allonge sous la forme d’un corps ultimobranchial participant à la formation de l’ébauche thyroïdienne.
Évolution du champ mésobranchial et du canal thyréoglosse (fig 6) d
5 Évolution du sinus cervical. 1, 2, 3, 4. Arcs branchiaux ; a. sinus cervical ; b. tympan ; c. amygdale palatine ; d. canal pharyngothymique ; e. conduit auditif externe ou méat acoustique externe.
l’effet de la poussée expansionnelle du premier arc. On conçoit aisément que des défauts de fusion des différentes ébauches peuvent être à l’origine de malformations du type kyste, fistule, voire condylome. Celles issues du premier arc sont donc concentrées dans la région prétragienne. – Les autres sillons, c’est-à-dire le second, le troisième et le quatrième, vont disparaître recouverts par une expansion du deuxième arc appelé aussi processus operculaire (fig 5). Cette lame va s’étendre dans le sens caudal jusqu’à la crête épicardique à laquelle elle se soude. Les trois dernières poches ectobranchiales sont ainsi totalement recouvertes. Le processus operculaire délimite donc en dehors une grande cavité ectoblastique appelée sinus cervical ou précervical de His. Normalement, ce sinus disparaît en totalité. Un défaut de résorption est à l’origine de dysembryoplasies à type de kystes latéraux, voire de fistules latérales du cou. Ce processus operculaire entraîne, on le voit, une remarquable extension du deuxième sillon ectobranchial vers la région caudale, ce qui explique la topographie parfois très basse de l’ouverture externe des kystes ou fistules néanmoins bien issus de la deuxième poche.
Évolution des poches endobranchiales – La première poche ou poche spiraculaire est appelée ainsi par analogie avec certains poissons chez qui elle devient le spiracle. Elle constituera le récessus tubotympanique à l’origine de la caisse du tympan et de la trompe d’Eustache. Elle est séparée de la première poche ectobranchiale par le mince accolement endo/ectoblastique du tympan. – La seconde poche disparaît dans la majorité des cas. Parfois, elle peut contribuer par sa partie dorsale à la formation du récessus tubotympanique mais il arrive qu’un récessus persiste. Ce récessus, appelé canal de Rabl, est évoqué comme pouvant être à l’origine de certaines fistules latérales. Dans sa partie ventrale, la deuxième poche donne naissance à l’amygdale palatine par évolution d’un bourgeon épithélial qui sera colonisé par du tissu lymphoïde. Le récessus de Rabl rejoignant le sinus cervical peut être à l’origine de fistules qui s’ouvrent alors directement dans la fossette de Rosenmüller. – La troisième poche devient le ductus pharyngobranchialis puis la partie supérieure du sinus piriforme. Sa face dorsale est à l’origine de la glande parathyroïde inférieure qui va migrer jusqu’au pôle inférieur du lobe thyroïdien. La partie ventrale de la troisième poche s’allonge en canal pharyngothymique et donnera l’ébauche thymique qui, elle aussi, migrera vers le thorax.
L’intestin pharyngien, dans sa partie ventrale, ébauche une évagination de l’entoblaste très antérieure et médiane. Cette ébauche sera visible au terme ultime de l’évolution sous la forme d’une dépression, le foramen cæcum situé à la pointe du V lingual. L’évolution caudale de cette évagination occupe tout l’espace mésobranchial dessinant un canal, le canal thyréoglosse. Le trajet de ce tractus thyréoglosse est donc en « baillonnette », en arrière du premier arc, puis devient superficiel pour passer en avant des arcs suivants. À l’origine des deux lobes thyroïdiens, la migration caudale atteint sa place définitive vers la 7e semaine. En principe, le seul vestige de ce tractus est représenté par la pyramide de Lalouette. On conçoit donc que des vestiges de ce canal puissent être à l’origine de kystes toujours parfaitement médians, dont la relation avec le corps de l’os hyoïde est bien définie et qui peuvent s’ouvrir au niveau du foramen cæcum si le canal persiste sur toute sa longueur.
Embryopathogénie des kystes et fistules de la tête et du cou À la suite des travaux de Rathke, en 1825, sur l’appareil branchial des mammifères et ceux de Fonbaer en 1827, c’est Fonacherson, en 1832, qui fut le premier à reconnaître qu’une anomalie dans le déroulement embryologique normal du système branchial est à l’origine des kystes et fistules de la tête et du cou. Quatre mécanismes peuvent être invoqués : – un trouble de coalescence entre deux bourgeons ou deux arcs ; – la persistance d’un canal, d’un récessus, d’un sinus, normalement destinés à disparaître ; – l’arrêt avant aboutissement du développement d’une structure ; – ce peut être enfin la persistance d’inclusions ecto- ou endodermiques, normalement vouées à l’apoptose, au sein du mésoderme. S’il est plus logique de classer les divers kystes et fistules de la tête et du cou en fonction de leur mécanisme embryopathogénique, il est plus commode et plus classique de différencier ces malformations en deux groupes selon leur topographie : les lésions médianes et les lésions latérales (fig 7).
Kystes et fistules médians Kystes du dorsum nasal Ils sont dus à la persistance du canal neuroporal antérieur par défaut de fermeture du neuropore. Plusieurs théories s’affrontent pour en expliquer le mécanisme [24] mais le résultat est toujours une dysraphie qui peut être mineure ou parfois totale, ouvrant ainsi le dos du nez jusqu’aux espaces arachnoïdiens. Les débris isolés du canal neuroporal primitif peuvent persister et se retrouver alors isolés dans le mésenchyme. page 3
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7 Topographie des kystes et fistules de la face et du cou. 1 : Kyste du neuropore antérieur ; 2. kyste de la queue du sourcil ; 3. kyste préauriculaire ; 4. kyste du tractus thyréoglosse ; 5. kystes latéraux.
Toujours médians, ces débris peuvent en revanche avoir une position bien différente en fonction du stade de fermeture du tube neural et du stade de flexion de l’extrémité céphalique [12]. C’est ainsi que les résidus antérieurs et précoces se trouvent en avant du mésenchyme et donc situés ultérieurement dans la région prénasale. En revanche, les résidus tardifs, c’est-à-dire apparaissant pendant la fermeture du neuropore lorsque l’extrémité céphalique regarde en direction caudale, sont plus profondément situés au milieu des structures mésenchymateuses à destinée squelettique. Au maximum, il existe une duplication des structures médianes, nasales, frontales, ou ethmoïdales, voire naso-fronto-ethmoïdales. Les fistules sont en général secondaires, par ouverture des kystes sur le dos du nez, cette ouverture pouvant survenir n’importe où entre la glabelle et la pointe du nez.
8 Fistule de la première poche ectobranchiale. 1. Tympan ; 2. nerf facial ; 3. conduit auditif externe ou méat acoustique externe.
Nous verrons que ces différents trajets possibles imposent au chirurgien de réséquer le corps de l’os hyoïde au moment de l’excision afin de ne laisser aucun résidu épiblastique, source de récidive.
Kystes et fistules latéraux Kystes de la queue du sourcil Il s’agit là encore d’inclusions d’origine ectoblastique persistant lors de la coalescence des bourgeons faciaux. Relativement fréquents, ce sont donc des kystes épidermoïdes situés à la jonction du bourgeon frontal et du maxillaire supérieur. Les fistules sont rares mais lorsqu’elles existent elles sont bien entendu toujours secondaires.
Kystes et fistules préauriculaires Kystes et fistules dermoïdes médians Leur mécanisme est différent. Il s’agit d’inclusions ectodermiques dans le mésenchyme à la jonction des structures sur la ligne médiane, résultant d’un trouble de coalescence de ces structures. Les plus fréquents de ces kystes se retrouvent au niveau du plancher buccal. On peut en voir également à divers niveaux du cou et même au niveau de la pointe du nez. Parmi les lésions fistuleuses, la moins rare se retrouve sur la lèvre inférieure accompagnant parfois une fente labio-maxillo-palatine dont elle signe alors le caractère familial (syndrome de Van Der Wood). Les fistules cervicales d’origine branchiale sont dues à l’absence de coalescence médiane des arcs. Ces véritables dysraphies médianes peuvent réaliser au maximum une fistule mentosternale telle qu’elle a été décrite par Luschka. Les hypothèses étiopathogéniques divergent selon les auteurs. Barcells Par [3] les recense ainsi : – adhérence pathologique entre l’épithélium du bourrelet cardiohépatique et celui du premier arc branchial pour Gob. La coexistence de brides cervicales avec la fistule plaide en faveur de cette hypothèse ; – arrêt du développement du champ mésobranchial ou des arcs branchiaux. Gargan limite cette dysraphie au deuxième arc [17] ; – inclusion de débris normalement voués à l’apoptose. Toutes ces hypothèses sont plausibles et peut-être coexistantes en privilégiant la dysraphie épiblastique limitée.
Kystes et fistules dérivés du canal thyréoglosse Nous avons vu que le canal thyréoglosse a un trajet strictement médian du foramen cæcum jusqu’à la pyramide de Lalouette. L’involution imparfaite de ce canal thyréoglosse ou canal de Boschdalek est à l’origine de kystes parfois isolés mais parfois étendus sur tout le trajet. L’épithélium qui le compose a un potentiel sécrétant qui explique la précocité et la fréquence des fistules externes. On comprend que ces fistules soient secondaires, le canal thyréoglosse n’ayant aucun rapport avec l’épiblaste. Les relations entre le corps de l’os hyoïde et le canal thyréoglosse sont intimes, ce qui explique le trajet fistuleux toujours lié à cet élément squelettique. Frazer [16] a bien montré que le tractus passe en avant du corps de l’os hyoïde dans la majorité des cas mais il peut également le contourner en dessous par son bord inférieur et remonter en arrière de lui. Enfin, dans quelques rares cas, il peut traverser le corps de l’os hyoïde entre l’ébauche d’origine mandibulaire et l’ébauche d’origine hyoïdienne. Cette dernière éventualité est bien entendu en rapport avec la double constitution branchiale du corps de l’os hyoïde. page 4
Ils résultent d’un défaut de fusion ou d’un trouble dans la coalescence des ébauches de l’oreille externe. Les trois premiers colliculi se concentrant dans la région prétragienne, c’est à ce niveau que les petits trajets fistuleux ou les condylomes sont les plus fréquents. Il ne faudra pas confondre ces fistules borgnes avec celles pouvant être issues de la première poche ectobranchiale.
Kystes et fistules latéraux d’origine branchiale En dehors des dysraphies médianes par défaut de coalescence des arcs branchiaux, les autres kystes et fistules sont latéraux [6, 11]. Ils peuvent être d’origine ectobranchiale, entobranchiale ou parfois d’origines ecto- et entobranchiale.
Kystes d’origine ectobranchiale • Fistules dérivées de la première poche ectobranchiale
Elles sont à bien distinguer des défauts de coalescence des colliculi. Ces fistules s’ouvrent toujours dans le conduit auditif externe. Il s’agit soit de fistules à un ou deux orifices, soit de fistules isolées. Classiquement, l’orifice supérieur des fistules est situé sur le plancher du conduit auditif externe à la jonction ostéochondrale (fig 8). Poncet a montré que cet orifice peut être prolongé par une bride membraneuse prémérygienne de forme triangulaire dont le sommet est à l’extrémité du manche du marteau et dont la base se situe au niveau du plancher du conduit auditif externe. Un des côtés est accolé à la pars tinsa. Le trajet fistuleux croise par en dedans les branches du nerf facial et parfois même le tronc. Toujours situé en dehors des vaisseaux, son trajet s’incurve vers le bas et s’ouvre dans la région sous-auriculaire. Work [40] distingue deux types de fistules : – le type I, purement ectodermique sans cartilage ni annexe pilosébacée, passe au-dessous du VII ; – le type II, qui contient du cartilage et des annexes, forme une véritable duplication du conduit auditif externe. L’aire décrite par Poncet [32] est celle d’ouverture de l’orifice inférieur. Il s’agit d’une surface triangulaire dont les sommets se situent au niveau du conduit auditif externe, à la pointe du menton, et à l’os hyoïde (fig 9). • Kystes issus de la deuxième poche ectobranchiale
Ils sont dus à un défaut de résorption du sinus cervical. Leur origine purement ectobranchiale est confirmée lorsqu’il s’agit d’une fistule borgne. L’ouverture cervicale est plus ou moins haut située, mais toujours le long du bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien.
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Aire de Poncet.
Kystes et fistules latéraux d’origine entobranchiale • Fistules issues de la deuxième poche entobranchiale
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Trajet des fistules des deuxièmes poches ecto- et entobranchiales.
Elles dérivent de la persistance du canal de Rabl et s’ouvrent donc dans la fossette de Rosenmüller. Ces fistules peuvent être borgnes, alors purement entobranchiales, mais elles peuvent également rejoindre la deuxième poche ectobranchiale comme nous le reverrons. 1
• Fistules dérivées de la troisième poche entobranchiale
C’est Wenglowski qui en 1912 en précise l’origine. Leur diagnostic est en effet difficile puisqu’elles s’ouvrent dans le pharynx. Elles s’égrènent sur le trajet de la migration thymique et se présentent donc comme un reliquat du canal pharyngothymique. Leur trajet court sur le muscle constricteur inférieur du pharynx, derrière le lobe latéral de la thyroïde, croise superficiellement l’artère thyroïdienne inférieure. Le trajet fistuleux, décrit de dehors en dedans selon la progression chirurgicale, passe à la face dorsale de la carotide interne après être remonté le long de la gaine vasculaire carotidienne, puis enjambe le nerf grand hypoglosse en décrivant une boucle au-dessus de lui. Il se recourbe ensuite vers la ligne médiane et pénètre la paroi pharyngée audessous de l’os hyoïde. Lorsque ces kystes et fistules s’ouvrent à la peau, il s’agit d’une ouverture secondaire souvent plus médiale que les fistules du deuxième arc, à proximité de l’articulation sternoclaviculaire. La découverte à l’examen anatomopathologique des structures thymiques marquées par les corpuscules de Hassall est bien sûr spécifique de cette malformation, mais cette observation est rare. Le diagnostic se fait alors plus volontiers sur la bordure épithéliale des fistules qui est en principe de type cylindrique, volontiers ciliée.
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5
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11 Fistules des deuxième et troisième poches ento- et ectobranchiales. 1. Tonsille palatine ; 2. carotide externe ; 3. carotide interne ; 4. os hyoïde ; 5. cartilage thyroïde ; 6. glande thyroïde.
Fistules latérales d’origine ecto- et entobranchiale Nous avons vu que la persistance du sinus cervical peut rejoindre la persistance du canal de Rabl réalisant alors une fistule complète ecto- et entobranchiale. L’ouverture externe se fait le long de la ligne antérieure du muscle sterno-cléido-mastoïdien et l’ouverture interne dans la région amygdalienne. Certains auteurs [1, 11] désignent ces fistules complètes sous le terme de deuxième fente branchiale. La fistule n’est pas nécessairement d’emblée complète. En effet, les deux malformations d’origine entobranchiale et ectobranchiale peuvent se rejoindre secondairement. Quoi qu’il en soit, la plus forte participation ectobranchiale affecte à leur topographie un caractère superficiel sur la plus grande partie de leur trajet. Ainsi, les rapports carotidiens sont variables, avec deux éventualités possibles. Si l’on admet classiquement que l’artère carotide interne dérive directement du troisième arc aortique, alors que les deux premiers arcs disparaissent en majeure partie, le trajet fistuleux passe entre le deuxième et le troisième arc et donc se situe entre l’origine de la carotide interne d’une part, et l’aorte ventrale d’autre part. L’aorte ventrale, rappelons-le, est à ce niveau à l’origine de l’artère carotide externe. Le trajet fistuleux passera donc dans la fourche de bifurcation carotidienne, puis sous le ventre postérieur du digastrique, le muscle styloglosse, sous le nerf glossopharyngien, après être passé au-dessus du nerf grand hypoglosse (fig 10). Kongdon, en 1922, proposait une autre évolution des arcs aortiques, l’artère carotide externe résultant d’un bourgeonnement du troisième arc par sa face ventrale. Cette description embryologique expliquerait que le trajet fistuleux, qui n’est plus alors pris dans la fourche artérielle, perde ses rapports directs avec les vaisseaux. Lorsque le trajet fistuleux interne dérive de la troisième poche entobranchiale, il ne se différencie de celui de la deuxième poche que dans la partie la plus médiale de son trajet (fig 11). Elles sont vraisemblablement bien moins fréquentes que les premières.
Signes cliniques, diagnostic et traitement des kystes et fistules congénitaux de la face et du cou Kystes et fistules médians Kystes et fistules du dorsum nasal Nous avons vu qu’ils résultent d’une dysraphie du neuropore antérieur qui se ferme normalement au 27 e jour. Quelle que soit l’hypothèse embryopathogénique proposée, le résultat est soit la présence d’un kyste, soit d’un trajet fistuleux pouvant aller de la pointe du nez jusqu’aux espaces sousarachnoïdiens médians. L’évaluation de l’incidence des kystes et fistules médians du dos du nez oscille entre 1/20 000 et 1/40 000 naissances [21, 33]. Il semble que la première description publiée soit celle de Cruveilhier en 1817. Les premiers travaux étiopathogéniques sont dus à Lannelongue et Ménard en 1891 puis à Ombrédanne en 1942 [28]. Ce n’est que récemment qu’ils ont été intégrés dans les neurocrystopathies. Le mode de révélation le plus fréquent est une modification morphologique du dos du nez, sous la forme d’une masse plus ou moins rénitente, située au niveau glabellaire (fig 12). Dans la série de Ducros et al, publiée en 1995 [15], cette découverte fortuite représente 62 % des cas. La seconde situation clinique révélatrice est représentée par la surinfection qui se manifeste soit par une tension de cette masse, qui devient rouge, chaude, voire douloureuse, soit, plus fréquemment, par une fistulisation qui peut se présenter comme une dépression souvent punctiforme, sur le dorsum page 5
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Kyste de la glabelle.
B 14 13 Fistulisation d’un kyste du dorsum nasal.
nasal (fig 13). Parfois, la fistule n’est pas surinfectée et l’on voit alors cette petite dépression aux bords parfaitement nets, laisser issue à quelques poils, ce qui est quasi pathognomonique. Enfin, si le kyste est profond et non fistulisé, il peut arriver qu’il passe inaperçu. On peut également suspecter la lésion devant un élargissement de la pyramide nasale, le dorsum pouvant être dédoublé en deux crêtes séparées par un sillon (fig 14). La fréquence des extensions intracrâniennes est très diversement appréciée. Wardinsky, dans une publication de 1991 [39], en rapporte dix cas sur 22, soit 45 %, alors que Bradley, en 1983 [8], n’en retrouvait que trois sur 74, soit 4 %. Quoi qu’il en soit, toute lésion du dos du nez doit être suspecte d’extension intracrânienne et doit donc obligatoirement comporter un bilan d’imagerie [13, 19]. La tomodensitométrie (TDM) en coupes axiales et coronales doit être systématiquement demandée, tout en sachant que l’interprétation peut être difficile chez l’enfant [4]. En effet, entre 1 et 5 ans, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde s’ossifie progressivement, donnant un aspect de dédoublement qui peut même atteindre l’apophyse crista galli. C’est pourquoi Pensler [31] n’y accorde de valeur que lorsque ce signe est absent. Certains auteurs demandent donc systématiquement une imagerie par résonance magnétique (IRM) devant une image suspecte tomodensitométrique lorsque l’extension intracrânienne se discute [25]. Cela permet d’éviter une voie neurochirurgicale inutile, celle-ci étant source, pour Bradley et al [7, 8], de 5 % de comitialité. La TDM est également indispensable pour éliminer une encéphalocèle [33]. En l’absence de traitement, la complication la plus fréquente est l’infection quasi inéluctable. Il s’agit du mode révélateur dans un nombre non négligeable de cas.
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Kyste du dorsum nasal. A. Trajet fistuleux extériorisé au niveau de la glabelle et du dôme du nez. B. Exérèse du trajet fistuleux. C. Résultat immédiat.
Kyste du dorsum nasal. A. Dédoublement du dorsum par ce kyste. B. Dédoublement de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde vu sur la tomodensitométrie.
S’il a été rapporté dans la littérature des cas de méningite, d’abcès cérébral, voire de thrombose du sinus caverneux et de cellulite périorbitaire [36], ces complications sont exceptionnelles. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un écoulement par l’orifice fistuleux. Le diagnostic différentiel est celui des masses du dorsum nasal parmi lesquelles il est indispensable d’éliminer une encéphalocèle par l’examen tomodensitométrique. Certains auteurs [5] ont proposé un algorithme décisionnel devant toute masse dermoïde orbitofaciale dans lequel l’imagerie s’inscrit au moindre doute. Si la tuméfaction augmente de volume à la pression jugulaire ou à l’effort et si elle est partiellement réductible, le diagnostic d’encéphalocèle est probable. Un gliome superficiel peut présenter les mêmes signes cliniques et d’imagerie mais pour certains auteurs, il est de même origine embryopathogénique [15]. Les lipomes ne sont pas aussi rénitents et la TDM rectifie rapidement le diagnostic. Le traitement de ces kystes et fistules du dos du nez est univoque : il ne peut être que chirurgical, par exérèse de tout le kyste et/ou de tout le trajet fistuleux. La récidive est la complication inéluctable d’un kyste ou d’une fistule incomplètement ôtés. Si Morgan et al [29] conseillent d’attendre au moins l’âge de 2 ans pour proposer une intervention, la plupart des auteurs préfèrent opérer dès que le diagnostic est fait, avant que ne survienne une infection. Les kystes infectés doivent être refroidis par une antibiothérapie adaptée, voire mis à plat lorsqu’ils sont abcédés. Le geste curateur consiste donc en une exérèse de l’ensemble du kyste et de tout le trajet fistuleux par une voie d’abord qui peut être discutée (fig 15). L’incision verticale médiane longtemps pratiquée est certes commode car elle permet, à partir d’une petite collerette autour de l’orifice fistuleux, de le suivre
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16 Kyste du dorsum nasal ôté par voie horizontale. A. Volet glabellaire levé. Les cathéters pénètrent les deux orifices fistuleux. B.Aspect postopératoire immédiat.
aisément sur toute sa longueur. Cependant, la séquelle esthétique est toujours moyenne, voire mauvaise. C’est pourquoi, lorsqu’elle peut se faire, la voie transcolumellaire est un bon choix pour les kystes bas situés ou les trajets fistuleux courts. Dans les autres cas, il faut préférer une voie horizontale, levant un volet glabellaire à pédicule supérieur [14] (fig 16). Lorsque l’extension intracrânienne existe, une double voie d’abord est nécessaire, associant au lambeau glabellaire un scalp bitragial avec volet frontal (fig 17).
Kystes et fistules dermoïdes médians Le kyste dermoïde du plancher de la bouche est le plus fréquent. Longtemps asymptomatique, il est parfois découvert chez l’adulte lorsqu’il atteint des proportions importantes. C’est en fait la gêne ou la découverte fortuite qui amène au diagnostic. Il s’agit d’une masse médiane ou paramédiane comblant le plancher buccal, molle, indolore, bien circonscrite, que l’on palpe par un toucher bidigital pour en appréhender les limites. Les kystes à évolution sous-mentale ou adhyoïdiens présentent les mêmes caractères cliniques et peuvent être pris pour des kystes du tractus thyréoglosse. L’échographie est un élément diagnostique d’appoint, mais c’est en fait la TDM, là encore, qui permet de faire le diagnostic, différenciant cette masse kystique d’une adénopathie. Il n’y a que lorsque ces kystes sont surinfectés que le diagnostic est alors plus difficile et que seule l’anatomie pathologique permettra de le différencier.
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Kyste dermoïde du plancher buccal. A. Expression clinique. B. Exérèse par voie cervicale. C. Kyste ouvert.
La thérapeutique en est chirurgicale, par voie endobuccale pour les kystes à manifestation haute bombant dans le plancher, par une cervicotomie horizontale dans les autres cas (fig 18). Ces kystes fistulisent rarement à la peau. Les kystes dermoïdes de la langue sont rarissimes puisque 21 cas seulement ont été rapportés dans la littérature [10]. Leur exérèse, ainsi que celle de certains kystes médians du plancher buccal, peut bénéficier d’une voie d’abord par glossotomie médiane.
Fistules mentosternales Elles réalisent la véritable dysraphie médiane par trouble de coalescence des arcs branchiaux droit et gauche sur la ligne ventrale. Décrites par Luschka en 1848, et dont la définition clinique fut précisée par Ombrédanne [30], elles sont
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Extension intracrânienne d’un kyste du dorsum nasal. A. Dédoublement de l’apophyse crista galli. B. Vue peropératoire après levée du volet frontal (voie trans-sinusienne). C. Après remise en place du volet.
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Fistule mentosternale.
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Kyste du tractus thyréoglosse.
rares (74 cas publiés en 1995) [37] . Qu’elles soient appelées fistules mentosternales, brides cervicales médianes ou midline cervical cleft, il s’agit toujours de la même entité clinique. L’aspect est caractéristique, associant à une fente longitudinale médiane extrophique et suintante un ou deux orifices fistuleux borgnes aux extrémités. Parfois, une petite masse fibromateuse surmonte la fente dans la région préhyoïdienne [9] (fig 19). Le traitement chirurgical est simple. Il consiste en une ablation complète du tissu cicatriciel et des trajets fistuleux, complétée par une ou plusieurs plasties en « Z » pour prévenir la survenue d’une bride cervicale cicatricielle [14].
Kystes et fistules du tractus thyréoglosse L’étude embryologique nous a montré qu’il s’agit de la persistance de tout ou partie du canal de Boschdalek. Ces kystes représentent la dysembryoplasie la plus fréquente au niveau de la tête et du cou dans la série de Junien Lavillauroy [22]. Le diagnostic en est fait le plus souvent au cours des 5 premières années de la vie. Lorsqu’ils sont découverts plus tardivement, c’est souvent à l’occasion d’un épisode infectieux, voire d’une fistulisation. Sur un plan clinique, le kyste se présente sous la forme d’un petit nodule médian ou paramédian, le plus souvent gauche, arrondi, ferme, indolore, fixé en profondeur, mais mobile sous les plans superficiels (fig 20). Ce kyste peut être situé à n’importe quelle hauteur entre le foramen cæcum et la pyramide de Lalouette, mais sa situation la plus fréquente est parahyoïdienne. Il est rare que son volume entraîne des manifestations fonctionnelles comme une gêne à la protraction linguale ou une dysphagie. Trois signes cliniques sont classiquement décrits : – la mobilisation de ce kyste se fait plus facilement dans un sens transversal que dans un sens vertical ; – la protrusion linguale entraîne l’ascension de la masse kystique ; – l’expression manuelle du kyste peut en faire diminuer le volume alors qu’un goût amer apparaît dans la bouche. Cette manœuvre signe la persistance d’une perméabilité du tractus jusqu’au foramen cæcum. Plus rarement, le kyste peut être situé latéralement dans la région parathyroïdienne, pouvant alors faire discuter un kyste ou une fistule branchiale latérale. Dans son expression haute, sous-mentale, il peut être difficile de le distinguer d’un kyste dermoïde. Lorsqu’il existe une fistulisation, elle est toujours secondaire à une surinfection (fig 21). page 8
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Kyste du tractus thyréoglosse infecté et fistulisé.
Lorsqu’elle est faite, la TDM montre une formation kystique médiane, voire paramédiane, le plus souvent latéralisée à gauche et hypodense [26]. En IRM, son signal est hypo-intense en séquence pondérée T1, hyperintense en séquence pondérée T2. Mais une imagerie est rarement utile pour le diagnostic. En revanche, il est indispensable de s’assurer de l’existence d’une thyroïde normale en place. Une échographie de bonne qualité peut suffire si elle montre une thyroïde parfaite. Le moindre doute impose une cartographie thyroïdienne qui sera faite à l’iode 131 chez l’adulte ou au technétium 99m (99mTc) chez l’enfant. Une tuméfaction au voisinage de l’os hyoïde doit faire évoquer en premier lieu le diagnostic de kyste du tractus thyréoglosse. On peut néanmoins le confondre avec un kyste dermoïde lorsqu’il est en position sus-hyoïdienne ou éventuellement avec une adénite lorsqu’il est infecté. L’évolution peut être en effet marquée par une infection. Le kyste devient alors plus volumineux, inflammatoire et douloureux. Au maximum, il peut se fistuliser à la peau. Bien que rare, la transformation maligne est possible. Latente, sans aucune symptomatologie, elle impose une analyse systématique de tout kyste du tractus par examen anatomopathologique. En effet, même chez l’enfant, il a été rapporté des cancers. Wildström, en 1976, colligeant 89 cas de cancers, retrouve 47 % de cancers papillaires, 7 % de cancers thyroïdiens, et 5 % de cancers malpighiens [28]. Un rapport du CIREOL de 1995 [26] indique que la perte du caractère liquidien et le rehaussement pariétal en imagerie scanner doivent faire discuter cette transformation maligne. Le traitement a été bien codifié par Sistrunk en 1928 [38]. L’exérèse doit être complète, non seulement du kyste mais aussi de tout le trajet fistuleux sous peine de récidive (fig 22). Au niveau de l’os hyoïde, nous avons vu que le trajet fistuleux peut soit passer dessous, ce qui est le plus fréquent, soit au-dessus, soit à travers le corps. Cela impose donc la résection osseuse systématique pour retrouver le trajet fistuleux en arrière du corps et de le remonter jusqu’au foramen cæcum. Hawkins prescrit l’ablation systématique d’un cône de base de langue en masse. En effet, Sade et Rosen [28] montrent que dans deux tiers des cas, l’abouchement du canal à ce niveau est multiple.
Kystes et fistules latéraux Kystes de la queue du sourcil Ce sont les plus fréquents des kystes congénitaux. La persistance de tissu épiblastique dans le mésoblaste, lors de la conjonction des bourgeons frontaux et maxillaires supérieurs, est isolée sous la forme d’une petite masse arrondie et rénitente située à la jonction frontomalaire, soit sur le versant palpébral des sourcils, soit sur le versant frontal (fig 23). En l’absence d’exérèse, ces kystes peuvent prendre des proportions importantes, voire déformer le rebord orbitaire. La seconde complication est l’infection et la fistulisation. La voie d’abord n’est pas sourcilière car elle laisse toujours une cicatrice disgracieuse. Elle doit se situer sous le sourcil, en « S » allongé, paracanthale latérale. L’exérèse du kyste est habituellement facile. Elle doit toujours emporter l’attache périostée qui s’enclave dans la suture frontomalaire.
Kystes et fistules latéraux d’origine branchiale Dysembryoplasies par trouble de coalescence des colliculi L’anomalie la plus fréquente se présente sous la forme d’une petite tuméfaction appelée encore condylome prétragien (fig 24). Parfois, il existe un orifice fistuleux mais qui est alors toujours borgne, sans ouverture dans le conduit auditif externe, contrairement aux anomalies de la première fente.
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Condylome prétragien.
25 Orifice cervical d’une fistule de la deuxième fente branchiale. B
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Étapes du traitement chirurgical d’un kyste du tractus thyréoglosse. A. Incision cervicale circonscrivant l’orifice fistuleux. B. Section du corps de l’os hyoïde. C. Poursuite de la dissection jusqu’au foramen cæcum. D. Pièce opératoire.
C’est en fait presque toujours une fistule qui révèle le diagnostic. Ces fistules ont un siège tout à fait caractéristique dans le triangle de Poncet délimité, rappelons-le, par le conduit auditif externe, le bord basilaire de la mandibule et l’os hyoïde. Tout orifice fistuleux situé dans cette aire doit faire a priori évoquer une fistule de la première fente. L’ orifice endaural est situé sur le plancher du conduit, le plus souvent à la jonction ostéochondrale. Il peut ne se présenter que comme une petite dépression au bord souvent inflammatoire, mais aussi parfois comme un cholestéatome primitif du conduit auditif externe. À partir de cet orifice, le trajet fistuleux se dirige en bas et en avant, croise le tronc du nerf facial, voire ses branches de division, dans la parotide. Il est toujours situé en dehors des trajets vasculaires et est sensiblement parallèle au trajet du conduit auditif externe. Très rapidement, il devient superficiel, sous-cutané, et s’ouvre dans l’aire de Poncet. À ce niveau, l’ouverture la plus fréquemment rencontrée est rétro-angulo-maxillaire, voire parotidienne. L’imagerie contribue au diagnostic en révélant le trajet fistuleux sur des coupes tomodensitométriques coronales, couplées ou non à une fistulographie. C’est par cet examen que l’on pourra éliminer une autre anomalie congénitale qui est la persistance du foramen de Huschke, secondaire à l’absence de fusion du tympanal. Cette déhiscence, responsable d’écoulements salivaires intermittents dans le conduit auditif externe lors de la mastication, est visible sur le scanner qui objective une déhiscence osseuse caractéristique. Le traitement, là encore, ne peut être que chirurgical. L’intimité des rapports des fistules de la première fente avec le nerf facial impose une voie de parotidectomie qui sera prolongée en bas jusqu’à l’orifice fistuleux qu’elle circonscrit. Le contrôle du nerf facial permet ensuite de suivre le trajet fistuleux jusqu’à son ouverture dans le conduit auditif externe. À ce niveau, il faut réséquer soigneusement une collerette de cartilage pour éviter toute récidive.
Kystes et fistules de la deuxième fente
23 Kyste de la queue du sourcil.
Le traitement en est simple, c’est l’exérèse chirurgicale. Lorsque les anomalies de fusion des colliculi sont beaucoup plus importantes, elles aboutissent au maximum à la microtie. Cette embryopathie entre alors dans un tableau malformatif beaucoup plus important qui est celui des syndromes latéraux.
Kystes et fistules de la première fente Ce sont des anomalies rares à expression auriculobranchiale, représentant moins de 10 % de l’ensemble des anomalies branchiales [27]. Virchow et König en avaient fait les premières descriptions, mais c’est Poncet qui en a fourni l’analyse la plus systématique [32]. Les kystes se développent dans la parotide et n’ont aucune caractéristique précise en l’absence de fistule. C’est alors l’anatomie pathologique qui fait le diagnostic.
Ce sont les plus fréquentes de ces dysembryoplasies d’origine branchiale par persistance de tout ou partie du sinus cervical, se prolongeant éventuellement par la persistance du canal de Rabl jusque dans la région amygdalienne. Qu’elle soit primitive ou secondaire à l’ouverture du kyste, l’extrémité inférieure de la fistule est le plus souvent le signe clinique de découverte de cette anomalie. Elle se présente sous la forme d’un petit orifice, toujours situé sur le bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien à hauteur variable et plus ou moins inflammatoire en fonction de son degré d’infection (fig 25). Comme nous l’a montré l’embryologie, le trajet fistuleux s’enfonce en haut et en dedans, traverse le platysma et l’aponévrose cervicale superficielle, croise en dehors l’omohyoïdien, puis se recourbe en dedans pour gagner la région du carrefour carotidien. Il passe ensuite entre le nerf grand hypoglosse et le ventre postérieur du digastrique, puis chemine entre la carotide interne et la carotide externe, pour s’ouvrir dans la fossette de Rosenmüller. Il s’agit là du trajet complet, mais bien entendu, lorsque la fistule n’est pas en relation avec la première fente entobranchiale, elle est borgne et peut donc s’arrêter à un niveau plus ou moins haut situé. La fistulographie est tout à fait caractéristique (fig 26). Les kystes non fistulisés se présentent sous la forme d’une tuméfaction cervicale latérale, située elle aussi en avant et en dedans du muscle sternocléido-mastoïdien, masse rénitente, relativement mobile, indolore en dehors d’épisodes infectieux. page 9
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Dans tous ces cas, la TDM est un examen d’appoint intéressant pour préciser le siège du kyste par rapport aux éléments vasculaires. Là encore, le traitement est univoque, ce ne peut être qu’une exérèse chirurgicale de l’ensemble kyste et fistule (fig 27). Il faudra suivre la fistule tout le long de son trajet, et, si celle-ci s’abouche dans la fossette de Rosenmüller, une voie d’abord endobuccale est indispensable pour ôter la collerette périfistuleuse et retourner en « doigt de gant » le tractus fibreux vers la cavité buccale, selon la manœuvre décrite par Sistrunk.
Kystes et fistules de la troisième fente
26 Fistulographie d’une fistule de la deuxième fente branchiale dessinant le trajet fistuleux jusqu’à la fossette de Rosenmüller.
Bailey a décrit quatre types de variétés kystiques [2] : – le type I superficiel où le kyste est sous l’aponévrose cervicale superficielle ; – le type II qui semble plus fréquent ; le kyste est alors situé en région prévasculaire sous l’aponévrose cervicale moyenne ; – le type III, dit intervasculaire, situé dans la fourche formée par la carotide interne et la carotide externe ; – enfin le type IV, dit intravasculaire, situé entre la paroi pharyngée et l’axe carotidien. Dans ce dernier cas, un kyste surinfecté peut faire discuter le diagnostic de phlegmon périamygdalien. Enfin, il faut savoir que, dans 2 % des cas, ces kystes peuvent être bilatéraux.
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Lorsque seul le trajet interne est modifié, c’est une anomalie de la troisième fente entobranchiale. En effet, si celle-ci rejoint une dysembryoplasie ectobranchiale, elle présente les mêmes caractéristiques que celle de la deuxième fente puisqu’il s’agit de la persistance du sinus cervical. En revanche, l’anomalie entoblastique dérive soit du ductus pharyngobranchialis, soit de la persistance du canal pharyngothymique. Sur le plan anatomique, le trajet fistuleux passe en arrière de la carotide interne, surcroise le XII et le nerf laryngé supérieur, passe sous le XI, puis se dirige en avant et en bas pour s’aboucher dans le sinus piriforme. Lorsqu’il s’agit d’un kyste non fistulisé, sa situation est alors paralaryngée et peut être découverte à l’occasion d’une poussée inflammatoire ou infectieuse, à l’origine de troubles respiratoires ou de modification de la voix. Les kystes bas situés et non communicants en dedans, ne peuvent être distingués des kystes de la deuxième fente. Les kystes haut situés, prélaryngés, peuvent être difficiles à différencier d’un kyste du tractus thyréoglosse. La TDM peut aider au diagnostic en montrant parfois le trajet fistuleux jusqu’à la région du sinus piriforme. Là encore, le traitement ne peut être que chirurgical, ôtant par cervicotomie tout le trajet fistuleux et tout le kyste, seul garant de l’absence de récidive.
Kystes et fistules de la quatrième fente Ils ne méritent qu’une simple mention, car ils sont rarissimes. Il s’agit en fait de la persistance de reliquats du canal ultimobranchial, reliant la parathyroïde supérieure à la région pharyngée. Le trajet fistuleux s’ouvre au fond du sinus piriforme à travers le muscle constricteur du pharynx, ou même à travers le cartilage laryngé. Cette anomalie, lorsqu’elle existe, se découvre relativement précocement sur des tableaux de dyspnées ou de dysphagies [26]. L’imagerie montre une masse latérocervicale simulant un abcès thyroïdien. L’intervention impose le plus souvent une lobo-isthmectomie thyroïdienne après dissection du nerf récurrent si l’on veut ôter tout le trajet fistuleux.
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27 Trois étapes du traitement chirurgical d’une fistule de la deuxième fente. A. Cervicotomie étagée. B. Guide pénétrant par l’orifice cervical et émergeant dans l’amygdale pour ressortir par la cavité buccale. C. Excision du trajet fistuleux.
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Stomatologie [22-043-R-10]
Prophylaxie des endocardites infectieuses à porte d'entrée buccodentaire
Jean-Marie Descrozailles : Professeur des Universités, praticien hospitalier CHU Poitiers France Charles Descrozailles : Stomatologiste honoraire des hôpitaux de Paris Germain Zeilig : Professeur à la faculté de Chirurgie dentaire (université Paris V) Jean-Pierre Ragot : Praticien hospitalier CHU Pitié-Salpêtrière, Paris France Marie-Laure Boy Lefèvre : Professeur à la faculté de Chirurgie dentaire (faculté de Garancières) Louis Maman : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier (université Paris V) Michel Sapanet : Praticien hospitalier CHU Poitiers France
Résumé L'endocardite infectieuse (EI) reste un problème préoccupant en raison de son incidence, de sa gravité et de son coût. Plusieurs spécialités : cardiologie, infectiologie, microbiologie, médecine interne, chirurgie cardiaque, chirurgie dentaire et stomatologie sont concernées par cette maladie. La fréquence de l'endocardite infectieuse n'a pas diminué ces dernières années et pourtant elle est une maladie théoriquement évitable. La 5e Conférence de consensus de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) s'est tenue à Paris en mars 1992 avec pour thème « La prophylaxie des endocardites infectieuses ». Elle a permis une actualisation des données épidémiologiques et d'expliciter l'attitude du spécialiste buccal en fonction des différents paramètres cardiaques et dentaires du patient. Le protocole d'antibioprophylaxie de la Fédération française de cardiologie [9], faisant référence depuis 1984, a été profondément simplifié en vue d'obtenir une meilleure adhésion du corps médical et un suivi sans faille par le patient. © 1993 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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NOTIONS CONCERNANT LES ENDOCARDITES INFECTIEUSES
Définition On peut définir l'endocardite infectieuse comme la fixation et la multiplication d'un agent infectieux au niveau de la tunique interne du coeur (endocarde) ; le germe, provenant d'une porte d'entrée variable, est véhiculé jusqu'au coeur par voie sanguine (bactériémie). La maladie déclenchée avait une évolution quasi mortelle avant l'apparition des antibiotiques. De nos jours, le pronostic s'est amélioré grâce à l'antibiothérapie et aux progrès de la chirurgie cardiaque, mais reste péjoratif dans un nombre de cas non négligeable (environ 20 %) [8].
Problème des portes d'entrée Pour le comprendre, il faut rappeler l'existence et la variété de la flore microbienne buccale normale. A côté des anaérobies de la flore de Veillon, des neisseriacées, des spirochètes, les cocci aérobies nous intéressent particulièrement [13]. Parmi ces germes commensaux de la cavité buccale, peu pathogènes, les streptocoques occupent la première place. On rencontre essentiellement des streptocoques non groupables selon la méthode de Lancefield : les streptocoques dans leurs variétés Streptococcus mitis et sanguis sont présents sur toute la muqueuse buccopharyngée, la variété S. salivarius domine sur le dos de la langue et la variété S. mutans (présente sur les gencives normales) est responsable de la carie dentaire. D'autres streptocoques, groupables, peuvent être observés : parmi ceux-ci des streptocoques D, principaux commensaux de l'intestin, dans leur variété entérocoque (Streptococcus faecalis) ou non entérocoque (Streptococcus bovis). Parmi les autres commensaux de la cavité oropharyngée, il faut citer des bacilles à Gram négatif du groupe HACCEK : Haemophilus, Actinobacillus, Capnocytophaga, Cardiobacterium, Eikenella, Kingella.
Etude épidémiologique L'étude épidémiologique de l'endocardite infectieuse réalisée en France en 1991 par Delahaye [8] met en relief un certain nombre de chiffres actualisant les données de la maladie : Environ 1 300 cas sont diagnostiqués chaque année (24 cas par million d'habitants), l'âge moyen des patients est de 56 ans (plus ou moins 19 ans), avec une prédominance du sexe masculin. Dans 63,5 % des cas, l'endocardite infectieuse survient chez un cardiopathe connu, chez lequel des mesures prophylactiques étaient possibles. Dans les autres cas, l'EI survient sur un coeur présumé sain (36,5 % des cas). Les germes responsables influent sur le tableau clinique ; leurs pourcentages respectifs reflètent la fréquence des diverses portes d'entrée : les streptocoques occupent la première place (58,7 %) : les streptocoques non groupables (S. sanguis et mitis) étant majoritaires (27,1 %) suivis des streptocoques du groupe D (non entérocoques ou entérocoques) (24,1 %), des streptocoques groupables (A, B, C, G) (3,9 %) et d'autres streptocoques (S. pneumoniae et non identifiés) (3,7 %) ;
le groupe HACCEK est retrouvé dans 2,9 % des cas ; les straphylocoques sont trouvés dans 20,6 % des cas et d'autres germes sont beaucoup plus rarement isolés (6,2 %) ; aucun micro-organisme n'a été retrouvé dans 11,6 % des cas, (hémocultures négatives) ; Le taux moyen de décès précoce est de 20 %, mais il faut savoir qu'il est très variable avec la nature de la porte d'entrée présumée ou retrouvée : 37 % lorsqu'elle est iatrogène, 27 % chez les toxicomanes, 23 % lorsqu'elle est cutanée, 23 % lorsqu'elle est digestive, 21 % lorsqu'elle est urinaire, 18 % lorsqu'elle est ORL, 10 % lorsqu'elle est dentaire. Enfin, dans les suites précoces d'une endocardite infectieuse, 30 % des malades ont bénéficié d'une chirurgie de remplacement valvulaire, afin de corriger les troubles hémodynamiques.
Formes cliniques des endocardites L'aspect clinique des endocardites infectieuses peut être scindé en deux chapitres en fonction de l'implication ou non d'une porte d'entrée buccodentaire.
Tableaux cliniques où une porte d'entrée buccale est a priori exclue La forme aiguë de l'endocardite infectieuse est heureusement peu fréquente, car d'un pronostic grave. Elle est due avant tout au staphylocoque doré et survient sur un terrain particulier : toxicomane par injection, sujet en réanimation médicale ou patient en phase postopératoire précoce de chirurgie cardiaque. La forme subaiguë ou lente (maladie d'Osler) où une porte d'entrée manifestement non buccale a été prouvée ou supposée. Chez les patients au-delà de 50 ans, elle est secondaire à des investigations ou des interventions portant par ordre de fréquence sur le tractus digestif (17 %), les tissus cutanés (5 %), la sphère ORL (2,5 %) ou d'autres causes iatrogènes (10,5 %). Les germes retrouvés dans ces cas sont souvent des entérocoques. Le tableau clinique est identique à celui qui va être décrit ci-dessous, mais sa thérapeutique et son pronostic sont légèrement différents.
Forme clinique où la porte d'entrée buccodentaire est possible, voire très probable Les germes responsables peuvent être des streptocoques (83 % des cas) essentiellement non groupables (Streptococcus mitis, Streptococcus sanguis), parfois des streptocoques de type entérocoque. Dans de rares cas, il s'agit de staphylocoques (4,3 % des cas), d'autres germes (5,3 % des cas) dont ceux du groupe HACCEK ; enfin, une absence de germe à l'hémoculture est relevée dans 7,4 % des cas. Le tableau réalisé est celui de l'endocardite subaiguë ou lente (maladie d'Osler). Elle survient, dans 63,5 % des cas, chez un patient dont l'endocarde a été antérieurement lésé, soit dans un contexte de cardiopathie congénitale, soit par une valvulopathie acquise (athéromateuse ou dégénérative, moins souvent séquelle d'un rhumatisme articulaire aigu). Une bactériémie qui n'entraînerait pas d'endocardite chez un sujet au coeur sain provoque une greffe microbienne chez ce cardiopathe. Les germes se fixent et se multiplient sur les valves pathologiques ; des phénomènes de construction par dépôts de germes et de plaquettes se matérialisent par l'édification de végétations, sources de manifestations emboliques systémiques et s'associent à des processus destructifs : rupture de cordage, perforation de valve, formation de cavité abcédée ; ces lésions perturbent l'hémodynamique cardiaque de façon plus ou moins
importante. Par ailleurs, ces germes continuant à circuler dans le sang sont responsables de l'état septicémique et de manifestations immunologiques. Le tableau clinique n'est pas univoque, mais multiforme avec l'intrication de signes septicémiques et de ceux des éventuelles complications. Ainsi une fièvre, d'apparition plus ou moins ancienne, s'associe à une altération de l'état général chez un patient qui présentait antérieurement un souffle au coeur ; des manifestations cutanées (érythème, faux panaris, purpura), une splénomégalie, des arthralgies, des signes rénaux (hématurie microscopique), des accidents neurologiques (hémiplégie, hémorragie cérébrale), des embolies systémiques peuvent émailler la symptomatologie. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du germe responsable par des hémocultures répétées. Dans le cas considéré, il s'agit d'un streptocoque ; le laboratoire de bactériologie permet le typage du germe, l'étude de sa sensibilité aux antibiotiques et conserve les cultures lorsqu'elles ne poussent pas initialement (Osler à hémoculture en apparence négative). L'échocardiographie permet de dresser le bilan des lésions des appareils valvulaires et sous-valvulaires, de déceler une formation abcédée, des végétations, d'apprécier les perturbations hémodynamiques et de suivre leur évolution. La thérapeutique repose sur une antibiothérapie adaptée au germe isolé ; elle est massive, administrée par voie veineuse au début, prolongée dans le temps durant 30 à 40 jours, voire davantage. On parvient en général à juguler les phénomènes septicémiques, mais les lésions intracardiaques peuvent se majorer et imposer une chirurgie cardiaque en urgence en présence d'une insuffisance cardiaque dramatique ou en l'absence de contrôle de la septicémie. De même une chirurgie de remplacement valvulaire, une fois passé le stade de l'endocardite, est actuellement de plus en plus fréquemment et précocement réalisée (30 % des cas) pour pallier les séquelles hémodynamiques de la maladie. La mortalité précoce d'une endocardite à streptocoques non groupables d'origine dentaire est de l'ordre de 10 %. Ainsi il apparaît clairement qu'il s'agit d'une maladie grave pour les patients et hautement coûteuse pour la collectivité. Son coût économique moyen est de l'ordre de 130 000 francs par cas (francs 1992) pour les seuls soins hospitaliers initiaux. La porte d'entrée des germes responsables de ce type d'endocardite est essentiellement buccopharyngée. A côté d'une responsabilité ORL : amygdalectomie et adénoïdectomie (2,5 à 4 % des cas), l'étiologie buccodentaire est largement prédominante : 26 % des cas, soit environ 350 cas annuels [8]. Cent trente à 160 cas surviennent après un acte d'odontologie [4] : des soins endodontiques ou parodontaux essentiellement [20], des extractions dentaires. Ils précèdent de quelques semaines à trois mois le diagnostic d'endocardite. Cet acte chirurgical, entraînant des bactériémies provoquées, n'a malheureusement pas été associé à une antibioprophylaxie préalable. Ces bactériémies sont massives et de courte durée (au maximum 30 minutes après les soins) ; une étude [3] a permis de chiffrer le pourcentage de ces bactériémies après différents types de soins buccodentaires. Lors des soins parodontaux ou des extractions, la plaie gingivoalvéolaire, dont le saignement est le témoin, permet aux streptocoques de passer dans la circulation sanguine. Ainsi des hémocultures positives sont observées immédiatement après : extractions multiples dans 84,9 % des cas ; gingivectomie dans 83,3 % des cas ; détartrage dans 53,3 % des cas ; extraction simple dans 51,5 % des cas.
L'importance de la bactériémie est fonction de l'inflammation gingivale. Une antisepsie locale avant le geste chirurgical permet d'en diminuer la densité. Les soins endodontiques, étant peu hémorragiques, entraîneraient théoriquement moins d'hémocultures positives : traitement canalaire sans franchissement apical : 0 % des cas ; traitement canalaire avec franchissement apical : 31,2 % des cas.
La fréquence des endocardites à streptocoques non groupables dépasse celle pour lesquelles il a été possible de démontrer une relation directe avec un acte de chirurgie dentaire. On peut l'évaluer de 190 à 220 cas annuels. Le mécanisme retenu est celui d'une bactériémie spontanée, se produisant sans intervention médicale, à partir de foyers infectieux essentiellement parodontaux ou dentaires ; ceux-ci dépendent de la qualité de l'hygiène dentaire : « meilleure est l'hygiène dentaire, moins les bactériémies spontanées sont importantes ». Les bactériémies spontanées sont moins importantes quantitativement mais nettement plus fréquentes que les bactériémies provoquées. Lors de parodontopathies inflammatoires, une étude [18] a chiffré les hémocultures positives immédiatement après : utilisation d'un hydropulseur : 50 % des cas ; mastication : 38 % des cas ; brossage dentaire : 25 % des cas. Des mesures prophylactiques des bactériémies provoquées et spontanées existent. Leur application devrait entraîner une diminution de l'incidence des EI à streptocoques non groupables.
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PRÉ VENTION DES BACTÉ RIÉ MIES SPONTANÉ ES La pullulation des streptocoques non groupables affecte les foyers parodontaux, pulporadiculaires et périapexiens ; lors des phases alimentaires, des mastications prolongées, de l'hygiène buccodentaire, une bactériémie spontanée peut être déclenchée. On peut concevoir que la quantité de bactéries augmente dans la cavité buccale en fonction de l'absence d'hygiène buccodentaire. Si ces germes sont présents en assez grande abondance dans l'organisme depuis un certain temps, ils provoquent la formation d'anticorps. La présence d'anticorps augmente la taille des particules microbiennes circulantes et permet la formation d'agrégats bactériens sur l'endocarde grâce à leur sécrétion en dextran [5]. L'hygiène buccodentaire s'adresse certes à la population générale, mais elle est particulièrement impérative chez tous les patients présentant une cardiopathie à risque d'EI. Son but est de conserver des dents vivantes au parodonte intact ; il peut être parfaitement atteint si on applique les règles bien connues. Les modalités de réalisation varient selon l'âge. Chez l'enfant, une diététique correcte est instituée en évitant au maximum la consommation de sucres cariogènes ; l'hygiène dentaire après chaque repas fait appel à une brosse à dents à poils souples et synthétiques et à un dentifrice fluoré. La régularité d'un brossage efficace en technique et en durée permet de conserver à l'enfant une denture saine. La prescription de comprimés de fluor ou la consommation d'eau naturellement fluorée est fortement conseillée jusqu'à l'éruption de la deuxième molaire permanente. La consommation des chewing-gums, entraînant des mastications prolongées, doit être déconseillée. Enfin une surveillance odontologique semestrielle est recommandée. Chez l'adulte, la diététique et l'hygiène dentaire sont toujours de mise ; l'utilisation modérée d'un hydropulseur et du fil de soie dentaire peut être recommandée. Si des espaces interdentaires existent, d'autres mesures (brossette interdentaire, bâtonnet) complètent l'usage de la brosse à dent. La surveillance odontologique est annuelle et une attention toute particulière est portée sur la tolérance et l'absence de traumatisme muqueux d'une éventuelle prothèse mobile ; la
dépose et la réadaptation de la prothèse sont ordonnées si la moindre blessure muqueuse survient. L'application de ces règles est certainement la mesure la plus efficace de prévention des endocardites infectieuses à porte d'entrée buccodentaire, mais sa réalisation, quoique simple, est difficile à faire accepter par toute la population. Afin de diminuer autant que possible les bactériémies spontanées chez un patient présentant une cardiopathie à risque, le spécialiste buccal doit éradiquer les foyers infectieux (dents parodontolysées, dents insuffisamment ou mal traitées, dents porteuses de granulomes) responsables de 14 % à 16 % de cas d'endocardites infectieuses (190 à 220 cas annuels), en prenant garde que ses thérapeutiques ne déclenchent pas de bactériémies provoquées, elles-mêmes responsables de 10 à 12 % des cas (130 à 160 cas).
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PRÉ VENTION DES BACTÉ RIÉ MIES PROVOQUÉ ES
Risque oslérien des cardiopathies L'estimation du risque de greffe bactérienne sur une cardiopathie native [24] reste difficile, faute d'étude épidémiologique rigoureuse. Seuls les porteurs de prothèses valvulaires constituent une population à risque bien défini. Par ailleurs, le profil étiologique des cardiopathies sous-jacentes tend à se modifier : recul du rhumatisme articulaire aigu, diagnostic par échographie-Doppler de cardiopathies jusque-là méconnues (prolapsus valvulaire mitral, bicuspide aortique), augmentation des atteintes du coeur droit (héroïnomanes), essor de la chirurgie cardiaque [15], qui : soit réduit le risque bactérien (résection suture du canal artériel, fermeture d'une communication interventriculaire) ; soit l'augmente (prothèse valvulaire, shunt palliatif des cardiopathies cyanogènes). Pour définir une cardiopathie à risque, il faut tenir compte non seulement de l'incidence de l'EI sur cette cardiopathie, mais aussi de sa gravité. Ceci amène à une classification qui reste toutefois indicative. Elle individualise un groupe à haut risque parmi les cardiopathies à risque d'EI. Cet ensemble s'oppose aux cardiopathies sans risque particulier, qui ne requièrent aucune stratégie prophylactique spécifique.
Bactériémies Contemporaines d'un acte chirurgical, elles sont massives, mais de courte durée. La prescription d'une antibioprophylaxie devrait éviter les conséquences de la bactériémie. Pour cela elle est : dirigée contre les streptocoques non groupables d'origine buccale ; bactéricide au moment du pic bactériémique : la bactériémie n'est pas supprimée, par contre la densité en germes est fortement diminuée, ce qui entraîne une diminution du risque d'agrégation endocardique [2] ; les antibiotiques agiraient également sur l'adhérence des streptocoques sur les valves cardiaques.
L'hypothèse la plus récente est que les antibiotiques inhiberaient de manière prolongée la croissance bactérienne et permettraient ainsi, par des mécanismes non encore élucidés, l'élimination passive des bactéries attachées aux végétations. Les mécanismes pourraient être soit un simple relâchement mécanique des bactéries dans la circulation, soit le résultat d'un processus de phagocytose et de bactéricidie à la surface même de la végétation [16].
Protocole d'antibioprophylaxie Des recommandations concernant la prophylaxie de l'EI ont été élaborées par des groupes d'experts aux Etats-Unis, en Angleterre, en Suisse ou dans d'autres cadres [14] (Société européenne de cardiologie) . En France, ce sont les recommandations de la Société européenne de cardiologie de 1983 qui ont été reprises et diffusées [9]. Etant donné que les protocoles complexes ont été peu suivis par les praticiens et les patients, le jury de la 5e Conférence de consensus de la SPILF a privilégié la simplicité et la faisabilité [26]. L'antibioprophylaxie peut être envisagée dans des situations à risque bien défini, en précisant qu'elle ne peut éviter toutes les EI survenant chez les cardiaques à risque après des gestes à risque (échecs de l'antibioprophylaxie) [12], qu'elle doit être bien distinguée de l'antibiothérapie curative prescrite lors des épisodes infectieux et des foyers septiques, impérativement indiquée chez les malades à risque, qu'elle ne représente qu'un élément de la prévention générale des EI.
Principes généraux de l'antibioprophylaxie Le plus souvent l'antibiotique est administré en une prise unique, contrôlée par le praticien, dans l'heure qui précède le geste. En l'absence d'allergie aux bêtalactamines, l'amoxicilline (A-gram®, Amodex®, Amoxine®, Bristamox®, Clamoxyl®, Hiconcil®, Zamocilline®) est la pénicilline antistreptococique de choix. Elle est prescrite seule pour les soins dentaires. En présence d'allergie aux bêtalactamines, le choix est malaisé. L'érythromycine n'a pas été retenue en raison de sa mauvaise tolérance digestive et de ses médiocres performances bactériologiques. Parmi les macrolides, la clindamycine (Dalacine®) a fait la preuve de sa bonne tolérance en prise unique. Son efficacité bactériologique est un peu supérieure à celle de l'érythromycine. L'utilisation de la pristinamycine (Pyostacine®) est justifiée microbiologiquement, néanmoins on ne dispose pas de données expérimentales concernant son efficacité. La toxicité des glycopeptides (vancomycine, teicoplanine) est négligeable après administration unique. La teicoplanine serait un peu plus efficace que la vancomycine sur les streptocoques. Elle est plus facile à administrer. Les aminosides seuls, les tétracyclines et les sulfamides ne sont pas recommandés dans la prophylaxie de l'EI. Les indications des nouvelles molécules (en particulier les macrolides) ne sont pas définies. Les personnes sous prophylaxie au long cours par pénicilline (par exemple dans le cadre de la prophylaxie du rhumatisme articulaire aigu) relèvent des protocoles proposés aux patients allergiques aux bêtalactamines. Les recommandations figurant dans les tableaux I et II représentent des standards de soins, mais des dérogations sont envisageables dans des situations particulières. Ainsi, il sera nécessaire de prolonger l'antibiothérapie lors de certains gestes invasifs en
milieu infecté
[1]
.
Comme on peut le constater, les cardiopathies à haut risque ne constituent pas un groupe à part et reçoivent une prophylaxie identique à celle des cardiopathies à risque, ce qui simplifie grandement les modalités pratiques de prévention.
Modalités pratiques de prévention Pour être les plus adéquates possibles, elles doivent prendre en considération le risque oslérien de la cardiopathie, la pathologie et la thérapeutique dentaires [10].
Cardiopathies à haut risque d'EI Affections cardiaques en cause Prothèses valvulaires : la localisation aortique ou mitrale de la prothèse, le type de la prothèse (mécanique ou bioprothèse) ne modifient pas le risque. Le risque est cinq fois plus grand et la mortalité deux fois plus élevée, comparés à ceux d'une valve native [17]. Les polyvalvulaires sont plus menacés. Le patient en attente de remplacement valvulaire doit bénéficier des mêmes mesures prophylactiques. Dans une enquête récente, il est remarquable que seulement 72 % des dentistes [11] et 84 % des médecins généralistes [28] considèrent que le port d'une prothèse valvulaire cardiaque crée un risque d'endocardite. Les cardiopathies congénitales cyanogènes figurent toutes dans ce groupe (notamment la tétralogie de Fallot), même après shunt palliatif ou correction incomplète. L'enquête retrouve également une sous-évaluation nette du risque des cardiopathies congénitales par les dentistes [11]. Un antécédent d'EI expose à un risque élevé de récidive.
Problèmes odontologiques rencontrés Ils concernent la pathologie et la thérapeutique, et sont dominés par la notion de vitalité pulpaire [25].
Pathologie odontologique Carie dentaire Une carie superficielle relève d'un traitement conservateur pour peu que la persistance de la vitalité pulpaire soit assurée. L'antibioprophylaxie est inutile. Une carie menaçant à court ou à long terme la vitalité pulpaire doit faire poser l'indication de l'extraction dentaire. Face à une pulpite, à une nécrose pulpaire, la pulpectomie est interdite et on doit extraire.
Complications locorégionales de l'atteinte carieuse Les complications chroniques d'une dent mortifiée, qu'il s'agisse d'un élargissement ligamentaire, d'un granulome apical, d'un kyste radiculodentaire, d'une fistule chronique muqueuse ou cutanée, se soldent par l'extraction de la dent causale associée à des gestes complémentaires de curetage ou d'énucléation. Un kyste intrasinusien impose l'extraction de la dent causale et l'énucléation du kyste. En présence d'un refoulement intrasinusien d'une pâte d'obturation canalaire, l'attitude dépend de l'état radiographique : une opacité sinusienne associée impose une exploration
; si le sinus est radiographiquement sain, l'abstention thérapeutique est préférable. Les complications aiguës d'une dent mortifiée imposent l'extraction de la dent responsable, que l'on soit en présence d'une desmodontite, d'une cellulite (où un drainage sera associé s'il existe une collection, ainsi qu'une antibiothérapie curative aussi longtemps que nécessaire), d'une ostéite (avec curetage des séquestres et antibiothérapie curative).
Atteinte des tissus de soutien de la dent Le détartrage n'est proposable que dans les cas de gingivite, il est réalisé sous antibioprophylaxie. Les parodontopathies inflammatoires imposent l'extraction. En présence d'une parodontopathie non inflammatoire (parodontose), l'abstention de tout geste est de règle.
Traumatismes dentaires Les dents ayant subi un traumatisme ne peuvent être conservées ni réimplantées à l'exception des fractures respectant la pulpe et ne menaçant pas sa vitalité.
Dents incluses Silencieuses, elles ne justifient pas d'intervention contrairement à celles qui présentent des accidents de désinclusion et qui nécessitent éventuellement un curetage, ou une énucléation complétant l'extraction accompagnée d'une antibiothérapie curative.
Traitements odontologiques proposables Malgré la rareté des données bibliographiques, il est raisonnable de formuler les recommandations suivantes : les couronnes et bridges sur dents pulpées ne peuvent être réalisés que lorsque l'anatomie permet de respecter un volume de protection pulpaire suffisant avec des limites cervicales supragingivales. Si la préparation est exsangue, l'antibioprophylaxie n'est pas nécessaire ; les dépulpations à visée prothétique sont formellement déconseillées [19] ; la prothèse adjointe est toujours recommandée, mais son adaptation et son innocuité gingivale doivent être régulièrement contrôlées ; les implants sont proscrits de même que la chirurgie parodontale. En résumé chez les patients à haut risque d'EI, les pulpopathies, les parodontopathies et les traumatismes nécessitent l'extraction. Les prothèses sur dents à dépulper, les implants et la chirurgie parodontale sont formellement déconseillés.
Cas particuliers : chirurgie de remplacement valvulaire Si cette éventualité est envisagée, le malade entre alors dans le groupe à haut risque. Ne seront conservées que les dents pulpées ou présentant un traitement endodontique parfait, remontant à plus d'un an, sans élargissement desmodontal et au parodonte intact. Toutes les autres dents dépulpées présentant un traitement endodontique incomplet, les dents dont le support parodontal est pathologique, les racines et apex persistants seront extraits au moins 15 jours avant l'intervention cardiaque, sous antibioprophylaxie. Les patients qui ont bénéficié d'une chirurgie de remplacement valvulaire nécessitent un suivi buccodentaire particulièrement minutieux et régulier tous les 4 mois. L'atteinte de la vitalité pulpaire doit être évitée par des soins précoces.
Cardiopathies à risque d'EI
Affections cardiaques en cause Valvulopathies. Valvulopathies aortiques ou mitrales, à type d'insuffisance ou de sténose. Prolapsus valvulaire mitral avec insuffisance mitrale et/ou épaississement valvulaire. Bicuspidie aortique. Valvulopathies tricuspidiennes. Cardiopathies congénitales non cyanogènes. Communication interventriculaire en présence de shunt résiduel. Sténose aortique congénitale. Cardiomyopathie obstructive à gradient élevé.
Problèmes odontologiques rencontrés Pathologie odontologique Les traitements conservateurs de la carie ne nécessitent pas d'antibioprophylaxie. En présence d'une atteinte pulpaire et de ses complications, les traitements radiculaires peuvent être entrepris sous antibioprophylaxie à quatre conditions : qu'ils soient réalisés sous champ opératoire étanche (digue) [23] ; que la totalité de l'endodonte soit aisément accessible (cas de la plupart des monoradiculées, moins fréquemment des pluriradiculées) ; qu'il n'y ait pas de dépassement apical de la pâte d'obturation ; que le traitement radiculaire soit effectué en une seule séance.
Si ces conditions ne sont pas remplies, l'extraction est recommandée. Des gestes spécifiques complémentaires, comme le drainage transalvéolaire, le curetage et la résection apicale peuvent être envisagés. Les cellulites, les sinusites et les kystes se soldent par une extraction associée à certains gestes (drainage, énucléation, curetage...) avec une antibiothérapie curative. Les gingivites relèvent du traitement conservateur sous antibioprophylaxie. Les parodontopathies inflammatoires imposent l'extraction. La chirurgie parodontale est déconseillée.
Traitement odontologique proposable Il n'y a aucune objection aux préparations sur dents pulpées quand les limites sont supragingivales et la pulpe suffisamment protégée. Si la préparation est exsangue, l'antibioprophylaxie est inutile. Les reconstitutions prothétiques sur dents à dépulper répondent aux mêmes exigences endodontiques que celles décrites ci-dessus. Bien entendu, la prothèse adjointe est recommandable, par contre les implants et la chirurgie parodontale sont déconseillés.
Modalités de réalisation des actes thérapeutiques chez un patient à haut risque et à risque d'EI Bender [3] a démontré que certains antiseptiques locaux à base de chlorhexidine appliqués sur la gencive pendant 3 à 5 minutes avant l'extraction dentaire réduisent la taille de l'inoculum bactérien après extraction. Il est recommandé de les utiliser en complément de l'antibioprophylaxie à laquelle ils ne sauraient se substituer en aucun cas.
Concernant l'antibioprophylaxie A l'exception des traitements des caries superficielles et des préparations prothétiques supragingivales exsangues sur dents pulpées, qui n'exigent pas de précautions particulières, toutes les autres interventions devraient être pratiquées sous antibioprophylaxie et antisepsie locale préopératoire immédiate. Les extractions multiples doivent être regroupées dans le même temps opératoire, dans la mesure du possible. Une évidence : elles doivent être complètes (sans laisser ni racine, ni apex) avec ablation des granulomes périapicaux, des kystes et les moins traumatisantes possible... Lors d'actes que l'on ne peut regrouper dans la même séance, afin d'éviter l'apparition de résistance bactérienne, il faut espacer les soins d'une semaine en alternant comme antibioprophylaxie : l'amoxicilline la première semaine puis la clindamycine la seconde semaine, puis la pristinamycine, puis l'amoxicilline, etc. La prévention du risque hémorragique chez le patient traité par des anticoagulants (situation fréquente chez le porteur de prothèse valvulaire chez qui le maintien d'une hypocoagulabilité est impératif) est locale avec mise en place intra-alvéolaire de matériel résorbable (gaze hémostatique), l'herméticité alvéolaire étant assurée par de la colle (biologique à base de collagène ou de fibrine) ou par des gouttières compressives thermoformées. Ce traitement local spécifique doit être associé à une antibiothérapie curative. Lors de la préparation à une intervention de remplacement valvulaire, la date de réalisation de la mise en état de la cavité buccale doit précéder idéalement d'au moins 15 jours l'intervention chirurgicale. La cicatrisation des alvéoles, déshabitées par les extractions, est alors achevée à cette date. Un éventuel problème septique buccal non résolu peut faire différer la chirurgie cardiaque.
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AFFECTIONS CARDIOVASCULAIRES SANS RISQUE PARTICULIER D'EI Aucune antibioprophylaxie n'est nécessaire dans les cas suivants : cardiopathies ischémiques : on observe une surestimation du risque des cardiopathies sans risque ; en effet, 54 % des dentistes interrogés [11] considèrent la maladie coronarienne comme une cardiopathie à risque et 70 % considèrent l'existence d'un pontage coronarien comme étant à risque. Or, du fait de la rareté des EI, les cardiopathies ischémiques (angine de poitrine, infarctus du myocarde et les patients opérés de pontage aortocoronarien) ne justifient pas de faire une prophylaxie spécifique ; rétrécissement mitral pur et isolé ; prolapsus valvulaire mitral à valves fines sans souffle ; calcifications de l'anneau mitral ; communication interauriculaire ; patient opéré de shunt gauche-droit sans communication résiduelle ; communication interventriculaire en l'absence de shunt résiduel ; canal artériel opéré ; porteur de stimulateur cardiaque ou de défibrillateur implantable ; manoeuvres de cardiologie interventionnelle (valvuloplastie percutanée, prothèse endocoronaire, etc.) ; cardiopathies hypertensives : on remarque également une surestimation par les chirurgiens dentistes [11] du risque d'EI sur cette maladie sans risque, en effet 32 % considèrent l'hypertension artérielle comme étant à risque ; affections vasculaires périphériques (artérite opérée ou non opérée,
phlébite). Les patients atteints de ces affections cardiovasculaires sans risque particulier d'EI doivent être traités en appliquant les règles classiques de l'odontologie. Une antibioprophylaxie n'a pas besoin d'être instaurée, seule une antisepsie locale est systématique.
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CONCLUSION Les études chez l'animal ont montré que des antibiotiques administrés dans la période précédent ou suivant immédiatement une inoculation bactérienne pouvaient prévenir le développement de l'endocardite expérimentale. Chez l'homme, seules les études cas/témoins fournissent des renseignements quantitatifs sur l'efficacité clinique de l'antibioprophylaxie. Les trois études de ce type publiées concernent chacune un faible nombre de cas. Elles montrent qu'une antibioprophylaxie entraîne une réduction très variable (de 20 à 90 %) des cas d'EI survenant après un geste invasif chez le cardiaque à risque. Dans aucune de ces études, cette réduction n'est statistiquement significative. Sur l'ensemble de ces arguments expérimentaux, épidémiologiques et cliniques, le jury de la 5e Conférence de consensus de la SPILF a estimé qu'un cas sur deux d'EI, survenant chez les cardiaques à risque après un geste invasif, pourrait être évité par une antibioprophylaxie systématiquement appliquée. Les endocardites à porte d'entrée buccodentaire présumée ou prouvée représentent 36 % des 1 300 endocardites infectieuses françaises annuelles, soit environ 350 patients, la mortalité étant de l'ordre de 10 %. Un acte de chirurgie buccodentaire précède l'endocardite dans 10 à 12 % des cas (130 à 160 patients). L'application d'une antibioprophylaxie et les règles odontologiques précédemment décrites devraient avoir une influence sur ce pourcentage en minorant les bactériémies provoquées. La prévention primaire repose en fait sur l'application d'une hygiène buccale stricte par l'ensemble de la population. Cette hygiène, assurant la permanence de la vitalité dentaire et l'intégrité du parodonte, minore le pourcentage des bactériémies spontanées responsables de 190 à 220 cas annuels d'EI (14 à 16 % des EI). En France, une circulaire ministérielle de 1959 [6] donnait des recommandations pour la prévention du rhumatisme articulaire aigu et de la prophylaxie de ses rechutes. Des conséquences médicolégales de cette circulaire ont été publiées
[7]
.
Il paraît donc prudent de conseiller l'observance de recommandations issues des conférences de consensus.
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© 1993 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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Tableaux Tableau I. Tableau I. - Antibioprophylaxie de l'El lors de soins dentaires r�alis�s en ambulatoire. Posologie et voie d'administration
Produit
Pas d'allergie aux b�talactamines Allergie aux b�talactamines
Prise unique dans l'heure pr�c�dant le geste
amoxicilline
3 g per os
clindamycine
600 mg per os
ou
pristinamycine
1 g per os
Posologies p�diatriques per os : amoxicilline 75 mg/kg ; clindamycine 15 mg/kg ; pristinamycine 25 mg/kg.
Tableau II. Tableau II. - Antibioprophylaxie � utiliser lors de soins dentaires effectu�s sous anesth�sie g�n�rale. Produit
Posologie et voie d'administration Avant (dans l'heure pr�c�dant le
Apr�s (6 h plus tard)
geste) Pas d'allergie
aux b�talactamines
amoxicilline
vancomycine Allergie aux b�talactamines
ou teicoplanine
2 g IV (perfusion 30 min)
1 g per os
1 g IV (perfusion pass�e en 60 min)
400 mg IV
pas de 2e dose
(directe) Posologies p�diatriques : amoxicilline 50 mg/kg IV avant, 25 mg/kg per os 6 h plus tard ; vancomycine 20 mg/kg (maximum 1 g) ; teicoplanine : pas encore d'AMM* chez l'enfant. * AMM (autorisation de mise sur le march�).
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-039-B-10
22-039-B-10
Relations pathologiques entre l’œil et les dents : point de vue de l’ophtalmologiste C Dot
Résumé. – Les relations pathologiques entre l’œil et les dents sont décrites depuis l’Antiquité, notamment pour les pathologies inflammatoires et réflexes. Nous abordons dans cet article-synthèse les quatre grands cadres nosologiques les concernant, du point de vue de l’ophtalmologiste : les pathologies oculo-orbitaires d’origine dentaire acquises, les associations lésionnelles ophtalmologiques et stomatologiques au cours d’affections générales, les manifestations ophtalmologiques et stomatologiques d’origine réflexe, enfin les syndromes polymalformatifs congénitaux. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : pathologie dentaire, pathologie ophtalmologique, uvéite, maladies générales.
Introduction Dès Hippocrate, les relations pathologiques entre l’œil et les dents sont évoquées. Au cours de l’histoire, la terminologie les concernant évolue ; Ambroise Paré définit « la dent de l’œil » évoquant alors les pathologies liées à la canine supérieure, puis l’expression « infection focale » que nous utilisons actuellement apparaît au début du XXe siècle avec Hunter dénonçant alors le rôle de l’infection apicale dentaire dans les infections locorégionales. Il semble qu’avec le temps, les progrès des explorations, de la thérapeutique et de l’hygiène dentaire, ces relations pathologiques, hormis le cadre des pathologies congénitales, soient moins fréquemment observées et rapportées dans la littérature. Il s’agit donc de situations cliniques relativement peu fréquentes mais assez significatives pour ne pas être méconnues par l’ophtalmologiste du XXIe siècle. Nous les abordons en quatre chapitres où la pathologie dentaire rapportée concerne la dent et son tissu de soutien, le parodonte : – les pathologies oculo-orbitaires d’origine dentaire acquises ; – les associations lésionnelles ophtalmologiques et stomatologiques au cours d’affections générales ; – les manifestations ophtalmologiques et stomatologiques d’origine réflexe ; – les syndromes polymalformatifs congénitaux associant une symptomatologie ophtalmologique et dentaire.
Pathologies oculo-orbitaires d’origine dentaire acquises Il s’agit essentiellement de pathologies inflammatoires et infectieuses. Deux tableaux se détachent par leur fréquence : les cellulites orbitaires et les uvéites.
Corinne Dot : Ophtalmologiste des hôpitaux des Armées. Adjoint au chef de service, service d’ophtalmologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France.
Les autres manifestations ophtalmologiques, que nous citons, sont plus rares, voire anecdotiques. CELLULITES ORBITAIRES
L’orbite est intéressée de par sa proximité anatomique, la richesse de ses connexions vasculonerveuses et son hétérogénéité tissulaire. Les voies de propagation de l’infection sont variables selon la dent en cause : – la fosse ptérygomaxillaire, ptérygopalatine et la fente sphénomaxillaire pour les molaires et les dents de sagesse ; – la voie périostée et/ou veineuse pour les canines et incisives ; – et surtout le sinus maxillaire pour les prémolaires et les molaires. Soixante-dix à 80 % des cellulites orbitaires sont d’origine sinusienne et 10 à 20 % des sinusites maxillaires sont d’origine dentaire. Les pathologies dentaires rapportées sont une carie profonde associée à une pulpite le plus souvent, parfois une périodontite ou une péricoronarite. Mais une cellulite orbitaire peut aussi être observée au décours d’une extraction dentaire. Les bactéries en cause sont soit aérobie (Enterococcus faecalis) soit anaérobie (Fusobacterium, Peptostreptococccus , Veillonella, Bacteroides) [9]. Le diagnostic clinique doit être complété par l’imagerie afin de distinguer une forme préseptale d’une forme rétroseptale, plus rare, mais plus grave où l’infection a franchi le septum orbitaire. Il convient également d’éliminer un emphysème à la palpation et au scanner qui doit alors orienter vers une exceptionnelle gangrène gazeuse, autre facteur de gravité. C’est une urgence médicale, non prise en charge, l’évolution locale intraorbitaire de l’infection engage le pronostic fonctionnel du globe oculaire puis anatomique ; l’évolution locorégionale possible engage le pronostic vital par thrombophlébite du sinus caverneux [7, 9, 22]. CAS PARTICULIER DES UVÉITES
Le rôle attribué aux dents dans les inflammations uvéales est très variable dans le temps mais aussi selon les équipes. Son mécanisme a fait couler beaucoup d’encre pour expliquer une « propagation à distance » avec successivement l’incrimination de toxines puis la notion « d’allergie focale » et de sensibilisation du tissu uvéal à un antigène microbien.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dot C. Relations pathologiques entre l’œil et les dents : point de vue de l’ophtalmologiste. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-039-B-10, 2003, 5 p.
Relations pathologiques entre l’œil et les dents : point de vue de l’ophtalmologiste
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Stomatologie
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Ulcère cornéen dendritique herpétique.
– un cas de métastase septique de l’iris associé à un abcès d’une molaire qui rend compte de la voie hématogène ;
1
– plusieurs cas de neuropathie optique (papillite et névrite optique rétrobulbaire) le plus souvent homolatérale à la pathologie dentaire, d’origine immunologique vraisemblable ; Uvéite antérieure synéchiante.
Dans tous les cas, la preuve clinique de l’origine dentaire est souvent difficile à établir formellement : coïncidence entre extraction dentaire et guérison ou relation de cause à effet ? Les recommandations de l’International Uveitis Study Group sont de réaliser un bilan de première intention lors d’une première poussée et de le compléter par un bilan de deuxième lignée orienté par les résultats du bilan initial (tailored approach). [2] Les résultats des séries récentes publiées sur la prise en charge diagnostique des uvéites sont variés. Les auteurs européens recherchent les infections focales tandis que les spécialistes anglosaxons les ignorent. Rozenbaum et al publient, en 1989, une série de 236 uvéites ; le panoramique dentaire ne fait pas partie du bilan systématique, aucune infection focale n’est comptée parmi les étiologies (26 % d’uvéite idiopathique) [24]. Rothava et al publient une étude prospective de 856 cas en 1992 ; là encore l’examen stomatologique de première intention est inexistant, aucun point d’appel dentaire n’est rapporté à l’interrogatoire (27,7 % d’uvéite idiopathique) [23]. Pivetti et al rapportent trois études conséquentes réalisées dans le même service à Rome publiées en 1977 sur 1 380 cas, en 1985 sur 865 cas et en 1996 sur 1 417 cas. Des infections focales sont retrouvées respectivement dans 2,9 %, 1,9 % et 0,70 % pour l’étude la plus récente [20]. Bouillet et al rapportent une étude prospective de 125 patients en 2000 avec 11 % d’infection locorégionale ; dans 9 % des cas le panoramique dentaire a été contributif. Le diagnostic étiologique d’infection locorégionale est retenu comme probable, sur l’absence de diagnostic différentiel, la présence d’un foyer infectieux actif et une évolution favorable de l’uvéite après traitement du foyer avec un suivi de 6 mois [3]. La pathologie dentaire n’est pas corrélée dans ces études avec un type clinique d’uvéite (antérieure, postérieure ou panuvéite). Quant aux épisclérites, elles peuvent être également observées lors d’infection focale, leur bilan étiologique est superposable à celui des uvéites (fig 1). AUTRES MANIFESTATIONS PLUS RARES
Les affections suivantes ont été rapportées pour un nombre de cas réduit dans la littérature. Leur citation, non exhaustive, illustre aussi l’interférence entre les dents et l’œil. Ont été ainsi décrits : – une kératite microbienne à Capnocytophaga sputigena secondaire à une gingivite chez un patient immunodéprimé ; – une endophtalmie après extraction dentaire multiple et au cours d’une périodontite provoquée par Peptostreptococcus intermedius et Aspergillus flavus ; 2
– de rares complications ophtalmologiques après extraction dentaire : une paralysie faciale avec ophtalmoplégie interne extrinsèque partielle, un emphysème orbitaire lié à l’utilisation d’un instrument à rotation rapide refroidi par air, un cas d’hémorragie intravitréenne après implantation multiple. Quant aux algies oculo-orbitaires, plus fréquemment observées en pratique courante, elles doivent faire rechercher une origine dentaire mais peuvent également révéler un carcinome du sinus maxillaire. Un bilan otorhinolaryngologique et dentaire est donc indispensable [9, 10, 11, 16, 18].
Associations lésionnelles ophtalmologiques et stomatologiques au cours d’affections générales AU COURS DES PATHOLOGIES INFECTIEUSES
L’herpès reste une grande préoccupation de l’ophtalmologiste en raison de la récurrence de ses manifestations, ce malgré les nouvelles thérapeutiques antivirales. Le virus herpes simplex 1 reste habituellement latent dans le ganglion trigéminé mais il a également été retrouvé dans la cornée chez des patients sans antécédent clinique d’herpès oculaire. Ses récurrences sont responsables de lésions labiales, de gingivostomatites, de kératoconjonctivites (ulcère dendritique caractéristique...) mais aussi de lésions plus préoccupantes : les kératites stromales et les uvéites typiquement hypertonisantes (entre 2,5 et 5 % des cas d’uvéites selon les séries) (fig 2). La tuberculose oculaire est plus rarement observée, elle se présente comme une uvéite granulomateuse (1,8 % dans la large série de Pivetti et al) et peut être associée à une ulcération de la cavité buccale. La syphilis a considérablement diminué en Europe et aux États-Unis (0,07 à 1,6 % des uvéites selon les séries) mais reste très présente en Afrique, elle est en augmentation actuellement en Île-de-France. Elle est encore appelée « la grande simulatrice en ophtalmologie » en raison de la grande variété de ses manifestations cliniques parfois déroutante depuis l’uvéite antérieure jusqu’à l’œdème papillaire. Il peut s’y associer des lésions érythématoérosives ou papuleuses (syphilides) de la muqueuse buccale et gingivale [12]. Les candidoses oculaires sont observées chez les immunodéprimés et ont été principalement décrites chez les porteurs du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) toxicomanes. Elles se présentent sous la forme d’hyalite et de panuvéite très rapidement pénalisantes en acuité visuelle (0,7 % de la série de Pivetti). Le suivi ophtalmologique de ces patients est d’autant plus resserré qu’il existe des lésions buccales. Les traitements dentaires éventuels doivent être alors réalisés sous prophylaxie antifungique en raison des complications oculaires possibles [17].
Relations pathologiques entre l’œil et les dents : point de vue de l’ophtalmologiste
Stomatologie
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Syndrome de Lyell (collection de l’hôpital d’Instruction des Armées Percy).
Uvéite antérieure à hypopion ; maladie de Behçet.
AU COURS DES MALADIES GÉNÉRALES ET SYSTÉMIQUES
¶ Maladie de Behçet L’atteinte oculaire est observée dans 90 % des cas dans les deux premières années de l’évolution. L’uvéite (5,8 % de la série de Pivetti), les vascularites rétiniennes, l’œdème papillaire ou la papillite mais aussi les occlusions artérielles ou veineuses rétiniennes sont les manifestations les plus fréquentes. La recherche à l’interrogatoire d’ulcères buccaux (et génitaux) est systématique pour l’ophtalmologiste puisqu’ils sont des signes cliniques cardinaux de cette pathologie [20] (fig 3).
¶ Syndrome de Goujerot-Sjögren Il associe une xérostomie par sclérose progressive des glandes salivaires à un syndrome sec oculaire. L’uvéite en est une manifestation plus rare mais représente tout de même 4,7 % des uvéites de la série de Rozenbaum et al [24].
¶ Diabète Il représente 2,3 % des étiologies des uvéites de la série de Rothova et al. On s’attache particulièrement à éliminer un foyer infectieux dentaire ou un corps étranger sinusien chez ces patients [23].
¶ Carence en vitamine C À l’origine du scorbut, elle associe un déchaussement dentaire et un syndrome hémorragique avec ecchymoses et pétéchies mais aussi des manifestations ophtalmologiques hémorragiques palpébrales, sous-conjonctivales, intravitréennes, rétiniennes, voire orbitaires [9, 12].
¶ Psoriasis Au cours du psoriasis, l’atteinte oculaire est retrouvée par Pivetti dans 0,28 % des cas. Elle est plus fréquente en cas de rhumatisme psoriasique (sous la forme d’uvéite) et peut être alors associée à une localisation gingivale sous la forme de lésions leucokératosiques et lichénoïdes [25].
¶ Pemphygoïde Les maladies bulleuses cutanéomuqueuses sont caractérisées par la présence de lésions bulleuses cutanées et/ou muqueuses. Il s’agit de pathologies rares parmi lesquelles sont clairement individualisées : la pemphigoïde cicatricielle, la pemphygoïde (et ses formes cliniques), la dermatose bulleuse à IgA linéaire, et l’épidermolyse bulleuse acquise (syndrome de Stevens-Johnson et de Lyell) (fig 4).
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Rétention d’une canine supérieure avec persistance de dent de lait (collection de l’hôpital d’Instruction des Armées Percy, professeur Maille).
Au niveau oculaire elles atteignent la conjonctive. Les premiers symptômes sont ceux d’une conjonctivite chronique non spécifique. Les bulles conjonctivales et cornéennes ont rarement été rapportées. Les stades évolutifs sont ceux de la fibrose sous-conjonctivale avec les symblépharons (bandes fibreuses entre conjonctive tarsale et bulbaire) et leurs complications graves oculaires par ankyloblépharon. L’atteinte buccale est souvent inaugurale dans ces formes. PATHOLOGIES TOXIQUES COMMUNES AUX DEUX SPÉCIALITÉS
Elles sont rapportées pour la minocycline pour des doses cumulées supérieures à 100 g et une durée longue de traitement. Il s’agit de pigmentation intéressant la cavité buccale dans plus de 20 % des cas ; en revanche, les dents et le globe oculaire sont plus rarement affectés. Des traitements discontinus et une surveillance clinique sont ainsi préconisés lors de thérapeutiques dépassant une année [8].
Manifestations ophtalmologiques et dentaires d’origine réflexe Elles sont d’ordre sensitif, moteur, sécrétoire, sensoriel, trophique ou encore vasomoteur, comme en atteste le cas d’une papillite homolatérale à la rétention d’une canine supérieure avec persistance de la dent de lait correspondante [15] (fig 5). 3
Relations pathologiques entre l’œil et les dents : point de vue de l’ophtalmologiste
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Stomatologie
Tableau I. – Principaux syndromes associant pathologies oculaire et stomatologique. Syndrome
Signes ophtalmologiques
Manifestations dentaires
Autres
Dysgénésies du segment antérieur Axenfeld, Peters, Rieger [1]
Glaucome Hypoplasie du stroma irien Embryotoxon postérieur Corectopie (fig 6) Microcornée
Malpositions dentaires Hypodontie Microdontie Anomalies de l’émail dentaire Hypoplasie mandibulaire
Anomalies urogénitales
Polypose adénomateuse familiale (Gardner) [5]
Hypertrophie congénitale de l’épithélium pigmenté rétinien unique ou multiple (bear tracks)
Hyperostose mandibulaire
Polypose intestinale multiple
Anomalies dentaires multiples
Cancérisation 100 %
Dans 70 % des cas : Microphtalmie Cataracte Ischémie rétinienne sectorielle
Hypodontie
Dermatologiques : hyperkératose, dysplasie unguéale, alopécie
Dans 40 % des cas : Colobome uvéal (fig 7) Strabisme Subluxation du cristallin
Malpostition dentaire Dysplasie de l’émail dentaire
Orthopédiques : syndactylie, ostéopathie striée radiologique
Microcornée Dysgénésie du segment antérieur : glaucome juvénile Strabisme
Hypoplasie dentaire
Syndactylie Hypoplasie nasale
Strabisme Colobome uvéal Cataracte congénitale Microphtalmie
Incisive centrale supérieure unique
Retard staturopondéral Hypopituitarisme
Hidrocystomes palpébraux multiples (fig 8)
Hypodontie Canines supérieures coniques
Hypotrichose Hyperkératose palmoplantaire Dystrophie unguéale
Nævus d’Ota Hétérochromie irienne
Anomalies dentaires
Retard mental (65 %) Taches cutanées café au lait
Incontinentia pigmenti (syndrome de Bloch-Sulzberger) [21]
Syndrome de Goltz
[14]
Syndrome de Meyer-Schwickerath ou syndrome oculo-dento-digital [4] Holoprosencéphalie [13]
Syndrome de Schöpf-Schultz-Passarge [6]
Hypomélanose d’Ito [19]
6 Syndrome de Rieger (collection de l’hôpital d’Instruction des Armées Percy, professeur Maille).
7
Colobome irien (collection de l’hôpital d’Instruction des Armées Percy, professeur Maille).
8
Hidrocystomes palpébraux ; syndrome de Schöpf.
Elles sont expliquées par la richesse des connexions anastomotiques nerveuses entre le nerf trijumeau et les fibres sympathiques et parasympathiques. Pour être retenue, la symptomatologie (névralgie, larmoiement, troubles de l’accommodation, blépharospasme essentiellement) doit disparaître après le traitement de « l’épine irritative » dentaire [9, 22, 26].
Syndromes polymalformatifs Les syndromes polymalformatifs associant anomalies dentaires et ophtalmologiques sont l’expression de la parenté em4
Stomatologie
Relations pathologiques entre l’œil et les dents : point de vue de l’ophtalmologiste
bryologique de l’appareil visuel et dentaire, intéressant les éléments issus des crêtes neurales, de l’ectoderme et des arcs branchiaux. Ils sont très nombreux ; nous ne citons que les principaux rencontrés en ophtalmologie (tableau I) (fig 6, 7, 8). Enfin, de manière plus anecdotique, des anomalies dentaires ont été observées dans la maladie de Marfan et la maladie de von Recklinghausen.
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Conclusion Les relations pathologiques entre œil et dent peuvent être observées dans divers cadres nosologiques : des anomalies congénitales aux anomalies acquises, sans oublier leur présence au cours d’affections générales. En pratique quotidienne, l’ophtalmologiste traque l’infection dentaire lors du bilan des affections oculaires inflammatoires aiguës et chroniques. Même si celle-ci est rarement retrouvée, sa recherche mérite d’être effectuée puisque son traitement est le plus souvent radical sur l’affection oculaire.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-038-A-10 – 23-061-F-10
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Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires T Briche M Raynal M Kossowski JB Seigneuric F Denhez
Résumé. – Les relations pathologiques entre les dents et le sinus maxillaire se comprennent par l’embryologie. La paroi inférieure du sinus maxillaire est centrée par les apex des dents dites sinusiennes : deuxième prémolaire et première molaire. Ainsi, tout processus pathologique aboutissant à la mortification dentaire est source d’une pathologie dentaire associée. La physiopathologie de la carie rend compte de ce processus. Cependant, la pathologie iatrogène, celle de la chirurgie pré-implantaire notamment, mais aussi les tumeurs bénignes ou malignes, sont également responsables de ces sinusites. Une thérapeutique adaptée à chaque étiologie permet d’éviter les complications et les séquelles dont l’incidence médicolégale reste faible. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : embryologie, nécrose dentaire, sinusite maxillaire, implants.
Introduction De nombreux processus pathologiques rapportés à la denture sont observés au niveau des sinus maxillaires, du fait des contacts anatomiques étroits entre les sinus maxillaires, par leurs faces inférieures, et les dents dites sinusiennes par l’intermédiaire de leurs apex. Les étiologies les plus fréquentes sont infectieuses et inflammatoires, plus rarement, il s’agit de tumeurs bénignes ou malignes. L’essor de l’implantologie rend davantage nécessaire la bonne compréhension des relations pathologiques potentielles entre les dents et les sinus maxillaires, pour les prévenir et, au besoin, connaître les traitements à appliquer.
Rappel anatomique
[18]
Les sinus maxillaires sont deux cavités paires, plus ou moins symétriques, creusées dans l’épaisseur du maxillaire. Elles sont annexées aux fosses nasales avec lesquelles elles communiquent par un ostium, au niveau du méat moyen. EMBRYOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DES SINUS MAXILLAIRES
Leurs relations avec les dents se comprennent grâce à l’embryologie. L’étage moyen de la face dérive de la partie postérieure du premier arc branchial qui donne les bourgeons maxillaires, latéralement, et du bourgeon frontal, médian, formé par la prolifération du mésenchyme en avant des vésicules cérébrales. Le bourgeon frontal
présente latéralement un épaississement local de l ’ectoblaste qui constitue la placode olfactive. De part et d’autre de cette placode apparaissent deux crêtes : le bourgeon nasal interne et le bourgeon nasal externe. Le développement en dedans des bourgeons maxillaires va progressivement refouler en dedans les bourgeons nasaux. Les bourgeons nasaux internes vont fusionner et donner le segment intermaxillaire qui deviendra le support des quatre incisives. Ainsi, les incisives n’ont jamais de rapport avec les sinus maxillaires quelle que soit leur taille. Les bourgeons nasaux externes décrivent, avec les bourgeons maxillaires, un sillon qui est à l’origine des voies lacrymales et du contrefort ou pilier canin. Ces voies lacrymales représentent un danger potentiel dans la chirurgie sinusienne, bien qu’elles soient protégées dans leur canal osseux. Parallèlement à la formation du squelette facial, le stomodeum se cloisonne horizontalement par le développement du palais primaire qui provient du segment intermaxillaire et par le développement du palais osseux secondaire qui provient du développement profond des bourgeons maxillaires à l’origine des processus palatins et des futurs cornets inférieurs. Ce palais osseux secondaire est le support des autres dents qui peuvent donc entrer en relation avec le sinus maxillaire. L’apparition du palais secondaire aboutit à la séparation de la cavité buccale et de la cavité nasale qui se cloisonne en fosses nasales droites et gauche par la descente d ’une lame verticale médiane à partir du bourgeon frontal : futur septum nasal. Les cavités sinusiennes se développent sous forme de diverticules de la paroi latérale des fosses nasales. Le diverticule inférieur (entre le cornet inférieur et le futur cornet moyen) est à l’origine de l’ethmoïde antérieur. Certaines cellules vont s’hypertrophier et se développer : – vers le bourgeon maxillaire : le futur sinus maxillaire ;
Thierry Briche : Oto-rhino-laryngologiste des hôpitaux des Armées. M Raynal : Oto-rhino-laryngologiste des hôpitaux des Armées. Michel Kossowski : Oto-rhino-laryngologiste des hôpitaux des Armées, professeur agrégé du service de santé des Armées. Jean-Baptiste Seigneuric : Stomatologiste des hôpitaux des Armées. Franck Denhez : Chirurgien dentiste des hôpitaux des Armées. HIA Percy, clinique d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie face et cou, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France.
– vers le bourgeon frontal : le futur sinus frontal. Le diverticule supérieur (entre le futur cornet supérieur et le futur cornet moyen) est à l’origine du sinus sphénoïdal et de l’ethmoïde postérieur. Le développement des sinus et des dents contribue à la morphologie faciale. À la naissance, le sinus maxillaire est donc présent sous la
Toute référence à cet article doit porter la mention : Briche T, Raynal M, Kossowski M, Seigneuric JB et Denhez F. Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-038-A-10, Odontologie, 23-061-F-10, 2003, 10 p.
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EMC [201]
Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires
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Stomatologie Odontologie
Le plancher des sinus maxillaires est habituellement plus bas que le plancher des fosses nasales. Paroi supérieure Elle correspond au plancher de l’orbite. Elle est épaisse et résistante en avant : le rebord orbitaire. Elle est mince et fragile en arrière, de forme triangulaire, parfois déhiscente. Elle est limitée en avant par le rebord orbitaire, en dedans par l’unguis en avant et le bord inférieur de l’os planum en arrière, en dehors par la suture maxillomalaire dans son tiers antérieur et la fissure orbitaire inférieure dans les deux tiers postérieurs. Elle est parcourue par la gouttière et le canal infraorbitaire, qui naît de la fissure orbitaire inférieure et contient le nerf infraorbitaire. Elle n’est pas impliquée dans la pathologie infectieuse, mais davantage en traumatologie.
¶ Parois d’intérêt chirurgical Paroi interne ou paroi nasale
1 Dents scanner : rapports entre dents et sinus : voir la faible épaisseur de la cloison intermédiaire forme d’une fente. Dans les premières années de la vie, il va subir une croissance antéropostérieure. À 6 ans, il a la forme du sinus adulte mais reste encore largement ouvert dans les fosses nasales. Ainsi, il n’est pas le siège de rétention et la sinusite maxillaire de l’enfant n’existe pas. Enfin, sa croissance se termine vers 16 ans, après l’apparition des dents définitives, sauf pour son extrémité postéro-inférieure qui ne prend sa forme définitive qu’après l ’éruption des dents de sagesse. ANATOMIE DESCRIPTIVE (fig 1)
Les sinus maxillaires sont des cavités aériennes de forme pyramidale triangulaire à base médiale creusées dans le maxillaire. Leur dimension et leur volume sont variables en fonction du degré de la pneumatisation. Leur capacité moyenne est de 12 cm3, mais elle varie de l’ordre de 5 à 20 cm3. Leurs dimensions moyennes sont de 40 mm de haut, 26 mm de profondeur et 39 mm de large. [11] Quelles que soient leurs dimensions, ils sont centrés sur la deuxième prémolaire et la première molaire de façon constante. On décrit : – deux parois chirurgicales : paroi antérieure et paroi interne ; – deux parois impliquées potentiellement en pathologie : paroi inférieure et paroi supérieure ou orbitaire ;
Sur un os sec, la cavité sinusienne creusée dans l’os maxillaire est largement ouverte par une échancrure triangulaire à sommet inférieur dont les limites sont : – en avant le processus frontal du maxillaire avec les voies lacrymales. La paroi médiale du maxillaire est épaisse en avant et mince en arrière ; – en arrière, la lame perpendiculaire du palatin. Elle fait un angle de 15-20° avec le plan sagittal et s’applique à la face médiale du maxillaire qu’elle renforce ; – en haut les masses latérales de l’ethmoïde. La partie inférieure est cloisonnée par la présence du cornet inférieur qui coupe en diagonale oblique en bas et en arrière. Le méat inférieur correspond à la portion située entre en dedans la face latérale du cornet moyen, en dehors la paroi médiane du sinus maxillaire, en haut la ligne d’insertion du cornet inférieur. Ce cornet inférieur présente un processus maxillaire qui descend verticalement et s’encastre dans la partie basse de l’échancrure sinusienne : sa trépanation est pratiquée dans la ponction de sinus, sa résection réalise une méatotomie inférieure. Les dangers sont représentés par les voies lacrymales qui se situent à 1 cm de la tête du cornet inférieur en moyenne. La partie supérieure répond au méat moyen qui est limité en dedans par la paroi latérale du cornet moyen, en haut par la ligne d’insertion de ce cornet moyen, en bas par le dos du cornet inférieur et en dehors par :
– une paroi postérieure ;
– en avant, le processus frontal du maxillaire, le canal lacrymal, les cellules ethmoïdale tout antérieures (cellules de l’agger nasi) ;
– un sommet latéral, correspondant au processus zygomatique du maxillaire.
– en arrière, le palatin ;
¶ Parois d’intérêt pathologique Paroi inférieure Elle est centrée sur les apex dentaires de la deuxième prémolaire et de la première molaire. En fonction de la taille du sinus, cette paroi peut être en relation avec les apex des deux autres molaires, de la première prémolaire, voire de la canine. Les dents sont logées dans des alvéoles creusées dans le maxillaire. La paroi inférieure du sinus se moule littéralement sur les apex dentaires dont le relief est parfaitement visible en endoscopie sinusienne. Toutefois, la racine dentaire reste normalement séparée de la muqueuse sinusienne par une frange plus ou moins épaisse, parfois spontanément déhiscente d’os spongieux. Sa lyse par un processus infectieux dentaire, responsable d’ostéite, explique la diffusion possible de l’infection vers le sinus maxillaire. La finesse de la paroi peut être un point de faiblesse lors des traitement radiculaires. Cela peut expliquer la pénétration de la dent lors de tentatives d’extractions et la pénétration de matériel d’obturation endocanalaire. 2
– au milieu, le segment ethmoïdal qui présente des reliefs importants ; – l’unciforme qui s’implante dans l’ethmoïde antérieur en haut et en avant et descend oblique en bas et en arrière, croisant l’échancrure maxillaire et se terminant en arrière par trois expansions : une postérieure vers le palatin, une inférieure vers le cornet inférieur, une supérieure vers la bulle ethmoïdale qui est une cellule de l’ethmoïde antérieur. Son exérèse est la clef de la réalisation de la méatotomie moyenne ; – la bulle ethmoïdale qui est une cellule de l’ethmoïde antérieur. Unciforme et bulle ethmoïdale déterminent un sillon : la gouttière uncibulaire à la partie inférieure de laquelle se draine le sinus maxillaire, et à la partie supérieure de laquelle se drainent les cellules ethmoïdales du système unciformien et du système méatique dont le sinus frontal. Le méat moyen est donc le méat physiologique. Tous ces éléments osseux déterminent des zones déhiscentes qui sont recouvertes de muqueuse sinusienne sur leur versant sinusien et de muqueuse nasale sur l’autre versant : les fontanelles.
Stomatologie Odontologie
Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires
L’inflammation de cette muqueuse peut être responsable de rétrécissement de l’ostium de drainage, d’où le confinement et la surinfection.
Processus carieux
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Nécrose pulpaire
Pulpite
Paroi antérieure Équilibre
Elle correspond à la face jugale du sinus maxillaire. C’est une paroi fine, grossièrement trapézoïdale à sommet inférieur, intercalée entre des piliers de grande résistance : Évolution selon un mode chronique :
– pilier canin en dedans ; – pilier maxillomalaire en dehors ;
Évolution selon un mode aigu :
– granulome
– desmodontite septique
– kyste
– abcès dentaire
– rebord orbitaire en haut ; – rebord alvéolaire en bas, depuis la canine à la deuxième prémolaire. Cette portion est excavée. Elle présente l’orifice du canal du nerf infraorbitaire à sa partie supérieure, à 5-10 mm sous le rebord orbitaire. Elle est parcourue de canalicules osseux : – nerveux pour les nerfs alvéolaires supérieur et antérieur qui naissent du nerf infraorbitaire et sont destinés aux incisives et aux canines, et pour le nerf alvéolaire supérieur et moyen, inconstant, destiné à la première prémolaire ; – vasculaires. Cette paroi contient des débris paradentaires qui peuvent donner des kystes, et les germes des dents définitives chez l’enfant. Cette paroi peut être trépanée pour examen endoscopique. Ce geste peut être combiné à un abord endonasal. Sa large ouverture réalise la voie de Caldwell Luc.
¶ Paroi postérieure La paroi postérieure du sinus maxillaire est convexe dans tous les sens. Elle répond à la tubérosité maxillaire qui sépare le sinus de la fosse infratemporale. À ce niveau, le périoste est décollable. En raison de l’obliquité du plancher orbitaire, elle est plus haute en dedans qu’en dehors. En bas, elle se poursuit en pente douce avec la paroi inférieure. C’est une paroi épaisse (2 mm) perforée en dehors par le canal dentaire supérieur et postérieur qui contient le nerf du même nom, destiné aux molaires, et en dedans, le canal grand palatin qui contient le nerf du même nom et l’artère palatine descendante. La trépanation de la portion médiale de cette paroi postérieure permet d’accéder à la fente ptérygopalatine et à son contenu (ganglion ptérygopalatin et artère maxillaire).
Pathologie infectieuse et inflammatoire Les sinusites maxillaires d’origine dentaire résultent de la propagation d’un processus inflammatoire ou infectieux d’une dent antrale à la muqueuse du sinus maxillaire. PHYSIOPATHOLOGIE DES FOYERS INFLAMMATOIRES ET INFECTIEUX DENTAIRES (fig 2)
¶ Carie dentaire Elle est le résultat d’un processus bactériologique qui aboutit à la destruction des tissus durs de la dent (l’émail et la dentine).
¶ Atteinte du parenchyme pulpaire Après avoir franchi la couche d’émail, le processus carieux se poursuit de façon plus active au sein de la dentine qui présente un degré de minéralisation bien inférieur à celui de l’émail et une trame organique plus importante. D’un point de vue histoembryologique, on ne peut pas dissocier véritablement dentine et tissu pulpaire. Il s’agit d’un même complexe. Face à une carie faiblement évolutive,
Sinusite maxillaire d’origine dentaire
2
Physiopathologie des sinusites maxillaires d’origine dentaire.
une dentinogenèse secondaire est possible par réaction pulpaire. L’activation des odontoblastes aboutit alors à une obturation des tubuli dentinaires et à une rétraction du parenchyme pulpaire pour laisser place à une néodentine, cela réalisant une véritable barrière minéralisée vis-à-vis de l’agression. Cependant, lorsque le processus carieux est plus agressif, le mécanisme de défense est inopérant et l’envahissement bactérien s’effectue, notamment par ces mêmes tubuli dentinaires. Le processus inflammatoire déclenché par l’agression bactérienne entraîne une hyperhémie pulpaire responsable de pulpopathies. De nombreuses classifications concernant les pulpopathies sont proposées, cependant, nous n’envisageons que la pulpite irréversible dont l’intérêt étiopathogénique est directement rattaché à notre propos. L’ischémie provoquée par l’hyperhémie pulpaire conduit à un processus irréversible de dégradation du parenchyme aboutissant à la nécrose. Il faut noter que l’invasion de la pulpe en voie de nécrose par les bactéries peut, certes, se faire par cavitation carieuse, mais se n’est pas le seul processus. L’anachorèse constitue une autre voie d’invasion : au cours d’une bactériémie, les micro-organismes pénètrent par l’apex dans le tissu pulpaire en voie de mortification incapable de se défendre face à l’agression.
¶ Pathologies infectieuses périapicales Pathologies infectieuses aiguës
• Desmodontite septique La dent est sensible à la percussion, la diffusion du processus infectieux conduit à une inflammation du ligament alvéolodentaire, entraînant une légère extrusion de la dent responsable de douleur au moindre contact occlusal. À ce stade, il n’y a pas encore de tuméfaction objectivable.
• Abcès ou cellulites d’origine dentaire La diffusion du processus infectieux se poursuit par voie apicale au sein des tissus mous. Les signes généraux sont fréquents, une tuméfaction exobuccale et endobuccale est presque toujours présente. La dent causale est souvent mobile et douloureuse à la moindre percussion. Les formes cliniques sont multiples et peuvent présenter des tableaux sévères lorsqu’ils évoluent sous formes diffuses. La nécrose pulpaire évolue presque irrémédiablement vers une complication périapicale aiguë ou chronique ; le passage de l’un à l’autre étant fréquent. Pathologies infectieuses chroniques (cf Tumeurs bénignes odontogènes) Ce sont : – le granulome apical ; – le kyste apical. 3
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Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires
C’est seulement à partir du stade de nécrose qu’une dent antrale peut être à l’origine d’une contamination bactérienne, par un processus infectieux aigu ou chronique, du sinus maxillaire. Une dent qui répond aux tests de vitalité de façon normale (cas d’une dent saine) ou exacerbée (carie avancée, pulpite...) ne peut être, à ce stade, responsable d’une sinusite d’origine dentaire.
¶ Propagation de l’inflammation dentaire à la muqueuse sinusienne Les mécanismes de survenue de la sinusite maxillaire d’origine dentaire ont été exposés par Terracol qui distingue plusieurs étapes : après carie dentaire atteignant la pulpe, l’infection gagne l’apex de la racine dentaire réalisant une desmodontite septique. Celle-ci peut évoluer soit vers un granulome ou un kyste radiculodentaire qui va s’organiser sur un mode chronique, soit vers une ostéite du plancher, prélude à la constitution d’une collection sous-muqueuse. Cette collection sous-muqueuse peut s’ouvrir dans la cavité sinusienne soit de manière brutale, réalisant par continuité l’empyème du sinus avec atteinte limitée de la muqueuse, soit de manière progressive par contiguïté réalisant une sinusite maxillaire aiguë suppurée. La relation de cause à effet entre les foyers inflammatoires ou infectieux dentaires est difficile à établir ; deux études cliniques [5, 6] font état d’une diminution considérable de l’hypertrophie radiologique de la muqueuse maxillaire après traitement de la pathologie périodontale, une étude histologique [13] sur pièces d’autopsie montre que des foyers infectieux dentaires s’accompagnent fréquemment de signes histologiques d’inflammation de la muqueuse maxillaire.
Stomatologie Odontologie
vasoconstricteurs et mouchage, il est souvent possible de repérer le pus dans le méat moyen et/ou sur le dos du cornet inférieur. En cas de doute, ou si l’on souhaite réaliser un prélèvement dirigé dans le méat moyen à visée bactériologique, le recours à l’endoscope rigide est souhaitable. La pulvérisation d’un anesthésique local associé à un vasoconstricteur précède le passage de l’endoscope de 4 ou 2,7 mm à vision directe 0° ou oblique à 30°. L’examen du méat moyen retrouve un œdème du processus unciforme, de la partie inférieure de la bulle et du cornet moyen, recouvert de sécrétions purulentes ; une aspiration fine permet le repérage de l’ostium maxillaire qui apparaît en règle fonctionnel.
¶ Évolution En l’absence de traitement ou si celui-ci est inadapté, l’évolution peut se faire vers : – la pansinusite antérieure ethmoïdo-fronto-maxillaire avec rhinorrhée purulente et fétide avec, à l’examen, un méat moyen très œdématié, inflammatoire, mêlé à du pus franc ; – la chronicisation.
¶ Principes du traitement Il repose sur le traitement de la dent causale et sur une antibiothérapie probabiliste de première intention, à visée sinusienne et éventuellement drainage sinusien par ponction diaméatique et mise en place d’un drain temporaire pour faciliter les irrigations. SINUSITES MAXILLAIRES CHRONIQUES
SINUSITES MAXILLAIRES AIGUËS
[12, 14]
Le diagnostic de sinusite d’origine dentaire est établi après reconnaissance de l’existence de la sinusite, puis rattachement de cette sinusite à une cause dentaire. Un syndrome général fébrile est fréquent.
¶ Signes cliniques Les signes fonctionnels sont identiques à ceux d’une sinusite aiguë classique avec cependant trois particularités : – l’unilatéralité de l’infection ; – la rhinorrhée fétide à l’origine d’une cacosmie homolatérale ; – les douleurs dentaires, particulièrement vives à l’examen dentaire.
¶ Examen clinique Pulpite aiguë Elle survient sur des dents vivantes. Les douleurs sont lancinantes, d’une intensité d’abord modérée, puis très vives empêchant le sommeil ; d’abord intermittentes, puis permanentes ; localisées à la dent avec possibilité d’irradiation et de phénomènes réflexes associés (larmoiement, rougeur). À l’examen, on retrouve une douleur à la percussion dentaire ; les tests de vitalité pulpaire restent normaux au début, mais disparaissent lors de l’évolution vers la nécrose pulpaire. Desmodontite septique Elle survient toujours sur des dents mortifiées. Les douleurs spontanées, pulsatiles, très vives, continues avec des paroxysmes, sont majorées par le contact avec la dent antagoniste ou l’aliment. L’aspect terne de la couronne avec réaction négative aux tests de vitalité pulpaire évoque une mortification de la dent. Examen des fosses nasales La rhinoscopie antérieure à l’aide d’un spéculum et au miroir de Clar confirme la congestion des cornets et la présence de sécrétions purulentes obstruant la fosse nasale. Après instillation de 4
L’épisode infectieux aigu, douloureux, est généralement oublié du patient ou est passé inaperçu.
¶ Signes cliniques Dans la majorité des cas, les foyers sont des lésions chroniques latentes qui ne présentent pas ou peu de signes subjectifs.
¶ Examen clinique Pulpite chronique Le diagnostic est beaucoup plus difficile car la douleur est atténuée ou inexistante. L’examen clinique, basé seulement sur des données subjectives du patient concernant la sensibilité de la dent, ne permet pas d’identifier avec certitude les lésions pulpaires. Des méthodes objectives (mesure de la température de la dent, de la quantité de lumière qui pénètre à travers la couronne, de la pression intrapulpaire, de la résistance électrique de la dent) sont du domaine de la recherche. Pathologies périapicales chroniques Les symptômes sont inexistants ou oubliés. L’orthopantomogramme est systématiquement complété par des radiographies périapicales en double incidence, orthogonale ou oblique : elles retrouvent un léger élargissement de l’espace desmodontal avec disparition de la lamina dura ; une zone périapicale radioclaire ronde, ou en croissant de quelques millimètre, à contour net, est caractéristique d’un granulome périapical ; le kyste radiculodentaire a un diamètre plus volumineux, parfois cerné d’un trait radio-opaque de sclérose osseuse. Actuellement, le dentascanner permet un diagnostic plus précis et plus sûr [4, 16] ; c’est un logiciel de reconstruction dentaire à partir d’une seule pile de coupes axiales ; les coupes coronales directes sont évitées car ininterprétables en raison de la présence de corps métalliques (couronnes, amalgames,...). Cet examen est de courte durée, peu irradiant et peu contraignant pour le patient, de réalisation automatisée, simple et rapide pour le praticien. Elles surviennent toujours sur des dents mortifiées.
Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires
Stomatologie Odontologie
¶ Évolution Non traitées, ces affections chroniques évoluent vers la fistulisation, la formation d’abcès de voisinage et la perte des dents causales. Les cellulites cervicales d’origine dentaire constituent un mode de complication pouvant menacer la vie du patient.
¶ Principes du traitement
[9]
Le principe est identique à celui des affections aiguës, mais avec des procédures chirurgicales plus lourdes. FORMES CLINIQUES SELON LE GERME
Les germes habituellement responsables de la plupart des sinusites maxillaires d’origine dentaire sont représentés par les germes anaérobies, des streptocoques, des Neisseria, des fusiformes.
¶ Aspergillose
[1]
Si la pathogenèse des sinusites fongiques est manifestement plurifactorielle, ces infections apparaissent d’origine dentaire dans plus de la moitié des cas [1]. Aspergillus fumigatus, plus rarement Aspergillus niger sont les responsables sous nos latitudes, tandis qu’Aspergillus flavus est l’agent causal au Soudan. Les facteurs favorisants sont représentés par la présence de pâte dentaire dans le sinus (association observée plus d’une fois sur deux) et par l’immunodépression d’étiologies virale, hémopathique ou chimiothérapique. La rhinorrhée chronique homolatérale plus ou moins fétide, parfois noirâtre et sanglante, est beaucoup plus caractéristique. L’endoscopie peut reconnaître la masse mycélienne noirâtre avec des zones blanchâtres ou vert jaunâtre, parfois caséeuse mais peu adhérente, lors du lavage. L’opacité radiologique peut être diffuse ou localisée, sous forme d’images arrondies isolées ou multiples, au sein de laquelle la présence de pâte dentaire fait fortement évoquer le diagnostic. Seule l’identification bactériologique, avec présence de filaments mycéliens lors de l’examen direct du prélèvement, a une valeur diagnostique. Certaines formes pseudotumorales se caractérisent par l’envahissement plus ou moins rapide des structures voisines (orbite, fosses nasales) et des hémorragies régionales évoquant un processus malin avec lyse osseuse des parois du sinus.
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– trompeurs, sous forme d’atteinte à distance : oculaire (iritis, idocyclite, uvéite, papillite), articulaire (arthrite), rénale (glomérulonéphrite), ou cardiaque (valvulopathie), dermatologique (eczéma, acné rosacée), manifestations de l’infection focale. L’examen dentaire soigneux recherche : des algies dentaires spontanées ou provoquées par le contact du chaud ou du froid, une parodontite (tartre, pyorrhée gingivale, mobilité dentaire) des signes d’infection apicale chronique au niveau d’une dent antrale (couronne grisâtre, douleur à la mobilisation, à la pression ou à la percussion horizontale et verticale, perte de la sensibilité explorée au pulpotesteur). La radiographie en incidence de Blondeau montre au niveau des sinus maxillaires des opacités le plus souvent unilatérales, parfois localisées au bas-fond sinusien sous forme d’image arrondie isolée (image en soleil levant ou couchant) parfois multiple, polylobées ou en cadre, mais sans altération osseuse des parois. Le dentascanner objective nettement les rapports sinusodentaires et contribue à résoudre efficacement le problème de la responsabilité dentaire. L’examen dentaire retrouve facilement la ou les dents responsables. SINUSITES MAXILLAIRES BILATÉRALES
Elles représentent des pièges diagnostiques car elles orientent préférentiellement vers la recherche d’une pathologie de terrain. FORMES RÉCIDIVANTES
Elles résultent de la méconnaissance ou d’une non-stérilisation du foyer dentaire, voire de la présence d’une dent ectopique [8]. TRAUMATISMES
Une sinusite maxillaire aiguë par surinfection d’un hématome intrasinusien peut survenir après luxation dentaire intrasinusienne. Ce sont : – les accidents de germectomie supérieure chez l’enfant ; – les accidents d’extraction des dents de sagesse incluses ; – le dépassement de traitement canalaire ; – la sinusite postimplantaire. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
[2]
¶ Actinomycose
¶ Manifestations dentaires d’origine sinusienne
Ce syndrome de sinusite maxillaire chronique s’accompagne d’une tuméfaction génienne à caractère infiltrant progressif avec fistulisations multiples du sillon gingivojugal ; l’atteinte initiale peut être un apex dentaire, d’où sourd un pus grumeleux évocateur s’il contient des grains jaunes. La culture en milieu anaérobie confirme le diagnostic qui reste cependant exceptionnel.
Les pathologies sinusiennes peuvent être responsables de troubles dentaires. Dans ce cas, l’examen odontologique est négatif, il ne permet pas de mettre en évidence d’étiologie dentaire. On qualifie ces manifestations sinusiennes à répercussion dentaire d’odontalgies sinusiennes. Elles se caractérisent par des douleurs irradiées à l’ensemble des dents antrales du côté du sinus maxillaire incriminé. On distingue comme causes possibles :
FORMES CLINIQUES SELON L’ÂGE
L’ostéomyélite du nourrisson de moins de 6 mois est devenue très rare ; à point de départ gingival, l’infection se développe dans le tissu osseux car le sinus maxillaire n’est pas encore individualisé. Le syndrome général infectieux est associé à un œdème inflammatoire de l’hémiface avec fistulisation rapide des téguments. Les sinusites maxillaires ne s’observent pas avant la survenue des dents définitives.
– une atteinte nerveuse par compression ou lésion d’une branche du nerf maxillaire au cours de son trajet intrasinusien ; – une lésion des rameaux sympathiques, entraînant une réaction au niveau de la pulpe dentaire et/ou du desmodonte ; – la propagation de processus inflammatoire ou infectieux de proche en proche atteignant la dent par son extrémité apicale, surtout quand il existe des rapports anatomiques très intimes entre les dents antrales et le sinus.
¶ Sinusites rhinogènes FORMES CLINIQUES SELON L’INTENSITÉ
Il s’agit des formes atténuées : les signes cliniques sont : – larvés, car les douleurs sont discrètes sinon absentes, la rhinorrhée postérieure intermittente peu abondante, source de paresthésies pharyngées, de toux et de crachats matinaux, d’haleine fétide sans altération de l’état général ;
Sinusite maxillaire aiguë Le plus souvent bilatérale, elle survient au décours d’un coryza aigu, la rhinorrhée purulente reste non fétide. L’examen dentaire ne retrouve pas de foyer infectieux initial. Une rhinorrhée fétide unilatérale doit faire évoquer un corps étranger ou un rhinolithe de la fosse nasale. 5
Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires
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3
Stomatologie Odontologie
6
Kyste odontogénique.
Odontome.
7
Dent incluse. Kyste péricoronaire.
4
Kyste odontogénique.
La croissance kystique est généralement asymptomatique.
¶ Kystes radiculodentaires
5
Mucocèle : complications de la chirurgie sinusienne.
Ils trouvent leur origine dans une infection dentaire ou dans une anomalie de développement. Les kystes apicaux sont de loin les plus fréquents et se développent préférentiellement à partir d’une dent nécrosée et infectée, plus rarement à partir d’une dent ayant bénéficié d’un traitement endodontique plus ou moins bien réalisé. On différencie le kyste apical du granulome par l’aspect lacunaire arrondi plus volumineux bien limité, avec un liseré de bordure radio-opaque.
¶ Améloblastome
Sinusite maxillaire chronique Le bilan endoscopique et tomodensitométrique révèle l’absence de pathologie dentaire, mais une possible entrave mécanique à la ventilation du sinus (déviation septale, anomalie des cornets, pathologie du méat). Cependant, le rôle du septum nasal dans la pathogénie ou comme facteur favorisant de la sinusite maxillaire chronique n’est pas démontré [3].
Pathologie tumorale TUMEURS BÉNIGNES D’ORIGINE ODONTOGÈNE
(fig 3, 4, 5, 6)
¶ Kystes folliculaires ou péricoronaires Ils se développent à partir d^une dent définitive en situation incluse (dent de sagesse, canine). L’évolution pathologique du sac folliculaire qui entoure naturellement la couronne aboutit à une lyse osseuse. Le processus est évolutif et il n’est pas rare d’observer au maxillaire un envahissement sinusal ou nasal. 6
Plus généralement observé à la mandibule, on en décrit cependant quelques localisations au maxillaire, en région molaire au niveau sinusal et pelvinasal. De croissance lente, le processus ostéolytique aboutit à une soufflure des corticales avec mobilisation des dents bordantes. Radiologiquement, l’aspect en bulles de savon témoigne de cloisons de refend. Le traitement est chirurgical. L’exérèse doit être large devant cette tumeur bénigne agressive, infiltrante et à haut pouvoir de récidive.
¶ Kystes épidermoïdes (fig 7) Ils sont parfois observés au maxillaire et ont comme origine des reliquats épithéliaux. Ils apparaissent sous forme d’une tuméfaction entraînant parfois des déplacements dentaires, mais leur découverte peut être également fortuite au décours d’un examen radiologique de type panoramique dentaire. En imagerie, la lésion osseuse apparaît comme une lacune avec une bande de condensation périphérique nette refoulant la paroi osseuse du sinus qui reste longtemps non envahi. Il n’est pas rare que le processus ostéolytique soit centré par une dent incluse. Le traitement chirurgical suppose ensuite un contrôle radiologique régulier car les récidives sont fréquentes. PATHOLOGIE MALIGNE
Les tumeurs malignes des sinus de la face, représentent un groupe peu important des cancers des voies aérodigestives supérieures. Elles se développent aux dépens soit de la muqueuse de recouvrement, soit des structures de soutien cartilagineuses ou osseuses.
Stomatologie Odontologie
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Les cancers épidermoïdes représentent 75 % de ces tumeurs. Ils ont la particularité de présenter une moindre fréquence de métastases ganglionnaires cervicales (l’adénopathie révélatrice est rare), et générales (poumon, foie, os). Leur pronostic est surtout lié à l’importance de l’extension locale. Celle-ci est longtemps silencieuse, le cancer s’étendant dans des cavités. Globalement, la survie à 5 ans est de 25 %. Les signes cliniques évocateurs sont : – des signes unilatéraux de rhinosinusites avec épistaxis chez l’homme de 50 ans ; – des douleurs : une céphalée banale par sinusite réactionnelle, des odontalgies et des troubles sensitifs par atteintes des branches du nerf trijumeau ; – des signes oculaires plus rares car traduisant un envahissement orbitaire ;
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Ce mécanisme permet de comprendre que les aérodontalgies peuvent concerner des dents saines. PATHOLOGIE IATROGÈNE
¶ Traitement et chirurgie endodontique Traitements endodontiques des dents antrales Le traitement endodontique consiste à pratiquer l^extirpation du paquet vasculonerveux de la dent et d’obturer la totalité du ou des canaux radiculaires, en respectant le périapex. On définit ainsi la biopulpectomie lorsque le traitement est réalisé sur une dent vivante, et la pulpectomie lorsque ce dernier est effectué sur dent nécrosée.
• Indications : Ce sont :
– des signes buccodentaires qui attirent l’attention : un déchaussement d’une dent, la perte d’une prothèse, une voussure du palais dur, une soufflure d’un rebord alvéolaire, un saignement chronique. Le traitement associe la chirurgie et la radiothérapie D’autres tumeurs malignes peuvent se rencontrer :
– les pulpites ;
– les sarcomes squelettogènes dont l’évolution et le traitement ne sont pas différents de ceux des carcinomes épidermoïdes. Ils surviendraient à un âge plus précoce ;
– les traumatismes alvéolodentaires : fractures dentaires avec exposition pulpaire, luxation d’organes dentaires avec rupture du paquet vasculonerveux.
– les lymphomes dont le traitement associe ou non la chimiothérapie et la radiothérapie en fonction du typage histologique ;
• Principes thérapeutiques
– les mélanomes malins qui sont traités par association chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie. Sur le plan pratique, ces cancers posent le problème de leur extension vers l’infrastructure du sinus maxillaire avec destruction de la paroi inférieure. La reconstruction après l’exérèse chirurgicale dépend de l’importance de la résection, elle utilise toujours une plaque palatine avec un comblement de la perte de substance avec du silicone ou avec une résine molle, avant réalisation d’une prothèse définitive. La prise en charge chirurgicale est optimisée avec l’association des différentes spécialités : chirurgiens dentistes, chirurgiens maxillo-faciaux et oto-rhino-laryngologistes.
Pathologie traumatique BAROTRAUMATISMES
L’exposition aux variations pressionnelles peut engendrer des douleurs dentaires : les aérodontalgies ou barodontalgies. Leur origine est mal connue : – rôle de la dilatation de gaz intracanalaire en cas d’obturation incomplète ; – pulpite, kyste périapical. Les relations entre sinus et dents peuvent expliquer certaines douleurs dentaires en relation avec un barotraumatisme sinusien qui résulte d’un défaut d’équilibration des pressions entre le sinus et le milieu extérieur. Ces douleurs dentaires surviennent plus fréquemment en montée (décompression) [17]. Lors de la montée, la diminution de la pression ambiante se traduit par une augmentation des volumes gazeux (loi de Boyle-Mariotte : P × V = constante). La bonne perméabilité de l’ostium permet à l’excès de volume gazeux de s’évacuer. Une pathologie ostiale qui empêcherait l’air de s’enfuir entraînerait une relative surpression dans le sinus du fait de l’augmentation des volumes dans cette cavité inextensible. Cette surpression a été incriminée dans la stimulation du nerf alvéolaire supérieur [7].
– les nécroses pulpaires ; – les pathologies périapicales (plus ou moins en association avec une chirurgie endodontique) ; – les traitements canalaires avant préparation coronaires à visées prothétiques ;
Le traitement endodontique répond à un protocole bien défini visant à éliminer la totalité de la pulpe dentaire camérale et radiculaire. À partir d’une longueur de travail établie radiologiquement ou à l’aide d’un localisateur d’apex, des limes et racleurs de diamètres progressifs alèsent les canaux radiculaires. Un élargissement est ainsi obtenu avec un cône d’arrêt idéalement établi à 0,5 mm de la limite apicale. L’obturation canalaire est réalisée à la gutta percha plus ou moins pâte d’obturation à l’oxyde de zinc Eugénolt, selon des techniques de condensation latérale, verticale ou mixte. Le but est d’obtenir une obturation dense et complète de l’ensemble de l’endodonte en respectant le périapex.
• Complications iatrogènes Au cours des différentes manipulations, les techniques d’alésages et d’obturations peuvent être génératrices d’effets iatrogènes par excès ou défaut de traitement. – Complications iatrogènes par défaut. Le défaut de traitement d’une partie ou de la totalité d’un canal dentaire conduit à un espace vacant constituant un réservoir bactérien potentiel plus particulièrement favorable au développement d’une flore bactérienne anaérobie et mobile. Celle-ci peut conduire, à plus ou moins long terme, à l’apparition et au développement d’une pathologie périapicale selon un mode aigu ou le plus souvent chronique (granulome et kyste). Le sinus proche peut ainsi être contaminé. – Complications iatrogènes par excès. Le non-respect des limites du périapex par dépassement instrumental (lime, racleur, lentulo) et/ou débordement du matériel d’obturation canalaire au-delà de l’extrémité radiculaire (parfois même directement dans le sinus maxillaire par effraction du plancher et de la muqueuse associée, constitue également une étiologie fréquente d’apparition de pathologies périapicales et/ou directement d’infections sinusales
• Facteurs favorisants – Anomalies ou particularités anatomiques de l’endodonte. Ce sont : 7
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– canaux courbes difficiles d’accès ; – delta apical ; – canal latéral ; – 4e canal fréquemment décrit sur la première molaire maxillaire souvent non traitée dans les actes d’endodontie. – Dents immatures. Chez l’enfant, la dent définitive prend place sur l’arcade alors que l’apexogenèse n’est pas terminée (3 ans sont encore généralement nécessaires). L’extrémité radiculaire est particulièrement large, favorisant, lors des traitements endodontiques, les dépassements instrumentaux et de matériel d’obturation. C’est pourquoi, il faut généralement privilégier des traitements provisoires à l’hydroxyde de calcium qui permettent de terminer l’apexogenèse avant d’envisager une obturation canalaire définitive dans de meilleures conditions. Chirurgie endodontiques des dents antrales
• Principe Généralement associée au traitement canalaire de la dent concernée, la chirurgie endodontique vise à éliminer le processus granulomateux ou kystique développé aux dépens du périapex. Par un abord muqueux et une corticotomie limitée, un curetage de la lésion osseuse est réalisé, ainsi qu’une résection apicale de la racine dentaire concernée. Une obturation, dite « a retro » du néoapex, permet d’obtenir une étanchéité de la nouvelle limite apicale.
• Complications iatrogènes Lors de la voie d’abord, et plus particulièrement de la corticotomie généralement vestibulaire, une effraction de la paroi externe ou inférieure du sinus maxillaire n’est pas exceptionnelle. La résection apicale et l’obturation a retro, peuvent être à l’origine d’une projection endosinusale de matériel d’obturation dentaire ou de reliquats d’apex.
¶ Par avulsion dentaire Projection d’une dent dans le sinus maxillaire Lors d’une manœuvre mal contrôlée ou lorsque la dent se brise au moment de l’élévation ou de l’avulsion, une partie de la dent ou sa totalité peut être propulsée hors de son alvéole et échapper au contrôle de l’opérateur. La projection dans le sinus maxillaire doit faire l’objet d’une tentative de récupération immédiate. Le patient est placé en position assise. Un cliché rétroalvéolaire réalisé au fauteuil permet de localiser rapidement la dent ou le fragment perdu. Si celui-ci est sur le plancher, une tentative de récupération immédiate de récupération peut être mise en œuvre par voie alvéolaire éventuellement élargie. L’acharnement est à éviter : l’absence de complications infectieuses sinusiennes peut faire préférer l’abstention et la surveillance. Une intervention différée est alors préférable pour le confort du patient et de l’opérateur. Celle-ci peut être réalisée par différentes voies d’accès en fonction de la position de l’élément à récupérer (voie vestibulaire, maxillaire type Caldwell-Luc). Communication buccosinusienne ou communication bucconasale La communication buccosinusienne (CBS) peut être rencontrée lors de l’avulsion de dents antrales dont les racines entretiennent un rapport étroit avec la cavité sinusienne (en particulier les molaires et prémolaires maxillaires). Le bilan radiographique préalable permet souvent de prévoir ce risque et d’en informer le patient. Dans ce cas, une gouttière souple peut être réalisée au préalable ; elle permettra de protéger la zone sensible après l’intervention contre les tics d’aspiration ou de succion et contre l’agression d’éventuels débris alimentaires. 8
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La présence de bulles d’air dans l’alvéole après l’avulsion en est le premier signe. Sous anesthésie locale, la manœuvre de Valsalva peut la confirmer par la fuite d’air à travers l’alvéole de la dent qui vient d’être extraite. La présence d’une épistaxis doit également la faire suspecter. Enfin, on peut réaliser l’exploration prudente de l’alvéole à la curette ou avec une fine canule d’aspiration. La communication bucconasale (CBN) peut survenir lors de l’avulsion de dents ectopiques (en particulier canines incluses dans le palais).
¶ Implants dentaires Principes et technique Un édentement maxillaire peut être traité par une réhabilitation prothétique implantoportée, sous réserve d’un bilan préimplantaire complet comprenant notamment un dentascan afin de déterminer la quantité d’os disponible transversalement et longitudinalement compatible avec la pose d^implants dentaires. Après abord muqueux crestal, l’os maxillaire est foré au diamètre des fixtures prévues aux emplacements prédéterminés à partir des images scanographiques. Le ou les implants sont ensuite positionnés.
• Complications iatrogènes Ce sont : – un forage trop profond avec pénétration endosinusale par défaut de manipulation ou erreur d’interprétation dimentionnelle du dentascan ; – une insertion en partie endosinusale de l’extrémité apicale de l’implant dentaire. Ces événements peuvent être à l’origine, d’une part, d’un échec de la thérapeutique implantaire par défaut d’ostéo-intégration, et d’autre part, d’une infection sinusale. Il est cependant admis qu’un dépassement endosinusal de l’implant de 1 à 2 mm sans effraction de la muqueuse peut être tout à fait bien toléré.
¶ Chirurgie préimplantaire : greffe sinusienne à visée préimplantaire Technique opératoire L’abord sinusien est réalisé classiquement par la trépanation de la paroi antérieure de l’os maxillaire selon un abord vestibulaire (la paroi antérieure du sinus maxillaire est dégagée par le décollement d’un lambeau muqueux de pleine épaisseur). La muqueuse sinusienne est ensuite décollée de proche en proche afin de créer un espace qui va accueillir le ou les greffons. Une des techniques actuelles fréquemment utilisée consiste à réaliser un « toit » pour la greffe : un greffon osseux est impacté de manière horizontale dans la paroi et la lumière du sinus maxillaire. Des copeaux d’os sont foulés progressivement afin de combler l’espace vide sous-jacent. Le site est fermé de façon étanche et sans tension. Complications
• Complications peropératoires – Effraction ou brèche de la muqueuse sinusienne. Il s’agit de la complication peropératoire la plus souvent rencontrée. Une brèche trop importante non traitée peut d’une part favoriser l’infection du greffon, d’autre part laisser passer des fragments de greffes libérés dans le sinus qui peuvent, le cas échéant, obstruer l’ostium. – Hémorragie peropératoire. L’hémorragie due à la lésion d’un petit vaisseau de la muqueuse peut survenir. Elle est généralement simple à juguler (compression, coagulation, etc).
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– Lésions dentaires. La réalisation d’une fenêtre osseuse de grande dimension et la réduction du capital osseux peut entraîner des délabrements préjudiciables aux organes dentaires voisins.
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• Complications précoces
Les limites à cette technique sont soit l’épaisseur de la cloison osseuse impossible à trépaner, soit l’impossibilité d’introduire à la fois les optiques et les micro-instruments, obligeant à s’aider d’un abord complémentaire. Enfin, cette technique n’est pas fonctionnelle pour le sinus maxillaire.
Elles sont représentées par le lâchage des sutures et l’exposition du greffon, les infections.
¶ Méatotomie moyenne
• Complications retardées Il pourra s’agir de résorption osseuse ou de mobilisation de la greffe ou d’infection sinusienne à distance. Van den Bergh précise le risque de dysfonction sinusienne que pourrait entraîner une greffe avec un toit trop haut situé, où l’obstruction de l’ostium par un fragment de greffe libre dans le sinus. En effet, l’obturation secondaire de l’ostium empêche le drainage de la cavité sinusienne, favorise le développement de l’activité bactérienne dans un espace devenu clos. Il peut également survenir une communication buccosinusienne. La communication buccosinusienne intervient le plus souvent dans un contexte infectieux (immédiat ou retardé).
• Séquelles La pérennisation d’une infection locale peut engendrer une sinusite chronique. Plusieurs auteurs rapportent le développement de kystes intrasinusiens ou mucocèles consécutifs à des interventions sur le sinus maxillaire (fig 5).
Thérapeutiques CHIRURGIE ENDONASALE
[10]
La chirurgie endonasale a connu un essor récent avec l’utilisation du microscope opératoire puis de plus en plus désormais par optiques rigides. Elle nécessite une source de lumière froide puissante, et utilise une micro-instrumentation adaptée couplée à une indispensable imagerie tomodensitométrique préopératoire. Cette chirurgie est désormais réalisée en routine et peut s’aider d’un couplage avec une caméra vidéo, l’opérateur se guidant soit en direct, via l’optique, soit directement sur l’écran du moniteur. L’anesthésie est le plus souvent générale, mais peut être aussi locale et renforcée, ce qui ne dispense pas de la présence d’un anesthésiste. Ces interventions doivent se réaliser au bloc opératoire. Une préparation des cavités nasales est indispensable : après méchage de 10 minutes à l’aide de lidocaïne à 5 % naphazolinée pour obtenir une rétraction muqueuse la plus complète, on infiltre en sous-muqueux le site opératoire à l’aide de lidocaïne à 1 % adrénalinée au 1/25 000. Certains préfèrent l’utilisation de cocaïne diluée au tiers, préparation magistrale à péremption courte.
¶ Méatotomie inférieure Elle est indiquée pour l’ablation de corps étrangers de kystes infectés du fond du sinus maxillaire et permet l’examen de la muqueuse et des biopsies. Elle permet la mise en place de drains type Albertini, en polyéthylène pour des soins ultérieurs. La technique : elle débute par une ponction diaméatique à 1 cm en arrière de la tête du cornet inférieur, permettant une sinusoscopie éventuelle. Une pointe coagulante peut être utilisée ; puis, avec une pince emporte-pièce, l’orifice est agrandi vers l’avant et vers le bas. La limite postérieure est l’os palatin qui est dur, nettement perceptible dans la pince ; la limite antérieure est la zone de l’orifice lacrymal située en antérosupérieur qu’il faut absolument éviter de léser.
Elle est indiquée pour extraire les aspergilloses sinusiennes, la pâte d’obturation, les kystes et polypes, les corps étrangers, traiter les sinusites à répétition unilatérale résistantes aux traitements médicaux bien conduits. La technique : deux techniques sont possibles, soit d’arrière en avant, soit d’avant en arrière. La technique d’arrière en avant débute par une ponction du méat moyen par une pince longue et coudée pénétrant le sinus maxillaire et créant une méatotomie agrandie par l’emploi d’une pince emporte-pièce, vers l’avant jusqu’à la gouttière lacrymale constituée d’os dur qu’il faut respecter. La technique d’avant vers l’arrière consiste à repérer le processus unciforme dont le bord antérieur est palpé et apparaît en saillie. Puis, une incision verticale depuis son insertion sur le conduit lacrymonasal est prolongée en bas et horizontalement jusqu’à l’ostium du sinus maxillaire. L’unciforme est ensuite luxé en dedans et sectionné horizontalement à son insertion supérieure ouvrant largement le sinus maxillaire. On peut, si besoin, s’agrandir vers le bas aux dépens du cornet inférieur ou s’aider d’une méatotomie inférieure. Les bords de cette méatotomie sont régularisés. Les limites et les dangers sont représentés par l’effraction de la gouttière lacrymale, l’existence d’un cornet moyen à courbure inversée ou pneumatisé en couche bulleuse, un geste complémentaire sur ce cornet facilite alors cette intervention. De même, la correction préalable d’une déviation septale peut être nécessaire pour libérer le champ opératoire. Les soins postopératoires sont simples : la mise en place d’un drainage du sinus par un tube de polyéthylène est nécessaire, la mise en place de pommade ou de mèche grasse ou de tampons divers est affaire de chacun ; ils ne sont pas indispensables alors que les soins locaux par lavages des fosses nasales avec du sérum physiologique le sont. Une rhinorrhée muqueuse postérieure peut s’observer dans les 2 à 3 mois postopératoires, mais ne nécessite pas de traitement particulier. TRAITEMENT DE LA DENT CAUSALE
Le traitement endobuccal consiste soit à traiter la dent causale : traitement endodontique plus ou moins associé à la résection apicale et à l’obturation a retro, soit en l’avulsion de l’organe dentaire. ABORD TRANSFACIAL
¶ Voie de la fosse canine Elle est indiquée pour réaliser une sinusoscopie ou l’exérèse d’un kyste ou d’un polype, elle est formellement à proscrire en cas de sinusite aiguë ou de cancer sinusien. La technique : après repérage de la fosse canine en dehors de la bosse canine, on infiltre en sous-muqueux de la lidocaïne à 1 % adrénalinée. Un volet muqueux de 1 cm de côté est découpé, à charnière supérieure, en ruginant la paroi du sinus pour en permettre la trépanation de la paroi antérieure à l’aide d’un trocart. La progression doit être contrôlée pour ne pas léser la paroi postérieure, fine et fragile, du sinus maxillaire qui contracte des rapports dangereux vasculonerveux en arrière. Cette voie peut être combinée aux interventions endonasales pour améliorer la visualisation de l’exérèse des processus pathologiques. 9
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Relations pathologiques entre les dents et les sinus maxillaires
¶ Intervention de Caldwell-Luc Elle réalise l’abord vestibulaire du sinus maxillaire par sa paroi antérieure. Cette intervention permet l’exérèse à la demande de la muqueuse du sinus et de tout processus occupant. Son indication est désormais rare du fait de l’essor des techniques chirurgicales par voie endonasale. Elle nécessite généralement une anesthésie générale, avec intubation orotrachéale. Une infiltration sous-muqueuse du vestibule supérieur de lidocaïne à 1 % adrénalinée permet de réduire le saignement, puis une incision est menée depuis la deuxième molaire à l’incisive latérale. La rugination sous-périostée dégage les faces antérieure et externe du sinus qui est trépané au niveau de la fosse canine. L’ouverture se fait à 10 mm depuis les saillies alvéolaires en bas jusqu’à l’émergence du nerf sous-orbitaire en haut qui constitue la limite supérieure de la voie d’abord et qu’il faut respecter. Après traitement de la muqueuse du sinus et de son contenu, la fermeture se réalise après réalisation d’une méatotomie inférieure pour mettre en place un drainage par sonde en polyéthylène. Un traitement antibiotique et anti-inflammatoire pour 1 semaine est instauré. Les inconvénients et les incidents sont connus : il peut s’agir de lésions des nerfs dentaires en cas d’ostéotomies débordant sur la bosse canine, de névralgies ou de dysesthésies en cas d’atteinte du nerf sous-orbitaire, de communication buccosinusienne en cas d’avulsion dentaire associée du fait de l’ostéite du bas-fond sinusien, enfin une fibrose intracavitaire tardive peut être observée si le périoste et ou la muqueuse saine n’ont pas été respectés. FERMETURES DES COMMUNICATIONS BUCCOSINUSIENNES OU BUCCONASALES
La création d’une CBS ou d’une CBN lors d’une avulsion dentaire doit faire l’objet d’une tentative de fermeture immédiate et d’une surveillance postopératoire régulière. Le patient doit éviter les manœuvres d’hyperpression dans la cavité sinusienne (mouchage violent, éternuement bouche fermée) ou de dépression (boisson à l’aide d’une paille), ainsi que les bains de bouche trop fréquents. Un traitement antibiotique local et général est mis en place.
Stomatologie Odontologie
Devant l’échec du traitement primaire, une seconde intervention est proposée. L’opérateur prescrit un traitement antibiotique local et général préalable, 10 jours avant l’intervention, afin de pouvoir lui donner les meilleures chances de réussite. Le traitement chirurgical doit s’appliquer à réaliser deux plans muqueux ; l’un sinusien, l’autre gingival. Il peut faire appel à différents types de lambeaux muqueux : vestibulaire, palatin. Le corps adipeux de la bouche (boule de Bichat) peut être une ressource très intéressante dans le cas de volumineuses CBS avec échec répété d’un traitement traditionnel.
Incidences médicolégales
[15]
Pour limiter les incidences médicolégales, l’information préalable du patient est nécessaire. Autant que la signature éventuelle de documents, il est recommandé de tenir à jour la fiche de consultation, la rédaction systématique d’un courrier au médecin traitant, de réaliser un schéma daté avec les explications des avantages, des bénéfices attendus mais également des inconvénients et des risques possibles. Chaque intervention possède ses risques propres dont il faut prévenir le patient. Les doléances exposées par un plaignant sont le plus souvent le fait d’une information mal maîtrisée ou d’un dialogue médecin-malade qui n’a pas eu lieu. Le rapport du conseil médical du groupement des assurances mutuelles médicales (GAMM) sur l’exercice médical 2001, rapporte 32 déclarations de leurs sociétaires tant stomatologistes que chirurgiens dentistes ou ORL. On dénombre deux déclarations après chirurgie type Caldwell-Luc, deux après mise en place de greffe osseuse pour pose d’implant, trois pour migration dentaire après extraction, trois sinusites après extraction dentaire, 22 pour aspergillose dentaire. Ces 32 déclarations sont à rapprocher du nombre total d’adhérents pour chacune des spécialités concernées, soit 23 389. Concernant l’indemnisation des préjudices reconnus, les taux en droit commun des séquelles ne sont pas négligeables car les atteintes neurologiques sensitives du nerf sous-orbitaire peuvent être évaluées jusqu’à 5 %, non compris les préjudices esthétiques et au titre de la douleur.
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10
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-039-B-15 (2004)
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Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste F. Jordana Y. Fronty P. Barbrel
Résumé. – Les relations pathologiques entre l’œil et la dent sont connues depuis longtemps, bien qu’elles soient extrêmement rares. Il existe de nombreuses manifestations oculaires d’origine dentaire (uvéite, cellulite, conjonctivite, trouble de l’accommodation, larmoiement…). Les séquelles ophtalmiques à long terme d’une pathologie dentaire peuvent être extrêmement graves : diminution permanente de l’acuité visuelle, diplopie ou même cécité… Les conséquences d’une infection orofaciale affectant l’orbite et le système nerveux central peuvent être l’hémiparalysie, voire la mort. Le stomatologiste, le chirurgien-dentiste et l’ophtalmologiste doivent associer leurs compétences pour l’établissement d’un diagnostic et la mise en place d’un traitement local et/ou général. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Œil ; Dent ; Infection focale ; Uvéite odontogène ; Cellulite orbitaire
Introduction Devant une pathologie oculaire, le stomatologiste, l’odontologiste et l’ophtalmologiste doivent associer leurs compétences ; de leur étroite collaboration dépend le traitement (local et/ou général) dispensé au patient. La guérison, l’avenir fonctionnel de l’œil, la prévention des récidives dépendent de leur précocité et de l’efficacité du traitement. Le stomatologiste et le chirurgien-dentiste jouent un rôle important et doivent donc connaître les relations entre l’œil et la dent. Ils doivent établir un diagnostic étiologique et dispenser un traitement buccodentaire. Nous verrons tour à tour, après un rapide historique et un rappel sur les rapports embryologiques et anatomiques entre l’œil et la dent, l’étiopathogénie, les affections dentaires causales, les tableaux cliniques susceptibles d’être rencontrés. Nous finirons sur l’examen stomatologique et la conduite à tenir pour le stomatologiste et le chirurgien-dentiste.
Historique Les relations pathologiques sont connues depuis longtemps. Le Code d’Hamourabi (fondateur de l’empire babylonien), 2258 avant JC, décrit, dans ses tables, les relations entre les maladies de l’œil et celles des dents. Hippocrate, dans ses Aphorismes périopsos, définit la relation de cause à effet entre certaines suppurations intraorbitaires et un foyer infectieux dentaire.
F. Jordana (Chirurgien-dentiste, assistante hospitalo-universitaire, attachée de recherche) Faculté d’odontologie, Université Bordeaux 2, 16, cours de la Marne, 33000 Bordeaux, France. Laboratoire d’anatomie médicochirurgicale appliquée, Université Bordeaux 2, 246, rue Léo-Saignat, 33000 Bordeaux, France. Y. Fronty (Chirurgien-dentiste, adjoint au chef de service) Service d’odontologie, Hôpital d’Instruction des Armées Robert Picqué, 351, route de Toulouse, BP 28, 33998 Bordeaux Armées, France. P. Barbrel (Spécialiste des hôpitaux des Armées, chef de service) Adresse e-mail : [email protected] Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Robert Picqué, 351, route de Toulouse, BP 28, 33998 Bordeaux Armées, France.
L’iconographie chrétienne représente volontiers, main dans la main, sainte Apolline (protectrice des dents) et sainte Lucie (protectrice des yeux). Pour Ambroise Paré, la canine maxillaire correspond à la « dent de l’œil » ou « œillère ». Il définit les rapports de contiguïté entre les dents et le globe oculaire. Des auteurs anglo-saxons dénoncent l’importance des foyers infectieux dentaires dans la genèse des infections focales. En 1910, Hunter accuse la septicité apicale dentaire d’être le point de départ de nombreuses infections, dans sa conférence publiée dans The Lancet. Ce médecin colonel anglais prône l’extraction dentaire systématique et accuse les « mausolées d’or (couronnes, bridges, onlays…) sur des tombeaux de microbes ». [56] En 1912, Billings énonce sa théorie de l’infection focale qui repose sur l’essaimage à distance de toxines bactériennes. Celle-ci serait la cause principale des troubles à distance. « La bouche est l’ennemie mortelle de l’œil ». Ces thèses eurent peu d’écho en France, mais en eurent beaucoup outre-Atlantique. [27] En 1914, les travaux français de Dor (Lyon) et de Polliot (Besançon) démontrent le rôle des lésions apicales, souvent cliniquement muettes, dans l’étiologie des uvéites. Les extractions dentaires se multiplient alors. [27] Fromaget publie, en 1924, d’importants travaux sur les rapports entre lésions oculaires et lésions dentaires. Les manifestations oculaires d’origine dentaire ne sont alors plus niées (Worms et Bercher, Lepoivre, Dechaume, Reilly…). Ces auteurs prônent une position moins catégorique. [27] En 1951, au congrès de l’Association dentaire américaine, les participants furent unanimes pour considérer comme minime le danger des infections focales. Actuellement, les cliniciens ont une position plus modérée. L’étiologie dentaire est possible, mais rare. Il n’existe que peu d’études récentes documentées sur ce sujet. La littérature existante se résume souvent à des cas cliniques.
Rapports RAPPORTS EMBRYOLOGIQUES
Il existe un lien ontogénique étroit entre l’œil et la dent.
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Figure 1
Rapports osseux œil-dent. 1. Cavité orbitaire ; 2. sinus maxillaire.
L’origine embryologique des dents est double : l’ectoderme du stomodeum est issu du premier arc branchial, l’ectomésenchyme des crêtes neurales encéphaliques. De même, le globe oculaire a une double origine embryologique : l’œil est constitué d’une vésicule optique, émanation du diencéphale, qui préside à l’élaboration de la rétine sensorielle et pigmentaire. Autour de celle-ci, vers le 40e jour, affluent les cellules des crêtes neurales encéphaliques qui vont se différencier en enveloppes et structures périoculaires (choroïde, sclérotique, endothélium de la cornée, cellules pigmentaires de l’iris…). [11] L’œil et la dent ont donc une origine embryologique commune : ils dérivent de l’épiblaste. Les éléments ectodermiques de l’œil (cristallin et rétine) et le développement du maxillaire et de la mandibule évoluent dans la même période (entre la cinquième et la septième semaine). Mais, plus encore, c’est la mise en place des structures de soutien qu’il faut considérer. [56] Le développement volumétrique et la fusion médiane des bourgeons faciaux de la cinquième et la sixième semaines expliquent la contiguïté entre la cavité orbitaire et la cavité buccale, malgré leur éloignement topographique. C’est à ce stade de développement de la face que des défauts mineurs de fusion entre bourgeon nasal interne et bourgeon maxillaire expliquent l’agénésie, voire l’ectopie de certains germes dentaires, par dysmigration des odontoblastes. Leur évolution pourra être à l’origine d’accidents infectieux ophtalmologiques. La complexité du développement de la face de l’embryon explique l’éventualité des malformations craniofaciales. Anomalies dentaires et oculaires coexistent fréquemment dans de nombreux syndromes craniofaciaux, comme le syndrome de Crouzon, la maladie de Marfan, le syndrome de Pierre Robin... [17] RAPPORTS ANATOMIQUES
Du fait des rapports anatomiques de voisinage entre l’œil et la dent, une lésion dentaire peut, par simple contiguïté et par diffusion, provoquer une atteinte de l’œil.
¶ Rapports osseux Le maxillaire supporte les dents supérieures dans sa partie inférieure, entre dans la constitution de la cavité orbitaire par sa partie supérieure, et comprend une cavité centrale : le sinus maxillaire (Fig. 1). Certains auteurs comme Worms et Bercher pensent que la propagation d’une infection dentaire à l’œil doit se faire par le relais sinusien (la « sinusite latente »). [14] 2
Figure 2 Rapports vasculaires artériels œil-dent. 1. Artère maxillaire ; 2. artère carotide externe ; 3. artère ophtalmique ; 4. artère angulaire ; 5. artère faciale ; 6. artère maxillaire. La face supérieure du maxillaire est une fine lame osseuse, rendue encore plus fragile par la présence du canal infraorbitaire. La mince séparation entre sinus maxillaire et cavité orbitaire explique la propagation des infections ou des tumeurs. Parmi les rameaux vasculonerveux inclus dans la paroi antérieure du sinus maxillaire, un émanant de l’alvéole de la canine vient s’ouvrir en avant du canal lacrymal au niveau de l’angle inféromédial de l’orbite. C’est par cette voie intraosseuse que peuvent se propager, jusqu’au grand angle de l’œil, des suppurations ayant une origine alvéolaire. Ces canaux (dits « de Parinaud ») favorisent la diffusion de l’infection vers l’œil. Le même périoste recouvre les canalicules dentaires, le canal lacrymonasal et l’orbite. [63] Le volume des sinus étant variable, les rapports dents – sinus le sont également. Dents et sinus maxillaire sont séparés par 2 à 4 mm d’os spongieux. Parfois, certains apex font saillie dans le sinus (sinus procident) ; les dents antrales correspondent aux prémolaires et premières molaires maxillaires, rarement des deuxièmes et troisièmes molaires et des canines. De plus, la barrière osseuse n’est pas perméable. Elle est traversée par de nombreux pertuis où passent de fines ramifications des nerfs, artérioles et veinules dentaires. Chez l’enfant, les germes des dents définitives se superposent à ceux des dents déciduales et se trouvent situés très près de l’orbite ; comme chez l’adulte dans les cas d’ectopie ou d’inclusion dentaire. Cette disposition explique la propagation fréquente des suppurations d’origine dentaire au rebord inférieur de l’orbite chez l’enfant. [39]
¶ Rapports vasculaires Artères Il existe de nombreuses anastomoses (Fig. 2) : – entre l’artère maxillaire et l’artère ophtalmique (branche de l’artère carotide interne) ; – entre l’artère faciale et l’artère ophtalmique par l’artère angulaire de l’œil. Le système carotidien externe (destiné à la face, aux téguments de la tête et à la partie supérieure de l’axe aérodigestif) participe à la vascularisation orbitaire.
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Ainsi, toute irritation de la pulpe, qui est très riche en fibres neurovégétatives, entraîne une atteinte trigéminale et sympathique. Cela peut occasionner ensuite un accident oculaire réflexe.
¶ Rapports cellulaires 4
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Figure 3
Rapports vasculaires veineux œil-dent. 1. Veine jugulaire interne ; 2. veine jugulaire externe ; 3. sinus caverneux ; 4. veine ophtalmique supérieure ; 5. veine ophtalmique inférieure ; 6. veine angulaire ; 7. veines ptérygo-ophtalmiques ; 8. veines ptérygocaverneuses ; 9. plexus ptérygoïdien ; 10. veine faciale.
Veines Il existe des anastomoses (Fig. 3) : – entre la veine ophtalmique supérieure et le tronc thyro-linguofacial par la veine angulaire. La veine ophtalmique supérieure se jette dans le sinus caverneux, ce qui explique la possibilité des thrombophlébites craniofaciales ; – entre la veine ophtalmique inférieure et le plexus ptérygoïdien (qui draine les plexus orbitaire, sinusaux et péridentaires et qui possède des anastomoses avec le sinus caverneux) par la veine infraorbitaire ; – entre les veines ophtalmiques supérieure et inférieure. De plus, les veines faciale et angulaire sont dépourvues de valvules ; le sens du courant sanguin peut s’inverser. Vaisseaux lymphatiques Les nœuds lymphatiques submandibulaires, au nombre de trois à six de chaque côté, reçoivent les lymphatiques des paupières et de la conjonctive, de la joue, des lèvres, des gencives et du plancher buccal. Pour Larmande et al. [32], l’absence de système lymphatique orbitaire semble exclure toute propagation de l’inflammation par voie lymphatique. Pour cet auteur, il est exceptionnel qu’une infection dentaire entraîne une cellulite orbitaire par l’intermédiaire d’une septicémie.
¶ Rapports nerveux L’innervation sensitive de l’œil et des dents est assurée par la Ve paire des nerfs crâniens, le nerf trijumeau, par sa racine sensitive (racine supérieure, la plus volumineuse). L’innervation de l’œil et des arcades dentaires est donc sous la dépendance des branches du trijumeau, le nerf le plus réflexogène de l’organisme. [36] Le trijumeau est en connexion étroite avec la plupart des nerfs crâniens (nerf facial, nerf oculomoteur, nerf trochléaire), des nerfs cervicaux, des systèmes sympathique et parasympathique.
Les espaces celluleux font largement communiquer la région jugale et le plan musculaire des paupières. Au niveau de l’apex de la canine et des premières prémolaires, prend naissance une coulée cellulaire verticale, qui s’étale dans la région génienne haute, s’allonge dans le sillon nasogénien pour aboutir à l’angle médial de l’œil. Seul le rebord orbitaire sépare les tissus celluleux orbitaire et nasogénien. Une ostéite diffuse du maxillaire peut ainsi intéresser l’orbite. Le tissu nasogénien se poursuit dans le tissu celluleux lâche de la paupière inférieure. Cela explique la diffusion rapide de certaines cellulites aiguës géniennes vers l’angle médial de l’œil et la présence alors d’un œdème palpébral. Le tissu celluleux de la région infra-temporale peut être infecté directement par une dent de sagesse supérieure et propager l’infection au tissu celluleux de l’orbite, par voie postérieure. Ceci est exceptionnel, sauf en cas de participation veineuse. [39] Le globe oculaire évolue dans une atmosphère celluleuse à l’intérieur d’une cavité osseuse bien plus grande que lui. Cela lui permet une grande mobilité, mais aussi la diffusion des processus septiques au sein du cône orbitaire et vers l’étage moyen de la base du crâne. [56]
Étiopathogénie Les interactions sont le plus souvent hypothétiques ou établies par la disparition de l’affection oculaire après traitement de la pathologie dentaire, a posteriori. Elles expriment une réalité clinique quotidienne et justifient un examen buccodentaire systématique pour une pathologie oculaire dont l’étiologie n’est pas connue. MANIFESTATIONS RÉFLEXES
Elles seraient dues à la richesse des connexions anastomotiques nerveuses (nerf trijumeau et système sympathique). Pour Lepoivre et Raison [36], chaque fois qu’une pulpe dentaire est irritée, il y a atteinte trigéminale et sympathique. Elles sont très souvent évoquées pour expliquer certaines manifestations fonctionnelles chroniques : douleur, troubles de l’accommodation, photophobie, blépharospasme. [17] MANIFESTATIONS OCULAIRES INFECTIEUSES DE VOISINAGE
Il s’agit de la propagation, le plus souvent aux annexes, d’un foyer infectieux, par extension de proche en proche (périoste, sinus, fosse infra-temporale et fente fissure orbitaire inférieure) ou par voie veineuse rétrograde. Dans le rapport de la Société française d’ophtalmologie de 1986, concernant les neuropathies optiques, Hamard et al. [23], se basant sur l’article de François et Van Oye sur les uvéites et les névrites optiques [20], considèrent que l’infection par contiguïté (par voie osseuse, périostée, par le sinus maxillaire) est exceptionnelle ; pour l’infection focale (propagation par voie sanguine jusqu’à l’œil), cet auteur rappelle qu’aucun germe n’a été mis en évidence au niveau de l’œil. Dans son rapport de 1997, la Société française d’ophtalmologie [17] considère la propagation par contiguïté comme la cause principale des atteintes oculaires d’origine dentaire. MANIFESTATIONS IMMUNITAIRES
Des réactions allergiques de type humoral I, II, III ou de type retardé IV semblent être la cause dans les uvéites, les vascularites rétiniennes et les neuropathies optiques observées lors de 3
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ATTEINTES INFECTIEUSES
Tableau 1. – Causes dentaires. [7, 10, 13, 18, 21, 22, 31, 32, 38, 42, 45, 46, 48, 52, 53, 57, 58, 60, 61]
¶ Au niveau des paupières
Causes
Exemples
Mortification pulpaire
Nécrose [7] Kyste [10, 53] Granulome [13, 58] Abcès dentaire [21, 45, 46, 60] Ostéite Profondes [7, 18] Avec vitalité pulpaire menacée [22, 32] Enfant (passage de la denture lactéale à la denture définitive) Adolescent et adulte jeune (dents incluses, ectopies, péricoronarites, odontomes) [7, 42, 52, 57] Tous nos gestes : - extraction [31, 38, 48, 61] - soins conservateurs - soins prothétiques Obturation insuffisante, incomplète ou dépassement [10]
Caries Traumatisme Accidents d’évolution
Causes iatrogènes
Traitements endodontiques
Tableau 2. – Causes péridentaires et diverses [7, 43, 56] Causes
Exemples
Lésions parodontales Lésions muqueuses
Parodontite [43], desmodontite [7] De type infectieux, inflammatoire, tumoral Au niveau des parois de la cavité buccale, de la langue, des amygdales Consécutive à un traumatisme facial, se traduisant par un trouble de l’articulé dentaire, un hématome intéressant la cavité buccale ou orbitaire, un trouble de l’oculomotricité, une dysesthésie infraorbitaire [56] Bénigne (kyste d’origine dentaire) Maligne (muqueuse ou alvéolodentaire) Prothèses fixées ou amovibles
Solution de continuité osseuse
Lésions tumorales Traumatismes
pathologies dentaires. Les antigènes bactériens et la nature antigénique de biomatériaux dentaires en seraient à l’origine, le typage immunogénétique human leukocyte antigen (HLA) B27 les favoriserait. [17] Pour Hamard et al. [23], c’est la théorie la plus souvent admise actuellement. Seul, alors, le foyer infectieux dentaire compte et son siège importe peu. Il est probable qu’une cause infectieuse puisse entraîner des phénomènes immunitaires secondaires, analogues à ceux rencontrés au cours des uvéites non infectieuses et responsables de la pérennisation de l’inflammation intraoculaire. Il paraît donc impossible de dissocier les causes infectieuses des mécanismes purement immunitaires. [35]
Affections dentaires responsables de complications ophtalmiques L’étiologie dentaire peut apparaître plus ou moins évidente selon les signes retrouvés lors de l’examen clinique et radiologique. [6, 64] CAUSES DENTAIRES
Les causes dentaires sont répertoriées dans le Tableau 1. CAUSES PÉRIDENTAIRES ET DIVERSES
Elles sont plus rarement retenues (Tableau 2).
Tableaux cliniques L’orbite est la cible favorite des manifestations ophtalmologiques de la pathologie dentaire. Elle doit ce privilège à sa proximité anatomique, à la richesse de ses connexions vasculonerveuses et à son hétérogénéité tissulaire. [17] 4
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Œdèmes et abcès palpébraux inférieurs. Par contiguïté d’une dent infectée.
¶ Au niveau du rebord orbitaire Ostéopériostite aiguë.
¶ Au niveau des voies lacrymales : dacryocystite –
péricystite [41] Elles font suite à une ostéopériostite du maxillaire. Elles sont caractérisées par une tuméfaction rouge, chaude, douloureuse, intéressant l’angle médial des paupières jusqu’à l’aile du nez. La pression de la région fait sourdre du pus au niveau de l’angle médial palpébral. [51]
¶ Au niveau de l’orbite Cellulite orbitaire Elle est la traduction habituelle de l’orbitopathie inflammatoire d’origine dentaire. La propagation du processus infectieux dentaire emprunte des voies différentes selon les dents causales : – pour les molaires, et notamment les dents de sagesse : la fosse infra-temporale, la fente fissure orbitaire inférieure [22, 32], la fosse ptérygopalatine (avec parfois trismus) [18] ; – pour les prémolaires et les molaires : le sinus maxillaire [22, 32] ; 70 à 80 % des cellulites orbitaires sont d’origine sinusienne, 10 à 20 % des sinusites maxillaires sont d’origine dentaire ; – pour les incisives et les canines : voie périostée et/ou cellulaire [32] et veineuse. [22] La carie profonde ou la pulpite, accompagnée parfois d’une périodontite ou d’une péricoronarite, en est le plus souvent l’origine. [28] La fracture ou l’extraction d’une dent peut aussi en être responsable. Kaban et Mac Gill [29] distinguent, selon le franchissement du septum orbitaire par le processus inflammatoire, les cellulites périorbitaires (ne concernant que les paupières) et les cellulites orbitaires, rares et graves avec œdème palpébral, chémosis, exophtalmie, ophtalmoplégie et anesthésie cornéenne. Il existe cinq stades évolutifs de la cellulite orbitaire (sans traitement) selon la classification de Smith et Spencer, modifiée par Chandler et al. [9] : – I : œdème inflammatoire des paupières : cellulite préseptale ; – II : exophtalmie inflammatoire : cellulite intraorbitaire ; – III : abcès orbitaire sous-périosté [25] (retrouvé souvent chez l’enfant) [32] : exophtalmie douloureuse et inflammatoire non axile (l’œil dérive du côté opposé à l’abcès) ; – IV : abcès intraorbitaire : ophtalmoplégie, diminution de l’acuité visuelle et atteinte des réflexes pupillaires, anomalies du fond d’œil ; – V : thrombophlébite du sinus caverneux. : forme très grave avec une forte mortalité, avec protrusion du globe oculaire, vasodilatation conjonctivale et épisclérale, ophtalmoplégie, œdème papillaire, signes généraux et méningés de type septicémique. Elle peut se compliquer d’une atrophie optique, voire d’une méningite et d’un abcès cérébral. Cette classification est également thérapeutique : les stades I et II justifient un traitement médical, les stades III et IV un traitement chirurgical. [22, 32]
Stomatologie/Odontologie
Relations pathologiques œil-dent : point de vue du stomatologiste et de l’odontologiste
La pathologie dentaire s’exprime au niveau orbitaire surtout par les stades I et II, mais elle peut aussi être à l’origine, dans 7 % des cas, d’une thrombophlébite du sinus caverneux, pouvant se compliquer d’une méningite ou d’un abcès cérébral. [17] La flore microbienne peut être aérobie (Enterococcus faecalis) ou anaérobie (Fusobacterium, Peptostreptococcus, Veillonella, Bacteroides). [17] Chez les jeunes sujets, il peut s’agir d’Haemophilus influenzae. [60] Il existe trois facteurs déterminants dans leur survenue : prescription de corticostéroïdes et surtout d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, une antibiothérapie mal adaptée, un traitement chirurgical initial insuffisant ou absent. Les facteurs favorisants sont l’âge, les déficits immunitaires, les néoplasies, le diabète, voire l’éthylisme. [33] Autres formes cliniques plus rares Ont été décrits un abcès intraconal, secondaire à l’infection de prémolaires et de molaires [56] et une gangrène gazeuse de l’orbite [13], suite à un granulome périapical infecté d’une dent de sagesse maxillaire. Falcone, cité par Newman [46], relate un syndrome de la fissure orbitaire supérieure (œdème périorbitaire, ecchymose subconjonctivale, ptôse, ophtalmoplégie, dilatation pupillaire), complication d’un kyste infecté. Atteintes oculaires par essaimage infectieux Elles sont très rares. Nous avons repris la classification de Rives et al. [56] : – les kératites à Capnocytophaga [ 5 0 ] chez des patients immunodéprimés (corticostéroïdes [ 2 4 , 4 9 ] , syndrome de l’immunodéficience acquise) [62], ou à Candida albicans [47] ; – les panophtalmies infectieuses, endophtalmies [44] ; – les métastases septiques de l’iris : suite à un abcès d’une molaire maxillaire, diagnostiqué par angiographie du fond d’œil. [21] ATTEINTES INFLAMMATOIRES
¶ Uvéites L’uvéite est la manifestation oculaire la plus fréquente de la pathologie dentaire, avec une étiologie dentaire retrouvée dans 1 % des cas. [14] L’uvée est constituée de l’iris, du corps ciliaire et de la choroïde. C’est une véritable éponge vasculaire dans laquelle l’infection se localise et se développe avec une grande facilité. [64] L’uvéite correspond à une inflammation endoculaire. [59] L’uvéite est souvent séreuse et non granulomateuse. [ 1 7 ] Il peut exceptionnellement s’agir d’une endophtalmie après extractions dentaires multiples [31] ou au cours d’une périodontite provoquée par Peptostreptococcus intermedius ou Aspergillus flavus. [43] L’uvéite antérieure ou iridocyclite aiguë (42 % des uvéites) [16] est une inflammation de l’iris (iritis) et du corps ciliaire. Elle est non séreuse, non granulomateuse et non synéchiante. [ 5 6 ] Elle s’accompagne d’une baisse d’acuité plus ou moins importante, de photophobie et de douleurs oculaires. [12] C’est l’uvéite où la recherche d’un foyer infectieux buccodentaire est la plus utile, celui-ci est retrouvé dans 20 % des formes non rhumatismales et son traitement permet d’éviter que l’uvéite ne devienne chronique. [16] Les uvéites intermédiaires (28 % des uvéites) [16] correspondent à l’inflammation de la partie moyenne de l’œil. Son origine est inconnue, la présence d’aucun organisme n’a pu être démontrée. [16] Les uvéites postérieures (29 % des uvéites) [64] sont des troubles inflammatoires de la choroïde. [64] Elles correspondent à un ensemble hétérogène d’affections choriorétiniennes. [59]
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Les uvéites totales (11 % des uvéites) [64] correspondent au syndrome de panuvéite [64] (association d’une uvéite antérieure et d’une uvéite postérieure).
¶ Conjonctivites Œil douloureux, conjonctive rouge plus ou moins œdématiée pouvant aller jusqu’au chémosis (œdème de la conjonctive) les caractérisent. Photophobie, larmoiement et prurit en sont les signes fonctionnels. [64]
¶ Vascularites Sous forme de périphlébites le plus souvent, elles peuvent produire des réactions vitréennes secondaires avec opacification, rétraction et proliférations vasculaires responsables d’hémorragies récidivantes qui caractérisent le syndrome de Eales. [56] Bloch-Michel [2] classe les vascularites parmi les panuvéites.
¶ Neuropathies optiques (névrites optiques) Elles sont révélées par une baisse de l’acuité visuelle avec altération plus ou moins importante du champ visuel. Il s’agit de l’inflammation de la tête du nerf optique (papille œdémateuse au fond d’œil) ou de la portion rétrobulbaire du nerf optique (aspect normal de la papille). [7] L’atteinte du nerf optique est alors uni- ou ipsilatérale. [7] Les neuropathies optiques se rencontrent sous forme de papillite [55, 57] ou de névrite optique rétrobulbaire, parfois controlatérale. Les lésions supposées responsables sont les granulomes apicaux, l’ostéite périradiculaire, et plus rarement la carie profonde et la pulpite chronique. [23] Mais elles relèvent vraisemblablement d’un mécanisme immunologique, car les foyers infectieux dentaires ou parodontaux sont de fortes sources antigéniques. [17] L’évolution avec traitement des affections dentaires et ophtalmologiques conduit à une récupération totale ou à une atrophie totale ou partielle du nerf optique. [56]
¶ Épisclérites C’est une inflammation de l’épisclère (fin tissu conjonctif dense et vascularisé [54], recouvrant la sclère, l’enveloppe protectrice de l’œil). [8] Elle se présente comme une rougeur limitée, douloureuse lors des mouvements oculaires ou à la pression. [12] Il y a sensation de gêne et larmoiement ; l’association de douleur, de photophobie est possible, mais beaucoup plus rare. [8] Plus rarement, on a décrit des kératites nummulaires, des kératoconjonctivites, des conjonctivites récidivantes, des hémorragies sous-conjonctivales qui ont régressé après extraction dentaire. [56] Une hémorragie intraoculaire a été rapportée après la pose de plusieurs implants dentaires réalisée sous anesthésie locale. [30] MANIFESTATIONS RÉFLEXES
¶ Troubles sensitifs Ils relèvent de l’irritation du nerf trijumeau (V), un des nerfs les plus réflexogènes de l’organisme [36], l’action à distance s’expliquant par les rapports étroits entre les trois branches du V et leurs anastomoses avec le nerf facial et le sympathique en particulier. [3] – Névralgie trigéminée réflexe : le sujet projette sa douleur dans un territoire cutané avec erreurs de projection possibles. Elle peut être infraorbitaire, rétro-orbitaire ou intéresser le segment antérieur du globe oculaire. Des migraines ophtalmiques ont été décrites. [20] – Algies oculo-orbitaires : elles sont fréquemment d’origine dentaire, mais elles sont observées dans 25 % des carcinomes du sinus maxillaire. [17] 5
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Stomatologie/Odontologie
Tableau 3. – Manifestations réflexes, troubles moteurs. [3, 57] Localisation
Troubles
Paupières Musculature oculaire extrinsèque
Blépharospasme, plus rarement lagophtalmie ou ptosis
Musculature oculaire intrinsèque
- troubles pupillaires : mydriase unilatérale, myosis [3] - troubles de l’accommodation
Paralysies oculomotrices et phénomènes spasmiques, aboutissant à un strabisme ou une diplopie [57]
Tableau 4. – Examen clinique. Examens
Observations
Anamnèse
Antécédents médicaux, dentaires, familiaux Traitements conservateurs, prothétiques Antécédents d’accidents d’évolution Hygiène buccodentaire Caries, dents absentes, occlusion, fractures Lésions et tuméfactions muqueuses, communication buccosinusienne, gingivites et parodontites, ulcération, fistule, parulies chez l’enfant Signes de mortification : coloration Adaptation des prothèses fixées et amovibles Présence d’obturation Mobilité des dents, douleurs
Inspection
Palpation - percussion
Vitalité dentaire : tests thermiques et électriques (pulp tester) Bilan parodontal (sonde), suintement gingival
– Photophobie : elle accompagne le plus souvent d’autres troubles réflexes et signe l’atteinte du trijumeau. – Anesthésie sélective de branches périphériques du nerf trijumeau. [1]
¶ Troubles moteurs Ils sont répertoriés dans le Tableau 3. Il existe également des troubles : – sécrétoires : larmoiement unilatéral [1], sécheresse oculaire ou hypocrinie [17] ; Pour Flament et Storck [17], la sécheresse oculaire est fréquemment considérée comme symptomatique d’une carie dentaire. Mais ces deux entités sont très fréquentes. Pour Roth et al. [57], cela n’a jamais été signalé comme conséquence d’une affection dentaire ; – sensoriels : cécité transitoire ; – vasomoteurs : angiospasme, glaucome aigu. [3] ATTEINTES TUMORALES
Il s’agit de tumeurs à point de départ dentaire, développées dans le maxillaire ou par envahissement du sinus maxillaire. La confirmation et l’étude des rapports de la lésion avec le globe oculaire se fait grâce à une radiographie panoramique, une radiographie en incidence de Blondeau et au scanner. Ce dernier permet l’orientation thérapeutique et pronostique lors de tumeur maligne. L’imagerie par résonance magnétique permet de différencier les lésions inflammatoires des lésions tumorales. [56] Nous citons comme exemple une tumeur conjonctivale à point de départ dentaire. [58]
traction orthodontique extraorale [26], quatre cas de cellulite orbitaire qui ont suivi des extractions, avec un délai de 2 heures à 13 jours [5], ou encore une thrombophlébite facio-ophtalmique après mise en place d’un pansement nécrotique occlusif. [15] L’emphysème orbitaire peut être provoqué par une extraction dentaire utilisant un instrument rotatif refroidi par air. [4] Il peut se compliquer d’une oblitération de l’artère centrale de la rétine et d’une neuropathie optique ischémique. [48] Il est beaucoup plus grave quand il est observé dans le contexte d’une gangrène gazeuse. [17]
Examen de la cavité buccale EXAMEN CLINIQUE
Nous n’insistons pas sur les étapes classiques d’un examen stomatologique, en particulier sur l’examen exobuccal (à la recherche d’une tuméfaction, rougeur) ou l’examen fonctionnel (trismus, dysphagie…) [40] (Tableau 4). EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
¶ Examens radiologiques (Tableau 5) La radiographie panoramique est réalisée même chez un édenté et permet la recherche de racines résiduelles, de dents incluses ou ectopiques.
¶ Examens spécialisés Ils sont généralement demandés par l’ophtalmologiste.
TROUBLES IATROGÈNES OU LIÉS À DES TRAITEMENTS DENTAIRES
Il n’est pas rare de constater, au cours de la reprise des soins dentaires, un réveil infectieux local qui peut déclencher la reprise des foyers secondaires. [34] Ainsi, une extraction dentaire, un traitement endodontique ou parodontal peuvent entraîner une aggravation de l’état du patient, voire en être la cause. [21] Nous citerons comme exemple un phlegmon orbitaire dû à un traumatisme par une prothèse dentaire [19], une endophtalmie par plaie causée par un système de 6
Une sinuscopie pour une lésion sur une dent antrale peut être réalisée ; elle est diagnostique (kyste radiculodentaire…) et peut être également thérapeutique (dépassement…).
¶ Examens biologiques – Sur le plan général : numération-formule sanguine, vitesse de sédimentation, électrophorèse des protéines sont demandées systématiquement. Le dosage antigénique (HLA B27) n’est pas demandé systématiquement.
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Tableau 5. – Examen radiologique [18, 19, 21, 25, 29, 48, 56] Examens
Localisation, but, indications
Panoramique Rétroalvéolaires (argentique ou numérique), mordu occlusal : pour les dents suspectes Incidences de Blondeau (ou Waters) et Hirtz Tomodensitométrie
Systématique : cliché de dépistage Qualité des traitements endodontiques Dents mortifiées, parodontiques ou en présence d’un kyste Foyer dentosinusien (dépassement, kyste…)
Imagerie par résonance magnétique
Signes orbitaires importants ou lésion tumorale [25, 48] Précise les lésions des parties molles et de l’os [18, 19, 29] Processus tumoraux avec traduction neuro-ophtalmologique Étude du cône cérébral et/ou atteinte cérébrale (étages antérieur et moyen de la base du crâne) [56]
Angiographie
[21]
Dans les thrombophlébites [56]
Figure 4
Bilan buccodentaire
Foyer patent
Arbre décisionnel.
Foyer latent
Attitude radicale (extraction…)
Symptomatologie ophtalmologique : importante minime
Attitude radicale
Attitude conservatrice - traitements endodontiques ou reprise de traitements endodontiques - traitement chirurgical des poches parodontales, hémisection radiculaire, résection apicale - voie de Caldwell-Luc pour les corps étrangers ou les mucocèles - avulsion des dents incluses avec kyste péricoronaire
– Sur le plan local : les prélèvements spécifiques isolent le germe au niveau buccodentaire ; il doit être comparable à celui retrouvé au niveau ophtalmologique. Les prélèvements (prélèvements apicaux et alvéolaires, radiculaires, dents dépulpées et obturées par immersion de l’apex, dents extraites) sont effectués selon la technique de Lepoivre et al. [37]
– patents : ce sont des lésions évidentes, avec possibilité de signes cliniques et radiologiques (dent délabrée, kyste infecté, accidents d’évolution…) ;
Conduite à tenir
La gravité de l’affection ophtalmologique est prise en compte pour les foyers infectieux latents, mais pas pour les foyers infectieux patents (Fig. 4).
Elle n’est pas unique et dépend de la lésion dentaire et de l’importance de la pathologie ophtalmologique. Il faut rappeler que seul le foyer infectieux dentaire compte et son siège importe peu. Il faut distinguer les foyers buccodentaires :
– latents : le foyer d’infection dentaire n’est pas évident. Ce sont les dents incluses, kystes non infectés, parodontite, corps étrangers intrasinusiens…
Tout geste, radical ou conservateur, est réalisé sous antibioprophylaxie, de façon à ne pas aggraver l’affection ophtalmologique.
Références ➤
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Stomatologie/Odontologie
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Thrombophlébites craniofaciales A. Dagain, G. Thiéry, R. Dulou, J.-M. Delmas, P. Pernot Les thromboses veineuses craniofaciales se décomposent en thromboses veineuses faciales et thromboses veineuses cérébrales. Les thromboses veineuses faciales sont rares depuis la maîtrise des pathologies infectieuses maxillofaciales. Leur diagnostic est essentiellement clinique. L’échographie-doppler de la face permet de visualiser une thrombose située fréquemment au niveau de la veine faciale. Le traitement repose sur l’association antibiotique-héparine. Les thromboses veineuses cérébrales représentent 0,5 % de l’ensemble des accidents vasculaires cérébraux. Elles sont caractérisées par la grande diversité de leur présentation clinique et de leur cause. L’imagerie par résonance magnétique cérébrale associée à l’angiographie veineuse par résonance magnétique permet le diagnostic dans la majorité des cas. L’héparinothérapie constitue le traitement de référence. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Thrombophlébite craniofaciale ; Thrombophlébite faciale ; Thrombophlébite cérébrale
Plan ¶ Introduction
1
¶ Historique
1
¶ Anatomie Veines de la face Veines cérébrales Sinus duraux Veines diploïques
2 2 2 4 4
¶ Rappels épidémiologiques Thrombose veineuse faciale Thrombose veineuse cérébrale
4 4 4
¶ Physiopathologie
4
¶ Symptomatologie et signes cliniques Thrombose veineuse faciale Thrombose veineuse cérébrale
5 5 5
¶ Examens complémentaires Thrombose veineuse faciale Thrombose veineuse cérébrale Autres examens complémentaires
6 6 6 8
¶ Étiologie Origine infectieuse Thromboses veineuses cérébrales aseptiques
9 9 10
¶ Évolution et pronostic Thrombose veineuse faciale Thrombose veineuse cérébrale
10 10 10
¶ Traitement Thrombose veineuse faciale Thrombose veineuse cérébrale
10 10 10
¶ Conclusion
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■ Introduction Les thrombophlébites craniofaciales (TPCF) constituent une entité anatomoclinique dont la première description remonte à Stomatologie
plus de 150 ans. La connaissance de cette pathologie a évolué de façon significative au cours de la deuxième moitié du siècle dernier, au point qu’il est utile d’en changer la terminologie. Si l’origine infectieuse, dans 95 % des cas, a fait choisir le terme de TPCF [1], il convient aujourd’hui de parler de thromboses veineuses faciales (TVF) et cérébrales (TVC). Ce concept reflète mieux la diversité étiopathogénique du tableau clinique. Les TVF sont devenues rares avec la maîtrise des infections et ne font maintenant l’objet que de descriptions sporadiques [2-5]. Leur diagnostic est essentiellement clinique. Le traitement repose sur l’association antibiotiques-anticoagulants. Les TVC de causes plus variées sont moins exceptionnelles. Leur incidence est évaluée à moins de cinq cas par million d’habitants. Elles représentent 0,5 % de l’ensemble des accidents vasculaires cérébraux [6, 7]. Avec l’avènement des techniques modernes de neuro-imagerie, les TVC ne sont plus rapportées à une origine infectieuse que dans 12 % des cas. Le taux de mortalité est estimé à moins de 10 % [8]. L’imagerie et l’angiographie par résonance magnétique (IRM, ARM) sont devenues les examens de référence pour affirmer l’existence d’une TVC. Toutefois, le diagnostic positif peut être retardé du fait de la grande richesse sémiologique de ces affections. L’héparinothérapie reste le traitement de première intention. Nous abordons essentiellement dans ce chapitre les TVF et les TVC d’origine maxillofaciale.
■ Historique
[1, 9]
L’anatomie des veines cérébrales était connue des plus anciens. L’École d’Alexandrie, avec Hérophile, décrit, 300 ans avant J.-C., la jonction entre le sinus sagittal supérieur (SSS) et les sinus latéraux (SL). Galien, au IIe siècle de notre ère, décrit le réseau veineux profond et en particulier la grande veine anastomotique cérébrale qui porte son nom. En revanche, la connaissance des phénomènes pathologiques intéressant ces réseaux veineux est beaucoup plus récente.
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Ribes [10] fait la première description anatomoclinique d’une TVC en 1825 dans son ouvrage intitulé « Recherches faites sur les phlébites ». Il rapporte l’observation d’un homme de 45 ans souffrant de céphalées chroniques, de troubles du comportement et de crises d’épilepsie. L’évolution est fatale en 6 mois. L’autopsie découvrira une obstruction complète des SSS et SL. Avec les travaux de Lanceraux (1892), il devient classique d’opposer les TVC septiques et aseptiques. Les premières sont, de loin, les plus fréquentes, pour plusieurs raisons : • les infections locorégionales gravissimes sont légion ; • le diagnostic de leurs complications et le lien de cause à effet sont facilement établis ; le diagnostic des TPCF a longtemps été considéré comme un diagnostic effrayant car toujours tardif et difficile. L’évolution se soldait soit par le décès du patient, soit par la persistance de troubles neurologiques majeurs. Les TPCF vont alors connaître deux bouleversements essentiels : • la prescription large d’antibiotiques en pratique quotidienne qui diminue le nombre et la gravité des complications infectieuses : mastoïdite, pansinusite, abcès cérébraux, cellulite faciale diffusée, d’évolution redoutable ; à cette évolution thérapeutique s’ajoute une amélioration sensible de l’hygiène buccodentaire de manière générale ; • les progrès des techniques radiologiques qui assurent un diagnostic positif précoce grâce à des examens non invasifs. Chaque bouleversement technologique a éclairé les TVC sous un jour différent. Ainsi, on a mieux cerné l’origine des lésions et la nature des destructions provoquées au sein du système nerveux central, ce qui a permis à chaque fois une meilleure orientation thérapeutique et une meilleure prise en charge à long terme. Malgré les progrès récemment accomplis, 15 % des TVC restent sans diagnostic étiologique précis ; on parle de forme idiopathique. L’intérêt de disposer d’examens facilement reproductibles prend ici une importance capitale.
Figure 1. Veines de la face. 1. Veine supratrochléaire ; 2. veine angulaire ; 3. veine faciale ; 4. veine ophtalmique supérieure ; 5. veine ophtalmique inférieure ; 6. veines vorticineuses ; 7. plexus ptérygoïdien ; 8. sinus caverneux ; 9. veine supraorbitaire.
■ Anatomie Dans le cadre de ce paragraphe, nous nous limitons à décrire les systèmes veineux les plus fréquemment impliqués dans les TVF et les TVC.
Veines de la face [11,
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(Fig. 1)
Veine faciale Elle naît de l’union des veines supratrochléaires et angulaires au niveau de l’angle médial de l’orbite. Elle draine la face. Son trajet est oblique de haut en bas et de dedans en dehors. Elle se termine dans la veine jugulaire interne par l’intermédiaire du tronc veineux thyro-linguo-pharyngo-facial. Satellite de l’artère, la veine faciale chemine en arrière d’elle, avec un trajet plus rectiligne. Elle est superficielle. Elle draine la face par plusieurs collatérales : • issues du nez : veine dorsale du nez, et les deux veines de l’aile du nez (ascendante et marginale) ; • issues des lèvres : les deux veines coronaires ; • issues de la profondeur : le plexus alvéolaire (qui vient de la fosse sous-temporale), les veines buccales, et les veines du canal de Sténon.
Veine transverse de la face Inconstante, elle est horizontale et se jette dans le système veineux parotidien.
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Figure 2. Veines cérébrales. 1. Sinus sagittal supérieur ; 2. sinus latéral ; 3. sinus droit ; 4. torcular ou confluant veineux postérieur ; 5. grande veine cérébrale de Galien ; 6. veine cérébrale interne ; 7. sinus sigmoïde ; 8. veine jugulaire interne ; 9. veines temporales ; 10. sinus pétreux supérieur ; 11. sinus sagittal inférieur ; 12. veine basale de Rosenthal ; 13. veines corticales supérieures ; 14. veine thalamostriée ; 15. veine septale ; 16. sinus pétreux inférieur ; 17. sinus caverneux.
Veines ophtalmiques supérieure, moyenne et inférieure Seule la veine ophtalmique supérieure est constante. Elle naît des veines angulaire et frontale. Elle draine le contenu de l’orbite, traverse la fissure orbitaire supérieure et se draine dans le sinus caverneux. Au cours de son trajet, elle reçoit les veines de la paupière supérieure, vorticineuse, lacrymale, centrale de la rétine, et ethmoïdales.
Veines cérébrales [13-15]
(Fig. 2)
La vascularisation veineuse de l’encéphale comprend un riche réseau de veines superficielles et profondes se drainant dans les sinus veineux de la dure-mère. Elles ne possèdent pas de valves. Ceci explique la possibilité d’un flux rétrograde. Les réseaux veineux et artériels ne sont pas superposables. Stomatologie
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Figure 3. Abouchement de deux veines corticales à la face supérieure du sinus transverse droit.
Figure 4. Point d’abouchement, dans un dédoublement de la duremère, de veines corticales inférieures.
Figure 5. A, B. Veines cérébrales profondes. 1.Grande veine cérébrale de Galien ; 2. veine cérébrale interne ; 3. veine basale de Rosenthal ; 4. sinus sagittal inférieur ; 5. veine atriale ; 6. veine thalamostriée ; 7. tente du cervelet.
Veines cérébrales superficielles Les veines superficielles sont anatomiquement extrêmement variables. Elles drainent le sang veineux de la majeure partie du cortex, à l’exception des faces internes des lobes temporaux et occipitaux. Veines cérébrales superficielles supérieures Elles collectent le sang veineux provenant des faces externes et internes des hémisphères frontaux et pariétaux. Ces veines s’abouchent dans le SSS à peu près à angle droit, sauf pour les veines corticales postérieures, volumineuses, qui se présentent selon un axe opposé au flux sanguin dans le SSS. On note, au niveau de la région pariétale, l’existence de la grande veine anastomotique de Trolard unissant le SSS à la veine sylvienne superficielle et au sinus caverneux.
Veine cérébrale interne Elle naît de l’union, au niveau du foramen interventriculaire (dit de Monro), de la veine septale, de la veine thalamostriée et de la veine choroïdienne supérieure. Elle chemine dans l’épaisseur de la toile choroïdienne du IIIe ventricule le long de la face supérieure et médiane du thalamus. Elle reçoit alors de nombreuses veines sous-épendymaires. Les deux veines cérébrales internes cheminent côte à côte et s’unissent pour former la grande veine cérébrale de Galien. Les veines cérébrales internes drainent les noyaux gris du diencéphale et la substance blanche profonde des hémisphères cérébraux. Veine basilaire (ou veine basale de Rosenthal)
Elle draine les lobes temporal et pariétal adjacents à la vallée sylvienne. Elle se termine au niveau du sinus caverneux. Elle s’anastomose avec le SSS par l’intermédiaire de la grande veine anastomotique de Trolard et avec le SL par l’intermédiaire de la veine anastomotique inférieure de Labbé.
Elle est formée par la jonction de petites veines qui proviennent de la face inférieure du lobe frontal, de l’insula et des noyaux gris centraux qui se rejoignent à la pointe du lobe temporal au niveau de la face inférieure de l’espace perforé antérieur. Elle se dirige en arrière en contournant la face latérale du pédoncule cérébral puis entre dans la citerne quadrigéminale pour se jeter dans la grande veine cérébrale de Galien.
Veines cérébrales superficielles inférieures (Fig. 3, 4)
Grande veine cérébrale de Galien
Veine superficielle moyenne ou sylvienne superficielle
Elles drainent la face inférieure des hémisphères cérébraux.
Veines cérébrales profondes (Fig. 5) Elles ont une remarquable constance anatomique. Stomatologie
Elle mesure 1 cm de longueur, 0,5 cm de diamètre. Elle reçoit de nombreuses afférences veineuses : • les veines cérébrales profondes (ventriculaires, sous-épendymaires, thalamiques, choroïdiennes, cérébrales internes, cisternales) ;
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• les veines corticales superficielles (temporales, occipitales internes et inférieures) ; • les veines cérébelleuses supérieures (précentrale, vermiennes supérieures).
Ils sont situés dans un dédoublement de la dure-mère. Ils drainent le sang veineux du cerveau vers les veines jugulaires internes. Seuls les principaux sinus sont décrits.
processus mastoïde. Horizontal puis vertical, le sinus latéral se poursuit par le golfe de la jugulaire au niveau du foramen jugulaire. Le calibre du SL droit est légèrement supérieur au calibre du SL gauche. Les SL reçoivent les veines cérébrales postérieures et inférieures, les veines cérébelleuses postérieures, le sinus pétreux supérieur, les veines diploïques et une volumineuse veine émissaire mastoïdienne qui fait communiquer le sinus latéral avec l’origine de la veine jugulaire postérieure et de la veine vertébrale. Le sinus transverse droit prolonge généralement le SSS et le gauche le sinus droit.
Sinus de la base
Veines diploïques [11]
Le sinus caverneux est pair et symétrique. Il s’étend de part et d’autre de la selle turcique, sur les parois latérales du corps du sphénoïde. Sa section a un aspect alvéolaire car il est cloisonné par de nombreuses trabécules fibreuses. Il est volumineux et correspond au confluent veineux antérieur. Il contient l’artère carotide interne, les nerfs abducens, oculomoteur, trochléaire, ophtalmique et maxillaire. Il permet le drainage veineux de la majeure partie de la face et de l’étage antérieur. Il reçoit : • les veines ophtalmiques ; • la veine centrale de la rétine ; • le sinus sphénopariétal qui longe le bord postérieur de la petite aile du sphénoïde ; • le sinus intercaverneux unissant les deux sinus caverneux ; • le sinus occipital transverse ou plexus basilaire ; • la veine cérébrale moyenne superficielle. Le sang veineux, après son passage dans le sinus caverneux, est acheminé vers les SL et la veine jugulaire interne par : • les sinus pétreux supérieur et inférieur ; • le sinus pétro-occipital ; • le sinus carotidien.
Elles sont situées dans le diploé et s’anastomosent aux sinus de la dure-mère et aux veines de l’épicrâne. Il est possible de distinguer les veines diploïques frontale, temporale antérieure, temporale postérieure et occipitale qui se drainent respectivement dans la veine supraorbitaire, le sinus sphénopariétal, et le sinus transverse pour les deux dernières.
Sinus duraux
(Fig. 2)
Sinus de la voûte Sinus sagittal supérieur Il est impair et médian. Il s’étend du foramen cæcum au torcular. Son calibre croît progressivement d’avant en arrière, augmenté par la présence de volumineux lacs sanguins situés de part et d’autre du sinus. Il n’est pas rare que sa partie postérieure dévie vers la droite. À sa partie terminale, il se divise en deux sinus, le plus souvent asymétriques, les sinus transverses. Sinus sagittal inférieur Il est impair et médian. Il est souvent grêle et occupe le bord libre de la faux du cerveau. Il croît d’avant en arrière. Il se jette dans l’extrémité antérieure du sinus droit. Il reçoit des veines de la face médiale de l’hémisphère, de la faux du cerveau et du corps calleux. Sinus droit Il est impair et médian. Il s’étend sur toute la longueur de la base de la faux du cerveau. Sectionné, il a la forme d’un triangle dont la base répond à la partie moyenne de la tente du cervelet. Il draine les veines cérébrales profondes, la veine de Galien, la veine cérébelleuse médiane supérieure, le sinus sagittal inférieur. Il rejoint le torcular en arrière. Torcular ou confluent veineux postérieur ou pressoir d’Hérophile Il est situé au niveau de la protubérance occipitale interne. Il est formé par la confluence du SSS, du sinus droit et du sinus occipital inférieur. Il donne naissance aux deux SL.
■ Rappels épidémiologiques Thrombose veineuse faciale La revue de la littérature n’a permis de retrouver que quatre cas des TVF après 1968 [2-5]. Dans le premier cas, il s’agissait d’une patiente de 32 ans présentant, à l’occasion d’une mastoïdite aiguë, un œdème douloureux de la face et du cou [5]. Le deuxième cas concernait une patiente de 22 ans présentant un œdème facial et un chémosis dont l’origine présumée était une infection dentaire [3]. Le troisième cas décrit était celui d’une enfant de 6 ans présentant un œdème hémifacial mais sans cause retrouvée [2]. Le dernier cas intéressait une patiente de 20 ans présentant un œdème facial associé à un érythème douloureux limité à l’hémiface [4].
Thrombose veineuse cérébrale L’incidence de la TVC, classiquement faible, paraît augmenter. Le diagnostic est plus souvent posé du fait de la meilleure disponibilité de l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Son étude se limitait auparavant à des séries autopsiques. Ainsi Ehlers et Courville [16] ne retrouvaient-ils que 16 cas de thrombose du SSS sur 12 500 autopsies. Barnett et Hylland [17], dans les années 1950, ne retrouvent que 39 cas de TVC d’origine non infectieuse en 20 ans. Kalbag et Woolf [18] montrent que les TVC étaient la principale cause de décès chez seulement 21,7 personnes en Angleterre et aux Pays de Galles entre 1952 et 1962. Plus récemment, l’étude multicentrique International Study on Cerebral Vein and Dural Sinus Thrombosis (ISCVT) a permis d’inclure 124 patients de mai 1998 à mai 2001 (21 pays, 89 centres) [8]. Avant 1975, le sex-ratio est de 1 [19]. Actuellement, les TVC se rencontrent à tout âge avec une légère prédisposition féminine probablement due à des facteurs spécifiques comme l’usage de contraceptifs oraux, la grossesse, et l’accouchement [20]. Deux études ont montré une augmentation du risque de thrombose veineuse chez la femme utilisant une contraception orale [21, 22]. L’incidence des TVC serait plus importante dans les pays asiatiques [23]. Au plan anatomique, le SSS et les SL sont plus touchés que le système veineux profond. Dans 75 % des cas, il s’agit d’une atteinte intéressant plusieurs veines corticales ou plusieurs sinus. L’atteinte isolée du SSS ou des SL est rare (respectivement 30 et 10 %) [8]. Au cours des TVC septiques, le sinus caverneux est plus volontiers atteint.
Sinus latéral Il s’étend du torcular au golfe de la jugulaire. Il est constitué par deux portions : l’une transverse (sinus transverse), située dans l’insertion de la tente du cervelet sur la gouttière osseuse de l’écaille occipitale, l’autre sigmoïde, située en arrière du
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■ Physiopathologie La triade de Virchow définit les principaux facteurs pathogènes impliqués dans la formation de thrombus : la stase veineuse, Stomatologie
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les troubles de l’hémostase, les anomalies pariétales [24, 25]. Il semble que l’hypercoagulabilité soit le facteur le plus déterminant. La présence de la mutation du facteur V de Leiden et celle de la mutation du gène de la prothrombine G20210A sont des facteurs de risque génétique des TVC [26]. Des facteurs morphologiques entrent également en ligne de compte. La configuration anatomique du drainage veineux des veines corticales dans le SSS peut expliquer la fréquence élevée de thrombus à ce niveau. Les veines corticales supérieures se drainent à contre-courant du flux sanguin à l’intérieur de ce sinus. Il existe des septa fibreux à la partie endoluminale inférieure de ce sinus. Ces deux éléments augmentent les zones de turbulence sanguine, ce qui favorise la formation de thrombi [14, 27]. Les abouchements des veines corticales à contrecourant ont été également observés au niveau des sinus transverses [13]. Enfin, les processus infectieux favorisent également l’apparition d’anomalies pariétales, de stase veineuse et de troubles de l’hémostase. La dissémination infectieuse au réseau d’aval se fait par voie anatomique [28]. Les TVC infectieuses du SSS sont liées, par exemple, à des infections du cuir chevelu par l’intermédiaire d’une ostéite qui, par contamination de contiguïté, est à l’origine d’une thrombose des veines diploïques puis de sinus veineux duraux. Les TVC des sinus transverses peuvent être causées par des infections otologiques ; ces sinus contribuent au drainage de l’oreille moyenne, de la cavité tympanique et de l’antre mastoïdienne. Les thromboses du sinus caverneux sont, dans une grande majorité des cas, liées à une pathologie infectieuse maxillofaciale. Par l’intermédiaire de la veine angulaire, le sang veineux peut être drainé de la veine faciale vers la veine ophtalmique supérieure puis vers le sinus caverneux. La veine angulaire est une anastomose entre le système de drainage veineux facial et le système de drainage veineux cérébral. Les infections de la face peuvent se propager par cette voie vers le sinus caverneux [1]. Les conséquences neurologiques des TVC sont très variables. De nombreux facteurs sont en cause dans la genèse des lésions neurologiques. Il est possible de distinguer : l’augmentation de pression dans les sinus duraux, la vitesse du flux sanguin dans la veine, la présence de veines de drainage collatérales, le degré d’occlusion, le développement d’un œdème vasogénique et cytotoxique, l’apparition d’un infarctus veineux ou d’une zone hémorragique. Tous ces facteurs sont liés [29]. De façon schématique, l’occlusion des veines cérébrales peut se traduire par un infarctus presque toujours hémorragique, se présentant sous forme de pétéchies, parfois sous forme de véritable hématome intraparenchymateux. De plus, les lésions du parenchyme cérébral s’accompagnent d’un œdème cytotoxique causé par l’atteinte membranaire des cellules et d’un œdème vasogénique causé par la rupture de la barrière hématoencéphalique et la fuite de plasma dans les espaces interstitiels [7]. La thrombose des sinus veineux entraîne une augmentation de la pression veineuse, diminuant ainsi l’absorption du liquide cérébrospinal (LCS), ce qui entraîne une augmentation de la pression intracrânienne. L’obstruction des voies de drainage du LCS étant localisée au niveau des villosités arachnoïdiennes, les ventricules cérébraux ne sont pas dilatés [29].
■ Symptomatologie et signes cliniques Thrombose veineuse faciale [1] Le diagnostic est clinique. La thrombose veineuse superficielle de la face ne pose pas de difficulté diagnostique. Elle associe douleur, chaleur locale, induration, hypoesthésie et érythème sur le trajet veineux. Ce dernier est palpable comme un « cordon induré ». La réaction inflammatoire persiste 2 à 3 semaines, Stomatologie
Figure 6. Cellulite jugale due à une infection dentaire (canine numéro 23) compliquée d’une thrombose de la veine faciale et ophtalmique.
l’induration palpable persiste beaucoup plus longtemps [4]. Dans les quatre cas rapportés dans la littérature depuis 1968, une fièvre est systématiquement présente [2-5]. La thrombophlébite de la veine faciale se traduit par un œdème du pli nasogénien diffusant à l’angle interne de l’œil. La palpation retrouve un cordon induré et l’évolution se fait vers le développement d’une tuméfaction très sensible du canthus interne. Une atteinte de la canine est parfois retrouvée. Elle a été pour cela surnommée « dent de l’œil » ou « dent d’Hippocrate ». La thrombophlébite de la veine ophtalmique associe un œdème de la paupière supérieure, un chémosis séreux puis une exophtalmie. L’évolution locale se fait vers un phlegmon orbitaire parfois associé à une atteinte des muscles oculomoteurs dans le segment orbitaire (Fig. 6). Les veines profondes de l’étage moyen de l’infrastructure maxillaire peuvent être le siège d’une thrombose. Les veines ptérygoïdiennes sont à l’origine d’un tableau douloureux avec trismus, œdème malaire et endobuccal. Un phlegmon pharyngien peut se développer [1]. Les TVF peuvent s’étendre au sinus caverneux.
Thrombose veineuse cérébrale La symptomatologie des TVC est variée et polymorphe, rendant le diagnostic difficile sur les seuls critères cliniques [6, 30]. Le mode d’installation est aigu dans 44 % des cas, subaigu dans 35 % et chronique dans 21 % [31]. Les symptômes les plus fréquents sont les céphalées, les crises convulsives, les déficits neurologiques, l’altération de la conscience, l’œdème papillaire [8]. Ces symptômes peuvent être présents de façon isolée ou être associés. La céphalée, présente dans 80 % des cas, est le symptôme le plus fréquemment rapporté. Les crises convulsives inaugurent le tableau clinique dans 12 à 15 % des cas et compliqueront un tableau clinique déjà constitué dans 40 % des cas. Les crises sont soit partielles, soit généralisées. Les crises convulsives sont plus souvent rapportées dans les cas de thromboses du SSS, des thromboses des veines corticales, ou de lésions parenchymateuses secondaires à la TVC. Une thrombose isolée d’une veine corticale entraîne un déficit moteur ou sensitif fréquemment associé à une crise convulsive. La thrombose du SSS à sa partie antérieure est souvent asymptomatique. Lorsqu’elle intéresse la partie moyenne et la partie postérieure, elle entraîne une hypertension
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intracrânienne par défaut de résorption du LCS. La diffusion de la thrombose aux veines corticales engendre des déficits moteurs uni-, bilatéraux ou à bascule, associés à des convulsions [1]. Les patients présentant une thrombose des sinus transverses développent fréquemment une hypertension intracrânienne. Dans le cas d’une occlusion du sinus transverse gauche chez un droitier, une aphasie complète le tableau clinique. Une atteinte du sinus transverse non dominant est le plus souvent asymptomatique. Si la thrombose diffuse au golfe jugulaire, il peut se constituer un syndrome du trou déchiré postérieur avec paralysie des IXe, Xe et XIe paires crâniennes [1]. La thrombose du sinus caverneux associe, dans sa forme aiguë, un chémosis, un ptosis, un œdème périorbitaire ipsilatéral et une ophtalmoplégie douloureuse (atteinte des IIIe, IVe et VIe paires crâniennes). Une hémorragie rétinienne et un œdème papillaire sont recherchés au fond d’œil. La thrombophlébite du sinus caverneux se manifeste par un syndrome de l’apex orbitaire associant : ophtalmoplégie, baisse de l’acuité visuelle et atteinte trigéminale (V1 et V2). L’occlusion du système veineux profond est plus bruyante. La sémiologie associe troubles de la conscience, troubles des fonctions supérieures et déficits moteurs habituellement bilatéraux. Lorsqu’il existe des lésions parenchymateuses, les patients présentent des signes neurologiques variés fonction de la nature et de la localisation des lésions. Ils peuvent présenter des troubles de la conscience, un déficit moteur ou sensitif, une aphasie et dans une moindre mesure, une hypertension intracrânienne isolée [6]. D’autres présentations ont été rapportées comme des céphalées isolées, parfois en « coup de tonnerre » évoquant alors une hémorragie méningée, des troubles psychiatriques (irritabilité, manque d’intérêt, anxiété, dépression), et des acouphènes. Certains signes sont transitoires, pouvant faire évoquer un accident ischémique transitoire, une crise migraineuse avec aura, une crise comitiale isolée [6, 9, 24, 32-34].
■ Examens complémentaires Thrombose veineuse faciale L’imagerie médicale confirme le diagnostic. L’échographiedoppler permet de visualiser le thrombus et l’absence de perméabilité de la veine. Le plus souvent, la veine concernée est la veine faciale. L’IRM cérébrale recherche une thrombose du sinus caverneux, complication dramatique des TVF.
Thrombose veineuse cérébrale
(Fig. 7–11)
Imagerie par résonance magnétique et angiographie veineuse par résonance magnétique (AvRM) cérébrale Thrombus veineux La visualisation de l’occlusion veineuse est indispensable au diagnostic de TVC [7, 35]. L’association de l’IRM cérébrale et de l’AvRM est actuellement le meilleur moyen de poser de façon certaine le diagnostic de TVC [6] . L’IRM cérébrale met en évidence la thrombose veineuse alors que l’AvRM ne visualise pas l’axe vasculaire concerné. Le signal du thrombus est variable dans le temps, fonction de l’évolution des produits de dégradation de l’hémoglobine. La formation d’oxyhémoglobine à la phase aiguë, de désoxyhémoglobine dès le 5 e jour puis de méthémoglobine à la phase subaiguë, est à l’origine de signaux caractéristiques allant d’un hyposignal à un hypersignal en séquence pondérée T1 et T2 [1]. Un thrombus de moins de 5 jours apparaît iso-intense sur les séquences T1 et hypo-intense sur les séquences T2. Il est très difficile, à ce stade, de distinguer le signal pathologique du signal normal d’une veine fonctionnelle (hypo-intense sur les
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Figure 7. A. Tomodensitométrie cérébrale coupe axiale sans injection : aspect hyperdense du sinus sagittal supérieur évoquant une thrombose de ce sinus ; lésion parenchymateuse pariétale gauche d’aspect hétérogène correspondant à un ramollissement veineux hémorragique (collection docteur Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes). B. Imagerie par résonance magnétique cérébrale, séquence sagittale T1, hypersignal du sinus sagittal supérieur témoignant de sa thrombose (collection docteur Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes). C. Artériographie cérébrale, temps veineux, thrombose du sinus sagittal supérieur (collection docteur Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes). Stomatologie
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Figure 8. A. Tomodensitométrie cérébrale, coupe axiale sans injection, hypodensité des thalami et des noyaux gris centraux (collection docteur Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes). B. Imagerie par résonance magnétique cérébrale, séquence fluid attenuated inversion recovery (flair), coupes axiales, hyperintensité des thalami et des noyaux gris centraux (collection docteur Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes). C. Artériographie cérébrale, thrombose des veines cérébrales internes et du sinus droit (collection docteur Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes).
Figure 9. A. Tomodensitométrie cérébrale, coupe axiale sans injection, thrombose flottante de la portion terminale du sinus sagittal supérieur, hyperdensité partielle de sinus sagittal supérieur (collection Dr Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes). B. Angiographie par résonance magnétique, temps veineux, thrombose flottante de la portion terminale du sinus sagittal supérieur (collection Dr Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes). C. Artériographie cérébrale, temps veineux, thrombose flottante de la portion terminale du sinus sagittal supérieur (collection docteur Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes).
séquences T1 et hypo-intense en T2). Des études récentes montrent que les séquences T2* sont une aide supplémentaire à la visualisation du thrombus veineux cérébral, en particulier dans les premiers jours suivant sa formation [6, 36-38]. Entre le 5e et le 15e jour, le thrombus apparaît hyperintense en T1 et hyperintense en T2. C’est au cours de cette période que le diagnostic est le plus facile. Au-delà du 15 e jour, le signal devient plus hétérogène sur les séquences T1 et T2. Les coupes sagittales permettent une étude complète du SSS ; les coupes coronales permettent une étude des SL [9]. L’AvRM peut être réalisée sans injection intraveineuse de produit de contraste paramagnétique (séquence time of flight [TOF]). Si l’occlusion est complète, le thrombus apparaît sous la forme d’une perte de l’hypersignal normal du sinus veineux. La visualisation d’une thrombose des veines corticales est plus délicate du fait du haut degré de variation anatomique de ces dernières [35]. Stomatologie
L’IRM cérébrale a également ses limites. Les flux étudiés à l’intérieur des vaisseaux peuvent subir des perturbations physiologiques à l’origine de faux positifs. Il s’agit d’un retentissement, d’une accélération, d’une turbulence qui génère un hypersignal. Cet artefact est souvent rencontré au niveau des SL. L’association de l’IRM cérébrale avec l’AvRM prend alors toute sa valeur. Pour que la thrombose soit affirmée, l’AvRM doit montrer une image lacunaire. Anomalies parenchymateuses Les anomalies du parenchyme cérébral sont de deux types : les unes secondaires à l’hypertension intracrânienne, les autres, plus localisées, secondaires à l’infarctus veineux [7, 9, 35]. Les anomalies secondaires à l’hypertension intracrânienne ne sont pas spécifiques. Il s’agit essentiellement d’un œdème
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la TVC [7, 40]. Cet examen nécessite l’injection des quatre axes vasculaires et la pratique de clichés tardifs. Il convient de réaliser au moins deux incidences différentes dont une incidence de trois quarts permettant de visualiser la totalité du SSS. L’angiographie donne une image de soustraction correspondant à un thrombus au sein d’un sinus ou d’une veine et une analyse dynamique de l’ensemble de la circulation veineuse. La grande variabilité des veines corticales rend le diagnostic des thromboses localisées délicat. Le diagnostic est porté devant un ralentissement circulatoire cortical associé à une absence d’opacification veineuse [41]. La thrombose des veines profondes, bien qu’exceptionnelle, se traduit par l’absence d’opacification des veines cérébrales internes, de la grande veine cérébrale et du sinus droit. La thrombose du SSS est diagnostiquée par l’absence d’opacification complète ou partielle, associée à un ralentissement circulatoire. Les fausses images de thrombose veineuse peuvent apparaître à la faveur de variations anatomiques telles que l’hypoplasie d’un sinus (fréquente pour l’un des SL) ou l’existence de multiples chenaux veineux. L’angiographie cérébrale ne montre jamais les lésions cérébrales secondaires. Figure 10. Imagerie par résonance magnétique cérébrale, séquence T1, thromboses du sinus sagittal supérieur, des veines cérébrales internes et du sinus droit (collection docteur Rodesch, service de neuroradiologie, Hôpital Foch, Suresnes).
Scanner cérébral sans et avec injection de produit de contraste La sensibilité et la spécificité du scanner cérébral dans le diagnostic de TVC sont respectivement de 68 % et de 52 % [42]. Toutefois, il reste un examen de débrouillage, réalisé souvent en première intention devant un tableau neurologique. Devant la multitude de signes neurologiques non spécifiques des TVC, il permet d’éliminer d’autres pathologies comme tumeurs, abcès, encéphalopathie. Il peut orienter le praticien vers le diagnostic de TVC par des signes directs et des signes indirects. Coupes axiales sans injection [9, 42]
Figure 11. Tomodensitométrie cérébrale non injectée, thromboses du sinus sagittal supérieur, signe du rail : les parois apparaissent hyperdenses, le thrombus hypodense (collection docteur Sagui, service de neurologie, Hôpital inter-Armées Laveran, Marseille).
cérébral (effacement des citernes de la base du crâne, des sillons corticaux). La taille des ventricules latéraux est très variable. Les anomalies focales sont plus variables. Elles sont présentes dans 50 % des cas. Leur localisation dépend de celle de la thrombose. Un œdème isolé d’une circonvolution et un effacement d’un sillon apparaissent rapidement lors d’une TVC. L’infarctus veineux, zone ovalaire cortico-sous-corticale, apparaît hyperintense en séquence T2 et en séquence fluid attenuated inversion recovery (FLAIR) [39]. Il ne correspond pas à un territoire vasculaire artériel. Son caractère hémorragique se traduit, en séquence pondérée T1, par un hypersignal, bordé par un anneau en hyposignal correspondant au dépôt d’hémosidérine [1].
Angiographie cérébrale L’angiographie cérébrale conventionnelle n’est plus réalisée que lorsque l’IRM et l’AvRM n’ont pas permis de diagnostiquer
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• Signes directs : l’hyperdensité d’une veine ou d’un sinus évoque une thrombose. Le signe du delta évocateur de thrombose correspond à une hyperdensité de la partie postérieure du SSS. • Signes indirects : l’infarctus veineux non hémorragique apparaît comme une zone hypodense. Les infarctus n’étant pas dans un territoire artériel sont très évocateurs d’une TVC. Un infarctus thalamique bilatéral évoque une thrombose veineuse profonde (cérébrales internes, grande veine cérébrale et sinus droit). Un infarctus parasagittal bilatéral évoque une thrombose du SSS. Les infarctus veineux hémorragiques se distinguent par la présence de multiples pétéchies (hyperdensités ponctuelles) ou d’un hématome (zone hyperdense) entouré d’une plage œdémateuse hypodense. Des ventriculesfentes peuvent être observés lors de TVC. Dans de très rares cas, il peut exister une hémorragie méningée ou un hématome sous-dural comme seul signe de TVC. Coupes axiales avec injection [9, 42] • Signes directs : le signe du delta vide est trouvé dans 10 à 30 % des thromboses du SSS. Une non-opacification ou un défaut de remplissage d’un sinus évoquent la présence d’un thrombus. • Signes indirects : rehaussement, après injection, de la zone infarcie ; rehaussement de la dure-mère retrouvé dans 20 % des cas (hyperhémie et stase veineuse lors des TVC).
Autres examens complémentaires [1] Bilan biologique Il permet d’orienter le diagnostic étiologique vers une cause infectieuse, inflammatoire ou tumorale. Il analyse également les voies de l’hémostase.
Fond d’œil Réalisé en urgence chez tout patient présentant des signes d’hypertension intracrânienne, il recherche un œdème papillaire. Stomatologie
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Figure 12. A, B. Imagerie par résonance magnétique cérébrale coupe coronale, séquence T1 avec injection de produit de contraste, thrombophlébite du sinus sagittal supérieur et du sinus transverse consécutive à un abcès sous-dural (collection docteur Sagui, service de neurologie, Hôpital inter-Armées Laveran, Marseille).
Figure 13. A, B. Imagerie par résonance magnétique cérébrale, abcès cérébral, hypo-intense en T1 avec prise de contraste en cocarde, hyperintensité en séquence de diffusion.
Ponction lombaire Dans les TVC, le liquide cérébrospinal est normotendu et sa composition normale dans 10 % des cas. Les anomalies le plus fréquemment retrouvées sont l’hyperprotéinorachie, l’augmentation du nombre des hématies et une pléiocytose à prédominance lymphocytaire. Ces trois anomalies sont associées dans 10 à 30 % des cas.
Électroencéphalogramme Si cet examen n’a plus sa place dans le cadre de l’urgence, il est indispensable en présence de crises convulsives et permet de suivre l’évolution d’anomalies électriques localisées, diffuses, unilatérales ou symétriques. Certaines peuvent apparaître après la régression d’un syndrome déficitaire et faire craindre la survenue d’une épilepsie résiduelle.
■ Étiologie Origine infectieuse Les TVF constituent, à notre connaissance, une complication des infections maxillofaciales. Dans les quatre cas rapportés dans la littérature, elles sont consécutives à une mastoïdite, une Stomatologie
infection dentaire et une infection cutanée de la lèvre inférieure [3-5]. Dans un seul cas, le site de l’infection n’a pu être découvert [2]. Les TVC d’origine infectieuse sont rares mais non exceptionnelles [28]. Selon l’étude multicentrique ISCVT, elles représentent 12,3 % des causes de TVC. Une infection du système nerveux central serait en cause dans 2,1 % des cas (Fig. 12, 13) et une infection de la sphère oto-rhino-laryngologique (ORL) dans 8,2 % des cas [8]. Les thromboses du sinus caverneux ont le plus souvent une origine infectieuse maxillofaciale. Les veines peuvent présenter différents stades d’infection : thrombophlébite suppurée et nécrose pariétale. Les processus infectieux locorégionaux que nous regroupons en foyer infectieux buccodentaire, ORL et tégumentaire peuvent se compliquer de TVF et de TVC.
Foyers infectieux buccodentaires [1] La mandibule est aussi souvent concernée que le maxillaire. En revanche, si toutes les dents peuvent être incriminées à l’étage maxillaire, seules les molaires, et plus encore les dents de sagesse, au niveau de l’étage mandibulaire, peuvent être à l’origine de telles thromboses veineuses. La dent est alors le point de départ d’une cellulite, soit circonscrite dans le premier temps, diffusant secondairement aux espaces celluleux voisins, soit diffuse d’emblée, redoutable, pouvant entraîner le décès du
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malade en 48 à 72 heures. Dans les deux cas, des complications majeures peuvent survenir : tableau de toxi-infection maligne avec choc septique ou complication embolique locorégionale.
Foyers infectieux tégumentaires [1] Une lésion cutanée située au niveau de la face, du cuir chevelu, d’origine traumatique (plaie souillée) ou dermatologique (staphylococcie de la lèvre supérieure ou de l’aile du nez) peut être le départ d’une cellulite diffusée. La staphylococcie maligne de la face survient chez un sujet jeune sans antécédent notable, à partir d’un furoncle de la région nasolabiale, d’un anthrax de la lèvre supérieure, du sillon nasogénien, du pourtour du vestibule narinaire, ou à partir d’une lésion non furonculeuse de cette région (orgelet, folliculite, piqûre d’insecte surinfectée). Dans sa forme la plus grave, il se constitue une TVF extensive et une cellulite. Le cordon veineux thrombosé est visible sur la face, le front, le cuir chevelu, l’angle de l’œil. Le risque de thrombophlébite du sinus caverneux est important. Il existe un placard staphylococcique rouge violacé, froid, peu douloureux, associé à un œdème de l’hémiface. Peu à peu, l’extension entraîne une protrusion du globe oculaire qui devient immobile, un chémosis et une baisse de l’acuité visuelle. Les signes généraux de septicémie sont alarmants (fièvre à 40 °C, altération de l’état général, troubles de la conscience). Les hémocultures sont positives. Une antibiothérapie adaptée et à bonne diffusion cutanée et neuroméningée est nécessaire [43, 44].
Foyers infectieux oto-rhino-laryngologiques [1] Les otomastoïdites peuvent être à l’origine d’une TVF, ou d’une TVC (essentiellement thrombose des SL ou sinus caverneux). Avant l’avènement des antibiotiques, elles constituaient une des complications redoutées des otites moyennes aiguës. Il en est de même pour les sinusites sphénoïdales, ethmoïdales, maxillaires ou frontales qui sont le point de départ des thromboses du sinus caverneux pour les trois premiers et du SSS pour la dernière.
Foyers infectieux intracrâniens [1] Ils sont pourvoyeurs de TVC. Ce sont les empyèmes, les abcès cérébraux, les méningites purulentes.
Thromboses veineuses cérébrales aseptiques Causes maxillofaciales Les causes maxillofaciales aseptiques sont essentiellement traumatiques. Le traumatisme crânien représente 1,1 % des causes des TVC [8]. Il peut être mineur et passer inaperçu, mais le plus souvent, il s’agit d’un traumatisme crânien avec perte de connaissance, responsable de lésions osseuses majeures : fracture de la voûte crânienne avec ou sans embarrure, fracture de l’étage antérieur, disjonction craniofaciale, disjonction orbitomalaire. À côté de ces formes traumatiques, on peut exceptionnellement rencontrer : • des traumatismes iatrogènes allant de la pose d’une voie veineuse jugulaire (0,8 % des causes des TVC) à un geste neurochirurgical (0,6 % des causes des TVC) [8] ; • des pathologies carcinologiques régionales (les tumeurs cérébrales sont impliquées dans 3,2 % des cas) [8] ; • des lésions vasculaires cérébrales : les malformations artérioveineuses, les fistules durales et les anomalies veineuses sont impliquées respectivement dans 0,2 %, 1,6 % et 0,2 % des cas [8].
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Causes non maxillofaciales [1] Nous ne les détaillons pas. Schématiquement, elles se répartissent en : • causes gynécologiques : pathologie périgravidopuerpérale, iatrogène avec prise d’œstroprogestatifs ; • causes générales : hémopathies, cancers, troubles de l’hémostase, maladies inflammatoires (sarcoïdose, maladie de Horton, maladie de Behçet...), cardiopathie ; • causes chirurgicales : consécutives à tout type de chirurgie, compliquée ou non d’une thrombose veineuse des membres inférieurs ; • causes idiopathiques : dans toutes les séries, 20 à 25 % des TVC ne trouvent aucune explication et sont considérées comme idiopathiques.
■ Évolution et pronostic Thrombose veineuse faciale L’évolution et le pronostic des TVF sont liés à la gravité du sepsis et à l’extension de la thrombose au sinus caverneux. L’association TVF – TVC du sinus caverneux est péjorative.
Thrombose veineuse cérébrale Depuis quelques années, l’évolution des TVC est favorable. À long terme, l’évolution fonctionnelle est favorable dans 80 % des cas. Canhao montre que le taux de mortalité à la phase aiguë de la TVC, toutes causes confondues, est de 4,3 % au cours de la phase aiguë et de 3,4 % dans les 30 jours suivant les symptômes initiaux [45]. Le décès est dû, dans la majorité des cas, à un engagement cérébral consécutif à l’hypertension intracrânienne. Dans l’étude multicentrique ISCVT, la mortalité était de 8,3 % [45]. Les facteurs péjoratifs sont : le sexe masculin, un âge supérieur à 37 ans, la thrombose du système veineux profond, un score de Glasgow inférieur à 9, des troubles des fonctions cognitives, une infection du système nerveux central, l’existence d’un cancer [6]. Le pronostic est plus favorable si la symptomatologie se résume à une hypertension intracrânienne isolée [6]. Les TVC septiques sont de plus mauvais pronostic que les TVC aseptiques [28]. Vingt pour cent des patients présentent des complications à plus long terme. Il s’agit de crises comitiales séquellaires, de troubles cognitifs, de l’apparition de fistules artérioveineuses durales et de récidives ; 10,6 % des patients conservent des séquelles de TVC sous forme de crises comitiales partielles. Les fistules artérioveineuses durales sont rares et dues aux modifications du drainage veineux entraînées par la TVC. La fréquence des récidives est de l’ordre de 2 % [6, 8, 45, 46].
■ Traitement Thrombose veineuse faciale Le traitement préventif repose sur une désinfection rigoureuse de toute plaie faciale. Dans les cas de fractures faciales, la précocité du traitement chirurgical et l’association antibiotiques-corticoïdes semblent être intéressantes. Cela diminue le risque infectieux et l’œdème, et donc la survenue d’une thrombose. Le traitement curatif des TVF repose sur l’antibiothérapie et l’héparinothérapie.
Thrombose veineuse cérébrale La TVC doit être identifiée avant l’instauration de toute mesure thérapeutique spécifique.
Traitement anticoagulant Le but du traitement anticoagulant est de permettre la reperméabilisation de la veine ou du sinus occlus, de prévenir Stomatologie
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la propagation du thrombus. Les héparines de bas poids moléculaire sont proposées dès le diagnostic posé [5]. Certains préféreront l’utilisation de l’héparine non fractionnée par voie veineuse, en débutant par une dose de charge [9]. Dans l’étude multicentrique ISCVT, 64 % des patients ont été traités par de l’héparine intraveineuse, et 34,9 % par une héparine de bas poids moléculaire en injection sous-cutanée. Il n’a pas été noté de différence significative d’efficacité entre ces deux thérapeutiques [8]. Un relais per os par antivitamine K est réalisé rapidement. L’internatinal normalized ratio (INR) cible est situé entre 2 et 3. Le traitement est prescrit pour une durée de 6 à 12 mois [6, 7]. Un traitement prolongé par anticoagulants oraux est réservé aux patients présentant une coagulopathie avérée (mutation du facteur V de Leiden, déficit en antithrombine III, syndrome des antiphospholipides) [47]. Si la TVC entraîne un infarctus veineux hémorragique, une imagerie de contrôle précoce permet de s’assurer de l’absence d’aggravation sous traitement anticoagulant [7]. À ce jour, la thrombolyse in situ par urokinase ou activateur recombiné du plasminogène tissulaire n’a pas fait la preuve de son efficacité par rapport à l’héparinothérapie [47]. Dans l’étude ISCVT, 13 patients ont été traités par une thrombolyse in situ. Cinq de ces 13 patients sont décédés dans les suites immédiates ou au cours de la période de suivi précoce [8]. Ce traitement, toujours en évaluation, reste cependant indiqué lorsque les patients s’aggravent malgré un traitement par héparine. Il n’est utilisé que dans des centres spécialisés de neurologie vasculaire [6, 7, 9].
Les TVC ont une incidence évaluée à moins de cinq cas par million d’habitants. Leur symptomatologie clinique est très variée. Elles doivent être suspectées lorsqu’un patient développe des céphalées, un déficit neurologique focal ou des crises comitiales (focales ou généralisées). Le diagnostic positif est réalisé par l’IRM cérébrale associée soit à l’AvRM cérébrale soit à l’angioscanner cérébral. Les causes maxillofaciales des TVC sont soit septiques, soit le plus souvent aseptiques (traumatismes craniofaciaux, geste neurochirurgical, voie veineuse jugulaire, tumeurs cérébrales, lésions vasculaires). Leur traitement spécifique repose sur l’héparinothérapie en première intention. Toute symptomatologie neurologique chez un traumatisé craniofacial ou un patient porteur d’une infection faciale doit faire évoquer et éliminer en urgence une TVC. .
■ Références [1]
[2] [3] [4]
[5]
Traitement de l’hypertension intracrânienne Pour les patients présentant une hypertension intracrânienne isolée, avec menace visuelle (baisse de l’acuité visuelle, œdème papillaire), l’instauration d’un traitement par acétazolamide et une ponction lombaire soustractive sont indiquées avant le début du traitement par héparine. Les suites de la ponction lombaire sont souvent marquées par l’amélioration des céphalées et des signes visuels [7, 9]. Devant une hypertension intracrânienne sévère, le consensus européen recommande l’utilisation de mannitol et l’admission en unité de soins intensifs (sédation, hyperventilation et monitorage de la pression intracrânienne) [48]. À la phase aiguë, la réalisation d’une crâniectomie décompressive peut éventuellement être envisagée chez un patient présentant un engagement cérébral dû à une lésion hémisphérique unilatérale. Il semble que ce geste puisse apporter un bénéfice fonctionnel à long terme [6, 48].
[6]
Traitement anticonvulsivant
[13]
Les patients ayant présenté une crise convulsive doivent être traités car il existe un risque de récidive. Ce traitement est poursuivi en moyenne pendant 2 ans, guidé par la clinique, l’IRM cérébrale et l’électroencéphalogramme. Pour la plupart des auteurs, en l’absence de crise convulsive, le traitement préventif anticomitial n’est pas indiqué [1, 6, 48].
[14]
Traitement antibiotique
[17]
Les TVC septiques relèvent d’un traitement antibiotique de première intention : céphalosporines de 3e génération associées au métronidazole ou au chloramphénicol. Ce traitement est adapté à la sensibilité des germes et à l’évolution clinique. La durée du traitement n’est pas inférieure à 2 semaines [1].
[18]
[7] [8]
[9]
[10]
[11] [12]
[15] [16]
[19] [20] [21]
■ Conclusion Les TVF sont rares. Elles compliquent une pathologie infectieuse maxillofaciale. Leur diagnostic est clinique. L’échographie-doppler de la face confirme le diagnostic. La veine faciale est le plus souvent le site de la thrombose. Les TVF peuvent se compliquer d’une thrombose du sinus caverneux. Leur traitement associe antibiothérapie et héparinothérapie. Stomatologie
[22]
[23]
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A. Dagain ([email protected]). Service de neurochirurgie, Hôpital d’instruction des Armées Val-de-Grâce, 74, boulevard Port-Royal, 75005 Paris, France. G. Thiéry. Service de chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique de la face et stomatologie, Hôpital d’instruction des Armées Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France. R. Dulou. J.-M. Delmas. P. Pernot. Service de neurochirurgie, Hôpital d’instruction des Armées Val-de-Grâce, 74, boulevard Port-Royal, 75005 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Dagain A., Thiéry G., Dulou R., Delmas J.-M., Pernot P. Thrombophlébites craniofaciales. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-043-A-10, 2007.
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Stomatologie
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Lésions blanches de la muqueuse buccale et des lèvres É. Piette, H. Reychler Un certain nombre de maladies se manifestent par des lésions blanches de la muqueuse buccale. Ces affections sont en fait nosologiquement très variées mais il est commun de les regrouper pour en faciliter le diagnostic différentiel. Ces lésions sont décrites en détail dans cet article. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Lésions blanches ; Lèvres ; Muqueuse orale
Plan ¶ Introduction
1
¶ Kératoses congénitales et héréditaires Dyskératose congénitale Kératose folliculaire « Nævus blanc spongieux » de Cannon Dyskératose intraépithéliale bénigne héréditaire de Witkop Pachyonychie congénitale Porokératose de Mibelli
1 1 2 2 2 2 3
¶ Kératoses liées à des affections dermatologiques et immunologiques Lichen plan Glossite exfoliatrice en aires Psoriasis buccal Lupus érythémateux Maladie homologue (réaction du greffon contre l’hôte)
3 3 6 6 7 8
¶ Kératoses de type réactionnel Kératoses d’origine traumatique Kératoses d’origine actinique Leucoplasies Leucœdème
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¶ Kératoses d’origine toxique. Réactions lichénoïdes
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¶ Fibrose sous-muqueuse
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¶ Kératoses d’origine infectieuse Kératoses d’origine bactérienne Kératoses d’origine mycosique Kératoses d’origine virale
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¶ Kératoses dysplasiques (kératoses préépithéliomateuses) et carcinome in situ
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■ Introduction Toute « tache blanche » sur la muqueuse buccale ou sur les lèvres doit être considérée comme pathologique. La lésion blanche n’aura pas un aspect univoque en raison de son épaisseur, de son caractère plus ou moins régulier (nappes uniformes ou lésions fissurées), de la géographie de ses contours (lésions figurées ou déchiquetées), voire de son degré de macération. Les lésions fines sont plutôt opalines. Les lésions épaisses sont neigeuses. Les lésions macérées sont plutôt grisâtres alors que les lésions anciennes peuvent être jaunâtres ou brunâtres. Que ce Stomatologie
soit de manière habituelle ou au cours de son évolution, la lésion blanche peut s’accompagner d’autres manifestations, comme l’érythème, l’érosion, l’ulcération, la bulle, la végétation, voire la pigmentation. L’importance de ces manifestations est variable par rapport à la lésion blanche, soit à cause de la nature de la pathologie, soit en fonction de son évolution dans le temps. Il est courant de qualifier les lésions blanches de « kératoses », bien que ce terme général, d’ordre histopathologique et non clinique, ne puisse s’appliquer à toutes les lésions blanches observées. Il existe, au niveau de l’épithélium buccal, un certain degré de kératinisation physiologique, plus simple et moins intense que celui de l’épiderme. La kératinisation pathologique est la « kératose », qui peut être une orthokératose (kératinisation de type cutané, avec couches granuleuse et cornée dépourvues de noyaux cellulaires, et desquamation par groupes de cellules) ou une parakératose (kératinisation imparfaite, sans couche granuleuse, avec des cellules qui gardent leur noyau dans toutes les couches, et une desquamation cellule par cellule le plus souvent). La dyskératose est une kératinisation incomplète, précoce et anarchique, où les noyaux cellulaires dégénèrent dans toutes les couches épithéliales et où les cytoplasmes se chargent de kératine. L’orthokératose semble avoir un potentiel prénéoplasique plus marqué que la parakératose. Il semble aussi que la dégénérescence maligne affecte surtout les kératoses d’origine cicatricielle.
■ Kératoses congénitales et héréditaires Il existe plusieurs syndromes caractérisés entre autres par des phénomènes de dyskératose buccale. [1]
Dyskératose congénitale La dyskératose congénitale (dyskeratosis congenita) ou syndrome de Zinsser-Engman-Cole est une maladie très rare à transmission autosomique récessive, caractérisée, au niveau buccal, [1] par l’apparition de lésions leucoplasiques non spécifiques, survenant le plus souvent entre les âges de 5 et 14 ans. Les papilles linguales s’atrophient, ainsi que la muqueuse buccale qui, à la longue, s’épaissit, se fissure et prend un aspect opalescent. Des zones érythroplasiques peuvent être retrouvées adjacentes aux taches blanches buccales. La peau présente une atrophie réticulaire, avec des zones hyperpigmentées, et les ongles sont dystrophiques. La dégénérescence
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22-045-K-10 ¶ Lésions blanches de la muqueuse buccale et des lèvres
maligne des lésions buccales est très fréquente et survient en moyenne 10 à 15 ans plus tard. [2] Il n’y a pas de traitement connu.
Kératose folliculaire La kératose folliculaire ou maladie de Darier-White est une génodermatose transmise sur le mode autosomique dominant, caractérisée, dans la moitié des cas, par des signes buccaux qui, cependant, apparaissent plus tardivement que les manifestations dermatologiques. [3] Décrite presque simultanément mais indépendamment par Darier et par White en 1889, respectivement sous les noms de « porospermose folliculaire végétante » et d’« ichtyose folliculaire », cette maladie est appelée « dyskératose folliculaire » en français et « kératose folliculaire » (keratosis follicularis) en anglais ; elle est à différencier nosologiquement de la dyskeratosis follicularis ou lichen pilaris. La maladie de Darier exprime cliniquement une double lésion histologique : une dyskératose folliculaire, ainsi qu’une acantholyse cellulaire. [3] C’est une affection verruqueuse et bulleuse, ce qui explique ce double pôle histologique et elle se transmet apparemment sur le mode autosomique dominant, tout en reconnaissant l’existence de très nombreux cas isolés qui pourraient expliquer sa survenue par mutation, tandis que cette dystrophie héréditaire s’effacerait spontanément par la faible fécondité des couples dont l’un des conjoints est porteur de l’affection. Il n’est pas rare de rencontrer d’une part une hypofertilité et d’autre part une certaine arriération mentale. Cette affection apparaît avant la vingtième année, parfois dès la naissance. Elle a une disposition régionale, symétrique avec, comme localisation de choix, les faces latérales du cou, les zones sous- et rétroauriculaires, la conque des oreilles, les tempes, le front, les sillons nasogéniens ainsi que le cuir chevelu, la région présternale et la gouttière vertébrale jusqu’à la région lombaire, et enfin les régions latérothoraciques et latéroabdominales. On note qu’il existe de nombreuses formes frustes pouvant passer inaperçues ou être diagnostiquées pour une tout autre affection. Au niveau du visage, [3] la suspicion de maladie de Darier doit se compléter de la recherche de lésions ailleurs sur le corps, tout particulièrement au niveau des mains et des pieds où l’on constate de façon habituelle, soit, sur le dos des mains, des lésions parfois très nombreuses et considérées comme des verrues planes, soit, sur les régions palmoplantaires, des manifestations kératosiques ponctuées translucides enchâssées dans l’épiderme, mais présentant très souvent une dépression centrale à l’instar de la porokératose de Mantoux, dont elles n’ont toutefois pas le caractère cyclique clinique. Au niveau buccal, il existe de nombreuses petites élevures de la muqueuse, qui lui confèrent un aspect de pavé (« cobblestone »), rugueux, perceptible à la palpation. [4] Leur taille ne dépasse pas 3 mm de diamètre et leur couleur est le plus souvent blanchâtre. Il y a lieu de distinguer la forme plutôt sèche de la dyskératose folliculaire et la forme plutôt humide dite « Darier bulleux ». Histologiquement, les lésions buccales, comme les lésions cutanées, montrent un clivage suprabasilaire avec des formations lacunaires ; il y a cependant moins de grains et de corps ronds qu’au niveau des lésions cutanées. [4] De rares nodules cratéiformes de la muqueuse buccale, préfigurant le clivage suprabasilaire, portent le nom de « oral warty dyskeratoma ». [5] Il n’y a pas de traitement.
« Nævus blanc spongieux » de Cannon Le « white sponge naevus syndrome » ou maladie de Cannon, décrit initialement par Cannon en 1935 sous le terme de nœvus spongiosus albus mucosae, est une dyskératose hyperplasique de la muqueuse buccale, héréditaire et transmise selon un mode autosomique dominant. La multitude des termes rapportés pour cette lésion, et détaillés par Bánóczy, témoigne aussi des incertitudes étiopathogéniques ; le terme actuellement le plus utilisé est celui de nævus blanc spongieux de Cannon. Ni la consommation tabagique, ni un agent infectieux ni aucun traumatisme chronique n’ont jamais pu être mis en évidence comme facteurs étiologiques. Il n’y a pas d’incidence sexuelle
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Figure 1. White sponge naevus de Cannon chez une femme de 56 ans. Noter l’aspect blanchâtre homogène et étendu au niveau jugal.
préférentielle et la lésion est le plus souvent diagnostiquée chez l’adolescent ou le jeune adulte. La muqueuse jugale, site de prédilection de l’affection, prend un aspect blanc-gris, légèrement plicaturé, semblable à un voile opalescent (Fig. 1). La souplesse de cette muqueuse est cependant normale. Les taches blanches, légèrement surélevées, se détachent au grattage, sous forme de squames, laissant apparaître au-dessous une sousmuqueuse intacte. Les muqueuses palatine et gingivale, ne possédant pas de couche sous-muqueuse, sont presque toujours indemnes. La lésion survient beaucoup plus rarement au niveau d’autres muqueuses du tractus aérodigestif ou du système génital. Le diagnostic différentiel clinique est celui des lésions blanches de la muqueuse buccale : leucoplasie, lichen plan, candidose, leucœdème principalement. Histologiquement, l’épithélium est épaissi (plus de 40 cellules) et possède des crêtes épithéliales larges ; les cellules de la partie superficielle du stratum spinosum apparaissent vacuolisées car elles contiennent une quantité importante de glycogène. Les grains de kératohyaline sont absents ou très peu nombreux. En surface, les cellules peuvent être aplaties mais conservent un noyau pycnotique. Les défauts de kératinisation pourraient résulter d’une spongiose du stratum spinosum. Contrairement à la muqueuse buccale normale, le nævus blanc spongieux contient de nombreux corps d’Odland. Au niveau des couches superficielles, les anomalies de kératinisation sont variables. La parakératose se retrouve surtout dans les couches les plus profondes et, tout en surface, la kératinisation fait souvent défaut. Le diagnostic différentiel histologique doit être fait avec la leucoplasie et le leucœdème. Il n’y a pas de traitement, la lésion ne présentant à long terme aucune modification.
Dyskératose intraépithéliale bénigne héréditaire de Witkop Le syndrome de dyskératose intraépithéliale bénigne héréditaire fut décrit pour la première fois en 1960 par von Sallman et al. en ce qui concerne les manifestations oculaires, et par Witkop et al. en ce qui concerne les manifestations buccales. [1] Transmise sur un mode autosomique dominant avec un degré élevé de pénétrance, la maladie est caractérisée par une conjonctivite bulbaire hyperémique et par un épaississement blanchâtre indolore, par plaques, de la muqueuse buccale. Histologiquement, [6] les lésions conjonctivales et buccales sont identiques. L’épithélium est hyperplasique et acanthosique ; les cellules épithéliales sont dyskératosiques, éosinophiles, prenant l’aspect d’une « cellule au sein d’une cellule ». Il n’y a pas de traitement.
Pachyonychie congénitale Le syndrome de pachyonychie congénitale (pachyonychia congenita) ou syndrome de Jadassohn-Lewandowsky est une dysplasie ectodermique transmise sur le mode autosomique Stomatologie
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dominant et caractérisée par des manifestations dermatologiques (troubles trophiques des ongles, kératose palmoplantaire, hyperhidrose, kératose folliculaire des genoux et des coudes), des anomalies dentaires (dents néonatales, dysplasies dentinaires) et une dyskératose de la muqueuse buccale. [7] La muqueuse labiale, linguale ou jugale présente, le plus souvent dès la naissance, des plages opalescentes plus ou moins étendues, parfois striées ou ponctuées. [1] Histologiquement, on retrouve une hyperparakératose et une acanthose, avec phénomènes de vacuolisation et d’œdème au sein des couches cellulaires épithéliales superficielles. Il n’y a pas de traitement connu.
Porokératose de Mibelli Le terme porokératose désigne une dermatose rare qui apparaît dans l’enfance et qui est caractérisée par des plaques bien délimitées, irrégulières et chroniques, soit atrophiques (pouvant simuler un lupus érythémateux), soit hérissées de saillies et de cônes. [3] Ces plaques sont limitées par un bourrelet épidermique formé d’un liséré corné (hyperkératosique). Cet aspect classique est celui décrit par Mibelli en 1893 mais, depuis, d’autres formes actuellement reconnues ont été décrites qui n’ont réellement été individualisées qu’il y a peu. De nos jours, quatre variantes cliniques sont donc acceptées : • la porokératose classique de Mibelli ; • la porokératose actinique superficielle disséminée, forme la plus fréquente, individualisée définitivement en 1966 ; • la porokératose palmoplantaire disséminée (porokeratosis palmaris, plantaris et disseminata) individualisée en 1971 ; • la porokératose linéaire. Une variante ponctuée est aussi décrite, en association avec les variantes linéaires et de Mibelli. Ces lésions sont héréditaires et ont généralement une transmission autosomique dominante ; le mode de transmission reste incertain dans la porokératose linéaire. Les porokératoses de longue durée peuvent subir une dégénérescence cancéreuse. L’étiologie de la porokératose reste incertaine, l’affection est en tout cas mal nommée puisque l’atteinte n’a pas son origine au niveau des orifices des canaux sudoripares. La porokératose pourrait être une maladie de l’épiderme où un clone mutant de cellules épidermiques s’étend en périphérie (comme dans les kératoses actiniques), avec pour résultat la formation de lamelles cornées à la jonction entre les cellules mutantes et les cellules épidermiques normales. Les lésions classiques débutent habituellement insidieusement à l’âge adulte, plus souvent chez l’homme, par de petites papules coniques brunes, kératosiques, qui se développent lentement pour former des plaques irrégulièrement annulaires ayant un centre atrophique lisse et mou, souvent dépigmenté et dépourvu de poils, et une bordure surélevée, hyperkératosique dure, appelée « mur d’enceinte ». Cette bordure a une hauteur de 1 mm et est creusée d’un sillon ou rigole dit « chemin de ronde » duquel émerge une lame cornée brunâtre, dure et coupante, fixée sur la paroi interne de la rigole. Les lésions se localisent préférentiellement sur les zones acrales des extrémités, les cuisses et les zones périgénitales, mais des localisations faciales et buccales ont été décrites. La porokératose actinique disséminée superficielle est plus généralisée et relativement commune. Les lésions faciales sont possibles. En revanche, les zones couvertes et les muqueuses sont épargnées. La porokératose palmoplantaire disséminée se présente sous forme de lésions superficielles de petite taille qui peuvent affecter tout le corps y compris les zones non exposées. L’atteinte muqueuse est rarissime. La porokératose linéaire a l’aspect de la porokératose de Mibelli mais les lésions ont la disposition linéaire unilatérale d’un nævus épidermique linéaire verruqueux. Elle est localisée à un membre, au tronc, voire à la face, toujours de manière unilatérale. La lésion débute habituellement dans l’enfance mais aucune transmission génétique définie n’a pu être établie. La porokératose ponctuée ne constitue pas un type distinct dans la mesure où elle est habituellement associée à la porokératose de Mibelli ou à la variante linéaire. Le diagnostic des porokératoses est clinique et histologique. [3] Histologiquement, ce qui est appelé la lamelle cornée – zone Stomatologie
nette localisée de kératinisation altérée – constitue la caractéristique des porokératoses. Du point de vue thérapeutique, les petites lésions peuvent être excisées ou détruites par cryothérapie ou électrodessiccation. Les formes superficielles bénéficient d’une lubrification symptomatique. Les kératolytiques, le 5-fluorouracile en applications topiques ou les rétinoïdes par voie entérale ont des résultats variables sur les différentes formes. Les lésions anciennes peuvent se transformer en carcinome épidermoïde, en maladie de Bowen ou en carcinome basocellulaire, en particulier au niveau des extrémités. À noter que ces lésions ne donnent pas de métastases. Le syndrome d’Olmsted est un syndrome rare associant une kératose palmoplantaire sévère à une kératose périorificielle et orale (linguale), et à une hypotrichose. [8]
■ Kératoses liées à des affections dermatologiques et immunologiques Il est commun de regrouper ici quelques affections de gravité variable qui, sans être liées entre elles et sans nécessairement présenter de kératose stricto sensu, se manifestent cependant de manière discrète ou importante par des lésions blanches.
Lichen plan Le lichen plan est une affection cutanéomuqueuse relativement commune dont l’étiologie est encore mal connue mais dont les caractéristiques histopathologiques sont très typées. [9, 10] Alors que le cours du lichen cutané peut être infléchi par la thérapeutique, celui du lichen buccal reste habituellement long, chronique, sans rémission, et est réfractaire au traitement. Le lichen plan cutané (lichen ruber planus), habituellement spectaculaire et prurigineux, a fait l’objet de nombreuses publications dès le siècle dernier, dont celle, déterminante, de Wilson en 1869 ; il affecte environ 1 % de la population générale. L’étiopathogénie n’a pas encore dévoilé ses mécanismes intimes : aux anciennes théories (stress, [11] fatigue, choc psychologique) s’ajoutent ou s’opposent les notions modernes de réaction immunologique de l’interface dermoépidermique déclenchée par divers facteurs ; plaident en ce sens des réactions lichénoïdes médicamenteuses (sels d’or, antipaludéens, b-bloquants, quinidine, etc.), toxiques (révélateurs photographiques couleurs), associées aux greffes allogéniques de moelle (« graft-versus-host reaction ») même si elles diffèrent plus ou moins du lichen plan. Le lichen plan, typique ou non, est probablement également associé à des désordres gastrointestinaux à composantes immunitaires, comme la cirrhose biliaire primitive, ou même la colite ulcéreuse. Un quelconque lien étiopathogénique avec l’hépatite C est toujours contesté. [12] La lésion cutanée élémentaire est une papule de quelques millimètres, polygonale plutôt qu’arrondie, rose rougeâtre ou violine, brillante à jour frisant, parsemée des stries blanches de Wickham. Les lésions restent isolées ou se groupent et se reproduisent aisément sur le site d’un microtraumatisme (réaction isomorphe de Köbner). L’éruption, capricieuse, s’atténue spontanément après quelques semaines, quelques mois ou quelques années. En principe, le lichen plan envahit la face de flexion des poignets, la région lombaire, le fourreau de la verge, mais il peut se diffuser. [9] L’atteinte muqueuse est hautement pathognomonique et intéresse surtout la cavité buccale. Une conférence de consensus européenne en a bien établi, en 1995, les données étiopathogéniques, cliniques et thérapeutiques. [13] Le lichen plan buccal est présent chez 40 % environ des patients affectés d’un lichen cutané ; un lichen plan buccal sans lichen cutané est plus rare. Il prédomine chroniquement à l’âge moyen ou avancé (30 à 70 ans) et affecte les deux sexes, avec une légère prédominance chez la femme (60 à 65 % des cas). Malgré le fait qu’il reste exceptionnel chez l’enfant, le lichen striatus est une dermatose linéaire fréquente chez l’enfant. [14] L’extension à la conjonctive, à la muqueuse nasale,
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Figure 4. Lichen plan labial commissural chez une femme de 64 ans. Noter les stries blanchâtres sur une muqueuse d’allure normale.
Figure 2. Lichen plan jugal chez une femme de 66 ans, avec les classiques stries de Wickham et l’aspect en « feuilles de fougère ».
Figure 3. Lichen plan jugal érosif chez un homme de 50 ans. Noter le réseau de fines stries blanchâtres et les plages érosives, sur une muqueuse érythémateuse.
au pharynx, au larynx, au tube digestif, à la vessie, à la vulve et au gland du pénis, reste exceptionnelle. Les hypothèses étiologiques restent nombreuses : maladies auto-immunes cutanées ou systémiques, [15] déficits immuns, troubles métaboliques, thérapeutiques médicamenteuses, infections, troubles psychologiques (comme le stress), diabète, etc. Le rôle de restaurations dentaires comme l’amalgame d’argent a aussi été évoqué mais une réaction locale d’allergie ou d’immunisation au mercure ou à d’autres métaux lourds utilisés en dentisterie est difficile à prouver. Il semble acquis que l’efficacité de la dépose des amalgames ne puisse être démontrée ni par des tests épicutanés ni par l’histologie des lésions. [16, 17] La nature du métal ou encore du matériau composite utilisé dans le remplacement des amalgames semble également influencer la disparition des lésions. [18] Certains auteurs préconisent cependant la dépose des amalgames en contact direct avec des lésions lichénoïdes symptomatiques mais seulement s’il n’y a pas de lésions de lichen cutané. [16] Cliniquement, [19] le lichen plan buccal est classiquement divisé en une forme réticulaire, une forme papuleuse (observée au stade initial mais souvent transitoire), une forme en plaque leucoplasiforme (forme assez constante, parfois observée dès le stade initial), une forme érosive (forme persistante mais à signes aigus de courte durée), une forme atrophique (forme fluctuante, avec rémissions et exacerbations) et une forme bulleuse. Il se manifestera donc, selon les circonstances, comme un réseau leucokératosique en « feuilles de fougère » des muqueuses jugales (Fig. 2), des nappes blanchâtres des muqueuses jugales (Fig. 3) et linguales, des stries des lèvres (Fig. 4) ou de la langue (Fig. 5) ou des érosions douloureuses (Fig. 6). Les lésions érosives des gencives sont aussi connues sous le nom de « gingivite desquamative ». De multiples variantes aux noms
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Figure 5. Lichen plan du bord droit et du ventre de la langue chez un homme de 26 ans. Noter les striations blanchâtres verticales du bord de la langue qui, plus épaisses et festonnées, suggéreraient un diagnostic de leucoplasie villeuse buccale.
divers ont parfois été individualisées, qui méritent seulement d’être citées : lichen plan érythrodermique (chrysothérapie) ; lichens aigu, hypertrophique, verruqueux, atrophique, folliculaire, zoniforme, etc. L’apparition de réactions lichénoïdes (Fig. 7) avec différentes substances médicamenteuses est un fait connu : [10] sels d’or, pénicillamine, arsenic, bismuth, méthyldopa, b-bloquants (propranolol, practolol, labétolol, oxyprénolol), captopril, streptomycine, tétracycline, déméclocycline, lévamisole, chlorpropamide, acide para-aminosalicylique, anti-inflammatoires non stéroïdiens, carbamazépine, antipaludéens de synthèse (mépacrine, chloroquine), phénothiazines, amiphénazole, tolbutamide, thiazides, spironolactone, furosémide, dapsone, etc. Ces lésions sont cliniquement et histologiquement semblables à celles du lichen plan buccal et ont tendance à disparaître quand la médication est supprimée. Des troubles psychologiques sont régulièrement trouvés chez les patients affectés d’un lichen plan buccal, bien que ces patients n’aient pas de sensation subjective de désordre et qu’ils ne souhaitent pas de traitement psychiatrique. La surinfection des lésions de lichen plan par le Candida albicans est aussi controversée. [13] Dans les formes typiques et classiques, le diagnostic est clinique. Le diagnostic histologique sur biopsie est cependant souvent impérieux, ne fût-ce que pour exclure une dégénérescence ou tout autre diagnostic de kératose ou leucoplasie. [20] Tout comme cela a été abondamment décrit pour les leucoplasies, le diagnostic par cytologie exfoliative reste aléatoire. Tout comme pour les kératoses et leucoplasies, la coloration au bleu Stomatologie
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Figure 6. Lichen plan buccal affectant joues et langue chez une femme de 65 ans. Noter l’étendue des plages érosives sur la joue et l’importance de la réaction inflammatoire et œdémateuse de la muqueuse.
lésions cutanées et muqueuses seraient plutôt une réponse immunologique à médiation cellulaire à une stimulation antigénique dans la peau ou la muqueuse. [13, 22, 23] Par ailleurs, à l’interface épithélium-tissu conjonctif, le recrutement et l’infiltration de cellules lymphoïdes T par les cellules endothéliales du plexus vasculaire sous-épithélial doivent faire appel à différentes familles de molécules (sélectines, intégrines, superfamille d’immunoglobulines). D’autres phénomènes cytologiques principalement liés à la présence ou l’absence de certaines substances – qui pourraient faire office de marqueurs – sont à l’étude : la télomérase, [24] les marqueurs de l’apoptose, [25] les protéines exprimées lors du choc thermique [26] et la suppression de la protéine p53 en sont des exemples. Il en est de même pour diverses substances dosées soit dans le sérum, comme des marqueurs de l’apoptose, [27] soit dans la salive, comme des marqueurs du stress [11] des patients. La disposition de certaines stries cutanées suivant les lignes embryonnaires (dites de Blaschko) fait naître l’hypothèse d’une rupture de tolérance immunitaire vis-à-vis d’un clone de kératinocytes muté dans le cadre d’un mosaïcisme génétique. [14] Dans la dysplasie lichénoïde, [28] entité différente du lichen plan, la liquéfaction cellulaire basale est habituellement absente. Le fait que la réactivité épidermique à l’involucrine soit marquée dans les cas de lichen plan, mais pas dans les cas de lésions lichénoïdes dysplasiques ou atypiques, supporte aussi l’hypothèse selon laquelle lichen plan et dysplasie lichénoïde sont des entités biologiquement distinctes. Le diagnostic différentiel du lichen plan buccal est celui des lésions blanches des muqueuses.
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Figure 7. Réaction lichénoïde chez une femme de 56 ans, suite à la prise de méthyldopa. Noter les discrètes striations blanchâtres sur fond muqueux légèrement érythémateux et atrophique.
de toluidine reste trop peu spécifique. [21] Au plan histopathologique, le lichen plan présente une physionomie pathognomonique : • atteinte de l’épiderme (épaississement du corps muqueux, de l’assise granuleuse, de la couche cornée : hyperortho- et hyperparakératose, acanthose) ; • altération de la jonction dermoépidermique (profil en « arcades »), nécrose liquéfiante de l’assise germinative, vascularite non spécifique et donc désorganisation de la membrane basale colorée par l’acide périodique Schiff (PAS) ; • infiltrat massif lymphomonocytaire du derme superficiel (couche superficielle de la lamina propria), avec présence de mélanophages et de corps apoptotiques (corps de Civatte). [19] Les cellules de Langerhans, les lymphocytes T et les monocytes présents dans l’infiltrat inflammatoire traduisent la réponse immunitaire à médiation cellulaire. Les techniques d’immunofluorescence directe démontrent des dépôts sous-épidermiques d’immunoglobulines G (IgG), IgM, IgA, de complément C3, de fibrinogène ; ces dépôts sont retrouvés dans le lichen plan buccal. Il a été montré que le lichen plan buccal, le lichen cutané et les réactions lichénoïdes, qui possèdent virtuellement les mêmes caractéristiques histopathologiques, sont différents par leur association avec l’antigène HLA-DR3 ; la fréquence élevée de cet antigène dans le lichen plan buccal a fait suggérer une composante auto-immune dans la pathogenèse de la lésion, ce qui reste controversé. [22] Les Stomatologie
Point important
Conduite à tenir devant une lésion blanche de la muqueuse orale. Anamnèse rigoureuse : • mode et délai d’apparition ? • symptômes accompagnateurs : douleur, signes d’une affection dermatologique, signes d’une affection systémique, etc. ? • évolution des caractéristiques de la lésion ? • facteurs de risque ? Examen de la lésion : • aspect homogène versus inhomogène ; • aspect strié typique ; • palpation. Examen oral : • une ou plusieurs localisations ? • rôle de l’hygiène buccodentaire ? • facteurs favorisants et/ou étiologiques (irritations, infections, etc.) ? Examen cervical : adénopathies ? Cela mène aux diagnostics suivants : lichen ? kératose ? leucoplasie ? candidose ? autres lésions blanches plus rares ? Décision : • soit de surveillance avec éradication des facteurs favorisants ; • soit de biopsie. S’il y a la moindre suspicion de malignité, laisser faire la biopsie par le spécialiste ; • soit d’exérèse-biopsie ; • soit de traitement spécifique.
Du point de vue thérapeutique, [9] les formes cutanées mineures bénéficient de l’application d’antiprurigineux, de crèmes corticostéroïdes et de la prise d’antihistaminiques et de tranquillisants. Repos, vie calme, abstention de café sont
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conseillés. Les formes cutanées sévères requièrent une corticothérapie générale, la photothérapie, la PUVA-thérapie (psoralènes et ultraviolets A) et la REPUVA-thérapie (rétinoïdes, psoralènes et UVA). [29] À souligner que les lésions buccales, surtout les lésions érosives, s’avèrent particulièrement rebelles aux traitements et sont grevées d’un risque faible (globalement inférieur à 1 % mais avec des taux variant de 0,4 à 5,6 %) [19, 20, 30] de dégénérescence carcinomateuse à long terme. Ces taux relativement variables s’expliquent en partie par l’hétérogénéité des groupes, d’éventuels biais de sélection des patients et leur suivi à plus ou moins long terme. Une étude prospective a conclu que le lichen plan buccal pouvait être considéré, selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme une lésion précancéreuse. Ce potentiel, réduit mais cliniquement important, semble bien réel. Les corticoïdes locaux (acétonide de triamcinolone, valérate de bétaméthasone, etc.) dans des bases adéquates sont décevants. [10, 15] Les recherches s’orientent vers l’application de corticoïdes par l’intermédiaire d’autres supports. [31] Tout comme les antimycosiques, les corticoïdes locaux n’ont pas d’effet thérapeutique à long terme sur les différentes formes cliniques ; ils n’ont pas non plus d’effets persistants sur les symptômes liés au lichen buccal. Le recours aux corticoïdes par voie systémique, associés à des corticoïdes topiques, semble plus efficace. [32] Les formes érosives répondent mieux à des applications locales de corticoïdes [33] et répondent parfois à des injections sous-lésionnelles de corticoïdes (hydrocortisone, phosphate sodique de dexaméthasone, acétonide de triamcinolone ou méthylprednisolone). L’addition par voie orale de lévamisole à la prednisolone a donné des résultats spectaculaires sur le lichen érosif. [34] L’acitrétine ou l’isotrétinoïne (à la dose orale de 0,5 à 1 mg kg –1 j –1 , en fonction de la tolérance) donnent des résultats généralement positifs mais s’avèrent difficiles à tolérer. La vitamine A acide en applications topiques n’a guère d’efficacité. [19] L’effet de la griséofulvine reste controversé. [19] La ciclosporine en bain de bouche s’est révélée efficace [35] tant sur la lésion que sur la durée des périodes de rémission ; en application topique sous forme de pommade, la ciclosporine s’est montrée encore plus efficace que les bains de bouche et a l’avantage d’être dépourvue des effets toxiques potentiels d’une thérapeutique systémique. L’application locale d’immunomodulateurs, comme le tacrolimus ou le pimecrolimus, [36] a été rapportée avec quelque succès à court terme, mais son efficacité à long terme reste à démontrer. [37] La valeur d’autres thérapeutiques reste à établir : psychothérapie, chirurgie, cryochirurgie, voire chirurgie au laser. La potentielle dégénérescence carcinomateuse, principalement des formes érosives, impose un suivi clinique bisannuel. [29] Le suivi histologique des cas à risques par microsatellites génétiques, démontrant une perte de l’hétérozygotisme, est une voie prometteuse. [38] Chez tous les patients, l’abstention alcoolotabagique semble logiquement devoir être proposée. [19]
Figure 8. Glossite exfoliatrice en aires (« langue géographique ») chez une femme de 47 ans. Noter les zones rougeâtres irrégulières festonnées de bordures hyperkératosiques blanchâtres ou jaunâtres légèrement surélevées.
essentiellement pendant la deuxième enfance et chez l’adulte jeune. Chez un certain nombre de sujets, la langue est également fissurée ou plicaturée. Elle se manifeste par des taches, des festons, des circinations ou des anneaux sur le dos et les bords de la langue. [39] Des zones irrégulières dépapillées (perte des papilles filiformes), non indurées, de couleur rose ou rouge, sont entourées d’une bordure hyperkératosique blanchâtre ou jaunâtre légèrement surélevée, large de 1 à 2 mm (Fig. 8). Dans les zones dépapillées, l’épithélium est plus fin et les papilles fongiformes persistent sous forme de têtes d’épingle rouge vif. Les motifs s’étalent et confluent en quelques jours, se modifiant sans cesse. Habituellement indolente, la langue peut, en période évolutive, devenir sensible à certains aliments (vinaigre, aliments acides). Histologiquement, il existe généralement de nombreux leucocytes polymorphonucléaires qui migrent dans l’épithélium, pouvant amener la formation de micropustules spongiformes ou d’abcès dits de Munro. Dans les zones rouges lisses, les papilles conjonctives peuvent être très près de la surface. La lamina propria présente habituellement un infiltrat lymphoplasmocytaire modéré. Le traitement est inutile. Des applications d’une solution d’acide salicylique à 7 % dans l’alcool à 70° ont été proposées dans les cas symptomatiques (applications de 10 secondes suivies d’un rinçage à l’eau). D’autres traitements kératolytiques ont été proposés, notamment l’application locale d’acide rétinoïque. Des aspects géographiques sont également classiques dans le psoriasis buccal et dans le syndrome de Reiter. À signaler que des exfoliations en aires sont aussi décrites en d’autres endroits de la muqueuse buccale (exfoliatio areata linguae et mucosae oris).
Glossite exfoliatrice en aires
Psoriasis buccal
D’étiologie inconnue mais vraisemblablement constitutionnelle familiale, la glossite exfoliatrice en aires (glossitis areata exfoliativa) ou desquamation marginée aberrante en aires (exfoliatio areata linguae), déjà décrite par Rayer en 1831, serait présente chez 1 à 2 % des Blancs et des Noirs adultes, sans prédominance sexuelle. Outre les facteurs héréditaires, des facteurs infectieux, émotionnels ou nutritionnels pourraient jouer un rôle étiologique. [39] Une prévalence accrue d’antigènes tissulaires HLA-B15 a été remarquée chez les patients souffrant d’atopie et présentant une « langue géographique », et chez les patients souffrant de diabète insulinodépendant par rapport à la population générale. Il pourrait y avoir un lien entre diabète et « langue géographique ». [40] Il faut aussi remarquer qu’il est très inhabituel de rencontrer simultanément chez le même patient une « langue géographique » et un lichen plan. En revanche, cette entité nosologique a plusieurs fois été retrouvée associée au psoriasis oral. Un typage HLA spécifique en serait potentiellement responsable. La « langue géographique » (lingua geographica) débute sans cause apparente à l’âge de 6 mois à 1 an et se manifeste
Le psoriasis est une dermatose chronique, inflammatoire, rangée parmi les affections érythématosquameuses, à squames stratifiées nombreuses en rapport avec une kératinisation anormale, parakératosique, liée à un « turn-over » épidermique accéléré. [3] Primitivement considérée comme une affection strictement cutanée, le psoriasis s’avère être une affection génétique aux aspects cutanés variés, notamment au niveau du visage, et susceptible de s’accompagner tout particulièrement de manifestations articulaires donnant son individualité à la polyarthrite psoriasique. Deux pour cent de la population en sont frappés. Également réparti dans les deux sexes, le psoriasis se manifeste davantage dans la race blanche que dans la race jaune ou la race noire. Quatre schémas étiologiques sont considérés actuellement, chacun tour à tour comme facteur primordial ; ces facteurs sont vraisemblablement intimement intriqués les uns aux autres. Les facteurs étiologiques les plus en cause pour le moment sont génétiques, climatiques, enzymatiques et médicamenteux. [3] La lésion cutanée élémentaire de psoriasis vulgaire est une macule rouge, nettement limitée, surchargée d’une épaisseur
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Stomatologie
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importante de squames, qui se structure de manière caractéristique en un temps relativement court. On constate successivement une disparition de la pigmentation de la zone atteinte puis une flaque érythémateuse parfois congestive, donc saillante, apparaît ensuite. Enfin la formation de squames sèches ou grasses, stratifiées, desquamables, couche par couche, donne le signe de la « tache de bougie » de Brocq. Ce grattage méthodique permet de mettre en évidence sous la dernière couche une pellicule décollable, fine, humide, laissant à nu une basale épidermique qui laisse sourdre une « rosée sanglante ». Le psoriasis du visage est rarement psoriasiforme, sauf en lisière du cuir chevelu : il est généralement bien délimité, sec, et la plaque psoriasique est rouge, plane. La squame y est rare. [3] Au niveau de la muqueuse buccale, l’affirmation du psoriasis est rare : [41] il se présente sous forme de stries annulaires, grises ou blanc-jaune, d’un érythème diffus de la muqueuse, d’une « langue géographique », d’une gingivite érythémateuse. Cette affirmation ne pourra être portée que sur un parallélisme clinique avec des lésions typiques, une biopsie caractéristique et un typage HLA (antigènes B13, Bw37, Bw17 et Cw6). Histologiquement, il y a parakératose, acanthose, allongement des crêtes épidermiques, existence éventuelle de microabcès de Munro, vascularisation accrue du derme, infiltration dermique par des lymphocytes T, des histiocytes et des leucocytes polynucléaires. Il n’y a pas de traitement spécifique du psoriasis buccal.
Lupus érythémateux Le lupus érythémateux disséminé (LED) est un syndrome clinique multisystémique caractérisé par des lésions inflammatoires de nombreux tissus et organes, et associé à la présence d’anticorps sériques dirigés principalement contre des constituants nucléaires. [42] La prédominance féminine sur l’homme est remarquable (sexratio 9 : 1), de même que dans certains modèles expérimentaux, ce qui suggère un rôle favorisant des œstrogènes (et surtout de la 16-hydroxyœstrone). Certaines populations semblent davantage atteintes (population de la Caraïbe ou du Sud-Est asiatique, Noirs américains), ce qui laisse suspecter une étiologie liée à l’environnement ou, mieux, génétique. De plus, certains lupus sont manifestement induits par des médicaments, fréquemment de manière dose-dépendante (procaïnamide, hydralazine, isoniazide, chlorpromazine, anticonvulsivants, contraceptifs), et rarement par idiosyncrasie (acide aminosalicylique, D-pénicillamine, L-dopa, thio-uraciles, phénylbutazone, b-bloquants, quinidine, réserpine). Enfin, certains médicaments (pénicilline, sulfamides, sels d’or, contraceptifs oraux), ainsi que les ultraviolets (altérant l’antigénicité de l’acide désoxyribonucléique [ADN] ou par lésion des jonctions dermoépidermiques), incapables d’induire à eux seuls (sauf pour les contraceptifs oraux) un LED, peuvent cependant l’exacerber. Le résultat de l’intervention de tous ces facteurs incomplètement élucidés est une hyperactivité des cellules B, accompagnée d’anomalies multiples impliquant les mécanismes de régulation immunitaire. [43] La pathogénie du LED, discutée avec les maladies par complexes immuns (CI), conjugue une production d’anticorps et d’autoanticorps (par anomalies du réseau idiotype-anti-idiotype), de complexes immuns circulants (CIR) et déposés pathogènes, à l’incapacité d’éliminer ceux-ci (par déficit des récepteurs CIR du complément à la surface des cellules). Les manifestations cliniques du LED sont conditionnées par la nature des CI et des populations d’anticorps et d’autoanticorps (principalement antinucléaires, anticytoplasmiques et antiphospholipides) chez le sujet atteint, ainsi que par la nature des cellules des organes qui sont la cible des facteurs précités. [43] Le tableau clinique complet est relativement rare, et beaucoup de formes moins sévères, qui rassemblent cependant les critères cliniques et biologiques nécessaires au diagnostic, évoluent sur un mode favorable. Les formes frustes de LED sont les plus fréquentes. Certains de ces signes extracutanés peuvent avoir des répercussions cutanéomuqueuses. Seules seront décrites ici les manifestations cutanéomuqueuses du LED. Stomatologie
Les lésions cutanéomuqueuses relativement spécifiques du LED peuvent être aiguës (éruption malaire ou faciale, éruption maculopapuleuse plus diffuse, lésions bulleuses), subaiguës (lupus cutané subaigu, d’aspect papulosquameux, ou annulairepolycyclique occasionnellement vésiculeux) ou chroniques (lupus discoïde localisé ou généralisé ou hypertrophique, panniculite lupique). D’autres lésions cutanées sont fréquemment associées au LED, mais sont moins spécifiques tout en étant parfois annonciatrices d’une poussée ou définissant certains sous-groupes de patients, comme les lésions de vascularite cutanée et d’alopécie, les ulcérations muqueuses, les anomalies pigmentaires, la sclérodactylie, l’urticaire, les lésions bulleuses et les rares calcifications cutanées (calcinosis cutis). L’éruption malaire (vespertilio ou « butterfly rash »), qui a donné son nom à l’affection, est une éruption érythémateuse, plane ou en relief, fixe, couvrant en « ailes de papillon » les régions malaires, les joues et la racine du nez, et s’étendant souvent aux paupières, au menton, au front et aux oreilles, et même en région rétroauriculaire. [43] L’exposition à la lumière ultraviolette aggrave généralement cette éruption. Les lésions n’évoluent pas vers un stade cicatriciel, mais des télangiectasies peuvent se développer. Cette éruption peut être transitoire (« butterfly blush »), et peut être difficile à distinguer d’une éruption malaire lors d’un épisode fébrile, en particulier chez l’enfant. Une éruption maculopapuleuse plus diffuse, également au niveau des zones exposées au soleil, peut être également observée, avec ou sans kératose et desquamation. Les lésions muqueuses du LED surviennent chez un tiers des patients. Elles se présentent sous la forme de petites ulcérations aphtoïdes superficielles souvent indolores, le plus souvent au niveau de la bouche et du nez, mais parfois aussi ailleurs, comme dans le larynx, sur les conjonctives et sur la muqueuse vulvaire. En bouche, les lésions siègent le plus souvent sur la partie médiane de la muqueuse du palais osseux, sous la forme de pétéchies, de petites phlyctènes hémorragiques, d’érosions punctiformes ou de petites ulcérations plus ou moins douloureuses, couvertes d’exsudats grisâtres et entourées d’une aréole érythémateuse. La présence en bouche d’une atrophie cernée d’hyperkératose est inhabituelle, et évoque plutôt des lésions de lupus discoïde. [42] Sur les lèvres, ces lésions aphtoïdes, situées à proximité du vermillon, sont parfois croûtelleuses, fissuraires et sanguinolentes. Le lupus discoïde survient chez 15 à 20 % des patients atteints de LED, alors que seulement 5 % des patients présentant des lésions de lupus discoïde développeront un LED. Ces lésions sont circulaires avec un bord érythémateux. [44] Elles sont infiltrées et squameuses, et s’accompagnent d’une kératose folliculaire ainsi que de télangiectasies. Le centre des lésions devient cicatriciel, se dépigmente et perd définitivement ses annexes cutanées. Des lésions muqueuses discoïdes sont fréquemment rencontrées en bouche, aussi bien dans le lupus discoïde isolé que dans celui associé à un LED, avec des localisations principalement labiojugales (75 %), gingivales et près du bord vermillon des lèvres. [45] Au début, on note un érythème diffus ou localisé, avec quelques télangiectasies et un œdème qui peut éverser le vermillon dans cette localisation, puis les lésions indurées, parfois nodulaires, deviennent cicatricielles et hyperkératosiques, et finalement se présentent sous l’aspect d’une plaque atrophique avec une bordure hyperkératosique, qui peut déborder sur la peau dans les localisations labiales. Des lésions de type discoïde, parfois douloureuses et ulcérées en leur centre, peuvent aussi intéresser d’autres sites plus kératinisés de la bouche, comme la muqueuse du palais dur ou la gencive marginale, en particulier dans les régions molaires. Elles peuvent être confondues avec un lichen plan ou des leucoplasies. Le lupus cutané subaigu survient chez un sousgroupe distinct de patients, généralement des jeunes femmes de race blanche, patients souvent porteurs du phénotype HLADR3, qui présentent fréquemment des arthrites, une asthénie, et des autoanticorps nucléaires particuliers (anti-Ro ou SS-A, antiADN à simple brin), mais chez qui les vascularites systémiques sévères et les atteintes rénales et neurologiques sont rares. [43] Les manifestations oculaires du LED comprennent surtout la survenue d’un syndrome sec (syndrome de Sjögren secondaire).
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Occasionnellement, une parotidomégalie aiguë peut survenir, douloureuse ou non, uni- ou bilatérale, compliquée éventuellement de syndrome de Sjögren ou de Mikulicz. La biologie du lupus est suffisamment caractéristique pour que l’on puisse parler de biologie de type lupique. [42] Celle-ci montre une vitesse de sédimentation souvent très élevée. Tant un syndrome inflammatoire (élévation du fibrinogène, des a2-globulines, de l’haptoglobine, etc.) qu’une hypergammaglobulinémie polyclonale y contribuent, typiquement sans élévation de la protéine C réactive (CRP) et de la serum amyloid A protein (SAA) contrairement à la polyarthrite rhumatoïde, à moins d’une infection surajoutée pour la CRP et d’une amyloïdose surajoutée (à vrai dire très rare dans les LED) pour la SAA. L’effondrement du taux de complément sérique (CH50, C3, C4) par activation de la voie classique est un marqueur d’évolutivité de la maladie qui précède souvent les poussées évolutives. Une anémie hémolytique avec lymphopénie ou neutropénie, voire thrombopénie est habituelle. Il n’est pas rare d’observer une éosinophilie. La présence d’autoanticorps variés (facteur rhumatoïde chez 30 à 50 % des patients, anticorps lymphocytotoxiques, antiplaquettes, antiérythrocytes, antineuronaux, anticoagulants pathologiques, etc.) est constatée, avec des cellules LE (polynucléaires ayant phagocyté le matériel nucléaire, condensé par des anticorps antinucléaires, d’un autre leucocyte fragilisé) et une élévation inconstante mais pathognomonique des anticorps antinucléaires spécifiques du LED. Le polymorphisme extraordinaire de cette affection multisystémique, la diversité de ses manifestations inaugurales (signes généraux aspécifiques, atteinte d’un seul organe, jusqu’à un tableau polysystémique d’emblée), le manque de spécificité de la plupart de ses symptômes et le caractère fluctuant de son évolution (bénigne ou intermittente avec périodes d’exacerbation et d’accalmie relative, ou évolution chronique avec issue fatale) compliquent le diagnostic qui ne sera souvent envisagé que le jour où l’on s’efforcera de réunir en une seule hypothèse tous les faits commémoratifs apparemment disparates que l’anamnèse a révélés. Le diagnostic différentiel [43] des manifestations cutanées doit être fait avec l’urticaire, l’érythème polymorphe, l’acné rosacée, le lichen plan. Les lésions aphtoïdes en bouche peuvent être observées dans la dermatomyosite et dans les dermatoses bulleuses, et peuvent simuler des aphtes banals, de l’herpès, et des candidoses qui sont parfois associées au LED, surtout chez les patients cachectiques. La reconnaissance plus fréquente de formes frustes du LED et l’instauration précoce d’une thérapeutique adaptée augmentent le pronostic global de la maladie lupique. L’espérance de vie est de 98 % à 5 ans, et de 71 % à 10 ans ou plus. Les facteurs de pronostic défavorable, constituant les premières causes de décès, sont surtout la rapidité et la sévérité des lésions rénales et neurologiques. D’autres causes de décès sont également plus fréquemment présentes, comme les infections, les complications vasculaires et les néoplasmes. On ne guérit pas le LED. [42] Les rémissions complètes surviennent rarement. Sur le plan général, les formes frustes ou modérées de LED sont souvent contrôlées par des antiinflammatoires et des antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine), éventuellement associés à une dose filée de corticostéroïdes (prednisolone 7,5 mg). Les antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine 400 mg j–1) sont souverains dans le traitement des lésions cutanées du LED, ainsi que dans le lupus discoïde, et leur efficacité est également signalée sur la panniculite lupique. Ces antipaludéens peuvent entraîner des éruptions, des myopathies, des neuropathies, et surtout une rétinopathie liée à la dose cumulée, ce qui rend obligatoire un contrôle ophtalmologique (électro-oculogramme) tous les 6 mois. L’utilisation d’écrans solaires est nécessaire pour prévenir les éruptions et, si les éruptions prennent de l’extension, des glucocorticoïdes locaux sont prescrits. Dans la majorité des cas, une contraception orale faiblement dosée en œstrogènes n’entraîne pas d’aggravation de la symptomatologie. Les formes sévères du LED (systémiques d’emblée, neurologiques,
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hématologiques ou rénales sévères) requièrent une corticothérapie massive de glucocorticoïdes à activité brève per os (prednisone 1 à 2 mg kg–1 j–1 ou prednisolone ou méthylprednisolone à doses équivalentes) ou en « pulse therapy » (méthylprednisolone 1 000 mg j–1 pendant 3 à 5 jours), associée aux immunosuppresseurs (azathioprine, cyclophosphamide) si les glucocorticoïdes à des doses acceptables permettent difficilement le contrôle de ces formes sévères.
Maladie homologue (réaction du greffon contre l’hôte) La réalisation d’une allogreffe de moelle osseuse après de fortes doses de chimiothérapie (et éventuellement une irradiation corporelle totale) entraîne également des signes cliniques lors de la chimiothérapie intensive, ainsi que diverses complications plus tardives à la suite de l’allogreffe de moelle (réaction aiguë ou chronique du greffon contre l’hôte, pneumopathie interstitielle, etc.) et du traitement immunosuppresseur associé (infections opportunistes, hyperplasie gingivale secondaire à la ciclosporine, etc.). [46] La réalisation d’une autogreffe de moelle après rémission complète permet d’éviter ces écueils, mais nécessite l’épuration des cellules tumorales persistantes. Sur le plan immunitaire, la réaction du greffon contre l’hôte entraîne d’abord une baisse des lymphocytes T auxiliaires (« Thelper »), une augmentation des macrophages régulateurs, puis une production accrue de PGE2 (prostaglandines) par les macrophages, et enfin une destruction de l’épithélium thymique, un arrêt de la maturation des lymphocytes T, et une atteinte fonctionnelle de la maturation des cellules B et du développement des neutrophiles, avec formation d’autoanticorps et développement possible de néoplasies (lymphomes à cellules B, carcinome mammaire, etc.). La réaction du greffon contre l’hôte (RGCH) aiguë, [47] qui apparaît 10 à 40 jours après l’allogreffe de moelle, se manifeste souvent d’abord par un prurit (modéré, localisé ou généralisé) et une éruption cutanée maculeuse ou papuleuse (rose ou blanche), puis surviennent des signes généraux (fièvre) et des signes d’atteinte digestive (diarrhée cholériforme, douleurs abdominales, iléus), hépatique (hyperbilirubinémie, élévation des enzymes de « cytolyse » et de « stase » hépatique) et pulmonaire (pneumopathie interstitielle), ainsi qu’un déficit immunitaire important entraînant le décès par des infections localisées ou généralisées, bactériennes, fungiques ou virales (cytomégalovirus, virus de l’herpès simplex, virus varicelle-zoster). La RGCH chronique [47] peut survenir des mois ou des années après une allogreffe de moelle ou peut suivre une forme aiguë de RGCH. Elle donne des lésions cutanées et muqueuses (conjonctivales, buccales, digestives), une insuffisance pulmonaire, une hépatite chronique, une altération de l’état général, et éventuellement des infections bactériennes à rechute parfois fatales. Des signes cliniques et histologiques semblables à ceux rencontrés dans les syndromes de Sjögren peuvent être retrouvés dans les RGCH chroniques. Les lésions cutanéomuqueuses peuvent revêtir deux aspects principaux. [48] Celles semblables aux lésions rencontrées dans le LED sont des lésions lichénoïdes cutanées légèrement prurigineuses (surtout aux extrémités, parfois généralisées) et buccales semblables à celles du lichen plan, mais à limites moins nettes. Ces lésions lichénoïdes, qui guérissent en laissant sur la peau une macule hyperpigmentée, peuvent être accompagnées de vitiligo. Un lichen plan érosif endobuccal et génital peut se développer. Les lésions cutanées semblables à celles des sclérodermies systémiques ou des morphées sont dites sclérodermiformes (localisation au tronc et aux poignets, ainsi qu’au niveau d’anciennes lésions cutanées inflammatoires comme celles d’un zona ancien) avec l’atteinte possible des annexes cutanées (perte des poils et des cheveux, sécheresse cutanée). Ces lésions scléreuses peuvent s’ulcérer et s’infecter, avec une évolution torpide ou récidivante. Des lésions de type poïkilodermique (dépigmentations, télangiectasies, hyperkératoses, atrophies) peuvent se développer pendant la phase sclérodermiforme, de manière localisée sur la face et le tronc ou de manière généralisée. Stomatologie
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■ Kératoses de type réactionnel Une des caractéristiques de la muqueuse buccale est de réagir aux nombreux traumatismes et irritations engendrés par l’alimentation, les habitudes néfastes de consommations alcoolique et tabagique, le port de prothèses dentaires et les pathologies dentaires, par une hyperplasie épithéliale, le plus souvent réversible, se manifestant le plus souvent sous forme d’une lésion blanche, histologiquement marquée par une hyperou une dyskératose. Au sein de ces très nombreuses et fréquentes kératoses, la leucoplasie est une entité nosologique bien définie et étudiée en raison de son potentiel de dégénérescence en carcinome épidermoïde. [1]
Kératoses d’origine traumatique Les traumatismes mécaniques chroniques, fréquents au sein de la cavité buccale, peuvent engendrer la formation de kératoses, lésions blanches entourées ou non d’une zone érythémateuse inflammatoire, signant dès lors l’aspect plus aigu du traumatisme. Parmi les irritations mécaniques les plus fréquentes, citons les kératoses liées aux prothèses dentaires mal adaptées ou usées avec dans ce cas, une perte de la dimension verticale d’occlusion responsable d’une surcharge muqueuse mécanique, celles liées au frottement muqueux en regard d’une dent cassée, fracturée ou cariée, celles résultant de tics de morsure (joues, lèvres) responsables de ce que l’on appelle au niveau de la face interne des joues le morsicatio buccarum et, au niveau des lèvres (Fig. 9), le morsicatio labiorum. [49] Les tics de morsure (Fig. 10) se rencontrent le plus souvent chez l’adulte jeune, sans incidence sexuelle préférentielle, pour certains auteurs plus particulièrement chez les intellectuels, sans que l’on puisse imputer ces lésions à un trouble nerveux ou psychologique. [50] En cas de lésions irritatives dentaires ou prothétiques (Fig. 11), la muqueuse en regard de l’épine irritative est épaissie, blanc nacré, rarement verruqueuse. [1] En cas de lésions par automorsure, elle est blanche, épaissie, parfois semée d’érosions aux contours déchiquetés : la lésion siège alors en regard de la ligne d’occlusion des molaires. Au niveau des lèvres, le diagnostic différentiel doit envisager le syndrome de Lesch-Nyhan. [49] Histologiquement, on retrouve une hyperplasie épithéliale avec une surface hyperkératosique irrégulière, une acanthose et un infiltrat lymphocytaire dans le tissu conjonctif. En cas d’érosions superficielles, des amas bactériens y sont retrouvés. Le traitement est causal, par suppression de l’irritation ; le port d’une gouttière de protection est rarement nécessaire. La dégénérescence carcinomateuse de telles lésions n’a pas été rapportée. Figure 9. Lésions de morsicatio labiorum chez une jeune de fille de 14 ans. Noter l’aspect blanchâtre superficiellement déchiqueté de la muqueuse labiale.
Stomatologie
Figure 10. Tic de mordillement ayant entraîné au niveau labial inférieur une kératose blanchâtre épaisse chez une femme de 66 ans.
Figure 11. Kératose blanchâtre irritative du vestibule inférieur gauche due à un arc vestibulaire de Dautrey chez une femme de 50 ans ayant eu une fracture mandibulaire.
Kératoses d’origine actinique L’exposition prolongée au soleil de la peau et principalement du bord rouge de la lèvre inférieure où la pigmentation mélanique est faible, est responsable de lésions hyperkératosiques. [49] C’est la chéilite actinique. Initialement apparaît une macule érythémateuse de surface irrégulière, non indurée. Des croûtes se forment par hyperkératinisation et leur arrachement est responsable d’hémorragies punctiformes. La lésion peut se surinfecter et, en cas de réaction immunitaire, on assiste au développement d’une lésion lichénoïde. Le diagnostic doit être histologique car la distinction clinique est impossible à faire avec les carcinomes plus érythémateux et plus croûteux, la sialométaplasie nécrosante, les hyperkératoses mycosiques chroniques, les lésions « factices », le psoriasis, la tache mélanotique de Hutchinson, le lentigo maligna et les lésions discoïdes du lupus érythémateux disséminé. Histologiquement, [1] l’épithélium est hyper- et parakératosique, avec de l’acanthose en profondeur ; et les lésions sont toujours bien délimitées. Le derme montre une dégénérescence basophile du collagène, une élastose et un infiltrat lymphoplasmocytaire. La dégénérescence maligne survient dans 12 à 13 % des cas, sans métastases semble-t-il. La prévention est nécessaire : abstention d’exposition solaire intense ou répétée et application de crèmes « écran solaire ». Le traitement peut être médicamenteux : [1] application nocturne d’onguent à l’acide salicylique (2 à 5 %) et application diurne d’une solution aqueuse à 10 %
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Figure 12. Leucoplasie tabagique homogène de la lèvre inférieure chez un gros fumeur de cigarettes de 71 ans. Figure 14. Leucoplasie commissurale bilatérale inhomogène chez un fumeur de 51 ans. La lésion du côté droit présentait des aspects histologiques de carcinome épidermoïde in situ.
Figure 13. Leucoplasie homogène gingivale chez un gros fumeur de 75 ans qui présentait aussi des lésions leucoplasiques au niveau palatin et jugal.
d’urée. Si les lésions sont nombreuses, étendues ou agressives, le traitement à base de 5-fluoro-uracile (crème à 5 % ou lotion à 1 %) ou de rétinoïdes est indiqué (1 mg kg–1 j–1). Le traitement chirurgical est réservé aux formes rebelles au traitement médicamenteux et aux formes suspectes de dégénérescence. Le traitement par laser CO2 est une alternative efficace. [51]
Leucoplasies La consommation de tabac, sous quelque forme que ce soit, est néfaste pour la muqueuse buccale, le danger principal étant la dégénérescence maligne. On peut distinguer plusieurs types de consommation tabagique avec des répercussions très diverses au sein de la cavité buccale. La consommation de cigarettes, cigarillos et cigares fumés est néfaste pour la muqueuse des lèvres, par contact direct des dérivés nicotiniques, de la chaleur et des toxiques engendrés par la consommation tabagique (Fig. 12, 13) ; il en résulte diverses « kératoses tabagiques » décrites ci-après sous le vocable de leucoplasie, comme recommandé par l’OMS. Dans certaines régions, les cigarettes sont fumées à l’envers (« reverse smoking ») avec des lésions de la muqueuse en regard du bout incandescent, au palais. Le fait de chiquer le tabac, enveloppé de briquettes, de torquettes ou de poches de feuilles de tabac, est responsable de lésions hyperkératosiques au niveau des joues et, plus particulièrement, chez les femmes, au niveau du vestibule buccal inférieur. Enfin, le tabac peut être prisé, humide (« moist snuff » placé entre la gencive et la joue ou les lèvres, « snuff dipping »), surtout en Scandinavie, ou sec, comme le plus souvent dans différentes régions d’Asie (« dry snuff ») : dans les deux variétés, le tabac est toujours mélangé à d’autres substances vraisemblablement aussi toxiques pour la muqueuse buccale. La dégénérescence en carcinome épidermoïde de toutes ces lésions est réelle mais les études épidémiologiques respectant les définitions et limitations actuelles des différentes entités nosologiques décrites ci-dessous font défaut. [52] Les effets toxiques généraux du tabac doivent également être pris en considération [53] mais ne peuvent être décrits ici. Une
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définition des leucoplasies a d’abord été établie par l’OMS en 1978 [54] puis modifiée en 1986 par un groupe d’experts [55] et réactualisée enfin en 1996. [56] La leucoplasie de la cavité buccale est par définition, « une lésion d’aspect prédominant blanc de la muqueuse orale, et ne correspondant à aucune autre entité nosologique connue ; il s’agit d’une réelle lésion précancéreuse ». Cette définition par exclusion ne préjugeait pas à l’époque de l’étiologie. Depuis 1986, [55] elle est complétée par l’absence ou l’exclusion de tout facteur étiologique (la leucoplasie est dite idiopathique dans ce cas), hormis la consommation de tabac (la leucoplasie est dite tabagique dans ce cas). Très peu d’études épidémiologiques récentes [57] ont pu être effectuées selon ces nouveaux critères, la plupart des études et des auteurs groupant sous le vocable de leucoplasies soit toutes les kératoses réactionnelles, soit uniquement les leucoplasies tabagiques. Nous décrirons cependant ci-après les caractéristiques épidémiologiques, cliniques et histologiques des leucoplasies de manière globale, tout en remarquant qu’une distinction doit être faite, vraisemblablement surtout en ce qui concerne les données épidémiologiques et les données concernant le taux de dégénérescence. [58] Cela est contesté par van der Waal et Axéll [59] qui insistent pour ne pas faire de distinction entre les leucoplasies tabagiques et les leucoplasies idiopathiques tout comme d’ailleurs entre les différentes localisations au sein de la cavité orale. La prévalence moyenne dans une population adulte âgée de plus de 35 ans est de 3 à 4 %, avec des extrêmes allant de 0,2 à 54 %. L’incidence est trois à six fois plus élevée chez l’homme que chez la femme, sauf en Inde, en raison vraisemblablement des habitudes tabagiques. Cette incidence augmente avec l’âge, la survenue étant notée le plus souvent entre 50 et 69 ans. L’incidence est trois fois plus élevée chez les diabétiques (de types I et II). Chez l’homme, les localisations préférentielles sont les commissures (Fig. 14, 15) et les joues (75 % des cas), plus rarement les lèvres (3,7 %) et la langue (Fig. 16). Chez la femme, les joues sont le plus souvent atteintes (Fig. 17), puis les commissures, les lèvres et la langue (1,4 %) (Fig. 18, 19). La consommation tabagique peut donc être considérée comme un facteur étiologique, mais uniquement pour les leucoplasies tabagiques. [56] Plusieurs études ont cherché en vain à déterminer des facteurs étiologiques immunitaires aux leucoplasies idiopathiques. [1] Il semble bien que la dysplasie épithéliale soit responsable des perturbations immunitaires retrouvées mais il n’y a, à ce jour, aucune preuve d’une étiologie immunitaire. [60] L’étiopathogénie reste hypothétique et vraisemblablement multifactorielle ; pour le tabac prisé par exemple, on évoque une interférence avec la réplication de l’ADN du virus de l’herpes simplex de type 1. [61] La perte d’expression des cytokératines (CK-5) est aussi avancée comme hypothèse pour expliquer la carcinogénicité du tabac sur la muqueuse orale. [62] La manière dont le tabac est consommé et/ou fumé explique les Stomatologie
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Figure 18. Leucoplasie ventrolinguale droite homogène chez une femme de 47 ans. Figure 15. Placard leucoplasique rétrocommissural gauche chez un homme de 68 ans, fumeur modéré. Noter l’efflorescence radiaire homogène de la leucoplasie.
Figure 19. Leucoplasie inhomogène localisée du bord droit de la langue chez une femme de 52 ans, fumeuse de cigarettes. La lésion a dégénéré en carcinome épidermoïde infiltrant.
Figure 16. Leucoplasie homogène épaisse et localisée chez un gros fumeur de 75 ans. Noter l’aspect géographique et l’épaisseur de l’efflorescence très blanche, sans phénomènes inflammatoires.
Figure 17. Leucoplasie jugale droite inhomogène chez une femme de 53 ans, grosse fumeuse de cigarettes. Les lésions jugales sont stables mais un carcinome épidermoïde s’est développé dans la région commissurale.
localisations lésionnelles préférentielles : dans les régions où on fume le bidi, les leucoplasies sont commissurales tandis que là où on fume le cigare, les lésions sont pelvibuccales. En cas de « reverse smoking », les leucoplasies sont palatines. Les lésions Stomatologie
dues au tabac chiqué et prisé sont situées en regard du contact parfois quotidien de la muqueuse buccale avec le tabac. De nombreuses classifications cliniques ont été proposées : [1] actuellement, il est classique [55, 56] de retenir la distinction entre leucoplasies homogènes et inhomogènes, ces dernières regroupant des formes nodulaires, exophytiques et érythroleucoplasiques. Cette distinction se justifie par l’importante différence du taux de dégénérescence de ces deux groupes, les leucoplasies inhomogènes dégénérant beaucoup plus fréquemment. [63, 64] L’aspect clinique [56] des leucoplasies homogènes est une tache d’aspect prédominant blanc uniforme, peu ou pas surélevée, avec une surface hyperkératosique souvent en forme de mosaïque, parfois légèrement fissurée et craquelée, qui ne se laisse pas détacher par grattage, sans inflammation périlésionnelle, sans adénopathie satellite (Fig. 15, 16). La coloration peut parfois être un peu plus jaune ou plus grise. Un bel exemple est la stomatite nicotinique, ou ouranite glandulaire, survenant surtout chez le fumeur de pipes ou de cigares. La muqueuse palatine (Fig. 20) est opalescente, épaissie et ombiliquée de points rouges représentant les orifices des canaux excréteurs des glandes salivaires accessoires. [1] De manière exceptionnelle par rapport à la définition de l’OMS détaillée ci-dessus, cette lésion n’est pas appelée leucoplasie mais bien « kératose tabagique », vraisemblablement parce que son potentiel de dégénérescence carcinomateuse est très faible. Là où une prothèse dentaire recouvre la muqueuse palatine, celle-ci est intacte de leucoplasie. Un autre exemple est la lésion résultant du contact du tabac chiqué ou prisé, comme c’est classiquement le cas en Suède : cette lésion porte le nom de snuff dippers’keratosis ou encore de snuff dippers’induced leukoplakia, [65] pour laquelle quatre stades ont été proposés. Il existe des différences notables, aussi bien d’un point de vue clinique qu’histologique, entre les leucoplasies tabagiques selon que le tabac est libre ou enveloppé, le plus souvent de feuilles de tabac. [53, 65] Signalons que le tabac prisé est responsable de récessions gingivales irréversibles en regard de l’endroit de dépôt habituel du tabac. [53] Toutes ces leucoplasies
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d’une adénopathie satellite, d’une modification de la texture, de l’aspect, du relief ou de l’étendue de la lésion doit faire évoquer une dégénérescence maligne. Celle-ci peut survenir globalement dans environ 5 % des cas, sous forme d’un carcinome épidermoïde. Le diagnostic clinique est toujours insuffisant et il est souvent provisoire ; [56] le diagnostic définitif est confirmé histologiquement.
“ Figure 20. Stomatite nicotinique typique chez un gros fumeur de 75 ans. Noter l’aspect blanchâtre uniforme du palais. Un ponctué rougeâtre est visible à l’examen rapproché, trahissant l’inflammation des orifices des glandes salivaires accessoires.
Figure 21. Leucoplasie palatine latéralisée et inhomogène chez un fumeur de 60 ans.
Figure 22. Lésion palatine mixte de leucoplasie tabagique et de carcinome verruqueux chez un fumeur modéré de 62 ans.
peuvent être localisées (Fig. 21) ou, comme ailleurs, dégénérer en carcinome (Fig. 22). Les leucoplasies inhomogènes se manifestent soit sous forme d’un nodule blanchâtre, soit sous forme d’une plage verruqueuse toujours blanche, nacrée, avec parfois des fissures, soit encore sous forme d’une lésion combinant un aspect érythémateux à un aspect blanchâtre, au relief et aux bords très irréguliers (Fig. 17). Ces formes inhomogènes, et plus particulièrement les leucoplasies exophytiques, sont le plus souvent infectées par le Candida albicans (plus particulièrement les biotypes 177 et 355). [66, 67] La leucoplasie verruqueuse proliférative est une entité rare mais très agressive qui a été décrite assez récemment. [63] Cliniquement, elle se caractérise par un aspect multifocal mais relativement homogène, exophytique et verruqueux, régulièrement localisée à la gencive, chez des femmes adultes âgées. Le plus souvent, il n’y a pas d’étiologie retrouvée. Elle s’étend progressivement et dégénère quasi systématiquement, en quelques années, en carcinome. [68, 69] Toutes les leucoplasies sont toujours asymptomatiques ; il n’y a jamais d’adénopathies satellites. L’apparition d’une douleur,
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Point important
Conduite à tenir devant une leucoplasie. Lésion homogène unique, taille réduite => exérèsebiopsie + surveillance + suppression des facteurs oncogènes potentiels. Lésion homogène unique, étendue => biopsie + surveillance + suppression des facteurs oncogènes potentiels. Lésions homogènes multiples => biopsies multiples + surveillance + suppression des facteurs oncogènes potentiels. Lésion inhomogène, taille réduite : • antimysotiques locaux ; • réévaluer après 2 semaines ; • exérèse-biopsie + surveillance + suppression des facteurs oncogènes potentiels. Lésion inhomogène étendue : • antimysotiques locaux ; • réévaluer après 2 semaines ; • biopsie + surveillance + suppression des facteurs oncogènes potentiels.
Les principales lésions blanches de la muqueuse buccale à distinguer des leucoplasies sont le lichen plan, le carcinome intraépithélial, les kératoses, la candidose. Les examens cytologiques sur frottis n’ont pas encore acquis une valeur diagnostique fiable, malgré des développements techniques, entre autres les mesures de cytométrie d’ADN [70] et le marquage des AgNOR. [71] Même en s’aidant de la coloration vitale au bleu de toluidine, dans le dessein de révéler les zones de dysplasie intense, [21] ce diagnostic non histologique reste trop aléatoire et incertain. La coloration au bleu de toluidine peut uniquement servir à suivre l’évolution des lésions. [72, 73] La spécificité est quelque peu améliorée en badigeonnant la lésion après le rinçage, avec une solution de Lugol (iodure de potassium) [72] ou en ajoutant, après le rinçage à l’acide acétique, une illumination muqueuse. En fonction de la localisation et de l’étendue de la lésion, la biopsie ou, mieux, l’exérèse-biopsie confirme le degré de dysplasie et donc le pronostic de la lésion, et exclut la présence d’un carcinome intraépithélial (Fig. 14) ou déjà plus étendu. Les techniques de microsatellites permettront peut-être bientôt de distinguer les formes à risques (perte de l’hétérozygosité par exemple, présence d’oncogènes suppresseurs, etc.). Des bains de bouche avec diverses substances à valeur diagnostique et/ou pronostique sont proposés, à titre expérimental jusqu’ici. Même bien définis, les critères histologiques sont souvent sujets à interprétation très subjective. [74, 75] On tend à considérer la dysplasie épithéliale des leucoplasies comme un stade évolutif d’un ensemble de lésions anatomopathologiques, depuis l’hyperkératose simple jusqu’au carcinome épidermoïde, en passant par la leucoplasie exophytique et le carcinome verruqueux (Fig. 23). Histologiquement, les leucoplasies sont caractérisées par une hyperkératose, une dysplasie épithéliale plus ou moins prononcée, une acanthose et un infiltrat lymphoplasmocytaire dans le chorion ; la membrane basale est toujours intacte et respectée. [1] La dysplasie est définie par douze critères : [54] les crêtes Stomatologie
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Figure 23. Hyperplasie verruqueuse jugale chez une femme de 76 ans. Noter l’aspect blanchâtre, irrégulier et « cartonné ». La biopsie a conclu à une dégénérescence carcinomateuse focale.
épithéliales en gouttes, la perturbation de la polarité nucléaire, l’hyperplasie des cellules basales, la perturbation de la maturation épithéliale, les pléiomorphismes nucléaire et cellulaire, l’anisocytose, l’hyperchromatisme nucléaire, l’augmentation du rapport nucléocytoplasmique, le crowding cellulaire, les anomalies mitotiques, la réduction de la cohésion cellulaire et la kératinisation sous la surface épithéliale. Cette dysplasie peut être légère, modérée ou sévère, et est mise en rapport avec l’aspect macroscopique et la localisation lésionnelle. Les dysplasies sévères sont plus fréquemment retrouvées au niveau des leucoplasies labiale inférieure, linguale et pelvibuccale. La dysplasie est sévère au sein des érythroleucoplasies et des leucoplasies inhomogènes en général. La prévalence de la sévérité dysplasique semble augmenter avec l’âge. Les réactions inflammatoires sont variables en intensité : il n’est pas démontré qu’il y a une corrélation avec le type clinique et le potentiel de dégénérescence. Dans les leucoplasies par tabac prisé, les quatre degrés cliniques semblent bien correspondre à une gradation histologique de la dysplasie. L’hyperkératose présente l’aspect typique en « chevrons », [55] le nombre de cellules de Langerhans est réduit de manière importante, témoignant de modifications immunitaires [76] et on peut retrouver un aspect pseudoépithéliomateux. En microscopie électronique, [1, 77-79] la membrane basale est amincie, voire, par endroits, détachée des cellules basales, parallèlement à une intensification de la kératinisation. Cette membrane basale peut même être détruite ou fragmentée, ce qui signerait une dégénérescence maligne. En cas de dysplasie, les desmosomes augmentent en nombre ; ils disparaissent en cas de dysplasie sévère. Les caractéristiques ultrastructurales et le nombre des tonofilaments varient en fonction du degré de dysplasie, comme le montrent les études stéréologiques de morphométrie cellulaire et celles en microscopie électronique à balayage. [78] Les grains de kératohyaline augmentent en nombre, varient en taille et en forme, et apparaissent dans les couches superficielles du stratum spinosum, associés aux tonofilaments et aux ribosomes. La formation de rosettes de ribosomes est un signe de dysplasie sévère. Les corps d’Odland augmentent en quantité et en densité. Les mitochondries tendent à dégénérer dans les couches cellulaires superficielles ou peuvent être remplacées par des granules lipidiques. Les espaces intercellulaires sont d’autant plus larges que la dysplasie est sévère. En cas de dysplasie sévère, les noyaux montrent une distribution chromatique hétérogène et une dilatation sinusoïdale de l’espace intermembranaire ; le nombre et la forme des nucléoles varient. Les modifications morphologiques des surfaces cellulaires et celles des jonctions intercellulaires, bien mises en évidence par la technique de microscopie à balayage, [78] sont d’autant plus prononcées que la dysplasie est sévère. Stomatologie
Récemment, un système de classification LCP des leucoplasies a été proposé, imitant le système TNM (« tumor, nodes, metastasis ») pour des lésions cancéreuses : [56] symbole L (provisoire) pour « leukoplakia », symbole C pour « clinical » et symbole P pour « pathological ». Comme l’évolution clinique peut se manifester par une régression, par une modification lésionnelle mais aussi par une dégénérescence, un suivi clinique et, dès que nécessaire, histologique, est indispensable. Une leucoplasie homogène peut disparaître, surtout à l’arrêt de la consommation tabagique. On peut s’accorder un délai maximal de 4 semaines pour espérer une régression lésionnelle après élimination du tabac. Au-delà de ce terme, une biopsie s’imposera. [56] Une leucoplasie exophytique, une érythroleucoplasie peuvent, sous l’effet d’un traitement antimycosique, évoluer vers une lésion homogène. [66] Les lésions inhomogènes dégénèrent en fonction de leur aspect, de leur localisation. [1] Si le taux de dégénérescence moyen est de 5 %, [56] la leucoplasie homogène ne dégénère quasi jamais tandis que la leucoplasie exophytique dégénère dans 5 à 10 % des cas. La leucoplasie liée au tabac chiqué ne dégénère pas. [53] Pour le tabac prisé, il est prouvé que les lésions hyperkératosiques peuvent régresser à la suppression de l’habitude néfaste mais le taux de dégénérescence maligne reste contesté. [52] Une corrélation entre la présence de Candida albicans au sein des leucoplasies inhomogènes et leur dégénérescence est très probable. [66] Les localisations linguales latérales dégénèrent dans 40 % des cas, surtout chez la femme, [80] puis ce sont les lésions pelvibuccales et labiales. Le sex-ratio des carcinomes survenus sur leucoplasies latérolinguales (1 : 2) est très différent de celui des carcinomes primitifs de la langue (3 : 1). Les leucoplasies sublinguales dégénéreraient très fréquemment, dans 9,7 à 27 % des cas. Le temps de latence entre le diagnostic de leucoplasie et la dégénérescence maligne varie de 1 à 29 ans, la moyenne étant de 10 ans. Cette dégénérescence survient exceptionnellement avant 30 ans, le plus souvent entre 60 et 69 ans. Les leucoplasies non tabagiques dégénéreraient plus fréquemment. [81] La prévention par modification des habitudes tabagiques est réellement efficace et doit être un objectif de santé publique. [55, 82] L’immunodéficience acquise (le plus souvent en raison de médications) favorise très nettement cette dégénérescence. [83] La mise en évidence de marqueurs tumoraux permettant de détecter précocement la dégénérescence d’une leucoplasie est un objectif qui semble malheureusement difficile à atteindre. Ces marqueurs ne peuvent être considérés que comme une aide complémentaire à l’établissement d’un pronostic. [58] Aucun marqueur n’a pu trouver jusqu’ici un quelconque intérêt en clinique en raison du manque de spécificité et de sensibilité : [84] il s’agit aussi bien de marqueurs intracellulaires que de marqueurs des surfaces cellulaires. Seront cités les marqueurs de la surface cellulaire, tels les carbohydrates (dont l’expression peut être modifiée en raison d’une glycosylation aberrante), les glycoprotéines et glycolipides membranaires, les antigènes de l’histocompatibilité et les facteurs et récepteurs de croissance cellulaire. Les marqueurs intracellulaires actuellement étudiés, en vue de distinguer les degrés de dysplasie et d’évaluer leur risque de dégénérescence, sont nombreux : • les cytokératines [85] et autres constituants du cytosquelette, [86] les filaggrines, l’involucrine, [87] les protéines desmosomiques, certaines glycoprotéines, protéoglycanes et collagènes constituants de la membrane basale, des facteurs de croissance tels que le transforming growth factor a (TGF- a) et l’epidermal growth factor receptor (EGFR), les protéines du choc thermique (HSP70) [26], les antigènes de la substance intercellulaire ; • les analyses du contenu nucléaire, avec études des phases mitotiques ; • le dosage par cytométrie de flux en ADN (aneuploïdie dans 20 à 30 % des leucoplasies) et l’analyse des anomalies chromosomiques (des chromosomes 1 et 11 particulièrement) ; • des AgNOR ou régions nucléolaires montrant une affinité particulière pour les colorants à l’argent ; [88]
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• des métabolites de l’activité de la lipo-oxygénase des enzymes telles la gamma-glutamyl-transpeptidase, la lactatedéshydrogénase, la glutathion S-transférase [89] placentaire, la télomérase [24] ou la guanidinobenzoate-protéase ; • enfin l’étude des oncogènes, principalement de l’oncoprotéine c-myc, [90] et des gènes suppresseurs comme le p27 [91] et le p53. [92-96] Les oncogènes peuvent intervenir dans la régulation de la croissance et de la différenciation cellulaires par amplification génique, translocation chromosomique et mutation ponctuelle. [84] Il semble aussi qu’il y ait, chez le fumeur de tabac, une immunodéficience muqueuse de type humoral (concentrations basses d’IgA salivaires), qui serait réversible. [97] Le traitement doit tenir compte des facteurs suivants : taille, localisation, aspect et histologie. De toute manière, même après régression ou exérèse complète, une surveillance à long terme doit être instaurée, la muqueuse de la cavité buccale pouvant développer d’autres leucoplasies, voire des carcinomes. [1] Quelle que soit la thérapeutique, des récidives surviendront dans environ 20 % des cas. [98] Certains auteurs [99] prônent l’exérèse complète de toutes les leucoplasies pour éviter leur dégénérescence, même si la résection complète de certaines leucoplasies (aneuploïdes par exemple) n’est pas garante d’une absence de dégénérescence. [100] L’exérèse chirurgicale peut être faite à la lame froide, au laser [55, 101, 102] ou à la sonde de cryothérapie. La radiothérapie et l’électrocoagulation doivent être rejetées. La thérapie photodynamique locale semble prometteuse. [103] Une attitude plus nuancée peut être adoptée, à condition de pouvoir surveiller régulièrement la lésion. L’attitude thérapeutique logique consiste à supprimer dans un premier temps la consommation tabagique, puis à appliquer localement un antimycosique pendant une dizaine de jours en cas de suspicion de candidose surajoutée. L’effet de la régularisation d’une mauvaise hygiène buccodentaire, de la nutrition par consommation de fruits et de végétaux [82] et apport supplémentaire en oligoéléments (sélénium, zinc, riboflavine et vitamine A) reste controversé. Si la lésion persiste, une biopsie ou une exérèse-biopsie, si la lésion n’est pas trop étendue, est impérieusement réalisée. Le traitement antimycosique local transforme certaines leucoplasies inhomogènes en leucoplasies homogènes. D’autres thérapeutiques non chirurgicales peuvent être proposées : administration de rétinoïdes, d’hormones stéroïdiennes, application locale de bléomycine. L’application locale d’inhibiteurs de la cyclo-oxygénase s’est révélée inefficace. Si la vitamine A n’est plus prescrite dans le traitement des leucoplasies, l’acide 13-cis-rétinoïque a été préconisé en application locale et l’administration de rétinoïdes [104] semble prometteuse, [82, 105] avec toutes les réserves d’usage. [106] Le traitement par l’acide 13-cis-rétinoïque semble pouvoir restaurer l’expression de l’acide ribonucléique messager (ARNm) des a-récepteurs pour l’acide rétinoïque, perdue dans les leucoplasies précancéreuses. [107] L’avenir permettra vraisemblablement d’avoir recours à des rétinoïdes plus sélectifs et moins toxiques [108] et susceptibles non seulement de traiter, mais aussi de prévenir les lésions [109] et à d’autres oligoéléments dont une revue exhaustive a été récemment publiée. [110] L’application locale de lycopène semble également utile. [111]
Leucœdème Le leucœdème (leukœdema exfoliativum mucosae oris) est un remaniement blanchâtre, opalescent de la muqueuse buccale (Fig. 24) individualisé par Standstead et Lowe en 1953. Plus fréquent au sein de la race noire et chez les jeunes, le leucœdème est lié à la consommation tabagique et caractérisé histologiquement par une hyperkératose et par une persistance de matériel nucléaire au sein de cellules superficielles, fragilement rattachées les unes aux autres. [1] On distingue des formes sévères, modérées et frustes ; si les deux premières formes peuvent être considérées comme étant des leucoplasies, les formes frustes représentent plutôt une variante de la muqueuse buccale normale. Le diagnostic différentiel est celui de toutes les hyperkératoses, locales ou diffuses, congénitales et acquises. Il n’y a pas de traitement, la lésion ne présentant aucune modification à long terme.
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Figure 24. Leucœdème jugal droit chez un jeune homme de 18 ans, fumeur de cigarettes. Noter l’aspect œdémateux (voire « aqueux ») de la lésion blanchâtre non inflammatoire.
■ Kératoses d’origine toxique. Réactions lichénoïdes Ce sont en principe des kératoses induites par l’effet local ou général d’une substance chimique (hormis la consommation tabagique) : alcool, médicaments. La consommation alcoolique, qui est souvent associée à une consommation tabagique et à une mauvaise hygiène buccodentaire, peut entraîner la formation d’une kératose buccale. [112] La mastication du qat (feuilles hallucinogènes) est également responsable de kératoses orales. [113] Récemment, [114] une kératose associée à l’usage de sanguinarine qui est un constituant de bains de bouche et de dentifrices, a été rapportée. La consommation chronique de très nombreux médicaments, voire métaux, peut également faire apparaître au niveau buccal ce qu’on appelle une réaction lichénoïde, lésion blanchâtre, souvent striée, qui siège sur une muqueuse saine ou le plus souvent atrophiée et inflammatoire (Fig. 7). Les produits incriminés sont les suivants : [49, 115] tétracycline, chloroquine, quinacrine, hydroxychloroquine, méthyldopa, acide paraaminosalicylique, furosémide, chlorothiazide, quinidine, mépacrine, practolol, tripolidine, métopromazine, chlorpropamide, tolbutamide, phénothiazines, dapsone, amiphénazole, arsenicaux, bismuth, sels d’or, mercure, cuivre des alliages dentaires. Cette lésion s’estompe après suppression du produit. On peut aussi citer les kératoses induites par des agents physiques tels l’irradiation aux rayons X, les températures élevées (boissons chaudes ou brûlantes), le galvanisme. Leur aspect et leur histologie sont semblables à ceux des kératoses induites par l’exposition au soleil au niveau cutané et à celui des leucoplasies homogènes au niveau buccal. Leur potentiel de dégénérescence est relativement faible ; il serait plus élevé pour les lésions secondaires au galvanisme. La prévention est primordiale.
■ Fibrose sous-muqueuse La fibrose sous-muqueuse est une lésion chronique de la muqueuse buccale, principalement retrouvée en Inde où plus de 2,5 millions de personnes en seraient atteintes, mais aussi dans d’autres régions d’Asie. En Inde, la prévalence serait de 0,2 à 0,5 %. Quoique survenant à tous les âges, la fibrose sousmuqueuse est préférentiellement rencontrée entre 20 et 40 ans. [116] On incrimine comme facteur étiopathogénique principal la feuille de bétel. Des articles récents synthétisent bien les connaissances actuelles au sujet de ces dérivés alcaloïdes et de leur rôle potentiel dans l’oncogenèse de la muqueuse buccale. [117] Les alcaloïdes (principalement l’arécoline) issus de la consommation des feuilles de bétel sous forme de chique (feuille de bétel mêlée à des feuilles de tabac, de la chaux vive Stomatologie
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et de la noix d’arec ou « Areca catechu »), stimuleraient la prolifération fibroblastique en influençant la synthèse collagénique et en rendant les fibrilles de collagène résistantes à la dégradation enzymatique. [116, 118, 119] Le fait de chiquer serait responsable d’une diminution de l’oxygénation tissulaire, favorisant les effets des alcaloïdes. Une prédisposition immunitaire génétique, une carence en fer et la malnutrition sont d’autres facteurs étiologiques évoqués. Un modèle de lésion auto-immune a été proposé. [119, 120] Cliniquement, les lésions passent par deux stades, d’évolution cyclique, progressant d’autant plus rapidement et agressivement que le patient est jeune : un premier stade est vésiculeux et ulcéreux, le second est caractérisé par une fibrose rétractile, blanchâtre, responsable, en fonction de sa localisation, d’une impotence fonctionnelle : troubles de la mobilité linguale, trismus, dysgueusie, troubles de la phonation. La lésion primaire est responsable d’une brûlure de la muqueuse buccale, d’un érythème au sein duquel apparaissent des vésicules qui s’ulcèrent rapidement. Au stade fibreux, la muqueuse est blanchâtre, indurée mais indolore. Les placards d’allure leucoplasique ont un réel pouvoir carcinogénique : la dégénérescence en carcinome épidermoïde survient dans 3 à 6,7 % des cas. [116, 120, 121] D’un point de vue anatomopathologique, on retrouve d’abord une réaction inflammatoire juxtaépithéliale, suivie de remaniements fibroélastiques de la lamina propria menant à une fibrose conjonctive et épithéliale. Si, en microscopie électronique, l’apparence morphologique des fibres de collagène n’est pas modifiée par l’affection, il semble que les fibres de collagène de type I soient plus nombreuses, principalement au niveau de la lamina propria, et que les fibres de procollagène de type III et celles de collagène de type VI aient quasi complètement disparu. [122] Le diagnostic différentiel exige une biopsie ; les leucoplasies, d’autres kératoses et le carcinome épidermoïde doivent être pris en considération. Le traitement est médical et malheureusement uniquement palliatif. Les injections sous-lésionnelles de corticostéroïdes et d’hyaluronidase semblent moins efficaces que les applications locales de vitamine A, de corticostéroïdes ou qu’une thérapeutique martiale orale. Un traitement chirurgical est parfois proposé en cas de problèmes fonctionnels : lorsque l’on intervient au niveau des sites lésionnels, les échecs sont nombreux en raison de récidive et/ou de progression de l’affection. [123, 124] Plusieurs interventions ont cependant été proposées pour corriger les troubles fonctionnels. [118] Des campagnes de prévention primaire se sont révélées très efficaces. [125]
■ Kératoses d’origine infectieuse Ce sont les lésions blanches observées au cours d’infections, le plus souvent sur fond d’inflammation érythémateuse ou autres altérations muqueuses.
Kératoses d’origine bactérienne Elles sont rares de nos jours. Au cours de la syphilis secondaire on peut observer des « plaques muqueuses » érythémateuses parfois recouvertes d’une pellicule fine et adhérente, de teinte blanchâtre ou opaline, où les altérations épithéliales sont marquées. Quand il existe un aspect linéaire ou étoilé, la lésion doit être distinguée du lichen plan et de la leucoplasie chevelue. [126] La syphilis tertiaire s’accompagne fréquemment d’une glossite sclérosante superficielle où la muqueuse, érythémateuse et dépapillée, se kératinise secondairement. Ces nappes blanchâtres ont un aspect leucoplasiforme plus ou moins étendu et épais, et sont sillonnées de petit plis, ce qui leur donne un aspect « parqueté ». [127] La tuberculose verruqueuse, avec ses aspects blanchâtres aspécifiques, est exceptionnelle et ne constitue qu’une des manifestations possibles de la rare tuberculose buccale. Le syndrome de Reiter (syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter ou syndrome oculo-urétrosynovial) présente presque constamment des lésions cutanéomuqueuses. [128] Au niveau buccal (palais, voile, langue, joues, lèvres), des plages rouges indolores, arrondies et circinées, un peu surélevées, sont entourées d’un Stomatologie
liséré blanchâtre kératosique. Au niveau lingual, les lésions ont l’aspect géographique de la glossite exfoliatrice marginée (« langue géographique »).
Kératoses d’origine mycosique Ce sont essentiellement les lésions chroniques de candidose qui présentent des aspects blanchâtres au niveau de la muqueuse buccale. [129-131] La candidose chronique diffuse se manifeste par un érythème assez discret et un enduit blanc grisâtre irrégulier (petites granulations ou plaques leucoplasiformes) très adhérent. Une cheilite commissurale est communément associée. Une forme particulière de candidose chronique, la candidose végétante papillomateuse et hyperkératosique de l’adulte, qui affecte presque toujours les fumeurs, souvent diabétiques, est généralement localisée à la région rétrocommissurale mais peut s’étendre à la muqueuse jugale, plus rarement à la langue et au palais. [132] Un placard blanchâtre végétant, surélevé, papillomateux, est entouré de végétations de plus en plus fines qui deviennent de simples ponctuations blanches sur fond érythémateux en périphérie. L’immunisation contre les infections à Candida est complexe, en raison des différents types de candidose, des différentes formes de Candida et des interrelations entre les systèmes immuns locaux et généraux. Dans la candidose chronique hyperkératosique, une immunité à médiation cellulaire pourrait jouer un rôle. [133] Alors que le traitement de la candidose est généralement médicamenteux (nystatine, amphotéricine, clotrimazole, miconazole, kétoconazole, fluconazole, itraconazole), [134] celui de la candidose hyperkératosique est le plus souvent chirurgical. Le risque de transformation maligne en carcinome verruqueux ou épidermoïde doit être pris en considération.
Kératoses d’origine virale La plus connue est la leucoplasie villeuse buccale (« leucoplasie orale chevelue », « oral hairy leukoplakia »), lésion d’aspect variable qui est retrouvée chez bon nombre de patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) tant adultes qu’enfants, à tous les stades de la maladie. Elle porte malheureusement le nom de leucoplasie, terme bien défini par l’OMS (voir ci-dessus) qui devrait être rejeté ici puisque son étiologie virale a bien été démontrée. Elle est aussi observée lors d’une immunosuppression thérapeutique (greffe rénale ou greffe de moelle par exemple) [135] ou chez des patients immunocompétents et n’est donc pas pathognomonique de l’infection par le virus du sida. L’ADN du virus Epstein-Barr (EBV) est mis en évidence dans les cellules épithéliales. La lésion asymptomatique affecte les bords de la langue, [136] bien que des formes plus étendues aient été observées, atteignant le dos de la langue, le plancher buccal, les commissures intermaxillaires, la muqueuse jugale et surtout la linea alba. Les plages blanchâtres légèrement surélevées, irrégulières, hérissées de crêtes festonnées, à contours déchiquetés, mal limités, ne s’éliminent pas au grattage. L’hyperplasie épithéliale focale (parfois appelée à tort maladie de Heck) est une lésion rare des muqueuses buccales qui affecte surtout les Indiens d’Amérique du Nord (Nouveau-Mexique, Mexique) et du Sud (Brésil, Bolivie, Colombie, Guatemala, Équateur, Salvador) ainsi que les Inuits (Groenland, Alaska). De rares cas ont été décrits en Égypte, en Israël et chez des Scandinaves et des Polynésiens. La lésion affecte surtout l’enfant de 3 à 18 ans chez les Indiens d’Amérique ; elle affecte toutes les tranches d’âge chez l’Inuit du Groenland. Il n’y a pas de prédominance sexuelle. L’étiologie a été précisée par la découverte de particules virales : les lésions sont dues à un papillomavirus, [137, 138] le papovavirus A type 13 (ou HPV-13) [139] et le type plus récent HPV-32. La concentration des cas chez les Indiens et chez les Inuits suggère aussi l’existence d’un facteur génétique. La localisation est le plus souvent labiale inférieure, moins souvent jugale, commissurale ou labiale supérieure. La localisation linguale ou gingivale est rare, sauf chez l’Inuit du Groenland. Les lésions sont asymptomatiques et bien circonscrites : ce sont des papules ou des nodules arrondis, de 1 à 5 mm, mous et sessiles, qui ont soit une surface aplatie et
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tacheté. Une ulcération est présente dans la moitié des cas [144] bien que cela puisse être contesté. La lésion n’est pas infiltrée mais souvent douloureuse, avec les réserves liées à la valeur clinique de la palpation. Le diagnostic est histologique. Si l’exérèse-biopsie s’avère complète, une surveillance de type carcinologique suffit, avec éviction des facteurs favorisants. Si la biopsie n’avait pas d’intention d’exérèse complète, une reprise chirurgicale plus large pour arriver en marges saines doit être réalisée. De toute manière, une surveillance stricte de la région et des autres muqueuses aérodigestives supérieures doit être instaurée.
blanchâtre, soit une surface plus bombée et une coloration rappelant celle de la muqueuse normale. Aucune intervention n’est requise. La régression spontanée est possible. Il faut enfin citer la rare papulose bowenoïde génitale due au HPV type 16 surtout, rarement aux HPV-34, 39, 42 et 45 (les types 11 et 16 ont, semble-t-il, un fort potentiel de dégénérescence maligne), [140] qui affecte très exceptionnellement la cavité buccale [141] sous forme de lésions verruqueuses brunâtres ou blanchâtres. L’évolution vers une maladie de Bowen est fréquente.
■ Kératoses dysplasiques (kératoses préépithéliomateuses) et carcinome in situ Ce sont les diverses lésions blanches « à risque » qui évoluent de manière constante ou non vers la transformation maligne. Elles ont, pour la plupart, déjà été évoquées ci-avant ou sont décrites en détail dans d’autres chapitres de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Ainsi, des lésions comme le lichen plan atrophique et érosif, le lupus érythémateux chronique, le syndrome de Kelly-Patterson (ou syndrome de PlummerVinson), la cheilite kératosique et érosive, la kératose réactionnelle (alcool, bétel), la leucoplasie, la fibrose sous-muqueuse, la glossite syphilitique voire, pour quelques auteurs, l’hyperplasie candidosique chronique font potentiellement le lit du carcinome épidermoïde buccal. Il est admis que la dysplasie épithéliale buccale, un marqueur histopathologique de lésion précancéreuse, évolue régulièrement vers le carcinome épidermoïde. [142, 143] La papillomatose buccale floride (« oral florid papillomatosis ») est caractérisée par une multitude de papillomes muqueux dont le diagnostic différentiel est souvent mal fait. [1] Au niveau buccal, la lésion est d’origine virale (papillomavirus HPV, pour « human papillomavirus ») et peut dégénérer en carcinome verruqueux, voire en carcinome infiltrant. Les touffes de fines villosités blanchâtres, voire rosées, plus ou moins allongées, sont groupées en placards bien limités, légèrement en relief. Les lésions restent souples et non infiltrées. Elles sont entourées d’une muqueuse le plus souvent kératosique, parfois de manière très fine. L’hyperplasie verruqueuse survient plus souvent chez la femme âgée (au-delà de la cinquantaine) que chez l’homme. Elle a, par ordre décroissant, une localisation gingivale, muqueuse alvéolaire, jugale, linguale, pelvibuccale, labiale et palatine. [64] Avec son aspect verruqueux hyperkératosique blanchâtre plus ou moins bien délimité (Fig. 24), elle peut être confondue avec la papillomatose buccale floride, la leucoplasie verruqueuse proliférative ou le carcinome verruqueux. L’extension reste limitée et le diagnostic est histologique. Le pronostic est favorable tant qu’il ne survient pas de dégénérescence maligne. Plus grave est le carcinome intraépithélial ou in situ (« oral intraepithelial neoplasia ») qui représente 3 % de toutes les tumeurs de la cavité buccale. [1] C’est un carcinome qui a une extension strictement intraépithéliale, sans envahissement de la membrane basale. Il doit être distingué du carcinome microinvasif où les îlots tumoraux sont déjà présents sous la membrane basale. Il est plus fréquent chez l’homme, presque toujours alcoolotabagique, que chez la femme, et son incidence augmente avec l’âge. La localisation la plus fréquente est la lèvre rouge, localisation deux fois plus fréquente que la cavité buccale. Les autres sites, pharyngés, laryngés ou sinusiens sont moins fréquents. La localisation endobuccale serait préférentiellement liée à une importante consommation alcoolique ; au niveau labial, c’est la consommation de tabac qui serait presque toujours associée. La lésion a le plus souvent un aspect leucoplasique, surtout au niveau labial. Plus rarement, mais surtout dans les cas de localisation endobuccale, l’aspect érythroplasique peut prévaloir : c’est l’érythroplasie de Queyrat, qui a son équivalent cutané dans la maladie de Bowen. [1] Si les manifestations sont mêlées, la lésion a un aspect dépoli, granité ou
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É. Piette, Ancien professeur agrégé ([email protected]). Service de chirurgie orale et maxillofaciale, université de Hong Kong ; en pratique privée, service de chirurgie maxillofaciale, plastique et reconstructrice, clinique Sainte Elisabeth, 15, place L. Godin, 5000 Namur, Belgique. H. Reychler, Professeur, chef de service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale. Cliniques universitaires Saint-Luc, université catholique de Louvain, 15, avenue Hippocrate,1200 Bruxelles, Belgique. Toute référence à cet article doit porter la mention : Piette É., Reychler H. Lésions blanches de la muqueuse buccale et des lèvres. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-045-K-10, 2006.
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Mycoses buccales S. Agbo-Godeau, A. Guedj Les mycoses buccales sont extrêmement fréquentes, habituellement dues à la prolifération de Candida albicans, germe saprophyte devenant opportuniste lorsque les conditions locales deviennent favorables à sa croissance. Les candidoses buccales ont le plus souvent une évolution bénigne et répondent bien aux traitements antifongiques locaux. Cependant, dans certaines situations d’immunodépression locale ou générale, l’infection peut évoluer sous une forme extensive, chronique et parfois systémique. Certaines mycoses exotiques peuvent se développer sur les muqueuses buccales dans certaines situations d’immunodépression, d’autres sont des mycoses importées qu’il est important de ne pas méconnaître. Dans tous les cas, le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence et l’identification du germe. Le traitement, le plus souvent médical, est ensuite adapté à chaque type de mycose buccale. Si le pronostic des candidoses buccales est le plus souvent favorable, il n’en est pas de même pour certaines mycoses profondes ou exotiques ayant des potentiels évolutifs agressifs. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Mycoses buccales ; Candidoses buccales ; Candida albicans ; Mycoses exotiques ; Antifongiques
Plan ¶ Introduction
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¶ Définitions
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¶ Facteurs de pathogénicité des champignons Facteurs d’adhérence Sécrétion d’enzymes Sécrétion de toxines Structure des spores
2 2 2 2 2
¶ Facteurs favorisant les mycoses buccales Facteurs intrinsèques Facteurs extrinsèques
2 2 2
¶ Mycoses buccales Levures Champignons filamenteux Mycoses exotiques
2 2 2 3
¶ Formes cliniques des candidoses buccales Candidoses aiguës Candidoses chroniques Formes cutanéomuqueuses chroniques (CMC)
3 3 4 5
¶ Mycoses profondes de la cavité buccale Cryptococcose Mucormycose Aspergillose nasosinusienne Histoplasmose Candidoses systémiques Paracoccidioïdomycose (blastomycose sud-américaine) Coccidioïdomycose
5 5 5 5 6 6 6 6
¶ Diagnostic positif des mycoses buccales Méthodes de prélèvement Diagnostic de laboratoire Interprétation des résultats
6 7 7 7
Stomatologie
¶ Traitement des mycoses buccales Antifongiques Traitement curatif Traitement préventif
7 8 8 8
■ Introduction Les mycoses buccales sont des infections opportunistes causées par des germes saprophytes et sont toujours le témoin d’un déséquilibre de la flore buccale dont il faut s’attacher à retrouver l’étiologie. [1, 2] Elles ont considérablement augmenté ces dernières années, en raison de trois principaux facteurs : • prolongation de la survie des patients à risque (cancéreux, transplantés d’organes, syndrome de l’immunodéficience acquise [sida]{) ; • diminution de la mortalité due aux infections microbiennes ; • voyages intercontinentaux à l’origine d’importation de mycoses cosmopolites (histoplasmose{).
■ Définitions Les champignons sont des organismes microscopiques classés parmi les végétaux. Ce sont des eucaryotes (organismes possédant un noyau entouré d’une membrane nucléaire) dépourvus de pigments assimilateurs. Ils ne se nourrissent que par absorption de substances organiques diverses et doivent selon les circonstances vivre en parasites ou en saprophytes. Ils se développent par un système de filaments ramifiés et se reproduisent par l’intermédiaire de spores sexuées ou asexuées. Le corps d’un champignon ou thalle est formé, soit de cellules isolées (levures), soit de filaments mycéliens.
1
22-045-M-10 ¶ Mycoses buccales
Parmi les 5 100 espèces de champignons recensées, seules 150 espèces sont habituellement incriminées en pathologie humaine. Parmi elles, environ 50 % sont responsables de lésions superficielles de la peau et des phanères, 25 % de lésions souscutanées et 25 % de lésions profondes viscérales ou généralisées. Plusieurs classifications ont été proposées basées sur des caractéristiques morphologiques, ultrastructurales, biochimiques et génétiques (classification de Ainsworth, Kwon Chung). [3] Il existe des espèces endogènes et exogènes. Les espèces endogènes vivent habituellement à l’état saprophyte d’un organisme hôte, homme ou animal, et peuvent devenir pathogènes sous l’influence de divers facteurs favorisants qui affectent l’équilibre du milieu. Les espèces exogènes cosmopolites vivent dans le sol, les végétaux ou les animaux et peuvent être contaminantes. L’homme s’infeste de différentes façons : contact cutané, pénétration transcutanée, inhalation, ingestion, voie intraveineuse. L’apparition d’une mycose dans des conditions particulières de terrain fait discuter la notion d’opportunisme des champignons.
■ Facteurs de pathogénicité des champignons Facteurs d’adhérence Le champignon adhère aux surfaces cutanéomuqueuses par le biais d’interactions entre les constituants de la paroi fongique et les récepteurs de l’hôte. L’adhésion de Candida aux surfaces acryliques et plastiques permet d’expliquer la colonisation des prothèses dentaires, des cathéters {
Sécrétion d’enzymes Certaines souches de Candida sécrètent des enzymes protéolytiques détruisant les matières organiques et favorisant l’invasion tissulaire.
Sécrétion de toxines Aspergillus fumigatus sécrète des toxines immunosuppressives, hémolytiques ou participant à la mort cellulaire de l’hôte.
Structure des spores La constitution de la paroi des spores de certains champignons (Aspergillus fumigatus, Cryptococcus neoformans) les protège de la phagocytose.
Facteurs extrinsèques Ils sont essentiellement iatrogènes : • Médicaments : antibiotiques, corticoïdes, immunosuppresseurs, hormones contraceptives, radiothérapie cervicofaciale, chimiothérapie anticancéreuse. • Chirurgie : digestive, cardiaque, greffes d’organes, cathéters intraveineux, prothèses.
■ Mycoses buccales Une classification des principales espèces responsables de mycoses buccales peut être proposée, distinguant des levures, des champignons filamenteux, et des champignons exotiques.
Levures Candida Les candidoses sont les mycoses les plus fréquentes de la cavité buccale. [4] Candida albicans est l’agent étiologique le plus fréquent. C’est une levure qui vit à l’état saprophyte dans le tube digestif humain où il est présent dès les premiers mois de la vie, transmis par contact maternel. Il peut exister sous trois formes biologiques et morphologiques : végétative (blastospore), cellule allongée (pseudomycélium) et cellule à capsule fine rétractile (chlamydospores). Sa dissémination est d’origine endogène et se fait à partir du tube digestif : • par contiguïté vers les voies génitales, respiratoires et la peau ; • par voie hématogène, les levures et les filaments peuvent traverser la paroi intestinale et pénétrer les capillaires de la sous-muqueuse vers tous les organes, avec un tropisme particulier pour les reins et l’œil ; • par voie sexuelle pour les organes urogénitaux. D’autres espèces de Candida sont occasionnellement pathogènes pour la cavité buccale : Candida tropicalis, Candida pseudotropicalis, Candida glabrata, Candida guillermondii, Candida krusei, Candida parapsilosis.
Cryptococcus Ce genre comprend 19 espèces différentes ; seul Cryptococcus neoformans, en raison de sa température de croissance à 37 °C, est pathogène. Il existe deux variétés : neoformans (fientes de pigeons et autres oiseaux), gattii (bois d’essences tropicales). La contamination se fait par voie respiratoire et la dissémination sanguine ou lymphatique peut atteindre les muqueuses.
Champignons filamenteux
■ Facteurs favorisant les mycoses buccales Facteurs intrinsèques • Physiologiques : âge (prématuré, nouveau-né, nourrisson avant 1 an, vieillard) ; grossesse (par modification de l’état hormonal). • Locaux : hyposialie ou xérostomie, macération sous plaque, traumatisme, brûlure, manque d’hygiène, tic de léchage. • Terrain endocrinien : diabète (hyperglycémie et perturbation de l’activité phagocytaire des polynucléaires), hypoparathyroïdie, insuffisance surrénalienne, insuffisance thyroïdienne. • Carences nutritionnelles : déficit martial. • Immunodépression : sida. • Affection intercurrente infectieuse ou maligne : cancer, hémopathies, aplasies médullaires{
2
Mucorales Ils font partie de la classe des zygomycètes et sont cosmopolites (sol, compost, graines céréalières, fruits{). Parmi les genres répertoriés, trois sont plus fréquemment en cause (Absidia, Rhizopus microsporus, Mucor), deux sont plus rares (Cunninghamella, Syncephalastrum). La contamination se fait par inhalation de spores ; la mucormycose se développe exclusivement chez des patients immunodéprimés (diabète, sida, neutropénies sévères, insuffisance rénale chronique{)
Geotrichum Parmi les espèces de Geotrichum, trois sont isolées chez l’homme. Geotrichum candidum d’origine alimentaire (industrie laitière et fromagère), existe à l’état saprophyte dans le tube digestif. Geotrichum capitatum et Geotrichum clavatum seraient plutôt endogènes. Stomatologie
Mycoses buccales ¶ 22-045-M-10
Aspergillus extrapulmonaire Champignons cosmopolites fréquents dans l’environnement (sol, végétaux, graines, {), ils vivent aux dépens de matières organiques en décomposition. La contamination humaine se fait par inhalation des spores. Parmi les espèces connues, quatre d’entre elles sont responsables d’atteintes nasosinusiennes : fumigatus, flavus, nidulans et niger. Chez le sujet sain, elles sont le plus souvent favorisées par la présence d’obturation des canaux dentaires avec des pâtes à l’oxyde de zinc. [5] Chez le sujet immunodéprimé, elles sont rapidement invasives.
Mycoses exotiques Ce sont des maladies dont les agents responsables n’existent pas en Europe ; les cas observés en France sont importés de régions chaudes et humides. Les champignons vivant à l’état saprophyte dans les sols, la contamination est le plus souvent pulmonaire par inhalation, ou cutanée par inoculation traumatique. Ils sont responsables dans la plupart des cas de mycoses profondes.
Figure 1.
Muguet de la joue gauche.
Histoplasmoses Les deux organismes responsables d’infection humaine sont Histoplasma capsulatum variété capsulatum et variété duboisii. • Variété capsulatum est rencontrée aux États-Unis, en Amérique Centrale et du Sud, aux Antilles, en Afrique du Sud, Asie et Océanie. C’est un champignon dimorphique ; la forme saprophyte est filamenteuse alors que la forme parasitaire intratissulaire est sous forme de petites levures intracellulaires. La contamination se produit en deux phases, primo-infection pulmonaire, puis généralisation avec ulcérations de la muqueuse buccale dans 30 à 50 % des cas. • Variété duboisii est rencontrée dans les zones subsahariennes d’Afrique et à Madagascar. L’incubation dure plusieurs années ; les lésions sont essentiellement cutanées ; l’atteinte muqueuse est exceptionnelle.
Paracoccidioïdomycose (blastomycose sud-américaine) Les atteintes buccales sont dues à Paracoccidioides brasiliensis, micro-organisme se développant sous la forme d’une levure multibourgeonnante. Elles sont localisées en Amérique du Sud, et le mode de contamination n’est pas parfaitement connu (probablement aérien, observé chez des travailleurs agricoles malnutris).
Coccidioïdomycoses Elles sont dues à Coccidioides immitis, champignon dimorphique vivant à la surface des sols des régions désertiques du sudouest des États-Unis. La contamination se fait par inhalation d’arthrospores volatiles et virulentes (agriculteurs, ouvriers du bâtiment, archéologues).
■ Formes cliniques des candidoses buccales Elles sont variées, superficielles (cutanéomuqueuses) ou profondes, aiguës ou chroniques et plus ou moins sévères. [6, 7]
Candidoses aiguës Forme pseudomembraneuse ou « muguet » Le muguet s’annonce par une sensation de brûlure, de goût métallique ou de sécheresse buccale suivis de l’apparition de macules rouges réalisant une stomatite érythémateuse diffuse. La gencive est le plus souvent respectée. Puis apparaissent, vers le 2e ou 3e jour, des efflorescences blanchâtres plus ou moins épaisses, qui vont confluer (Fig. 1). Le raclage léger à l’abaisse-langue les détache facilement sans faire saigner la muqueuse. Cette forme peut être discrète ou Stomatologie
Figure 2. Glossite dépapillante diffuse.
diffuse avec, à des stades avancés, un feutrage pseudomembraneux de la cavité buccale. Dans la plupart des cas, les symptômes associés sont minimes. Dans les cas sévères, il existe des douleurs, des brûlures et une dysphagie. Cette forme est très sensible au traitement et guérit sans séquelles. Non traitée, elle guérit souvent, mais il existe un risque de passage à la chronicité et/ou d’extension. C’est la forme la plus fréquemment rencontrée, surtout chez les jeunes enfants et les personnes âgées. Elle affecte également les patients traités par radio- et/ou chimiothérapie pour leucémies et tumeurs solides. Elle est présente aussi chez les patients atteints de sida ou d’autres immunodéficiences. Cette forme est à différencier des autres lésions blanches de la muqueuse buccale. Il peut s’agir d’une lésion blanche héréditaire (white sponge naevus), d’un lichen plan, d’une leucoplasie souvent tabagique, voire d’un carcinome épidermoïde.
Forme aiguë atrophique Il s’agit d’une glossite dépapillante diffuse (Fig. 2) qui débute au niveau du sillon médian puis s’étend à toute la langue. Cette forme est souvent due à la prise d’antibiotiques à large spectre ou à l’association de plusieurs antibiotiques. Les signes cliniques sont plus marqués, car il existe de nombreuses érosions sur une intense inflammation.
3
22-045-M-10 ¶ Mycoses buccales
Figure 3.
Érythème sous-prothétique non candidosique.
Figure 5.
Figure 4. Glossite losangique médiane.
Candidoses chroniques Formes chroniques atrophiques Cette forme apparaît chez les personnes âgées porteuses de prothèses mobiles. Elle dépend de l’état de la muqueuse couverte par la prothèse. L’aspect clinique est une plage rouge vif dont la surface est veloutée ou cartonnée avec une légère kératinisation en surface. Dans les cas sévères, on peut voir des petites vésicules confluentes et des érosions. Il faut distinguer ces formes érythémateuses de candidose buccale des érythèmes sous plaques prothétiques par simple hyperpression (Fig. 3), souvent attribués, à tort, à une surinfection mycosique.
Image palatine en « miroir ».
Figure 6.
Perlèche candidosique.
Perlèche, ou chéilite angulaire Elle est observée au niveau de la commissure labiale. Sur le versant cutané, la peau est rouge, parfois fissurée (Fig. 6) et encroûtée. Elle se prolonge sur le versant rétrocommissural et la face interne de la joue. Elle peut être isolée ou associée aux autres formes de candidoses chroniques. En général, elle est bilatérale, tenace et récidivante. Parfois très importante, elle peut prendre un aspect verruqueux jusqu’à réaliser une véritable papillomatose simulant un épithélioma. Le diagnostic repose alors sur la biopsie. Parfois unilatérale, il peut s’agir d’une infection à streptocoques, à staphylocoques. Il faut également la différencier d’une dermite de contact, de syphilides commissurales.
Formes hyperplasiques (ou hypertrophiques) Glossite losangique médiane C’est une plage érythémateuse grossièrement losangique du dos de la langue (Fig. 4), en avant du V lingual, tranchant par sa coloration rouge sur le reste de la langue. Elle est lisse, plane ou mamelonnée. En regard de cette plage losangique médiane, on trouve une lésion palatine, en « miroir » (Fig. 5), faite de petites macules érythémateuses. Cette forme est généralement asymptomatique et de découverte fortuite lors d’un examen clinique de routine.
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Elles peuvent réaliser un aspect pseudotumoral : c’est le granulome moniliasique (Fig. 7). Elles se rencontrent n’importe où dans la cavité buccale, en particulier en pleine joue ou sur la langue. La biopsie permet de trancher en cas de doute (carcinome épidermoïde).
Langue noire villeuse (Fig. 8) C’est une forme particulière de glossite, due à une hypertrophie des papilles filiformes de la face dorsale de la langue, Stomatologie
Mycoses buccales ¶ 22-045-M-10
Figure 7.
Granulome moniliasique de la joue.
Figure 9. Mucormycose palatine.
• CMC à révélation tardive : c’est une candidose persistante et sévère de la muqueuse buccale, des ongles, de la peau et de la muqueuse vaginale.
■ Mycoses profondes de la cavité buccale Cryptococcose Cette mycose est fréquente chez les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Elle est responsable d’infections pulmonaires et de méningoencéphalite mettant en jeu le pronostic vital. Les lésions buccales sont rares, à type de papules ou nodules végétants, violacés, douloureux, pouvant se nécroser. Elles siègent sur les lèvres, les joues et les amygdales. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du champignon. Chez le patient VIH positif, la mise en évidence de l’antigène sérique (dans le liquide céphalorachidien ou dans les urines) est un signe précoce. Le traitement est urgent chez le patient VIH positif : amphotéricine B associée à la 5-fluorocytosine.
Mucormycose
Figure 8.
Langue noire villeuse.
prenant par oxydation de la kératine une teinte brune, voire noire. Elle est classée le plus souvent, à tort, dans les mycoses ; en effet, la recherche de Candida est le plus souvent négative et elle résiste aux traitements antifongiques classiques. La culture mycologique retrouve parfois Candida geotrichum, sans que son rôle pathogène dans la survenue des langues noires puisse être affirmé.
Formes cutanéomuqueuses chroniques (CMC) Elles sont rarissimes. Ce sont des maladies liées à un déficit immunitaire spécifique vis-à-vis de Candida. • CMC familiale : elle semble de transmission autosomale récessive avec des lésions extrabuccales associées ainsi qu’une carence martiale. • CMC diffuse : cette forme est localisée à la partie supérieure du thorax jusqu’au cuir chevelu. C’est une candidose persistante de la muqueuse buccale qui résiste souvent aux traitements standards. Les rémissions sont temporaires. • Syndrome candidose-endocrinopathie associée : hypoparathyroïdie, maladie d’Addison parfois hypothyroïdie, diabète insipide avec une candidose orale discrète. Stomatologie
C’est une infection fongique touchant essentiellement des patients immunodéprimés ou diabétiques mal équilibrés. La porte d’entrée est respiratoire, par inhalation de spores. Les hyphes prolifèrent dans la paroi des artères et des veines entraînant des thromboses vasculaires, provoquant des infarctus, des lésions d’artérite et des phénomènes de nécrose. La maladie débute habituellement au niveau de la cavité nasale puis s’étend aux cavités sinusiennes puis orbitaires. L’extension cérébrale est de mauvais pronostic (méningoencéphalite, abcès, thromboses, hypertension intracrânienne). À partir de l’atteinte nasale, l’extension peut également se faire en bas vers le palais osseux. C’est d’abord un œdème de la muqueuse secondairement érosif suivi d’une ulcération nécrotique d’origine ischémique (Fig. 9). Cette atteinte fongique peut s’étendre aux structures voisines par contiguïté : gencives, langue, lèvres, mandibule.
Aspergillose nasosinusienne Localisée le plus souvent dans le sinus maxillaire, elle est en majorité d’étiologie dentaire : granulome apical, suite d’extraction dentaire, communication buccosinusienne et surtout dépassement apical de pâte. L’oxyde de zinc utilisé dans les pâtes d’obturation favoriserait la croissance du champignon : Aspergillus fumigatus. La sinusite peut être aiguë ou chronique, se manifestant par une fièvre associée ou non à des signes de sinusite ou de rhinite chronique. Les symptômes unilatéraux et des douleurs chroniques font évoquer le diagnostic. Des lésions cutanées nasales ou en regard du sinus maxillaire sont possibles. L’atteinte infectieuse peut s’étendre vers les structures de voisinage (œil,
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22-045-M-10 ¶ Mycoses buccales
Figure 10.
Aspergillose sinusienne (collection professeur Ragot).
cerveau) et devient alors de très mauvais pronostic. Dans certains cas, la découverte radiologique est fortuite. La radiographie des sinus permet une première approche diagnostique visualisant, soit une opacité unilatérale d’un sinus, soit un corps étranger intrasinusien d’allure métallique (Fig. 10), soit des microcalcifications. Sur un orthopantomogramme dentaire, un dépassement apical peut être objectivé au niveau d’une dent « sinusienne ». La tomodensitométrie va apporter des précisions : présence d’un corps étranger ou de microcalcifications, aspect hétérogène des opacités intrasinusiennes, comblement partiel ou total d’un sinus. Pour certains auteurs, la présence d’un corps étranger d’origine dentaire est évocatrice d’une sinusite caséeuse souvent fongique. L’examen anatomopathologique est systématique, effectué sur la masse caséeuse ou sur la muqueuse infectée. Les colorations spéciales (acide périodique Schiff [PAS], Gomori-Grocott) visualisent les filaments mycéliens et permettent parfois d’identifier le champignon sur la présence de têtes aspergillaires. L’examen mycologique visualise les filaments mycéliens sur l’examen direct ; la culture, inconstamment positive, permet l’identification formelle du champignon.
déficit immunitaire dans le cadre d’infections nosocomiales souvent à partir d’un cathéter intravasculaire (grands brûlés, aplasie médullaire prolongée, chirurgie digestive{). Le tableau est celui d’un syndrome septique, cliniquement non spécifique, dont le taux de mortalité, par défaillance multiviscérale, est élevé.
Paracoccidioïdomycose (blastomycose sud-américaine) L’infection peut se présenter sous trois formes cliniques : forme pulmonaire asymptomatique, forme aiguë ou subaiguë (altération de l’état général, adénopathies, foyer pulmonaire), forme chronique (oro-cutanéo-pulmonaire). Les lésions buccales siègent sur les gencives, les lèvres, le palais et la langue. Ce sont des ulcérations douloureuses et des lésions papulaires, nodulaires ou verruqueuses. Les adénopathies sont fréquentes, des atteintes osseuses sont possibles. Le diagnostic est mycologique avec la mise en évidence de levures multibourgeonnantes à l’examen direct ; la culture est longue (2 à 3 semaines). L’examen anatomopathologique met en évidence le champignon.
Histoplasmose Il s’agit d’une mycose systémique granulomateuse et suppurative due à Histoplasma capsulatum, champignon tellurique répandu dans l’est et le centre des États-Unis (Mississippi, Grands Lacs) et dans les régions tropicales du globe. La primoinfection pulmonaire est souvent asymptomatique (à différencier de la tuberculose). L’infection généralisée, fréquente chez les immunodéprimés, se traduit cliniquement au niveau de la muqueuse buccale par des ulcérations persistantes non spécifiques (un tiers des cas) accompagnées d’adénopathies satellites, avec ou sans atteinte pulmonaire. Les lésions peuvent s’étendre dans le larynx. Le diagnostic est mycologique à la recherche de levures ovoïdes intracellulaires de très petite taille à l’examen direct ; la culture peut être lente (2 à 4 semaines) et ne doit pas retarder la mise en route d’un traitement. Les examens immunologiques peuvent permettre le diagnostic : immunodiffusion, test cutané et sérologie (apparition des anticorps sériques après 4 à 8 semaines).
Coccidioïdomycose Elle évolue en deux phases. La phase primaire est pulmonaire d’allure pseudogrippale et guérit spontanément sans séquelles en 2 à 3 semaines. Elle passe souvent inaperçue (60 % des cas). L’évolution vers une phase secondaire correspond soit à une forme pulmonaire résiduelle, soit à une dissémination systémique favorisée par un état d’immunosuppression sous-jacent ou une prédisposition génétique. Les manifestations cutanées sont quasiment constantes et souvent faciales dans la région nasolabiale. Elles sont polymorphes, à type de papules verruqueuses, pustules, ulcérations, et parfois d’érythème polymorphe. Le diagnostic est souvent rétrospectif : calcifications pulmonaires, intradermoréaction à la coccidioïdine.
Candidoses systémiques
■ Diagnostic positif des mycoses buccales
Candida albicans est la principale espèce responsable d’infection fongique profonde. La dissémination hématogène est favorisée par l’immunodépression, mais peut survenir sans
Le diagnostic repose sur un examen mycologique spécifique avec la mise en évidence du champignon et la reconnaissance de l’espèce. Il nécessite un prélèvement mycologique.
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Stomatologie
Mycoses buccales ¶ 22-045-M-10
Figure 11. Filaments et spores de Candida albicans à l’examen direct d’un frottis après coloration à l’acide périodique Schiff.
Figure 12. Filaments et spores dans la couche cornée d’un épithélium sur une coupe histologique.
Méthodes de prélèvement
espèces occasionnellement pathogènes : Candida tropicalis, Candida pseudotropicalis, Candida guillermondii, Candida krusei, Candida glabrata, Candida parapsilosis{
Au niveau de la cavité buccale, un écouvillonnage des lésions est le plus souvent suffisant. Deux écouvillons sont nécessaires : l’un permet un frottis pour l’examen direct, l’autre est mis en culture sur milieu de Sabouraud. Une suspicion de mycose profonde doit faire réaliser une biopsie des lésions ; la moitié du prélèvement n’est pas fixée pour analyse mycologique et l’autre moitié est fixée pour étude anatomopathologique. La demande d’examen doit préciser les éléments cliniques et épidémiologiques, notamment en cas de suspicion de mycose exotique.
Diagnostic de laboratoire Il repose sur la recherche d’éléments fongiques dans les lésions, par l’examen direct du prélèvement, et par l’isolement de Candida en culture suivi de l’identification de l’espèce.
Examen direct Les prélèvements sont examinés au microscope à l’état frais entre lame et lamelle sur frottis colorés au Gram ou Gridley (May-Grünwald Giemsa) dans la potasse à 10 %. Candida apparaît sous forme de levures, petites cellules isolées de 2 à 4 µm, ovales, bourgeonnantes, à parois minces, plus ou moins accompagnées de filaments mycéliens (Fig. 11). Cryptococcus apparaît comme une levure ronde encapsulée non filamenteuse et Aspergillus comme un filament pouvant être accompagné de spores mais ne bourgeonnant pas.
Culture Les produits sont ensemencés sur deux milieux de culture en tube : milieu gélose-glucose de Sabouraud enrichi en chloramphénicol éliminant les contaminants bactériens, et milieu gélose-glucose de Sabouraud enrichi en actidione qui inhibe ou retarde le développement de levures saprophytes de la peau. L’isolement de la levure se fait en 24 à 48 heures.
Identification Elle se fait par le test de blastèse ou test de filamentation des levures. La culture en milieu pomme de terre-carotte-bile (PCB) est spécifique de Candida albicans par la formation de chlamydospores caractéristiques, terminales ou latérales, rondes ou ovales, à parois épaisses de 6 à 12 µm de diamètre. Le procédé de Taschdjian est basé sur la formation de filaments dans le sérum (quelques gouttes d’une suspension de levures dans 0,5 ml de sérum humain sont incubées de 2 à 4 heures à 37 °C ; seul Candida albicans filamente dans le sérum). Les autres levures sont étudiées par test d’assimilation des sucres ou fermentation des sucres, qui permet d’identifier des Stomatologie
Examen anatomopathologique des coupes histologiques Il ne permet pas d’identifier le genre en cause, sauf dans quelques cas (Aspergillus sans en préciser l’espèce, mucormycose). Les coupes sont colorées par l’hématéine-éosine-safran (HES), le PAS, ou selon Gomori-Grocott (imprégnation argentique). Les formes aiguës sont caractérisées par un épithélium hyperplasique avec parakératose, un infiltrat de polynucléaires avec présence de filaments mycéliens, un infiltrat inflammatoire du chorion (Fig. 12). Dans les formes chroniques, la parakératose est importante avec microabcès ; les filaments sont plus rares. Dans les formes granulomateuses, l’infiltrat inflammatoire est de type chronique avec cellules géantes et histiocytes. L’étude histologique permet de distinguer selon leur morphologie des levures (cryptocoques), des levures et pseudofilaments (Candida), et des filaments mycéliens (champignons filamenteux). Dans la mucormycose, le diagnostic repose sur l’examen histologique, d’une part parce que les lésions sont spécifiques, d’autre part parce que la culture de ce champignon est difficile. On retrouve des filaments courts, très larges, non cloisonnés et ramifiés à angles droits. Les hyphes envahissent la paroi des vaisseaux, avec thromboses vasculaires et infarctus tissulaire.
Interprétation des résultats Le diagnostic de mycose buccale repose sur la confrontation des données cliniques et paracliniques. Il faut rester critique sur les résultats des cultures en raison de la présence saprophyte de Candida sur les muqueuses buccales. [8] La quantification des colonies sur la culture peut aider à la décision thérapeutique. En dessous de 30 colonies, on peut considérer la présence de Candida comme « normale » à l’état saprophyte de la cavité buccale. Au-dessus de 30, on s’accorde à reconnaître une mycose buccale qu’il faut traiter. Certains résultats mentionnent « nombreuses colonies », ce qui correspond à un comptage de plus de 100 colonies. Le diagnostic des mycoses profondes nécessite des techniques d’identification plus poussées (immunofluorescence, intradermoréaction, etc.).
■ Traitement des mycoses buccales Le traitement des candidoses buccales est envisagé en présence d’une symptomatologie évocatrice confirmée par la présence de plus de 30 colonies à l’examen mycologique qui précisera également l’espèce en cause. L’étude de la sensibilité
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22-045-M-10 ¶ Mycoses buccales
des souches isolées grâce à un antifongigramme [9] n’est pas de pratique courante et n’a pas actuellement d’indication pour les candidoses cutanéomuqueuses ; de plus, la sensibilité in vitro n’est pas toujours corrélée à la sensibilité in vivo et ne préjuge pas du résultat thérapeutique. [10] Une méthode, commercialisée et réalisable par les laboratoires (E test), consiste à déterminer, grâce à la diffusion sur une bandelette imprégnée d’un gradient de l’antifongique, une concentration minimale inhibitrice (CMI) sur la souche isolée. Pour certains champignons, l’antifongigramme doit être effectué par la technique de National Committee for Clinical Laboratory Standards (NCCLS), en centre spécialisé. [11, 12] Elle peut être envisagée dans certaines situations : septicémie à Candida, mycose profonde et durable, mycoses récidivantes au cours du sida, échec des traitements. Pour les candidoses buccales, la détermination de l’espèce oriente déjà le choix de l’antifongique en se basant sur l’expérience clinique. Le traitement doit également tenir compte des éventuels traitements antérieurs, de l’espèce de Candida, de l’état général du patient et des autres traitements en cours. La plupart des mycoses buccales cosmopolites traitées ont un pronostic favorable. Le traitement est curatif, mais il doit également être préventif quand le terrain fait craindre des récidives.
Antifongiques Deux familles sont principalement utilisées pour traiter les mycoses buccales : les polyènes (agissant sur la perméabilité membranaire) et les dérivés azolés.
Polyènes Ce sont des molécules issues des actinomycètes. • Amphotéricine B (Fungizone®) : administrée per os, elle ne traverse pas la muqueuse digestive et a une action topique. Son spectre antifongique est large, comprenant les levures, les champignons filamenteux et les champignons dimorphiques (gallis). Elle est utilisée par voie intraveineuse pour traiter les mycoses systémiques ou profondes, sa toxicité est alors rénale. • Nystatine (Mycostatine®) : cet antifongique a une absorption digestive quasi nulle, ce qui en fait un traitement de choix pour les mycoses buccales pouvant être étendues au restant du tube digestif. • Ampholiposomes (Ambisome®) : utilisés par voie intraveineuse, ils sont devenus les traitements de première intention dans les mycoses profondes (aspergillose, cryptococcose, mucormycose) en raison de sa moindre toxicité rénale.
• L’itraconazole (Sporanox ® ) est utilisé en France per os, essentiellement en relais après l’amphotéricine B intraveineuse dans certaines mycoses exotiques (histoplasmose{). Il est contre-indiqué au cours de la grossesse et de l’allaitement, et présente de nombreuses interférences médicamenteuses (antihistaminiques, ciclosporine, digoxine, rifampicine{.). Il n’a actuellement pas d’indication pour traiter les candidoses buccales. Fluoropyrimidines Le 5-fluorocytosine (Ancotil®), peu actif sur Candida, n’a pas d’indication au cours des mycoses buccales.
Traitement curatif Mycoses oropharyngées Le traitement des mycoses oropharyngées du patient immunocompétent est d’abord local. Il peut être débuté sous forme de bains de bouche composés (Éludril ® 90 ml, Fungizone ® 60 ml, eau bicarbonatée à 14 ‰ 500 ml), quand l’examen clinique n’est pas conclusif ou en attendant les résultats du prélèvement mycologique. Cette préparation magistrale est très bien tolérée et améliore le confort buccal, mais elle présente l’inconvénient d’être instable et doit être conservée au frais (réfrigérateur). Si la mycose est cliniquement évidente, le traitement antifongique peut être débuté d’emblée sans attendre les résultats des prélèvements. Il repose sur l’utilisation topique d’amphotéricine B, [13] de nystatine ou de miconazole. Dans les formes sévères par l’importance des lésions, chez les patients immunodéprimés ou après échecs répétés des traitements locaux, le traitement est systémique. Les résultats du traitement se jugent sur la diminution ou la disparition des signes cliniques. Un prélèvement de contrôle peut être effectué 1 mois après le début du traitement. Il faut éviter les traitements au long cours parfois prescrits à titre préventif, car ils pourraient induire des résistances.
Mycoses profondes Le traitement des mycoses profondes doit être adapté à chaque champignon. Histoplasmose Le traitement repose sur l’amphotéricine B par voie intraveineuse, le kétoconazole et plus récemment sur l’itraconazole. Paracoccidioïdomycose Le traitement est médical : soit sulfamides-triméthoprime (Bactrim®), soit amphotéricine B ou itraconazole pendant 1 an. Les formes frustes sont traitées par kétoconazole.
Dérivés azolés
Coccidioïdomycose
Ce sont des molécules synthétiques, utilisées en applications locales ou par voie systémique ; elles trouvent leurs indications aussi bien dans les mycoses superficielles que profondes.
Le traitement est médical : amphotéricine B par voie intraveineuse pendant 2 semaines puis itraconazole per os pendant 6 semaines.
Imidazolés
Aspergillose nasosinusienne
• Le miconazole (Daktarin®) en applications topiques buccales est une alternative aux polyènes. • Le kétoconazole (Nizoral®) a été le premier dérivé azolé actif par voie systémique, réservé aux mycoses buccales sévères ou résistant aux autres thérapeutiques. Il est hépatotoxique et contre-indiqué pendant la grossesse et l’allaitement. Depuis la découverte de molécules moins toxiques, son indication dans les mycoses buccales n’existe plus.
Le traitement est exclusivement chirurgical et ne nécessite pas d’association d’antifongiques locaux ou généraux. La chirurgie (voie endobuccale ou endoscopique) doit permettre un nettoyage complet des secrétions fongiques avec conservation de la muqueuse sinusienne.
Triazolés • Le fluconazole (Triflucan®) utilisé par voie orale ou systémique est très actif sur la plupart des levures, notamment Candida albicans, sauf Candida krusei naturellement résistant et Candida glabrata moins sensible. Il est contre-indiqué au cours de la grossesse et de l’allaitement. Il interfère avec les médicaments : anticoagulants, diurétiques, ciclosporine, digoxine, rifampicine, théophylline{
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Mucormycose Le traitement doit être le plus précoce possible. Il est à la fois médical : rééquilibration d’un diabète, amphotéricine B liposomal (Ambisome®) par voie intraveineuse, et chirurgical : exérèse large des tissus nécrotiques.
Traitement préventif Il doit être envisagé à chaque fois que les conditions locales ou générales favorables à la survenue d’une mycose buccale ne peuvent être modifiées. Il vise à corriger les facteurs de risque, Stomatologie
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et repose essentiellement sur des conseils hygiénodiététiques : conseiller par exemple de retirer les prothèses dentaires mobiles et de les laisser en contact avec une solution antifongique, améliorer une sécheresse buccale, rincer la bouche avec des solutions alcalines (bicarbonatées){ La prévention des récidives de mycoses buccales chez le patient immunodéprimé, notamment par la prescription de fluconazole au long cours, pose la question de la sélection de souches résistantes. [14]
[7] [8] [9]
[10]
■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6]
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Szpirglas H, Ben Slama L. Pathologie de la muqueuse buccale. Paris: Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS; 1999 308p. Cannon RD, Holmes AR, Mason AB, Monk BC. Oral Candida: clearance, colonization, or candidiasis? J Dent Res 1995;74:1152-61. Giuliana G, Pizzo G, Milici ME, Giangreco R. In vitro activities of antimicrobial agents against Candida species. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1999;87:44-9. Rex JH, Pfaller MA, Galgiani JN, Bartlett MS, Espinel-Ingroff A, Ghannoum MA, et al. Development of interpretive breakpoints for antifungal susceptibility testing: conceptual framework and analysis of in vitro-in vivo correlation data for fluconazole, itraconazole, and Candida infections. Subcommittee on Antifungal Susceptibility Testing of the National Committee for Clinical Laboratory Standards. Clin Infect Dis 1997;24:235-47. Colombo AL, Barchiesi F, McGough DA, Rinaldi MG. Comparison of etest and national committee for clinical laboratory standards broth macrodilution method for azole antifungal susceptibility testing. J Clin Microbiol 1995;33:535-40. Rex JH, Pfaller MA, Walsh TJ, Chaturvedi V, Espinel-Ingroff A, Ghannoum MA, et al. Antifungal susceptibility testing: practical aspects and current challenges. Clin Microbiol Rev 2001;14:643-58. Gallis HA, Drew RH, Pickard WW. Amphotericin B: 30 years of clinical experience. Rev Infect Dis 1990;12:308-29. Barchiesi F, Morbiducci V, Ancarani F, Scalise G. Emergence of oropharyngeal candidiasis caused by non-albicans species of Candida in HIV-infected patients. Eur J Epidemiol 1993;9:455-6.
S. Agbo-Godeau* ([email protected]). A. Guedj. Département de pathologie de la muqueuse buccale, service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, Professeur J.-Ch. Bertrand, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Agbo-Godeau S, Guedj A. Mycoses buccales. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-045-M-10, 2005.
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Stomatites bactériennes « non spécifiques » É. Piette, P. Mahy Dans la littérature française traditionnelle, il est classique de faire une distinction entre des stomatites bactériennes dites « non spécifiques », dues à des germes de la flore buccale, et des stomatites dites « spécifiques », plus rares, dues à des germes exogènes bien définis, responsables d’affections qui ont souvent un impact général et des manifestations plus ou moins importantes au niveau buccal. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Stomatites non spécifiques ; Description des stomatites non spécifiques
Plan ¶ Introduction
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¶ Flore buccale normale et pouvoir pathogène
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¶ Gingivites et parodontites « non spécifiques » Gingivites aiguës Gingivites érythémateuses chroniques Gingivites ulcéronécrotiques Autres types de gingivites Parodontites d’origine bactérienne
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■ Introduction Les stomatites dites « non spécifiques », fréquentes et banales, sont directement liées au mauvais état de la denture et du parodonte, ce qui explique leur localisation essentiellement mais non exclusivement gingivale, que d’autres facteurs locaux, voire généraux, peuvent négativement influencer, soit lors de leur apparition, soit lors de leur extension. Les agressions buccales par des germes des dents ou du parodonte sont évidemment favorisées par le mauvais entretien de la cavité buccale. Des facteurs locaux et généraux (diabète, hypothyroïdie, immunodépression, hémopathies, etc.) interviennent également dans l’entretien et l’aggravation de ces infections dont le point de départ est surtout parodontal. Ce sont donc surtout des « gingivites » ou « gingivostomatites » qui sont décrites ici, alors que le chapitre traitant des lésions dues à des bactéries dites « spécifiques » traite plutôt de « stomatites » au sens large. Il faut aussi souligner ici qu’il est probable que des lésions gingivales ou buccales existantes ont, dans nombre de cas, favorisé, voire aggravé, la traduction clinique de lésions bactériennes « spécifiques », par surinfection. Par ailleurs, il est aussi historiquement probable que des lésions buccales préexistantes ont été incorporées dans les tableaux cliniques offerts par lesdites stomatites « spécifiques ». La cavité buccale comporte, dans des conditions normales, de très nombreux micro-organismes saprophytes, bactéries, levures (Candida) et protozoaires (Entamoeba gingivalis, Trichomonas tenax) dont certains sont d’ailleurs utiles. Les bactéries sont présentes en bouche de la naissance à la mort. Elles colonisent les gencives, les muqueuses et la langue mais aussi, quand les dents apparaissent, les zones sus- et sous-gingivales. Stomatologie
Environ 300 à 400 différentes espèces de bactéries sont capables de coloniser la cavité buccale. Les gingivites et stomatites non spécifiques consistent en une infection chronique polymicrobienne. [1] Néanmoins, le nombre d’espèces bactériennes capables de déclencher une gingivite ou une gingivostomatite destructrice semble réduit à 10-30 espèces. [2] Il est maintenant reconnu que ces bactéries jouent un rôle majeur dans l’initiation des mécanismes destructeurs du parodonte et autres tissus buccaux. [3, 4] Récemment, et sans doute de manière anecdotique, le rôle d’autres facteurs infectieux (comme le Cytomégalovirus) a été évoqué. [5] La taxonomie détaillée des bactéries est reprise dans les différents volumes du Bergey’s manual of determinative bacteriology. [6] Les germes qui nous occupent ici sont des bactéries aérobies strictes ou facultatives, et des bactéries anaérobies, germes dont le nombre dépend du cycle nycthéméral, du lieu de prélèvement, du débit et du pH salivaire, de l’état de la denture, de l’hygiène buccale, du degré d’évolution de la dentition (la présence de dents augmente d’ailleurs la complexité des relations hôte-bactéries), et de l’existence éventuelle d’une prothèse. Leur pouvoir pathogène, local ou général, dépend non seulement de leur virulence mais aussi de la production de toxines, d’enzymes, de produits de dégradation ou de produits de sensibilisation. [1]
■ Flore buccale normale et pouvoir pathogène La majorité des espèces bactériennes isolées de la cavité buccale appartiennent à six des dix phyla bactériens : [7] phylum 1 (Proteobacteria avec nombre de bactéries à Gram négatif), phylum 2 (bactéries à Gram positif : première grande subdivision avec Fusobacterium et Leptotrichia ; deuxième subdivision avec Selenomonas, Centipeda, Mitsuokella et Veillonella, subdivision à taux bas de guanine-cytosine [Clostridium, Eubacterium, Bacillus, Staphylococcus, Lactobacillus, Atopobium, Streptococcus, Gemella, Mycoplasma, Peptostreptococcus, Rothia], subdivision à taux hauts de guanine-cytosine [genres Bifidobacterium, Actinomyces, Micrococcus, Stomatococcus, Corynebacterium]), phylum 5 (spirochètes : Treponema et apparentés, Spirochaeta, Borrelia, Brevinama, Serpulina hyodysenteriae et apparentés, Leptospira/ Leptonema) et phylum 6 (groupe Flavobacter [Capnocytophaga]Bacteroides [Bacteroides, Prevotella, Porphyromonas]). Les bactéries communément impliquées dans l’écologie de la cavité buccale
1
22-045-A-10 ¶ Stomatites bactériennes « non spécifiques »
Tableau 1. Espèces microbiennes retrouvées dans le parodonte sain et pathologique, d’après [8]. Parodonte sain
Parodontite juvénile
Streptococcus sanguis
Actinobacillus actinomycetemcomitans
Streptococcus mitis
Autres espèces bactériennes à préciser
Veillonella parvula
Parodontite rapidement évolutive
Actinomyces viscosus
Actinobacillus actinomycetemcomitans
Rothia dentocariosa
Porphyromonas gingivalis
Gingivite
Bacteroides forsythus
Actinomyces sp.
Campylobacter rectus
Streptococcus sp.
Eikenella corrodens
Veillonella sp.
Parodontite réfractaire
Fusobacterium sp.
Actinobacillus actinomycetemcomitans
Treponema sp.
Porphyromonas gingivalis
Prevotella intermedia
Prevotella intermedia
Parodontite de l’adulte
Bacteroides forsythus
Treponema sp.
Campylobacter rectus
Prevotella intermedia
Peptostreptococcus micros
Porphyromonas gingivalis
Bâtonnets entériques
Bacteroides forsythus
Candida sp.
Peptostreptococcus micros Campylobacter rectus Actinobacillus actinomycetemcomitans Eikenella corrodens Fusobacterium sp. Selenomonas sp. Eubacterium sp.
saine ou pathologique (plaque, gingivite) sont reprises dans le Tableau 1. Dans le genre Eikenella (bactéries à Gram négatif, division b des Proteobacteria), c’est Eikenella corrodens, une bactérie facultativement anaérobie, qui colonise la cavité buccale et l’intestin et qui est cliniquement pathogène. Dans le genre Actinobacillus (division c des Proteobacteria), Actinobacillus actinomycetemcomitans, un petit bâtonnet à Gram négatif immobile, est le germe le plus suspect d’être responsable de la parodontite juvénile, de la parodontite rapidement évolutive (destructrice) de l’adulte et de certains cas de syndromes de Papillon-Lefèvre. Plusieurs Haemophilus sp. du genre Haemophilus (division c des Proteobacteria) ont pu être isolés d’échantillons buccaux. Haemophilus aphrophilus, Haemophilus paraphrophilus et Haemophilus segnis sont les espèces les plus importantes à coloniser les sites sousgingivaux. Plusieurs espèces de Campylobacter, du genre Campylobacter (division E des Proteobacteria), colonisent la cavité buccale et les intestins. Les Campylobacter sp. buccaux comprennent Campylobacter rectus (canaux radiculaires symptomatiques, gingivites, parodontites actives), Campylobacter concisus (sulcus gingival), Campylobacter curvus, Campylobacter sputorum, le nouveau Campylobacter showae, et finalement Bacteroides gracilis (poches parodontales, caries radiculaires, infections extraorales). Bacteroides ureolyticus est rarement retrouvé dans des prélèvements buccaux et pourrait être reclassifié dans un genre différent. [7] Les bactéries à Gram positif du phylum 2 sont subdivisées en quatre groupes phylogénétiques. Les Fusobacterium sp., organismes immobiles du genre Fusobacterium, colonisent la cavité buccale et sont impliqués dans des infections extraorales. Ils sont surtout représentés par Fusobacterium nucleatum (avec maintenant quatre sous-espèces, Fusobacterium nucleatum subsp. nucleatum, polymorphum, vincentii et fusiforme), mais aussi par Fusobacterium periodonticum, Fusobacterium alocis et Fusobacterium sulci. Leptotrichia buccalis, la seule espèce du genre Leptotrichia, est retrouvé à taux bas dans la plaque dentaire, mais peut être cliniquement pathogène. Les genres Selenomonas, Centipeda, Mitsuokella et Veillonella constituent un groupe phylogénétique cohérent (présence de cadavérine et de putrescine dans leur paroi), anaérobie, malgré
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leur diversité morphologique. [7] Les Selenomonas sp. colonisent la plaque sous-gingivale humaine. Selenomonas sputigena est impliquée dans des formes agressives d’atteinte parodontale. Selenomonas flueggei a été retrouvée dans les poches parodontales. Selenomonas infelix a été isolée de parodontites et Selenomonas artemidis de gingivites et parodontites. Le genre Centipeda n’a qu’une espèce, Centipeda periodontii qui devrait être reclassé dans le genre Selenomonas. Le genre Mitsuokella regroupe deux espèces, Mitsuokella dentalis (isolée de poches parodontales et de canaux dentaires radiculaires) et Mitsuokella multiacidus. Le genre Veillonella possède trois espèces retrouvées dans la cavité buccale, Veillonella parvula, Veillonella atypica et Veillonella dispar. Le genre Clostridium n’est pas considéré comme faisant partie de la flore buccale normale. Néanmoins, certaines espèces comme Clostridium malenominatum, Clostridium ramosum et Clostridium sporogenes, ont été identifiées dans la plaque sousgingivale de sujets atteints d’affection parodontale agressive. D’autres espèces comme Clostridium hastiforme, Clostridium histolyticum et Clostridium subterminale ont aussi été identifiées dans la plaque. Huit espèces du genre Eubacterium ont été isolées dans la plaque dentaire humaine. Les espèces Eubacterium brachy, Eubacterium nodatum, Eubacterium saburreum et Eubacterium timidum ont été identifiées dans des poches parodontales et la plaque sus-gingivale de sujets ayant une atteinte parodontale. Eubacterium alactolyticum colonise la plaque dentaire, le tartre, les poches parodontales et les canaux radiculaires des dents. L’espèce récemment identifiée Eubacterium saphenum a été trouvée dans la plaque sous-gingivale de poches parodontales. Eubacterium yurii (avec ses sous-espèces yurii, margaretiae et schtitka) a aussi été identifiée dans des poches parodontales. [7] Le genre Bacillus n’est pas considéré comme faisant partie de la flore buccale normale, bien que Bacillus cereus ait été régulièrement isolé dans la plaque dentaire. [7] Le genre Staphylococcus n’est qu’occasionnellement impliqué dans les infections buccales. L’espèce la plus pathogène, Staphylococcus aureus, colonise surtout le nasopharynx. Staphylococcus epidermidis est un germe de la peau qui est cependant régulièrement retrouvé dans les échantillons de salive. Les autres espèces occasionnellement retrouvées dans la plaque de sujets présentant une gingivite, une parodontite juvénile, un abcès parodontal ou une infection endodontique sont Staphylococcus capitis, Staphylococcus haemolyticus, Staphylococcus hominis, Staphylococcus saprophyticus, Staphylococcus simulans, Staphylococcus warneri et Staphylococcus xylosus. [7] Le genre Lactobacillus a été impliqué dans la genèse des caries dentaires en raison de l’importante production d’acide lactique (acidogenèse) par les Lactobacillus sp. Plus récemment, leur rôle potentiel dans la maladie parodontale a été discuté. Les espèces retrouvées dans la cavité buccale sont Lactobacillus oris, Lactobacillus plantarum et Lactobacillus salivarius, plus rarement Lactobacillus acidophilus, Lactobacillus grasseri, Lactobacillus casei et Lactobacillus fermentum. Les espèces nouvelles Lactobacillus rimae (à classer dans le nouveau genre Atopobium) et Lactobacillus uli ont été isolées du sulcus gingival humain et de poches parodontales. [7] Les streptocoques, également commensaux de la peau et des muqueuses, appartiennent au genre Streptococcus et regroupent plus de 30 espèces. [9] Les espèces pathogènes les plus importantes sont le Streptococcus pyogenes (streptocoque du groupe A), Streptococcus agalactiae (streptocoque du groupe B) et Streptococcus pneumoniae (pneumocoque). Le pouvoir hémolytique est étudié par culture sur gélose au sang (de mouton). Sont ainsi définis le groupe b-hémolytique, le groupe a-hémolytique ou viridans (en fonction de la coloration verdâtre de la culture), partiellement hémolytique, et enfin le groupe c non hémolytique. L’autre classification est celle de Lancefield qui définit 20 groupes, les groupes A à H et K à T, en fonction des propriétés antigéniques des polysaccharides de la capsule. Seuls les sérogroupes A, B, C, D et G ont un réel pouvoir pathogène chez l’homme. Les streptocoques viridans les plus communs chez l’homme sont Streptococcus mutans, Streptococcus sangui, Streptococcus mitis, Streptococcus oralis, Streptococcus sobrinus et Streptococcus gordonii. [9] Les streptocoques buccaux sont classés en Stomatologie
Stomatites bactériennes « non spécifiques » ¶ 22-045-A-10
quatre groupes : [7] les groupes Streptococcus oralis, Streptococcus intermedius, Streptococcus mutans et Streptococcus salivarius. Le groupe Streptococcus oralis inclut les bactéries Streptococcus sanguis (plaque dentaire surtout, intestin, endocardite), Streptococcus crista (espèce nouvelle), Streptococcus gordonii (plaque dentaire, endocardite), Streptococcus oralis (oropharynx, intestin, endocardite) et Streptococcus mitis (oropharynx, intestin, endocardite). [9] Le groupe Streptococcus intermedius inclut les bactéries Streptococcus intermedius (oropharynx, abcès périapicaux), Streptococcus anginosus (oropharynx, abcès périapicaux) et Streptococcus constellatus (oropharynx, infections purulentes) reprises à tort taxonomiquement sous le nom « Streptococcus milleri ». Le groupe Streptococcus mutans, primordial dans la pathogenèse de la carie dentaire, inclut Streptococcus mutans (carie dentaire, plaque dentaire, endocardite) et les espèces proches Streptococcus sobrinus (carie dentaire, plaque dentaire, endocardite), Streptococcus rattus, Streptococcus cricetus et Streptococcus ferus. Le groupe Streptococcus salivarius inclut les bactéries Streptococcus salivarius (qui colonise la cavité buccale humaine et est trouvée sur la langue et dans la salive), Streptococcus vestibularis (qui colonise spécifiquement le vestibule buccal humain) et Streptococcus thermophilus, bactéries très proches l’une de l’autre mais éloignées des autres streptocoques buccaux. Sont aussi trouvés, entre autres, dans l’oropharynx et responsables d’endocardite, Streptococcus adjacens et Streptococcus defectivus. [9] Enfin, tout comme Streptococcus crista, la bactérie Streptococcus parasanguis est une nouvelle espèce de l’oropharynx. Le genre Gemella regroupe des espèces qui, chez l’homme, colonisent la cavité buccale, les sécrétions bronchiques et le milieu intestinal. La bactérie Gemella haemolysans a été isolée dans la bouche et les bronches, alors que Gemella morbillorum est trouvée dans l’intestin. [7] Le genre Mycoplasma (famille des Mollicutes) possède beaucoup d’espèces qui colonisent les membranes muqueuses humaines. Mycoplasma salivarium, Mycoplasma orale et Mycoplasma buccale ont été isolées du sulcus gingival et de la salive de patients atteints de maladie parodontale ou autre, y compris de patients séropositifs pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). [10] Le genre Peptostreptococcus regroupe des espèces commensales de l’homme. L’espèce importante dans la maladie parodontale est Peptostreptococcus micros, la plus fréquemment isolée dans la plaque sous-gingivale. Également associée avec la gingivite et la parodontite est Peptostreptococcus anaerobius, et seulement occasionnellement Peptostreptococcus magnus et Peptostreptococcus prevotii dont l’habitat est ailleurs. [7] Le genre Rothia n’a qu’une espèce qui colonise la plaque susgingivale et qui est retrouvée dans la salive, Rothia dentocariosa. Le genre Bifidobacterium comprend des espèces colonisant essentiellement l’intestin. Néanmoins, la bactérie Bifidobacterium dentium a été isolée de la carie dentaire, de la plaque sousgingivale et des poches parodontales. Le genre Propionibacterium possède un petit groupe de bactéries cutanées qui peuvent être isolées des plaques sus- et sousgingivales, de l’intestin et des plaies infectées et abcédées : ce sont Propionibacterium acnes (infections endodontiques, poches parodontales, parodontites), Propionibacterium avidum (plaque dentaire) et Propionibacterium propionicus (plaque dentaire). [7] Le genre Actinomyces groupe des espèces dont le site majeur de colonisation est la cavité buccale. Sept espèces d’Actinomyces ont été isolées dans la plaque sus- et sous-gingivale. L’espèce nouvelle Actinomyces georgiae a été isolée du sulcus gingival et de poches parodontales. Actinomyces meyeri est aussi trouvée dans le sulcus gingival et dans des lésions abcédées. Actinomyces odontolyticus colonise le tartre et la plaque dentaire, surtout là où il y a carie dentaire profonde. Actinomyces israelii est l’agent pathogène le plus important du genre, responsable de l’actinomycose. Actinomyces naeslundii est fréquemment isolée dans la plaque sous-gingivale. [7] Le genre Stomatococcus ne possède qu’une espèce, Stomatococcus mucilaginosus, dont l’habitat principal est la cavité buccale, surtout la langue, et le tractus respiratoire supérieur. Stomatologie
Enfin, le genre Corynebacterium divise ses espèces en deux groupes. La seule espèce trouvée dans la plaque dentaire est Corynebacterium matruchotii, qui y a son habitat majeur. [7] Les spirochètes du phylum 5 constituent un phylum cohérent, monophylétique, divisé en six groupes : Treponema et apparentés, Spirochaeta, Borrelia, Brevinema, Serpulina (Treponema) hyodysenteriae et apparentés, et Leptospira/Leptonema. [7] Les spirochètes buccaux appartiennent au genre Treponema. Quatre espèces buccales, strictement anaérobies, sont trouvées : Treponema denticola, Treponema vincentii, Treponema pectinovorum et Treponema socranskii. Les trois sous-espèces de Treponema socranskii (Treponema socranskii subsp. socranskii, paredis et buccale) ont pu être isolées de poches parodontales modérées à sévères. Le phylum 6, Flavobacter-Bacteroides, est composé de cinq sous-groupes phylogénétiques majeurs : Bacteroides (Porphyromonas, Prevotella, Bacteroides), Flavobacter (Capnocytophaga), Sphingobacter, Saprospira et Cytophaga. [7] Le genre Porphyromonas inclut les espèces Porphyromonas gingivalis (la plus connue des espèces anaérobies pigmentées en noir, trouvée dans le sulcus gingival et considérée comme agressivement pathogène pour le parodonte), Porphyromonas endodontalis (isolée des canaux dentaires radiculaires et des poches parodontales) et Porphyromonas asaccharolytica (bactérie pathogène extraorale, occasionnellement isolée de sites sous-gingivaux ou péri-implantaires). Porphyromonas salivosa et Porphyromonas circumdentaria sont des espèces isolées chez le chat et le chien. Le genre Prevotella regroupe des espèces pigmentantes (en noir) et non pigmentantes. [6] Les espèces buccales pigmentantes sont Prevotella melaninogenica (l’espèce-type du genre), Prevotella intermedia, Prevotella nigrescens, Prevotella denticola et Prevotella loescheii. Les espèces non pigmentantes sont Prevotella oralis, Prevotella veroralis, Prevotella buccalis, Prevotella oulora, Prevotella buccae et Prevotella orae. Le genre Bacteroides ne comporte que deux espèces orales (anciennement classées dans le genre Prevotella), Bacteroides heparinolyticus et Bacteroides zoogleoformans. Toutes les autres espèces de Bacteroides sont retrouvées dans le tractus intestinal.
■ Gingivites et parodontites « non spécifiques » La plaque bactérienne (« plaque dentaire ») est une substance molle et structurée, élastique, de couleur blanchâtre ou grisjaune, qui adhère aux dents avant d’éventuellement se calcifier. La plaque sus-gingivale diffère bactériologiquement et morphologiquement de la plaque sous-gingivale. Il existe des facteurs naturels de rétention de la plaque, en particulier les encombrements dentaires, les irrégularités de surface dentaire (surtout à la limite amélocémentaire) et la respiration buccale (déshydratation buccale avec perte de protection salivaire et meilleure adhérence d’une plaque plus ferme). Il existe d’autres facteurs locaux, iatrogènes (obturations débordantes, joints maladaptés en prothèse fixée, appareil orthodontique) ou non (coexistence de lésion endodontique). [11] La salive a un rôle important et complexe dans la colonisation bactérienne de la cavité buccale. [12] En quelques minutes, une dent parfaitement propre se couvre d’une fine pellicule (0,1 à 0,8 µm) de glycoprotéines salivaires et de polysaccharides extracellulaires comme les glycanes (dextrane, mutane) et les fructanes (levane), pellicule qui va servir de matrice ; les liposaccharides, constituants de la paroi bactérienne, ont un effet marqué sur la plupart des cellules (macrophages, lymphocytes, fibroblastes, ostéoblastes) des tissus parodontaux, en les faisant sécréter diverses cytokines et autres effecteurs moléculaires aux capacités inflammatoires, immunomodulatrices et destructrices, et donc, à terme, un rôle dans la parodontite. [13, 14] La génétique moléculaire permettra de préciser de mieux en mieux les mécanismes de colonisation et de virulence des germes buccaux. [15] Des études montrent le rôle important de la salive dans le mécanisme de colonisation bactérienne des dents, mais aussi de l’amalgame et des composites. [16]
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Cette matrice initiale, qui ne peut s’enlever que mécaniquement, augmente progressivement en épaisseur et est colonisée en quelques jours par des coques facultatifs à Gram positif (surtout des Streptococcus sp.) et par des coccobacilles (surtout Actinomyces). Des coques anaérobies à Gram négatif du genre Veillonella colonisent aussi précocement la plaque. Le mécanisme d’adhésion est complexe et fait appel à des composants protéiques, les adhésines. [17] Des changements d’acides aminés dans les domaines d’adhérence des adhésines polypeptidiques pourraient avoir une importance critique dans l’adhérence et l’accumulation des bactéries entre espèces et sur des sites spécifiques. [18] C’est la multiplication bactérienne, d’abord en surface, latéralement, puis perpendiculairement à la surface dentaire (colonies en « colonnes »), qui contribue en premier à l’épaississement de la plaque. Après 3 jours, des bactéries filamenteuses apparaissent à la surface de cet agglomérat bactérien où prédominent les coques. Après 1 semaine, les bactéries filamenteuses commencent à remplacer les coques et coccobacilles en envahissant l’épaisseur de la plaque. Certains coques s’agglomèrent avec certaines bactéries filamenteuses pour former des structures en « épi de maïs » à la surface de la plaque. [8] Cette agrégation joue un rôle majeur dans l’adhésion interbactérienne et la colonisation de l’hôte, la surface dentaire ou la muqueuse. [19, 20] Après 3 semaines, les colonies bactériennes en colonnes sont remplacées par de denses agrégats de bactéries filamenteuses orientées perpendiculairement à la surface colonisée. L’agrégation bactérienne pourrait accroître leur résistance à la phagocytose et donc augmenter leur pouvoir pathogène. [21] Là où la plaque s’accumule, les bactéries anaérobies à Gram négatif (en particulier Bacteroides sp. et surtout Porphyromonas gingivalis, anciennement Bacteroides gingivalis) [22] prennent le pas sur les coques et bacilles aérobies à Gram positif. Il y a évidence d’une forte agrégation bimodale entre Porphyromonas gingivalis et Treponema denticola, avec un impact potentiellement pathogène sur la plaque sous-gingivale [23] et le développement de parodontite de l’adulte. [24] Comme le montrent des études antérieures, la coagrégation de Porphyromonas gingivalis avec d’autres bactéries buccales constitue probablement un important facteur dans la pathogenèse des infections parodontales. [25] De plus, ces bactéries pourraient servir de marqueur d’efficacité du traitement parodontal. [26] Les interactions bactériennes au sein de la plaque peuvent leur être favorables (par sécrétion de facteurs de croissance par exemple) ou défavorables (par compétition pour un site de liaison par exemple). [27] Les structures en « épi de maïs » peuvent subsister à la surface. Cette organisation structurale de la plaque sus-gingivale reste alors stable au cours du temps. La minéralisation progressive de cette plaque aboutit à la formation de tartre, par un mécanisme qui a été décrit en détail par Schroeder. [28] La réponse initiale de l’hôte aux métabolites des microorganismes de la plaque est la migration accrue avec diapédèse des polynucléaires et formation d’un « mur » de leucocytes. Le fluide gingival augmente aussi. La gencive saine est maintenant altérée et une gingivite s’installe, avec tuméfaction et érythème. Le sulcus gingival s’approfondit par détachement de l’épithélium jonctionnel (poche gingivale) envahi par des cellules inflammatoires, et des bactéries anaérobies prolifèrent (bâtonnets mobiles et spirochètes). La plaque sous-gingivale peut ou non adhérer à la surface dentaire. L’organisation structurelle des microbes sous-gingivaux est différente de celle de la plaque susgingivale en raison de la mobilité de ces bactéries. [8] Le rôle de la plaque dentaire et de son contenu bactérien dans la pathogenèse d’affections à distance, principalement des affections vasculaires thromboemboliques et athéromateuses, commence à être étudié en détail. [29] Divers arguments étayent cette association : l’infection en général est impliquée dans la pathogenèse de l’athéromatose et de la prématurité ; la parodontite provoque bactériémie et endotoxémie transitoires ; la parodontite induit une réponse inflammatoire et immunitaire qui pourrait jouer un rôle dans ces affections ; et enfin des organismes parodontogènes ont été isolés dans des plaques d’athéromatose. [30] Une association épidémiologique a été
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observée entre la parodontite et le retard de croissance intrautérin et la prématurité, [31, 32] la prééclampsie, [33] l’athéromatose carotidienne, [34] coronarienne, [35] l’infarctus du myocarde [36] et même plus récemment avec la mortalité par cancer du poumon. [37] La pathogénie, trop complexe pour être détaillée ici, implique divers lipopolysaccharides et heat-shock proteins produits par des bactéries pathogènes pour le parodonte comme Porphyromonas gingivalis. [1, 38, 39] La prévention des pathologies coronariennes par agents antimicrobiens a cependant donné des résultats décevants à moyen terme. [40] La gingivite établie peut rester stable ou évoluer vers la parodontite. Si la parodontite se développe généralement à partir d’une gingivite préexistante, toute gingivite ne se transforme pas nécessairement en parodontite. Quantité et virulence des bactéries de la plaque ainsi que résistance immunitaire de l’hôte sont des facteurs déterminants dans l’évolution inflammatoire et la destruction progressive du parodonte. Les différences histologiques entre la gingivite et la parodontite sont la résorption osseuse, la prolifération avec détachement de l’épithélium jonctionnel vers l’apex radiculaire, et la perte progressive de l’attachement du tissu conjonctif et sa migration apicale. [41] La destruction tissulaire est globalement irréversible. Cliniquement, le passage de la gingivite – inflammation de la gencive marginale d’origine bactérienne – à la parodontite est difficile à diagnostiquer sans sonde parodontale et radiographies. [42] L’évolution des gingivites et parodontites dépend de facteurs d’hôte locaux (cf. supra) ou généraux. L’influence délétère du tabagisme est établie avec un risque relatif de 5 à 20. La flore n’est pas modifiée chez les fumeurs mais une modification de la réponse de l’hôte, de la fonction des neutrophiles, de la production d’anticorps ou de la cicatrisation sous l’influence de la nicotine et du monoxyde de carbone entraverait l’efficacité de tous types de traitement. [43] Sans que le mécanisme sousjacent soit élucidé, il apparaît que la prévalence de parodontopathies est double chez les diabétiques, alors que la prévalence du diabète est également significativement plus élevée chez les sujets atteints de parodontopathie. [44]
Gingivites aiguës Ce sont les gingivites érythémateuses, soit d’emblée aiguës, soit à caractère aigu sur fond de gingivite marginale chronique, desquelles elles se distinguent par l’érythème rouge vif, douloureux, peu hémorragique, avec œdème des papilles interdentaires. Leur résolution totale est rapide après instauration des mesures adéquates. Dès que la plaque bactérienne est éliminée (détersion par pulvérisation au début avec bains de bouche désinfectants, détartrage éventuel puis brossages dentaires), l’inflammation disparaît complètement en 2 à 3 jours, sauf dans les cas d’œdème sévère où la résolution est un peu plus lente. Un antiseptique buccal comme le gluconate ou le digluconate de chlorhexidine à 0,1 ou 0,2 % peut être prescrit pendant la période aiguë. C’est incontestablement le meilleur agent antimicrobien sus-gingival [45] mais il colore les dents (de manière réversible) et a un mauvais goût ; il perturbe aussi la cicatrisation des plaies à forte concentration. L’alternative est la povidone iodée voire l’hexétidine à 0,1 %, inhibiteur de plaque moins performant que les autres mais très efficace en association avec le fluorure de zinc (ZnF2). Les conseils d’hygiène buccale et la motivation sont indispensables.
Gingivites érythémateuses chroniques Elles sont banales, s’observent dans les deux sexes dès l’adolescence, et sont dues à la plaque et au tartre, comme démontré par Theilade et al. [46] avec leur étude devenue classique sur la gingivite expérimentale induite chez des sujets sains par l’arrêt de tout contrôle de plaque (Fig. 1). La gencive marginale présente un liseré érythémateux avec œdème discret des papilles interdentaires. La gencive saigne généralement au contact d’aliments durs et lors du brossage, mais reste le plus souvent indolore. Le tartre plus ou moins coloré (jaune, brun ou noir) s’accumule aux endroits difficilement accessibles au brossage et en regard des orifices d’excrétion des canaux Stomatologie
Stomatites bactériennes « non spécifiques » ¶ 22-045-A-10
Figure 1. Gingivite érythémateuse chronique modérée chez une jeune fille de 14 ans. Noter l’hyperémie marginale et l’œdème de certaines papilles interdentaires. Figure 3. Gingivite ulcéreuse douloureuse, sévère et généralisée chez un homme de 40 ans. Noter la décapitation des papilles interdentaires, l’aspect cratériforme des sulci gingivaux et l’enduit grisâtre qui recouvre la gencive marginale.
Figure 2. Gingivite chronique sévère chez une femme de 28 ans particulièrement négligente. Caries, plaque et tartre sont évidents. L’érythème marginal de couleur bleuâtre est sévère, avec gingivorragies spontanées. L’œdème de la gencive marginale et des papilles interdentaires est également évident.
salivaires : faces linguales des incisives inférieures et faces vestibulaires des molaires supérieures. L’atteinte gingivale est souvent localisée, parfois diffuse. L’inflammation est chronique, avec une stase sanguine donnant à la gencive marginale œdématiée une teinte bleuâtre. Des exacerbations aiguës sont possibles, avec érythème plus marqué, douleurs et gingivorragies éventuellement spontanées (Fig. 2). Parfois, la gencive hyperémiée se recouvre d’une enduit grisâtre non adhérent (plaque, cellules desquamées et cellules inflammatoires) suggérant la définition de « gingivite érythématopultacée ». Cette gingivite peut évoluer en parodontite et, dans certains cas, être aussi responsable d’infections focales, en particulier d’endocardite. Le traitement passe par l’élimination de la plaque et du tartre sus- et sous-gingival. Conseils d’hygiène et motivation sont indispensables. Le dentifrice utilisé a évidemment son importance en fonction de son pouvoir abrasif (carbonate de calcium, phosphate de calcium, phosphate de sodium, silice, alumine ou hydroxyde d’aluminium), sans parler de l’excipient, de l’agent tensioactif, du parfum, des colorants et des éventuels composants fluorés inclus dans la formule. [41]
Gingivites ulcéronécrotiques Il y a lieu de faire une distinction entre les « gingivites ulcéreuses » ou « ulcéromembraneuses » et les rares « gingivites ou gingivostomatites nécrotiques ». Appelée « maladie de Plaut-Vincent » dans sa forme classique amygdalienne, la gingivite ulcéreuse a une étiologie encore mal connue. Il y aurait, soit une modification du système immunitaire qui permettrait une surinfection par des bactéries (où le complexe de fusospirochètes serait déterminant), soit une infection primaire par ces bactéries. [42] Ainsi, il est établi que, chez un quart des patients, la fonction leucocytaire est réduite. Stomatologie
Du point de vue clinique, cette discussion importe peu jusqu’à présent. On explique l’apparition pseudoépidémique de la gingivite ulcéreuse par la négligence, la malnutrition ou le stress dans des communautés souvent jeunes vivant dans de mauvaises conditions (classiquement, les militaires en caserne ou les soldats en campagne : c’était le « mal des tranchées » pendant les guerres). Il n’y a aucune preuve de la communicabilité de la maladie entre personnes en bonne santé. La gingivite ulcéreuse mal soignée a également tendance à récidiver. Les formes étendues peuvent se transformer en noma, affection décrite ailleurs (Encyclopédie Médico-Chirurgicale, fascicule 22-050-T10). La gingivite ulcéreuse se caractérise par une apparition brusque d’ulcérations multiples au niveau du bord gingival, de préférence au niveau des papilles. Les lésions sont presque toujours très douloureuses, saignent au contact et provoquent une haleine fétide. L’extension se fait au niveau des papilles interdentaires qui sont progressivement amputées, avec un aspect cratériforme dont le fond est recouvert d’un enduit grisâtre, adhérent, composé de bactéries, de fibrine, de leucocytes et de cellules épithéliales nécrosées, sur un tissu fortement infiltré de cellules inflammatoires (Fig. 3). L’extension donne bientôt un aspect rectiligne aux ulcérations du bord gingival libre. Des ulcérations irrégulières analogues, à fond grisâtre, peuvent apparaître sur les joues, les lèvres, le trigone rétromolaire ou le plancher buccal. Il y a halitose, adénopathies sousmaxillaires et sous-mentales, pyrexie modérée, et altération de l’état général. En général, cette infection aiguë se présente chez des sujets stressés ; certains ont mis la maladie en rapport avec une augmentation du taux de cortisol chez ces patients, ce qui expliquerait leur immunodéficience relative. On voit une incidence accrue de la gingivite nécrotique chez les patients immunodéprimés (neutropénie cyclique ou infection à VIH par exemple). L’infection par VIH doit à présent être suspectée lors du diagnostic de gingivite ulcéreuse. Le traitement est symptomatique et consiste en l’élimination presque journalière du tissu nécrotique (sans anesthésie, afin de déterminer aisément où se situe la limite de cette nécrose), détersions par pulvérisation, élimination de la plaque et, progressivement, du tartre par curetages soigneux, traitement par eau oxygénée (tamponnements locaux par solution à 3 ou 10 % en volume, rinçages par solution à 0,3 ou 0,5 %), et rinçages buccaux avec du digluconate de chlorhexidine à 0,2 % ou encore de la povidone iodée dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Dans les nécroses étendues, on peut prescrire du métronidazole (250 mg trois fois par jour pendant 1 semaine). [41] Il est également important de rassurer le patient et de traiter le stress qui accompagne souvent cette infection. Dès la disparition des symptômes aigus, on prend le temps nécessaire pour motiver le patient à maintenir une bonne hygiène buccale. Encore que des gingivites nécrotiques puissent apparaître chez des patients avec peu de plaque, une relation entre l’accumulation de celle-ci et l’apparition de la gingivite nécrotique est connue. [42] On voit normalement une guérison
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Figure 4. Épulis gravidique (epulis gravidarum) chez une femme de 30 ans. La petite tumeur pédiculée, de couleur rouge violacé, est située au niveau interdentaire et saigne facilement au contact.
en quelques jours. Les papilles nécrosées laissent cependant souvent des cicatrices typiques en forme de papilles plates, étêtées en « coup de sabre ». La très rare gingivite ou gingivostomatite nécrotique n’est plus guère observée que chez les sujets immunodéprimés, en état d’agranulocytose ou sévèrement dénutris. La nécrose de la gencive marginale est brutale, avec des douleurs qui s’amplifient avec le temps. La nécrose grisâtre s’étend de la gencive adhérente à l’os alvéolaire et à la gencive libre. L’os alvéolaire se séquestre et s’élimine, les dents se mobilisent et chutent spontanément. Les séquelles cicatricielles sont habituelles. Le traitement est celui des gingivites ulcéreuses.
Figure 5. Fibromatose gingivale idiopathique chez une femme de 83 ans. Noter l’hyperplasie gingivale fibreuse peu inflammatoire qui a tendance à recouvrir les dents.
Autres types de gingivites Les gingivites ont toujours une composante bactérienne. Néanmoins, des facteurs hormonaux sont connus pour être responsables de gingivites et il existe ainsi, en dehors de la gingivite diabétique (diabète de type I ou diabète sucré), des facteurs gynécologiques qui favorisent aussi les gingivites. La gingivite de la puberté est exceptionnelle, probablement due au déséquilibre hormonal. Il semble qu’une gingivite banale soit plus prononcée pendant cette période pubertaire. [41] La gingivite gravidique se manifeste dès le second mois de grossesse (mais pas chez toutes les femmes enceintes) suite à la modification de l’immunité (hyperproduction de gestagènes) face à la stimulation antigénique de la plaque bactérienne. Caractéristique de cette gingivite est l’épulis gravidique (epulis gravidarum) (Fig. 4), petite tumeur pédiculée, rarement sessile, rouge violacé, située au niveau interdentaire et saignant facilement au contact. [42, 47] Sont aussi décrites une gingivite « de la pilule », une gingivite cataméniale ou prémenstruelle et une gingivite postménopausique, [41] entités discutables probablement. Parmi les hyperplasies gingivales, on peut citer la fibrose idiopathique (Fig. 5) avec, dans certains cas, des formes syndromiques de fibromatose gingivale (syndromes de Laband, de Cross, de Rutherford, de Murray-Puretic-Drescher, etc.). La gencive est épaissie, ferme, fibreuse, éventuellement inflammatoire. Elle peut recouvrir les dents, parfois de manière spectaculaire. Les hyperplasies gingivales médicamenteuses, essentiellement par les hydantoïnes (hyperplasies peu inflammatoires) (Fig. 6), la ciclosporine A et la nifédipine (hyperplasies plus inflammatoires), sont bien connues et réversibles après arrêt de la médication et gingivoplastie à la demande. [42] Les épulis sont des hyperplasies pseudotumorales bénignes situées au niveau des papilles interdentaires. L’épulis granulomateuse a une couleur rouge vif et saigne facilement (Fig. 7). L’épulis à cellules géantes est moins colorée mais a un aspect clinique similaire. Le diagnostic est histologique. En revanche, l’épulis fibreuse est ferme, non inflammatoire et de couleur pâle, voisine de celle de la gencive saine. Ces épulis doivent être excisées chirurgicalement. Enfin, il faut brièvement mentionner les atteintes gingivales par maladies auto-immunes ou infections virales. [41, 42] La
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Figure 6. Hyperplasie gingivale modérée, d’origine médicamenteuse (hydantoïnes), chez une femme de 30 ans épileptique. Noter l’hyperplasie peu inflammatoire.
Figure 7. Épulis granulomateuse (granulome pyogénique) de couleur rouge vif chez un homme de 33 ans, lésion située de manière caractéristique au niveau de la gencive marginale. La lésion saigne facilement.
gingivite desquamative est une affection auto-immune qui affecte plus la femme que l’homme. La gencive se couvre de taches rouge vif avant de desquamer. Dans les cas sévères, des bulles peuvent être observées. Le lichen plan érosif peut prendre des aspects de gingivite desquamative : la muqueuse gingivale est uniformément très érythémateuse (Fig. 8). Il faut rechercher les parfois très discrètes stries de Wickham, plus particulièrement au niveau de la muqueuse alvéolaire. La gingivite asymétrique de la pemphigoïde muqueuse bénigne, une autre affection auto-immune, s’étend au-delà de la limite mucogingivale. Elle affecte surtout les femmes de plus de 50 ans et passe par une phase érythémateuse avant que des bulles se forment puis se rompent, laissant des plages érosives recouvertes de fibrine. Le grave pemphigus vulgaire affecte plutôt les femmes âgées. La maladie affecte la peau et les muqueuses et a une évolution grave sans traitement par corticoïdes. Au niveau Stomatologie
Stomatites bactériennes « non spécifiques » ¶ 22-045-A-10
Figure 8. Lichen plan érosif ayant l’aspect d’une gingivite desquamative chez un homme de 36 ans. Noter l’hyperémie uniforme marquée qui rappelle l’aspect de plasma cell gingivitis des auteurs anglo-saxons.
gingival, les bulles intraépithéliales se rompent rapidement et laissent des plages érosives sur fond très érythémateux. Gencive et parodonte peuvent aussi être affectés par des maladies comme le lupus érythémateux systémique, les hémopathies (leucémies), la granulomatose de Wegener, les lymphoréticuloses, l’histiocytose X, l’hypophosphatémie vitaminorésistante, voire le scorbut. Des atteintes virales comme l’herpès, la varicelle ou le zona peuvent provoquer des ulcérations douloureuses au niveau gingival. Enfin, il faut rappeler les gingivites nécrotiques, les parodontites agressives, les lésions candidosiques, voire les sarcomes de Kaposi à localisation gingivoparodontale rencontrés au cours du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida).
Parodontites d’origine bactérienne Ce sont la parodontite juvénile localisée, la parodontite postjuvénile, la parodontite de l’adulte – forme la plus commune – et la parodontite rapidement évolutive de l’adulte. [41, 42] La complexité microbiologique de la maladie parodontale [48] rend, en dehors des traitements mécaniques et chirurgicaux, les traitements médicamenteux difficiles. [45] Il existe de nombreuses recherches sur ce thème et une abondante littérature qu’il est impossible d’aborder ici. Très schématiquement, ces médicaments sont administrés par voie générale (ont été testés les antibiotiques suivants : tétracycline, minocycline, doxycycline, érythromycine, clindamycine, ampicilline, amoxicilline et métronidazole) ou locale, soit pour les bactéries sus-gingivales (par bains de bouche à base de chlorhexidine, de povidone iodée, d’hexétidine, de sanguinarine et de phénols comme le triclosan, ou encore avec des dentifrices contenant certaines de ces substances), soit pour les bactéries sous-gingivales, avec différents systèmes de distribution (fibre d’acétate de vinyle éthylène contenant 25 % de tétracycline, gel lipidique visqueux contenant 2 % de minocycline, gel lipidique visqueux contenant 25 % de métronidazole voire, expérimentalement, de la tétracycline à 10 % en milieu aqueux ou de la tétracycline à 40 % en vaseline officinale). [45] La parodontite juvénile localisée est rare (incidence de 0,1 à 4 % selon les études et les définitions) et concerne la denture permanente. [42] Le rôle majeur de la bactérie Actinobacillus actinomycetemcomitans est fortement suspecté [49] dans cette parodontite souvent limitée aux incisives et premières molaires chez des sujets de 10 à 20 ans. La bactérie produit également des leucotoxines qui expliquent en partie l’apparition de défauts du système immunitaire. La bactérie Capnocytophaga ochracea est également régulièrement trouvée. [41] En revanche, il est peu retrouvé de spirochètes et relativement peu de fusobactéries et de bactéries filamenteuses. Les formes familiales de la parodontite juvénile, accompagnées de dysfonction leucocytaire, ne sont pas rares. Radiologiquement, les lésions angulaires sont localisées autour des incisives et des premières molaires et le contour osseux y est souvent mal défini. Le traitement est complexe et Stomatologie
comprend surtout une élimination minutieuse de la plaque suset sous-gingivale (surfaçages radiculaires par curettes parodontales et rinçages des poches avec la chlorhexidine), une hygiène buccale stricte et parfois la prescription de doxycycline ou de minocycline qui se concentrent non seulement dans le liquide créviculaire mais inhibent en outre la collagénase, principale enzyme responsable de la destruction tissulaire. L’amoxicilline est également efficace. Une chirurgie à lambeau peut stopper l’ostéite. [42] La parodontite postjuvénile (20 à 30 ans) est un stade évolutif de la parodontite juvénile. La destruction parodontale est également souvent présente mais moins marquée, avec une distribution irrégulière. Un traitement particulièrement intensif s’impose (désinfections plurihebdomadaires surtout au niveau sous-gingival), parfois sous antibiothérapie. Tant dans cette forme que dans la précédente, une invasion le long de la poche par certaines bactéries des tissus parodontaux a été démontrée. La parodontite chronique de l’adulte est la forme de loin la plus commune, qui se développe progressivement entre 30 et 40 ans. Elle touche environ les deux tiers de la population mais elle cause une perte importante des tissus chez seulement un tiers des sujets. En effet, chez la majorité des patients, cette parodontite chronique évolue par poussées, des phases de destruction active de quelques mois alternant avec des périodes de stabilité et même parfois de régénération pendant plusieurs mois ou années. Ceci explique pourquoi, chez la majorité des patients, la parodontite n’aboutit pas, malgré le manque de soins, à la perte de la dentition naturelle. [42] Du point de vue bactériologique, cette infection parodontale a été associée, selon les laboratoires de recherche, avec un pourcentage élevé de spirochètes, de Porphyromonas gingivalis ou encore d’Eikenella corrodens. Du point de vue diagnostique, le sondage des poches est essentiel : en général, les poches sont profondes dans la plupart des quadrants et au niveau des divers types de dents. Radiologiquement, on remarque une distance accrue entre la limite émail-cément et la crête alvéolaire. Le contour osseux ondule et il peut y avoir des cratères, mais les lésions angulaires sont habituellement peu aiguës. Le traitement étiologique est difficile et a pour but de modifier la composition de la plaque en désorganisant régulièrement cet écosystème par des instrumentations répétées (par exemple toutes les semaines), tant en sous- qu’en sus-gingival. [42] L’irrigation des poches par la chlorhexidine, la povidone iodée ou d’autres moyens pharmacologiques offre certaines perspectives. D’autre part, on élimine les localisations de germes anaérobies par des techniques de réattachement ou de résection de la poche parodontale. Ceci peut se faire par curetage sous-gingival ou par des techniques de lambeaux. Quel que soit le choix, le patient devra maintenir ensuite un contrôle de plaque relativement strict pour éviter une récidive. Tant les techniques chirurgicales – qu’elles soient de réattachement ou de résection – que les curetages sousgingivaux permettent, lors de régimes de contrôles de l’hygiène assez stricts, de stabiliser à moyen terme (jusqu’à 8 ans) les parodontites chroniques adultes autour d’éléments monoradiculés. Les tests microbiologiques diagnostiques ainsi que les traitements antibiotiques doivent être réservés aux patients ne répondant pas aux traitements classiques mécaniques. [50-52] La parodontite rapidement évolutive de l’adulte est relativement rare. Les lésions parodontales sont très irrégulièrement réparties le long des arcades dentaires. [42] Radiologiquement, il existe des lésions osseuses très angulaires avec formation de cratères. Dans cette forme rapidement évolutive, la perte d’attachement peut atteindre un ou même plusieurs millimètres par an. Le traitement sous-gingival sera très intensif associé à une antibiothérapie. [48] Dans les cas où il y a une grande densité de spirochètes, le métronidazole paraît particulièrement indiqué, encore que certains utilisent des tétracyclines. Parfois, on est amené à éliminer une dent située dans une lésion terminale afin d’enrayer le processus. Les techniques chirurgicales d’arrêt de l’ostéite favorisent les techniques de réattachement, à moins que l’avenir du contrôle de la plaque ne soit pas assuré avec suffisamment de garanties. [42]
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Points forts
Facteurs de rétention de la plaque dentaire. Défaut de contrôle de plaque. Encombrements dentaires. Irrégularités de surface : • tartre ; • obturations débordantes ; • joints en prothèse fixe. Appareillages orthodontiques. Respiration buccale. Coexistence de lésions endodontiques.
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Points forts
Classification des parodontites. • The 1989 World Workshop in Clinical Periodontics. I Parodontite de l’adulte. II Parodontites précoces. A Parodontites prépubertaires (localisées, généralisées). B Parodontites juvéniles (localisées, généralisées). C Parodontites à progression rapide. III Parodontite associée à des maladies systémiques IV Parodontite ulcéronécrotique. V Parodontite réfractaire. • The 1999 World Workshop in Clinical Periodontics. I Gingivopathies. II Parodontites chroniques. III Parodontites agressives. IV Parodontite associée à des maladies systémiques. V Parodontite ulcéronécrotique. VI Abcès parodontal. VII Parodontopathies associées aux lésions endodontiques. VIII Malformations parodontales ou déformations acquises.
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É. Piette, Ancien professeur agrégé ([email protected]). Service de chirurgie orale et maxillofaciale, Université de Hong Kong ; service de chirurgie maxillofaciale, plastique et reconstructrice, clinique en pratique privée Sainte-Élisabeth, 15, place L. Godin, 5000 - Namur, Belgique. P. Mahy, Chargé d’enseignement clinique. Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université Catholique de Louvain, 15, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique. Toute référence à cet article doit porter la mention : Piette É., Mahy P. Stomatites bactériennes « non spécifiques ». EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-045-A-10, 2005.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
Stomatologie
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Stomatites bactériennes « spécifiques » É. Piette Les stomatites bactériennes dites « spécifiques » regroupent les lésions qui peuvent être attribuées à un germe exogène bien défini. Les germes sont des coques et des bacilles à Gram positif et négatif, des bactéries anaérobies, des spirochètes, des mycobactéries et certaines bactéries particulières. L’accent est surtout mis, dans l’énumération des différentes maladies, sur les manifestations buccales. La syphilis et la tuberculose sont exclues, étant décrites en détail dans d’autres articles de l’EMC. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Stomatites bactériennes ; Manifestations buccales ; Description des stomatites bactériennes
Plan ¶ Introduction
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¶ Stomatites dues à des coques à Gram positif
1
¶ Stomatites dues à des coques à Gram négatif
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¶ Stomatites dues à des bacilles à Gram positif
2
¶ Stomatites dues à des bacilles à Gram négatif Rhinosclérome Peste Tularémie Chancre mou Morve Bartonellose Donovanose
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■ Stomatites dues à des coques à Gram positif Les coques à Gram positif sont largement représentés dans la flore commensale de la peau et des muqueuses.
¶ Stomatite due à la mycobactérie de la lèpre
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¶ Stomatites dues à des bactéries particulières Rickettsioses Infections par mycoplasmes Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter Lymphogranulomatose vénérienne
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Parmi les trois grands groupes de staphylocoques, ce sont les staphylocoques dorés (Staphylococcus aureus) qui sont les plus importants en pathologie. Ils provoquent des infections cutanées superficielles (impétigo, ecthyma, cellulite) et profondes (folliculite, furoncle, anthrax, sycosis, staphylococcie maligne, fasciite nécrosante, etc.), [4, 5] des bactériémies ou septicémies et des lésions dues aux toxines staphylococciques (syndrome de Lyell ou érythrodermolyse bulleuse avec épidermolyse, choc toxique). Au niveau muqueux, ils sont responsables de la rare stomatite impétigineuse, dont l’existence est remise en question, et de la très rare pyostomatite végétante. Localisée aux lèvres, voire au nez, cette pyostomatite végétante survient chez des sujets dont les mécanismes de défense sont profondément altérés. L’association de cette lésion avec une maladie inflammatoire des intestins, particulièrement la colite ulcéreuse, est bien connue ; l’atteinte intestinale peut parfois précéder la pyostomatite de plusieurs mois ou plusieurs années. [6] L’hyperplasie pseudoépithéliomateuse de l’épiderme donne des lésions importantes, ulcérées, prolifératives et abcédées. Ces lésions ne sont pas douloureuses et n’entraînent pas d’adénopathies réactionnelles. Le traitement immunosuppresseur est à base de corticoïdes.
Les bactéries sont des organismes procaryotes dont il existe environ 2 600 espèces. Leur classification taxonomique est détaillée dans les différents volumes du classique Bergey’s Manual of Determinative Bacteriology. [1] Des classifications récentes des bactéries d’intérêt médical sont disponibles. [2, 3]
Les streptocoques, également commensaux de la peau et des muqueuses, appartiennent au genre Streptococcus et regroupent plus de 30 espèces. [7] Les espèces pathogènes les plus importantes sont Streptococcus pyogenes (streptocoque du groupe A), Streptococcus agalactiae (streptocoque du groupe B) et Streptococcus pneumoniae (pneumocoque). Ils ont déjà été évoqués avec les stomatites dites « non spécifiques ». Le streptocoque peut seulement provoquer l’infection s’il y a lésion cutanée ou muqueuse préexistante. Il donne alors précocement des adénopathies et des signes systémiques. [5] Les infections superficielles
¶ Stomatites dues à des bactéries anaérobies
5
¶ Stomatites dues à des spirochètes Syphilis Pian Bejel Tréponèmes cultivables in vitro
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■ Introduction
Stomatologie
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22-045-A-15 ¶ Stomatites bactériennes « spécifiques »
sont l’impétigo (le plus souvent en association avec le staphylocoque) et l’érysipèle. L’érysipèle est une cellulite dermoépidermique localisée, essentiellement due au streptocoque b-hémolytique du groupe A, rarement du groupe C, voire G, parfois en association avec le staphylocoque doré. [8] L’érysipèle buccal est rare [5] et débute par des signes semblables à ceux de l’érysipèle cutané : œdème, douleur, rougeur ou plaque violacée qui est légèrement surélevée en périphérie et qui a une extension excentrique, surtout sur la face interne des joues, parfois sur la langue. Quand l’érysipèle reste limité à la cavité buccale, le diagnostic est difficile. Mais il peut s’étendre, via la trompe d’Eustache, ou via le canal lacrymonasal. Une complication dangereuse est l’extension au larynx avec œdème de la glotte. La leucocytose et la vitesse de sédimentation sont élevées et le taux des antistreptolysines augmente en quelques jours. Le traitement est une antibiothérapie orale pendant 10 jours (pénicilline, érythromycine ou clindamycine). En cas d’érysipèle récidivant, il faut une antibiothérapie de 3 semaines au minimum, pour éviter le passage à la chronicité, et il faut traiter le foyer de départ (cutané, muqueux, dentaire). Les autres infections streptococciques sont les pharyngites et angines (surtout par streptocoque b-hémolytique du groupe A), la scarlatine, les cellulites, les abcès de la tête et du cou, la fasciite nécrosante et l’angine de Ludwig. Citons aussi la rare stomatite aiguë streptococcique qui suit une angine, et qui se manifeste surtout par une gingivite érythémateuse, diffuse et douloureuse, avec petites érosions et saignements spontanés. La scarlatine est seule susceptible de se manifester réellement par une stomatite. Elle est rare de nos jours et due à un streptocoque du groupe A qui élabore une exotoxine pyrogène (toxine érythrogène). [5, 9] Elle débute par une angine et une pharyngite, puis l’éruption cutanée apparaît, après 24 à 48 heures : c’est un érythème qui disparaît à la vitropression (sensation de « peau de chagrin ») et qui touche l’abdomen et les parois latérales du thorax. Au niveau des plis de flexion, il existe des lignes rouge foncé (lignes purpuriques ou signe de Pastia). Au niveau facial, l’érythème épargne la région péribuccale. Au 3e ou 4e jour, la langue devient caractéristique : elle desquame sur les bords, de la pointe vers la base, réalisant un V rouge dépapillé, qui limite un triangle blanc central qui, lui, disparaît au 6e jour. Toutes les papilles desquamées, enflammées, sont saillantes. Cela donne l’aspect caractéristique de langue « framboisée » dans sa totalité. L’épithélium lingual se reconstitue au 10e jour. [5] Quand la fièvre tombe, on voit généralement une desquamation de l’épiderme. Toute infection mal contrôlée peut se compliquer d’une suppuration. Toute infection mal contrôlée due au streptocoque b-hémolytique du groupe A peut se compliquer de glomérulonéphrite ou de rhumatisme articulaire aigu.
■ Stomatites dues à des coques à Gram négatif La famille des Neisseriaceae comprend les genres Neisseria (méningocoque Neisseria meningitidis et gonocoque Neisseria gonorrhoeae), [10] Moraxella (spécialement Moraxella catarrhalis), Acinetobacter et Kingella. [11] Neisseria sp. est responsable de méningite cérébrospinale, de septicémie à méningocoques et de gonorrhée. [12] Moraxella catarrhalis est surtout responsable de kératite, d’otite moyenne et de sinusite maxillaire, moins souvent d’autres infections internes. [11] Acinetobacter sp. sont maintenant étudiées séparément parce qu’elles diffèrent bactériologiquement et épidémiologiquement des autres Neisseriaceae. Tout comme les trois Kingella sp., elles ne sont pas responsables de stomatites. Au cours de la gonorrhée, l’atteinte pharyngée, gingivale ou oculaire a été décrite. [5, 13] La fruste pharyngite gonococcique est de plus en plus fréquente, surtout chez les homosexuels, par contact orogénital : les patients se plaignent de mal de gorge, de gêne à la déglutition ; le pharynx et les amygdales sont rouges, œdématiées, avec parfois un exsudat mucopurulent et occasionnellement un œdème de la luette. La gingivite est rare et non
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spécifique : inflammation érythémateuse et œdémateuse avec sensations de brûlure, plus particulièrement au niveau des papilles. Des érosions et ulcères à tendances nécrotiques peuvent apparaître, recouverts d’un enduit jaunâtre ou grisâtre, adhérent. Tous les protocoles de traitement recommandés sont efficaces (doses uniques de ceftriaxone, céfixime, ciprofloxacine, ofloxacine, azithromycine, ou encore doxycycline pendant 7 j comme traitement initial). [14]
■ Stomatites dues à des bacilles à Gram positif Des atteintes oropharyngées sont décrites dans la diphtérie (Corynebacterium diphteriae) et le charbon (Bacillus anthracis). Le contagieux bacille de Klebs-Loeffler est responsable de la diphtérie, une infection à fausses membranes fibrineuses, habituellement sur les muqueuses respiratoires, parfois sur la peau (en raison de la virulence du germe), et d’une atteinte des tissus myocardiques et nerveux (secondaire à l’absorption et la dissémination hématogène de l’exotoxine diphtérique). La transmission est aérienne. Après une courte période d’incubation (1 à 4 j) et une brève période prodromique (12 à 24 h), le patient présente le plus souvent une diphtérie amygdalienne assez commune, avec dysphagie, état subfébrile avec tachycardie, et raucité de la voix. [5] Chez les enfants, nausées, vomissements, céphalées, fièvre et frissons sont fréquemment rencontrés. L’examen de la gorge démontre la présence de la membrane caractéristique sur les amygdales. Cette membrane grisâtre est adhérente et fibrineuse. Son décollement provoque des saignements. Elle peut apparaître nécrotique par endroits et devenir verte ou noire. La formation de la membrane est liée à la virulence du germe (avec les antigènes de surface cord factors) et est d’intensité variable. La maladie peut rester modérée ou évoluer vers des formes graves en atteignant le voile du palais, le pharynx, le larynx et les bronches. La dysphagie et la dyspnée apparaissent dès lors rapidement. Les ganglions cervicaux sont hypertrophiés, donnant une apparence de « cou de taureau ». La membrane couvre alors le voile, la luette, le pharynx, le larynx (croup) et prend une allure dramatique avec détresse respiratoire. Les membranes peuvent se détacher, entraînant des obstructions bronchiques. Plus rarement, le rhinopharynx et les fosses nasales sont atteints. On remarque alors un jetage sérosanglant ou séropurulent avec formation de membranes sur le septum. Les lésions de diphtérie cutanée ne sont pas très spécifiques ; toute érosion cutanée peut être secondairement infectée. Une fausse membrane, d’aspect grisâtre, est rarement observée. Ces lésions hébergent souvent des streptocoques b-hémolytiques A ainsi que des staphylocoques dorés. L’atteinte multisystémique est très grave. Elle peut aboutir à des troubles sévères de contractilité cardiaque par myocardite. [15] Le diagnostic (immunologique) précoce est important en fonction de la gravité de l’affection. Le traitement fait appel aux antibiotiques (pénicilline, érythromycine, voire clindamycine, rifampicine ou tétracycline pendant 14 j) et à l’antitoxine diphtérique (20 000 à 100 000 U d’antisérum hyperimmun selon la localisation et la durée). [16] L’importance de la vaccination précoce n’est pas à rappeler. Rare est la pharyngite exsudative et l’atteinte pseudodiphtérique avec atteintes cardiaque et neurologique dues à Corynebacterium ulcerans ou bacille de Gilbert-Stewart, infection transmise par le cheval et le ruminant. [17] Le bacille de Davaine est responsable du charbon (« anthrax »), une rare maladie très contagieuse des herbivores, transmise par contact avec l’animal infecté ou ses produits (tanneurs, équarrisseurs). [5] Le charbon affecte l’homme sous trois formes, cutanée (« pustule maligne », la moins grave), pulmonaire et gastro-intestinale, selon le mode d’inoculation. [18] Des lésions peuvent apparaître dans la région cervicofaciale, au niveau des lèvres, de la langue, du palais. Elles se présentent, non pas sous la forme d’une pustule maligne, mais sous la forme d’un œdème malin, monstrueux, noirâtre. Ces Stomatologie
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localisations péri- et intrabuccales sont dangereuses, car il y a risque d’extension de l’œdème aux voies aérodigestives supérieures, avec risque d’asphyxie. Le mode d’action de la toxine, un des deux facteurs de virulence produits par la bactérie, est maintenant connu. La toxine a trois composantes, un facteur létal, un facteur d’œdème et un antigène de protection, dont non seulement les formes monomériques sont connues, mais aussi, en fonction des sous-unités, la forme heptamérique, liée à son substrat, cofacteur ou récepteur. La route endocytique suivie par la toxine est démontrée, et les mécanismes enzymatiques élucidés. [19] La pénicilline G est utilisée dans la forme pulmonaire ; les alternatives sont l’érythromycine, la tétracycline, le chloramphénicol. Il existe un vaccin pour les sujets à risque.
■ Stomatites dues à des bacilles à Gram négatif Elles sont rencontrées dans les infections par Enterobacteriaceae (rhinosclérome, peste), dans la brucellose, dans la tularémie, dans le chancre mou et exceptionnellement dans la morve, la bartonellose et la donovanose. Le large groupe des Enterobacteriaceae comprend essentiellement un certain nombre de genres hautement pathogènes pour l’homme (genre Shigella de la famille Escherichieae, genre Salmonella de la famille Salmonellae, genre Yersinia de la famille Yersiniae) et plusieurs autres qui sont des colonisateurs habituels de la muqueuse gastro-intestinale (genre Escherichia de la famille Escherichieae, genres Klebsiella, Enterobacter, Serratia et Hafnia de la famille Klebsiellae). [20] Francisella sp. regroupent des agents essentiellement pathogènes pour l’animal, occasionnellement pour l’homme. Francisella tularensis, biogroupe tularensis (type A) est la plus virulente et affecte l’Amérique du Nord ; Francisella tularensis biogroupe palearctica (type B) est moins agressive et surtout rencontrée en Asie et en Europe ; Francisella tularensis biogroupe novicida a une faible virulence. [21] Les Haemophilus sp. autres que Haemophilus influenzae ont été sous-estimées dans la pathologie humaine. Avec le raffinement des méthodes d’isolation et d’identification, il apparaît qu’elles ont un rôle pathogénique fréquent. Haemophilus ducreyi est responsable du chancre mou (bien que des études taxonomiques lui contestent l’appartenance au genre Haemophilus) et Haemophilus aegyptius (bacille de Koch-Weeks) provoque une conjonctivite aiguë contagieuse. [22] Burkholderia mallei, agent de la morve, affecte occasionnellement mais sérieusement l’homme. Ce bacille à Gram négatif immobile est un germe aérobie strict. Bartonella bacilliformis, un petit bacille aérobie à Gram négatif, est responsable de la bartonellose (maladie de Carrión). [23] Calymmatobacterium (ancien Donovania ou Klebsiella) granulomatosis, un bacille pléomorphe encapsulé à Gram négatif, provoque la donovanose ou granulome vénérien.
Rhinosclérome Le rhinosclérome (ou parfois « sclérome ») est une maladie granulomateuse chronique causée par Klebsiella rhinoscleromatis (ancien bacille de Frisch). L’affection est endémique au Mexique, en Amérique centrale et du Sud, en Europe centrale et de l’Est (où elle est connue sous le nom de « lèpre slave ») et en Afrique du Nord ; [5] en fonction des flux migratoires, elle est de plus en plus souvent diagnostiquée dans des zones non endémiques. [24] La maladie touche essentiellement les sujets vivant dans des conditions précaires. Elle a un caractère familial. C’est une affection de l’adulte jeune, rare chez l’enfant. Les patients se plaignent d’une obstruction nasale chronique. On met facilement en évidence des masses granulomateuses dans les filières nasales. Le granulome envahit la filière nasale mais peut, secondairement, se développer dans le pharynx, le larynx, plus rarement sur le palais, la gencive, la lèvre supérieure, la trachée et les bronches. L’affection semble avoir une phase catarrhale, puis granulomateuse et enfin cicatricielle. Au niveau buccal, l’infiltration granulomateuse, rougeâtre, indolore peut s’accompagner d’une ostéolyse sous-jacente. Le diagnostic repose sur la Stomatologie
mise en évidence des germes en culture et la confirmation de leurs caractères biochimiques et sérologiques. Il se fait aussi par la biopsie qui met en évidence des cellules de Mikulicz : ce sont des histiocytes contenant des bacilles dans leur cytoplasme. Il pourrait y avoir interconnexion entre la maladie de RosaiDorfman (histiocytose sinusienne avec lymphadénopathies massives) et le rhinosclérome, auquel cas il faudrait plutôt parler de réaction ganglionnaire lymphatique de Rosai-Dorfman. [25] Le rhinosclérome répond à la streptomycine, aux tétracyclines, aux céphalosporines et au triméthoprime-sulfaméthoxazole. [24] Le traitement doit être prolongé 2 à 3 mois.
Peste L’agent de la peste est Yersinia pestis (bacille de Yersin), [26] dont la toxine joue un rôle important dans la virulence. Cette enzooépizootie frappe essentiellement les rongeurs sauvages. La transmission du rongeur à l’homme se fait par piqûre de puce infectée. La chaîne rongeur-puce-rongeur, avec éventuellement transmission à l’homme, constitue le cycle fondamental de la transmission de la peste. La transmission interhumaine se fait par inhalation de gouttelettes de Flügge de patients atteints de peste bubonique ou septicémique avec lésions pulmonaires. La conservation et la multiplication de Yersinia pestis dans les déjections de puces, dans le sol des terriers de rongeurs, font du sol le véritable réservoir. Récemment, dans des zones endémiques des États-Unis, on a mis en cause des animaux domestiques (en particulier les chats) dans la transmission de la maladie. L’agent de la peste reste un bon candidat pour une attaque terroriste. L’utilisation du germe dans un aérosol pourrait avoir des effets dévastateurs sous forme de peste pulmonaire primaire. [27] La peste se manifeste sous une forme bubonique ou bubosepticémique, ou sous une forme pulmonaire primitive. [5] La peste bubonique (« mort noire ») est la forme la plus fréquente. L’incubation est de 2 à 5 jours mais peut être de quelques heures à 12 jours. Le début est brutal : c’est un syndrome toxiinfectieux gravissime avec température élevée, tachycardie, hypotension. Ensuite apparaît la réaction ganglionnaire (surtout fémorale, moins souvent axillaire et cervicale), le « bubon », dont le siège dépend de l’endroit d’inoculation (qui n’est généralement pas visible). Les ganglions deviennent douloureux, fermes, et s’entourent d’un œdème gélatineux considérable ; la peau qui les recouvre est rouge, douloureuse. Une septicémie foudroyante peut compliquer la forme bubonique. La peste pulmonaire correspond à une contamination pulmonaire directe par des gouttelettes de Flügge. L’incubation peut être de quelques heures, avec des signes généraux intenses et des expectorations sanguinolentes. Les patients non traités décèdent dans les 48 heures. Parfois, une phlyctène apparaît au point d’inoculation. Elle régresse sans séquelle ou s’ulcère (« charbon pesteux »), avec nécrose centrale, alors que des pustules apparaissent en périphérie. Lorsqu’il existe des bubons cervicaux, il peut y avoir une atteinte muqueuse buccale variable, avec aspect congestif, ulcération ou fausse membrane diphtéroïde. Le diagnostic repose sur l’identification du germe au microscope, à partir de crachats, de prélèvements ganglionnaires par aspiration, de frottis de sang ; il sera confirmé par la culture. La sérologie sera réalisée pour les diagnostics rétrospectifs. Le traitement doit être précoce, dans les 24 heures, [27] dès que le diagnostic est suspecté. La forme bubonique non traitée a une mortalité de 70 %. L’antibiothérapie précoce (gentamicine ou streptomycine comme premier choix, ciprofloxacine comme traitement optionnel) réduit le taux de mortalité à 5-10 %. Les formes pulmonaires et septicémiques non traitées sont invariablement mortelles. Les ganglions ne doivent pas être incisés car cela aggrave le risque de septicémie. Les malades doivent impérativement être isolés pendant les 48 premières heures suivant le début du traitement. Les personnes exposées à la forme pulmonaire doivent recevoir une antibiothérapie prophylactique à base de doxycycline ou de ciprofloxacine pendant 7 jours.
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Tularémie L’agent étiologique de la tularémie (maladie de Francis, maladie d’Ohara, « yato-byo » ou « fièvre de la vallée de Pahvant ») est le coccobacille Francisella tularensis, hautement contagieux et essentiellement présent chez les rongeurs (lapins, lièvres), dans le sang, les sécrétions, les excrétions et le pelage, et chez certains insectes hématophages. [5] Il est présent chez les tiques infectées, avec transmission à la descendance. Chez les carnivores et les oiseaux, la contamination se fait par le cannibalisme, et le portage n’est que de quelques heures car la bactérie disparaît spontanément rapidement. Elle est exceptionnellement retrouvée dans le sang. La contamination de l’homme résulte d’un contact manuel avec des rongeurs infectés (chasseurs, agriculteurs, bouchers, marchands de fourrures et personnels de laboratoire). Récemment, la contamination par petits rongeurs de compagnie (hamsters) a été signalée. [28] La contamination par consommation de viande mal cuite est rare. Ce coccobacille est aussi listé parmi les agents possibles du bioterrorisme. [29] Francisella tularensis pénètre dans l’organisme à travers la peau saine, par les canaux glandulaires, les follicules pileux. Elle atteint les ganglions satellites par voie lymphatique. À ce niveau, se développent des microabcédations suivies d’une autostérilisation, mais avec persistance d’une suppuration stérile lente à se tarir. [30] Le bacille peut également pénétrer par ingestion et par inhalation ; il n’est pas retrouvé dans le sang chez l’homme. Selon la porte d’entrée, on distingue une forme ulcéroganglionnaire des membres (plus de 70 % des cas), une forme oculoganglionnaire (3 % des cas), une forme pharyngoganglionnaire ou amygdalienne (2 % des cas) et une forme pulmonaire. Dans la forme ulcéroganglionnaire des membres, l’incubation est de 2 à 10 jours avec des signes généraux tels que fièvre et myalgies. Une lésion cutanée apparaît au point d’inoculation, avec des adénopathies satellites. La lésion cutanée siège généralement au niveau des mains, sous forme d’une papule inflammatoire qui se transforme rapidement en pustule, en ulcère à cratère net avec exsudat peu abondant. Les adénopathies satellites deviennent hypertrophiques et peuvent évoluer vers une suppuration stérile traînante. Due à une inoculation directe, la forme oculoganglionnaire se manifeste par une conjonctivite unilatérale douloureuse. Des points jaunes apparaissent sur la conjonctive, puis des ulcères. Une perforation de la cornée peut apparaître. Des adénopathies préauriculaires sont présentes et le tableau constitue le syndrome de Parinaud. Dans la forme pharyngoganglionnaire [30, 31] ou amygdalienne (2 % des cas), la porte d’entrée est digestive. En Europe, 20 % des patients ont des lésions buccales primaires. La localisation préférentielle est amygdalienne puis pharyngée, vélaire, linguale, gingivale. Les lésions sont des ulcérations recouvertes d’un enduit fibrineux ou des foyers nécrotiques plus profonds. Ces foyers peuvent être unilatéraux : ils sont associés à des adénopathies sous-maxillaires et jugulocarotidiennes douloureuses. La forme pulmonaire fait suite à l’inhalation de poussières bactériennes ; elle se manifeste par des lésions pulmonaires avec des adénopathies médiastinales. La notion d’un contact avec un rongeur sauvage, le début brutal des symptômes et la lésion primitive sont évocateurs du diagnostic. Celui-ci se fait par identification du germe, soit par examen microscopique, soit par culture. L’intradermoréaction à la tularine et les tests sériques ne sont positifs qu’à partir du 8e et du 10e jour. Le traitement fait appel aux antibiotiques. [21] L’antibiotique de premier choix est la streptomycine pour une durée minimale de 10 jours. Le deuxième choix est la tétracycline et le chloramphénicol. L’infection confère une immunité de l’ordre de 10 ans.
Chancre mou Le chancre mou (« chancrelle » ou « chancroïde ») est une maladie sexuellement transmissible due à Haemophilus ducreyi,
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un bacille aérobie court à Gram négatif. Il se manifeste par des ulcérations génitales ou buccales douloureuses, et une suppuration des ganglions lymphatiques adjacents. Haemophilus ducreyi n’a jamais été observé en dehors du chancre mou et du bubon qui l’accompagne. [5] Le chancre mou est 10 à 15 fois plus fréquent chez l’homme que chez la femme. Il persiste à l’état commensal sur les muqueuses vaginales de porteuses saines. La contamination nécessite un contact direct et une effraction cutanée. L’incubation est de 3 à 7 jours. Le chancre siège dans la majorité des cas sur la partie cutanée des organes génitaux et de la région périanale. [32] Le chancre buccal est rare ; il apparaît après un contact orogénital. La lésion se manifeste comme une papule qui se transforme en pustule et en ulcère. Ces ulcères douloureux, non indurés, sont recouverts d’un exsudat et entourés d’un halo inflammatoire. Ils sont accompagnés d’adénopathies uni- ou bilatérales douloureuses ayant tendance à s’abcéder et à fistuliser à la peau. Dans plus de 30 % des cas, le chancre est suivi d’autres ulcérations consécutives à une autoinoculation de voisinage ou à distance. Les chancres mixtes associant une syphilis primaire à une infection par Haemophilus ducreyi ne sont pas rares. [33] Haemophilus ducreyi est aussi fréquemment impliqué dans l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), [22, 32] qu’il faut donc aussi rechercher. L’intradermoréaction, qui n’est plus pratiquée, est positive au 10e jour de la maladie dans 45 % des cas. Le diagnostic se fait sur les données de l’examen clinique. La flore est polymicrobienne ; le germe est difficile à isoler. La recherche de la syphilis sera systématiquement réalisée. L’infection n’entraîne aucune immunité mais une hypersensibilité retardée à un antigène « streptobacillaire ». L’antibiothérapie est de rigueur, avec l’érythromycine comme premier choix, suivie du triméthoprime/sulfaméthoxazole ou de la ceftriaxone.
Morve La morve (glanders) est une infection sérieuse spécifique des équidés, due à Burkholderia mallei (anciennement Pseudomonas), un bacille à Gram négatif occasionnellement responsable d’atteintes d’autres animaux domestiques (mules, ânes, chèvres, chiens) et de l’homme. La contagion se fait par jetage nasal ; la porte d’entrée chez l’homme est une lésion des muqueuses des voies respiratoires supérieures. [5] Dans les pays développés, cette maladie a disparu du fait de l’élimination des chevaux comme animaux de trait et de l’éradication des animaux atteints (réaction positive à la malléine). Le risque réside dans l’importation d’animaux ayant échappé au contrôle obligatoire. La mélioïdose (ou maladie de Stanton) est une maladie des rongeurs due à Burkholderia pseudomallei (bacille de Whitmore). Elle est transmissible à l’homme par voie digestive ou sous-cutanée. Les deux maladies ont été étudiées comme agents de bioterrorisme. Il n’y a pas de vaccination disponible chez l’être humain. Différentes formes cliniques de morve sont possibles : suppuration aiguë localisée, infection pulmonaire aiguë, septicémie aiguë et suppuration chronique. L’incubation est de 10 à 14 jours pour les infections par inhalation. Le début est brutal, avec température, céphalées, et malaise. Il est plus insidieux dans les formes chroniques. Après quelques semaines apparaissent les lésions cutanées typiques. La morve cutanée ou « farcin » se manifeste par un nodule qui apparaît au point d’inoculation, avec suppuration puis ulcération douloureuse ; d’autres nodules apparaissent le long des voies lymphatiques de drainage. Ils deviennent nécrotiques, s’ulcèrent et fistulisent. Il y a envahissement des ganglions régionaux, puis dissémination hématogène donnant des lésions nodulaires nécrotiques à distance qui fistulisent, le tout pouvant évoluer vers un placard gangréneux. Durant cette phase de bactériémie, il y a fréquemment une éruption papulopustuleuse au niveau de la face et du cou. L’envahissement des muqueuses nasales est un fait dominant, pathognomonique de la morve. Ces lésions sont, soit primaires, soit plus rarement métastatiques. L’envahissement débute par un érythème de la columelle, qui diffuse en « ailes Stomatologie
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de papillon » semblables à un lupus érythémateux ou à un érysipèle. Par la suite, apparaît un écoulement mucopurulent sanguinolent, riche en bactéries, avec des adénopathies satellites. Un ulcère cratériforme apparaît, pouvant détruire tout le nez, et même envahir la cavité buccale. Non traitée, l’évolution se fait vers une septicémie fulminante mortelle. Les lésions peuvent se développer au pourtour de la cavité buccale et du nez, avec destruction du nez, du palais, des lèvres et des gencives, et possibilité d’extension au pharynx. Les ulcères grandissent par leurs bords ou confluent ; les déformations cicatricielles sont considérables. La maladie peut évoluer plusieurs mois, voire plusieurs années. L’anamnèse est importante dans l’orientation diagnostique. Le diagnostic se fait par identification du germe, par inoculation à un cobaye ; les cultures sont très lentes. Un sérodiagnostic est possible mais avec des réactions croisées avec Burkholderia pseudomallei. Du point de vue thérapeutique, Burkholderia mallei répond généralement bien aux sulfamides, à la streptomycine, aux tétracyclines. Différents agents antimicrobiens ont été utilisés ; de nombreuses résistances ont été observées. [34] Sans traitement, la mortalité est de 90 %. [35] Les formes chroniques sont de meilleur pronostic.
Bartonellose Le genre Bartonella reprend plusieurs agents pathogènes importants pour l’homme, avec de nombreuses manifestations cliniques comme la maladie des griff(ur)es du chat ou catscratch disease (lymphoréticulose bénigne d’inoculation ou maladie de Debré-Mollaret) due à Bartonella henselae, la fièvre des tranchées (Bartonella quintana), la maladie de Carrión (Bartonella bacilliformis), des bactériémies pyrétiques, l’angiomatose bacillaire et la péliose hépatique, l’endocardite et la neurorétinite. [36] Éveillant un intérêt toujours croissant, plus de 15 Bartonella sp. sont maintenant connues dans le monde, vivant en milieu naturel dans des hôtes animaux (rongeurs, félins, canidés) ou humains, et des insectes vecteurs (puces, tiques, poux). Dans les réservoirs animaux, elles causent habituellement des bactériémies intraérythrocytaires permanentes sans signes inflammatoires systémiques. Pour chaque mammifère-hôte, il existe une interaction spécifique avec les cellules endothéliales et les érythrocytes. Pour chaque Bartonella sp., l’invasion et la colonisation intracellulaire persistante des érythrocytes restent limitées à un hôte-réservoir spécifique, humain ou animal. En revanche, les cellules endothéliales constituent probablement des cellules-hôtes cibles chez probablement tous les mammifères, y compris les êtres humains. [36] Beaucoup de manifestations cliniques orphelines sont maintenant associées à des infections par Bartonella henselae. Les animaux et surtout les chats domestiques sont les principaux réservoirs de Bartonella. Les chats sont des porteurs sains de Bartonella henselae et Bartonella claridgeiae et peuvent être bactériémiques pendant des mois ou des années. La transmission de chat à chat de la bactérie implique la puce du chat en l’absence de transmission par contact direct. [37] La classique bartonellose ou maladie de Carrión est la seule envisagée ici. C’est une infection due à Bartonella bacilliformis, un petit bacille aérobie. Elle est endémique en Amérique du Sud, dans la Cordillère des Andes. [5] La maladie évolue en deux phases : la première phase est une anémie fébrile grave (la fièvre de la Oroya), à laquelle fait suite une période intercalaire asymptomatique, puis la deuxième phase caractérisée par une éruption cutanée, la « verrue péruvienne » ou verruga peruana ou « bouton d’Amboine ». La maladie est transmise à l’homme par la piqûre de phlébotomes. Les cas sporadiques ou endémiques ne surviennent que là où vit le vecteur, c’est-à-dire dans les gorges arides de la Cordillère des Andes, la Colombie, l’Équateur et le Pérou. Bartonella bacilliformis est un bacille à Gram négatif, aérobie, mobile, pouvant être cultivé sur milieu enrichi. [23] L’incubation de la maladie est de 19 à 30 jours. Après piqûre par l’insecte, les bartonelles passent dans la circulation sanguine, se fixent à la surface des érythrocytes, les fragilisent et engendrent une anémie hémolytique ou « fièvre de la Oroya ». [23] Cette phase se caractérise par une fièvre brutale, Stomatologie
une asthénie, des céphalées, un délire, un coma. Sans traitement, la mortalité est supérieure à 50 %. Les lésions cutanées (verruga) apparaissent pendant la période de convalescence de la fièvre de la Oroya : macules et papules érythémateuses qui siègent sur la face et les extrémités. Elles peuvent s’ulcérer et saigner facilement. Elles peuvent aussi persister pendant des mois, voire des années, mais guérissent sans laisser de cicatrices. Ces lésions peuvent aussi toucher les conjonctives et les muqueuses buccales et nasales. [38] D’autres lésions apparaissent : ce sont des nodules sous-cutanés hémangiomateux de 1 à 2 cm de diamètre, sessiles ou pédiculés. Ils sont localisés essentiellement sur les extrémités. Du point de vue thérapeutique, les pénicillines, la streptomycine, les tétracyclines et le chloramphénicol sont très efficaces.
Donovanose La donovanose ou granulome vénérien (granuloma inguinale) est une maladie ulcéreuse chronique, progressive, sexuellement transmissible, peu contagieuse, [32, 39] due à Calymmatobacterium granulomatosis, un bacille pléomorphe encapsulé. Le chancre donovanien, muqueux génital, unique ou multifocal, apparaît après une incubation de 2 semaines environ. C’est une ulcération indolore, végétante, granulomateuse et saignotante, à bords nets et ondulés, qui repose sur une base rénitente et non indurée. [40, 41] Il n’y a généralement pas d’adénopathie satellite. L’atteinte primaire génitobuccale, soit sexuelle, soit par autoinoculation, n’est pas rare. Les lésions buccales ont un aspect identique, sauf au niveau gingival où la lésion prend l’aspect d’une gingivite hypertrophique localisée. Non traitée, la lésion buccale s’étend avec d’importantes destructions tissulaires. Histologiquement, le granulome inflammatoire est riche en histiocytes. L’agent pathogène, libre ou plus souvent intrahistiocytaire (corps de Donovan) doit être mis en évidence sur biopsie ou frottis. Le traitement par tétracyclines, minocycline, doxycycline, triméthoprime/sulfaméthoxazole ou encore érythromycine, doit être continué jusqu’à épithélialisation complète, soit pendant plusieurs semaines. [39] L’éducation des patients et l’attention particulière aux autres maladies sexuellement transmissibles survenant simultanément sont la règle de nos jours. [42]
■ Stomatites dues à des bactéries anaérobies Les bacilles anaérobies à Gram négatif qui constituent le genre Bacteroides sont parmi les plus importants de la flore humaine normale et sont nombreux dans la cavité buccale. C’est Bacteroides fragilis qui est l’espèce la plus importante. Récemment, certaines Bacteroides sp. ont été classées dans deux nouveaux genres, Porphyromonas [43] d’abord, puis Prevotella, [44] bacilles anaérobies pigmentants. Fusobacterium sp. sont de longs et fins bâtonnets à Gram négatif mis en évidence dans la gingivostomatite ulcéronécrotique aiguë et l’angine de Vincent. En bouche, presque toutes les infections dentaires cliniquement importantes (y compris les infections endodontiques et les abcès périapicaux) impliquent des germes anaérobies. Les germes importants dans la maladie parodontale (gingivites, pyorrhée) sont Prevotella melaninogenica (anciennement Bacteroides melaninogenicus), Prevotella intermedia, Porphyromonas gingivalis et Bacteroides forsythus. [3, 45-47] Avec ces germes, l’infection sera fonction du site et des conditions prédisposantes : ce seront des abcès dentaires, une ostéomyélite de la mandibule, des parodontites, des gingivites nécrosantes. Une cellulite anaérobie, une fasciite nécrosante ou une gangrène peuvent aussi se développer. Le diagnostic repose sur l’identification par examen direct et par l’identification des colonies en culture. Les bacilles Leptotrichia buccalis sont aussi des commensaux de la cavité buccale qui, lorsque l’équilibre est rompu, peuvent provoquer des infections sévères (collections purulentes, gingivite nécrosante, ostéomyélite, voire bactériémie). La gingivostomatite ulcéronécrotique aiguë et l’angine de Vincent sont dues à des bacilles à Gram négatif immobiles,
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anaérobies stricts de l’espèce Fusobacterium. Cette affection redoutable est due à l’association de Fusobacterium plautivincentii et de Borrelia vincentii. Les bacilles fusiformes (fusobactéries) peuvent aussi coexister avec d’autres germes anaérobies (Bacteroides, Peptostreptococcus). Ces organismes font normalement partie de la flore buccale, mais leur virulence peut être exacerbée en cas de diminution de la résistance de l’hôte (immunodépression, famine, hygiène déficiente, toxines microbiennes, stress), de mauvaise hygiène buccale, voire d’usage du tabac. La gingivite peut constituer une condition pathologique isolée, limitée aux papilles interdentaires et à la gencive marginale - c’est l’« infection de Plaut-Vincent » ou « fusospirochétose » ou encore « gingivite ulcéromembraneuse » -, avec nécrose osseuse alvéolaire, ou s’étendre dans la cavité buccale. On parle alors de « stomatite ulcéronécrotique » ou de « stomatite de Vincent ». Quand l’infection affecte les amygdales ou le pharynx, on parle classiquement d’« angine de Vincent ». [5] L’affection atteint rarement les enfants ; l’âge habituel est 20 à 30 ans. Les sites de prédilection sont les poches parodontales et la portion postérieure de la cavité buccale bordant le pharynx. L’affection se manifeste surtout par une gingivite, plus rarement par une stomatite ou une amygdalite : elle n’atteint qu’exceptionnellement toute la muqueuse buccale (trigone rétromolaire, palais, langue, lèvres). Cliniquement, la gencive est rouge, œdématiée, hémorragique, très douloureuse puis, rapidement, il se développe une nécrose du bord gingival et des papilles interdentaires avec formation de cratères et pseudomembranes. [5, 48] Le tout s’accompagne de sialorrhée, d’haleine fétide, d’adénopathies régionales, de fièvre et de malaise. On est frappé par l’état normal de la muqueuse adjacente. L’affection peut atteindre l’anneau de Waldeyer, aboutissant à la formation d’un ulcère du pôle d’une amygdale d’abord, de l’autre ensuite : c’est l’angine de Vincent. [5] Une sialorrhée et des adénopathies régionales douloureuses sont présentes. Une dysphagie, des malaises et de la fièvre sont notés en phase aiguë. Les lésions amygdaliennes et muqueuses guérissent en 1 à 3 semaines, mais la gingivite peut évoluer en nécrosant l’os et en exposant les racines dentaires. Les récidives sont possibles mais rares après l’âge de 40 ans. Le traitement du stade aigu repose sur l’administration intramusculaire de pénicilline procaïnée pendant 3 à 7 jours. Le métronidazole est associé pendant la même durée. L’alternative est la tétracycline orale. Localement, une solution de peroxyde d’hydrogène à 3 % est utilisée pour pratiquer des bains de bouche, toutes les 2 heures en période d’éveil ; la solution est diluée dans l’eau. Une désinfection locale peut aussi être recommandée (violet de gentiane par exemple). L’alimentation est liquide et non irritante. Après 2 à 3 jours, quand les ulcérations sont moins douloureuses, le dentiste pratique des soins locaux (nettoyage des culs-de-sac gingivaux, curetages et détartrages prudents, polissage des surfaces dentaires). Le noma (cancrum oris) ou gingivostomatite gangréneuse est généralement dû à Fusobacterium. Des fusospirochètes comme Borrelia vincentii et Fusobacterium nucleatum sont régulièrement mis en évidence en cultures de lésions de noma. Prevotella melaninogenica peut aussi être présent. [48] On rencontre le noma en Afrique, en Asie du Sud-Est, en Inde et en Amérique du Sud. Il se voit presque uniquement chez les enfants, rarement chez l’adulte. Il est décrit en détail dans un autre chapitre. [49] Les facteurs prédisposants sont la mauvaise hygiène buccale, la malnutrition, les troubles immunitaires, les maladies intercurrentes (il survient souvent au cours de la rougeole). [5] Une nécrose indolore apparaît sur la gencive et les muqueuses jugale, labiale ou palatine. La nécrose s’étend en surface et en profondeur pour aboutir à des perforations ou amputations jugales, labiales, palatines, avec des séquestres osseux ; cette nécrose produit des mutilations faciales catastrophiques. Non traitée, l’évolution est fatale. L’antibiotique de premier choix est la pénicilline V ou G ; le deuxième choix est constitué par les tétracyclines, l’érythromycine et la clindamycine. En ce qui concerne Bacteroides fragilis, c’est le métronidazole et la clindamycine.
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■ Stomatites dues à des spirochètes Les spirochètes appartiennent à la famille des Spirochaetaceae. Le genre Treponema comporte au moins 13 espèces. Les seuls tréponèmes pathogènes chez l’homme sont Treponema pallidum sp. pallidum (syphilis), Treponema pallidum sp. pertenue (pian ou yaws), Treponema carateum (pinta ou « mal del pinto » ou « caraté ») et Treponema pallidum sp. endemicum (bejel ou « syphilis endémique »). Seule la syphilis est sexuellement transmissible. Les autres organismes pathogènes du groupe appartiennent aux genres Borrelia et Leptospira. La pinta est caractérisée par des lésions uniquement cutanées, le pian par des lésions cutanées et osseuses (qui peuvent détruire le massif facial), et le bejel par des lésions cutanées, muqueuses et osseuses.
Syphilis La syphilis (Treponema pallidum) est décrite en détail dans un autre chapitre de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. [50]
Pian Le « pian » (mot de la langue galibi) est dû à Treponema pallidum sp. pertenue. La maladie est connue sous plusieurs noms selon les lieux où elle sévit ; « yaws » dans les pays anglosaxons, « boubas » au Brésil, « parangi » au Sri Lanka, « framboesia », « dobé » en Côte-d’Ivoire, « kimo » au Laos. C’est une tréponématose tropicale non vénérienne, endémique (Amérique tropicale, Asie du Sud-Est, Afrique occidentale et centrale, Océanie), contagieuse et inoculable. Il existe une interdépendance étroite entre environnement et pathologie. La contamination est le plus souvent directe au niveau de plaies, de fissures, de lésions cutanées préexistantes. Le rôle de mouches du genre Hippelates, des puces et des tiques serait important dans l’inoculation. La transmission sexuelle est exceptionnelle de même que le passage transplacentaire du tréponème. La contamination des enfants lors de l’accouchement est possible. L’incubation dure en moyenne de 3 à 4 semaines. [49] Elle est normalement cliniquement muette, mais anorexie, fièvre et arthralgies sont parfois notées. Le stade primaire (pian primaire) est caractérisé par l’apparition du chancre non induré (« maman pian » ou mother yaw) qui guérit en formant une cicatrice dyschromique. Le stade secondaire (pian secondaire) débute en moyenne 6 semaines après le chancre. Les lésions typiques sont les pianomes qui se développent souvent à partir de la lésion initiale (plis de flexion, orifices naturels, face, cuir chevelu, conjonctives, pieds) ; ils sont recouverts d’une croûte qui, détachée, laisse apparaître une lésion d’aspect framboisiforme (« framboesia »). Les pianomes se multiplient et forment une véritable éruption généralisée. Dans la cavité buccale, lèvres, langue et palais sont les plus souvent affectés, mais moins souvent que dans la syphilis. [49] Les pianomes peuvent guérir sans séquelle. Ils sont riches en tréponèmes. Les pianides qui suivent sont des lésions sèches, pauvres en tréponèmes. Elles se manifestent de plusieurs façons : rare roséole pianique (cou, thorax, extrémités), pianides papuleuses, pianides circinées et pianides des ongles, qui guérissent en laissant une cicatrice indélébile. Les plaques muqueuses sont rares. Au niveau facial, les déformations osseuses sont connues sous le nom de « goundou » (ou « anakhré »), atteinte rare caractérisée par l’apparition d’une ostéite maxillaire hypertrophiante, douloureuse au début et évolutive. Une fois constituées, les lésions sont indolores, indurées et souvent symétriques (apophyses montantes des maxillaires). Après une période de latence de 5 à 15 ans, la période tertiaire (pian tertiaire) apparaît. Des lésions cutanées sèches ou ulcéreuses apparaissent, se soldant par des cicatrices adhérentes et rétractiles. Des gommes atteignent souvent les structures molles, les cartilages et les os de la face, entraînant perforation palatine ou nez ensellé. La rhinopharyngite ulcéreuse (rhinopharyngitis mutilans ou « gangosa »), qui résulte de Stomatologie
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la surinfection d’un ulcère nasopalatin, entraîne une importante destruction centrofaciale. Le traitement, très efficace, fait appel à la pénicilline-retard (benzathine-pénicilline). [49] La pénicilline V orale a également fait ses preuves sur les manifestations cutanées de la maladie chez des enfants ciblés de zones rurales de Guyane sud-américaine. [51]
Bejel Le bejel ou « balash » (Moyen-Orient) est une syphilis non vénérienne chronique causée par une variété de tréponème endémique, Treponema pallidum sp. endemicum. Aussi appelée « dichuchwa » au Botswana, « njovera » en Rhodésie, « siti » en Gambie, « irkintja » en Australie centrale, et « skerlievo » en Bosnie, cette affection touche surtout les enfants des tribus arabes du Moyen-Orient (Irak, Syrie, Jordanie). Elle est donc endémique dans des régions désertiques chaudes et sèches. La transmission sexuelle est exceptionnelle ; la transmission placentaire n’existe pas. [5] On ne lui décrit pas de chancre primaire mais d’emblée des ulcérations de la muqueuse buccale ; la transmission du tréponème se ferait par les ustensiles de cuisine utilisés dans les communautés. [52] Chez l’adulte, l’inoculation se ferait par le baiser ou au contact d’enfants atteints. Les manifestations sont d’emblée de type secondaire, avec ulcérations des muqueuses buccales et labiales (syphilides, plaques muqueuses). Le bejel peut débuter également par une éruption papulaire diffuse ; ces papules humides intéressent les régions cutanéomuqueuses mais aussi les plis cutanés. Des manifestations d’ostéite des os longs et du crâne sont souvent notées. Les accidents tertiaires ressemblent à ceux de la syphilis. Il n’existe pas d’atteintes cardiovasculaires et nerveuses. En revanche, des gommes se développent au niveau des muqueuses, de la peau et des os (os longs et crâne). Au niveau facial, l’atteinte des os du nez, du palais et du larynx aboutit à d’importantes mutilations. [5] Le diagnostic microscopique repose sur l’examen d’exsudats sur fond noir. Les tests sérologiques sont les mêmes que ceux utilisés pour dépister la syphilis et deviennent positifs de la même manière. Depuis longtemps, le traitement fait appel à une seule injection de pénicilline procaïnée. On peut répéter le traitement chez les patients présentant des lésions osseuses et cutanéomuqueuses tardives.
Tréponèmes cultivables in vitro Les tréponèmes cultivables in vitro sont des commensaux des muqueuses qui ne deviennent pathogènes qu’en association avec des bactéries anaérobies. [5] On peut déterminer leur biotype en les cultivant sur milieux anaérobies enrichis par des ultrafiltrats de sérum et en analysant la fermentation des sucres, la production d’indole et de sulfure d’hydrogène. [53] Citons Treponema phagedenis ou tréponème de Reiter, responsable des ulcères phagédéniques des pays chauds lorsqu’il est associé à des bactéroïdes fusiformes, ou Treponema refringens, commensal des muqueuses génitales. Au niveau de la cavité buccale, les commensaux qui sont Treponema macrodentium, Treponema orale et surtout Treponema denticola sont incriminés dans les gingivites. Treponema denticola, en principe inoffensifs, augmentent en nombre dans les poches parodontales dès que ces dernières sont profondes, ou du moins ont perdu leur attachement sur plus de 3 mm. [54] Une étude [55] a démontré qu’il existe une relation positive entre la quantité de Treponema denticola et la sévérité de la parodontite. Treponema denticola pourrait donc être considéré comme un agent étiologique de la parodontite sévère.
■ Stomatite due à la mycobactérie de la lèpre La lèpre ou maladie de Hansen est due à la bactérie Mycobacterium leprae, un bacille intracellulaire obligé immobile et alcooloacidorésistant, plutôt à Gram positif. [56, 57] La maladie est décrite en détail dans un autre chapitre de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. [49] Stomatologie
Diverses atteintes orales et périorales sont possibles. Les lèvres présentent des lépromes dans 60 % des cas, ce qui donne à l’orifice buccal un aspect en « bouche de poisson ». La langue est impliquée dans 2 à 30 % des cas. [58, 59] On note des nodules et des papules lépromateuses au niveau du tiers antérieur. L’atrophie papulaire due à l’invasion sous-jacente conduit à un aspect de langue géographique. [59] L’atteinte du voile est fréquente (20 % des cas) dans la lèpre lépromateuse, entraînant des lésions du voile, de la luette et des piliers pouvant aller jusqu’à la perforation ; elles sont responsables de troubles phonatoires. L’atteinte du plancher buccal et de la face interne des joues par des lésions diverses est rare pour certains, mais plus courante pour d’autres. Gingivite et parodontolyse sont souvent notées, de même que des nécroses pulpaires entraînant une coloration rosée des dents. [59] Pharynx et larynx peuvent aussi être touchés, prenant un aspect croûteux et provoquant une raucité de la voix. Une étude récente [60] a montré que l’atteinte des nerfs crâniens semblait affecter en priorité le nerf facial, avant le nerf olfactif, le nerf trijumeau et le nerf auditif. Le traitement médical fait classiquement appel aux sulfones (dapsone, sulfoxone, solasulfone, acédapsone), aux sulfamides retards, à la clofazimine et à la rifampicine (seule bactéricide). [49] Pour éviter les résistances, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise l’association de rifampicine, dapsone et clofazimine, pendant 2 ans au moins ; il reste à déterminer si ce protocole doit être poursuivi aussi longtemps ou s’il peut être raccourci en fonction des résultats des frottis. Dans la lèpre lépromateuse, un traitement par péfloxacine ou ofloxacine a montré de bons résultats, avec une meilleure efficacité pour la première médication. [61] Les schémas varient donc selon les formes de la maladie. Les traitements traditionnels doivent être poursuivis toute la vie dans la lèpre lépromateuse et la lèpre lépromateuse borderline. Il est particulièrement important de souligner, à une époque où nombre de personnes voyagent, qu’une lèpre à son début peut être non diagnostiquée pendant des mois, confondue avec d’autres lésions dermatologiques. [62]
■ Stomatites dues à des bactéries particulières Incidemment, certaines maladies dues à des bactéries particulières présentent une stomatite au cours de leur évolution : ce sont les infections par rickettsies (petits coccobacilles intracellulaires obligés à Gram négatif dont la nature bactérienne est maintenant bien établie) [63] et par mycoplasmes (organismes procaryotes de la classe des Mollicutes, les plus petits organismes vivant à l’état libre, capables de synthèse et de multiplication sur milieux artificiels acellulaires, distincts des virus et des bactéries par leur absence de paroi), [64] ainsi que le syndrome de Reiter (atteinte oculo-urétro-synoviale due le plus souvent à Chlamydia trachomatis, mais aussi à Salmonella, Shigella, Yersinia et Campylobacter, chez des patients possédant l’antigène human leukocyte antigen [HLA]-B27), [65, 66] et enfin la lymphogranulomatose vénérienne (maladie sexuellement transmissible due à Chlamydia trachomatis, petite bactérie cytoparasite ayant à la fois des caractéristiques de bactéries et de virus). [67]
Rickettsioses La fièvre pourprée des montagnes Rocheuses est due à Rickettsia rickettsii transmise par des tiques à carapace dure. Elle est limitée au continent nord-américain. Les tiques responsables de la transmission varient selon les contrées : ce sont Dermacentor andersoni (tique des bois), Dermacentor variabilis (tique du chien), Amblyomma americanum, Haemophysalis leporis-palustris (tique du lapin), Rhipicephalus sanguineus (tique parasitant le chien). [68] L’homme est un hôte accidentel pour toutes les tiques et ne fait donc pas partie du cycle de transmission. Il faut savoir également que les tiques transmettent le parasite à leur descendance. La transmission d’homme à homme est impossible. Le début de l’affection est brutal, avec toux et fièvre élevée. Ce n’est que le 4e jour que l’exanthème apparaît, qui devient bientôt plus foncé ; des pétéchies apparaissent dans les cas
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graves. L’énanthème buccal peut évoluer de la même façon, avec sécheresse extrême des lèvres, de la langue, du pharynx. Une photophobie peut apparaître, en même temps qu’une injection conjonctivale, des pétéchies conjonctivales et rétiniennes et des signes d’encéphalite. La rickettsiose varicelliforme ou vésiculeuse est une affection fébrile bénigne occasionnée par Rickettsia akari. Elle est transmise à l’homme par une mite, Allodermanyssus sanguineus, parasite de la souris Mus musculus et d’autres rongeurs. On la rencontre surtout aux États-Unis ou en Russie. [5] Souvent confondue avec la varicelle, elle est donc traitée de manière non appropriée. Cliniquement, une petite papule ulcérée recouverte d’une croûte sombre apparaît au point d’inoculation, 1 semaine avant la fièvre. Une adénopathie régionale est notée. La fièvre est intermittente et est accompagnée de photophobie, de céphalées, de myalgies, de sudations profuses ; elle s’accompagne d’un exanthème maculopapuleux généralisé avec vésicules intraépidermiques ressemblant à celles de la varicelle. L’atteinte buccale est habituelle. L’évolution spontanée vers la guérison est de règle, bien que certains cas puissent être sévères. Le traitement des rickettsioses fait le plus souvent appel aux tétracyclines.
Urétrite et prostatite non gonococciques s’installent aussi. Plusieurs structures oculaires peuvent être touchées (conjonctivite, iridocyclite, kératite, névrite optique). Les atteintes cutanéomuqueuses sont pratiquement constantes. Les muqueuses génitales présentent des érosions rouge sombre, non exsudatives et surélevées. Au niveau buccal, les lésions apparaissent comme des plages rouges, arrondies ou circinées, un peu surélevées, d’un diamètre de 1 à 10 mm, entourées d’un liseré blanchâtre ; elles peuvent aussi se présenter sous forme de vésicules opaques ou de plages érythémateuses brillantes à surface granuleuse. Elles siègent sur le palais dur, le voile, la langue, la face interne des joues, les gencives. Elles sont asymptomatiques. Au niveau de la langue, on note des lésions migratrices comparables à celles rencontrées dans la langue géographique. Les lésions cutanées (papulopustules) sont plus rares et se rencontrent dans les formes sévères. L’évolution de l’affection est variable : rémission complète dans un tiers des cas, récidive dans un tiers des cas et passage à la chronicité dans le dernier tiers des cas. [65] Le traitement reste controversé. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont efficaces. [70]
Infections par mycoplasmes
Lymphogranulomatose vénérienne
La transmission de l’infection se fait par inhalation pour Mycoplasma pneumoniae, par contact sexuel pour Mycoplasma hominis et pour Ureaplasma urealyticum. L’affection donne un tableau clinique proche des pneumopathies virales. Le mycoplasme peut survivre dans les expectorations, ce qui explique les rechutes. Des formes cliniques plus graves peuvent survenir ; l’atteinte pulmonaire est alors sévère. Syndrome de StevensJohnson et érythème polymorphe sont des complications fréquentes de la pneumopathie atypique, de même que la pancréatite, la polynévrite, la méningite, l’encéphalite, la myocardite ou la péricardite. Une méningite bulleuse avec tympan rouge couvert de bulles survient dans 5 à 10 % des cas. [69] Ce sont surtout des phénomènes auto-immunitaires qui sont responsables des complications. L’isolation de Mycoplasma orale et Mycoplasma salivarium est commune dans l’oropharynx, celle de Mycoplasma buccale et de Mycoplasma faucium peu fréquente, et celle de Mycoplasma lipophilum et Mycoplasma primatum rare. [64]
La maladie de Nicolas-Favre est une maladie sexuellement transmissible due à Chlamydia trachomatis, qui existe à l’état endémique dans les régions tropicales et subtropicales. C’est dans le monde la maladie bactérienne sexuellement transmissible la plus fréquente. [75] L’impact de l’infection n’est pas à négliger dans le monde homosexuel, [76] d’autant que sa détection y apparaît commune. [77] La lésion primaire apparaît au site d’inoculation (souvent génital) 3 à 30 jours après le contact, sous forme d’une papule ou d’une vésicule indolore de type herpétiforme, qui peut s’ulcérer avant de guérir rapidement sans séquelle. [67, 78] À l’occasion surtout de contacts orogénitaux, le chancre peut apparaître au niveau de la cavité buccale, où il affecte la forme d’une ulcération peu profonde. Il guérit plus lentement à ce niveau et peut être encore présent lorsque la phase secondaire apparaît. La phase secondaire est caractérisée par l’atteinte ganglionnaire (surtout inguinale, avec tuméfaction puis suppuration), l’asthénie, la fièvre, l’amaigrissement et les sudations nocturnes. La phase tertiaire signe le passage à la chronicité et la sclérose rectale et génitale, voire l’hypertrophie éléphantiasique des organes génitaux (esthiomène). L’efficacité du traitement (doxycycline, érythromycine ou sulfisoxazole) est fonction de la précocité de son installation. [14] Il apparaît crucial, pour prévenir l’extension incontrôlée de cette infection, en particulier à partir de professionnelles du sexe, [79] d’assurer des campagnes d’information et de contrôle sanitaire.
Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter Le syndrome oculo-urétro-synovial ou syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter affecte l’homme jeune dans 90 % des cas. Il semble néanmoins que la femme soit aussi souvent touchée que l’homme mais l’expression de la maladie serait plus fruste chez elle. L’affection multisystémique serait plus fréquemment génétique et exprimerait l’antigène HLA-B27. [65, 70] On implique plusieurs bactéries dans sa pathogenèse : Chlamydia trachomatis, [71] Ureaplasma urealyticum, Yersinia enterocolitica, Shigella flexneri 2A et 1B, Salmonella typhimurinum et Campylobacter jejuni. C’est surtout la variation du taux d’anticorps qui déclencherait la symptomatologie : une réaction immunologique mal adaptée à une infection intestinale ou génito-urinaire (keratoderma blennorrhagicum et balanitis circinata, microscopiquement similaires à un psoriasis pustuleux) [72] aurait donc un retentissement sur d’autres structures situées à distance : les articulations, l’œil, la peau, les muqueuses et le cœur. [65] L’affection débute par un épisode diarrhéique durant quelques jours, suivi après quelques semaines des manifestations oculaires, génitales et articulaires. L’arthrite se localise au niveau de plusieurs articulations, souvent asymétriquement. Douleurs et gonflements sont les symptômes majeurs. Chlamydia trachomatis et Ureaplasma urealyticum ont été identifiées dans les cas d’arthrite, posant la question de leur rôle étiopathogénique dans cette maladie. [73] Algies et érosions causant des dysfonctions peuvent être observées au niveau des articulations temporomandibulaires ; [74] les répercussions au niveau masticatoire doivent aussi être prises en compte.
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Stomatologie
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-050-M-10
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Allergie en stomatologie MT Guinnepain R Kuffer
R é s u m é. – Au cours des réactions allergiques, plusieurs types de cellules du système immunitaire sont activées spécifiquement lors du contact avec le (s) allergène (s). Des cytokines, messagers effecteurs, vont transmettre les informations aux cellules cibles dont les altérations constituent l’inflammation allergique. Au niveau des régions cutanéomuqueuses de la bouche, les lésions ainsi induites sont des eczémas à type de chéilites, de stomatites allergiques de contact ou toxiques, d’angioœdèmes, d’urticaires de contact. Les allergènes sont à rechercher dans les aliments, médicaments, cosmétiques, prothèses et amalgames, produits d’hygiène buccale et de soins au cabinet dentaire. Parmi eux, les coupables à retenir sont surtout les fruits, le latex, les parfums et arômes, les métaux, plus rarement les résines acryliques qui sont, avec les désinfectants, surtout des allergènes professionnels pour le praticien. La bouche peut être une localisation de toxidermies graves. Parfois, ces symptômes allergiques sont à différencier des réactions d’irritation et des stomatodynies. Les méthodes de diagnostic font appel aux tests cutanés dont la méthodologie rigoureuse impose une bonne connaissance des allergènes potentiels et l’évaluation critique de leurs résultats. L’origine allergique d’autres symptômes est discutée, ainsi que le rôle des foyers infectieux dentaires dans certaines pathologies de type allergique.
Introduction Des progrès récents en immunologie permettent de mieux comprendre les modalités de sensibilisation qui conduisent aux symptômes d’allergie. Les mécanismes humoraux et cellulaires sont en réalité intriqués, faisant jouer un rôle essentiel aux lymphocytes qui mettent en œuvre une batterie de cytokines, messagers de communication entre les cellules présentatrices d’antigène et les cellules cibles. Dans la cavité buccale, tous les acteurs de la réponse immune sont présents, les particularités locales modifient les conditions de contact avec l’allergène et le mode de réponse. Les symptômes y sont souvent peu spécifiques, et irritation et allergie sont parfois difficiles à distinguer. Les différentes formes cliniques des maladies allergiques sont représentées : tant réactions locales limitées que symptômes buccaux au cours d’atteintes systémiques. Les allergènes potentiels sont nombreux et leur exploration fait appel aux méthodes habituelles de l’allergologie sans omettre une interprétation critique des résultats prenant en compte les facteurs locaux et les antigènes particuliers à cette topographie.
Généralités - Principaux mécanismes des maladies allergiques Allergie de type immédiat [15, 29] Cellules impliquées
© Elsevier, Paris
Ce sont les mastocytes et basophiles, les cellules épithéliales des vaisseaux, mais aussi les lymphocytes, les autres polynucléaires et les plaquettes.
Marie-Thérèse Guinnepain : Ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris, chef de service, dermatologue-allergologue, consultation allergologie de l’Institut Pasteur, 28, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris, France. Roger Kuffer : Stomatologiste-anatomopathologiste, ancien chargé de cours à la faculté de médecine de Genève, Suisse. Toute référence à cet article doit porter la mention : Guinnepain MT et Kuffer R. Allergie en stomatologie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-050-M-10, 1998, 12 p.
Les mastocytes que l’on trouve au niveau de la peau et des sous-muqueuses digestives ont une topographie dermique périvasculaire préférentielle, d’autres mastocytes, muqueux ou atypiques, siègent au niveau des voies respiratoires et des muqueuses digestives. Les basophiles, aussi d’origine médullaire, sont des cellules du sang circulant. Ces deux types de cellules sont susceptibles de libérer des substances à activité enzymatique. Certaines sont stockées sous forme de granules et dites préformées, d’autres sont néoformées, au cours de la réaction allergique. Ces cellules portent des récepteurs membranaires spécifiques pour les immunoglobulines (Ig) E ou récepteurs de forte affinité appelés FCe R1. Dans la réaction d’hypersensibilité immédiate, l’allergène, ou d’autres stimuli introduits dans l’organisme par voie locale ou systémique, déclenchent chez le sujet déjà sensibilisé sous l’influence de l’interleukine (IL) 4 (produite par les TH2), la synthèse d’IgE spécifiques par les lymphocytes B. Ces allergènes se fixent sur les IgE, elles-mêmes fixées sur les récepteurs des mastocytes et des basophiles. Un pontage de plusieurs IgE déclenche l’activation de la cellule. À ce stade intervient la libération de substances enzymatiques et de médiateurs (en partie visibles sous forme de dégranulation). Ces médiateurs sont excrétés activement. Parallèlement, la cellule synthétise les médiateurs dits néoformés.
Médiateurs L’histamine est le plus anciennement connu et le plus important des médiateurs stockés dans les basophiles et mastocytes. L’histamine agit essentiellement par fixation sur les récepteurs H1 (les récepteurs H2 ont un effet de rétrocontrôle) présents sur les cellules endothéliales et les terminaisons nerveuses ou sensitives. Injectée dans la peau, l’histamine induit la triade de Lewis : papule œdémateuse, érythème périphérique réflexe et prurit. La vasodilatation joue là un rôle important. D’autres médiateurs interviennent dans l’hypersensibilité immédiate. Des substances sont issues du métabolisme de l’acide arachidonique et des phospholipides membranaires : ce sont les leucotriènes (LT) (voie de la lipooxygénase), en particulier LTC4 et LTB4, et les prostaglandines (PG) (voie de la cyclo-oxygénase) PGD2... La sérotonine (d’origine plaquettaire) et le PAF (platelet activating factor) sont tous deux actifs sur la perméabilité vasculaire et le chimiotactisme des polynucléaires. Les facteurs du complément C3a et C5a (ou anaphylatoxines), libérés au cours de son
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activation, ont une action directe sur les vaisseaux mais aussi sur les mastocytes et sur les polynucléaires neutrophiles vis-à-vis desquels ils sont de puissants agents chimiotactiques. Les kinines, vasoactifs puissants, augmentent la perméabilité vasculaire (bradykinine) et favorisent la survenue d’œdèmes ; l’acétylcholine agit probablement en favorisant la libération d’histamine. Il en est de même des neuropeptides : substance P et VIP (vasoactive intestinal peptide) synthétisés et libérés à partir de terminaisons nerveuses (des fibres C en particulier) ; leur action vasodilatatrice s’exerce directement sur les vaisseaux sanguins, mais aussi par l’intermédaire de l’activation des mastocytes. D’autres enzymes et cytokines sont libérées lors de la réaction d’hypersensibilité immédiate (rôle des neutrophiles, éosinophiles, TNFα [tumour necrosis factor])... et sont à l’origine d’une réaction inflammatoire prolongée (phase tardive).
Autres modes d’activation D’autres modes d’activation peuvent être mis en jeu : certaines substances chimiques ou médicamenteuses ou même des facteurs physiques modifient le métabolisme de l’acide arachidonique (c’est le cas de l’acide acétylsalicylique et des anti-inflammatoires non stéroïdiens) induisant une synthèse accrue de leucotriènes et une augmentation de la libération d’histamine. Le complément et les mastocytes peuvent aussi être directement activés, notamment par les endotoxines bactériennes, les produits de contraste iodés... De plus, les substances riches en amines, histamine ou tyramine peuvent être à l’origine d’urticaire et d’angioœdème. Il faut y ajouter les facteurs de stress et tous les facteurs conduisant à une vasodilatation dont l’alcool, l’effort, les facteurs hormonaux... Ainsi, les cellules mastocytaires et basophiles peuvent être activées par des mécanismes immunologiques ou non immunologiques susceptibles d’induire les mêmes symptômes comportant vasodilatation, œdème et prurit.
Physiopathologie des eczémas Eczéma de contact L’eczéma de contact est le modèle de l’hypersensibilité retardée médiée par des lymphocytes T spécifiques de l’antigène. Le mécanisme en est à présent bien connu dans ses phases de sensibilisation, de révélation et de déclenchement de l’eczéma. L’antigène responsable de l’inflammation dans l’eczéma de contact est le plus souvent un haptène, soit une substance chimique en général de petite taille, très réactive, capable d’interagir avec des acides aminés et des protéines [47]. Ces interactions conditionnent l’immunogénicité. On distingue trois phases : la phase de sensibilisation silencieuse aboutit à la formation de lymphocytes T spécifiques d’haptène. Le temps nécessaire à la sensibilisation dépasse en général 10 à 15 jours. L’haptène est pris en charge par la cellule de Langerhans (cellule denditrique de l’épiderme) qui migre ensuite dans le derme vers les canaux lymphatiques jusqu’à la zone paracorticale des ganglions. C’est le lieu de la présentation de l’haptène aux lymphocytes T générant des lymphocytes « mémoire » spécifiques qui rejoignent ensuite la circulation générale et les tissus périphériques. La présentation antigénique se fait sous contrôle des antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Les lymphocytes T « mémoire » spécifiques présents dans le tégument peuvent être activés lors de contacts ultérieurs avec le même haptène. Chez l’individu ainsi sensibilisé, en cas de contact avec l’haptène, celui-ci est pris en charge par les cellules de Langerhans qui migrent vers le derme où elles le présentent conjugué en l’associant aux molécules du CMH. À la phase précoce de l’eczéma, dans les lésions les cellules CD4+ sont prépondérantes. L’activation de ces lymphocytes est associée à la production de cytokines (IL 2 et interféron γ) générant l’activation de cellules endothéliales et des kératinocytes. Les cellules inflammatoires sont recrutées très rapidement dans l’épiderme et les cytokines produites par celles-ci génèrent les lésions élémentaires d’eczéma. Vasodilatation et modification de l’expression des molécules d’adhésion endothéliale, nécessaires aux interactions cellulaires et à l’extravasation de leucocytes, induisent un infiltrat inflammatoire dermoépidermique. L’inflammation ainsi produite a une évolution spontanément résolutive.
Dermatite atopique [7, 12] Dans l’eczéma atopique, les phases de sensibilisation et de révélation de la sensibilisation sont de même type que celles de l’eczéma de contact. Toutefois, des différences concernent la nature de l’antigène et la présence d’IgE spécifiques portées par les cellules de Langerhans. En effet, chez l’atopique, les cellules dendritiques des épithéliums expriment des récepteurs pour les IgE : récepteurs de forte affinité FCe R1 et de faible affinité FCe R2 ou CD23. L’expression de ces récepteurs varie en fonction de l’environnement et de l’état de la peau (inflammation) ; le rôle des cytokines IL4, IL3 (produites par les lymphocytes TH2) est important dans l’induction page 2
Stomatologie
de l’expression de ces récepteurs. Dans le cas de la dermatite atopique, les allergènes sont appelés atopènes : un atopène peut pénétrer par voie respiratoire, digestive ou cutanée et être responsable de la sensibilisation. Dans la dermatite atopique, la pénétration de l’atopène est favorisée par les anomalies de la barrière cutanée (xérose, excoriation, troubles de la sudation et de la vasomotricité, prurit...), éléments favorisant le contact entre les allergènes de l’environnement et les cellules de Langerhans. Toutefois, il semble que la révélation puisse aussi se faire par voie systémique. Chez ces sujets, certains lymphocytes T « mémoire » expriment un antigène spécifique CLA (cutaneus lymphocyte antigen) favorisant la migration préférentielle des lymphocytes sensibilisés vers la peau. Comme dans le cas d’un eczéma de contact, l’infiltrat inflammatoire est fait de lymphocytes CD4+ prédominants. Les lymphocytes T spécifiques d’atopène sont majoritairement de type TH2 et produisent surtout IL4 et IL5, cytokines responsables de la production d’IgE. L’IL5 favorise l’infiltration par des éosinophiles. On retrouve des taux élevés d’IL4 dans certaines dermatites atopiques, avant même leur déclenchement, et un excès de réponse à l’IL4 qui serait génétiquement déterminé.
Application à la muqueuse buccale : conditions locales physiologiques et immunologiques particulières Les réactions allergiques de contact de la muqueuse buccale ne diffèrent pas dans leurs mécanismes de celles de la peau mais la preuve de leur existence est plus difficile à établir. Les antigènes parviennent aux tissus cibles par voie sanguine ou par contact direct. L’absence de follicules pileux, de glandes sébacées et sudorales, de couche cornée (sauf pour les lèvres) modifie les conditions et les effets de la réaction allergique. Les régions non kératinisées, plus fragiles, se renouvellent plus rapidement que les zones kératinisées (lèvres) ou parakératinisées (zones masticatoires des gencives, langue, palais). Elles absorbent aussi plus rapidement les allergènes. Vascularisation abondante et salive ont un rôle de dispersion et d’absorption des substances en contact, facilitant leur élimination. La salive, en outre, apporte un effet neutralisant (pH légèrement acide) et des facteurs immunologiques comme les IgA sécrétoires. La muqueuse buccale, comme la peau, joue un rôle important dans la réponse immune et tous les acteurs en sont présents : lymphocytes T, cellules de Langerhans de l’épithélium ; moins nombreuses que dans la peau, elles augmentent en cas d’allergie de contact ou de lichen plan [10, 23, 51, 77, 85]. Le tissu conjonctif sous-épithélial contient des fibroblastes, des macrophages, des mastocytes, des leucocytes extravasés, tous éléments importants dans la réponse immunitaire et la sensibilisation allergique. Bien souvent, on observe une tolérance de la muqueuse buccale vis-à-vis d’allergènes démontrés comme responsables de symptômes cutanés chez le même sujet. À l’inverse, lorsqu’il y a des signes de sensibilisation muqueuse, le déclenchement de réaction cutanée est habituellement obtenu par contact de la peau avec l’allergène (exemple du dinitrochlorobenzène [DNCB]). Il serait plus difficile d’obtenir une sensibilisation par voie muqueuse que par voie cutanée. De tels essais pourraient même réduire le risque de sensibilisation ultérieure avec le même allergène [79].
Affections stomatologiques mettant en cause des mécanismes d’allergie immédiate Symptômes Urticaire L’urticaire localisée à la muqueuse buccale est très rare. Elle est parfois notée cependant lors de l’examen d’un sujet porteur d’urticaire diffuse. Ce sont des papules érythémateuses, ortiées, de taille variable, de siège aléatoire, mobiles et fugaces (durant quelques minutes à quelques heures). L’œdème y est parfois important. Alors qu’elle est intensément prurigineuse sur la peau, au niveau de la muqueuse buccale elle est accompagnée inconstamment de brûlures ou de picotements. La poussée est unique ou se répète les jours suivants. Des éléments d’angioœdèmes peuvent ou non l’accompagner. Mais c’est surtout l’association à d’autres signes d’anaphylaxie qu’il faut craindre. Elle peut être, en effet, le premier symptôme d’un choc ou d’un angioœdème menaçant. Les antihistaminiques sont le traitement de choix de l’urticaire. Chez les sujets porteurs d’urticaire, il faut savoir contre-indiquer l’administration d’aspirine, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, de codéine et de médicaments histaminolibérateurs. Ces médicaments aggravent bien souvent une urticaire mineure en un tableau inquiétant.
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Syndrome oral [4] Le syndrome oral, ou syndrome de Lessof, est la manifestation immédiate au contact de la muqueuse buccale de l’allergie alimentaire IgE dépendante. Il s’agit en quelque sorte d’une urticaire de contact. Limité à une sensation subjective de prurit buccopharyngé accompagné ou non d’inflammation locale, il est souvent relaté par le malade comme « aphtes » récidivants. Mais la description de ceux-ci est bien différente et l’examen objectif au décours immédiat des symptômes montre tout au plus une inflammation locale de caractère fugace. En général, ces symptômes sont de courte durée, intenses ; ils peuvent être à l’origine d’un œdème du carrefour aérodigestif ou s’associer à une rhinoconjonctivite, à un bronchospasme, voire annoncer un choc anaphylactique. Ce risque justifie le dépistage des symptômes mineurs du syndrome oral et la reconnaissance de leur étiologie, seul moyen de mettre en œuvre des mesures d’éviction préventives.
Principales étiologies des réactions d’allergie immédiate Allergènes alimentaires (trophallergènes) [45]
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Œdème de Quincke facial.
Œdème de Quincke à l’aspirine.
Œdème de Quincke [45] Quelle qu’en soit la cause, celui-ci siège souvent aux lèvres (fig 1, 2) : œdème asymétrique, souvent pâle, déformant, responsable de brûlure ou de tension mais non pas de prurit, durant en général quelques heures. Intense, il peut être obstructif dans ses localisations linguales, pharyngées ou laryngées, faisant craindre l’asphyxie. Le traitement en est urgent et comporte vasopresseur et solucorticoïde, voire impose une intubation ou une trachéotomie d’urgence en cas de menace asphyxique. Les étiologies des œdèmes de Quincke se superposent avec celles de l’urticaire, en général reconnues dans les formes aiguës, alors que les formes chroniques restent souvent idiopathiques. L’association à des signes respiratoires (rhinite ou asthme), à une conjonctivite, ou à des signes d’anaphylaxie, est évocatrice d’origine allergique. Dans l’œdème angioneurotique héréditaire, les œdèmes sont liés à l’activation du complément du fait d’un déficit en inhibiteur de la C1 estérase (C1Inh). Il n’y a pas d’urticaire dans cette affection dont le pronostic était très sombre (morts par asphyxie) avant le traitement préventif par danazol et l’utilisation en urgence de perfusions de C1Inh [3, 42, 44].
Choc anaphylactique [9, 89] C’est l’urgence allergique par excellence. Il requiert des gestes thérapeutiques immédiats. Aussi est-il important de savoir le dépister sur les premiers symptômes. Le prurit, signe le plus précoce, touche la face et l’ensemble du tégument, mais débute souvent aux paumes et aux plantes. Inconstamment surviennent des plaques urticariennes ou un érythème diffus. Le « malaise » est au premier plan, avec des signes inquiétants comme une gêne à la déglutition ou à la respiration, une modification de la voix. Dans les formes sévères, des signes digestifs (douleurs abdominales, vomissement et diarrhée) peuvent apparaître. Les modifications cardiovasculaires sont à l’origine du malaise, voire de la perte de connaissance (chute de la pression artérielle, pouls filant, rapide, imprenable) : c’est un état de choc. Le traitement doit être effectué sans délai à l’aide d’injection d’adrénaline et de remplissage vasculaire. La surveillance hospitalière des heures suivantes, quelle que soit la rapidité de résolution des symptômes, est indispensable du fait du risque de réapparition différée de ce choc. Parfois, le malade avait déjà présenté des symptômes frustes ou caractérisés d’allergie après contact avec le même allergène déclenchant, le diagnostic étiologique est alors simple. Ailleurs, on relève un simple rejet de l’aliment ou un dégoût déjà ancien. Dans d’autres cas, c’est en apparence la première manifestation anaphylactique.
Les allergènes alimentaires sont en effet le plus couramment en cause dans des manifestations d’allergie immédiate mais ils sont également à considérer dans certaines manifestations de la dermatite atopique (comme les chéilites). Il peut exister des réactions croisées entre différents aliments ou entre des aliments et des pneumallergènes, ce qui fait craindre l’apparition de symptômes lors de l’ingestion d’aliments contenant les allergènes (épitopes) communs, même en l’absence de symptôme préalable lors de l’ingestion de ces mêmes trophallergènes. Les aliments le plus souvent mis en cause dans le syndrome de Lessof sont les rosacées mais de nombreux autres aliments sont susceptibles d’induire le même type de symptômes. Parmi les rosacées, les fruits frais surtout déclenchent cette réaction qui peut précéder une urticaire, voire des manifestations anaphylactiques. Les pommes sont souvent accusées mais les poires, noisettes, pêches, brugnons, amandes, prunes, fraises, framboises, abricots et cerises sont responsables de réactions violentes. Ces fruits, s’ils sont cuits, sont habituellement bien tolérés par ces sujets. Les ombellifères, céleri, carotte, persil... provoquent des réactions extrêmement violentes, de même que les crucifères comme la moutarde, le chou, le navet. Les épices sont susceptibles d’induire des manifestations cutanéomuqueuses chez des polliniques. Les allergies aux fruits exotiques : mangue, kiwi, litchee... sont parfois violentes. La banane comme l’avocat sont des allergènes pour certains allergiques au latex. Parmi les réactogènes violents, on retrouve des légumineuses comme l’arachide, allergène de plus en plus fréquemment incriminé aux États-Unis où cette légumineuse est consommée dans un grand nombre de préparations culinaires sous forme masquée. Les solanacées comme la tomate et les liliacées comme l’ail ou l’oignon sont responsables de réactions d’irritation attendues et parfois de réactions allergiques. Parmi les allergènes animaux, les crustacés sont les plus connus comme responsables d’œdème de Quincke, d’urticaire de contact, voire de choc anaphylactique. L’allergie au poisson est souvent violente, même lors de contacts extrêmement minimes ou masqués. C’est le cas aussi de l’allergie aux œufs, souvent précoce dans l’enfance et parfois violente, déclenchée par des traces d’ovalbumine. D’autres allergènes, comme les céréales, le lait de vache, les viandes, sont beaucoup plus rarement responsables d’urticaire de contact buccale mais ils peuvent être incriminés tant dans des réactions anaphylactiques que dans des dermatites atopiques. Quant aux additifs alimentaires, colorants, conservateurs, modificateurs du goût, ils sont parfois accusés mais le mécanisme des réactions est imprécis. Il pourrait s’agir de réactions d’irritation ou de réactions toxiques. Les substances enzymatiques, gélifiants, colorants naturels (cochenille) sont parfois responsables d’authentiques réactions anaphylactiques alimentaires.
Piqûres d’insectes [26, 75] Les hyménoptères, guêpes (Vespula, Poliste, frelons) et abeilles peuvent être à l’origine d’accidents sévères, anaphylactiques avec menace vitale chez les allergiques à l’un des composants de ces venins. Le diagnostic d’allergie repose sur l’anamnèse et les tests cutanés aux venins. Le résultat des recherches d’IgE spécifiques est d’interprétation délicate, il ne doit pas être considéré isolément. Le seul traitement préventif efficace est la désensibilisation spécifique : ce traitement contraignant et non sans risque est indiqué dans les seules réactions allergiques systémiques. Le siège particulier endobuccal de certaines piqûres peut être préoccupant par l’œdème induit, même en l’absence d’allergie au venin de l’insecte considéré.
Médicaments Ce sont le plus souvent des médicaments absorbés par voie générale. Toutefois, des médicaments d’usage local peuvent aussi induire des symptômes d’allergie immédiate. Les principales familles responsables sont : page 3
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– les pénicillines et leurs dérivés, les autres antibiotiques ; – l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens, y compris lorsqu’ils sont administrés par voie topique (collyre, gels utilisés en traumatologie et stomatologie) ; – les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, générateurs de toux tenaces disparaissant à l’arrêt du médicament, mais aussi et surtout d’angioœdèmes épisodiques plus préoccupants, non accompagnés d’urticaire, s’aggravant progressivement au cours du traitement et régressant miraculeusement à l’arrêt de celui-ci [68]. De nombreux autres médicaments que nous ne pouvons citer ici sont susceptibles de déclencher des réactions urticariennes, des œdèmes de Quincke ou une anaphylaxie. Citons, dans la pratique odontostomatologique, les colles biologiques d’origine animale, des substances enzymatiques et le paraformaldéhyde, rapportés comme responsables d’accidents anaphylactiques [88]. Les anesthésiques locaux ou généraux sont abordés ultérieurement.
Latex [48, 50] Il faut faire une place à part au latex naturel. En effet, le praticien au cours des soins peut être confronté à l’allergie immédiate au latex naturel, parfois menaçante : latex des gants ou des digues, voire seulement latex adsorbé sur le reliquat de poudrage présent sur les mains du praticien après qu’il ait retiré les gants. C’est même au cabinet dentaire un véritable pneumallergène auquel certains allergiques peuvent réagir (asthme, œdème de Quincke, choc). Dans les formes mineures, ces réactions d’urticaire peuvent être limitées aux zones de contact au visage. Les sujets à risque sont de professions médicales, de celles du ménage et les multiopérés ainsi que les sujets atopiques. Ce risque justifie que le praticien dispose d’une trousse d’urgence pour traiter un choc anaphylactique [45].
Autres étiologies ou circonstances d’apparition d’allergie immédiate [22, 66] L’urticaire, y compris muqueuse, peut se déclencher au contact de liquide froid ou de glace chez les sujets présentant une urticaire au froid, qu’elle soit idiopathique ou secondaire. L’effort peut révéler une allergie latente en dehors de ces circonstances : l’anaphylaxie ou l’urticaire induite par l’effort est souvent d’origine alimentaire.
Stomatites et chéilites de contact Les manifestations cliniques en sont polymorphes et souvent non spécifiques d’une étiologie, toutefois leur topographie (localisation et étendue) désigne souvent l’agent causal. De celui-ci dépend bien souvent aussi l’intensité des symptômes. La plus grande fréquence de cas féminins dans ce type de pathologie est à souligner.
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Perlèche par macération : exagération du pli par édentation.
Diagnostic différentiel Sur ces symptômes, en effet, il est difficile de différencier une réaction allergique d’une réaction d’irritation traumatique ou chimique, voire d’une carence vitaminique (A, PP, B12) ou d’une candidose. C’est le cas des lésions de stomatite sous prothèse qui peuvent être dues plus souvent à d’autres phénomènes qu’allergiques : – traumatisme par surcharge occlusale ; – réaction papillomateuse par effet de succion ; – fragilité capillaire du sujet âgé ou recevant une corticothérapie ; – infection du fait d’une plaque mal nettoyée ou poreuse ; – candidose chronique ; – application abusive de topiques médicamenteux et de produits d’hygiène buccodentaire conduisant à des effets irritants. L’association avec une chéilite (préexistante ou secondaire) est un élément d’orientation pour une origine allergique (chéilite angulaire, commissurale ou diffuse, eczéma débordant en zone péribuccale). Les formes érosives ou ulcérées justifient d’éliminer une lésion maligne, en fait rare [90] , mais surtout d’autres étiologies comme une aphtose, la localisation buccale d’une bullose immunologique ou d’une toxidermie (pemphigus, pemphigoïde bulleuse, syndrome de Stevens-Johnson, syndrome de Lyell...) ainsi qu’un lichen plan, en sachant qu’une prothèse dentaire peut révéler la fragilité muqueuse présente dans ces affections. Toutefois, certaines lésions lichénoïdes sont démontrées comme pouvant être liées à une allergie au contact d’amalgames par exemple. Les facteurs infectieux sont souvent présents et l’intrication ou la succession des infections à Candida posent des problèmes diagnostiques et thérapeutiques chez les porteurs de prothèse.
Stomatites de contact Chéilites [60] Stomatite allergique C’est l’équivalent muqueux de l’eczéma de contact [32, 60] ; elle comporte érythème et œdème traduisant l’inflammation. L’aspect est plus ou moins rouge vif, lisse, vernissé, gardant parfois l’empreinte des dents du fait de l’œdème. Lorsque des vésicules apparaissent cliniquement, des érosions surviennent rapidement, voire des ulcérations. La langue peut être dépapillée (phénomène en rapport avec l’exfoliation secondaire à l’inflammation). Histologiquement, on relève spongiose et vésiculation de l’épithélium, œdème et vasodilatation du derme superficiel avec présence de cellules inflammatoires. Le siège de ces lésions peut être diffus ou localisé, se limiter à une glossite, à une ouranite, ou à une gingivite, voire à une chéilite. La topographie dépend de la cause : les stomatites des prothèses par exemple peuvent donner une atteinte du palais et des zones édentées des maxillaires. Quand existent des éléments purpuriques et nécroticobulleux, ils sont souvent secondaires à des traitements par des agents irritants, parfois cependant ils sont liés à une réaction allergique intense. Les signes subjectifs sont souvent beaucoup plus importants que les signes objectifs. Le prurit est rare, des brûlures sont décrites, cuisantes parfois, insupportables, aggravées par l’alimentation. Mais l’élément subjectif peut être absent dans les formes mineures. Le caractère récidivant par poussées, rythmées par le contact avec l’antigène en cause, est un argument pour une origine allergique. La démonstration étiologique repose sur l’effet positif de l’éviction de l’allergène et sur la confirmation par l’enquête allergologique et les tests. page 4
Eczéma de la demi-muqueuse des lèvres Comme celui de la peau, il est souvent de début rapide et prurigineux. L’érythème et l’œdème puis la vésiculation sont suivis d’exsudation puis de croûtes, de desquamation puis de fissuration. Ces derniers éléments dominent avec l’érythème dans les formes chroniques où ils constituent des ragades. Selon la topographie, on distingue : – des formes commissurales, perlèches, parfois suintantes, souvent surinfectées et favorisées par la macération liée au léchage et aux problèmes d’occlusion (sujet âgé) (fig 3) ; – les formes diffuses, associées ou non à une stomatite, qui peuvent être en rapport avec une allergie à une substance de contact endobuccal ; limitées au vermillon, elles évoquent une cause cosmétique, mais c’est surtout l’existence d’eczéma de la zone cutanée voisine (signe de l’émiettement) qui indique l’origine allergique.
Chéilite atopique Une chéilite chronique, sèche, fissurée, desquamative peut être une localisation d’une dermatite atopique (fig 4). Cette localisation de la dermatite atopique est toutefois rarement isolée, parfois elle est limitée à un épaississement de la demi-muqueuse. L’absence de grains de Fordyce sur les lèvres et les joues des atopiques est pour certains un argument diagnostique pour l’origine atopique de la chéilite [65]. On retrouve un terrain atopique personnel et/ou familial (asthme, rhinite, conjonctivite allergiques ou syndrome dermorespiratoire, voire antécédent d’anaphylaxie) avec
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Stomatite par allergie de contact au dentifrice.
Principaux allergènes de contact en stomatologie 4
Chéilite au cours d’une dermatite atopique chez une adolescente.
Les étiologies des stomatites et des chéilites allergiques de contact sont très diverses : – cosmétiques ; – produits d’hygiène buccale et de soins au cabinet dentaire ; – prothèses, produits pour obturations ; – matériel d’orthodontie, voire substances médicamenteuses ou topiques à visée oropharyngée ; – plus rarement des aliments. Parmi ces étiologies, les causes irritatives sont plus fréquentes que les causes allergiques [20, 43, 60].
Étiologies non dentaires
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Chéilite par allergie à un rouge à lèvres : respect des commissures.
Elles sont à l’origine d’eczémas de contact de la demi-muqueuse des lèvres (chéilite ou perlèche) et/ou de stomatites allergiques de contact. La stomatite n’est pas toujours présente, même si l’allergène est au contact de la muqueuse buccale. Le diagnostic étiologique est difficile. En effet, les responsables sont d’origines très diverses et souvent des mélanges complexes d’allergènes. Ainsi, faut-il dépister la cause d’une allergie aux bâtons à lèvres, vernis à ongles, médicaments topiques, dentifrices et produits d’hygiène buccodentaire. Les principaux responsables sont les conservateurs, les parfums et arômes, les antiseptiques, les antibiotiques et les anti-inflammatoires.
Rouges et bâtons gras pour les lèvres [5, 20, 43, 57, 58, 60, 64]
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Tests cutanés montrant une allergie à des composants d’un bâton à lèvres.
polysensibilisation à de nombreux pneumallergènes ou trophallergènes et des IgE totales élevées. Le début est souvent précoce dans la vie. La topographie de l’eczéma est évocatrice, touchant les zones convexes surtout chez le nourrisson, les grands plis plus tard, et prédomine au visage, au cou et au tronc à l’âge adulte. Cette notion n’élimine pas la possibilité d’association avec une allergie de contact à des topiques (bâtons à lèvres) (fig 5, 6) ou à des aliments, cas non exceptionnel chez l’atopique.
Diagnostic différentiel Qu’il s’agisse de forme aiguë ou chronique, il faut différencier ces chéilites des dermoépidermites infectieuses qui peuvent aussi les compliquer (impétigénisation). Zones exposées, les lèvres peuvent être le siège d’eczéma par mécanisme phototoxique ou photoallergique lié à un médicament administré par voie générale ou à un photoallergène de contact. Les chéilites desquamatives ou « desquamation persistante des lèvres » font discuter diverses dermatoses : origine physique (froid, chéilite actinique) ou chimique (rétinoïdes), tabagisme, voire psoriasis, lichen plan ou lupus érythémateux chronique, ou encore chéilite factice, diagnostic d’élimination [39].
L’eczéma siège d’abord sur le vermillon, débordant ensuite sur la zone péribuccale. Ces sticks contiennent : – des conservateurs (parabens, germal 115, kathon), et antioxydants (butylhydroxyanisole et butylhydroxytoluène, gallate de propyle) ; – des parfums ; – des excipients gras (cires, lanoline), émulsifiants (triéthanolamine, propylène glycol), colophane, dérivés abiétiques, huile de ricin et cire d’abeille, ingrédients presque incontournables des bâtons à lèvres... – des colorants, responsables d’allergies de contact ou de photosensibilisation (éosine, fluorescéine, rhodamine, quinazoline, carmin, rouge brillant...) ; – des filtres antisolaires, incorporés aux bâtons photoprotecteurs, qui sont eux-mêmes des allergènes : benzimidazole, benzophénones, dibenzoylméthane, dibenzylidène camphre, dérivés cinnamiques, oxybenzone.
Vernis à ongles et durcisseurs [20, 60] Ils sont générateurs d’eczéma de la face et du cou, mais parfois limité aux lèvres. L’allergène habituel est la résine toluène sulfonamide formaldéhyde ; la résine alkyde des vernis hypoallergéniques n’est qu’exceptionnellement en cause ; colophane, colorant, nickel y sont aussi des allergènes.
Pâtes dentifrices et solutions pour bains de bouche [73, 81, 86] Les dentifrices sont rarement à l’origine d’allergies de contact (eczémas débordant alors souvent les lèvres), toutefois ils contiennent un grand nombre d’allergènes (fig 7) : – conservateurs sensibilisants comme parabens, benzoates, isothiazolinones, chlorhexidine, formol, triclosan, salol... – parfums, correcteurs du goût : essences balsamiques, essences naturelles de menthe, badiane, anis, vanille, cannelle, thym, essences chimiques comme les dérivés cinnamiques, limonène, menthol, eugénol, géraniol, girofle... page 5
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– détergents, anti-inflammatoires (guaiazulène), aluminium..
Autres allergènes Enfin, d’autres allergènes sont contenus dans les cosmétiques pour le visage : les eaux de toilette et des objets divers qui peuvent être portés à la bouche dans des activités domestiques, professionnelles ou de loisirs. Les allergènes responsables sont par exemple le nickel (bâtons à lèvres, épingles, pièces, clés), les caoutchoucs (tétine), les bois (anche ou embouchure des instruments à vent), les autres métaux, les matières plastiques (stylos), la colophane (papier gommé...) mais aussi les colles, les tabacs (en particulier aromatiques), les embouts de pipe ou de fume-cigarette et même les brosses à dents [13, 53].
Causes dentaires et prothétiques Matériaux d’obturation et de reconstruction dentaire • Ciments
Les ciments contiennent de nombreux irritants et allergènes potentiels. L’eugénol est l’un des plus puissants ; le baume du Pérou, la colophane, des substances aromatiques variées sont des suspects, alors que les silicates et oxyphosphates de zinc qui en sont les composés principaux sont non allergisants. • Métaux des amalgames [80, 83].
Ils sont responsables de trois ordres de symptômes de type allergique Les symptômes précoces (rarement de siège buccal) apparaissent moins de 48 heures après la mise en place. On décrit dans ces cas un eczéma péribuccal, facial, parfois œdémateux, voire des lésions à distance au niveau des plis, ou un « érythème mercuriel » pustuleux généralisé, symptômes dont la survenue plus éloignée est aussi rapportée. Plus tard, ce sont plutôt des ulcérations aphtoïdes adjacentes à l’amalgame ou des lésions lichénoïdes avec des tests positifs pour le mercure [6, 11, 37, 38]. De rares observations relatent des signes cutanés à distance, même en l’absence de stomatite parfois. Les femmes semblent plus souvent concernées. La guérison est obtenue en quelques jours ou semaines après ablation de l’amalgame. Toutefois, elle a pu aussi être observée spontanément (ces cas correspondant probablement à des réactions toxiques mercurielles) [34]. Les amalgames sont des mélanges de mercure et d’argent ou des alliages d’argent, d’étain, cuivre et zinc dans des proportions diverses. Le mercure est généralement mis en cause. Les autres métaux utilisés dans les amalgames ne sont qu’exceptionnellement sensibilisants. Toutefois, le palladium et l’indium, composants des amalgames « modernes » ont un pouvoir sensibilisant authentique [1, 18, 24]. La physiopathologie de ces manifestations implique des phénomènes de corrosion liés à l’électrolyse favorisée par la salive. Les sels métalliques (chlorures libérés) peuvent induire une sensibilisation par liaison aux protéines. La présence de métaux divers crée des courants électrogalvaniques augmentant la corrosion. Celle-ci se traduit par l’apparition de rugosités, détérioration marginale, décoloration des structures de voisinage. Dans les amalgames très anciens, le mercure, l’argent et le cuivre diffusent en surface : les amalgames de plus de 5 ans exposeraient davantage au risque de sensibilisation [56]. Des mesures préventives sont conseillées : – interrogatoire à la recherche d’allergie aux composants de l’amalgame et en cas de doute, avis allergologique en sachant que la négativité des tests réalisés n’a aucun caractère prédictif ; – réalisation de prothèses homogènes ; – mise en place d’un vernis isolant de fond de cavité pour éviter la diffusion par voie pulpaire du mercure ; – polissage de l’amalgame limitant la corrosion. • Résines utilisées pour obturer ou reconstituer
une ou plusieurs couronnes dentaires Ce sont des résines époxy et des résines épimines. La polymérisation se fait directement en bouche. Les résines époxy peuvent provoquer des stomatites de contact, liées notamment à leurs durcisseurs dont les plus sensibilisants sont des amines. Les résines épimines sont commercialisées sous les noms de Scutant et Impegrumt. Les cas d’intolérance proviennent des catalyseurs, le méthyltoluène sulfonate pour le Scutant et le méthyldichlorobenzène sulfafonate pour l’Impegrumt [20].
Matériaux d’empreinte dento-maxillo-faciale Ce sont principalement des alginates, hydrocolloïdes et silicones peu allergisants. Toutefois, leurs parfums, colorants et autres additifs (colophane) sont des allergènes potentiels mais la composition précise n’en est pas toujours connue [8, 59]. page 6
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Allergie au nickel et au chrome de prothèses dentaires.
Matériaux utilisés pour les prothèses maxillodentaires : métaux, résines et céramiques des couronnes, bridges... Les différents métaux utilisés pour leur confection sont des allergènes potentiels. Les manifestations cliniques dont elles sont rendues responsables sont des stomatites de contact et des eczémas à distance (mains) ou locorégionaux (face), voire parfois des urticaires. Le nickel est le plus souvent incriminé (fig 8). En effet, c’est l’allergène de contact le plus répandu dans la population générale, surtout féminine (12 à 28 % selon les études). Toutes proportions gardées, les réactions allergiques locales sont rares compte tenu de la diffusion de ces prothèses ; en outre, de nombreux sujets sensibilisés au nickel (avec test cutané positif) tolèrent parfaitement bien une prothèse contenant ce métal. La concentration de ce sel métallique semble intervenir : dans la cavité buccale, il faut des concentrations bien supérieures (5 à 12 fois) à celles requises sur la peau pour engendrer des réactions allergiques [27, 28, 62, 69, 83]. En cas de forte sensibilité avec des signes buccaux, le délai de guérison est variable et nécessite parfois l’adjonction d’un régime alimentaire d’éviction de ce métal étant donné son caractère ubiquitaire. Les alliages de « vitalium dentaire » n’en contiennent pas. Il est prudent de ne pas mettre en bouche un matériau chez un sujet dont la sensibilisation est connue. Les autres métaux à considérer sont le chrome, le cobalt, le palladium, plus rarement le platine et l’or. L’or est utilisé dans des alliages comportant de nombreux métaux. L’allergie à l’or jaune est rare, elle se traduit par une stomatite ulcéreuse, rapidement réversible après ablation de la prothèse. Les patch tests sont positifs au chlorure d’or. Toutefois, les tests pour les sels d’or sont difficiles à interpréter (fréquents faux positifs) [41]. Le palladium est de plus en plus souvent utilisé dans les restaurations dentaires. Des cas d’allergie ont été décrits : stomatite, lésions cutanées régionales œdémateuses, lésions lichénoïdes [1, 18]. Il existe une réactivité croisée avec le nickel. Le platine est un métal sensibilisant mais les allergies décrites sont d’ordre professionnel à l’occasion d’exposition à des sels volatils de platine. Elles n’ont pas été décrites en stomatologie. La réalisation de prothèses en métal (pour les prothèses mobiles) offre l’avantage d’appareils moins épais que ceux fabriqués avec de la résine. Ce sont des appareils dit squelettés ou « stellites ». Ils sont fait d’une grande variété de métaux en alliages : chrome, cobalt, molybdène, manganèse, fer, silicium, béryllium, parfois iridium associé au carbone [24]. L’adjonction de nickel en petite quantité n’est pas constante et varie selon la marque de l’alliage utilisé par le prothésiste. Les composites sont faits de prépolymères des résines acryliques et acrylates polyfonctionnels traités chimiquement ou par ultraviolets à l’aide d’adjuvants de polymérisation (amines et peroxydes), tous ces composés (scotchbond, scotchprep) sont des allergènes de contact comme ceux des prothèses adjointes (cf infra) [71]. Ionomères et implants ne sont pas rapportés comme à l’origine d’allergies, seuls des rejets sont connus pour ces derniers.
Appareillage orthodontique Il est plus rarement accusé : métaux, résines, accessoires de caoutchouc (latex). Il pourrait même exister une meilleure tolérance des métaux chez ces sujets. D’autres matériaux métalliques sont utilisés en traumatologie et chirurgie maxillofaciale. Les symptômes observés sont des érosions, des aphtes, des perlèches qui sont liés plus souvent à une réaction d’irritation ou à une hypersalivation qu’à une allergie [19, 70].
Résines utilisées pour les prothèses dentaires adjointes Depuis la suppression de la vulcanite, les allergies de contact sont devenues rares.
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Les résines acryliques : leur responsabilité est controversée dans les stomatites des porteurs de prothèse adjointe (surtout supérieure chez les femmes de plus de 50 ans). Cette allergie est considérée comme exceptionnelle. Théoriquement sont allergisants les monomères : triéthylène glycol diméthacrylate (TEGDMA), éthylène glycol diméthacrylate (EGDMA), bisphénol A diméthacrylate (bis GMA), méthacrylate de méthyle, NN-diméthyl-paratoluidine, et les adjuvants de polymérisation, inhibiteurs et initiateurs (peroxyde de benzoyle, hydroquinone, pyrogallol). Mais d’autres allergènes peuvent être accusés (des plastifiants comme les phtalates, le formol ou des agents de texture prévenant le craquellement). Les pigments sont exceptionnellement en cause : les sels de cadmium, bien qu’à l’origine de fréquents tests positifs probablement d’origine irritative, ne sont pas responsables en général d’allergie de contact [2, 31, 35, 74]. L’usage des résines polymérisées à chaud rend peu probable le contact d’un monomère sensibilisant avec la muqueuse buccale. Responsables de phénomènes irritatifs précoces, ces monomères libres sont rapidement dilués en bouche. Toutefois, en vieillissant, la résine peut acquérir des propriétés sensibilisantes ou s’imprégner d’allergènes médicamenteux ou de produits d’hygiène. En réalité, les symptômes attribués à ces prothèses surviennent rarement tardivement après de nombreux mois ou années d’usage d’une prothèse bien tolérée. Celle-ci peut alors devenir responsable de signes subjectifs (brûlure linguale ou palatine) isolés ou s’accompagnant d’une stomatite. Ailleurs, c’est une stomatite érythémateuse simple sans symptôme qui est dépistée. C’est à l’occasion de manifestations précoces, de 6 à 48 heures après la mise en place d’une nouvelle prothèse, problème réglé ensuite par changement de matériau ou recuisson de la prothèse, que l’on met le plus souvent en évidence le rôle d’un allergène. Il s’agit en général de rougeurs diffuses de la muqueuse buccale, parfois d’érosions, plus rarement avec une diffusion régionale à type d’œdème facial. L’épreuve du vernis isolant est, dans ces cas, utile. Les réparations de prothèses utilisant une polymérisation à froid souvent incomplète sont à risque d’irritation autant que d’allergie. Les stomatites sous-prothétiques sont bien plus souvent en rapport avec d’autres étiologies comme nous l’avons vu précédemment et auxquelles il faut ajouter le rôle des produits adhérents pouvant contenir des substances allergisantes comme la colophane, la gomme arabique, des colorants ou arômes. Comme ces produits sont destinés à maintenir en place une prothèse mal adaptée, la multiplicité des facteurs dans ces cas rend le diagnostic étiologique d’autant plus difficile.
Médicaments à usage local [20, 43, 60] Ils se présentent sous forme de pommades, pastilles, collutoires... Parmi ceux-ci, les antibiotiques (bacitracine, néomycine, auréomycine) et sulfamides sont les plus à risque de sensibilisations. Le sont également les antifongiques, les antiseptiques (organomercuriels, chlorhexidine, produits iodés, hexamidine...) mais aussi les anti-inflammatoires y compris les corticoïdes à usage local comme le pivalate de tixocortol, les antiviraux, voire le lysosyme et surtout les anesthésiques de contact (cf infra). La propolis utilisée dans des pastilles pour la gorge par exemple est un puissant sensibilisant. Tous ces produits peuvent être associés à des conservateurs, à des parfums ou arômes allergisants appartenant aux familles citées ci-dessus [14, 17, 84].
Méthodes d’exploration Une fois suspectée, la preuve de l’étiologie peut être apportée par des moyens d’investigation cliniques et éventuellement biologiques dont le choix dépend de l’aspect des lésions et de leur mécanisme suspecté. Les lèvres, les parties molles, les glandes salivaires peuvent être concernées par les manifestations d’origine allergique accompagnées ou non de manifestations respiratoires, digestives, cutanées ou systémiques, qui sont autant d’éléments d’orientation pour une origine allergique. Un interrogatoire minutieux, un examen soigneux permettent donc de conclure ainsi à un type clinique de manifestation compatible avec une origine allergique. L’évolution et en particulier la récidive lors de l’exposition à l’allergène et la guérison lors de l’éviction sont les éléments les plus importants à relever alors que le terrain atopique n’est pas un facteur de risque reconnu de l’hypersensibilité retardée. Les éléments cliniques permettent donc de choisir les tests utilisés. Les tests cutanés ou muqueux sont toujours orientés par la topographie des lésions, leurs circonstances de survenue et leur mode évolutif. Ces méthodes requièrent une grande rigueur technique : mises en œuvre par un opérateur entraîné, elles sont fiables. Elles visent à rechercher la confirmation d’une étiologie et d’un mécanisme physiopathologique : la réponse cutanée ou muqueuse à l’allergène traduit la sensibilisation de l’individu.
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Tests utilisés dans le diagnostic de l’allergie immédiate et de l’anaphylaxie Ces tests à lecture immédiate sont utilisés dans le cas de symptômes évocateurs d’allergie IgE dépendante : urticaire, œdème de Quincke, choc... Ils doivent être réalisés à distance de tout traitement antihistaminique qui négativerait la réaction. Méthodes : on peut utiliser dans un premier temps les épidermotests sans effraction cutanée avec lecture immédiate ; une réponse papuleuse fait la preuve d’une urticaire de contact (cas de certains aliments, cas du latex). Le prick test est la technique la plus utilisée : on effectue une effraction cutanée sur la peau saine de l’avant-bras ou du dos avec une aiguille calibrée en métal ou en plastique. Les réactifs sont des solutions glycérosalines commercialisées d’allergènes, parfois des préparations extemporanées. La lecture en 15 à 20 minutes mesure la papule et l’érythème par comparaison avec les solutions de contrôle positive (histamine ou codéine) et négative (diluant). C’est une technique simple, semi-quantitative, sans risque si l’on utilise des concentrations bien codifiées d’allergènes. L’intradermoréaction est à présent moins utilisée. En effet, elle expose plus volontiers à des réactions systémiques, toutefois les concentrations des allergènes sont ici 100 à 1 000 fois plus faibles. Cette technique permet de déterminer le seuil de réaction. Elle consiste à injecter en intradermique stricte 0,05 mL de solution aqueuse d’allergène commercial spécifiquement préparé. Cette technique est utilisée pour les venins d’hyménoptères et certains médicaments comme les myorelaxants (curares).
Tests utilisés dans l’hypersensibilité retardée Eux aussi compléments des données de l’examen clinique et de l’anamnèse, ils visent à confirmer le mécanisme d’hypersensibilité retardée et à démontrer une étiologie. Une stomatite, un eczéma de contact ou des lésions lichénoïdes sont explorées essentiellement par les tests cutanés (épidermotests) ou des tests muqueux. Tests épicutanés : il s’agit de reproduire en miniature un eczéma par contact avec l’allergène responsable de la stomatite ou de la dermatose étudiée. On applique sur la peau saine du dos une petite quantité du (ou des) allergène (s) suspecté (s) à une concentration et dans un véhicule adaptés, de manière à révéler l’allergie sans risque d’induire un effet irritant ou toxique. L’occlusion est obtenue à l’aide d’un adhésif hypoallergénique (plusieurs dispositifs sont commercialisés). Ces tests sont maintenus en place 48 heures et la lecture des résultats se fait dans l’heure qui suit leur retrait. Un deuxième contrôle est en général utile au troisième ou au quatrième jour. Leur codification est soumise à des règles strictes (tableau I). La notion de prurit au siège d’un test cliniquement positif est un élément important. Les allergènes ou réactogènes le plus souvent utilisés sont des allergènes standardisés (dilution et véhicule) selon un consensus international. On teste habituellement une batterie standard qui permet de relever les causes les plus courantes d’allergie (tableau II). On peut y adjoindre des métaux (tableau III) (fig 9), des matières plastiques (tableau IV) ou encore des antibiotiques, des antiseptiques, des parfums et arômes, voire des conservateurs et autres composants des excipients des cosmétiques (lorsqu’il s’agit de chéilite) ou de produits d’hygiène [56, 78]. On peut tester aussi la poudre de meulage d’une prothèse. Le testage d’un dentifrice, de la prothèse entière telle que, l’adjonction de salive, sont des techniques peu fiables du fait de fréquents faux positifs par irritation ou macération, mais aussi peu sensibles. Ces difficultés de réalisation justifient un opérateur entraîné.
Interprétation des résultats Des conditions des tests dépend leur fiabilité. Ils doivent être faits à distance d’une poussée évolutive ou d’une maladie aiguë, dans une zone de peau sans Tableau I. – Codification des tests épicutanés. - pas de réaction + érythème simple ++ érythème et œdème +++ idem avec vésicules
Tableau II. – Batterie standard européenne. 1 Bichromate de potassium
9 Quinoline mix
17 Fragrance mix
2 Néomycine 3 Thiuram mix 4 PPD base 5 Cobalt (chlorure) 6 Benzocaïne 7 Formaldéhyde 8 Colophane
10 Baume du Pérou 11 IPPD 12 Lanoline 13 Mercapto mix 14 Résine époxy 15 Paraben mix 16 p-t-butyl-phénol
18 Lactone mix 19 Quaternium 15 20 Nickel (sulfate) 21 Kathon 22 Mercaptobenzothiazole 23 Primine
PPD : Paraphénylène diamine ; IPPD : Isopropyl PPD.
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Tableau III. – Métaux. Sensibilisants possibles Mercure (Hg) Chrome Cobalt (Co) Nickel (Ni) Palladium (Pd) Allergie rare Or Platine Cuivre (Cu)
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Tableau IV. – Matières plastiques et adjuvants (prothèses et obturations). Utilisables pour tests Hg Bichromate de potassium Chlorure de Co Sulfate de Ni Chlorure de Pd Utilisables pour tests Dicyanaurate Aurothiosulfate Chloroplatinate Sulfate de Cu
Concentration 1% 0,5 % 1% 5% 1% Concentration 0,002 % 0,5 % 0,25 % 1%
Autres : béryllium, indium, gallium, molybdène, rhodium, zinc
Peroxyde de benzoyle
1%
Hydroquinone Bisphénol A N, N-diméthyl-p-toluidine Méthacrylate de méthyle Triéthylène glycol diméthacrylate (TEGDMA) Éthylène glycol diméthacrylate (EGDMA) Bisphénol A diméthacrylate (bis-GMA)
1% 1% 2% 2% 2% 2% 2%
incorporer l’allergène dans une pâte adhérente (Orabaset) selon la méthode de Rosenberg en appliquant le mélange sur la face interne de la lèvre préalablement séchée, allergène laissé en place de 1 à 3 heures avec lecture à 24 heures. Il n’y a pas de consensus quant à la valeur de ces tests, ni pour le temps de contact, ni pour le délai de lecture. Foussereau a suggéré l’application d’un film vinylique protecteur (trois couches d’une solution alcoolique à 10 à 20 % de résine vinylique) à titre d’épreuve d’éviction. Des substitutions de matériaux peuvent aussi être utilisées. Dans la pratique, ces tests sont difficilement utilisables et l’enquête rarement conduite à son terme, de plus il n’y a pas toujours de parallélisme avec les tests cutanés.
Interprétation des résultats de l’enquête allergologique
9 Tests positifs aux sels de palladium et de platine (femme de 40 ans ayant des œdèmes rouges récidivants du visage).
lésion cutanée depuis plusieurs semaines, en l’absence d’application récente de dermocorticoïde, d’exposition solaire, de médicament immunosuppresseur (les corticoïdes par voie générale à dose faible ou modérée ne modifient pas les tests). En dehors du risque anaphylactique immédiat chez le sujet très sensible, l’induction de sensibilisation est possible, c’est pourquoi il ne faut pas répéter inutilement des tests et il faut utiliser les dilutions recommandées par un consensus international. En matière dentaire, il faut être prudent quant au testage de résines ou de monomères. Les cicatrices en rapport avec une mauvaise technique sont à craindre si l’on utilise des réactifs caustiques. Quant au déclenchement de symptômes, il est très exceptionnel si l’on respecte les conditions strictes des tests. Un résultat positif fait la preuve de la sensibilisation du sujet mais c’est la relation entre l’exposition et la survenue des symptômes qui apporte la preuve étiologique. Ainsi, la soustraction du contact avec la substance, lorsque cela est possible, permet la guérison des symptômes. Il ne faut pas toutefois méconnaître une polysensibilisation, une allergie de groupe ou une allergie croisée. Les tests faussement positifs sont attribuables à de mauvaises conditions de tests (substances irritantes ou trop concentrées), à une peau irritable, à un dermographisme. De faux négatifs peuvent être liés au traitement, à l’exposition solaire, à une enquête insuffisante ou à un réactif trop dilué, ce qui peut être le cas dans les réactions de contact de la muqueuse buccale. De mauvaises indications des tests conduisent à des réactions négatives : les signes cliniques sont en rapport avec la substance testée mais ne sont pas liés à un mécanisme allergique. C’est pourquoi une étude critique des résultats des tests est indispensable : existe-t-il une relation entre les symptômes et l’exposition à l’allergène ? Ne s’agit-il pas d’une allergie latente ?
Tests muqueux [20] Ce n’est qu’en cas de tests cutanés négatifs ou non contributifs que sont utilisés des tests muqueux. La méthode de Goldman utilisait des cupules de succion en caoutchouc maintenant la substance à tester au contact de la muqueuse gingivale, le tout amarré sur les dents. Les difficultés de réalisation ont fait proposer plusieurs autres techniques faisant appel soit à un appareil moulé en gomme comportant des cavités permettant d’appliquer le (ou les) allergène (s) (Sidi) soit à une feuille d’or moulant la prothèse. On peut aussi page 8
Si l’indication en est bien posée et la technique rigoureuse, les tests cutanés ou muqueux permettent l’identification précise d’un allergène. Ainsi, la soustraction du contact avec la substance en cause lorsque cela est possible permet la guérison des symptômes. Ces tests doivent être proposés à tout sujet dont les symptômes laissent suspecter une composante allergique. Toutefois, certaines difficultés pratiques de leur réalisation justifient leur mise en œuvre par un opérateur entraîné. On voit la diversité des tableaux cliniques au cours desquels on peut avoir des raisons de réaliser une enquête allergologique, y compris en stomatologie. Des critères cliniques et complémentaires doivent faire discuter en effet l’éventualité d’une hypersensibilité de type allergique : – symptôme ou association de symptômes classiquement d’origine allergique ; – circonstances déclenchantes évocatrices : même effet pathologique observé chez un même malade dans des circonstances identiques ; – manifestation chronique ou répétitive, cessant lors d’un changement d’habitude ou d’environnement ; – manifestation stéréotypée survenant lors de chaque contact épisodique avec un allergène défini ; – topographie laissant suspecter un allergène particulier. Dans certains cas, il faut y adjoindre des examens complémentaires telle une biopsie qui peut dans les cas d’allergie de contact buccale donner des éléments d’orientation pour un eczéma. L’éosinophilie, lorsqu’elle est élevée, peut être un élément d’orientation vers une origine allergique mais elle indique plus souvent d’autres étiologies et même chez les grands allergiques elle est rarement très élevée. La recherche d’IgE spécifiques peut être indiquée à titre de confirmation des résultats des tests cutanés. Cette recherche est également utilisée en première intention lorsque les tests cutanés sont impossibles du fait, par exemple, des thérapeutiques médicamenteuses ou du mauvais état de la peau. Les tests de dépistage de l’allergie alimentaire recherchent la présence d’IgE vis-à-vis d’un mélange de trophallergènes ou de tests spécifiques pour un aliment ou un petit nombre d’aliments hautement suspects d’après l’anamnèse. Ils sont faits à titre de confirmation des tests cutanés ou à leur place lorsque ceux-ci sont impossibles. Ce dosage des IgE spécifiques peut être effectué par méthode radio-immunologique (radio-allergo-sorbent test...) ou immunoenzymatique (enzymo-immunoassay) en sachant que la qualité des résultats dépend de la qualité de l’allergène utilisé dans cette technique. De même que pour les tests cutanés, ces résultats doivent être interprétés de façon critique par rapport à l’anamnèse (symptômes, circonstances déclenchantes), en gardant en mémoire que la notion de sensibilisation n’implique pas systématiquement le rôle de celle-ci dans les symptômes présentés.
Toxidermies Les médicaments peuvent être responsables de manifestations urticariennes et d’œdème de Quincke par voie systémique ou induire par voie locale une urticaire de contact. Ils peuvent également être en cause dans des eczémas de contact muqueux. Ces réactions de nature allergique sont bien individualisées. Quant aux autres réactions d’origine médicamenteuse siégeant au niveau de la cavité buccale, leur mécanisme n’est pas clair : pour une part toxique, dans d’autres cas idiosyncrasique ou immunoallergique. Elles peuvent revêtir différentes formes cliniques : toxidermies avec bulles et décollements érosifs, toxidermies lichénoïdes, végétantes, pseudolymphomes... [63, 87].
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souvent les bêtabloquants et les sels d’or. Leur remplacement par une autre classe thérapeutique est justifié et prélude la guérison. Il faut en rapprocher les lésions lichénoïdes de contact décrites en particulier avec les dérivés mercuriels. Celles-ci sont asymétriques, accompagnées de tests cutanés positifs et disparaissent elles aussi avec la suppression de la cause locale.
Toxidermies végétantes Les halogènes comme le brome et l’iode peuvent être à l’origine de bulles dont le plancher prend un caractère végétant à limites nettes, d’aspect pseudotumoral, inquiétant, ou en macaron croûteux, brunâtre, violacé ou encore macéré et suintant sur une base inflammatoire. À l’histologie, une papillomatose exubérante des crêtes épithéliales, acanthosiques, s’enfonce dans le tissu conjonctif, avec des clous de kératine, réalisant un aspect pseudoépithéliomateux et s’accompagnant de microabcès intra- et sousépidermiques. Le chorion est le siège d’un infiltrat fait d’éosinophiles et d’histiocytes à volumineux noyaux. Ces aspects sont surtout marqués dans le cas des bromides. 10
Erythème polymorphe lié à un anti-inflammatoire non stéroïdien.
Syndrome de Lyell Il se traduit par un érythème et un décollement cutané avec signe de Nikolsky. Des éléments polymorphes bulleux peuvent lui être associés. Fièvre et lésions muqueuses sont quasi constantes, voire manifestations viscérales. L’atteinte buccale précède souvent les lésions cutanées. Le pronostic est sévère avec un taux de mortalité évalué dans certaines études à plus de 30 % du fait notamment des troubles métaboliques secondaires. L’étendue, l’atteinte viscérale, l’âge avancé et la notion éventuellement de syndrome immunodéficitaire acquis sont des facteurs péjoratifs. Il s’agit d’une nécrolyse épidermique totale avec décollement sous- et intraépithélial attribué à une réaction immunotoxique cellulaire vis-à-vis d’un médicament. Les médicaments le plus fréquemment incriminés sont les sulfamides, les anti-inflammatoires, les anticomitiaux, les autres antiinfectieux. L’aspect clinique et l’histologie le différencient de l’épidermolyse staphylococcique (ou syndrome des enfants ébouillantés), qui, elle, est sans atteinte muqueuse et avec à l’histologie un décollement au niveau des couches superficielles de l’épiderme. Ces sujets font l’objet de soins intensifs en unité de réanimation spécialisée. L’atteinte de la muqueuse buccale, parfois sévère, conditionne certaines mesures thérapeutiques.
Syndrome de Stevens-Johnson et érythème polymorphe médicamenteux (fig 10) L’éruption bulleuse est profuse, associée à des macules et à des papules érythémateuses plus ou moins centrées par les bulles réalisant des aspects en cocarde constituant rapidement au niveau muqueux une stomatite érosive à enduit fibrineux. L’atteinte muqueuse buccale peut être isolée ou s’associer à celle des autres muqueuses (ectodermose érosive pluriorificielle). L’origine médicamenteuse est à rechercher de principe devant un érythème polymorphe ou une stomatite érosive qui peut être aussi d’origine infectieuse (herpès, mycoplasme...). Certaines formes sont proches de la pemphigoïde bulleuse.
Érythème pigmenté fixe Son aspect caractéristique signe l’origine médicamenteuse (antiinflammatoires, pyrazolés). Elément unique, se reproduisant au même endroit après chaque prise du médicament et d’évolution caractéristique : plage érythémateuse sur laquelle se développe inconstamment l’élément bulleux laissant ensuite une zone pigmentée, siège des récidives ultérieures. Sur la muqueuse, la pigmentation résiduelle manque.
Toxidermies pemphigoïdes et pemphigus induits L’aspect clinique, érosif et lichénoïde caractérise le pemphigus induit par la D-pénicillamine notamment. Histologiquement, il associe acantholyse et nécroses kératinocytaires à des dépôts intercellulaires en immunofluorescence.
Éruptions phototoxiques et photoallergiques C’est au niveau des lèvres que l’on peut relever des réactions liées à l’exposition solaire chez un sujet absorbant certains médicaments, mais il est bien rare que ces éruptions soient limitées aux lèvres. Elles sont en général associées à une éruption phototoxique du visage et des parties découvertes tout à fait évocatrice de l’étiologie. Les réactions phototoxiques ont l’aspect d’un « super coup de soleil », rouge vif. Les lèvres sont souvent intensément œdèmateuses et douloureuses. L’évolution se fait ensuite vers la desquamation et la fissuration. Lorsqu’un mécanisme photoallergique est en cause, c’est l’aspect d’un eczéma souvent très aigu sur les mêmes zones photoexposées mais avec tendance extensive. Seuls certains sujets développent des réactions photoallergiques alors que les réactions phototoxiques sont attendues et susceptibles de survenir chez tous les sujets absorbant des médicaments phototoxiques et ayant eu une exposition solaire. Les médicaments le plus fréquemment incriminés dans ce type d’éruption sont les antibiotiques du groupe des cyclines et des quinolones, mais aussi les phénothiazines, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les hypolipémiants, les coumariniques et les rétinoïdes. Des topiques médicamenteux (antibiotiques) et cosmétiques (colorants des rouges à lèvres) peuvent être des photoallergènes de contact.
Pseudolymphomes et syndromes d’hypersensibilité médicamenteuse Ces manifestations cutanéoganglionnaires réactionnelles, donc réversibles après l’arrêt du médicament responsable (tels l’allopurinol, la carbamazépine, l’hydantoïne, la phénylbutazone), sont caractérisées par une image histologique d’hyperplasie immunoblastique accompagnée parfois d’éosinophilie. Les immunomarquages permettent d’éliminer une prolifération monoclonale caractéristique d’un lymphome. On doit cependant garder des réserves quant au pronostic ultérieur.
Mécanismes des toxidermies Parmi les effets indésirables non pharmacologiques des médicaments, les éruptions cutanées et muqueuses sont les plus communes. Les formes cliniques et histologiques sont très variées ainsi que les mécanismes dont certains seulement sont allergiques. Urticaire, œdème de Quincke ainsi qu’anaphylaxie sont en général en rapport avec une hypersensibilité immédiate, une histaminolibération, voire la mise en jeu du système du complément. Les dermites et stomatites eczémateuses sont en rapport avec un mécanisme d’hypersensibilité retardée. Dans les vascularites et les purpuras, des complexes immuns, le système du complément ainsi que des phénomènes vasculaires sont impliqués. Dans les toxidermies bulleuses, des effets cytotoxiques sont incriminés comme dans les lésions phototoxiques, les éruptions végétantes et les lichens induits ainsi que les pemphigus ou les pemphigoïdes. L’atteinte buccale peut être isolée ou être accompagnée de signes cutanés évocateurs et d’atteinte des autres muqueuses. Les signes fonctionnels communs sont des douleurs, des brûlures, une dysphagie. Ces différents types d’éruption font rechercher de principe une cause médicamenteuse parallèlement aux autres diagnostics différentiels.
Lichens iatrogènes ou stomatites érosives On appelle toxidermies lichénoïdes les éruptions cutanéomuqueuses cliniquement et histologiquement comparables au lichen plan. Toutefois, des nuances histologiques sont suggestives de la responsabilité d’un médicament : infiltrat inflammatoire dispersé tant au niveau de l’épithélium que du tissu conjonctif profond. Les médicaments en cause sont le plus
Arguments en faveur de l’origine médicamenteuse d’une réaction cutanéomuqueuse L’aspect clinique et son polymorphisme sont les premiers éléments évocateurs. Dans ce contexte, l’anamnèse retrouve la prise médicamenteuse, parfois la notion d’un épisode antérieur identique. Dans la majorité des cas, la page 9
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clinique n’est pas spécifique du médicament. Toutefois, pour certains d’entre eux, l’aspect est d’emblée évocateur : c’est le cas des toxidermies lichénoïdes et des sels d’or, des pemphigus et de la D-pénicillamine, les sulfamides ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens dans le cas d’érythème pigmenté fixe ou de syndrome de Lyell, du brome dans les formes végétantes. Dans certains cas, l’examen histologique est évocateur de toxidermie : lésions de vascularite, leucocytoclasie au sein d’un infiltrat inflammatoire, altération de la zone basale. La guérison à l’arrêt du médicament dans un délai court est un argument important du diagnostic. En effet, il n’y a pas à ce jour de tests in vitro fiables dans le diagnostic de l’allergie médicamenteuse du fait notamment de notre ignorance des mécanismes précis et des substances réellement responsables (métabolites ?). Les tests cutanés ne sont possibles que dans des cas privilégiés pour les réactions de type immédiat (pénicilline, myorelaxants) et dans certaines toxidermies eczématiformes. Ils sont parfois dangereux (sensibilisation lors des tests, risque de réaction aiguë...), tout comme les tests de réintroduction. Ces derniers en effet sont le plus souvent proscrits du fait de la gravité de la toxidermie. Dans certains cas, toutefois, ils sont réservés à des centres spécialisés. 11
Autres symptômes dont l’origine allergique est discutée
Macrochéilite liée à une allergie de contact compliquée d’infection.
allergique. Toutefois, certains patients décrivent comme « aphtes » des lésions qui sont en fait des papillites et des manifestations d’urticaire de contact (syndrome de Lessof).
Stomatodynies et glossodynies [30, 67, 76] Ces symptômes affectent volontiers la femme et désignent une sensation subjective de brûlures buccales douloureuses en l’absence de tout signe objectif. Des signes d’accompagnement sont fréquemment rapportés : sécheresse, modification du goût (goût amer ou métallique), troubles du sommeil et comportement alimentaire perturbé. Ces symptômes sont bien entendu différents du syndrome oral de Lessof (cf supra) aux symptômes intermittents et directement liés au contact buccal spécifique d’un ou plusieurs aliments. En pratique, avant de porter le diagnostic de glossodynies (symptômes subjectifs limités à la langue) ou de stomatodynies ou orodynies (en cas de symptômes plus diffus), la démarche diagnostique doit être systématique : vérifier l’absence de lésion objective, la bonne adaptation des prothèses, traiter une infection (candidosique par exemple) éventuellement associée, s’assurer de l’absence de carence vitaminique ainsi que d’allergie de contact à une prothèse ou à des produits d’hygiène buccodentaire. En cas de xérostomie, son caractère primitif ou secondaire doit être précisé ; en effet, les psychotropes sont fréquemment à l’origine d’aggravation des symptômes subjectifs sur ces terrains fragiles. Pour le traitement, celui de la composante anxiodépressive souvent présente permet d’obtenir en règle une réduction de la symptomatologie. Ainsi, ce diagnostic de paresthésies buccales psychogènes est un diagnostic d’élimination.
Manifestations allergiques au niveau des glandes salivaires Les parotidites allergiques se manifestent par une augmentation brutale du volume d’une ou des deux glandes parotides (plus rarement des sousmaxillaires) avec sensation de tension sans douleur vraie, sans signes généraux d’accompagnement. À l’examen, l’augmentation de volume est ferme, homogène, non dure, sans point douloureux. À l’origine du canal de Sténon, parfois tuméfié, la salive est normale. L’évolution est spontanément régressive en quelques heures. Ce caractère fugace et la récidive qui se fait dans un délai variable sont les éléments les plus évocateurs d’une origine allergique faisant reconsidérer les diagnostics initialement portés, d’oreillons par exemple, et rejeter des étiologies plus préoccupantes d’anomalie parotidienne. La notion de terrain personnel ou familial d’atopie, de signes d’allergie associée (rash) ainsi que l’éosinophilie sanguine parfois élevée et surtout salivaire sont à retenir et font porter le diagnostic de « parotidite éosinophilique ». La démonstration d’une cause alimentaire ou médicamenteuse (méthyldopa, nitrofurantoïne, nifédipine, phénytoïne, lithium, oxyphénylbutazone, naproxène) ou encore infectieuse est parfois faite mais bien souvent le bilan allergologique n’est pas contributif [36].
Macrochéilite et macroglossite [49, 52, 54, 55, 61, 72]
Infection et allergie
Ces augmentations de volume de la langue et/ou des lèvres peuvent apparaître au décours immédiat d’un épisode infectieux aigu, rhinopharyngé ou gingivodentaire. En règle cependant, on retrouve plus souvent des foyers infectieux chroniques, torpides et souvent négligés car peu ou non évolutifs. La macrochéilite du syndrome de Melkersson-Rosenthal est attribuée dans certains cas à un phénomène allergique : allergie alimentaire par exemple (avec à l’appui de ce diagnostic étiologique des tests de provocation positifs) (fig 11) ; dans d’autres cas, c’est une allergie de contact qui est à l’origine de ces manifestations chroniques. Ailleurs, une candidose chronique, une infection bactérienne ou un herpès récidivant sont en cause. Dans la plupart des cas, ce syndrome semble rester idiopathique. Bien entendu, il faut éliminer les autres causes d’infiltration chronique de la face (lymphome, sarcoïdose, rhinosclérome...).
Le rôle de l’allergie microbienne et fongique ne fait aucun doute dans un certain nombre de manifestations stomatologiques. Toutefois, leur mécanisme suscite de nombreuses controverses. Les bactéries colonisant les voies aérodigestives supérieures sont très nombreuses, leur pouvoir antigénique est puissant. Il est d’observation clinique courante de voir s’améliorer ou guérir des manifestations d’allure allergique après la cure de foyers infectieux ou par l’amélioration de l’hygiène buccodentaire. C’est le cas de certaines chéilites angulaires ou perlèches à type d’eczéma chez les sujets à hygiène buccodentaire déficiente [40, 46].
Aphtes Les aphtes vrais ou aphtes vulgaires sont des ulcérations rondes ou ovalaires de quelques millimètres, cernées par une aréole érythémateuse ; le fond rapidement creusé prend une teinte jaunâtre caractéristique. La douleur est un élément majeur. D’autres types d’aphtes sont décrits : aphtes miliaires, aphtose géante ou périadénite de Sutton avec aphtes mutilants laissant des cicatrices rétractiles ; ces aphtes sont d’évolution souvent durable, un processus immunoallergique est souvent incriminé (vascularite, facteurs infectieux locorégionaux). Certaines toxidermies peuvent prendre l’aspect d’aphtes parfois difficiles à distinguer des lésions aphtoïdes survenant au cours de la rectocolite ulcérohémorragique ou de la maladie de Crohn (nicorandil). La maladie de Behçet est caractérisée par une aphtose bipolaire, des aphtes cutanés et des localisations viscérales (oculaires et neurologiques) qui font la gravité de son pronostic. Les aphtes sont bien rarement d’origine page 10
Que penser du rôle d’une pathologie buccodentaire dans des symptômes cutanés à distance ? La responsabilité d’un foyer infectieux dans l’entretien d’une urticaire, d’un eczéma (dyshidrose ou eczéma nummulaire par exemple), d’un œdème de Quincke est possible bien que rarement démontrée par la guérison de la dermatose en quelques jours ou en quelques semaines après cure du foyer dentaire. Le caractère multifactoriel de ces affections rend l’interprétation de l’évolution très délicate. On ne peut non plus ignorer la responsabilité d’antigènes infectieux microbiens ou fongiques dans des maladies oculaires comme uvéite et kératite, ou articulaires (rhumatisme articulaire aigu), rénales (glomérulonéphrite)... Les foyers stomatologiques (parodontopathie, kystes apicaux) sont des responsables fréquents de ces affections qui guérissent parfois après cure de ces foyers. Des foyers candidosiques buccaux sont évoqués comme responsables à distance d’eczémas palpébraux, dyshidrose, urticaire chronique et œdème de Quincke, aphtose, manifestations muqueuses diverses.
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Une allergie à un matériau de prothèse dentaire, en l’absence de signe de stomatite, pourrait entretenir à distance un eczéma ou une dyshidrose. C’est la suppression puis la réintroduction de la cause qui peuvent faire la preuve de cette relation. Nous avons déjà discuté de ce problème au chapitre de l’allergie aux métaux, notamment au nickel [69].
Allergie et anesthésie Anesthésie générale [82] Les accidents survenant lors d’anesthésies générales effectuées pour soins odontostomatologiques ne sont pas considérés comme plus fréquents que lors d’autres anesthésies générales. Il s’agit de chocs anaphylactiques ou de rash érythémateux, urticariens, voire de bronchospasmes. Les responsables les plus fréquents sont les produits anesthésiants eux-mêmes et en particulier les myorelaxants. Ceux-ci sont à origine d’accidents survenant à l’induction de l’anesthésie. Ces allergies sont démontrables par tests cutanés. Des tests biologiques visant à mettre en évidence des IgE spécifiques des myorelaxants sont en cours de validation. Les allergies croisées entre les différents myorelaxants sont fréquentes et, contrairement à d’autres allergies médicamenteuses, elles peuvent survenir en l’absence d’anesthésie générale antérieure. Le latex est la deuxième cause de choc survenant en cours d’anesthésie générale. Il s’agit alors de choc survenant après l’induction pendant l’intervention chirurgicale proprement dite et en rapport avec une allergie aux gants du chirurgien. Les antibiotiques, les gélatines fluides, les dextrans, les colles biologiques, sont d’autres causes possibles de réaction systémique survenant au cours d’anesthésies générales en stomatologie.
Anesthésie locale [16, 21, 25] Les accidents allergiques liés à des anesthésies locales sont devenus exceptionnels depuis que ne sont plus guère utilisés les anesthésiques du groupe ester comportant une amine substituée en para (groupe 1). Ces anesthésiques donnent des sensibilités croisées entre eux et avec d’autres molécules telles que les sulfamides (antibactériens, hypoglycémiants ou diurétiques), certains colorants azoïques, la paraphénylène diamine et ses dérivés utilisés dans les teintures capillaires, l’industrie du caoutchouc et des matières plastiques. Ces anesthésiques sont les suivants : para-aminobenzoate de butyle, procaïne, benzocaïne, tétracaïne, éthoforme, oxybuprocaïne..., anesthésiques présents notamment dans Butoformet, Novocaïnet, Novésinet. Les anesthésiques locaux dépourvus de ce groupe « para » sont des dérivés amidés (groupe 2) qui ne présentent pas de réactivité croisée avec ceux-ci. Ce sont : lidocaïne ou lignocaïne, mépivacaïne, prilocaïne, bupivacaïne, étidocaïne..., Xylocaïnet, Citanestt, Marcaïnet, Duranestt, Scandicaïnet. Les réactions allergiques survenant lors d’injections d’anesthésiques locaux du groupe para étaient des réactions souvent extrêmement sévères de type anaphylactique (cf supra, description du choc), parfois mortelles du fait des complications liées à la profondeur du choc (troubles du rythme, œdème laryngotrachéal obstructif...) Actuellement, certaines médications utilisées dans le traitement des pharyngites contiennent encore ce groupe d’anesthésiques bien souvent associés à des antiseptiques et à des antibiotiques et anti-inflammatoires divers, tous allergènes potentiels et d’implication non exceptionnelle. L’allergie aux dérivés anesthésiques du groupe amidé est extrêmement rare. Quelques observations ont cependant été rapportées, allergie de contact plus qu’allergie de type immédiat. On a souvent plutôt affaire à des manifestations d’ordre pharmacologique liées au vasoconstricteur qui est associé à l’anesthésique ou par effet toxique en relation avec l’injection d’une forte dose d’anesthésique. Plus souvent encore, ce sont des réactions vagales qui sont responsables de malaise ou de « choc » lors d’anesthésies dentaires. Dans ces cas, il peut être utile de pratiquer des tests cutanés pour éliminer le rôle d’une allergie à l’anesthésique local et démontrer la tolérance de celui-ci lors de la dernière phase des tests injectant une petite dose d’anesthésique à titre de test de provocation.
Dermatoses professionnelles du stomatologiste, du chirurgien-dentiste et du prothésiste dentaire [33] Tous les produits incriminés dans la pathologie des malades sont susceptibles d’être en cause dans des dermatoses allergiques et non allergiques
12
Eczéma professionnel chez un dentiste : allergie aux résines acryliques.
professionnelles de ces praticiens. Il faut ajouter à ces allergènes ceux très souvent à l’origine de réactions cutanées et contenus dans les produits de désinfection du matériel et des locaux, ceux utilisés dans l’antisepsie des mains, ainsi que les gants eux-mêmes. Les symptômes présentés sont le plus souvent des eczémas des mains, du dos des mains, éventuellement des espaces interdigitaux, voire des poignets lorsqu’il s’agit d’allergie de contact aux gants de caoutchouc ou aux produits de nettoyage des mains. L’eczéma siège sur les zones découvertes et en particulier au visage en cas d’allergie aux produits de décontamination comme le glutaraldéhyde. Il peut s’agir d’eczéma limité des trois premiers doigts, souvent sec, desquamatif, crevassé, prédominant ou siégeant exclusivement à la main droite chez les droitiers : ces eczémas sont en général en rapport avec les résines acryliques pour lesquelles les gants ne représentent pas une barrière suffisante (fig 12). Tous ces eczémas s’améliorent à la période de congé et s’aggravent avec la reprise du travail. L’identification de l’allergène et son éviction posent parfois des problèmes difficiles en l’absence de moyen de protection adapté ou en l’absence de produit de remplacement. Les allergènes en cause sont très variés : – l’allergie au latex, à présent prise en charge pour les salariés au titre des maladies professionnelles indemnisables (MPI) (tableau n°95 du régime général) ; – autrefois les anesthésiques locaux de contact ; – les dérivés mercuriels ; – les résines de synthèse et leurs constituants, en particulier les méthacrylates (tableaux n°65 et 82 des MPI du régime général) et leurs additifs (adjuvants de polymérisation) ; – les antiseptiques locaux (ammoniums quaternaires, chlorhexidine, glutaraldéhyde, glyoxal, triclocarban, dérivés iodés comme la Bétadine t) et bien entendu l’eugénol (tableaux n°65 et 66). Plus que les patients, les praticiens sont exposés à déclencher des allergies aux matériaux de prise d’empreinte (cf supra).
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La cavité buccale et les lèvres peuvent être le siège de réactions d’allergies de contact et systémiques. Les agents en cause sont surtout des aliments, des produits odontostomatologiques et des médicaments. Les signes cliniques sont parfois intriqués avec des complications infectieuses et des facteurs d’irritation plus souvent en cause que les mécanismes allergiques. Le rôle des infections buccodentaires est parfois à discuter dans la physiopathologie des réactions d’aspect allergique. Plus encore que le malade, le praticien est exposé à des réactions allergiques en rapport avec la manipulation de produits sensibilisants comme les acrylates, le latex, les antiseptiques et désinfectants : il doit se protéger.
Références ➤
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ALLERGIE EN STOMATOLOGIE
Stomatologie
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¶ 22-050-N-10
Aphtes banals, aphtose buccale récidivante et maladie de Behçet J.-P. Coulon, E. Piette Dans ce chapitre, seront successivement envisagés les aphtes simples, isolés, l’aphtose buccale récidivante (ABR), les aphtoses complexes, les aphtoses bipolaires (ou multipolaires) et le syndrome de Behçet, véritable maladie générale. Ces affections sont proches du point de vue étiopathogénique, avec l’aphte comme manifestation clinique de base. L’aphte banal est une ulcération douloureuse de la muqueuse buccale évoluant spontanément vers la guérison sans séquelles cicatricielles. L’aphtose buccale est classiquement une affection récidivante de la muqueuse buccale qui évolue par poussées. Elle ne laisse généralement pas de séquelles. Cette ABR est qualifiée de simple dans les cas habituels, et de complexe lorsque les récidives surviennent avant même la guérison de la poussée précédente, ou lors d’association à une affection systémique. Associée à une aphtose génitale, elle prend le nom d’aphtose bipolaire, isolée (aphtose bipolaire de Neumann) ou dans le contexte d’un syndrome de Behçet. L’aphtose bipolaire de Neumann est considérée par certains auteurs comme une forme fruste de syndrome de Behçet. Le syndrome de Behçet (à distinguer de la maladie de Behçet) est une affection récidivante parfois familiale, évoluant par poussées pendant des années, qui affecte simultanément ou par recrutement la cavité buccale, les organes génitaux et les yeux ; vascularite et périvascularite sont présentes et d’autres manifestations cliniques également possibles (cutanées, articulaires, digestives, nerveuses, etc.). Enfin, les traitements locaux qui peuvent être recommandés dans les aphtoses buccales sont aussi valables pour le traitement symptomatique de la maladie de Behçet. Mais, dans certains cas de syndrome de Behçet, des traitements systémiques sont évidemment aussi d’application. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Aphtes ; Aphtoses ; Aphtose buccale récidivante ; Variantes d’aphtose ; Syndrome de Behçet ; Maladie de Behçet
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Aphtes buccaux banals, aphtose buccale récidivante, aphtose complexe Épidémiologie Manifestations cliniques générales Aspects histologiques Pathogénie Étiologie des aphtoses buccales récidivantes Diagnostic Principes de traitement
2 2 2 4 4 5 6 8
¶ Maladie de Behçet Historique de l’affection Épidémiologie Manifestations cliniques Étiopathogénie Diagnostic Diagnostic différentiel Pronostic Traitement
Stomatologie
10 11 11 11 16 17 18 18 18
L’aphte reste le symptôme clé, retrouvé aussi bien dans l’aphtose buccale chronique récidivante (ABR) banale, affection simplement dérangeante, que dans la maladie de Behçet, affection grave et invalidante. L’aphtose buccale banale n’est bien évidemment pas identique à la maladie de Behçet, malgré la concordance de nombreux facteurs sur le plan de la pathogénie. De nos jours, la pathogénie du déclenchement de l’ulcération aphteuse reste toujours discutée et semble multifactorielle. Classiquement, les aphtes de l’ABR sont le plus souvent superficiels, isolés (aphte d’aspect vulgaire) ou multiples, voire en « bouquet » (aphtes miliaires appelés aussi ulcérations herpétiformes de Cooke, plus fréquents chez la femme), ou sont parfois profonds (aphte nécrosant, jadis appelé « périadénite » de Sutton [1] ou periadenitis mucosa necrotica recurrens). La maladie de Behçet [2] est une affection plurisystémique caractérisée classiquement principalement par la triade « ulcérations buccales - ulcérations génitales - uvéite », mais d’autres complications peuvent appartenir au tableau (thromboses veineuses, manifestations intestinales et neurologiques, etc.). Cette maladie a été considérée jusque récemment comme une pathologie étroitement liée à l’aphtose chronique récidivante, voire peut-être comme une extension du processus pathologique qui mène aussi à cette aphtose récidivante [3].
1
22-050-N-10 ¶ Aphtes banals, aphtose buccale récidivante et maladie de Behçet
■ Aphtes buccaux banals, aphtose buccale récidivante, aphtose complexe La survenue d’aphtes buccaux banals constitue la forme dite mineure d’ABR, la plus fréquente, avec des récidives éventuelles espacées dans le temps de plus de 1 an. Ces aphtes banals peuvent cependant se présenter sous les différentes formes décrites pour l’ABR. La répétition de ces éruptions dans l’année fait poser le diagnostic d’ABR de manière rétrospective. La distinction entre aphte buccal banal et ABR a peu d’intérêt, et ne témoigne que de l’activité de l’affection. L’ABR, qui seule autorise des études cliniques et paracliniques du fait des récidives, est donc reprise comme modèle de description ici. Une revue récente de la question est disponible (cf. Pour en savoir plus).
Figure 2. Aphte banal ventrolingual.
Épidémiologie L’ABR affecte à des degrés divers 5 à 66 % de la population, selon les groupes étudiés. Ainsi, l’affection semble rare chez les Arabes bédouins, et particulièrement commune en Amérique du Nord. Une certaine prédominance semble exister pour la femme et pour les filles, avec des poussées plus fréquentes pendant l’ovulation ou avant la période menstruelle, et des rémissions fréquentes pendant la grossesse. L’ABR commence pendant l’enfance ou l’adolescence, avec un pic de fréquence entre 10 et 19 ans. Près de 1 % des enfants présente une ABR dans les pays développés. Ce pourcentage peut atteindre 40 % dans certains groupes sélectionnés d’enfants, avec une aphtose buccale commençant avant 5 ans et une fréquence de patients atteints croissant avec l’âge [4]. La fréquence et la sévérité des poussées diminuent avec l’âge. Les aphtes géants peuvent commencer après la puberté. L’aphtose herpétiforme tend à affecter des personnes plus âgées. L’ABR n’a pas de distribution géographique bien définie, comme la maladie de Behçet. Elle ne présente pas la morbidité, la mortalité et les associations fréquentes de cette dernière avec certains groupes human leucocyte antigen (HLA), mais en partage certaines anomalies immunologiques [5].
Figure 3. Aphtes labial et lingual dans une aphtose buccale récidivante (collection docteur Billet, Nantes).
Manifestations cliniques générales L’ABR commence généralement dans l’enfance, avec une tendance à diminuer en fréquence et sévérité avec les années ; 80 % des ABR commencent avant 30 ans. Un début chez le sujet plus âgé doit suggérer la possibilité d’autres affections ou une cause médicamenteuse [6]. Les aphtes surviennent dans les zones de la bouche où la muqueuse n’est pas kératinisée et non adhérente aux plans sous-jacents, en particulier au niveau de la muqueuse jugale, la muqueuse labiale (Fig. 1), le plancher buccal, la langue (face ventrale, pointe, bords, frein) (Fig. 2-4), le voile du palais plus rarement sur les gencives, les piliers amygdaliens et même le pharynx (Fig. 5). Le larynx et la muqueuse nasale sont plus rarement atteints. Les muqueuses masticatoires du palais dur et des rebords alvéolaires maxillaires et mandibulaires sont le plus souvent épargnées.
Figure 4.
Figure 5.
Figure 1. Aphte labial mordillé et macéré dans un cas d’aphtose buccale récidivante (collection docteur Billet, Nantes).
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Aphte géant de la pointe de la langue.
Aphte pharyngien dans une aphtose buccale récidivante.
La forme mineure d’aphtose buccale, la plus fréquente, sert de modèle de description générale. Le cours d’un aphte buccal mineur peut être schématiquement divisé en quatre phases, d’après Stanley : • la phase prodromique (phase 1) est douloureuse : sensations de picotements ou de brûlures de moins de 24 heures ; elle est souvent absente dans la maladie de Behçet, mais habituelle dans les aphtes banals ; • suit une courte phase préulcérative (phase 2) de 18 à 72 heures pendant laquelle se développent une ou des lésions Stomatologie
Aphtes banals, aphtose buccale récidivante et maladie de Behçet ¶ 22-050-N-10
Tableau 1. Classification des aphtoses buccales récidivantes (ABR). ABR mineure
ABR majeure
ABR herpétiforme
Sex-ratio
M=F
M=F
F > M (?)
Fréquence
± 80 %
± 10 %
± 10 %
Âge de début
5-19 ans
10-19 ans
20-29 ans
Nombre d’ulcérations
1-5 aphtes
1-10 aphtes
10-100 aphtes
Localisations
Antérieures
Antérieures > postérieures
Antérieures et postérieures
Taille des ulcérations
< 10 mm
> 10 mm
1-2 mm (plus large en cas de confluence)
Durée
4-14 jours
> 30 jours
< 30 jours
Taux de récurrence
1-14 mois
< 1 mois
< 1 mois
Localisations
Lèvres, joues, langue, plancher buccal
Lèvres, joues, langue, palais, pharynx
Lèvres, joues, langue, pharynx, palais, gencive, plancher buccal
érythémateuses, maculaires ou papuleuses, voire peut-être vésiculeuses (vésicules éphémères le plus souvent inaperçues), avec une douleur croissante ; • ensuite, l’aphte s’ulcère (phase 3), de manière punctiforme ou lenticulaire, mais ne saigne jamais, pendant quelques jours à quelques semaines, avec une douleur qui diminue progressivement ; • enfin la période de réépithélialisation (phase 4), indolore, de quelques jours à quelques semaines. Ces ulcérations (phase 3) sont douloureuses localement, inconfortables. Elles ont classiquement de 2 à 10 mm de diamètre, avec un fond nécrotique jaunâtre, « beurre frais », puis grisâtre. Leur bord est net, taillé à l’emporte-pièce, avec un liséré périphérique inflammatoire rouge vif. La base, très légèrement œdémateuse, reste souple et non indurée, sauf dans les variétés nécrosantes. Les aphtes gênent la parole et l’alimentation. Les aphtes apparaissent isolés ou en « grappe ». Les aphtes du sillon pelvimandibulaire et des vestibules ont un aspect fissuraire. Les douleurs persistent 3 à 4 jours, jusqu’à la formation d’une couche fibrineuse épaisse ou réépithélialisation précoce. Trois présentations sont classiquement décrites : mineure, majeure ou herpétiforme (cf. infra). Des ulcérations aphtoïdes, sans liséré inflammatoire, parfois non douloureuses, peuvent coïncider avec les aphtes. Les aphtes banals persistent 1 à 2 semaines, classiquement sans adénopathie satellite, et disparaissent progressivement (la douleur s’atténue, l’élément s’aplatit et se réépithélialise) sans laisser de cicatrice (phase 4) sauf dans les variétés nécrosantes, qui guérissent en 10 à 30 jours, voire plus. La surinfection bactérienne des aphtes est inhabituelle. Dans l’ABR, les lésions aphteuses sont similaires aux aphtes isolés. Leur taille peut varier, allant de petites ulcérations éparpillées à de grandes ulcérations très algiques, qui ne laissent cependant généralement pas de séquelles particulières. C’est la répétition des poussées dans l’année qui fait poser le diagnostic d’aphtose récidivante, ces récidives pouvant se succéder ou même se chevaucher dans le temps, avec alors des aphtes à différents stades d’évolution [7]. Selon leur présentation, trois formes principales d’ABR sont décrites (Tableau 1), une forme mineure, une forme majeure et une forme herpétiforme. Ces trois formes, décrites initialement par Cooke et reprises ci-après, ont des implications pronostiques différentes tout en restant bénignes. On parle également d’aphtose simple lorsque les patients, la majorité de ceux-ci, ne présentent qu’un à trois aphtes, guérissant en 1 ou 2 semaines, avec parfois des récidives qui restent espacées, deux à quatre fois l’an. On parle en revanche d’aphtose complexe en présence de patients avec plus de trois aphtes buccaux pratiquement constamment, des nouvelles lésions apparaissant pendant la guérison des précédentes, ou en cas d’association à une aphtose génitale ou des lésions périanales, en l’absence de maladie de Behçet, ou en association avec une affection systémique. Le texte qui suit reprend ces deux aspects simples ou complexes sous le seul terme d’ABR. Stomatologie
Quelle que soit la forme clinique, le reste de la bouche doit apparaître normal, tout comme la peau, les yeux, les articulations. Une microadénopathie sous-mandibulaire est fréquente. Les ABR s’améliorent avec l’âge, mais peuvent laisser des cicatrices sévères dans les ABR majeures. Les enfants atteints d’aphtes ou d’ABR, quelles que soient leurs formes cliniques, peuvent se déshydrater suite à leur réduction d’apports hydriques du fait des douleurs ressenties, avec alors des signes généraux possibles comme une perte de poids, une tachycardie, une hypotension, les extrémités froides, un pouls capillaire retardé, une fontanelle déprimée, une sécheresse des muqueuses, un pli cutané, une sécheresse axillaire.
Forme mineure d’aphtose buccale récidivante La forme mineure d’ABR est la variété la plus fréquente, affectant 80 % des patients atteints. Elle atteint préférentiellement le sujet entre 10 et 40 ans. Les symptômes sont généralement mineurs. Elle est caractérisée par la présence d’aphtes buccaux classiques, à savoir des ulcérations superficielles rondes ou ovales, habituellement de 2 à 4 mm de diamètre (mais parfois jusqu’à 1 cm), avec une pseudomembrane jaunâtre entourée d’un halo étroit érythémateux. Le fond jaunâtre devient grisâtre avant la guérison. Au niveau du fond des vestibules, site fréquent, leur forme est plus linéaire. Ces aphtes sont isolés (aphte banal, d’aspect vulgaire) ou multiples (deux à six). Ces lésions mineures surviennent surtout sur la muqueuse labiale et buccale, ainsi qu’au niveau du plancher buccal. Elles sont inhabituelles au niveau de la gencive, du palais ou du dos de la langue. Elles guérissent en 7 à 14 jours sans laisser de cicatrice. Elles récidivent après un intervalle de 1 à 4 mois. Cette forme mineure d’ABR est la forme la plus fréquemment rencontrée chez l’enfant [4].
Forme majeure d’ABR La forme majeure d’ABR est sévère mais plus rare (10 à 15 % des ABR), plus douloureuse que la forme mineure. L’aphte est décrit également sous le terme d’« aphte nécrosant », jadis appelé « périadénite » de Sutton [1] ou periadenitis mucosa necrotica recurrens. Ces lésions débutent habituellement après la puberté, avec une évolution chronique qui peut persister 20 ans voire plus. Ces lésions sont habituellement plus profondes, ovales, uniques ou multiples (deux à six) et peuvent dépasser 1 cm de diamètre jusqu’à atteindre 3 cm. Elles sont entourées d’œdème. Ces aphtes nécrosants ont une prédilection pour les lèvres, le voile (palais « mou ») et les piliers amygdaliens, mais peuvent affecter n’importe quel site, y compris la face dorsale kératinisée de la langue. Ces ulcérations sévères persistent jusqu’à 6 semaines, et laissent souvent une cicatrice [5]. Des signes généraux peuvent accompagner ces lésions (état subfébrile, dysphagie, malaise) avec élévation de la vitesse de sédimentation. Cette forme peut survenir lors de la prise de nicorandil (antiangoreux), avec des aphtes sévères.
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Forme herpétiforme d’aphtose buccale récidivante La troisième forme est l’ABR herpétiforme, décrite aussi par les termes d’aphtes miliaires ou d’ulcérations herpétiformes de Cooke. Cette forme herpétiforme peut avoir une prédilection pour la femme, et débute plus tardivement que les autres formes, 67 à 85 % des patients commençant avant l’âge de 30 ans. Elle est caractérisée par la survenue récidivante et en « bouquet » de multiples petites ulcérations extrêmement douloureuses, disséminées, et qui peuvent se distribuer dans la totalité de la cavité buccale. Une dizaine à une centaine d’ulcérations peuvent être présentes à un moment donné, chacune mesurant 1 à 3 mm. Ces ulcérations sont regroupées et tendent à fusionner, pour produire de larges ulcérations superficielles et irrégulières qui ressemblent alors aux aphtes majeurs « nécrosants ». Du fait de leur taille, elles guérissent en 7 à 30 jours. Elles peuvent récidiver si fréquemment que les ulcérations peuvent être virtuellement continues. La fréquence et la sévérité des épisodes peuvent augmenter pendant la troisième et la quatrième décennie, puis décroître par la suite avec l’âge. L’ABR herpétiforme n’est cependant pas liée à une infection à herpes simplex, et ne présente ni se développe au sein de lésions vésiculaires.
Aspects histologiques Histologiquement, la phase prémonitoire très précoce présente un épithélium peu altéré : certaines cellules suprabasales subissent une dégénérescence vacuolisante et sont enzymatiquement négatives par contraste avec les cellules voisines à activité enzymatique oxydative encore normale [8]. Le chorion sous-jacent s’œdématie rapidement, présentant un infiltrat principalement lymphomonocytaire, avec quelques plasmocytes. L’infiltrat est plutôt périvasculaire, les vaisseaux étant déjà dilatés avec des parois épaisses. Plus tard, la vascularite leucocytoclasique oblitérante [7] s’affirme par turgescence de l’endothélium proliférant. La lumière vasculaire rétrécie contient souvent des amas de polynucléaires. La média peut se dissocier et s’homogénéiser, avec éventuellement envahissement par les cellules inflammatoires. Les cellules malpighiennes nécrosées s’éliminent et laissent une ulcération assez superficielle dont le fond est recouvert d’un fin dépôt fibrinoleucocytaire. Si l’œdème est très marqué, il peut y avoir ébauche de décollement muqueux sous-épithélial. Au stade d’ulcération, l’infiltrat inflammatoire polymorphe est très dense et très étendu en profondeur et latéralement. Il est surtout constitué de polynucléaires neutrophiles. Les artérioles et veinules sont obstruées et envahies par des microthrombi fibrineux ; elles peuvent aussi subir une dégénérescence fibrinoïde pariétale. En périphérie de l’ulcération, l’infiltrat, surtout lymphocytaire, est moins dense mais garde sa disposition périvasculaire ; l’épithélium malpighien n’y présente qu’une légère spongiose. Çà et là existent des petits foyers de nécrose du chorion papillaire [9]. Dans les cas d’aphtes géants, ces lésions inflammatoires non spécifiques sont globalement les mêmes, altérant en profondeur des vaisseaux de plus gros calibre. Quand l’infiltrat inflammatoire dissocie des petites glandes salivaires accessoires sousmuqueuses, entourant éventuellement les canaux excréteurs de ces glandes, on parle de « périadénite ». Dans les aphtoses récidivantes de type herpétiforme, certains auteurs ont constaté, dans les noyaux des cellules épithéliales, de larges corps d’inclusion granuleux ou filamenteux, dont l’origine virale ne peut cependant être établie [10]. Ces constatations n’ont de plus pas été confirmées par d’autres auteurs. En microscopie électronique, il y a souvent, au stade ulcéreux, phagocytose des neutrophiles par de larges cellules mononucléées (appelées « cellules réticuloïdes » à cause de leur aspect ultrastructural). Le neutrophile serait reconnu comme un corps étranger, probablement à cause d’une modification de structure non spécifique et/ou d’une antigénicité spécifique acquise par la « cellule réticuloïde » contre le polynucléaire neutrophile. Au stade préulcéreux sans infiltrat neutrophile, les cellules épithéliales malpighiennes seraient phagocytées par des macrophages qui, plus tard, pourraient être en relation étroite
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avec les larges cellules mononucléées ayant phagocyté des neutrophiles. Ce mécanisme pourrait avoir un rôle étiologique important. À noter que dans les cas d’aphtose chronique récidivante, les « cellules réticuloïdes » (et non les macrophages comme dans la maladie de Behçet) transmettraient à des lymphocytes l’information immunologique des cellules malpighiennes dégénérées (immunoglobulines G [IgG], IgA, IgM et complément C3 cytoplasmiques). Ces lymphocytes subiraient une transformation blastique : d’une part des lymphoblastes (cellules B) synthétiseraient des immunoglobulines (anticorps humoraux), qui joueraient un rôle dans l’infiltration cellulaire et la vascularite, d’autre part des lymphocytes (cellules T) produiraient un facteur cytotoxique amenant la destruction des cellules épithéliales et l’ulcération clinique [11].
Pathogénie La physiopathogénie des lésions aphteuses n’est pas complètement élucidée, d’où leur qualification d’idiopathique dans la plupart des cas. Certaines constatations non spécifiques autorisent des hypothèses immunitaires dans l’ABR. Il semblerait que l’ulcération aphteuse soit due à une action cytotoxique des lymphocytes T CD4+ et CD8+ et des monocytes-macrophages, mais le facteur déclenchant de ces réactions n’est pas élucidé. Plusieurs anomalies concourent à cette hypothèse. Elles sont énumérées (cf. infra). Des hypothèses bactériennes et/ou virales ont également été avancées, sur base de certaines constatations (cf. infra).
Anomalies inflammatoires et cellulaires au niveau des aphtes Au niveau de la muqueuse buccale de ces patients, les anomalies lymphocytaires suivantes sont constatées : • en phase préulcéreuse, infiltrat mononucléé constitué de lymphocytes large granular lymphocytes (LGL) et de lymphocytes T4 helper (CD4+) ; • en phase ulcéreuse, apparition des lymphocytes T suppresseurs cytotoxiques CD4+ ; diminution des cellules mononucléées, y compris les lymphocytes T CD4+ et CD8+, aussi bien au niveau des lésions qu’en dehors. Des lymphocytes polymorphonucléaires apparaissent également dans les lésions, sans hyperréactivité de leur chimiotactisme et sans déficit de leur fonction phagocytaire (contrairement à ce qui est observé dans la maladie de Behçet) ; certaines lésions présentent une activation des cellules mastocytaires avec dégranulation ; • en phase de guérison, remplacement des lymphocytes T suppresseurs cytotoxiques CD4+ par des lymphocytes T CD4+. Des signes de vascularite leucocytoclasique et de vascularite par complexes immuns (avec dépôt vasculaire d’IgM, IgG et C3, et dépôt de C3 granuleux sur les membranes basales) sont retrouvés au niveau des lésions. Ces dépôts semblent avoir un rôle secondaire dans l’étiopathogénie des lésions, alors que l’infiltrat leucocytoclasique tient sans doute un rôle prépondérant. Les lésions ont des taux élevés d’interféron gamma, de tumor necrosis factor alpha (TNFa), d’interleukine (IL) 2, IL4 et IL5, et un déficit fonctionnel d’IL10. Les lésions aphteuses présentent une augmentation de molécules d’adhésion cellulaire, la vascular cell adhesion molecule (VCAM) 1, l’E-sélectine et l’intercellular adhesion molecule (ICAM) 1 au niveau des kératinocytes. Les connexines, marqueurs des gap junctions, sont présentes autant au niveau des lésions qu’au niveau des muqueuses saines voisines.
Anomalies inflammatoires au niveau du sang circulant Les anomalies suivantes peuvent être constatées au niveau du sang périphérique, en association ou isolément : • augmentation des lymphocytes T CD8+ circulants ; • diminution des lymphocytes T CD4+ ; in vitro, ces cellules T circulantes peuvent provoquer une lyse des cellules épithéliales orales ; • réduction des cellules T « vierges » CD4+ (CD5+ 2H4T) ; Stomatologie
Aphtes banals, aphtose buccale récidivante et maladie de Behçet ¶ 22-050-N-10
• augmentation des cellules T « mémoire » CD4+ (CD29+ 4B4+) ; • augmentation des cellules T gamma-delta (rôle probable dans la pathogénie des lésions) lors des poussées, ce qui révèle une cytotoxicité à médiation cellulaire anticorps-dépendante ; • élévation sérique des IL6, IL2R (soluble intercellular adhesion molecules), sans corrélation avec l’activité de l’affection ; • niveau normal ou élévation des cellules natural killer, sans altération de leurs sous-types (CD16+, CD56+ et CD14+) et sans altération de leur fonction cellulaire basale, ou parfois réduction de celle-ci lors des exacerbations des formes majeures d’aphtose ou des phases ulcéreuses tardives des formes mineures d’aphtose buccale. Les taux sériques d’Ig sont généralement normaux, avec des variations à la hausse ou à la baisse parfois rapportées dans certains groupes de patients, mais sans déficit des sous-classes d’IgG. Les taux sériques de complément C9 sont parfois augmentés, ainsi que ceux d’a2-microglobuline, sans doute révélateurs non spécifiques de la phase inflammatoire aiguë. Les marqueurs auto-immunitaires (anticorps antinucléaires, facteurs rhumatoïdes de type IgM, anti- acide désoxyribonucléique [ADN], anti-ribonucléoprotéine [RNP], anti-Sm et SSB) sont absents. Par ailleurs, on peut noter la présence d’anticorps circulants de type IgM dirigés contre la muqueuse buccale (également contre d’autres épithéliums épidermoïdes non kératinisés et contre la muqueuse du côlon) dans 70 à 80 % des aphtoses récidivantes banales, surtout lors des poussées et dans les formes chroniques. La spécificité et le rôle pathogénique de ces autoanticorps ne sont pas probants.
Aspects microbiens L’ABR ne se présente pas comme une affection infectieuse, contagieuse ou transmise sexuellement. Bien que des agents infectieux aient été retrouvés sous l’une ou l’autre forme dans certaines lésions aphteuses, les auteurs s’accordent pour considérer que les aphtes ne représentent pas une infection aiguë. L’implication des virus dans l’ABR est inconstante, et donc peu vraisemblable [12] : • l’implication des virus de l’herpès 1-6 n’est pas prouvée : les virus, les antigènes et les virions des virus de l’herpès ne sont pas démontrables au niveau des lésions, et seulement un tiers des patients avec aphtose récidivante sont herpes simplex virus (HSV)-positifs ; les taux sériques d’interféron ne sont pas augmentés. Seul de l’acide ribonucléique (ARN) complémentaire des HSV a été retrouvé dans les cellules mononucléées circulantes de certains patients, et de l’HSV-1 dans les complexes immuns circulants chez d’autres ; • les anticorps IgM et IgG contre le virus varicelle-zona sont parfois augmentés, et l’ADN de ces virus a pu être isolé directement des lésions aphteuses ; • les anticorps contre le cytomégalovirus sont parfois augmentés chez certains patients, et l’ADN de ce virus a pu quelquefois être isolé des lésions chez des patients virus de l’immunodéficience humaine (VIH)-négatifs ; l’ADN du virus de l’herpès 6 ou 8 humain est retrouvé dans les ulcérations des patients VIH-positifs. Les streptocoques (forme L) buccaux ont été suspectés depuis près de 30 ans dans la pathogénie de l’ABR. Ainsi, une réaction croisée a été démontrée entre une protéine streptococcique, l’heat shock protein (hsp de 60-65 kDa) et la muqueuse buccale, avec une élévation significative des anticorps sériques anti-hsp chez les patients atteints d’aphtose. Les lymphocytes de ces patients ont aussi une réactivité lymphoproliférative au contact du peptide mycobactérien (Mycobacterium tuberculosis) lors des phases cliniques de poussée aphteuse, mais pas lors des rémissions. Il existe une réactivité croisée à l’égard de l’hsp mycobactérienne 65 kDa et de l’hsp mitochondriale humaine 60 kDa. Comme les anticorps monoclonaux dirigés contre une portion des hsp mycobactériennes 65 kDa réagissent contre Streptococcus sanguis, l’hypothèse d’une réponse immunitaire cellulaire aux antigènes de Streptococcus sanguis, médiée par les cellules T, a été avancée dans l’ABR, avec des lésions survenant par réaction croisée avec les hsp mitochondriales humaines [13, 14]. La présence d’Helicobacter pylori a été signalée dans les aphtes, mais sans augmentation des anticorps IgG sériques à leur égard. Stomatologie
Étiologie des aphtoses buccales récidivantes Bases génétiques Plus de 40 % des patients affectés d’une ABR pourraient rapporter une vague notion d’aphtose buccale familiale. Ces patients peuvent présenter des aphtes à un âge plus précoce, avec des signes plus sévères que dans les cas non familiaux. La corrélation de l’affection est élevée parmi les jumeaux. Néanmoins, la susceptibilité semble très variable, avec une hérédité polygénique et une pénétrance soumise à d’autres facteurs [15]. Diverses associations ou non-associations de l’ABR ont été décrites avec certains haplotypes HLA et certaines populations. Dans les associations, on cite les haplotypes HLAB51 (également fréquent dans le syndrome de Behçet), Cn7, A2, A11, B12, Dr2 et Dr5. Dans les non-associations, on cite les HLA-Dr4, -B5, -MT2, -MT3. Aucune n’est significative et elles semblent plus liées aux variétés ethniques étudiées et/ou à la faible importance de certaines séries qu’à l’aphtose elle-même. Aucun polymorphisme génétique pour les IL10 et IL12 n’est également retrouvé dans l’ABR [16]. Une base immunogénétique paraît donc exclue à l’heure actuelle, du moins avec les moyens actuels d’investigation.
Facteurs locaux prédisposants L’implication de facteurs traumatiques locaux (brossages dentaires, prothèses dentaires, tractions sur les muqueuses, piqûres endobuccales, fils de suture) semble favoriser le développement d’aphtes chez quelques patients susceptibles [17]. Les aphtes buccaux sont rares là où la muqueuse buccale est kératinisée. Le tabagisme semble avoir un effet protecteur des muqueuses, peut-être par les effets vasoconstricteurs périphériques de la nicotine ou, plus vraisemblablement, par la couche de kératine et de parakératine formée secondairement [18, 19]. Une corrélation significative existe entre la sévérité des aphtes, leur nombre, leurs récidives et une faible hygiène buccodentaire.
Facteurs systémiques prédisposants La plupart des patients présentant une ABR sont pour le reste en excellent état général. Le rôle étiologique de réactions d’hypersensibilité à des antigènes exogènes autres que le gluten n’est pas significatif. La présence d’un état atopique, fréquent par ailleurs dans la population générale, est possible, mais son implication dans l’ABR n’est pas démontrée cliniquement, biologiquement et statistiquement. Certains patients rapportent une concordance d’apparition des aphtes avec la prise de certains aliments, additifs alimentaires ou arômes : huiles essentielles, acide benzoïque, cannelle, lait de vache, café, chocolat, pommes de terre, miel, fromages et en particulier de gruyère ou de cheddar, crustacés, poivre, paprika, moutarde, fruits secs comme les noix, les noisettes ou les amandes, dattes, citrus, fruits astringents et certains alcools. Ces cas étant sporadiques, des études contrôlées n’ont pas réussi à mettre ce fait en évidence. Une confusion de la part des patients entre par exemple une papillite linguale de contact, douloureuse, et une véritable aphtose n’est pas rare. De plus, le suivi de mesures diététiques améliore rarement le cours de l’ABR. Le laurylsulfate de sodium, détergent des pâtes dentifrices, semble pouvoir provoquer des aphtes chez certains patients [20]. Une minorité de femmes présente une aphtose buccale cyclique en relation avec la phase lutéale du cycle menstruel, modulée peut-être par une modification du niveau de substances progestogènes et par une diminution consécutive du turnover de l’épithélium de la muqueuse buccale. Une revue détaillée [21] n’a cependant pas retrouvé d’association entre l’ABR et une atteinte des corticostéroïdes sexuels chez la femme. La grossesse peut aussi entraîner une rémission des poussées, par un mécanisme mal expliqué (état de tolérance immunitaire peut-être), d’autant que la progestérone est parfois défavorablement incriminée. L’exposition à des niveaux importants de nitrates dans l’eau potable a été incriminée, par induction de l’activité cytochrome b5-réductase.
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Tableau 2. Étiologie des aphtoses buccales récidivantes. Aphtose buccale récidivante primaire • Idiopathique, parfois familiale • Facteurs déclenchants éventuels Allergie alimentaire Dentifrice à base de laurylsulfate de sodium Traumatisme local Cycle menstruel Anxiété, stress Aphtose buccale récidivante médicamenteuse • Médicaments : AINS, nicorandil, alendronate, hexachlorophène, etc. Aphtose buccale récidivante secondaire • Déficit hématinique (fer, acide folique, vitamine B12) • Maladie cœliaque • Maladie de Crohn • Aphtoses bipolaires Aphtose bipolaire de Neumann Syndrome de Behçet Syndrome MAGIC • Neutropénie cyclique • Neutropénie bénigne familiale • Déficits immunitaires Infection par VIH Autres déficits immunitaires • Syndrome FAPA ou PFAPA chez l’enfant • Syndrome de Sweet AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; MAGIC : mouth and genital ulcers with inflamed cartilage ; FAPA : fever, aphthosis, pharyngitis, and adenitis, périodique (PFAPA) ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
Le stress semble jouer un certain rôle, les poussées d’ABR étant plus fréquentes en période scolaire ou d’examen à l’université. Un état anxieux sérotonine-dépendant a été documenté dans les cas d’ABR [22] . Quelques publications suggèrent que certains patients atteints d’ABR puissent bénéficier d’un traitement antidépresseur. Cependant, la corrélation des cas avec une névrose est apparemment exclue [23].
Affections systémiques associées Dans certaines études, un déficit hématinique (déficit en fer, acide folique, vitamine B12) apparaît deux fois plus fréquent. Inversement, 20 % des patients présentant une ABR peuvent présenter une de ces carences [24]. Ces résultats n’ont pas été trouvés par d’autres auteurs [25] , ou que pour le fer ou la vitamine B12 [26]. Des déficits en vitamine B1, B2 et B6 ont été décrits dans une étude en Écosse [27]. Un seul cas d’aphtose a été décrit chez un patient présentant une carence en zinc et un déficit immunitaire, avec amélioration après apport de zinc [28] (Tableau 2). Près de 5 % des patients ambulants affectés d’une ABR présentent ou présenteront une entéropathie au gluten (maladie cœliaque des enfants, sprue nostras ou non tropicale des adultes). Ces patients peuvent ne pas présenter les signes digestifs classiques de l’affection, mais présentent souvent un déficit en acide folique et parfois des anticorps réticuline, particulièrement des IgA, et/ou des anticorps gliadine [29] . L’haplotype HLA-DRw10 et DQw1 peut prédisposer les cas d’entéropathie au gluten à l’ABR [30]. Occasionnellement, des patients présentant une ABR, sans évidence clinique et histologique de maladie cœliaque, peuvent améliorer leur affection aphteuse par un régime sans gluten [31]. L’établissement d’un tel régime est cependant particulièrement difficile. La présence d’anticorps antiendomysiaux est très inhabituelle en cas d’ABR, contrairement aux cas de maladie cœliaque. Les affections inflammatoires digestives (maladie de Crohn, colite ulcéreuse, maladie cœliaque) peuvent entraîner des aphtes buccaux typiques, qui peuvent constituer le premier signe de
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présentation de la maladie, ou son seul signe évident pendant de nombreuses années. Ces affections avec malabsorption sont retrouvées dans 3 % des ABR. Cette hypothèse doit être gardée en mémoire en présence d’ABR au long cours. Les patients infectés par le VIH peuvent présenter des lésions aphteuses sous l’une ou l’autre des trois formes cliniques d’ABR. Soixante-six pour cent des patients infectés présentent une forme herpétiforme ou majeure. Lorsque le nombre de lymphocytes CD T4 est inférieur à 100/ml, des aphtes majeurs sont observés [32, 33]. Ces ulcérations doivent être distinguées de celles causées par les médications antivirales ou les infections fongiques, virales ou bactériennes. Des lésions aphteuses buccales sont également rencontrées dans les affections suivantes (Tableau 2) : le syndrome de Sweet, la neutropénie cyclique, la neutropénie bénigne familiale, la maladie de Behçet, le syndrome mouth and genital ulcers with inflamed cartilage (MAGIC ; qui correspond à l’association d’un syndrome de Behçet avec une polychondrite récidivante), le syndrome fever, aphthosis, pharyngitis, and adenitis (FAPA) périodique (PFAPA) avec fièvre et pharyngite, certains déficits immunitaires primaires ou secondaires. Ainsi, chez les malades du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), lorsque le nombre de lymphocytes CD T4 est inférieur à 100/ml, des aphtes majeurs sont observés [32, 33]. Rarement, la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peut provoquer des aphtes buccaux et même des ulcérations génitales. D’autres médicaments peuvent provoquer des lésions cliniquement semblables aux aphtes [34], en particulier l’alendronate (antiostéoclastique), l’hexachlorophène en bains de bouche et surtout le nicorandil (antiangoreux provoquant des aphtes géants sévères réversibles à la réduction ou à l’arrêt du médicament, sans réponse aux corticostéroïdes locaux). D’autres médicaments ont rarement provoqué des aphtes, comme le captopril (inhibiteur de l’enzyme de conversion), l’hydroxycarbamide (cytostatique), le losartan (antagoniste de l’angiotensine II) ou la tiopronine (mucolytique) [35].
Diagnostic Il est fait essentiellement sur base de l’histoire de l’affection rapportée par le patient, et sur les constatations cliniques. Typiquement, les patients rapportent une histoire d’ulcérations douloureuses récidivantes au niveau des muqueuses buccales, généralement non kératinisées et mobiles. Chaque épisode guérit en quelques semaines, avec éventuellement l’apparition de nouveaux aphtes. Les patients sont typiquement en bon état général malgré leurs ulcérations buccales. Les formes sévères sont suivies de 2 en 2 jours ou de 3 en 3 jours. En l’absence de guérison dans les 2 à 3 semaines, des examens complémentaires doivent être réalisés. Des guidelines sont proposés pour cette démarche diagnostique [36]. Les antécédents du patient peuvent orienter vers une maladie de Behçet, une infection à VIH, un carcinome, une maladie de Crohn, un déficit immunitaire, une neutropénie cyclique, un syndrome MAGIC, un lupus érythémateux. L’anamnèse peut orienter le diagnostic vers une affection inflammatoire, digestive ou autre. L’anamnèse familiale recherche, outre les aphtes, les affections inflammatoires digestives, l’entéropathie au gluten (maladie cœliaque), la maladie de Behçet, le lupus érythémateux disséminé. Certaines constatations doivent orienter le diagnostic vers une autre affection, comme la fièvre, l’altération de l’état général, les myalgies, les arthralgies, les céphalées, la toux, les nausées ou vomissements, les douleurs abdominales, la diarrhée, la gorge douloureuse, les adénopathies, une éruption, des lésions génitales ou conjonctivales. Aucune analyse de laboratoire n’apporte de diagnostic définitif d’ABR. Les explorations biologiques ne sont réalisées que dans les aphtoses majeures ou invalidantes, ou associées à d’autres signes. Elles peuvent révéler un déficit hématinique, en particulier une réduction de la ferritine, mais rarement d’autres anomalies significatives si ce n’est celles, spécifiques ou aspécifiques, retrouvées dans les affections reprises (cf. infra) dans le diagnostic différentiel. Chez le petit enfant, elles pourront révéler l’importance de la déshydratation et de la dénutrition (hypoglycémie, acidose métabolique). L’anticorps sérique Stomatologie
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Tableau 3. Diagnostic différentiel des ulcérations buccales aiguës. Aphtose buccale récidivante primaire secondaire Affections virales • à herpes simplex - primo-infection : gingivostomatite herpétitique - herpès récidivant à localisation (rare) intraorale • à herpes zoster - primo-infection : varicelle - réactivation : zona • herpangine • mononucléose infectieuse aiguë • syndrome mains-pieds-bouche Gingivostomatite aiguë ulcéronécrosante Maladies bulleuses Syphilis
antiendomysium peut être positif dans la maladie cœliaque. Des investigations virologiques sériques ou lésionnelles sont en général inutiles à moins de vouloir exclure une infection herpétique atypique, en particulier en cas d’infection par VIH. Les cultures peuvent être nécessaires pour rechercher une infection bactérienne secondaire chez le patient VIH positif. L’examen histologique, y compris par immunofluorescence directe, est peu utile en l’absence de chronicité, car les lésions sont aspécifiques. Elles sont surtout utilisées pour exclure un carcinome, un pemphigus, une pemphigoïde, un syndrome de Behçet. Les explorations radiologiques sont inutiles.
Diagnostic différentiel Celui des aphtes buccaux [37] doit exclure les ABR typiques secondaires décrites plus haut. D’autres ulcérations doivent être différenciées (Tableau 3) : une lésion extrinsèque simplement provoquée (traumatique ou caustique, pathomimie) en particulier l’ulcère traumatique éosinophilique ou maladie de RigaFede chez le petit enfant, certaines infections virales (herpès, varicelle, zona, herpangine, syndrome mains-pieds-bouche, VIH), un érythème polymorphe postherpétique ou non (avec extension croûteuse prédominante sur le rebord cutané rouge des lèvres), les lésions herpétiques atypiques du sujet immunodéprimé, certaines formes de candidose (le Candida pouvant n’être qu’un simple opportuniste d’une ulcération d’une autre nature), certaines infections bactériennes (syphilis, chancre mou, gingivostomatite à anaérobies), et certaines lésions aphtoïdes douloureuses (carence en vitamine B12 et/ou en acide folique, et peut-être en fer) ou non (syndrome de Reiter). Un
pemphigus vulgaire, un lupus érythémateux disséminé et certaines vascularites parfois accompagnées d’ulcérations ou de lésions endobuccales aphtoïdes ne prêtent généralement pas à confusion, tout comme le lichen érosif. Le syndrome de Stevens-Johnson peut aussi provoquer des ulcérations buccales douloureuses. Le carcinome épidermoïde ulcéré ne devrait pas porter à confusion (induration, saignement au contact, fond leucoplasique ou lichénoïde, mauvaise hygiène fréquente, alcoolotabagisme fréquent). Des stomatites érosives surviennent au cours d’hémopathies, de lymphomes, à la suite d’agranulocytose (stomatite pseudomembraneuse), de chimiothérapies (adriamycine, méthotrexate). L’orientation étiologique se fait selon l’anamnèse, l’aspect des lésions, leur caractère récidivant ou non, leur topographie, leur évolution aiguë ou chronique, l’absence d’autres lésions cutanéomuqueuses, l’état général conservé, l’absence d’adénopathies significatives, l’absence d’anomalie des explorations biologiques. La chronicité est toujours suspecte de carcinome et impose en règle générale une biopsie. La localisation de lésions aphteuses herpétiformes (Tableau 4), tant au niveau de la muqueuse attachée que non attachée en bouche, sans épisode antérieur, correspond à une primo-infection herpétique, affection contagieuse à début brutal, le plus souvent discrète mais parfois sévère, qui peut s’accompagner d’adénopathies cervicales et de signes généraux comme de la fièvre. La localisation récidivante des lésions au niveau de la muqueuse « masticatoire » attachée à l’os sous-jacent comme la gencive ou au palais, correspond à une infection herpétique récidivante, également contagieuse, beaucoup plus souvent labiale à la jonction du vermillon et de la peau, rarement intraorale et peu fréquente dans ces cas au niveau des muqueuses buccales non attachées ; ces lésions passent par un bref stade vésiculeux, puis se rompent, fusionnent le plus souvent et laissent une ulcération douloureuse superficielle irrégulière à pourtour érythémateux. Il est rarement nécessaire de réaliser une culture virale, un frottis cytologique ou une biopsie. La présence d’halitose et/ou de gingivite oriente le diagnostic vers une gingivite ulcéronécrosante (qui atteint les papilles interdentaires, au contraire de la primo-infection herpétique), un syndrome PFAPA (angine érythémateuse avec fièvre périodique, pharyngite aphteuse, adénopathies), une infection à coxsackie (avec lésions palatines vésiculo-ulcéreuses). En cas d’apparition dans un contexte traumatique local chronique, quel que soit l’âge, avec absence de douleurs, bords érythémateux indurés et surélevés, fond fibrineux, un ulcère éosinophilique (maladie de Riga-Fede chez le petit enfant) est suspecté, l’âge moyen étant de 46 ans [38]. En cas d’apparition d’ABR chez le sujet âgé, une affection générale est suspectée, comme un carcinome occulte, par exemple un carcinome du côlon avec hémorragie chronique ; une cause médicamenteuse est également suspectée. En cas de fièvre, on suspecte une infection bactérienne, un syndrome PFAPA, une infection virale, certaines affections rhumatologiques. Une perte de poids et/ou
Tableau 4. Diagnostic différentiel entre herpès intraoral récidivant et aphtose buccale récidivante (ABR). Herpès buccal récidivant
Aphtose buccale récidivante
Aspect de la lésion primaire
Vésicule, ulcération secondaire
Ulcère
Aspect de la lésion mature
Ulcère superficiel, halo érythémateux, aspect ponctué ou irrégulier à pourtour irrégulier suite à la confluence de lésions ponctuées
Ulcère superficiel, halo érythémateux, fond fibrinoïde jaunâtre, aspect variable selon la forme clinique, le plus souvent régulier et ovale
Localisations communes
Le plus souvent vermillon de la lèvre, plus rarement intraoral, à ce moment sur une muqueuse attachée (gencive, palais)
Muqueuse non attachée (joues, plancher buccal, vestibule, langue, oropharynx)
Nombre
Quelques-uns à plusieurs (« bouquets »). Confluence éventuelle des lésions
Un à quelques-uns dans la forme mineure la plus commune. Variétés herpétiformes, cependant, avec confluence des lésions
Signes généraux
Absents
Absents, sauf cas sévères ou associés à une pathologie causale
Étiologie
Virale (HSV-1 le plus souvent, rarement HSV-2)
Indéterminée, facteurs associés
HSV : herpes simplex virus. Stomatologie
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un retard de croissance évoquent un déficit alimentaire ou un syndrome de malabsorption. Une éruption cutanée évoque un syndrome de Behçet, un érythème polymorphe, un syndrome mains-pieds-bouche, une infection par herpes simplex, un lichen plan, un syndrome MAGIC, un pemphigus, une pemphigoïde, un syndrome de Sweet, une syphilis, un lupus systémique, une varicelle, un zona. Une arthropathie suggère un syndrome de Reiter, un lupus systémique, un syndrome MAGIC. Des lésions conjonctivales peuvent orienter vers un syndrome de Behçet ou un syndrome pemphigoïde cicatriciel ; une uvéite ou une iritis peuvent révéler un syndrome de Reiter ou un syndrome de Behçet. Des adénopathies sensibles suggèrent un syndrome PFAPA, une gingivostomatite ulcéronécrotique. Une neutropénie suggère une neutropénie cyclique (cycle régulier de 3 semaines) ou familiale, une leucocytose un syndrome de Sweet ou un syndrome PFAPA [39].
Principes de traitement Il n’existe pas de traitement spécifique efficace de l’ABR. La diversité des thérapeutiques proposées rend bien compte de l’inconstance des résultats. Les formes bénignes d’aphtose buccale justifient l’emploi de thérapeutiques peu agressives et symptomatiques. Les symptômes peuvent être réduits, mais il est difficile de prévenir les récidives. Quelques principes peuvent cependant être dégagés [36, 39, 40]. Avant de prescrire un traitement pour l’ABR, il est important de rechercher les causes qui peuvent contribuer à cette maladie. Les patients qui présentent une affection systémique potentiellement causale doivent être adressés aux spécialistes appropriés. La recherche d’allergènes alimentaires est utile (patchs cutanés avec les additifs alimentaires, les arômes, les huiles essentielles), et des mesures diététiques sont proposées, lorsque certains aliments semblent en corrélation avec les poussées aphteuses [41]. Des tests hématologiques sont réalisés en cas d’ABR de plus de 6 mois, à la recherche d’une carence hématinique (fer, acide folique, vitamine B12) ; l’étiologie de ces carences hématiniques doit être élucidée avant d’administrer une thérapie substitutive. Un régime sans gluten, difficile à mettre en œuvre, peut réduire les épisodes d’ABR, que l’on soit en présence ou non de maladie cœliaque. L’utilisation de dentifrices sans laurylsulfate de sodium a pu diminuer les épisodes d’ABR. L’administration de sulfate de zinc est inefficace. L’étiologie de l’ABR étant le plus souvent non définissable, et son évolution étant imprévisible, il est important d’expliquer au patient les deux finalités du traitement, la première au niveau des douleurs et de la durée des aphtes, la deuxième au niveau des récidives et des rémissions.
Traitements topiques Ces traitements concernent la première finalité du traitement global, les douleurs et la durée des poussées, mais sont sans effet sur la prévention des récidives. L’application topique d’anesthésiques locaux soulage de manière transitoire. Ces produits, à base de chlorhydrate de lidocaïne, existent sous forme de gel ou de solution. Ainsi, les applications locales (en cas d’aphtes isolés) de lidocaïne en gel à 2 % et les bains de bouche (en cas d’aphtes multiples ou miliaires) à la lidocaïne visqueuse à 2 % à dilution minimale efficace (1 cuillère à café du produit dans 1 à 2 cuillères à café d’eau, voire dans 1 cuillère à soupe d’eau) aident à soulager la douleur avant les repas et permettent une alimentation dans de meilleures conditions. D’autres agents anesthésiants ou antalgiques sont proposés, comme le chlorhydrate de benzydamine, l’hydrate de chloral à 1 %, ou encore 250 à 500 mg d’acide acétylsalicylique (1/2 à 1 comprimé effervescent d’aspirine) dissout dans l’équivalent d’un demi-verre d’eau et gardé en bouche, en particulier 10 à 15 minutes avant un repas [7]. L’utilisation de corticostéroïdes en applications locales constitue, avec les anesthésiques locaux, l’un des volets essentiels du traitement des aphtoses récidivantes. Ces corticostéroïdes atténuent la composante inflammatoire des aphtes par action directe sur les lymphocytes T ou indirectement par action sur les cellules inflammatoires stimulées par les cofacteurs (allergies,
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traumatismes, micro-organismes par exemple). Ils diminuent ainsi la durée des aphtes ainsi que les douleurs, ils ne préviennent cependant pas les récidives. Plusieurs corticostéroïdes sont utilisables, avec une application 2 à 4 fois/j : hémisuccinate d’hydrocortisone (pastilles), acétonide de triamcinolone (pâte gingivale), fluocinonide (crème, gel, spray), valérate de bétaméthasone ou bétaméthasone-17-benzoate (bains de bouche) [42], pivolate de fluméthasone ou dipropionate de béclométhasone (spray) [40]. Ainsi, les pastilles d’hémisuccinate sodique d’hydrocortisone à 2,5 ou 2,625 mg sont à laisser fondre sur l’aphte 3 ou 4 fois/j, à concurrence de 10 mg/j ; la pâte gingivale d’acétonide de triamcinolone 1 mg/g est proposée si les aphtes sont plus étendus ou gingivaux ; les bains de bouche cortisonés et les sprays conviennent si les lésions sont diffuses ou d’accès difficile (par exemple voile du palais, oropharynx). Les injections sous-lésionnelles sous-muqueuses de corticoïdes, efficaces, sont rarement recommandées au niveau muqueux, sauf dans les formes sévères ou chez le patient VIH positif. Certains [43] associent avec succès les corticoïdes locaux à la prednisone per os. Les patients avec infection VIH peuvent avoir des aphtes résistants aux topiques corticoïdes. Bien que non étudié dans les aphtoses, l’impact des topiques corticostéroïdes sur l’axe hypothalamohypophysaire ne doit pas être négligé en cas de traitement prolongé avec un corticostéroïde très puissant et à longue durée d’action. Localement, les corticostéroïdes peuvent favoriser le développement d’une candidose. Des réactions allergiques sont décrites, en particulier avec la triamcinolone. Le fluocinonide peut provoquer une atrophie muqueuse. Les bains de bouche antiseptiques à 0,2 ou 0,1 % ou les gels antiseptiques à 1 % à base de solution aqueuse de gluconate de chlorhexidine, par un usage continu et prolongé, réduisent dans certaines études la durée des aphtes, allongent les périodes de rémission et espacent les aphtes en bouche, sans prévenir les récidives [44]. Cette utilisation plus de 2 semaines a cependant des inconvénients, comme la coloration des dents et de la langue. Plusieurs études n’ont cependant pas montré d’avantages par rapport à un traitement placebo [40] , et le pouvoir inhibiteur du gluconate de chlorhexidine sur la croissance de l’épithélium buccal a été signalé. En pratique clinique, ces différents produits peuvent être associés ainsi en prescription magistrale : • bicarbonate de sodium molaire (8,4 %) : 60 ml ; • gluconate de chlorhexidine : 60 à 120 ml ; • chlorhydrate de lidocaïne : 120 à 420 mg ; • dexaméthasone : 4 à 20 mg ; • H2O stérile : ad 300 ml. Cette préparation magistrale est également utile dans les stomatites diffuses et sévères, altérant les possibilités d’hygiène buccodentaire, telles celles lors de chimiothérapie et/ou radiothérapie ; on y ajoute alors habituellement les ingrédients suivants : nystatine poudre pour suspension orale 2 400 000 UI, Kamillosan® 10 ml, Plastenan® ampoules buvables, 10 ampoules, avant de l’amener à 300 ml par adjonction d’eau stérile. Des bains de bouche de solution aqueuse de tétracycline (mixture composée d’un comprimé à 250 mg de tétracycline dilué dans 5 ml d’eau, gardée 2 minutes en bouche) ont été proposés. L’application topique de tétracycline, seule ou associée à l’amphotéricine, peut réduire la sévérité de l’ulcération, sans en modifier le taux de récidive [40] . Les effets secondaires peuvent apparaître au-delà de 5 jours d’utilisation, et comprennent la dysgueusie, des réactions cutanées, le muguet, la chéilite angulaire, les sensations de brûlure et de douleurs au niveau de la gorge. Les tétracyclines, même en bains de bouche, sont contre-indiquées chez la femme enceinte et chez l’enfant de moins de 12 ans. La nature autolimitée des lésions aphteuses, combinée à l’effet protecteur des topiques locaux sous forme de pâte, peut procurer une guérison plus rapide et une réduction des douleurs indépendamment des produits plus ou moins actifs dans ces pâtes. Il en est ainsi sans doute des pâtes à base d’amlexanox, agent inhibiteur de la formation et de la libération de médiateurs inflammatoires au niveau des mastocytes, des neutrophiles Stomatologie
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et des cellules mononucléées. Amlexanox ne semble pas jouer de rôle propre dans l’efficacité du produit, sauf peut-être lors d’application très précoce [40, 45]. La résection chirurgicale des lésions transforme celles-ci en une lésion traumatique moins douloureuse ; elle est rarement proposée. Le débridement mécanique de ces lésions est inapproprié. L’ablation par laser Nd : YAG (neodymium : yttriumaluminium-garnet) peut soulager à court terme la symptomatologie et favoriser la cicatrisation [46], mais cette technique coûteuse est d’un bénéfice pratique très limité [47]. Le laser CO2 a été proposé plus récemment avec succès dans les aphtoses rebelles [48]. Pour obtenir une neutralisation immédiate et en général définitive des douleurs, au détriment cependant d’une brève douleur vive lors de l’application, une cautérisation de la lésion peut être pratiquée, par exemple avec de l’acide trichloracétique à 30 % appliqué avec un Coton-tige® jusqu’à blanchiment de la lésion, ou avec de l’acide chromique ou du nitrate d’argent. L’application de nitrate d’argent, unique, est proposée pour les aphtoses mineures et peu fréquentes. Elle diminue rapidement la douleur locale jusqu’à guérison sans modifier le temps de guérison de l’aphte [49] . Ces techniques ne sont cependant pas recommandées en pratique courante.
Traitements systémiques Plusieurs traitements immunomodulateurs systémiques ont été proposés, à l’image de leur essai ou de leur utilisation dans la maladie de Behçet. Parmi ceux-ci, l’efficacité du lévamisole, des corticostéroïdes oraux, de la colchicine, et du thalidomide (dans les cas sélectionnés) est à retenir. Les formes rebelles d’ABR peuvent même profiter de l’association de colchicine et de thalidomide. Des publications anciennes ont rapporté un effet bénéfique du lévamisole (150 mg/j pendant 2 à 3 mois, ou de manière discontinue, 150 mg/j pendant 3 jours sur 7), qui peut procurer une amélioration subjective, en particulier dans certains groupes. Plusieurs études contrôlées en dénient cependant l’intérêt, et ses effets secondaires (nausée, hyperosmie, dysgueusie, agranulocytose chez les patients HLA-B27) en découragent l’utilisation [40]. Les corticostéroïdes par voie systémique sont proposés dans des cures très brèves (pulse therapy à la prednisone 40 à 60 mg/ j). Pouvant favoriser les infections opportunistes, ils sont à éviter chez le patient immunodéprimé ou infecté VIH, ou doivent être associés à un traitement antifongique. En cas de durée de traitement dépassant 5 jours, une réduction progressive de la posologie par paliers est recommandée. Le schéma suivant peut être proposé : prednisolone 40 mg pour 4 jours, ensuite réduire la posologie de 5 mg tous les 2 jours jusqu’à 5 mg/j, puis réduire de 1 mg/j jusqu’à l’arrêt de ces prises. Les injections intralésionnelles sous-muqueuses de doses élevées de corticostéroïdes, efficaces, évitent les effets secondaires systémiques à long terme (Tableau 5) ; évitées en pratique courante, elles sont surtout envisagées dans les formes sévères ou chez le patient VIH-positif. La colchicine à la dose de 1,5 mg/j chez l’adulte en trois prises par 24 heures pendant 2 mois peut produire une réduction significative des douleurs et de la fréquence des aphtes [50]. Il n’existe pas de posologie recommandée pour le petit enfant ; on peut s’inspirer de celle (25 µg/kg/24 h chez l’enfant) proposée pour le traitement de la maladie périodique (fièvre méditerranéenne familiale) chez le petit enfant. Tous les patients ne répondent cependant pas à la colchicine, et la survenue de plaintes gastro-intestinales (douleurs, diarrhée) chez 20 % des patients en limite l’utilisation. Dans ces cas de diarrhée, il est conseillé de diminuer la posologie jusqu’à la dose seuil tolérée, et de réaugmenter ensuite la dose pour atteindre très progressivement la dose efficace. Les posologies proposées ne nécessitent pas de surveillance biologique particulière, sauf dans les traitements dépassant 6 mois, pour lesquels une biologie de contrôle est conseillée deux fois par an. La colchicine peut parfois entraîner une stérilité masculine réversible (azoospermie, spermogramme anormal), sans doute surestimée, ainsi qu’une dépression médullaire et une névrite périphérique, avec faiblesse musculaire. En cas de réduction des cellules Stomatologie
Tableau 5. Principaux effets secondaires de certains traitements systémiques dans l’aphtose buccale récidivante (ABR). Corticostéroïdes • En cas d’administration systémique, les effets indésirables sont fréquents et parfois très graves, surtout quand les doses physiologiques (20 à 30 mg/j d’hydrocortisone ou l’équivalent) sont dépassées et lors de traitement de longue durée • Rétention de sodium, parfois responsable d’œdème et d’hypertension ; la gravité de ces effets dépend de l’activité minéralocorticoïde de la substance utilisée • Symptomatologie clinique du syndrome de Cushing avec faciès lunaire, acné, atrophie cutanée et vergetures, et hématomes souscutanés • Faiblesse musculaire et troubles du rythme cardiaque consécutifs à une perte exagérée en potassium • Myopathies graves, surtout chez l’enfant • Hyperglycémie, surtout chez les sujets prédisposés • Ostéoporose entraînant des fractures ou des douleurs osseuses intenses, surtout lors de traitement prolongé avec des doses journalières équivalentes à au moins 7,5 mg de prednisolone ; la perte osseuse est la plus importante pendant les six premiers mois du traitement • Nécrose osseuse aseptique, notamment au niveau du col fémoral • Résistance amoindrie aux agents infectieux et plus spécialement à Mycobacterium tuberculosis, à Candida albicans et aux virus, de même qu’une atténuation des symptômes cliniques de l’infection • Arrêt de la croissance staturale • Euphorie, agitation, insomnie et réactions psychotiques • Cataracte et augmentation de la pression intraoculaire • Suspicions d’un risque de fente palatine • Retard de croissance intra-utérin en cas d’utilisation prolongée • Insuffisance surrénale chez le nouveau-né dont la mère a reçu pendant la grossesse des doses élevées de corticostéroïdes • Les corticostéroïdes augmentent le risque d’ulcérations gastrointestinales dues aux AINS • Renforcement de l’effet des anticoagulants coumariniques lors de l’utilisation de doses élevées de méthylprednisolone ou de dexaméthasone • Augmentation des concentrations plasmatiques de certains corticostéroïdes (probablement surtout la méthylprednisolone, la dexaméthasone et le budésonide) lors de l’utilisation concomitante d’inhibiteurs du CYP3A4 • Diminution des concentrations plasmatiques de certains corticostéroïdes lors de l’utilisation concomitante d’inducteurs du CYP3A4 (source : Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique. http://www.cbip.be) Colchicine • Nausées, vomissements et diarrhée sont fréquents • Dépression médullaire et névrite périphérique, en cas d’administration prolongée • Infertilité masculine réversible (source : Centre belge d’information pharmacothérapeutique. http://www.cbip.be) Dapsone • Methémoglobinémie Lévamisole • Neutropénie, agranulocytose chez le patient HLA-B27 • Nausées, dysgueusie, hyperosmie Pentoxifylline • Nausées Thalidomide • Tératogénicité • Polyneuropathie • Modification de l’humeur AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; HLA : human leukocyte antigen.
sanguines circulantes, la réduction de la dose de colchicine normalise ces taux. La survenue d’une grossesse ne doit pas faire interrompre le traitement (risque de flambée), mais une amniocentèse doit s’assurer de la normalité du caryotype. Si la
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colchicine est un médicament peu onéreux, et donc intéressant dans le traitement des ABR invalidantes, sa létalité par déséquilibre hydroélectrique, choc septique ou aplasie médullaire à dose élevée chez l’adulte (un conditionnement de 40 comprimés à 1 mg) doit inciter à la plus grande prudence, en particulier à l’égard des enfants vivant sous le même toit que le patient. Le thalidomide, introduit sur le marché en 1957, a été retiré en 1961 suite à sa tératogénicité (phocomélie). Son succès en 1980 dans le traitement de l’érythème noueux de la lèpre a renouvelé l’intérêt porté pour ce médicament dans diverses affections dermatologiques, suite à ses propriétés antiinflammatoires et immunomodulatrices. L’usage du thalidomide, en prise vespérale (somnolence) à la dose d’attaque de 100 à 300 mg/j et d’entretien de 50 à 100 mg/j, est à envisager dans les aphtes très nécrosants, chez les patients VIH-positifs à un stade avancé, ou dans les syndromes de Behçet. Dans les aphtoses sévères récidivantes, le thalidomide entraîne 48 % de résolution complète, dans les aphtoses chez le patient VIHpositif 55 % de résolution, et dans les aphtoses du syndrome de Behçet 22 % de résolution complète, outre son efficacité sur d’autres aspects de ce syndrome (cf. infra). Le thalidomide est efficace en 3,5 à 6 semaines ; une fois interrompu, la rémission dure 20 jours. Outre la constipation, très fréquente, une hypersensibilité au thalidomide peut survenir chez ces patients VIH-positifs ou atteints de syndrome de Behçet, et la survenue possible d’une polyneuropathie périphérique irréversible ne doit pas être ignorée, tout comme son historique tératogénicité, qui en fait interdire l’utilisation chez la femme en âge de procréer [40, 51]. Suivent ci-dessous un nombre important de substances, pour lesquelles des essais répétés en double aveugle manquent le plus souvent. L’Isoprinosine® limite l’importance de l’ABR simple, en atténuant et en espaçant les poussées. D’autres agents immunomodulateurs peuvent présenter un intérêt dans le traitement de l’ABR : l’azathioprine, l’interféron a2 humain en crème, la ciclosporine topique, le liquorice déglycyrrhiziné, l’acide 5-aminosalicylique topique, l’amlexanox, la prostaglandine E2 en gel, le facteur de transfert, les gammaglobulines, la dapsone, le cromoglycate de sodium, la carbénoxolone, le sucralfate ou encore les inhibiteurs de la monoamineoxydase [52]. Ces rapports n’ont pas été confirmés par d’autres études. Les approches thérapeutiques utilisant une modification du système peroxydasique salivaire sont sans effet. La pentoxifylline semble prometteuse, à la dose de 400 mg 3 fois/j pendant 1 mois, du fait qu’elle réduit notablement le nombre des récidives aphteuses pendant les 9 mois suivant l’arrêt du traitement [53]. L’aciclovir, également proposé dans la prévention des aphtes sévères, requiert des études complémentaires [54]. La prise de Longo Vital®, des tablettes vitaminées à base de plantes, a pu être efficace dans la prévention des poussées après 2 mois de prise quotidienne, chez des patients sans carence hématinique. La prise de placebo peut même améliorer notablement les symptômes des formes mineures de l’aphtose récidivante chez certains patients.
Au stade d’aphte classique ulcéré, les anesthésiques locaux suffisent, surtout si les plaintes surviennent essentiellement lors des repas. Les patients auront déjà souvent essayé des préparations en vente libre contenant de la benzocaïne. Si celle-ci est peu efficace, l’application locale de lidocaïne à 2 % sous forme de gel, au besoin, avec un Coton-tige®, apporte un réel soulagement. L’application répétée de lidocaïne peut être toxique chez le petit enfant. La diphénhydramine, un antihistaminique H1, peut également être utilisée à la place de la lidocaïne, en bain de bouche recraché ou en application au Coton-tige®. L’utilisation d’anesthésiques locaux en injection est parfois requise, avec réel soulagement, mais temporaire. Les corticostéroïdes topiques appliqués localement 2 à 4 fois par jour (dont une fois au coucher) sont très utilisés comme option de traitement, leur usage local réduisant les effets systémiques. Leur application est répétée jusqu’à diminution des lésions. Les corticoïdes puissants, sous forme de gel, crème, pommade, avec ou sans base adhésive, sont efficaces sur la guérison et le raccourcissement de la poussée d’ABR, surtout s’ils sont appliqués dès les prodromes. Les gels adhèrent mieux à la muqueuse buccale que les crèmes ou les pommades ; des tablettes mucoadhésives sont à l’étude [55]. Ces préparations sont moins efficaces lorsque les lésions sont multiples ou d’accès difficile au Coton-tige® ; dans ce cas, l’utilisation d’un spray (par exemple de béclométhasone) constitue une bonne alternative. Dans les cas sévères, les corticoïdes locaux sont administrés en bains de bouche gardés 2 minutes puis crachés, 3 à 4 fois par jour. Les corticostéroïdes augmentent le risque de mycose et d’autres infections secondaires. Les corticostéroïdes par voie systémique sont utilisés en cures brèves (« pulsed » prednisone), voire plus prolongée en l’absence de réponse, jusqu’à diminution des lésions. Les patients à ce stade décisionnel de traitement doivent faire l’objet d’un réexamen approfondi pour exclure une affection associée (cf. diagnostic). La colchicine est utilisée dans les aphtoses qui restent invalidantes par leur extension ou leurs récidives « subintrantes » malgré un traitement local optimal ; son usage est décrit plus haut. L’utilisation du thalidomide répond à un protocole précis décrit plus haut. Peu de patients ne répondent pas aux traitements locaux ou systémiques décrits. Pour ceux-ci, divers traitements sont proposés, comme le traitement par laser (soulagement immédiat, guérison accélérée, récidives réduites), l’application locale de nitrate d’argent, la résection chirurgicale. En cas d’infection associée au VIH, un traitement antifongique peut être requis en conjonction avec les corticostéroïdes locaux. Une biopsie peut être nécessaire à la recherche d’une infection traitable (par exemple herpes simplex, cytomégalovirus). L’aggravation de l’état de déficit immunitaire favorise les nouvelles infections. Les corticostéroïdes systémiques sont évités autant que possible, ou administrés en cures brèves (cf. supra). Leur injection intralésionnelle sous-muqueuse sera envisagée.
Choix et stratégie de traitement
C’est une affection multisystémique inflammatoire récidivante [2], d’évolution chronique et de cause inconnue. Son expression clinique est dominée par des manifestations mucocutanées, génitales, oculaires et articulaires. Les artères, tout comme les veines de toute taille, le système nerveux central et le tube digestif, peuvent aussi être atteints, avec de sérieuses conséquences. Toutes les spécialités médicales peuvent donc être concernées par cette affection. La maladie de Behçet évolue par exacerbations et par rémissions, et sa sévérité diminue généralement avec le temps. Ubiquitaire, la maladie présente des variations géographiques marquées, tant sur le plan de sa fréquence que du type ou de la gravité de ses manifestations cliniques ou encore de son association ou non à une hypersensibilité cutanée aux effractions ou à l’antigène HLA-B51. Sur la base de ces différences, certains auteurs distinguent un syndrome de Behçet, sporadique et/ou associé à des affections autoimmunes ou des vascularites, et une maladie de Behçet, confinée aux patients habitant ou provenant d’une zone
La plupart des patients avec une aphtose mineure ou herpétiforme doivent être traités empiriquement avant toute mise au point coûteuse. Le traitement a pour but essentiel le soulagement des douleurs, le maintien d’une hydratation et d’une alimentation, et, autant que possible, une guérison rapide et une prévention des récidives. Les recommandations générales au patient comprennent le maintien d’une bonne hygiène dentaire, l’utilisation de bains de bouche non irritants, l’administration accrue de liquides chez l’enfant, les boissons non irritantes et froides, la nourriture non épicée et non salée. Les patients susceptibles peuvent bénéficier de l’usage d’une pâte dentifrice sans laurylsulfate de sodium. Au stade des prodromes (sensation de picotement muqueux), l’application de pâte à l’amlexanox à 2 % semble utile, en particulier chez les patients bien au fait de leur ABR, avec une réduction des poussées.
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■ Maladie de Behçet
Stomatologie
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La première description des symptômes de la maladie de Behçet a été retrouvée par Feigenbaum en 1956 dans le troisième livre d’épidémiologie d’Hippocrate, à propos du septième cas, au Ve siècle avant Jésus-Christ [62]. Depuis cette époque, diverses manifestations sont décrites séparément, et les premières descriptions de la triade classique remontent à la fin du e e XIX siècle et au début du XX siècle [63, 64]. C’est le dermatologue turc Hulusi Behçet [2] qui a laissé son nom à l’affection en 1937, après l’observation d’un cas en 1924, d’un autre en 1930 et d’un troisième en 1936, bien qu’Adamantiades [65] l’ait subodorée dès 1931 et que Touraine [66] l’ait reprise en France en 1941 dans le cadre de la « grande aphtose ». Alors que les premières descriptions remontent loin, le nom de maladie de Behçet est celui retenu actuellement par la plupart des auteurs. En fonction de l’association variable des divers symptômes, certains auteurs ont distingué plusieurs formes dans le passé. Touraine [66] eut le mérite d’intégrer les aphtoses dans un spectre continu de manifestations qui s’étend des aphtoses banales buccales ou parfois génitales à la maladie de Behçet floride. Cette conception ancienne est confirmée par certaines associations familiales entre les pôles extrêmes de ce spectre, les études immunologiques récentes évoquées plus haut et l’étude des haplotypes. Touraine [66] distinguait trois formes : l’aphtose muqueuse unipolaire ou bipolaire, l’aphtose cutanéomuqueuse et la grande aphtose multipolaire. Plus tard, Lehner et Barnes [67], plus restrictifs, s’en tinrent à la maladie de Behçet, où ils distinguèrent quatre formes, selon l’absence ou la présence de complications systémiques : la forme cutanéomuqueuse pure, la forme arthritique, la forme oculaire et la forme neurologique. La première forme est le plus souvent observée, avec parfois quelques signes articulaires qui définissent la deuxième forme. Ces deux premières formes sont les plus modérées et les plus fréquentes, et sont de bon pronostic, contrairement à la troisième et surtout à la dernière, heureusement plus rares. Les classifications de Touraine et de Lehner peuvent être combinées avantageusement, et on pourra distinguer à l’instar de Touraine les aphtoses récurrentes banales unipolaires le plus souvent buccales ou parfois génitales, et la maladie de Behçet, qui peut compliquer l’évolution d’une aphtose banale ou qui commence le plus souvent par une aphtose bipolaire, avec les quatre formes de gravité de Lehner. D’autres formes que celles décrites par Lehner, également graves, seront signalées (cf infra) [7]. Actuellement, l’aphtose bipolaire sans les manifestations systémiques du syndrome de Behçet, appelée aussi aphtose bipolaire de Neumann, est considérée comme une forme fruste de syndrome de Behçet [68-70].
fréquence aux extrémités, à l’ouest (Tunisie, Turquie, Grèce, Égypte, Liban, Iran, Irak) et à l’est (Corée, Chine, nord du Japon) de cet axe. La survenue de l’affection paraît exceptionnelle parmi les sujets de race noire. Il faut souligner que la maladie de Behçet est fréquente dans des régions où les affections auto-immunes sont elles-mêmes fréquentes [56]. La prévalence a augmenté ces 40 dernières années, principalement au Japon, où jusqu’à dix cas pour 100 000 habitants sont recensés, ce qui en a fait dans ce pays un problème de santé publique, du fait de la cécité qu’elle entraîne. On note également au Japon un gradient d’incidence de l’affection, avec une fréquence maximale au nord du Japon ; les Hawaiiens et les Brésiliens d’origine japonaise sont épargnés par l’affection, pour une raison mal comprise. En Arabie Saoudite, 20 cas pour 100 000 habitants sont rapportés, en Turquie cinq cas pour 100 000, et en Iran 16 à 100 cas pour 100 000. En Europe de l’Ouest, la prévalence est de 0,3 cas pour 100 000 habitants, et en Allemagne de deux cas pour 100 000. L’augmentation dans certaines régions est probablement liée à une meilleure détection de la maladie, ou aux migrations. Au Japon, 10 % de la population présentent l’antigène HLA-B51, et 0,1 % de ces sujets développent une maladie de Behçet. Certaines manifestations de la maladie de Behçet montrent une variation géographique. Ainsi, le pathergy-test (cf. infra) et l’antigène d’histocompatibilité HLA-B51 sont positifs chez 70 % des patients dans l’est du Bassin méditerranéen et au Japon, mais pas chez les patients vivant en Angleterre ou aux ÉtatsUnis. L’atteinte gastro-intestinale, caractérisée par des ulcérations surtout au niveau de l’iléum et du cæcum, est fréquente au Japon, mais rare chez les Turcs. L’âge de début des premiers symptômes s’étend de la petite enfance à plus de 78 ans. L’âge auquel la triade classique est reconnue est le plus fréquemment situé après la puberté, entre 20 et 35 ans, et assez rarement dans l’enfance ou chez le sujet âgé. La fréquence de cette affection semble cependant augmenter chez l’enfant. Le sex-ratio varie selon les régions, avec une prédominance masculine nette au Liban (11 pour 1), en Égypte (5,3 pour 1), en Israël (3,8 pour 1), en Turquie (3,4 pour 1), en Grèce (1,9 pour 1), une prédominance mâle relative en Iran (1,2 pour 1), une prédominance féminine relative en Allemagne (1 pour 0,9), au Japon (1 pour 0,8), au Brésil (1 pour 0,7), et une prédominance féminine nette aux États-Unis (1 pour 0,2). Dans ce dernier pays, la prédominance nette des femmes pourrait ne pas être le reflet de la réalité en raison du mode d’enquête utilisé, à savoir une enquête par courrier postal, avec 245 réponses sur 616 patients enregistrés spontanément, sans donnée sur le sex-ratio et les critères de diagnostic de ce groupe [56]. Les atteintes chez la femme sont globalement plus rares et comportent beaucoup moins souvent des complications. Le pathergy-test cutané est de même plus nettement positif chez l’homme que chez la femme. Même les thrombophlébites, une complication œstrogénodépendante généralement plus commune chez la femme, sont plus fréquentes chez le sujet de sexe masculin en cas de maladie de Behçet. La maladie de Behçet se différencie donc de beaucoup d’affections auto-immunes par sa prédominance masculine. Elle affecte dans environ 3 à 8 % des cas plusieurs membres d’une même famille, parmi les groupes ethniques à risque. L’atteinte successive de deux générations est également décrite, avec dans ces cas un phénomène d’anticipation génétique dans 84 % des cas, sous la forme d’un début plus précoce dans l’enfance, mais sans aggravation de l’affection. Cette anticipation génétique pourrait provenir de mutations génétiques dynamiques [71].
Épidémiologie
Manifestations cliniques
La maladie de Behçet a une distribution mondiale, et la plupart des cas sont observés dans les populations descendant des peuples altaïques, c’est-à-dire au Japon, au Moyen-Orient, et dans l’est du Bassin méditerranéen. Cette maladie survient en fait dans les régions situées le long de la « route de la soie », qui s’étend à travers plaines, montagnes et déserts depuis le bassin méditerranéen jusqu’en Extrême-Orient, avec des pôles de
On peut, sur la base de leur fréquence, distinguer des lésions « majeures » et des lésions « mineures », sans préjuger de leur gravité. Les lésions majeures comprennent des ulcérations buccales aphteuses (98 %), des lésions cutanées (87 %), des signes oculaires (69 %), des ulcères génitaux (73 %). Les lésions mineures comprennent une arthrite (57 %), des lésions gastrointestinales (16 %), des signes neurologiques centraux (11 %),
géographique bien déterminée, la « route de la soie ». Ainsi, les publications issues du Behçet’s Syndrome Research Center, à Istanbul (Turquie), sous l’autorité de Hasan Yazici [56-58], font référence en la matière, et ne parlent que de « syndrome », pour tous les cas. Les publications japonaises, tout aussi pertinentes, distinguent en revanche la « maladie » du syndrome. L’usage du terme de syndrome de Behçet concerne alors les manifestations de l’affection chez les patients en dehors des groupes ethniques à risque, ou dans le contexte d’une autre affection inflammatoire comme l’entérite régionale de Crohn, la colite ulcéreuse, les spondylarthropathies séronégatives, le lupus érythémateux disséminé, la polychondrite atrophiante [59]. Généralement, le diagnostic de maladie de Behçet ne devrait pas être fait quand d’autres possibilités cliniques sont envisageables [60]. Dans ce chapitre, on parle de maladie de Behçet. Une revue récente de cette affection est disponible [61].
Historique de l’affection
Stomatologie
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Figure 7.
Aphtes scrotaux dans une maladie de Behçet.
des lésions vasculaires (9 %), une épididymite (6 %). La positivité de l’antigène HLA-B51 dans ces différentes atteintes varie entre 44 et 56 %, et monte à 68 % pour l’épididymite [59].
La dapsone (100 mg/j) et surtout le thalidomide (100 mg/kg/ j) [77, 78] sont proposés dans les formes sévères et rebelles d’aphtose buccale ou génitale. L’efficacité de la dapsone est inconstante [79, 80]. Le thalidomide agit de manière très efficace et rapide. Sa disponibilité et sa toxicité ont été évoquées (cf. supra). Le thalidomide nécessite une surveillance particulière [81]. La rebamipide (300 mg/j), un antiulcéreux, a pu être efficace dans les aphtes buccaux de la maladie de Behçet.
Mode de présentation
Lésions aphteuses génitales
Figure 6.
Cicatrices d’aphtes linguaux dans une maladie de Behçet.
[72].
Il varie selon l’âge La première manifestation de l’affection chez les enfants survient en moyenne entre 4 et 13 ans, plus tôt chez le garçon, et dans la grande majorité des cas, une ABR est constatée. Plus rarement, on trouve comme mode d’entrée dans l’affection une ulcération génitale ou un érythème noueux, ou encore des arthralgies. Chez l’adulte, l’affection débute souvent tôt, entre 20 et 38 ans, et moins d’un tiers des patients commencent par une ABR, et la proportion d’ulcérations génitales, d’arthralgies ou d’érythèmes noueux comme premiers symptômes est non négligeable. Exceptionnellement, l’affection commence chez l’adulte par une thrombose veineuse profonde. Le début souvent extramucocutané de l’affection chez l’adulte complique par conséquent le diagnostic de l’affection à ses débuts. La survenue de l’affection à un âge plus avancé est associée à un spectre plus large d’atteintes systémiques au moment du diagnostic. La gravité de l’affection est déterminée par l’atteinte d’organes spécifiques, comme le système nerveux, une occlusion artérielle ou une uvéite. L’implication d’un nombre important d’organes n’implique donc pas nécessairement que l’affection soit plus sévère.
Signes généraux Les symptômes généraux qui accompagnent les poussées de maladie de Behçet sont généralement discrets. On peut constater un état fébrile modéré ou parfois important (39 à 40 °C) [73] en cas de manifestations neurologiques, pulmonaires ou digestives, mais les adénopathies périphériques sont rares, et non localisées nécessairement dans les territoires satellites des aphtes muqueux ou cutanés. Cette lymphadénopathie, dans les quelques rares cas qui la présentent, est souvent généralisée, accompagnée de fièvre, et peut parfois passer pour une affection lymphoproliférative [74].
Lésions aphteuses buccales Dans la maladie de Behçet, les aphtes buccaux constituent un des critères majeurs de diagnostic, et l’aphtose buccale peut précéder de plusieurs années les autres signes cliniques, particulièrement chez l’enfant. Néanmoins, chez l’adulte, les premières lésions sont généralement non mucocutanées. Ces aphtes sont identiques à ceux qui sont observés dans l’aphtose buccale chronique récidivante, avec souvent des cicatrices (Fig. 6). Le traitement local des aphtes a déjà été évoqué (cf. supra). Leur traitement systémique fait appel à la colchicine (1,5 mg/ j) [75], les corticoïdes par voie générale, l’interféron, voire, dans les formes sévères, à certains immunosuppresseurs comme l’azathioprine (2,5 mg/kg/j) [58, 76]. La réponse à ces différents agents est variable, et ne donne pas toujours entière satisfaction.
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L’aphtose génitale [67] survient dans environ 80 % des cas de maladie de Behçet, plus fréquemment chez la femme. Elle accompagne parfois l’aphtose buccale, réalisant l’aphtose bipolaire de Touraine [66]. Les ulcérations muqueuses génitales ressemblent aux aphtes buccaux quant à leur aspect et leur évolution. Elles peuvent être plus florides que les aphtoses génitales isolées, avec une évolution plus lente. Les ulcérations vaginales et parfois du col utérin sont généralement indolores, et sont détectées à l’occasion d’examens gynécologiques systématiques. Des localisations génitales externes douloureuses sont possibles, au niveau du scrotum (Fig. 7) et plus rarement au niveau de la verge, du gland (balanite pustulo-ulcéreuse ou diffuse) et de l’urètre (pseudo-urétrite) chez l’homme, et au niveau des grandes et petites lèvres ou de la vulve chez la femme, qui peut aussi présenter une forme particulière, l’aphte aigu isolé et volumineux de la vulve (jadis appelé ulcère aigu de Lipschütz). Des lésions du périnée peuvent être observées dans les deux sexes. La survenue d’une épididymite est peu fréquente, celle d’une orchite est rare, et toutes deux guérissent sans laisser de séquelles. Les aphtes génitaux laissent volontiers une cicatrice varicelliforme ou varioliforme, en particulier sur le scrotum, ce qui permet un diagnostic rétrospectif. La valeur de marqueur diagnostique de ces lésions est d’ailleurs reconnue. Le diagnostic différentiel doit envisager la plupart des affections déjà évoquées avec les aphtes buccaux qui peuvent occasionnellement produire des lésions aphtoïdes génitales. Leur traitement systémique est le même que celui des aphtes buccaux.
Lésions cutanées Les manifestations cutanées [67], très variées, se voient dans 70 % des cas. Elles comprennent, par ordre décroissant de fréquence, l’hypersensibilité cutanée aux effractions cutanées (80 à 100 %), les lésions pustuleuses spontanées (60 %) (Fig. 8), les lésions d’érythème noueux (30 à 40 %). D’autres lésions sont également décrites, comme une éruption maculaire et papuleuse, ou un dermographisme. Sur biopsie, ces lésions ont en commun les caractéristiques d’une vascularite leucocytoclasique/ lymphocytaire ou neutrophilaire dans le derme ou les tissus sous-cutanés avec un infiltrat périvasculaire dermique [82]. L’hypersensibilité cutanée aux effractions cutanées est souvent un signe diagnostique de la maladie de Behçet, très courant et spécifique chez les patients sur la « route de la soie » : apparition dans les quelques heures à 24 heures d’un aphte cutané (pustule à contenu stérile entourée d’un érythème) plus ou moins important au niveau de tout point de ponction veineuse ou de toute effraction cutanée (égratignure, piqûre Stomatologie
Aphtes banals, aphtose buccale récidivante et maladie de Behçet ¶ 22-050-N-10
Figure 8. Aphtes cutanés pustuleux dans une maladie de Behçet (collection docteur Billet, Nantes).
Figure 9. Test cutané (pathergy-test) : aiguilles mousses appliquées sur l’avant-bras droit et aiguilles tranchantes sur l’avant-bras gauche ; la réaction est nettement plus marquée avec les aiguilles mousses (collection professeur Gül, Istanbul).
d’épingle, test par injection sous-cutanée de sérum physiologique) [83]. Cette lésion peut laisser une cicatrice. Si le traumatisme provoqué par une biopsie cutanée entraîne une hyperréactivité inflammatoire, ce phénomène n’altère cependant pas la cicatrisation de la plaie [84]. Cette lésion est recherchée à titre diagnostique lors du pathergy-test (Fig. 9). Ce test est une réaction cutanée non spécifique d’hyperréactivité induite par une piqûre d’aiguille intradermique. La réaction est une réaction d’hypersensibilité de type retardé [85]. Il est réalisé par deux piqûres sous-cutanées avec une aiguille mousse stérile de calibre 20 G au niveau d’un bras, et deux autres par une aiguille tranchante au niveau de l’autre bras. Les résultats sont lus après 48 heures et sont considérés positifs en présence d’une papule érythémateuse stérile de plus de 2 mm. Histologiquement, des cellules mononucléées (lymphocytes CD4+ exprimant CD45R0, monocytes/ macrophages) et des kératinocytes sont constatés autour des vaisseaux congestionnés du derme profond [83, 85]. Du fait de sa sensibilité et de sa spécificité élevées, le pathergy-test constitue un des critères internationaux de diagnostic de la maladie de Behçet. Cependant, la positivité de ce test est influencée par d’autres facteurs, comme l’activité de la maladie au moment du test, la population étudiée, le sexe, la taille des aiguilles, etc. Cette positivité est plus fréquente dans les groupes de patients liés aux contrées de la « route de la soie » et chez le patient de sexe mâle. De plus, d’autres affections peuvent positiver ce test, comme une spondylarthropathie ou une leucémie chronique myéloïde traitée par interféron alpha. Les lésions spontanées pustuleuses, souvent regroupées sous le terme de pseudofolliculite, constituent aussi l’un des critères Stomatologie
de diagnostic de l’affection. On y retrouve des lésions spontanées papulopustuleuses, folliculaires, périfolliculaires, pseudofolliculaires ou acnéiformes. Les lésions évoluent par poussées, en passant à chaque poussée par plusieurs stades : papule, papulovésicule, papulopustule (à contenu stérile), croûte et ulcération acnéiforme avec liseré périphérique érythémateux. Ces lésions siègent souvent sur le visage, où elles sont habituellement confondues - cliniquement et même histologiquement avec l’acné vulgaire, ainsi qu’au niveau des membres supérieurs, des faces antérieure et interne des cuisses, parfois au niveau du thorax. Elles sont plus fréquentes chez le patient jeune de sexe masculin, comme d’ailleurs les lésions typiques d’acné vulgaire. Elles disparaissent en 2 semaines et peuvent récidiver. Sur le plan histologique, la distinction des lésions avec celles de l’acné vulgaire n’est pas possible, que cela soit sur le critère de centrage ou non sur un follicule pileux ou de la présence ou non d’infiltrat périvasculaire ou de signe ou non de vascularite leucocytoclasique [86]. Le manque de spécificité de ces lésions acnéiformes soulève la question de leur inclusion dans les critères de diagnostic de l’affection [87]. Le diagnostic différentiel doit exclure les pustuloses cutanées infectieuses (méningococcémie, Haemophilus influenzae, gonococcie). Une variante ulcéronécrotique de ces lésions est parfois rencontrée. Les lésions nodulaires, en nombre variable, sont douloureuses et ressemblent à l’érythème noueux, avec une localisation aux membres inférieurs ou parfois plus diffuse. Elles sont plus fréquentes chez la femme. Elles sont secondaires à une phlébite nodulaire. Parfois disposées linéairement le long d’une veine, elles se présentent sous la forme de nodules dermoépidermiques ronds ou ovales, rouge sombre, d’une taille comprise entre celle d’une noisette et celle d’une noix. Les lésions disparaissent au bout de 2 semaines environ, sans passer par un stade pseudoecchymotique, contrairement à l’érythème noueux. L’association de ces lésions semblables à de l’érythème noueux avec une uvéite peut prêter à confusion avec une sarcoïdose. D’autres lésions cutanées sont parfois rencontrées, comme un dermographisme et plus rarement une éruption érythémateuse maculaire ou papuleuse superficielle, un purpura, une bullose, une vascularite nécrosante digitale. La présence de papules du type de celles rencontrées dans le syndrome de Sweet (affection vésiculopustuleuse avec neutrophilie, qui peut s’associer à des lésions aphtoïdes) est une des manifestations souvent non reconnues de la maladie de Behçet. Le diagnostic différentiel des lésions cutanées est celui des érythèmes noueux et des affections vésiculopustuleuses comme le syndrome de Sweet, le syndrome de Reiter, un erythema elevatum diutinum, un pyoderma gangrenosum, les lésions pustuleuses amicrobiennes qui peuvent accompagner certaines affections digestives (syndrome de court-circuit intestinal, syndrome d’anse borgne, gastrojéjunostomie). Les manifestations cutanées, spécialement l’érythème noueux, répondent bien à la prise de colchicine (1 à 1,5 mg/j), de dapsone (100 mg/j) ou de corticostéroïdes (prednisolone 20 mg/j).
Lésions oculaires L’atteinte oculaire constitue l’un des critères majeurs de la maladie de Behçet [7]. Elle se présente comme une inflammation récidivante de l’œil, suraiguë, décrite sous le terme d’uvéite. Ce terme ancien désigne une maladie inflammatoire de l’œil centrée sur l’uvée, une des couches internes de l’œil. Actuellement, ce terme n’indique ni la partie de l’œil la plus atteinte ni la nature infectieuse ou auto-immune de sa pathogénie. Cliniquement, l’uvéite a trois présentations majeures, selon la région anatomique de l’œil. Si l’inflammation est antérieure, on parle d’uvéite antérieure (Fig. 10). Si elle se situe dans la partie centrale de l’œil, le vitré, l’uvéite est dite intermédiaire. Si elle prédomine à l’arrière de l’œil, c’est une uvéite postérieure. L’uvéite suit généralement les signes cutanéomuqueux, mais peut les précéder dans 15 à 20 % des cas. La maladie de Behçet est responsable des 20 % des cas d’uvéite dans le département d’ophtalmologie de l’université de Tokyo. Souvent présente dès le début de la maladie de façon uni- ou bilatérale, elle peut aussi apparaître au cours des premières années ; elle est constatée
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Figure 10. Atteinte oculaire (iritis) dans une maladie de Behçet (collection docteur Billet, Nantes).
globalement chez 70 à 90 % des patients, et les formes initiales unilatérales se bilatéralisent au cours de l’évolution dans 95 % des cas. Les poussées, qui s’espacent progressivement au cours de l’évolution, peuvent s’étaler sur quelques semaines à plusieurs mois, et sont entrecoupées de rémissions. Ces rémissions sont spontanées et, entre les poussées, il n’existe que peu d’évidence d’atteinte inflammatoire de l’œil. En l’absence de traitement, la cécité survient 4 ou 5 ans après le début des symptômes. La maladie de Behçet est responsable de 12 % des cas de cécité chez l’adulte au Japon. Elle réalise une uvéite antérieure (ou iritis), intermédiaire périphérique (pars planite ou uvéorétinite basale) ou postérieure (choroïdite, choriorétinite), une atteinte vasculaire rétinienne (périphlébites surtout, occlusions fréquentes surtout veineuses, altérations artérielles occasionnelles) et une névrite optique. L’uvéite antérieure est de nature non granulomateuse dans la maladie de Behçet. Cette atteinte antérieure isolée est rare : elle accompagne souvent les manifestations postérieures plus fréquentes. Cette iritis évolue de manière insidieuse avec des récidives, le plus souvent sans hypopion. L’uvéite à hypopion (dépôt mobile, principalement neutrophilaire au début de la poussée inflammatoire puis lymphocytaire, de 1 ou 2 mm de haut, à niveau horizontal ou en « lunule », disposé dans le bas-fond de la chambre antérieure de l’œil), qui est considérée comme un signe majeur de la maladie de Behçet, est en fait une manifestation à début brutal, qui disparaît après 1 ou 2 semaines, même sans traitement. Les séquelles sont minimes au début, mais les poussées récidivantes finissent par entraîner des modifications structurales dans la portion antérieure de l’œil. Elles peuvent alors se compliquer de séclusion pupillaire (accolement iris-cristallin par synéchies postérieures et antérieures périphériques) avec hypertonie et glaucome, et d’une cataracte choroïdienne. Cette dernière rend impossible la surveillance des lésions postérieures. Le traitement est généralement requis, même si les rémissions sont de règle, du fait des complications possibles et surtout des lésions postérieures généralement associées. L’uvéite antérieure est traitée par topiques stéroïdes ou injections périoculaires de stéroïdes. Une chirurgie de la cataracte n’est proposée qu’en période de rémission d’au moins 4 à 6 mois. Le glaucome est traité médicalement, puis chirurgicalement au besoin. La présence concomitante de lésions postérieures ne facilite pas la surveillance clinique et les décisions thérapeutiques. L’hyalite est la manifestation oculaire la plus fréquente, parfois très discrète. Elle est secondaire à une inflammation du vitré périphérique (pars planite, ou uvéorétinite basale) ou postérieur (choroïdite ou choriorétinite), qui devient trouble à des degrés divers (simple Tyndall inflammatoire, voire véritable « hypopion » postérieur), blanc jaunâtre, qui gêne la vision et l’examen des lésions rétiniennes. Ce vitré redevient clair entre les poussées, à moins d’une hémorragie ou d’une néovascularisation de la rétine. Une localisation rétinienne de ce processus inflammatoire est possible, et fréquente au Japon. Elle constitue l’atteinte oculaire la plus préoccupante. Cette atteinte n’est également pas chronique, mais évolue par poussées, résolutives en 3 à 4 semaines, et entrecoupées de rémissions. Elle se manifeste par des exsudats rétiniens dans les couches profondes de la rétine (« hypopion » rétinien). Le signe majeur de l’atteinte rétinienne est l’attaque vaso-occlusive, avec chute
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brutale et indolore de l’acuité visuelle, souvent bilatérale. L’examen de la rétine montre une périphlébite rétinienne dans 73 à 85 % des cas, avec dans 90 % de ces cas une cécité uniou bilatérale. Elle débute généralement à la périphérie de la rétine et atteint ensuite un ou plusieurs troncs veineux du pôle postérieur. Elle prend au début l’aspect d’un manchon périveineux pâle irrégulier et floconneux (avec diffusion de la fluorescéine en cas d’angiographie, puis d’un double contour blanc de la paroi veineuse à bords nets, sans diffusion de la fluorescéine). Des signes obstructifs veineux sont aussi présents avec, au début, une stase veineuse locale avec un œdème rétinien, des hémorragies et des exsudats, et plus tard une ischémie rétinienne, parfois une véritable occlusion veineuse et une périartérite oblitérante (œdème rétinien localisé ou diffus) localisées occasionnellement aux troncs principaux. Entre chaque attaque, l’acuité visuelle récupère plus ou moins complètement, avec une perte cumulative par paliers d’une attaque à l’autre. Les attaques peuvent se répéter à quelques semaines d’intervalle, ce qui assombrit considérablement le pronostic. La répétition des attaques vaso-occlusives entraîne une cécité, généralement 3 ans après le début des poussées, en l’absence de traitement. On note alors une néovascularisation papillaire et/ou rétinienne (avec hémorragies récidivantes du vitré) qui aboutit au stade ultime à une rétinopathie proliférative (avec rétractions rétiniennes, décollement de rétine, cataracte choroïdienne, glaucome néovasculaire, atrophie optique, phtisie du globe) et une cécité. L’angiographie à la fluorescéine constitue l’un des examens de choix pour surveiller l’évolution des lésions rétiniennes. L’association d’attaques vaso-occlusives rétiniennes, de lésions cutanées et d’arthrites est statistiquement corrélée à une perte irréversible de la vision, tandis que l’association d’une uvéite antérieure, dans le sexe féminin, et d’une fréquence augmentée entre les attaques présente un meilleur pronostic sur le plan visuel. La névrite optique peut être inflammatoire, ischémique ou secondaire à une hypertension intracrânienne. D’autres manifestations oculaires plus bénignes (conjonctivites, hémorragies sous-conjonctivales récidivantes, kératites superficielles ou profondes, sclérites ou épisclérites), généralement précoces et peu évocatrices, sont rarement décrites, et certaines de celles-ci pourraient être des associations fortuites. Les paralysies oculomotrices sont exceptionnelles [88]. Le but du traitement médical est de traiter les poussées suraiguës et surtout de réduire leurs récidives, principalement au niveau du pôle postérieur de l’œil. Les angiogrammes répétés à la fluorescéine sont essentiels à la surveillance itérative. Les médications utilisées comprennent les corticostéroïdes par voie systémique, la colchicine, des agents cytotoxiques, la ciclosporine et le FK506. Chacune de ces médications nécessite une surveillance particulière, vu leurs contre-indications, leurs effets secondaires et l’immunodépression induite [89]. Leur arrêt brutal entraîne une flambée de l’affection, et des paliers dégressifs sont dès lors indispensables. Généralement, les patients vus pour la première fois reçoivent une corticothérapie systémique arrêtée à doses dégressives, d’autant que le diagnostic de maladie de Behçet n’est pas toujours certain au premier abord. Si des signes de continuité de l’affection se représentent, on propose la prise de ciclosporine (4 à 6 mg/kg/j sous monitorage plasmatique avec ajustement sans dépasser 8 mg/kg/j) en association avec de faibles doses de prednisolone (0,2 à 0,4 mg/kg/j). Si les attaques oculaires se répètent malgré ce traitement, l’addition d’azathioprine (2,5 mg/kg/j) est proposée. Le FK506 (0,05, 0,10, 0,15 ou 0,20 mg/kg/j) ou tacrolimus, est 10 à 100 fois plus efficace que la ciclosporine dans son action inhibitrice des lymphocytes T ; très prometteur, il peut être actif dans les cas réfractaires à la ciclosporine. La colchicine (0,5 à 1 mg/j) semble surtout efficace au Japon, et a peu de place dans ces schémas thérapeutiques, si ce n’est peut-être dans les rares cas d’atteinte oculaire unilatérale. D’autres agents cytotoxiques, différents de l’azathioprine, ont été proposés, comme le cyclophosphamide, le chlorambucil, ou le méthotrexate ; leurs effets secondaires et/ou l’inconstance de leur efficacité les écartent cependant des médications utilisées en première ligne. Au traitement médical s’associent Stomatologie
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diverses techniques comme la photocoagulation des lésions de néovascularisation par laser, la vitrectomie, la chirurgie des cataractes, des décollements de rétine [89].
Lésions articulaires Parfois inaugurales ou très tardives, elles s’observent dans 50 % des cas [67, 90]. Elles affectent les genoux et les chevilles, parfois d’autres articulations majeures (poignets, coudes, épaules), et rarement les petites articulations (doigts, pieds). Des myalgies peuvent parfois les accompagner, ou dominer le tableau ou être inaugurales, en réalisant exceptionnellement un tableau de polymyosite. La présence de lombalgies est inhabituelle, tout comme une atteinte des articulations sacro-iliaques. Les poussées articulaires guérissent sans séquelles, habituellement en quelques jours à quelques semaines, mais récidivent le plus souvent. Les marqueurs biologiques rhumatismaux sont de règle négatifs lors des poussées, et les examens usuels montrent un syndrome inflammatoire non spécifique. Les perturbations immunologiques non spécifiques ont été évoquées avec la pathogénie de l’affection [90]. Les manifestations articulaires sont traitées par des AINS ou de la prednisolone (jusqu’à 15 mg/j). En cas de monoarthrite persistante, l’injection intra-articulaire de triamcinolone ou de prednisolone constitue le traitement de choix. La sulfasalazine (2 à 3 g/j) peut être bénéfique chez les patients qui ne répondent pas aux AINS. En cas d’arthrite sévère persistante, l’interféron a-2b (5 millions d’unités trois fois/semaine pendant 6 semaines) peut être efficace. L’injection de benzathinepénicilline (1,2 million d’unités toutes les 3 semaines) en association avec la prise de colchicine (1,5 mg/j) a pu réduire les épisodes arthritiques et prolonger les rémissions, mieux que la colchicine seule. Dans les cas sévères, l’administration de lévamisole (150 mg, deux fois/semaine) ou d’azathioprine (2,5 mg/kg/j) peut constituer une alternative.
Lésions vasculaires Les vascularites, sans doute impliquées dans la physiopathologie des lésions histologiques observées dans l’ensemble des tissus atteints, ont également une traduction clinique propre qui peut parfois conditionner le pronostic vital de la maladie de Behçet. Cette atteinte vasculaire affecte plus les hommes que les femmes. Tout comme le lupus érythémateux disséminé et la maladie de Buerger, la maladie de Behçet est une des rares vascularites à entreprendre le réseau veineux du système circulatoire en plus du réseau artériel. La veine cave elle-même peut être intéressée. Les lésions se caractérisent par une atteinte possible des vaisseaux de toute taille et de tout type, avec une accentuation du côté veineux, en épargnant généralement les reins et les vasa nervorum du système nerveux périphérique [91]. Contrairement à d’autres vascularites, on ne note pas d’anticorps anticytoplasmiques neutrophiles, ni de dépôt de complexes immuns. Les lésions consistent en des phlébites (30 à 40 % des cas) récidivantes et migratrices, rares chez la femme méditerranéenne, souvent superficielles et occasionnellement profondes, et rarement en des lésions artérielles (thromboses, anévrismes aortiques, des membres ou pulmonaires, exceptionnelles sténoses). Les phlébites sont le plus souvent superficielles, fugaces, avec un tableau de nodule hypodermique, et doivent être recherchées lors de l’interrogatoire. Elles peuvent apparaître aux points de ponction veineuse. Parfois observées sur la face, elles ont un siège de prédilection qui est le territoire des veines saphènes, moins souvent le ventre et les membres supérieurs. Leur symptomatologie disparaît en quelques jours pour réapparaître après quelques semaines au même niveau ou dans un autre territoire. Elles peuvent être confondues avec un érythème noueux, une des lésions cutanées fréquentes de l’affection. Elles constituent un facteur de risque pour la survenue d’une thrombose veineuse profonde et une thrombose de la veine cave inférieure [92] . Les thromboses profondes intéressent principalement les veines iliaques et/ou fémorales, et ce chez 19 % des patients turcs, et s’étendent rarement à la veine cave inférieure. Elles conduisent au développement d’une dermite de Stomatologie
stase et d’ulcères. Malgré cette tendance aux thromboses veineuses, une embolie survient rarement, du fait d’une adhérence marquée du thrombus à la paroi du vaisseau atteint. Tout comme chez 20 à 40 % des patients non atteints de maladie de Behçet et développant une thrombose veineuse profonde, une mutation du gène du facteur V de la coagulation a été retrouvée chez 37,5 % des patients atteints de maladie de Behçet et développant une thrombose veineuse [93] . Cette mutation semble donc jouer un rôle majeur, en association avec l’altération endothéliale liée à la vascularite [94]. D’autres mutations à effet procoagulant peuvent expliquer les autres cas de thrombose en l’absence de cette mutation, et certaines ont été documentées [93]. Les thromboses à localisation supérieure sont plus rares, principalement axillaires ou sous-clavières, et sont rarement compliquées d’un syndrome cave supérieur ou d’une thrombose de la veine azygos (avec parfois rupture d’une veine bronchique souvent fatale). Les thromboses des veines hépatiques entraînent un syndrome de Budd-Chiari. Les symptômes des thromboses des veines caves peuvent être très progressifs du fait du développement de collatérales. Les localisations cérébrales au niveau des sinus duraux ont provoqué quelques cas d’hypertension intracrânienne progressive. La maladie de Behçet est la première cause de thrombose veineuse cérébrale [95]. Les thrombophlébites et les anévrismes artériels coexistent fréquemment. Pratiquement, toutes les artères peuvent être atteintes par la formation d’anévrismes ou d’occlusions [67]. L’atteinte artérielle survient tardivement, en moyenne 3 à 8 ans après le diagnostic de maladie de Behçet. Elle provient d’une vascularite des vasa vasorum. Des anévrismes et des pseudoanévrismes peuvent se former, qui affectent plus sévèrement le pronostic que les lésions occlusives. Les ponctions artérielles lors d’explorations diagnostiques risquent même d’entraîner un anévrisme. La survenue d’anévrismes pulmonaires distingue la maladie de Behçet des autres vascularites. Ces anévrismes se manifestent d’habitude par des hémoptysies, et se présentent radiologiquement comme des opacités pulmonaires bilatérales. Ils sont associés dans 88 % des cas à des thrombophlébites. Cette association et même l’aspect d’une scintigraphie pulmonaire ventilation/perfusion peuvent - en l’absence d’examen tomodensitométrique et d’angiographie - égarer le diagnostic vers une embolie pulmonaire, et inciter à administrer des anticoagulants, thérapie qui peut précipiter une issue fatale. Les anévrismes thrombosés sont le mieux visualisés par imagerie en résonance magnétique nucléaire. Les thromboses des troncs artériels ou artériolaires surviennent rarement, avec quelques localisations supérieures décrites au niveau de l’artère carotide primitive, une hypertension rénovasculaire, une nécrose osseuse aseptique (avec parfois autoamputation digitale), un syndrome d’arc aortique, un syndrome de Takayasu, des attaques syncopales, etc. L’atteinte cardiaque est rare, et divers cas ont été rapportés sporadiquement : péricardite, myocardite, endocardite, vascularite des artères coronaires, infarctus myocardique, anévrisme ventriculaire, thrombus intracardiaque, fibrose endomyocardique. La présence d’une ischémie myocardique silencieuse a été retrouvée chez 25 % des patients, malgré une coronarographie normale dans tous les cas, sans doute suite à une microangiopathie myocardique [96]. Le traitement des vascularites est à base d’immunosuppresseurs. Le traitement des thromboses veineuses profondes par héparine ou dérivés coumariniques est en effet risqué. Les atteintes artérielles sont traitées par le cyclophosphamide (2 à 2,5 mg/kg/j per os ou en bolus de 1 g injecté tous les mois). Ces « bolus » de cyclophosphamide sont associés à des stéroïdes dans les vascularites cutanées sévères, les anévrismes et les thromboses veineuses des grosses veines.
Lésions du système nerveux central Les manifestations neurologiques concernent environ 5 % des patients, avec de grandes variations de fréquence selon les groupes étudiés. Les tableaux neurologiques les plus fréquents sont les syndromes du tronc cérébral et les syndromes pyramidaux, l’hypertension intracrânienne, la méningite aseptique, un syndrome médullaire, voire parfois un tableau mimant une
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sclérose en plaques [67]. La survenue isolée de céphalées sans autre signe est peu significative. L’investigation de ces lésions par résonance magnétique nucléaire est requise. Le pronostic, classiquement sombre en cas d’atteinte du système nerveux central, est actuellement meilleur suite au traitement. Le traitement fait appel à l’association de bolus de prednisolone (1 g/j pendant 3 jours) suivi de la prise per os de prednisolone et de cyclophosphamide (2,5 mg/kg/j), spécialement dans les vascularites sévères [97]. Des résultats favorables ont également été obtenus avec le chlorambucil (0,1 mg/kg/j pendant plusieurs mois).
Lésions digestives La muqueuse digestive [67] est intéressée par l’affection dans 15 à 40 % des cas, plus souvent au Japon. L’atteinte la plus habituelle est colique et réalise des ulcérations séparées par des zones saines, parfois indiscernables d’une colite ulcéreuse (ou rectocolite ulcérohémorragique) menaçant alors le pronostic vital. La distinction nosologique de la maladie de Behçet et de la colite ulcéreuse ou parfois de la maladie de Crohn est parfois difficile, vu que ces trois affections peuvent produire des aphtes, une uvéite, un tableau d’érythème noueux et des arthralgies ou des arthrites non déformantes [98]. Il faut noter que dans la colite ulcéreuse, les aphtes buccaux ne sont habituellement pas graves, que les ulcérations génitales y sont exceptionnelles, et que l’on n’y voit pas d’atteinte de la chambre postérieure de l’œil. Dans les lésions digestives sévères, en particulier les anévrismes et les ulcérations promptes à perforer, le thalidomide (300 mg/j) peut donner de bonnes réponses. Les complications de vascularite sont traitées par corticostéroïdes (30 à 40 mg/j) ou par l’association de prednisolone et de sulfasalazine (1 à 3 g/j).
Manifestations peu fréquentes D’autres manifestations sont infracliniques ou plus rares (lésions pulmonaires surtout vasculaires parfois fatales, cardiaques, rénales avec syndrome néphrotique occasionnel, sténose pharyngée) [67] . Diverses atteintes urologiques autres que génitales sont également rapportées, d’origine vasculaire et/ou neurologique [99]. L’association à une polychondrite récidivante réalise le syndrome MAGIC déjà évoqué. Si certaines manifestations de la maladie de Behçet sont également communes dans les affections auto-immunes, comme les arthrites, les ulcérations aphteuses et l’atteinte du système nerveux central, d’autres lésions fréquentes dans les affections auto-immunes ne se rencontrent qu’exceptionnellement dans la maladie de Behçet, comme les sérosites pleurales ou péricardiques, les glomérulonéphrites, les phénomènes de Raynaud, une neuropathie périphérique, une anémie hémolytique auto-immune ou une thrombocytopénie.
Étiopathogénie La pathogénie de la maladie de Behçet est toujours discutée. Comme dans beaucoup d’affections inflammatoires avec une composante de vascularite, divers facteurs ont été tour à tour incriminés indépendamment ou en interaction : infectieux, immunitaires, génétiques, hormonaux et liés à l’environnement. L’hypothèse la plus proposée est un déficit de régulation immunitaire, déclenché par un agent infectieux.
Facteurs génétiques Des facteurs génétiques semblent également intervenir : des rapports ont fait état d’une incidence familiale, surtout au Moyen-Orient (10 à 15 % des cas) [100] et, chez les malades du Moyen-Orient et du Japon, l’affection paraît liée aux haplotypes HLA-B5 (surtout le composant -Bw51, et plus particulièrement son allèle B101) et -DR7. Les aphtes récidivants banals, tout comme la maladie de Behçet, sont aussi en corrélation avec des haplotypes, HLA-B12 et/ou -DR7. Les HLA-B12 et/ou -DR7 sont associés aux formes les moins sévères de maladie de Behçet, tandis que les HLA-Bw51 et/ou -DR7 accompagnent souvent les formes sévères [101]. À l’inverse, la présence des haplotypes HLADR1 et -DOw1 « protégerait » contre le développement d’une
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maladie de Behçet. Ces traits génétiques particuliers rendent partiellement compte des associations familiales parfois rencontrées entre les aphtoses récidivantes banales et la maladie de Behçet, ainsi que des différences d’incidences constatées selon les régions du globe. Une hyperréactivité neutrophilaire a été corrélée à l’haplotype HLA-B51 chez un modèle de souris transgénique. Ces souris ne développent cependant pas les signes retrouvés dans la maladie de Behçet. L’abondance de monocytes et de cytokines dérivés de lymphocytes T dans le sérum des patients pourrait expliquer l’hyperréactivité des neutrophiles [102]. L’allèle MICA6 présente une forte association avec l’HLA-B51 ; on explique ainsi son association significative mais sans doute fortuite avec la maladie de Behçet [103].
Mécanismes immunitaires Les patients présentent une réponse inflammatoire exagérée, bien illustrée par le pathergy-test. Les facteurs qui initient ou maintiennent cette réaction ne sont pas connus. Sur le plan histologique, l’infiltrat périvasculaire de cellules mononucléées et de kératinocytes est celui d’une réaction d’hypersensibilité retardée. La cause de cette réaction semble indépendante d’un antigène, et paraît essentiellement liée au traumatisme direct de l’épiderme [86], bien que modifiée par une désinfection préalable de l’épiderme [104]. Des publications toutes récentes relèvent des anomalies immunologiques chez les patients atteints de maladie de Behçet, certaines en corrélation avec l’activité de la maladie. Les recherches intracellulaires d’interféron et d’IL mettent également en évidence des anomalies propres à la maladie de Behçet. Citons ici des taux accrus de Th1-cytokine interféron, de Th2 cytokine IL6, les cytokines TNFa pro-inflammatoires, le TNF récepteur 1, l’IL1, l’IL8, le facteur de croissance endothélial vasculaire (cytokine pro-inflammatoire [105-107], la néoptérine [108], etc.
Facteurs endothéliaux et vasculaires Des dysfonctionnements endothéliaux et vasculaires sont également à l’étude dans la maladie de Behçet, avec mise en évidence d’autoantigènes probables (Sip C-ter) [109], d’antoanticorps anticellules endothéliales, d’infiltrats périvasculaires de cellules T (surtout CD4) et B ainsi que de neutrophiles, une baisse de synthèse de prostanoïdes par les cellules endothéliales, une augmentation de synthèse de facteur von Willebrand, de thromboxane, de thrombomoduline, d’endothéline-1 et -2, une altération de la vasodilatation liée aux cellules endothéliales, etc.
Agents infectieux Les caractéristiques épidémiologiques et l’incidence familiale plaident en faveur d’une étiologie infectieuse. Chez quelques patients, des fragments d’ADN de virus herpes simplex ont pu être mis en évidence dans divers tissus, mais ces résultats n’ont pas été confirmés sur les grandes séries de patients. Des hypothèses ont été avancées en ce qui concerne le virus de l’hépatite C, sans confirmation également. L’association à un parvovirus 19, retrouvée dans les vascularites, n’a pas été corrélée aux manifestations articulaires et vasculaires de la maladie de Behçet. Des anticorps antistreptococciques ont été retrouvés chez les patients atteints, contre certains sérotypes de Streptococcus sanguis. Les patients atteints présentent d’ailleurs une flore buccale plus riche en Streptococcus sanguis. Certains sérotypes de Streptococcus sanguis réagissent de façon croisée avec la hsp65 de Mycobacterium tuberculosis. Des IgA spécifiques de cette hsp-65 ont été retrouvées dans les cas de maladie de Behçet. Une réponse proliférative lymphocytaire T et une réponse des lymphocytes B sont significativement constatées au contact des peptides mycobactériens 65 kDa hsp et des peptides humains mitochondriaux homologues 60 kDa hsp ; cette réponse pourrait servir de critère diagnostique dans la maladie de Behçet [13]. Ces peptides hsp provoquent une uvéite chez le rat Lewis, ce qui conforte leur rôle probable dans la pathogénie de certaines lésions de la maladie de Behçet [110]. Quatre peptides dérivant de la séquence de l’hsp-65 stimulent spécifiquement les T-cell Stomatologie
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Tableau 6. Critères cliniques du Behçet Syndrome Research Committee of Japan (révision 1987).
Tableau 7. Critères cliniques de l’International Study Group for Behçet’s Disease (1990) [113].
Critères majeurs
Critère majeur
• Ulcération aphteuse récidivante de la muqueuse buccale
• Ulcérations buccales récidivantes - aphtose mineure, majeure ou herpétiforme, observée par le médecin ou rapportée de manière fiable par le patient, avec une récurrence d’au moins trois fois en 12 mois
• Lésions cutanées : érythème noueux, thrombophlébite sous-cutanée, folliculite (lésions acné-like), hypersensibilité cutanée • Lésions oculaires : iridocyclite, choriorétinite, rétino-uvéite, antécédent de choriorétinite ou de rétino-uvéite • Ulcérations génitales Critères mineurs • Arthrite non déformante sans ankylose • Lésions gastro-intestinales caractérisées par des ulcérations iléocæcales • Épididymite • Lésions vasculaires • Symptômes neurologiques centraux Diagnostic • Complet : 4 critères majeurs
Critères mineurs • Ulcération génitale récidivante ou cicatrice de celle-ci, spécialement chez l’homme, observée par le médecin ou rapportée de manière fiable par le patient • Lésions oculaires : - uvéite antérieure ou postérieure, et cellules dans le vitré à l’examen par lampe à fente, ou - vascularite rétinienne observée par l’ophtalmologiste • Lésions cutanées : - érythème noueux observé par le médecin ou le patient, pseudofollicule, ou lésions papulopustuleuses, ou
• Incomplet :
- nodules acnéiformes observés par le médecin chez des patients postadolescents sans traitement par corticostéroïde
- 3 critères majeurs, ou
• Pathergy-test positif :
- 2 critères majeurs et 2 mineurs, ou
- papule érythémateuse plus large que 2 mm 48 heures après à l’endroit de ponction par une aiguille stérile 20G à 22G, qui pénètre la peau en zone avasculaire à une profondeur de 5 mm
- 1 critère majeur ou 2 mineurs, et un symptôme oculaire typique
- lu par le médecin 48 heures après
receptor (TCR+ ) lymphocytaires chez les patients atteints de maladie de
Diagnostic
Behçet. Des anticorps anti-hsp-65 sont retrouvés dans le liquide céphalorachidien des patients qui présentent les manifestations neurologiques de la maladie de Behçet.
• Le critère majeur et deux des quatre critères mineurs
Ces découvertes ouvrent peut-être une nouvelle voie thérapeutique pour la maladie de Behçet, par l’administration orale ou nasale de peptides hsp [111].
Autres facteurs Des facteurs hormonaux sont suggérés par l’âge d’apparition, le sexe masculin, et parfois des poussées cataméniales (aphtes dits de Mikulicz) chez la femme, et ce aussi bien dans l’ABR que dans la maladie de Behçet. Des facteurs liés à l’environnement semblent aussi importants, ce dont semble témoigner l’absence de maladie de Behçet dans l’importante colonie japonaise des États-Unis, et la plus grande fréquence de l’affection au nord du Japon. Si certains facteurs ont été incriminés (peut-être le cuivre inorganique, le chlore, le phosphore ou d’autres oligoéléments, ou encore une intoxication à la dioxine), aucun n’a fait la preuve de son implication dans la pathogénie de la maladie.
Hypothèse pathogénique Les divers facteurs énoncés permettent l’élaboration d’une hypothèse générale. L’exposition récidivante aux hsp bactériennes pourrait altérer la tolérance aux hsp endogènes humaines, et provoquer une réponse immunitaire cellulaire des lymphocytes T à l’encontre de ces hsp microbiennes et humaines. Ces cellules pourraient produire des cytokines pro-inflammatoires Th1-like et produiraient les lésions tissulaires par un mécanisme d’hypersensibilité retardée, par activation macrophagique ou par recrutement des neutrophiles. Il s’agirait donc d’un mécanisme de mimétisme moléculaire par étapes successives, avec l’induction ou l’exacerbation de la maladie de Behçet par des antigènes bactériens qui activent les cellules T tant bêta qu’alpha, cellules éduquées préalablement par les peptides d’hsp [112]. Malgré la présence d’autoanticorps dirigés contre les tissus buccaux, la peau ou les petits vaisseaux sanguins, il n’existe pas d’argument net en faveur d’une pathogénie auto-immune, si ce n’est peutêtre dans les publications les plus récentes.
Diagnostic Le diagnostic de maladie de Behçet n’est pas facile dans les cas peu symptomatiques ou à début non mucocutanés. Aussi, des critères ont été proposés dès 1969 (Tableau 6). Bien qu’aujourd’hui encore certains auteurs utilisent leurs propres Stomatologie
critères, la comparaison des différents critères proposés sur le plan de leur performance discriminatoire (pourcentage de sensibilité et de spécificité) fait adopter actuellement les critères de l’International Study Group for Behçet’s Disease (ISGBD), avec une sensibilité de 91 % et une spécificité de 96 % [61]. D’autres critères procurent une meilleure sensibilité de détection, au détriment d’une moins bonne spécificité. Ces critères de l’ISGBD ne sont applicables qu’en l’absence d’autre explication clinique des différentes lésions envisagées (Tableau 7) [113]. Le choix du critère d’aphtes buccaux comme condition sine qua non de diagnostic fait abstraction des véritables maladies de Behçet vues précocement, à début non mucocutané, telles celles régulièrement rencontrées chez l’adulte. Dans ce contexte, les critères présentés ici ont surtout une valeur rétrospective. Rappelons ici la valeur diagnostique des cicatrices génitales. La présence d’un hypopion témoigne de la sévérité de l’atteinte oculaire. Le diagnostic de maladie de Behçet doit être envisagé chez un jeune patient avec une thrombose veineuse profonde. La survenue de céphalées chez un patient atteint doit évoquer la possibilité d’une thrombose d’un sinus dural. La présence d’une hémoptysie associée à une thrombose veineuse profonde dans un cas de maladie de Behçet doit d’abord faire exclure la présence d’un anévrisme artériel pulmonaire, qui rendrait fatale l’administration d’anticoagulants ; les scintigraphies pulmonaires ventilation-perfusion sont dans ce cas sans intérêt, et seuls un examen tomodensitométrique et une angiographie apportent le diagnostic. Il n’existe pas de paramètre biologique permettant d’évaluer l’activité de la maladie de Behçet. Cette évaluation est essentiellement clinique. Différents systèmes d’évaluation sont proposés en fonction des symptômes présents dans les 4 semaines précédant l’évaluation. Seuls les signes cliniques attribuables à la maladie de Behçet sont retenus, en tenant compte des nouveaux symptômes au niveau des systèmes nerveux et vasculaire. L’index d’activité de l’affection comprend également certains paramètres biologiques témoins de la phase active. Ces paramètres comprennent la vitesse de sédimentation, la C-reactive protein (CRP) et d’autres paramètres. Les alpha2globulines et une leucocytose modérée sont fréquentes. Une anémie est possible. Les IgA surtout et les IgM peuvent être élevées, par hyperfonctionnement des cellules B. Des complexes immuns sont retrouvés, et leur dépôt au niveau de certains tissus peut expliquer certaines lésions rencontrées à ce moment.
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Ces dépôts sont indépendants des niveaux de fibronectine. Les niveaux moyens de complexes immuns circulants ne diffèrent cependant pas de ceux retrouvés dans les groupes-contrôles. Les niveaux moyens de vitesse de sédimentation, de CRP, de complément C3 et C4 sont significativement plus élevés lors des phases actives de l’affection. Le facteur rhumatoïde et le facteur antinucléaire sont absents. D’autres paramètres ont été discutés plus haut avec les différents systèmes atteints par l’affection. La recherche de mutations à effet procoagulant, par le dosage du facteur V, à distance des épisodes thromboemboliques et pendant une fenêtre thérapeutique sans anticoagulants, a un intérêt clinique et pronostique. Un taux de lipoprotéines plasmatiques élevé peut prédisposer les patients à développer des complications thrombotiques.
Diagnostic différentiel Celui de chacune des localisations principales a été évoqué ci-dessus. Si certaines manifestations de la maladie de Behçet sont également communes dans les affections auto-immunes, comme les arthrites, les ulcérations aphteuses et l’atteinte du système nerveux central, d’autres lésions fréquentes dans les affections auto-immunes ne se rencontrent qu’exceptionnellement dans la maladie de Behçet. C’est le cas des sérosites pleurales ou péricardiques, des glomérulonéphrites, des phénomènes de Raynaud, d’une neuropathie périphérique, d’une anémie hémolytique auto-immune ou d’une thrombocytopénie. D’autre part, certaines manifestations sont propres à la maladie de Behçet, comme le potentiel de cécité des atteintes rétiniennes, les ulcérations génitales, les anévrismes artériels pulmonaires et, avant toute chose, le pathergy-test. Enfin, l’association d’une maladie de Behçet avec une affection auto-immune n’est que très occasionnelle chez un même patient ou dans une même famille [56]. Les affections plurisystémiques qui affectent les mêmes tissus que la maladie de Behçet sont la colite ulcéreuse, le syndrome de Reiter (lésions orogénitales généralement indolores, atteinte oculaire de type conjonctivite et uvéite rare, thrombophlébite occasionnelle, neuropathie centrale inhabituelle, spondylite évocatrice), le syndrome de Stevens-Johnson (érythème polymorphe surtout périorificiel avec atteinte des muqueuses génitales et atteinte pulmonaire) et parfois le lupus érythémateux disséminé (aphtes buccaux, arthralgies, phénomène de Raynaud, méningite aseptique, mais sérologie lupique). L’hypopion peut se rencontrer dans les affections inflammatoires liées au HLA-B27 et la sarcoïdose peut mimer les lésions rétiniennes postérieures. Le diagnostic de maladie de Behçet doit rechercher le nombre le plus important de signes de l’affection.
Pronostic La maladie de Behçet évolue par rémissions et exacerbations. L’affection est plus sévère chez l’homme jeune que chez la femme, et les poussées deviennent moins fréquentes et moins sévères avec l’âge. Le pronostic reste bon tant que des organes vitaux ne sont pas affectés. À part les cas présentant des complications neurologiques ou vasculaires sévères, le pronostic est surtout grave sur le plan fonctionnel (cécité), et l’espérance de vie est souvent normale. Les complications vasculaires et neurologiques ont un mauvais pronostic. En cas d’atteinte neurologique, une mortalité de 20 % est rapportée dans les 7 ans. En cas d’atteinte artérielle pulmonaire, 50 % des patients décèdent après le début des hémoptysies dans les 12 mois qui suivent. Les autres causes d’issue fatale sont les syndromes caves supérieur ou inférieur, avec un décès respectivement par hémorragie gastro-intestinale ou par hémoptysie [57].
Traitement La diversité des thérapeutiques proposées rend bien compte de l’inconstance des résultats. Les différentes modalités thérapeutiques ont été évoquées avec chacune des lésions majeures ou mineures de la maladie de Behçet. Quelques grandes lignes directives sont reprises ici [7].
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Les manifestations sérieuses de la maladie de Behçet, à savoir les complications neurologiques (qui commencent aux céphalées) et oculaires (dès l’uvéite) sont des urgences thérapeutiques. La plasmaphérèse en urgence, qui améliore les déficits visuels et la vascularite, n’est utile que dans l’attente d’un traitement plus agressif. La corticothérapie générale doit alors être utilisée à des doses élevées (prednisone 1 mg/kg/j, éventuellement en bolus de 1 000 mg par voie intraveineuse [IV] en 45 minutes, espacés hebdomadairement). En cas de menace de cécité, de récidives viscérales sévères et rapprochées ou de corticorésistance, les glucocorticoïdes en bolus sont associés à des immunosuppresseurs (chlorambucil 1 mg/kg/j ; cyclophosphamide en une administration matinale de 500 à 700 mg/m 2 /3 mois sous diurèse alcaline ; azathioprine 1 à 2 mg/kg/j). Le chlorambucil est réputé le plus efficace. Le cyclophosphamide est une alternative grevée de risques oncogènes moindres. L’arrêt des glucocorticoïdes employés seuls entraîne des flambées des lésions oculaires. L’arrêt du traitement immunosuppresseur entraîne des rechutes, de survenue plus retardée qu’avec les corticostéroïdes seuls. L’utilisation de la ciclosporine A (10 mg/kg/j d’attaque puis 6 à 8 mg/kg/j d’entretien) est bénéfique au cours des uvéites mais implique une collaboration positive du patient, nécessite un monitorage de ses taux plasmatiques (au minimum 150 à 200 ng/ml) ou sanguins totaux (au minimum 600 à 800 ng/ml) et une surveillance de ses effets secondaires possibles (hypertrichose, gynécomastie, hypertrophie gingivale, dysesthésie, hypertension artérielle, sclérose et microangiopathie rénale thrombotique, hépatotoxicité discrète). Des interactions médicamenteuses doivent être prises en considération. L’arrêt de la ciclosporine entraîne immanquablement une poussée de l’uvéite et une reprise de son évolution. La colchicine (1,2 à 1,8 mg/j) peut être utilisée en relais de la corticothérapie générale après guérison ou stabilisation des poussées oculaires et/ou neurologiques, ainsi que dans le traitement des lésions cutanéomuqueuses invalidantes et des atteintes articulaires [75] . La colchicine doit être continuée indéfiniment, et semble limiter la fréquence, l’importance et la diffusion des rechutes. Une poussée ou parfois même une flambée non contrôlable peut survenir dans les jours suivant l’arrêt intempestif ou une réduction de la posologie. Son usage a déjà été évoqué pour l’aphtose récidivante, à laquelle nous renvoyons le lecteur. Le thalidomide (également déjà évoqué), en prise vespérale (somnolence) à la dose d’attaque de 100 mg/j et d’entretien de 50 à 100 mg/j, est remarquablement efficace sur les lésions cutanéomuqueuses même sévères. Elle semble agir sur les formes articulaires et neurologiques et peut aboutir au sevrage d’une corticothérapie prolongée. L’interruption du traitement suspend son efficacité, mais n’entraîne pas de rebond. Le risque de fœtopathie inhérent à sa prise pendant la grossesse interdit son emploi chez la femme en âge de procréer, même sous couverture contraceptive [77, 78, 81]. D’autres immunomodulateurs ont été essayés, avec des succès dans l’ABR banale, mais avec des résultats plus inconstants dans la maladie de Behçet. L’Isoprinosine® est moins convaincante dans la maladie de Behçet que dans l’ABR. Le lévamisole (150 mg/j pendant 2 à 3 mois ou de manière discontinue [150 mg/j, 3 jours sur 7]) est efficace sur les atteintes cutanéomuqueuses, parfois efficaces sur les atteintes oculaires, et sans effet sur les signes articulaires, mais présente un risque d’agranulocytose (en corrélation avec l’haplotype HLA-B27), ce qui impose une surveillance hématologique régulière. La présence d’effets secondaires hématologiques (méthémoglobinémie, anémie hémolytique, et parfois thrombopénie, leucopénie ou leucocytose) et parfois d’autres atteintes (rénale, hépatique, cutanée) limite l’emploi de la dapsone, qui diminue et espace les manifestations cutanéomuqueuses à une dose amenée progressivement à 100 mg/j. L’efficacité de la superoxydismutase (6 000 UI/6 h) sur les aphtes et les atteintes articulaires reste à démontrer. L’interféron alpha (9 à 12 000 000 UI/j) a une action transitoire sur les lésions cutanéomuqueuses, les atteintes articulaires et les réactions inflammatoires périvasculaires. Le repos et les Stomatologie
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analgésiques ou les AINS sont efficaces dans le traitement des atteintes articulaires. Les thrombophlébites récidivantes superficielles sont traitées et ensuite prévenues avec un traitement continu par un antiagrégant plaquettaire (acide acétylsalicylique 500 mg/j et dipyridamole 225 mg/j). Les thromboses veineuses profondes ou cérébrales requièrent un traitement anticoagulant efficace (héparine, relais par coumarines) pendant au moins 6 mois. Ce traitement anticoagulant n’est autorisé qu’en l’absence d’anévrisme pulmonaire : l’association de ceux-ci à des hémoptysies et une thrombophlébite profonde, extrêmement fréquente, a pu passer pour un tableau d’embolie pulmonaire, et faire administrer des anticoagulants, précipitant une issue fatale. Le traitement chirurgical concerne les anévrismes artériels. Leur récidive est cependant fréquente après résection. Les complications gastro-intestinales sévères sont également opérées (un anévrisme, une rupture, une perforation intestinale, une péritonite, une ischémie mésentérique, un infarctus ou de larges ulcères) [114]. Les complications cardiothoraciques (large anévrisme pulmonaire unique, régurgitation mitrale ou aortique, ischémie ou infarctus myocardique, anévrisme artériel coronaire ou ventriculaire, fibrose endomyocardique) peuvent bénéficier d’un traitement chirurgical, tout comme certaines complications vasculaires cérébrales, certaines complications oculaires ou certaines monoarthrites [114]. Les notions relatives au « pseudo-Behçet » [115] ne sont pas reprises dans cet article. .
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J.-P. Coulon, Ancien assistant. Universités de Louvain (Belgique) et Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), Service de chirurgie maxillofaciale, Union médico-hospitalière du Tournaisis, 9, avenue Delmée, 7500 Tournai, Belgique. E. Piette, Agrégé, ancien professeur ([email protected]). Service de chirurgie orale et maxillofaciale, Université de Hong Kong, Service de chirurgie maxillofaciale, Clinique Sainte-Élisabeth, 15, place L.-Godin, 5000 Namur, Belgique. Toute référence à cet article doit porter la mention : Coulon J.-P., Piette E. Aphtes banals, aphtose buccale récidivante et maladie de Behçet. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-050-N-10, 2007.
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-050-E-10
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Glandes endocrines et stomatologie E Bey M Bey-Boeglin D Cantaloube P Thieblot A Bellavoir
R é s u m é. – Le rôle déterminant des facteurs hormonaux dans les processus de développement et de maturation squelettique, leur intervention dans les mécanismes de l’odontogenèse, ainsi que dans la régulation du métabolisme phosphocalcique, expliquent la fréquence des manifestations maxillofaciales au cours des endocrinopathies. Traiter d’un sujet comme « endocrinologie et stomatologie » intéresse en premier lieu le chirurgien maxillofacial. En effet, qui peut mieux que lui appréhender à la fois les problèmes bucco-dento-maxillaires et plastiques de la face secondaires aux endocrinopathies ? Cette vision chirurgicale nous conduit dans un premier temps à exposer la chirurgie de décompression orbitaire au cours de l’orbitopathie basedowienne, la profiloplastie chez l’acromégale et la prise en charge chirurgicale du syndrome d’apnée du sommeil, fréquemment rencontré dans l’obésité. Enfin, nous reprendrons les retentissements stomatologiques des différentes endocrinopathies en développant plus particulièrement la réhabilitation orale par implants dentaires endo-osseux. © 1999, Elsevier, Paris.
Endocrinopathies et chirurgie maxillofaciale Exophtalmie et décompression orbitaire Exophtalmie basedowienne
© Elsevier, Paris
Parry en 1825, Graves en 1835 et von Basedow en 1840, ont souligné les premiers l’association entre hyperthyroïdie et manifestations oculaires. Malgré les progrès effectués dans le traitement de l’hyperthyroïdie, l’ophtalmopathie basedowienne, résultant d’une réaction auto-immunitaire localisée à la région orbitaire, demeure incontrôlée dans son apparition, son développement et ses séquelles. En effet, elle est isolée ou associée à l’hyperthyroïdie qu’elle peut précéder de plusieurs mois ou années, accompagner ou suivre parfois très tardivement. D’expression et de fréquence variables selon les séries, cette ophtalmopathie regroupe essentiellement la rétraction palpébrale, l’exophtalmie, les troubles oculomoteurs et la neuropathie optique. Selon Gola, l’ophtalmopathie se rencontre dans environ 30 % des maladies de Basedow et touche essentiellement la femme (2,5 femmes pour 1 homme) [16], alors que pour Morax, elle ne complique que 2 à 7 % des maladies de Basedow [31]. L’exophtalmie, protrusion du globe oculaire résultant d’une inadéquation entre contenant et contenu orbitaires, s’apprécie par la simple inspection. Elle
Eric Bey : Assistant des hôpitaux des Armées. André Bellavoir : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service. Service de chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique et stomatologie, hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris Saint-Mandé 00490 Armées, France. Martine Bey-Boeglin : Assistant, chef de clinique. Philippe Thieblot : Professeur agrégé, chef de service. Service d’endocrinologie, centre hospitalier régional universitaire, 30, place Henri-Dunant, 63003 Clermont-Ferrand cedex, France. Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique et stomatologie, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Bey E, Bey-Boeglin M, Cantaloube D, Thieblot P et Bellavoir A. Glandes endocrines et stomatologie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-050-E-10, 1999, 6 p.
est mesurée à l’exophtalmomètre de Hertel et confirmée par la tomodensitométrie oculo-orbitaire. Ainsi, la valeur moyenne de la saillie oculaire est de 17 mm ± 4 mm. On parle d’exophtalmie pour des mesures supérieures à 22 mm ou une différence entre les deux yeux de 2 mm [16]. En 1969, l’American Thyroid Association a proposé une grille d’évaluation clinique intitulée NO SPECS et récemment recommandée en 1993 pour l’évaluation de base de la sévérité de l’orbitopathie [5]. Cependant, on distingue l’exophtalmie simple, axile, variable dans son intensité et réductible, de l’exophtalmie maligne, non réductible et qui peut évoluer vers la cécité. Elle représente 2 à 10 % des patients selon les séries. La protrusion oculaire est majeure, les signes fonctionnels intenses : brûlures, photophobies, larmoiements, douleurs orbitaires. Il existe une inocclusion permanente des paupières, un œdème palpébral supérieur important, des paralysies oculomotrices. La perte de l’acuité visuelle résulte d’une atteinte cornéenne ou d’une neuropathie optique [16]. Les facteurs responsables de l’exophtalmie sont aujourd’hui mieux connus grâce aux études histologiques et aux progrès de l’imagerie médicale. Dans la majorité des cas, elle est liée à l’hypertrophie musculaire, plus rarement à l’hypertrophie de la graisse orbitaire [16, 30]. Cette augmentation du volume des muscles oculomoteurs est consécutive à leur infiltration par des cellules immunocompétentes, avec accumulation de glycosaminoglycanes responsables de l’œdème [16]. Cette augmentation de volume porte sur la partie charnue des muscles. À cette phase initiale œdémateuse sensible au traitement médical et/ou radiothérapique, succède une phase de fibrose musculaire irréversible. Les clichés tomodensitométriques montrent que l’exophtalmie est statistiquement proportionnelle à cette hypertrophie musculaire, qui s’accompagne de peu de modification de volume de la graisse orbitaire. Ainsi, en tomodensitométrie, l’exophtalmie se définit en trois grades : – grade I, où le pôle postérieur du globe est en arrière de la ligne bicanthale ; – grade II, où le pôle postérieur affleure la ligne bicanthale ; – grade III, où le pôle postérieur est en avant de la ligne bicanthale. L’imagerie permet d’apprécier du même coup la largeur et la liberté des sinus maxillaires et ethmoïdaux. La rétraction palpébrale est présente dans 70 % des cas des ophtalmopathies. Elle est caractérisée par un élargissement de la fente palpébrale en position primaire (signe de Dalrymple) mais surtout par l’asynergie oculopalpébrale dans le regard vers le bas (signe de von Graefe).
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GLANDES ENDOCRINES ET STOMATOLOGIE
La neuropathie optique complique l’ophtalmopathie dans 5 % des cas. Elle se traduit par une baisse de l’acuité visuelle, progressive ou subaiguë, uni- ou bilatérale, généralement dans un contexte d’exophtalmie maligne. Les troubles oculomoteurs résultant de l’hypertrophie musculaire se manifestent le plus souvent par un strabisme. Il n’existe pas de traitement étiologique de l’ophtalmopathie basedowienne. Bien que la dysthyroïdie puisse être contrôlée médicalement ou chirurgicalement, son traitement n’influence pas l’exophtalmie. L’exophtalmie apparaît alors comme une séquelle pour laquelle différents traitements sont proposés. La corticothérapie et la radiothérapie, qui ont une action sur les fibroblastes et les fibrocytes, sont proposées dans le traitement de l’orbitopathie. Leur efficacité porte essentiellement sur l’œdème et l’inflammation et non sur les séquelles (restrictions oculomotrices, rétractions palpébrales). La corticothérapie est indiquée dans les orbitopathies aiguës ou récentes sévères (moins de 6 mois) avec signes inflammatoires prédominants, dans les neuropathies optiques, chez les rares patients continuant à évoluer après radiothérapie et/ou chirurgie et en accompagnement pré- et peropératoire d’orbitotomie. Son effet est rapide. Elle expose aux effets secondaires des corticoïdes et à la corticodépendance. La radiothérapie est indiquée en cas de contre-indication ou d’échec à la corticothérapie. Elle est contre-indiquée en cas de rétinopathie diabétique. Son efficacité est différée (2 semaines après le début des séances), une augmentation des phénomènes inflammatoires est possible en début de traitement. En cas d’absence d’amélioration après 1 mois de traitement, une alternative chirurgicale est indiquée [29]. Enfin, le « souci esthétique » est loin d’être négligeable [20]. Mais tous les auteurs s’accordent à n’envisager la correction chirurgicale que lorsque le sujet est euthyroïdien depuis 6 mois au moins avec stabilisation des symptômes, sauf en cas de neuropathie optique où la décompression orbitaire s’impose en urgence.
Chirurgie de décompression orbitaire En 1969, Tessier [56] écrit que l’on est conduit à agrandir une orbite, quand, malgré ses dimensions normales, elle est quand même relativement trop petite pour un contenu devenu trop grand. Cette inadéquation suffit à expliquer l’exophtalmie à un âge où l’orbite a perdu toute faculté d’expansion. Enfin, il insistait sur le fait que l’action sur le contenu est dérisoire, nulle ou contreindiquée. Tout l’effort doit porter sur le contenant. Mais pour développer harmonieusement une orbite, il propose une stratégie chirurgicale progressive selon le degré de l’exophtalmie : agrandissement des trois diamètres de l’orbite, abaissement du plancher et enfoncement de la paroi interne, combinaison de cette forme à une valgisation du malaire et enfin ostéotomie type Le Fort III. De nombreuses techniques de décompression orbitaire ont été proposées, aussi bien une chirurgie du contenant qu’une chirurgie du contenu. Toutes les solutions chirurgicales pour décomprimer l’orbite ont été envisagées. Les plasticiens et orthopédistes abordent la paroi extérieure (Dollinger, 1911 ; Krönlein, 1889). Les neurochirurgiens décalottent le plafond (Naffziger, 1931). Les rhinologistes résèquent le plancher et l’ethmoïde par voie antrale (Walsh Ogura, 1957). Olivari (1988-1991) décomprime par lipectomie.
Chirurgie du contenu : lipectomie La lipectomie consiste en la résection de la graisse intraorbitaire. Comme le rappelle Jost [20] dans une étude anatomique, la graisse orbitaire est représentée par la graisse blanche, à distinguer de la graisse jaune de l’organe en « rouleau ». L’organe en « rouleau » occupe une loge bien délimitée et formée aux dépens de la périorbite limitée en dehors par la glande lacrymale, en haut le toit de l’orbite doublé par la périorbite, en bas par le releveur de la paupière supérieure, en avant par le septum et en dedans se sépare du prolongement supéro-interne de la graisse blanche orbitaire par la réflexion du tendon du grand oblique et le nerf frontal. Enfin, cette loge est fermée en arrière par une expansion fibreuse de la périorbite. Cette graisse jaune de l’organe en « rouleau » n’existe qu’au niveau de la paupière supérieure. Elle est parfaitement indépendante de la graisse blanche orbitaire qui n’est jamais retrouvée par Jost dans la loge définie auparavant. Cette graisse jaune appartient à la chirurgie palpébrale esthétique et l’on peut sans danger pratiquer des résections extensives au cours des blépharoplasties, alors que la résection de la graisse blanche au niveau de la paupière inférieure risque de faire apparaître après l’opération la saillie osseuse du rebord orbitaire inférieur donnant l’inesthétique « œil creux » [20]. Ainsi, la graisse orbitaire, dite blanche, se répartit en deux compartiments : – extraconique, de 2 ou 3 cm3, situé entre cône musculaire et périoste orbitaire, présent principalement dans la partie antérieure de l’orbite et pouvant donner au travers d’orifices anatomiques en avant de l’orbite les loges graisseuses de Charpy ; – intraconique, de 6 à 8 cm3, dans le cône musculoaponévrotique rétrooculaire proprement dit. page 2
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En fait, cette graisse orbitaire constitue un seul et même organe occupant ces deux compartiments. Elle assure plusieurs fonctions essentielles [16] : – l’expansion : elle participe au même titre que le globe à la croissance et à l’expansion orbitaires ; – la protection : par amortissement des traumatismes orbitaires ; – le soutien du globe oculaire ; – la syssarcose : elle favorise le glissement des éléments nobles du contenu orbitaire. Ainsi, cette graisse orbitaire semble jouer un rôle fondamental dans la physiologie oculaire et oculomotrice, réalisant l’unité fonctionnelle du cône graisseux musculoaponévrotique rétro-oculaire. La lipectomie à visée décompressive intéresse cette graisse blanche intraorbitaire intra- et extraconique. Selon Olivari [35], la lipectomie décompressive repose sur une résection de 6 cm3 de graisse intraorbitaire par orbite et entraîne une réduction de la protrusion oculaire de 5 mm. Si l’on retient la physiologie de la graisse intraorbitaire selon Gola, ce geste n’apparaît pas alors sans danger. Olivari, sur une expérience de 5 années et 147 interventions, ne rapporte cependant que très peu de complications et considère qu’il faut attendre 3 à 6 mois en postopératoire pour juger des résultats. L’intervention est réalisée sous anesthésie générale par voie transpalpébrale supérieure et inférieure. Mais elle peut aussi être réalisée par voie transsinusienne, ou sous endoscopie transnasale ou transconjonctivale [51].
Chirurgie du contenant : orbitotomie Elle fait référence aux principes élaborés par Tessier [56], d’une chirurgie exclusivement osseuse : stratégie chirurgicale progressive selon le degré d’exophtalmie. Pour développer harmonieusement une orbite, il faut accroître ses deux diamètres : vertical et horizontal. De nombreuses techniques chirurgicales ont été décrites [21, 28, 31, 38, 60, 61]. L’ensemble des auteurs accordent un réel succès à cette chirurgie du contenant sans toutefois en négliger les risques : troubles oculomoteurs, cécité, anesthésie sous-orbitaire. Mais ceux-ci ne doivent pas limiter la chirurgie dans le respect des indications : exophtalmie maligne, résistante au traitement médical chez un patient euthyroïdien. Morax [29], à propos de 69 cas opérés entre 1992 et 1995, ne retient aucune complication secondaire. Reconnaissant le rôle physiologique de la graisse intraorbitaire, nous privilégions cette décompression osseuse pour sa réelle efficacité et sa sécurité : impactions infra- et médio-orbitaire associées à une valgisation du malaire réalisée par voie d’abord faciale palpébrale sous-ciliaire [16].
Chirurgie mixte du contenu et du contenant Défenseur de l’orbitotomie pour la sécurité chirurgicale et reconnaissant le rôle physiologique de la graisse orbitaire, Morax [30] préconise cependant la lipectomie associée à l’orbitotomie. L’intérêt de cette technique mixte est de : – réduire l’orbitotomie (de trois à deux parois, de deux à une), limitant ainsi la voie d’abord ; – réduire la quantité de graisse enlevée. Elle permet donc un traitement chirurgical plus simple par voie palpébrale et un résultat mieux équilibré. La tomodensitométrie préopératoire est systématique, elle permet d’apprécier les rapports volume musculaire/volume graisseux. De toute façon, lipectomie et orbitotomie ont fait la preuve de leur efficacité et ne donnent pas plus de complications l’une que l’autre.
Chirurgie complémentaire palpébrale Nous venons de voir que le traitement chirurgical de l’ophtalmopathie basedowienne obéit à un schéma thérapeutique précis. La chirurgie palpébrale n’intervient qu’en dernier lieu car la position des yeux influe sur celle des paupières et il est alors impossible de bien évaluer les rétractions palpébrales. Cette rétraction palpébrale supérieure est un symptôme fréquent dans l’ophtalmopathie basedowienne, résultant de plusieurs facteurs : une hypertonie sympathique du muscle lisse de Müller, une hyperaction du muscle strié releveur et une fibrose rétractile du muscle releveur de la paupière. Elle produit à la fois un désordre esthétique et une malocclusion avec exposition cornéenne. Plusieurs techniques sont décrites : – la résection du muscle de Müller par voie transconjonctivale sous anesthésie locale [3, 59] ; – le recul du muscle releveur par voie cutanée antérieure avec suture sur la conjonctive ou le tarse [3] ; – la myotomie marginale du tendon du releveur par voie cutanée [29] ; – l’allongement du couple musculaire releveur-Müller par interposition d’une greffe de sclère [29] ; – la section du Müller et l’allongement de l’aponévrose du releveur par greffon de fascia lata [16].
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GLANDES ENDOCRINES ET STOMATOLOGIE
Ces différentes techniques n’ont pas fait l’objet d’études comparées étant donné le peu de cas. La voie d’abord cutanée antérieure permet dans le même temps de réaliser une blépharoplastie avec excision à la demande d’un excès cutané et d’une hernie graisseuse.
Acromégalie et profiloplastie Acromégalie L’acromégalie est une affection rare décrite pour la première fois en 1886 par Pierre Marie. Elle résulte d’une hypersécrétion somatotrope (hormone de croissance), secondaire le plus souvent à un adénome hypophysaire. Elle touche autant l’homme que la femme entre 30 et 50 ans. Sur le plan clinique, elle se manifeste par une dysmorphie à prédominance acrofaciale mais déterminée par l’épaississement osseux. L’ensemble des os longs est touché, de même que les viscères, comme en témoigne la macroglossie. La peau est épaissie avec hyperhydrose, hypertrichose et hyperpigmentation. Sur le plan maxillofacial, on constate une exagération des saillies osseuses avec proéminence des bosses frontales, des arcades sourcilières et des pommettes, associée à un épaississement des paupières, des oreilles et des lèvres. Une saillie de la mandibule détermine un prognathisme associé à une malocclusion de classe III. Le squelette nasal est également hypertrophié. Ces modifications maxillofaciales perdurent malgré le traitement primaire de la maladie avec contrôle de l’homéostasie de l’hormone de croissance. Le traitement spécifique de l’acromégalie est neurochirurgical par adénomectomie hypophysaire par voie transsphénoïdale, soit d’emblée, soit après préparation par analogues de la somatostatine (octréotide), pour réduire le volume tumoral [24, 57]. La radiothérapie est réservée aux formes récurrentes ou chirurgicalement inextirpables. Ce n’est qu’après 1 an de stabilisation biologique que l’on peut envisager une correction des séquelles maxillofaciales. En effet, de telles modifications ne sont pas sans retentissement sur le plan psychosocial et le patient doit être prêt à envisager une chirurgie reconstructrice.
Profiloplastie La profiloplastie désigne l’ensemble des interventions combinées, destinées à harmoniser entre elles les différentes composantes du profil. Le mot profiloplastie n’est pas idéal puisqu’on agit éventuellement dans les trois plans de l’espace, mais c’est dans le plan sagittal que les modifications sont cependant le plus sensibles. L’ensemble des interventions (ostéotomies, rhinoplasties) qui constituent la profiloplastie doivent, dans le respect de la physiologie, tendre vers l’harmonisation esthétique. Les comptes rendus initiaux rapportent des corrections des déformations faciales limitées à une rhinoplastie en une correction de prognathisme mandibulaire. L’évolution ces 20 dernières années s’est faite vers une chirurgie reconstructrice plus globale. Pour Converse, il s’agissait d’un protocole chirurgical en quatre temps échelonnés sur 16 mois. Actuellement, la prise en charge chirurgicale se fait en un temps [7, 19, 36, 49]. Cependant, pour certains la trachéostomie est systématique, alors que pour d’autres c’est la glossectomie partielle, voire l’association des deux. Il faut d’emblée souligner le faible nombre de cas rapportés dans la littérature, sans doute en rapport avec une pathologie peu fréquente et une sélection importante des patients par une prise en charge multidisciplinaire (médicale, psychologique et orthodontique) avant une chirurgie complexe. Enfin, n’oublions pas que certains patients présentent des déformations faciales moindres, accessibles à une chirurgie cranio-maxillo-faciale moins extensive. Deux points sont importants : – la trachéostomie semble être la prudence quand on réalise une ostéotomie de recul mandibulaire chez un patient présentant une « grosse langue » : – la plastie linguale ne doit-elle pas être systématique ? Mais nous reviendrons sur ces sujets après avoir évoqué la prise en charge chirurgicale du syndrome d’apnée du sommeil. D’autant que l’association acromégalie et apnée du sommeil est fréquente [39].
Syndrome d’apnée obstructive du sommeil et chirurgie maxillofaciale Syndrome d’apnée obstructive du sommeil Les endocrinologues sont de plus en plus confrontés à la prise en charge de l’obésité. L’obésité est évaluée par l’index de masse corporelle (IMC = poids/taille2).
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Pour l’adulte : – surpoids : 25 < IMC < 29,9 kg/m2 ; – obésité : IMC > 30 kg/m2 ; – obésité modérée : 30 < IMC < 34,9 kg/m2 ; – obésité sévère : 35 < IMC < 39,9 kg/m2 ; – obésité morbide : IMC > 40 kg/m2. Selon une enquête Sofres datant de 1997, 36,7 % de la population française présentent un surpoids ou une obésité. Il est bien connu que le syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) est favorisé par l’obésité [40]. Cependant, Lévy souligne que l’obésité n’est pas une constante et que dans un tiers des cas des SAOS, elle est absente [25]. Le SAOS se définit par la survenue au cours du sommeil de plus de dix pauses respiratoires supérieures à 10 secondes par heure (index d’apnée [IA] > 10) ou de 15 apnées hypopnées (IAH) par heure de sommeil [25]. Si le maître symptôme est la somnolence diurne anormale, l’existence d’une aggravation récente du ronflement, ou d’une hypertension artérielle de découverte récente associée à des ronflements, doit faire évoquer le diagnostic [25]. Signalons également les réveils multiples, la sensation de sommeil non réparateur, les céphalées matinales, les sueurs nocturnes avec sensation d’étouffement, une instabilité et une altération de la mémoire et de l’attention. Les troubles respiratoires ont un retentissement physique et psychologique entraînant une réelle morbidité [2]. Les apnées sont dites obstructives et non centrales du fait de la persistance des mouvements thoracoabdominaux pendant l’interruption du flux nasobuccal. Les différents sites d’obstruction se situent au niveau du voile du palais, de la région rétrobasilinguale et de l’épiglotte. Les obstructions peuvent être aggravées par des troubles de la perméabilité nasale. La prévalence de ce syndrome est évaluée à 1 ou 2 % dans la population générale, pour atteindre 30 à 40 % chez les obèses [18]. Le SAOS est cependant plus fréquent chez l’homme puisqu’il pourrait toucher 4 % des hommes de la population générale contre seulement 2 % des femmes [40]. L’obésité doit donc pousser le médecin à rechercher des signes évocateurs du SAOS. D’autant plus que la fragmentation du sommeil entraîne une somnolence diurne et une baisse des capacités de concentration. L’apnée entraîne une hypoxie, une bradycardie suivie d’une tachycardie avec accès hypertensifs. Cette apnée peut même entraîner un arrêt cardiorespiratoire nocturne. L’hypertension artérielle est associée dans 50 % des cas à l’âge, sexe et corpulence identiques. Le SAOS est plus observé chez l’hypertendu que chez le normotendu. À long terme, l’évolution vers une hypertension artérielle pulmonaire peut aboutir à un cœur pulmonaire chronique avec insuffisance cardiaque droite. Le risque d’infarctus du myocarde est plus élevé chez les patients ayant un IA élevé. L’augmentation de la morbidité et de la mortalité cardiopulmonaires impose une prise en charge thérapeutique. Ces 20 dernières années, les moyens médicaux et chirurgicaux ont bénéficié d’évaluations cliniques et paracliniques. Leurs indications sont mieux posées. Le succès du traitement chirurgical semble maintenant admis, mais il reste un challenge pour lequel la collaboration multidisciplinaire est fondamentale. En effet, il est illusoire de vouloir mener à bien un traitement sans avoir au préalable isolé la zone d’obstruction. Pour Riley et al [42-45], le traitement commence par une évaluation clinique et morphologique avec fibroscopie oropharyngée, analyse céphalométrique et polysomnographie. La céphalométrie est indispensable et il existe une très bonne corrélation entre les données céphalométriques et les volumes pharyngés. Certains préconisent de réaliser la céphalométrie en propulsion mandibulaire et lui reprochent d’être réalisée en position assise et en état de veille, reflétant alors mal une situation de somnolence de décubitus dorsal [37]. D’autres réalisent en plus une imagerie par résonance magnétique sagittale médiane passant par la langue, permettant un dépistage et une estimation de l’hypertrophie linguale : la surface de la tranche de section de la langue dans son plus grand axe étant corrélée au volume [6]. L’American Sleep Disorders Association (ASDA) considère trois types d’obstructions selon leur niveau [2, 50] : – type I : rétropalatin ; – type II : rétropalatin et rétrolingual ; – type III : rétrolingual seul. La polysomnographie est indispensable pour poser le diagnostic et apprécier la sévérité du SAOS. Le traitement a pour but de supprimer les signes et symptômes, de normaliser la qualité du sommeil en réévaluant l’IAH et la SaO2 nocturne. page 3
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Traitements conservateurs non chirurgicaux
Acromégalie et syndrome d’apnée du sommeil
Tous les auteurs confirment l’obligation de lutter contre les facteurs aggravants : obésité, alcool, benzodiazépines. Les signes cliniques et symptômes régressent avec la perte de poids [58]. Pour Hochban, la prévention passe par une prise en charge rigoureuse dès l’enfance des facteurs de risque des familles prédisposées [18]. Les prothèses de propulsion mandibulaire, décrites la première fois en 1984 par Meier-Ewert, semblent être un moyen efficace, simple et relativement bien toléré. Nakazawa leur reconnaît une réelle efficacité, mais admet qu’à long terme l’observance de ses patients n’est plus que de 50 % [32]. D’autre part, elles occasionnent chez certains patients des troubles de l’articulation temporomandibulaire et, par conséquent, ne peuvent être proposées aux patients souffrant déjà d’un tel trouble. Enfin, leur utilisation n’est pas possible chez le patient édenté, même partiellement [58]. Certains préconisent des méthodes posturales. Si le décubitus dorsal strict est un facteur favorisant, ils conseillent le décubitus latéral forcé en fixant dans le dos une balle de tennis empêchant le décubitus dorsal. La pression positive continue nocturne (PPCN) est le seul traitement efficace, unanimement reconnu. Il consiste dans le port d’un masque nasal insufflant de l’air sous pression dans le pharynx (PPCN ou CPAP [continuous positive airway pressure] nasale). Il constitue le traitement de référence des SAOS modérés à sévères [2]. L’inconvénient réside dans l’observance du traitement comme en témoignent les différentes séries avec des taux de compliance variant de 25 à 75 % à long terme [58]. À cela s’ajoutent des troubles spécifiques au port du masque : réactions allergiques cutanées, rhinites, conjonctivites qui imposent l’arrêt du traitement.
Après avoir exposé l’acromégalie et le syndrome d’apnée du sommeil, on imagine tout de suite les conséquences possibles d’une chirurgie de recul mandibulaire chez un patient présentant une macroglossie. En effet, tout semble réuni pour déclencher un authentique SAOS après la chirurgie. L’effet adverse des ostéotomies de recul mandibulaire est bien connu, avec apparition de SAOS [37, 46, 62]. Il faut donc toujours rechercher chez le patient des signes et symptômes évocateurs d’une prédisposition au syndrome d’apnée du sommeil [46]. Colmenero rapporte quatre SAOS en rapport avec des dysmorphoses majeures [8]. Pelttari confirme que des troubles ventilatoires nocturnes sont retrouvés chez 91 % des acromégales [39]. Il constate que des modifications anatomiques vélopalatines persistent après l’obtention de l’homéostasie hormonale. Il n’existe pas de données traitant de l’évolution de ces troubles respiratoires et du risque de SAOS induit après chirurgie correctrice des déformations faciales chez l’acromégale. La question de l’intérêt d’une UVPP ou d’une glossectomie partielle systématique au cours de la chirurgie de recul mandibulaire chez l’acromégale se pose donc.
Traitements chirurgicaux Devant des troubles de la perméabilité nasale, turbinectomie et septoplastie seront proposées, ou encore rigidification des orifices narinaires en cas de collapsus respiratoire. L’uvélo-pharyngo-palatoplastie (UVPP) : décrite en 1981 par Fujita, elle n’entraîne une amélioration que chez 50 % des patients dans la plupart des études. Son efficacité est incontestable dans la ronchopathie avec 90 % de bons résultats [40, 43]. Elle peut être complétée d’une adénoïdectomie et d’une amygdalectomie. Elle peut être réalisée par technique laser. Elle entraîne dans 10 à 20 % des cas une incompétence vélopharyngienne [40, 58]. Il paraît souhaitable de limiter son indication au type I où son efficacité est optimale. La chirurgie linguale : les plasties linguales ou glossectomies partielles médianes chirurgicales ou par technique laser trouvent leur intérêt en cas de macroglossie et d’obstruction de type III si la PPCN est mal tolérée [61]. Elles peuvent être associées à l’UVPP. Cette chirurgie impose une trachéotomie en raison des risques postopératoires d’hémorragie et d’œdèmes suffocants. Elle entraîne une altération du goût et une dysphagie temporaire. Il est encore prématuré de déterminer l’efficacité à long terme [40]. La chirurgie de transposition génienne tente d’agir sur la filière rétrolinguale et s’adresse au patient présentant un SAOS sévère dont l’IAH est supérieur à 30/h en l’absence de macroglossie et d’anomalies céphalométriques [6]. La chirurgie orthognathique : Riley et al [42-46] présentent les plus grandes séries, ils décomposent cette chirurgie en deux phases et leurs indications sont très clairement énoncées. La classification préopératoire reprend les trois types d’obstructions. La phase I du traitement comporte chez le type I une UVPP, chez le type II une ostéotomie antérieure de la mandibule et une hyoïdopexie. Quant au type III, la chirurgie associe les trois gestes. En fonction de l’évaluation postopératoire à 6 mois, tous les échecs de la phase I bénéficient de la phase II avec ostéotomie bimaxillaire d’avancement, stabilité par ostéosynthèse rigide et blocage intermaxillaire pendant 15 jours. Les résultats sont de 61 % de succès dans la phase I et atteignent 95 % dans la phase II à long terme. La chirurgie maxillofaciale offre un moyen de traiter le SAOS avec la même efficacité que la PPCN. Le traitement chirurgical ne doit pas se limiter aux contre-indications des traitements conservateurs non chirurgicaux, mais il requiert une évolution préopératoire précise. Par ailleurs, la bonne stabilité de la chirurgie orthognathique à long terme à plus de 1 an semble acquise et résulte d’une ostéosynthèse rigide associée à un blocage intermaxillaire [33]. Enfin, la trachéotomie est la seule intervention offrant 100 % d’efficacité. Elle ne doit être évoquée que lorsqu’il n’existe aucune autre possibilité, ou bien en urgence en cas de détresse respiratoire. page 4
Endocrinopathies et stomatologie Maladies métaboliques Diabète Bien que non spécifiques, les atteintes odontostomatologiques sont plus fréquentes chez le diabétique qu’au sein de la population générale et elles peuvent révéler l’affection [15]. Sur un tel terrain, les lésions sont polymorphes, traînantes, et surtout plus sévères et délabrantes. Elles résultent de facteurs généraux qui potentialisent une affection odontostomatologique locale. D’autre part, à l’instar de tous les foyers infectieux, les atteintes stomatologiques interfèrent avec l’équilibre glycémique en augmentant les besoins insuliniques en raison d’une insulinorésistance partielle. Cliniquement, plusieurs types de lésions peuvent être observés, soit isolément, soit bien souvent en association.
Lésions dentaires Les caries dentaires sont statistiquement plus fréquentes chez le diabétique que chez le non-diabétique [48]. Elles sont volontiers multiples et évolutives, pouvant aboutir à la perte d’une ou plusieurs dents [15].
Parodontopathies [14] Elles paraissent présenter des rapports directs avec le diabète [48]. L’atteinte des tissus de soutien de la dent constitue la manifestation buccale la plus préoccupante en raison de sa fréquence et de son caractère volontiers mutilant. Plusieurs degrés de la maladie parodontale peuvent être observés : – gingivites : atteintes de la gencive, volontiers marginales, hyperplasiques, congestives et hémorragiques, déformant le feston en « battant de cloche » [15], pouvant aboutir dans les formes extrêmes à la gingivite expulsive avec chute spontanée des dents ; – parodontites simples et complexes : atteintes aiguës de tous les tissus parodontaux avec décollements gingivaux, formation de cul-de-sac, suintements ou suppurations, résorption de l’os alvéolaire, mobilité dentaire pouvant évoluer rapidement en l’absence de traitement vers la perte des dents ; – parodontites chroniques avec rétraction des gencives et résorption partielle de l’os alvéolaire sans altération notable de la mobilité dentaire. Différents facteurs semblent favoriser cette maladie parodontale : – le pH salivaire : de par son influence sur l’augmentation de l’indice cariogène et sur la prolifération des bactéries, donc la formation de la plaque dentaire, l’acidification de la salive chez le diabétique pourrait être une cause spécifique de la maladie parodontale [48] ; – la microangiopathie diabétique : les troubles circulatoires au niveau de la gencive semblent également favoriser les lésions du parodonte.
Complications infectieuses Chez le diabétique, toute infection, même d’apparence banale, peut prendre une allure aiguë et dramatique, et à ce titre doit toujours être redoutée. Ces accidents sont habituellement consécutifs à une infection dentaire mais peuvent parfois succéder à un acte thérapeutique, ou bien encore compliquer
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l’évolution de la dent de sagesse. À côté des évolutions infectieuses d’allure chronique, torpide, tels les granulomes apicaux ou kystes paradentaires, il faut d’emblée retenir les accidents aigus telles les cellulites, fasciites nécrosantes ou ostéites. À propos de fasciites nécrosantes cervicales, l’origine dentaire est retrouvée dans 78 % des cas, le taux de mortalité est de 22 % et atteint 44 % en cas d’atteinte médiastinale. Les facteurs de risque de mortalité sont : l’âge supérieur à 70 ans, le diabète et la survenue d’un choc septique dans les 24 premières heures après l’hospitalisation [27]. Il faut donc retenir une plus grande susceptibilité des diabétiques vis-à-vis des complications infectieuses. C’est pourquoi, loin d’être une contre-indication aux soins odontostomatologiques, le diabète en constitue au contraire une indication supplémentaire. D’autant plus que tout foyer dentaire peut modifier le statut glycémique du sujet diabétique, soit en déséquilibrant un diabète « paisible », soit en induisant une insulinonécessitance ou bien en déclenchant une poussée acidocétosique avec l’odeur caractéristique de « pomme de reinette » de l’haleine. Cette réciprocité diabète/affection buccodentaire implique une stratégie thérapeutique construite autour de certaines précautions : – insistons avant tout sur la prophylaxie passant par l’hygiène buccodentaire et une surveillance odontostomatologique régulière ; – l’équilibre glycémique doit être établi avant de débuter les soins, obligeant parfois à une insulinothérapie temporaire ; – l’utilisation d’anesthésiques locorégionaux doit éviter les produits associés à des vasoconstricteurs pouvant entraîner une nécrose au site d’injection ; – le risque infectieux doit être prévenu par un geste aussi peu traumatique et aussi aseptique que possible ; – l’antibioprophylaxie ne doit pas être systématique [14, 15, 48]. Qu’en est-il en réhabilitation orale par implants dentaires endo-osseux ? Les implants osseux en forme de vis ou de cylindres, qualifiés d’ostéo-intégrés, sont les mieux documentés et les plus utilisés ; ils sont en titane, alliage de titane, peuvent être recouverts d’un spray de titane ou bien revêtus d’hydroxyapatite ou d’alumine. Des implants en céramique sont également disponibles. Une interaction particulière s’établit entre l’implant et l’os. Ces implants sont employés lorsque les éléments anatomiques sont favorables, ils nécessitent une coopération étroite entre le chirurgien et le patient. L’insertion chirurgicale d’implants est suivie d’une période de cicatrisation de plusieurs mois avant la réalisation d’une prothèse adjointe ou fixée. L’hygiène buccodentaire rigoureuse ainsi qu’une maintenance régulière conditionnent le succès à long terme. Les implants dits ostéo-intégrés sont indiqués dans le traitement de l’édentement complet mandibulaire ou maxillaire, dans l’édentement partiel, mais aussi en cas d’édentement unitaire, évitant ainsi de léser des dents saines [1]. Les recommandations dictées par l’Andem [1] retiennent le diabète comme une contre-indication relative face aux échecs et complications. Une revue de la littérature de 1977 à 1989 [55] concernant les critères de sélection des patients avant implantologie concluait également que la maladie diabétique bien contrôlée et équilibrée n’était pas une contre-indication. Si certains préconisent de s’abstenir de poser des implants chez le diabétique insulinodépendant [4], comme d’autres nous pensons que la contre-indication est toute relative et non absolue [17, 34, 53] dans la mesure où l’insulinothérapie permet un bien meilleur contrôle de la maladie diabétique que chez le non insulinodépendant. Les échecs implantaires ne sont pas seulement liés au statut médical compromis mais aussi à la technique chirurgicale [41] et au nombre d’implants posés par patient [53]. Ce geste doit donc être limité et réalisé dans des conditions d’asepsie chirurgicale rigoureuses. La coopération du patient doit être sans faille, dans les soins et l’hygiène buccodentaire à respecter [17]. Enfin, il semblerait que les douleurs ou dysesthésies dans les territoires des nerfs mentonnier, lingual et dentaire inférieur, après implantologie mandibulaire, soient plus fréquentes et persistantes chez les diabétiques alors qu’elles concernent moins de 20 % des patients non diabétiques et qu’elles sont résolutives dans 80 à 90 % des cas entre 6 mois et 1 an [12].
– les pathologies psychiatriques représentent des contre-indications générales relatives [1] ; – l’anorexie mentale touche essentiellement les jeunes filles adolescentes en période de croissance. Or la chirurgie implantaire de la mandibule chez les jeunes en période de croissance ne peut être qu’une implantation temporaire avec un retentissement néfaste sur la croissance mandibulaire entraînant des troubles de l’occlusion. Le seul site implantable chez le jeune reste la région parasymphysaire, compte tenu d’une consolidation de la suture symphysaire dans les mois suivant la naissance. Il semblerait que seuls les implants posés chez le garçon après l’âge de 18 ans et chez la fille après l’âge de 15 ans offrent le meilleur pronostic [10]. Les variations hormonales du cycle ovulatoire n’influencent pas l’ostéo-intégration des implants [11] . Cependant, les conséquences à long terme de la mise d’implants pendant la croissance ne sont pas connues [1]. Par ailleurs, l’anorexie mentale est fréquemment responsable de parotidomégalie bilatérale, non inflammatoire, apparaissant parfois rapidement [52]. Cette sialomégalie s’observe dans tous les états de dénutrition, quelle qu’en soit la cause. Son existence mérite d’être bien connue afin d’éviter des explorations salivaires complémentaires inutiles.
Anorexie mentale
Pathologies hypophysaires
Les conduites alimentaires restrictives d’origine psychogène s’accompagnent de manifestations dentaires organisées autour de trois types de lésions [47] : – des abrasions atteignant de manière préférentielle les incisives ; – des caries multiples, rapidement évolutives, siégeant surtout au niveau des collets vestibulaires ; – des gingivites hyperplasiques avec plaque dentaire. Si certains n’ont pas hésité à pratiquer l’implantologie chez l’anorexique, cela nous paraît contre-indiqué pour deux raisons :
Adénomes somatotropes
Obésité L’appétence exagérée pour les sucres est sans aucun doute à l’origine de caries multiples. Les anorexigènes entraînent tous une sécheresse buccale favorisant l’apparition de caries. Enfin, chez les patients observant un régime dissocié hyperprotidique, le pH salivaire a tendance à devenir acide, donc cariogène [14].
Affections thyroïdiennes Hypothyroïdie Chez l’enfant, la première dentition apparaît le plus souvent normalement, en revanche, les dents définitives sont plus tardives et présentent des anomalies de structure : dysplasie de l’émail, retard de calcification de la couronne. Chez l’adulte, l’hypothyroïdie accélère volontiers la détérioration et la rhizalyse dentaire.
Hyperthyroïdie Ici, au contraire, la deuxième dentition apparaît souvent prématurément et son implantation est fréquemment défectueuse, imposant le recours ultérieur à l’orthopédie dento-maxillo-faciale. Chez l’adulte, les manifestations cliniques buccodentaires sont rares. L’hyperremodelage osseux favorise l’accélération de la perte osseuse. Le retour à l’euthyroïdie ne saurait suffire à corriger la perte osseuse [23], pouvant justifier alors d’une chirurgie pré-implantaire par greffon osseux autologue.
Pathologies parathyroïdiennes Hypoparathyroïdie Chez l’enfant, elle peut causer un retard d’éruption des dents avec parfois rétention totale, voire anodontie. Chez l’adulte, elle se traduit par une sensibilité particulière aux caries.
Hyperparathyroïdie Actuellement, le retentissement osseux de cette maladie ne s’observe qu’exceptionnellement en France. La sémiologie stomatologique peut composer l’essentiel du tableau clinique. Elle se traduit par l’apparition d’une formation kystique ou d’une « tumeur » brune douloureuse située au niveau des rebords alvéolaires réalisant une épulis fibreuse. Dans ces formes muettes, essentiellement biologiques, il est habituel de rechercher une disparition de la lamina dura. Cette résorption osseuse explique la mobilité anormale, puis la chute des dents [14].
Nous ne reviendrons pas sur l’acromégalie, résultat d’une hypersécrétion de l’hormone de croissance.
Insuffisances antéhypophysaires Chez l’enfant, l’examen stomatologique révèle une micrognathie et un retard de la rhizalyse des dents temporaires puis de l’éruption des dents permanentes, avec parfois une microdontie. page 5
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GLANDES ENDOCRINES ET STOMATOLOGIE
Chez l’adulte, l’hypopituitarisme augmente la susceptibilité aux caries et fragilise le parodonte.
Pathologie posthypophysaire Elle concerne peu le stomatologiste.
Stomatologie
implantologie [26] . Il revient donc au chirurgien et à l’endocrinologue d’apprécier ensemble l’indication de la mise en place d’implants endoosseux, d’autant plus que chez le sujet âgé la résorption osseuse peut être telle que la hauteur d’os soit insuffisante pour assurer un ancrage convenable.
Ostéoporose secondaire
Ostéoporose
Ostéoporose secondaire à l’hypercorticisme du syndrome de Cushing
L’ostéoporose entraîne une diminution de la masse et de la densité osseuses se manifestant, au niveau mandibulaire, par un amincissement des corticales, notamment au niveau du gonion [22].
Comme toute maladie endocrinienne en évolution, il s’agit d’une contreindication à l’implantologie. Signalons ici, dans ce cadre de pathologie surrénalienne, la maladie d’Addison, insuffisance surrénalienne lente, caractérisée par une mélanodermie touchant les muqueuses buccales avec taches ardoisées au niveau de la face interne des joues, lèvres et gencives.
Ostéoporose primaire, évolution normale accompagnant le vieillissement Les endocrinologues préconisent fortement un traitement hormonal substitutif afin de prévenir et de ralentir l’évolution de la maladie chez la femme. Compte tenu du vieillissement général de la population et d’une corrélation entre édentation et ostéoporose, la demande de réhabilitation orale par implantologie devrait s’accroître [13, 22]. Selon les recommandations de l’Andem, l’ostéoporose n’est qu’une contre-indication relative [1], elle représente cependant un facteur favorisant de fracture mandibulaire après
Ostéoporose secondaire à une corticothérapie au long cours Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature de description d’ostéonécrose aseptique induite de la mandibule [54]. La corticothérapie chronique ne constitue pas une contre-indication absolue à la mise en place d’implants endo-osseux [1], bien évidemment dans le respect des contre-indications locales.
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¶ 22-050-O-10
Lichen plan buccal S. Chbicheb, W. El Wady Le lichen plan est une dermatose inflammatoire chronique généralement bénigne, caractérisée par un trouble de kératinisation, et dont les aspects cliniques sont polymorphes. Il peut atteindre la peau, les phanères (poils, cheveux, ongles), les muqueuses malpighiennes (muqueuse buccale surtout, mais aussi muqueuse génitale, anale, conjonctivale) et plus rarement d’autres muqueuses comme celles de l’estomac. Cette affection se rencontre plus fréquemment chez la femme que chez l’homme, à un âge moyen de la vie entre 30 et 60 ans. La physiopathologie du lichen n’est pas encore élucidée. On retient actuellement comme hypothèse une prédisposition génétique probable, un phénomène immunitaire avec réaction de lymphocytoxicité dirigée contre la membrane basale. Plusieurs associations caractéristiques ont été décrites : le syndrome lichen-hépatite où le lichen plan muqueux inaugure une hépatite chronique active ou une cirrhose biliaire primitive, le déclenchement par le rôle d’un stress intense ou d’un terrain anxiodépressif, un diabète, une hypertension artérielle et des coliques néphrétiques avec des chiffres variables selon les séries. Le lichen plan buccal peut toucher toutes les régions de la muqueuse buccale, y compris la demi-muqueuse labiale. Les formes localisées sont plus fréquentes que les formes diffuses, et la région jugale postéro-inférieure représente le siège électif, avec souvent une atteinte bilatérale et grossièrement symétrique. Par ordre décroissant de fréquence, les localisations sont les suivantes : muqueuse jugale postéro-inférieure, dos de la langue, fibromuqueuse gingivale, fibromuqueuse palatine, face ventrale de la langue, muqueuse ou demi-muqueuse labiale et plancher buccal. L’activité du lichen plan buccal peut être jugée sur des signes fonctionnels (picotement, brûlures, gêne), sur l’aspect clinique des lésions (réticulé, érosif, atrophique), et sur les aspects histologiques et biochimiques. La découverte d’un lichen plan buccal confirmé histologiquement doit faire rechercher une étiologie médicamenteuse, mais l’arrêt du traitement inducteur n’entraîne pas toujours une évolution favorable. Elle doit également faire réaliser une sérologie pour l’hépatite C, même dans les pays où cette relation n’apparaît pas évidente car elle permet parfois de découvrir une hépatite C latente. Avant de procéder au traitement, il faut éliminer ou diminuer les facteurs locaux favorisants : la mauvaise hygiène buccodentaire, les prothèses dentaires mal adaptées et les traumatismes de la muqueuse buccale liés au bruxisme, à un tic de succionaspiration ou à une morsure linguale qui, en irritant la muqueuse, favorisent le développement de lésions ou d’une poussée d’activité (phénomène isomorphe de Koebner). Une prise en charge odontologique permet de suivre l’évolution du lichen, de dépister les éventuelles transformations malignes. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Muqueuse buccale ; Lichen plan buccal ; Lichen plan cutané ; Kératose ; Lésions lichénoïdes ; Réaction du greffon contre l’hôte ; Transformation maligne
Plan
¶ Transformation maligne du LPB
¶ Données épidémiologiques
1
¶ Étiologie. Pathogénie Lichen plan buccal et maladies associées Réaction du greffon contre l’hôte (GVH) Facteurs iatrogènes : lichen plan buccal « induit » Facteurs neurologiques et psychosomatiques Influence des habitudes de vie
2 2 2 2 3 3
¶ Diagnostic Diagnostic positif Aspects cliniques Formes cliniques Examens paracliniques Diagnostic différentiel
3 3 3 3 8 9
Stomatologie
9
¶ Traitement du lichen plan buccal Lichen plan asymptomatique Lichen plan symptomatique Formes érosives sévères ou ne répondant pas aux thérapeutiques locales Eau thermale d’Avène
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¶ Conclusion
13
12 13
■ Données épidémiologiques Le lichen plan (LP) est une affection cutanéomuqueuse inflammatoire chronique, dont la description clinique initiale a été faite par Wilson en 1869 et la description histologique par
1
22-050-O-10 ¶ Lichen plan buccal
Dubreuil en 1906. Son incidence varie, selon les auteurs, de 0,1 % à 4 %, avec une prédilection pour les sujets d’âge moyen (quatrième et cinquième décennies) et les femmes [1]. L’étude démographique réalisée par Axell et Rundquist donne une prévalence de 1 % à 2 % sur une période de 15 ans (cité dans [2] ). La moitié des sujets ayant des lésions cutanées développent également des lésions buccales, mais 25 % des sujets présentent uniquement des lésions buccales [3]. Contrairement aux lésions cutanées qui guérissent le plus souvent spontanément en 1 à 2 ans, les lésions muqueuses ont une évolution prolongée sur plusieurs années [4]. On retrouve dans la littérature la description d’un syndrome vulvo-vaginogingival qui correspond en réalité à une forme particulière de lichen plan buccal (LPB) [5] . Le LP peut avoir différentes localisations et environ 6 % des patients ayant un LPB présentent des lésions lichéniennes sur au moins trois autres sites (atteintes cutanée, œsophagienne, génitale, ophtalmique). Ceci confirme la nécessité d’une approche multidisciplinaire pour cette maladie [6].
■ Étiologie. Pathogénie L’étiologie et la pathogénie de LPB ne sont pas totalement élucidées, aucune cause n’a pu être formellement mise en évidence. Plusieurs facteurs ont été retenus, parmi lesquels des facteurs génétiques, immunologiques, iatrogènes et psychologiques. Deux hypothèses ont été proposées pour expliquer le développement du LPB : classiquement, on considérait qu’il pourrait résulter d’une altération des kératinocytes, d’origine inconnue, avec libération ou formation d’antigènes entraînant une réponse immunitaire, ou d’une réaction immunologique primaire responsable de l’altération des kératinocytes et de leur apoptose [7]. Cette réponse immunitaire, à médiation cellulaire de type T, a orienté la recherche sur le rôle des lymphocytes dans le développement du LPB. D’après les experts qui ont participé à la réunion de consensus qui a eu lieu en 2005 sur l’étiologie et la pathogénie du LPB, les cellules présentant les antigènes et les kératinocytes de la couche basale pourraient être activées par une infection, des molécules d’origine bactérienne, des traumatismes mécaniques, un traitement systémique, une sensibilité de contact ou des agents non identifiés. Ces cellules activées produiraient des chémokines qui attireraient et stimuleraient les lymphocytes [8]. L’infiltrat est constitué principalement de lymphocytes cytotoxiques CD8 et de lymphocytes non cytotoxiques CD4. Les cellules de Langerhans et les kératinocytes du LPB présentent un antigène associé au complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de type II et aux lymphocytes T CD4+ qui sont stimulés et produisent de l’interleukine 2 (IL-2) et de l’interféron (IFN) gamma. Les lymphocytes T CD8+ pourraient être activés par un antigène associé au CMH de type I des kératinocytes de la couche basale, ou par l’IL-2 et l’INF gamma [8, 9]. Les lymphocytes T CD8+ libéreraient du TNF alpha qui provoquerait l’apoptose des kératinocytes [10]. L’antigène présenté par les CMH de types I et II pourrait être un peptide, ce qui confirmerait la nature auto-immune du LP. Plusieurs éléments sont compatibles avec cette hypothèse : la chronicité de la maladie, l’âge et le sexe de prédilection, l’association éventuelle à d’autres maladies auto-immunes, la présence des cellules T autotoxiques [11].
Le syndrome de Grinspan, qui comporte un LPB, un diabète et une hypertension artérielle, constitue la première association décrite. Ce syndrome semble en réalité d’origine iatrogène : ce serait les médicaments prescrits pour le traitement du diabète ou de l’hypertension qui induiraient les lésions lichénoïdes [14]. La prévalence accrue des hépatopathies chez les malades atteints de LPB est elle aussi sujette à controverses. Des associations avec la cirrhose biliaire primitive, l’hépatite chronique active, la cholangite sclérosante primitive, la maladie de Wilson, l’hémochromatose, le déficit en a1-antitrypsine ont été rapportées. L’association la plus pertinente est avec l’hépatite chronique active, dont la prévalence varie de 3,1 à 11,3 %. La frontière entre l’hépatite chronique active auto-immune et l’hépatite active postvirale est difficile à tracer, et rend problématique l’identification de la nature des hépatopathies associées au lichen [15]. La prévalence du portage chronique de l’antigène HBs chez 577 malades italiens atteints de lichen plan est deux fois supérieure à celle des 1 008 sujets contrôles. Une trentaine d’observations de LP après vaccination contre le virus de l’hépatite B ont été rapportées. De nombreuses études ont été publiées sur l’association LPB et hépatite C. Elle est retrouvée dans les pays de l’Europe méditerranéenne [15] et au Japon [16] (où respectivement 34 % et 62 % des patients atteints d’une hépatite C développent un LPB), mais elle n’est pas observée dans d’autres pays comme par exemple l’Angleterre [17]. Cette différence de fréquence liée à l’origine géographique pourrait dépendre de facteurs immunogénétiques. L’association LPB et human papilloma virus (HPV) a été aussi signalée. Même si certaines études montrent une fréquence importante de HPV (surtout HPV 16 et 18) dans le LPB, l’existence de cette association n’est pas réellement documentée. La présence des HPV pourrait être fortuite ou favorisée par le traitement immunosuppresseur du LPB [18]. Certains auteurs proposent une surveillance attentive pour les patients qui sont HPV positifs en raison du potentiel oncogénique de certains HPV [19].
Réaction du greffon contre l’hôte (GVH) La GVH est une complication majeure des greffes de moelle allogéniques et de cellules souches au cours de laquelle les cellules immunocompétentes du donneur reconnaissent comme étrangères les cellules du receveur. Des manifestations dermatologiques sont présentes chez plus de 80 % des patients [20]. La peau et les muqueuses sont atteintes dans 90 à 100 % des GVH chroniques. Les manifestations cutanées sont de type lichéniennes ou sclérodermiformes. Elles peuvent débuter spontanément ou être déclenchées par une irradiation aux rayons ultraviolets, un traumatisme physique [8, 21]. Dans la GVH, on observe souvent des lésions buccales qui ressemblent cliniquement et histologiquement au LPB [22]. Elles sont retrouvées dans 33 % à 75 % des cas pendant la phase aiguë (100 premiers jours après la transplantation) et chez 85 % des patients pendant la phase chronique de la GVH (après les 100 premiers jours suivant la transplantation) [8]. Il est probable que le LPB idiopathique et la GVH partagent les mêmes mécanismes immunopathologiques : infiltrat inflammatoire composé de cellules T, apoptose des kératinocytes et altération de la membrane basale [21, 22].
Lichen plan buccal et maladies associées
Facteurs iatrogènes : lichen plan buccal « induit »
De nombreuses associations ont été rapportées entre le LPB et des maladies auto-immunes ou inflammatoires (thyroïdite d’Hashimoto, syndrome de Gougerot-Sjögren, sclérodermie systémique, myasthénie, pemphigus superficiel et profond, vitiligo, lupus érythémateux,), certaines étant probablement fortuites [12]. L’association entre le diabète et le LPB fait l’objet d’une véritable controverse. L’incohérence des résultats est surtout due à l’absence de standardisation dans le choix des critères retenus pour le diagnostic du diabète [13].
Souvent, des lésions identiques cliniquement et histologiquement aux lésions du LPB peuvent se développer sur la muqueuse buccale. Ces lésions, dites lichénoïdes, sont généralement assimilées au LPB qui est alors qualifié de LPB « induit », ce qui crée une confusion regrettable pour la compréhension et le traitement du LPB. Les lésions lichénoïdes sont moins fréquentes sur la muqueuse buccale que sur la peau. Elles peuvent être induites soit par des traitements médicamenteux systémiques, soit par des matériaux utilisés pour les restaurations dentaires [23]. Les médicaments les plus fréquemment en
2
Stomatologie
Lichen plan buccal ¶ 22-050-O-10
cause sont les antipaludéens de synthèse, les antidépresseurs, les médicaments prescrits pour la polyarthrite rhumatoïde (sels d’or, D-pénicillamine), certains antituberculeux, des antihypertenseurs, des diurétiques, des médicaments hypoglycémiants, des anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’allopurinol... [24, 25]. Dans les matériaux utilisés pour les restaurations dentaires, les plus cités sont le mercure, l’or, le chrome et le sulfate de cuivre. Les lésions induites par ces matériaux se présentent sous la forme de lésions blanches ou érythémateuses, parfois associées à des érosions ou à des ulcérations. Elles sont limitées à la zone de contact avec le matériau de restauration et associées à des douleurs ou à une sensation de sécheresse buccale. Elles sont souvent liées à une irritation chronique ou une réaction d’hypersensibilité retardée (type allergie de contact) ; dans ce cas, on peut réaliser un patch test, mais cet examen n’est pas très fiable [23, 26, 27]. L’élimination du matériau responsable aboutit le plus souvent à la guérison des lésions [23, 27].
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Points forts
Les lésions lichénoïdes sont moins fréquentes sur la muqueuse buccale que sur la peau. Les médicaments les plus fréquemment en cause sont : • les antipaludéens de synthèse ; • les antidépresseurs, des diurétiques, des médicaments hypoglycémiants, des anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’allopurinol, etc. ; • des matériaux de restaurations dentaires : le mercure, l’or, le chrome et le sulfate de cuivre.
Facteurs neurologiques et psychosomatiques Les arguments les plus convaincants sont rapportés par les recherches d’histopathologie nerveuse, plus particulièrement celles consacrées à la neurohistologie du LPB. Les lésions du lichen s’accompagneraient d’altération des fibres nerveuses myéliniques et amyéliniques avec augmentation du nombre de noyaux de Schwann et des cellules de Merkel-Ranvier. Ainsi, tout le système végétatif serait altéré. En revanche, le système cérébrospinal ne serait atteint qu’au voisinage de la lésion élémentaire du LPB. Au plan neurologique, il faut d’abord citer la topographie radiculaire de certains lichens zoniformes qui sont observés dans la cavité buccale [28, 29]. Pour ce qui est du psychisme, plusieurs études s’intéressant à la relation entre le LPB et l’état psychique montrent que le stress et la dépression représentent des facteurs favorisant le développement du LPB [29]. La maladie peut donc être l’expression d’un conflit psychologique, d’un sentiment de culpabilité ou d’une agressivité refoulée que le malade ne peut extérioriser en raison d’une inhibition ou d’autres circonstances, et qu’il retourne inconsciemment contre ses téguments ou ses muqueuses [28]. Certains auteurs ont remarqué qu’une partie de leurs malades souffraient d’affections psychiatriques diverses. Ainsi, le lichen atteint volontiers les névropathes, les sujets anxieux, émotifs et déprimés. En effet, le LP peut débuter à la suite d’un choc psychique, d’une émotion violente ou d’une grande douleur morale [28].
Influence des habitudes de vie Le tabac, l’alcool et le bétel, du fait des composants chimiques qu’ils contiennent, joueraient un rôle non négligeable dans la survenue du LPB [8, 29]. Ils sont également considérés comme des cofacteurs chez les patients ayant un LPB préexistant, et comme des facteurs carcinogènes favorisant la transformation maligne d’un LPB déjà présent. Stomatologie
Chez certaines communautés indiennes plus particulièrement, le tabac chiqué a été suggéré comme étant un facteur étiologique du LPB [8, 29].
■ Diagnostic Diagnostic positif Le diagnostic du LPB repose sur des critères cliniques et histologiques [12]. En l’absence de lésions typiques, le diagnostic du LPB devient particulièrement difficile et ne peut pas être fait cliniquement de façon certaine, d’où la nécessité de l’appuyer sur un faisceau d’arguments tirés de l’anamnèse, de l’examen clinique et des examens de laboratoires [12, 29]. L’interrogatoire doit mettre en évidence les antécédents personnels et familiaux du sujet, noter les médicaments absorbés, s’enquérir sur l’état de santé actuel afin de détecter une éventuelle pathologie générale. L’interrogatoire permet également d’évaluer le comportement psychique du sujet et son accessibilité à l’angoisse. Il est important, lors de l’interrogatoire, de déterminer le motif de consultation du malade. En effet, les malades présentant un LPB peuvent se plaindre de divers signes fonctionnels. Il peut s’agir de brûlures, de douleurs, de difficultés à l’alimentation, de sensations rugueuses, de sécheresse buccale, de douleurs gingivales ou de tout autre signe fonctionnel [29]. L’examen exobuccal doit comprendre systématiquement une exploration des aires ganglionnaires car les carcinomes épidermoïdes sur le lichen essaiment très rapidement dans les ganglions lymphatiques du cou [8]. À l’examen clinique, on doit rechercher d’autres localisations exobuccales du lichen plan. Au plan cutané, il faut surtout s’intéresser à la face antérieure des poignets et des avant-bras qui constituent la zone cutanée de prédilection du lichen plan [12, 30]. Enfin, l’examen endobuccal doit intéresser la totalité de la muqueuse buccale ainsi que l’état et la qualité des restaurations et des prothèses dentaires, leur situation par rapport aux lésions et si elles sont responsables d’éventuels traumatismes [30].
Aspects cliniques Le LPB évolue en quatre phases : la phase initiale, la phase d’état avec ses périodes de quiescence et d’activité, la phase tardive et l’état postlichénien [8]. La phase initiale, qui dure de 6 à 12 mois, se traduit par des lésions blanches, punctiformes, hémisphériques, siégeant le plus souvent dans la région jugale postérieure, sur le dos de la langue. La phase d’état dure une dizaine d’années ou plus, avec l’intensité élevée des poussées inflammatoires. La phase tardive commence après plusieurs années d’évolution, et quelquefois sans que le LPB n’ait été diagnostiqué. Elle se traduit par le développement d’un état atrophique ou scléroatrophique. L’atrophie favorise le développement d’érosions pour des traumatismes mineurs. Lors du passage au stade postlichénien, et surtout pendant le stade postlichénien, la muqueuse scléroatrophique peut être le siège de foyers de transformation maligne aboutissant au développement d’un carcinome verruqueux ou d’un carcinome épidermoïde, souvent bien différencié [8, 12, 30].
Formes cliniques Selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé en 1997, le LPB regroupe les formes cliniques suivantes : réticulée, la plus facilement reconnaissable, érosive la plus fréquente, et atrophique [31]. Le LPB peut toucher toutes les régions de la muqueuse buccale, y compris la demi-muqueuse labiale. Les formes localisées sont plus fréquentes que les formes diffuses, et la région jugale postéro-inférieure représente le siège électif, avec souvent une atteinte bilatérale et grossièrement symétrique. Par ordre décroissant de fréquence, les localisations sont les
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Figure 3. Vue endobuccale. Lichen plan réticulé : forme en anneaux associée à une plaque kératosique sur la muqueuse jugale. Figure 1. jugale.
Vue endobuccale. Lichen plan papuleux sur la muqueuse
suivantes : muqueuse jugale postéro-inférieure, dos de la langue, fibromuqueuse gingivale, fibromuqueuse palatine, face ventrale de la langue, muqueuse ou demi- muqueuse labiale, et plancher buccal [8, 12].
Lichen plan réticulé Il est découvert fortuitement ou, très rarement, à l’occasion d’une hypersensibilité ou de picotement au contact des aliments. La lésion élémentaire est une papule. Les lésions réticulées récentes sont constituées des pointillés confluant en nappes ou plaques. L’aspect est variable selon le siège [8, 12]. Joue Le LPB occupe avec prédilection la partie postéro-inférieure en regard des dernières molaires inférieures. Il s’étend vers l’avant, de part et d’autre du léger bourrelet qui correspond à l’interligne articulaire des arcades dentaires. L’extension se fait également au fond des replis vestibulaires. Il se présente sous forme de taches blanches en réseaux (dendritique, annulaire, circiné) ou en plaques kératosiques [8, 32]. Formes en réseaux. Leur aspect est caractéristique : grains ronds, de couleur blanc argent, ou réseaux de fins tractus anastomosés ou arborescents, très nettement limités, saillants et durs au toucher. Ils ne ressemblent à aucune autre lésion. La lésion débute en regard des molaires, plus rarement dans le sillon gingivojugal. Ce sont d’abord des petites ponctuations blanches minuscules reposant sur une muqueuse d’apparence saine (Fig. 1). Peu à peu, elles se réunissent pour former un lacis de stries blanches irrégulières, larges de 0,25 à 1 mm, de 3 mm à 1 cm de longueur et plus. Elles s’entrecroisent, formant des renflements nodulaires rappelant l’aspect dendritique en « feuille de fougère » (Fig. 2). La forme en anneaux est caractérisée par la formation de plusieurs anneaux de diamètre différents (Fig. 3) [8, 31, 33]. La variété circinée (Fig. 4) est rare : elle est caractérisée par une ligne fine blanchâtre portant en certains points de petits renflements et figurant dans son ensemble un ovale de 7 à 8 mm de long sur 3 à 4 mm de large, le centre de la circination paraît sain [32].
Figure 4. Vue endobuccale. Lichen plan réticulé : forme circinée sur la muqueuse jugale.
Formes en plaques. Elles se traduisent par des plaques plus ou moins étendues, d’aspect opalescent ou blanc grisâtre uniforme (Fig. 5) [12, 32]. Langue (Fig. 6) Le lichen occupe surtout la face dorsale, parfois les bords, rarement la face inférieure. Il se présente habituellement sous forme de plaques limitées : taches d’un blanc mat, quelquefois légèrement déprimées, atrophiques, sans infiltration ni inflammation de la muqueuse voisine sous-jacente. On observe parfois aussi la variété dite en « nappe » sous forme de larges plaques plus ou moins étendues, de contours irréguliers (confluence d’éléments arrondis). D’un blanc mat, elles sont dures au toucher sans sclérose sous-jacente [8, 32]. Gencive (Fig. 7) C’est surtout le versant vestibulaire de la gencive attachée, proche des collets dentaires, qui est intéressé (le plus exposé aux traumatismes). Il peut se présenter sous forme de plaques ou réseaux blanchâtres (réseau dendritique). Elle peut être associée à un lichen vulvaire dans le cadre du syndrome vulvo-vaginogingival [5, 8]. Figure 2. A, B. Vues endobuccales. Lichen plan réticulé : aspect dendritique en « feuille de fougère » sur la muqueuse jugale.
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Stomatologie
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Figure 5. A, B. Vues endobuccales. Lichen plan en plaques plus ou moins étendues d’aspect opalescent ou blanc grisâtre uniforme sur la muqueuse jugale.
Figure 8. Vue endobuccale. Lichen plan d’« aspect circiné » sur la muqueuse labiale inférieure.
Figure 6. Vue endobuccale. Lichen plan réticulé sur la face dorsale de la langue.
Figure 9. Vue endobuccale. Lichen plan réticulé sous forme de stries blanchâtres en réseau dendritique sur la muqueuse labiale inférieure.
Figure 7. gingivale.
Vue endobuccale. Lichen plan réticulé sur la muqueuse
Lèvres La région le plus souvent atteinte est la demi-muqueuse de la lèvre inférieure. Il se présente sous forme de stries blanchâtres en réseau circiné (Fig. 8) ou dendritique (Fig. 9), ou en plaques blanchâtres plus ou moins opalines (Fig. 10) [32]. Muqueuse palatine Il est exceptionnel sur la muqueuse du palais dur, réalisant un aspect de réseau (Fig. 11). Plancher buccal (Fig. 12) Il est très rare, réalisant l’aspect en réseau dendritique.
Lichen plan érosif Il se présente sous l’aspect d’érosions douloureuses rouge vif vernissé, au fond œdématié, de taille variable, de forme parfois arrondie ou ovalaire ou irrégulière, légèrement en saillie [34]. Elles siègent le plus souvent sur la face interne de la joue, dans Stomatologie
Figure 10. Vue endobuccale. Lichen plan réticulé sous forme de plaques blanchâtres sur la muqueuse labiale inférieure associé à un lichen en feuille de fougère sur la muqueuse jugale.
la moitié postérieure (Fig. 13), et dans les sillons pelvilinguaux (Fig. 14), sur la face dorsale de la langue (Fig. 15), les bords latéraux de la langue (Fig. 16) et sur la gencive attachée (Fig. 17). On retrouve très souvent en périphérie un aspect habituel de lichen réticulé. À ce stade, la lésion est douloureuse,
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Figure 11. Vue endobuccale. Lichen plan réticulé sous forme de plaques sur la muqueuse palatine. Figure 15. Vue endobuccale. Lichen plan érosif sur la face dorsale de la langue.
Figure 12. Vue endobuccale. Lichen plan en réseau dendritique sur le plancher buccal.
Figure 16. A, B. Vues endobuccales. Lichen plan érosif sur la face latérale de la langue. Figure 13.
Vue endobuccale. Lichen plan érosif sur la muqueuse jugale.
Figure 17.
Vue endobuccale. Lichen plan érosif sur la gencive attachée.
Figure 14. Vue endobuccale. Lichen plan érosif sur le sillon pelvilingual.
Lichen atrophique ce qui peut conduire le patient à consulter. Il est gêné dans son alimentation et ne peut pratiquer les soins buccodentaires habituels [8, 34]. Ces formes érosives sont rarement isolées et il faut toujours rechercher des plaques de kératose évoquant un lichen sur la joue ou au dos de la langue (Fig. 18) [34].
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C’est une forme d’évolution d’un LPB ancien et quelquefois sans qu’il n’ait été diagnostiqué. Elle se traduit cliniquement par le développement d’un état atrophique ou scléroatrophique, donnant un aspect lisse et légèrement déprimé de la muqueuse qui est brillante ou un peu opaline quand elle est tendue [8, 33]. À la palpation, la muqueuse est parfaitement Stomatologie
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Figure 18. Vue endobuccale. Lichen plan érosif sur les bords latéraux de la langue associé à un lichen réticulé à la face dorsale.
Figure 21. A, B. Vues endobuccales. Lichen plan atrophique sur la langue.
Figure 19. A, B. Vues endobuccales. Lichen atrophique sur la muqueuse jugale.
Figure 20. Vue endobuccale. Lichen plan atrophique sur la demimuqueuse de la lèvre inférieure.
souple. L’atrophie intéresse principalement les zones de la muqueuse buccale où il y a eu des lésions actives, donc le plus souvent la face interne des joues (Fig. 19), la demimuqueuse de la lèvre inférieure (Fig. 20). La couleur de la muqueuse change et perd son homogénéité : on observe des plages de couleur discrètement jaunâtre, brunâtre ou rougeâtre ; l’atrophie permet parfois de voir par transparence le réseau vasculaire sous-muqueux. Sur le dos de la langue (Fig. 21), l’atrophie se traduit par des plages dépapillées, recouvertes ou non par une couche kératosique parfois épaisse [17]. L’atrophie de la fibromuqueuse gingivale entraîne une rétraction gingivale Stomatologie
Figure 22. Lichen plan atrophique : perte de l’élasticité avec limitation de l’ouverture buccale.
souvent associée à une diminution de la profondeur des vestibules, surtout visible dans les régions postéro-inférieures [17, 32]. L’atrophie favorise le développement d’érosions pour des traumatismes mineurs. La sclérose est plus ou moins marquée ; au maximum, elle se traduit par une perte de l’élasticité avec limitation de l’ouverture buccale (Fig. 22) et une diminution de la protraction linguale [8, 17].
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Figure 23. Lichen plan cutané (forme annulaire).
Figure 25. Coupe histologique (HES, G x 40). Muqueuse malpighienne dont le chorion superficiel abrite un infiltrat lymphohistiocytaire avec une dissociation des couches profondes.
La vitesse de sédimentation et la protéine C-réactive protéine sont souvent augmentées témoignant du processus inflammatoire. Du fait de l’association entre LPB et maladies hépatiques, un dosage des transaminases, des phosphatases alcalines, des gamma-glutamyl-transférases, de bilirubine, ainsi que la sérologie d’hépatite C, sont demandés. Pour certains auteurs, des perturbations des fonctions hépatiques sont retrouvées dans environ 20 % des cas de LP [12].
Anatomopathologie
Figure 24. Lichen plan cutané (forme linéaire).
Association lichen plan buccal et cutané Tout LPB doit faire rechercher un LP cutané, en particulier la forme annulaire et la forme linéaire dans 20 % des cas ; à l’inverse, tout LP cutané doit faire rechercher une localisation buccale (40 % des cas) [12]. Lichen plan annulaire (Fig. 23) L’association à des lésions muqueuses est rare mais la présence d’une atteinte muqueuse surtout buccale est évocatrice. Cliniquement, le lichen plan annulaire se présente sous forme d’anneaux violacés dont la bordure est faite de papules polygonales infiltrées à configuration arciforme ou curviligne entourant une zone légèrement déprimée hyperpigmentée ; les papules sont le siège de lignes blanchâtres à leur surface appelées « stries de Wickham ». Ces lésions sont prurigineuses. Cette disposition annulaire est surtout fréquente sur le gland, le prépuce et le scrotum ; la localisation sur le tronc, les membres et la face a été rarement rapportée [35]. Une localisation isolée sur les membres inférieurs a été décrite chez 25 malades parmi les 42 de la série japonaise [35, 36]. Lichen plan linéaire (Fig. 24) Des lésions linéaires, secondaires à un phénomène Koebner, sont fréquemment retrouvées. Des lésions isolées sur toute la longueur d’un membre sont rares, bien que plus fréquentes chez l’enfant. Des dispositions linéaires, avec lésions parfois verruqueuses sur le tronc, ont été décrites, semblant suivre les lignes de Blashko. L’évolution du LP linéaire est habituellement bénigne, avec involution spontanée. Une pigmentation linéaire peut persister à distance de la phase inflammatoire [36].
Examens paracliniques Examens biologiques La numération formule sanguine peut montrer une hyperéosinophilie.
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L’examen anatomopathologique présente un double intérêt : il affirme le diagnostic (permet de mettre en évidence les lésions caractéristiques du LP) et évalue l’activité et le retentissement du LPB (dans un but thérapeutique et de suivi) [8]. Le siège de la biopsie doit être choisi avec soin (elle doit être faite sur une lésion kératosique, à cheval sur le tissu sain et sur la lésion), en évitant notamment les zones érosives. Le fragment doit être étroit mais profond pour obtenir les couches cellulaires de l’épithélium et du chorion [32, 33]. Le diagnostic anatomopathologique nécessite l’association de trois signes caractéristiques : parakératose ou hyperkératose, dégénérescence vacuolaire du stratum germinatum, infiltrat lymphocytaire en bande, sous-épithélial. L’hyperkératose, ou hyperorthokératose, coiffe une couche granuleuse épaissie (Fig. 25) [32]. Les altérations intéressent surtout l’épithélium. À la phase initiale, on observe les éléments suivants : parakératose de surface, épaississement ou amincissement, effilochage des crêtes interpapillaires, présence d’une couche granuleuse irrégulière qui, avec l’infiltrat inflammatoire sous-épithélial nodulaire, sont responsables de l’apparition des lésions blanches, punctiformes ou réticulées, caractéristiques de la phase initiale [8]. À la phase d’état, il existe une ortho- ou une parakératose de surface, les crêtes prennent progressivement un aspect en dents de scie, les papilles une forme en dôme, et on observe dans l’assise basale quelques corps hyalins qui correspondent à des kératinocytes en apoptose ; le chorion superficiel est le siège d’un infiltrat inflammatoire en bande, à prédominance lymphocytaire [8, 28]. Les poussées d’activité sont marquées par une diminution de la kératose de surface, la présence éventuelle d’érosions, d’une spongiose, d’une exocytose, d’une augmentation du nombre de corps hyalins et d’une augmentation de la densité de l’infiltrat inflammatoire. Progressivement, l’aspect initial (papilles en dôme et crêtes interpapillaires en dents de scie) évolue et la membrane basale tend à devenir rectiligne. À la fin de l’évolution, l’épithélium est aminci, la membrane basale rectiligne, la kératose est intense, mais surtout le chorion est le siège d’une sclérose diffuse avec des bandes de collagène qui entraînent une sclérose mutilante. L’épithélium en est aminci, fragilisé, pris entre la parakératose en surface et la sclérose sous-jacente. Il laisse affleurer l’inflammation sous-jacente, parfois sous forme d’érosion. Au stade postlichénien, la muqueuse est atrophique Stomatologie
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et l’infiltrat inflammatoire a disparu [8, 32]. Ce stade est caractérisé par une atrophie épithéliale, une hyperkératose de surface et une fibrose de chorion [8].
Autres explorations Immunofluorescence directe Cette étude n’est pas réalisée de prime abord. Elle est demandée lorsque le résultat de l’examen histologique n’est pas typique d’un LPB. À cet effet, il ne faut pas se contenter de la seule lecture de la conclusion de l’examen histologique. Lorsque cet aspect typique n’est pas retrouvé, de nouvelles biopsies sont alors pratiquées, dans la muqueuse buccale. Cette étude permet d’éliminer, outre un lupus, les dermatoses bulleuses auto-immunes (notamment pemphigoïde cicatricielle, pemphigus) [12, 37, 38]. Immunomarquage L’infiltrat de LP est formé de lymphocytes T activés HLADR+. Des clones T helpers et suppresseurs ont été isolés, avec prédominance des clones à activité suppressive dans les lésions buccales de LP. En fait, il y aurait une variation dans le temps et dans la localisation des clones T. Le phénotype TCD8+ « cytotoxique » ou « suppresseur » est plus fréquent dans les lésions anciennes, alors que les lymphocytes TCD4+ « helpers » ou « inducteurs » le sont pour les lésions primaires. Parallèlement, les lymphocytes TCD8+ sont en nombre important dans l’épiderme, tandis que les lymphocytes TCD4+ dominent dans le derme. Il y a donc une perturbation dans la balance entre « helpers » et « suppresseurs ». Les lymphocytes B sont peu nombreux ou absents [39, 40].
Diagnostic différentiel Dans le cas des lésions typiques, le diagnostic de lichen plan est facile à établir à partir de la seule observation clinique (le lichen plan réticulé ne ressemble à aucune lésion). En revanche, pour les formes atypiques, le diagnostic différentiel reste très large [33].
Lésions blanches Lorsque les lésions blanches prédominent, il faut éliminer : • les lignes blanches en réseau que présentent certaines joues flasques et plissées ; ces lignes disparaissent par étirement de la muqueuse [33] ; • les leucoplasies tabagiques : l’aspect de ces lésions est parfois très caractéristique ; en effet, elles s’accompagnent fréquemment d’ectasie des orifices glandulaires qui apparaissent sous forme de petits points rouges saillants [32] ; • les kératoses réactionnelles endogènes au voisinage de certaines tumeurs ou cicatrices ; • la glossite scléroatrophique et la leucoplasie de la syphilis tertiaire où la muqueuse linguale est moins souple que dans la forme syphiloïde du lichen plan atrophique [32, 33] ; • certaines formes de candidoses chroniques [41] ; • les stomatites lichénoïdes et les kératoses d’origine toxique ou médicamenteuse qui posent surtout un problème nosologique [24, 25] ; • le lupus érythémateux chronique discoïde qui simule de très près le lichen et avec lequel il peut être associé. L’aspect de la lésion est caractérisé par un fin liseré kératosique avec de courtes stries radiées, mêlées de télangiectasies en poils de brosse. Ces stries circonscrivent une plage rouge atrophique semée d’éléments blanchâtres irréguliers [42] ; • le psoriasis, qui n’est pas rare aux lèvres mais reste exceptionnel à la muqueuse buccale. La présence de LPB chez les psoriasiques a été fréquemment signalée [32] ; • les localisations buccales des grandes génodermatoses kératosiques [43, 44]. Parmi ces dernières, citons : • la polykératose de Touraine, avec ses différentes variétés mono, bi-, tri- ou polysymptomatique. Elle est caractérisée par des leucoplasies idiopathiques et des nævi kératosiques sur la muqueuse buccale ; Stomatologie
• les diverses kératodermies palmoplantaires ; • la maladie de Darier et la parakératose de Mibelli, qui peut également atteindre la muqueuse buccale ; • le syndrome de Zinsser-Engman-Cole, dont les signes buccaux simulent exactement le lichen, bien que l’aspect histopathologique soit différent ; • le syndrome de Kelly-Patterson, dans lequel la dépapillation linguale peut s’accompagner de plaques blanchâtres lichénoïdes ; • la maladie de Bowen et certains épithéliomas en surface.
Lésions érythémateuses et érosives Devant les lésions érosives, il faut éliminer le pemphigus vulgaire buccal, la pemphigoïde cicatricielle, l’érythème polymorphe. Le pemphigus vulgaire buccal est une dermatose bulleuse auto-immune intraépithéliale, révélée dans plus de la moitié des cas par des érosions buccales. Celles-ci sont chroniques (plus de 1 mois) et sans cause apparente. L’atteinte cutanée survient de 3 à 6 mois après la première lésion buccale. Le diagnostic repose sur l’examen histologique (bulle intraépithéliale contenant des cellules acantholytiques) et la présence d’anticorps en immunofluorescence directe (dépôts intercellulaires dans l’épithélium, donnant un aspect en résille) [45, 46]. La pemphigoïde cicatricielle est une dermatose bulleuse autoimmune qui atteint préférentiellement les muqueuses, avec une évolution cicatricielle. Sa gravité est liée à l’atteinte oculaire, responsable de cécité. La muqueuse buccale est la plus fréquemment atteinte : gingivite érosive, associée ou non à des bulles ou des érosions du palais. Le diagnostic clinique se fait sur le signe de la pince (la pince détache l’épithélium en très larges lambeaux, en périphérie des érosions gingivales), et le diagnostic de certitude sur la présence d’anticorps le long de la jonction chorioépithéliale (immunofluorescence directe et immunomicroscopie électronique directe) [47, 48]. Les manifestations buccales de l’érythème polymorphe sont reconnues par leur caractère fébrile, saisonnier et parfois épidémique, la présence éventuelle d’une atteinte des autres muqueuses et de la peau, et un infiltrat polymorphe contenant de nombreux polynucléaires caryolisés, ainsi que des plages de nécrose éosinophile de l’épithélium [49, 50].
■ Transformation maligne du LPB La transformation maligne du LPB reste un sujet de controverses malgré les nombreuses études qui lui ont été consacrées. En 1910, Hallopeau a rapporté le premier cas de carcinome développé au voisinage d’un LPB [23]. La première revue de la littérature, bien structurée, sur la transformation maligne du LPB a été faite en 1978 par Krutchkoff et al. (cité dans [51]). Après analyse des 220 cas publiés, seulement 15 cas ont été considérés comme suffisamment documentés pour démontrer la relation existant entre le LPB et le carcinome épidermoïde. Depuis cette date, d’autres cas ont été publiés, y compris des transformations malignes survenant sur un LP génital [52], œsophagien [53] ou cutané [54]. Puis, au fil des années, il a été constaté qu’un certain nombre non négligeable de patients atteints de LPB ont développé une transformation maligne à type de carcinome épidermoïde à des taux variables (Tableau 1) [8]. En 1997, l’Organisation mondiale de la santé a classé le LPB dans les états précancéreux (precancerous conditions) [55] . La transformation maligne survient, le plus souvent, sur des lésions lichéniennes atrophiques et/ou érosives [5, 8] ; les variations du taux de transformation maligne sont probablement, au moins en partie, liées aux différents types de LPB inclus dans ces études ; aucune d’entre elles ne précise le stade évolutif ou simplement la durée d’évolution du LPB. Pour expliquer la transformation maligne, plusieurs hypothèses ont été proposées, mais c’est l’inflammation chronique qui semble être le facteur essentiel pour le développement du cancer. Les cellules inflammatoires et leurs cytokines entraîneraient des altérations cellulaires et stimuleraient la synthèse de l’epidermal growth factor [56]. Des études récentes ont mis en évidence, dans les
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Tableau 1. Principales données sur le potentiel de transformation maligne du LBP retrouvées dans la littérature [8]. Auteurs et année de publication
Durée moyenne Nombre de suivi de patients
Taux de transformation maligne
Silverman 1985
5,6 ans
570
1,2 %
Holmstrup 1988
7,5 ans
611
1,5 %
Silverman 1991
7,5 ans
214
2,3 %
Voûte 1992
7,8 ans
113
2,6 %
Barnard 1993
10 ans
241
3,3 %
Mignona 2001
5 ans
502
4,9 %
Van der Meij 2003 31,8 mois
173
1,7 %
Bornstein
138
0,71 %
3,7 ans
lésions de LPB, une diminution de l’expression de hMSH2, gène appartenant au système human DNA mismatch repair (hMMR), qui est assimilé à un gène suppresseur de tumeur. Ce gène joue un rôle important dans la diminution des mutations et la stabilité génétique. Dans le LPB, on observe une baisse de la protéine synthétisée par ce gène, qui pourrait favoriser l’augmentation des mutations de l’acide désoxyribonucléique dans les cellules épithéliales, donc leur transformation maligne [57]. Dans le LPB, la réponse à l’inflammation chronique et le processus de la cicatrisation pourraient augmenter le nombre de mutations des gènes. Cette hypothèse semble confirmée par des études récentes qui illustrent la relation entre les médiateurs chimiques des cellules T de l’inflammation et le processus de la cancérogenèse [56]. Ces études montrent que le macrophage migration inhibitory factor (MIF), libéré par les cellules T et les macrophages, diminue la transcription de la p53, protéine considérée comme la gardienne du génome [58, 59]. Le gène p53 est considéré comme un gène suppresseur de tumeur car la p53 joue un rôle important dans la carcinogenèse en éliminant les cellules mutantes par apoptose. Des mutants de la p53 ont été retrouvés dans plus de 60 % des cancers [58, 59]. Le blocage de la p53 par le MIF (ou d’autres médiateurs) augmente le risque de développement d’un cancer sur un LPB [59]. Valente et al. [60] ont étudié l’expression de la p53 dans le LPB. Ils ont constitué trois groupes de patients qui ont été biopsiés à plusieurs reprises. Dans le premier groupe, les patients n’ont pas présenté d’altérations dysplasiques pendant la période de contrôle, dans le deuxième groupe, ils ont présenté simultanément un LPB et un carcinome épidermoïde, et dans le troisième groupe ils ont développé un carcinome épidermoïde plusieurs années après le diagnostic de LPB. Les auteurs ont mis en évidence une surexpression de la p53 dans le deuxième et le troisième groupe. Ces résultats confirment le rôle de la p53 dans la transformation maligne du LPB et montrent que l’étude de l’expression de la p53 fournit probablement des renseignements sur l’évolution et le pronostic du LPB [8, 60]. Acay et al. [61] ont réalisé une étude comparable mais en utilisant un anticorps qui détecte uniquement la forme mutante de la p53 : la p53 est augmentée, mais elle est beaucoup plus élevée que dans les réactions lichénoïdes [61]. Le tabac et l’alcool, facteurs carcinogènes bien connus, peuvent contribuer à la transformation maligne observée dans le LPB, mais cette dernière touche surtout des femmes qui ne présentent aucune intoxication éthylotabagique. D’autres facteurs intervenant dans la carcinogenèse, comme l’infection candidosique, pourraient être impliqués. Elle est fréquente et récidivante dans le LPB et il a été démontré que Candida albicans participe à la catalyse de N-nitrosobenzylméthylamine et à une éventuelle transformation maligne [29]. Ce carcinogène, combiné à une synthèse élevée d’acide ribonucléique dans l’épithélium pendant le processus de dégradation-cicatrisation caractéristique de LPB, constitue peut-être un environnement favorable pour le développement d’un clone néoplasique [62]. L’inflammation liée à la candidose buccale pourrait également participer au processus de la transformation maligne [62] . Néanmoins, quelques auteurs contestent le potentiel de transformation maligne du LPB. Ils mettent en doute le diagnostic de
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LPB et considèrent que les lésions observées au voisinage du carcinome épidermoïde sont des lésions dysplasiques d’aspect lichénoïde [63]. Krutchkoff et al. (cité dans [51]) ont procédé à une revue de la littérature sur la transformation maligne du LPB de 1950 à 1977 : ils concluent que seulement 16 cas sur 223 sont suffisamment documentés. Dans leurs conclusions, ils avancent trois arguments : • les éléments cliniques et histologiques pour confirmer le diagnostic de LPB sont souvent insuffisants ; • le carcinome épidermoïde se développe bien après l’apparition des lésions du LPB ; • l’anamnèse comporte des notions insuffisantes sur l’exposition aux carcinogènes, en particulier au tabac [51]. Van der Meij et al. [64] ont réalisé une autre revue de la littérature sur une période allant 1977 à 1997 avec les mêmes critères que Krutchkoff et al. (cité dans [51]). Parmi les 98 cas de transformation maligne du LPB publiés pendant cette période, 33 seulement, soit 34 % de cas publiés, ont été considérés comme suffisamment bien documentés [64]. Une étude récente a recherché la perte d’hétérozygotie dans le LPB sur les chromosomes 3p, 9p et 17p car ces altérations, qui sont fréquemment retrouvées dans les carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale, jouent un rôle dans le processus de transformation maligne. Les résultats ont été comparés avec ceux obtenus dans des lésions réactionnelles (d’origine non précisée par les auteurs) et dysplasiques, et dans le carcinome épidermoïde [8, 65]. Dans le LPB, les anomalies génétiques sont moins fréquentes que celles observées dans les autres lésions, ce qui permet aux auteurs de conclure que le LPB ne constituerait pas une affection présentant un risque de transformation maligne [8].
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Point fort
Certains auteurs pensent que le LPB est une précancérose facultative ou une affection au potentiel dégénératif. D’autres nient ce potentiel en affirmant qu’il s’agit soit de leucoplasies mal diagnostiquées, soit de dysplasies, soit d’une coïncidence entre les deux affections, étant donné la grande fréquence du cancer buccal. D’où la nécessité d’un examen histologique initial en présence d’un lichen, et d’une surveillance régulière pendant de nombreuses années, tant le risque de cancérisation est patent au fur et à mesure du « vieillissement » de ces lésions.
■ Traitement du lichen plan buccal Lorsque l’examen anatomopathologique et la sérologie ont confirmé le diagnostic de LPB et précisé le stade évolutif (phase initiale, phase d’état ou état postlichénien), on peut envisager le traitement [8]. De nombreux traitements ont été essayés dans le LPB, mais les essais comparatifs randomisés sont rares. De plus, les essais existants ont souvent des critères d’évaluation et des critères d’inclusion mal définis. Ainsi, les malades inclus ont des atteintes de sévérité disparate et la valeur des résultats obtenus est difficile à évaluer. Les recommandations reposent donc sur certains essais randomisés, mais aussi sur les consensus professionnels rendant compte des pratiques couramment admises [12]. La prise en charge thérapeutique du LPB est donc en fonction de la forme clinique. Le lichen buccal asymptomatique ne nécessite le plus souvent aucun traitement. En revanche, les lichens buccaux érosifs autorisent des thérapeutiques parfois agressives visant à éradiquer la douleur et à obtenir une rémission [8, 12].
Lichen plan asymptomatique Il correspond le plus souvent à des lésions non érosives. Son potentiel dégénératif est alors très faible. Les mesures adaptées Stomatologie
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Points essentiels
• La prise en charge thérapeutique du LPB est donc fonction de la forme clinique. • Le lichen buccal asymptomatique (réticulé) nécessite un arrêt d’une éventuelle intoxication alcoolotabagique avec un soutien anxiolytique, une mise en état buccodentaire avec une parfaite hygiène buccale, un contrôle dès l’apparition des symptômes. • Le lichen plan érosif autorise des thérapeutiques parfois agressives visant à éradiquer la douleur et à obtenir une rémission.
doivent être l’arrêt d’une éventuelle intoxication alcoolotabagique avec un soutien anxiolytique, une mise en état buccodentaire avec une parfaite hygiène buccale et, bien sûr, un contrôle dès l’apparition des symptômes chez un patient informé [8, 66].
Hygiène buccodentaire L’hygiène buccodentaire doit être enseignée. Le praticien doit expliquer aux malades le rôle nocif de la plaque dentaire, d’où l’importance de son élimination par des méthodes de brossage appropriées avec un dentifrice le plus neutre possible. Un détartrage régulier est également effectué [32]. De même, le contrôle de l’hygiène buccodentaire est effectué par le praticien à l’aide de révélateur de plaque, afin d’éviter le développement d’une mycose secondaire à la mauvaise hygiène ou aux thérapeutiques que le praticien prescrit [66]. Lorsque le lichen touche la fibromuqueuse gingivale et qu’il existe une inflammation parodontale due à une poche, à une fausse poche ou à un capuchon muqueux, l’extraction de la dent entraîne une diminution suffisante de l’activité du lichen, évitant d’avoir ainsi recours à un traitement médicamenteux [5, 66].
Suppression des irritations locales C’est une étape importante dans le traitement du LPB. Ainsi, il faut éliminer tous les facteurs irritatifs qui sont susceptibles de provoquer le phénomène de Koebner. Il peut s’agir de dents délabrées, de surfaces rugueuses, de prothèses mal adaptées, de phénomènes électrogalvaniques, de tabac, d’alcool. Une remise en état de la cavité buccale est donc nécessaire [8, 32].
Traitement des maladies générales Le traitement des maladies générales susceptibles d’être en rapport avec l’apparition de LPB est nécessaire. Il peut s’agir de diabète, d’hypertension artérielle, de néoplasie, de maladie hépatique [8, 12].
Psychothérapie Ce volet est très important, d’autant plus que le rôle de l’état psychologique des patients dans le développement d’un LPB est démontré [28]. En effet, le praticien devrait dépister les patients présentant un terrain anxieux ou déprimé, et leur conseiller d’éviter le stress et d’entamer une vie calme et reposante, et surtout les rassurer en ce qui concerne la bénignité de la lésion [28].
Lichen plan symptomatique Il traduit le plus souvent la présence de formes érosives et donc d’un potentiel dégénératif. Les mesures précédentes s’imposent, mais sont insuffisantes. Ainsi, il faut mettre en œuvre un traitement plus spécifique [66].
Corticothérapie locale Depuis quelques années, un certain nombre d’études ont permis de mieux préciser sa place. L’ensemble des études Stomatologie
contrôlées a permis de montrer que tous les corticoïdes topiques entraînaient une amélioration supérieure au placebo [32]. Il a été fait quelques études comparant les corticoïdes entre eux, ainsi qu’un corticoïde isolé et associé à une pâte adhésive. Il est à l’heure actuelle établi que le corticoïde le plus efficace est le propionate de clobétasone (Dermoval®). Ce corticoïde est plus efficace dans une pâte adhésive qu’isolément. Il faut donc employer le Dermoval® dans l’Orobase® ou le Corega® (mélange en quantité égale), ou dans une autre pâte adhésive. Celui-ci doit être employé au moins deux fois par jour. Dans un essai contrôlé récent, un tel traitement a montré qu’il était efficace dans 100 % des cas contre 20 % pour le placebo et 90 % pour le fluocinomide (Topsyne ® ). De plus, le pourcentage des réponses complètes était de 75 % avec le Dermoval® contre 25 % avec le Topsyne gras®. La durée du traitement doit être autour de 6 mois au minimum [34, 39]. Cette association de corticoïdes (Diprosone®, Dermoval®, Topsyne® gras) et d’un adhésif (Orobase®) est indiquée notamment en cas d’atteinte gingivale. Cette préparation est appliquée le soir au coucher. Elle peut être également mise en place dans une gouttière moulée en polyuréthane (confectionnée à partir d’empreintes dentaires). La décroissance thérapeutique est réalisée sur plusieurs mois (de 1 à 3 mois) afin de limiter le nombre de récidives [32]. D’autres alternatives sont proposées mais sont moins efficaces, tels : • le budésonide en inhalation (Pulmicort® 100) : deux pulvérisations deux fois par jour [32] ; • le valérate de bétaméthasone topique (Betneval buccal® en glossettes de 0,1 mg quatre fois par jour), à laisser fondre au contact de la lésion. Ce traitement est à poursuivre 10 jours, à prolonger si nécessaire et à renouveler à chaque poussée [34, 66] ; • la prednisolone (Solupred®) à 20 mg en bain de bouche : ce sont des comprimés effervescents qui sont dissous soit dans un demi-verre d’eau tiède (la fréquence de rinçage est alors de trois fois par jour, à distance des repas, surtout le soir au coucher), soit dans une préparation composée de Fungizone®, d’Eludril® et de solution de bicarbonate à 14 ‰ [67]. Le problème qui se pose avec l’utilisation des corticoïdes locaux est la survenue de candidoses qui peut compliquer le traitement [67]. Sur la demi-muqueuse des lèvres, on peut administrer un corticoïde niveau II (Diprosone®, Betneval®, Nérisone®, Efficort®) ou I (Dermoval®, Diprolène®) en pommade ou en crème. La corticothérapie locale est indiquée pour le traitement de LPB récent et peu actif [66]. Devant des lésions anciennes, actives et diffuses (lichen érosif, érythémateux), des corticoïdes locaux en bain de bouche (Solupred® 20 mg effervescent trois fois par jour en bain de bouche) ou en crème (Betneval® en glossettes cinq fois par jour) sont prescrits en première intention. Si la régression des lésions est inférieure à 50 % après 15 jours de traitement ou si la symptomatologie douloureuse est trop importante, une corticothérapie générale (Cortancyl, 1 mg/kg) est utilisée, rapidement dégressive sur 1 mois avec un relais par la corticothérapie locale [67]. La surveillance pour ce type de lésion doit être particulièrement attentive : il faut revoir les patients au moins tous les 3 mois [32].
Trétinoïde En l’absence de résultats, la trétinoïde est un dérivé de la vitamine A. Elle agit sur la prolifération et la différenciation cellulaire, et possède un effet anti-inflammatoire et immunomodulateur [32]. Il existe un essai randomisé en double aveugle ayant inclus dix malades dans le groupe trétinoïde locale 0,1 % et dix dans le groupe placebo (véhicule) pendant 4 mois, avec une diminution des lésions dans 91 % des cas dans le groupe traité versus 21 dans le groupe placebo. Il s’agit d’un traitement suspensif [68]. Elle s’utilise uniquement par voie topique à raison de deux fois par jour et pendant plusieurs mois. Une solution de
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trétinoïne à 0,1 % diluée 10 fois (Locacid® solution 0,1 %), à laquelle est associé un corticoïde local (Betneval buccal®) est utilisée. L’application se fait à l’aide d’une porte-coton [68]. Les effets secondaires consistent en l’apparition de sensations de brûlures immédiates au moment de l’application et d’épisodes de sécheresse buccale. Les rétinoïdes locaux sont essentiellement utilisés dans les formes cliniques hyperkératosiques de LPB, et n’ont pas d’intérêt dans les formes érosives [32, 68].
Formes érosives sévères ou ne répondant pas aux thérapeutiques locales S’il s’agit d’un LPB aigu, la corticothérapie générale ou mixte est indiquée. Elle est associée à un traitement étiologique et à la prescription de tranquillisants.
Corticothérapie générale La corticothérapie générale peut être administrée par voie buccale, intraveineuse ou intramusculaire. Elle suppose un bilan préalable à sa prescription : glycémie à jeun, bilan biologique lipidique, hépatique, rénal, contrôle de la tension artérielle, radiographie pulmonaire et examen parasitologique des selles [12]. Les contre-indications en sont : l’hypertension artérielle sévère, l’ulcère gastroduodénal évolutif, le diabète insulinodépendant, l’insuffisance rénale ou hépatique, la goutte, une infection évolutive, l’âge et les états psychotiques [12]. En raison des effets secondaires, la corticothérapie par voie générale est limitée à des traitements de courte durée. La corticothérapie par voie générale est utilisée à la dose classique de 1 mg/kg/jour au début, puis à une dose d’entretien correspondant au seuil efficace en thérapeutique alternée [34]. La prednisone per os est essentiellement prescrite à raison de 1 à 2 mg/kg (CortancyI®) pendant 5 jours avec relais par la corticothérapie locale. Le traitement peut s’étaler sur 30 jours et la dose administrée est réduite progressivement [67]. La dexaméthasone est également utilisée à une dose de 4 à 12 mg/j par voie intraveineuse ou intramusculaire (Soludécadron®). En cas de persistance des lésions, le choix se fait également pour un corticoïde retard comme l’acétonide de triamcinolone (Kénacort retard®), en injection intramusculaire de 80 mg [32]. Il faut réserver la corticothérapie en bolus, c’est-à-dire par perfusion intraveineuse de 1 g de méthylprednisolone répétée 3 jours de suite pendant 3 mois, aux formes diffuses [32, 33].
Corticothérapie mixte Il existe une autre modalité d’administration des corticoïdes, c’est la corticothérapie mixte. Elle est uniquement réservée aux formes qui sont localisées, notamment aux joues, et qui sont résistantes à la corticothérapie locale, mais aussi aux lésions érosives intransigeantes. La corticothérapie mixte consiste en des injections souslésionnelles d’une suspension de microcristaux de corticoïdes à effet retard, telle la préaméthasone (Dilar®) ou la triamcinolone (Kénacort retard®). L’injection se fait une fois par mois pendant 3 mois entre les deux joues [32, 66]. L’hydrocortisone, la dexaméthasone ou la méthylprednisolone peuvent également être utilisées. Les injections intralésionelles peuvent être extrêmement efficaces et induire la guérison. Cependant, leur action est locale et nécessite l’association à une médication par voie systémique [32]. Lorsque le LPB est associé à une hépatite virale B ou C, on doit d’abord envisager le traitement de l’hépatite virale, tout en sachant que le lichen et l’hépatite n’ont pas toujours une évolution parallèle. Dans certains cas, l’interféron alpha semble favoriser l’activité du lichen ou même son développement. L’hépatite virale contre-indiquant une corticothérapie systémique, on prescrit un traitement à base de Betneval buccal® car le 17-valérate de bêtaméthasone n’est pas absorbé par voie digestive [16, 17].
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Rétinoïdes En alternative est proposée l’utilisation des rétinoïdes par voie systémique : étrétinate (Tigason ® ), isotrétinoïne (Roacuttane®) [68]. Étrétinate (Tigason®) Il s’emploie uniquement par voie générale. L’utilisation de l’étrétinate est malheureusement très limitée par l’importance des effets secondaires qui interviennent à des niveaux multiples : tératogénicité, sécheresse cutanée, muqueuse avec chéilite fissuraire constante, parfois conjonctivite, rarement épistaxis, érythème diffus avec ou sans prurit, chutes de cheveux réversibles, élévation des triglycérides et enfin élévation des transaminases dans certains cas [68]. L’utilisation de l’étrétinate exige une surveillance biologique régulière des fonctions hépatiques et des constantes lipidiques (cholestérol et triglycérides). L’étrétinate est formellement contre-indiqué chez la femme enceinte [68]. La prescription de ce produit chez la femme en période d’activité génitale suppose que toute grossesse soit exclue jusqu’au moins 1 an après l’arrêt du traitement, en raison de la tératogénicité des rétinoïdes [29, 68]. L’étrétinate est contre-indiqué mais de manière plus relative dans l’hypertriglycéridémie, les insuffisances hépatiques sévères, le diabète, l’obésité et l’alcoolisme [68]. La posologie habituelle est de 75 mg/j (trois fois 25 mg) pendant 2 mois, avec diminution progressive pour atteindre une dose d’entretien variable selon le patient [68]. Les rémissions sont toutefois partielles et les récidives fréquentes [29]. Isotrétinoïne (Roacuttane®) C’est le dernier des rétinoïdes. Il s’administre par voie générale et possède une action certaine sur les lichens plans buccaux érosifs [68]. Mais, là encore, les effets secondaires, à peu près identiques à ceux de l’étrétinate, sont très importants et en limitent l’utilisation. Toutefois, l’isotrétinoïne s’élimine plus vite de l’organisme que l’étrétinate (4 semaines contre 140 jours) et la contraception peut être réduite à 2 mois après la dernière prise, ce qui le rend préférable chez la femme en âge de procréer [34, 68]. La fonction hépatique est habituellement préservée, mais des complications osseuses ont été constatées lors de traitement de longue durée (ostéoporose et hyperostose idiopathique diffuse). Enfin, l’association aux tétracyclines doit être évitée car il peut y avoir un risque d’hypertension intracrânienne [68]. D’autre part, une forme topique d’isotrétinoïne a été récemment testée avec des résultats très encourageants, puisque le gel à 0,1 % appliqué deux fois par jour pendant 2 mois permet l’amélioration totale ou partielle sans autres effets secondaires qu’une sensation transitoire de brûlure et parfois une desquamation avec érythème [69]. Un autre type de rétinoïde avec des effets secondaires minimes a été bénéfique dans le traitement du LPB : c’est la fenrétinide (4HPR) [68].
Ciclosporine A La ciclosporine A possède des effets immunosuppresseurs. Elle a une action spécifique sur les lymphocytes T. Ses nouvelles indications sont les maladies dont l’étiologie est auto-immune et qui sont résistantes aux thérapeutiques classiques. La ciclosporine A est réservée aux patients atteints de LPB graves évoluant depuis plus de 6 mois, corticodépendants ou résistants aux autres thérapeutiques. Elle n’est prescrite que lorsque le traitement n’est pas efficace ou est contre-indiqué [70]. Dans le traitement du LPB, le mécanisme d’action de la ciclosporine est basé sur l’inhibition des lymphocytes T helpers, la production de l’interleukine qui est un médiateur dans l’activation des lymphocytes T cytotoxiques, l’inhibition d’autres médiateurs tels que l’interleukine 1 et l’interféron gamma [70, 71]. La ciclosporine utilisée en application topique produit un effet local sur les cellules T médiatrices locales et permet de Stomatologie
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l’inflammation se sont accompagnés d’une amélioration significative et durable du confort des patients, comme le montrent l’évolution des signes fonctionnels et la faible consommation médicamenteuse dans les 6 mois suivant la fin de la cure. On observe également une amélioration de l’état psychologique de certains patients si l’on en juge par la diminution globale du score d’anxiété jusqu’à 6 mois après la cure [80].
prévenir l’action irritante des agents locaux qui tendent à aggraver la réaction inflammatoire [71]. La solution à 100 mg/ml est appliquée sur les lésions avec rinçage un quart d’heure après, ou en bain de bouche, soit l’équivalent d’une dose de 0,25 ml à 1,25 ml quatre fois par jour pendant 2 mois. La ciclosporine est également utilisée sous forme de pâte bioadhésive. La ciclosporine possède un taux de passage systémique qui est faible (inférieur à 150-160 mg/ml), ce qui encourage son utilisation à long terme, et permet une excellente tolérance du traitement et l’absence d’effets néphrotoxiques [71]. Ses effets secondaires sont minimes, et se limitent à un goût désagréable et à une sensation très faible de brûlures au début de l’application. Cependant, elle ne peut être considérée comme une drogue de premier choix étant donné son coût élevé, et l’incertitude des résultats à long terme, du fait de la récidive du lichen plan buccal qui peut survenir de 2 mois à 1 an après l’arrêt de la ciclosporine A, ce qui signifie que son effet est suspensif plutôt que curatif [70, 71].
■ Conclusion Le LPB est une affection cutanéomuqueuse inflammatoire chronique. Cette affection sous-entend une surveillance continue, trimestrielle en cas de forme érosive, qu’elle soit évolutive ou en rémission thérapeutique. Le traitement préventif prend alors toute son importance et autorise le recours aux produits les plus efficaces (dont on met en balance les effets secondaires les plus lourds). La surveillance en est d’autant plus rapprochée. Le lichen plan muqueux, surtout de type érosif, lorsqu’il devient symptomatique, est un signe d’alerte. Il va imposer, après confirmation histologique, une thérapeutique au long cours afin d’obtenir une rémission en espérant par là même assurer la prévention d’une éventuelle dégénérescence maligne. La surveillance de ces patients prend à la longue toute son importance dans le but de dépister précocement la survenue d’un cancer.
Thalidomide C’est un médicament utilisé pour le traitement des lichens érosifs buccaux graves, corticorésistants ou corticodépendants, et en cas de contre-indication à la corticothérapie générale [34]. Le mécanisme d’action de cette molécule reste mal connu, mais l’effet cicatrisant de la thalidomide a été montré sur un grand nombre de lésions inflammatoires érosives ou ulcérées de la cavité buccale. La dose habituelle est 50 à 100 mg/j en une prise le soir pendant une durée de 3 mois. En cas d’échec, elle est augmentée progressivement jusqu’à une dose maximale de 150 mg/j. L’absence, pour l’instant, d’essai de bonne qualité et les effets secondaires possibles de ce traitement en limitent cependant les indications [72, 73].
Tacrolimus
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■ Références [1]
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Dernièrement, l’intérêt s’est focalisé sur un macrolide immunosuppresseur, le tacrolimus [74]. L’efficacité de cette molécule est due à son implication dans l’inhibition de l’activation des lymphocytes T [75]. Kaliakatsou et al. [76] ont réalisé une étude sur 17 patients traités avec du tacrolimus en application topique, pendant une période de 8 semaines. Ils constatent une diminution des symptômes, sans apparition d’effets secondaires importants. Mais une réactivation de LPB est apparue chez 76,5 % des patients 4 semaines environ après l’arrêt du traitement. Ce traitement doit faire l’objet d’études complémentaires pour évaluer son efficacité à long terme [77]. Étant donné le caractère immunosuppresseur du traitement du LPB et l’association de ce dernier à Candida, un traitement antifongique est bien souvent indiqué en première intention [75]. ®
[3] [4] [5]
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[7]
[8]
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Griséofulvine (Griséfuline /Fulcine ) C’est un agent antifongique. Son efficacité dans le traitement des formes cutanées de lichen plan est prouvée. La griséofulvine semble être efficace sur le LPB à la dose de 500 mg/j pendant 2 à 6 mois [74, 75].
[9]
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Photochimiothérapie extracorporelle Elle a été utilisée dans une série de sept patients présentant un lichen buccal érosif sévère et résistant aux autres thérapeutiques mises en œuvre, avec une obtention d’une rémission complète pour tous les patients. Ce traitement d’exception entre cependant plutôt dans le cadre des traitements de la maladie du GVH [78, 79].
[11] [12] [13]
Eau thermale d’Avène Les cures thermales peuvent donner de bons résultats en particulier la cure thermale d’Avène. Une étude réalisée par Boisnic et al. en 2004 [80] auprès de 50 patients présentant un LPB et sans traitement en cours. Les résultats significatifs, cliniques et histologiques, de la présente étude pilote montrent un bénéfice thérapeutique de la cure thermale d’Avène dans la prise en charge du LPB. Les signes objectifs de réduction de Stomatologie
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S. Chbicheb, Professeur assistant en odontologie chirurgicale ([email protected]). Faculté de médecine dentaire, B.P 6212, Rabat-Instituts, Maroc. W. El Wady, Professeur de l’enseignement supérieur, chef de service d’odontologie chirurgicale. Service d’odontologie chirurgicale, C.C.T.D – C.H Ibn Sina, Rabat, Maroc. Toute référence à cet article doit porter la mention : Chbicheb S., El Wady W. Lichen plan buccal. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-050-O-10, 2008.
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Stomatologie [22-050-A-10]
Manifestations buccales des hémopathies
Henri Szpirglas : Attachés-consultant Jean-Pierre Lacoste : Attachés-consultant Oncologie et stomatologie médicale, service du Professeur Guilbert, CHU Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13 France
© 1994 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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INTRODUCTION Les manifestations buccales des hémopathies peuvent revêtir des aspects variés selon les affections considérées et la physiologie pathologique associée. Nous décrivons des lésions élémentaires observées dans chaque syndrome hématologique sans que les lésions soient pathognomoniques d'une entité spécifique ; nous insistons sur les ulcérations neutropéniques ou agranulocytaires, les stomatorragies et les purpuras dans les syndromes hémorragiques, les syndromes anémiques, enfin les lésions buccales plus spécifiques des syndromes prolifératifs. Les manifestations buccales des hémopathies ont été diversement appréhendées tant par les stomatologistes que par les hématologistes, selon l'évolution de la pathologie dans le temps, l'évolution des moyens diagnostiques et des traitements. On peut dire schématiquement que les maladies hématologiques, en particulier les hémopathies malignes, étaient avant 1960 d'évolution gravissime, laissant peu de place au stomatologiste, lui-même peu armé pour traiter les lésions buccales rencontrées chez des patients appelés à une fin rapide. De 1960 à 1970, l'introduction de traitements efficaces des hémopathies a majoré l'intérêt pour les lésions buccales, d'abord pour leur valeur d'orientation diagnostique souvent précoce, ensuite parce que l'allongement de la survie des malades en rendait l'observation plus fréquente et le traitement plus nécessaire, enfin parce que les traitements spécifiques des hémopathies, en particulier la chimiothérapie, faisaient naître une pathologie buccale iatrogène nouvelle. De 1970 à 1980, toute cette pathologie buccale a perdu beaucoup de son intérêt pour les stomatologistes d'abord parce que mieux connue et mieux traitée par les hématologistes,
elle a pratiquement disparu des consultations spécialisées. Les problèmes liés la chimiothérapie sont pratiquement maîtrisés, l'approche des problèmes liés aux foyers infectieux buccodentaires est codifiée, les problèmes hémorragiques sont contrôlés ; il reste d'exceptionnels diagnostics précoces d'hémopathie sur l'observation de signes buccaux évocateurs, rapidement confirmés par les examens de laboratoire. De 1980 à 1990, un regain d'intérêt s'est porté sur la cavité buccale avec l'apparition de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et le SIDA ; nous avions déjà mentionné combien toute la pathologie buccale rencontrée au cours des hémopathies n'est jamais spécifique d'une affection, mais témoigne d'un syndrome, « agranulocytaire ou neutropénique, « thrombopénique », « anémique » ou quelquefois « prolifératif ou hyperplasique ». Désormais toutes ces manifestations buccales peuvent être rencontrées chez un malade immunodéprimé par le VIH et en constituer le symptôme initial, d'autres au contraire peuvent apparaître au cours de la maladie ou en compliquer le traitement [14bis]. Qu'elles soient précoces, tardives ou liées à la thérapeutique, les manifestations buccales des hémopathies n'ont donc aucun caractère pathognomonique et devront être replacées dans leur contexte clinique et surtout biologique. C'est en effet le laboratoire qui permet le diagnostic des hémopathies. La revue des formes élémentaires des différentes lésions buccales peut toujours être utile pour la reconnaissance d'un syndrome hématologique isolé, neutropénique avec les ulcérations, thrombopénique avec les hémorragies, anémique avec la pâleur et les glossites, prolifératif avec les hyperplasies gingivales et les adénopathies cervicales ; toutefois la majorité des affections hématologiques portant directement ou indirectement sur plusieurs lignées de cellules souches ou compartiments cellulaires, les lésions buccales observées associent le plus souvent plusieurs causes qu'il faut savoir discerner.
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MANIFESTATIONS BUCCALES DES SYNDROMES NEUTROPÉ NIQUES OU AGRANULOCYTAIRES
Ulcérations neutropéniques Le syndrome neutropénique s'exprime avant tout par un risque infectieux majeur ; la neutropénie est la diminution des globules blancs (GB) polynucléaires neutrophiles ou granuleux en deçà de 1 800 par mm3 de sang et au maximum leur absence totale ou agranulocytose. Sévère, inférieure 800 GB/mm3 de sang ou totale, la neutropénie est responsable d'ulcérations « neutropéniques » lorsque l'exacerbation de la virulence de germes banaux ou saprophytes de la cavité buccale n'est plus contrôlée (HT fig 1, 2). Ces ulcérations sont arrondies, nécrotiques, à fond sanieux ou sphacélique, elles sont extensives en surface et en profondeur, nécrosant éventuellement l'os sous-jacent ; elles sont douloureuses et entraînent dysphagie, sialorrhée. Elles sont particulièrement sensibles à l'antibiothérapie et guérissent en quelques jours dès lors que la survie du malade est par ailleurs assurée (réanimation hématologique) quand bien même la neutropénie persiste [16]. Le diagnostic étiologique d'une neutropénie (tableau I) [3].
profonde nécessite un myélogramme
Les neutropénies sont rencontrées dans les leucémies et insuffisances globulaires globales et les agranulocytoses pures ; elles s'observent surtout comme une complication des chimiothérapies antimitotiques.
Agranulocytoses pures Le type de description en est l'agranulocytose toxique aiguë au Pyramidon®. Le début est brutal par un état infectieux intense avec hyperthermie à 40 °C, des frissons et une angine ulcéronécrotique ; les ulcérations étant plus volontiers postérieures localisées au voile du palais et à l'oropharynx, elles entraînent sialorrhée et dysphagie ; l'infection se développe rapidement au niveau des poumons et de la peau ; ces agranulocytoses toxiques ou médicamenteuses sont rapportées à un mécanisme immunoallergique ou à une hypersensibilité. La liste des médicaments responsables, outre le Pyramidon®, comporte les antimitotiques, les sulfamides, certains antithyroïdiens de synthèse, le chloramphénicol, la phénylbutazone, les arsenicaux, le bismuth, les sels d'or, les barbituriques, les antihistaminiques. La liste s'allonge tous les jours au fur et à mesure de l'utilisation de produits nouveaux avec la susceptibilité particulière de certains malades à ces corps chimiques.
Agranulocytoses constitutionnelles Elles sont rares. La maladie de Kotsmann, forme familiale du nouveau-né, était rapidement mortelle ; l'agranulocytose chronique des jeunes enfants, sans facteur familial, guérit spontanément en quelques mois. La neutropénie cyclique évoquant soit une anomalie de régulation constitutionnelle, soit une prise cyclique d'un médicament peut se manifester par des ulcérations uniques ou multiples arrondies (HT fig. 3) semblables à des aphtes, ou aphtes réels guérissant spontanément à la fin de la crise neutropénique, marquée par ailleurs par une poussée fébrile et selon son intensité par des infections diverses, otites, bronchopneumopathies itératives. La neutropénie chronique, le syndrome de Felty associent une neutropénie souvent très profonde et une polyarthrite rhumatoïde ; ils sont traités par les corticoïdes.
Diagnostics différentiels des ulcérations neutropéniques Ce sont essentiellement les aphtoses, surtout les aphtes géants et l'aphtose de Behçet, la maladie de Crohn, les ulcérations traumatiques par morsure, dent cariée ou prothèse, les tumeurs ulcérées, pour mémoire la tuberculose et la syphilis à cause des signes généraux associés.
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MANIFESTATIONS BUCCALES DES SYNDROMES HÉ MORRAGIQUES Les stomatorragies ou hémorragies libres de la cavité buccale peuvent être provoquées (extractions dentaires) ou apparemment spontanées, localisées (gingivorragies) (HT fig. 4) ou diffuses, intarissables ou répétées ; les gingivorragies sont les plus fréquentes des manifestations hémorragiques des hémopathies. Les purpuras : les hémorragies sous-muqueuses peuvent être punctiformes, pétéchiales, ou bulleuses (HT fig. 5), ou apparaître en larges taches violacées, tels les ecchymoses (HT fig. 6). L'infiltration des tissus mous constitue les hématomes, à distinguer des oedèmes et des cellulites, voire des tumeurs (HT fig. 7). Ecchymoses et hématomes doivent désormais être distingués aussi des sarcomes de Kaposi évoluant dans le cadre du SIDA.
Bilan des anomalies de l'hémostase et de la coagulation Le bilan est proposé dans le tableau II d'après Dupuy [6bis].
Syndrome thrombopénique La thrombopénie est l'abaissement du nombre des plaquettes au-dessous de 150 000 (normal entre 200 et 400 000) (tableau III) [3]. On observe des thrombopénies d'origine centrale (médullaire) par insuffisance ou aplasie médullaire, par prolifération maligne d'une autre lignée cellulaire (leucémies, métastases de cancer) ; les thrombopénies sont d'origine périphérique par excès de destruction dans la circulation (coagulation intravasculaire disséminée, allergie, lupus érythémateux disséminé) ou par séquestration dans un organe hypertrophié (hypersplénisme) ; certaines thrombopénies sont constitutionnelles, les plus fréquentes sont héréditaires, avec entre 40 000 et 100 000 plaquettes, quelquefois géantes et accompagnées d'anomalies des polynucléaires neutrophiles (inclusions basophiles de la maladie de May-Hegglin), d'autres sont des thrombopathies avec des anomalies qualitatives autant que quantitatives. La thrombopénie est rencontrée au cours d'infections virales dont elle peut être le premier symptôme : oreillons, varicelle, mononucléose infectieuse, rubéole, hépatites, injections vaccinales à virus vivant, et maintenant infection à VIH ; elle est également symptomatique d'infections bactériennes : typhoïde, septicémies à Gram négatif. On rencontre des thrombopénies médicamenteuses, toxiques ou allergiques ; la plus fréquente est due à l'héparine, quelquefois à la quinine, la quinidine et la rifampicine, plus rarement au méprobamate (Equanil®), à la digitoxine, la phénylbutazone, les sulfamides, les diurétiques. Une thrombopénie intense peut être observée au cours de l'alcoolisme aigu, elle est modérée au contraire dans la cirrhose éthylique. Les thrombopénies chroniques dites idiopathiques sont des maladies auto-immunes détruisant les plaquettes au sein de divers tissus, rate, foie etc. Quelle qu'en soit l'origine, la thrombopénie retentit schématiquement sur l'hémostase selon son intensité :
;
jusqu'à 80 000 plaquettes, le temps de saignement (TS) est pratiquement normal
entre 80 000 et 50 000, le TS est allongé : on observe alors purpura buccal et gingivorragies occasionnelles ; en dessous de 50 000 plaquettes, le purpura buccal est évident et le risque hémorragique est majeur en cas d'extraction dentaire ; en dessous de 20 000 plaquettes, les hémorragies sont profuses et incontrôlables localement. Ces indications schématiques doivent être nuancées car des gingivorragies sont observées avec des thrombopénies à 100 000, facilitées sans doute par l'état inflammatoire de la muqueuse (gingivite tartrique par exemple), au contraire des thrombopénies profondes, inférieures à 50 000, peuvent ne pas avoir de traduction clinique et se révéler par une hémorragie sévère l'occasion d'une intervention banale (détartrage, extraction dentaire). Parallèlement aux thrombopénies, on observe des thrombopathies où le nombre des plaquettes peut demeurer normal, elles présentent les mêmes manifestations buccales et les mêmes risques hémorragiques : ce sont des thrombopathies constitutionnelles, dominées par la thrombasthénie de Glanzmann, ou des thrombopathies/thrombopénies acquises médicamenteuses avec l'aspirine (utilisée pour ses propriétés anti-agrégantes plaquettaires), l'indométacine, les tranquillisants, les anesthésiques locaux, la pénicilline etc. ou des thrombopénies associées à des hémopathies malignes, les anémies réfractaires avec atteinte des trois lignées, les syndromes myéloprolifératifs (maladie de Vaquez, leucémie myéloïde chronique, splénomégalie myéloïde), les dysglobulinémies du myélome et de la maladie de Waldenström, des thrombopathies associées à d'autres affections comme l'insuffisance rénale.
Syndromes hémorragiques Syndromes hémorragiques dus à une anomalie vasculaire Purpura rhumatoïde ou syndrome de Shoenlein-Henoch ou purpura rhumatoïde Il sévit essentiellement chez l'enfant, remarquable par son caractère pétéchial touchant surtout les membres inférieurs, symétrique évoluant par poussées ; dans ce syndrome il n'y a pas de gingivorragie. La lésion est une capillarite inflammatoire. La physiopathologie en est mal connue ; il pourrait s'agir de phénomènes vasculaires secondaires à l'existence de complexes immuns circulants au cours d'une réaction contre des antigènes bactériens. La recherche de foyers infectieux dentaires est de règle ; leur éradication a quelquefois entraîné la guérison de l'affection.
Maladie de Rendu-Osler ou angiomatose hémorragique familiale C'est une maladie héréditaire (dominante autosomale) caractérisée par des hémorragies des muqueuses qui en sont souvent la première, voire la seule traduction clinique ; leur répétition attire l'attention et fait rechercher des télangiectasies cutanées, elles se présentent comme un réseau de capillaires distendus ou comme un angiome stellaire centré sur un point rouge vif de la taille d'une grosse tête d'épingle, d'où irradie un réseau vasculaire. La taille habituelle des éléments est de 1 à 2 mm. Leur siège est le plus souvent sur le bord cutanéomuqueux des lèvres (HT fig. 8), mais peut se rencontrer sur la face dorsale de la langue, la face interne des joues, les gencives, la muqueuse vélopalatine, la paroi pharyngée et la muqueuse nasale où elles donnent des épistaxis bien avant les manifestations cutanées qui sont essentiellement faciales.
Hémorragies par fragilité capillaire isolée Tous les tests d'hémostase sont normaux ; on en distingue deux formes : constitutionnelles : la fragilité capillaire touche essentiellement la femme manifeste surtout au moment des règles. Elles n'intéressent le stomatologiste cas d'intervention ; acquises : elles sont une manifestation du scorbut associant des pétéchies muqueuse buccale à une gingivite hypertrophique hémorragique. La vitamine assure rapidement la guérison.
et se qu'en de la C en
Syndromes hémorragiques dus aux troubles de la coagulation Les plus fréquents sont les troubles acquis médicamenteux, par anti-vitamines K et hépariniques, dont les posologies et même les indications doivent être évaluées car beaucoup peuvent être suspendues ou supprimées à l'occasion d'une stomatorragie ou en vue d'une intervention stomatologique. Un taux de prothrombine (TP) entre 25 et 30 % est efficace et sans inconvénient pour le stomatologiste qui dispose de techniques d'hémostase locale [13, 25]. Avec un TP inférieur à 25, le malade est en danger d'hémorragie non seulement stomatologique mais rénale ou cérébrale. Au-dessus de 35, le traitement anticoagulant peut être considéré comme inefficace.
Hémophilies Maladies constitutionnelles héréditaires récessives dont la transmission est assurée par le
dessous de 1 % dans les formes sévères, de 10 % dans les formes modérées. Le plus souvent il s'agit du facteur VIII, antihémophilique A, moins souvent du facteur IX antihémophilique B. Il existe un allongement du temps global de coagulation, mais les erreurs de cet examen sont fréquentes, et il vaut mieux se fier à l'allongement du temps de céphaline kaolin (TCK) ; le TS est normal. Les hémophilies A et B ont les mêmes caractères cliniques, à savoir la répétition d'hémorragies graves, prolongées, incoercibles, toujours provoquées, mais souvent par des traumatismes très minimes. Les hémarthroses fréquentes sont redoutables par leurs séquelles invalidantes. Le problème des hémophiles est pour un grand nombre d'entre eux malheureusement aggravé actuellement par l'inoculation de VIH lors de perfusions de produits sanguins de substitution survenues entre 1982 et 1985, contamination avant que les règles de dépistage systématique du VIH chez les donneurs et surtout la stérilisation des concentrés en particulier par chauffage soient mises en oeuvre.
Hémorragies de la cavité buccale chez l'hémophile Elles sont fréquentes chez le petit enfant par morsure banale en tombant, ou déchirure du frein de la langue ; elles sont particulièrement graves par leur durée et leurs répétitions. Il faut éviter l'hémostase par électrocoagulation de la plaie qui donne une escarre dont la chute entraîne une récidive de l'hémorragie encore plus sévère. Il faut dans un premier temps rechercher le point qui saigne en éliminant les caillots plus ou moins fibrineux et adhésifs mais poreux, puis tenter une simple application de colle au cyanoacrylate, ou Tissucol® en tube ou en spray, éventuellement coller une compresse résorbable ou un pansement de fibres collagènes (Coalgan®, Pangen®). Toutefois, l'électrocoagulation sur pince très fine des points hémorragiques, après essuyage de la plaie, peut rendre service, comme la suture au catgut très fin ; elle doit être complétée par un tamponnement compressif ou un collage.
Hémorragies dentaires chez l'hémophile Elles sont extrêmement fréquentes, inéluctables même, puisqu'elles débutent par la chute spontanée des dents temporaires, quelquefois révélatrice de la tare hémophilique. L'hémorragie peut précéder de longtemps la chute de la dent ou son avulsion et paraître au premier abord spontanée. En fait, la mobilité de la dent suffit à traumatiser la gencive au niveau le plus souvent d'une racine très résorbée ou au bord cervical d'une carie. Chute spontanée ou avulsion réglée, le traitement des hémorragies dentaires fait appel à l'hémostase locale [13, 23].
Hémostase locale après extraction Les extractions dentaires sont de préférence pratiquées sous anesthésie locale chez les patients non substitués. On utilise des pansements alvéolaires hémostatiques qui ont associé d'abord de la thrombine, des éponges de gélatine et de la gaze résorbable (oxycellulose), puis actuellement des éponges ou des compresses de collagène ; ces pansements étaient maintenus par des gouttières de résine acrylique scellées aux dents restantes par de la résine molle ou par des gouttières thermoformées sur modèle en plâtre, ou plus simplement actuellement, par application de colles biologiques type gélatine + résorcine + formol (colle GRF) ou Tissucol®.
Hématomes buccaux Ils sont particulièrement graves par le risque d'asphyxie qu'ils entraînent. Ils siègent dans le plancher buccal ou à la base de la langue, à la suite d'avulsions délabrantes, de dérapages lors de soins dentaires, à la joue, après anesthésie régionale à l'épine de Spix, (dont la contre-indication est formelle dans l'hémophilie non substituée) ou à la paroi pharyngée par plaie pharyngée à l'intubation lors d'une anesthésie générale.
Maladie de Willebrand Maladie constitutionnelle, le plus souvent familiale à caractère dominant, elle associe un allongement du TS et un allongement du temps de coagulation par déficit en facteur antihémophilique A (facteur VIII), par déficit en facteur Willebrand et absence d'adhésivité des plaquettes. En fait, le facteur VIII semble bien être présent mais un de ses activateurs serait absent. Cliniquement, cette maladie associe un purpura ecchymotique des muqueuses buccales, surtout des gingivorragies spontanées incessantes, une certaine prédilection pour des hémorragies amygdaliennes également spontanées, enfin un risque hémorragique en cas d'intervention comparable à celui des hémophilies. La corticothérapie donne souvent de bons résultats par périodes de 10 à 15 jours.
Traitement général des hémorragies buccales Le traitement des hémorragies buccales non contrôlables par l'hémostase locale est substitutif : on compense la déperdition sanguine, quand elle menace la vie du malade, par des transfusions de sang ; on assure l'hémostase générale en ramenant et maintenant le taux de facteur manquant à 30 % environ du taux normal ; injection intraveineuse de fractions concentrées de facteurs VIII pour l'hémophilie A, ces concentrés sont soit prélevés chez plusieurs donneurs, purifiés et lyophylisés, ils contiennent alors 15 à 30 unités par millilitre ; ou perfusion de cryoprécipités, provenant d'un seul donneur en poches de 15 à 20 ml contenant 80 à 100 unités. Pour l'hémophilie B, on utilise le PPSB (prothrombine-proconvertine-facteur Stuart-facteur anti-hémophilique B) qui contient de 500 à 1 000 unités de facteur IX (durée de vie 24 heures). Les concentrés de facteur IX sans prothrombine ni facteurs VII et X sont préférés chez l'hémophile B en cas de traitement intense. Tous les produits utilisés depuis 1985 ont subi le double contrôle des donneurs et des étapes de purifications contre VIH et hépatite B. L'apparition d'un anticorps anticoagulant circulant plus ou moins permanent complique de façon quelquefois dramatique le traitement substitutif des hémophiles. Pour les hémophilies A modérées et les maladies de Willebrand l'injection intraveineuse de DDAVP (1-désamino-8-D-arginine vasopressine), dérivé de la vasopressine (Minirin®), à raison de 0,3 μg/kg permet de multiplier par quatre le taux circulant de facteur VIII et facteur Willebrand [2, 8, 9, 10, 18, 23].
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MANIFESTATIONS BUCCALES DU SYNDROME ANÉ MIQUE Les anémies sont définies par la diminution du taux d'hémoglobine pour 100 ml de sang (normal : 13 g chez l'adulte homme, 12 g chez la femme). En effet, si le plus souvent l'anémie est marquée par une diminution du nombre des globules rouges (normal entre 4,5 et 5 millions/mm3), et/ou de l'hématocrite (normal entre 40 et 54 % chez l'homme), ces trois valeurs peuvent évoluer de façon dissociée selon la cause et la durée de l'affection ou le degré de dilution du sang. Un seul symptôme est commun habituellement à toutes les anémies, c'est la pâleur des muqueuses ; les autres signes stomatologiques doivent être mentionnés pour chaque type d'anémie.
Anémies sidéropéniques Elles sont les plus fréquentes par saignements chroniques digestifs ou génitaux, par carences d'apport ou d'absorption chez le nourrisson, lors de grossesses répétées, ou lors d'états inflammatoires chroniques. Le symptôme majeur de ces anémies est l'asthénie ; les manifestations buccales sont fréquentes, marquées par l'atrophie muqueuse : glossite dépapillée ; perlèche commissurale (chéilite angulaire) avec fissures des lèvres et raghades périlabiales (HT fig. 9) ; dysphagie spasmodique avec atrophie de la muqueuse oesophagienne (syndrome de Kelly-Paterson). Ces anémies ferriprives sont traitées par prescription de fer métal (100 à 200 mg/j) et par traitement de la cause quand cela est possible.
Anémie mégaloblastique de Biermer La glossite de Hunter fait partie de la description classique de la maladie mais son observation est devenue exceptionnelle ; l'atrophie linguale s'installe progressivement. La langue est lisse, dépapillée par disparition des papilles filiformes, et souvent aussi des papilles fungiformes. La muqueuse prend un aspect vernissé, brillant rose pâle. Elle paraît sèche, du fait de la non-retenue de la salive par les papilles. Cette dépapillation touche toute la surface de la langue, ce qui permet de la distinguer des autres glossites : glossites dyspeptiques touchant la partie antérieure de la langue et de couleur carmin, ainsi que des glossites dépapillantes en aires (langue géographique). La langue peut présenter des lésions vésiculeuses ou ulcéreuses, douloureuses et brûlantes au contact des aliments. Cette glossite de Hunter constitue un signe précieux de la maladie de Biemer ; elle apparaît à un moment quelconque de la maladie, peut quelquefois la précéder et dans ce cas en être révélatrice. L'atrophie linguale n'est qu'une partie de l'atrophie généralisée de toute la muqueuse digestive, qui peut exister également au niveau des muqueuses génitales et urinaires. Le diagnostic se pose généralement devant une anémie normochrome normocytaire. Le myélogramme permet d'affirmer la mégaloblastose médullaire, ce qui oriente vers la carence en vitamine B12 et/ou acide folique.
Maladie de Fanconi L'anémie fait partie d'un tableau pancytopénique qui aboutit vers l'âge de 10 ans à une aplasie médullaire. Maladie constitutionnelle à transmission autosomique récessive, elle comporte des anomalies osseuses en particulier craniocéphaliques, des malformations rénales et cardiaques ; une grande fréquence de leucémies et de cancers. Sur le plan dentaire on note des dyschromies (HT fig. 10) et une alvéolyse diffuse (HT fig. 11).
Drépanocytose C'est une anomalie constitutionnelle de la structure de la globine qui résulte d'une mutation ou d'une délétion (remplacement d'une base ou d'un acide aminé par un autre) [19] . La drépanocytose homozygote se révèle dès la petite enfance par une altération de l'état général ou des manifestations articulaires fébriles, des douleurs abdominales ou un ictère hémolytique. L'anémie hémolytique est évidente avec présence d'hématies
falciformes sur lame ; l'évolution est marquée par des crises d'hémolyse répétées et surtout par des thromboses, infarctus spléniques, viscéraux et osseux ainsi que par une déshydratation très importante ; la mort survient dans l'enfance en particulier à cause de complications infectieuses. Chez l'hétérozygote, la maladie est pratiquement asymptomatique, on peut observer des thromboses lors d'hypo-oxygénation profonde pouvant se rencontrer lors d'une anesthésie ou de voyages en avion non pressurisé. Les doubles hétérozygotes (S-C), fréquents aux Antilles, ont une hémolyse chronique avec splénomégalie et surtout des thromboses osseuses, oculaires, spléniques de fréquence variable. Le principal risque chez ces sujets est la nécrose aseptique osseuse que l'on doit distinguer de l'ostéite d'origine dentaire. Le traitement de la drépanocytose est exclusivement symptomatique, antalgiques et réhydratation sont essentiels lors des crises aiguës essentiellement thrombosantes et des transfusions sont nécessaires lors des crises de déglobulisation surtout dans l'enfance.
Thalassémies Il s'agit d'une anomalie constitutionnelle de la synthèse de la globine. La symptomatologie des thalassémies résulte de l'association de plusieurs phénomènes : un défaut de synthèse de l'hémoglobine ; un excès de la chaîne homologue. Bêtathalassémie homozygote ou maladie de Cooley Elle commence dans la petite enfance par une altération de l'état général révélant une anémie microcytaire, hypochrome, hypersidérémique modérément régénérative. Le tableau comporte : un aspect mongoloïde avec « crâne en tour » et à la radiographie, épaississement de la voûte crânienne et aspect en « poils de brosse » ; une splénomégalie ; une grande anisopoïkilocytose avec souvent des cellules en cible ; une résistance globulaire osmotique augmentée ; des signes d'hyperhémolyse (en particulier des dyscolorations dentaires).
L'évolution est le plus souvent mortelle avant 20 ans. Les sujets qui atteignent l'âge adulte sont en règle atteints d'hémochromatose transfusionnelle grave. Delta-bêtathalassémie homozygote Elle réalise un tableau de thalassémie intermédiaire, c'est-à-dire une hémolyse chronique microcytaire avec splénomégalie moins sévère que dans la maladie de Cooley. Bêtaet bêta-delta thalassémies mineures hétérozygotes Elles sont en règle parfaitement supportées ; on trouve le plus souvent une microcytose sans anémie. La maladie se présente donc souvent comme une pseudopolyglobulie microcytaire bien tolérée, dans d'autres cas c'est une anémie modérée. La maladie parfaitement tolérée n'a pas à être traitée, le seul risque étant sa transmission.
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MANIFESTATIONS BUCCALES DES SYNDROMES PROLIFÉ RATIFS Tous les éléments hématopoïétiques peuvent proliférer et constituer des affections tumorales au cours desquelles des lésions spécifiques pourront intéresser la cavité buccale
thérapeutique.
Leucémies aiguës La prolifération des cellules leucémiques affecte tous les organes hématopoïétiques, y compris ceux qui ne l'ont été que pendant la vie embryonnaire, c'est-à-dire moelle osseuse, foie, rate, ganglions. Ces cellules leucémiques passent dans le sang souvent en quantité impressionnante (50 000 à 1 million d'éléments par mm3) mais pas toujours : il existe des leucoses aleucémiques. Selon la morphologie des cellules leucémiques rappelant les lymphoblastes, myéloblastes, monoblastes, ou promyélocytes on distingue des leucémies lymphoblastiques, myéloblastiques, monoblastiques, ou promyélocytaires. On peut en rapprocher les érythroleucémies dont la symptomatologie et l'évolution sont très comparables.
Lésions leucosiques spécifiques Elles sont dues à la prolifération maligne et à l'infiltration des tissus par les cellules leucémiques. La sphère stomatologique offre à l'observateur le signe précoce le plus fréquent des leucémies : les adénomégalies cervicales. On observe aussi avec une certaine fréquence une infiltration des glandes parotides difficiles à distinguer des adénopathies parotidiennes. Enfin 80 % des atteintes méningées leucémiques se manifestent par une paralysie faciale ou une anesthésie mentonnière. Mais surtout l'infiltration des gencives [20], habituelle dans les leucémies monoblastiques, assez fréquente, dans les autres formes, réalise une gingivite hypertrophique (HT fig. 12, 13) (individualisée par Wiseman et Doan). Cette gingivite est caractérisée par une tuméfaction importante du bord libre des gencives, surtout des languettes interdentaires ; cette tuméfaction est diffuse, vestibulaire et linguale, elle intéresse les deux arcades et peut masquer les dents. Au début, la muqueuse est rose pâle et ferme ; les douleurs sont pratiquement nulles. Il convient alors d'éliminer les autres hyperplasies gingivales : le scorbut, rare, gencives tuméfiées et molles, saignantes, dents mobiles ; l'hyperplasie à la diphénylhydantoïne, l'hyperplasie de la grossesse, les parodontites, les hyperplasies d'origine osseuse. Mais rapidement apparaissent sur ces gencives hypertrophiées des ulcérations nécrotiques, puis hémorragiques : ces ulcérations sont souvent dues au syndrome neutropénique associé à la leucémie. Il est une autre étiologie probable à ces ulcérations buccales, c'est la nécrose ischémique par thrombose vasculaire locale du fait de la prolifération cellulaire dans les leucémies hyperleucocytaires ; ces nécroses peuvent s'observer au niveau du palais où la vascularisation controlatérale ne supplée pas la zone thrombosée (HT fig. 14). Les ondontalgies leucémiques : les douleurs osseuses et articulaires sont un des signes révélateurs des leucémies ; dans certains cas les algies dentaires sans cause apparente se sont révélées liées à l'infiltration de la pulpe dentaire par les cellules leucémiques. Là encore, il convient de distinguer cette lésion leucémique directe des infections dentaires secondaires à la neutropénie.
Lésions indirectement liées à la leucose La prolifération monstrueuse quantitativement est faite de cellules immatures inaptes à assumer leur rôle. On assiste donc aux manifestations de trois ordres de l'insuffisance médullaire dont chacune peut exister isolément ou dominer le tableau clinique pendant longtemps. L'anémie est un symptôme presque constant. La pâleur des muqueuses buccales, leur décoloration suit assez fidèlement le degré de l'anémie ; elle est le plus souvent très intense, de 1 à 2 millions de globules rouges. Sur le plan général elle provoque l'asthénie, les vertiges, l'essoufflement. Elle peut s'aggraver brutalement par une hémorragie. La thrombopénie détermine d'abord des gingivorragies dont il faut savoir qu'une première
poussée isolée peut précéder de quelques semaines la manifestation des autres signes de la leucémie ; c'est un suintement de sang un peu pâle au niveau de la sertissure gingivale du collet des dents ; puis apparaissent des taches purpuriques disséminées ou groupées en n'importe quel point de la muqueuse buccale, mais surtout aux gencives, aux joues, au voile du palais (HT fig. 15). Il peut exister d'autres manifestations hémorragiques, épistaxis, hématuries, hémorragies des centres nerveux, etc., et bien entendu d'autres localisations purpuriques ou encore des ecchymoses cutanées. La thrombopénie peut survenir brutalement par coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) surtout au cours des leucémies promyélocytaires, réalisant un tableau d'hémorragie diffuse et intense. La neutropénie était responsable des manifestations buccales les plus bruyantes des leucémies avant l'utilisation des antibiotiques ; elles reproduisaient sur toute la muqueuse buccale les ulcérations ulcéronécrotiques extensives des agranulocytoses. La fréquence des ulcérations dues à la neutropénie des leucémies semble avoir diminué, mais son incidence sur l'évolution des lésions inflammatoires diverses habituellement banales (accidents d'évolution dentaire, granulomes ou culs-de-sac pyorrhéiques) pose aux stomatologistes de difficiles problèmes. D'abord ces accidents prennent une acuité inhabituelle et surtout une intervention intempestive provoque une bactériémie puis une septicémie difficiles à contrôler, ou entraîne une hémorragie d'une exceptionnelle gravité. Quand l'affection a été reconnue, l'hématologiste peut être tenté de demander la suppression des foyers infectieux dentaires avant de mettre en oeuvre un traitement qui, pour assurer la rémission, imposera le plus souvent une aplasie quasi totale.
Recherche et traitement des foyers infectieux dentaires La recherche des foyers infectieux dentaires doit faire partie du bilan initial de la maladie hématologique [22], et la radiographie panoramique nous paraît aussi nécessaire que le cliché pulmonaire ; c'est la confrontation de l'examen clinique et de ce cliché global des arcades dentaires qui permettra de distinguer les foyers infectieux responsables d'accidents aigus, les foyers infectieux latents et les foyers infectieux potentiels. Nous pensons qu'il ne faut intervenir que la main forcée par exemple sur une infection dentaire aiguë, évidente, dans le cas où elle semble non contrôlable par les antibiotiques (abcès collectés, cellulites) ; il convient au contraire d'attendre la rémission de la leucémie pour pratiquer l'éradication des foyers dentaires latents, foyers infectieux chroniques, comme les granulomes ; chez ces malades souvent hautement fébriles, il faut savoir écarter la responsabilité de ces foyers dentaires latents et, partant, éviter une intervention inopportune. Mais il ne faut pas non plus trop tarder à éliminer les foyers infectieux dentaires car l'aplasie médullaire peut survenir de façon fortuite au cours du traitement d'entretien ou sur rechute hématologique. Les extractions sont pratiquées de préférence avant une réinduction, au moment où la moelle a réinstauré une crase sanguine et un taux de globules blancs acceptable. En cas de thrombopénie chronique (inférieure à 100 000 plaquettes) une hémostase locale devra être instituée. Quant aux foyers potentiels, c'està-dire aux traitements radiculaires incomplets ou dents incluses sans lésion péricoronaire, il nous paraît raisonnable de ne pas imposer leur extraction compte tenu du faible risque d'infection opposé à l'inconfort, voire aux risques d'une intervention [12]. Il convient aussi dès que possible d'assurer le nettoyage de la cavité buccale, par un détartrage, par le nettoyage des prothèses amovibles qui devront séjourner de façon systématique dans une solution antiseptique (Bétadine®) un temps quotidien suffisant ; l'hygiène buccale sera assurée en plus des brossages dentaires, tant qu'ils sont possibles, par des bains de bouche antiseptiques (chlorhexidine) et antifungiques (Fungizone solution®), dilués dans une solution alcaline (sérum bicarbonaté à 14 ‰ ).
Lésions liées directement ou indirectement à la thérapeutique Les progrès des chimiothérapies et des polychimiothérapies antimitotiques ont transformé le pronostic des leucémies, ainsi pour l'ensemble des leucémies dont l'évolution se comptait en semaines, le bilan varie selon la variété : dans la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) de l'enfant, on obtient 90 % de rémissions complètes en première poussée et la médiane de survie (durée atteinte par 50 % des malades) se situe entre l'âge de 4 et 5 ans, certains malades ayant dépassé 10 ans considérés comme guéris ; pour la LAL de l'adulte, on obtient 80 % de rémissions complètes, et la médiane de survie est de 15 mois ; dans la leucémie aiguë promyélocytaire, 75 % de rémissions complètes,
(LAM), 50 à 70 % de rémissions complètes, médiane de survie 15 mois. Pratiquement, l'obtention des rémissions se fait au prix de périodes plus ou moins longues d'aplasie médullaire souvent très profonde. La couverture antibiotique de ces traitements permet habituellement d'éviter l'apparition des ulcérations buccales neutropéniques. Cependant les chimiothérapies antimitotiques et spécialement les drogues antifoliques (méthotrexate) sont responsables d'ulcérations superficielles, érosions diffuses de la muqueuse buccale, souvent très douloureuses, quelquefois hémorragiques (HT fig 16). Ces lésions indépendantes de l'aplasie sont le reflet direct de l'arrêt de la réparation du film muqueux et distinctes en cela des ulcérations nécrotiques de l'agranulocytose. Elles sont très importantes à reconnaître car elles précèdent de peu les autres manifestations toxiques des antifoliques et plus spécialement les hémorragies digestives. Elles commandent le changement de drogues sinon l'arrêt du traitement. Avec le méthyl GAG, on observe une toxicité muqueuse constante et des ulcérations pharyngées, là encore bien avant la dose aplasiante. Certaines anthracyclines à dose aplasiante sont responsables de stomatites ulcéreuses très intenses, ces ulcérations intéressant finalement tout le tube digestif [1, 6, 23] . La corticothérapie est toujours largement utilisée dans le traitement des leucémies. Elle est responsable des bouffissures du visage (syndrome de Cushing) se traduisant en bouche par un oedème des joues et de la langue. Les irradiations totales suivies de greffes de moelle osseuse sont utilisées actuellement dans le traitement des leucémies ; elles sont le plus souvent complémentaires d'une chimiothérapie de préparation à la greffe. L'agranulocytose expérimentale réalisée fait apparaître les symptômes buccaux classiques [5, 11, 17, 24] . Mais la greffe de moelle utilisée dans le traitement des aplasies est quelquefois marquée par une réaction de la greffe contre l'hôte (GVH). On observe, au cours de la GVH, une éruption semblable au lichen plan cutané et muqueux, les signes buccaux sont cliniquement et histologiquement identiques au lichen plan buccal (HT fig. 17, 18) ; ils précèdent l'éruption cutanée ou restent isolés. Ce LPLE (« lichen plan like eruption ») des réactions contre l'hôte est un argument en faveur d'une origine immunitaire du lichen plan [15]. Dans les formes érosives diffuses, l'utilisation de ciclosporine A en badigeonnage des lésions a pu être efficace, y compris chez des patients déjà traités par ciclosporine A par voie générale. On a noté aussi des asialies entrant dans le cadre de syndromes de Gougerot-Sjögren. Les candidoses peuvent à tout moment compliquer le tableau clinique du fait de l'immunodépression liée à l'affection ou au traitement ; elles prennent l'aspect d'un muguet extensif tapissant la langue, les joues, les gencives et le palais ; on utilise des bains de bouche composés (eau bicarbonatée à 14 ‰ : 500 ml, Eludril® 1 flacon, Fungizone® 1 flacon), le Dactarin® gel buccal, le fluconazole (Triflucan®) par voie générale.
Leucémies chroniques (et tumeurs apparentées) Leucémie myéloïde chronique (LMC) Caractérisée par une hyperleucocytose granuleuse avec myélémie et une splénomégalie parfois volumineuse, elle offre peu de signes buccaux avant la phase de transformation aiguë, sauf en cas d'aplasie médullaire thérapeutique ; la chimiothérapie des LMC fait appel au Misulban®, responsable parfois de la coloration violette des muqueuses buccales ; par ailleurs la LMC partage avec les autres syndromes myéloprolifératifs polyglobulie de Vaquez, thrombocythémie essentielle, splénomégalie myéloïde, un risque de thrombose vasculaire qu'il faut redouter en cas d'intervention stomatologique même minime.
Leucémie lymphoïde chronique (LLC) Prolifération maligne de cellules lymphoïdes mûres, monoclonales, généralement des lymphocytes B, elle se manifeste souvent par des adénopathies cervicales, symétriques et indolores, plus rarement par des tumeurs amygdaliennes ou salivaires ; les infections sont fréquentes, dues à la neutropénie et au déficit immunitaire. Le cours d'une LLC peut se compliquer de la survenue d'un cancer dans la cavité buccale ou la sphère ORL ; l'association à un lymphome non hodgkinien constitue le syndrome de Richter.
Maladie de Waldenströ m C'est une prolifération maligne monoclonale de lymphocytes B qui maturent jusqu'aux plasmocytes ; ceux-ci sont responsables de la sécrétion dans le sérum d'une IgM monoclonale identifiée à l'immunoélectrophorèse. Comme dans la LLC, on rencontre des masses lymphoïdes qui peuvent être des adénopathies cervicales ou des tumeurs amygdaliennes ou salivaires. L'existence de troubles de la coagulation par inhibition des fonctions plaquettaires est responsable de gingivorragies et d'épistaxis et entraîne un risque d'hémorragie sévère en cas d'intervention stomatologique.
Plasmocytomes Ce sont des formations tumorales constituées exclusivement ou presque de cellules plus ou moins matures de la lignée plasmocytaire. Le plus souvent multiples et développées dans la moelle des os, elles réalisent le tableau classique du myélome multiple ou maladie de Kahler ; les géodes crâniennes bien circonscrites sont caractéristiques, les localisations mandibulaires ou faciales sont d'un diagnostic déjà plus nuancé, fondé sur la recherche des autres foyers squelettiques, de la protéinurie de Bence-Jones (chaîne légère des immunoglobulines) et des anomalies biologiques (vitesse de sédimentation accélérée, immunoglobuline monoclonale, le plus souvent une IgG). Mais il existe de rares cas où le foyer osseux est unique, c'est le plasmocytome solitaire des os ; plus fréquemment la tumeur peut se développer dans les tissus mous ; ce sont les plasmocytomes extramédullaires. Au niveau des maxillaires, le plasmocytome solitaire devra être distingué d'une ostéomyélite, d'un kyste, d'un carcinome, mais surtout d'un améloblastome ou d'une tumeur à myéloplaxes. Dans les tissus mous, le plasmocytome affecte surtout les gencives réalisant une hypertrophie lisse ou bourgeonnante, localisée ou diffuse (HT fig. 19). Le diagnostic des plasmocytomes solitaires est rarement clinique, mais toujours histologique. La difficulté est de pouvoir affirmer l'unicité du foyer pour en fixer le traitement et le pronostic, en principe meilleur que la maladie de Kahler. Il faut rattacher aux plasmocytomes l'atteinte diffuse de la moelle osseuse, avec ou sans passage dans le sang des éléments plasmocytaires, sans foyers tumoraux décelables ; ce sont la leucose et la cryptoleucose à plasmocytes.
Amyloïdose buccale Elle complique le myélome dans 10 % des cas, mais elle peut aussi coexister avec une maladie de Hodgkin, plus rarement avec une autre lymphopathie. C'est une amyloïdose de type AL. Cette infiltration systématisée de matière amyloïde affecte la peau, les muscles et les muqueuses, surtout la langue, elle réalise une macroglossie, évoluant par poussées ; la gêne fonctionnelle est rapidement importante. La langue peut atteindre un volume énorme et déborder hors des arcades dentaires ; ses bords sont très infiltrés, semés de nodules arrondis ; sa face dorsale est parsemée de petits éléments papuleux de teinte blanche ou blanc rosé. C'est alors que des pétéchies, des ecchymoses, des ulcérations peuvent se surajouter aux éléments caractéristiques, la langue est soit d'une dureté ligneuse, soit mollasse, permettant la palpation des nodules profonds (HT fig. 20). L'atteinte labiale réalise une macrocheilie surtout inférieure que parsèment des éléments papulonodulaires et bulleux. Les glandes sous-maxillaires, les ganglions sous-maxillaires et sous-mentaux peuvent également être infiltrés. Les atteintes gingivales, vélopalatines, jugales et pharyngées sont plus rares ; cette moindre fréquence est à l'origine de la désaffection des biopsies gingivales pour assurer le diagnostic d'amyloïdose.
Mononucléose infectieuse (MNI)
Improprement appelée angine à monocytes, elle est secondaire à une contamination par le virus d'Epstein-Barr (EBV). C'est une affection assez fréquente chez l'enfant et l'adulte jeune. Des adénopathies cervicales, la splénomégalie, la fièvre et l'asthénie intense, une hyperleucocytose à 20 000 GB, dont 60 à 90 % de lymphocytes bleus peuvent en imposer pour une leucémie aiguë. Un élément négatif permet de redresser le diagnostic : il n'y a jamais d'anémie. A partir du 10e jour, la preuve peut en être faite par la réaction de PaulBunnell-Davidshon ou le MNI test ; mais des mononucléoses infectieuses séronégatives ne sont pas exceptionnelles. Les lésions buccopharyngées sont soit simplement érythémateuses ou érythématopultacées quelquefois ulcéronécrotiques ; leur siège de prédilection est amygdalien ; on a mentionné également des pétéchies palatines et des parotidites non suppurées ; la guérison spontanée survient en 15 à 20 jours.
Lymphomes Maladie de Hodgkin La maladie de Hodgkin ou lymphogranulomatose maligne s'individualise dans les étalements de ponction tumorale (surtout ganglionnaire) par la présence de cellules de Sternberg, mêlées à des cellules de type varié au sein d'un granulome ; sur le plan clinique, et tout spécialement stomatologique, la symptomatologie peut évoquer une leucose lymphoïde chronique dans les formes généralisées avec polyadénopathie fébrile ou un sarcome dans les formes localisées. Il faut retenir la prédilection de la lymphogranulomatose maligne pour les ganglions cervicaux inférieurs, touchés souvent en premier et isolément ; on a noté également les localisations isolées initiales amygdaliennes, linguales et salivaires (sous-maxillaires et parotidienne). Enfin, la période terminale de l'affection comporte tous les signes buccaux des complications leucopéniques, anémiques, thrombopéniques de l'insuffisance médullaire, et de la radiothérapie qui émaillent en cours de route la symptomatologie de leurs signes propres. La fréquence des guérisons ou des longues rémissions doit rendre attentif au risque de lésions dentaires après radiothérapie par grands champs (Manteler) incluant les glandes salivaires, et faire instituer une prophylaxie de ces lésions par application de gel fluoré ou utilisation de pâtes dentaires à très hautes teneurs en fluor [25].
Lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) Les lymphomes malins (HT fig. 4 et 21) sont des proliférations cellulaires malignes monoclonales développées à partir des éléments des organes lymphoïdes secondaires. A côté du lymphome de Hodgkin, entité anatomoclinique bien définie, on distingue deux types de lymphomes dits par opposition : « non hodgkiniens ». Si aucune étiologie ne peut encore être mise en évidence, on peut noter la conjonction de plusieurs facteurs : géographique dans le lymphome de Burkitt africain ; viral : le EBV ; des facteurs liés à l'hôte, génétique ou immunologique : immunodépression (SIDA), maladie auto-immune (Gougerot-Sjögren). Cependant, à l'heure biologie moléculaire histopathologique dite malignité, les LMNH intermédiaire.
actuelle, les progrès de l'immunomarquage, les techniques de ont permis une meilleure définition de la classification de Kiel qui distinguait les LMNH à petites cellules de faible à grandes cellules de forte malignité et ceux à malignité
En stomatologie, les LMNH ont deux traductions cliniques : une adénopathie cervicofaciale, ou une tumeur de la sphère maxillofaciale [21]. L'adénopathie est sans aucun doute la forme révélatrice la plus fréquente ; elle est classiquement ferme, élastique, indolore, unique ou multiple, fixée ou non. Il faudra faire alors le bilan classique d'une adénopathie cervicofaciale : rechercher une porte d'entrée locorégionale ; faire un bilan clinique et paraclinique comprenant : numération formule
sanguine, vitesse de sédimentation, radio pulmonaire, panoramique dentaire, électrophorèse des protéines, intradermo-réaction à la tuberculine, MNI test, ainsi qu'une étude sérologique ; toxoplasmose, cytomégalovirus, EBV, VDLR/TPHA (syphilis), VIH1, VIH2 (SIDA).
Si aucune étiologie n'est retrouvée, il faudra réaliser une exérèse d'un ganglion car seul l'examen histologique et cytologique, voire culture et examen bactériologiques (mycobactéries) pourront donner le diagnostic. La tumeur de la sphère maxillofaciale est beaucoup plus rare ; l'anneau de Waldeyer est la plupart du temps atteint (amygdale), mais on peut noter l'atteinte du palais dur ou de la gencive qui se traduit par une tuméfaction lisse, tendue, ferme, non douloureuse, recouverte d'une muqueuse apparemment saine. Parfois, une ulcération peut faire ressembler la lésion à un carcinome épidermoïde (HT fig. 21). Les lymphomes développés à partir des sinus donnent des signes rhinologiques isolés au début, puis du fait de l'extension par contiguïté, des signes osseux et enfin une atteinte de la muqueuse buccale. L'atteinte des glandes salivaires est plus fréquente au niveau des parotides que des glandes sous-maxillaires ou sublinguales. L'atteinte simultanée de plusieurs glandes peut exceptionnellement se rencontrer chez les malades séropositifs pour le virus VIH. Certains lymphomes sont décrits dans l'évolution tardive d'une maladie de GougerotSjögren. Le bilan des LMNH est maintenant standardisé, il comprend : hémogramme, biopsie médullaire, scintigraphie osseuse si nécessaire, scanners thoracique et abdominopelvien, lymphographie si besoin. Ce bilan permettra, la plupart du temps, de classer l'atteinte dans l'un des quatre stades de la classification de Ann Arbor [7] : stade 1 : envahissement d'un seul territoire anatomique ; stade 2 : envahissement de plusieurs territoires, du même côté du diaphragme ; stade 3 : envahissement de plusieurs territoires, de part et d'autre du diaphragme ; stade 4 : dissémination extralymphatique autre que par contiguïté. La thérapeutique est dominée essentiellement par la chimiothérapie et la radiothérapie. L'exérèse d'une tumeur isolée peut être envisagée car elle conduit au diagnostic mais elle doit être suivie de radiothérapie et éventuellement de chimiothérapie.
Histocytoses langerhansiennes Les histiocytoses X ou langerhansiennes associent une prolifération de cellules histiocytaires spumeuses d'allure bénigne, à une réaction éosinophile. Elles regroupent trois affections très différentes cliniquement. Le granulome éosinophile est une lacune osseuse de découverte souvent fortuite, souvent mono-ostéotique, elle donne au niveau de l'os alvéolaire une ostéolyse plus ou moins étendue (HT fig. 22) avec une atteinte gingivale d'allure parodontopathique (HT fig. 23). Le syndrome de Hand-Schüller-Christian associe, chez l'adulte jeune ou le grand enfant, des lacunes osseuses (granulomes éosinophiles) une exphtalmie et un diabète insipide par lésion posthypophysaire. La maladie de Letterer-Siwe [14] atteint le nourrisson et comporte une dermatose diffuse, des infections sur lésions osseuses spécifiques (mastoïdites) des lésions pulmonaires et souvent, quelquefois même isolées au début, des lésions osseuses maxillaires avec envahissement gingival diffus et expulsion des germes dentaires temporaires et des follicules des dents permanentes (HT fig. 24). Ces trois formes d'histiocytose comportent des formes incomplètes et des formes de passage. Le traitement fait appel à la chimiothérapie dans les formes sévères et disséminées (Letterer-Siwe), la radiothérapie quelquefois ou le simple curetage des lacunes osseuses dans les formes limitées. Le pronostic est très difficile à assurer compte tenu de l'évolution capricieuse de ces affections.
Polynucléoses Elles sont quelquefois apparemment isolées ; leur origine sera recherchée au niveau d'un foyer infectieux dentaire ou révélera un cancer de la cavité buccale, ou un tabagisme exprimé aussi par les enduits tabagiques dentaires ou la gingivite ou les kératoses tabagiques [12]. Il existe des anomalies qualitatives des polynucléaires : la moins rare est la granulomatose chronique familiale ; toutes sont responsables d'infections buccodentaires chroniques et/ou itératives.
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dentaires
et
troubles
de
la
coagulation. Rev
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Tableaux
Tableau II. Tableau II. - Tests de d�pistage des anomalies de l'h�mostase primaire et/ou de la coagulation (d'apr�s Dupuy
[6 bis]).
Num�ration plaquettaire
TS
Thrombop�nies
Temps de Quick
TCA
N
N
N
N N
(cong�nitales ou acquises) Thrombopathies - cong�nitales
N ou
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N
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Maladie de
N
N
Willebrand H�mophilie A ou B
N
N
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D�ficit en facteurs
N
N
N
XI, XII Afibrinog�n�mie
N
CIVD TS : temps de saignement ; TCA : temps de c�phaline activ� ; CIVD : coagulation intravasculaire diss�min�e.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-050-F-10 – 5-045-A-10
22-050-F-10 5-045-A-10
Stomatologie et grossesse S Agbo-Godeau
Résumé. – Les variations hormonales au cours de la grossesse sont responsables de deux manifestations pathologiques fréquentes mais non spécifiques : la gingivite et l’épulis. La grossesse pose le problème de la prise en charge des soins dentaires et de certaines pathologies stomatologiques. Les contre-indications thérapeutiques sont rares au cours de la grossesse mais doivent être impérativement respectées. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : grossesse, gingivite, épulis, soins dentaires et grossesse, traitements et grossesse.
Introduction Les modifications hormonales rythmant les différentes phases de la vie d’une femme (puberté, cycles menstruels, contraception orale, grossesse, allaitement et ménopause) ont une influence sur la sphère buccale [5]. La grossesse entraîne des modifications hormonales importantes et rapides sur une courte durée. Deux aspects sont à prendre en considération, la pathologie stomatologique en rapport avec la grossesse et la prise en charge des pathologies buccales au cours de la grossesse, en tenant compte des éventuelles contreindications médicamenteuses.
Influence des hormones œstroprogestatives sur la cavité buccale La gencive contient des récepteurs pour les hormones stéroïdes. Dans la gencive inflammatoire, le métabolisme de la progestérone est deux à trois fois plus élevé que dans la gencive saine ; il y a donc peu de forme active. Au cours de la grossesse, ce métabolisme gingival n’augmente pas ; la concentration de forme non métabolisée, donc active, est alors importante et favoriserait l’augmentation de la perméabilité des vaisseaux [8]. Par ailleurs, l’inhibition de la migration des cellules de l’inflammation et l’action immunosuppressive de la progestérone sur les tissus buccaux favorisent la prolifération de certains germes. Toutes ces modifications physiologiques pourraient expliquer les réactions gingivales inflammatoires exagérées rencontrées au cours de la grossesse.
Pathologies buccodentaires en rapport avec la grossesse SOINS DENTAIRES
Un vieil adage disait « une grossesse, une dent » ; contrairement à cette idée fréquemment répandue, aucune étude n’a démontré que la grossesse favorisait la survenue de caries.
Scarlette Agbo-Godeau : Attaché consultant, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale du professeur Jean-Charles Bertrand, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Dans la crainte d’un risque à la fois fœtal et maternel, les praticiens ont souvent une appréhension pour effectuer des soins dentaires. Certains peuvent être repoussés jusqu’à la naissance du bébé, mais en cas d’urgence, pulpite par exemple, il n’y a pas de contreindication à effectuer les gestes nécessaires chez la femme enceinte [4]. Quelques précautions simples doivent être respectées : utiliser des anesthésiques locaux non adrénalinés ; limiter la durée des soins, surtout en fin de grossesse quand le décubitus dorsal peut entraîner une compression de la veine cave provoquant des malaises. À la suite des interrogations concernant l’éventuelle toxicité des dérivés mercuriels secondaires au relargage de mercure à partir des amalgames dentaires, il est recommandé d’« éviter par prudence la pose et la dépose d’amalgames pendant la grossesse et l’allaitement » (Journal officiel, 2 janvier 2001). Là encore, une situation d’urgence dentaire peut conduire à la dépose d’un amalgame pendant ces deux périodes. PATHOLOGIE MUQUEUSE
¶ Gingivite La fréquence des gingivites gravidiques est difficile à évaluer ; elle est variable selon les auteurs (de 10 à 70 %). L’importance de l’atteinte est corrélée au niveau socioprofessionnel, à l’état dentaire préalable, au degré d’hygiène buccodentaire [6]. Elle peut s’observer chez une femme dont l’hygiène dentaire est correcte. Elle est expliquée en partie par les altérations tissulaires dues aux modifications hormonales mais également par des changements dans les habitudes alimentaires. La gingivite débute à partir du deuxième mois de la grossesse et tend à s’atténuer vers le huitième mois. Sans aucun caractère particulier, elle est secondaire à l’accumulation de plaque dentaire sur la gencive. Au départ, la gencive marginale, au collet des dents, devient œdématiée, rouge, perd son aspect granité. À un stade ultérieur, les papilles interdentaires deviennent congestives et la gencive saigne au moindre attouchement. La gingivite peut être localisée à un secteur dentaire ou être plus étendue, voire généralisée. Elle est peu douloureuse et en conséquence souvent négligée, d’autant que le saignement des gencives n’est pas toujours considéré comme étant pathologique. Une atteinte parodontale au cours de la grossesse pourrait être associée à un risque plus élevé de naissance prématurée [3].
Toute référence à cet article doit porter la mention : Agbo-Godeau S. Stomatologie et grossesse. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-050-F-10, Gynécologie/Obstétrique, 5-045-A-10, 2002, 4 p.
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EMC [301]
Stomatologie et grossesse
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Épulis.
Stomatologie Gynécologie/Obstétrique
inconnue ; des facteurs locaux sont parfois incriminés (traumatismes, restaurations dentaires défectueuses) associés à une hygiène buccale insuffisante ; le plus souvent, aucune cause locale n’explique la survenue de ces lésions. Les facteurs hormonaux sont prépondérants puisque ces épulis régressent après l’accouchement ou à l’arrêt de l’allaitement et récidivent lors des grossesses ultérieures, souvent plus précocement et plus volumineuses. L’attitude thérapeutique est à adapter à chaque cas, la difficulté n’étant pas d’intervenir chez une femme enceinte mais la récidive rapide de la lésion « hormonodépendante ». Une petite tumeur, siégeant dans un secteur dentaire non visible, saignant peu et débutant en fin de grossesse, peut être laissée en place et sa régression est contrôlée après l’accouchement. À l’inverse, si la lésion débute plus tôt, siège dans un secteur visible, saigne facilement, l’excision chirurgicale ou la photocoagulation au laser CO2 peuvent être envisagées, sous anesthésie locale. La lésion récidive généralement dans les semaines suivantes. Une alternative au geste chirurgical est la cryothérapie, qui est facilement effectuée sans anesthésie et permet de maîtriser les saignements pendant quelques semaines ; elle peut être renouvelée plusieurs fois et sans risque jusqu’à l’accouchement. Une antibiothérapie à bonne diffusion gingivale (azithromycine par exemple) améliore également, temporairement, les lésions. En post-partum, une exérèse chirurgicale sous anesthésie locale est parfois nécessaire sur des lésions résiduelles. Si l’épulis au cours d’une grossesse est banale, elle ne doit pas faire méconnaître l’existence de tumeurs gingivales malignes [ 2 ] (hémopathies, carcinomes épidermoïdes, ostéosarcomes), suspectées sur des lésions rapidement évolutives, entraînant des mobilités dentaires par envahissement de l’os alvéolaire. Devant une telle suspicion, l’état de grossesse ne doit pas faire retarder la conduite diagnostique ; une biopsie peut être pratiquée sous anesthésie locale et des clichés radiographiques effectués. La prise en charge d’une néoplasie survenant au cours d’une grossesse impose une prise en charge pluridisciplinaire cancérologique et obstétricale.
¶ Pemphigoïde gravidique
2
Épulis à 8 mois de grossesse.
Le traitement des gingivites gravidiques ne diffère pas de celui des gingivites banales. Il repose sur une amélioration de l’hygiène buccale (brossage et fil dentaire) et alimentaire, associée au détartrage. Une antibiothérapie n’est pas indiquée dans les gingivites car elles sont complètement réversibles après suppression mécanique de la plaque dentaire. L’évolution vers des formes hémorragiques sévères ou ulcéronécrotiques ne doit pas faire méconnaître une pathologie générale sous-jacente (hémopathie, syndrome d’immunodéficience acquise [sida]).
¶ Épulis Cette tumeur gingivale, qui ne se rencontre pas exclusivement au cours de la grossesse, est le principal motif de consultation de la femme enceinte en stomatologie. Elle survient essentiellement pendant les 2 derniers trimestres de la grossesse ; sa fréquence de survenue est estimée à 5 %. C’est une tumeur gingivale nodulaire (fig 1), siégeant entre deux dents, parfois en bissac quand elle s’extériorise à la fois du côté palatin ou lingual et du côté labial ou jugal. Elle est pédiculée ou sessile, rouge, indolore et saigne au moindre contact. La gingivorragie peut être exceptionnellement incoercible, difficilement contrôlable par les moyens d’hémostase locale [9]. L’épulis peut être volumineuse (fig 2), pouvant entraîner un certain degré de mobilité dentaire mais sans déplacements dentaires. Il n’y a pas de spécificité histologique : l’épithélium est normal ou acanthosique ; le chorion est hypervascularisé avec un infiltrat inflammatoire dense, essentiellement plasmocytaire. L’étiologie est 2
C’est une dermatose bulleuse auto-immune de la jonction dermoépidermique avec prédisposition génétique [1]. Elle débute au deuxième ou troisième trimestre de la grossesse, plus rarement après l’accouchement. L’éruption cutanée est prurigineuse, constituée de plaques urticariennes, de bulles, débutant dans la région périombilicale puis s’étendant, pouvant atteindre le visage et la muqueuse buccale. Le diagnostic est confirmé par l’examen histologique qui retrouve un décollement sous-épidermique ; l’immunofluorescence directe montre des dépôts linéaires de C3 sur la jonction dermoépidermique. Le traitement repose sur les antihistaminiques anti-H1, la corticothérapie topique ou générale selon l’importance des lésions. Le pronostic fœtal est bon, avec cependant un risque d’hypotrophie et de prématurité. Dans quelques rares cas, le nouveau-né a des lésions cutanées transitoires. La maladie comporte un risque de récidive lors des grossesses ultérieures. MODIFICATIONS SALIVAIRES
La sialorrhée de la grossesse est une constatation fréquente. Elle peut être en rapport avec les perturbations digestives fréquentes au cours de la grossesse (nausées, reflux gastro-œsophagien). Elle entraîne rarement un inconfort majeur.
Pathologies stomatologiques et grossesse INFECTIONS VIRALES
La primo-infection herpétique peut se rencontrer chez l’adulte et pose la question, chez la femme enceinte, du risque de transmission fœtale et de ses conséquences sur l’enfant à naître. L’herpès néonatal
Stomatologie et grossesse
Stomatologie Gynécologie/Obstétrique
est une complication redoutable, essentiellement secondaire à un herpès génital (herpès simplex virus [HSV] 2) lors de l’accouchement, mais il existe des cas non expliqués peut-être liés à une contamination lors d’une primo-infection buccale (HSV1). Il est donc important de diagnostiquer une gingivostomatite herpétique de primo-infection chez la femme enceinte et de la traiter avec de l’aciclovir. Au cours du sida, le risque de transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) au fœtus par voie transplacentaire ou lors de l’accouchement a été diminué de manière significative ces dernières années grâce aux traitements antirétroviraux administrés à la mère séropositive pendant sa grossesse. Une prise en charge spécialisée est donc indispensable. La parotidite ourlienne peut s’observer chez des femmes enceintes non immunisées, mais le risque fœtal n’est pas connu. Par précaution, il est recommandé l’injection d’immunoglobulines spécifiques en cas de contage. SYPHILIS
Son dépistage est obligatoire lors de la déclaration de la grossesse avant la quinzième semaine. Une syphilis primaire (chancre buccal) survenant au cours de la grossesse entraîne une contamination fœtale avec risque d’avortement, de mort néonatale ou de syphilis congénitale. Le diagnostic est confirmé par les sérologies et le traitement repose sur la pénicilline ou les macrolides en cas d’allergie, en sachant que ces derniers traversent peu la barrière fœtoplacentaire et sont peu efficaces sur l’infection fœtale. APHTOSE BUCCALE
Aucun lien précis n’a été rapporté entre la grossesse et les aphtoses buccales récidivantes. Aucune hypothèse hormonale n’explique notamment la survenue d’aphtose buccale cataméniale. Au cours de la grossesse, tous les cas de figure peuvent s’observer : exacerbation d’une aphtose buccale récidivante ou amélioration, voire disparition transitoire, de cette même forme qui parfois réapparaît après l’accouchement ; enfin, démarrage d’une aphtose buccale récidivante qui va persister après l’accouchement. Si elle est invalidante, la maladie va surtout poser la question de la poursuite ou de la mise en route d’un traitement de fond. L’Isoprinosinet n’est pas contreindiquée. L’expérience acquise au cours de la maladie périodique montre que le traitement par la colchicine chez les femmes enceintes n’entraîne pas d’embryofœtopathie, ce qui autorise son emploi dans le cadre d’aphtoses buccales sévères. La thalidomide est une contreindication absolue. AUTRES PATHOLOGIES MUQUEUSES
Le lichen plan, les leucoplasies, l’érythème polymorphe, etc, ne semblent pas être influencés par la survenue d’une grossesse et n’ont pas de retentissement fœtal. Le principal problème soulevé est celui de leur traitement, qui doit être discuté en collaboration avec l’équipe gynéco-obstétricale
Traitements utilisés en stomatologie et grossesse C’est au moment de l’embryogenèse (12 premières semaines de grossesse) que le risque tératogène d’un médicament est maximal. La majorité des médicaments traverse la barrière fœtoplacentaire de façon plus ou moins importante. ANTIBIOTIQUES
La plupart passent la barrière fœtoplacentaire ; certains sont contreindiqués en raison des risques fœtaux : dyschromies dentaires avec les tétracyclines qui s’accumulent dans les os et les dents ; fentes
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palatines avec l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole (Bactrimt) ; risques de malformations osseuses avec les quinolones. Les bêtalactamines (pénicillines et céphalosporines) et les macrolides n’ont pas de toxicité fœtale. ANTIFUNGIQUES
Les mycoses buccales sont traitées en première intention par des antifongiques utilisés par voie topique : amphotéricine B (Fungizonet), nystatine (Mycostatinet), myconazole (Daktarint). Ces produits ne sont pas absorbés par la muqueuse digestive et sont sans risque pour le fœtus. Les antifungiques à action systémique, fluconazole (Triflucant) et kétoconazole (Nizoralt), sont contre-indiqués. ANTIVIRAUX
Aucun effet tératogène n’a été jusqu’à présent rapporté avec l’aciclovir (Zoviraxt). De même, il n’a pas été rapporté de toxicité fœtale ou de tératogénicité avec les traitements antirétroviraux, ainsi que les antiprotéases utilisés dans le traitement de l’infection à VIH chez la femme enceinte [7]. ANTALGIQUES ET ANTI-INFLAMMATOIRES
Le paracétamol est l’antalgique de choix pendant la grossesse ; en revanche, l’utilisation de l’acide acétylsalicylique est discutable dans la période de pré-partum, car il peut être responsable d’un allongement du travail, d’hémorragies placentaires et néonatales. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont déconseillés pendant toute la durée de la grossesse en raison d’un risque de fermeture du canal artériel. La corticothérapie générale n’est pas contre-indiquée au cours de la grossesse ; elle impose les précautions d’emploi habituelles. Elle n’a pas de retentissement sur la fonction corticosurrénale du fœtus. À doses élevées, elle expose la mère au risque d’hyperglycémie et de rupture prématurée des membranes avec accouchement prématuré. La corticothérapie topique fréquemment utilisée en stomatologie (lichen plan, aphtoses) peut par conséquent être utilisée. ANESTHÉSIQUES
Il est recommandé d’utiliser des produits non adrénalinés, surtout lors du premier trimestre, afin d’éviter des vasoconstrictions qui pourraient être responsables de contractions utérines et d’avortement. THALIDOMIDE
Il faut rappeler la contre-indication absolue de prescrire cette molécule, parfois utilisée en stomatologie (aphtoses buccales géantes ou sévères récidivantes), chez une femme, sans une contraception rigoureuse et efficace. Utilisée au cours de la grossesse, elle expose à un risque majeur de phocomélies. Une grossesse survenant en cours de traitement impose son interruption thérapeutique, la femme ayant été avertie de cette éventualité avant de débuter le traitement avec consentement signé. RÉTINOÏDES GÉNÉRAUX ET LOCAUX
Les dérivés de la vitamine A acide utilisés par voie générale sont formellement contre-indiqués lors de la grossesse, faisant courir le risque de fœtopathies. Une exposition accidentelle au traitement pendant une grossesse impose une interruption thérapeutique. Ils ont certaines indications en pathologie buccale en applications topiques (leucoplasies, lichen plan dans sa forme kératosique, langue noire villeuse). Le passage systémique infime de ces traitements topiques peut faire courir le risque d’un passage transplacentaire de ces molécules qui sont à proscrire pendant la grossesse. 3
Stomatologie et grossesse
22-050-F-10 5-045-A-10 EXAMENS RADIOLOGIQUES
Des clichés radiographiques sont parfois nécessaires avant un traitement dentaire. L’irradiation secondaire à la réalisation de radiographies endo- ou exobuccales est très faible, inférieure aux doses tératogènes ; de plus, la source est éloignée du bassin. Il n’y a donc pas de contre-indication à effectuer ces clichés et l’utilisation d’un tablier de plomb relève plus d’une précaution médicolégale que médicale. L’iode utilisée notamment dans les produits de contraste en radiologie est fœtotoxique, donc formellement contreindiquée pendant la grossesse.
Stomatologie Gynécologie/Obstétrique
Conclusion Les soins dentaires sont possibles pendant la grossesse. Les atteintes gingivales gravidiques pourraient être en partie prévenues par un contrôle de l’état dentaire au cours du premier trimestre, associé à une motivation de l’hygiène et éventuellement à un détartrage. Il faut par ailleurs pouvoir prendre en charge toute pathologie stomatologique survenant en cours de grossesse, en tenant compte de son risque de transmission fœtale et des éventuelles fœtotoxicités et/ou tératogénicités médicamenteuses.
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Stomatologie [22-046-A-15]
Syndrome d'immunodéficience acquise et infection à virus de l'immunodéficience humaine
Lotfi Ben Slama Henri Szpirglas Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale (Professeur F Guilbert), hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-63, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13 France
Résumé Les manifestations stomatologiques sont un élément constant au cours de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Leurs variété et importance dépendent de l'évolution de l'infection et concourent à caractériser les stades de l'affection. Les interactions des différents agents infectieux avec le milieu buccal sont mieux comprises, l'expression clinique de leurs manifestations buccales est mieux connue et leur étiologie mieux cernée avec, en particulier, l'identification de nouveaux agents pathogènes (HHV-8 par exemple). Par ailleurs, l'utilisation des antirétroviraux en combinaisons (trithérapie), l'allongement de la survie, et les nouvelles méthodes de prophylaxie des infections opportunistes ont progressivement modifié les stratégies diagnostiques et thérapeutiques des manifestations stomatologiques de l'infection par le VIH. © 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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ASPECTS É PIDÉ MIOLOGIQUES GÉ NÉ RAUX
Historique
Les premiers cas de sida ont été décrits aux États-Unis parmi la population homosexuelle de San Francisco en 1981, et très vite rapportés à l'infection par un virus envahissant et détruisant les lymphocytes T, plus particulièrement la sous-population lymphocytaire CD4, entraînant l'immunodépression. L'atteinte de la lignée monocytaire et macrophagique a été par la suite démontrée, ainsi que le neurotropisme du virus, responsable de troubles neurologiques directs, indépendamment de l'état immunitaire Son identification puis son isolement ont été proposés, dès 1983, par Montagnier et al à l'institut Pasteur de Paris [4] et peu après par Gallo et al aux États-Unis qui le classent parmi les « rétrovirus » [90] ; leur caractéristique [37] est d'incorporer leur matériel (acide ribonucléique : ARN) dans le génome de la cellule hôte et de se trouver ainsi automatiquement dupliqués par la division cellulaire des lymphocytes dans leurs cellules filles. Ce stade passif de provirus peut à tout moment donner, par recomposition des ARN messagers avec des protéines virales, des particules virales infectieuses. Paradoxalement plus le système immunitaire est stimulé, infections banales, infections sexuellement transmises par exemple, plus les lymphocytes CD4 sont appelés à se multiplier, plus le virus est répliqué et finalement l'immunité détruite. Dès 1982, la diffusion de l'épidémie hors du cercle homosexuel avait fait apparaître le rôle contaminant du sang chez les toxicomanes échangeant leurs seringues puis par les produits d'origine sanguine, en particulier parmi la population hémophile recevant des facteurs de coagulation collectés sans précaution particulière à l'égard du virus inconnu, et dès lors contaminés par des donneurs non identifiés. En 1985 ont été mis en place des moyens de dépistage sérologique, par le test Elisa (enzyme-linked immunosorbent assay), bientôt confirmé par un test plus spécifique le western blot [101] ; ces tests étaient pratiqués systématiquement lors des prélèvements sanguins aux fins de transfusions. Dans le même temps, les facteurs de coagulation étaient chauffés pour neutraliser les éventuels VIH. L'épidémiologie de cette maladie, apparemment nouvelle, a fait rapidement distinguer plusieurs groupes de malades, d'une part les homosexuels volontiers échangistes ou à partenaires multiples, les hémophiles transfusés ou substitués avant 1985, les toxicomanes usant de drogues injectables et pratiquant l'échange des seringues, enfin une population plus générale contaminée par voie hétérosexuelle [78].
É tat actuel de l'épidémie Au 30 juin 1997, un total de 1 644 183 cas de sida ont été rapportés à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), en augmentation de 18 % sur une année [97]. Ces données sont incomplètes du fait du retard des déclarations et du manque de recueil réalisable dans certains pays, et l'état actuel de l'épidémie est marqué par les perspectives d'évolution dans le monde. En mai 1996, les experts estimaient que 28 millions de personnes avaient été contaminées dans le monde depuis le début de l'épidémie et que plus de 6 millions d'adultes et 1,6 million d'enfants avaient développé le sida, dont les trois quarts vivant en Afrique. Six millions de personnes seraient décédées dont plus de 4 millions et demi d'adultes et environ 1,3 million d'enfants [114]. La proportion de femmes atteintes (42 % actuellement) augmente régulièrement. L'épidémie, qui a débuté en Asie vers la fin des années 1980, près d'une décennie après l'Afrique, est en pleine explosion. Les facteurs permettant une telle propagation du VIH sont connus mais difficilement contrôlables : déplacement de populations et de réfugiés, pour des raisons économiques ou des conflits armés. Outre l'Afrique et l'Asie, il faut souligner le cas de l'Europe de l'Est où les bouleversements politiques et économiques prédisposent à une dissémination importante du virus. Les disparités géographiques sont nettes : en 1995, 2,7 millions de nouveaux cas ont été recensés, dont 1 million en Asie du Sud-Est et 1,4 million en Afrique noire, tandis que les pays industrialisés totalisaient 85 000 nouvelles infections, soit 2 % seulement du total mondial. Dans les pays les plus riches, les mesures adoptées vis-à-vis de la transmission sanguine du VIH, l'information dispensée sur les moyens de prévention de la transmission sexuelle, et une meilleure gestion du dépistage, infléchissent les courbes de propagation de l'infection. En France, au cours du second semestre 1996, une diminution importante (de l'ordre de 21 %) du nombre de nouveaux cas de sida a même été observée de façon
similaire dans les principaux groupes exposés, probablement en raison de la diffusion récente de nouvelles associations thérapeutiques dans la population des séropositifs pris en charge [74] (fig 1). Ainsi, assiste-t-on à une double évolution de la pandémie de l'infection par le VIH : contrôle avec stabilisation voire régression dans les pays les plus riches, alors que les pays en développement, confrontés à de graves problèmes économiques et démographiques, démunis et sans véritable infrastructure sanitaire, connaissent une situation préoccupante en dépit de quelques progrès en matière de prévention. Les trois quarts des infections par le VIH se produisent par contamination sexuelle, en majorité hétérosexuelle. Le sex-ratio M/F est de 3/2 [122]. La contamination homosexuelle, largement majoritaire au début de l'épidémie, a connu une stabilisation puis une rapide diminution dans les pays industrialisés, mais un relâchement des pratiques de prévention dans ces communautés est noté. La contamination par le VIH chez les toxicomanes (voie intraveineuse) est de 10 %. Elle est aussi de 10 % de mère à enfant (voie transplacentaire) et de 5 % par transfusion sanguine [25].
Définitions De nombreuses définitions de l'infection à VIH et du sida ont été employées, et la plus récente est appliquée aux États-Unis depuis le 1er janvier 1993 [24]. Trois critères cliniques et un critère biologique ont été ajoutés aux anciens critères définissant le sida. Il s'agit de la tuberculose pulmonaire, des pneumopathies bactériennes récurrentes et du cancer invasif du col pour les critères cliniques et d'un nombre de lymphocytes CD4 inférieur à 200/mm3 pour le critère biologique. Les catégories cliniques sont les suivantes : asymptomatique ou primo-infection ; symptomatique non sida ; sida. Les catégories biologiques sont : plus de 500 CD4/mm3 ; entre 200 et 500 CD4/mm3 ; moins de 200 CD4/mm3 (tableau I). En Europe et en France, seuls les critères cliniques ont été retenus.
Catégories cliniques Catégorie A Primo-infection symptomatique. Infection à VIH asymptomatique. Lymphadénopathie persistante généralisée.
Catégorie B Candidose oropharyngée. Candidose vaginale persistante ou récidivante. Leucoplasie orale chevelue. Zona récurrent ou envahissant plus d'un dermatome. Dysplasie du col, carcinome in situ. Salpingite. Angiomatose bacillaire. Listériose.
Neuropathie périphérique. Purpura thrombopénique idiopathique. Syndrome constitutionnel : fièvre (> 38,5 °C) ou diarrhée sans germes supérieure à 1 mois
Catégorie C Candidose bronchique, trachéale, ou pulmonaire. Candidose oesophagienne. Coccidioïdomycose, disséminée ou extrapulmonaire. Histoplasmose disséminée ou extrapulmonaire. Cryptosporidiose intestinale supérieure à 1 mois. Pneumonie à Pneumocystis carinii. Toxoplasmose cérébrale. Infection à Cytomégalovirus (CMV). Infection herpétique avec ulcères chroniques supérieurs à 1 mois, ou bronchique ou pulmonaire, ou oesophagienne. Infection à Mycobacterium avium ou kansaii disséminée ou extrapulmonaire. Infection à Mycobacterium tuberculosis, quel que soit le site. Infection à mycobactérie, identifiée ou non, disséminée ou extrapulmonaire. Pneumopathie bactérienne récurrente. Septicémie à salmonelle non typhi récidivante. Encéphalopathie liée au VIH. Leucoencéphalite multifocale progressive. Cancer invasif du col. Sarcome de Kaposi. Lymphome de Burkitt. Lymphome immunoblastique. Lymphome cérébral primitif. Syndrome cachectique lié au VIH.
Diagnostic et suivi de l'infection Les tests de dépistage et de diagnostic par le VIH restent l'Elisa et le western blot. Ils doivent être présentés par un médecin qui assumera l'annonce du résultat et la prise en charge du malade. La quantification de la charge virale par les techniques issues de la biologie moléculaire permettent le suivi virologique de l'infection par le VIH. La charge virale correspond à la quantité de virus réplicatif ou latent présent chez un sujet infecté. Cette technique est plus sensible et a remplacé la mesure de l'antigène p24. Son utilisation a fait l'objet de recommandations particulières pour le suivi des patients et la stratégie thérapeutique [19]. La détermination du statut immunitaire relève toujours du dosage des lymphocytes CD4 dans le sang. Les autres tests (anticorps anti-p24, β-2-microglobuline, etc.) ne sont plus pratiqués.
Pathogénie Les progrès réalisés pour la détection de la charge virale ont permis de préciser la pathogénie de l'infection par le VIH, étroitement liée aux taux de réplication virale in vivo. La longue phase de latence clinique qui caractérise l'infection par le VIH n'est pas une période d'inactivité virale mais, au contraire, un processus actif et permanent [85]. La réplication virale est continuelle dès l'infection, et à fort taux, principalement dans les organes lymphoïdes. La demi-vie d'un virus est extrêmement courte (2±0,9 jours), et ne dépend ni de la charge virale totale, ni du degré du déficit immunitaire. Le turn-over quotidien des lymphocytes CD4+, destruction et production parallèles, concerne un quart du nombre total des lymphocytes CD4+ de l'organisme chez un patient. Progressivement, le système immunitaire est débordé par la production virale, responsable d'une destruction accrue des lymphocytes CD4.
Parallèlement, le renouvellement viral permanent est à l'origine de variations génétiques qui conduisent à une accumulation d'innombrables mutations, Les stades cliniques de l'infection sont étroitement corrélés au taux de réplication virale, qui peut être mesuré par le titre de virions infectieux dans le sang (cellules mononucléées, plasma), ou par le nombre de copies d'ARN viral (dans les organes lymphoïdes, les cellules mononucléées du sang circulant ou le plasma) [88]. La mesure de la « charge virale plasmatique » en nombre de copies d'ARN VIH/mm3 de plasma peut être aujourd'hui considérée comme une estimation sensible, spécifique et reproductible de la réplication virale. Celle-ci semble osciller entre 102 et 107 virions/mm3 selon le stade clinique, et les stratégies thérapeutiques anti-VIH actuelles sont basées sur l'inhibition de cette réplication virale [116]. La charge virale est exprimée le plus couramment en équivalent copies ARN VIH/mL de plasma. La place exacte de l'immunomodulation n'est pas encore bien définie.
Traitement antirétroviral Trois classes thérapeutiques antirétrovirales sont actuellement disponibles : les analogues nucléosidiques, les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse et les antiprotéases. Les deux premières familles de drogues agissent sur la première phase de réplication du virus, avant l'intégration de celui-ci dans le génome de l'hôte en inhibant la transcriptase inverse ; les antiprotéases agissent sur la seconde phase en bloquant la réplication tardive de la maturation virale. Des molécules appartenant aux trois classes thérapeutiques ont fait ou font actuellement l'objet d'études cliniques. les analogues nucléosidiques sont la première classe de molécules ayant démontré une activité sur le VIH. Cinq analogues nucléosiques ont été développés, constituant la seule thérapeutique antirétrovirale disponible jusqu'en 1995 : AZT ou zidovudine (Rétrovir®), DDI ou didanosine (Videx®), DDC ou zalcitabine (Hivid®), 3TC ou lamivudine (Epivir®) et d4T ou stavudine (Zerit®). Des souches résistantes de VIH sont progressivement apparues. Les effets secondaires de ces traitements ne sont pas négligeables (anémie, neutropénie, myopathies, neuropathies, pancréatite etc.), et leur coût est élevé ; les inhibiteurs non nucléosidiques de la reverse transcriptase (NNRTI : delavidine, névitapine) se caractérisent par une activité importante sur la transcriptase inverse du VIH1 et sont inactifs sur les autres virus, en particulier VIH2. Des mutants résistants apparaissent très rapidement lors de leur utilisation, mais leur synergie avec les analogues nucléosidiques justifie la poursuite des essais actuels ; les antiprotéases (saquinavir, indinavir, ritonavir, nelfiravir, VX-487) bloquent la phase tardive de la maturation virale (réplication dans les lymphocytes CD4, les macrophages et les cellules infectées chroniquement). Les virions produits sous antiprotéases sont immatures, incapables d'infecter de nouvelles cellules. Plusieurs études récentes montrent une activité synergique très puissante avec les analogues nucléosidiques. Leurs inconvénients et effets indésirables sont variables (tableau II). Quel que soit le traitement utilisé, son activité biologique est actuellement appréciée sur la diminution de la charge virale plasmatique [116]. En février 1996, plusieurs essais de trithérapie associant deux inhibiteurs de la transcriptase inverse et une antiprotéase (indinavir, ritonavir) ont démontré la supériorité des trithérapies sur les mono- ou bithérapies [20]. Cette combinaison apparaît actuellement comme le traitement antirétroviral optimal et doit être débutée le plus tôt possible, au mieux dès la contamination présumée. On commence toutefois à reconnaître des échappements aux traitements prolongés, rendant urgente la validation de nouvelles associations.
Prise en charge des infections opportunistes Les infections opportunistes sont soit parasitaires, soit bactériennes, soit virales, soit fongiques. L'amélioration de la survie, la prévention systématique de la pneumocystose et
de la toxoplasmose a entraîné une augmentation des infections tardives du sida : infections à CMV, mycobactéries atypiques et lymphomes tardifs. L'avènement des trithérapies, avec un efficacité démontrée sur le VIH, devrait modifier de nouveau les stratégies préventives actuelles, mais en l'absence du recul nécessaire, la prudence s'impose. Le traitement préventif actuel le plus efficace de la pneumocystose est le cotrimoxazole (160-800 mg), dépassant les aérosols de pentamidine et la dapsone, mais moins bien toléré. Le choix se fera selon qu'il s'agit de prévention primaire ou secondaire, en fonction des interactions médicamenteuses et de la tolérance. Le cotrimoxazole et l'association pyriméthamine-dapsone ont fait la preuve de leur efficacité dans la prévention de la toxoplasmose chez le patient dont la sérologie toxoplasmique est positive. La prévention de Mycobacterium avium intracellulare (MAC) est préconisée dès que le nombre de CD4 devient inférieur à 100/mm3 et après avoir éliminé une infection évolutive. Elle repose actuellement sur la rifabutine (Ansatipine®). Les infections à CMV atteignent les patients avec moins de 50 CD4/mm3 (rétinites, colites, manifestations neurologiques). La prévention est possible avec le ganciclovir oral. La prévention de la tuberculose concerne les sujets contacts d'un patient atteint de tuberculose ou les patients infectés par le VIH se rendant en zone de forte endémie. On utilise l'isoniazide (300 mg/j) en association avec la pyridoxine (50 mg/j pendant 12 mois). La prévention systématique des infections fongiques est déconseillée en raison de l'efficacité du traitement curatif, des interactions médicamenteuses, et de l'apparition de souches résistantes et du coût.
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ATTEINTE STOMATOLOGIQUE AU COURS DE L'INFECTION
Interface hôte-virus (VIH et salive) La transmission du VIH à travers la salive a été suspectée dès les premières années de l'épidémie du sida [48] puis démentie par les données épidémiologiques : la salive n'est pas considérée comme un vecteur de transmission du VIH, au contraire de l'hépatite B (d'où la nécessité de la vaccination). En effet, aucun cas de contamination par la salive depuis le début de l'épidémie n'a été enregistré. Dans un groupe d'enfants hémophiles vivant dans le même établissement médicalisé, aucun cas de transmission de sida n'a été observé, alors que des contaminations croisées avec HVB ont eu lieu [11]. Aucune transmission du VIH n'a, par ailleurs, été observée dans plus de 50 cas de morsures par des sujets séropositifs [99]. Les quantités de sang minimes lors des gingivorragies sont un autre exemple de l'absence de transmission du VIH. Rappelons, enfin, qu'aucun cas de transmission du VIH n'a été signalé par le baiser ou l'échange de brosses à dents. Les premières recherches in vitro ont détecté dans la salive la présence, certes très faible, du VIH, confirmée par la microscopie électronique et la détection d'acide désoxyribonucléique (ADN) et d'ARN viral [91]. Une première explication de cette présence a d'abord été recherchée dans la transsudation sanguine au niveau des collets dentaires, au cours des atteintes parodontales, mais aucune corrélation n'a été retrouvée entre la présence de VIH et l'état parodontal. Ce sont les techniques récentes de biologie moléculaire, notamment la PCR (polymerase chain reaction), la RT-PCR (transcriptase reverse PCR) et la PCR in situ qui ont mis en
évidence la présence d'ARN et d'ADN viral au sein même des cellules épithéliales de la muqueuse buccale (92 % des sujets infectés par le VIH et jamais chez les sujets indemnes) [91]. Le passage du virus dans les cellules épithéliales se fait par l'intermédiaire des lymphocytes, par fusion directe ou par phagocytose. En fait, si la contamination par le VIH salivaire ou buccal est formellement contredite, la présence de VIH dans les cellules épithéliales de la muqueuse buccale pourrait expliquer la survenue d'autres manifestations buccales, comme seul agent pathogène ou plus souvent en association avec d'autres agents infectieux. La coexistence du VIH et du virus EpsteinBarr (EBV) dans la leucoplasie orale chevelue et dans les lymphomes a été démontrée, et le rôle potentiel du VIH dans ces deux affections n'est toujours pas élucidé. Des stratégies thérapeutiques visant l'élimination du VIH au niveau des cellules épithéliales de la muqueuse buccale devraient être développées afin d'éviter qu'elles ne constituent un réservoir pour le VIH.
Réponse immunitaire de la muqueuse buccale et de la salive La réponse immunitaire non spécifique de la muqueuse buccale dans l'infection au VIH est modifiée [26] : diminution de la lactoferrine, augmentation de l'albumine, diminution de la production de salive totale, surtout parotidienne, diminution du taux d'immunoglobulines A (IgA) salivaires alors que les IgA sériques sont augmentées. Les capacités de réponse immunitaire spécifique au niveau de la muqueuse buccale ne sont altérées que tard dans l'évolution de l'infection. L'épithélium de la muqueuse buccale devient plus perméable. La calprotectin (candidacidal calcium-binding myelomonocytic protein), produite par les granulocytes, monocytes et macrophages, est diminuée chez les sujets séropositifs ce qui entraîne une plus grande susceptibilité pour le Candida. L'absence reconnue de transmission orale du VIH peut correspondre à une inhibition de la transmission par plusieurs facteurs salivaires : IgA, mucines, cystatines, lysozyme, lactoferrine et SLPI (secretory leucocyte protease inhibitor). La SLPI est une protéine de 107 acides aminés, présente dans différentes muqueuses : vaginale, urogénitale, bronchique et nasale. Elle est absente dans le sérum et au niveau de la muqueuse rectale. Elle est absente dans le lait maternel, sauf dans le colostrum. Elle est spécifiquement active sur le VIH1, et cette activité est constante quelle que soit l'origine de la salive et quelle que soit l'heure du prélèvement. Son action se fait directement sur la liaison VIH-cellule et non par l'intermédiaire des CD4. Elle n'a aucune action sur le CMV ou HSV1 [107]. Paradoxalement, les tests salivaires de diagnostic du VIH semblent très performants, montrant une sensibilité à 99,8-100 % et une spécificité à 100 %, quel que soit le site de prélèvement salivaire [121].
Aspects épidémiologiques Après une première classification de 30 lésions buccales différentes en 1986, les manifestations stomatologiques rencontrées dans le cadre de l'infection parle VIH, après révision en 1991 [105], se répartissent en six rubriques divisées en lésions courantes ou plus rares (tableau III). Leur fréquence varie peu d'une série à l'autre, et nous l'illustrons par une étude portant sur 350 sujets infectés par le VIH, ayant consulté dans un hôpital parisien entre 1987 et 1995 (tableau IV) [7]. Certaines particularités épidémiologiques sont toutefois notées. En Afrique noire, la candidose pseudomembraneuse est rencontrée plus fréquemment que la forme érythémateuse. Les autres manifestations sont rencontrées avec la même fréquence que rapportée ailleurs, exception faite de la pathologie des glandes salivaires qui est plus fréquente. La transmission du VIH serait possible par la pratique du tatouage gingival traditionnel [83].
Chez les enfants, les manifestations stomatologiques de l'infection par le VIH sont très précoces et souvent inaugurales. Les candidoses oropharyngées sont les plus fréquentes (67 %). L'atteinte parotidienne (hypertrophie) est présente chez 4 % des sujets et l'herpès chez 3 %. La candidose est prédictive d'une évolution rapide de la maladie, alors que l'atteinte parotidienne signifie une évolution lente [62]. Chez les femmes, les lésions observées sont similaires à celles des malades de sexe masculin, sauf la leucoplasie chevelue qui est 2,5 fois moins fréquente ce qui semble indiquer une expression différente du virus Epstein-Barr chez la femme [106]. Les disparités géographiques de la pandémie de l'infection par le VIH, caractérisées comme on l'a vu par une expansion nette dans les pays les plus démunis, sans espoir d'y voir s'installer à court terme les évolutions favorables des pays riches, donne un intérêt croissant aux manifestations stomatologiques de l'infection par le VIH. Leur apparition précoce, l'accessibilité de leur étude et de leur corrélation avec l'évolution de la maladie en font des instruments précieux de santé publique, pouvant servir de critères de diagnostic mais aussi de classification pour l'entrée dans les protocoles thérapeutiques et le suivi des traitements, au même titre que le taux de CD4 ou la mesure de la charge virale dont le coût est dissuasif.
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MANIFESTATIONS STOMATOLOGIQUES AU COURS DE L'INFECTION À VIH Les manifestations stomatologiques de l'infection par le VIH sont rencontrées à tous les stades et sont quelquefois révélatrices. Elles sont provoquées, pour leur grande majorité, par l'immunosuppression [108]. Ces manifestations buccales peuvent être observées fortuitement, à la consultation d'un patient ignorant son infection par le VIH et consultant pour des soins routiniers. La découverte de lésions buccales ignorées ou négligées peuvent alors être rapportées à un contexte pathologique ou au contexte médicosocial particulier des « groupes à risques » : toxicomanie, homosexualité, prostitution, antécédents de transfusions, séjour en zone de forte endémie. En dehors de ces notions, c'est surtout la multiplicité des lésions, leur persistance ou leur récidive qui fera proposer un test sérologique et découvrir l'infection par le VIH. À l'inverse, chez un patient séropositif connu, plusieurs circonstances peuvent amener à consulter : l'établissement d'un bilan muqueux, salivaire, dentaire ou ganglionnaire dans le cadre du bilan général de la maladie. Ce bilan doit être proposé systématiquement et renouvelé régulièrement ; le traitement spécifique d'une affection stomatologique liée à la maladie ; la recherche et l'éradication de foyers infectieux dentaires, ligamentaires ou parodontaux chez des malades fragiles, car en dépression immunitaire ; les soins dentaires et le maintien de la denture. Les répercussions importantes des manifestations stomatologiques, au cours de l'infection par le VIH, sur le confort des malades et leur retentissement sur l'alimentation, en font un motif fréquent de consultation.
Adénopathies cervicales Des adénopathies cervicofaciales sont retrouvées lors de la primo-infection par le VIH, quelquefois retardées par rapport aux autres symptômes (fièvre, rash cutané, etc.) [31]. Elles révèlent parfois l'infection par le VIH, mais peuvent être présentes aux différents stades de l'évolution de la maladie. Elles sont dues, dans près de la moitié des cas, à une
hyperplasie folliculaire, pathologie directement liée à l'infection à VIH, mais elles peuvent également être le témoin d'une infection opportuniste (mycobactéries) ou d'une tumeur (maladie de Kaposi, lymphome, maladie de Hodgkin). Enfin, dans leur localisation intraparotidienne ou sous-maxillaire, surtout si elles sont isolées, elles peuvent simuler une affection salivaire.
Infections mycosiques Ce sont surtout des candidoses.
Candidoses Infection opportuniste par le « Candida » Elle a été décrite dès 1981 dans les premières publications sur le sida. Il s'agit de l'une des manifestations les plus fréquentes de l'infection par le VIH [113]. Les candidoses sont rencontrées chez 56 à 92 % des patients, à tous les stades de l'infection par le VIH. Une candidose peut constituer la manifestation révélatrice d'une infection à VIH et la constatation d'une candidose buccale isolée, sans cause déclenchante évidente, qui résiste à un premier traitement local ou récidive rapidement, chez un sujet jeune doit faire suspecter l'infection et demander une sérologie HIV. L'incidence des candidoses augmente parallèlement à l'ancienneté de l'infection à VIH, à l'aggravation du déficit immunitaire et à la diminution du taux des lymphocytes CD4 [45]. Leur grande fréquence fait douter de leur valeur pronostique, bien que pour certains une candidose buccale sévère fasse prévoir une évolution vers le stade sida dans 90 % des cas. Une candidose oesophagienne, symptomatique ou non, peut lui être associée ; cette dernière est un critère de sida alors que la candidose buccale (« muguet ») n'est classée que dans les infections opportunistes mineures. Cependant, il n'est pas utile, en pratique, de réaliser une fibroscopie oesophagienne, sauf s'il existe des symptômes oesophagiens résistants aux traitements antifongiques [30]. La candidose peut être favorisée par certains facteurs, comme la diminution du flux salivaire (xérostomie) liée à l'infiltration lymphocytaire des glandes salivaires, à la toxicomanie ou au tabagisme.
Formes cliniques des candidoses Elles sont variées, aiguës ou chroniques. La forme aiguë habituelle, dite « muguet » ou candidose pseudomembraneuse s'annonce par une sensation de cuisson ou de goût métallique, suivie de l'apparition de macules rouges réalisant une stomatite érythémateuse diffuse. À partir du deuxième jour apparaissent des efflorescences blanchâtres plus ou moins épaisses et étendues, que le raclage à l'abaisse-langue détache facilement sans faire saigner (fig 2). Cette forme peut être discrète, d'autres fois au contraire, à des stades avancés de la maladie, elle est très diffuse et le feutrage pseudomembraneux recouvre toute la cavité buccale ; les enduits peuvent alors être adhérents et difficiles à prélever par raclage (fig 3). La forme érythémateuse est une forme de muguet dans laquelle seule est observable la stomatite érythémateuse, essentiellement une glossite ; les efflorescences blanchâtres n'apparaissent pas ou restent très minimes. Il existe une forme chronique, lésion de forme grossièrement losangique en avant du V lingual ; cette glossite losangique (ou rhomboïde) médiane tranche par sa coloration rouge sur le reste de la langue ; elle peut être légèrement surélevée ou au contraire un peu
déprimée ; en décalque, on trouve une lésion palatine, plaque ou semis de petites macules rouges (fig 4 et 5) ; la triade candidosique peut être complétée par une perlèche. La perlèche ou chéilite angulaire est une localisation cutanéomuqueuse, de la commissure labiale. Sur le versant cutané, la peau est rouge et parfois fissurée avec des croûtelles jaunâtres. La perlèche se prolonge sur la muqueuse rétrocommissurale de la joue ; dans les cas typiques, il s'agit d'un petit placard triangulaire d'érythème rouge vif, auquel se superpose un semis de petits points blanchâtres (fig 6). La forme hyperplasique ou granulome moniliasique est l'aspect pseudotumoral de la mycose. L'hyperplasie peut siéger n'importe où dans la cavité buccale, en particulier en pleine joue ou sur la langue ; elle est alors difficile à distinguer d'un carcinome épidermoïde ; la biopsie permet de trancher en cas de doute. La candidose peut déborder la région périorale et se traduire par un intertrigo, une onychomycose ou surinfecter une dermatite séborrhéique.
Diagnostic des candidoses Le diagnostic clinique doit être conforté par l'examen mycologique d'un frottis sur écouvillon porte-coton, ou par raclage au niveau d'une des lésions observées, pour étalement sur une lame (frottis) [30]. Cet examen mycologique doit également être pratiqué systématiquement chez les sujets connus pour être infectés par le VIH, même ne présentant pas de signe clinique de candidose, celle-ci pouvant être très discrète ou masquée. Le nombre de colonies obtenu par l'ensemencement d'un écouvillon sur milieu de Sabouraud est important à considérer [111] : incomptable (ou très nombreuses colonies), ou supérieur à 100 colonies (nombreuses colonies), il témoigne d'une mycose très active ; inférieur à 30 il est considéré comme physiologique, correspondant à la présence des levures saprophytes de la cavité buccale. Entre 30 et 100 colonies, on s'accorde à reconnaître une mycose buccale et à la traiter. On identifie Candida albicans dans 95 % des cas ; mais d'autres levures sont pathogènes : C tropicalis, C pseudotropicalis, C guillermondi, C krusei, C glabrata, C bromptii, C torulopsis. Une biopsie est rarement réalisée pour le diagnostic d'une candidose : elle montre alors des altérations épithéliales (hyperplasie épithéliale sous une couche de parakératose) et, après colorations spéciales (acide périodique Schiff [PAS], Grocott), la présence de Candida albicans, surtout sous forme d'hyphes. Dans le chorion, l'infiltrat inflammatoire est discret, voire même absent.
Traitement des candidoses Il repose sur l'utilisation des antifongiques, d'abord par voie locale, éventuellement associés à la voie générale [50] ; l'amphotéricine B (Fungizone®) et la nystatine (Mycostatine®) sont employées en solutions à garder en bouche, avant de les avaler ou non. Le gel buccal de miconazole (Daktarin®) peut représenter une bonne alternative. Des bains de bouche composés, associant un antifongique (Mycostatine®), un antiseptique chlorhexidine (Eludril®) et une solution alcalinisante (bicarbonate de sodium à 14 ‰ ) amènent une sédation rapide des signes fonctionnels. Les récidives sont la règle à l'arrêt des traitements, au fur et à mesure de la progression du déficit immunitaire. En cas d'inefficacité du traitement local, a fortiori en cas d'extension extrabuccale, de localisations oesophagiennes ou bronchiques ou viscérales, un traitement par voie générale doit être instauré : l'amphotéricine B, à forte dose intraveineuse (IV) est néphrotoxique. Parmi les imidazolés, le kétoconazole (Nizoral® 200mg/j) est efficace et favorise une meilleure compliance. Toutefois, la possibilité d'effets secondaires hépatiques, surtout chez des sujets ayant des antécédents d'hépatite virale, impose une surveillance du taux des transaminases lors des traitements répétés ou prolongés. Enfin, dans l'infection à VIH, surtout lors du sida, il existe dans 50 % des cas une hypochlorhydrie gastrique qui réduit considérablement la solubilité du kétoconazole, expliquant ainsi l'inefficacité de certains traitements. Une correction par un acidifiant
gastrique est alors indiquée. Le kétoconazole interfère par ailleurs avec le DDI, et il est actuellement supplanté par le fluconazole (Triflucan® 100mg/j, pendant 10 à 15 jours) même si C krusei, C glabrata et C tropicalis lui sont naturellement résistants [30]. Le fluconazole est bien toléré, mais son utilisation intensive en continu (traitement d'entretien) a engendré la sélection de souches résistantes. La résistance aux azolés est rencontrée chez 33 % des patients atteints de candidoses dans le cadre de l'infection par le VIH. Elle apparaît d'autant plus grande que les CD4 sont bas et que les traitements par le fluconazole ont été fréquents ; elle se traduit par un changement du sérotype fongique . L'itraconazole (Sporanox®), proposé en solution, ne connaît pas de résistance pour le moment. La diminution de la fréquence des candidoses oropharyngées a été observée avec les nouveaux protocoles thérapeutiques antirétroviraux, plus efficaces sur le VIH, retardant la phase symptomatique.
Autres mycoses D'autres mycoses plus rares peuvent accompagner l'infection par le VIH, telle la cryptococcose, fréquente aux États-Unis et en Afrique, pouvant avoir une localisation muqueuse sous forme d'ulcérations douloureuses, ou l'histoplasmose dans ses formes américaine ou africaine (nodules et ulcérations, parfois fissures de la muqueuse buccale) [52] . Des sinusites chroniques à Aspergillus flavus sur dépassement de pâte à obturation des canaux dentaires des prémolaires et molaires supérieures ont été observées (aspergillomes). L'examen mycologique et l'histologie permettent le diagnostic, et le traitement repose sur l'amphotéricine B par voie IV. La langue noire est souvent considérée à tort comme un symptôme de mycose buccale, elle peut être due aux colorants alimentaires, à des bains de bouche oxydants, au tabac, aux médicaments et les levures n'y prennent finalement qu'une place accessoire, dans moins de 12 % des cas [111].
Infections virales Virus Epstein-Barr (EBV) et leucoplasie orale chevelue La leucoplasie orale chevelue (LOC) est une kératose des bords latéraux de la langue, décrite pour la première fois en 1981 et 1984 [51] chez de jeunes hommes homosexuels séropositifs au VIH. C'est la seule manifestation qui n'était pas connue avant l'épidémie, mais elle a été décrite depuis en dehors de l'infection à VIH chez des patients immunodéprimés, greffés du rein ou de moelle, par exemple . Elle se rencontre chez environ 20 % des sujets séropositifs, quel que soit le stade évolutif et le mode de transmission de l'infection à VIH, et est devenue l'une des manifestations muqueuses les plus fréquentes de la séropositivité. Elle n'a pas la valeur pronostique péjorative que certains lui ont attribué au début, et les études récentes montrent qu'elle indique seulement que le patient est très probablement infecté par le VIH depuis plus de 5 ans [70]. La LOC est constituée par des lésions blanchâtres, mal limitées, irrégulières, disposées verticalement sur les bords latéraux de la langue, s'étendant rarement sur les faces dorsale et ventrale de celle-ci, exceptionnellement sur la muqueuse jugale. Les lésions, qui ne s'accompagnent d'aucun signe fonctionnel et qui ne s'éliminent pas au grattage sont faites, au début, de fines stries verticales à disposition linéaire qui s'épaississent progressivement avec un aspect hérissé (chevelu) (fig 7). L'aspect clinique est souvent assez caractéristique pour permettre le diagnostic. On discute parfois un muguet, une kératose frictionnelle ou tabagique ou idiopathique et rarement un lichen plan ou un leuco-
oedème pour les localisations jugales. En règle chronique, la LOC peut cependant subir des fluctuations, voire disparaître spontanément. L'aspect histologique est assez particulier [18], proche de certaines lésions épithéliales dues aux papillomavirus humain (PVH), avec hyperacanthose, hyperkératose parakératosique exophytique, papillomatose et surtout la présence de koïlocytes (non liés à des papovavirus), cellules vacuolisées avec un halo clair périnucléaire, dans les couches moyennes ou superficielles de l'épithélium. Il y a peu ou pas d'infiltrat inflammatoire, et l'élément capital est la présence de très nombreux EBV au sein des cellules épithéliales, détectés par immunohistochimie, microscopie électronique et surtout hybridation in situ [72] et PCR. La présence de filaments mycéliens, en superficie et en profondeur des lésions, a pu faire incriminer l'origine fongique, et faire proposer un traitement antifongique. Il s'agit en fait d'une co-infection occasionnelle. La présence de PVH est elle aussi contingente. L'EBV est présent surtout dans les noyaux (plus ou moins dans le cytoplasme) des cellules épithéliales [53] sous forme du virion complet en réplication, et plusieurs études s'attachent à déterminer son rôle précis, car ce virus ubiquitaire est retrouvé au niveau de la muqueuse pharyngée chez 90 % des sujets atteints de sida sans qu'il existe de manifestations associées. Il n'infecte pas les cellules épithéliales basales et n'aurait une véritable réplication qu'au niveau des cellules lymphoïdes, et de manière tout à fait accessoire dans les lésions de leucoplasie chevelue, ce qui est, pour certains, un argument pour sa latence. Comme les cellules de Langerhans sont en nombre réduit ou absentes dans les LOC, on pense que l'immunité cellulaire est endommagée par le VIH au niveau de la muqueuse buccale, permettant ainsi à l'EBV d'être réactivé ou de pénétrer. La détermination du sérotype viral montre des différences selon la localisation au niveau de la cavité buccale [92]. L'EBV semble favorisé par l'intoxication tabagique. Il régresse en cas de consommation d'alcool, de traitement par le fluconazole et lorsque le chiffre des CD8 est élevé [16]. En raison de l'absence de gêne fonctionnelle, la LOC n'est généralement pas traitée [3]. Plusieurs traitements ont été utilisés avec succès dans les formes sévères : l'aciclovir per os (1 à 3 g/j), la zidovudine, l'acide rétinoïque local, la cryothérapie, l'électro- ou photocoagulation, la podophylline.
Herpès (HSV) Le déficit de l'immunité cellulaire est une cause classique d'herpès chronique et le sida en est une illustration supplémentaire. Un herpès cutanéomuqueux chronique (durant plus de 1 mois) est d'ailleurs un critère de sida. L'atteinte par herpès simplex hominis (HSV), virus ectodermoneurotrope, présente des formes cliniques variées ; la grande majorité des lésions siège dans les régions buccale, péribuccale et génitoanale. Sa fréquence est identique quel que soit le mode de contamination.
Herpès simple récurrent La forme clinique la plus typique est l'herpès récurrent, le très banal « bouton de fièvre », surtout labial, souvent dû au virus herpès simplex type 1. Des sensations de brûlure ou de prurit peuvent le précéder pendant quelques heures. À une tache rouge et chaude succède un bouquet de 5 à 10 vésicules qui se dessèchent et guérissent en une huitaine de jours. Au niveau du palais, l'éruption herpétique, assez fréquente, est annoncée par des névralgies déroutantes, rapportées à l'oreille, au sinus ou à l'oeil ; elle laisse des érosions postvésiculeuses qui guérissent aussi en 8 jours (fig 8).
Gingivostomatite herpétique Chez les malades infectés par le VIH, on rencontre aussi des stomatites diffuses semblables aux primo-infections herpétiques, dans ce cas particulier itératives et durables
; le patient est fébrile ; toutes les muqueuses buccales, mais surtout les lèvres, les joues et les gencives, sont rouges, oedématiées et parsemées d'érosions souvent confluentes, en larges ulcérations superficielles jaunâtres (fig 9) ; les vésicules initiales sont trop éphémères en bouche pour être observées intactes, mais on peut quelquefois retrouver un ou quelques éléments cutanés autour des lèvres ; en leur absence, le diagnostic devra se discuter avec une stomatite candidosique aiguë (muguet), des aphtes, en principe moins diffus et sans poussée de fièvre, un zona buccal (unilatéral), ou encore une syphilis secondaire de type vésiculopustuleux. L'aspect clinique n'est pas toujours aussi typique [55] et, en cas de doute, toute ulcération de la muqueuse, même isolée et quelle que soit sa forme, doit faire l'objet d'un prélèvement virologique qui permettra en outre le typage du virus en cause : virus herpès de type 1 ou 2. Les examens sérologiques de l'herpès ne sont pas utiles au diagnostic. Chez le malade immunodéprimé, l'herpès est traité par de fortes doses d'aciclovir (Zovirax® 15 mg/kg/j per os, ou 750 mg/m2/j, par voie IV) jusqu'à la guérison qui est facilement obtenue en 8 à 15 jours ; il est utile d'associer une antibiothérapie à large spectre. Les soins locaux comportent une désinfection par bains de bouche antiseptiques non agressifs (Éludril® dilué) et des anesthésiques topiques comme le gel de Xylocaïne visqueuse®, en se méfiant du risque de fausses routes alimentaires ; un bon résultat antalgique est obtenu par l'utilisation de pansements digestifs type gel de Polysilane® ou Maalox® ou Mutésa® en bains de bouche. L'émergence de souches d'HSV résistantes à l'aciclovir (thymidine kinase négatives) [76], responsables d'infections herpétiques graves, a été rapportée chez des patients infectés par le VIH lorsque ce traitement est utilisé indéfiniment à titre préventif, pour éviter des récidives multiples. Ces souches restent le plus souvent sensibles au trisodium phosphonoformate (foscarnet) et à la vidarabine [103], peu employée en raison de sa toxicité neurologique. Des herpès disséminés ont été également, mais rarement, rapportés, cutanés ou viscéraux (enfants séropositifs au VIH).
Varicelle zona (VZV) La survenue d'une varicelle est une éventualité rare chez les adultes infectés parle VIH, le plus souvent immunisés contre cette infection après une varicelle de l'enfance. Sa fréquence semble plus importante en Afrique, et quelques cas de varicelle grave disséminée ont été publiés [103]. Le zona peut être responsable de séquelles algiques et trophiques particulièrement handicapantes et difficiles à traiter. L'aspect clinique de la lésion élémentaire reste banal, mais l'éruption est souvent étendue, dépassant un dermatome, et siège plus volontiers dans la région cervicofaciale en atteignant les nerfs crâniens qui possèdent un ganglion spinal : le facial, le trijumeau, le glossopharyngien et le pneumogastrique. Le diagnostic reste difficile car l'éruption vésiculeuse buccopharyngée peut faire évoquer l'herpès, les aphtes, le muguet ou une stomatite ulcéromembraneuse. Les douleurs prééruptives peuvent simuler une otite, une sinusite, des douleurs d'origine dentaire. C'est l'unilatéralité des lésions, l'association éventuelle à une éruption cutanée dans un territoire nerveux plus ou mois individualisé qui permettent de retenir le diagnostic (fig 10). Le traitement est symptomatique et l'aciclovir à forte dose (30 mg/kg/j) est réservé aux rares formes disséminées ou d'évolution chronique. Le valaciclovir (Zélitrex®) est indiqué d'emblée ou dans les douleurs post zostériennes [12].
Virus des papillomes humains (VPH) Les lésions à virus des papillomes humains (VPH), en particulier les verrues vulgaires et les végétations vénériennes, sont plus fréquentes chez les séropositifs pour le VIH. Les verrues de la muqueuse buccale peuvent être isolées ou concomitantes de verrues cutanées, et se présente sous forme de condylomes acuminés ou de lésions évoquant une
hyperplasie épithéliale focale (fig 11 et 12). Elles affectent surtout les commissures labiales et les lèvres ; leur traitement est chirurgical, par cryo-, électro- ou photocoagulation au laser CO2. Les VPH rencontrés sont de type 2, 7, 11, 12, 16, 18 et 32. Le type 7 n'était pas rencontré au niveau de la cavité buccale avant l'épidémie de sida [52] .
Cytomégalovirus (CMV) Les infections à CMV sont très fréquentes chez les patients VIH+ ayant moins de 100 CD4/mm3 et constituent un critère de sida. Il s'agit le plus souvent d'infections neurologiques, rétiniennes, pulmonaires ou digestives, mais des ulcérations de la muqueuse buccale ont été rapportées avec une mise en évidence de sa responsabilité directe grâce à la PCR. Le traitement est spécifique anti-CMV [67] par le ganciclovir.
Infections bactériennes Infections d'origine dentaire Chez les patients VIH+, la diminution du flux salivaire (xérostomie), accentuée parfois par la prise de médicaments (neuroleptiques, etc.) et la défaillance immunitaire (diminution du taux des IgA salivaires) sont des facteurs aggravants de la carie dentaire. C'est surtout dans le groupe des toxicomanes que les caries sont multiples (polycaries) et qu'elles prennent des formes cliniques particulières, atteignant autant les faces de la couronne dentaire que les collets [120] (fig 13). Elles sont souvent associées à des parodontites avec récession gingivale. La carie superficielle, limitée à la dentine, engendre d'abord une sensibilité aux agents thermiques, le chaud et le froid, et chimiques, l'acide, le sucre surtout dans ses formes les plus collantes (bonbons, chocolat, miel). Cette sensibilité, de plus en plus intense et durable avec la profondeur de l'atteinte carieuse, est toutefois toujours limitée à la durée de l'application de la cause déclenchante. Elle est retrouvée à l'examen par l'aspersion des dents à l'eau froide ou chaude. Le traitement préventif de la carie dentaire passe par l'élimination systématique de la plaque par le brossage scrupuleux, une réduction de la consommation de sucres cariogènes et surtout la fluoration assurée par l'utilisation de pâtes dentifrices fluorées. Chez les patients immunodéprimés, une visite de dépistage systématique est souhaitable au moins tous les 6 mois, chez le dentiste. La douleur provoquée « dentinaire » peut être due à la dénudation des collets ou des racines ; ces douleurs ne requièrent aucun antalgique ; le patient apprend à éviter leur déclenchement ; l'application de vernis isolants, de fluorures, l'usage de pâtes dentifrices fluorées, ou contenant du formol, peut atténuer la sensibilité des collets dénudés ; le traitement local de la carie par le dentiste reste une nécessité pour éviter son évolution au stade suivant, la pulpite. La pulpite se distingue par l'intensité de la douleur : c'est la « rage de dent » ; la douleur est provoquée mais cette fois par des variations thermiques minimes, la chaleur de l'oreiller ou la simple aspiration de l'air ambiant ; elle persiste après l'application de la cause déclenchante et ne s'atténue que lentement. Elle est le plus souvent précédée de douleurs provoquées au cours des repas... et négligées ; la pulpite est immédiatement soulagée par la pose d'un pansement pulpaire anesthésique ou nécrosant. Quelquefois, après un stade fugace de pulpite aiguë, la lésion pulpaire évolue vers la nécrose d'abord silencieuse puis responsable, avec l'installation d'une infection à germes anaérobies, d'une « desmodontite » ou « arthrite dentaire » : la douleur est provoquée par la pression ou la percussion sur la dent ; il existe un contact prématuré à son niveau, très douloureux et inévitable, par exemple avec la déglutition automatique de la salive qui entraîne l'occlusion dentaire ; l'aspersion à l'eau froide est muette ou même calme la douleur, mais le chaud au contraire l'exagère. Aux antalgiques, on devra adjoindre une antibiothérapie et des soins locaux, bains de bouche ou topiques antiseptiques, anti-
inflammatoires, antalgiques. L'infection peut encore s'aggraver soit d'emblée, soit après une phase chronique où se constitue un granulome apical, dont le réchauffement aboutit à l'abcès dentaire ; la douleur est alors permanente, lancinante tandis que la clinique s'enrichit des signes de l'infection maxillaire et périmaxillaire : la fluxion, et la fièvre. Au stade de nécrose pulpaire, la simple trépanation à la fraise de la chambre pulpaire, d'ailleurs indolore si on prend soin d'immobiliser la dent, soulage immédiatement le malade ; en cas d'abcès dentaire le drainage par voie radiculaire, sous couvert de l'antibiothérapie, peut permettre la conservation de la dent, mais l'extraction est souvent plus radicale pour mettre fin à la douleur ; il faut toutefois assurer le contrôle d'une éventuelle hémorragie en cas de thrombopénie. L'éruption des dents de sagesse vers 18 ans, et jusqu'à 25 ans, peut être douloureuse ; le sac péricoronaire ouvert et la gencive constituent un capuchon oedématié et congestif puis infecté à des degrés variables selon le degré d'immunosuppression, d'abord modérément et la « péricoronarite » est rapidement résolutive avec un traitement local antiseptique, puis après répétition des crises ou d'emblée, c'est l'abcès ou cellulite périmaxillaire qui nécessitera une antibiothérapie massive, parfois l'hospitalisation pour un passage à la voie intraveineuse en perfusion (pénicilline G 15 à 30 MU/j + métronidazole 1,5 g/j), rarement le drainage chirurgical. L'avulsion de la dent sera réalisée le plus rapidement possible, les extractions dentaires entraînant des complications d'autant plus importantes que le déficit immunitaire est profond [71]. Un caractère particulier de la douleur des accidents d'évolution des dents de sagesse est son irradiation à l'oreille ou, moins souvent, à la région amygdalienne ; le diagnostic différentiel se posera avec une gingivite nécrotique dont ce peut être le point de départ, avec un sarcome de Kaposi gingival, ou encore avec un lymphome débutant. Les sinusites d'origine dentaire sont assez rares. Chez les patients immunodéprimés, on observe une forme particulière de sinusite d'origine dentaire après dépassement de pâte d'obturation canalaire ; cette pâte contenant des corticoïdes favoriserait la constitution d'aspergillomes intrasinusiens [112]. En raison de l'immunosuppression chez les patients infectés par le VIH, tout traitement ou geste invasif au niveau de la cavité buccale, doit systématiquement être associé à une antibiothérapie par voie générale, habituellement amoxicilline 2g/j pendant une semaine [52] . Un tel geste, comme toute autre intervention chirurgicale au niveau de la cavité buccale, doit être précédé chez les patients infectés par le VIH par un bilan de l'hémostase, souvent perturbé, faisant courir le risque d'hémorragies importantes. Le recours au techniques d'hémostase locale (gouttière hémostatique, colle GRF, etc.) est parfois indispensable.
Atteintes parodontales D'une manière générale, on constate chez les sujets infectés par le VIH, une accélération de l'évolution des maladies parodontales. Les atteintes parodontales [28] se caractérisent par la destruction, plus ou moins rapide, plus ou moins simultanée, plus ou moins étendue, des quatre tissus qui constituent le parodonte : la gencive, le desmodonte ou ligament alvéolodentaire, le cément et l'os alvéolaire. Cette destruction dépend de quatre facteurs : la flore bactérienne commensale de la cavité buccale, la présence de germes virulents et parfois inhabituels, l'écosystème bactérien parodontal et les défaillances de l'hôte [65]. Un nombre relativement réduit de bactéries possèdent un pouvoir pathogène (virulence) capable de détruire directement ou indirectement les tissus parodontaux. Ce sont principalement Actinobacillus actinomycetem comitans, Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Bacteroides forsythus, Eikenella corrodens, certains spirochètes et certains parasites (amibes, Trichomonas) [80]. L'étude des populations microbiennes dans les maladies parodontales du sujet VIH+ montre qu'elles sont identiques à celles des sujets indemnes de l'infection, mais la présence de pathogènes atypiques a été notée : Mycoplasma salivarium, Enterobacter
cloacae, et Clostridium (chez les toxicomanes). En raison de la dépression des cellules immunitaires, l'écosystème (équilibre du fluide gingival) est profondément modifié, et devient favorable aux bactéries virulentes. Il a été démontré en outre que l'épithélium devient plus perméable chez les patients VIH+ [26]. Dans l'infection par le VIH, la réponse immunitaire non spécifique de la muqueuse buccale est modifiée [26] : diminution de la lactoferrine, augmentation de l'albumine, diminution de la production de salive totale, surtout parotidienne, diminution du taux d'IgA salivaires alors que les IgA sériques sont augmentées. Le taux des IgG dans le fluide salivaire cervical est augmenté et des altérations des médiateurs de l'inflammation (enzymes leucocytaires, interleukine 1 B) ont été observées. Les capacités de réponse immunitaire spécifique au niveau de la muqueuse buccale n'est altérée que tard dans l'évolution de l'infection.
Gingivite Les gingivites sont des processus « inflammatoires » sans atteintes parodontales des autres structures. La gingivite peut être limitée à un érythème net, bande linéaire régulière rouge vif qui s'étend de 2 à 3 mm dans la gencive attachée au-delà de la gencive libre [40] (fig 14). Les patients ne présentent généralement aucun autre signe de l'infection par le virus du sida et, parfois, ignorent qu'ils sont séropositifs. Le saignement diffus au brossage et la non-régression de cette forme de gingivite, malgré un bon contrôle de la plaque dentaire, sont des signes caractéristiques. La gingivite érythémateuse linéaire est associée à la présence constante de Candida [1] alors que, dans les maladies parodontales chroniques, on note la présence d'Actinomyces et de Bacterionema. Pour certains, la gingivite érythémateuse linéaire ne serait qu'une candidose érythémateuse gingivale. L'érythème serait dû à l'action de cytokines vasoactives. La gingivite érythémateuse linéaire peut évoluer avec apparition de récessions gingivales, de sensibilités au chaud, au froid ou au sucre, en l'absence de carie dentaire, avec à terme la destruction des autres composantes du parodonte.
Gingivite ulcéronécrotique C'est une ulcération nécrotique des tissus parodontaux superficiels (gencive). Un aspect typique de décapitation des papilles interdentaires souvent recouvertes d'un enduit fibrineux est observé. Les lésions de la gingivite ulcéronécrotique peuvent s'étendre à une ou plusieurs papilles interdentaires et la formation de cratères interproximaux est associée à des douleurs aiguës (fig 15). Il n'est pas rare que l'examen clinique montre des saignements provoqués et souvent spontanés (gingivorragies), aggravés parfois par la thrombopénie. Une forte halitose est présente, à mettre sur le compte de bactéries anaérobies sur et dans les tissus. On peut quelquefois palper des adénopathies sousangulomaxillaires douloureuses. Certains patients présentent des pertes de poids rapides de l'ordre de quelques kilogrammes en 2 ou 3 semaines. Plusieurs facteurs sont parfois associés : stress, fatigue, troubles ou déficiences nutritionnelles, tabagisme, respiration buccale, tartre, anxiété et les polycaries habituellement rencontrées chez les toxicomanes [120]. Dans la majorité des cas, la flore microbienne retrouvée n'est pas spécifique, fusospirilles, spirochètes, bactéroïdes et quelquefois des parasites (amibes et Trichomonas) [94], avec une virulence en rapport avec l'altération de la réponse immunitaire. Le traitement repose essentiellement sur l'antibiothérapie, les antiseptiques locaux, le détartrage et l'élimination des tissus nécrosés dès que possible.
Il est à noter que la neutropénie est responsable d'aspects de gingivite ulcéronécrotique, résistante alors aux traitements classiques, mais répondant bien à un traitement par cotrimoxazole [95].
Parodontite nécrotique aiguë Lors de l'examen clinique, il est parfois difficile de différencier une parodontite nécrotique aiguë d'une gingivite ulcéronécrotique. Cependant, la destruction de l'ensemble du support parodontal dans la parodontite nécrotique aiguë contraste avec l'atteinte purement gingivale de la gingivite ulcéronécrotique. Un des signes particuliers de la parodontite nécrotique aiguë est la rapidité de cette destruction, souvent sans formation de poches parodontales, puisque les tissus mous sont détruits aussi vite que les tissus durs. Dans les cas sévères l'ensemble des arcades dentaires peut être atteint, mais on observe le plus souvent des destructions localisées (fig 16).
Stomatite nécrotique aiguë d'origine parodontale L'extension au-delà des structures parodontales constitue la stomatite nécrotique aiguë. C'est une infection fulminante, et les destructions s'étendent à la muqueuse et à l'os alvéolaire. Les signes cliniques ressemblent à ceux des stomatites gangreneuses (noma) [102] avec des dénudations extensives de l'os, accompagnées de séquestration, aboutissant parfois au développement de larges fistules et d'une ostéite chronique (fig 17). Les germes en cause sont souvent Borrelia vincenti, Fusobacterium nucleatum et parfois Prevotella melaninnogenica [119]. Le traitement antibiotique, d'abord à large spectre (pénicilline G + métronidazole) sera adapté en fonction du germe isolé, et un parage chirurgical est souvent nécessaire.
Infections des glandes salivaires Peu fréquentes, elles sont dues généralement aux bactéries pyogènes banales. L'infection se produit par voie canaliculaire ascendante. Les germes buccaux empruntent les canaux excréteurs (sialodochite) puis diffusent vers les acini salivaires (parotidite ou sousmaxillite). Dans cette pathogénie, le déficit salivaire, qu'il soit directement lié à l'infection par le VIH ou dû à certains médicaments, joue un rôle important. Cliniquement, le début est tantôt brutal par une vive douleur accompagnée de signes généraux infectieux, tantôt progressif par une sensation de tension douloureuse. La douleur est exacerbée par la mastication, et un léger trismus s'installe. La tuméfaction est évidente, rappelant celle des oreillons mais, le plus souvent, elle est unilatérale. La peau à son regard est rouge vif, adhérente aux plans profonds. L'examen endobuccal montre un ostium du canal excréteur rouge et turgescent, laissant sourdre une goutte de salive purulente. L'évolution à la peau avec fistulisation (fig 18) est particulièrement difficile à traiter et nécessite un élargissement de l'orifice pour drainage. L'antibiothérapie par voie générale (pénicilline G + métronidazole) peut être associée à des instillations locales par voie canalaire (rifamycine). Cliniquement la tuméfaction des loges salivaires doit être distinguée des adénopathies, ou des hypertrophies par hyperplasie lymphoïde kystique, éventuellement visibles à l'échographie ou sur un scanner [115].
Infections bactériennes plus rares Infections à Bartonella henselae : identifiée en 1983, Rochalimaea henselae est responsable de l'angiomatose bacillaire et d'infections systémiques. L'angiomatose bacillaire est une affection cutanéomuqueuse ressemblant au botriomycome
ou au sarcome de Kaposi, mais dont le caractère douloureux doit attirer l'attention [57]. L'examen histologique est alors indiqué, mettant en évidence une prolifération vasculaire et, surtout, la mise en évidence du germe par la coloration de Warthin-Starry. L'angiomatose bacillaire peut aussi être une maladie diffuse. Le traitement par l'Érythromycine® ou les tétracyclines est habituellement efficace.
Ulcérations de la muqueuse buccale (fig 19) Alors que 80 à 90 % des patients atteints par le VIH développent des lésions buccales à un moment ou à un autre de l'évolution de la maladie, 10 à 15 % parmi eux présentent des ulcérations de la muqueuse buccale d'étiologies très diverses (tableau V). Chez les patients séropositifs au VIH comme dans les autres situations d'immunosuppression, les infections opportunistes sont au premier plan des ulcérations buccales, mais les aphtes, vulgaires, géants ou miliaires et les ulcérations non spécifiques sont fréquemment décrits et touchent parfois, audelà de l'oropharynx, l'ensemble du tractus gastro-intestinal [75]. Les travaux des différentes équipes s'accordent sur les constatations suivantes : les ulcérations sévères de la muqueuse buccale sont plus fréquentes chez les patients symptomatiques, sida stades B et C (selon la classification internationale) ; dans la phase asymptomatique, l'aphtose mineure (aphte vulgaire) est le diagnostic le plus fréquemment rencontré. La fréquence de cette variété étiologique diminue au fur et à mesure de la progression de la maladie ; chez les patients symptomatiques avec de faibles taux de CD4, les ulcérations non spécifiques et les ulcérations neutropéniques sont les cadres les plus fréquemment rencontrés ; la biopsie a un rôle majeur pour préciser une éventuelle étiologie infectieuse ou tumorale. Elle doit être systématisée. En pratique, les ulcérations sont des pertes de substance profondes ou l'épithélium et une partie du chorion sous-jacent ont disparu. L'examen clinique permet parfois, à lui seul, d'emporter la conviction étiologique. Il est nécessaire de préciser le caractère unique ou multiple de l'ulcération, le siège, la taille, la forme et d'apprécier l'aspect des bords, taillés à pic ou éversés, parfois surélevés, ainsi que le fond, net ou sanieux. Une induration sous-jacente sera recherchée. L'interrogatoire aura précisé les antécédents médicaux, l'évolution depuis la découverte de l'infection par le VIH, le statut immunitaire, la numération-formule sanguine et le taux des CD4 ainsi que les traitements en cours. Le diagnostic étiologique est souvent difficile et nous proposons une approche médicale rigoureuse (algorithme) pour aboutir à un traitement adéquat sans perte de temps. L'expérience du praticien et son jugement jouent aussi un rôle considérable.
Ulcérations traumatiques L'étiologie traumatique est facilement évoquée devant une ulcération unique, siégeant en regard d'une prothèse mal adaptée ou d'un débris radiculaire, ou après traumatisme direct par un agent contondant. La seule suppression de la cause apparente doit aboutir à la disparition de l'ulcération en quelques jours, et si tel n'était pas le cas, d'autres étiologies seront recherchées.
Atteintes parodontales
Les ulcérations des atteintes parodontales [7] concernent moins de 10 % des patients infectés par le VIH. Elles se présentent sous forme de lyses aiguës du parodonte, localisées ou étendues, touchant la seule gencive ou l'ensemble du parodonte [123]. La présence de débris nécrotiques superficiels et le caractère extensif des lésions aggravé par la présence de tartre et le tabagisme, ainsi que par les polycaries habituellement rencontrées chez les toxicomanes, sont des éléments d'orientation importants pour le diagnostic de gingivite ou de parodontite ulcéronécrotique. L'association à une thrombopénie entraîne des gingivorragies. Le bilan de l'atteinte parodontale inclut des radiographies (panoramique ou rétroalvéolaires) pour retrouver l'atteinte osseuse et des prélèvements bactériens pour orienter le traitement. Dans la majorité des cas cependant, la flore microbienne retrouvée n'est pas spécifique et reste celle commensale de la cavité buccale, avec une virulence accrue de certains germes (anaérobies). Le traitement repose essentiellement sur l'antibiothérapie, les antiseptiques locaux, le détartrage et l'élimination des tissus nécrosés dès que possible.
Aphtes et aphtoses Les ulcérations de la muqueuse buccale chez les patients infectés par le VIH peuvent avoir un aspect classique d'aphtes communs : ulcérations unique ou multiples, de diamètre inférieur à 1 cm, de forme ovalaire, au fond jaunâtre, entourées par un halo érythémateux, siégeant au niveau des muqueuses non kératinisées (mobiles). Il s'agit d'aphtes vulgaires, dont le caractère sporadique, peu invalidant, et l'apparition dès l'enfance avec une tendance à la régression à l'âge adulte sont retrouvés dans l'anamnèse. Parfois, l'aspect observé est celui de miliaire (ulcérations punctiformes de 1 à 2 mm de diamètre) ou d'aphtes géants, mais à l'interrogatoire, des épisodes similaires sont retrouvés avant l'infection par le VIH, et les caractères ainsi que l'évolution restent comparables aux poussées antérieures. Il est légitime alors de les traiter comme une aphtose commune : lorsqu'ils sont peu nombreux et de petite taille, d'évolution et de durée normales, l'application de topiques anesthésiants et cicatrisants est suffisante. La guérison intervient en une semaine, sans laisser de cicatrice. Chez les patients infectés par le VIH, les aphtes buccopharyngés géants sont plus fréquents et rencontrés dans deux tiers des cas au cours de l'évolution de l'infection par le VIH [87]. Chez plus de la moitié de ces patients, on retrouve la notion d'aphtes sporadiques dans l'enfance, mais jamais sous forme d'aphte géant ou de miliaire (fig 20 et 21). Les formes extensives, touchant de façon importante la muqueuse pharyngée et laryngée, ne sont pas rares. Ils peuvent grever sérieusement la qualité de vie des patients. Une corrélation a été établie entre la présence d'aphtes géants et la baisse des CD4 [75]. Les aphtes buccopharyngés ne touchent habituellement la fibromuqueuse que de façon exceptionnelle ; dans l'infection par le VIH, la localisation à la fibromuqueuse est fréquente et peut même se situer sur les papilles interdentaires, rendant alors le diagnostic différentiel avec une atteinte parodontale difficile. D'autres aspects atypiques sont observés : forme polycyclique, présence d'un infiltrat, absence d'érythème périlésionnel, plus grande sévérité d'évolution, persistance inhabituelle souvent de plusieurs mois, extension à d'autres régions du tractus gastro-intestinal, etc. Dès lors que les caractères classiques de l'aphtose commune ne sont plus clairement réunis, la plus grande prudence s'impose dans la démarche diagnostique, et d'autres étiologies sont à rechercher avant de retenir le diagnostic d'aphte.
Ulcérations iatrogéniques et neutropénie Il convient en premier lieu de s'assurer de l'absence d'une toxicité médicamenteuse ou d'une neutropénie parfois induite par ce même traitement,
pouvant être responsables d'ulcérations de la muqueuse buccale
[95]
.
En effet, les patients atteints de sida sont polymédicamentés et présentent une fréquence élevée d'interactions médicamenteuses et parfois des toxidermies [39]. La toxicité médicamenteuse se traduit cliniquement au niveau de la cavité buccale par des aspects classiques d'érythème polymorphe, de toxidermie aphtoïde, ou d'ulcérations buccales et oesophagiennes douloureuses, superficielles et étendues. La zalcitabine, le foscarnet et l'interféron ont été incriminés dans des stomatites ulcéreuses [43]. Des ulcérations oesophagiennes ont été observées avec la zalcitabine. Ce médicament est, par ailleurs, parfois responsable de neutropénies pouvant à elles seules être responsables d'ulcérations buccales. La zidovudine (azidothymine) a été mise en cause dans l'apparition d'ulcérations buccales oesophagiennes et de réactions lichéniennes. Le kétoconazole a été mis en cause dans l'apparition de lichen cutanéomuqueux avec un aspect érosif au niveau de la cavité buccale [79]. Le syndrome de Stevens-Johnson a été rapporté après administration de fluconazole, didanosine, Bactrim® et des traitements antituberculeux. La radiothérapie et la chimiothérapie systémiques employées dans le traitement du sarcome de Kaposi et des lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) peuvent engendrer des complications au niveau de la muqueuse buccale. Il s'agit de la classique radiomucite et des stomatites induites par les antimitotiques, susceptibles de se compliquer de surinfections mycosiques, virales ou bactériennes, associées parfois à la xérostomie et à l'ostéoradionécrose responsable de larges pertes de substance. L'injection sous-lésionnelle de vinblastine dans le traitement du sarcome de Kaposi produit presque toujours une ulcération très douloureuse [39]. Les ulcérations iatrogéniques peuvent siéger n'importe où au niveau de la muqueuse buccopharyngée ; la recherche d'imputabilité doit être rigoureuse, car il importe de ne pas incriminer hâtivement un médicament par ailleurs efficace sur le VIH ou sur les autres agents pathogènes opportunistes : date d'apparition des lésions par rapport au début d'un traitement, nature du traitement, réintroduction, etc. Les ulcérations neutropéniques (neutrophiles < 800/mm3) sont dues à la virulence accrue des bactéries saprophytes et une antibiothérapie à large spectre suffit souvent à faire disparaître les lésions tout en permettant la poursuite du traitement antiviral. La correction de la neutropénie (facteurs de croissance, corticothérapie) consolide la guérison des ulcérations.
Infections Après avoir éliminé l'aphtose, la neutropénie, l'origine médicamenteuse, et en absence de certitude de diagnostic étiologique, la recherche doit se poursuivre à l'aide d'examens spécifiques réalisables dans le même temps : prélèvements mycologiques, bactériologiques, viraux, cytologiques et biopsie orientée au milieu et/ou sur les bords de l'ulcération. Ces cinq examens sont susceptibles soit de contribuer directement à l'établissement du diagnostic, soit d'orienter si nécessaire vers des investigations plus sophistiquées recherchant l'agent pathogène en cause (organisme fongique, bactérie ou virus), ou mettant en évidence un processus tumoral.
Infections mycosiques L'infection de la muqueuse buccale par le Candida albicans, la plus fréquente, se traduit par des aspects cliniques variés et parfois sous forme d'ulcérations. La chéilite angulaire, par exemple, peut se présenter sous forme de fissures avec saignement et croûtes jaunâtres. Elle est toutefois presque toujours associée à une candidose intrabuccale typique, et le diagnostic est aisé [21].
D'autres organismes fongiques ont été rapportés dans le cadre d'ulcérations buccales douloureuses : Histoplasma capsulatum et Cryptococcus neoformans [39] . Des zygomycoses, aspergilloses et pénicillinoses ont été aussi rapportées. Le diagnostic des candidoses et des autres infections mycosiques est basé sur l'aspect clinique ainsi que sur l'identification de l'agent pathogène après culture sur milieu de Sabouraud, examens sérologiques pour les mycoses profondes, et examen histologique avec colorations particulières (PAS, Grocott, mucicarmine, etc.) et immunofluorescence.
Infections bactériennes et parasitaires Des ulcérations buccales et oesophagiennes dues à des micro-organismes bactériens ont également été rapportées : Mycobacterium tuberculosis et M avium intracellulare. [117]. L'identification est histologique et repose sur la présence de mycobactéries acidophiles au sein d'un granulome inflammatoire macrophagique entourant une nécrose caséeuse. Seule la culture permet de distinguer M tuberculosis et M avium intracellulare. Des ulcérations du dos de la langue contenant Klebsiella pneumoniae, Enterobacter cloacae et Escherichia coli ont été décrites, sans que l'on sache s'il s'agit de bactéries pathogènes ou de passage [104]. L'angiomatose bacillaire, due à Rochalimaea henslae, pourrait se traduire par des ulcérations de la muqueuse buccale [57]. Neisseria gonorrhae et Treponema pallidium peuvent être une cause d'ulcérations de la muqueuse buccale chez les patients séropositifs au VIH [123]. Il en est de même d'Helicobacter pylori [96]. Quel que soit l'agent bactérien en cause, le prélèvement et la culture pour identification et antibiogramme ainsi que l'examen histologique des lésions sont nécessaires. En 1995, des infections par des protozoaires, amibes et leishmanies, ont été décrites, responsables d'ulcérations de la muqueuse buccale [56].
Infections virales Les infections causées par les virus du groupe Herpès sont fréquentes chez les patients séropositifs au VIH [7]. Herpèssimplex virus (HSV) peut être responsable de primo-infection et d'épisodes de récurrence. La gingivostomatite herpétique de primo-infection est rare chez ces patients (4 % dans notre série à la Salpêtrière). Classiquement, l'éruption vésiculeuse est suivie de multiples ulcérations douloureuses de la langue, des gencives et du palais dur accompagnées de fièvre et de malaise. Chez les patients séropositifs au VIH, le tableau peut être sévère ou parfois atypique avec absence des signes généraux, rendant le diagnostic difficile [55]. L'herpès récurrent atteint généralement la muqueuse kératinisée sous forme d'un bouquet d'ulcérations postvésiculeuses, mais chez les patients séropositifs, l'aspect clinique peut être inhabituel, diffus, et persister pendant plusieurs semaines. Ainsi peut-on observer des ulcérations du bord de la langue, uniques ou multiples avec infiltration sous-jacente et même des aspects verruqueux en périphérie [109] (des cas d'infection par le virus herpès simplex se traduisent cliniquement par des lésions hyperkératosiques et verruqueuses semblables à celles observées avec molluscum contagiosum). Dans la majorité des cas, la gingivostomatite herpétique de primo-infection et les épisodes de récurrence sont dus à HSV-1, mais HSV-2 a été retrouvé aussi dans certaines lésions [76]. L'infection de la muqueuse buccale (mais aussi anale et génitale) par HSV est
corrélée à la baisse des CD4 (< 50 106/L)
[2]
.
Des ulcérations de la muqueuse buccale causées par le virus VZV sont aussi observées [52]. Il s'agit d'ulcérations postvésiculeuses, dans le cadre des vésicules très éphémères en bouche d'une varicelle ou d'un zona. HSV et VZV peuvent être isolés par culture ou cytologie. Un effet cytopathogène peut être observé en histologie. Le CMV est un des agents opportunistes chez les patients atteints par le VIH. Il peut être responsable d'ulcérations du tube digestif. Il est toutefois rare que l'aspect clinique de cette infection se traduise par des ulcérations buccales [17]. Elles sont alors semblables à celles observées dans les aphtoses ou les toxidermies, douloureuses, de taille et de siège variables, prenant parfois un aspect de fissure. Lors de l'examen histologique, c'est la présence d'inclusions cytoplasmiques de CMV au niveau des cellules endothéliales et des couches cellulaires profondes qui permet le diagnostic. L'identification du type viral peut nécessiter le recours à des techniques sophistiquées : hybridation in situ, microscopie électronique, immunohistochimie et PCR. Ainsi, La présence d'autres virus a été rapportée dans les ulcérations de la muqueuse buccale ou oesophagienne : EBV [64], et même le VIH en phase aiguë . Dans ce dernier cas, les patients présentaient des signes généraux importants : fièvre, myalgies, rash cutané et dysphagie. Les examens paracliniques sophistiqués réalisés sur les pièces de biopsie (microscopie électronique, immunohistochimie, hybridation in situ) ont identifié des virions de VIH, ce qui a amené à les rendre directement responsables de ces ulcérations [66]. Quelquefois, deux agents viraux ont été mis en évidence dans les ulcérations de la cavité buccale (co-infection).
Tumeurs Les tumeurs des néoplasies opportunistes sont très fréquemment rencontrées chez les patients atteints de sida et peuvent se traduire par des ulcérations. Les lésions de la maladie de Kaposi sont habituellement asymptomatiques et associées à une atteinte cutanée, mais des ulcérations douloureuses sont parfois observées à des stades avancés de l'affection [36]. Le LMNH est une cause rare d'ulcérations de la muqueuse buccale. Il s'agit d'une ulcération douloureuse reposant sur une infiltration qui déborde largement la base. Longtemps, les tissus durs avoisinants sont épargnés, et l'ulcération s'accroît en surface et devient de plus en plus profonde. La localisation maxillaire est la plus fréquente [33]. EBV est parfois détecté par les techniques d'hybridation in situ. Des ulcérations de la muqueuse buccale ont révélé parfois la présence de carcinomes épidermoïdes chez des patients infectés par le VIH, certains d'âge jeune et sans les facteurs de risque habituels (alcool, tabac) [68]. L'aspect clinique est classiquement celui observé dans ces cancers. Dans tous les cas, l'examen histologique est indispensable au diagnostic.
Ulcérations non spécifiques L'ulcération non spécifique est un cadre d'attente qui ne saurait être un véritable diagnostic, et auquel on aboutit après avoir exclu toutes les autres causes d'ulcérations de la muqueuse buccopharyngée. Elles sont rapportées avec des fréquences variables entre 1,1 et 12 %. Il s'agit
d'ulcérations probablement aggravées par la virulence bactérienne, dont les caractères cliniques et histologiques diffèrent de ceux des aphtes classiques : larges ulcérations nécrotiques très douloureuses pouvant persister des semaines ou des mois entraînant des pertes de substance et des brides cicatricielles invalidantes et grevant sérieusement la qualité de vie des patients. Les examens à la recherche d'un agent pathogène particulier restent négatifs, et l'histologie n'est pas spécifique [75]. Une dépression sévère des CD4 est retrouvée ainsi qu'une importante augmentation des taux sériques de TNFα [82]. Le faible taux de vitamine B12 et de folates a été avancé pour expliquer ces lésions mais une étude contrôlée a montré l'absence de différence entre les patients HIV+ avec ou sans ulcérations non spécifiques [77]. Certains auteurs considèrent qu'il s'agit d'aphtes atypiques, d'autant plus que les aphtes développés chez les patients infectés par le VIH sont plus sévères et persistent plus longtemps que chez les personnes immunocompétentes, d'autres qu'il s'agit d'une entité à part entière (HHV8 a été retrouvé de manière significative à leur niveau) [32]. Ces ulcérations, qu'elles soient sans étiologie évidente ou qu'il s'agisse d'aphtes d'évolution prolongée, aphtes géants et étendus, requièrent en première intention une antibiothérapie à haute dose. On peut y associer une corticothérapie (1 mg/kg prednisone pendant 10 à 15 jours). En cas d'échec et sans attendre plus de 5 ou 6 jours, le traitement doit faire appel au Thalidomide®, 100 mg/j [47]. Ce traitement est très efficace et peut constituer dans certains cas un test diagnostique, son inefficacité devant amener la recherche d'une origine tumorale (LMNH), ou infectieuse spécifique (CMV, herpès), ou encore une ulcération iatrogène. Sous Thalidomide®, la sédation des douleurs est obtenue en quelques jours, la cicatrisation en 8 à 15 jours. Le traitement d'entretien est inutile, et il vaut mieux reprendre la posologie initiale en cas de rechute.
Lésions tumorales Maladie de Kaposi Le terme de maladie de Kaposi (MK) doit être préféré à celui de sarcome de Kaposi. La MK n'est pas un sarcome tant du point de vue de la morphologie des cellules que de leurs caractères en culture ou de leurs caryotypes. Il s'agit d'une hyperplasie endothéliale ou mésenchymateuse polyclonale, multifocale, non métastasiante, non tumorigène chez la souris nude, dépourvue d'oncogènes et susceptible de régresser spontanément [47]. L'implication d'un nouveau virus du groupe Herpèsvirus (human herpes virus type 8 ou HHV8) actuellement démontrée va certainement modifier la prise en charge de cette maladie dans les années à venir. Cette affection a été décrite pour la première fois par Moricz Kaposi en 1872 chez des patients de sexe masculin (10 à 15 M/1 F) âgés (plus de 50 ans) principalement d'origine juive d'Europe centrale ou méditerranéenne. Cette forme dite MK classique a une faible incidence (0,2 à 0,6/100 000 habitants) dans le monde occidental [46], présente peu de manifestations cervicofaciales et reste peu agressive. Dans les années 1920, un foyer de MK dit endémique a été mis en évidence en Afrique équatoriale où la MK représentait, avant le sida, 10 % des cancers, touchant volontiers des sujets plus jeunes avec un sex-ratio de trois hommes pour une femme et un pronostic souvent plus grave . Une forme iatrogène a été par la suite reconnue, survenant après chimiothérapie ou lors d'une immunodépression thérapeutique, surtout après greffe rénale. Elle touche 4,9 % des sujets transplantés et régresse en général, en partie ou en totalité, à l'arrêt du traitement immunosuppresseur [8]. C'est à partir de 1979 que des cas de MK ont été observés chez de jeunes homosexuels masculins en Californie et à New York, rapportés dès 1981 au sida (MK épidémique) [41]. Sa fréquence, initialement élevée (50 à 60 % des patients au début de l'épidémie) diminue et reste inférieure à 20 % des malades atteints de sida. La MK est corrélée avec des taux bas de CD4, et sa prévalence augmente avec
l'immunosuppression et la progression de la maladie
[49]
.
La lésion élémentaire cutanée de la MK est une macule érythémateuse qui devient progressivement violacée et s'infiltre. Le diagnostic clinique est souvent facile devant l'absence de disparition de la coloration rouge à la vitropression, sa persistance et son caractère hémorragique et / ou pigmenté. Il n'y a pas de topographie prédominante, contrairement à la MK classique ou il y a une prédilection pour les membres inférieurs. Le visage et le tronc sont fréquemment atteints. Dans la région cervicofaciale, la pointe du nez et les oreilles sont des localisations préférentielles. L'atteinte de la muqueuse buccale est retrouvée dans environ 50 % des cas (trois fois sur dix, la localisation buccale précède les localisations cutanées) alors qu'elle n'existe que dans 4 à 10 % des cas dans les autres formes de MK . Elle se traduit très souvent par l'apparition au niveau de la muqueuse d'une ou plusieurs macules rouge sombres ou violacées (formes de début) (fig 22). qui s'étendent progressivement. Le siège est plus fréquemment palatin, vélaire ou gingival supérieur, les localisations à la langue et à la gencive inférieure sont plus rares. L'aspect devient progressivement papuleux puis nodulaire (formes intermédiaires) (fig 23). et tumoral avec parfois ulcération en surface (formes tardives) (fig 24). Au stade de macule, le diagnostic différentiel est à faire essentiellement avec une candidose chronique ou une ecchymose. Une lésion érythématopapuleuse unique de la région rétromolaire peut avoir un aspect de péricoronarite d'évolution d'une dent de sagesse. Dans les stades évolués, une lésion unique tumorale de MK sur la gencive peut avoir un aspect très angiomateux ou celui d'un granulome pyogénique, de même si elle se développe dans une alvéole après une extraction dentaire. D'autres diagnostics peuvent être plus rarement évoqués : tumeur de glande salivaire accessoire, angiomatose bacillaire, tumeur vasculaire, hématome, lymphome ou mélanome. Les localisations ganglionnaires sont fréquentes, présentes dans 70 % des cas [61] , mais sont rarement dépistées du vivant du malade. Quelques observations les ont rapportées comme première manifestations du sida dans la région cervicofaciale. L'atteinte viscérale serait présente dans 75 à 80 % des MK du sida, en général asymptomatique (estomac, grêle, colon, rectum, parfois représentant l'élément le plus péjoratif de l'évolution de la maladie en cas de localisation pulmonaire : la radiographie thoracique est le seul examen utile du bilan d'extension de MK du sida en absence de point d'appel clinique. La MK du sida survient à un stade avancé, avec un déficit immunitaire souvent profond, la médiane de lymphocytes CD4 étant à 50/mm3 [23]. L'évolution de la MK est très variable, sans que l'on puisse dégager de facteur pronostique quant au risque de dissémination tumorale. Un début ganglionnaire ou sur les membres inférieurs semble de meilleur pronostic. Environ un quart des MK du sida sont très agressives avec atteinte viscérale, en particulier pulmonaire, un quart reste paucilésionnel et la moitié des MK cutanées et/ou muqueuses sont évolutives mais ne mettent pas en jeu le pronostic vital. Celui-ci reste principalement constitué par les infections opportunistes, fonction de l'importance du déficit immunitaire, mais la MK est tout de même responsable de 10 à 25 % de décès sans que les traitements aient amélioré, d'une manière générale, le pronostic vital (médiane de survie de 1 à 3 ans) [23]. Le bénéfice de l'avènement des trithérapies et de l'utilisation de divers antiviraux dirigés contre la HHV8 reste à déterminer. L'histologie de la MK du sida est la même que celle de la MK Classique : prolifération vasculaire constituée de vaisseaux initialement bien différenciés évoluant au fur et à mesure de la progression de la maladie vers une forme dédifférenciée, associées à des cellules endothéliales volumineuses plus ou moins atypiques, une extravasation d'hématites avec dépôt d'hémosidérine (coloration de Perls positive) et une prolifération plus ou moins dense de cellules fusiformes ou cellules de Kaposi (spindle cells des Anglo-Saxons). Un infiltrat inflammatoire lymphoplasmocytaire avec des globules hyalins éosinophiles (PAS positif) accompagne cette prolifération nodulaire multifocale ou diffuse. Les différents aspects histopathologiques rendent compte des différents stades cliniques. La prolifération des vaisseaux est importante en phase maculeuse et en phase papuleuse, l'infiltrat inflammatoire s'intensifie avec les formes nodulaires et violacées. Une prolifération massive de cellules fusiformes ou cellules de
Kaposi est observée principalement dans les lésions d'aspect tumoral . L'origine histogénétique de la MK, et principalement des cellules fusiformes, est discutée. Les études les plus anciennes reposaient sur la microscopie optique puis électronique, et incriminaient divers types cellulaires comme étant à l'origine de la MK. Les études immunohistochimiques ont mis en évidence l'expression de filaments intermédiaires de vimentine (communs à toutes les cellules mésenchymateuses) à la surface des cellules fusiformes, rendant compte de l'origine mésenchymateuse de ces cellules. L'expression de divers antigènes (CD34, facteur Von Willebrand, facteur VIII, CD321, CD36, HLA-DR...) soutient l'origine endothéliale vasculaire des cellules de Kaposi. C'est sur des arguments épidémiologiques plutôt que virologiques ou de biologie moléculaire que la responsabilité d'un agent infectieux viral a été évoquée au départ : prédilection pour les homosexuels masculins, répartition géographique (Californie, New York, Antilles, Afrique noire), diminution des cas de MK avec le temps, corrélation entre MK et promiscuité sexuelle, survenance de MK dans des couples hétérosexuels, survenance de MK chez des homosexuels masculins non infectés par le VIH. Dès 1972 pourtant, une étiologie virale avait été avancée [44] mais il a fallu attendre 1995 pour qu'une association entre MK et un nouveau membre de la famille des virus herpès (HHV8) soit établie, sans que le rôle étiologique de ce dernier soit encore démontré, ni que le rôle d'autres facteurs (prédisposition génétique, rôle des androgènes, rôle indirect de la protéine TAT du VIH...) soit élucidé. La découverte en 1994 de ce qui a été appelé au départ KSHV (herpès virus associé au sarcome de Kaposi) a été réalisée par une approche moléculaire, l'analyse de la différence de représentation d'ADN, utilisant l'amplification génique (PCR), mettant en évidence la présence de séquences codantes homologues aux virus de la famille des Gammaherpes viridae. HHV8 est présent dans près de 100 % des lésions de MK associées au sida [27]. Chez les sujets négatifs pour le VIH, le HHV8 est aussi présent dans les lésions de MK classique [35], de MK africaine ou endémique [58], de MK des sujets transplantés [14]. Cette association est d'autant plus remarquable que, dans les tissus sains des sujets malades, le virus est présent avec une fréquence moindre que dans les lésions de MK [81]. Le virus est détecté dans les cellules mononucléées sanguines des sujets atteints de MK [29] et la présence du virus dans ces cellules avant la survenue de la MK est prédictive de la survenue de cette maladie [118]. Au sein des lésions de MK, il a été montré par PCR in situ que le virus était présent dans le noyau des cellules endothéliales et des cellules en fuseau (spindle cells), spécifiques de la tumeur [13]. Par la même technique de PCR in situ, le virus n'était pas détecté dans la peau saine voisine des lésions tumorales, la charge virale étant plus faible en peau saine que dans les lésions [35] . Sur le plan expérimental, le virus n'est plus détecté dans les lignées cellulaires dérivées de lésions de MK alors qu'il est présent dans la tumeur de départ [69], traduisant la possible diminution de la sécrétion locale de facteurs de croissance indispensables à la multiplication virale (interleukine 6, facteur de croissances des fibroblastes bFGF, facteur de croissance issu des plaquettes PDGF). Les travaux de diverses équipes ont montré par ailleurs que HHV8 paraît spécifiquement associé aux lymphomes diffus des séreuses (body-cavity-based lymphomas, BCBL) et à la maladie de Castelman. Le caractère non ubiquitaire de ce virus et sa transmission par voie sexuelle paraissent probables, mais d'importants travaux de recherche sont nécessaires pour la caractériser sur le plan virologique, épidémiologique et physiopathologique. Si sa pathogénicité était confirmée, il restera à définir les mécanismes de transmission, et à en déduire les mesures prophylactiques susceptibles de supprimer ou de réduire la propagation de l'infection. L'activité des divers antiviraux, jusqu'à présent controversée, devra être évaluée précisément, à la fois sur la multiplication du HHV8 et sur l'évolution des maladies associées. La MK ne mettant pas directement en jeu le pronostic vital, le choix du traitement est fonction du nombre de lésions et du développement de la maladie, et fait appel à diverses méthodes locales, régionales ou systémiques : abstention thérapeutique, geste local, injection sous-lésionnelle de sclérosants,
radiothérapie, interféron alpha, chimiothérapie (bléomycine). Au niveau de la muqueuse buccale, certaines lésions tumorales peuvent être traumatisées, gênent l'alimentation ou l'élocution ou présentent un préjudice esthétique important. Un geste local de confort (exérèse, électrocoagulation, photocoagulation, cryothérapie) peut s'avérer alors nécessaire. Il n'y a pas de contrôle complet de la lésion. L'injection intralésionnelle de vinblastine reste une thérapeutique de choix dans les pays anglo-saxons pour les lésions de taille inférieure à 2 cm. Une réduction d'au moins 50 % de la taille des lésions est obtenue chez tous les patients. Elle est de 75 à 100 % chez la moitié d'entre eux. La rémission dure en moyenne 4 mois et peut se prolonger pendant 2 ans. Une nouvelle réponse à l'injection de vinblastine est observée dans 73 % des cas. Cette chimiothérapie locale peut être associée ou venir compléter un traitement systémique de la MK [15]. Son coût est faible, et les effets indésirables sont une douleur (importante) à l'injection, et une pigmentation postinflammatoire, constante. D'autres agents sclérosants ont été utilisés avec des résultats moins probants (Polidocanol, etc.) L'interféron α ne peut être efficace que lorsque le déficit immunitaire est modéré (plus de 200 CD4/mm3). L'efficacité est dose dépendante (12 à 36 millions d'unités/j) avec des rémissions (20 à 40 %) le plus souvent partielles. L'intolérance est fréquente (asthénie, fièvre) [54]. La radiothérapie est réservée aux lésions étendues ou multiples. Elle entraîne des complications (douleur, mucite) importantes et prolongées. Le taux de réponse complète ou partielle est de 40 à 86 %, avec des rechutes survenant en moyenne 5,5 mois après le début de la radiothérapie [54]. La zidovudine n'a pas d'activité contre la MK. Les polychimiothérapies, en règle très efficaces, sont réservées aux MK graves, en particulier pulmonaires, en raison des cytopénies et de l'aggravation du déficit immunitaire qu'elles induisent. Parmi les monochimiothérapies, la bléomycine entraîne des rémissions partielles ne dépassant pas 50-80 % des cas , de courte durée, ce qui nécessite des traitements prolongés [22]. La toxicité cumulative pulmonaire impose souvent son arrêt.
Lymphomes Le risque de développer un LMNH au cours du sida est de 60 à 100 fois plus élevé que celui de la population générale [10], ce qui a justifié leur prise en compte parmi les critères de la maladie. Ces tumeurs affectent environ 10 % des cas de sida, quel que soit le mode d'acquisition du VIH et après ou non une phase de lymphadénopathie chronique ou de pseudolymphome de Castelman. Le risque augmente avec la survie prolongée des séropositifs. Ces lymphomes sont en règle de type B, ou non B non T (indifférenciés), de haut grade (immunoblastiques, type Burkitt ou diffus à grandes cellules), et extraganglionnaires (système nerveux central, tractus gastro-intestinal, moelle osseuse, myocarde, tissus sous-cutanés). L'atteinte cutanée est rare, mais celle des muqueuses (orale, anale) est fréquente. Dans la région cervicofaciale, l'atteinte ganglionnaire peut intéresser les ganglions intraparotidiens, ceux de la région sous-maxillaire, ou l'anneau de Waldeyer. Lorsqu'il y a atteinte osseuse, elle est surtout mandibulaire et se traduit par une tuméfaction non spécifique, parfois douloureuse et par une image lytique mal limitée. Quant aux manifestations cutanéomuqueuses, elles sont rencontrées sous forme de tumeurs, d'ulcérations et d'abcès résistants aux traitements habituels (parfois confondues avec des infections parodontales). Elles peuvent simuler une maladie de Kaposi en début d'évolution, et quelquefois même coexister avec elle, donner naissance à une infiltration localisée ou diffuse de la fibromuqueuse du palais ou de la crête alvéolaire qui conserve toutefois sa couleur ou prend une teinte rouge sombre (fig 25). Dans l'ensemble, les lésions lymphomateuses sont moins foncées, moins étendues et moins nombreuses que celles de la maladie de Kaposi. La destruction du tissu osseux sous-jacent ne
survient que tardivement. L'EBV est retrouvé dans la moitié des cas par hybridation in situ au sein des lésions, et son rôle promoteur semble acquis. Ailleurs, aucun facteur déclenchant n'est retrouvé en dehors du déficit immunitaire T. Le pronostic reste sévère malgré les traitements par chimiothérapie. La maladie de Hodgkin semble également favorisée par l'infection à VIH, mais sa fréquence est nettement inférieure à celle des lymphomes non hodgkiniens. Elle présente certaines caractéristiques histologiques (cellularité mixte) et évolutives (le plus souvent stade IV) sans atteinte médiastinale, qui la rapprochent de la forme du sujet âgé. L'atteinte est plutôt ganglionnaire et rarement cutanéomuqueuse.
Autres tumeurs Quelques cas de carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale (le plus souvent au niveau de la langue) ont été rapportés chez des patients infectés par le VIH [68] . Dans certains cas, ces patients étaient jeunes, sans facteurs de risque habituels (alcool, tabac). Le nombre des cas rapportés est bien faible et il semble difficile d'affirmer, sans une étude comparative, que l'infection à VIH favorise le développement de ces tumeurs. D'autres tumeurs malignes (épithélioma baso- ou spinocellulaires, mélanomes malins, sarcomes plasmocytaires, etc.) ont été rapportés chez des patients infectés par le VIH, sans que leur fréquence ne semble différente de celle observée dans la population générale.
Lésions rares ou inhabituelles Pathologie des glandes salivaires La sécheresse buccale est rencontrée de manière variable selon les études (0 à 26 %). Elle est précoce, et peut être aggravée par la prise de médicaments xérostomiants. Chez l'adulte, elle est rencontrée dans le cadre d'un syndrome lymphadénopathique plus diffus, pouvant intéresser les glandes salivaires accessoires ou d'autres organes tels le foie et les reins [59]. L'étude histologique des glandes salivaires principales ou accessoires, même en l'absence de toute symptomatologie, montre une infiltration lymphoïde interstitielle dense sans fibrose interstitielle. L'hypertrophie uni- ou bilatérale des glandes salivaires principales, intéressant le plus souvent la parotide et parfois la glande sous-maxillaire, est plus fréquente chez les enfants (19 %) que chez l'adulte (0,5 %) où elle semble se développer de préférence en Afrique [62]. Elle correspond au syndrome lymphocytaire CD8. L'hyperplasie lymphoïde kystique des glandes salivaires est une affection rare, apparemment exceptionnelle chez l'enfant, se traduisant par une tuméfaction persistante, indolore, unilatérale ou quelquefois bilatérale des glandes parotides, plus rarement sous-maxillaires, d'aspect hétérogène et polykystique au scanner [115] .
Atteintes neurologiques Plusieurs cas de paralysie faciale périphérique ont été rapportés au cours de l'infection par le VIH [6]. Leur résolution est spontanée. D'autres atteintes du
VIII et du V ont été décrites, rapportées à des encéphalites, des tumeurs, des infections centrales ou périphériques, et lors de l'administration d'alcaloïdes dans les chimiothérapies.
Hyperpigmentation de la muqueuse buccale Des pigmentations cutanéomuqueuses peuvent être rencontrées chez les patients infectés par le VIH. Des médicaments ont été incriminés, tels la zidovudine, le kétoconazole ou la clofazimine, et un rôle direct du VIH ou de Mycobacterium avium intracellulare au niveau des glandes surrénaliennes, a été suggéré. Les dernières études montrent une prévalence identique chez les sujets HIV+ et ceux HIV-.
Toxicité médicamenteuse La fréquence des toxicités médicamenteuses est nettement plus élevée que dans la population normale [5] ; Elle peut se traduire par une urticaire, un eczéma, une vascularite, un lichen plan, une épidermolyse aiguë (syndrome de StevensJohnson), un syndrome de Lyell, ou des ulcérations de la muqueuse buccale (fig 26). De telles ulcérations ont été rapportées avec le foscarnet, l'interféron, la 2,3 didéoxycytidine et surtout les sulfamides (Fansidar®) utilisés dans la prévention de la pneumocystose et de la toxoplasmose. Une surveillance rapprochée des patients sous sulfamides est nécessaire.
Thrombopénie Au cours de l'infection par le VIH, des thrombopénies parfois sévères ont été fréquemment observées et plus rarement des purpuras thrombopéniques [52] idiopathiques ou thrombopéniques thrombogènes . Ces anomalies plaquettaires, probablement d'origine auto-immune, peuvent se traduire par des pétéchies et des ecchymoses sur la muqueuse buccale, des gingivorragies, des hématomes et des hémorragies après extraction dentaire. Une amélioration transitoire peut être obtenue par les corticoïdes et la zidovudine. Dans les cas sévères et récidivants, une splénectomie peut être indiquée.
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PRISE EN CHARGE DENTAIRE ET STOMATOLOGIQUE
Relation praticien-malade Quinze années après le début de l'épidémie de l'infection par le VIH, le virus s'est répandu dans le monde, réalisant une pandémie globale avec des conséquences jusqu'à présent inconnues. Personne n'échappe à ses différentes implications, et le VIH continuera à transformer notre vie sous divers aspects, particulièrement au niveau de la prise en charge sanitaire. Des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années. Ils ont entraîné de façon indiscutable une amélioration de la survie et de la qualité de vie des patients. Il existe actuellement des traitements du sida d'autant plus efficaces qu'ils sont débutés tôt dans l'infection, au mieux lors de la primo-infection. La connaissance de ces résultats incite à un diagnostic précoce de cette infection et
à un suivi spécialisé. La nécessité de mise en place de programmes d'hygiène et de suivi régulier dentaire et stomatologique très tôt dans la prise en charge des patients infectés par le HIV est évidente, et il n'est pas nécessaire que cette prise en charge soit assurée en milieu hospitalier. Alors que l'enjeu, économique et social, est important, les barrières à l'accès aux soins ne sont pas négligeables et de nombreux praticiens n'acceptent pas sans difficulté de soigner des patients infectés par le VIH. La peur et la mauvaise information, parfois celles des patients eux-mêmes, en sont les principales raisons. Les programmes d'enseignement pour les praticiens doivent intégrer les aspects cliniques mais aussi les aspects relationnels, et intervenir précocement dans le cursus des étudiants. Une véritable approche relationnelle avec les patients infectés par le VIH est très difficile en odontologie ou en stomatologie, tant nos gestes sont techniques. Cette approche « lésionnelle » du patient, est très rassurante pour le soignant, car elle permet d'ériger de solides défenses vis-à-vis d'un malade dans la majorité des cas homosexuel ou toxicomane, condamné de surcroît à mourir ou à perdurer dans une maladie sans issue, ce qui ne manque pas de nous renvoyer à notre propre angoisse de la mort. Le risque de contamination lors des soins aggrave les difficultés de la relation. Les études et les connaissances quant à la manière d'appréhender la relation avec le patient atteint par le VIH, dans les différentes phases de sa maladie, sont très rares. La comparaison avec les patients atteints de cancer est peu opérante en raison du jeune âge des patients et de leurs propres difficultés psychologiques, familiales et sociales (homosexuels, toxicomanes) aboutissant facilement au rejet et à l'exclusion. Les atteintes liées à l'infection dans notre discipline sont particulièrement mal vécues, car elles sont très douloureuses et parce qu'elles concernent les organes de relation, d'identification et d'alimentation. Le chirurgien dentiste ou le médecin stomatologiste, outre son apport « technique », doit rester ouvert en tant qu'individu à une véritable rencontre si le patient le souhaite, d'autant plus qu'avec la mesure de la charge virale et les antiprotéases, la médecine accentue son poids et prend le pas sur le social.
Risque professionnel Au 30 juin 1995, 37 cas de contaminations professionnelles de personnel de santé ont été enregistrés en France, depuis le début de l'épidémie de l'infection par le VIH [73]. Seuls dix cas correspondent à des infections prouvées, toutes concernant des infirmières. Les 27 autres cas correspondent à des infections présumées. Un seul chirurgien-dentiste et une assistante dentaire font partie de ce groupe, le premier à la suite d'une piqûre peropératoire, la seconde en nettoyant des instruments avant stérilisation. Pour la profession dentaire, le risque de contamination professionnelle par le VIH est extrêmement faible, nettement moindre que pour d'autres professions de santé (infirmières). Les situations de contamination se résument à la piqûre avec une seringue déjà utilisée, la blessure avec un instrument coupant ayant été en contact avec du sang, ou au contact entre le sang du patient et des érosions cutanées ou muqueuses du professionnel de santé. La gravité potentielle d'une contamination par le VIH ne doit pas occulter d'autres risques, notamment ceux d'une contamination par le virus des hépatites B et C. En cas d'accident, il convient d'abord d'évaluer les risques infectieux. En effet, la
transmission n'est pas obligatoire : elle dépend de la charge virale, de la durée de la présence du virus, de la quantité de sang transmise, de la voie de transmission, et de l'efficacité du système immunitaire du receveur. Un traitement par trithérapie antirétrovirale est désormais recommandé dans les heures qui suivent l'accident présumé contaminant. Le suivi médical et sérologique est nécessaire quel que soit le risque identifié ou présumé. Il comporte le suivi VIH, VHC et VHB.
Précautions universelles La détection d'un patient à risque est illusoire du fait de la période de latence de la séroconversion, et de l'ignorance du statut du patient vis-à-vis du VIH dans la grande majorité des cas. Il n'est pas de sujet sans risque et les précautions doivent être constantes et permanentes. Rappelons que le VIH n'est qu'un des risques infectieux au cabinet. Les risques de contagion pour l'hépatite B sont bien antérieurs et supérieurs à ceux du sida et les méthodes de prévention de la transmission du VHB et VHC sont les mêmes que pour le VIH. Il ne devrait pas y avoir de précautions nouvelles, ni augmentation des frais de stérilisation. Les facteurs favorisant une contamination professionnelle, tels qu'une activité fébrile, des horaires surchargés, ou une fatigue excessive sont à éviter. Les blessures accidentelles les plus fréquentes dans la pratique dentaire étant le recapuchonnage des aiguilles, il est inutile d'insister sur le rôle majeur des assistantes dentaires qui doivent être informées et formées. Les risques de contamination d'un patient au cours des soins dentaires sont pratiquement nuls si les techniques classiques et habituelles de désinfection et de stérilisation sont appliquées soigneusement. Le facteur primordial de sécurité pour les professionnels de santé est l'intégrité de la peau des mains. Les mesures pour éviter la transmission d'agents pathogènes au cabinet dentaire reposent sur la désinfection, la stérilisation, l'utilisation de matériel à usage unique, jetable, et la protection du personnel soignant. Les « précautions universelles » ont été élaborées et largement diffusées par les autorités sanitaires et les conseils ordinaux [34]. Elles sont toujours en vigueur et n'ont subi aucune modification majeure ou remise en cause (tableau VI).
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CONCLUSION Les répercussions importantes des manifestations stomatologiques sur le confort des malades et leur retentissement sur l'alimentation au cours du sida requièrent bien souvent une prise en charge en milieu spécialisé, bien corrélée à l'état et au traitement global du malade. Une bonne formation des praticiens est indispensable pour assurer la sécurité dans la conduite des soins et rendre la sérénité à une profession profondément bouleversée par la soudaineté et l'ampleur de l'épidémie.
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© 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Nombre de nouveaux cas de sida par semestre de diagnostic, données redressées pour les délais de déclaration, en France au 31 décembre 1996, source RNSP.
Fig 2 :
Fig 2 : Candidose pseudomembraneuse.
Fig 3 :
Fig 3 : Candidose pseudomembraneuse profuse.
Fig 4 :
Fig 4 : Candidose losangique médiane (chronique).
Fig 5 :
Fig 5 :
Candidose érythémateuse du palais (chronique).
Fig 6 :
Fig 6 : Perlèche.
Fig 7 :
Fig 7 : Leucoplasie orale chevelue.
Fig 8 :
Fig 8 : Herpès récurrent labial.
Fig 9 :
Fig 9 : Gingivostomatite herpétique (stade des croûtes).
Fig 10 :
Fig 10 : Zona de l'hémipalais.
Fig 11 :
Fig 11 : Infection à Papillomavirus humain (verrues planes).
Fig 12 :
Fig 12 : Infection à Papillomavirus humain (verrues).
Fig 13 :
Fig 13 : Polycaries du toxicomane.
Fig 14 :
Fig 14 : Gingivite érythémateuse linéaire.
Fig 15 :
Fig 15 : Gingivite ulcéronécrotique.
Fig 16 :
Fig 16 : Parodontite aiguë.
Fig 17 :
Fig 17 : Stomatite nécrotique aiguë : perte de substance palatine.
Fig 18 :
Fig 18 : Parotidite suppurée avec fistulisation à la peau.
Fig 19 :
Fig 19 :
Ulcération de la muqueuse buccopharyngée chez un patient infecté par le VIH. LMNH : lymphome malin non hodgkinien ; ATB : antibiogramme ; NFS : numération-formule sanguine.
Fig 20 :
Fig 20 : Ulcération géante nécrotique non spécifique.
Fig 21 :
Fig 21 : Aphtes géants.
Fig 22 :
Fig 22 : Maladie de Kaposi au stade de début (lésion plane).
Fig 23 :
Fig 23 : Maladie de Kaposi : forme nodulaire.
Fig 24 :
Fig 24 : Maladie de Kaposi : Forme évoluée (tumeur ulcérée).
Fig 25 :
Fig 25 : Lymphome de l'hémipalais droit et tumeur de Kaposi de l'hémipalais gauche.
Fig 26 :
Fig 26 : Ulcérations iatrogéniques (toxicité du didéoxycytidine).
Tableaux
Tableau I. - Classification du sida du Center for Diseases Control (CDC) 1993
[11].
Lymphocytes CD4+/mm3
A
B
> 500
A1
B1
C1 (1) (2)
200-500
A2
B2
C2 (1) (2)
(%)
< 200
A3 (1)
B3 (1)
C
C3 (1) (2)
(1) Les cas correspondent � la d�finition du stade sida aux �tats-Unis. (2) Les cas correspondent � la d�finition du sida retenue en France et en Europe.
Tableau II. - Toxicit� des antiprot�ases M�dicament Saquinavir (Invinase�)
Effets secondaires et inconv�nients Faible absorption digestive (4 %) �ruption-prurit Neuropathies p�riph�riques Diarrh�es Int�ractions avec rifabutine et rifampicine
Indinavir (Cixivan�)
�l�vation r�versible de la bilirubine Lithiases r�nales Augmente la concentration s�rique de la rifabutine
Ritonavir (Norvir�)
Tr�s bonne biodisponibilit� Naus�es, vomissements, troubles du go�t Diarrh�es Paresth�sies p�riorales
Nelfinavir (Viracept�)
Bonne biodisponibilit� (78 %) Forme poudre pour enfants Diarrh�e (20 %) �ruption cutan�e (2,5 %) Flatulence (7 %) Naus�es (3 %)
en cours d'�valuation
VX-478
Tableau III. - Manifestations stomatologiques de l'infection par le VIH. Type Infections mycosiques
L�sions les plus
L�sions les moins
couramment observ�es
souvent observ�es
Candidose
Aspergillose Histoplasmose Cryptococcus n�oformans G�otrichose
Infections bact�riennes
Gingivite du sida Gingivite n�crotique du
Mycobact�rie avium-
sida P�riodontie du sida
Klebsiella pneumoniae
intracellulaire Enterobacter cloacae Escherichia coli Salmonella enteritidis Exacerbation d'une p�riodontite apicale Cellulite sousmandibulaire
Infections virales
Herp�s virus Virus varicelle-zona
Papillomavirus humains Cytom�galovirus
Virus Epstein-Barr (leucoplasie orale chevelue incluse) N�oplasme
Sarcome de Kaposi
Lymphome non hodgkinien Carcinome �pidermo�de
D�sordres neurologiques
Paresth�sies Paralysie faciale Hyperesth�sie
Divers
Dysphagie Ulc�ration aphteuse
r�cidivante Ulc�ration n�crotique progressive �pidermolyse toxique L�sions purpuriques X�rostomie Cicatrisation retard�e Malformations
embryonnaires Hyperpigmentation Granulome annulaire Ch�ilite exfoliatrice R�action lich�nienne m�dicamenteuse
Tableau IV. - Fr�quence des pathologies buccales li�es � l'infection par le VIH (Salp�tri�re, 350 sujets, 1987-1995). Pathologies
Nombre
Pourcentage
Candidose
155
45 %
Maladie de Kaposi
112
35 %
Leucoplasie chevelue
84
24 %
Aphtes - ulc�res
71
20 %
Gingivite
38
10 %
Gingivite ulc�ron�crotique
27
8%
Pathologie salivaire
19
5%
Verrue, condylomes
17
5%
Lymphome
19
5%
Herp�s
13
4%
Carcinome �pidermo�de
3
0,32 %
Tableau V. - �tiologies des ulc�rations de la muqueuse buccopharyng�e chez les patients infect�s par le VIH. Infections mycosiques Candida albicans
Aphtoses Ulc�rations non
Histoplasma capsulatum
sp�cifiques
Cryptococcus neoformans
Ulc�rations iatrog�niques zalcitabine foscarnet
zidovudine k�toconazole fluconazole radioth�rapie chimioth�rapie vinblastine intral�sionnelle Infections bact�riennes maladies parodontales Mycobacterium tuberculosis Mycobacterium aviumintracellulare
Klebsiella pneumoniae Enterobacter cloacae Neisseria gonorrhoeae Treponema pallidium
Autres ulc�rations neutrop�niques ulc�rations traumatiques l ichen plan �rosif histiocytose maladie de Beh�et syndrome de Reiter
Infections virales vascularite herp�s simplex virus (types n�crosante 1 et 2) cytom�galovirus
virus varicelle zona
virus Epstein-Barr VIH (infection aigu�) Tumeurs sarcome de Kaposi
lymphome malin non hodgkinien carcinome �pidermo�de
Tableau VI. - � Pr�cautions universelles �. Des mesures de base doivent �tre prises pour tous les patients, dans tous les
services, y compris dans les laboratoires. Ces � pr�cautions universelles �, list�es dans la circulaire DGS/DH no 23 du 3 ao� 1989 (BEH 1989 ; 34 ; 137-138), sont les suivantes :
- Porter des gants pour tout contact avec un liquide biologique contaminant, une l�sion cutan�e, des muqueuses, du
mat�riel souill� ; porter des gants syst�matiquement si l'on est soi-m�me porteur de l�sions cutan�es. - Prot�ger toute plaie. - Se laver les mains imm�diatement en cas de contact avec des liquides potentiellement contaminants et syst�matiquement apr�s tout soin. - Porter un masque, des lunettes, une surblouse lorsqu'il y a un risque de projection (aspirations trach�obronchiques, endoscopies, chirurgie...). - Faire attention lors de toute manipulation d'instruments pointus ou tranchants potentiellement contamin�s. - Ne jamais plier ou recapuchonner les aiguilles ; ne pas d�gager les aiguilles des seringues ou des syst�mes de pr�l�vements sous vide � la main,
- Jeter imm�diatement les aiguilles et autres instruments piquants ou coupants dans un conteneur sp�cial, imperforable. - D�contaminer imm�diatement les instruments utilis�s et les surfaces souill�es par du sang ou un autre liquide biologique avec de l'eau de javel fra�chement dilu�e � 10 %, ou un autre d�sinfectant efficace. - Placer les mat�riels � �liminer dans des emballages �tanches marqu�s d'un signe distinctif. - En laboratoire, les pr�cautions d�j� cit�es doivent �tre prises syst�matiquement pour tous pr�l�vements (l'identification de pr�l�vement � � risque � est une mesure qui peut �tre dangereuse, car apportant une fausse s�curit�) ; ceux-ci doivent �tre transport�s dans des tubes ou flacons herm�tiques, sous emballages �tanche, il est interdit de pipetter � � la bouche �.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-046-A-10
22-046-A-10
Syphilis buccale JE Fleury S Agbo-Godeau
Résumé. – La syphilis reste une maladie d’actualité, en voie de recrudescence, associée ou non au syndrome de l’immunodéficience acquise. La forme primaire buccale se manifeste par le chancre d’inoculation, dont l’aspect classique est souvent modifié par des traitements intempestifs. Il est toujours associé à une adénopathie importante. La positivité des tests biologiques peut être retardée ; il faut parfois les renouveler en cas de suspicion clinique. Le venereal disease research laboratory et le Treponema pallidum haemagglutination assay sont des tests de dépistage, le fluorescent Treponema antibody absorption test est le plus précoce et le plus fiable. La syphilis secondaire buccale s’exprime comme autrefois par des lésions extrêmement polymorphes et contagieuses, souvent associées à une atteinte cutanée et à des signes généraux. Les sérologies sont positives et confirment le diagnostic à condition de l’avoir évoqué. La syphilis tertiaire buccale a pratiquement disparu. Des manifestations cutanéomuqueuses, à type de gommes, vasculaires et osseuses ont été décrites. Le traitement de choix reste la pénicillinothérapie, permettant la guérison. Le diagnostic et le traitement de cette maladie posent parfois de difficiles problèmes déontologiques, d’autant que sa déclaration n’est plus une obligation. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : syphilis, maladie sexuellement transmissible, chancre, adénopathie, syphilides, plaques muqueuses, gommes, TPHA-VDRL, FTA-abs, TIT.
Introduction La syphilis, identifiée depuis le XVIe siècle, est certainement la maladie la plus étudiée et la mieux connue [7]. Véritable fléau social jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, on l’a crue jugulée grâce à l’apparition et à l’efficacité de la pénicilline démontrées en 1943. Les médecins qui autrefois y pensaient trop souvent et parfois à tort, croyant l’affection vaincue, l’oublièrent et ne l’évoquent plus aussi systématiquement dans leurs démarches diagnostiques. En fait, la maladie reste d’actualité. Une recrudescence de la syphilis primo/secondaire est observée ces dernières années. Elle obéit à des raisons socioéconomiques et médicales : liberté sexuelle, ignorance du public, multiplications des voyages et migration des populations, extrême pauvreté dans les pays en voie de développement, favorisant la prostitution, délabrement des structures de santé publique de certains États, co-infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Toutes ces conditions doublées par la méconnaissance du corps médical qui, dans les pays industrialisés, ne pense plus à cette maladie par ailleurs peu enseignée, en favorisent l’expansion. L’accroissement du nombre de cas recensés remonte aux années 2001-2002 comme en témoigne une étude menée sous l’égide de l’Institut national de veille sanitaire [6]. Un réseau de surveillance a été mis en place dans un certain nombre de sites volontaires sur le territoire français : dispensaires
JE Fleury : Ancien chef de service à l’hôpital d’Eaubonne, attaché-consultant. Scarlette Agbo-Godeau : Attaché-consultant. Département de pathologie de la muqueuse buccale, service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, service du professeur Jacques-Charles Bertrand. Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
antivénériens (DAV), consultations hospitalières, réseaux de médecins de ville. Entre janvier 2000 et août 2002, il a été recensé dans les sites participants : 34 cas en 2000, 175 cas en 2001, 35 cas sur les 4 premiers mois de 2002. Ces chiffres laissent à penser que le nombre de personnes infectées et contaminantes est beaucoup plus important. Les spécialistes interrogés à ce sujet pensent qu’il faut multiplier les chiffres précédents par 6 pour obtenir une estimation approximative du nombre de personnes infectées. Sur Paris, 199 cas de syphilis ont été diagnostiqués ; 196 étaient des hommes dont 158 (81 %) homosexuels et 21 (10 %) hétérosexuels. En ce qui concerne le stade de la maladie, sur la totalité des patients : 35 (18 %) avaient une syphilis latente précoce, 58 (29 %) une syphilis primaire, 106 (53 %) une syphilis secondaire. Parmi les 199 patients, 118 (59 %) étaient co-infectés par le VIH, 86 % connaissaient leur séropositivité, 20 % l’ont découverte à l’occasion du diagnostic de syphilis.
Généralités cliniques La syphilis est une maladie infectieuse extrêmement contagieuse causée par le tréponème pâle, bactérie de la famille des spirochètes. La contamination est presque toujours sexuelle (maladie sexuellement transmissible [MST]) et directe (97 % des cas). Elle est rarement non sexuelle et directe (chancre du doigt de l’accoucheur ou du chirurgien dentiste) et très exceptionnellement indirecte car le tréponème pâle est un germe fragile. TRANSMISSION
La transmission se fait à partir de lésions primaires, le chancre, mais également à partir des lésions secondaires d’aspects extrêmement variés et passant souvent inaperçues.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Fleury JE et Agbo-Godeau S. Syphilis buccale. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-046-A-10, 2003, 7 p.
Syphilis buccale
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La contamination se fait lors de toute forme de rapports sexuels, y compris ceux qui concernent la sphère buccale (buccogénitale, buccoanale, buccobuccale). La libération sexuelle de ces 30 dernières années explique en partie la propagation du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), la recrudescence de la syphilis et l’observation de ses localisations stomatologiques. La survenue d’une syphilis au cours du sida n’est pas considérée comme une infection opportuniste mais comme une co-infection dans une population ayant des pratiques à fort risque de transmission de maladies sexuelles. Inversement, les érosions et ulcérations muqueuses de la syphilis sont des portes d’entrée potentielles pour le VIH. Quelques différences cliniques de la syphilis sont rapportées chez les patients infectés par le VIH [10] : les chancres primaires sont multiples, les ulcérations génitales sont fréquentes au cours de la syphilis secondaire. L’immunodépression pourrait également favoriser l’évolution rapide de la maladie vers l’atteinte neurologique. La transmission de la syphilis peut également être maternofœtale par contamination transplacentaire à partir de la 10 e semaine d’aménorrhée. Le risque de transmission est d’autant plus important que la syphilis maternelle est récente. Le diagnostic sérologique est obligatoire en début de grossesse permettant de diagnostiquer et de traiter la mère et de prévenir l’infection fœtale. La maladie peut être transmise s’il s’agit d’une grossesse non suivie ou si la contamination maternelle a lieu pendant la grossesse. La transmission transfusionnelle est éradiquée depuis le dépistage systématique des donneurs de sang. ÉVOLUTION
La syphilis évolue toujours de la même façon, périodes primaire puis secondaire suivies d’une phase de latence et enfin la période tertiaire. Actuellement, pour des raisons thérapeutiques, on tend à distinguer la syphilis précoce (primaire, secondaire, et latente de moins de 1 an d’évolution), la syphilis tardive (tertiaire et latente de plus de 1 an d’évolution) et la neurosyphilis. La période primaire commence vers le 20 e jour après la contamination ; c’est le chancre d’inoculation qui cicatrise spontanément en 6 à 8 semaines, associé à une adénopathie satellite qui va persister plus longtemps. Il n’y a aucun signe général et classiquement aucun signe fonctionnel. La sérologie se positive entre le 25 et le 60e jour après la contamination, soit 5 à 40 jours après l’apparition du chancre. La maladie est contagieuse pendant cette phase primaire. La période secondaire débute vers le 60e jour après la contamination et va durer de 4 mois à 2 ans, voire davantage. Ses manifestations sont essentiellement dermatologiques. Les lésions cutanéomuqueuses sont diffuses, généralisées, superficielles et résolutives. Elles évoluent par poussées successives, au départ non infiltrées à type de roséole, puis elles s’infiltrent et deviennent papuleuses. Les manifestations viscérales sont discrètes mais constantes. C’est la phase la plus contagieuse de la maladie. Les plaques muqueuses buccales sont les lésions les plus dispensatrices de la « vérole ». La phase de syphilis latente commence 2 à 3 ans après l’inoculation et peut durer quelques années. En règle générale, elle est asymptomatique. Sa découverte est sérologique, seul le sang est contaminant pendant cette période. La période tertiaire débute entre 3 et 15 ans après le chancre, parfois plus précocement chez les malades non traités. Les lésions sont localisées ou régionales, peu nombreuses, profondes et nécrotiques. Elles intéressent la peau, les muqueuses mais également les viscères. Elles ne sont que faiblement contagieuses.
Généralités biologiques
[7]
Les tréponèmes sont des germes difficiles à mettre en évidence à l’examen direct et ils sont non cultivables en routine. L’examen 2
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Tableau I. – Réactions sérologiques au cours de la syphilis [7].
Primaire débutante Primaire Secondaire Tertiaire
VDRL
TPHA
FTA abs
Test de Nelson
± + +++ +
+ +++ +++
+ ++ +++ +++
± +++ ++
VDRL : venereal disease research laboratory ; TPHA : Treponema pallidum haemagglutination assay ; FTA-abs : fluorescent Treponema antibody absorption test.
bactériologique direct au microscope à fond noir est utile en période primaire, seuls quelques laboratoires effectuent cette recherche. Les tests biologiques [7] sont fondamentaux pour le diagnostic et la surveillance de la maladie (tableau I). TESTS NON SPÉCIFIQUES
Les réactions d’hémolyse (Bordet-Wassermann…) sont abandonnées. Les réactions de floculation de type Kline et venereal disease research laboratory (VDRL) restent pratiques. Il s’agit d’une technique simple de floculation sur lame en présence d’anticorps sériques. Ce sont des tests peu onéreux et reproductibles. La positivité apparaît assez rapidement après le chancre, vers le 15e jour, et sa négativation après traitement permet un bon contrôle de l’évolution de la maladie. Ses inconvénients sont, outre la persistance occasionnelle d’une positivité paradoxale après guérison de la maladie, des fausses réactions positives au cours de la grossesse ou au cours de certaines affections comme le paludisme, la lèpre, la tuberculose, le lupus érythémateux et d’autres maladies auto-immunes. TESTS SPÉCIFIQUES DES TRÉPONÉMATOSES
– Le Treponema pallidum haemagglutination assay (TPHA) est une réaction simple, peu onéreuse, pratiquée couramment. Elle utilise l’antigène de Treponema pallidum adsorbé sur des hématies animales qui s’agglutinent en présence d’anticorps spécifiques. C’est une technique sensible et spécifique (0,5 % de faux positifs en cas de perturbations des immunoglobulines IgG ou IgM) qui sert dans le dépistage de la syphilis en même temps que le VDRL. La réaction se positive entre le 10e et le 20e jour du chancre et reste positive même en cas de guérison sous traitement. – Le fluorescent Treponema antibody absorption test (FTA-abs) est une réaction utilisant le principe de la détection des anticorps circulants par immunofluorescence indirecte. Ce test, comme tous les autres, ne permet pas de différencier la syphilis des tréponématoses non vénériennes. Il est très sensible et permet un diagnostic précoce car il se positive dès l’apparition du chancre. La présence d’IgM témoigne d’une syphilis évolutive primaire ou secondaire ; après traitement, le test reste positif, mais les IgM disparaissent. Il est également utile pour le diagnostic d’une syphilis congénitale active, car les IgM maternelles ne traversent pas la barrière fœtoplacentaire. De réalisation compliquée, il n’est effectué que dans les cas difficiles. – Le test de Nelson (test d’immobilisation du tréponème ou TIT) utilise l’immobilisation du tréponème pathogène vivant mis en présence d’anticorps présents dans le sérum ou le liquide céphalorachidien du malade ; la réaction est observée au microscope à fond noir. C’est une technique difficile et coûteuse ; elle est très spécifique mais se positive assez tardivement, 3 semaines après le FTA-abs. Ce n’est pas une technique de dépistage, mais elle reste utile en cas de suspicion de fausse positivité, de réactions dissociées, de syphilis neurologique ou pour contrôler la guérison ou diagnostiquer une recontamination.
Syphilis primaire HISTORIQUE
[11]
Les lésions primitives de la syphilis buccale ne sont pas signalées dans les livres anciens et l’on n’en trouve aucune trace avant le XVe siècle. Les premières observations de Gaspard, Torello, Jacob et
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Tableau II. – Répartition des chancres buccaux selon une étude de Nivet (1887). Lèvres
Langue
Amygdale
Gencives
Palais
Voile
Pharynx
260
26
29
6
3
2
1
Frascator ne sont pas encore très parlantes. Il faut attendre Botal (1560) pour trouver la description d’un chancre buccal correctement étudié. J Hunter (1728-1793) décrit les caractères différentiels des divers chancres, admet la transmission par coït « ab ore » mais omet la contagion à partir des lésions secondaires de la syphilis buccale. Les premiers mémoires traitant correctement ce sujet sont ceux de Boyer (1760-1833) avec son Traité des maladies chirurgicales et surtout les cliniques de Lallemand (Cliniques médico-chirurgicales, 1845) qui, le premier, rapporte dix cas de chancres labiaux et en donne une excellente description. La nature des chancres n’étant pas encore établie, des auteurs comme Rochet et Ricord (Leçon sur le chancre, 1852) cherchent à comprendre l’induration du chancre buccal. Le mémoire de Fournier (Union médicale, 1858) et les thèses de Bazenet (Thèse Paris, 1858) et de Nadau des Ilets (Thèse Paris, 1858) laissent persister la même équivoque. Il faut arriver aux travaux de Rollet (Gazette hebdomadaire, 1858 ; Archives générales de Médecine, 1859) pour distinguer nettement la syphilis secondaire buccale du chancre induré, accident initial. CONTAMINATION
1
Chancre de la lèvre inférieure (collection J.E. Fleury).
2
Chancre de la commissure labiale (collection J.E. Fleury).
[11]
Le plus souvent, le contage de la muqueuse buccale se fait par propagation directe (fellation, baiser...), plus rarement par l’intermédiaire d’objets souillés passant d’un malade à un sujet sain. Ainsi des fourchettes, des verres ont pu être incriminés. Viennois (Congrès médico-chirurgical, 1863) et Dechaux (Gazette hebdomadaire, 1867) ont bien étudié la syphilis des souffleurs de verre, qui se passaient de bouche en bouche la canne à souffler. Hunter (17281793) a même signalé un accident identique correspondant à une transplantation dentaire. Le chancre buccal est le plus fréquent des chancres extragénitaux. Les chiffres sont variables selon les auteurs. La plupart des auteurs modernes estime que la localisation buccale ne représente que 1 % de la totalité des chancres. Les anciens auteurs ont des estimations différentes. Pour Fournier, les chancres buccopharyngés sont retrouvés 15 fois chez 471 malades. Pour Bassereau, les chiffres sont un peu plus élevés, 18 pour 382. Ces deux auteurs rapportent des cas observés dans des services d’hommes. De plus, les chiffres associent les chancres buccaux et oto-rhino-laryngologiques (ORL). Chez les femmes, Martin rapporte quatre chancres « céphaliques » pour 45 chancres génitaux, Carrier 11 pour 130 ; Rollet voit le nombre varier de quatre à neuf pour 100 et Rodet donne le chiffre de 10 % (Thèse Lyon, 1857). Le chancre buccal n’est donc pas rare ; sa fréquence serait plus grande chez la femme que chez l’homme, ce qui paraît logique étant donné les mœurs de l’époque. Il est à signaler qu’aucune statistique plus récente concernant la fréquence des localisations buccales de la syphilis primaire n’a été retrouvée.
peuvent être par ailleurs modifiées par les thérapeutiques intempestives locales, voire générales, fréquemment administrées devant ces lésions buccales érosives. Ce type de lésions peut poser des problèmes de diagnostic différentiel avec d’autres ulcérations buccales comme un carcinome ou un aphte. Il est donc dans la majorité des cas impossible de porter le diagnostic de syphilis sur le seul aspect clinique d’un chancre. La lésion d’inoculation buccale s’accompagne toujours d’une ou plusieurs volumineuses adénopathies satellites dans le territoire de drainage de la région intéressée. Là encore, il convient de nuancer le propos. Classiquement, l’adénopathie était volumineuse, souvent entourée de petites adénopathies, indolores sans périadénite. Les adénopathies sont en fait nombreuses, volumineuses et souvent inflammatoires. Elles durent longtemps, même après la disparition du chancre. C’est actuellement un caractère diagnostique important. FORMES CLINIQUES DU CHANCRE BUCCAL
CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU CHANCRE BUCCAL
Il résulte habituellement d’un contact direct, le tréponème pâle ne pouvant survivre plus de quelques minutes en dehors de l’organisme. L’incubation peut atteindre 40 à 60 jours en cas de traitement antibiotique intempestif, voire au contraire être écourtée à 5 ou 6 jours lorsqu’il existe un déficit immunitaire. La description classique univoque du chancre est celle d’une érosion muqueuse à base cartonnée ; le tréponème pâle y est abondant. Cette description du chancre buccal ne correspond pas à l’aspect le plus couramment observé actuellement. Certes l’induration souslésionnelle reste constante mais pas toujours aussi facile à mettre en évidence. Dans un certain nombre de cas, le chancre est une véritable ulcération. Contrairement aux notions classiques du chancre indolore, les lésions buccales sont le plus souvent douloureuses. Elles sont également multiples dans certains cas. Elles
[7]
¶ Localisations Les localisations sont les mêmes depuis un siècle. La lèvre reste le siège d’élection du chancre devant la langue puis l’amygdale. Là encore, nous ne disposons d’aucune statistique récente ; l’une des plus importantes est celle de Nivet (1887) (tableau II). Lèvres C’est le plus fréquent des chancres buccaux. Au début, c’est une érosion recouverte d’une pellicule fibrineuse (fig 1) ; elle s’étend et repose sur une base indurée. Elle est théoriquement indolore. Au niveau de la commissure labiale (fig 2), le chancre est volontiers fissuraire, croûteux et douloureux. Il peut être confondu avec une perlèche infectieuse. Une adénopathie sous-maxillaire et cervicale importante (fig 3) est constante. 3
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3
Adénopathie sousmandibulaire d’un chancre de la lèvre inférieure (collection J.E. Fleury).
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Il est actuellement fréquent de voir des chancres buccaux modifiés par des thérapeutiques intempestives, automédication ou prescriptions inappropriées. Une application locale à base d’antibiotiques ou une antibiothérapie générale vont modifier l’aspect et l’évolution du chancre. Son apparition peut être retardée, sa cicatrisation accélérée et la positivité des tests biologiques peut être retardée de plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Ces modifications paraissent actuellement fréquentes ; c’est dire l’importance de l’épidémiologie et des examens de laboratoire effectués dans les meilleures conditions. En absence de traitement, le chancre cicatrise spontanément en quelques semaines, mais l’adénopathie persiste plus longtemps. L’affection passe alors dans sa phase secondaire. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
4
Chancre lingual de la syphilis primaire (collection J.Ch. Bertrand).
– Syphilis primaire débutante : l’examen direct au microscope à fond noir du frottis effectué au niveau du chancre met en évidence le germe, mais cet examen n’est pratiqué que par certains laboratoires. Le FTA-abs est la réaction la plus précoce en cas de suspicion clinique. – Syphilis primaire évoluée : le VDRL et le TPHA sont positifs, le test de Nelson n’a aucun intérêt. En cas de doute clinique, si les premiers résultats ne permettent pas de conclure, il est utile de renouveler les examens 8 jours plus tard. TRAITEMENT
Langue Il est plus rare, siégeant habituellement au niveau du tiers antérieur de la face dorsale (fig 4). C’est une érosion ou une ulcération, douloureuse, reposant sur une induration et s’accompagnant d’une volumineuse adénopathie sous-maxillaire. Gencives Également rare, il siège sur la face vestibulaire de la gencive dans les secteurs incisivocanins, au niveau des collets dentaires. C’est une érosion superficielle, de couleur « chair », souvent douloureuse du fait de la surinfection secondaire par les germes buccaux. L’infiltration n’est pas perceptible. L’adénopathie est sous-maxillaire ou sous-mentale. Amygdale C’est une localisation fréquente pouvant se manifester sous trois formes : érosion, ulcération, « angine ». Les signes fonctionnels sont intenses, l’induration est difficile à préciser. L’adénopathie cervicale est constante et importante pouvant faire suspecter un carcinome amygdalien.
¶ Chancres remaniés Un chancre syphilitique peut être surinfecté ; ce n’est théoriquement pas la règle, mais cela peut s’observer dans une bouche non soignée ou chez des patients immunodéprimés (sida). Cette surinfection peut modifier les caractéristiques du chancre qui s’étend, devient plus inflammatoire et nécrotique, plus douloureux. 4
Le Center for Disease Control (CDC) d’Atlanta [1] recommande toujours le « traitement minute » : benzathine-pénicilline (Extencillinet), 2,4 millions d’UI en intramusculaire. Certains préfèrent renouveler l’injection 1 semaine plus tard, d’autres préconisent la bipénicilline ou l’association bénéthaminebenzylpénicilline (Biclinocillinet), ou pénicilline B, 1 million d’UI/j pendant 15 jours. En cas d’allergie, les cyclines (Vibramycinet per os, 200 mg/j pendant 15 jours) ou les macrolides (érythromycine per os 2 g/j pendant 15 jours) sont utilisés. La survenue d’une réaction de Jarish-Herxheimer n’est pas rare, survenant dans les 6 heures suivant la première injection de pénicilline. Elle correspond à une réaction cytokinique pyogène due à la lyse des germes. Elle se traduit par de la fièvre, des frissons, un malaise général et une éruption cutanée. Son traitement repose sur une corticothérapie. Un traitement bien conduit fait disparaître le tréponème pâle en 24 à 48 heures au niveau des lésions et entraîne une cicatrisation rapide. La guérison peut être confirmée par le laboratoire avec la négativation rapide du VDRL. Le contrôle sérologique après traitement doit objectiver un titre d’anticorps divisé par 4 en 3 mois, par 8 en 6 mois. Le VDRL doit être négatif 1 an après le traitement d’une syphilis primaire. La syphilis, quel que soit le stade de découverte, impose l’enquête épidémiologique à la recherche du ou des partenaires éventuellement contaminés.
Éléments diagnostiques d’une syphilis primaire. – Évoquer une maladie sexuellement transmissible devant une érosion muqueuse de la cavité buccale. – Arguments en faveur d’une syphilis primaire : – cliniques : érosion labiale, linguale ou amygdalienne qui peut être douloureuse. Elle repose sur une base cartonnée et s’accompagne d’une adénopathie satellite volumineuse ; – notions épidémiologiques : voyages à thème sexuel, habitudes sexuelles (rapports buccogénitaux, homosexualité), séropositivité au VIH ; – biologiques : positivité des sérologies, mais décalage possible s’il y a eu traitement antibiotique local ou général. Utilité de renouveler les examens de laboratoire.
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Syphilides opalines (collection J.E. Fleury).
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¶ Syphilides hypertrophiques ou végétantes Elles sont rares, à type de papules ou plaques végétantes rouge sombre ou grisâtres. AUTRES MANIFESTATIONS STOMATOLOGIQUES
La région péribuccale peut être le siège de syphilides séborrhéiques ou acnéiformes, voire de syphilides papulosquameuses circinées. La parotidite syphilitique est rare et peu bruyante, uni- puis bilatérale. Elle dure plusieurs mois en absence de traitement. La syphilis secondaire osseuse des maxillaires est exceptionnelle, se manifestant par des douleurs nocturnes ou par une périostite aiguë avec tuméfaction.
Syphilis secondaire
MANIFESTATIONS GÉNÉRALES e
La période secondaire débute vers le 2 mois et peut durer jusqu’à 3 ou 4 ans en absence de traitement. C’est la phase des manifestations cliniques témoignant de la généralisation de la maladie. À ce stade de l’infection, les manifestations buccales sont quasi constantes et particulièrement contagieuses. La dissémination de la maladie a lieu pendant cette phase. MANIFESTATIONS BUCCALES DE LA SYPHILIS SECONDAIRE
Les lésions muqueuses sont superficielles, disséminées. Le terme de « plaques muqueuses » ne rend pas compte du polymorphisme trompeur de ces lésions classiquement asymptomatiques, en fait souvent douloureuses [9] . Elles disparaissent spontanément en quelques semaines et récidivent facilement. On peut schématiquement distinguer les syphilides secondaires planes, non infiltrées, d’apparition précoce et comparables à la roséole cutanée, et les syphilides secondaires papuleuses infiltrées à rapprocher des syphilides cutanées tardives. FORMES CLINIQUES
Les formes cliniques sont très variées, on peut les décrire selon les lésions élémentaires rencontrées [7].
¶ Syphilides érythémateuses Ce sont des macules rouge vif, rondes, non infiltrées de 0,5 à 1 cm de diamètre, pouvant siéger en n’importe quel point de la cavité buccale. Sur le dos de la langue, elles prennent l’aspect de petites aires exfoliées pouvant ressembler à une glossite exfoliatrice marginée. À l’opposé, elles peuvent prendre la forme de grandes plages érythémateuses ou bien être de très petite taille faisant discuter le diagnostic de stomatite herpétique.
¶ Syphilides opalines Les plaques érythémateuses sont recouvertes d’un enduit fin adhérent de couleur opaline (fig 5) pouvant faire évoquer un lichen plan.
¶ Syphilides érosives L’épithélium se détruit laissant place à des érosions planes, rondes et régulières, non infiltrées. Leur fond est rouge recouvert d’un enduit fibrineux grisâtre, pouvant faire discuter un aphte.
¶ Syphilides papuleuses Ce sont des macules infiltrées, prenant l’aspect de papules lenticulaires érythémateuses ou opalines.
¶ Syphilides papuloérosives, ulcéreuses ou fissuraires La lésion papuleuse se nécrose aboutissant à un ulcère creusant et infiltré. Au niveau des commissures labiales, elles prennent un aspect fissuraire pouvant être confondues avec une perlèche.
Les signes généraux apparaissent avant les signes cutanéomuqueux : syndrome pseudogrippal avec poussées fébriles ou fébricule, myalgies et arthralgies, céphalées et parfois syndrome méningé. La pharyngite ou angine syphilitique est une manifestation fréquente au cours de cette période. Les amygdales sont inflammatoires, tuméfiées mais les plaques folliculaires tendent à confluer et envahissent les piliers, signe caractéristique de la syphilis secondaire. Les adénopathies sont un des signes les plus constants, précédant également les manifestations cutanéomuqueuses et persistant des mois ou des années si la maladie n’est pas traitée. C’est une micropolyadénopathie généralisée, faite de ganglions durs, indolores, mobiles sans périadénite ni tendance au ramollissement. Ils peuvent être symétriques et atteindre tous les territoires ganglionnaires. MANIFESTATIONS CUTANÉES
Les manifestations cutanées au cours de la syphilis secondaire sont constantes. On distingue classiquement deux périodes, la première floraison avec la roséole et la deuxième floraison avec les syphilides.
¶ Roséole La roséole est une éruption de petites macules érythémateuses, rondes, de teinte rose pâle, siégeant sur le tronc et à la racine des membres ; elle respecte la face. Non prurigineuse, souvent peu apparente, elle peut passer inaperçue. Elle s’efface en 1 à 2 mois et peut être prise à tort pour une éruption virale ou médicamenteuse.
¶ Syphilides papuleuses Les syphilides papuleuses s’opposent à la roséole par leur caractère infiltré et tardif. Ce sont des papules rondes de couleur cuivrée entourées d’une fine collerette. Elles sont non prurigineuses et disséminées sur toute la surface du corps, atteignant électivement les régions palmoplantaires et la face. Elles évoluent par poussées successives, durent 1 à 3 mois et disparaissent en laissant des taches pigmentées qui persistent longtemps. Les formes cliniques sont nombreuses.
¶ Autres manifestations cutanées D’autres manifestations cutanées peuvent également être observées : des syphilides pigmentaires, fréquentes chez la femme dans la région cervicale, plaques d’alopécie diffuse ou en aires, onyxis avec périonyxis torpide, ulcérations nécrotiques recouvertes de croûtes témoins de formes évolutives et atteignant avec prédilection les malades co-infecés par le VIH. L’examen clinique ne permet pas d’affirmer la maladie, l’association à des signes buccaux et généraux doit faire suspecter la maladie et pratiquer les examens sérologiques spécifiques. À ce stade, toutes les réactions sont positives. ÉVOLUTION
Les manifestations cutanéomuqueuses de la syphilis secondaire peuvent guérir spontanément en laissant peu ou pas de traces. Elles peuvent également se reproduire après des phases plus ou moins 5
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Tableau III. – Localisation de la syphilis tertiaire selon une étude de Huriez portant sur 1 071 malades (%). Système nerveux
Œil
Peau
Aorte
Muqueuses
Os
Organes génitaux
Divers
49,5
13,6
12,4
11,6
5,8
2,1
0,3
4,7
longues de guérison apparente puis cesser de se reproduire ; après 2 ou 3 ans, la maladie entre dans une phase de latence clinique.
6
Gomme de la langue (collection J. Ch. Bertrand).
TRAITEMENT
Le traitement est le même que pour la syphilis primaire avec un risque de réaction d’Herxheimer plus important. Correctement traitée, la syphilis secondaire peut guérir ne donnant plus aucune manifestation clinique ; la guérison est contrôlée par plusieurs examens sérologiques négatifs. Éléments diagnostiques d’une syphilis secondaire. Le diagnostic des manifestations secondaires de la syphilis est difficile. Il n’existe pas une seule affection de la muqueuse buccale que la syphilis secondaire ne puisse simuler et inversement. Un examen général est donc nécessaire pour rechercher les autres manifestations de la maladie et compléter avec les examens biologiques. – Polymorphisme des lésions. – Atteinte cutanée. – Signes généraux. – Toutes les sérologies positives.
7
Ostéite syphylitique (collection J.P. Ragot).
Syphilis tertiaire Certains patients non traités vont évoluer vers une syphilis tertiaire. Ses manifestations peuvent être précoces, 2 à 3 ans après le chancre, ou plus tardives, après 10 à 30 ans d’évolution. Les lésions sont neurologiques, cardiaques, osseuses (tableau III),les lésions cutanéomuqueuses particulières à la phase tertiaire sont les gommes. Leurs localisations stomatologiques, autrefois peu fréquentes, sont à présent exceptionnelles. LÉSIONS CUTANÉOMUQUEUSES
Elles sont polymorphes ; leur contagiosité est très atténuée. Il n’y a pas d’adénopathie satellite, sauf si les lésions sont surinfectées.
¶ Gommes Lésions les plus contagieuses au cours de la syphilis tertiaire, ce sont des nodules hypodermiques inflammatoires, généralement uniques, de 1 à 2 cm de diamètre, indolores, souvent faciaux (fig 6). Fermes et mobiles au début, ils se ramollissent et évoluent vers l’ulcération et la nécrose. L’ulcération guérit en 1 à 6 mois laissant une cicatrice fibreuse blanche au centre et pigmentée en périphérie. Elles peuvent siéger en n’importe quel point de la cavité buccale et aboutir à des mutilations. L’atteinte des muscles péribuccaux peut aboutir à une constriction permanente des maxillaires.
¶ Autres manifestations cutanéomuqueuses – Syphilides tertiaires tuberculeuses : ce sont des élevures lenticulaires dures et indolores, de teinte rouge cuivré. Elles sont toujours multiples et groupées dans une région où elles réalisent des figures circinées, annulaires siégeant aussi bien au niveau de la peau que des muqueuses. Persistantes pendant des mois, elles évoluent vers l’ulcération ou vers la sclérose laissant une cicatrice atrophique. – Syphilome tertiaire diffus : ce sont des nappes rouges, irrégulières et ulcérées formées de syphilides tuberculeuses confluentes et œdémateuses. 6
– Syphilides tertiaires végétantes, érythème tertiaire maculeux, syphilome chancriforme. – Langue et syphilis tertiaire : il existe souvent une inflammation chronique linguale associée à une vascularite évoluant vers une fibrose cicatricielle, c’est la glossite sclérosante superficielle. Lorsque l’atteinte est profonde, intéressant le muscle, elle réalise l’aspect de « langue ficelée ». L’association de tubercules et de gommes réalise l’aspect d’une glossite sclérogommeuse. La muqueuse linguale dorsale est fréquemment dépapillée, atrophique et kératinisée donnant un aspect parqueté de leucoplasie syphilitique. – Gommes et syphilomes diffus de la parotide ont été décrits. LÉSIONS OSSEUSES
Elles peuvent prendre plusieurs formes parfois associées. – La gomme osseuse est un foyer d’ostéite circonscrite pouvant s’accompagner d’une réaction périostée hyperostosante. – Il existe des ostéites chroniques condensantes d’aspect pagétoïde, des ostéites diffuses nécrosantes. Au niveau de la cavité buccale, la gomme de la voûte palatine aboutissait régulièrement à une perforation bucconasale, voire buccosinusienne. Dans la région incisive, les ostéites nécrosantes étaient responsables d’importantes mutilations. Au niveau de la mandibule, des gommes de l’angle, ainsi qu’une ostéite diffuse chronique ont été décrites. – À côté des ostéites syphilitiques, il convient de faire une part aux ostéites d’origine dentaire chez les malades atteints de syphilis tertiaire. Il s’agit d’ostéites évoluant à partir d’un foyer infectieux apical ou bien après une extraction dentaire (fig 7, 8). Ces infections avaient un caractère extensif et chronique.
Syphilis buccale
Stomatologie
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Orthopantomogramme : ostéite syphilitique (collection J.P. Ragot).
22-046-A-10 EXAMENS DE LABORATOIRE
¶ Sérologies Elles peuvent être dissociées avec un VDRL négatif et un TPHA positif. Il faut confirmer avec un FTA-abs et un test de Nelson éventuellement quantitatif.
¶ Examen histologique
9 Carcinome lingual et syphilis tertiaire (collection J.E. Fleury).
Il peut apporter des éléments diagnostiques intéressants. Il retrouve des foyers de nécrose dans le derme et l’hypoderme. La nécrose gommeuse est souvent incomplète, des reliquats tissulaires peuvent y être identifiés. Le foyer nécrotique est entouré par un infiltrat inflammatoire constitué de lymphocytes, de plasmocytes, d’histiocytes, de cellules épithélioïdes et de cellules géantes. La fibrose est importante, les vaisseaux sont entourés de manchons inflammatoires et présentent des lésions de vascularite. TRAITEMENT
– Des troubles trophiques osseux ont également été décrits au cours du tabès, sous le nom de mal perforant. Il s’agit d’une entité débutant par des ulcérations torpides de la muqueuse gingivale, évoluant vers une résorption de l’os alvéolaire avec chute des dents et perforations aboutissant à des communications buccosinusiennes ou plus fréquemment bucconasales.
SYPHILIS ET CANCERS DE LA CAVITÉ BUCCALE
Des carcinomes survenant sur des lésions muqueuses de la syphilis tertiaire ont été décrits par les anciens auteurs. Ceux-ci ne nous ontils pas enseigné que « la syphilis faisait le lit du cancer » ? Il faut également noter qu’une sérologie syphilitique positive était fréquemment retrouvée autrefois chez les patients atteints de cancers de la cavité buccale et que cela constituait un facteur de mauvais pronostic pour le cancer (fig 9).
Les modalités dépendent des résultats de la ponction lombaire. Si elle est normale, le CDC [1] recommande la pénicilline (Extencillinet), trois injections de 2,5 millions d’UI à 5 jours d’intervalle. Si la ponction lombaire est anormale (hypercytose, albuminorachie), il faut utiliser la pénicilline G en perfusion intraveineuse à la dose de 12 à 24 millions d’UI/j pendant 15 jours. De nombreux auteurs signalent que la pénicilline ne passe pratiquement pas dans le liquide céphalorachidien et que son utilisation dans le « traitement minute » ne met pas à l’abri d’une syphilis neurologique.
Syphilis congénitale Les termes de syphilis héréditaire et d’hérédosyphilis ne doivent plus être employés, puisqu’il ne s’agit pas d’une maladie génétique. La syphilis congénitale est due au passage transplacentaire du tréponème pâle. Des manifestations cutanéomuqueuse ou osseuse (ostéopériostite des maxillaires) se manifestent quelques semaines ou quelques mois après la naissance. Des dysplasies dentaires (dent de Hutchinson) ont été décrites. Les causes de dysplasies dentaires sont multiples et la syphilis n’est pas la seule infection à pouvoir être incriminée. En présence d’une hypoplasie complexe de type Hutchinson, c’est l’association à d’autres atteintes telles qu’une kératite interstitielle, une surdité, une hydarthrose chronique d’une ou plusieurs articulations qui permet d’incriminer la syphilis.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-047-A-10
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Tuberculose JP Coulon E Piette
Résumé. – La tuberculose est une maladie endémique grave actuellement en recrudescence, en particulier chez les sujets immunodéprimés. Son cours clinique est bien connu et ses manifestations au niveau orofacial surtout historiques. Son diagnostic a connu de gros progrès techniques et ses schémas thérapeutiques sont maintenant bien codifiés. Les traitements diffèrent cependant entre pays développés et sous-développés. La maladie est revue dans cet article, en insistant sur ses manifestations orofaciales. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : tuberculose, étiologie, pathogénie, formes générales, formes maxillofaciales.
Introduction La tuberculose est une infection bactérienne chronique provoquée par une bactérie appartenant au complexe Mycobacterium tuberculosis [20, 39]. Elle est caractérisée chez le sujet immunocompétent par la formation de granulomes dans les tissus infectés et par une hypersensibilité à médiation cellulaire marquée. La maladie affecte le plus souvent les poumons, mais d’autres organes sont concernés dans près d’un tiers des cas. La tuberculose est une affection opportuniste fréquente parmi les personnes infectées par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), avec une réponse immunitaire cellulaire plus modérée, granulomateuse ou non, et plus fréquemment une atteinte extrapulmonaire isolée ou associée à une atteinte pulmonaire, elle-même le plus souvent atypique. Le diagnostic, essentiellement bactériologique, peut être facilité et considérablement accéléré par l’amplification et la détection de segments spécifiques d’acide désoxyribonucléique (ADN) de la bactérie. Correctement traitée, la tuberculose, causée par des souches sensibles aux antituberculeux, guérit dans pratiquement tous les cas. La vaccination par le bacille bilié Calmette-Guérin (BCG) est conseillée dans les régions endémiques ; administrée au nouveau-né ou au nourrisson, elle élimine pratiquement les formes disséminées (méningite tuberculeuse, tuberculose miliaire) de la tuberculose, cause de mortalité en bas âge. De nouveaux vaccins à base d’ADN mycobactérien sont à l’étude. Un diagnostic précoce, tout comme une vaccination plus efficace, sont indispensables pour permettre l’éradication de la maladie. L’évolution technique de la biologie moléculaire ouvre de nouvelles pistes dans ces domaines, tout comme dans la mise au point de nouveaux agents antituberculeux.
Historique Les cas les plus anciens de tuberculose ont été retrouvés parmi les momies égyptiennes, au niveau vertébral. Le terme grec ancien de « phtisie », attribué à la tuberculose pulmonaire (atteinte reconnue
Jean-Pol Coulon : Ancien assistant, universités de Louvain (Belgique) et de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), service de chirurgie maxillofaciale, clinique Notre-Dame Tournai, Belgique. Étienne Piette : Agrégé, ancien professeur, université de Hong Kong, service de chirurgie maxillofaciale, plastique et reconstructrice, clinique Sainte-Élisabeth, Namur, Belgique.
et décrite par Laennec en 1819), caractérise l’évolution chronique et désespérante, « à petit feu », de la maladie non traitée. La tuberculose prit des proportions épidémiques et pratiquement universelles avec le développement de l’urbanisation pendant la révolution industrielle, causant ainsi au moins 20 % des décès en Grande-Bretagne en 1650, et 400 décès par an et pour 100 000 habitants dans l’est des États-Unis au début du XIXe siècle. Il est probable qu’un quart à un tiers des décès dans les villes européennes étaient dus à la tuberculose au milieu du XIXe siècle. En France, sur 100 000 habitants, 300 décès étaient encore attribués chaque année à la tuberculose dans la première moitié du XXe siècle, avec alors, dès l’âge de 15 ans, plus de 80 % des hommes réagissant à la tuberculine. Le germe spécifique de la tuberculose fut isolé et cultivé pour la première fois par Robert Koch en 1882, d’où le nom de bacille de Koch. L’amélioration des conditions socioéconomiques en Europe et dans l’est des États-Unis, la connaissance du mode de transmission de l’affection, l’isolement des patients en sanatorium et la vaccination par le BCG dès 1921 réduisirent l’incidence de l’infection durant la première moitié du XXe siècle, avec une diminution de la mortalité dès le milieu de ce siècle, avant l’introduction des médicaments antituberculeux. En 1944, le taux de mortalité était de 41/100 000 et la morbidité de 95/100 000. Tous les enfants atteints de méningite tuberculeuse mouraient. Les enfants de moins de 3 ans présentant une lésion pulmonaire tuberculeuse avaient 21 % de risque de mourir au cours de la première année et 30 % au bout de 10 ans. L’absence de lésion pulmonaire au début de l’affection diminuait considérablement la mortalité. C’est en 1946 qu’un premier cas de méningite tuberculeuse fut guéri par la streptomycine, découverte en 1944 par Waksman. La monothérapie par la streptomycine sélectionnait fréquemment des souches résistantes de bacilles tuberculeux. En 1948, une tuberculose miliaire fut guérie grâce au thiazolsulfone. L’association de ces deux antituberculeux constitua le premier traitement efficace de la méningite tuberculeuse. Suivirent l’isoniazide et la pyrazinamide en 1952, l’éthambutol en 1961, puis la rifampicine en 1965. Depuis, de nouveaux antibiotiques sont arrivés sur le marché, si bien que, grâce aux polychimiothérapies, la mortalité se situe actuellement autour de 10 % des malades qui représentent 0,1 % de la population aux États-Unis [39].
Toute référence à cet article doit porter la mention : Coulon JP et Piette E. Tuberculose. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-047-A-10, 2001, 14 p.
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Tuberculose
Le rôle pathogène pour l’homme des mycobactéries autres que les bacilles tuberculeux fut mis en évidence en 1950, et leur implication comme agents pathogènes opportunistes a pris depuis de l’importance.
Agent étiologique Les bactéries du genre Mycobacterium appartiennent à la famille des Mycobacteriacea et à l’ordre des Actinomycetales. Beaucoup de ces mycobactéries sont facilement isolées de l’environnement. Si la plupart des animaux sont susceptibles d’être atteints par certaines, les germes varient selon les espèces touchées. La plupart des germes ne sont pas pathogènes pour l’homme. Une trentaine d’espèces pathogènes pour l’homme est bien caractérisée, et de nombreuses autres ne sont pas encore classées, d’où l’ancien terme de « mycobactérie atypique » ou de « mycobactérie anonyme ». Parmi les espèces pathogènes du complexe M. tuberculosis, c’est le M. tuberculosis (bacille de Koch) qui provoque la tuberculose, tout comme le font M. bovis et M. africanum. M. tuberculosis n’existe que dans l’espèce humaine, mais peut se transmettre de l’homme aux animaux familiers comme le chien ou le chat. De nombreuses autres espèces de mycobactéries sont pathogènes pour l’homme [23] ; citons M. leprae, agent de la lèpre, classée à part, et les mycobactéries dites non tuberculeuses, dont la détermination est devenue familière du fait de leur pathogénie opportuniste. Les caractéristiques morphologiques des mycobactéries sont reprises avec les éléments du diagnostic. Les lipides de membrane des mycobactéries sont reliés à des arabinogalactanes et des peptidoglycanes sous-jacents, ce qui confère aux parois une très faible perméabilité, et de ce fait une absence d’efficacité de la plupart des antibiotiques. D’autres composants sont impliqués dans la virulence des mycobactéries et dans leur résistance aux mécanismes de défense par divers mécanismes de mieux en mieux compris. M. tuberculosis ne libère aucune toxine et la maladie résulte essentiellement de la prolifération des mycobactéries et de leur interaction avec les cellules de l’hôte.
Épidémiologie Avec actuellement 30 millions de cas dans le monde, plus de 8 millions de nouveaux cas par an et 3 millions de décès, la tuberculose demeure une maladie sociale préoccupante. La tuberculose sévit dans 95 % des cas dans les régions déshéritées du globe, avec une recrudescence récente en Europe de l’Est et en Russie. Dans ces régions à haute prévalence, la tuberculose affecte surtout l’adulte jeune, aussi bien dans les villes qu’en zone rurale. La tuberculose survient également dans les pays occidentaux, se présente de plus en plus sous la forme de petites épidémies, de caractère souvent familial, mais survient en fait essentiellement parmi les populations pauvres, chez les immigrés (Amérique latine, Haïti, Sud-Est asiatique, Europe de l’Est), les personnes infectées par le VIH, les insuffisants rénaux, le personnel soignant des établissements de soins et les personnes âgées. Chez ces patients âgés, la tuberculose représente en général un héritage du passé, par réactivation d’une tuberculose contractée pendant l’enfance, ou une infection ou une réinfection au contact d’une autre personne bacillifère dans une même maison de retraite. L’incidence de la tuberculose est plus élevée chez l’homme que chez la femme, et d’autant plus que l’âge est élevé, à l’exception notable des patients VIH positifs d’Afrique subsaharienne, parmi lesquels la femme contracte la tuberculose et le VIH plus tôt que l’homme. Dans les régions confrontées à l’épidémie d’infection par le VIH, l’incidence de la tuberculose augmente, tout comme dans les souspopulations à risque des pays occidentaux. Globalement, cependant, l’incidence de la tuberculose décroît depuis les années 1980 dans les pays occidentaux, malgré un accroissement parmi les immigrés de 2
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ces régions. L’accroissement de l’incidence de la tuberculose dans les pays d’Europe de l’Est a rattrapé celui constaté en Afrique subsaharienne. À l’échelle mondiale, en revanche, l’incidence de la tuberculose diminue, surtout du fait des programmes de détection dans certains pays en voie de développement, mais cette incidence diminue moins que le taux d’accroissement de la population. De ce fait, le nombre absolu de nouveaux cas augmente. Six pour cent des décès restent attribués à la tuberculose sur le plan mondial, 98 % de ceux-ci survenant dans les pays en voie de développement [18].
Transmission et infection primaire La transmission de M. tuberculosis est presque exclusivement interhumaine, le plus habituellement par voie aérienne à d’autres personnes par un patient atteint de tuberculose pulmonaire infectieuse. Les lésions cavitaires, richement bacillifères, sont le plus souvent en cause, les lésions pulmonaires de primo-infection n’étant pratiquement pas contagieuses. La plupart des infections proviennent de cas méconnus de tuberculose ou encore de sujets asociaux, tuberculeux avérés, se soustrayant volontairement à la thérapeutique et aux mesures prophylactiques. Dans le passé, la voie digestive constituait une autre source fréquente d’infections, et venait du lait non stérilisé de vache atteinte de mammite tuberculeuse, contaminé par M. bovis. Les mesures quasi généralisées de pasteurisation et de stérilisation du lait, tout comme l’élimination de la tuberculose dans le cheptel bovin, ont fait disparaître ce mode de contamination. Les bacilles bovins ingérés provoquaient un chancre d’inoculation au niveau des amygdales (avec adénopathies cervicales satellites), ou plus souvent dans la région iléocæcale (avec adénopathies mésentériques). D’autres voies de transmission du bacille tuberculeux, transcutanées (piqûre anatomique) ou transplacentaires, ou par inhalation de liquide amniotique infecté (tuberculose congénitale) par exemple, sont inhabituelles et sans signification épidémiologique. Les sécrétions infectées (urines, produits de fistules ou d’abcès) peuvent entraîner elles aussi, mais de façon exceptionnelle, des contaminations aériennes ou transcutanées, voire digestives. Les bacilles tuberculeux sont donc le plus souvent émis dans de microgouttelettes d’eau (gouttelettes de Flügge), surtout lors de la toux, mais aussi de l’éternuement ou de la conversation. Ces petites gouttelettes chargées de bacilles s’évaporent rapidement ; les plus petites (moins de 5 à 10 µm) peuvent rester sous forme de microaérosol en suspension dans l’air plusieurs heures avant d’être inhalées par l’entourage, transmettant ainsi l’infection dans les régions les mieux ventilées du poumon. Les plus grosses particules précipitent sur le sol ou sont arrêtées dans les voies aériennes supérieures ou l’arbre trachéobronchique, et rejetées sans provoquer de contamination. Les bacilles desséchés restent eux-mêmes infectieux pendant de longs mois. Une ventilation adéquate réduit donc le risque de contagion, tout comme la lumière du jour, les mycobactéries étant sensibles à l’irradiation ultraviolette. Les patients avec tuberculose pulmonaire négative à la culture des expectorations, ou ceux atteints de tuberculose extrapulmonaire, sont pratiquement non contagieux. Ceux dont le frottis des expectorations est négatif, tout en présentant une culture positive, sont beaucoup moins contagieux que les patients présentant des bacilles à l’examen direct de frottis des expectorations. Ces derniers infectent en moyenne deux ou trois personnes avant que leur maladie ne soit détectée et traitée. Ce sont les enfants vivant dans l’entourage étroit d’un tuberculeux (par exemple une mère bacillaire ou les élèves d’un enseignant tuberculeux), dont l’expectoration est positive à l’examen direct, qui courent les plus grands risques. Le nombre de bacilles émis lors de la toux, de l’expectoration ou de la conversation, tout comme la fréquence de ces émissions, sont corrélés avec le degré de contagiosité. Une chimiothérapie antituberculeuse adéquate supprime en général cette contagiosité en 2 semaines, en diminuant à la fois le nombre des bacilles et la
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Tuberculose
fréquence de la toux. Une toux peut ainsi produire 3 000 germes, et une expectoration jusqu’à 100 000 germes par millilitre de crachat, un à trois germes suffisant à infecter un individu au niveau de l’alvéole pulmonaire.
Infection primaire et maladie L’inoculum infectant comporte en général un à trois germes, lesquels atteignent les alvéoles pulmonaires par voie aérienne. Cette infection primaire, appelée aussi primocontamination ou contage, n’est le plus souvent pas suivie de manifestations cliniques dans l’immédiat. Dans le cas contraire, on parle de tuberculose primaire, qui survient généralement chez le nourrisson ou dans les 4 premières années, sous une forme souvent sévère et disséminée (méningite tuberculeuses, miliaire tuberculeuse), mais en général non contagieuse. Dès l’âge de 4 ans, le système immunitaire contient, au moins temporairement, les germes phagocytés par les macrophages au niveau des ganglions lymphatiques, évitant leur dissémination hématogène immédiate. Dix pour cent des sujets infectés, n’ayant pas combattu efficacement leur infection primaire, développent une tuberculose active dite secondaire, pour un tiers d’entre eux dans les 2 années suivant le contage (on parle alors de transmission récente), plus tardivement pour les deux tiers restants (on parle alors de réactivation d’une tuberculose latente). La réinfection exogène d’un sujet infecté, sans tuberculose clinique, peut survenir malgré la résistance acquise ; elle favorise également l’apparition d’une maladie clinique. L’âge est un facteur significatif pour l’évolution de la tuberculose. Chez les nourrissons, l’infection progresse rapidement vers la maladie, avec risque élevé de dissémination (cf supra). Ensuite, jusqu’à la puberté, les lésions de tuberculose primaire cicatrisent presque toujours. C’est en général au cours de l’adolescence ou chez l’adulte jeune que la maladie tuberculeuse se développe, pour des raisons mal comprises. Un adulte infecté développe en général une maladie dans les 3 années qui suivent. Chez l’adulte, la maladie est plus fréquente chez les femmes jeunes et chez les hommes âgés. Un certain nombre d’affections diminuent la résistance de l’hôte et favorisent le développement d’une tuberculose active : la coinfection par le VIH (en proportion avec le degré de dépression immunitaire cellulaire, mesuré par dosage des cellules CD4+), la silicose ou l’anthracosilicose pulmonaire, les lymphomes, les leucémies, d’autres affections malignes [ 3 2 ] , l’hémophilie, l’insuffisance rénale chronique et l’hémodialyse, le diabète sucré insulinodépendant, les traitements immunosuppresseurs et les états de malnutrition dus à la pauvreté ou à la chirurgie (gastrectomie, by-pass jéjuno-iléal, par exemple). Il faut citer également les affections anergisantes (grippe, rougeole, coqueluche) et les affections digestives (cirrhose) ou cardiopulmonaires associées (cardiopathies congénitales, bronchoemphysème), ainsi que la grossesse et le post-partum immédiat. La présence de lésions fibreuses anciennes, guéries spontanément, constitue également un risque sérieux de réactivation en tuberculose active. Jadis, les différences individuelles dans la défense de l’hôte jouaient un rôle déterminant dans le pronostic de la tuberculose. Aujourd’hui, elles sont devenues peu importantes dans nos contrées, la chimiothérapie égalisant les chances de guérison de chacun : correctement traitée, la tuberculose causée par des souches sensibles aux antituberculeux guérit dans pratiquement tous les cas. Mal traitée avec les antituberculeux classiques, la tuberculose évolue de manière chronique, avec souvent des germes résistants. En l’absence totale de traitement, l’affection peut être fatale, dans les 12 mois dans un tiers des cas, dans les 5 ans dans plus de la moitié des cas, avec 60 % de rémission spontanée chez ceux qui survivent à 5 ans d’évolution, les 40 % restants étant des patients continuant à excréter leurs bacilles.
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Pathogénie et immunité Alors que la majorité des bacilles inhalés sont retenus dans les voies aériennes supérieures et éliminés par les cellules muqueuses ciliées, moins de 10 % de ceux-ci atteignent l’alvéole pulmonaire. À ce niveau, les macrophages, activés non spécifiquement, les phagocytent. À ce stade, l’interaction est non spécifique, soit que la multiplication des bacilles phagocytés reste contenue par des enzymes protéolytiques et des cytokines, soit que les bacilles commencent à se multiplier, finissant par lyser le macrophage, ce qui attire par divers facteurs chimiotactiques des monocytes sanguins non activés. Ces monocytes phagocytent les bacilles libérés lors de la lyse du macrophage. Ces phases initiales d’infection sont en général asymptomatiques. Les facteurs qui permettent à la mycobactérie de pénétrer dans les macrophages et d’y persister impliquent des gènes du bacille impliqués dans la synthèse de lipides de la paroi, ce qui montre l’importance de la surface du bacille dans la pathogénie [8]. Deux à 4 semaines après cette infection primaire, alors que les bacilles continuent leur multiplication intracellulaire, deux réponses nouvelles apparaissent. La première est une réaction tissulaire (tissue-damaging response) d’hypersensibilité retardée à divers antigènes du bacille limitant la croissance des bacilles dans les macrophages non activés, finissant par détruire ces macrophages infectés. La deuxième est une réaction cellulaire d’activation des macrophages locaux (macrophage-activating response) par les lymphocytes T activés (CD4+) qui les rend capables de tuer et digérer les bacilles tuberculeux. L’importance relative de ces deux réactions détermine le cours ultérieur de la tuberculose. Ces deux réactions déterminent l’apparition de lésions granulomateuses, les « tubercules », constitués de lymphocytes et de macrophages activés, comme les cellules épithélioïdes et les cellules géantes. Au centre du tubercule, se développe une zone de nécrose secondaire à la réaction tissulaire. Cette nécrose modifie le microenvironnement des bacilles survivants (tension en oxygène basse, pH acide, autres facteurs) et inhibe leur croissance. Autour de cette zone de nécrose d’aspect caséeux, s’agrègent des macrophages locaux activés qui neutralisent les bacilles du tubercule sans provoquer de nouvelle destruction tissulaire. La formation d’un granulome est importante pour empêcher la dissémination de l’infection. À ce stade, certaines lésions guérissent par fibrose puis calcification tardive, tandis que d’autres peuvent éventuellement poursuivre leur évolution. Le bacille peut rester vivant et dormant dans ces lésions guéries du parenchyme pulmonaire et des ganglions hilaires, pendant des années, voire toute une vie. La réaction cellulaire d’activation des macrophages locaux lors de l’infection primaire peut être trop faible dans une minorité des cas, et seule une réaction d’hypersensibilité retardée intense peut inhiber la croissance du bacille, avec destruction tissulaire. La lésion tend alors à s’élargir, avec liquéfaction et cavitation du centre caséeux, riche en bacilles, et déversement dans une bronche. La paroi de la cavité est elle-même riche en bacilles qui se multiplient et passent dans les expectorations. Aux stades initiaux de l’infection, les bacilles sont habituellement transportés par les macrophages aux ganglions satellites. Si la dissémination bactérienne n’est pas contenue à ce niveau, les bacilles passent alors dans la circulation sanguine et une large dissémination s’ensuit dans beaucoup d’organes et de tissus. Ces bacilles disséminés peuvent ensuite se développer, surtout dans les territoires où les conditions sont les plus favorables à leur croissance (champs pulmonaires supérieurs, parenchyme rénal, lignes épiphysaires, cortex cérébral) ; d’autres organes se défendent bien contre la multiplication du bacille (foie, rate, moelle osseuse). Ces lésions de tuberculose disséminée peuvent suivre la même évolution que les lésions pulmonaires, mais cicatrisent en général, bien qu’elles constituent des foyers potentiels de réactivation ultérieure. La dissémination peut aussi conduire d’emblée à une tuberculose méningée ou miliaire, surtout chez le nourrisson et le jeune enfant à l’immunité naturellement plus faible, avec une morbidité et une mortalité potentiellement importantes. 3
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Manifestations cliniques
Stomatologie
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Chancre tuberculeux primaire, vestibulaire mandibulaire, chez un jeune enfant.
Les manifestations pathologiques évidentes n’apparaissent que chez moins de 5 % des sujets primo-infectés, en général au cours des 2 premières années suivant la primocontamination. La forme pulmonaire constitue 85 % des cas, tandis que les formes extrapulmonaires représentent 15 % des cas. TUBERCULOSE PULMONAIRE
Celle-ci est subdivisée en forme primaire (ou primo-infection tuberculeuse pulmonaire) et en forme postprimaire ou secondaire. Sa description détaillée n’est pas l’objet de cette publication ; seuls quelques éléments fondamentaux sont évoqués ici.
¶ Tuberculose pulmonaire primaire ou primo-infection Elle suit l’infection initiale par le bacille tuberculeux. Elle atteint généralement l’enfant dans les zones endémiques. Elle guérit spontanément dans la majorité des cas, en laissant parfois un petit nodule parenchymateux calcifié avec éventuellement un ganglion hilaire calcifié (complexe de Ghon). En cas d’altération de l’immunité (nourrisson, malnutrition, infection par le VIH, etc), l’extension locale peut s’aggraver et s’étendre, tant au niveau du parenchyme pulmonaire et de la plèvre que des adénopathies satellites, avec dissémination hématogène, souvent asymptomatique mais parfois très sévère (tuberculose miliaire, méningite tuberculeuse). Dans les régions de faible prévalence, la tuberculose primaire survient fréquemment chez des adultes. Elle peut évoluer directement vers une maladie qui a les caractéristiques d’une réactivation.
¶ Tuberculose postprimaire ou secondaire Appelée aussi tuberculose de réactivation ou de type adulte, elle était décrite autrefois sous le terme de phtisie pulmonaire commune. Elle peut également s’étendre localement, avec cavitation lobaire apicopostérieure. Les manifestations générales sont souvent plus marquées que les symptômes respiratoires : amaigrissement, fébricules, transpiration nocturne de l’extrémité supérieure du corps plusieurs fois par semaine. La présence d’une cavitation est d’autant plus fréquente que la symptomatologie est ancienne. Son extension locale peut se compliquer d’hémoptysies, de pleurésie. Les formes très bacillifères peuvent donner, par voie canalaire ou hématogène, une tuberculose bronchique, une laryngite tuberculeuse, une tuberculose intestinale, des fistules anales. L’évolution chronique peut être très débilitante et très extensive et se compliquer d’insuffisance cardiaque droite ou, rarement, d’amyloïdose. Un cancer bronchique (adénocarcinome) peut compliquer les tuberculoses cicatricielles ou réactiver d’anciennes lésions « dormantes ». Chez le patient VIH positif, une radiographie du thorax normale n’exclut pas le diagnostic de tuberculose pulmonaire. Le diagnostic différentiel radiologique est celui des nodules pulmonaires (dans les champs supérieurs pour la tuberculose), des infiltrats pulmonaires (moins labiles, moins ouatés et plus nodulaires que dans les pneumonies virales), des foyers ronds (une clarté lamellaire ou une calcification concentrique plaident pour une tuberculose), des clartés à parois épaisses (apicopostérieures avec ensemencements régionaux fréquents), des lobites (résorption très lente dans la tuberculose). TUBERCULOSE EXTRAPULMONAIRE
Celle-ci résulte, selon les sites concernés, de l’extension de voisinage ou de la dissémination hématogène. Les sites le plus souvent impliqués sont, en dehors du parenchyme pulmonaire et selon une fréquence décroissante, les ganglions lymphatiques, la plèvre, le tractus urogénital, les os et les articulations, les méninges, le péritoine. Tous les autres organes ou systèmes peuvent cependant être affectés. Les formes extrapulmonaires sont plus fréquentes de 4
nos jours qu’il y a quelques années, du fait des cas de co-infection par le VIH favorisant la dissémination hématogène du bacille tuberculeux. La lymphadénite tuberculeuse constitue l’une des présentations extrapulmonaires les plus fréquentes. Les autres formes de tuberculose extrapulmonaire ne sont qu’évoquées ici, mais restent des éléments de diagnostic à connaître et à reconnaître. Les localisations buccales et maxillofaciales sont reprises dans chacune de ces localisations, lorsqu’elles peuvent être concernées.
¶ Lymphadénite tuberculeuse Les adénopathies tuberculeuses se présentent sous deux formes cliniques, soit satellites de lésions tuberculeuses, soit apparemment « primitives ». Les adénopathies peuvent être la simple lésion satellite de lésions tuberculeuses reconnues du squelette ou des parties molles. Sousmandibulaires, elles peuvent ainsi accompagner l’exceptionnel « chancre d’inoculation » de la cavité buccale, habituellement amygdalien ou gingival mandibulaire (fig 1), historiquement secondaire au M. bovis du lait non pasteurisé. Ces adénopathies satellites sont indolores, mobilisables au stade initial, puis progressivement fixées par la périadénite. Elles évoluent vers le ramollissement puis la fistulisation avec l’écoulement d’un pus grumeleux verdâtre. Les adénopathies tuberculeuses peuvent aussi être primitives en apparence, étant alors le témoin d’une dissémination hématogène préalable à la suite d’une primo-infection inaperçue ou reconnue, avec éventuellement de nouvelles localisations extrapulmonaires dans le cours de – ou même de longues années après – leur guérison apparente. Cette lymphadénite tuberculeuse « primitive » peut se voir à tout âge, mais est surtout fréquente chez le jeune adulte ou chez l’enfant en zone endémique, caricaturalement celui répondant au type « scrofuleux » des anciens auteurs (lèvres bouffies, œdématiées, dents cariées, cuir chevelu bourré d’impétigo, pharynx déformé par les végétations), que les mauvaises conditions d’hygiène prédisposent à l’infection. Cette localisation ganglionnaire est également fréquente chez les patients infectés par le VIH [45]. La région cervicale est le siège le plus fréquent, avec l’atteinte des ganglions sous-mandibulaires surtout (fig 2), parfois des ganglions parotidiens (fig 3), jugulaires, sus-claviculaires, rétromastoïdiens, voire même, mais plus rarement, des ganglions occipitaux. Les ganglions autres que cervicaux représentent environ 35 % des adénites tuberculeuses. Par ordre de fréquence respective, on les voit dans les régions axillaires, inguinales ou épitrochléennes. À la région cervicale, il existe deux formes principales d’adénopathie tuberculeuse « primitive » sans réaction de voisinage, avec toutes les présentations intermédiaires possibles. Une troisième forme, plus rare, s’accompagne de périadénite importante. Dans le premier cas donc, il n’existe qu’un seul ganglion, indolore, perceptible sous la forme d’une masse régulière bien délimitée, d’un volume variant d’une amande à une noix, isolé des plans superficiels
Tuberculose
Stomatologie
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Volumineuses adénopathies tuberculeuses sousmandibulaires chez un jeune enfant.
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Adénopathie tuberculeuse de la région parotidienne chez un adolescent. Notez le discret œdème facial homolatéral.
et profonds. Il est, au début, de consistance ferme puis, au bout de quelques semaines ou de quelques mois, il peut ou bien rétrocéder avec une très grande lenteur et se scléroser ou, au contraire, se ramollir, devenir fluctuant, et tôt ou tard aboutir à la suppuration puis à la fistulisation, réalisant le scrofuloderme : la peau devient rouge puis s’effondre, se nécrose et s’ulcère, avec un bord déchiqueté et un fond granulomateux. L’évolution lente se fait vers la cicatrisation, la fibrose, avec des brides rétractiles et des chéloïdes. Dans le deuxième cas, il existe de multiples ganglions uni- ou bilatéraux, aux différents stades de leur évolution : phase de « crudité », phase de ramollissement, phase de fistulisation. Plusieurs ganglions adhérant entre eux peuvent former une masse volumineuse qui s’ulcère et s’ouvre en plusieurs endroits par des orifices déchiquetés à bords violacés et amincis. C’est la forme répondant aux descriptions anciennes des « écrouelles ». L’évolution spontanée est alors très longue, pendant des années, laissant des lésions cicatricielles tout à fait caractéristiques. Lorsqu’il constituait une cause importante de maladie, M. bovis donnait avec prédilection des écrouelles. À côté de ces deux formes habituelles sans réaction de voisinage, une périadénite intense peut se rajouter à l’adénite proprement dite : la tuméfaction est alors considérable, le cou prenant l’aspect « proconsulaire » lors d’extension bilatérale. La régression est très lente et n’aboutit que très exceptionnellement au ramollissement et à la fistulisation. Le diagnostic différentiel est celui des adénopathies cervicales et, chez l’enfant, une mycobactériose non tuberculeuse est évoquée. La découverte fortuite d’une adénopathie cervicale calcifiée suggère, outre la tuberculose, l’une des affections suivantes : lymphome traité, carcinome métastatique de la thyroïde, adénocarcinome
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métastatique du sein ou du poumon, carcinome épidermoïde [11]. L’ultrasonographie peut donner des éléments orientant le diagnostic [56], tout comme l’échodoppler, les index de pulsatilité et de vascularisation élevés plaidant pour une adénopathie métastatique [54]. En présence d’une adénopathie cervicale nécrosée sur une image de résonance magnétique nucléaire (RMN), la localisation périphérique de cette nécrose, ainsi que la présence d’un œdème des tissus mous avoisinants, constituent un argument pour une lymphadénite tuberculeuse, différenciant celle-ci d’adénopathies métastatiques [27] . La régression partielle d’une lymphadénite mycobactérienne cervicale, tuberculeuse ou non, est possible sous antibiothérapie classique à base d’association amoxicilline-acide clavulanique ou de certains macrolides comme la clarithromycine, ces antibiotiques faisant partie des agents antituberculeux de deuxième ligne. Cette régression ne doit pas faire exclure l’hypothèse d’une mycobactériose. Si le diagnostic est posé avant l’adénectomie, par exemple par l’examen et la culture d’une cytoponction à l’aiguille fine d’une adénopathie fluctuante chez l’enfant, le traitement médicamenteux est instauré selon les schémas classiques ou courts (cf infra) [57]. Les nouvelles techniques de biologie moléculaire d’amplification et de détection génique augmentent considérablement la sensibilité et la spécificité de la cytoponction à l’aiguille fine, avec beaucoup moins de faux négatifs, et permettent plus souvent d’éviter un traitement chirurgical [4]. Avant l’ère des chimiothérapies antituberculeuses, la répétition d’une simple ponction diagnostique évacuatrice (par une aspiration suffisamment modérée pour ne pas déterminer d’hémorragie) au niveau d’une adénopathie suppurée unique donnait souvent des guérisons parfaites sans cicatrice visible, au contraire d’une adénectomie chirurgicale, aux séquelles cicatricielles disgracieuses, que l’on évite actuellement par l’administration d’agents antituberculeux avant l’intervention chirurgicale, autant que possible. Un traitement chirurgical (adénectomie, curage du groupe ganglionnaire, voire curage ganglionnaire cervical) est actuellement réservé aux adénopathies résiduelles. Même de nos jours, le traitement chirurgical d’emblée reste d’actualité : lui seul permet en général le diagnostic, si l’on n’évoque pas une tuberculose au préalable ou si les autres procédures n’ont pas donné de diagnostic. L’adénectomie chirurgicale est préférable à une biopsie partielle. Le prélèvement doit être soumis à la mise en culture spécifique, ainsi qu’à l’examen histologique : présence de follicules de cellules épithélioïdes et de cellules géantes sans nécrose caséeuse au début, puis avec formation de caséum. La radiothérapie est exceptionnellement utilisée, avec succès localement, dans les cas suffocants réfractaires à tous les agents antituberculeux, en particulier chez les patients infectés par le VIH en phase terminale [42].
¶ Lymphadénite mycobactérienne non tuberculeuse M. scrofulaceum, M. intracellulare (ou M. avium) [13] et M. malmoense [51] sont fréquemment la cause de lymphadénite suppurée, surtout chez l’enfant. Des adénites secondaires à M. interjectum [33, 48] et à M. szulgai ont été sporadiquement rapportées. Les symptômes pulmonaires et généraux sont absents dans l’infection par M. scrofulaceum et M. interjectum à moins d’une pathologie sous-jacente sévère. En revanche, dans l’infection par M. intracellulare, le tableau clinique est similaire à celui de la tuberculose pulmonaire et extrapulmonaire, depuis les formes inapparentes jusqu’aux formes disséminées, et peut compliquer l’évolution d’une infection par le VIH. La lymphadénite suppurée chez l’enfant survient habituellement avant l’âge de 5 ans, dans deux tiers des cas avant 3 ans. Beaucoup d’enfants de plus de 2 ans semblent faire une primo-infection latente avec immunisation, sans la moindre manifestation clinique, comme en témoigne la positivité des intradermoréactions (IDR) aux sensitines de mycobactéries atypiques. Les formes cliniquement manifestes d’adénites suivraient une primo-infection dont la porte d’entrée serait cutanée (cuir chevelu, oreille externe, face) ou muqueuse (voies aériennes supérieures) pour M. scrofulaceum. La porte d’entrée serait pulmonaire pour M. intracellulare. Comme dans la tuberculose, les 5
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Tuberculose
ganglions cervicofaciaux supérieurs sont le plus fréquemment concernés, surtout au niveau prétragien, sous-mental, sousangulomandibulaire ou cervical supérieur. Une adénopathie est fréquemment la manifestation inaugurale. L’adénite froide, isolée, ferme et mobile, est habituellement indolore. La progression est lente, en 1 à 2 mois, avec nécrose du ganglion et développement de trajets fistuleux. L’évolution reste bénigne et localisée mais peut durer des mois, avec cicatrisation puis réapparition des fistules. La résolution est spontanée après la puberté. Les séquelles sont esthétiques. Le diagnostic est évoqué devant le tableau clinique chez un enfant très jeune, après l’élimination d’autres causes d’adénopathies suppurées sans altération de l’état général, comme la tuberculose proprement dite (M. tuberculosis, IDR à la tuberculine), la maladie des griffes de chat (Rochalimaea henselae, IDR à l’antigène spécifique de Reilly, test sérologique spécifique), la tularémie (Francisella tularensis, IDR à la tularine, test sérologique spécifique). L’IDR à la tuberculine est habituellement faible ou négative, alors que celle aux sensitines de mycobactéries atypiques est positive dès le quatrième jour. L’examen direct du liquide de ponction ganglionnaire, ainsi que la mise en culture de prélèvements (y compris par tubage gastrique) [21] sur milieux de culture bien spécifiques confirment le diagnostic après plusieurs semaines. Ce diagnostic peut être facilité et considérablement accéléré par l’amplification et la détection de segments spécifiques d’ADN de la bactérie. L’histologie ressemble à celle des lésions tuberculeuses, avec quelques nuances : présence de microabcès, granulomes mal définis, granulomes non caséeux, petit nombre de cellules géantes [30]. Les germes responsables ne sont habituellement pas sensibles aux agents antituberculeux classiques, malgré des schémas thérapeutiques comportant de nombreux produits, et le traitement, lorsqu’il est nécessaire, est l’excision chirurgicale. Le traitement des cas chirurgicaux d’exérèse incomplète peut bénéficier d’une antibiothérapie complémentaire par des agents antituberculeux de deuxième ligne (clarithromycine, rifabutine et protionamide, ou clarithromycine seule). Dans les formes non localisées, en particulier dans les cas de syndrome d’immunodéficience humaine (sida), le traitement est difficile et fait appel à trois à six antituberculeux auxquels le bacille est sensible, choisis parmi les antituberculeux de première et/ou deuxième ligne(s), y compris les nouveaux antituberculeux.
¶ Pleurésie tuberculeuse Elle est fréquente et survient généralement par pénétration de quelques bacilles à partir d’une lésion de tuberculose primaire. Tous les degrés de gravité sont possibles, avec même des guérisons spontanées. Les antituberculeux sont très efficaces. L’empyème tuberculeux constitue une complication de tuberculose secondaire, par rupture d’une cavité ou par fistule bronchopleurale à partir d’une lésion pulmonaire, avec l’arrivée massive de bacilles. Un drainage chirurgical est généralement indispensable, en association avec les antituberculeux. Les séquelles peuvent être sévères (fibrose pleurale, syndrome restrictif).
¶ Tuberculose des voies aériennes supérieures Elle survient le plus communément dans le décours d’une tuberculose pulmonaire cavitaire avancée, comme le résultat de l’inoculation par l’expectoration bacillifère. Elle est donc rare chez l’enfant, et frappe surtout actuellement des sujets âgés. Elle atteint surtout le larynx, le pharynx ou l’épiglotte, avec raucité de la voix, dysphagie, toux chronique productive. Les lésions varient de l’hyperémie muqueuse aux ulcérations localisées ou aux plages granulomateuses. Les bacilles sont généralement présents à l’examen direct des expectorations, signant le haut degré de contagiosité de ces patients. Une biopsie peut cependant s’avérer nécessaire. En effet, un cancer peut aussi se présenter sous cet aspect, tout en étant généralement indolore. L’association d’un carcinome épidermoïde laryngé ou pulmonaire à une tuberculose des voies aériennes supérieures est également possible. Le pronostic est favorable sous chimiothérapie antituberculeuse. 6
Stomatologie
L’otite moyenne tuberculeuse est rare. La contamination s’effectue par la trompe d’Eustache. Elle se manifeste par des perforations multiples du tympan avec otorrhée persistante. Elle peut aboutir à une surdité de conduction profonde, et même à des complications intracrâniennes. Au niveau du nasopharynx, la tuberculose peut simuler une granulomatose de Wegener. TUBERCULOSE OSSEUSE
Si l’atteinte osseuse ou articulaire était responsable de 8 à 9 % des localisations extrapulmonaires tuberculeuses, ces lésions ne se retrouvent pratiquement plus de nos jours que chez les patients infectés par le VIH. Ces atteintes sont secondaires à la réactivation d’un foyer hématogène, ou sont parfois la conséquence de la propagation d’une lésion de voisinage, comme un ganglion paravertébral pour le mal de Pott. Jadis, la tuberculose osseuse et articulaire était fréquemment due au M. bovis, rarement impliqué actuellement. Les localisations osseuses sont favorisées par les régions métaboliquement actives osseuses, avec historiquement une prédilection chez les enfants, au niveau des épiphyses et des régions juxtaépiphysaires. Les techniques d’imagerie médicale ne permettent pas d’orienter le diagnostic de ces lésions lytiques, et seule la bactériologie donne le diagnostic de certitude [24]. Deux localisations cliniques intéressent particulièrement le chirurgien maxillofacial : les localisations maxillofaciales et les localisations vertébrales cervicales hautes.
¶ Tuberculose osseuse maxillofaciale La tuberculose attaque de préférence le tissu spongieux des parties jeunes des os jeunes. Elle entreprend rarement les os de la face, qui renferment peu de tissu spongieux. Les rares localisations décrites sont la mandibule, et encore plus rarement, les maxillaires et les malaires. Elle n’est habituellement chez l’enfant qu’une des localisations de la tuberculose à foyers multiples qui lèsent les petits os. Au niveau mandibulaire, la lésion peut former une gomme, avec un aspect lacunaire central, mal circonscrit, dans la branche montante ou à l’angle, surtout chez l’enfant. L’évolution se fait à bas bruit et la fistulisation possible par une fistule généralement unique. Elle peut plus fréquemment être diffuse et sous-périostée, douloureuse, fébrile, surtout chez le sujet âgé, avec des adénopathies satellites, des fistulisations cutanées ou muqueuses multiples atones à bords décollés, et des séquestres osseux, voire des hyperostoses. Le diagnostic différentiel avec une ostéomyélite subaiguë ou chronique banale d’origine dentaire est alors difficile, d’autant qu’une localisation apicale est possible, exacerbée par l’extraction de la dent sus-jacente. Une troisième forme, alvéolaire, est décrite, par propagation à l’os d’une ulcération tuberculeuse gingivale ; en l’absence de traitement, elle annonce la fin prochaine des tuberculeux avérés qui la portent [16, 34].
¶ Mal de Pott sous-occipital Le mal de Pott, ou tuberculose vertébrale, concerne habituellement la colonne vertébrale moyenne, avec fréquemment l’atteinte de deux corps vertébraux adjacents ou plus, et la destruction des disques intervertébraux. L’érosion antérieure des corps vertébraux conduit au collapsus vertébral, avec ses conséquences orthopédiques et neurologiques. Seule sa forme sous-occipitale est décrite ici. Dans cette localisation, le mal de Pott atteint en tout ou en partie les condyles occipitaux, de l’atlas, de l’axis et des articulations qui réunissent ces os entre eux. Ces lésions évoluent comme au niveau des autres vertèbres, avec des déplacements vertébraux (et ascension de l’apophyse odontoïde dans la lumière du trou occipital dans la variété occipitoatloïdienne, ou luxation atloïdoaxoïdienne dans la variété atloïdoaxoïdienne) et des signes de compression nerveuse : douleurs, névralgies sous-occipitales d’Arnold, irradiations vers la
Stomatologie
Tuberculose
parotide ou le cou, contractures musculaires, torticolis. Les abcès « froids » paravertébraux, dans cette localisation sous-occipitale particulière, peuvent glisser sur les parties latérales du pharynx (abcès latéropharyngiens) et venir faire saillie en arrière du muscle sterno-cléido-mastoïdien, et même atteindre le thorax. Ils peuvent aussi rester médians (abcès rétropharyngiens avec suffocation possible), repousser en avant la partie toute supérieure du pharynx et déterminer de véritables accidents de suffocation. En l’absence de traitement, après la phase de destruction osseuse, le mal de Pott entre spontanément en quelques mois dans une phase de réparation, sauf complication fatale : les abcès s’assèchent progressivement et les surfaces osseuses, partiellement détruites, se soudent définitivement dans la position qu’elles occupent. Le diagnostic, évoqué par les images du CT-scan ou de la RMN, est confirmé par l’aspiration d’un abcès ou une biopsie osseuse. S’il n’y a pas de complications orthopédiques ou neurologiques, le mal de Pott peut être traité uniquement par antituberculeux et par l’immobilisation de la région atteinte (minerve). Si la colonne est instable, une stabilisation orthopédique est nécessaire, urgente en présence d’une paraparésie récente. Les abcès, lorsqu’ils sont volumineux et gênants, sont ponctionnés par voie latérale ou pharyngienne, selon leur localisation [1, 43].
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4 Conjonctivite tuberculeuse.
est fatale. Elle guérit sous traitement bien conduit, avec l’association de glucocorticoïdes en cas d’œdème cérébral ou de taux de protéines élevé dans le liquide de ponction céphalorachidienne. Des séquelles neurologiques sont possibles [2].
¶ Tuberculose articulaire L’arthrite tuberculeuse débute en général dans l’extrémité osseuse. Elle est plus rarement le fait d’une réactivation d’un foyer hématogène. Elle affecte le plus souvent les grosses articulations porteuses, comme les hanches et les genoux. Plusieurs formes cliniques sont décrites : hydarthrose tuberculeuse, synovite tuberculeuse aux formes variées (tubercules, fongosités, sclérose), abcès froid articulaire, pseudotumeur. La synovite tuberculeuse peut survenir indépendamment de l’arthrite tuberculeuse. La tuméfaction des ganglions satellites à la racine du membre survient précocement dans les formes douloureuses. Les atteintes de l’articulation temporomandibulaire sont exceptionnelles. TUBERCULOSE GASTRO-INTESTINALE
Les lésions intestinales sont la conséquence de l’ingestion des bacilles produits par une maladie pulmonaire cavitaire extensive avec altération de l’état général. Une contamination hématogène est possible, et très rarement l’ingestion de lait contaminé par M. bovis est en cause. Chacune des portions du tube digestif peut développer une tuberculose, mais l’estomac est extrêmement résistant à l’infection tuberculeuse et les lésions se développent surtout au niveau de l’iléon terminal et du cæcum, avec l’apparition d’une douleur abdominale, d’une masse abdominale, d’une diarrhée chronique et de fistules, voire d’une occlusion. Le diagnostic différentiel avec une appendicite ou une maladie de Crohn peut être difficile. Une localisation rectale est possible, avec des fistules anales. Une péritonite tuberculeuse au départ d’adénopathies mésentériques ou par voie hématogène peut survenir ; elle est de diagnostic difficile (biopsie nécessaire) lorsqu’elle accompagne une cirrhose d’autre étiologie, éthylique par exemple. MÉNINGITE TUBERCULEUSE ET TUBERCULOSE DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL
La tuberculose du système nerveux central, d’origine hématogène, constitue 5 % des cas de localisation pulmonaire et concerne surtout le jeune enfant ou le patient VIH positif. Le tableau de méningite tuberculeuse diffère cliniquement de celui d’une méningite bactérienne par sa durée de 1 ou 2 semaines, la fréquence de la parésie des nerfs crâniens (nerfs oculaires en particulier), de l’hydrocéphalie et de l’œdème cérébral. Dans plus de la moitié des cas, des lésions pulmonaires anciennes ou une miliaire sont retrouvées sur une radiographie du thorax. La ponction lombaire doit parfois être répétée pour donner le diagnostic, sa culture étant positive dans 80 % des cas. Non reconnue, la méningite tuberculeuse
TUBERCULOSE UROGÉNITALE
Constituant 15 % des localisations extrapulmonaires, la tuberculose urogénitale peut intéresser n’importe quelle partie de l’appareil urogénital masculin ou féminin. Elle relève en général d’une contamination par voie hématogène consécutive à l’infection primaire. Les signes locaux prédominent et les patients peuvent même être asymptomatiques. La tuberculose rénale peut rester longtemps silencieuse et peut s’étendre éventuellement par voie canalaire à l’uretère et à la vessie, ainsi qu’à l’urètre. La tuberculose génitale est plus fréquente chez la femme, avec atteinte des trompes de Fallope et de l’endomètre. La salpingite tuberculeuse conduit souvent à la stérilité chez la femme. La tuberculose génitale chez l’homme concerne le plus souvent l’épididyme, avec fistulisation éventuelle ; les autres localisations sont le testicule, la prostate et les vésicules séminales. La tuberculose urogénitale répond bien aux antituberculeux. TUBERCULOSE OCULAIRE
La choriorétinite, l’uvéite, la panophtalmie et la kératoconjonctivite phlycténulaire douloureuse d’hypersensibilité sont les manifestations oculaires les plus fréquentes (fig 4). Ces manifestations ne peuvent pas être distinguées cliniquement de la sarcoïdose ou des mycoses systémiques, mais une kératite phlycténulaire suggère fortement le diagnostic. La recherche de tubercules choroïdes est utile au diagnostic de tuberculose miliaire. Le traitement des formes oculaires est médicamenteux. TUBERCULOSE CUTANÉOMUQUEUSE
Les lésions cutanées ou muqueuses de tuberculose, primaires ou secondaires, sont rares. Leur description générale est faite ici avec leurs lésions faciales ou buccales éventuelles. Un paragraphe est consacré ensuite aux localisations linguales.
¶ Tuberculose cutanéomuqueuse primitive La tuberculose cutanée primitive, par inoculation cutanéomuqueuse directe (aiguille contaminée, tatouage, percement d’oreille, lait non pasteurisé, circoncision rituelle, voire par transmission vénérienne) de bacilles tuberculeux est rare. Elle produit un chancre tuberculeux, souvent sur les zones exposées, en bouche ou dans l’oropharynx (lait contaminé par M. bovis), ou encore au niveau génital. Cette primo-infection tuberculeuse buccale ou oropharyngée a pratiquement disparu avec la quasi-disparition de la tuberculose bovine. L’ulcération est indolore, rapidement de 0,5 cm au début, 7
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Tuberculose
pouvant atteindre plusieurs centimètres. La base non indurée est rouge rosé, le fond est granuleux, sanieux, parfois croûtelleux dans les localisations cutanées. Les cas d’inoculation en bouche donnent des lésions surtout amygdaliennes [44] ou gingivales mandibulaires. Les cas d’inoculation amygdalienne peuvent évoluer vers la fistulisation en région parotidienne [26]. Une adénopathie régionale se développe rapidement, essentiellement en région sousangulomandibulaire dans les cas d’inoculation dans la cavité buccale, et évolue à bas bruit, avec ramollissement et fistulisation, suppuration puis guérison lente laissant des cicatrices chéloïdes. Un abcès plus profond est possible en cas d’inoculation profonde, et une lésion gingivale peut ainsi s’étendre à l’os alvéolaire sousjacent, qui se dénude et s’élimine avec la dent. Les complications systémiques telles que l’érythème noueux, la miliaire, la méningite ou l’ostéomyélite sont exceptionnelles. Le diagnostic différentiel de ces tuberculoses cutanées ou muqueuses primitives se fait avec les mycoses, la syphilis, la tularémie, les leishmanioses et surtout les mycobactéries non tuberculeuses (surtout M. ulcerans donnant l’ulcère de Buruli ou de Bairnsdale en Australie ou en Afrique, et M. marinum donnant le granulome des piscines ou des viviers, que l’on attrape dans les eaux fraîches et salées, et d’autres mycobactéries opportunistes comme M. fortuitum et M. haemophilum). Dans le granulome des piscines, l’IDR à la tuberculine est souvent faussement positive, par hypersensibilité croisée. Le traitement fait appel aux schémas antituberculeux classiques.
¶ Tuberculoses cutanéomuqueuses secondaires Elles n’apparaissent le plus souvent qu’au cours d’une évolution prolongée. Elles sont dues à une dissémination hématogène (tuberculose miliaire, tuberculose gommeuse) d’un foyer pulmonaire ou viscéral, à une extension d’un foyer de voisinage ganglionnaire ou osseux (lichen scrofulosorum ou écrouelle), à une réactivation tardive (lupus vulgaire) ou à une réinfection par réinoculation cutanée (tuberculose verruqueuse) ou par auto-inoculation (tuberculose orificielle). La tuberculose miliaire est décrite (cf infra). L’association de ces tuberculoses cutanéomuqueuses secondaires à des affections immunodéprimantes ou aux infections par le VIH est régulièrement rapportée. Tuberculose gommeuse La tuberculose gommeuse (ou abcès tuberculeux métastatique) touche également les enfants dénutris, au départ d’un foyer pulmonaire ou viscéral. Plusieurs nodules sous-cutanés se développent sur les extrémités et le tronc, et se ramollissent pour fistuliser à la peau ou les muqueuses, prenant l’aspect des scrofulodermes. Le scrofuloderme ou l’écrouelle, déjà décrits plus haut, proviennent de l’extension cutanée ou muqueuse d’une lésion généralement ganglionnaire ou ostéoarticulaire. Ces lésions peuvent être multiples et, pour rappel, siègent plutôt dans les régions parotidiennes, supraclaviculaires ou sur les faces latérales du cou. Les gommes sont très rares en bouche et localisées uniquement à la langue. Lupus vulgaire Il est rare et semble toucher fréquemment les sujets jeunes. Il est principalement localisé au niveau de la tête ou du cou, sous l’aspect initial d’un placard saillant, mou, jaunâtre (« gelée de pomme » à la vitropression, constituée de lipomes de 1 à 3 mm) ou rougeâtre, à bords irréguliers, avec peu à peu affaissement du centre et progression des bords. L’extension orificielle de la lésion cutanée provoque des mutilations labiales et nasales, des cicatrices rétractiles, des atrésies, des ectropions. Un carcinome épidermoïde peut compliquer tardivement l’évolution du lupus vulgaire cutané [55]. Le lupus vulgaire de la face peut s’étendre en bouche à partir des lésions labionarinaires. Il peut aussi apparaître au niveau de la muqueuse nasale et passer en bouche par extension au niveau 8
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du bord postérieur du voile ou par le canal palatin antérieur. Au début, la muqueuse est rougeâtre, violacée, puis apparaissent les lupomes classiques, qui confluent en une lésion granulomateuse, puis en un semis de petits ulcères à fond granuleux saignotant facilement. Les séquelles faciales peuvent être très importantes en l’absence de traitement, avec la destruction des cartilages auriculaires et du nez, une microstomie, des rhagades commissurales et des pertes osseuses alvéolaires. La face peut être figée, comme dans les séquelles de brûlures. Le diagnostic différentiel se fait avec la sarcoïdose, un lymphome, une leishmaniose, une lèpre, une mycose profonde, une syphilis tertiaire (qui détruit l’os plus que le cartilage), voire un carcinome. Lupus vulgaire miliaire Une forme généralisée existe, le lupus vulgaire miliaire, postexanthématique, sur une rougeole par exemple. Cette forme disséminée de lupus cutané donne exceptionnellement des lésions buccales. Un cas de localisation linguale est rapporté, ainsi que de petits lipomes à la jonction cutanéomuqueuse des lèvres, pouvant passer pour de l’herpès labial. Tuberculose verruqueuse C’est une maladie de l’adulte. Elle survient par réinoculation cutanée accidentelle ou professionnelle (médecins, vétérinaires, bouchers, fermiers, techniciens de laboratoire) ou par autoinoculation chez un tuberculeux. La lésion est donc généralement unique, plutôt sur le dos des mains, les membres inférieurs, les fesses ou encore la face, en particulier les lèvres et les commissures : un petit nodule dur, corné, évoluant en plaque dure hyperkératosique à contours irréguliers, avec affaissement central progressif puis croûteux et bords inflammatoires. Les lésions peuvent prendre un aspect leucoplasique sur le versant muqueux des lèvres. Un cordon de lymphangite peut les relier à une adénopathie satellite, sous-mandibulaire pour les localisations faciales. Le diagnostic différentiel comprend les mycoses profondes, la leishmaniose, les halogénides, les pyodermites végétantes, la syphilis tertiaire, le lichen verruqueux, les lichénifications verruqueuses [22]. Tuberculose orificielle Elle survient dans le décours, parfois ignoré, d’une tuberculose pulmonaire, intestinale ou urogénitale, par auto-inoculation cutanée ou muqueuse, principalement de la bouche (langue, palais, gencive), de la région périanale, du méat urinaire, de la vulve. Cliniquement, il s’agit d’un nodule rouge qui s’ulcère rapidement, donnant un ulcère tuberculeux de 1 à 2 cm, douloureux, inflammatoire, irrégulier, à bords à pic, à fond sanieux, sans tendance à la guérison [9, 17, 28] .
¶ Complications cutanées dues au BCG Les complications cutanées dues au BCG, utilisé comme vaccin ou comme immunothérapie anticancéreuse, sont rares et reproduisent des lésions tuberculeuses typiques (abcès, adénite, lupus vulgaire, « tuberculose » verruqueuse ou gommeuse, lichen scrofulosorum, BCGite disséminée), ou des lésions non spécifiques (urticaire, rash, eczéma, érythème polymorphe, érythème noueux, kyste épidermique, chéloïde, carcinome basocellulaire, tumeur de Darier-Ferrand). TUBERCULOSE MILIAIRE
Elle survient classiquement d’emblée lors de l’infection primaire chez un enfant souvent pauvre ou chez un adulte à l’état général relativement bien conservé, suite à une dissémination hématogène diffuse, mais est possible chez l’adulte au décours d’une infection pulmonaire ou viscérale débilitante. L’évolution, synchrone dans tout l’organisme, est plus fulminante chez l’enfant ou le sujet préalablement malade ou VIH positif. On distingue une forme
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classique aiguë, une forme subaiguë et une forme chronique, ainsi qu’une tuberculose généralisée non réactive, sans granulome et avec pancytopénie, de pronostic sombre. Des cas de BCGite disséminée ont également été rapportés [15]. La forme classique, aiguë, présente souvent une fièvre inexpliquée avec double oscillation quotidienne, transpiration nocturne, anorexie, faiblesse, amaigrissement, anémie, splénomégalie, adénopathies. Des signes respiratoires, abdominaux ou du méningisme sont possibles. Les lésions disséminées dans tout l’organisme ont l’aspect d’un grain de mil, jaunâtre, de 1 à 2 mm, et n’apparaissent radiologiquement que 4 à 6 semaines plus tard au niveau pulmonaire. Elles sont absentes chez les patients atteints par le VIH, qui présentent plutôt des infiltrats disséminés. La tuberculose miliaire peut aussi provoquer des tuberculomes extensifs, avec épilepsie et signes focaux, dont le diagnostic est donné par la biopsie. L’atteinte hépatique élève les phosphatases alcalines. Une anémie avec leucocytose neutrophile ou leucopénie est possible, voire une coagulation intravasculaire disséminée. Les expectorations ne contiennent des bacilles que dans 20 % des cas. Le fond d’œil peut montrer dans un tiers des cas des tubercules choroïdiens, pathognomoniques. L’anergie tuberculinique est fréquente et l’hypersensibilité tuberculinique peut réapparaître avec le traitement et la stabilisation des patients. Le diagnostic nécessite souvent des lavages bronchoalvéolaires, des biopsies transbronchiques, hépatiques et/ou ostéomédullaires. Sur le plan cutanéomuqueux, l’éruption généralisée, papuleuse puis pustuleuse, purpurique ou lichénoïde, prédomine sur le tronc. Des lésions buccales sont possibles, surtout sur la langue. Elles sont plus rarement gingivales, palatines, commissurales ou labiales. En principe l’ulcère est douloureux, ovalaire, unique, à fond granulomateux, à bords décollés et festonnés, avec une extension radiaire. Des formes atypiques fissurées, papillomateuses et pseudotumorales sont possibles. Bien traitée selon les schémas classiques, la tuberculose miliaire répond au traitement. Les glucocorticoïdes sont associés en cas d’œdème cérébral ou de liquide céphalorachidien riche en protéines. Sans traitement, elle est fatale. TUBERCULOSE DE LA LANGUE
Quoique les occasions de contamination linguale soient fréquentes chez le patient bacillifère, la tuberculose linguale est très rare et ne s’observe guère que chez les patients immunodéprimés (transplantés, sidéens). M. avium-intracellulare peut également se localiser à la langue au cours du sida. La tuberculose de la langue est la conséquence d’une tuberculose ouverte laryngée ou pulmonaire. Elle est plus rarement secondaire à une localisation voisine (amygdalite tuberculeuse, lupus vulgaire de la face) ou même à distance, par voie hématogène (tuberculose miliaire, par exemple). Les cas d’inoculation directe par des bacilles venus du dehors (lait non stérilisé par exemple) sont tout à fait exceptionnels [37]. Toutes les causes d’irritation locale (traumatismes, tabac, caries dentaires) favorisent son développement. Des cas de carcinome épidermoïde coexistant ont été rapportés. La tuberculose linguale atteint l’adulte et revêt quatre aspects principaux : l’ulcération, de beaucoup la plus fréquente, puis le lupus, la gomme et les lésions miliaires qui sont exceptionnels [19]. L’ulcération tuberculeuse linguale, toujours douloureuse, siège sur le dos, les bords ou la pointe, et peut s’accompagner de dysphagie. D’aspect souvent caractéristique, elle réalise une perte de substance allongée, fissuraire, aux bords irréguliers très découpés, minces, décollés et violacés. Elle a un fond grisâtre, exsudatif, raviné. De petits abcès miliaires peuvent donner, près des bords, de petits points jaunes de la grosseur d’une tête d’épingle, les « grains jaunes » de Trélat. Il n’y a pas d’induration sous-jacente. Généralement unique, la lésion peut être multiple et s’accompagner de lésions analogues de la joue, du palais, du pharynx. Sauf surinfection, il n’y a pas d’adénopathie satellite. Son évolution en l’absence de traitement est fatale dans les 2 ans. L’excision large peut
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s’avérer nécessaire, en particulier dans les infections à M. aviumintracellulare chez un sidéen, cette mycobactérie étant résistante à la plupart des agents antimycobactériens. Le lupus de la langue est en règle associé à un lupus du voile du palais ou du pharynx, ou encore à un lupus de la face. Quelques cas de lésion linguale isolée ont cependant été décrits. Le lupus débute par un semis de petits nodules jaunâtres qui ne tardent pas à s’ulcérer et à former une vaste ulcération très superficielle, à bords découpés. Le centre cicatrise, tandis que les bords continuent à progresser. La guérison peut survenir spontanément. La gomme tuberculeuse linguale (ou abcès froid lingual) est aussi exceptionnelle, quoique la langue soit le lieu d’élection des gommes tuberculeuses au niveau buccopharyngé. Elle est souvent unique et profonde, et la croissance est lente, non douloureuse. On sent dans la profondeur de l’organe une petite tumeur mal limitée, peu douloureuse. Dure au début, elle se ramollit bientôt et son contenu apparaît jaunâtre sous la muqueuse. Elle finit par s’ouvrir à la face dorsale en laissant évacuer un pus grumeleux contenant des bacilles. Il en résulte une fistule ou une ulcération profonde, sans tendance spontanée à la guérison. L’exérèse chirurgicale sous chimiothérapie antituberculeuse constitue le traitement de choix [38]. Les lésions miliaires de la langue peuvent accompagner celles de la muqueuse buccale dans les tuberculoses miliaires, sous la forme de petites papules blanc-gris. Elles sont également exceptionnelles. TUBERCULOSE DES GLANDES SALIVAIRES
Elle est exceptionnelle. En 1930, période de pandémie tuberculeuse, seuls 30 ou 40 cas étaient reconnus, les trois quarts observés au niveau de la glande parotide [40]. La contamination se fait par voie lymphatique ou exceptionnellement canalaire. Dans tous les cas connus, il s’est toujours agi d’une localisation apparemment primitive et unique de la tuberculose. Des formes nodulaires (abcès froid glandulaire) et des formes diffuses sont décrites, pouvant parfois entraîner une paralysie faciale, un trismus, des névralgies faciales [41]. La sialographie n’est pas spécifique, tout comme la scintigraphie au technétium 99m ou au gallium 67 [ 6 ] . L’ultrasonographie peut suggérer le diagnostic, chez un patient à risque, en présence de lésions intraglandulaires hétérogènes hypoéchogènes. Le diagnostic différentiel des formes diffuses envisage surtout la parotidite lithiasique ou un carcinome, la forme circonscrite évoquant plutôt un kyste, une adénite, une tumeur mixte par exemple. La mise en culture du liquide de ponction ou du matériel de ponction-biopsie à l’aiguille fine donne généralement le diagnostic. Le traitement chirurgical doit être évité. Dans les cas cliniques non distinguables d’un carcinome mais à haute suspicion de tuberculose, un essai thérapeutique par antituberculeux peut donner le diagnostic et éviter une parotidectomie difficile avec sacrifice éventuel du nerf facial [46] . En l’absence de contexte clinique évocateur, le diagnostic n’est cependant souvent posé qu’après une parotidectomie superficielle ou totale dans les formes nodulaires ou diffuses. Le traitement antituberculeux guérit l’affection [5, 10, 49, 52]. AUTRES FORMES DE TUBERCULOSE EXTRAPULMONAIRE
La tuberculose surrénale, rare, survient au décours d’une tuberculose pulmonaire prolongée et extensive, et peut entraîner une insuffisance surrénalienne. La rare tuberculose congénitale, acquise par voie transplacentaire ou par ingestion de liquide amniotique infecté, réalise une tuberculose miliaire néonatale fébrile avec éruption, hépatosplénomégalie, adénopathies, atteintes organiques diverses et état général altéré. TUBERCULOSE ASSOCIÉE AU VIH
La tuberculose est une infection opportuniste importante parmi les patients infectés par le VIH. Une personne atteinte d’une infection tuberculeuse documentée par un test cutané positif à la tuberculine, 9
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et qui contracte une infection à VIH, présente un risque annuel de 3 à 15 % de développer une tuberculose active. La séropositivité VIH peut également être plus fréquente parmi les patients tuberculeux que dans la population générale : 50 % à New York, près de 60 à 70 % en Afrique. Les régions endémiques d’infection par le VIH présentent un accroissement de l’incidence de la tuberculose. Le VIH attaque directement les mécanismes immunitaires fondamentaux de protection contre la tuberculose. Lorsque l’immunité à médiation cellulaire n’est que partiellement compromise, la maladie se présente sous son aspect d’infiltrat typique lobaire supérieur avec cavitation, sans adénopathie significative ou pleurésie. À un stade très avancé d’infection par le VIH, un aspect de tuberculose primaire est habituel, avec une atteinte diffuse ou inférieure interstitielle ou une miliaire, peu ou pas de granulomes et de cavitation et des adénopathies intrathoraciques. L’examen des crachats peut s’avérer négatif dans 40 % des cas, tout comme le test cutané à la tuberculine, ce qui complique et retarde le diagnostic de ces lésions pulmonaires, retrouvées dans d’autres pathologies associées à l’infection par le VIH. Une tuberculose extrapulmonaire, isolée ou associée à une tuberculose pulmonaire, a pu être documentée dans 40 à 60 % des cas de tuberculose chez le sidéen. Les atteintes sont préférentiellement ganglionnaires, disséminées, pleurales, péricardiques, bactériémiques et méningées. La réponse aux schémas classiques et courts de traitement est identique à celle du patient séronégatif. Les effets secondaires médicamenteux peuvent cependant être plus marqués, comme les réactions cutanées sévères et parfois fatales à l’amithiozone.
Diagnostic Le tableau clinique, ainsi que la radiographie du thorax, peuvent évoquer le diagnostic. Ainsi, la présence d’une lésion cavitaire lobaire supérieure chez un patient symptomatique (état général altéré, toux chronique) et alcoolique, sans domicile fixe, est très évocatrice d’une tuberculose pulmonaire. En revanche, le diagnostic peut s’égarer chez le patient âgé en maison de repos avec des lésions pulmonaires lobaires inférieures peu bacillifères, chez l’adolescent avec un infiltrat focal, ou encore chez le sidéen avec des infiltrats lobaires inférieurs « atypiques ». Le diagnostic des formes extrapulmonaires est difficile en l’absence d’atteinte pulmonaire et en zone non endémique, ou encore chez le sujet VIH positif. L’examen anatomopathologique, montrant des lésions granulomateuses caractéristiques, met souvent sur la voie. Ces granulomes peuvent être absents chez le sidéen ou en cas d’immunosuppression [12] . Le délai dans le diagnostic et les présentations cliniques peu courantes sont les causes majeures du taux élevé de mortalité. En effet, lorsque les symptômes cliniques sont observés, la maladie s’est déjà bien établie, et de multiples contaminations ont déjà pu avoir lieu dans la communauté. Le diagnostic de tuberculose est établi lorsque des bacilles tuberculeux sont mis en évidence dans l’expectoration, les urines, les différents liquides ou tissus du patient. EXAMEN DIRECT, MISE EN CULTURE ET TEST DE SUSCEPTIBILITÉ AUX ANTITUBERCULEUX
M. tuberculosis est une bactérie en forme de bâtonnet, droite ou légèrement incurvée, isolée ou agglutinée en amas, non sporulée, fine, aérobie stricte, de 0,5 × 3 µm [20]. Sa coloration est difficile, du fait de sa richesse en lipides, et souvent neutre sur une coloration de Gram. Pour colorer ces bactéries, il faut les mordancer et les soumettre à des colorants énergétiques, en s’aidant de préférence de la chaleur (méthode de Ziehl) (fig 5), qui raccourcit le temps de coloration. Cependant, une fois colorées au moyen de chaleur et de détergents, ces bactéries ne sont pas décolorées par l’alcool et les acides, du fait de leurs lipides de surface (acides mycoliques, acides gras à longues chaînes, autres lipides de membrane). Cette acidoalcoolorésistance, caractéristique des mycobactéries tuberculeuses ou 10
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Frottis montrant des bacilles de Koch colorés en rouge magenta avec, au centre, quelques leucocytes (coloration de Ziehl, × 1 250, immersion).
non tuberculeuses, est cependant partagée par d’autres germes, qui comprennent les Nocardia, les Rhodococcus, les Legionella micdadei et les protozoaires Isospora et Cryptosporidium. De nombreux autres germes sont de plus soit alcoolorésistants, soit acidorésistants. Le moyen le plus simple de diagnostiquer une tuberculose pulmonaire est l’examen et la mise en culture des crachats ou d’échantillons obtenus par aspiration nasotrachéale ou nébulisation ultrasonique saline hypertonique. Le tubage gastrique, réalisé tôt le matin, fournit également de bons prélèvements, spécialement chez l’enfant. En dernier recours, une bronchoscopie avec lavage bronchoalvéolaire apporte les échantillons voulus. Dans les formes extrapulmonaires, d’autres liquides (urines, épanchement pleural, ascite, liquide céphalorachidien, pus) ou tissus (adénopathies par exemple) sont également analysés, ainsi que la moelle osseuse et une biopsie du foie dans les tuberculoses miliaires. Le sang des sidéens doit également être mis en culture. En cas de prélèvement tissulaire, la portion du prélèvement destinée à la mise en culture ne doit pas être placée dans le formaldéhyde, mais bien dans un tube sec. Les caractéristiques tinctoriales de M. tuberculosis permettent une identification aisée dans les prélèvements à l’examen direct. Les bacilles sont en nombre généralement peu élevé : une étude prolongée des lames est nécessaire. La sensibilité et la spécificité des examens à la recherche du bacille dépendent de l’expérience de ceux qui réalisent l’examen. Une coloration à l’auramine-rhodamine fluorescente permet une lecture par fluorescence à un grossissement microscopique habituel (× 100), mais une coloration à la fuchsine permet une lecture en lumière blanche avec une meilleure analyse morphologique, à un grossissement sous microscope à immersion plus élevé (× 1 000), au prix cependant d’une recherche beaucoup plus minutieuse. La culture des prélèvements dans l’obscurité sur milieu spécifique (Löwenstein-Jensen ou Middlebrook 7H10) en incubation à 37 °C et en atmosphère à 5 % de CO2 augmente le gain diagnostique et permet l’identification spécifique des bacilles acido-alcoolorésistants (BAAR), ainsi que la réalisation d’un antibiogramme. La croissance de la plupart des mycobactéries est lente et leur détection peut prendre 4 à 8 semaines. Les mycobactéries étaient autrefois différenciées par l’aspect macroscopique de leurs colonies sur les milieux de culture, par leur degré de production d’acide nicotinique, par leur résistance à l’acide tiophène-2-carboxylique (TCH) et par leur pathogénicité pour le cobaye et le lapin. Ces techniques sont abandonnées de nos jours. Actuellement, les isolats de culture sont comparés à des souches commercialement disponibles, par des procédures déterminant les propriétés physiques et biochimiques de ces souches (par exemple la sonde Accuprobet de Gen-Probe, Inc). Outre ces protocoles conventionnels d’identification, d’autres méthodes plus précises sont d’application – essentiellement dans des
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centres spécialisés comme l’institut Pasteur – comme la chromatographie liquide à haute performance de l’extrait d’isolat comparée à celle de souches de référence [7] et l’analyse comparée de séquences d’un fragment du gène codant pour l’acide ribonucléique (ARN)r 16S, après amplification par polymérisation en chaîne de l’ADN (polymerase chain reaction [PCR]) [14, 29, 35]. Leur combinaison à des nouvelles méthodes de culture rapide permet un gain de temps considérable dans le diagnostic, au laboratoire, de la tuberculose et d’autres mycobactérioses, et accélère donc le traitement des patients, tout en réduisant leur contagiosité. Ces techniques de biologie moléculaire ont également permis l’isolement de nouvelles espèces de mycobactéries, notamment impliquées dans la survenue de lymphadénopathies cervicales chez l’enfant, comme M. interjectum. Un isolat de M. tuberculosis doit être testé, sur le plan de la sensibilité aux antituberculeux, pour les médications habituellement utilisées : l’isoniazide, la rifampicine, l’éthambutol, la pyrazinamide et la streptomycine. Les résultats les plus rapides s’obtiennent lors de l’ensemencement de prélèvements cliniques en milieu liquide, avec une réponse en 3 semaines en moyenne. Les résultats peuvent n’être disponibles qu’après 8 semaines lors de l’ensemencement d’isolats mycobactériens de culture sur milieu solide. Les isolats des mycobactéries non tuberculeuses sont également testés pour les nouveaux agents antituberculeux (cf infra). RADIOGRAPHIE DU THORAX
Un petit nodule calcifié périphérique associé à un ganglion hilaire calcifié, constituant le complexe de Ghon, peut aussi être la conséquence d’une lésion primaire d’histoplasmose cicatrisée. Si l’image radiologique classique d’infiltrat ou de cavitation lobaire supérieure sur une radiographie du thorax chez un patient présentant des signes respiratoires est très évocatrice, toutes les lésions sont possibles, d’une radiographie du thorax normale à un nodule ou à un infiltrat alvéolaire diffus avec détresse respiratoire. Dans les populations affectées par le sida, aucune image ne peut être considérée comme pathognomonique. La répétition de la radiographie du thorax est utile pour évaluer l’activité de la tuberculose : il n’est jamais prudent de juger une tuberculose comme inactive sur la base d’un seul examen radiologique. INTRADERMORÉACTION À LA TUBERCULINE
La tuberculine est un mélange d’antigènes en grande partie dénaturés, non représentatifs des antigènes mycobactériens natifs, obtenus à partir de filtrats de cultures de M. tuberculosis sur des milieux synthétiques. L’antigène préféré est le dérivé protéique purifié de la tuberculine (purified protein derivative [PPD]), en dilution, additionnée de polysorbate 80 pour éviter l’adsorption sur le verre ou le plastique. La PPD américaine, ou PPD-S, a servi initialement comme tuberculine standard de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais a été remplacée dans la plupart des pays par une tuberculine danoise, la RT-23. En routine, le dosage « intermédiaire » doit être utilisé : deux unités de RT-23 sont ainsi bioéquivalentes à cinq unités de PPD-S, et à dix unités Pasteur, d’usage en France. L’IDR à la tuberculine (ou réaction de Mantoux) est une réaction d’hypersensibilité retardée à médiation cellulaire, spécifique d’un ensemble d’antigènes mycobactériens tuberculeux. La réaction produite chez le patient préalablement infecté est médiée par les lymphocytes CD4+ sensibilisés lors de la primo-infection, qui sont attirés sur le site du test cutané et qui y prolifèrent avec production de cytokines. Positive, elle ne témoigne que d’une primo-infection préalable ou d’une vaccination préalable par le BCG, sans préjuger de l’évolution actuelle. Elle est réalisée sur l’avant-bras, avec le dosage « intermédiaire », soit deux unités de RT-23, cinq unités de PPD-S ou dix unités Pasteur, selon le produit utilisé. D’autres tests existent, plus adaptés au dépistage auprès des jeunes enfants (test épicutané au sparadrap) ou des collectivités (test transcutané ou prick-test par bague tuberculinique). En cas de positivité, une confirmation par un test classique est nécessaire. Les
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réactions d’hyperréactivité à l’IDR sont lues en mesurant le diamètre de l’induration, par palpation douce, au bout de 48 à 72 heures. La réaction spécifique est constituée d’une induration croissante jusqu’à la 72e heure. Le diamètre moyen des réactions positives est de 17 mm. Elle peut s’accompagner de phlyctènes, voire même de lymphangite avec adénopathies satellites. Les personnes présentant un test positif au PPD sont moins susceptibles de présenter une nouvelle infection tuberculeuse que les personnes PPD négatives, sans qu’il y ait garantie de protection à l’égard d’une réactivation. En général, les cas sévères de tuberculose active, souvent cavitaire chronique, sont accompagnés de réactions tuberculiniques très positives. À l’opposé, 50 % des cas de tuberculose miliaire, 33 % des pleurésies tuberculeuses récemment diagnostiquées, et 15 % des patients présentant une tuberculose active récente ont un test paradoxalement négatif, tout comme les patients immunodéprimés. Cette anergie paradoxale peut disparaître avec la stabilisation du processus pathologique. Des tests faussement négatifs sont possibles en cas d’injection sous-cutanée, d’utilisation de PPD périmée, et de maintien prolongé du PPD dans les seringues avant utilisation. Il n’y a pas de réactions positives dues à une allergie aux composants du diluant. La répétition des tests cutanés au PPD n’entraîne pas de réponse positive chez le sujet non infecté, mais peut augmenter une réactivité spécifique faible contre M. tuberculosis ou non spécifique contre les mycobactéries non tuberculeuses de l’environnement. Ainsi, un test répété 7 à 10 jours après un premier test négatif chez une personne âgée préalablement infectée par le bacille tuberculeux, avec un dosage intermédiaire, peut donner une réaction positive. Une réactivité tuberculinique non spécifique peut résulter d’un contact avec les mycobactéries de l’environnement, non pathogènes, surtout dans les pays chauds et humides, y compris les régions côtières du sud-est des États-Unis. Dans ces régions, seule une réaction de 10 mm ou plus est considérée comme positive, avec le risque de passer à côté de quelques réactions moindres traduisant réellement une infection préalable, active ou guérie, par M. tuberculosis. Dans les pays nordiques, la réactivité tuberculinique non spécifique est rarement retrouvée, et toute réactivité au PPD peut être considérée comme positive contre le bacille tuberculeux, sauf cas rare d’infection cutanée par M. marinum (granulome des piscines ou des viviers). Diverses sensitines spécifiques sont également disponibles pour M. bovis et diverses souches de mycobactéries non tuberculeuses.
Traitement MESURES GÉNÉRALES
La collaboration du patient est capitale et il y a lieu de le mettre d’emblée au courant de la nature de sa maladie, de sa contagiosité éventuelle, de son pronostic, des nécessités et de la durée du traitement médicamenteux, des signes précurseurs de toxicité médicamenteuse des agents antituberculeux utilisés, et de la surveillance nécessaire [53]. Si le patient suit correctement son schéma thérapeutique et que ce schéma est correct mais qu’une rechute survient, la probabilité de résistance bacillaire est de 1 sur 3. Si le patient prend ses médicaments de façon épisodique et qu’une rechute survient, la probabilité de résistance des bacilles est de 2 sur 3. Les mesures d’isolement doivent être rigoureuses tant que l’expectoration est bacillifère, dans une chambre bien ventilée et exposée à la lumière. MÉDICAMENTS UTILISÉS DANS LE TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE
La chimiothérapie a radicalement transformé le pronostic de la tuberculose [20, 53]. Elle doit être ininterrompue et prolongée. Si l’on tient compte de l’activité, de la toxicité et de l’acceptabilité, les médicaments antituberculeux peuvent être classés comme agents de première ligne, essentiels ou complémentaires, et comme agents de deuxième ligne. 11
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Les agents essentiels de première ligne sont les plus efficaces et font partie de tout schéma dit « court » : ils comprennent l’isoniazide et la rifampicine. On y place également la rifabutine, de découverte récente. Les agents complémentaires de première ligne peuvent soit raccourcir le traitement (pyrazinamide), soit être très efficaces tout en étant peu souvent toxiques (éthambutol, streptomycine). L’isoniazide est le meilleur agent antituberculeux disponible et doit faire partie de tout schéma thérapeutique, à moins d’une résistance ; elle est bon marché, disponible mondialement, très sélective pour les mycobactéries, et bien tolérée dans 95 % des cas. L’isoniazide, la rifampicine, la rifabutine, le pyrazinamide, l’éthambutol sont généralement administrés per os et sont bien absorbés, alors que la streptomycine est administrée par injection intramusculaire. Les bacilles tuberculeux existent schématiquement sous trois formes : une partie extracellulaire métaboliquement active, une partie intracellulaire métaboliquement peu active, et une partie de caséum nécrotique. Il y a intérêt à associer des drogues dont l’action prédominante est intracellulaire avec d’autres à prédominance extracellulaire. Il faut également associer des drogues actives sur les germes en état de métabolisme actif à d’autres également actives sur les germes « dormants ». Seule la rifampicine semble active sur toutes ces formes. L’isoniazide et la streptomycine sont toutes deux bactéricides contre les bacilles extracellulaires, métaboliquement actifs. L’isoniazide et la pyrazinamide sont bactéricides contre les bacilles intracellulaires. La streptomycine est inactive sur les bacilles intracellulaires. L’éthambutol est seulement bactériostatique. Les agents de deuxième ligne sont cliniquement moins efficaces, et plus souvent source d’effets secondaires majeurs [53]. Ils ne sont utilisés par des praticiens expérimentés que chez les patients à tuberculose résistant aux drogues précédentes, ou dans certaines infections mycobactériennes non tuberculeuses disséminées. On retiendra les formes orales (éthionamide, cyclosérine, acide p-aminosalicylique) et les formes injectables (kanamycine, amikacine, capréomycine, viomycine). Récemment, des antibiotiques quinolones ont été rajoutés à la liste des agents de seconde ligne (ciprofloxacine, ofloxacine, sparfloxacine, levofloxacine) [3]. Les autres médications de seconde ligne comprennent encore la clofazimine, l’amithiozone (thioacétazone), utilisée surtout dans les pays sousdéveloppés), et l’association amoxicilline-acide clavulanique. Des dérivés de la rifamycine (rifabutine, citée plus haut et rifapentine) à longue durée d’action (une prise hebdomadaire) sont également disponibles et utilisés chez les patients VIH positifs et en cas de résistance à la rifampicine. Sont encore en cours d’évaluation la clofazimine, la clarithromycine et d’autres dérivés de la rifamycine (KRM-1648). Une toxicité hépatique est reconnue pour les principaux agents de première ligne (isoniazide, rifampicine, pyrazinamide), ainsi que pour l’éthionamide et le thioacétazone. Le principal responsable est l’isoniazide. Cette toxicité est éventuellement potentialisée suite à l’induction enzymatique du cytochrome P-450 par la rifampicine ou par d’autres agents (alcool et barbituriques par exemple). Elle constitue une cause de changement de traitement dans les divers schémas qui associent l’isoniazide et l’un ou l’autre de ces antituberculeux. Les paramètres sanguins de la fonction hépatique ne reflètent qu’imparfaitement le risque d’hépatite médicamenteuse : des valeurs normales répétées n’excluent pas cette toxicité et le triplement des enzymes hépatiques sous isoniazide peut être transitoire, sans apparition d’hépatite. L’information du patient et la surveillance rigoureuse du traitement offrent de meilleures garanties que les dosages sanguins : si l’isoniazide est interrompue au cours de la phase prodromique ou dès l’apparition de l’ictère, l’hépatite médicamenteuse est réversible [36]. L’isoniazide peut provoquer une neuropathie périphérique réversible par la prise de pyridoxine (10 à 25 mg/j). Cette prévention est recommandée chez les patients prédisposés à cette carence (alcooliques, personnes sous-alimentées, femme enceinte ou allaitante) ou chez les patients prédisposés à développer une neuropathie périphérique (grand âge, insuffisance rénale chronique, diabète, sida). 12
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La neurotoxicité de l’éthambutol apparaît rarement aux doses usuelles de 15 mg/kg, mais bien aux doses de 25 mg/kg et en cas d’insuffisance rénale. Elle se manifeste par une névrite rétrobulbaire uni- ou plus souvent bilatérale, atteignant les fibres centrales (chute de l’acuité visuelle et perte de la discrimination du rouge et du vert, scotomes centraux) et/ou périphériques (rétrécissement du champ visuel). Des contrôles ophtalmologiques réguliers sont indispensables, cette toxicité étant réversible au début. Une toxicité pour la VIII e crânienne est reconnue pour la streptomycine, tant au niveau vestibulaire (vertiges) que, plus rarement, au niveau cochléaire (surdité pour les sons aigus). Elle justifie des contrôles réguliers de la fonction otovestibulaire, surtout en cas d’insuffisance rénale. Le risque d’ototoxicité fœtale en interdit l’usage pendant la grossesse. L’isoniazide est excrétée, après acétylation hépatique, au niveau des reins. Ses doses quotidiennes doivent être espacées (deux ou trois prises par semaine) mais doivent être maintenues en cas de dialyse. Il en est de même pour l’éthambutol, excrété par les reins sans acétylation hépatique préalable, ainsi que pour la streptomycine. L’utilisation de la rifampicine, excrétée par voie biliaire, doit être prudente en cas d’insuffisance hépatique. La plupart des antituberculeux n’exercent aucune action sur les bactéries classiques, sauf la rifampicine, la streptomycine et la kanamycine. Étant donné la remarquable action antibacillaire de la rifampicine et de la streptomycine, ces deux antibiotiques devraient être réservés, dans la mesure du possible, au traitement de la tuberculose. Enfin, retenons comme perspective d’avenir, le développement probable, suite au développement des techniques de biologie moléculaire, de nouveaux antituberculeux tout à fait originaux, par modélisation moléculaire, par exemple par l’inhibition d’une pompe à phosphates existant dans le bacille tuberculeux. SCHÉMAS MÉDICAMENTEUX ACTIFS DANS LE TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE
¶ Principes généraux Les schémas doivent comporter plusieurs drogues bien tolérées et actives, n’ayant entre elles aucune résistance croisée. Ces schémas ne diffèrent pas pour les tuberculoses pulmonaires ou extrapulmonaires [53]. Il n’existe pas d’antagonisme entre les différents antituberculeux. De façon à éviter l’émergence de mutants résistants, l’association de deux drogues actives est toujours nécessaire. Du fait du temps de doublement long des mycobactéries et de leurs longues périodes de métabolisme inactif, le traitement doit toujours être prolongé (6 à 18 mois selon le contexte clinique et le schéma suivi), ce qui entraîne des problèmes de compliance de la part des patients. Des taux d’abandon, de l’ordre de 40 à 60 %, sont de ce fait fréquents et favorisent l’émergence et la transmission de bacilles résistants. Par conséquent, les prises orales, uniquement matinales, bihebdomadaires, et les schémas courts sont préconisés autant que possible, tout comme un renforcement du contrôle de la compliance du patient.
¶ Schémas médicamenteux Le schéma habituel et le plus efficace pour le traitement initial de tous les patients est la prise quotidienne d’isoniazide (300 mg) et de rifampicine (600 mg) pendant 9 à 12 mois. Il permet d’obtenir une issue favorable dans 99 % des cas. Dans ce schéma, une toxicité hépatique suffisante pour nécessiter une modification de traitement survient dans 3 à 5 % des cas. Dans l’attente de l’antibiogramme, c’est-à-dire pendant plus ou moins 3 mois, et afin de parer à une hypothétique résistance à l’un de ces deux antituberculeux, l’éthambutol (15 mg/kg) est souvent ajouté, en particulier pour les patients venant de régions où la résistance est fréquente (Haïti, SudEst asiatique, Amérique latine), ou pour ceux s’étant infectés au contact de tuberculeux reconnus résistants ou connus comme non
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compliants à leur traitement. Cette addition d’une troisième drogue est inutile si les bacilles s’avèrent sensibles aux deux premiers médicaments. L’éthambutol, en association avec la rifampicine, sans l’isoniazide, est utilisé en cas d’intolérance ou de résistance à l’isoniazide. Un deuxième schéma, globalement un peu moins efficace, mais le moins toxique de tous (1,5 % de toxicité hépatique), associe la prise quotidienne d’isoniazide (300 mg) à celle d’éthambutol (15 mg/kg) pendant 12 à 18 mois, avec une efficacité de 90 à 95 %. Il convient aux patients avec une atteinte minime et est un premier choix chez la femme enceinte avec une tuberculose non disséminée ou non extensive. Un troisième schéma, moins actif (guérison dans 80 à 90 % des cas), mais beaucoup moins coûteux, associe la prise quotidienne d’isoniazide (300 mg) et de thiacétazone (150 mg) pendant 12 à 18 mois. Il est préconisé dans les pays en voie de développement. La toxicité hépatique de ce schéma peut atteindre 30 % des patients d’ethnies orientales, mais ne dépasse pas 2 à 5 % ailleurs. L’adjonction initiale et quotidienne de streptomycine (0,75 à 1 g) pendant 8 semaines en augmente l’efficacité, tout en en doublant le coût et la toxicité. La streptomycine, bien que relativement moins coûteuse, est peu utilisée dans les pays développés, du fait de sa toxicité, de sa faible diffusion méningée et de son administration parentérale. Le schéma « court » de premier choix – pour autant que les conditions de surveillance des patients soient strictes – pour toutes les formes de tuberculose, tant chez l’adulte que chez l’enfant, comprend une phase intensive de 2 mois de prise quotidienne d’isoniazide (300 mg), de rifampicine (600 mg) et de pyrazinamide (2 g), suivie d’une phase de consolidation de 4 mois au moins, avec la prise quotidienne ou bihebdomadaire d’isoniazide (300 mg/j ou 900 mg deux fois par semaine) et de rifampicine (600 mg/j ou deux fois par semaine). En cas de suspicion épidémiologique de souche résistante, l’adjonction quotidienne d’éthambutol (15 mg/kg) ou de streptomycine (1 g) est recommandée pendant les 2 premiers mois, dans l’attente de l’antibiogramme. La rifabutine (150 mg/j), en remplacement de la rifampicine, est plus active que cette dernière dans la tuberculose et dans les infections mycobactériennes non tuberculeuses, et est surtout utile dans les cas de tuberculose résistante à la rifampicine, chez le patient tuberculeux VIH positif prenant des inhibiteurs de protéase, et dans la prévention d’infection disséminée par M. avium ou M. intracellulare. Le schéma utilisé dans le traitement des rechutes par sélection de bacilles résistants associe empiriquement l’isoniazide ou la rifampicine à un antituberculeux non encore utilisé, ou associe quatre nouveaux médicaments et est adapté, après l’obtention de l’étude de résistance des bacilles dans un laboratoire compétent. En cas de résistance à l’isoniazide in vitro, sa poursuite peut néanmoins encore s’avérer bénéfique sur le plan clinique. La rifabutine et les antituberculeux de seconde ligne trouvent ici leur usage principal.
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chimiothérapie de tous les patients contagieux. La chimioprophylaxie des sujets-contacts a un rôle également important et l’isoniazide à la dose de 5 mg/kg (adulte) ou 10 à 20 mg/kg (enfant) prise quotidiennement (dose maximale 300 mg/j) pendant 1 an est efficace. – La priorité essentielle est donnée aux contacts familiaux de patients ayant une tuberculose active. Le risque de développer une tuberculose est en effet de 0,5 % par an. Chez l’enfant-contact, une prophylaxie est réalisée immédiatement et pendant 3 mois, puis poursuivie pendant les 9 mois suivants uniquement si une IDR à la tuberculine est positive à la fin du troisième mois. – Un autre groupe prioritaire est constitué par les sujets de moins de 35 ans qui ont une réaction tuberculinique positive. Le risque de développer une tuberculose en cas d’infection dans l’année qui précède est en effet de 3 % dans l’année qui suit. – Un troisième groupe est constitué de sujets âgés avec une tuberculose ancienne, non active, et qui n’ont jamais reçu de traitement adéquat. Si l’espérance de vie de ces sujets dépasse 10 ans, l’isoniazide leur est également administrée pendant 1 an. – Un quatrième groupe comprend les patients immunodéprimés (sida, maladie de Hodgkin, silicose, insuffisance rénale, corticothérapie, immunodépresseurs). Tous ces sujets reçoivent l’isoniazide pendant 1 an en cas de test tuberculinique positif. – Enfin, un cinquième groupe est constitué de personnes ayant été vaccinées par le BCG et présentant des réactions tuberculiniques importantes qui persistent plusieurs années après la vaccination, alors que la réaction cutanée est normalement moins importante qu’avec une infection naturelle. Ces patients doivent être considérés comme infectés et doivent recevoir la prophylaxie par l’isoniazide.
Vaccination La vaccination par le BCG [47] utilise une souche atténuée de M. bovis. Très sûre, elle donne une protection supérieure à 80 % dans les pays occidentaux, mais pratiquement nulle dans les régions défavorisées. La protection contre les formes disséminées reste cependant acquise, avec l’élimination de ces formes chez l’enfant. Cette vaccination reste donc utile dans les pays de haute prévalence de la tuberculose. Plusieurs gènes de mycobactéries qui sont utilisés actuellement pour le diagnostic de la tuberculose peuvent être reproduits par des techniques de manipulation génétique, et constituent d’excellents candidats pour la préparation d’un nouveau type de vaccin à base d’ADN [25, 31, 50]. Une vaccination plus efficace et un diagnostic précoce sont en effet indispensables pour permettre l’éradication de la tuberculose.
CHIMIOPROPHYLAXIE
Outre les mesures initiales d’isolement, le moyen efficace essentiel pour diminuer la dissémination de la tuberculose est la
Remerciements : Les auteurs remercient vivement le Docteur Jacques Billet de Nantes (France) pour les photographies aimablement fournies pour illustrer ce texte.
Références ➤
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-050-T-10
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Noma et son traitement B Costini D Baratti-Mayer K Ouoba P Bellity
Résumé. – Le noma est une stomatite gangréneuse, touchant essentiellement les jeunes enfants dont l’immunité a été altérée par les conditions de vie difficiles des pays socioéconomiquement défavorisés. Le développement fulgurant du processus infectieux, probablement lié à la synergie entre flore bactérienne mixte et Herpes viridae, détruit rapidement tissus mous et os, entraînant une mortalité élevée. La phase aiguë est donc une urgence vitale purement médicale. Suit un délai de cicatrisation de quelques mois, durant lequel on tente de limiter la constriction des maxillaires, sachant qu’il faut assurer la pérennité de l’ouverture buccale et de la mastication jusqu’à la fin de la croissance faciale. Ce nouveau délai est parfois nécessaire avant d’effectuer la reconstruction définitive de la zone détruite. Ce n’est paradoxalement pas le plus difficile à obtenir grâce à la chirurgie plastique moderne et du fait du risque élevé de constriction récidivante même tardive. Cependant, il nous semble indispensable de replacer le traitement du noma dans son contexte de misère. Ainsi nous proposons une nouvelle classification des séquelles en relation avec un score de gravité qui aidera à opter pour une chirurgie « de terrain ». Privilégiant cette dernière, nous suggérons « une stratégie chirurgicale standardisée » adaptée à ces conditions opératoires précaires. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : noma, cancrum oris, stomatite gangréneuse, gangrène orofaciale.
Introduction Le noma est défini comme une affection gangréneuse de la face, détruisant tout aussi bien les tissus mous que les tissus durs et affectant principalement des enfants en bas âge vivant dans de mauvaises conditions générales avec une hygiène buccale insuffisante. La maladie débute en généralement par une lésion ayant les caractéristiques d’une gingivite nécrosante aiguë (GNA), mais montre une tendance particulière à s’aggraver en s’étendant au-delà de la muqueuse gingivale et des limites de la cavité buccale [50, 51]. Sans traitement, l’issue du noma est souvent fatale [5, 25, 51] . Dans le monde occidental, seuls des patients dont le système immunitaire était fortement compromis par une autre affection (dyscrasie sanguine ou infection à virus de l’immunodéficience humaine [VIH]) ont présenté des atteintes ressemblant au noma [7, 9, 48, 53, 61, 62, 80, 87] . Hormis ces exceptions, qu’il convient plutôt d’appeler « Noma-like lésions » [61], en réservant le terme de noma aux seules nécroses fulgurantes à départ buccofacial [24, 25], le noma reste donc essentiellement limité aux enfants des pays en voie de
Bernard Costini : Ancien assistant et chef de clinique des hôpitaux de Marseille, ancien chef de clinique adjoint de l’hôpital Cantonal universitaire de Genève, DES de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, DESC de chirurgie de la face et du cou, président et cofondateur de l’association « Les enfants du noma », 145, rue d’Antibes, Eden Palace II, 06400 Cannes, France. Denise Baratti-Mayer : Gesnoma, Unité de chirurgie plastique et reconstructive rue Micheli-du-Crest Hôpitaux Universitaires de Genève 1205 Genève, Suisse. Kampadilemba Ouoba : Professeur agrégé, maître de conférences agrégé d’oto-rhino-laryngologie (ORL), médecin-chef du service ORL du centre hospitalier universitaire de Ouagadougou, 01 BP 1572 Ougadougou 01, Burkina-Faso. Philippe Bellity : Chirurgien plasticien, ancien interne des Hôpitaux et ancien attaché à l’hôpital Foch, cofondateur de l’association « Les enfants du noma ».
développement. Cette maladie est toujours liée à la misère et aux facteurs qui l’accompagnent inévitablement [8, 25]. Le noma sévit dans toutes les régions défavorisées du globe, mais essentiellement en Afrique [8, 11]. Ainsi, en 1997, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dénonçait une prévalence de 770 000 cas et une incidence globale estimée à 140 000 cas [11].
Histoire naturelle Le décours du noma est bien connu dès lors que ses séquelles dramatiques se font évidentes, mais le début de la maladie et les éventuels facteurs déclenchants reste encore incertain [24]. Le noma sévissant essentiellement dans les régions les plus défavorisées du globe, l’anamnèse est difficile, voire impossible à recueillir. Les enfants atteints ne parviennent en consultation, en quête d’un traitement, qu’après un délai de plusieurs jours ou semaines, ou même seulement à l’âge adulte afin de bénéficier d’une correction chirurgicale. Dans ces conditions, les premiers stades de la maladie sont rarement observés [3, 4, 18, 36, 41, 82]. Cependant, la plupart des auteurs voit dans la GNA le précurseur du noma [34, 36, 37, 44, 51, 53, 65], l’exposition de l’os étant considérée comme le passage de la GNA au noma proprement dit [36, 72]. PHASE D’ÉTAT DU NOMA
Le noma proprement dit débute avec une phase d’œdème, souvent en région jugale, qui s’étend rapidement. En l’espace de quelques jours, la zone de nécrose se délimitant par rapport aux tissus sains, finalement se détache. C’est cette phase que les auteurs français appelaient la phase du « cône gangreneux », terme qui décrit bien comment le défaut de surface (pointe du cône) ne rend pas compte de l’étendue des dégâts internes (base du cône) [82].
Toute référence à cet article doit porter la mention : Costini B, Baratti-Mayer D, Ouoba K et Bellity P. Noma et son traitement. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-050-T-10, 2003, 9 p.
Noma et son traitement
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L’évolution de la maladie est rapide et affaiblit encore l’enfant, dont les conditions générales étaient déjà précaires. Les symptômes d’accompagnement les plus fréquents sont : un état de prostration extrême, parfois accompagné d’une élévation de la température, d’une déshydratation, d’une hypersalivation et, plus rarement, de lymphoadénopathie et d’une diarrhée [4, 5, 24, 41, 77, 82]. Si, comme il arrive souvent, l’enfant ne bénéficie d’aucun support nutritionnel ni de traitement antibiotique, l’issue est fatale dans des pourcentages qui varient selon les différents auteurs en relation avec l’époque ou le lieu, mais qui se situent entre 56 et 94 % [82]. Les causes du décès sont en général la septicémie ou la bronchoaspiration de matériel nécrosé ou encore une complication de la maladie sousjacente [41, 82].
Stomatologie
temps mises en relation avec cette progression : rougeole, malaria, varicelle, typhus, tuberculose [25, 34, 37, 82] et, plus récemment, le syndrome de l’immunodéficience humaine (sida) [25, 51]. Parmi ces maladies, la rougeole a été très souvent mentionnée comme ayant un rôle majeur [37, 38, 40, 82, 85]. Il faut aussi rappeler que les enfants africains atteints de rougeole présentent fréquemment de profondes lésions ulcéreuses de la muqueuse buccale. La capacité de réparation tissulaire étant insuffisante (carence en vitamine A), ces lésions peuvent être colonisées par une flore anaérobie et progresser jusqu’à la stomatite nécrosante et au noma [19, 41, 42]. Il s’agit de lésions parfois si destructives qu’elles ont été nommées « noma-like postmeasles ulcerations » [54]. FLORE BACTÉRIENNE
SÉQUELLES
Le processus cicatriciel comporte la formation d’un tissu fibreux extrêmement adhérent et consistant. Ces adhérences cicatricielles réduisent en apparence l’importance de la perte cutanée, mais peuvent mener à d’importantes séquelles fonctionnelles, comme la constriction permanente des mâchoires (CPDM). Par ailleurs peuvent se développer une ossification secondaire des muscles masticatoires ou une vraie synostose maxillomandibulaire qui rend impossible l’ouverture de la bouche [1, 3, 4, 30, 47, 63, 67, 73, 77].
Facteurs de risque De nombreux facteurs ont été incriminés dans l’étiologie du noma [25] : – les carences nutritionnelles, avec leurs conséquences sur la barrière muqueuse, la salive, la sécrétion de corticoïdes et de cytokines ;
La caractéristique haleine fétide des enfants atteints de noma a très vite suggéré la prédominance d’une flore buccale anaérobie. Il est cependant difficile de mettre en relation une symptomatologie ou un signe clinique avec une particulière espèce bactérienne parmi les centaines d’espèces bactériennes différentes que l’on trouve dans la cavité buccale [25]. Les premières observations microscopiques sur la flore des marges de lésions de noma ont pu mettre en évidence des bacilles fusiformes et spirillaires [5, 34, 36, 53]. Les techniques microbiologiques actuelles ont permis de mieux identifier et de typer les germes que l’on trouve dans ces prélèvements. Ainsi, Prevotella melaninogenica, Corynebacterium pyogenes, Fusobacterium nucleatum, Bacteroides fragilis et Bacillus cereus ont été mis en évidence dans les lésions de noma [40]. Les études plus récentes ont également montré, dans la plupart des cas, la présence de Prevotella intermedia et de Fusobacterium necrophorum, en anaérobie stricte, qui semble jouer un rôle fondamental dans l’étiopathogenèse du noma [40, 41, 43, 44]. THÉORIE VIRALE
– les maladies intercurrentes débilitantes ; – un éventuel traumatisme local [32, 57] ; – l’hygiène buccodentaire ; – la présence d’une flore buccale pathogène ; – l’implication possible de certains virus du groupe Herpès. En réalité, tous ces facteurs doivent être retenus, car tous favorisent le développement de la GNA de manière plus ou moins directe, mais le facteur déterminant pour le passage de la GNA au noma n’est pas encore établi. Il pourrait s’agir de l’aggravation d’un ou des facteurs favorisants ou alors de l’addition d’un facteur supplémentaire (Herpes viridae ?) qui permettrait ainsi la progression de la lésion. Il est par ailleurs intéressant de noter que la plupart de ces facteurs de risque sont souvent présents en même temps : kwashiorkor, premières crises de malaria, rougeole et primo-infection à cytomégalovirus (CMV) ou à Epstein-Barr virus (EBV) [3, 25].
Comme nous l’avons vu, l’étiologie et la pathogénie de la GNA dépendent de la présence de bactéries pathogènes (association fusospirillaire) chez un hôte aux défenses immunitaires insuffisantes. De nombreuses corrélations ont été mises en évidence entre GNA et infection à Herpes viridae et plus particulièrement avec CMV [21, 22, 23, 75, 79] . Une infection gingivale à Herpes viridae peut mener, chez des patients souffrant de malnutrition, à une lésion de la barrière muqueuse et à une diminution de l’immunité locale, avec multiplication de micro-organismes pathogènes et développement d’une GNA [21, 22, 23, 84]. Fondées sur la même hypothèse, des études récentes ont postulé la progression de la GNA vers le noma suite à une infection virale par Herpes viridae [41, 45].
Traitement à la phase aiguë Il faut sauver la vie de l’enfant en interrompant le processus nécrotico-infectieux.
MALNUTRITION
Déjà, dans les premières descriptions du noma, la malnutrition était considérée comme un facteur prépondérant, ses conséquences sur le système immunitaire étant bien connues [10, 17, 20, 27, 39, 64]. La malnutrition a des effets sur l’immunité générale, mais elle influence également les défenses locales avec des conséquences directes au niveau du parodonte (lésion de la barrière muqueuse) [17, 35, 46] , sans oublier ses répercussions sur la flore buccale : les enfants mal nourris montrant une prédominance de flore anaérobie, en particulier des bâtonnets à Gram négatif [78]. MALADIES INTERCURRENTES
Toute affection débilitante affaiblit encore un système immunitaire déjà compromis par la malnutrition, et va favoriser la progression de la GNA vers le noma. De nombreuses maladies ont été de tout 2
ANTIBIOTHÉRAPIE
La pénicilline G utilisée à forte dose par voie intramusculaire demeure classique dans les pays du tiers monde [3, 6, 12, 34, 55, 71, 82], par son faible coût et son efficacité (diminution du taux de mortalité de 90 % à environ 10 %). Cependant, d’autres antibiotiques peuvent être associés ou se substituer à ce traitement classique : – le métronidazole sous forme injectable intraveineuse mais aussi en comprimés administrables per os, ce qui facilite le stockage et le traitement en ambulatoire [12, 13, 19] ; – les aminosides [32] ; – la spiramycine administrable per os, seule ou associée au métronidazole.
Noma et son traitement
Stomatologie
En fait, la plupart des auteurs s’accordent pour souligner l’intérêt d’ajouter à la classique pénicillinothérapie, soit du métronidazole, soit du chloramphénicol, soit de la colistine pour traiter les troubles du transit gastro-intestinal souvent associés au noma. TRAITEMENT GÉNÉRAL DU TERRAIN
¶ Réhydratation et correction des troubles hydroélectrolytiques Alors que la réhydratation orale reste le traitement de première intention lorsque l’état du malade le permet, certains auteurs [12, 55] préconisent, pour les formes pédiatriques modérées, une perfusion de sérum salé par voie sous-cutanée dans la région paraombilicale, mais hélas, les perfusions intraveineuses s’avèrent souvent indispensables lorsque coexistent avec le noma gastroentérites et dysenteries parasitaires.
¶ Corrections de l’état nutritionnel La correction de l’état nutrionnel est encore trop souvent la seule thérapeutique accessible dans les dispensaires isolés des pays défavorisés, lieux des cas de noma aigu. Elle pourra consister en : – une réalimentation si possible per os, sous forme liquide ou de bouillie avec des aliments habituellement disponibles dans les villages isolés du tiers monde, en augmentant l’apport protéique par paliers de 5 g tous les 2 ou 3 jours [24, 32] ; – une réalimentation par sonde nasogastrique, toujours prudente et progressive, car toute surcharge alimentaire se traduit par une diarrhée ; – une alimentation parentérale transitoire, composée principalement d’acides aminés, polyvitaminothérapie et oligoéléments.
¶ Traitement des maladies associées Paludisme, autres parasitoses, foyers infectieux, anémie et drépanocytose contribuent à altérer l’état général du patient et doivent être traitées spécifiquement.
¶ Traitement du processus thrombo-ischémique local Larroque propose, dans les formes débutantes, l’utilisation d’une isocoagulation par héparine standard ou de bas poids moléculaire, administrée par voie sous-cutanée, associée à des vasodilatateurs type pentoxifylline en perfusion intraveineuse ou per os. Cette attitude, fidèle à ses convictions étiopathogéniques, n’a cependant jamais fait l’objet d’une étude comparative quant à son efficacité, en raison des difficultés de réalisation liées au contexte d’examen des patients. SOINS LOCAUX DE PROPRETÉ
¶ Irrigations et pulvérisations pluriquotidiennes avec des antiseptiques locaux Éviter les produits colorés trompeurs et peu efficaces.
¶ « Cueillette » des fragments de nécrose tissulaire
et de séquestres osseux ou dentaires Elle est effectuée à l’aide d’une précelle ou d’une curette sous simple sédation lors des soins externes. Toutefois, elle ne doit pas être confondue avec les larges gestes d’excision et de débridement chirurgicaux, absolument contre-indiqués ici. Le seul vrai geste chirurgical « toléré » est une hémostase rarissime, bien souvent rendue nécessaire par une tentative inopportune d’ablation du cône gangréneux.
Traitement secondaire en cours de cicatrisation LUTTE CONTRE LA RÉTRACTION CICATRICIELLE
Larroque [57] le premier a exposé une stratégie de prévention de la constriction permanente des maxillaires, débutant dès l’élimination de l’escarre, au décours de la phase aiguë : chez l’enfant,
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mécanothérapie active (simple pince à linge en bois dont la force élastique est utilisée pour assister l’ouverture buccale) et mécanothérapie passive (port au moins 12 heures sur 24 d’une cale molaire). Plus tard, celle-ci peut être facilitée par un exerciseur de Darcissac ou d’autres types de conformateurs et dilatateurs, pouvant être réalisés par un artisan local. Toutefois, même chez l’adulte coopérant, l’inconfort et la longue durée de ce traitement sont souvent à l’origine d’échecs. D’autres techniques classiquement utilisées plus tardivement nous paraissent : – soit d’utilisation délicate ou difficile, pour ce qui est des injections intracicatricielles de corticoïdes retards ou des massages cicatriciels ; – soit intellectuellement satisfaisantes, mais hélas encore empiriques, comme la pose d’une greffe de peau sur les vastes zones de tissus de granulation. Cette dernière permettrait en effet, selon certains auteurs [63] , d’accélérer cette phase de cicatrisation tout en limitant la formation de fibrose rétractile en « stabilisant » le bourgeon et donc la perte de substance. Or, l’évaluation de celle-ci, telle qu’elle était à la phase aiguë, est une étape clef du traitement des séquelles, qui s’en trouve ainsi facilité. De plus, cette peau totale, ou semi-épaisse, devrait apporter un « tissu recyclable ». Il est théoriquement plus souple et de meilleure trophicité que l’habituelle épidermisation lente et fragile du tissus scléreux « périorificiel ». En effet, comme nous le verrons plus bas, celui-ci est souvent utilisé pour la reconstruction du plan muqueux sous la forme de lambeaux « collerettes » de retournement. Enfin, une équipe malgache [74] a récemment proposé un traitement chirurgical précoce visant à accélérer la phase de cicatrisation et surtout à éviter la survenue d’une constriction permanente des maxillaires (CPDM). Cette « chirurgie préventive » consiste à aviver les surfaces osseuses exposées après la chute spontanée de l’escarre et surtout à décoller les berges des parties molles en supprimant le tissu de granulation, supposé être à l’origine du processus rétractile ultérieur. La couverture cutanée est alors reconstituée par un lambeau local, ou par simple greffe de peau, réservant les techniques plus complexes de chirurgie réparatrice au stade plus tardif des séquelles. Selon ces auteurs, cette chirurgie devrait idéalement être réalisée bien avant la fin de la cicatrisation, en moyenne de 45 jours après le début de la maladie, mais uniquement après l’apparition du tissu de granulation. Toutefois, l’enfant doit avoir recouvré une trophicité correcte avec absence de séquestre osseux constitué. Bien que ces cas de figure soient relativement rares, ils permettraient de travailler sur des tissus encore souples et une étude statistiquement significative mériterait d’étayer cette stratégie chirurgicale originale. REMISE EN ÉTAT BUCCODENTAIRE
Afin de permettre une chirurgie réparatrice dans les meilleures conditions possibles, il faut éliminer les chicots, le tartre, instituer une hygiène buccale correcte et traiter le parodonte, ainsi que les dents conservables, avant l’installation de la constriction cicatricielle.
Traitement à la phase des séquelles PRINCIPES GÉNÉRAUX
¶ Évaluation médicale de l’état général du patient Idéalement conduite grâce à l’étroite collaboration entre pédiatres et anesthésistes, l’évaluation médicale vise à définir trois des quatre paramètres fondamentaux dont dépend la stratégie thérapeutique : – status nutritionnel, – degré de constriction permanente des mâchoires, – âge du patient. 3
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* A 1
Stomatologie
* B
Classification des destructions externes ou ostéomuqueuses et exemple de reconstruction. A. Repères anatomiques. B. Même cas 15 jours après un lambeau type Sabatini-Abbé-Estlander. C. Idem de profil montrant la bonne continence labiale au repos.
* C Puis est réalisé le bilan préopératoire habituel, avec notamment un bilan sanguin recherchant une très fréquente anémie carentielle, mais surtout une drépanocytose ou une sérologie VIH positive.
fonction de l’importance de leur étendue, mais aussi de leurs difficultés chirurgicales. Cela en fait le 4e paramètre fondamental dont dépend la future stratégie thérapeutique (fig 1) :
¶ Évaluation chirurgicale du type
– type V = sans destruction extérieurement visible mais pouvant aller du rare « noma avorté » (destructions limitées au plan muqueux endobuccal), au plus trompeur « noma sournois » où les lésions musculaires, voire osseuses sont dissimulées par la CPDM et l’intégrité cutanée ;
et de l’étendue des lésions L’extrême variété des lésions séquellaires du noma rend très difficile l’établissement d’une classification, soit trop complexe pour en tirer des implications thérapeutiques « standardisées » [15, 63, 76], soit incomplète car rendue trop schématique par souci d’adhésion à une stratégie thérapeutique [24, 42, 49, 57, 66]. Leur multiplicité prouve donc qu’aucune classification n’a su s’imposer par son caractère à la fois exhaustif et pragmatique. Nous proposons par conséquent une nouvelle classification fondée sur des repères anatomiques simples, regroupant toutes les séquelles du noma. Nous en distinguons six types de 0 à V, définis à la fois en 4
– type IV = pertes de substance (PDS) des lèvres (limitées latéralement par le sillon nasogénien) ; – type III = PDS du menton et des joues (limites en haut = trou sous-orbitaire et latérale = bord antérieur du muscle masséter) (astuce mnémotechnique type 3 = M = Menton) ; – type II = PDS partielle ou totale du nez (astuce mnémotechnique : type 2 = Z = Nez) ;
Noma et son traitement
Stomatologie
Nutritional status
Outer or ostéomucosal destructions
Mandibular constriction
Age-group
0 = Très mauvais
0 = Type 0
0 = OB nulle = stade 0
0 = Tranche 0 = de 0 à 4 ans
1 = Médiocre
1 = Type I
1 = OB maxi 1 TDD = stade 1
1 = Tranche 1 = de 4 à 8 ans
2 = Moyen
2 = Type II
2 = OB maxi 2 TDD = stade 2
2 = Tranche 2 = de 8 à 12 ans
3 = Bon
3 = Type III
3 = OB maxi 3 TDD = stade 3
3 = Tranche 3 = de 12 à 16 ans
4 = Très bon
4 = Type IV
4 = OB maxi 4 TDD = stade 4
4 = Tranche 4 = de 16 et +
OB = ouverture buccale : - en cm pour adulte - ou pour enfant en TDD
NB : Astuce mnémotechnique tranche X = de (X x 4) à (X x 4) + 4 ans
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2
Quatre critères NOMA avec score maximal = 17 = (4 × 4) + 1 de « bonus » pour les rares noma de type V. TDD : travers de doigts.
5 = Type V = Bonus
cf figure 1
– type I = PDS étendues au-delà des repères anatomiques précédents, donc avec atteinte du masséter et/ou du plancher de l’orbite, pouvant aller jusqu’aux limites de la face ;
précédente le « Kit de Minitracht », distribué par la compagnie Portex, qui permettrait d’obtenir une ventilation fiable en 40 secondes.
– type 0 = PDS associant au moins trois des quatre destructions précédentes (type I à IV) avec constante destruction ostéomuqueuse étendue.
¶ Évaluation des conditions opératoires et du suivi postopératoire
Ainsi, l’attribution de points (de valeur croissante avec l’influence pronostique positive de chacun des quatre critères fondamentaux sus-définis) va nous permettre d’établir un score allant de 0 à 17, réparti comme indiqué sur la figure 2.
¶ Évaluation « anesthésique » Les protocoles d’induction sont extrêmement variables selon les écoles et cela reste affaire de spécialiste. Cependant, beaucoup d’auteurs vantent les mérites de la kétamine, particulièrement lors des intubations difficiles, pour ses faibles effets dépresseurs respiratoires [1, 16, 28, 70, 81]. Par la suite il faut choisir entre : – l’intubation nasale guidée par fibroscopie. Méthode la plus sûre, elle est réservée le plus souvent aux hôpitaux modernes dotés d’un matériel sophistiqué avec équipe expérimentée [81] ; – la trachéotomie. Proposée en seconde intention par certains, celle-ci est généralement considérée comme ultime recours, a fortiori dans les pays en voie de développement où les difficultés du nursing postopératoire et l’absence d’hygiène ne peuvent qu’augmenter les risques de sténoses et d’infections [19, 52, 70] ; – l’intubation nasale à l’aveugle. Encore utilisée par certaines équipes lorsque la fibroscopie n’est pas disponible [52, 69, 70], elle est toutefois une technique dangereuse [3, 6, 28, 52, 81], même avec guide endotrachéal [1, 86] ; l’utilise en branchant un – la ventilation transtrachéale. Layman respirateur sur un trocart planté à travers la membrane cricothyroïdienne. Adekeye [3, 4] se déclare très satisfait par cette méthode simple et sûre. Cependant, d’autres auteurs estiment à l’opposé que les pressions d’insufflation doivent être très élevées pour être efficaces et que les complications sont nombreuses [52] ; [60]
– la section rapide des brides survie d’intubation. Une équipe pourtant récente et hautement qualifiée [63] propose, après échecs de deux tentatives d’intubation nasale à l’aveugle (et en l’absence de fibroscope bien sûr !), d’accorder au chirurgien 60 secondes (ou moins selon la désaturation du patient) afin d’obtenir une ouverture buccale suffisante pour permettre une intubation classique, avec hémostase par simple compression des tranches de section. Sur neuf patients, seuls cinq ont été ainsi intubés ; – la mini-trachéostomie transcricothyroïdienne. Ces mêmes auteurs ont utilisé en urgence sur les quatre échecs de la technique
Ces patients, véritables « rescapés », ne sont généralement plus en danger vital et par conséquent la meilleure stratégie est souvent l’abstention de toute intervention susceptible d’empirer ou de mettre en danger la vie du patient. De plus, un suivi postopératoire à long terme est indispensable en raison : – de la récidive quasi systématique de la CPDM en cas d’arrêt trop précoce de la kinésithérapie (au moins 1 an pour les adultes et jusqu’à la fin de la croissance mandibulaire pour les enfants) ; – des effets parfois néfastes de la croissance faciale sur les résultats esthéticofonctionnels ; – du suivi nutritionnel et de l’état général, bien qu’il soit rarissime d’assister à des récidives de noma aiguës. Le temps imparti en mission chirurgicale est généralement de 15 à 30 jours, facteur limitant non négligeable interdisant certaines reconstructions en plusieurs temps opératoires. Cependant, même en Europe, le prolongement du séjour de l’enfant au-delà de 4 à 6 mois n’est pas souhaitable en raison du risque de déracinement socioculturel et de la contrainte « d’économie budgétaire ». Ainsi, seules la ou les principales étapes opératoires sont effectuées en Europe, les interventions « secondaires » devant être, si possible, réalisées dans le pays d’origine [83].
¶ Règles toujours valables – Tenir compte des règles socioculturelles et du profil psychologique souvent particulier de ces patients. En effet, ils comprennent mal la nécessité de multiples temps opératoires avec hospitalisations prolongées et long suivi postopératoire. Il est préféré de beaucoup une thérapeutique simple et fiable, avec peu de contraintes postopératoires, même si cette rapidité de résultat se fait aux dépens de la qualité. De même, ne pas raisonner en « occidental » pour juger des résultats esthéticofonctionnels et surtout pour évaluer la rançon cicatricielle des techniques choisies [24, 49]. – Commencer par supprimer définitivement la constriction permanente des mâchoires. C’est l’objectif le plus difficile à obtenir afin d’éviter la situation catastrophique où le comblement de la perte de substance supprime le seul orifice disponible pour l’alimentation et contraint alors le chirurgien à « démonter » la reconstruction parfois complexe, réalisée précédemment. Il faut donc avant tout s’assurer de la pérennité de l’ouverture buccale sachant que l’alimentation traditionnelle (pâteuse) en tolère une limitation partielle [24, 32, 66]. 5
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Stomatologie
3
* A – La perte de substance visible à la phase séquellaire est toujours inférieure à la perte de substance initiale qu’il faut recréer avant toute reconstruction plan par plan [69]. Le « surdimensionnement » des lambeaux est donc de règle, a fortiori du fait de la fonte rapide du capital musculaire non innervé de certains lambeaux et du « retard de croissance » à moyen terme de ces derniers par rapport au reste du visage de l’enfant. – La reconstruction d’un défect osseux important doit toujours précéder celle des tissus de surface. – La reconstruction de pertes de substance limitées aux tissus mous des lèvres doit toujours précéder celle du nez, sachant que celle-ci aura lieu idéalement à l’adolescence, la première pouvant être effectuée même chez le tout-petit, surtout en cas d’incontinence salivaire pouvant compromettre le pronostic vital dans les pays où l’eau est rare [24, 69]. PROCÉDÉS CHIRURGICAUX UTILISABLES
Technique de Lagrot [55] A. Incision transversale sur la joue (peau et parties molles). B. Résection d’un coin osseux de la branche montante du maxillaire inférieur.
* B • Ostéotomie basse décrite par Rizzoli et Esmarch en 1857 [14, 19, 26, 31, 76]
Larroque [57, 59] l’utilise préférentiellement lors des séquelles fibreuses de noma perforantes, réalisant cette intervention au fauteuil dentaire, sous simple anesthésie locorégionale (trou ovale). L’incision cutanée (sous-mandibulaire basse afin d’éviter le rameau mentonnier du nerf facial) et l’ostéotomie, sont réalisées au niveau de la portion horizontale de la mandibule.
• Intervention de Lagrot décrite en 1961 [56] L’incision cutanée est ici horizontale, prolongeant l’orostome vers l’arrière jusqu’à la branche montante de la mandibule suivie de la résection d’un coin osseux à base antérieure, avec couverture par un lambeau pluritissulaire (fig 3). Même ces interventions palliatives sont souvent inaptes à éviter la récidive, cela qui a conduit Oluwasanmi et al [70], dès 1976, à combiner ces ostéotomies avec :
¶ Procédés chirurgicaux visant à supprimer
– une large résection et désinsertion des muscles masticateurs ;
la constriction permanente des maxillaires
– la résection de l’apophyse coronoïde dont ces auteurs soulignent la fréquente hypertrophie lors du noma qui s’explique par la rétraction du muscle temporal. Malgré l’association de ces divers procédés, ces auteurs ont eu sept récidives sur les 30 cas opérés. Ainsi, une récidive tardive est toujours à redouter, même après des résultats précoces excellents.
Ouverture forcée des mâchoires sous anesthésie générale associée à de simples sections de brides muqueuses [70] Cette ouverture aboutit inéluctablement à une récidive, voire à une aggravation de la constriction, par la relance des processus fibrorétractiles et parfois même la création de lésions directes des articulations temporomandibulaires jusqu’alors généralement indemnes. Exérèse du bloc de fibrose extra-articulaire avec couverture immédiate par un lambeau permettant un apport de « tissus d’interposition » entre mandibule et malaire Suppression de l’éventuelle synostose coronoïdomalaire et de l’ensemble des brides fibreuses résultant de la myosite ossifiante pouvant aller jusque dans la fosse ptérygomaxillaire. Création d’une néoarticulation à distance du bloc fibrorétractile Ces interventions palliatives, conséquence logique de la capitulation du chirurgien dans le combat mené contre la récidive des brides rétractiles, consistent à contourner l’obstacle représenté par le bloc de fibrose en créant une pseudarthrose au-dessous de lui. La réapparition d’une ouverture buccale notable et de la mobilité mandibulaire compense largement les inconvénients liés à la latéralisation du menton en position bouche ouverte et les éventuels retentissements sur l’articulation temporomandibulaire controlatérale [57, 58]. Ainsi, on distingue deux grands types d’interventions avec de nombreuses variantes. 6
¶ Procédés chirurgicaux visant à combler la perte de substance, si possible en restaurant la fonction et l’esthétique de la zone reconstruite En fait, la diversité et la complexité des lésions séquellaires du noma peuvent amener à faire appel à la totalité de l’arsenal thérapeutique du chirurgien spécialisé, non seulement en matière de lambeaux, mais aussi de procédés tels que l’expansion cutanée ou la distraction osseuse. Ainsi, il nous paraît illusoire, voire inutile, de standardiser cette stratégie dans les structures hospitalières modernes où chaque équipe peut choisir en fonction de sa propre expérience la stratégie la mieux adaptée au cas particulier soumis : les rares bénéficiaires d’évacuation sanitaire ont généralement des destructions très complexes. STRATÉGIE CHIRURGICALE STANDARDISÉE POUR LE TRAITEMENT DES SÉQUELLES DE NOMA EN « CONDITIONS PRÉCAIRES »
Certaines équipes semblent délaisser les lambeaux locorégionaux, y compris le très pratique lambeau pédiculé « sandwich » de galéa greffée dont ils ont été les promoteurs [2, 66, 67], au profit des lambeaux
Noma et son traitement
Stomatologie
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Tableau I. – Stratégie chirurgicale standardisée pour le traitement des séquelles de noma en « conditions précaires ». Nouvelle classification (cf figure 1) Type V →
Type IV →
Noma « avorté » ou
Procédés chirurgicaux à utiliser de préférence
noma « sournois »
De la simple plastie en Z dans le rare cas de bride muqueuse isolée à la résection large de toute la fibrose rétractile suivie de lambeaux jugaux muqueux ou de boule de Bichat et/ou greffe de peau totale ou lambeau pédiculé de galéa greffé avec de la peau totale inguinale mais sans périoste
Destruction limitée aux lèvres (avec perte de substance osseuse négligeable)
Lambeaux labiaux locaux types « éventail » (Fan Flap) de Gillies utilisant le procédé de Karapandzi avec si possible la variante autofermante en crémaillère de Costini (figure 4) et/ou lambeaux de langue ou hétérolabiaux types Sabatini-Abbé-Estlander (fig 1)
Type III →
Destruction du menton et des joues mais sans atteinte des masséters
Lambeaux locorégionaux uni- ou bipédicules types Dufourmentel ou de galéa composite (plicaturé en « sandwich » greffé en peau totale libre, voire avec réinjections de graisse et greffon osseux donc ostéopériosté)
Type II →
Destruction de tout ou partie du nez
Type I au sens « strict » →
Destruction limitée à la région orbitomalaire
Lambeaux frontaux et/ou scalpants de Converse parfois associés aux lambeaux de galéa composite (crête olécrânienne cubitale qui sera « revascularisée » au contact du périoste sousgaléal) lorsque le lambeau retournant la collerette cicatricielle est insuffisant pour reconstruire le plan muqueux
Type I au sens « large » →
Destruction allant jusqu’à la région orbitomalaire ou type 0 = associant 3 des 4 types précédents
Association des lambeaux précédents avec lambeau à distance type musculocutané pédiculé de grand pectoral ou de grand dorsal
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Lambeau Fan Plap avec variante autofermante en crémaillère de Costini. Rotation de 1, 2 et 3 vers le haut pendant que celle de a, b et c vers le bas « verrouille » la plastie (A). Un point en U transfixiant définit la nouvelle commissure en veillant à stranguler le moins possible le pédicule (B).
* A à distance de grand dorsal pédiculé ou même libre, ou encore ceux toujours libres de grand dentelé ou fasciocutanés de l’avant-bras [2, 29, 42, 69, 73] . Leurs principaux arguments sont : – le manque de volume et la perte de plasticité avec tendance à la rétraction des lambeaux de galéa, responsable alors d’une récidive de la CPDM, surtout en cas de lambeau ostéopériosté du fait du pouvoir ostéogène du périoste infantile ; – la traction vers le bas des lambeaux pédiculés de grands dorsaux du fait de la pesanteur et de la rétraction lente du pédicule enfouie en sous-cutané au niveau du cou, lui-même responsable d’un relief inesthétique, voire d’une bride pouvant justifier sa résection tardive. Pour notre part, nous préférons exclure les procédés trop onéreux ou complexes afin d’adapter aux conditions opératoires précaires les techniques précédemment décrites, si possible en limitant leurs défauts : – par la greffe autologue concomitante, de peau totale libre mais aussi de graisse (selon une technique type Coleman simplifiée), avec net surdimensionnement et délai d’autonomisation limité de 8 à 10 jours quant aux lambeaux pédiculés de galéa ; – par la dissection fine des 8 cm proximaux de l’artère et des veines principales avec section du nerf, en ce qui concerne les lambeaux pédiculés musculocutanés de grand dorsal et de grand pectoral. Celui-ci est contre-indiqué chez la fillette, mais préférable chez la femme grâce à l’artifice permettant de dissimuler la cicatrice du site donneur sous un sein généralement ptosé. L’arc de rotation de l’un comme de l’autre peut être augmenté par l’absence d’enfouissement du pédicule qui, protégé durant 1 mois par des pansements adaptés,
* B peut être coupé en fin de mission, ou même plus tard par l’équipe chirurgicale autochtone. Ce retour contesté [2] à des procédés anciens est proposé aussi par d’autres auteurs [42], mais leur série comme la nôtre reste encore insuffisante pour en tirer des conclusions définitives. Ainsi, notre stratégie est basée sur quatre critères fondamentaux, dont l’essentiel en matière de choix des lambeaux reste le type de séquelle observé (tableau I, fig 1, 4). Enfin l’établissement du « score prédictif positif » sert à guider chaque équipe chirurgicale, soit vers l’abstention thérapeutique temporaire, soit vers une évacuation sanitaire dans une structure hospitalière moderne. Le score minimal définissant le seuil au-delà duquel l’équipe ne doit pas intervenir « sur place » dépend bien entendu de l’expérience de chacune. Cependant, il est généralement conseillé de transférer dans des centres chirurgicaux modernes spécifiquement qualifiés dans la chirurgie du noma : les enfants de moins de 5 ans avec séquelles mettant en jeu leur pronostic vital (déshydratation par perte salivaire, dénutrition par constriction invalidante…), des patients plus âgés mais avec mutilations sévères, contraignant à utiliser des techniques chirurgicales complexes en plusieurs temps [2, 69].
Conclusion Nous ne prétendons pas détenir la « vérité ». En effet, toute autre stratégie chirurgicale est acceptable, dès respect des principes généraux précédemment définis. Ainsi, en matière de chirurgie réparatrice des 7
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Noma et son traitement
Stomatologie
séquelles de noma, tout comme d’ailleurs dans le traitement du noma à chacune de ses phases, il faut appliquer les règles de prudence et d’humilité si magistralement exprimées par Théodore Roosevelt :
« Faites ce que vous pouvez, avec ce que vous avez, là où vous êtes » sans oublier que le report du traitement chirurgical est toujours préférable à une attitude trop téméraire.
Remerciements. – Au Professeur Denys Montandon (chef de service de l’unité de chirurgie
– Au ministère de la Santé et à la direction de l’hôpital Yalgado de Ouagadougou, Burkina
plastique, reconstructrice et esthétique, hôpital cantonal universitaire de Genève, Suisse) pour
Faso, pour leur accueil et leur collaboration.
l’enseignement qu’il nous a délivré.
– A M r . Jacques Famery pour son assistance en tant que traducteur bilingue anglo-francophone.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-051-A-03 (2004)
22-051-A-03
Altérations de la croissance craniofaciale. Classification des malformations de l’extrémité céphalique et leur pronostic B. Raphaël B. Morand F. Duroure J. Lebeau
Résumé. – Identifier une malformation craniofaciale n’est jamais un exercice facile pour le clinicien. Le polymorphisme des expressions cliniques comme les fausses similitudes ne permettent pas toujours de classer les désordres morphologiques observés à partir des catalogues ou des bases de données connus à ce jour. Seule une classification morphogénétique établie sur des données embryologiques, tenant compte du mécanisme d’action du processus malformatif, permet d’identifier la malformation à partir de son étiologie et d’évaluer son pronostic de croissance. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Malformations craniofaciales ; Classification des malformations ; Croissance craniofaciale pathologique
Introduction L’organisation et le développement de l’extrémité céphalique relèvent de mécanismes complexes et interactifs, qui confèrent à ce territoire une vulnérabilité particulière vis-à-vis de l’agression malformative, que celle-ci soit programmée et inscrite dans le patrimoine génétique, ou fortuite et résultant d’un événement extérieur ou épigénétique. La diversité des malfaçons rencontrée est déroutante pour le clinicien. En fonction de leur intensité, qualifiées de monstruosités, malformations, dysmorphies ou anomalies. Le choix du qualificatif n’est pas anodin, en particulier en présence du couple au moment de l’annonce du diagnostic. Ce moment particulièrement difficile, chargé en émotion, bénéficie aujourd’hui de la pratique systématique de l’échographie morphologique qui permet de détecter un certain nombre d’anomalies à partir de la 20e semaine d’aménorrhée (Fig. 1). La réalisation de divers plans de coupes permet une étude très détaillée de l’extrémité céphalique telle que la forme du front, la distance interorbitaire, la longueur du nez, la continuité du bourrelet labial, la situation du maxillaire, la taille de la mandibule. [5, 6] Cet examen peut être utilement complété par une étude des flux liquidiens au doppler couleur, une imagerie par résonance magnétique (IRM), voire une imagerie 3D. [1] Il faut garder à l’esprit les limites de ce diagnostic anténatal. Le risque de faux négatifs, plus rarement de faux positifs, le peu d’informations sur les capacités fonctionnelles du fœtus, doivent conduirent à la plus grande prudence. [3, 4] Le diagnostic échographique même imprécis permet surtout, au sein d’une structure pluridisciplinaire, de préparer le couple à l’accueil de cet enfant « à visage différent » [15] au cours d’une consultation prénatale dans l’objectif de déculpabiliser les futurs parents, expliquer et décrire la déformation, et informer sur les possibilités thérapeutiques.
B. Raphaël (Professeur des Universités, praticien hospitalier) Adresse e-mail : [email protected] B. Morand (Chef de clinique-assistant) F. Duroure (Chef de clinique-assistant) J. Lebeau (Professeur des Universités, praticien hospitalier) Centre hospitalier universitaire de Grenoble, service de chirurgie plastique et maxillofaciale, BP 217, 38043 Grenoble cedex 09, France.
La fréquence des dysmorphies craniofaciales, toutes anomalies confondues, est de 3,25 pour 1 000 naissances. La fente labio-maxillopalatine reste la plus fréquente avec un cas sur 700 naissances. Les tentatives de classification connues à ce jour se limitent, pour la plupart, à l’établissement d’un catalogue descriptif des désordres morphologiques [11, 12] et de leur topographie. [20] Les associations les plus fréquentes définissent parfois un syndrome dit « polymalformatif » identifié par le nom de l’auteur qui en a diffusé la première description (Goldenhar, Pierre Robin, Treacher-Collins etc). D’autres formes enfin sont définies par la seule apparence clinique (rétromandibulie, hypertélorisme), sans apporter la moindre information sur le pourquoi de la malformation et la sévérité du pronostic. Une classification pragmatique, à l’usage du thérapeute, se doit d’être établie selon un calendrier embryologique, en tenant compte du moment, du lieu, du mécanisme d’action et de l’intensité de l’impact malformatif. Dans cette optique, l’évolution des idées dans la connaissance du développement craniofacial [9, 23] a permis progressivement de proposer une classification morphogénétique [10, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 23] établie sur des données embryologiques. Cette nouvelle approche, identifiant la malformation à partir de son étiologie, permet d’évaluer le pronostic de croissance corrélé au territoire concerné, notion essentielle dans le choix du protocole thérapeutique.
Rappels embryologiques du développement Reconnaître une malformation puis définir son pronostic suppose d’avoir en mémoire les mécanismes qui président à l’élaboration de la forme et les moments critiques où l’enfant en formation est particulièrement exposé à l’agression malformative. L’élaboration de la forme s’effectue au cours de trois périodes (Fig. 2). HISTOGENÈSE
La première période, ou histogenèse, correspond à la multiplication par division du matériel cellulaire, qui se différencie d’abord en
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Altérations de la croissance craniofaciale. Classification des malformations de l’extrémité céphalique et leur pronostic
Stomatologie
Figure 1
A, B. Échographie morphologique d’une fente labiopalatine (document dû à l’obligeance du docteur M. Althuser de Grenoble). C. L’enfant à la naissance.
Figure 2 Calendrier embryologique du développement de l’extrémité céphalique. SNC : système nerveux central.
deux feuillets : l’un interne l’endoblaste, l’autre externe l’ectoblaste, formant le disque embryonnaire didermique. À la troisième semaine, un feuillet intermédiaire, ou cordomésoblaste, apparaît entre les deux précédents par migration cellulaire à partir du feuillet externe, et donne naissance à l’embryon tridermique. EMBRYOGENÈSE
La deuxième période ou embryogenèse se déroule entre la troisième et la huitième semaine. Elle correspond à la mise en place des ébauches (organogenèse) et à la modification spatiale progressive de l’embryon selon trois mécanismes fondamentaux.
¶ Enroulement Il courbe l’embryon par une croissance différentielle plus rapide en périphérie, et transforme progressivement la plaque embryonnaire tridermique en gouttière, puis en tube. La différenciation de l’ectoblaste en neuroblaste au niveau de sa face dorsale forme la plaque neurale qui, selon le même mécanisme, se creuse en gouttière, puis se ferme pour former le tube neural. Au cours de ces mouvements, des groupes cellulaires se détachent de la zone de jonction avec l’ectoblaste pour constituer les crêtes neurales, dont la différenciation mésenchymateuse (l’ectomésenchyme), puis la migration jouent un rôle déterminant dans l’édification de la maquette craniofaciale. [8, 23] Progressivement le tube neural se renfle à son extrémité antérieure en trois, puis cinq vésicules, alors que des épaississements localisés de l’épiblaste forment les placodes sensorielles qui s’invaginent en direction du cerveau sus-jacent.
¶ Segmentation Elle répartit le matériel tissulaire en divers territoires répétitifs, comportant chacun un dérivé des différents tissus (squelettique, nerveux, musculaire, vasculaire). Ainsi, la partie moyenne de l’embryon est segmentée en somites, la future région cervicale en arcs viscéraux et la face organisée en bourgeons.
¶ Induction interactive entre les différentes populations
cellulaires C’est un phénomène essentiel au cours de cette période. Elle concerne très tôt l’induction du système nerveux : l’encéphale et les 2
antennes sensorielles induisent puis organisent leur territoire d’influence. Plus tard, de la cinquième à la septième semaine, la confluence des divers sous-ensembles a lieu, en particulier celle des bourgeons constitutifs de l’extrémité céphalique. Ceux-ci, d’abord séparés par des sillons (les fentes embryonnaires), confluent pour modeler la future face ; ce processus de confluence s’effectue d’abord en surface, puis un cloisonnement sépare les cavités de la bouche et du nez. À la huitième semaine, la face forme un ensemble continu, au sein duquel vont apparaître les pièces osseuses et cartilagineuses ; l’embryon devient fœtus. Tous ces mécanismes se succèdent et s’intriquent dans le temps et dans l’espace, et leur complexité les rend extrêmement vulnérables à un agent malformatif, quel qu’en soit le mécanisme. MORPHOGENÈSE
Elle correspond au développement et à la croissance, qui vont élaborer la forme craniofaciale du fœtus, puis du nouveau-né. Elle débute à la huitième semaine et coïncide avec la précipitation calcique dans le conjonctif, créant les premiers îlots d’ossification. On assiste progressivement à la constitution du squelette ostéocartilagineux par ossification et chondrification.
¶ Structures cartilagineuses Elles sont essentiellement représentées par la plaque basale et ses expansions sensorielles et viscérales, qui constituent le chondrocrâne. Il s’agit d’un centre de croissance actif, analogue aux épiphyses des os longs, grâce à des zones de jonction ou synchondroses, centre de croissance primaire sous contrôle génétique, mais particulièrement fragile aux agressions.
¶ Pièces osseuses Au niveau de l’extrémité céphalique, la croissance des pièces osseuses dépend d’un mécanisme unique : « le système périosté ». Le périoste se comporte comme une interface ostéogénique passive, tributaire des forces qui s’exercent sur lui. Ainsi la croissance osseuse ne peut avoir lieu qu’en présence d’un tissu osseux de bonne qualité, séparé par des zones de jonction ou sutures qui doivent être perméables et animées par une dynamique locale. La perméabilité
Stomatologie
Altérations de la croissance craniofaciale. Classification des malformations de l’extrémité céphalique et leur pronostic
de ces zones de jonction est essentielle, en particulier au niveau des os plats du crâne ; elle permet la croissance volumétrique de la voûte sous l’effet de la poussée cérébrale. Par la suite, la face se précise et s’anime au fur et à mesure que se développent les structures d’animation (sangles musculaires) et que s’installe le réseau neurosensoriel d’information et de commande nerveuses. Progressivement, le fœtus s’anime et réagit aux stimulations, la succion puis la déglutition deviennent efficaces à partir de la 28e semaine. À la 37e semaine, limite officielle de la prématurité, le fœtus est en état de fonctionner. Dès lors s’établit une nouvelle relation interactive entre la forme et la fonction, qui se poursuit après la naissance, en particulier au niveau de la face, où la croissance est particulièrement influencée par l’activité musculaire, l’évolution dentaire et le comportement orofacial.
Classification des anomalies de l’extrémité céphalique Les désordres qui peuvent affecter l’élaboration de la forme craniofaciale peuvent intervenir à toutes les époques du développement (Fig. 3), en ayant toujours en mémoire que la précocité de l’événement est toujours synonyme de gravité. AU COURS DE L’HISTOGENÈSE
La qualité du matériel cellulaire ou son organisation au sein du blastème primitif peuvent être défectueuses et à l’origine de dysplasies tissulaires pouvant atteindre un ou plusieurs tissus ; ces dysplasies à caractère évolutif se regroupent volontiers sous le vocable de « phacomatoses ». AU COURS DE L’ORGANOGENÈSE
Deux grands événements malformatifs peuvent se produire.
¶ Déficience de l’induction neurosensorielle (Fig. 4) Elle va retentir gravement sur la morphologie de l’environnement du tube neural ou de ses expansions neurosensorielles, à l’origine de « malformations cérébro-cranio-faciales ». Malformations cérébrocrâniennes (Fig. 5) Elles sont dues à une déficience du développement encéphalique qui va retentir sur la morphologie de la voûte, selon une relation
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« contenant-contenu ». Une microencéphalie se traduira cliniquement par une microcrânie, à l’extrême l’anencéphalie, toujours létale, offre une extrémité céphalique dépourvue de voûte crânienne. Malformations cérébrofaciales (Fig. 6) Elles sont dues à l’altération d’une placode sensorielle qui retentira sur la morphologie de la face au niveau de son territoire d’influence. Cette relation entre la placode et le territoire facial où elle doit s’exprimer varie selon l’organe des sens considéré. Ce peut être une relation directe analogue au couple cerveau-crâne pour la placode optique dans un rapport dimensionnel ; un micro-orbitisme coïncidant avec une microphtalmie. Une relation indirecte plus complexe va en revanche s’établir entre la placode olfactive et le tiers médian de la face. À ce niveau, la malformation du cerveau antérieur qui a interrompu son développement au stade de prosencéphale va se traduire par une dysmorphie craniofaciale par défaut d’induction rhinencéphalique. Les désordres morphologiques, par aplasie ou hypoplasie, qui intéressent le nez, le prolabium et le prémaxillaire, se déclinent en holoprosencéphalie ou arhinencéphalie, proportionnellement à l’intensité de l’atteinte cérébrale. Une classification, selon le degrés de gravité, a été établie par DeMyer, [7] auteur de la célèbre formule : « face predicts the brain ». L’ensemble de ces malformations qui résultent d’une déficience d’induction neurosensorielle est réuni sous l’intitulé de malformations cérébro-cranio-faciales en distinguant : – les formes cérébrocrâniennes induites par l’altération encéphalique ; – les formes cérébrofaciales induites par la déficience d’une antenne sensorielle. Au-delà de la période d’induction neurale, les malformations seront indemnes de toutes altérations cérébrales ou neurosensorielles. Elles pourront résulter, soit d’une incapacité des bourgeons faciaux à fusionner à la fin de la période embryonnaire, soit d’une dysplasie des structures issues des tissus fondamentaux au cours de la morphogenèse. Ces altérations morphologiques et leur cortège de troubles fonctionnels constituent le groupe des malformations craniofaciales.
¶ Absence de fusion des bourgeons faciaux De la cinquième à la huitième semaine, la malformation peut résulter d’une incapacité des bourgeons à fusionner, par déficience mésenchymateuse ou par la persistance du mur épithélial, faisant Figure 3 Principaux mécanismes du développement pathologique et leurs moments d’action. SNC : système nerveux central.
3
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Figure 4
Déficiences de l’induction neurosensorielle (dysinduction), à l’origine des malformations « cérébrocranio-faciales ». SNC : système nerveux central.
Figure 5
Malformations « cérébrocrâniennes » par défaut de développement encéphalique. Exemple d’acrânie par anencéphalie. SNC : système nerveux central.
obstacle à leur fusion. Ce défaut, qui survient au cours de la dernière période de l’organogenèse, correspond en fait à la persistance anormale des fentes embryonnaires ; la localisation labio-maxillopalatine en est le modèle le plus représentatif (Fig. 7). La persistance de cette fente engendre, pour le fœtus puis pour l’enfant, une déformation évolutive au sein du territoire orofacial particulièrement riche en dynamique fonctionnelle et en sensorialité. AU COURS DE LA MORPHOGENÈSE
Les différentes structures issues des tissus fondamentaux, mais dorénavant réunies sous la même enveloppe, peuvent être le siège d’une désorganisation tissulaire, ou dysplasie. La dysplasie tissulaire siège au sein d’un ou plusieurs tissus (osseux, cartilagineux, musculaire…) affectant leur trophicité et les rendant inaptes à s’intégrer dans le programme de croissance. On peut ainsi distinguer, selon le tissu concerné, les dysostoses, les dyschondroses, les dysplasies neuromusculaires, etc. Par définition, et en tant que pathologie tissulaire, les dysplasies ont un caractère plurifocal. Pour la clarté de l’exposé, nous limiterons notre propos aux dysplasies osseuses, qui s’expriment cliniquement sous la forme de deux sortes d’anomalies : la première correspond à une altération intrinsèque de la pièce osseuse et sera à l’origine des dysostoses ; la 4
seconde, extrinsèque, affecte la périphérie de l’os et sera à l’origine des synostoses (Fig. 8).
¶ Altération intrinsèque Les déformations du squelette par déficience du tissu osseux, ou dysostoses, habituellement multicentriques, peuvent siéger indifféremment ou simultanément au niveau de la voûte, de l’orbite, du nez, du maxillaire ou de la mandibule (Fig. 9). On peut distinguer ainsi différents tableaux cliniques. Les dysostoses cranio-fronto-nasales (fronto-ethmoïdo-nasale et frontonasale), aggravées par une méningoencéphalocèle, sont à l’origine des grands téléorbitismes (Fig. 10). Les dysostoses latérales intéressent l’orbite externe, le zygoma, parfois la mandibule. On distingue : [2] – la dysostose zygomatique de Treacher-Collins et la dysostose zygo-auro-mandibulaire, ou dysostose mandibulofaciale de Franceschetti. Elles se caractérisent par la bilatéralité des lésions et leur transmission héréditaire autosomique dominante à pénétrance variable (Fig. 11) ; – la dysostose temporo-auro-mandibulaire ou dysplasie otomandibulaire, encore connue sous l’appellation de microsomie hémifaciale (Fig. 12), est en revanche unilatérale et non héréditaire ;
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Figure 6
Malformations « cérébrofaciales ». A1. Arhinencéphalie (hypotélorisme, fente médiane secondaire à l’agénésie du prolabium et de l’unité voméroprémaxillaire). A2. Cerveau au stade de prosencéphale (holoprosencéphalie). B1, B2. Micro-orbitisme anophtalme.
Figure 7
La persistance des fentes embryonnaires est à l’origine des fentes primaires. Exemples de fentes labiomaxillo-palatines uni- et bilatérales. SNC : système nerveux central.
– les dysplasies temporo-aurales regroupent l’ensemble des malformations du pavillon auriculaire, du conduit auditif, de l’oreille moyenne, voire du nerf facial. Elles peuvent être isolées ou faire partie d’une forme syndromique ; ainsi l’association avec des dermoïdes épibulbaires et des blocs vertébraux est identifiée sous le nom de syndrome oculo-auriculo-vertébral de Goldenhar (Fig. 13).
¶ Altération extrinsèque La dysplasie se limite ici à la périphérie de la pièce osseuse ; elle sera responsable d’une synostose par fermeture prématurée des joints de dilatation que sont les sutures. Les synostoses prématurées, le plus souvent localisées à la voûte crânienne, s’opposent à l’expansion encéphalique, responsable d’une sémiologie 5
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Figure 8 Au-delà de la 8e semaine, les désorganisations (ou dysplasies) tissulaires sont à l’origine des déformations osseuses les plus fréquentes selon deux mécanismes : les dysostoses et les synostoses. SNC : système nerveux central.
Figure 9 Les dysostoses, souvent multicentriques, siègent indifféremment ou simultanément au niveau de la voûte, de l’orbite, du nez, du maxillaire ou de la mandibule. SNC : système nerveux central.
fonctionnelle à retentissement encéphalique, définie par le terme de craniosténose (Fig. 14). L’aspect morphologique de la voûte crânienne varie selon le site de la suture affectée (loi de Virchow) (Fig. 15). Le crâne prenant un aspect : – dolichocéphale (scaphocéphalie), lors de l’atteinte de la suture sagittale ; – brachycéphale, par atteinte de la suture coronale avec ses variantes d’acro- ou de turricéphalie ; 6
– plagiocéphale, par l’atteinte de l’hémicoronale, créant une déformation fronto-orbitaire caractéristique, plus rarement la suture lambdoïde ou pachycéphalie ; – enfin, la fermeture prématurée et très précoce in utero de la suture métopique déforme la région frontale selon un modelé triangulaire, ou trigonocéphalie. La retombée des sutures crâniennes sur la base à la jonction craniofaciale explique le retentissement que peut avoir une synostose sur la morphologie orbitaire et la croissance du massif facial (Fig. 16). La discordance temporospatiale des rythmes de
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Figure 10
Dysostoses cranio-fronto-nasales. A. Dysplasie fronto-ethmoïdo-nasale et sa méningoencéphalocèle. B. Dysplasie frontonasale à l’origine d’une fente médiane dite « secondaire ».
croissance fait que l’expression clinique d’une atteinte suturaire peut être immédiate au niveau de la voûte, plus tardive au niveau de la face. C’est ainsi qu’une brachycéphalie pourra se compliquer tardivement d’une brachymaxillie.
¶ Altérations associées L’intensité de la dysplasie tissulaire, et en particulier osseuse, peut être à l’origine de l’association de phénomènes dysostosiques et synostosiques. Ces dysostosténoses (Fig. 17). correspondent parfois à des syndromes polymalformatifs associant une craniosténose primitive évolutive et des dysostoses multicentriques. En pathologie craniofaciale, la maladie de Crouzon à caractère familial et les acroencéphalo-syndactylies illustrées par le syndrome d’Apert en sont les manifestations les plus caractéristiques. Ces différentes formes, autrefois isolées dans des descriptions syndromiques, sont réunies aujourd’hui par les connaissances issues de la biologie moléculaire. C’est ainsi que les différents syndromes de Crouzon, Apert, Pfeifer, Saethre-Chotzen, Carpenter…, correspondent à des mutations génétiques des récepteurs des facteurs de croissance des fibroblastes (FGFR 1, 2, 3 et 4) et du gène Twist. Les fentes, les dysostoses et les synostoses sont des dysmorphoses qui apparaissent chez l’embryon ou le fœtus de part et d’autre de la huitième semaine, au-delà de la période d’induction neurosensorielle. Elles constituent le groupe des malformations craniofaciales. DÉFORMATIONS PAR DÉSÉQUILIBRES DYNAMIQUES ET POSTURAUX
Indépendamment de toute atteinte tissulaire, le fœtus, le nouveau-né puis l’enfant peuvent être affectés de déformations craniofaciales
Figure 11 Dysostoses latérales bilatérales héréditaires. A. Forme à prédominance zygomatique de Treacher-Collins. B. Forme à prédominance mandibulaire de Franceschetti (flèche). (Fig. 18) résultant d’un défaut de fonctionnement des structures d’animation ou d’un déséquilibre, qu’il soit postural ou dynamique, susceptible d’intervenir à tout moment de la croissance. [13] Il en est ainsi des dysmaturités neuromusculaires, des déséquilibres posturaux, des dyspraxies et parafonctions.
¶ Dysmaturités neuromusculaires Elles correspondent à un retard dans les processus de maturation au niveau des ensembles neuromusculaires du territoire orofacial, responsable d’une dysoralité. La dysmaturité peut siéger à un niveau variable sur le trajet neuromusculaire offrant à observer divers tableaux cliniques allant du simple défaut de maturation périphérique, responsable de troubles du couple succion-déglutition, à des altérations plus haut situées à l’étage médullaire, voire du tronc cérébral. Ces formes de pronostic fonctionnel plus réservé sont dominées par l’intensité de l’incoordination motrice au niveau du carrefour oropharyngé à l’origine d’accidents asphyxiques. Les désordres morphologiques les plus couramment observés, à des degrés divers, au cours de ces dysoralités entrent dans le cadre de la séquence dite « de Pierre Robin » (Fig. 19). La micrognathie domine le tableau clinique ; elle est à l’origine de la glossoptôse, elle-même responsable d’une fente palatine, dite « secondaire », car induite par la persistance de l’obstacle lingual.
¶ Déséquilibre postural L’exemple le plus caractéristique est représenté par la scoliose craniofaciale évolutive, engendrée par le torticolis congénital (Fig. 20). 7
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Figure 12 Dysostose latérale unilatérale non héréditaire. A. Dysplasie otomandibulaire. B. Microsomie hémifaciale.
Figure 13
Syndrome oculo-auriculo-vertébral de Goldenhar (noter le colobome palpébral supérieur droit et les dermoïdes épibulbaires).
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Figure 14 Synostose ou fermeture prématurée des sutures de la voûte. SNC : système nerveux central.
Figure 15 Synostoses : principales déformations de la voûte au cours des craniosténoses selon la loi de Virchow.
¶ Dyspraxies et parafonctions Les obstructions nasales, les interpositions linguales par déglutition primaire et les béances labiales des respirations buccales exclusives (Fig. 21) peuvent être à l’origine de troubles de l’occlusion et de déséquilibre de la croissance mandibulaire. Ces dyspraxies sont
d’autant plus délétères vis-à-vis de la croissance qu’elles apparaissent dans le cadre d’un morphotype familial prédisposant (instabilité incisive, tendance à la classe III…) ou à l’occasion d’un temps fort de la croissance, représenté par la poussée parapubertaire d’obédience hormonale. 9
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Figure 16
La retombée des sutures crâniennes sur la base est à l’origine du retentissement que peut avoir une synostose sur la croissance du massif facial. A1, A2. Évolution favorable de la voûte, sous l’effet de la poussée encéphalique, après remodelage chirurgical d’une brachycéphalie. B. L’occlusion à 7 ans témoigne de la faciosténose à l’origine de la brachymaxillie.
Figure 17
Dysostosténoses : déformation craniofaciale complexe sous la double influence d’une dysostose et d’une synostose. Principaux tableaux cliniques.
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Figure 18
Les déformations par déséquilibres dynamiques ou posturaux sont l’apanage de la période néonatale et de la petite enfance. SNC : système nerveux central.
Figure 19
Séquence dite « de Pierre Robin ». A. Schéma des déformations caractéristiques et de leurs mécanismes (micrognathie, glossoptôse et division palatine). B. Aspect de l’enfant de profil. C. Incarcération de la langue à travers la division palatine (image nécropsique). D. Forme caractéristique de la division palatine.
Pronostic et déduction thérapeutique L’intérêt d’une telle classification est non seulement d’identifier la malformation à partir des données embryologiques, mais aussi – et surtout – d’établir un pronostic en évaluant l’aptitude à la croissance des tissus altérés (Fig. 22). Ce pronostic de croissance est un élément essentiel de la démarche thérapeutique, [ 1 4 ] et amène à considérer deux groupes de dysmorphoses : – les malformations cérébro-cranio-faciales, résultat d’une dysinduction neurosensorielle, véritables impasses à la croissance, où le pronostic est proche de 0 ;
– les malformations craniofaciales au cours desquelles les altérations de la croissance sont variables selon l’étiologie et la topographie. Ainsi : – les fentes sont habituellement de bon pronostic si la réparation respecte les tissus et rétablit les fonctions ; – les synostoses ont un bon pronostic lorsque la libération précoce des sutures bénéficie d’une poussée encéphalique ; – les dysostoses sont d’un pronostic incertain et variable, directement lié à la trophicité du tissu osseux et aux capacités d’animation dynamique du champ morphogénétique concerné. Le calendrier et la démarche thérapeutique devront se référer à une approche temporospatiale (Fig. 23) du développement de l’extrémité 11
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Altérations de la croissance craniofaciale. Classification des malformations de l’extrémité céphalique et leur pronostic Figure 20
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Scoliose craniofaciale au cours du torticolis
congénital.
Figure 21 Principales dyspraxies et parafonctions à l’origine de déséquilibres maxillomandibulaires. A. Déglutition : interposition linguale. B. Occlusion. : instabilité incisive. C. Respiration : buccale exclusive. – l’étage encéphalique dépend de la perméabilité suturale et de la poussée encéphalique ; – l’étage maxillaire est sous la dépendance de la poussée dentaire et de la croissance alvéolaire ; – l’étage mandibulaire est tributaire de l’action musculaire. La notion de dualité et d’interdépendance craniofaciale est particulièrement démonstrative en matière de pathologie osseuse malformative (Fig. 25) : – les synostoses caractéristiques de la voûte, dont la croissance à court terme se termine à la fin de la troisième année, nécessitent une correction précoce ; Figure 22
Pronostic de croissance attribué aux principales malformations cranio-
faciales.
céphalique [17] et tenir compte de la chronologie du déroulement de la croissance au sein du territoire concerné par la malformation. Les modalités et le moment d’application de l’action thérapeutique devront s’adapter à chacun de ces territoires et à leur moteur de croissance, au nombre de trois (Fig. 24) :
– les dysostoses multicentriques auront un retentissement à long terme sur le développement craniofacial et nécessitent des gestes de reconstruction itératifs et souvent plus tardifs. Les procédés de distraction osseuse trouvent ici leurs applications les plus démonstratives.
Remerciements. – « En hommage à Michel Stricker, Jacques Van der Meulen, Riccardo Mazzola et Chris Vermeij-Keers, sans lesquels la classification morphogénétique [10, 22, 23]
16, 17, 21,
n’aurait pas vu le jour ».
Figures 23 à 25 et Références ➤
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Figure 23
La chronologie du déroulement temporospatial de la croissance de l’extrémité céphalique se décline en trois périodes : encéphalique, maxillaire et mandibulaire.
Figure 24 La démarche thérapeutique doit tenir compte de l’étage craniofacial concerné et du moteur de croissance qui lui est propre.
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Figure 25 Le choix du moment thérapeutique doit se référer à la fois au pronostic de croissance du tissu altéré et au territoire craniofacial considéré.
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Stomatologie [22-051-C-10]
Ankyloses temporomandibulaires du nourrisson et du jeune enfant
Azita Madjidi : Ancien chef de clinique-assistant Gérard Couly : Professeur des universités, stomatologiste et chirurgien maxillofacial des hôpitaux de Paris Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale pédiatrique, hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 750 15 Paris France
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GÉ NÉ RALITÉ S L'ankylose temporomandibulaire unilatérale ou bilatérale est le résultat de la destruction des structures articulaires, contribuant à la physiologie de l'articulation et aboutissant en quelques mois ou années à la construction d'un bloc osseux soudant la mandibule à la base du crâne, bloc osseux dans lequel il est impossible de retrouver des structures normales. L'ankylose temporomandibulaire réalise le tableau clinique de constriction permanente des mâchoires d'origine articulaire avec impossibilité permanente d'ouvrir la bouche.
Particularités de l'articulation temporomandibulaire chez le nourrisson Articulation, analogue d'une suture membraneuse La contraction musculaire des ptérygoïdiens externes transmet au ménisque et à sa coiffe conjonctive les tensions locales, ce qui provoque ainsi une réponse mitotique des préchondroblastes dans la zone de tension et une ossification marginale de rattrapage, équivalente de la réponse des sutures membraneuses aux tensions locales . Ces données expliquent la gravité des lésions de l'articulation temporomandibulaire au cours de la période de croissance. A la fin de la deuxième année, le cartilage secondaire condylien disparaît et c'est l'ensemble du cartilage secondaire du périoste mandibulaire qui prend le
relais de la croissance volumétrique de la mandibule. Celle-ci se fait désormais par des appositions et résorptions périostées sous l'influence fonctionnelle de la musculature masticatrice. Au cours des 3 premières années, les condyles migrent sous la base du crâne
[10]
.
Les articulations sont ainsi des sutures membraneuses mobiles fonctionnant comme des pseudarthroses physiologiques.
Relations otoarticulaires de la première année Il persiste à la naissance une communication conjonctivovasculaire entre la cavité de l'oreille moyenne et l'articulation temporomandibulaire par l'intermédiaire du frein méniscal postérieur et le pédicule vasculaire tympanique à l'endroit de la future scissure de Glaser [10]. Cela explique la fréquence des ankyloses infectieuses d'origine otitique chez l'enfant.
Particularités de l'ankylose temporomandibulaire chez l'enfant L'ankylose se constitue à « bas bruit » dans les suites d'une septicopyohémie, d'une otite ou d'un traumatisme. L'ankylose génère des destructions des structures musculaires (en particulier les ptérygoïdiens externes).
articulaires,
périarticulaires
et
Les conséquences morphologiques et fonctionnelles de l'ankylose temporomandibulaire chez l'enfant sont plus graves que chez l'adulte [37], et affectent la croissance, l'alimentation, la ventilation et le développement général staturopondéral.
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CLINIQUE Plusieurs séries de la littérature rapportent les observations d'ankylose temporomandibulaire d'adultes et d'enfants . La série étudiant un nombre significatif d'enfants atteints est celle de l'hôpital Necker-Enfants Malades [31] qui regroupe trente observations (dix-sept filles, treize garçons). Nous la mentionnerons tout au long de ce travail (tableau I).
Retentissement morphologique Chez le nourrisson Le diagnostic d'ankylose temporomandibulaire débutante est rarement évoqué. Le stomatologiste est alerté par le pédiatre qui a constaté une limitation progressive de l'ouverture de la bouche du bébé, hospitalisé en service de réanimation pédiatrique pour les complications septicopyohémiques polyarthritiques d'une entéropathie ou d'une uropathie malformatives. L'examen de la bouche objective alors un espace restreint entre les crêtes alvéolaires. La succion alimentaire, lorsqu'elle est autorisée, (car le nourrisson peut être gavé) est peu
gênée. Les pleurs et le bâillement se font sans ouverture de la bouche.
Chez l'enfant A partir du deuxième semestre, l'éruption des dents de lait achève de faire apparaître la limitation de l'ouverture de la bouche : l'espace initial restreint entre les crêtes alvéolaires est alors comblé par les dents. Le passage à la cuillère est difficile, motivant la consultation par les parents. Dans les ankyloses unilatérales (70 % des cas), il existe déjà une rétromandibulie du côté de l'ankylose, une insuffisance de hauteur de la branche montante, une déviation du menton, une élévation du plan d'occlusion lactéale du côté ankylosé et des troubles de l'articulé dentaire. L'asymétrie faciale se développe aux dépens de l'étage moyen de la face. Le menton « regarde » l'ankylose chez l'enfant, comme chez l'adulte (fig. 1). Dans les ankyloses bilatérales (30 % des cas), la déformation aboutit au classique « profil d'oiseau » (fig. 2, cf. fig. 4).
Retentissement ventilatoire (fig. 3) Dans la période néonatale et chez le nourrisson, l'ankylose temporomandibulaire, surtout lorsqu'elle est bilatérale, risque de provoquer une hypoxémie et une hypercapnie chroniques d'origine obstructive pharyngée de gravité variable. L'enregistrement de la saturation sanguine en oxygène et gaz carbonique pendant la veille et le sommeil s'avère indispensable ; la trachéotomie, en raison de la désaturation oxymétrique, est parfois décidée. Il peut s'agir d'une simple désaturation en oxygène pendant le sommeil paradoxal ou alors d'une désaturation même à l'état de veille. Le retentissement de l'hypoxie sur les centres de régulation bulbaire peut aboutir à des troubles permanents de la ventilation. Le développement d'un syndrome grave d'apnée du sommeil est possible [8].
Retentissement staturopondéral L'ankylose temporomandibulaire retentit sur le développement général de l'enfant par le biais des difficultés de mastication et de nutrition et des risques de complications infectieuses liées aux difficultés de maintenir une hygiène buccodentaire adéquate. Par ailleurs, le développement et la qualité de l'articulation phonétique sont altérés.
Retentissement psychosocial Enfin, chez l'enfant, l'ankylose temporomandibulaire favorise l'installation de troubles psychologiques, conséquence du retentissement morphologique, de la difficulté de s'alimenter normalement, du traitement (hospitalisations multiples, scolarité entravée et contraintes de la rééducation). Un soutien psychologique s'avère parfois nécessaire.
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IMAGERIE ET CLASSIFICATION
L'imagerie permet d'une part d'objectiver les signes directs de l'ankylose temporomandibulaire (bloc osseux, disparition de l'interligne articulaire), et indirects telles les déformations mandibulaires et craniofaciales.
Radiographie standard et téléradiographie (fig. 4 et 5) Sur l'incidence de profil, les signes de l'ankylose temporomandibulaire sont : la disparition de l'interligne articulaire, l'insuffisance de hauteur de la branche montante de la mandibule, l'encoche préangulaire et l'hypertrophie du coroné. La disparition de l'interligne articulaire est le seul signe direct de l'ankylose, mais il est inconstant et ne se rencontre que dans les ankyloses osseuses complètes et achevées. La mandibule est alors soudée à la base du crâne, et en arrière au tympanal. L'insuffisance de hauteur serait un signe de déficit de la croissance mandibulaire. L'encoche préangulaire correspondrait à l'action contrariée des muscles abaisseurs de la mandibule. Le coroné apparaît élargi, allongé, hypertrophié et spiculaire. Les rapports anatomiques existant entre le coroné, la loge temporale et la grande aile du sphénoïde sont étudiés à la recherche de syndesmofibrose coronoïdosphénoïdale . Sur d'autres incidences, par exemple celle de Waters, l'asymétrie mandibulaire et le retentissement sur la symétrie squelettique craniofaciale sont appréciés.
Orthopantomogramme Il renseigne sur l'état dentaire (caries, granulomes, encombrement, inclusions) et confirme les signes des clichés standards. Le bloc d'ankylose osseuse est « bien vu ». Cette incidence est de réalisation difficile avant l'âge de 5 ans.
Tomodensitométrie La tomodensitométrie (TDM) est l'examen de choix pour documenter les ATM osseuses. Non seulement, il renseigne sur l'étendue des lésions articulaires mais il montre l'état des parties molles (les coupes coronales montrent simultanément les deux articulations) ; il permet souvent d'indiquer l'étiologie de l'ankylose [31]. Les images de destruction et de construction osseuses parfois impressionnantes se rencontrent dans les ankyloses d'origine infectieuse (fig. 6 et 7) ; une lésion plus circonscrite avec peu de destruction de l'interligne articulaire et surtout un pont osseux externe entre le col du condyle et l'os temporal est assez caractéristique des ankyloses post-traumatiques (fig. 8) [29] ; enfin l'image d'ostéolyse est relativement typique (fig. 9) d'une origine rhumatismale. En étudiant les relations anatomiques entre la cavité glénoïde, le rocher et le condyle mandibulaire, on peut dater le début de l'ankylose lors de la première année dans les formes exosquamosales [10]. L'irradiation cumulative du cristallin est plus élevée pour les coupes axiales que pour les coupes coronales et ce de façon significative. Un cliché TDM fait dans un plan à 15° (axial) expose le cristallin à 1 360 mR alors que la coupe à 105° (coronale) ne l'irradie qu'à 20 mR [7] . A côté des images osseuses, la TDM permet de documenter l'aspect des muscles masticateurs en évaluant leur existence et leur degré de trophicité. C'est un élément important de pronostic dans les suites du traitement, en particulier lors de la rééducation par mobilisateur.
Imagerie par résonance magnétique nucléaire
L'imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) a l'avantage d'identifier les ankyloses fibreuses ; mais l'IRM est plus longue à réaliser et plus coûteuse.
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FORMES CLINIQUES Les séries de la littérature placent souvent les causes traumatiques comme la première étiologie des ankyloses , mais pour d'autres, les formes postarthritiques infectieuses demeurent l'étiologie la plus fréquente [31] (tableau II).
Ankyloses temporomandibulaires postinfectieuses Elles représentent environ 57 % des cas chez l'enfant
[31]
.
Par voie hématogène (40 %) L'ankylose est bilatérale, précoce et se rencontre au cours des septicémies néonatales (staphylocoque), compliquant les entéropathies et uropathies malformatives. D'autres articulations sont atteintes (hanches, genoux...).
Locorégionales (17 %) L'ankylose est unilatérale En sont responsables les otites moyennes : il s'agit d'une atteinte de l'articulation par contiguïté de l'oreille moyenne avec l'articulation temporomandibulaire chez le nourrisson . Les streptocoques sont les agents infectieux les plus fréquents. En sont aussi responsables : la mastoïdite suppurée, l'ostéomyélite temporale, l'abcès des parties molles et la parotidite suppurée.
Ankyloses post-traumatiques Elles représentent environ un tiers des cas chez l'enfant
[31]
.
Le jeune âge prédispose à la survenue d'ankylose post-traumatique avant 10 ans . Le site de la fracture paraît déterminant dans la mesure où une fracture intraarticulaire génère plus fréquemment une ankylose temporomandibulaire [19] par le potentiel ostéogénique de la réparation osseuse chez l'enfant. La durée d'immobilisation post-traumatique semble augmenter considérablement le risque d'ankylose d'autant que la fracture condylienne est bilatérale. La plupart des auteurs s'accordent pour ne pas immobiliser la fracture du condyle chez l'enfant . Les traumatismes obstétricaux dus à l'usage du forceps et la fibrochondromalacie par surcharge biomécanique articulaire [31], conséquence de
l'appui d'un corset de Milwaukee, sont encore des étiologies traumatiques.
Ankylose rhumatismale L'arthrite chronique juvénile peut se révéler par atteinte première de l'articulation temporomandibulaire. Le condyle est alors le siège d'un panus [31] rhumatoïde . L'anatomie pathologie révèle, dans les arthropathies inflammatoires, la formation des travées fibreuses au travers de l'articulation lésée ; celles-ci s'ossifient par la suite .
Formes congénitales Les ankyloses d'origine congénitale sont très rares . Pour qu'une ankylose soit considérée comme congénitale, elle doit être présente à la naissance. L'ankylose temporomandibulaire congénitale est alors associée à d'autres malformations comme l'hypoglossie-hypodactylie ou syndrome d'Hanhart, le syndrome de Moebius [5], le syndrome des ankyloses multiples avec anomalies faciales et hypoplasie pulmonaire.
Formes récidivantes Dans la série de l'hôpital Necker-Enfants Malades, les formes rédicivantes de l'enfant concernent les ankyloses postarthritiques bactériennes (6 fois sur 30). Les récidives s'observent également à la puberté.
Formes selon la gravité Incomplètes fibreuses avec conservation partielle des structures articulaires ; l'ouverture buccale est possible bien que limitée avec latérodéviation du côté de l'atteinte articulaire. Complètes : c'est la forme type prise pour description.
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DIAGNOSTIC DIFFÉ RENTIEL
Chez le nourrisson et le nouveau-né Seront discutés : le trismus néonatal [1] d'origine neuromusculaire, qui reflète un dysfonctionnement du tronc cérébral et fait partie des tableaux sévères des syndromes de Pierre Robin, de Moebius et des formes rares d'arthrogrippose ; son pronostic est péjoratif ; le trismus du tétanos d'origine ombilicale, qui est exceptionnel.
Chez l'enfant
Seront évoqués : la myosite ossifiante progressive de Münchmeyer ou ossification progressive du tissu conjonctif des muscles striés ; celle du masséter débute dans la petite enfance. La douleur et l'oedème des régions paravertébrales sont des signes précoces ; les ostéomes temporaux neurologiques, conséquence d'un syndrome cérébelleux post-traumatique ; les malformations du condyle [34] avec latérodéviation ; la maladie de Jakob (ankylose extra-articulaire) fusion osseuse entre le coroné et la tubérosité maxillaire.
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TRAITEMENT
Principes et méthodes L'ankylose doit être traitée dès que son diagnostic est porté . Le traitement est chirurgical, mené, sous anesthésie générale, par intubation endotrachéale par fibroscope (fig. 10). La résection réglée du bloc osseux d'ankylose doit être la plus complète possible avec condyloplastie modelante pour l'arthroplastie. Le maximum de hauteur de branche montante est conservé. Dans les cas où il existe une insuffisance importante de hauteur, il paraît nécessaire de la restituer par une greffe dotée d'un potentiel de croissance (par exemple chondrocostale). Il convient également de restaurer la fonction condylienne en ayant une surface articulaire temporale (osseuse, cartilagineuse) et de restaurer une longueur mandibulaire satisfaisante en la mettant en position orthognathique par ostéotomie d'allongement et d'avancement. La mobilisation postopératoire est indispensable (fig. 11) [15] ; chez l'enfant, elle doit s'adapter à l'âge. La mandibule d'un nourrisson n'a que des mouvements de translation alors qu'au-delà de 30 mois la mandibule débute [12] l'acquisition de mouvement hélicoïdal . Chez le nourrisson et l'enfant, la rééducation par la succion (par biberon et sucette) permet la mobilisation adéquate. Au-delà de 5 ans, bon nombre d'enfants coopèrent pour l'emploi du mobilisateur. Certaines techniques de l'adulte ne peuvent pas être appliquées au jeune enfant, par exemple la mise en place de prothèses de condyles , ou les ostéotomies de réaxation du menton réservées à la post-adolescence. Les voies d'abord préauriculaire et sous-angulomandibulaire peuvent être utilisées seules ou associées. Les précautions anatomiques de l'adulte s'imposent également chez l'enfant, à savoir protection de la branche temporale et du tronc du nerf facial, de l'artère maxillaire interne, et des plexus veineux rétrocondyliens.
Indications Dans les ankyloses fibreuses et partielles L'arthroplastie avec conservation du ménisque, préconisée par Delaire être tentée.
[15]
doit
Lorsque la surface du condyle mandibulaire est lésée, le simple avivement de l'os spongieux génère la formation d'une nouvelle couche fibrocartilagineuse. C'est la spongialisation , propriété biologique de régénération spontanée d'un
fibrocartilage à partir du tissu spongieux osseux
[21]
.
Dans les ankyloses osseuses (fig. 12) La condyloplastie modelante avec spongialisation paraît être la technique de choix. La résection osseuse suivie d'interposition a été largement employée . Les matériaux d'interposition peuvent créer une réaction inflammatoire et être responsables d'une récidive. Parmi les matériaux organiques utilisés citons : muscle masséter , muscle temporal et aponévrose temporale dans le foyer de résection ... La reconstruction articulaire est rare chez l'enfant et utilise volontiers un fragment de côte avec sa jonction chondrale.
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PRONOSTIC Le pronostic fonctionnel est menacé par le risque de récidive. Les causes de récidive sont la résection insuffisante du bloc d'ankylose , la conservation du coroné, l'absence de désinsertion des muscles temporal et masséter. La mobilisation passive et active en période postopératoire assurée par un kinésithérapeute paraît la clé du succès. Une mobilisation non adpatée ou insuffisante en durée est un facteur déterminant de récidive. Elle doit durer 6 mois ou plus. La coopération de l'enfant et celle de ses parents sont indispensables. La précocité du traitement arthroplastique et la qualité de la mécanothérapie n'ont aucune action sur la persistance de la latérodéviation mandibulaire en bouche fermée et ouverte, motif de déception des parents et de l'enfant.
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CONCLUSION Les ankyloses temporomandibulaires du nourrisson et de l'enfant sont des affections redoutables. La majorité d'entre elles est d'origine infectieuse. Les formes post-arthritiques bactériennes et bilatérales sont à haut risque de récidive postopératoire. Rien ne s'oppose aujourd'hui à l'arthroplastie par condyloplastie modelante dans le bloc d'ankylose menée sous anesthésie générale, après intubation par fibroscope, dès que le diagnostic est porté ; chez l'enfant aucune interposition articulaire n'est nécessaire ; la conservation du ménisque est tentée dans les ankyloses fibreuses. La mobilisation active et passive adaptée à chaque âge et prolongée 6 mois demeure le garant de la stabilité du résultat, tant il est vrai que les articulations temporomandibulaires sont des pseudarthroses physiologiques.
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temporomandibular
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Reconstr
© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Ankylose temporomandibulaire unilatérale chez une fillette de trois ans. Le menton est déjà latérodévié.
Fig 2 :
Fig 2 : Ankylose temporomandibulaire bilatérale chez une fillette de trois ans. Le rétrognathisme est déjà marqué.
Fig 3 :
Fig 3 : Ankylose temporomandibulaire bilatérale chez un enfant de 18 mois. Cette ankylose est la conséquence d'une arthrite bilatérale par voie hématogène suite à une septicopyohémie avec multiples localisations articulaires compliquant une uropathie malformative. Devant l'importance des pauses obstructives avec hypoxie et hypercapnie, la trachéotomie a été nécessaire.
Fig 4 :
Fig 4 : Squelette céphalique de profil d'un enfant présentant une ankylose temporomandibulaire bilatérale. Noter sur ce schéma la soudure de la mandibule à la base du crâne, l'encoche préangulaire, l'incurvation postérieure de la branche montante, l'hypertrophie du coroné. L'ensemble réalise le classique « profil d'oiseau ».
Fig 5 :
Fig 5 : Aspect céphalométrique de face (A), de profil (B), en incidence verticale (C) et mandibulogramme (D) d'un enfant présentant une ankylose temporomandibulaire droite (d'après Jean Delaire. In : Michel Chateau ed. Orthopédie dentofaciale, bases fondamentales. Julien Prélat. Paris. 1975 ; p 90).
Fig 6 :
Fig 6 : Ankylose temporomandibulaire bilatérale, avec image tomodensitométrique typique de la soudure de la mandibule à la base du crâne chez une fille de 10 ans dans les suites d'une arthrite temporomandibulaire bilatérale par septicopyohémie compliquant une entéropathie malformative.
Fig 7 :
Fig 7 : Ankylose temporomandibulaire unilatérale compliquant une arthrite postotitique.
Fig 8 :
Fig 8 : Ankylose temporomandibulaire post-traumatique. Remarquer sur ce document tomodensitométrique en coupe coronale l'ankylose externe (signe de Lachard [29]) avec conservation partielle du condyle en dedans du bloc d'ankylose.
Fig 9 :
Fig 9 :
Ankylose temporomandibulaire par arthrite rhumatismale. L'ensemble de l'articulation est détruit par un volumineux panus rhumatismal. Vue en tomodensitométrie en coupe coronale.
Fig 10 :
Fig 10 : Chez l'enfant, comme du reste chez l'adulte, l'intubation endotrachéale lors de l'anesthésie générale est réalisée sur un guide fibroscopique, le fibroscope permettant en toute sécurité de cathétériser la voie respiratoire sous contrôle optique.
Fig 11 :
Fig 11 : Mobilisation postopératoire par appareil de Benoit chez un enfant âgé de 4 ans et opéré d'une ankylose unilatérale d'origine arthritique (post-otitique).
Fig 12 :
Fig 12 : Aponévroplastie temporomandibulaire après arthrolyse et condyloplastie du bloc d'ankylose. L'aponévrose temporomandibulaire (b) est utilisée pour réaliser une interposition après arthroplastie ; un lambeau aponévrotique est alors mis en place (a).
Tableaux
Tableau II. Tableau II. - Etiologie des ankyloses temporomandibulaires dans la s�rie des 30 observations de l'h�pital Necker-Enfants Malades Infectieuse
[31].
Traumatique Rhumatismale Iatrog�nique Inconnue
- Postseptic�mique : 12 - Postotitique : 5
1 10
1
(port du corset de
Milwaukee)
1
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-051-A-10
22-051-A-10
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant G Couly
Résumé. – Les dysplasies génétiques et les tumeurs de la cavité buccale de l’enfant sont en majorité originaires du revêtement muqueux ectoblastique ou à composantes salivaires. Un certain nombre d’entre elles sont de diagnostic anténatal. D’autres encore ont une valeur prédictive, chez l’enfant, de pathologie adulte. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction Les tissus constituant le revêtement muqueux oral et les tissus péribuccaux sont issus de l’ectoblaste lors de la neurulation embryonnaire. Ainsi, la totalité de la muqueuse buccale (lèvre, vestibule, plancher, langue et revêtement palatin) est formée par de l’ectoderme internalisé. Les tissus péribuccaux ont pour origine le mésenchyme de la crête neurale céphalique qui, après migration dans les bourgeons maxillaires et mandibulaires, se différencient en mésenchyme, cellules nerveuses, schwanniennes, pigmentaires, osseuses et glandulaires. Les tumeurs et dysplasies rencontrées en pathologie orale du nouveau-né et du nourrisson concernent ces tissus. Ce sont des proliférations cellulaires bénignes ou malignes, développées aux dépens des tissus recouvrant ou cernant la cavité buccale. Leur histogenèse embryofœtale demeure inconnue. Certaines de ces tumeurs et dysplasies, reconnaissables à la naissance, sont associées à des anomalies génétiques, d’autres sont des reliquats embryonnaires ectoblastiques. Elles ont pour certaines un intérêt clinique considérable car elles permettent, par anticipation, le diagnostic prédictif dès la période de l’enfance, de manifestations pathologiques adultes.
Tumeurs de la bouche du nouveau-né de diagnostic anténatal (fig 1) Ces tumeurs de développement fœtal sont diagnostiquées actuellement en échographie. Leur diagnostic repose sur leur nombre limité et leur sémiologie échographique. L’exploration par résonance magnétique nucléaire (RMN) est parfois nécessaire pour les différencier. L’échographie permet d’en faire une description topographique et structurale précise et s’efforce surtout de vérifier l’intégralité des organes. ÉPULIS CONGÉNITALE DU NOUVEAU-NÉ (fig 1A à D)
Formation pleine échographiquement, de topographie gingivale, l’épulis congénitale est une tumeur conjonctive bénigne, située au niveau de la crête alvéolaire du maxillaire. Son volume peut être stable ou au contraire augmenter en période postnatale, pouvant
Gérard Couly : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef du service de chirurgie maxillofaciale de l’enfant, hôpital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
gêner l’alimentation du nourrisson. Elle a une surface molle, uni- ou multilobulaire, de taille variable, de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre (ce qui peut la rendre impressionnante). L’ablation chirurgicale de l’épulis est simple par section du pédicule de la crête gingivale, au laser à CO2 ou au bistouri électrique après hémostase des vaisseaux nourriciers sous anesthésie générale. L’examen anatomopathologique confirme que la muqueuse de recouvrement est normale et que la tumeur est conjonctive, contenant de grandes cellules granuleuses, ou d’Abrikossoff. Elle doit être différenciée des autres épulis (inflammatoires, angiomateuses, fibreuses, à myéloplaxes) qui sont d’origine réactionnelle.
KYSTE MUCOÏDE GÉANT CONGÉNITAL DU PLANCHER BUCCAL (fig 1E, F)
Volumineuse tuméfaction néonatale bleutée, à contenu liquidien filant, souvent impressionnante, refoulant la langue en arrière, diagnostiquée par échographie anténatale dès le troisième trimestre, elle apparaît sous l’aspect d’une formation uniloculaire du plancher buccal antérieur. Développée aux dépens d’une glande sublinguale ou d’une glande salivaire accessoire du plancher, elle présente un prolongement sousmylohyoïdien en « bissac ». La cavité kystique est bordée d’un épithélium muqueux, parfois cylindrique non cilié avec accumulation dans la lumière du kyste de squames de kératine. Le traitement est chirurgical, dès les premiers jours suivant la naissance.
IMPERFORATIONS DES CANAUX DE WHARTON (fig 1G)
Uni- ou bilatérales, elles sont les équivalentes des imperforations des canaux lacrymonasaux. Le canal de Wharton, dans sa partie ostiale terminale, est alors obstrué par un bouchon épithélial muqueux. En échographie fœtale, elles sont évoquées devant deux formations kystiques uniloculaires du plancher buccal sous la langue. Cliniquement, deux saillies coniques siègent sous la langue, blanches, nacrées, correspondant à la dilatation terminale des deux canaux de Wharton obstrués. Il n’y a pas de signe de rétention des glandes sous-maxillaires. Point n’est besoin de réaliser de néostotomie chirurgicale, car la rupture de l’ostium obstrué se fait
Toute référence à cet article doit porter la mention : Couly G. Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-051-A-10, 2000, 17 p.
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Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
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* B spontanément. Elles sont à distinguer des kystes mucoïdes, des grenouillettes et des lymphangiomes du plancher de la bouche. TÉRATOMES DU PLANCHER BUCCAL ET DE LA FACE (fig 1H, I)
Les tératomes sont des formations à développement embryonnaire comportant plusieurs types de tissus. En échographie, ils ont une composante solide, souvent associée à des plages liquidiennes. Elles apparaissent en échographie très hétérogènes, et sont situées dans le plancher buccal ou de topographie latérofaciale. Les tératomes siègent au niveau du plancher buccal et à proximité du carrefour aérodigestif. Ils sont responsables de détresse néonatale respiratoire gravissime. Ces tératomes sont en général de type multitissulaire plurikystique, composés de tissus tous matures appartenant aux trois feuillets de l’embryon ; les éléments qui le constituent se distribuent dans le désordre et se composent de formations neurogliales, de cavités microkystiques à revêtement malpighien et de cavités possédant une bordure glandulaire digestive avec parfois du muscle lisse. Les cavités peuvent encore présenter un aspect gastrique ou être de type respiratoire, comportant de nombreuses glandes séromuqueuses et des îlots cartilagineux. Des plages de tissu glandulaire de type pancréatique sont également présentes. La composante mésodermique est faite de tissu musculaire strié et lisse, de tissu osseux cartilagineux et de tissu adipeux. 2
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Tumeurs congénitales de diagnostic anténatal. A. Volumineuse épulis à cellules granuleuses d’un nouveau-né. B. Échographie fœtale sagittale objectivant l’épulis gingivale (flèche). C. Petite épulis de la crête alvéolaire à cellules granuleuses. D. Épulis nécrosée du nouveau-né. E. Kyste mucoïde du plancher (type grenouillette congénitale) du nouveau-né. F. Kyste mucoïde du plancher (type grenouillette congénitale) : échographie sagittale.
* E HÉTÉROTOPIE NEUROGLIALE PÉRIBUCCALE (fig 1J, K)
Elle se manifeste en échographie par une vaste cavité latérofaciale de topographie ptérygomaxillaire, refoulant la muqueuse du voile, de la région de la commissure intermaxillaire et de la joue. Elle est pleine de liquide céphalorachidien, tapissée de formation neurogliale et de plexus choroïde indépendants des espaces sousarachnoïdiens. Elle est générée par des cellules de la crête neurale égarées dans la face à proximité des nerfs maxillofaciaux et recevant des informations de différenciation arachnoïdienne et leptoméningée. Elle est considérée à tort comme un tératome. Elle peut s’associer à des malformations comme les fentes palatines, par exemple. Le liquide contient de la transferritine qui signe sa nature céphalorachidienne. GRANDS LYMPHANGIOMES TISSULAIRES BUCCAUX, PÉRIBUCCAUX ET DE LA LANGUE (fig 1L, M)
Ces formations tumorales sont diagnostiquées en période anténatale et apparaissent en échographie sous l’aspect de formations polylobées avec de multiples logettes à contenu liquidien de taille variable, séparées par des cloisons d’épaisseur inégale. Le contour extérieur est bien limité et les plans superficiels sont en continuité avec la peau saine. Leur exérèse chirurgicale avec respect des nerfs n’empêche pas les récidives et les poussées récurrentes.
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(suite) Tumeurs congénitales de diagnostic anténatal. G. Imperforation congénitale du canal de Wharton, formation bleutée sous la langue. H, I. Tératome cervicofacial et du plancher buccal : aspect clinique et échographie. J, K. Hétérotopie neurogliale : vue de face du nouveau-né et scanner. L, M. Grand lymphangiome cervicofacial de diagnostic anténatal : vue de face et scanner.
Dysplasies et tumeurs des tissus buccaux du nourrisson et de l’enfant (fig 2)
batracien, ce sont des dysplasies kystiques salivaires de la glande sublinguale. Elles constituent des tuméfactions sous-linguales, bleutées, latéralisées. Leur traitement est chirurgical. Le canal excréteur de Rivinius de la glande sublinguale est dilaté au contact de la formation kystique.
DYSPLASIES SALIVAIRES
¶ Kystes mucoïdes des glandes salivaires accessoires
HYPERPLASIES ÉPITHÉLIALES BÉNIGNES, PAPILLOME
(fig 2F à J)
(fig 2A à D) Ils siègent volontiers sur les zones soumises mécaniquement à la succion, c’est-à-dire sur la langue et la face muqueuse des lèvres. Ce sont des tuméfactions de consistance molasse, de coloration bleutée, indolores, variables volumétriquement. Ils peuvent se rompre spontanément, puis se reconstituer. Ils contiennent un liquide mucoïde filant. Ils sont parfois congénitaux mais le plus souvent ils se développent après la naissance au cours des 2 premiers mois, au gré de la succion, aux dépens d’une glande salivaire accessoire de la cavité buccale, au niveau de laquelle existe une dilatation du canal excréteur qui a perdu son revêtement épithélial. Leur exérèse chirurgicale complète assure la guérison. L’examen anatomopathologique montre qu’il s’agit en réalité d’un pseudokyste, sans paroi épithéliale ; au voisinage d’une glande salivaire accessoire en rétention, on retrouve une paroi « kystique » conjonctive avec de nombreux macrophages.
¶ Grenouillettes (fig 2E) Décrites par Galien sous le nom de « Rana » ou « Ranula », à cause du gonflement sous-lingual et du plancher, ressemblant à ceux d’un
Ce sont des formations prenant l’aspect d’« élevures » par hypertrophie localisée de l’épithélium oral, pouvant concerner la langue, les lèvres, la muqueuse vestibulaire ou le palais. Leur constatation par les parents est une cause fréquente de grande inquiétude. Les hypertrophies simples s’expriment au niveau du palais ou sur les lèvres par des élevures kératinisées. Leur exérèse se fait simplement au bistouri. Papillome (fig 2I, J) Cette hyperplasie épithéliale fréquente siège préférentiellement sur la langue, le palais, la face interne des joues. Elle se présente en formation pédiculée, arborescente, bien limitée, s’élevant au-dessus de la muqueuse. Sa surface est susceptible de subir une kératinisation lui donnant un aspect blanchâtre. Le papillome est habituellement de petite taille. Histologiquement, le papillome est caractérisé par une exagération de la structure papillaire normale des muqueuses malpighiennes L’exérèse chirurgicale est réalisée au bistouri. 3
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Dysplasie salivaire, hyperplasie muqueuse et angiome, et lymphangiome. A. Kyste mucoïde de la langue. B. Kyste mucoïde apicolingual. C. Kyste mucoïde labial inférieur. D. Kyste mucoïde de la face interne de la lèvre inférieure. E. Grenouillette du plancher.
DYSPLASIES TISSULAIRES LYMPHANGIOMATEUSES, BUCCALES, LINGUALES, FACIALES ET PELVIBUCCALES
On en distingue deux formes, une de surface et une tissulaire, les deux pouvant coexister.
¶ Lymphangiome muqueux (fig 2K, L) Il constitue un signe de grande valeur pour authentifier l’existence du lymphangiome profond parfois associé. C’est le lymphangiome émissaire. Chez le nourrisson, il siège sur la langue, la face interne des joues, la région commissurale, voire le plancher. Il est classiquement constitué d’éléments vésiculeux ou papuleux translucides posés sur la muqueuse (tel du frai de grenouille). Ces éléments forment, quand ils sont nombreux, un placard parfois extensif. Puis, il présente des poussées ; des éléments violacés douloureux vont apparaître en surface. La base devient indurée ; cette poussée nécessite une antibiothérapie et une corticothérapie.
¶ Lymphangiome tissulaire (fig 2M à O) Il intéresse le plancher de la bouche et le cou. Il est accessible à l’examen clinique. La langue est refoulée en arrière par des 4
F. Hyperplasie des papilles linguales. G. Hyperplasie de la muqueuse palatine. H. Hyperplasie muqueuse linguale. I. Papillome buissonnant de la région apicolinguale. J. Papillome du palais. K. Lymphangiome de surface du palais.
formations bleutées polylobées. Il envahit la région sous-maxillaire et déborde les régions bicarotidienne, voire parotidienne et cervicale postérieure. La tomodensitométrie permet d’en authentifier la topographie exacte et l’aspect classique polylobé. L’examen par RMN permet, grâce à une fenêtre correctement choisie, de reconnaître parmi ces éléments polylobés, ceux qui ont présenté des poussées hémorragiques. L’aspect est alors celui d’une plage blanchâtre bien cernée équivalente à celle obtenue lorsqu’il y a hématome. Le lymphangiome peut encore intéresser les lèvres supérieure et inférieure et s’accompagner d’une hypertrophie tissulaire. Le diagnostic est plus difficile si le lymphangiome reste sousmuqueux, intramusculaire, lingual, ou intratissulaire. C’est le cas en particulier au niveau lingual, où il peut se manifester par une macroglossie globale ou unilatérale. L’échographie peut aider au diagnostic si elle montre un aspect hétérogène avec un contenu liquidien dans le cas où le lymphangiome est kystique. Le traitement du lymphangiome est chirurgical. Histologiquement, il est constitué de plusieurs cavités kystiques confluentes bordées par une assise de cellules endothéliales, comblées par une sérosité éosinophile et quelques hématies.
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(suite) Dysplasie salivaire, hyperplasie muqueuse et angiome, et lymphangiome. L. Lymphangiome de surface de la langue. M, N. Lymphangiome lingual en poussée. O. Lymphangiome total de langue en poussée.
DYSPLASIES VASCULAIRES DE LA MUQUEUSE BUCCALE
P. Angiodysplasie veineuse buccale, péribuccale et faciale. Q. Angiome tubéreux nécrosé de la tubérosité maxillaire. R. Angiome tubéreux rétrocommissural. S. Angiome veineux de la langue.
Ces angiomes sont des taches allant du rouge au violet, aux limites irrégulières ; ils peuvent être isolés au niveau de la muqueuse buccale ; chez le nouveau-né, ils sont assez souvent en contiguïté avec un angiome plan cutané. La localisation muqueuse de l’angiomatose encéphalotrigéminée du syndrome de Sturge-Weber est un angiome situé au niveau gingival de l’arcade supérieure, unilatéral étendu à tout le vestibule et jusqu’au niveau de l’hémilèvre rouge et blanche homolatérale. Le diagnostic est évident du fait de l’angiome plan de l’hémiface. Un angiome capillaire peut être associé, en particulier au niveau du maxillaire supérieur. Ces angiomes muqueux peuvent être volatilisés au laser à CO2.
Les angiomes tubéreux profonds sont hypodermiques, forment une masse bleutée, recouverte de téguments normaux ; ces angiomes profonds sont rarement apparents à l’examen endobuccal, sauf quand ils sont situés au niveau jugal. Le plus fréquemment, il s’agit d’angiomes mixtes associant l’angiome tubéreux superficiel muqueux et l’angiome profond hypodermique, avec une déformation des tissus mous dans le territoire labial ou jugal. Ces angiomes, souvent de très petite taille à la naissance, peuvent augmenter de volume dans les 4 à 8 semaines postnatales, peuvent s’ulcérer et devenir hémorragiques. C’est alors que des traitements corticoïdes peuvent être nécessaires à fortes doses puis à doses dégressives, dès que la poussée évolutive est contrôlée. L’évolution spontanée de ces angiomes tubéreux se fait vers la régression totale avant l’âge de 10 ans, et cela même en cas de poussées évolutives précoces et impressionnantes. Par ailleurs, ces angiomes peuvent être uniloculaires ou au contraire être multiples au niveau céphalique, cervical et corporel ; c’est en particulier le cas des angiomes tubéreux mixtes buccaux et faciaux associés à un angiome tubéreux laryngé sus- ou sous-glottique. C’est dire qu’un examen complet est nécessaire avec fibroscopie pharyngolaryngée, même sans aucun élément dyspnéique clinique ; un examen tomodensitométrique céphalique et cérébral permet de mieux préciser l’extension en profondeur et de rechercher un angiome cérébral associé ; une prise en charge multidisciplinaire est nécessaire en milieu hospitalier.
¶ Angiomes tubéreux
¶ Angiome tubéreux immature
Ils peuvent être superficiels ou profonds. Les angiomes superficiels ont l’aspect d’une framboise ou d’une fraise, très peu hémorragiques en cas de traumatisme ; ils sont situés préférentiellement au niveau de la muqueuse labiale, linguale et jugale. Les angiomes tubéreux de la partie médiane de la lèvre supérieure sont plus fréquemment associés à un angiome tubéreux nasal réalisant l’angiome Cyrano. Ces angiomes sont immatures, ce qui explique leur possibilité évolutive dans les premiers mois après la naissance. Les formes orales constituent des formations violacées sur les muqueuses palatine, jugale ou labiale, pouvant se nécroser, laissant place à une ulcération profonde à cicatrisation lente.
C’est un hémangiome constitué de cavités vasculaires bordées par des cellules endothéliales et des éléments conjonctifs. Il est fréquent sur la muqueuse buccale et intéresse les lèvres, les joues, le palais, plus rarement la langue. Il évolue par poussées extensives, impressionnantes, en envahissant les parties molles du visage et la peau. Au cours de ces poussées, des nécroses tissulaires peuvent apparaître avec des saignements témoignant ainsi de son mode classique d’involution. Cette nécrose de l’angiome tubéreux intrabuccal, modalité involutive chez le nourrisson et l’enfant, réalise de vastes ulcérations de la face interne des joues, voire de la région commissurale ou du palais. Elles sont traînantes, douloureuses,
(fig 2P à S) Les angiomes de la cavité buccale sont fréquents à la naissance et se développent au cours de la première année. Localisés ou diffus, ils intéressent n’importe quelle région de la bouche. On en rencontre de tous les types dans la sphère orale : angiome tubéreux immature, angiome plan, malformations veineuses et muqueuses des espaces ptérygo-temporo-maxillaires à expression buccale. Une forme particulière est représentée par l’angiomatose encéphalotrigéminée de Sturge-Weber qui intéresse souvent les muqueuses palatine et gingivale supérieure.
¶ Angiomes plans capillaires de la muqueuse buccale
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A. Épulis à myéloplaxe de l’alvéole mandibulaire en regard de 31-41. B. Lipome du plancher buccal. C. Neurofibrome alvéolaire. D. Tumeur osseuse tubérositaire du syndrome de Gardner. E, F, G. Xeroderma pigmentosum avec carcinome de langue et carcinome de lèvre.
guérissant en quelques semaines ou quelques mois, gênant l’alimentation. Une grande partie de ces angiomes tubéreux ont blanchi avant l’âge de 10 ans. Le blanchiment involutif est attendu avant tout geste réparateur.
¶ Malformations veineuses ptérygo-temporomaxillaires à expression orale muqueuse et linguale Ce sont des dysplasies flasques des régions faciales et jugales, se remplissant lors des cris et de la toux et diminuant de volume par la pression et en position déclive. Leur diagnostic est facile en 6
* L H. Rhabdomyosarcome du plancher buccal. I. Histiocytose palatine. J. Angiofibrome mandibulaire à expression muqueuse. K. Fibrohyalinose orale. L. Hamartome lingual isolé.
tomodensitométrie. EIles s’expriment dans la cavité buccale, au niveau de la région buccinatrice et génienne et se rencontrent dans le syndrome de Maffucci, associées à des hypertrophies faciales. Elles sont accessibles à une thérapeutique sclérosante (Éthibloc). En quelques années apparaissent des phlébolithes témoignant de leur bas débit et pression. TUMEURS BÉNIGNES (fig 3)
¶ Épulis Ce sont des tumeurs développées aux dépens des tissus gingivaux.
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(suite) M. Hamartome diffus de langue du syndrome orodigitofacial avec langue fissurée médiane (type II). N. Hamartome lingual avec langue foliée d’un syndrome orodigitofacial (type I). O, P. Dyskératose linguale avec pachyonychie.
Épulis à cellules géantes ou épulis à myéloplaxes (fig 3A) Elle touche plus fréquemment le maxillaire supérieur que la mandibule et siège, en général, dans la région molaire ou prémolaire. C’est une tuméfaction de consistance molle, bien limitée, hyperplasique, de coloration violette ou légèrement bleutée. On retrouve souvent à son origine une cause locale qui semble jouer un rôle important dans sa survenue (dent lactéale mortifiée, péricoronarite d’éruption...). L’exérèse chirurgicale est facile. Son histologie est proche des épulis congénitales néonatales : présence de « cellules géantes ». Épulis fibreuse C’est un nodule dur, recouvert par une muqueuse ayant la même
Q, R. Maladie de Jadassohn-Lewandowsky. Kératose linguale, pachyonychie. S. Épidermolyse bulleuse. T. Chémodectome lingual à forme ulcérée chez l’enfant.
teinte que la muqueuse gingivale voisine, ou parfois hyperplasique. Elle est formée par un tissu fibreux avec parfois quelques reliquats d’un infiltrat inflammatoire chronique, avec une ossification métaplasique. La guérison après exérèse chirurgicale complète est la règle. Épulis vasculaire Toutes les transitions existent entre le bourgeon charnu, riche en néovaisseaux, jusqu’à celle dont le système de néovascularisation fait évoquer le botryomycome. De couleur rouge ou violacée, elle est formée de tissu conjonctif riche en lymphocytes et plasmocytes. 7
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Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
¶ Lipome et hypertrophie des boules de Bichat (fig 3B) (cf fig 7C) Le lipome est une tumeur rare de la cavité buccale de l’enfant. Il siège volontiers dans le plancher buccal sous l’aspect d’une petite formation jaunâtre à la face inférieure de la langue ou plus volontiers à la face interne de la joue séparée du plan muqueux par le muscle buccinateur. Une forme particulière d’hypertrophie lipomateuse est celle des boules de Bichat, qui existe chez les nourrissons sous l’aspect de deux formations volumétriquement importantes, devant les commissures intermaxillaires. Ces hypertrophies graisseuses des boules de Bichat sont banales.
¶ Tumeurs conjonctives : fibrome et fibromatose Fibrome (fig 3J) Cette tumeur conjonctive est la plus fréquente des tumeurs de la muqueuse jugale. Elle peut s’observer sur toute la muqueuse buccale, notamment sous forme d’« épulis » au niveau de la gencive. Le fibrome est généralement ferme, bien limité, pédiculé ou sessile. La muqueuse qui le recouvre est normale ou hyperkératosique. Histologiquement, le fibrome se traduit par une prolifération de fibres conjonctives et de collagène.
• Fibrome desmoïde des parties molles Il forme une masse sous-cutanée compacte, de consistance ferme, avec parfois un envahissement local. Cette tumeur est peu fréquente chez l’enfant. Le traitement est chirurgical et les récidives sont fréquentes, du fait de la mauvaise limitation de la lésion. Fibromatoses orales
• Fasciite nodulaire ou fibromatose pseudosarcomateuse Pathologie rare, c’est une prolifération fibroblastique, proche de la fibromatose infantile. Les nodules conjonctifs sont fermes et douloureux, d’apparition rapide dans la petite enfance et le plus souvent avant 15 ans, pouvant toucher l’ensemble des structures buccales : joue, région nasogénienne et parotidienne. Le traitement est chirurgical.
• Fibromatose infantile De début précoce, souvent avant l’âge de 1 an, cette prolifération cellulaire conjonctive dense infiltre rapidement les tissus de la face par un ou plusieurs nodules sous-cutanés. Elle est très récurrente. Le traitement est chirurgical, la récidive fréquente, et le pronostic incertain.
¶ Schwannome, névromes plexiformes et neurofibromes (fig 3C) Ces tumeurs d’origine nerveuse font partie du tableau de neurofibromatose, soit de type 1, soit de type 2. La forme 1 est une affection génétique autosomique dominante dont le gène a été localisé en 17Q11. Les manifestations les plus fréquentes sont les taches dyschromiques, taches « café au lait », les neurofibromes et les nodules de Lisch. La forme de type 2 se transmet sur un mode autosomique dominant. Le gène est localisé en 22Q12. Les manifestations les plus fréquentes sont réparties en schwannomes bilatéraux multiples des nerfs crâniens, généralement la huitième paire, méningiome, schwannomes sous-cutanés et neurofibromes et les manifestations oculaires à type d’opacité cristallinienne. Ces formations tumorales ont en commun d’être formées de cellules de type schwannien issues de la crête neurale, isolées ou en contingent associé le long des trajets nerveux maxillofaciaux. Le schwannome est une tumeur généralement isolée que l’on rencontre volontiers au niveau de la langue et sa découverte est anatomopathologique. 8
Stomatologie
Le névrome plexiforme est une tumeur du jeune enfant, constituée de très nombreux tronc nerveux parfois douloureux, associée parfois à une hypertrophie fibreuse osseuse et à des taches pigmentées du tégument du même territoire. Lorsque le bourgeon maxillaire est atteint, le syndrome de François est ainsi constitué, associant un névrome plexiforme avec hypertrophie de la paupière supérieure et une dysplasie osseuse de la région maxillomalaire. Dans le bourgeon mandibulaire, le volume du névrome plexiforme est parfois responsable de compression pharyngée. Ce dernier se développe entre 2 et 4 ans, associé à de volumineux schwannomes de surface de la langue ou à une hyperplasie des papilles fongiformes, à une dysplasie pigmentaire en tache « café au lait » des régions cervicales et géniennes, sous-maxillaires et auriculaires. La mandibule est déformée, constituée d’un os fibreux, hypertrophique avec anomalie de mise en place des dentures lactéales et adultes. Ces manifestations tumorales d’origine schwannienne se rencontrent comme manifestations de début de la maladie de Recklinghausen (forme 1), dont la forme isolée peut prendre l’aspect de l’hémihypertrophie faciale, avec hamartome rare mais classique, constaté dès la naissance, intéressant tous les tissus, os, muscles, système nerveux, ou mégalencéphalie. Plus rarement, la maladie de Recklinghausen se manifeste au niveau céphalique par une macrocéphalie avec agénésie uni- ou bilatérale de la grande aile du sphénoïde ou par un schwannome solitaire ou un neurofibrome d’un nerf crânien, ou du plexus cervical superficiel.
¶ Nævi pigmentaires de la bouche Ils sont uniques ou multiples et s’associent alors à d’autres nævi corporels.
¶ Progonome mélanotique. Tumeur neuroectodermique du nourrisson Le progonome mélanotique est une tumeur bénigne originaire de la crête neurale céphalique, développée dans les maxillaires ou la mandibule, s’extériorisant au niveau de la gencive ou du vestibule. Il apparaît en général durant le premier semestre. Il se présente comme une masse encapsulée, noirâtre et/ou brunâtre, qui déplace des germes dentaires et prend l’aspect d’une épulis. Il peut récidiver après exérèse. La structure histologique comporte des cellules neuroectodermiques, d’aspect épithélial, disposées en « travées », chargées de mélanine, provenant de la crête neurale et de petites cellules pseudolymphocytaires.
¶ Ostéome maxillomandibulaire et syndrome de Gardner (fig 3D) Les ostéomes de la mandibule sont associés à la polypose adénomateuse familiale, maladie héréditaire autosomique dominante liée à une mutation du gène ABC localisé sur le chromosome 5Q21 Q22. Les polypes rectocoliques sont très nombreux et sont susceptibles de dégénérer en cancer colorectal avant 40 ans. Des lipomes, des kystes épidermoïdes ou sébacés, des tumeurs desmoïdes sont encore retrouvés dans ce syndrome.
¶ Chémodectome lingual (fig 3T) C’est une tumeur rare, parfois ulcérée, de la cavité buccale, apparaissant vers 5 ans. TUMEURS ÉPITHÉLIALES MALIGNES (fig 3E à G)
Ce sont des tumeurs qui restent exceptionnelles chez l’enfant et chez l’adolescent. Les carcinomes sont souvent précédés par une lésion prénéoplasique, dysplasique. Elles s’installent sur une muqueuse après modifications préalables de l’épithélium (xeroderma pigmentosum, épidermolyse bulleuse, kératose...).
¶ Carcinome invasif du xeroderma pigmentosum
[4]
Le xeroderma pigmentosum est une génodermatose rare, conséquence d’un défaut génétique de l’acide désoxyribonucléique
Stomatologie
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
(ADN) à se réparer après une exposition aux ultraviolets. Huit gènes ont été identifiés dans les formes classiques. Après une période initiale de photosensibilité et d’atrophie, les manifestations de dégénérescence apparaissent et concernent le tégument facial, les lèvres et parfois la langue. C’est une maladie héréditaire à transmission autosomique récessive. La maladie débute en général avant 3 ans, déclenchée par les expositions solaires répétées. Sur un fond d’érythème, apparaissent des lésions maculaires pigmentées, brunes sur les zones découvertes, associées à des taches achromiques, voire télangiectasiques. C’est une poïkilodermie. La muqueuse des lèvres et de la langue devient rouge, atrophique, sur laquelle apparaissent des lésions carcinomateuses spinocellulaires. L’évolution est réservée. Elle se rapproche du syndrome de Blum, rare avant 10 ans chez l’enfant, se manifestant par un érythème télangiectasique du visage, une photosensibilité entraînant la formation des bulles ainsi qu’une chéilite. Cliniquement, ces tumeurs sont polymorphes : – végétantes ; – exophytiques, charnues, rouges ou surmontées de croûtes grisâtres ;
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constituées par des hyperplasies muqueuses palatines nécessitant une chimiothérapie. La multiplicité des formes impliquent, dans cette maladie à physiopathogénie non complètement comprise, des protocoles multicentriques dans la prise en charge.
Manifestations rares MUCOPOLYSACCHARIDOSE ET MUCOLIPIDOSE
[4]
Le groupe des mucopolysaccharidoses comporte actuellement sept maladies (types 1 à 7). Ce sont des maladies de surcharge lysosomiale dues à un déficit enzymatique spécifique pour chacun des types. Il n’y a pas d’anomalies spécifiques de la cavité buccale ou de la muqueuse, seule une dysmorphie faciale existe. Le groupe des mucolipidoses est constitué actuellement de quatre types de maladies lysosomiales rares de transmission autosomique récessive, dus à un déficit enzymatique spécifique. La surcharge en mucolipides est responsable d’une macroglossie, d’une hypertrophie gingivale avec morphologie faciale accentuée, hirsutisme, peau infiltrée, limitation articulaire, dysostose multiple et hépatomégalie.
– ulcérovégétantes ; – infiltrantes sous forme de nodules durs et mal limités. Histologiquement, il s’agit d’un carcinome de type épidermoïde. Comme chez l’adulte, le pronostic est conditionné par la topographie de la lésion, la manière dont la tumeur infiltre les tissus adjacents, l’atteinte ganglionnaire et les éventuelles métastases. La prévention est fondamentale (protection vis-à-vis des ultraviolets, dépistage, surveillance et traitement des lésions prénéoplasiques). Le traitement est d’abord chirurgical mais peut associer les autres thérapeutiques anticancéreuses (radiothérapie, chimiothérapie).
¶ Rhabdomyosarcome du nourrisson (fig 3H) C’est la plus fréquente des tumeurs malignes de l’enfant chez qui on distingue des formes embryonnaires, botryoïdes et alvéolaires. Il survient principalement chez le garçon où il se présente comme une tuméfaction mamelonnée ou massive. La muqueuse de recouvrement peut apparaître, soit normale, soit congestive. La localisation buccale est fréquente mais non exclusive ; elle s’accompagne souvent d’adénopathies cervicales. Histologiquement, c’est une prolifération de cellules fusiformes à différents degrés de différenciation avec ou sans striations intracytoplasmiques et prenant souvent l’aspect de cellules géantes. Son pronostic est très péjoratif, grevé par l’efflorescence des métastases (pulmonaires surtout). Le traitement est avant tout chirurgical avec chimiothérapie et radiothérapie.
¶ Fibrosarcome des parties molles Cette tumeur maligne, bien qu’exceptionnelle chez l’enfant, peut survenir au niveau de la muqueuse buccale. Les sièges sont alors divers : langue, gencive, palais. Cliniquement, il s’agit de nodules indolores, parfois simulant une épulis mal limitée et toujours fixés aux plans profonds. Cette lésion, au début recouverte d’une muqueuse saine, peut s’ulcérer ultérieurement. Histologiquement, il s’agit d’une prolifération fibroblastique formant des entrelacs de cellules fusiformes et chromophiles, aux noyaux parfois nombreux. Les plans voisins sont toujours envahis et il n’y a aucune limitation histologique. Le pronostic est très défavorable malgré les traitements chimiothérapiques actuels. Le dermatofibrosarcome de DarierFerrand et l’histiocytofibrome malin, qui peuvent aussi atteindre la muqueuse buccale, sont exceptionnels chez l’enfant.
¶ Histiocytose langerhansienne (fig 3I)
[4]
Il s’agit d’une maladie de l’enfant (mais aussi de l’adulte jeune) estimée, chez l’enfant, à 1 pour 200 000 par an. Maladie à spectre clinique large, de la localisation osseuse unique à la forme multiviscérale avec dysfonctionnement d’organes vitaux, sa prise en charge thérapeutique est controversée. Les formes locales orales sont
FIBROHYALINOSE ORALE (fig 3K) Maladie de surcharge d’origine génopathique, la fibrohyalinose est due à un déficit en hyaluronidase, enzyme de la matrice extracellulaire responsable d’une thésaurismose tissulaire de collagène infiltrant tous les tissus : gencives, lèvres, palais et l’ensemble de l’organisme. EXPRESSION ORALE DES KÉRATOSES ET DYSKÉRATOSES
¶ Maladie de Darier, dyskératose acantholytique (fig 3O, P) Il s’agit d’une génodermatose transmise sur le mode autosomique dominant due à la maturation anormale des kératinocytes. Cette affection apparaît chez l’adolescent et touche, sous l’aspect de formations papuleuses cornées, la région thoracique antérieure, la gouttière présternale et la région rétroauriculaire. La muqueuse est atteinte dans la moitié des cas. Ces lésions s’observent particulièrement sur la gencive, la langue et le palais. Elles montrent ainsi une tendance à se limiter aux zones kératinisées de la muqueuse. Elles se présentent sous la forme de petites papules assez plates, coalescentes, leucoplasiques.
¶ Dyskératose héréditaire intraépithéliale bénigne Elle apparaît dans l’enfance mais son plein développement se fait à l’adolescence. Elle se traduit par des plis ou des plaques blanchâtres, de taille variable, au niveau des commissures labiales, des joues, des lèvres, du plancher buccal et de la face ventrale de la langue. Sa transmission est de type autosomique dominant.
¶ Syndromes polykératosiques Poïkilodermies congénitales à dominante kératosique
• Syndrome de Zinsser-Engman-Cole ou dyskératose congénitale Cette affection récessive liée au sexe, à prédominance masculine, associe une atrophie cutanée réticulaire avec pigmentation, une dysplasie unguéale et une leucoplasie buccale. Les manifestations buccales consistent en la survenue, vers l’âge de 5 à 7 ans, de vésicules groupées en « bouquet » ou en « bulles ». Du fait de la macération dans la cavité buccale, elles se rompent précocement, laissant des ulcérations superficielles ; la muqueuse devient atrophique et la langue se dépapille. La muqueuse peut aussi s’épaissir, se fissurer et se recouvrir de plaques blanches qui lui donnent un aspect leucoplasique. L’examen anatomopathologique des lésions montre une hyperkératose orthokératosique non spécifique. 9
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
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• Acrokératose poïkilodermique bulleuse et héréditaire de Weau et Kindler C’est l’association d’une bullose néonatale, d’une poïkilodermie et d’acrokératoses avec une leucokératose buccale semblable à la dyskératose de Cole, mais plus rare. Sa transmission est autosomique dominante. Kératodermies palmoplantaires
• Pachyonychie congénitale ou maladie de Jadassohn-Lewandowsky (fig 3Q, R) Elle associe une kératodermie palmoplantaire avec hyperhidrose, une kératose folliculaire et une leucokératose buccale. Ce syndrome est de transmission autosomique dominante. La leucokératose buccale et la présence de dent dès la naissance constituent les premiers signes de l’affection avant l’apparition des lésions unguéales. La face dorsale de la langue prend un aspect blanc opaque qui s’étend vers les bords. L’atteinte de la muqueuse laryngée par kératose des cordes vocales génère une raucité de la voix. NÆVI NON NÆVOCELLULAIRES
¶ Nævus sébacé de Jadassohn (fig 6K) La lésion est généralement unique, intéressant le cuir chevelu et le visage. Elle se traduit par une plaque ovalaire allant de quelques millimètres à plusieurs centimètres, rose, jaune ou chamois, veloutée à la naissance puis rugueuse ou mamelonnée et même recouverte de formations papillomateuses. Elle est alopécique. Par extension, elle peut atteindre la lèvre supérieure et le palais. Histologiquement, elle se traduit par une hyperplasie épidermique et sébacée avec des follicules pileux dysplasiques. Elle peut se compliquer d’épithéliomas basocellulaires ou de tumeurs annexielles diverses, d’apparition souvent tardive à l’âge adulte.
¶ Syndrome de Solomon (fig 6K)
[5]
C’est l’association hétérogène de malformations d’hamartomes cutanés multiples (nævus sébacé) et de dysplasies neurologiques, oculaires, squelettiques et viscérales, en nombre et importance variables. Les malformations næviques sont généralement localisées à un hémicorps et peuvent toucher la muqueuse buccale. Il peut s’agir d’un : – nævus épidermique verruqueux ou inflammatoire ; – nævus sébacé de Jadassohn, le plus souvent céphalique. Le syndrome de Shimmelpenning associe encore un nævus sébacé complexe oral et cutané facial et du cuir chevelu de Jadassohn, des malformations céphaliques et parfois des tumeurs (néphroblastome ou améloblastome). ÉPIDERMOLYSE BULLEUSE (fig 3S) Les épidermolyses bulleuses constituent un groupe de maladies bulleuses au cours desquelles les érosions et les bulles se constituent, soit spontanément, soit à la suite de traumatisme minime. Il en existe plusieurs formes congénitales et héréditaires ainsi que des formes acquises pouvant survenir à l’âge adulte. Une vingtaine de formes d’épidermolyse bulleuse congénitale sont observées actuellement et classées en trois groupes selon un critère histologique faisant intervenir la zone de clivage de la jonction dermoépidermique : les formes intraépidermiques, jonctionnelles et dystrophiques.
– Dans les formes intraépidermiques, les anomalies moléculaires touchent la kératine de types 4 et 14. Ces muqueuses sont en général indemnes. – Les formes jonctionnelles sont à transmission autosomique récessive et présentes dès la naissance. Les bulles de la bouche sont hémorragiques. Ces formes sont létales. 10
Stomatologie
– Dans les formes dystrophiques, l’épidermolyse bulleuse est présente dès la naissance et génère des lésions cutanéomuqueuses profuses, dont la cicatrisation entraîne des synéchies et des rétractions cutanées et tendineuses. Le gène en cause est celui du collagène de type 7 porté par le chromosome 3. Les signes buccaux sont fréquents au cours de la forme dystrophique. La langue est le plus souvent grise, lisse et chez certains patients épaissie et déformée. La muqueuse jugale, les lèvres, les gencives et le palais sont atteints de bulles, de zones infiltrées, d’ecchymoses et de cicatrices rétractiles responsables d’une gêne à l’extension des lèvres. L’hygiène orale est déplorable, les polycaries fréquentes. SARCOÏDOSE DE LA MUQUEUSE BUCCALE : MALADIE DE BESNIER-BOECK-SCHAUMANN (fig 4A, B)
Les éléments sarcoïdosiques de la muqueuse buccale sont exceptionnels chez l’enfant. Ils surviennent, semble-t-il, au décours du traitement d’une pathologie tuberculeuse. Lorsqu’elle est atteinte, la muqueuse plus volontiers palatine présente des lésions folliculaires épithélioïdes caractéristiques, cernées le plus souvent par une nécrose pratiquement dépourvue de cellules géantes et de caséum. Il s’y associe parfois les mêmes lésions au niveau des glandes parotides qui apparaissent hypertrophiées (entrant dans le cadre d’un syndrome de Heerfordt). MALADIE DE URBACH-WIETHE (fig 4C, D) Il s’agit d’une maladie métabolique héréditaire autosomique récessive décrite en 1929. Elle touche la peau, les muqueuses conjonctivales et orales. Il s’agit d’une lipidoprotéinose, c’est-à-dire une thésaurismose constituée d’une substance déposée dans les tissus conjonctifs qui a les caractères histologiques de la substance hyaline. Ce dépôt est responsable de modifications particulières des tissu conjonctifs muqueux et sous-muqueux qui débutent très tôt au cours des premières semaines suivant la naissance. Il se caractérise par des lésions nodulaires kératosiques d’aspect blanc nacré. Il existe des éruptions bulleuses laissant des cicatrices déprimées. Au niveau oculaire, la maladie est responsable d’une blépharose monoliforme avec atteinte de la conjonctive avec un risque notable de glaucome. SYNDROME DE MELKERSSON-ROSENTHAL (fig 4E à G) Rare avant 10 ans, c’est l’association d’une paralysie faciale, d’une macrochéilie et d’une langue plicaturée. Son origine est inconnue. La langue élargie et épaissie a plutôt l’aspect de la glossite granulomateuse. La muqueuse est « pavée » et érythémateuse, divisée par des sillons profonds. L’histologie montre un granulome à cellules épithélioïdes, sans nécrose caséeuse avec amas lymphocytaires. DYSPLASIES ECTODERMIQUES
[4]
Dysplasie de Christ-Siemens-Touraine C’est une dysplasie ectodermique anhidrotique ou hypohidrotique transmise sur le mode récessif lié à l’X. Elle est due à l’absence totale ou partielle des glandes sudoripares. Le gène est localisé en XQ12 Q13. Les signes cliniques associent une absence ou une diminution de la sudation avec intolérance à la chaleur, des cheveux secs et clairsemés, une peau très fine, une dysmorphie faciale typique avec une atteinte ophtalmique, digestive et pulmonaire. Les agénésies dentaires touchent la formule lactéale et adulte. Les dents sont alors conoïdes. Syndrome de Clouston ou dysplasie ectodermique hidrotique Affection transmise sur le mode autosomique dominant, ses manifestations cliniques sont caractérisées par une atteinte unguéale, une alopécie, une kératodermie palmoplantaire fréquente et parfois un retard intellectuel. Dysplasie ectodermique hypohidrotique récessive Il s’agit d’une forme rare de dysplasie transmise sur le mode récessif autosomique. Les signes cliniques sont pour les deux sexes les mêmes que dans la forme touchant le garçon. Dans celle liée à l’X :
Stomatologie
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant 4
* A
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A, B. Sarcoïdose périorale et palatine.
* B C, D. Maladie d’Urbach-Wiethe.
* D * C
* G E, F, G. Syndrome de Melkersson-Rosenthal : langue fissurée scrotale et chéilite hypertrophique.
* F * E diminution ou absence de sudation, intolérance à la chaleur, cheveux secs clairsemés, peau très fine, agénésie totale ou partielle des dentures lactéales et adultes. INCONTINENTIA PIGMENTI
L’incontinentia pigmenti de Bloch-Sulzberger est une affection transmise sur le mode dominant lié à l’X seul. Le gène est localisé en XP11-21 ou en XQ28 (forme 1 ou 2). La transmission paraît létale pour le fœtus de sexe masculin. Les lésions consistent en atteintes cutanées linéaires en « éclaboussures » asymétriques, évoluant en trois phases : érythémateuse, papuleuse et hyperpigmentée. Les anomalies dentaires consistent en agénésie et malformations coronaires lactéales et adultes. NÆVOMATOSE BASOCELLULAIRE
[3]
Le syndrome de Gorlin est de transmission autosomique dominante. Les atteintes de la muqueuse buccale sont généralement inexistantes. Il se caractérise principalement par la présence de nævi basocellulaires cutanés, télangiectasiques ou pigmentés, de puits palmoplantaires et de kystes multiples des maxillaires de type épidermoïde. Les nævi sont surtout médiofaciaux et thoraciques ; ils peuvent dégénérer en épithéliomas basocellulaires. L’affection est autosomique dominante, le gène code pour le récepteur Patched.
SYNDROME LEOPARD
Ce syndrome associe des lentigines, des anomalies de la conduction cardiaque, un hypertélorisme, une sténose pulmonaire, des anomalies des organes génitaux, un retard de croissance et une surdité. L’expressivité du syndrome est variable au sein d’une famille. Il se transmet sur un mode autosomique dominant et évolue vers la constitution d’une cardiomyopathie. Les lentigines sont profuses, concernent les régions péribuccale, labiale et s’étendent concentriquement autour des orifices nasaux. SYNDROME DE WAARDENBURG-KLEIN
Il existe actuellement trois types de syndromes de Waardenburg caractérisés dans leur ensemble par des anomalies de la pigmentation (mèche de cheveux, cils, sourcils et pilosité blancs, hétérochromie irienne, iris bicolore), une surdité sensorielle, avec parfois une fente labiomaxillaire et des malformations cardiaques. Le type 1 est associé à une mutation du gène Pax 3. Il existe une dystopie des canthus des yeux. Le type 2 (2A, 2B) est lié ou non au locus 3B13, la dépigmentation est inhomogène. Il n’y a pas de dystopie des canthus. Comme dans la forme 1, il existe une surdité. Le type 3 associe comme les deux premiers, surdité, anomalie de la pigmentation. 11
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
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SYNDROME DE GOLTZ OU ATROPHIE DERMIQUE EN AIRES
Il associe des atrophies du derme facial et corporel, des anomalies dentaires de nombre, de taille et de forme adulte et lactéale ainsi que des colobomes iriens. MALADIE DE RENDU-OSLER
Il s’agit d’une affection autosomique dominante dont le gène est identifié ; elle se traduit par des télangiectasies mucocutanées et des épistaxis. MALADIE DE PAPILLON-LEFÈVRE
Il s’agit d’une hyperkératose à forme psoriasiforme des paumes et des plantes associée dès les 3 premières années à une gingivite intense avec alvéolyse et chute prématurée de la denture de lait. L’alvéolyse concerne également les dents adultes dont la chute est précoce et rapide. Ce syndrome s’accompagne de manifestations infectieuses, chroniques, cutanées. Il serait la conséquence d’un trouble du kératinocyte et de la phagocytose des polynucléaires. Les rétinoïdes prescrits dans cette affection semblent ralentir l’alvéolyse.
Stomatologie
Anomalies développementales et dysorganogenèse orale (fig 5) La bouche est un espace anatomique, délimité par la coalescence de bourgeons recouverts d’ectoderme embryonnaire internalisé. Des reliquats épithéliaux peuvent persister au niveau de ces zones de fusions. RELIQUATS EMBRYONNAIRES ORAUX
L’examen de la cavité buccale d’un nouveau-né objective parfois la présence de formations à caractère embryonnaire, conséquences de la stratégie si particulière du développement facial qui, pour certaines, disparaîtront au cours des premières semaines (kystes et perles), ou pour d’autres feront l’objet d’exérèse chirurgicale. KYSTES ET PERLES ÉPITHÉLIAUX, KYSTES NASOPALATINS ET FISSURAIRES, FENTES ORALES
Les kystes épithéliaux siègent sur les crêtes alvéolaires des maxillaires. Ce sont des petites formations de couleur jaune, équivalentes aux kystes épidermiques du visage (fig 5A).
* A
* B
* C 5
A. Kyste épidermique de la gencive. B. Nodule de Bohn de la région médiopalatine chez un nourrisson. C. Hyperplasie dermoïde de la langue. D. Fente médiane de la lèvre. E. Ankyloglossie congénitale de la langue. F. Reliquat embryonnaire médian strictement localisé à la région médiolinguale. G. Kyste de la papille palatine. H. Reliquat embryonnaire endobuccal rétrocommissural.
* D
* E
* F 12
* G
* H
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
Stomatologie
Les perles épithéliales d’Epstein ou nodules de Bohn sont des formations jaunâtres siégeant sur la ligne médiane du palais. Ces petits kystes nodulaires ont une taille de 1 à 3 mm et une consistance ferme. Ils ont un aspect miliaire et dessinent en quelque sorte la ligne fusionnelle médiopalatine. Ils disparaîtront en quelques semaines ou quelques mois, au gré de la succion qui en assure un décapage mécanique superficiel. Histologiquement, elles sont constituées de couches concentriques de kératine associées à des cellules épithéliales et inflammatoires (fig 5B). La ligne macrostomique, allant de la commissure des lèvres vers le canal de Sténon (fig 5H), la suture médiomaxillaire au niveau du frein de la lèvre supérieure (fig 5I), la ligne médiane de la langue sont (fig 5F) le siège de petits hamartomes multitissulaires, congénitaux. Ils sont constitués d’éléments fibreux conjonctivaux et vasculaires (fig 3L). L’ensemble de ces formations, qui nécessitent une exérèse chirurgicale, sont les équivalents muqueux de ce que l’on observe au niveau cutané facial, à savoir les petits fibrochondromes des zones fusionnelles entre les bourgeons nasoexternes, naso-internes, maxillaires et mandibulaires. Sans développer ce chapitre, les fentes orales sont la conséquence de la stratégie développementale si particulière de la cavité buccale : fusion de bourgeon et disparition de l’ectoderme de surface par apoptôse ou mort cellulaire. La défaillance de ces phénomènes est responsable de fente médiane de la lèvre (fig 5D), de fentes labiales et labiomaxillaires uni- ou bilatérales associées aux fentes palatines uni- ou bilatérales, de fente macrostomique (fig 5J) et de la lèvre inférieure (et concerne la région intermandibulaire chez le nourrisson et se continue par une bride médiane mentosternale avec reliquat kystique cervical) (fig 5D, J). FISTULES CONGÉNITALES DE LA LÈVRE INFÉRIEURE
Elles rentrent dans le cadre du syndrome de Van der Woude associant fistule muqueuse de la lèvre inférieure, fente uni- ou bilatérale labiomaxillaire, brides intermaxillaires, bride des membres supérieurs ou inférieurs, malformation des organes génitaux. La fistule de la lèvre inférieure est en fait une glande salivaire ectopique développée au niveau du versant muqueux de la lèvre et
5
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s’abouchant au niveau de la zone de Klein. Le syndrome de Van der Woude est autosomique dominant. Ces fistules sont à différencier de celles du philtrum et de la commissure des lèvres (fig 5M). MICROGLOSSIE ET MACROGLOSSIE DU NOURRISSON (fig 5K, L)
Le diagnostic positif d’une microglossie néonatale (encore appelée hypoglossie) est facile : il est porté devant une petite saillie médiane peu mobile dans le plancher buccal et correspondant à la langue réduite volumétriquement. Dans certains cas, la réduction volumétrique est extrême : c’est l’aglossie. La mandibule est alors petite, le palais étroit transversalement, et profond verticalement. La gêne à la succion-déglutition est importante. Les troubles respiratoires sont graves, voire d’emblée gravissimes par fausses routes. Le diagnostic différentiel va discuter les formes graves du syndrome de Robin (les formes III) au cours desquelles la langue, bien que présente, n’est pas visible car intrapharyngienne. Le diagnostic étiologique est dominé par les syndromes polymalformatifs. Bien qu’une microglossie puisse être isolée, elle fait partie le plus souvent d’un contexte polymalformatif néonatal pouvant faire l’objet d’un conseil génétique.
¶ Syndrome hypoglossie-péromélie d’Hanhart et syndrome de Moebius Dans le syndrome d’Hanhart, l’hypoglossie s’associe à des malformations des membres : adactylie, agénésie plus ou moins importante des pieds et/ou des mains, ou de segments de membre. L’agénésie du voile du palais, l’ankylose temporomandibulaire et les malformations vertébrales sont diversement associées. Le syndrome de Moebius est une diplégie faciale nucléaire congénitale des VI e et VII e paires crâniennes, responsable de l’inexpressivité du visage (amimique) et d’un strabisme interne bilatéral. L’hypoglossie est modérée. Les déficits hypophysaires en hormone de croissance devront être recherchés. Un trismus de signification péjorative est parfois associé. Attitude thérapeutique devant une microglossie néonatale Le nouveau-né atteint de microglossie ou d’aglossie présente une gêne importante à la succion-déglutition. Le gavage, afin de lui fournir un apport calorique suffisant, est nécessaire jusqu’au passage
* I
J *
* K
* L
* M
* N
(suite) I. Reliquat embryonnaire médian du frein de la lèvre supérieure. J. Fente macrostomique. K. Hémihypertrophie de langue.
L. Macroglossie dans le cadre du syndrome de Wiedemann-Beckwith. M. Fistule muqueuse de la lèvre inférieure du syndrome de Van der Woude. N. Hypertrophie congénitale des gencives. 13
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Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
prudent à la praxie orale à la cuillère vers le sixième mois, en sachant que les risques de fausse route sont fréquents. Certaines formes d’aglossie s’accompagnent de troubles respiratoires centraux par immaturité du tronc cérébral (comme on en rencontre dans le syndrome de Pierre Robin de type III). L’assistance ventilatoire s’avère alors nécessaire.
¶ Macroglossie néonatale Le diagnostic positif d’une macroglossie ou d’une hypertrophie uniou bilatérale de la langue est attesté dès la naissance devant la protrusion permanente de celle-ci hors de la cavité buccale. L’hypertrophie de la langue est encore démontrée par la protraction douce et manuelle de celle-ci qui permet de mettre en évidence sa longueur parfois impressionnante. L’inadéquation du volume de la langue et de la cavité buccale est totale et le nourrisson, lors de l’éveil, est contraint d’accentuer la protraction de sa langue pour assurer la vacuité du pharynx afin d’éviter les pauses ventilatoires obstructives. Lors du sommeil, et a fortiori lors du sommeil paradoxal, des pauses obstructives avec hypoxie et hypercapnie sont objectivées par les enregistrements polygraphiques du sommeil et les études gazométriques sanguines. La succion et la déglutition sont malgré tout possibles s’il n’existe pas d’anomalie de la commande neurologique du tronc cérébral. Chez l’enfant, la croissance volumétrique de cette macroglossie se fait à la même vitesse que le reste de l’organisme et son volume n’a pas la tendance spontanée à regresser comme il est dit très souvent. En âge scolaire, l’enfant fait des efforts pour maintenir sa langue en position intrabuccale, ce qui réalise une redondance des joues. La gêne de l’articulation phonologique est importante rendant ces enfants pratiquement inaudibles malgré leurs efforts. La macroglossie est encore responsable d’une déformation des maxillaires à type de béance. Diagnostic différentiel Il fait discuter : – les grosses langues tumorales néonatales : – lymphangiomes congénitaux et leurs poussées inflammatoires ; – myoblastomes et exceptionnelles tumeurs malignes de la langue ; – angiodysplasies intralinguales congénitales ; – kystes dermoïdes et tératomes linguaux ; – les hypotonies de la langue dans le cadre des hypotonies orofaciales et générales. La langue est alors de volume normal mais paraît protruse en raison de l’hypotonie buccofaciale. Cette situation est rencontrée chez certains enfants myopathes, dysautonomiques, trisomiques, hypothyroïdiens et lors des séquelles neurologiques de fœtopathies ou de souffrance néonatale. Diagnostic étiologique des macroglossies néonatales Si une macroglossie est isolée dans un tiers des observations (fig 5K, L), celle-ci entre dans un contexte clinique évocateur dans deux tiers des cas, c’est-à-dire dans : – le syndrome de Wiedemann-Beckwith : uni- ou bilatérale, la macroglossie souvent impressionnante constitue le symptôme d’appel immédiatement visible en période néonatale. Elle s’associe à l’omphalocèle, la mégasplanchnie et l’hypoglycémie. L’étude du caryotype s’avère nécessaire. L’anomalie chromosomique décrite dans ce syndrome est 11 pter p15 (fig 5L) [1] ; – les formes hypertrophiques de la neurofibromatose de Recklinghausen, où la macroglossie, plus souvent unilatérale, s’associe à une hypertrophie des papilles linguales, hémifaciale ou hémicorporelle. Thérapeutique des macroglossies La macroglossie du syndrome de Wiedemann-Beckwith est responsable d’une gêne de la succion-déglutition. L’alimentation 14
Stomatologie
peut être administrée au biberon mais prudemment. Le gavage transitoire est parfois nécessaire. L’importance des pauses obstructives avec hypoxie et hypercapnie peut faire discuter l’indication de la trachéotomie. La glossectomie antérieure est réalisée vers 18 mois, âge charnière puisque débute l’éclosion du langage et que la succion n’est plus une nécessité absolue car relayée par la praxie orale à la cuillère, en général bien au point. FREINS DE LANGUE ET DE LÈVRES (fig 5E)
Frein de langue et ankyloglossie : la langue présente naturellement une petite formation appelée « filet », tendu de sa face inférieure au rempart mandibulaire. La formation ne nécessite aucune action thérapeutique. Il en est ainsi du filet ou frein pellucide, formation transparente, qui disparaît au gré de la succion. Parfois, le frein est un véritable « harnais » bridant l’apex de la langue par une réelle formation ankyloglossante. Ces formes nécessitent un traitement par plastie en Z ou VY sous anesthésie générale. Les freins des lèvres sont des formations mucoconjonctives de consistance molle ou ferme, contenant un trousseau fibreux important. Ils relient la muqueuse gingivale de la future arcade dentaire à la muqueuse labiale. Ils réalisent, parfois, en raison des phénomènes de rétraction, un aspect de pseudofente labiale ou alvéolaire. Le frein labial supérieur qui, chez le nouveau-né, passe sur la région où se développera la crête alvéolaire pour s’insérer au niveau de la papille palatine, subit pendant l’enfance un enfouissement progressif, son contenu conjonctif se continue avec la suture interprémaxillaire ; de ce fait, à partir de 7 ans, le frein labial supérieur s’insère au niveau de la moitié supérieure du versant alvéolaire vestibulaire. La mise en place des incisives centrales n’est jamais gênée par ce frein qui maintient alors un diastème. Le traitement chirurgical n’est réalisé qu’en cas d’indication rare orthodontique et orthophonique lors de la croissance dentofaciale. Aux freins normaux, qui sont situés sur la ligne médiane, peuvent s’ajouter des freins surnuméraires latéraux. Ces freins surnuméraires peuvent être isolés ou associés à d’autres anomalies buccales (fissures linguales, fente vélaire), ainsi qu’à des anomalies des extrémités, réalisant un syndrome orodigitofacial (syndrome de Papillon-Léage forme I, syndrome de Mohr forme II). Il en existe huit formes actuellement. HAMARTOME ET HAMARTOMATOSE DES SYNDROMES ORODIGITOFACIAUX (fig 3L, 5C)
L’hamartome isolé de la langue est constitué d’une prolifération inflammatoire sans caractère histologique de malignité revêtant un type myofibroblastique avec parfois une composante angiomateuse. Il fait discuter le diagnostic de myofibromatose nodulaire dans sa forme fibreuse ; il revêt un caractère musculaire. L’hamartomatose (ou hamartomes multiples) au niveau de la langue évolue dans les syndromes orodigitofaciaux (le type I de Papillon-Léage et Psaume avec frein surnuméraire, brides et langue malformée, voire foliée, et le syndrome orodigitofacial de type II ou syndrome de Mohr avec malformations des pouces). HYPERPLASIE GINGIVALE CONGÉNITALE (fig 5N)
Découverte en période postnatale, elle est aussi appelée éléphantiasis gingival ; sa transmission héréditaire est de type autosomique dominant. L’hyperplasie gingivale prédomine habituellement au maxillaire. Les faces vestibulaires et buccales des dents sont en général complètement recouvertes par la gencive épaissie, de consistance variable, souvent élastique, et de coloration rose ou rouge. Les enfants atteints présentent souvent une hypertrichose d’importance variable. Elle peut aussi être associée à une hypopigmentation.
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
Stomatologie
Lésions prédictives orales du nouveau-né, du nourrisson et de l’enfant (fig 6)
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maxillaire et palatine, voire labiale. La muqueuse buccale est rouge vineuse. La muqueuse gingivale présente une hyperplasie vasculaire avec augmentation de son volume.
[2]
MALADIE DE RECKLINGHAUSEN OU NEUROFIBROMATOSE (fig 6A à C)
C’est une neurocristopathie concernant les dérivés nerveux et pigmentaires corporels. Cette génopathie de pronostic réservé est exceptionnelle dans sa forme complète avant 10 ans. Deux formes 1 et 2 ont été décrites (1 : Recklinghausen, 2 avec neurinomes de l’acoustique). Les signes de début dans la petite enfance sont constitués par les névromes plexiformes du massif facial touchant le bourgeon mandibulaire ou le bourgeon maxillaire, des neurofibromes de la langue, des gencives ou des muqueuses avec déformation du squelette facial, voire une hypertrophie ou une mégalencéphalie. Les lésions cutanées pigmentées dites taches « café au lait » concernent les régions latérofaciales et cervicales. L’hypertrophie unilatérale des papilles de langue est un signe prédictif au même titre que les schwannomes et les taches café au lait. LENTIGINOSES
¶ Syndrome de Peutz-Touraine-Jeghers (Gorlin)
NÆVUS FUSCO-CÆRULEUS OPHTALMO-MAXILLARIS D’OTA (fig 6I, J)
Il s’agit d’une neurocristopathie pigmentaire due à un trouble de migration de la crête neurale du même territoire que la dysplasie vasculaire de Sturge-Weber-Krabbe avec laquelle elle est parfois associée. Le nævus concerne la méninge du télencéphale, de la sclérotique, de la choroïde et de la totalité du tégument frontal, palpébral et maxillaire supérieur. MACROGLOSSIE DU SYNDROME DE WIEDEMANN ET BECKWITH (fig 5K, L)
La macroglossie est le symptôme le plus constant du syndrome découvert à la naissance associé à une omphalocèle, une hypoglycémie, puis à une accélération du processus de croissance. Le néphroblastome est à dépister par une échographie annuelle. Le syndrome est associé à une anomalie génétique 11 Pter P15.
Diagnostic différentiel
(fig 6D, E)
Kystes péricoronaires prééruptifs néonatals (fig 7D)
Ce syndrome associe une lentiginose cutanéomuqueuse en « nappe » et une polypose intestinale. Son mode de transmission est autosomique dominant. Chez l’enfant à partir de 3 ans, on observe des macules brunes ou brun-noir de la peau, à topographie labiale, péribuccale, périnasale. Cette pigmentation maculeuse apparaît chez le nourrisson pour s’estomper vers la puberté. Les lentigines sont bien visibles sur la lèvre inférieure et sur la muqueuse buccale, à la face interne des joues. La pigmentation est due à l’accumulation de mélanine dans l’épithélium et le chorion.
Ce sont des formations fermes, saillantes sur la crête alvéolaire des maxillaires ou de la mandibule, qui peuvent siéger n’importe où sur cette crête ; l’incision de la formation kystique laisse apparaître souvent une dent incomplète.
¶ Syndrome Leopard Il associe une profusion de lentigines orofaciales et une cardiomyopathie progressive. NEUROMES MYÉLINIQUES DE L’APUDOMATOSE IIB (fig 6F)
Les neuromes myéliniques sont de petites formations schwanniennes siégeant au niveau de la région apicale de la langue et sur les lèvres. Ils correspondent à une hypertrophie des réseaux nerveux sous-muqueux. Ils constituent une entité propre, bien qu’ils puissent être considérés comme faisant partie de la maladie de Recklinghausen. Découverts chez le jeune enfant, ils prédisent une apudomatose II B associant des phéochromocytomes bilatéraux avec sécrétions élevées de catécholamine, et un carcinome à cellules C de la thyroïde. Le visage des enfants est particulier : les lèvres sont épaisses et la hauteur du massif facial est importante. Il s’y associe parfois des agénésies des ganglions spinaux responsables d’atrophie des loges musculaires des membres. Un mégacôlon est encore retrouvé, correspondant à une hyperplasie des plexus myentériques de la paroi colique. ANGIOME PLAN DE LA MALADIE DE STURGE-WEBER-KRABBE (fig 6G, H)
L’angiomatose encéphalotrigéminée ou maladie de Sturge-WeberKrabbe est une neurocristopathie céphalique, due à une anomalie de migration de la crête neurale dans le bourgeon frontal et responsable d’un angiome veineux leptoméningé du cortex cérébral, lui-même présentant des microcalcifications, un angiome de la sclérotique et de la choroïde de l’œil homolatéral associé à un angiome plan cutané facial volontiers sus-orbitaire et parfois sousorbitaire. L’angiome cutané facial concerne également la région
Verrues Ce sont des proliférations épithéliales d’origine virale (fig 7B). Ces lésions peuvent siéger au niveau des lèvres ou dans la cavité buccale chez les enfants porteurs de verrues des doigts. Cliniquement, les verrues se présentent comme de petites élevures muqueuses, uniques ou multiples, au-dessus de la muqueuse ; proches du papillome, on peut facilement les confondre avec lui. L’image histologique est caractéristique. L’épithélium de revêtement est épaissi et forme une masse constituée de lobules piriformes ; les cellules malpighiennes constituant les lobules sont le siège d’une dyskératose. Le traitement est la cryothérapie ou l’électrochirurgie. Parulies Ce sont des formations pseudotumorales de la gencive, conséquence d’abcès chroniques apicaux dentaires ou parodontaux fistulisés. Formes hypertrophiques des gingivostomatites Certaines gingivostomatites chroniques bactériennes chez l’enfant avec leucopénie chronique ou à hygiène buccodentaire défectueuse avec polycaries s’accompagnent de prolifération gingivale pouvant prendre l’aspect de granulome pyogénique. Botryomycomes Le botryomycome est une formation conjonctivovasculaire réactionnelle chronique d’origine infectieuse, se développant à la commissure des lèvres, ou sur les lèvres. Dystrophies muqueuses, linguales et jugales des intolérances congénitales au gluten (fig 7A) Elles réalisent des plages de langue dépapillée, inflammatoire, douloureuse, pouvant faire discuter le diagnostic de dyskératose. Diapneusies Ce sont des formations muqueuses jugales ou labiales correspondant, soit en période succionnelle, soit plus tard chez 15
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
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* A
* B
Stomatologie
* C
* D * E
* F
* H 6
* G
A, B. Neurofibrome de langue et hypertrophie de la tubérosité du maxillaire chez un enfant présentant une maladie de Recklinghausen. C. Hémihypertrophie de langue et de ses papilles chez un enfant atteint de maladie de Recklinghausen. D. Lentiginose labiale inférieure du syndrome de Peutz-Jeghers. E. Lentigine linguale. F. Neurome myélinique de la région apicale de langue et de la lèvre inférieure dans le cadre d’une apudomatose IIB. G, H. Maladie de Sturge-Weber-Krabbe. Manifestations faciales chez le nourrisson et maxillaires chez l’enfant. Noter l’importance de l’angiome veineux, muqueux, maxillaire, strictement localisé à la moitié de la lèvre supérieure. I, J. Nævus d’Ota facial choroïdien et de la muqueuse buccale. K. Nævus sébacé de Jadassohn.
* I
* K J *
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Stomatologie
Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de l’enfant
l’enfant, à un tic de succion aspirant la muqueuse dans un espace par exemple édenté. Point n’est besoin d’en réaliser l’exérèse : le traitement consiste à combler l’espace anatomique, sinon elle récidive après exérèse.
Langue géographique (fig 7E)
Grains de Fordyce
Pigmentation ethnique de la langue (fig 7F)
Ce sont des métaplasies sébacées des glandes salivaires accessoires de la cavité buccale. Ils réalisent des formations jaunâtres sous la muqueuse, constituées de petits grains, finement foliés.
* A
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Il s’agit d’une dysplasie bénigne de la muqueuse linguale, de caractère bénin.
Avec la collaboration documentaliste de S Charbonneaux.
* B
* C
* E 7
* D
A. Manifestation linguale de l’intolérance au gluten. B. Verrues buccales. C. Hypertrophie des boules graisseuses de Bichat. D. Kyste prééruptif dentaire. E. Langue « géographique » sans signification pathologique particulière. F. Pigmentation linguale ethnique.
* F
Références [1] Beckwith JB. Macroglossia, omphalocele, advenal cytomegaly, gigantism and hyperplasie visceromegaly. Birth Defects 1969 ; 5 : 188-196 [2] Gorlin R, Sedano HO. The multiple nevoide basal cell carcinoma syndrome revisited. Birth Defects 1971 ; 7 : 140-148
[3] Gorlin RJ, Cohen MM Jr, Levin LS. Syndromes of the head and neck. Oxford monographs on medical genetics, 1990 ; n° 13 [4] Orphanet. Annuaire des maladies rares. Paris : Inserm, 1999
[5] Solomon LM, Esterly NB. Epidermal and other congenital organord nevi. Curr Probl Paediatr 1975 ; 6 : 3-56
17
¶ 22-051-A-05
Malformations rares et orphelines de la face L. Benouaiche, G. Couly Les malformations faciales humaines se manifestent par un exceptionnel polymorphisme clinique. Si nombre d’entre elles sont bien connues car fréquentes et font l’objet de recherche moléculaire et génétique, certains accidents morphologiques sont au contraire très rares. Si leur déterminisme moléculaire n’est pas totalement élucidé, la stratégie de développement est aujourd’hui globalement appréciée, notamment grâce aux données embryologiques concernant la crête neurale céphalique. Certaines malformations très rares sont historiques ; d’autres sont rarissimes et ne font l’objet d’aucune étude statistique ; certaines sont même encore inconnues. Parmi les malformations inconnues, nous exposons en particulier l’hypertrophie dysplasique hypercontractile du muscle peaucier facial ; une observation de duplication du bourgeon maxillaire et de ses composants squelettiques et muqueux, ainsi qu’une synostose complexe de l’hémimandibule avec le massif facial associée à des malformations. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Malformation faciale rare ; Génétique ; Développement facial ; Crête neurale ; Platysma ; Synostose faciale ; Duplication maxillaire ; Syndrome de Setleis
Plan ¶ Introduction
1
¶ Aspect topographique des malformations de la face
1
¶ Malformations rares cutanées Syndrome de Setleis ou syndrome des forceps Syndrome de Klein-Waardenburg
3 3 4
¶ Malformations rares du peaucier musculaire facial Dysplasie hypertrophiante hypercontractile rare congénitale du muscle peaucier facial ou platysma « Cayler syndrome » ou syndrome cardiofacial
4 4 5
¶ Malformations rares du squelette facial Bourgeons maxillaire et mandibulaire Malformations rares du bourgeon nasofrontal
5 5 6
¶ Malformations rares de la bouche Fente médiane de la lèvre supérieure Fente labionarinaire excédentaire : fibrochondrome de la crête philtrale Fente macrostomique rare Fente médiane du menton
9 9 9 9 10
¶ Structure complète non faciale dans la face : formation digitale jugale
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¶ Conclusion
10
■ Introduction Les malformations faciales humaines se manifestent par un exceptionnel polymorphisme clinique [1]. La connaissance du développement embryonnaire permet la plupart du temps de regrouper topographiquement les anomalies observées, de rapporter ces anomalies à un bourgeon constitutif du visage, et de rendre compte de leurs variations quantitatives et qualitatives au sein de chaque catégorie. Les progrès réalisés en biologie moléculaire et en génétique du Stomatologie
développement permettent aujourd’hui de connaître la genèse du tableau malformatif et contribuent au dépistage anténatal. Il existe cependant des malformations faciales rarissimes impossibles à regrouper avec les précédentes. Certaines sont historiques et font l’objet d’interruption médicale de grossesse (IMG) lorsqu’elles sont dépistées à l’échographie anténatale ; d’autres sont inconnues. Si leur déterminisme moléculaire n’est pas totalement élucidé, la stratégie de développement est aujourd’hui globalement appréciée. Nous rapportons ici certaines de ces observations que nous avons classées, d’une part selon le tissu concerné (cutané, musculaire, squelettique) ; d’autre part, selon le bourgeon facial où siège la malformation.
■ Aspect topographique des malformations de la face Le développement de la tête des vertébrés est un processus complexe impliquant les cellules de la crête neurale (CCN) et les dérivés des trois feuillets embryonnaires : l’endoderme antérieur forme le pharynx et les poches pharyngiennes ; le mésoderme para-axial et somitique fournit l’endothélium des vaisseaux, les muscles striés squelettiques et de la langue, ainsi que certains os de la capsule otique et optique. L’ectoderme fournit la plaque neurale à l’origine du tube neural précurseur du système nerveux central, progressivement segmenté au niveau céphalique en prosencéphale (télédiencéphale), mésencéphale et rhombencéphale. Depuis les bourrelets droit et gauche de la plaque neurale émergent puis migrent les cellules de la crête neurale. Les bourgeons faciaux proviennent principalement de la prolifération de ces cellules. Elles s’y différencient en de nombreux dérivés : squelette ostéocartilagineux, sclérotique, choroïde et segment antérieur de l’œil, derme facial, paroi musculaire des vaisseaux, odontoblastes, tendons conjonctifs et musculaires (Tableau 1) [2]. L’intégrité de la genèse de la face dépend de la bonne confluence et fusion des différents primordias qui la constituent
1
22-051-A-05 ¶ Malformations rares et orphelines de la face
Tableau 1. Dérivés de la crête neurale au niveau céphalique. Dérivés mésectodermiques céphaliques
• Squelette facial (os, cartilage) • Odontoblastes (dents) • Paroi arcs aortiques (IIIe, IVe, VIe) • Derme, face et cou, muscle horripilateur • Conjonctif
Thymus Parathyroïdes Thyroïde
• Squelette viscéral
Glandes
Salivaires Lacrymales Hypophyse
• Participation musculature faciale • Sclérotique, muscles ciliaires, choroïde Cellules nerveuses
Ganglions rachidiens
- Neuroblastes bipolaires (somatosensibles)
Ganglions des nerfs crâniens (V, VII, X, XI)
- Neuroblastes multipolaires Cellules des ganglions du système nerveux autonome • à phénotype cholinergique (parasympathique bulbaire) • à phénotype adrénergique (sympathique) Cellules de soutien
• de Schwann • des méninges (pie-mère, arachnoïde), prosencéphaliques • satellites
Cellules pigmentaires Cellules endocriniennes (phénotypes peptidiques) et paraendocriniennes
• Cellules C à calcitonine (thyroïde) • cellules I et II du corps carotidien • glande médullosurrénale et paraganglionnaire
Figure 1. A. Schéma de l’extrémité céphalique de l’embryon humain au début du 2e mois. Ce schéma objective les coulées cellulaires de la crête neurale qui migrent des régions prosencéphaliques et rhombencéphaliques vers la face inférieure du tube neural afin d’assurer sous l’épiblaste de couverture le début du bourgeonnement de la face. BM : bourgeon maxillaire. 1. Cellules des crêtes neurales céphaliques ; 2. bourgeon nasofrontal ; 3. placode olfactive ; 4. premier arc ; 5. deuxième arc ; 6. troisième arc ; 7. quatrième arc ; 8. cœur ; 9. cellules neurales rhombencéphaliques postérieures ; 10. placode otique ; 11. placode optique ; 12. cellules neurales rhombencéphaliques antérieures ; 13. cellules neurales mésencéphaliques ; 14. cellules neurales prosencéphaliques. B. Face d’un embryon humain de 40 jours. 1. Bourgeon nasofrontal interne ; 2. bourgeon nasal externe ; 3. narines ; 4. bourgeon maxillaire ; 5. bourgeon mandibulaire ; 6. stomadeum ; 7. cupule optique.
entre la 7e et la 8e semaine (Fig. 1A, B). Il existe cinq bourgeons faciaux primitifs : le bourgeon nasofrontal, deux bourgeons maxillaires (droit et gauche), deux bourgeons mandibulaires (droit et gauche). Cette confluence requiert d’une part des bourgeons de volume suffisant pour se rencontrer, ce qui dépend de la prolifération des cellules de la crête neurale qui constituent son mésenchyme ; d’autre part, elle dépend de la compétence des cellules de la crête neurale et de l’ectoderme
2
de surface pour produire et assurer les processus de mort cellulaire conduisant au collage de surface. On obtient ainsi la fermeture des fentes superficielles qui séparent les bourgeons faciaux et le cloisonnement des fosses nasales et de la cavité buccale. Les cellules de la crête neurale céphalique sont en particulier à l’origine du squelette de chaque bourgeon facial : chondroethmoïde, os prémaxillaire et palais osseux dans le bourgeon Stomatologie
Malformations rares et orphelines de la face ¶ 22-051-A-05
Crête neurale prosencéphalique
Télencéphale
Diencéphale Crête neurale mésencéphalique
Mésencéphale
Cervelet Crête neurale rhombencéphalique
Thymus Parathyroïdes Cellules à calcitonine Arcs aortiques
Figure 2. faciaux.
Métencéphale
Myélencéphale
Correspondance entre territoires cérébraux et territoires
nasofrontal ; postmaxillaire et palais secondaire dans le bourgeon maxillaire ; mandibule dans le bourgeon mandibulaire ou premier arc branchial [3]. Il existe une unité développementale faisant correspondre les cellules de la crête neurale avec le segment neural dont elles sont issues [4]. Au niveau facial, les pathologies des dérivés de la crête neurale au sein d’un bourgeon facial peuvent s’associer à des pathologies du tube neural de même niveau, on parle alors de dysneurulation (Fig. 2). Les malformations du bourgeon nasofrontal font ainsi rechercher une malformation des structures dérivées du prosencéphale (c’est-à-dire, les hémisphères cérébraux et le diencéphale). Les malformations du bourgeon maxillaire sont en correspondance avec le mésencéphale et les tubercules quadrijumeaux ; celles du bourgeon mandibulaire avec le tronc cérébral antérieur, le pont de Varole et le cervelet. Chaque étape du développement de la crête neurale peut être affectée : sa formation au niveau des bourrelets du tube neural, la migration des cellules qui en sont issues, son devenir, sa prolifération, sa survie. De plus, il a été récemment démontré que les cellules de la crête neurale les plus antérieures sont indispensables au développement du prosencéphale, notamment grâce au signal fibroblast growth factor (FGF 8) [5]. En définitive, devant toute malformation faciale, il convient d’une part de déterminer sa topographie, c’est-à-dire le bourgeon originel et le tissu affecté ; d’autre part de chercher la malformation cérébrale ou nerveuse parfois associée. Les observations que nous présentons, bien que rares, répondent à cette logique développementale et dysmorphologique de la tête humaine.
■ Malformations rares cutanées Syndrome de Setleis ou syndrome des forceps L’observation suivante illustre cette pathologie rarissime. Un nouveau-né à terme de sexe masculin, troisième geste, troisième pare, est né par voie basse sans instrumentation avec une circulaire du cordon emprisonnant les poignets, lui plaquant les mains contre la tête. Après libération de l’emprise cordonale, un « délabrement cutané » au niveau des tempes Stomatologie
Figure 3. A, B. Syndrome de Setleis.
ressemblant à des brûlures du deuxième degré a été observé, justifiant des soins locaux. La cicatrisation de ces lésions a été difficile. Le nouveau-né présentait d’autres anomalies morphologiques sans prise en charge diagnostique initiale. Les échographies anténatales étaient sans particularité. La famille nous a consulté lorsque l’enfant avait l’âge de 4 ans pour la prise en charge des cicatrices cutanées temporales. L’examen dysmorphologique a noté l’aspect ridé de la peau des paupières inférieures, l’absence de la queue des sourcils, des cils fins, très longs et peu nombreux. Le nez est plat avec une pointe arrondie. Les pavillons d’oreilles sont dysmorphiques (Fig. 3A, B). L’ensemble de ces anomalies morphologiques contribue à lui donner un aspect léonin. En fait, la dysplasie cutanée localisée au niveau des tempes fait évoquer le syndrome de Setleis, ou « syndrome des forceps ». En effet, elle peut être à tort interprétée comme la conséquence d’une utilisation traumatique des forceps. Dans cette observation, elle avait été injustement interprétée comme la conséquence de la position anormale des bras du nouveau-né. En fait, les signes dysmorphologiques associés permettent d’orienter l’origine vers une pathologie malformative. Des anomalies des sourcils, des cils, des paupières fripées sont souvent associées, les anomalies du pavillon de l’oreille sont plus rares. L’intelligence est normale. La plupart des cas de syndrome de Setleis sont de transmission autosomique récessive, ils restent extrêmement rares. Cet enfant a déjà bénéficié d’une intervention chirurgicale d’excision des lésions cutanées avec un résultat acceptable. La cicatrisation a été normale. L’examen anatomopathologique de la région dysplasique objective l’existence d’un tissu fibreux d’allure cicatricielle. Une chirurgie réparatrice des paupières est prévue prochainement.
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22-051-A-05 ¶ Malformations rares et orphelines de la face
Figure 4. Syndrome de Klein-Waardenburg.
Syndrome de Klein-Waardenburg [1] Ce nourrisson de sexe masculin (Fig. 4), à la peau et aux cheveux noirs, porteur d’une mèche de cheveux blanche, présente un syndrome de Klein-Waardenburg. Son père présente le même syndrome. Ce syndrome associe des anomalies de la pigmentation et une surdité centrale. Son incidence est de 1/270 000 naissances avec une transmission autosomique dominante. • Le type 1 associe deux critères majeurs et deux critères mineurs ; C les critères majeurs sont : une dystopie des canthi, des anomalies de la pigmentation (mèche de cheveux blanche frontale, cils, sourcils et pilosité blanche ; hétérochromie irienne, iris incolore ou bicolore, coloration bleu saphir des yeux), une surdité neurosensorielle, une histoire familiale évocatrice ; C les critères mineurs sont : des anomalies de la pigmentation cutanée avec plages de dépigmentation, un synophris, une racine du nez proéminente, une hypoplasie des ailes du nez, un blanchiment prématuré des cheveux. • Dans le type 2, il n’y a pas de dystopie des canthi. • Le type 3 se distingue du type 1 par l’association d’anomalies des membres aux troubles de la pigmentation et la surdité centrale. Le diagnostic repose sur la recherche de mutations dans le gène Pax 3 pour les types 1 et 3, et dans le gène MITF dans le type 2A. Le dépistage anténatal est possible. Il ne faut pas tarder à poser le diagnostic car il faut rechercher la surdité chez ces enfants et l’appareiller. Ce syndrome est une neurocristopathie c’est-à-dire qu’il est dû à une perturbation du développement des cellules de crête neurale impliquées ici dans la pigmentation des cheveux et de l’iris.
■ Malformations rares du peaucier musculaire facial Dysplasie hypertrophiante hypercontractile rare congénitale du muscle peaucier facial ou platysma Deux observations sont ici rapportées. • La première est celle d’un nourrisson de sexe féminin, vu pour la première fois à l’âge de 2 mois (Fig. 5A). Il présente une hypertrophie des parties molles de la face à gauche, des
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Figure 5. A. Hypertrophie hypercontractile des muscles peauciers de l’hémiface gauche. B. Enfant précédent à l’âge de 15 ans.
rides au niveau de l’hémifront gauche, un pli nasogénien très marqué, un aspect de peau d’orange au niveau du menton. Lors des pleurs, il existe une hypercontractilité de l’hémiface gauche et un enroulement du pavillon de l’oreille qui se recroqueville, entraînant une sténose du conduit auditif externe (CAE). La fente palpébrale gauche est plus étroite par contracture de l’orbiculaire des paupières à gauche. L’examen auditif constate une surdité de transmission en rapport avec la fermeture du CAE. L’examen scanographique de l’oreille moyenne et interne gauche est normal. Il n’y a pas d’anomalie squelettique associée. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) constate une hypertrophie musculaire des peauciers de la face. L’électromyogramme (EMG) retrouve un tracé de type volontaire, riche, sans activité spontanée. Cet enfant a été suivi régulièrement en consultation, les signes cliniques ont progressivement mais incomplètement régressé avec un meilleur contrôle volontaire des mouvements d’hypercontractilité (Fig. 5B). • Le deuxième enfant est un garçon, vu pour la première fois à l’âge de 5 ans. Il existe une hypercontractilité des muscles peauciers des régions labiale, mentonnière, génienne, à Stomatologie
Malformations rares et orphelines de la face ¶ 22-051-A-05
Figure 7.
Figure 6.
Cayler syndrome avec fibrochondrome prétragien.
droite. Il existe un aspect de peau d’orange au niveau du menton à droite. Le bilan d’imagerie (tomodensitométrie [TDM]) retrouve une hypertrophie des peauciers à droite. L’EMG d’activité volontaire est normal, mais il existe des décharges de haute fréquence soutenues. L’IRM cérébrale normale écarte une origine neurologique aux anomalies de l’EMG. La surveillance annuelle nous a permis de constater la régression progressive des signes d’hypercontractilité du peaucier. Les structures squelettiques faciales se sont développées sans particularité. Ces hypertrophies congénitales du peaucier facial unilatérales ou localisées correspondent à des anomalies quantitatives de la migration des myocytes du platysma dont l’origine est la crête neurale céphalique.
« Cayler syndrome » ou syndrome cardiofacial [1] Nous sommes parfois invités à formuler un avis en maternité pour des nouveau-nés qui présentent une asymétrie de la lèvre inférieure. L’interrogatoire suffit à préciser que cette asymétrie n’est présente que lors des pleurs : le faciès est normal au repos et lors des sourires. On parle alors de syndrome des pleurs asymétriques. Il s’agit d’une agénésie de trois muscles de la dynamique de la lèvre inférieure : carré du menton, triangulaire des lèvres et houppe du menton. Une agénésie du rameau mentonnier du facial dont ces muscles sont la cible s’y associe. On ne sait pas dire aujourd’hui quelle anomalie est responsable de l’autre. Lorsque l’enfant pleure, la lèvre du côté dépourvu de muscles ne descend pas (Fig. 6). Une malformation cardiaque de type communication interauriculaire ou interventriculaire peut être associée, elle doit être recherchée. De même, il peut s’y associer un syndrome du 1er arc homolatéral comme le nourrisson de la Figure 6 qui présente un fibrochondrome prétragien et une malformation du pavillon de l’oreille. En général, les pleurs se raréfient avec l’âge, cette anomalie est alors moins visible.
■ Malformations rares du squelette facial Paul Tessier a regroupé les defects osseux et des tissus se manifestant par des fentes tout autour de l’orbite. Mais sa classification centrée par l’orbite ne serait pas d’origine conceptuelle embryologique, comme il s’en explique lui-même [6]. Stomatologie
Aprosopie du bourgeon maxillaire.
Pour chaque bourgeon facial, on peut en fait distinguer des catégories de pathologies affectant le squelette et les parties molles qui le recouvrent. La première correspond aux malformations de type délétionnel où manque tout ou une partie du squelette du bourgeon facial, la deuxième rassemble les malformations où l’on observe des structures supplémentaires ; la troisième regroupe les malformations à type de fente.
Bourgeons maxillaire et mandibulaire Aprosopie du bourgeon maxillaire historique L’absence de la totalité du bourgeon maxillaire est rarissime (1/100 000). Elle peut être uni- ou bilatérale. Elle est incompatible avec la vie. Ce type de malformation correspond à une pathologie délétionnelle du bourgeon maxillaire. La Figure 7 est une photographie de fœtopathologie. Il existe une fente colobomateuse oculobuccale, une fente macrostomique, une fente palatine, une microphtalmie. Ces malformations faciales sont associées à une malformation du tronc cérébral. L’IMG est envisagée en cas de diagnostic anténatal.
Duplication maxillaire et malaire unilatérale La duplication de structures squelettiques et muqueuses du bourgeon maxillaire dépendant du bourgeon maxillaire est tout aussi exceptionnelle. Un nourrisson de sexe féminin nous a été adressé pour prise en charge d’une fente palatine atypique avec macrostomie. L’examen clinique révèle en fait une formation hamartomateuse solide mesurant environ 4 cm de diamètre dans la joue gauche ; la macrostomie est atypique puisqu’il existe une incursion cutanée au niveau de la commissure. En bouche, il existe un relief palatin supplémentaire avec une hémiuvule gauche (Fig. 8A). Le diagnostic de fente palatine avait été évoqué à tort devant l’aspect pseudobifide de la luette. L’examen tomodensitométrique montre que la formation hamartomateuse est constituée d’os et de six bourgeons dentaires (Fig. 8B). Le geste initial a constitué en une exérèse simple de la masse qui tenait par un pédicule à la face postérieure du malaire et du maxillaire, ainsi qu’à la réparation de la macrostomie. La souris double Knock Out Dlx5/Dlx6 pourrait contribuer à expliquer ce phénotype puisque la mandibule y est transformée en maxillaire : cette souris présente une duplication du maxillaire mais sans mandibule ; chez cette enfant, la mandibule est présente et normale [7].
Otocéphalie historique Cette malformation est exceptionnelle. Elle correspond à une pathologie délétionnelle de structures des deux bourgeons mandibulaires. L’IMG est envisagée en cas de diagnostic
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22-051-A-05 ¶ Malformations rares et orphelines de la face
Figure 9. Otocéphalie historique.
jour, l’enfant ouvre la bouche grâce à cette néoarthrose antéangulaire en pleine branche horizontale gauche. L’ouverture de bouche a permis de mettre en évidence une atrésie choanale gauche, et surtout une agénésie de l’hémivoile gauche qui va complexifier les troubles de la déglutition.
Malformations rares du bourgeon nasofrontal [9] Figure 8. A. Duplication maxillaire et malaire unilatérale, relief palatin supplémentaire avec une hémiuvule gauche. B. La tomodensitométrie montre la formation squelettique maxillomalaire, l’hamartome contient six bourgeons dentaires.
anténatal car cette malformation est incompatible avec la vie. Elle est illustrée par la photographie de la Figure 9. On observe l’agénésie des deux mandibules et la microstomie. Les pavillons d’oreille sont présents. Le cervelet et le tronc cérébral sont absents. L’administration d’acide rétinoïque ou d’alcool à des souris à des étapes précises du développement précoce entraîne en particulier l’absence de développement de mandibule [8].
Anomalie complexe des bourgeons maxillaire et mandibulaire : synostose osseuse congénitale mandibulomaxillaire avec malformation squelettique et cutanée Ce nouveau-né de sexe féminin vu à j12 présentait une synostose mandibulomaxillaire complexe (Fig. 10A). La synostose intéressait le coroné avec le malaire ; la branche montante mandibulaire avec le pied du malaire ; la mandibule dans sa partie latérale de branche horizontale avec le maxillaire supérieur (Fig. 10B). Cette synostose s’achevait à la région canine. Cette synostose générait une impossibilité d’ouverture de bouche et a imposé la mise en place d’une jéjunostomie d’alimentation. Le contexte dysmorphologique ne s’arrêtait pas à cette synostose complexe mandibulofaciale mais s’y associait encore une duplication de la narine gauche. L’intervention a consisté en une libération du pôle antérieur de la synostose sans aborder la partie postérieure de la branche montante et du coroné, en réalisant une néoarthrose anté-angulaire faite en deux temps : un premier temps de libération simple, un deuxième temps avec mise en place de ciment chirurgical. Ce
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Les cellules de la crête neurale qui colonisent le bourgeon nasofrontal proviennent des bourrelets neuraux prosencéphaliques et mésencéphaliques antérieurs. Elles sont à l’origine du squelette primitif du nez, le chondroethmoïde, du prémaxillaire et des quatre incisives centrales de lait et adultes. L’épithélium sensoriel olfactif provient des placodes olfactives qui se différencient au 28e jour de développement. Les bourrelets ectodermiques qui se développent autour d’elles sont à l’origine de la muqueuse nasale et de la peau du nez. Chacune de ces structures a une origine topographique bien déterminée dans la plaque neurale (Fig. 11) [10]. Selon la précocité de l’anomalie développementale, la structure embryonnaire qu’elle touche, la malformation nasale est parfois associée à une malformation du cerveau antérieur [9, 11]. Le chondroethmoïde provient de la réunion de deux hémistructures droite et gauche sur la ligne médiane. Cela nous permet de classer les malformations de la région nasale en trois groupes selon leur description anatomique, sans préjuger du mécanisme [9]. La première correspond aux malformations de type délétionnel où manque tout ou une moitié du squelette nasal ; la deuxième rassemble les malformations où l’on observe des structures nasales supplémentaires ; la troisième regroupe les malformations à type de fente médiane où les deux hémisquelettes ne se sont pas rencontrés sur la ligne médiane. Nous tenterons d’expliciter l’anomalie développementale à l’origine de ces malformations au cours de leur description.
Malformations de type délétionnel Cyclopie historique ou aprosopie du bourgeon nasofrontal (Fig. 12) L’aprosopie du bourgeon nasofrontal ou cyclopie est rare et fait l’objet d’une IMG après dépistage anténatal car elle est incompatible avec la vie. L’observation présentée est une forme historique. Elle constitue, associée à l’holoprosencéphalie (HPE), une forme ultime du spectre des malformations faciales. L’HPE est Stomatologie
Malformations rares et orphelines de la face ¶ 22-051-A-05
Figure 10. A. Synostose congénitale mandibulomaxillaire gauche avec duplication narinaire. B. La tomodensitométrie montre la synostose congénitale mandibulomaxillaire gauche.
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Figure 11. Carte présomptive de la plaque neurale précoce. 1. Cavité nasale ; 2. placode olfactive ; 3. télencéphale ; 4. œil ; 5. posthypophyse ; 6. placode optique ; 7. épiphyse ; 8. placode trigéminale ; 9. mésencéphale ; 10. thalamus ; 11. hypothalamus ; 12. adénohypophyse ; 13. prosencéphale : ectoderme nasofrontal ; 14. mésencéphale : ectoderme maxillomandibulaire et placode trigéminale. D’après Couly, Le Douarin, Dev Biol 1987 ;120-138-21.
une malformation cérébrale complexe fréquente (1/250 IMG précoces) qui résulte d’une défaillance de FGF8 et de la crête neurale pour l’induction précoce du cerveau antérieur à l’origine de l’absence de division ou de la division incomplète du prosencéphale vers le 30 e jour de vie embryonnaire. Elle regroupe de nombreux phénotypes de gravité variable [12], et comprend des malformations du cerveau antérieur et de la face du domaine naso-fronto-prémaxillaire de type délétionnel (depuis l’incisive médiane unique jusqu’à la cyclopie). La souris Knock Out pour Sonic hedgehog reproduit ce phénotype [13]. Toutes les structures interposées entre les ébauches oculaires sont inexistantes. Le cerveau antérieur est resté univésiculaire (HPE alobaire), voire très hypoplasique ; il n’y a ni diencéphale, ni télencéphale, ni structures qui en dérivent (commissure antérieure, rhinencéphale, hémisphères cérébraux, hypophyse). Il existe une seule orbite pour les deux yeux en général fusionnés, qui peuvent ne présenter aucune trace de leur origine double. La lèvre supérieure est étroite, sans philtrum, suite au Stomatologie
Figure 12. Cyclopie historique ou aprosopie du bourgeon nasofrontal.
rapprochement des bourgeons maxillaires par hypoplasie du bourgeon nasofrontal. Le nez est absent. Au-dessus de l’orbite, on observe une formation cutanée cylindrique dépourvue de cartilage, un probosis nasalis provenant des structures embryonnaires qui auraient dû fournir la peau du nez s’il s’était développé (zone B de la carte présomptive de la plaque neurale antérieure) (Fig. 11) [9]. En effet, les cellules de crête neurale n’ont pas migré dans le bourgeon nasofrontal. Comme elles n’y ont pas proliféré, il est hypoplasique ; elles n’y ont pas formé leur dérivé cartilagineux ou chondroethmoïde. Aplasie nasale unilatérale ou bilatérale, avec ou sans probosis nasalis La cartographie de la plaque neurale antérieure précoce [10] identifie les cellules à l’origine des fosses nasales (zone A) et de l’ectoderme du nez de surface (zone B) (Fig. 11). Les anomalies isolées de développement de cette région peuvent entraîner une
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22-051-A-05 ¶ Malformations rares et orphelines de la face
Figure 15.
Hémiarhinie gauche avec probosis nasalis droit.
Figure 13. Échographie tridimensionnelle anténatale d’un fœtus de 30 semaines d’aménorrhée (SA) présentant une arhinie complète.
Figure 16. Triple narine gauche dans le cadre d’une fente pseudocolobomateuse droite.
Figure 14. Hémiarhinie gauche.
aplasie ou une hypoplasie d’un héminez uni- ou bilatérale, avec un développement cérébral normal. Elles peuvent s’associer à une anomalie de développement du tube neural antérieur plus global et alors entrer dans le répertoire phénotypique des HPE. Aplasie nasale bilatérale ou arhinie La Figure 13 correspond à l’échographie tridimensionnelle anténatale d’un fœtus de 30 SA présentant une arhinie complète avec dystopie canthale interne droite et synophris. Il n’existe pas de pyramide nasale ni d’orifice narinaire, laissant présumer des difficultés respiratoires néonatales majeures. L’imagerie par résonance magnétique anténatale réalisée à 32 SA ne retrouvait pas d’anomalie cérébrale. Une IMG a été pratiquée. Aplasie nasale unilatérale Sans probosis nasalis (Fig. 14). Un nourrisson né à terme sans antécédents parentaux présente une hémiarhinie. Il n’existe ni fosse nasale droite, ni narine droite. Le nez est uniquement constitué des structures gauches : ethmoïde, cornets, reliquat septal. Il n’y a pas de probosis nasalis. La malformation n’avait pas été identifiée lors des échographies anténatales. Avec probosis nasalis (Fig. 15). La Figure 15 nous montre un nouveau-né de sexe masculin pour lequel l’héminez droit ne s’est pas développé ; il présente une formation cylindrique
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cutanée, borgne appendue au canthus interne droit ou probosis nasalis. L’héminez gauche est complet. Il n’y avait pas eu de dépistage anténatal. Le dépistage anténatal d’une telle malformation est possible dès la 13e semaine, même si elle est vue plus aisément lors de l’échographie morphologique de la 22e semaine. Les connaissances actuelles sur le développement coordonné du cerveau antérieur et du nez imposent la recherche d’une malformation cérébrale devant ce type d’anomalie grâce à une IRM anténatale à partir de la 32e semaine de grossesse.
Structures nasales supplémentaires Un nourrisson de sexe féminin présente une triple narine à gauche (Fig. 16). Cette anomalie est associée à droite à une fente colobomateuse numéro 4 de la classification de Tessier et une duplication narinaire. Le geste a consisté à réaliser des plasties en z dans la région du canthus à droite, et à la réparation des narines. Il existe de même une duplication de la narine chez l’enfant de la Figure 10A présentant une synostose maxillomandibulaire. La narine supplémentaire ne contient pas de cartilage.
Fente médiane de la région nasofrontale Le nez provenant de deux hémistructures droite et gauche, les fentes médianes de la région nasofrontale s’expliquent par deux mécanismes [9]. Le premier processus est une dysneurulation, c’est-à-dire l’association à des degrés divers de pathologie des dérivés de la Stomatologie
Malformations rares et orphelines de la face ¶ 22-051-A-05
Figure 17. Schizisme complet de la face secondaire à une encéphalocèle nasofrontale de grande taille.
crête et du prosencéphale où se trouvent les zones A et B (la zone A contient les cellules précurseurs de la muqueuse nasale et de l’épithélium olfactif ; la zone B contient les cellules précurseurs de la peau du nez (Fig. 11). Nous avons décrit précédemment les formes cliniques possibles associées à l’HPE les malformations nasales uni- ou bilatérales (aplasie, hypoplasie, probosis) par échec du développement de la zone A et de la placode. Le deuxième processus est un défaut de confluence suite à une dysraphie neurale conséquence d’une encéphaloméningocèle ; on observe alors un développement séparé plus ou moins sévère des deux hémifaces. Mise à part l’encéphalocèle, le cerveau se développe normalement et le pronostic intellectuel n’est pas compromis. La fillette de la Figure 17 présente un schizisme complet de la face secondaire à une encéphalocèle nasofrontale de grande taille. Il existe une anosmie secondaire à l’absence de développement de l’ethmoïde olfactif en raison de l’obstacle. Cette enfant est née sans diagnostic anténatal. Les encéphaloméningocèles naso-fronto-ethmoïdales sont de diagnostic anténatal échographique difficile. Le point d’appel peut être un hypertélorisme ou la lésion elle-même. L’IRM fœtale vient compléter le bilan en cas de malformation isolée sans anomalie du caryotype (44 % des trisomies 18 présentent cette malformation), à la recherche principalement d’une extension intracrânienne. Lorsque l’encéphalocèle est accessible à une chirurgie d’exérèse, que le développement cérébral est respecté, il faut savoir que la reconstruction de la face donne des résultats acceptables mais elle n’est pas dénuée de risques (anosmie, décès, infection, rhinorrhée cérébrospinale principalement).
■ Malformations rares de la bouche La bouche est le lieu de convergence des cinq bourgeons faciaux (Fig. 1B). Elle peut être l’objet de six fentes : fente médiane par symétrie neurale de la lèvre supérieure, fente droite ou gauche par défaut de symétrie olfactive labiomaxillaire ; fente macrostomique droite ou gauche et fente médiane de la lèvre inférieure et du menton. La fusion des bourgeons entre eux nécessite une taille suffisante de ces bourgeons pour se rencontrer, et des compétences cellulaires vis-à-vis de l’apoptose notamment, dont la défaillance pourrait expliquer l’existence de fente [2]. Les observations présentées ici en sont des formes curieuses et très rares. Stomatologie
Figure 18.
Fente médiane de la lèvre supérieure.
Figure 19. Fente labionarinaire droite cicatricielle et fibrochondrome de la crête philtrale et du tubercule latéral de la sous-cloison.
Fente médiane de la lèvre supérieure
(Fig. 18)
La fente médiane de la lèvre supérieure appartient au spectre des schizismes médians que nous avons présentés précédemment. Elle est due soit à une défaillance des processus de fusion des deux bourgeons nasaux internes, soit à une dysraphie et principalement une encéphalocèle. Elle est rencontrée dans les syndromes oro-digito-faciaux de types I et II [1].
Fente labionarinaire excédentaire : fibrochondrome de la crête philtrale
(Fig. 19)
Le nourrisson de la Figure 19 présente une fente labiomaxillaire droite cicatricielle et un fibrochondrome de la crête philtrale et du tubercule latéral de la sous-cloison. Il s’agit d’un équivalent de fente qui n’a pas régulé ses excédents.
Fente macrostomique rare
(Fig. 20)
Ce nourrisson présente une fente macrostomique associée à des fibrochondromes prétragiens.
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22-051-A-05 ¶ Malformations rares et orphelines de la face
Figure 20.
Fente macrostomique associée à un fibrochondrome.
Figure 22. Fibrochondrome médian du menton.
Figure 21. Fente médiane avec une hypoplasie du bourgeon mandibulaire dont le squelette est absent.
Fente médiane du menton Les fentes médianes du menton peuvent être l’expression d’un syndrome du premier arc. Elles peuvent se manifester sous une forme majeure (Fig. 21). Le nourrisson présente ici une fente médiane, une hypoplasie du bourgeon mandibulaire dont le squelette est absent. Elles peuvent aussi se présenter sous la forme d’une petite fossette du menton, accident morphologique très commun. Ces deux anomalies traduisent un défaut de coalescence des deux hémiarcs sur la ligne médiane, soit par hypoplasie, soit par défaillance des mécanismes de fusion impliquant les cellules de la crête neurale. Un fibrochondrome médian du menton peut être observé de façon exceptionnelle ; il traduit le défaut de régulation sous la forme d’une supplémentation (Fig. 22).
■ Structure complète non faciale dans la face : formation digitale jugale Un nouveau-né de sexe féminin présente au niveau de la joue une formation cutanée cylindrique avec un ongle à son extrémité, mobile lors des pleurs et de la succion (Fig. 23). Les radiographies identifient un os dans cette structure. L’examen anatomopathologique de la pièce d’exérèse conclut à une formation hamartomateuse de la joue gauche comprenant
10
Figure 23.
Formation digitale de la joue droite.
de la peau, ses annexes pilosébacées et sudorales, ainsi que du tissu adipeux, du muscle strié, un axe vasculonerveux. En profondeur, de l’os est identifié. En avant, l’appendice distal présente la structure histologique d’un ongle. Cette formation hamartomateuse ressemble à un doigt. Sans pouvoir expliquer la survenue de cette malformation, nous remarquons qu’elle illustre une communauté d’organisation entre la face et les membres. En effet, certaines voies de signalisation bien connues pour leur rôle majeur dans la formation des extrémités digitales, la voie de Sonic hedgehog notamment, sont impliquées dans la formation de la face [14, 15].
■ Conclusion La tête des vertébrés est construite à partir de la neurulation. Sans crête neurale, pas de face ; sans crête neurale, pas de cerveau. Le champ facial est ainsi l’objet de nombreux accidents morphologiques d’un polymorphisme important. Quelle que soit leur rareté, la connaissance du développement embryonnaire permet la plupart du temps de regrouper topographiquement les anomalies observées, de les rapporter à un bourgeon constitutif du visage, et de rendre compte des variations quantitatives et qualitatives au sein de chaque catégorie. Quant à l’approche moléculaire, les malformations les plus rares ne peuvent en bénéficier. C’est le cas par exemple des observations que nous rapportons : dysplasie congénitale hypertrophiante Stomatologie
Malformations rares et orphelines de la face ¶ 22-051-A-05
hypercontracile du muscle peaucier facial ; synostose faciale complexe mandibulofaciale ; duplication squelettique, dentaire et muqueuse du bourgeon maxillaire ; syndrome de Setleis.
[5]
[6] [7]
“
Points forts
[8]
La dysneurulation désigne l’association de pathologie de la crête neurale ou neurocristopathie avec une pathologie du tube neural dont elle est issue. Devant toute malformation faciale, il faut rechercher une malformation cérébrale et nerveuse associée.
[9]
[10] .
[11]
■ Références [1] [2] [3]
[4]
[12]
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L. Benouaiche, Chef de clinique-assistant ([email protected]). G. Couly, Professeur. Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Benouaiche L., Couly G. Malformations rares et orphelines de la face. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-051-A-05, 2007.
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Stomatites du nourrisson et de l’enfant B Michel B Pulvermacker C Bertolus G Couly
Résumé. – Les stomatites du nourrisson et de l’enfant représentent un ensemble de pathologies variées dont le tableau clinique ou le traitement est, dans la plupart des cas, superposable à celui de la population adulte. Elles ont cependant certaines spécificités. Certaines peuvent être plus fréquentes que chez l’adulte : c’est le cas des infections virales, en particulier herpétiques, ou de la dermatose à immunoglobulines A (IgA) linéaire. Par ailleurs, certaines stomatites ne se rencontrent que chez le nourrisson et l’enfant : il s’agit des accidents d’évolution dentaire (en dehors des accidents liés à la dent de sagesse) ou de certaines formes d’épidermolyses bulleuses congénitales. Le plus souvent, le diagnostic de ces stomatites repose sur le tableau clinique. Le traitement, proche de celui de l’adulte, doit tenir compte des contre-indications ou des difficultés d’observance que l’on peut rencontrer à cet âge. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : stomatite de l’enfant, stomatite virale, infection buccale, aphte, éruption dentaire, maladie bulleuse.
Introduction
Stomatites virales
La cavité buccale de l’enfant est un écosystème biologique complexe. La colonisation par les micro-organismes débute dès la naissance pour arriver à un équilibre entre les différentes espèces qui vivent alors à l’état saprophyte (bactéries aéro- et anaérobies, levures). L’amarrage des bactéries à la surface de la dent, grâce au glycocalix, leur permet de trouver là un milieu propice à leur multiplication. La perturbation de cet écosystème, que ce soit par modification de l’immunité, par prolifération bactérienne en cas d’éruption dentaire ou de défaut d’hygiène, ou par destruction sélective de la flore (antibiotiques) peut aboutir à l’apparition d’une stomatite bactérienne ou fongique. L’apparition de 48 dents dans la bouche de l’enfant entre l’âge de 6 mois et l’âge de 12 ans expose la population infantile aux accidents d’éruption dentaire. L’apprentissage immunitaire de l’enfant ou du nourrisson explique le grand nombre de stomatites d’origine infectieuse dans cette population : stomatites d’origine virale (herpès, coxsackies, varicelle, mononucléose infectieuse [MNI], etc), candidosique (muguet) ou bactérienne (gingivite). Ces stomatites infectieuses sont habituellement d’un pronostic très favorable. Les autres principales causes de stomatites comprennent la stomatite aphteuse récurrente, l’érythème polymorphe et les autres maladies bulleuses, la maladie de Behçet, les hémopathies (leucémies) et désordres immunitaires (agranulocytose, neutropénie cyclique et infection par le virus de l’immunodéficience humaine [VIH]), les traumatismes, le lichen plan ou les stomatites allergiques [30].
Dès le début de la socialisation, l’enfant est exposé à de nombreux agents pathogènes viraux. Depuis le développement de la vaccination rubéole-oreillons-rougeole (ROR), l’incidence de la rougeole, de la rubéole et des oreillons diminue. Ces trois pathologies virales peuvent associer dans leur expression clinique une atteinte de la muqueuse buccale : énanthème et signe de Koplick pour la rougeole, énanthème pour la rubéole, œdème et inflammation des orifices de Sténon pour les oreillons. D’autres infections virales comprennent également dans leur symptomatologie clinique une atteinte de la cavité buccale qui n’est pas le plus souvent au premier plan : c’est le cas de la pharyngostomatite aiguë des adénovirus ou de la primo-infection de la MNI. Si la plupart de ces infections sont prises en charge par le pédiatre, certaines pathologies virales à manifestations buccales aiguës peuvent conduire à consulter le spécialiste. Bien que n’étant pas à proprement parler responsables de stomatite, la famille des papovavirus peut être responsable d’atteinte de la muqueuse buccale. Ces lésions papillomateuses sont fréquentes chez l’enfant.
Benoît Michel : Chef de clinique-assistant, service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale. Benjamin Pulvermacker : Interne des Hôpitaux. Chloé Bertolus : Interne des Hôpitaux. Gérard Couly : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef du service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale. Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
[12, 19, 32]
HERPÈS
[2, 4, 10, 17, 48]
¶ Gingivostomatite de primo-infection herpétique à herpes simplex virus 1 (fig 1, 2) Elle fait partie avec la pharyngite de la manifestation la plus fréquente de la primo-infection à herpes simplex virus 1 (HSV 1). Elle touche de façon symptomatique 10 % de la population alors que plus de 50 % des patients possèdent des anticorps (AC) spécifiques. Après une incubation, de 6 jours environ, apparaissent des lésions caractéristiques de cette stomatite, consistant en la survenue, sur une muqueuse érythémateuse, de vésicules qui se transforment en lésions érosives à bord net. Ces lésions peuvent confluer et donner
Toute référence à cet article doit porter la mention : Michel B, Pulvermacker B, Bertolus C et Couly G. Stomatites du nourrisson et de l’enfant. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-051-B-10, Pédiatrie/Maladies infectieuses, 4-014-C-20, 2002, 10 p.
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EMC [313]
Stomatites du nourrisson et de l’enfant
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Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
¶ Épisodes de récurrence
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Primo-infection herpétique.
De localisation la plus souvent labiale, ils ont en général une évolution stéréotypée après une phase prodromique avec sensation de cuisson ou de picotement, d’une durée de quelques heures. Les vésicules se développent en 12 heures puis se rompent pour former des croûtes en 36 à 48 heures. La guérison est obtenue en 8 à 10 jours. Une adénopathie réactionnelle est habituelle. La survenue de ces récurrences est bien connue et consiste en la réactivation du virus HSV 1 à partir du ganglion trigéminé. Le stress ou l’exposition solaire peuvent favoriser ces récurrences. Dans certains cas, chez le sujet immunocompétent, la réactivation virale peut se traduire non pas par une atteinte labiale localisée, mais par une stomatite en tous points similaire à celle de la primoinfection. Chez les patients immunodéprimés, en particulier les enfants atteints par le VIH, ces lésions peuvent être très étendues et prendre volontiers un aspect ulcéro-nécrotico-hémorragique. Le traitement des récurrences chez les sujets immunocompétents est décevant [20]. Les antiviraux (aciclovir) locaux semblent efficaces pour atténuer la crise s’ils sont appliqués dès les premières heures. Il faut par ailleurs, et particulièrement chez l’enfant, éviter la surinfection bactérienne des lésions dès lors que coexiste une atteinte cutanée. L’aciclovir per os en traitement de fond peut être utilisé dès lors que le sujet présente plus de six récurrences par an. L’aciclovir par voie parentérale est indiqué chez le sujet immunodéprimé. HERPANGINE
2
Primo-infection herpétique.
une lésion étendue à contours polycycliques. Ces lésions touchent avec prédilection la lèvre et la gencive mais toute la cavité buccale, en particulier le palais, le voile et la langue peut être atteinte. Cette gingivostomatite est souvent accompagnée de fièvre, adénopathies cervicales, irritabilité, difficultés alimentaires et hypersialorrhée. La guérison survient habituellement sans séquelles en 7 à 14 jours. Des lésions cutanées digitales peuvent se développer chez l’enfant par contact direct avec la cavité buccale. La douleur, souvent intense, est responsable de difficultés d’alimentation en particulier chez le jeune enfant, pouvant parfois justifier à elles seules une hospitalisation. Le traitement est, dans la majorité des cas, purement symptomatique [20] : il consiste en l’utilisation d’antalgiques adaptés par voie générale (paracétamol, voire morphiniques si nécessaire) et d’anesthésiques locaux en topiques appliqués juste avant la prise alimentaire. Des bains de bouche antiseptiques peuvent permettre d’éviter la surinfection bactérienne des lésions érosives. L’aciclovir lors des primo-infections doit être systématiquement prescrit chez les patients immunodéprimés qui peuvent développer des lésions diffuses et ulcéronécrotiques, ainsi que dans les rares cas de complications de type méningoencéphalite. Il doit être également prescrit chez les patients atopiques (prévention du syndrome de Kaposi-Juliusberg). Chez les sujets immunocompétents, le traitement par aciclovir dans les 3 premiers jours permet de réduire la durée des symptômes [1]. 2
Il s’agit d’une affection énanthémateuse aiguë fébrile de l’enfant due essentiellement au coxsackievirus du groupe A et plus rarement au coxsackievirus B ou à l’échovirus. Cette affection survient de manière épidémique pendant les mois d’été par contage direct oropharyngé. La maladie se développe brutalement après une période d’incubation de 4 à 10 jours. Les lésions initiales sont des papules, qui deviennent rapidement des vésicules qui se rompent, laissant des ulcérations douloureuses de petit diamètre recouvertes par une membrane blanchâtre. Ces manifestations peuvent être présentes sur l’ensemble de la muqueuse buccale, mais siègent avec prédilection sur le voile, la luette et la paroi pharyngée postérieure. On retrouve fréquemment des signes généraux associés : une fièvre élevée, des céphalées et des symptômes abdominaux à type de douleurs ou de vomissements. L’évolution de cette affection bénigne dépasse rarement 1 semaine. Son traitement est purement symptomatique à base d’antipyrétiques, d’antalgiques par voie générale et d’anesthésique en topique local si nécessaire. SYNDROME MAINS-PIEDS-BOUCHE
[7]
Cette affection est due le plus souvent au coxsackievirus A16 (d’autres coxsackievirus ou l’échovirus peuvent être impliqués). Elle sévit également de manière épidémique pendant les mois d’été et intéresse la plupart du temps les enfants de moins de 10 ans. La transmission est orale-orale ou fécale-orale. La cavité buccale et les extrémités des membres sont intéressées. La stomatite réalise la même séquence évolutive que l’herpangine, à savoir : papules, vésicules puis ulcérations douloureuses. Les principales localisations sont la langue, le palais, les lèvres et la muqueuse jugale. Les manifestations cutanées sont concomitantes et réalisent des maculopapules érythémateuses, des vésicules qui se rompent pour former des croûtes. Elles sont localisées aux faces dorsales des mains, des doigts et des pieds. La face palmaire est plus rarement touchée. Une atteinte du siège est également possible. La guérison prend 7 à 10 jours. Le traitement est purement symptomatique et a pour but de faciliter l’alimentation en atténuant la douleur (antalgiques per os, anesthésiques locaux).
Stomatites du nourrisson et de l’enfant
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses VARICELLE/ZONA
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[25, 40, 52]
Le virus VZV (varicelle zona virus) ou herpes virus 3 est responsable de deux principales manifestations : la varicelle correspondant à la primo-infection et le zona correspondant à une réactivation virale à partir des ganglions nerveux sensitifs. La prolifération virale dans le ganglion trigéminal et le ganglion géniculé est responsable des différentes formes de zonas pouvant affecter la face : zona ophtalmique, zona du nerf maxillaire supérieur, zona du nerf mandibulaire et zona du nerf intermédiaire de Wrisberg. Ils comprennent tous une atteinte de la muqueuse buccale à l’exception du zona ophtalmique.
¶ Varicelle Après un contage et une période d’incubation de 14 jours survient une phase d’invasion courte associant malaise et fièvre, suivie d’une phase d’état caractérisée par une éruption cutanéomuqueuse évoluant par poussées. Cette éruption prurigineuse est formée par l’association de lésions élémentaires. Il s’agit d’une macule érythémateuse évoluant rapidement vers une vésicule à liquide clair qui se trouble puis se rompt en laissant une croûte. La croûte tombe 1 semaine plus tard, laissant une dépigmentation transitoire. La cicatrisation peut laisser des cicatrices indélébiles en cas de surinfection ou d’excoriation. On peut trouver ces lésions sur tout le revêtement cutanéomuqueux. Les localisations à la paume des mains, la plante des pieds, le cuir chevelu et les muqueuses (en particulier la muqueuse buccale) sont plus spécifiques. Le diagnostic est le plus souvent purement clinique. Le traitement est symptomatique (antalgiques antipyrétiques, antihistaminiques). Un traitement antiviral n’est indiqué que dans le cas du sujet immunodéprimé du nouveau-né (varicelle néonatale), ou en cas de complication (pneumopathie, méningoencéphalite).
¶ Zonas céphaliques Le zona est caractérisé par une éruption douloureuse de lésions vésiculeuses réparties sur un territoire nerveux sensitif. L’atteinte est unilatérale, l’évolution est le plus souvent spontanément favorable. Le zona ophtalmique présente un risque particulier de par l’atteinte possible du globe oculaire, mais n’affecte pas la cavité buccale. On retrouve généralement une adénopathie réactionnelle associée. Trois types de zonas peuvent avoir une manifestation endobuccale. Zona du nerf maxillaire supérieur L’éruption intéresse la face cutanée et muqueuse de la joue, la lèvre supérieure (versant cutané et muqueux), la gencive supérieure, un hémipalais et un hémivoile. Zona du nerf mandibulaire L’atteinte siège au niveau du menton, de la lèvre inférieure, de la commissure labiale, de la gencive inférieure, des deux tiers antérieurs de la langue. Zona otitique Les vésicules apparaissent dans la zone de Ramsay-Hunt et sur le bord de la langue à la jonction du tiers postérieur et des deux tiers antérieurs. Une paralysie faciale peut être associée, habituellement de pronostic favorable. Le traitement antiviral dans les zonas n’est justifié qu’en cas de zona de localisation ophtalmique ou dans le cas du sujet immunodéprimé. INFECTIONS PAR LES PAPILLOMAVIRUS
[44]
Si plus de 34 papillomavirus humains (HPV) ont été identifiés, seuls quelques-uns d’entre eux peuvent être responsables d’atteintes de la cavité buccale se traduisant par des tumeurs épithéliales bénignes. Dès le plus jeune âge, l’enfant est colonisé par le papillomavirus, contamination qui reste le plus souvent asymptomatique.
3
Hyperplasie épithéliale focale (infection par human papilloma virus [HPV]).
Les verrues papillomateuses buccales atteignent généralement les lèvres et le palais, le plus souvent par auto-inoculation à partir d’une verrue des doigts. Les virus les plus souvent impliqués sont dans ce cas le HPV 6 et HPV 16. L’hyperplasie épithéliale focale ou maladie de Heck se caractérise par la présence de lésions papuleuses blanchâtres multiples, affectant essentiellement la lèvre inférieure. Elle est en rapport avec une infection par HPV 13 ou 32 (fig 3). Les condylomes acuminés se présentent sous la forme de végétations molles, parfois pédiculées. Correspondant à une maladie sexuellement transmissible (MST) (HPV 6, 11, 16), ils sont exceptionnels chez l’enfant, mais peuvent cependant affecter le nourrisson par contamination lors du passage de la filière génitale maternelle. Le traitement de ces lésions consiste le plus souvent en une exérèse chirurgicale. Dans le cas de la maladie de Heck, une abstention peut être proposée en raison d’une possible régression spontanée.
Stomatites bactériennes STOMATITE IMPÉTIGINEUSE
[12, 15, 20]
Le plus souvent contemporaine d’une infection cutanée, la stomatite impétigineuse est due à une infection par staphylocoques ou streptocoques b-hémolytiques de groupe A. Le syndrome infectieux général contraste souvent avec le peu de symptômes fonctionnels. L’impétigo siège le plus souvent à cheval sur la muqueuse et la peau. L’atteinte muqueuse est constituée d’ulcérations recouvertes de fausses membranes siégeant le plus souvent sur la face interne de la lèvre. Le traitement fait appel aux antibiotiques par voie systémique en cas de signes généraux. Un traitement local est toujours nécessaire (antibiotiques ou antiseptiques). En raison de sa contagiosité, une éviction scolaire est recommandée. STOMATITES LIÉES AUX ACCIDENTS D’ÉRUPTION DENTAIRE OU STOMATITES DE DENTIFICATION [6, 12,
15]
L’éruption des dents temporaires peut être associée à des signes inflammatoires. Ceux-ci restent généralement localisés. Il s’agit alors de tuméfactions gingivales douloureuses volontiers accompagnées d’érythèmes jugaux et de poussées fébriles avec hypersialorrhée. Des signes digestifs peuvent être associés. Un traitement purement symptomatique est suffisant dans la majorité des cas : antalgiques antipyrétiques, massages locaux avec un anesthésique de contact (chlorhydrate d’amyléine). 3
Stomatites du nourrisson et de l’enfant
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4
5
Stomatite odontiasique.
Les accidents de dentition sont très fréquents. Il s’agit d’une d’inflammation du sac péricoronaire d’une dent due à une infection bactérienne, appelé communément péricoronarite. Elle concerne le plus souvent la dent de sagesse inférieure, mais peut également concerner les dents de 6 et de 12 ans. elle peut être de forme congestive simple ou suppurée. Elle peut associer des signes locorégionaux ou généraux. Le traitement de la péricoronarite fait appel à des soins locaux antiseptiques, des antalgiques et éventuellement une antibiothérapie par voie générale dans les cas graves. Un dégagement coronaire ou une avulsion dentaire (dent de sagesse) peut être indiqué. À part, la stomatite dite « odontiasique » correspond à une hémigingivostomatite neurotrophique d’aspect ulcéromembraneux : à partir de la péricoronarite se développe une gingivite érythémateuse pouvant évoluer vers des vésicules puis des ulcérations gingivales. Ces ulcérations atteignent essentiellement les papilles interdentaires. Cette affection reste cependant rare (fig 4). GINGIVITES ET PARODONTITES
Hyperplasie gingivale (ciclosporine).
essentiellement les incisives et les premières molaires et parodontite aiguë juvénile généralisée qui provoque une atteinte plus diffuse et plus inflammatoire associée à une quantité de tartre et de plaque dentaire plus importante. Plusieurs germes ont été incriminés dans ces atteintes rapides et extensives du parodonte. Le plus connu est Actinobacillus actinomycetemcomitans (variété de clones pathogènes), mais d’autres bactéries peuvent également jouer un rôle délétère en particulier Porphyromonas gingivalis. Le cytomégalovirus (CMV) pourrait être également impliqué dans la pathogénie des parodontites aiguës juvéniles [29, 49]. Il semblerait exister dans ces parodontites à début précoce une prédisposition génétique et une association au système human leukocyte antigen (HLA) A9, A28, BW15. Une anomalie des polynucléaires neutrophiles est souvent retrouvée dans le cas des parodontites prépubertaires (neutropénie) et parodontites aiguës juvéniles généralisées (anomalies du chimiotactisme des polynucléaires). Le traitement des parodontites aiguës à début précoce repose essentiellement sur un traitement local associant hygiène dentaire, détartrage et chirurgie parodontale à un traitement général par antibiothérapie (cycline ou imidazolé).
[31, 34]
¶ Gingivite La gingivite est la principale forme de maladie parodontale de l’enfant. Très fréquente chez l’enfant en raison d’un défaut ou d’une inefficacité du brossage, la gingivite tartrique se manifeste par un œdème et une rougeur de la gencive associées à un saignement au sondage ou au brossage. Elle peut se manifester dans sa forme chronique par un simple liseré rougeâtre avec absence quasi totale de signes fonctionnels. La réaction inflammatoire, due à l’accumulation de plaque dentaire, reste le plus souvent à ce stade. Dans certains cas cependant, l’équilibre entre la prolifération bactérienne et la réponse de l’hôte peut conduire à une rapide destruction des tissus parodontaux et une perte d’attache épithéliale. Parmi ces parodontites agressives à début précoce, on décrit plusieurs entités qui touchent l’enfant [31].
¶ Parodontite prépubertaire La parodontite prépubertaire, rare et de pronostic très défavorable, touche l’enfant prépubaire et conduit à des pertes dentaires précoces des dents déciduales et des dents définitives. Actinobacillus actinomycetemcomitans semble être le principal germe responsable, mais Prevotella intermedia, Porphyromonas gingivalis, Bacteroides intermedius, Eikenella corrodens et Capnocytophaga sputigena peuvent être également impliqués.
¶ Parodontite aiguë juvénile La parodontite aiguë juvénile affecte les patients de moins de 20 ans. Elle est subdivisée en parodontite aiguë juvénile localisée qui touche 4
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
¶ Gingivites hyperplasiques Les gingivites hyperplasiques ont généralement une composante bactérienne dans leur étiologie [34]. Dans la fibromatose gingivale idiopathique, la gencive apparaît épaissie, ferme, fibreuse. Dans les hypertrophies gingivales médicamenteuses, la gencive apparaît plus ou moins inflammatoire : soit peu inflammatoire dans le cas de l’hydantoïne, soit plus inflammatoire dans le cas de la ciclosporine (fig 5). La très exceptionnelle carence en vitamine C peut donner un tableau de gingivite hyperplasique très inflammatoire, évoluant vers une atteinte parodontale sévère. Une hypertrophie gingivale très inflammatoire peut être le point d’appel initial d’une leucémie monocytaire. Certaines pathologies génétiques rares peuvent être également responsables d’hypertrophies gingivales associées à une infiltration plus diffuse de toute la cavité buccale : c’est le cas des fibrohyalinoses juvéniles.
¶ Gingivite ulcéronécrotique La gingivite ulcéronécrotique ne se voit guère chez l’enfant que chez des sujets débilités, immunodéprimés ou sévèrement dénutris. En l’absence de traitement, elle peut évoluer vers une nécrose complète des tissus osseux et musculocutanés dans un tableau infectieux sévère aboutissant le plus souvent au décès : il s’agit alors du noma. En cas de survie, les séquelles fonctionnelles et esthétiques sont majeures.
Stomatite candidosique
[13, 33]
Candida albicans est un hôte saprophyte habituel de la cavité buccale. Un enfant sur trois est porteur sain de C. albicans. Certains facteurs peuvent conduire de l’état saprophyte à l’état parasitaire. Ces
Stomatites du nourrisson et de l’enfant
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
6
7
Muguet buccal.
facteurs peuvent être locaux (xérostomie, mucite postradique ou postchimiothérapie), généraux (immunodépression, diabète) ou iatrogéniques (antibiotiques et corticoïdes). Le muguet buccal (fig 6), ou stomatite candidosique pseudomembraneuse, est la forme la plus habituelle et touche préférentiellement le nourrisson et le jeune enfant. Il s’agit d’une stomatite érythémateuse sur laquelle apparaît un semis de grains blanchâtres ayant tendance à confluer. Ces derniers sont facilement décollables. Cette stomatite est facilement identifiable au niveau des joues, du palais ou du dos de la langue. Elle entraîne peu de symptômes fonctionnels en dehors d’une sensation de cuisson et de sécheresse buccale. Cette stomatite peut s’étendre au pharynx et occasionner une dysphagie. La perlèche, qui peut être contemporaine du muguet, est favorisée par la macération et l’ensalivation permanente de la commisure labiale. La candidose buccale chronique se présente sous la forme d’un tableau clinique plus polymorphe, allant de la stomatite érythémateuse à des lésions leucoplasiques ou nodulaires. Le diagnostic, le plus souvent évident cliniquement pour le muguet buccal, peut être confirmé par un traitement d’épreuve. Le diagnostic de certitude, le plus souvent nécessaire dans les candidoses chroniques, repose sur la mise en évidence de C. albicans à l’examen direct du produit d’écouvillonage ou la mise en évidence de nombreuses colonies de C. albicans en culture sur milieu de Sabouraud. L’évolution est le plus souvent spontanément favorable après suppression ou correction du facteur favorisant. Le traitement repose sur les antifongiques locaux [20]. La forme en gel est la plus adaptée chez le nourrisson et le jeune enfant (miconazole). Un antifongique per os peut être indiqué dans le cas d’une anite associée afin d’éradiquer un portage digestif responsable de réinfestations. Quinze jours de traitement sont habituellement suffisants. Des atteintes cutanées (intertrigo, périonyxis) sont à rechercher et à traiter simultanément.
Aphtose buccale récidivante ou stomatite aphteuse récurrente
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[11]
TABLEAUX CLINIQUES
L’aphte est une lésion très fréquente qui affecte plus d’un tiers des enfants d’âge scolaire.
8
Aphte labial.
Aphte lingual.
Il existe plusieurs formes cliniques de la stomatite aphteuse récurrente : aphtose mineure, aphtose majeure, aphtose herpétiforme. La lésion élémentaire est constituée d’une ulcération douloureuse à fond « beurre frais » entourée d’un liseré rouge vif (fig 7). L’atteinte de la gencive, de la fibromuqueuse palatine et du dos de la langue est nettement moins fréquente que l’atteinte du reste de la cavité buccale et est plutôt associée à l’aphtose majeure ou à l’aphtose miliaire. Les lésions de l’aphtose mineure ou aphtose vulgaire représentent les ulcérations les plus communes de l’enfant. Ces lésions apparaissent le plus souvent après l’âge de 5 ans. Le nombre, la taille et la profondeur des ulcérations sont limités. Elles ne dépassent pas 5 mm de diamètre et guérissent le plus souvent en 1 semaine. Le caractère récidivant et invalidant des aphtes de l’aphtose mineure les différencie des aphtes banals (fig 8). Les lésions de l’aphtose majeure ou périadénite de Sutton sont souvent multiples, profondes, larges (plus de 1 cm de diamère) avec des contours irréguliers. La guérison a lieu généralement en plus de 2 semaines et laisse souvent une cicatrice (fig 9). L’aphtose herpétiforme ou aphtose miliaire est exceptionnelle chez l’enfant. Elle est caractérisée par le nombre et le petit diamètre des lésions. La coalescence des lésions peut donner un contour polycyclique comme celui retrouvé dans la stomatite herpétique. 5
Stomatites du nourrisson et de l’enfant
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¶ Syndrome PFAPA
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses [18]
L’apparition dans le plus jeune âge (avant 5 ans) d’une stomatite aphteuse récurrente associée à un syndrome fébrile doit faire évoquer le syndrome PFAPA associant fièvre périodique (periodic fever), stomatite aphteuse (aphtosis), pharyngite et adénopathies. La fièvre souvent élevée est caractéristique par sa périodicité : les épisodes fébriles reviennent toutes les 2 à 8 semaines et durent habituellement 4 jours. La stomatite aphteuse, associée dans 70 % des cas, évoque une aphtose mineure. L’évolution de chaque épisode est spontanément favorable, mais ces manifestations peuvent durer des années. Ce tableau diffère de la neutropénie cyclique par la normalité des examens biologiques. Ce syndrome est d’origine inconnue. Les corticoïdes à la phase initiale des symptômes réduisent la durée des épisodes. La cimétidine, qui pourrait avoir un rôle immunomodulateur, semble diminuer le nombre des récurrences [36].
¶ Maladie de Crohn
9
Aphtose majeure.
PHYSIOPATHOLOGIE
Classiquement associée à une dysfonction immunitaire localisée, la pathogénie de la stomatite aphteuse récurrente est mal connue et controversée. Les modifications humorales les plus fréquemment observées sont une augmentation du rapport des lymphocytes T CD8+/T CD4+. Une origine virale (Epstein-Barr virus [EBV] ou CMV) ou bactérienne (Streptococcus sanguis), ou un lien avec le système HLA (haplotypes HLA B5, B12, B27, B44, B52, DR4, DR7, MT2, MT3, etc) ont été mises en évidence [24, 45, 46]. Des antécédents familiaux, des traumatismes locaux, des allergies ou le stress semblent être des facteurs favorisants [28]. Certains aliments sont connus comme facteurs déclenchants : les noix, le gruyère, le chocolat, les crustacés, les fruits frais, les épices... DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Le diagnostic de stomatite aphteuse récidivante ne peut se poser qu’après élimination des aphtes symptomatiques de certaines pathologies systémiques ou digestives ou de certains désordres métaboliques ou immunitaires : maladie de Behçet, maladie de Crohn, colite ulcéreuse, carence vitaminique, neutropénie cyclique, neutropénie bénigne familiale. Le PFAPA est un syndrome identifié récemment donnant un tableau de stomatite aphteuse.
¶ Maladie de Behçet
TRAITEMENT DE LA STOMATITE APHTEUSE RÉCURRENTE [4, 20, 27]
Le traitement de la stomatite aphteuse récurrente repose essentiellement sur un traitement symptomatique : les topiques antalgiques (lidocaïne gel) peuvent s’associer à des antalgiques par voie générale (paracétamol, codéine). Les bains de bouche antiseptiques peuvent réduire la surinfection bactérienne et réduire la durée de cicatrisation. Les anti-inflammatoires (corticoïdes locaux le plus souvent mais également anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS] par voie générale [43]) diminuent la réponse inflammatoire et peuvent être efficaces dans le cas des formes sévères ou en cas d’insuffisance du traitement symptomatique. Les immunomodulateurs (isoprinozine R) peuvent être utiles pour espacer ou atténuer les poussées. Il manque actuellement de données pour pouvoir apprécier efficacité et tolérance de la pentoxifylline chez l’enfant [9]. Les tétracyclines sont utilisées par certains avec succès, mais sont contre-indiquées chez le jeune enfant (moins de 8 ans).
Stomatites bulleuses
[8, 21, 37, 42]
[41]
Il s’agit d’une affection multisystémique de cause inconnue. Les premiers signes de cette maladie apparaissent rarement chez l’enfant (moins de 10 % des cas). Dans ce cas, les premières manifestations sont représentées essentiellement par des ulcérations buccales indifférentiables de la stomatite aphteuse récurrente. Chez l’adulte, au contraire, les premières manifestations sont plus volontiers génitales ou systémiques. Le diagnostic de maladie de Behçet repose sur l’association de critères cliniques : lésions aphteuses buccales, lésions aphteuses génitales, lésions cutanées (hypersensibilité cutanée aux effractions, pseudofolliculite, érythème noueux), uvéites, arthrites, atteinte du système nerveux central, vascularites, lésions digestives. D’autres atteintes systémiques sont possibles. Le traitement des lésions buccales repose sur un traitement local auquel peut s’associer un traitement général (corticoïdes, colchicine, interféron). Les formes sévères invalidantes peuvent faire appel à la dapsone ou au thalidomide.
¶ Carences nutritionnelles Une carence en vitamine B1 (thiamine) [23], en vitamine B12, en fer, en acide folique est plus souvent retrouvée dans la population souffrant d’aphtose récurrente [3]. 6
Ces aphtes sont habituellement de grande taille. Ils siègent volontiers sur la face interne des lèvres ou la commissure rétromaxillaire. Ils ont une évolution traînante récidivante et résistante à toute thérapeutique [12].
Les stomatites bulleuses sont rares chez l’enfant si l’on excepte les bulles en rapport avec des brûlures ou un impétigo, le diagnostic clinique étant alors simple. De par leur localisation, les bulles de la cavité buccale laissent rapidement place à des érosions douloureuses. C’est le plus souvent par une atteinte cutanée associée qu’est évoqué le diagnostic de maladie bulleuse. En dehors de la dermatose à immunoglobuline A (IgA) linéaire, de la dermatite herpétiforme et de l’épidermolyse bulleuse acquise, les dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigus et pemphigoïde bulleuse) n’affectent qu’exceptionnellement la muqueuse buccale de l’enfant. DERMATOSE À IMMUNOGLOBULINES A LINÉAIRE
[8]
Il s’agit de la seule maladie bulleuse auto-immune affectant essentiellement l’enfant. Les manifestations cliniques commencent le plus souvent avant l’âge de 5 ans : il s’agit d’une éruption vésiculeuse disposée en rosette ou en bouquets herpétiformes. L’atteinte péribuccale est habituelle, l’atteinte muqueuse plus inconstante. Cette dernière peut cependant être sévère. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’IgA linéaire sur la biopsie en peau périlésionnelle et en peau saine.
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
Stomatites du nourrisson et de l’enfant
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Cette pathologie peut être associée à l’haplotype HLA B8 DR3, mais de façon moins fréquente que dans le cas de la dermatite herpétiforme et n’est pas associée dans ce cas à une entéropathie au gluten. Le traitement fait appel à la disulone ou à la sulfapyridine. L’évolution peut être spontanément régressive. DERMATITE HERPÉTIFORME
Elle affecte le plus souvent l’adulte jeune, mais peut affecter l’enfant. L’éruption cutanée très prurigineuse touche avec prédilection les faces d’extension des membres. L’atteinte buccale est rare, mais possible. Elle est généralement associée à une entéropathie au gluten responsable de malabsorption. Le diagnostic repose sur l’immunofluorescence avec mise en évidence d’IgA granuleux. Le traitement repose sur la disulone. ÉPIDERMOLYSE BULLEUSE
Elle peut être soit acquise soit héréditaire. Elle se présente sous la forme d’une fragilité excessive de la peau et des muqueuses se traduisant par l’apparition de bulles aux zones de frottement ou au moindre traumatisme.
10
Syndrome de Stevens-Johnson.
11
Syndrome de Stevens-Johnson.
¶ Épidermolyse acquise L’épidermolyse acquise (EBA) affecte la peau et les muqueuses. Elle se différencie de la dermatose à IgA par l’intensité des lésions muqueuses et la cicatrisation qui laisse des grains de milium. Son caractère acquis est défini par la présence d’anticorps (anticorps EBA).
¶ Épidermolyse héréditaire ou congénitale L’épidermolyse héréditaire ou congénitale (EBC) se présente sous différentes formes avec une atteinte plus ou moins sévère de la peau et de la muqueuse buccale. La différence du niveau de clivage explique les différentes formes de la maladie, de gravité variable [12, 37] . EBC simple Le clivage est intracytoplasmique. Les atteintes concernent aussi bien la peau que les muqueuses. L’atteinte est rarement sévère, ne laissant pas de cicatrice. EBC jonctionnelle Le clivage est situé dans la lamina lucida. La maladie est autosomique récessive. Elle entraîne une atteinte sévère de la peau et des muqueuses et est le plus souvent mortelle dans la première année de vie.
L’érythème polymorphe survient le plus souvent dans les suite d’une récurrence herpétique, au décours d’une infection respiratoire à mycoplasme ou après une prise médicamenteuse (AINS). L’évolution est le plus souvent bénigne mais il existe cependant des formes graves : c’est le cas du syndrome de Stevens-Johnson (fig 10, 11) avec atteinte sévère de toutes les muqueuses (atteinte cornéenne possible). L’atteinte cutanée peut être extensive, se rapprochant du tableau de la nécrolyse épidermique toxique. Le traitement est essentiellement symptomatique.
EBC dystrophique Le clivage se situe sous la membrane basale. L’atteinte de la muqueuse buccale est constante dans la forme récessive. La cicatrisation entraîne des synéchies pouvant conduire à une disparition des culs-de-sac vestibulaires, une fixation de la langue ou une limitation majeure de l ’ouverture buccale. Le pronostic est défavorable, entraînant une impotence progressivement complète et le décès vers la quatrième décennie. Dans la forme dominante, l’atteinte est moins sévère, affectant peu la muqueuse buccale. ÉRYTHÈME POLYMORPHE
Le diagnostic repose sur des critères cliniques cutanés et muqueux. Les lésions cutanées sont vésiculobulleuses en cocarde situées de façon symétrique et prédominant aux extrémités. Les lésions bulleuses muqueuses affectent toute la cavité buccale, mais épargnent généralement la gencive. Elle sont rapidement remplacées par des érosions douloureuses.
NÉCROLYSE ÉPIDERMIQUE TOXIQUE : SYNDROME DE LYELL
Il est actuellement considéré comme une forme gravissime de l’érythème polymorphe. L’atteinte cutanée et muqueuse étendue peut conduire au décès. Le traitement se rapproche de celui des grands brûlés. L’origine en est le plus souvent médicamenteuse (sulfamides, antibiotiques, barbituriques, AINS...).
Lichen plan
[34, 35, 37]
D’étiologie mal connue, le lichen plan affecte aussi bien la peau que les muqueuses. Fréquent chez l’adulte, le lichen plan buccal est cependant exceptionnel chez l’enfant. L’aspect clinique est le plus souvent évocateur lorsqu’il présente un aspect réticulé. Le plus souvent asymptomatique, il peut devenir invalidant dans sa forme érosive : il se présente alors sous la forme de plages érosives 7
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12
Langue géographique.
douloureuses souvent associées à un œdème de la muqueuse pouvant affecter l’ensemble de la cavité buccale. La localisation aux gencives peut constituer un tableau de gingivite desquamative. Le résultat du traitement est souvent décevant dans cette forme. On pourra faire appel aux corticoïdes locaux, aux rétinoïdes de synthèse. La ciclosporine en bains de bouche semble également efficace. Le risque de dégénérescence carcinomateuse, bien que faible, est cependant présent.
Glossite exfoliatrice en aires
[12, 20, 35]
(fig 12)
De cause inconnue mais à caractère familial, la glossite exfoliatrice en aire est le plus souvent asymptomatique chez l’enfant mais peut cependant inquiéter les parents de par son caractère visible. Également appelée langue géographique, celle-ci débute dans la petite enfance. Elle se manifeste par l’apparition de dessins sur la langue, constitués de zones dépapillées entourées d’un liseré hyperkératosique légèrement surélevé. Dans les zones dépapillées, les papilles fongiformes persistent sous la forme de têtes d’épingles rouge vif. La migration ou la variation de ces différents dessins dans le temps est très évocatrice. Il n’y a, le plus souvent, pas lieu de réaliser de diagnostic histologique ni de proposer un traitement.
Stomatites iatrogéniques
[22, 51]
De nombreux médicaments peuvent être responsables d’aphtes, d’ulcérations aphtoïdes ou de stomatites érosives. Ces lésions peuvent être liées soit à une action locale, soit à une action systémique du médicament. Les molécules ainsi incriminées dans l’apparition de ces lésions sont les antimitotiques (en particulier les antifoliques), l’aspirine, l’acide niflumique, les antiseptiques chlorés, le phénobarbital, le diclofénac, l’acide benzoïque, le ddC, le céfaclor, l’interleukine 2, le menthol... Des phénomènes allergiques de contact (réaction d’hypersensibilité retardée) peuvent être responsables de stomatite. Elle se manifeste sous la forme d’un érythème et d’un œdème de la muqueuse associés à une sensation de cuisson. L’apparition d’érosions est possible. Devant le caractère récidivant de la stomatite, le diagnostic repose sur une enquête allergologique, des tests allergiques (prick test et tests épicutanés), mais surtout sur le test d’éviction de l’allergène. On retrouve les principaux allergènes dans les dentifrices (acide benzoïque et cinnamaldéhyde...), les tétines (latex), les stylos (matières plastiques). Les matériaux d’obturation peuvent également être impliqués [37]. Des toxidermies parfois sévères, voire mortelles peuvent affecter la muqueuse buccale. Dans la majorité des cas, une atteinte cutanée 8
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
13
Ulcération labiale (agranulocytose).
est associée. De nombreuses molécules ou classes médicamenteuses peuvent être responsables de l’apparition de ces toxidermies : AINS, corticoïdes, antibiotiques, anesthésiques locaux, dérivés iodés, aciclovir, phénothiazines, héparine... Elles peuvent se manifester sous la forme du syndrome de Lyell, du syndrome de StevensJohnson, de la toxidermie pemphigoïde, du pemphigus ou des toxidermies lichenoïdes. L’érythème pigmenté fixe peut avoir une manifestation purement muqueuse sous la forme d’une plage érythémateuse parfois bulleuse [39]. D’autres médicaments peuvent être responsables de stomatites spécifiques. Les antibiotiques ou les corticoïdes sont volontiers responsables de prolifération candidosique chez l’enfant. La ciclosporine ou l’hydantoïne sont connus pour être responsables de gingivites hypertrophiques.
Stomatites des hémopathies
[31, 37, 47]
AGRANULOCYTOSE (NEUTROPÉNIE MALIGNE)
Elle se définit par l’absence de cellules de la lignée granulocytaire (< 250 PNN/mm3). Elle se manifeste généralement de façon brutale par un syndrome général très marqué avec fièvre élevée, céphalées, maux de gorge, prostration. En moins de 24 heures apparaissent des lésions de muqueuses de la cavité buccale. Ces lésions ulcéronécrotiques à l’emporte-pièce se situent essentiellement sur la muqueuse labiale et gingivale. Elles sont extrêmement douloureuses et peuvent être extensives en surface et en profondeur (fig 13, 14). Le traitement repose sur l’antibiothérapie parentérale, les antalgiques, la réanimation. Cette affection peut être d’origine iatrogénique (AINS...), secondaire à une leucémie aiguë, à une chimiothérapie antimitotique ou d’origine idiopathique. Le myélogramme systématique permet de préciser l’étiologie et d’adapter le traitement étiologique. NEUTROPÉNIE CYCLIQUE
Elle se définit par la diminution périodique des polynucléaires neutrophiles circulants, environ toutes les 3 semaines. L’atteinte buccale associée à cette affection se manifeste par des ulcérations gingivales uniques ou multiples donnant un tableau de stomatite aphteuse récurrente (fig 15). Elle est la plupart du temps contemporaine de la phase neutropénique mais peut être décalée dans le temps. Une fièvre est souvent associée.
Stomatites du nourrisson et de l’enfant
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
14
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Agranulocytose.
16
Ulcération labiale (syndrome de l’immunodéficience acquise [sida]).
L’atrophie des muqueuses buccales est particulièrement présente dans l’anémie sidéropénique entraînant une véritable glossite dépapillée, associée à des perlèches commissurales. Les anémies sidéropéniques chez l’enfant sont essentiellement liées à un déficit d’apport ou à une malabsorption. Le traitement repose sur l’apport de fer métal. STOMATITES ET VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE
15
Leucopénie.
Cette affection d’étiologie constitutionnelle se déclare le plus souvent dans l’enfance. Elle est à différencier d’une prise cyclique de médicaments neutropéniants. LEUCÉMIES AIGUËS
[26]
Environ un tiers des patients qui souffrent d’une leucémie aiguë présentent des manifestations buccales. L’hypertrophie gingivale est l’atteinte la plus fréquente et se voit essentiellement dans les formes monocytaires et myélomonocytaires. L’hyperplasie gingivale leucémique est caractérisée par un aspect brillant, œdémateux et spongieux. Des infiltrats leucémiques peuvent également être retrouvés dans d’autres parties de la muqueuse buccale. D’autres symptômes sont également retrouvés, non liés à l’infiltrat leucémique, mais à l’atteinte des autres lignées sanguines, en particulier des pétéchies, des ulcérations, des saignements gingivaux spontanés ou des ecchymoses. Des lésions érosives ou ulcératives de la cavité buccale peuvent être secondaires soit à une granulocytopénie, soit à une réactivation virale (herpès, CMV) ou être directement en rapport avec le traitement antimitotique. Une surinfection bactérienne est habituelle. ANÉMIE
Le syndrome anémique, quelle qu’en soit l’étiologie, entraîne une pâleur des muqueuses.
[5, 38, 50]
La candidose buccale constitue la principale cause de stomatite chez le patient contaminé par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Elle est habituellement représentée par la forme pseudomembraneuse ou muguet, et revêt volontiers un aspect diffus. Les formes chroniques sont également fréquentes chez le patient VIH. On peut noter que, contrairement à la forme œsophagienne, la candidose buccale ne fait pas entrer le patient en stade sida selon la classification internationale. La leucoplasie orale chevelue, fréquemment rencontrée chez les patients immunodéprimés (VIH, greffés), est due à l’EBV. Elle se manifeste par des petites lésions blanchâtres disposées verticalement en stries sur les bords libres de la langue, s’épaississant en quelques jours. L’évolution est en règle chronique avec des phases de rémission et des phases de recrudescence. Devant l’absence habituelle de symptôme, aucun traitement n’est recommandé. L’aciclovir est cependant efficace sur ces lésions. Des ulcérations buccales sont fréquemment rencontrées dans cette population (fig 16). Elles peuvent être d’origine virale, que ce soit sous la forme d’une récurrence herpétique se présentant comme une gingivostomatite volontiers diffuse, ulcéronécrotique et hémorragique, ou sous la forme d’une récurrence du virus varicelle zona (VZV) particulièrement fréquente sur ce terrain. Les lésions élémentaires du zona sont alors des vésicules sans particularités, mais souvent étendues, dépassant volontiers un territoire nerveux. Ces différentes infections virales nécessitent un traitement par antiviral (aciclovir) par voie générale sur ce terrain particulier. Les ulcérations buccales peuvent également être d’origine iatrogénique chez le patient traité pour son infection par le VIH. Elles peuvent être en rapport avec un traitement par foscarnet, interféron, 2,3 didéoxycytidine ou par sulfamides. Le plus souvent, ces ulcérations miment une stomatite aphteuses récurrente dans sa forme mineure, majeure ou herpétiforme et aucun agent causal manifeste n’est isolé. Ces lésions aphteuses répondent cependant habituellement à la corticothérapie [14]. Les lésions parodontales sont habituelles, que ce soit sous la forme d’une gingivite marginée ou, de façon plus sévère, sous la forme 9
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Stomatites du nourrisson et de l’enfant
d’une gingivite ou d’une parodontite ulcéronécrotique. Le traitement de ces lésions repose sur un traitement local (hygiène dentaire et détartrage) associé, dans les formes sévères, à une antibiothérapie.
Conclusion De grande fréquence, les stomatites de l’enfant sont le plus souvent parfaitement bénignes. L’examen clinique permet généralement un diagnostic sans avoir recours à des explorations complémentaires. Les stomatites persistantes doivent cependant conduire à un diagnostic paraclinique. Les répercussions fonctionnelles, parfois très importantes, nous conduisent à axer notre traitement sur une reprise la plus rapide possible de l’alimentation, afin d’éviter une déshydratation possible chez le jeune enfant ou le nourrisson.
Stomatologie Pédiatrie/Maladies infectieuses
La plupart des stomatites les plus courantes de l’enfant sont de diagnostic clinique simple. Peu d’explorations complémentaires sont nécessaires (numération-formule sanguine [NFS]). Le problème thérapeutique posé par ces pathologies dans cette population repose plus sur le problème de la coopération de l’enfant, l’adaptation galénique (goût et texture du médicament) et l’observance du traitement. Il existe peu de données sur l’efficacité des protocoles thérapeutiques chez ce type de patient et le traitement de ces pathologies chez l’enfant découle le plus souvent des études de la population générale ; on cherchera néanmoins le traitement le plus adapté à l’âge de l’enfant. La prévention des stomatites passe par une hygiène buccale adaptée, indispensable dès l’apparition des dents déciduales, sous la forme d’un brossage gingivodentaire par les parents puis par l’enfant lui-même, et de détartrages réguliers. Assurer une bonne hygiène buccale dans le cas d’enfants souffrant de dermatoses bulleuses, en particulier congénitales, représente toujours un véritable défi.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-051-D-05 (2004)
22-051-D-05
Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson B. Michel G. Couly
Résumé. – La cavité buccale du nourrisson et du nouveau-né est le siège de multiples manifestations tumorales ou pseudotumorales. Les plus fréquentes sont les kystes épithéliaux d’évolution parfaitement bénigne. À l’opposé, les sarcomes embryonnaires sont des lésions exceptionnelles mais de pronostic réservé. Entre les deux se situent une multitude de lésions bénignes. Certaines sont de diagnostic clinique, confirmé par le geste chirurgical (grenouillette, épulis congénitale, hamartome…). Certaines sont de diagnostic clinique mais nécessiteront un bilan d’imagerie avant exérèse (angiomes). Certaines pourront bénéficier dans certains cas d’une abstention thérapeutique (angiome plan, hémangiome, papillome, nævus, petit kyste mucoïde) sous couvert d’une surveillance. Certaines peuvent avoir une valeur prédictive (névromes myéliniques de l’apudomatose IIb). D’autres lésions plus rares sont possibles et sont alors le plus souvent de diagnostic histologique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Tumeur ; Pseudo-tumeur ; Angiome ; Épulis congénitale ; Kyste mucoïde
Introduction
Tableau 1. – Dérivés de la crête neurale (d’après N. Le Douarin, 1999)
Le développement de la cavité stomodéale embryonnaire (future cavité buccale) procède de la fusion, après contact, de bourgeons recouverts d’ectoderme, dans lesquels migrent les cellules de la crête neurale. La différenciation des cellules de la crête neurale est à l’origine de la majorité des tissus orofaciaux. Seules les cellules endothéliales ont une origine mésodermique [21] (Tableau 1). Contrairement à la muqueuse digestive, la muqueuse buccale composée d’épithélium pavimenteux non kératinisé est issue de l’ectoderme. Cette similitude d’origine entre cette muqueuse et la peau explique la correspondance entre les glandes salivaires séreuses et les glandes sébacées d’une part et entre les glandes muqueuses et les glandes sudoripares d’autre part. La multitude des processus dysembryoplasiques explique la variété des lésions pseudotumorales de la cavité buccale rencontrées chez le nouveau-né. Les lésions tumorales vraies chez le nouveau-né et le nourrisson sont plus rares. Les lésions tumorales ou pseudotumorales les plus fréquemment rencontrées sont les kystes épithéliaux, les dysplasies salivaires et les angiomes. [35, 36]
Description des différentes lésions (Tableaux 2, 3) (Fig. 1)
[3, 36]
KYSTES ÉPITHÉLIAUX
Dérivés mésectodermiques céphaliques : – squelette facial (os, cartilage) ; – odontoblastes ; – paroi des arcs aortiques (3e, 4e, 6e) ; – derme, face et cou, muscle horripilateur ; – conjonctif : - thymus ; - parathyroïdes ; - thyroïde ; – squelette viscéral : glandes : - salivaires ; - lacrymales ; - hypophyse ; - participation à la musculature faciale ; - sclérotique, muscles ciliaires. Cellules nerveuses : – neuroblastes bipolaires : -ganglions rachidiens ; -ganglions des nerfs crâniens (V, VII, IX, X) ; – neuroblastes multipolaires ; - à phénotype cholinergique (parasympathique bulbaire) ; - à phénotype adrénergique (sympathique). Cellules de soutien : – de Schwann ; – des méninges (pie-mère, arachnoïde) ; – satellites. Cellules pigmentaires Cellules endocriniennes : – cellules C à calcitonine ; – cellules I et II du corps carotidien ; – glandes médullosurrénales et paraganglionnaires.
[5, 16, 27, 30]
La prévalence des kystes épithéliaux chez le nouveau-né est très élevée (60 %) pouvant faire considérer la présence de telles lésions
B. Michel (Chef de clinique-assistant des Hôpitaux) Adresse e-mail: [email protected] G. Couly (Professeur des Universités, stomatologiste et chirurgien maxillofacial des hôpitaux de Paris) Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale pédiatriques, hôpital Necker–Enfants-Malades, 149161, rue de Sèvres 75015 Paris, France.
comme normale. Ils se présentent sous la forme de lésions blanchâtres ou jaunâtres arrondies régulières, enchâssées dans la muqueuse gingivale ou la muqueuse palatine, de moins d’un millimètre à quelques millimètres de diamètre. Ils sont plus fréquents chez l’enfant né à terme. Les lésions gingivales siègent le plus souvent sur la crête alvéolaire et sont volontiers multiples. D’origine discutée, ces lésions peuvent
22-051-D-05
Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
Stomatologie
Tableau 2. – Principales étiologies des formations tumorales congénitales de diagnostic anténatal Le diagnostic prénatal de tuméfaction de la cavité buccale est réalisé par l’échographie. Celui-ci n’est généralement réalisé que dans le cas de lésions volumineuses. Le diagnostic sera étayé par une imagerie par résonance magnétique (IRM). Il est le plus souvent possible de définir la nature liquidienne ou tissulaire de la lésion. Les lésions les plus fréquemment rencontrées sont le lymphangiome, le kyste mucoïde du plancher buccal et l’épulis congénitale. – Angiomes – Épulis congénital – Kystes mucoïdes, grenouillette – Tératomes – Hamartomes, hétérotopie neurogliale (Fig. 1) – Sarcomes embryonnaires
Tableau 3. – Lésions tumorales et pseudotumorales de la cavité buccale ayant une valeur prédictive ou étant un mode de découverte d’une maladie
Figure 3
Kystes épithéliaux médiopalatins (collection privée du professeur Gérard
Couly).
– Névromes myéliniques de l’apudomatose IIb – Lentigines labiales ou de la langue des syndromes de Peutz-Jeghers et cardiopigmentaires – Hamartomes linguaux des syndromes oro-digito-faciaux – Nævus d’Ota – Angiome plan du syndrome de Sturge-Weber – Nævus sébacé du syndrome de Schimmelpenning – Hyperplasie gingivale dans les leucémies monocytaires ou myélomonocytaires
Figure 4
Excédent embryonnaire médiopalatin (collection privée du professeur Gé-
rard Couly).
Figure 1
Hétérotopie neurogliale (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 5 Fibrochondrome de la face interne de la joue (collection privée du professeur Gérard Couly). RELIQUATS EMBRYONNAIRES ET HAMARTOMES
Figure 2
Kyste épithélial gingival (collection privée du professeur Gérard Couly).
être considérées comme l’équivalent muqueux des kystes épithéliaux congénitaux faciaux (grains de milium) (Fig. 2). Appelés perles d’Epstein ou nodules de Bohn, les lésions palatines sont souvent plus volumineuses : elles siègent sur le raphé médian au niveau du palais secondaire (Fig. 3). Quelle que soit leur origine, ces kystes disparaissent spontanément et dans la grande majorité des cas au cours de la première année de vie, par ouverture spontanée dans la cavité buccale. 2
[2, 12, 13]
Ils correspondent, sur le plan embryonnaire, à une anomalie de fusion entre les bourgeons maxillaires et mandibulaires pour les lésions situées à la face interne de la joue. Une anomalie de fusion des deux bourgeons mandibulaires, maxillaires ou des deux hémilangues est responsable, pour sa part, de lésions situées sur la ligne médiane. Elles se présentent sous la forme d’hamartomes le plus souvent fibreux (Fig. 4, 5, 6). En dehors de ces zones de fusion, les hamartomes linguaux peuvent rentrer dans le cadre des syndromes oro-digito-faciaux dont les plus fréquents sont le type I (syndrome de Papillon-Léage et Psaume) et le type II (syndrome de Mohr). L’association aux autres signes cliniques permet habituellement d’en faire le diagnostic (peudofente
Stomatologie
Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
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Figure 6
Hamartomes médiolinguaux (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 8
Kyste mucoïde du plancher buccal (collection privée du professeur Gérard
Couly).
Figure 9
Kyste mucoïde de la lèvre inférieure (collection privée du professeur Gé-
rard Couly).
Figure 7 Hamartomes linguaux dans le cadre d’un syndrome oro-digito-facial (collection privée du professeur Gérard Couly). labiale médiane supérieure, freins multiples, fissure linguale, fente palatine, anomalies des extrémités, etc.) (Fig. 7). KYSTES MUCOÏDES
[4, 9, 15, 28]
Les kystes mucoïdes ou mucocèles représentent une pathologie très fréquente chez l’enfant. On distingue classiquement les kystes par rétention en rapport avec une obstruction du canal de drainage (origine traumatique, bouchon muqueux ou épithélial) et les kystes par extravasation (traumatisme de la glande ou du canal excréteur). Le plus souvent, seul l’examen histologique permet d’en faire la distinction car la présentation clinique est similaire. La localisation est variable mais limitée aux régions présentant des glandes salivaires au sein d’une muqueuse lâche. [29] La lèvre inférieure et le plancher buccal sont les régions les plus concernées alors que la gencive, le palais et la face dorsale de langue ne sont jamais affectés. Ces kystes se présentent le plus souvent sous la forme de tuméfactions bleutées, translucides, molles, d’aspect caractéristique. Le contenu est mucoïde, filant. Le plus souvent, aucun facteur traumatique déclenchant n’est retrouvé. L’évolution est souvent évocatrice lorsque l’interrogatoire retrouve la notion d’affaissement brutal de la masse suivi d’une récidive. Parfois, le diagnostic est plus difficile devant une lésion inflammatoire pédiculée correspondant à un kyste mucoïde affaissé diapneuisé (Fig. 8, 9, 10).
Figure 10
Kyste mucoïde rétrocommissural extériorisé (collection du docteur Benoît Michel).
Le volume du kyste mucoïde est très variable allant de quelques millimètres à quelques centimètres. Les formes volumineuses sont toujours localisées au plancher buccal (grenouillette) et sont en rapport avec la glande sublinguale ; une extension sousmylohyoïdienne est possible (Fig. 11). D’évolution capricieuse, les kystes mucoïdes peuvent parfois disparaître spontanément mais peuvent également prendre un volume considérable gênant la déglutition ou occasionnant un préjudice esthétique important. En cas de petit kyste mucoïde non invalidant, une abstention est possible. Dans le cas contraire, un geste chirurgical est le plus souvent proposé : soit une exérèse, soit une marsupialisation. Une récidive est toujours possible, en rapport avec une exérèse incomplète ou un traumatisme d’un canalicule de glande salivaire accessoire. Un examen anatomopathologique est 3
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Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
Figure 13
Stomatologie
Imperforation du canal de Wharton (collection privée du professeur Gé-
rard Couly).
Figure 11
Grenouillette (collection du docteur Benoît Michel).
Figure 14
Papillome lingual (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 12
Volumineux kyste mucoïde congénital (collection privée du professeur Gérard Couly).
préférable afin d’éliminer d’autres lésions kystiques exceptionnelles : carcinome mucoépidermoïde, kyste bronchogénique, kyste hétérotopique gastrique. Il est décrit des kystes mucoïdes congénitaux dont le diagnostic est parfois porté en anténatal. L’origine de ces kystes congénitaux est mal définie (des kystes par rétention et par extravasation sont possibles [Fig. 12]). On rapproche des kystes mucoïdes l’imperforation congénitale des canaux de Wharton qui se manifeste par une tuméfaction bleutée du plancher buccal dont une des extrémités est localisée au niveau de l’ostium du canal. Une simple incision sous anesthésie locale est le plus souvent suffisante pour éliminer ce kyste rétentionnel et redonner sa fonction à la glande sous-maxillaire. Une ouverture et une guérison spontanée sont possibles [1, 6] (Fig. 13). PAPILLOMES, CONDYLOMES ACUMINÉS, VERRUES VULGAIRES, HYPERPLASIE ÉPITHÉLIALE FOCALE [20, 27,
28,
31]
Ces lésions ont en commun leur origine virale : infection par le HPV (human papilloma virus). Selon le type responsable, les manifestations cliniques seront variables. Ces lésions pseudotumorales réalisent une excroissance muqueuse kératinisée de taille variable. Lorsqu’elles ont une forme plutôt filiforme, on parle de papillome ; quand elles sont sessiles et kératinisées, on parle de verrue vulgaire ; 4
Figure 15
Hyperplasie épithéliale focale (collection privée du professeur Gérard
Couly).
quand elles sont volumineuses et molles, on parle de condylomes acuminés ; quand elles sont multiples sessiles et peu kératinisées, on parle d’hyperplasie épithéliale focale (Fig. 14, 15). Verrues vulgaires et papillomes sont le plus souvent liés à une infection par HPV 2, 4, 6, 16. Les condylomes sont liés à une infection par HPV 6, 11, 16, 18. L’hyperplasie épithéliale focale est liée à une infection par le HPV 13 et 32. Dans la majorité des cas, la contamination se fait par contact physique étroit (possibilité de contamination de la cavité buccale par des verrues digitales). Le diagnostic précis se réalise par identification du type spécifique (par polymerase chain reaction [PCR]). Les condylomes étant le plus souvent en rapport avec une contamination génitobuccale, la
Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
Stomatologie
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découverte de lésions par HPV 6, 11 ou 16 chez l’enfant doit faire suspecter la possibilité d’abus sexuel sans pouvoir exclure une transmission maternelle lors de l’accouchement. HYPERPLASIE FIBREUSE RÉACTIONNELLE ET DIAPNEUSIE [27, 31]
Située essentiellement sur la face interne de la joue, elle peut se situer également au niveau de la muqueuse labiale. La lésion se présente sous la forme d’une tuméfaction régulière, parfois pédiculée, ferme, recouverte d’une muqueuse normale. On retrouve souvent une notion de traumatisme responsable. La lésion est entretenue ou accentuée par l’aspiration. Il est difficile de faire la différence clinique et histologique entre fibrome vrai et hyperplasie fibreuse réactionnelle. Figure 16 ANGIOMES
Hémangiome labiojugal (collection du docteur Benoît Michel).
[10, 27, 28, 31, 33, 38]
Le terme angiome correspond à de multiples entités cliniques et histologiques. On distingue actuellement deux grands types de pathologies : les hémangiomes et les malformations vasculaires dont le profil évolutif est très différent. Les hémangiomes involuent constamment contrairement aux malformations vasculaires.
¶ Hémangiomes Ils correspondent à une tumeur vasculaire fréquente (environ 10 % des nourrissons) d’évolution particulière. Après une phase évolutive d’environ 1 an suit une phase de stabilisation puis d’involution progressive jusque vers l’âge de 7 ans. L’aspect clinique est évocateur quand la lésion est superficielle et affecte peau et muqueuse avec l’aspect tubéreux classique de la lèvre. Moins fréquemment, la lésion est sous-cutanée ou muqueuse pure. La couleur bleutée, le caractère relativement ferme de la lésion associée au profil évolutif permet le plus souvent de poser le diagnostic. En cas de doute diagnostique, l’imagerie (échographie mais surtout imagerie par résonance magnétique [IRM] avec injection) permet d’éliminer une malformation vasculaire. La biopsie permet d’éliminer une autre tumeur rapidement évolutive (sarcome embryonnaire). L’involution spontanée est la règle justifiant le non-recours à des traitements agressifs. En cas de nécrose, d’ulcération ou de saignement peut se justifier un recours au traitement médical (corticothérapie à fortes doses) ou au traitement chirurgical (chirurgie d’exérèse a minima). En cas de retentissement fonctionnel important (déformation des arcades dentaires, incompétence labiale) ou de retentissement esthétique majeur peut se discuter un geste chirurgical précoce d’exérèse ou de réduction volumétrique. La chirurgie garde sa place dans le traitement des séquelles comme par exemple dans le rétablissement de la ligne cutanéomuqueuse de la lèvre (Fig. 16).
Figure 17
Angiome plan labial inférieur (collection privée du professeur Gérard
Couly).
Figure 18 Syndrome de Sturge-Weber (collection privée du professeur Gérard Couly).
¶ Malformations vasculaires Angiome plan Le plus souvent associé à un angiome plan cutané du territoire du trijumeau correspondant (V2 ou V3), l’angiome plan muqueux peut également être isolé (Fig. 17, 18). Lorsqu’il a une topographie V2 ou V3, il s’associe volontiers à une hyperplasie des tissus mous ou osseux correspondants, donnant un aspect pseudotumoral à la lèvre, à la gencive, au palais ou déformant les arcades dentaires. L’aspect cosmétique de surface de la lèvre blanche peut être amélioré par traitement au laser à colorant pulsé. L’atteinte muqueuse ne justifie le plus souvent pas de traitement. La chirurgie prudente peut permettre de corriger certaines asymétries en cas d’hypertrophie associée.
Malformations veineuses [22] Elles se manifestent par des tuméfactions bleutées molles, dépressibles, de volume augmenté par la position déclive. La muqueuse en regard est normale. Le diagnostic essentiellement clinique est documenté par l’échographie et/ou l’IRM avec injection (hypersignal en T2, rehaussement au gadolinium). Ces 5
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Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
Stomatologie
Figure 19 Malformation veineuse jugale (collection du docteur Benoît Michel).
Figure 21
Lymphangiome palatin (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 22
Lymphangiome lingual (collection privée du professeur Gérard Couly).
celle-ci donnant un aspect de « frai de grenouille ». Lors des poussées inflammatoires, ces vésicules deviennent souvent hématiques. Les lymphangiomes peuvent être responsables de déformations cervicofaciales majeures avec retentissement respiratoire. Il a été décrit à l’opposé des formes très limitées gingivales monocavitaires de disparition spontanée. [15] Figure 20
Malformation veineuse labiale supérieure (collection du docteur Benoît
Michel).
malformations sont de retentissement fonctionnel et esthétique très variable selon leur localisation et leur volume. Le traitement peut faire appel soit à l’abstention, soit à un traitement par radiologie interventionnelle (sclérose par alcool absolu, Ethibloc), soit à la chirurgie. Une embolisation préopératoire peut permettre de réduire le risque hémorragique. Des gestes chirurgicaux itératifs sont le plus souvent nécessaires dans les formes étendues. La localisation labiale, jugale ou linguale expose à un risque de saignement important en cas de traumatisme (morsure). La localisation gingivale ou une extension intraosseuse expose également à un risque hémorragique en cas d’avulsion dentaire (Fig. 19, 20).
L’imagerie par IRM (avec injection) apporte le diagnostic (hypersignal en T2 sans réhaussement par le gadolinium), sa nature macro-, microkystique ou mixte et son extension. Les formes macrocavitaires sont généralement de pronostic plus favorable, accessibles soit à un traitement chirurgical soit à une sclérothérapie (OK-432, Ethibloc, alcool absolu). Les atteintes buccales sont malheureusement le plus souvent microcavitaires avec infiltration des tissus musculaires. Des gestes de réduction chirurgicale prudents peuvent permettre de réduire le volume de la masse. L’exérèse totale est le plus souvent impossible et le risque de récidive important. L’abstention est parfois préférable dans les formes microkystiques à retentissement esthétique limité. Lors des poussées inflammatoires, un traitement médical par corticothérapie en cures courtes associée à des antibiotiques peut permettre de limiter l’augmentation de volume (Fig. 21, 22).
Malformations lymphatiques (lymphangiomes) [11] Elles atteignent volontiers la cavité buccale et sont souvent associées à des formes étendues cervicofaciales. De volume variable au cours de temps, la lésion n’est pas toujours visible à la naissance. Les épisodes infectieux ou inflammatoires (éruptions dentaires) majorent le volume de la lésion. Le lymphangiome se manifeste par une tuméfaction mal limitée, molle, non augmentée par le décubitus. L’atteinte de la muqueuse est caractéristique par la présence de vésicules claires en regard de 6
Malformations artérioveineuses Plus rares que les autres malformations vasculaires, ces malformations se manifestent par une tuméfaction tissulaire chaude, rouge, avec thrill. Le retentissement esthétique et fonctionnel est variable mais le traitement est, dans tous les cas, difficile. Le diagnostic apporté par l’échographie-doppler et l’IRM avec injection sera documenté par l’artériographie. Le traitement repose sur la chirurgie de type carcinologique après embolisation préopératoire.
Stomatologie
Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
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Figure 24 Figure 23
Diagnostic anténatal d’épulis congénital par échographie (collection privée du professeur Gérard Couly).
Épulis congénital (même enfant que la Figure 22) (collection privée du professeur Gérard Couly).
L’abstention thérapeutique sera souvent proposée en gardant présent à l’esprit le risque hémorragique majeur en cas de traumatisme de la lésion. ÉPULIS CONGÉNITAL DU NOUVEAU-NÉ
[7, 17, 18, 24, 25, 26, 27, 31, 32]
L’épulis congénital est une tumeur gingivale qui est aussi connue sous le terme de tumeur à cellules granuleuses congénitale ou tumeur de Neumann. Les filles sont neuf fois plus touchées que les garçons. La localisation maxillaire est la plus fréquente sous la forme d’une tumeur unique ferme sur la gencive, assez régulière, parfois polylobulée, pédiculée ou sessile. Elle est recouverte d’une muqueuse d’aspect normal. La taille peut varier de quelques millimètres à une dizaine de centimètres. La taille de la tumeur ne semble pas évoluer après la naissance. Quelques cas de régression spontanée ont été décrits par nécrose spontanée probablement en rapport avec la finesse du pédicule. L’origine de cette tumeur est mal définie. Bien qu’histologiquement proche des tumeurs à cellules granuleuses de l’adulte, cette tumeur s’en différencie par une expression antigénique différente : les tumeurs congénitales n’expriment pas la protéine S100 et la neuron-specific enolase (NSE) contrairement à celles de l’adulte.
Figure 25
Nécrose spontanée d’un épulis congénital (collection privée du professeur Gérard Couly).
Elles peuvent être volumineuses et sont alors souvent diagnostiquées en anténatal. Le risque hémorragique (arrachement du pédicule) peut justifier alors un accouchement par césarienne. Une détresse respiratoire aiguë ou des troubles de la déglutition sont possibles. Le traitement consiste en une exérèse chirurgicale a minima qui peut être une simple section du pédicule. Le traitement chirurgical est précoce si cette lésion est volumineuse et occasionne une gêne à l’alimentation ou à la respiration. Aucun cas de récidive n’a été décrit même en cas d’exérèse incomplète (Fig. 23, 24, 25, 26, 27). DYSPLASIES PIGMENTAIRES
Figure 26
Épulis congénital de volume habituel (collection du docteur Benoît Mi-
chel).
[19, 27]
Les nævi, dans leurs différentes formes, peuvent affecter la cavité buccale. Ils peuvent être intramuqueux, bleus, composés, jonctionnels ou combinés. Un risque de dégénérescence en mélanome est théoriquement possible (Fig. 28, 29). Une distribution nævique muqueuse diffuse à la muqueuse buccale sur un territoire du trijumeau est retrouvée dans le nævus fuscocaeruleus opthalmo-maxillaris d’Ota. Une atteinte méningée est le plus souvent associée dans ce cas (Fig. 30). Une atteinte diffuse des lèvres sous la forme de lentigines est évocatrice du syndrome de Peutz-Jeghers ou du syndrome LEOPARD (Fig. 31).
TUMEURS NERVEUSES
[28, 32]
Elles peuvent être isolées (schwannome) ou multiples rentrant alors dans le cadre des phacomatoses. Les névromes de la cavité buccale sont fréquemment rencontrés dans la neurofibromatose (type I) mais peuvent également être rencontrés dans l’apudomatose IIb ayant alors une haute valeur prédictive (carcinomes à cellules C de la thyroïde et phéochromocytomes). Ils se présentent dans ce dernier cas comme de petits névromes myéliniques des lèvres et de la langue (Fig. 32, 33). 7
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Figure 27
Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
Stomatologie
Volumineux épulis congénital (collection privée du professeur Gérard
Couly).
Figure 30
Nævus d’Ota (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 28 Nævus palatin (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 31 Lentigine labiale du syndrome de Peutz-Jeghers (collection privée du professeur Gérard Couly). Figure 32
Atteinte linguale dans une neurofibromatose de type I (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 29
Nævus lingual (collection privée du professeur Gérard Couly).
AUTRES TUMEURS OU PSEUDOTUMEURS PLUS RARES
¶ Tumeurs malignes
[14, 31, 34]
Les tumeurs malignes de la cavité buccale sont exceptionnelles chez l’enfant. Les tumeurs d’origine épithéliale le sont encore plus. La 8
tumeur maligne la moins rare est le rhabdomyosarcome (de type embryonnaire ou alvéolaire essentiellement). La localisation buccale représente 4 % des rhabdomyosarcomes du pôle céphalique de l’enfant. La tumeur peut être présente dès la naissance (Fig. 34).
Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
Stomatologie
Figure 33
Névromes myéliniques linguaux de l’apudomatose IIb (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 36
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Syndrome du nævus sébacé linéaire (collection privée du professeur Gé-
rard Couly).
Figure 34
Rhabdomyosarcome du plancher buccal (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 37
Botryomycome de la langue (collection du docteur Benoît Michel).
¶ Nævus sébacé et syndrome de Schimmelpenning
[37]
De grande fréquence, le nævus sébacé de Jadassohn affecte cependant rarement la cavité buccale. Dans ce dernier cas, la lésion est le plus souvent étendue et affecte aussi bien la peau labiale que la muqueuse buccale. Elle peut rentrer alors dans le cadre d’une phacomatose : le syndrome du nævus linéaire (syndrome de Schimmelpenning-Feuerstein-Mims) associant nævus sébacé, malformation cérébrale avec retard mental et épilepsie, anomalies ophtalmologiques, cardiaques…) (Fig. 36).
¶ Botryomycome (granulome pyogénique)
Figure 35
Tératome épignathe (coupe sagittale en imagerie par résonance magnétique [IRM]) (collection privée du professeur Gérard Couly).
¶ Tératome
[37]
Il s’agit d’une véritable tumeur congénitale formée de différents tissus qui ne sont pas issus de l’endroit ou se trouve la tumeur. Lorsqu’il est suffisamment volumineux pour faire saillie hors de la bouche du nouveau-né on parle de tératome épignathe. Bien que cette lésion soit exceptionnelle, elle présente un caractère de gravité quand elle est volumineuse pouvant entraîner une obstruction totale de la filière aérienne. Le diagnostic anténatal et la documentation tumorale par IRM fœtale permettent une prise en charge chirurgicale dès la naissance après les premiers gestes de réanimation (Fig. 35).
[27, 39]
Cette lésion a pour origine un traumatisme de la muqueuse buccale responsable d’une prolifération conjonctive exagérée. La lésion apparaît le plus souvent pédiculée, molle, inflammatoire. Elle saigne volontiers au contact. On peut en rapprocher le granulome de RigaFede (granulome éosinophile traumatique) qui correspond à une tuméfaction inflammatoire située au niveau du frein lingual. Celle-ci est en rapport avec un traumatisme récurrent occasionné par les incisives inférieures. Cette lésion peut se rencontrer chez le nouveau-né présentant des dents natales (Fig. 37).
¶ Lipome Rares et parfaitement bénignes, ces lésions sont plus fréquemment retrouvées au niveau du plancher buccal. La forme et la coloration jaune sont très évocatrices. Seul le profil évolutif permet de différencier lipome et hamartome graisseux (Fig. 38).
¶ Kyste dermoïde
[28, 32]
Présent dès la naissance, cette lésion est située le plus souvent sur la ligne médiane au niveau du plancher buccal. Elle va augmenter de 9
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Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
Stomatologie
Figure 38 Lipome du plancher buccal (collection privée du professeur Gérard Couly).
Figure 40
Hypertrophie gingivale héréditaire (collection privée du professeur Gé-
rard Couly).
Figure 41
Histiocytose X (collection privée du professeur Gérard Couly).
¶ Hyperplasies gingivales
[27]
L’hyperplasie gingivale congénitale est rencontrée dans l’hyperplasie gingivale diffuse héréditaire, dans la fibrohyalinose juvénile et dans l’histiocytose X congénitale (Fig. 40, 41). Figure 39
Myofibrome lingual (collection privée du professeur Gérard Couly).
taille lentement et progressivement pour ne paraître symptomatique que dans la 2e ou la 3e décennie. Elle correspond à une anomalie de fusion du premier ou deuxième arc branchial. Le traitement est chirurgical.
¶ Kyste branchial du premier arc Présent le plus souvent à la naissance, il peut se manifester cliniquement plus tardivement. Le plus souvent visualisé sous la forme d’une tuméfaction sous-maxillaire, une localisation endobuccale au niveau du plancher est possible.
¶ Myofibromatose infantile
[23, 31]
La localisation à la cavité buccale est possible (essentiellement localisation linguale). Elle peut être de forme uni-, multiloculaire ou généralisée. Les formes uni- ou multiloculaires ont le plus souvent une résorption spontanée (Fig. 39).
¶ Xanthogranulome juvénile
[8, 31]
La localisation endobuccale est possible, prenant alors un aspect papillomateux. Le diagnostic est histologique, le plus souvent sur examen de la pièce d’exérèse. 10
L’hyperplasie gingivale inflammatoire est rencontrée après éruption dentaire. Elle peut avoir une origine iatrogène (hydantoïnes, ciclosporine) mais elle doit, dans tous les cas, laisser évoquer le diagnostic de leucémie aiguë (essentiellement monocytaire ou myélomonocytaire).
Diagnostic différentiel Le diagnostic différentiel s’établit avec les pathologies suivantes : – les kystes d’éruption dentaire. L’éruption dentaire des dents lactéales ou définitives peut être précédée du gonflement du sac péricoronaire de la dent concernée. Cela est particulièrement rencontré lors de l’éruption des molaires. La gencive présente une tuméfaction de coloration bleutée d’environ 1 cm de diamètre. La tuméfaction est régulière, de coloration bleutée caractéristique. Le diagnostic est purement clinique. La rupture spontanée du sac péricoronaire conduit à l’éruption de la dent (Fig. 42) ; – la macroglossie du syndrome de Wiedemann-Beckwith et l’hypertrophie linguale dans la neurofibromatose de type I (Fig. 43) ; – les tumeurs osseuses et dysplasies fibreuses, torus palatin, exostoses ; – le cal de succion ; – l’hypertrophie bilatérale des boules de Bichat (Fig. 44).
Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buccale du nouveau-né et du nourrisson
Stomatologie
Figure 42
Kyste d’éruption dentaire (collection privée du professeur Gérard
Couly).
Figure 44
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Hypertrophie des boules de Bichat (collection privée du professeur Gé-
rard Couly).
Conclusion Bien que le diagnostic des tumeurs ou dysplasies tumorales de la cavité buccale de l’enfant soit le plus souvent clinique (kystes épithéliaux, kystes mucoïdes, papillomes, hémangiomes…), il peut être nécessaire de recourir à des explorations complémentaires. Ces dernières (en particulier l’IRM) permettent de préciser le diagnostic ou l’extension. En cas de doute, seule l’exérèse suivie d’un examen anatomopathologique fournit le diagnostic de certitude. Une extension rapide associée à des limites mal définies doit toujours pouvoir faire redouter une tumeur maligne (sarcomes embryonnaires essentiellement). La présence de certaines lésions de la cavité buccale peut avoir un intérêt prédictif. Figure 43
Syndrome de Wiedemann-Beckwith (collection du docteur Benoît Mi-
chel).
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11
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-052-A-05 (2004)
22-052-A-05
Anatomie du vieillissement craniofacial C. Vacher
Résumé. – Le vieillissement de la face ne peut se réduire à la simple ptose cutanée faciale. Il existe des modifications qui intéressent aussi les plans sous-cutanés musculoaponévrotiques, les muscles masticateurs, et le squelette. Le vieillissement cutané se caractérise par une atrophie et une perte d’élasticité. Le système musculoaponévrotique superficiel se relâche, ainsi que le septum orbitaire favorisant l’apparition de hernies graisseuses sous-cutanées. Certains muscles peauciers sont infiltrés par la graisse sous-cutanée, et le muscle masséter présente un épaississement de ses aponévroses. Le vieillissement des maxillaires et de la mandibule est surtout causé par l’édentation. Il se produit une résorption osseuse et une diminution de hauteur de l’étage inférieur de la face. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Vieillissement ; Édentation ; Anatomie ; Os alvéolaire ; Os maxillaire ; Mandibule
Introduction
théories permettent d’expliquer chacune une partie des altérations suivantes qui participent à ce vieillissement cellulaire :
Le vieillissement de la face doit être envisagé comme la résultante d’un processus global qui affecte l’ensemble des tissus qui composent la face. Il faut donc considérer successivement :
– diminution de la prolifération cellulaire : Hayflick a montré en 1964 que les lignées cellulaires in vitro ont une durée définie de multiplication ; [27] – perte des télomères des chromosomes : au cours de la vie se produit un raccourcissement progressif des télomères (séquences d’acide désoxyribonucléique [ADN] qui terminent les chromosomes). Ceci entraîne une perte de matériel génétique et des lésions de l’ADN ; [1]
– le vieillissement cutané, qui est le plus apparent et qui est étroitement lié à l’exposition solaire ; – le vieillissement des plans sous-cutanés de la face, qui explique la ptose cutanée faciale très variable suivant les localisations ; – le vieillissement musculaire des muscles masticateurs, qui ne peut être totalement séparé du vieillissement neurosensoriel ; – le vieillissement osseux facial, marqué par un phénomène majeur : l’édentation et la résorption osseuse qui en dépend.
Vieillissement cutané facial Le vieillissement cutané est sans doute, après le grisonnement des cheveux, le meilleur marqueur du vieillissement apparent d’un individu. [50] Il se manifeste à la fois par des modifications moléculaires, cellulaires, histologiques et cliniques. Il convient d’aborder successivement ces différents aspects du vieillissement cutané. ALTÉRATIONS MOLÉCULAIRES ET CELLULAIRES RESPONSABLES DU VIEILLISSEMENT CUTANÉ
Deux grandes théories ont été émises pour expliquer le vieillissement cellulaire. Il s’agit d’une part de l’altération des mécanismes assurant la vie de la cellule, et d’autre part de l’apoptose ou « mort cellulaire programmée génétiquement ». Ces
C. Vacher (Maître de Conférence des Universités), service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital Beaujon, AP–HP, 100, boulevard Général-Leclerc, 92118 Clichy cedex, France. Adresse e-mail: [email protected] Faculté de médecine Xavier Bichat (Paris VII), 16, rue Henri-Huchard, BP 416, 75870 Paris cedex 18, France, Institut d’anatomie de Paris, faculté biomédicale des Saints-Pères, 45, rue des Saints-Pères, 75270 Paris cedex 06, France.
– apoptose : cette mort cellulaire qui serait prévue génétiquement pourrait être responsable de l’amincissement de la peau par perte cellulaire de kératinocytes (qui sont les cellules de l’épiderme) et des fibroblastes présents dans le derme ; – ralentissement du renouvellement de la machinerie cellulaire : il traduit par des modifications du cycle cellulaire telles que l’oxydation, l’altération des communications intercellulaires, et la formation de radicaux libres. ALTÉRATIONS HISTOLOGIQUES LIÉES AU VIEILLISSEMENT CUTANÉ
Le vieillissement cutané s’exprime au niveau de toutes les couches de la peau.
¶ Épiderme On observe une diminution de l’épaisseur de l’épiderme et une diminution de la taille des crêtes épidermiques, ce qui se traduit par un aplatissement de la jonction dermoépidermique. Les kératinocytes peuvent présenter une anisocytose. Une parakératose puis une acanthose précèdent l’apparition de lésions précancéreuses telles la kératose actinique, ou néoplasiques (carcinomes basocellulaires ou spinocellulaires). Il se produit une diminution de la densité des mélanocytes au niveau des zones qui ne sont pas régulièrement exposées au soleil, [9] rendant la peau plus sensible aux ultraviolets. Il se produit une hétérochromie des zones cutanées exposées au soleil, c’est-à-dire un mélange de zones hyperpigmentées et de zones hypopigmentées [39, 41] (Fig. 1). La diminution des cellules de Langerhans réduit l’immunité de la peau et pourrait diminuer les mécanismes de défense contre les tumeurs cutanées.
Anatomie du vieillissement craniofacial
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Stomatologie
Figure 2
Anatomie superficielle de la région latérale de la face. La peau est réclinée montrant les plans sous-jacents, c’est-à-dire le système musculoaponévrotique superficiel unissant le fascia temporal superficiel en haut et le fascia parotidien en bas. Sous le fascia temporal superficiel apparaît le fascia innominé.
Figure 1
Vieillissement pathologique cutané lié à l’exposition solaire. Présence de zones d’hétérochromie et d’un épithélioma basocellulaire de la racine du nez.
– une horizontalisation et un épaississement de la jonction dermo-épidermique ;
¶ Derme
– une élastose du derme (accumulation de substance présentant des similitudes avec les fibres élastiques). Les lésions cliniques sont les suivantes :
Il présente globalement une atrophie au cours du vieillissement normal liée à une diminution de la densité en fibrocytes, et des altérations de la matrice extracellulaire. Celle-ci se traduit par une raréfaction des protéoglycanes, des glycosaminoglycanes et de la fibronectine. La quantité de collagène de type 1 diminue, ce qui altère les propriétés mécaniques de la peau. Le nombre de fibres d’élastine est également en diminution.
– un épaississement cutané ; – des rides profondes ; – une sécheresse cutanée ; – une laxité cutanée augmentée ; – des télangiectasies ;
¶ Hypoderme
– une pigmentation irrégulière ;
Dans la région cervicofaciale, se produit une atrophie de l’hypoderme. Au cours du vieillissement normal se produit une atrophie cutanée par diminution des éléments constitutifs des trois couches de la peau. [40] MODIFICATIONS CLINIQUES DU VIEILLISSEMENT NORMAL [40]
Il est souvent difficile à apprécier au niveau de la face, qui est une zone exposée au soleil pour laquelle vieillissement normal et vieillissement actinique sont souvent intriqués. Il est cependant possible de noter chez les sujets âgés qui ne se sont pas exposés au soleil (souvent pour des raisons culturelles) les éléments suivants : – une atrophie et une fragilité de la peau ; – une perte de l’élasticité qui rend plus visibles les rides d’expression ; – une xérose ; – des altérations fonctionnelles telles qu’un retard à la cicatrisation, et une diminution des capacités de thermorégulation. VIEILLISSEMENT ACTINIQUE
[40]
Il est particulièrement important au niveau de la face qui est très exposée au soleil. Les lésions histologiques observées sont les suivantes : – une alternance de zones d’hypertrophie et de zones d’atrophie de l’épiderme ; – des atypies nucléaires des kératinocytes (dyskératose, parakératose) ; – une pigmentation irrégulière avec alternance de zones hyperpigmentées et dépigmentées ; 2
– des lésions actiniques (kératoses, carcinomes, mélanose de Dubreuilh). AUTRES CAUSES DU VIEILLISSEMENT PATHOLOGIQUE DE LA PEAU [40]
Le tabac potentialise l’effet des ultraviolets et aggrave le vieillissement actinique. Il favorise notamment l’apparition d’une élastose du derme. La ménopause : la carence œstrogénique, lorsqu’elle n’est pas compensée par un traitement substitutif, favorise l’atrophie cutanée et la perte d’élasticité de la peau.
Vieillissement des tissus sous-cutanés de la face SYSTÈME MUSCULOAPONÉVROTIQUE SUPERFICIEL (SMAS)
Au niveau de la face, le tissu sous-cutané est représenté par une couche musculoaponévrotique particulière appelée système musculoaponévrotique superficiel (SMAS). [37] Sous ce terme générique, on retrouve selon les auteurs des structures différentes. Le SMAS (Fig. 2, 3 ) comprend au sens strict du terme le fascia parotidien dans la région faciale, le muscle platysma dans la région cervicale auquel il est attaché, le fascia temporal superficiel qui le poursuit dans la région temporale et le petit muscle risorius (inconstant) tendu du fascia superficiel du muscle masséter au modiolus. Certains auteurs appellent SMAS l’ensemble des tissus sous-cutanés de la face, considérant que toute la face est couverte par ce système, qui est pourtant difficile à mettre en évidence au niveau de la partie antérieure de la face chez l’homme. Il ne faut pas confondre le SMAS avec les muscles peauciers de la face qui possèdent une insertion périostée profonde et une insertion cutanée
Anatomie du vieillissement craniofacial
Stomatologie
Figure 3
Anatomie superficielle de la région latérale de la face. La peau et le système musculoaponévrotique superficiel sont réclinés. L’artère temporale superficielle vascularise les plans superficiels de la région temporale.
superficielle, et qui vont donc traverser les tissus sous-cutanés au cours de leur trajet. Le SMAS, très dense à la partie latérale de la face (au niveau du fascia parotidien) s’affaiblit donc en avant de la parotide, est traversé par les muscles peauciers et le corps adipeux de la bouche, rendant son individualisation par la dissection très difficile. Au cours du vieillissement normal, il se produit un relâchement du SMAS, à l’exception du fascia parotidien qui reste assez adhérent à la glande. Le platysma se réduit chez le sujet âgé. [45] Ce phénomène va faciliter la constitution de hernies graisseuses entre les muscles peauciers de la face, particulièrement entre les deux muscles zygomatiques et entre les deux muscles platysmas, qui aggravent la ptose cutanée. Il a été décrit des « points fixes ostéocutanés de la face » qui sont en réalité des zones d’adhérence du derme au SMAS, lui-même adhérent au périoste : – Psillakis a décrit un point fixe orbitaire situé en regard de la suture frontozygomatique ; [42] – Mac Gregor a décrit un point fixe zygomatique situé sur le cintre maxillozygomatique au niveau du processus temporal de l’os zygomatique ; [36] – Furnas [16] a décrit un point fixe mandibulaire au niveau de la partie latérale de la symphyse mandibulaire au niveau du bord inférieur de la mandibule. Ces points fixes vont délimiter des zones anatomiques de ptose cutanéoaponévrotique. Ainsi entre le point zygomatique en arrière et le point mandibulaire se trouve limitée la « bajoue » ou ptose cutanée jugale. Ces points ont aussi l’intérêt de mettre en évidence que la chirurgie de vieillissement cutané de la face est une chirurgie qui devrait ascensionner les tissus de la face, et non seulement les retendre vers l’arrière. RÉGION ORBITAIRE
Au niveau des paupières, le septum (couche fibreuse qui sépare la graisse palpébrale sous-cutanée de la graisse orbitaire) devient déhiscent et laisse se constituer des hernies graisseuses qui forment les « poches palpébrales » dont l’exérèse est réalisée au cours des blépharoplasties esthétiques. L’aponévrose du releveur de la paupière supérieure devient également déhiscente, ce qui favorise la constitution d’un ptosis dit involutif ou sénile. Il se produit une saillie de la partie latérale de l’arcade sourcilière due à la résorption du tissu adipeux sourcilier, l’apparition de rides frontoglabellaires et d’une ptose frontosourcilière. [11]
Vieillissement musculaire facial Cet aspect du vieillissement facial est sans doute le plus mal connu et le plus difficile à étudier.
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Figure 4
Anatomie superficielle du nez. Sous la peau qui est réclinée, il existe une infiltration des muscles peauciers par du tissu adipeux.
En effet, les études morphologiques ne peuvent nous renseigner que sur la taille, la surface musculaire, mais ces éléments sont bien insuffisants pour appréhender une structure dynamique. L’étude de la force musculaire est bien difficile à réaliser au niveau de la face, car les mouvements que l’on peut tester (ouverture ou fermeture buccale par exemple) font interagir plusieurs muscles, sans parler de l’innervation motrice. GÉNÉRALITÉS
Au cours du vieillissement, on a mis en évidence d’une manière générale au niveau de tous les muscles de l’organisme : – au plan fonctionnel, une myopathie dégénérative responsable d’une diminution de 30 % environ de la masse musculaire totale entre 30 et 80 ans. Le mécanisme principal en est la diminution du nombre et de la taille des fibres musculaires, des vaisseaux et une diminution des activités enzymatiques musculaires. La diminution du nombre de neurones moteurs participe sans doute à cette myopathie ; – au plan morphologique, une diminution du volume des muscles par diminution de la densité et de la surface musculaire. Certaines particularités des muscles de la face ont été mises en évidence. MUSCLES PEAUCIERS DE LA FACE
L’anatomie des muscles peauciers de la face se modifie. Selon Rubinstenn, [45] le muscle abaisseur de la lèvre inférieure se situe en avant du muscle platysma chez le sujet âgé, ce qui s’explique probablement par la raréfaction des fibres du muscle platysma. Si on compare l’activité neuromusculaire de la lèvre inférieure à celle de la partie supérieure de la face, on constate qu’il se produit au cours du vieillissement un déséquilibre de l’activité neuromusculaire aux dépens de la lèvre supérieure. [11] L’anatomie superficielle du nez subit des modifications importantes. Dans la moitié des cas se produit une infiltration graisseuse globale des muscles peauciers du nez (Fig. 4, 5 ). Cette infiltration pourrait participer à la chute de la pointe du nez décrite chez les sujets âgés. [53] Le plus souvent, les muscles de la pointe du nez, dilatateur et constricteur de la narine, et partie alaire du muscle nasal notamment involuent, ce qui explique qu’il est important dans une rhinoplastie chez le sujet âgé de privilégier la fonction et d’utiliser des techniques conservatrices. [21, 22, 23, 53] MUSCLE FRONTAL
Le muscle frontal est souvent considéré comme faisant partie intégrante d’un seul muscle peaucier occipitofrontal réunissant le muscle occipital en arrière et le muscle frontal en avant, unis par la galéa aponévrotique. Ce muscle présente des antagonistes (muscle corrugator du sourcil et muscle procerus). Au cours du vieillissement, l’action du muscle frontal diminue, entraînant une 3
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Anatomie du vieillissement craniofacial
Stomatologie
VIEILLISSEMENT COCHLÉOVESTIBULAIRE
Les cellules ciliées de l’oreille interne se contractant moins bien, on observe une presbyacousie liée à l’âge. Les sujets âgés utilisent moins leur système vestibulaire, ce qui peut générer des troubles de l’équilibre.
Vieillissement osseux craniofacial
Figure 5
Anatomie superficielle du nez. La peau et le tissu adipeux sous-cutanés sont réclinés. On constate la disparition des muscles peauciers du nez. L’os nasal, le cartilage latéral et le grand cartilage alaire sont situés directement sous la graisse souscutanée.
ptose de la partie latérale du sourcil et un déséquilibre de la balance muscle frontal/muscle antagoniste au profit des muscles corrugator et procerus. [11] Les chirurgiens qui pratiquent l’exérèse sous endoscopie de ces deux muscles tentent de faciliter ainsi la mise en tension du muscle frontal, et par la même occasion de la peau frontale. Selon Gola, le muscle digastrique occipitofrontal n’existe pas. La galéa aponévrotique reçoit le muscle occipital sur sa face profonde et le muscle frontal sur sa face superficielle. Il décrit une unité cutanéo-musculo-aponévrotique frontale (UCMA) qui ptose vers l’avant à cause du relâchement de la galéa. [24, 25] MUSCLES MASTICATEURS
Les muscles masticateurs subissent également des modifications morphologiques. Selon Gaudy, [20] le muscle masséter subit des modifications structurales liées à l’âge qui concernent le muscle masséter superficiel et le masséter intermédiaire : – la couche superficielle du muscle masséter superficiel présente une aponévrose qui tend à devenir plus épaisse et à s’allonger ; ce phénomène étant d’autant plus important que le patient est édenté sans prothèse. Cette notion était déjà notée dans les travaux de Gaspard ; [17, 18] – la couche profonde du muscle masséter superficiel présente chez le sujet âgé édenté non appareillé, d’épaisses lames tendineuses indépendantes les unes des autres ; [20, 46, 47] – le muscle masséter intermédiaire présente une insertion mandibulaire dont la hauteur tend à diminuer avec l’âge. [19, 20] On peut supposer que des modifications de même nature se retrouvent sur les autres muscles élévateurs de la mandibule. Les muscles abaisseurs de la mandibule (autres que le platysma dont nous avons déjà parlé), c’est-à-dire les muscles digastriques, géniohyoïdiens et mylohyoïdiens subissent également un relâchement lié à l’âge qui se traduit par une ptose de l’os hyoïde, un angle cervicomentonnier ouvert, normalement entre 105 et 120° selon Ellenbogen [13] avec un aspect de pseudo-double menton. [11]
Vieillissement neurosensoriel Le but n’est pas, dans ce chapitre, de détailler le vieillissement neurologique, mais de résumer brièvement les conséquences tout à fait fondamentales de ce vieillissement au niveau de la face. VIEILLISSEMENT VISUEL
Il est essentiellement marqué par l’opacification du cristallin, par la diminution du diamètre pupillaire qui favorise le rétrécissement du champ visuel, la dégénérescence maculaire liée à l’âge et à l’accumulation de matériel hyalin au niveau de la rétine. 4
Le vieillissement osseux facial est dominé par la perte des dents et la résorption alvéolaire qu’elle entraîne. Ce vieillissement, autrefois considéré comme normal est maintenant à décrire à part, ce qui amène à distinguer le vieillissement normal et le vieillissement lié à l’édentation. La difficulté essentielle est de faire la part entre ce qui revient à la perte des dents et des phénomènes d’apposition et de résorption osseuse attribuables uniquement au vieillissement. D’une manière générale, Delachapelle et al. [10] ont mis en évidence, sur des téléradiographies de profil de sujets d’âge différent, de grandes tendances : – flexion de la tête sur la colonne cervicale et augmentation de la lordose cervicale ; – tendance au prognathisme mandibulaire par ouverture de l’angle goniaque ; – tendance au rétrognathisme facial qui serait liée plutôt à l’édentation qu’à l’âge. Laude et al. ont montré l’absence de modification de la base du crâne au cours du vieillissement. [34] Une étude plus récente utilisant la même méthode sur un plus grand nombre de sujets a permis de préciser les grandes lignes évolutives de l’extrémité céphalique au cours du vieillissement : [12] – augmentation de l’épaisseur de la calvaria ; – augmentation de la lordose cervicale et perte de hauteur globale ; – peu de modifications concernant la mandibule ; – augmentation de la dimension verticale postérieure du massif facial, alors que la partie antérieure du maxillaire restait stable. Ces deux études montrent la complexité des modifications osseuses du massif facial au cours du vieillissement, alors qu’au niveau de la colonne vertébrale cervicale il y a moins de controverses. La plupart des auteurs [48] considèrent que la perte de hauteur de l’étage inférieur maxillomandibulaire de la face liée à l’édentation a pour conséquences : – l’accentuation des plis nasogéniens ; – une perte de projection labiale ; – une proéminence du menton (menton de sorcière). VIEILLISSEMENT MANDIBULAIRE
La plupart des auteurs qui se sont intéressés à ce sujet ont comparé la mandibule édentée et la mandibule dentée. L’un des premiers auteurs à avoir décrit ce vieillissement est Enlow. [14] Celui-ci a décrit le vieillissement de la mandibule comme un processus qui se manifeste par : – une apposition osseuse sur les faces linguale et vestibulaire de la partie basale du corps de la mandibule, ce qui se traduit par une augmentation de la largeur de l’os mandibulaire alors que la partie alvéolaire du corps est marquée par une résorption ; – un recul de la partie alvéolaire de la symphyse mandibulaire par résorption de la face vestibulaire, alors que la partie basale tend à s’épaissir ; – la branche de la mandibule devient plus étroite dans les plans antéropostérieur et latéromédial ; – l’apparition d’une encoche préangulaire qui peut être liée à une ouverture de l’angle goniaque (Fig. 6).
Stomatologie
Anatomie du vieillissement craniofacial Figure 6
Figure 8
Téléradiographie de profil d’un sujet âgé de plus de 70 ans. La mandibule est le siège d’une résorption osseuse importante dans la région du corpus avec une encoche préangulaire.
Figure 7
Panoramique dentaire chez le même sujet que la Figure 6.
Les constatations de Enlow ne sont pas argumentées par une étude scientifique sur de nombreux cas, mais rapportent l’expérience importante de l’auteur. C’est la raison pour laquelle de nombreuses études ont suivi, qui cherchaient à établir des différences statistiquement valables entre mandibule dentée et édentée. La diminution de hauteur de l’os mandibulaire au niveau du corps de la mandibule est l’élément le plus souvent retrouvé. Selon certains auteurs, elle ne se produit pas seulement après l’édentation mais semble être un processus continu lié à l’âge, accentué par les pertes dentaires [6] (Fig. 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 ). D’autres auteurs [54] ont montré que la perte osseuse mandibulaire liée à l’édentation ne portait pas seulement sur l’os alvéolaire mais aussi sur l’os basal. Carlsson et Persson [8] ont montré qu’au niveau de la partie antérieure de la mandibule la hauteur d’os diminue de 2 mm dans les 2 premiers mois après extraction, un peu plus de 4 mm 1 an après et environ 7 mm à 5 ans en moyenne. Cette diminution de hauteur de la mandibule édentée est plus importante chez la femme que chez l’homme, [49] ce qui suggère que l’ostéoporose pourrait jouer un rôle. Cette résorption alvéolaire après édentation plus importante chez la femme que chez l’homme est confirmée par d’autres études. [28] Bras et al. suggèrent que la résorption osseuse chez l’édenté n’est pas seulement liée à des facteurs locaux, mais serait également corrélée à une perte de la masse de calcium osseux mesurée par absorptiométrie. [7]
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Téléradiographie de profil d’un sujet âgé de plus de 70 ans. La résorption osseuse mandibulaire est peu importante alors que l’édentation est aussi ancienne.
Figure 9
Figure 10
Panoramique dentaire chez le même sujet que la Figure 8.
Mandibule sèche édentée avec résorption importante.
Lorsqu’il se produit une perte de hauteur de la mandibule, apparaît une apposition osseuse au niveau de la corticale interne qui compense la perte de diamètre de la mandibule par un phénomène d’adaptation fonctionnelle. [26] La résorption osseuse est variable selon les différentes parties du corps de la mandibule. Quelle que soit la région mandibulaire, la perte de volume osseux peut dépasser 65 % du volume initial avant édentation. 5
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Figure 11
Anatomie du vieillissement craniofacial
Mandibule sèche avec résorption osseuse minime.
Dans la région incisivocanine, la hauteur de la mandibule peut varier de 30 mm à moins de 5 mm en cas d’atrophie très sévère. L’épaisseur de la mandibule est de 10 à 15,5 mm au niveau du menton, et de 8,5 à 13 mm au niveau des canines. La corticale est toujours plus épaisse à la face linguale qu’à la face labiale, en raison des insertions osseuses puissantes qui siègent sur cette face (muscles génioglosses, géniohyoïdiens, et digastriques). Il se produit une inclinaison linguale de la mandibule plus marquée dans la région canine que dans la région incisive [26] (Fig. 14, 15 ). Dans la région prémolaire, la résorption osseuse peut également dépasser 65 % du volume osseux initial avant édentation. Selon le stade d’atrophie, la distance entre le bord alvéolaire et le canal mandibulaire peut varier entre 20,5 et 0,5 mm. Alors que l’épaisseur de la mandibule varie de 8 à 13,1 mm au niveau de l’os basal, elle x peut n’être que de 1 mm au niveau de la crête alvéolaire en cas de crête en lame de couteau. Dans la région molaire, la résorption peut aussi dépasser 65 % du volume initial osseux. Le diamètre transversal est plus important que dans la région antérieure, et peut aller de 1 à 10 mm. La distance entre le bord alvéolaire et le canal mandibulaire va de 17,5 à 1 mm. Dans certains cas exceptionnels, le nerf alvéolaire inférieur affleure sous la muqueuse, pouvant ainsi faire l’objet de traumatismes par des prothèses dentaires. D’autres variations ont été mises en évidence sur la mandibule édentée, notamment la tendance au prognathisme mandibulaire. Il faut sans doute se méfier des études qui mesurent la projection de la mandibule par rapport au maxillaire, car en cas d’édentation
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Figure 13
En cas de résorption alvéolaire mandibulaire importante, le foramen mentonnier qui donne naissance au nerf mentonnier, rameau terminal du nerf alvéolaire inférieur, peut être très superficiel.
Figure 14
En cas de résorption alvéolaire mandibulaire importante dans la région incisive, les épines mandibulaires (apophyses géni) peuvent être sous-muqueuses au niveau du plancher de la bouche. Dans ce cas, la prothèse dentaire mobile posée sur la crête mandibulaire entraînait une ulcération du plancher au contact des épines mandibulaires.
mandibulaire non appareillée, il se produit une rotation mandibulaire qui projette le menton vers l’avant. [29] Unger et al. n’ont retrouvé aucune relation entre la longueur de la mandibule et la résorption osseuse chez l’édenté. [52] D’autres facteurs ont été évoqués qui pourraient expliquer un éventuel prognathisme authentique en dehors de toute rotation mandibulaire. Figure 12
Différents stades de résorption osseuse mandibulaire après édentation selon Atwood. [3, 4]
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Anatomie du vieillissement craniofacial
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Figure 15
Abrasion chirurgicale des épines mandibulaires (apophyses géni). En arrière du bord alvéolaire de la mandibule, le plancher buccal a été incisé, laissant apparaître les muscles génioglosses.
Il s’agit notamment de l’angle goniaque. Sa variation éventuelle au cours de l’édentation reste un sujet de controverse. Alors qu’Enlow avait décrit une augmentation de l’angle goniaque chez le sujet édenté retrouvée par Ohm et Silness [38] qui, selon Enlow, se traduisait par l’apparition fréquente d’une encoche préangulaire, des études plus récentes ne retrouvent aucune corrélation entre l’angle goniaque et les éléments suivants : âge du patient, édentation, et importance de la résorption alvéolaire. [30, 44] La position du condyle mandibulaire pourrait être plus antérieure chez les patients édentés, ce qui pourrait favoriser un prognathisme mandibulaire. [43] VIEILLISSEMENT DE L’ARTICULATION TEMPOROMANDIBULAIRE
Cette articulation condylaire présente pour particularité d’être une articulation couplée à l’articulation controlatérale dont le fonctionnement est lié à l’occlusion dentaire. On peut donc comprendre que, bien que cette articulation ne soit pas une articulation portante, comme le genou et la hanche dont le vieillissement se traduit par un processus de dégénérescence arthrosique presque obligatoire, l’édentation notamment molaire augmente les contraintes mécaniques qui s’exercent sur cette articulation. L’autre particularité importante de cette articulation est d’être divisée en deux compartiments supérieur et inférieur par le passage du tendon du muscle ptérygoïdien latéral épaissi qui forme un disque articulaire. Les surfaces osseuses en présence (processus condylaire de la mandibule, fosse mandibulaire et tubercule articulaire de l’os temporal) sont le plus souvent l’objet d’une
Figure 16
Téléradiographie de profil chez un sujet de plus de 70 ans. Expansion du sinus maxillaire.
déminéralisation diffuse et d’un amincissement des corticales osseuses sans dégénérescence arthrosique. Le disque articulaire est marqué en général par un amincissement sans perforation. Dans un certain nombre de cas, une arthrose vraie est constatée au niveau des surfaces articulaires, marquée par l’existence de géodes, d’ostéophytes, de tassements du processus condylaire souvent associés à des perforations du disque articulaire. La fréquence de ces perforations dans une population âgée varie selon les auteurs. VIEILLISSEMENT MAXILLAIRE
La résorption de l’os alvéolaire maxillaire chez les patients édentés est plus lente qu’au niveau de la mandibule (Fig. 16, 17 ). Selon Atwood et Coy [5] et Tallgren, [51] la résorption verticale est de 0,1 mm par an pour le maxillaire. Une classification de la résorption osseuse alvéolaire maxillaire après édentation a été établie par Fallschüssel [15] (Fig. 18). Cette résorption osseuse est plus importante dans la partie antérieure du maxillaire que dans la partie postérieure. Dans la région incisivocanine, la hauteur des os maxillaires mesurée entre crête alvéolaire et paroi inférieure des cavités nasales varie entre 20 et 8 mm. [26] Dans la région prémolomolaire, même si la résorption osseuse liée à l’édentation est moins importante, la hauteur d’os maxillaire est moins importante en raison de l’expansion du sinus maxillaire qui se poursuit tout au long de la vie. Dans certains cas, le sinus Figure 17
Différents stades de résorption osseuse maxillaire en coupe frontale après édentation selon Fallschüssel. [15]
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Anatomie du vieillissement craniofacial
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Figure 18
Différents stades de résorption osseuse maxillaire en coupe parasagittale après édentation selon Fallschüssel. [15]
Figure 19
Vieillissement facial. Vue de face. Le relâchement du système musculoaponévrotique superficiel est responsable de la formation de bajoues au niveau de la face et de bandes platysmales au niveau du cou. Le relâchement du septum orbitaire favorise la formation de poches palpébrales. Les rides d’expression sont dues à l’action des muscles peauciers.
Figure 20
Vieillissement facial. Vue de profil. Présence de bajoues, des bandes platysmales et des rides d’expression. VIEILLISSEMENT CRÂNIEN
Selon Gola, il se produit une involution osseuse crânienne qui est due à la réduction des fonctions manducatrices avec l’âge. L’accentuation des bosses frontales s’explique par l’atrophie osseuse autour des sinus frontaux. [24]
maxillaire envahit totalement la crête alvéolaire qui se réduit alors à une lamelle extrêmement fine. Cette expansion du sinus maxillaire vers la cavité buccale serait aussi aggravée par l’édentation. Elle est souvent maximale en regard du site où a commencé la perte dentaire, c’est-à-dire habituellement dans la région molaire. La hauteur d’os varie dans la région prémolomolaire maxillaire entre 21 et 0,5 mm. C’est dans la région de la tubérosité maxillaire que la résorption osseuse est la moins importante. La distance entre crête et sinus maxillaire varie entre 10 et 4 mm. Laude a bien mis en évidence une tendance au rétrognathisme facial [34] au cours du vieillissement. Ce recul maxillaire est dû à une atténuation des piliers de la face zygomatiques et canins. Ces modifications seraient plutôt liées à l’édentation qu’à l’âge. [35] 8
Conclusion Les manifestations cliniques du vieillissement, bien qu’elles soient apparentes au niveau de la face (Fig. 19, 20 ), restent encore l’objet de controverses. C’est le cas notamment pour le vieillissement osseux craniofacial. Il est difficile de savoir ce qui revient à l’édentation dans ce processus de vieillissement osseux. D’une manière plus générale, le vieillissement est la résultante de facteurs multiples génétiques, environnementaux (tels que le soleil pour la peau et l’édentation pour l’os), et hormonaux, pour ne citer qu’eux. La difficulté pour analyser
Stomatologie
Anatomie du vieillissement craniofacial
scientifiquement ce processus est qu’il est très compliqué d’étudier chez les mêmes patients la morphologie faciale aux âges extrêmes de la vie. Jost avait montré par une étude photographique tout au long de la vie sur les mêmes sujets que la pointe du nez ne tombait pas avec l’âge [31, 32, 33] contrairement à l’opinion encore actuellement généralement admise, mais des études de ce type sont très rares. Si les manifestations cliniques du vieillissement sont difficiles à étudier, au plan fondamental de nombreux auteurs ont tenté de donner un sens à ce processus.
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Williams a proposé la théorie suivante : parmi les protéines qui favorisent le développement de l’homme et assurent sa fécondité, certaines pourraient aussi favoriser le déclenchement ultérieur de notre vieillissement. Ceci expliquerait que ces protéines aient été transmises au cours de l’évolution, car avant d’avoir un effet néfaste elles constituent un avantage pour notre espèce qui aurait été sélectionné [2]. Cette conception un peu finaliste traduit notre connaissance encore très partielle du vieillissement.
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Stomatologie gériatrique P. Revol, L. Devoize, C. Deschaumes, I. Barthélémy, M. Baudet-Pommel, J.-M. Mondié La pratique de la stomatologie et de la chirurgie maxillofaciale chez le sujet âgé est aujourd’hui en forte augmentation du fait de l’allongement de l’espérance de vie. Elle pose des problèmes de plus en plus fréquents et contraignants de prise en charge de ces patients. En effet, les retentissements du vieillissement sur les différents tissus buccofaciaux s’expriment par des pathologies très diverses, qui s’intriquent entre elles et plus ou moins directement à la pathologie générale. Par ailleurs, il est parfois difficile d’établir la distinction entre un état de « sénescence normale » et un état pathologique. La fragilité des patients, leur participation aléatoire, les contraintes et les risques de leur polymédication sont autant de problèmes dans la prise en charge thérapeutique des sujets âgés. La sous- ou la surmédicalisation sont également un écueil de la thérapeutique, tout particulièrement en cancérologie cutanée ou buccale. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que dans la grande majorité des cas, les motifs de consultation sont liés aux conséquences fonctionnelles et esthétiques du vieillissement. Par conséquent, les différents praticiens (chirurgien maxillofacial et stomatologiste, odontologiste) vont être amenés à préserver ou à ménager la qualité de vie de ces patients. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Gériatrie ; Sénescence ; Stomatologie ; Odontologie ; Chirurgie maxillofaciale ; Dermatologie
Plan ¶ Introduction
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¶ Physiologie du vieillissement : généralités Mécanismes responsables du vieillissement Effets du vieillissement sur l’organisme
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¶ Incidence du vieillissement sur les muqueuses buccales Altérations histologiques Altérations biologiques Conséquences pathologiques
2 2 3 3
¶ Incidence du vieillissement sur les glandes salivaires Altérations histologiques Conséquences biologiques Conséquences pathologiques
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¶ Incidence du vieillissement sur la perception gustative
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¶ Incidence du vieillissement sur les tissus dentaires et parodontaux Altérations histologiques Conséquences cliniques Conséquences pathologiques
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¶ Incidence du vieillissement sur les tissus osseux Aspects physiologiques du vieillissement de l’os basal Aspects physiologiques du vieillissement de l’os alvéolaire Pathologies osseuses en rapport avec le vieillissement
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¶ Implication des modifications liées au vieillissement dans les thérapeutiques endobuccales Influence du vieillissement en odontologie conservatrice Influence du vieillissement en exodontie Influence du vieillissement dans les traitements de prothèse adjointe Influence du vieillissement en implantologie
Stomatologie
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¶ Incidence du vieillissement sur la musculature Altérations histologiques Conséquences sur la physiologie
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¶ Incidence du vieillissement sur le tissu cutané Vieillissement intrinsèque Vieillissement extrinsèque Manifestations cutanées bénignes Tumeurs cutanées
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¶ Rajeunissement facial Topiques « Peelings » Resurfaçage laser (CO2 ET YAG) Toxine botulique Chirurgie
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¶ Incidence du vieillissement sur les articulations temporomandibulaires Arthrose Luxation mandibulaire antérieure récidivante
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¶ Traumatologie du sujet âgé
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¶ Conclusion
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■ Introduction Les professionnels de santé vont être confrontés de plus en plus à la prise en charge de sujets âgés. Dans les pays occidentaux, la forte augmentation de la population totale va de pair avec un accroissement de la population des personnes âgées qui « s’accélère ». En France, au début du XXe siècle, les sujets de plus de 60 ans représentaient environ 12 % de la population. Aujourd’hui, ils représentent plus de 20 % et constitueront
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sûrement 30 % de la population en 2020. Le vieillissement de la population a d’importantes conséquences médicales, mais aussi sociales et économiques. La définition de la vieillesse répond à différents critères, mais le critère d’âge de 65 ans est le plus souvent retenu, en particulier par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cependant, cette population est très hétérogène avec une variabilité intraet interindividuelle : d’une part, il faut distinguer l’âge légal et l’âge physiologique, d’autre part c’est une population regroupant, au sein du troisième et du quatrième âge, des groupes socioéconomiques très différents. Le vieillissement est un processus physiologique inéluctable, lent et progressif, qui aboutit à l’affaiblissement de l’organisme. Il est consécutif aux effets imbriqués de facteurs intrinsèques (génétiques) et extrinsèques (habitudes alimentaires, environnement etc.). Ce n’est en aucun cas un état pathologique. Cependant, il exacerbe les effets des maladies et leurs conséquences. [1] Les conséquences buccofaciales du vieillissement sont souvent sous-estimées. Les retentissements sur les différents tissus de la face s’expriment par des pathologies très diverses et qui s’intriquent plus ou moins directement avec la pathologie générale. De plus, la distinction entre état pathologique et normal peut être difficile à établir. La prise en charge thérapeutique des patients âgés présente de nombreux problèmes du fait de la fragilité des patients, de leur participation aléatoire, des contraintes et risques des traitements. Il importe de ne jamais perdre de vue le risque de sousmédicalisation (en attribuant à la vieillesse les symptômes d’une authentique pathologie) ou de surmédicalisation.
acides gras des membranes cellulaires. Différents systèmes protègent l’organisme des radicaux libres : les superoxydedismutases, les catalases, la glutathion-peroxydase sélénodépendante, les vitamines antioxydantes (A, C, E). Lors du vieillissement, il existe une augmentation de la production des radicaux libres alors que les systèmes de protection perdent en efficacité.
Glycation non enzymatique des protéines Les protéines à demi-vie longue, telles les protéines de la matrice extracellulaire, subissent des modifications spontanées au contact du glucose sans mécanisme enzymatique. La glycation modifie les propriétés de ces protéines, les rendant plus résistantes à la protéolyse et empêchant leur renouvellement.
Facteurs extrinsèques Ces facteurs peuvent accentuer les mécanismes du vieillissement. Les mauvaises habitudes alimentaires et toxiques, l’environnement (rayons ultraviolets [UV], ozone, radiations), les agents pathogènes sont reconnus et incriminés comme accélérateurs du vieillissement.
Effets du vieillissement sur l’organisme Les mécanismes précédents vont entraîner des changements qui surviennent à tous les niveaux ; d’abord au niveau cellulaire puis métabolique, amenant à la modification du fonctionnement de l’organisme et de l’apparence corporelle.
Au niveau cellulaire (changements structuraux)
■ Physiologie du vieillissement : généralités Le processus de vieillissement est complexe et multifactoriel. Les changements anatomiques et physiologiques de la vieillesse débutent plusieurs années avant l’apparition des signes extérieurs. Les théories expliquant les mécanismes du vieillissement sont nombreuses. Deux catégories se dégagent : • le vieillissement génétiquement programmé ; • la désorganisation de l’appareil génétique suite aux dommages subis au cours de la vie. Ces deux théories ne s’excluent pas l’une et l’autre, elles sont probablement imbriquées.
Mécanismes responsables du vieillissement Facteurs génétiques Plusieurs études ont mis en évidence la relation étroite entre une grande longévité et certains génotypes. Par ailleurs, l’étude des syndromes de vieillissement prématuré a permis d’avancer le rôle des facteurs héréditaires dans le vieillissement. Les travaux de Hayflick ont montré que les cellules n’ont pas un capital de renouvellement illimité. [1] À chaque cycle de division cellulaire, l’extrémité des chromosomes (télomère) perd un fragment. Après plusieurs divisions, la fonction du télomère, contribuant à la stabilité de l’acide désoxyribonucléique (ADN), est altérée, ce qui pourrait être le substratum de l’« horloge biologique ». Les altérations acquises de l’ADN (délétion, mutation) et les anomalies de sa réparation semblent intervenir dans le vieillissement. Elles augmentent de façon importante avec l’âge, en particulier au niveau de l’ADN mitochondrial. Elles sont induites par des facteurs extrinsèques, tels que l’exposition aux radiations.
Protection contre les radicaux libres Les radicaux libres, produits lors du métabolisme de l’oxygène, exercent un stress oxydatif pouvant altérer l’ADN et les
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Les cellules ont une longévité limitée ; en vieillissant, la proportion d’éléments graisseux et fibreux augmente et modifie leur fonctionnement. La multiplication cellulaire et la réparation cellulaire sont des fonctions amoindries lors des modifications du noyau cellulaire. Les cellules spécialisées perdent leurs aptitudes particulières. Par ailleurs, des pigments comme la lipofuchsine s’accumulent dans le cytoplasme (en particulier celui des cellules hépatiques, cardiaques et nerveuses) altérant la capacité fonctionnelle des cellules. Il existe une perte graduelle de cellules, 30 % entre 20 et 70 ans. L’ensemble de ces changements va perturber le fonctionnement des différents métabolismes, les capacités et la structure des organes.
Au niveau de l’organisme (changements fonctionnels) Le vieillissement est, par conséquence, une diminution des capacités fonctionnelles de l’organisme. Cette altération est manifeste dans les situations (stress, effort, maladies aiguës) qui mettent en jeu les réserves fonctionnelles. La diminution des réserves fonctionnelles induit une réduction de l’adaptabilité de l’organisme. De même, les systèmes de régulation des paramètres physiologiques s’avèrent moins efficaces. Il faut noter que ces réductions fonctionnelles sont très variables d’un organe à l’autre et surtout d’un individu à l’autre pour un même âge. Nous ne détaillerons pas les modifications des différents tissus mais nous aborderons les particularités des tissus de la sphère maxillofaciale. [1]
■ Incidence du vieillissement sur les muqueuses buccales Altérations histologiques Avec l’âge, l’arrangement fonctionnel des fibres collagènes et élastiques présentes au niveau de la lamina propria et dans le chorion se modifie pour ensuite disparaître progressivement et laisser place à une fibrose diffuse. Le nombre et la distribution Stomatologie
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des vaisseaux sanguins changent également, ce qui laisse supposer une dégénérescence du système circulatoire de surface, plus marquée chez les sujets très âgés.
Altérations biologiques Les altérations sont multiples mais on retient principalement les modifications dystrophiques sous-jacentes et une diminution des défenses vis-à-vis des agressions extérieures, qu’elles soient microbiologiques ou traumatiques.
Conséquences pathologiques Pathologies muqueuses bénignes non tumorales Elles regroupent les pathologies dystrophiques, infectieuses, et les lésions blanches kératosiques. Pathologies dystrophiques Ulcérations traumatiques. Elles sont d’origine dentaire lorsqu’une dent fracturée irrite la muqueuse ou la langue, ou d’origine prothétique lorsqu’une prothèse mal adaptée (bords prothétiques en surextension ou inadaptés du fait de la résorption osseuse, présence d’un crochet traumatisant) constitue une épine irritative à l’origine d’une plaie douloureuse à fond jaunâtre. Une étude réalisée en 1995 sur 221 patients, dont la moyenne d’âge était de 75,3 ans, a mis en évidence que la pathologie buccale la plus fréquemment rencontrée (51 % des cas) était l’ulcération traumatique liée au port de prothèses inadaptées. [2] Ces ulcérations doivent guérir en une dizaine de jours après suppression de la cause, d’une manière totale et définitive. Si malgré cette suppression la lésion persiste, la biopsie s’impose. Sialométaplasie muqueuse nécrosante. Elle est d’étiologie mal connue, vraisemblablement due à une ischémie locale consécutive à un traumatisme, peut-être également liée à un état de dénutrition, à des carences protéiques, à une anémie, à une granulopénie associée quelquefois à un éthylotabagisme. Cette affection touche préférentiellement les glandes salivaires accessoires, essentiellement palatines. Son aspect est ulcéré, cratériforme, semblable à une escarre à fond jaunâtre, aboutissant à des perforations palatines avec communication bucconasale ou buccosinusienne. Malgré leur évolution spontanément régressive, leur aspect peut faire penser à un cancer térébrant et délabrant qui impose alors une biopsie. [3] Il n’y a pas de traitement spécifique, sinon le traitement symptomatique des douleurs, la remise en état de la cavité buccale et la rééquilibration des apports nutritionnels. Une antibioprophylaxie peut être instaurée si l’on craint une surinfection de la lésion. Angiomes veineux séniles. Ils se caractérisent par des masses bleutées plus ou moins importantes. D’autres fois, il s’agit d’un réseau de veines superficielles ressemblant à des varicosités. Elles sont particulièrement présentes au niveau des veines ranines de la face ventrale de la langue et au niveau de la lèvre inférieure. Il y a presque toujours une aggravation régulière avec l’âge. Des épisodes de thrombose sont pratiquement constants, réalisant un nodule douloureux régressif en quelques jours et sans danger. Leur traitement repose sur une simple surveillance. Dans certains cas (esthétique, traumatismes répétés, localisation, etc.), il faut proposer une exérèse chirurgicale sous anesthésie locale. Langues lisses dépapillées. La muqueuse linguale subit des modifications, se dessèche, perd ses papilles. Cela est majoré dans l’hyposialie, qu’elle soit d’origine médicamenteuse ou non. La muqueuse devient lisse, vernissée, brillante et douloureuse. Les malades éprouvent de grandes difficultés à se nourrir et même à déglutir. Cette pathologie peut se rencontrer seule ou associée à certaines glossites à Candida, plus rarement dans l’anémie de Biermer, la glossite de Hunter, le syndrome de Gougerot-Sjögren, la glossite scorbutique (qui s’accompagne en plus de suffusions hémorragiques), l’avitaminose PP (qui comporte aussi des ulcérations aphtoïdes) et l’anémie hypochrome achylique. Dans la plupart des cas, ces glossites sont passagères mais, chez certains sujets, en particulier les femmes, la maladie peut devenir chronique. Stomatologie
Gingivites desquamatives. Cette gingivite est une lésion chronique courante, caractérisée par un érythème, des érosions, des éruptions vésiculobulleuses, des ulcérations ainsi qu’une « desquamation » de la gencive libre et/ou de la gencive attachée. Cette pathologie touche principalement la femme à partir de 50 ans. Alors que de nombreuses maladies ou états ont été incriminés dans l’apparition de cette pathologie, des études en immunofluorescence directe de matériel biopsique congelé ont démontré que dans la grande majorité des cas, la pemphigoïde cicatricielle, la pemphigoïde des muqueuses, le pemphigus vulgaire ou le lichen plan en étaient la cause. Les modifications hormonales liées à la ménopause sont aussi évoquées dans leur genèse. Granulations de Fordyce. Les grains de Fordyce sont des glandes sébacées hétérotopiques des muqueuses buccales. Ils sont sans conséquence. Souvent peu nombreux, ils deviennent de plus en plus évidents avec l’âge, réalisant des granulations jaunâtres, en relief, parfois coalescentes. Ils siègent souvent au niveau de la lèvre supérieure et de la région rétromolaire avec une distribution souvent symétrique. Pathologies infectieuses Ce sont essentiellement les candidoses, le zona, les pemphigus et pemphigoïdes bulleuses. Candidoses. Ce sont des lésions blanches dues généralement à Candida albicans qui vit à l’état saprophyte dans la cavité buccale mais peut devenir pathogène lors d’une modification de l’homéostasie buccale.
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Points à retenir
Diverses étiologies sont à retenir : • locales : mauvaise hygiène buccale, tabac, consommation excessive de sucre ; • régionales : irradiation de néoplasies buccales ou otorhino-laryngologiques (ORL) ; • générales : déficit immunitaire, diabète, stress etc. • médicamenteuses : antibiothérapie, corticothérapie, immunosuppresseurs au long cours.
De topographie variable, les candidoses sont parfois aiguës : la muqueuse est alors érythémateuse recouverte de placards blanchâtres plus ou moins confluents qui se décollent à l’aide d’un abaisse-langue pour se reconstituer rapidement ; ils peuvent intéresser la totalité de la muqueuse buccale. Le patient se plaint de sécheresse ou de brûlures buccales. Elles sont plus volontiers chroniques, en foyers multiples, associant une perlèche rétrocommissurale (avec inflammation, rhagades, croûtes cutanées), une glossite losangique médiane dite de Brocq et Pautrier, une ouranite. Ces formes chroniques peuvent évoluer vers des formes hyperkératosiques, où alternent candidose et kératose, susceptibles de se transformer en carcinome épidermoïde de type inversé. [4] Des examens complémentaires mycologiques et anatomopathologiques peuvent être pratiqués. Les traitements locaux et généraux reposeront sur : • la remise en état de la cavité buccale : détartrage, soins dentaires et prothétiques ; • le traitement des douleurs : bains de bouche (aspirine, eau bicarbonatée), applications de gel de Xylocaïne® visqueuse, gel de polysilane, gel de sulcralfate ; • le traitement de la candidose : il repose sur les antifungiques (myconazole [Daktarin ® ], amphotéricine B [Fungizone® ], mycostatine [Nystatine®], fluconazole [Triflucan®]) administrés sous différentes formes galéniques plus ou moins associées entre elles (bain de bouche, voie entérale etc.) ; • le traitement de l’hyposialie : hydratation, stimulations salivaires (jus de citron, etc.) ;
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• l’adaptation des prescriptions médicamenteuses, souvent très difficile ; • le traitement du terrain s’il y a lieu (stabilisation d’un diabète, etc.). Zona. Il correspond à la réactivation d’un virus (herpes zoster virus [HZV]) quiescent dans les ganglions des nerfs sensitifs et réactivé lors d’une chute de l’immunité. Il se caractérise par un triple syndrome : [5] muqueux, neurologique et infectieux. • Sur le plan muqueux : les vésicules unilatérales évoluent rapidement vers des ulcérations douloureuses. • Sur le plan neurologique : les douleurs vives, intenses, intéressant le métamère d’un nerf sensitif, précèdent l’éruption associée à un déficit sensitif. Elles peuvent intéresser le trijumeau (branche ophtalmique, maxillaire ou mandibulaire), le glossopharyngien avec fausses routes possibles en raison d’une perturbation des rétrocontrôles de la déglutition, le nerf facial (des paralysies faciales périphériques ont été rapportées dans cette atteinte). [6] • Sur le plan infectieux : une hyperthermie, une hyperleucocytose et une asthénie peuvent compléter le tableau clinique. Le traitement repose sur la prescription : • d’antalgiques : salicylés, association paracétamol-codéine (Codoliprane®), clomazépam (Rivotril®) ; • d’antiseptiques, bains de bouche à base de chlorhexidine, afin d’éviter la surinfection des lésions ; • de corticoïdes (en adaptant la posologie en fonction du métabolisme du sujet âgé) ; • et bien sûr d’antiviraux : valaciclovir (Zélitrex® per os ou intraveineux) ; Pemphigus et pemphigoïdes bulleuses. Ces dermatoses bulleuses sont caractérisées par des lésions bulleuses éphémères laissant place rapidement à des érosions plus ou moins hémorragiques, plus ou moins invalidantes qui peuvent toucher la peau et les muqueuses. Le diagnostic clinique sera confirmé par des examens complémentaires principalement anatomopathologiques avec examen en immunofluorescence directe à la recherche d’immunoglobulines (Ig) G, de la fraction C3 du complément, et/ou d’anticorps antimembrane basale pour un pemphigus ou antisubstance intercellulaire pour une pemphigoïde bulleuse. [7] Le traitement repose essentiellement sur la prise en charge symptomatique de la douleur et de la gêne fonctionnelle. Une corticothérapie générale sera instaurée, associée ou non à d’autres immunosuppresseurs en phase aiguë. Lésions blanches kératosiques Les plus fréquemment rencontrées sont la kératose tabagique et le lichen plan buccal. Elles peuvent, spontanément ou sous l’influence d’agents carcinogènes, évoluer vers un authentique cancer. En revanche, si les facteurs de risque sont supprimés, la lésion peut rester stable. Kératose tabagique. Elle se traduit par des lésions blanchâtres, plus ou moins localisées, d’épaisseur variable, d’aspect parfois parqueté, plus ou moins diffuses selon qu’il s’agit d’un patient fumeur de pipe ou de cigarettes. [8] Ces lésions siègent dans les zones en contact avec le tabac (lèvres, vestibules, joues, palais, plancher buccal). Le diagnostic clinique peut être confirmé par la biopsie. [9] Elles peuvent évoluer dans 20 % des cas vers un cancer, plus particulièrement s’il s’agit de formes verruqueuses. Le traitement repose sur la suppression immédiate et définitive du tabac. L’abstention et la surveillance sont de règle et au moindre doute, la biopsie s’impose. Lichen plan. D’origine non tabagique, peut-être médicamenteuse, plus vraisemblablement auto-immune, il est favorisé par le stress. [10] Il intéresse l’ensemble de la muqueuse buccale, préférentiellement les zones postérieures (face interne de joue et trigone rétromolaire). Toutefois, d’autres muqueuses (génitale, anale), les conjonctives ou bien la peau peuvent être atteintes. Un examen général est donc indispensable. L’élément essentiel de cette pathologie est la papule lichénienne. Divers aspects peuvent être rencontrés : pointillé, dendritique, réticulé, circiné,
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en plaque ou en nappe. La maladie évolue par poussées entrecoupées de phases d’accalmie. Indolores dans les formes quiescentes ou chroniques non actives, les lichens dans leurs formes aiguës et actives sont douloureux. L’évolution vers la cancérisation est à redouter dans les formes érosives et atrophiques. Elle se produirait, selon les auteurs, dans 0,3 à 10 % des cas. Le diagnostic clinique est confirmé par la biopsie. [9] Le traitement repose sur l’abstention et la surveillance si le lichen est non actif. En revanche, les formes actives nécessitent une corticothérapie, qui doit être maintenue sur de longues périodes (avec ses effets secondaires) en raison du risque d’effet rebond. Une prise en charge psychologique est nécessaire.
Tumeurs buccales bénignes Elles ne sont habituellement que des tumeurs bénignes de l’adulte ayant lentement poursuivi leur évolution. Il peut s’agir de diapneusies, lipomes, fibromes, etc. Leur ablation n’est indiquée que lorsqu’elles gênent les patients ou s’opposent à une bonne réhabilitation dentaire ou prothétique. Les tumeurs palatines, recouvertes d’une muqueuse normale, doivent être toujours suspectées de malignité et biopsiées. Hyperplasie gingivale ou fibrome des prothèses Elles sont observées chez des patients porteurs de prothèses mal adaptées et ne sont pas adhérentes à l’os alvéolaire sousjacent. L’exérèse doit s’accompagner de la pose d’une prothèse immédiate afin d’éviter une perte de profondeur vestibulaire qui rendrait aléatoire l’adaptation de la prothèse définitive. [11]
Tumeurs buccales malignes (carcinomes épidermoïdes) Lors de leur découverte, l’interrogatoire permet de préciser l’ancienneté de la lésion, le passé pathologique, les traitements passés et actuels, et tente de confirmer l’intoxication éthylotabagique. Celle-ci représente en effet la cause la plus habituelle. Toutefois, en l’absence de toute imprégnation éthylotabagique, il est possible d’observer des cancers typiques, de préférence chez la femme. L’hérédité est actuellement considérée comme une hérédité de conditions de vie sans que l’on puisse éliminer un facteur génétique. [9] L’examen révèle, en n’importe quel point de la cavité buccale, mais le plus souvent sur la lèvre inférieure, la langue ou le plancher buccal, une ulcération unique, plus ou moins bourgeonnante, rosée, légèrement ferme au contact. Dans la majorité des cas, il s’agit de carcinomes muqueux ulcérovégétants reposant sur une base indurée. L’existence d’adénopathies cervicales n’est pas du tout obligatoire, mais peut être le signe révélateur. Le tableau clinique est généralement asymptomatique, tout du moins au début de la maladie. Ceci explique l’intérêt d’un dépistage précoce. Plus tardivement, l’évolution de la tumeur s’accompagne d’une aggravation des douleurs, d’hémorragies spontanées et de dysphagie. La biopsie confirme le diagnostic clinique. Le bilan d’extension et la recherche d’une seconde localisation font appel au panoramique dentaire, à la panendoscopie des voies aérodigestives supérieures, à la tomodensitométrie, voire à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) etc. Ces examens complémentaires sont indispensables à la mise en place d’une thérapeutique adaptée. La thérapeutique repose sur la chirurgie d’exérèse tumorale associée ou non à un traitement des aires ganglionnaires et suivie ou non d’une irradiation complémentaire plus ou moins potentialisée par des sels de platine. La décision thérapeutique est le résultat d’une concertation pluridisciplinaire faisant appel au chirurgien, au radiothérapeute, au chimiothérapeute et au médecin anesthésiste. Cette décision prendra en compte le stade de la lésion, son degré d’évolution, l’état général du sujet, les autres pathologies, les traitements passés et actuels. Un accompagnement médical, odontologique, infirmier, oncopsychiatrique et familial est nécessaire tout au long du traitement. Stomatologie
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Les résultats dépendent de la lésion, de l’état général du malade, de la précocité et de la qualité des soins initiaux et ultérieurs, mais aussi de la réactivité individuelle du patient à la thérapeutique. Devant les formes très évoluées, le traitement se réduit à retarder l’évolutivité de la tumeur, à soulager le malade, améliorer ses conditions de vie (douleurs, nutrition etc.), à les rendre supportables.
■ Incidence du vieillissement sur les glandes salivaires Les sujets âgés se plaignent fréquemment de sécheresse buccale. Ceci s’accompagne de difficultés lors de la mastication, de la déglutition et de la phonation. Les premières études fonctionnelles ont révélé une baisse significative de la salivation chez les personnes âgées. L’idée d’une xérostomie, conséquence naturelle du vieillissement, était soutenue par les conclusions histologiques selon lesquelles on observe progressivement une dégénérescence des acini glandulaires peu à peu remplacés par du tissu fibreux et adipeux ainsi qu’une augmentation du diamètre du système vasculaire au détriment du parenchyme fonctionnel. [12] Cependant, la fonction des glandes salivaires semble indépendante de l’âge. Des études plus récentes menées sur la parotide et les glandes submandibulaires et sublinguales montrent que chez l’homme en bonne santé, la production salivaire de ces glandes demeure constante tout au long de la vie. [13] L’hypofonctionnement des glandes salivaires apparaît fréquemment dans la population âgée en raison de maladies systémiques (diabète, maladie d’Alzheimer et de Parkinson), de désordres immunologiques (syndrome de Gougerot-Sjögren) ou des effets secondaires des traitements médicamenteux ayant une action inhibitrice sur la salivation [14], ou de la radiothérapie. Ainsi, la sécheresse buccale n’est pas directement liée au vieillissement mais plus aux maladies affectant fréquemment les personnes âgées et/ou à leurs traitements. Les hyposialies iatrogènes sont plus volontiers incriminées dans ce phénomène et représentent 80 % des déficits salivaires. [15] Plus l’âge avance, plus la probabilité de développer une ou plusieurs pathologies chroniques augmente. Le traitement de ces pathologies qui repose le plus souvent sur la prescription de neuropsychotropes, d’antihypertenseurs sympathoplégiques et centraux, d’antiarythmiques, d’antiulcéreux cholinergiques et de façon générale sur tous les sympathomimétiques, les atropiniques et les antihistaminiques, a de grandes chances d’inhiber la sécrétion salivaire. Un cercle vicieux s’installe donc avec effet cumulatif et prolongé de l’hyposialie qui entraînera dans un premier temps et rapidement une altération des muqueuses et du parodonte, [16] puis plus lentement de l’organe dentaire par apparition de caries cervicales jusqu’à la fracture coronaire. Il s’ensuit une difficulté de réhabiliter prothétiquement les sujets de manière fixe (couronnes, bridges) au profit de prothèses adjointes partielles ou totales mal tolérées du fait de la souffrance muqueuse. Les déficits nutritionnels viennent compléter le tableau par évitement d’aliments solides et frais (légumes, fruits et viande non déstructurée), par la diminution des performances masticatoires, d’où un déficit en protéines, vitamine A, carotène, acide folique et vitamine C. [17] La préservation du « bien-être » buccal, en particulier par le maintien d’une sécrétion salivaire suffisante, est primordiale pour bien vieillir.
Altérations histologiques Sclérose salivaire La sclérose salivaire se manifeste principalement au niveau des glandes submandibulaires réalisant un tableau de submandibulite sclérosante dystrophique. Cette pathologie se retrouve dans la majeure partie des cas chez des femmes ménopausées. Stomatologie
Adipose L’adipose touche principalement les glandes parotides (sialadénoses et parotidomégalies nutritionnelles responsables de tuméfactions parotidiennes). Cette altération est favorisée par des désordres nutritionnels et diététiques par absorption massive de féculents et d’alcool chez des sujets souvent obèses.
Dédifférenciation des acini Cette altération est constamment présente lors de la sénescence mais n’est pas spécifique de celle-ci. On peut la retrouver lors de processus inflammatoires ou lors de pathologies systémiques (syndrome de Gougerot-Sjögren par exemple).
Métaplasie oncocytaire Ici, les cellules glandulaires sont caractérisées par leur grande dimension, la présence d’un petit noyau dense et par un cytoplasme très éosinophile et riche en mitochondries. Normalement peu nombreuses et dispersées, elles témoigneraient d’un processus de sénescence salivaire.
Microcristallisations canaliculaires Ces agrégats peuvent être la cause de calcinoses salivaires. Ils ne sont pas spécifiques de la sénescence mais s’observent plus fréquemment chez le sujet âgé et la femme ménopausée.
Conséquences biologiques Sur la composition salivaire La salive est un mélange complexe de fluides provenant des glandes salivaires mineures et majeures. Les trois glandes principales (sublinguale, submandibulaire et parotide) produisent une salive en quantité et en qualité différentes. Elle est composée de plus de 99 % d’eau, ce qui en fait un fluide très dilué. Elle contient des électrolytes variés, tels que le sodium, le calcium, le magnésium, les bicarbonates et les phosphates. Des Ig, des protéines, des enzymes ainsi que des produits azotés (urée et ammoniac) sont aussi présents. [18] Sa composition change constamment, en fonction de la chronobiologie des glandes ainsi que du flux salivaire.
Sur le flux salivaire Le flux normal de la salive non stimulée est de l’ordre de 0,2 ml/min et peut atteindre 7 ml/min lors d’une stimulation. Il varie d’un individu à l’autre et dépend de nombreux facteurs, psychologiques ou médicamenteux entre autres. Cette variation individuelle du flux salivaire pourrait expliquer les différences de perception gustative entre individus. En effet, les individus ayant un flux salivaire élevé ont un seuil de détection du goût acide plus important que ceux ayant un bas flux. [19]
Sur le pH et le pouvoir tampon salivaire Le pH normal de la salive varie entre 6 et 7 et augmente avec le flux salivaire : de 5,3 (flux faible) à 7,8 (flux important). La salive possède un pouvoir tampon par la présence d’ions bicarbonates. Concentration salivaire en bicarbonates et pH salivaire sont liés. Les changements de concentration en ions H + seraient donc accompagnés par des changements similaires de la concentration en bicarbonates. [20] Lors d’une stimulation, la concentration en bicarbonates augmente en même temps que le flux. Par conséquent, il en est de même pour le pH salivaire. [21] Une altération du flux salivaire a donc pour conséquence une diminution du pH. Cet abaissement est banal chez le vieillard, même en bonne santé.
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Conséquences pathologiques Pathologie tumorale Elle est dominée par le cystadénolymphome ou tumeur de Warthin qui est une tumeur bénigne (4 à 11 % des tumeurs salivaires), caractérisée histologiquement par l’association de cellules oncocytaires et d’un stroma lymphoïde. Son siège habituel est la parotide. Il atteint en grande majorité les sujets masculins après 50 ans. L’aspect évocateur est celui d’un nodule bien circonscrit, parfois volumineux, creusé d’une ou plusieurs cavités renfermant un liquide donnant à l’échographie un aspect très hypoéchogène et inhomogène. [22] La tumeur est en général située au bord postéro-inférieur de la parotide. Elle est de consistance molle, mobile par rapport aux plans profonds, et indolore. Cette tumeur relève de la tumorectomie simple.
Tableau 1. Critères diagnostiques européens du syndrome de Gougerot-Sjögren. 1. Symptômes oculaires
- avez-vous les yeux secs de façon quotidienne gênante et persistante depuis plus de 3 mois ? - avez-vous la sensation récidivante d’avoir du sable ou du gravier dans les yeux ? - utilisez-vous des larmes artificielles plus de 3 fois par jour ? 2. Symptômes buccaux
- avez-vous eu à l’âge adulte un gonflement des glandes salivaires persistant ou récidivant ? - prenez-vous souvent des liquides pour vous aider à avaler les aliments solides ? 3. Signes oculaires
- score de rose Bengale : > 4 4. Données histologiques
Score focal > 1 à la biopsie des glandes salivaires accessoires. Un focus est défini par l’agglomération d’au moins 50 cellules mononucléées. Le score focal est défini par le nombre de focus sur 4 mm3 de tissu glandulaire
5. Atteinte des glandes salivaires
Atteinte objective et évidente des glandes salivaires définie par au moins un test positif parmi les trois tests suivants : - scintigraphie salivaire - sialographie - débit salivaire sans stimulation < 1,5 ml en 15 minutes
6. Autoanticorps
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Présence d’au moins un type des anticorps sériques suivants : - anti-SSa ou SSb
Syndrome de Gougerot-Sjögren Le syndrome de Gougerot-Sjögren primitif est une maladie auto-immune qui affecterait environ 0,2 % de la population avec une prévalence féminine forte. La fréquence des formes sévères serait de l’ordre de 10 à 15 %. [23] Cette lymphoexocrinose est caractérisée par une infiltration lymphoïde de toutes les glandes exocrines (glandes salivaires, lacrymales, digestives, vaginales, etc.) et par la présence de nombreux autoanticorps sériques. Les manifestations cliniques de ce syndrome ont fréquemment des répercussions sur la qualité de vie des malades : [24, 25] • syndrome sec, quasi constant, buccal (xérostomie) et/ou oculaire (xérophtalmie), souvent digestif, nasal, vaginal ou bronchique et parfois cutané ; • douleurs articulaires qui constituent la plus fréquente des manifestations extraglandulaires ; • intumescence des glandes salivaires principales, le plus souvent bilatérale, et intéressant le plus fréquemment les parotides ; • asthénie invalidante, pas toujours signalée par les patientes, conséquence à la fois de l’inflammation chronique et des répercussions psychiques de la maladie. Le syndrome de Gougerot-Sjögren peut être secondaire à d’autres maladies auto-immunes, glandulaires (thyroïdite d’Hashimoto, cirrhose biliaire primitive) ou viscérale (tubulopathie rénale, pneumopathie interstitielle diffuse, neuropathie périphérique éventuellement trijéminale) avec diverses connectivites comme la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux disséminé, la sclérodermie, la périartérite noueuse, les polymyosites etc. [26]
Atteinte oculaire objective et évidente définie par un résultat positif à au moins un des deux tests suivants : - test de Schirmer : < 5 mm en 5 minutes
Calcinoses salivaires L’affection concerne presque exclusivement les femmes après 45 ans. Le tableau clinique habituel est celui d’une sialite chronique bilatérale ou à bascule : tuméfactions glandulaires douloureuses, intermittentes. Différentes des lithiases, les calcinoses salivaires sont caractérisées par des concrétions parenchymateuses multiples, bilatérales. Elles n’intéressent qu’un groupe glandulaire (parotidien, submandibulaire, ou sublingual). Les glandes submandibulaires sont les plus atteintes.
Réponse positive à au moins une des trois questions suivantes : - avez-vous quotidiennement une sensation de bouche sèche depuis plus de 3 mois ?
Submandibulite dystrophique sclérosante Des sujets de 50 ans ou plus, et plus particulièrement des femmes, se plaignent d’un gonflement submandibulaire unilatéral ou bilatéral modérément douloureux et chronique. Les glandes atteintes sont anormalement fermes, parfois ptosées. La salive est assez souvent peu abondante et un peu épaisse mais exceptionnellement purulente. La pathogénie reste spéculative : des microcristallisations intracanaliculaires seraient présentes chez environ 5 % des sujets atteints. L’évolution spontanée se fait vers la régression, cependant la crainte d’un lymphome peut conduire à la chirurgie.
Réponse positive à au moins une des trois questions suivantes :
- facteurs antinucléaires - facteur rhumatoïde Critères d’exclusion
Lymphome préexistant Syndrome d’immunodéficience acquise Sarcoïdose Réaction du greffon contre l’hôte (GVH)
Trois critères : diagnostic probable Quatre critères : diagnostic certain
Pour classifier le syndrome, plusieurs séries de critères, plus ou moins pertinents, ont été utilisées dans la littérature. Récemment, un consensus international a validé un ensemble de critères appelés « internationaux ou européens révisés ». Pour faire le diagnostic différentiel entre un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif et secondaire et permettre d’éliminer notamment les syndromes secs d’origine non immunologique, la présence de plusieurs critères est indispensable (Tableau 1). Les plus significatifs sont l’existence d’une anomalie immunologique patente, à savoir la présence d’autoanticorps sériques anti Ro-SSA, anti La-SSB, ou la présence sur la biopsie de glande salivaire accessoire d’au moins trois foci (amas de plus de 50 lymphocytes péricanalaires) sur une surface de 4 mm2 (score 3 et 4 de la cotation de Chisholm). [27, 28] Les anomalies immunologiques telles que l’augmentation polyclonale des Ig sériques et la présence d’autoanticorps sont le plus souvent stables dans le temps. Stomatologie
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L’évolution peut se faire vers un lymphome des glandes salivaires ou de l’estomac, de type mucosae associated lymphoid tissue (MALT). Il peut s’agir aussi de lymphome ganglionnaire de haut grade de malignité ou d’une macroglobulinémie de Waldenström. Ces complications restent cependant rares et, en leur absence, la plupart des malades ont une espérance de vie peu diminuée. Le traitement de fond est encore en cours d’évaluation dans de nombreuses unités de médecine interne. Certains ont proposé une diminution de l’auto-immunité par l’activité antiinflammatoire des corticoïdes et de certains antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine, Plaquénil ® ). Le traitement symptomatique de la sécheresse buccale fait appel aux sialagogues, en particulier le chlorhydrate de pilocarpine en préparation magistrale (gélule de 5 mg [1 gélule 3 fois par jour], ou teinture de Jaborandi [30 gouttes 3 fois par jour]). En cas d’intolérance à ce parasympathomimétique (palpitations, sueurs nocturnes profuses, diarrhées, etc.), le bromhexine (Bisolvon®) est à privilégier. Les substituts salivaires de synthèse (Artisial®) et lacrymaux (Lacrygel®) sont également intéressants dans les cas sévères. La surveillance annuelle de tout patient atteint de syndrome de Gougerot-Sjögren doit être à la fois clinique et biologique (hémogramme, créatininémie, électrophorèse des protéines, dosage de lacticodéshydrogénase [LDH], du complément et recherche de cryoglobuline).
■ Incidence du vieillissement sur la perception gustative La sénescence a pour conséquence une diminution notable du nombre de récepteurs gustatifs qui passent d’environ 10 000 à moins de 1 000, que ce soit au niveau lingual ou extralingual. Ce déficit peut provoquer différents types de troubles : hypogueusie, voire agueusie et phantogueusie (qui seraient toutefois plus d’origine psychogène, associées aux stomatodynies). Généralement, on observe une diminution du goût salé, du goût sucré et enfin de l’acide. L’amer est conservé. La cavité orale est constamment tapissée par la salive générée par les glandes salivaires majeures et mineures. Les interactions salive-saveurs sont très variées, chaque molécule sapide pouvant agir et interagir spécifiquement avec la salive. La salive contribue à la gustation par trois types d’actions : • comme un solvant des aliments ; • comme un transporteur des molécules sapides ; • à travers sa composition [29]. Une diminution du flux salivaire a donc pour conséquence une altération de la perception gustative.
■ Incidence du vieillissement sur les tissus dentaires et parodontaux Chez le sujet âgé, les édentements résultent dans la majorité des cas de l’évolution de maladies buccales telles que les caries ou les parodontopathies. Ces dernières voient leur prévalence et leur sévérité augmenter avec l’âge. Toutes les études épidémiologiques décrivent invariablement une plus grande fréquence de la maladie parodontale chez les personnes âgées. La combinaison maladie carieuse/maladie parodontale est la principale cause de perte des dents chez le sujet âgé, avec essentiellement la perte des molaires. [30] Les édentements sont aussi le reflet de l’isolement social qui semble être un facteur expliquant la chute de fréquentation du cabinet dentaire et des déficits fonctionnels ou mentaux empêchant un maintien correct de l’hygiène buccodentaire. La survenue de certaines maladies systémiques (maladie cardiovasculaire, immunodéficience, cancer) peut justifier Stomatologie
l’avulsion de dents susceptibles d’être le siège d’une infection, en raison des risques majorés d’endocardite ou d’ostéoradionécrose. L’épidémiologie de l’édentement des patients est peu développée en France. Les études internationales se réfèrent essentiellement à des populations nord-américaines, scandinaves et anglo-saxonnes. [31, 32] Actuellement, dans ces populations, on rencontre entre 35 et 40 % d’édentés totaux après l’âge de 65 ans, et depuis les dernières décennies, la prévalence à l’édentement, à âge constant, diminue. Des études françaises avancent quelques chiffres. Une enquête menée dans l’Essonne par la Caisse primaire d’assurance maladie auprès de 308 pensionnaires d’institutions pour personnes âgées dépendantes (âge moyen de 86 ans) indique une prévalence de 34,4 % d’édentés totaux. [33] Une autre étude menée dans la région Rhône-Alpes et intéressant 603 personnes âgées non institutionnalisées dont l’âge est compris entre 65 et 74 ans indique un pourcentage de 16 % d’édentés totaux. [34] Cette variation dans la prévalence de l’édentement peut être attribuée à la différence d’âge et à l’état de dépendance des deux populations étudiées. La prévalence à l’édentement augmente avec l’âge et l’état de dépendance.
Altérations histologiques La sénescence dentaire est dominée par trois phénomènes : • l’usure progressive de l’émail ; • la migration lente vers l’apex dentaire de l’attache épithéliale gingivale ; • la destruction progressive de l’os alvéolaire. Ces trois phénomènes s’additionnent pour aboutir à la chute de la dent. Les modifications observées lors du vieillissement portent sur tous les tissus dentaires et le desmodonte.
Altérations amélaires L’émail est un tissu inerte, incapable de se reformer, qui subit une usure simple du fait des attritions régulières de sa zone occlusale. Sa perméabilité, étudiée par radio-isotopes, diminue également avec l’âge.
Altérations de la dentine La dentine est un tissu vivant qui est beaucoup plus modifié que l’émail. La dentine physiologique secondaire, qui s’édifie durant toute la vie, rétrécit progressivement le volume de la chambre pulpaire. [35] Il peut s’y ajouter une dentine secondaire pathologique (encore appelée dentine tertiaire) suscitée par une usure anormalement importante ou une affection dentaire. La dentine translucide ou scléreuse est liée à l’oblitération des lumières des tubules par des dépôts de sels minéraux. Plus abondante dans la racine, elle rend la dent plus cassante lors de traumatismes ou d’extractions. Quelques prolongements cytoplasmiques d’odontoblastes peuvent enfin disparaître, le tubule correspondant devient alors vide.
Altérations du cément Il se dépose durant toute la vie mais de façon intermittente, s’accroît en épaisseur chez le sujet âgé. Mais d’autres mécanismes, tels des traumatismes ou des parodontopathies, peuvent conjuguer leurs effets à ceux de la sénescence.
Altérations pulpaires La pulpe se transforme progressivement avec une augmentation progressive des fibres collagènes matures tandis que les cellules se raréfient et que la substance fondamentale devient moins fluide. L’intervention d’une hypovascularisation est discutée dans ce phénomène. On peut également déceler radiologiquement des denticules et/ou une calcification diffuse.
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Altérations desmodontales L’attache épithéliale est de plus en plus basse au fur et à mesure que l’on avance en âge. Ceci est en rapport avec la disparition des fibres gingivales et la résorption de la crête alvéolaire.
Conséquences cliniques Les variations histochimiques salivaires et l’hyposialie associées à une hygiène défectueuse en raison des difficultés éprouvées par les patients pour entretenir leurs dents et leurs prothèses, l’accumulation de tartre, favorisent l’inflammation gingivale. Celle-ci sera aggravée par certains traitements et la présence de dents en mauvais état.
Conséquences pathologiques La perte de l’attache dentaire entraîne la mobilité puis la chute de la dent. Au niveau dentaire, les caries coronaires et radiculaires, les plus fréquentes, souvent asymptomatiques en raison de la calcification du canal pulpaire, peuvent aboutir à une fracture dentaire. Les infections dentaires et périapicales, telles que les abcès, les cellulites et les phlegmons, sont habituellement rarement observées.
constitués de deux types d’os : un os basal qui a la même physiologie que les autres structures osseuses du squelette et un os alvéolaire qui dépend en plus de facteurs locaux, telle la santé des tissus parodontaux, de la présence des dents.
Aspects physiologiques du vieillissement de l’os basal L’os basal qui constitue la charpente de la mandibule et du maxillaire présente la même physiologie que les autres structures osseuses. Le remodelage des structures craniofaciales, notamment la mandibule et le maxillaire au cours du vieillissement, conduit globalement à une expansion de celles-ci et non à une atrophie. En effet, la largeur faciale, l’épaisseur et la hauteur sont inchangées ou augmentées au cours du vieillissement, ceci en l’absence de facteurs extrinsèques de première importance, telle l’édentation. En cas d’édentation terminale ou totale non compensée, une diminution de la hauteur de l’étage moyen et inférieur de la face est observée. Associée à l’augmentation des structures faciales dans le plan frontal, cette diminution de hauteur donne un aspect plus arrondi de la face dans le plan frontal. Dans le plan sagittal, on note alors une tendance accentuée à la prognathie mandibulaire avec projection antérieure du menton, d’autant plus que la crête mandibulaire semble aplatie en cas d’édentation totale. À cet aspect de prognathie mandibulaire est associée une apparente rétrusion du maxillaire. [41]
■ Incidence du vieillissement sur les tissus osseux
Aspects physiologiques du vieillissement de l’os alvéolaire
Durant ces dernières années, les concepts sur la physiologie osseuse ont beaucoup évolué. On sait maintenant que l’os est plus qu’un tissu minéralisé avec une trame organique composée essentiellement de collagène de type I. C’est un tissu constitué de nombreuses populations cellulaires qui interagissent entre elles. Le remodelage osseux est sous la dépendance de facteurs locaux, exprimés par les cellules osseuses, tels que les cytokines, les facteurs de croissance et les prostaglandines, mais également de polypeptides circulants tels que des hormones stéroïdes et parathyroïdiennes (parathormone) qui agissent directement ou indirectement par activation des récepteurs hormonaux ou par modulation de l’expression des récepteurs associée avec la résorption et la formation osseuse. [36, 37] Le vieillissement osseux se traduit par des modifications histologiques : l’os sénescent est caractérisé par de nombreuses zones de résorption, par un élargissement de la lumière centrale des systèmes haversiens, par une diminution en nombre et en volume des trabécules osseux et une augmentation réciproque, au sein de la moelle osseuse, du nombre et du volume de dépôts graisseux et d’adipocytes par différenciation des ostéoblastes. [38] Si la perte trabéculaire au cours du vieillissement osseux est comprise, selon les auteurs, entre 20 et 27 % chez l’homme entre l’âge de 20 et de 80 ans, elle est de 40 % chez les femmes et est surtout importante les 10 premières années après la ménopause, puis ensuite diminue. [39] Elle correspondrait à la raréfaction régulière de la trame collagénique de type I. Ces modifications sont liées aux variations hormonales des sujets âgés mais également à l’alimentation et aux forces exercées sur les structures osseuses. La diminution de l’expression des facteurs hormonaux systémiques se fait en faveur des facteurs locaux tels notamment les interleukines, le tumor necrosis factor (TNF) qui favorisent la différenciation ostéoclastique et l’inhibition de l’apoptose des ostéoclastes. [40] Cette augmentation du nombre et de la durée de vie des ostéoclastes provoque un déséquilibre dans la balance apposition-résorption en faveur de cette dernière. Le maxillaire et la mandibule présentent des caractéristiques particulières par rapport aux autres os du squelette. Ils sont
Il représente plus de la moitié de la hauteur de la mandibule chez le sujet denté. S’il possède la même physiologie que les autres structures osseuses, il présente deux caractéristiques particulières, à savoir un turnover cellulaire élevé et un remaniement physiologique lié essentiellement à la santé des tissus péridentaires. La résorption de l’os alvéolaire s’objective par une diminution de hauteur des procès alvéolaires suite à la perte dentaire qui s’accompagne d’une perte d’os marginal et d’une réparation osseuse. Elle dépend de nombreux facteurs dont certains sont mal connus. Les facteurs classiquement décrits tels l’âge, le sexe, la race, le nombre de dents absentes ne semblent pas des éléments déterminants pour la perte de l’os alvéolaire. En revanche, une atteinte des tissus parodontaux est un facteur favorisant la résorption de l’os alvéolaire. En effet, la résorption osseuse verticale sur 10 ans a été estimée à 0,38 mm en l’absence de parodontopathie et à 1,9 mm en présence de parodontopathie, ce du fait de la discontinuité induite entre les corticales linguale et vestibulaire et donc de l’exposition de l’os spongieux. [42] La perte dentaire associée à une parodontopathie s’accompagne d’une résorption plus grande que si la dent perdue avait des tissus de soutien sains. [43] D’autres facteurs aggravant la résorption osseuse au niveau d’une zone édentée peuvent être retenus : • les forces excessives ou continues sans périodes de repos suffisantes, exercées sur l’os alvéolaire ; • l’absence de forces (loi de Jores) ; • les traumatismes chirurgicaux lors des avulsions. La résorption est en revanche limitée par l’action des brides fibreuses et des freins qui stimulent l’os résiduel et ce dans les limites des forces. Cependant, la résorption osseuse modifie de façon différente la géométrie du maxillaire et celle de la mandibule. [43] Au niveau de la mandibule, les structures alvéolodentaires molaires se situent à l’intérieur de l’arc mandibulaire formé par l’os basal. Aussi, la résorption de la crête alvéolaire est centrifuge à ce niveau. Elle se fait jusqu’aux insertions des muscles buccinateurs et mylohyoïdiens. La résorption totale de l’os alvéolaire laisse alors à nu l’os basal ; les insertions des muscles
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mylohyoïdiens forment une véritable crête du côté lingual, et les insertions des buccinateurs du côté vestibulaire forment alors une gouttière à la place de la crête. Puis les insertions du buccinateur vont rejoindre celles du mylohyoïdien et former ainsi une crête en lame de couteau. Au niveau antérieur, le rempart alvéolodentaire est vestibulé, la résorption osseuse est centripète. La résorption s’accompagne progressivement d’un déplacement de l’insertion du muscle mentonnier vers la crête, gênant la stabilisation des prothèses adjointes. L’insertion des muscles génioglosses et géniohyoïdiens peut se calcifier et provoquer des épines osseuses, elles aussi déstabilisatrices pour des prothèses adjointes. La disparition progressive de l’os alvéolaire s’accompagne du déplacement du foramen mentonnier vers une position plus postérieure (en regard du site de la deuxième prémolaire) et centrée sur la crête. Ainsi, la réduction du volume crestal induit des difficultés dans la stabilisation des prothèses adjointes du fait de l’aplatissement des crêtes mais également du fait de la perte d’adhérence de la muqueuse crestale. Le déplacement et l’exposition crestale des foramina mentonniers provoquent des douleurs à la pression prothétique. Au maxillaire, du fait de l’orientation vestibulaire du rempart alvéolodentaire, la résorption de l’os alvéolaire est centripète. La stimulation osseuse par le muscle buccinateur est insuffisante pour empêcher la résorption après perte dentaire dans le secteur prémolomolaire et les fibres d’insertion de ce muscle sur le maxillaire vont progressivement migrer vers la crête provoquant ainsi une instabilité des prothèses adjointes. En revanche, la région tubérositaire subit beaucoup moins de résorption verticale que la région molaire. Ceci s’explique par le renforcement de la tubérosité grâce à son union aux processus pyramidal du palatin et ptérygoïde du sphénoïde et par la présence d’insertions musculaires puissantes au niveau de cet ensemble osseux, les muscles ptérygoïdiens médial et latéral. [44] La région incisivocanine ne subit quant à elle que peu de résorption verticale puisqu’elle est limitée par deux zones osseuses denses, la bosse canine et la suture intermaxillaire. En revanche, du fait de la convexité importante des procès alvéolodentaires et de la vestibuloversion des dents, l’édentation de cette zone se traduit par une forte résorption centripète laissant une crête en « lame de couteau ».
Pathologies osseuses en rapport avec le vieillissement Certaines pathologies modifiant l’expression des facteurs régulateurs de la balance apposition–résorption osseuse (hormones stéroïdes, parathyroïdiennes) peuvent avoir des répercussions au niveau osseux. Ce sont essentiellement l’ostéoporose, mais également la maladie de Paget, l’ostéomalacie et l’hyperparathyroïdie.
Ostéoporose Elle concerne surtout les femmes du fait de la réduction de la synthèse des œstrogènes lors de la ménopause et du fait de la masse osseuse plus faible chez la femme. La prévalence est de 25 % entre l’âge de 45 et 54 ans et augmente à 40 % après 55 ans. Elle est caractérisée par une inversion du rapport ostéoblaste/ ostéoclaste. Le volume osseux est diminué et la microarchitecture est altérée : on observe un amincissement des trabécules osseux de l’os spongieux et des corticales. La densité osseuse de l’os ostéporotique est inférieure à 2,5 écarts-types par rapport à la valeur moyenne de l’adulte jeune. [45] Cependant, la minéralisation de l’os restant n’est pas modifiée. Il y a donc un affaiblissement de la résistance aux contraintes mécaniques dont il faut tenir compte lors des interventions chirurgicales (avulsions, pose d’implant etc.). Stomatologie
Elle est, soit primitive, soit secondaire à des traitements médicaux. Concernant les ostéoporoses primitives, elle peut être liée à la carence œstrogénique avec un hyperparathyroïdisme simultané, à des facteurs génétiques liés à un polymorphisme de certains gènes (collagène de type I, interleukine 6, récepteur à la vitamine D etc.), à des carences en calcium liées à une diminution de l’apport et de l’absorption calcique, voire une fuite calcique liée à une altération de la fonction rénale, une carence protidique. [46] L’ostéoporose peut également être secondaire à des traitements médicaux tels les corticoïdes au long cours, même à des doses faibles (0,1 mg/kg/j de prednisolone), tels les analogues de la luteinizing hormone-releasing hormone (LH-RH).
Maladie de Paget C’est une ostéopathie progressive, chronique dont les manifestations sont importantes chez la personne âgée. Elle est caractérisée par un renouvellement anarchique du tissu osseux et est, soit localisée à quelques foyers, soit généralisée à tout le squelette. La trame osseuse normale est remplacée par un os dense compact et granuleux donnant en radiologie un aspect floconneux où alternent des zones denses et des images claires. L’augmentation sanguine du taux de phosphatases alcalines et de l’hydroxyprolinurie accompagne ces remaniements osseux anarchiques. Au niveau de la face, les atteintes maxillaires sont plus fréquentes que celles de la mandibule. On retrouve également des foyers d’hypertrophie au niveau du crâne. L’hypertrophie osseuse exobuccale donne un aspect appelé leontiasis ossea : les sillons nasogéniens, la saillie de la lèvre et du menton sont comblés. Les atteintes endobuccales se caractérisent par un comblement du vestibule et de la voûte palatine au maxillaire. À la mandibule, la table interne est hypertrophiée et comble ainsi le plancher lingual ; le comblement du vestibule, notamment au niveau de la région incisivocanine, donne un aspect de fausse prognathie. Ces déformations sont accompagnées d’une hyperthermie localisée se manifestant lors des poussées évolutives de ce remaniement pathologique. On retrouve également parfois des douleurs sourdes et des manifestations neurosensorielles liées aux déformations au niveau du crâne, ainsi que des manifestations ophtalmologiques, cardiovasculaires. Au niveau odontostomatologique, on retrouve des mobilités et des déplacements dentaires en rapport avec les foyers d’hypertrophie osseuse, des rhizalyses, des foyers d’hypercémentose, une fréquence importante d’ostéites et de lithiases salivaires.
Hyperparathyroïdie L’hyperparathyroïdie primaire présente, outre les manifestations rénales (lithiases, néphrocalcinoses, hypertension artérielle), digestives, neurologiques et musculaires, des manifestations osseuses dans 25 à 30 % des cas. Les atteintes osseuses sont situées au niveau de tout le squelette ; au niveau craniofacial, on observe cliniquement des tuméfactions osseuses déformant les maxillaires et une perte précoce des dents. Au niveau radiologique, on observe un aspect pseudopagétique avec des plages d’ostéoporose circonscrites par des zones d’hypercondensation, des images kystiques et un aspect de la mandibule en « verre dépoli ».
Ostéomalacie Elle correspond à un défaut de minéralisation de la trame collagénique de l’os lié, soit à une carence en vitamine D par carence alimentaire ou défaut d’absorption, soit à une incapacité à la minéralisation du fait d’une hypophosphorémie concomitante. En fait, l’ostéomalacie correspond chez l’adulte au rachitisme de l’enfant. En radiologie, on observe au niveau maxillofacial une transparence diffuse avec amincissement, voire disparition des corticales. De même, la lamina dura, les contours des sinus maxillaires, du canal mandibulaire et du bord inférieur de la mandibule ne sont plus nets. En revanche, cette hypominéralisation ne touche pas les dents et ne favorise pas les caries, mais s’accompagne d’une mobilité de toute la denture.
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■ Implication des modifications liées au vieillissement dans les thérapeutiques endobuccales Influence du vieillissement en odontologie conservatrice Les traitements dentaires restaurateurs et les traitements endodontiques chez les personnes âgées doivent tenir compte de l’âge des patients, de leur coopération psychologique mais également des modifications de l’émail, de la dentine et de la pulpe liées au vieillissement. Les caries radiculaires comme les mylolyses, fréquentes chez les patients âgés, sont caractérisées par une sclérose dentinaire qui s’accompagne d’une hyperminéralisation des tubules dentaires qui sont alors oblitérés. Aussi, les traitements dentinogéniques utilisés lors des délabrements carieux profonds sont d’autant plus inutiles que la pulpe est rétractée. L’obturation de ces cavités peut être réalisée avec des verres ionomères qui présentent de nombreux avantages chez ces patients : relargage de fluor en prévention de la récidive carieuse, [47] inutilité de la pose de la digue contraignante chez ces patients, adhésion meilleure que les composites sur les surfaces dentaires sclérosées, comportement mécanique voisin de celui de la dentine, contrairement aux amalgames. Cependant, ils sont peu esthétiques. Aussi, si l’esthétique est recherchée, on peut opter pour une obturation par la technique sandwich associant un verre ionomère au fond de la cavité et un composite esthétique en surface. Devant des patients dont l’état général nécessite des séances courtes, les processus carieux peuvent être stoppés par traitement restaurateur atraumatique (ART) qui consiste en un curetage manuel des tissus carieux et une oblitération de la cavité au verre ionomère. [48] Concernant les traitements endodontiques, la séquence opératoire reste la même que chez les patients plus jeunes ; cependant, quelques spécificités sont à relever du fait de la nécessité de séances courtes chez ces patients âgés et du fait de la sclérose des tissus pulpaires. La pose de la digue peut être parfois rendue difficile, voire impossible du fait de difficultés respiratoires ou de déglutition. L’accès à la cavité pulpaire se fera prudemment car le risque de perforation du plancher pulpaire est grand du fait de la rétraction pulpaire. Le rétrécissement du volume pulpaire au niveau des canaux, la présence de pulpolithes et l’obstruction des apex dentaires sont autant d’éléments augmentant la difficulté du cathétérisme canalaire. L’instrumentation manuelle sera préférable à celle mécanisée mais devra, quoi qu’il en soit, être associée à des chélateurs pour favoriser la pénétration des instruments et s’approcher le plus possible des orifices apicaux.
Influence du vieillissement en exodontie La sénescence de l’os alvéolaire et basal s’accompagne d’un amincissement de certaines corticales osseuses, à savoir la corticale vestibulaire maxillaire, la corticale vestibulaire de la région incisivocanine mandibulaire et la corticale linguale au niveau molaire mandibulaire. Parallèlement à ces modifications dimensionnelles, des modifications structurelles diminuent la rigidité et l’élasticité de l’os spongieux et basal et sont responsables d’un risque plus élevé de fracture osseuse, tant des corticales que de l’os basal mandibulaire lors des avulsions. Ce risque sera d’autant plus élevé que la sclérose du desmodonte peut s’accompagner d’une ankylose de la dent augmentant ainsi les difficultés lors de l’avulsion et donc les risques de fracture.
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L’apposition cémentaire est continue pendant toute la vie [49, et est prépondérante au niveau de la région apicale de la racine. Elle peut ainsi former un apex globuleux par rapport au reste de la racine, voire même une racine en « baguette de tambour ». L’avulsion de telles dents peut s’avérer difficile et nécessiter une alvéolectomie.
50]
Influence du vieillissement dans les traitements de prothèse adjointe La résorption de l’os crestal et la migration relative des insertions des muscles mylohyoïdiens et buccinateurs vers le sommet de la crête résiduelle sont sources de difficultés dans la réalisation de prothèse adjointe, surtout à la mandibule. L’approfondissement vestibulaire avec désinsertion musculaire peut être nécessaire pour retrouver des crêtes permettant la rétention et la stabilisation de la prothèse. Une autre alternative est l’utilisation de barres ou d’attachements implantoportés stabilisant la prothèse adjointe sans nécessité de plastie des vestibules. Cette alternative, moins traumatisante pour le patient, se révèle à terme plus efficace. La sécheresse buccale s’accompagne de difficultés d’acceptation de la prothèse adjointe. En effet, la salive, en devenant épaisse, spumeuse, participe moins à la rétention de la prothèse adjointe complète. [51] La diminution des mucines qui forment une couche protectrice hydrophile des muqueuses s’accompagne d’un dessèchement des muqueuses qui deviennent plus fragiles et supportent donc moins bien les traumatismes prothétiques. La diminution des Ig, des mucines, qui participent également à l’agrégation et l’élimination bactérienne, favorise les infections opportunistes candidosiques et bactériennes, notamment sous-prothétiques. L’utilisation d’armature en titane en prothèse adjointe partielle ou totale permet d’atténuer ces problèmes car le métal a une meilleure mouillabilité donc permet une meilleure rétention par rapport à la résine. Le titane a des propriétés antibactériennes et est non poreux, il provoque donc moins d’inflammation de la muqueuse buccale que la résine. L’acceptabilité des prothèses est également rendue difficile chez les personnes âgées du fait de la sénescence du système neuromusculaire. La tendinification du ventre antérieur du digastrique, les modifications motrices telles la diminution de la tonicité, de l’endurance, de la force de contraction musculaire, liées à une sénescence du système nerveux central (dysfonction des circuits neuronaux), provoquent une perte de la dextérité linguale, un allongement du temps de déglutition et une diminution de l’efficacité masticatoire. [52] Aussi, la pose d’une nouvelle prothèse chez une personne âgée s’accompagne d’un temps d’acceptation plus long et de doléances souvent difficiles à satisfaire.
Influence du vieillissement en implantologie L’implantologie permet aujourd’hui la réalisation de réhabilitations prothétiques mieux tolérées par les patients. Cependant, certaines conséquences de la sénescence osseuse peuvent limiter, voire contre-indiquer la pose d’implant. En effet, la résorption des corticales, tant dans le sens vertical que dans le plan vestibulolingual, peut être source de difficultés dans le choix des sites implantaires et des implants (implants vis ou implants disques). La diminution de la trabéculation de l’os et de la fraction minérale est également un facteur qui amoindrit le potentiel d’absorption des forces et qui doit donc être pris en compte dans la durée de la période de cicatrisation, dans le choix du nombre et dans la répartition des implants sur la crête édentée. [53] Si certaines pathologies médicales peuvent également limiter ou contre-indiquer la pose d’implant, il faut noter qu’il n’y a aucune corrélation entre le taux d’échec implantaire et l’incidence des pathologies systémiques liées à l’âge des patients. [54] Stomatologie
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■ Incidence du vieillissement sur la musculature [55]
Kohyama et al. ont montré que le vieillissement a un effet important sur le comportement masticatoire, avec une activité musculaire, mesurée par électromyographie, plus faible chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes. La conséquence est une efficacité moindre dans la réduction des aliments en particules. Ceci est partiellement compensé par une augmentation significative du nombre de cycles masticatoires et un temps de mastication plus long.
Altérations histologiques La sénescence musculaire provoque une diminution de la capacité à produire une force souvent associée à une diminution de la masse musculaire [56] encore appelée sarcopénie. [57, 58] Les changements physiologiques qui sous-tendent cette diminution en volume et en force ne sont pas encore totalement compris. Il y a un changement dans la taille du muscle, mais également dans sa structure (diminution des fibres rapides de type I, augmentation des fibres lentes de type II et augmentation des tissus graisseux et fibreux de connexion à l’intérieur du muscle) et dans l’implication de la sénescence neurologique. [56, 59]
Conséquences sur la physiologie
Tableau 2. Types de vieillissement cutané. Type
[63]
Facteur déterminant
Intrinsèque - chronologique
Passage des ans
- génétique
Facteurs génétiques dont prédisposition (phototype, sexe)
Extrinsèque - photo-induit
Ultraviolets, infrarouges
- comportemental
Tabac, régime alimentaire, alcool et drogues
- gravitationnel
Pesanteur
- catabolique, endocrinien
Maladies chroniques, vieillissement des fonctions endocrines
deux mécanismes principaux. Le processus chronologique, dit intrinsèque, touche l’ensemble des téguments. Le vieillissement extrinsèque est consécutif essentiellement à l’effet répété des rayons UV au niveau des régions photoexposées (héliodermie) qui se surajoute au vieillissement intrinsèque. Chez la femme, la ménopause avec ses modifications hormonales accentue les phénomènes de vieillissement intrinsèque. Enfin, le tabac aggrave les effets de l’héliodermie.
Sur la musculature masticatrice L’appareil masticateur est constitué, outre le système musculaire, par le maxillaire qui est un os solidaire des os du massif facial supérieur, et la mandibule, qui est un os mobile rattaché à la base du crâne par l’articulation temporomandibulaire. Les contractions successives et coordonnées des muscles masticateurs contribuent à la formation des cycles masticatoires. Les muscles élévateurs sont : les muscles masséters, les muscles temporaux, les muscles ptérygoïdiens médiaux et le faisceau supérieur des ptérygoïdiens latéraux. Ils permettent les mouvements de fermeture et contribuent à la déstructuration du bol alimentaire. Les principaux muscles abaisseurs sont les muscles digastriques. Les muscles de la langue ainsi que les muscles buccinateurs permettent de placer le bol en bonne position occlusale. Newton et al. [60] ont montré une diminution de la surface et de la densité des muscles masséter et ptérygoïdien médial avec l’âge.
Sur les récepteurs La cavité buccale contient des mécanorécepteurs gingivaux, parodontaux, linguaux, palatins et jugaux. Le rôle principal de ces récepteurs est de signaler la position du bol alimentaire et la texture des aliments lors de la mastication. [61] Les récepteurs parodontaux participent également au contrôle de la force de morsure grâce au rétrocontrôle sensoriel. La perte des dents ainsi que les altérations muqueuses ont pour conséquence une perturbation de ce rétrocontrôle sensoriel.
Sur le contrôle nerveux La mastication est une activité semi-automatique. Un centre générateur de rythme, situé dans le tronc cérébral, semble moduler les rythmes masticatoires. Il serait activé, soit par des informations venues des centres supérieurs tels que le cortex, soit par des informations périphériques recueillies par les récepteurs de la cavité orale. [62] Le rétrocontrôle sensoriel, réalisé par les mécanorécepteurs intraoraux, exerce un rôle très important dans la coordination de la langue, des lèvres et des mâchoires.
■ Incidence du vieillissement sur le tissu cutané Le vieillissement cutané est un phénomène complexe, comme pour toutes les structures de l’organisme, relevant de Stomatologie
Vieillissement intrinsèque Au niveau de la peau, les mécanismes ne diffèrent pas de ceux du vieillissement en général. Il entraîne une diminution de l’épaisseur de la peau, prédominant au niveau du derme et en particulier au niveau du visage. Le réseau microdépressionnaire de surface se creuse et s’élargit pour former les rides. La peau perd de son élasticité, devient fragile, flaccide et les capacités de cicatrisation sont amoindries. Le turnover épidermique passe de 20 à 30 jours entre 20 et 70 ans. La pigmentation diminue progressivement avec apparition de taches colorées (lentigo sénile). Au niveau de la microvacularisation, on observe des ectasies et des dilatations veineuses responsables de l’aspect en « étoile veineuse » (ou « marguerite de cimetière »). La densité, l’épaisseur et la vitesse de croissance des phanères diminuent, sauf pour certains endroits (oreilles chez l’homme, menton et lèvres chez la femme). De même, le nombre et l’excrétion des glandes sébacées diminuent, alors que leur taille augmente. Cette modification associée à la sécheresse cutanée et au phénomène d’accumulation au niveau du stratum corneum est responsable de xérose cutanée. Enfin, si les capacités immunologiques cutanées sont affaiblies, il ne semble pas que la perméabilité cutanée soit modifiée (Tableau 2).
Vieillissement extrinsèque Au niveau des zones photoexposées, les rayons UV entraînent des modifications supplémentaires à celles du vieillissement intrinsèque ; l’ensemble de ces manifestations est regroupé sous le terme de vieillissement photo-induit ou héliodermie. Les UVB altèrent directement l’ADN, essentiellement au niveau de l’épiderme. Les UVA agissent au niveau du derme par la production de radicaux libres oxygénés et stimulent l’apoptose des fibroblastes, la synthèse de métalloprotéinases qui dégradent le collagène. Sur le plan histologique, l’héliodermie se manifeste par une désorganisation architecturale de l’épiderme, par une accumulation d’une matrice extracellulaire anormale basophile (élastose solaire) dans le derme. Les UV influencent l’expression des gènes impliqués dans la prolifération (proto-oncogène « c-fos ») des carcinomes cutanés. Sur le plan clinique, l’élastose solaire se traduit par une peau grossière, rugueuse, jaunâtre dite « peau citréinée de Milian ». Les lésions observées pour le vieillissement intrinsèque sont également présentes mais amplifiées.
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Le vieillissement extrinsèque est également influencé par plusieurs autres facteurs qui surajoutent leurs effets à l’héliodermie. Le rôle du tabagisme, des variations œstrogéniques à la ménopause a été démontré dans l’accélération du vieillissement cutané. Si l’effet délétère de la pollution atmosphérique (dioxyde d’azote, dioxyde de soufre, ozone) est évident, les mécanismes d’altération ne sont pas totalement élucidés. [63, 64]
Manifestations cutanées bénignes Les manifestations du vieillissement intrinsèque et extrinsèque ont un grand polymorphisme clinique. Les lésions bénignes et malignes peuvent être confondues. Le but de cet exposé n’est pas d’être aussi exhaustif qu’un ouvrage de dermatologie mais de rappeler les lésions les plus fréquentes. [64-69]
Kératoses séborrhéiques Il s’agit d’un épaississement épidermique. Ces lésions sont souvent multiples et siègent plus volontiers sur le tronc. Les lésions sont parfaitement limitées et superficielles, à surface rugueuse ponctuée de puits de kératine ; la coloration varie du beige clair ou brun sombre et est parfois inhomogène. L’aspect des lésions peut, au niveau du visage, faire discuter le diagnostic de « taches actiniques » ou de mélanose de Dubreuilh. Au moindre doute, une biopsie doit être réalisée. Le traitement de ces lésions repose sur l’exérèse chirurgicale, la cryothérapie ou le curetage sous anesthésie locale.
Angiomes séniles (ou taches rubis) Ils correspondent à la dilatation des capillaires de la papille dermique. Sur le tronc, il s’agit d’une petite lésion rouge vif qui ne s’efface pas à la pression. Au niveau du visage, ils apparaissent sur les lèvres sous forme de petites taches bleutées parfois surélevées et molles. Le traitement fait appel, soit à la cryothérapie, soit au laser, soit à la chirurgie.
Taches solaires (ou taches actiniques) Elles sont situées principalement sur le dos des mains et les avant-bras ou sur les régions malaires et temporales. De forme ronde ou ovale, leur surface est lisse avec une coloration beige à brune. Ces lésions doivent être surveillées car l’apparition d’une kératose solaire caractérisée par une lésion croûteuse est possible. L’azote liquide ou les rétinoïdes topiques peuvent être proposés comme traitement.
Tumeurs cutanées Si toutes les tumeurs cutanées peuvent atteindre le sujet âgé, nous n’aborderons ici que les principales tumeurs et les problèmes de leur prise en charge.
Tumeurs bénignes Adénomes sébacés séniles Tumeurs bénignes, elles sont très fréquentes après 60 ans. Elles correspondent à une hyperplasie des glandes sébacées et se présentent sous forme de petites tuméfactions, fermes, dont le centre paraît ombiliqué. Elles posent le problème du diagnostic différentiel avec le carcinome basocellulaire (CBC) mais sont moins dures qu’une perle, ne comportent pas de télangiectasies et sont souvent multiples. En cas de doute, la biopsie s’impose. Le traitement repose sur l’abstention ou la dermabrasion. Molluscum pendulum Ces petites tumeurs conjonctives, molles, parfois pigmentées et en « battant de cloche », ne posent pas de problème diagnostique clinique. Le traitement est l’exérèse ou la cryothérapie. Lentigos solaires Ils se développent sur les zones ayant été fortement exposées et se présentent sous forme de taches quadrangulaires, brunâtres, planes.
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Kératoses solaires (dites actiniques) Elles siègent sur les zones photoexposées (en particulier le cuir chevelu alopécique). L’aspect est celui d’une tache bien limitée, rouge ou jaune, recouverte d’une squame adhérente jaunâtre. Cette squame revient constamment. Il s’agit d’une lésion précancéreuse dont le principal risque est l’évolution vers un carcinome spinocellulaire (CSC) invasif. Les kératoses solaires peuvent être détruites par azote liquide, électrocoagulation, ou un topique antimitotique (5-fluorouracil : Efudix®).
Tumeurs malignes Carcinome basocellulaire Le CBC est le plus fréquent des cancers en général (15-20 %), mais dont la mortalité est très faible. Malgré un pronostic très favorable, on reçoit encore des patients porteurs de lésions dépassées et délabrantes. L’âge moyen de survenue est de 65 ans (environ 68 % des cas surviennent au-delà de 60 ans). Dans plus de 80 % des cas, les lésions sont localisées à la tête et au cou. Il n’y a pas de différence de répartition entre les sexes. À l’inverse des carcinomes spinocellulaires, pour le CBC il y a peu de lésions précurseurs et de facteurs favorisants, en dehors de la photocarcinogenèse solaire (arsénicisme, immunodépression, radiothérapie). L’aspect anatomoclinique classique est l’ulcus rodens, ulcération en « coup d’ongle » avec, sur les bords, une juxtaposition de petits grains fermes, translucides, lisses, gris ou opalins (les perles). Les autres formes anatomocliniques font l’objet d’articles détaillés (nodulaire, plan cicatriciel, pagétoïde, sclérodermiforme, pigmenté, tumeur de Pinkus). Les choix thérapeutiques tiendront compte de la forme anatomoclinique, du siège et de la taille de la lésion, de l’état général et des traitements du patient. La solution thérapeutique de choix est la chirurgie d’exérèse. Elle a l’avantage sur tous les autres traitements de renseigner sur l’histopathologie, le caractère complet ou non de l’exérèse. Pour de petites lésions, la chirurgie reste peu lourde et peu invalidante sur la qualité de vie et l’esthétique des patients. Malheureusement, nous sommes régulièrement confrontés à des lésions importantes du fait de l’évolution spontanée lente, du caractère indolore, de l’aspect initial anodin, entraînant une consultation tardive des patients. De plus, ces lésions sont souvent « ignorées » à tort du fait de problèmes cardiaques, de traitements anticoagulants, du grand âge des patients. La cryothérapie, la radiothérapie, la chimiothérapie sont à réserver en cas de contre-indication à la chirurgie ou de refus d’un geste chirurgical. Enfin, l’abstention thérapeutique doit être discutée pour les sujets très fragiles dont les lésions n’ont pas ou peu de retentissement fonctionnel mais un retentissement « esthétique ». Carcinome spinocellulaire Le CSC représente 20 % des tumeurs cutanées. Plus agressif que le CBC, il présente un risque non négligeable de métastases. Les études épidémiologiques ont prouvé le rôle carcinologique principal des UV (B et A) sur la peau vieillissante expliquant la localisation préférentielle sur les zones photoexposées d’une part, et d’autre part l’augmentation de l’incidence avec l’âge par effet-dose cumulé. On retrouve, comme pour le CBC, d’autres lésions précurseurs et facteurs favorisants (puvathérapie, radiations ionisantes, arsenic, papillomavirus, immunosuppression). Le CSC survient fréquemment sur des lésions précancéreuses telles que la kératose actinique (pouvant réaliser une véritable corne cutanée). Plusieurs signes doivent faire craindre la transformation d’une kératose : étalement, bourgeonnement, infiltration, ulcération, saignement. Ces signes imposent un contrôle histologique. Chez la personne âgée, le CSC se développe souvent sur des ulcérations chroniques au niveau des membres inférieurs. Stomatologie
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Le CSC se présente le plus souvent sous la forme d’une lésion ulcérovégétante. Le diagnostic différentiel n’est pas toujours aisé avec un kératoacanthome ou un CBC, même pour un œil exercé. Le CSC doit être considéré comme agressif avec une tendance à récidiver (8 % à 5 ans) et peut métastaser. Le traitement est donc chirurgical avant tout. Les marges d’exérèses sont adaptées en fonction de facteurs de mauvais pronostic. Toute exérèse incomplète impose une reprise chirurgicale. Le traitement des CSC cutanés primitifs ne comprend pas de curage ganglionnaire en l’absence d’adénopathie palpable. Le geste chirurgical peut aller de la simple exérèse-suture à des reconstructions par greffe ou lambeaux. Dans certains cas, étant donné l’âge des patients et leur terrain, le praticien pourra être amené à réaliser plus un geste de propreté qu’une intervention à visée curative, bien que ce but doive être obligatoirement recherché. Le bon sens et l’expérience définissent les limites à ne pas franchir tant dans le sens de l’intervention que celui de l’abstention. La radiothérapie est réservée à des patients aux tumeurs inopérables. Enfin, la chimiothérapie est à considérer comme un traitement palliatif pour l’instant. Les autres possibilités (curetage-électocoagulation, cryothérapie, laser) ne permettent pas un examen histologique et sont réservées aux patients présentant des contre-indications aux traitements usuels. Maladie de Bowen Il s’agit d’un carcinome in situ. Il peut être cutané ou muqueux. Dans la forme cutanée, la lésion est une plaque érythémateuse, aux limites nettes, qui peut s’épaissir et se recouvrir de squames. La biopsie est de règle. Si la basale est franchie, il s’agit d’un CSC imposant une exérèse large. Le traitement repose sur la chirurgie ou sur la crème Efudix®. Mélanose de Dubreuilh et mélanome De façon générale, les nævi bénins tendent à disparaître avec l’âge, aussi toute tache pigmentée évolutive et récente chez un sujet de plus de 60 ans doit faire suspecter un mélanome. La mélanose de Dubreuilh est un état précancéreux. Elle survient chez la femme, le plus souvent, entre 60 et 80 ans au niveau de la face. La lésion se présente comme une tache brun noir inhomogène, polychrome à contours irréguliers déchiquetés. Elle évolue très lentement pendant 5 à 15 ans en s’étendant de façon superficielle. Elle peut dégénérer en mélanome lentigineux (il représente 4 à 10 % des mélanomes). L’apparition d’un nodule noir signe cliniquement la dégénérescence. Le traitement est chirurgical avec des marges d’exérèse définies en fonction de l’indice de Breslow (épaisseur maximale entre la couche granuleuse et la cellule tumorale la plus profonde). Le curage ganglionnaire n’a pas d’indication systématique. La chimiothérapie concerne le traitement des mélanomes métastatiques.
■ Rajeunissement facial Le vieillissement progressif de la population, allié au souci de conserver une apparence répondant à des stéréotypes esthétiques, accroît le nombre de patients désireux d’une chirurgie esthétique. La prévention de la vieillesse va de pair avec le maintien d’un bien-être psychique, pour certains il est étroitement lié à la correction des méfaits du temps sur le corps sans tomber dans le « jeunisme ». Le chirurgien maxillofacial peut être amené à prendre en charge ce type de demande. Nous évoquerons les principales possibilités médicochirurgicales pour le visage.
Topiques Les molécules telles que la trétinoïne et les vitamines C/E, sont utilisées de façon préventive par les dermatologues. [70]
« Peelings » Ils sont connus depuis l’Antiquité et consistent à provoquer une destruction limitée de l’épiderme afin d’obtenir une Stomatologie
régénération par l’application d’une substance chimique (résorcine, solution de Jessner, acide trichloracétique, etc.). Les manifestations de l’héliodermie (lentigos et kératoses actiniques, teint jaunâtre, ridules) sont une de leurs indications. [71]
Resurfaçage laser (CO2 ET YAG) Il s’adresse aux altérations cutanées de l’héliodermie plus marquées (rides profondes, taches pigmentaires et vasculaires). Comme pour les peelings, les incidents existent, les suites peuvent être désagréables. [72]
Toxine botulique Initialement utilisée à titre médical (blépharospasme, hémispasme facial, syndrome de Frey etc.), la toxine botulique est principalement employée depuis 10 ans pour le traitement des rides d’expression (front, glabelle, patte-d’oie, sillon nasogénien, menton) en alternative à des thérapeutiques plus lourdes. L’effet s’estompe en 6 à 12 mois et oblige à renouveler les injections. La toxine botulique a une réputation d’innocuité, en partie à cause des médias. Les complications, même si elles sont transitoires, peuvent être source d’une morbidité non anodine : faiblesse cervicale, incontinence buccale, dysphagie, diplopie, ptôse palpébrale, ectropion et ulcère de cornée. Les complications sont essentiellement le fait d’erreur technique ou de méconnaissance anatomique. Malgré le caractère simple et peu invasif de la technique, celle-ci devrait être pratiquée par des praticiens ayant une connaissance approfondie de l’anatomie. [73]
Chirurgie Elle permet de façon plus durable une remise en tension des téguments cervicofaciaux et de reconstituer les volumes de la face. Pour les paupières, la blépharoplastie permet de corriger la lipoptose (poche sous les yeux) et le dermatochalasis (excès cutané). Comme tout geste chirurgical, elle présente des risques et des complications, mais elle reste un geste « peu invasif » sous anesthésie locale. [74] Depuis les années 1970, les techniques de lifting ont évolué. Le lifting permet de traiter la région cervicofaciale ainsi que le front en travaillant sur la peau et parfois sur le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) ou le plan sous-périosté orbitozygomatique. [75] Les indications doivent être appréciées en tenant compte de la motivation et de l’attente du patient. La conception de rajeunissement facial par remise en tension des téguments a été modifiée au cours des années 1990 par la notion de reconstitution des volumes. Cette reconstitution des volumes s’est développée grâce aux travaux de Coleman sur la greffe d’adipocytes autologues (lipo-filling ou Lipostructure®). La greffe d’adipocytes, utilisée seule ou associée à un lifting, permet de remodeler les lèvres, les sillons nasogéniens, les joues creuses, les rides d’expression. Cette technique assez simple mais délicate peut comporter certains risques qui restent exceptionnels (perforation péritonéale lors du prélèvement, embolie graisseuse lors de l’injection). [76]
■ Incidence du vieillissement sur les articulations temporomandibulaires Arthrose Bien que l’arthrose ne soit pas une conséquence inévitable du vieillissement, une forte corrélation existe entre l’âge et l’incidence croissante de cette pathologie. La sénescence cause un déclin dans la capacité des chondrocytes à remplacer leur matrice extracellulaire. Les marqueurs de sénescence dans ces mêmes chondrocytes montrent que la longueur décroissante des
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télomères est fortement corrélée à l’augmentation de l’expression de la bêtagalactosidase et à une activité mitotique décroissante. [77] Ceci se manifeste par des lésions dégénératives des cartilages, du disque articulaire et de la synoviale, et le développement d’ostéophytes périarticulaires. Heureusement et paradoxalement, ces lésions sont peu invalidantes, hormis dans certains cas où elles peuvent se manifester par un authentique syndrome algoneuro-dystrophique de l’appareil manducateur (SADAM).
fractures mandibulaires, associée à une alimentation molle est de mise. En cas de déplacement, on privilégiera une ostéosynthèse stable, si possible sans blocage intermaxillaire ou le plus bref possible. L’ostéosynthèse peut être réalisée par voie cutanée car elle présente d’intéressantes performances chez le sujet âgé : contrôle de la réduction anatomique au bord basilaire, rapide et stable, les plaques sont à distance de la crête et donc ne gênent pas le port des prothèses dentaires, séquelles esthétiques mineures. Le blocage intermaxillaire ou un guidage élastique peut être réalisé en solidarisant les prothèses aux maxillaires. Par ailleurs, le caractère non vital des fractures faciales peut conduire à réfuter une indication chirurgicale pour un patient trop fragile et à réaliser à distance des prothèses dentaires en articulé de convenance. [80, 81] Il nous faut évoquer le problème des volumineux hématomes (jusqu’à 100 ml) sous-cutanés de la face suite à une chute chez des patients qui présentent une fragilité capillaire et/ou bénéficient de traitements anticoagulants oraux. Cette pathologie relativement fréquente pose surtout la question de la prise en charge médicale. En effet, le drainage chirurgical nécessite préalablement une adaptation du traitement anticoagulant au moyen des héparines de bas poids moléculaire. Le geste chirurgical est le plus souvent un drainage sans geste d’hémostase particulier en dehors d’un pansement compressif. Secondairement, il faudra s’interroger sur le maintien d’un traitement par antivitamines K chez les plus de 80 ans car on peut craindre un nouvel incident de ce type mais au niveau cérébral. Par conséquence, le rapport bénéfice/risque d’un tel traitement doit être rediscuté avec les différents praticiens qui suivent le patient.
Luxation mandibulaire antérieure récidivante La luxation mandibulaire antérieure récidivante est la manifestation temporomandibulaire gériatrique la plus spectaculaire et qui réclame un traitement urgent. L’étiologie est plurifactorielle mais on retient principalement l’édentation complète ou subtotale provoquant une perte de calage postérieur associée à un aplatissement des surfaces articulaires. Le traitement de la luxation mandibulaire récurrente repose sur un rétablissement de l’occlusion si possible ou à défaut sur l’éminencectomie (intervention de Myrhaug) ou les butées précondyliennes (intervention de Dautrey). Plus récemment on a proposé l’injection de toxine botulique dans les muscles masséters et temporaux. Cette toxine empêche la contraction musculaire en bloquant la libération d’acétylcholine au niveau de la plaque motrice. Si la technique d’injection est bien maîtrisée, il n’y aurait aucun effet secondaire immédiat ou retardé. Ces injections bilatérales sont à renouveler tous les 6 à 8 mois ; 3 à 4 injections successives seraient suffisantes pour obtenir un effet à long terme. Cette technique est moins invasive ou destructrice que les options précédentes. Elle peut ne pas convenir si la luxation est due à l’hyperlaxité ligamentaire ou à la faiblesse musculaire. Elle serait plus indiquée pour les dystonies tardives. Il est néanmoins nécessaire d’évaluer les résultats par des séries plus importantes, ce qui jusque-là n’a pas été fait. [78]
■ Conclusion Le vieillissement de la population s’accompagne d’une demande accrue de prise en charge en stomatologie et chirurgie maxillofaciale. Le praticien est confronté à de nombreux écueils dans son approche des patients âgés (terrain fragile, polymédication, participation aléatoire du patient etc.). Chez ces patients, le risque de sous-médicalisation ou de surmédicalisation est important. L’ensemble de ces considérations incite parfois le praticien à choisir son approche thérapeutique en termes de qualité de vie pour son patient. Pour ce faire, nous insistons sur l’importance du dialogue avec le patient et sa famille.
■ Traumatologie du sujet âgé .
La traumatologie faciale du sujet âgé peut présenter des particularités plus dans sa prise en charge thérapeutique que dans sa présentation. En effet, l’édentation complète ou partielle, les traitements anticoagulants, la condition cardiorespiratoire du patient, l’état de ses fonctions supérieures et l’existence d’une dépendance sociale nous obligeront à adapter les traitements. Si les modifications physiologiques du vieillissement au niveau cutané et osseux fragilisent les structures organiques, comme vu précédemment, l’incidence de la traumatologie faciale reste faible. À titre d’exemple, les fractures de mandibule chez les plus de 60 ans représentent moins de 6 % de celles-ci. [79] Le bilan du traumatisé âgé n’est guère différent de celui du sujet plus jeune. Cependant, il faudra porter une attention toute particulière à la recherche de lésions extrafaciales associées (luxations et fractures des membres en particulier) d’une part et d’autre part l’étiologie du traumatisme lors des chutes : est-elle accidentelle, due à un malaise cardiocirculatoire ? En cas de malaise cardiocirculatoire, l’urgence est avant tout médicale et impose le bilan de celui-ci (électrocardiogramme, tomodensitométrie cérébrale etc.). Sur le plan de la traumatologie osseuse, nous évoquerons seulement les grandes lignes. Chez l’édenté, les fractures les plus fréquentes concernent la branche horizontale associée à une fracture condylienne. Le retentissement sur l’état général n’est pas négligeable. Il faut donc privilégier une reprise alimentaire rapide afin d’éviter les complications nutritionnelles et de permettre un retour précoce au domicile. On retiendra qu’en l’absence de déplacement, l’abstention chirurgicale, hormis les
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Pour en savoir plus Szpirglas H, Ben Slama L.Pathologie de la muqueuse buccale. EMC Paris: Éditions Scientifiques et médicales Elsevier, SAS; 1999.
P. Revol, Assistant-chef de clinique. Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique de la face, centre hospitalo-universitaire, Hôtel-Dieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63000 Clermont-Ferrand, France ; laboratoire de stomatologie, chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique de la face, faculté de médecine, université Clermont-Ferrand 1. L. Devoize, Assistant hospitalo-universitaire. C. Deschaumes, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service d’odontologie, sous-section de chirurgie buccale, pathologie et thérapeutique, anesthésiologie et réanimation, centre hospitalo-universitaire, HôtelDieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63000 Clermont-Ferrand, France ; laboratoire d’odontologie, sous-section de chirurgie buccale, pathologie et thérapeutique, anesthésiologie et réanimation, faculté d’odontologie, université Clermont-Ferrand 1. I. Barthélémy, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique de la face, centre hospitalo-universitaire, Hôtel-Dieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63000 Clermont-Ferrand, France ; laboratoire de stomatologie, chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique de la face, faculté de médecine, université Clermont-Ferrand 1. M. Baudet-Pommel, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service d’odontologie, sous-section de chirurgie buccale, pathologie et thérapeutique, anesthésiologie et réanimation, centre hospitalo-universitaire, HôtelDieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63000 Clermont-Ferrand, France ; laboratoire d’odontologie, sous-section de chirurgie buccale, pathologie et thérapeutique, anesthésiologie et réanimation, faculté d’odontologie, université Clermont-Ferrand 1. J.-M. Mondié, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service ([email protected]). Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique de la face, centre hospitalo-universitaire, Hôtel-Dieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63000 Clermont-Ferrand, France ; laboratoire de stomatologie, chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique de la face, faculté de médecine, université Clermont-Ferrand 1. Toute référence à cet article doit porter la mention : Revol P., Devoize L., Deschaumes C., Barthélémy I., Baudet-Pommel M., Mondié J.-M. Stomatologie gériatrique. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-052-A-10, 2006.
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Stomatologie [22-053-A-10] Doi : 10.1016/S1283-0852(05)40153-6
Maladies professionnelles et stomatologie. Maladies dentaires liées à un exercice professionnel
M. Penneau a, * : Stomatologiste des Hôpitaux, professeur des Universités de médecine légale, B. Ripault b : Médecin du travail, médecin légiste a Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier universitaire, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France b Service de médecine du travail, centre hospitalier universitaire, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France *Auteur correspondant.
Résumé Au cours de l'activité professionnelle, la cavité buccale dans son ensemble peut être la cible de traumatismes directs ou indirects ainsi que d'agressions par des agents physiques. C'est aussi une voie de pénétration dans l'organisme pour des poussières ou des substances chimiques, provoquant la survenue de signes locaux isolés ou faisant partie d'une sémiologie plus générale réversible sous traitement ou de pronostic plus réservé pour les cancers. Il n'est pas besoin de rappeler l'importance de l'examen clinique pour la mise en évidence des atteintes. Des mesures d'éducation sanitaire, une réflexion visant à améliorer les conditions de travail et le port d'équipement de protection sont de nature à réduire les risques professionnels.
Mots clés : Maladies professionnelles, Risques professionnels, Conditions de travail, Port d'équipement de protection, Éducation sanitaire
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Introduction Les affections dentaires et stomatologiques en rapport avec une profession constituent un ensemble anatomiquement limité mais dont l'étude embrasse nombre de spécialités médicales ou chirurgicales. La mise en évidence de ces lésions ne présente pas de grandes difficultés sous réserve que l'opérateur dispose de bonnes conditions techniques et que l'examen de la cavité buccale soit réalisé. Dans le régime général (RG), le Code de la sécurité sociale [10] définit les accidents du travail (AT) dans l'article L 411-1 : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail (...) » ; et les maladies professionnelles indemnisables (MPI) dans l'article L 461-1 : « Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (...) ». Des dispositions particulières existent quand l'un des critères énumérés au tableau de maladie professionnelle est absent ou que survient un décès ou une invalidité importante ; dans ces cas, la caisse primaire reconnaît l'origine
professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Également, selon les dispositions de l'article L 461-6 « (...) est obligatoire, pour tout docteur en médecine (...) la déclaration de tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté (...). Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel. » Dans le régime agricole (RA), les tableaux sont annexés au Code de la mutualité sociale agricole. Dans la fonction publique, la commission de réforme de la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale (DDASS) reconnaît une maladie imputable au service en s'appuyant sur les tableaux du RG. Nous traiterons tout d'abord la pathologie de l'organe dentaire, qu'elle soit d'origine physique ou chimique, en individualisant les caries ; puis la pathologie stomatologique avec les AT, les maladies en rapport avec l'exercice d'une profession et les cancers professionnels.
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Pathologie dentaire Lésions d'origine physique Traumatismes Les traumatismes causés par des chocs directs ou indirects surviennent soit lors du travail lui-même et seront réparés au titre AT, soit lors d'accidents de la voie publique et seront alors réparés au titre des accidents de trajet. Ces chocs peuvent provoquer des atteintes dentaires, surtout des incisives et des canines. Les pathologies constatées vont de la simple contusion à la luxation totale pour laquelle une réimplantation immédiate est conseillée. Elles sont isolées ou associées dans un contexte de traumatisme facial ou craniofacial. Chez les sportifs professionnels, on rencontre également des chocs directs provoqués par l'adversaire dans les sports de combat (boxe anglaise, taekwondo...) qui exposent particulièrement à cette pathologie, malgré les moyens de protections conseillés ; et des chocs indirects lors des chutes.
Perte de substance Par abrasion L'accumulation de fines particules de poussières de roches, de sable, de ciment ou de tout matériau dur sur les faces occlusales des dents provoque une abrasion progressive. Les professions les plus exposées sont les ouvriers employés à l'extraction et à la transformation des pierres, [57] les cimentiers et ceux employés au sablage. Le port d'un équipement de protection individuel permet de réduire l'incidence. [37] L'industrie agroalimentaire expose également aux poussières. [2]
Par trépidation Les trépidations produites par des outils vibrants à mains tels que les marteaux piqueurs sont responsables de microtraumatismes des faces occlusales qui dégradent les dents. Dans ce cas, il existe une potentialisation des effets par les poussières en suspension dans l'air. Dans une moindre mesure, les vibrations transmises au corps entier par les engins de travaux publics circulant sur des surfaces irrégulières peuvent également provoquer de telles atteintes. La brycomanie, phénomène volontaire, se rencontre chez les sujets développant un travail physique et chez certains sportifs.
Par contacts répétés
Dans des métiers manuels de l'artisanat, les opérateurs utilisent les lèvres et les dents comme « troisième main ». Ces « habitudes professionnelles » pour tenir les épingles ou couper le fil chez les couturières et les tailleurs génèrent de fines irrégularités des incisives. Les cordonniers et les tapissiers qui maintiennent les semences présentent des échancrures plus importantes. L'apprentissage de techniques non traumatiques reste la meilleure prévention. [61]
Pathologie pulpaire Instruments à vents Le syndrome pulpaire des joueurs d'instruments à vent est décrit depuis de nombreuses années. [12] Les dents antérieures sont les plus souvent atteintes avec pulpite chronique puis mortification. L'examen radiographique objective des calcifications généralement allongées, soit dans la chambre pulpaire, soit dans le canal radiculaire des incisives. De nombreux éléments interviennent dans le déterminisme du syndrome pulpaire : position des lèvres, pression exercée, taille de l'anche, technique individuelle.
Barotraumatisme Chez les aviateurs, des aérodontalgies se manifestent lors des variations brusques de la pression atmosphérique, comme on peut en rencontrer au cours de la voltige aérienne ou dans les avions de combat. La pressurisation des avions commerciaux les réduirait considérablement. L'intensité des douleurs et leur durée dans le temps sont variables. Elles touchent presque toujours des dents pathologiques. Leur survenue en vol ascendant (dépression) révèlerait une pulpite aiguë ou chronique, alors que des dents mortifiées ou présentant des lésions apicales se manifesteraient à la descente (compression). Chez les plongeurs, les phases de compression et dépression sont inversées, et les pressions mises en jeu sont beaucoup plus importantes que pour l'aviation (passage de 1 à 2,5 ATA entre la surface et 15 m de profondeur). Des douleurs surviennent à la compression et lors de la décompression, accentuées par l'apparition de bulles de gaz lors des remontées rapides. La surveillance médicale du personnel intervenant en milieu hyperbare est définie par un arrêté du 28 mars 1991 (Journal Officiel [JO] du 26 avril 1991) qui énumère des recommandations sur les modalités de surveillance médicale. La stomatologie, abordée pour les hyperbaristes intervenant en immersion (le domaine médical avec la plongée en caisson est exclu), retient comme critère d'aptitude : « l'état de la cavité buccale et de la denture doit permettre l'utilisation d'un appareil respiratoire avec embout buccal ». Il semble nécessaire, en parallèle et pour toutes les activités d'hyperbarie, de rester vigilant sur les contrôles dentaires réguliers et sur les soins à effectuer, même pour des affections minimes.
Lésions d'origine chimique Matières organiques Les poussières de tabac, farine, os, sciure et autres dérivés organiques peuvent induire, outre une abrasion, des pigmentations anormales.
Matières inorganiques Parmi les matières inorganiques responsables de dégâts dentaires, nous distinguons les éléments métalliques et d'autres substances chimiques utilisées dans l'industrie.
É léments métalliques
[27]
• Le cuivre produit une coloration verdâtre sur les dents après exposition aux poussières. [15] Une action directe de coloration peut se produire chez les musiciens jouant d'instruments avec des embouchures en alliage de cuivre qui appuient sur les incisives. • Le nickel provoque une coloration verte après réaction chimique avec la salive. • Le fer, après inhalation de poussières ou de fumées, se dépose en une fine ligne noire située à environ 1 mm de la
ligne gingivale. Gupta moindre.
[27]
rapporte que chez les individus porteurs de tels dépôts, l'incidence des caries serait
• Le bismuth après précipitation forme une pigmentation pourpre ou noire autour du collet des dents. • Le chrome , sous forme de chromate ou bichromate de potassium ou de sodium ou encore d'acide chromique, provoque une pigmentation bleue. • Le plomb ne colore pas la dent elle-même, mais la gencive. Néanmoins, le liseré de Burton se rencontre principalement en regard de dents cariées ou infectées. • Pour le manganèse , on peut constater dans certaines circonstances un dépôt noir. • Avec le cadmium , apparaît une coloration particulière jaune ou ambrée « bague jaune cadmique » [40] qui siège sur le collet les incisives, respectant le bord incisif. Elle serait un signe d'alarme avant l'apparition de signes en rapport avec une intoxication. Elle disparaît progressivement avec l'arrêt de l'intoxication. • Avec l'étain inhalé sous forme de fumées, une coloration jaune apparaît sur les dents cariées. • Le strontium provoque des atteintes chez l'animal, mais ne sont pas confirmées chez l'homme. • Le mercure provoque une coloration grisâtre et, par le biais d'une atteinte gingivale, un déchaussement dentaire.
Autres substances chimiques La toxicité caustique des composés fluorés est également indirecte sur la dent, après action sur la gencive. Néanmoins, cette toxicité locale passe bien après la toxicité générale, [11] pulmonaire ou cutanée. La dent peut être atteinte par une fluorose qui se présente sous forme d'une défectuosité de l'émail avec des taches blanchâtres d'apparence crayeuse ou grisâtre et de stries dispersées sur la surface dentaire. Les dents s'usent facilement et finissent par être complètement abrasées. [67] Avec le phosphore , des douleurs dentaires sont signalées, mais avec l'utilisation beaucoup plus restreinte de cet élément, le diagnostic est rarissime. [19] Les acides ou les substances acides provoquent une décalcification superficielle, soit par contact direct, [26] soit par le biais des vapeurs [77] qui réagissent avec l'émail dentaire. Les brossages et la mastication éliminent les parties friables tout en permettant une atteinte plus profonde jusqu'à la dentine, avant de toucher la dent dans son ensemble.
Caries La survenue de caries est en relation avec l'exercice professionnel dans des domaines déterminés. Le plus connu est certainement la carie des sucres . Elle atteint les ouvriers des activités professionnelles de l'alimentation tant industrielles qu'artisanales où la manipulation de sucre est constante. Sur le plan étiopathogénique, les poussières de sucre en suspension dans l'atmosphère provoquent une accumulation de glucides fermentescibles au niveau de la plaque dentaire. Elle subit une acidification avec prolifération bactérienne et dissolution de l'émail. L'évolution vers la nécrose pulpaire est rapide, avec les suites infectieuses classiques. [66] L'exposition à des sirops provoque les mêmes lésions. [68] Outre la concentration du sucre dans l'atmosphère, la déglutition de substances sucrées augmente les risques de caries. Des facteurs génétiques, nutritionnels ou métaboliques peuvent se surajouter. La prévention passe essentiellement par des mesures collectives de contrôle des ambiances de travail dans le but de réduire les concentrations atmosphériques. Les mesures d'hygiène individuelle sont également à rappeler au personnel exposé. Les caries, en dehors de toute étiologie professionnelle, peuvent avoir des conséquences sur le travail. C'est en particulier le cas pour des postes où le recours au système de soins n'est pas immédiat. On peut citer la navigation de commerce et le travail sur plate-forme pétrolière. Dans cette dernière situation, Duffy [17] fait le point sur les évacuations rendues nécessaires par des problèmes dentaires, parmi le total des évacuations médicales. Il en ressort que les pathologies dentaires en cause sont communes et par-là même accessibles à la prévention.
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Pathologie stomatologique Accidents du travail Les AT ne sont pas spécifiques d'une profession particulière. Ce sont des faits survenant de façon imprévisible et susceptibles de toucher l'ensemble des salariés.
Traumatismes Ils peuvent atteindre toutes les structures de la cavité buccale, notamment l'organe dentaire, et en particulier les incisives centrales. Au traumatisme dentaire peuvent s'associer une plaie de langue, des muqueuses ou une fracture de la mandibule. La projection de liquides sous pression (graisses) peut entraîner d'importants dégâts après effraction de la muqueuse buccale. [72]
Brûlures Les brûlures chimiques réalisent des ulcérations avec nécrose qui surviennent après projection ou ingestion accidentelles de produits toxiques (contamination par les mains souillées, pipettage à la bouche dans les laboratoires de chimie...). Les produits chimiques peuvent être des bases fortes ou des acides forts, purs ou en solutions. Les vapeurs et gaz irritants génèrent des effets locaux et généraux avec atteinte de l'arbre respiratoire à type d'oedème aigu du poumon. Les acides chlorhydrique et fluorhydrique sont particulièrement dangereux. Ce dernier provoque une intense brûlure qui s'étend très rapidement vers la profondeur ; [4] le fluor se combine au calcium de l'organisme et entraîne une hypocalcémie secondaire. Des dispositifs adaptés pour la décontamination existent dans de très nombreux sites de production. [46] De nombreux autres toxiques peuvent se rencontrer : [30 et 39] sels de chrome, composés mercuriels, dérivés halogénés du phosphore... Il est important de préciser que tous ces composés sont également utilisés hors du milieu de travail proprement dit, lors d'activités de bricolage. D'autres brûlures peuvent résulter de l'exposition à la chaleur, dans les fonderies en particulier. Le travail au grand froid dans les entrepôts frigorifiques (jusqu'à - 30 °C) entraîne, lors d'une surexposition, des gelures des parties insuffisamment protégées. Les cheilites sont fréquentes. [9] Les brûlures d'origine électrique, par effet Joule, se rencontrent au point de contact avec le conducteur, mais leur survenue chez l'adulte est rare. [73]
Pathologie infectieuse La muqueuse buccale n'est pas une barrière infranchissable. Des zones irritées, lésées ou traumatisées par les aliments ou par une malposition dentaire sont autant de plaies minimes qui autorisent le passage et la dissémination systémique par voie sanguine des virus ou bactéries. Il est licite d'envisager par ce mécanisme une contamination par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), à l'occasion d'une projection de liquide biologique contaminé par le virus (sang, pus, etc.). Il en est de même pour les virus des hépatites. Des abcès de la muqueuse peuvent survenir après piqûre septique chez les laborantins principalement. Un tétanos après piqûre ou plaie accidentelle peut, selon les cas, être pris en charge au titre AT ou au titre MPI (tableaux 7 RG, 1 RA).
[14]
L'utilisation du laser dans le domaine médical, outre un risque de brûlure thermique lors de fausses manoeuvres, comporte un risque infectieux après pulvérisation des lésions et dissémination de particules infectées. Ainsi sont décrites des verrues sous-narinaires chez un dermatologue qui avait traité des condylomes vénériens au moyen d'un laser CO2 . [54]
Pathologie immunoallergique Au titre des AT doivent être pris en charge les réactions anaphylactiques (type I de Gell et Coombs). L'oedème de Quincke en est une illustration. On peut le rencontrer après piqûre d'hyménoptère chez les apiculteurs mais aussi chez les sapeurs-pompiers lors d'interventions sur les essaims. Des manifestations plus retardées sont également décrites : allergie de contact au toner utilisé dans les photocopieurs. Dans cet exemple, [22] un médecin présentait une atteinte de la pointe de la langue après avoir humecté son index à de nombreuses reprises pour compter des photocopies.
Maladies en rapport avec une profession Les maladies pour lesquelles existe un lien de causalité démontré entre la pathologie et l'exposition professionnelle figurent dans la liste limitative des tableaux des MPI, les autres forment les maladies à caractère professionnel dont la déclaration est obligatoire. [1, 10 et 18]
Atteintes des muqueuses Colorations anormales Elles apparaissent progressivement lors de l'exposition à long terme et sont les témoins d'une intoxication chronique, principalement aux métaux et métalloïdes suivants : [29, 30 et 39] • antimoine : liseré gingival noir ; • argent : pigmentation indélébile (argyrie) de coloration ardoisée, gris bleuté, sur la face interne des joues, de la voûte palatine, des gencives avec formation d'un liseré bleu de Charcot ; • bismuth : liseré gingival bleuté par dépôt de sels hydrosolubles ; • chrome : coloration gris jaunâtre de la langue et liseré gingival, sans omettre l'atrophie de la muqueuse nasale suivie par une ulcération et perforation de cloison ; • cuivre : teinte verdâtre des gencives ; • fer : pigmentation gingivale ou labiale rouge-brun d'oxyde de fer. verre ;
[64]
On peut la rencontrer chez les souffleurs de
• mercure : liseré gingival noirâtre ; • nickel : coloration bleu verdâtre des gencives ; • plomb : les taches jugales de Gubler sont certainement moins connues que le liseré gingival de Burton, de couleur bleu ardoisé, observé au collet des incisives et canines. Il est formé d'un précipité extra- et intracellulaire de sulfure de plomb par l'hydrogène sulfuré, aux dépens du plomb éliminé par la salive. Le liseré se rencontre rarement actuellement, [25] il survient plus volontiers chez les individus dont les dents sont mal entretenues. La constatation d'un tel liseré impose le dosage de la plombémie, des protoporphyrines érythrocytaires ou de l'acide delta-aminolévulinique dans les urines, et la réalisation d'un test de plomburie provoquée par l'acide éthylène diamine tétraacétique (EDTA) calcique, témoin de l'imprégnation. [31] Le but étant de préserver les droits de la victime au regard des tableaux 1 RG et 18 RA ; • tellure : coloration bleu noirâtre des muqueuses et de la langue, surtout après exposition à l'hexafluorure de tellure ; • thallium : liseré gingival bleuâtre ; • vanadium : coloration vert foncé ou noirâtre de la langue, signe d'exposition disparaissant après cessation de l'activité.
Stomatites et parodontopathies Dues aux métaux. La principale atteinte est le fait de l'intoxication chronique par les vapeurs de mercure (tableaux 2 RG, 12 RA) : congestion muqueuse avec sensation de chaleur, gencives inflammatoires et quelquefois hémorragiques avec parodontolyse progressive et chute des dents. Le chrome peut provoquer des ulcérations muqueuses et des lèvres, à côté des ulcérations cutanées « pigeonneaux » et des perforations de cloison. Une source d'exposition est représentée par les ciments. D'autres éléments sont en cause : aluminium,
[42]
bismuth, cuivre, thallium. Le manganèse entraîne une stomatite
érythémato-ulcéreuse avec une possible fibrose linguale. [30] Dues aux non-métaux. La stomatite arsenicale (tableaux 20 RG, 10 RA) est une gingivite ulcérée avec haleine alliacée. L'arsenic est utilisé en agriculture (traitement de la vigne, pesticide), dans l'industrie (alliages, pyrotechnie, semi-conducteurs, tannerie, etc.). Sont aussi en cause : [39] tellure (par son métabolite diméthylé), sélénium et phosphore blanc (rodenticide) donnent une odeur alliacée de l'haleine ; les cyanures, en revanche, donnent à la première phase de l'intoxication aiguë une haleine d'odeur d'amande amère avec sensation de brûlure buccale ; l'antimoine, utilisé dans l'industrie (alliage avec le plomb pour les accumulateurs, caoutchouc, allumettes de sûreté). Dues aux dérivés organiques et minéraux. Les alcools (n-butanol en particulier), les solvants et dérivés pétroliers, les alcalis caustiques (ammoniaque, eau de Javel, hydroxyde de sodium) ont une action directe sur les muqueuses. Des ulcérations sont décrites dans l'industrie métallurgique. [78] Les poussières (bois, pierre, silice, papier, textile, etc.), par leur action mécanique irritative, déterminent des stomatites antérieures. Une intoxication par le nickel carbonyle (produit intermédiaire du raffinage du nickel), qui ne donne pas de manifestations buccales, peut être dépistée par l'odeur de suie de l'haleine. Dues aux radiations ionisantes. Deux tableaux (6 RG, 20 RA) reconnaissent les radiodermites chroniques : lésion érythémateuse avec oedème, phlyctène et ulcération. [14] Infectieuses. Des affections ont disparu ou sont rarissimes (morve, fièvre aphteuse, charbon : tableaux 18 RG, 4 RA). D'autres sont indemnisables : rouget du porc (tableaux 88 RG, 51 RA), tularémie, [47] éventuellement après contact avec les léporidés chez les forestiers (tableaux 68 RG, 7 RA), fièvre typhoïde à la phase d'énanthème (tableau 76 RG) et tuberculose ganglionnaire cervicale (tableaux 40 RG, 16 RA). En revanche, des manifestations d'herpès, [56] en particulier péribuccal, ne seront pas reconnues. Les dentistes et les stomatologistes sont particulièrement exposés. [41] Le syndrome de l'immunodéficience acquise (sida) comporte des manifestations buccales. charge est réalisée au titre des AT et non pas des MPI.
[59]
En France, la prise en
Pour le VIH, deux catégories d'infections professionnelles sont définies : • contamination professionnelle prouvée : séroconversion VIH documentée (sérologie de base négative/sérologie positive moins de 6 mois après l'accident) ; • contamination professionnelle présumée : découverte d'une séropositivité VIH chez un personnel de santé ayant, soit des antécédents d'accident percutané ou cutanéomuqueux avec du sang VIH positif ou avec du sang de statut inconnu ; soit prodigué des soins à des patients séropositifs, sans notion d'exposition accidentelle précise. Aucune autre cause de l'infection ne doit être retrouvée chez ces soignants. En France, le réseau de surveillance mis en place chez le personnel de santé recense, au 30 juin 2001, 42 cas d'infection VIH professionnelle (13 cas prouvés et 29 cas présumés). Pour l'hépatite C, 43 cas sont recensés au total. [45]
En cas d'accident, des indications pour la prise en charge sont consultables sur le site du Groupe d'étude sur le risque d'exposition des soignants (GERES) (http://www.geres.org), en référence aux circulaires en vigueur. [50 et 51] Par d'autres mécanismes. La muqueuse buccale reflète des manifestations générales de l'organisme, en particulier leucémies, décolorations ou hypertrophies gingivales des anémies, purpura ou gingivorragie des thrombopénies, ulcération des neutropénies. Le benzène (tableaux 4 RG, 19 RA), les radiations ionisantes (tableaux 6 RG, 20 RA) ou le monoxyde de carbone (tableaux 64 RG, 40 RA) induisent de telles lésions. L'exposition aux agents méthémoglobinisants (composés aromatiques nitrés et aminés) provoque une cyanose des lèvres ou des muqueuses. [39] Le stress peut jouer un rôle dans des ulcérations ou parodontolyses. [13, 43 et 48] Dans l'industrie, des conditions de travail dégradées (poussière, température élevée, faible humidité) provoquent plus fréquemment une atteinte du parodonte. [3]
Chéilites Outre la chéilite tabagique très fréquente et non spécifique, les chéilites actiniques surviennent après exposition aux rayons ultraviolets, au cours du travail en extérieur (agriculteurs, marins, montagne...). [49] Les chéilites traumatiques touchent les musiciens jouant des instruments à vent par un mécanisme de compression des lèvres entre la pièce buccale et les incisives. L'association à la chaleur provoque de plus chez les souffleurs de verre « à la canne » des leucoplasies labiales. [70] De véritables eczémas de contact se développent après application de protecteurs (baume du Pérou). Des musiciens présentent une allergie au nickel [76] ou aux bois exotiques constituant les pièces buccales ou les anches des instruments. [21, 35 et 44] Les instruments à vent (trompette en particulier) peuvent induire une rupture de l'orbiculaire des lèvres. [23 et 58]
Atteintes neurosensorielles Troubles du goût Une élévation du seuil de perception gustatif se rencontre après exposition à l'hydrazine et à ses dérivés dans l'agriculture ou l'industrie aérospatiale (propulseur). Le trichloréthylène, les phénols, les dérivés halogénés (tableaux 12 RG, 21 RA), le benzol, les solvants en général donnent de telles atteintes chez les ouvriers exposés, en particulier dans la pétrochimie. [60] Le plomb modifie plutôt la perception pour le sucré et l'amer. Une sensation de goût métallique en bouche se rencontre après exposition à l'arsenic, mercure, sélénium, tellure. Le cuivre donne de plus une sensation de goût sucré.
Troubles sensitivomoteurs Des paresthésies des lèvres, de la langue et de la face apparaissent après intoxication par le DDT (organochlorés). Des tremblements avec dyskinésie faciolinguale surviennent au décours d'une intoxication chronique par mercure, bromure de méthyle ou manganèse dans le cadre de l'atteinte neurologique généralisée « parkinson manganique ». Le baryum peut entraîner des paralysies. [71] Des atteintes sensitives sont décrites lors de l'intoxication chronique par le trichloréthylène. [5] Elles sont de type hypoesthésie, ou même anesthésie, et touchent le territoire du trijumeau. L'étude [6] des potentiels évoqués somesthésiques du V permet une mise en évidence de l'atteinte avant les manifestations cliniques et la surveillance des salariés exposés. D'autres solvants et en particulier le dichloroacétylène provoquent des hypoesthésies.
Atteintes des maxillaires Une ostéose avec condensation est observée après exposition chronique au fluor. Elle touche l'ensemble du squelette mais plus spécialement le rachis et le bassin. Une ostéonécrose après intoxication chronique par le phosphore blanc atteignant le massif facial [18] se rencontrait lorsqu'il était autorisé pour fabriquer les allumettes (tableau 5 RG). Les ostéoradionécroses professionnelles de la mandibule sont exceptionnelles. Elles étaient en particulier dues aux peintures luminescentes contenant des radioéléments (tableaux 6 RG, 20 RA). Chez les musiciens (violonistes), une atteinte des articulations temporomandibulaires clinique et radiologique concordante est observée. [75 et 79] Des dystonies sont décrites. [8] Il existe une corrélation positive entre la durée hebdomadaire de travail de l'instrument et les risques d'atteinte temporomandibulaire. [38]
Atteintes des glandes salivaires Toxiques ou traumatiques
Ces lésions sont exceptionnelles du fait de la surveillance biologique des salariés. Les pneumatocèles parotidiennes provoquées par le déplacement forcé d'air dans les parotides par le canal de Sténon s'observent chez les souffleurs de verre ou les joueurs d'instruments à vent nécessitant une pression importante. [20]
Sécrétoires Les hyposialies professionnelles sont peu fréquentes. Elles surviennent souvent dans l'industrie pharmaceutique : fabrication des morphiniques ou de l'atropine. Les sialorrhées sont plus fréquentes : phosphore blanc, arsenic, iode, baryum, pilocarpine, ésérine, vapeurs de mercure. Les insecticides organophosphorés, par leurs effets muscariniques, entraînent, dans les premières manifestations, une hypersialorrhée. Le diagnostic est confirmé par le dosage des cholinestérases globulaires qui sont abaissées [33] (tableaux 34 RG, 11 RA). Pour mémoire, l'hypersalivation est aussi présente à la phase d'état de la rage (tableaux 56 RG, 30 RA).
Cancers d'origine professionnelle Dix-neuf tableaux de maladies professionnelles du RG permettent la reconnaissance de cancers. [1 et 40] Parmi ces données, sont à retenir le benzène, les radiations ionisantes, l'arsenic, le chrome, le nickel, l'amiante etc. comme facteurs des cancers bronchiques, cutanés, ethmoïde. [69] Le délai de prise en charge d'une MPI est le délai pendant lequel le lien de causalité entre la pathologie présentée et l'exposition au risque est présumé. Pour les cancers, il varie entre 15 et 50 ans. Il est donc indispensable, quelle que soit l'atteinte, de dresser un curriculum laboris complet, aussi détaillé que possible, afin de faire bénéficier le patient des prestations au titre des MPI et non du RG. Les facteurs extraprofessionnels (tabac, alcool, mauvaise hygiène...) ne doivent pas faire retarder la déclaration si les critères de prise en charge indiqués au tableau sont réunis.
Cancer des lèvres Il s'agit le plus souvent d'un épithélioma spinocellulaire de la lèvre inférieure. Les professions les plus touchées ont en commun l'exposition au soleil et au vent. [52 et 62] Ce risque concerne les agriculteurs, [7] les forestiers, les marins. Chez ces derniers, le contact entre les lèvres utilisées comme « troisième main » et des fils goudronnés a été avancé. D'autres facteurs comme le magnésium sont mis en cause [32] sans pouvoir conclure. La maladie de Bowen, épithélioma in situ, est reconnue en MPI. après exposition à l'arsenic (tableaux 20 RG, 10 RA). Ces cancers seraient plus fréquents chez les travailleurs du bois. [36]
Cancer de la cavité buccopharyngée L'atteinte oropharyngée semble documentée chez les travailleurs exposés aux fibres de verre. [53] Dans cette population, le risque relatif (RR) augmente avec la durée d'exposition, les habitudes alcoolotabagiques étant superposables à celles du pays. Un risque similaire existe avec les fibres textiles. [64] Pour le formol, la synthèse de nombreuses études [24] montre un risque pour la cavité buccale et le pharynx. L'une d'elles [55] avance un RR de 2,3. L'amiante peut également avoir un rôle cancérigène [65] (lymphome de la cavité buccale).
Cancer des sinus de la face Il est maintenant bien établi que le cancer de l'ethmoïde (tableaux 47 RG, 36 RA) survient plus fréquemment chez les travailleurs du bois (menuisiers, charpentiers). Les bois durs exotiques et indigènes de feuillus (hêtre, chêne, châtaignier) sont en cause car riches en acide tannique, alors que les résineux en sont beaucoup plus pauvres. [16] Le cancer de l'ethmoïde des ouvriers du cuir s'expliquerait par l'exposition aux poussières de cuirs tannés avec des agents végétaux extraits de bois feuillus ; ou par la présence d'huile dans les cuirs. [63] Le cancer des sinus de la face après exposition au nickel est maintenant indemnisé (tableau 37 ter RG).
Cancer des maxillaires
radiothérapeutes sont théoriquement exposés au même risque, mais dans la pratique, les doses reçues sont minimes.
Cancer des glandes salivaires Plusieurs études mettent en évidence une relation entre un cancer des glandes salivaires (parotide) et une exposition aux radiations ionisantes ou aux dérivés du nickel ; [34] ou chez les coiffeuses. [74]
Cet article ne contient pas d'images. Références [1]
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¶ 22-053-A-05
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte D. Bonete, Y. Pons, T. Petitjean, D. Beaute, J.-B. Nottet, B. Suc Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte est une pathologie fréquente et considérée comme une priorité de santé publique. Une bonne connaissance du sommeil de l’adulte ainsi que son retentissement sur les grandes fonctions physiologiques est utile à sa reconnaissance. Le retentissement de l’âge sur la structure du sommeil ainsi que celui de la surcharge pondérale sur la ventilation à l’éveil et pendant le sommeil doivent être connus. Ses incidences sociales et professionnelles ainsi que ses conséquences cardiovasculaire et métabolique sont reconnues comme très importantes et justifient une prise en charge et une surveillance efficaces. Son dépistage de masse se heurte à l’absence de matériel fiable, peu onéreux et pouvant être utilisé par du personnel non formé ; il repose donc sur des arguments cliniques et des données de questionnaires de rhonchopathie et de somnolence diurne. Les médecins référents sont en première ligne pour assurer ce dépistage, mais également les spécialistes d’organe concernés. Son diagnostic repose actuellement au mieux sur une polysomnographie en laboratoire mais une polygraphie et une réalisation ambulatoire sont acceptables. La prise en charge thérapeutique des syndromes définis comme sévères est ventilatoire en première intention. Des alternatives doivent pouvoir être proposées et reposent sur des compétences chirurgicales cervicofaciales et odontologiques. Les syndromes d’intensité peu sévère à modérée peuvent faire appel aux prises en charge positionnelles, hygiénodiététique, prothétique ou chirurgicale, selon des indications encore discutées. Une surveillance au long cours est toujours nécessaire devant cette pathologie évolutive. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Apnée obstructive ; Sommeil ; Pression positive continue ; Orthèse d’avancement mandibulaire
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Sommeil normal de l’homme adulte
2
¶ Grandes fonctions physiologiques au cours du sommeil Ventilation Fonction cardiocirculatoire Sécrétions hormonales Fonction immunitaire
4 4 5 5 5
¶ Physiopathologie du SAOS
5
¶ Conséquences pathologiques du SAS Conséquences cardiovasculaires Syndrome métabolique ou insulinorésistance Détériorations cognitives
6 6 6 6
¶ Diagnostic clinique et paraclinique du SAOS Interrogatoire Examen clinique ORL et maxillofacial Explorations de la ventilation au cours du sommeil Imagerie du massif facial et du pharynx et endoscopie
7 7 7 8 9
¶ Traitement du SAOS Choix thérapeutique Traitement postural et règles hygiénodiététiques Pression positive continue Orthèses d’avancement mandibulaire Chirurgie Indications
10 10 11 11 12 13 15
¶ Conclusion
16
Stomatologie
.
On peut tenter de définir en quelques mots le sommeil humain comme un épisode d’inactivité, généralement en position allongée, au cours d’un élément temporel nocturne avec une certaine déconnexion sensorielle et une perte d’activité motrice en réponse. Il s’accompagne de modifications de l’activité des grandes fonctions physiologiques, en particulier respiratoire et cardiovasculaire. La pathologie respiratoire pharyngée au cours du sommeil correspond à un continuum de gravité croissante : la rhonchopathie dite initialement simple pouvant évoluer vers le syndrome de haute résistance des voies aériennes supérieures, les évènements hypopnéiques puis apnéiques avec constitution du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). Si le ronflement est connu depuis l’Antiquité, la présence d’apnées non physiologiques au cours du sommeil fut relatée dès 1965 [1, 2] chez des patients porteurs du syndrome de Pickwick (décrit en 1956 [3]). En 1976, le SAOS fut individualisé sous l’impulsion de Guilleminault [4] ; les hypopnées en 1988 [5] et le syndrome de hautes résistances en 1990 [6]. Les conséquences pathologiques de ces évènements respiratoires sont désormais bien documentées avec un taux de morbidité et de mortalité accru par retentissement notamment sur les systèmes cardiocirculatoire et métabolique. Des associations avec d’autres entités respiratoires, en particulier la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) réalisent
1
22-053-A-05 ¶ Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte
.
l’« overlap syndrome ». Un retentissement socioprofessionnel et familial est fréquent ainsi qu’une accidentologie liée aux troubles de vigilance diurne. L’incidence non négligeable du SAOS dans la population adulte : 4 à 5 % des hommes et environ 2 % des femmes [7, 8] incite à son dépistage et à son traitement d’autant plus qu’il fait désormais partie d’une des priorités de santé publique dans notre pays dans le cadre plus vaste des pathologies liées au sommeil. Le cas particulier des troubles respiratoires liés au sommeil de l’enfant n’est pas traité dans cette mise au point car ils reposent en partie sur des bases physiopathologiques différentes et nécessitent une prise en charge en milieu dédié, tel que le précise la classification internationale des pathologies du sommeil de 2005. En revanche, nous évoquons les particularités de tels troubles chez le sujet âgé. Enfin, le syndrome d’apnées centrales ou respiration périodique sort de notre cadre nosologique et n’est pas envisagé.
■ Sommeil normal de l’homme adulte
“
Points essentiels
Sommeil humain : • monophasique • nocturne • durée moyenne 7 h 30 à 8 h • durées extrêmes : 4 à 10 h • plusieurs cycles de 90 à 120 min • 25 % de sommeil paradoxal
Outre la tentative de définition évoquée en introduction, le rôle du sommeil est difficile à résumer d’autant plus qu’il est encore mal compris. On évoque d’une part un phénomène d’adaptation au milieu en forme de non-réponse dans le cadre d’un comportement instinctif [9] et d’autre part l’expression d’un processus de restauration [10]. Nous savons que le sommeil ou des états lui ressemblant existent très généralement dans le règne animal jusque chez les invertébrés. Le cycle veille-sommeil subit une profonde évolution avec l’émergence des oiseaux et des mammifères. Le sommeil calme à ondes lentes est l’épanouissement du repos comportemental avec développement du télédiencéphale (cortex et thalamus). Le sommeil paradoxal (SP), particulier des mammifères, correspond à l’élargissement du métencéphale (pont et cervelet). Cette évolution du sommeil coïncide avec une plus grande indépendance vis-à-vis du milieu extérieur : homéothermie et comportement adaptatif « intelligent ». Différentes études expérimentales montrent que le SP n’est pas indispensable pour coder et fixer les informations mais pourrait accélérer leur mise en mémoire. D’autre part, il serait le moment privilégié où s’exprimerait la mémoire de l’espèce et les composants innés de la personnalité [11, 12]. Chez l’homme, la répartition du sommeil est habituellement monophasique avec une période nocturne composée de plusieurs cycles de 90 à 120 minutes comportant 80 à 100 minutes de sommeil lent (SL) et 10 à 20 minutes de sommeil paradoxal. Le sommeil lent profond (SLP) prédomine en début de nuit et le SP en fin de nuit. La durée totale moyenne du sommeil est de 7 heures 30 minutes à 8 heures plus ou moins 2 heures avec 2 heures de SP (25 %). La durée totale est très variable d’un individu à
2
Figure 1.
Classification de Reichshoffen. Stade 0.
l’autre avec des extrêmes de 4 à 10 heures. Les différences entre courts (< 6 h) et longs (> 9 h) dormeurs portent essentiellement sur la durée du sommeil lent léger. Le sexe différencie la durée selon l’âge : les hommes dorment moins que les femmes dans les âges moyens (30-60 ans) et plus dans les âges extrêmes (20-30 ans et > 60 ans). L’exploration du sommeil a largement bénéficié de la découverte de l’électroencéphalographie (EEG) avec une première description d’activités EEG spécifiques au sommeil humain en 1936 [13]. La description d’un état de sommeil très différent des autres en 1953 [14] , nommé « REM sleep » (pour rapid eye movement) par les Anglo-Saxons [15] et sommeil paradoxal ou à mouvement oculaire rapide (MOR) en France [16] aboutit à la description classique des deux état du sommeil de l’adulte : d’une part le sommeil synchronisé, lent, sans phase de mouvement oculaire rapide (non « REM sleep »), et d’autre part le sommeil désynchronisé, paradoxal, avec phase de mouvements oculaires rapides (PMO ou « REM sleep »), ce dernier comportant l’activité onirique. Ainsi, l’association de l’enregistrement de dérivations EEG choisies (en général C3-A2 et C4-A1 selon le système de placement EEG 10-20) avec celui de l’électro-oculographie (EOG) et de l’électromyographie (EMG) mentonnière a permis la définition de critères permettant de reconnaître les stades du sommeil lent, le SP et la veille calme et active selon la classique classification de Reichshoffen [17] : • stade 0 : veille calme avec présence d’activité alpha (8 à 13 Hz) et/ou de fréquence EEG mixtes de faible voltage (Fig. 1) ; • stade 1 : premier stade de sommeil lent défini par des fréquences EEG mixtes de faible voltage avec des ondes alpha lentes (8 Hz) et des ondes thêta (3,1 à 7,9 Hz) prédominantes (Fig. 2) ; • stade 2 : défini par la présence de fuseaux de sommeil ou « spindles » (12 à 14 Hz) d’une durée minimum de 0,5 seconde et/ou de complexes K : grandes ondes définies Stomatologie
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte ¶ 22-053-A-05
Figure 2.
Classification de Reichshoffen. Stade 1
par leur amplitude et leur aspect isolé, ainsi que l’absence d’onde lente prédominante (moins de 20 %) (Fig. 3) ; • stades 3 et 4 : ou sommeil à ondes lentes ou delta (0,1 à 2,9 Hz) ; en stade 3 on trouve 20 à 50 % d’ondes delta de grande amplitude, en stade 4 plus de 50 %. On propose actuellement de ne plus distinguer ces stades de sommeil profond (Fig. 4) ; • SP ou PMO : présence d’un EEG de petite amplitude avec un mélange d’ondes thêta, d’ondes alpha lentes et d’ondes en dent de scie, absence de tonus musculaire réalisant une atonie, présence de MOR (Fig. 5). La lecture des stades ou « scoring » se fait par « époque » de 20 secondes en Europe et 30 secondes dans les pays anglosaxons et le classement correspond à l’aspect prédominant sur chaque époque. Plus récemment des épisodes beaucoup plus courts (2 ou 3 secondes) sont pris en compte, en particulier les microéveils qui obéissent à des critères différents selon les stades de sommeil. Ces standards sont définis sur des sujets jeunes en bonne santé et sans prise de toxique ou de médicament psychotrope. La lecture d’enregistrements de sujets âgés ou pathologiques pose des problèmes d’interprétation particuliers et spécifiques. Le « scoring » permet donc de définir au fur et à mesure les différents stades et de constituer ainsi l’hypnogramme. Les modifications physiologiques du sommeil chez le sujet âgé sont importantes à connaître afin de faire la part des choses en clinique entre une évolution naturelle et une situation révélant un état pathologique. On ne retrouve pas [18, 19] de modification significative du temps de sommeil total (TST) ou de la latence d’endormissement.
Figure 3. Classification de Reichshoffen. Stade 2 : AB ; stade 2 avec micro-éveils : CD. Stomatologie
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Points essentiels
Sommeil du sujet âgé : • temps de sommeil conservé • augmentation des éveils intranuit • diminution de l’efficacité du sommeil • augmentation des stades 1 et 2 • diminution sommeil lent profond (SLP) • sommeil paradoxal (SP) fragmenté • modification des rythmes circadiens.
En revanche, on retrouve une réduction de la continuité du sommeil avec : une augmentation du nombre des éveils intranuit et une augmentation de la durée de ces éveils, donc une augmentation de la veille intrasommeil ; une diminution de l’efficacité du sommeil avec une diminution du rapport TST sur temps passé au lit. Des modifications de la macrostructure du sommeil sont retrouvées avec une augmentation du stade 1 et une légère augmentation du stade 2. Des modifications qualitatives sont observées avec une diminution du SLP et une fragmentation du SP. On met en évidence des modifications de la microstructure du sommeil avec une diminution de l’amplitude des ondes delta, une diminution de la durée, une augmentation de la fréquence des fuseaux et une diminution progressive des MOR. Enfin, on relate des modifications des rythmes circadiens avec une avance de phase du rythme veille-sommeil, une avance de phase du nadir de la courbe de température et une diminution de son amplitude. Figure 4. Sommeil profond.
■ Grandes fonctions physiologiques au cours du sommeil Ventilation
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Points essentiels
Endormissement : instabilité régulière Sommeil lent stable : stabilité et régularité ↓ ventilation minute ↑ résistance des voies aériennes supérieures (VAS) Sommeil paradoxal : anarchie et irrégularité ↓ ventilation minute ↑ résistance des VAS Déphasage thorax/abdomen Donc hypoventilation obligatoire pendant le sommeil d’autant plus marquée que l’on vit au prix de mécanismes d’adaptation et selon le stade de sommeil et le handicap éventuel.
Figure 5. Classification de Reichshoffen. Sommeil paradoxal ou phase de mouvements oculaires rapides (A, B).
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À l’endormissement la ventilation présente une instabilité décrite dès le XIXe siècle [20] avec alternance d’augmentation et diminution de l’amplitude respiratoire (respiration périodique). Elle est en fait inconstante, présente chez plus de la moitié des sujets et augmente avec l’âge. Sa période est de l’ordre de 60 à 90 secondes et la durée des apnées, souvent centrales et parfois périphériques, est de 10 à 40 secondes. Ce type de respiration persiste jusqu’à la stabilisation du sommeil. Au cours du sommeil lent stable, la ventilation est régulière aussi bien en amplitude qu’en fréquence. La ventilation minute Stomatologie
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte ¶ 22-053-A-05
ainsi que le volume courant diminuent, avec une forte augmentation des résistances des voies aériennes (230 %), essentiellement aux dépens des VAS [21]. Au cours du SP la ventilation est irrégulière, aussi bien en amplitude qu’en fréquence, avec des épisodes d’apnées centrales de 10 à 30 secondes liées aux bouffées de MOR. Au total, ces évènements respiratoires sont physiologiquement peu nombreux : moins de 5 par heure de sommeil. À l’éveil la ventilation est contrôlée par un triple système : processus neuronaux de l’état de veille, métabolique et volontaire. Les modifications respiratoires liées au sommeil semblent provenir d’une part - par définition - de la suppression des contrôles volontaire et lié à l’éveil, et d’autre part de la prédominance du contrôle métabolique en SL et de l’affaiblissement de celui-ci en SP. L’obésité entraîne des modifications respiratoires spécifiques retentissant sur les évènements respiratoires liés au sommeil. Elle se définit par un index de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 avec trois classes : • 30-35 : classe 1 ; • 35-40 : classe 2 ; • supérieur à 40 : classe 3. Le surpoids étant défini par un IMC entre 25 et 30. C’est une véritable maladie chronique évoluant sur un mode pandémique dans les pays « non pauvres » avec une incidence étonnante de 55 % aux États-Unis. En France actuellement 12,5 % de la population sont obèses, mais 30 % en surpoids. La circonférence abdominale semble mieux corrélée au risque de complication métabolique et de SAOS avec : • un risque élevé au-dessus de 94 cm chez l’homme et au-dessus de 80 cm chez la femme ; • un risque très élevé au-dessus de 102 cm chez l’homme et au-dessus de 88 cm chez la femme. Elle représente le principal facteur prédictif de SAOS [22]. La respiration de l’obèse à l’éveil se caractérise par : • une augmentation de la demande métabolique, donc de la ventilation alvéolaire ; • une augmentation du travail respiratoire par diminution des compliances pariétales ; • une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) ; • une augmentation des zones alvéolaires fermées entraînant une hypoxie. La position couchée faisant remonter la masse abdominale dans le thorax entraîne une diminution supplémentaire de la CRF majorant encore l’hypoxie. Chez plus de 45 % des obèses on retrouve un SAOS sévère. Chez les autres on peut mettre en évidence : une rhonchopathie, un syndrome de haute résistance, une hypoxémie nocturne sans épisode respiratoire, voire une absence d’anomalie. Le cas particulier du syndrome hypoventilation obésité est présent chez 10 % des obèses hypersomnolents. Le tableau clinique associe un hypoventilation alvéolaire avec : • hypoxie avec hypercapnie ; • polyglobulie ; • hypertension artérielle pulmonaire ; • répétition d’épisodes de décompensation respiratoires ; • exploration fonctionnelle respiratoire d’obèse sans anomalie majeure.
Fonction cardiocirculatoire L’étude des modifications cardiocirculatoires pendant le sommeil chez l’animal remonte à la fin du XIXe siècle [23] et les données humaines plus récentes montrent : que la pression artérielle baisse en SL (10 à 15 % par rapport à la veille calme) ; qu’elle est variable en SP (elle peut augmenter lors des éléments phasiques) ; de même que la fréquence cardiaque baisse en SL et présente une grande variabilité en SP avec possibilité de troubles rythmiques ; enfin, une baisse du débit cardiaque de 10 % en SL, avec des données contradictoires sur le débit cérébral. Stomatologie
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Points essentiels
Sommeil et fonction cardiovasculaire : Tension artérielle (TA) et fréquence cardiaque (FC) baissent de 10 à 15 % en SL TA et FC variables en SP Les apnées entraînent : • baisse FC • élévation TA en fin d’apnée • tachycardie à la reprise ventilatoire • troubles du rythme : pauses sinusales, extrasystoles, blocs auriculoventriculaires.
Les évènements respiratoires au cours du sommeil normal entraînent des variations cardiocirculatoires : les apnées physiologiques provoquent, au cours de l’arrêt respiratoire, un ralentissement de la fréquence cardiaque, en fin de l’arrêt respiratoire une élévation des pressions artérielle systémique et pulmonaire et à la reprise ventilatoire une tachycardie. De plus, ces évènements respiratoires sont réputés favoriser des troubles du rythme cardiaque : pauses sinusales, extrasystoles, blocs auriculoventriculaires [24-27].
Sécrétions hormonales Schématiquement : • les sécrétions de prolactine et peut-être de thyroid stimulating hormone (TSH) sont liées au sommeil dans son ensemble ; • sont liées à un stade du sommeil : la gonadotrophin hormone (GH) avec le SL, le système rénine angiotensine avec les cycles de SL et SP, les hormones antéhypophysaires avec le déclenchement du SP ; • enfin le cortisol avec la mélatonine, la testostérone et la luteinizing hormone (LH) ne sont peu ou pas influencés par le sommeil [28].
Fonction immunitaire Infection et sommeil : en général on note une augmentation de la durée totale du sommeil ainsi que de la proportion de SL par rapport au SP. Les cytokines pro-inflammatoires ont un effet hypnogène, avec un effet inverse pour les cytokines anti-inflammatoires [29]. Cytokines et régulation du sommeil : expérimentalement, les interleukines 1 bêta (IL1b) et tumor necrosis factor alpha (TNFa) ont un rôle activateur sur les neurones inducteurs du sommeil. Par ailleurs, lymphocytes et monocytes ont un taux maximal pendant la nuit et les cellules NK le matin. On évoque des liens complexes entre sommeil et immunité [30].
■ Physiopathologie du SAOS L’obstruction des VAS pendant le sommeil est la conséquence de la rupture d’un équilibre au niveau du pharynx entre une conformation anatomique, une collapsibilité, une activité musculaire et une commande centrale. Les régions rétrovélaire et rétro-basi-linguale sont le siège de l’obstacle entraînant l’anomalie respiratoire. La fosse nasale pouvant tout au plus participer à l’augmentation des résistances respiratoires qui pourront alors être levées par la respiration buccale. À l’inspiration normale, la perméabilité pharyngée est assurée par la contraction des muscles dilatateurs du pharynx dont l’activité précédant la contraction diaphragmatique permet le libre passage du flux aérien.
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les microéveils. La répétition de ces stimuli entraîne une hyperactivité sympathique avec un stress hypoxique faisant le lit des complications cardiovasculaires [34]. L’hypertension artérielle (HTA) est liée au SAOS avec une « dose effet » et une expression clinique sur la période nocturne en début d’évolution qui retarde habituellement le diagnostic, d’où l’importance de l’enregistrement TA de 24 heures [35]. L’athérosclérose est significativement plus importante chez les sujets apnéiques avec un métabolisme lipidique perturbé et une dysfonction caractérisée du high density lipoproteins (HDL) cholestérol [36]. Ainsi, le SAOS représente un facteur de risque pour l’accident vasculaire cérébral, l’infarctus myocardique et la mort subite plus puissant que l’HTA, l’hyperlipidémie et le diabète. Le sujet apnéique présente statistiquement un décès par mort subite au cours de la nuit alors que cette pathologie survient en journée dans la population générale [37].
Points essentiels
Physiopathologie : Collapsus pharyngé par : • obstacle anatomique • ↑ compliance • ↓ force musculaire Hyperactivité musculaire d’éveil Instabilité du contrôle central ventilatoire Altération de la chémosensibilité Perte du réflexe protecteur du pharynx
Les évènements respiratoires obstructifs se caractérisent par un obstacle plus ou moins complet s’opposant au passage aérien au niveau oropharyngé constamment, mais pouvant diffuser aux structures sous-jacentes hypo-pharyngo-laryngées. Ce collapsus pharyngé survient selon les individus préférentiellement en regard du voile du palais ou de la base de langue [31]. Son mécanisme résulte d’un déséquilibre entre la force de mise en tension des muscles pharyngés et la pression inspiratoire négative tendant à collaber les régions anatomiques pharyngées les plus étroites. On peut décrire trois facteurs favorisant ce phénomène [32] : • un rétrécissement permanent du calibre pharyngé par obstacle anatomique ; • une augmentation de la compliance des parois musculaires chez l’apnéique rendant le pharynx plus sensible au collapsus. L’anatomie pharyngée du sujet peut prédisposer à cette anomalie avec une forme elliptique à axe sagittal chez l’apnéique, contrairement au sujet sain dont l’axe est transversal donc moins compliant. Ainsi, l’apnéique présente volontiers une position basse de l’os hyoïde avec un voile long et épais, un bombement postéro-inférieur de la base de langue, une face étroite et une tendance au rétrognathisme ; • la perte d’efficacité de la mise en tension de la musculature pharyngée, soit par perte de synchronisation avec le diaphragme, soit par diminution de la force musculaire. À l’éveil, le patient apnéique présente une hyperactivité des muscles dilatateurs du pharynx, nécessaire pour contrer l’augmentation des résistances des voies aériennes supérieures. On mesure par exemple une activité musculaire du muscle génioglosse à 40 % de l’activité maximale à l’inspiration chez l’apnéique contre 10 % chez le sujet normal. Ainsi, pendant le sommeil qui induit une diminution franche du tonus musculaire, les muscles pharyngés ne sont plus capables de lutter contre la dépression inspiratoire, d’autant plus que ces VAS sont étroites et compliantes. Mais d’autres mécanismes peuvent concourir à ce collapsus, on évoque une instabilité du contrôle central ventilatoire, une altération de la chémosensibilité, une perte du réflexe protecteur du pharynx. La levée de ces apnées ou hypopnées est causée par un éveil le plus souvent purement électrophysiologique ou par le passage vers un stade de sommeil moins profond permettant la reprise ventilatoire [33]. Cet éveil est classiquement attribué à l’hypoxémie stimulant les chémorécepteurs carotidiens, mais également à d’autres mécanismes sous le contrôle des mécanorécepteurs pulmonaires nasaux et pharyngés, particulièrement présents sur le voile et la luette.
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Syndrome métabolique ou insulinorésistance Le syndrome métabolique est un facteur de risque avéré pour : les pathologies cardiovasculaires, le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, le syndrome NASH (stéato-hépatite non alcoolique), les cancers, le SAOS [38]. Il est en relation directe avec le taux de graisse viscérale qui est délétère pour la régulation glycémique, le taux de triglycéride et la tension artérielle. Ce taux de graisse est évidemment lié au surpoids qui comme nous l’avons vu augmente dans tous les pays « non pauvres ». Son taux dans notre population est de 25 % contre 3 % de diabète de type 2. La durée du sommeil dans la population générale des pays développés ou en voie de développement a diminué de 2 heures dans les 30 dernières années, par modification des habitudes de vie. Or, un lien statistique existe entre durée de sommeil et obésité avec augmentation des taux de GH et cortisol et modification de la balance sympathique. De plus, la perte de sommeil altère la sécrétion de leptine qui est l’hormone du tissu adipeux et qui est anorexigène, envoyant alors un signal de restriction calorique. Le SAOS qui diminue la quantité de sommeil efficace entraîne de fait une perte de sommeil avec ses conséquences métaboliques. On observe une relation particulière entre taux de graisse abdominale et sévérité du SAOS. Au total, le syndrome métabolique est 9,1 fois plus retrouvé dans la population apnéique [39].
Détériorations cognitives
■ Conséquences pathologiques du SAS Conséquences cardiovasculaires .
Les évènements respiratoires répétés au cours de la nuit induisent différents stimuli dont la désaturation en oxygène et
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Les perturbations comportementales au cours du SAOS sont polymorphes avec : des troubles de la vigilance, des troubles de l’humeur et une diminution des performances cognitives. On ne retrouve pas de troubles cognitifs spécifiques : langage, perception visuelle, capacité gestuelle, mais plutôt des troubles des fonctions fondamentales : mémoire, efficacité intellectuelle et fonctions exécutives. Des études neuropsychologiques nous renseignent sur les perturbations cognitives dans les divers tableaux cliniques liés au SAOS. Les épreuves qui discriminent le mieux les patients SAOS des sujets témoins sont celles nécessitant : la capacité d’attention à résister à une interférence, la capacité à traiter deux informations de nature différente en même temps, la capacité à apprendre de nouvelles informations verbales et spatiales, ainsi que la capacité d’organisation. Les épreuves qui discriminent les patients avec une déstructuration du sommeil sévère de ceux avec une déstructuration modérée sont les épreuves de mémoire à court terme (MCT) et les épreuves de mémoire à long terme (MLT) [40]. Les épreuves qui permettent de discriminer les patients les plus hypoxémiques sont les épreuves de MCT et le comportement persévératif. Stomatologie
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte ¶ 22-053-A-05
■ Diagnostic clinique et paraclinique du SAOS
de hautes résistances sans ronflement. On recherche son ancienneté, son évolution, sa constance, son caractère positionnel, son intensité avec son retentissement familial et social. Les pauses respiratoires décrites par l’entourage. Les éveils suffocatoires qui peuvent traduire l’apnée mais également le reflux gastro-œsophagien ou la crise d’angoisse. Le sommeil agité avec ou non mouvement périodique des membres inférieurs pouvant s’étendre aux membres supérieurs ou avec des impatiences diurnes. La nycturie avec ou non polyurie et pollakiurie. L’hypersudation. L’endormissement rapide. Les éveils nocturnes nombreux.
Interrogatoire
Signes diurnes
De plus, les patients présentant un SAOS modéré présentent autant d’atteintes cognitives que les apnéiques sévères sauf pour les capacités d’apprentissage verbal et les capacités d’organisation. En somme, les patients apnéiques sont perturbés dans les capacités dévolues aux lobes frontaux (organisation, flexibilité mentale, mémoire de travail...) et ceci même à un niveau modéré de la pathologie.
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Il est essentiel à la démarche diagnostique et est d’autant plus contributif qu’il se déroule avec la présence active du conjoint et qu’il a été préparé par l’envoi préalable d’un questionnaire rempli également avec l’aide du conjoint. En effet cet interrogatoire chez des sujets vivant seul est souvent décevant.
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Motif de consultation Le plus habituellement c’est la rhonchopathie gênant le conjoint qui motive cette consultation alors que le patient n’exprime pas (ou peu) de doléance spontanée. Mais il peut également s’agir d’un avis sur une suspicion de SAS à la demande du médecin traitant ou du cardiologue alertés par des plaintes ou des signes caractéristiques, ou d’un patient devant bénéficier d’une chirurgie de l’obésité et chez qui le dépistage du SAOS est nécessaire dans le cadre de la prise en charge périopératoire.
Habitus Sont recherchés systématiquement : • âge, taille et poids avec calcul de l’IMC (P/T2) ; • profession et utilisation de véhicule sur long trajet ; • tabagisme : son importance et son ancienneté, utile comme facteur irritatif des voies aérodigestives supérieures (VADS) et comme facteur de risque cardiovasculaire ; • la prise d’alcool, en particulier vespérale ; • la prise régulière ou non de médicaments psychotropes : sédatifs, anxiolytiques, hypnotique, antidépresseur, régulateur de l’humeur, neuroleptique... • la répartition alimentaire dans la journée, en recherchant l’habitude d’un repas du soir important ; • la sédentarité ou la pratique régulière d’une activité physique ; • une prise de poids récente, la comparaison avec le poids à 20 ans.
Antécédents Antécédents familiaux : ronflement, SAOS, obésité, infarctus myocardique ou accident vasculaire cérébral (AVC) survenant la nuit ou le matin chez les ascendants ou la fratrie. La ressemblance physique et en particulier de la partie inférieure du visage avec le collatéral ronfleur. Antécédents personnels : facteurs de risque cardiovasculaire : • HTA, son ancienneté, son évolution, traitée ou non, monothérapie ou non, bien équilibrée ou non, notion de mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) avec tension nocturne élevée ; • maladies cardiovasculaires et leur circonstance de survenue, dyslipidémie ; • diabète et son type. Autres antécédents : endocrinopathie dont hypothyroïdie, anémie ferriprive.
La somnolence diurne excessive est le symptôme majeur qui est communément mesuré par l’échelle de somnolence d’Epworth. Le score est considéré comme pathologique au-dessus de 8, et symptomatique d’un SAOS sévère au-delà de 12. Un score supérieur doit faire rechercher de principe une autre cause médicale de somnolence. Mais le ressenti de la somnolence est très variable selon les individus, ce qui pose les limites de ce test, là aussi l’avis de l’entourage est primordial. De plus, une dissimulation est toujours possible, notamment en cas d’implications professionnelles chez les chauffeurs routiers en particulier. Seule la réalisation de tests itératifs d’endormissement permet de faire la preuve objective d’une hypersomnolence pathologique. Cette somnolence est retrouvée dans environ 75 % des SAOS et est maximale en période physiologique de somnolence entre 14 et 15 heures puis dès le matin selon la gravité. Elle est plus la conséquence de la déstructuration du sommeil liée aux microéveils avec insuffisance de stades de sommeil profond que celle de l’hypoxémie nocturne. Les autres signes diurnes : • les céphalées matinales ; • l’impression de sommeil non réparateur ; • les troubles de la mémoire et de l’attention ; • les troubles de la libido et/ou des performances sexuelles ; • la baisse des performances intellectuelles ; • les troubles de l’humeur avec irritabilité, voire troubles du comportement.
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Examen clinique ORL et maxillofacial
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Points essentiels
Le test itératif de latence d’endormissement : sous enregistrement de 24 heures EEG avec EOG et EMG mentonnier, la consigne répétée 5 fois dans la journée est de se coucher en essayant de s’endormir avec la lumière éteinte. La lumière est rallumée après 20 minutes. Un endormissement en moins de 5 minutes signe une somnolence sévère, en 5 à 10 minutes modérée et 10 à 15 minutes légère. Le test de maintien de l’éveil : variante du test précédent, il consiste à donner la consigne de rester éveillé alors que le patient est placé dans des conditions favorables à l’endormissement. Une latence inférieure à 11 minutes est considérée comme pathologique.
Signes nocturnes Le ronflement est le principal signe ; son absence infirme le SAOS mais ne permet pas d’éliminer un exceptionnel syndrome Stomatologie
Il est systématique et systématisé au mieux en remplissant une fiche d’examen.
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Externe • • • • •
Face étroite et allongée. Cou court. Rétrognathisme. Position basse de l’os hyoïde. Toute dysmorphose.
Cavité buccale • • • • • • • •
Voile long. Espace rétrovélaire inférieur à 1,5 cm. Palais ogival. Luette hypertrophiée et/ou palmée. Piliers amygdaliens épais et rapprochés (< 4 cm). Hypertrophie amygdalienne. Macroglossie. Trouble de l’articulé à type de classe II mandibulaire.
Fosses nasales • Insuffisance de valve narinaire affirmée par la manœuvre de Cottle. • Déviation septale antérieure cartilagineuse et/ou postérieure vomérienne ou pied de cloison osseux. • Hypertrophie turbinale inférieure uni- ou bilatérale. • Rhinite chronique, polypose nasosinusienne. Ces pathologies nasales peuvent entraîner une obstruction nasale mesurée au mieux par une rhinomanométrie.
Espaces rétro-basi-lingual, hypopharyngé et laryngé En laryngoscopie indirecte au miroir mais au mieux au nasofibroscope, dans la continuité de l’examen des fosses nasales. • Hypertrophie du massif lingual, des amygdales basilinguales. • Rétrécissement pharyngé. • Manœuvre de Müller qui recherche un rétrécissement rétrovélaire ou pharyngé à l’inspiration forcée en occlusion nasale et buccale. • Obstruction glottique par paralysie ou tumeur mais qui serait cliniquement parlante.
Explorations de la ventilation au cours du sommeil Méthodes de dépistage La principale difficulté dans la prise en charge des apnées du sommeil est sûrement de bien sélectionner les patients qui doivent bénéficier d’une polysomnographie (PSG) diagnostique. L’interrogatoire et l’examen clinique tels que nous les avons décrits ont une bonne sensibilité mais une faible spécificité pour la détection des patients apnéiques. Le système de dépistage idéal serait bon marché, facilement accessible et mis en œuvre au mieux par un personnel peu ou pas formé, sans effet secondaire ni risque pour le patient, fiable et sûr. Différents matériels sont utilisés dans ce cadre. L’oxymétrie de pouls a été utilisée largement. Une quinzaine d’études étudient cette méthode de dépistage avec des résultats en sensibilité variant de 36 à 100 % [41-44]. Un système monocanal EEG (par exemple QUISI®) que le patient s’applique lui-même en ambulatoire, destiné à discriminer le SAOS du ronflement simple. Fisher évalue ce système en 2004 avec une mauvaise corrélation des stades de sommeil par rapport à la PSG, ainsi qu’une sous-estimation de l’éveil [45]. Un système 5 canaux (par exemple NovaSom QSG®) utilisé pour un dépistage ambulatoire du SAOS. Il enregistre la respiration nasale et buccale, la SaO2, les efforts respiratoires et les ronflements. On retrouve alors une sensibilité de 91 % et une spécificité de 83 %, comparé aux chiffres de 95 % et 91 % en laboratoire [46].
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Figure 6.
Patient appareillé pour une polysomnographie.
Un système portable au poignet de détection de l’activité sympathique par analyse de la tonométrie vasculaire périphérique (Watch-Pat 100®). Cette activité sympathique semble fiable pour dépister les évènements respiratoires liés au sommeil. Plusieurs équipes trouvent une bonne corrélation expérimentale et clinique entre cette technique et la PSG classique [47]. Une polygraphie ambulatoire mesurant le flux respiratoire par une thermistance, la SaO2, la position corporelle, les mouvements thoracoabdominaux. On retrouve une bonne corrélation avec la PSG lorsque la lecture est manuelle [48]. Un appareillage très compact consistant en un unique capteur de respiration sur la lèvre supérieure nécessitant un enregistrement sur cinq nuits consécutives en ambulatoire (SleepStrip®). Les résultats varient de 70 à 88 % en sensibilité et de 57 à 94 % en spécificité. Un essai de dépistage par envoi postal du matériel montre des scores très dégradés par rapport à la mise en place par un opérateur entraîné [49]. L’enregistrement sonographique du sommeil a été utilisé pour le diagnostic ambulatoire du SAOS. Mais la corrélation n’est pas satisfaisante avec la PSG [50]. Ainsi, certains matériels ambulatoires ont une sensibilité et une spécificité intéressantes mais sont d’un coût élevé et d’une mise en œuvre relativement complexe, n’autorisant pas une utilisation en routine. À l’heure actuelle, selon les recommandations de l’académie américaine de médecine du sommeil, du collège américain de pneumologie et de la société américaine de pathologie thoracique, une polysomnographie complète en laboratoire de sommeil est requise pour les patients présentant une forte suspicion de SAOS. Un monitorage portable (type 2) est possible s’il comprend un enregistrement PSG complet (minimum de 7 canaux). Un monitorage de type 3 (4 canaux) sous surveillance hospitalière est possible. En revanche, un monitorage de type 3 en ambulatoire ou un monitorage de type 4 (1 ou 2 canaux) ne sont pas recommandés.
Polysomnographie C’est donc bien l’examen de référence dans le diagnostic et l’évaluation du SAOS (Fig. 6). Elle se pratique : • en laboratoire de sommeil avec possibilité d’enregistrement continu sur 24 heures ou plus, sous surveillance vidéo ; Stomatologie
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• en hospitalisation sur une durée d’une ou plusieurs nuits consécutives ; • en ambulatoire après mise en place de l’appareillage au cabinet du médecin. Capteurs ventilatoires Le capteur de référence est le pneumotachographe qui nécessite un masque étanche et donc n’est pas utilisé en pratique clinique. Un capteur de pression œsophagienne donne d’excellentes informations mais n’est pas aisément supporté. La mesure du débit nasal permet l’enregistrement d’une courbe destinée à une analyse qualitative et quantitative de la ventilation. Les diagnostics d’apnée mais aussi d’hypopnée et de limitation de débit sont alors possibles. La sonde de thermistance nasobuccale donne une analyse purement qualitative du signal, mais est moins labile que le débit sur la durée de la nuit. On utilise souvent en pratique ces deux derniers capteurs combinés. L’analyse des sons trachéaux par capteur sus-sternal ainsi que l’analyse du temps de transit du pouls pourrait donner des informations de même nature que le débit nasal. Capteurs d’efforts respiratoires
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Des sangles thoracique et abdominale permettent l’analyse des apnées ou hypopnées en déterminant le caractère central : absence de mouvement ou périphérique : persistance des mouvements, mais aussi la désynchronisation, voire l’opposition de phase entre thorax et abdomen. Le capteur de pouls et de saturation en oxygène (SaO 2 ) mesurant SaO2 maximale, minimale, moyenne, le temps sous 90 % de SaO2. Peuvent être ajoutés : • un capteur de position permettant d’analyser le caractère positionnel des évènements respiratoires ; • l’enregistrement électrocardiographique (ECG) ; • l’enregistrement transcutané du CO2 et/ou son enregistrement en fin d’expiration ; • la pression artérielle. L’utilisation de ces capteurs permet la réalisation d’une polygraphie nocturne. Celle-ci est suffisante pour diagnostiquer un SAOS si l’index d’apnée hypopnée (IAH) par heure d’enregistrement est supérieur à 30. L’identification des stades de sommeil permet de réaliser une polysomnographie qui fiabilise les résultats ventilatoires en les rapportant à l’éveil et aux divers stades de sommeil. Elle nécessite : • des voies EEG, classiquement C4 A1 et C3 A2 avec des références frontales ; • des voies EOG droite et gauche ; • une voie EMG axiale (mentale ou masséterine) ; • une voie EMG de jambier antérieur en cas de suspicion de mouvement périodique des jambes au cours du sommeil. Enfin, l’étude du comportement par enregistrement vidéo permet d’affiner le diagnostic du caractère positionnel, d’une agitation, de parasomnies. Interprétation des signaux L’informatique est une aide considérable dans le recueil, le traitement, la quantification et la visualisation de ces signaux complexes et multiples. En revanche, l’analyse automatique nous semble trop aléatoire pour pouvoir être utilisée cliniquement sans contrôle et la lecture manuelle de l’ensemble des voies sur la durée de la nuit est actuellement toujours recommandée.
Autres explorations L’exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) : utile pour mettre en évidence les déficits respiratoires notamment dans le cas de l’obésité ou de la BPCO. Stomatologie
La gazométrie artérielle qui doit être pratiquée au plus près de l’éveil permet de quantifier hypoxémie et hypercapnie, toujours à relier à l’obésité et à la BPCO. Un bilan sanguin ciblé sur les pathologies pouvant favoriser le SAOS ou en aggraver les conséquences doit être proposé : une numération de formule sanguine avec dosage du fer sérique et de la ferritine pour explorer une éventuelle anémie ferriprive, un dosage du cholestérol, des triglycérides et une glycémie à jeun afin de dépister un syndrome métabolique, ainsi qu’un dosage de TSH à la recherche d’une hypothyroïdie. Une radiographie pulmonaire de dépistage peut être proposée en cas de suspicion de pathologie bronchopulmonaire non explorée, des radiographies ou une tomodensitométrie (TDM) des sinus de la face selon les données de l’examen clinique ORL.
Imagerie du massif facial et du pharynx et endoscopie Leur but est d’identifier et analyser la localisation de l’obstruction pharyngée afin d’aider au protocole thérapeutique chirurgical ou prothétique, ainsi que de quantifier le bénéfice post-thérapeutique. De plus, certains auteurs évaluent des techniques d’imagerie dans le diagnostic de gravité du SAOS. Si les différentes techniques d’imagerie et d’endoscopie ont été très utiles à la compréhension de la physiopathologie, elles sont encore peu utilisées en pratique clinique courante.
Céphalométrie [51] C’est la technique la plus ancienne qui repose sur le calcul de distances et d’angles remarquables sur des radiographies simples de profil strict sans agrandissement, sur un patient en position assise, tête en position neutre. On obtient une projection en deux dimensions des repères osseux céphaliques. Une mesure des parties molles et des espaces aériens après ingestion barytée est également possible. Ces mesures cherchent à mesurer les hypo- et rétromandibulies, la position de l’os hyoïde par rapport à la mandibule, l’allongement de la face pour les repères osseux ainsi que longueur et épaisseur du voile, l’espace aérien rétrovélaire et rétro-basi-lingual. Ces mesures sont toujours nécessaires en cas de chirurgie d’avancement bimaxillaire et parfois utiles pour le traitement par orthèse d’avancement mandibulaire.
Imagerie 3D La tomodensitométrie et l’IRM sont utilisées en recherche clinique, particulièrement en mode cinétique, pour étudier l’anatomie du patient apnéique pendant son sommeil. On objective ainsi le site anatomique de l’obstruction et sa survenue dans le cycle respiratoire, plutôt en fin d’expiration. L’IRM permettant au mieux une étude volumique 3D des parties molles en temps réel [52, 53]. Certains auteurs proposent de valider l’utilisation d’imagerie TDM en reconstruction volumique en pratique clinique avec : un diagnostic de localisation de l’obstacle pharyngé [54], une évaluation du résultat thérapeutique après chirurgie bimaxillaire [55]. D’autres proposent de réaliser une IRM préopératoire en vue de modéliser les voies aériennes supérieures et de prévoir les résultats postopératoires en fonction du type d’intervention choisie [56].
Endoscopie des VADS L’endoscopie nasopharyngée objective aisément le pharynx rétrovélaire et rétro-basi-lingual et permet donc comme nous l’avons vu dans l’examen clinique une évaluation du rétrécissement de la voie aérienne supérieure en position assise et à l’éveil. Une technique d’enregistrement vidéo avec traitement de l’image assistée par ordinateur et manœuvre de Müller est développée pour évaluer ce rétrécissement dans des conditions d’effort respiratoire proches du sommeil [57].
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■ Traitement du SAOS Choix thérapeutique Les objectifs de ce traitement sont essentiellement épidémiologiques visant à faire disparaître les risques liés à la somnolence diurne ainsi que les conséquences cardiovasculaires et métaboliques, mais également sociales en diminuant la gêne ressentie par l’entourage. Seul le résultat du bénéfice social peut être facilement évalué chez un individu. Les indications du traitement dépendent non seulement du résultat de la polysomnographie mais également des éléments cliniques, des pathologies associées ainsi que de l’habitus et du terrain, dont l’activité professionnelle.
Polysomnographie Elle doit être envisagée dans sa globalité et non seulement résumée à son classique index d’IAH. Il convient donc de pouvoir évaluer la qualité des tracés, de savoir reconnaître les limitations de débits et les microéveils, et de ne pas hésiter à revenir sur une lecture selon les données cliniques. Il semble donc primordial de ne pas réduire cette lecture à une simple prestation de service, voire d’utiliser sans contrôle les logiciels de lecture automatique, mais bien de l’intégrer à la démarche diagnostique de manière interactive. De plus, il faut se méfier des variabilités internuit et de l’effet laboratoire qui peuvent fausser le résultat. Il est de toute façon difficile de conclure à la normalité sur une seule analyse. Cet examen est d’autre part le seul critère fiable de contrôle lors du suivi ultérieur.
Éléments cliniques .
Ils nous orientent d’emblée vers la prise en charge d’un ronfleur isolé ou d’un patient somnolent, voire hypersomniaque. La présence d’une somnolence diurne incite à faire évaluer les performances cognitives avec des outils que nous avons décrits. L’hypersomnie doit être affirmée et quantifiée, ce qui suppose également d’avoir des outils d’évaluation à disposition.
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Points essentiels
Outils d’évaluation de l’hypersomnie : • questionnaires et échelles de somnolence • agenda se sommeil • actimétrie • EEG de 24 heures • tests itératifs de latence d’endormissement et tests de maintien de l’éveil • biologie : sérologie EBV, groupe HLA à la recherche de narcolepsie
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Il ne faut pas perdre de vue qu’une cause de somnolence peut en cacher une autre. Enfin, il n’y a pas de critère clinique univoque de suivi du traitement mais plutôt un ensemble de signes cliniques à adapter selon chaque situation.
Pathologies associées Elles peuvent influer sur la décision thérapeutique. On cite : • les anomalies anatomiques, les dysmorphies ; • les pathologies rhinologiques ou pharyngées ; • certaines endocrinopathies, l’insuffisance ventriculaire gauche, l’insuffisance rénale chronique, la myopathie, les coronaropathies. • les autres pathologies du sommeil : parasomnies, dysomnies.
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Points essentiels
Hypersomnie : diagnostic différentiel Induites : • dette de sommeil • iatrogène : traitement hypnotique/sédatif/autres • alcool/autre toxique Pathologie primaire : • narcolepsie • hypersomnie idiopathique • hypersomnie récurrente Pathologie secondaire : • neurologique • psychiatrique • infectieuse (dont mononucléose infectieuse) • endocrinologique • métabolique • post-traumatique
Terrain et habitus
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Point important
Les parasomnies Les troubles de la transition veille-sommeil : • somniloquie • rythmies nocturnes (jactatio capitis nocturna) • crampes nocturnes des membres inférieurs • sursauts du sommeil Les troubles du sommeil lent profond : • somnambulisme • terreurs nocturnes Les troubles du sommeil paradoxal : • cauchemars • paralysies du sommeil • troubles du comportement du sommeil paradoxal Les troubles du sommeil lent léger • bruxisme • dystonie paroxystique nocturne.
L’obésité complique le diagnostic, la perte de poids est ici un objectif nécessaire mais non exclusif et le traitement présente quelques particularités selon les tableaux cliniques. L’obèse sans hypoventilation alvéolaire : • la pression positive continue (PPC) est indispensable avec une tolérance moins bonne et des pressions plus élevées ; • l’orthèse d’avancement mandibulaire est moins efficace ; • la perte de poids peut être suffisante, avec un effet seuil. L’obèse avec hypoventilation : • la PPC est indiquée en cas d’anomalies obstructives pendant le sommeil ; • une VNI est mise en place si la PPC est insuffisante. Les toxiques : l’alcool et les benzodiazépines majorent les scores d’IAH, les antidépresseurs modifient les tracés EEG et l’architecture du sommeil. La dette de sommeil liée à la pression sociale et professionnelle doit être reconnue. Elle est fréquente chez le sujet long dormeur physiologique et chez le sujet du matin en travail posté. Les facteurs de risque cardiovasculaires autres sont recherchés. Stomatologie
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La profession peut être un critère d’urgence diagnostique et thérapeutique, voire entraîner une inaptitude temporaire (conducteur professionnel, travail en hauteur...). La conduite automobile selon le décret du 21 décembre 2005 est interdite aux patients présentant un SAOS non traité. Le médecin qui en effectue le diagnostic doit en informer son patient.
Évaluation et suivi Il n’y a plus d’obligation réglementaire à effectuer une polygraphie ou une polysomnographie pour le renouvellement du traitement ventilatoire. Le suivi est purement clinique au minimum par une consultation annuelle qui peut éventuellement décider de la réalisation d’un examen de contrôle dont le type, le rythme et la réalisation en ambulatoire ou en hospitalisation ne sont pas définis. L’échec du traitement est facile à définir par des critères polygraphiques. En cas de traitement objectivement efficace mais de persistance de la somnolence diurne, il convient de rechercher une cause associée, une mauvaise hygiène de sommeil, de proposer une PSG si elle n’a pas été pratiquée.
Traitement postural et règles hygiénodiététiques Le traitement postural s’adresse aux rhonchopathies simples ou aux SAOS modérés habituellement en début d’évolution et présentant un caractère positionnel - en général de décubitus dorsal - exclusif sur l’enregistrement polysomnographique. Le conjoint confirme volontiers cette particularité et on propose de conditionner le patient à ne pas dormir sur le dos en lui faisant porter une veste dans le dos de laquelle deux balles de tennis ont été insérées dans des poches cousues entre les omoplates. Ce petit moyen souvent efficace peut permettre de passer un cap dans l’optique d’une réduction pondérale par exemple. Mais l’évolution naturelle de la maladie fait souvent perdre à terme le caractère positionnel et impose alors d’autres traitements. Les règles d’hygiène du sommeil s’adressent à tous les patients avec des consignes d’éviter au mieux : les repas importants le soir, l’alcool et les psychotropes, les dettes de sommeil chroniques. La réduction pondérale est un objectif souvent nécessaire pour ces patients dont 60 % sont en surcharge pondérale. L’obésité androïde répond mieux aux consignes hygiénodiététiques que la gynoïde, mais les objectifs doivent rester modestes et une prise en charge spécialisée souvent nécessaire. Toute perte de poids est bénéfique moins par la classique réduction de l’infiltration graisseuse péripharyngée que par la diminution de l’effet délétère intrinsèque de l’excès de graisse viscérale. Il est néanmoins illusoire de vouloir en faire l’unique traitement, sauf exceptionnellement lors de certaines obésités morbides prises en charge par chirurgie.
Pression positive continue
(Fig. 7)
La ventilation en PPC à l’aide d’une interface nasale industrielle, représente le traitement le plus efficace des anomalies respiratoires pharyngées liées au sommeil depuis 26 ans. La description princeps revient à Sullivan en 1981 [58]. Depuis cette date, l’utilisation de la PPC a fait l’objet de très nombreux travaux caractérisant au mieux les indications, l’efficacité, les modalités d’utilisation et les effets secondaires de cette technique ventilatoire. L’évolution actuelle est marquée par une amélioration des conditions d’utilisation avec miniaturisation des appareils, minimisation le plus possible des contraintes sonores des turbines, progrès constant des techniques d’humidification et des interfaces industrielles. Les appareils sont munis d’une rampe de montée en pression progressive permettant au patient d’avoir un niveau de pression peu élevé pendant la période d’endormissement. Les masques du commerce sont Stomatologie
Figure 7.
Pression positive continue.
très nombreux, en matière synthétique stérilisable à froid, avec des points d’appui au niveau du visage en silicone ou en matériaux de texture type gel destinés à améliorer le confort. Tous les masques sont dotés d’une fuite calibrée permettant d’éviter la réinhalation du CO2. En cas de gêne pour le conjoint, ce « flux d’air » peut être supprimé par l’emploi de fuites en graphites inaudibles et non perceptibles.
Principes et modes d’action La PPC appliquée au niveau des VAS est générée à partir d’une turbine et délivrée par l’intermédiaire d’un masque nasal étanche. Cette pression est transmise aux parois des VAS comme une attelle pneumatique qui vient s’opposer aux pressions négatives qui règnent dans le pharynx rétro-basi-lingual au moment de l’inspiration. L’effet mécanique direct transmis aux parois pharyngées représente le mode d’action principal. Cependant, lors de l’application de la PPC, on retrouve une augmentation plus marquée du diamètre latéral de cette région lors d’études par imageries en tomodensitométrie ou résonance magnétique [59]. Un autre mécanisme d’action plus accessoire pourrait être celui d’une réduction de la résistance des VAS par le biais d’une augmentation des volumes pulmonaires [60] . Historiquement, la pression était délivrée en mode constant. Avec l’avancement des techniques, on a vu se développer de nouvelles machines modulant la valeur de pression positive au cours de la nuit. Ces appareils dits « autopilotés » (Auto PPC) sont apparus il y a 15 ans. Le but de ces appareils étaient d’adapter le niveau de pression efficace aux conditions de fonctionnement des VAS en s’opposant à la résurgence d’anomalies pharyngées du sommeil et en améliorant la tolérance des patients. Certains facteurs peuvent être à l’origine d’une modulation du niveau de pression efficace au cours de la nuit : position du dormeur (avec un maximum de collapsibilité en décubitus dorsal), stade de sommeil (augmentation de la collapsibilité en sommeil à mouvement oculaire rapide et en sommeil lent léger), prise d’alcool ou de substances myorelaxantes en prise vespérale, obstruction nasale, œdème pharyngé, dette de sommeil. Il a également été rapporté au cours des premières semaines de traitement, une diminution de l’œdème des parois des VAS qui s’accompagne d’une possibilité de réduction du niveau de pression efficace requise [61]. Cette approche ventilatoire qui fait appel à des appareils différents en termes de signal et d’algorithme informatique utilisés pour piloter les variations de pression au cours de la nuit, peut utiliser des limites de variation de la pression larges (4 à 18 cm d’eau) ou des bornes de variations plus étroitement fixées autour d’un niveau de PPC déterminé avant traitement. Les variations de pression obtenues au plan thérapeutique dépendent selon les appareils de l’évolution de la ventilation du dormeur analysée en permanence par la machine à partir de la
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vitesse de rotation de la turbine, ou bien en relation avec l’analyse des vibrations acoustiques liées à la présence de ronflement, ou bien encore grâce à un capteur de pression situé dans le circuit. D’autres appareils encore sont capables par le biais d’une reconstruction cycle par cycle de l’aspect de la courbe de débit inspiratoire de détecter des anomalies à type de ronflement, de limitations de débit, d’hypopnées ou d’apnées. Cette technique efficace au plan thérapeutique permet également l’établissement d’une titration du niveau de pression efficace en ambulatoire. Dans notre expérience, ces appareils autopilotés ne sont pas toujours très bien tolérés car ils peuvent déstructurer le sommeil, réveillant parfois le dormeur de façon consciente. En effet, en présence de fuites, il peut être noté une majoration du débit produit par la turbine, pour maintenir la pression constante aboutissant à une augmentation du travail respiratoire et une diminution du confort. Une nouvelle génération d’appareil délivre une pression plus faible à l’expiration afin de minimiser l’inconfort généré par l’expiration contre une contre-pression expiratoire trop élevée (PPC mode C-flex), la pression se majorant à nouveau en fin d’expiration afin d’éviter le collapsus de début d’inspiration.
Figure 8. Orthèse d’avancement mandibulaire.
Effets attendus et bénéfices
Orthèses d’avancement mandibulaire
La PPC permet d’obtenir la suppression des événements respiratoires pharyngés du sommeil avec une normalisation de l’index d’événements respiratoires nocturnes, y compris les ronflements, ainsi que la saturation en oxygène. L’analyse (EEG) sous PPC révèle une augmentation importante de la proportion de sommeil à ondes lentes et de sommeil à mouvements oculaires rapides par rapport à l’enregistrement de base diagnostique. De fait, il est rapporté une amélioration des symptômes du SAOS (notamment l’hypovigilance diurne évaluée subjectivement ou objectivement). L’évolution de la somnolence représente un facteur pronostique favorable concernant l’adaptation ultérieure à la ventilation et la problématique de l’observance vis-à-vis du traitement ventilatoire. Le principal corollaire est une qualité de vie améliorée. L’efficacité de la PPC au long cours est dépendante de la tolérance et de la compliance au traitement [62]. Si l’acceptation initiale de la PPC est bonne, il peut exister après un recul de plusieurs années une utilisation variable très dépendante du ratio bénéfices/ contraintes. Le pourcentage d’abandon concerne environ 30 % des patients. Ce pourcentage est dépendant du niveau de gravité initiale et d’autant plus important qu’il s’agit d’apnéiques peu sévères (index modéré d’anomalies respiratoires, plainte de somnolence absente...). De même, la durée d’utilisation quotidienne est différente d’un patient à un autre. Il est généralement proposé d’utiliser la PPC pendant une durée d’au minimum 5 heures par nuit. Parallèlement à ces bénéfices cliniques, il existe des effets bénéfiques sur le système cardiovasculaire. En effet, une vaste étude longitudinale observationnelle [63] portant sur 1 651 personnes ayant comparé pendant 10 ans l’incidence cumulée d’événements cardiovasculaires fatals et non fatals dans une population, vient confirmer des données de nombreuses études antérieures. Cette étude comparant des ronfleurs, des apnéiques légers, des apnéiques sévères non traités et des apnéiques sous PPC avec une population témoin issue de la population générale et appariée par âge et poids, a mis en évidence chez les patients apnéiques non traités une morbimortalité augmentée par rapport aux témoins. Après traitement par PPC, la morbimortalité est similaire à celle de la population générale. Une étude récente suggère que les formes sévères d’apnées du sommeil sont un facteur de risque indépendant pour l’athérosclérose [64]. Dans cette étude randomisée, le traitement par PPC pendant 4 mois, améliore de façon significative les signes de l’athérosclérose (épaisseur intima-média carotidienne, rigidité artérielle mesurée par la vitesse de l’onde de pouls). Une autre étude récente indique aussi un bénéfice avec une diminution du risque cardiovasculaire dans les formes peu sévères à modérées [65].
Certaines situations cliniques nécessitent de proposer des alternatives à la PPC : l’existence d’un refus primaire d’utilisation de la PPC, l’apparition d’une intolérance psychologique ou d’effets secondaires sans prise en charge satisfaisante. Une prise en charge orthodontique utilisant des orthèses endobuccales peut être alors proposée. Le but de ces orthèses est d’agrandir et/ou de stabiliser les VAS pendant le sommeil. Par définition, celle-ci n’est portée que pendant la nuit, chez un patient ne présentant pas de contre-indications (édentation de plus de 6 dents par arcade, parodontose ou articulation temporomandibulaire [ATM] morbide). Quatre différents principes ont été proposés consistant schématiquement soit à tirer ou pousser la langue pour la maintenir en avant, soit à relever le palais mou, soit enfin à avancer la mandibule [66, 67]. Au vu des expériences publiées, seul l’avancement mandibulaire a montré une efficacité clinique. Il existe à ce jour de très nombreux dispositifs appartenant à ce groupe d’orthèses d’avancement mandibulaire (OAM) apparu 8 ans environ après la PPC.
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(Fig. 8)
Principes et modes d’action Le principe général de l’avancement mandibulaire est de provoquer une avancée du maxillaire inférieur qui entraîne une propulsion du massif lingual fixé au maxillaire au niveau des apophyses génies. Cette stabilisation antérieure de l’ensemble maxillolingual aboutit lors de l’éveil à des augmentations significatives des espaces pharyngés supérieur, moyen et inférieur et des aires de sections transversales de l’oropharynx et de l’hypopharynx (technique de vidéo-endoscopie [68, 69]). Des reconstructions tridimensionnelles du pharynx réalisées sans et avec orthèse à partir d’études tomodensitométriques en coupes axiales, ou à partir d’imagerie par IRM, permettent de mettre en évidence une position plus haute et plus avancée de la langue, le volume des VAS estimé au niveau de cette région s’accroissant de 27,6 % passant de 12,3 ml à 15,7 ml [69, 70]. Ces études montrent également une diminution de la distance séparant l’os hyoïde du plan mandibulaire [66]. La zone de collapsus représentée par le pharynx rétro-basi-lingual devrait ainsi être stabilisée chez l’apnéique pendant le sommeil. Dans l’étude de Ryan [68], il existe une corrélation entre l’augmentation de la surface du pharynx et la diminution des anomalies respiratoires pendant le sommeil. L’obtention d’une meilleure stabilité du pharynx est également suspectée par le biais d’une diminution de la pression critique de fermeture du pharynx [71]. Hormis ces modes d’action mécaniques, Lowe a montré que le port d’une OAM entraîne chez le chat une augmentation de l’activité électromyographique des muscles génioglosses au repos [69]. Ce même auteur a fait la même constatation chez Stomatologie
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l’homme en montrant que le mouvement d’abaissement mandibulaire obtenu par le port d’une OAM entraîne une augmentation de l’activité de ces mêmes chefs musculaires par le biais de l’activation de récepteurs situés dans les articulations temporomandibulaires [72]. En conclusion, même si le mode d’action des OAM n’est pas clairement élucidé, on peut supposer que l’avancement et l’abaissement mandibulaire jouent un rôle sur la perméabilité pharyngée non seulement par le biais de modifications anatomiques mais aussi par l’intermédiaire de l’augmentation transitoire du tonus des principaux muscles dilatateurs pharyngés.
Effets sur les anomalies respiratoires pharyngées La littérature décrit depuis plus de 15 ans les effets bénéfiques des OAM sur tout le spectre des anomalies respiratoires pharyngées liées au sommeil. Les études les plus anciennes (1991) rapportèrent tout d’abord l’efficacité de différents systèmes d’avancement, que ce soit subjectivement ou objectivement, sur le symptôme ronflement. Puis ont été mis en évidence des diminutions de l’IAH avec orthèse dans des proportions variables d’une étude à l’autre. L’article de Schmidt-Nowara en 1995, comportant 231 patients utilisant différents modèles d’OAM, confirme cette amélioration chiffrée à 50 % d’amélioration de l’IAH chez 70 % des patients [73]. L’efficacité est susceptible de se prolonger 5 années sans différences statistiquement significatives à condition que les OAM soient entretenues ou remplacées régulièrement [74] . L’efficacité comparative de différentes orthèses de propulsion n’a pas été testée chez un même groupe de patients de manière statistique. Le principe de l’avancement comme seul système réellement efficace est confirmé par des études plus récentes. Kato [75] met en évidence une relation entre efficacité et pourcentage d’avancement au cours du sommeil de l’apnéique. La comparaison d’une avancée mandibulaire de 7,5 mm à une position neutre a confirmé l’efficacité de l’avancement sur les troubles respiratoires allant du ronflement aux apnées obstructives. Depuis 16 ans, la majorité des études a montré une efficacité à la fois chez des patients avec une sévérité modérée à moyenne (IAH < 30/H) mais aussi dans le groupe des patients sévères (IAH > 30/H). La structure du sommeil est améliorée avec diminution du sommeil lent léger, augmentation du sommeil à ondes lentes et du sommeil à mouvements oculaires rapides, les microéveils sont diminués [76]. Une analyse Cochrane a permis de confirmer l’efficacité des OAM contre placebo chez l’apnéique montrant une diminution de 50 % des IAH [77]. Il restait à comparer les effets de la PPC à ceux des OAM. Dès 1996, deux auteurs ont comparé les effets et la tolérance de deux OAM au traitement par PPC [78, 79]. Dans le cas des SAOS modérés, les conclusions sont à l’avantage des OAM, qui ont l’intérêt d’être moins contraignantes. La PPC conservant toute sa place pour les formes sévères.
Critères prédictifs de réponse Des études anciennes apportaient déjà un début de réponse à cette question. Pour Eveloff [66], les bons répondeurs avaient une distance MP-H sans orthèse plus petite que les mauvais répondeurs. Pour Bonham [80], les analyses de régression ont permis de mettre en évidence deux variables céphalométriques indicatives de réponse significative au traitement avec diminution de l’index d’apnée hypopnée : l’espace antérosupérieur et postérosupérieur des VAS sans OAM. Enfin, Marklund [81] chez 600 patients apnéiques révèle que les bons répondeurs sont plutôt des femmes, ou bien des hommes porteurs d’une forme modérée (IAH < 20/H) ou positionnelle de SAOS.
Observance et effets secondaires La compliance aux OAM au long cours est également liée au rapport bénéfices/contraintes. La survenue ou non d’effets secondaires va avoir un impact sur l’observance à long terme. Stomatologie
On estime entre 18 et 45 % les observants au bout de 1 année. Les effets secondaires sont variables allant de manifestations peu gênantes essentiellement présentes le matin au réveil et disparaissant rapidement (modification des rapports interocclusaux, inconfort temporomandibulaire, hypersialorrhée, xérostomie, mastication difficile) à des troubles plus sévères nécessitant un arrêt parfois définitif du port de l’OAM (syndrome algodysfonctionnel de l’ATM, diminution de l’overjet [82]).
Chirurgie But L’objectif est de supprimer l’obstacle anatomique et/ou fonctionnel qui apparaît au niveau des voies aériennes supérieures pendant le sommeil en augmentant le calibre des VAS par un geste chirurgical sur : amygdale, voile du palais, base de langue, fosse nasale et/ou de diminuer la compliance des parois pharyngées par une remise en tension des tissus.
Moyens Topographiquement, la chirurgie du SAS s’adresse à trois niveaux, de haut en bas : nasal, vélopharyngé et basilingual. La chirurgie d’un seul ou de plusieurs niveaux anatomiques peut être réalisée en fonction des données de l’examen clinique et des explorations anatomiques du patient [83]. Chirurgie nasale Il s’agit d’une chirurgie de désobstruction nasale comportant plusieurs gestes possibles : • une septoplastie en cas de déviation de la cloison nasale retentissant sur la ventilation, confirmée par l’examen clinique mais au mieux quantifiée par une rhinomanométrie ; • une turbinectomie en cas d’hypertrophie significative au plan fonctionnel des cornets nasaux, le cornet inférieur le plus souvent, voire le cornet moyen en cas de concha bullosa ; • un évidement ethmoïdal en cas de polypose nasosinusienne ; • une plastie de la valve nasale en cas de collapsus narinaire inspiratoire. La chirurgie nasale n’est pas indiquée comme traitement unique du SAS mais peut être d’une part un moyen d’aide à l’adaptation à la PPC en permettant une meilleure ventilation nasale qui est indispensable à la bonne tolérance de ce traitement ou d’autre part intégrée dans une chirurgie multiniveaux en permettant de diminuer les résistances respiratoires nasales. Chirurgie vélopharyngée Uvulo-palato-pharyngoplastie (ou UPPP). Décrite pour la première fois en 1952 par Ikematsu, elle fut standardisée en 1981 par Fujita [84]. Cette pharyngotomie est une chirurgie d’élargissement et de remise en tension des tissus mous de l’oropharynx. Trois techniques sont possibles : la chirurgie classique, le laser et la radiofréquence. La méthode chirurgicale consiste en une amygdalectomie (conseillée en cas d’hypertrophie amygdalienne [85] mais réalisée de façon assez systématique en pratique courante afin de dégager les piliers postérieurs des amygdales et de faciliter la plastie pharyngienne) et une résection vélaire emportant luette et tissu excédentaire. Cette résection doit préserver les muscles élévateurs et tenseurs du voile du palais. L’élargissement vélopharyngé latéral peut être augmenté par la section du muscle palatopharyngien à mi-hauteur [86, 87]. Puis la muqueuse pharyngée est suturée bord à bord à l’aide d’un fil résorbable, par points séparés ou par un surjet, afin d’élargir l’espace vélopharyngé et de remettre en tension la muqueuse mais sans créer de brides par une mise en tension excessive. Cette chirurgie semble être efficace pour le traitement des ronflements dans près de 70 % des cas mais son taux de succès chute à 50 % dans le traitement des SAS légers à modérés [88-90] et plus de 10 % des patients rechutent à 1 an.
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Cette intervention, opérateur-dépendant, n’est par ailleurs pas dénuée d’effets secondaires parfois invalidants et définitifs. La plupart d’entre eux sont transitoires : douleurs postopératoires, insuffisance vélaire avec reflux nasopharyngé et voix nasonnée, sensation de corps étranger. Dans certains cas, l’insuffisance vélaire peut être définitive, notamment lorsque l’exérèse des tissus a été trop large ou que la cicatrisation vélaire se fait sur le mode de la fibrose avec une cicatrice rétractile. Elle entraîne alors une rhinolalie ouverte associée à un reflux nasal à la déglutition des liquides. Elle peut être corrigée par rééducation, injection de collagène ou de Téflon®, voire par vélopharyngoplastie. De façon plus rare, l’UPPP peut se compliquer d’une sténose nasopharyngée plus ou moins complète dont le traitement est délicat dans la mesure où toute reprise chirurgicale risque d’aggraver la sténose et dont le retentissement fonctionnel est majeur. L’UPPP par laser consiste en la réalisation, sous anesthésie locale ou sous anesthésie générale, de deux tranchées vélaires musculomuqueuses paramédianes verticales de 3 cm de hauteur. Elle permet d’obtenir des résultats postopératoires similaires au traitement chirurgical classique [91, 92] mais avec des suites opératoires également difficiles avec présence de vésicules palatines par brûlure au 2e degré, et le risque d’encourir les mêmes complications qu’une UPPP classique [92]. Le traitement vélaire par radiofréquence (Fig. 9), aussi appelé somnoplastie lorsqu’elle ne s’applique qu’au traitement du ronflement, consiste en l’application de courant électrique à forte intensité (700 Joules par application) mais avec une faible fréquence. L’énergie est appliquée à l’aide d’une électrode insérée en intramusculaire dans le palais mou sur environ 3 cm de long, sous anesthésie locale, avec une piqûre médiane verticale et deux paramédianes à 45°. Il s’agit d’un traitement minimal invasif qui permet, en théorie, de parfaitement contrôler l’énergie délivrée et de prévenir toute lésion muqueuse. Cette méthode nécessite cependant plusieurs séances pour être efficace, trois en moyenne [93, 94]. Elle est indolore, peu onéreuse et présente une bonne tolérance avec une morbidité postopératoire négligeable [95]. Ses résultats sont identiques à ceux de l’UPPP laser sur le ronflement [96] avec un taux de succès sur le ronflement allant de 45 % à 77 % selon les séries [93, 94], un taux de rechute à 1 an de l’ordre de 11 % et une absence de séquelle [97]. Ce traitement est connu pour être plus efficace chez les ronfleurs présentant un IMC < 25 [95]. Les résultats de cette intervention sur le SAS sont mal connus actuellement, et le recul encore insuffisant. Implants palatins. La mise en place verticale dans le palais mou de trois implants en polyester (un médian et deux paramédians) sous anesthésie locale entraîne une remise en tension vélaire permettant de prévenir un collapsus à ce niveau. En développement depuis le milieu des années 2000, cette technique affiche un taux de succès de l’ordre de 50 % dans les SAS légers à modérés par obstruction vélopharyngée [98] et un taux d’amélioration de l’IAH supérieur à 80 % [98-100]. Si certains réservent cette chirurgie à l’échec de l’UPPP et seulement s’il n’existe pas de bride pharyngée cicatricielle avec un espace vélopharyngé supérieur à 2 cm [99] , d’autres la préconisent comme une chirurgie de première intention [98, 100]. Il s’agit d’une méthode peu invasive, sans effet secondaire notable et dont les effets semblent durables mais avec un recul encore modeste [98] et non encore pratiquée couramment en France. Chirurgie basilinguale L’objectif de cette chirurgie est d’élargir l’espace pharyngé rétro-basi-lingual. On distingue des interventions de basiglossectomie et des interventions de plasties et de pexies de la base de langue, de l’os hyoïde et des muscles génioglosses. Elle est rarement réalisée seule (sauf pour les patients classés Fujita III), mais plus
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Figure 9.
Traitement vélaire par radiofréquence (A à C).
généralement dans le cadre d’une chirurgie dite « multiniveaux », notamment associée à une UPPP, alors réservée aux patients classés Fujita II. Toutes méthodes confondues, cette chirurgie « multiniveaux » atteindrait un taux de succès avoisinant les 80 % pour le traitement du SAS [101]. Les basiglossectomies peuvent être réalisées, selon les équipes, par voie endobuccale ou par voie cervicale, en chirurgie classique, au laser ou par radiofréquence. Pour la chirurgie classique et les interventions au laser, une trachéotomie est souvent nécessaire afin de prévenir toute détresse respiratoire obstructive liée à l’œdème postopératoire. Seule la radiofréquence ne nécessite pas de trachéotomie de sécurité et peut être réalisée sous anesthésie locale. Stomatologie
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte ¶ 22-053-A-05
Basiglossectomie chirurgicale. Elle permet une réduction du volume basilingual par une exérèse de 20 cm 3 environ du volume médian de la base de langue, entre vallécule et V lingual, tout en préservant latéralement les pédicules linguaux. Certains recommandent, en cas d’hypertrophie, de réaliser une ablation des tonsilles linguales [102] . Une hyoïdoplastie est souvent associée à cette réduction tissulaire. Cette chirurgie nécessite une voie d’abord cervicale et son taux de succès dans le SAS serait de 50 à 60 % [83]. Basiglossectomie au laser CO2. Elle consiste à réaliser, sous anesthésie générale par voie endobuccale, une amputation du tiers moyen de la base de langue sur 5 cm de long verticalement, 2 cm de large et 1 à 2 cm de profondeur, tout en préservant latéralement les pédicules linguaux et les nerfs grands hypoglosses. En fonction de l’anatomie du patient, peuvent également être ensuite réséqués : l’épiglotte sushyoïdienne, les amygdales linguales et les replis pharyngoépiglottiques. Le taux de succès de cette technique est de l’ordre de 40 % [84]. Réduction du volume basilingual par radiofréquence. Elle est actuellement plutôt utilisée comme traitement ambulatoire sous anesthésie locale [103] mais certaines équipes ont également proposé d’utiliser cette technique par voie cervicale sous anesthésie générale avec guidage fluoroscopique endobuccal pour aider au repérage des pédicules linguaux [104] . Cette technique affiche un taux de succès dans le traitement des SAS légers de 33 % [105, 106] à 50 % [107]. Les principales complications décrites dans la littérature sont : un abcès lingual [108] et une déviation postopératoire transitoire de la langue [109]. C’est une technique de choix en première intention pour le traitement des obstructions basilinguales responsables de rhonchopathie ou de SAS légers de par son faible coût, sa facilité de réalisation et son caractère peu invasif. Il s’agit également d’un traitement approprié de l’obstruction basilinguale pour les SAS modérés et sévères dans le cadre d’une chirurgie multiniveaux. Suspension basilinguale. Il s’agit d’une plastie de la base de langue qui consiste à la suspendre à la mandibule. Elle est réalisée à l’aide d’un ancrage par vis fixée à la partie postérieure de la symphyse mandibulaire sur laquelle est amarré un fil de suture non résorbable. Ce fil est ensuite passé au travers des muscles linguaux d’avant en arrière et ressortant à la partie médiane de la base de langue, puis effectuant le chemin inverse au travers des muscles linguaux controlatéraux. Ce fil est ensuite noué à la vis d’ancrage. Cette technique peu invasive obtiendrait de bons résultats lorsqu’elle est combinée à une UPPP, avec un taux de succès de l’ordre de 80 % dans les SAS sévères [110, 111] . Elle présente également l’avantage d’être réversible en cas d’intolérance en retirant le fil de suture. Hyoïdoplastie et hyoïdopexie. Elles ont pour objectif d’élargir l’espace pharyngé rétro-basi-lingual en rapprochant l’os hyoïde de la symphyse mandibulaire à l’aide de fils synthétiques, de fils d’acier ou encore de bandelettes aponévrotiques, avec (plastie) ou sans (pexie) ostéotomie médiane du corps de l’os hyoïde. Certains auteurs proposent également de solidariser l’os hyoïde au cartilage thyroïde par quatre points, réalisant ainsi une véritable hyo-thyro-mandibulopexie [112]. Le taux de succès de cette intervention sur le SAS atteindrait 90 %. Génioplastie d’avancement. Elle a pour objectif d’élargir l’espace rétro-basi-lingual selon le même principe qu’une ostéotomie mandibulaire d’avancement, en translatant le massif lingual vers l’avant sans modifier l’articulé dentaire. Cette translation est assurée par un avancement des processus géniens, lieu d’insertion des muscles génioglosses, en taillant un rectangle osseux symphysaire en pleine épaisseur (15 mm environ). Ce fragment est ensuite avancé d’une quinzaine de millimètres environ puis mis en légère rotation interne afin d’être synthésé en avant de la symphyse mentonnière à l’aide de vis en titane. Cette technique ancienne n’a pas fait la preuve de son efficacité dans le traitement du SAS [113, 114]. Stomatologie
Maxillomandibulotomie d’avancement ou avancement bimaxillaire Elle permet d’obtenir un élargissement pharyngé rétrovélaire et rétro-basi-lingual par une avancée du bloc maxillomandibulaire ainsi qu’une remise en tension des parois du pharynx. L’intervention débute par l’ostéotomie mandibulaire au niveau de la jonction tiers moyen/tiers postérieur de la branche horizontale de la mandibule, la symphyse est avancée de 12 mm en moyenne afin de projeter le massif lingual, puis synthésée dans cette position à l’aide de miniplaques. Ensuite, une ostéotomie d’avancement maxillaire de type Le Fort I est réalisée afin d’obtenir l’articulé dentaire programmé [115] . Certains terminent l’intervention par une hyoïdopexie associée [116]. Les indications de cette chirurgie sont, soit réservées à l’échec des autres traitements chirurgicaux, soit recommandées en première intention chez les patients présentant des anomalies céphalométriques à type de rétrognathie et/ou rétromaxillie [117]. Cette chirurgie comporte un certain nombre de risques : hypoesthésie labiale [118], limitation fonctionnelle manducatoire, voire résorption condylienne et un retentissement esthétique incontournable par modification du profil [119] . Le projet thérapeutique est long (18 mois en moyenne) car il nécessite généralement une prise en charge orthodontique pré- et postopératoire. Cependant, cette chirurgie bien que contraignante pour le patient présente un taux de succès de l’ordre de 90 % [116, 118]. Ce type de chirurgie est reconnu plus efficace chez un patient jeune avec un IMC entre 25 et 30. Trachéotomie Chirurgie princeps, elle est efficace dans 100 % des cas puisqu’elle réalise un véritable shunt des VAS [120]. Mais elle entraîne trop de conséquences graves pour pouvoir être envisagée de façon définitive. Elle peut cependant être utile dans des cas extrêmes ou de façon transitoire, notamment en cas d’œdème postopératoire compromettant la liberté des voies aériennes supérieures.
Indications Le traitement de référence du SAOS sévère est actuellement sans conteste la pression positive nocturne continue. Cependant, un certain nombre de patients la refusent d’emblée ou secondairement ou ne la tolèrent pas, ce qui impose de disposer d’une alternative thérapeutique au traitement ventilatoire. La prothèse d’avancement mandibulaire est un traitement peu invasif mais d’indication non ubiquitaire et inconstamment et incomplètement efficace. Elle peut être également utilisée avec la CPAP, soit de façon concomitante, soit en alternance notamment lors des déplacements de courte durée qui compliquent l’observance du traitement ventilatoire. La chirurgie, traitement plus ou moins invasif et souvent irréversible, garde des indications indiscutables notamment dans les SAOS modérés, mais en pratique très variables selon les équipes. Ce traitement chirurgical est bien sûr conditionné par le bilan préthérapeutique qui doit reconnaître le lieu de l’obstruction des VAS. Ainsi, l’obstruction étant souvent à la fois vélopharyngée et basilinguale, s’est développée une stratégie dite multiniveaux. Les techniques chirurgicales les moins invasives doivent être privilégiées. Ainsi, le traitement par radiofréquence, dont la réalisation est possible sous anesthésie locale en ambulatoire (ce qui en limite aussi le coût), est actuellement très utilisé au niveau vélopharyngé ou basilingual. Les implants palatins semblent intéressants mais encore insuffisamment validés en Europe. En cas d’échec de ces traitements peu invasifs, l’attitude dépend des habitudes de chaque équipe. L’UPPP chirurgicale
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22-053-A-05 ¶ Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte
SAOS modéré avec facteur de risque cardiovasculaire ou risque professionnel
Ronflement isolé
Règles hygiénodiététiques Amaigrissement Traitement postural
PPC Échec ou refus
Examen clinique Rétrusion +
Examen clinique Rétrusion –
Traitement vélaire Traitement nasal
Orthèse
Orthèse
Traitement vélaire Traitement nasal
+/– Orthèse
Chirurgie
Rétrusion +
Chirurgie vélaire
Figure 10. Arbre décisionnel. Stratégie thérapeutique face à un ronflement isolé.
classique garde des indications indiscutables lors de l’obstruction anatomique oropharyngée. Au besoin, elle doit être associée à un traitement basilingual adapté comme la suspension basilinguale qui est à la fois efficace et réversible en cas d’inconfort trop important pour le patient. Enfin, la mandibulomaxillotomie d’avancement est un traitement à l’efficacité reconnue mais qui reste contraignante et pratiquée par quelques équipes maxillofaciales entraînées. Elle se justifie pleinement chez les patients jeunes présentant des anomalies céphalométriques à type de rétromandibulie et rétromaxillie. Les indications thérapeutiques selon le degré de gravité du SAOS sont résumées dans les Figures 10 à 13.
■ Conclusion Le syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil est fréquent chez l’adulte, son retentissement médical et social est sévère, son traitement est ventilatoire en première intention afin d’éviter au mieux les complications cardiovasculaires médiées par la réponse inflammatoire et le syndrome métabolique ainsi que les accidents liés à la somnolence diurne.
Rétrusion –
Chirurgie multiniveau
Chirurgie rétrobasi-linguale
Figure 11. Arbre décisionnel. Stratégie thérapeutique face à un SAOS (syndrome d’apnées obstructives du sommeil) modéré 1. PPC : pression positive continue.
Son dépistage pose le problème de l’absence de matériel simple, fiable et peu coûteux à disposition qui permettrait un dépistage de masse. Actuellement, seuls les arguments cliniques et les données des questionnaires dédiés au ronflement aux apnées et à la vigilance diurne permettent d’orienter le praticien. Ainsi, il semble important que cette pathologie qui présente des expressions cliniques polymorphes soit reconnue par : les médecins référents en première ligne, mais également les spécialistes concernés : cardiologue, neurologue, endocrinologue, pneumologue, chirurgiens stomatologue, maxillofacial et oto-rhino-laryngologiste. Son diagnostic passe alors obligatoirement par un enregistrement polysomnographique ou polygraphique en ambulatoire ou en hospitalisation. Sa prise en charge est optimale si le bilan préthérapeutique est réalisé par une équipe multidisciplinaire associant spécialistes de la ventilation, stomatologue ou odontologiste et chirurgien à compétence maxillofaciale et cervicale.
SAOS modéré peu symptomatique sans facteur de risque cardiovasculaire ni risque professionnel
Orthèse si pas de contre-indication
Amaigrissement Règles hygiénodiététiques Traitement positionnel
Chirurgie si contre-indication à orthèse
Contrôle PSG
PPC si échec
Surveillance si efficace
Figure 12. Arbre décisionnel. Stratégie thérapeutique face à un SAOS (syndrome d’apnées obstructives du sommeil) modéré 2. PSG : polysomnographie ; PPC : pression positive continue.
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Stomatologie
Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte ¶ 22-053-A-05
SAOS sévère IAH > 30 Symptomatique
Ventilation PPC +/– Orthèse
Décision du patient
Chirurgie multiétage ou avancement bimaxillaire
Figure 13. Arbre décisionnel. Stratégie thérapeutique face à un SAOS (syndrome d’apnées obstructives du sommeil) sévère. IAH : index d’apnée hypopnée ; PPC : pression positive continue.
La surveillance au long cours de ces patients est impérative en raison du caractère évolutif de cette pathologie, mais également devant le risque de mauvaise compliance à plus ou moins long terme vis-à-vis du traitement ventilatoire en particulier. .
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D. Bonete, ORL, Spécialiste des hôpitaux des Armées. Service ORL et chirurgie cervicofaciale, Unité de prise en charge des évènements respiratoires liés au sommeil, HIA Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France. Y. Pons, Assistant des hôpitaux des Armées. Service ORL et chirurgie cervicofaciale, HIA Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France. T. Petitjean, Praticien hospitalier. Service ORL et chirurgie cervicofaciale, Unité de prise en charge des évènements respiratoires liés au sommeil, HIA Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France. Laboratoire des troubles respiratoires liés au sommeil, Hôpital de la Croix-Rousse, 103, Grande-Rue-de-la-Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, France. D. Beaute, Spécialiste des hôpitaux des Armées, pneumologue. Service pneumologie, Unité de prise en charge des évènements respiratoires liés au sommeil, HIA Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France. J.-B. Nottet, Professeur agrégé. B. Suc, Spécialiste des hôpitaux des Armées. Service ORL et chirurgie cervicofaciale, HIA Desgenettes, 108, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Bonete D., Pons Y., Petitjean T., Beaute D., Nottet J.-B., Suc B. Syndrome d’apnées obstructives du sommeil de l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-053-A-05, 2008.
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¶ 22-054-A-10
Affections des lèvres E. Piette La région labiale comprend toutes les parties molles qui constituent les deux lèvres et forme la paroi antérieure de la cavité buccale. Les affections locales, régionales ou générales susceptibles d’atteindre principalement ou accessoirement les lèvres sont très nombreuses. Les lèvres interviennent par ailleurs avec les autres effecteurs buccaux dans les fonctions de relation, les fonctions digestives et les fonctions morphogénétiques, en particulier des arcades alvéolodentaires. Seules les atteintes organiques per se seront survolées. La problématique des fentes labiales, isolées ou non, les traumatismes et les cancers labiaux ne sont que très superficiellement mentionnés, étant décrits ailleurs dans l’EMC. Les atteintes labiales d’origine neurologique ne sont pas non plus envisagées. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Lèvres ; Affections des lèvres
Plan ¶ Malformations congénitales et anomalies de développement Malformations et anomalies labiales autres que les fentes labiales Fentes faciales et fentes labiales
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¶ Chéilites communes Chéilites traumatiques et mécaniques Chéilites physiques Chéilites chimiques Chéilites médicamenteuses Chéilites allergiques Chéilites d’origine alimentaire
3 3 3 4 4 4 4
¶ Chéilites d’origine infectieuse Chéilites bactériennes Chéilites virales Chéilites mycosiques Chéilites parasitaires
4 4 5 5 5
¶ Chéilites glandulaires
6
¶ Macrochéilies
6
¶ Chéilopathies vésiculobulleuses non infectieuses
6
¶ Chéilopathies kératosiques, métaboliques et systémiques
6
¶ Chéilopathies à pigmentations ou dyscolorations
8
¶ Chéilopathies d’origine vasculaire et hématologique
8
¶ Chéilopathies tumorales bénignes
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¶ Chéilopathies tumorales malignes
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■ Malformations congénitales et anomalies de développement Malformations et anomalies labiales autres que les fentes labiales Ces atteintes très variées [1-3] sont parfois isolées, parfois associées à d’autres signes d’un syndrome polymalformatif. Leur pathogenèse reste un sujet de réflexion. Stomatologie
• Très rares, l’astomie et la microstomie congénitales sont associées à l’agnathie dans le syndrome d’agnathie-synotie (otocéphalie), ou à l’hypognathie en cas de cyclopie. Rarement bilatérale, la macrostomie est habituellement associée à la fente faciale latérale (transversale ou horizontale). Malformation très exceptionnelle, la bouche surnuméraire ou accessoire possède généralement des lèvres bien conformées. • La fusion de la muqueuse labiale supérieure avec la muqueuse gingivoalvéolaire, dans sa portion médiane, crée une bride qui comble le vestibule supérieur et qui donne un aspect hypoplasique à la lèvre, avec une encoche médiane. Cette absence de sulcus vestibulaire est caractéristique de la dysplasie chondroectodermique (syndrome d’Ellis-Van Creveld). • La double lèvre congénitale est presque toujours caractérisée à la lèvre supérieure par une duplication tissulaire horizontale située à la partie muqueuse interne de la lèvre. Ce bourrelet n’est d’habitude pas visible avec la bouche fermée et la lèvre au repos ; il apparaît quand le patient parle ou sourit (Fig. 1) et plus nettement après l’éruption des dents définitives. Le bourrelet est rarement unilatéral et exceptionnellement labial inférieur. Au niveau labial inférieur, il faut distinguer la double lèvre du bourrelet symétrique labial inférieur, microforme du syndrome des fistules labiales inférieures. Une atrophie de l’hémilèvre supérieure découvrant les dents est habituelle dans le syndrome de Romberg (syndrome d’atrophie hémifaciale), exceptionnellement congénital. L’hémihypertrophie, parfois associée à des anomalies chromosomiques, peut affecter les lèvres, la langue, le palais, le maxillaire supérieur, la mandibule et les dents. • À côté des paralysies labiales acquises, parfois cryptogénétiques, il existe de rares cas de paralysie labiale inférieure unilatérale par hypoplasie musculaire congénitale, essentiellement des muscles triangulaire des lèvres et/ou carré du menton. Ces hypoplasies musculaires labiales sont à rapprocher du syndrome du « faciès pleureur asymétrique », anomalie mineure due à l’absence ou l’hypoplasie unilatérale du muscle abaisseur de l’angle de la bouche, souvent associée à des microdélétions [4] du chromosome 22q11. Associé à des anomalies cardiaques, ce syndrome est appelé syndrome cardiofacial de Cayler.
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22-054-A-10 ¶ Affections des lèvres
Figure 1. Double lèvre typique ; noter les indentations médianes, tant supérieure qu’inférieure. Figure 4.
Fistules labiales commissurales bilatérales.
supérieures peuvent être doubles et paramédianes ou latérales, ou simples et médianes. Les mamelons coniques (bosses labiales, monticules labiaux paramédians, élévations en forme de téton), uni- ou bilatéraux (et symétriques), sont diagnostiqués dans un certain nombre de cas de fentes. Les fissures transversales médianes de la lèvre inférieure (encoches labiales) doivent être distinguées des rhagades chroniques évoquées plus loin.
Fentes faciales et fentes labiales Les fentes labiales sont uni- ou bilatérales, isolées ou associées à d’autres malformations locales ou générales. [2] Elles sont beaucoup plus rares à la lèvre inférieure qu’à la lèvre supérieure. Figure 2. Fistules labiales inférieures symétriques par rapport à la ligne médiane ; noter l’épaississement labial dans la même zone.
Fentes faciales Les fentes faciales latérales, transversales ou horizontales se traduisent par une macrostomie. Elles font parfois partie de syndromes polymalformatifs ou microsomies hémifaciales [2] comme la dysostose mandibulofaciale (syndrome de Treacher Collins ou de Franceschetti) ou encore la dysplasie oculoauriculo-vertébrale (syndrome de Goldenhar). Les fentes obliques naso- ou oro-oculaires sont extrêmement rares.
Fentes labiales médianes
Figure 3. Mamelons coniques labiaux inférieurs (monticules paramédians) typiques d’un syndrome de Van der Woude.
• Les fistules labiales (puits, pits ou sinus) ont un terrain héréditaire et surviennent de manière isolée ou en association avec d’autres malformations comme les fentes orofaciales. Les petits puits asymptomatiques sont d’habitude situés symétriquement en zone rouge de Klein (Fig. 2), parfois au sommet de petits mamelons ; ils sont parfois unilatéraux, voire médians et éventuellement bifides. Associés à une fente palatine ou à une fente labiopalatine, ils forment alors le rare syndrome de Van der Woude (Fig. 3) à transmission autosomique dominante avec pénétrance élevée et expressivité variable. [5, 6] Rares, les fistules commissurales sont uni- ou bilatérales (Fig. 4). Très rares et isolées, les fistules labiales
2
Rares, les fentes labiales inférieures médianes peuvent n’affecter que la lèvre et épargner l’os. Il n’est pas rare d’observer une bride linguo-labio-symphysaire qui entraîne une ankyloglossie. La plupart du temps, le tableau est sévère. Les vraies fentes labiales supérieures médianes sont rares. [2] On les rencontre en association avec le nez bifide et l’hypertélorisme oculaire et, rarement, dans les cas de dysplasies frontonasales. En revanche, elles font communément partie du syndrome oro-facio-digital type II (syndrome de Mohr). Les pseudofentes médianes supérieures sont communes dans certains syndromes comme entre autres le syndrome oro-faciodigital type I (syndrome de Papillon-Léage et Psaume ou dysplasie linguofaciale).
Fentes labiopalatines habituelles Il existe une grande variété morphologique dans les différentes fentes labiopalatines dites habituelles ; la combinaison d’une fente labiale avec une fente palatine est la plus fréquente. La fente labiale non syndromique avec ou sans fente palatine est une anomalie congénitale relativement commune. C’est une malformation complexe résultant de l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux qui sont peu à peu définis. Des études génomiques américaines [7] suggèrent un certain Stomatologie
Affections des lèvres ¶ 22-054-A-10
nombre de régions pouvant contenir des loci de cette malformation, en particulier dans huit régions chromosomiques. Quatre de ces régions (2q37, 11p12-14, 12q13 et 16p13.11-p12) ont été retrouvées dans une autre étude génomique chinoise. Une région, définie par D11S1392, suggère la présence d’un locus particulier pour cette malformation. Néanmoins, il reste d’autres gènes possibles et des régions qui n’ont pas été suffisamment étudiées. Ceux-ci incluent chez ces patients des translocations chromosomiques, des gènes de facteurs de croissance, des métalloprotéases (MMP) et des gènes de facteurs de transcription (patterning), y compris ceux de la famille Wnt. [8]
Fentes labiopalatines associées à des syndromes Beaucoup de syndromes malformatifs [1-3] comprennent des fentes faciales et notamment des fentes labiales. Les malformations sont généralement plus nombreuses chez l’enfant porteur d’une fente labiale bilatérale, avec ou sans fente palatine, que chez l’enfant porteur d’une fente labiale unilatérale.
Figure 5. Mucocèle labiale inférieure par extravasation ; noter l’aspect translucide bleuté.
Anomalies de forme labiale associées à des syndromes Dans de nombreux syndromes polymalformatifs, [1-3] les lèvres peuvent présenter des anomalies de forme caractéristiques.
■ Chéilites communes Chéilites traumatiques et mécaniques La chéilophagie est une manie ou un tic des lèvres (paréiophagie) qui affecte surtout la lèvre inférieure. Ces mordillements sont à distinguer des morsures accidentelles (comme les automorsures), des morsures humaines, des morsures d’animaux ou d’insectes, ainsi que des automorsures infligées dans certains syndromes neurologiques : [2] syndrome de Lesch-Nyhan, syndrome d’indifférence congénitale à la douleur et, occasionnellement, syndrome de Cornelia de Lange. Des chéilorragies auto-infligées sont aussi décrites dans le syndrome de Münchhausen (forme chirurgicale de la pathomimie). La chéilite angulaire est une inflammation chronique des commissures souvent liée à une perte de hauteur de l’étage inférieur de la face, avec exagération du pli commissural et macération dans la salive. [9] Elle se rencontre avec des prothèses usées ou mal adaptées, ou en cas d’abrasion dentaire ou d’édentation non appareillée. Le léchage répété des commissures ou un traumatisme (étirement des lèvres par un écarteur) peut avoir le même effet. D’autres facteurs étiologiques sont aussi à considérer. Cette chéilite se surinfecte souvent, donnant un tableau de perlèche : infection à Candida albicans [10, 11] mais aussi à staphylocoques et streptocoques. Les mucocèles sont le plus souvent de faux kystes traumatiques (morsures, etc.) par extravasation salivaire, plutôt que des kystes par rétention. La localisation labiale surtout inférieure est très fréquente (Fig. 5) ; elle est rarement labiale supérieure. [12] L’hyperplasie fibreuse inflammatoire (diapneusie) se développe progressivement, surtout à la lèvre inférieure, en général en regard d’une brèche, et est entretenue par des tics d’aspiration ou des mordillements répétés (Fig. 6). Le granulome pyogénique est rare au niveau labial (Fig. 7). L’inclusion traumatique de corps étrangers peut entraîner la formation d’un granulome contre corps étranger qui apparaît, surtout sur la lèvre inférieure, comme un nodule dur peu sensible. L’inclusion traumatique d’épiderme peut conduire tardivement dans la lèvre inférieure à la formation d’un kyste épidermoïde d’implantation. À signaler aussi le granulome éosinophile traumatique, qui apparaît parfois au niveau labial inférieur sous forme d’une ulcération aspécifique. Enfin, des traumatismes labiaux (plaies, contusions, écrasements) peuvent aussi survenir en portant des instruments à la bouche (pipettes, instruments de musique, etc.). Chez les joueurs de trompette ou d’autres instruments à vent, la déchirure de l’orbiculaire des lèvres a aussi été décrite ; c’est ce qu’il est convenu d’appeler le syndrome de Satchmo. Stomatologie
Figure 6. délimité.
Diapneusie labiale inférieure ; noter l’aspect ferme et bien
Figure 7. Granulome pyogénique labial inférieur ; noter l’aspect inflammatoire et hyperémique.
Chéilites physiques La chaleur est responsable d’un certain nombre de réactions cutanéomuqueuses dont l’aspect clinique est celui des brûlures. Au niveau labial, les irradiations infrarouge et ultraviolette du soleil peuvent entraîner une dermite aiguë avec œdème important, érythème et même vésicules (chéilite actinique) ; la chéilite actinique affecte la lèvre inférieure et peut dégénérer en carcinome épidermoïde. [13] Ces réactions sont exacerbées quand il existe déjà une dermatose. Certaines substances peuvent aussi,
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en conjonction avec la lumière solaire, produire des dermites phototoxiques. [9] Les brûlures électriques affectent habituellement les deux lèvres. Elles surviennent souvent chez le jeune enfant et les séquelles cicatricielles peuvent être graves. Les chéilites des radiations ionisantes ont une origine iatrogène au niveau labial. Le froid affecte le versant cutané et la zone rouge des lèvres. Les engelures se traduisent par un œdème aigu parfois de longue durée, puis chroniquement par des vésicules, des ulcérations et des croûtes. Les gerçures se manifestent sur une lèvre desséchée par des crevasses transversales. Les rhagades transversales profondes de la lèvre inférieure saignent facilement, surtout par temps froid et sec ; une crevasse typique est la crevasse médiane profonde de la lèvre inférieure, qui s’ouvre à la moindre tension labiale et qui peut être longue à disparaître.
Chéilites chimiques
Figure 8. Chancre syphilitique labial inférieur (collection professeur Civatte).
Un grand nombre d’acides, de bases et de sels peut altérer les muqueuses de la cavité buccale. [9] Le versant muqueux des lèvres est parfois impliqué. Les acides provoquent une cautérisation pelliculaire qui a parfois une couleur caractéristique. Les bases sont plus agressives. Les sels exercent leur action à travers leur hydrolyse en acide et en base.
un streptocoque, voire par un staphylocoque chez l’enfant. La chéilite angulaire est tenace et disparaît rarement complètement d’emblée. Signalons aussi que l’hypervitaminose A est responsable de lèvres sèches, écailleuses.
Chéilites médicamenteuses Une stomatite exfoliative sérieuse (érosions et ulcérations disséminées), guérissant seulement lentement, peut se développer plusieurs semaines après l’administration d’un médicament. Des érosions et ulcérations labiales hémorragiques sont aussi observées pendant les traitements par agents alkylants, par antimétabolites et par antibiotiques antitumoraux. Un lichen plan atypique réversible, qualifié de « réaction lichénoïde », se développe sur les muqueuses buccales et la langue après administration de certains médicaments ou métaux. [9] Au niveau labial, les éruptions fixes postmédicamenteuses sont fréquentes avec le naproxène surtout mais aussi avec les oxicams. [14]
Chéilites allergiques Elles sont de type immédiat (ou anaphylactoïde), comme l’urticaire, l’œdème de Quincke, l’asthme et le choc anaphylactique, et de type retardé, comme les allergies de contact, les allergies médicamenteuses et les allergies de certaines infections. [9] Les chéilites et les dermites péribuccales sont souvent dues au rouge à lèvres, qui provoque des eczémas desquamatifs et fissuraires rapidement infectés par des streptocoques ; la sensibilisation est due soit au colorant, soit au parfum, soit encore à l’excipient gras. D’autres chéilites sont dues aux savons, aux crèmes de beauté, aux dentifrices, aux métaux, au bois, aux plantes, aux matériaux dentaires (notamment à l’or des couronnes et au mercure des obturations dentaires), [15] aux médicaments à usage externe ou encore aux anesthésiques locaux et aux produits professionnels. Des chéilites ont été observées chez des sujets rongeant des ongles recouverts de vernis et des hémorragies labiales chez des sujets rongeant des ongles recouverts de produits durcisseurs. Certains aliments et de très nombreux médicaments sont aussi responsables de chéilites allergiques.
Chéilites d’origine alimentaire Diverses carences alimentaires sont responsables de chéilites érythématosquameuses souvent surinfectées : c’est le cas pour les vitamines B2 (ariboflavinose), B12, C, acide folique, acide pantothénique, et pour les carences en fer (anémies ferriprives hypochromes). Ces carences se manifestent essentiellement par la perlèche. [9] Les asialies, les pertes de hauteur occlusale contribuent à la formation de la lésion, qui se surinfecte presque toujours, par Candida albicans chez l’adulte et plutôt par
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■ Chéilites d’origine infectieuse Chéilites bactériennes Les chéilites microbiennes peuvent apparaître d’emblée ou faire partie d’un syndrome de voisinage. [9, 16] L’érysipèle peut avoir un point de départ labial angulaire et s’étendre à toute la face. À signaler aussi les vésicules, bulles ou pustules d’affections bactériennes comme l’acné, la folliculite (dont le sycosis à staphylocoques dorés, essentiellement de la lèvre supérieure), le furoncle, l’impétigo, voire rarement l’anthrax qui affecte parfois aussi la lèvre supérieure ; une étude anglaise [17] a montré la présence relativement fréquente du staphylocoque doré dans la cavité buccale, sans qu’il soit encore possible de décider s’il s’agit d’une simple colonisation ou d’une infection. En dehors de l’énanthème caractéristique, la scarlatine à streptocoques b-hémolytiques du groupe A s’accompagne d’une éruption érythématopapuleuse très fine sans espace de peau saine. Une fasciite nécrosante à streptocoques est possible mais rare au niveau labial. Citons aussi les localisations faciales des rickettsioses (à coccobacilles pléomorphes ayant des caractéristiques similaires à celles des virus et des bactéries) : au niveau labial cutané, surtout les macules rosées de la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses, également les vésicules muqueuses à halo érythémateux du stade secondaire de la rickettsiose varicelliforme ou vésiculeuse. Exceptionnel est le rhinosclérome qui affecte les narines et la lèvre supérieure ; l’infiltration profonde et diffuse de la lèvre prend l’aspect d’énormes chéloïdes. Parmi les infections dites spécifiques, il faut considérer la syphilis, qui se manifeste au stade primaire par le chancre (Fig. 8), qui guérit spontanément en quelques semaines ; la lymphangite qui l’accompagne parfois provoque une macrochéilie (Fig. 9). Au stade secondaire, le versant cutané des lèvres peut montrer des syphilides érythémateuses, maculopapuleuses ou érosives (plaques muqueuses arrondies ou ovalaires), qui sont en fait très polymorphes avec, au niveau commissural, un aspect de perlèche. Au stade tertiaire, les granulomes indolores ne sont pas rares au niveau labial : après nécrose (« gomme »), ils laissent des ulcérations profondes et destructrices. La syphilis non vénérienne ou endémique ou bejel, est une tréponématose dont les manifestations sont très semblables à celles de la syphilis secondaire, avec notamment les plaques muqueuses. Parmi les tréponématoses non vénériennes, le pian ou « yaws » simule, au stade primaire, le chancre syphilitique. C’est le pian tertiaire ou tardif qui peut avoir un type gommeux ou destructeur ; la destruction centrofaciale est un stade avancé de la « gangosa ». La pinta ou mal del Pinto est strictement cutanée. Stomatologie
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discrètement érythémateuses de la rougeole (paramyxovirus), macules rosées non confluentes de la rubéole (togavirus), petites macules roses discrètes et fugaces de la roséole ou érythème intense du visage lors de l’érythème infectieux (cinquième maladie).
Chéilites mycosiques Mycoses superficielles
Figure 9. Civatte).
Rare macrochéilie de la syphilis primaire (collection professeur
Les candidoses ou moniliases sont particulièrement fréquentes. [18, 19] Au niveau labial, elles se manifestent essentiellement par la perlèche ou chéilite angulaire. La candidose diffuse peut s’accompagner d’une macrochéilite parfois sclérosante. Dans le rare syndrome de polyendocrinopathie-candidose (APECS), des lésions candidosiques affectent les lèvres, les joues, la langue, le palais et le larynx. Plus rare mais très semblable cliniquement à la candidose est la géotrichose qui provoque une chéilite, une perlèche et un érythème péribuccal. [9] Parmi les dermatophytes pouvant affecter le visage, citons les lésions des demi-muqueuses labiales (chéilite desquamante ou perlèche) dues à certaines variétés de Microsporum (canis) et de Trichophyton (rubrum). La lèvre blanche glabre présente parfois aussi avec ces dermatophytes un herpès circiné, alors que les poils de la moustache sont parasités sous forme de sycosis ou de kérion. Les teignes des poils du visage ont un aspect qui varie en fonction du parasite en cause : lésions squameuses ou kérion. Les taches chamois ou rosées du fréquent pityriasis versicolor peuvent aussi gagner le visage.
Mycoses profondes Parmi les mycoses profondes ayant une localisation labiale, [9, il faut surtout retenir l’ulcération infiltrante et végétante de la paracoccidioïdomycose (blastomycose sud-américaine ou maladie de Lutz-Splendore-Almeida) ; la lymphangite oblitérante des lèvres peut donner une macrochéilie en « groin ». Beaucoup plus rares mais affectant le pourtour labial sont les lésions « framboisiformes » de la blastomycose (nordaméricaine) ou maladie de Gilchrist. Rares aussi sont les érosions planes, indolores et infiltrées, ou les gommes et ulcérations végétantes des lèvres rencontrées avec les sporotrichoses primaire et secondaire. La cryptococcose (maladie de Busse-Buschke ou encore torulose) peut développer sur les lèvres des végétations violettes fungiformes ou mûriformes douloureuses. Parmi les autres mycoses profondes, citons les nodules souscutanés violacés de la nocardiose (actinomycétale, pseudomycose), et les nodules dermohypodermiques labiaux supérieurs de l’entomophtorose, dans sa forme parfois dite « faciale basse ». Les mycoses des sinus de la face prennent éventuellement une localisation labiale. L’aspergillose donne des lésions eczématoïdes, verruqueuses ou granulomateuses pseudosporotrichosiques du sulcus nasolabial et de la lèvre supérieure. La grave mucormycose (phycomycose) a souvent une localisation faciale et buccale ; une cellulite jugolabiale est possible, rarement une nécrose cutanée centrofaciale. Enfin, parmi les manifestations labiales des mycoses systémiques, citons la macrochéilite et les ulcérations cratériformes douloureuses de l’histoplasmose.
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Figure 10.
Bouquet de vésicules commissurales d’un herpès labial.
Elle donne au stade primaire des papules érythémateuses ; les pintides secondaires et tertiaires sont dyschromiques. Les localisations labiales de la tuberculose sont rares. Parmi les infections à mycobactéries atypiques, la mycobactérie photochromogène du groupe I de la classification de Runyon est responsable de lésions péribuccales. La lèpre est rare dans nos contrées mais peut affecter les lèvres.
Chéilites virales Les infections par le virus herpes simplex type I sont très fréquentes au niveau labial. [9, 16] Presque exclusivement du type I auparavant, elles sont actuellement aussi du type II. L’herpès labial est caractérisé par l’éruption de nombreuses petites vésicules (Fig. 10), plutôt sur le vermillon. La varicelle et le zona (herpes zoster) sont causés par le même virus du groupe herpes. Au cours de la varicelle, l’éruption peut affecter les lèvres ; au niveau muqueux, le stade vésiculeux peut être très court. Le zona donne une éruption vésiculeuse douloureuse au niveau des hémilèvres homolatérales de l’atteinte. Le molluscum contagiosum (poxvirus) est caractérisé par de petites élevures hémisphériques fermes qui présentent fréquemment une ombilication cupuliforme et qui sont relativement fréquentes sur les lèvres. Le syndrome « bouche-main-pied » (hand-foot-and-mouth disease) est surtout dû au virus coxsackie du type A16. Les lèvres rouges présentent de petites papules érythémateuses qui se transforment en petites vésicules qui s’ulcèrent. Il n’est pas rare de voir aussi des verrues planes sur le versant cutané des lèvres, et des verrues vulgaires à aspect papillomateux, tant du côté cutané que du côté muqueux ; elles sont dues à des papovavirus. [9] En revanche, très fréquemment observés sont les exanthèmes des maladies virales banales : maculopapules confluentes, Stomatologie
Chéilites parasitaires Parmi les protozooses, [9] il faut citer la leishmaniose. La forme mucocutanée ou leishmaniose (sud-) américaine consiste essentiellement en lésions ulcéreuses ou ulcérovégétantes profondes et mutilantes. La forme cutanée (« bouton d’Orient ») consiste en un nodule rouge violacé, à centre ulcéré, recouvert rapidement d’une croûte, voire en une macrochéilie. Parmi les infections helminthiques, on peut mentionner l’exceptionnelle infestation musculaire labiale par le nématode de la trichinose. La localisation labiale (inférieure) des cestodes de la cysticercose et de l’échinococcose est aussi exceptionnelle.
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Figure 11. Aspect de chéilite glandulaire simple, avec ses petits orifices béants blanchâtres.
■ Chéilites glandulaires La rare sialadénite allergique se manifeste par une tuméfaction douloureuse, temporaire et récidivante de la lèvre inférieure, avec parfois des lésions érosives. La lithiase des glandes salivaires accessoires est également rare. La chéilite glandulaire simple, [21] qui débute dans l’enfance et est relativement fréquente, se traduit, au niveau de la face muqueuse de la lèvre inférieure surtout, par de petits orifices béants (Fig. 11) en entonnoir souvent entourés d’un halo blanchâtre leucoplasiforme. La palpation peut donner une impression de nodules, de petits « grains de plomb ». [9] La chéilite glandulaire suppurée superficielle serait une forme atténuée de la chéilite profonde. La lèvre inférieure œdématiée et douloureuse est érosive, recouverte de croûtes impétigineuses ; elle est aussi parsemée de dépressions correspondant aux conduits excréteurs dilatés. Beaucoup plus rare, la chéilite glandulaire apostémateuse est une forme chronique et douloureuse, suppurée profonde ; elle aurait un caractère héréditaire et une transmission autosomique dominante. [22]
■ Macrochéilies Le syndrome d’Ascher est constitué par l’association d’une tuméfaction ferme du versant muqueux des lèvres, réalisant une « double lèvre », avec un goitre thyroïdien non toxique et avec un œdème accompagné de prolapsus des paupières supérieures (blépharochalasis). [23] L’étiologie reste inconnue. Très rare, le syndrome de Melkersson-Rosenthal est classiquement constitué par une triade de symptômes : des épisodes récidivants de tuméfaction labiale et de parésie faciale accompagnés d’une langue scrotale. [24] L’œdème ferme et intermittent de la région orofaciale intéresse d’abord les lèvres puis les joues ou la langue, le palais mou, les gencives, les paupières ou tout le visage. L’œdème labial indolent, élastique, non inflammatoire intéresse plutôt la lèvre supérieure, parfois les deux, plutôt asymétriquement. Débutant dans la deuxième décennie, dans les deux sexes, les gonflements surviennent par accès de quelques jours, sans jamais disparaître complètement. La paralysie faciale de type périphérique suit, avec d’autres atteintes nerveuses. L’étiologie du syndrome reste inconnue. La similitude histologique avec la chéilite granulomateuse et la chéilite parfois rencontrée dans la maladie de Crohn doit conduire à pratiquer une recherche de maladie de Crohn dans les cas de chéilite granulomateuse ne répondant pas à tous les critères du syndrome de Melkersson-Rosenthal. Différents traitements ont été essayés, avec plus ou moins de succès ; la triamcinolone intralésionnelle a donné des résultats. [25] Très rare, chronique et récidivante, la chéilite granulomateuse de Miescher est définie par sa structure histologique de nodules épithélioïdes qui peuvent rappeler la sarcoïdose. Elle laisse une lèvre bosselée, asymétrique, parfois violacée. [9] Son traitement reste difficile. [26]
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Figure 12. polymorphe.
Éruption
bulloérosive
péribuccale
d’un
érythème
Au cours de la sarcoïdose, différents types de lésions cutanéomuqueuses peuvent être observés. On retiendra surtout ici une macrochéilite granulomateuse plutôt latérale ou commissurale. Une macrochéilie par dépôt amyloïde est parfois aussi retrouvée dans l’amyloïdose primaire (type Lubarsch-Pick). [9]
■ Chéilopathies vésiculobulleuses non infectieuses À côté des lésions cutanées typiques en cocarde, l’érythème polymorphe présente aussi des lésions plus sévères, vésiculobulleuses ou bulloérosives péribuccales (Fig. 12). Ce sont les formes sévères (encore appelées syndrome de Stevens-Johnson ou ectodermose pluriorificielle). [27] Rare et beaucoup plus grave est la nécrolyse épidermique toxique [28] (syndrome de Lyell) qui, après un rash morbilliforme rapidement confluent, donne des vésicules et des bulles qui s’ulcèrent. [11] Le pemphigus vulgaire est une maladie grave se manifestant sur les muqueuses buccales par des lésions bulleuses qui laissent rapidement des plages érosives très douloureuses. [29] Moins fréquent mais présentant souvent des lésions labiales est le pemphigus végétant, qui est une forme moins grave de pemphigus vulgaire ; le vermillon des lèvres se couvre de granulations verrucoïdes qui se développent sur les érosions laissées par la rupture des bulles. L’atteinte buccale est habituelle dans la rare pemphigoïde cicatricielle ou pemphigoïde muqueuse bénigne (dermatite bulleuse mucosynéchiante et atrophiante) de la femme âgée : [29, 30] le vermillon des lèvres présente des érosions et des ulcérations douloureuses qui succèdent à un stade bulleux qui peut passer inaperçu. Les épidermolyses bulleuses sont des dermatoses héréditaires qui se manifestent après un traumatisme. Dans la forme dystrophique récessive, c’est la variété généralisée qui donne les lésions les plus sévères : érosions et ulcérations profondes des muqueuses et des lèvres laissant des cicatrices permanentes. [9]
■ Chéilopathies kératosiques, métaboliques et systémiques Le lichen plan a, sur le bord rouge des lèvres, l’aspect d’un enduit blanchâtre ou opalin punctiforme ou réticulé fin [31, 32] (Fig. 13, 14). Les leucoplasies de la demi-muqueuse labiale sont des placards plissés blanchâtres, épais mais superficiels, plus ou moins étendus (Fig. 15) ; une forme épidermolytique est décrite. [9] Chez le fumeur de cigarettes, la kératose tabagique blanche en « pastille » bien limitée de la lèvre inférieure est classique. Parfois, une lésion similaire en « décalque » existe au niveau labial supérieur. Les chéilites kératosiques observées sur Stomatologie
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Figure 13. Aspect réticulé fin d’un lichen plan labial (région commissurale droite).
Figure 16. Lèvres amincies avec stries radiaires typiques dans un cas de sclérodermie généralisée.
Figure 14.
Lichen plan labial au stade érosif.
Figure 15. Leucoplasie labiale commissurale au stade de carcinome épidermoïde in situ du côté gauche.
la demi-muqueuse des lèvres, en particulier inférieure, ont un aspect craquelé, fissuraire ou érosif. [9] Signalons aussi la chéilite chronique hyperkératosique ponctuée. La chéilite exfoliatrice de Crocker ou « desquamation persistante des lèvres » de Brocq est caractérisée par de grandes squames croûteuses qui atteignent surtout la lèvre inférieure mais qui peuvent s’étendre aux deux lèvres, tout en respectant les commissures. La desquamation incessante laisse des érosions et des fissures saignantes douloureuses. Cette chéilite s’atténue avec l’âge. La chéilite abrasive Stomatologie
d’Anzicotti-Manganotti est caractérisée par une érosion torpide non indurée et mal limitée de la région moyenne de la lèvre rouge inférieure de l’homme d’âge avancé. Rare est la dyskératose folliculaire (maladie de Darier-White) dont la localisation peut être nasolabiale. Rare aussi est la kératose folliculaire inversée des lèvres. Dans l’ichtyose congénitale, il existe des desquamations cutanées labiales. Une variante inflammatoire exsudative existe au niveau facial et péribuccal : l’érythrodermie ichtyosiforme congénitale. Le psoriasis affecte parfois la lèvre blanche sous forme de papules érythémateuses recouvertes de squames épaisses, blanches et nacrées. L’acanthosis nigricans a fréquemment une localisation labiale dans sa forme adulte maligne. Parmi les leucokératoses, épaississements blanchâtres en placards de la muqueuse, il faut citer les affections suivantes : [9] la rare pachyonychie congénitale, la dyskératose congénitale, qui n’est pas réellement une dyskératose, le nævus blanc spongieux de Cannon, la kératose palmoplantaire et la dyskératose intraépithéliale bénigne héréditaire. À signaler aussi le rare syndrome d’Olmsted, atteinte congénitale caractérisée par une kératose palmoplantaire sévère, une kératose périorificielle et une hypotrichose ; [33] les coins de la bouche et le dos de la langue sont affectés. La rare xeroderma pigmentosum associe une hypersensibilité de la peau à la lumière, avec érythème, atrophie, pigmentation, sécheresse, télangiectasie et cancer des zones exposées. La forme discoïde du lupus érythémateux affecte le vermillon des lèvres (surtout inférieure), sous forme de papules érythémateuses ou de plaques ulcérées au début, ou sous forme de zones atrophiques à bordure leucokératosique. [9] La sclérodermie généralisée (Fig. 16) amincit et raccourcit les lèvres qui présentent typiquement des rides radiaires. La sclérodermie en plaques donne au niveau cutané des plaques rosées qui ont un aspect brillant avant de blanchir ; au niveau muqueux, l’aspect est celui d’une leucokératose. La sclérose systémique progressive provoque une atrophie labiale progressive avec rétraction et découverte des dents. La dermatomyosite peut tuméfier les lèvres, avec des papules, des ulcères et des placards leucoplasiques, avant l’évolution vers l’atrophie. Des cas de myosite proliférative ont aussi été décrits au niveau labial ; la macrochéilie peut être spectaculaire. [9] Les différentes variétés de troubles des lipides plasmatiques, en particulier la xanthomatose disséminée, peuvent parfois amener des dépôts xanthomateux jaunâtres au niveau de la face, des lèvres et même de la bouche. [9] Des nodules jaunes sous-muqueux existent aussi au niveau labial inférieur (10 % des cas) et sur les muqueuses buccales dans le pseudoxanthome
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élastique. La rare protéinose lipoïde infiltre les lèvres, surtout la lèvre inférieure, de dépôts hyalins blanc jaunâtre. Rare est la chéilite à plasmocytes qui se manifeste par un placard érythémateux nettement circonscrit et persistant. Une chéilite prurigineuse ou lymphoplasie bénigne des lèvres peut être observée au niveau de la demi-muqueuse des lèvres. Les ulcérations superficielles douloureuses de l’aphtose affectent le versant muqueux des lèvres. Les aphtoses majeures, comme la périadénite nécrotique de Sutton et le syndrome de Behçet, sont nécrosantes et mutilantes et laissent des cicatrices déformantes. La maladie de Crohn s’accompagne parfois d’une chéilite granulomateuse. [34] Des lésions labiales de pyostomatite végétante (ulcères douloureux à fond grisâtre et à bords arrondis) accompagnent aussi la colite ulcéreuse. [35] Dans la maladie cœliaque, des ulcérations aphtoïdes des muqueuses sont fréquentes. Dans l’acrodermite entéropathique, il existe une pustulose périorale, une chéilite œdémateuse et une stomatite. [36] Enfin, il faut signaler les lésions de type muguet (candidose pseudomembraneuse aiguë) qui peuvent occasionnellement être observées au niveau labial après une transplantation rénale ; ces lésions ne contiennent en fait pas d’hyphes mycosiques mais bien des micro-organismes bactériens très divers. Dans la forme aiguë de la maladie du greffon contre l’hôte (graft-host disease), [37] le rash maculopapuleux, le rash scarlatiniforme ou la nécrose épidermique type syndrome de Lyell peuvent affecter les lèvres blanches.
Figure 17. Lentiginose périorificielle ponctuée dans un cas de syndrome de Peutz-Jeghers.
■ Chéilopathies à pigmentations ou dyscolorations Les pigmentations labiales ethniques sont caractérisées par des macules brunâtres, ardoisées ou même noirâtres de la demimuqueuse ; en zone de Klein, cette coloration mélanique peut même être bleu violacé. À l’inverse, l’albinisme est caractérisé par une pâleur cutanéomuqueuse généralisée. La localisation péribuccale du vitiligo n’est pas exceptionnelle. Citons encore les tatouages brunâtres, bleuâtres ou noirâtres accidentels et rituels, les dépigmentations ou les hyperpigmentations qui suivent les brûlures ou les radiations, les pigmentations jaunâtres ou plus souvent grisâtres ou bleuâtres des médicaments à hautes doses ou des produits chimiques, les colorations jaunâtres, brunâtres, grisâtres ou bleuâtres de certaines maladies métaboliques et endocriniennes, de la neurofibromatose de von Recklinghausen, du syndrome de McCune-Albright, de l’ochronose (ou alcaptonurie), les hyperpigmentations ponctuées, maculeuses ou papuleuses, isolées ou disséminées, du syndrome de Peutz-Jeghers (Fig. 17), du syndrome de Moynahan (lentiginose) ou de la sclérose tubéreuse. [9] Des taches lenticulaires brunes, planes, assez régulièrement disposées sont observées dans la pigmentation mélanique lenticulaire essentielle de la muqueuse jugale et des lèvres (Fig. 18). Cette pigmentation lentigineuse maculaire de Laugier et Hunziger est un désordre acquis qui n’affecte pas que les lèvres et la muqueuse orale, mais aussi les surfaces acrales, les ongles, ou une combinaison de ces localisations, sans atteinte systémique. [38] Les éphélides, les lentigos, les nævi (Fig. 19) et la mélanose de Riehl constituent aussi des pigmentations brunâtres ou noirâtres à localisation parfois labiale. Rappelons aussi que des dépigmentations labiales et des taches achromiques se rencontrent au cours de certaines infections (syphilis, pian, pinta, lèpre, etc.). Une pâleur jaunâtre des muqueuses buccales est habituelle dans les insuffisances rénale et hépatique chroniques. Enfin, de nombreux désordres hématologiques et vasculaires sont responsables de troubles de la coloration labiale. [9] Ils sont évoqués ci-après.
■ Chéilopathies d’origine vasculaire et hématologique Les cyanoses bleuissent les lèvres. Les hématomes traumatiques ou spontanés (diathèses hémorragiques) se traduisent par
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Figure 18. Taches lenticulaires brunes planes des lèvres dans un cas de maladie de Laugier (pigmentation mélanique lenticulaire essentielle de la muqueuse buccale et des lèvres).
une macrochéilie avec des ecchymoses cutanéomuqueuses. [9] Capillaires ou caverneux (Fig. 20), parfois thrombosés (Fig. 21), les hémangiomes apparaissent comme des taches bleues ou noires qui soulèvent la muqueuse labiale. Les angiomes plans et les angiomes saillants, tubéreux, peuvent se développer sur les versants cutané ou muqueux des lèvres. L’hémangiome végétant intravasculaire dit de Masson, lésion pseudotumorale bénigne ubiquitaire, peut parfois affecter la lèvre, sous forme d’un nodule dur et saillant, indolore, ayant l’aspect d’un angiome thrombosé. Dans le syndrome de Maffucci (enchondromatose multiple et hémangiomatose), des angiomes peuvent être observés au niveau labial, jugal, lingual et palatin. Les angiomes de la maladie de Sturge-Weber (angiomatose encéphalotrigéminée) ou du rare syndrome de Klippel-Trenaunay (angio-ostéohypertrophie) peuvent provoquer une macrochéilie. [9] Les lymphangiomes se manifestent dans leur forme caverneuse par une macrochéilie molle. Dans la maladie de Fabry (thésaurismose), il existe de nombreuses ponctuations rouge vif de la demi-muqueuse (angiokératomes), en particulier sur la lèvre inférieure. De petites télangiectasies labiales rouges ponctuées et de petits nodules pseudoangiomateux sont trouvés régulièrement dans la maladie de Rendu-Osler. Des télangiectasies labiales sont également Stomatologie
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ecchymoses, des pétéchies, des hémorragies muqueuses sont fréquentes dans le purpura thrombocytopénique idiopathique de Werlhof. Les anémies aplasiques donnent des ulcérations muqueuses superficielles à fond gris-brun. Les ulcérations labiales bien délimitées de l’agranulocytose sont sévères et profondes, sans bordure érythémateuse. La neutropénie cyclique (périodique) est également responsable d’ulcérations déchiquetées qui guérissent en laissant une cicatrice, tout comme la neutropénie chronique hypoplasique et la granulocytopénie familiale chronique bénigne. [9] Les leucémies donnent des ulcérations labiales saignantes, surtout les formes aiguës.
■ Chéilopathies tumorales bénignes Figure 19. Nævus intradermique labial supérieur très pigmenté. Noter l’absence de déformation du galbe labial.
Figure 20. de 6 mois.
Hémangiome caverneux labial inférieur chez un nourrisson
Figure 21. Hémangiome caverneux thrombosé au niveau labial inférieur gauche, chez une femme âgée.
observées dans le sporadique syndrome CRST ou syndrome de Thibierge-Weissenbach. [9] Des lèvres pâles, fines, inélastiques sont un signe d’anémie ferriprive chronique. Cette atrophie labiale (chéilose) est aussi un signe de dysphagie sidéropénique (syndrome de KellyPatterson ou de Plummer-Vinson). Des lèvres bleuâtres peuvent traduire une polycythémie vraie. Une chéilite chronique est un facteur habituel caractéristique du syndrome de Bloom. Des Stomatologie
De nombreuses lésions tumorales peuvent siéger sur les lèvres. [9] Les petits papillomes labiaux ont un aspect exophytique en « chou-fleur ». Les papillomes multiples peuvent faire partie du syndrome d’hypoplasie dermique focale. Des lésions papillomateuses multiples des lèvres sont aussi observées au cours de la maladie de Cowden (syndrome des hamartomes et néoplasmes multiples). Les fibromes labiaux sont des nodules durs, réguliers, nettement délimités, recouverts d’une muqueuse normale. Les lipomes sont rares au niveau labial. Les xanthomes, névromes, schwannomes (neurinomes) ou neurofibromes n’ont que très exceptionnellement une incidence labiale. La tumeur d’Abrikossoff (myoblastome à cellules granuleuses), petit nodule dur et circonscrit, de coloration jaunâtre, est également rare au niveau labial. Des névromes muqueux multiples (MMN) donnant aux lèvres un aspect épais et nodulaire sont observés en cas de néoplasies endocriniennes multiples (MEN) : MEN type IIa (type 2 ou syndrome de Sipple) et type IIb (type 3 ou MEN ou MMN). [39] Les glandes salivaires labiales accessoires ont parfois un développement tumoral : [9] ce sont des nodules durs, parfois polylobés, généralement mobiles, qui sont surtout des adénomes pléomorphes (de la lèvre supérieure essentiellement), des adénomes monomorphes, rarement des adénolymphomes (tumeurs de Warthin) et exceptionnellement des papillomes canaliculaires inversés. Des adénomes à cellules basales sont aussi décrits au niveau labial. Très rare est le cystadénome papillaire, observé dans la lèvre supérieure. [40] Une métaplasie oncocytaire réactionnelle peut être observée au niveau labial sous forme d’un nodule superficiel ayant l’aspect d’une mucocèle. L’adenomatosis oris se manifeste par de nombreux petits nodules fermes, mobiles et indolents sous la muqueuse. La sialométaplasie nécrosante est aussi parfois observable au niveau labial ; elle simule alors cliniquement le carcinome épidermoïde. Les tumeurs dérivées des glandes sudoripares (syringome chondroïde, syringome papillaire et hidradénome) se manifestent sous forme de nodules de la lèvre blanche. [41] L’acanthome de la gaine pilaire apparaît comme un nodule asymptomatique de la lèvre supérieure surtout ; à rapprocher est le tricholemmome, petite tumeur bénigne d’aspect rugueux de la lèvre blanche, dérivée du follicule pileux. Un mélanoacanthome de la lèvre supérieure a aussi été décrit. Les nævi nævocellulaires, de la lèvre blanche surtout, sont des taches ou des excroissances brunâtres (voire bleuâtres). Dans le cadre de la nævomatose basocellulaire, il peut exister des adénomes sébacés symétriques de la face, nombreux petits « grains de mil » siégeant autour du nez et de la bouche. Enfin, le kératoacanthome prend place parmi les hyperplasies pseudoépithéliomateuses à régression spontanée, dont l’origine semble folliculaire pileuse. La localisation labiale est aussi bien supérieure qu’inférieure (Fig. 22) ; la lésion a un développement rapide qui peut cliniquement et histologiquement simuler un carcinome épidermoïde.
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Le mélanome malin se développe surtout sur un nævus nævocellulaire, moins souvent sur une mélanose précancéreuse ou sur une autre lésion ; il est rare au niveau labial. Enfin, les métastases au niveau labial de néoplasmes à distance sont tout à fait exceptionnelles ; [9] relevons cependant la possibilité de métastases de cancer du sein.
■ Références [1]
Figure 22. Kératoacanthome labial inférieur ; noter la kératinisation de cette hyperplasie pseudocarcinomateuse.
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[7] [8] Figure 23. Érosion chronique croûteuse d’un carcinome épidermoïde labial inférieur.
[9] [10] [11] [12] [13] [14] [15]
Figure 24. Carcinome épidermoïde commissural ulcéré et infiltrant. Noter les placards leucoplasiques endobuccaux.
■ Chéilopathies tumorales malignes De nombreuses tumeurs malignes peuvent occasionnellement affecter les lèvres. [9] La tumeur maligne la plus fréquente de la lèvre est le carcinome épidermoïde (épithélioma spinocellulaire) (Fig. 23, 24), dont la localisation est typiquement labiale inférieure. Il a une variante adénoïde et une variante à cellules fusiformes, qui peut avoir une localisation labiale (inférieure). La forme verruqueuse du carcinome épidermoïde (carcinome verruqueux d’Ackermann) est également décrite au niveau labial. Il faut aussi citer le rare carcinome in situ que constitue la maladie de Bowen, variété cutanée qui simule un placard leucoplasique, et l’érythroplasie de Queyrat, variété muqueuse qui prend la forme d’un placard rouge vif à bords nets et à surface plus ou moins irrégulière, brillante, velvétique. Enfin, la xeroderma pigmentosum se manifeste au stade avancé par une atrophie labiale (inférieure) avec fissurations, kératoses, télangiectasies, et fait le lit de tumeurs malignes. Les tumeurs malignes des glandes salivaires accessoires sont exceptionnelles au niveau labial (surtout inférieur). Le carcinome basocellulaire est le cancer cutané le plus fréquent. Sa localisation labiale (surtout supérieure) est cependant plus rare.
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E. Piette, Ancien professeur agrégé ([email protected]). Service de chirurgie orale et maxillofaciale, Université de Hong Kong ; actuellement en pratique privée, service de chirurgie maxillofaciale, plastique et reconstructrice, Clinique Sainte Élisabeth, 15, place L.-Godin, 5000-Namur, Belgique. Toute référence à cet article doit porter la mention : Piette E. Affections des lèvres. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-054-A-10, 2005.
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Stomatologie [22-056-A-10] Doi : 10.1016/S1283-0852(05)40150-0
Affections du plancher de la bouche
: Assistant, chef de clinique, N. Froget a : Interne, A. Gleizal b : Interne, P. Breton a : Professeur, chef de service adjoint Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, centre hospitalier Lyon Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France b Service de chirurgie maxillofaciale, hôpital de la Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, France
P. Bouletreau a
a, *
*Auteur correspondant.
Résumé Le plancher buccal est une région anatomique particulière de la cavité buccale qui peut être le siège de pathologies stomatologiques spécifiques ainsi que d'atteintes lésionnelles communes à d'autres régions de la cavité buccale. Après un rappel anatomique et la définition de ses limites, nous traiterons, de la manière la plus exhaustive possible, des pathologies pouvant atteindre cette région, à savoir : les pathologies de la muqueuse, les pathologies des glandes salivaires, les tumeurs bénignes, les tumeurs malignes, les pathologies malformatives, les pathologies infectieuses et les pathologies traumatiques. Les pathologies du plancher buccal sont diverses et traitées pour un certain nombre dans d'autres articles de l'EMC. Aussi nous vous conseillons de vous y reporter pour une information plus complète quand cela est nécessaire.
Mots clés : Plancher buccal, Stomatologie, Cavité buccale
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Définition et rappel anatomique Le plancher de la bouche est défini par Rouvière comme l'ensemble des parties molles qui ferment en bas la cavité buccale. Une conception plus moderne limite le plancher à la région sus-mylo-hyoïdienne, moins la langue mobile. Le plancher buccal est donc limité en avant et sur les côtés par la table interne de la mandibule, et en arrière et médialement par le massif lingual. En arrière et latéralement, la limite est théorique par le repli amygdaloglosse et le pilier antérieur de la loge amygdalienne. Le plancher repose sur les muscles mylo-hyoïdiens et il est recouvert d'une muqueuse. La partie antérieure du plancher est formée des deux loges sublinguales, séparées sagittalement en profondeur par les muscles géniohyoïdiens et génioglosses, et au niveau muqueux par le frein de langue. En arrière et latéralement, le plancher correspond aux régions sus-hyoïdiennes et sous-mandibulaires. Le plancher antérieur contient les glandes sublinguales, les canaux de Wharton, les nerfs linguaux ; le plancher, dans ses portions postérieures, contient de manière symétrique : le prolongement conoïde antérieur de la glande sousmandibulaire, le nerf lingual (branche du nerf V3) et les vaisseaux linguaux.
Point fort La pathologie du plancher buccal correspond donc à toute lésion endobuccale intéressant la région sus-décrite. Remarquons que la partie supérieure du plancher est recouverte par la langue en position physiologique de repos, ce qui le protège d'un certain nombre de lésions, notamment dans la pathologie muqueuse et traumatique.
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Pathologies de la muqueuse du plancher buccal Le plancher buccal peut être le siège de toutes les pathologies classiques de la muqueuse buccale, mais son atteinte semble moins fréquente que dans les autres localisations, probablement du fait de la protection relative par la langue mobile.
Aphtose buccale Fréquent et le plus souvent bénin, évoluant par poussées, l'aphte est une ulcération très douloureuse à fond déprimé, recouverte d'une membrane nécrotique de couleur blanc-jaunâtre beurre frais et entourée d'un halo érythémateux. Dans un certain nombre de cas, l'aphtose est le symptôme d'une pathologie qu'il faut rechercher.
Aphtose buccale récidivante D'étiologie inconnue, c'est la pathologie de la muqueuse buccale la plus fréquente. Les lèvres, les joues et la langue sont plus fréquemment atteintes que le plancher. L'origine en serait plurifactorielle, notamment immunologique et génétique. Des facteurs favorisants sont souvent retrouvés : traumatismes mécaniques, troubles endocriniens, période prémenstruelle, stress émotionnel, certains aliments (noix, fromage, fruits frais, coquillages...). Trois formes sont classiquement distinguées.
Aphtose buccale mineure C'est la forme la plus fréquente. Les aphtes de formes ovalaires ou ronds sont au nombre de 1 à 5, mesurent de 1 à 9 mm de diamètre. La guérison est spontanée en 5 à 10 jours.
Aphte géant Aussi appelée maladie de Sutton, les aphtes mesurent 1 à 5 cm, ils sont au nombre de 1 à 5 et sont atrocement douloureux. Ils peuvent s'accompagner d'un oedème ou de dysphagie. L'évolution vers la guérison se fait en 3 à 6 semaines. Une cicatrice rétractile peut persister.
Aphtose buccale herpétiforme Les ulcérations sont petites (0,5 à 2 mm), nombreuses (10 à 100) et confluentes en plaques érosives irrégulières. La guérison se fait en 1 à 2 semaines sans séquelles. Le traitement de l'aphtose buccale récidivante fait appel aux traitements locaux : corticoïdes locaux ou en injection, antibiotiques et antiseptiques en bains de bouche, anesthésiques locaux avant les repas, acide trichloracétique et nitrate
d'argent. Les poussées sévères peuvent être traitées par voie générale : colchicine, thalidomide, corticothérapie.
Aphtose de la maladie de Behçet Les aphtes, identiques aux aphtes buccaux récidivants, doivent êtres associés à deux des atteintes suivantes (critères cliniques diagnostiques majeurs) : ulcérations génitales récurrentes, lésions oculaires, lésions cutanées, hyperergie cutanée.
Aphtoses buccales secondaires L'aphte ou plutôt l'ulcération aphtoïde est ici un symptôme. Il faut alors systématiquement évoquer : • les entérocolopathies telles que : maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, maladie coeliaque ; •
un déficit en vitamine B12 , fer, zinc, acide folique ;
•
une neutropénie cyclique ;
•
une agranulocytose (chimiothérapie) ;
•
une prise médicamenteuse.
Le bilan étiologique d'une aphtose récidivante peut donc comporter : hémogramme, dosage de la ferritine, du zinc, de la vitamine B12 , des folates.
Ulcérations muqueuses Une ulcération est une perte de substance muqueuse profonde, atteignant l'épithélium et le chorion, et pouvant laisser une cicatrice indélébile. Une ulcération du plancher buccal doit faire évoquer en premier lieu une pathologie maligne comme le carcinome épidermoïde et, au moindre doute, une biopsie s'impose.
Ulcération traumatique L'aspect de la lésion varie en fonction du mécanisme traumatique (prothèse dentaire inadaptée, mauvais état dentaire, aliments durs, etc.), de la durée d'évolution et d'une surinfection éventuelle. Les traumatismes physiques (chaleur) ou chimiques (acides, bases) laissent habituellement des cicatrices rétractiles (Figure 1).
Figure 1 Figure 1. Séquelles de brûlure pelvienne par eau de Javel (Collectio n des professeu rs Breton et Béziat). Zoom
Il s'agit en règle d'une lésion unique, douloureuse, à surface lisse, de couleur jaune ou blanc-jaune, à bord érythémateux, pouvant saigner, mais souple au contact. Une lésion ancienne peut devenir irrégulière, végétante,
indurée. Le frein lingual peut être atteint, notamment lors de traumatismes labiaux en traction, ou chez le nouveau-né atteint de quintes de toux (coqueluche). L'arrêt du traumatisme doit entraîner la disparition complète de la lésion en une dizaine de jours. Les diagnostics différentiels à évoquer sont une pathologie néoplasique, la syphilis, l'aphte, la tuberculose, le granulome éosinophile.
Carcinome épidermoïde Le carcinome épidermoïde ou épithélioma spinocellulaire représente 90 % des cancers de la cavité buccale. Le plancher est la deuxième localisation la plus atteinte après la langue. Classiquement, il s'agit d'une lésion chronique ulcéreuse et/ou bourgeonnante, à surface irrégulière, végétante, à bords surélevés, à base indurée et saignant au contact. Des adénopathies cervicales sont systématiquement recherchées. Cependant, les formes cliniques sont multiples : asymptomatiques au début, simples lésions érythémateuses ou blanchâtres, ulcérations d'aspect bénin ou masses exophytiques. Dans ces cas, c'est le terrain qui doit orienter le diagnostic : antécédent de cancer des voies aérodigestives supérieures, homme de plus de 40 ans, tabagisme, éthylisme, mauvaise hygiène buccodentaire. Le diagnostic repose sur la biopsie (qui doit être réalisée en limites de lésion avec une zone saine) avec examen anatomopathologique.
Autres ulcérations du plancher Le chancre syphilitique, l'ulcération tuberculeuse (secondaire à une tuberculose pulmonaire), le granulome à éosinophile sont des affections rares de la muqueuse buccale. Leurs localisations préférentielles sont la langue, le palais et les lèvres.
Lésions oedémato-ulcéreuses Elles sont peu fréquentes, et habituellement dues à des agents physiques (froid, chaud, radiations ionisantes) ou à des agents chimiques (acide acétylsalicylique, sels d'or,
isoniaside, mercure, nickel, etc.).
É rosions muqueuses L'érosion ou exulcération est une perte de substance douloureuse limitée à l'épithélium, non nécrotique et qui guérit sans cicatrice. Un caractère bien circonscrit avec une collerette épithéliale doit faire évoquer une lésion primitive telle qu'une éruption vésiculeuse ou bulleuse. Une érosion peut donc être le premier stade d'une ulcération ou la manifestation d'une maladie vésiculeuse ou bulleuse. Ces maladies sont fréquentes en pathologie buccale et très souvent accompagnées de manifestations cutanées. L'atteinte de la muqueuse semble préférentielle sur les lèvres, les joues, la langue et le palais, mais toute la muqueuse peut être atteinte. Ces lésions sont douloureuses, empêchant une alimentation normale et sont souvent confondues initialement par le patient avec des aphtes.
É rosions postvésiculeuses : viroses Ce type d'érosions muqueuses peut être rencontré au décours des viroses suivantes : la primo-infection herpétique (virus herpès simplex [HSV] 1 ou 2), l'herpangine (virus coxsackies du groupe A), le syndrome mains-pieds-bouche (virus coxackie A16), le zona du nerf V3.
Maladies bulleuses É rythème polymorphe Il donne essentiellement des lésions cutanées typiques en cocardes et atteint l'adulte jeune. Les manifestations buccales sont des vésicules laissant place à des érosions couvertes d'une pseudomembrane nécrotique, préférentiellement sur les lèvres et la région buccale antérieure. Il survient le plus souvent 7 à 10 jours après une poussée d'herpès. Le syndrome de Stevens-Johnson est une forme d'érythème polymorphe atteignant les muqueuses, dans 90 % des cas la muqueuse buccale. Il survient 1 à 3 semaines après une prise
médicamenteuse. Il est parfois associé à une infection à Mycoplasma pneumoniae. Le syndrome de Lyell est la même maladie, mais la cavité buccale est constamment atteinte et plus de 30 % de la surface cutanée peut se décoller, donnant un aspect de linge mouillé. L'origine médicamenteuse est la plus fréquente et la mortalité reste très élevée.
Pemphigus C'est une maladie auto-immune. La cavité buccale est atteinte surtout dans le pemphigus vulgaire et paranéoplasique. Les lésions érosives irrégulières atteignent essentiellement le palais, les joues, les lèvres et peuvent précéder de plusieurs mois l'atteinte cutanée. Une biopsie périlésionnelle fait le diagnostic : acantholyse en histopathologie et dépôt d'immunoglobulines G (IgG) périkératinocytaire en immunofluorescence.
Pemphigoïde bulleuse C'est la lésion la plus fréquente. Les lésions cutanées précèdent habituellement les lésions buccales qui sont présentes dans environ 40 % des cas. Les lésions buccales atteignent surtout la muqueuse jugale, du palais, de la langue et de la lèvre inférieure. La biopsie fait classiquement le diagnostic : dépôt d'IgG ou de C3 sur la membrane basale en immunofluorescence.
Lésions colorées du plancher Leucoplasies Il s'agit de lésions blanches de la muqueuse buccale, qui ne se décrochent pas au grattage et qui ne peuvent être classées cliniquement ou histologiquement dans une entité clinique connue. La leucoplasie est une lésion précancéreuse et l'atteinte du plancher buccal est la plus à risque de transformation carcinomateuse (43 %). Cette lésion, kératosique, est favorisée par des facteurs irritatifs exogènes : le tabac, l'alcool, les candidoses, certains virus. On distingue plusieurs formes cliniques :
• la forme homogène qui est une plaque blanche homogène asymptomatique à surface lisse, ridée ou crevassée ; • la forme nodulaire ou ponctuée qui est plus rare, caractérisée par de multiples petits nodules blancs posés sur une base rouge. Le risque de dégénérescence est majoré ; •
la forme verruqueuse proliférative est d'aspect exophytique. Là aussi, le risque de dégénérescence est accru ;
• la leucoplasie chevelue du sujet infecté par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) atteint surtout la langue et ne dégénère pas. La conduite à tenir devant une telle lésion, d'autant plus qu'elle se situe sur le plancher buccal, est la réalisation d'une biopsie en bordure de la lésion, au besoin guidée par une application de bleu de toluidine et l'examen anatomopathologique. En l'absence de dysplasie, la simple éviction des facteurs favorisants et irritants, une bonne hygiène buccale et la surveillance régulière peuvent être envisagées. Les dysplasies légères et modérées peuvent être traitées par laser ou cryothérapie. Les dysplasies sévères et carcinomes in situ doivent être traités chirurgicalement. Dans tous les cas, une surveillance clinique régulière s'impose, le risque de récidive est important.
É rythroplasie L'érythroplasie est définie comme une lésion rouge feu asymptomatique, généralement plane ou légèrement surélevée, à surface lisse et bien délimitée, parfois érodée, voire ulcérée, et ne pouvant être rattachée à aucune étiologie (c'est-à-dire ne pouvant pas être rattachée à un ensemble lésionnel). Si cette lésion est peu fréquente dans la bouche, le plancher est une localisation préférentielle. L'étiologie peut être une irritation chronique ou une mycose. Une fois ces diagnostiques éliminés, il faut rechercher une « érythroplasie de Queyrat » à haut risque de dégénérescence et la biopsie confirme le degré de dysplasie. Le traitement est l'exérèse chirurgicale.
Lichen plan Le lichen plan atteint exceptionnellement le plancher buccal. Il s'agit d'une lésion asymptomatique le plus souvent, et qui peut présenter plusieurs formes cliniques. La lésion pathognomonique est constituée de stries blanchâtres entrelacées donnant un aspect en feuilles de fougères (stries de Wickham). Dans les autres formes (papuleuse, réticulée, en plaque, atrophique, érosive, bulleuse) où la distinction avec une leucoplasie est difficile, et dans la forme striée, au moindre doute, une biopsie avec examen anatomopathologique doit être réalisée. Elle permet le diagnostic et la détection éventuelle d'une transformation maligne (rare, existe surtout pour les formes atrophiques et érosives).
Lésion pigmentée Une lésion pigmentée unique du plancher buccal doit faire évoquer systématiquement un mélanome malin et faire pratiquer une biopsie. La maladie de Kaposi ou sarcome de Kaposi se présente sous la forme de taches violacées ou brunâtres ne disparaissant pas à la pression, indolores, évoluant sur un mode tumoral. La localisation buccale est très fréquente, préférentiellement sur le palais et la gencive. Le sarcome de Kaposi est retrouvé chez les patients immunodéprimés et doit faire évoquer une infection par le VIH. Les diagnostics différentiels sont un tatouage par incrustation d'amalgame lors d'un soin dentaire, ou des dépôts isolés de mélanine décrits sous le nom de macules mélaniques.
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Pathologie des glandes salivaires Lithiases salivaires La lithiase est la plus courante des
sous-mandibulaire étant la plus fréquemment atteinte (Figure 2).
Figure 2 Figure 2. Lithiase sousmandibulair e intracanalai re (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
Lithiase submandibulaire Elle est de découverte parfois fortuite (examen clinique, cliché radiologique). Ce sont le plus souvent les accidents mécaniques qui révèlent la pathologie.
Hernie salivaire C'est une tuméfaction pelvibuccale postérieure, sous le bord basilaire de la mandibule, rythmée par les repas et qui disparaît en laissant sourdre un flot salivaire buccal par l'ostium du canal de Wharton.
Colique salivaire C'est la manifestation d'un blocage complet de l'écoulement salivaire avec spasme du canal de Wharton. Le tableau clinique est identique à la hernie salivaire, mais il s'y associe une douleur violente siégeant dans le plancher et la langue et irradiant dans l'oreille. L'évolution naturelle de cette pathologie en l'absence de traitement se fait vers les manifestations infectieuses (sialodochite, cellulite pelvienne, sous-mandibulite, etc.).
Lithiase sublinguale Elle est plus rare. Les signes de lithiase de la glande sublinguale sont pelvibuccaux antérieurs, en dehors du trajet du canal de Wharton et en dedans de la mandibule.
Le diagnostic de lithiase submandibulaire ou sublinguale se fait sur l'interrogatoire et la palpation bidigitale (Figure 3) qui permet parfois de sentir le calcul.
Figure 3
Figure 3. Palper bidigital (Collectio n des professeu rs Breton et Béziat). Zoom
L'association d'un cliché radiologique occlusal antérieur et postérieur avec un cliché en profil strict ou un orthopantomogramme permet d'objectiver un calcul radio-opaque, qu'il soit intracanalaire ou dans le bassinet de la glande (Figure 4).
Figure 4 Figure 4. Cliché radiologique occlusal antérieur. Lithiase pelvienne (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
En cas de doute (ou de calcul radiotransparent), une échographie peut être réalisée (calculs visibles à partir de 3 mm), ainsi qu'une sialographie aux hydrosolubles. Le traitement repose sur l'association d'antalgiques, spasmolytiques et sialagogues pendant les crises. Des antibiotiques peuvent être ajoutés en cas de signes inflammatoires. La tendance est à la répétition des crises et à la surinfection. Le traitement radical est chirurgical :
extraction du calcul par voie endobuccale s'il est intracanalaire antérieur, par voie externe sous-mandibulaire avec sousmandibulectomie s'il est postérieur ou intraglandulaire. La sublingualectomie peut être pratiquée pour les lithiases sublinguales. L'apparition récente de la lithotripsie extracorporelle et de la sialendoscopie interventionnelle, qui peuvent être utilisées parfois de manière concomitante, permet le traitement endocanalaire de certains calculs.
Lithiase des glandes salivaires accessoires Ces lithiases sont très rares et sont l'apanage du sujet âgé.
Pathologie canalaire Dyskinésies salivaires Il s'agirait d'une dilatation canalaire en réflexe à une « épine irritative buccofaciale ». Des phénomènes ortho- et parasympathiques, en réponse à un stimulus (douleur d'origine muqueuse, dentaire, articulaire...), peuvent entraîner des spasmes et dilatations des voies salivaires responsables de blocages et rétentions, donnant ainsi des tableaux de hernies et coliques sous-mandibulaires alithiasiques. Le bilan clinicoradiologique ne retrouve pas de lithiase. Le traitement est étiologique. La sialendoscopie peut mettre en évidence une sténose canalaire et la dilater.
Mégacanaux salivaires Il s'agit d'une dilatation chronique bilatérale des canaux de Wharton sans qu'une étiologie puisse être retrouvée. Cette pathologie rare se manifeste après 40 ans, et la découverte se fait au décours d'une complication infectieuse. Les ostiums sont alors inflammatoires, la salive abondante et de viscosité augmentée, et la pression de la glande provoque un « éjaculat salivaire » plus ou moins inépuisable.
La palpation des canaux est indolore.
Sialodochites chroniques Il s'agit d'une infection chronique des canaux salivaires qui est rencontrée essentiellement dans la pathologie lithiasique, les mégacanaux, la calcinose et le syndrome de Sjögren surinfecté.
Pathologie infectieuse Les sialites du plancher concernent les glandes submandibulaires, sublinguales et glandes accessoires. En cas d'atteinte essentiellement parenchymateuse, on parle plutôt de sialadénite ; si c'est le canal excréteur qui est atteint, on emploie le terme de sialodochite.
Complications des lithiases salivaires Whartonite Elle se manifeste par l'apparition brutale de douleurs pelviennes irradiant dans l'oreille, associées à une dysphagie, une sialorrhée, une impotence linguale, et parfois une hyperthermie modérée. L'examen retrouve une tuméfaction douloureuse inflammatoire homolatérale de la crête salivaire avec écoulement de pus à l'ostium (Figure 5).
Figure 5 Figure 5. Whartonit e (Collectio n des professeu rs Breton et Béziat). Zoom
L'évolution en l'absence de traitement se fait vers la périwhartonite ou abcès péricanalaire : diffusion de l'infection au plancher, avec apparition d'un trismus et de signes généraux plus marqués. Il s'agit
un sillon (signe du sillon).
Sous-mandibulite ou sialadénite submandibulaire Elle peut être aiguë ou chronique, donnant des tableaux dont les signes fonctionnels et généraux sont plus ou moins intenses. La glande sous-mandibulaire est tuméfiée, de localisation sus-hyoïdienne latérale en dedans de la table interne mandibulaire, de volume constant, et cette tuméfaction n'est pas rythmée par les repas. Il s'y associe des signes canalaires inflammatoires. Une sous-mandibulite d'origine lithiasique peut être inaugurale ou faire suite à un accident mécanique.
Sialadénites infectieuses non lithiasiques Sialadénite virale ourlienne L'atteinte des glandes submandibulaires par le virus des oreillons n'est pas rare. Elle peut être uni- ou bilatérale, isolée ou associée à l'atteinte des autres glandes. Les glandes sublinguales peuvent aussi être atteintes. Cliniquement, il existe une tuméfaction douloureuse de la glande, dans un contexte d'infection virale avec notion de contage, hyperthermie, énanthème, sécheresse buccale et atteinte parotidienne le plus souvent.
Autres atteintes virales La sialadénite submandibulaire à cytomégalovirus (CMV) atteint l'adulte âgé ou immunodéficient. Il s'agit d'un phénomène de réactivation virale. Le diagnostic peut être fait par la mise en évidence de cellules à corps d'inclusion caractéristiques dans la salive. L'atteinte par l'échovirus de type 9 semble possible.
Sialadénite submandibulaire bactérienne Les sialadénites submandibulaires aiguës suppurées non lithiasiques se traduisent par un tableau de tuméfaction inflammatoire du plancher avec pus à
contrairement à son homologue parotidien. C'est une pathologie du nourrisson, d'atteinte unilatérale, qui apparaît dans un contexte de déshydratation, d'immunodépression. Le germe en cause est soit un staphylocoque, soit un streptocoque, parfois transmis par la mère (galactophorite, abcès). Les atteintes tuberculeuses et paratuberculeuses sont rares et réalisent un tableau d'adénite sous-mandibulaire chronique, qui, en l'absence d'un traitement médicochirurgical, fistulise. Il s'agit toujours d'une tuberculose secondaire. De même, pour l'atteinte syphilitique, la syphilis secondaire donne classiquement une hypertrophie asymptomatique sousmandibulaire, un tableau aigu étant cependant possible en cas de surinfection. La syphilis tertiaire semble pouvoir donner un tableau évocateur avec tuméfaction sous-mandibulaire fistulisant à la peau.
Sialadénite submandibulaire actinomycosique Due à Actinomyces israelii , cette infection de la glande évolue vers la fistulisation avec émission de grains jaunâtres typiques.
Sialadénites non infectieuses Sialadénite submandibulaire chronique sclérosante. Autrefois appelée « tumeur de Küttner », cette pathologie atteint essentiellement la femme après 50 ans. Elle se traduit par une tuméfaction submandibulaire uni- ou bilatérale chronique. La palpation de la glande est ferme et pseudotumorale, plus ou moins douloureuse. La salive est peu abondante, épaissie mais non purulente. La sialographie montre une dilatation modérée du canal de Wharton, un parenchyme inhomogène et un retard d'évacuation du produit de contraste. La pathogénie est incertaine : dystrophie glandulaire par insuffisance hormonale (atteinte majoritaire de femmes ménopausées), immunitaire avec formation de microcristaux canaliculaires par modification de la constitution salivaire (lithiases retrouvées dans 40 à 50 % des cas). Le traitement est symptomatique, parfois chirurgical par l'exérèse des glandes volumineuses. Sialadénite sublinguale. C'est une pathologie inflammatoire rare du sujet âgé, se manifestant par une tuméfaction pelvibuccale latérale, ferme et peu
sensible. L'écoulement au Wharton est clair. Elle serait due à l'involution parenchymateuse liée à l'âge et/ou aux traumatismes chroniques. Il existe une forme dite nodulaire : c'est une granulomatose à cellules géantes. Le traitement est chirurgical.
Autres sialadénites Sialadénite radio-induite. Elle survient dans les 24 heures qui suivent une irradiation salivaire. Elle se manifeste par un syndrome aigu associant sialomégalie, douleur et hyposialie. Sialadénite électrolytique. C'est une dyschylie affectant la glande sousmandibulaire, l'augmentation de viscosité entraîne une obstruction des canalicules et une inflammation interstitielle. Elle serait favorisée par le diabète sucré et la cirrhose. Sialadénites allergiques, toxiques et collagéniques. Elles atteignent surtout les glandes parotides ou l'ensemble des glandes salivaires.
Tuméfactions inflammatoires Calcinose salivaire Atteignant essentiellement la femme après 45 ans, la calcinose salivaire réalise un tableau de tuméfaction douloureuse intermittente bilatérale ou à bascule de la glande sous-mandibulaire, avec salive louche ou purulente s'évacuant au Wharton. D'étiopathogénie incertaine (composition salivaire, trouble immunitaire), atteignant un seul groupe de glande chez un patient, l'examen histologique des glandes retrouve des calcifications canaliculaires multiples. Le diagnostic est fait par les radiographies qui montrent de multiples calcifications, et la sialographie qui montre des dilatations irrégulières des canaux et des ectasies parenchymateuses en « boules ». Le traitement consiste en des lavages glandulaires par voie canalaire avec des solutions antibiotiques (rifamycine par exemple) et permet de longues rémissions. Une antibiothérapie générale est possible en cas de poussée aiguë et la chirurgie n'est pas conseillée, au moins en première intention.
Sublingualites C'est la pathologie inflammatoire des glandes sublinguales : tuméfaction latérale du plancher, indolente ou peu sensible située entre la mandibule et le canal de Wharton. La tuméfaction est palpable en région sous-mandibulaire. L'ostium du Wharton reçoit une salive claire. L'étiologie est mal connue : involution du parenchyme salivaire et facteurs favorisants (lithiase, traumatisme chronique). Le traitement définitif est l'exérèse chirurgicale.
Sialite chronique sclérosante Cette lésion chronique de la glande sousmaxillaire, ou « tumeur de Küttner », a été traitée plus haut.
Kystes salivaires Mucocèle Une mucocèle ou kyste mucoïde (Figure 6) est une tuméfaction kystique par rétention salivaire : lisse, indolore, fluctuante et de couleur bleue translucide. On distingue deux types de mucocèle : le kyste d'extravasation et le kyste de rétention dont les parois sont recouvertes d'un épithélium.
Figure 6 Figure 6. Kyste mucoïde (grenouillett e) (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
La mucocèle du plancher peut naître des glandes salivaires accessoires - elle est alors petite et superficielle - ou d'une glande sublinguale. Sa taille est variable, elle est parfois de forme bilobée par le frein de la langue, d'où l'appellation « grenouillette ». Elle peut aller jusqu'à gêner parole et déglutition.
L'évolution spontanée est l'augmentation progressive de volume avec des épisodes de perforation spontanée puis de reformation du kyste. Des surinfections sont possibles. Il existe un type de mucocèle profond, sous-mylohyoïdien, rare : la grenouillette plongeante. Le traitement consiste en une marsupialisation ou exérèse chirurgicale avec parfois nécessité de reprise pour récidive du fait de nombreux prolongements kystiques, et le diagnostic est confirmé par l'anatomopathologie.
Pathologie tumorale Les tumeurs des glandes salivaires représentent environ 3 % de l'ensemble des tumeurs du corps. Cinq à 10 % des tumeurs salivaires sont de localisation sous-mandibulaire, 1 % sont sublinguales. Le degré de malignité augmente avec l'âge, et évolue en sens inverse de la taille de la tumeur. Globalement, les tumeurs sous-mandibulaires sont également bénignes et malignes et les tumeurs sublinguales presque toujours malignes.
Tumeurs épithéliales des glandes salivaires Adénome pléiomorphe C'est une tumeur bénigne également appelée tumeur mixte. Elle représente 53 à 64 % des tumeurs des glandes sousmandibulaires. Cliniquement, il s'agit d'une tuméfaction bien limitée, ferme sans être dure, non fixée, parfois polylobée, d'évolution lente (Figure 7).
Figure 7 Figure 7. Adénome pléiomorp he (Collection des professeur s Breton et Béziat). Zoom
Le traitement est chirurgical avec risque de récidive et de cancérisation après une longue évolution (2 à 3 %).
Adénome monomorphe C'est une tumeur strictement bénigne représentant 5 à 10 % des tumeurs des glandes salivaires.
Adénolymphome C'est une tumeur bénigne atteignant plus volontiers l'homme dans sa sixième décennie, et ne touchant que rarement les glandes du plancher buccal.
Adénome oxyphile Il s'agit d'une tumeur bénigne ferme nodulaire exceptionnellement localisée au plancher.
Autres adénomes monomorphes Les tumeurs bénignes du sujet âgé représentent environ 2 % des tumeurs salivaires. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) distingue : l'adénome à cellules basales, l'adénome canaliculaire, l'adénome papillaire, l'adénome à cellules claires et l'adénome sébacé.
Tumeur mucoépidermoïde C'est une tumeur maligne, deuxième par ordre de fréquence en localisation sousmandibulaire. Elle représente 3 à 10 % des tumeurs salivaires. C'est la néoplasie salivaire maligne de l'enfant. Cliniquement, elle est plutôt arrondie, ferme, mobile, de croissance lente.
Tumeur à cellules acineuses Il s'agit d'une tumeur maligne rare à croissance lente presque exclusivement parotidienne.
Carcinomes salivaires Ces tumeurs malignes représentent 10 à 15 % des tumeurs des glandes principales et 5 % des tumeurs des glandes accessoires. Carcinome adénoïde kystique. Aussi appelé « cylindrome », il représente 15 à 17 % des tumeurs malignes sousmandibulaires et 25 % des cylindromes sont d'origine salivaire accessoire. Cliniquement, il s'agit d'une tumeur ferme, bien limitée, peu douloureuse et de croissance lente, et souvent confondue avec un adénome pléiomorphe (Figure 8). Cette tumeur est infiltrante, atteint autant l'homme que la femme, surtout entre 40 et 60 ans. Récidivante, elle donne des métastases régionales, ganglionnaires, et viscérales (os, poumon, cerveaux, foie, reins) souvent très tardives. Le traitement chirurgical doit être radical et passer largement en tissu sain. Il peut être très délabrant.
Figure 8 Figure 8. Carcinom e adénoïde kystique (Collectio n des professeu rs Breton et Béziat). Zoom
Adénocarcinome. C'est une tumeur ferme, mal limitée de croissance rapide, qui représente 1 % des tumeurs salivaires. Les récidives et métastases sont fréquentes (50 % des cas). Carcinome épidermoïde. Il s'agit d'une tumeur à croissance très rapide et infiltrante, fixée, douloureuse avec tendance à l'ulcération et à l'envahissement nerveux. Le traitement doit être radical et le pronostic est défavorable. Elle représente 1 à 2 % des tumeurs. Carcinome indifférencié. C'est une tumeur épithéliale maligne trop peu différenciée pour pouvoir être classée avec les autres carcinomes, elle représente 1 à 3 % des tumeurs salivaires. Ces tumeurs sont d'évolution rapide et
douloureuse, envahissantes localement et à distance (ganglions, poumon, os, foie, cerveau). Le traitement chirurgical doit être radical et 50 % des patients meurent de métastases viscérales dans les années qui suivent. Carcinome développé sur adénome pléiomorphe. La cancérisation d'une tumeur mixte est estimée à 2 à 5 % des cas. Elle survient sur une tumeur bénigne ancienne ou après chirurgie incomplète ou encore après irradiation d'un adénome bénin. Le symptôme typique est la croissance brusque d'une tumeur dans les conditions sus-citées. Après traitement chirurgical, les récidives sont très fréquentes (50 à 70 % des cas) et les métastases ganglionnaires et générales fréquentes (30 à 70 %). La survie à 5 ans est de 40 à 50 %.
Tumeurs non épithéliales des glandes salivaires Ces tumeurs sont le plus souvent bénignes et se développent à partir des tissus mésenchymateux situés dans les loges des glandes salivaires. Ce type de tumeur est beaucoup plus fréquent au niveau parotidien que sousmandibulaire ou sublingual. Elles naissent aux dépens des enveloppes nerveuses, des vaisseaux sanguins et lymphatiques, ganglions, graisse, tissu conjonctif.
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Tumeurs bénignes non salivaires Tumeurs épithéliales : papillomes C'est une lésion centimétrique pédiculée avec un aspect en « chou-fleur » de coloration rouge ou blanchâtre. Le papillome est dû à un papillomavirus. Il est retrouvé dans les deux sexes et à tout âge. Le risque de récidive après exérèse chirurgicale est élevé.
Kyste dermoïde Il s'agit d'un kyste embryonnaire dont la paroi est constituée d'un épithélium
dermiques (follicules pileux, dents, glandes sudoripares et sébacées). Il est peu fréquent dans la bouche et siège préférentiellement dans le plancher buccal. Il peut être situé en position sus- ou sousmylohyoïdienne. En position susmylohyoïdienne, il réalise une tuméfaction lisse, indolore et fluctuante, mais n'a pas la couleur bleutée de la grenouillette. Le traitement est chirurgical.
« Hernie sublinguale » Il s'agit d'une hypertrophie relative des tissus mous du plancher au niveau d'une zone d'édentation molaire ou prémolaire, responsable d'un aspect pseudotumoral. C'est l'équivalent d'une diapneusie.
Torus mandibulaire (Figure 9) C'est une exostose située sur le versant lingual de la mandibule, au-dessus de la ligne mylohyoïdienne, en regard des prémolaires, et qui n'évolue pas dans le temps. Les tori mandibulaires sont bilatéraux dans 80 % des cas, et leur prévalence atteint 6 % dans la population blanche. En cas de gêne fonctionnelle, notamment pour l'appareillage dentaire, une résection chirurgicale est possible.
Figure 9
Figure 9. Torus pelvien (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
Ostéome mandibulaire (Figure 10 et Figure 11) L'ostéome mandibulaire est une tumeur osseuse bénigne pédiculée ou sessile à croissance lente. Elle siège le plus souvent sur le versant lingual de la mandibule et retentit donc sur le plancher. La résection chirurgicale est possible en cas de gêne
fonctionnelle.
Figure 10 Figure 10. Ostéome mandibulair e (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
Figure 11
Figure 11. Cliché tomodensitométri que 3D du même ostéome pelvien (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
Lipome (Figure 12) Le lipome du plancher, rare, réalise une tuméfaction d'évolution lente, molle, indolore, bien limitée, sessile ou pédiculée, lisse et avec un aspect jaune caractéristique.
Figure 12
Figure 12. Lipome du plancher buccal. Zoom
Fibrome
C'est la tumeur mésenchymateuse la plus fréquente au niveau du plancher buccal. C'est une masse de petite taille, dure, indolore, à croissance très lente, le plus souvent en relation avec un traumatisme, d'origine prothétique notamment.
Myxome Très rare dans la cavité buccale, cette tumeur mésenchymateuse se situe volontiers dans le plancher. Elle se présente comme une tumeur molle bien délimitée, mobile et recouverte d'une muqueuse normale.
Tumeurs d'origine musculaire Le rhabdomyome , tumeur développée aux dépens du tissu musculaire strié, se situe dans 50 % des cas au niveau du plancher quand elle est dans la cavité buccale. Elle réalise une voussure du plancher et peut entraîner un bombement sousmandibulaire. Sa découverte doit faire rechercher d'autres localisations. Le léiomyome , né aux dépens du tissu musculaire lisse, est très rare.
Tumeurs nerveuses Le névrome traumatique réalise un nodule indolore spontanément, mais très sensible à la stimulation, à proximité d'une cicatrice du plancher. Il apparaît suite à une section nerveuse, parfois iatrogène. schwannome Le exceptionnel au (Figure 13).
ou neurinome est niveau du plancher
Figure 13 Figure 13. Schwannom e (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
Le neurofibrome , peu fréquent au niveau du plancher, doit faire évoquer une maladie de Von Recklinghausen. La tumeur d'Abrikossoff , dérivant des cellules de Schwann, peut se rencontrer au niveau du plancher. Elle se présente sous la forme d'un nodule ferme grisâtre non douloureux.
Tumeurs vasculaires Hémangiomes Ces lésions fréquentes sont dues à une prolifération de vaisseaux sanguins regroupés sous le terme de malformations artérioveineuses. Il s'agit d'une anomalie de développement qui est présente dès la naissance ou apparaît dans les premiers mois de la vie. Plusieurs classifications existent : dynamique, fondée sur l'artériographie, et distinguant les lésions actives à circulation rapide des lésions inactives à circulation lente ; ou clinique, fondée sur le potentiel évolutif de la lésion, et distinguant les tumeurs immatures, qui sont présentes dès la naissance et involuent dans les premières années de la vie, des tumeurs matures qui ne régressent pas. Enfin, la classification peut être histologique, en fonction du type de vaisseau atteint. Cliniquement, il s'agit d'une lésion colorée rouge plane (hémangiome capillaire), ou d'une lésion tumorale dépressible rouge sombre (hémangiome caverneux). La décoloration de la lésion à la pression est caractéristique. La taille varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Elle peut s'étendre dans toute la cavité buccale et gêner la phonation, la déglutition, la respiration, voire retentir sur la croissance du massif facial. Le traitement peut être délicat et doit faire discuter : un traitement chirurgical, des injections sclérosantes endotumorales, ou parfois l'abstention thérapeutique.
Lymphangiomes et hémolymphangiomes (Figure 14) Il s'agit d'anomalies de développement du système lymphatique. Fréquentes, elles apparaissent dans les premières années de la vie et sont localisées fréquemment sur la langue et le plancher buccal. Les lymphangiomes se présentent comme de multiples petites tumeurs kystiques molles, incolores ou rouges et non douloureuses. La coloration dépend de la profondeur de la malformation et de son
rapport avec le réseau sanguin (hémolymphangiomes). La taille, qui a tendance à augmenter jusqu'à l'adolescence, peut être très importante et entraîner une gêne fonctionnelle du même ordre que les malformations artérioveineuses. Les surinfections sont possibles. Le traitement chirurgical peut être délicat.
Figure 14
Figure 14. Lymphangiom e (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
L'hygroma kystique ou lymphangiome kystique est une tumeur de même nature : hyperdéveloppement lymphatique par défaut de drainage des vaisseaux collecteurs, souvent présent dès la naissance. Il se présente comme un gonflement diffus et mou, et sa localisation au plancher buccal peut entraîner une détresse respiratoire. Son évolution se fait par poussées et peut se compliquer d'hémorragies intrakystiques et de surinfections. Le traitement est l'exérèse chirurgicale, qui est délicate et comporte un risque de récidive.
Autres tumeurs dysembryoplasiques Nodule thyroïdien ectopique Il peut former une voussure médiane sur le plancher buccal. Il s'agit d'un résidu embryonnaire situé sur le trajet du tractus thyréoglosse. Il mesure en général 2 à 3 cm au moment du diagnostic. Il faut réaliser une scintigraphie thyroïdienne avant tout geste chirurgical car, dans 70 % des cas, une thyroïde ectopique n'est pas accompagnée d'une thyroïde en position normale.
Kyste du tractus thyréoglosse
Il peut aussi être situé sur tout le trajet du tractus thyréoglosse. Il naît de restes non oblitérés du tractus et réalise également une voussure du plancher. L'augmentation de volume est possible, notamment au cours d'une poussée infectieuse. L'exérèse par voie endobuccale est possible.
Kystes dermoïdes et épidermoïdes Ils naissent de reliquats embryonnaires épithéliaux. Le kyste se présente comme un gonflement indolore médian, de couleur normale ou légèrement rouge, pâteux à la palpation. Il peut se situer en position susgénio-hyoïdienne ou entre les muscles géniohyoïdiens et mylohyoïdiens, et la tuméfaction est alors sous-mentale. Il peut se compliquer de poussées inflammatoires. Le traitement est chirurgical.
Kyste lymphoépithélial Il serait dû à la dégénérescence kystique de tissu lymphoïde. Il est entouré d'une capsule et situé en position pelvienne de manière physiologique (oral tonsil). Cliniquement, il forme une masse sousmuqueuse molle, indolore, mobile, de couleur normale, jaunâtre ou rouge. Sa taille va de quelques millimètres à 2 cm. Sa découverte se fait en général autour de 40 ans.
Kystes gastroentérogéniques Ils peuvent rarement se situer au niveau du plancher buccal.
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Tumeurs malignes non salivaires Carcinome épidermoïde Le carcinome épidermoïde est de loin la tumeur maligne la plus fréquente du plancher buccal (97 % des tumeurs malignes). Le plancher buccal est la seconde localisation préférentielle des carcinomes épidermoïdes, après la langue. Il se développe plus fréquemment chez l'homme de plus de 40 ans et est favorisé par l'association tabac-alcool, la mauvaise hygiène buccodentaire, la cirrhose, et les traumatismes chroniques.
Les lésions considérées comme à risque de dégénérescence cancéreuse et que l'on peut retrouver sur le plancher sont : le lichen plan, la leucoplasie, le carcinome verruqueux, l'érythroplasie, les dysplasies épithéliales, le carcinome in situ, l'atrophie muqueuse dans le syndrome de PlummerVinson (anémie sidéropénique) et la leucémie lymphoïde chronique. L'aspect local au stade initial peut être une lésion érythémateuse ou blanchâtre, une érosion ou une petite masse exophytique, souvent asymptomatique. À un stade plus évolué, il se présente comme une lésion chronique du plancher ulcérée, végétante, exophytique, bourgeonnante ou ulcérobourgeonnante, peu ou pas douloureuse, reposant sur une base indurée plus large que la lésion, et qui saigne au contact (Figure 15).
Figure 15 Figure 15. Carcinome épidermoïd e (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
La localisation est plus fréquente à l'extrémité antérieure du plancher et l'extension se fait plus rapidement vers l'arrière que latéralement. Dans les atteintes postérieures du plancher, l'extension aux organes voisins est plus rapide. L'extension locale se fait en profondeur envahissant éléments musculaires, glandulaires et osseux. La lymphophylie est importante, avec envahissement des ganglions sousmandibulaires puis sous-digastriques homolatéraux dans un premier temps. Les ganglions sous-mentaux sont envahis dans les localisations très antérieures. L'extension à distance se fait sous forme de métastases essentiellement pulmonaires, osseuses, hépatiques, ou cérébrales. Le diagnostic est fait par la biopsie avec examen anatomopathologique de toute lésion suspecte. Le traitement repose sur l'association de la chirurgie à la chimiothérapie et radiothérapie.
Autres tumeurs malignes
Elles sont rares. Nous citerons le mélanome et les tumeurs mésenchymateuses : fibrosarcome, rhabdomyosarcome retrouvé chez l'enfant, léiomyosarcome, liposarcome, sarcomes neurogènes...
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Pathologie malformative Aglossie et la microglossie Elles s'associent à une hypertrophie des muscles du plancher et une hypertrophie relative des glandes sublinguales.
Ankyloglossies L'ankyloglossie partielle, correspondant à un frein lingual court, est, dans sa forme bénigne, une pathologie courante du nouveau-né. Elle se retrouve aussi dans un certain nombre de syndromes polymalformatifs (le syndrome de Van der Woude associant fente labiopalatine et fistules labiales inférieures, la cryptophtalmie, le syndrome « hypospadedysphagie », la trisomie 13, le syndrome oro-facio-digital de type II). L'ankyloglossie totale , où le plancher se réduit à un simple sillon gingivolingual ou est inexistant, est rarissime. latérale, affection L'ankyloglossie également rarissime, se rencontre dans les syndromes des premiers et deuxièmes arcs branchiaux.
Syndrome oro-facio-digital de type I Il touche presque exclusivement des sujets féminins, associe des anomalies des extrémités, des phanères, et de la face à une atteinte pelvibuccale : des brides fibreuses relient le vestibule à la langue, en passant par le rebord alvéolaire mandibulaire et le plancher. Ces brides peuvent être uniques ou multiples, donnant ainsi un aspect plurilobé à la langue. S'y ajoutent des tumeurs à type d'hamartomes présents dès la naissance, des dents surnuméraires, des fentes faciales.
Fentes médianes inférieures Elles résultent d'un défaut de migration des bourgeons mandibulaires au stade de l'embryogenèse et sont très rares. Elles varient de la simple encoche du vermillon à une fente totale de l'étage inférieur s'étendant jusqu'à la base du cou, atteignant donc le plancher qui est scindé en deux.
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Pathologie infectieuse (en dehors des infections d'origine salivaire) Les infections d'origine virale et mycosique ont été traitées dans les chapitres précédents (affections de la muqueuse du plancher buccal). Les atteintes parasitaires sont exceptionnelles au niveau du plancher. La leishmaniose américaine et le kyste hydatique peuvent s'y localiser. Les infections bactériennes sont fréquentes, la porte d'entrée pouvant être une ulcération néoplasique ou non, une lésion traumatique accidentelle ou iatrogène, mais le plus souvent, c'est une infection d'origine dentaire qui est en cause. L'évolution est variable en fonction de la localisation de la dent en cause, du terrain, du traitement mis en route. Les évolutions redoutées sont : le retentissement sur les voies respiratoires lié à l'oedème, l'extension locale de l'infection avec nécrose tissulaire, donnant des tableaux gravissimes, et l'extension dans les espaces de décollements parapharyngés avec extension médiastinale. Le principe de la prise en charge consiste en une antibiothérapie probabiliste ou idéalement adaptée au germe si des prélèvements sont disponibles, le drainage chirurgical d'une collection, un traitement symptomatique avec l'usage de vessie de glace et d'anti-inflammatoires stéroïdiens pour limiter les phénomènes oedématoinflammatoires. L'usage d'antiinflammatoires non stéroïdiens est proscrit en raison d'un risque d'évolution vers une forme grave diffuse. Le traitement étiologique de la porte d'entrée est fondamental : extraction de la dent en cause le plus souvent. Différentes formes cliniques peuvent être décrites.
classiques
Cellulite aiguë sous-mylohyoïdienne C'est la forme clinique la plus fréquente. Les portes d'entrées sont les dents dont les apex sont situés sous le plan des muscles mylohyoïdiens, c'est-à-dire les molaires inférieures. Cliniquement, il existe une tuméfaction inflammatoire sous-mandibulaire postérieure avec un oedème pouvant diffuser en région génienne et cervicale. Après un stade séreux dominé par l'oedème, une collection apparaît qui se traduit par une tuméfaction fluctuante associée à un trismus. Le drainage chirurgical se fait par voie mixte endobuccale et externe, parallèle et à distance du bord basilaire de la mandibule, avec mise en place d'un système de drainage.
Cellulite aiguë sus-mylohyoïdienne Les portes d'entrées sont les dents dont les apex sont situés au-dessus du plan des muscles mylo-hyoïdiens, en général les prémolaires inférieures. Cliniquement, il existe une tuméfaction antérolatérale du plancher buccal, avec un oedème gardant le godet, et pouvant soulever la langue. L'évolution de ce stade séreux se fait vers la collection où l'on retrouve une tuméfaction fluctuante accolée à la table interne mandibulaire en regard d'une dent délabrée. Le drainage se fait par voie endobuccale.
Cellulite chronique C'est l'évolution possible d'une cellulite non ou mal traitée (persistance de la porte d'entrée, antibiothérapie inadaptée). Il se forme une fistule endo- ou exobuccale permettant l'évacuation de la collection, et une tuméfaction chronique peut apparaître avec des épisodes de réchauffement, et de fistulisation.
Cellulite diffuse grave On regroupe ici toutes les formes de cellulites à extension rapide à l'ensemble du plancher et diffusant aux régions voisines, mettant en jeu le pronostic vital. La plus connue est « l'angine de Ludwig ». Les facteurs favorisants sont un terrain débilité, l'immunodépression, le diabète,
et l'utilisation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens sur une cellulite banale. Le tableau est bruyant avec un syndrome infectieux clinique et biologique très marqué pouvant évoluer vers le choc septique. Localement, l'oedème inflammatoire domine avec une induration, une extension rapide et une diffusion massive à l'ensemble du plancher puis vers le cou et le médiastin. Il n'y a pas de pus, mais un liquide sérosanglant putride non collecté et une gangrène avec nécrose tissulaire. Le traitement est celui du choc, associé à un traitement chirurgical souvent délabrant qui consiste en des incisions de drainage des espaces de diffusions, excision des tissus nécrosés, lavages, et une antibiothérapie ciblée sur les germes en cause.
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Pathologie traumatique Traumatologie faciale On peut observer des plaies muqueuses lors des fractures mandibulaires par phénomène de cisaillement lors du déplacement osseux. Le plancher peut être le site d'inclusion de corps étrangers osseux, dentaires, et de projectiles lors des gros fracas et des traumatismes balistiques. De même, un hématome du plancher peut se rencontrer lors d'un traumatisme facial ou iatrogène postchirurgical ou après intubation difficile. Il peut avoir parfois un volume important et entraîner une gêne respiratoire : c'est l'hématome suffocant du plancher, qui représente un risque vital important (Figure 16).
Figure 16 Figure 16. Hématome du plancher buccal (Collection des professeurs Breton et Béziat). Zoom
Lésions iatrogènes Les plaies iatrogènes par instrument rotatoire, notamment par fraise, entraînent des lésions de type déchirement et arrachement parfois très délabrantes pour les éléments nobles du plancher. La lésion du nerf lingual lors de plaies postérieures, le plus souvent iatrogènes, entraîne une anesthésie de l'hémilangue homolatérale. Des rétentions salivaires de la glande sous-mandibulaire ou d'une glande salivaire accessoire (kyste mucoïde) peuvent être occasionnées par lésion iatrogène de leur voie excrétrice. Enfin, des tatouages de la muqueuse pelvienne par amalgame peuvent résulter de soins dentaires.
Traumatismes chroniques Les prothèses dentaires mal adaptées sont responsables de nombreuses lésions, à type d'ulcération, lésion papillomateuse, ou lésion parakératosique. Le diagnostic différentiel de carcinome épidermoïde doit être évoqué. La maladie de Riga-Fede ou granulome traumatique à éosinophile apparaît en réponse à un traumatisme chronique (dent délabrée) sur un terrain débilité ou chez le nourrisson lors d'éruptions dentaires. Cette lésion régresse spontanément et nécessite rarement l'exérèse chirurgicale. Des ulcérations du frein lingual par irritation sur les dents peuvent être rencontrées chez le nourrisson victime de quintes de toux (coqueluche).
Figure 1
Figure 1 : Séquelles de brûlure pelvienne par eau de Javel (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 2
Figure 2 : Lithiase sous-mandibulaire intracanalaire (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 3
Figure 3 : Palper bidigital (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 4
Figure 4 : Cliché radiologique occlusal antérieur. Lithiase pelvienne (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 5
Figure 5 : Whartonite (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 6
Figure 6 : Kyste mucoïde (grenouillette) (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 7
Figure 7 : Adénome pléiomorphe (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 8
Figure 8 : Carcinome adénoïde kystique (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 9
Figure 9 : Torus pelvien (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 10
Figure 10 : Ostéome mandibulaire (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 11
Figure 11 : Cliché tomodensitométrique 3D du même ostéome pelvien (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 12
Figure 12 : Lipome du plancher buccal.
Figure 13
Figure 13 : Schwannome (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 14
Figure 14 : Lymphangiome (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 15
Figure 15 : Carcinome épidermoïde (Collection des professeurs Breton et Béziat).
Figure 16
Figure 16 : Hématome du plancher buccal (Collection des professeurs Breton et Béziat).
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-056-A-30
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Affections vélopalatines F Souyris
R é s u m é. – La voûte palatine et son prolongement vélaire possèdent la pathologie la plus riche de toutes les parois de la cavité buccale, richesse bien compréhensible lorsqu’on connaît l’anatomie topographique tissulaire de celle-ci. Sans parler des anomalies congénitales, de multiples maladies générales et régionales se manifestent au palais et leur diagnostic nécessite une connaissance élargie de la pathologie médicale. Les affections d’origine locale ne le cèdent en rien pour ce qui est de la variété et l’on peut dire que les surprises ou les difficultés du diagnostic s’accumulent lorsqu’on ouvre ce chapitre, alors que, curieusement, nombre d’entre elles prennent un aspect clinique peu caractéristique et souvent univoque. C’est la raison pour laquelle l’histologiste reste l’allié principal du clinicien. © 1999, Elsevier, Paris.
Introduction Depuis 8 ans, avec la mise au point de Peron [17] , il n’est pas apparu d’importantes modifications ni de progrès déterminant dans le diagnostic et les méthodes thérapeutiques pour les affections vélopalatines. Ce papier de 1992 garde son actualité pour les traumatismes, les affections bactériennes ou virales, les affections dites dermatologiques et les états précancéreux (fig 1). Nous l’avons très largement repris pour exposer au début les traumatismes et pour donner la valeur sémiologique des ulcérations, tuméfactions et discolorations.
A
Lorsqu’on fait une recherche bibliographique dans les 10 dernières années, on s’aperçoit que la majorité des études ont porté sur la classification clinique et histologique des tumeurs de la voûte palatine ainsi qu’également sur les maladies de système qui pouvaient intéresser cette région. C’est donc sur cet aspect des tumeurs, des processus dégénératifs ou expansifs que nous centrerons notre propos. 1
On s’aperçoit en effet que le palais, soit dans sa voûte, soit dans sa partie mobile, constitue une entité très à part, même pour le restant de la cavité buccale, ne serait-ce que par la présence des tumeurs malignes d’origine salivaire plus fréquentes qu’ailleurs. Enfin, et toujours en ce qui concerne l’oncologie, la discussion reste très ouverte pour la reconstruction palatine après exérèse.
© Elsevier, Paris
L’origine de la majorité des tumeurs est constituée par le tissu salivaire, autrement dit par les glandes salivaires mineures ou accessoires du palais. Un autre contingent est représenté par les tumeurs développées aux dépens de l’épithélium pavimenteux stratifié. Les autres composantes de la voûte palatine ne provoquent qu’exceptionnellement des néoplasies, bien que la très grande diversité de ces tissus d’origine risque d’induire de graves erreurs de diagnostic.
François Souyris : Professeur de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, faculté de médecine de Montpellier, service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, hôpital Lapeyronie, 34295 Montpellier cedex, France.
B
A. Lésion traumatique d’automutilation. B. Traitement par une simple plaque palatine.
Traumatologie de la région palatine Comme Peron l’a fait, nous distinguerons les lésions du palais dur et celles du voile.
Lésions de la voûte osseuse Elles s’inscrivent dans le cadre plus complexe des fractures de l’étage moyen de la face lorsqu’une composante verticale réalise une disjonction plus ou moins médiane. Plus rarement, la fracture irradie du rebord alvéolaire dans la zone latérale. La réduction de l’ensemble fracturaire permet de remettre en place les fragments palatins. Une suture de la fibromuqueuse est le plus souvent inutile si les os sont alignés (fig 1).
Lésions intéressant le voile Toute référence à cet article doit porter la mention : Souyris F. Affections vélopalatines. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-056-A-30, 1999, 7 p.
L’étiologie la plus fréquente est celle de l’enfant qui tombe avec un objet (crayon, cuiller) dans la bouche. Le plus souvent, la plaie a tendance à se
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2 Ostéoradionécrose avec reprise évolutive du carcinome traité.
Stomatologie
3 Dégénérescence d’une érythroplasie du palais à gauche.
refermer mais il ne faut réaliser une suture sous anesthésie générale que lorsqu’il existe une perte de substance, ce qui est exceptionnel. La possibilité d’une atteinte d’un gros vaisseau de la base du crâne doit être envisagée lorsque la plaie du palais est latérale et qu’il existe un hématome rétromandibulaire.
Pertes de substance Les grandes communications bucconasales entrent dans le cadre de délabrements traumatiques majeurs tels que ceux réalisés par coup de feu. Leur réparation sort du cadre de cette étude car elle doit être associée à celle des autres délabrements faciaux. Les accidents de nécrose après chirurgie osseuse se voient dans les suites d’ostéotomie complexe des maxillaires avec mobilisation de plusieurs fragments ou lorsqu’il existe un danger vasculaire représenté par une chirurgie précédente. La perte intéresse alors le secteur palatin et alvéolaire adjacent (fig 2). La réparation en est difficile et impose l’utilisation de lambeaux prélevés à distance dans une zone de vascularisation parfaite. Une autre solution est celle de la prothèse alvéolopalatine qui reste encore très valable.
Ulcérations vélopalatines
4 Leucoplasie verruqueuse en voie de transformation.
Certaines tuméfactions odontogènes s’extériorisent sous la muqueuse palatine. Les infections ou les kystes à point de départ de l’incisive centrale s’étalent entre l’os et la fibromuqueuse et peuvent amener des difficultés d’interprétation. Les autres types de tuméfaction entrent dans le cadre des tumeurs ou des maladies de système et seront largement repris au chapitre suivant.
Discolorations
Les ulcérations virales ne posent pas un diagnostic difficile. Dans l’infection herpétique, le caractère récidivant, l’association à d’autres lésions buccales sont caractéristiques. À l’heure actuelle, les patients immunodéprimés sont les plus touchés par la maladie.
Dans la sémiologie des maladies buccales, il faut attacher une grande importance à la couleur de la lésion. Pour certains, c’est l’élément essentiel du diagnostic et nos maîtres insistaient sur cette connaissance que les méthodes d’imagerie moderne n’ont pas rendu obsolète. Il faut, comme ils le faisaient, distinguer les lésions rouges, blanches et éventuellement les autres.
Ulcérations au cours des dermatoses bulleuses
Lésions érythémateuses
Lupus érythémateux aigu disséminé
À côté des stomatites de la rougeole, scarlatine et mononucléose infectieuse qui intéressent plutôt le voile et le pharynx, il faut faire une place à l’érythroplasie de Queyrat (fig 3). C’est une plaque très bien limitée, rouge vif. Histologiquement, il s’agit d’une lésion précancéreuse où l’on trouve des aspects de displasie modérée ou de transformations carcinomateuses. Deux lésions se présentent également comme des plaques rouges : le lichen plan atrophique et la candidose atrophique aiguë qui augmentent de fréquence avec l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Les ulcérations accompagnent les manifestations générales et ne revêtent pas un caractère spécifique. La biopsie confirme le diagnostic.
Pemphigus et pemphigoïde bulleuse Les bulles survenant chez le patient âgé intéressent les autres muqueuses et les territoires cutanés. Le diagnostic repose sur l’histologie et l’immunofluorescence. Le traitement relève de la corticothérapie à forte dose.
Érythème polymorphe bulleux
Lésions blanches
Les ulcérations polycycliques mal limitées, les lésions muqueuses sont moins caractéristiques que les lésions cutanées. Dans 50 % des cas, une étiologie postherpétique ou médicamenteuse est retrouvée. L’évolution se fait vers la guérison en 10 jours.
Ce sont des kératoses dont certaines sont à surveiller et d’autres à prélever. Il faut donc les reconnaître cliniquement.
Ulcérations muqueuses des hémopathies Elles ne se limitent pas au palais mais elles intéressent également les joues et les gencives. Il est difficile de savoir ce qui revient à la leucémie elle-même et ce qui ressort de la toxicité du traitement.
Tuméfactions vélopalatines Nous serons brefs sur ces lésions qui ont pu être décrites dans d’autres parties de l’ouvrage. Nous pensons en particulier aux dents incluses et à leurs complications, lesquelles ne posent pas de problème de diagnostic difficile. Le torus palatin est également sans ambiguïté : la tuméfaction régulière de la ligne médiane est souvent révélée sous une prothèse instable. Le kyste est soit médian comme le kyste nasopalatin avec son image en « cœur de carte à jouer », soit latéral comme le kyste fissuraire globulomaxillaire situé entre canine et incisive. page 2
Lichen ou la leucoplasie verruqueuse Ils s’observent au contact ou près de lésions de kératose de forme plus habituelle (fig 4).
Candidose verruqueuse hyperkératosique Elle doit être vérifiée par l’histologie.
Papillomatose orale floride Elle évoque un tapis de haute laine par ses végétations souples. Nous l’envisagerons ultérieurement.
Leucoplasie chevelue liée au VIH Elle s’observe surtout à la muqueuse linguale (fig 5). Les autres colorations entrent dans le cadre de lésions diverses comme les angiomes, il s’agit alors de taches bleues, ou comme des nævi, il s’agit alors de taches brunes ou noires. Tous ces aspects seront détaillés dans le chapitre correspondant de l’oncologie palatine.
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5 Leucoplasie chevelue associée à un Kaposi.
6
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Papillome bénin.
Kyste d’origine dentaire.
Tumeurs des glandes salivaires palatines Selon Orden [16], il y a 450 à 750 glandes salivaires au palais. C’est donc là que les tumeurs sont les plus nombreuses (42 à 55 %) quand on considère l’ensemble de la cavité buccale. Un point essentiel qui doit être rappelé en tout premier lieu est que plus de 50 % de ces tumeurs de localisation palatine et d’origine salivaire sont malignes. Divers auteurs ont donné des chiffres assez disparates mais aucun n’est descendu en dessous de ce seuil de 50 %. Plus la glande salivaire est petite, plus grand est le danger de survenue d’une tumeur maligne. Or, on sait que cette proportion n’est que de 30 % pour la glande sousmaxillaire et seulement 10 % pour la parotide. Comme le propose Pogrel [18] , nous les classerons en trois chapitres correspondant à trois stades d’évolution : – les tumeurs bénignes ; – les tumeurs localement agressives ; – les tumeurs métastasiantes.
Aspect clinique général Quelle que soit la nature, la plupart de ces tumeurs des glandes salivaires se présentent avec au moins au début un aspect clinique univoque et qui mérite une description (fig 6). Il s’agit d’une surélévation de la muqueuse en dôme, régulière, de petite dimension. La muqueuse qui recouvre cette tuméfaction est normale, non altérée quoiqu’elle puisse apparaître comme fixée mais c’est une caractéristique histologique due aux attaches normales que l’épithélium contracte avec la profondeur. Une coloration bleue peut être relevée mais il s’agit bien souvent de la transparence de vaisseaux tumoraux à travers la muqueuse. Secondairement, une ulcération peut se produire soit par l’évolution tumorale, soit par un traumatisme, mais au départ la tumeur n’est pas ulcérée. La biopsie des tumeurs des glandes salivaires a été un sujet de controverse car le prélèvement partiel a la réputation d’essaimer les cellules et de provoquer des greffes tumorales. Pour les glandes salivaires majeures, la biopsie doit être réalisée sous la forme d’exérèse. Cependant, au palais, la chirurgie varie selon le type histologique dans des proportions importantes et l’on peut penser que le diagnostic est essentiel avant d’envisager le geste d’exérèse. Dans ce cas, la biopsie doit être réalisée au centre de la lésion, sous la forme d’une prise limitée de type emporte-pièce. L’aspiration à l’aiguille fine est d’une aide considérable et ne comporte aucun risque de dissémination tumorale.
Tumeurs bénignes Représentées par les adénomes monomorphes, les adénomes à cellules basales et les cystadénomes papillaires, les tumeurs bénignes (fig 7, 8, 9) sont peu fréquentes, cliniquement non caractéristiques et d’évolution très lente.
8 Polypose fibroadipeuse dysembryoplasique.
9
A. Papillomatose en « fer à cheval ».
B. Pièce opératoire.
Il s’agit d’une découverte de l’examen biopsique, toujours indiqué lorsque apparaît une tuméfaction palatine d’allure tumorale. Le traitement consiste en une exérèse locale, n’intéressant que les parties molles. La perte de substance peut être laissée intacte dans la mesure où elle se ferme facilement sans difficulté. La mobilisation d’un lambeau qui reste toujours local peut être à la rigueur envisagée. Le point important est l’absolue nécessité d’un contrôle histologique peropératoire en raison de la grande fréquence des tumeurs malignes. Nous aurons l’occasion de le répéter plusieurs fois.
Tumeurs localement agressives Elles sont représentées par les adénomes pléomorphes. Là aussi, c’est une découverte de l’examen histologique ; l’aspect clinique n’est pas démonstratif. Il s’agit d’une tumeur fibreuse, bien circonscrite et encapsulée. Il est habituellement inutile, devant une tumeur de moins de 2 cm (cas le plus fréquent), de pratiquer un scanner ou une imagerie par résonance magnétique (IRM). En revanche, pour des dimensions plus importantes, cela devient essentiel en raison de l’évolution vers la cavité nasale. La ponction à l’aiguille fine peut être raisonnable, elle est en tout cas préférée à la biopsie incisionnelle. La fréquence varie selon les auteurs ainsi que la notion de bénignité. Cependant, les études les plus importantes révèlent des récidives après résection insuffisante. Pour Pogrel, l’excision doit s’étendre au moins à 0,5 cm au-delà de la limite visible et en profondeur jusqu’à l’os avec exérèse de la corticale à la fraise. Pour le palais mou, il faut effectuer une exérèse de pleine épaisseur. La reconstruction ne pose pas de problème majeur comme pour une tumeur bénigne envisagée plus haut. Les récidives sont souvent multiples et la propagation à travers le canal palatin postérieur peut permettre à la tumeur d’atteindre la base du crâne. En fait, cette éventualité est moins retenue dans les publications les plus récentes. page 3
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11 Carcinome adénoïde kystique. Résection laissée ouverte pour permettre la surveillance ainsi que des recoupes biopsiques. Pas de récidive pendant 7 ans.
A
L’IRM est plus intéressante mais notre expérience reste attachée à l’examen clinique réalisé à travers la brèche palatine et parfois guidé par un petit endoscope. Il ne faut pas hésiter à effectuer en consultation des prélèvements dans la cavité, même systématiquement. L’efficacité des rayons en cas de récidive d’un cylindrome reste à démontrer. Dans notre statistique, la radiothérapie n’a jamais entraîné de rémission, même à fortes doses comme certains l’indiquent. Elle est souvent à utiliser en dernier ressort devant une récidive inopérable et à la demande du patient ou de sa famille. Répétons-le, le carcinome adénoïde kystique reste encore une question difficile, d’actualité devant les diagnostics erronés ou tardifs et qui affecte une population jeune, active, à majorité féminine.
B
10
C
A. Résection maxillaire gauche pour carcinome adénoïde kystique palatin. B. Cavité de résection ouverte ayant permis de repérer une récidive non vue au scanner. C. Appareillage d’obturation maxillaire bien toléré.
Par exemple, Chau et Radden [5] ne trouvent pas de récidive sur une série de 53 cas. Cependant, il existe une différence pronostique entre tumeur riche et pauvre en stroma comme pour les autres localisations de tumeurs mixtes.
Tumeurs métastasiantes Ce sont les plus fréquentes des tumeurs salivaires du palais puisque certains les estiment à 82 %. La distribution est variable du point de vue géographique. Aux États-Unis, le carcinome mucoépidermoïde est le plus fréquent alors qu’en Europe, c’est le carcinome adénoïde kystique (Pogrel). En ce qui nous concerne, c’est cette variété qui, dans notre expérience, domine. Ces tumeurs sont rares chez l’enfant.
Carcinome mucoépidermoïde La référence de base est l’article d’Eversole [10] en 1970, mais plus récemment celui de Manganaro et al [14] en 1977 en a amené une meilleure connaissance. Bien que rare avant 20 ans, c’est la tumeur maligne des glandes salivaires la plus fréquente chez l’enfant. L’âge moyen est de 43 ans avec une légère prédominance féminine. Pour Eversole, la localisation palatine représente 41 % des cas de carcinomes mucoépidermoïdes intrabuccaux. Le palais dur est quatre fois plus concerné que le palais mou. Cliniquement, il s’agit d’une intumescence, de couleur variant du bleu au rouge pourpre. La couleur bleue est attribuée d’une part aux cavités kystiques contenant des produits de dégradation sanguine, d’autre part à des ectasies vasculaires. L’ulcération de la muqueuse peut se voir communément. Le scanner et surtout la résonance magnétique permettent de cerner l’envahissement profond du palais. Deux stades histologiques sont décrits : les carcinomes de bas grade sont moins agressifs que ceux de haut grade et sont à traiter différemment. Les tumeurs de haut grade ressemblent au carcinome malpighien et se définissent comme contenant plus de 90 % de cellules tumorales et moins de 10 % d’espace kystique. La question des ganglions satellites est controversée. Ils ont pu être retrouvés dans des tumeurs de haut grade et plutôt pour le voile mou que pour le voile dur. Les métastases n’ont été décrites que dans 8 % des tumeurs des petites glandes salivaires.
Carcinome adénoïde kystique (fig 10, 11) De notre expérience, il se présente comme une tumeur bien limitée, d’accroissement régulier et lent, située à la partie postérolatérale du palais dur. Le diagnostic n’est pratiquement jamais porté avant la biopsie qui est presque toujours réalisée en dehors d’un centre chirurgical et de manière limitée par excision partielle. Dans ces conditions, l’exérèse est programmée le plus rapidement possible avec un contrôle extemporané. La nécessité d’un sacrifice osseux et du contrôle des cavités nasales et sinusiennes nous conduit à utiliser souvent la section bilatérale des maxillaires selon le tracé de Le Fort I, permettant un abaissement du plateau palatin. Le contrôle histologique peropératoire est évidemment à faire mais il ne faut pas lui attacher une valeur définitive concernant l’intégrité des berges de la résection. La propagation du carcinome adénoïde kystique le long des gaines nerveuses peut avoir dépassé la tumeur macroscopique. C’est pourquoi nous préconisons de laisser ouverte la brèche maxillopalatine afin d’avoir un contrôle direct des fosses nasales et de leurs parois.
Récidives La récidive est toujours dramatique car elle survient chez un individu jeune, en pleine santé, souvent rassuré par une première exérèse qualifiée de satisfaisante sur la foi d’une histologie même faite dans de très bonnes conditions. Elle nécessite un abord large des lésions car elle survient en direction de la base du crâne. Il faut utiliser une voie combinée faciale et buccale, la voie dite de Nélaton ou ses variantes (Weber-Ferguson pour les Anglo-Saxons). Le diagnostic des récidives est malheureusement peu aidé par la tomodensitométrie (TDM) qui ne repère que les lésions très apparentes. page 4
Traitement La résection large mais locale est suivie d’un succès complet pour les tumeurs de bas grade. Pour les tumeurs de haut grade, Eversole recommande une exérèse locale contrôlée, un suivi ganglionnaire et une radiothérapie. D’autres proposent une résection osseuse, ce qui paraît raisonnable. Le facteur pronostique est le grade de la tumeur. Les chiffres publiés varient mais ils tournent autour de 80 % de guérison à 5 ans pour les bas grades, descendant jusqu’à 16 % à 5 ans et 0 % à 10 ans pour les hauts grades. À noter que des carcinomes primitifs ont pu être décrits associés à la présence du carcinome mucoépidermoïde salivaire non seulement dans la région tête et cou mais aussi pour le sein. Ceci implique des recherches systématiques en cas de tumeur maligne de ce type au palais.
Adénocarcinome Comme pour le précédent, il existe deux variétés histologiques, cliniques et évolutives. – Les adénocarcinomes indifférenciés, souvent douloureux et rapidement ulcérés, se distinguent des tumeurs précédemment décrites. La résection doit être large mais complétée par la radiothérapie. – Les adénocarcinomes polymorphes de bas grade constituent une entité de description relativement récente. L’article de Crean et al [6] fait le point actuel de la question. Tumeur indolore, invasive localement et même régionalement, l’adénocarcinome a une limite fibreuse mais pas de capsule. Nombre de ses
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13 Leucoplasie transformée, le carcinome est en avant, la leucoplasie en arrière. A
14 12 B
A. Carcinome postérolatéral. B. Résultat à 5 ans après radiothérapie.
caractères le rapprochent du carcinome adénoïde kystique avec lequel il a été longtemps confondu. Seuls des critères immunohistologiques peuvent les différencier. Le traitement chirurgical et l’apparition de métastases complètent les similitudes.
Autres tumeurs malignes L’adénome pléomorphe malin représente moins de 5 % des tumeurs des petites glandes salivaires. On ne peut savoir s’il s’agit, au palais, d’une forme primitive ou d’une tumeur mixte dégénérée. Le carcinome à cellules acineuses a une incidence de moins de 2 % [14]. Les récidives sont nombreuses et la survie après 10 ans est de 50 % selon Saito et Tachikawa [19]. Le carcinome à cellules acineuses est rare dans la cavité buccale dont il ne représente que 2 % des tumeurs mais, selon Pogrell, 40 % de cette variété tumorale se situent au palais.
Principes généraux de l’exérèse La résection osseuse avec fenestration du palais est nécessaire en cas de tumeur maligne. Si la tumeur risque d’infiltrer le canal palatin, il faut réaliser une maxillectomie inférieure. Dans ce cas, on peut garder les dents antérieures, ce qui conditionne un bien meilleur appareillage. Si la tumeur nécessite le franchissement de la ligne médiane, c’est la maxillectomie bilatérale qui est indiquée.
Tumeurs d’origine tissulaire autres que salivaires Le palais présente un polymorphisme tissulaire qui explique une variété considérable de processus tumoraux prolifératifs ou dégénératifs de cause locale ou témoignant d’une propagation régionale et enfin s’intégrant dans une maladie de système. Dans ce cas, « tumeur » est pris au sens large du terme et n’est utilisé que pour la commodité de l’exposé. Au premier rang, se présente l’épithélium palatin et sa tumeur maligne d’origine, le carcinome. Il faut différencier cliniquement et sur le plan thérapeutique les carcinomes de la voûte du palais dur et les carcinomes du palais mou, essentiellement de la luette.
Carcinomes de la voûte palatine (fig 12) Dans notre expérience, ils témoignent presque toujours de lésions précancéreuses transformées et, parmi celles-ci, la papillomatose orale floride occupe une situation de premier plan surtout chez la femme. Malgré l’aspect bénin, la papillomatose nécessite une exérèse complète et il n’est pas rare de découvrir un point de transformation dans la préparation lors de l’étude histologique.
Sarcome de Kaposi.
Le traitement est donc chirurgical sauf contre-indication d’ordre anesthésique. Il ne nécessite pas de résection osseuse mais, toujours dans notre expérience, une surveillance rigoureuse permet de repérer soit une récidive de la papillomatose, soit un carcinome au stade précoce, et de le traiter dans de bonnes conditions. Nous avons suivi ainsi des patientes pendant plus de 10 ans en utilisant les résections plus ou moins larges ou la radiothérapie et même, dans un cas, la chimiothérapie de façon efficace. Ces carcinomes reconnus assez précocement sur des lésions de papillomatose, de leucoplasie verruqueuse (fig 13) ou de lichen nous ont paru beaucoup plus contrôlables que ceux qui se sont manifestés d’emblée par une ulcération néoplasique, ce qui n’est pas d’ailleurs spécifique au palais mais constitue une circonstance générale pour la pathologie buccale.
Carcinomes de la luette et du palais mou L’étude de Calais et al [4] a bien fait le tour de la question. La radiothérapie constitue le traitement de choix. Le pronostic dépend de l’envahissement ganglionnaire. L’exérèse est nécessaire dès que les ganglions sont palpables. La radiothérapie de principe est indiquée en N0.
Nævi et mélanomes Les nævi au stade de bénignité sont, dans notre statistique, assez fréquents, peut-être plus que dans les rapports de littérature. En revanche, le mélanome du palais est rare mais de pronostic effroyable.
Processus dégénératifs et maladies de système Sarcome de Kaposi (fig 14) Rappelons ce qu’écrivaient Zachariades et Hatjiolou [24] : un tiers des malades du sida ont un Kaposi et lorsque la cavité buccale est atteinte, le palais est la localisation la plus fréquente.
Sialométaplasie nécrosante Processus inflammatoire qui aboutit à la nécrose d’une petite glande salivaire, elle se présente comme une ulcération profonde précédée d’une tuméfaction. Du point de vue clinique, elle ressemble à un carcinome mucoépidermoïde et, justement, il se trouve que les critères histologiques peuvent être voisins. Bien décrite dans la littérature américaine par Brannon et Hartman [3], cette lésion apparaît peu dans les publications européennes. À l’origine, on retrouve souvent une anesthésie locale pour extraction d’une molaire ; elle guérit en 6 semaines. Dans certains cas, des confusions histologiques avec une tumeur ont provoqué une chirurgie large, disproportionnée. page 5
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AFFECTIONS VÉLOPALATINES
Stomatologie
16 Nécrose après hématomes répétés dans le cadre d’une thrombopathie. Contrairement à la figure 15, la nécrose s’est limitée.
A
Le tableau clinique est celui d’une réaction inflammatoire et nécrosante qui s’exprime dans le terme très général de granulome de la ligne médiane où, à côté de lésions tumorales histologiquement reconnues, on trouve des processus dégénératifs que l’on peut considérer comme un diagnostic différentiel.
Granulomatose de Wegener
B
15 Vascularite nécrosante extensive d’évolution fatale.
C’est une ulcération nécrosante extensive dont le pronostic est réglé par l’atteinte rénale ou pulmonaire [1].
Granulome central idiopathique
Vascularites nécrosantes [22] (fig 15, 16) C’est une maladie des vaisseaux qui aboutit à leur destruction et à leur oblitération. Les manifestations cliniques sont en rapport avec le nombre de vaisseaux affectés et peuvent aller d’un simple purpura à la nécrose fatale. Dans la plupart des cas, la cause est inconnue. L’opinion prévalente est que la vascularite est déterminée par un processus immunologique. De nombreux virus ont été mis en cause comme celui de l’hépatite B, de l’herpès, et récemment, le VIH. Lorsqu’elle se manifeste au palais, la vascularite nécrosante diffuse volontiers aux autres régions maxillaires et nasales.
Lymphomes du palais Pathologies rares mais très diverses décrites sous des appellations variables, on peut cependant distinguer, à côté d’une entité bien définie, les lymphomes non hodgkiniens, un groupe d’affections plus disparates, les lymphoproliférations de la ligne médiane.
Lymphomes non hodgkiniens Tuméfactions bilatérales souvent associées à d’autres atteintes faciales, selon Schaberg et al [20], leur fréquence en augmentation récente est en rapport avec le sida.
Lymphoproliférations de la ligne médiane Les lymphomes de la ligne médiane, de nature primaire et extranodaux, ne présentent pas de dissémination lymphatique et ressemblent cliniquement à une réaction inflammatoire. On peut y reconnaître les lymphomes à cellules T [15] , les lymphomes angiocentriques inconnus dans le monde occidental mais relativement fréquents en Asie et en Amérique du Sud.
Il ulcère le palais secondairement après avoir commencé par une lésion vestibulaire ou une lésion nasoseptale. Il ne peut être considéré comme une tumeur puisque la mise en évidence de cellules tumorales dans le prélèvement fait éliminer le diagnostic. Cette affection décrite par Mac Bride dès 1887 n’est en définitive pas fondée sur une description histologique sans caractéristique mais plutôt sur la clinique qui constitue la base du traitement.
Problème de la reconstruction palatine Avec les progrès de la chirurgie reconstructrice et surtout des techniques de lambeaux libres, la réparation des pertes de substances palatines a fait l’objet de travaux expérimentaux et cliniques depuis déjà plusieurs décennies mais, dans les dernières années, les indications se sont affinées. La fermeture des pertes de substance après exérèse pour tumeur demeure un exercice technique difficile, mais ceci étant, les auteurs demeurent divisés sur cette question lorsqu’il s’agit de tumeurs susceptibles de récidiver. Wilk et al [23] s’efforcent de reconstruire le palais avec le maxillaire chaque fois qu’ils le peuvent mais comme la majorité des auteurs partisans de cette attitude, ils ne s’attachent qu’à la réparation des parties molles et pas à celle de l’os. D’autres ont la même tendance chirurgicale mais utilisent des plasties régionales ayant depuis longtemps fait leur preuve comme la transposition du muscle temporal [7, 12]. Enfin beaucoup, dont nous-mêmes, laissent la perte de substance ouverte afin de suivre directement l’évolution de la cavité de résection et de réaliser des contrôles visuels et biopsiques sans aucune difficulté. Dans ce cas, c’est la prothèse maxillofaciale qui reste une excellente solution beaucoup mieux supportée qu’on ne le pense généralement. Dumont-Massardier et al [9] à Lyon et Guilbert et al [13] à Paris témoignent, pour deux grandes écoles de stomatologie, de cette conception que partagent, semble-t-il, une majorité de spécialistes, même dans les pays les plus avancés sur le plan technique.
Références ➤
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-056-T-15
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Chirurgie et rééducation de l’articulation temporomandibulaire (en dehors de l’ankylose) JF Chassagne S Chassagne JE Bussienne F Gimel E Simon JP Fyad C Stricker
Résumé. – De nombreuses techniques chirurgicales ont été proposées pour les différentes atteintes pathologiques non traumatiques de l’articulation temporomandibulaire. Leur nombre rend compte des incertitudes qui subsistent quant à la pathogénie des troubles, des difficultés d’accès à une articulation protégée par le surplomb temporal et située sous les ramifications du nerf facial. Les situations pathologiques et donc leur prise en charge chirurgicale sont très différentes suivant qu’il s’agit des fréquents dysfonctionnements discocondyliens, des luxations condyloglénoïdiennes ou de la reconstruction de l’articulation. Les auteurs envisagent les avantages et les inconvénients des différentes techniques et exposent leur attitude dans ces différentes situations. L’anesthésie pour ce type de chirurgie pose également des problèmes principalement liés à l’existence d’une limitation d’ouverture buccale et à la possibilité de survenue de troubles par réflexe trigéminocardiaque. Comme pour toute chirurgie articulaire, un geste chirurgical ne peut se concevoir sans accompagnement kinésithérapique dont les modalités sont exposées. De nombreux progrès restent à faire, en particulier dans le domaine du matériel ancillaire et des reconstructions prothétiques. L’utilisation d’optiques grossissantes se révèle de plus en plus indispensable au fur et à mesure de l’affinement des techniques. Les indications de ces techniques chirurgicales sont envisagées dans un autre fascicule, mais la chirurgie ne constitue qu’un des moyens de la prise en charge de la pathologie de cette articulation et ne saurait être envisagée dans la majorité des cas sans prise en compte des autres éléments, en particulier de l’équilibre occlusal. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : chirurgie de l’articulation temporomandibulaire, luxation discocondylienne, luxation condyloglénoïdienne, reconstruction de l’articulation temporomandibulaire, prothèse d’articulation temporomandibulaire, rééducation maxillofaciale.
Anesthésie EN PRÉ- ET PEROPÉRATOIRE
Trois problèmes majeurs, liés à ce type de chirurgie, conditionnent le déroulement de l’anesthésie : – la limitation de l’ouverture de bouche ; – le champ opératoire étroit ; – le risque infectieux important.
¶ Limitation d’ouverture de bouche Elle est plus ou moins importante et rend difficile le contrôle des voies aériennes.
Jean-François Chassagne : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Sorana Chassagne : Praticien adjoint contractuel. Étienne Simon : Assistant chef de clinique. Jean-Pascal Fyad : Maître de conférence universitaire, praticien hospitalier. Christophe Stricker : Attaché. Service de chirurgie maxillofaciale. Jean-Éric Bussienne : Attaché, service d’otorhinolaryngologie. Frédérique Gimel : Assistant chef de clinique, département d’anesthésie-réanimation. Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy, France.
L’intubation est nasotrachéale du fait de l’ouverture de bouche limitée et aussi du fait de la nécessité chirurgicale de vérifier l’articulé dentaire à tout moment de l’intervention (celle-ci serait bien évidemment gênée par une intubation orotrachéale). Il s’agit donc d’une intubation nasotrachéale dans le cadre d’une « intubation difficile ». Une conférence d’experts sur l’intubation difficile a été organisée sous l’égide de la Société française d’anesthésie et de réanimation ; les conclusions de cette expertise collective ont été rapportées dans les Annales françaises d’anesthésie et de réanimation [68]. Dépistage et conduite à tenir À l’examen clinique, trois signes prédictifs doivent être recherchés : le volume lingual, la mobilité du rachis et le volume de l’espace prémandibulaire. En ce qui nous concerne, l’ouverture buccale est appréciée par la recherche des signes de Mallampati. Cependant, une ouverture buccale inférieure à 20 mm est prédictive d’une intubation orotrachéale impossible par la technique classique. Attitude devant une intubation difficile • Intubation impossible Si le patient est jugé impossible à intuber par la méthode classique, il faut réaliser une intubation vigile à l’aide d’un fibroscope, avec une anesthésie locale et, éventuellement, un bloc des nerfs laryngés
Toute référence à cet article doit porter la mention : Chassagne JF, Chassagne S, Bussienne JE, Gimel F, Simon E, Fyad JP et Stricker C. Chirurgie et rééducation de l’articulation temporomandibulaire (en dehors de l’ankylose). Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-056-T-15, 2001, 28 p.
Chirurgie et rééducation de l’articulation temporomandibulaire (en dehors de l’ankylose)
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si le patient est à jeun. Si l’intubation n’est pas réalisable sous fibroscopie [26], d’autres techniques peuvent être envisagées, telles que l’intubation nasotrachéale à l’aveugle, la transillumination à l’aide d’un stylet lumineux (trach-light) ou l’intubation rétrograde à l’aide d’un guide introduit par voie transtrachéale.
• Intubation difficile En présence d’une intubation difficile prévue, trois niveaux d’anesthésie peuvent être envisagés : une intubation vigile, une intubation sous anesthésie générale en ventilation spontanée ou une intubation sous anesthésie générale avec curarisation. Cette dernière ne peut être envisagée que si le patient est ventilable au masque facial. Le choix se fait en fonction des difficultés prévisibles et de la coopération du patient. Dans tous les cas, une préoxygénation d’au moins 4 minutes est nécessaire.
¶ Champ opératoire étroit (chirurgie « au fond d’un puits ») Il en découle deux impératifs : – la nécessité pour le chirurgien d’être peu hémorragique ; – l’utilisation de techniques et d’agents anesthésiques permettant de réduire le saignement. Il s’agit de réaliser une anesthésie générale suffisamment profonde : utilisation de morphiniques puissants (Sufentanylt ou Rémifentanylt) associés à un hypnotique (Propofolt ou halogéné tel que Sevoranet ou Forènet). Une position en proclive entre 15° et 25° peut aider l’opérateur. L’hypotension artérielle contrôlée, préconisée autrefois et pratiquée encore par certains, n’est pas utilisée par notre équipe. En effet, les articles récents montrent un rapport bénéfice-risque très faible.
¶ Risque infectieux important (comme dans toute chirurgie articulaire) La prévention consiste en une asepsie rigoureuse et l’administration d’une antibioprophylaxie agissant sur le staphylocoque (céphalosporine de deuxième génération). Dans notre service, nous utilisons Céfuroximet.
¶ Risque de troubles du rythme cardiaque peropératoires Bradycardies et asystolie sont des complications associées à la chirurgie de l’articulation temporomandibulaire (ATM). Souvent méconnues dans ce type de chirurgie, elles sont plus fréquemment associées aux gestes au voisinage du globe oculaire [52, 55, 74]. EN POSTOPÉRATOIRE IMMÉDIAT
Différents types de problèmes sont présents et concernent : – l’analgésie : l’utilisation d’antalgiques puissants est préconisée ; il s’agit de la morphine en injection sous-cutanée ou au moyen d’une pompe patient controlled analgesia (PCA), avec éventuellement l’association d’agents myorelaxants tels que Tétrazépamt ; – la réduction des nausées et vomissements postopératoires du fait de l’immobilisation éventuelle par fronde ; – la nutrition : elle peut parfois être mixée, ou faite au moyen d’une paille, ou administrée par sonde nasogastrique.
Chirurgie RAPPORTS CHIRURGICAUX
L’abord chirurgical de l’ATM est difficile, en raison de son environnement anatomique. L’exposition de la cavité articulaire est également rendue délicate en raison de sa situation profonde.
¶ En dehors L’ATM répond à la peau de la face, doublée à ce niveau d’une couche plus ou moins épaisse de tissu celluloadipeux au sein duquel 2
Stomatologie
cheminent l’artère transversale de la face et les rameaux temporaux du nerf facial. La branche temporofaciale se divise en rameaux terminaux en regard du col du condyle, rameaux qui vont croiser l’arcade zygomatique en des endroits divers, entre périoste et système musculoaponévrotique superficiel, les rendant particulièrement vulnérables (fig 1). Cette branche supérieure va croiser l’arcade zygomatique à un niveau variable suivant les individus, en moyenne à 2 cm en avant du tragus, mais cette distance peut parfois être ramenée à 0,8 cm [1]. Cette branche supérieure croise le col condylien à environ 5 mm en dessous du sommet du condyle (environ 15 à 20 mm en dessous du zygoma). Rappelons que la branche inférieure du nerf facial, avec en particulier les filets destinés aux muscles peauciers du cou et aux triangulaires des lèvres, peut siéger jusqu’à 2 cm en arrière du bord postérieur et en dessous du bord inférieur de la mandibule (Shaheen et Lore). Par ailleurs, entre le condyle et le tragus, dans le tissu cellulaire sous-cutané, montent le nerf auriculotemporal, l’artère temporale superficielle et la veine du même nom, mais ceux-ci ne constituent pas une difficulté.
¶ En arrière L’ATM entre en rapport avec : – la parotide (pôle supérieur de la glande à laquelle elle adhère par des tractus fibreux) : dans le lobe profond de la parotide, un peu au-dessous de l’articulation, au niveau du col du condyle, l’artère carotide externe se bifurque en temporale superficielle et maxillaire interne. L’artère temporale superficielle chemine verticalement et se superficialise, l’artère maxillaire interne contourne le col du condyle d’arrière en avant et de dehors en dedans, pour se mettre en rapport avec la face médiale de l’articulation après un trajet curviligne légèrement ascendant ; – l’os tympanal (face antérieure du conduit auditif externe), en avant duquel existe un espace décollable ; la persistance du foramen de Huschke expliquerait certaines fausses routes arthroscopiques dans l’oreille moyenne ; – la scissure de Glaser sépare l’os tympanal de la fosse glénoïde ; la partie latérale est tympanosquameuse, la partie médiale est dédoublée par le tegmen tympani en scissure antérieure pétrosquameuse et scissure postérieure pétrotympanique (scissure de Glaser proprement dite) ; dans cette scissure de forme variable cheminent la corde du tympan et le ligament malléolaire antérieur (parfois dans un canal osseux indépendant, le canal de Huguier), l’artère tympanique et le ligament discomalléolaire ; – plus en dedans, mais à distance, la trompe d’Eustache et la carotide interne.
¶ En avant On trouve le muscle ptérygoïdien latéral doublé en dedans de l’aponévrose ptérygo-temporo-maxillaire traversé ou croisé en dessous par l’artère maxillaire interne. En dehors du ptérygoïdien latéral se trouve la fosse ptérygomaxillaire proprement dite, limitée en dedans par ce muscle et l’aile externe de la ptérygoïde, en avant par la tubérosité du maxillaire supérieur et en dehors par l’échancrure sigmoïde qui fait communiquer cette région avec la région massétérine, échancrure que traversent les vaisseaux et nerfs massétérins et où descendent les faisceaux postérieurs du muscle temporal.
¶ En dedans L’ATM est en rapport (fig 2) : – avec le nerf dentaire inférieur et le nerf lingual, branches du nerf mandibulaire ; – avec la corde du tympan qui rejoint ce dernier nerf ;
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T Z B
1
M
2
C 45 °
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Type II 20%
3
T Z
4
5 B
Type I 13%
M
C
Type III 20%
T Z
* B
T Z
T Z
B
B B M
* A
C
M
Type IV 24%
1
C
Type V 9%
M C
Type VI 6% * C
A. Rapports externes de l’articulation (d’après Pernkopf E. Atlas d’anatomie humaine. Tome I. Tête et cou. Padova : Piccin, 1983). B. Le classique triangle dit « de sécurité ». C. Variations de la division du nerf facial (d’après Hall MB, Brown RW, Lebowitz MS. Facial nerve injury during surgery of the temporomandibular joint: a comparison of two dissection techniques. J Oral Maxillofac Surg 1985 ; 43 ; 20-22). D. Vue peropératoire.
* D 2 NM
Rapports internes (d’après Pernkopf E. Atlas d’anatomie humaine. Tome I. Tête et cou. Padova : Piccin, 1983 ; Gola R, Chossegros C, Orthlieb JD. Syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur. Paris : Masson, 1992).
TC
NAT AMM CT AMI
NL
NA
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Chirurgie et rééducation de l’articulation temporomandibulaire (en dehors de l’ankylose)
– avec le nerf auriculotemporal, autre branche du nerf mandibulaire, qui croise obliquement le ligament latéral interne (en passant entre ce dernier et la bandelette sphénomaxillaire) et qui contourne ensuite le col du condyle pour gagner la région temporale ; – avec l’artère maxillaire interne et les différentes branches ascendantes qu’elle fournit à ce niveau, notamment avec la tympanique, la méningée moyenne et la petite méningée ; – avec un riche plexus veineux qui se continue sur les côtés postérieur et externe du condyle.
¶ En haut En haut, l’articulation répond à la paroi crânienne et, par son intermédiaire, aux méninges. Cette paroi diminue d’épaisseur en allant de la racine transverse à la cavité glénoïde. Sur ce dernier point, elle est toujours fort mince, parfois même transparente : la cavité articulaire n’est séparée du cerveau et de ses enveloppes que par un intervalle de 1 ou 2 mm. Tous les abords chirurgicaux de l’ATM doivent tenir compte de ces rapports. VOIES D’ABORD
¶ Abords par voie cutanée Abord préauriculaire
• Abord conventionnel limité De très nombreuses voies d’abord dans la région préauriculaire ont été proposées au fil du temps pour exposer au mieux l’articulation. La plupart d’entre elles ont été abandonnées en raison, soit des risques qu’elles faisaient courir aux branches supérieures du nerf facial, soit de leurs séquelles esthétiques. Les premières voies d’abord décrites permettaient sans doute un abord articulaire satisfaisant mais au prix de séquelles inacceptables : Humphrey (1854), Bassini, (1879), Kraske et Baumgartner (1854), Farabeuf (1885), Ollier (1885), Chavasse (1886), Zipfel (1888), Mikulicz (1890), Lentz (1900), Berger (1902), Challier (1909), Huguier (1925), Dufourmentel (1932)… Si un abord préauriculaire limité (Dufourmentel [20], deuxième manière) suivant les lignes de tension cutanée préauriculaire, reproduisant l’abord utilisé dans le lifting facial et s’étendant du lobule de l’oreille à la racine de l’hélix, peut suffire dans certaines procédures très limitées, l’utilisation d’une extension temporale procure un bien meilleur accès et limite les risques de lésions nerveuses dues à une traction exagérée au niveau des berges de l’incision (fig 3). Cette extension temporale (à 45°) est effectuée dans la partie chevelue de différentes manières : – soit à partir d’une incision de type Ginestet [28] (verticale prétragienne de 2 cm environ, située à 1 cm environ en avant du tragus et donc prévasculaire) ; – soit à partir d’une incision prétragienne de type lifting selon Dufourmentel [20] (tracée à la limite de l’insertion antérieure du pavillon de l’oreille et donc rétrovasculaire), incision à laquelle va notre préférence pour les interventions habituelles ; – soit en pratiquant une extension temporale plus importante prolongeant l’incision préauriculaire selon un tracé d’hémi-Cairns, comme décrit par Obwegeser [61] ; – soit, enfin, en adaptant un tracé arciforme à concavité antérieure dans la région temporale sus-auriculaire, comme l’ont proposé Al Kayat et Bramley [1]. Bien que ceci ne soit pas obligatoire, il semble préférable d’envisager un rasage de la région préauriculaire et sus-auriculaire à l’endroit 4
Stomatologie
de l’incision. L’incision est précédée d’une infiltration par anesthésique local (Xylocaïnet) contenant un vasoconstricteur (adrénaline) à la fois pour réduire le saignement peropératoire et pour faciliter la dissection anatomique. Une fois les plans cutanés et sous-cutanés incisés, la dissection est habituellement poursuivie entre le plan représenté par le fascia temporal et l’aponévrose temporale ou bien, selon les auteurs, sous l’aponévrose temporale, ce qui ne semble pas indispensable. Une fois arrivée au niveau de l’arcade zygomatique, la dissection peut être poursuivie en sous-périosté (si l’on a opté pour une voie sousaponévrotique) ou en extrapériosté. La capsule de l’ATM et le ligament temporomandibulaire sont individualisés jusqu’à leur bord antérieur. En bas, la dissection est en général poursuivie jusqu’à l’insertion inférieure de la capsule sur le condyle. Dans certains cas difficiles, en particulier lors de réinterventions, il a été proposé de suivre un plan sous-musculaire, sous-temporal ; c’est une procédure qui apparaît d’indication extrêmement rare et nous n’avons jamais eu à l’utiliser. Dans la région prétragienne, le décollement est effectué au niveau de la face antérieure du cartilage du conduit auditif externe, dans un plan pratiquement avasculaire. Les deux plans de décollement supérieur et prétragien sont réunis, permettant d’exposer la face externe de l’ATM en inclinant les parties molles en dehors, parties molles qui comprennent la branche supérieure du nerf facial. Suivant les besoins, l’articulation est ensuite ouverte dans son compartiment supérieur et/ou inférieur par une incision capsuloligamentaire. La réparation de cet abord chirurgical se fait très simplement en réalisant un plan fascial ou aponévroticofascial, puis par une suture cutanée en deux plans sur un drainage aspiratif. Cet abord chirurgical classique permet d’effectuer la majorité des gestes chirurgicaux intra-articulaires sur le disque articulaire et la tête condylienne.
• Abord avec dissection du nerf facial Lorsque l’on envisage une reconstruction de l’ATM par un moyen prothétique ou biologique, cet abord devient insuffisant et est transformé en abord de parotidectomie de type Redon adouci (fig 3). L’incision préauriculaire et dans la région temporale est identique, mais prolongée en sous-lobulaire, rétroauriculaire et mastoïdienne. Le tronc du nerf facial est recherché de première intention dans l’angle dièdre habituel entre le plan formé par la dissection en avant du cartilage du conduit auditif externe et le styloïdien disséqué après réclinaison du sterno-cléido-mastoïdien. Le tronc du nerf facial isolé est suivi jusqu’à sa bifurcation, puis la branche supérieure de division du nerf facial est suivie jusqu’à une distance de 1 à 2 cm en avant du tubercule zygomatique antérieur. Cette dissection nerveuse se fait sous contrôle d’un excitateur électrique peropératoire et éventuellement avec l’aide d’optiques grossissantes. Cette procédure permet tous les gestes nécessaires au niveau de l’articulation, avec une sécurité assurée pour le nerf facial et ses branches.
• Variantes endaurales Des variantes à cette incision ont été proposées, en particulier en réalisant un abord endaural au niveau tragien, ce qui permet d’éviter l’existence d’une cicatrice visible dans cette région [75]. Il convient naturellement de sectionner les fibres d’insertion de la lame du tragus pour la basculer en avant et en dehors. Diverses variantes ont été proposées (Dingman, Rongetti, Davidson, Shambaugh). L’incision classique est composée de trois parties : – une partie endaurale antérieure : commençant par le mur méatal supérieur au niveau de la jonction ostéocartilagineuse, elle est étendue autour du mur méatal antérieur dans l’incisure terminale
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Chirurgie et rééducation de l’articulation temporomandibulaire (en dehors de l’ankylose)
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* A * C
* B
* D
* G
* E
* F 3
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Voies d’abord préauriculaire. A. Voie prétragienne. B, C, D, E. Variantes de la voie prétragienne de type DufourmentelDingman. F. Voie prétragienne prolongée en hémi-Cairns [61]. G, H. Voie prétragienne prolongée en incision de type Redon adoucie permettant la dissection du tronc du nerf facial. I. Abord de l’articulation après décollement cutané.
4
* I * H
en bas, puis, à angle droit, l’incision progresse de 3 à 5 mm vers le bord conchal du cartilage ; – la portion méatale s’étend de la partie supérieure de l’incision dans la fissure intercartilagineuse, directement vers le haut, jusqu’à un point à mi-distance entre le méat auditif et le bord supérieur du pavillon ;
– l’incision se continue en haut dans la fissure intercartilagineuse et devient la portion faciale : elle croise l’hélix et progresse en une ligne courbe dans les tissus mous préauriculaires de la région temporale. L’intérêt de cette incision rétrotragienne est discutable, en raison de la discrétion habituelle des séquelles cicatricielles par un abord prétragien. 5
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Stomatologie
* B
* A
* C
* D
* G * F * E 4
Voies d’abord. A, B. Voie rétroauriculaire. C. Voie rétromandibulaire (d’après Cheynet F, Aldegheri A, Chossegros C, Bouzak Z, Blanc JL. La voie d’abord rétromandibulaire dans les fractures du condyle mandibulaire. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1997 ; 98(5) : 288294).
D. Voie sous-angulomandibulaire (d’après Risdon FE. Ankylosis of the temporomandibular joint, J Am Dent Assoc 1934 ; 21 : 193-197). E. Voie angulomandibulaire (d’après Harle F, Champy M, Bill CT. Atlas of Craniomaxillofacial Osteosynthesis : Miniplates, Microplates, and Screws. Munich : Springer Verlag, 2000). F, G. Déposition du toit de l’articulation [12].
Abord rétroauriculaire
Abord supérieur
Boeckenheimer , en 1920, a proposé d’aborder l’ATM par une incision rétroauriculaire associée à une transfixion du conduit auditif externe.
Un abord transzygomatique a été proposé par Combelles [12] . L’incision cutanée est conventionnelle, préauriculaire, s’inclinant légèrement en avant au-dessus du processus zygomatique. Après décollement suivant le plan sus-jacent à l’aponévrose temporale et découverte du plan capsulaire, l’aponévrose temporale est incisée verticalement à l’aplomb de la cavité articulaire. La capsule articulaire est incisée de façon à découvrir l’espace articulaire supérieur. L’éminence articulaire temporale est déposée à l’aide d’ostéotomies au niveau du toit de la cavité glénoïde, entamant la corticale externe du crâne, et au niveau de la région en avant du tubercule zygomatique antérieur. La déposition est terminée au ciseau frappé (fig 4 F, G). Il est certain que cet abord donne une excellente vue sur l’articulation mais semble disproportionné par rapport aux actes thérapeutiques à effectuer et on peut craindre des séquelles fonctionnelles, malgré la reposition du fragment déposé avec ostéosynthèse par plaque vissée. Nous n’avons jamais utilisé ce type d’abord, mais il pourrait trouver sa justification dans la pose de certains types de prothèse de condyle mandibulaire qui doivent être mis dans l’axe du fût condylien.
[6]
L’incision est située parallèlement au sillon rétroauriculaire, à 3 mm en arrière, son extension inférieure se courbe audessus de la mastoïde. Son extension supérieure s’arrête à l’insertion supérieure du pavillon, bien que certains auteurs aient proposé une extension dans la zone temporale. Elle est faite à travers le muscle auriculaire postérieur, jusqu’au fascia recouvrant l’os de la mastoïde et l’aponévrose temporale en haut. Une section complète du conduit est réalisée à la jonction ostéocartilagineuse. Cet abord chirurgical donne une vue assez large sur l’articulation dans sa partie postérieure (fig 4 A, B). Boeckenheimer [6], dans sa technique initiale, ne suturait pas le cartilage du conduit auditif externe, ce qui exposait à des sténoses secondaires fréquentes. La technique a été modifiée par Axhausen (1931), en particulier en réalisant une suture au niveau du conduit auditif externe, et reprise par Alexander (1975). Bien que cet abord donne une bonne exposition articulaire, son intérêt essentiel d’éviter une séquelle cicatricielle visible est peu important et à mettre en balance avec les risques de sténose du conduit auditif externe. De plus, le contrôle du nerf facial reste relativement aléatoire. Nous ne pensons pas qu’il y ait d’indication de ce type d’abord. 6
Abord sous-angulomandibulaire L’abord sous-angulomandibulaire de type Risdon a été proposé comme un abord complémentaire pour les interventions sur les ankyloses osseuses ou pour la fixation de greffe chondro-osseuse (fig 4 D). Ce type d’abord était situé à un travers de doigt sous l’angle de la mandibule, parallèlement au bord inférieur, théoriquement entre la
Stomatologie
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branche cervicale et la branche mandibulaire du nerf facial, mais il est plus sûr de le placer à 2 cm au moins du bord inférieur ou du bord postérieur de la mandibule, pour éviter plus sûrement cette branche inférieure du nerf facial. L’incision traverse le peaucier du cou, ainsi que le feuillet profond de l’aponévrose cervicale superficielle, la branche nerveuse cheminant entre ces deux éléments. Un excitateur électrique peropératoire est souhaitable. L’insertion du masséter sur le ramus est ruginée et l’ATM exposée par une dissection s’étendant en haut. Cet abord permet de dégager la région de l’angle de la mâchoire et d’accéder à l’extrémité inférieure du col du condyle et au fond de l’échancrure sigmoïde. L’exposition n’est pas aussi bonne que par voie directe et est directement fonction de la longueur de l’incision cervicale. Cet abord peut effectivement être utile en complément d’un abord prétragien conventionnel, lorsque l’on ne veut pas disséquer le tronc du nerf facial et ses branches. Isolément, ses indications semblent très limitées, peut-être à quelques ostéosynthèses de fracture sous-condylienne basse. Abord rétromandibulaire Il a été décrit initialement par Ginestet [28] (1963) et Hinds (1967) puis repris par Norman [60]. L’incision cutanée verticale part de la pointe de la mastoïde, sous le lobule de l’oreille, et suit le bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien sur 3 à 4 cm. La branche auriculaire du plexus cervical superficiel et la veine jugulaire externe sont réclinées. La dissection se fait en avant du sterno-cléido-mastoïdien en séparant la face postérieure de la parotide du muscle jusqu’au ventre postérieur du digastrique, puis vers la sangle ptérygomassétérine en avant. Le périoste est incisé au niveau de cet angle et les faces médiale et latérale du ramus sont dégagées en sous-périosté (fig 4 C). L’exposition permet d’atteindre le col du condyle, atteignant très difficilement le condyle. Cet abord est utilisé essentiellement en pathologie traumatique (Cheynet, 1997). Il peut servir d’abord complémentaire, en particulier lors de la mise en place de prothèse d’articulation, si on ne souhaite pas aborder le nerf facial. Abord combiné maxillofacial et neurochirurgical Dans des cas exceptionnels, traumatiques ou tumoraux, il peut être nécessaire d’exposer la face supérieure de l’articulation dans son versant intracrânien, pour en effectuer une reconstruction (ou éventuellement une exérèse-reconstruction). Si l’abord facial reste conventionnel, il faut s’adjoindre un concours neurochirurgical pour l’abord au niveau de la fosse cérébrale moyenne par craniotomie.
¶ Abord intraoral L’abord endobuccal, comprenant une incision de la muqueuse depuis le processus coronoïde jusqu’au sillon vestibulaire inférieur, a été proposé depuis longtemps pour pratiquer des ostéosynthèses au fil d’acier des fractures sous-condyliennes. Dans un cadre non traumatique, cet abord ne nous semble pas avoir d’indication. Moose (1964) a montré que l’exposition de la région condylienne était difficile et les manœuvres à ce niveau fort limitées. Bien sûr, il est possible d’effectuer par cette voie une ostéotomie sous-condylienne, mais les manœuvres d’ostéosynthèse stable sont très difficiles. Cet abord a été modifié par Winstanley et Sear, qui ont montré l’intérêt d’une libération à la fois interne et externe du col condylien avec utilisation d’écarteurs de type Obwegeser. Il n’a pas, pour nous, d’indication en pathologie articulaire.
¶ Abord transcutané Kostecka avait proposé une ostéotomie condylienne à l’aveugle, par l’intermédiaire d’une scie de Gigli introduite autour du col condylien. Malgré les cas rapportés par Tasanen, à la fois cet abord et l’indication de ce type d’intervention sont extrêmement discutables.
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TECHNIQUES CHIRURGICALES
Un très grand nombre de techniques chirurgicales ont été proposées dans la pathologie de l’ATM. On peut classer les différentes techniques chirurgicales selon que l’on s’adresse à la pathologie condyloméniscale, à la luxation condyloglénoïdienne ou à la reconstruction de l’ATM. Nous n’envisageons pas dans ce cadre les traitements chirurgicaux de l’ankylose temporomandibulaire. Nous précisons les indications de ces gestes chirurgicaux dans le fascicule sur la pathologie non traumatique de l’ATM.
¶ Dans le cadre des dérangements internes de l’articulation Gestes sur le condyle
• Condylectomies et condyloplasties La condylectomie totale a été proposée dans le cadre des syndromes de dérangement interne, des condylectomies simples, avec une section du condyle au niveau du col. Ce geste chirurgical est naturellement simple à réaliser, mais sa motivation n’est pas clairement explicitée par les promoteurs. Il détruit le fonctionnement de l’articulation et est donc à rejeter, bien que des articles relativement récents y fassent référence [31]. Henry et Banbridge, en 1957, ont proposé une condylectomie haute : elle consiste à abraser le condyle bien au-dessus du col du condyle, en conservant ce col, le disque, ses attaches ligamentaires, la capsule articulaire. Là non plus, la motivation de réalisation d’une telle intervention n’est pas évidente. Cette intervention induit la création au mieux d’un néocondyle, au pire d’une ankylose fibreuse. Elle n’a pas, à notre sens, d’indication. Les condylectomies a minima ou condyloplasties ont été également proposées. De nombreux auteurs ont décrit leur technique personnelle : Dingman, Grabb, Dautrey (ce dernier effectuait une décapitation en enlevant 3 mm de hauteur condylienne, puis une régularisation en lissant tous les bords). L’idée initiale de la condyloplastie est d’une part de créer une néoarticulation grâce à la spongialisation, d’autre part de créer un néoespace destiné à accueillir le disque situé trop en avant dans les dysfonctionnements. Ce disque se repositionnerait alors spontanément en position normale entre la cavité glénoïde et le condyle mandibulaire, dès que l’occlusion est adéquate et stable. L’idée est également que le traitement dit « conservateur » est inefficace lorsqu’il existe une arthrose dégénérative, même débutante, soit initiale, soit complication de macro- et/ou de microtraumatismes, et donc qu’il convient de régulariser la surface du condyle lorsqu’il existe des irrégularités des surfaces osseuses, des ostéophytes importants, des érosions osseuses (fig 5). L’avenir de ce type d’intervention est très discuté, surtout s’il est utilisé seul. Il nous semble générateur d’arthrose et/ou d’ankylose fibreuse à long terme d’après les cas qu’il nous a été donné de voir en postopératoire éloigné. Frankl a décrit (chez le lapin) que le cartilage vient recouvrir le néocondyle réséqué et qu’il y aurait ainsi régénération de l’articulation. Cette évolution n’a jamais été prouvée en clinique humaine et n’existe pas en ce qui concerne les autres articulations. En revanche, Kurita [47] a montré que si l’on veut éviter des defects cartilagineux postopératoires (chez le lapin), il faut préserver la couche cartilagineuse et diminuer la hauteur osseuse en sous-chondral. L’exemple de l’intervention de Ficat au niveau du genou n’est pas, à notre avis, transposable pour ce type d’intervention. En effet, Ficat pratique, au niveau du genou, une résection de la plage cartilagineuse lésée, mais la hauteur cartilagineuse laisse persister, au niveau de cette articulation, des couches cartilagineuses permettant effectivement une régénération de cette structure, ce qui n’est pas le cas de l’ATM. Marciani (1988) a montré expérimentalement (sur le singe) que la réparation après 7
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Condyloplastie et condylectomie. A. Condyloplastie (d’après Rozencweig D, Rozencweig G, Laxenaire M, Flot F. Algies et dysfonctionnement de l’appareil manducateur. Proposition diagnostique et thérapeutique. Paris : Éditions CDP, 1994). B. Aspect en imagerie par résonance magnétique à distance après « condyloplastie » : lésions arthrosiques et artefacts métalliques intraarticulaires. C. Condylectomie haute (d’après Rozencweig D, Rozencweig G, Laxenaire M, Flot F. Algies et dysfonctionnement de l’appareil manducateur. Proposition diagnostique et thérapeutique. Paris : Éditions CDP, 1994).
* B * A
* C condyloplastie ne se fait que par du tissu fibreux et que le cartilage résiduel ne joue pas de rôle dans ce processus chez l’adulte. Ishimaru (1992), réalisant ce type de condyloplastie sur le mouton, a entraîné des lésions dégénératives avec condyle éburné, ostéophytose périphérique, prolifération sous-temporale et perforations discales. Nous n’avons jamais pratiqué ce type d’intervention. Les patients que nous avons vus dans les années qui ont suivi un tel geste chirurgical, présentent une évolution arthrosique de leur articulation, et il existe souvent, au sein de cette articulation, des images en résonance magnétique (IRM) très artéfactées traduisant, selon les radiologues, l’existence de poussière métallique intraarticulaire résultant du geste chirurgical. Pour nous, seuls les gestes de régularisation de la tête condylienne consistant en la suppression d’ostéophytes agressifs, qualifiés par certains de « condyloplastie de resurfaçage » sont utiles. D’autres auteurs ont essayé de pratiquer, à la suite de la condyloplastie, un recouvrement de la zone abrasée : encapuchonnement de la tête condylienne par une greffe dermique, mise en place d’une feuille de tantale ou de vitallium ou d’autres matériaux. Wong [100] a induit ainsi une néochondrogenèse (chez le lapin) avec mise en place de périoste crânien collé mais Han (1995) avait également démontré, chez le lapin, que ce type d’intervention, lorsqu’il est réalisé unilatéralement, induit un changement dégénératif du côté opposé, la hauteur de départ n’étant pas retrouvée (Bakker [2], chez le singe). Il semble que, dans ce cas, la solution la plus logique soit de recouvrir la zone abrasée par une greffe de périchondre collé [85] qui pourrait donner lieu à une régénération cartilagineuse (Widenfalk). Ces techniques ont également été utilisées expérimentalement pour le traitement des defects cartilagineux d’origine arthrosique ou posttraumatique. Il semble également qu’il soit possible d’envisager dans le futur le traitement de ces lésions cartilagineuses par des allogreffes (Girdler, 1997) ou des autogreffes de chondrocytes après mise en culture. 8
D’autres auteurs ont essayé de transposer dans le domaine des dysfonctionnements les techniques de reconstruction utilisées dans d’autres cas de pathologie de l’ATM. Nous envisageons plus loin ces procédés de reconstruction, qu’ils fassent appel aux biomatériaux ou au matériel biologique. Cependant, pour nous, ce type d’intervention ne rentre pas dans le cadre d’un traitement de ces syndromes dysfonctionnels, bien qu’il puisse être utilisé lorsque ce dysfonctionnement ou les tentatives thérapeutiques ont induit une quasi-destruction de la tête condylienne.
• Condylotomies Certains auteurs [41] réalisent une condylotomie par ostéotomie haute, ce qui revient également à diminuer la hauteur de l’ensemble branche montante-condyle au prix d’un cal vicieux. Cette intervention est parfois même encore réalisée par la technique de Kosteca. De nombreux auteurs font état de résultats jugés satisfaisants, avec amélioration de la symptomatologie clinique et réduction discale (par augmentation de l’espace interarticulaire) : Werther (1995), Mac Kenna (1996), Albury (1997), Hall [35]. Cette technique, qui correspond à la réalisation d’une fracture souscondylienne bilatérale, ne nous semble pas avoir d’indication. En revanche, l’ostéotomie du col condylien (fig 6) dans le but de changer son angulation, suivie d’une ostéosynthèse par plaque vissée [60] , nous semble sans doute une intervention logique, cependant les indications paraissent exceptionnelles et très difficiles à poser bien qu’il semble y avoir corrélation entre l’orientation du col condylien et les syndromes dysfonctionnels (Miller, 1996 ; Sato, 1997 ; Williamson, 1999).
• Forage décompressif Tiziano [89], comparant les lésions condyliennes aux lésions de la tête fémorale dans l’ostéonécrose aseptique de la hanche, y trouve une certaine analogie. Les points communs seraient la douleur à l’appui, la limitation des mouvements, l’atteinte des sujets jeunes, la
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À l’inverse, il existe souvent un disque qui paraît en place lors de l’ouverture de la cavité articulaire, alors qu’il apparaissait luxé « irréductible » à l’examen IRM ; ce n’est pas, à notre avis, une erreur d’interprétation de l’IRM, mais ceci traduit bien le fait que les conditions de réalisation de l’arthrotomie sont différentes des conditions de réalisation de l’IRM, preuve pour nous, s’il en était besoin, du rôle des tractions musculaires, en particulier du ptérygoïdien latéral.
• Discectomies et reconstruction méniscale
6
Condylotomie (d’après [30]).
bilatéralité fréquente, le début de l’affection sous l’influence de facteurs mécaniques, avec la responsabilité de microtraumatismes, l’existence de forme spontanément agressive, l’existence d’une phase initiale sans signe radiologique, une atteinte débutante au niveau de l’os spongieux avec intégrité longtemps respectée du cartilage sousjacent, et une évolution possible vers l’arthrose. L’arthroscopie montrerait un œdème du ligament postérieur, de plicature en « accordéon », avec hypervascularisation de celui-ci. Le mécanisme de la douleur pourrait être une hyperpression vasculaire et interstitielle. Tiziano propose en conséquence des forages de la tête condylienne pour diminuer l’hyperpression veineuse intracondylienne. Il déclare avoir eu de bons résultats, mais l’évolution à long terme n’est pas mentionnée. Ce geste ne semble pas être à recommander dans la pathologie dysfonctionnelle, d’autant plus que l’expérimentation d’Ishimaru (1992) chez le mouton a montré que de telles perforations induisaient la survenue d’une arthrose au niveau d’articulations saines. Cependant, dans certaines nécroses avasculaires du condyle, ce type d’intervention pourrait avoir des indications d’après Chong (1995), ce qui reste à préciser. Gestes sur l’appareil discoligamentaire Quel que soit le geste envisagé sur le disque ou ses attaches, il convient de le libérer. Ce temps de libération est plus ou moins difficile. De véritables adhérences peuvent exister avec la surface articulaire glénoïdienne ; elles ne posent pas de problèmes techniques, cédant au passage d’une spatule, mais dans le cas de luxations antérieures irréductibles, surtout anciennes, la libération du disque peut être difficile et hémorragique, voire nécessiter un affaiblissement forcé de la lame prédiscale.
La discectomie fut la première technique proposée (Lanz, 1909). Elle a été décrite par Pringle en Angleterre en 1919 et en France par Dufourmentel [20] en 1921. Le principe de cette discectomie est d’agir directement en enlevant le disque malade, rendu responsable des manifestations pathologiques, et d’agir indirectement en donnant plus de profondeur à la cavité glénoïde. Hosxe [39] et Rigolet, en 1971, ont proposé une discectomie avec reconstruction soigneuse de la capsule en retendant les fibres longitudinalement et verticalement. La discectomie fut donc pratiquée pendant quelques décennies par la plupart des opérateurs et avec satisfaction. En effet, les résultats à court terme sont toujours excellents. Malheureusement, à plus long terme, l’absence de disque semble fatale pour l’articulation en raison de la perte de la possibilité de propulsion du condyle sous-jacent, avec apparition de raideur articulaire et d’arthrose (Bowmann, 1947). Il est difficile de tirer des conclusions des séries publiées tant elles sont discordantes : Holmlund [38] parle de résultats satisfaisants dans 100 % des cas à 5 ans, Eriksson [21] fait état de bons résultats sur la composante douloureuse dans seulement la moitié des cas à 30 ans, mais au prix de détériorations radiologiques de l’état articulaire (aplatissement condylien, ostéophytose) avec persistance des bruits articulaires. Trumpy [91] fait état de 93 % de développement de lésions arthrosiques après discectomie. Bjornland [5] a constaté, dans une expérimentation sur le singe, dans 40 % des cas après discectomie des lésions de destructions marquées du cartilage, et dans 30 % des cas l’installation d’une ankylose fibreuse. Il existe toujours des indications de discectomie, surtout dans les cas de luxation irréductible du disque entraînant une limitation d’ouverture buccale ne cédant pas aux moyens habituels ou de perforations discales irréparables. Cette discectomie nous semble devoir être obligatoirement associée à une reconstruction du disque. Il n’y a cependant pas de procédé « idéal » de reconstruction méniscale à l’heure actuelle. Différentes solutions ont été proposées (fig 7) : – greffe cartilagineuse, principalement d’origine conchale : Longacre et Gilby avaient décrit l’utilisation de cartilage autogène dans les arthroplasties pour ankylose. Trauner suggère l’emploi de cartilage
* A 7
Discoplastie. A. Réparation discale par un matériau autologue (fascia lata ou derme) [30]. B. Remplacement du disque par interposition (feuille de silicone ou cartilage auriculaire) fixée à la cavité glénoïde [19].
* B 9
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sous forme d’homogreffe lyophilisée pour remplacer la tête condylienne. Perko [66], Rudelt (1981), Tucker [93], Armstrong (1992) et Ogi [62] ont prôné l’utilisation du cartilage auriculaire en guise d’interposition après discectomie (la partie convexe du cartilage de la conque est disséquée de son périchondre, de même que sa partie antérieure concave, par une incision auriculaire postérolatérale). Le cartilage est ensuite adapté pour recouvrir entièrement la surface concave de la fosse glénoïde et il y est fixé latéralement par des fils métalliques. D’après eux, on observe de bons résultats, même s’il se produit une adhérence du greffon au cartilage de revêtement de la fosse glénoïde. Dupertuis et Eisenmann ont montré expérimentalement qu’il existait des possibilités de croissance de cette greffe (chez le lapin). Cependant Takatsuka [86] et Tong [90] ont montré, chez le singe, que la greffe se fragmentait et disparaissait (au contrôle à 6 mois), qu’elle n’induisait pas la formation d’un néodisque et qu’elle n’évitait pas une évolution arthrosique. Les résultats expérimentaux semblent très variables d’un animal à l’autre (Ioannides [40] fait état, chez le porc, d’une persistance de la greffe). Il existe un risque d’adhésion fibreuse à la surface articulaire mandibulaire (Yih, 1992) et le placement temporaire d’un implant supplémentaire en Silastict a été proposé pour prévenir ce risque ; – dure-mère lyophilisée : il s’agit d’un hétérotransplant qui a été très utilisé dans le passé, mais qui est totalement abandonné, surtout depuis que Timmel et Grundschober [87] ont rapporté le cas d’un patient ayant développé une maladie de CreutzfeldtJakob à la suite d’un tel transplant, malgré les bons résultats expérimentaux ; – proplast : Heffez a proposé l’utilisation de proplast 1 sous la forme d’une fine lame de proplast et de Téflont non poreux. Elle est introduite entre condyle et cavité glénoïde par l’incision préauriculaire habituelle. De nombreuses complications sont apparues dans les suites : mauvaise adaptation de l’implant au niveau glénoïdien avec réapparition des troubles cliniques, migration en direction supérieure avec érosion de la fosse glénoïde, discontinuité par plicature, apparition de calcifications entre l’implant et la cavité glénoïde surtout, mais également entre l’implant et le condyle, apparition de bouleversements osseux 2 à 3 mois après la pose de l’implant au niveau du tubercule zygomatique et de la fosse glénoïde, mais surtout au niveau de la tête condylienne, avec invagination de la corticale et érosion pouvant aller jusqu’à 5 mm de profondeur. Du proplast 2 (polytétrafluoroéthylène : PFTE) a également été proposé, mais il provoque une déminéralisation osseuse de la fosse glénoïde et une érosion du condyle mandibulaire avec fréquemment une réaction à corps étrangers, avec apparition de cellules géantes au niveau des tissus mous (Berman), et parfois une réaction ostéogénique avec prolifération osseuse. D’après Trumpy [92], ce substitut favoriserait de plus l’apparition de lésions arthrosiques ; – greffe dermique [25] : la greffe dermique est mise en place à la place du disque et suturée à la capsule articulaire en avant, en arrière, en dehors et latéralement. Popescu et Vasiliu rapportent 92 cas d’interposition dermique avec seulement six cas de récidive des troubles fonctionnels, mais il semblerait que les résultats soient en réalité moins satisfaisants. Selon Mayer (1988), le derme se transformerait progressivement en une masse fibreuse, avec réaction d’adhérence entre lui-même et les surfaces articulaires. Une arthroscopie pratiquée 1 an après (chez plus de 30 patients) a montré une résorption osseuse progressive du condyle ainsi que de la fosse glénoïdienne ayant nécessité le remplacement prothétique ; – greffe de fascia lata : la technique chirurgicale est identique à la précédente. Les résultats sont bons à court terme, mais, en raison d’un apport vasculaire insuffisant, on assiste à une résorption progressive de l’implant avec réapparition de troubles fonctionnels [58]. Tong (2000), dans une expérimentation chez le singe, a montré que l’interposition de ce type n’évite pas la survenue d’une arthrose ; 10
Stomatologie
– feuille de Silastict [37] : pour Dolwick [19], Feinberg, Walker, il s’agit d’une lame de silicone de 3 mm d’épaisseur, de 12 à 15 mm dans le sens transversal, de 10 à 12 mm dans le sens sagittal, qui est fixée à l’arcade zygomatique. Tucker a étudié l’ensemble des réactions histologiques provoquées par un implant en silicone chez le singe. On note une réaction à corps étranger avec apparition de cellules géantes, une réaction inflammatoire avec épaississement de la synoviale, l’apparition d’irrégularités osseuses au niveau des surfaces articulaires et une destruction partielle ou totale de l’implant (déchirure, perforation), avec découverte de petites particules au niveau des tissus et des ganglions avoisinants. Après l’ablation de l’implant, tout processus inflammatoire disparaît. Dolwick et Aufdemorte en 1985, Bosanquet [7] en 1991 décrivent les mêmes réactions inflammatoires et à corps étranger après la pose d’implants siliconés chez le mouton. Westesson et Eriksson [22] ont utilisé expérimentalement des implants de silicone renforcés par du Dacront. Ils constatent les mêmes signes histologiques et les mêmes dégradations de l’implant. Pour eux, il n’y a aucun lien entre les dommages existants et la durée de mise en place de l’implant. Hall (1995) a proposé d’interposer un implant siliconé et de le retirer 3 à 4 mois après. Cela éliminerait la formation d’adhésion entre les surfaces articulaires et provoquerait la croissance d’un tissu semblable aux fibres de cartilage recouvrant les surfaces articulaires. L’évolution clinique est cependant satisfaisante dans 90 à 95 % des cas pour Kalamchi [42], Gundlach [33], Wilkes [98] alors qu’elle est décevante pour Eriksson [22] et Schliephake [76] ; – le muscle temporal peut être utilisé, habituellement doublé de son aponévrose. C’est Pogrell, Rowe et Kaban [75], puis Feinberg [23] qui ont proposé le muscle temporal accompagné de son fascia superficiel en tant que matériel d’interposition. Sorte de « coussin », ce lambeau « absorberait » parfaitement les forces de pression intra-articulaire. Le lambeau musculaire à pédicule inférieur retourné par-dessus l’arcade zygomatique (en réséquant éventuellement une partie de celle-ci), est interposé entre le condyle et la face supérieure de l’articulation et suturé en dedans et en arrière. Cette procédure ne donne pas de résultat satisfaisant, tant en raison de la saillie qui existe au niveau de la région prétragienne, en raison du passage du lambeau, ou bien en raison du sacrifice osseux qui a été réalisé, ou encore en raison de l’absence de vitalité du lambeau, ou de la compression qu’il subit. Le lambeau temporal le plus satisfaisant est un lambeau à pédicule antérieur (fig 8), qui est taillé presque horizontalement dans les fibres postérieures du temporal. Il est libéré jusqu’au bord antérieur de la racine transverse du zygoma, basculé sous l’éminence temporale, dans la cavité glénoïde (on lui donne une largeur de 15 à 20 mm) [30]. Il vient coiffer le moignon condylien. le lambeau est suturé en arrière au tissu rétrodiscal (Dingman, 1975). Il s’agit naturellement d’une discopoïèse très grossière. Le devenir du lambeau est mal connu : nécrose tissulaire et évolution semblable à celle d’une greffe musculaire libre, métaplasie fibreuse sous l’action des charges et frottements masticatoires ou maintien de l’intégrité musculaire ? [10]. Tong (2000) fait état, chez le singe, de la persistance de l’interposition avec transformation du muscle et tissu conjonctivofibreux, reconstituant un néodisque permettant une fonction apparemment satisfaisante. Umeda [94] (1993) a montré expérimentalement que le lambeau peut rester musculaire si de bonnes conditions de vascularisation ont été préservées. Les publications sur cette technique font état de bons résultats cliniques [23]. Il a été proposé, d’une manière relativement similaire, l’utilisation du fascia temporal seul : Blair (1914), Couly (1982). Pour Smith [79], le lambeau de muscle temporal doit être considéré comme un bon moyen de remplacement lorsqu’un autre procédé de substitution a échoué ; – ont également été utilisés : le polyéthylène (Gordon, 1958), le tantale (Bromberg, 1969), le vitallium (House, 1973), le Teflont (Bronstein, 1996), le Gore-Text (Caix, 1990), le méthylméthacrylate (Kameros, 1975 ; Schawney, 1986), une feuille de collagène (Feinberg, 1995), les xénogreffes de péritoine (Lavrov, 1976).
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a réalisé cette technique expérimentalement chez le singe en rapportant son succès, confirmant la revascularisation de la greffe et la disparition de la perforation méniscale, soulignant l’absence d’adhérence intra-articulaire et l’absence de réaction inflammatoire et à corps étranger. Sharawy (1994) fait état de bons résultats expérimentaux de la réparation des perforations discales par un lambeau local synovial (chez le singe).
• Discopexies Suture périphérique Selon Montgomery [56], le disque est repositionné et suturé au tissu rétrodiscal, à la capsule ainsi qu’au ligament. Annandale (1887) et Toller (1974) procédaient d’une manière identique. Cependant, ces techniques ont été abandonnées en raison du peu de résultats : dans 86 % des cas, les luxations, réductibles ou non, restaient inchangées ou récidivaient rapidement. Paradoxalement, certains patients notaient une amélioration nette sur le plan clinique, mais celle-ci restait imparfaite : dans 69 % des cas il persistait une légère douleur constante, dans 50 % des cas il existait des douleurs à la mastication et 34 % des sujets prenaient toujours des antalgiques [3].
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Lambeau de muscle temporal à pédicule antérieur [30].
Ogi [63] a montré expérimentalement que les allogreffes discales pourraient être un excellent matériau de reconstruction, mais les problèmes d’homogreffes ou d’hétérogreffes sont actuellement tels que cette solution paraît inutilisable. Les mêmes problèmes sont soulevés par le procédé de Puelacher [70] qui propose une culture de chondrocytes bovins sur un support de polymère préformé pour obtenir un néodisque implantable. Ce type de technique semble cependant pouvoir être réalisé avec les chondrocytes du patient luimême (Thomas, 1991). Pour notre part, nous utilisons préférentiellement les interpositions par feuille de silicone (renforcée Dacront), réservant le lambeau musculaire à pédicule antérieur aux cas d’échecs de cette procédure. Nous partageons l’opinion de Chossegros [11] sur les évolutions défavorables (vers l’ankylose fibreuse) souvent observées avec les interpositions cartilagineuses. L’utilisation de Dacront (vasculaire), proposé comme matériel d’interposition après cure chirurgicale des ankyloses par Gogalniceanu [29], est une alternative qui semble devoir donner des résultats qui restent à confirmer.
Gonzague et Pereira (1976), partant d’une hypothèse selon laquelle le disque est beaucoup plus mobile dans l’ATM pathologique, le libèrent complètement de la tête condylienne et de la cavité glénoïde, et le fixent contre le muscle temporal, l’empêchant ainsi de sortir de la cavité articulaire. C’est une intervention qui présente de nombreuses difficultés de réalisation et les réussites sont peu nombreuses. Fixation du disque au condyle. Behan (1918) a proposé de fixer solidement le disque à la face articulaire condylienne grâce à un orifice créé au niveau du col condylien. Le complexe disque-condyle se mobilise donc toujours ensemble. Walker [95] et Shira (1987), Stern [83] (1991) ont repris cette technique plus récemment et réalisé une condylectomie limitée (3 mm environ), et attachent, après l’avoir libéré de ses attaches capsulaires, le disque au condyle restant par l’intermédiaire d’une suture transosseuse et transdiscale. Cette technique entraîne naturellement une absence de mouvement et de glissement du disque par rapport au condyle mandibulaire (fig 9 A). Nespeca [59] réinsère le disque à la face postérieure du col du condyle, technique évoquée également par Wolford (1997), mais le recul semble insuffisant pour pouvoir en tirer actuellement une conclusion. Stricker (1995) a proposé de réaliser cet amarrage par l’intermédiaire d’une ancre de Mitekt. L’ancre est de taille « mini ». Il s’agit d’une ancre en alliage de titane comportant une ailette en nitinol et un fil de polyester tressé non résorbable (taille 2/0). L’ancre est insérée dans un orifice foré dans le condyle (diamètre 2,1 mm). L’effet mémoire des ailettes empêche le déplacement de l’ancre (fig 9 B). Fixation du disque à la cavité glénoïde.
• Discoplasties Smith, Walters et Dolwick [19] ont proposé des résections-sutures simples pour réparer les perforations méniscales. Cependant, cette suture est techniquement délicate à réaliser et une suture en zone avasculaire semble d’emblée très compromise. Loewe (1913), Rehn-Miyauchi (1914) ont proposé de réparer ces perforations éventuelles du disque également par sutures, mais de mettre en place une greffe dermique par-dessus cette suture, greffe qui va recouvrir la face supérieure du disque et qui est suturée aux marges méniscales latéralement, et sur les berges antérieure et postérieure. Meyer (1988) met ainsi en place une greffe dermique sur toute l’étendue de la face supérieure du disque afin d’améliorer son intégration grâce aux zones vascularisées latérales. Tucker (1986)
Leopard [48] propose de réaliser une plicature de la portion latérale du disque avec suture au périoste et au fascia temporal dans la moitié postérieure de la cavité glénoïde. Elle entraîne donc une réduction de l’effet de la contraction du ptérygoïdien latéral et empêche la luxation du disque en avant, mais il n’y a plus de mouvement entre le disque et la cavité glénoïde, et les mouvements se produisent entre le condyle et le disque. Levin (1997) fixe le bord postérieur du disque à la moitié postérieure de la cavité glénoïde par l’intermédiaire d’un ressort en métal à mémoire de forme. Raccourcissement du frein méniscal postérieur. MacCarty et Farrar [50] ont proposé une plicature du frein méniscal postérieur qui apparaît distendu et permet une luxation méniscale antérieure. Cette plicature porte essentiellement sur la lame élastique supérieure de la zone bilaminaire. Lepoutre (1991) a proposé de réaliser ce raccourcissement de la lame supérieure par coagulation. 11
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* A 9
Fixation du disque au condyle. A. Amarrage du disque à la tête condylienne par suture transosseuse [83]. B. Amarrage par Mitekt (Benyacoub N. Utilisation de l’ancre Mitek@ dans le traitement chirurgical du syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur. Mémoire pour l’obtention du DEA de médecine expérimentale des implants et transplants. Nancy, septembre 1995).
* B
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Raccourcissement du frein discal postérieur [19].
Weinberg et Cousens [ 9 7 ] (1987) ont proposé de réaliser un raccourcissement du frein méniscal postérieur « toute épaisseur » (fig 10). Ils réalisent une résection en bloc des attaches postérieures du disque et libèrent celui-ci de ses attaches antérieures et postérieures au niveau mandibulaire, ainsi que de ses attaches médianes et latérales à la tête condylienne. Une suture est ensuite effectuée au niveau de la zone de résection postérieure. Le disque n’est plus ainsi maintenu que par celle-ci et par une attache antérieure au niveau du faisceau supérieur du ptérygoïdien latéral. 12
En complément, Dolwick [19] propose l’excision d’une bande latérale externe discale ou paradiscale pour lutter contre un déplacement médial. En fait, la résection est le plus souvent triangulaire à base externe (incomplète). Ces interventions sont techniquement délicates, volontiers hémorragiques. L’intérêt est que la zone rétrodiscale cicatriserait, toujours d’après Marciani [51]. Selon ces auteurs, la contraction du ptérygoïdien latéral devrait provoquer le glissement antérieur du disque dont le frein méniscal
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Discopexie par bandelette d’aponévrose temporale [84].
postérieur a ainsi été raccourci et ce raccourcissement devrait lui permettre de regagner la fosse glénoïde lors des mouvements de fermeture. Renforcement des attaches méniscales après repositionnement. Il peut être réalisé par la mise en place d’un lambeau d’aponévrose temporale à pédicule inférieur (fig 11), qui vient se fixer sous tension au bord postéroexterne du disque [84]. Pour Gola [30], cette pexie immobilise le disque et rompt l’unité du complexe condylodiscal, entraînant un processus de dégénérescence par hyperfrottement localisé. Nous ne partageons pas cette analyse, la réalisation du lambeau retourné d’aponévrose temporale devant réaliser une tension telle qu’elle doit continuer de permettre les mouvements physiologiques de rotation dans le compartiment inférieur et de translation de l’ensemble discocondylien, et simplement limiter cette translation à une distance choisie (variable selon la tension donnée en peropératoire, ce réglage étant tout de même un peu empirique). De plus cette pexie, si elle ne correspond pas à la recréation d’un amarrage postérieur, a un point d’appui postéroexterne qui se situe environ dans l’axe de traction du ptérygoïdien latéral, ce qui nous semble satisfaisant. Benoist et Michelet fixent le bord externe du disque à l’aponévrose temporale par un fil d’acier.
• Gestes sur la capsule De nombreux auteurs ont essayé de simples capsulotomies. Elles donnent des résultats remarquables en postopératoire immédiat, pendant un temps difficile à préciser. Décompression articulaire ? Effet placebo ? Fibrose limitant les mouvements condyliens ? La question est toujours posée sur l’origine du résultat. Gestes sur le versant glénoïdien Hall et Gibbs [36] proposent une condyloplastie temporale s’il existe une pente condylienne importante, cas fréquemment rencontré selon eux par les dysfonctionnements. La réduction du volume et de la pointe condylienne (temporale) est réalisée au ciseau frappé. On l’adapte à la cinétique mandibulaire en vérifiant par mobilisation possible la levée des obstacles et des contraintes. L’abrasion porte en général sur la moitié du versant condylien. Le modelage doit être mené jusqu’au versant interne de la cavité articulaire, le long de la racine transverse. Weinberg [96] et Kerstens (1989) ont même proposé la réalisation d’une éminencectomie (pour « décomprimer » l’articulation ?) associée à un raccourcissement du frein méniscal postérieur. Pour Soudant [82], il s’agirait même de la technique préférentielle pour les dysfonctionnements. Nous partageons l’avis de Gola [30] sur l’illogisme de ce geste chirurgical dans cette indication. Il existe une perte de la fonction guide de la pente condylienne temporale. La zone osseuse avivée dans une zone articulaire crée les conditions d’une arthrose expérimentale avec apparition à ce niveau d’adhérences avec la face supérieure du disque. L’ablation du toit de l’articulation proposée dans les arthroses évoluées nous semble également à rejeter, induisant une instabilité mandibulaire.
Autres techniques proposées Bosker (1977) a proposé de réaliser une « dénervation » de l’articulation avec résection du nerf auriculotemporal et résection de l’artère temporale superficielle. Il fait état de « résultats très satisfaisants » en associant ou non ce geste à une condyloplastie. Hong (1985) réalisait une désinsertion du ptérygoïdien latéral de la lame externe de la ptérygoïde.
¶ Dans le cadre de la luxation condyloglénoïdienne Un grand nombre d’interventions a été décrit, que l’on peut distinguer suivant qu’elles visent à limiter l’abaissement mandibulaire, ou à limiter la course du condyle vers l’avant, ou à remodeler les obstacles mécaniques existants. Pour limiter l’abaissement mandibulaire On conçoit qu’en limitant l’abaissement mandibulaire, le condyle mandibulaire ne peut pas dépasser le conduit temporal et se luxer en avant. C’est le but de ce type d’intervention : ce n’est pas donc réellement un traitement de la dysfonction, mais un moyen de lutter contre un symptôme. Ont été ainsi proposés : – la résection muqueuse endobuccale (Hermann, Schoene, 1972) : la résection d’un croissant mucomusculaire réalise une limitation d’ouverture buccale par la cicatrisation rétractée résultante. Cette intervention a fait la preuve de son inefficacité ; – la myotomie du ptérygoïdien externe (Boman, 1947) : il s’agit de la section de l’insertion de ce muscle dans l’espoir d’empêcher la traction sur le condyle et de limiter l’abaissement mandibulaire. Le succès initial est fréquent, mais la fréquence des récidives est extrêmement élevée (Burke, 1979). Cette technique est encore parfois réalisée en association avec d’autres techniques ; – l’excision partielle du ptérygoïdien interne (Hardt et Zurcher, 1979) : elle est née du même principe de formation d’une cicatrice rétractée et présente également une propension à la récidive rapide ; – l’excision partielle du temporal (Gould, 1978) appelle les mêmes remarques ; – l’injection de produit sclérosant intra-articulaire (Dubach, 1966 ; Birke, 1972), éventuellement sous arthroscopie [ 7 1 ] ou en périarticulaire (Jacobi-Hermanns, 1981 ; Xu, 1992) ; – l’injection de toxine botulique dans le masséter, dans le ptérygoïdien latéral [15] (Moore, 1997), éventuellement sous contrôle électromyographique [27] ; – la limitation de la course temporale par bandelette d’aponévrose temporale [17] (Varma, 1986), tous ces gestes ne pouvant obtenir que des résultats temporaires. Pour limiter la course du condyle en avant – Fixation du condyle mandibulaire au condyle temporal : réalisée par un fil métallique ou par une bandelette d’aponévrose temporale dermique ou par une bandelette, passé à travers une encoche 13
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Avancement de l’éminence articulaire [13].
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Augmentation de hauteur du tubercule zygomatique [60].
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réalisée dans le col du condyle et fixé ensuite à la base du zygoma (Georgiade et Ginwalla, 1962). Cette technique n’a qu’un intérêt historique. – Capsulorraphie : préconisée par Sanders (1975), elle semble également vouée à l’échec à moyen terme. – Transposition d’un lambeau musculaire pédiculé de sterno-cléidomastoïdien : le lambeau est fixé sur la partie antérieure de la capsule articulaire pour obtenir une diminution de la laxité (Neuner). Comme tout prélèvement d’un lambeau musculaire aux dépens du sterno-cléido-mastoïdien, celui-ci n’est pas exempt de risque pour le nerf spinal. Nous pensons qu’il y a des moyens plus simples de traitement. – Bascule d’un lambeau d’aponévrose temporale : ce lambeau est fixé à la capsule (Nieden). Ce procédé simple ne nous semble pas être assuré de succès à long terme. – Raccourcissement du frein méniscal postérieur : l’effet souhaité est indirect, le disque étant relié au condyle par les fibres capsulaires (Chossegros, 1998). – Avancement de l’éminence articulaire : proposée par Combelles [13] en 1990, cette intervention consiste en une ostéotomie d’avancée du 14
Butées précondyliennes : greffon osseux. A. Butée de Leclere et Girard (d’après Haumesser D. La chirurgie dans le traitement des dysfonctionnements temporomandibulaires. Arthroplasties intra- et extra-articulaires. Thèse Med Nancy, 1981). B. Mayer (d’après Haumesser). C. Elbim (d’après Haumesser). D. Lindemann (d’après Dupuis A, Brunet C, Articulation temporomaxillaire. Pathologie et traitement. Encycl Med Chir [Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris], Stomatologie et Odontologie, 22-088-A-10 et A-20, 1973). E. Franceschetti (d’après Dupuis et Brunet). F. Ginestet (d’après Dupuis et Brunet).
condyle temporal, emportant environ la moitié antérieure de la fosse glénoïde après résection d’un fragment osseux en avant du tubercule. Le fragment osseux réséqué en avant sert à combler le defect osseux créé en arrière. Nous n’avons pas d’expérience de cette technique qui semble séduisante mais lourde (fig 12). – Augmentation de hauteur du tubercule zygomatique : Norman [60] a proposé une ostéotomie oblique et incomplète du tubercule zygomatique, débutant sur la face postérieure du tubercule et se dirigeant en haut et en avant vers le bord supérieur de l’arcade zygomatique (fig 13). Le fragment inférieur est abaissé et dans cet espace est encastrée une greffe iliaque ou une greffe mastoïdienne ou, éventuellement, un biomatériel de type hydroxyapatite (Watatani, 1992). Ce procédé semble satisfaisant même si un doute persiste quant à sa pérennité. – Réalisation de butées précondyliennes : toutes ces interventions ont en commun l’abord chirurgical cutané, préauriculaire avec un refend temporal de type Dingman. Le bord supérieur de l’arcade zygomatique et le tubercule zygomatique sont exposés. En augmentant la hauteur de l’apophyse transverse du zygoma ou en y créant un obstacle, le condyle mandibulaire ne peut plus continuer cette course. De nombreuses techniques de butées ont été décrites (fig 14).
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Abaissement de l’arcade zygomatique (d’après Haumesser D, La chirurgie dans le traitement des dysfonctionnements temporomandibulaires. Arthroplasties intraet extra-articulaires. Thèse Med Nancy, 1981).
* F 16 Butées précondyliennes : matériel inerte (d’après Haumesser D. La chirurgie dans le traitement des dysfonctionnements temporomandibulaires. Arthroplasties intra- et extra-articulaires. Thèse Med Nancy, 1981). A. Butée de Findlay (broche en acier inoxydable). B. Butée de Pellequer. C. Butée de Howe. D. Butée de Palfer-Sollier (résine acrylique). E. Ouverture buccale permise après mise en place de butées de Palfer-Sollier. F. Contrôle postopératoire après butées de Palfer-Sollier
– Greffon osseux. Ont été décrits différents procédés de réalisation d’obstacle à la course condylienne à l’aide de greffes osseuses : butées de Lindemann (1925), sous la forme d’un coin osseux à prélèvement local, butées de Ginestet [28] avec prélèvement d’une barrette osseuse sur le bord supérieur de l’arcade zygomatique, butées de Mayer (1923) avec bascule d’un fragment zygomatique, butées d’Elbim (1934) avec mise en place d’un greffon iliaque, butées de Leclerc et Girard (1952) par abaissement partiel d’un fragment de zygoma, butées de Mauclaire (1927) avec des fragments osseux d’origine tibiale. Toutes ces butées sont trop petites et surtout exposées à un déplacement secondaire, leur fixation étant aléatoire.
Ces différentes techniques, qui ont en commun d’utiliser de l’os, ont une durée d’efficacité difficile à fixer puisqu’une résorption osseuse va inévitablement se produire sous l’effet des mouvements (Undt, 1997). Il est difficile de faire la part dans le résultat entre l’obstacle proprement dit et la fibrose postopératoire qui s’installe dans la région.
– Abaissement de l’arcade zygomatique. L’abaissement de l’arcade zygomatique par fracture en bois vert (fig 15) a été proposé par Gosserez et Dautrey [32]. Cette fracture en bois vert n’est possible que chez les sujets relativement jeunes, sinon une fracture totale survient avec une absence de stabilité du fragment fracturé, qui doit être alors ostéosynthésé. Comme pour les butées osseuses, ce procédé est sujet à résorption à moyen terme.
– Matériel inerte. Des obstacles en matériel inerte ont été proposés pour créer un obstacle à la course condylienne : fiche en acier inoxydable (Findlay, 1964), butées en « T » en résine acrylique [65] (Aubry, 1961), blocs de Silastict (Shade, 1977), butées métalliques (Howe et Pellequer, 1978), plaques vissées (Buckley, 1988 ; Puelacher, 1993), butées ostéointégrables fabriquées sur mesure (Burel, 1996) (fig 16). 15
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Éminencectomie de Myrhaug [24].
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– soit abord chirurgical de l’articulation par une voie d’abord préauriculaire classique, la tête articulaire absente de la cavité glénoïde étant recherchée au-delà du tubercule articulaire et réduite en s’aidant de manœuvres instrumentales, en effectuant des mouvements de levier à l’aide de rugine. Il faut bien entendu essayer d’éviter de léser les surfaces articulaires de la cavité glénoïde et se méfier de provoquer une fracture du col du condyle. Dans des cas exceptionnels de luxation très ancienne, une condylectomie a été proposée par certains auteurs (Parekh, 1983).
¶ Dans le cadre de la reconstruction de l’ATM
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Le plus souvent, lorsqu’il existe une perte de substance osseuse au niveau du condyle mandibulaire, on est amené à reconstruire cette articulation pour retrouver une hauteur symétrique des branches montantes mandibulaires, éviter les troubles occlusaux et surtout éviter le retentissement inévitable à long terme sur l’articulation controlatérale. Dans de rares cas, il faut envisager une reconstruction totale, non seulement de la surface articulaire condylienne, mais aussi de la surface glénoïdienne. Cette reconstruction de l’articulation peut être menée à bien, soit par des techniques prothétiques, soit par l’utilisation de matériaux biologiques. Pseudoreconstruction : interpositions
De réalisation simple, ce type d’interventions a notre préférence, en particulier sous la forme des butées de Palfer-Sollier, butées initialement confectionnées en méthylméthacrylate, actuellement en titane coulé. Une rainure verticale est réalisée à la fraise, au niveau du tubercule zygomatique, à 5 mm environ en avant de sa pointe, permettant d’encastrer la partie verticale de la butée. Celle-ci est stabilisée par deux fils d’acier ou par des vis à sa partie supérieure au niveau du bord supérieur de l’arcade zygomatique. Pour permettre la réduction facile de la luxation Myrhaug [ 5 7 ] a proposé une résection du condyle temporal (éminencectomie). Une fois le condyle repéré, une incision horizontale est effectuée sur l’arcade zygomatique, la progression se fait en sous-périosté jusqu’à l’éminence articulaire qui doit être totalement dégagée. La résection osseuse est plus ou moins étendue sagittalement et transversalement. Au maximum, elle porte sur l’ensemble de l’éminence aussi bien en hauteur jusqu’au niveau du plan passant par le bord inférieur de l’arcade zygomatique qu’en profondeur. En profondeur, elle intéresse non seulement la partie latérale la plus facile d’accès (tubercule zygomatique antérieur), mais aussi la partie médiale (fig 17). Segami [77] a proposé de la réaliser sous arthroscopie. Cette intervention n’est pas dénuée de risque, en particulier infectieux par ouverture de cellules en communication avec les cellules pétromastoïdiennes lorsque le tubercule zygomatique est pneumatisé, éventuellement risque vasculaire au niveau de l’artère méningée moyenne, qui est située près de l’extrémité médiale de l’éminence. Elle n’empêche pas la luxation, mais permet d’éviter qu’un blocage ne se produise, la tête condylienne pouvant réintégrer spontanément la cavité articulaire. L’ablation du tubercule temporal permettrait de plus un recul spontané du temporal qui viendrait limiter l’excursion mandibulaire [24]. De nombreux auteurs prônent son utilisation : Soudant (1987), Strassen (1994), Undt (1996), Holmlund (1999). Pour nous, elle est à réserver de préférence aux personnes âgées si l’on récuse une autre technique. Pour réduire une luxation ancienne En cas d’impossibilité de réduction manuelle, on peut être amené à un traitement chirurgical : – soit traction par un fil d’acier passé au niveau de l’angle mandibulaire par un abord limité ; 16
• Interpositions biologiques Il s’agit de la même problématique que la reconstruction du disque, simplement les moyens d’interposition proposés sont plus volumineux dans l’espoir de reconstituer la hauteur perdue et d’éviter la constitution (ou la récidive) d’une ankylose. Le moyen le plus utilisé a été l’interposition d’un lambeau musculaire temporal, initialement proposée par Helferich (1894) dans le traitement des ankyloses après résection osseuse, suivi en cela par Lentz (1895), Henle (1897), Bilezynski (1898) et Nelaton (1902).
• Interpositions prothétiques Parmi les matériaux proposés, on peut surtout citer le silicone « dur » taillé extemporanément, glissé dans le defect et solidarisé par des fils d’acier à l’arcade zygomatique (Howe, 1979) et la « tuile » de Palfer-Sollier [65], en acryl (fig 18). Nous faisons parfois appel, en cas d’impossibilité de vraie reconstruction articulaire, à ce type de procédé avec interposition d’un bloc de silicone dur taillé à la demande (Karaca, 1998). Reconstruction articulaire à partir de matériau biologique Pendant longtemps, la reconstruction de l’ATM a fait appel à des greffes osseuses, ou plutôt chondro-osseuses, et, depuis quelques années, des techniques d’apports osseux vascularisés ont été proposées.
• Greffes conventionnelles Autogreffes. Les greffes chondro-osseuses utilisables sont essentiellement la côte, soit avec l’articulation costovertébrale, soit surtout au niveau de l’arc antérieur costal, ou bien l’utilisation d’une tête de métatarsien (le deuxième ou le quatrième). Chez l’adulte, les résultats à long terme de ces transplantations sont relativement décevants, se dégradant parallèlement à la lyse osseuse que subit le transplant. – Greffes chondro-osseuses costales. La première utilisation d’une greffe ostéochondrale costale pour reconstruire l’ATM semble être due à Gillies en 1920. Cette procédure a surtout été utilisée dans les cas d’hypoplasie de la branche montante et de la région condylienne ou dans la
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Interposition après libération d’ankylose. A, B. Tuile de PalferSollier. C. Bloc de silicone « dur » après libération d’ankylose.
* C reconstruction de l’articulation après libération d’une ankylose chez l’enfant (Dufourmentel et Darcissac, 1935). L’âge de la reconstruction a été très discuté. Si James [41] prônait une reconstruction précoce (à partir de l’âge de 2 ans), Steinhauser envisageait cette intervention entre 7 et 10 ans, alors que Rowe [75] considérait que l’âge idéal était 11 ans. La greffe chondro-osseuse costale est mise en place par un double abord préauriculaire associé à une incision sous-mandibulaire. Ces greffes osseuses sont habituellement prises aux dépens de la 5e, 6e ou 7e côte par une incision sous-mammaire (James et Irvine). La portion cartilagineuse a une hauteur d’environ 1 cm, une hauteur
plus importante entraîne un risque de fracture à la jonction ostéochondrale. Habituellement, la dissection au niveau de la jonction ostéochondrale s’efforce de préserver le périoste et le périchondre et la continuité entre les deux. La greffe costale peut être encastrée dans la branche montante de la mandibule [49] ou son extrémité inférieure peut être fixée en apposition sur la face externe de la mandibule [75] ou enfin cette greffe peut surmonter le bord supérieur de la branche montante de la mandibule, de préférence avec un procédé de mortaisage (fig 19). La croissance de ces greffes costochondrales a été prouvée depuis longtemps (Politis, 1989), mais l’importance de cette croissance apparaît non prédictible [72], une croissance excessive pouvant même survenir [34] (Ko, 1999). Salyer [14] a montré qu’il pouvait être possible d’envisager une distraction secondaire au niveau d’une ancienne greffe chondrocostale. – Greffes chondro-osseuses ou osseuses iliaques. Smith et Robinson (1952) ont réalisé une reconstruction par greffe osseuse iliaque surmontée d’une cupule en « métal non électrolytique » ; Manchester (1972), une greffe iliaque simplement modelée ; Kummoona [46] a proposé l’utilisation d’une greffe chondro-osseuse iliaque chez l’enfant. – Greffes de métatarsiens. À la suite de Baldenheuer (1909), de nombreux auteurs ont proposé des greffes d’extrémité antérieure de métatarsien : 3e métatarsien pour Bromberg (1963), 5e métatarsien pour Stuteville et Lanfranchi (1955) et pour Dingman et Grabb [18]. Ho et Bailey (1974) avaient proposé, dans un cas d’hémimandibulectomie, une reconstruction par greffe iliaque surmontée d’une greffe de 2e métatarsien (fig 19). À l’époque où ont été effectuées ces greffes, celles-ci étant maintenues par des ostéosynthèses au fil d’acier, une immobilisation postopératoire était alors indispensable. Malgré la morphologie anatomique très favorable, ces techniques ont été abandonnées en raison de la constatation de lyse habituelle progressive du greffon et des discussions sur l’innocuité du prélèvement chez l’enfant. – Greffe d’articulation sternoclaviculaire. Elle a été proposée par Snyder [80] en 1971. Il est à remarquer que cette technique était conçue comme une reconstruction totale de l’articulation, la corticale du manubrium étant synthésée au bord inférieur de l’arcade zygomatique et le versant claviculaire étant fixé au moignon mandibulaire (plus exactement, dans le cas publié, synthésé à une greffe iliaque de reconstruction de la branche montante réalisée secondairement). Henning (1992) a utilisé avec succès, chez le singe, la partie claviculaire de l’articulation sternoclaviculaire. Wolford (1994) rapporte de bons résultats avec cette technique chez des patients présentant une pathologie non arthritique.
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Mise en place de greffes costales. A. Mise en place de greffe chondro-osseuse costale (d’après Obwegeser HL. Mandibular growth anomalies. Berlin : Springer Verlag, 2000). B. Insuffisance de la taille de la côte chez l’adulte. C. Greffe de métatarsien [18].
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Reconstruction d’une hémimandibule avec reconstruction de l’articulation temporomandibulaire. " C3 A. Prothèse vissée sur lambeau libre de crête iliaque antérieure. B. Reconstruction totale de la mandibule par deux prothèses vissées sur lambeau libre de fibula. C. 1. Récidive d’améloblastome de la région angulomandibulaire ; 2. exérèse et reconstruction par lambeau libre de crête iliaque antérieure surmonté d’une prothèse articulaire ; 3. aspect postopératoire à 3 ans. D. 1. Dysplasie fibreuse évolutive de l’hémimandibule ; 2. exérèse et réparation par lambeau libre de crête iliaque antérieure surmonté d’une prothèse articulaire ; 3. contrôle tomodensitométrique à 10 ans ; 4. aspect postopératoire à 13 ans.
– Autres greffes osseuses. On peut signaler la tentative de reconstruction de Ware et Taylor (1966) à partir de l’extrémité proximale de péroné. En raison de difficultés techniques pour adapter la tête du péroné au moignon condylien et d’une lyse progressive constatée, cette technique a été assez rapidement abandonnée. Dans une expérimentation chez le singe, Dodson (1997) fait état de bons résultats avec une reconstruction condylienne par une greffe de voûte crânienne (toute épaisseur). Homogreffes. Il faut signaler les cas rapportés par Plotnikof [67] de transplantation d’articulation dans son entier comprenant à la fois la tête condylienne, la cavité glénoïde et les structures intermédiaires capsulo-ligamento-discales. Cet auteur rapporte des cas sur les succès desquels il est difficile de se prononcer. Bifano [ 4 ] , en 1990, fait état de bons résultats en chirurgie expérimentale (chez le bouc) de réimplantation de mandibules congelées, puis décongelées. Hétérogreffes. Kazanjian, en 1939, avait proposé l’utilisation de cartilage bovin.
• Transplantations vascularisées L’idée d’une reconstruction articulaire réalisée à partir d’une transplantation vascularisée est apparue depuis l’application à la chirurgie maxillofaciale des techniques de lambeaux myocutanés, puis des techniques microchirurgicales. 18
Lambeaux pédiculés. On a proposé l’utilisation : – d’une articulation sternoclaviculaire pédiculée sur le muscle sterno-cléido-mastoïdien [78] (Korula, 1991), en tant que transfert articulaire total, comprenant l’épiphyse claviculaire et la partie attenante du manubrium ; – de la partie externe du sternum et du 5e cartilage costal attenant, pédiculé sur le grand pectoral (Jones et Sommerland, 1983) ; – de la 6e côte pédiculée sur le grand dentelé (Richards et Poole, 1985). Lambeaux libres. La solution la plus satisfaisante pour l’esprit est, bien sûr, d’assurer le remplacement articulaire par un transfert articulaire vascularisé microchirurgicalement. Taylor, en 1979, propose l’utilisation d’un lambeau libre de crête iliaque antérieure pédiculé sur les vaisseaux circonflexes iliaques profonds, dont l’extrémité supérieure est modelée. Iconomou (1999) et Wax (2000) ont utilisé de la même manière un lambeau libre de péroné. Nous avons utilisé plusieurs fois ce procédé, non pour reconstruire l’articulation, mais comme reconstruction après exérèse de la branche montante (ou hémimandibulectomie), mais le lambeau libre osseux de crête iliaque ou de péroné a été surmonté d’une prothèse d’ATM. Il est naturellement possible, bien qu’à notre avis avec de moins bons résultats, d’utiliser un lambeau libre de péroné surmonté d’une prothèse (fig 20).
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Stomatologie
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* C * A
* B 21
Reconstruction de l’articulation temporomandibulaire par lambeau libre microanastomosé de métatarsien. A. Ankylose post-traumatique. B. Pédicule artériel et veineux du métatarsien. C. Contrôle radiographique postopératoire. D. Aspect postopératoire à 18 mois. E. Proposition de transplantation totale d’une articulation métatarsophalangienne selon Dattilo [16].
* D * E Salibian (1980) avait proposé une greffe chondrocostale microanastomosée, mais cette technique est plus souvent faite à partir des métatarsiens. Ting et Chang [88] en 1985 ont ainsi rapporté quatre cas de reconstruction du condyle par cette technique. Le lambeau utilisé est celui d’une tête de 2e métatarsien qui présente des analogies structurales indiscutables avec le condyle mandibulaire : elle a une forme elliptique arrondie, elle est recouverte de cartilage articulaire et, surtout, peut être prélevée en lambeau libre osseux avec une sécurité certaine. Le prélèvement du 2e métatarsien n’entraînerait pas de séquelle orthopédique, ni de séquelle au niveau de la croissance lorsqu’elle est effectuée dans l’enfance, ce qui reste discuté (fig 21 A, B, C, D). La tête du 2e métatarsien est aplatie transversalement. Elle se termine par une surface articulaire convexe plus étendue du côté plantaire que dorsal. Cette surface convexe de forme elliptique a des dimensions moyennes de 16 mm en longueur, 11 mm en largeur et 13 mm en hauteur. Lors du prélèvement, l’artère pédieuse est disséquée sur la face dorsale du pied, un excellent repère anatomique étant constitué par le tendon du court extenseur du gros orteil qui la surcroise. Il convient de respecter les branches collatérales de cette artère, notamment et surtout la première artère interosseuse dorsale et l’artère dorsale du métatarse qui donne les deuxième, troisième et quatrième artères osseuses dorsales. Ces artères interosseuses s’anastomosent en avant et en arrière par des rameaux perforants antérieurs et postérieurs vers l’arcade plantaire et l’artère osseuse correspondante. L’artère pédieuse se termine au niveau du premier espace interosseux en s’anastomosant avec l’artère plantaire externe. Cette artère plantaire externe est la branche terminale de l’artère tibiale postérieure. Elle naît dans la gouttière calcanéenne, à hauteur de la base du métatarsien et de l’arcade plantaire d’où s’échappent ses quatrième, troisième, deuxième et première artères interosseuses.
Le prélèvement du 2 e métatarsien en lambeau libre va donc comporter le prélèvement d’artère pédieuse emportant l’artère interosseuse dorsale et plantaire du premier et deuxième espace, c’est-à-dire toute l’ambiance vasculaire autour du 2e métatarsien. La dissection se fait de proximal en distal, et présente quelques difficultés au niveau du premier espace interosseux, car l’artère plonge en profondeur sous la base du 2e métatarsien et il faut prélever la totalité des branches jusqu’au deuxième espace interosseux. Il faut également prélever les veines périphériques. Il existe, au niveau du pied, une artère veineuse dorsale tributaire des réseaux saphène interne et saphène externe, croisant la région métatarsienne, qui reçoit le sang veineux du réseau superficiel dorsal par les veines dorsales des orteils et les veines interdigitales qui anastomosent l’arcade veineuse plantaire avec l’arcade dorsale. Ces veines sont situées dans le tissu sous-cutané et sont en position sus-aponévrotique. Ce lambeau osseux est transposé au niveau de la mandibule. Un mortaisage est réalisé au niveau de la branche montante de la mandibule, à la hauteur des métatarsiens, de façon à castrer la tête du métatarsien dans la branche montante. Le transplant est stabilisé par des vis. Les microsutures artérielles et veineuses sont alors effectuées. Ozcan [64] rapporte deux transplantations de ce type. Pour notre part, nous n’avons pratiqué que deux interventions de ce type, les indications nécessitant des conditions rarement remplies. Dattilo [16] a réalisé un lambeau libre de 2e métatarsien emmenant l’articulation métatarsophalangienne complète, la partie phalangienne étant fixée en sous-zygomatique, à une angulation de 70° environ avec le métatarsien synthésé à la branche montante (fig 21 E). 19
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* C * B
* A
* G
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* D 22
* H
Prothèses condyliennes (d’après Lukaszka C. Place de la prothèse dans la reconstruction de l’articulation temporomandibulaire. Thèse Méd, Nancy, juin 1993). A. Prothèse de Cernéa et Ward (acryl). B. Prothèse de Benoist (acryl, durallium). C. Prothèse de Levin (Silastict). D. Prothèse de Blank (vitallium, proplast). E, F . Type de prothèse commercialisée. G. Prothèse condylienne de Mercuri (sur mesure). H. Prothèse glénoïdienne de Mercuri (sur mesure).
• Distraction
• Prothèses condyliennes
Si les techniques de distraction sont maintenant couramment utilisées pour corriger l’hypoplasie de l’hémimandibule que l’on rencontre dans les syndromes de microsomie ou les séquelles d’ankylose, elles nécessitent une articulation fonctionnelle, de morphologie correcte et dont la situation spatiale est à peu près normale. Stucki et Mac Cormick (1999) ont proposé, dans les cas de destruction articulaire à la suite de lésions dégénératives ou de résorption condylienne, l’utilisation de distracteurs après corticotomie isolant un disque osseux au niveau du moignon restant de la branche montante, pour recréer un col condylien et une tête condylienne ; cependant, ce procédé semble avoir son avenir compromis, comme dans le cas d’une condylectomie par absence de structure cartilagineuse.
La plupart des prothèses condyliennes sont des prothèses fixées à la face externe de la branche montante par des vis. D’autres prothèses sont insérées dans le fût condylien (fig 22). Dans le cadre des prothèses dont la hampe est fixée au niveau de la face externe de la branche montante, on peut ainsi citer, d’une manière non exhaustive, les prothèses : – de Benoist (1974), en acryl, le néocondyle acrylique étant fixé sur un tuteur métallique en durallium ; – de Byrd et Holton (1971), en acier inoxydable ; – de Smith et Mohrrison, de Goodsenn en tantale ; – de Fuchs (1980), en titanium (Luhr) ;
Moyens prothétiques À la suite de J et R Judet qui, en 1947, remplacent la tête de deux métatarsiens par une prothèse acrylique, Terracol et Houpert réalisent une arthroplastie subtotale de l’ATM en substituant une tête acrylique à un condyle mandibulaire. Dans les suites, de nombreuses tentatives de reconstruction prothétique de l’articulation ont vu le jour. On peut diviser ces reconstructions prothétiques en trois types : les prothèses visant à reconstruire la tête condylienne et son col, celles visant à reconstruire la cavité glénoïde et celles visant à reconstruire à la fois la tête condylienne, le col et la cavité glénoïde. 20
– de Sonnenburg [81], en chrome-cobalt-molybdène puis, à partir de 1983, en alliage titanium-palladium, prothèse construite individuellement pour chaque patient ; – de Silver (1977) et de Blank (1982), en vitallium recouvert ou non de proplast ; – de Caix-Michelet [8] (type 1), en Stellitet ou en titanium. La queue est vissée sur la paroi externe de la branche montante, en bicorticale (laboratoire Choc) ; – de Mc Afee (1992) en polyoxyméthylène sur tige de titane ;
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* B * D
* A
* C
* E 23
* G – de Mercuri [53] : la queue est en chrome-cobalt-molybdène et la tête en titane recouverte de polyéthylène au niveau de la surface articulaire. Sa grande caractéristique est sa fabrication sur mesure à partir des données tomodensitométriques ; – de Raveh [73], à hauteur réglable et à tête orientable, en titane (dérivé du THORP [titanium hollow-screw reconstruction plate system]), actuellement proposé théoriquement en tant que temporary condylar devices (Leibinger) (fig 23). Analogue à ce type de prothèse, il existe de très nombreux modèles de prothèses mandibulaires en des matériaux divers dédiées à la reconstruction après hémimandibulectomie et comprenant une tête condylienne. Dans le cadre des prothèses insérées dans le fût condylien, celles-ci sont, soit impactées, soit vissées. La première décrite semble être celle de Dhawan (1976), encastrée à force, en acier inoxydable. Silver (1977) a décrit une prothèse similaire, scellée, en vitallium. On peut rappeler, à titre anecdotique, l’utilisation par Lewin (1978) d’une prothèse de tête cubitale en Silastict, scellée dans le canal médullaire. Caix et Michelet [8] ont proposé en 1982 deux types de prothèses (laboratoire Choc) :
* F
Prothèse de Raveh. A, B. Temporary condylar device (laboratoire Leibinger). C, D. Aspect préopératoire d’une « hypercondylie ». E, F, G. Contrôle postopératoire. H. État clinique à 12 mois.
* H – le « type 2 » est une prothèse à « autoancrage », dont la tête est indépendante de la queue, l’emboîtement étant réalisé par une structure rayée, cylindroconique, permettant un autoblocage selon l’angle de rotation désiré. La queue est introduite en intramédullaire et fixée par un vissage transversal. En fonction du fût condylien, la queue est de longueur variable (trois tailles) ; – le « type 3 » diffère du précédent par la modélisation de la queue : celle-ci devient plus courte, très pointue, légèrement concave en avant et surtout de section triangulaire à sa base, ovalaire en dessous, ce qui permet d’éviter les mouvements de rotation. C’est une prothèse « autobloquée » (fig 24). Nous avons beaucoup utilisé une prothèse vissée, de Stricker et Flot [9] (fig 25), dénommée prothèse totale intermédiaire à cupule non scellée. Dans sa conception, elle est inspirée par la prothèse de hanche de Sommelet et du professeur Laudry. Elle présente une double mobilité au niveau de sa cupule qui permet, en s’approchant tout près de la physiologie, de reproduire des mouvements d’ouverture et de fermeture buccale, ainsi que la latéralité, la pression verticale étant en partie absorbée au niveau de l’interface et répartie d’une façon homogène au niveau de la queue de la prothèse. 21
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* B
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Prothèse de Caix-Michelet. A. Type 1 [8]. B. Type 2 à autoancrage et vissage transversal [8]. C. Type 3 autobloqué [8]. D. 1. Chondrome du col mandibulaire ; 2. aspect peropératoire ; 3, 4. contrôle postopératoire ; 5, 6. aspect clinique à 18 mois. E. 1. Ankylose par spondylarthrite ankylosante ; 2. contrôle postopératoire ; 3. aspect clinique à 18 mois.
* C
* A
" D4
" D1
" D2
" D3
" E1 Cette prothèse est composée de deux parties : une partie mandibulaire et une partie temporale. La partie mandibulaire comprend une base hexagonale séparant la queue de la prothèse de la tête condylienne sphérique. Elle est coulée d’une seule pièce en alliage à base de titane. La queue de la prothèse est vissée dans la branche montante pour éviter l’utilisation de ciment, sauf duplication fréquente en orthopédie (les effets nocifs du ciment sur un col pauvre en spongieux pourraient entraîner une nécrose des corticales). La base hexagonale permet un lissage de la queue. La partie temporale est une cupule faite en céramique (alumine), dont le versant intérieur est recouvert de polyéthylène haute densité. 22
" D5
" E2
" D6
" E3
Il est en effet impossible de forer des puits d’ancrage dans la cavité glénoïde. La cupule est donc mobile et la prothèse vissée. Cette partie temporale constitue une cavité rétentive. Le jeu respectif des deux parties permet des mouvements de grande amplitude. En particulier, la première partie des mouvements d’ouverture buccale, la rotation du condyle sur son axe, est fidèlement reproduite au sein de l’articulation entre la tête de la partie mandibulaire et la cupule temporale. La seconde partie des mouvements, la translation, concerne l’ensemble de la prothèse. Les mouvements circonférentiels possibles étant de 20° tout autour de la tête condylienne, la diduction est assurée.
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" F1 * E " F2
" G1
" G4 " G2
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" G3
Prothèse de Stricker-Flot. A. Prothèse condylienne. B. La prothèse se compose de deux parties : mandibulaire et temporale. C. Mobilité des deux pièces l’une par rapport à l’autre (Chassagne JF, Flot F, Stricker M. La reconstruction de l’articulation temporomandibulaire et ses alternatives. Rev Stomatol Chir Maxillo Fac 1990 ; 91 ; 2 : 158-164).
D. Détermination préopératoire du diamètre du col. E. Aspect peropératoire. F. 1. Séquelle d’arthrite chronique juvénile ; 2. contrôle postopératoire. G. 1. Ankylose bilatérale post-traumatique ; 2, 3. contrôle postopératoire ; 4. aspect clinique à 6 ans.
Deux modèles de prothèses ont été élaborés en fonction des mesures anthropométriques réalisées par Gaspard. Une prothèse correspond à un col court, mesurant 10 mm de haut, l’autre à un col long avec une hauteur de 12 mm. La longueur de la queue demeure constante : 2 cm. Le diamètre de la queue reste également constant : 2,5 mm. Le diamètre de la cupule varie aussi de 10 à 12 mm.
Le vissage de la prothèse dans la branche montante de la mandibule doit impérativement prendre appui à la fois sur les corticales interne et externe de cette branche montante. La distance entre ces corticales doit donc être suffisante pour admettre le diamètre de la queue (2,5 mm). Il convient de mesurer en préopératoire la distance entre les deux corticales pour savoir si la 23
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* A * B 26
Prothèses totales. A. Prothèse de Michelet.
B. Prothèse de Sonnenburg.
pose de cette prothèse est possible. Cette mesure se fait au mieux sur un examen tomodensitométrique préopératoire (à défaut une évaluation moins fine peut être faite sur des tomographies frontales de la branche montante). De même, il convient de mesurer la distance entre la cavité glénoïde et le tracé d’ostéotomie projetée pour permettre le choix de la hauteur de la prothèse. Cette évaluation se fait sur des tomographies sagittales préopératoires de l’articulation, en tenant compte du coefficient d’agrandissement tomographique. Après une ostéotomie du col condylien qui doit être perpendiculaire au bord postérieur de la branche montante, au niveau du fond de l’échancrure sigmoïde, le forage est réalisé avec un foret de 2,2 mm de diamètre et de 2 cm de long. Ce forage doit être impérativement parallèle au bord postérieur de la branche montante et situé, tout au long de son trajet, à équidistance des corticales interne et externe. Une prothèse d’essai est utilisée pour vérifier que la hauteur de la branche montante est bien rétablie et cette prothèse d’essai permet également de visualiser une éventuelle imperfection dans le trait d’ostéotomie qui doit être corrigée. La plupart des complications proviennent d’erreurs techniques : il faut impérativement que la prothèse soit parfaitement située dans l’axe du fût condylien. Il s’agit de la partie la plus délicate de la technique, la pose étant rendue difficile par le surplomb de la racine longitudinale du zygoma.
• Prothèses glénoïdiennes En 1981, Kent [43] met au point plusieurs modèles de prothèses glénoïdes sur cadavres, la prothèse imitant l’inclinaison de l’éminence articulaire, ainsi que la configuration de la cavité glénoïde et de sa surface articulaire. Elle s’étend vers l’avant le long de l’arcade zygomatique et, de façon médiale, à la jonction zygoma et partie infratemporale de la grande aile du sphénoïde, vers l’arrière jusqu’à la partie antérieure du méat acoustique externe (25 mm de largeur, 20 à 25 mm de longueur, 3 à 9 mm d’épaisseur). Le modèle initial comprenait trois couches : proplast, situé contre l’os temporal, Teflont FEP renforcé d’un filet métallique en polyamide et constituant la couche intermédiaire, Teflont PTFE renforcé par des fibres de graphites, constituant la couche articulaire. En 1984, la prothèse glénoïde est réduite à deux couches : proplast gardé comme interface avec la fosse glénoïde et Teflont FEP renforcé de fibres polyamides comme surface articulaire. L’axe médiolatéral de la prothèse est modifié pour former un angle en direction du foramen ovale. Ce type de prothèse a été abandonné en raison des réactions histologiques au proplast évoquées au chapitre de la reconstruction discale (Spagnoli, 1992 ; Wolford, 1994). Pourrait être utilisée dans la reconstruction de cette surface temporale, la partie supérieure des prothèses totales envisagées dans le paragraphe suivant. En fait, le besoin d’une prothèse temporale ne nous semble pas exister. Si une reconstruction de cette surface est nécessaire, dans un contexte post-traumatique (luxation intracrânienne) ou dans un contexte tumoral (exérèse 24
* C C. Prothèse de Kent.
neurochirurgicale associée), la meilleure reconstruction nous semble devoir être osseuse par greffe conventionnelle, soit iliaque, soit prélevée sur le volet neurochirurgical.
• Prothèses totales En 1972, Michelet [54] présente le premier type de prothèse totale avec un versant temporal en acryl et une partie mandibulaire comportant en monobloc un néocondyle et une plaque de Stellitet. La plaque était vissée sur la corticale externe par des vis bicorticales. Kummoona, en 1978, scelle une prothèse en chrome-cobalt dans le canal médullaire et l’associe à une partie temporale (du même métal) vissée. Sonnenburg (1983) a adjoint à sa prothèse condylienne une partie temporale en polyéthylène haute densité, ajustée en bonne position par l’intermédiaire d’un ciment et sécurisée à l’os zygomatique par vis (en titane). La prothèse de Kent [44] a été abandonnée en raison des réactions tissulaires au proplast (fig 26). Certains auteurs conseillent d’utiliser des autogreffes graisseuses pour entourer la prothèse mise en place [99] dans l’espoir de limiter la fibrose et la survenue de calcifications périprothétiques. En pratique, la prothèse Stricker-Flot n’est plus actuellement commercialisée pour des raisons invoquées de non-rentabilité commerciale. Nous utilisons habituellement, lorsqu’une reconstruction prothétique nous semble indiquée, une prothèse de type Caix-Michelet ou une prothèse de Raveh. L’avenir est sans doute aux prothèses fabriquées sur mesure (TMJ concepts), à partir des données tomodensitométriques et d’une modélisation par stéréolithographie [53], bien que le coût actuel d’une telle prothèse rende son utilisation très difficile en Europe. ARTHROSCOPIE THÉRAPEUTIQUE
Un certain nombre d’auteurs ont proposé la réalisation de gestes intra-articulaires sous arthroscopie. Des micro-instruments ont été mis au point : palpeur, râpe, pince simple ou aspirante, bistouri, électrode reliée à un bistouri électrique standard, microtour (Shaver), laser (ND-Yag). La réalisation de ces gestes thérapeutiques sous arthroscopie nécessite naturellement deux abords, l’un pour l’optique, l’autre pour l’instrumentation. Il a été ainsi proposé de pratiquer : – un lavage articulaire avec lyse des adhérences (Sanders et Murakani), éventuellement avec l’aide d’un ballonnet gonflable (Sasaki, 1997) ; – une régularisation des surfaces articulaires à la pince, à la râpe ou au microtour (Quinn, 1998) ; – une réduction de luxation antérieure discale après, ou non, libération des attaches antérieures au microciseau ou à la coagulation monopolaire (Montgomery, 1991 ; Miyamoto, 1998) ; – une discopexie par coagulation de la zone bilaminaire (électrodes conventionnelles ou laser) : Bradrick (1992), Liesenhoff (1994), Chossegros (1996) ou par suture : Mc Cain, 1992 ;
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* C
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Microchirurgie de l’articulation temporomandibulaire (d’après Abs R. La microchirurgie de l’articulation temporomandibulaire. Mémoire pour l’obtention du diplôme d’université de microchirurgie. Nancy, juin 1991). 1 : muscle temporal ; 2 : arcade zygomatique ; 3 : capsule ; 4 : ligament latéral externe ; 5, 6 : ligament latéral discocondylien. A. Abord de l’articulation. B. Ouverture du compartiment supérieur de l’articulation. C. Lambeaux capsulaires réclinés. D. Ouverture de la cavité articulaire inférieure. E. Fermeture de la cavité articulaire.
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* E 27
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* D
* F [45]
Microchirurgie de l’articulation temporomandibulaire . 1 : arcade zygomatique ; 2 : capsule ; 3 : attaches condylodiscales ; 4 : ligament discocondylien ; 5 : cavité articulaire inférieure ; 6 : condyle mandibulaire. A. Incision de la capsule. B. Tracé de l’incision discale. C, D. Ouverture de la cavité articulaire. E, F. Fermeture en deux plans.
– voire une suture discocapsulaire ; – une extraction de corps flottants ; – la réalisation de biopsie. L’arthroscopie thérapeutique n’a pour nous que de très rares indications : extraction de corps flottants, gestes biopsiques, éventuellement régularisation d’ostéophytes. MICROCHIRURGIE
Compte tenu de la taille de l’articulation, il semble hautement souhaitable de réaliser les interventions à l’aide d’une optique grossissante comme l’a proposé Kreutziger [45]. L’abord de l’articulation est incontestablement moins délabrant et les gestes peuvent être effectués avec une précision très supérieure (fig 27, 28). Sous optique grossissante, on peut inciser la capsule articulaire selon un lambeau à base postérieure : l’incision supérieure, horizontale, curviligne, est faite à travers le ligament temporomandibulaire et la capsule d’avant en arrière, ouvrant le compartiment articulaire supérieur, l’incision antérieure, verticale presque jusqu’à l’insertion capsulaire, est menée sans ouvrir le compartiment inférieur, l’incision inférieure est constituée par une incision horizontale vers l’arrière des fibres capsulaires. Le lambeau est progressivement levé sans rompre les attaches condylodiscales dans un premier temps. Il
* E est ensuite possible de réaliser une incision en « H » horizontal au niveau de ces insertions condylodiscales (ou uniquement une incision le long du bord externe du disque) permettant d’exposer, si besoin, le compartiment inférieur. La procédure chirurgicale choisie (repositionnement discal, discopexie, discoplastie) est alors effectuée en utilisant des instruments conventionnels ou des micro-instruments. L’avantage principal de réaliser ainsi le geste est, outre la précision obtenue lors des gestes de correction, de pouvoir procéder à une reconstitution anatomique la plus précise possible lors de la fermeture de la voie d’abord : l’attache discale latérale peut être suturée, le plan capsuloligamentaire restauré. Le seul inconvénient est un allongement du temps opératoire.
Rééducation CONTRAINTES CINÉSIOLOGIQUES, FONCTIONNELLES ET PSYCHOLOGIQUES
Pour le rééducateur, l’ATM est une diarthrose bicondylienne à ménisque interposé autorisant la mobilité de la mandibule à la condition de respecter sa spécificité anatomique. Les ATM sont : – des articulations paires et symétriques, le moindre mouvement de la mandibule impose des synergies musculaires, non seulement au niveau de chaque ATM, mais plus encore au niveau des deux ATM qui travaillent parallèlement ; 25
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Stomatologie
– des articulations à disque interposé, le fonctionnement de l’ATM est sous la dépendance du complexe discoptérygoïdien qui gère les mouvements d’ouverture et de fermeture buccales ;
– la thermothérapie est nécessaire au début de chaque séance, du fait de ses effets sédatifs et myorelaxants ; elle doit avoir une durée de 15 minutes environ ; notre préférence va au coussin chauffant ;
– des articulations conduisant à une contre-opposition des articulés dentaires, l’ATM étant lésée ou fragilisée par un défaut d’occlusion ;
– les massages décontracturants doivent compléter immédiatement et efficacement la thermothérapie à condition d’être complets :
– des articulations participant à bon nombre de fonctions physiologiques comme la déglutition, la mastication, la phonation, la respiration ; sa pathologie génère des dysfonctionnements desdites fonctions et réciproquement. En étroite relation avec le maintien de la posture cervicale, voire au-delà pour certains, l’harmonie fonctionnelle des ATM est volontiers perturbée par des pathologies du contrôle de la posture. Enfin, articulations de la face, les ATM participent à la vie relationnelle (convivialité, communication, etc) dont l’altération peut générer ou entretenir le dysfonctionnement mandibulaire, ce qui conduit à une prise en charge globale du patient et pas seulement analytique. La dyssynergie musculaire d’une ou des deux ATM, quelle qu’en soit l’étiologie (traumatique, occlusive, cervicale, méniscale, psychologique, physiologique), est le centre du dysfonctionnement mandibulaire qui doit être pris en charge prioritairement, nécessairement dans un schéma thérapeutique pluridisciplinaire. OBJECTIFS ET LIMITES DE LA RÉÉDUCATION
À partir d’un bilan articulaire objectivant amplitudes et déviations, nécessairement complété par un bilan musculaire palpatoire précis local (endo- et exobuccal), locorégional (peauciers du cou, muscles de la face) et régional (muscles latérocervicaux, trapèze), mais encore fonctionnel (déglutition, parafonction, mobilité et position de la langue), trophique enfin (cicatrices, œdèmes, rétractions musculaires), le thérapeute est à même de hiérarchiser la prise en charge du patient et à proposer : – un traitement analytique locorégional afin de lever les contractures musculaires, de symétriser les cinésies mandibulaires et de retrouver des amplitudes fonctionnelles ; – et bien souvent, pour un certain nombre de patients, une prise en charge spécifique comme (sans esprit de hiérarchisation) : – la libération du rachis cervical supérieur ; – la relaxation de la face, voire du patient ; – la rééducation de la statique vertébrale ; – l’inhibition des dyskinésies orofaciales ; – la modification du mode respiratoire ; – la rééducation de la déglutition ; – l’assouplissement des brides cicatricielles ; – la résorption des œdèmes post-traumatiques ou chirurgicaux ; – la prévention de la myosclérose postradique. Si, bien souvent, un simple traitement local bien conduit suffit pour restaurer la fonction mandibulaire, parfois la complexité de la rééducation, insuffisamment prise en compte, mène à l’échec. Ceci pour rappeler l’intérêt de : – un traitement fonctionnel analytique et global précoce et suffisamment longtemps poursuivi ; – la nécessaire pluridisciplinarité de la prise en charge ; – l’importance du libellé de l’ordonnance ; – et, enfin, la nécessaire participation pleine et entière du patient à un processus rééducatif souvent long et fastidieux. MODALITÉS PRATIQUES DE LA RÉÉDUCATION
¶ Levée des contractures musculaires La levée des contractures musculaires est un préalable indispensable, relevant de moyens simples, peu coûteux en matériel, mais lourd en durée : 26
– exobuccaux (masséters et temporaux) ; – endobuccaux (ptérygoïdien interne) ; – locorégionaux (ensemble de la musculature faciale et peauciers du cou) ; – régionaux (muscles latérocervicaux et trapèzes).
¶ Techniques de facilitation ou d’inhibition Ces techniques sont indiquées chaque fois que le travail analytique d’une cinèse mandibulaire est rendu impossible par une sidération musculaire ou contrarié par une hypertonie musculaire parasite. – La levée des inhibitions fait appel à des techniques facilitatrices à partir de muscles indépendants de la motricité des ATM. La protraction de la langue, par exemple, permet d’éveiller l’antépulsion ou la diduction. – La levée des hypertonies, notamment des muscles de la face ou du plancher de bouche, nécessite au contraire l’inhibition volontaire et active du ou des muscles de la face entravant la cinèse travaillée (antépulsion limitée par l’hypertonie de la houppe du menton, par exemple).
¶ Travail de symétrisation articulaire – Propulsion. Aucune ouverture buccale de plus de 2 cm n’étant possible sans propulsion préalable et toute ouverture buccale étant latérodéviée si la propulsion est asymétrique, le travail de la propulsion est prioritaire. Il s’agit d’un travail en feed-back (en position assise, devant un miroir et léger désengrènement dentaire) avec autocorrection active ou correction manuelle si nécessaire des latérodéviations. – Ouverture buccale. Dans les mêmes conditions, avec les mêmes impératifs, le travail de l’ouverture buccale complète la séance jusqu’à l’obtention d’une course articulaire satisfaisante en amplitude mais impérativement symétrique.
¶ Mobilisations passives et autopassives Lorsque la musculature est déficitaire ou les amplitudes articulaires réduites par la douleur ou la fibrose, à condition de respecter la propulsion mandibulaire, les mobilisations passives manuelles peuvent être un adjuvant précieux pour gagner en amplitude et secondairement en force musculaire. Différentes prises mobilisatrices correctement effectuées respectant la cinésiologie de la mandibule (courbe de Posselt) permettent d’améliorer tous les secteurs de mobilité mandibulaire.
¶ Postures La posture est un étirement prolongé dans une position extrême et constante du secteur d’amplitude travaillé, mais maintenue dans le temps de 10 à 15 minutes : – manuelles, elles sont de plus courte durée mais respectent au mieux les contraintes anatomiques locales ; – instrumentales avec abaisse-langue interposé ou bouchons de liège biseautés de hauteur croissante entre les molaires, elles peuvent faire appel à un appareillage de type « sauterelle de Benoist » [69] ou équivalent, mais l’état du parodonte ou de la denture en limite les indications, tout comme le respect des délais de consolidation chirurgicaux. Trop agressives, non respectueuses de la cinésiologie locale (propulsion concomitante de l’ouverture buccale), elles majorent les contractures musculaires des élévateurs. Elles doivent être nécessairement limitées en amplitude.
Chirurgie et rééducation de l’articulation temporomandibulaire (en dehors de l’ankylose)
Stomatologie
¶ Compléments thérapeutiques Myorelaxants, antalgiques, plus rarement anxiolytiques sont des adjuvants intéressants. Une gouttière occlusale lisse facilite souvent le traitement rééducatif par ses effets décontracturants et antalgiques sur les muscles masticateurs. MODALITÉS D’APPLICATION
¶ Après chirurgie discoligamentaire Impératifs de la kinésithérapie Quelle que soit la technique chirurgicale utilisée, la mobilisation active de l’ATM doit respecter les délais de cicatrisation (pas de mouvement forcé), faciliter les zones de glissement du complexe méniscoptérygoïdien (dans tous les secteurs d’amplitude) et retrouver une amplitude d’ouverture fonctionnelle avec antépulsion symétrique. Moyens de la rééducation Après un travail sédatif, décontracturant et antiœdémateux si nécessaire, très rapidement est proposé au patient une autoprise en charge de son traitement, en station assise devant un miroir, de l’antépulsion, puis de l’antépulsion-ouverture, en veillant à la symétrie du geste. En cas de difficulté, la prise en compte des différents facteurs ayant conduit à la pathologie discale est nécessaire (traitement cervical, déglutition, position de langue, traitement dentaire, gouttière, relaxation...). Limites de la rééducation Le dysfonctionnement mandibulaire ayant conduit à la pathologie d’une ou des deux ATM est le plus souvent plurifactoriel. Les facteurs psychologiques sont ici très souvent intriqués et, qu’ils soient cause ou constante, insuffisamment pris en charge.
¶ Prévention de l’ankylose, rééducation après fractures
de la région condylienne et rééducation après chirurgie des ankyloses Indispensable, cette rééducation est envisagée dans le cadre des limitations d’ouverture de bouche. RÉDACTION DE L’ORDONNANCE
L’ATM est une articulation pénalisée par la nomenclature des actes de kinésithérapie. Son traitement est complexe et nécessite
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une prise en charge individualisée de longue durée, ce qui impose d’identifier et de préciser les objectifs à atteindre, faute de quoi le thérapeute n’est pas rémunéré à la hauteur du travail effectué. La législation de la Sécurité sociale permet au médecin prescripteur de quantifier la prise en charge du patient (par exemple : « X » séances de rééducation... à raison de « X » séances par semaine), mais surtout d’en préciser le contenu (éventuelles contre-indications, priorité comme les œdèmes, les cicatrices, les contractures, les facteurs associés), faute de quoi le kinésithérapeute, pas nécessairement rompu à ce type de rééducation, est libre de son schéma thérapeutique et de sa chronologie. Le libellé de l’ordonnance doit établir les termes exacts d’un contrat entre le prescripteur, le thérapeute et le patient, dont l’adhésion pleine et entière est l’un des prérequis indispensables à la qualité du résultat. Un contrôle clinique est recommandé au terme de 12 à 15 séances, ne serait-ce que pour modifier la qualité de la prise en charge. La formulation du contrat peut varier : soit ordonnance-lettre précisant le diagnostic et les objectifs, soit ordonnance simple accompagnée d’une lettre explicative précisant les données des problèmes à traiter avec, idéalement, le compte-rendu opératoire si intervention il y a eu. La rédaction du contrat se doit d’être claire et préciser : – la nature exacte de la pathologie, du traitement dont elle a fait l’objet, et les éventuelles contre-indications imposées par ledit traitement ; – les priorités de la prise en charge, éminemment variables selon la pathologie locale, locorégionale, voire générale ; – les objectifs recherchés dans un délai déterminé, ce qui suppose de préciser l’accès à certaines techniques manuelles (posture, par exemple). Solution idéale pour beaucoup, l’ordonnance-type est un leurre qui réduirait l’individu à une pathologie. En chirurgie maxillofaciale peut-être plus qu’ailleurs, la complexité de la prise en charge, le plus souvent pluridisciplinaire, interdit cette démarche qui doit nécessairement intégrer des notions psychologiques, orthopédiques, orthodontiques pour ne citer que les plus fréquentes.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-056-S-15
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Limitations d’ouverture de bouche JF Chassagne C Wang S Chassagne E Simon C Stricker JP Fyad JE Bussienne
Résumé. – Les limitations d’ouverture buccale sont le plus souvent d’origine locale. Dans la majorité des cas, elles sont facilement rapportées à leur cause, en particulier lorsqu’elles sont dues à des lésions infectieuses en évolution, à des traumatismes ou des gestes chirurgicaux récents, à un dysfonctionnement discocondylien ou une autre pathologie articulaire. En l’absence de telles étiologies, une cause tumorale doit être recherchée. Les étiologies générales sont plus rares et, parmi celles-ci, les limitations d’ouverture de bouche médicamenteuses sont les plus fréquentes, sans négliger la possibilité exceptionnelle du tétanos. Le traitement doit être étiologique dans toute la mesure du possible. Un traitement symptomatique peut être associé, reposant essentiellement sur les myorelaxants et la rééducation maxillofaciale dont les étapes habituelles sont l’amélioration de la trophicité locale, l’assouplissement des structures capsuloligamentaires et musculaires, la levée de la sidération musculaire si elle existe, la récupération des amplitudes articulaires et de la physiologie musculaire, par mobilisation passive et active, et la rééducation active des différents groupes musculaires. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : limitation d’ouverture de bouche, trismus, constriction permanente.
Introduction
Examen clinique
Dans le cadre des limitations d’ouverture de bouche, il est classique de distinguer trismus et constriction permanente. Le trismus est défini dans le Littré comme un « serrement des mâchoires par contractions spasmodiques des muscles élévateurs de l’inférieure, en sorte que la bouche demeure forcément fermée », ainsi nommé à cause du grincement des dents qui l’accompagne (du grec trismos : je grince). Cette définition semble sous-entendre que le trismus est toujours dû à une contracture des muscles élévateurs, ce qui n’est pas exact du point de vue médical. Le trismus est aussi appelé constriction temporaire des maxillaires. Chaput a parlé d’un « symptôme transitoire caractérisé par la limitation d’ouverture buccale due à une contracture des muscles masticateurs en rapport avec une lésion en évolution ». À l’opposé, la constriction permanente des maxillaires se caractérise, selon Dechaume, comme la perte permanente, complète ou incomplète, du mouvement d’abaissement de la mandibule. La différenciation entre une constriction temporaire et une constriction permanente n’est naturellement pas évidente lorsque l’on voit le patient pour la première fois. De plus, la notion de temporaire ou de transitoire dans le trismus peut également prêter à discussion.
La limitation d’ouverture buccale est un motif fréquent de consultation. Elle est parfois isolée, sans aucun signe d’accompagnement, mais souvent elle s’intègre dans un tableau clinique plus riche et évocateur. L’interrogatoire doit naturellement préciser les circonstances de survenue de cette limitation d’ouverture buccale (traumatisme, plaie, intervention chirurgicale récente), sa date d’apparition et son mode de début (progressif ou brutal), son mode d’évolution. Les antécédents personnels et familiaux sont également notés (il est classique de s’enquérir de l’état de la vaccination antitétanique) et les traitements médicamenteux en cours. On recherche, s’ils ne sont pas signalés spontanément par le patient, les signes fonctionnels associés (douleur et ses caractéristiques, dysphagie) et d’éventuels signes généraux (hyperthermie). L’examen clinique va naturellement évaluer la limitation de l’ouverture buccale en la mesurant par rapport à une ouverture buccale normale (qui est de 47 ± 7 mm). On qualifie ainsi le trismus de léger lorsque l’amplitude d’ouverture reste supérieure à 20 mm, de modéré lorsque l’amplitude d’ouverture va de 10 à 20 mm, ou de serré si elle est inférieure à 10 mm. La rectitude du trajet d’ouverture ou une éventuelle latérodéviation est appréciée. Les mouvements de propulsion et de latéralité sont également appréciés et notés. L’examen exobuccal recherche des signes de traumatisme (ecchymoses, hématomes, plaies). On s’attache à apprécier la symétrie du visage, l’existence éventuelle d’une tuméfaction, l’existence d’une hypertrophie d’un ou des muscles masticateurs (temporal, masséter). La palpation intéresse l’articulation temporomandibulaire au repos et lors des mouvements, cherchant à apprécier la mobilité condylienne et ses troubles éventuels. Les muscles masticateurs sont
Jean-François Chassagne : Professeur de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, faculté de médecine de Nancy. Christian Wang : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, service d’odontologie chirurgicale, faculté de chirurgie dentaire de Nancy. Sorana Chassagne : Praticien adjoint contractuel. Étienne Simon : Assistant chef de clinique. Christophe Stricker : Assistant chef de clinique. Jean-Pascal Fayard : Assistant-assistant. Service de chirurgie maxillofaciale. Jean-Éric Bussienne : Attaché, service d’oto-rhino-laryngologie. Hôpital central de Nancy, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Chassagne JF, Wang C, Chassagne S, Simon E, Stricker C, Fyad JP et Bussienne JE. Limitations d’ouverture de bouche. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-056-S-15, 2001, 14 p.
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palpés à la recherche de zones douloureuses, en particulier au niveau des insertions. Les structures osseuses accessibles à la palpation sont également vérifiées, en particulier dans un contexte traumatique, au niveau des corps mandibulaires et de la région zygomatomalaire. La sensibilité cutanée, dans les régions labiomentonnière et sousorbitaire, est également à apprécier. Une recherche d’adénopathie cervicale ou prétragienne est systématique. L’examen endobuccal est naturellement plus ou moins gêné par cette limitation d’ouverture buccale. Dans le pire des cas où l’ouverture buccale est quasi nulle, on peut au moins étudier les régions vestibulaires supérieure et inférieure, et apprécier en partie l’état de la région rétromolaire. En fonction de l’ouverture buccale, il est plus ou moins facile d’apprécier l’état dentaire et l’occlusion dentaire, l’état de la muqueuse de la cavité buccale et de l’oropharynx (en particulier au niveau amygdalien, vélaire et rétromolaire). Une rhinoscopie antérieure est également faite. Un examen général est effectué, comportant un examen neurologique. À la suite de cet examen clinique, dans la grande majorité des cas, une orientation diagnostique peut être évoquée, demandant à être éventuellement confirmée par des examens complémentaires. Parfois, le trismus demeure le seul signe clinique et les examens complémentaires sont alors nécessaires pour orienter le diagnostic. Dans un contexte traumatique, les examens radiologiques indispensables sont demandés en fonction des constatations cliniques. En dehors de ce contexte traumatique, le premier examen à demander, examen de débrouillage, est naturellement un orthopantomogramme (ou un cliché « mordu » si l’orthopantomogramme n’est pas réalisable), qui permet d’avoir une première idée de l’état dentaire, articulaire et osseux. Ce cliché doit être de bonne qualité et permettre de visualiser les deux articulations temporomandibulaires. En seconde intention, sont réalisés : – un complément d’imagerie, le plus souvent représenté par un examen tomodensitométrique centré sur la région ptérygomandibulaire et sous-temporale et les sinus de la face ; – une fibroscopie par voie nasale à la recherche de cause tumorale ; – en cas de pathologie articulaire d’origine dysfonctionnelle supposée, un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM).
Diagnostic étiologique LIMITATIONS D’OUVERTURE DE BOUCHE DE CAUSE LOCALE
¶ Dans un contexte de traumatisme récent C’est le diagnostic qui pose en général le moins de problèmes. Le trismus est soit d’origine réflexe, réalisant une immobilisation antalgique, soit provoqué par des lésions traumatiques d’un muscle lui-même ou de son voisinage immédiat. Les fractures de l’angle mandibulaire ou de la branche montante sont facilement diagnostiquées à l’examen clinique ou sur l’orthopantomogramme (éventuellement sur des clichés de type maxillaire défilé ou face basse si la pratique de l’orthopantomogramme se révèle impossible). Les fractures de la région articulaire, qu’elles soient intra- ou extraarticulaires, uni- ou bilatérales, sont aisément suspectées à l’examen clinique (en se rappelant qu’il existe des fractures bifocales très fréquentes au niveau mandibulaire, associant une fracture du corps de la mandibule et une fracture de la région articulaire). Elles sont habituellement vues sur un orthopantomogramme ; cependant, la qualité de celui-ci est parfois sujette à caution et ce type de fracture peut éventuellement passer inaperçu. En cas de doute ou lorsque l’on veut préciser le type exact du trait et le type de déplacement, 2
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Examen tomodensitométrique d’une fracture sous-condylienne.
surtout pour poser une indication chirurgicale, l’examen tomodensitométrique avec reconstruction tridimensionnelle doit être réalisé (fig 1). Les fractures du coroné se rencontrent également, entraînant un trismus assez net, suspectées sur une douleur à la palpation de la région rétromolaire, dépistées sur l’orthopantomogramme. Les fractures de l’arcade zygomatique, succédant à un choc direct sur l’arcade elle-même, gênant le fonctionnement du temporal dans la coulisse zygomatotemporale, sont classiques et ne posent le plus souvent pas de problème diagnostique particulier, en raison des signes cliniques locaux (douleur, hématome ou œdème, dépression localisée). Elles sont mises en évidence par un simple cliché de type Hirtz à « rayons mous ». Les autres fractures pouvant entraîner des trismus, fractures du malaire ou fractures maxillomalaires déplacées, gênant le libre jeu mandibulaire ou gênant le muscle temporal dans sa mobilité, fractures-séparations faciales (par l’intermédiaire, surtout, de la fracture de l’apophyse ptérygoïde), sont facilement diagnostiquées sur leurs signes cliniques propres et sur le bilan radiologique. On peut également rencontrer des cas de luxation condylienne traumatique, soit luxation en arrière qui s’accompagne d’une fracture du tympanal (suspectée sur l’otorragie et affirmée par l’otoscopie), soit exceptionnelle luxation intracrânienne facilement diagnostiquée sur l’examen radiologique et précisée par un examen tomodensitométrique. Il peut aussi exister des lésions au niveau de l’articulation temporomandibulaire sans fracture, entraînant une limitation d’ouverture buccale douloureuse associée le plus souvent à une latérodéviation. Cette symptomatologie peut traduire une simple contusion articulaire avec hémarthrose ou bien des lésions capsuloligamentaires plus sévères, associées ou non à une rupture des attaches discales et à une luxation discale antérieure. L’imagerie classique ne montre naturellement rien et seule l’IRM est susceptible de montrer les lésions discales, mais les rendez-vous sont difficiles à obtenir en urgence. On peut également noter des limitations d’ouverture buccale par atteinte musculaire, qui peut aller de la simple contusion à la plaie par arme blanche ou par brûlure, en passant par tous les degrés d’écrasement ou d’arrachement. Il peut exister un hématome intramusculaire susceptible d’ailleurs secondairement de s’infecter ou de se calcifier.
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* B
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Possibilités de diffusion de l’infection (d’après Pons et Pasturel [41]). A. À partir de la face externe de la mandibule. B. À partir de la face interne de la mandibule. C. Dans la région ptérygoïdienne et temporale.
Dans le cas de la pathologie traumatique, on rencontre également des corps étrangers intramusculaires (projectile, éclat métallique ou de verre). Ils peuvent être décelés soit par l’examen radiologique standard, soit sur l’examen tomodensitométrique.
¶ Dans le cadre de la pathologie infectieuse Ces limitations d’ouverture buccale sont fréquentes. La cause en est une contracture des muscles élévateurs de la mandibule, liée à la proximité d’un foyer infectieux. Le diagnostic est le plus souvent facilement évoqué devant une infection aiguë, parfois plus difficile dans certaines formes subaiguës ou chroniques. Ces limitations d’ouverture d’origine infectieuse locale sont le plus souvent d’origine dentaire, par l’intermédiaire d’une cellulite ou d’une ostéite, voire d’une stomatite. Péricoronarite La cause classique, et qui reste la plus fréquente dans la tranche d’âge de 18 à 25 ans, est la péricoronarite de la dent de sagesse enclavée, qu’il s’agisse d’une dent de sagesse supérieure ou, surtout, inférieure. Au stade de péricoronarite congestive, le trismus est variable et très souvent modéré, le diagnostic étant posé cliniquement grâce aux signes associés : douleur vague dans la région rétromolaire, muqueuse rouge œdématiée dans cette région, adénopathies satellites éventuelles. Au stade de péricoronarite suppurée, les douleurs locales sont plus intenses, associées à des otalgies. L’érythème gagne le voile, entraînant une dysphagie. La pression locale fait sourdre du pus et le trismus est volontiers plus serré. Le diagnostic d’enclavement est confirmé sur l’orthopantomogramme. Ce sont les complications de cette péricoronarite, sous la forme essentiellement de cellulite, qui sont les plus redoutables et entraînent volontiers des trismus très serrés (fig 2). L’infection peut gagner la région périamygdalienne et le voile, entraînant un abcès entre le ptérygoïdien médial et la branche montante de la
* C mandibule, connu sous le nom de phlegmon juxta- ou périamygdalien d’Escat. Lorsque l’infection gagne le tissu cellulaire de la région amygdalienne, la cellulite prend la forme d’un phlegmon sus-amygdalien (de Terracol) avec un pilier antérieur du voile rouge et douloureux, une asymétrie visible s’étendant jusqu’à la luette et un hémivoile apparaissant immobile et rigide. Le trismus est serré, associé à une dysphagie et à des signes généraux marqués. Exceptionnellement, ce type de phlegmon peut s’étendre dans la région latéropharyngée, entraînant une dysphagie très douloureuse. L’examen clinique montre le refoulement amygdalien. Lorsque l’infection remonte le long des insertions basses du muscle temporal, il peut exister une localisation au niveau de la région temporale, induisant des algies temporopariétales et un trismus serré. Parfois, la tuméfaction de la fosse temporale n’apparaît qu’après quelques jours d’évolution [7, 45] . Lorsque l’infection contourne le bord antérieur de la branche montante et gagne la loge massétérine apparaît un trismus particulièrement intense, avec de violentes douleurs et une tuméfaction effaçant le relief de l’angle de la mandibule [30]. L’infection peut glisser en avant, dans une gouttière comprise entre le corps mandibulaire et les insertions basses du buccinateur : c’est le classique abcès buccinatomaxillaire de Chompret et L’Hirondel, avec ses signes bien connus (comblement du sillon vestibulaire qui est d’apparence inflammatoire et douloureux, œdème de la partie basse de la joue, douleur). Le pus peut évoluer entre l’os et la muqueuse du plancher au-dessus de la sangle mylohyoïdienne (abcès du plancher de bouche), avec des douleurs spontanées violentes s’accompagnant d’otalgies et d’une dysphagie importante. L’infection peut passer en arrière du bord postérieur du mylohyoïdien et envahir d’emblée la loge sous-maxillaire, avec alors une symptomatologie cervicale dominant le tableau clinique (cou proconsulaire). Enfin, l’infection peut évoluer vers la base de langue, puis vers le pharynx (angine de Senator) avec une dysphagie, une protrusion linguale et des douleurs violentes gênant considérablement la déglutition, où le trismus est relativement peu important, mais où il existe un risque asphyxique majeur. 3
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Kyste péricoronaire sur dent incluse.
Toutes les infections périapicales par mortification pulpaire peuvent s’étendre à l’os et, après traversée d’une table osseuse, rejoindre les loges celluleuses (fig 3). Desmodontite Les desmodontites sont également une source d’infection, entraînant cependant habituellement plus volontiers des cellulites géniennes basses ou hautes, où il existe un trismus (par contracture au niveau du buccinateur). Un cas particulier est la possibilité de survenue d’un abcès ptérygomaxillaire à partir d’une desmodontite de la dent de sagesse supérieure. Cette localisation au niveau de la face externe du ptérygoïdien latéral entraîne un trismus très serré avec des douleurs intenses. Les signes endobuccaux sont assez discrets, avec un comblement de la partie postérieure du vestibule supérieur et un aspect œdémateux de la commissure intermaxillaire. Ces cellulites et phlegmons peuvent survenir également après une extraction de la dent de sagesse (Terracol).
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Infection d’origine dentaire étendue à la région temporale et ptérygoïdienne.
Cellulite Les infections des tissus mous et des loges graisseuses de la face prennent d’abord la forme d’une cellulite séreuse avec la symptomatologie classique : douleur, chaleur, tuméfaction, aspect rouge (inflammatoire) de la peau et/ou de la muqueuse. Le trismus existe dès ce stade, d’autant plus marqué que la dent causale est distale. Les signes généraux sont peu importants. En quelques jours, voire en quelques heures, la cellulite aiguë séreuse évolue vers une cellulite aiguë suppurée de tableau plus typique avec une tuméfaction plus limitée, faisant corps avec la table osseuse de la dent en cause. La douleur devient alors intense et pulsatile. Il existe bien sûr dans les zones accessibles une fluctuation. Les signes fonctionnels sont plus marqués, avec des difficultés de déglutition, la dysphagie et surtout le trismus qui s’accentue. Il existe alors des signes généraux sous forme de fièvre, d’asthénie, de céphalées etc. Heureusement rarement, on peut voir des cellulites diffuses où à la présence du germe s’ajoute en général une déficience du terrain (diabète). Les signes généraux de type toxi-infectieux dominent le tableau clinique (dissociation de la température, frissons, sueur, diarrhée profuse, vomissements). Les signes locaux sont relativement modérés, se résumant parfois à un œdème peu douloureux, mais il existe souvent un trismus assez serré. Une forme de cellulite diffuse de ce type, un peu particulière, est représentée par le phlegmon diffus de Ludwig-Gensoul, qui envahit l’ensemble du plancher buccal, puis de la région sous-maxillaire, soulevant la langue et la plaquant au palais, entraînant dysphagie et gêne respiratoire, d’autant plus intense qu’il existe un trismus serré. Ces phlegmons sont habituellement d’origine dentaire, mais peuvent avoir d’autres origines locales, en particulier au niveau amygdalien, 4
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Infection d’origine dentaire étendue à la région temporale et cervicale.
comme dans l’angine de Senator où l’infection peut prendre naissance dans une crypte amygdalienne. On peut parfois voir des trismus séquellaires d’une infection aiguë mal traitée ou bien, plus rarement, se trouver en présence de cellulite ayant pris une allure subaiguë ou chronique. Quoi qu’il en soit, l’étiologie doit être recherchée sous la forme, le plus souvent, d’un foyer intraosseux qui perpétue l’ensemencement microbien des parties molles ou bien de germes particuliers que l’organisme n’est pas capable d’éliminer spontanément et qui continuent leur développement à bas bruit dans le tissu celluleux. En revanche, la localisation exacte des collections suppurées, dans les zones profondes, surtout dans la région ptérygoïdienne, massétérine et temporale, n’est pas toujours cliniquement facile. Comme il convient d’envisager un drainage efficace de ces collections, une localisation par examen tomodensitométrique est le plus souvent demandée (fig 4, 5). Certains auteurs pratiquent ce drainage sous contrôle échographique [56]. Ostéite Certains trismus sont en rapport avec une ostéite, ostéite le plus souvent également d’origine dentaire. Ces ostéites entraînent volontiers un trismus serré. Dans ces atteintes osseuses, on note une grande intensité des douleurs, provoquant une insomnie. Les signes généraux sont relativement accusés. On note l’apparition d’une tuméfaction osseuse en regard de laquelle les dents sont fortement mobiles. La radiographie montre éventuellement la cause initiale et une décalcification périapicale irrégulière. Ce type d’ostéite
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circonscrite peut évoluer vers un tableau d’ostéite diffuse aiguë (ostéomyélite). Il y a augmentation du syndrome douloureux, les douleurs devenant paroxystiques avec un fond continu, irradiant de toute part, insomniantes. La tuméfaction est importante, avec épaississement des deux tables osseuses. Plusieurs dents sont mobiles. On constate fréquemment un signe de Vincent au niveau mandibulaire. Le bilan radiologique permet tout au plus, au début, de repérer la dent causale. Puis, après quelques jours, apparaît une zone déminéralisée, floue, claire, en « sucre mouillé », traduisant une amorce de séquestre (Achard). Les signes généraux sont marqués. Le trismus existe précocement et, dans tous les cas, il est serré et gêne l’examen clinique. Ces ostéites peuvent avoir une origine hématogène (panaris, furoncle, angine), le germe responsable étant alors le plus souvent le staphylocoque doré et le streptocoque, mais cette éventualité est rare. Le tableau clinique débute alors de façon brutale, en dehors de toute manifestation dentaire, par un syndrome infectieux sévère (température à 40 °C, frissons, sueurs). Des signes de localisation mandibulaire apparaissent 4 à 5 jours après, avec une tuméfaction osseuse, un état gingival congestif et un trismus serré. L’hémoculture est rapidement positive, attestant l’état septicémique. Un cas particulier d’ostéite circonscrite est représenté par une alvéolite suppurée à la suite d’une extraction dentaire. Les douleurs apparaissent habituellement à partir du troisième jour suivant l’extraction. La gencive qui entoure l’alvéole est rouge et tuméfiée. L’alvéole est envahie par des bourgeons charnus hyperplasiques et on note l’existence d’une suppuration locale. Un trismus peut se rencontrer, selon le territoire concerné (ce qui l’oppose à l’alvéolite sèche où il n’y a pas de trismus). Les ostéites subaiguës ou chroniques restent également très rares, rencontrées souvent suite à des formes aiguës mal traitées. Les signes radiographiques associent des aspects de condensation et de déminéralisation irrégulières. Il est souvent nécessaire d’effectuer une biopsie osseuse pour éliminer toute lésion tumorale. Stomatite Les lésions inflammatoires de la muqueuse buccale peuvent également entraîner un trismus, dans les formes intenses, ulcéreuses ou nécrosantes, si elles sont postérieures, localiséees au pharynx, au pilier du voile ou aux replis ptérygomaxillaires. Une forme particulière de stomatite est représentée par la stomatite odontiasique neurotrophique (Bercher et Rousseau-Decelle). Cette stomatite se manifeste sous la forme d’une inflammation de la gencive entraînant un gonflement des papilles interdentaires qui s’ulcèrent. On la classe parmi les stomatites ulcéromembraneuses en raison de la présence de ces petites ulcérations recouvertes d’un enduit gris jaunâtre qui décapitent les languettes interdentaires saignantes. Ces lésions occupent l’hémiarcade inférieure, sans dépasser la canine du côté opposé (signe pathognomonique pour Pons et Pasturel [41] ). Cette stomatite est très douloureuse et s’accompagne d’un trismus. Son existence doit faire rechercher la présence d’une dent de sagesse en évolution, s’accompagnant ou non d’une péricoronarite. Infection cutanée On peut noter une limitation d’ouverture buccale dans certaines atteintes infectieuses cutanées, comme les furoncles ou les anthrax, pouvant éventuellement se compliquer de cellulite. Adénite Les adénites, suppurées ou non, et les adénophlegmons peuvent parfois s’accompagner d’un trismus intense, en particulier dans les localisations à la région sous-angulomaxillaire ou sous-mandibulaire postérieure. Myosite On peut se trouver en présence également de limitation d’ouverture buccale causée par :
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– un abcès intramusculaire par surinfection d’un hématome post-traumatique ; – une myosite postchirurgicale. Parotidite La parotidite ourlienne s’accompagne d’une légère limitation d’ouverture buccale, mais une parotidite suppurée peut s’accompagner d’un trismus accusé. Le diagnostic est assez facile, en raison de la tuméfaction inflammatoire unilatérale, associée à l’écoulement d’une salive purulente par l’ostium du canal de Sténon. Il existe à ce stade une atteinte marquée de l’état général avec hyperthermie et violentes douleurs. Arthrite Les arthrites de l’articulation temporomandibulaire s’accompagnent naturellement d’une impotence fonctionnelle. La région prétragienne est tuméfiée et la paroi antérieure du conduit auditif externe est œdématiée. Cette arthrite aiguë suppurée reste rare, succédant à des lésions de voisinage (ostéite mandibulaire, otite, mastoïdite, parotidite), à des fractures ouvertes, exceptionnellement à une localisation secondaire hématogène au cours d’une septicémie et surtout à des injections de corticoïdes intra-articulaires. Il existe quelques rares cas d’arthrite infectieuse spécifique d’étiologie gonococcique ou tuberculeuse. Thrombophlébite Signalons l’existence d’un trismus serré lors des thrombophlébites craniofaciales qui sont, là aussi, devenues exceptionnelles. La thrombophlébite était une possibilité de complication d’une infection de secteur molaire et prémolaire supérieur ou d’infection cutanée dans la région labiale supérieure ou paranasale. Le tableau clinique est marqué par des signes généraux intenses (frissons, hyperthermie, accélération du pouls) avec existence d’un cordon induré rouge et douloureux dans le trajet de la veine faciale, ou un œdème des régions géniennes, parotidiennes et temporales. Une fois le sinus caverneux touché, les signes s’amplifient et il s’y greffe des troubles neurologiques d’accommodation visuelle et des signes méningés. Infections spécifiques Certaines atteintes chroniques sont dues à des formes particulières : actinomycose cervicofaciale où le trismus paraît disproportionné par rapport aux autres symptômes, exceptionnelle forme syphilitique localisée aux muscles masticateurs (avec un trismus) ou à de l’os, ostéite tuberculeuse de l’angle mandibulaire.
¶ Dans un contexte postopératoire ou postextractionnel dentaire Le plus souvent, la cause est évidente. C’est le cas des complications infectieuses postopératoires ou celui des fractures de l’angle de la mandibule après extraction de dent de sagesse incluse. Un abord neurochirurgical de type Cairns traversant le muscle temporal peut également entraîner une limitation d’ouverture buccale persistante en raison des lésions musculaires [24, 37]. Les cas de limitation d’ouverture buccale à la suite d’une anesthésie locorégionale à l’épine de Spix sont rares, mais classiques [16]. Certains sont d’origine infectieuse, mais d’autres ne s’expliquent pas d’une façon évidente. L’explication la plus couramment avancée [1] est celle d’un hématome entraînant dans un premier temps un spasme musculaire, puis une fibrose secondaire au sein du ptérygoïdien médial.
¶ Dans le cadre de la pathologie tumorale Les tumeurs peuvent entraîner une limitation d’ouverture de bouche, le plus souvent par envahissement du muscle par la tumeur, plus rarement par contractures musculaires réflexes [20]. On peut également voir des tumeurs de l’articulation temporomandibulaire 5
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Limitations d’ouverture de bouche
Stomatologie
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Limitation d’ouverture buccale d’installation progressive chez une enfant de 5 ans sans signe d’accompagnement. Examen en imagerie par résonance magnétique : tumeur infratemporale (rhabdomyosarcome).
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Limitation d’ouverture buccale monosymptomatique. Tomodensitométrie : tumeur bénigne développée aux dépens de la base du crâne et créant un obstacle mécanique à la course condylienne.
elle-même qui entraînent un retentissement sur les possibilités de la dynamique de celle-ci, voire des tumeurs de voisinage qui viennent constituer un obstacle mécanique aux mouvements d’excursion mandibulaires. Dans les tumeurs bénignes, la symptomatologie se limite bien souvent à cette limitation d’ouverture buccale, éventuellement associée à une tuméfaction externe visible. Dans ce cadre, la cause la plus fréquente est une tumeur maligne : le diagnostic est le plus souvent facile car il s’agit d’une tumeur dont le point de départ est à la peau, la parotide, ou bien la muqueuse buccale, en particulier dans la région rétromolaire. Cette dernière localisation s’accompagne très souvent d’un syndrome douloureux. Malgré le trismus, la tumeur reste le plus souvent accessible à la vue et le diagnostic est ainsi posé. Cependant, certaines tumeurs, en particulier au niveau de la paroi postérieure du sinus maxillaire, du cavum, de la région amygdalienne, peuvent entraîner un trismus serré, douloureux ou non, qui empêche de visualiser la tumeur primitive à l’examen clinique. Ceci impose la réalisation d’un examen tomodensitométrique ou IRM des cavités aériennes de la région ptérygomandibulaire [55], associée à la réalisation d’un bilan endoscopique par fibroscopie nasale (fig 6). Ces causes tumorales se doivent d’être évoquées lorsqu’une cause évidente n’est pas rapidement découverte. Il ne faut pas hésiter à réaliser les examens complémentaires nécessaires (IRM ou examen tomodensitométrique) (fig 7). Un cas particulier est représenté par l’hyperplasie bilatérale dite idiopathique des coronés, décrite par Langenbeck en 1853, comme une « hypertrophie de l’apophyse coronoïde faisant obstacle au jeu coronoïdomalaire lors de l’ouverture buccale ». Il s’agit d’une affection peu fréquente qui atteint presque toujours le sexe masculin entre 12 et 18 ans [35]. On note un développement exubérant des apophyses coronoïdes dans lesquelles Sarnat et Engel [49] évoquent le rôle de traction du muscle temporal non contrebalancé par le condyle et sa croissance. L’hyperactivité du muscle temporal dans un contexte d’anxiété pourrait être à l’origine de cette hyperplasie. Le tableau clinique montre une limitation d’ouverture buccale 6
Hypertrophie du coroné (dans le cadre de lésion arthrosique de l’articulation).
apparue progressivement, indolore, une limitation des mouvements mandibulaires dans toutes les directions, sans modification faciale visible ni anomalie de l’occlusion. Le bilan radiologique montre un coroné hypertrophié de 25 à 35 mm de haut, alors que la normale est d’environ 16 mm, ces apophyses coronoïdes sont falciformes à concavité antérieure (en « bec de toucan » ou en « bec de flamand »). En fait, cette hypertrophie du coroné semble en pratique courante réactionnelle à une hyperactivité musculaire, elle-même souvent secondaire à une gêne à la mobilité condylienne contro- ou homolatérale (fig 8). La maladie de Jacob, décrite par Jacob en 1894, est très similaire. Dans ce cas, il existe une hypertrophie progressive de l’apophyse coronoïde qui prend également la forme de faux concave en avant, la pointe de la coronoïde pénétrant dans la fosse postérieure du malaire, les deux os formant une véritable articulation. L’étiologie post-traumatique évoquée pour cette affection semble bien être sa seule cause.
¶ Dans le cadre de la pathologie de l’articulation temporomandibulaire La limitation d’ouverture buccale fait partie de la symptomatologie des troubles de l’articulation temporomandibulaire, le plus souvent en rapport avec une anomalie de l’occlusion dentaire. Lorsque la limitation d’ouverture buccale est isolée, même si elle s’accompagne d’une symptomatologie douloureuse à l’insertion de certains muscles masticateurs, il est cependant nécessaire de faire la preuve de l’absence d’une lésion profonde ainsi que le souligne Lachard [29]. Cette limitation d’ouverture buccale peut avoir pour origine uniquement un spasme ou une contracture d’un muscle masticateur (en particulier le ptérygoïdien latéral). Dans ce cas, le port d’une gouttière de relaxation musculaire permet la levée du trismus (au besoin après une injection de toxine botulique dans le muscle en cause pour permettre la réalisation des empreintes et la mise en place de la gouttière), mais il faut avoir auparavant impérativement éliminé une autre étiologie, en particulier tumorale, pour éviter de n’en faire le diagnostic qu’après un délai inacceptable. Elle peut aussi être due à une luxation discale antérieure irréductible. La limitation d’ouverture buccale est alors assez facilement rapportée à sa cause lorsqu’il existe une symptomatologie articulaire et en particulier la notion de claquements articulaires existant depuis longtemps et qui ont brutalement cessé lors de l’instauration de la limitation d’ouverture buccale. Cela signe le passage à l’irréductibilité d’une luxation discale antérieure qui était jusqu’alors réductible. Cette luxation discale irréductible peut cependant être, dans de rares cas, inaugurale sans être passée par
Stomatologie
Limitations d’ouverture de bouche
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Examen en imagerie par résonance magnétique : luxation antérieure irréductible du disque.
les stades cliniques habituels antérieurs. Il est exceptionnel que cette luxation irréductible soit bilatérale simultanément. Le plus souvent, il s’agit d’un phénomène unilatéral qui s’accompagne d’une latérodéviation lors des mouvements d’ouverture de bouche (qui est limitée). Le diagnostic facilement évoqué cliniquement est confirmé par l’examen IRM des articulations temporomandibulaires (fig 9). Ce trismus d’origine dysfonctionnelle est fréquent. La limitation de l’ouverture buccale peut faire également partie des signes cliniques des atteintes de l’articulation lors d’affections rhumatologiques de type inflammatoire ou dégénératif. Le bilan tomodensitométrique met alors en évidence les lésions ostéocartilagineuses avec les déformations condyliennes.
¶ Dans un cadre postradiothérapique Le trismus peut être une des conséquences gênantes de la radiothérapie. Bien sûr, un trismus peut exister en période d’irradiation, traduisant simplement une attitude antalgique à l’occasion d’une mucite réactionnelle, mais le plus souvent cette limitation d’ouverture de bouche va s’instaurer dans les mois qui suivent la radiothérapie [14]. L’apparition d’une limitation d’ouverture de bouche doit bien entendu faire rechercher une récidive tumorale ou l’apparition d’une ostéonécrose, mais il s’agit le plus souvent d’une sclérose des muscles masticateurs associée à une fibrose du tissu de revêtement. La myosclérose postradique est une affection fréquente qui doit être impérativement prévenue par une kinésithérapie à visée antalgique et décontracturante, afin de conserver une mobilité mandibulaire symétrique et fonctionnelle. À défaut, le traitement kinésithérapique est long, fastidieux, et le résultat fonctionnel aléatoire, à moins d’une participation active énergique du patient à sa rééducation.
¶ Dans un contexte malformatif Les limitations d’ouverture de bouche congénitales sont tout à fait exceptionnelles. La cause la plus commune est une synéchie maxillomandibulaire avec une adhésion alvéolaire de la région rétromolaire et l’existence de bandes de fibrose transgingivale [21]. Les autres causes sont de rares fusions alvéolaires [ 3 , 6 ] , d’exceptionnelles fusions osseuses zygomatomandibulaires isolées [23, 51] ou dans le cadre de syndromes malformatifs plus complexes [5, 26, 54] , comme le syndrome de Hecht-Beals-Wilson (ou syndrome trismus-pseudocamptodactylie) où il peut exister des bandes fibreuses intramassétérines [2]. Dans ce syndrome, il existe une association d’un trismus avec une petite taille et une inclinaison des doigts à la dorsiflexion par raccourcissement des fléchisseurs de l’avant-bras. Ce syndrome est de transmission autosomique dominante à degré de pénétrance variable. Le traitement de ces fusions osseuses reste assez décevant car la séparation chirurgicale par ostéotomie amène la révélation d’un defect muqueux très difficile à réparer en période néonatale. Les résultats fonctionnels restent très partiels malgré la mobilisation passive entreprise en période postopératoire. Ces fusions osseuses maxillomandibulaires sont attribuées à une anomalie de la différenciation des procès maxillaire et mandibulaire
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Ankylose temporomandibulaire post-traumatique.
au niveau du premier arc branchial (Kawamoto, 1997). Les synéchies membraneuses ou fibreuses seraient dues à des anomalies de disparition de la membrane buccopharyngienne (Petterson, 1961). Yamashita et Arnet [59] ont décrit une hyperplasie bilatérale congénitale des apophyses coronoïdes qui semble être, pour Mabry [ 3 3 ] , secondaire à un raccourcissement des muscles masticateurs. L’arthrogrypose peut comprendre également un trismus dans son type II [17, 19, 53]. Il existe une diminution du nombre des fibres musculaires striées avec déposition de graisse dans les zones infectées et diminution du nombre des cellules des cornes antérieures. Une limitation d’ouverture de bouche peut également se rencontrer dans la dysostose cléidocrânienne par déformations associées de la tête condylienne [42]. Existe-t-il de véritables ankyloses temporomandibulaires dues à une malformation locale ? Cela est toujours discuté, même si certaines observations peuvent le laisser penser, qu’elles puissent être isolées ou dans le cadre de syndromes malformatifs non encore individualisés [22, 27, 57]. Il faut reconnaître que les publications ne permettent pas de se faire une idée claire des lésions de ce type. Le diagnostic différentiel est bien sûr à faire avec un traumatisme néonatal ou survenant pendant l’accouchement [38], ou avec une ankylose néonatale secondaire à une infection ou un traumatisme, ou encore avec certaines malformations de la tête condylienne gênant les mouvements mandibulaires (double condyle de l’observation de Stadnicki [52]).
¶ Limitation d’ouverture de bouche d’installation insidieuse avec des antécédents de traumatisme ou d’infection plus ou moins anciens Une limitation d’ouverture buccale peut s’instaurer progressivement, sans aucun signe clinique autre. Elle aboutit à l’immobilité quasi totale de la mandibule. Cette immobilité n’est en fait pratiquement jamais obtenue : il existe presque toujours un mouvement résiduel très réduit au niveau des incisives, qui peuvent s’écarter de quelques millimètres dans le sens vertical ou se déplacer parfois légèrement à l’horizontale. L’examen tomodensitométrique rapidement réalisé va montrer l’existence d’un pont osseux unissant la mandibule au crâne ou au malaire, ou plus exceptionnellement à la région ptérygopalatomaxillaire. Lorsque le pont osseux siège à l’articulation temporomandibulaire elle-même, il s’agit de la classique ankylose temporomaxillaire, connue depuis la plus haute Antiquité (fig 10). La cause de cette ankylose est presque toujours traumatique, survenant soit à la suite d’une fracture de l’articulation, soit éventuellement au niveau d’une hémarthrose. Ce traumatisme initial a pu passer inaperçu, en particulier chez l’enfant, voire survenir au moment de l’accouchement : les forceps et la manœuvre de Moriceau ont été incriminés. Exceptionnellement, de nos jours, l’ankylose peut avoir une origine postarthritique que cette affection articulaire ait été de cause septicémique, ou lors d’affection primaire de l’articulation, ou d’extension d’affection de voisinage (mastoïdite, otite, parotidite). L’ankylose temporomandibulaire aboutit à la destruction partielle ou bien souvent complète de l’articulation. Dans les formes totales, 7
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Séquelles typiques d’ankylose temporomandibulaire.
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Limitation d’ouverture de bouche par rétraction cicatricielle.
Les deux formes d’ankylose, articulaire et extra-articulaire, peuvent coexister. Le diagnostic est maintenant aisé grâce à l’examen tomodensitométrique qui doit être tridimensionnel.
les plus habituelles, il existe une véritable soudure osseuse entre l’extrémité condylienne et la cavité glénoïde, formant un seul bloc osseux dont la taille et l’épaisseur sont très variables, mais volontiers importantes, pouvant atteindre 4 cm de dimension antéropostérieure sur 4 cm dans le sens transversal. Parfois subsiste, au sein du bloc osseux d’ankylose, une zone centrale moins calcifiée correspondant probablement à l’englobement des structures ligamentodiscales. Dans les formes partielles, une partie de l’articulation peut être respectée, ces formes partielles sont volontiers externes [28]. Les formes bilatérales sont rares. Lorsque l’ankylose survient chez l’enfant, la destruction du cartilage condylien et l’absence de mouvements entraînent un retentissement sur la croissance de la mandibule. Dans les formes unilatérales, il apparaît une asymétrie faciale avec hypodéveloppement de l’hémimandibule du côté de la lésion. Cela se traduit cliniquement par une déviation du menton du côté de l’ankylose avec aplatissement de la joue du côté sain (« le menton regarde la lésion » [10] ). Dans les formes bilatérales, une micromandibulie plus ou moins accentuée en résulte, l’enfant finissant par présenter un « profil de musaraigne » ou « profil d’oiseau » (Vogelgesicht) (fig 11). L’existence d’une ankylose temporomandibulaire entraîne naturellement une difficulté d’alimentation très importante. Les aliments sont souvent poussés dans la cavité buccale au niveau d’une zone édentée ou dans l’interstice interarcade résiduel. L’introduction des aliments entre le bloc incisif inférieur et supérieur peut entraîner, à la longue, une proalvéolie. Les dents sont en très mauvais état en raison de l’impossibilité d’une hygiène correcte et de soins d’odontologie conservatrice ou restauratrice. Ses conséquences sur la croissance et sur l’état dentaire ne devraient naturellement plus se voir de nos jours, l’ankylose se devant d’être traitée dès le diagnostic posé. Parfois l’examen tomodensitométrique va montrer l’existence d’une articulation intacte, mais d’un pont osseux unissant la région du coroné soit au malaire, soit à la région ptérygopalatopalatine. Les ankyloses extra-articulaires sont attribuées soit à une fracture maxillomalaire très déplacée et négligée pour une raison ou pour une autre (le déplacement du malaire, basculé en dehors et en bas, entraîne dans un premier temps une limitation d’ouverture buccale par obstacle mécanique ou déplacement du coroné, puis une véritable synostose probablement par organisation d’un hématome local), soit par simple calcification d’un hématome intratemporal ou d’un hématome de la région interptérygoïdienne aboutissant à une synostose coronoïdomalaire ou coronoïdo-ptérygo-palatine, cet hématome étant associé à une fracture de l’apophyse coronoïde ou non. 8
¶ Limitations d’ouverture de bouche dans un contexte de cicatrices locales ou locorégionales La limitation d’ouverture buccale peut être créée par une sclérose cicatricielle rétractile progressive, soit du revêtement cutané, soit du recouvrement muqueux, soit de structures musculaires, soit de ces différents plans. Au plan cutané, il s’agit essentiellement de séquelles de brûlures graves (fig 12), rarement de pertes de substance non traitées, exceptionnellement d’affections dermatologiques comme l’épidermolyse bulleuse congénitale [58]. Au niveau de la muqueuse, dans la région de la face interne de la joue, de la région rétromolaire, cette bride cicatricielle peut faire suite à des lésions traumatiques, à l’absorption de liquide caustique, mais le plus souvent à l’absence de réparation après exérèse chirurgicale d’une tumeur maligne, parfois à une fibrose orale sousmuqueuse (étiologie qui, si elle est rare dans les pays occidentaux, est au contraire une cause fréquente de limitation d’ouverture de bouche dans les pays du Sud-Est asiatique). Les scléroses de cicatrices musculaires peuvent parfaitement être à l’origine d’une limitation sévère de l’ouverture buccale : dans un contexte post-traumatique, postinfectieux (myosite à la suite d’infection osseuse, de mycose, de tuberculose, de cellulite) ou iatrogénique (cf supra) (abord de type Cairns, radiothérapie). Toutes les formes précédemment décrites peuvent être associées et des blocs cicatriciels intéresser plusieurs ou tous les plans, en particulier dans le noma, étiologie responsable d’atteintes particulièrement sévères. Les brides cicatricielles, qu’elles soient extrabuccales (séquelles de brûlures, par exemple) ou endobuccales (séquelles d’exérèse tumorale), doivent faire l’objet de soins attentifs d’assouplissement manuel des tissus cutanés, sous-cutanés et musculaires. La précocité du traitement est le meilleur garant de la qualité du résultat. Dans les formes anciennes, la libération des placards cicatriciels cutanés muqueux et/ou musculaires peut parfois ne plus suffire pour entraîner la sédation de la limitation d’ouverture buccale, une véritable ankylose fibreuse (voire osseuse) s’étant installée dans une ou les deux articulations temporomandibulaires et pouvant nécessiter alors un geste supplémentaire spécifique. LIMITATION D’OUVERTURE DE BOUCHE DE CAUSE GÉNÉRALE
Une étude très complète de ces étiologies a été faite par Devoize et Bedock [9] en 1983. Ces limitations d’ouverture buccale de cause générale restent relativement rares et bien sûr dans ce cadre, ainsi que le soulignait Lorrain, « tout trismus qui ne fait pas sa preuve
Stomatologie
Limitations d’ouverture de bouche
doit être considéré comme tétanique ». Cependant, le tétanos n’est pas la seule cause générale d’un trismus et, en France, il est même devenu exceptionnel.
¶ Atteintes infectieuses Tétanos Le tétanos des pays industrialisés est devenu rare, affectant des sujets non ou mal vaccinés, avec une prédominance féminine [18]. En revanche, le tétanos des pays en voie de développement reste fréquent, affectant essentiellement les sujets jeunes [4]. Rappelons pour mémoire que l’agent causal du tétanos est Clostridium tetani, bacille à Gram positif, anaérobie strict, qui sporule et persiste dans la terre sous une forme très résistante. Il est plus abondant dans les régions humides à sol calcaire. Les spores peuvent pénétrer dans l’organisme humain par différentes voies : – les plaies récentes sont les plus fréquentes (40 à 60 % des cas) ; ce sont souvent des plaies minimes ayant de ce fait échappé à la prévention ; certains rites (percement d’oreilles, circoncision, tatouage) peuvent s’avérer très dangereux ; – les plaies chroniques (10 à 30 % des cas) sont dominées par des ulcères de jambe ; on retrouve également les verrues plantaires, les cancers ulcérés et les suppurations chroniques de tout siège ; – les tétanos chirurgicaux deviennent maintenant exceptionnels, pouvant survenir après réintervention sur d’anciennes fractures ouvertes, après chirurgie digestive ou génitale, après avulsion dentaire ; – les tétanos succédant à une injection médicamenteuse sont le fait de manœuvres septiques (tétanos des toxicomanes) ; – les tétanos néonataux ombilicaux [15] sont un fléau des pays sousdéveloppés, expliqués par l’absence de vaccination maternelle, par l’absence d’asepsie lors des soins du cordon ou par certaines traditions (application de terre ou de végétaux sur la section ombilicale) ; – des cas de trismus ont été rapportés après vaccination antitétanique [34]. Après effraction du revêtement cutanéomuqueux, la spore trouve dans un foyer d’attrition cellulaire des conditions favorables d’anaérobiose et d’optimum thermique pour se multiplier et se transformer en un bacille capable de sécréter deux exotoxines : la tétanolysine et la tétanospasmine, neurotoxine extrêmement puissante, seule responsable de la symptomatologie. Cette tétanospasmine diffuse le long des nerfs périphériques et accessoirement par voie sanguine ou lymphatique jusqu’au système nerveux central où elle se fixe par l’intermédiaire des connexions synaptiques sur les cornes antérieures de la moelle et sur les noyaux des nerfs crâniens moteurs. L’action caractéristique de la toxine tétanique est l’altération de l’inhibition postsynaptique : les motoneurones alpha sont libérés des influences inhibitrices auxquelles ils étaient soumis, occasionnant une contracture musculaire avec paroxysme. La période d’incubation varie de 3 à 15 jours en moyenne. Cette phase est muette jusqu’à la survenue du premier signe de la maladie qui est habituellement le trismus. Cette contracture des masséters s’explique par une sensibilité plus importante de ces muscles à la toxine (Émile). La période d’invasion dure environ 48 heures, du premier symptôme à la généralisation de cette contracture. Le trismus qui amène habituellement le patient à consulter est caractéristique : il est indolent, permanent, symétrique, souvent sans signe d’accompagnement et invincible. Au contraire, il s’exagère lorsqu’on essaie de le vaincre (signe de l’abaisse-langue captif), interdisant l’alimentation solide, puis liquide. La contracture s’étend ensuite progressivement : – au pharynx, responsable d’une dysphagie indolore avec stase salivaire ; – à la face, donnant au faciès un aspect « sardonique » évocateur : commissures labiales attirées en bas et en dehors, rétrécissement des fentes palpébrales, surélévation des sourcils et plissement du front ;
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– au cou, avec apparition d’une raideur de nuque et d’une tension de muscles sterno-cléido-mastoïdiens. En 2 ou 3 jours, les contractures deviennent généralisées et permanentes, c’est la période d’état. Le diagnostic est alors évident. Les principaux éléments en faveur du tétanos sont : – l’âge avancé ; – l’absence de vaccination et de rappel ; – l’existence à l’interrogatoire et/ou à l’examen d’une plaie datant de 3 jours ou plus ; – l’existence des contractures des autres muscles de la face et du cou ; – l’absence de fièvre ; – l’absence de trouble de la conscience. Certaines formes cliniques de tétanos peuvent poser des problèmes, en particulier le tétanos céphalique dans lequel la porte d’entrée est une plaie de la face, du cuir chevelu ou une souillure d’une lésion orificielle (ulcération nasale, otite chronique, lésion dentaire). On décrit ainsi le tétanos de Rose, secondaire à une plaie du territoire du nerf facial, raideur de nuque et crise de dyspnée s’associent à une paralysie faciale périphérique homolatérale à l’inoculation. Le tétanos ophtalmique de Worms succède à une plaie du globe oculaire ou de la région orbitosourcilière et réalise une ophtalmoplégie intéressant le nerf oculomoteur (III) et plus rarement le trochléaire (IV) et l’abducens (VI). Le tétanos auriculaire de Borries fait suite à une plaie du conduit auditif externe et ressemble cliniquement au tétanos de Rose. On peut se trouver en présence d’un tétanos fruste à symptomatologie atténuée, s’observant chez des sujets incomplètement vaccinés. Les signes cliniques se limitent à un trismus, une certaine raideur des muscles de la nuque. Les signes généraux sont inexistants ; cependant, une aggravation est toujours possible. Rage La rage est tout à fait exceptionnelle dans nos régions, compte tenu de la politique de prévention qui doit être suivie après morsure animale. Rappelons que la rage est une méningoencéphalomyélite d’évolution presque toujours fatale dont l’agent causal est le virus rabique, dont les principaux réservoirs sont les animaux sauvages. La transmission se fait par la salive, très riche en virions, et l’homme se contamine après morsure ou par contact avec un animal enragé. Le virus rabique chemine le long des nerfs périphériques jusqu’au système nerveux central où il se multiplie et crée des lésions par destruction neuronale. Le trismus n’est qu’une partie du tableau clinique puisque le développement de l’atteinte nerveuse est annoncé par des paresthésies au niveau de la cicatrice de morsure et par une irritabilité avec une hyperexcitabilité à toute stimulation : les secousses musculaires, les convulsions, les contractures parfois généralisées, mais aussi une hypersialorrhée et des spasmes laryngés qui répondent à toute tentative d’alimentation. Méningites Le trismus est un signe le plus souvent noyé au milieu d’autres qui permettent le diagnostic dans le cadre des méningites cérébrospinales.
¶ Causes toxiques et médicamenteuses Neuroleptiques Le trismus fait partie des manifestations neurologiques aiguës et précoces des neuroleptiques, survenant après quelques jours de traitement, parfois quelques heures, voire quelques minutes, après une administration unique. Ces crises sont le plus souvent dyskinétiques mais peuvent également être purement dystoniques. 9
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Limitations d’ouverture de bouche
Elles prédominent toujours dans la musculature cervicocéphalique : grimace, crises oculogyres avec plafonnement du regard, torticolis. Le trismus n’est jamais isolé. Les produits les plus fréquemment en cause sont les neuroleptiques dits « incisifs » (Haldolt, Majeptilt, Terfluzinet). Selon Bourgeois, le problème diagnostique vient des neuroleptiques « dissimulés », soit dans une association avec un antidépresseur (Mutanxiont, Motovalt) ou un anticholinergique (Vésadolt), soit dans des médicaments de pratique médicale courante dans des indications non psychotropes comme les antiémétiques (Primpérant), antiulcéreux (Dogmatilt), antalgiques (Tiapridalt), antivertigineux (Torecant), anxiolytiques (Sedallinet, Moditent). La régression des signes cliniques est rapide après suspension du traitement et éventuellement injection d’anticholinergiques. Antihistaminiques Certains antihistaminiques ont été occasionnellement incriminés de dyskinésie aiguë avec trismus : il s’agit de la diphénhydranine et de la doxylamine. Intoxications à la strychnine Elles surviennent essentiellement lors de tentatives d’autolyse, les intoxications accidentelles ou criminelles étant rares. La dose toxique est de l’ordre de 20 mg chez l’adulte. La symptomatologie est dominée par des crises toniques de type tétanie avec trismus, ou opisthotonos, contractures générales et arrêt respiratoire. Les contractures sont douloureuses. La coloration verte de la vision est la plus évocatrice. Le traitement repose sur la ventilation assistée, le diazépam injectable. Curare La survenue d’un spasme massétérin après injection de succinylcholine doit être considérée comme un signe précoce d’hyperthermie maligne jusqu’à preuve du contraire et doit faire prendre les mesures appropriées. Le spasme précède souvent de quelques dizaines de minutes l’apparition des autres signes, en particulier l’hyperthermie et les troubles de l’équilibre acidobasique [12].
¶ Causes métaboliques et carentielles Encéphalopathie de Gayet-Wernicke Due à une carence aiguë en vitamine B1, elle survient en cas de dénutrition, le plus souvent chez l’alcoolique, en particulier lors d’une alimentation parentérale hyperglucidique sans apport vitaminique ou lors de la réhydratation d’un delirium tremens. Il existe le plus souvent une hypertonie oppositionnelle des membres et axiale apparaissant avec le mouvement passif, augmentant avec la vitesse de celui-ci. Certaines formes cliniques sont tétanoïdes avec trismus. La vitaminothérapie B1 à fortes doses (20 g/j en intramusculaire) doit être administrée en urgence. Hypoglycémie Parmi les manifestations neurologiques polymorphes, des contractures peuvent s’observer, souvent localisées aux muscles de la mâchoire. Le diagnostic est le plus souvent facile. La crise de tétanie peut s’étendre aux muscles du visage (aspect du « museau de tanche »).
Stomatologie
– soit à une atteinte nucléaire pontomésencéphalique : le trismus n’est pas toujours permanent, apparaissant lors des efforts d’ouverture de bouche et pouvant même être associé à un déficit des muscles masticateurs au repos et lors de la fermeture ; – soit à un trouble du tonus, de type extrapyramidal, par atteinte des noyaux gris centraux ; les perturbations toniques intéressent tous les muscles de la face, réalisant un faciès particulier ; il s’y associe toujours une hypertonie axiale ; – quelques cas de trismus dus à une atteinte corticale (operculaire) ont été décrits. Les étiologies de ces atteintes neurologiques sont variées : – encéphalite : le trismus a été décrit dans l’encéphalite vaccinale du sujet jeune, dans la maladie du sérum qui peut compliquer une injection d’antitoxines tétaniques, à la phase terminale de la panencéphalite sclérosante subaiguë de Van Bogaert, dans l’encéphalite épidémique de von Economo, et dans les formes encéphalitiques de la poliomyélite ; – lésions vasculaires : des lésions vasculaires corticales, souscorticales ou protubérantielles peuvent être cause de trismus (syndrome de l’opercule rolandique, infarctus de la protubérance) ; – lésions tumorales : extension dans le bulbe d’une cavité syringomyélique entraînant une atteinte des derniers nerfs crâniens et du tractus trigéminal descendant, tumeurs pontiques (gliome) ; – syndrome parkinsonien : où le trismus peut s’observer lors de crises hypertoniques axiales à la phase terminale de la maladie, maladie de Steel-Richardson (ophtalmoplégie supranucléaire progressive), syndrome parkinsonien après intoxication oxycarbonée, intoxication au manganèse, maladie de Wilson.
¶ Affections musculaires Les phénomènes hypertoniques, pseudomyotoniques, des syndromes d’hyperactivité continue de la fibre musculaire atteignent tardivement la face. Dans le cadre des affections musculaires, la dermatomyosite, qui frappe de façon diffuse les muscles squelettiques striés, peut toucher les muscles masticateurs et être responsable d’une constriction permanente. Une cause musculaire classique est la myosite ossifiante progressive ou maladie de Münchmeyer, anomalie congénitale du tissu conjonctif qui se dévoile plus ou moins tardivement au cours de la vie, avec des périodes de rémission. La transmission autosomique dominante est suspectée. Les manifestations au niveau de la tête et du cou surviennent dans environ 20 % des cas. La manifestation la plus habituelle se localise au sterno-cléido-mastoïdien, entraînant un torticolis, mais les autres muscles du cou peuvent aussi être intéressés. La limitation d’ouverture buccale est une complication bien connue de cette affection [25]. Le plus souvent, elle est évoquée devant l’existence d’une calcification ou d’une ossification des muscles de la mastication, en particulier le masséter et le buccinateur, voire le ptérygoïdien latéral [39, 48] . Des myosites ossifiantes secondaires ont été décrites : après tétanos (Gunn et Young, 1959), poliomyélite (Lutwack, 1964), paraplégie et brûlures [13] , traumatismes [40] . La pathogénie de ces myosites secondaires reste très discutée. Après bilan tomodensitométrique, l’exérèse du muscle intéressé peut être envisagée, exérèse devant comporter une marge de tissu musculaire sain (Camron et Setzer, 1945 ; Nizel et Prigge, 1946) [36]. Un traitement médical par diphosphanates peut être tenté auparavant [50].
¶ Causes neurologiques
Généralités sur la prise en charge
Il s’agit de trismus ou des atteintes anatomiques du système nerveux. Les affections responsables sont peu courantes ou ne se compliquent de trismus que de façon exceptionnelle. Le trismus peut être dû :
Le traitement doit être naturellement étiologique dans toute la mesure du possible.
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TRAITEMENT ÉTIOLOGIQUE
Limitations d’ouverture de bouche
Stomatologie
Dans les limitations d’ouverture buccale de cause générale, nous n’insistons pas sur les diverses thérapeutiques à envisager en fonction de cette étiologie, nous rappelons simplement l’importance de la séroprophylaxie antitétanique et des mesures de prévention obligatoires en cas de morsure animale pour la prévention de la rage. Dans les limitations d’ouverture buccale de cause locale, il est impossible d’envisager l’ensemble des cas de figure possibles. Naturellement, les fractures doivent être réduites et immobilisées d’une façon correcte. Ce sont les fractures de la région articulaire de la mandibule qui posent le plus de problème, tant d’indication que de thérapeutique. De toute manière, elles nécessitent une rééducation et une surveillance prolongées, en particulier chez l’enfant. La rééducation fait appel :
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Aspect peropératoire d’une ankylose osseuse temporomandibulaire.
– à la réduction des œdèmes par drainage lymphatique facial ; – à l’échauffement décontracturante ;
musculaire
à
visée
antalgique
et
– aux massages relaxants de l’ensemble de la musculature faciale sans omettre les peauciers du cou, de la musculature mandibulaire (extra- et intrabuccale) et si nécessaire de l’ensemble de la région cervicoscapulaire ; – au travail actif symétrique en position assise devant un miroir afin de permettre une autocorrection de l’antépulsion puis de l’antépulsion-ouverture ; – plus rarement, mais si nécessaire, à des exercices de facilitation par un travail des mimiques faciales ou de la langue en cas d’inhibition musculaire, voire, à 6 semaines, à des postures manuelles ou instrumentales en cas d’insuffisance de résultats. L’adhésion pleine et entière du patient à sa rééducation est un facteur déterminant dans la qualité du résultat fonctionnel. Dans les causes infectieuses locales, le traitement doit comporter une antibiothérapie, associée au traitement causal (dentaire) et à un drainage d’une collection suppurée lorsqu’elle existe. Ce drainage peut parfois nécessiter la réalisation d’un examen tomodensitométrique pour visualiser avec précision la localisation de la ou des collections suppurées. Une arthrite aiguë de l’articulation temporomandibulaire nécessite une immobilisation de courte durée suivie, dès que le syndrome infectieux est jugulé, d’une rééducation. Dans le cadre des ankyloses de l’articulation temporomandibulaire, rappelons que l’indication chirurgicale doit être posée dès le diagnostic assuré et le bilan du bloc d’ankylose effectué par un examen tomodensitométrique de préférence tridimensionnel. Le bloc d’ankylose (fig 13) se doit d’être réséqué. Cette résection a au minimum 1 cm de hauteur et la synostose est enlevée dans toute son étendue. Le bord supérieur de section du bloc se situe au niveau de l’ancien interligne articulaire. Les tranches de section sont soigneusement régularisées. Une interposition ou la mise en place d’une prothèse d’articulation temporomandibulaire est habituellement effectuée. Dans les formes bilatérales, les deux côtés sont opérés dans le même temps. Les anciennes interventions de type ostéotomie simple (Ollier), ostéotomie modelante cherchant à donner à la ligne d’ostéotomie la forme d’une tête condylienne (Dufourmentel [10]), résection dans la région sous-condylienne, contournant l’obstacle osseux (Tixier et Freidel), résection large à la partie moyenne de la branche montante (Rochet) ou au niveau de l’angle de la mandibule (Levret), n’ont plus qu’un intérêt historique. Ces interventions étaient associées également à des interpositions de nature variée. Une radiothérapie postopératoire est conseillée par certains auteurs, à la dose de 10 ou 20 Gy [11, 44, 46]. Les conséquences sur la croissance des ankyloses traitées tardivement doivent naturellement être corrigées : elles nécessitent des gestes d’ostéotomies mandibulaire et/ou maxillaire ou la réalisation de distraction [8].
Dans les formes de constriction osseuse extra-articulaire, ainsi que dans la maladie de Jacob, la résection du bloc osseux se fait au cours d’une coronoïdectomie. Elle doit être complète et est parfois fort difficile. Lorsqu’il existe un cal vicieux d’une fracture zygomatique ou maxillomalaire, celui-ci doit être corrigé par ostéotomie, reposition du bloc osseux et ostéosynthèse. Dans le cadre des limitations d’ouverture de bouche dues à des rétractions cicatricielles cutanées, musculaires ou muqueuses, les gestes sont parfois fort difficiles. Si les brides isolées sont de traitement simple à l’aide de plasties en « Z » simples ou multiples, l’excision des blocs cicatriciels laisse souvent des pertes de substance étendues, qui nécessitent des gestes de reconstruction par lambeau cutané ou muqueux, habituellement microanastomosé compte tenu de l’étendue de la perte de substance. Dans les cas de limitation d’ouverture buccale par fibrose orale sous-muqueuse, Yeh [60] a proposé l’utilisation d’un lambeau de boule de Bichat. Dans ces cas chirurgicaux de constriction permanente par ankylose temporomandibulaire ou ankylose extra-articulaire, ou séquelles cicatricielles, la chirurgie ne représente qu’un temps du traitement et une physiothérapie est indispensable dans les suites si l’on veut éviter une récidive. TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Un traitement symptomatique a été proposé dans le cas de trismus pour permettre l’examen à visée étiologique et les manœuvres thérapeutiques. Cela repose en fait le plus souvent sur l’anesthésie générale avec intubation, suivie de l’administration de curarisants qui font céder tous les trismus d’origine musculaire.
¶ Infiltrations Les différentes techniques d’infiltration et d’anesthésie locale qui ont été décrites semblent avoir un intérêt surtout historique. Rappelons pour mémoire qu’il avait été ainsi proposé : – une anesthésie du nerf massétérin (Bercher) ; – des infiltrations périartérielles de novocaïne (Dechaume) au niveau de l’artère faciale et de l’artère temporale superficielle ; – l’attouchement endonasal de la région du ganglion sphénopalatin (Dechaume) à l’aide d’une solution de cocaïne à 10 % ou de liquide de Bonain ; – des anesthésies extraorales du nerf dentaire inférieur selon la technique de Ciezynski ou de Sicher.
¶ Traitements médicaux On a proposé de simples bains de bouche prolongés « antalgiques » avec des solutions à base de Xylocaïnet ou de prométhazine à 5 % 11
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(Lattes et Bataille), voire des remèdes homéopathiques : Eneiranthus 200 CH (Verdier), bien que Lokken [31] ait montré que cette thérapeutique n’avait pas d’efficacité prouvée. Le traitement symptomatique fait souvent appel à des myorelaxants qui agissent à différents niveaux : fibres musculaires ou système nerveux. Il s’agit essentiellement du chlormézanone (Trancopalt), de la méphénésine (Décontractylt), du tétrazépam (Myolastant) ou surtout du baclofène (Liorésalt). On trouve certaines associations dans la pharmacopée telles que l’association phenbrobanate et aspirine (Diaflexolt) ou chlormézanone-aspirine (Trancogesict). L’inconvénient majeur des myorésolutifs est représenté par les risques de somnolence dont il faut prévenir les sujets, en particulier pour la conduite automobile. On peut parfois utiliser une injection de toxine botulique dans un muscle spasmé, en particulier le ptérygoïdien latéral, susceptible de faire céder une contracture, en particulier dans le cadre des troubles dysfonctionnels des articulations temporomandibulaires, en rapport avec un trouble de l’articulé dentaire [32].
¶ Chirurgie On peut réaliser une résection du coroné dans les limitations d’ouverture buccale dues à des cicatrices rétractiles du muscle temporal ou des affections musculaires au niveau du temporal. Le coroné est abordé par voie intrabuccale. Il est dégagé de l’insertion des fibres tendineuses du muscle. L’apophyse coronoïde est sectionnée au ciseau frappé à sa base et réséquée. Ce geste est effectué du côté de la lésion. Il s’agit bien d’une résection et non d’une simple ostéotomie. Il peut être effectué d’une façon bilatérale en cas d’hypertrophie des coronés. Il peut être un geste nécessaire complémentaire dans le cadre du traitement d’une ankylose temporomandibulaire ancienne.
Stomatologie
sédative et décontracturante, faute de quoi cette technique conduirait à l’hypertonie, voire à la contracture des élévateurs et, par voie de conséquence, à la limitation de l’amplitude de l’ouverture buccale. La mécanothérapie est une méthode de traitement qui consiste à faire exécuter aux articulations des mouvements actifs ou passifs au moyen d’appareils spéciaux (mobilisateurs). De très nombreux appareils mobilisateurs permettent de réaliser une mécanothérapie, les forces appliquées devant s’exercer dans le plan vertical, mais aussi dans les plans sagittal et horizontal. L’intensité des forces appliquées doit être réglée en fonction de l’état de la musculature mais, dans tous les cas, elle ne doit pas entraîner de douleur. Des périodes de repos doivent être ménagées entre les séries d’exercices. Deux à trois séries de dix exercices successifs, de trois à six fois par jour, paraissent suffisants. Si l’action engendrée par le mobilisateur est purement verticale, les condyles sont bloqués dans leur glène, limitant l’ouverture à son premier temps : la réhabilitation fonctionnelle est alors limitée. Il faut adjoindre à cette force verticale une force postéroantérieure permettant de désenclaver les condyles, favorisant ainsi le deuxième temps de l’ouverture. Il faut que l’appareil mécanothérapique puisse aussi corriger les latérodéviations mandibulaires rencontrées dans certaines pathologies. L’importance de la traction élastique est réglée en fonction de l’état de la musculature. Il ne faut pas utiliser une traction trop forte : l’appareil doit assister les contractions musculaires des abaisseurs, mais ne doit pas se substituer à elles. Il constitue en outre une résistance élastique pour exercer les élévateurs. Chaque exercice de mobilisation doit être de courte durée, mais répété plusieurs fois dans la journée. Le malade doit arrêter sa mobilisation au stade fatigue et ne jamais atteindre le stade douleur. Les appareils mobilisateurs sont, selon leur action, divisés en appareils à action continue ou discontinue, à ressort ou élastique, standard ou individuel.
¶ Physiothérapie
De très nombreux appareils de ce type ont été décrits [43] (fig 14).
La physiothérapie est fondée sur la rééducation maxillofaciale et la mécanothérapie, aidée par d’autres techniques comme l’électrothérapie, l’ultrasonothérapie et la thermothérapie.
– Appareils de mobilisation passive ou écarteurs : l’appareil de Pitch et l’appareil de Gernez et Gires sont actionnés par des poids, alors que les écarteurs à coins de Ponroy, les ouvre-bouches chirurgicaux et l’appareil de Delguel sont actionnés à la main.
Cette rééducation vise à rétablir le fonctionnement normal du complexe articulaire et l’équilibre des muscles qui interviennent tant dans la mastication que dans la mobilité du visage, de la langue et du rachis cervical. L’amélioration de la trophicité locale, l’assouplissement des structures capsuloligamentaires et musculaires, la levée de la sidération musculaire, si elle existe, la récupération des amplitudes articulaires et de la physiologie musculaire par mobilisation passive et active, la rééducation active des différents groupes musculaires, sont des étapes habituelles de ce traitement. Toute la panoplie des moyens de la rééducation doit être utilisée en réponse aux difficultés rencontrées. L’amélioration de la trophicité repose sur l’utilisation de la chaleur (coussins chauffants et/ou ultrasons) au niveau des élévateurs, du drainage lymphatique facial en cas d’œdème postchirurgical important, et surtout de massages décontracturants de l’ensemble de la musculature de la face, de la mandibule et de la région cervicoscapulaire. L’assouplissement des structures capsuloligamentaires et musculaires présuppose de maintenir le gain chirurgical par un calage en ouverture adaptée, mais surtout de respecter les limites cinésiologiques de la mandibule et plus particulièrement la propulsion. Toutes les techniques de mobilisation passive et autopassive sont utilisées, complétées par des postures manuelles puis mécaniques, voire instrumentales. Jamais ces techniques d’étirement ne sont pratiquées sans une préparation préalable de la musculature à visée 12
– Appareils de mobilisation active actionnés par un dispositif de force : le dispositif de force est intrabuccal pour l’appareil de Moriceau, de Huguet, de Darcissac, de Van Ommen, et pour la bielle de VillainHertbst. Il est extrabuccal dans le cas de la « pince à linge », des appareils de Pont, de Chenet, de Besson et Solas, de Lebedinsky, de Ginestet, de Darcissac, de Benoist, de Sada, de Shearer, de Michelet et Festal, de Rigault, de Rahn et Boucher. Après libération d’une ankylose, Sada [47] a proposé de réaliser une traction continue au niveau de l’angle de la mandibule, par l’intermédiaire d’un fil d’acier passé par une petite incision sousangulomandibulaire, réalisée sur une barre métallique solidarisée à un appui extracrânien, la traction étant dirigée vers le bas et l’avant. Si cette traction postopératoire permet de maintenir un écart entre les deux pièces osseuses avivées, son maintien ne peut être réalisé pendant une durée très longue, exceptionnellement supérieure à 2 ou 3 semaines, ce qui semble insuffisant pour éviter une récidive, malgré l’instauration rapide d’une rééducation (fig 15). – Travail musculaire : l’éveil de la motricité analytique de chaque groupe musculaire (élévateurs, abaisseurs, antépulseurs, rétropulseurs et diducteurs) habituellement sidérée, fait appel à des techniques de facilitation à partir de mouvements de langue ou de mimiques faciales. Le travail musculaire est dès que possible complété par une sollicitation active des mêmes muscles, en veillant scrupuleusement au respect de la symétrisation de la propulsion mandibulaire. Si nécessaire, au terme de ce traitement, une tonification musculaire contre résistance permet de parfaire le résultat.
Limitations d’ouverture de bouche
Stomatologie
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* A * B * F
* C * E * D
* H * I J *
* K
* G 14
Appareils mobilisateurs (d’après Psaume-Vandebeek et Benoist [43]). A. « Pince à linge ». B. Appareil de Delguel. C. Mobilisateur de Van Ommen. D. Appareil de Gernez et Gires. E. Appareil de Besson et Solas.
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Appareillage de traction continue postopératoire, d’après Sada [47].
F. Appareil de Huguet. G. Mobilisateur de Darcissac. H. Mobilisateur de Rigault. I. Appareil de Lebedinsky. J. Mobilisateur de Benoist. K. Appareil de Ginestet.
Conclusion Le maintien, puis l’amélioration des amplitudes libérées chirurgicalement, est un travail long (plusieurs mois), déprimant (phase de plateau sans amélioration, voire de régression), qui nécessite une étroite complicité entre le patient et son thérapeute. Ici plus qu’ailleurs, tout gain d’amplitude doit être communiqué au patient afin de l’encourager à persévérer dans sa propre prise en charge.
Références ➤
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Limitations d’ouverture de bouche
Stomatologie
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Lithiases salivaires C. Chossegros, L. Guyot, G. Alessi La présence de calcul au sein des canaux salivaires définit la lithiase. Il s’agit d’une pathologie fréquente puisqu’elle toucherait plus de 1 % de la population. Les lithiases des glandes submandibulaires sont les plus fréquentes, essentiellement pour des facteurs anatomiques et rhéologiques. Les lithiases des glandes parotides sont moins fréquentes mais probablement moins qu’il ne l’a été écrit. Le maître symptôme de la lithiase est le syndrome de rétention salivaire qui associe des gonflements et des douleurs de la glande salivaire concernée, ces épisodes apparaissant en début de repas. Les complications infectieuses des lithiases peuvent se faire au sein du canal salivaire (sialodochite), autour du canal salivaire (périsialodochite) ou en amont du canal salivaire (sialadénite). Le bilan paraclinique est indispensable pour mettre en évidence le calcul, signant ainsi le diagnostic. Il comprend les clichés sans préparation, l’échographie, le scanner. La sialographie et la sialoscopie sont moins fréquemment prescrites. Ce bilan paraclinique est utile pour confirmer le diagnostic de lithiase et pour éliminer les autres diagnostics, syndrome de rétention salivaire sans lithiase, ou calcification salivaire sans syndrome rétentionnel. La thérapeutique consiste le plus souvent en l’exérèse du calcul. Cette exérèse se fera de différentes façons selon la topographie et la taille du calcul, la glande salivaire concernée, le matériel dont dispose le chirurgien mais aussi, bien sûr, selon le patient. Les résultats des nouvelles thérapeutiques que sont la sialoscopie et la lithotripsie extracorporelle sont encourageants, en permettant d’obtenir une guérison fréquente et une morbidité moindre qu’avec les thérapeutiques usuelles, exérèse de la glande notamment. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Glandes salivaires ; Lithiases ; Endoscopie ; Lithotripsie
Plan ¶ Introduction
1
¶ Anatomie Glandes du collier salivaire, à sécrétion réflexe prandiale Glandes muqueuses
2 2 3
¶ Pathogénie
3
¶ Anatomopathologie Lésions canalaires Lésions glandulaires
3 3 3
¶ Épidémiologie
3
¶ Lithiase submandibulaire Diagnostic positif Diagnostic différentiel Traitement
4 4 8 9
¶ Lithiase parotidienne Diagnostic positif Diagnostic différentiel Traitement
13 13 14 14
¶ Autres lithiases Sublinguale Glandes salivaires muqueuses
16 16 16
Stomatologie
En hommage à mes amis F. Guilbert et J.-P. Ragot. « Malachite, diorite orbiculaire, béryl, corindon saphir. J’entends encore ces mots résonner dans mes oreilles lorsque je pense à mon enfance où ces pierres trônaient dans la bibliothèque, que dis-je, la lithothèque de notre salon. » (C. Chossegros)
■ Introduction Les lithiases salivaires (kihoy : pierre) sont définies par la présence de calcul(s) dans le système canalaire excréteur des glandes salivaires. Il s’agit de la deuxième pathologie salivaire, par ordre de fréquence, après les oreillons. Cette affection est donc très fréquente puisqu’elle toucherait plus de 1 % de la population. [1] Elle est observée à tout âge, mais préférentiellement au-delà de 30 ans et touche toutes les glandes salivaires, surtout la glande submandibulaire, plus rarement la glande parotide et exceptionnellement les autres glandes salivaires. Les formes bilatérales existent, elles sont rares et prédominent sur les glandes submandibulaires. La manifestation principale de la lithiase salivaire est le syndrome de rétention salivaire. Ce syndrome associe un gonflement de la glande concernée à des douleurs de cette même glande, l’ensemble de ces manifestations survenant classiquement lors des repas. Le syndrome de rétention salivaire
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22-057-A-15 ¶ Lithiases salivaires
est très évocateur mais pas toujours spécifique de la lithiase. Ainsi, même devant un syndrome de rétention salivaire typique, seule la découverte du calcul signera le diagnostic de lithiase. C’est ici que se situe tout l’intérêt de cette question. Sur le plan du traitement, l’exérèse du calcul reste la règle. De nouvelles thérapeutiques sont apparues, comme la lithotripsie et la sialoscopie ; nous allons essayer de préciser leur place au sein des thérapeutiques usuelles des lithiases salivaires.
■ Anatomie L’appareil salivaire, annexé à la cavité buccale, se compose de deux sortes de glandes (Fig. 1).
Glandes du collier salivaire, à sécrétion réflexe prandiale • Parotide (salive séreuse), bilobée, moulée en arrière de la branche montante de la mandibule. Elle entretient des rapports anatomiques étroits avec le nerf facial. Son canal excréteur (canal parotidien ou de Sténon) part de la glande puis chemine dans la paroi jugale pour s’ouvrir, après avoir traversé le muscle buccinateur, en regard de la deuxième molaire supérieure (Fig. 2). Au cours de ce trajet, il décrit un virage au niveau du bord antérieur du muscle masséter, virage qui peut poser des difficultés à l’opérateur qui décide d’enlever un calcul du Sténon par voie buccale ou de faire une sialoscopie parotidienne. [2, 3] Le diamètre moyen de ce canal est de 2 mm, ce qui ne facilite pas les manœuvres instrumentales. • Glande submandibulaire (salive séromuqueuse), unilobée, située dans la région sus-hyoïdienne latérale. Son canal excréteur (canal de Wharton) traverse le plancher buccal pour s’aboucher près du frein de la langue (Fig. 3A,B). Il décrit au milieu de son trajet un coude au moment où il croise le nerf lingual ; ce coude est situé en regard de la première molaire inférieure. Ainsi, le canal de Wharton présente deux portions, une portion distale horizontale, antérieure, qui va de l’ostium jusqu’au coude et une portion proximale verticale qui va de ce coude jusqu’à la glande submandibulaire. La distance qui sépare l’ostium du hile de la glande est d’environ 7 cm. La longueur du canal de Wharton est, en effet, plus grande que celle du canal de Sténon. [4] En revanche, le diamètre de
Figure 2. Ostium de canal de Sténon droit (S), situé en regard du collet de la deuxième molaire supérieure.
Figure 3. A. Plancher buccal et glande sous-mandibulaire. 1. Pôle supérieur de la glande accessible au doigt endobuccal ; 2 et 10. prolongement antérointerne et canal de Wharton ; 3. ostium du canal de Wharton ; 4. frein de la langue ; 5. glande sublinguale (crête salivaire) ; 6. repli palatoglosse ; 7. sillon pelvilingual ; 8. nerf lingual sous-croisant le canal de Wharton ; 9. bord postérieur du muscle mylohyoïdien. B. Plancher buccal antérieur. W : orifice du canal de Wharton gauche (caroncule salivaire). C : crête salivaire. La langue est soulevée vers le palais.
Figure 1. Anatomie des glandes salivaires. Représentation de la glande parotide (P) et de la glande sous-mandibulaire (SM) avec leur lithiase canalaire respective. Noter l’émergence du canal de Sténon (1) en regard du collet de la deuxième molaire supérieure. 2. Canal de Wharton.
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l’ostium du Wharton est moindre que celui du Sténon, favorisant également la stase salivaire. [4] Le canal de Wharton fait 3 mm de diamètre, ce qui rend les thérapeutiques sialoscopiques plus aisées que dans le canal de Sténon. Stomatologie
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• Glande sublinguale (salive muqueuse). Elle est située sous la muqueuse du plancher buccal et se draine dans la cavité buccale directement par plusieurs canaux excréteurs s’abouchant au niveau de la crête salivaire ou par un seul canal branché sur le Wharton. Ces glandes sont sous la dépendance d’une double innervation, sympathique pour la sécrétion séreuse (submandibulaire et parotidienne), la plus abondante, et parasympathique pour la sécrétion muqueuse, moins abondante.
des cas et quatre calculs ou plus dans 6,2 % des cas. [6] Pour Marchal, les lithiases multiples seraient présentes dans 58 % des cas. [7] Une corrélation entre les lithiases salivaires et les lithiases rénales a été évoquée. [8] Ainsi, les lithiases salivaires sont le plus souvent des lithiases d’organe mais quelquefois des lithiases d’organisme.
■ Anatomopathologie Glandes muqueuses À sécrétion continue, elles sont disséminées sur toute l’étendue de la muqueuse buccale (lèvres, palais, langue).
■ Pathogénie La prédominance des lithiases submandibulaires par rapport aux lithiases parotidiennes a fait depuis longtemps se poser le problème de la cause de ces lithiases. En fait, il ne reste que trois hypothèses plausibles de cette prédominance des lithiases submandibulaires sur les lithiases parotidiennes : • hypothèse en rapport avec des erreurs diagnostiques. Nombre de lithiases parotidiennes sont passées inaperçues et leur nombre a donc été largement minimisé. D’ailleurs, l’arrivée de la sialoscopie a permis de mettre en évidence beaucoup de lithiases parotidiennes non visibles en radiographie ; • hypothèse anatomique. Le canal de Wharton est plus long que le canal de Sténon. Son ostium est également plus étroit. Ceci, associé au fait que la salive submandibulaire doive s’écouler du bas vers le haut, favorise la stase salivaire et donc la lithiase [4]; • hypothèse physicochimique. La salive submandibulaire, par sa richesse en mucus, est deux fois plus épaisse que la salive parotidienne, ce qui favorise aussi la formation calculeuse. Une origine génétique pourrait agir sur ces facteurs et participer également à la formation des lithiases. [3] De structure cristalline, le calcul salivaire se compose surtout de sels de calcium (hydroxyapatite phosphocalcique, phosphate tricalcique et octocalcique). Il se développe à partir d’un noyau central, la matrice organique, autour de laquelle se déposent des couches successives de sels minéraux et d’éléments organiques, l’ensemble donnant parfois un aspect en « cocarde » (Fig. 4). La proportion de matières organiques est de 25 % pour une proportion de 75 % de sels calciques. [5] Une fois formé, le calcul favorise la stase qui, à son tour, entraîne la précipitation de nouveaux sels, aboutissant parfois à une succession de calculs (chapelet) dans un même canal. Le nombre de calculs rencontrés est d’un calcul dans 75,3 % des cas, deux calculs dans 15,6 % des cas, trois calculs dans 2,9 %
Figure 4. Panoramique dentaire demandé pour abcès sur la dent n° 48 (D). Découverte d’un calcul du hile de la glande submandibulaire droite (C). Noter l’aspect en « cocarde » de ce calcul. Stomatologie
Le siège du calcul est variable. Selon Rauch, les calculs siègent au niveau de l’ostium et du tiers antérieur dans 30 % des cas, au niveau du tiers moyen dans 20 % des cas, au niveau du tiers postérieur dans 35 % des cas et enfin dans la glande dans 15 % des cas. [1] Les lésions anatomopathologiques consécutives à la lithiase sont mécaniques et infectieuses et se font au niveau du canal ou de la glande.
Lésions canalaires • Infection intracanalaire ou sialodochite ; elle débute par une dilatation canalaire en amont du calcul ce qui favorise la stase salivaire puis facilite l’infection dans le canal. Cette infection peut ensuite migrer par voie ascendante vers la glande. • Infection péricanalaire ou abcès pelvibuccal. L’infection passe la barrière de la paroi canalaire et s’étend au niveau du plancher buccal. Les formes postérieures sont plus graves que les formes antérieures.
Lésions glandulaires • Infection (sialite ou sialadénite) aiguë, le plus souvent due à Staphylococcus aureus, à Streptococcus viridans ou à des germes anaérobies. Certaines formes peuvent aboutir, par diffusion de l’infection, à un abcès de la loge submandibulaire pouvant même s’étendre aux loges cervicales voisines (abcès diffusé) avec un pronostic sévère. • Infection chronique. Elle fait suite à plusieurs poussées de sialadénite aiguë ou subaiguë et peut quelquefois aboutir à une sclérose complète de la glande, si la lithiase perdure trop longtemps. En fait, les glandes salivaires situées en amont de la lithiase sont le plus souvent fonctionnelles [9].
■ Épidémiologie Selon Rauch, [1] la fréquence des lithiases salivaires serait de plus de 1 % de la population puisqu’elles auraient été trouvées chez plus de 1 % des cadavres autopsiés. La fréquence des microlithiases non diagnostiquées, même lors d’une autopsie, doit probablement faire majorer ce chiffre. La fréquence des lithiases submandibulaires qui seraient cinq fois plus fréquentes que les lithiases parotidiennes doit être singulièrement relativisée (83 % des lithiases salivaires, Rauch). [1] En effet, les lithiases parotidiennes sont en fait plus fréquentes que l’on ne le croit mais elles passent souvent inaperçues, car peu calcifiées et de petite taille. Un nouvel examen paraclinique, la sialoscopie, examen souvent prescrit en cas de parotidite inexpliquée, a d’ailleurs confirmé ce fait. Pour Katz, [10] le taux est de 76 % de lithiases submandibulaires pour 22 % de lithiases parotidiennes et 2 % de lithiases sublinguales. Pour Nahlieli, [11] on a 348 lithiases submandibulaires (68 %), 162 lithiases parotidiennes (32 %) et deux lithiases sublinguales (0,3 %). Ces deux dernières séries nous paraissent plus proches de la réalité. Les formes avec des complications mécaniques ont été retrouvées dans 76,5 % des cas et celles avec complications infectieuses dans 23,4 % des cas. [11]
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22-057-A-15 ¶ Lithiases salivaires
“
Point important
Les lithiases submandibulaires seraient trois fois plus fréquentes que les lithiases parotidiennes.
Les lithiases submandibulaires surviennent à tout âge (2 à 90 ans) [10-12] et les formes de l’enfant ne sont pas exceptionnelles (3 % des lithiases pour Nahlieli). [13] L’âge moyen des patients traités pour lithiase salivaire serait compris entre 40 et 45 ans. [10, 14] Les deux sexes sont atteints sans prédominance apparente, [3, 14] même si quelques auteurs semblent retrouver une prédominance masculine. [15] Des formes familiales existeraient avec 25 % d’antécédents familiaux de lithiase chez les patients traités pour lithiase salivaire. [3] Le taux de récidive après exérèse d’une lithiase salivaire est de 8,9 %. [6]
Figure 5. Lithiase submandibulaire. Hernie salivaire (H) : gonflement au niveau de la glande submandibulaire.
■ Lithiase submandibulaire En raison de sa fréquence, la lithiase submandibulaire est prise comme forme type. La longueur, la taille du canal de Wharton, ainsi que la qualité de la salive, épaisse, et s’écoulant contre la gravité terrestre expliqueraient la fréquence plus élevée des lithiases de la glande submandibulaire.
Diagnostic positif Signes d’appel La découverte fortuite d’un calcul latent est une circonstance de découverte relativement rare (5 % des lithiases). [14] Le plus souvent, elle se fait sur une radiographie panoramique dentaire demandée pour une autre raison (Fig. 4). Les complications mécaniques et plus rarement infectieuses constituent, en fait, les signes d’appel les plus habituels de la lithiase submandibulaire. Les lithiases antérieures donneraient plus volontiers les complications mécaniques, à l’inverse des lithiases postérieures qui donneraient, quant à elles, plutôt les complications infectieuses. Complications mécaniques Le syndrome de rétention salivaire est fortement évocateur de lithiase salivaire. Il associe, lors d’un repas (le plus souvent au début, lorsque la salive afflue dans la cavité buccale lors de la prise d’aliments acides, vinaigrette, citron etc.) ou de toute autre stimulation salivaire : • un gonflement rapide de la glande ou hernie salivaire (Garel) devenant visible sous les téguments. Ce gonflement est la manifestation la plus fréquente de la lithiase salivaire. Il se situe au niveau de la loge submandibulaire (en dessous du bord basilaire de la mandibule et en avant de l’angle mandibulaire) (Fig. 5) ; • une douleur submandibulaire irradiant vers la langue, le plancher de la bouche ou même l’oreille (simple gêne ou colique salivaire vraie [Morestin]). Cette douleur évoque une obstruction complète de l’écoulement salivaire par le calcul et/ou par un spasme du canal de Wharton. Le syndrome de rétention salivaire dure quelques instants puis disparaît après issue de l’écoulement d’un jet de salive sous la langue. La douleur cède rapidement, le gonflement plus lentement. Rythmé par les repas, il se répète à intervalles plus
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Figure 6. Whartonite droite (W). Noter l’issue de pus à l’ostium et l’érythème de la crête salivaire.
ou moins éloignés et évolue, soit vers l’expulsion spontanée du calcul, soit vers les complications infectieuses. Au début, la rythmicité avec les repas du syndrome de rétention salivaire est typique de la pathologie mais elle s’estompe avec le temps, la hernie et la douleur persistant alors à distance des repas. Les signes cliniques de la lithiase peuvent également disparaître pendant des années avant de revenir et d’amener à nouveau le patient à consulter ou à se faire opérer ! Complications infectieuses Elles surviennent le plus souvent après les complications mécaniques mais révèlent parfois une lithiase ancienne passée inaperçue. Il n’y a plus de rythme avec les repas. Ces complications diffèrent selon leur topographie et leur mode évolutif. Elles peuvent se produire dans le canal, autour du canal ou en amont du canal. Dans le canal. Whartonite ou sialodochite du Wharton (Fig. 6). Les douleurs apparaissent soudainement ; elles se situent au niveau du plancher buccal. Parfois violentes, elles irradient vers l’oreille et gênent la déglutition (dysphagie), la parole (dysphonie) et déclenchent une hypersialorrhée. Elles s’associent à des signes locaux intrabuccaux (gonflement de la crête salivaire avec rougeur de l’ostium, issue de pus à l’ostium) Stomatologie
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Figure 7. Périwhartonite gauche (ou abcès du plancher buccal : A). Cet abcès est séparé de la mandibule par un sillon.
Figure 8. Périwhartonite gauche (ou abcès du plancher buccal). A et F : abcès (A) avec fistule (F) sur la crête salivaire. La crête salivaire est œdématiée et érythémateuse.
et à des signes généraux d’intensité modérée (fièvre à 3838,5 °C). Ces sialodochites seraient plutôt en rapport avec les petites lithiases antérieures, proches de l’ostium. [4] Autour du canal. Périwhartonite ou abcès du plancher de la bouche (Fig. 7). Au cours de la périwhartonite, l’infection est passée de l’intérieur du canal à l’extérieur du canal. Il s’agit d’un véritable abcès du plancher buccal. Ici, les douleurs sont plus intenses que dans la whartonite et la gêne fonctionnelle aussi. Les signes locaux s’aggravent, avec le gonflement de tout le plancher buccal, qui soulève la langue et gêne la déglutition. La palpation buccale retrouve une tuméfaction importante du plancher mais séparée de la mandibule par un sillon, contrairement aux abcès dentaires. Il est plus rare de voir du pus couler à l’ostium. Une fistulisation muqueuse de l’abcès est parfois rencontrée ; elle fait disparaître les signes généraux (Fig. 8). Ces signes généraux sont plus prononcés que dans la whartonite, surtout dans les périwhartonites de localisation postérieure (fièvre à 39,5 °C). Un drainage urgent est indiqué. En amont du canal. Infection de la glande submandibulaire ou submandibulite, également appelée sialite ou mieux sialadénite. Cette infection est parfois étendue autour de la glande, donnant alors un abcès de la loge submandibulaire, souvent en rapport avec une grosse lithiase de localisation postérieure. [4] Dans la forme aiguë de submandibulite, la région submandibulaire est le siège d’un gonflement inflammatoire douloureux. Il s’y associe une gêne à la mastication et à la déglutition, du pus à l’ostium et parfois une fistulisation cutanée. Les signes généraux sont classiquement associés avec une fièvre à 38-39 °C. Inversement, les formes chroniques sont paucisymptomatiques avec une simple induration glandulaire, parfois sensible, mais pas de signe général. Stomatologie
Figure 9. A. Lithiase submandibulaire gauche située en arrière de l’ostium du canal de Wharton. Noter l’érythème de la crête salivaire (CS). B. Lithiase submandibulaire gauche. Le calcul s’est éliminé spontanément en laissant un orifice fistuleux (F) au niveau de la crête salivaire.
Signes d’examen Interrogatoire Il précise l’anamnèse et surtout la répétition des manifestations et leur rapport avec les repas. Examen clinique Inspection. Elle recherche : • au niveau pelvibuccal : C un aspect congestif ou inflammatoire de la crête salivaire et de l’ostium du canal de Wharton (Fig. 9A). Cet aspect congestif est un excellent signe diagnostique ; il n’a de valeur que par comparaison avec le côté opposé. Bien sûr, il faut le distinguer d’une tuméfaction d’origine dentaire qui serait alors située au niveau du rebord alvéolodentaire ; C une rougeur, du pus, voire un calcul qui pointe au niveau de l’ostium ; • au niveau submandibulaire : C une tuméfaction plus ou moins inflammatoire, exceptionnellement une fistule, en rapport avec l’élimination spontanée du calcul (Fig. 9B) ou avec une complication infectieuse. Palpation orale. Elle complète la palpation cervicale. Elle nécessite l’emploi de deux mains et l’on parle de palpation bidigitale ou mieux bimanuelle. Les doigts cervicaux sont placés en crochet sous la glande submandibulaire qu’ils soulèvent, le cou étant légèrement plié vers l’avant. Le doigt oral glisse sur le plancher buccal latéral depuis le pilier antérieur de l’amygdale jusqu’à l’ostium (Fig. 10). Il recherche : • le calcul, dur, plus ou moins douloureux, situé le plus souvent sous la crête salivaire ou légèrement en dedans d’elle. Parfois on ne retrouve pas le calcul mais seulement une
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Figure 10. Palpation bidigitale ou plutôt « bimanuelle » du plancher buccal. Une première main, cervicale, est placée en crochet sous la mandibule ; elle fait remonter la glande submandibulaire dans la cavité buccale. Une deuxième main, buccale, palpe avec l’index le plancher buccal le long de la crête salivaire en allant de l’arrière vers l’avant ; c’est l’index de cette main qui va palper le calcul.
douleur au niveau d’un point précis du plancher buccal ; cette douleur provoquée a beaucoup moins de valeur diagnostique que la palpation par le chirurgien ; • la tuméfaction de la glande submandibulaire, distincte du rebord basilaire mandibulaire ; • l’issue du pus au niveau de l’ostium.
Examens paracliniques Seule la découverte du calcul signe la lithiase. Elle n’est pas toujours facile, notamment en cas de calcul petit ou peu calcifié. Les examens paracliniques doivent préciser le siège, le nombre et le volume des calculs et permettre parfois d’apprécier la valeur fonctionnelle de la glande. Classiquement, le calcul du canal de Wharton est unique et de taille très variable allant de moins de 1 mm à plusieurs centimètres de longueur (certains calculs pèsent plusieurs grammes). Radiographies sans préparation Elles suffisent le plus souvent lorsque le calcul est suffisamment gros et calcifié. Mais il faut savoir que 20 % des calculs submandibulaires et 40 % des calculs parotidiens ne sont pas calcifiés. [15] Technique (rayons mous, temps de pose très court). Films occlusaux. Selon la topographie du calcul que l’on recherche, on fera un cliché occlusal antérieur ou postérieur. Le cliché occlusal antérieur montre les calculs antérieurs (Fig. 11 A, C) ; il se pratique en faisant mordre par le patient un film occlusal (8 cm × 5 cm) ; le rayon, perpendiculaire au film, est placé sous le menton et dirigé vers le haut. Ce cliché ne permet de voir vers l’arrière que jusqu’au niveau de la deuxième molaire. Aussi, pour les calculs postérieurs situés en arrière de la deuxième molaire, un cliché oblique est nécessaire, c’est le cliché occlusal postérieur (Fig. 11B). Le cliché occlusal postérieur (ou incidence de Bonneau ou oblique latéral ou occlusal oblique) montre les calculs postérieurs, c’est-à-dire situés au niveau du quart postérieur du canal et au niveau du hile de la glande. Ce cliché se fait le plus souvent avec un film occlusal (8 cm × 5 cm). Le film est mordu par le patient et placé au niveau des molaires, le plus en arrière possible. Les rayons sont ici orientés différemment : le cône est placé au niveau de l’angle mandibulaire et il est dirigé vers le film radiographique, c’est-à-dire vers le haut, l’avant et un peu vers le dedans. Orthopantomogramme (Fig. 4,12). Il est systématique pour nombre de praticiens et permet de voir les gros calculs mais il
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Figure 11. A. Incidence occlusale antérieure droite. B. Incidence occlusale postérieure droite. C. Cliché occlusal. Le film de 8 cm × 5 cm est mordu par le patient. Le rayon « mou » est situé sous le plancher buccal ; il est dirigé verticalement du bas vers le haut. M : mandibule ; C : volumineux calcul du tiers antérieur du plancher buccal gauche.
est moins sensible que les clichés occlusaux, notamment dans les lithiases de petite taille ou peu calcifiées. Il montre surtout les calculs se projetant au-dessous du rebord basilaire de la mandibule. Il faut se méfier ici des calculs antérieurs qui peuvent également se projeter du côté opposé et donner l’impression qu’il y a des calculs bilatéraux. Profil strict de la face, rayons mous. Ce cliché peut mettre en évidence les volumineux calculs intraglandulaires, calculs qui ne sont pas toujours visibles sur l’occlusal postérieur. Résultats. Image ovalaire radio-opaque (dont on précise les caractères) lorsque le volume du calcul est suffisant. Cette image se projette sur une ligne reliant l’angle mandibulaire à la région Stomatologie
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Figure 12. Panoramique dentaire permettant de mettre en évidence un volumineux calcul (C) du plancher buccal antérieur. Seuls les gros calculs suffisamment calcifiés sont visibles sur le panoramique dentaire.
incisive, en arrière des apophyses géni. Lorsque le calcul n’est pas retrouvé sur les clichés occlusaux, l’échographie, la scanographie et la sialographie sont alors indiquées. Échographie • Technique non invasive, très accessible, de sensibilité un peu limitée. • Résultats : C calcul : image hyperéchogène avec cône d’ombre postérieur. Seuls les calculs dont le diamètre est supérieur à 1,5 mm de diamètre et qui sont suffisamment calcifiés sont visibles. Dans ces cas, la fiabilité de cette méthode peut atteindre 99 %. [16] La localisation du calcul n’est pas toujours possible et il faudrait que le chirurgien fasse luimême l’échographie pour être sûr du siège du calcul ; C glande d’aspect et de volume variable (aspect homogène ou hétérogène, recherche de tumeur submandibulaire). Scanographie Les coupes axiales des régions submandibulaire et pelvibuccale (en l’absence d’artefacts provoqués par les métaux de reconstitution dentaire) offrent une excellente sensibilité pour la recherche d’image radio-opaque lithiasique, même de petit volume (Fig. 13A). Elles montrent aussi parfaitement l’état du parenchyme glandulaire et peuvent être associées à une injection de produit de contraste intracanalaire (sialoscanner). Cette technique est excessivement sensible pour le dépistage des calculs [17] à la condition que le plan de coupe passe par le calcul (coupes millimétriques ou inframillimétriques, par exemple). Elle a une excellente valeur localisatrice mais a l’inconvénient d’être plus coûteuse que l’échographie ; par ailleurs, elle montre mal l’état du canal et la mobilité du calcul. Elle permet, en revanche, d’apprécier les complications glandulaires (Fig. 13B). Sialographie (Fig. 14,15) Elle est loin d’être systématique. Son indication relève des lithiases peu calcifiées et/ou de petite taille. Elle tend de plus en plus à être supplantée par la scanographie, parce qu’il y a de moins en moins de radiologues capables de la réaliser et qu’elle peut être douloureuse. Technique. • En dehors d’une poussée inflammatoire et d’une intolérance à l’iode ; • cathétérisme du conduit excréteur de la glande ; • injection du produit de contraste iodé ultrafluide ; • cliché en incidence maxillaires défilés ou panoramique dentaire ; • en réplétion puis en évacuation à 15, 30 et 45 minutes. Stomatologie
Figure 13. A. Scanner du plancher buccal en coupe transversale. C : calcul du hile de la glande submandibulaire gauche. Le diamètre, ici 5,3 mm, est facilement mesuré à l’aide du scanner. B. Scanner cervical en coupe transversale. SM : submandibulite (ou sialadénite) gauche. Noter les microabcès dans la glande. Du côté droit on met également en évidence une lithiase controlatérale (C) située au niveau du hile de la glande submandibulaire droite.
Résultats. Plusieurs possibilités : • calcul : sialogramme canalaire normal (compatible avec des microcalculs ou un sable lithiasique), lacune cerclée par le produit de contraste avec dilatation canalaire d’amont (cas le plus fréquent), arrêt net du produit de contraste qui n’opacifie que le segment proximal du canal, absence ou retard d’évacuation sur les clichés tardifs (normalement le produit est éliminé en 30 minutes), compatible avec un petit calcul noyé dans le produit de contraste ; • glande : sialogramme parenchymateux normal, retard d’évacuation par obstacle ou déficit fonctionnel salivaire, taches opaques intraparenchymateuses par destruction des acini, défaut d’imprégnation partielle ou totale par sclérose glandulaire. Il est possible de retrouver des calculs en dehors des canaux salivaires lorsque ces calculs ont migré après fistulisation du canal. [8] Sialendoscopie ou sialoscopie Elle est réalisable sous anesthésie locale, à condition d’avoir une certaine pratique. Cet examen a été décrit pour la première
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Diagnostic différentiel En cas de syndrome de rétention salivaire associé à la présence d’un calcul, il y a peu de problèmes diagnostiques. Le diagnostic devient en revanche plus difficile devant une calcification pelvibuccale isolée sans rétention salivaire ou devant un syndrome de rétention salivaire sans calcul.
Au stade de latence Les incidences radiographiques variées et surtout la scanographie éliminent facilement les calcifications non glandulaires. Ces calcifications non glandulaires sont le plus souvent mandibulaires ou juxtamandibulaires : ganglion de la loge submandibulaire calcifié, apex dentaire résiduel, cémentose, angiome calcifié, calcification amygdalienne. Le problème diagnostique est plus complexe lorsque les calcifications siègent dans la glande elle-même : ces calcifications salivaires glandulaires sans lithiase canalaire sont alors souvent multiples ; il s’agit de ce qu’on appelle la calcinose salivaire, affection qui pourrait être une forme du syndrome de Gougerot-Sjögren. [21] Figure 14. Schéma mettant en évidence divers aspects de clichés sialographiques (incidence maxillaire défilé). a : Cliché normal ; b : image du calcul en négatif dans le canal ; c : amputation de l’extrémité distale du canal lors des clichés d’évacuation ; d : amputation de la glande et de la portion proximale du canal lors du cliché initial (impossibilité d’injection du lipiodol).
fois en France. [18] Sur une étude de 22 patients, [16] 22 canaux de Wharton ont pu être examinés avec comme résultats : 13/22 de calculs (59 %), 3/22 (14 %) de sténoses et 3/22 (14 %) de whartonites. Pour Chu, [19] le nombre de calculs retrouvés par sialoscopie au niveau de la glande submandibulaire était d’un dans 55 % des cas, deux dans 8 % des cas, trois dans 15 % des cas et enfin quatre dans 8 % des cas. Imagerie par résonance magnétique L’imagerie par résonance magnétique n’est bien sûr pas de pratique routinière. Malgré cela, elle semble donner d’excellents résultats sur la localisation des lithiases, l’appréciation de l’état canalaire et de l’état glandulaire. [20] Sa sensibilité est supérieure à celle de l’échographie, notamment dans les lithiases multiples. Par ailleurs, elle n’est pas irradiante. Malheureusement, la proximité des amalgames dentaires donne, comme pour le scanner, des distorsions des images.
Au stade des complications Mécaniques Rétention salivaire par spasme de l’ostium lui-même secondaire à une irritation d’origine dentaire, prothétique (prothèse dentaire adjointe), muqueuse (aphte ou carcinome de l’ostium). Ici, la sialographie est normale ou montre des dilatations canalaires parfois associées à un prolongement glandulaire compressif. Les mégacanaux peuvent également donner une symptomatologie proche mais le bilan fait la différence car ici il n’y a pas de calcul et la dilatation des mégacanaux de Wharton est de surcroît bilatérale. Infectieuses La whartonite ne pose pas de problème diagnostique. L’issue de pus à l’ostium associée à la présence d’un calcul est fortement évocatrice. La périwhartonite peut poser des problèmes diagnostiques avec un abcès dentaire. En cas de périwhartonite, la collection est séparée de la mandibule par un sillon et la salive est souvent purulente. La sublingualite peut, elle aussi, poser des problèmes diagnostiques avec une whartonite ou un abcès du plancher, mais elle est exceptionnelle chez l’adulte.
Figure 15. A. Schéma d’une sialographie de la glande submandibulaire gauche dans le cadre d’un calcul (C) distal (tiers antérieur) du canal de Wharton. Noter la dilatation canalaire (D) en amont. B. Cliché d’une sialographie de la glande submandibulaire droite (incidence maxillaire défilé). C : calcul du tiers postérieur situé en arrière du « coude » du canal ; W : portion horizontale du canal de Wharton ; D : dilatation du canal de Wharton située au niveau de la portion horizontale du canal.
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Stomatologie
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La submandibulite peut, quant à elle, prêter à confusion avec un abcès d’origine dentaire ou avec une adénite. Dans ce dernier cas, il faut rechercher une porte d’entrée cutanéomuqueuse. Chez l’enfant, les submandibulites chroniques à poussées récidivantes de l’enfant peuvent poser des problèmes diagnostiques avec une submandibulite lithiasique, d’autant qu’à cet âge, les lithiases sont de petite taille. Chez l’adulte, on peut avoir des problèmes diagnostiques avec une submandibulite non lithiasique comme la sialadénite chronique sclérosante des glandes submandibulaires, affection des femmes de plus de 50 ans qui souffrent d’un gonflement d’une ou des deux glandes submandibulaires, parfois douloureux, avec induration glandulaire. Cet aspect est celui d’une submandibulite chronique bilatérale pour laquelle on ne retrouve pas de calcul. Pseudotumorales Les submandibulites chroniques posent des problèmes diagnostiques avec les tumeurs pelvibuccales (tumeurs bénignes salivaires, kyste mucoïde sublingual ou « grenouillette ») ou submandibulaires (adénopathie cervicale chronique, tumeurs bénignes ou malignes de la glande submandibulaire, cylindromes notamment et enfin localisation cervicale d’un lymphome).
Traitement Figure 16. Exérèse endobuccale transmuqueuse d’un calcul antérieur palpable. Cette intervention se réalise sous anesthésie locale. F : fil de traction destiné à éviter une migration postérieure du calcul ; C : calcul rétro-ostial. La curette permet d’enlever le calcul.
Il est essentiellement chirurgical et consiste le plus souvent en l’ablation du calcul. En cas de collection, un drainage pourra également être effectué. Parfois, l’expulsion spontanée d’un petit calcul sous pression peut se faire ; elle évite l’acte chirurgical. Mais le plus souvent, le traitement médical ne sert qu’à patienter en vue d’une période favorable pour l’intervention chirurgicale.
Chirurgicales
Méthodes Médicales • Antalgiques (paracétamol, paracétamol-codéine). • Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les corticoïdes ne sont indiqués que dans les cas d’inflammation sévère. Leur indication en pathologie infectieuse est discutée car ils pourraient favoriser la diffusion de l’infection. • Antispasmodiques (Spasfon ® ) (iodure de tiémonium, butylhyoscine), 6 comprimés/j. Ils permettent d’augmenter le diamètre de l’ostium améliorant ainsi le drainage canalaire. • Sialogogues. C Parasympathomimétique. Pilocarpine (Salagen®) : c’est le sialogogue le plus efficace. La dose prescrite est de 5 mg × 3/j en comprimé avec un maximum de 30 mg/j, à prendre au cours des repas. Les effets secondaires en limitent malheureusement l’emploi : hyperhidrose, dose dépendante. Des nausées, des vomissements, des frissons, une rhinorrhée ont été décrits. Contre-indication : glaucome à angle fermé, asthme, insuffisance cardiaque, ulcère gastrique. Teinture de jaborandi (terme qui signifie « ce qui fait baver » en langage indien Tupi [Amérique du Sud]). Le nom scientifique de cet arbre est le pilocarpus jaborandi ; en fait, il s’agit de pilocarpine. Sa prescription est faite à partir d’une préparation magistrale ; elle est de 30 gouttes × 3/j. Éséridine (Génésérine ® ), 10 à 30 gouttes/j en plusieurs prises. C Cholérétique : anétholtrithione (Sulfarlem S 25®). Comprimé à 12,5 et 25 mg, 3 comprimés/j. C Sympathomimétiques : dihydroergotamine (Séglor ® ), 30 gouttes 3 fois/j. Association déconseillée avec les macrolides (risque d’ergotisme). • Antibiotiques, en cas d’infection type whartonite ou périwhartonite. L’antibiothérapie devra être adaptée à la flore polymicrobienne de la cavité buccale (amoxicilline) ou être à élimination salivaire préférentielle (macrolides). Dans les formes sévères, infection pelvibuccale postérieure par exemple, il ne faudra pas hésiter à hospitaliser le patient et à prescrire une antibiothérapie par voie injectable. Stomatologie
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Exérèse du calcul, par voie transmuqueuse. Elle nécessite de pouvoir palper le calcul lors de l’examen clinique préopératoire : • ablation d’un calcul antérieur, sous anesthésie locale, classique « taille du Wharton » (Fig. 16). La technique est relativement simple puisqu’il suffit de mettre un fil de traction postérieur qui cravate le planche buccal en arrière du calcul. Ce fil tend le canal de Wharton afin d’éviter le recul du calcul. En effet, le risque est que le calcul, lorsqu’il est petit, ne migre vers l’arrière ; dans ce cas, il suffit de masser le canal de l’arrière vers l’avant pour que ce calcul retrouve sa position initiale et puisse être enlevé. L’incision est faite ensuite en regard du calcul, dans l’axe du canal. Pour certains, une sonde ou le sialoscope peuvent être mis dans le canal afin de guider l’opérateur mais cette technique présente le risque de faire migrer le calcul dans une mauvaise direction ! • ablation d’un calcul postérieur par voie endobuccale, sous anesthésie générale. Cette anesthésie est dictée par la proximité du nerf lingual, les réflexes nauséeux et de déglutition. Cette intervention nécessite deux aides opératoires afin de faire saillir le calcul au plus près de la muqueuse buccale. En effet, un des aides exerce avec ses doigts en crochet une pression du bas vers le haut en repoussant la glande submandibulaire en direction de la cavité buccale, pendant que le deuxième aide écarte le champ opératoire et tient l’aspiration. La discision doit être minutieuse afin de ne pas traumatiser le nerf lingual qui sous-croise le canal de Wharton à ce niveau. Pour certains, [22] il faut découvrir le nerf lingual avant d’inciser le canal de Wharton. Sialoscopie (Fig. 17–20). Cette technique nécessite l’emploi d’un endoscope dédié, à fibres optiques, de diamètres variables allant de 0,75 à 2,3 mm, [3, 7, 11, 23] avec un ou plusieurs canaux afin de faire pénétrer des instruments dans les voies salivaires ; sa longueur utile doit dépasser celle du canal de Wharton, soit 7 cm. Nous recommandons l’utilisation d’un endoscope avec les canaux irrigation et opérateur associés de 1,3 mm de diamètre (Marchal, Storz® réf.11.516 KA, quatrième génération). [7]
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Figure 17. Sialoscope Storz-Marchal de 1,3 mm de diamètre avec une longueur utile de 11 cm. Cet instrument possède trois canaux, un canal visuel, un canal irrigation et un canal opérateur. Il doit également être raccordé à une source de lumière froide.
La sialoscopie se fait le plus souvent sous anesthésie locale et permet d’enlever les calculs quelle que soit leur position. Sa durée va de 10 à 75 minutes. Dans 2 % des cas, cette technique n’est pas réalisable lorsque l’on n’a pas pu franchir l’ostium. [11] D’autres échecs sont liés au fait que certains calculs sont situés non plus dans le canal mais dans le parenchyme. La sialoscopie s’adresse aux petits calculs (moins de 4 mm de diamètre). L’obtention du diamètre du calcul nécessite la réalisation préalable d’une échographie, d’une sialographie ou d’un scanner. La sialographie permet d’apprécier la mobilité du calcul [23] et le diamètre du canal, le scanner est plus précis pour évaluer le diamètre du calcul (Fig. 21). Pour Nahlieli, [24] sur 217 sialoscopies interventionnelles de glandes lithiasiques, 189 patients avaient été guéris (cliniquement et radiologiquement), avec de meilleurs résultats pour les lithiases submandibulaires (89 %) que pour les lithiases parotidiennes (83 %). Les calculs inférieurs ou égaux à 4 mm peuvent être enlevés à l’aide d’un sonde à panier, type Dormia, à trois ou six brins (Storz®, réf. 11575K et L), d’autant qu’ils sont mobiles et non enchâssés dans la paroi canalaire. On peut également s’aider d’un ballonnet gonflé en arrière du calcul (Storz®, réf. 11577B) mais ce ballonnet est surtout intéressant pour dilater les sténoses canalaires. Des minipinces [11] peuvent également être employées pour enlever le calcul (Storz ® , réf. 11576TJ et 11577ZJ). Les calculs supérieurs à 4 mm nécessitent un fractionnement préalable, par voie externe (lithotripsie extracorporelle [LEC]) ou endocanalaire. La fragmentation des calculs salivaires par voie
Figure 19. Sialoscopie du canal de Wharton droit. S : sialoscope (StorzMarchal, 1,3 mm de diamètre) permettant d’extraire le calcul (C) à travers l’ostium qui a été incisé. Le calcul est pris dans une sonde de Dormia (panier). Cette intervention est effectuée sous anesthésie locale.
Figure 20. Calcul enlevé en sialoscopie (correspondant à la Figure 19 et à la vidéo 1). Ce calcul mesure 12 mm de long et son diamètre est de 4 mm.
endocanalaire se fait essentiellement par laser endoscopique. Plusieurs types de laser ont été utilisés, à CO 2 , Nd : YAG, holmium, Excimer mais avec un risque non négligeable sur les Figure 18. Matériel de dilatation canalaire (Storz®). De haut en bas : pince préhensive, dilatateur conique, ciseaux à spinctérotomie, sondes en argent de 000 à 1.
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Figure 21. Scanner du plancher buccal en coupe transversale. Lithiase submandibulaire bilatérale, à droite au niveau du coude du canal de Wharton (diamètre 4,6 mm) et à gauche au niveau du tiers moyen du canal de Wharton (diamètre 4,7 mm).
canaux salivaires. [25] Pour Baurmash, [4] les risques du laser CO2 doivent faire abandonner ce type de laser. Un autre laser a également été employé, le pulse dye laser (Pulsolith Dye® laser, Technomed International/France). [3, 26] L’intérêt de ce laser à colorant est qu’il est efficace sur les tissus de couleur jaune (comme les calculs) mais sans effet et donc sans risque sur les tissus de couleur rouge. L’énergie délivrée est de 40 à 60 mJ à une fréquence de 10 Hz. La fragmentation du calcul étant douloureuse, une anesthésie générale est nécessaire. [7] Les autres techniques de fragmentation des calculs salivaires (Calcultrip® K. Storz ; Lithoclast EMS Swiss®) [7] ont été abandonnées car elles sont peu efficaces ou dangereuses. Les résultats des sialoscopies thérapeutiques sont de 85 % de succès mais ils sont supérieurs pour les petites lithiases inférieures ou égales à 3 mm. [7] Les échecs sont souvent liés à des sténoses du canal excréteur. Submandibulectomie (sialadénectomie ou sous-maxillectomie). Elle se fait sous anesthésie générale, par voie cutanée cervicale. Cette intervention est indiquée lorsque le calcul est très postérieur, c’est-à-dire situé dans le hile de la glande, et qu’il ne peut être enlevé par voie buccale ou en sialoscopie. Lorsqu’elle est bien indiquée, la submandibulectomie est rendue difficile par son caractère hémorragique et par la fibrose périglandulaire réactionnelle qui gêne la discision tissulaire. [27] La submandibulectomie n’est pas non plus dénuée de risques notamment en rapport avec les nerfs, rameau mentonnier du facial au niveau de l’abord cervical cutané et nerf lingual en « décrochant » la glande. Cette intervention est suivie d’une gêne à la déglutition qui va s’estomper après quelques jours. Avec l’avènement des nouvelles techniques d’exérèse de calculs, les submandibulectomies sont moins souvent indiquées mais gardent encore des indications car elles ne nécessitent pas de matériel coûteux comme le sialoscope ou le lithotripteur. Lithotripsie extracorporelle Elle est basée sur le même principe que celui des lithiases rénales, [28] mais nécessite d’avoir un appareillage spécifique pour les glandes salivaires. La lithotripsie (ou LEC) est intéressante dans les lithiases postérieures en permettant de restreindre les indications d’anesthésie générale et de submandibulectomie. Stomatologie
Figure 22. Lithotripteur pour lithotripsie extracorporelle (Sialolith, Storz®, Switzerland). Cet appareil est spécifique des glandes salivaires en permettant une bonne focalisation et une bonne position du patient. Un échographe est couplé à cet appareil afin de localiser le calcul en début de traitement.
Le lithotripteur, ici de type électromagnétique, est spécifique des lithiases salivaires en permettant une bonne focalisation, de 0,2 × 2 cm. [10] Il faut noter l’intérêt d’avoir un lithotripteur couplé à l’échographe afin de localiser le calcul en temps réel (appareil Minilith SL1®, Storz Medical, Kreuzlingen, Switzerland) (Fig. 22). Localisation du calcul. Le calcul est localisé par une échographie (sonde de 7,5 MHz) effectuée immédiatement avant la lithotripsie. [12] Pour Katz, [10] une sialographie doit précéder la LEC afin de préciser le diamètre du canal salivaire. Par ailleurs, les calculs très petits (moins de 2 mm), mal ou non localisables en échographie, ne peuvent être traités en LEC. Technique. Le patient est placé sur un coussin à base d’eau gélifiée. Des bouchons d’oreille et des protecteurs dentaires sont mis en place du côté traité. Le patient reçoit approximativement 1 000 à 2 000 impulsions de 2 Hz, avec une énergie allant de 5 à 30 mPa. [3] Ces chiffres sont moindres que dans les lithiases urinaires ; malgré cela, cette lithotripsie peut parfois être douloureuse. À la fin du traitement, une échographie est réalisée afin d’apprécier le résultat thérapeutique. En moyenne, il faut faire trois séances de 10 minutes chacune (60 à 120 impulsions/ min) pour avoir un résultat probant. Ces séances sont espacées de 1 mois. Au-delà de six séances et d’un total de 15 000 impulsions, une autre thérapeutique doit être tentée. [29] Une antibiothérapie à base de macrolides (roxithromycine) est le plus souvent prescrite durant les jours qui suivent la lithotripsie. Contre-indications. Pour Drage, [17] les lithiases submandibulaires situées au niveau du tiers moyen du canal de Wharton ne peuvent être traitées en LEC en raison de la proximité de la mandibule. Les complications infectieuses en évolution contreindiquent également la LEC ; elles doivent être refroidies auparavant. Les troubles de la crase sanguine sont des contreindications relatives. Résultats. Avec la LEC, on peut fragmenter et éliminer les calculs salivaires dans 33 % des cas (succès), les fragmenter sans les éliminer dans 35 % des cas (succès incomplet), ne pas les fragmenter dans 32 % des cas (échec) [29]; les échecs de la LEC aboutissent à l’exérèse du calcul par sialoscopie ou à l’exérèse de la glande. [10] Ces échecs sont plus nombreux après LEC pour
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Figure 23. Arbre décisionnel. Lithiase submandibulaire (< 10 mm de diamètre). AL : anesthésie locale ; AG : anesthésie générale ; petit calcul : inférieur ou égal à 4 mm ; gros calcul : supérieur à 4 mm ; LEC : lithotripsie extracorporelle.
Lithiase submandibulaire (< 10 mm de diamètre)
Calcul non palpable
Calcul palpable Gros Exérèse orale transmuqueuse
Petit Antérieur
Gros Postérieur
Exérèse orale transmuqueuse (AG) Exérèse orale transmuqueuse
Petit
Sialoscopie
Sialoscopie (AL) Sialoscopie + laser (LEC)
Sialoscopie Si échec, submandibulectomie
lithiase submandibulaire qu’après LEC pour lithiase parotidienne. [29-32] Enfin, la LEC serait efficace quelle que soit la taille ou la position du calcul [12]; pour Schlegel, [31] les calculs de plus de 10 mm ne doivent pas être traités en LEC et pour Capaccio, [32] les calculs de plus de 7 mm de diamètre donneraient de moins bons résultats. Sur le plan des effets secondaires précoces, il faut noter l’apparition de pétéchies au point d’impact du tube dans 36 % des cas, de douleurs dans 22,5 % des cas, d’hémorragie canalaire dans 64,5 % des cas et de sialadénites dans 36 % des cas. [3, 10] Une destruction d’amalgame dentaire a également été décrite. [33] Pour Baurmash, [4] la LEC est trop complexe par rapport aux résultats obtenus ; elle ne devrait pas être indiquée de façon routinière.
Périwhartonite. Le traitement est celui d’un abcès avec antibiothérapie adaptée, souvent injectable, et drainage de la collection, effectué le plus souvent par voie muqueuse. Afin de prévenir la récidive, il faut compléter les thérapeutiques de l’abcès par l’exérèse du calcul (cf. supra). Submandibulite (sialadénite). Le traitement est celui d’un abcès avec antibiothérapie adaptée, souvent injectable, associée au drainage de la collection, par voie muqueuse mais parfois cutanée. Afin de prévenir la récidive, il faut compléter les thérapeutiques de l’abcès par l’exérèse du calcul (cf. supra). Dans certains cas, l’exérèse de la glande peut être nécessaire. Elle sera différée et effectuée à distance de l’épisode infectieux afin de limiter les hémorragies peropératoires liées à l’inflammation.
Indications (Fig. 23) Elles sont fonction du siège, du volume et du nombre des calculs, de l’état fonctionnel de la glande, du degré de surinfection et du matériel dont dispose l’opérateur. Lithiase palpable Antérieure. Ablation du calcul par voie muqueuse, sous anesthésie locale, classique « taille du Wharton ». Sialoscopie pour certains, permettant de vérifier le reste du canal. Postérieure. Petit calcul. Exérèse sous sialoscopie, en anesthésie locale. Gros calcul. Fractionnement du calcul (par voie endocanalaire ou par voie extracorporelle) et éventuellement sialoscopie d’exérèse des résidus calculeux. En cas d’échec, exérèse du calcul par voie buccale, sous anesthésie générale. [22] Lithiase non palpable Antérieure. Ablation du calcul par sialoscopie, sous anesthésie locale. Postérieure. Petit calcul. Exérèse sous sialoscopie, en anesthésie locale. Gros calcul. Fractionnement du calcul (par voie endocanalaire ou par voie extracorporelle) et éventuellement sialoscopie d’exérèse des résidus calculeux. En cas d’échec de la LEC, relativement fréquent dans les lithiases submandibulaires (25 % des cas), [32] submandibulectomie avec exérèse du canal de Wharton et du calcul. Lithiases compliquées Whartonite. Refroidissement par antibiothérapie et exérèse de la lithiase (cf. supra) suffisent à guérir la whartonite. On ne doit pas faire de sialoscopie en phase infectieuse aiguë. [11]
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Résultats Le plus souvent les calculs sont enlevés sans dommage. Malheureusement, des échecs sont parfois rencontrés en cas de lithiase de petite taille ou de lithiase multiple. Dans ces derniers cas, le calcul est laissé en place et on peut espérer qu’il s’élimine spontanément, ce qui n’est pas toujours le cas. Un bilan échographique, sialoscopique ou scanographique postopératoire permettra d’être sûr du diagnostic. Les complications nerveuses de la chirurgie sont également classiques. La première est la lésion du nerf lingual, donnant une anesthésie de l’hémilangue. Elle est heureusement le plus souvent régressive. Les formes non régressives peuvent poser des problèmes médicolégaux, notamment en l’absence de consentement éclairé du patient. Une autre complication nerveuse est classique ; il s’agit de la lésion du rameau mentonnier du nerf facial entraînant une paralysie de l’hémilèvre correspondante, paralysie secondaire à l’abord cervical des submandibulectomies. Une autre complication est assez habituelle de la chirurgie, il s’agit de la grenouillette (ranula) qui complique les abords endobuccaux des lithiases canalaires ; afin de limiter le risque de grenouillette consécutif aux abords pelvibuccaux, il faut inciser et disciser préférentiellement du côté lingual en évitant d’aller trop près de l’arcade dentaire. Enfin, les épisodes postopératoires de type rétentionnel, avec hernie et colique salivaires sont fréquents. Ils sont consécutifs à un spasme de l’ostium, à une sténose canalaire ou à l’inflammation postopératoire. Afin de limiter ces épisodes, il convient de bien rincer le canal et de masser la glande en fin d’intervention, de prescrire des sialogogues pendant quelques semaines et, pour certains, [4] de laisser en place un drain pendant quelques Stomatologie
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Figure 24. Sténon (S).
Sténonite droite. Noter l’issue de pus à l’ostium du canal de
Figure 25. Péristénonite (abcès de la joue) gauche d’origine lithiasique. Noter le gonflement de la joue (P).
jours ou semaines, [2, 11, 23] voire même de faire une sialodochoplastie (marsupialisation) du canal excréteur ou encore des dilatations régulières de ce canal excréteur. [34] Les lithotripsies permettent de détruire la moitié des lithiases salivaires. L’autre moitié de ces lithiases peut donner des complications mécaniques ou infectieuses. Dans ces cas compliqués, une sialoscopie ou l’exérèse de la glande et du canal peuvent être nécessaires. [32]
■ Lithiase parotidienne Elle est beaucoup moins fréquente que la lithiase submandibulaire. Ainsi, 10 % à 15 % des lithiases salivaires seraient d’origine parotidienne. [1, 35] En fait, comme nous l’avons écrit plus haut, ce chiffre est certainement plus élevé car les lithiases parotidiennes passent souvent inaperçues en raison de leur petitesse et du caractère peu calcifié des calculs. La moindre fréquence des lithiases parotidiennes serait due au fait que la salive parotidienne est moins épaisse (salive séreuse) et que cette salive s’écoule ici horizontalement. Les complications infectieuses sont prédominantes, souvent révélatrices et le traitement plus volontiers médical.
Diagnostic positif Clinique Les signes cliniques sont comparables à ceux des lithiases submandibulaires, mais ils sont moins souvent révélateurs que dans les lithiases submandibulaires. La colique salivaire est située en avant de l’oreille ; elle est souvent d’intensité modérée, ce qui explique que ce sont les complications infectieuses qui soient souvent habituellement révélatrices. La hernie salivaire donne une tuméfaction jugale préauriculaire. La palpation avec un doigt endobuccal et un doigt exobuccal ne permet de palper que les calculs antérieurs et de volume suffisant (les calculs postérieurs ne peuvent être palpés du fait de la présence du ramus mandibulaire qui empêche la palpation bimanuelle). Les complications infectieuses sont plus fréquentes et se situent dans la région parotidienne, en avant de l’oreille. Ces complications sont volontiers diffuses dans les lithiases antérieures et localisées dans les lithiases postérieures : • dans le canal. La sténonite (sialodochite) donne des douleurs situées en avant de l’oreille, associées à une fièvre modérée (38,5 °C). L’issue de pus à l’ostium (salive « sale ») et la rougeur de cet ostium signent l’infection canalaire (Fig. 24) ; • autour du canal. La péristénonite (abcès jugal) est assez rare. Elle associe un empâtement jugal, des otalgies parfois sévères (à tympan normal) et une gêne à la mastication (trismus). Les signes généraux sont parfois marqués obligeant à hospitaliser les formes les plus sévères (Fig. 25) ; • en amont du canal. C’est la classique sialite (sialadénite) ou parotidite d’origine lithiasique (Fig. 26). C’est elle qui révèle Stomatologie
Figure 26. Parotidite droite d’origine lithiasique (P). Noter la tuméfaction de la région parotidienne associée à un érythème cutané.
le plus souvent la lithiase, associant plusieurs signes locaux : gonflement préauriculaire, modérément douloureux, rougeur cutanée avec induration à la palpation, parfois écoulement de pus par un ostium inflammatoire et adénopathie satellite. Des signes généraux avec fièvre, céphalées, anorexie peuvent également être présents. La paralysie faciale de la branche cervicofaciale est exceptionnelle. Dans une étude sur population de 10,7 millions d’habitants, au cours d’une période de 2 à 3 ans, les parotidites ont été retrouvées dans 484 cas, les abcès de la joue dans 134 cas, les lithiases dans 770 cas et les fistules dans 11 cas. [8]
Paraclinique Les calculs, en règle petits, sont difficiles à mettre en évidence. Deux incidences sans préparation peuvent être demandées, le cliché tangentiel de la joue et le cliché avec film endobuccal. Le cliché tangentiel nécessite des rayons encore plus « mous » que pour la recherche des calculs submandibulaires puisque les calculs parotidiens sont encore plus petits et moins calcifiés. Le film est mis derrière la tête en latéro-occipital et le rayon va horizontalement de l’avant vers l’arrière. Dans l’utilisation du film endobuccal, le film est mis entre les arcades dentaires et la joue. Le cône est placé contre la joue, le rayon étant perpendiculaire à la joue, légèrement dirigé vers l’avant et le dedans. Une troisième incidence permet parfois de voir les lithiases parotidiennes lorsqu’elles sont assez grosses (au-dessus de 5 mm de diamètre), il s’agit du panoramique dentaire effectué bouche ouverte (Fig. 27).
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Figure 27. Panoramique dentaire bouche ouverte permettant dans certains cas de mettre en évidence les calculs antérieurs (C) suffisamment calcifiés du canal de Sténon.
Figure 29. Scanner du massif facial en coupe transversale passant par l’ostium du canal de Sténon droit chez un patient présentant une sténonite (cf. Figure 24). Noter le calcul rétro-ostial (C) ainsi que la dilatation du canal de Sténon (S), en arrière de l’obstacle canalaire et la densité dans le canal (pus). Cette coupe permet également de voir le trajet du canal de Sténon lorsqu’il fait son virage au niveau du bord antérieur du masséter.
Au stade des complications Les parotidites lithiasiques sont probablement plus fréquentes qu’on ne le croit et l’indication plus large de la scanographie et de la sialoscopie a retrouvé un certain nombre de calculs passés inaperçus. Deux cas de figure peuvent se présenter. Syndromes rétentionnels sans lithiase Figure 28. Scanner du massif facial en coupe transversale passant par l’ostium du canal de Sténon droit. Noter le calcul rétro-ostial (C) ainsi que la dilatation du canal de Sténon (S), en arrière de l’obstacle canalaire.
.
Les calculs petits ou peu calcifiés nécessitent une échographie qui est un bon examen de dépistage mais n’a pas une très bonne valeur localisatrice, surtout pour le chirurgien lorsqu’il ne réalise pas l’examen lui-même. Elle doit donc souvent être complétée par une scanographie ou une sialographie. La sialographie montre l’image sur le canal (lacune, blocage à l’injection, blocage à l’écoulement, dilatation en amont du canal) et sur la glande (atrophie dans les formes anciennes). Elle a une valeur thérapeutique dans les complications infectieuses en raison du caractère antiseptique du produit de contraste que l’on injecte dans le canal. Le scanner en coupes horizontales, parallèle à l’axe du canal de Sténon, retrouve le calcul (Fig. 28,29). Il précise sa taille pour une éventuelle sialoscopie et permet de voir une éventuelle dilatation canalaire en amont. L’imagerie précise le siège du calcul, qui est le plus souvent canalaire (dans 80 % des cas). [5] La sialoscopie est intéressante à titre diagnostique, notamment dans les cas où le calcul est petit ou peu calcifié. Elle permet d’extraire le calcul dans le même temps, à condition que l’épisode infectieux soit préalablement traité.
Diagnostic différentiel Au stade de latence Les calcifications extraparotidiennes ne posent plus de problème diagnostique, qu’elles soient ganglionnaires, amygdaliennes ou veineuses. La multiplication des incidences et le développement du scanner ont en effet considérablement diminué les problèmes diagnostiques à ce stade.
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Si on ne retrouve pas de calcul, on évoquera alors : • une parotidite aiguë non lithiasique (sur sténose canalaire, asialie médicamenteuse ou non, tabagisme, immunodépressions...) ; • une parotidite chronique de l’adulte ou une parotidite chronique à poussée récidivante de l’enfant (début dans l’enfance, bouchons fibrineux salivaires, images parenchymateuses ponctuées et retard d’évacuation à la sialographie) ; • une parotidite ourlienne. Elle est souvent bilatérale et survient préférentiellement chez l’enfant. Calcifications parotidiennes sans syndrome rétentionnel Les calcinoses salivaires peuvent également poser des problèmes diagnostiques. Ici, la scanographie et la sialoscopie sont d’un intérêt diagnostique non négligeable.
Traitement Le problème des lithiases salivaires est différent de celui des lithiases submandibulaires ; on réalise peu de parotidectomie en raison du risque facial. En revanche, l’avènement de la sialoscopie et de la LEC ont permis de traiter de façon conservatrice la majorité des calculs parotidiens. La LEC trouve ici sa meilleure indication.
Méthodes (cf. Glande submandibulaire) Médicales La chirurgie étant moins souvent pratiquée que dans les lithiases submandibulaires, la thérapeutique médicale reste souvent de mise ; elle associe des sialogogues et des antispasmodiques dans les formes non compliquées. Stomatologie
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Figure 30. Arbre décisionnel. Lithiase parotidienne (< 10 mm de diamètre). Petit : calcul inférieur ou égal à 3 mm ; gros : calcul supérieur à 3 mm.
Lithiase parotidienne (< 10 mm de diamètre)
Calcul intracanalaire Gros
Calcul intraglandulaire
Petit
Gros
Petit
Antérieur
Postérieur
Sialoscopie
Lithotripsie (sialoscopie + laser)
Sialoscopie
Exérèse orale transmuqueuse
Lithotripsie extracorporelle
Lithotripsie extracorporelle
Si échec, parotidectomie
Lithotripsie extracorporelle
Sialoscopie
Sinon, dans les formes compliquées, une antibiothérapie doit être instituée ; l’antibiotique à large spectre par voie injectable doit être efficace sur les germes concernés et éventuellement adapté au prélèvement bactériologique (du pus ou d’une éventuelle collection purulente) ; citons les macrolides et l’amoxicilline, éventuellement associée à de l’acide clavulanique ou des antianaérobies (métronidazole). En cas d’abcès de la loge parotidienne, un drainage est parfois nécessaire ; il doit se faire par une incision cervicale (partie basse de l’incision d’une parotidectomie). La correction d’éventuels facteurs étiologiques généraux (déshydratation, immunosuppression) doit être également effectuée. Chirurgicales Ablation du calcul par voie buccale. Elle se fait sous anesthésie locale. Ablation du calcul par voie cutanée. Elle reste d’indication assez rare et peut également se faire sous anesthésie locale. Dans cette technique, le calcul est parfois difficile à localiser. C’est pourquoi l’utilisation d’un sialoscope ou d’un échographe [24] a été décrite afin d’aider l’opérateur qui retrouvera le plus souvent un calcul projeté sur la ligne de Farabeuf, ligne joignant le bord inférieur du tragus au bord inférieur de l’aile du nez. L’incision fait environ 1 cm de longueur ; elle est verticale contrairement à la discision des tissus sous-cutanés qui, elle, sera parallèle aux fibres du nerf facial. Ensuite, le calcul est enlevé à l’aide d’une curette. Un drain peut être mis en place ; il va du canal jusque dans la cavité buccale où il est suturé et maintenu en place pendant 2 semaines. [24] Les calculs profonds ou situés près d’un gros vaisseau doivent être abordés par incision de lifting. [24] Sialoscopie. Comme dans les lithiases submandibulaires, la sialoscopie se fait souvent en anesthésie locale. Elle permet de retrouver un certain nombre de calculs non visibles sur les radiographies conventionnelles. [7] La sialoscopie est suivie d’un rinçage canalaire au sérum physiologique ou avec un antibiotique (framycétine, rifamycine) en cas d’infection canalaire ou glandulaire. Une prescription de sialogogues doit être faite pendant les 4 à 6 semaines qui suivent la sialoscopie. Des massages glandulaires complètent l’efficacité des sialogogues. Lithotripsie extracorporelle Les lithiases parotidiennes sont souvent de petite taille et peu calcifiées, aussi le repérage échographique est plus délicat que dans les lithiases submandibulaires. Malgré cela, les résultats de la LEC dans les lithiases parotidiennes sont meilleurs que dans les lithiases submandibulaires. Le patient doit être installé sur un coussin en gel et des bouchons d’oreille sont mis en place ainsi qu’une protection Stomatologie
dentaire pour protéger les molaires maxillaires. En règle générale, trois séances espacées de 1 mois sont pratiquées, sauf si après la fin de la deuxième séance le calcul a été éliminé, ce qui arrive dans 10 % des cas. [12] Les impulsions sont similaires à celles utilisées pour les lithiases submandibulaires (cf. supra). La LEC donnerait une amélioration sur le plan symptomatologique mais la disparition du calcul n’est retrouvée que dans 30 à 65 % des cas. [2, 26] On peut retenir que globalement après la LEC parotidienne, 36 % des patients sont guéris cliniquement et sans calcul résiduel, 15 % des patients sont guéris cliniquement mais présentent des calculs résiduels et 51 % des patients ont vu leur état plus ou moins amélioré mais présentent encore des calculs résiduels [12]; ces résultats des LEC sont meilleurs que ceux des LEC sur lithiases submandibulaires. [30, 32] Comme après la LEC submandibulaire, une prescription d’antibiotiques et éventuellement de sialogogues doit être faite pendant les 4 à 6 semaines qui suivent la lithotripsie.
Indications (Fig. 30) Calcul intracanalaire Ablation du calcul par voie orale transmuqueuse lorsque le calcul est palpable (gros calcul antérieur). Ablation par sialoscopie dans les calculs non palpables (petits calculs antérieurs et postérieurs). Cette technique se fait sous anesthésie locale. Elle est parfaitement adaptée aux lithiases parotidiennes et présente l’avantage de faire le diagnostic de lithiase, notamment dans les petits calculs peu calcifiés. Une fois le diagnostic fait, il est facile de faire l’exérèse du calcul dans le même temps. Ablation du calcul par voie cutanée. Elle est à réserver aux gros calculs (> 5 mm de diamètre) qui n’ont pu être enlevés par voie endoscopique et que l’on n’a pas pu fractionner par LEC ou laser. Calcul intraglandulaire Si le calcul est petit. Il est enlevé en sialoscopie. Si le calcul est gros (entre 3 et 7 mm). On peut discuter la LEC en première intention. Sinon, la sialoscopie avec fragmentation du calcul par laser peut également être tentée. Enfin, malgré la relative bonne valeur fonctionnelle de ces glandes, [9, 24] une parotidectomie conservatrice du VII est parfois la seule possibilité thérapeutique, même si cette intervention est rendue particulièrement délicate par la proximité du nerf facial et le caractère hémorragique de la dissection. En sus du risque facial, il y a aussi un risque de syndrome de Frey et de dépression au niveau du site opératoire. Lithiase compliquée En cas de sténonite (sialodochite), une thérapeutique antibiotique précédera l’exérèse du calcul (cf. supra).
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En cas de péristénonite, les antibiotiques seront administrés par voie parentérale et l’exérèse du calcul doit également être effectuée, sauf si elle est trop risquée pour le nerf facial. En cas d’abcédation, un drainage cervical est parfois nécessaire. Enfin, en cas de parotidite (sialadénite), les thérapeutiques médicales sont toujours indiquées ; lorsque le calcul peut être enlevé sans trop de risque (cf. supra), il faut le faire. Ici aussi, en cas d’abcédation, un drainage cervical est parfois nécessaire. Les parotidectomies sont retardées le plus possible en raison de leur difficulté et du risque sur le nerf facial ; l’avènement des nouvelles techniques de sialoscopie et de lithotripsie en ont encore restreint les indications.
■ Références [1]
[2] [3]
[4] [5]
■ Autres lithiases
[6]
Sublinguale
[7]
Elle est exceptionnelle, 7 % des lithiases pour Rauch, [1] mais probablement beaucoup moins en pratique clinique. Le chiffre de 2 % annoncé par Piette semble plus plausible. [15] La lithiase sublinguale se présente comme une lithiase submandibulaire, c’est-à-dire avec une inflammation en regard de la crête salivaire. Le calcul (parfois petits calculs multiples), s’il est visible, est situé plus en dehors que dans une lithiase du Wharton. • Clinique : tuméfaction inflammatoire pelvibuccale (sublingualite). • Paraclinique (cliché occlusal) : calcification du plancher. • Traitement : ablation du calcul ou de la glande (sublingualectomie).
[8]
[9]
[10]
[11]
[12]
Glandes salivaires muqueuses La lithiase des glandes salivaires accessoires est rare. Elle survient préférentiellement chez le sujet âgé. • Clinique : tuméfaction inflammatoire d’une glande (lèvre, palais, joue) dont l’orifice est centré par un calcul. La pression de la glande concernée peut parfois faire sourdre un peu de salive purulente. • Paraclinique éventuelle (film endobuccal, rayons très « mous ») : calcification. • Traitement : ablation du calcul ou de la glande sous anesthésie locale.
“
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[16] [17]
[18]
Points forts
• Pathologie fréquente, 1 % de la population. • Prédominance des lithiases submandibulaires, mais augmentation de la fréquence des lithiases parotidiennes grâce aux nouveaux moyens de diagnostic. • Le syndrome de rétention salivaire est le mode de découverte le plus fréquent. • Les complications sont essentiellement infectieuses. Elles se font dans le canal, autour du canal, en amont du canal. • Diagnostic. Il repose sur la découverte du calcul : radiographies sans préparation, échographie, scanner, sialoscopie (sialographie). • Traitement. Il repose sur l’exérèse du calcul. Intérêt des nouveaux moyens d’exérèse de ces calculs (sialoscopie et lithotripsie) qui se font souvent sous anesthésie locale et ont une morbidité moindre que les moyens d’exérèse classiques, submandibulectomie, notamment. La lithotripsie semble plus efficace dans les lithiases parotidiennes que submandibulaires, tandis que la sialoscopie semble plus efficace dans les lithiases submandibulaires que parotidiennes.
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[13]
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Lithiases salivaires ¶ 22-057-A-15
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C. Chossegros ([email protected]). Clinique de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale (professeur J.-L. Blanc), centre hospitalier universitaire Timone, 13385 Marseille cedex 5, France. L. Guyot. Service de chirurgie maxillofaciale, stomatologie et plastique de la face, (professeur R. Gola), hôpital Nord, Chemin des Bourrelys, 13015 Marseille, France. G. Alessi. Clinique de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale (professeur J.-L. Blanc), centre hospitalier universitaire Timone, 13385 Marseille cedex 5, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Chossegros C., Guyot L., Alessi G. Lithiases salivaires. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-057-A-15, 2006.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
Stomatologie
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Autoévaluations
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-055-A-10
22-055-A-10
Pathologie de la langue et des joues B Piot C Vincent J Billet
Résumé. – La pathologie de la langue comporte plusieurs chapitres. Ainsi les affections générales ont des répercussions sur la langue et la face interne des joues, telles les anémies, ou quelques affections dermatologiques. De même, beaucoup de syndromes congénitaux entraînent une pathologie linguale. Mais la langue et les joues présentent aussi des affections propres comme en témoignent les glossites exfoliatrices, lingua plicata et autre nævus spongieux de Cannon. Enfin, l’ulcération unique de la langue représente un cadre nosologique fréquent, assombri par le diagnostic de carcinome épidermoïde. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : muqueuse buccale, ulcération, érosion, glossite, macroglossie.
Affections de la langue La langue est un organe complexe par son anatomie, sa physiologie, jouant un rôle majeur dans la gustation, la déglutition, la phonation et l’harmonie des maxillaires, assurant le développement d’une part du maxillaire en sollicitant les sutures palatines et d’autre part de la mandibule en assurant sa propulsion. Toutes les anomalies anatomiques ou fonctionnelles retentissent donc sur la morphologie faciale qui dépend de l’équilibre entre la musculature interne (langue) et externe représentée par le système musculoaponévrotique facial.
1
Langue géographique.
Anomalies anatomiques FREIN LINGUAL
Par son hypertrophie, la propulsion linguale est limitée et peut induire un diastème interincisif inférieur. Une simple section ou une plastie en Z se justifie, en ayant soin de dégager les muscles génioglosses. À l’extrême, il peut exister une véritable ankyloglossie.
LANGUE NOIRE VILLEUSE
Elle relève des mêmes causes, la pigmentation est liée au développement des bactéries et germes chromogènes, parfois favorisée par l’usage excessif de bains de bouche oxydants. Il convient toutefois d’éliminer une candidose. La langue noire villeuse est particulièrement fréquente après irradiation de la cavité buccale. GLOSSITE EXFOLIATRICE MARGINÉE (LANGUE GÉOGRAPHIQUE)
Glossites LANGUE SABURRALE
Le caractère saburral d’une langue se définit par la présence d’un dépôt blanchâtre sur sa face dorsale. Les causes sont surtout mécaniques par diminution du décapage physiologique : alimentation molle, sécheresse buccale, trismus, paralysie…
C’est une dystrophie linguale transmissible sur un mode autosomique dominant irrégulier. Elle se caractérise par des zones dépapillées fréquemment cernées d’un liseré blanc (fig 1), et une variabilité d’aspect et de forme d’un jour à l’autre. Elle peut être associée à un psoriasis, et à ce titre, certains considèrent la langue géographique comme une manifestation orale du psoriasis [7]. Elle évolue habituellement en langue plicaturée. LANGUE PLICATURÉE
Benoît Piot : Praticien hospitalier. Clémentine Vincent : Interne. Jacques Billet : Médecin attaché. Clinique de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, CHRU de NANTES, place A Ricordeau, 44035 Nantes cedex, France.
Elle est aussi appelée langue scrotale ou cérébriforme. La muqueuse de la face dorsale est parcourue par des sillons plus ou moins profonds. Cette langue plicaturée peut devenir douloureuse par une
Toute référence à cet article doit porter la mention : Piot B, Vincent C et Billet J. Pathologie de la langue et des joues. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-055-A-10, 2003, 8 p.
Pathologie de la langue et des joues
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Stomatologie
pathologie des plis. Elle se rencontre dans le syndrome de Melkersson-Rosenthal [ 5 ] (paralysie faciale périphérique, macrochéilie, langue plicaturée) et dans la trisomie 21 [1]. Cette pathologie bénigne n’a pas d’autre traitement que l’hygiène de la langue.
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Verrue vulgaire.
GLOSSITE LOSANGIQUE MÉDIANE
La surface dépapillée est médiane, grossièrement losangique ou ovalaire ; en avant du V lingual. Elle peut présenter un aspect mamelonné et légèrement induré. La lésion est asymptomatique, en dehors d’une surinfection par le Candida albicans qui peut entraîner une réaction inflammatoire avec un aspect laiteux de la lésion, responsable des signes subjectifs. La voûte palatine peut présenter un aspect semblable en regard de la lésion linguale : lésion décalquée.
– lichen hyperkératosique. Enfin, il existe des réactions lichénoïdes d’origine iatrogène : sel d’or, bêtabloquants, antipaludéen, réaction greffon versus hôte (GVH). KÉRATOSES TUMORALES
Langue et kératose KÉRATOSES RÉACTIONNELLES
Elles sont principalement liées au tabac. L’arrêt de ce dernier entraîne une disparition de l’érythème alors que la kératose s’efface très progressivement. Une biopsie permet de définir l’intensité de la dysplasie sous-jacente. Une kératose de dysplasie légère peut rester sous stricte surveillance. Un état dysplasique moyen ou plus nécessite une exérèse. KÉRATOSES DANS LE CADRE D’AFFECTIONS DERMATOLOGIQUES : LE LICHEN
C’est une affection cutanéomuqueuse chronique dont il existe de nombreuses formes cliniques : – type réticulaire et dendritique ; – type pointillé ; – type en plaque (pain à cacheter, tache de bougie) ; – type en nappe ;
Elles sont en majorité liées à une infection par papillomavirus (hPV : human papillomavirus), et provoquent différents types de lésions : la verrue vulgaire (fig 2) est enchâssée dans la muqueuse ; le papillome, unique ou multiple, est plus ou moins pédiculé sur la muqueuse ; les condylomes souvent multiples, sont des lésions sessiles posées sur la muqueuse. Précisons ici que l’hPV, en particulier le type 16 connu pour être oncogène pour la région anogénitale, est également très suspecté pour les voies aérodigestives supérieures [12].
Langue et traumatisme TRAUMATISMES D’ORIGINE DENTAIRE (fig 3)
Ils sont les plus fréquents. Ils entraînent une ulcération unique, douloureuse, creusante mais souple, ne saignant pas au contact et dessinant les contours du facteur causal. Si le traumatisme est ancien, un liseré périphérique hyperkératosique est fréquent. La suppression du facteur étiologique doit entraîner la cicatrisation en 15 jours, sinon la biopsie s’impose (il convient d’éliminer un carcinome épidermoïde). Il existe quelques formes cliniques : – ulcère de décubitus chez le patient cachectique ;
– type pigmenté ;
– morsure de l’épileptique ;
– type bulleux pouvant simuler une pemphygoïde bulleuse.
– tics de mordillement ;
Il est souvent associé à d’autres localisations muqueuses : jugale, gingivale, labiale, génitale. Il existe parfois des localisations cutanées faites de papules de quelques millimètres de diamètre, rougeâtres ou violacées, brillantes à jour frisant et parsemées de stries blanches.
– empreintes dentaires provoquant une langue festonnée ;
Il existe des formes à potentiel dégénératif, surtout après plusieurs années d’évolution, et à ce titre, le lichen doit être considéré comme une lésion précancéreuse [11] : – lichen atrophique ;
– diapneusie : hernie muqueuse en regard d’une édentation ; – maladie de Feda Riga : ulcération de la face inférieure de la pointe de la langue sur des incisives lactéales mandibulaires, chez le nourrisson. BRÛLURES
¶ Brûlures électriques
– lichen érosif ;
Elles provoquent une plaie atone évoluant vers la nécrose. La cicatrisation se fait au prix de rétractions.
– lichen érosif et atrophique ;
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* A 2
* B
Ulcération traumatique (A, B).
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¶ Brûlures chimiques
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Stomatite ulcéreuse.
Elles sont liées à l’ingestion de produits caustiques. La brûlure caustique entraîne une nécrose superficielle de la muqueuse, qui cicatrise ensuite avec des brides rétractiles importantes. Le pronostic est lié aux lésions œsophagiennes.
Langue et pathologie infectieuse SYPHILIS
¶ Syphilis primaire Elle est caractérisée par le chancre d’inoculation (érosion ronde, bien limitée, à fond lisse) accompagné d’adénopathies satellites (dont une est plus volumineuse que les autres).
et linguales. L’étiologie est souvent locale (accident d’éruption d’une dent de sagesse), favorisée par des facteurs généraux (hygiène buccale, tabac, immunodépression). CANDIDOSE
¶ Syphilis secondaire Outre des manifestations générales à type de fatigue, céphalée, polyadénopathies, s’associent des manifestations cutanéomuqueuses qui peuvent se localiser sur la langue au cours des premières et secondes floraisons : – syphilides érythémateuses non infiltrées de la face dorsale de la langue tranchant sur le fond saburral, donnant un aspect en « prairie fauchée » ; – syphilides secondaires papulo-ulcéreuses ; – syphilides secondaires infiltrées.
¶ Syphilis tertiaire Les localisations linguales peuvent accompagner les atteintes du système nerveux central, des yeux, des vaisseaux : – glossite scléreuse, aussi appelée langue « ficelée » ; – gomme syphilitique ; – leucoplasie syphilitique ;
¶ Muguet Le muguet correspond à des taches blanc crémeux, confluant en plage, adhérant à la muqueuse. Les lésions peuvent prendre une coloration jaunâtre et un aspect pseudomembraneux. Penser au sida chez un sujet à risque.
¶ Glossite dépapillante érythémateuse Cette forme érythématoérosive est essentiellement secondaire à une prise d’antibiotique et s’associe fréquemment à une perlèche.
¶ Granulome moniliasique Il est rare sur la langue, sa localisation est alors médiane, en avant du V lingual. AUTRES PATHOLOGIES INFECTIEUSES
¶ Herpès
– tubercule syphilitique.
Le bouquet herpétique caractéristique ou une primo-infection herpétique peuvent siéger sur la langue.
SYNDROME DE L’IMMUNODÉFICIENCE ACQUISE (SIDA)
¶ Varicelle, zona
¶ Leucoplasie chevelue
Les vésicules s’érodent rapidement, plus ou moins nombreuses dans la varicelle, et de siège postérolatéral dans l’atteinte du V3 par le zona.
La leucoplasie chevelue est caractéristique des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH+). C’est une lésion blanche, légèrement surélevée, présentant une hyperpapillation, siégeant sur les bords latéraux de la langue. Elle semble d’origine virale (EBV : virus Epstein-Barr). Elle a une valeur pronostique, précédant de quelques mois l’apparition d’un sida maladie.
¶ Infections opportunistes Du fait de l’immunodépression, de nombreuses pathologies infectieuses peuvent apparaître : – infections fongiques : candidose fréquente, nécessitant un traitement par voie générale ; – infections virales : herpès, zona, infection à papillomavirus ; – infections bactériennes : stomatites non spécifiques, gonococcie, syphilis. STOMATITES ULCÉREUSES (fig 4)
Habituellement localisées à la sertissure gingivale, dans les formes graves, des ulcérations peuvent survenir sur les muqueuses jugales
Langue et maladies bulleuses PEMPHIGUS
Maladie bulleuse auto-immune provoquant un décollement intraépithélial, il provoque des érosions à fond rouge et berges blanchâtres se décollant (signe de Nikolsky) aux zones de frottement, chez un adulte jeune. L’immunofluorescence permet un diagnostic en mettant en évidence un autoanticorps dans le décollement intraépidermique. PEMPHIGOÏDE BULLEUSE
C’est une maladie bulleuse auto-immune, dans laquelle la zone de décollement est sous-épidermique. Cette pathologie touche le sujet âgé. Elle provoque des bulles à contenu clair ou hémorragique, qui laissent place à des érosions. Les localisations buccales sont rares. L’immunofluorescence retrouve une fixation d’immunoglobuline (Ig)G et C3 sur la membrane basale. 3
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Stomatologie
ÉRYTHÈME POLYMORPHE
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Malformations veineuses linguales (angiomes veineux).
C’est une affection réactionnelle à des agressions diverses : infection, médicament… Cette pathologie associe de façon variable une éruption cutanée, une éruption muqueuse et des signes généraux : – les lésions cutanées entraînent des décollements sous-épithéliaux de degrés variables : cocardes, bulles hémorragiques, épidermolyse (syndrome de Lyell) ; – les lésions muqueuses sont diffuses, caractérisées par des bulles se rompant précocement, faisant place à des érosions ; – les signes généraux sont intenses. Sur le plan histologique, la bulle est sous-épithéliale. L’étiologie peut être :
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Malformation lymphatique chez une enfant de 9 ans (lymphangiome).
– virale : Herpès surtout ; – microbienne : mycoplasme, streptocoque ; – médicamenteuse : pyrazolés, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), antibiotiques.
Langue et hématologie Devant toute atrophie de la muqueuse linguale se traduisant par une langue dépapillée, fréquemment accompagnée d’une sécheresse buccale et d’une perlèche, il faut rechercher une anémie. L’atrophie de la muqueuse linguale peut aussi survenir chez le sujet âgé. Elle serait alors un témoin de dénutrition et de diminution de la fonction musculaire [2].
C’est un bourgeon charnu inflammatoire, richement vascularisé, toujours centré sur une artériole.
ANÉMIE SIDÉROPÉNIQUE
Il se situe alors au niveau du foramen caecum, à la pointe du V lingual.
La langue est dépapillée, lisse et luisante. Il y a une atrophie des papilles filiformes et fongiformes. Une pâleur, la fatigue, la tachycardie accompagnent la dépapillation linguale. Une numération formule sanguine et un dosage du fer sérique permettent le diagnostic.
BOTRYOMYCOME
KYSTE DU TRACTUS THYRÉOGLOSSE
ANOMALIES VASCULAIRES
Il faut différencier d’une part les tumeurs vasculaires, prolifératives (hémangiome et autres), et d’autre part les malformations vasculaires (capillaire, veineuse, lymphatique et artérioveineuse).
AVITAMINOSE B 1 2 (GLOSSITE DE HUNTER)
La langue est totalement lisse, dépapillée, de couleur classiquement rouge et brillante. La pâleur et des signes neurovégétatifs peuvent s’associer. La numération formule sanguine retrouve une anémie normochrome macrocytaire mégaloblastique. Une glossite de même type se retrouve dans les carences en vitamine PP, C, folates [15]. POLYGLOBULIE
À l’opposé, un érythème diffus cutanéomuqueux prédomine dans les polyglobulies, et la langue est alors pourpre.
Langue et tumeur bénigne TUMEUR D’ABRIKOSSOV OU TUMEUR À CELLULES GRANULEUSES
C’est un nodule de petit volume (quelques millimètres), bien limité, asymptomatique, de couleur blanc jaunâtre, légèrement en relief. Son histogenèse reste inconnue. KYSTES MUCOÏDES
Ils se développent aux dépens d’une glande salivaire accessoire, localisée au niveau de la face inférieure de la pointe de la langue. Sur le plan histologique, il s’agit le plus souvent d’un kyste rétentionnel développé dans le canal excréteur de la glande incriminée. 4
¶ Hémangiome Cette prolifération vasculaire touche les nourrissons. Elle a une phase de croissance, puis d’involution. La régression est complète dans la moitié des cas, mais peut parfois laisser des séquelles fonctionnelles ou esthétiques, notamment dans les localisations jugales où il peut survenir des déformations osseuses par effet de masse. Les localisations linguales se résorbent sans difficulté.
¶ Malformations vasculaires – Capillaire (angiome plan). Les localisations sont plutôt labiales et gingivales. – Veineuse (fig 5). Elle provoque une tuméfaction bleue, gonflant en déclive, tuméfaction qui peut entraîner des déformations osseuses. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de définir les extensions. Le traitement associe des injections sclérosantes et parfois une chirurgie de réduction du volume lingual. – Lymphatique (fig 6). Cette malformation aussi connue sous le terme d’hémolymphangiome, réalise une hypertrophie en masse constituée de petites tumeurs molles, muriformes, irrégulières de la muqueuse linguale. Cette macroglossie entraîne une béance interdentaire. Des poussées évolutives peuvent accompagner des infections oto-rhinolaryngologiques (ORL). Une courte corticothérapie orale est alors indiquée. Le traitement associe une sclérose des gros kystes et une
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Stomatologie
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Syndrome de Beckwith et Wiedemann.
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¶ Mucopolysaccharidoses et mucoliposes Maladie de Hurler (ou mucopolysaccharidose de type I-R) Il existe une scaphocéphalie avec bosses pariétales, un hypotélorisme, des narines larges, une macroglossie diffuse importante pouvant entraîner une saillie entre des lèvres épaissies. La mandibule est courte et large, avec de petites branches montantes. Les anomalies dentaires sont multiples : diastèmes, dents coniques, retard d’évolution. Il existe par ailleurs un retard de croissance et un retard mental, et l’apparition d’opacités cornéennes. Le diagnostic se fait vers la troisième année. Maladie de Hunter (ou mucopolysaccharidose de type II)
excision des infiltrations microkystiques. Une glossectomie peut être indiquée en cas de béance interdentaire. – Artérioveineuse. Caractérisée par des tuméfactions battantes et son risque hémorragique, elle est rare au niveau de la langue.
Pathologie congénitale de la langue MACROGLOSSIES
Les anomalies faciales ressemblent à celles du type I-R, moins marquées. La transmission est récessive, liée à l’X. Syndrome de Maroteaux-Lamy (ou mucopolysaccharidose de type VI) Les déformations rappellent celles de la maladie de Hurler, mais moins marquées. La macroglossie est diffuse. Gangliosidose à GM 1 Le visage est grossier, avec un hypertélorisme, une macroglossie diffuse, des opacités cornéennes. Le retard mental est important.
Le plus grand nombre des macroglossies congénitales sont d’origine tumorale, principalement dues aux hémangiomes et lymphangiomes décrits ci-dessus.
Fucosidose, mannosidose, aspartyl-glycosaminurie
¶ Anomalies chromosomiques
¶ Autres syndromes
Triploïdie
Syndrome de Robinow
Cette anomalie rare entraîne le plus souvent un avortement spontané, ou un décès rapide. Elle entraîne une craniosynostose, une hydrocéphalie, un hypertélorisme, une microphtalmie avec coloboma, une micromandibulie avec macroglossie.
La face a un aspect fœtal, avec un crâne volumineux, un hypertélorisme modéré, un nez retroussé. La macroglossie est diffuse, parfois encochée. Il s’y associe une hypoplasie génitale externe et un nanisme modéré.
Trisomie partielle 7q
Syndrome de Rubinstein-Taybi
Cette anomalie rare associe une macroglossie diffuse à un petit nez, une micromandibulie, des oreilles d’implantation basse, avec parfois un hypertélorisme, une division palatine.
Il associe une microcéphalie à un faciès particulier : un hypertélorisme, un épicanthus, une obliquité antimongoloïde des fentes palpébrales, une petite bouche, la voûte palatine est ogivale, avec parfois une bifidité de la luette. La macroglossie est diffuse, parfois encochée. Le retard mental est constant.
Trisomie 21 (syndrome de Down, mongolisme) Elle associe : hypotélorisme et surtout obliquité mongoloïde des paupières avec épicanthus interne. La macroglossie est diffuse, parfois importante. La langue fait saillie en dehors de la bouche (d’autant plus que cette dernière est petite), elle est sèche, fissurée. Les anomalies dentaires sont variées avec notamment retard de l’éruption dentaire, voire agénésies.
¶ Syndrome de Beckwith et Wiedemann (fig 7) Il associe une macroglossie diffuse parfois considérable à un omphalocèle, chez un gros nouveau-né. La période postnatale peut être marquée par une hypoglycémie importante. Il faut rechercher des anomalies polyviscérales à type de viscéromégalie, notamment cardiaques et rénales, d’autant qu’il existe des dégénérescences comme des néphroblastomes. La macroglossie peut nécessiter une glossoplastie de réduction de volume.
¶ Myxœdème congénital La macroglossie est diffuse ; associée à un empâtement de la peau du visage, une obésité, une bradycardie, un ralentissement de la croissance.
Leurs anomalies sont proches de celles des mucopolysaccharidoses.
MICROGLOSSIES CONGÉNITALES
¶ Syndrome de Freeman-Sheldon La face a un aspect particulier, avec des lèvres contractées et de forme arrondie comme lors d’un sifflement. S’y associent un hypertélorisme, un strabisme, des rides verticales au niveau de la lèvre inférieure, des anomalies des mains et des pieds. La langue est hypotrophique, peu mobile. La transmission est autosomique dominante.
¶ Syndromes oromandibulaires Ces pathologies associent une hypoplasie de la mandibule et des tissus mous de la cavité buccale à des anomalies de l’extrémité des membres. Hypoglossie-hypodactylie Il existe une hypoplasie importante de la mandibule, une hypoglossie parfois importante pouvant aller jusqu’à l’aglossie. Les anomalies de l’extrémité des membres consistent essentiellement en des agénésies digitales. 5
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Pathologie de la langue et des joues
Stomatologie
Syndrome d’ankyloglossie palatine
¶ Syndrome de Pierre Robin
En plus des anomalies du syndrome d’hypoglossie-hypomandibulie, la langue est fixée à la partie antérieure du palais.
Ce syndrome associe une micrognathie, une division palatine, une glossoptose, des troubles de la respiration. Il est possible de différencier deux types de syndrome : un type « déformatif » comportant une rétrobrachymandibulie, l’arche mandibulaire a alors une longueur normale ; et c’est l’élargissement de la distance entre les angles mandibulaires qui provoque le recul de la symphyse. dans le syndrome de type « malformatif », la mandibule est véritablement hypoplasique, et il convient de rechercher une étiologie. À la naissance, les troubles respiratoires imposent une réduction de la glossoptose par décubitus ventral, éventuellement par labioglossopexie. La persistance de phénomènes asphyxiques peut justifier une trachéotomie, notamment lors de troubles neurovégétatifs. Enfin la fermeture de la division palatine doit être faite précocement, vers le troisième mois.
Syndromes de Charlie M et d’Hanhart Ils entrent dans ce cadre nosologique et donnent une hypoglossie moins importante, avec parfois une langue normale.
¶ Syndrome de Moebius Il est caractérisé par la paralysie des 6e et 7e paires de nerfs crâniens. L’hypoglossie coexiste avec une petite mandibule. TUMÉFACTIONS CONGÉNITALES DE LA LANGUE
¶ Phacomatoses La neurofibromatose de von Recklinghausen peut entraîner des lésions nodulaires de la langue, l’angiomatose encéphalotrigéminée du syndrome de Sturge-Weber provoque des angiomes pouvant se localiser à la langue, et la sclérose tubéreuse de Bourneville de petits nodules fibroangiomateux de la muqueuse linguale.
¶ Syndrome oro-digito-facial de type I (syndrome de Papillon-Léage et Psaume) Des brides multiples entraînent une lobulation de la langue. Il existe par ailleurs une encoche médiane de la lèvre supérieure, des freins labiaux anormaux, une fente palatine asymétrique, des anomalies dentaires. Des anomalies digitales sont présentes. La transmission est génétique, liée au sexe.
¶ Petites lésions nodulaires de la muqueuse linguale Maladie de Cowden (syndrome des hamartomes multiples) Elle se caractérise par de multiples lésions sur la face, les gencives, et la langue. La transmission est autosomique dominante. Apudomatose de type III Les petits nodules blanchâtres siègent sur la muqueuse de la langue, des joues. Ces neuromes plexiformes imposent la recherche d’un phéochromocytome et d’un cancer médullaire de la thyroïde. Hémangiomes, lymphangiomes Ces lésions peuvent être isolées, ou s’intégrer dans un syndrome de Sturge-Weber ou une maladie de Klippel-Trenaunay. Tumeurs de la langue Les plus fréquentes sont les kystes dermoïdes, mucoïdes et les rhabdomyomes. AUTRES ANOMALIES CONGÉNITALES DE LA LANGUE
¶ Ankylose linguale Elle est le plus souvent partielle par hypertrophie du frein lingual. Elle est parfois associée à une bifidité linguale comme dans le syndrome de Mohr (syndrome oro-facio-digital type II) : fente labiale médiane, hexadactylie, polysyndactylie, transmission autosomique récessive. L’ankyloglossie peut se retrouver associée à des fentes mandibulaires ou palatines, ou à la trisomie 13. L’ankylose palatine est évoquée avec les syndromes oromandibulaires.
Ulcération unique de la langue Une ulcération de la langue doit toujours poser ce problème : s’agit-il d’un cancer ? Toute la prise en charge est à orienter autour de ce possible diagnostic. Mais toutes les ulcérations de la langue ne sont pas des carcinomes épidermoïdes. Si le diagnostic de cancer semble évident (lésion chronique reposant sur une base indurée, terrain, adénopathies satellites), seule une biopsie permet de l’affirmer. Cette biopsie peut être prélevée d’emblée. Si un autre diagnostic est envisagé, le traitement est institué, mais le patient doit être revu trois semaines plus tard. S’il n’y a pas eu amélioration significative de la lésion, une biopsie doit être proposée pour éliminer un carcinome. ULCÉRATION TRAUMATIQUE
L’ulcération siège sur un bord de la langue, en regard d’un élément traumatisant : dent délabrée, élément prothétique… L’ulcération est douloureuse, reposant sur une base souple. Le fond est parfois sanieux, les bords sont plus ou moins végétants. Il peut exister une adénopathie inflammatoire satellite. L’élimination du facteur traumatique (meulage ou extraction dentaire, éviction de la prothèse) doit permettre une cicatrisation en 3-4 semaines. Au moindre doute, une biopsie s’impose. CARCINOME ÉPIDERMOÏDE
Il doit être évoqué devant toute ulcération de la langue. L’interrogatoire met en évidence le terrain classique : homme d’une cinquantaine d’années, intoxication alcoolotabagique ; mais 10 % des carcinomes épidermoïdes surviennent sans facteurs de risques. La description retrouve les trois caractères macroscopiques du carcinome épidermoïde : ulcération, infiltration, végétation. L’ulcération repose sur une base indurée, témoin de l’infiltration et de la réaction péritumorale du chorion sous-jacent. Les bords sont classiquement végétants (prolifération tumorale). Le fond de l’ulcération est nécrotique. La palpation des aires ganglionnaires retrouve souvent une adénopathie dans le territoire submandibulaire ou sous-digastrique. Une forme fissuraire peut se situer au niveau du sillon pelvilingual, uniquement détectable en déplissant le plancher buccal. Seule la biopsie permet un diagnostic de certitude. AUTRES ULCÉRATIONS UNIQUES DE LA LANGUE
Elles sont plus rares.
¶ Bifidité linguale, fente linguale
¶ Ulcération au nicorandil (Adancort, Ikorelt)
Elle est isolée, ou entre dans le cadre d’une trisomie 13 (microcéphalie, agénésie prémaxillaire avec fente labio-alvéolopalatine, polydactylie, anomalies cardiaques et oculaires), d’un syndrome de Mohr.
L’ulcération est douloureuse, à bord net, reposant sur une base souple. Le fond est couleur chamois. La lésion est chronique. La biopsie est non contributive. Seul l’arrêt de la prise permet la cicatrisation.
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Stomatologie
¶ Chancre syphilitique
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¶ Tuberculose
L’ulcération est indolore, à fond lisse, reposant sur une base légèrement indurée. Il existe plusieurs adénopathies satellites, dont une plus volumineuse. La cicatrisation est spontanée, mais les adénopathies persistent après le chancre. La mise en évidence du tréponème au microscope à fond noir permet le diagnostic. Les sérologies (venereal disease research laboratory [VDRL], treponema pallidum hemagglutination [TPHA], fluorescent treponema antibody [FTA]) sont positives un mois après la contamination.
Le chancre d’inoculation de la tuberculose est lié à la forme bovine de la maladie, et dû à l’ingestion de lait non pasteurisé. Il s’accompagne d’une adénopathie satellite évoluant vers la fistulisation, et à des signes généraux. La survenue d’une ulcération du dos de la langue dans l’évolution d’une tuberculose est rare.
¶ Granulome éosinophile Au niveau de la langue, il se traduit par une ulcération dite éosinophile.
Affections des joues La muqueuse de la face interne des joues est tapissée de glandes salivaires accessoires. Le plan profond est constitué par le muscle buccinateur, puis par le plan des muscles peauciers de la face, que recouvre le plan cutané. Les éléments nobles sont représentés par les branches du nerf facial qui aborde les muscles peauciers par leur face profonde, par le canal de Sténon et par le pédicule vasculaire facial.
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Diapneusie.
Ne sont évoquées que les affections de la muqueuse jugale plus ou moins spécifiques de cette localisation.
Anomalies anatomiques Elles sont représentées par les fentes faciales latérales, en particulier la fente 7 décrite par Tessier. De même, une « fente » latérale peut se retrouver dans les dysostoses mandibulofaciales et les microsomies hémifaciales.
Les histologies les plus fréquentes sont le carcinome adénoïde kystique et le carcinome mucoépidermoïde pour les tumeurs malignes, l’adénome pléiomorphe pour les tumeurs bénignes. CARCINOME VERRUQUEUX
Pathologie infectieuse : candidose On la trouve dans sa forme pseudomembraneuse ou « muguet buccal », ou encore par extension d’une chéilite commissurale (ou perlèche).
Pathologie tumorale TUMEURS FIBREUSES BÉNIGNES
Elles sont constituées des cellules conjonctives, habituellement recouvertes d’une muqueuse saine. Les diapneusies (fig 8), liées à un tic de succion, en sont l’exemple le plus fréquent. Le traitement doit comporter le comblement de l’ « espace de succion », en général extraction dentaire non réhabilitée.
Il est aussi connu sous l’appellation de papillomatose orale floride. Il provoque un placard papillomateux et verruqueux de surface blanche. Les limites sont nettes. En début d’évolution, l’infiltration tumorale est faible, et il n’y a pas d’adénopathie satellite. Puis ce carcinome verruqueux peut devenir infiltrant et se comporter comme un authentique carcinome épidermoïde. Il faut donc considérer la papillomatose orale floride au minimum comme un carcinome in situ. Le traitement est chirurgical.
Lésions muqueuses LEUCŒDÈME
Il se traduit par un « enduit » blanc translucide de la muqueuse jugale, dû à une hyperkératose. Le leucœdème semble lié au tabac.
TUMEURS SALIVAIRES
NÆVUS BLANC SPONGIEUX DE CANNON
Les glandes salivaires accessoires de la muqueuse jugale sont susceptibles d’être à l’origine de tumeurs ; or 40 à 50 % des tumeurs des glandes salivaires accessoires sont malignes. L’aspect clinique ne permet pas d’orientation diagnostique. Il n’y a qu’une tuméfaction sous-muqueuse, le plus souvent indolore, recouverte par une muqueuse d’aspect normal. Devant un tel tableau, il convient soit d’avoir une histologie avant de pratiquer une exérèse, soit d’avoir un examen histopathologique extemporané permettant d’adapter le geste opératoire selon la nature de la tumeur.
C’est une lésion typiquement jugale puisqu’elle est issue de la couche sous-muqueuse que ne possèdent pas les muqueuses palatines et gingivales. C’est une dyskératose hyperplasique héréditaire sur le mode autosomique dominant retrouvée chez l’adulte jeune, sous forme d’une surélévation de la muqueuse, de couleur blanc-gris, légèrement plicaturée et qui desquame volontiers, laissant apparaître une sous-muqueuse intacte. Il n’existe aucun traitement, la lésion ne présentant à long terme aucune modification. 7
Pathologie de la langue et des joues
22-055-A-10 GRAINS DE FORDYCE
Stomatologie
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Lichen réticulé.
Ce sont des glandes sébacées incluses dans la muqueuse jugale. Elles se présentent sous la forme de petits grains jaunes surtout situés dans la région rétrocommissurale. C’est une anomalie bénigne ne nécessitant aucun traitement.
LICHEN (fig 9)
Il se localise facilement sur la muqueuse jugale, notamment sous sa forme réticulée.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-057-A-10
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Pathologie des glandes salivaires H Szpirglas A Guedj M Auriol Y Le Charpentier
Résumé. – La pathologie médicale salivaire est envisagée selon deux expressions cliniques fréquemment rencontrées : la tuméfaction des glandes salivaires et les troubles de la sécrétion salivaire. Ces deux symptômes majeurs se retrouvent associés à des degrés divers dans les sialoses systémiques qui sont isolées pour une description plus complète, surtout la maladie ou syndrome de Gougerot-Sjögren, qualifiée de « maladie vedette » par Fred Siguier en 1950, et qui suscite les mêmes interrogations en l’an 2000. Les oreillons dominent la pathologie infectieuse virale, les parotidites récidivantes de l’enfant dominent la pathologie infectieuse bactérienne. La sécheresse buccale est un problème quotidien aux causes nombreuses dont la précision permet une meilleure approche thérapeutique. Les sialorrhées, au contraire, sont rarement des affections organiques et la prise en charge psychothérapique est souvent nécessaire. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : sialomégalie, parotidomégalie, oreillons, parotidite récidivante, sialose, syndrome de GougerotSjögren, sarcoïdose, xérostomie, sialorrhée.
Introduction Deux symptômes dominent la clinique des affections médicales des glandes salivaires : – l’augmentation de volume des glandes salivaires ou sialomégalies, essentiellement celle des glandes parotides ou parotidomégalies ; – les troubles de la sécrétion salivaire dont le plus fréquent est la diminution quantitative, partielle ou hyposialie, complète ou xérostomie, responsables de la sécheresse buccale.
SIALOMÉGALIES INFECTIEUSES
Ce sont des affections le plus souvent aiguës, quelquefois récidivantes. Quand la sialomégalie est unilatérale, il faut d’abord éliminer une infection d’origine lithiasique. On retrouve dans ce cas la notion de colique salivaire, rythmée par les repas. La tuméfaction salivaire rétentionnelle est intermittente et douloureuse. La radiographie objective l’obstacle canalaire ou intraglandulaire. Quand la sialomégalie est bilatérale, essentiellement parotidienne, et dans un contexte fébrile, on doit distinguer les affections virales, surtout les oreillons, et les affections bactériennes.
¶ Sialomégalies virales
Sialomégalies. Parotidomégalies En dehors des accidents lithiasiques, l’augmentation de volume concerne le plus souvent les glandes parotides : ce sont des parotidomégalies. Mais on rencontre aussi, plus rarement, des tuméfactions des glandes sous-mandibulaires ou même des glandes sublinguales, associées ou isolées, qui participent de la même démarche diagnostique. Les sialomégalies peuvent être aiguës, subaiguës ou chroniques. Elles sont uni- ou bilatérales. Elles sont ou non accompagnées de signes associés : douleur, fièvre, suppuration, xérostomie. Elles peuvent survenir dans le cadre d’une affection systémique connue, ou être révélatrices d’une affection jusque-là ignorée : pneumopathie chronique (tuberculose, sarcoïdose), rhumatisme inflammatoire, syndrome d’immunodéficience acquise (sida), dénutrition-cachexie, intoxication, allergie.
Henri Szpirglas : Ancien médecin attaché-consultant. Aline Guedj : Attachée. Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale. Michèle Auriol : Maître de conférences des Universités. Yves Le Charpentier : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service. Laboratoire d’anatomopathologie. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 cedex 13, France
Oreillons La sialadénite ourlienne ou oreillons est la plus fréquente des atteintes virales, avec environ 300 000 cas/an. L’agent causal est un paramyxovirus à acide ribonucléique (ARN) pourvu d’une enveloppe à tropisme glandulaire et névraxique, virus immunisant et doté d’un pouvoir hémagglutinant. Le virus se transmet par contact direct et par les gouttelettes de salive. L’infection est endémique en zone tempérée, mais elle se manifeste surtout par de petites épidémies en hiver et au printemps. La maladie concerne surtout l’enfant et l’adulte jeune, avec un maximum d’incidence avant 5 ans. Les deux sexes sont également atteints, mais les complications sont trois fois plus fréquentes chez les garçons : orchite, méningite, encéphalite, surdité...
• Clinique La forme clinique commune est celle de l’enfant, à localisation essentiellement salivaire. L’incubation, silencieuse, est de 18 à 21 jours. L’invasion est de courte durée, de 24 à 36 heures. C’est une phase de grande contagiosité. Elle se manifeste par de la fièvre avec une bradycardie relative, un malaise. La tuméfaction parotidienne soulève le lobule de l’oreille et provoque une otalgie, surtout lors de l’alimentation,
Toute référence à cet article doit porter la mention : Szpirglas H, Guedj A, Auriol M et Le Charpentier Y. Pathologie des glandes salivaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-057-A-10, 2001, 13 p.
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Pathologie des glandes salivaires
Stomatologie
parfois déjà par la palpation de la parotide. On note une sécheresse de la bouche et une rougeur autour de l’ostium du canal de Sténon. Ces signes commandent l’isolement. La tuméfaction parotidienne, d’abord unilatérale, se bilatéralise en 2 ou 3 jours. Un énanthème oropharyngé est inconstant. La salive, rare aux ostiums, reste claire, jamais purulente. L’amylasémie élevée du sixième au dixième jour confirme l’inflammation salivaire. La guérison se fait spontanément en une dizaine de jours. Certaines formes cliniques sont trompeuses : les formes frustes unilatérales ou sous-mandibulaires, les formes associées salivaires et lacrymales, les formes graves des éthyliques, les formes compliquées de méningite lymphocytaire aiguë, d’orchite, de pancréatite, d’encéphalite, d’ovarite, de thyroïdite, d’atteinte des nerfs crâniens (surdité, cécité), de myocardite, et enfin les formes récidivantes des immunodéprimés.
être ascendante, d’origine buccale, ou hématogène bactérienne ou septicémique, ou encore résulter de l’extension par effraction dans la glande d’une infection de voisinage : arthrite temporomandibulaire, ostéite mandibulaire, cellulite de la face ou adénite parotidienne. Le mécanisme d’infection par voie ascendante canalaire paraît prépondérant, corrélé généralement à une flore polymicrobienne, à prédominance streptococcique. Les parotidites hématogènes sont monomicrobiennes. Divers facteurs favorisent le développement de l’infection :
• Diagnostic différentiel
– un dysfonctionnement des enzymes salivaires (analogie avec certaines pancréatites).
Il se pose surtout avec le premier épisode de la parotidite bactérienne chronique de l’enfant, le premier épisode infectieux d’une lithiase parotidienne, les parotidites allergiques ou toxiques (induites par les anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS] notamment), les sialomégalies nutritionnelles au début comme le syndrome dysorexie-aménorrhée, une sarcoïdose salivaire subaiguë fébrile, dont le classique syndrome de Heerfordt, associant parotidite et uvéite.
• Diagnostic Le diagnostic d’« oreillons » est habituellement clinique, mais il peut être confirmé par la culture du virus sur cellules à partir de la salive, par la fixation du complément positive dès le 15e ou 20e jour après contage, et surtout par l’inhibition de l’hémagglutination. En utilisant l’antigène S (soluble) et l’antigène V (viral), on peut déterminer si le contact avec le virus est récent ou ancien.
• Traitement et pronostic Les formes classiques bénignes des oreillons ne sont traitées que par l’isolement (éviction scolaire de 15 jours), le repos au lit et des antalgiques. Les AINS sont volontiers prescrits, bien que parfois responsables de stomatites et même de parotidites [2]. Chez les immunodéprimés, les gammaglobulines spécifiques et le sérum de convalescent peuvent être indiqués.
• Prophylaxie vaccinale La relative fréquence des complications et leur gravité justifient la vaccination pratiquée à partir de l’âge de 12 mois (Imovaxt Polio, R.O.R Vaxt [triple vaccin rougeole-oreillons-rubéole]). Autres sialomégalies virales Les virus de la grippe (Myxovirus influenza), des entérovirus comme le coxsackie A, responsables de l’herpangine, ou des virus ECHO, peuvent provoquer des parotidites subaiguës. Ces parotidites guérissent spontanément en quelques jours. La mononucléose infectieuse et la chorioméningite lymphocytaire seraient parfois aussi accompagnées d’une parotidite. Mais le cytomégalovirus, de la famille des Herpèsvirus dit virus salivaire, qui se trouve à l’état latent dans les cellules salivaires, n’y détermine aucune manifestation clinique sauf chez les immunodéprimés, par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) notamment.
¶ Sialomégalies bactériennes
– l’hyposialie chez les opérés déshydratés et les malades traités par des médicaments inhibiteurs de la salivation ; – l’immunodépression spontanée des personnes âgées, ou induite par le VIH ou les médicaments immunodépresseurs ;
• Clinique Que le début soit brutal ou progressif, le diagnostic est fondé sur la fièvre, la douleur parotidienne et l’otalgie exacerbées par la mastication, un trismus modéré, la tuméfaction de la parotide sous une peau érythémateuse ou violacée qui adhère aux plans profonds. Une paralysie faciale est rare mais possible. L’examen endobuccal montre en regard de la première molaire supérieure l’ostium du canal de Sténon rouge et turgescent, qui laisse sourdre du pus ou de la salive mucopurulente. Le prélèvement bactériologique avec mise en culture permet d’identifier la flore. Sous antibiotiques, l’évolution est habituellement favorable en quelques jours. Sinon, l’accentuation des signes cliniques annonce une suppuration franche avec un risque de fistulisation à la peau si le drainage ne se fait pas par le canal.
• Formes cliniques On a décrit des listérioses avec une parotidite bénigne associée à une conjonctivite avec fièvre et mononucléose. La pénicilline A et les aminosides sont actifs. L’actinomycose atteint les glandes salivaires à partir d’un foyer gingivodentaire. L’aspect clinique est pseudotumoral. Le diagnostic est bactériologique et histologique, avec présence de grains jaunes. Les parotidites gangreneuses sont maintenant exceptionnelles ; elles étaient très mutilantes, avec des lésions vasculaires et nerveuses (nerf facial).
• Traitement Le traitement préventif des parotidites bactériennes consiste à supprimer les causes d’infection buccale (soins dentaires, soins des gencives, usage de l’hydropulseur buccodentaire), et à favoriser une bonne sécrétion salivaire par la réhydratation et les sialagogues ou une humidification de la cavité buccale chez les patients alités. Le traitement curatif fait appel aux antibiotiques en fonction des germes en cause. En cas de suppuration à la peau, le lavage de la glande avec des antibiotiques instillés par voie canalaire peut s’avérer suffisant. Sinon, le drainage s’impose, par une incision horizontale strictement cutanée et une dilacération sous-cutanée avec un instrument mousse afin de préserver le nerf facial. Sous-maxillites aiguës suppurées non lithiasiques de l’adulte
La réanimation médicale et chirurgicale en a beaucoup réduit l’incidence.
Elles sont exceptionnelles et doivent être distinguées d’un adénophlegmon sous-mandibulaire. L’échographie peut être utile pour distinguer ce qui est glandulaire de ce qui est ganglionnaire et cellulaire.
• Étiologie. Pathogénie
Sous-maxillite suppurée du nouveau-né
À l’état normal, la salive est stérile dans les acini et les canaux efférents. L’infection des canaux et du parenchyme salivaire peut
La pathogénie de cette infection est incertaine et l’on invoque un déficit immunitaire ou la différenciation encore incomplète des acini.
Parotidites aiguës à bactéries pyogènes banales
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Stomatologie
Pathologie des glandes salivaires
Elle est habituellement due à un staphylocoque ou à un streptocoque. L’antibiothérapie utilise l’association amoxicilline + acide clavulanique (Augmentint) ou des macrolides. Parotidite bactérienne récidivante de l’enfant C’est une affection non exceptionnelle. Les bactéries en cause sont presque toujours à Gram positif, streptocoques (Streptococcus faecalis, Streptococcus hémolytique) mais aussi pneumocoques et staphylocoques. La responsabilité du virus d’Epstein-Barr a également été évoquée. Le premier épisode de parotidite survient souvent vers l’âge de 5 ans, parfois plus tôt. Elle est alors prise pour les oreillons, en raison de l’argument de fréquence. Le deuxième épisode, quelques mois plus tard, fait parfois évoquer une récidive ourlienne avec une immunité défaillante, mais la clinique est bien différente. Le début de chaque épisode aigu, parfois précédé par 24 heures d’asthénie, est marqué par l’apparition rapide, souvent au cours des repas, d’une tuméfaction parotidienne unilatérale partielle, douloureuse et ferme. L’examen endobuccal et l’expression manuelle douce de la glande permettent de constater à l’ostium du canal de Sténon, qui n’est pas forcément rouge, l’issue d’un peu de salive mucoïde, quelquefois grumeleuse [7].
• Examens complémentaires L’examen bactériologique de la salive est utile, avec un antibiogramme. L’échographie montre un parenchyme peu homogène avec de petites images hypoéchogènes multiples. La sialographie avec du Lipiodolt ultra-fluide montre dans tous les cas de petites images cavitaires rondes en plein parenchyme, plus ou moins clairement appendues à des images de canalicules correspondant aux dilatations des canalicules en métaplasie. Elles sont pratiquement pathognomoniques. Parotidite bactérienne chronique ou récidivante de l’adulte Quelle qu’en soit la cause, les lésions objectivées par la sialographie sont à la fois parenchymateuses (grosses gouttes de Lipiodolt ultrafluide) et canalaires (dilatations régulières des canaux).
• Évolution et traitement Les épisodes aigus avec tuméfaction et douleur parotidiennes évoluent généralement spontanément vers la disparition en 3 à 10 jours. L’abcédation à la peau est rare, survenant après de multiples récidives négligées. Des épisodes successifs peuvent rester unilatéraux, mais ils sont souvent à bascule, alternativement à droite et à gauche. Cette bilatéralité du processus plaide en faveur d’un facteur étiologique général. L’antibiothérapie par les amoxicillines ou les macrolides est indiquée et doit être poursuivie plusieurs jours après la guérison clinique. Le traitement local contribue à la désinfection salivaire : le Lipiodolt de la sialographie est antiseptique ; des lavages de la glande par voie canalaire avec de la pénicilline sont efficaces. Dans les cas extrêmes avec fistulisation à la peau, la mise en place d’un cathéter dans le canal de Sténon et l’irrigation de la glande pendant 1 semaine permettent des améliorations spectaculaires. La cause des parotidites chroniques ou récidivantes peut être recherchée dans l’existence d’une sialodochite avec rétention salivaire, ou de mégacanaux. Quelquefois, le déficit salivaire et lacrymal, le contexte rhumatologique ou immunologique et les images d’extravasation péricanalaire du Lipiodolt à la sialographie permettent d’évoquer un syndrome de Gougerot-Sjögren. Sialomégalies tuberculeuses Alors que les sialites syphilitiques et mycosiques ont pratiquement disparu, les sialites tuberculeuses restent d’actualité, bien que rares [29]. Les localisations parotidiennes seraient deux à trois fois plus nombreuses que les localisations sous-mandibulaires. Il est souvent difficile de faire la part de la sialite, infection du
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parenchyme glandulaire, et celle d’une adénite concomitante. L’existence de centres germinatifs lymphoïdes intraparotidiens laisse la discussion ouverte. L’affection s’observe à tout âge. Elle est le plus souvent unilatérale. Il s’agit toujours d’une tuberculose secondaire qui se révèle par un nodule froid de la loge glandulaire, souvent prétragien. Les diagnostics alors évoqués sont l’adénite chronique banale ou l’adénome pléomorphe. En l’absence de traitement, d’autres nodules peuvent apparaître. L’évolution se fait vers le ramollissement du nodule. La peau devient violacée et se fistulise. La courbe thermique, la radiographie pulmonaire, la numération globulaire et la formule, l’intradermoréaction tuberculinique très positive, la ponction, rendue acceptable par l’allure inflammatoire de la lésion, et la culture conduisent en général au diagnostic. L’échographie montre le plus souvent l’existence de plusieurs nodules et permet d’objectiver une caséification (les nodules liquidiens sont plus ou moins anéchogènes). La sialographie fournit aussi des images de grande valeur diagnostique : l’image est celle de lacunes souvent périphériques aux pôles supérieur et inférieur de la glande, ressemblant à l’image d’« empreinte » d’un ganglion, dans un parenchyme inflammatoire, c’est-à-dire opacifié de façon dense et non homogène.
• Examen histopathologique À la recherche de follicules tuberculeux, voire de nécrose caséeuse, il ne doit pas être fait au moyen d’une biopsie qui serait délicate et dangereuse (nerf facial, risque de fistule salivaire), mais à la faveur d’une exploration parotidienne par voie de parotidectomie, encadrée d’un traitement antituberculeux. En l’absence de nécrose caséeuse, on ne peut distinguer le follicule tuberculeux de la sarcoïdose.
• Traitement Il est d’abord médical, avec l’association de trois antibiotiques, par exemple : éthambutol 25 mg/kg, isoniazide 8 mg/kg, rifampicine 10 mg/kg, pendant un temps suffisamment long, de l’ordre de 6 à 12 mois. Mais le système nerveux (nerf optique surtout) et le foie doivent être surveillés de près. La disparition totale des nodules est rarement obtenue par la thérapeutique médicale et la chirurgie doit souvent compléter le traitement : parotidectomie (conservatrice du nerf facial) ou sousmaxillectomie et curage sous-maxillaire selon la localisation. Sialomégalies paratuberculeuses Des adénites à mycobactéries atypiques scotochromogènes sont décrites chez des enfants très jeunes. Le tableau clinique est assez voisin d’une tuberculose parotidienne ou sous-mandibulaire. Elles évoluent aussi vers un ramollissement et une éventuelle fistulisation à la peau. Ces infections entraînent également un virage des réactions tuberculiniques qui sont nettement positives. L’examen histologique est absolument superposable à celui de la tuberculose. Seule la culture permet, mais quelquefois tardivement, de distinguer ces mycobactéries atypiques du bacille de Koch. Le pronostic en est très favorable : la guérison se fait habituellement en quelques semaines. Lymphoréticulose bénigne d’inoculation La lymphoréticulose bénigne d’inoculation ou « maladie des griffes du chat » peut poser, dans la région parotidienne, les mêmes problèmes diagnostiques que l’adénite à bactéries pyogènes banales [20]. L’évolution est toutefois plus longue (1 à 2 mois), avec la persistance prolongée d’un nodule arrondi très évocateur d’une adénite. La persistance pendant de nombreuses semaines de la trace de la griffure nasale, palpébrale, frontale ou temporale, sous la forme d’une lésion érythémateuse gaufrée, peut évoquer l’étiologie. L’intradermoréaction à l’antigène spécifique (pus tyndallisé) est abandonnée, remplacée par la recherche d’anticorps en immunofluorescence. Le germe en cause, longtemps incertain, serait Rochalimaea henselae. Les cyclines et les macrolides sont classiquement efficaces. 3
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22-057-A-10 SIALOSES
Il est commode de rassembler sous le terme « sialoses » les affections salivaires chroniques qui ne sont, initialement du moins, ni infectieuses, ni tumorales. Il s’agit schématiquement, soit de maladies de nature dystrophique, nutritionnelles, volontiers dénommées sialadénoses, soit de maladies systémiques caractérisées par une infiltration spécifique, souvent lymphoïde, et que l’on pourrait regrouper dans un cadre de sialoses systémiques. Mais les frontières entre sialoses systémiques et sialites ou tumeurs sont discutables puisque, par exemple, la parotide dans une maladie de Gougerot-Sjögren peut s’infecter ou se transformer en lymphome malin. La majorité des sialoses se manifeste par des hyperplasies, ou sialomégalies avec un retentissement fonctionnel, le déficit salivaire.
¶ Sialadénoses ou dystrophies salivaires Ce sont les plus fréquentes des sialoses et elles sont essentiellement parotidiennes. Elles ont en commun des caractères histologiques décrits par Chomette et al [4]. On note une augmentation de volume du cytoplasme des cellules acineuses (le diamètre de l’acinus atteignant 50 à 70 µm au lieu de 30 à 40 µm normalement), alors que la lumière de l’acinus devient virtuelle. Le noyau, petit, arrondi et hyperchromatique, est refoulé contre la base de la cellule. Dans certains cas, le cytoplasme contient de nombreux grains sécrétoires, accumulés notamment dans la région apicale ; plus souvent, les grains sécrétoires étant au contraire très réduits ou absents, le cytoplasme apparaît très clair, vacuolisé et finement grenu, « aquipare », ressemblant à celui des cellules à sécrétion muqueuse ; dans quelques cas peuvent s’observer de petites vacuoles lipidiques intracytoplasmiques. Les canaux sont diversement modifiés : les canaux intercalaires les plus distaux ont une lumière rétrécie, filiforme. Les canaux striés peuvent comporter une bordure épithéliale aplatie et une lumière dilatée contenant des microcalcifications. Enfin, le tissu interstitiel ne renferme pas d’infiltrat inflammatoire. Dans certains cas, il existe une notable infiltration adipeuse de ce tissu interstitiel. L’étude ultrastructurale a permis d’objectiver des altérations des cellules myoépithéliales (vacuoles lipidiques et infiltration hydropique du cytoplasme) et du système nerveux autonome (disparition des granules neurosécrétoires, altération des neurites). Ces lésions peuvent être résolutives, mais elles peuvent aboutir à des altérations définitives avec déficit fonctionnel des éléments sécrétoires et obstruction canalaire.
• Étiologie L’excès d’aliments riches en amidon (pain, pomme de terre) détermine une hyperplasie parotidienne modérée et silencieuse. L’histologie met en évidence la clarté des cellules acineuses, pauvres en grains de sécrétion, et la dégénérescence adipeuse de ces glandes [4]. Le traitement consiste en la réduction des aliments riches en hydrates de carbone et de la ration calorique. Les sialagogues cholinergiques peuvent contribuer à la correction du déficit salivaire modéré souvent associé. Des hyperlipoprotéinémies de type IV [28] avec hyperglycéridémie rnajeure exogène sont également responsables de déficits salivaires généralement modérés, associés à des parotidomégalies variables, souvent permanentes, avec accentuation au cours des repas. Le sialogramme est de type canalaire avec faible opacification du parenchyme acineux, mais aussi retard d’évacuation du Lipiodolt ultra-fluide. La triglycéridémie est élevée. La biopsie parotidienne montrerait une infiltration adipeuse. Le traitement est diététique. L’alcoolisme aussi induit une dystrophie salivaire. L’hyperplasie des parotides s’observe chez 70 à 80 % des éthyliques, à la phase de précirrhose surtout [12]. Bilatérale et symétrique, elle reste toujours modérée et indolore. L’étude de la salive montre une augmentation de l’activité amylasique et un abaissement du pH. Le sialogramme est caractérisé par la prédominance des images des canaux efférents et la faible opacification du parenchyme acineux. L’histologie met 4
Stomatologie
en évidence l’aspect « aquipare » des cellules acineuses. La pathogénie de ces altérations fait intervenir la toxicité de l’alcool, et la dénutrition majore les lésions de l’intoxication proprement dite. Les grandes malnutritions s’accompagnent parfois d’hyperplasie parotidienne [8]. Le kwashiorkor (malnutrition protéinocalorique du jeune enfant africain) associe la parotidomégalie à l’hépatosplénomégalie, aux altérations de la peau et des phanères, aux œdèmes et aux troubles du comportement. Une alimentation apportant protides, vitamines A et PP assure la guérison en quelques semaines. Le Mangy des hauts plateaux malgaches est aussi une parotidomégalie diététique. Il survient chez des sujets privés de protides parce qu’ils consomment plus ou moins exclusivement de la patate douce. Mais on peut incriminer aussi le rôle toxique de l’acide cyanhydrique que contiendrait ce tubercule. La sialographie montre un parenchyme de type canaliculaire. L’histologiste y voit des cellules acineuses claires, de type « aquipare ». L’hyperplasie régresse lorsque le sujet change de mode d’alimentation. Les dysorexies névrotiques [ 2 3 ] déterminent également des sialomégalies volumineuses. Il s’agit de jeunes femmes névrotiques et déprimées, maigres parce que mal nourries volontairement (cure d’amaigrissement des mannequins de haute couture, anorexie avec vomissements spontanés ou provoqués pour compenser des crises de boulimie). La tuméfaction salivaire, presque toujours parotidienne, mais parfois aussi sous-mandibulaire, motive la consultation, bien que survenant après l’amaigrissement et l’aménorrhée. Cette hyperplasie est bilatérale, plus ou moins symétrique, souple et élastique, parfois sensible, variable selon la courbe de poids. Une discrète hyposialie avec un abaissement des pH buccaux objective souvent cette dystrophie salivaire. La sialographie est de type aquipare ou canaliculaire. Quelquefois, dans les syndromes anorexie-boulimie, surviennent des ulcérations palatines très inquiétantes mais guérissant spontanément en quelques semaines, où l’histologie reconnaît une sialométaplasie nécrosante. Malgré l’aménorrhée, le bilan endocrinien reste habituellement normal. L’évolution est caractérisée par l’intermittence de la sialomégalie et par sa réapparition prémenstruelle lorsque persistent des règles ou à l’occasion d’épreuves affectives ou d’aggravation de la dysorexie. Le traitement relève de la compétence du psychiatre. Le diabète sucré est souvent associé à des sialomégalies modérées, confondues avec celles du gros mangeur d’hydrates de carbone dans le diabète gras, rares au cours du diabète avec acidocétose, très fréquentes dans les états prédiabétiques, ainsi que chez les goutteux.
¶ Sialomégalies toxiques et allergiques Leur réalité demeure incertaine dans la plupart des cas. On pense à l’allergie devant un gonflement parotidien bilatéral ou pluriglandulaire d’allure subaiguë, sans suppuration, persistant ou récidivant. Médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens Les dérivés de la phénylbutazone sont souvent en cause [2]. L’atteinte salivaire serait annoncée du troisième au cinquième jour du traitement par une asialie, la tuméfaction salivaire survenant le lendemain. Cette tuméfaction parotidienne, et parfois aussi sousmaxillaire, est bilatérale, modérée, un peu douloureuse. Des signes concomitants peuvent égarer le diagnostic, comme la fièvre, un érythème cutané maculeux. Mais la neutropénie, l’éosinophilie et les épreuves biologiques de sensibilisation font évoquer un processus immunitaire. La tuméfaction salivaire disparaît après arrêt du traitement, mais l’hyposialie peut durer longtemps et, si la sensibilisation au médicament est méconnue, la tuméfaction récidive après chaque prise d’un anti-inflammatoire de la famille chimique en cause. D’autres médicaments sont incriminés : isoprénaline, iodures, thiouracile, thiocyanates...
Pathologie des glandes salivaires
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Le diagnostic repose sur la découverte des calcifications par l’échographie ou les radiographies sans préparation, qui doivent être faites systématiquement avant toute sialographie. Pour la parotide, l’incidence antéropostérieure tangentielle à la joue est la seule utile. La pathogénie est inconnue, peut être éclairée par la découverte de cristallisations calciques intracanaliculaires chez 5 % de sujets autopsiés sans antécédents salivaires connus, et par la relation statistique établie entre ces calcinoses et des états dysimmunitaires tels que le syndrome de Gougerot-Sjögren [18]. On peut noter une analogie entre ces calcinoses salivaires et les pancréatites chroniques calcifiantes. Les poussées inflammatoires justifient l’antibiothérapie systémique ou l’injection d’antibiotiques dans le canal.
Sialoses systémiques 1
Sialographie parotidienne : mégaston gauche.
Sialomégalies professionnelles Elles apparaissent surtout comme des accidents toxiques. Tuméfactions parotidiennes et sialorrhée sont habituellement associées. La tuméfaction des glandes sous-mandibulaires est plus rare. Le saturnisme fut une cause classique de parotidite professionnelle, maintenant exceptionnelle. Plus actuels, les esters phosphoriques de certains pesticides et insecticides, ainsi que les iodures industriels, provoquent des intumescences salivaires avec sialorrhée.
¶ Sialodochites Dilatations canalaires réflexes (dyskinésies salivaires) Ce sont des dilatations canalaires salivaires non lithiasiques considérées comme réflexes à la suite de douleurs vives pulpaires ou muqueuses (aphtes, blessure par prothèse...) ou temporomandibulaires. Le diagnostic entre ces dyskinésies et la lithiase peut être difficile en raison de la fréquence des lithiases dont les calculs sont non décelables à la radiographie sans préparation. Mégacanaux salivaires. Bilatéraux idiopathiques, ils sont indéfiniment récidivants [19]. L’affection concerne les deux sexes et ne débute qu’après 40 ans. Le motif de la première consultation est le plus souvent l’augmentation passagère du volume d’une glande salivaire principale (fig 1). L’examen clinique permet en général le diagnostic. L’ostium est fréquemment rouge et œdématié. La salive est le plus souvent abondante, avec des bouchons mucoïdes. La découverte d’un phénomène d’« éjaculation salivaire », à l’expression manuelle de la glande, objective à la fois la dilatation canalaire et la valeur fonctionnelle de la glande. La constatation du même signe à l’ostium controlatéral est pathognomonique.
Elles sont dites systémiques parce qu’il s’agit d’affections qui concernent l’ensemble d’un tissu ou plusieurs tissus du patient. Le symptôme majeur est le plus souvent fonctionnel, lié à la diminution de la sécrétion salivaire, hyposialie ou xérostomie. La sialomégalie est inconstante, permanente évoluant par poussées régressives. SYNDROME DE GOUGEROT-SJÖGREN
Les observations de Gougerot, de Houwers et de Sjögren ont permis d’individualiser, dans les années 1930, une entité clinique constituée d’une sécheresse buccale, nasale et oculaire, dite syndrome sec, et d’une polyarthrite chronique, qui fut longtemps et reste appelée syndrome de Gougerot-Sjögren. Actuellement, des critères diagnostiques de cette lymphoexocrinose bénigne ont été proposés par un groupe d’experts européens (1993) [24] (tableau I). Critères d’exclusion. – Lymphome préexistant. – Sida, sarcoïdose, greffon versus hôte (GVH). – Sialadénite. – Traitements antidépresseurs, antihypertension artérielle (HTA), neuroleptiques, parasympathicolytiques. Règles d’application des critères. – Chez un patient non suspect de maladie ou thérapeutique associée : nécessité de quatre critères sur six. Tableau I. – Critères européens de syndrome de Sjögren. I Symptômes de sécheresse oculaire (au moins 1)
- persistante et gênante, tous les jours depuis plus de 3 mois - impression de sable dans les yeux de façon récurrente - utilisation de larmes artificielles plus de trois fois/jour
II Symptômes de sécheresse buccale (au moins 1)
- impression de bouche sèche depuis au moins 3 mois - gonflement persistant ou récurrent des glandes salivaires - nécessité fréquente de boire pour avaler des aliments secs
III Signes oculaires (au moins 1)
- test de Schirmer positif (< 5 mm en 5 mn) - rose Bengale : score de Bijsterveld > 4
IV Histopathologie (BGSA)
plus d’un agglomérat de 50 cellules mononucléées/4 mm2 de GSA
V Atteinte objective des glandes salivaires
- scintigraphie salivaire - sialographie parotidienne - flux salivaire sans stimulation < 1,5 mL en 15 min
VI Autoanticorps
anti-SS-A et/ou anti-SS-B
¶ Sialites globales (sialadénite et sialodochite) Calcinoses salivaires. Rares et différentes des lithiases, les calcinoses salivaires sont caractérisées par des concrétions parenchymateuses multiples, bilatérales, mais qui n’intéressent qu’un seul groupe de glandes salivaires pour chaque malade, les parotides plus souvent que les glandes sous-mandibulaires. L’examen histopathologique montre des calcifications dans les canalicules, alors que les calculs de la lithiase sont canalaires. Les calcifications parotidiennes, très nombreuses, restent petites. Celles des glandes sous-mandibulaires, moins nombreuses, deviennent parfois volumineuses. L’affection concerne presque exclusivement les femmes et l’âge moyen du début clinique est d’environ 45 ans. Cette épidémiologie est donc semblable à celle de la maladie de Gougerot-Sjögren. Le tableau clinique le plus habituel est celui d’une sialite chronique bilatérale ou à bascule : tuméfactions glandulaires douloureuses, intermittentes ; salive louche ou purulente. Parfois, la migration d’une calcification est responsable d’une sémiologie lithiasique : hernie salivaire au cours des repas.
BGSA : biopsie de glandes salivaires accessoires ; GSA : glandes salivaires accessoires.
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Pathologie des glandes salivaires
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Histologie des biopsies de glandes salivaires accessoires : îlots lymphoïdes stade IV de Chisholm.
Stomatologie
Tableau III. – Classification de Chomette (1983). Degré
Lésions
I II
Infiltrat lymphocytaire discret, ectasies canalaires Infiltrat lymphocytaire abondant, nombreuses ectasies canalaires, sclérose péricanalaire et interlobulaire Destruction des acini, sclérose diffuse, rares canaux dilatés, rares lymphocytes
III
Tableau II. – Classification de Chisholm (1968). Lymphocytes/4 mm2
Grade 0 1 2 3 4
Absence Légère infiltration Infiltrat modéré Un îlot lymphoïde Plus d’un îlot lymphoïde
îlot lymphoïde ou foyer : plus de 50 lymphocytes et histiocytes. Absence de centre germinatif.
– Chez un patient suspecté d’une connectivite associée : – nécessité des critères I ou II ; – plus deux critères parmi III, IV, V et VI pour argumenter le diagnostic de Sjögren secondaire. La diversité des associations de la maladie de Gougerot-Sjögren avec d’autres atteintes glandulaires (thyroïdite de Hashimoto, cirrhose biliaire primitive [ 2 2 ] ) ou viscérales (tubulopathie rénale, pneumopathie interstitielle diffuse, neuropathies périphériques éventuellement trigéminales), avec diverses connectivites bien individualisées comme la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux disséminé, la sclérodermie, la périartérite noueuse, les polymyosites, ou des connectivites mixtes comme le syndrome de Sharp, résulte sans doute de prédispositions ou de défenses individuelles de nature immunogénétique. Quant au facteur déclenchant du processus auto-immunitaire, il pourrait être, au moins dans certains cas, viral (virus d’Epstein-Barr plus particulièrement) [11, 26].
• Anatomie pathologique Ce sont les parotides, les plus différenciées et les plus riches en lymphocytes des glandes salivaires, qui sont atteintes le plus précocement et le plus intensément, mais les glandes sousmandibulaires et sublinguales, ainsi que les glandes muqueuses accessoires sont également concernées. Du point de vue histologique, il s’agit d’un infiltrat lymphocytaire et plasmocytaire initialement péricanalaire, qui tend à devenir diffus ou à se renforcer en nodules, pouvant alors comporter des centres clairs. Les acini s’atrophient. En revanche, l’épithélium des canaux efférents prolifère, devenant pluristratifié, avec des ectasies. Cette hypertrophie est dite « épimyoépithéliale », du fait de la participation d’éléments cellulaires myoépithéliaux. Ces îlots cellulaires peuvent être centrés par un peu de substance hyaline. Des rapports semblent établis comme précurseurs de l’évolution de lymphomes de type mucosae associated lymphoid tissue (MALT). La facilité du prélèvement des glandes labiales a conduit à faire de leur examen un des éléments de routine du diagnostic de maladie de Gougerot-Sjögren. Les constatations histologiques fournies par la biopsie ont été codées par Chisholm [3] en cinq groupes, de 0 à 4 selon l’intensité et la topographie de l’infiltration lymphocytaire (fig 2), en négligeant d’autres remaniements tels que l’atrophie du parenchyme salivaire, les modifications des canaux (atrophie et/ou ectasie) et la fibrose interstitielle (tableau II). 6
3
Sialographie parotidienne : maladie de Gougerot-Sjögren stade II.
Selon Chomette et al [6], les lésions histologiques observées dans les glandes salivaires accessoires peuvent être classées en trois stades d’altération croissante : – stade I : il comporte quelques ectasies canalaires distales qui, en l’absence de réaction lymphocytaire significative, permettent le diagnostic à une phase initiale de la maladie ; – stade II : l’aspect caractéristique est réalisé, associant à des ectasies plus nombreuses, un infiltrat lymphocytaire abondant, nodulaire ou diffus ; – stade III : stade de destruction des acini, il est dominé par une sclérose diffuse périlobulaire et intralobulaire et ne comporte plus que de rares lymphocytes. Ainsi, la dilatation des canaux distaux est-elle le signe le plus précocement significatif de l’affection (tableau III).
¶ Corrélation des stades selon Chomette avec les aspects sialographiques Les trois stades ainsi définis histologiquement sont dans l’ensemble corrélés aux stades de l’altération sialographique [6] : – le stade I d’opacification ponctuée ou « miliaire », correspond à de petites ectasies canaliculaires avec peu de lymphocytes ; – le stade II d’images en « gouttes » plus ou moins volumineuses et des extravasations péricanalaires modérées est celui des grosses et nombreuses ectasies canaliculaires et de l’infiltrat lymphocytaire important (fig 3) ; – le stade III dit en « arbre mort », parce que seul le canal principal et les plus gros canaux efférents sont opacifiés, avec d’importantes images d’extravasation péricanalaire, objective la destruction des acini et des petits canaux et la sclérose. Très récemment, Le Charpentier et Auriol, après réévaluation des critères diagnostiques histopathologiques utilisés successivement par Chisholm et Mason et par Chomette et Auriol, ont proposé une nouvelle approche de la formulation du bilan lésionnel d’un syndrome de Gougerot-Sjögren à partir d’une biopsie de glandes salivaires accessoires (BGSA) [24]. Cette approche prend en compte
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Stomatologie
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Le syndrome sec buccal utilise tous les moyens décrits dans les xérostomies. Le syndrome sec oculaire est traité par des larmes artificielles. Le suivi clinique doit être institué tous les 6 mois, biologique tous les ans. SARCOÏDOSE
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Parotidomégalie : maladie de Gougerot-Sjögren.
non seulement les critères diagnostiques traditionnels basés sur l’intensité de l’infiltration lymphoïde interstitielle (aspect « quantitatif »), mais encore la topographie de ces infiltrats, notamment canalaire (aspect « qualitatif »). Elle intègre également l’importance de la fibrose collagène, le degré de destruction des acini et la présence d’ectasies canalaires, tous éléments permettant en définitive d’approcher le stade évolutif, c’est-à-dire le retentissement fonctionnel. Mais pour qu’une BGSA prenne toute sa valeur, il importe que le prélèvement fournisse au moins trois glandes accessoires non altérées par les instruments de la biopsie. Il convient aussi de rappeler qu’une BGSA négative n’infirme pas forcément le diagnostic de lymphoexocrinose bénigne.
• Signes cliniques Le syndrome de Gougerot-Sjögren est rencontré classiquement chez la femme à partir de 45 ans (90 % des cas). La prévalence de ce syndrome chez les femmes de plus de 60 ans est d’environs 2 %. Le syndrome sec, bouche sèche, yeux secs, domine la clinique. Une parotidomégalie indolore plus ou moins durable est observée dans un tiers des cas (fig 4). Ce syndrome est primitif (idiopathique) ou secondaire aux connectivites, le plus souvent polyarthrite rhumatoïde non destructrice, quelquefois vascularite cutanée plus ou moins sévère, pneumopathie interstitielle lymphoïde, multinévrites, objectivées par un bilan clinique pluridisciplinaire (bilan ophtalmologique, otorhino-laryngologique [ORL], gynécologique, rhumatologique, pneumologique, neurologique) et un bilan biologique général. Une asthénie intense serait habituellement observée [10].
• Bilan biologique Il comporte : – hémogramme, vitesse de sédimentation (VS) ; – électrophorèse des protides (hypergammaglobulinémie supérieure à 20 g/L) ; – recherche de multiples autoanticorps : – facteurs rhumatoïdes (latex, Waler Rose) ; – anticorps antinucléaires dirigés contre les antigènes nucléaires solubles SSA ou SSB ; – cryoglobulinémie ; – antigènes et anticorps de l’hépatite C.
• Traitement Aucun traitement de fond n’a fait preuve de son efficacité. La corticothérapie est utilisée en cas d’atteinte viscérale, les AINS pour soulager les douleurs articulaires, le Plaquenilt pour les vascularites.
C’est une granulomatose pluriviscérale dont la cause reste inconnue. Elle serait le résultat d’une réponse immunitaire exagérée à des allergènes divers. Elle peut atteindre presque tous les organes, mais avec des incidences très différentes : le poumon dans 90 % des cas et seulement de 1 à 4 % pour les glandes parotides. Les glandes salivaires accessoires seraient concernées dans 50 % des cas environ, ce qui explique à la fois l’intérêt de leur prélèvement biopsique et ses limites [15]. Dans le cadre des manifestations faciales, la parotidomégalie est isolée ou associée à des signes thoraciques. Elle est bilatérale dans deux tiers des cas, en général asymétrique, d’installation progressive, indolore. L’hyposialie est inconstante. Le bilan général met en évidence une adénopathie hilaire ou une image réticulée pulmonaire et d’autres localisations : adénopathies périphériques, érythème noueux, nodules cutanés, géodes osseuses costales ou digitales, hépatosplénomégalie… Le syndrome de Heerfordt, forme clinique rare, associe une uvéite, une paralysie faciale, une tuméfaction parotidienne et de la fièvre. La parotidomégalie peut persister des semaines, voire des mois. Le diagnostic peut être biologique : réactions tuberculiniques négatives, augmentation de la VS, hypergammaglobulinémie, hypercalcémie, augmentation du taux de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. La biopsie des glandes salivaires accessoires labiales, bien que non spécifique, montre des nodules de cellules épithélioïdes, des cellules géantes multinucléées, des macrophages et des lymphocytes T périphériques avec absence de caséine. L’évolution spontanée de la sarcoïdose salivaire est habituellement favorable. La corticothérapie est à réserver aux localisations sévères : uvéites, paralysies faciales [33]. GLANDES SALIVAIRES ET INFECTION PAR LE VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE
Il est communément admis que le contage du sida ne passe pas par la salive, mais on y retrouve des anticorps anti-VIH et parfois le virus en petites quantités. De plus, la cible du virus (lymphocytes TCD4) est l’un des constituants du tissu lymphoïde des parenchymes salivaires. Des tuméfactions diverses peuvent en résulter : adénopathies associées à la primo-infection, adénopathies persistantes, tuméfaction des glandes salivaires après la séroconversion souvent parotidiennes. L’échographie ou la sialographie montre deux types d’image : soit un tissu homogène, soit un parenchyme troué de cavités plus ou moins volumineuses. Aux formes homogènes correspond une infiltration lymphoïde diffuse des parenchymes salivaires. Aux formes cavitaires correspond l’« hyperplasie lymphoïde kystique » caractérisée par des cavités plus ou moins volumineuses, bordées par un épithélium cylindrique stratifié ou en métaplasie malpighienne, et contenant un liquide brunâtre et parfois un peu de kératine, le reste du tissu étant constitué d’un infiltrat lymphoïde dense avec des follicules à centre clair mêlés à des restes d’acini, de canaux et d’îlots myoépithéliaux [32]. On considère l’infiltration lymphoïde diffuse du parenchyme comme le premier stade de l’atteinte salivaire et sous l’action des lymphocytes (lymphokines), les canaux se dilatent et se transforment en cavités. Ces altérations peuvent expliquer la diminution des immunoglobulines sécrétoires salivaires et un certain nombre de leurs conséquences (candidoses, caries…). 7
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Outre ces manifestations lymphocytaires, peuvent survenir plus rarement de véritables parotidites, soit à cytomégalovirus, soit bactériennes, facilitées par l’immunodépression, et aussi des lymphomes des glandes salivaires.
Stomatologie
Tableau IV. – Flux salivaire : quantité totale 500 à 1 500 mL/j. De base (16 h)
0,3 mL/min
300 mL
Sommeil (7 h)
0,1 mL/min
40 mL
4 mL/min
200 mL
Repas (1 h)
MUCOVISCIDOSE
Cette maladie systémique qui résulte d’une dysfonction des glandes exocrines se caractérise par la sécrétion anormalement visqueuse des glandes muqueuses, en particulier digestives et bronchiques. Les glandes sous-maxillaires sont parfois tuméfiées. Les antécédents familiaux (la transmission est autosomique récessive), les manifestations hépatiques, pancréatiques et respiratoires, le test à la sueur (augmentation du chlore et du sodium) et la recherche de la mutation chromosomique DF508 permettent de rapporter l’état des glandes sous-maxillaires à l’anomalie des sécrétions muqueuses.
sécrétion est également sous contrôle de l’hormone antidiurétique posthypophysaire (antidiuretic hormone [ADH]), qui diminue le flux salivaire, et de l’aldostérone, hormone surrénalienne, qui régule la sécrétion de potassium (K) et la rétention de sodium (Na).
¶ Composition de la salive
¶ Intumescence parotidienne au cours d’anesthésie générale
La salive est constituée à 99 % d’eau dans laquelle sont dissoutes de nombreuses substances : des sels minéraux et électrolytes (calcium, chlore, magnésium, bicarbonates), des produits organiques (urée, acides aminés, glucose) et des macromolécules (protéines, amylase, lysozyme, immunoglobulines [Ig]) dont le taux varie en fonction du flux salivaire. Les IgA sécrétoires, la lactoferrine et le lysozyme sont liés au système de défense des muqueuses. Quotidiennement, 500 à 1 500 mL de salive sont excrétés, essentiellement par les glandes salivaires principales. Le pH salivaire, compris entre 5,5 et 7, reflète l’état du milieu buccal selon l’âge, plus acide chez le nourrisson et le vieillard et également dans le nycthémère, plus acide au repos [9]. L’hydratation, la position du corps, les conditions d’éclairage, les rythmes circadiens, et surtout la prise de médicaments influent sur le flux salivaire de base. Les stimuli mécaniques, olfactifs et gustatifs, l’âge et l’alimentation modifient également sa quantité [9]. On a recherché une relation entre les concentrations salivaires et plasmatiques des médicaments. Cette corrélation est établie pour certains médicaments : chlorpromazine, diazépam, digoxine, érythromycine, fluor, hormones stéroïdiennes, isoniazide, paracétamol, théophylline… (tableau IV). La salive intervient dans des fonctions très diverses :
Elle a été signalée après intubation ou après endoscopie sous anesthésie générale.
– la digestion avec la mucine dans la formation du bol alimentaire et l’amylase dans la dégradation de l’amidon en maltose ;
Troubles de la sécrétion salivaire
– la défense contre l’infection des muqueuses et des dents avec le pouvoir bactéricide des thiocyanates et le lysozyme qui prévient le développement des germes non commensaux ;
TUMÉFACTIONS EXCEPTIONNELLES DES GLANDES SALIVAIRES
¶ Maladie de Horton Quelques cas de tuméfactions parotidiennes bilatérales non infectieuses et non spontanément résolutives ont été décrites au cours des maladies de Horton [25]. Elles n’ont disparu que lorsque la maladie a été diagnostiquée (céphalées, fièvre, biopsie de l’artère temporale révélant l’artérite à cellules géantes) et traitée par les corticoïdes. Il est logique de rapporter ces manifestations parotidiennes à une atteinte des branches du réseau carotidien.
¶ Pneumoparotidites récidivantes, pneumosténon
[1]
Il s’agit d’un accident classique mais exceptionnel propre aux joueurs d’instruments à vent ou aux sujets ayant des tics de gonflement de la joue, provoquant de véritables insufflations d’air dans le canal de Sténon.
– la lubrification des muqueuses par les mucines ; SÉCRÉTION SALIVAIRE NORMALE
¶ Physiologie de la sécrétion salivaire La sécrétion salivaire est assurée par trois paires de glandes salivaires principales, symétriques : les parotides, les sousmaxillaires et les sublinguales, et par des glandes salivaires accessoires réparties sous la muqueuse buccale et dans la muqueuse de l’oropharynx, à l’exception des gencives et de la partie antérieure du palais. Ce sont des glandes acinotubulaires dont les cellules sécrétoires sont groupées en acini autour de canaux qui transportent les produits de sécrétion jusqu’à la bouche. On en distingue trois types histologiques : les glandes séreuses (parotides), les glandes muqueuses (sublinguales, glandes accessoires), les glandes séromuqueuses (sous-maxillaires). Les glandes accessoires sécrètent de façon continue un liquide qui humidifie la muqueuse buccale. Les glandes principales, au contraire, ne sécrètent que sous l’influence de stimuli mécaniques, thermiques, olfactifs ou psychiques. La sécrétion salivaire est un phénomène réflexe sous l’influence des systèmes parasympathique (sécrétion abondante et fluide) et sympathique (sécrétion peu abondante et visqueuse). Les centres salivaires sont situés au niveau du plancher du IVe ventricule. Cette 8
– le goût par la dissolution et la répartition des éléments sapides ; – le pouvoir tampon par les bicarbonates ; – l’excrétion des toxiques et des médicaments par passage à partir du plasma ; – enfin, la balance de l’eau [9]. SÉCHERESSE BUCCALE
La sécheresse buccale ou xérostomie est un motif fréquent de consultation en stomatologie. Elle peut être aussi une découverte de l’examen clinique, à l’occasion d’une consultation pour tout autre motif, le patient négligeant ce symptôme, voire l’ignorant. Elle est due au déficit qualitatif ou quantitatif de la sécrétion salivaire. Elle peut entraîner de nombreuses anomalies en raison des rôles variés de la salive. La réalité de l’hyposialie doit pouvoir être objectivée et prise en charge, même si les moyens thérapeutiques restent modestes.
¶ Hyposialie La diminution du flux salivaire peut être transitoire, plus ou moins répétée. Les causes en sont diverses : la peur, l’émotion, le tabagisme, toutes les causes de déshydratation extracellulaire
Stomatologie
Pathologie des glandes salivaires
(insolation par exemple), les effets immédiats des toxiques et des médicaments, les états infectieux (viraux, bactériens...), les états allergiques. Les causes d’hyposialie durable ou chronique proviennent de trois origines :
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Test au sucre.
– le déficit en eau ou en métabolites par déshydratation prolongée ou malnutrition protidique ; – les atteintes des glandes salivaires proprement dites par la radiothérapie des voies aérodigestives supérieures (VADS), les maladies auto-immunes, surtout le syndrome de Gougerot-Sjögren, l’infection par le VIH, peut-être l’âge ; – enfin, l’action sur la neurotransmission par les médicaments ou par l’atteinte du système nerveux central. Signes cliniques
6 Scintigraphie au technétium 99 : phase d’excrétion salivaire.
Le patient consulte pour une difficulté à parler, à mastiquer, à déglutir. Il éprouve le besoin d’humidifier la bouche, de sucer des bonbons… La sensation de bouche sèche n’est pas toujours évoquée et certains patients tolèrent ou même ignorent leur hyposialie. À l’inverse, certains patients glossodyniques se plaignent de bouche sèche, alors même que la quantité de salive est normale. Ils ne sont d’ailleurs pas gênés pendant les repas.
• Interrogatoire Il est commun à tous les patients : âge, sexe, mode de vie, antécédents, profession, notion de prise médicamenteuse. Il doit préciser la durée et les variations de la sécheresse buccale dans le temps, depuis le début des symptômes (en mois, en années) et au cours de la journée (selon l’activité et l’horaire des repas). Il doit permettre d’estimer le degré de gêne occasionnée par la sécheresse buccale au cours des repas (sur la mastication, sur la déglutition), sur la phonation, avec le retentissement professionnel (enseignants, conférenciers). On évalue le degré de tolérance par le patient et les petits moyens qu’il utilise pour compenser la sécheresse buccale. On recherche la notion d’autres localisations de la sécheresse : oculaire, digestive, génitale... On note enfin l’existence de dysesthésies buccales à type de brûlures ou de dysgueusies.
• Examen de la cavité buccale Il permet d’objectiver des signes directs du déficit salivaire et ceux liés aux complications de la sécheresse buccale. L’hyposialie se traduit par un aspect des muqueuses rouges, sèches. La langue est souvent dépapillée, vernissée, collante au miroir. La salive est rare, épaisse, filante ou inexistante. L’expression manuelle des glandes salivaires principales, parotides surtout, montre peu ou pas de salive aux ostiums. On apprécie également le volume des glandes salivaires principales. Parfois ces signes sont peu nets et l’humidification de la bouche paraît satisfaisante, en contradiction avec la plainte du patient [31]. Une hyposialie chronique est responsable de complications parfois révélatrices : – candidoses récidivantes favorisées par la diminution du pH, la diminution des IgA sécrétoires ; – polycaries précoces, nombreuses et évolutives ; – parodontopathies avec gingivite tartrique puis résorption de l’os alvéolaire et chute des dents. Une dénutrition peut être observée, en particulier chez les personnes âgées qui se contentent d’une alimentation liquide ou semi-liquide.
• Tests diagnostiques des bouches sèches Les tests proposés sont nombreux, mais aucun d’eux n’est sensible ou spécifique d’une étiologie particulière. Ils sont fonctionnels ou morphologiques.
– Test au sucre (fig 5). Le plus simple, il se pratique au fauteuil, en position assise : un morceau de sucre n°4 placé sous la langue fond normalement en 3 minutes. C’est un bon test de dépistage, suffisant en routine. – Sialométrie. Elle mesure le débit salivaire total au repos et après stimulation par l’acide citrique. Cet examen recueille la salive, soit globale, soit selon la glande effectrice. Il n’est pas standardisé : on évalue la quantité en mL dans un tube ou par pesée après imbibition de gaze ou de coton. La mesure des flux salivaires serait théoriquement idéale [16]. – Mesure du pH intrabuccal. En cas de sécheresse, le pH acide est inférieur à 6,5. On le mesure sur la langue avec un papier pH et une échelle de lecture colorimétrique. – Scintigraphie au technétium 99. Elle donne une image de la sécrétion au repos et après stimulation de l’excrétion salivaire (fig 6). Elle permet de connaître la valeur fonctionnelle des glandes salivaires. Cet examen donne également des renseignements morphologiques et peut être quantifié. Il n’a aucune valeur d’orientation étiologique, mais il permet de suivre l’évolution de l’hyposialie, et il aide au pronostic quant à la reprise de la sécrétion salivaire.
• Autres examens D’autres examens complémentaires peuvent être pratiqués. – Examens radiologiques : – clichés panoramiques et occlusaux : ils permettent l’évaluation dentaire et parodontale, ainsi que la recherche des lithiases et calcinoses ; – sialographie : elle utilise un produit de contraste (Lipiodolt ultra-fluide) injecté par le canal de Sténon ou de Wharton. Elle objective la morphologie des glandes salivaires principales opacifiées et la distribution des canaux. Des clichés tardifs lors de l’évacuation à 30 minutes ou 1 heure permettent la mise en évidence de troubles fonctionnels de l’excrétion. 9
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Biopsie des glandes salivaires accessoires. Technique biopsique : la lèvre inférieure est tenue par une pince à chalazion. Les glandes salivaires émergent dès l’incision.
– Examens biologiques. Ils contribuent à la recherche d’une étiologie systémique et sont envisagés selon le contexte : – l’hémogramme (numération-formule sanguine [NFS], VS) oriente vers le cadre des hémopathies et des infections ; – les Ig augmentées évoquent le syndrome de Gougerot-Sjögren, etc. – Examens bactériologiques et examens mycologiques. Ils évaluent le retentissement buccal de l’hyposialie. – Examens ophtalmologiques avec étude du film lacrymal et test de Schirmer. – Examens psychologiques pour aider à l’évaluation du retentissement de l’hyposialie sur le comportement social. – Examen histologique. La biopsie des glandes salivaires accessoires labiales contribue au diagnostic de lésions spécifiques, maladie de Gougerot-Sjögren, sarcoïdose, quelquefois amylose. Le prélèvement s’effectue très facilement au niveau de la face interne de la lèvre inférieure. Sous anesthésie locale, on recueille quatre ou cinq glandes salivaires accessoires par incision de la muqueuse d’environ 1 cm, fermée par deux points de suture (fig 7). Certains auteurs préfèrent prélever un fragment d’une glande sublinguale, fournissant une plus grande quantité de matériel à analyser.
¶ Diagnostic étiologique des bouches sèches La sécheresse buccale chronique reconnaît quatre causes principales : – les hyposialies iatrogènes, de loin les plus fréquentes : prise de médicaments sialoprives, radiothérapie cervicofaciale pour traitement des cancers des VADS ;
Stomatologie
Le traitement de ces asialies médicamenteuses consiste à en réduire les doses si possible ou à modifier le traitement. Le retour à une sécrétion normale à l’arrêt du traitement peut être d’autant plus long à obtenir que le médicament a été pris très longtemps pour une affection chronique. Radiothérapie cervicofaciale Les irradiations antitumorales des VADS délivrent environ 65 Gy au niveau de la cavité buccale, dose qui atteint les glandes salivaires principales et accessoires se trouvant dans le champ irradié. On note à l’examen histologique des glandes salivaires une atrophie des acini, une nécrose intraglandulaire, une fibrose et une dégénérescence graisseuse. Des lésions affectant la transmission neuroacineuse ont aussi été décrites [5]. L’hyposialie survient avec l’apparition d’une radiomucite après 1 semaine de traitement. Elle s’aggrave progressivement, jusqu’à la xérostomie complète qui peut être définitive (fig 8). Le plus souvent, une sécrétion salivaire se rétablit après 1 ou 2 ans, insuffisante quantitativement. Le diagnostic est évident chez un patient traité pour cancer des VADS avec persistance de quelques signes associés : aspect glabre et atrophie cutanée avec télangiectasies dans le champ d’irradiation, marques de tatouage pouvant délimiter ce champ. La prise de médicaments peut aggraver l’hyposialie. Les complications dentaires peuvent être importantes avec l’évolution de caries profuses. Une prophylaxie fluorée doit être instituée dès le début de la radiothérapie et poursuivie assidûment. Surtout, l’ouverture de la muqueuse gingivale, le plus souvent à l’occasion d’une extraction, peut entraîner une ostéite chronique évolutive, dite ostéoradionécrose qui justifie une antibiothérapie au long cours. Les mycoses sont souvent sévères et chroniques. Syndrome ou maladie de Gougerot-Sjögren Ce syndrome a été traité précédemment (cf supra). Autres causes d’hyposialies La plupart des sialoses s’accompagnent de sécheresse buccale. La sarcoïdose peut être reconnue parfois histologiquement sur une BGSA (follicules épithélioïdes et gigantocellulaires). Une amylose systémique ou une hémochromatose peuvent aussi se traduire par une hyposialie, ainsi que les sialoses nutritionnelles ou endocriniennes
– le syndrome de Gougerot-Sjögren, diagnostic pluridisciplinaire ; – la sénescence, diagnostic retenu souvent par élimination. Médicaments sialoprives Ils sont nombreux et sont actuellement responsables de 80 % des déficits salivaires [30]. Pris seuls ou en association, ils provoquent une sensation de bouche sèche, avec parfois une modification du goût. L’interrogatoire recherche la durée de la prise médicamenteuse et les associations, ainsi que leur tolérance générale. Les patients âgés sont souvent soumis à de nombreux traitements médicaux. La liste suivante de médicaments incriminés n’est pas exhaustive (tableau V) : – médicaments neuropsychotropes (psycholeptiques, thymoanaleptiques, anxiolytiques). Ils affectent directement la transmission de l’influx nerveux émanant du centre de sécrétion salivaire ; – antihypertenseurs (sympathoplégiques, hypotenseurs centraux) ; – antiarythmiques ; – antiulcéreux cholinergiques ; – d’une façon générale, tous les sympathomimétiques, les atropiniques, les antihistaminiques. 10
Sénescence Elle n’est qu’un diagnostic d’élimination. Ces déficits salivaires sont plus fréquents chez la femme et sont à rapprocher des déficits ménopausiques [13]. L’interrogatoire, en dehors de l’âge du patient, s’attache à rechercher une respiration buccale associée et un déficit de la ration hydrique (perte de la sensation de soif) [14]. L’examen clinique détermine le degré de l’hydratation cellulaire. Quant à la BGSA, inutile, elle montrerait classiquement la transformation des acini en tissu conjonctif et adipeux.
¶ Traitements des bouches sèches Le traitement des bouches sèches est actuellement peu satisfaisant. Le traitement étiologique est essentiel et difficile : suppression ou remplacement d’un médicament sialoprive, hormonothérapie substitutive à la ménopause chez la femme [13], etc. Les traitement des xérostomies totales ne peut être que substitutif par la salive artificielle contenant des mucines ou de la carboxyméthylcellulose sous forme de spray (Artisialt) ou de gel (Bioxtrat), utilisés huit à dix fois par jour [27]. La stimulation, lorsqu’il persiste une sécrétion salivaire partielle, fait appel à des médicaments sialogogues (pilocarpine, Génésérine 3t,
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Tableau V. – Médicaments inhibiteurs de la salivation. Pathologie
Types de substance
Spécialités (t)
Adénome de la prostate
antagonistes alpha
Urion, Xatral
Algies
atropiniques +... carbamazépine chlormézanone + aspirine diflunisal fénoprofène néfopam morphinique morphinique + atropinique
Baralgine, Gélumaline, Lamaline Tégrétol Trancogésic Dolobis Nalgésic Acupan Fortal Supadol, Suppomaline
Allergies
antihistaminiques, anticholinergiques
Actidilon, Actifed, Allerga Allergefon, Aphilan, Denoral, Dimégan, Domistan, Doxergan, Méréprine, Périactine, Phénergan, Polaramine, Primalan, Sustral, Théralène, Virlix, Zyrtec
Anxiété
belladone + sédatifs hydroxyzine
Sédibaïne Atarax
Artérite
cétiédil
Stratène
Arythmie
dysopyramide
Isorythm, Rythmodan
Asthénies fonctionnelles
amphétamine
Ordinator
Asthme
anticholinergiques antihistaminique : kétotifène
Atrovent, cigarettes et poudres fumigatoires, Tersigat Zaditen
Constipation
laxatif + belladone
Mucinum
Contractures douloureuses
chlormézanone (myorelaxant)
Alinam, Trancopal
Contractures spastiques
baclofène (antispastimédullaire)
Liorésal
Coronaropathies
diltiazem (anti-Ca)
Tildiem
Dépression
IMAO tricycliques, imipraminiques autres
Déprényl, Marsilid, Niamide Anafranil, Défanyl, Elavil, Insidon, Kinupril, Laroxyl, Ludiomil, Motival, Pertofran, Prothiaden, Quintaxon, Sinéquan, Stablon, Surmontil, Survector, Vagran Athymil, Clédial, Conflictan, Pragmarel, Prozac
Diarrhées
atropiniques lopéramide
Diarsed Imodium
Énurésie
oxybutynine (anticholinergiques)
Ditropan
Hypertension
alphabloquant : prazosine antagoniste du calcium bêtabloquant diurétiques seuls ou associés hypotenseurs centraux inhibiteurs enzyme de conversion
Alpress, Minipress Deltazen, Dilrène, Tildiem Artex Modamide, Moducren, Prestole, Prinzide, Zestoretic et tout diurétique si éventuelle déshydratation Aldomet, Barclyd, Catapressan, Equibar, Estulic, Euctan, Hyperium Coversyl
Insomnie
antihistaminiques (phénothiazines) cyclopyrrolone
Donormyl, Mépronizine, Noctran Imovane
Maladie de Parkinson
anticholinergiques agonistes dopamine
Akinéton, Artane, Disipal, Génoscopolamine, Kemadrine, Lepticur, Parkinane Dopergine, Mantadix, Parlodel
Kératoses
étrétinate
Roaccutane, Soriatane, Tigason
Obésité
anorexigènes amphétaminiques
Anorex, Dinintel, Fenproporex, Isoméride, Modératan, Pondéral, Préfamone, Ténuate
Psychoses
phénothiazines butyrophénones dibenzo-oxazépine thioxanthène
Largactil, Majeptil, Melleril, Modécate, Moditen, Motival, Neuleptil, Nozinan, Piportil, Plégicil, Tementil, Tercian, Théralène, Terfluzine, Trilifan Frénactil, Sédalande Loxapac Fluanxol
Rhinites congestives
anticholinergique antihistaminiques sympathomimétique
Atrovent Biocidan, Clarityne, Humex Fournier, Rhinathiol prométhazine, Rinurel, Rinutan, Triaminic Rhinalair
Spasmes digestifs, urinaires
anticholinergiques
Algo-Buscopan, Atropine Aguettant, Atropine Lavoisier, Buscopan, Cantil, Colarine, Diaspasmyl, Génétropine, Librax, Luostyl, Manir, Météoxane, Piptal, Prantal, Probanthine, Riabal, Spasmodex, Vagantyl, Vésadol, Viscéralgine
Toux
antihistaminiques +... belladone +... datura + codéine diphénhydramine jusquiame + ...
Bronchalène, Dimétane, Fluisédal, Hexapneumine, Paxéladine Noctée, Pholcones, Méréprine, Rectoplexil, Toplexil, Tussifed, Tussisédal Biocalyptol-pholcodine, Bronchodual, Camphopneumine-Aminophylline, Clarix, Codotussyl, Curibronches, Ephydion, Humex Fournier, Nican, Padéryl, Pectoral, Edulcor, Pectosan, Poléry, Premidan, Végétosérum Dinacode Benylin Thiosédal
Ulcères gastriques, hyperacidité, spasmes, gastralgies
antihistaminique atropiniques clinidium + chlordiazépoxide sucralate
Pepdine Gastropax, Gastrosédyl, Gélosédine, Kaomuth, Ulfon, Librax Kéal, Ulcar
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Stomatologie
Tableau V. – (suite) Médicaments inhibiteurs de la salivation. Pathologie
Types de substance
Spécialités (t)
Uvéites
atropiniques hyoscyamine
Atropine Martinet, Chibro-Atropine, Vitatropine Duboisine Martinet
Vertiges, mal des transports
antihistaminiques atropinique
Agyrax, Dramamine, Marzine, Mercalm, Nausicalm, Nautamine, Transmer Scopoderm TTS
Virus
anti-VIH : didanosine
Vomissements
dopaminobloquant phénothiazine
Péridys Torécan, Vogalène
IMAO : inhibiteurs de la monoamine-oxydase ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
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Radiomucite en cours de radiothérapie.
– une dysphagie due à une infection ou à une tumeur buccale ; – une paralysie de la déglutition par atteinte des paires crâniennes V, X, XI, XII, ou des noyaux pseudobulbaires ; – une maladie de Parkinson.
¶ Diagnostic étiologique
• Affections digestives Elles peuvent être incriminées et doivent être recherchées à tous les niveaux du tube digestif. Une fibroscopie digestive peut être utile [21]. – Causes buccopharyngées : angine ou stomatite, éruption dentaire, pulpite dentaire, ulcération traumatique buccale par une prothèse mal ajustée ou une dent acérée, ou autres ulcérations bénignes ou malignes. – Causes œsophagiennes : spasmes, corps étrangers, cancer. – Causes gastriques : gastrite, ulcère, hernie hiatale, etc. – Causes intestinales : helminthiase. – Causes hépatiques : lithiase vésiculaire, hépatite virale.
• Intoxication médicamenteuse ou professionnelle
Teinture de Jaborandit) associés à de petits moyens (bonbons acidulés, jus de citron, chewing-gum, noyaux de fruits sucés et piles électriques). Le traitement des complications est préventif chaque fois que cela est possible : hygiène buccodentaire rigoureuse avec utilisation de pâtes dentifrices fluorées diminuant la fréquence des caries, bains de bouche bicarbonatés diminuant la fréquence des candidoses. HYPERSIALIE OU SIALORRHÉE
Le plus souvent, il s’agit de troubles psychologiques, sans réalité de troubles de la sécrétion salivaire. On rencontre aussi des troubles du comportement comme la ptyalomanie, manifestation de l’anxiété se traduisant par une aspiration incessante de la salive dans la bouche ou par des crachements incessants.
¶ Définition Il s’agit d’une sécrétion salivaire exagérée qui peut se traduire par des signes subjectifs et objectifs : – écoulement passif de la salive hors de la bouche ; – incessante nécessité de déglutir et fatigue musculaire sus-hyoïdienne ; – pH salivaire alcalin ; – test au sucre en dessous de 2 minutes.
¶ Diagnostic différentiel Il faut éliminer : – une incontinence labiale cicatricielle, myopathique... ; 12
Certains médicaments provoquent une hypersialie au début de leur administration. Il s’agit des sialogogues (pilocarpine), des sympatholytiques (DHE), des antiparkinsoniens. De même, il peut s’agir de l’ingestion accidentelle ou des vapeurs de métaux lourds comme le mercure ou le plomb dans certaines fabriques. L’iode donne également une hypersialie lorsqu’il est utilisé dans certaines préparations médicamenteuses.
• Causes endocriniennes L’insuffisance thyroïdienne et le diabète ont également été incriminés. On peut observer une hypersialie lors de la grossesse.
• Causes neurologiques L’hypersialie peut être l’un des symptômes d’une affection nerveuse si celle-ci atteint les centres sécréteurs salivaires (plancher du IVe ventricule). On peut la retrouver lors de la maladie de Parkinson et de la paralysie labio-glosso-pharyngée, forme haute de la sclérose latérale amyotrophique [21].
¶ Traitement Le traitement des sialorrhées doit être étiologique quand cela est possible (suppression d’un médicament, traitement d’une lésion digestive...). Si la cause ne peut être supprimée, on peut proposer des atropiniques ou des imipramines, en sachant que ces traitements ne peuvent être prolongés longtemps. Certains ont suggéré un traitement chirurgical : section de la corde du tympan, ligature des canaux excréteurs des glandes salivaires principales. Dans les ptyalomanies, seule la prise en charge psychologique est adaptée.
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Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire JF Chassagne S Chassagne L Deblock P Gillet JP Kahn JE Bussienne F Pierucci JP Fyad E Simon
Résumé. – Comme toute articulation, l’articulation temporomandibulaire peut être intéressée par toutes les affections rhumatologiques : arthrites septiques, rhumatismes inflammatoires, lésions dégénératives, arthropathies métaboliques, dont la prise en charge ne diffère pas alors fondamentalement des atteintes rhumatologiques d’autres articulations. Elle peut aussi être le siège de lésions tumorales ou malformatives. Mais l’articulation temporomandibulaire est aussi une articulation particulière, d’une part en raison de la présence d’une structure tendineuse qui la traverse, et d’autre part du fait que ses conditions de fonctionnement sont étroitement dépendantes de l’occlusion dentaire. Ces caractéristiques expliquent les pathologies le plus fréquemment rencontrées : les dysfonctionnements discocondyliens et les luxations condyloglénoïdiennes. La prise en charge de cette pathologie est multidisciplinaire. Le traitement doit tendre à être étiologique : ajustement occlusal, réhabilitation prothétique, orthodontie, rééducation, orthophonie. Les prothèses amovibles de recouvrement occlusal constituent essentiellement un moyen de diagnostic et de détermination de la position mandibulaire souhaitable. Elles peuvent être utilisées comme un recours thérapeutique lorsque le traitement étiologique ne peut être fait. Les traitements symptomatiques sont parfois nécessaires : antalgiques, myorelaxants, arthrocentèses. Les indications chirurgicales sont rares et ne représentent bien souvent également qu’un traitement symptomatique. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dysfonctions de l’appareil manducateur, pathologie de l’articulation temporomandibulaire, luxation condylodiscale, luxation condyloglénoïdienne, dysfonctions de l’articulation temporomandibulaire.
Introduction L’articulation temporomandibulaire est une articulation comme les autres : elle possède des surfaces articulaires, une synoviale, une capsule et des ligaments. Elle peut être le siège de toutes les affections rhumatologiques, comme n’importe quelle articulation. Mais elle est également une articulation particulière car elle possède entre autres deux caractéristiques uniques : elle est divisée en deux par une structure fibrocartilagineuse, le disque, qui n’a pas de points communs avec une structure méniscale telle que l’on peut en rencontrer au genou et à la hanche (fig 1), et elle est le siège, outre de mouvements de rotation, de mouvements de translation qui n’ont pas d’équivalents (fig 2). De plus, elle fonctionne en synergie obligée avec l’articulation controlatérale et toute anomalie de l’une de ces deux articulations retentit à terme sur l’autre. Enfin, elle fonctionne aussi en relation avec une troisième articulation : l’articulation dentodentaire, constituée par l’occlusion dentaire. Là aussi, toute anomalie de l’une de ces articulations retentit sur l’autre.
Jean-François Chassagne : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Sorana Chassagne : Praticien adjoint contractuel. Jean-Pascal Fyad : Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier. Etienne Simon : Assistant-chef de clinique. Service de chirurgie maxillofaciale, hôpital Central, 54035 Nancy, France. Pierre Gillet : Professeur des Universités, praticien hospitalier, laboratoire de pharmacologie, toxicologie et pharmacovigilance, hôpital Central, 54035 Nancy, France. Jean-Pierre Kahn : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de psychologie médicale, hôpital Jeanne d’Arc, CHU de Nancy. Jean-Eric Bussienne : Attaché de médecine physique, service d’ORL, hôpital Central. Francis Pierucci : Praticien hospitalier, service de radiologie, hôpital Central. Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France. Louis Deblock : Professeur des Universités, orthodontiste, Vandœuvre-les-Nancy, France.
Aspects cliniques SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE
¶ Syndromes douloureux La douleur est la cause la plus fréquente de consultations dans le cadre de la pathologie de l’articulation temporomandibulaire. Il convient naturellement de préciser les caractéristiques de cette douleur : sa localisation, son caractère localisé ou diffus, son intensité, sa durée, sa fréquence, sa périodicité, son évolution dans le temps. Il faut essayer de déterminer les causes déclenchantes apparentes des premières douleurs, les facteurs d’atténuation et les facteurs d’accentuation de cette douleur. On s’intéresse aussi à son évolution si des traitements antérieurs ont été tentés. En pratique, la douleur peut être localisée dans la région prétragienne en regard de l’articulation elle-même et/ou se localiser aux différents muscles intéressés par la manducation (fig 3), voire siéger dans des zones erratiques correspondant aux zones de projections douloureuses classiques (fig 4). Naturellement, des douleurs articulaires signent l’existence d’une inflammation capsulaire ou synoviale, alors que des douleurs musculaires traduisent des « contractures » ou des « crampes », créées par des modifications biochimiques intramusculaires, dues à l’hyperfonction d’un muscle ou de faisceaux musculaires (ce que les Anglo-Saxons désignent sous le terme de « spasme » et qui peut être décrit comme une contracture douloureuse plus ou moins furtive). Les douleurs peuvent également traduire une tendinite, signe de l’inflammation du tendon terminal d’un muscle, comme on en
Toute référence à cet article doit porter la mention : Chassagne JF, Chassagne S, Deblock L, Gillet P, Kahn JP, Bussienne JE, Pierucci F, Fyad JP et Simon E. Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-056-R-10, 2002, 46 p.
Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire
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3 Sites de palpation musculaire à la recherche de points douloureux (d’après Rozencweig [77]). 1. Faisceaux antérieurs, moyens et postérieurs du muscle temporal ; 2. tendon inférieur du temporal (voie buccale) ; 3. attaches supérieure et inférieure et corps du masséter ; 4. bord inférieur du ptérygoïdien médial ; 5. ventres antérieur et postérieur du digastrique ; 6. parties supérieure, moyenne et inférieure du sterno-cléidomastoïdien ; 7. insertion supérieure et corps du trapèze.
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Appareil discal.
3
4 1
2 3
2 4 6
5
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5
4
2
Douleurs référées (d’après Rozencweig [77]). 1. Masséter : région sous-orbitaire, région mandibulaire (branche horizontale), région frontotemporale, oreille ; 2. temporal : région maxillaire antérieure, région sus-temporale, région frontale ; 3. ptérygoïdien médial : région rétroangulomandibulaire, région préauriculaire ; 4. ptérygoïdien latéral : région maxillaire supérieure, oreille ; 5. digastrique : région sous-auriculaire et jugale ; 6. sterno-cléido-mastoïdien : région du vertex, région fronto-orbitaire, oreille, région jugale et mentonnière ; 7. trapèze : région temporale et fronto-orbitaire, région angulomandibulaire.
rencontre dans beaucoup d’autres pathologies, en dehors de l’appareil manducateur. Les caractéristiques du syndrome douloureux décrites par le patient doivent être notées, et on doit également apprécier leur retentissement, en particulier sur le sommeil. Une palpation de l’articulation, externe et endaurale, doit être effectuée, ainsi qu’une palpation des différents muscles masticateurs, à la recherche de zones sensibles, en particulier aux zones d’insertion
musculaire. La palpation du masséter, du temporal, du ptérygoïdien médial, est facile. La palpation du ptérygoïdien latéral est presque impossible. On peut espérer atteindre avec le doigt ou avec une compression instrumentale le bord inférieur du chef inférieur du ptérygoïdien latéral derrière la tubérosité maxillaire. On peut également compléter l’examen par la palpation des muscles cervicaux (digastrique, sus-hyoïdien, sterno-cléido-mastoïdien, trapèze). On demande au patient d’effectuer des mouvements de la mandibule contre résistance. Ces mouvements sont ceux d’ouverture et de fermeture habituelles, mais il est surtout intéressant de faire
Les cinq degrés de liberté de la mandibule dans l’espace (d’après Meyer). 1. Abaissement en rotation pure (mouvement charnière) ; 2, 3. rotations condyliennes autour d’axes obliques (diduction droite et gauche) ; 4. mouvement de translation (mouvement de Bennet) ; 5. déplacement antérieur (propulsion).
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effectuer des mouvements d’ouverture et de fermeture en propulsion, ainsi que des mouvements de latéralité, ce qui permet de tester le ptérygoïdien latéral, tant dans son chef inférieur que dans son chef supérieur, muscle difficilement explorable cliniquement. Le test de morsure d’un bâtonnet de bois (Krogh-Poulsen) est très facile à réaliser. Il suffit d’introduire une cale en bois (abaisselangue) entre les dernières molaires et de demander au patient d’exercer une pression forte sur cette cale. Lorsque l’on met ce bâtonnet de bois du côté douloureux, une diminution de la douleur lors de la contraction musculaire évoque une participation articulaire dans la douleur, alors qu’une augmentation de la douleur signe plutôt l’existence d’une pathologie musculaire. Lorsque ce bâtonnet de bois est introduit du côté opposé au syndrome douloureux du patient, une augmentation de douleur lors de la contraction évoque une participation articulaire. On peut également réaliser le test de provocation des bruxofacettes : on guide la mandibule de manière à réaliser un contact entre deux facettes d’usure opposées dues à un bruxisme. Le patient est alors invité à contracter fortement sa musculature pendant 3 minutes. Si une douleur apparaît, elle confirmerait l’étiologie parafonctionnelle de la pathologie [77]. On note parfois l’existence d’une hypertrophie musculaire du masséter ou du temporal cliniquement visible, pouvant faire évoquer à tort un diagnostic tumoral. Les hypertrophies musculaires sont classiques et un certain nombre de formes asymétriques ont été décrites dans la littérature. Le diagnostic positif est assuré par la palpation de l’hypertrophie et la perception de la contraction musculaire lors des mouvements de fermeture buccale. Il n’y a que rarement des problèmes de diagnostics différentiels : ils pourraient se poser essentiellement avec des douleurs dues à une maladie de Horton, à un syndrome d’Eagle (styloïde longue), une bursite du crochet de la ptérygoïde, une carotidodynie.
¶ Bruits articulaires Les bruits articulaires sont également très fréquents et constituent un motif de consultation courant. Quelquefois très discrets, ils ne sont perçus que par le patient lui-même (alors que d’autres fois ils sont très intenses et peuvent être entendus à distance par l’entourage). Ils ont été étudiés par de nombreux auteurs dont Rohlin (1985), Gay [33], Runge (1989), Motoyoshi (1994). Ces bruits articulaires sont habituellement perçus par l’examinateur, soit spontanément, soit par la palpation externe ou intra-auriculaire, éventuellement par l’auscultation des articulations temporomandibulaires. Les bruits articulaires anormaux sont facilement différenciables des bruits articulaires physiologiques qui peuvent exister dans toutes les articulations et qui sont créés par un mouvement d’écartement des extrémités osseuses, par augmentation de la dépression articulaire : craquements secs, uniques, audibles et reproductibles seulement après un certain temps d’attente. Ce type de bruits physiologiques semble exceptionnel à l’articulation temporomandibulaire. Les bruits articulaires pathologiques se divisent essentiellement en deux types : les claquements (ou craquements) et les crissements (ou grincements). Le premier type (claquements) correspond à un problème de dysfonctionnement discocondylien, le deuxième type (crissements) correspond au frottement des extrémités osseuses dénudées de leur revêtement articulaire, ou des surfaces articulaires cartilagineuses très irrégulières l’une sur l’autre. Il est intéressant de noter la chronologie des bruits articulaires lors des mouvements de la mandibule. Ces claquements articulaires surviennent habituellement d’une façon superposable lors des mouvements d’ouverture et de fermeture buccale, mais selon les cas, ils peuvent n’exister qu’à l’ouverture ou qu’à la fermeture (ce qui ne s’observe que rarement). Plus le claquement est précoce lors de l’ouverture buccale, moins la luxation discale antérieure est importante (et inversement). Des claquements dans les mouvements de latéralité sont parfois rencontrés. Lorsqu’il existe un claquement en latéralité
5
a
Latérodéviation à l’ouverture buccale.
b
c
d
e
6 Examen du trajet d’ouverture. a. Chemin rectiligne ; b. Ouverture en baïonnette ; c. Fermeture en baïonnette ; d. Déviation latérale avec réduction ; e. Mouvements erratiques. travaillante, il signe une luxation externe du disque (exceptionnelle). Lorsqu’il existe un claquement en latéralité non travaillante, il signe une luxation interne du disque.
¶ Troubles de la motilité mandibulaire Les limitations d’ouverture buccale sont également un motif fréquent de consultation. Cependant, les troubles de la motilité mandibulaire ne se résument pas à ces anomalies d’amplitude en ouverture. Il convient non seulement de mesurer l’ouverture buccale en amplitude maximale, mais également de vérifier ce trajet d’ouverture, qui doit se faire en rectitude, et d’explorer les mouvements de propulsion et de latéralité de la mandibule (fig 5). On peut rappeler les mesures moyennes normales chez l’adulte (Cornu et Dechoux) : ouverture maximale à 50 mm (± 6), propulsion à 7 mm (± 2), latéralité à 9 mm (± 3). On regarde le trajet de la mandibule lors de l’ouverture, en observant attentivement le déplacement de la pointe du menton ou du point interincisif inférieur, de l’occlusion d’intercuspidation maximale à l’ouverture maximale (fig 6). 3
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10 11
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12 13
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Diagramme de Farrar. 1. Trajet condylien physiologique ; 2a, 2b. inflammation articulaire (déviation vers le côté sain, ouverture réduite) ; 3a. luxation discale réductible ; 3b. luxation discale réductible à rattrapage tardif ; 4a. luxation discale irréductible (mouvements limités et déviation vers le côté bloqué) ; 4b. luxation discale irréductible chronique (augmentation de l’amplitude d’ouverture) ; 4c. luxation discale irréductible ancienne ; 5. arthrose (réduction importante de l’amplitude) ; 6. distension ligamentaire.
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52 54
1 12 8
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2a
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6
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4a
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62 5
Les limitations d’ouverture buccale avec une ouverture rectiligne traduisent le plus souvent des luxations discales antérieures irréductibles bilatérales. Les ouvertures buccales déviées d’une manière régulière orientent plutôt vers un dysfonctionnement musculaire, ou une inflammation articulaire, ou une contracture musculaire unilatérale, ou une luxation discale irréductible unilatérale. Les ouvertures buccales déviées amples avec mouvement en baïonnette évoquent une luxation discale réductible unilatérale ou, si elles se produisent en fin de mouvement, une luxation condyloglénoïdienne. Les ouvertures buccales déviées avec ressauts bilatéraux le plus souvent asynchrones évoquent des luxations discales réductibles bilatérales asynchrones. Un cas particulier est en effet représenté par la déviation se produisant à la fin de l’ouverture buccale : « la mâchoire se déboîte ». Dans ce cas, un des condyles translate trop et franchit en ouverture buccale maximale la racine transverse du zygoma (luxation condyloglénoïdienne). Il est intéressant d’effectuer une synthèse de ces observations sous la forme du diagramme de Farrar [28] (fig 7). Plus rarement, le motif de consultation est un phénomène de blocage. Il s’agit généralement d’une limitation d’ouverture buccale qui peut être assez sévère, d’installation brutale, et qui traduit le plus souvent une luxation méniscale antérieure réductible ancienne devenue irréductible. Lorsqu’elle s’accompagne d’une latérodéviation, cette luxation est unilatérale, le menton se déviant du côté où existe la luxation. Exceptionnellement, on ne note pas une telle latérodéviation, la luxation irréductible s’est installée des deux côtés en même temps, ou bien il existait une ancienne latérodéviation due à une luxation irréductible ancienne et le côté opposé est le siège d’une luxation devenue irréductible. Lorsqu’il s’agit d’un blocage bouche ouverte, sans possibilité de fermeture, il s’agit naturellement d’une luxation condyloglénoïdienne (anciennement appelée « luxation squelettique »). Il existe alors une béance incisive, avec une déviation de la pointe du menton vers le côté sain, en cas de lésion unilatérale.
¶ Sensations de ressaut Ces phénomènes perçus par le patient (« la mâchoire se décroche ») surviennent à l’ouverture et/ou à la fermeture buccale. Ils 4
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11
6
s’accompagnent habituellement de claquements articulaires. Ils peuvent être unilatéraux ou successifs, d’abord d’un côté puis de l’autre, et ils s’accompagnent d’une modification du chemin d’ouverture. Ils traduisent une (ou des) luxation(s) discale(s) antérieure(s) réductible(s) ou bien, lorsqu’ils se produisent en fin d’ouverture buccale, une (ou des) luxation(s) condyloglénoïdienne(s).
¶ Signes otologiques Acouphènes, voire hypoacousie, sont parfois des signes de consultation ou coexistent avec une symptomatologie articulaire [64]. Historiquement, la relation acouphènes-occlusion a été suggérée par Prentiss en 1918. Deux explications ont été proposées. – Explication anatomoembryologique : lors de la formation de l’articulation, la zone discale se trouve, dans sa partie distale, entre le blastème condylien et le blastème temporal. La partie distale du cartilage est alors reliée au malleus (marteau). Anatomiquement, le ligament de Pinto, qui est le résidu de cette union, glisse par la fissure pétro-tympano-squameuse, reliant les osselets de l’oreille moyenne à la zone bilaminaire (Alkofide, 1997) et cette disposition anatomique pourrait rendre compte, dans certains cas, de la symptomatologie otologique. Cependant, la majorité des auteurs pense qu’il n’y a pas de possibilité réelle de transmission des contraintes articulaires sur les osselets de l’oreille via cette fissure. – Explication fonctionnelle : Myrhaug, en 1964, a observé les contractions du muscle tenseur du tympan lors du grincement ou du serrage des dents et, pour Gola [34], les hypoacousies et les acouphènes s’expliqueraient par des spasmes des muscles tenseurs du voile et du tympan (en raison de leur innervation commune et de leur proprioception commune avec le ptérygoïdien médial), la preuve en étant apportée par la diminution ou l’abolition du réflexe de Klockoff (contraction brève du muscle tenseur du tympan après projection d’air sur la cornée, visible sur un oscilloscope). Un phénomène de myoclonie du tenseur du tympan semble de plus s’installer progressivement (ce qui expliquerait la difficulté de traiter les acouphènes anciens). Ren et Isberg (1995) ont mis en évidence de telles relations entre les dérangements internes de l’articulation
Stomatologie
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* C * A * B 8
Courbes de compensation (d’après Dawson). A. La courbe de Spee commence à la pointe canine et suit les pointes cuspidiennes des prémolaires et molaires. B. La courbe de Wilson est la courbe transversale passant par les pointes cuspidiennes vestibulaires et linguales des dents mandibulaires.
C. La courbe de Spee, la courbe de Wilson et la courbe des bords incisifs forment la courbe d’occlusion (plan d’occlusion).
temporomandibulaire et les acouphènes. Mais les thérapeutiques par gouttière ou par réhabilitation occlusale semblent ne donner que des résultats partiellement positifs [78]. Lorsque le motif de consultation du patient consiste dans ces troubles otologiques, il convient d’envisager un bilan otologique. Mais, si une étiologie oto-rhino-laryngologique n’est pas découverte, on ne peut que lui expliquer qu’il est possible qu’il y ait un rapport avec une pathologie occlusale, mais que le résultat d’une thérapeutique ainsi orientée est incertain. EXAMEN DES DENTS ET DES RAPPORTS OCCLUSAUX
Quelles que soient les hypothèses étiologiques évoquées, l’examen occlusal est indispensable dans tous les cas de pathologie de l’articulation temporomandibulaire.
¶ Examen dentaire Il faut bien sûr noter les malpositions dentaires, les éventuelles caries et reconstitutions coronaires importantes, les édentations tant dans leur nombre que dans leur situation, l’alignement des dents sur l’arcade, ainsi que leur intégration dans la convexité des courbes de compensation, courbes de Wilson et de Spee (fig 8). Les facettes d’abrasion (facettes d’usure), fendillements, fêlures des dents dues à un bruxisme, l’existence d’atteinte parodontale, sont également notés. En effet, toute variation de la courbe de Spee peut entraîner une perturbation des mouvements fonctionnels. Une courbe de Spee trop prononcée au niveau des molaires crée des interférences durant les mouvements de protrusion et de latéralité. La perte d’une dent non compensée, en particulier, provoque des perturbations de la courbe occlusale (fig 9). La dent postérieure à la zone édentée subit une mésioversion, tandis que la dent antagoniste continue son éruption, tant que le contact n’est pas établi avec la dent opposée : il en résulte un effondrement de la courbe de Spee. Les mouvements de protrusion et de latéralité ne peuvent plus être réalisés sans interférer avec les dents versées ou égressées. Les modifications de la courbe de Wilson doivent également être notées : cuspides linguales inférieures trop hautes ou cuspides vestibulaires supérieures trop longues (qui provoquent des interférences travaillantes latérales), inclinaison linguale trop marquée des molaires inférieures ou inclinaison vestibulaire des molaires supérieures (qui provoquent des interférences non travaillantes latérales). On note également les facettes d’usure résultantes d’un bruxisme, qui peut être soit centré (action parafonctionnelle de serrer fortement
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Perte dentaire non compensée (première molaire inférieure) (d’après Dupuis et Brunet). Mésialisation des deux dernières molaires, distalisation des prémolaires inférieures, extrusion de la première molaire supérieure.
les dents en position d’intercuspidation maximale), soit excentré (action dysfonctionnelle de crisser ou de grincer les dents lors des excursions rétrusives, protrusives ou latérales). Dans le bruxisme centré, les facettes d’usure sont situées sur les cuspides support, dans les fosses ou sur les crêtes marginales des dents maxillaires et mandibulaires. Dans le bruxisme excentré, les facettes d’usure sont variables suivant les mouvements réalisés : en rétrusion, elles se rencontrent en général sur le versant mésial interne des cuspides palatines supérieures ; en protrusion non travaillante, elles se rencontrent sur le versant distal interne des cuspides vestibulaires supérieures ; en latéralité travaillante, elles se situent sur le versant mésial interne et le sommet des cuspides vestibulaires supérieures ; en latéralité non travaillante, elles se trouvent sur le versant distal interne et le sommet des cuspides palatines supérieures.
¶ Étude de l’occlusion d’intercuspidation maximale L’occlusion d’intercuspidation maximale (occlusion terminale, ou occlusion positive, ou occlusion de convenance) est l’occlusion obtenue en position habituelle de fermeture (fig 10), position de laquelle partent et à laquelle reviennent tous les mouvements mandibulaires [3]. On recherche déjà simplement une instabilité mandibulaire dans cette position. L’inspection simple permet de noter les édentations, les supraclusions et les infraclusions, les occlusions croisées, les prématurités occlusales en intercuspidation maximale. Dans cette position, les points de contact sont évalués selon leur nombre, leur emplacement et leur intensité (marquage en bouche à l’aide d’un papier encré fin et souple, de cire ou de silicone pour mordu, de film plastique, de strips fins ou de rubans de Shimstock). En occlusion d’intercuspidation idéale, il existerait 172 points de 5
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Intercuspidation maximale
Intercuspidation maximale
Intercuspidation maximale
Relation centrée
Relation centrée
Relation centrée
Repos physiologique
Repos physiologique
Repos physiologique
Trajet mandibulaire Bouche grande ouverte
Trajet mandibulaire Bouche grande ouverte
Trajet mandibulaire Bouche grande ouverte
b a
* B
* A 10
c
A. Occlusion d’intercuspidation maximale (d’après Latino). B. Points de contact occlusaux (d’après Gola [34]). a. Vestibulaire ; b. médian ; c. lingual ou palatin. C. Zones de contact en occlusion d’intercuspidation maximale (d’après Latino).
* A
* B
* C
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Déviation des médianes incisives (d’après Deblock [18]). A. Déviation fonctionnelle mandibulaire. B. Latérognathie. C. Déviation positionnelle mandibulaire. D. Schéma d’une déviation dentaire.
Intercuspidation maximale
Relation centrée
Repos physiologique
* C 2
contacts occlusaux représentant 3 mm de surface d’appui (Shaw). Les contacts occlusaux normaux doivent être multiples (plusieurs par dent), répartis uniformément, bien marqués sur toutes les dents postérieures et moins marqués sur les dents antérieures (fig 10). Ils sont parfaitement répartis sur les deux côtés, sans surcharge antérieure ni postérieure [77]. Dans le cas d’un véritable équilibre occlusal, la fermeture brusque des arcades produit un bruit clair et unique (test du claquement occlusal, recherche du déplacement des dents par l’occlusion ou du « fremitus »). En position d’intercuspidation maximale, la correspondance des points interincisifs médians supérieurs et inférieurs est appréciée. La non-concordance des médianes incisives entraîne obligatoirement une occlusion différente entre les hémiarcades droite et gauche, avec un risque d’instabilité articulaire. Elle est extrêmement fréquente. Les étiologies en sont nombreuses et radicalement différentes, et l’observation clinique doit permettre de les classer dans différentes catégories [18] (fig 11). – Déviation fonctionnelle mandibulaire : elle est occasionnée par une déviation latérale du chemin de fermeture entre la position de repos et l’occlusion d’intercuspidation maximale. Les médianes incisives coïncident au repos et en relation centrée, et leur discordance n’apparaît que pendant la fonction. Cette déviation fonctionnelle a pour origine une prématurité occlusale. – Latérognathie maxillaire et mandibulaire : il s’agit d’une déformation structurale dissymétrique de la mandibule ou/et du maxillaire. La déviation des médianes incisives est donc d’origine squelettique. L’examen endobuccal montre que les médianes incisives restent déviées en relation centrée, au repos et en bouche grande ouverte ; on note une occlusion croisée latérale, des rapports molaires droites et gauches inversés, une forme d’arcade et une voûte palatine dissymétrique. Dans les formes sévères, il existe une asymétrie faciale visible ; dans les formes légères, il existe souvent des compensations dentoalvéolaires dans les secteurs latéraux, 6
Trajet mandibulaire Bouche grande ouverte
* D particulièrement à l’arcade inférieure avec, du côté de la déviation, des versions mésiales et, du côté opposé, des versions distales et vestibulaires. – Déviation positionnelle mandibulaire : elle est le résultat d’une luxation discale, surtout unilatérale. Les médianes incisives sont déviées en occlusion et au repos, mais elles correspondent lorsque la bouche est grande ouverte (lors d’une luxation réductible). L’arcade inférieure est le plus souvent symétrique et ne présente pas de compensation dentoalvéolaire. – Déviations dentaires : les incisives maxillaires et/ou mandibulaires sont plus ou moins éversées latéralement au sein de leur propre arcade. Le point incisif et l’insertion du frein labial sont déviés, l’insertion du frein est oblique. Cette déviation persiste en relation centrée, au repos, et bouche grande ouverte. Dans les cas où l’arcade concernée est complète, on observe l’existence d’un encombrement plus important du côté de la déviation. Dans les cas d’agénésie du secteur antérieur, en présence de canine incluse ou ectopique, on observe fréquemment une déviation de la médiane du côté concerné.
¶ Étude de la relation centrée et recherche des contacts prématurés Recherche de la relation centrée Cette position dite de relation centrée est une position de référence de l’équilibre articulaire (obtenue par le praticien). Définie initialement par Mc Cullum comme la position « la plus haute et la plus reculée, non forcée, des condyles dans leur cavité glénoïde, d’où
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Stomatologie
* A 12
Recherche de la position centrée.
la mandibule peut effectuer des mouvements latéraux », elle est actuellement considérée comme étant « la situation de coaptation condylo-disco-temporale bilatérale, haute, simultanée, enregistrable à partir d’un mouvement de rotation ». Elle est obtenue par « guidage, mais non forcé ». Elle est « répétitive avec précision, dans un temps donné, pour une position donnée » (Collège national d’occluso-odontologie, 1984). Cette évolution prend en compte le concept de relation myocentrée définie par Jankelson en 1965 [46] comme étant « la position statique mandibulaire, dans laquelle la mandibule se trouve en parfait état d’équilibre et de confort ». Comme le souligne Rozencweig [77], avec la relation musculaire intégrale, toute relation centrée devient automatiquement une relation myocentrée. Le corollaire en est que cette recherche de relation centrée ne peut se faire qu’après avoir obtenu le relâchement le plus complet possible des muscles masticateurs, grâce à une relaxation psychologique, gymnique, éventuellement créée par un training autogène, ou bio-feedback électromyographique, ou des moyens mécaniques (rouleau de coton ou abaisse-langue placé entre les incisives pendant 20 minutes, interposition de plusieurs fils de plomb ou de strip de celluloïd, plan de morsure rétro-incisif) et surtout grâce à une gouttière occlusale. De nombreuses techniques permettent de rechercher la position de relation centrée. Elle peut être obtenue par le sujet lui-même s’il contracte fortement ses muscles rétracteurs en inclinant la tête vers l’arrière ou en portant la pointe de la langue au fond du palais (autoguidage par positionnement lingual) : dans la position bouche demi-ouverte, le sujet place la pointe de la langue au point le plus profond et le plus postérieur de la voûte palatine, puis il doit s’efforcer de reculer la mandibule en gardant la langue dans cette position. Cette manœuvre conduit à une traction vers l’arrière de la langue et, par l’intermédiaire du génioglosse, la mandibule est placée dans une position postérieure satisfaisante.
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* B
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A. Concordance de la relation centrée et de l’occlusion d’intercuspidation maximale (OIM). B. Différence entre l’OIM et la relation centrée.
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Contact prématuré sur la 25 (d’après Latino). RC : relation centrée.
RC
Recherche des contacts prématurés Lorsque l’on amène les dents au contact en maintenant la mandibule en position de relation centrée, pour obtenir une relation en intercuspidation maximale, les dents doivent glisser les unes sur les autres d’une certaine distance, dans une certaine direction [2]. Le plus souvent, la position de contact en relation centrée se situe en arrière de la position d’intercuspidation maximale. Ce mouvement de fermeture en relation centrée est alors interrompu par un contact sur une ou plusieurs dents. À partir de ce premier contact, la mandibule glisse en haut et en avant pour joindre la position d’intercuspidation. Ce glissement antérieur est compris entre 0,1 et 1 mm. Ce glissement en position d’intercuspidation (slide in centric) doit se faire sans heurt, d’une manière continue, et la mandibule effectue un déplacement rectiligne jusqu’à la position intercuspidienne. Ce glissement est harmonieux dans la mesure où les surfaces occlusales de plusieurs dents participent aux mouvements, sur tout le trajet. Si le premier contact en relation centrée est localisé à une seule dent, ce contact devient obstacle : il s’agit d’un contact prématuré (fig 14).
En pratique, cette position est recherchée par le médecin lui-même : des différentes méthodes proposées (méthode de Lauritzen, méthode de Tomas, méthode Jankelson, méthode de Shore, méthode de Lucia, méthode de Wirth), la méthode la plus utilisée est celle de Dawson. Le patient est couché, l’opérateur assis derrière lui, immobilisant la tête entre ses avant-bras et sa cage thoracique, les trois derniers doigts de chaque main étant placés sous le bord oriental de la mandibule, les pouces et l’index encadrant la symphyse mentonnière, formant ainsi un losange sur l’éminence osseuse. La mandibule est dirigée en position axiale terminale par la pression en arrière des pouces et des index, et par la pression en haut des autres doigts (fig 12).
Ce contact prématuré est le premier obstacle occlusal, lors de la fermeture en relation centrée. Il s’oppose au glissement harmonieux position en relation centrée/position d’intercuspidation maximale et engendre un dérapage mandibulaire qui peut être :
Théoriquement, il devrait y avoir correspondance entre cette position de relation centrée et la position d’intercuspidation maximale. Cependant, il existe pratiquement toujours une différence entre ces deux positions, sans que cela traduise une pathologie : les structures articulaires ont subi des modifications, au fil du temps les dents ont connu des altérations (soit spontanées soit iatrogènes) ou des déplacements (fig 13).
Dans ce mouvement de fermeture, le premier contact interdentaire qui se produit est donc appelé contact prématuré. Il se situe habituellement sur les versants mésiaux des dents maxillaires et sur les versants distaux des dents mandibulaires. Les mouvements de glissement qui se produisent à partir de certains contacts jusqu’à la situation d’intercuspidation maximale doivent être notés. Lorsque le patient effectue spontanément son mouvement de fermeture, on ne
– soit antérieur, dans le plan sagittal médian ; – soit antérolatéral, en dehors du plan sagittal médian ; dans ce cas, le dentalé se déplace latéralement. Ce dérapage est considéré comme traumatisant pour la dent incriminée sur l’antagoniste, non seulement pour les muscles masticateurs et l’articulation temporomandibulaire, mais également pour les dents et les tissus de soutien.
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peut découvrir le contact prématuré car il est automatiquement contourné pour attendre l’occlusion d’intercuspidation maximale par un réflexe conditionné.
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Interférence en latéralité travaillante sur la 24 (d’après Latino).
¶ Recherche des interférences L’examen se poursuit à la recherche d’interférences, c’est-à-dire de contacts dentaires anormaux qui perturbent les mouvements de la mandibule dans le sens horizontal, soit lors des mouvements latéraux, soit lors des mouvements antéropostérieurs. On peut reprendre les définitions que donne Valentin (1996) pour les interférences. Ce sont : – des rapports occlusaux qui empêchent l’accomplissement des fonctions dentaires ; – des rapports occlusaux qui engendrent des mouvements ou des comportements délétères ; – des rapports occlusaux qui engendrent des adaptations dentaires ou parodontales délétères ; – des rapports occlusaux qui engendrent des adaptations musculosquelettiques délétères. Examen des contacts en protrusion Le mouvement fonctionnel de protrusion représente le trajet qu’effectue la mandibule, lorsque les incisives inférieures glissent sur les faces palatines des incisives supérieures, depuis la position d’intercuspidation maximale jusqu’au bout à bout : c’est le trajet fonctionnel qui est à examiner. Ce trajet fonctionnel dépend de deux paramètres : le recouvrement et le surplomb. Le recouvrement est facilement déterminé : il suffit de tracer un trait sur les incisives inférieures en suivant le bord libre des incisives centrales supérieures en position d’intercuspidation maximale, la distance du trait au bord libre des incisives mandibulaires représente le recouvrement. L’inclinaison des incisives supérieures se traduit, dans le plan horizontal, exception faite des cas de classe II, par un espace entre le bord libre des incisives supérieures et la face vestibulaire des incisives inférieures. Cet espace, en position d’intercuspidation maximale, est appelé surplomb incisif. Tout obstacle empêchant d’aller d’une façon harmonieuse de la position d’intercuspidation maximale à la position de protrusion est appelé interférence protrusive. Les faces palatines des deux incisives centrales maxillaires (auxquelles s’ajoutent parfois celles des deux incisives latérales), depuis les points supérieurs de l’occlusion jusqu’au bord libre, constituent le guide incisif. Ce guide incisif doit permettre une désocclusion immédiate et totale de toutes les dents postérieures. Il doit pouvoir conduire la protrusion sur un trajet rectiligne, dans le plan sagittal médian. Si une seule dent entre en contact durant la protrusion, cette dent constitue un obstacle qui peut entraîner une déviation en dehors du plan sagittal. C’est ce qu’on appelle une interférence travaillante protrusive. La localisation et la direction de ces interférences sont notées. Durant cette protrusion, la désocclusion des dents postérieures doit être immédiate et totale. Si le contact des dents antérieures est interrompu durant le glissement par un ou des contacts postérieurs, ceci représente une interférence non travaillante protrusive. L’emplacement et la direction de ces interférences protrusives non travaillantes sont notés. Elles sont généralement situées sur le versant interne distal des cuspides vestibulaires supérieures. Examen des contacts occlusaux en latéralité Le mouvement de latéralité représente le trajet qu’effectue la mandibule lorsque les dents inférieures glissent latéralement sur les faces internes des cuspides vestibulaires des dents maxillaires, et plus particulièrement sur la face palatine de la canine supérieure. Les surfaces sur lesquelles glissent les cuspides supéro-inférieures sont appelées surfaces de guidage. Elles comprennent la face palatine de la canine, depuis le point support jusqu’au sommet de la canine, les versants internes des cuspides vestibulaires 8
supérieures, depuis le point support jusqu’au sommet de la cuspide. Les versants internes des cuspides linguales et inférieures sont parfois appelés « surfaces de guidage », mais, en réalité, ces cuspides ne doivent pas participer à la fonction latérale. Lorsque la mandibule se déplace latéralement, il y a un côté travaillant et un côté non travaillant. Ainsi, lorsque la mandibule se déplace vers la droite, le côté droit devient le côté travaillant ; les cuspides vestibulaires des dents mandibulaires s’opposent aux cuspides vestibulaires des dents maxillaires : c’est le côté fonctionnel. Du côté gauche, les cuspides ne doivent pas en principe se rencontrer, c’est le côté non fonctionnel dénommé « côté non travaillant ». Du côté travaillant, on recherche la ou les surface(s) de guidage qui conduisent à cette fonction latérale : – soit fonction canine (la canine supérieure conduit seule le mouvement durant tout le trajet dès le départ et, durant tout le mouvement, la désocclusion de toutes les autres dents est immédiate et totale) ; la fonction canine est très fréquente et peut être considérée comme la fonction latérale idéale ; – soit fonction groupe ; plusieurs dents, y compris la canine, guident la fonction latérale depuis la position d’intercuspidation maximale jusqu’au bout à bout ; les forces occlusales sont distribuées harmonieusement et il existe une désocclusion immédiate et totale du côté non travaillant. L’interférence travaillante en latéralité (fig 15) est un obstacle à ce glissement durant l’excursion latérale. Le mouvement est alors supporté par une autre dent que la canine pendant une partie du mouvement, ou pendant la totalité du mouvement. Les interférences latérales sont généralement situées sur les versants mésiaux internes des cuspides vestibulaires maxillaires. Lorsqu’il existe une fonction groupe, il faut contrôler, avec l’index placé sur la face vestibulaire des dents maxillaires, le déplacement que pourraient provoquer les forces latérales. De ce côté travaillant, la dernière étape consiste à rechercher les interférences qui peuvent se produire sur les trajectoires fonctionnelles, qui peuvent être utilisées entre le mouvement de protrusion et le mouvement de latéralité. Du côté non travaillant, durant l’excursion latérale, il ne doit pas y avoir de contact. Une interférence latérale du côté non travaillant détruit l’harmonie du mouvement de latéralité. Les interférences non travaillantes sont généralement situées sur les dents postérieures (troisième molaire inférieure en particulier).
¶ Évaluation de la dimension verticale « La dimension verticale d’occlusion est la hauteur de l’étage inférieur de la face quand les arcades sont en occlusion centrée » [8]. Selon Dawson, la dimension verticale d’occlusion correspond à un positionnement musculaire de la mandibule. La position mandibulaire est déterminée par la longueur maximale de contraction des muscles élévateurs et elle est reproductible. Les dents s’égressent jusqu’à rencontrer leurs antagonistes au point de contraction musculaire optimale, déterminant ainsi la dimension verticale d’occlusion. Cette dimension est remarquablement stable, même s’il y a abrasion dentaire (fig 16).
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Stomatologie
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Dimension d’occlusion.
verticale
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Position de la langue dans la déglutition adulte normale.
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Lors de l’inocclusion physiologique (« position de repos »), les lèvres devraient être au contact, et la langue appliquée contre la voûte palatine. Lors de la déglutition salivaire, il ne doit pas y avoir de crispation de la musculature labiale, la distance nez-menton est stable ou diminue légèrement, avec apparition d’un angle droit cervico-pelvi-mandibulaire, contemporaine d’une contraction des masséters, avec élévation du dôme lingual au niveau de la partie postérieure de la voûte palatine, la pointe de la langue s’appuyant au palais contre la papille rétro-incisive sur 1 cm en avant. Les anomalies de la déglutition (intimement liées au schéma de mastication), quelles qu’elles soient, jouent certainement un rôle dans l’apparition des syndromes de dysfonctionnements, à la fois par les anomalies occlusales dont elles sont responsables et par les dysfonctionnements musculaires qu’elles entraînent. Par ailleurs, le bruxisme doit être recherché (cf infra). Les autres parafonctions : succion de doigts, succion et pression de la langue, tics de mordillements des lèvres ou de la face interne des joues, mordillements d’un crayon ou des ongles, doivent être notées. Enfin, la posture est appréciée, en particulier au niveau cervical. Selon Gola [34], un trouble unilatéral des muscles cervicaux provoque une rotation de la tête entraînant une modification de la position mandibulaire, avec trouble de l’occlusion par contraction réflexe des muscles sous- et sus-hyoïdiens. De même, un trouble bilatéral musculaire cervical entraîne un recul mandibulaire, avec contact molaire prématuré et béance bascule réflexe du complexe tête-cou visant à maintenir l’horizontalité du regard. EXAMEN PSYCHOLOGIQUE
Cette hauteur de la face est donc en relation avec l’organisation squelettique et dentaire, et le comportement neuromusculaire. C’est à cette dimension verticale que les dents doivent être reconstruites. Toute augmentation de la hauteur de couronne clinique place les dents en conflit direct avec la contraction musculaire d’intensité maximale et souvent conduit à des contraintes préjudiciables [90]. L’effondrement de la dimension verticale d’occlusion est plus fréquent que son augmentation. Chez le sujet denté, la recherche de la bonne hauteur se fait par l’intermédiaire d’une gouttière occlusale qui rehausse la dimension, très prudemment, par étapes de 1 mm environ. Chez l’édenté, les prothèses existantes sont utilisées, avec des ajouts de résine autopolymérisable dans les mêmes conditions. En cas d’augmentation toujours iatrogène, là aussi les prothèses existantes sont modifiées progressivement, très prudemment. EXAMEN DE LA DÉGLUTITION, DES PARAFONCTIONS ET DE LA POSTURE
La déglutition, première fonction coordonnée qui apparaît dans la vie intra-utérine est « innée », génétiquement déterminée. Son temps buccal est le précurseur de la succion-déglutition du nouveau-né. Vers le troisième anniversaire de l’enfant, il se produit un changement dans ce stéréotype nutritionnel, changement induit par la présence des dents temporaires et par la présentation des aliments adaptés à la denture lactéale et à la manducation. Dans la succiondéglutition initiale, la dynamique était labiolinguale antérieure, conjuguée à des mouvements d’abaissement mandibulaires. Dès l’apparition de la manducation, normalement, le comportement change et la mise en tension des élévateurs de la mandibule et du ptérygoïdien latéral entraîne un contact incisif « sécant » et un contact molaire « triturant », le dôme lingual venant en position haute contre la voûte palatine et le voile par la mise en tension du styloglosse (fig 17). Dans près de 30 % des cas, ce passage de la déglutition de type infantile à une déglutition de type adulte ne se fait pas correctement et les anomalies de la déglutition constituent une parafonction qui joue un rôle sur la dynamique musculaire régionale [14]. La détection des déglutitions anormales fait partie de l’examen clinique dans l’optique d’envisager une rééducation propre à les corriger.
Les relations entre les troubles de l’articulation temporomandibulaire et les troubles psychologiques constituent depuis de très nombreuses années un sujet discuté. Il est évident que, comme dans toutes les pathologies, en particulier celles qui comprennent un élément « douleur », le comportement psychologique du patient joue un rôle très important [29]. Ces facteurs « psychologiques » jouent indirectement un rôle, certainement parfois très important, dans la genèse de cette pathologie, en particulier en générant un bruxisme. De là à faire de la pathologie de l’appareil manducateur un syndrome d’origine psychosomatique, il y a un pas très discutable à franchir. Dire qu’il y a « indépendance des signes fonctionnels du syndrome » car « 15 % de la population n’ayant aucun signe fonctionnel présentent les mêmes déplacements méniscaux que ceux décrits dans le SADAM(1) » (Fleury, 1997) est méconnaître qu’il existe des patients asymptomatiques dans de nombreuses autres pathologies, en particulier rhumatologiques. L’exemple de la coxarthrose, où existe là aussi, dans un certain nombre de cas, une dissociation entre les lésions radiologiques et leur traduction clinique, est le plus connu. Affirmer que, dans la population des patients porteurs d’une pathologie de l’articulation temporomandibulaire, il y a un « terrain » particulier, « dystonique » ou autre, semble également discutable. Ce terrain « dystonique » ou « psychologique », ou « psychique », ou « psychiatrique », est-il plus fréquent ou plus marqué chez les patients porteurs d’une pathologie de l’articulation temporomandibulaire que dans la population générale ? Cela ne semble pas une notion établie (Marbach, 1992 ; Spruijt, 1995). Seules de rares publications amènent des éléments chiffrés en ce qui concerne la pathologie de l’articulation temporomandibulaire (Vimpari, 1995 ; Korszun, 1996 ; Gatchel, 1996) et les chiffres y varient de 20 à 80 % ! Anxiété, angoisse et dépression y sont les signes le plus souvent rencontrés (Zautra, 1995 ; Madland, 2000). Il faut en rapprocher les chiffres concernant la population générale dans l’enquête réalisée dans le cadre du programme Epidemiologic Catchment Area (1991) : 15 % d’ « états anxieux » ; dans le cadre du National Comorbidity Survey (1991) : 13, 3 % de « phobies sociales » et 11, 3 % de « phobies simples » ; dans l’étude de Lépine [58] : 17, 3 % de troubles anxieux chez les hommes et 36 % chez les femmes. (1)
SADAM : syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur.
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Hardy [37] estime que 30 à 45 % des consultants de médecine générale présentent un niveau élevé de détresse psychologique d’après les questionnaires d’autoévaluation type general health questionnaire ou self reporting questionnaire tandis que 25 % d’entre eux souffrent d’un trouble psychiatrique repérable par les systèmes diagnostic and statistical manual of mental disorders-III (selon la classification de l’Association psychiatrique américaine), research diagnostic criteria de Spitzer (1978) ou PSE-PD-categories (Ormel, 1990). Les états anxieux et/ou dépressifs sont largement majoritaires : ils représentent 79 % des troubles observés en médecine générale. Un grand nombre de ces états est caractérisé par une évolution transitoire, une faible intensité et/ou une intrication de symptômes anxieux et dépressifs. Hardy souligne que « l’association entre un trouble mental et une pathologie organique peut occasionner un chevauchement symptomatique et une perte de la validité de la critériologie diagnostique. Elle impose que soit précisée l’existence ou l’absence de liens étiopathogéniques entre les pathologies, et éventuellement la nature de ces derniers ». Certains symptômes peuvent être à la fois la manifestation d’une affection somatique et celle d’une dépression et, en cas de pathologie organique, ces symptômes perdent de leur spécificité pour le diagnostic de dépression. Kathol et Petty (1981) ont montré que la prévalence des symptômes dépressifs somatiques observée chez les patients organiques déprimés diffère peu de celle retrouvée chez les patients organiques non déprimés, cette différence étant d’autant moins nette que la maladie somatique est sévère. L’existence d’un chevauchement symptomatique peut être pour Hardy à l’origine de deux erreurs : – l’erreur par défaut, qui serait le plus souvent le fait des somaticiens et qui consiste à attribuer le(s) symptôme(s) à l’affection organique, alors même que le patient développe une authentique dépression ; – l’erreur par excès, qui conduit à porter le diagnostic de dépression en se fondant sur la seule présence d’une telle symptomatologie, et qui serait le plus souvent celle de cliniciens qui méconnaissent la contribution de la maladie organique (Goldberg et Blackwell, 1970). À la vue de ces travaux, on peut se demander en quoi les troubles de l’articulation temporomandibulaire diffèrent des autres pathologies, quant à leurs relations avec les anomalies psychiques ou psychiatriques. Il faut également souligner que les psychiatres s’accordent pour juger que les termes de « terrain dystonique », de « terrain psychologique » ou de « dystonie neurovégétative » doivent être définitivement rayés du vocabulaire, ces notions ne recouvrant rien de précis en clinique psychiatrique et que l’ère « lyricointerprétative », où l’appréciation psychologique ou psychiatrique était plus liée à la subjectivité de l’évaluateur et à son lyrisme qu’à un certain nombre d’éléments cliniques, sémiologiques ou psychopathologiques objectifs et clairement définis, est terminée. Ainsi que le remarquent certains auteurs, il est vrai que la plus grande partie des consultations pour ce type de pathologies articulaires sont souvent le fait de patients (ou plutôt de patientes) qui semblent plus attentifs que le reste de la population à des manifestations cliniques gênantes, mais non réellement invalidantes. Dans tous les cas, le facteur psychique ne peut jouer un rôle dans la genèse des troubles dysfonctionnels, sans qu’existe un trouble organique [51]. En revanche, il est évident que ces facteurs psychiques doivent être pris en compte dans la prise en charge du patient (Rugh, 1976 ; Parker [74]).
Examens complémentaires
Stomatologie
soient positifs ou négatifs, prennent toute leur valeur, en complément de l’examen clinique, pour orienter l’enquête étiologique.
¶ Examens de l’inflammation et dosages biochimiques particuliers La présence d’un syndrome inflammatoire (élévation de la vitesse de sédimentation [VS], de la protéine C réactive) n’est en rien spécifique, mais permet, dans la plupart des cas, de faire la part entre une atteinte dégénérative ou inflammatoire. Une perturbation de l’hémogramme peut être contingente de certaines connectivites (anémie inflammatoire, éosinophilie, leuconeutropénie). Les stigmates d’auto-immunité se révèlent particulièrement informatifs si l’on suspecte une maladie de système : sérologie rhumatoïde (polyarthrite rhumatoïde [PR]), facteurs antinucléaires, anti-Sm, antiacide désoxyribonucléique (ADN) natifs (lupus érythémateux systémique), recherche d’un syndrome des antiphospholipides, voire mise en évidence d’autres anticorps antiorganes évocateurs d’entités cliniques et biologiques particulières : anti-SSA et anti-SSB (syndrome de Gougerot-Sjögren), anti-Scl70 (sclérodermie), anticentromères (CREST(2)), antirécepteurs à l’acétylcholine (myasthénie), antiribonucléoprotéines (syndrome de Sharp), anti-JO1 (poly- et dermatomyosite). Leur prescription reste du domaine spécialisé. La recherche de sérologies prend toute sa valeur dans le cadre de certaines arthrites septiques à germes spécifiques (maladie de Lyme, brucellose), de rhumatismes postinfectieux (rhumatisme articulaire aigu), voire d’arthrites réactionnelles (Chlamydia, Shigella, Yersinia…). La présence de certains antigènes d’histocompatibilité peut orienter vers une spondylarthropathie (B27), une maladie de Behçet (B51), une PR (DR4) ou certains thésaurisomes comme l’hémochromatose (A3 B14). Les arthropathies métaboliques ont par ailleurs leurs propres stigmates : hyperuricémie et goutte, dyschromie des urines et alcaptonurie, hypercuprémie et maladie de Wilson, diathèse métabolique et chondrocalcinose.
¶ Analyse du liquide synovial L’analyse du liquide synovial, exceptionnellement réalisée, peut être également informative : germe à l’examen direct, voire en culture (bacille de Koch) en cas d’arthrite septique, mise en évidence en microscopie de cristaux d’urate monosodique (goutte), de pyrophosphate de calcium (chondrocalcinose), d’apatite, voire de corps amyloïdes. En revanche, les nombreux éléments qui ont été identifiés ces dernières années dans le liquide synovial de l’articulation temporomandibulaire ont un intérêt essentiellement pathogénique et encore peu ou pas d’applications cliniques, bien que de nombreux travaux sur ces nouvelles cibles pharmacologiques soient en cours. Ainsi, plusieurs acteurs prennent une part active à la modulation du processus dégénératif du cartilage : – les cytokines pro-inflammatoires dont le chef de file est l’interleukine (IL) 1 bêta (Kubota [53] ; Nordhal, 1998 ; Takahashi [88]), mais également le tumor necrosis factor (TNF) alpha (Takahashi, 1998), le leukemia inhibitory factor, l’IL6 (Sandler [79] ), et l’IL8 (Takahashi, 1998), l’IL17, l’IL18 [27], l’interféron gamma (Fang, 1999) ;
EXAMENS BIOLOGIQUES
La réalisation d’un bilan biologique peut s’inscrire dans le cadre du suivi d’une pathologie rhumatismale, et est dans ce cas réduite au minimum, ou dans le bilan initial, pour lequel les résultats, qu’ils 10
(2) CREST (syndrome) : calcinose sous-cutanée, syndrome de Raynaud, dysfonction de l’œsophage, sclérodactylie, télangiectasies.
Stomatologie
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– certaines cytokines y exercent, en revanche, des propriétés antiinflammatoires (IL 4, IL 10 [27], IL 13) et des facteurs de croissance (transforming growth factor beta [27], insulin-like growth factor), font preuve, au sein du site articulaire, d’une activité proanabolique ; – des neuropeptides, comme la neurokinine A (Alstergren, 1995), le calcitonin gene-related peptide [13], le neuropeptide Y (Appelgren, 1995), la substance P (Fu, 1996) participent activement aux phénomènes douloureux et/ou inflammatoires ; – les métalloprotéases (matrix metalloproteinase [MMP]) interviennent dans la dégradation matricielle (Kubota [54] ; Zardaneta, 1998) : collagénase interstitielle (MMP1), gélatinases de 72 kDa (MMP2) et de 92 kDa (MMP9), stromélysine (MMP3) (Yoshida [ 9 9 ] ) et collagénase 3 (MMP13) ; les agrécanases interviennent également dans les processus de dégradation des composés non collagéniques ; – le taux de protéoglycanes (Israel [45] ; Murakami [69] ; Axelsson, 1992 ; Shibata, 1998) semble corrélé avec la sévérité des lésions, mais également avec l’augmentation des pressions intra-articulaires (Mao, 1998) ; – l’hémoglobine intra-articulaire, en favorisant la production de radicaux libres (Zardeneta [100] ), pourrait activer les voies du monoxyde d’azote (Takahasi, 1996 ; Anbar [6]) et des prostaglandines (Murakami [69]) qui sont par ailleurs des effecteurs majeurs de la réaction inflammatoire. IMAGERIE
L’imagerie de l’articulation temporomandibulaire fait appel actuellement, soit à l’examen tomodensitométrique (TDM), soit à l’examen par résonance magnétique nucléaire (IRM). Les autres procédés n’ont plus que des applications ponctuelles.
¶ Radiographies sans préparation Les radiographies standards ont été, à une certaine époque, l’unique moyen disponible pour l’exploration de cette articulation. Elles ont rendu de grands services, mais sont incapables de fournir précisément les informations désirées pour une prise en charge correcte des troubles. On peut ainsi rappeler les incidences standards antérieurement utilisées. Incidences permettant d’avoir les deux articulations sur le même cliché – De face : la face basse en bouche fermée ou mieux, en bouche ouverte, donnant une image des deux condyles de face et des deux cols du condyle, était surtout intéressante dans les asymétries. L’incidence sous-occipitofrontale (Worms et Breton) donne une image dans le sens antéropostérieur, l’incidence de Bonneau est une variante de l’incidence précédente. – Verticale : incidence vertex-menton-plaque de Hirtz ; incidence rétrobregmatique sous-maxillaire de Freidel ; incidence bregmatique sous-maxillaire de Dupuis. – De profil : elles donnent une superposition parasite des deux côtés et sont peu intéressantes. Incidences permettant d’obtenir séparément les deux articulations – De face : incidences transorbitaires antéropostérieure et postéroantérieure ; incidence transsinusienne ; face latéralisée. – De profil : incidence de Cielinski (position 3) ; incidence de Lacronique ; incidence de Parma ; incidence de Schuller. Seule l’incidence de Schuller, bouche fermée et éventuellement bouche ouverte, donne une image précise des contours articulaires et pourrait intervenir en tout début de bilan. Certains programmes spécifiques d’appareillages particuliers (Scanora) ont le même intérêt.
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Tomographies de l’articulation temporomandibulaire (profil).
Orthopantomogramme Les radiographies panoramiques (panorex, orthopantomogramme) sont des clichés de débrouillage qui restent en revanche très utiles et qui font partie du bilan standard. Téléradiographies Un cas particulier est représenté par les téléradiographies (de face, de profil, et en position de Hirtz) qui sont presque toujours nécessaires pour établir un diagnostic dans le cadre d’une dysharmonie maxillo-mandibulo-dentaire.
¶ Coupes tomographiques Il y a encore quelques années, la place primordiale revenait à ces tomographies en balayage complexe, pratiquées bouche ouverte et fermée, en incidence dite de « faux-profil ». L’examen commençait par un cliché en Hirtz ou en incidence axiale, qui permettait de matérialiser l’axe transversal des condyles. Il était donc possible, à partir de cette mesure, de connaître la position qu’il fallait donner à la tête du malade, de manière à placer l’articulation temporomandibulaire strictement de profil [ 9 1 ] . Des coupes tomographiques, de l’ordre de 2 mm d’épaisseur, jointives, étaient alors réalisées à l’aide d’un balayage complexe hypocycloïde. Des séquences bouche fermée puis ouverte étaient pratiquées. Des coupes frontales, bouche fermée, étaient également faites (fig 18). Cette technique avait l’avantage d’être d’exécution facile : malade couché en décubitus, le crâne positionné de face, puis en « fauxprofil » (cf supra). Les amalgames dentaires ou les éléments métalliques n’entraînaient aucun artefact, contrairement à ce qui se produit au scanner. Cette technique avait le handicap de ne montrer que l’état osseux et on devait déduire de la comparaison des images obtenues en bouche fermée ou ouverte la position du disque : un pincement articulaire avec déplacement de la tête condylienne en haut et en arrière, en position bouche fermée, évoquait un déplacement méniscal antérieur. Le faible déplacement antérieur du condyle, voire son absence de propulsion, était en faveur d’un déplacement irréductible. En dehors des parties molles, dont la visualisation était purement « imaginative », cette technique donnait une bonne appréciation de l’état osseux : régularité des contours, présence d’« encoches » corticales, état de l’os sous-chondral. Longtemps, la tomographie a occupé une place quasi exclusive dans l’exploration et la caractérisation des dérangements internes de l’articulation temporomandibulaire. Le remplacement des installations qui les réalisaient par le scanner et l’IRM a eu 11
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Stomatologie
* A 19
Examen tomodensitométrique. A. Examen standard. B. Surbrillance. C. Reconstruction tridimensionnelle.
* C * B évidemment pour conséquence leur quasi-disparition. Seules pourraient encore être pratiquées, de façon très ponctuelle, dans des centres insuffisamment équipés, quelques coupes en balayage linéaire. Peut-être persistent encore quelques indications de cet examen, indications qui relèvent uniquement à notre sens des contre-indications de la réalisation de l’étape TDM ou de l’examen IRM, soit pour des raisons générales (claustrophobie), soit pour des raisons techniques (présence d’éléments métalliques réalisant des artefacts empêchant l’interprétation des images).
¶ Arthrographie L’arthrographie, ou mieux la vidéoarthrographie, couramment pratiquée par certains auteurs, principalement dans les pays anglosaxons, a été longtemps le standard pour juger de la position méniscale. Méthode invasive et douloureuse, nécessitant la ponction d’au moins un, voire des deux étages de l’articulation, elle avait le mérite de donner du disque une image en soustraction, qui révélait fidèlement sa topographie et certaines anomalies de son frein postérieur. Malgré les améliorations (arthrographie gazeuse sous scanner), cette technique a perdu beaucoup de son intérêt. Très inconfortable pour le patient, non dénuée de complications potentielles, elle s’est tout naturellement effacée devant la technique reine : la résonance magnétique nucléaire. Cependant, elle conserve l’intérêt de permettre la visualisation de la perforation méniscale, qu’il est pour le moment difficile de visualiser par une IRM.
¶ Scanner L’examen TDM a suscité de grands espoirs, en raison du traitement des images, propre à faire apparaître successivement à partir d’une même coupe les éléments osseux et tissulaires de la région examinée, ce qui laissait entrevoir la possibilité d’avoir enfin du disque une image directe (fig 19). Il fallait au préalable obtenir des coupes sagittales. Un équipement adéquat, positionné derrière le gantry du scanner, a permis un temps leur acquisition directe. Toutefois, la position très inconfortable imposée au patient et la difficulté de repérage précis des coupes nécessaires l’ont fait rapidement abandonner, malgré la bonne qualité des images obtenues. Un artifice technique (blink-mode) faisant apparaître en surbrillance des points d’une densité imposée (70 UH pour le ménisque) se révéla en pratique fournir des informations aléatoires. Un autre moyen était de juger du déplacement méniscal éventuel, en s’aidant d’un repère facile à identifier sur l’image tomodensitométrique : le bourrelet graisseux occupant l’espace entre les deux faisceaux du ptérygoïdien latéral, immédiatement en avant de l’articulation. Sa disparition faisait déduire qu’il était occupé par une structure tissulaire, nécessairement représentée par le disque luxé en avant. Cette technique s’est également révélée trop aléatoire à l’usage, d’autant que le triangle graisseux préarticulaire n’apparaissait pas systématiquement sur tous les examens normaux. L’amélioration constante des scanners avec, tout récemment, l’acquisition volumétrique multicoupes (quatre coupes simultanées 12
de 1 mm d’épaisseur actuellement sur notre équipement) a enfin ouvert la voie à l’obtention de coupes reconstruites de qualité comparable à celle des images natives. Ainsi, l’examen effectué sur un patient en décubitus dorsal atteint désormais un niveau de confort et de rapidité (quelques minutes) inégalé. L’exploitation sur une console dédiée à cet effet de la somme considérable des données numériques acquises lors de l’examen, permet l’obtention de coupes reconstruites dans un plan déterminé (MPR [Multiplanar Reconstruction]), frontal ou sagittal par exemple, ainsi que d’un rendu volumique (VRT [Volume Rendering Technique]) de très grande qualité informative sur l’état osseux de l’articulation. Le scanner n’a donc pas, pour nous, d’indication pour l’étude du système discoligamentaire, mais cette étape scanographique devient à notre sens incontournable chaque fois que l’appréciation des constituants osseux est utile (lésions post-traumatiques, lésions dégénératives, ankylose…).
¶ Imagerie par résonance magnétique L’IRM est actuellement l’examen le plus apte à montrer de façon atraumatique, indolore et sans irradiation, le disque, son environnement tissulaire, et également à donner de l’état osseux une image de plus en plus précise, notamment avec les aimants à haut champ (1,5 T), dont les informations sont supérieures aux imageurs à bas et moyen champ (0,3 à 0,5 T). Les appareillages munis de haut champ (1 ou 1,5 T) permettent les examens les plus rapides avec la plus grande qualité iconographique. Les plans de référence sont les plans sagittal oblique et frontal. Le plan de repérage initial est axial, de manière à déterminer le grand axe des condyles. L’utilisation d’antennes dédiées (antenne tête) permet d’imager simultanément les deux articulations. On utilise habituellement des séquences pondérées en T1, les plus informatives. Leur réalisation en écho de spin rapide permet d’aller vers des images en densité de protons dont le signal est de meilleure qualité, avec une résolution en contraste élevée entre le disque et son environnement tissulaire et osseux. Des coupes de 3 à 4 mm d’épaisseur sont un bon compromis. La pondération T2 n’est pas systématique. Elle démontre bien un épanchement intra-articulaire (fig 20), voire une hypertrophie synoviale ou une pathologie intrinsèque (tumeur, fracture). L’injection de contraste paramagnétique est exceptionnelle, réservée à l’exploration des processus tumoraux ou des lésions des parties molles. Le déroulement de l’examen est le suivant : – séquence de repérage, dans le plan axial, pour chaque articulation temporomandibulaire, d’acquisition rapide, en écho de gradient ; – séquence sagittale en densité de protons, bouche fermée ; – séquence sagittale, en densité de protons, bouche ouverte ; – séquence frontale, en densité de protons, bouche fermée ;
Stomatologie
Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire
* A 20
Imagerie par résonance magnétique normale. A. Profil, bouche fermée.
* B B. Profil, bouche ouverte.
– quand elles sont indiquées, des séquences pondérées en T2, frontales et sagittales, bouche fermée, sont effectuées. Des séquences dynamiques sont parfois pratiquées par certaines équipes (ciné-IRM). Des coupes sont obtenues, pour chaque articulation, en incidence sagittale oblique, à des degrés d’ouverture et de fermeture progressifs, en écho de gradient rapide (au moins quatre positions différentes dans les deux sens). Ces différentes images, obtenues chacune à un temps statique, sont ensuite montées en boucle par le logiciel et offrent, sur la console d’enregistrement, voire sur un magnétoscope, une « animation » de l’exploration. Il s’agit toutefois d’une dynamique artificielle, à la résolution spatiale et en contraste de qualité moyenne, du fait de la nécessaire rapidité d’acquisition. Leur obtention est souvent pénible pour le patient, des artefacts dynamiques ou fausses images (perte du disque) sont fréquemment constatées. Cette séquence est actuellement moins utilisée. L’examen IRM permet d’apprécier l’état des parties molles (disque, ligaments, muscles) et donne des éléments osseux une appréciation satisfaisante. Vues sagittales Le disque apparaît normalement sous la forme d’un hyposignal, de forme biconcave, sa partie centrale amincie mesurant environ 1 mm d’épaisseur et ses parties antérieure et postérieure étant « renflées », plus épaisses, l’antérieure mesurant environ 2 mm d’épaisseur et la postérieure environ 3 à 4 mm. Le disque coiffe normalement fidèlement la tête du condyle mandibulaire, la zone d’attache postérieure étant précisément située à l’aplomb du point le plus élevé du condyle, ceci en position bouche fermée. On admet qu’un décalage de 2 mm vers l’avant est tolérable. Il pourrait s’agir d’une variante de la normale et non d’une situation pathologique, bien que cette notion reste discutable (pour certains cela peut préfigurer un dérangement interne à venir). La bande d’attache postérieure ne dépasse jamais en arrière le sommet du condyle mandibulaire. La zone bilaminaire est visible dans environ 60 % des cas. Le frein méniscal postérieur est habituellement vu, hyposignal linéaire, concave en bas, mais il est exceptionnellement suivi sur l’ensemble de son trajet. Les traumatismes répétés sur l’insertion méniscale du frein postérieur engendrent un état de fibrose exceptionnellement révélé par un hypersignal. Capsule, synoviale, ligaments articulaire et extra-articulaire ne sont pas aisément mis en évidence. En revanche, le système manducateur (en particulier les muscles ptérygoïdiens latéraux et masséter) est bien visualisé. Les muscles ont un signal intermédiaire, gris, en T1 et T2. Les deux faisceaux du ptérygoïdien latéral sont normalement séparés par un hypersignal, triangulaire, correspondant au bourrelet graisseux interptérygoïdien. Certains rapportent la possibilité de le voir remplacé par une image trompeuse, de même forme, mais de
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* C C. Face.
signal opposé (hyposignal), cloison fibreuse interfasciculaire que l’on pourrait à tort interpréter comme un disque déplacé. Les déplacements du disque lors de la dynamique articulaire sont évidemment aisément appréciés. Leur analyse permet la classification des éventuelles anomalies. Lors de l’ouverture buccale, il y a d’abord rotation des condyles mandibulaires autour d’un axe transversal, puis l’appareil discocondylien, solidaire, se déplace vers l’avant, venant se placer sous l’éminence temporale. À la fin de l’ouverture buccale, le condyle mandibulaire se trouve juste à l’aplomb, voire légèrement en avant de l’éminence temporale, la tête condylienne est alors en contact avec le bourrelet antérieur. Les bourrelets antérieur et postérieur viennent se placer de façon symétrique de part et d’autre du condyle mandibulaire (aspect en « nœud papillon »). La souffrance méniscale engendre des variations morphologiques, épaississement de la partie centrale, puis ovalisation, et des différences de comportement graphique : hypersignal d’une zone d’involution myxoïde, hyposignal de calcifications discales, traduction d’altérations histologiques jusque-là non documentées par l’imagerie. L’IRM se révèle cependant incapable de déceler une éventuelle perforation méniscale. L’image des éléments osseux est bien connue : absence de réponse corticale (qui apparaît noire) et hypersignal médullaire. L’analyse de l’état osseux (aplatissement de la tête condylienne, microgéode, ostéophytose antérieure, zone d’hyposignal médullaire évoquant une souffrance osseuse) est possible mais la précision de l’IRM demeure cependant présentement inférieure à celle des vues sagittales directes du scanner (et même des coupes polytomographiques en balayage complexe). Vues frontales En position bouche fermée, la coupe passe par l’éminence temporale, en avant du condyle mandibulaire. Le disque « coiffe » le condyle, son épaisseur diminuant habituellement de dehors en dedans. Si la coupe passe par le sommet du condyle mandibulaire, le disque n’est presque plus visible. L’IRM s’impose actuellement comme la technique de référence dans l’étude des dérangements internes temporomandibulaires. Elle est la seule à donner du disque une image directe, de qualité acceptable, suffisante pour définir le type de dérangement incriminé, sans désagrément notable pour le patient. Ses informations sont d’une qualité supérieure aux constatations peropératoires, faites sous anesthésie générale, dans des conditions trop éloignées de l’état physiologique, qui donnent à l’appareil discoligamentaire un comportement impropre à l’analyse rigoureuse de son dysfonctionnement. Le déroulement de l’examen est fonction de l’appareillage et des habitudes de chaque équipe. Certains discutent l’utilité de la 13
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séquence en ouverture buccale maximale. Le maintien prolongé de cette position inconfortable imposée par des dispositifs rigides est source de fatigue, de spasmes musculaires, qui créent des conditions néfastes à l’obtention d’imagerie de qualité, correspondant à la réalité. Ils pensent que l’examen devrait être effectué en ouverture partielle, juste avant l’apparition du bruit articulaire, position où l’image du disque leur apparaît la meilleure. Il semble actuellement difficile de se passer du temps d’examen en « bouche ouverte », le degré d’ouverture étant une affaire d’école et d’habitude, sujet d’un débat que l’avenir arbitrera. Seuls les cas où la réductibilité est cliniquement certaine pourraient permettre de s’en dispenser. L’incidence frontale devrait être systématique. Elle montre précisément l’éventuel déplacement discal en dedans ou en dehors du condyle, et révèle parfois un aspect dentelé microgéodique des contours de la tête condylienne, éventuellement méconnu sur le profil. L’imagerie pondérée en T2 apporte des informations supplémentaires, notamment une meilleure appréciation de l’état méniscal, et révèle la présence de liquide intra-articulaire ou d’adhérence capsulosynoviale. Il faut convenir que, pour intéressantes qu’elles soient, ces informations n’ont, pour l’instant, qu’une valeur décisionnelle modeste. Les séquences d’acquisition en T2 accroissent malheureusement le temps de l’examen, donc l’occupation d’un appareillage très fortement sollicité. L’IRM doit logiquement continuer à occuper une position dominante dans l’avenir. Le raccourcissement du temps d’examen par l’utilisation de séquences nouvelles (bascule angulaire partielle, GRASS [Gradient Recall Acquisition in the Steady State]) fournira probablement dans un avenir proche des vues dynamiques, approchant la vision articulaire en temps réel, d’une qualité satisfaisante. D’implication bien plus lointaine nous semble l’analyse spectroscopique (pH, accumulation de lactate) de la structure méniscale et de son environnement immédiat. Les problèmes majeurs consistent en une accessibilité difficile de l’IRM compte tenu du petit nombre d’appareils en service, mais aussi en la réalisation d’examens parfois de piètre qualité qui ne vont pas rendre les services attendus. Cette mauvaise qualité de bon nombre d’examens nous semble directement fonction de l’intérêt que le radiologue porte à cette pathologie.
¶ Échographie La possibilité d’exploration échographique de l’articulation temporomandibulaire a été soulignée par Stefanoff [85]. Le disque articulaire est identifié par une image hypoéchogène cernée par deux liserés hyperéchogènes, se situant au pôle supérieur du condyle. Dans les articulations normales, en position de repos, l’image discale se situe à la partie antérosupérieure du condyle. Pendant les mouvements d’ouverture-fermeture, elle suit harmonieusement et sans à-coup les mouvements de translation condyliens. Dans les luxations discales réductibles, on peut juger de la position antérieure du disque ainsi que du rattrapage condyloméniscal. Dans les luxations discales irréductibles, le disque est en général non visible. Il est parfois possible d’apprécier grossièrement les anomalies structurales méniscales. Cependant, cet examen semble dans l’ensemble difficile à interpréter dans la majorité des cas, en raison de la distinction difficile entre disque et tissus rétrodiscaux, et des difficultés anatomiques liées à l’existence de structures osseuses. Il s’agit d’un examen très opérateur-dépendant. Des progrès technologiques doivent être réalisés avant que cet examen ne soit utilisable, surtout comme examen de dépistage (Emshoff, 1997 ; Scheffer, 1997). Son intérêt actuel semble être surtout dans les études épidémiologiques.
¶ Scintigraphie La scintigraphie osseuse a été proposée pour l’étude de l’articulation temporomandibulaire. Ses inconvénients majeurs sont bien sûr son absence de spécificité et son manque de résolution. La plupart des lésions peuvent être détectées par une hyperfixation, mais l’examen est incapable de déterminer s’il s’agit d’une lésion tumorale, inflammatoire, ou dégénérative. La seule indication de la 14
Stomatologie
scintigraphie semble concerner certaines tumeurs bénignes osseuses où l’on recherche une forme polyostotique par un balayage corporel. Allwright a évoqué plus récemment l’intérêt d’un examen de type single photon emission computed tomography pour évaluer l’évolutivité des hyperplasies condyliennes, Katzberg (1984) propose de l’utiliser pour détecter les atteintes osseuses dans les dysfonctionnements articulaires. AXIOGRAPHIE
L’axiographie est un enregistrement graphique des mouvements du condyle mandibulaire. C’est Slavicek [83] qui a montré son intérêt dans l’étude spécifique de la pathologie de l’articulation temporomandibulaire. Cet examen devrait être réalisé dans tous les cas, mais il est indispensable lorsqu’un traitement orthodontique est programmé. Avant la réalisation de l’axiographie, il est souhaitable de lever les spasmes musculaires, et donc de faire porter au patient une plaque de libération occlusale. L’avantage de l’axiographie est d’être un témoin objectif de l’évolution du fonctionnement articulaire. Il s’agit d’un document médicolégal dans les traitements prothétiques de grande envergure ou les traitements orthodontiques. L’axiographe est par conséquent un pantographe qui transcrit les mouvements des condyles mandibulaires. Ces mouvements sont enregistrés dans les trois dimensions de l’espace. Un axiographe est donc composé de deux parties : un arc péricrânien, qui s’appuie sur la région frontonasale et supporte des « drapeaux » d’enregistrement latéraux, et un arc mandibulaire mobile (arc d’enregistrement), solidarisé aux dents mandibulaires au moyen d’une fourchette de fixation occlusale. Cet arc d’enregistrement est relié à deux bras latéraux qui supportent des stylets de détermination de l’axe charnière, des porte-mines pour tracer les mouvements condyliens dans le plan sagittal et un comparateur à cadran destiné à enregistrer les mouvements transversaux des condyles. L’examen débute par la localisation du point d’émergence de l’axe charnière, qui se fait par tâtonnements successifs, cette détermination nécessitant l’absence de contracture au niveau des muscles masticateurs pour être valable. Deux séries de tracés sont effectuées de chaque côté, une série de tracés avec des mouvements guidés par l’opérateur et une série avec des mouvements non guidés (fig 21). Dans le plan horizontal, les tracés sont normalement rectilignes en propulsion et à l’ouverture. Une déviation supérieure à 0,5 mm montre une entrave à la translation antérieure. Lors des mouvements de latéralité, le condyle non travaillant décrit une courbe à convexité interne qui résulte du mouvement de Bennet. Un mouvement transversal supérieur à 1 mm est considéré comme pathologique. Après 2 ou 3 mm d’excursion, le processus condylien suit une ligne orientée d’arrière en avant de 8° à 10° vers le côté médial. Toute déviation latérale du condyle évoque un processus pathologique. Dans le sens sagittal, les enregistrements décrivent une courbe à concavité supérieure. Les tracés d’ouverture de propulsion et de médiotrusion sont superposés dans les 8 à 10 premiers millimètres. Au-delà, le tracé d’ouverture remonte en direction crâniale et son rayon de courbure diminue. Les tracés d’aller et de retour sont confondus. L’amplitude moyenne des enregistrements est de 14 mm à l’ouverture, 11 mm en propulsion et 13 mm en latéralité. La pente des tracés par rapport au plan axio-orbitaire de référence est comprise entre 40° et 60° dans les 5 premiers millimètres d’excursion condylienne. Les mouvements de retour doivent se terminer au point de référence. Ces tracés axiographiques peuvent subir un grand nombre d’altérations, suivant les pathologies rencontrées. – En cas de luxation discale réductible, l’amplitude des tracés est souvent augmentée à l’ouverture et on observe une déviation caudale du tracé signant le passage de la tête condylienne sous le bourrelet postérieur, la déviation se reproduit lors des mouvements de fermeture. Dans le sens horizontal, les tracés indiquent les
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Stomatologie
cas d’hyperactivité des muscles abaisseurs. On note un arc de cercle à concavité inférieure lors des mouvements de retour en cas d’hyperactivité du muscle temporal. Ces enregistrements ne sont pas reproductibles (Slavicek [84]). Une version électronique de cet appareillage existe, qui offre de nombreux avantages par rapport au système mécanique, mais qui est naturellement d’un coût plus élevé.
PAO
RC P
O M
a
MODÈLES D’ÉTUDE DENTAIRES
b
1 6 2
5
5mm
4
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3
P
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c
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M d
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1 2
P
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Axiographie (d’après Rozencweig [77]). a. Axiographe ; b. tracés normaux en propulsion (P), à l’ouverture (O), en médiotrusion (M) ; c. tracé de luxation discale antérieure réductible - 1 : position de fermeture 2 : moment où le condyle atteint le bord postérieur du disque lors de l’ouverture - 3 : position de relation normale discocondylienne à l’ouverture - 4 : position d’ouverture maximale - 5 : position de relation normale discocondylienne en fermeture - 6 : moment où le condyle quitte sa relation normale avec le disque de fermeture ; d. tracé de luxation discale antérieure irréductible ; e. tracé de luxation discale interne ; f. tracé de phénomènes arthrosiques (aplatissement du processus condylien) ; g. tracé d’hyperlaxité ligamentaire aller (1), retour (2) ; h. tracé de luxation condyloglénoïdienne ; i. tracé d’hyperactivité du muscle temporal ; j. tracé d’hyperactivité des muscles abaisseurs.
déviations transversales de la translation condylienne à l’ouverture et à la propulsion. En latéralité, ils indiquent des déviations du mouvement de Bennet. – En cas de luxation discale irréductible, l’amplitude des tracés axiographiques est réduite. Dans le plan sagittal, les tracés sont courts et pentus. Dans le plan horizontal, les enregistrements sont déviés latéralement. – En cas d’hyperlaxité ligamentaire, l’amplitude des tracés est exagérée : les enregistrements à l’ouverture et en latéralité atteignent 20 mm et la course du processus condylien en propulsion approche 14 mm. Les tracés d’aller et retour dans le sens vertical peuvent être dissociés. – Dans les phénomènes arthrosiques, la pente des enregistrements est faible et les tracés des mouvements mandibulaires qui impliquent une rotation dans l’articulation quand elle est discale sont dissociés des mouvements qui s’opèrent par translation pure. Dans les cas de lésions avancées, les tracés axiographiques sont particulièrement heurtés. – Au stade de la pathologie musculaire, les tracés des mouvements de retour s’arrêtent en dessous et en avant du point de référence, en
L’examen occlusal clinique doit être complété par la réalisation de moulages, qui reproduisent fidèlement les arcades et qui permettent d’examiner en détail les anomalies parfois difficiles à voir cliniquement : facettes d’usure, orientation des cuspides, orientation coronaire, points de contact interdentaires, etc. Ces modèles doivent être particulièrement précis, réalisés selon une technique analogue à celle décrite par Lauritzen [57]. Leur validité doit être vérifiée une fois les modèles en plâtre réalisés, en transcrivant sur le modèle la situation des contacts relevés en bouche et en effectuant d’éventuelles retouches sur ces modèles [77]. Il convient souvent de monter ces modèles sur articulateur. Rappelons que l’articulateur est un instrument analogique destiné à simuler les déplacements de l’appareil manducateur et à reproduire les contacts dentodentaires dans les différentes positions d’occlusion. Cet examen facilite l’observation des rapports occlusaux et donc l’étude des prématurités et des interférences occlusales. L’articulateur semi-adaptable est parfaitement indiqué dans ce type d’étude. La situation des modèles maxillaires doit naturellement reproduire la relation spatiale existant entre l’arcade dentaire supérieure et les articulations temporomandibulaires par l’intermédiaire d’un arc de transfert. Le moulage mandibulaire est positionné sur le moulage maxillaire grâce à un mordu en cire, puis solidarisé à l’articulateur, mordu réalisé en relation centrée. La programmation de la position condylienne est réalisée à partir des mesures axiographiques ou à l’aide des mordus en cire enregistrant les occlusions en propulsion et en diduction. L’analyse occlusale est reprise de la même manière que cliniquement sur les modèles montés en articulateur permettant de visualiser les prématurités et les interférences. EXAMEN ÉLECTRIQUE
Il n’existe pas de tableau typique dans les altérations électromyographiques ou électrophysiologiques en pathologie de l’articulation temporomandibulaire. L’examen électromyographique peut permettre d’apprécier l’existence d’une activité spastique et peut analyser l’aspect symétrique ou asymétrique des contractions musculaires, lors des mouvements physiologiques et lors de la position de repos. L’exploration électromyographique est facile pour le masséter et pour le temporal, mais l’exploration la plus intéressante, celle du muscle ptérygoïdien latéral, est difficile à envisager comme examen de routine. Ces électromyographies des muscles masticateurs ont été pratiquées par de nombreux auteurs, en particulier pour le ptérygoïdien latéral par Ekholn et Grand, pour le temporal et pour le masséter avec en particulier l’étude de la période de silence électrique (De Laat et Lavigne) et pour l’étude du temps de latence, du réflexe d’étirement et de l’étude de la phase d’activité initiale (Verkindere). Ont également été étudiés les réflexes de clignement, anormaux dans 64 % des syndromes dysfonctionnels de l’articulation temporomandibulaire, avec existence d’une réponse R1 controlatérale, existence d’asymétries supérieures à 1,5 ms entre les deux côtés ou modification de la réponse tardive R2 (latence supérieure à 43 ms, différence de latence supérieure à 5 ms entre les deux côtés, diminution relative de la latence, absence de R2 homolatérale). Les potentiels évoqués somesthésiques du trijumeau sont anormaux dans 60 % de ces cas, avec en particulier des différences d’amplitude droite-gauche importantes. L’examen électromyographique n’est pas un examen courant dans la pathologie de l’articulation temporomandibulaire. Il pourrait être 15
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Stomatologie
22 Exemple de diagramme fourni par le T-scan (d’après Combadazou [16]).
utile dans certains cas difficiles, soit de trismus inexpliqué pour confirmer une contracture partielle du ptérygoïdien latéral, soit dans des cas exceptionnels de difficultés de détermination de la dimension verticale où une réhabilitation prothétique peut être parfois aidée par la mesure du tonus musculaire. THERMOGRAPHIE
La thermographie met en évidence des modifications de la température cutanée, parfois corrélées avec les anomalies des structures articulaires sous-jacentes (Gratt, 1993 ; Kalili, 1996). Dans l’absolu, cet examen pourrait aider à un diagnostic différentiel difficile. En pratique, il n’est plus utilisé, sauf cas exceptionnels. SONOGRAPHIE
Elle enregistre les vibrations temporomandibulaires à l’aide d’un appareillage adapté (Ekensten, 1952). La sonographie a l’avantage sur l’examen clinique de pouvoir garder une trace de ces bruits articulaires et de leur évolution dans le temps, et de bien préciser leur chronologie d’apparition par rapport aux mouvements (Combadazou, 1991). Selon Gay et Bertolami, à chaque pathologie articulaire correspond une condition mécanique différente, qui a pour effet d’émettre un bruit particulier à un moment donné. Cependant, elle n’a guère d’autre supériorité par rapport à l’examen clinique. ANALYSEUR DES CONTACTS OCCLUSAUX
Des appareillages (T-scan) permettent d’enregistrer la chronologie (au 1/100e de seconde), la pression et la répartition des points de contact occlusaux. Les résultats obtenus par cet appareillage sont comparables à ceux obtenus à l’aide d’un ruban d’occlusion pour la mesure de la répartition ou la chronologie des points de contact (fig 22). L’intérêt majeur de ce type d’appareillage est là aussi de garder une trace de ces points de contact occlusaux et de leur évolution dans le temps, soit spontanée, soit sous l’influence d’une thérapeutique (Mizui, 1994). Il permet également de mesurer l’intensité de la pression occlusale [16]. Incontestablement, il serait souhaitable de pouvoir pratiquer systématiquement cet examen, mais son coût fait qu’il n’est pas utilisé actuellement. ANALYSEUR DES MOUVEMENTS MANDIBULAIRES (MANDIBULOGRAPHE)
Ces appareillages permettent un enregistrement de la cinématique mandibulaire. Cet enregistrement est réalisé grâce à des aimants (ou des diodes) qui sont appliqués sur les incisives mandibulaires. Les ondes ou les champs magnétiques sont captés par une antenne réceptrice (ou une caméra) placée sur le visage. Cet appareil de détection transmet des signaux à un ordinateur qui permet une représentation graphique de ces mouvements, en fonction du temps, de la vitesse et de l’accélération. Là aussi, cet examen complémentaire est théoriquement intéressant, mais non utilisé en pratique.
existe un système d’irrigation articulaire. Le grossissement utilisé est d’environ 10 à 50 fois. Des arthroscopes sont disponibles en vision directe ou oblique (10°, 25°, 30°, 70°, 90°). Le point de ponction classique est situé 2 mm en dessous d’une ligne allant du tragus au canthus externe, 10 mm en avant du tragus. Après distension de la cavité articulaire par une aiguille de type intramusculaire introduite dans le compartiment supérieur de l’articulation, l’arthroscope est introduit à travers un trocart-guide. Une irrigation continue du compartiment supérieur est associée à un drainage à haut débit, à l’aide d’une aiguille de drainage de petit diamètre. Il est possible d’explorer les différents secteurs de ce compartiment supérieur de l’articulation en faisant exécuter à l’arthroscope des mouvements de balayage, de piston ou de rotation. On y combine des mouvements mandibulaires permettant ainsi à l’exploration d’être à la fois statique et dynamique. Il est ainsi possible d’examiner les surfaces articulaires au niveau condylien ou glénoïdien, les anomalies de position, de mobilité ou de structure de l’appareil discal, les réactions synoviales et éventuellement ainsi certains corps flottants. Le compartiment inférieur de l’articulation n’est pratiquement jamais exploré. Il n’existe pas de technique fiable pour la ponction de ce compartiment. Les complications sont possibles et de fréquence variable selon les auteurs : par exemple 1,77 % pour Carls (1996), 10,3 % pour Tsuyama [92]. Il s’agit habituellement de lésion nerveuse, souvent transitoire dans la littérature, de lésions des structures articulaires (raclage de la surface articulaire), de plaie du conduit auditif, de baisse d’acuité auditive (peut-être dans les cas de persistance du foramen de Huschke selon Herzog, 1989), de vertiges séquellaires, d’exceptionnelle perforation de la fosse glénoïde avec brèche méningée (Sugisaki, 1995). La complication la plus à craindre potentiellement est bien sûr l’arthrite postopératoire. Il semble exister expérimentalement un risque d’induction de lésion dégénérative (Bjornland, 1994). Le problème le plus fréquent est représenté par les lésions vasculaires qui, si elles sont sans gravité, empêchent la réalisation de l’examen dans des conditions correctes. L’arthroscopie se réalise sous anesthésie générale, bien qu’il soit théoriquement possible de la réaliser sous anesthésie locale. Après une grande vogue dans les années 1980, l’arthroscopie diagnostique n’est plus qu’exceptionnellement réalisée en raison de la qualité des renseignements fournis par l’IRM.
Différentes atteintes articulaires et leur prise en charge L’articulation temporomandibulaire possède des structures identiques à celles des autres jointures : cartilage hyalin de recouvrement des surfaces articulaires (sans périchondre), synoviale, capsule, ligaments. Elle peut donc être le siège des différents rhumatismes inflammatoires ou dégénératifs. De plus, ses caractéristiques anatomiques et physiologiques propres (en particulier l’existence du « disque », qui a une structure fibrocartilagineuse) lui confèrent quelques originalités physiopathologiques.
ARTHROSCOPIE
ARTHRITES SEPTIQUES
La première arthroscopie temporomandibulaire a été réalisée en 1964 par Ohnishi. Pour l’articulation temporomandibulaire sont utilisés des arthroscopes de faible diamètre (1,7 à 2,4 mm de diamètre). Il
Les arthrites septiques évoluent selon les cas sur le mode aigu, subaigu ou chronique. Comme pour toute articulation, l’expression clinique est marquée par la douleur locale, la tuméfaction
16
Stomatologie
Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire
inflammatoire de l’articulation et par l’impotence fonctionnelle qui se traduit ici par une limitation des mouvements (trismus). La bouche reste entrouverte et les tentatives de mobilisation active ou passive sont douloureuses. L’examen otoscopique peut mettre en évidence un mouvement douloureux du conduit auditif externe. Des adénopathies prétragiennes et cervicales spatiales basses sont parfois perçues. Une hyperthermie est fréquente. Le bilan radiologique ne révèle pas d’anomalie à la phase initiale. Vers le huitième jour, une hypertransparence osseuse apparaît, associée à un pincement de l’interligne articulaire, précédant la survenue (en l’absence de traitement) d’érosions osseuses floues et mal limitées, puis de destructions plus sévères (irréversibles). Une scintigraphie osseuse, rarement réalisée en pratique, permettrait de montrer un foyer hyperfixant avec le gallium 67 et les complexes phosphatés technétiés. L’IRM confirme la présence d’un épanchement articulaire, d’une prolifération synoviale et d’une éventuelle ostéite de contiguïté, d’une atteinte de l’interligne, voire d’une collection. Le bilan biologique montre inconstamment une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, mais la présence d’un syndrome inflammatoire est très fréquente. Devant un tableau de monoarthrite aiguë fébrile, ce diagnostic est assez facilement évoqué, le plus souvent dans un contexte évocateur, conduisant à une ponction articulaire qui permet l’examen direct du liquide retiré (cellularité supérieure à 25 000/mm3), sa mise en culture avec identification des germes et antibiogramme. Les arthrites aiguës sont classiquement, soit la conséquence d’une effraction articulaire, soit la conséquence de l’extension d’une affection de voisinage (ostéite mandibulaire, otite, otomastoïdite, parotidite, cellule massétérine), soit d’une localisation hématogène. Les germes le plus souvent retrouvés sont les staphylocoques (60 %) ou les streptocoques (10 %), mais d’autres germes peuvent être en cause. Ces arthrites aiguës sont devenues exceptionnelles, et on ne rencontre plus guère que des arthrites au décours d’injections intraarticulaires, particulièrement de corticoïdes locaux. Les arthrites subaiguës et chroniques sont le plus souvent dues soit à Actinomyces (où l’atteinte articulaire est secondaire à l’atteinte osseuse) ou au bacille de Koch, toutes les deux exceptionnelles. Les arthrites de la syphilis survenant dans sa période secondaire s’expriment par des réactions séreuses régressives et sont également exceptionnelles. L’arthrite gonococcique est à citer, et, malgré la recrudescence des maladies sexuellement transmissibles, elle reste elle aussi très rare (elle apparaît après un délai de quelques semaines après l’écoulement blennorragique). Autrefois, l’évolution de ces arthrites se faisait vers une collection suppurée intra-articulaire, avec accentuation du trismus et fièvre oscillante, insomnie, altération de l’état général. On observait ensuite une fistulisation vers la peau, le conduit auditif externe ou la cavité buccale. Il existait des délabrements articulaires qui aboutissaient en général à l’ankylose temporomandibulaire. Ces évolutions ne se voient plus. Le traitement de toute arthrite septique constitue une urgence médicale et dans certains cas une urgence chirurgicale. L’antibiothérapie doit être mise en œuvre le plus rapidement possible une fois les prélèvements bactériologiques effectués (hémoculture et ponction articulaire), afin d’éradiquer définitivement le germe intra-articulaire et de préserver l’état anatomique et fonctionnel de l’articulation temporomandibulaire. Le choix des antibiotiques est dicté par l’antibiogramme, leur capacité de diffusion au sein du site articulaire et de l’os adjacent, leur spectre d’activité antibactérienne et bien entendu les antécédents du patient. L’association initiale de deux antibiotiques bactéricides et synergiques administrés par voie intraveineuse est le plus souvent indispensable en traitement d’attaque. En cas d’infections à staphylocoques sensibles à la méticilline, les associations font volontiers appel à la rifampicine, la fosfomycine, l’oxacilline, les fluoroquinolones et l’acide fusidique. En cas de staphylocoque doré résistant à la méticilline, les associations le plus
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régulièrement efficaces sont actuellement : rifampicinefluoroquinolone ou fosfomycine-fluoroquinolone. Les infections à streptocoques (ou à méningocoques, ou à pneumocoques) peuvent bénéficier d’un traitement par amoxicilline ou d’une céphalosporine de troisième génération, voire d’une association amoxicillineaminoside. Pour les infections à Gram négatif, il semble possible de proposer une association bêta-lactamine-aminoside ou une association fluoroquinolone-céphalosporine de troisième génération (en cas d’infection à pyocyanique). En cas d’infections à anaérobies à Gram négatif, on associe céphalosporines de troisième génération et métronidazole. L’évacuation articulaire est recommandée, permettant de débarrasser l’articulation du matériel nécrotique : soit évacuation médicale à l’aiguille, soit drainage chirurgical. Il est rare que l’on soit amené à réaliser une immobilisation mandibulaire par blocage intermaxillaire, bien que l’immobilisation fasse partie du traitement de début des arthrites. Une mobilisation douce et progressive, pluriquotidienne, indolore, doit être entreprise dès l’infection maîtrisée. Un cas particulier est représenté par l’arthrite de Lyme qui intéresse parfois les articulations temporomandibulaires [ 5 5 ] . La symptomatologie est intermittente, avec plusieurs crises monoarticulaires ou oligoarticulaires asymétriques de quelques jours à quelques semaines, pouvant persister plusieurs mois, séparées par des rémissions de quelques semaines. Entre les accès, la rémission n’est pas toujours complète, le patient gardant un gonflement articulaire modéré et une raideur matinale. Le diagnostic est fait sur la notion de piqûre de tique 1 à 6 mois auparavant et l’association éventuelle à d’autres signes de la maladie (neurologique ou cardiologique). Il est confirmé par une sérologie spécifique (enzymelinked immunosorbent assay et western blot). Le traitement antibiotique est d’autant plus efficace que le diagnostic est porté précocement. RHUMATISMES INFLAMMATOIRES
La localisation à l’articulation temporomandibulaire des rhumatismes inflammatoires est assez fréquente, avec une certaine prédilection pour la polyarthrite rhumatoïde (PR).
¶ Polyarthrite rhumatoïde La PR est une polysynovite destructrice à médiation immune. Elle affecterait de 0,4 à 0,8 % de la population, avec une très nette prédominance chez la femme, atteinte deux fois plus souvent que l’homme, le plus souvent entre 30 et 50 ans. L’articulation temporomandibulaire est atteinte en moyenne 3 ans après l’âge de début de la maladie. Ce tropisme est connu depuis Garrod en 1859. La prévalence de l’atteinte de l’articulation temporomandibulaire lors de la PR varie selon les statistiques de 4 à 71 % des patients, la plupart des études semblant montrer qu’elle est supérieure à 50 % des cas. L’atteinte de l’articulation temporomandibulaire peut être révélatrice de l’affection, ce qui est un cas exceptionnel. Elle se révèle par une douleur unilatérale, accompagnée de sensations de froissement à l’ouverture buccale. Le bilan radiologique est très longtemps normal, puisque l’atteinte initiale est synoviale. Les images radiologiques ont été décrites en 1941 par Zimmer (fig 23). La fréquence de l’atteinte radiologique a été soulignée par Cadenat et Blanc en 1958 (71 %). Les études ultérieures font varier cette atteinte radiologique de 19 à 86 %. L’IRM visualise au début l’intégrité des surfaces articulaires, le pincement de l’interligne, les signes dégénératifs de la médullaire osseuse (perte du signal normal intraspongieux), un épanchement intra-articulaire donnant un hypersignal en T2. Les tableaux cliniques et radiologiques peuvent être plus ou moins évolués, pouvant aller jusqu’à la lyse osseuse, avec ankylose articulaire fibreuse ou installation d’une rétromandibulie induisant parfois un syndrome d’apnée du sommeil (Izumiyama, 1994 ; Omaya, 1995). L’inflammation synoviale est l’élément pathologique majeur. La synovite rhumatoïde s’accompagne d’une importante néovascularisation facilitant le recrutement local de nombreux 17
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stéroïdiens classiques ou sélectifs de la cyclo-oxygénase de type 2 en cas de facteurs de risque digestifs (célécoxib). Les corticoïdes ne sont habituellement pas prescrits en première intention, sauf exceptions particulières (vascularite, atteinte viscérale grave, effets indésirables sévères des traitements de la PR…). La corticothérapie locale est en revanche volontiers utilisée. Les traitements de fond (antirhumatismaux d’action lente), instaurés une fois le diagnostic confirmé, nécessitent une surveillance régulière, leur efficacité durant parfois plusieurs semaines avant de se manifester ; – les antipaludéens de synthèse (Plaquenilt) sont habituellement prescrits lors des formes bénignes ou débutantes ; – les dérivés de l’or (Ridaurant, Allochrysinet), les sulfhydrilés (Trolovolt et Acadionet) et la sulfasalazine (Salazopyrinet) sont classiquement préconisés pour les formes intermédiaires, bien que le méthotrexate (Novatrext) y soit de plus en plus souvent prescrit en première intention ; – les immunomodulateurs comme le léflunomide (Aravat) ou la ciclosporine (Néoralt) sont habituellement réservés aux formes plus sévères, formes qui peuvent bénéficier en seconde intention, en milieu spécialisé et sous surveillance stricte, d’agents anti-TNF (Embrelt et Rémicadet) dont l’efficacité est parfois rapide mais le coût particulièrement élevé.
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Lésions de polyarthrite rhumatoïde.
éléments figurés du sang. Les lymphocytes B intrasynoviaux sont responsables de la production d’autoanticorps, dont les facteurs rhumatoïdes. L’activation des autres contingents cellulaires, notamment macrophagiques et fibroblastiques, conduit alors à la production de cytokines pro-inflammatoires (IL1, TNF…), d’enzymes de type métalloprotéases, de monoxyde d’azote et de prostaglandines. De plus, une diminution des phénomènes apoptiques (mort cellulaire programmée) participe activement au caractère invasif et prolifératif du pannus synovial. Dans la PR, la quantité de liquide synovial est augmentée, le liquide est plus fluide, et ses qualités de lubrification et de nutrition sont également altérées. Ainsi la distension de l’articulation est due non seulement à l’exsudat inflammatoire, mais aussi à l’épaississement de la synoviale. Au fur et à mesure de l’évolution, le pannus synovial érode le cartilage et altère les surfaces osseuses adjacentes. Ce tissu entraîne des érosions osseuses, des géodes osseuses, qui vont confluer et éventuellement entraîner le collapsus du condyle. Des destructions ligamentaires vont ajouter au tableau une instabilité de l’articulation. Il est admis que le tissu synovial est immunologiquement actif. Munthe et Pahle ont montré que les destructions étaient en relation avec les niveaux de complexe immunoglobuline (Ig) G de facteurs rhumatoïdes dans la membrane synoviale. Le diagnostic repose sur un faisceau de données : – contexte clinique (arthrites inflammatoires avec synovite), ténosynovites, bursites, nodules rhumatoïdes… ; – manifestations extra-articulaires (atteinte de l’état général, syndrome sec, pleuropéricardite, vascularite, éventuelle splénomégalie) ; – signes radiologiques, scanographiques ou IRM ; – perturbations immunologiques : présence de facteurs rhumatoïdes, anticorps antifilagrine ; – biopsie synoviale, présence de l’antigène tissulaire human leucocyte antigen (HLA)-DR4… Le traitement est habituellement pris en charge par le rhumatologue. Lors des phases initiales de la PR, la thérapeutique repose sur les antalgiques banals de niveau 1 ou 2 et les anti-inflammatoires non 18
Une corticothérapie générale (0,1 mg/kg/j d’équivalent prednisone) est parfois associée, sous couvert des mesures hygiénodiététiques d’usage, en cas d’inefficacité ou de contre-indications des antiinflammatoires non stéroïdiens, de PR particulièrement actives (cliniquement et biologiquement) ou non contrôlées par les traitements de fond successifs. Les traitements locaux (synoviorthèses à l’Hexatrionet ou isotopique) peuvent enfin se révéler d’un appoint thérapeutique utile, en permettant la destruction du pannus synovial. Dans tous les cas, la kinésithérapie est à associer. Les lésions séquellaires sont parfois importantes et peuvent nécessiter un geste chirurgical. Une fois l’apaisement du processus évolutif, on peut parfois être amené à poser l’indication d’un remplacement prothétique ou biologique d’une tête condylienne détruite (Ferguson, 1993 ; Bettega [11]).
¶ Arthrite chronique juvénile (ACJ) Les rhumatismes inflammatoires de l’enfant (ACJ, décrite par Still en 1896) sont fréquemment à l’origine de localisation au niveau de l’articulation temporomandibulaire, avec des destructions osseuses majeures malgré le traitement médical, pouvant aboutir à une destruction totale d’un ou le plus souvent des deux condyles mandibulaires, entraînant le cortège habituel de troubles de croissance au niveau de la mandibule, localisation que Still luimême avait déjà évoquée. La nosologie, la classification et les rapports de cette affection avec les rhumatismes inflammatoires de l’adulte restent discutés. On distingue actuellement : – les formes systémiques (maladie de Still) touchant aussi souvent les filles que les garçons, qui associent des manifestations articulaires, une fièvre, des signes cutanés, des adénopathies, une atteinte hépatique, splénique et des séreuses ; s’il n’existe aucun signe biologique spécifique, on note classiquement une hyperleucocytose prononcée, une hyperplaquettose et des signes non spécifiques d’inflammation ; – les formes pauciarticulaires (moins de cinq articulations affectées), parmi lesquelles on distingue les ACJ à début précoce (moins de 5 ans) affectant quatre filles pour un garçon (avec présence de facteurs antinucléaires) et les formes à début tardif, en majorité masculines ; ces dernières, souvent porteuses de l’antigène HLA B27, sont pour la plupart des formes de début des spondylarthropathies ; – les formes polyarticulaires représentent le tiers des ACJ ; elles sont constituées de deux groupes d’importance inégale, les unes séronégatives, plus nombreuses, et les autres avec présence de
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Lésions d’arthrite chronique juvénile. D : droite ; G : gauche ; BF : bouche fermée.
facteurs rhumatoïdes (IgM, de titre élevé, à au moins deux reprises à 3 mois d’intervalle), plus rares (6 % des ACJ) mais s’accompagnant de manifestations extra-articulaires. Les formes à début aigu ou subaigu commencent en général entre 2 et 7 ans avec fièvre, érythème, adénopathies, splénomégalie et arthralgies intéressant surtout les genoux, les poignets, les chevilles et le rachis cervical. L’articulation temporomandibulaire est dans cette forme rarement atteinte. L’aspect est parfois celui d’un syndrome de Wissler-Fanconi. Les signes radiologiques restent longtemps discrets, se résumant en une déminéralisation en bande sans pincement articulaire, sans atteinte des épiphyses et sans ankylose. L’évolution est en général favorable grâce à la corticothérapie, mais certaines formes passent à la chronicité avec destruction articulaire (François). Les formes chroniques d’emblée apparaissent vers l’âge de 8 ans, avec une prépondérance féminine. L’atteinte mandibulaire est plus fréquente. Karhulahti (1993) et Tanchik (1994) l’estiment à plus de 50 % des cas, Mericle (1996) parle de 62 % de déformations radiovisibles des articulations temporomandibulaires dans cette pathologie. Douleur et raideur s’installent rapidement et l’atrophie musculaire peut devenir importante si l’on n’y prend garde. Dans l’articulation temporomandibulaire les condyles sont aplatis, diminués de volume, à contours irréguliers, voire totalement détruits [25], l’ankylose ne s’installant que dans de rares cas (Ogus, 1975) (fig 24). Le retentissement, à la fois de cette perte de hauteur et de la destruction du cartilage de croissance, amène l’existence d’une rétromandibulie, voire d’une brachygnathie importante, confinant au profil en bec d’oiseau (Larheim, 1983). Il peut exister une rétromandibulie de ce type sans destruction articulaire radiologiquement visible (Ronning et Valiaho, 1978). Le traitement des formes systémiques repose sur l’aspirine et, en cas d’inefficacité, sur la corticothérapie par voie générale. Les formes oligoarticulaires sont l’indication de choix d’une corticothérapie par voie locale. Les formes polyarticulaires et systémiques en bénéficient et ne nécessitent que rarement un traitement par méthotrexate, et les immunosuppresseurs restent d’indication exceptionnelle et
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Lésions de spondylarthrite ankylosante. D : droite ; G : gauche.
spécialisée (syndromes d’activation macrophagique ou amylose notamment). La rééducation doit être effectuée dès qu’une atteinte articulaire persiste. Les indications chirurgicales à l’articulation temporomandibulaire concernent essentiellement une reconstruction par des méthodes biologiques (en général par greffes chondrocostales [ 8 7 ] ) ou prothétiques de l’articulation détruite, ces reconstructions étant pour certains repoussées à la fin de la croissance et la correction des troubles de croissance entraînés par l’affection par ostéotomie ou distraction mandibulaire.
¶ Spondylarthrite ankylosante (fig 25) La spondylarthrite ankylosante est une affection fréquente, essentiellement de l’homme, et qui atteint les articulations temporomandibulaires dans un nombre de cas relativement important : 24 % pour Resnick (1974), 11 % pour Davidson (1975). Dans la grande majorité des cas, il existe des manifestations rachidiennes et sacro-iliaques qui sont révélatrices (60 %) et qui continuent de dominer le tableau clinique ultérieurement. À l’articulation temporomandibulaire, au début, les manifestations radiologiques les plus évocatrices sont des érosions condyliennes sur ses parties antérieure et postérieure, et la présence d’ostéophytes. 19
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Selon Hu (1996), le scanner révèle des destructions osseuses dans 62 % des cas et l’examen clinique est insuffisant pour les détecter. Dans les formes évoluées, on peut se retrouver devant une ankylose osseuse complète de l’articulation (Resnick). L’antigène tissulaire HLA B27 (et plus particulièrement les soustypes B*2702, B*2704, B*2705) est retrouvé dans 90 % des cas dans les populations caucasoïdes. Un syndrome inflammatoire avec accélération de la VS est inconstant. Les autres manifestations biologiques sont rares et modérées : discrète augmentation des IgA ou des phosphatases alcalines d’origine osseuse et de la créatine phosphokinase. Le traitement est pris en charge par les rhumatologues. Il repose essentiellement sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les antalgiques associés dans certains cas à de la Salazopyrinet et la physiothérapie. Des injections intra-articulaires de corticoïdes peuvent donner de bons résultats sur les signes fonctionnels de l’articulation temporomandibulaire (Wenneberg, 1983). La reconstruction osseuse par des moyens biologiques (greffe chondrocostale) dans les cas de destruction importante semble souhaitable pour minimiser les troubles de croissance mandibulaire [87]. Une indication chirurgicale de traitement d’une véritable ankylose est parfois nécessaire, comprenant la levée du bloc d’ankylose et éventuellement la mise en place d’une prothèse d’articulation. Les troubles de la croissance induits par l’atteinte de l’articulation temporomandibulaire doivent être combattus par un traitement orthopédique (Kjelberg, 1995).
¶ Rhumatisme psoriasique Le rhumatisme psoriasique est un rhumatisme inflammatoire chronique appartenant au groupe des spondylarthropathies. Il est caractérisé par l’existence de formes axiales et périphériques avec une liaison moindre avec l’antigène tissulaire B27. Dans la population, la fréquence du psoriasis est de 1 à 3 %. Chez les psoriasiques, la prévalence du rhumatisme psoriasique est de 5 à 8 % (Bourdillon, 1818). La localisation au niveau de l’articulation temporomandibulaire est relativement peu fréquente (Zhu, 1996). Elle se traduit radiologiquement habituellement par des érosions osseuses (Kononen, 1986). Pour envisager ce diagnostic, il doit exister un psoriasis (cutané ou unguéal) associé à des manifestations articulaires (douleurs, tuméfaction et/ou limitation des mobilités d’au moins une articulation depuis plus de 6 semaines). Les critères secondaires de diagnostic prennent en compte l’atteinte polyarticulaire axiale ou périphérique (atteinte volontiers asymétrique), la présence de signes inflammatoires dans les articulations interphalangiennes distales, la présence de doigts ou orteils en « saucisse », l’absence de nodules sous-cutanés, l’absence de facteurs rhumatoïdes, l’existence d’un liquide synovial inflammatoire, des signes radiologiques de sacroiliite et/ou d’érosion et/ou d’enthésites. La majorité des patients ont des formes de rhumatisme psoriasique oligoarticulaires, d’évolution capricieuse faite de poussées durant quelques semaines à quelques mois, entrecoupées de rémissions souvent prolongées, ne laissant aucune séquelle clinique ni radiologique. Plus rarement, certaines formes évoluent progressivement d’un seul tenant et sont à l’origine de graves lésions ostéocartilagineuses, pouvant aller jusqu’à l’ankylose (Kudryk, 1985). Le traitement est similaire à celui des rhumatismes inflammatoires chroniques : antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (en dehors de l’aspirine classiquement contre-indiquée, tout comme la corticothérapie générale). Certains traitements de fond peuvent être actifs sur la dermatose et le rhumatisme psoriasique, comme la Salazopyrinet (hors autorisation de mise sur le marché [AMM]), le méthotrexate et la ciclosporine qui restent réservés à certaines formes cliniques graves et rebelles. Les traitements locaux (injections intra-articulaires de corticoïdes, synoviorthèses, physiothérapie) représentent un appoint thérapeutique utile. Bien entendu, il convient d’y associer un traitement dermatologique adapté, local et/ou général (PUVA-thérapie, rétinoïde…). 20
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¶ Arthrites réactionnelles On désigne sous le nom d’arthrites réactionnelles un ensemble de rhumatismes postinfectieux caractérisés par un terrain génétique prédisposé, avec présence de l’antigène tissulaire B27 et leur survenue à la suite d’infections extra-articulaires à certains germes : infections génitales (Chlamydia trachomatis ou Ureaplasma urealyticum), infections intestinales (Yersinia, Shigella, Salmonella…), infections pulmonaires (Chlamydia pneumoniae, Klebsiella pneumoniae). La symptomatologie des arthrites réactionnelles et leur liaison avec l’antigène B27 expliquent leur rattachement nosologique aux spondylarthropathies inflammatoires. Les manifestations cliniques sont indépendantes du germe. Les diverses combinaisons cliniques « conjonctivite, urétrite, entérite, arthrite » sont très évocatrices, évoquant un syndrome de FiessingerLeroy-Reiter, mais ce tableau clinique est souvent observé sous une forme incomplète. La porte d’entrée génitale est la plus fréquente, et Chlamydia trachomatis est le premier germe responsable, les autres cas étant dus essentiellement à Shigella, Salmonella, Yersinia ou Campylobacter. Pour Henry [42], on note la présence de Chlamydia trachomatis dans 20 % des ATM opérées pour un dysfonctionnement discocondylien. D’après cet auteur, cette infection pourrait jouer un rôle dans la pathogénie des dysfonctionnements et même expliquer la prédominance féminine de cette affection. Le diagnostic se fait devant une séquence clinique évocatrice, un syndrome inflammatoire biologique, la présence de l’antigène tissulaire B27, l’isolement de la bactérie responsable à la porte d’entrée extra-articulaire, et par étude sérologique (avec séroconversion en 15 jours). Il a été mis en évidence, grâce à des techniques de biologie moléculaire, des antigènes bactériens ou des micro-organismes vivant dans les articulations atteintes. Les traitements symptomatiques par antalgiques et antiinflammatoires sont habituellement utilisés, éventuellement complétés par des gestes locaux (infiltration ou synoviorthèse). L’antibiothérapie s’impose si persiste une infection de la porte d’entrée. En cas de porte d’entrée génitale, elle doit être précoce et peut être prolongée. Les formes chroniques peuvent bénéficier de traitements de fond par Salazopyrinet. LÉSIONS DÉGÉNÉRATIVES
La plupart des articulations montrent de bonne heure des lésions érosives du cartilage peu évolutives, cliniquement silencieuses, dont la fréquence et la précocité contrastent avec le caractère plus tardif et plus clairsemé des altérations arthrosiques vraies, bien que la lésion élémentaire initiale soit la même. La séparation définitive entre la lésion du cartilage « vieillissant » et celle du cartilage arthrosique ne remonte qu’à une vingtaine d’années (Mazières [65], Tressol-Verrouil). Selon la définition de l’American Academy of Orthopaedic Surgeons (1994), « l’arthrose est la résultante des phénomènes mécaniques et biologiques qui déstabilisent l’équilibre entre la synthèse et la dégradation du cartilage et de l’os sous-chondral ». Ce déséquilibre peut être initié par de multiples facteurs : génétiques, de développement, métaboliques et traumatiques. L’arthrose touche tous les tissus de l’articulation dite arthrodiale et se manifeste par des modifications morphologiques, biochimiques, moléculaires et biomécaniques des cellules et de la matrice cartilagineuse, conduisant à un ramollissement, une fissuration, une ulcération et une perte du cartilage articulaire, une sclérose de l’os sous-chondral avec production d’ostéophytes et de kystes sous-chondraux. Quand elle devient symptomatique, l’arthrose entraîne douleurs et raideurs articulaires, un éventuel épanchement articulaire avec des degrés variables d’inflammation locale. L’histoire naturelle de la maladie est mal connue. On sait cependant que, 10 à 15 ans après le diagnostic d’une gonarthrose, 50 % des malades se sont aggravés et que 50 % sont dans un état stable. Pour la hanche, 10 à 15 % de cas d’amélioration importante sont observés 10 ans après le début de la maladie (Mazières). Sa prévalence générale relevée par des dépistages radiologiques systématiques est de 52 % des adultes. Dans les tranches d’âge les
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Lésions arthrosiques : lacunes, déformations osseuses et ostéophytes. ATM : articulation temporomandibulaire.
plus élevées, cette prévalence est de 85 %. La corrélation entre arthrose radiologique et arthrose clinique est variable suivant les articulations. Selon l’enquête National Health Nutrition Examination Survey (1989), 40 % des malades ayant une arthrose modérée radiologique sont symptomatiques, pour 60 % de ceux ayant une arthrose avancée. Cliniquement, douleurs et limitations des mouvements sont les signes essentiels. La douleur est typiquement une douleur d’effort, de mise en charge. Elle se produit après un certain temps d’utilisation de l’articulation et donc se manifeste plus volontiers en fin de journée. Elle est calmée par le repos. Classiquement, elle ne réveille pas le malade endormi, cependant la douleur arthrosique peut réveiller le malade lors des mouvements dans son sommeil (bruxisme). Ce type de douleur peut également s’accompagner de dérouillage matinal, comme dans le cadre d’une douleur « inflammatoire ». La raideur articulaire de l’arthrose n’apparaît que tardivement, au début discrète et limitée, pouvant réveiller la douleur spontanée du malade. Elle peut entraîner des déformations considérables de la tête condylienne et génère, lorsqu’il existe une rupture ou une perforation méniscale, des crépitations intraarticulaires (crissements, grincements, crepitus) témoignant d’un frottement des surfaces articulaires l’une sur l’autre, comme dans toute articulation arthrosique. Ces bruits articulaires, fort différents des claquements évoqués précédemment, sont perceptibles à tous les degrés d’ouverture ou de fermeture buccale et sont d’une intensité variable, ressentis comme un frottement de papier de verre ou un bruit de sable. Dans les formes évoluées, la hauteur condylienne peut être diminuée, engendrant une béance antérieure ou une latéralité mandibulaire dans les atteintes unilatérales. Sur le bilan radiologique, les signes cardinaux classiques de l’arthrose sont une sclérose sous-chondrale plus ou moins associée à des géodes, une ostéophytose implantée à la jonction os-cartilage et un pincement articulaire longtemps localisé. Ce dernier signe est d’interprétation délicate à l’articulation temporomandibulaire en raison de l’existence du disque (fig 26). À l’articulation temporomandibulaire, l’IRM visualise l’aplatissement et la perte de sphéricité des condyles, les formations
ostéophytiques, tant du versant temporal que condylien (à ce niveau elles sont souvent antérosupérieures). Les condensations ostéochondrales des deux condyles, de même que les géodes souschondrales, sont fréquentes. Classiquement, on distingue deux grands groupes étiologiques d’arthrose : – les arthroses « mécaniques » ont un cartilage, normal au départ, qui supporte des pressions trop importantes ; ces arthroses mécaniques existent dans les dysplasies (dysplasie du cotyle), les désaxations (Reimann, 1973), les instabilités (rupture du ligament croisé antérieur : Pond, 1973), les surcharges (pondérales ou fonctionnelles) ou les compressions élastiques (Gritzka, 1983) ou permanentes (Salter, 1960), les incongruences articulaires (Bennet, 1937 ; Moskowitz, 1973) ; ces arthroses recouvrent le groupe des arthroses dites habituellement secondaires ; – les arthroses « structurales » où le fonctionnement du jeu articulaire est normal, mais la structure anormale du cartilage le rend plus fragile aux pressions s’exerçant habituellement sur lui ; il s’agit donc d’une hyperpression relative pour ce cartilage moins résistant que la moyenne ; les causes de cette fragilisation peuvent être intracartilagineuses (chondrocalcinose, contusion du cartilage), dans l’os sous-chondral (ostéonécrose épiphysaire, hyperparathyroïdie), ou à point de départ synovial (synoviale inflammatoire donc fragilisation par IL1 et la collagénase MMP1 venant d’une synoviale inflammatoire). La physiopatholologie est encore mal connue et il semble que le facteur de départ soit une hyperpression sur un cartilage normal, ou une mauvaise répartition des pressions en raison d’un os souschondral anormal, ou une pression normale sur une fibre anormale. Ces facteurs mécaniques ont des conséquences intriquées : des modifications de la trame fibrillaire et une « activation chondrocytaire ». Le filet collagénique se rompt par place, permettant une hyperhydratation du cartilage et une expansion anormale des protéoglycanes. Cet œdème cartilagineux est le premier signe biologique de l’arthrose. Sous l’effet de la persistance des pressions, ce cartilage hyperhydraté perd ses caractéristiques 21
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biomécaniques. L’élasticité du cartilage diminue. On note une diminution de la teneur en acide hyaluronique et une dépolymérisation des agrégats de protéoglycanes. Cette perte d’élasticité cartilagineuse entraîne une mauvaise transmission des pressions à l’os sous-chondral, qui réagit en se condensant et en développant une ostéophytose réactionnelle. Cette anomalie de la trame fibrillaire permet une augmentation de perméabilité aux enzymes synoviales, qui vont, associées aux facteurs mécaniques eux-mêmes, réaliser une activation chondrocytaire. Les chondrocytes deviennent hyperactifs (« activés ») : on note une prolifération chondrocytaire avec perte de la répartition normale en colonne de ces chondrocytes qui se réunissent en grappes avec une augmentation de leur métabolisme (synthèse accrue de collagène et de protéoglycanes) qui traduisent une tentative de réparation qui reste insuffisante. Les chondrocytes s’épuisent, dégénèrent et se nécrosent. Cette phase d’activation des chondrocytes s’est accompagnée d’un certain nombre de modifications dans leur sécrétion, en particulier une augmentation de la production d’enzymes de dégradation de la matrice. On note ainsi une augmentation des MMP1, de stromélysine (MMP3), de protéases acides, de prostaglandines E, de radicaux libres et d’oxydes nitriques. Les produits de dégradation de la matrice, les cytokines, également sécrétés par les chondrocytes activés sont libérés dans le liquide synovial et phagocytés par la synoviale, qui répond par un processus inflammatoire avec comme conséquence la production de radicaux libres, de prostaglandines et de métalloprotéases qui viennent renforcer la destruction du cartilage. Tous ces mécanismes incomplètement connus s’intriquent et interagissent les uns sur les autres. Dans l’articulation temporomandibulaire, tous les facteurs déclenchants évoqués précédemment, valables pour les autres articulations, s’appliquent certainement. L’existence d’anomalies occlusales, en particulier de perte de hauteur occlusale, est susceptible de générer un déséquilibre des forces musculaires dans les articulations temporomandibulaires, ce qui explique que les lésions de type arthrosique soient quasi constantes au niveau des articulations dans le cadre de la pathologie articulaire d’origine occlusale. Ce n’en est certainement pas la cause unique, mais sans doute la cause prédominante. L’arthrose étant une maladie plurifactorielle, les troubles de l’articulé dentaire y jouent certainement un rôle. Que ces troubles de l’articulé dentaire soient réellement le facteur étiologique principal ou qu’il s’agisse d’un facteur favorisant, cette coexistence pose de nombreux problèmes. Même si une apparition de l’arthrose est estimée sans rapport avec l’anomalie d’occlusion, on ne peut affirmer que l’évolutivité de l’arthrose ne soit pas conditionnée par la persistance ou la disparition de ce trouble occlusal. Si l’arthrose a été induite par ce trouble occlusal, y a t-il des cas où son évolution est devenue indépendante ? On peut estimer que dans tous les cas de lésions arthrosiques il serait souhaitable de normaliser les forces occlusales. Le traitement de l’arthrose, en dehors de cette normalisation des forces intra-articulaires, ne peut être que similaire à celui de l’arthrose en général (Boering, 1990). Il faut simplement rappeler ici que : – au début de la maladie arthrosique, il n’existe que quelques douleurs vagues et on peut conseiller le respect d’une économie articulaire et la prescription d’un traitement de fond ; ces traitements de fond ou antiarthritiques d’action lente ont une activité essentiellement symptomatique, retardée et rémanente par rapport à celle obtenue par les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Ces traitements de type diacéréine (Art 50t), chondroïtine-sulfate (Structumt, Chondrosulft), insaponifiables d’huiles d’avocat et de soja (Piasclédinet 300), constituent un traitement d’appoint de la douleur arthrosique ; ils sont habituellement prescrits lors d’arthrose des membres, celle du genou (gonarthrose) pouvant par ailleurs conduire à un traitement local par acide hyaluronique (Hyalgant) ; – lors des poussées douloureuses, il faut conseiller un repos articulaire associé à des anti-inflammatoires non stéroïdiens prescrits pour une courte période de 2 à 3 semaines, en y associant bien sûr 22
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des antalgiques périphériques, essentiellement le paracétamol ; au sortir de la crise, en fonction de l’état articulaire, on peut prescrire la poursuite ou la mise en route d’un traitement antiarthrosique d’action lente précédemment évoqué, associé à une kinésithérapie ; – dans les formes invalidantes, avancées, dans lesquelles la destruction articulaire est importante radiologiquement et dans lesquelles le traitement médical se révèle insuffisant, se pose la question, comme pour toute articulation, d’envisager un remplacement prothétique. Cette indication reste exceptionnelle, compte tenu de la fréquence de ces lésions arthrosiques. Pour le moment, il n’existe pas de médicament capable de prévenir la détérioration du cartilage quand celui-ci n’est pas encore touché, voire de médicament capable de restaurer un cartilage altéré. CHONDROMATOSE SYNOVIALE
La chondromatose (Reichel, 1900) est la conséquence d’une métaplasie chondroïde du tissu synovial (métaplasie des cellules B). Cette affection est responsable de la formation intra-articulaire de multiples petites images arrondies. Elle se caractérise par la présence de corps cartilagineux, enchâssés ou libres, secondairement calcifiés. Cliniquement, elle associe des signes articulaires (douleurs, bruits, limitation d’ouverture buccale) avec une tuméfaction articulaire (hydarthrose) et parfois des phénomènes de blocage. Le diagnostic est confirmé par des explorations radiologiques, qui montrent de multiples petites images arrondies, hypo-intenses à l’IRM, de nodules synoviaux, pouvant se situer dans l’articulation. La radiographie standard pourrait montrer ces petits nodules s’ils sont très calcifiés. L’examen TDM les visualise finalement mieux que l’IRM. Des signes de dégénérescence osseuse sont souvent associés (encoche osseuse temporale ou condylienne). Plus de 250 cas ont été publiés à l’articulation temporomandibulaire (Noyek, 1977 ; Blankestinj, 1985 ; Norman, 1988 ; Quinn, 1992). Le traitement est chirurgical, permettant la découverte et l’ablation de ces corps étrangers, éventuellement réalisable sous arthroscopie. En cas de récidive, une discectomie avec synovectomie peut être proposée [62]. SYNOVITE VILLONODULAIRE
Décrite en 1882 par Chassaignac, la synovite villonodulaire ou synovite villonodulaire hémopigmentée atteint parfois l’articulation temporomandibulaire [89]. Les principaux signes sont une douleur mécanique et un gonflement ; au début intermittents et modérés, ils augmentent et peuvent devenir permanents. Des blocages peuvent aussi survenir. L’extension dans les parties molles peut être telle qu’elle évoque une tumeur maligne, cette extension pouvant intéresser la fosse infratemporale, voire la fosse cérébrale moyenne (Kessler, 1997). Les examens biologiques montrent l’absence de syndrome inflammatoire. La ponction articulaire, si elle est pratiquée, montre un liquide sérosanglant avec une teneur moyenne en cellules de 3 000/mm 3 dont 25 % de polynucléaires. Les radiographies standards sont parfois normales, voire montrent parfois des érosions en « coups d’ongles » situées à la zone de réflexion de la synoviale et surtout des géodes polycyliques cernées d’un liseré fin, opaque. L’IRM montre, sur les séquences pondérées en T2, des zones d’hypersignal modéré et des zones d’hyposignal. L’injection de gadolinium rehausse en partie les zones d’hyposignal (tissu synovial). En séquences pondérées en T2, les zones d’hypersignal modéré en T1 restent en hypersignal (graisse) et les zones d’hyposignal en T1 rehaussé par le produit de contraste restent en hypersignal mais surtout les zones d’hyposignal en T1 non rehaussé par le gadolinium restent en hyposignal (calcifications ou ossifications ou dépôts d’hémosidérine). L’IRM permet d’évoquer le diagnostic et d’évaluer l’extension des lésions osseuses. L’étude histologique reste indispensable, par arthrotomie ou sous arthroscopie. La tumeur apparaît comme une masse lobulée bien
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circonscrite, de coloration allant du jaune au brun, de quelques millimètres à quelques centimètres. Dans les formes diffuses, la tumeur s’étend dans le tissu osseux, dans la capsule, voire dans les parties molles. L’hypothèse pathogénique la plus probable est l’hypothèse proliférative : la présence d’une trisomie 7, observée dans 35 % des métaphases des cellules, semble être assez spécifique des tumeurs bénignes, de même que l’hyperexpression de l’oncogène C-erB. Le traitement repose sur la synovectomie qui peut être chirurgicale, arthroscopique, chimique ou isotopique. Dans les formes agressives, l’exérèse chirurgicale doit se faire en zone saine comme pour toute pathologie tumorale (Tanaka [89] ; Chow, 1998). OSTÉONÉCROSES DU CONDYLE
L’ostéochondrite disséquante, ou ostéonécrose idiopathique du condyle, touche essentiellement la jeune fille (cheer-ladder). Elle se traduit par des douleurs articulaires et une limitation d’ouverture buccale d’apparition brutale. La radiographie met en évidence une encoche puis une lacune souvent sur le contour articulaire condylien autrement normal. Le scanner, en coupes fines, voire avec reconstruction tridimensionnelle, est très efficace pour montrer une atteinte osseuse précoce. L’IRM montre que l’appareil discal est normal et en place. Elle peut montrer l’aplatissement voire, à un stade plus évolué, la déformation en cupule de la tête condylienne. La nécrose condylienne se traduit en IRM par une hétérogénéité des surfaces articulaires et des zones hypodenses dans les régions souschondrales. L’association d’amincissements corticaux et d’hypodensité T1 de la médullaire spongieuse se rencontre dans ce type de nécrose aseptique. Les tests biologiques sont normaux. L’évolution se fait classiquement spontanément en quelques mois vers la guérison de l’ostéonécrose avec remodelage et parfois raccourcissement de la hauteur condylienne. Le traitement habituellement recommandé se limite à éviter les surcharges articulaires (mise en place d’une gouttière), mais cette ostéonécrose « idiopathique » survient le plus souvent chez des jeunes filles en classe II avec ou sans béance et il semble souhaitable d’envisager la correction orthodonticochirurgicale de ces dysmorphoses, d’autant que cette lésion peut être à l’origine de lésions arthrosiques sévères (Wolford [98] ; Hoppenreijs, 1999). Des cas d’ostéonécrose du condyle ont été rapportés après traumatisme. Leur traitement est similaire et, dans la mesure du possible, conservateur. L’ostéonécrose du condyle peut également faire partie du tableau clinique d’un lupus érythémateux aigu disséminé, ainsi que l’ont rapporté Jonsson (1983) et Grinin (1999), ou d’une dermatomyosite (Brennan, 1999). Enfin, il faut noter la possibilité de survenue de résorption condylienne après chirurgie orthognathique, éventuellement après traitement orthodontique (De Clercq, 1994 ; Hoppenreijs, 1998 ; Kato, 1999). Toutes ces résorptions condyliennes posent le problème d’une chirurgie reconstructrice. ARTHROPATHIES MÉTABOLIQUES
¶ Chondrocalcinose Les manifestations pathologiques sont liées à la présence, dans les diverses structures de l’articulation, de microcristaux constitués dans la très grande majorité des cas de pyrophosphate de calcium dihydraté sous forme tricalcique. Beaucoup plus rarement ou à titre d’association, ces cristaux peuvent aussi être faits de phosphate dicalcique dihydraté (ou hydrogénophosphate de calcium). Les microcristaux n’incrustent pas seulement les formations cartilagineuses (cartilages hyalins et fibrocartilages), ils précipitent et/ou pénètrent le liquide articulaire et imprègnent aussi la synoviale. Cette affection est pour cette raison dénommée aussi « maladie à dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium
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dihydraté », crystal deposition disease, ou « arthropathie à pyrophosphate » ou « pseudogoutte » ou « goutte calcique ». Individualisée par Sitaj et Zitnan (1957), la chondrocalcinose est une affection fréquente, apparaissant essentiellement à partir de 50 à 60 ans. Elle évolue de pair avec une autre affection, ostéoarticulaire ou non, dans 10 à 15 % des cas (hyperparathyroïdie, hémochromatose, goutte…). Toutes les articulations peuvent être intéressées. Considérée comme rare à l’articulation temporomandibulaire, il faut cependant noter qu’on retrouve de nombreuses publications qui présentent des cas de ce type (Pritzker, 1976 ; de Vos, 1981 ; Good, 1982 ; Mogi, 1987 ; Zemplenyi, 1985 ; Combelles, 1992 ; Ishida [43]). Les crises fluxionnaires aiguës, dites de pseudogoutte, constituent les manifestations les plus évocatrices, mais l’aspect clinique peut être celui d’une inflammation d’apparence rhumatismale subaiguë ou chronique : douleurs et signes fluxionnaires modérés, volontiers polyarticulaires. L’association à des lésions d’apparence dégénérative est considérée comme très fréquente. Parfois, la chondrocalcinose peut ne se traduire que par des douleurs de type mécanique ou par une hydarthrose. Elle peut prendre l’apparence d’une ostéochondromatose synoviale où existent des corps étrangers intra-articulaires dus à l’hypertrophie et à l’ossification secondaire des îlots de métaplasie chondroïde qui parsèment les synoviales soumises à l’irritation microcristalline. De nombreux auteurs ont décrit des destructions articulaires parfois majeures : effondrement de la plaque sous-chondrale, érosion ou ulcération des massifs osseux sous-jacents, disparition des extrémités articulaires, apparition d’ostéophytes exubérants, corps étrangers articulaires. Le diagnostic repose sur la démonstration de la présence des microcristaux de pyrophosphate de calcium dihydraté dans les tuniques articulaires, les aspects radiologiques, l’analyse du liquide articulaire et la biopsie de la synoviale (sous arthroscopie). La radiographie montre une incrustation du fibrocartilage dessinant de petits amas à bords flous. Il existe souvent des calcifications périarticulaires. Le traitement de la crise de pseudogoutte repose sur la prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, associés en cas d’échec à la colchicine (2 à 3 mg les 2 premiers jours). Les formes chroniques non destructives sont traitées par l’association d’antalgiques banals et/ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, complétés éventuellement par une corticothérapie locale. Les formes destructives peuvent mener à la mise en place d’une prothèse articulaire.
¶ Goutte La goutte est un syndrome constitué d’arthrites aiguës récidivantes (accès goutteux) et d’infiltration urique des tissus qui progresse lentement. Sans traitement, cette infiltration finit par provoquer une détérioration articulaire, par créer des dépôts d’urate de sodium visibles sous la peau (tophus) et par altérer la fonction rénale. L’accès goutteux atteint rarement l’articulation temporomandibulaire, surtout dans les formes monoarticulaires. Les caractéristiques cliniques sont bien connues : brutalité d’apparition de la crise, intensité douloureuse à type de broiement, caractère très inflammatoire localement. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques (terrain goutteux, éventuel facteur déclenchant), biologiques (hyperuricémie, présence de microcristaux uriques dans le liquide synovial) et thérapeutiques (effet habituellement spectaculaire de la colchicine). L’arthropathie urique chronique touche également rarement l’articulation temporomandibulaire. Les dépôts de cristaux d’urate de sodium entraînent une destruction du cartilage et des érosions osseuses (tophus intraosseux). Le traitement de la crise continue de reposer sur la colchicine et/ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Durant l’intercrise, la présence d’une maladie goutteuse (plus de trois crises) peut faire retenir l’indication d’un traitement hypo-uricémiant (uricofreinateurs ou uricoéliminateurs), si le patient adhère à un tel traitement prolongé en plus des mesures hygiénodiététiques d’usage. 23
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Stomatologie
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Ostéochondrome du condyle.
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Malformation bilatérale des articulations temporomandibulaires.
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Syndrome du premier
arc.
devenues également exceptionnelles puisque la radiothérapie est formellement contre-indiquée pour tout traitement d’une tumeur bénigne de type angiome ou lymphangiome, et puisque, dans les tumeurs malignes de la face, les oncologues pédiatriques essayent d’éviter toute irradiation, la base du traitement reposant sur la chimiothérapie. TUMEURS ET HYPERPLASIE CONDYLIENNE MALFORMATIONS
¶ Agénésie et hypoplasie condylienne Il existe parfois des lésions congénitales se traduisant par une agénésie ou une hypoplasie de l’articulation temporomandibulaire (fig 27). Il est tout à fait exceptionnel que cette malformation n’atteigne que l’articulation et, le plus souvent, ces anomalies intéressent à un degré plus ou moins sévère la branche montante ou l’hémimandibule. Ces hypoplasies entrent habituellement dans le cadre des syndromes du premier arc (fig 28), plus ou moins associées à une atteinte du deuxième arc. Elles sortent alors du cadre de la pathologie de l’articulation temporomandibulaire proprement dite, pour entrer dans celui des syndromes malformatifs. Ces différentes atteintes sont parfaitement connues, ainsi que leur retentissement régional, avec en particulier les troubles de l’occlusion qu’elles vont entraîner. Lorsqu’il existe une articulation temporomandibulaire fonctionnelle, le traitement s’oriente vers la distraction. Lorsqu’il existe une absence d’articulation temporomandibulaire, il est envisagé habituellement de mettre en place une greffe costale chondro-osseuse ou éventuellement, dans des cas exceptionnels, un lambeau libre microanastomosé de métatarsien.
¶ Anomalies de développement Les anomalies de développement de la région condylienne sont classiquement de cause infectieuse ou post-traumatique (éventuellement obstétricale). Les destructions d’origine infectieuse de l’articulation temporomandibulaire par affection de voisinage de type otite ou mastoïdite sont devenues actuellement tout à fait exceptionnelles ; en revanche, les troubles de croissance entraînés par une fracture condylienne ou sous-condylienne sont relativement plus fréquents. Ces deux causes peuvent naturellement entraîner des ankyloses temporomandibulaires qu’il convient de lever le plus tôt possible et qui doivent être suivies par la reconstruction de l’articulation temporomandibulaire par des matériaux biologiques chez l’enfant (cf supra). Il était classique de décrire des troubles de développement condylien à la suite de traitement radiothérapique. Ces étiologies sont 24
Comme toute structure articulaire, l’articulation temporomandibulaire peut être le siège de tumeurs d’origine osseuse, cartilagineuse ou synoviale. Les manifestations cliniques intraarticulaires ne sont pas spécifiques : ces tumeurs peuvent entraîner des douleurs locales, une symptomatologie d’apparence dysfonctionnelle de l’articulation, surtout des troubles ostéitiques mandibulaires, soit limitation d’ouverture de bouche, soit latérodéviation à l’ouverture de la bouche. Plus tardivement, apparaît naturellement une tuméfaction dans la région articulaire en avant du tragus. Le bilan radiologique de débrouillage est naturellement fait sur l’orthopantomogramme, mais le bilan tumoral impose la réalisation d’un examen TDM et éventuellement d’une IRM. Ce bilan d’imagerie, dans le cadre des tumeurs malignes, sert de bilan d’extension locale et d’opérabilité.
¶ Tumeurs bénignes Les tumeurs bénignes sont relativement rares. On peut rencontrer des ostéomes (Weinberg, 1977) et des ostéochondromes (Allan, 1974 ; Chaussé, 1978 ; Pellerin, 1981) (fig 29). Les autres tumeurs sont exceptionnelles : tumeurs à cellules géantes, fibrome, localisation d’une dysplasie fibreuse (Donazzan, 1981 ; Deboise [19]). On rencontre occasionnellement des tumeurs bénignes développées aux dépens de la région glénoïdienne, surtout dans le cadre des dysplasies fibreuses ou des méningiomes. Un cas de figure particulier est représenté par les kystes synoviaux (Heydt, 1977 ; Chang, 1997), pathologie qui regroupe le kyste synovial (synovial cyst), expansion de la synoviale des articulations, et le pseudokyste synovial (ganglial cyst), tuméfaction développée au voisinage des articulations mais également dans l’épiphyse osseuse, résultat d’une dégénérescence mucoïde du tissu conjonctif para-articulaire. Le diagnostic en est essentiellement clinique, l’échographie et/ou l’IRM pouvant être utiles dans les formes douteuses. Les coupes axiales IRM montrent une image liquidienne juxtacondylienne (hypo-intense en T1, hyperintense en T2). Pour les tumeurs bénignes, le traitement est bien entendu chirurgical, devant assurer la résection de la tumeur avec une marge de sécurité satisfaisante adaptée à la nature histologique. Lorsque l’exérèse tumorale est limitée au condyle et/ou au col condylien,
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l’hémimandibule) sont à différencier de ces hyperplasies condyliennes et sortent de la pathologie articulaire proprement dite. Le traitement de ces hypercondylies est chirurgical. Il s’agit d’une simple condylectomie étendue habituellement à la tête condylienne et au col du condyle. Une reconstruction prothétique ou par un matériau biologique doit être envisagée. Le traitement comprend naturellement la prise en charge des troubles occlusaux séquellaires et, selon les cas, ceux-ci vont nécessiter un traitement orthodontique ou orthodonticochirurgical pour corriger l’asymétrie mandibulaire et maxillaire qui peut exister. Le fragment retiré est naturellement soumis à un examen anatomopathologique et le diagnostic est habituellement celui de chondrome, ce qui peut laisser des doutes quant à l’individualisation de cette pathologie.
¶ Tumeurs malignes
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« Hypercondylie ».
une reconstruction est naturellement envisagée, habituellement par la mise en place d’une prothèse d’articulation temporomandibulaire chez l’adulte, et par une méthode biologique chez l’enfant (greffe chondrocostale, lambeau libre de métatarsien). L’abord chirurgical habituel comprend une dissection du nerf facial pour permettre des gestes opératoires en sécurité.
¶ Hypercondylie À la limite de la pathologie tumorale, on trouve le concept d’« hypercondylie » ou d’« hypertrophie » condylienne. La situation nosologique de ces pathologies n’est pas claire. Pour certains, les condyles mandibulaires présenteraient la particularité d’échapper à la régulation de la croissance générale, le centre de croissance condylien exagérant, poursuivant ou reprenant son activité en fonction de certains états pathologiques : traumatisme (Ciuffeda), infection ou inflammation connue ou supposée [15]. Par ailleurs, des états d’hypertrophie condylienne sont notés dans des cadres pathologiques variés (angiome de la face probablement par hypervascularisation locale, maladie de Paget, acromégalie, hémigigantisme facial). L’hyperactivité condylienne est presque toujours unilatérale. La modification la plus caractéristique est l’allongement du col du condyle, qui peut être considérable. Classiquement, cette hypercondylie se manifeste généralement au cours de la deuxième enfance, dans la période prépubertaire, entraînant une asymétrie faciale associée à une augmentation de hauteur mandibulaire, avec un abaissement du bord basilaire et une déviation du menton vers le côté opposé. Cette hypercondylie entraîne naturellement des troubles occlusaux : les dents sont au contact, mais le plan d’occlusion est oblique vers le haut du côté sain ; on note une béance prémolomolaire du côté pathologique avec un articulé incisif controlatéral croisé. Ces « hypercondylies » peuvent survenir chez l’adulte, avec une date de départ difficile à préciser en raison de l’habituelle croissance lente (fig 30). L’analyse téléradiographique et les moulages dentaires sont naturellement indispensables dans l’optique de la prise en charge des troubles occlusaux. Un bilan TDM tridimensionnel fait partie également du bilan préopératoire. Norman et Painter ont proposé d’effectuer des scintigraphies pour différencier les formes « actives » et « inactives ». Les formes d’hypertrophie de l’hémimandibule (telles que décrites par Obwegeser et Makek sous la dénomination d’élongation de
Les tumeurs malignes sont exceptionnelles. Il s’agit essentiellement de synovialosarcomes. Des adénopathies sont découvertes dans 25 % des cas. Les radiographies montrent un semis de calcifications, plus dense à la périphérie, et/ou une anomalie osseuse sous forme d’apposition périostée et d’érosion osseuse. L’IRM permet d’apprécier l’extension de la tumeur qui semble bien limitée dans la majorité des cas. L’aspect est évocateur lorsqu’il est hétérogène, associant des niveaux liquides, des zones graisseuses en iso- ou hypersignal et des zones fibreuses qui restent en hypersignal, mais il peut être dans certains cas homogène et évoquer une lésion bénigne. Les métastases ne sont pas rares. Le taux de survie à 5 ans est de 55 % et à 10 ans de 27 %. Les principales autres tumeurs malignes de l’articulation sont les chondrosarcomes (Cadenat, 1979), les fibrosarcomes (Deboise [19]) et les ostéosarcomes (Abubaker, 1986). On peut rencontrer d’exceptionnelles localisations condyliennes de métastases. Dans le cas des tumeurs malignes, la décision thérapeutique doit être prise après concertation multidisciplinaire avec les oncologues radiothérapeutes et chimiothérapeutes. Les synovialosarcomes et les chondrosarcomes sont du ressort du traitement chirurgical primaire ; les ostéosarcomes ont habituellement un traitement chimiothérapique premier suivi d’un traitement chirurgical, selon des protocoles analogues à celui de Rosen. Certaines extensions tumorales vers la base du crâne, au niveau de la cavité glénoïde, imposent une planification du geste opératoire en commun avec les neurochirurgiens pour permettre un contrôle de la fosse temporale.
¶ Extension à l’articulation de tumeurs de voisinage Lorsqu’il s’agit d’une extension tumorale maligne à l’articulation, mais que la tumeur a un point de départ sur la branche montante de la mandibule, l’atteinte articulaire condamne habituellement à une mandibulectomie plus ou moins étendue, pouvant aller naturellement jusqu’à une hémimandibulectomie. La reconstruction de cette perte de substance osseuse est habituellement assurée par un lambeau libre osseux, dont le meilleur nous semble être le lambeau libre de crête iliaque antérieure vascularisée par les vaisseaux circonflexes iliaques profonds. On peut se contenter de modeler la partie supérieure de cette greffe osseuse pour former un néocondyle, comme l’a proposé Taylor (dans cette hypothèse il est souhaitable d’avoir pu conserver les structures méniscales qui sont éventuellement réinsérées au bord postérieur de l’extrémité supérieure du greffon), ou bien on peut mettre en place une prothèse d’articulation temporomandibulaire surmontant cet apport osseux. Un cas particulier, relativement plus fréquent, est l’envahissement du col du condyle et éventuellement de la tête condylienne par une tumeur bénigne d’origine mandibulaire, que cette tumeur soit d’origine dentaire (améloblastome, kyste coronodentaire) ou d’origine non dentaire (kyste épidermoïde, dysplasie fibreuse par exemple). Une thérapeutique conservatrice peut être habituellement faite, mais certaines formes peuvent amener un sacrifice articulaire et une reconstruction. 25
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Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire PATHOLOGIE DISCALE
¶ Luxation condylodiscale antérieure Incontestablement, les anomalies de l’appareil discal de l’articulation temporomandibulaire représentent, et de loin, l’atteinte la plus fréquente de cette articulation. Les atteintes de l’appareil discal ne sont certainement pas univoques, et il en existe un certain nombre d’origines intrinsèques, « constitutionnelles », ou résultant d’une perte de l’intégrité de cet appareil sous l’effet de maladies générales ou rhumatologiques. Mais l’immense majorité des anomalies est due à des troubles fonctionnels. Deux facteurs étiologiques sont difficilement discutables : les relations occlusales dysharmonieuses et l’hyperfonction musculaire, ces deux facteurs étant le plus souvent intriqués entre eux, dans une relation de cause à effet qui n’est pas univoque. Le troisième facteur le plus souvent évoqué est un facteur psychique. S’il est indiscutable que ce facteur psychique joue un rôle, soit dans la perception et l’expression de la symptomatologie, soit sur le fonctionnement musculaire, on peut difficilement le considérer comme causal. Il est évident qu’il convient d’en tenir compte. Ces difficultés expliquent les différentes approches de cette pathologie. Déjà au niveau de cette dénomination, il existe une grande variété. La plus ancienne dénomination, qui reste une des plus connues, est celle de syndrome de Costen. James Costen, en 1934 [17], avait décrit ce syndrome dû d’après lui à une « compression du toit de la fosse mandibulaire », générateur de troubles auriculaires, de douleurs du vertex, de l’occiput et de douleurs temporales, le tout provoqué par des édentations partielles. Schwartz [ 8 2 ] , en 1956, avait parlé de syndrome algique dysfonctionnel de l’articulation temporomandibulaire, insistant sur l’incoordination musculaire dans l’étiopathogénie de ces troubles. En 1970, Rozencweig et Gosserez ont proposé le terme de SADAM, permettant de réunir les différentes variantes symptomatiques musculaires, articulaires ou musculoarticulaires. À la même époque, Farrar [28] propose le terme de troubles craniomandibulaires ou celui de désordre craniomandibulaire. Rozencweig en 1994 [77], propose le terme générique d’« algies et dysfonctionnement de l’appareil manducateur ». On parle également habituellement de dysfonctionnement discocondylien ou de « dérangement interne » de l’articulation. Aucune de ces dénominations n’est entièrement satisfaisante. Sans doute celle de Rozencweig est-elle la plus appropriée. Les différentes classifications proposées ne semblent pas satisfaisantes. Si l’on prend comme exemple celle recommandée par l’International Headache Society (Ma, 1998) ou bien la classification de Stegenga [86], on se rend compte que ces classifications n’ont pas de connotations étiologiques ou pathogéniques et qu’elles ne peuvent prendre en charge les patients présentant des atteintes portant sur plusieurs systèmes (musculaires, ligamentaires, osseux…). Surtout, elles ne rendent pas compte de l’évolution dans le temps des différentes atteintes. Ces troubles comprennent en effet une grande variété de symptômes, car l’atteinte peut y être, temporairement ou non, musculaire, articulaire ou musculoarticulaire, et/ou osseuse. Épidémiologie Les syndromes de dysfonctionnement sont des affections très courantes. Selon l’American Academy of Cranio-Mandibular Disorders (1990), 75 % de la population examinée présentent un signe de dysfonction de l’articulation temporomandibulaire. Sans aller jusqu’à ces chiffres, les études retrouvent dans la population examinée environ 30 à 40 % de signes cliniques de dysfonctionnement plus ou moins sévères chez les adultes (Axelsson, 1987 ; Locker, 1988 ; Agerberg, 1989 ; De Kanter, 1993 ; Goulet, 1995 ; Matsuka, 1996), de 30 à 40 % chez les adolescents (Abdel-Hakim, 1996 ; Conti, 1996), de 7 % à 17 % chez les enfants (Keeling, 1994 ; Deng, 1995 ; Stockstill, 1998), les chiffres étant beaucoup plus variables, de 22 à 80 %, chez les personnes âgées (Ow, 1995 ; Hiltunen, 1995). 26
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La prédominance féminine des patients est bien connue : les chiffres varient dans la proportion de trois pour un à neuf pour un. Cependant, dans la population courante, les signes et symptômes sont à peine légèrement supérieurs pour le genre féminin (Rozencweig). L’explication de cette prédominance féminine n’est pas claire : plus grande fréquentation des cabinets médicaux par les femmes ? Plus grande attention portée à la symptomatologie ? Prédisposition génétique ? Facteurs hormonaux (Abubaker) ? Posture favorisante ? Facteurs psychiques ou psychologiques ? Infection à Chlamydia ? Facteurs étiologiques
• Trouble occlusal Les idées sur l’étiologie des dysfonctionnements discocondyliens sont passées par plusieurs stades, depuis la description par Costen en 1934 de son syndrome. Dans les premières années, Costen et Sicher en 1948 (même si des désaccords existaient entre eux sur un certain nombre de détails, en particulier sur la responsabilité de l’articulation temporomandibulaire dans les troubles otologiques), Ackermann en 1953 [3], Schwartz en 1956, étaient partisans d’une étiologie essentiellement occlusale de ces troubles. Laskin [56] en 1969, par sa théorie psychophysiologique, insiste sur l’importance de l’action musculaire dans l’occlusion et différencie la malocclusion primaire, considérée comme facteur étiologique, de la malocclusion acquise, résultat d’un déséquilibre musculaire. Depuis quelques années, on a tendance à nier l’importance des troubles occlusaux dans la genèse de ce syndrome, l’expliquant soit par des troubles psychologiques, soit par un dysfonctionnement musculaire primaire. Les données épidémiologiques réalisées sur les liens entre troubles occlusaux et pathologie articulaire ne sont pas significatives et semblent difficiles à interpréter en raison de leur dispersion en termes d’âge, de la grande variété des troubles occlusaux susceptibles d’êtres rencontrés et qui ne sont pas tous différenciés, de la prise en compte de la symptomatologie articulaire et non des lésions articulaires existantes, de la non-prise en compte de la pathologie de type rhumatologique ou post-traumatique de l’articulation. Certaines études semblent montrer des corrélations (Egermark [23] ; Gazit, 1984 ; Brandt, 1985 ; Nesbitt, 1985 ; Thilander, 1985 ; Nilner, 1986 ; Solberg, 1986 ; Riolo, 1987 ; Pullinger, 1988 ; Seligman, 1989 ; Fuschima, 1989 ; Blanchard, 1990 ; Kernstein, 1991 ; Motegi [68] ; Paesani, 1992 ; Wang, 1994 ; Miyazaki, 1994 ; De Clercq, 1995 ; Morrant, 1996 ; Katzberg [49] ; Pilley, 1997 ; Muto, 1998 ; Sonnesen, 1998 ; Bosio, 1998 ; Liu, 1998 ; Inu, 1999 ; Koyabashi, 1999 ; Fushima, 1999 ; Zhou, 1999 ; Ciancaglini, 1999). Certaines n’en trouvent pas, en particulier en ce qui concerne la responsabilité de l’extraction controversée des prémolaires (Deboever, 1983 ; Gunn, 1988 ; Tosa, 1990 ; Lipp, 1991 ; Beattie, 1994 ; Mc Namara, 1995 ; Abdel-Hakim, 1996 ; Conti, 1996 ; Rodriguez-Garcia, 1998), et d’autres reconnaissent qu’une conclusion est impossible (Eriksson, 1987 ; Wadhwa, 1993 ; Le Resche, 1997). Les études cliniques impliquant les troubles occlusaux semblent confortées par un certain nombre de travaux expérimentaux (Ishimaru [44] ; Fu [31]). Un certain nombre d’études montrent qu’un nombre important de signes de dysfonctionnement constatés pendant l’enfance disparaissent spontanément (et l’on peut penser qu’ils surviennent lors des changements de dentition, alors que l’articulation n’a pu s’adapter au même rythme) (Kononen, 1996). Sans doute existe-t-il des douleurs musculaires (dues à des spasmes selon la terminologie anglo-saxonne) dues à des parafonctions. Dans ce cadre cependant, il nous semble qu’il vaudrait mieux évoquer les conséquences musculaires des parafonctions (y compris le bruxisme). Sans doute ces parafonctions ont-elles une composante psychique. Que ce type d’anomalie entre dans le cadre du syndrome de dérangement interne de l’articulation est hautement discutable. Que ces parafonctions aggravent un dérangement interne de l’appareil manducateur paraît évident. Mais l’étiologie la plus
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Quelques exemples de troubles occlusaux responsables de dysfonctionnement articulaire.
probable et la plus fréquente [4] semble bien être une distension progressive des attaches capsuloligamentaires sous l’effet des tractions musculaires anormales en intensité et/ou en durée et/à en moment de survenue, en particulier des ptérygoïdiens latéraux, induites par un trouble occlusal. Ces anomalies de fonctionnement sont d’ailleurs connues depuis longtemps au plan électromyographique (Lehr, 1980 ; Belser, 1985 ; Kerstein, 1991). Ces troubles occlusaux induisent de plus des forces intra-articulaires anormales (Korioth, 1990 ; Boyd [12] ; Tanne [90]) dont la traduction histologique peut être mise en évidence à l’articulation (Ulrici, 1988). Tous les troubles occlusaux ne sont pas cause de pathologie articulaire et les plus nocifs sont sans doute (fig 31) : – l’existence d’une béance antérieure ; – l’existence d’une occlusion croisée ; – une forte supraclusion incisive ; – les classes II ; – une déficience du guidage antérieur ; – des édentations postérieures non compensées ; – les déviations asymétriques en occlusion d’intercuspidation maximale ; – les interférences, surtout en latéralité ; – les classes III. La quasi-totalité des patients consultant pour un trouble articulaire entre dans ces cadres. La plupart des auteurs reconnaissent d’ailleurs que l’utilité des « gouttières » est de supprimer les contacts prématurés en répartissant les forces occlusales de manière homogène sur la totalité de la denture et en « détendant » les fibres musculaires, ce qui montre qu’ils sont bien d’accord sur le fait que les troubles musculaires sont induits par ces anomalies occlusales (Forssell [30]). Enfin, alors que certaines publications montrent la supériorité de la réhabilitation occlusale par rapport aux traitements symptomatiques (Vallon [94]), d’autres lui dénient cet avantage (Yatai, 1998 ; Forssell, 1999). Très peu de publications cherchent à prouver le rôle d’une réhabilitation occlusale dans la prévention des troubles dysfonctionnels (Motegi [68] ; Kirveskari, 1998).
• Forme de la cavité glénoïde Les différentes études réalisées n’amènent pas de résultats probants quant à l’influence de la profondeur de la cavité glénoïde ou de la
taille du tubercule temporal sur la survenue de syndromes dysfonctionnels (Savastan, 1991 ; Galante, 1995 ; Ren, 1995 ; Sato, 1996 ; Zhou, 1999 ; Kurita, 2000), même si des corrélations sont retrouvées.
• Rôle des traumatismes Une étiologie traumatique dans certaines circonstances est souvent mise en cause, en particulier dans le traumatisme rachidien par « coup du lapin » : lors d’un choc frontal, la tête est brutalement déjetée en arrière, puis repart en avant avec souvent choc du menton sur la poitrine, ces circonstances entraînant un étirement capsulaire et ligamentaire, puis un écrasement articulaire des articulations temporomandibulaires (Evans [26] ; O’Shaughnessy, 1994). Cette étiologie paraît cependant rare (Heise, 1992), malgré certaines publications (De Boever, 1996), et son existence même contestée (Howard, 1995 ; Kolbinson, 1997 ; Mc Kay, 1998). Certaines études IRM faisant malgré tout état de signes d’œdème, d’hémorragies ou d’épanchements intra-articulaires après des traumatismes de ce type (Garcia, 1996), les déplacements discaux constatés lors de ces examens étaient de signification discutable, étant donné leur fréquence dans une population de patients asymptomatiques. Cette agression articulaire pourrait être à l’origine d’altérations qui se manifesteraient beaucoup plus tardivement (un traitement précoce par gouttière occlusale, rééducation des mouvements et antiinflammatoires y est d’ailleurs conseillé). Il est difficile d’affirmer ou d’infirmer la responsabilité d’un tel traumatisme, ce qui peut poser des problèmes médicolégaux (Bedrune, 1992 ; Sapanet [80]). Il semble qu’il puisse se produire dans ce type de circonstances une élongation ligamentaire, qui peut peut-être être le primum movens d’une pathologie articulaire ou bien, plus souvent, décompenser un état articulaire qui était déjà auparavant à la limite de l’instabilité (Pullinger, 1991 ; Romanelli, 1992 ; Plesh, 1999). De la même manière, l’apparition de la symptomatologie articulaire fait très fréquemment suite à une anesthésie générale avec intubation trachéale. L’ouverture buccale forcée réalisée pour l’intubation associée au relâchement musculaire nous semble là aussi plus l’élément qui décompense une situation articulaire limite qu’un facteur réellement causal de la pathologie.
• Anomalies posturales En ce qui concerne les pathologies de l’articulation temporomandibulaire attribuées à des causes posturales (Hackney [36] ; Lee, 1995 ; Bailey, 1995 ; Zonnenberg, 1996 ; Palazzi, 1996 ; Gonzales, 1996), s’il est certain que tous les muscles sont en relation d’équilibre 27
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direct ou indirect entre eux et s’il existe des postures pathogènes de type professionnel ou dues à des activités particulières, vouloir établir une relation avec une asymétrie corporelle extra-craniocervicale semble discutable (Taddey, 1992 ; de Wijer, 1996). Le retentissement de certaines activités, comme celle de violoniste, est unanimement souligné (Kovero, 1996), de même que celle de joueur d’instrument à vent. Le retentissement d’anomalies musculaires cervicales de type torticolis semble également évident. Certaines postures considérées comme nocives (sommeil en décubitus ventral avec appui mandibulaire permanent, certaines positions de lecture en décubitus latéral) semblent plus être un facteur aggravant que déclenchant dans la pathologie articulaire. Les attitudes scoliotiques, l’asymétrie des membres inférieurs, les malformations du pied, peuvent naturellement entraîner un déséquilibre postural. Vouloir en faire une étiologie de dysfonctionnement articulaire semble discutable (Michelotti, 1999), même s’il est certain que le phénomène d’appui asymétrique peut créer une pathologie ascendante par l’intermédiaire des groupes musculaires et peut aboutir à modifier la position de la tête. Il est certain que les modifications de position de la tête font varier les contacts occlusaux, ainsi que le souligne Rozencweig. Là aussi, il nous semble que ces pathologies posturales jouent un rôle plus aggravant qu’étiologique. Quoi qu’il en soit, les techniques de modifications de la posture ne peuvent avoir qu’un effet bénéfique sur les chaînes musculaires intéressées (Komiyama, 1999 ; Wright, 2000).
• Infections à « Chlamydia trachomatis » En 1999, Henry [42] a noté la présence de ce germe dans 20 % des articulations temporomandibulaires opérées pour un dysfonctionnement discocondylien (et dans 39 % des cas, il existe une recherche positive d’ADN de ce germe dans les tissus rétrodiscaux). Cette infection joue-t-elle un rôle dans la pathogénie des dysfonctionnements ? Il semble que cette hypothèse mérite des travaux de recherche complémentaires.
• Pathologie articulaire et fibromyalgie L’existence de la fibromyalgie en tant qu’entité reste discutée. Il s’agit d’un syndrome comprenant des douleurs chroniques des muscles squelettiques, des insertions tendineuses, éventuellement des bourses séreuses. Il existe une sensibilité généralisée des muscles à la palpation, une sensibilité douloureuse généralisée des muscles et une fatigue musculaire ressentie depuis plus de 3 mois accompagnée d’une fatigue matinale (Waylonis [95] ; Avon, 1996). D’après Starlanyl (1996), le diagnostic serait posé sur une sensibilité douloureuse au niveau de 11 sites sur 18 considérés comme spécifiques. Ces sites sont aux niveaux nucal, cervical bas, sternoclaviculaire, acromioclaviculaire et deltoïdien, fessier supérieur, face externe des cuisses, face interne des genoux et face externe des coudes. La symptomatologie s’aggrave à la suite de stress ou de changement climatique. Le syndrome s’accompagne de signes psychiques de dépression. L’étiologie évoquée de la fibromyalgie est un traumatisme physique (accident de la voie publique, chute, chirurgie), des changements hormonaux (ménopause) ou un traumatisme émotionnel. Certains auteurs soulèvent des problèmes de diagnostic différentiel entre une fibromyalgie et des douleurs des muscles de l’appareil manducateur. Pour certains, il peut y avoir une association entre les deux éléments. Certains individualisent même une forme particulière, sous le terme myofascial pain dysfunction syndrom (MPDS), dont les limites, tant avec la fibromyalgie qu’avec un syndrome de dysfonctionnement de l’appareil manducateur, restent très floues (Dao, 1997 ; Aaron, 2000). On considère habituellement que ce MPDS traduit simplement une partie des signes cliniques d’un dysfonctionnement de l’appareil manducateur (Plesh, 1996 ; Klineberg, 1998 ; HedenbergMagnusson [39]). 28
Stomatologie
• Bruxisme et parafonctions Quels rapports entre le bruxisme et la pathologie articulaire ? Le terme de bruxomanie est dû à Marie et Pietrkiewicz (1907). Le bruxisme se caractérise par « des contractions involontaires et inconscientes des muscles masticateurs, en dehors de la fonction physiologique » (Rozencweig). Le bruxisme peut être nocturne ou diurne, avec toute une gamme de sévérité variable. Le patient bruxomane serre les dents en position d’intercuspidation maximale (bruxisme centré) ou grince des dents lors d’excursions rétrusives, protrusives et/ou latérales (bruxisme excentré). La manifestation clinique essentielle est le grincement des dents pendant la nuit. L’étude des facettes d’usure permet de confirmer le diagnostic et le type du bruxisme : – dans un bruxisme centré, les facettes d’usure sont situées sur les cuspides supports, dans les fosses ou sur les crêtes marginales de dents maxillaires et mandibulaires ; – dans le bruxisme excentré, les facettes d’usure, provoquées par le déplacement des cuspides supports inférieures sur les faces occlusales supérieures, se rencontrent : – sur le versant mésial interne des cuspides palatines supérieures (facettes d’usure en rétrusion) ; – sur le versant palatin et sur le bord libre des incisives supérieures (facettes protrusives travaillantes) ou sur le versant distal interne des cuspides vestibulaires supérieures (facettes protrusives non travaillantes) ; – sur le versant mésial interne et le sommet des cuspides vestibulaires supérieures (facettes en latéralité travaillante) ou sur le versant distal interne et le sommet des cuspides palatines supérieures (facettes en latéralité non travaillante). Les études électromyographiques, telles que celles réalisées par Reding (1969) chez des sujets porteurs de bruxisme, ont montré qu’il existe une hypertonie musculaire avec incapacité du muscle à se détendre entre deux contacts occlusaux. Cette hypertonie musculaire a pour conséquence la fatigue musculaire et les patients atteints de bruxisme nocturne se plaignent de sensation de fatigue au réveil (Christensen, 1981). Les muscles sont sensibles à la palpation, en particulier au niveau de leurs insertions, et on note cliniquement souvent une hypertrophie de ces muscles, en particulier du masséter (Dupuis, 1968 ; Roncevic, 1986). Il existe normalement des réflexes protecteurs qui évitent la mise en contact forcée et fréquente des deux arcades dentaires : le réflexe postural d’inocclusion physiologique, le réflexe d’ouverture et le réflexe de protection occlusale. Dans cette pathologie, ces réflexes sont perturbés ou supprimés. L’étiopathogénie du bruxisme reste toujours très discutée, mais il semble que, dans la majorité des cas, il y ait à la fois un facteur occlusal et un facteur psychologique. Selon Ramfjord (1966) « n’importe quel type d’interférence occlusale, lorsqu’il est combiné avec une tension psychique, peut donner naissance au bruxisme et l’entretenir ». Les anomalies psychiques de type « agression refoulée », « autopunition », « manies », et « tension émotionnelle » ont été décrites par beaucoup d’auteurs comme étant le facteur déclenchant le plus important. Cependant, il faut noter que cette terminologie de nature subjective, ayant une connotation « grand public », ne peut être acceptée comme telle par les psychiatres. Les analyses psychologiques font état de frustration, d’anxiété, d’angoisse, de tension psychique et d’obsessions. Les conséquences du bruxisme se font naturellement sentir aux dents en particulier. On va noter une usure dentaire qui au début se traduit par l’existence de facettes d’usure qu’il convient naturellement de rechercher, puis de réelles abrasions dentaires qui amènent une diminution de la hauteur coronaire. Il existe parfois un retentissement sur le parodonte sous la forme d’une pathologie inflammatoire ou destructrice. Le bruxisme a des relations évidentes avec la pathologie de l’articulation temporomandibulaire, d’une part par les lésions dentaires, en particulier la perte de hauteur coronaire qu’elle
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Trouble occlusal majeur responsable de pathologie articulaire après « traitement orthodontique » avec extraction des prémolaires.
entraîne, d’autre part en constituant un facteur aggravant d’une pathologie dysfonctionnelle induite par un trouble occlusal, voire un facteur déclenchant de cette pathologie sur un trouble occlusal qui autrement aurait été toléré par les articulations temporomandibulaires et le système manducateur dans son ensemble. Selon Molina [66], plus de la moitié des patients présentant une pathologie articulaire présentent un bruxisme. Il serait souhaitable de pouvoir solliciter pour ces patients bruxomanes le concours d’un psychiatre, mais la majorité de ces patients, même s’ils sont conscients de souffrir d’anxiété chronique, ne désirent pas avoir recours à des soins psychiatriques. Bien souvent, la seule possibilité thérapeutique se résume à mettre en place une gouttière de relaxation musculaire à port nocturne qui, lorsqu’elle suffit pour obtenir une décontraction musculaire pour préciser les interférences existantes, va permettre de supprimer celles-ci. Les autres parafonctions semblent également bien corrélées avec les dysfonctionnements articulaires sans que les études réalisées ne puissent aller plus avant dans l’explication (Vanderas, 1995 ; Widmalm, 1995 ; Moss, 1995 ; Miller, 1998 ; Glaros, 1998 ; Israel, 1999 ; Gavish, 2000).
• Pathologie articulaire et traitements orthodontiques Un des problèmes que l’on retrouve souvent dans la littérature est : les traitements orthodontiques sont-ils responsables de la survenue de dysfonction de l’appareil manducateur ? Cette question, sans doute mal formulée, devrait plutôt être : les traitements orthodontiques peuvent-ils être responsables de dysfonction de l’appareil manducateur ? La réponse semble devoir être oui, ou plutôt oui si ce traitement orthodontique n’est pas logique. Dans l’expérience clinique, cette réponse nous semble évidente, même si de nombreuses publications orthodontiques ne trouvent aucune relation entre les traitements orthodontiques et la pathologie de l’articulation temporomandibulaire (Dibbets [21] ; Krenenak, 1992 ; Lagerstrom, 1998 ; Henrikson [41]). Cependant, la plupart de ces publications orthodontiques font référence à une pathologie articulaire extrêmement hétérogène et à un éventail de troubles orthodontiques très variés, ce qui pourrait expliquer la dispersion des résultats. La survenue de troubles articulaires transitoires pendant le déroulement du traitement orthodontique est un fait relativement courant, qui semble devoir s’expliquer par les mauvais équilibres existant à certains stades du traitement. Ces troubles disparaissent normalement rapidement (Egermark [23] ; Ngan, 1997). Selon nous, les traitements orthodontiques responsables de pathologies de l’articulation temporomandibulaire sont ceux dont la motivation a été (à tort) de vouloir corriger par des moyens orthodontiques seuls un décalage des bases osseuses qui aurait relevé d’un traitement orthopédique et/ou orthodonticochirurgical, dans le but d’éviter au patient le port d’appareil lourd et/ou un geste chirurgical non dénué de complications potentielles (fig 32). En particulier, nous partageons l’avis de Slavicek [84] sur la nocivité de l’extraction des prémolaires réalisée à l’arcade supérieure dans le but de pseudocorriger une classe II d’origine mandibulaire. Arguer de résultats d’études portant sur des adolescents sans traitement orthodontique ou des patients traités orthodontiquement sans que ne soit apparu un dysfonctionnement ne nous paraît pas valable. En
effet, certaines anomalies occlusales ne seront jamais (ou très tardivement) génératrices de dysfonctionnement (sans facteur surajouté) réalisant un équilibre entre les différents constituants de l’appareil manducateur, même si cet appareil manducateur peut être considéré comme anormal, alors que leur correction mal conçue peut entraîner l’apparition d’un dysfonctionnement supprimant l’équilibre existant sans lui en substituer un autre (Keller [50]). Inversement, un traitement orthodontique bien conçu (et bien réalisé) n’a jamais été mis en cause dans l’induction d’un dysfonctionnement. Dans la quasi-totalité des syndromes de dysfonctionnement apparaissant après certains traitements orthodontiques, l’expérience prouve que la simple mise en place d’une gouttière de relaxation musculaire suffit pour faire disparaître la symptomatologie et voir s’instaurer une nouvelle position mandibulaire (si les troubles ne sont pas trop anciens), ce qui semble une preuve suffisante. Il est certain que la réponse positive à la question soulevée entraîne de très importants problèmes tant déontologiques que relationnels avec le patient, ainsi que des problèmes thérapeutiques. Être obligé d’expliquer au patient qu’il va falloir compléter (de préférence à recommencer) un traitement orthodontique, voire envisager un traitement orthodonticochirurgical, n’est pas toujours chose aisée. Une autre question fréquemment soulevée est : les traitements orthodontiques peuvent-ils empêcher la survenue d’une dysfonction ? Il n’y a pas, à notre sens, effectivement, de réponse à cette question à l’heure actuelle et il semble difficile d’en apporter la preuve scientifique malgré certains résultats encourageants et la logique, qui voudrait que le traitement d’un trouble occlusal ait un effet préventif (Nielsen, 1990 ; Egermark [24] ; Karjalainen [48] ; Henrikson [41]). Encore ne faudrait-il considérer que les traitements orthodontiques parfaitement conçus et réalisés. À la question : la chirurgie orthognathique peut-elle être responsable de la survenue de dysfonction ? La réponse est la même que pour un traitement orthodontique pur. Il semble évident qu’une chirurgie orthognathique sans résultat occlusal équilibré ou qui laisse derrière elle un mauvais positionnement de la tête condylienne peut être génératrice de dysfonctionnement [7].
• Caractère plurifactoriel On ne peut que partager l’avis de Gola [34] qui répartit les facteurs étiologiques en quatre catégories : anomalies somatiques des tissus articulaires, anomalies fonctionnelles, anomalies occlusales, anomalies psychiques. Gola distingue ainsi : – les facteurs prédisposants qui vont faire le lit de la pathologie articulaire : fragilité articulaire notamment par laxité congénitale (et pour Morrow [67] les patients présentant une pathologie de l’articulation temporomandibulaire présentent quatre fois plus souvent que la normale des problèmes au niveau d’autres articulations [dus à une hyperlaxité], une fragilité psychique recouvrant un terrain anxiodépressif, des parafonctions manducatrices dont celles le plus fréquemment retrouvées sont le bruxisme et les dysfonctions linguales et des troubles de l’occlusion [soit anomalies de position par décentrage condylien en position d’intercuspidation maximale, soit anomalies de calage responsables d’une instabilité mandibulaire permanente par perte de calage postérieur, béance antérieure ou altération de la dimension verticale, 29
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soit anomalies de guide]), bien que pour nous ces anomalies occlusales soient un facteur à considérer plus comme étiologique que comme prédisposant ; – les facteurs déclenchants, qui sont des modifications brutales sur un appareil manducateur déjà fragilisé par des facteurs prédisposants : les traumatismes mandibulaires, les perturbations comportementales, les perturbations occlusales souvent iatrogènes et les traumatismes psychiques par choc émotionnel majorant les parafonctions ; – les facteurs entretenants, qui pérennisent les lésions en créant des cercles vicieux : le vieillissement qui limite les possibilités d’adaptation des tissus, le syndrome dépressif induit par les douleurs chroniques, les modifications de la proprioception parodontale et les modifications alvéolodentaires secondaires (une désunion discocondylienne peut modifier les rapports entre les arcades dentaires). Stades de l’atteinte D’après une étude de List [61], 76 % des patients suivis pour un dysfonctionnement de l’articulation temporomandibulaire présentaient une symptomatologie musculaire, 32 % à 39 % (suivant le côté) une luxation discale antérieure, 25 à 32 % (suivant le côté) des lésions de type arthrosique ou arthritique. Cependant, toutes les lésions anatomiques ne se traduisent pas cliniquement, au moins pour un temps : chez les sujets asymptomatiques, Katzberg [49] a ainsi trouvé 33 % de luxation discale, Ribeiro (1997) 25 %. Le premier stade de ces syndromes semble être les anomalies de fonctionnement musculaire (Laskin) qui sont induites par des compensations musculaires de l’instabilité occlusale, et/ou des mouvements d’évitement, de prématurité ou d’interférence, et/ou des parafonctions. Tous les muscles masticateurs peuvent être intéressés et participer à différents degrés aux manifestations pathologiques, mais le muscle ptérygoïdien latéral est le plus souvent en cause. Ce muscle est en effet particulièrement sollicité dans tous les mouvements à composante horizontale. Les mêmes contraintes musculaires entraînent un retentissement sur les structures ligamentocapsulaires de l’articulation. Les contractions musculaires anormales en force, en intensité, en durée ou en chronologie, en particulier du faisceau supérieur du ptérygoïdien latéral, associées aux distensions ligamentocapsulaires, entraînent un relâchement progressif des structures rétrodiscales. Ceci permet une luxation antérieure ou antéromédiale du disque, sanctionnée par un recul du processus condylien. Une fois le disque luxé en avant, la tête condylienne doit franchir son rebord postérieur, avant que l’ouverture buccale ne puisse se poursuivre dans des relations condylodiscales normales. Au fur et à mesure de la détérioration des tissus, le disque se luxe de plus en plus en avant et arrive un moment où il ne parvient plus à réintégrer sa position sur la tête condylienne (date de la luxation discale dite irréductible). On observe alors une discisation des structures rétrodiscales interposées entre les deux surfaces articulaires et, parallèlement, des phénomènes arthrosiques avec des modifications parfois majeures de la tête condylienne surviennent. Cette évolution habituelle n’est pas toujours respectée. Certains stades peuvent ne pas apparaître cliniquement. L’évolution est plus ou moins longue ou précipitée, probablement selon des facteurs mécaniques, fonctionnels, constitutionnels et psychiques.
• Stade musculaire et capsuloligamentaire À ce stade, il existe essentiellement des douleurs qui sont liées à une souffrance des muscles masticateurs (appelés volontiers « spasmes »), à des lésions de type fasciite ou tendinite (syndrome myofascial) ou à une capsulite et/ou une synovite de l’articulation. Les douleurs spontanées sont un des motifs principaux des consultations (cf supra). Leur topographie est très variable, soit à l’articulation elle-même, soit aux différents corps musculaires (région temporale, massétérine, rétromolaire, cervicale antérieure, nucale), soit aux zones de projection douloureuse (région orbitaire, région mandibulaire, région maxillaire, région frontale, région occipitale). 30
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Stomatologie
Hypertrophie musculaire temporale.
La palpation de ces muscles et surtout des insertions permet de préciser ces secteurs algiques. Les tests cliniques d’activité musculaire sont pratiqués (mouvements passifs et mouvements actifs contre résistance), tests de Krogh-Poulsen [52]. Les limitations des mouvements mandibulaires, qui sont liées soit aux spasmes, soit à la douleur, sont souvent associées. Elles peuvent concerner différents mouvements (ouverture, propulsion, diduction) et sont variables dans le temps. On note parfois une hypertrophie musculaire liée à l’hyperfonction, particulièrement visible au masséter et au temporal, pouvant être parfois très importante (fig 33). Il est parfois évoqué la responsabilité de ces troubles musculaires dans des manifestations otologiques. Cette responsabilité est très difficile à affirmer et une preuve éventuelle ne peut être fournie que si elles cèdent au traitement de leur cause supposée. Les otalgies, acouphènes ou bourdonnements, sensations d’oreille bouchée, font évoquer une atteinte de l’oreille moyenne qui pourrait parfois s’expliquer par l’extension du spasme du muscle ptérygoïdien latéral au muscle tenseur du voile et/ou muscle tenseur du tympan. La responsabilité de la mobilisation des ligaments malléaires antérieurs ou l’influence du ligament discomalléaire sur la mobilité des osselets chez l’adulte semblent peu probables.
• Stade de luxation antérieure réductible À ce stade, on peut toujours noter l’existence des différents signes cliniques précédemment évoqués (douleurs musculaires et articulaires, limitation des mouvements mandibulaires, hypertrophie musculaire), mais viennent s’y ajouter des signes d’une perte des relations normales entre le disque et le condyle mandibulaire lors des mouvements. Certains auteurs avaient suggéré que la position antérieure du disque pourrait être considérée comme une variante anatomique normale. L’étude IRM de Paesani [73] montre que ce déplacement discal n’existe chez aucun des enfants examinés avant 5 ans et qu’il est donc une conséquence de facteurs acquis. Permis par les distensions ligamentocapsulaires, en particulier celles de la lame inférieure de la zone bilaminaire qui s’insère sur la face postérieure du condyle, favorisé par une perte des propriétés élastiques de la lame supérieure (ligament de rappel de Poirier), le déplacement discal en avant par rapport à la tête condylienne est antéromédial, dans l’axe de traction du muscle ptérygoïdien latéral qui le provoque pour l’essentiel, les luxations médiales pures étant d’existence discutable (Kurita, 1992). Ce déplacement est générateur de claquements qui viennent se surajouter à la symptomatologie précédente ou qui parfois peuvent être le premier signe, le seul signe pendant un certain temps. Ces claquements articulaires sont uni- ou bilatéraux, suivant qu’il existe une atteinte d’une ou des deux articulations temporomandibulaires. Ces claquements (clicking) peuvent être entendus uniquement à l’ouverture ou uniquement à la fermeture buccale, ou bien successivement à l’ouverture puis à la fermeture buccale (claquements dits « alternatifs » ou « réciproques » [reciprocal clicking]). Le claquement qui survient lors des mouvements
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Imagerie par résonance magnétique : luxation discale antérieure réductible.
d’ouverture est plus ou moins tardif et, plus ce claquement est tardif, plus la luxation antérieure est importante, ce qui constitue naturellement un signe de gravité d’atteinte ligamentocapsulaire. Le claquement de fermeture est également variable dans le temps et, de la même manière, plus ce claquement est proche du début de la fermeture, plus il s’agit d’un signe de gravité. Ces claquements s’accompagnent habituellement d’une sensation de ressaut articulaire, donnant au sujet l’impression de « décrochement de la mâchoire » à l’ouverture buccale. L’ouverture buccale se fait avec une amplitude habituellement normale, sauf s’il existe des spasmes musculaires surajoutés. Cette ouverture buccale se fait en baïonnette, d’abord déviée vers le côté luxé, puis retrouvant une position médiane. En bouche fermée, le déplacement discal entraîne une petite diminution de hauteur de l’articulation, et donc un petit contact molaire prématuré du côté atteint. Lorsque les lésions sont bilatérales, il existe en général un asynchronisme entre les deux luxations réductibles discales et les bruits ne sont pas habituellement simultanés. Ceci traduit le fait qu’il est rare que les deux lésions soient totalement identiques en gravité. Le trajet d’ouverture est ainsi dévié d’une manière un peu variable, éventuellement d’un côté puis de l’autre, avant de retrouver une position médiane. Dans ces cas de luxation discale réductible, on parle aussi de dérangement intracapsulaire de type 1. À l’IRM, en bouche fermée, le disque est en situation anormalement antérieure, le bourrelet postérieur se situant en avant du sommet du condyle mandibulaire, le dépassant de plus de 2 mm. En ouverture buccale, le disque vient se placer normalement entre les condyles mandibulaire et temporal. Comme le remarque Gola [34], en fait, lorsqu’on observe les images d’IRM, on s’aperçoit que le disque reste le plus souvent dans sa position, et que le condyle vient se placer sous lui, continuant son mouvement ensuite dans des relations discocondyliennes normales ou subnormales. Il ne s’agit pas à véritablement parler d’une réduction de la luxation antérieure discale, puisque celle-ci va persister lors des mouvements de fermeture, le condyle quittant alors le disque pour retourner dans la cavité glénoïde (fig 34). L’IRM peut éventuellement découvrir d’autres déplacements discaux qui sont exceptionnels, comme l’association d’une composante externe à la luxation antérieure ou à un déplacement discal postérieur.
• Stade de luxation discale irréductible Ce déplacement discal irréductible (ou closed lock, ou blocage en bouche fermée) traduit le fait que le condyle ne récupère pas lors de l’ouverture buccale des relations normales avec le disque. Lorsque la luxation discale irréductible vient de se produire, la luxation discale antérieure constitue un obstacle à la propulsion du condyle. Il s’instaure alors une limitation douloureuse de l’ouverture buccale.
Dans une luxation discale antérieure irréductible, l’ouverture buccale est réduite, en général inférieure à 35 mm, on note une déviation lors de l’ouverture buccale vers le côté atteint. Cette déviation n’est pas corrigée en ouverture et en protrusion (dans les cas unilatéraux). Il n’y a plus de bruit articulaire du côté où existe la luxation irréductible. Lorsque les lésions sont bilatérales, il est exceptionnel également que les luxations discales deviennent irréductibles des deux côtés en même temps et on se retrouve devant un tableau comprenant des signes cliniques de luxation irréductible d’un côté, et des signes cliniques de luxation réductible de l’autre. Parfois, on note des épisodes d’irréductibilité dans une histoire plus ou moins ancienne de luxation discale réductible ; ces épisodes d’irréductibilité se résolvent spontanément en quelques minutes ou au pire en quelques heures. Que des épisodes intermittents ou non se soient produits, on assiste ensuite à l’installation d’une luxation discale antérieure irréductible constituée. La caractéristique principale de ce tableau clinique est que, après ses antécédents de claquement et de ressaut, le patient présente la disparition de ces bruits articulaires. Parfois enfin, l’apparition d’une luxation discale antérieure irréductible est brutale, sans qu’il y ait des antécédents cliniques de luxation réductible. Dans ce cas de figure, la douleur intense au niveau de l’articulation atteinte est le signe prédominant et la limitation de l’ouverture buccale est plus sévère (inférieure à 20 mm, voire à 10 mm) et associée à une limitation des autres mouvements mandibulaires. Sans prise en charge thérapeutique, l’évolution spontanée se fait vers une amélioration de l’amplitude de l’ouverture buccale, qui reste malgré tout limitée, en général inférieure à 35 mm. Dans les déplacements discaux irréductibles et unilatéraux, l’ouverture est moins diminuée que dans les bilatéraux. Il persiste toujours une déviation du point interincisif vers le côté atteint, ainsi qu’une latérodéviation vers le côté atteint à l’ouverture buccale. La diduction est altérée dans les mouvements vers le côté sain. Dans les formes bilatérales, il n’existe pas ces déviations du point interincisif. Cependant, on observe, après une durée très variable selon les patients, la survenue de signes arthrosiques (s’ils n’existaient pas déjà auparavant) (de Leeuw, 1995 ; Kai [47]). Enfin, dans les luxations irréductibles unilatérales, l’articulation temporomandibulaire du côté opposé développe une mobilité articulaire exagérée, compensant la limitation des mouvements de l’articulation atteinte, et pouvant à elle seule induire un dysfonctionnement articulaire de cette articulation primitivement saine. À l’IRM, en position bouche fermée, le disque est anormalement déplacé en avant. Lors de l’ouverture de bouche, la course condylienne est très limitée. L’anomalie de position méniscale ne se réduit pas. Le disque a, de plus, perdu sa forme habituelle : il est 31
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Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire
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Imagerie par résonance magnétique : luxation discale antérieure irréductible.
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Imagerie par résonance magnétique : luxation discale antérieure irréductible bilatérale. ATM : articulation temporomandibulaire ; B : bouche.
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Perforation discale.
plicaturé, pelotonné en avant de la tête condylienne, celle-ci venant régulièrement buter sur la zone d’attache postérieure à chaque tentative d’ouverture buccale (fig 35). Il est à souligner que les images que l’on obtient à la suite de cet examen IRM correspondent à l’état de l’articulation au moment et dans les conditions de cet examen. En particulier, une luxation qui apparaît irréductible sur les images d’IRM peut n’être irréductible que d’une façon intermittente ou que dans les conditions de l’IRM qui ne sont pas toujours très physiologiques, puisque beaucoup d’examens IRM se font en position d’ouverture buccale forcée et, pour le patient, dans des conditions éventuelles de stress qui peuvent modifier la pathologie articulaire temporairement. Il est évident que, comme pour tous ces types de techniques d’examens complémentaires, l’examen clinique garde sa primauté.
• Lésions discales Il existe assez souvent des anomalies structurales discales, soit au sein d’un tableau de luxation discale antérieure, soit même isolément. On peut citer, parmi les anomalies les plus fréquentes, celle de la dégénérescence mucoïde du disque, et surtout l’existence 32
de perforation. Les perforations peuvent exister sur le disque luimême dans la zone centrale, mais elles se font surtout essentiellement dans la zone bilaminaire qui s’est interposée entre les deux surfaces articulaires, après une luxation irréductible antérieure du disque (fig 36). Cette zone bilaminaire a subi une transformation histologique et a évolué vers une discisation, simulant un néodisque, mais qui reste plus fragile et qui n’assure plus les mêmes fonctions de protection que pour le disque. Ces perforations se traduisent par des douleurs articulaires, parfois violentes, lors des mouvements d’ouverture/fermeture de la bouche (fig 37). Macher [63] a montré qu’une luxation discale induite (chez le lapin) crée des lésions arthrosiques des surfaces articulaires (érosions osseuses, irrégularités et fissures cartilagineuses, ostéophytose). D’autres auteurs ont montré que des perforations discales induisent à elles seules des lésions arthrosiques du même type (Helmy [40] sur le singe, Lekkas (1994) et Sato (1998) sur le rat, Axelsson (1992) sur le lapin, Bosanquet (1991) sur le mouton). L’IRM a la possibilité de montrer des anomalies de son signal, ce qui peut traduire l’existence de lésions tissulaires. Dans la dégénérescence mucoïde, le disque ne présente plus sa morphologie harmonieuse. Il est surtout le siège d’une augmentation du signal, particulièrement bien visible dans la zone intermédiaire et le bourrelet postérieur. Le diagnostic est évoqué devant l’hétérogénéité de l’image méniscale. La certitude ne peut être que chirurgicale et histologique. Les calcifications discales traduisent une atteinte discale, soit ancienne dans le cadre d’une pathologie dégénérative évoluée, soit de constitution plus aiguë, post-traumatique par exemple. Elles provoquent des zones d’hyposignal intraméniscal, de topographie plutôt périphérique (fig 38). Les perforations discales peuvent être centrodiscales, par usure de la zone intermédiaire, ou plus souvent postérieures, dans la partie antérolatérale de la zone bilaminaire, souvent associées à une
Stomatologie
Pathologie non traumatique de l’articulation temporomandibulaire 38
Imagerie par résonance magnétique : hétérogénéité discale. ATM : articulation temporomandibulaire ; B : bouche.
luxation méniscale irréductible. Elles se traduisent théoriquement en IRM par une non-visibilité de la zone intermédiaire, alors que les bourrelets antérieur et postérieur sont bien exposés. Il existe de plus un pincement de l’interligne, les surfaces articulaires étant pratiquement au contact. Le diagnostic de perforation reste toutefois difficile en IRM. L’arthrographie, dans ce cas nettement supérieure, montrerait, si elle était pratiquée, le passage du produit de contraste d’un compartiment articulaire à l’autre.
• Anomalies synoviales L’articulation peut présenter des adhérences intra-articulaires essentiellement de nature synoviale, qui unissent surtout le disque à la surface temporale, et beaucoup plus exceptionnellement le disque à la tête condylienne. Ces adhérences, dans le cas d’un syndrome de dysfonctionnement des articulations temporomandibulaires, peuvent compliquer un tableau de syndrome de dysfonctionnement que nous avons vu, ou en être une des premières manifestations. Elles sont rendues responsables soit d’une limitation des mouvements articulaires, soit d’une certaine raideur articulaire essentiellement matinale. D’autres types de lésions d’adhérence peuvent se voir, en particulier dans les cas de luxation méniscale irréductible antérieure ancienne où le disque est non seulement luxé en avant, mais fixé par des adhérences dans sa position de luxation. Ces adhérences au niveau du récessus antérieur sont alors d’installation relativement tardive. Elles n’ont pas de traduction clinique, mais vont gêner un éventuel geste chirurgical destiné à libérer le disque pour le remettre en position normale ou subnormale. La synovite se traduit en IRM par un comblement (hyposignal) de l’espace interbilaminaire. L’injection de gadolinium montre une prise de contraste intense des deux compartiments articulaires, temporoméniscal et discocondylien.
• Anomalies osseuses Des lésions arthrosiques existent souvent dans le syndrome de dysfonctionnement, qu’elles se manifestent cliniquement ou non (Mejersjo, 1984). Les luxations discales par elles-mêmes sont bien susceptibles d’induire expérimentalement (et/ou de favoriser cliniquement) des lésions de type arthrosique (Macher, 1992 ; Schellas, 1992 ; Ali, 1994). L’IRM visualise ces lésions osseuses avec la modification de la forme des condyles et les formations ostéophytiques. On note également des condensations ostéochondrales et des géodes sous-chondrales. Il existe très souvent une hétérogénéité des surfaces articulaires et des zones hypodenses dans les régions sous-chondrales, association d’amincissement cortical et d’hypodensité T1 de la médullaire spongieuse, montrant une souffrance vasculaire dans le tissu osseux. Parfois, on note un épanchement intra-articulaire qui donne un hypersignal en T2.
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Moyens thérapeutiques
• Traitements symptomatiques – Traitements antalgiques. Les antalgiques sont couramment prescrits en cas de pathologie de l’articulation temporomandibulaire en pratique quotidienne, qu’il s’agisse d’antalgiques banals (paracétamol notamment) ou d’antiinflammatoires non stéroïdiens (aspirine, ibuprofène, kétoprofène, diclofénac). Certains auteurs ont proposé l’utilisation de la stimulation électrique transcutanée (Sugimoto, 1995), éventuellement de l’acupuncture (Raustia, 1986 ; List, 1987) qui restent naturellement des traitements purement symptomatiques dont l’efficacité est multifactorielle, procédant pour partie d’un effet placebo, mais également de la production d’endorphines selon certains auteurs. Enfin, Conti (1997) a utilisé un low laser (830 nm Ga-Al-As, 4 joules) sans résultats probants. – Décontracturants musculaires. Le traitement symptomatique fait souvent appel à des myorelaxants qui agissent à différents niveaux : fibres musculaires ou système nerveux. Il s’agit essentiellement : – de molécules inhibant les réflexes médullaires polysynaptiques comme le thiocolchicoside (Miorelt, Myoplèget, Coltramylt), le méthocarbamol (Lumirelaxt), la méphénésine (Décontractylt) ; il s’agit de produits dont la durée d’action est brève et dont l’index thérapeutique est faible (dose toxique très proche de la dose thérapeutique), ce qui nécessite une surveillance toute particulière (risque important de somnolence) ; – de myorelaxants agissant directement sur les fibres musculaires striées en inhibant les mouvements du calcium au niveau cellulaire, comme le dantrolène (Dantriumt), produit qui présente un risque de somnolence, de céphalées, de malaises intestinaux et d’hépatotoxicité non négligeable ; – de benzodiazépines comme le tétrazépam (Myolastant, Panost), augmentant l’activité des interneurones inhibiteurs, supprimant ainsi l’activité réflexe mono- et polysynaptique ; – d’antispastiques agissant au niveau médullaire présynaptique, déprimant les réflexes mono- ou polysynaptiques et réduisant l’activité réflexe myotatique par réduction de l’action des motoneurones, comme le baclofène (Liorésalt) qui entraîne peu d’effets indésirables aux doses thérapeutiques (à hautes doses, il provoque une dépression généralisée du système nerveux central avec somnolence, hypotonie musculaire et dépression cardiorespiratoire). D’autres produits existent dans la pharmacopée tels que le phenbrobanate (Gamaquilt ou Isotonilt) et la chlormézanone (Trancopalt) (produits non commercialisés en France). L’inconvénient majeur des myorésolutifs est représenté par les risques de somnolence dont il faut prévenir les sujets, en particulier pour la conduite automobile. – Toxine botulique. La toxine botulique (Botoxt, Dysportt) permet de lever des spasmes musculaires. Son intérêt est essentiellement contre les spasmes du ptérygoïdien latéral, permettant de faire céder un trismus qui empêche la réalisation d’un traitement étiologique. L’injection dans le ptérygoïdien latéral se fait par voie intraorale, bouche demiouverte et placée vers le côté à injecter, le point de pénétration de l’aiguille est en arrière de la tubérosité, en direction postérieure, supérieure et médiane, l’injection étant effectuée à 3 cm de profondeur environ. Il s’agit là aussi d’un traitement purement symptomatique. L’effet de la toxine botulique s’installe en 2 à 3 jours. La durée d’action est d’environ 2 à 3 mois. Nous n’avons pas d’expérience de cette technique en tant que traitement proprement dit des syndromes dysfonctionnels (Freund, 1999), mais celle-ci nous y semble illogique. – Infiltrations et injections. – Injections de produit sclérosant. Ces injections de produit sclérosant (alcool, teinture d’iode, 33
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psylliate de sodium) ont été proposées dans la région périarticulaire pour le traitement des luxations récidivantes (Poswillo). Ces procédures n’ont qu’un intérêt historique. – Anesthésie locale musculaire. L’anesthésie locale musculaire entraîne la disparition momentanée des contractures (Schwartz et Tausig). L’anesthésie favorise le diagnostic différentiel entre les douleurs primaires et les douleurs référées et, en dehors de ce rôle diagnostique, son utilisation n’a qu’un effet temporaire ou un effet placebo (Scicchitano, 1996). – Infiltration intra-articulaire de corticoïdes. Les injections intra-articulaires de corticoïdes (Hollander, 1951) sont souvent proposées dans différents cadres pathologiques. S’il existe des indications indiscutables de ce type d’injection dans le cadre de PR par exemple, ces injections dans le cadre d’inflammation post-traumatique ou dans le cas de rétrodiscite ou de capsulite sont plus discutables. Il est certain qu’elles procurent des résultats très appréciables sur un plan fonctionnel (douleur et/ou motilité), mais il ne s’agit que d’un traitement symptomatique, la souffrance articulaire témoignant de contraintes mécaniques anormales qui persistent au sein de l’articulation malgré ce traitement infiltratif. Il convient bien entendu de respecter les contre-indications classiques à la corticothérapie (locales et générales) et les précautions d’usage de la corticothérapie locale (respect de l’antisepsie). Les produits utilisés sont nombreux (Diprostènet, Célestène chronodoset, Kenacort retard 40t, Dépo-médrolt). L’injection est pratiquée au niveau de la dépression prétragienne qui se creuse lors d’une ouverture buccale maximale, l’aiguille étant enfoncée perpendiculairement, immédiatement sous le zygoma, à environ 3 cm de profondeur. L’inconvénient majeur est bien entendu le risque infectieux. Deux à trois injections par an semblent être un maximum. Nous n’avons jamais recours à ces injections dans le cadre des dysfonctionnements. – Autres injections intra-articulaires. Les injections d’hyaluronate de sodium (viscosupplémentation) ont été essayées dans les luxations condylodiscales (Bertolami [10] ; Yustin, 1995 ; Sato, 1999) sans résultat sur la luxation discale, mais avec une amélioration clinique qui semble davantage due à un effet arthrocentèse qu’au produit utilisé. Lin [60] rapporte un taux intéressant de succès avec des injections intra-articulaires de superoxyde dismutase (non disponible en France), un inhibiteur des métalloprotéases. Cependant ces produits, qui n’ont pas d’AMM en France pour l’articulation temporomandibulaire, seraient, pour certains auteurs, éventuellement plus indiqués pour le traitement des lésions arthrosiques que pour les dysfonctions condylodiscales (Neo, 1997 ; Hirota, 1998). – Arthrocenthèse. Nitzan [71] a décrit une technique d’irrigation du compartiment supérieur de l’articulation à l’aide d’une solution de liquide de Ringer. Ce lavage articulaire amène une amélioration clinique tant sur la limitation d’ouverture de bouche que sur les douleurs, ce qui est confirmé par Dimitroulis (1995), Sato (1997), Gu (1998) et Goudot (2000), effet jugé supérieur à celui de l’injection de corticoïdes intraarticulaires (Miyamoto, 1999). L’efficacité semble limitée dans le temps (Gynther, 1998) bien que l’on ne dispose pas d’études comprenant des suivis à long terme (Cascone, 1998). Le mode d’action semble être surtout l’élimination temporaire des substances intra-articulaires telles que les cytokines (Gu, 1996) ou les dérivés nitrés (Alpaslan [5]).
• Prothèses amovibles de recouvrement occlusal (gouttières) Les gouttières occlusales sont les plus utilisées. Ce sont des appareils en résine acrylique couvrant toutes les surfaces occlusales, soit des dents maxillaires, soit des dents mandibulaires. À la suite de Karolyi, qui a réalisé une prothèse de recouvrement en vulcanite pour traiter le bruxisme et les parodontopathies en 1906, 34
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de nombreux auteurs ont utilisé ce type de prothèse amovible pour le traitement des anomalies occlusales entraînant un retentissement sur l’articulation temporomandibulaire : plan de morsure rétroincisif maxillaire de Hawley (1919), modifié par Sved, puis plaque maxillaire ou mandibulaire en résine dure ou souple, en métal ou en composite, fixe ou amovible, proposée par différents auteurs à partir des années 1950 (Brunner, Shore, Schwartz, Ramfjord, Kessling, Mitchel, Krogh-Poulsen, Lerman, Rozencweig). Il existe toujours une multiplicité de ce type d’appareillages qui ont reçu des noms différents, ce qui peut entretenir une certaine confusion. Leur motivation d’utilisation peut être également assez variable. Pour nous, l’utilisation de ces plaques, de ces appareils « inhibiteurs de l’occlusion », de « déprogrammation neuromusculaire » a avant tout une valeur diagnostique, en particulier en cas d’hésitation sur l’implication d’un trouble occlusal dans l’étiologie des manifestations cliniques présentées par le patient. Elle permet aussi (et surtout) de déterminer la relation occlusale optimale du patient. La mise en place d’une plaque correctement ajustée fait disparaître les malocclusions, disparition immédiate et bien sûr transitoire, car interrompue par la dépose de l’appareil. Comme Rozencweig le souligne, cet appareillage n’entraîne pas de modification définitive ou surtout irréversible de l’occlusion : c’est un débrayage temporaire (à condition qu’un port permanent ne dure pas trop longtemps, sinon on s’expose à des effets orthodontiques [Brown, 1994]). Lorsque la plaque est correctement équilibrée ou est correctement ajustée, on doit obtenir une résolution des contractures musculaires et donc des phénomènes douloureux présentés par le patient, éventuellement une normalisation du fonctionnement articulaire. Emshoff (1998) a d’ailleurs montré que le port d’une gouttière a un effet rapide sur le volume des muscles masticateurs (contrôlé à l’échographie), Sheikholeslam (1986) et Abekura [1] que la gouttière supprime les asymétries de contractions musculaires (par examens électromyographiques). Différents types d’appareillages destinés à « débrayer » les rapports occlusaux ont été proposés, parmi lesquels on peut citer les dispositifs suivants. – Plans de morsure rétro-incisifs : JIG de Lucia (1924), plan de morsure rétro-incisif de type Karolyi (1905), plaque de Hawley (1919), plaque de Sved (1944), autorepositionneur de Shore (1959). – Gouttières en résine élastique souple : elles devraient être abandonnées en raison des possibilités de déformation, des difficultés de polissage, du fait qu’elles peuvent entraîner une exaspération de crispation inconsciente et une augmentation de l’envie de mâcher. – Gouttière à pivot de Krogh-Poulsen : il s’agit d’une gouttière recouvrant toutes les dents, à laquelle ont été ajoutés deux cônes de résine, munie de vis autorisant un réglage en hauteur en regard de la face centrale du surplomb molaire supérieur. Elle a pour but de limiter ou de supprimer la pression au niveau des condyles. Elle est associée à la mise en place d’une fronde mentonnière. – Gouttière hydrostatique de Lerman [59] : il s’agit d’un coussin en forme de H, en vinyle, contenant de l’eau, qui est interposé entre les arcades dentaires et qui permet un latéropositionnement mandibulaire par le seul jeu musculaire, la quantité de liquide dans la prothèse étant fonction de la dimension verticale d’occlusion souhaitée (en principe 1,5 mm). Ce système clos, dans lequel un liquide se répartit en fonction des pressions, supprime ainsi tout contact occlusal direct. La vérification de l’égalisation des pressions est possible en interposant une feuille de cire entre la mandibule et la gouttière. Aucune perforation ne doit être visible, sinon ceci correspond à un contact prématuré qui doit être éliminé. Une fois l’occlusion souhaitée en relation centrée obtenue, la gouttière est déposée et remplacée par une gouttière en résine dure, équilibrée par le patient lui-même qui mobilise sa mandibule, modelant la surface occlusale de la résine. Cette technique originale semble relativement satisfaisante, lorsqu’on envisage un traitement purement par meulage sélectif. – Gouttière de Ramfjord [76], dite aussi gouttière du Michigan : c’est une gouttière maxillaire en résine dure transparente. Cette gouttière
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recouvre toutes les dents maxillaires, les surfaces occlusales de contact sont lisses et plates, sur toutes les cuspides d’appui mandibulaire, sauf la canine où existe un plan incliné de désengrènement. La dimension verticale occlusale est minimale. Cette gouttière est élaborée sur un articulateur semi-adaptable. Les modèles sont montés en relation centrée si l’écart entre l’occlusion d’intercuspidation maximale et l’occlusion en relation centrée est faible, et s’il n’y a pas de déviation latérale importante à l’ouverture. Sinon, le modèle mandibulaire est monté en béance verticale, audelà du point où apparaît la douleur dans des mouvements de fermeture. C’est le modèle de base des gouttières de relaxation musculaire. – Gouttière évolutive de Rozencweig [77] : elle est réalisée sur un occluseur simple. Elle est confectionnée avec une épaisseur minimale au niveau molaire, les surfaces lisses, un appui canin incisif avec désocclusion des dents cuspidées. L’ajustement est effectué sur le patient. Il permet d’obtenir des contacts généralisés des dents mandibulaires sur la surface occlusale qui doivent être disséminés et d’égale intensité. La désocclusion des secteurs postérieurs est vérifiée lors des mouvements de propulsion. Les zones canines sont retouchées pour obtenir les désocclusions des deux secteurs latéraux lors des mouvements de diduction. Dans un premier temps, la gouttière occlusale est transformée en plan de morsure rétro-incisif en éliminant une épaisseur d’environ un dixième de millimètre au niveau des secteurs cuspidés. Lorsque, lors des contrôles, on obtient une absence de contacts en arrière de la canine, l’appareil est retransformé en gouttière occlusale par meulage de la région incisive. Un contact généralisé sur toute la surface de l’arcade antagoniste est rétabli et soigneusement équilibré. L’absence d’interférences lors des mouvements excentrés est vérifiée. En pratique, on peut distinguer trois modalités d’utilisation des gouttières. – Gouttière de relaxation musculaire : pour nous, la gouttière de relaxation musculaire est en résine acrylique dure réalisée à partir de plaques thermoformées (permettant l’obtention de gouttières fines), couvrant la surface occlusale de toute une arcade (maxillaire ou mandibulaire). Nous l’utilisons : – comme appareil de protection dentaire contre l’usure excessive liée à des parafonctions ; – dans les contractures musculaires douloureuses ; – dans les pathologies complexes, mêlant atteinte musculaire et articulaire, comme atteinte préliminaire (avec comme but la suppression des contractures musculaires) ; – en tant qu’épreuve diagnostique dans les pathologies douloureuses mal définies ou dans certains troubles otologiques quand une éventuelle étiologie occlusale est soupçonnée ; – mais son but principal est de déterminer la position mandibulaire souhaitable pour le patient, position qui sera à pérenniser par un traitement étiologique. La gouttière est réalisée au laboratoire sur les modèles en plâtre. Après le thermoformage, une couche de résine autopolymérisable est additionnée sur la face occlusale de la gouttière. Le but de l’opération est l’obtention d’une épaisseur homogène de 1 à 2 mm de résine sur toute la surface occlusale, épaisseur qui consolide la gouttière et en même temps compense l’irrégularité des courbes occlusales. Pour nous, il n’y a pas d’arguments qui plaident d’une façon convaincante pour l’utilisation d’une gouttière maxillaire plutôt que mandibulaire. Maxillaire ou mandibulaire, les impératifs à respecter sont liés à l’épaisseur et au réglage en occlusion. Le réglage de la gouttière peut se réaliser en clinique ou au laboratoire avec les modèles de travail montés sur articulateurs. Le réglage réalisé en laboratoire est en fait un préréglage et il doit être impérativement vérifié en clinique : en raison des spasmes musculaires, la position mandibulaire peut varier entre le moment d’enregistrement de la relation intermaxillaire et le moment de la mise en place de la gouttière.
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Les contacts dentaires sur la gouttière sont marqués grâce à un papier d’articulé encré d’épaisseur variable (40 à 100 µm), rouge ou bleu. Pour les mouvements de propulsion ou de latéralité, un papier encré de couleur différente est utilisé. L’ajustage de la gouttière se fait avec une fraise résine tenue par une pièce à main. Les points qui apparaissent sur la gouttière sont effacés progressivement par des modifications successives, jusqu’à obtention des contacts simultanés. Les principes à respecter sont : – gouttière plate, lisse (non sculptée) ; – épaisseur minimale avec des contacts simultanés et punctiformes de toutes les cuspides supports des dents antagonistes (exception faite des dents en malposition) ; – désocclusion postérieure dans les mouvements de propulsion et de latéralité, si possible avec un guidage canin. À la fin de la première séance, des conseils de pose, de port et d’hygiène de la gouttière doivent être donnés au patient. Ces gouttières doivent être portées 24 h sur 24, mais il faut laisser le temps au patient de s’y habituer. La gouttière représente un corps étranger qui va le gêner pour la phonation et la mastication au début. La gouttière est contrôlée toutes les 3 à 4 semaines. La décontraction musculaire obtenue peut générer une modification de la position mandibulaire. L’équilibration de la gouttière doit être reprise dans la nouvelle position, pour obtenir à nouveau des contacts occlusaux simultanés sur toute la surface. Le protocole est répété jusqu’au moment où les contacts ne se sont pas modifiés d’une séance à l’autre. Cette gouttière est portée pendant un minimum de 2 à 3 mois. À la fin de cette période, le montage sur articulateur, l’analyse de la nouvelle position mandibulaire vont orienter le choix thérapeutique (équilibration occlusale, orthodontie, prothèse). Une grande rigueur doit être de mise tant pour la mise en place que pour la surveillance de cet appareillage, sinon on ne peut tirer aucune conclusion de ce qui n’est le plus souvent qu’un moyen diagnostique. Malheureusement, en pratique journalière, il nous est donné de voir un grand nombre de soi-disant gouttières réalisées par des praticiens mal informés sans tenir compte de ces règles ou de gouttières non surveillées, ce qui naturellement peut amener à porter un jugement péjoratif sur l’efficacité de ces gouttières dans leur ensemble. – Gouttière de repositionnement ou gouttière de réduction de luxation discale : elle est utilisée dans les cas de luxation discale réductible et éventuellement dans les cas de luxation discale irréductible récente, après avoir effectué une manœuvre de réduction discale (Farrar et Mc Carthy) (fig 39). Elle est envisageable quand le disque est raisonnablement récupérable. Elle est donc destinée à stabiliser la mandibule dans une position thérapeutique qui assure la coaptation condylodiscale. Cette position thérapeutique va déterminer une position plus antérieure du condyle dans la cavité glénoïde. Plus le claquement d’ouverture est précoce, plus cette position est peu différente de la position habituelle (1 à 2 mm), plus le claquement est tardif ou dans les cas de luxation discale irréductible récente, plus la position de la mandibule est avancée et abaissée (jusqu’à 3 mm de propulsion et 5 mm d’abaissement). Il existe dans la littérature des chiffres qui correspondent au déplacement antérieur mandibulaire maximal possible (Farrar, Dawson). En pratique, c’est le contrôle clinique qui va permettre au praticien de déterminer s’il peut stabiliser la position thérapeutique par la suite ou s’il est obligé de réaliser le traitement en dehors du disque, et si l’avancée mandibulaire nécessaire pour obtenir une ouverture sans claquement articulaire est possible. Si l’antéposition discale est asymétrique, souvent le repositionnement de la mandibule doit se réaliser en latéropropulsion. La gouttière de repositionnement est habituellement maxillaire. On confectionne un appareil comportant un mur de guidage qui, à la fermeture, entraîne la mandibule vers ce point, et qui comporte des indentations pour l’y maintenir. Le réglage de ce type de gouttière peut être réalisé en bouche ou en laboratoire, après avoir déterminé la position thérapeutique. Le repérage clinique de cette position est 35
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39 Manœuvre de Farrar et Mc Carthy (d’après Rozencweig [77]).
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proposé par la plupart des auteurs : le patient doit ouvrir la bouche au-delà du claquement d’ouverture (qui correspond à la recaptation des pièces articulaires) puis refermer dans une position propulsée, au moins en bout à bout incisif ; il doit ensuite reculer très lentement afin de permettre au praticien de percevoir le claquement de retour. La position thérapeutique se trouve juste avant la perte de la coaptation des surfaces condylodiscales. Cette position est marquée sur la gouttière, soit directement en bouche (par ajout de résine autopolymérisable), soit en laboratoire. Pour la réalisation en laboratoire, il faut réaliser une cire d’occlusion (cire Moyco) dans la position thérapeutique, cire qui va servir au montage sur l’articulateur. Pour ces gouttières confectionnées en laboratoire, la vérification clinique est obligatoire, l’existence d’interférences lors du mouvement de fermeture dans les indentations nécessite un refaçonnage clinique de la face occlusale. Les indentations doivent être bien marquées pour assurer un bon calage de la mandibule dans la position thérapeutique, sans permettre le recul mandibulaire. La coaptation condylodiscale a comme conséquence une inocclusion postérieure et le patient doit être informé de l’obligation du traitement de stabilisation. Pendant la durée du traitement, l’inocclusion molaire est compensée par l’épaisseur de la gouttière. Au retrait de celle-ci, en absence de traitement de stabilisation, le patient recherchera inconsciemment le contact des faces triturantes afin de pouvoir écraser le bol alimentaire, le condyle va alors être refoulé en arrière dans la cavité glénoïde et il y aura décoaptation condylodiscale, se manifestant cliniquement par la réapparition du claquement à l’ouverture. Cette gouttière est portée de 4 à 6 mois, impérativement 24 h sur 24, même pendant les repas. Les contrôles s’effectuent toutes les 3 semaines. Lors des visites de contrôle, le praticien doit vérifier l’intégrité de la face occlusale de la gouttière, ainsi que la tolérance musculaire par rapport à cette nouvelle position (et l’absence de bruits articulaires). La réapparition de bruits articulaires doit rendre le praticien très prudent par rapport à la réussite du traitement. Elle signifie soit l’existence d’un bruxisme (qui a déterminé l’usure des indentations et par conséquent une instabilité mandibulaire), soit une hyperlaxité ligamentaire. Si cette situation se renouvelle, il est prudent quelquefois de renoncer au repositionnement et de se concentrer alors uniquement sur les problèmes algiques. Selon certains auteurs, après 2 à 3 mois, on effectue des tentatives de recul mandibulaire par meulages progressifs des indentations et lorsque le claquement réapparaît, ces auteurs considèrent que l’on atteint une position qui ne peut être dépassée. Nous ne partageons pas cette analyse. Pour nous, une fois la position asymptomatique découverte, il convient d’effectuer le traitement en la prenant comme référence. Il est inutile, même dangereux, de débuter le protocole de repositionnement mandibulaire avant d’avoir la certitude que le 36
patient ait compris ce à quoi il s’engage et d’avoir son engagement à suivre ce traitement de stabilisation jusqu’à son terme. Dans les cas de luxation discale réductible tardive, ainsi que dans les cas où il faut réaliser une latéropropulsion mandibulaire, le praticien peut difficilement prévoir avec exactitude la nature du traitement de stabilisation : orthodontique, orthodonticochirurgical, prothétique. Le patient doit être informé de toutes les éventualités possibles. Dans les cas de luxation condylodiscale réductible, la gouttière de repositionnement est la suite logique d’une gouttière de reconditionnement neuromusculaire (« Même si j’ai constaté des claquements réciproques, j’ai intérêt à avoir une bonne résolution musculaire et à faire porter une gouttière lisse ». Valentin [93]), d’autant plus que le port d’une gouttière lisse va permettre au patient de s’habituer à une gouttière et de réfléchir au traitement de stabilisation (qui va devoir être réalisé après le port de la gouttière de repositionnement). – Gouttière de décompression : elle a été proposée pour favoriser la transformation du ligament rétrodiscal en néodisque (discisation). Cette gouttière est indiquée dans tous les cas où le traitement se réalise en dehors du disque, donc dans les cas de luxation discale irréductible et certains cas de luxation discale réductible tardive où une indication chirurgicale de repositionnement discal n’a pas été posée. Ce type de gouttière favorise une bascule mandibulaire antérieure lors de la mastication, bascule qui entraîne un abaissement du condyle ; le ligament rétrodiscal n’étant plus comprimé s’épaissit et se modifie en néodisque. Certes, ce néodisque est plus fragile (moins résistant à la pression) que le disque luimême, mais la réalisation par la suite d’un bon équilibre occlusal devrait assurer sa pérennité. La gouttière de décompression est réalisée au laboratoire. Les modèles sont montés sur articulateur en « relation centrée » (fausse relation centrée en raison du déplacement discal, mais seule position enregistrable). Une feuille d’étain de 0,5 mm d’épaisseur est introduite dans le boîtier condylien de l’articulateur au-dessus de la boule condylienne. Cette épaisseur est équivalente à la décompression qui va être obtenue avec la gouttière. Le réglage sur articulateur se fait comme pour une gouttière de reconditionnement neuromusculaire, avec des contacts punctiformes simultanés de toutes les pointes cuspidiennes antagonistes. Lors de l’application intraorale, les contacts vont se manifester uniquement en région postérieure, avec une inocclusion antérieure d’environ 1 mm. Cette gouttière est portée 24 h sur 24 pendant 6 à 8 mois. Lors de chaque contrôle, le praticien vérifie l’apparition de contacts antérieurs. Pour continuer la décompression, il peut rajouter une fine couche de résine autopolymérisable en zone postérieure. Lorsqu’il y a absence des contacts antérieurs, la décompression est considérée comme
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Exemple de gouttière de relaxation musculaire.
terminée. À partir de ce moment, on estime que le néodisque est formé. La gouttière peut être transformée en fonction de la pathologie restante en gouttière musculaire ou en gouttière de repositionnement (fig 40). Nous n’y voyons que de rares indications en raison de la longueur de port nécessaire et du risque de changements de position dentaire de nature orthodontique qui se produisent en regard de la béance antérieure entraînée.
• Ajustement occlusal L’ajustement occlusal par meulages sélectifs a été décrit par Bonwill en 1887. Cette proposition fut ensuite reprise par un grand nombre d’auteurs, parmi lesquels Lauritzen, Lindblom, Jankelson, Wirth, Smukler, Solnit. Schuyler [81] a défini en 1935 les principes généraux de ce type de correction occlusale. Il est indéniable que l’ajustement occlusal par meulages sélectifs a un certain nombre d’indications dans la pathologie dysfonctionnelle de l’articulation temporomandibulaire, mais cette technique n’est pas une panacée et ne saurait être opposée à tous les cas de trouble occlusal. L’ajustement occlusal peut être utilisé seul ou en association avec d’autres thérapeutiques prothétiques ou orthodontiques par exemple. Le but de l’ajustement occlusal n’est pas de transformer les surfaces occlusales des dents en surface plane, mais bien de supprimer les contacts prématurés et les interférences éventuellement existantes. Il faut souligner que cette technique est une technique mutilante, et que son indication et sa réalisation doivent obéir à un certain nombre de règles précises (fig 41). Pratiquement tous les patients exempts de pathologie présentent une différence de position entre la relation centrée et l’occlusion d’intercuspidation maximale (cf supra). Cette différence semble indispensable à un bon fonctionnement de l’appareil manducateur, ainsi que le souligne Rozencweig [77]. Les ajustements occlusaux doivent ménager cet espace de liberté, en permettant un glissement entre la position de relation centrée et la position d’intercuspidation maximale, ce glissement devant se produire habituellement sur une longueur de 0,2 à 0,7 mm. C’est ce que l’on dénomme long centric physiologic, que Spirgi a montré qu’il est indispensable de ménager. Cet ajustement occlusal ne doit être entrepris qu’après l’étude parfaite des points supports de l’occlusion et des contacts prématurés et des interférences. Ceci impose donc que l’on ait obtenu au préalable une décontraction musculaire, ce qui passe pratiquement toujours par le port préalable d’une gouttière de relaxation musculaire. Selon Rozencweig, sauf s’il existe des interférences latérales grossières, il semble souhaitable : – d’effectuer un ajustement occlusal en éliminant dans l’ordre : – les prématurités en relation centrée ; – les interférences sur le trajet de la relation centrée à l’intercuspidation maximale ;
– les interférences en latéralité ; – les interférences en propulsion ; – et de finir par aménager le guidage antérieur. – Élimination des prématurités en relation centrée. Certains contacts prématurés surviennent au cours des mouvements de fermeture en relation centrée et provoquent un déplacement de la mandibule dans le plan sagittal. Ce contact prématuré est alors situé sur le versant mésial des dents supérieures ou sur le versant distal des dents inférieures. La règle du meulage consiste à corriger le versant mésial des dents supérieures ou le versant distal des dents inférieures : règle MSDI (mésial supérieur distal inférieur). Le meulage doit respecter les butées d’occlusion en intercuspidation maximale sur les dents considérées. – Correction des interférences de la position de relation centrée à la position d’intercuspidation maximale. Les interférences provoquent un déplacement de la mandibule à droite ou à gauche. Le contact prématuré sur un versant vestibulaire maxillaire donne lieu à un glissement en direction vestibulaire. Le meulage s’effectue sur le versant vestibulaire des dents maxillaires et sur le versant lingual des dents mandibulaires : règle VSLI (vestibulaire supérieur lingual inférieur). Le contact prématuré sur un versant palatin maxillaire donne lieu à un glissement en direction palatine. Le meulage s’effectue sur le versant palatin des dents maxillaires et le versant vestibulaire des dents mandibulaires : règle LSVI (lingual supérieur vestibulaire inférieur). – Élimination des interférences au cours des mouvements latéraux. – Du côté non travaillant : le but est d’éliminer tout contact apparaissant lorsque les dents inférieures quittent la relation centrée en direction linguale. La règle de meulage pour le côté non travaillant est la règle VSLI : meuler les versants vestibulaires des dents maxillaires supérieures et/ou les versants linguaux des dents mandibulaires. – Du côté travaillant : une fois choisie une fonction groupe ou une fonction canine, la règle de correction appliquée est LSVI : meulage des versants palatins des dents maxillaires et/ou des versants vestibulaires des dents mandibulaires. Le meulage s’effectue généralement en créant des sillons dans le sens des mouvements. – Élimination des interférences en propulsion. Seules les dents antérieures doivent entrer en contact. Si des contacts apparaissent sur les dents postérieures, ils doivent être éliminés et la règle de correction est DSMI : meuler les versants distaux des dents supérieures ou dans certains cas les versants mésiaux des dents inférieures. – Harmonisation du guidage antérieur. La correction du groupe incisivocanin tend vers l’harmonisation du guidage antérieur par meulage des surfaces linguales des dents maxillaires ou des surfaces vestibulaires des dents mandibulaires, sans réduire les butées occlusales. Les contacts doivent être assurés sur le plus grand nombre de dents pour une prise en charge 37
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Ajustement occlusal (d’après Abjean et Latino). A. Remodelage d’une facette d’usure située sur une cuspide support. B. Remodelage d’une facette d’usure située près d’une fosse. C. Élimination d’un contact prématuré (sur 24). D. Régularisation de la courbe de Spee (élimination d’un contact prématuré sur 35). E. Régularisation de la courbe de Wilson (élimination d’un contact prématuré sur 46). V côté vestibulaire, L côté lingual.
F. Correction des interférences de déviation vers la joue. G. Correction des interférences de déviation vers la langue. H. Correction des interférences en latéralité non travaillante. I. Correction des interférences en latéralité travaillante. J. Élimination des interférences en protrusion. K. Harmonisation du guidage antérieur (meulage des surfaces linguales des incisives maxillaires ou des surfaces vestibulaires des incisives mandibulaires sans réduire les butées occlusales).
équilibrée et divisée par l’ensemble des dents antérieures (Rozencweig [77]). L’ajustement occlusal est terminé en corrigeant éventuellement les contacts dentaires lors de la déglutition, de façon à obtenir des contacts ponctuels et répartis sur le plus grand nombre de dents, pendant ce mouvement physiologique. La coronoplastie est parfois associée à l’orthodontie pendant ou après le traitement pour affiner les contacts ou éliminer les interférences. L’ajustement occlusal est également souvent associé à une réfection prothétique : les dents antagonistes des prothèses sont souvent égressées, versées, éventuellement porteuses de reconstruction ou de reconstitution inadéquate et se doivent d’être modifiées avant la réalisation de celles-ci.
mise en place d’une gouttière occlusale de relaxation musculaire et des éliminations des interférences par meulages sélectifs.
• Traitement prothétique Les reconstructions prothétiques sont très souvent indispensables. Elles sont envisagées naturellement pour compléter les arcades édentées, mais aussi en remplacement d’anciennes prothèses inadaptées et/ou pour compenser une perte de la dimension verticale d’occlusion. Là aussi, la thérapeutique occlusale est rarement utilisée seule. Elle peut être utilisée en association avec des coronoplasties et/ou des meulages occlusaux ou bien avec un traitement orthodontique. Elle peut faire appel à des techniques implantaires. La restauration prothétique est bien entendu précédée d’une analyse occlusale clinique et d’une analyse occlusale sur articulateur, de la 38
Dans le cas de réalisation de prothèses conjointes, il convient de passer par la réalisation d’une prothèse transitoire qui, entre autres, permet le contrôle de la fonction occlusale et permet d’apporter une confirmation des hypothèses thérapeutiques. Cette prothèse transitoire est réalisée selon la technique décrite par Colin (1989), qui comprend un montage sur articulateur, une réalisation de la maquette en cire ajoutée (wax up), la confection de la gouttière thermoformée et enfin la réalisation de la prothèse transitoire en bouche. Dans le cas des prothèses adjointes, on envisage là aussi le port d’une prothèse transitoire, de préférence selon la méthode de Tench. Il convient de redonner une dimension verticale d’occlusion ou de la modifier si elle avait été perturbée par une prothèse antérieure. La diminution de cette dimension est d’ailleurs beaucoup plus fréquente que son augmentation (iatrogène). Pour redonner cette dimension, de nombreux auteurs ont décrit des techniques utilisables lorsque l’on peut réaliser des examens avant les extractions dentaires ou lorsque l’on peut disposer de documents réalisés avant que les extractions n’aient été faites : mesure de la distance entre deux points tatoués au niveau de la gencive attachée de l’espace interradiculaire canine-incisive latérale (Silvermann) ; enregistrement du profil sur une téléradiographie (Crabtree) ou sur un document photographique (Wright) ; masque en résine
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(Swenson)… Lorsqu’on ne dispose pas de documents préextractionnels, la détermination de cette dimension devient plus délicate. Elle est alors : – ou relativement empirique et opérateur-dépendante : recherche de la dimension verticale d’occlusion (DVO) préférée du patient en utilisant son sens tactile (Orifino et Héraud) à l’aide de cales micrométriques ; détermination de la hauteur à l’aide de la déglutition en utilisant des cônes de cire au niveau de certaines dents (Shanahan, Buchman), qui doivent être écrasés lors de la déglutition ; appréciation de la régularité du trajet du cartilage thyroïde lors de la déglutition (Malson) ; – ou fondée sur des données statistiques anthropométriques dont il convient naturellement de relativiser la valeur pour un cas particulier : il existe différentes règles de proportions classiques (Sigaud, Willis, Landa, Mc Gee, Boyanov, Appenrodt) ou céphalométriques (57 % de la hauteur faciale totale) ; certains auteurs cherchent à évaluer la DVO par l’intermédiaire de la dimension verticale de repos (soit critères esthétiques, photographiques ou téléradiographiques, soit méthodes de « relaxation » ou méthodes cinématographiques) ou de la dimension verticale phonétique (Silverman, Pound, Klein, Pouysségur). La prothèse provisoire est testée en bouche pendant 3 à 6 mois. La mise en place de la restauration définitive est effectuée par secteur d’arcade, en remplaçant successivement les prothèses provisoires, selon la séquence [34] : restauration du secteur incisif mandibulaire ; restauration du secteur postérieur mandibulaire ; restauration du secteur postérieur maxillaire ; restauration du secteur incisif maxillaire.
• Traitement orthodontique L’immense majorité des cas devrait relever dans l’absolu d’un traitement orthodontique. Ce traitement orthodontique peut être conçu soit seul, soit associé naturellement à une thérapeutique prothétique. Il existe parfois des indications implantaires préorthodontiques pour constituer un point d’ancrage postérieur pour l’orthodontie, implant qui sert éventuellement également plus tard pour la prothèse. Pratiquement toutes les malocclusions devraient être traitées par cette technique, en particulier celles qui entraînent des anomalies du guidage antérieur : les béances verticales, les anomalies transversales entraînant des interférences postérieures, les inocclusions canines en intercuspidation entraînant des interférences non travaillantes et surtout le recouvrement trop important (supracclusion de classe II 2). Outre le bilan habituel préorthodontique, l’axiographie semble indispensable. Il faut naturellement envisager des montages prévisionnels sur articulateur pour simuler l’objectif thérapeutique dans tous les cas. Dans le cas des dysmorphoses squelettiques, le traitement doit être orthodonticochirurgical et bien entendu commencer par la correction des compensations dentoalvéolaires qui se sont produites spontanément ou qui, malheureusement parfois, ont été créées par un traitement orthodontique préalable qui a voulu éviter au patient une chirurgie qui était indispensable. Dans ces cas, le plan de traitement doit être établi en fonction des besoins en association avec le chirurgien et les spécialistes de prothèse. Ce traitement orthodontique n’est conduit qu’une fois la position thérapeutique déterminée par une gouttière de libération occlusale et (ou non) par une gouttière de repositionnement. Compte tenu de la durée du traitement orthodontique, pour pouvoir garder la référence de la position condylienne thérapeutique déterminée préalablement, il faut réaliser le plus souvent l’orthodontie sur gouttière par des procédés tels que celui décrit par Lumbrosco (1991), c’est-à-dire réaliser un traitement orthodontique selon la technique segmentée (type Burstone). À la fin du traitement orthodontique, une finition par meulage sélectif est le plus souvent indispensable pour parfaire l’équilibre occlusal. Plus encore que d’autres traitements orthodontiques, la surveillance doit être très prolongée chez ce type de patients.
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• Rééducation Quelle que soit l’expression clinique et l’évolutivité du dysfonctionnement mandibulaire, les contractures musculaires, habituellement unilatérales, peuvent induire à elles seules l’ensemble des troubles rapportés par le patient : bruit masticatoire, douleur sourde, déviation de la mandibule au repos puis à l’ouverture, limitation antalgique de la mobilité mandibulaire pouvant aller jusqu’au trismus. L’examen du patient, mais pas seulement de la mâchoire, permet habituellement de mettre en évidence : – bien sûr les contractures de la musculature élévatrice d’une ou rarement des deux articulations temporomandibulaires (masséter, temporal, ptérygoïdien), sans omettre l’ensemble de la musculature de la face et de la région ; – presque toujours un état de stress au sens large musculaire ou psychologique avec les dystonies qu’habituellement il engendre ; – une irritation cervicale supérieure segmentaire et métamérique, homolatérale, C1 C2, mais surtout C2 C3, habituellement secondaire à des troubles de la statique vertébrale ; – des praxies anormales, respiratoires fréquentes (respiration buccale exclusive), linguale, (malposition) ou de la déglutition (de type infantile) ; – des parafonctions (bruxisme, succion de pouce...). Objectifs du traitement kinésithérapique. À partir d’un bilan musculaire palpatoire et articulaire précis, qui objective les amplitudes et déviations de la mandibule, le rééducateur doit pouvoir hiérarchiser la prise en charge du patient et avoir pour ambition : – la levée des contractures musculaires et la symétrisation des courses condyliennes ; – la libération du rachis cervical haut, très souvent impliqué, et la relaxation tant de la face que du patient ; – à chaque fois que nécessaire, la rééducation de la statique vertébrale, l’inhibition des dyskinésies orofaciales, la modification du mode respiratoire ou la rééducation de la déglutition ; – sans omettre l’accompagnement psychologique du patient tout au long du processus rééducatif. Moyens de la kinésithérapie. – Lutte contre les contractures musculaires. Elle relève de moyens simples, peu coûteux en matériel, mais lourds en temps : – la thermothérapie chaude est indispensable au début de chaque séance, de par des effets sédatifs et décontracturants ; d’une durée de 15 à 20 minutes, notre préférence va aux coussins chauffants ; – les massages décontracturants complètent immédiatement et efficacement la thermothérapie ; ils sont complets, locaux bien sûr (exo- et endobuccaux), locorégionaux (muscles de la face et des peauciers du cou), régionaux (latérocervicaux et trapèze). – Travail de la symétrisation articulaire de l’ouverture buccale. – Propulsion d’abord. Sachant qu’aucune ouverture buccale supérieure à 2 cm n’est possible sans une propulsion associée et que toute ouverture buccale est latérodéviée si la propulsion est asymétrique, il apparaît à l’évidence que le gain d’amplitude doit laisser la priorité à la symétrisation préalable d’une antépulsion permettant de retrouver une relation intercondylienne paire et symétrique. Ce travail, nécessairement facilité par la relaxation musculaire initiale, se fait en feed-back (devant miroir en station assise), seul moyen de permettre, par la répétition des gestes, l’autocorrection de la cinèse puis sa corticalisation. À ce stade de difficulté majeure peuvent être rencontrés : – l’inhibition totale de l’antépulsion active avec perte de conscience du mouvement ; le recours à des exercices facilitateurs (protraction de langue par exemple) permet de passer le cap ; 39
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– l’hypertonie des rétropulseurs de la face (houppe du menton) ou du plancher de bouche nécessite un travail préalable d’inhibition de cette musculature. – Ouverture buccale ensuite, dans les mêmes conditions, avec les mêmes impératifs de symétrisation. Le travail de l’ouverture buccale complète la séance, nécessairement associé à une propulsion, et ce jusqu’à l’obtention d’une course articulaire symétrique et satisfaisante en amplitude. À ce stade, trois erreurs doivent être évitées : – évidemment le travail de l’ouverture buccale sans antépulsion au-delà de 2 cm d’ouverture, ce qui majorerait le conflit du complexe méniscoptérygoïdien ; – l’augmentation des amplitudes d’ouverture sur une course sinusoïdale ou latérodéviée, ce qui entérinerait le conflit ; – le recours aux postures de la mandibule sur des muscles non relaxés, ce qui majorerait les contractures, les douleurs et bien sûr la perte d’amplitude. – Douleurs projetées d’origine cervicale Très fréquemment associées dans la genèse du syndrome, la rééducation du rachis cervical supérieur est le plus souvent indispensable et relève de techniques traditionnelles, à la limite du sujet : – traitement décontracturant par massages et/ou physiothérapie adaptée ; – réharmonisation articulaire manuelle douce type traction axiale ou technique myotensive ; – autograndissement axial symétrique en fixation de la ceinture scapulaire. – Relaxation. Les répercussions du dysfonctionnement mandibulaire sur la vie sociale, familiale, professionnelle, relationnelle, communicative, conviviale, ne peuvent qu’aggraver la situation de « stress », cofacteur toujours présent. Dès lors, la relaxation devient un complément thérapeutique intéressant, pouvant relever de techniques spécifiques ou tout simplement de l’apprentissage d’une respiration naso-abdominodiaphragmatique. – Traitements associés. La rééducation des contractures musculaires à l’origine du dysfonctionnement mandibulaire bien souvent nécessite un complément thérapeutique. Celui-ci peut être : – médicamenteux, à base essentiellement de myorelaxants, d’antalgiques, plus rarement d’anxiolytiques ; – orthophonique souvent pour la rééducation de la déglutition ; – et enfin kinésithérapie orthopédique du rachis chaque fois qu’un dysstatisme vertébral entretient une souffrance du rachis cervical supérieur. – Orthophonie et rééducation de la déglutition. Indiquée dans toutes les déglutitions atypiques, la prise en charge orthophonique a été parfaitement décrite par Deffez et al [20].
• Traitement chirurgical De très nombreuses techniques chirurgicales ont été proposées pour traiter les troubles discoligamentaires et les lésions osseuses dans le cadre de ces syndromes de dysfonctionnements. Elles sont envisagées dans un autre fascicule de l’Encyclopédie médicochirurgicale. Ont été ainsi utilisés : – des gestes chirurgicaux sur le condyle mandibulaire à type de condylectomie, de condylotomie, de condyloplastie, de forage décompressif ; dans ce groupe de techniques, pour nous, seuls les gestes de régularisation de la tête condylienne consistant en la 40
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suppression d’ostéophytes agressifs, qualifiés par certains de « condyloplastie de resurfaçage » sont utiles ; – des gestes sur le versant glénoïdien : pour nous ces gestes n’ont pas d’indications dans ce cadre ; – des gestes sur l’appareil discoligamentaire : repositionnement méniscal, discectomies, discoplasties, discopexies, capsulorraphie. Nous donnons la préférence au repositionnement discal suivi de discopexie. La technique de discopexie qui a notre préférence est le renforcement des attaches postéroexternes du disque par l’intermédiaire d’un lambeau d’aponévrose temporale. Sinon, ou en cas d’échec de cette technique, nous pensons que la procédure la plus logique est la fixation du disque au condyle mandibulaire, de préférence sur sa face postérieure. Lorsque le disque est inutilisable, nous pensons qu’il convient de pratiquer une discectomie suivie d’interposition : la technique que nous utilisons est simplement la mise en place d’une feuille de silicone renforcée Dacront fixée à l’arcade zygomatique, sinon, ou en cas d’échec de cette technique, l’utilisation d’un lambeau de temporal à pédicule antérieur.
• Traitement « psychologique » Où est la place du traitement « psychologique » ? Qu’est-ce qu’un traitement de ce type ? À quels patients s’adresse-t-il ? Les réponses à ces questions sont controversées. Ce type de traitement pourrait s’adresser aux patients qui présentent un bruxisme. Différents types de techniques propres à induire une « relaxation » ont été proposés au fil du temps : autohypnose de Vogt (1893), « training autogène » de Schultz (1912), « rééducation » active du tonus musculaire de Stokvis (1940), hypnose fractionnée progressive de Kretschmer (1949), « rééducation psychotonique » de Ajuriaguerra (1959). En ce qui concerne les techniques de bio-feedback que certains auteurs comme Greene et Laskin [35], Dahlstrom (1984), Dalen (1986), Ash (1986) conseillent d’utiliser, les résultats sont discutés : Hutt et Neigert (1988) notent que s’il existe de bons résultats à court terme, ceux-ci s’estompent assez rapidement. Prise en charge du patient L’examen clinique s’intéresse donc aux différents éléments précédemment énumérés et comprend naturellement un examen occlusal approfondi. Les examens paracliniques comprennent un orthopantomogramme pour permettre d’évaluer grossièrement l’aspect osseux, ainsi que l’état dentaire. Des téléradiographies de face, de profil et en position de Hirtz sont pratiquement toujours indispensables. L’examen-clé de ce dysfonctionnement est l’examen IRM des articulations temporomandibulaires. Dans l’idéal, il conviendrait de réaliser une axiographie. Il est vrai que cet examen n’apporte guère d’éléments supplémentaires au plan diagnostique par rapport à l’examen clinique et à l’examen IRM, mais il a l’immense avantage de permettre de garder une trace objective de la situation de l’appareil manducateur à un moment donné et également l’avantage de pouvoir suivre d’une manière objective l’évolution et les résultats des thérapeutiques éventuelles. Le plus souvent, l’examen clinique et les examens complémentaires permettent d’affirmer le diagnostic. Parfois cependant, un doute subsiste quant à la responsabilité d’un trouble de l’articulé dentaire sur la pathologie présentée par le patient, surtout en cas de douleurs erratiques non caractéristiques ou de signes qui pourraient être attribués à la pathologie articulaire, tels que les signes otologiques. Une attitude répandue est de considérer que « comme aucune thérapeutique n’a fait la preuve de sa supériorité, étant donné l’histoire de la maladie qui évolue cliniquement par poussées, le consensus est qu’il est préférable de privilégier des traitements non agressifs et réversibles ». Certains auteurs invoquent un manque de succès des traitements « définitifs » et la baisse du taux de succès de ces traitements passé un délai de 3 ou 4 ans jusqu’à 20 ou 40 % (Wedel et Carlsson en 1986, Moloney et Holuard en 1986), sans que
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soient vraiment explicités la nature et le mode de réalisation de tels traitements. D’autres soulignent l’efficacité des placebos (dans 52 % des cas pour Laskin et Greene, 1972) bien que ce taux ne semble pas différent de celui relevé dans d’autres pathologies. Cette attitude est éminemment discutable, d’autant plus que l’évolution à long terme de ces dysfonctionnements est très mal connue (de Leeuw, 1996). S’il semble évident qu’il convient de privilégier dans tous les cas des traitements non agressifs à résultats identiques, il semble qu’il convient en fait de privilégier les thérapeutiques logiques et surtout les thérapeutiques étiologiques. Ce n’est que devant l’absence ou l’impossibilité de traitement étiologique que l’on doit se résoudre à une autre thérapeutique, qui n’est alors que symptomatique, en rappelant que cette thérapeutique symptomatique ne peut éviter l’aggravation progressive de l’affection. Un des problèmes soulevés par l’assertion précédemment citée est : qu’est-ce qu’un traitement agressif ? Nous ne considérons pas qu’une normalisation de l’occlusion soit un traitement agressif. Il nous semble qu’un traitement étiologique est toujours nécessaire, mais qu’il peut ne plus être suffisant. Au stade de la symptomatologie purement musculaire, un traitement étiologique bien conduit devrait toujours être suffisant. Le problème est de déterminer quel est le traitement étiologique adapté, en particulier dans la normalisation des conditions mécaniques de fonctionnement des articulations. Ceci n’empêche pas, au contraire, qu’il faille éliminer, ou essayer d’éliminer les parafonctions. Dire que la maladie évolue par poussées semble un raccourci discutable. La maladie évolue vers une aggravation progressive, mais cette notion d’aggravation est tempérée par des phénomènes itératifs d’adaptation de l’articulation telle la discision par exemple, et de mauvaises conditions mécaniques ou physiques. L’évolution n’est pas fondamentalement différente de celle des maladies arthrosiques d’autres articulations. Attendre un stade évolutif avancé ne semble pas être une bonne recommandation dans la mesure où, à ce stade, des traitements étiologiques seront toujours nécessaires mais ne seront sans doute plus suffisants, compte tenu des lésions articulaires organiques qui se seront constituées, et qu’il faudra alors y adjoindre des thérapeutiques qui deviendraient réellement agressives. Il nous semble qu’il faut considérer les lésions articulaires en regard de la taille de l’articulation. Une luxation discale antérieure réductible et a fortiori irréductible sous-entend une distension ligamentaire considérable, eu égard justement à la taille de cette articulation. Il nous semble que l’attitude la plus logique, lorsque la pathologie articulaire est sans rapport avec un trouble de l’articulé dentaire et/ou une parafonction, est qu’il faille naturellement se tourner vers le traitement étiologique. Le traitement est habituellement médical, d’obédience rhumatologique. Cependant, un certain nombre de pathologies de ce type ont induit des destructions articulaires telles qu’un geste chirurgical à visée reconstructrice peut être envisagé dans certains cas sur l’articulation. Une pathologie articulaire rhumatologique peut être associée à un trouble de l’occlusion. Dans les cas précédemment énumérés, où les troubles de l’occlusion sont potentiellement générateurs de dysfonctions articulaires, il nous semble qu’il est logique de proposer leur correction pour éviter que ce trouble de l’occlusion ne vienne aggraver la pathologie rhumatologique elle-même. De la même manière, lorsqu’il existe une parafonction associée, il semble logique d’en proposer l’éradication. Lorsqu’il s’agit d’une pathologie articulaire que l’on juge en rapport avec un trouble de l’articulé dentaire et/ou une parafonction, on distingue trois stades : – le stade d’une symptomatologie musculaire pure ; – le stade d’une luxation discale antérieure ; – le stade d’une atteinte osseuse.
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• Au stade de la symptomatologie musculaire pure Les thérapeutiques symptomatiques peuvent bien sûr être utilisées (antalgiques, décontracturants musculaires). Les parafonctions doivent être éradiquées (kinésithérapie, « psychothérapie », gouttière de relaxation musculaire à port nocturne...). Pour nous, les troubles de l’occlusion doivent être corrigés à ce stade. Ceci suppose leur détermination exacte, passant le plus souvent par le port d’une gouttière de relaxation musculaire. Généralement, cette gouttière est portée 24 heures sur 24 pendant un laps de temps court (de 2 à 3 mois). Le traitement occlusal doit être entrepris, même s’il sous-entend des thérapeutiques qui peuvent être qualifiées d’« agressives » ou d’« irréversibles ». Ce traitement occlusal peut être suivant les cas d’obédience occlusodontiste (meulages sélectifs, coronoplasties), d’obédience prothétique, d’obédience orthodontique, médicoorthodontique ou orthodonticochirurgicale (ce qui est le cas le plus fréquent), voire faisant appel à plusieurs de ces moyens conjointement ou successivement, et s’intéressant aux anomalies dans les trois plans de l’espace. Le problème majeur est que, à ce stade de symptomatologie musculaire pure, si les thérapeutiques symptomatiques donnent habituellement de bons résultats, le traitement étiologique occlusal est astreignant pour le patient, surtout lorsqu’il comporte un traitement orthodontique. Ce traitement orthodontique est assez mal accepté du point de vue psychologique par les patients adultes (d’autant qu’ils ont souvent déjà eu dans l’enfance un traitement orthodontique). De plus, un obstacle majeur est représenté par la non-prise en charge de ce traitement orthodontique (ce qui nous semble tout à fait anormal). Il est donc difficile de motiver les patients pour envisager une telle thérapeutique à ce stade, et c’est pourtant à ce stade que les résultats seraient les meilleurs puisque les lésions articulaires ne sont pas encore constituées. Nous sommes à ce sujet d’accord avec Farrar qui déclarait en 1985 : « Seuls les cas de troubles internes pris à leur début peuvent être traités avec succès, de façon à ce que l’on retrouve la bonne position du disque par occlusothérapie. » En cas d’impossibilité de réaliser ce traitement (impossibilité technique, ou surtout impossibilité financière ou refus du patient), le port prolongé d’une gouttière de relaxation musculaire peut être envisagé en tant que pis-aller, en explicitant bien au patient l’évolution probable du trouble.
• Au stade de luxation discale antérieure Exactement les mêmes recommandations peuvent être faites, la gouttière de relaxation musculaire est habituellement suivie d’une gouttière de repositionnement, voire d’une gouttière de décompression en cas de luxation irréductible. Les thérapeutiques symptomatiques peuvent être bien sûr utilisées. Les parafonctions doivent être éradiquées. Les troubles de l’occlusion devraient être corrigés. Après un traitement étiologique bien conduit, il faut apprécier l’importance des troubles cliniques résiduels, car il est quasiment exclu, déjà à ce stade, d’observer une restitutio ad integrum de l’articulation et de ses fonctions, en raison des lésions articulaires déjà constituées. En fonction de l’importance des troubles résiduels, avec un recul suffisant (plusieurs mois) après le traitement étiologique, devant l’échec d’une thérapeutique symptomatique, on peut envisager alors de discuter avec le patient d’une indication chirurgicale sur l’articulation, à type de discopexie. Ce n’est que dans des cas particuliers qu’un geste chirurgical pourra être envisagé avant la réalisation d’un traitement étiologique, c’està-dire lorsque la symptomatologie clinique empêche la réalisation d’un traitement étiologique, donc essentiellement dans les cas de limitation d’ouverture de bouche ne cédant pas aux moyens habituels médicaux (décontracturants musculaires, kinésithérapie, toxine botulique) ou lorsqu’il existe une symptomatologie clinique invalidante incompatible avec un traitement étiologique de longue durée accepté (orthodontie par exemple). Ce geste chirurgical de discopexie ou de repositionnement méniscal et de discopexie doit être alors immédiatement suivi de la mise en place d’une plaque de 41
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libération occlusale, puis du traitement étiologique. Le problème de cette attitude est qu’habituellement un bon résultat est obtenu à la suite du geste chirurgical, qui fait disparaître la symptomatologie articulaire et souvent améliore la symptomatologie douloureuse, et que les patients, devant ce bon résultat immédiat, ne poursuivent pas le traitement qui leur a été recommandé. À moyen terme, on aboutit à une récidive de la symptomatologie. À ce stade de luxation discale antérieure, lorsqu’il existe une luxation irréductible, on peut adopter éventuellement une attitude différente, considérant que si, à l’issue du traitement occlusal, il convient d’envisager une intervention chirurgicale pour les séquelles à type de repositionnement méniscal avec discopexie ou de discectomie avec remplacement méniscal, on risque d’entraîner des modifications occlusales secondaires qui peuvent perturber le résultat et risquent d’entraîner la nécessité d’une reprise d’une thérapeutique occlusale. Dans ces cas, on peut envisager, d’une manière systématique, de pratiquer la correction de la luxation méniscale irréductible avant le traitement étiologique. Ce n’est pas actuellement notre attitude, mais nous pensons qu’elle est également logique. En effet, si l’assertion « des patients peuvent vivre avec un disque luxé sans aucune symptomatologie clinique » est vraie, il est impossible de dire combien de temps ils pourront vivre ainsi sans que de nouvelles manifestations cliniques apparaissent. En effet, la réorganisation spontanée de la structure bilaminaire est incontestablement une réalité mais, sur une longue durée, il semble que ce « néodisque » subisse une dégradation (perforation essentiellement), et il est très ambitieux de prétendre que ce néodisque possède les mêmes qualités que le disque lui-même. L’adoption d’une telle attitude rend naturellement les indications chirurgicales beaucoup plus fréquentes.
• Au stade de l’atteinte osseuse Les mêmes propositions que dans le paragraphe précédent se discutent, en connaissant les limites des diverses thérapeutiques et sans espérer un résultat parfait. Dans les cas d’ostéophytose, de déformation majeure de la tête condylienne, des techniques chirurgicales complémentaires de type suppression d’ostéophytes agressifs, voire prothèse articulaire, peuvent être exceptionnellement discutées devant des signes cliniques très invalidants. Lorsque s’y associe une perforation méniscale, on peut discuter d’une exceptionnelle réparation méniscale, mais plus habituellement d’une discectomie avec remplacement du disque. Ces gestes chirurgicaux sur les lésions osseuses nous semblent, là aussi, devoir être effectués seulement après une normalisation occlusale. Il faut signaler les recommandations émises par le groupe de travail de l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale (Buyle-Bodin, 1996), même si elles semblent relativement décevantes et ne traduire que des évidences, ce qui probablement reflète d’une part la difficulté d’arriver à un consensus au sein d’un groupe pluridisciplinaire, et d’autre part la grande hétérogénéité des patients [96]. – Recommandation n° 1. L’entretien spécifique doit permettre d’obtenir des informations précises sur : le motif de consultation et les attentes éventuelles du patient, la douleur et ses caractéristiques, les symptômes dysfonctionnels (bruits articulaires, dyskinésies, restrictions fonctionnelles, troubles de la sensibilité), l’état général, les pathologies associées, les éventuelles prises de médicaments, les conditions psychosociales et comportementales, l’historique dentaire et les résultats d’examens ou traitements précédents. – Recommandation n° 2. L’examen clinique doit comporter : un examen systématique de la musculature masticatrice et environnante, un examen systématique des composantes de la cinématique mandibulaire et un bilan dentaire clinique anatomique, occlusal et parodontal. L’examen clinique doit être complété par un examen radiologique panoramique, permettant la visualisation nette des structures dentaires, osseuses et articulaires dans leur intégralité. 42
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– Recommandation n° 3. L’imagerie spécifique des articulations temporomandibulaires ne sera envisagée comme élément de confirmation diagnostique que dans l’hypothèse de l’existence d’une lésion anatomique susceptible d’expliquer la symptomatologie clinique (phénomènes dégénératifs, traumatiques ou désunion condylodiscale). Le libellé de la prescription devra préciser l’hypothèse diagnostique, la nature de la technique d’imagerie à utiliser, le ou les côtés ainsi qu’une description précise de la ou des positions mandibulaires à explorer. – Recommandation n° 4. À ce niveau de l’examen, une analyse occlusale sur articulateur est souvent nécessaire. – Recommandation n° 5. Un enregistrement graphique de la cinématique mandibulaire peut être requis selon les cas. – Recommandation n° 6. La valeur diagnostique des tests dits kinésiologiques, énergétiques, ostéopathiques ou posturaux n’a pas reçu à ce jour de validation scientifique. Dans le cadre de la pathologie dysfonctionelle de l’articulation temporomandibulaire, nous nous permettons de suggérer les recommandations suivantes : – l’examen clinique suffit pour faire le diagnostic d’un dérangement interne de l’articulation temporomandibulaire ; – le bilan de départ d’une luxation condyloméniscale comprend : un examen clinique de la denture avec recherche d’une anomalie intra-arcade, recherche de contacts dentaires anormaux lors des différents mouvements mandibulaires et étude des rapports statiques et cinétiques entre les deux arcades dans les trois plans de l’espace, un panoramique dentaire, un examen IRM des articulations temporomandibulaires et une étude des modèles en plâtre ; – il convient de privilégier le traitement étiologique par rapport au traitement symptomatique ; – lorsqu’une réhabilitation occlusale doit avoir lieu, il convient d’effectuer un choix justifié parmi les différents moyens thérapeutiques : meulages sélectifs, coronoplasties, prothèses, orthodontie, orthopédie, chirurgie orthognathique après détermination de la position mandibulaire asymptomatique à l’aide d’une gouttière de relaxation musculaire et/ou d’une gouttière de repositionnement ; – les traitements chirurgicaux (ou arthroscopiques) articulaires ne doivent être envisagés qu’une fois une normalisation occlusale effectuée ou dans le cadre d’une prise en charge thérapeutique comprenant une normalisation occlusale ; – l’évolution des syndromes de dysfonctionnement de l’appareil manducateur doit être contrôlée à plusieurs reprises sur de nombreuses années ; – les critères d’évaluation sont : les signes fonctionnels, les signes physiques et le retentissement éventuel sur la vie socioprofessionnelle et familiale du patient. Il semble qu’il soit souhaitable d’envisager de mettre sur pied de véritables études cliniques scientifiques sur les résultats des différentes modalités de prise en charge avec une vision à long terme (30 ans). Il serait sans doute souhaitable de favoriser l’apparition, ou de permettre le développement, d’équipes véritablement pluridisciplinaires pour la prise en charge de ces pathologies afin d’apprécier le résultat de ce type de prise en charge.
¶ Luxation condylodiscale postérieure Elle est rare (Bellot [9]), contrairement à l’opinion d’Obwegeser et Aarnes (1973). Aucun cas n’a été découvert chez des sujets asymptomatiques (Westesson, 1998). Pour Bellot, le déplacement discal postérieur peut être « réductible » (le disque peut venir se remettre en bonne position par rapport au condyle au cours des mouvements mandibulaires) ou
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43 Manœuvre de Nélaton (d’après Rozencweig [77]).
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Luxation condyloglénoïdienne « bloquée ». D : droite ; G : gauche.
« irréductible » dans le cas contraire. Dans le déplacement discal postérieur réductible, le disque est situé en arrière du condyle en bouche fermée, le bourrelet postérieur étant à moins de 11 heures d’une horloge dont le centre serait le centre du condyle mandibulaire et dont midi serait représenté par le sommet du condyle. Au cours de l’ouverture buccale, le disque reprend sa place au-dessus du condyle. En cas de déplacement permanent, le disque reste en position postérieure en bouche fermée et en bouche ouverte : soit il y a désunion totale entre le condyle et le disque (formes traumatiques ?), soit disque et condyle restent partiellement unis. La pathogénie en est inconnue ; une origine traumatique (éventuellement par ouverture buccale forcée) est le plus souvent invoquée (Blankestijn, 1985) : hématome intra-articulaire, adhérences temporodiscales de nature dégénérative. Un facteur d’hyperlaxité ligamentaire pourrait intervenir. Selon Honda (1994), une béance incisive et des anomalies du guide incisif favoriseraient ces luxations. Elle se traduit cliniquement par la survenue brutale d’une béance molaire unilatérale avec une sensation de corps étranger intraarticulaire, habituellement sans épisodes douloureux (à l’occasion d’une ouverture buccale forcée ou exagérée, ou en posttraumatique). L’ouverture de bouche est légèrement limitée. Les bruits articulaires ne sont pas caractéristiques. L’examen IRM va montrer la position rétrocondyienne du disque luxé. Le bourrelet postérieur est situé en arrière d’une ligne verticale passant par le sommet du condyle mandibulaire. Il n’y a pas de consensus thérapeutique. Un traitement « conservateur » est conseillé en première intention : réduction de la luxation sous anesthésie locale (Blankesjin, 1985), myorelaxants et antalgiques (Paty, 1990), gouttière occlusale et tractions élastiques intermaxillaires (Honda, 1994). Un repositionnement chirurgical peut être fait en cas d’échec (Gallagher [32]). LUXATION CONDYLOGLÉNOÏDIENNE
Les luxations condyloglénoïdiennes traduisent une véritable luxation anatomique, la tête du condyle sortant des limites anatomiques de l’articulation, dépassant le sommet du tubercule zygomatique et se luxant en avant de celui-ci. Il est classique d’en distinguer deux types : les luxations « bloquées » et les luxations récidivantes.
¶ Luxations « bloquées » La luxation « bloquée » est l’accident classique qui survient brutalement : au cours d’un bâillement, d’une ouverture buccale forcée, surviennent une douleur et un craquement avec une impossibilité de refermer la bouche (fig 42). Ces luxations nécessitent naturellement une réduction qui doit se faire précocement. Lorsque le patient est vu dans les minutes ou les
heures qui suivent la luxation, on peut réussir une réduction manuelle sans anesthésie. Cette réduction se fait par la classique manœuvre de Nélaton (fig 43) qui réussit dans 90 % des cas au moins. Il suffit de placer ses pouces dans la cavité buccale au niveau des cuspides molaires des deux hémiarcades inférieures, les autres doigts extrabuccaux empoignant les branches horizontales des maxillaires. Le premier temps est naturellement un mouvement d’abaissement qui aggrave la béance et qui permet de mettre la tête condylienne à hauteur du tubercule zygomatique, le second mouvement est un mouvement de rétropulsion en maintenant l’abaissement de la branche montante, pour replacer la tête du condyle dans sa glène. Lorsque cette manœuvre échoue, il ne convient pas d’aller au-delà de deux ou trois tentatives. On peut, comme conseillé classiquement (Dupuis), réaliser du côté de la luxation ou des deux côtés une anesthésie régionale du nerf dentaire au niveau du trou ovale, ou bien un attouchement par voie nasale du ganglion sphénopalatin, mais habituellement, après échec de la manœuvre manuelle, cette réduction est effectuée sous anesthésie générale avec curarisation. Il est tout à fait exceptionnel que, sous anesthésie générale, il soit impossible de réduire la luxation condyloglénoïdienne, sauf si le délai écoulé depuis la luxation a été très long (plus de 3 à 4 jours), ce qui actuellement ne se rencontre pratiquement plus. Devant un tel cas de figure, il faudrait alors envisager un traitement chirurgical, sous anesthésie générale (Gottlieb, 1952 ; Adekeye, 1976 ; Mizuno, 1980 ; Riquet-Bricard, 1994). Parfois, il suffit de réaliser un abord sous-angulomandibulaire limité pour aborder l’angle mandibulaire qui est dégagé en sous-périosté. Un orifice y est foré à la fraise, ce qui permet de passer un fil d’acier, d’exercer une traction vers le bas et d’abaisser la tête du condyle de manière plus aisée que dans la classique manœuvre de Nélaton. Ceci permet de réduire la luxation. En cas d’échec de cette technique, on peut envisager l’abord chirurgical de l’articulation par une voie d’abord préauriculaire classique ; la tête articulaire absente de la cavité glénoïde est recherchée au-delà du tubercule articulaire et réduite en s’aidant de manœuvres instrumentales, en effectuant des mouvements de levier à l’aide de rugine. Il faut bien entendu essayer d’éviter de léser les surfaces articulaires de la cavité glénoïde et veiller à ne pas provoquer une fracture du col du condyle. Il est classique de dire que dans ces cas exceptionnels se pose le problème de la conduite à tenir vis-à-vis du disque articulaire. Il est évident que cette luxation antérieure condylienne crée des dégâts ligamentocapsulaires importants. Le disque est parfois resté dans la cavité articulaire, perdant ses relations normales avec la tête condylienne. S’il a gardé par ailleurs ses attaches antérieures et postérieures, on peut se contenter de le refixer lors de la fermeture de l’arthrotomie au plan externe de la capsule. Le plus souvent, le disque a suivi la tête condylienne, et il faut essayer de le repositionner sur la tête condylienne réduite et d’assurer un amarrage postérieur, soit par une réparation de cette rupture de son attache postérieure, soit par une discopexie à l’aide d’une bandelette d’aponévrose temporale, ou encore en fixant le disque à la tête du condyle. Si ce disque est dilacéré, on doit envisager une discectomie, suivie de la mise en place d’une interposition. 43
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– Dans les cas de trouble occlusal (essentiellement perte de hauteur postérieure ou absence de guide incisif avec proglissement de classe II 1 selon Gola [34]), celui-ci se doit d’être corrigé avant tout geste chirurgical éventuel s’adressant à la prévention de la luxation. Ce traitement occlusal passe d’abord par sa détermination et bien souvent par le port d’une gouttière de relaxation musculaire (cf supra). Une fois le trouble occlusal traité par un moyen adéquat (meulages sélectifs ou coronoplasties, traitement orthodontique, réfection ou traitement prothétique, traitement chirurgicoorthodontique), on n’observe plus habituellement de récidive de ces luxations. Si malgré le traitement occlusal la luxation récidivante persiste, il est alors envisagé un geste chirurgical visant à limiter la course condylienne.
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Luxation condyloglénoïdienne récidivante.
Dans les cas habituels, la réduction manuelle de la luxation est suivie par la mise en place d’une fronde mentonnière visant à limiter les mouvements d’ouverture pendant quelques jours, puis des conseils alimentaires sont donnés au patient pour éviter une récidive de la luxation pendant la période de cicatrisation des lésions ligamentocapsulaires. Un bilan étiologique doit être fait à la recherche de causes favorisantes de cette luxation (cf infra), qui se doivent d’être habituellement traitées.
¶ Luxations récidivantes Les luxations « bloquées » de l’articulation temporomandibulaire, même correctement réduites et suivies d’une immobilisation suffisamment prolongée, peuvent récidiver. Les premières récidives peuvent nécessiter de nouvelles manœuvres de réduction, soit manuelle, soit sous anesthésie générale, mais au fil du temps et au fil des récidives, ces luxations deviennent de plus en plus faciles à réduire, mais aussi de plus en plus fréquentes (fig 44). Elles peuvent constituer une véritable infirmité, même quand le patient arrive à réduire lui-même sa luxation. Tôt ou tard, la répétition de ces épisodes de blocage fait envisager un traitement, qui doit être précédé d’un bilan à la recherche d’une éventuelle étiologie. Il ne semble cependant pas, curieusement, que ces luxations condyloglénoïdiennes soient un facteur favorisant la survenue d’arthrose [22]. La luxation condyloglénoïdienne est permise par une distension ou une hyperlaxité des structures ligamentocapsulaires. Il y a d’ailleurs corrélation entre luxation condyloglénoïdienne et luxation condylodiscale [75]. Cette distension ligamentaire peut rentrer dans le cadre d’une hyperlaxité ligamentaire localisée ou généralisée à l’ensemble des articulations. Elle peut également être la conséquence d’un dysfonctionnement articulaire induit par un trouble occlusal. Le bilan étiologique et le traitement s’orientent donc dans ces deux directions.
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– L’hyperlaxité ligamentaire, qui est une anomalie relativement fréquente puisqu’elle touche 7 % de la population, entre dans le cadre des syndromes d’Ehlers-Danlos ou des syndromes de Marfan. Il y a, d’après Harinstein [38] et Westling [97] une corrélation entre pathologie articulaire et hyperlaxité systémique. On distingue des hyperlaxités ligamentaires isolées et des syndromes complexes, où la dysplasie touche également la peau et les viscères. La plupart de ces affections sont héréditaires (autosomiques dominantes) et liées à des troubles structuraux du collagène ou de ses précurseurs. Les syndromes d’Ehlers-Danlos constituent un groupe hétérogène d’anomalies du tissu conjonctif caractérisées par une hyperlaxité articulaire, une extensibilité cutanée et une fragilité tissulaire. Le diagnostic d’hyperlaxité articulaire repose sur l’étude des amplitudes articulaires et la codification des résultats, d’après la classification de Beighton (1988). Un score de cinq points permet d’assurer le diagnostic : – possibilité d’extension à 90° du médius ou de l’annulaire par rapport au plan du dos de la main (un point par côté) ; – possibilité de toucher l’avant-bras avec le pouce en fléchissant le poignet (un point par côté) ; – possibilité d’hyperextension du coude supérieure à 10° (un point par côté) ; – possibilité d’hyperextension du genou supérieure à 10° (un point par côté) ; – possibilité de fléchir le tronc en avant de façon à toucher le sol des mains à plat (un point). – Dans ces cas d’hyperlaxité ou dans les cas de luxation persistante après traitement occlusal, si les manifestations cliniques sont invalidantes, on propose un geste chirurgical. Les techniques proposées sont envisagées dans un autre fascicule de l’Encyclopédie médico-chirurgicale. Le geste chirurgical qui nous semble le plus satisfaisant est la mise en place d’une butée en titane préfabriquée de type AubryPalfer, encastrée dans une saillie verticale juste en avant du tubercule antérieur du zygomatique et fixée à l’arcade zygomatique, ou l’augmentation de hauteur du tubercule zygomatique selon une technique chirurgicale de type Norman [72]. Les interventions de type Myrhaug [70] (suppression du condyle temporal) semblent devoir être réservées aux patients âgés, car il ne nous semble pas logique de pérenniser une sortie de la tête condylienne hors de sa cavité articulaire en raison d’un retentissement à long terme potentiellement préjudiciable chez des personnes jeunes.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-057-B-10
22-057-B-10
Pathologie non tumorale des glandes salivaires Anatomie pathologique
M Auriol Y Le Charpentier
Résumé. – Cet article est consacré à la pathologie non tumorale des glandes salivaires. Les causes de cette pathologie sont multiples. Elles sont envisagées de façon succincte pour la plupart d’entre elles. Nous insistons sur les acquisitions récentes dans certains domaines : lésions kystiques acquises (hyperplasie lymphoïde kystique) observées chez les sujets à virus de l’immunodéficience humaine positifs; sialadénites auto-immunes du syndrome de Gougerot-Sjögren. Nous soulignons, d’autre part, le rôle diagnostique important de la biopsie des glandes salivaires accessoires dans certaines maladies générales comme les collagénoses, la sarcoïdose, l’amylose. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : glandes salivaires, malformations, infections, lithiase, kystes, sialadénites allergiques, sialadénites auto-immunes, lésions iatrogènes, sialadénose.
Introduction Seules sont abordées ici les lésions non tumorales (au sens anatomopathologique du terme), même si leur présentation clinique ou anatomique est d’aspect pseudotumoral.
Malformations – Ectopies, glandes surnuméraires. – L’ectopie est définie comme la situation anormale d’une glande salivaire principale, par ailleurs normale (par exemple la parotide au bord antérieur du masséter). – Les glandes surnuméraires sont constituées par des glandes supplémentaires de petite taille, distinctes des glandes principales au voisinage desquelles elles sont situées. Leur canal excréteur s’y abouche habituellement. – Hétérotopies [3, 5]. Elles sont définies par la présence, en situation aberrante, d’îlots de tissu salivaire, constitués d’acini séreux, muqueux ou séromuqueux et/ou de canaux excréteurs Comme les glandes surnuméraires, les hétérotopies peuvent être le point de départ d’une mucocèle, d’une inflammation, d’une fistule ou d’une tumeur bénigne ou maligne. Leur circonstance de découverte (tuméfaction, complications, étude au microscope), ainsi que leurs problèmes diagnostiques et thérapeutiques sont avant tout conditionnés par leur localisation. Hétérotopies ganglionnaires [34]. Elles intéressent par ordre de fréquence décroissante : les ganglions intraparotidiens, juxtaparotidiens ou sous-maxillaires, les autres ganglions cervicaux.
Michelle Auriol : Ancien maître de conférences à l’université Paris VI, anatomopathologiste de l’UFR de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale. Yves Le Charpentier : Professeur à l’université Paris VI, UFR de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, chef du service central d’anatomie et cytologie pathologiques. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex, France.
Il s’agit de canaux ou d’acini risquant d’être pris pour des métastases. Il est vraisemblable que de telles inclusions donnent naissance aux adénolymphomes parotidiens, aux kystes lymphoépithéliaux, à l’hyperplasie lymphoïde kystique des parotides observée chez les sujets à virus de l’immunodéficience humaine (VIH) positifs, à des carcinomes (mucoépidermoïdes ou acineux) primitifs intraganglionnaires. Hétérotopies mandibulaires [5]. Elles sont habituellement de type sous-maxillaire, situées sous la gouttière du nerf dentaire inférieur, en avant de l’angle, plus rarement de type sublingual, dans la région prémolaire-canine ou la symphyse. Volontiers asymptomatiques, elles sont découvertes lors d’un examen radiologique pratiqué pour un autre motif. Elles réalisent une lacune de quelques millimètres à 2 cm de diamètre, prise pour un kyste ou un améloblastome et dont seul l’examen histologique précise le contenu. On pense que certains carcinomes intramandibulaires primitifs (notamment de type mucoépidermoïde ou adénoïde kystique) naissent de ces inclusions. Hétérotopies de la base du crâne, de la sphère oto-rhinolaryngologique (ORL) et buccopharyngée. Elles peuvent être à l’origine de difficultés thérapeutiques dans certaines localisations, notamment l’oreille moyenne, le trajet intrapétreux du facial, l’angle pontocérébelleux, toutes expliquées par l’intrication embryologique du facial et des deux premières fentes branchiales. Hétérotopies cervicales. Elles occupent une position variable en hauteur, sur une ligne oblique tendue de l’oreille à l’extrémité interne de la clavicule et traversant l’aire thyroparathyroïdienne : elles peuvent ainsi siéger dans un goitre. Certaines sont situées dans la paroi d’un kyste (fig 1) ou d’un trajet fistuleux. Elles réalisent volontiers un nodule situé au bord antérieur du sterno-cléidomastoïdien. Celui-ci peut s’aboucher à la peau par un pertuis laissant sourdre un peu de salive. En l’absence de pertuis, la tuméfaction peut être le siège de poussées douloureuses et devenir tendue, simulant un kyste branchial ou une adénopathie. – Agénésie ou aplasie d’une ou plusieurs glandes salivaires principales. Elle est en règle associée à des malformations faciales complexes.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Auriol M et Le Charpentier Y. Pathologie non tumorale des glandes salivaires. Anatomie pathologique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-057-B-10, 2001, 9 p.
22-057-B-10
Pathologie non tumorale des glandes salivaires. Anatomie pathologique
Stomatologie
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Hétérotopie salivaire cervicale. À droite, dilatation kystique du canal excréteur. À gauche, parenchyme salivaire. Hématoxyline-éosine × 70.
2 Inflammation à cytomégalovirus (parotide). Inclusions basophiles dans les cellules épithéliales d’un canal excréteur. Hématoxyline-éosine × 240.
– Atrésie canalaire. Elle peut intéresser un ou plusieurs canaux excréteurs principaux. Elle est source de kystes rétentionnels.
– Infections bactériennes à pyogènes source de sialadénite chronique non spécifique. Elles surviennent dans les mêmes circonstances que les précédentes, auxquelles elles succèdent parfois. Un aspect pseudotumoral clinique et/ou macroscopique peut être observé. À l’histologie, aux lésions de sialadénite chronique non spécifique s’associent des microabcès parenchymateux ou des bouchons purulents intracanalaires qui seuls permettent, avec la constatation d’amas bactériens, d’évoquer une étiologie infectieuse.
– Polykystose dysgénétique. Décrite par Seifert [32], intéressant presque exclusivement les parotides (une ou deux), tuméfiées, de l’enfant ou de l’adulte, elle n’est pas associée à une polykystose rénale, hépatique ou pancréatique dont on suppose qu’elle partage néanmoins la physiopathologie (trouble du développement du système canalaire excréteur). L’anomalie intéresse ici les canaux intercalaires qui sont très dilatés, réalisant des kystes visibles en tomodensitométrie ou en sialographie. Au microscope, est réalisé un aspect en « rayon de miel », partiel ou total. Les cavités, souvent comblées par des microlithes, sont bordées par un épithélium en règle cubique et basophile, plus rarement de type apocrine. La réaction inflammatoire est inconstante et toujours modérée. – Sialectasies (congénitales parotidiennes). Il s’agit d’ectasies canalaires, réalisant des boules bien visibles à la sialographie, se continuant et alternant avec un système canalaire d’aspect normal. Elles contiennent un matériel épais à l’origine de poussées de sialadénite.
Pathologie infectieuse Il s’agit avant tout d’infections bactériennes ou virales. INFECTIONS BACTÉRIENNES
– Infections bactériennes aiguës à germes communs (pyogènes) [28]. Elles touchent essentiellement la parotide, plus rarement la sousmaxillaire. Les germes atteignent le parenchyme salivaire par voie vasculaire (septicémie) ou par voie canalaire ascendante à partir de la cavité buccale, surtout lorsque existe une chute importante et brutale du flux salivaire (collapsus, coma, suites opératoires, prise médicamenteuse, cachexie). Une cause locale est parfois incriminée et notamment une anomalie fonctionnelle ou organique de l’appareil excréteur. Les germes en cause sont le plus souvent le staphylocoque doré et le streptocoque du groupe A. L’étude au microscope objective une inflammation exsudative, parfois suppurée (microabcès parenchymateux), centrée par des canaux excréteurs dilatés contenant du pus et des amas bactériens. Faute d’un traitement médical précoce, elle aboutit à la formation d’un abcès conduisant à la fistulisation en l’absence d’excision chirurgicale. – Actinomycose. Elle peut atteindre la parotide ou la sous-maxillaire à partir d’un foyer de voisinage, notamment gingival, lui-même à point de départ dentaire. D’aspect macroscopique pseudotumoral ou évocateur (fistule à grains jaunes), elle est identifiée aisément grâce à l’histologie (grains actinomycosiques) et la culture. 2
– Tuberculose. Intéressant la parotide ou la sous-maxillaire, elle est devenue exceptionnelle. On admet qu’elle naît le plus souvent dans un ganglion intra- ou juxtaglandulaire. Lorsqu’elle est purement folliculaire (sans nécrose caséeuse), elle est impossible à distinguer au microscope d’une sarcoïdose. INFECTIONS VIRALES
Les plus fréquentes sont les oreillons et l’infection à cytomégalovirus (CMV). – Oreillons. L’atteinte parotidienne, bilatérale mais asymétrique, est volontiers révélatrice de cette infection à paramyxovirus, qui, par l’intermédiaire d’une virémie, peut toucher de nombreux autres tissus ou organes (pancréas, gonades, système nerveux central). Au microscope, c’est l’infiltrat inflammatoire interstitiel qui domine, fait de lymphocytes et de plasmocytes interacineux ou péricanalaires. Il s’y associe des lésions de nécrose épithéliale (cellules acineuses ou canalaires) à type de dégranulation (acini) et de vacuolisation cytoplasmique avec pycnose nucléaire, mais sans corps d’inclusion de type viral. – Infection à CMV. Quelle qu’en soit la forme clinique (prénatale, néonatale, infantile ou de l’adulte, volontiers chez des sujets immunodéprimés [32] ), la localisation du virus au niveau du parenchyme salivaire est possible, avec parfois élimination dans la salive de cellules caractéristiques. Histologiquement, aux lésions inflammatoires chroniques, non spécifiques (infiltrats lymphoplasmocytaires interstitiels), s’associent, au niveau des cellules épithéliales des acini et surtout des canaux excréteurs, des images hautement évocatrices de l’infection à CMV : cytomégalie, volumineuses inclusions (fig 2) intranucléaires acidophiles entourées d’un halo clair, inclusions cytoplasmiques plus petites et basophiles. Si nécessaire, le diagnostic peut être confirmé par immunohistochimie sur coupes tissulaires.
Lithiase et conséquences Très fréquente, elle frappe surtout les glandes salivaires principales mais peut également être observée au niveau des glandes salivaires
Stomatologie
Pathologie non tumorale des glandes salivaires. Anatomie pathologique 3
Lithiase sous-maxillaire. Calcul blanchâtre distendant le canal de Wharton.
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Lithiase sous-maxillaire. Canal excréteur dilaté par un calcul. Inflammation de la glande en périphérie. Hématoxyline-éosine × 60.
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Sialadénites chroniques non spécifiques (adultes, enfants) Elles sont définies par la présence, au niveau d’une partie ou de la totalité d’une glande salivaire, principale ou accessoire, d’une fibrose inflammatoire (lymphocytes et plasmocytes) interacineuse et/ou péricanalaire, d’allure macroscopique et clinique parfois inquiétante car pseudotumorale. Le retentissement sur les structures épithéliales est variable : acineuses (atrophie, ectasies, hyperplasie ductulaire) ou canalaires (distension, moules muqueux, microlithes, métaplasie de l’épithélium de revêtement). Dans la majorité des cas, aucune cause particulière ni aucune étiquette ne peuvent être attribuées à ces lésions inflammatoires non spécifiques. Néanmoins, trois cadres anatomiques très particuliers, au demeurant très rares, ont été individualisés (Seifert) [31]. – Sialadénite chronique électrolytique. Elle se traduit par une microlithiase précédée par des moules mucoprotéiques. – Sialadénite chronique sclérosante pseudotumorale de la sous-maxillaire ou tumeur de Küttner. Elle présente macroscopiquement un aspect pseudocirrhotique sans calcul ni distension canalaire. Au plan microscopique, elle est marquée par l’importance de la destruction parenchymateuse et de l’infiltration lymphoïde nodulaire péricanalaire. – Sialadénite chronique à rechutes ou parotidite chronique à rechutes [23]. Cette affection d’étiologie inconnue affecte essentiellement une ou les deux parotides, plus rarement la sous-maxillaire. Elle comporte, plusieurs fois par an, des poussées fluxionnaires durant quelques jours. L’image histologique, parfois réduite à la présence de quelques moules muqueux dans un arbre excréteur modérément dilaté, comporte le plus souvent en outre des lésions inflammatoires non spécifiques.
Lésions kystiques acquises des glandes salivaires
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Lithiase sous-maxillaire. Parenchyme altéré avec disparition des acini et infiltrats inflammatoires lymphocytaires. Hématoxyline-éosine × 150.
accessoires. C’est la glande sous-maxillaire qui est le plus souvent atteinte. Le calcul (fig 3, 4), latent ou symptomatique (« colique »), est radiotransparent dans 20 % des cas mais objectivé alors par la sialographie. Il est volontiers ovoïde, dur, blanchâtre, stratifié à la coupe, riche en sels de calcium (carbonates ou phosphates). Le canal qui l’héberge, dilaté, peut avoir une paroi d’aspect normal ou remanié : nécrose ou métaplasie, notamment malpighienne, de son épithélium de revêtement ; infiltrats inflammatoires ; fibrose. Outre le (ou les) calcul(s), sa lumière renferme des bouchons muqueux. Des altérations parenchymateuses sont observées dans les formes évoluées : fibrose plus ou moins riche en infiltrats inflammatoires, atrophie acineuse (fig 5), ectasies et prolifération canalaires, métaplasie malpighienne.
– Kystes canalaires salivaires ou kystes des canaux excréteurs. Il s’agit de kystes acquis du sujet âgé, parotidiens ou sous-maxillaires, à contenu en règle non muqueux : de tels kystes sont le plus souvent liés à la dilatation d’un canal excréteur du fait d’une obstruction dont la cause n’est le plus souvent pas retrouvée. Il s’agit donc en fait de kystes rétentionnels. La lésion est en règle unique, de 3 à 4 cm de diamètre en moyenne, uniloculaire, à contenu citrin. Au microscope, la paroi du kyste est constituée d’une épaisse bande de tissu fibreux pauvre en cellules inflammatoires. L’épithélium de bordure est d’aspect variable (cubique, cylindrique, stratifié, malpighien). Le parenchyme autour est atrophique. – Kyste lymphoépithélial [16]. Considéré tantôt comme le résidu d’une fente branchiale (kyste amygdaloïde), tantôt comme la kystisation d’inclusions épithéliales intraganglionnaires, il ne s’observe guère qu’au niveau de la parotide. Rencontré chez l’adulte d’âge moyen, il s’agit le plus souvent d’un kyste uniloculaire de petite taille (1 à 2 cm de diamètre). Son aspect histologique est celui d’un kyste canalaire salivaire, si l’on excepte la présence, sous l’épithélium, de volumineux nodules lymphoïdes pourvus de centres germinatifs. – Hyperplasie lymphoïde kystique des glandes salivaires des sujets VIH positifs [7, 12]. L’atteinte parotidienne est de loin la plus fréquente (90 % des cas), uni- ou bilatérale, parfois à rechutes ou « à bascule ». L’atteinte des sous-maxillaires ou des sublinguales, beaucoup plus rare, est presque toujours associée à une atteinte parotidienne. La ou les glandes, de consistance souple ou molle, présentent à la coupe des cavités kystiques à contenu liquidien citrin. L’étude histopathologique (fig 6, 7) montre : – des cavités kystiques bordées par un épithélium le plus souvent en métaplasie malpighienne mais sans kératinisation de surface. Cet épithélium est le siège d’une intense exocytose à lymphocytes T ; 3
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Pathologie non tumorale des glandes salivaires. Anatomie pathologique
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Hyperplasie lymphoïde kystique (parotide. Patient à virus de l’immunodéficience humaine positif). Large cavité kystique à droite. Petite cavité à gauche. Tissu lymphoïde détruisant la glande. Hématoxyline-éosine × 150.
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Hyperplasie lymphoïde kystique (parotide. Patient à virus de l’immunodéficience humaine positif). Canal kystique avec métaplasie malpighienne partielle de l’épithélium. Lymphocytes en périphérie. Hématoxyline-éosine × 240.
– un parenchyme, siège de lésions de sialadénite myoépithéliale identiques à celles observées au cours des sialadénites auto-immunes ; – un tissu lymphoïde hyperplasique revêtant le même aspect que celui observé au niveau des adénomégalies des sujets VIH positifs lors de l’hyperplasie lymphoïde « atypique » : gros follicules secondaires dépourvus de cellules du manteau, riches en cellules réticulaires dendritiques qui contiennent du virus [24] et pénétrés par des traînées de T lymphocytes CD8+ responsables d’une folliculolyse avec importante réaction macrophagique. L’histogenèse de cette curieuse lésion prête à discussion. Pour certains, elle se développerait aux dépens d’inclusions épithéliales intraganglionnaires. Pour d’autres, il s’agirait de l’évolution particulière, sur un mode kystique, d’une variété de sialadénite auto-immunitaire.
Sialadénites allergiques et auto-immunes – Sialadénites allergiques [33]. Quoique rares, les allergènes en cause sont très variés (pollens, métaux lourds, médicaments, surtout phénylbutazone et furantoïne) et atteignent le parenchyme salivaire soit par voie hématogène, soit par voie canalaire. Les images histologiques, obtenues grâce à des modèles expérimentaux, sont celles d’une sialadénite aiguë où l’on pourrait noter la présence de polynucléaires éosinophiles. 4
Stomatologie
8 Lésion lymphoépithéliale bénigne. Îlot épimyoépithélial. Hématoxyline-éosine × 150. – Sialadénites auto-immunes. Elles sont responsables de plusieurs cadres nosologiques : – la lésion lymphoépithéliale bénigne est observée dans les glandes salivaires principales (parotide 85 % des cas, sousmaxillaire 15 %). Histologiquement, elle est définie par l’association à une sialadénite chronique lymphocytaire d’îlots épimyoépithéliaux (fig 8) [14] caractéristiques : foyers ronds ou ovoïdes associant cellules épithéliales et myoépithéliales en plages syncitiales dissociées par un lacis intercellulaire de matériel membranoïde. Cette lésion, isolée ou parfois associée à un syndrome de Gougerot-Sjögren, est susceptible de se transformer en lymphome du type MALT (mucosae associated lymphoid tissue) [21] ; – le syndrome de Mikulicz ne diffère de la précédente lésion que par son atteinte pluriglandulaire, parotidienne et sous-maxillaire. Il a le même substratum anatomique, sauf dans de rares cas où l’étude histologique révèle une sarcoïdose ; – le syndrome de Gougerot-Sjögren, qu’il soit primitif ou secondaire, se traduit dans les glandes salivaires, par une infiltration lymphocytaire d’intensité variable. Parmi les critères diagnostiques cliniques et histologiques [36-38] du syndrome, figure la biopsie des glandes salivaires. Celle-ci n’est plus guère pratiquée dans les glandes salivaires principales (en raison des risques notamment de fistule et, pour la parotide, de lésion nerveuse), si l’on excepte la biopsie de la glande sublinguale [1] d’une grande innocuité et d’une grande sensibilité du fait de l’importance du volume de parenchyme ramené. En pratique, une biopsie à visée diagnostique ne porte donc le plus souvent que sur les glandes salivaires accessoires : ce sont essentiellement les glandes labiales inférieures qui sont prélevées, par excision chirurgicale après incision de la muqueuse selon la technique de Daniels [13]. Le critère diagnostique, classique mais toujours valable car fiable et relativement spécifique, quoique à la sensibilité insuffisante, est le score de Chisholm et Mason [6]. Degré densité de lymphocytes par 4 mm2 de surface de tissu salivaire : – 0 : nulle ; – 1 : infiltrat léger (sans focus) ; – 2 : infiltrat modéré, moins d’un focus ; – 3 : un focus ; – 4 : plus d’un focus (focus = amas de 50 lymphocytes ou plus) (fig 9, 10). La barre diagnostique est représentée par le degré 3 : au moins un focus par 4 mm2 de surface glandulaire examinée. Ce score n’intègre pas d’éventuelles altérations épithéliales associées, au demeurant inconstantes.
Stomatologie
Pathologie non tumorale des glandes salivaires. Anatomie pathologique
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Syndrome de Gougerot-Sjögren (glande salivaire accessoire). Plusieurs nodules lymphoïdes dans une glande caractérisant un degré 4 de Chisholm et Mason.
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Sarcoïdose (parotide). Nombreux follicules épithélioïdes sans nécrose. Hématoxyline-éosine × 140.
de degrés 3 ou 4 de Chisholm et Mason [6] peut s’intégrer à un syndrome de Gougerot-Sjögren dit secondaire, ou s’observer en dehors de lui et même de tout syndrome sec : cette éventualité est particulièrement fréquente au cours de la maladie rhumatoïde. – Images autres. Chez un sujet porteur d’une collagénose, qu’il y ait eu ou non un syndrome sec, la biopsie des glandes salivaires accessoires, en dehors des lésions de sialadénite lymphocytaire focale (cf supra) peut montrer : une vascularite (microvascularite), même en l’absence de toute symptomatologie systémique, surtout au cours du lupus érythémateux systémique ; une fibrose collagène périvasculaire ou interstitielle plus diffuse, au cours de la sclérodermie ; des dépôts amyloïdes.
Sarcoïdose 10
Syndrome de Gougerot-Sjögren (glande salivaire accessoire). Focus composé d’un amas de lymphocytes et centré par un canal excréteur. Hématoxyline-éosine × 150.
Outre cette sialadénite lymphocytaire focale, des altérations épithéliales sont parfois surajoutées : lésions de l’épithélium canalaire avec expression anormale des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité [36] et ectasie des canaux intra- et extralobulaires. Certains les considèrent comme précoces [9] et évocatrices d’un processus dysimmunitaire, d’autres comme tardives et non spécifiques [26]. RÉACTION DU GREFFON CONTRE L’HÔTE (GVH)
[11, 33]
Elle est pratiquement constante en cas d’allogreffe de moelle osseuse, quoique plus ou moins limitée par les traitements immunosuppresseurs. L’atteinte des glandes salivaires peut être observée aussi bien en cas de GVH aiguë que de GVH chronique où elle prédomine. La biopsie de glandes salivaires accessoires peut objectiver, selon Sale et al [29], une sialadénite lymphocytaire focale de degré 3 ou 4 de Chisholm et Mason (degré 1 de Sale) à laquelle peuvent s’associer (degré 2 de Sale) des lésions de l’épithélium canalaire (exocytose à lymphocytes T CD8 + avec nécrose monocellulaire des cellules épithéliales) et distension des canaux.
Glandes salivaires et maladies générales. Collagénoses – Sialadénite lymphocytaire focale. La constatation, chez un sujet porteur d’une collagénose, d’une sialadénite lymphocytaire focale
[20]
L’atteinte macroscopique (et clinique) des glandes salivaires principales et notamment des parotides est notée chez 1 à 5 % des sujets porteurs d’une sarcoïdose. Elle peut s’associer à une uvéite, une atteinte des glandes lacrymales et à la paralysie d’un ou plusieurs nerfs crâniens, notamment du facial, définissant le syndrome d’Heerfordt. En revanche, un syndrome sec est inhabituel. La biopsie parotidienne, jadis réalisée, est remplacée par la biopsie des glandes salivaires accessoires. L’atteinte des glandes salivaires accessoires est inconstante, même dans les sarcoïdoses prouvées anatomiquement dans d’autres sites : sa fréquence varie énormément (5 à 50 %) selon les séries, probablement surtout en raison des variations dans les types de recrutement. Elle serait la plus élevée chez les patients porteurs d’un « pseudolymphome hilaire » avec ou sans syndrome de Löfgren. Elle réalise, comme partout ailleurs, une atteinte folliculaire (cellules épithélioïdes et cellules géantes) (fig 11, 12) sans nécrose caséeuse. Les diagnostics différentiels au niveau des glandes salivaires accessoires sont les lésions de la maladie de Crohn [30] , de la tuberculose ou de la cheilite granulomateuse de Miescher. En fait, dans tous ces cas existe, en outre, une ulcération muqueuse ou un aspect clinique très anormal des glandes salivaires.
Amylose
[18]
Parfois révélée par une augmentation de volume des glandes salivaires principales ou accessoires (nodules « tapioca » sur les lèvres ou la muqueuse buccale), une macroglossie avec empreintes des dents ou un syndrome sec, les dépôts amyloïdes sont le plus souvent découverts à l’examen histologique de glandes salivaires accessoires biopsiées à titre « systématique » : cette biopsie, à la condition de ramener un nombre suffisant de glandes, possède une 5
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Pathologie non tumorale des glandes salivaires. Anatomie pathologique
Stomatologie
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Sarcoïdose (glande salivaire accessoire). Follicules épithélioïdes avec une cellule géante en haut. Hématoxyline-éosine × 60.
14 Amylose (glande salivaire accessoire). Nombreux dépôts colorés par le rouge Congo × 60.
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15
Amylose (biopsie de glande salivaire accessoire). Dépôts faiblement éosinophiles autour d’un canal excréteur et dans l’interstitium de la glande avec raréfaction des acini. Hématoxyline-éosine × 60.
spécificité de près de 100 % et une sensibilité de 85 % à 90 %, égales à celles des autres sites biopsiques (notamment rectal). Les dépôts sont d’intensité variable (fig 13), tantôt majeure à type de pseudosclérose avec atrophie acineuse secondaire, tantôt minime, risquant alors d’être méconnus. Ils sont interstitiels (interacineux et/ou péritubuleux) et/ou vasculaires. Le rouge Congo (fig 14, 15), la thioflavine T, l’anticorps anticomposé P (sur coupes à congélation) viennent authentifier la nature amyloïde des dépôts que d’autres anticorps, pour la plupart également utilisables seulement sur coupes à congélation, viendront « typer » (anti-K et k pour les amyloses AL, anti-SA pour les amyloses AA également utilisables sur coupes en paraffine), antitransthyrétrine pour les amyloses périodiques et familiales.
Affections métaboliques – Hémochromatose. Elle peut être à l’origine d’une surcharge ferrique au niveau du cytoplasme des cellules des acini glandulaires séreux, ou muqueux, bien objectivée par la coloration de Perls. – Mucoviscidose [15]. Elle s’accompagne de lésions de la plupart des glandes exocrines (pancréas, glandes salivaires, glandes sudoripares, glandes bronchiques). Les glandes muqueuses ou mixtes sécrètent un mucus anormal, épais, anormalement riche en sodium, en calcium et en phosphore mais qui, malgré cela, n’aboutit guère à la formation de calculs macroscopiques, sauf au niveau des glandes sous-maxillaires qui sont souvent volumineuses. En revanche, 6
Amylose (glande salivaire accessoire). Dépôts biréfringents après coloration par le rouge Congo et étude en lumière polarisée × 250.
l’étude ultrastructurale objective de nombreux cristaux d’hydroxyapatite dans le cytoplasme des cellules acineuses et dans le mucus présent dans la lumière des acini et des canaux. Au plan de l’histologie standard, les lésions sont maximales au niveau des sous-maxillaires et des sublinguales. L’image de base est représentée par la distension des lumières des acini et des canaux excréteurs par un mucus dense, parfois disposé en strates concentriques (aspect en « pelure d’oignon »). Il s’y associe une atrophie plus ou moins intense des acini et une fibrose collagène non inflammatoire.
Lésions iatrogènes des glandes salivaires – Radiations ionisantes [10]. Il s’agit d’un problème non négligeable en pratique clinique étant donné la fréquence des irradiations cervicofaciales délivrées à diverses variétés de tumeurs malignes. Les aspects lésionnels ont pu être précisés essentiellement grâce à des données expérimentales. Les lésions précoces associent des lésions vasculaires exsudatives communes à tous les tissus (nécrose fibrinoïde, thrombi, œdème périvasculaire riche en protéines) et des lésions parenchymateuses portant sur les cellules « nobles » (des acini ou des canaux striés) qui présentent un cytoplasme dégranulé, peu coloré et un noyau pycnotique. Lorsque les lésions de nécrose ne sont pas massives, une régénération peut survenir, après la phase de détersion, à partir des canaux intercalaires. Elle aboutit, après un stade d’hyperplasie ductulaire durant de quelques semaines à quelques mois, à une régénération d’aspect variable : parfaite,
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Stomatologie
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Sialadénite chronique postradique (glande sous-maxillaire). Atrophie de la glande avec persistance de quelques canaux. Infiltrats inflammatoires associés. Hématoxylineéosine × 60.
incomplète, déviée (métaplasique : malpighienne et/ou mucipare). Les conséquences anatomiques finales sont le fait de l’étendue et de l’intensité des dépôts initiaux d’une part, et de la quantité, de la qualité, de l’intensité de la régénération d’autre part. On peut ainsi, selon les cas, aboutir à un aspect quasiment normal, des plages fibreuses cicatricielles alternant avec de vastes secteurs d’aspect normal ou à un aspect de scléroatrophie majeure (fig 16).
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Sialadénose parotidienne. Acini séreux avec cellules à cytoplasme très granuleux. Hématoxyline-éosine × 160.
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Mucocèle labiale inférieure.
– Médicaments. Il n’est pas certain que la fibrose interstitielle et les altérations épithéliales non spécifiques (ectasies canalaires, atrophie des acini) parfois attribuées à une prise médicamenteuse le soient réellement.
Hypertrophie des glandes salivaires ou sialadénose [8]
Ce terme désigne les augmentations de volume, non tumorales et non inflammatoires, portant sur les glandes salivaires principales et dues à des anomalies métaboliques et/ou sécrétoires : les parotides sont de loin les glandes salivaires le plus souvent touchées. Il s’agit d’une affection de l’adulte que l’on rattache habituellement à une cause générale plus ou moins apparente : carence nutritionnelle ou boulimie, diabète, alcoolisme avec ou sans cirrhose hépatique, insuffisance rénale, perturbations hormonales féminines (prépuberté, grossesse, préménopause), hypo- ou hyperthyroïdie, traitement, notamment antihypertenseur. La biopsie montre, au stade floride de la maladie, un aspect microscopique que l’on peut ne pas percevoir si l’on n’est pas sensibilisé à ce problème diagnostique : l’hypertrophie acineuse. Celle-ci est due à une hypertrophie des cellules acineuses qui atteignent une taille de 50 à 70 µm au lieu des 30 à 40 µm habituels. Outre leur grande taille, ces cellules présentent un cytoplasme inhabituellement granuleux (fig 17) ou vacuolaire au sein duquel la microscopie électronique montre un très grand nombre de granules sécrétoires. Elle visualise en outre des altérations des cellules myoépithéliales et surtout des terminaisons du système nerveux autonome qui seraient, pour beaucoup, à l’origine de la lésion. L’affection évolue vers une atrophie parenchymateuse (probablement liée à un épuisement sécrétoire) sans aucun infiltrat inflammatoire mais masquée au plan clinique par une lipomatose de substitution.
Lésions pseudotumorales des glandes salivaires – Mucocèles [19]. Ce terme générique désigne l’accumulation de mucus dans une cavité qui réalise au plan clinique un nodule d’apparence tumorale et de taille variable. Lorsque cette cavité est
bordée par un épithélium, on parle de mucocèle par rétention. Dans le cas contraire, de loin le plus fréquent, on parle de mucocèle par extravasation. – Mucocèles par extravasation. Représentant 80 à 90 % des mucocèles, elles siègent presque exclusivement au niveau des glandes salivaires accessoires, notamment labiales inférieures où elles sont probablement provoquées par la rupture accidentelle d’un canal excréteur du fait d’une automorsure accidentelle. Elles réalisent typiquement un nodule de 5 à 10 mm de diamètre (fig 18) bien limité, de consistance molle, de couleur bleutée. Au microscope, on visualise, au sein du chorion, une accumulation de mucus (fig 19) authentifiée par une coloration par le bleu Alcian. Ce mucus extravasé suscite l’apparition d’un granulome macrophagique de type résorptif. – Mucocèles par rétention. Développées aux dépens des glandes salivaires accessoires, elles sont dues à l’accumulation de mucus dans la lumière d’un canal dilaté par une obstruction constitutionnelle ou acquise (traumatisme, bouchon muqueux, microlithes, tumeurs bénignes) de sa portion proximale. Elles s’observent essentiellement chez les sujets âgés et possèdent un siège ubiquitaire dans la muqueuse buccale. La cavité contenant le mucus est ici bordée par un épithélium d’aspect variable. Le mucus peut contenir des microlithes. – Il existe des mucocèles mixtes dont le prototype est la ranula (grenouillette), développée dans la glande sublinguale. – Sialométaplasie nécrosante [2, 4]. Cette affection, qui peut être prise pour une tumeur (maligne) tant au plan clinique (tuméfaction ou ulcération cratériforme) qu’histologique, intéresse dans plus de 90 % des cas des glandes salivaires accessoires de la cavité buccale, et notamment le palais (75 % des cas) où elle touche volontiers la jonction palais dur-palais mou. Les autres sites de prédilection sont la lèvre inférieure, la région rétromolaire de la gencive, la langue. On considère en fait qu’il s’agit d’un véritable infarctus (Donath) frappant une glande salivaire accessoire et source de métaplasie malpighienne « explosive » pseudotumorale qui évolue 7
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Mucocèle. Cavité sans revêtement épithélial, avec mucus dans la lumière. Hématoxyline-éosine × 150.
spontanément vers la guérison. Au plan histologique (fig 20), la lésion initiale (à type de nécrose ischémique [de coagulation] rapidement entourée par une réaction inflammatoire) est rarement vue car la biopsie n’est que rarement pratiquée à ce stade. Une métaplasie malpighienne extensive intéresse alors les lobules glandulaires périphériques (non nécrosés) : elle passe souvent au premier plan, alors que la nécrose peut avoir disparu (résorption)
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Stomatologie
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Sialométaplasie nécrosante (glande salivaire accessoire médiopalatine). Métaplasie malpighienne des canaux excréteurs et nécrose du parenchyme salivaire sous-jacent. Hématoxyline-éosine × 60.
ou peut ne pas avoir été intéressée par le prélèvement. Le danger est alors grand de porter un diagnostic de carcinome épidermoïde, devant ces massifs qui paraissent infiltrer le chorion.
Stomatologie
Pathologie non tumorale des glandes salivaires. Anatomie pathologique
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-057-B-15
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Tumeurs des glandes salivaires Anatomie pathologique
M Auriol Y Le Charpentier
Résumé. – La classification anatomopathologique des tumeurs des glandes salivaires est celle retenue par la dernière classification de l’Organisation mondiale de la santé. Dans le groupe des tumeurs épithéliales, de loin les plus fréquentes, sont d’abord envisagés les adénomes avec leurs différentes variantes monomorphes. Puis, parmi les multiples variétés de carcinome, une mention particulière est faite au carcinome polymorphe de faible malignité, entité récemment décrite dont la fréquence est assez élevée. Au sein des tumeurs non épithéliales, nous avons surtout mis l’accent sur les lymphomes qui prennent souvent, dans les glandes salivaires, l’aspect particulier de lymphomes type MALT (« mucosa-associated lymphoid tissue »). © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : tumeurs des glandes salivaires, adénomes pléomorphes, adénomes monomorphes, carcinomes, lymphomes, métastases.
Introduction Les tumeurs de loin les plus fréquentes sont de souche épithéliale. Les autres variétés tumorales (tumeurs conjonctives, lymphomes, métastases) sont rarement rencontrées [61, 66].
Tumeurs épithéliales La multiplicité des formes histologiques de ces tumeurs tient à l’origine embryologique particulière du tissu salivaire. Les tumeurs épithéliales se divisent en deux groupes : tumeurs bénignes ou adénomes et tumeurs malignes ou carcinomes. TUMEURS BÉNIGNES OU ADÉNOMES
¶ Adénome pléomorphe (ou tumeur mixte) Il constitue la variété la plus fréquente des tumeurs salivaires (74 % des cas) [17, 34].
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Adénome pléomorphe : association de cellules fusiformes de type myoépithélial et de cellules épithéliales bordant des cavités glandulaires. Hématoxyline-éosine × 150.
Macroscopie La tumeur, nodulaire, bien circonscrite, voire encapsulée par une gangue conjonctive, est habituellement de couleur blanchâtre. Sa consistance est variable, ferme ou molle et gélatiniforme. Histopathologie La structure est presque toujours très caractéristique. On observe une prolifération de cellules épithéliales et myoépithéliales enchâssées dans un stroma abondant, myxoïde et/ou chondroïde (fig 1) :
Michelle Auriol : Ancien maître de conférences à l’université Paris VI, anatomopathologiste de l’UFR de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale. Yves Le Charpentier : Professeur à l’université Paris VI, UFR de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, chef du service central d’anatomie et cytologie pathologiques. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex, France.
– les cellules épithéliales sont disposées en lobules pleins ou groupées autour de cavités glanduliformes à contenu acidophile, PAS (acide para-amino-salicylique) positif. Elles peuvent parfois revêtir un aspect malpighien, avec ou sans maturation kératosique. Quelquesunes peuvent être de type sébacé ; – les cellules myoépithéliales, habituellement fusiformes ou étoilées, sont tantôt disposées en nappes compactes, tantôt éparses au milieu d’un stroma lâche. Certaines, dites « cellules hyalines », revêtent un aspect plasmocytoïde (cellules arrondies à noyau excentré, peuplées de fibrilles disposées en tout sens en microscopie électronique) [17] ; – le stroma, expression des aptitudes sécrétoires diverses des cellules myoépithéliales, est d’aspect très variable. À côté des formes myxoïdes et chondroïdes (fig 2), les plus classiques, il peut être de type collagène, hyalin ou élastique. Il renferme parfois des îlots de
Toute référence à cet article doit porter la mention : Auriol M et Le Charpentier Y. Tumeurs des glandes salivaires. Anatomie pathologique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-057-B-15, 2001, 8 p.
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Adénome pléomorphe : stroma chondroïde. Hématoxyline-éosine × 250.
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4 Adénome pléomorphe : présence de protéine S-100 dans les cellules myoépithéliales. Immunohistochimie : sérum antiprotéine S-100, G × 250. La cancérisation est rare (5 % des cas) et serait l’apanage des adénomes évoluant depuis 10 ou 15 ans sans traitement. Elle se fait habituellement sous forme d’un carcinome ou plus rarement sous forme d’un sarcome ou d’un carcinosarcome. Quant aux classiques adénomes pléomorphes « métastasiants », ils seraient liées à une migration intravasculaire de substance myxoïde pendant l’exérèse initiale. Ils relèveraient, sur le plan thérapeutique, d’une résection chirurgicale du nodule « métastatique », lequel peut siéger dans le poumon, le foie, les os.
¶ Myoépithéliome Individualisé sous cette dénomination dans la récente classification des tumeurs salivaires par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [61], il est constitué exclusivement de cellules myoépithéliales. Il est rare (1 à 5 % des tumeurs salivaires) [34, 57] et atteint surtout la parotide et les glandes salivaires accessoires palatines.
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Adénome pléomorphe. Présence de cytokératine dans les cellules épithéliales autour de cavités glandulaires. Immunohistochimie : sérum antikératine, G × 150.
tissu adipeux ou osseux. On y observe parfois des cristaux de tyrosine ou d’oxalates groupés en masses radiaires qui sont biréfringentes en lumière polarisée. Diagnostic différentiel Le diagnostic, facile dans les formes typiques, est parfois plus difficile dans certaines tumeurs où prédomine le contingent myoépithélial qui pourrait prêter à confusion avec une tumeur conjonctive ou nerveuse [20]. En cas de doute, l’immunohistochimie, et éventuellement la microscopie électronique, objectiveraient la double composante, épithéliale et myoépithéliale, caractéristique des adénomes pléomorphes : – l’immunohistochimie, de pratique aisée, détecterait dans certaines cellules des filaments de cytokératine (fig 3) et dans d’autres, des myofilaments protéine S-100 (fig 4) et actine positifs. Notons d’ailleurs le caractère ambigu de certaines cellules qui comportent à la fois les deux types de filaments ; – la microscopie électronique révélerait, à côté de cellules épithéliales, des cellules allongées pourvues de fibrilles longitudinales fixées par des zones d’ancrage sur la membrane cytoplasmique, ainsi que des vacuoles de pinocytose.
Macroscopie À la différence de l’adénome pléomorphe, il ne comporte aucune structure épithéliale canalaire et son stroma, très réduit, ne présente aucune zone myxoïde ou chondroïde. Histopathologie Les cellules myoépithéliales sont de forme variable d’une tumeur à l’autre et au sein d’une même tumeur : – cellules fusiformes groupées en « faisceaux » sectionnés longitudinalement ou transversalement, évoquant a priori une tumeur conjonctive ; – cellules plasmocytoïdes rondes, à noyau excentré, mais sans croissant clair périnucléaire, à la différence des plasmocytes vrais ; – cellules claires dont le cytoplasme est chargé de glycogène. L’immunohistochimie révélerait, en cas de doute, le caractère ambigu des cellules tumorales présentant à la fois des cytofilaments de kératine et des myofilaments d’actine et de protéine. La microscopie électronique objectiverait dans les cellules quelques attributs des cellules myoépithéliales [22, 32]. Évolution Plus agressif que l’adénome pléomorphe, cet adénome récidive volontiers. Ses variantes malignes demeurent exceptionnelles.
Évolution
¶ Tumeur de Warthin (cystadénolymphome)
Ces adénomes sont susceptibles de récidiver localement, surtout lorsqu’ils ont un stroma myxoïde abondant [43] et qu’il existe des brèches dans la capsule conjonctive périphérique. On découvre alors un ou souvent plusieurs nodules situés en regard de la cicatrice.
Tumeur fréquente (4 à 11 % des tumeurs salivaires), elle se caractérise par l’association de cellules oncocytaires et d’un stroma lymphoïde. Son siège habituel est la parotide. Elle est souvent multifocale et bilatérale [58].
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– trabéculaire et tubulaire, avec cellules basophiles disposées en « cordons » anastomosés ou groupées autour de cavités glanduliformes au sein d’un stroma abondant et lâche ; – membraneux enfin, où des basales épaisses et hyalines PAS positives circonscrivent les massifs épithéliaux et s’invaginent parfois en leur sein, créant ainsi des pseudocylindres analogues à ceux du carcinome adénoïde kystique. Adénome canaliculaire Tumeur du sujet âgé, il siège dans 90 % des cas dans la lèvre supérieure. Il est constitué de cellules cylindriques adossées en deux couches et disposées en « cordons » anastomosés, dont les mailles sont occupées par un stroma abondant, lâche, très vascularisé. Par endroits, ces cordons délimitent des canalicules subissant parfois une dilatation kystique. Autres variétés très rares d’adénomes
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Cystadénolymphome. Cavité kystique avec végétation bordée de cellules épithéliales et centrée par un îlot lymphoïde à centre germinatif clair. Hématoxyline-éosine × 150.
Nous ne ferons que citer : le cystadénome, le papillome canalaire, l’adénome sébacé. TUMEURS MALIGNES ÉPITHÉLIALES
Macroscopie L’aspect est très évocateur. Il s’agit d’un nodule circonscrit, parfois volumineux, creusé d’une ou plusieurs cavités renfermant un liquide rougeâtre. Histopathologie On observe des végétations saillant dans des cavités à contenu acidophile (fig 5). Chaque végétation est tapissée par une double assise de cellules épithéliales : assise basale de cellules cubiques et assise superficielle de cellules cylindriques hautes, à cytoplasme acidophile riche en mitochondries. Son axe conjonctif comporte des lymphocytes souvent groupés en « follicules » à centre germinatif clair. Quelques variations morphologiques sont parfois observées : métaplasie malpighienne massive de l’épithélium, nécrose ischémique partielle ou totale, aspect inflammatoire du contenu des cavités avec parfois réaction tuberculoïde [37, 38].
¶ Oncocytome Proche parent de la tumeur précédente, il siège surtout dans la parotide et est constitué de cellules oncocytaires à stroma lymphoïde plus ou moins développé [6, 53, 63]. Macroscopie Le nodule est circonscrit, de consistance ferme et de couleur chamois. Histopathologie Les cellules épithéliales oncocytaires sont groupées en travées que sépare un fin réseau capillaire. En microscopie électronique, elles s’avèrent très riches en mitochondries souvent volumineuses avec crêtes à disposition anarchique [19]. Une variété à cellules claires a été décrite récemment par Ellis [33].
¶ Autres adénomes Ils sont rares. La classification récente de l’OMS [61] et celle d’Ellis et Auclair [34], en distinguent diverses variétés, sans incidence sur le pronostic qui est constamment bénin. Adénome à cellules basales Il siège presque toujours dans la parotide et est l’apanage du sujet âgé. On en décrit trois formes : – solide, avec masses compactes de cellules épithéliales basophiles bordées par des cellules hautes, palissadiques ;
¶ Carcinome à cellules acineuses
[20, 25, 29, 35, 44]
Cette tumeur a longtemps été classée dans la catégorie des tumeurs à faible malignité, du fait de son évolution variable, sans récidive ou avec récidives tardives. La dernière classification de l’OMS [34] lui confère la dénomination moins ambiguë de carcinome à cellules acineuses. Constituée de cellules acineuses sécrétantes à grains séreux, elle siège presque exclusivement dans la parotide. Macroscopie Elle réalise un nodule parfois volumineux, chamois, parsemé éventuellement de foyers nécrotiques ou hémorragiques, voire de cavités kystiques. Histopathologie Dans l’ensemble, la structure est compacte. De petites cavités ou des kystes plus gros sont parfois décelables et peuvent renfermer des végétations. – La composante cellulaire, polymorphe, varie d’une tumeur à l’autre [1] . Dans 40 % des cas, les cellules acineuses, seules caractéristiques de ce type de néoplasme, représentent le contingent principal. Agencées autour de petites lumières ou disposées en « nappes » compactes, elles ont un cytoplasme basophile riche en grains sécrétoires visibles en rouge après coloration par le PAS (fig 6) ou en nodules opaques aux électrons en microscopie électronique [15, 25, 31] . Ces cellules sont parfois dégranulées, avec un cytoplasme moins basophile. Les cellules vacuolisées, peu nombreuses, sont creusées de vacuoles cytoplasmiques vides. Quant aux cellules claires, fréquentes, elles peuvent constituer le contingent dominant de certaines tumeurs. Dépourvues de grains de sécrétion, elles traduisent une souffrance des organites cytoplasmiques. – Le stroma, de type collagène, héberge fréquemment des nappes de lymphocytes. Par ailleurs, il comporte souvent des espaces clairs intercellulaires pouvant revêtir un aspect kystique. Évolution Elle est imprévisible, malgré l’utilisation de techniques modernes (cytométrie de flux [67], numération des AgNOR [27]). Les critères histologiques habituels d’appréciation du degré de malignité sont donc toujours utilisés : taille plus ou moins grande de la tumeur, plus ou moins bonne limitation, nombre plus ou moins élevé des mitoses. Les récidives locales sont fréquentes (35 % des cas). Des métastases ganglionnaires ou viscérales dans le poumon, les os, le cerveau sont 3
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Carcinome à cellules acineuses : travées de cellules épithéliales renfermant des grains sécrétoires acide para-amino-salicylique (PAS) positifs. PAS G × 350.
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8 Carcinome mucoépidermoïde : mucosécrétion à acide para-amino-salicylique (PAS) positive. PAS × 150. – les cellules muqueuses sont pourvues de vacuoles claires mucicarminophiles et PAS positives. Elles bordent des cavités de taille variable où se déversent leurs sécrétions (fig 8). Elles sont parfois dispersées, çà et là, au sein de lobules épidermoïdes ; – les cellules intermédiaires sont parfois majoritaires. Elles sont basophiles, à noyau hyperchromatique et correspondent à des cellules indifférenciées, jeunes, dont la microscopie électronique précise la richesse en ribosomes [14, 23] ; – les cellules claires sont riches en glycogène. Celui-ci est coloré par le PAS en rouge, la coloration devenant négative après digestion amylasique des grains. Elles constituent rarement la majorité du contingent cellulaire de la tumeur et soulèvent alors des problèmes diagnostiques avec les autres tumeurs à cellules claires des glandes salivaires. Pronostic
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Carcinome mucoépidermoïde : zones compactes à différenciation épidermoïde intriquées à des cavités glandulaires renfermant du mucus. Hématoxyline-éosine × 60.
possibles. Mais récidives et métastases sont habituellement tardives (plus de 5 ans, voire 15 à 20 ans après l’exérèse initiale). Une telle éventualité implique donc une surveillance prolongée de tous les patients.
¶ Carcinome mucoépidermoïde
[4, 11, 12, 23, 34]
Cette tumeur, fréquente, représente 29 % des tumeurs malignes salivaires. Elle associe en proportions variables deux types cellulaires, épidermoïde et mucosécrétant (fig 7). À titre exceptionnel, elle a été décrite dans les mâchoires [4, 11, 12], s’y développant soit sur une glande salivaire hétérotopique, soit sur un kyste odontogène préexistant. Macroscopie Le nodule, en règle mal limité, à contours polycycliques, est tantôt de consistance ferme, tantôt mou, creusé de cavités à contenu mucoïde. Histopathologie De grandes variations de structure apparaissent au sein d’une même tumeur et d’un patient à l’autre : – les cellules épidermoïdes sont parfois prédominantes. Polygonales, elles sont étroitement juxtaposées par des ponts d’union et groupées en « lobules » compacts. Toutefois, la kératinisation y est rarement observée ; 4
Il est difficile à évaluer. Sur le plan histologique, il est classique d’admettre la gravité décroissante des tumeurs en fonction de leur différenciation [23, 60]. Les tumeurs bien différenciées dans le sens épidermoïde ou glandulaire ont un bon pronostic. Les tumeurs moins différenciées (contingent de cellules différenciées de 10 à 50 %) ont un pronostic moins bon. Les tumeurs à cellules intermédiaires, jeunes, riches en mitoses, ont un mauvais pronostic. Les résultats donnés par la cytométrie de flux [46] et la numération des AgNOR [21] ne sont pas concluants. Aussi, là encore, comptent pour l’évaluation du pronostic la taille de la tumeur, le degré d’anaplasie des cellules et le nombre des mitoses [3].
¶ Carcinome adénoïde kystique Ce cancer fut longtemps dénommé cylindrome du fait des pseudocavités mucoïdes ou hyalines caractéristiques de sa forme cribriforme, la plus typique. Il s’agit de la variété la plus fréquente des tumeurs malignes des glandes salivaires accessoires. Il survient à titre exceptionnel sur une hétérotopie salivaire intraosseuse (mandibule ou maxillaire) [10]. Macroscopie La tumeur réalise : tantôt un nodule circonscrit, blanchâtre, ferme, peu différent d’une tumeur mixte, tantôt une masse plus volumineuse, mal limitée, parfois parsemée de foyers nécrotiques ou hémorragiques. Histopathologie Ce carcinome comporte une prolifération cellulaire à double différenciation, canalaire et myoépithéliale, comme en attestent la microscopie électronique et l’immunohistochimie [13, 16, 23, 24, 26, 47, 51]. Selon l’agencement de ces cellules tumorales, il est classique de distinguer trois variétés de tumeur :
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– des cellules épithéliales canalaires cubiques, à gros noyau rond, disposées autour d’une petite lumière remplie d’un matériel protéinacé, acidophile, PAS positif mais mucicarmin négatif ; – des cellules myoépithéliales, situées en périphérie des précédentes, polygonales ou fusiformes. Leur cytoplasme clair contient des grains de glycogène colorables en rouge par le PAS et disparaissant après digestion diastasique. Dans certains cas, le diagnostic est moins évident, car les cellules myoépithéliales claires prédominent et le diagnostic avec les autres tumeurs salivaires à cellules claires peut alors se poser. En cas de nécessité, on peut s’aider de l’immunohistochimie et de la microscopie électronique : l’immunohistochimie [52, 54, 60] démontre la présence de cytokératine dans les cellules canalaires et la positivité des cellules myoépithéliales à la protéine S-100 et à l’actine. La microscopie électronique préciserait également l’existence des deux types cellulaires [9]. Évolution
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Épithélioma kystique adénoïde : aspect cribriforme, nodule épithélial creusé de cavités à contenu mucoïde. Hématoxyline-éosine × 250.
– la forme cribriforme, la plus fréquente, et aussi la plus caractéristique, est constituée de massifs de cellules à cytoplasme pâle et à noyaux anguleux. Au sein de ces massifs se creusent des pseudocylindres (fig 9), arrondis et de taille variable, renfermant tantôt une substance mucoïde PAS positive et alcianophile, tantôt des mottes hyalines éosinophiles. Le stroma, de type collagène, est assez abondant ; – la forme tubulaire comporte des cellules disposées en « cordons » ou groupées autour de lumières tubulaires. Le stroma, abondant, est souvent dense, hyalinisé ; – la forme solide (dite encore « basaloïde ») est formée de massifs compacts de cellules basophiles à noyau foncé, hyperchromatique, avec une activité mitotique intense. Ces massifs sont parfois nécrosés en leur centre, ressemblant alors à un comédocarcinome. Quel que soit le type histologique, les atteintes nerveuses sont fréquentes, avec engainement des filets nerveux à l’intérieur du perinèvre par les cellules tumorales. L’extension locale est souvent rapide, tout particulièrement pour les carcinomes adénoïdes kystiques du palais qui infiltrent les structures osseuses de voisinage et nécessitent des résections chirurgicales larges.
Ce carcinome est une tumeur à faible malignité. Les récidives, le plus souvent tardives (5 ans et plus après l’exérèse), se localisent dans les tissus périparotidiens ou dans les ganglions cervicaux. Les métastases à distance, rares, peuvent siéger dans les poumons, les reins, le cerveau.
¶ Adénocarcinome polymorphe de faible malignité Décrit simultanément en 1983 par Batsakis et al [5] sous le nom de carcinome des canaux terminaux, et par Freedman et Lumerman [40] sous le nom de carcinome lobulaire, ce carcinome est dénommé adénocarcinome polymorphe de faible évolutivité dans la récente classification de l’OMS [61], du fait de sa structure polymorphe et de son bon pronostic. Il siège essentiellement dans les glandes salivaires accessoires [69] où il représente 7 à 11 % des tumeurs. Par ordre de fréquence décroissante, il atteint le palais (dur et mou) dans 60 % des cas, puis la lèvre supérieure (12 %), la muqueuse buccale (6 %) (région rétromolaire, plancher, langue). À titre exceptionnel, il atteint les glandes principales [55]. Il affecte surtout le sexe féminin (deux femmes pour un homme), entre 50 et 69 ans. Macroscopie La tumeur, nodulaire, cirsconscrite mais non encapsulée, peut s’étendre dans l’os de voisinage lorsqu’elle est de siège palatin.
Éléments du pronostic
Histopathologie
Les formes solides, « basaloïdes », ont le pronostic le plus péjoratif [24, 45, 64] . Ce pronostic, difficile à évaluer dans les autres formes, ne bénéficie guère des techniques de cytométrie de flux et de la numération des AgNOR. Il est plutôt fondé sur la taille plus ou moins grande de la tumeur et surtout sur son siège, avec la gravité particulière des épithéliomas adénoïdes kystiques du palais du fait de leur diffusion souvent rapide et intense dans l’infrastructure.
La masse tumorale, mal limitée, infiltre les tissus voisins. Son aspect polymorphe [7] est variable au sein d’une même tumeur et d’une tumeur à l’autre. On y distingue deux zones :
¶ Carcinome épithélial-myoépithélial
[8, 30, 39, 52, 61, 62]
Ce carcinome, dénommé ainsi par Seifert en 1992 du fait de sa double composante, épithéliale canalaire et myoépithéliale claire, est rare (1 % des tumeurs épithéliales salivaires pour Ellis et Auclair [34]). Son siège habituel est la parotide ; il affecte rarement les glandes salivaires accessoires. Il survient plus souvent chez la femme à un âge avancé (septième décennie). Macroscopie La tumeur a l’aspect d’un ou plusieurs nodules bien circonscrits, parfois nécrosés et hémorragiques. Histopathologie L’aspect est souvent très caractéristique. En effet, on identifie une double population de cellules tumorales :
– la zone centrale, la plus volumineuse, compacte : les cellules épithéliales, pâles, sont pourvues d’un noyau ovale, vésiculeux, rarement nucléolé. Les mitoses sont exceptionnelles. Les cellules se disposent en lobules bordés d’une assise périphérique de cellules cylindriques, en « papilles » se projetant dans des cavités kystiques, ou en « foyers cribriformes » simulant un carcinome adénoïde kystique ; – la zone périphérique, dite zone d’extension : les cellules y sont alignées en travées ou groupées autour de cavités de petite taille renfermant parfois des calcifications ou des cristalloïdes. Comme dans le carcinome adénoïde kystique, les coulées tumorales périnerveuses sont fréquentes. Le stroma est lâche, mucoïde ou dense, hyalinisé. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec le carcinome kystique adénoïde, du fait des aspects cribriformes et de l’extension nerveuse. Évolution Si l’agressivité locale oblige parfois à une exérèse mutilante (maxillectomie pour les tumeurs du palais), le pronostic est bon. Les métastases locales ou locorégionales ne surviendraient que dans 9 % des cas (statistique de 204 cas rapportés par Vincent et al [68]). 5
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Tumeurs des glandes salivaires. Anatomie pathologique
¶ Carcinome épidermoïde Ce carcinome serait favorisé par une radiothérapie préalable pour tumeur bénigne ou maligne de la région cervicofaciale. Il surviendrait alors plus de 15 ans après ce traitement. Rare (0,9 à 2,7 % des tumeurs salivaires), il affecte plus souvent la parotide que la sous-maxillaire. Macroscopie La masse tumorale est volumineuse, mal limitée, voire ulcérée à la peau. Histopathologie Tantôt le carcinome est bien différencié avec cellules unies par de nombreux desmosomes, mais la maturation kératosique y est rare. Tantôt il est peu différencié à cellules basophiles. Diagnostic différentiel Avant de poser le diagnostic de carcinome épidermoïde primitif d’une glande salivaire, il faut éliminer : certaines métaplasies malpighiennnes canalaires consécutives à une inflammation, à une lithiase ou à un traumatisme (cytoponction) ; un carcinome épidermoïde « secondaire » développé sur adénome pléomorphe ; une métastase ganglionnaire intraparotidienne d’un carcinome épidermoïde situé à distance. Quand le siège salivaire primitif est confirmé, le diagnostic est parfois difficile avec un carcinome mucoépidermoïde à structure épidermoïde prédominante. Ce dernier posséderait toutefois quelques cellules mucosécrétantes, PAS positives, au sein des lobules malpighiens. Évolution Le pronostic est grave. Les récidives et métastases locorégionales s’observent dans 40 % des cas. Les métastases à distance sont rares.
¶ Carcinome à cellules basales
Stomatologie
caractère plus ou moins extensif avec envahissement périnerveux et périvasculaire, permettent de distinguer des formes de bas degré de malignité et d’autres de haut degré avec métastases ganglionnaires, voire métastases à distance survenant dans 26 % des cas [65].
¶ Carcinome à petites cellules Cette variété rare de tumeur salivaire est un carcinome à différenciation neuroendocrine en tous points similaire au carcinome pulmonaire à petites cellules. Les grains sécrétoires y sont objectivés par diverses techniques immunohistochimiques (dont la chromogranine), ainsi que par l’observation en microscopie électronique. Un tel diagnostic ne peut être porté qu’après avoir éliminé toute tumeur pulmonaire primitive.
¶ Carcinome indifférencié (carcinome lymphoépithélial) Il peut se greffer sur une lésion lymphoépithéliale bénigne préexistante ou apparaître de novo. Analogue au carcinome indifférencié nasopharyngien, et comme lui associé au virus d’Epstein-Barr, il faut, dans un premier temps, éliminer ce diagnostic par biopsies systématiques de la région nasopharyngée. Histologiquement, il est constitué de cellules épidermoïdes peu différenciées enchâssées dans un stroma lymphoïde abondant [3, 4, 18, 48] .
¶ Carcinome adénosquameux Décrit par Gerughty et al en 1968 [41] et longtemps inclus dans le groupe des carcinomes mucoépidermoïdes dont il constituait une variété de mauvais pronostic, ce carcinome est défini par une double cancérisation de la muqueuse malpighienne buccale de surface et des glandes salivaires accessoires sous-jacentes. Il siège surtout dans la langue, les piliers de l’amygdale et le plancher buccal. Histologiquement, coexistent un adénocarcinome né de la glande salivaire et un carcinome épidermoïde développé à partir du revêtement épithélial de la muqueuse et/ou de la partie terminale du canal excréteur de la glande.
De siège surtout parotidien [36], ce carcinome est l’homologue malin de l’adénome à cellules basales. De structure identique à celle de l’adénome, il est de plus riche en mitoses et infiltre les secteurs extraglandulaires. De faible malignité, il récidive rarement. En revanche, les métastases ganglionnaires régionales y sont fréquentes.
¶ Carcinome sébacé
¶ Cystadénocarcinome
Tumeurs conjonctives non lymphoïdes
Équivalent malin du cystadénome [34], cette tumeur rare est observée chez le sujet âgé. Il s’agit d’une masse kystique et papillaire constituée de cellules cubiques ou cylindriques appendues sur un axe conjonctif grêle.
Elles représentent 2 à 5 % des tumeurs salivaires. Elles peuvent être bénignes ou malignes.
¶ Carcinome canalaire
De loin les plus fréquentes (90 % des tumeurs conjonctives salivaires), elles sont polymorphes : les lipomes siègent électivement dans la parotide ; les angiomes, observés surtout chez l’enfant, sont des hémangiomes ou des lymphangiomes ; les tumeurs nerveuses à type de neurinome, neurofibrome ou névrome plexiforme sont parfois observées dans le cadre d’une neurofibromatose de von Recklinghausen.
Homologue de l’adénome sébacé, il est exceptionnel comme ce dernier.
TUMEURS BÉNIGNES
Homologue de l’adénocarcinome mammaire de même nom, il est constitué de larges canaux dont la lumière est plus ou moins comblée par des massifs cellulaires compacts, riches en mitoses et fréquemment nécrosés en leur centre. Tumeur hautement maligne, avec infiltration locale et métastases ganglionnaires, sa survie est en règle inférieure à 3 ans.
¶ Adénocarcinome SAI (sans autre indication) Cette tumeur à double différenciation glandulaire et canalaire, ne présente par ailleurs aucune des structures histologiques rencontrées dans les autres adénocarcinomes des glandes salivaires : il s’agit donc en pratique d’un diagnostic d’élimination [65] . Le récent dénombrement d’Ellis et Auclair [34] en atteste la fréquence : au deuxième rang des tumeurs malignes salivaires après le carcinome mucoépidermoïde. Il est constitué de cellules canalaires cubiques ou rondes, groupées en lobules, en tubes ou en canaux (souvent prédominants). Sa richesse plus ou moins grande en mitoses, son 6
TUMEURS MALIGNES
Décrites à titre exceptionnel, il s’agit d’histiocytomes fibreux malins, d’hémangiopéricytomes, de rhabdomyosarcomes, de schwannomes malins, de mélanomes.
Lymphomes Le tissu lymphoïde des glandes salivaires appartient à deux systèmes différents, susceptibles chacun de donner naissance à des
Stomatologie
Tumeurs des glandes salivaires. Anatomie pathologique
lymphomes non hodgkiniens : le système MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) est constitué de lymphocytes et plasmocytes intraglandulaires et intraépithéliaux. Le système lymphoïde habituel siège dans les ganglions péri- et intraglandulaires. Les lymphomes sont, dans 85 % des cas, des lymphomes non hodgkiniens. Ils représentent 40 % des lymphomes cervicofaciaux et 5 % des lymphomes extraganglionnaires [28, 42, 56]. Ils constituent 16 % des tumeurs malignes des glandes salivaires. Ils peuvent survenir à titre isolé ou entrer dans le cadre d’une maladie de système qu’il faut rechercher systématiquement. Deux affections favorisent leur développement : le syndrome de Sjögren (6 % des cas) [49, 50, 56] et la lésion lymphoépithéliale bénigne. Toutefois, dans ces deux cadres particuliers, il faut se méfier de lymphoproliférations bénignes atypiques [2]. Seules les études immunohistochimiques sur fragments tissulaires, congelés, permettent d’authentifier le caractère monoclonal du lymphome. MACROSCOPIE
De siège surtout parotidien, le lymphome se manifeste par un ou plusieurs nodules ou par une atteinte diffuse. HISTOPATHOLOGIE
La glande, plus ou moins détruite, présente souvent des îlots de métaplasie canalaire épimyoépithéliale. Elle est infiltrée de nappes de cellules rondes de type lymphocytaire. L’étude immunohistochimique permet d’individualiser deux types de prolifération : l’aspect est parfois celui d’un lymphome B habituel dont on précise le caractère nodulaire ou diffus et la morphologie cellulaire (petites ou grandes cellules). Plus souvent, l’aspect est celui
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d’un lymphome du MALT, lymphome B de faible malignité. Celui-ci comporte de nombreuses cellules centrocyte-like à noyau contourné. Les follicules réactionnels y sont fréquents. L’immunohistochimie démontre le type B de la prolifération lymphocytaire et la présence d’une chaîne légère monoclonale kappa ou lambda. ÉVOLUTION
Les lymphomes de type MALT relèvent d’un traitement local et d’une surveillance prolongée car leur transformation en lymphomes à grandes cellules est possible. Les autres types de lymphomes sont traités comme leurs homologues ganglionnaires par une chimiothérapie plus ou moins lourde.
Tumeurs secondaires Il s’agit le plus souvent d’une invasion directe de la glande par des cancers régionaux : carcinome épidermoïde et mélanome des téguments cervicofaciaux ; extension au tissu parotidien d’une tumeur maligne née d’un des éléments (fascia, vaisseaux, nerfs) de sa loge. À titre plus rare, le point de départ est un carcinome nasopharyngien ou un cancer thyroïdien. Métastases. Rares, elles sont avant tout de siège parotidien, plus rarement sous-maxillaire [59] . Certaines sont secondaires à des métastases ganglionnaires intraparotidiennes arrivées par voie lymphatique. Les métastases hématogènes sont exceptionnelles. On en a décrit dans les carcinomes bronchiques à petites cellules, les adénocarcinomes du rein à cellules claires et les cancers mammaires. Elles peuvent alors poser des problèmes diagnostiques avec certaines tumeurs primitives salivaires.
Références ➤
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Tumeurs des glandes salivaires. Anatomie pathologique
Stomatologie
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-057-C-10
22-057-C-10
Tumeurs des glandes salivaires F Guilbert É Maladière
Résumé. – La classification anatomopathologique des tumeurs salivaires rend compte de leur grand polymorphisme. Les faits cliniques sont néanmoins simples. Si l’on sait évoquer ne serait-ce qu’une « tumeur salivaire » en présence d’un nodule qui siège là où existe du tissu salivaire, bien des aberrations seront évitées. Leur localisation préférentielle est parotidienne. À ce niveau, l’importance de l’enjeu diagnostique et thérapeutique est très évidente. Une erreur dans l’approche diagnostique ou une indication chirurgicale portée en dehors du cadre strict d’une parotidectomie réglée est d’autant blâmable que la guérison est acquise dans une forte majorité de cas, lorsque le traitement est scrupuleusement exécuté, en temps voulu. Plus rares, les tumeurs de la glande submandibulaire, de diagnostic plus subtil, et celles des glandes salivaires accessoires observées en toutes zones de la cavité buccale partagent les mêmes impératifs diagnostiques et thérapeutiques. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : glandes salivaires, tumeurs, adénome pléomorphe, carcinome mucoépidermoïde, carcinome adénoïde kystique, kyste mucoïde.
Étude clinique Tumeurs de la parotide
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Adénome pléomorphe de la parotide.
La prédominance (neuf fois sur dix) des tumeurs bénignes est significative et trois fois sur quatre la tumeur étiquetée sur la pièce opératoire est un adénome pléomorphe (AP). QUOI QU’IL EN SOIT, TROIS TABLEAUX CLINIQUES SONT OBSERVÉS
¶ Nodule intraparotidien isolé C’est le tableau le plus fréquent, très évocateur d’un AP. Le nodule, de 10 à 20 mm de diamètre, unique au sein de la glande par ailleurs normale, est ferme ou dur, indolore, régulier de contour ou bosselé mais circonscrit. Plus ou moins superficiel, il voussure ou non la peau normale sous laquelle il est mobile en tous sens (fig 1, 2). Ce nodule est isolé, sans aucun signe d’accompagnement. Il suffit dès lors d’envisager une parotidectomie conservatrice du facial, dont le résultat est excellent si elle est entreprise en présence d’un nodule de faible volume, bien enclos dans la glande. L’examen anatomopathologique, effectué à partir de la pièce de parotidectomie, confirme l’hypothèse clinique bien probable d’AP. Certaines fois néanmoins, cet examen conclut à une autre variété de tumeur bénigne, ou parfois même à une tumeur maligne, avant tout un carcinome mucoépidermoïde (CME) ou un carcinome adénoïde kystique (CAK). Une telle tumeur peut donc se manifester sous un
Francis Guilbert : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Éric Maladière : Chef de clinique-assistant. Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, hôpital de la Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
aspect rassurant. Cette notion fondamentale renforce le bien-fondé d’une parotidectomie effectuée dans un délai raisonnable.
¶ Nodule avec signes d’accompagnement Le constat d’une paralysie faciale souvent partielle ou d’une adénopathie cervicale indolore et dure oriente sur la malignité très probable de la tumeur. Moins classiques, l’aspect inflammatoire de la peau en regard du nodule et surtout son caractère douloureux doivent être tenus pour éminemment suspects de malignité. Si l’examen de la pièce opératoire conclut à une tumeur maligne, il doit encore préciser le degré de malignité et proposer un pronostic, quelque peu variable d’un malade à l’autre.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Guilbert F et Maladière É. Tumeurs des glandes salivaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-057-C-10, 2000, 13 p.
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Petit adénome pléomorphe superficiel, à l’aplomb du sommet de l’angle mandibulaire.
Nodule dans le bord antérosupérieur de la parotide. Adénome pléomorphe.
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Sialogramme parotidien : image située dans le bord antérosupérieur de la glande, évocatrice d’une tumeur bénigne. Adénome pléomorphe.
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Cystadénolymphome papillaire de la parotide.
¶ Masse kystique contrastant franchement avec un nodule Observée chez un homme de 55 ans, une masse de siège parotidien postéro-inférieur, de 40 à 50 mm de diamètre, dépressible ou tendue mais kystique, dont le volume varie au gré de poussées inflammatoires avec sensation de gêne et quelques signes cutanés mineurs, oriente d’emblée sur un cystadénolymphome papillaire (CALP ou tumeur de Warthin). Sa fréquence est estimée entre 4 et 10 % (fig 3). La fréquence d’une plurifocalisation de cette tumeur bénigne au sein de la même glande justifie une parotidectomie totale avec respect du facial. Des cas de bilatéralité sont également connus et même une exceptionnelle forme maligne. FORMES CLINIQUES
Les formes topographiques et les formes évolutives dominent ce chapitre.
¶ Formes topographiques Le nodule est souvent central, en avant du lobe de l’oreille, séparé ou non de lui par un sillon ou bien en avant et au-dessous de lui ou même le contournant jusqu’au contact du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Premier écueil C’est de ne pas rapporter à la parotide un nodule situé en périphérie de celle-ci. Suivant les limites de la glande, le pôle supérieur affleure le zygoma, d’où la rareté d’une tumeur vraiment prétragienne. Son 2
pôle inférieur se situe toujours plus bas que la ligne prolongeant en arrière le bord inférieur de la mandibule : un nodule à ce niveau ne doit pas être pris pour une adénopathie. Il convient encore de distinguer une tumeur du pôle postérieur de la glande submandibulaire. Le bord antérieur de la glande, en deux segments plus ou moins axés sur le canal de Sténon qui se projette 15 mm au-dessous du zygoma, est proche du bord antérieur du masséter. Il existe avec une réelle fréquence, non tant un prolongement qu’un véritable lobe massétérin individualisé, comme de nombreuses sialographies l’ont montré. L’erreur de prendre une tumeur, ici développée dans une faible épaisseur de glande, entre masséter et peau, pour un kyste sébacé pourtant bien différent s’avère malheureusement fréquente et source d’un préjudice considérable pour le malade. Dans tous ces cas de figure, un examen complémentaire correctement entrepris et analysé est donc susceptible d’apporter une aide incontestable, s’il affirme la topographie parotidienne du nodule périphérique (fig 4, 5). Tumeur profonde de la parotide En règle de bon volume, elle refoule en surface la glande au travers de laquelle elle est peu palpable. L’examen endobuccal de principe doit rechercher une asymétrie du voile et par le toucher pharyngien le contact de la tumeur. L’imagerie moderne est ici parfaitement adaptée pour explorer la région. Il peut arriver qu’une tumeur très ancienne donne lieu à des modifications de forme et de structure du ramus : lordose du bord postérieur et clarté de la portion susspigienne, amincie sous la pression de la tumeur, tous signes apparents sur une radiographie simple (fig 6). Aussi exceptionnelle serait une destruction du condyle mandibulaire.
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Volumineux adénome pléomorphe profond de la parotide, entraînant une lordose du bord postérieur du ramus et un amincissement de sa portion susspigienne.
Volumineux adénome pléomorphe de la parotide : 120 g ; 40 × 65 × 70 mm.
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Récidive plurinodulaire d’un adénome pléomorphe, énucléé en première intention.
7
Carcinome mucoépidermoïde intramandibulaire.
Localisation intramaxillaire Sur hétérotopie du tissu salivaire, elle est exceptionnelle. Une tuméfaction osseuse ou un problème dentaire dans la région molaire inférieure, le plus souvent en cause, conduit à une radiographie qui révèle une image polygéodique, évocatrice d’une tumeur odontogénique (fig 7). L’aspect non franchement kystique de la lésion, aux parois épaisses et bourgeonnantes, donne l’éveil et fait prévoir le diagnostic de carcinome mucoépidermoïde ou à cellules acineuses (CCA).
¶ Formes évolutives Rien n’est plus variable que l’évolution d’une tumeur salivaire en fonction de sa nature. Adénome pléomorphe Un nodule isolé de 10 mm, découvert plus volontiers chez une femme jeune, amène trop souvent à recueillir un avis rassurant car le nodule est petit, ou à l’inverse alarmant, en raison du nerf facial qui transite dans la glande. Il faut pourtant conseiller l’intervention en souhaitant qu’au cours de celle-ci, le nodule apparaisse au chirurgien enchâssé de toutes parts dans le tissu parotidien. Par défaut de traitement, l’évolution lente se fait par poussées, imprévisibles dans le temps et en intensité (fig 8). Elle aboutit tôt ou tard à l’accroissement de volume parfois subit de la tumeur et, lors de l’intervention, le chirurgien ne peut que constater que la tumeur, de 30 mm et plus, est ici ou là à nu et de façon particulière, lors du temps de clivage du nerf facial. Sachant le caractère faussement encapsulé de la tumeur, ne faut-il pas voir là la raison de récidives apparemment inexplicables ?
• Formes récidivées de l’adénome pléomorphe Une récidive résulte avant tout d’une énucléation du nodule, geste technique pourtant formellement proscrit de longue date, qu’elle soit entreprise par voie partielle de parotidectomie ou, ce qui est plus dommageable encore, par incision directe sur le nodule. Celui-ci est
parfois même fragmenté. Ceci exclut donc toute idée de biopsie à visée diagnostique. Le faux encapsulement de la tumeur explique aisément l’abandon sur place de cellules tumorales qui constitueront les points de départ pour une récidive sous une forme plurinodulaire, dans la zone de décollement chirurgical (fig 9). Il est également acquis que certaines récidives résultent d’un prélèvement tumoral fait dans le champ opératoire, avec l’objectif d’un examen extemporané. Une telle démarche n’est concevable que sur une pièce de parotidectomie, hors du champ opératoire, devant rappeler que le fragment prélevé, minime pour des raisons techniques, n’est pas obligatoirement le reflet de la tumeur dans son ensemble. Tumeurs malignes Leur évolutivité est a priori manifeste. En fait, nombre d’entre elles, tels un CME ou un CAK, sont quiescentes, durant parfois une longue période, avant de provoquer une évolution locale qui peut entraîner une tuméfaction globale de la région et des signes d’accompagnement (fig 10). L’évolution peut être marquée par une éclosion de métastases ganglionnaires locorégionales (plutôt le fait d’un carcinome vrai) ou à distance (poumons, foie, cerveau). Il n’est 3
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Tumeur de la parotide, manifestement maligne : aspect de la peau, douleurs et paralysie faciale supérieure. Carcinome adénoïde kystique avec métastase pulmonaire au premier examen.
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un diagnostic de certitude, avant l’intervention. En fait, il n’est pas en l’état actuel acquis que ce diagnostic puisse être établi avant l’examen anatomopathologique de la pièce de parotidectomie. Ainsi, l’intérêt de la sialographie, de la tomodensitométrie (TDM) ou davantage de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), qui tiennent une place de choix parmi les nombreuses techniques proposées, est essentiellement d’ordre topographique. Néanmoins, certaines images sont données comme évocatrices, dans la mesure où elles permettent de conforter l’impression clinique.
¶ Tumeur bénigne
pourtant pas rare qu’une parotidectomie bien et tôt exécutée permette une évolution favorable au long terme, dans le cas de tumeurs à faible malignité. Le CAK présente toutefois une propension très nette à la survenue de métastases pulmonaires. De façon classique, celles-ci sont tardives (7 à 8 ans) et d’évolution lente sur des années. Dans la moitié des cas, en fait, elles sont précoces (12 à 18 mois) et d’évolution rapide dans le même délai. Il est donc bien difficile de formuler un pronostic.
¶ Aspects cliniques atypiques – Très exceptionnels mais trompeurs, des cas de parésie faciale localisée sont connus, coïncidant avec un kyste ou un AP authentique. La variabilité du trouble d’un jour à l’autre est à retenir. Le constat d’un filet nerveux au contact intime de la lésion n’est pas une surprise opératoire. – Le caractère dur d’un nodule encore petit s’estompe si une lame suffisamment épaisse de glande le sépare de la peau. À l’opposé, sa consistance cartilagineuse est bien exceptionnelle, tout comme le ressaut cartilagineux perçu lors du frottement de la tumeur sur le ramus (signe de Nélaton). Certaines tumeurs ne sont mobilisables que verticalement, leur pôle interne étant bloqué dans la gouttière rétromandibulaire. – Il est des cas d’AP et de cancer kystisés donnant le change avec un CALP. À l’inverse, un CALP authentique peut prendre le masque d’un nodule circonscrit lorsqu’il est constitué par une masse compacte, dont la cavité virtuelle est totalement occupée par les végétations tassées les unes contre les autres.
¶ Formes selon le terrain Mieux vaut systématiquement suspecter une tumeur parotidienne quels que soient le sexe et l’âge du patient que de faire référence à des données statistiques. Si les CME, CAK et CCA s’observent volontiers chez une femme, et les carcinomes « vrais » chez l’homme, l’enfant n’est pas à l’abri d’un adénome ou d’un CME. L’existence d’un contexte physiologique particulier (grossesse, âge avancé) ou d’un contexte pathologique préoccupant légitime que soient mis en balance le risque évolutif auquel expose la tumeur et le risque opératoire. En pareil cas, il paraît essentiel de disposer d’un examen complémentaire judicieusement choisi, en espérant qu’il autorise de parfaire l’impression clinique, afin d’établir si possible un sursis thérapeutique sous surveillance. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
À l’issue de l’exposé clinique, simple et fiable dans une majorité de cas, on est en droit de se poser la question du bien-fondé d’un examen complémentaire. L’objectif de celui-ci devrait être de fournir 4
Elle se traduit sur un sialogramme, correctement exécuté et analysé, par la classique image de « balle dans la main ». La tumeur, ne prenant pas le contraste, est objectivée par une lacune au sein du fin nuage « lipiodolé » du parenchyme, par ailleurs normal. Ronde ou ovalaire, le contour net en est cerné par l’image des canaux normaux, fins, harmonieusement refoulés (fig 11A, B). Une image peut être plus apparente sur un film de face (fig 12), mais l’incidence de profil localise au sein de la glande un nodule situé en périphérie de celle-ci. Le cliché tardif montre l’évacuation complète du Lipiodolt. Le recours au scanner et surtout à l’IRM paraît actuellement préférable lorsque la tumeur atteint ou dépasse 30 à 40 mm. Les coupes TDM montrent une masse bien limitée dont la densité tranche sur celle du parenchyme normal alentour. L’IRM révèle une masse bien limitée hypo-intense en T1 et hyperintense en T2, non pour autant pathognomonique. L’intérêt ici est de mieux apprécier l’extension et l’éventuel retentissement extraglandulaire d’une tumeur volumineuse. Dans tous les cas, une image rassurante peut correspondre à une tumeur maligne.
¶ Tumeur maligne En principe, elle est d’une traduction bien différente. Le sialogramme révèle une lacune au contour irrégulier, floconneux ou déchiqueté, contenant parfois des microtaches ou de véritables flaques « lipiodolées », plus ou moins confluentes en son sein. À son contact, les canaux sont élargis, irréguliers, rigides, souvent amputés et leurs portions en amont de la lacune restent injectées après évacuation du Lipiodolt. Les coupes scanographiques révèlent une masse dont l’hyperdensité est plus ou moins hétérogène (fig 13). Mais le caractère infiltrant de la tumeur vis-à-vis des espaces anatomiques et des muscles de voisinage est mieux défini par l’IRM. Celle-ci montre un aspect hétérogène hypo-intense en T1, hypo- ou iso-intense en T2, avec net rehaussement tumoral après injection. Quelle que soit la technique préconisée, la distinction se fait sur des nuances, et il ne faut pas attendre de l’analyse des documents qu’elle oriente sur la nature intime de la tumeur. Toutefois, une image très nettement isodense traduirait un CAK. Enfin, l’IRM apprécie mieux l’extension d’une tumeur, l’existence d’adénopathies et facilite la surveillance des malades opérés. Une récidive peut néanmoins être très difficile à dépister en raison des réactions fibreuses post-thérapeutiques.
¶ Cas particulier d’un cystadénolymphome papillaire Un sialogramme de profil montre, au pôle postéro-inférieur de la glande de type inflammatoire, une lacune ouverte en arrière et ailleurs cernée par les canaux réguliers mais élargis, plus ou moins tassés et dont les extrémités se perdent dans le vide. Un retard d’élimination du Lipiodolt sur les clichés d’évacuation témoigne encore de l’inflammation de la glande. L’IRM montrerait une masse arrondie ou polylobée, à limite nette, parfois franchement hétérogène. Le scanner révèle une légère hypodensité avec prise nette de contraste après injection. Le diagnostic peut être difficile entre une forme multinodulaire de CALP et une lésion infiltrante.
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* A
A. Sialogramme parotidien. Vaste image de « balle dans la main », évocatrice d’une tumeur bénigne. Adénome pléomorphe. B. Schéma correspondant montrant le fin nuage « lipiodolé » du parenchyme normal et la présence d’un lobe massétérin individualisé.
* B 14
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Sialogramme parotidien. Incidence de face. Adénome pléomorphe.
Kyste sébacé.
Un kyste parotidien, le plus souvent rétentionnel, de taille modeste, est de diagnostic malaisé en raison de sa rareté et de son siège central. Des variations de volume dans le temps et l’image d’une lacune dans un sialogramme inflammatoire constitueraient de bons éléments de suspicion.
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Tomodensitométrie correspondant à la figure 10.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
¶ Nodule Un nodule peut faire discuter : – une adénopathie superficielle, prétragienne ou au contact du pôle inférieur de la glande, le plus souvent de type inflammatoire mais parfois tumoral, qui de toute manière imposerait la recherche d’une lésion régionale, sans oublier le cuir chevelu. Une adénopathie intraparotidienne est tout à fait exceptionnelle ; – un kyste sébacé, ferme ou élastique, pâteux, inconstamment centré par une fistulette d’où s’écoule du sébum, de toute façon adhérant à la peau, avec poussées inflammatoires, est aisément reconnu (fig 14) ; – un faux nodule, palpé haut dans la gouttière rétromandibulaire, correspond en règle au tubercule latéral de l’atlas ou à l’apophyse styloïde comme le montre aisément l’examen comparatif du patient, assis et examiné de dos ; 5
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Parotidomégalie dans le cadre d’une maladie inflammatoire systémique.
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¶ Cystadénolymphome papillaire Il pose le problème d’un kyste lymphoépithélial ou amygdaloïde, dont l’exérèse serait à faire par incision cervicale oblique. Le sialogramme révèle une image d’empreinte postéro-inférieure, bien différente de la lacune d’un CALP, car l’extrémité des canaux, en bordure de l’image d’empreinte, reste coiffée de façon homogène par le nuage parenchymateux, non inflammatoire.
Tumeurs de la glande submandibulaire Les tumeurs y sont nettement plus rares, mais bien plus fréquemment malignes qu’au niveau de la parotide. Les aspects anatomopathologiques en sont identiques. ÉTUDE CLINIQUE
Si un nodule intraglandulaire isolé résume la symptomatologie habituelle, les données de l’examen diffèrent selon le degré d’inclusion du nodule dans la glande, ce qui entraîne certaines difficultés. – une forme pseudotumorale de parotidite pose problème en l’absence d’arguments anamnestiques et de signes inflammatoires à l’ostium ; une radiographie peut révéler une lithiase ; – un lipome superficiel se reconnaît sur sa consistance élastique ; s’il est profond, il donne le change avec une tumeur parotidienne ; la densité graisseuse négative est caractéristique en TDM, mais l’IRM qui montre une masse à contour net, en hypersignal en T1, intermédiaire en T2, permet de le distinguer d’un kyste branchial et d’un lymphangiome ; – un schwannome exceptionnel et le plus souvent bénin, car indolore et n’entraînant pas de signe déficitaire, prend le masque d’un adénome ; il en est de même d’un tout aussi exceptionnel hémangiopéricytome, en dépit de sa malignité ;
¶ Nodule centroglandulaire Le palper bidigital, geste réflexe qui s’impose, décèle au sein de la glande le nodule indolore, circonscrit, plus ou moins gros, régulier de contour ou parfois bosselé et dont la dureté tranche sur la consistance plutôt élastique de la glande (fig 16). Ces caractères sont mieux définis par la pulpe de l’index qui palpe le plancher buccal postérieur. Le reste de l’examen est négatif, dont celui de l’ostium du canal de Wharton.
¶ Nodule intraglandulaire périphérique
– un névrome du plexus cervical superficiel constaté dans les suites d’une parotidectomie pose la question d’une récidive ; le nodule, perçu au flanc du bord antérieur du sternomastoïdien, est douloureux au palper.
Le tableau est trompeur lorsque la tumeur est palpée sur le versant cutané de la glande. Certaines fois, ce nodule, non accessible au doigt endobuccal, mal enchâssé dans la glande, est en nette saillie sous la peau et simule une adénopathie, bien plus fréquente. L’erreur se renforce lors de l’abord chirurgical si la tumeur apparaît apposée sur la glande, dont elle se détache de surcroît très facilement.
¶ Tuméfaction plus ou moins globale de la région
¶ Tumeur du pôle postérieur
Elle ouvre la discussion entre :
Elle pose le problème déjà évoqué à propos d’un nodule parotidien inférieur. Une tumeur du pôle supérieur de la glande serait directement accessible sous le doigt endobuccal, en arrière du mylohyoïdien. Une tumeur du prolongement sus-mylohyoïdien, apparemment très rare, poserait la question de son appartenance à la glande sublinguale.
– les diverses affections médicales de la glande, mais existe un contexte évocateur (fig 15). Les lymphomes, le plus souvent non hodgkiniens, constituent sans doute à l’heure actuelle une éventualité assez fréquente, qu’ils se présentent sous l’aspect d’une atteinte diffuse du tissu salivaire ou sous une forme plurinodulaire. Des parotidomégalies, dues en particulier au virus de l’immunodéficience humaine (VIH), sont également bien connues ; – les dysplasies vasculaires, quel qu’en soit le type, sont habituellement mal limitées et débordent la loge. Leur augmentation de volume en position déclive, tout comme un thrill et un souffle des plus inconstants doivent être recherchés. En dehors des phlébolithes évocateurs sur une radiographie simple, et à côté de l’échographie couplée au doppler couleur et de la TDM, l’IRM paraît bien être l’examen de choix ; – les tumeurs profondes de la région, de nature conjonctive et souvent bénignes, nées au sein de la glande ou dans son voisinage et la refoulant ou la dissociant, telles les tumeurs de l’espace sousparotidien postérieur, sont au mieux explorées par l’imagerie moderne ; – enfin, il serait impardonnable de ne pas reconnaître une lésion du ramus, responsable d’une tuméfaction de la région et susceptible de perturber la dynamique mandibulaire (trismus, latérodéviation à l’ouverture de la bouche) et d’entraîner des signes endobuccaux, tous signes justifiant une radiographie. 6
¶ Nodule avec signes d’accompagnement En dehors d’adénopathies d’allure suspecte, le caractère douloureux d’un nodule témoigne d’une possible malignité.
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Adénome pléomorphe de la glande submandibulaire. Forme centroglandulaire.
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Sialogramme submandibulaire. Incidence de face. Lacune tumorale.
Carcinome mucoépidermoïde du palais.
Plus fréquentes que les tumeurs submandibulaires, elles sont comme elles le plus souvent de nature maligne (64 % des cas). Sans prédominance particulière selon l’âge et le sexe, leur latence est habituelle. QUEL QUE SOIT LE SIÈGE DE LA TUMEUR
RECOURS À UN EXAMEN COMPLÉMENTAIRE
Selon le cas, il est indispensable ou non. Les images produites sont superposables à celles précédemment décrites pour une tumeur parotidienne et là encore, aucune image n’est véritablement spécifique. Concernant la sialographie, il faut indiquer que l’image parenchymateuse est moins homogène, nettement lobulée, en « feuille d’acanthes » et les canaux plus larges qu’au niveau de la parotide. En ce siège, une lacune tumorale ou surtout une image d’empreinte par une adénopathie au contact apparaissent bien sur un film de face (fig 17). DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Une glande hypertrophiée en masse par un nodule peut orienter sur une sous-maxillite chronique, en règle lithiasique. L’absence d’antécédent et de contexte lithiasiques, ainsi que l’absence d’opacité calculeuse sur une radiographie sont des arguments aisés à regrouper. À côté d’un rare kyste dermoïde suprahyoïdien latéral, peuvent ailleurs être discutés un schwannome, un lipome, un lymphangiome, certaines fois un processus vasculaire, mais de façon particulière le diagnostic d’une adénopathie demeure le cas de figure le plus courant. Hormis le cas d’une tumeur de la glande avec adénopathies de voisinage, le caractère plutôt sphérique et surtout l’unicité du nodule, plus ou moins en surface de la glande, sont en faveur d’une tumeur salivaire, surtout s’il n’existe aucun contexte locorégional ou général susceptible d’étayer l’hypothèse d’une adénopathie.
Tumeurs des glandes salivaires accessoires (GSA) Ces tumeurs semblent mal connues. La muqueuse buccale est pourtant d’une extrême richesse en tissu salivaire, disséminé en toutes zones muqueuses et le constat d’un nodule sous-muqueux devrait conduire en premier réflexe au diagnostic hautement probable de tumeur salivaire. Cette attitude est certainement préférable à une autre qui se solderait par l’exérèse hâtive du nodule pour régler le problème ! L’éventail des tumeurs est celui décrit pour les glandes salivaires principales.
La symptomatologie se résume à un simple nodule sous-muqueux, d’évolution lente, progressive ou par poussées. Ferme ou dur, circonscrit, plutôt sphérique et régulier ou bosselé, indolore, ce nodule est enchâssé sous la muqueuse qu’il soulève sans la modifier. Il est enfin unique et mobile (sauf en regard de la voûte palatine) sans signe d’accompagnement et sans cause de voisinage, dentaire en particulier. Dans de telles conditions, il a toutes les chances de correspondre à une tumeur salivaire, peut-être bénigne, mais la certitude diagnostique n’est acquise qu’après examen anatomopathologique de la pièce d’exérèse. Ailleurs, la malignité est bien probable si coexistent des douleurs, une ulcération bourgeonnante ou encore un aspect violacé, tendu et aminci de la muqueuse en regard. Il est rare que l’anesthésie d’un territoire nerveux ou une adénopathie donnent l’éveil. À côté de guérisons au moins apparentes après traitement chirurgical, l’évolution est ailleurs émaillée par des récidives in situ, éminemment favorisées par les tumorectomies ou énucléations et de surcroît dans le cas de tumeurs malignes, par la survenue de métastases, après des délais parfois très longs dans certains CAK. FORMES TOPOGRAPHIQUES ET DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
La topographie de la tumeur endobuccale induit quelques aspects particuliers et conditionne certains diagnostics différentiels.
¶ Tumeurs palatines De loin les plus fréquentes, elles sont habituellement de siège postérolatéral. Bridée entre la voûte osseuse et la fibromuqueuse épaisse et saine, la tumeur déforme la région en « verre de montre ». Certaines fois, elle déborde sur la région alvéolaire interne et il est évident qu’une éventuelle mobilité des dents en regard témoigne d’une atteinte osseuse (fig 18). Il est bien rare qu’elle paraisse en net surplomb, comme pédiculée sur la voûte et alors de siège juxtamédian (fig 19). L’exploration de l’os par le scanner fournit des images variables. Une petite tumeur peut ne pas altérer la voûte ou bien elle occasionne un refoulement régulier en « dôme », avec amincissement ou non de l’os. Elle entraîne en fait souvent, en raison de son volume, une perforation de l’os au bord régulier et net. À l’inverse de cet aspect plutôt favorable, une destruction osseuse irrégulière et invasive traduit un processus malin. Enfin, les limites de la lésion sont définies vers la ligne médiane, l’os alvéolaire et les dents, le voile et bien sûr les cavités sinusonasales. Un abcès sous-périosté d’origine dentaire est aisément reconnu sur la tuméfaction douloureuse, la fièvre et la mortification d’une dent en regard. Une tumeur sinusienne extériorisée à la voûte palatine est habituellement maligne et de type épidermoïde. 7
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Adénome pléomorphe du palais.
Lipome labial infé-
rieur.
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Adénome pléomorphe de la joue surplombé par un nodule diapneusique.
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Adénome pléomorphe labial supérieur.
¶ Tumeurs jugales (fig 22)
¶ Tumeurs du voile du palais Les tumeurs salivaires y sont heureusement rares car leur traitement expose à des séquelles fonctionnelles qu’il est difficile de corriger. Rarement révélé par un nasonnement, un nodule enchâssé dans l’hémivoile voussure sa face buccale. Parfois, le nodule dévie la luette ou accapare l’épaisseur du pilier antérieur de l’amygdale devant être distingué d’une tumeur de l’espace para-amygdalien. La distinction avec un phlegmon périamygdalien est aisée en l’absence de trismus et de contexte inflammatoire.
¶ Tumeurs labiales La lèvre supérieure, très riche comme la lèvre inférieure en tissu salivaire, en est le siège de prédilection. Le nodule, dur, bien limité et plus proche de la muqueuse que de la peau tardivement voussurée, est aisément dépisté par le patient et palpé entre deux doigts (fig 20). La discussion avec un kyste mucoïde, une exceptionnelle lithiase d’une glande labiale sachant qu’un microcalcul peut être mis en évidence sur un petit film dentaire avec rayonnement peu pénétrant, est plus théorique que réelle. Il est plus ou moins aisé selon le contexte d’éliminer un nodule cicatriciel, voire un botryomycome. Le lipome labial n’est pas rare. Il est aisément reconnu sur sa consistance élastique et sa coloration jaunâtre qui transparaît au travers de la muqueuse soulevée et amincie. Il s’agit parfois d’un neurolipome (fig 21). 8
Ces tumeurs rares se développent avant tout dans la région péristénonienne, riche en glandes salivaires à tel point que celles-ci sont ici isolées en un groupe « molaire ». La discussion de l’origine parotidienne est bien théorique, sachant que la limite antérieure de la parotide n’atteint pas la région. En cas de doute, un examen complémentaire montrerait l’indépendance du système parotidien vis-à-vis de la tumeur observée. Il est en règle aisé de reconnaître un lipome, un calcul du canal de Sténon, voire une lithiase des glandes molaires. Plus difficile à éliminer serait un exceptionnel cancer du canal, à moins que n’existe une hémosialorrhée.
¶ Tumeurs pelvibuccales Le plancher buccal antérieur, particulièrement riche en tissu salivaire, glandes sublinguales, prolongement sus-mylohyoïdien des glandes submandibulaires et GSA, est le siège de prédilection des tumeurs salivaires pelvibuccales. Il s’avère donc difficile, voire impossible, de fixer l’origine d’une tumeur développée à ce niveau. La fréquence des tumeurs malignes, CME et CAK tout particulièrement, est à retenir. Il n’est pas obligatoire que l’une ou l’autre entraîne des douleurs, une ulcération muqueuse, des signes déficitaires dans le territoire du nerf lingual ou un syndrome de sténose néoplasique du canal de Wharton. On élimine facilement une grenouillette, une lithiase du canal de Wharton, un kyste dermoïde à extension endobuccale.
¶ Tumeurs du trigone rétromolaire inférieur Exceptionnelles, elles sont volontiers méconnues et trop souvent la qualité technique de leur exérèse est très éloignée de celle qui s’impose en pareil cas. Une tumeur voussure le sommet de la région et s’étend plus ou moins sur le versant lingual. Un simple film rétrodentaire montre souvent une déformation en « écuelle » du bord supérieur de l’os. Certaines fois, la tumeur accapare plus ou moins le pied du pilier antérieur de l’amygdale ou s’étend vers la commissure
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intermaxillaire. En l’absence de signe dentaire sur la troisième molaire, le diagnostic devrait être systématiquement évoqué.
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Kyste mucoïde labial inférieur.
¶ Tumeurs linguales Elles sont d’une remarquable rareté expliquant que le diagnostic de schwannome, mieux que fibrome, soit habituellement envisagé avant l’examen anatomopathologique.
¶ Conclusion Si les aspects anatomopathologiques des tumeurs des GSA ne se distinguent pas de ceux des tumeurs salivaires parotidiennes, la fréquence des tumeurs malignes, et de façon particulière les CME et CAK, est à retenir en présence d’une localisation endobuccale. Leur quiescence absolue et les risques évolutifs auxquels elles exposent ne diffèrent pas des faits décrits pour les localisations parotidiennes, en rappelant que de nombreux cas de guérison sont connus, à condition que les patients bénéficient d’une prise en charge initiale de qualité. KYSTE MUCOÏDE
Kyste rétentionnel vrai, semble-t-il lié à une sténose inflammatoire ou traumatique d’un canal d’excrétion, ou faux kyste par dégénérescence du parenchyme, le kyste mucoïde s’observe de façon prédominante à la lèvre inférieure et dans la région sublinguale. Il est aisément reconnu en présence d’un nodule arrondi ou ovoïde, indolent, paraissant gris bleuté au travers de la muqueuse soulevée et amincie (fig 23). Son caractère rénitent ou fluctuant facilite encore le diagnostic. Au niveau de la glande sublinguale, son développement est parfois important puisque certaines formes se
24 Vaste kyste mucoïde du plancher buccal ou grenouillette.
prolongent au travers du mylohyoïdien, devenant alors bilobées et déformant partiellement la région sous-mentale ou même submandibulaire (fig 24). Une blessure accidentelle, voire une ponction qui n’a pas tellement de raison d’être, provoquent l’évacuation d’un liquide filant évoquant le blanc d’œuf, mais n’amènent pas pour autant la guérison. Il peut s’ensuivre une surinfection. Sont aisément éliminés une varicosité, un angiome veineux, un kyste dermoïde et un kyste du tractus thyréoglosse. Le seul piège à éviter serait de ne pas reconnaître un CME sous une variété plus kystique que ferme.
Traitement des tumeurs des glandes salivaires Si une part est à faire aux traitements non chirurgicaux, le traitement des tumeurs des glandes salivaires repose avant tout sur la chirurgie. L’exérèse de la tumeur constitue en effet le temps essentiel, sachant bien qu’en matière de tumeur cette exérèse doit être menée impérativement à distance des limites de celle-ci.
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Vaste adénome pléomorphe développé dans l’écartement des branches du nerf facial.
L’indication thérapeutique et par suite ce qu’elle engendre pour l’avenir diffère toutefois en fonction : – de la glande intéressée, devant tenir compte des données anatomiques particulières à chaque site ; – du volume et de la nature de la tumeur en cause ; bien que sachant que le diagnostic de certitude n’est acquis qu’après examen de la pièce d’exérèse livrée en totalité à l’anatomopathologiste, nombre de fois le contexte clinique, aidé éventuellement par un examen complémentaire concordant, autorise une approche suffisante pour qualifier la nature de la tumeur ; – de façon non accessoire, des conditions générales présentées par le patient : âge, tares... Au-delà de l’instant thérapeutique se pose encore la question du pronostic. Quels que soient les arguments cliniques et paracliniques, les constats opératoires, les précisions cytohistologiques qui permettent tout de même de proposer un pronostic, les exemples ne manquent pas en pratique quotidienne pour appeler à des réserves de principe. Qu’y a-t-il de commun entre un AP parotidien volumineux, dont l’exérèse est menée de façon aussi parfaite que possible, mais qui laisse à l’esprit le risque d’une récidive locale à terme et un CAK, de 5 à 10 mm de diamètre, a priori vite dépisté s’il est de siège labial, mais dont l’exérèse également parfaite n’exclut
pas l’éclosion de métastases pulmonaires, 18 mois ou 8 ans plus tard (fig 25) ? La sagesse amène donc à considérer le traitement de telles tumeurs, aussi variées dans leur nature et leur comportement, comme une entreprise éminemment sérieuse. De la qualité du premier geste opératoire peut dépendre tout l’avenir du malade. C’est bien pourquoi l’enjeu initial est d’ordre diagnostique, sachant repousser toute idée d’exérèse d’un faux kyste sébacé ou d’un faux fibrome buccal, penser à la tumeur salivaire, sachant que sous un masque bénin celle-ci est parfois maligne. 9
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Tumeurs des glandes salivaires
Traitement des tumeurs de la parotide Les tumeurs de la parotide posent les problèmes thérapeutiques les plus aigus. Pour faciliter l’exposé, le parti sera pris d’exposer le traitement des tumeurs bénignes et partant de l’AP, ce que justifie la forte prédominance de celui-ci. Seront abordés ensuite le traitement des tumeurs malignes, puis celui des situations diagnostiques douteuses qui posent le maximum de questions et enfin quelques cas particuliers.
Stomatologie
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Vue opératoire après parotidectomie totale montrant l’éventail des branches du nerf facial et les ligatures de la carotide externe et du pédicule maxillaire interne.
TRAITEMENT DE L’ADÉNOME PLÉOMORPHE
La parotidectomie est de façon incontestable aujourd’hui l’intervention de base. Sa mise en œuvre appelle toutefois la compétence d’un chirurgien expérimenté au plan technique, en raison de la présence du nerf facial au sein de la glande (fig 26). Mais l’objectif ici n’est pas d’aborder la technique opératoire. Le principe de la parotidectomie étant acquis, surgit inéluctablement la discussion de son type, partiel ou total. Cette discussion ancienne se ranime par épisodes, ce qui témoigne bien de la valeur relative des arguments avancés selon les écoles.
¶ Parotidectomie totale, conservatrice du nerf facial
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Adénome pléomorphe développé dans le « lobe superficiel » de la parotide et au contact du plan du facial.
• Indications – Plurifocalité de la tumeur : cette éventualité autrefois estimée fréquente dans les « tumeurs mixtes », entité aujourd’hui bien démembrée, ne semble vraiment pas se confirmer dans le cas des AP. En revanche, la plurifocalité du CALP est réelle et fréquente selon les données anatomopathologiques, excluant donc le principe d’une intervention limitée, telle une énucléorésection préconisée pendant longtemps. – Volume de la tumeur : il constitue le deuxième argument. Lors de l’intervention, la tumeur peut apparaître ici ou là à nu, et c’est bien souvent son pôle ou sa face interne qui sont exposés dans le plan de dissection du nerf (fig 27). En pareil cas, sachant le « faux encapsulement » de l’AP, ne faut-il pas craindre une récidive à partir de quelques cellules abandonnées dans la glande profonde laissée en place ? Mais aussi, n’en existe-t-il pas quelques-unes au contact de l’une ou l’autre branche nerveuse ! C’est bien pourquoi il convient d’intervenir précocement, en présence d’une tumeur de petit volume, souhaitant qu’elle soit bien enclose de toutes parts dans le tissu parotidien. – L’argument majeur réside dans le fait que l’opérateur doit faire tout ce qu’il convient pour que l’avenir du malade ne soit pas compromis par la nécessité d’une réintervention sur la région. Par suite, il est justifié d’être d’autant plus interventionniste que le sujet est jeune, sachant la possibilité de récidives tardives. En pareil cas, quel que soit le moment d’une réintervention, l’opérateur rencontrerait les pires difficultés pour retrouver le tronc du facial, suivre et disséquer ses branches, tous éléments noyés dans la sclérose aussi blanche que lui. Quels que soient les moyens techniques proposés, stimulateur, microscope opératoire, le risque d’une blessure nerveuse est ici considérable. Il faut donc réaliser avec soin la toute première intervention, éviter toute agression, même punctiforme, sur la tumeur et rejeter toute intervention limitée afin de régler le problème en une fois.
• Séquelles Une telle intervention génère des séquelles. – La plus évidente est une paralysie faciale transitoire, dont l’intensité et l’étendue varient d’un patient à l’autre en fonction, entre autres, des difficultés plus ou moins grandes rencontrées lors du temps de dissection du nerf. La récupération fonctionnelle doit être complète en 3 mois, ce délai pouvant être plus long chez le sujet âgé. Une récupération incomplète concerne avant tout le filet mentonnier du facial. 10
– La cicatrice de l’incision actuellement classique de lifting s’efface rapidement dans son segment préauriculaire. Elle est ensuite masquée dans le sillon rétroauriculaire, puis dans la racine des cheveux. L’incision classique en baïonnette laisserait apparente la troisième portion verticale, oblique, au bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien. – La dépression de la région parotidienne, plus ou moins apparente selon le degré d’obésité de l’opéré, peut être atténuée selon différents procédés, tour à tour proposés. L’effet de lift lors de la suture contribue notablement à la masquer. – L’hypoesthésie du pavillon de l’oreille, diversement ressentie jusqu’à ne pas être signalée par l’opéré, est rarement responsable d’algies. – Le syndrome de Frey ou éphydrose auriculotemporale est en revanche assez fréquent car retrouvé dans 25 à 50 % des parotidectomies. Il est caractérisé par une rougeur cutanée du pavillon de l’oreille et de la région temporojugale voisine et surtout par la sudation de cette zone au cours de la mastication. La sudation peut être discrète ou l’équivalent d’un véritable handicap lorsque le patient est contraint de s’éponger en cours de repas. Son caractère définitif a conduit à bien des propositions thérapeutiques préventives ou à visée curatrice, dont les résultats sont apparemment bien inconstants. S’il était de tout temps habituel d’informer le patient sur la probabilité d’une paralysie faciale postopératoire temporaire, cette disposition n’a pu que se renforcer ces derniers temps devant l’obligation qui est faite de fournir à l’opéré une information loyale, complète et intelligible. On peut craindre que certaines fois le patient, à l’annonce des diverses séquelles toujours possibles, ne renonce à l’intervention.
Stomatologie
Tumeurs des glandes salivaires
¶ Parotidectomie partielle Les partisans de la parotidectomie partielle, soit exérèse de la portion exo- et sous-faciale de la glande, s’appuient : – sur l’unicité du nodule tumoral et son siège très habituel dans cette portion de glande ;
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Deuxième récidive d’un adénome pléomorphe de la parotide. Énucléation première par voie directe oblique, puis parotidectomie très partielle par voie d’abord classique. La troisième intervention imposera la resection à distance de la peau adhérente à la tumeur et des cicatrices.
– sur le constat de la négativité quasi constante de l’examen anatomopathologique de la portion profonde de la glande, qui en volume correspond environ au un neuvième de la glande, lorsqu’une parotidectomie totale a été réalisée ; – sur les séquelles postopératoires moins importantes ; la paralysie faciale postopératoire est moins constante et surtout moins marquée confinant à une simple parésie, puisque le temps de dissection a été limité ; mais elle est aussi durable ; le syndrome de Frey serait évité ou beaucoup plus rare et d’une traduction mineure ; la dépression rétromandibulaire est moindre. Quelles que soient les opinions et les tactiques opératoires, force est de reconnaître que la discussion serait moins aiguë s’il était possible d’en déduire que l’évolution au long cours est totalement liée au mode de parotidectomie réalisé. En revanche, il est tout à fait évident qu’il importe de rejeter les interventions limitées. À côté de l’énucléorésection qui impose par prudence élémentaire d’isoler, au moins en partie, les rameaux de division de la branche cervicofaciale du facial, une tumorectomie ou une énucléation véritable, si parvenant à proximité de la tumeur celle-ci s’expulse tel un noyau d’un fruit, serait une indication vraiment peu raisonnable pour traiter un AP. TRAITEMENT DES TUMEURS MALIGNES AUTHENTIQUES
La discussion ne concerne pas cette fois le type de la parotidectomie qui est obligatoirement totale. Quatre autres questions se posent. – L’attitude vis-à-vis du nerf facial est à discuter. Lorsque la tumeur entraîne une paralysie faciale incontestable, le sacrifice du nerf est inéluctable. Celui-ci peut être global, sans aucune dissection au sein de la glande. Il peut être sélectif en fonction du territoire atteint selon le constat clinique et les découvertes opératoires. La notion classique, mais est-ce aussi constant qu’on le prétend, d’une infiltration périneurale lors d’un CAK imposerait le sacrifice systématique du nerf. Dans nombre de cas où la tumeur est plutôt de siège antérieur, il semble bien qu’on puisse limiter le sacrifice nerveux au(x) seul(s) rameau(x) au contact de la tumeur. Une reconstitution du facial par suture ou greffe nerveuse, lorsqu’elle s’avère possible, peut être tentée, même si l’indication d’une irradiation postopératoire est envisagée. Sinon le recours à une chirurgie palliative sera plus tard discutée. – La pratique d’un curage cervical ne se discute pas en cas de carcinome vrai. En revanche, les opinions sont partagées s’il s’agit d’un CAK qui n’expose pas en principe au risque d’une dissémination lymphatique ou d’un CME dont le pronostic locorégional est éminemment variable selon ses caractéristiques histologiques tirées de l’examen de la pièce opératoire. L’opérateur est donc confronté à un double risque, celui de réaliser un curage cervical négatif, voire inutile, et celui de laisser en place un éventuel foyer ganglionnaire dont l’évolution l’amènera secondairement à pratiquer un curage. Les techniques d’imagerie moderne permettent sans doute d’éclairer la discussion lorsqu’elles apportent des éléments significatifs. En outre, l’examen extemporané du ganglion sous-digastrique, aisé à prélever, peut encore aider à la décision. – Le recours à la radiothérapie, en complément du traitement chirurgical, est ou non systématique selon les écoles. La nature précise de la tumeur, son degré de malignité, l’existence ou non de métastases ganglionnaires et leur type, les constats opératoires sont des éléments à prendre en compte pour nuancer l’indication. Quoi qu’il en soit, la décision est à prendre en coopération avec un radiothérapeute.
– Enfin, les conditions locorégionales conduisent dans quelques cas à réaliser des parotidectomies élargies. Celles-ci comportent un évidement ganglionnaire cervical homolatéral en monobloc et, soit une résection mandibulaire partielle, soit une exérèse de la mastoïde, du pavillon de l’oreille, de la peau principalement (fig 28). DIAGNOSTIC PRÉOPÉRATOIRE
À côté de ces deux cas de figure schématiques, nombre de fois le diagnostic préopératoire est hésitant. Par suite, la tactique thérapeutique est difficile à définir. C’est le cas lorsqu’un doute s’installe au reçu d’un examen complémentaire prescrit systématiquement en présence de signes cliniques tout à fait rassurants. Parfois, le doute s’installe dès le temps clinique, lorsque par exemple la tumeur est estimée douloureuse, ce qu’elle n’est peut-être pas. L’exploration chirurgicale par voie de parotidectomie est de toute manière entreprise. L’opérateur est conduit à une « parotidectomie superficielle » emmenant du même coup la tumeur. L’identification macroscopique de la tumeur est très aléatoire. Le recours à un examen extemporané prend ici toute sa valeur. Il importe toutefois de bénéficier de la collaboration d’un cytopathologiste compétent en matière de tumeur salivaire. Il serait en effet dommageable qu’un tel examen conclut à la malignité de la lésion et par suite conduise le chirurgien à élargir l’exérèse, et ce à tort si l’examen anatomopathologique classique venait comme par hasard affirmer le contraire. Il n’apparaît pas enfin inutile de rappeler que cet examen extemporané est réalisé à partir d’un microfragment qui n’est peutêtre pas le reflet de l’ensemble de la tumeur. Surtout qu’il n’est évidemment pas question de réaliser un prélèvement de tissu tumoral au sein du champ opératoire, ce geste, pour le moins malencontreux, étant sans aucun doute à l’origine de récidives in situ, massives ou multinodulaires. CAS PARTICULIERS
– Une parotidectomie inférieure, qui impose le repérage du tronc facial et la dissection partielle ou totale des rameaux cervicofaciaux, est parfois indiquée chez le sujet âgé par exemple. Sont ainsi évités ou minimisés les désordres palpébraux. Une parotidectomie polaire supérieure n’a en elle-même pas d’indication. – Certaines fois, le volume et la disposition de la tumeur imposent un morcellement transversal de la glande, faute de quoi tant la tumeur que le nerf sont exposés à blessure. – L’exérèse d’une tumeur du lobe profond est souvent réalisée par la voie habituelle. Lorsqu’elle siège dans l’espace para-amygdalien et se manifeste par une tumeur intravélaire, un second abord pharyngé est utile en complément. – Chez l’enfant, une parotidectomie est habituellement une intervention de nécessité. Les difficultés opératoires résultent des dimensions réduites du cadre opératoire, d’autant que la lésion en cause peut être diffluente, du type lymphangiome. – Une parotidectomie de rattrapage est une entreprise difficile. Son indication principale résulte d’une première intervention inadaptée 11
Tumeurs des glandes salivaires
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au traitement d’une tumeur bénigne. La récidive est plurinodulaire dans la zone de décollement de la première intervention. De principe, la cicatrice de première intervention est réséquée à distance, et c’est un moindre mal si elle siège sur la voie préconisée pour l’abord de la région, et emmenée en monobloc avec la pièce d’exérèse. Dans un tel cas, on peut espérer retrouver aisément le nerf facial s’il n’a pas été abordé par le premier opérateur. Si la récidive se manifeste après parotidectomie, l’opérateur trouve les pires difficultés pour trouver, suivre et respecter le nerf dans toutes ses divisions (cf supra). Enfin, une telle parotidectomie de rattrapage, quelle que soit l’impression favorable qu’on puisse avoir en fin d’intervention, ne permet pas de prévoir à coup sûr une guérison, tant sont fréquentes les récidives itératives. – Une tumeur volumineuse mais d’allure bénigne n’exclut évidemment pas le traitement chirurgical et les séquelles de celui-ci ne sont pas spécialement majorées. Lorsqu’il s’agit d’une tumeur maligne, l’extension locorégionale précisée par l’imagerie moderne peut constituer une contre-indication opératoire et conduire à un traitement par agents physiques, voire à une chimiothérapie associée dont l’efficacité réelle demeure discutée.
Traitement des tumeurs de la glande submandibulaire La chirurgie de la région sous-mandibulaire et du plancher buccal attenant est souvent qualifiée de chirurgie mineure. L’abord chirurgical de cette région peut néanmoins conduire à de nombreuses déconvenues. Une tumeur bénigne de la glande submandibulaire justifie l’exérèse de toute la glande, y compris de son prolongement susmylohyoïdien, par voie cutanée et en extracapsulaire. La réalité d’une tumeur maligne impose de surcroît un curage ganglionnaire, dont l’étendue peut être prédéterminée sur les données préopératoires et la conclusion de l’examen extemporané du ganglion sous-digastrique en particulier. Les préoccupations sont donc superposables à celles précédemment exposées dans le traitement des tumeurs de la parotide. Toutefois, l’enjeu est ici moindre, l’extension locale est moins rapidement insurmontable qu’au niveau de la parotide, mais les risques évolutifs sont les mêmes : récidives in situ et métastases. Le sacrifice délibéré d’un tronc nerveux ou un traumatisme accidentel du filet mentonnier du facial, du nerf lingual surtout, du nerf grand hypoglosse enfin peuvent amener des séquelles définitives plus ou moins invalidantes pour l’opéré. Le plus souvent banal, un hématome peut être responsable d’une obstruction des voies aériennes supérieures s’il est compressif.
Traitement des tumeurs des glandes salivaires accessoires EXÉRÈSE DE LA TUMEUR
Quel qu’en soit le siège, l’exérèse d’une telle tumeur doit de principe être conduite à distance, même en cas de tumeur manifestement bénigne. Une énucléation n’est pas un geste chirurgical plus concevable à ce niveau que lors d’une localisation parotidienne. Toute incision directe avec levée de lambeaux muqueux, afin de permettre une suture en fin d’intervention, est à éviter également devant le risque de laisser dans l’épaisseur de la muqueuse quelques îlots tumoraux. L’exérèse à distance impose donc le sacrifice délibéré du revêtement muqueux, en regard de la tumeur.
¶ Tumeurs palatines Le pôle supérieur de la tumeur est communément au contact de l’os apparemment sain. Le curetage appuyé de celui-ci ou la découpe en demi-épaisseur d’un petit volet osseux est aisément réalisable. 12
Stomatologie
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Aspect postopératoire après intervention pour récidive massive d’un carcinome mucoépidermoïde du palais.
Si l’os est suspect ou détruit, un sacrifice osseux est à faire au prorata des nécessités. La communication buccosinusienne ou bucco-sinusonasale qui en résulte est corrigée par une prothèse obturatrice (fig 29). Celle-ci est d’autant plus indiquée que l’exérèse d’une tumeur latérale peut entraîner la perte immédiate ou ultérieure des dents en regard. L’adaptation d’une première prothèse, réalisée dans l’immédiat postopératoire, se fait aisément au fur et à mesure des besoins durant le temps de la cicatrisation des berges opératoires. Une prothèse définitive laisse la possibilité de surveiller le site. Envisager une fermeture chirurgicale de la brèche est une décision très lourde, sachant que, avant l’ère de la TDM, certaines récidives intrasinusiennes évoluant à bas bruit ont pu conduire des années après à des maxillectomies élargies. Parfois, l’extension de la tumeur initiale est telle qu’une résection de l’infrastructure est indiquée après interprétation des coupes scanographiques, bien utiles en un tel cas. La résection totale du maxillaire est plutôt le fait de tumeurs à point de départ sinusien.
¶ Tumeurs du voile Parfois, l’exérèse de la tumeur permet de respecter une épaisseur suffisante de tissu sain à son niveau. Une perforation du voile pose le problème difficile de sa correction par une méthode chirurgicale ou prothétique.
¶ Tumeurs labiales L’exérèse doit être suivie d’une reconstitution immédiate de la lèvre. Une résection peu étendue autorise une suture des berges avec réfection soigneuse du muscle orbiculaire et réalignement de la ligne cutanéomuqueuse. Lorsque la perte de substance est supérieure au tiers de la longueur de la lèvre intéressée, divers procédés de réparation sont proposés en fonction de l’importance de l’amputation, du siège à l’une ou l’autre lèvre, de la proximité de la ligne médiane ou de la commissure. Les techniques s’inspirent des procédés suivants : Abbe-Eslander, fan-flap de Gillies, CamilleBernard, Webster... Les résultats sont le plus souvent bons au double plan fonctionnel et morphologique. Les difficultés sont plus grandes pour la lèvre supérieure. La surveillance au plan tumoral est ici en principe aisée.
¶ Tumeurs jugales Plus souvent de siège postérieur, l’exérèse à distance de la tumeur conduit sur la portion terminale du canal de Sténon. Une bonne précaution est de le cathétériser au préalable. Son sacrifice justifie une réinsertion par suture en « sifflet » et sur cathéter à la muqueuse buccale. En cas d’échec ou d’impossibilité technique, il n’est pas rare qu’un néo-ostium s’organise évitant des épisodes durables de rétention salivaire. Une tumeur infiltrante impose une exérèse beaucoup plus large, obligeant à une reconstruction chirurgicale de l’ensemble des plans de la joue, par un lambeau myocutané par exemple.
¶ Tumeurs pelvibuccales Hormis le cas d’une tumeur du pôle supérieur de la glande submandibulaire qui s’exprimerait au niveau du plancher buccal
Tumeurs des glandes salivaires
Stomatologie
postérieur, les tumeurs de siège antérieur répondent aux principes thérapeutiques énoncés précédemment. L’exérèse conduit en règle sur le canal de Wharton et le nerf lingual. Le sacrifice du canal amène à la constitution d’un néo-ostium. Celui du nerf lingual, parfois limité à un segment, doit être reporté le plus loin possible en arrière en cas de CAK, si celui-ci est affirmé par l’examen extemporané. Quel que soit le cas de figure, la sublingualectomie est de principe et l’on aboutit souvent ainsi à un évidement du plancher buccal antérieur. Il est bien rare que l’extension et les rapports de la tumeur imposent une exérèse élargie à la mandibule. Ce peut tout de même être le cas de certaines tumeurs malignes, d’emblée ou le plus souvent récidivées lorsque l’exérèse première s’est avérée d’autant plus insuffisante que l’hypothèse d’une tumeur salivaire n’était pas évoquée.
¶ Tumeurs linguales Elles sont exceptionnelles et répondent au principe d’exérèse d’une tumeur des parties molles.
¶ Tumeur du trigone rétromolaire inférieur Accolée ou envahissant le tissu osseux voisin, elle impose une résection osseuse adaptée. EXAMEN EXTEMPORANÉ
Dans ces diverses localisations, l’examen extemporané est facile à entreprendre après ablation de la tumeur.
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Dans la mesure où la certitude est acquise que la tumeur salivaire endobuccale est de nature maligne, se pose la question du bien-fondé d’un curage cervical. Il ne se discute pas en présence d’adénopathies évocatrices. Toutefois, sachant la relative fréquence des CME et des CAK, dont le comportement est bien différent de celui des carcinomes vrais, un statu quo sous surveillance est licite, si l’examen cervical est négatif. Enfin, les indications de la radiothérapie et de la chimiothérapie ne diffèrent pas de celles exposées pour les tumeurs des glandes salivaires principales.
TRAITEMENT DES KYSTES MUCOÏDES
La simple marsupialisation d’un kyste du plancher buccal ou grenouillette, parfois encore préconisée, expose à récidive. Il semble donc préférable de réaliser l’exérèse du kyste, quel que soit son volume, en associant une sublingualectomie totale de principe. L’objectif est de faire en sorte d’éviter la blessure du kyste. Si celle-ci se produit, mieux vaudrait qu’elle se produise le plus tard possible afin de rendre moins malaisée l’excision de la portion de poche non encore clivée. L’exérèse incomplète expose bien sûr à récidive. Les kystes mucoïdes d’autres sièges, labial en particulier, répondent à une exérèse soigneuse.
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Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique I. Barthélémy, J.-P. Sannajust, P. Revol, J.-M. Mondié Les cancers de la cavité buccale s’intègrent dans le cadre plus général des cancers des voies aérodigestives supérieures dont ils partagent les mêmes caractéristiques épidémiologiques. L’incidence de ces cancers, en France, n’est qu’évaluée : c’est l’une des plus élevées du monde avec environ 15 400 nouveaux cancers de la région lèvre-bouche-pharynx en 2000. Dans notre pays, il s’agit de la 5e localisation en termes de localisation cancéreuse et de la 8e cause de décès. Dans plus de 90 % l’histologie retrouve un carcinome épidermoïde. L’âge moyen des patients est de 60 ans. Les deux facteurs de risque principaux sont le tabac, en particulier quand la consommation dépasse 20 paquets-années, et l’alcool. Les femmes sont exposées à ces facteurs de risque de manière croissante. Ces cancers apparaissent le plus souvent de novo. Les carcinomes épidermoïdes se présentent le plus souvent sous la forme d’une lésion ulcérée, dont la périphérie est bourgeonnante reposant sur une base indurée. Les signes fonctionnels sont tardifs, la douleur prédomine. Suivant les localisations au sein de la cavité buccale, une mobilité dentaire localisée, un trismus, une limitation de la protraction de la langue ou une otalgie-réflexe peuvent être notés. L’examen clinique associe l’étude de l’extension locorégionale de la tumeur, la recherche de deuxième cancer et de métastases viscérales, l’évaluation de l’état général. Le bilan paraclinique est radiologique, endoscopique et biologique. La prise en charge thérapeutique est décidée de manière collégiale lors d’une consultation polydisciplinaire. L’étape thérapeutique est systématiquement suivie d’une surveillance régulière clinique qui a pour but de mettre en évidence une poursuite évolutive ou une récidive, un deuxième cancer, la recherche de complications thérapeutiques. La survie relative à 5 ans de ces lésions, stable depuis deux décennies se situe autour de 30 % pour les hommes et de 50 % pour les femmes. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Cancer de la cavité buccale ; Carcinome épidermoïde ; Épidémiologie ; Formes cliniques ; Surveillance
Plan ¶ Introduction
2
¶ Épidémiologie Données générales Incidence Mortalité Histologie – Localisations Variation des taux selon l’âge et le sexe Tendances chronologiques Variations géographiques
2 2 2 2 3 3 3 4
¶ Facteurs de risque Tabac Alcool Facteurs nutritionnels Facteurs viraux Autres facteurs
5 5 6 6 6 6
¶ Lésions précancéreuses Définition Différentes lésions précancéreuses Prise en charge des lésions précancéreuses Surveillance
6 7 7 7 7
Stomatologie/Odontologie
¶ Caractères cliniques généraux Forme ulcéreuse Forme végétante ou exophytique Forme ulcérovégétante Forme infiltrante ou ulcéro-infiltrante ou endophytique Nodule interstitiel Forme érosive superficielle
7 7 8 8 8 8 8
¶ Caractéristiques des formes topographiques Épithélioma épidermoïde labial Épithélioma épidermoïde gingivomandibulaire Épithélioma épidermoïde du plancher de la bouche Épithélioma épidermoïde de la langue Épithélioma épidermoïde du trigone rétromolaire
8 8 8 8 8 8
¶ Diagnostic différentiel
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¶ Bilan initial Bilan clinique Bilan radiologique Bilan endoscopique et d’opérabilité
8 8 9 10
¶ Prise en charge thérapeutique
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¶ Surveillance et prévention
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¶ Conclusions
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22-063-A-10 ¶ Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique
■ Introduction
Données générales
Les cancers de la cavité buccale s’intègrent dans le cadre plus général des cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS). Ils en partagent le plus souvent les mêmes caractéristiques épidémiologiques et la faible amélioration des résultats des traitements depuis 20 ans, les courbes de survie peinant à s’améliorer. Ils se singularisent par un dépistage théorique beaucoup plus aisé, la cavité orale et l’oropharynx étant aisément accessibles à l’examen direct tant en inspection qu’en palpation : en fait le terrain des patients chez lesquels ils se développent échappe régulièrement aux circuits de médecine de prévention. Ils sont pris en charge avec un souci croissant de reconstruction fonctionnelle et esthétique des pertes de substances créées par l’exérèse tumorale. Les limites de la reconstruction sont marquées par le terrain morbide sur lequel se développent ces cancers : alcoolisme et tabagisme pour la plupart d’entre eux, maladies chroniques de la muqueuse pour les autres.
En août 2003, l’Institut de Veille Sanitaire publie un ouvrage [3] sur l’estimation de l’évolution de l’incidence (fréquence des nouveaux cas) et de la mortalité par cancer en France de 1978 à 2000. Ces estimations sont assurées par le département biostatistique des Hospices Civils de Lyon, en collaboration avec les registres français des cancers, réunis dans le réseau FRANCIM et le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’INSERM.
Incidence
Le nombre de nouveaux cas de cancers de l’ensemble lèvresbouche-pharynx (Classification Internationale des Maladies [CIM]) 9 n° 140.0 à 149.9 et CIM-10 n° C00.0 à C14.8) était évalué à 15 400 environ en 2000. Pour la période 1993-1997, les départements du Bas-Rhin, de la Somme, du Calvados, du HautRhin et du Doubs ont les incidences les plus élevées du monde : en moyenne de 38,5 pour 100 000 par an pour l’ensemble cavité orale-oropharynx chez les hommes, 5,8/100 000/an chez les femmes. Quatre-vingt quatre pour cent de ces tumeurs touchent donc le sexe masculin. Vingt-trois localisations cancéreuses sont listées, et les tumeurs malignes lèvres-bouchepharynx apparaissent en 5e position en termes de fréquence (4e chez l’homme après les cancers bronchopulmonaires, de la prostate et du tube digestif, 14e chez la femme). Le sex ratio est de 6,9 en baisse (il était estimé à 9,8 dans l’article de Barrelier [4]). Ils représentent 5,5 % des cancers incidents (ou taux d’incidence cumulé [0-75 ans] qui correspond au risque théorique d’avoir un de ces cancers au cours de sa vie). Il faut toutefois souligner que la CIM amalgame différentes localisations dont la fréquence, la présentation clinique et le devenir sont hétérogènes et la majorité des données épidémiologiques concerne diverses topographies : cavité buccale proprement dite, oropharynx mais aussi hypopharynx.
■ Épidémiologie En France, aucun recueil concernant l’incidence nationale des cancers n’est organisé. Dans notre pays, l’évaluation de cette incidence repose sur des registres départementaux. Débuté en 1975 dans le Bas-Rhin, l’enregistrement s’est progressivement étendu : en 2000 il existait 9 registres généraux et 7 registres spécialisés dans certains types de tumeurs, ces registres couvrant environ 13 % de la population française. [1] L’image de l’incidence que fournissent ces registres n’est sans doute pas parfaitement représentative de la situation française en raison d’une sur-représentation du Nord et de l’Est, régions dans lesquelles la consommation d’alcool est traditionnellement plus élevée. [2] L’évaluation de la mortalité par cancer en France est possible au moyen d’un recueil national par l’intermédiaire de l’analyse des fiches INSERM des causes de décès. Ces taux de mortalité ne sont bien évidemment pas un reflet de l’incidence, car la mise en œuvre des traitements va entraîner la guérison d’un certain nombre de ces néoplasies.
Mortalité
Mortalité
[3]
Taux bruts en France
Taux standardisés Europe
Taux standardisés monde
Hommes
45,6
43,9
32,2
Femmes
7,9
6,6
4,7
Hommes
15,2
14,4
10,4
Femmes
2,5
1,9
1,3
Tableau 2. Cancers lèvres-bouche-pharynx par tranche d’âge en France pour l’année 2000 : Âge
0-14
15-19
(Tableaux 1, 2)
Avec 7 500 décès environ en 2000, dont 85 % chez l’homme, ce cancer se situe au 8e rang des décès par cancer et il représente
Tableau 1. Incidence et mortalité par cancer lèvres-bouche-pharynx en France en 2000.
Incidence
(Tableaux 1, 2)
20-24
25-29
30-34
35-39
40-44
[3]
nombre estimé de cas et de décès, incidence et mortalité.
45-49 50-54
55-59
60-64
65-69
70-74
75-79
80-84
85 et + Total
Cas estimés Hommes
10
8
12
24
69
241
730
1653
2119
1735
1704
1803
1433
876
340
233
12990
Femmes
3
4
9
16
25
46
108
203
316
277
239
235
261
259
159
238
2398
Hommes
0
1
1
2
8
44
180
446
664
543
581
631
550
377
159
154
4341
Femmes
0
1
1
2
4
10
25
51
82
66
68
76
81
91
62
129
749
Décès estimés
Taux d’incidence estimés Hommes
0,2
0,4
0,6
1,2
3,3
11,2
34,8
80,0
101,3
123,9
132,9
145,7
133,0
103,9
88,2
66,2
45,6
Femmes
0,1
0,2
0,5
0,8
1,2
2,1
5,0
9,6
15,0
19,5
17,4
16,2
18,7
20,6
23,8
26,0
7,9
Taux de mortalité estimés Hommes
0,0
0,0
0,1
0,1
0,4
2,0
8,6
21,6
31,7
38,8
45,3
51,0
51,0
44,7
41,3
43,7
15,2
Femmes
0,0
0,0
0,1
0,1
0,2
0,5
1,2
2,4
3,9
4,7
4,9
5,3
5,8
7,2
9,3
14,1
2,5
2
Stomatologie/Odontologie
Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique ¶ 22-063-A-10
Tableau 3. Répartition du nombre de cas de cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx et du nombre de décès de cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx observés en 1995 chez l’homme et chez la femme, en fonction des sous-localisations (Évaluation par le réseau FRANCIM et données de l’INSERM [2]). [1] Sous-localisation
Nombre de cas
Il existe des différences notables de répartition de l’incidence des localisations selon les sexes : la localisation « glandes salivaires » en particulier, non sensible aux facteurs de risque classiques des cancers des VADS est représentée de manière équivalente entre les deux sexes. Les cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx représentent 54 % des cancers des VADS de l’homme (répartis en oropharynx 25 %, cavité buccale hors langue 20 %, langue 16 %) et 61 % des cancers des VADS chez la femme (répartis en langue 26 %, oropharynx 20 %, cavité buccale hors langue 15 %).
Nombre de décès
Chez l’homme Bouche
2 143
563
Gencive
2 61
16
Glandes salivaires
157
127
Langue
1 725
837
Variation des taux selon l’âge et le sexe
Lèvres
375
35
(Fig. 1)
Oropharynx
2 727
938
Sous-total
7 388
2 516
Larynx
4 044
2 211
Nasopharynx
253
116
Hypopharynx
2 779
890
Pharynx divers
462
938
14 926
6 671
En 2000, l’âge médian au diagnostic était de 60 ans chez l’homme et de 64 ans chez la femme. Ces cancers sont rares avant 40 ans, mais leur fréquence dans cette classe d’âge tend à augmenter. Le taux d’incidence atteint son maximum à l’âge de 70 ans chez l’homme, puis descend rapidement pour les classes d’âge ultérieures. Cette baisse peut être liée à un phénomène de compétition avec d’autres pathologies ou d’autres causes de décès. [2] Chez la femme, les taux d’incidence augmentent nettement à partir de 60 ans pour atteindre un maximum à 85 ans. La mortalité suit la même évolution que l’incidence avec l’âge.
Total
Chez la femme Bouche
265
104
Gencive
143
11
Glandes salivaires
183
81
Langue
259
151
Lèvres
92
12
Oropharynx
356
137
Sous-total
1 298
496
Larynx
448
167
Nasopharynx
112
39
Hypopharynx
92
53
Pharynx divers
51
102
Total
2 001
857
Tendances chronologiques Selon la cohorte Le risque de décès par cancer de la lèvre, de la bouche et du pharynx diminue de façon importante chez les hommes entre les cohortes de naissances les plus anciennes et les plus récentes alors qu’il augmente chez la femme. [3] Le risque d’être atteint de ce cancer diminue progressivement pour les cohortes de naissances postérieures à 1928 pour atteindre une diminution de 28 % pour la cohorte de 1943, puis semble se stabiliser. Chez la femme au contraire, le risque relatif par cohorte de naissance augmente régulièrement passant de -29 % (1913) à +65 % (1953) par rapport à une femme née en 1928. Les risques nets de décéder de ce cancer sont respectivement de 1,73 % (cohorte 1928) et de 1,00 % (cohorte 1953) pour l’homme et de 0,13 % (cohorte 1928) et de 0,16 % (cohorte 1953) pour la femme.
3,4 % des décès par cancer. Le taux de mortalité standardisé est de 10,4 chez l’homme et de 1,3 chez la femme. La survie relative est de 35 % à 5 ans tous sexes confondus. [5]
Histologie – Localisations
L’incidence des cancers lèvres-bouche-pharynx évolue en sens opposé dans les deux sexes au cours des deux dernières décennies : entre 1978 et 2000 le taux annuel moyen d’évolution de l’incidence est de -1 % en moyenne chez l’homme (plus particulièrement marqué pour le plancher buccal où la baisse de l’incidence atteint 2 %) et de +1,73 % chez la femme. Le
Plus de 90 % des cancers de la cavité buccale sont des carcinomes épidermoïdes, nés de la muqueuse de recouvrement, la fraction restante est composée pour sa plus grande partie de carcinomes développés à partir des glandes salivaires accessoires, et beaucoup plus rarement par des lymphomes ou des tumeurs rares nées des tissus sous-jacents à la muqueuse.
Figure 1. Incidence et mortalité selon le sexe et la tranche d’âge en France : estimations pour l’année 2000. [3]
160 Taux pour 100 000 personnes-années
.
Selon la période de diagnostic (Tableau 4) (Fig. 2)
(Tableau 3)
incidence hommes
140
mortalité hommes incidence femmes
120 x
mortalité femmes
100 80 60 40 20 0
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
0-14 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 65-69 70-74 75-79 80-84 85-89 Âge Stomatologie/Odontologie
3
22-063-A-10 ¶ Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique
Tableau 4. Tendances de l’incidence et de la mortalité par cancer en France (évolution 1980-2000).
[1]
Lèvres-Bouche-Pharynx 1980
2000
Évolution
Taux standardisé d’incidence (/100000) hommes
40,2
32,2
Taux standardisé d’incidence (/100000) femmes
3,3
4,7
Taux standardisé de mortalité (/100000) hommes
16
Taux standardisé de mortalité (/100000)) femmes
Total Cancers b
a
1980
2000
Évolution
-1%
275
349
+1,31
+1,73
173
226,3
+1,36
10,4
-2,14%
202
187,4
-0,34%
1,2
1,3
-0,04
92
83,1
-0,46%
Nombre de nouveaux cas/an (hommes)
12795
12990
96819
161025
+66%
Nombre de décès /an (hommes)
5341
4341
75264
92311
+22%
Nombre de nouveaux cas/an (femmes)
1384
2398
73358
117228
+60%
Nombre de décès /an (femmes)
588
749
49880
57734
+16%
b
a
les tumeurs de la peau autres que les mélanomes sont exclues. b taux annuel de l’évolution en pourcentage.
sa mortalité pour ce cancer pourra être posée : l’étude de Luce, [6] datant de 1988, retrouvait chez des patients porteurs de cancers des VADS, 36 % de non-buveurs chez les femmes contre 4 % chez les hommes et 38 % de non-fumeuses contre 2 %. Ces données vont probablement évoluer au cours des décennies à venir et l’exemple de l’Île-de-France est probablement un reflet assez réaliste de cette évolution nationale (Tableau 5). [7] Une des dernières publications de l’Office français des drogues et toxicomanies (OFDT), à propos d’une étude menée en 2003, portant sur 15 710 jeunes âgés de 17 à 18 ans retrouve une baisse des fumeurs occasionnels ou réguliers par rapport à la même enquête faite en 2000 : 47,7 % de cette population fume dont 48,2 % des filles. 38 % des garçons et 37 % des filles sont fumeurs quotidiens (respectivement 42 % et 40 % en 2000). En revanche au cours du même laps de temps le pourcentage des consommateurs d’alcool a fortement augmenté : 21,2 % des garçons sont consommateurs réguliers (16 % en 2000) et 7,5 % des filles (5,5 % en 2000). Au total, les effets combinés de l’évolution de l’exposition aux facteurs de risque et du vieillissement de la population font que le nombre de nouveaux cas par an de ce type de cancer a augmenté de 8,5 % au cours des 20 dernières années (1980-2000).
60 50 40
incidence hommes
30
mortalité hommes
20 10 0 1980
1985
1990
1995
2000
A
7 6 5 4
incidence femmes
3
mortalité femmes
2 1
Variations géographiques
0 1980
1985
1990
1995
2000
B
Selon les registres français (Tableau 6)
Figure 2. A. Tendance chronologique : évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer lèvres-bouche-pharynx chez les hommes en France 19802000. [3] B. Tendance chronologique : évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer lèvres-bouche-pharynx chez les femmes en France 19802000 [3].
Comme classiquement, les départements présentant les plus fortes incidences sont ceux du croissant Ouest-Nord-Est : les chiffres d’incidence pour le Bas-Rhin, la Somme, le Calvados, le Haut-Rhin et le Doubs sont respectivement de 52.1, 48.5, 46.6, 44.6 et 33.7 pour 100 000 habitants et par an, parmi les plus hauts du monde. Les départements présentant les incidences les plus faibles sont situés dans le sud du pays (Tarn, Hérault). Le ratio d’incidence entre les départements à haut et bas risque est de 2,5 (homme) et 1,8 (femme). Cette variation importante est le reflet de l’exposition moyenne de ces départements à l’alcool et au tabac. [1]
nombre de nouveaux cas par an chez les hommes en revanche reste stable en raison du vieillissement de la population française (12 800 nouveaux cas masculins en 1980 ; 13 000 en 2000). Chez les femmes, le nombre de cas incidents est passé de 1 384 à 2 400 en 20 ans et le nombre des décès a augmenté de 27 % sur la même période (1980-2000). Si cette tendance se confirme, la question d’un effet de l’augmentation de la consommation éthylotabagique de la population féminine sur
Selon les registres européens (Tableau 6) Les comparaisons sont établies à partir de l’exploitation des données fournies par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) grâce aux logiciels Eucan et Globocan. Il existe
Tableau 5. Comparaison entre 1980 et 1994 du nombre et de l’incidence des cancers de la cavité buccale pris en charge à 100% en Île-de-France (Seine-et-Marne exclue) par le régime général. [7] 1980 Effectif
Incidence brute
Hommes
550
12,4
Femmes
109
2,3
4
1994 Incidence standardisée
Évolution (%)
Effectif
Incidence brute
Incidence standardisée
Effectif
Incidence standardisée
15,1
490
10,4
12,1
-10,9%
- 19,8%
2,5
158
3,1
3,0
+ 45%
+ 21,5%
Stomatologie/Odontologie
Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique ¶ 22-063-A-10
Tableau 6. Fourchettes d’incidence (pour 100 000 standard-mondial) des cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx chez les hommes européens (âge standardisé/taux les plus hauts –max- et les plus bas –min- pour chaque cancer et par site géographique). [8] Aire géographique
Localisation tumorale Langue
Cavité buccale
Oropharynx
min : 1.0 (Finlande)
1.0 (Finlande)
0.4 (Finlande)
max : 1.5 (Suède)
2.6 (Danemark)
1.7 (Danemark)
Royaume-Uni (10 registres)
min : 0.8 (Est de l’Angleterre)
0.9 (Sud-Ouest Angleterre)
0.5 (Est de l’Angleterre)
max : 2.0 (Écosse)
3.6 (Écosse)
1.1 (Mersey)
France (8 registres)
min : 3.6 (Tarn)
2.8 (Tarn)
5.5 (Hérault)
max : 8 (Bas-Rhin)
12.4 (Bas-Rhin)
13.3 (Somme)
Espagne (9 registres)
min : 2.1 (Albacete)
1.0 (Albacete)
1.0 (Albacete)
max : 5.2 (Asturies)
4.9 (Pays basque)
4.2 (Asturies)
Italie (13 registres)
min : 1.1 (Raguse)
0.3 (Macerata)
0.1 (Raguse)
max : 3.8 (Venise)
8.4 (Trieste)
3.6 (Varese)
Europe de l’Est (13 registres)
min : 0.8 (Pologne)
0.9 (Pologne)
0.9 (Pologne)
max : 5.1 (Slovaquie)
5.4 (Slovaquie)
6.7 (Slovénie)
Pays nordiques (5 registres)
au sein de l’Europe de fortes disparités d’incidence des cancers des VADS, mais aussi de grandes différences de répartition des diverses localisations tumorales. La France est le pays le plus touché par les cancers des VADS avec un risque de 8 pour 100 000 habitants. La Finlande (1,4/ 100 000), le Danemark et l’Angleterre (1,7/100 000) ont les chiffres les plus bas. Chez l’homme, les taux d’incidence standardisés les plus élevés sont retrouvés pour la France avec une valeur de 32,2 qui est près du double de celle du pays suivant, la Suisse (17,2). [8] Le ratio d’incidence avec le pays européen le moins touché (Angleterre : 6,1) est de 5,3. Chez la femme, les taux beaucoup plus bas ne permettent pas de mettre en évidence de différence entre France et autres pays européens. Sur le plan évolutif, en Europe, les certificats de décès des hommes de moins de 44 ans enregistrés de 1955 à 1989 montrent une incidence standardisée multipliée par 2 en 34 ans des cancers de la cavité buccale, surtout en Autriche, Allemagne, Hongrie, Pologne et Bulgarie. [9]
Selon les registres mondiaux Cette difficile comparaison est établie d’après les registres de l’International Agency for Research on Cancer (IARC). [10] La France se caractérise par la grande fréquence des cancers de la langue, de l’oropharynx et de l’hypopharynx, la classant parmi les premiers pays en termes de fréquence pour cette pathologie. Hong Kong et Singapour doivent leur présence dans le haut du tableau à la fréquence des carcinomes du nasopharynx, dont l’origine est totalement différente. Aux États-Unis, il semble que la fréquence du nombre des cancers lèvres-bouche-pharynx soit en légère baisse chez l’homme et en discrète augmentation chez la femme. Par ailleurs, il semble que le nombre des adultes de moins de 40 ans porteurs d’un cancer de la langue augmente, sans que les causes de cette variation soient clairement identifiées. [11, 12]
■ Facteurs de risque Les principaux facteurs de risque pour ces tumeurs sont la consommation d’alcool et de tabac dont les effets sont synergiques et non additionnels. La baisse observée du risque chez les hommes est causée par la baisse de la consommation d’alcool observée en France depuis les années 1950. [13]
Tabac Vingt deux pour cent des morts par cancer sont imputables au tabac. [14]
Historique Ramené par Christophe Colomb du continent américain, le tabac est introduit en France par Catherine de Médicis, à la Stomatologie/Odontologie
suite du don de l’ambassadeur de France au Portugal, Jean Nicot : son but était de soulager les migraines de la souveraine d’où son nom d’« herbe à la reine ». Très rapidement sa consommation est un succès et l’interdiction d’en vendre décrétée en 1635 reste sans aucun effet. Napoléon établit un monopole d’État. La production mondiale actuelle est de l’ordre de 5 millions de tonnes. Parmi les 12-19 ans, 28,8 % des jeunes Français fument. À 19 ans, plus de 50 % des jeunes Français fument, sans variation significative suivant le sexe. En revanche, le statut social de la famille joue un rôle discriminant : le pourcentage de fumeurs a tendance à progresser significativement avec le niveau social (25 % de jeunes fumeurs chez les agriculteurs et les ouvriers, 32 % chez les artisans, commerçants et 34 % chez les professions libérales et les intellectuels.) Actuellement les filles fument autant, si ce n’est plus que les garçons. Il est par ailleurs observé chez ces jeunes fumeurs, une consommation de multiples substances addictives : haschich, alcool, etc. [15] Les cigarettes sont composées de mélanges de tabac d’espèces et d’années de culture différentes. Une cigarette contient environ 1 gramme de tabac. La combustion d’une cigarette permet la production d’un nombre élevé de substances. La nicotine non cancérigène n’est qu’addictive. En revanche les irritants (phénols, aldéhydes, acroléine...) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (3,4 benzopyrène en particulier) sont directement impliqués dans le processus de carcinogenèse. Soupçonné depuis plus de deux siècles d’être en cause dans la survenue de cancers des lèvres et de lésions pulmonaires, c’est en 1954 que la première étude rétrospective française met cause le tabac dans la survenue d’une néoplasie des VADS. [16] Doll [14] retrouve un risque de mortalité par cancer des VADS chez le fumeur par rapport au non-fumeur augmenté de 2 à 12 (sauf pour ce qui concerne les cavités nasosinusiennes et le nasopharynx).
Notions quantitatives, notions qualitatives En 1972, Rothmann et Keller [17] précisent la relation entre intensité de la consommation tabagique et apparition d’un cancer de la cavité buccale : pour un risque de 1 chez le nonfumeur, il est de 1,52 si la consommation est de 20 cigarettes/j et de 2,43 si la consommation dépasse 40 cigarettes/j. Blot [18] retrouve des risques relatifs de cancer de la cavité buccale de 3,9 (10-19 cigarettes/j), 8,6 (20-29 cigarettes/j), et 15,4 (> 30 cigarettes/j). 80 à 96 % des patients porteurs d’un cancer de la cavité buccale ou de l’oropharynx sont des fumeurs. [4] L’étude menée par Brugère [19] portant sur 2 000 cas de carcinomes épidermoïdes des VADS cerne mieux les notions quantitatives françaises. Ainsi, dans 95 % des cas, le tabagisme dure depuis plus de 20 ans. Quotidiennement, ces malades fument en moyenne 30 grammes de tabac (cigarettes) pour les hommes et 14 grammes de tabac (cigarettes) pour les femmes. Pour 95 % des cas de cancers des VADS, la quantité totale de
5
22-063-A-10 ¶ Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique
tabac fumée dépasse 100 kg (soit 100 000 cigarettes). Seuls 5 % des cancers épidermoïdes des VADS surviennent sur terrain non fumeur. Plus le tabagisme est ancien et important, plus le risque de cancer augmente : le seuil critique d’augmentation significative du risque semble se situer à 20 paquets-années (1 paquet de 20 cigarettes par jour pendant 20 ans). [16] Après l’arrêt du tabac, le risque de cancer des VADS baisse progressivement, pour se normaliser 20 ans environ après l’arrêt de l’intoxication. [20] Le risque augmente en outre si la fumée est inhalée, [21] si la cigarette se consume jusqu’au bout (concentration des toxiques dans le mégot), si du tabac brun est consommé. [22, 23] De Stefani [24] ne confirme pas les différences de risque entre tabac blond et brun. Actuellement les tendances évolutives de la consommation semblent être les suivantes : début d’intoxication plus précoce, augmentation de la proportion féminine des fumeurs, consommation de tabac blond. [25] La pipe est aussi toxique pour la muqueuse buccale que la cigarette en raison de la forte concentration de goudrons dans la fumée mais a une température de combustion moins élevée. [26] Du fait de l’absence de papier, le cigare a lui aussi une température de combustion plus basse, responsable d’une diminution de sa toxicité. [27] Les consommateurs de tabac à chiquer présentent de manière élective des lésions de la lèvre muqueuse ou de la face interne des joues par contact direct avec les carcinogènes et du fait de l’adjonction de bétel, noix d’Arèque ou chaux (Inde, Asie du Sud-Est). [28] Ce mode de consommation du tabac pourrait être le responsable de l’augmentation de l’incidence des cancers de la langue chez les jeunes Américains. [11, 29]
Alcool Douze pour cent des morts par cancer sont dus à la consommation excessive d’alcool. [14] La prise modérée d’alcool (10 à 19 g/j) a peu ou aucun effet sur le risque d’apparition d’un cancer des VADS chez un nonfumeur. [20] En revanche, la consommation tabagique associée à une prise quotidienne d’alcool, en particulier supérieure à 50 g, a un effet quasiment multiplicateur sur le risque de développer un carcinome épidermoïde des VADS [17, 20] Ainsi, le risque relatif de cancer de l’oropharynx chez les fumeurs-buveurs excessifs est six fois plus important que le risque présenté par les fumeurs non buveurs. [16] La cavité buccale, l’oropharynx et l’hypopharynx sont les cibles électives de l’action de l’alcool au niveau des VADS. [21, 30-32] En fait, le problème majeur est lié à l’intrication quasiment systématique des intoxications éthylotabagiques : il devient difficile voire impossible de définir la part de responsabilité exacte de chacun des deux facteurs. Globalement, alcool et tabac agissent non pas en s’additionnant mais en se potentialisant. [33] L’éthanol en tant que tel n’est pas un carcinogène direct. En revanche, son action locale et ses métabolites jouent probablement un rôle non négligeable dans la survenue de cancers de la cavité buccale. Ainsi, le contact de l’alcool induit une atrophie de l’épithélium buccal. [34] L’éthanol favorise la pénétration des carcinogènes à travers la muqueuse buccale à la fois en accroissant la perméabilité de ce tissu et en augmentant la solubilité de ces métabolites du tabac. De plus, certaines boissons, comme la bière, contiennent des nitrosamines cancérigènes et le premier métabolite de l’éthanol, l’acétaldéhyde est reconnu sur des modèles animaux comme étant cancérigène, [35] par le biais entre autres de dysrégulations enzymatiques. [36] Au niveau général, la prise d’alcool retentit sur les apports nutritifs et le métabolisme des nutriments en particulier vitaminiques. [32, 37] Certaines études ont mis en évidence un effet délétère local majoré en cas de consommation d’alcools forts. [12, 18, 23] Ce dernier point est toutefois mis en doute par l’étude de De Stefani, [24] en particulier du fait d’une évaluation globale dans les études de la quantité d’alcool ingérée et rarement du type de boisson consommée.
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Facteurs nutritionnels La carence martiale chronique est responsable d’une stomatite susceptible de dégénérer secondairement en cancer de la langue. Ce syndrome a été décrit par Plummer et Vinson aux ÉtatsUnis et par Paterson et Kelly en Angleterre. [38] C’est surtout le Suédois Jacobson qui relie les cancers de la langue féminins à l’anémie ferriprive. Ces carences ont disparu actuellement dans les pays à haut niveau de vie. Les carences vitaminiques par malnutrition isolée ou dans le cadre d’un éthylisme chronique facilitent probablement la survenue de cancers de la cavité buccale, en particulier les déficits en vitamines C [39] et A. [40] Le métabolisme de la vitamine A et de l’acide rétinoïque est modifié par la prise d’alcool (éthanol et vitamine A sont catalysés par la même enzyme et apparaît donc une compétition métabolique, aux dépens de la production d’acide rétinoïque [41]). Un niveau intracellulaire bas en acide rétinoïque provoquerait des anomalies de la maturation épithéliale propices au développement de cancers. [42] La consommation en quantité suffisante de fruits et de légumes a une action protectrice, en particulier chez les femmes. Celles-ci, présentent par ailleurs un risque augmenté des cancer des VADS en cas de maigreur chronique. [43] Il faut souligner cependant le rôle mineur de ces carences face à l’action cancérigène du couple alcool-tabac.
Facteurs viraux La présence de Human Papilloma Virus (HPV) est avérée dans certains cancers de la cavité buccale, plus particulièrement en localisation oropharyngée. Les études de Gillison [44] et de Mork [45] montrent la relation de cause à effet entre ces deux éléments. Les deux principaux types de HPV cancérigènes sont le HPV16 et le HPV18. Ils seraient responsables d’une mutation du gène de la protéine p53, régulateur du cycle cellulaire et maintenant l’intégrité du génome [46, 47] (les amines aromatiques du tabac auraient la même action mutagène sur des terrains génétiquement fragiles. [48]) L’âge moyen des patients porteurs de cancer de la cavité buccale chez lesquels est retrouvée une infection à Papillomavirus est inférieur à l’âge d’apparition de ces lésions sur le terrain éthylotabagique chronique classique et ces facteurs de risque sont en règle absents. [49]
Autres facteurs Mauvais état buccodentaire Souvent cité comme facteur de risque de cancer de la cavité buccale, [50, 51] sa responsabilité est difficile à mettre en évidence en tant qu’élément isolé. Bien évidemment, il s’intègre de manière fréquente dans le contexte d’intoxication éthylotabagique. Il semblerait que la flore buccopharyngée particulièrement développée en cas de mauvaise hygiène participe de manière importante à la dégradation de l’éthanol en acétaldéhyde et augmente donc les concentrations locales de ce carcinogène. [42]
Consommation de marijuana Sa consommation à grande échelle dans les pays industrialisés est un phénomène relativement récent. Elle pourrait être en cause dans l’augmentation des cancers de la langue mobile chez les patients de moins de 40 ans. [52-54] Sur le plan expérimental, le potentiel cancérogène des produits de combustion du haschich est démontré. Rosenblatt [55] sur une vaste série récente cas-témoins ne réussit pas à faire la preuve de l’augmentation de la proportion des fumeurs de marijuana dans une série de 407 cancers de la cavité buccale par rapport à une population non atteinte de ce cancer et appariée pour les facteurs de risques.
■ Lésions précancéreuses Les cancers de la cavité buccale apparaissent le plus souvent sur muqueuse apparemment saine. Toutefois, ils peuvent survenir sur une lésion préexistante connue depuis plus ou Stomatologie/Odontologie
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Mise au point
Le sujet à risque le plus élevé de présenter un carcinome épidermoïde des VADS en général et de la cavité buccale en particulier reste actuellement un homme de plus de 45 ans, issu d’un niveau socioéconomique moyen ou inférieur, gros consommateur d’alcool et de tabac, porteur d’un mauvais état bucco-dentaire, fuyant les acteurs de santé habituels. Les années à venir verront probablement apparaître une féminisation de cette pathologie.
Des lésions précancéreuses bien connues, la leucoplasie est la plus fréquente. Leur traitement reste difficile : l’éviction des facteurs de risque n’est pas toujours respectée par les patients. Le caractère étendu ou les localisations multiples au sein de la cavité orale rendent le plus souvent l’exérèse préventive impossible : la surveillance seule, contraignante par sa régularité et sa fréquence, permet alors le dépistage des lésions dégénérées à leur début.
Prise en charge des lésions précancéreuses
moins longtemps : c’est le cas pour 17 % des patients selon Szpirglas. [56] La répartition anatomique de ces lésions est inhomogène avec atteinte préférentielle des régions antérieures (lèvre inférieure, langue mobile et muqueuse jugale).
Elle repose sur l’éviction des facteurs de risque (arrêt de la consommation éthylotabagique, remise en état de la cavité buccale et élimination des dents ou prothèses traumatisantes), la prise en charge psychologique des patients (gestion du stress), l’exérèse en cas de modification suspecte de la lésion. La prise en charge chirurgicale, solution de choix car permettant une étude histologique de la lésion et de ses limites, se heurte à deux écueils : • le caractère étendu de la lésion précancéreuse ou la multiplicité des lésions ; • le caractère récidivant de la lésion précancéreuse : soit par poursuite de l’exposition au risque, soit bien plus fréquemment par la stabilité du terrain (nouvelles lésions de lichen). Les poussées de lichen sont justiciables d’une corticothérapie, soit locale soit, en cas d’échec, générale. Les kératoses actiniques bénéficient souvent du traitement chirurgical simple que représente la vermillonectomie. La vitamine A acide (rétinoïdes) peut être appliquée sur les lésions hyperkératosiques.
Définition Elle est histologique, et selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une lésion précancéreuse est une « altération tissulaire au sein de laquelle le cancer apparaît plus souvent que dans le tissu normal homologue ».
Différentes lésions précancéreuses Leucokératoses ou lésions blanches
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Mise au point
Développées dans un contexte d’intoxication tabagique elles prennent le nom de leucoplasies. Elles correspondent à des anomalies de maturation de l’épithélium buccal. Environ 10 % des cancers évoluent sur des leucoplasies connues dont l’épidémiologie recouvre sensiblement celle des carcinomes de la cavité buccale : plus de 80 % d’hommes de plus de 50 ans, grands fumeurs. Environ 5 à 20 % de ces leucoplasies dégénèrent. Le rôle du facteur temps est important, la majorité des lésions évoluant en 10 à 15 ans avant de se transformer. [56] Une phase intermédiaire de leucokératose inhomogène, caractérisée par la présence au sein de la lésion blanche de plages érythémateuses ou verruqueuses est souvent observée. Environ 10 % des cancers de la cavité buccale surviennent sur un terrain vierge de toute intoxication éthylotabagique (cancer « immérité ») : la présence d’une leucokératose anciennement connue est alors la règle. Un lichen plan ancien, dans ses formes atrophique ou érosive est fréquemment retrouvé. Les localisations électives sont les joues, la fibromuqueuse gingivale, la face ventrale et le bord de langue. La kératose actinique labiale se développe de manière préférentielle chez les sujets vivant au grand air (agriculteurs, marins, ouvriers de chantier, etc.) ayant des habitudes tabagiques. Homogène à son début, elle évolue vers l’association de plages kératosiques et exulcérées. Cette lésion précancéreuse est retrouvée, selon Barrelier [4] dans 66 % des cancers labiaux.
Surveillance Semestrielle, elle permet de dépister les modifications des lésions (intérêt des photographies) et de prendre en charge le cancer à un stade précoce. Elle doit être envisagée sur une longue période, souvent à vie.
■ Caractères cliniques généraux Quelle que soit la topographie de la lésion, il existe des caractères cliniques communs. Le plus souvent, la lésion est ulcéreuse, végétante ou ulcérovégétante. Dans quelques cas, elle prend un aspect fissuraire, nodulaire interstitiel ou s’étend en surface. Elle peut aussi survenir au sein d’une lésion préexistante précancéreuse. Les formes débutantes peuvent avoir un aspect inflammatoire où la malignité est suspectée mais non formellement identifiée lors de l’examen clinique. À un stade évolué, le diagnostic clinique est évident. Toutefois seule la biopsie est à même d’apporter la confirmation diagnostique.
Papillomatose orale floride Maladie du sujet âgé, elle se présente sous la forme de lésions verruqueuses, peu infiltrantes à leur début, à tendance extensive. La dégénérescence en carcinome est inévitable à plus ou moins long terme. Elles doivent être considérées d’emblée comme un cancer de bas grade de malignité (carcinome verruqueux).
Érythroplasies Elles ne sont mises en évidence que dans 1 % des cas de cancers de la cavité buccale. Il s’agit de plaques rouges, brillantes, non ulcérées, à limites nettes, de muqueuse histologiquement dysplasique. Elles sont observées chez le sujet âgé sans prédominance de sexe, en localisation pelvilinguale ou rétrocommissurale. Stomatologie/Odontologie
Forme ulcéreuse
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C’est le mode de présentation le plus fréquent. L’ulcération tumorale présente un bord plus ou moins irrégulier, induré, surélevé, parfois éversé. Le versant externe est recouvert d’une muqueuse saine ou congestive. Le versant interne se prolonge avec le fond de l’ulcération, finement végétant ou bourgeonnant. L’ulcération repose sur une base indurée, plus ou moins étendue en profondeur, qui déborde toujours largement les limites visibles de l’ulcération et qui doit être appréciée par la palpation. Cette induration est un élément clinique déterminant. La lésion saigne le plus souvent facilement au contact mais l’absence de ce caractère ne doit pas induire de délai diagnostique.
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Forme végétante ou exophytique Elle se présente sous l’aspect de bourgeons, plus ou moins épais, en saillie sur la muqueuse saine. C’est la forme de présentation typique de la papillomatose orale dégénérée ou carcinome verruqueux.
Forme ulcérovégétante Elle associe les deux aspects précédemment décrits.
Forme infiltrante ou ulcéro-infiltrante ou endophytique Elle est définie par l’importance de la tumeur en profondeur, en regard de signes d’inspection souvent minimes. L’induration souvent importante est un élément d’orientation diagnostique majeur. L’infiltration est responsable de trismus et de limitation de la protraction de la langue considérable. L’ulcération peut être dissimulée dans une zone de réflexion de la muqueuse et être difficilement visible, en particulier du fait de l’importance de la douleur déclenchée par le déplissement de la muqueuse.
Nodule interstitiel Il est perçu sous une muqueuse saine mais sa dureté et le caractère infiltrant donnent l’éveil. Le nodule s’ulcère quand le volume tumoral augmente.
Forme érosive superficielle Elle est souvent observée sur une plage érythroplasique ou lichénienne précancéreuse. Les bords sont nets mais jamais franchement à plat sur la muqueuse, sans bourrelet ni sillon. Ils sont quelquefois minces, décollés. L’induration sous-lésionnelle est faible et n’est plus un élément majeur du diagnostic. Le caractère évolutif de la lésion (modifications entre deux consultations de surveillance) et la biopsie au moindre doute permettent de prendre des mesures thérapeutiques adaptées.
■ Caractéristiques des formes topographiques La répartition topographique des lésions est variable au sein de la cavité buccale en fréquence de répartition (atteinte préférentielle de la langue, du plancher de la bouche et de l’oropharynx). Suivant la localisation tumorale, certaines particularités fonctionnelles et physiques vont être observées.
Épithélioma épidermoïde labial Il touche préférentiellement le vermillon, le plus souvent à la suite de la dégénérescence d’une chéilite actinique. Le caractère rapidement visible de la lésion permet souvent une prise en charge assez précoce. En conséquence, le pronostic de cette localisation est habituellement favorable.
Épithélioma épidermoïde gingivomandibulaire Il se caractérise par une mobilité précoce des dents suivie de leur chute. L’envahissement osseux est aussi la règle.
Épithélioma épidermoïde du plancher de la bouche C’est une des localisations les plus fréquentes de la cavité buccale. Les lésions du plancher antérieur, centrées sur l’orifice du canal de Wharton, peuvent se révéler par des épisodes rétentionnels salivaires. Les lésions du plancher latéral se développent volontiers en feuillet de livre, au niveau de la zone de réflexion de la muqueuse vers la langue mobile.
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Les lésions postérieures, difficiles à visualiser en raison de l’extension fréquente à la zone de jonction linguale qui se fixe, sont responsables de douleurs locales et irradiées à l’oreille homolatérale importantes et de trismus lorsqu’il existe une infiltration du muscle ptérygoïdien médial.
Épithélioma épidermoïde de la langue C’est l’autre localisation élective du développement des épithéliomas épidermoïdes au sein de la cavité orale. La présentation clinique est très différente selon que la lésion touche la langue mobile, la base de langue ou la zone de jonction et selon que les lésions sont médianes ou latérales. Les lésions épidermoïdes linguales se caractérisent par une lymphophilie marquée. Les lésions de la langue mobile, largement majoritaires en termes de fréquence, se développent volontiers au bord libre. Infiltrantes, elles sont responsables d’une otalgie réflexe et, à un stade évolué d’une limitation de la protraction de la langue. Les lésions médianes de la base de langue peuvent être longtemps silencieuses et être découvertes dans le cadre d’un bilan d’adénopathies cervicales volontiers bilatérales. Leur symptomatologie fonctionnelle est pauvre, peu spécifique (sensation d’accrochage alimentaire intermittent). La douleur est très inconstante. Le diagnostic est compliqué par l’absence de vision directe de la région. La palpation est un élément majeur de l’examen clinique.
Épithélioma épidermoïde du trigone rétromolaire L’infiltration des muscles manducateurs (ptérygoïdien médial et masséter) est précoce, le trismus est un signe clinique prédominant.
■ Diagnostic différentiel En termes de fréquence, il se pose essentiellement avec l’ulcération traumatique. Si l’inspection retrouve une lésion sensiblement identique, la palpation ne retrouve pas l’induration caractéristique du cancer. L’examen buccal identifie souvent la dent délabrée responsable de l’ulcération. Son traitement ou son avulsion entraîne la cicatrisation de l’ulcération en quelques jours. Au-delà de ce délai, la persistance d’une anomalie muqueuse implique la réalisation d’une biopsie. Les aphtes géants, les ulcérations syphilitiques ou tuberculeuses sont plus rares. Le diagnostic est orienté par l’interrogatoire. La biopsie élimine la lésion cancéreuse et oriente les examens complémentaires radiologiques et biologiques. Il est à noter que les manifestations buccales de la syphilis augmentent le risque de cancer de la cavité buccale. Un carcinome gingivoalvéolaire ne doit pas être confondu avec une parodontopathie chronique : le caractère localisé et bourgeonnant donne l’éveil et une biopsie doit être réalisée au moindre doute. L’avulsion des dents mobiles et le curetage des alvéoles en cas de carcinome méconnu ont des conséquences dramatiques sur l’extension endo-osseuse des cellules tumorales. L’actinomycose chronique est exceptionnelle mais peut être une bonne surprise histologique : elle relève d’une prise en charge médicochirurgicale (résection des tissus ostéitiques, antibiothérapie par pénicilline A).
■ Bilan initial Le bilan initial d’un patient porteur éventuel d’une néoplasie de la cavité buccale peut s’envisager en partie lors de la consultation, en partie au cours d’une courte hospitalisation.
Bilan clinique C’est le premier temps et il se décline en interrogatoire, appréciation de l’état général, examen endobuccal et exobuccal, régional et général. Stomatologie/Odontologie
Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique ¶ 22-063-A-10
Tableau 7. Indices de l’état général du patient : Échelles de Karnovsky et de l’OMS. État général
Indice de Karnovsky (%)
L’examen du pharyngolarynx en laryngoscopie indirecte et/ou en nasofibroscopie clôture en général le bilan clinique endocavitaire. Il permet de visualiser l’étage glottique, de vérifier sa mobilité et sa symétrie, et d’examiner les sinus piriformes. L’examen clinique exobuccal est centré sur les aires ganglionnaires cervicales et le revêtement cutané. Les aires ganglionnaires cervicales sont palpées de façon systématique, groupe par groupe (submental, submandibulaire, jugulocarotidien, spinal, cervical transverse), et symétrique. Certains cancers de la cavité buccale sont très lymphophiles : les lésions de la base de la langue en particulier peuvent être révélées par une adénopathie. Dans les localisations latéralisées les adénopathies sont, généralement, homolatérales, sans exclure la bilatéralité en particulier lors de lésions volumineuses. En revanche, lorsque le siège de la tumeur primitive est médian ou paramédian (carcinomes de la base ou de la pointe de la langue, du plancher buccal antérieur), la bilatéralité est de règle. Siège, nombre, taille et mobilité des adénopathies sont notées sur un schéma initial daté. L’examen du revêtement cutané permet de vérifier sa mobilité par rapport à la lésion sous-jacente (localisations labiales et jugales) ou à une adénopathie (submandibulaire). Au terme de cet examen clinique, la réalisation d’une biopsie sous anesthésie locale classique ou plus simplement après anesthésie de contact assurera seule le diagnostic. Cette biopsie se fait à la pince ou au bistouri froid, en bordure de lésion à cheval entre muqueuse saine et muqueuse pathologique.
Index OMS
Normal, pas de douleur, pas de signe de maladie. 100
0
Peut mener une activité normale, symptômes ou 90 signes mineurs de la maladie. Totalement autonome.
0
Peut mener une activité normale, mais avec effort, quelques symptômes ou signes de la maladie. Totalement autonome.
80
1
Peut se prendre en charge, incapable de mener 70 une activité normale ou de travailler. Autonome, mais à stimuler.
2
Nécessite une aide occasionnelle, mais peut 60 prendre en charge la plupart de ses besoins. Semiautonome.
2
Nécessite une aide suivie et des soins médicaux fréquents. Semi-autonome.
50
3
Handicapé, nécessite une aide et des soins particuliers, dépendant.
40
3
Incapacité sévère nécessitant une hospitalisation 30
4
Patient grabataire
20
4
Moribond, processus fatal progressant rapidement.
10
4
Décès
0
5
Bilan radiologique Panoramique dentaire
Interrogatoire
L’analyse de l’orthopantomogramme (panoramique dentaire) permet d’évaluer l’état dentaire du patient et de visualiser une lyse osseuse d’origine néoplasique. La sensibilité de cet examen radiologique pour ce dernier critère est toutefois faible. La présence d’une lyse signe en général un envahissement osseux massif.
Il permet de cerner les antécédents médicochirurgicaux, les prises médicamenteuses, la quantité de tabac fumée quotidiennement (transposée en paquet-année), le volume et le type d’alcool ingéré. L’appréciation de l’état général se fait au travers de l’activité actuelle du sujet (indices OMS ou Karnovsky) (Tableau 7), de l’existence d’une perte de poids récente. Les signes fonctionnels sont recherchés : une simple gêne due au contact d’une prothèse, ou d’une dent agressive voire d’aliments salés, acides ou épicés. Lorsque ce sont des douleurs qui provoquent la consultation, elles sont unilatérales, volontiers tenaces et permanentes, irradiant à l’oreille (otalgie réflexe). Il peut s’agir, enfin, de difficulté d’élocution, de gêne à l’ouverture buccale ou à la protraction de la langue, de l’apparition d’adénopathie(s) cervicale(s) ou plus rarement d’hémorragie. Les signes fonctionnels marqués sont en règle tardifs.
Tomodensitométrie (TDM) cervicofaciale
Examen clinique L’examen de la tumeur est le plus souvent aisé sous bon éclairage, en vision directe pour la cavité buccale, les parois oropharyngées latérales, supérieure et postérieure, en vision indirecte pour l’oropharynx médian, en déplissant bien la muqueuse et en s’aidant de la palpation à la recherche de l’induration sous- et périlésionnelle. L’inspection endobuccale permet d’apprécier la localisation de la lésion (lèvre, face interne de joue, gencive, plancher buccal, langue, trigone rétromolaire, oropharynx latéral, palais, tubérosité maxillaire, voile), la mise en évidence de lésions précancéreuses associées, l’évaluation de l’état buccodentaire. La tumeur étant dans l’immense majorité des cas développée à partir de l’épithélium muqueux, la muqueuse de revêtement de la tumeur est pathologique (lésion ulcérante, végétante, etc.). Beaucoup plus rarement, l’origine tumorale est sous-muqueuse, la muqueuse de revêtement de la tumeur sera, dans un premier temps, le plus souvent normale. La palpation endobuccale met en évidence l’induration caractéristique des lésions cancéreuses, induration dont les limites dépassent le plus souvent la lésion muqueuse sus-jacente. Elle permet de mettre en évidence une mobilité dentaire anormale. La réalisation d’un schéma lésionnel initial daté conclut ce temps de l’examen. Les limites de l’examen clinique chez un patient vigile sont les réflexes d’évitement en raison de la douleur ou l’existence d’un trismus serré. Stomatologie/Odontologie
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L’acquisition des images est le plus souvent millimétrique. L’injection d’iode est indispensable à l’exploration des parties molles. Les performances des appareils de dernière génération permettent des acquisitions très rapides, des reconstructions frontales et sagittales et la réalisation de plusieurs dizaines d’images. Celles-ci sont de plus en plus souvent délivrées sur support informatique (CD-Rom). Au niveau tumoral, cet examen permet une excellente évaluation des structures osseuses. Au niveau cervical, la visualisation des adénopathies suspectes radiologiquement participe à la classification de la lésion (fiabilité bien supérieure à l’examen clinique, de l’ordre de 93 % contre 70 % pour la palpation isolée) et pèse sur l’indication chirurgicale (bilatéralisation d’un évidement). L’exploration des parties molles (cavité buccale et oropharynx) en l’absence d’artefact métallique est possible, souvent suffisante. Toutefois, pour l’appréciation de l’envahissement des parties molles, les images délivrées par l’imagerie en résonance magnétique (IRM) sont de meilleure qualité.
Imagerie en résonance magnétique
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L’IRM est un examen beaucoup plus long que la TDM, dont les délais d’accès sont parfois décourageants en France. Le plan d’exploration de référence est axial complété par des coupes sagittales et coronales. L’acquisition se fait en séquence pondérée T2, séquences pondérées T1 avant et après injection de gadolinium. Elle donne de précieux renseignements concernant l’extension tumorale sur la ligne médiane, en particulier basilinguale ou pelvilinguale sauf s’il existe des artefacts du fait des mouvements ou des prothèses dentaires métalliques. [57, 58] Les aires ganglionnaires cervicales sont parfaitement explorées par cet examen mais nécessitent des séquences complémentaires allongeant la durée de l’examen et la pose d’une antenne spécifique. Les performances de l’IRM sont inférieures à celles de
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la TDM pour une exploration osseuse fine, sauf peut-être pour juger d’un envahissement de la médullaire mandibulaire. Au total, l’IRM est souvent un examen radiologique de deuxième intention, quand la TDM est insuffisante.
Tableau 8. Classification TNM des cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx (UICC 2002) a. [59] Tumeur T Tx • tumeur primitive non évaluable
Bilan endoscopique et d’opérabilité
T0 • tumeur non détectable
Il a le plus souvent lieu lors d’une courte hospitalisation programmée lorsque la biopsie a confirmé le diagnostic ou dans le cas contraire en cas de persistance de la lésion afin de réaliser de nouveaux prélèvements sous anesthésie générale.
T1 • tumeur ≤ 2 cm dans sa plus grande dimension
Endoscopie des VADS
T4 • tumeur s’étendant aux structures voisines : muscles ptérygoïdiens, mandibule, palais, muscles intrinsèques de la langue, larynx
Tis • carcinome in situ T2 • tumeur dont la plus grande dimension est > 2 cm et ou ≤ 4 cm T3 • tumeur dont la plus grande dimension est > 4 cm
Cet examen a lieu sous anesthésie générale avec œsophagoscopie, bronchoscopie et colorations au bleu de toluidine. La lésion primitive est évaluée au mieux par l’inspection et la palpation en dehors de tout réflexe nauséeux ou appréhension douloureuse. L’anesthésie générale sans intubation permet en outre de libérer le trismus s’il est présent.
Ganglions N (classification reposant sur les données cliniques et radiologiques) N0 • pas de signe d’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux N1 • métastase dans un seul ganglion lymphatique homolatéral ≤ 3 cm dans sa plus grande dimension
Bilan hépatique
N2 • métastase unique dans un seul ganglion lymphatique homolatéral > 3 cm et ≤ 6 cm dans sa plus grande dimension, ou métastases ganglionnaires multiples, toutes ≤ 6 cm
Le bilan biologique hépatique est complété éventuellement soit par une échographie hépatique (plus sensible) ou une TDM (aisée à réaliser à la suite de l’examen tête et cou). Ces deux dernières explorations ont pour vocation le dépistage des localisations secondaires et des conséquences organiques de la consommation excessive d’alcool.
N2a
N2b • métastases homolatérales multiples toutes ≤ 6 cm N2c
• métastases bilatérales ou controlatérales toutes ≤ 6 cm
N3 • métastases dans un ganglion lymphatique > 6 cm dans sa plus grande dimension, ganglion fixé
Bilan pulmonaire La radiographie pulmonaire face et profil, dont la sensibilité est relativement faible tend à être remplacée de plus en plus souvent par une TDM thoracique (pour les mêmes raisons que celles citées ci-dessus). Celle-ci est d’autant plus justifiée que le patient est N2 ou N3 et que les adénopathies suspectes sont bas situées.
• métastase dans un seul ganglion lymphatique > 3 cm mais ≤ 6 cm
Métastases M M0 • pas de métastase à distance M1 • présence de métastase (s) à distance Mx • métastase non précisable a
Elle est fondée sur le statut clinique aidé des examens complémentaires (imagerie, examen sous anesthésie générale).
Bilan d’opérabilité Il est souvent diligenté par le médecin anesthésiste. • La consultation de préanesthésie permet d’évaluer l’état des grands parenchymes sur le plan clinique, de rechercher des pathologies associées, en particulier d’éliminer une contreindication à une des séquences thérapeutiques. • Suivant la situation de chaque patient, seront prescrites des investigations complémentaires cliniques ou paracliniques en cardiologie, pneumologie, gastroentérologie, etc. Au terme de ce bilan, la lésion peut être classée d’après les critères TNM (Tumor, Node, Metastasis) de l’UICC (Union Internationale Contre le Cancer). La dernière mise à jour de la classification pour les cancers de la cavité buccale date de 2002 (Tableau 8). [59]
■ Prise en charge thérapeutique Les décisions sont prises, en accord avec le patient, au cours d’un comité polydisciplinaire de carcinologie, associant chirurgiens, anesthésistes, radiothérapeutes et oncologues médicaux. La séquence est variable selon les équipes. Si les petites lésions sont en général accessibles à un traitement isolé (chirurgie le plus souvent ou radiothérapie), les lésions plus volumineuses relèvent d’une association thérapeutique comprenant, chirurgie d’exérèse ganglionnaire et tumorale, reconstruction, radiothérapie actuellement régulièrement potentialisée par des sels de platine. Les protocoles sont de plus en plus fréquemment standardisés au sein de Standards Options et Recommandations pour la prise en charge de patients atteints de cancers (SOR). [60] Les traitements associés comprennent la prise en charge de la douleur, le sevrage des intoxications, la rééquilibration nutritionnelle, le suivi psychologique et social.
10
En cas de récidive tumorale et/ou ganglionnaire, une chirurgie de rattrapage, une ré-irradiation ou une chimiothérapie à visée palliative peuvent être proposées.
■ Surveillance et prévention La surveillance est un volet capital de la prise en charge du patient après la séquence thérapeutique. Elle repose sur un interrogatoire précis (apparition d’un élément nouveau en particulier algique) et sur un examen clinique soigneux, complété par une nasofibroscopie. Elle porte sur différents points : • poursuite de l’arrêt des intoxications éthylique et tabagique ; • la surveillance de l’état général, en particulier nutritionnel ; • la recherche d’une poursuite évolutive ou d’une récidive locale ou ganglionnaire ; • la recherche de métastases ; • la recherche de seconde localisation ; • la recherche d’une complication thérapeutique ; • l’évaluation des séquelles thérapeutiques et de la qualité de vie. L’arrêt de l’intoxication éthylotabagique est le plus souvent difficile à obtenir. Pourtant l’intérêt du sevrage tabagique est évident : le risque de présenter un cancer des VADS baisse régulièrement, Schwartz [61] met en évidence une fréquence des récidives divisée par 10 chez les non-fumeurs (3 %), et la survie semble être deux fois plus importante chez les patients sevrés. [62] En cas de doute sur une évolutivité tumorale ou ganglionnaire, la tomographie par émission de positons (TEP) peut être une aide intéressante pour différencier récidive et sclérose postradiochirurgicale. [63, 64] La probabilité de survenue d’une récidive locale ou ganglionnaire est maximale durant les 2 ans Stomatologie/Odontologie
Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique ¶ 22-063-A-10
“
Tableau 9. Survie relative à 5 ans des patients porteurs de cancer de la cavité buccale ou du pharynx (âge standardisé, période diagnostique 1985-1989). [8]
Mise au point
La surveillance post-thérapeutique est un élément majeur de la prise en charge des cancers de la cavité buccale. Elle est avant tout clinique. Ses buts principaux sont le dépistage des poursuites évolutives, des récidives, des deuxièmes localisations et des complications des traitements. Sa périodicité est décroissante, sa durée est prolongée et elle est assurée idéalement par une consultation polydisciplinaire.
qui suivent la fin de la séquence thérapeutique. Les métastases sont préférentiellement pulmonaires, et surviennent chez 3 à 25 % des patients surveillés après traitement d’un cancer de la cavité buccale. [65-68] Les deuxièmes localisations synchrones ou métachrones sont classiques pour ce type de patients, qu’ils soient exposés à des facteurs de risque qui ont agressé l’ensemble de la muqueuse ou qu’ils présentent des lésions précancéreuses. Pour la cavité buccale elles surviendraient dans 5 % à 10 % des cas. [4, 61, 69] Le rythme de la surveillance est régulier. Échelonnée tous les 3 mois au cours des 2 premières années, la surveillance clinique est faite tous les 3 ou 4 mois durant les 3 années suivantes. Ensuite, elle est annuelle pour au moins 5 années supplémentaires. La radiographie pulmonaire annuelle est systématique. En cas de doute clinique, un bilan radiologique orienté est prescrit (échographie, TDM, TEP, IRM, etc.). Les séquelles des traitements chirurgicaux et radiothérapiques, aggravées par le terrain éthylotabagique des patients, sont souvent non négligeables : salivation et mastication sont les deux fonctions les plus souvent altérées. La survie fait partie d’un des indicateurs de santé fondamentaux dans le domaine de la cancérologie. Les informations sur la survie sont indispensables pour une bonne interprétation des observations faites sur la mortalité car celle-ci dépend à la fois du niveau d’incidence et de l’évolution de la survie. On estime la prévalence et on peut juger de l’efficacité de la prise en charge. Les registres de population sont les meilleures sources de données pour évaluer la survie car sans biais pour évaluer l’efficacité du système de soins et comparer les différents systèmes de prise en charge. L’étude EUROCARE II a permis d’établir le pronostic des tumeurs de la tête et du cou dans
Aire géographique
Hommes
Femmes
Finlande
35
54
Suède
50
63
Danemark
33
47
Ecosse
35
44
Angleterre
37
46
Allemagne
37
45
Suisse
38
50
France
32
57
Espagne
33
55
Italie
35
46
Pologne
20
30
divers pays de la communauté européenne en différenciant les diverses localisations, en particulier en individualisant la cavité orale et l’oropharynx (Tableaux 9 à 12). [8] Au cours des 20 dernières années les performances de nos traitements en termes de survie n’ont pas connu d’amélioration notable, les taux de survie relative se stabilisant entre 30 et 40 % à 5 ans. Les séquelles thérapeutiques en particulier lors d’association de techniques, sont actuellement moins invalidantes (optimisation des techniques de reconstruction et d’irradiation), et semblent ne pas avoir de retentissement majeur sur la qualité de vie de ces patients à long terme. [70, 71]
■ Conclusions Les épithéliomas épidermoïdes de la cavité buccale sont des cancers fréquents, dont les facteurs de risque sont clairement identifiés. Le terrain sur lequel ils se développent de manière élective est responsable d’un diagnostic souvent tardif. Cela a pour conséquences l’alourdissement des séquelles thérapeutiques et un pronostic défavorable à moyen et long terme. La prévention nécessite la maîtrise de la consommation du tabac et de l’alcool, le facteur quantitatif ayant un rôle majeur dans la carcinogenèse. L’éviction complète de ces toxiques, indispensable après prise en charge de telles lésions reste un objectif difficile à atteindre pour les patients et les médecins qui les prennent en charge.
Tableau 10. Survie relative à 5 ans des hommes porteurs d’un cancer VADS dans différents pays d’Europe (période du diagnostic 1990-94). Pays
Angleterre
Taux de couverture
63 %
24 %
3%
15 %
12 %
Bouche- pharynx
40
46
27
32
36
38-42
40-53
24-31
30-35
33-41
29-33
65
73
51
67
66
60
63-67
67-80
44-60
65-70
62-70
57-62
Larynx
Pays-Bas
France
Italie
[5, 8]
Espagne
Europe 31
Tableau 11. Taux de survie relative (%) à 1 et 5 ans standardisés à l’âge des patients européens entrés dans l’étude EUROCARE II (période du diagnostic 1985-89). Localisation
Hommes
[8]
Femmes
1 an (95 % IC)
5 ans (95 % IC)
1 an (95 % IC)
Langue
64 (61-67)
37 (33-42)
77 (73-81)
5 ans (95 % IC) 50 (45-59)
Cavité buccale
75 (71-78)
41 (37-45)
75 (71-79)
53 (48-58)
Oropharynx
67 (64-69)
30 (27-34)
72 (66-79)
55 (38-53)
Hypopharynx
63 (60-66)
22 (19-26)
61 (56-66)
23 (17-32)
Cavité buccale ou pharynx
68 (67-70)
34 (32-36)
74 (71-76)
48 (44-51)
IC : intervalle de confiance. Stomatologie/Odontologie
11
22-063-A-10 ¶ Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique
Tableau 12. Analyse en régression proportionnelle de Cox concernant la survie des patients européens entrés dans l’étude EUROCARE II par localisation (période du diagnostic 1985-89). [8] Site tumoral
RR selon le site tumoral (95% IC)
Effectif de l’étude
Gencive
1 (Référence)
618
Plancher buccal
0,98 (0,91-1,04)
1766
Joue et vestibule
0,88 (0,78-0,97)
477
Palais
0,75 (0,64-0,86)
321
Voile et luette
0,94 (0,85-1,03)
430
Trigone rétromolaire
1,01 (0,91-1,11)
287
Amygdale et piliers
1,13 (1,06-1,20)
1578
Oropharynx latéral et postérieur
1,72 (1,59-1,85)
405
RR : risque relatif. .
■ Références [1] [2] [3]
[4] [5]
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I. Barthélémy, Chirurgien maxillofacial, Professeur des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). Service de stomatologie, Chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, Hôtel-Dieu – Polyclinique, boulevard Léon-Malfreyt, 63058 Clermont-Ferrand cedex 1, Université de Clermont 1, France. J.-P. Sannajust, Chirurgien maxillofacial. Service de chirurgie maxillofaciale, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87000 Limoges, France. P. Revol, Chirurgien maxillofacial, Chef de clinique, assistant des Hôpitaux. J.-M. Mondié, Chirurgien maxillofacial, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de stomatologie, Chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, Hôtel-Dieu – Polyclinique, boulevard Léon-Malfreyt, 63058 Clermont-Ferrand cedex 1, Université de Clermont 1, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Barthélémy I., Sannajust J.-P., Revol P., Mondié J.-M. Cancers de la cavité buccale. Préambule, épidémiologie, étude clinique. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-063-A-10, 2005.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Chimiothérapie des cancers de la cavité orale L. Védrine, S. Le Moulec, C. Chargari, T. Fagot, O. Bauduceau Les cancers de la cavité buccale appartiennent au groupe des tumeurs des voies aérodigestives supérieures qui représente la sixième forme de cancer la plus fréquente en France et à travers le monde. Si les formes localisées peuvent être contrôlées à long terme dans deux tiers des cas par la chirurgie ou la radiothérapie, les formes diagnostiquées à un stade localement avancé ne sont accessibles à une guérison que dans un tiers des cas après l’association d’une radiothérapie et d’une chimiothérapie. Par ailleurs, avec une médiane de survie inférieure à 6 mois, les tumeurs de la cavité buccale métastatiques présentent un pronostic spontané redoutable chez des patients au terrain médical souvent lourdement altéré par une exposition prolongée à l’alcool et au tabac. C’est dire l’impérieuse nécessité de mettre en œuvre des stratégies thérapeutiques adaptées à chaque patient et basées sur des niveaux de preuve d’efficacité satisfaisants, même si en l’occurrence les données spécifiques aux cancers de la cavité buccale sont rares, la plupart des études cliniques portant sur l’ensemble des tumeurs ORL. L’optimisation des protocoles de chimiothérapie existants et le développement de thérapeutiques nouvelles, en particulier des thérapies ciblées, restent également un objectif important dans l’espoir d’améliorer les résultats des traitements des cancers de la cavité buccale localement avancés et métastatiques. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Cancer ; Cavité orale ; Chimiothérapie ; Radiothérapie ; Thérapie ciblée
Plan ¶ Introduction
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¶ Chimiothérapie des carcinomes épidermoïdes localement avancés Chimiothérapie d’induction Chimiothérapie concomitante à la radiothérapie
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¶ Chimiothérapie des carcinomes de la cavité buccale en récidive locorégionale ou métastatiques Molécules classiques Association de référence Autres molécules de première intention Traitements de seconde ligne
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¶ Thérapies ciblées des carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale Récepteur de l’epidermal growth factor (EGF-R), acteur majeur des cancers de la cavité buccale Restauration de la fonction p53 par une approche de thérapie génique Action sur l’angiogenèse tumorale Chimioprévention
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¶ Traitement des lymphomes de la cavité orale Situation du problème Séquence thérapeutique
9 9 9
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■ Introduction La prise en charge des cancers de la cavité buccale repose sur le type histologique de la tumeur et son stade d’extension. Au plan anatomopathologique, les tumeurs de la cavité buccale atteignent le plus souvent la langue mobile et le plancher Stomatologie
buccal, plus rarement les lèvres, les gencives ou les glandes salivaires. Il s’agit d’un ensemble de tumeurs relativement homogène puisque plus de 90 % d’entre elles sont des carcinomes épidermoïdes, au degré de différenciation cellulaire variable. Les autres types histologiques sont beaucoup plus rares : adénocarcinomes, lymphomes, mélanomes et sarcomes des tissus mous ou osseux. Cette homogénéité histologique rend compte d’une étiologie quasi univoque incarnée par l’exposition prolongée au tabac et à l’alcool avec une relation dose-effet bien connue. Le rôle des anomalies génétiques constitutionnelles et des virus oncogènes tels que HPV16 (human papilloma virus) reste à préciser. L’extension de la maladie, appréciée par les examens clinique, endoscopique oropharyngé et tomodensitométrique cervico-thoraco-abdominal, détermine la stratégie thérapeutique basée sur la classification internationale TNM (Tableaux 1,2). Si la chirurgie et la radiothérapie représentent les traitements de référence des formes localisées (T1 et T2), les tumeurs localement avancées (T3 et T4), récidivantes et métastatiques relèvent le plus souvent d’une chimiothérapie, associée à la radiothérapie dans le cas des tumeurs localement avancées. Ces indications théoriques de chimiothérapie doivent dans tous les cas être validées en réunion de concertation pluridisciplinaire où l’état général du patient et ses comorbidités, souvent fréquentes, notamment respiratoires et cardiovasculaires, doivent être prises en compte et rigoureusement évaluées sous peine de toxicités potentiellement fatales. La place de la chimiothérapie dans la prise en charge des cancers de la cavité buccale est analysée dans cet article en quatre temps : tout d’abord, le rôle de la chimiothérapie d’induction des tumeurs localement avancées avant radiothérapie est précisé en rappelant l’absence de consensus formel sur cette modalité thérapeutique néanmoins très usitée. La chimiothérapie concomitante à la radiothérapie est décrite dans un
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Tableau 1. Classification TNM des cancers de la cavité buccale.
lui retrouvent cependant un bénéfice en survie et redéfinissent son rôle dans la prise en charge des carcinomes de la cavité orale localement évolués.
T : Tumeur T1 tumeur < ou égale à 2 cm dans sa plus grande dimension T2 tumeur dont la plus grande dimension est > 2 cm et ≤ 4 cm T3 tumeur dont la plus grande dimension est > 4 cm T4 tumeur s’étendant aux structures voisines, par exemple : corticale osseuse, musculature extrinsèque de la langue, sinus maxillaire, peau N : Ganglions régionaux N0 pas de signe d’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux N1 métastase dans un seul ganglion lymphatique homolatéral ≤ 3 cm dans sa plus grande dimension N2 métastase unique dans un seul ganglion lymphatique homolatéral > 3 cm et ≤ 6 cm dans sa plus grande dimension, ou métastases ganglionnaires multiples, toutes ≤ 6 cm N2a métastase dans un seul ganglion lymphatique > 3 cm mais ≤ 6 cm N2b métastases homolatérales multiples toutes ≤ 6 cm N2c métastases bilatérales ou controlatérales ≤ 6 cm N3 métastase dans un ganglion lymphatique > 6 cm dans sa plus grande dimension M : Métastases à distance M0 absence de métastase(s) à distance M1 présence de métastase(s) à distance
Tableau 2. Classification par stades des cancers de la cavité buccale. Stade 0
Tis
N0
M0
Stade I
T1
N0
M0
Stade II
T2
N0
M0
Stade III
T3
N0
M0
T1T2T3
N1
M0
T4
N0N1
M0
Tous T
N2
M0
Stade IVB
Tous T
N3
M0
Stade IVC
Tous T
Tous N
M1
Stade IVA
second temps comme traitement de référence des lésions étendues et inopérables ainsi qu’en complément de la chirurgie pour les tumeurs qui se révèlent compliquées d’envahissement ganglionnaire. Dans un troisième temps, les modalités de chimiothérapie palliative des formes récidivantes et métastatiques sont exposées y compris en précisant la place des nouvelles thérapies ciblées. Enfin, une quatrième et dernière partie traite des chimiothérapies des types histologiques plus rares, en développant le problème émergeant des lymphomes de la cavité orale des sujets séropositifs pour le virus de l’immunodéficience humaine.
■ Chimiothérapie des carcinomes épidermoïdes localement avancés Chimiothérapie d’induction La place de la chimiothérapie d’induction dans la prise en charge des cancers épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures et en particulier de la cavité orale a été l’objet de nombreuses évaluations au cours des dernières années. Selon les séries, seuls 30 % des patients présentant une maladie localement avancée (stades III ou IV) sont éligibles à un traitement curatif chirurgical ou à une radiothérapie. L’existence de récidives locales représente la principale cause d’échec thérapeutique (60 %), devant l’évolution métastatique (30 %) et la survenue de nouveaux cancers primitifs [1]. Malgré un bénéfice de la chimiothérapie d’induction en termes de réponse locale parfois majeure, cette stratégie thérapeutique n’a pas montré d’impact sur la survie à long terme des patients. Des études plus récentes associant une taxane à la chimiothérapie d’induction
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Concept de chimiothérapie d’induction Les carcinomes épidermoïdes localement avancés de la cavité orale se distinguent par une remarquable sensibilité aux traitements de chimiothérapie. C’est devant ce constat que la chimiothérapie néoadjuvante a été largement utilisée dans les années 1990 dans l’espoir d’assurer un meilleur contrôle local, voire d’améliorer la survie. En effet, le traitement classique associait alors intervention chirurgicale et radiothérapie adjuvante des tumeurs résécables, permettant un taux de survie global à 3 ans de 50 % [2]. En cas de tumeur non résécable, le traitement classique par radiothérapie exclusive permettait d’obtenir un taux de survie de 10 à 15 % à 3 ans. Les traitements d’induction ont apporté l’espoir d’une augmentation de survie par un meilleur contrôle local et par une action antitumorale précoce sur les micrométastases. Plusieurs essais de phase II ont évalué la chimiothérapie d’induction. L’association cisplatine et 5-fluoro-uracile s’est longtemps imposée comme standard thérapeutique, à raison d’une cure toutes les 3 à 4 semaines de cisplatine à la dose de 100 à 120 mg/m2 (j1) et de 5-fluoro-uracile à la dose de 1000 mg/m2/j en perfusion continue de 4 ou 5 jours [3]. Les taux de réponse objective après trois cycles variaient selon les séries de 80 à 100 %, dont 10 à 50 % de réponses cliniques complètes et 5 à 30 % de réponses histologiques complètes authentifiées par l’examen microscopique des pièces opératoires. Alors que ces taux de réponse objective étaient confirmés par plusieurs essais réalisés entre 1984 et 1997, les protocoles d’intensification montraient une augmentation de la toxicité sans bénéfice accru en termes de réponse. Malgré une efficacité parfois spectaculaire sur la tumeur primitive de la chimiothérapie d’induction, la plupart des nombreux essais randomisés réalisés entre 1990 et 1996 ne montraient pas de bénéfice significatif en termes de contrôle local ni de survie globale. Publiée en 2000, la méta-analyse de Pignon et al. a évalué l’impact de la chimiothérapie néoadjuvante des carcinomes des voies aérodigestives supérieures [4]. Sur les 31 essais étudiés, la différence de survie à 5 ans entre les 5269 patients traités par chimiothérapie d’induction et le groupe témoin était de 2 % en faveur du premier groupe sans être significative. Dans cette méta-analyse, les 15 essais utilisant le cisplatine et le 5-fluorouracile montraient un bénéfice en survie peu significatif. En 1994, un essai randomisé italien multicentrique [5] incluait 237 patients opérables et non opérables. Alors que la chimiothérapie d’induction réduisait de façon significative l’incidence de survenue de métastases à 3 ans dans les deux sous-groupe (14 % versus 38 % en l’absence de chimiothérapie d’induction, p = 0,04), il n’était pas démontré de bénéfice sur le contrôle local et la survie. Les résultats de cette étude, réactualisés en 2004 après 10 ans de suivi, retrouvaient une survie globale à 5 et 10 ans ne différant pas chez les patients ayant reçu une chimiothérapie d’induction. Cependant, dans le sous-groupe des patients inopérables, la survie à 10 ans était évaluée à 16 % pour les patients ayant reçu une chimiothérapie première versus 6 % dans l’autre bras (p = 0,04). La chimiothérapie néoadjuvante par association de cisplatine et de 5-fluoro-uracile avant chirurgie définitive et/ou radiothérapie diminue la probabilité de survenue de métastases à distance sans présenter de bénéfice en termes de contrôle locorégional ni de survie. Malgré une réponse clinique à la chimiothérapie d’induction parfois majeure, le bénéfice de l’association cisplatine/5-fluoro-uracile apparaît de ce fait ténu.
Protocoles en cours et à venir Depuis quelques années, la chimiothérapie d’induction dans la prise en charge des carcinomes des voies aérodigestives supérieures a été l’objet d’un regain d’intérêt, en particulier pour les carcinomes de la cavité orale. Plusieurs équipes ont étudié les bénéfices éventuels d’une association de cisplatine, de 5-fluoroStomatologie
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uracile et d’une taxane [6] , observant des taux de réponse supérieurs à 90 %, avec réponse complète chez plus de 50 % des patients. Publiée en 2005, une étude randomisée de phase III a montré que l’adjonction de paclitaxel 175 mg/m2 (j1) à une chimiothérapie d’induction par cisplatine 100 mg/m2 (j2) et 5-fluorouracile 500 mg/m2 (j2 à j6) est mieux tolérée que l’association de cisplatine 100 mg/m2 (j1) et de 5-fluoro-uracile 1000 mg/m2 (j1 à j5), permettant par ailleurs une augmentation du taux de réponse complète (33 % versus 14 % dans le bras témoin, p < 0,001) [7]. Une méta-analyse publiée en 2004 [8] a comparé les résultats de six essais de phase II utilisant l’association docétaxel/ cisplatine/5-fluoro-uracile (n = 195) utilisée comme chimiothérapie d’induction avec les données recueillies à partir de cinq essais randomisés utilisant le 5-fluoro-uracile et le cisplatine (n = 585). Les patients ont subi une irradiation et/ou une chirurgie postchimiothérapie. L’addition de docétaxel a été corrélée à une diminution significative du risque de décès (risque relatif à 1,85). Ce chiffre correspond à un bénéfice en survie à 2 ans de 20 % (p < 0,0001). Une étude multicentrique de phase III réalisée sous l’égide de l’European Organization for Research and Treatment of Cancer (EORTC) [9] a étudié les effets d’une chimiothérapie d’induction par quatre cycles de l’association de docétaxel (75 mg/m2 à j1), cisplatine (75 mg/m2 à j1) et 5-fluoro-uracile (750 mg/m2 de j1 à j5) (bras TPF). Cette étude a comparé le bras TPF à une chimiothérapie d’induction par cisplatine (100 mg/m2 j1) et perfusion continue de 5-fluoro-uracile (1000 mg/m 2 /j sur 5 jours) (bras PF) chez 385 patients présentant un carcinome épidermoïde localement avancé non résécable des voies aérodigestives supérieures. La chimiothérapie a été suivie d’une irradiation, complétée si nécessaire d’un curage. Les résultats préliminaires présentés au congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) en 2006 ont montré une survie sans progression supérieure dans le bras TPF (8,2 versus 11 mois, p = 0,0071), un taux de survie à 3 ans de 36,5 % (intervalle de confiance 29,3-43,6 %) dans le bras TPF versus 23,9 % (IC : 17,9-30,5 %) dans le bras sans docétaxel. Le taux de réponse a été également en faveur du bras TPF (53,6 % versus 67,8 %, p = 0,006), avec un taux de réponse complète significativement plus important (33,3 versus 19,9 %, p = 0,04). Sur le plan de la tolérance, les thrombopénies et neutropénies de grade 3 ou 4 ont été plus nombreuses dans le bras TPF. Les décès toxiques ont cependant été plus nombreux dans le bras PF (7,8 % versus 3,7 %). Ces résultats mettent en évidence une supériorité significative du bras expérimental associant le docétaxel à l’association de 5-fluoro-uracile et cisplatine, ainsi qu’un bénéfice en termes de survie globale et sans récidive par rapport à l’association 5-fluoro-uracile et cisplatine. Néanmoins, cette étude ne précise pas formellement l’intérêt de la chimiothérapie d’induction dans la mesure où elle ne comportait pas de bras de traitement sans chimiothérapie d’induction.
Stratégie de préservation d’organe La place de la chimiothérapie d’induction dans une stratégie de préservation d’organes a été essentiellement étudiée dans le cadre des préservations laryngées [10] et hypopharyngées. Progressivement, des données concernant la préservation mandibulaire sont apparues. Dès 1987, une étude de phase II [11] a inclus 30 patients présentant des tumeurs résécables (stades III et IV) de la cavité buccale, du pharynx et du larynx, traités par trois cures de 5-fluoro-uracile-cisplatine, et réévalués par biopsies sous endoscopie. Douze patients ont présenté une réponse complète histologique et ont été traités secondairement par radiothérapie. Les 18 autres ont été traités par chirurgie et radiothérapie. La survie globale et la survie sans récidive ont été identiques (52 et 53 %). Le groupe de patients exclus de la chirurgie a présenté une survie globale de 70 % et une survie sans récidive de 60 %. Sous réserve des petits effectifs de l’étude, la chimiothérapie d’induction a permis de sélectionner les patients candidats à une radiothérapie. Stomatologie
Publié en 2003, un essai randomisé multicentrique a étudié de façon plus spécifique l’impact d’une chimiothérapie première en cas de tumeur localement avancée de la cavité orale [12]. Il a inclus 195 patients présentant des carcinomes épidermoïdes de la cavité orale résécables classés T2-T4, N0-N2, M0. Cet essai a comparé chimiothérapie d’induction par trois cycles de l’association de 5-fluoro-uracile et de cisplatine (bras expérimental) à une chirurgie d’emblée (bras témoin). Dans les deux bras, une radiothérapie postopératoire a été réalisée aux patients à haut risque (marges chirurgicales atteintes et/ou invasion des tissus mous de la face et/ou plus de trois ganglions atteints et/ou rupture capsulaire). Dans le bras expérimental, une rémission clinique complète a été observée dans 27 % des cas. Dans 15 cas, il a persisté du tissu tumoral microscopique. La réponse à la chimiothérapie d’induction a été de 56 % dans les cas de tumeurs de la langue, alors que les lésions du plancher de la bouche ont répondu dans 68 % des cas. Une réponse complète clinique a été obtenue dans 45 %, 19 % et 27 % des tumeurs classées stade II, III et IV respectivement. Au total, l’étude a objectivé 82 % de réponse clinique, mais la survie globale à 5 ans a été identique dans les deux bras (55 %). Une irradiation postopératoire a été réalisée chez 33 % des patients du bras chimiothérapie contre 46 % des patients du bras chirurgie initiale (différence de 13 %, IC = 95 %, 0-27 %). Le taux de résections mandibulaires réalisées dans le bras expérimental a été inférieur de 21 % à celui du bras contrôle (IC =95 %, 7-34 %). Le traitement de référence des carcinomes de la cavité orale reste la chirurgie, éventuellement suivie d’une irradiation. Cependant, une orientation thérapeutique plus conservatrice, associant chimiothérapie d’induction et radiothérapie, représente un bénéfice en termes de qualité de vie. Elle peut justifier le choix sous certaines conditions d’une chimiothérapie néoadjuvante lors de la prise en charge des carcinomes localement évolués de la cavité orale, diminuant le nombre de mandibulectomies et d’irradiations postopératoires. Cette approche d’ores et déjà appliquée à d’autres localisations carcinomateuses des voies aérodigestives supérieures présente un bénéfice masticatoire et esthétique. Elle reste cependant d’autant plus controversée que les progrès actuels des techniques chirurgicales favorisent une chirurgie plus conservatrice. L’association d’une chimiothérapie d’induction et d’une radiochimiothérapie concomitante a également été étudiée dans de nombreuses études de phase II. Le rationnel à cette prise en charge est que la radiochimiothérapie concomitante améliore le contrôle local alors que la chimiothérapie d’induction diminue la probabilité de survenue de métastases. Une étude espagnole présentée à l’ASCO en 2005 [13] a randomisé 170 patients entre trois cycles de docétaxel-cisplatine-5-fluoro-uracile puis radiochimiothérapie (70 Gy et cisplatine) versus trois cycles de cisplatine-5-fluoro-uracile puis radiochimiothérapie versus radiochimiothérapie seule. Elle a inclus des patients présentant des carcinomes non opérables, T3-4, N2-3 de l’oropharynx. Les taux de réponse complète après radiochimiothérapie ont été de 80 et 88 % dans les deux premiers bras de traitement versus 47 % (p = 0,005) en cas de radiochimiothérapie exclusive. Une chimiothérapie d’induction permettrait ainsi une augmentation du taux de réponse locale après radiochimiothérapie. La réponse à une chimiothérapie d’induction constitue un facteur prédictif de réponse à une radiothérapie ou une radiochimiothérapie concomitante. Certains auteurs préconisent une réévaluation après seulement un cycle de chimiothérapie d’induction dans le but d’identifier ceux des patients qui pourront bénéficier d’une prise en charge non chirurgicale et de proposer une chirurgie de résection aux patients à sensibilité réduite au traitement par chimiothérapie [14].
Vers une meilleure sélection des candidats-patients à une chimiothérapie néoadjuvante Compte tenu de ces données et des incertitudes en termes de préservation d’organes et de survie liées aux stratégies de chimiothérapie néoadjuvante, il convient de définir les conditions permettant d’augmenter la probabilité d’obtenir une
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réponse histologique complète. L’oncogène p53 est muté dans près de 45 % des carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures. Une étude prospective présentée en 2000 a étudié le lien entre une mutation de p53 et une éventuelle résistance à une chimiothérapie d’induction conduite chez 106 patients présentant un carcinome des voies aérodigestives supérieures [15]. Dans le groupe de patients non répondeurs à une chimiothérapie d’induction, la prévalence de p53-muté a été supérieure à celle du groupe de patients répondeurs (81 % versus 57 % respectivement, p = 0,003). Cette étude suggère que le statut de p53 constitue un facteur prédictif efficace du pronostic et d’une réponse éventuelle à la chimiothérapie néoadjuvante. Le caractère phénotypique sauvage de la protéine p53 semble être essentiel à l’induction par la chimiothérapie et la radiothérapie d’une apoptose. Certains agents, tels que les taxanes, peuvent induire une apoptose indépendante du statut de p53. D’autres, tels le cisplatine ou les radiations ionisantes, nécessitent un oncogène p53 fonctionnel. De récentes observations suggèrent un rôle du phénotype p53 dans la réponse au cisplatine ou à l’irradiation des carcinomes des voies aérodigestives supérieures. La connaissance du statut phénotypique de p53 des carcinomes de la cavité orale pourrait permettre à terme de choisir les drogues de chimiothérapie efficaces et d’identifier les patients susceptibles d’en bénéficier. La plupart des connaissances acquises en matière de chimiothérapie néoadjuvante des carcinomes localement évolués de la cavité orale résultent d’études portant de façon plus générale sur les carcinomes des voies aérodigestives supérieures. Les récents développements de protocoles associant aux traitements historiques une taxane ont montré un bénéfice significatif en termes de taux de réponse, voire de survie globale. Le choix d’une chimiothérapie d’induction doit cependant rester prudent et s’inscrire dans une sélection rigoureuse des patients compte tenu de la toxicité significative de ces traitements et du terrain souvent précaire associé aux carcinomes de la cavité orale localement avancés.
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Points essentiels
L’association de cisplatine et de 5-fluoro-uracile en chimiothérapie d’induction des carcinomes de la cavité buccale permet une action précoce sur les micrométastases à distance. Malgré des réponses cliniques parfois majeures, cette association n’a pas montré de bénéfice en termes de survie globale ni de contrôle local. L’adjonction de docétaxel à l’association néoadjuvante de 5-fluoro-uracile et de cisplatine permet un gain en survie sans récidive et en survie globale par rapport à l’association cisplatine/5-fluoro-uracile. La stratégie de préservation d’organe n’est pas un standard et reste controversée en stomatologie. Elle pourrait cependant se justifier sous certaines conditions.
Chimiothérapie concomitante à la radiothérapie La radiothérapie occupe une place prépondérante dans l’arsenal thérapeutique des cancers de la cavité buccale. Ainsi le traitement des stades I et II associant chirurgie et/ou radiothérapie permet un contrôle locorégional dans 70 à 80 % des cas. La prise en charge des cancers localement avancés est plus difficile, en particulier celle des formes inopérables pour lesquelles la radiothérapie seule n’offre que de médiocres résultats [16]. L’amélioration de l’index thérapeutique a donc fait l’objet de nombreux travaux orientés essentiellement sur les modifications du fractionnement et l’association à la chimio-
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thérapie. De nombreuses études cliniques de phases II et III ont ainsi analysé l’efficacité et la toxicité des associations de radiochimiothérapie concomitante.
Bases biologiques Le concept de la radiochimiothérapie repose initialement sur la coopération spatiale de deux modalités thérapeutiques permettant d’une part l’amélioration du contrôle local par radiosensibilisation des cellules tumorales et d’autre part l’éradication des foyers tumoraux microscopiques résiduels [17]. En fait, les interactions possibles entre radiothérapie et agents cytotoxiques sont nombreuses. Le principe de coopération spatiale repose sur le fait que les cibles de l’irradiation et des agents cytotoxiques sont localisées au niveau de sites anatomiques différents. Les deux modalités thérapeutiques agissent donc indépendamment l’une de l’autre, la radiothérapie sur la maladie locorégionale, la chimiothérapie prévenant la maladie métastatique et interagissant potentiellement avec la radiothérapie au niveau local. La coopération temporelle de ces deux moyens thérapeutiques est rendue possible par leur utilisation concomitante. L’importance de la durée de la séquence thérapeutique est majeure. La radiochimiothérapie permet d’augmenter la dose-intensité et donc d’accélérer le traitement, luttant ainsi contre les phénomènes de repopulation cellulaire [18]. Les mécanismes de résistances aux agents de chimiothérapie et aux rayonnements ionisants peuvent différer. Leur utilisation concomitante peut permettre ainsi la prévention de l’émergence de clones résistants. Une autre interaction possible résulte des modifications de l’oxygénation tumorale. La chimiothérapie permet en réduisant la masse tumorale, une amélioration de la perfusion et donc de l’oxygénation des cellules néoplasiques, majorant ainsi leur radiosensibilité. De même, la diminution du volume tumoral induite par l’irradiation améliore le flux sanguin et donc l’accès des produits de chimiothérapie. La réduction de la prolifération cellulaire améliorerait la chimiosensibilité en augmentant la pénétration intracellulaire des drogues comme le carboplatine ou le 5-fluoro-uracile [19, 20]. La radiosensibilité varie en fonction des phases du cycle cellulaire : radiosensibilité en phase G2 et M, radiorésistance en phase S. L’utilisation de produits cytotoxiques ciblant d’autres phases du cycle améliore ainsi la réponse thérapeutique. De même, certaines drogues comme le paclitaxel peuvent bloquer les cellules en phase G2 majorant ainsi la radiosensibilité. La coopération entre chimiothérapie et radiothérapie peut aussi résulter de l’inhibition de la réparation des lésions sublétales (cas de l’étoposide) ou potentiellement létales (cisplatine, carboplatine, mitomycine C) de l’ADN, induites par l’irradiation. La radiochimiothérapie peut ainsi être assimilée à une augmentation de dose d’irradiation. Enfin, la combinaison radiochimiothérapie, par l’induction de signaux moléculaires, peut majorer l’apoptose des cellules tumorales.
Drogues utilisables Les essais cliniques de radiochimiothérapie pour les cancers de la tête et du cou sont nombreux, mais aucun n’est spécifiquement dédié aux lésions de la cavité buccale. Les premiers essais randomisés comparaient radiothérapie et radiochimiothérapie utilisant de l’hydroxyurée ou de la bléomycine [21, 22]. Aucun bénéfice en contrôle local ou en survie n’était mis en évidence. L’association radiothérapie-méthotrexate (100 mg/m2 j1 et j14) a fait l’objet d’une seule étude randomisée [23] montrant un avantage en termes de contrôle local au détriment de l’augmentation de la toxicité muqueuse. Le 5-fluoro-uracile en concomitant (bolus de 250 mg/m2 tous les 2 jours) améliore le contrôle local (p = 0,01) sans gain en survie dans l’essai rapporté par Sanshiz [24]. L’emploi du cisplatine en association a fait l’objet de nombreux essais depuis 1970. Son rôle radiosensibilisant a été démontré, soit à faible dose hebdomadaire, soit dans un schéma comportant trois administrations de 100 mg/m2 à j1, j22 et j43 [25]. Stomatologie
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Des agents cytotoxiques plus récents, tels que le docétaxel et le paclitaxel sont en cours d’évaluation. Ces molécules permettent notamment par le blocage des fonctions microtubulaires, un blocage en phase G2-M, responsable d’une forte radiosensibilisation, sous réserve d’une durée d’exposition suffisante. Le paclitaxel peut ainsi être utilisé à la dose de 30 mg/m2/semaine. L’emploi combiné de plusieurs drogues en association à la radiothérapie est validé par plusieurs essais randomisés. La combinaison la plus utilisée associe le cisplatine et le 5-fluorouracile en perfusion continue de j1 à j5 [26]. La majoration de la toxicité muqueuse aiguë et de la fibrose cervicale de ce type d’association, bien que considérée comme acceptable, est à prendre en compte, nécessitant le plus souvent des soins de support et une nutrition entérale. Le cetuximab est un anticorps monoclonal ciblant le récepteur de l’epidermal growth factor (EGF–R ou HER-1) anormalement activé dans la majorité des cancers de la tête et du cou. Cette molécule seule ou en association au cisplatine permet d’obtenir des taux significatifs de régression tumorale chez les patients porteurs de tumeurs localement évoluées ou métastatiques réfractaires au cisplatine. Ces éléments ont motivé la réalisation d’un essai randomisé sur une population atteinte de carcinome épidermoïde du larynx, de l’oropharynx ou de l’hypopharynx de stade III ou IV non métastatique [27]. Cet essai comparait radiothérapie seule à la même radiothérapie associée à du cetuximab (400 mg/m2 la première injection puis 250 mg/ m2) administré toutes les semaines. L’association améliore de manière significative la durée de contrôle locorégional (24,4 mois versus 14,9, p = 0,005) et la durée médiane de survie globale (49 mois versus 29,3, p = 0,006). Hormis les réactions cutanées acnéiformes induites par l’anticorps, l’incidence des toxicités de grade 3 ne diffère pas entre les deux groupes. L’utilisation du cetuximab en association à la radiothérapie offre donc une nouvelle alternative thérapeutique. La place de cette nouvelle molécule par rapport aux agents de chimiothérapie classiques doit cependant être déterminée.
Radiochimiothérapie concomitante des tumeurs inopérables La multiplicité des essais randomisés de radiochimiothérapie concomitante a conduit à la réalisation d’une méta-analyse rapportée par le groupe Meta-Analysis of Chemotherapy on Head and Neck Cancer (MACH-NC collaborative group) [4]. Cette méta-analyse basée sur les données individuelles, intéresse 63 essais randomisés sur 10 741 patients porteurs d’un cancer de la cavité buccale, de l’oropharynx, de l’hypopharynx ou du larynx. Ces essais comparaient le traitement local seul au même traitement local associé à une chimiothérapie néoadjuvante, concomitante ou adjuvante. Le suivi médian pour deux tiers des essais retenus est de 5,9 ans. L’association à la radiothérapie d’une chimiothérapie permet un gain de 4 % en survie globale à 2 ans et à 5 ans (p < 0,0001) : 50 % versus 54 % à 2 ans, 32 % versus 36 % à 5 ans. La chimiothérapie adjuvante seule n’a pas d’impact sur la survie. L’administration d’une chimiothérapie néoadjuvante améliore la survie globale de manière non significative (2 %). La radiochimiothérapie concomitante est donc la principale responsable du gain en survie, majorant significativement la survie globale de 8 % à 5 ans. Le bénéfice est identique quelle que soit la localisation tumorale initiale. L’analyse en sousgroupe souligne le rôle de l’âge du patient. L’amélioration de la survie globale est significative pour les patients de moins de 50 ans (12 % à 5 ans) et de 51 à 60 ans (9 % à 5 ans). Au-delà de 60 ans, le bénéfice en survie n’est pas significatif. Ceci résulte de la toxicité de la radiochimiothérapie concomitante. Le taux de décès toxique est de l’ordre de 1 %, mais les toxicités aiguës essentiellement muqueuses et tardives (fibrose cervicale, atteinte dentaire) sont systématiquement plus fréquentes et plus sévères dans le bras radiochimiothérapie. Les protocoles de chimiothérapie utilisés sont multiples. L’administration de 5-fluoro-uracile et de cisplatine en association permet un gain en survie à 5 ans de 10 % (p < 0,01). Ce gain atteint 11 % avec l’utilisation de cisplatine seul, 7 % avec une combinaison comportant du 5-fluoro-uracile sans cisplatine Stomatologie
et 4 % si la chimiothérapie n’associe ni cisplatine ni 5-fluorouracile. Ces résultats soulignent bien l’importance de ces deux drogues jouant un rôle majeur dans la prise en charge des cancers de la cavité buccale.
Radiochimiothérapie concomitante postopératoire Le risque de récidive locale, régionale ou à distance après chirurgie des carcinomes épidermoïdes de stades III et IV de la tête et du cou, est fonction de la qualité de la résection, du nombre de ganglions lymphatiques atteints et de l’existence d’une rupture capsulaire. L’intérêt de la radiothérapie postopératoire dans ce contexte n’est plus à démontrer. Deux essais randomisés ont été conduits pour évaluer le bénéfice de l’association radiochimiothérapie dans ces indications. L’essai de l’EORTC intéresse 334 patients porteurs d’un carcinome épidermoïde de la cavité buccale, de l’oropharynx, de l’hypopharynx ou du larynx, pT3 ou pT4 quel que soit le N, ou de stade 1 ou 2 et N2 ou N3. Après chirurgie première à visée curative, ces patients étaient traités soit par radiothérapie exclusive, soit par la même radiothérapie associée à une chimiothérapie de type cisplatine 100 mg/m2 à j1, j22 et j43. Les mucites de grades 3 et 4 étaient plus fréquentes dans le bras radiochimiothérapie (41 vs 21 %, p = 0,001), responsable également de 16 % de leucopénies sévères et de 11 % de vomissements sévères. Après un suivi médian de 60 mois, la radiochimiothérapie concomitante permettait une augmentation significative de la survie sans récidive locorégionale (31 % contre 18 % à 5 ans) et de la survie globale (53 % contre 40 % à 5 ans). Il n’a pas été démontré de bénéfice en termes de dissémination métastatique. La toxicité tardive était comparable dans les deux groupes [28]. L’essai du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) a été mené de manière similaire montrant une amélioration du contrôle locorégional par la radiochimiothérapie [29]. Ces deux essais soulignent donc l’intérêt d’une association de chimiothérapie et de radiothérapie en postopératoire, en particulier pour les cancers de la cavité buccale localement évolués.
Synthèse Le grand nombre d’essais cliniques consacrés à la radiochimiothérapie concomitante témoigne du grand intérêt porté à cette association. Aucune étude n’intéresse exclusivement que les cancers de la cavité buccale, mais les données cliniques recueillies sont largement applicables à cette localisation anatomique. La chimiothérapie concomitante améliore significativement la survie sans récidive et la survie globale, au prix d’une majoration de la toxicité. Elle doit donc être administrée, sous réserve de l’état général du patient et de son âge, dans les formes tumorales localement avancées inopérables. En postopératoire, la radiochimiothérapie concomitante peut être recommandée pour les lésions pT3–pT4 ou avec envahissement ganglionnaire et/ou rupture capsulaire. Le protocole de chimiothérapie idéal n’est pas déterminé. Les données de la littérature suggèrent d’utiliser le cisplatine seul, ou en association au 5-fluoro-uracile. L’utilisation du cetuximab pourrait permettre d’optimiser encore la séquence thérapeutique.
■ Chimiothérapie des carcinomes de la cavité buccale en récidive locorégionale ou métastatiques La chimiothérapie est le traitement de base des carcinomes de la cavité buccale en récidive locorégionale et métastatiques. L’impact de ces chimiothérapies en termes de survie reste modeste et l’objectif de ces traitements palliatifs reste encore à ce jour le contrôle local des symptômes afin d’améliorer la qualité de vie des patients. Peu d’études cliniques portent spécifiquement sur la chimiothérapie des cancers de la cavité buccale en situation avancée. La plupart de ces études regroupent en effet l’ensemble des tumeurs des voies aérodigestives supérieures et comportent à ce titre un sous-groupe de patients porteurs d’un carcinome épidermoïde de la cavité buccale.
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Points essentiels
Le concept de la radiochimiothérapie ne repose pas que sur la coopération spatiale de deux modalités thérapeutiques, mais sur de multiples interactions. Les agents cytotoxiques qui ont fait la preuve de leur efficacité en association à la radiothérapie dans les essais randomisés sont essentiellement le 5-fluoro-uracile et le cisplatine. La chimiothérapie concomitante améliore significativement la survie sans récidive et la survie globale, au prix d’une majoration de la toxicité. Elle doit donc être administrée, sous réserve de l’état général du patient et de son âge, dans les formes tumorales localement avancées inopérables.
Néanmoins, la lecture détaillée de ces études rend rarement compte de résultats d’analyses en sous-groupes concernant les cancers de la cavité buccale ce qui doit conduire à une certaine prudence dans l’interprétation de ces résultats.
Molécules classiques Trois cytotoxiques classiques ont été évalués dans cette indication.
Méthotrexate Antimétabolite antagoniste de l’acide folique, c’est le plus ancien et il a été considéré jusqu’à il y a une vingtaine d’années comme le traitement de référence. Administré en perfusion hebdomadaire à la posologie de 40 mg/m2, il permet d’observer des taux de réponse variant de 8 à 23 % dans les essais randomisés pour une durée médiane de survie de l’ordre de 6 mois au prix d’une toxicité cutanée, digestive et hématologique fréquente mais le plus souvent modérée [30, 31].
5-fluoro-uracile Le 5-fluoro-uracile est un antimétabolite analogue des bases pyrimidiques, actif après phosphorylation intracellulaire par l’enzyme dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD). Utilisé en monothérapie à la dose habituelle de 1000 mg/m2/j pendant 4 jours tous les 21 jours, cette molécule obtient des taux de réponse de 13 % et une médiane de survie de 5,7 mois, similaires à ceux observés avec le méthotrexate au prix d’une toxicité cutanéomuqueuse et hématologique fréquente et potentiellement sévère chez les patients présentant une activité élevée en DPD [32].
Cisplatine Le cisplatine est un agent alkylant dérivé du platine agissant par formation d’adduits de platine intrabrins ou plus rarement interbrins sur l’ADN. Il présente une efficacité clinique comparable aux deux molécules précédentes lorsqu’il est utilisé seul à la dose de 100 mg/m2 toutes les 3 semaines avec un taux de réponse de 17 % et une survie globale de 5,7 mois [32]. Son profil de toxicité défavorable sur le plan digestif, cutané, neurologique, auditif et surtout rénal rend son maniement plus difficile avec la nécessité d’une hyperhydratation en prévention de la nécrose tubulaire aiguë et il est contre-indiqué en cas de clairance de la créatinine inférieure à 60 ml/min.
Association de référence Afin d’améliorer les résultats modestes enregistrés en monothérapie, un certain nombre d’associations ont été évaluées au premier rang desquelles l’association du cisplatine au 5-fluorouracile sous la forme de 100 mg/m2 de cisplatine et 1000 mg/ m2/j de 5-fluoro-uracile pendant 4 jours tous les 21 jours. Les
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essais randomisés évaluant cette association ont permis de mettre en évidence une augmentation des taux de réponse. L’essai randomisé de phase III rapporté par Forastière et al. montre ainsi un taux de réponse porté à 32 % (dont 6 % de réponse complète) mais malheureusement sans impact sur la médiane de survie qui reste inchangée comparativement au méthotrexate en monothérapie [33]. Compte tenu de l’amélioration du taux de réponse corrélée à un meilleur contrôle des symptômes, l’association cisplatine/5-fluoro-uracile est de fait devenue pour un certain nombre d’équipes le traitement standard chez les patients aptes à recevoir une chimiothérapie plus agressive.
Autres molécules de première intention Compte tenu des résultats modestes obtenus avec les molécules classiques de chimiothérapie, notamment en termes de survie, les cytotoxiques modernes ont fait l’objet d’une évaluation en monothérapie ou en association en première ligne de traitement.
Taxanes Les espoirs ont principalement porté sur les taxanes, molécules de nouvelle génération actives dans un grand nombre d’autres tumeurs. Les taxanes, le paclitaxel et le docétaxel, sont des alcaloïdes de l’if, poisons du fuseau mitotique, qui agissent en stabilisant les microtubules et inhibant leur dépolymérisation. Paclitaxel En monothérapie utilisé à la dose de 250 mg/m2 toutes les 3 semaines il a montré un taux de réponse prometteur de 40 % et une survie globale de 9,2 mois [34]. Le paclitaxel a également été étudié en association au cisplatine. Deux études randomisées de phase III ont été menées sous l’égide de l’Eastern Co-operative Oncology Group. La première étude a testé l’association du paclitaxel à dose conventionnelle (135 mg/m2) ou à forte dose (200 mg/m2) au cisplatine (75 mg/m2). Cette étude a retrouvé des taux de réponse de 36 et 35 % respectivement et une médiane de survie identique dans les deux groupes à 7,3 mois [35]. La seconde étude a testé l’association paclitaxel (135 mg/m2) et cisplatine (75 mg/m2) versus 5-fluoro-uracile (1000 mg/m2/j pendant 5 jours) et cisplatine (75 mg/m2). Cette étude n’a pas retrouvé de bénéfice dans le bras paclitaxel et cisplatine aussi bien en termes de taux de réponse que de survie globale mais a permis un meilleur contrôle des symptômes et un bénéfice sur la qualité de vie [36]. Le paclitaxel a également été testé en association au carboplatine avec des résultats similaires en termes de taux de réponse (27 %) et de survie globale (4,9 mois) au prix d’une toxicité hématologique importante avec 24 % de neutropénies fébriles [37]. Enfin, l’association triple de paclitaxel (135 mg/m 2 ), cisplatine (75 mg/m 2 ) et 5-fluoro-uracile (1000 mg/m 2 /j pendant 5 jours) a permis d’obtenir un taux de réponse de 60 % pour une médiane de survie inchangée de 6 mois, au prix d’une toxicité hématologique importante avec plus de 50 % de neutropénie de grade 3 ou 4 et la survenue de deux décès toxiques [38]. En somme, malgré des résultats préliminaires très encourageants, le paclitaxel n’a pas « transformé l’essai » en phase III et de fait ne représente pas à ce jour le traitement standard de première intention. Docétaxel La littérature concernant le docétaxel est moins abondante et les essais cliniques sont plus récents. Les essais de phase II de monochimiothérapie à la dose de 100 mg/m2 toutes les 3 semaines ont retrouvé des taux de réponse variant de 21 à 42 % avec une toxicité hématologique importante, plus de la moitié des patients développant une neutropénie de grade 4. Dans une étude de phase II, en association au cisplatine, le docétaxel (80 mg/m2) a enregistré des taux de réponse de 53 % mais au prix d’une toxicité hématologique majeure avec 37 % de neutropénie de grade 4 et la survenue de six décès toxiques [39] . Enfin, le triplet docétaxel (75 mg/m 2 ), cisplatine (75 mg/m2) et 5-fluoro-uracile (1000 mg/m2/j pendant 5 jours) Stomatologie
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a permis d’obtenir un taux de réponse très intéressant de 64 % dans un essai de phase II sans majoration des toxicités sous couvert d’une antibioprophylaxie par ciprofloxacine. La survie globale dans cette étude a été de 18,5 mois motivant la réalisation d’essais comparatifs de phase III [40].
Vinorelbine La vinorelbine est un alcaloïde de la pervenche, poison du fuseau mitotique, qui inhibe la polymérisation de la tubuline en microtubules. Utilisée en monothérapie à la dose de 30 mg/m2, la vinorelbine a montré en phase II une activité modérée en première intention avec seulement 16 % de taux de réponse et un profil de tolérance marqué par des toxicités hématologiques et digestives [41]. Toujours en étude de phase II, la vinorelbine (25 mg/m2) en association au cisplatine (100 mg/m2) a permis d’obtenir un taux de réponse de 33 % et une médiane de survie de 6 mois avec 46 % de neutropénies de grade 3 ou 4 [42].
Traitements de seconde ligne Le pronostic des patients progressant après une première ligne de chimiothérapie à base de cisplatine est particulièrement sombre avec une médiane de survie évaluée à 3,5 mois. Un certain nombre d’essais cliniques de phase I ou II ont évalué l’impact d’association de molécules de chimiothérapie dans cette indication. La vinorelbine (20 mg/m2) a ainsi été étudiée en association au docétaxel (80 mg/m2) permettant d’obtenir 49 % de réponses objectives et une survie médiane de 10 mois [43]. Dans une plus petite étude de phase II, la vinorelbine a aussi été testée en association à la gemcitabine, analogue nucléosidique de la classe des antimétabolites, conduisant à un taux de réponse de 25 % et une médiane de survie de 9 mois [44]. La capécitabine est une fluoropyrimidine orale, prodrogue du 5-fluoro-uracile. Évaluée en association au cisplatine dans un essai de phase I d’escalade de dose, elle a permis d’observer un tiers de réponse objective [45]. Enfin, le pemetrexed est un antimétabolite de dernière génération agissant en inhibant de façon polyvalente l’acide folique et donc la synthèse des bases puriques et pyrimidiques. Testé en phase II en monothérapie en seconde intention à la dose de 500 mg/m2, ce produit a donné un taux de réponse de 27 % pour une survie globale de 6,4 mois au prix d’une toxicité hématologique en partie contournable par une supplémentation de l’organisme en folates et vitamine B12 [46].
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Points essentiels
L’objectif principal de la chimiothérapie palliative reste le contrôle local des symptômes. L’association 5-fluoro-uracile et cisplatine représente pour de nombreuses équipes le traitement de première intention de référence. Les molécules de nouvelle génération y compris les thérapies ciblées n’ont pas démontré à ce jour de bénéfice en survie. Le choix des traitements doit impérativement tenir compte de l’état général du patient et ses comorbidités, facteurs prédictifs de la toxicité de la chimiothérapie.
■ Thérapies ciblées des carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale Le terme « thérapeutique ciblée » désigne des traitements dirigés contre des cibles moléculaires présentes et supposées jouer un rôle dans la prolifération tumorale. Les thérapeutiques ciblées peuvent être classées en différentes catégories : • les thérapeutiques ciblées contre des anomalies moléculaires causales, directement responsables de la transformation Stomatologie
maligne. Ces thérapeutiques donnent un taux de réponse élevé en monothérapie ; • les thérapeutiques ciblées contre des anomalies moléculaires plus tardives, qui contribuent à la progression tumorale, mais qui ne constituent pas l’étape initiale de la transformation. Celles-ci donnent des taux de réponse limités en monothérapie, mais probablement une activité antitumorale additive à la chimiothérapie ; • les thérapeutiques ciblées évaluées sur des cibles moléculaires qui ne jouent pas un rôle direct dans la transformation maligne avec peu ou pas d’activité antitumorale en clinique. Au cours des 10 dernières années, la connaissance des mécanismes cellulaires impliqués dans la genèse et le développement des tumeurs malignes a favorisé l’émergence de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles ; ces traitements n’aboutissent pas à la mort cellulaire contrairement aux chimiothérapies traditionnelles, mais bloquent la croissance tumorale. L’entité « tumeur de la cavité buccale » ne reste que peu individualisée dans les essais cliniques mais les résultats obtenus dans les autres localisations des tumeurs des voies aérodigestives supérieures (VADS) sont très probablement superposables, comme pour les chimiothérapies dites « classiques ».
Récepteur de l’epidermal growth factor (EGF-R), acteur majeur des cancers de la cavité buccale L’EGF-R est une glycoprotéine membranaire appartenant à la famille des récepteurs human epidermal receptors (HER). Sa structure (un domaine extracellulaire où se fixent les ligands, un domaine membranaire hydrophobe et un domaine intracellulaire à activité tyrosine kinase), son fonctionnement (homo- ou hétérodimérisation avec d’autres récepteurs de la famille HER en présence de ligand, autophosphorylation et activation de voies de transduction intracellulaire [voie PI3K et voie MAPK] aboutissant à la modulation de la transcription), ont été largement étudiés et sont maintenant bien connus [47] (Fig. 1). Différents mécanismes peuvent être à l’origine de l’hyperactivation de la voie EGF-R dans les tumeurs : surexpression du récepteur lui-même, surexpression des ligands, mutations activatrices de EGF-R. Les effets de l’activation de la voie EGF-R dans les cellules tumorales sont multiples et convergent vers une augmentation de la croissance cellulaire, en favorisant la prolifération et en diminuant les mécanismes d’apoptose ou mort cellulaire programmée, mais aussi vers une stimulation de l’angiogenèse et les processus d’invasion tumorale. La meilleure connaissance des mécanismes de cancérogenèse liée à l’EGF-R a conduit au développement de molécules ciblant cette voie.
Développement des molécules ciblant EGF-R Différentes stratégies moléculaires peuvent être mises en œuvre pour bloquer les fonctions d’EGF-R afin d’inhiber la progression tumorale : neutralisation par un anticorps antiEGF-R, inhibition pharmacologique de l’activité tyrosine kinase du récepteur par des petites molécules administrées par voie orale (inhibiteurs de tyrosine kinase), couplage d’une toxine à l’EGF afin d’entraîner la destruction des cellules exprimant le récepteur. Actuellement les données les plus abouties concernent les deux premières stratégies. Anticorps anti-EGF-R Les anticorps anti-EGF-R agissent par liaison spécifique au domaine extracellulaire de l’EGF-R, indépendamment de la phosphorylation du récepteur, entraînant alors l’internalisation et l’inactivation du complexe récepteur-anticorps sans activation des voies de transduction en aval [48]. Actuellement, quatre anticorps sont en cours de développement clinique dont le cetuximab. Tous les anticorps ont fait preuve de leurs activités biologiques in vitro et in vivo. L’existence de synergies entre ces derniers et les traitements anticancéreux traditionnels de chimiothérapie ou de radiothérapie a également été établie [49]. La dose optimale recommandée pour le cetuximab semble
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Figure 1.
combiner une dose de charge de 400 mg/m 2 , suivie d’une administration hebdomadaire de 250 mg/m2 [50]. Inhibiteurs des tyrosines kinases Ces molécules agissent en se liant à la poche ATP du domaine intracellulaire de l’EGF-R, inhibant alors l’activité de phosphorylation. On distingue des inhibiteurs réversibles et irréversibles, dont le développement est actuellement plus précoce [51]. Le principal avantage de ces agents, en dehors de leur potentiel d’activité thérapeutique, consiste en la réduction des effets indésirables induits qui se résument principalement à des problèmes cutanés (rash acnéiforme réversible) et des effets indésirables digestifs modérés pour les inhibiteurs des kinases administrés par voie orale.
EGF-R et stratégie thérapeutique
Tableau 3. Résultats des essais du cetuximab en monothérapie ou association cetuximab – chimiothérapie. Taux de réponse Traitement Cetuximab monothérapie
[52]
Cetuximab + Platine (phase II) [52] Géfitinib monothérapie
[53]
n
RC + RP (%)
RC + RP + MS (%)
103
13
46
96
10
53
52
10,6
43
Cetuximab + Platine (phase II) [54]
79
10
56
Cetuximab + Platine (phase III) [55]
117
26,5
SG ns
Stratégie en phase métastatique et/ou récidive locorégionale Le cetuximab en monothérapie montre un taux de réponse de 13 % et de stabilisation de la maladie de 46 % [52]. Les résultats des différents essais sont rapportés dans le Tableau 3. De la même façon, la prise orale d’erlotinib a montré 5,6 % de réponses [56] et 10 % de réponses chez les mêmes sujets traités par géfitinib à la dose de 500 mg [53]. Associé à une chimiothérapie, le cetuximab a apporté la preuve de son efficacité dans deux essais de phase II [54]. Un essai faisait la distinction des tumeurs de la cavité orale qui représentaient environ 30 % des tumeurs ; cependant aucune distinction n’était prise en compte concernant la réponse tumorale. On notait un taux de réponse d’environ 10 % et un taux de stabilisation de la maladie d’environ 50 %. Un essai de phase III a randomisé les patients en deux groupes, cisplatine avec ou sans cetuximab (20 % des patients avaient une tumeur de la cavité orale) ; celui-ci a montré que le taux de réponse est supérieur dans le bras cetuximab (26 versus 9,8 %) cependant, ni la survie sans progression, ni la survie globale n’étaient significativement améliorées [55]. Une phase I/II a étudié la faisabilité de l’association d’une polychimiothérapie et du cetuximab, celle-ci n’entraînait pas de toxicité supplémentaire majeure [57]. Enfin, un essai combinant l’association docétaxel-cisplatine associée à l’erlotinib retrouvait un taux de réponse de 66 %, la toxicité digestive et cutanée n’étant que modérément augmentée. Il n’existe donc à ce jour aucune preuve significative de supériorité de l’association chimiothérapie-cetuximab en première ligne métastatique.
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Voie de signalisation EGF-R.
SSP ns Étude EXTREME (en cours)
450
RC : réponse complète ; RP : réponse partielle ; MS : maladie stable ; SG : survie globale ; SSP : survie sans progression.
Association radiothérapie et traitement anti-EGF-R Une évaluation rétrospective de l’expression de l’EGF-R dans 165 tumeurs de la cavité orale chez des patients traités par chirurgie puis radiothérapie postopératoire retrouvait en analyse multivariée une relation négative significative entre le contrôle locorégional à 3 ans et l’expression de l’EGF-R (69 versus 94 % de contrôle) [58]. Une autre approche, remplaçant la chimiothérapie concomitante à base de cisplatine par le cetuximab a été publiée récemment [27]. Il apparaît, et ce de façon significative, que cette association améliore le taux de contrôle locorégional et la survie globale à 3 ans, sans différence en termes de progression métastatique. Il est important de noter que l’amélioration du contrôle tumoral se fait sans augmentation de la toxicité aiguë muqueuse. Cette association constitue donc une alternative crédible lorsque l’âge, l’état général ou les antécédents contreindiquent la chimiothérapie concomitante. Plusieurs essais sont en cours actuellement qui tentent de définir la place des différentes stratégies anti-EGF-R en association avec la radiothérapie et la chimiothérapie. Stomatologie
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Restauration de la fonction p53 par une approche de thérapie génique La protéine p53 a un rôle bien identifié dans l’apoptose cellulaire et est impliquée dans la résistance aux traitements de chimiothérapie en cas de mutation ou de dysfonctionnement. Chez les patients présentant un cancer des VADS, sa mutation a été observée dans 37 % des tumeurs [59]. Il a été également montré que les tumeurs porteuses d’une p53 non mutée ont une meilleure réponse à la chimiothérapie néoadjuvante et une meilleure survie que les tumeurs avec p53 mutée. Connaissant l’impact de sa fonction, une stratégie de thérapie génique pour rétablir un gène p53 fonctionnel dans les cellules mutées apparaît séduisante. L’injection intratumorale de l’onyx-015 (couplage d’un gène p53 sauvage avec un adénovirus) a été réalisée chez 22 patients présentant une récidive locorégionale [60]. Le rétablissement de l’expression de p53 en immunohistochimie a démontré l’activité théorique du procédé. L’évaluation de l’activité par imagerie par résonance magnétique a mis en évidence dans environ 20 % des cas le développement d’une nécrose sur plus de la moitié de la surface tumorale. Cette approche restera limitée dans son utilisation par la nécessité d’accéder à l’ensemble du volume tumoral pour obtenir un traitement efficace.
Action sur l’angiogenèse tumorale L’action ciblée sur la néo-angiogenèse des cancers des VADS est une autre piste d’exploration thérapeutique. Le facteur de croissance vasculoendothélial (VEGF) surexprimé dans certains cancers des VADS peut être inhibé par différentes stratégies thérapeutiques mais aucun essai de grande ampleur n’est en cours actuellement.
Chimioprévention La chimioprévention correspond à l’utilisation d’agents naturels ou synthétiques dans le but de prévenir, de supprimer ou d’inverser la progression carcinogénique vers le stade invasif du cancer. La vitamine A et ses analogues (les rétinoïdes) sont des modulateurs de la différenciation et de la prolifération cellulaire épithéliale. Il a été démontré que les rétinoïdes agissent comme des facteurs de transcription activés par leur ligand et que l’expression d’un de ces récepteurs, le récepteur RARb, est supprimée dans les stades précoces de la carcinogenèse des VADS (lésions prémalignes de la cavité orale et du tissu dysplasique adjacent aux tumeurs). L’expression de ce récepteur peut être rétablie grâce à l’administration d’acide 13-cisrétinoïque. Ces résultats ont été confirmés dans des études in vivo [61]. De nombreux essais cliniques développés en chimioprévention secondaire (patients avec des lésions précancéreuses) et chimioprévention tertiaire (patients avec une histoire de cancer des VADS) sont positifs et ont permis de valider l’approche de la chimioprévention [62, 63]. Les patients traités pour un cancer des voies VADS ont un risque de développer un second cancer de l’ordre de 4 à 6 % par an. La première étude de chimioprévention tertiaire fut celle de Hong en 1990 [62] . L’incidence des seconds cancers était de 4 % contre 24 % à 32 mois, et de 14 % versus 31 % à 54 mois, pour le bras rétinoïde et le bras placebo respectivement. La toxicité au traitement était considérable. L’essai coopératif français ayant testé l’emploi de l’étrétinate a confirmé la forte incidence des seconds cancers dans une population de 322 patients préalablement traités pour un cancer de la cavité orale ou de l’oropharynx, mais n’a pas montré d’efficacité pour le traitement chimiopréventif (24 % de seconds cancers dans le groupe placebo contre 38 % dans le groupe étrétinate à 41 mois) [64]. Un autre essai ayant porté sur 1550 patients s’est avéré également négatif [65]. Les données à l’heure actuelle sont limitées, de nouveaux essais permettront peut-être dans l’avenir de progresser dans la chimioprévention des cancers de la cavité buccale. Stomatologie
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Thérapies ciblées
La surexpression d’EGR-R par la cellule tumorale est un mécanisme très précoce. Il existe deux grandes stratégies de blocage d’EGF-R : les anticorps monoclonaux et les inhibiteurs de tyrosine kinase. L’association de l’anticorps anti-EGF-R (cetuximab) avec la radiothérapie est prometteuse.
■ Traitement des lymphomes de la cavité orale Les tumeurs non carcinomateuses de la cavité buccale sont rares et relèvent principalement d’un traitement chirurgical, en particulier quand elles sont localisées. Les lymphomes non hodgkiniens occupent une place à part compte tenu de leur particularité de survenue chez des patients immunodéprimés et de leur traitement médical par chimiothérapie.
Situation du problème Les lymphomes primitifs de la cavité orale sont rares, représentant moins de 10 % des lymphomes primitifs de la tête et du cou et moins de 5 % de l’ensemble des tumeurs buccales non carcinomateuses. Ils infiltrent préférentiellement les joues, les gencives et le palais. L’atteinte de la langue et des lèvres est plus rare. L’atteinte tumorale uni- ou bilatérale, parfois ulcérée ou nécrotique, peut être douloureuse et mime alors une atteinte carcinomateuse. Les lymphomes primitifs de la cavité orale sont 100 fois plus fréquents chez le patient infecté par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). La lymphomogenèse implique l’état d’immunodépression, les virus d’Epstein-Barr (EBV) et herpès 8 (HHV-8) ainsi que les mutations oncogéniques notamment de c-myc. Il s’agit de lymphomes de phénotype B (CD20 positif) dont plus de 50 % de lymphomes B diffus à grandes cellules. D’autres types histologiques peuvent se rencontrer : lymphomes folliculaires ou lymphomes à différenciation lymphoplasmocytaire. Le lymphome « plasmoblastique » de la cavité orale, variante rare de lymphome B à grandes cellules, est une entité récemment décrite [66]. Il siège de façon quasi exclusive au niveau de la cavité buccale. Il survient vers 40 ans et touche une population jeune comparativement aux lymphomes de l’immunocompétent révélés entre 50 et 60 ans. Il est fortement associé à l’EBV et parfois à l’HHV-8. Il est plus fréquent et plus agressif chez le patient infecté par le VIH. L’aspect histologique du lymphome « plasmoblastique » est celui d’un lymphome immunoblastique avec différenciation plasmocytaire. Les cellules tumorales n’expriment pas l’antigène commun leucocytaire (CD45) ni le marqueur B (CD20), ce qui peut rendre difficile le diagnostic ; elles expriment les marqueurs plasmocytaires comme le CD138. De 50 à 80 % des cellules tumorales sont infectées par l’EBV. L’index de prolifération est élevé avec plus de 80 % des cellules tumorales marquées par l’anticorps Ki67 (marqueur de prolifération). Le diagnostic différentiel se fait avec le plasmocytome, les lymphomes B diffus à grandes cellules et les lésions bénignes [66].
Séquence thérapeutique Les lymphomes de la cavité orale représentent de faibles effectifs qui n’ont pas permis de réaliser des protocoles d’essais thérapeutiques spécifiques ni de dégager de traitements standards. Les études publiées intéressent les lymphomes extraganglionnaires de la sphère ORL qui intègrent les lymphomes de la cavité orale [67] ou de petites séries de lymphomes de la cavité orale. Elles sont donc d’interprétation difficile en raison de l’hétérogénéité des patients ou de leur caractère monocentrique.
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Les lymphomes B à grandes cellules agressifs bénéficient de protocoles thérapeutiques qui stratifient la prise en charge sur le type histologique et l’index pronostique international ajusté à l’âge (aaIPI). Dans deux tiers des cas il s’agit de formes localisées dans la classification d’Ann Arbor. Les formes plus évoluées (stades IIE IIIE) associées à un aaIPI élevé ont un pronostic plus défavorable. Les formes localisées des lymphomes B diffus à grandes cellules sont traitées par chimiothérapies séquentielles à base d’anthracyclines de type CHOP (doxorubicine 50 mg/m2 j1, cyclophosphamide 750 mg/m2 j1, vincristine 1,4 mg/m2 j1 et prednisone 40 mg/m2 j1-j5). L’utilisation de l’anticorps monoclonal anti-CD20 (Rituximab 375 mg/m2) permet de gommer l’effet défavorable de l’expression de la molécule antiapoptotique Bcl-2 exprimée par les cellules tumorales des lymphomes non hodgkiniens agressifs [68]. La toxicité de la chimiothérapie semble moindre que l’association chimiothérapie-radiothérapie. Les formes plus avancées bénéficient de traitements plus intensifs selon les protocoles en vigueur avec possibilité d’intensification thérapeutique et soutien autologue de cellules souches hématopoïétiques (autogreffe). Les résultats restent décevants malgré une bonne réponse initiale au traitement et seuls les stades localisés permettent d’espérer une survie prolongée [69]. Les lymphomes indolents sont traités par chimiothérapie orale à base de cyclophosphamide ou de chlorambucil ou de chimiothérapies séquentielles avec anthracyclines dans les formes locorégionales. L’utilisation de la fludarabine et des anticorps monoclonaux présente un intérêt dans ces formes de faible agressivité. La radiothérapie exclusive peut être proposée dans les formes localisées (stade IE). Les doses recommandées en radiothérapie conformationnelle sont de 40 Gy en fractionnement classique (1,8 à 2 Gy) par séance, 5 séances par semaine. Ces formes indolentes exposent au risque de rechute et de transformation en lymphomes plus agressifs. Les chimiothérapies séquentielles chez le patient infecté par le VIH répondeur aux traitements antirétroviraux ont permis d’améliorer le taux de réponse et la survie. La prise en charge des lymphomes « plasmoblastiques » associe l’optimisation du traitement antirétroviral à une chimiothérapie séquentielle (type CHOP). Les résultats sont décevants avec une médiane de survie basse notamment dans les formes localement avancées [70, 71].
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Expression craniofaciale des ostéo-chondro-dysplasies de l’enfant M. Stricker, J. Vigneron Les ostéo-chondro-dysplasies de l’enfant, outre l’insuffisance staturale fréquente, peuvent s’accompagner d’une dysmorphie craniofaciale qui permet d’orienter le diagnostic. Il convient donc d’évaluer correctement une dysmorphie et de connaître ses conséquences à la fois sur le plan fonctionnel et esthétique. Le bilan radiologique permet de préciser le diagnostic et le degré d’atteinte du patient. Les possibilités thérapeutiques sont plus souvent chirurgicales que médicales. Parallèlement, les progrès de la biologie moléculaire ont permis l’identification de nombreux gènes, ce qui ouvre de nouvelles perspectives, tant dans la compréhension du mécanisme de la croissance osseuse que dans la précision du diagnostic, et permet une prise en charge multidisciplinaire adaptée. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ostéochondrodysplasie ; Génétique ; Biologie moléculaire ; Biphosphonates ; Dysostoses craniofaciales
Plan ¶ Introduction
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¶ Les fondamentaux Structure osseuse Ossification Remodelage osseux
1 1 2 2
¶ Interrogations Rôle de l’organe dentaire Qu’est-ce qu’une dysplasie ?
2 2 2
¶ Expression craniofaciale : dysmorphies Évaluation postnatale Notion de séquence En période anténatale
2 2 3 3
¶ Étiologies Chondrodysplasies avec micromélie Chondrodysplasies avec troubles de la minéralisation Chondrodysplasies avec atteinte des extrémités Ostéo-chondro-dysplasies avec développement anarchique fibreux de la trame osseuse
4 4 7 9 10
¶ Options thérapeutiques Traitements médicaux Traitement chirurgical Soutien psychologique Thérapie génétique
11 11 12 12 12
■ Introduction Les ostéo-chondro-dysplasies constituent un groupe de maladies constitutionnelles responsables de troubles du développement et de la croissance de l’os et/ou du cartilage. Nous envisageons les formes compatibles avec la vie et s’accompagnant d’une dysmorphie qui peut s’exprimer soit en période néonatale, soit dans l’enfance ou à l’âge adulte. Nous abordons aussi les manifestations pouvant se rencontrer en période anténatale, accessibles à l’échographie ou à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Stomatologie
« Tout artisan est tenu de savoir ou de connaître le sujet sur lequel il travaille ». L’aphorisme d’Henri de Mondeville est plus que jamais d’actualité ; la morphogenèse, la structure et l’évolution du squelette sont, bien évidemment, le premier terme de l’étude. Mais traiter des aspects craniofaciaux des ostéo-chondro-dysplasies de l’enfant impose de s’interroger : • sur la signification du terme dysplasie ; • sur la limitation du sujet, place des dysostoses et de l’organe dentaire ; • sur la méthodologie à adopter dans la présentation, en donnant la primauté : C soit aux différentes dysplasies, ordonnées en une classification, pour en envisager les aspects craniofaciaux au fil du catalogue ; C soit à la dysmorphie craniofaciale dans une démarche clinique et diagnostique, argumentaire pour rattacher les types d’expression craniofaciale à une modalité particulière de dysplasie squelettique.
■ Les fondamentaux Structure osseuse L’os est composé d’une trame organique sur laquelle se fixent des cristaux d’hydroxyapatite. Les ostéoblastes synthétisent les composantes de la trame : • le collagène de type I, organisé en trois chaînes, une a1 et deux a2, constitue la structure fibrillaire du tissu osseux. Le gène codant a1 est situé sur le chromosome 17, celui codant a2 est situé sur le chromosome 7 ; • le transforming growth factor b (TGFb) guide la différenciation, le développement et la croissance du système squelettique FGFR1 et 2 → croissance membraneuse, FGFR3 → enchondrale et membraneuse. La structure du cartilage est sensiblement différente. Le collagène est de type II, rencontré également dans le disque intervertébral ; il est constitué de trois chaînes a1 dont le gène codant est situé sur le chromosome 12. L’insuline-like growth factor 1 (IGF1), identique à la somatomédine C, joue un rôle dans la croissance et le remodelage osseux,
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exemple de l’assurance multiple, c’est-à-dire de la mise en cause d’agents différents (IGF1, BMP, transforming growth factor b, protéines de la matrice osseuse) dans les processus de croissance, de remodelage et de régénération (les BMP sont membres de la famille des TGF b).
Ossification Le squelette céphalique, craniofacial, ne fait pas exception et relève d’une origine unique, le mésenchyme, mais selon deux modalités morphogénétiques : • directe membraneuse ; • indirecte par transition cartilagineuse. La cellule souche, mésenchymateuse, subit une différenciation [1] : • fibreuse pour devenir fibroblaste ; • cartilagineuse pour devenir chondroblaste ; • osseuse pour devenir squelettoblaste, lequel est susceptible à son tour de se différencier en ostéoblaste, futur ostéocyte, mais aussi en cémentoblaste, futur cémentocyte, voire en chondroblaste secondaire, impliqué dans la réparation des fractures. Il apparaît que cette différenciation, sous contrôle hormonal (somatomédine), subit également l’influence du milieu, en l’occurrence la teneur en oxygène dont la raréfaction orienterait la cellule vers une destinée cartilagineuse.
Remodelage osseux Contrairement aux apparences, l’os est un tissu évolutif en perpétuel remaniement, au fil d’un équilibre entre deux processus, la résorption ostéoclastique et la production ostéoblastique. La dynamique de l’os (turnover des Anglo-Saxons) répond aux besoins et adapte la pièce osseuse à ses contraintes. Cette activité de remodelage osseux varie au cours du nycthémère, prédominant pendant la période nocturne. C’est pourquoi le port des appareils orthopédiques agissant sur le squelette craniofacial est privilégié pendant la nuit. L’équilibre résorption-reconstruction se maintient jusqu’à la cinquantaine, période de début de l’ostéoporose. De multiples paramètres interfèrent sur les différentes phases de remodelage. L’os est donc concerné par les maladies métaboliques, victime le plus souvent d’un trouble de la minéralisation, en l’occurrence une insuffisance de la charge calcique de la trame protéique. Le squelette est une cible à tous les stades de différenciation, de maturation et de croissance pour un grand nombre de gènes identifiés comme intervenant sur les protéines de structure, les récepteurs de croissance fibroblastiques, les enzymes ou les facteurs de transcription. Comme l’ont montré Cormier-Daire et Munnich [2], un même gène peut déclencher des phénotypes différents, mais un phénotype peut correspondre à des mutations sur des gènes différents. Les auteurs insistent, à juste titre, sur la primauté de la clinique et de la radiologie dans le diagnostic, la biologie moléculaire intervenant à titre de confirmation [3].
■ Interrogations Rôle de l’organe dentaire L’organe dentaire revendique, au sein du squelette craniofacial, une place justifiée : • par son origine ; • par les caractères anatomiques de sa relation avec le squelette, en l’occurrence l’os alvéolaire des maxillaires. Certes la dent est duale, mi squelettique, mi phanère, mais elle n’est pas le simple clou implanté dans les maxillaires comme le terme gomphose (du grec : clou), qualifiant sa relation avec l’arcade alvéolaire, le laisserait supposer. L’articulation dento-osseuse comporte un appareil ligamentaire
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parfaitement individualisé ; surtout, l’os alvéolaire, au maxillaire et à la mandibule, est tributaire de l’organe dentaire ; il vit et meurt avec la dent. L’organe dentaire est impliqué dans nombre de formes d’ostéodysplasies.
Qu’est-ce qu’une dysplasie ? Une dysplasie est le développement anormal d’un tissu ou d’un organe entraînant une difformité. L’exemple donné de dysplasie par dystrophie au niveau de l’organe dentaire s’avère peu satisfaisant ; en effet, la dystrophie se conçoit (Robert) également comme une anomalie de développement, à cela près que l’origine en est acquise, nutritionnelle, alors que la dysplasie est considérée comme d’obédience malformative. Toute dysplasie est responsable d’une dysmorphie, modification de la morphologie par altération du support squelettique osseux ou cartilagineux mais également des parties molles, impliquées directement par l’étiologie de la dysplasie ou indirectement par le retentissement au sein d’un sous-ensemble morphogénétique, plus particulièrement le muscle dont on sait l’étroite intrication avec le squelette. De fait, la dysfonction est le partenaire habituel de la modification de la forme. Qu’en est-il alors de la dysostose ou de la dyschondrose, altération intrinsèque de la pièce osseuse ou cartilagineuse, laquelle est frappée d’incompétence à bénéficier de l’incitation de développement et de croissance ? La classification internationale des désordres constitutionnels de l’os, émise en 1998 et consignée dans l’American Journal of Medical Genetics de 2002 [4], inclut les dysostoses craniofaciales dans les maladies constitutionnelles du squelette, en raison de leur interrelation, mais les distingue des ostéo-chondrodysplasies selon un critère d’évolution et de moment : • la dysostose est plutôt limitée, statique et de survenue précoce dans les 8 premières semaines ; • l’ostéo-chondro-dysplasie est plus diffuse et évolutive et de survenue plus tardive. Par ailleurs, seules ont été prises en compte les dysostoses à locus chromosomique identifié. À notre sens, il paraît arbitraire de faire un distinguo entre dysostose et dysplasie ; toute dysostose procède, soit d’une dysplasie, soit d’une dystrophie elle-même dysplasiante et, de ce fait, les dysostoses craniofaciales font partie intégrante des ostéo-chondro-dysplasies ; cependant, il n’est pas envisageable de les traiter dans le cadre qui nous est imparti.
■ Expression craniofaciale : dysmorphies La dysmorphie faciale peut s’avérer caractéristique, évocatrice ou absente ; les aspects les plus significatifs correspondent aux dysmorphies des dysostoses craniofaciales dont l’appartenance aux dysplasies, nous l’avons dit, est contestée. La description clinique et les radiographies du squelette restent la base du diagnostic. Nous envisageons successivement : • les modalités d’évaluation d’une dysmorphie ; • les séquences malformatives ; • l’expression craniofaciale de ces ostéo-chondro-dysplasies.
Évaluation postnatale L’étroite intrication et la correspondance topographique entre territoires cérébraux et faciaux sont à l’origine de la formulation de De Myer [5] « Face predicts the brain », c’est-à-dire que la morphologie faciale est un indicateur de l’état cérébral. Une dysmorphie faciale peut-elle être un prédicat du squelette : « Face predicts the bone ? » Certes, mais à un moindre degré. Cette évaluation de la dysmorphie doit s’intégrer aux autres informations : examen clinique complet, y compris des extrémités, taille du patient et des apparentés, bilan radiologique du squelette, enquête familiale, notion de consanguinité, examen des parents [6]. Il faut aussi tenir compte des ressemblances familiales et de la variabilité phénotypique [7]. Stomatologie
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Figure 1.
Séquence de Robin : nourrisson.
Dans tous les cas, l’examen doit être systématique sur un enfant entièrement déshabillé, pour une inspection détaillée, avant toute palpation, puis mensuration. Il comprend : • l’examen du crâne dans sa forme et ses dimensions (brachyou dolichocéphalie, micro- ou macrocéphalie) ; la recherche d’une anomalie localisée des os crâniens, telle qu’une hyperostose, ne doit pas être négligée ; • l’aspect général de la face, allongée, étroite, triangulaire ou bien ramassée, voire ballonnée, définit un faciès au sein duquel les parties molles accompagnent le squelette et au premier chef le muscle, complice de l’os, dans la constitution de poutres composites. On conçoit ainsi que des auteurs russes aient reconstruit des crânes à partir des insertions musculaires. Toutefois, les désordres métaboliques d’origine génétique sortent du cadre de cette étude, en raison de la participation prépondérante des parties molles ; • l’examen détaillé de la face sur les trois étages classiquement définis par l’anthropologie, l’anatomie et l’orthodontie, étages étudiés de face et de profil : C l’étage supérieur comprend le front et la ligne d’implantation des cheveux ; il est enrichi par les orbites et leurs annexes, paupières, cils et sourcils, ainsi que par la présence des globes oculaires. La région sus-orbitaire est très importante dans les pathologies osseuses. La mesure de l’écart intercanthal et de la distance interpupillaire permet de préciser certaines anomalies [8] ; C l’étage moyen comprend le nez, le philtrum, la bouche et les oreilles. La dépression de la racine du nez, physiologique chez les enfants de moins de 1 an, peut témoigner d’une anomalie de maturation du squelette facial si elle persiste. À l’inverse, une racine du nez accentuée, avec aspect en bec de l’arête, peut évoquer des anomalies de soudure des sutures. La perméabilité des choanes doit toujours être vérifiée [8] ; C l’examen de la bouche comprend la cavité buccale, y compris la luette, dont la bifidité est un équivalent, en termes épidémiologiques, de fente palatine. L’examen des dents est particulièrement important dans le contexte des ostéo-chondro-dysplasies. L’examen des oreilles, indispensable dans le cadre de l’évaluation d’une dysmorphie, revêt moins d’importance dans le contexte des ostéo-chondro-dysplasies.
Notion de séquence L’association plus fréquente de certains signes peut constituer une séquence, facile à reconnaître. Dans le cadre des ostéochondro-dysplasies, deux entités sont souvent rencontrées.
Séquence ou triade de Pierre Robin Elle associe fente palatine, glossoptôse, micrognathie (Fig. 1). Elle est liée à l’hypoplasie mandibulaire [9]. Sa manifestation peut être discrète ou sévère (1/20 des fentes palatines). Dans ce cas, elle peut entraîner fausses routes ou incidents respiratoires Stomatologie
Figure 2. Séquence de Binder. A. Aspect de profil. B. Xéroradiographies : rétrusion basse, voméro-maxillo-nasale.
graves, nécessitant une prise en charge immédiate adaptée [10, Elle se rencontre dans plusieurs chondrodysplasies : dysplasie diastrophique, maladie de Kniest, et fréquemment dans le syndrome de Stickler ou arthro-ophtalmopathie progressive. En période néonatale, ce syndrome peut s’exprimer uniquement par une séquence de Pierre Robin, et être le seul signe détectable à la naissance [10, 11].
11].
Séquence de Binder ou dysplasie maxillonasale Il s’agit essentiellement d’une hypoplasie nasale cartilagineuse entraînant un aplatissement de l’étage moyen de la face. L’arête du nez est verticale, les narines sont petites, barrées d’un sillon vertical, le philtrum est oblique en haut et en avant, la lèvre supérieure est mince, une fente palatine peut y être associée (Fig. 2). Chez l’enfant plus grand, elle s’accompagne d’une malocclusion [12]. Ce tableau se rencontre soit dans le cadre d’une dysostose maxillonasale isolée, survenant de façon sporadique, soit dans le cadre des chondrodysplasies ponctuées. L’aspect caractéristique de cette séquence permet de l’évoquer en période anténatale et de rechercher aussi les signes associés, pouvant aboutir au diagnostic étiologique. Dans ce contexte, les chondrodysplasies ponctuées, que nous abordons dans cet article (cf. infra), doivent être évoquées en premier lieu. Le terme d’hyporhinie est plus exact que celui de Binder, lequel répond à la forme basse, mésenchymateuse de l’hyporhinie, alors que la forme haute correspond à une dyschondrose.
En période anténatale L’évaluation d’une dysmorphie est difficile et partielle, tous les éléments du visage ne pouvant être appréciés en détail in utero. D’autre part, la prudence est indispensable. Actuellement, les progrès de l’échographie (standard, 3D) et de l’IRM permettent de repérer certaines anomalies de la
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La transmission est autosomique dominante. La plupart du temps, il s’agit d’une mutation survenue de novo, 90 % des patients atteints naissant de parents sains. Le diagnostic moléculaire est possible puisque le gène responsable, FGFR3, a été localisé, en 1994, dans la région 4p16 [14]. Ce gène code un récepteur de croissance fibroblastique exprimé dans le cartilage de croissance. La mutation résulte de la substitution d’une glycine par une arginine au codon 380 : Gly380Arg [2]. Il s’agit d’une mutation très majoritaire (99 % des cas).
Hypochondroplasie (Fig. 5) C’est une affection proche de l’achondroplasie mais le déficit statural est moins sévère. La dysmorphie est moins nette et se limite à une macrocéphalie. Les signes radiologiques sont également atténués [15] . La transmission est autosomique dominante, due à une mutation du gène FGFR3 au codon 540 : N540K [2, 16]. Dans ce contexte, on retrouve souvent l’un des deux parents atteints.
Chondrodysplasies ponctuées
Figure 3. Période anténatale, aspect échographique. A. Séquence de Robin ; aspect à 25 semaines d’aménorrhée (SA) (cas dû à l’obligeance du docteur Ragage). B. Séquence de Binder (cas dû à l’obligeance du docteur Droullé).
morphologie fœtale. Toutefois, c’est rarement à partir d’éléments dysmorphiques de la face fœtale qu’une ostéo-chondrodysplasie est évoquée. Deux circonstances sont plus souvent rencontrées : la séquence de Pierre Robin (Fig. 3A), qui s’accompagne d’un signe indirect de valeur, l’hydramnios, et la séquence de Binder, repérée sur le profil fœtal (Fig. 3B). Une macrocrânie, un front bombant, une ensellure nasale accentuée sont repérables également. La biométrie analyse certaines mensurations, en particulier la distance interorbitaire qui peut être rapportée au diamètre bipariétal. Ensuite, il convient de rechercher des signes associés pour orienter la démarche étiologique et argumenter un diagnostic moléculaire en raison de ses implications. Durant cette période, la prudence reste de mise.
■ Étiologies Chondrodysplasies avec micromélie Achondroplasie C’est la plus fréquente des chondrodysplasies. Elle s’accompagne de malformations craniofaciales caractéristiques. Dès la naissance, le crâne est volumineux, ce qui peut entraîner des difficultés obstétricales. Cette macrocrânie, avec brachycéphalie et saillie des bosses frontales, s’accompagne d’une augmentation de l’ensellure nasale, d’une racine du nez aplatie (Fig. 4A, B). Il peut exister une dilatation ventriculaire. Le pronostic est lié à l’insuffisance staturale sévère ; dans les formes graves, une hydrocéphalie [13], un rétrécissement du trou occipital et des troubles médullaires peuvent se rencontrer (Fig. 4C). L’aspect radiologique est caractéristique (Fig. 4D à F) : brièveté des os longs avec métaphyses élargies, toits des cotyles horizontaux, brièveté des pédicules vertébraux avec aspect en « diabolo ».
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Elles doivent leur nom à la reconnaissance de calcifications radiologiquement visibles, à la naissance, sur les pièces osseuses d’origine enchondrale ou au voisinage des zones périarticulaires (Fig. 6). Il s’agit d’un groupe très hétérogène avec des formes de gravité et de transmission très variables. Le mode de transmission varie suivant la forme clinique. Outre la micromélie rhizomélique, il existe une séquence de Binder (Fig. 6A, B), avec un nez particulièrement petit, qui peut être repérée dès la période anténatale. Les anomalies sont plus ou moins sévères et s’atténuent avec la croissance [8]. Certaines formes, plus graves, sont associées à une cataracte, à des anomalies cutanées ou à des malformations cardiaques. La forme brachytéléphalangique est bien individualisée. Le pronostic statural et le développement mental sont excellents (Fig. 6C). Il est important de pratiquer un bilan radiologique du squelette complet à la naissance, les calcifications disparaissant au cours de la croissance, ce qui rend le diagnostic rétrospectif difficile. Les calcifications, souvent minimes, sont retrouvées au niveau du rachis, du torse, des genoux, des hanches. La phalange terminale des doigts est petite, de forme triangulaire (Fig. 6D) [17]. Cette forme, de transmission récessive liée au sexe, est causée par une mutation ou une délétion du gène arylsulfatase ARSE localisé en Xp22.3 [2, 18]. Dans ce contexte, il faut évoquer la possibilité de chondrodysplasies ponctuées d’origine acquise dans le cadre du syndrome d’alcoolisme fœtal, de la prise d’anticoagulants (warfarine), de pathologies auto-immunes (lupus érythémateux aigu disséminé [LEAD], etc.), ou d’état de dénutrition majeure. Le tableau clinique, en particulier la dysmorphie faciale, est tout à fait proche de la forme brachytéléphalangique. Curieusement, la dysmorphie faciale est plus atténuée dans les formes sévères de chondrodysplasies ponctuées type Conradi-Hünermann, associée à une cataracte et à une ichtyose. Il s’agit d’une forme dominante liée au sexe.
Syndrome de Stickler ou arthro-ophtalmopathie héréditaire progressive Décrit en 1965, ce syndrome représente la dysplasie du tissu conjonctif la plus fréquente. L’expression clinique et l’âge de survenue sont variables [19]. En période néonatale, ce syndrome peut se présenter uniquement comme une séquence de Pierre Robin ; le quart des séquences de Pierre Robin sont des syndromes de Stickler (fente palatine : 25 % cas). La face est plate du fait de l’hypoplasie des os de la face (Fig. 7A, B) ; les yeux sont souvent globuleux, réalisant une pseudo-exophtalmie (Fig. 7C). Cette séquence, avec ou sans hydramnios, peut s’exprimer en période anténatale et faire évoquer ce diagnostic. Une enquête familiale détaillée est indispensable pour le confirmer et prévoir la surveillance ultérieure en raison du risque de myopie sévère compliquée d’un glaucome et d’un décollement de rétine Stomatologie
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Figure 4. Achondroplasie. A, B. Dysmorphie typique associant macrocrânie et rétrusion nasale haute. C. Achondroplasie compliquée d’une hydrocéphalie. D à F. Aspect radiologique : macrocrânie ; aspect trapu des os longs ; vertèbres en « diabolo ».
Sur le plan moléculaire, il existe une grande hétérogénéité génétique. Des mutations au sein des gènes du collagène, liées à une anomalie du collagène de type II, ont été identifiées COL2A1, COL11A1 et COL11A2 [21] . Le phénotype le plus classique est lié à des mutations au sein de COL2A1 (75 %). En raison de la grande taille de ces gènes, l’étude moléculaire ne peut être réalisée en routine [2, 22, 23].
Syndrome de Marshall Il diffère du syndrome de Stickler par la présence de signes faciaux beaucoup plus sévères et persistants : aplatissement de l’étage moyen du visage, épicanthus, philtrum long. Il s’agirait d’une forme allélique du précédent (COL11A1) [24].
Dysplasie diastrophique Figure 5.
Hypochondroplasie.
pouvant aboutir à la cécité [20] (Fig. 7D). Une surdité est également fréquente. Le développement intellectuel est normal. Le déficit statural, inconstant, est rarement sévère [8]. La transmission se fait sur le mode autosomique dominant, avec expressivité intrafamiliale variable. Stomatologie
Elle associe séquence de Pierre Robin (Fig. 8), déficit statural sévère, anomalies du pavillon de l’oreille à type de kystes, anomalies de la mobilité des doigts avec pouces en adduction, pieds bots. La transmission est récessive autosomique. Sur le plan moléculaire, il s’agit de mutations homozygotes du gène diastrophic dysplasia sulfate transporter (DTDST), transporteur de sulfates particulièrement retrouvé dans le cartilage. Ce gène est localisé sur le chromosome 5 [25]. Il existe une large
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Figure 6. Chondrodysplasie ponctuée. A, B. Séquence de Binder. C, D. Brachytéléphalangie.
Figure 7. Syndrome de Stickler. A. Séquence de Robin. B. Rétrusion faciale globale. C. Protrusion oculaire : glaucome. D. Cécité.
variabilité de l’expression phénotypique en raison de nombreuses mutations du gène conduisant à des hétérozygotes composites [26].
Dysplasie de Kniest Elle associe une insuffisance staturale globale et une dysmorphie faciale peu sévère : face arrondie, aplasie de la racine du nez et parfois fente palatine (Fig. 9). Une myopie, une surdité associée sont fréquentes [27]. Les articulations sont augmentées de volume en raison d’un élargissement métaphysaire [10].
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La transmission est autosomique dominante, mais il s’agit le plus souvent d’une mutation survenue de novo, le sujet atteint naissant de parents sains. Sur le plan moléculaire, elle est liée à des anomalies de COL2A1 [23].
Syndrome de Robinow Très rare, il s’agit d’un nanisme mésomélique puisqu’il touche le segment moyen. Il est qualifié de « fœtal face syndrome » en Stomatologie
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gnent surtout la dentition définitive : retard d’éruption, germes surnuméraires empêchant la rhizalyse physiologique, dents incluses [30, 31] (Fig. 10C). Radiologiquement, il existe une insuffisance d’ossification portant essentiellement sur le crâne, les clavicules, le bassin (Fig. 10D). La transmission est autosomique dominante. Le gène a été identifié à partir de patients porteurs d’une translocation impliquant le chromosome 6. Ce gène, core binding factor asubunit 1 (CBFA1), localisé en 6p21, spécifique de la différenciation ostéoblastique, s’exprime très précocement lors de la condensation du mésenchyme [32]. Une prise en charge orthodontochirurgicale est nécessaire (ablation des dents surnuméraires) pour permettre aux dents définitives d’évoluer normalement. Figure 8.
Dysplasie diastrophique avec séquence de Robin.
Chondrodysplasies avec troubles de la minéralisation Transparence excessive du squelette : ostéogenèse imparfaite
Figure 9. Dysplasie de Kniest. A. Faciès plat. B. Nanisme avec lordose. C. Élargissement métaphysaire.
raison de la dysmorphie. Le nez est très court et le profil plat. Il est associé à de graves désordres de la segmentation vertébrale [28]. La transmission se fait le plus souvent sur le mode récessif autosomique [29].
Dysplasie cléidocrânienne Elle se caractérise par une brachycéphalie avec bosses frontales proéminentes séparées par un sillon métopique en raison du retard de fermeture des fontanelles. Il existe une petite taille et une aplasie ou une hypoplasie des clavicules ; celles-ci peuvent être fragmentées, entraînant une hyperlaxité de l’articulation de l’épaule, responsable de mouvements anormaux (Fig. 10A, B). Les anomalies de la dentition sont fréquentes ; elles atteiStomatologie
C’est une maladie rare (Fig. 11A, B). Elle associe une fragilité osseuse et une faible masse osseuse, réalisant un tableau d’ostéoporose congénitale. Sa sévérité est très variable, allant des formes létales aux formes frustes. Outre l’insuffisance staturale, les fractures de fréquence variable, fonction de la gravité, la dysmorphie faciale n’est pas très marquée. La teinte bleutée des sclérotiques, n’altérant en rien la vision, peut être présente dès la naissance ou apparaître progressivement. On note aussi une fontanelle large ainsi qu’une protrusion des globes oculaires [33]. Dans les formes bénignes, il n’y a pas de dysmorphie faciale. Une surdité est fréquente ; elle débute à l’adolescence. La dentinogenèse imparfaite existe dès l’éruption dentaire. Les dents lactéales présentent une abrasion plus rapide que la normale en raison de la fragilité de l’émail ; les couronnes sont de couleur ambrée, grise, et transparentes ou opalescentes [34]. Radiologiquement, les signes sont variables, fonction de la forme : transparence excessive du squelette, os déformés avec cals multiples et aspect en « bambou », voûte du crâne mal minéralisée, tassements vertébraux. La transmission est autosomique dominante dans 90 % des cas. Le plus souvent, il s’agit d’une mutation récente en relation avec l’âge paternel dans les cas sporadiques. Un mosaïcisme germinal explique les cas de récurrence dans les familles sans antécédent. L’étude moléculaire est complexe. L’ostéogenèse imparfaite est liée à des mutations pour un des gènes codant les chaînes a1 (chromosome 17) et a2 (chromosome 7) du collagène de type 1 (COL1A1, COL1A2), le plus abondant de l’organisme. Il s’agit de grands gènes difficiles à étudier [35]. L’existence de nombreuses mutations explique le rendement faible de l’étude moléculaire. Une prise en charge multidisciplinaire est nécessaire tout au long de la vie. Le traitement par les biphosphonates a montré ses effets bénéfiques, en particulier sur la douleur [36].
Maladies osseuses condensantes Ostéopétroses (Fig. 12) Il s’agit d’un groupe hétérogène d’ostéopathies héréditaires autosomiques qui ont en commun une condensation squelettique anormale généralisée due à un trouble de la résorption ostéoclastique. Plusieurs formes ont été individualisées en fonction du stade d’apparition et du degré de gravité. Nous retiendrons essentiellement l’ostéopétrose d’AlbersSchönberg (type II), qui est la forme tardive. La densité minérale osseuse est extrêmement élevée, en particulier à la base du crâne, ce qui peut entraîner des compressions nerveuses responsables de paralysie des paires crâniennes, surdité, troubles de la vision.
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Figure 10. Dysostose cléidocrânienne. A, B. Aspect clinique. C. Anomalies dentaires. D. Aspect radiologique de l’hypoplasie claviculaire.
Figure 11. Ostéogenèse imparfaite. A. Sclérotiques bleues. B. Fractures tibiales : cals et déformation angulaire du tibia.
L’ostéomyélite mandibulaire est la complication la plus fréquente. Les germes dentaires sont dystrophiques et ankylosés dans l’os très dense, favorisant la nécrose et l’infection [37]. Le mode de transmission est hétérogène, autosomique dominant dans la majorité des cas, quelquefois récessif autosomique [38]. L’anomalie génétique responsable a été récemment identifiée : il s’agit d’une mutation du gène codant le canal chlore 7 (CIC-7) impliqué dans l’acidification du compartiment de résorption par l’ostéoclaste. Le gène est localisé en 16p13.3 [2, 12]. Le traitement est symptomatique : soins dentaires appropriés, traitement à long terme par vitamine D, chirurgie de décompression. Pycnodysostose (Fig. 13A, B) Elle est caractérisée par un déficit statural variable, une déformation du crâne avec bosses frontales et occipitales
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saillantes, un retard de fermeture des sutures, une persistance de la fontanelle antérieure, même à l’âge adulte, une protrusion oculaire, un nez busqué, une fragilité osseuse, des extrémités courtes et massives [39]. La morphologie mandibulaire est très particulière, avec des branches montantes hypoplasiques, entraînant une dysharmonie dentomaxillaire et des malpositions dentaires. Les fractures sont moins fréquentes que dans l’ostéogenèse imparfaite [12]. La transmission est autosomique récessive. C’est une maladie lysosomale causée par des mutations du gène CTSK localisé sur le chromosome 1q21 codant la cathepsine K, qui est une protéase lysosomale à cystéine [40, 41]. Le pronostic est bon. Le traitement est symptomatique : prise en charge des fractures, soins dentaires, hormone de croissance dans certains cas [42]. Stomatologie
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Figure 12. Ostéopétrose. A. Aspect facial. B à D. Aspects radiologique et scanographique.
Figure 13. Pycnodysostose. A. Reconstruction en 3D. B. Aspect scanographique du frère.
Chondrodysplasies avec atteinte des extrémités Dysplasie tricho-rhino-phalangienne Décrite par Giedion, c’est une acrodysplasie qui associe une morphologie particulière du visage avec nez allongé à pointe bulbeuse, philtrum long et large, queue du sourcil et cheveux clairsemés, déformation des doigts. La taille est souvent inférieure à la moyenne [43] (Fig. 14A, D). Stomatologie
Radiologiquement, on rencontre des images caractéristiques d’épiphyses en « cône » au niveau des mains et des pieds. Cette dysostose périphérique est plus ou moins sévère [15]. Il en existe deux types qui sont des variants de la même entité. De transmission autosomique dominante, ces deux formes sont liées à des mutations du gène TPRS1 (facteur de transcription à doigt de zinc) localisé en 8q24.12 [43, 44].
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Figure 14. Syndrome tricho-rhino-phalangien. A, B. Aspect craniofacial. C. Dysmorphie nasale du père. D. Épiphyses en « cône ».
Ostéodysplasies fronto-oto-palato-digitales Autrefois décrites séparément, il s’agit d’un ensemble de trois pathologies regroupées actuellement sous le nom de filaminopathies en raison de la même origine moléculaire. • Le syndrome de Melnick-Needles associe une dysmorphie faciale et une dysplasie squelettique. Le visage est caractéristique : front large et proéminent, saillie supraorbitaire, globes oculaires saillants, aspect joufflu, micrognathie marquée, malalignement dentaire, sclérose de la base du crâne [12, 15]. • Les syndromes oto-palato-digitaux 1 et 2 associent une séquence de Pierre Robin très sévère chez les garçons, une face plate, une saillie du rebord supraorbitaire, un hypertélorisme, une racine du nez large et un nez plat, une orientation antimongoloïde des fentes palpébrales, une surdité (Fig. 15A). Les doigts sont courts et en « spatule », et les orteils en « éventail » [12] (Fig. 15B). La dysplasie squelettique est plus sévère chez les garçons. Les os longs sont incurvés et il existe des anomalies des extrémités [45] (Fig. 15C). • La dysplasie frontométaphysaire (Fig. 15D, E) associe un visage caractéristique avec rebords supraorbitaires proéminents, hypertélorisme, fentes palpébrales à orientation antimongoloïde, arête du nez large, anomalies dentaires. Une surdité, des contractures, des raideurs articulaires peuvent se rencontrer. Suivant les cas, une cranioplastie peut être envisagée [12]. Il s’agit de pathologies liées à l’X avec expression moins sévère chez les femmes porteuses. Ces trois entités sont dues à des mutations du gène FLNA, localisé en Xq28, qui code une protéine du cytosquelette, la filamine A. Le pronostic dépend de la sévérité des signes. Certains patients ont un déficit intellectuel. La prise en charge, symptomatique, doit être adaptée à chaque patient. Selon les cas, une cranioplastie peut être envisagée.
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Ostéo-chondro-dysplasies avec développement anarchique fibreux de la trame osseuse En dehors de la dysplasie fibreuse, cette entité regroupe plusieurs affections. Lorsque la face est touchée, on constate une proptôse, une asymétrie faciale. Nous évoquons ici celles qui ont des conséquences faciales.
Chérubisme (Fig. 16) C’est une dysplasie fibro-osseuse bénigne de l’enfance, limitée à l’hémiface inférieure, c’est-à-dire au maxillaire et surtout à la mandibule. Les premiers signes apparaissent entre 2 et 5 ans, avec gonflement indolore des maxillaires, associé à des tumeurs osseuses multikystiques [46]. Les globes oculaires sont tournés vers le haut, donnant l’impression que l’enfant « lève les yeux au ciel ». La dentition est anormale et les malocclusions importantes. Les douleurs peuvent entraîner une gêne alimentaire. Les signes progressent jusqu’à la puberté, puis régressent ensuite. Le tableau ne doit pas être confondu avec une neurofibromatose de type 1 [15]. La chirurgie améliore la mobilité des maxillaires et l’état psychologique des patients. Des traitements médicamenteux sont en cours d’évaluation. Il s’agit d’une affection héréditaire, autosomique dominante à pénétrance et expressivité variables [47] , causée par des mutations du gène SH3-domain binding protein 2 (SH3PB2) localisé en 4p16.3. Les formes sporadiques sont plus fréquentes que les formes familiales.
Dysplasie fibreuse (Fig. 17) Elle est caractérisée par une asymétrie et un développement anarchique des lésions ; elle s’exprime soit dans l’enfance, soit plus tardivement. Les tuméfactions sont indolores et peuvent toucher la mandibule et le maxillaire supérieur ; elles sont responsables de malpositions dentaires et de compressions nerveuses [48] . L’exérèse ou une intervention de décompression Stomatologie
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Figure 15. Ostéodysplasies fronto-oto-palato-digitales. A. Syndrome oto-palato-digital type II : dysmorphie faciale. B. Syndrome oto-palato-digital type II : orteils en « éventail ». C. Syndrome oto-palato-digital type II : angulation des os longs. D. Dysplasie frontométaphysaire ; aspect du front : saillie supraorbitaire. E. Dysplasie frontométaphysaire ; aspect radiologique.
Figure 16. Chérubisme. A, B. Aspect clinique et radiologique. C. Dysmorphie faciale du frère.
peuvent être nécessaires. Il existe un risque de dégénérescence maligne favorisé par la radiothérapie [49]. Il s’agit en général de mutations somatiques en mosaïque concernant la protéine G alpha s [47].
Traitements médicaux
■ Options thérapeutiques
• les biphosphonates prescrits dans l’ostéogenèse imparfaite sont vecteurs de fragilisation accrue, voire même d’ostéochimio-nécrose mandibulaire [51-53] ;
Les moyens d’action, quelle que soit leur nature, s’avèrent des plus réduits. La transplantation de moelle a été utilisée avec quelques succès, en particulier dans l’ostéopétrose [50]. Stomatologie
Destinés à améliorer la résistance de l’os ou à en modifier les caractéristiques défavorables, ils prêtent à contestation :
• l’hormone de croissance, prônée par certains, est plus que contestée.
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Figure 17. Dysplasie fibreuse. A. Aspect clinique d’une dysplasie du maxillaire supérieur droit. B. Reconstruction par greffes costales après exérèse complète. C. Résultat.
Traitement chirurgical Il s’agit rarement d’une chirurgie à visée curative, d’exérèse d’une prolifération tumorale (dysplasie fibreuse) ou de correction d’un désordre morphologique. Le plus souvent, le traitement chirurgical concerne les complications. • Chirurgie d’exérèse ou de réduction volumétrique ; elle est indiquée dans la dysplasie fibreuse. • Chirurgie morphologique : réhabilitation des reliefs de la face par le biais d’apports tissulaires, osseux, cartilagineux ou graisseux ; elle est d’indication fréquente dans la séquence dite « de Binder ». • Chirurgie morphofonctionnelle : déplacement de secteurs osseux en situation dystopique, par ostéotomie ou par distraction ostéogénique ; elle est indiquée dans les rétrusions faciales à retentissement ventilatoire sévère, telle l’AOS de l’achondroplasie, ainsi que dans les hypomandibulies de la séquence de Robin [54]. • Chirurgie fonctionnelle ; elle concerne les complications : C réduire et ostéosynthéser une fracture ; C drainer une hydrocéphalie ou libérer le trou occipital dans l’achondroplasie [55] ; C libérer un nerf comprimé, le nerf optique le plus souvent, le nerf facial parfois, dans l’ostéopétrose ou la dysplasie fibreuse, avec les risques inhérents au traumatisme du nerf [56] ; C drainer les complications inflammatoires des cavités aériques de la face dont l’évacuation est obstruée par l’ostéopétrose ; C restaurer une manducation efficace par la mise en état de la denture et réalisation à la demande d’une prothèse.
Soutien psychologique Le médecin est relayé par les associations pour le soutien de l’enfant et de la famille. Une information précise sur la pathologie en cause et sur le devenir à moyen et long termes, en particulier le pronostic de croissance, est capitale pour la famille et pour cet enfant à visage différent, qui va affronter les autres, à l’école d’abord, puis dans sa vie professionnelle et privée.
Thérapie génétique Très porteuse d’espoirs, elle reste du domaine prévisionnel [57].
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■ Références [1]
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Points forts [20]
• Le faciès prédit parfois le squelette. • Le tissu osseux normal est évolutif. • Le diagnostic est clinique, à confirmation moléculaire.
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M. Stricker, Professeur ([email protected]). Service de chirurgie maxillo-faciale et plastique, Hôpital Central, Centre hospitalier universitaire de Nancy, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France. J. Vigneron, Praticien hospitalier. UF de génétique clinique, Service de médecine et réanimation néonatale, Maternité régionale du Centre hospitalier universitaire de Nancy, 54042 Nancy cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Stricker M., Vigneron J. Expression craniofaciale des ostéo-chondro-dysplasies de l’enfant. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-062-D-40, 2008.
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Stomatologie
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-065-G-10
22-065-G-10
Indications thérapeutiques dans les cancers de la cavité buccale P Barrellier B Gery C Granon
R é s u m é. – Le traitement des cancers de la cavité buccale fait appel à la chirurgie et à la radiothérapie. Globalement, pour les lésions de taille modeste T1-T2, la chirurgie et la radiothérapie obtiennent des résultats identiques, le choix étant à discuter en fonction des séquelles prévisibles et de la facilité de la mise en œuvre. Pour les grosses lésions T3 et surtout avec adénopathie fixée, la radiothérapie est plus souvent proposée d’emblée avec possibilité d’un rattrapage chirurgical ultérieur. En cas de chirurgie initiale, une radiothérapie postopératoire systématique doit être instaurée dans les meilleurs délais et à dose tumoricide. La chimiothérapie s’inscrit actuellement dans le cadre d’essais thérapeutiques.
Introduction
Facteurs histologiques
Le traitement des cancers de la cavité buccale fait appel à la radiothérapie et à la chirurgie. Ces deux techniques ont globalement des résultats voisins et sont souvent employées en association. L’avènement de nouvelles techniques chirurgicales a entraîné un regain d’intérêt pour les vastes exérèses.
Le degré de différenciation histologique de la tumeur observée sur la biopsie ou sur la pièce opératoire ne paraît pas jouer un rôle, même s’il est classique de considérer que les tumeurs peu différenciées sont à la fois plus évolutives mais répondent mieux au traitement radiothérapique. Cependant, force est de constater sur des prélèvements multiples l’hétérogénéité de la différenciation au sein d’une même tumeur. Les constatations per- et postopératoires sont essentielles avec un bon pronostic en cas d’intégrité des limites de résection tumorale, de négativité des ganglions, d’absence de rupture capsulaire. À l’inverse, l’existence d’atteinte des limites d’exérèse, la rupture capsulaire, l’envahissement de nombreux ganglions, la présence d’envahissement périnerveux ou la présence de lymphangite carcinomateuse sont de mauvais pronostic [4].
Facteurs pronostiques Un certain nombre de critères sont à prendre en compte pour évaluer globalement le pronostic des tumeurs de la cavité buccale.
Facteurs cliniques liés à la tumeur Caractéristiques macroscopiques : les lésions bourgeonnantes ou végétantes ont un meilleur pronostic que les lésions infiltrantes et surtout ulcérantes. Localisation anatomique : la tumeur de la lèvre est d’excellent pronostic, celle de la langue mobile de pronostic intermédiaire et les lésions gingivales nettement plus péjoratives. La description clinique selon les critères de l’Union internationale contre le cancer (UICC) contient l’essentiel des facteurs pronostiques initiaux [8] : – les tumeurs de taille modeste et relativement superficielles (T1-T2) ont un assez bon pronostic ; – les lésions infiltrant le muscle en profondeur ou atteignant l’os sont de mauvais pronostic. Le statut ganglionnaire joue un rôle encore plus net avec un pronostic catastrophique pour les malades présentant une adénopathie clinique classée N3 (ganglion de plus de 6 cm).
Facteurs biologiques Facteurs directement liés à la cinétique tumorale Les espoirs placés dans la mesure de l’index d’ADN (acide désoxyribonucléique) par cytométrie de flux ont été déçus : si l’index d’ADN est un bon facteur prédictif de la réponse à la chimiothérapie, il ne semble pas possible en routine d’en faire un outil de détermination de la prolifération tumorale. Les limites et difficultés de mesures de cinétique tumorale sont liées à l’hétérogénéité intrinsèque tumorale, à la discrimination de sous-populations en fonction du temps d’étude, aux difficultés de reproductibilité technique [5].
© Elsevier, Paris
Génétique et marqueurs
Paul Barrellier : Chef de service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale, centre François-Baclesse, Route de Lion-sur-Mer, 1400 Caen, France, professeur associé, institut de stomatologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75014 Paris, France. Bernard Gery : Radiothérapeute, centre François-Baclesse, Route de Lion-sur-Mer, 14000 Caen, France. Claire Granon : Chef de service de recherche clinique, centre Antoine-Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Barrellier P, Gery B et Granon C. Indications thérapeutiques dans les cancers de la cavité buccale. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-065-G-10, 1999, 6 p.
Plusieurs études ont montré des mutations du gène suppresseur de tumeur « P53 » dans les tumeurs des voies aérodigestives supérieures ; il existe une forte corrélation entre ces mutations et la consommation de tabac, suggérant que cette dernière induirait les mutations du gène P53. Cependant, les études ne retrouvent une P53 positive que dans un cas sur deux de carcinome invasif [7].
Facteurs cliniques généraux Plus que le poids au moment de la prise en charge, la notion d’un amaigrissement important et rapide est défavorable. Il en est de même à moyen terme pour la poursuite de l’intoxication alcoolotabagique.
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INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DANS LES CANCERS DE LA CAVITÉ BUCCALE
Stomatologie
Résultats de la littérature
RX+
Selon les auteurs, tous stades et localisations confondus, les survies observées varient de 30 à 50 % à 5 ans pour avoisiner 10 à 20 % à 10 ans [11, 12]. Quelles que soient les combinaisons thérapeutiques, aucune amélioration significative de la survie de ces patients n’a été observée au cours des 10 dernières années. En termes de qualité de vie, en revanche, l’impression est plus favorable même si elle n’est pas chiffrée. La taille de la tumeur au moment de la prise en charge étant un des facteurs déterminants, l’obtention d’un diagnostic plus précoce améliorerait les résultats globaux comme cela a pu être montré pour les cancers de la lèvre [1]. Les cancers des voies aérodigestives supérieures constituent une véritable maladie de système, ce qui explique la survenue très fréquente de nouvelles localisations tumorales simultanées ou successives qui alourdissent, chacune pour leur propre compte, le pronostic en limitant parallèlement les possibilités thérapeutiques. Les cancers en rapport avec les mêmes facteurs étiologiques (poumon, œsophage, vessie) participent aux mauvais résultats d’ensemble. Les seconds cancers participent ainsi à 20 à 30 % des décès [6]. Le rôle des évolutions métastatiques, en rapport avec le cancer de la cavité buccale, est plus marginal, mais entraîne cependant 6 à 8 % d’issues fatales [6].
Contexte thérapeutique Conditions de la prise de décision thérapeutique Par principe, la prise de décision thérapeutique doit être le fait d’une équipe représentant les différentes spécialités capables de prendre le malade en charge (chirurgien, radiothérapeute, chimiothérapeute). Comme il n’existe pas de schéma thérapeutique qui s’impose à l’évidence dans tous les cas, la décision est intimement liée à l’état de la tumeur et du patient. Il importe de disposer d’un bilan locorégional précis aboutissant à une classification sans équivoque de la tumeur. La recherche de localisation tumorale associée a été effectuée avec soin et l’on dispose d’un compte rendu histologique sans ambiguïté. La recherche de métastase à distance est succincte en l’absence de signes d’appel cliniques étant donné leur incidence faible.
Diagnostic positif
Biopsie
1
Bilan d'extension
T1, T2 N0N1
Chirurgie
Bilan général
T3 N3
Radiothérapie Chirurgie + RX
RX-
Orientations thérapeutiques générales.
La perte de continuité mandibulaire doit au minimum être suivie d’une reconstruction par attelle métallique pour éviter les rétractions mais une tendance se dégage actuellement pour une reconstruction immédiate par greffe osseuse microanastomosée qui ne retarde pas l’irradiation postopératoire (contrairement aux greffons inertes).
Radiothérapie Elle peut être utilisée selon deux modalités : curiethérapie ou irradiation externe. La curiethérapie interstitielle par iridium 192 permet de traiter des tumeurs de moins de 3 cm, de préférence situées à distance de la mandibule. Elle se pratique dans des centres spécialisés, donne des résultats équivalents à ceux de la chirurgie en termes de contrôle local [9]. Pour les tumeurs de taille modeste, sa mise en œuvre paraît lourde en dehors d’indications particulières. La radiothérapie transcutanée par cobalt 60 ou accélérateur est habituellement réservée aux lésions volumineuses classées T3-T4, à titre curatif ou palliatif. Cependant, elle peut être mise en œuvre avec profit pour des lésions plus modestes lorsqu’il existe des contre-indications aux autres thérapeutiques. Elle peut aussi être combinée à la curiethérapie, une dose complémentaire à la tumeur étant délivrée par cette dernière technique. En situation curative, la dose à la tumeur doit être de l’ordre de 65 Gy. La radiothérapie est très habituellement utilisée après chirurgie. Elle doit être mise en œuvre le plus tôt possible après le traitement chirurgical pour être efficace et si possible dans les 15 jours. Le geste chirurgical doit donc être mené de telle sorte que les suites opératoires ne s’opposent pas à la poursuite du traitement.
Moyens de traitement Le traitement des cancers de la cavité buccale repose essentiellement sur la chirurgie et sur la radiothérapie, qu’il s’agisse de curiethérapie et surtout de radiothérapie transcutanée. Le traitement s’intéresse à la tumeur et aux aires ganglionnaires cervicales. Actuellement, la chimiothérapie n’a pas encore fait la preuve de son efficacité en termes de survie. La chimiosensibilité locale est un facteur prédictif de la curabilité, la survie étant meilleure chez les répondeurs. Dans le cadre d’un traitement initial à visée curative, la chimiothérapie n’est actuellement qu’un traitement d’appoint dont l’évaluation doit se poursuivre dans le cadre d’essais thérapeutiques randomisés. Si en termes de survie les résultats sont stables depuis de nombreuses années, des progrès très significatifs ont eu lieu en ce qui concerne la prévention des séquelles ou leur réhabilitation. Obtenir le meilleur résultat fonctionnel à geste carcinologiquement équivalent fait maintenant partie intégrante de la décision thérapeutique initiale.
Schéma général de traitement
(fig 1)
Traitement de la tumeur L’objectif est d’obtenir le contrôle local avec le meilleur résultat fonctionnel possible en tenant compte bien sûr des possibilités offertes par la chirurgie réparatrice et les techniques prothétiques. L’évaluation se fait en premier lieu à partir de la survie mais aussi du taux de rechute locale et de l’évaluation des séquelles fonctionnelles.
Chirurgie Elle est peu iatrogène pour les tumeurs de moins de 3 cm. Dans ce cas, il est rare d’avoir recours à des techniques réparatrices sophistiquées ; l’étude des limites d’exérèse est impérative pour adapter le traitement complémentaire éventuel. La pratique systématique d’examen histologique extemporané permet d’augmenter le pourcentage d’exérèses complètes [2]. Dans les tumeurs de plus de 3 cm, la résection est souvent suivie de réparation par lambeaux locaux ou à distance, tel le lambeau myocutané de grand pectoral largement utilisé. page 2
Traitement des aires ganglionnaires L’objectif est d’obtenir le contrôle cervical avec un minimum de séquelles. Se pose donc le problème des indications de la radiothérapie selon le statut ganglionnaire clinique ou postopératoire et celui des techniques chirurgicales utilisables dans les différents cas possibles. L’efficacité est jugée en fonction de la survie et du taux de contrôle local.
Chirurgie L’évidement cervical radical entraîne le sacrifice systématique du muscle sterno-cléido-mastoïdien et de la veine jugulaire interne ainsi que du nerf spinal. Il existe donc des séquelles évidentes : difficulté de rotation de la tête et surtout chute de l’épaule à cause de la section du nerf spinal. Ce type d’évidement est indiqué lorsqu’une adénopathie dépasse 3 cm ou adhère aux plans voisins. Dans les autres cas, un évidement cervical fonctionnel avec conservation du muscle sterno-cléido-mastoïdien, de la veine jugulaire interne et du nerf spinal est indiqué [10]. L’évidement est bilatéral en cas de tumeur médiane (dans la mesure où les deux veines jugulaires ne sont pas sacrifiées). Enfin, en cas de patient cliniquement N0, l’évidement peut en un premier temps se limiter à l’exérèse des groupes sous-digastrique, sus-omohyoïdien et sous-maxillaire sous examen histologique extemporané. Il est complété en cas d’atteinte histologique. Dans les petites tumeurs classées T1N0, il n’y a pas plus de récidives ganglionnaires, qu’un curage initial ait été réalisé ou non. Il est donc logique, lors du traitement de la tumeur principale, de proposer une surveillance simple des aires ganglionnaires, d’autant que le traitement ultérieur d’une adénopathie apparue secondairement ne modifie pas le pronostic chez ces patients [10]. Pour les tumeurs plus volumineuses, il est préférable, en revanche, de proposer systématiquement un curage à cause d’un risque plus élevé d’évolution ganglionnaire. Il en est de même pour les patients chez qui une surveillance stricte ne peut être réalisée.
Stomatologie
INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DANS LES CANCERS DE LA CAVITÉ BUCCALE
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Radiothérapie
Cancer de la face muqueuse de joue
En l’absence d’adénopathie clinique et de contrôle histologique, on peut pratiquer une irradiation prophylactique des aires ganglionnaires. On se limite alors à une dose de 50 Gy. Dans les autres cas, l’irradiation est poursuivie jusqu’à 65 Gy, voire 70 Gy sur le site d’un volumineux ganglion. Enfin, lorsque l’on dispose des résultats histologiques, la radiothérapie est modulée en fonction de ceux-ci : – pas d’atteinte histologique : abstention ; – atteinte histologique sans rupture capsulaire : irradiation à 60 Gy ; – atteinte histologique avec rupture capsulaire : surimpression sur le site de rupture.
Pour les petites tumeurs, la chirurgie est réalisable mais pose des problèmes complexes de réparation dès que la surface devient importante avec des risques non négligeables de limitation secondaire de l’ouverture buccale. La curiethérapie est particulièrement indiquée pour les lésions antérieures. Les grosses lésions peuvent bénéficier d’une chirurgie large avec reconstruction par lambeau pédiculé ou libre. La radiothérapie transcutanée peut également être utilisée selon les modalités habituelles.
Cas particuliers par localisation anatomique Cancer de la lèvre Il occupe une place particulière avec un comportement intermédiaire entre les tumeurs cutanées et celles des voies aérodigestives supérieures. Le traitement de la tumeur peut faire appel à la chirurgie, la radiothérapie superficielle ou la curiethérapie interstitielle. La chirurgie permet de traiter avec simplicité les lésions dont la taille ne dépasse pas 4 cm, avec un résultat esthétique et fonctionnel satisfaisant. Le contrôle local est obtenu dans presque tous les cas si les limites d’exérèse sont histologiquement indemnes. La curiethérapie obtient des résultats identiques mais au prix d’une lourdeur qui paraît excessive. La radiothérapie de contact donne des résultats carcinologiques légèrement inférieurs et est à réserver aux tumeurs peu infiltrantes. Les lésions de plus de 4 cm bénéficient pleinement de la curiethérapie dont les résultats morphologiques et fonctionnels sont meilleurs que la chirurgie. Les aires ganglionnaires sont traitées selon le schéma habituel en cas d’adénopathie clinique. En revanche, pour les patients N0, le très mauvais pronostic des adénopathies secondaires adhérant à la mandibule pousse à proposer un évidement cervical chez les patients présentant une tumeur de plus de 3 cm ou très infiltrante, si l’état général le permet [3].
Cancer de la langue mobile Lésions de moins de 3 cm La chirurgie est facile à réaliser et les séquelles fonctionnelles sont habituellement minimes. L’atteinte des limites d’exérèse impose une irradiation postopératoire qui, dans ce cas, intéresse également les aires ganglionnaires de drainage. Si le malade est N0, un évidement est proposé en l’absence de contreindication. Sinon, on peut se contenter d’une surveillance qui doit être suffisamment rapprochée (2 mois) pour traiter une éventuelle adénopathie d’apparition secondaire. On peut bien sûr mettre en œuvre une radiothérapie ganglionnaire prophylactique.
Lésions de plus de 3 cm La chirurgie est complétée par un geste réparateur approprié et une irradiation du site tumoral est effectuée car le risque de récidive locale (plus de 20 %) devient important, même après exérèse complète. Les aires ganglionnaires sont alors irradiées par principe et par nécessité anatomique.
Très grosses lésions classées T4 Elles peuvent bénéficier d’une chirurgie large avec réparation, d’autant plus que le statut ganglionnaire n’est pas trop défavorable (N0 ou ganglions de moins de 3 cm). Ces malades peuvent également être traités par radiothérapie exclusive ou dans le cadre de protocole particulier de radiothérapie ou d’association radiothérapie-chimiothérapie.
Cancer du plancher buccal Les indications sont voisines de celles du cancer de la langue. La proximité de la mandibule oblige à pratiquer une pelvimandibulectomie, non interruptrice en cas de contact de la tumeur avec la mandibule et interruptrice en cas d’envahissement osseux lors du bilan. Plus la lésion est antérieure, plus la nécessité d’une reconstruction immédiate est impérative, ce qui impose une reconstruction a priori obligatoire pour les tumeurs du plancher antérieur avec envahissement osseux.
Cancer de la gencive inférieure La proximité de l’os et les risques d’ostéite postradique imposent un traitement chirurgical. Pour les petites lésions sans envahissement osseux évident, l’exérèse est suivie d’un recouvrement de l’os pour prévenir les complications ultérieures. Les lésions plus importantes avec atteinte osseuse répondent aux mêmes principes que pour les résections du plancher buccal.
Cancer de la gencive supérieure et du palais Bien que les risques d’ostéite soient mineurs, le contrôle carcinologique nécessite une résection en cas d’atteinte osseuse ou de lésion jouxtant l’os, ce qui est le cas habituellement. La perte de substance osseuse avec communication bucconasale ou buccosinusienne n’est pas réparée d’emblée, tant pour des raisons de fiabilité technique que pour permettre une surveillance clinique. On utilise donc une prothèse obturatrice, la réparation pouvant être envisagée après 2 ou 3 ans de surveillance.
Cancer des glandes salivaires Contrairement aux autres tumeurs de la région, les histologies sont très variées et le carcinome épidermoïde est loin d’être le plus fréquent. Les tumeurs sont classées en : – tumeur de bas grade histologique : carcinome acineux et carcinome mucoépidermoïde de grade 1 et 2 ; – tumeur de haut grade : carcinome mucoépidermoïde de grade 3, adénocarcinome, carcinome anaplasique, carcinome adénoïde kystique et carcinome épidermoïde. Les tumeurs de bas grade ont un bon pronostic et la modulation du traitement est fonction de l’extension clinique. Les tumeurs de haut grade ont un pronostic sévère et poussent, en dehors du carcinome adénoïde kystique, à pratiquer un contrôle ganglionnaire et une irradiation postopératoire systématique.
Traitements préventifs La prévention est facile à définir mais difficile à réaliser. La suppression des causes favorisantes connues (tabac, alcool) et l’amélioration de l’état buccodentaire seraient sûrement efficaces, bien qu’il existe manifestement des cancers survenant dans d’autres contextes. L’éradication des lésions prénéoplasiques doit également être envisagée par résection chirurgicale, cryothérapie et peut-être par traitement médical, en particulier pour les lichens. L’utilisation des dérivés de la vitamine A n’a pas fait ses preuves sur le plan clinique. Il semble de toute façon que le sevrage tabagique doit impérativement y être associé.
Traitement palliatif Ce rôle ingrat est habituellement dévolu à la radiothérapie. Elle paraît moins agressive envers le malade et ne nécessite pas obligatoirement une hospitalisation. Il faut savoir en limiter la dose en fonction de l’amélioration clinique observée et de la tolérance du malade. La chirurgie peut également avoir un rôle à jouer pour éviter la douleur ou améliorer une fonction. Ses indications doivent être mûrement réfléchies en fonction de l’espérance de vie du patient. La chimiothérapie, souvent utilisée, doit être évaluée après deux cycles de traitement. Le recours aux antalgiques, y compris morphiniques, doit être large avec l’aide de consultation spécialisée antidouleur en cas de difficultés, car d’autres moyens sont utilisables (infiltration, électrostimulation etc). page 3
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INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DANS LES CANCERS DE LA CAVITÉ BUCCALE
Les corticoïdes sont souvent utiles pour leur rôle antiœdème, diminuant la douleur et la gêne fonctionnelle tumorale.
Traitement des récidives Récidive locale Le traitement des récidives locales après radiothérapie fait appel à la chirurgie de rattrapage puisqu’une deuxième irradiation à dose curative n’est pas envisageable. Il s’agit d’une chirurgie difficile à mener en territoire irradié avec des tissus scléreux et mal vascularisés. Les suites opératoires sont souvent lourdes avec nécrose, surinfection, difficulté de cicatrisation et il est préférable d’apporter des tissus bien vascularisés à l’aide de lambeaux prélevés en dehors de zone irradiée. Les échecs de la chirurgie peuvent à nouveau être traités par chirurgie, habituellement suivie de radiothérapie ou par radiothérapie exclusive. Le dogme de la non-réirradiation est actuellement battu en brèche par plusieurs essais thérapeutiques utilisant des protocoles d’irradiations particuliers ou des associations radiothérapie-chimiothérapie.
Stomatologie
péfloxacine et ampicilline sur 2 mois. Y est associé un traitement par calcitonine. Ce protocole donne des résultats encourageants avec 71 % d’évolution favorable par le seul traitement médical. Pour les formes évoluées, ce même protocole a prouvé son efficacité bien qu’il ne prenne pas en compte l’éventuelle candidose associée. Dans ce cas, l’existence de Candida au prélèvement bactériologique in situ doit se traduire par l’adjonction au protocole de traitement antifongique. Le recours à l’oxygénothérapie hyperbare est prôné par de nombreux auteurs. Les résultats sont difficiles à apprécier à moyen terme à cause de la grande variété des traitements médicaux associés. Il existe manifestement un effet positif, au moins pendant toute la durée du traitement, tant sur l’os que sur les tissus mous. Le traitement chirurgical ne doit être mis en œuvre que devant l’échec du traitement médical. Il s’agit si possible d’un traitement a minima (séquestrectomie ou résection osseuse, plus classique) en essayant de se limiter aux tissus nécrotiques. Il importe d’obtenir une couverture correcte de la zone de résection par des lambeaux locaux ou à distance. Le geste chirurgical doit être soutenu par un traitement médical identique à celui de première intention.
Odontonécrose
Récidive ganglionnaire Les récidives ganglionnaires en terrain irradié sont traitées par chirurgie avec des résultats décevants. Il est souvent difficile d’obtenir des exérèses satisfaisantes sur le plan carcinologique. Lorsqu’il n’y a pas eu d’irradiation, la récidive ganglionnaire est prise en charge selon le même schéma que pour les adénopathies initiales.
Nodules de perméation Ils correspondent en fait à des métastases cutanées ou sous-cutanées. Inquiétants pour le patient ou douloureux, ils peuvent bénéficier d’une exérèse ou d’une irradiation, particulièrement indiquée en cas de nodules multiples.
Métastases à distance Sauf en cas d’apparition très tardive chez des patients où le contrôle local et régional a été obtenu, le traitement est palliatif et guidé par la symptomatologie générée.
Traitement des séquelles et des complications Complications immédiates Seules celles de la radiothérapie sont spécifiques. La mucite s’installe rapidement et entraîne des difficultés alimentaires pour le patient. Il faut, à partir de conseils diététiques et éventuellement l’utilisation d’aliments liquides équilibrés, maintenir au patient une ration calorique suffisante. L’utilisation de bains de bouche peu agressifs et désinfectants améliore le confort et minimise les risques de surinfection. Des corticoïdes locaux peuvent être utilisés sur des périodes brèves, si possible inférieures à 1 semaine, car les risques, déjà importants, de candidose buccale sont majorés. Le bicarbonate de soude en solution participe à la prévention de ce risque candidosique. L’épidermite est une brûlure superficielle à traiter comme telle. La curiethérapie entraîne une mucite plus localisée mais beaucoup plus intense et prolongée. Les mêmes moyens sont utilisés mais un recours à un traitement anti-infectieux et anti-inflammatoire par voie générale est parfois nécessaire.
Complications secondaires Ostéoradionécrose L’ostéite postradique est la complication la plus grave de l’irradiation de la cavité buccale. Plus le diagnostic est précoce, plus il est possible de mettre en œuvre un traitement a minima. Le diagnostic est avant tout clinique : douleur intense mandibulaire retrouvée à la palpation. Les examens paracliniques sont pauvres au début de l’évolution. Il existe une hyperfixation à la scintigraphie au pyrophosphate de technétium correspondant au site de la douleur. Les images radiographiques sont plus tardives. À ce stade, on peut mettre en œuvre un traitement médical qui consiste en une antibiothérapie adaptée au long cours. Pour notre part, nous utilisons une biantibiothérapie par page 4
Véritable carie aiguë en rapport avec l’asialie, son traitement est avant tout préventif. Il consiste en une mise en état de la bouche selon les critères communément admis, hygiène buccale avec brossage biquotidien correct et fluoration quotidienne. En cas d’apparition secondaire, il faut vérifier la qualité de l’hygiène et la compliance de la fluoration. La mise sous fluor secondaire est insuffisante si l’odontonécrose est déjà évolutive. Il faut donc réaliser des restaurations coronaires, le plus souvent par composite ou verre ionomère. En cas de poursuite de l’évolution carieuse, des extractions deviennent nécessaires. Elles sont pratiquées sous couverture antibiotique classique, en évitant qu’elles soient traumatiques pour les extractions unitaires et au contraire avec régularisation de crête et suture gingivale en cas d’extractions multiples. Il est alors préférable de poursuivre l’antibiothérapie jusqu’à obtention de la cicatrisation gingivale et de suivre très régulièrement le patient. Ces extractions doivent être entreprises le plus tard possible après la fin de l’irradiation et jamais dans les 6 premiers mois.
Asialie L’asialie étant due à la destruction des acini glandulaires par la radiothérapie, la possibilité de récupération dépend du pourcentage de glandes salivaires intéressé par la radiothérapie et de la dose reçue. Jusqu’à 50 Gy, on obtient une récupération dans les mois qui suivent le traitement. À partir de 60 Gy, le tissu glandulaire est irrémédiablement détruit. Une amélioration clinique peut cependant être observée au bout de nombreux mois lorsque les glandes salivaires accessoires épargnées prennent partiellement le relais (glandes palatines, par exemple). Lorsque les glandes principales ont été détruites, l’amélioration est cependant très mineure. En dehors des possibilités d’épargner du tissu glandulaire, aucun traitement n’est efficace. On pallie le manque de salive spontanément par la prise de boissons, la salive artificielle ou l’utilisation de lubrifiants locaux.
Œdème cervical et facial Lié à la radiothérapie, mais majoré par la chirurgie, un œdème limité à la région sous-mentale et au cou (jabot postradique) ou généralisé au cou et à la face est fréquemment observé. Sa persistance (2 à 3 mois après la fin de la radiothérapie) doit inciter à mettre en œuvre un traitement spécifique pour en limiter l’installation définitive. Dans un premier temps, le recours aux anti-inflammatoires locaux ou généraux est proposé. Lorsque aucun résultat stable n’est obtenu, les techniques de drainage lymphatique sont une aide précieuse.
Séquelles L’ensemble du traitement par chirurgie et radiothérapie a pour conséquence d’engendrer des déficits fonctionnels ou morphologiques qui peuvent bénéficier de traitements secondaires.
Trismus Il s’agit plus d’une limitation mécanique de l’ouverture buccale par sclérose muqueuse ou musculaire que d’un véritable trismus.
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INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DANS LES CANCERS DE LA CAVITÉ BUCCALE
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3 Principe de la prothèse d’abaissement palatin. 2
Mobilisateur de Benoit.
Les traitements chirurgicaux et médicamenteux sont habituellement décevants. La physiothérapie, les massages, la gymnastique faciale doivent être utilisés à titre préventif et la mécanothérapie à l’aide d’un mobilisateur reste le traitement de choix (fig 2). Cette mécanothérapie doit être mise en œuvre le plus tôt possible, dès l’apparition des premiers signes de limitation de l’ouverture buccale que l’on doit rechercher systématiquement.
Ankyloglossie Conséquence de la chirurgie de la langue ou du plancher buccal, elle entraîne des difficultés alimentaires importantes avec disparition du premier temps de la déglutition et des troubles phonatoires. Une libération linguale avec plastie et greffe de peau est réalisable à distance du traitement radiothérapique. En cas de refus du patient ou de conditions locales défavorables à une telle chirurgie, l’utilisation de prothèse d’abaissement palatin permet d’améliorer la déglutition et, à un moindre degré, la phonation (fig 3).
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Prothèse pour résection bimaxillaire.
Insuffisance vélaire Les pertes de substance vélaire ne se prêtent pas aisément à une restauration chirurgicale en territoire irradié. On utilise donc des prothèses vélaires de type Shilsky ou plus souvent Suerssen.
Hémimaxillectomie À titre temporaire et souvent définitif, la perte de substance maxillaire est comblée par une prothèse obturatrice et cela dès le temps opératoire initial. Au bout de quelques mois, outre le comblement de la perte de substance, il faut s’attacher à restaurer la fonction masticatrice à l’aide d’une prothèse obturatrice dentée (fig 4).
Hémimandibulectomie Le traitement de choix fait appel à une chirurgie réparatrice par greffon microanastomosé ou plus simplement par greffon inerte, en l’absence d’irradiation locale. En situation d’attente, il faut avoir recours aux appareils guides même si leur réalisation est délicate chez les malades édentés.
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La prise en charge des cancers de la cavité buccale nécessite une approche pluridisciplinaire, comme toutes les lésions malignes. Ceci est vrai lors de la décision thérapeutique, mais aussi par la suite, étant donné l’importance fonctionnelle et esthétique des séquelles en rapport avec le traitement. On fait souvent appel non seulement au cancérologue, au radiothérapeute, au chirurgien, mais aussi au spécialiste de la prothèse maxillofaciale, au kinésithérapeute, à l’orthophoniste ou à l’odontologiste. En dehors des grandes lignes, la décision thérapeutique est influencée par les possibilités de préservation fonctionnelle ou de réparation secondaire.
Références ➤
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INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DANS LES CANCERS DE LA CAVITÉ BUCCALE
Stomatologie
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Kystes des maxillaires G. Sauveur, L. Ferkdadji, E. Gilbert, M. Mesbah Les kystes des maxillaires sont des lésions intraosseuses, odontogéniques et non odontogéniques, possédant une structure histologique particulière caractérisée par la présence d’une enveloppe épithéliale, kératinisée ou non, et un contenu liquide, semi-liquide ou solide. Ces lésions ne sont pas toujours faciles à diagnostiquer. En effet, cliniquement les signes évocateurs, en dehors de l’absence de douleur, apparaissent lorsque les lésions ont atteint un volume important, à un stade d’extériorisation, et lorsqu’elles modifient la symétrie du visage et/ou des maxillaires, accompagnant souvent des troubles de l’occlusion liés à des déplacements dentaires. La radiographie est l’examen d’investigation de base pour les dépister, de façon le plus souvent fortuite. L’accessibilité et la grande fiabilité des procédés d’imagerie actuels permettent de mieux les identifier, malgré les risques d’erreur liés à la variété et à la diversité des lésions. L’anatomopathologie reste l’examen incontournable pour confirmer un diagnostic postopératoire et prévoir, le cas échéant, un suivi pour les cas suspects, en accord avec le principe de précaution. Sur le plan du traitement, la chirurgie reste de règle. Néanmoins, parfois un traitement endodontique rigoureux permet la guérison de la lésion, à lui seul ou associé à la chirurgie. Celui-ci va permettre la conservation de la dent causale, avec une surveillance régulière jusqu’à guérison complète avérée. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Kyste épithélial ; Kyste gingival ; Kyste parodontal ; Kyste glandulaire ; Kyste sialo-odontogène ; Kyste d’éruption ; Kyste folliculaire ; Kyste primordial ; Kératokyste odontogénique ; Kyste inflammatoire ; Kyste radiculaire ; Kyste apical ; Kyste nasopalatin ; Kyste nasolabial ; Kyste glomérulomaxillaire ; Kyste non épithélial ; Kyste osseux solitaire ; Kyste anévrismal
Plan ¶ Introduction
1
¶ Définition
1
¶ Classification
2
¶ Diagnostic des lésions kystiques Examen clinique Examen radiographique Analyse anatomopathologique
2 2 2 6
¶ Différents kystes des maxillaires Kystes épithéliaux odontogènes Kystes inflammatoires Traitement des kystes inflammatoires Kystes épithéliaux non odontogènes Kystes non épithéliaux
7 7 9 12 17 18
¶ Conclusion
19
■ Introduction Parmi les nombreuses pathologies affectant les maxillaires, on trouve entre autres les lésions osseuses qui se traduisent par des pertes de substance. Ces pertes de substance d’origines diverses (kystes, pseudo-kystes, tumeurs, cicatrices...) peuvent pour certaines être bénignes, cliniquement asymptomatiques, et évoluer lentement jusqu’à leur découverte fortuite ou à un stade avancé de leur évolution. Bien que bénignes, elles peuvent être aussi à l’origine de complications locales ou à distance. D’autres Stomatologie
sont d’emblée malignes, parfois d’évolution plus rapide. Le diagnostic de ces lésions est essentiellement radiographique. Cet examen montre par l’image l’aspect polymorphe de ces lésions et renseigne sur le volume de celles-ci, leur forme, leurs contours mono- ou polygéodiques, leur position par rapport aux dents et autres structures anatomiques, leur opacité qui donne des indications sur l’atteinte des corticales osseuses et dans certain cas sur leur contenu. L’examen anatomopathologique apporte la précision, post- et parfois peropératoire, sur la nature réelle de la lésion et guide le thérapeute pour le suivi des soins postopératoires. Devant la multiplicité des lésions, leur caractère parfois malin, même relativement rare voire exceptionnel, le praticien se doit d’épuiser tous les moyens mis à sa disposition afin d’établir un diagnostic, démarche incontournable avant tout acte thérapeutique. Quant au traitement des kystes, [1] il est chirurgical. Le traitement non chirurgical défendu par certains trouve peutêtre des indications dans des cas notamment de kyste inflammatoire, sachant que la chirurgie est toujours là en cas d’échec.
■ Définition De nombreuses définitions des kystes ont été proposées ; nous retenons celle de Schear : [2] « un kyste est une cavité pathologique qui présente un contenu liquide, semi-liquide, ou aérique et qui n’est pas créé par l’accumulation de pus. Il est bordé par un épithélium qui peut être soit continu soit discontinu ». Cette définition est ancienne, mais elle a le mérite d’être toujours d’actualité pour tous les types de kyste, à des détails
1
22-062-G-10 ¶ Kystes des maxillaires
histopathologiques et immunohistochimiques près. Cet épithélium peut en effet être cilié, de type respiratoire ou pavimenteux, plus ou moins stratifié, et présenter des tendances à la kératinisation sous la forme de parakératine ou d’orthokératine. D’autre part, le développement de la sphère orofaciale étant complexe en raison de la présence des différents types d’ossification et des organes dentaires, les risques d’inclusion de cellules épithéliales dans les tissus conjonctifs sont importants, créant ainsi une grande variété de kystes. C’est ainsi que l’on distingue les kystes odontogènes, ayant un rapport avec l’organe dentaire et son évolution, et les kystes non odontogènes qui se développent indépendamment du germe dentaire, ou d’un épithélium lié à la présence de cet organe dentaire. Il existe un troisième type de lésions rappelant radiologiquement l’image de kystes dentaires mais non tapissés par un épithélium, ce sont les pseudo-kystes. Le contenu kystique peut être liquide, semi-liquide et présenter des caractéristiques propres à chaque type de kyste. À noter que certains d’entre eux peuvent s’infecter, ce qui modifie leurs aspects cliniques et même radiologiques. La paroi kystique présente des caractéristiques spécifiques (hyanilisations juxtaépithéliales et calcifications. [3] Il s’agit le plus souvent d’un conjonctif lâche ou à prédominance fibreuse. Cette approche globale permet de prendre conscience de la nécessité de procéder à leur classification et d’étudier leur étiologie.
Tableau 1. Classification générale des kystes des maxillaires et pseudokystes. Dénomination actuelle (OMS)
Autre dénomination
Kystes épithéliaux odontogéniques liés au développement
Kystes liés à une anomalie du développement
Kyste gingival du nouveau-né
Perle d’Epstein
Kyste gingival de l’adulte Kératokyste odontogénique
Kyste primordial - kyste épidermoïde
Kyste dentigère
Kyste folliculaire - kyste coronodentaire
Kyste d’éruption Kyste périodontal latéral Kyste odontogène calcifiant Kystes épithéliaux non odontogéniques Kyste nasopalatin
Kyste nasolabial
Examen clinique Cet examen repose sur l’interrogatoire du patient qui porte sur : • la description des signes subjectifs et les conditions d’apparition des problèmes qui l’amènent à consulter ; • ses antécédents sur le plan oncologique, notamment carcinome du foie, du poumon ... ; • la douleur : ses conditions d’apparition et de sédation ; son intensité, sa durée, son caractère continu ou intermittent ; les troubles neurovégétatifs d’accompagnement ; • les troubles généraux : fièvre, asthénie, amaigrissement ; • des troubles fonctionnels : troubles d’élocution ; troubles de la déglutition ; troubles de la sensibilité ; troubles des articulations (articulation temporomandibulaire, occlusion dentaire) ; apparition de tuméfaction endo- ou exobuccale. Après l’entretien suit l’examen clinique (inspection, palpation) ; celui-ci se compose d’un examen exobuccal et d’un examen endobuccal. L’examen exobuccal permet : • par l’inspection de constater « de visu » certains troubles fonctionnels signalés par le patient (Fig. 1A, Fig. 2A et B) ;
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Kyste nasoalvéolaire–kyste du seuil narinaire Kyste mucoïde du nez - kyste du plancher vestibulaire nasal
Kyste globulomaxillaire
Kyste fissuraire - Kyste pré-maxillaire
Kystes inflammatoires
Kystes radiculaires
Kyste apical Kyste latéroradiculaire Kyste résiduel Kyste paradentaire
Kyste collatéral inflammatoire Kyste marginal postérieur Kyste vestibulaire mandibulaire infecté
■ Diagnostic des lésions kystiques D’après le tableau précédent, il y aurait près de 20 types de kystes et pseudo-kystes des maxillaires. Le caractère malin de certains d’entre eux et le risque de dégénérescence maligne, parfois des plus bénins au départ, oblige le praticien à être prudent lors de l’établissement de son diagnostic. La difficulté de ce diagnostic provient des ressemblances, cliniques et radiographiques, non seulement entre les kystes mais aussi avec d’autres tumeurs odontogéniques et ostéogéniques, néoplasiques ou non, ce qui augmente le nombre de lésions à discriminer. En conséquence, l’odontostomatologiste doit connaître ces lésions afin de mieux les reconnaître. À part leur découverte fortuite, alors qu’elles sont cliniquement muettes pour la plupart d’entre elles, le praticien dispose de trois types d’examen indissociables.
Kyste du canal nasopalatin - kyste du canal incisif Kyste palatin médian–kyste alvéolaire médian
■ Classification De nombreuses classifications ont été proposées ; les plus marquantes remontent aux années 1950 (Pindborg, Schear, Kramer...). Cette grande diversité a montré la nécessité d’une nomenclature internationale, mise en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec une mise à jour régulière qui tient compte des avancées scientifiques (CIMAO). [4] Afin d’aider le lecteur confronté à d’autres terminologies, un tableau mettant en parallèle les anciennes dénominations et la terminologie internationale (OMS) a été dressé (Tableau 1).
Améloblastome odontogène calcifié
Kyste glandulaire odontogénique Kyste sialo-odontogénique
Kyste mandibulaire de la bifurcation Kystes non épithéliaux
Pseudokystes
Kyste osseux simple
Kyste osseux solitaire - kyste traumatique
Kyste anévrismal
Kyste hémorragique
Lacune de Stafne
Lacune de la corticale linguale mandibulaire
• par la palpation d’évaluer une tuméfaction (limites, consistance, rapports avec les plans profonds, sensibilité et température) ; • de vérifier la sensibilité tactile des différents territoires de la face ; • de vérifier la présence d’une fistule et son contenu. L’examen endobuccal permet : • de vérifier l’amplitude d’ouverture de la bouche ; • de repérer les tuméfactions, d’en apprécier la consistance, le siège, la présence d’ulcérations avec leurs caractéristiques cliniques (contour, couleur, saignement) ; • d’explorer une fistule, son trajet, son contenu, l’infiltration des tissus environnants (Fig. 1B et Fig. 2B). Sur le plan dentaire, l’examen endobuccal permet de repérer les dents nécrosées ou douteuses (reconstitution importante ou défectueuse, coloration anormale), à l’aide de tests thermiques et électriques, et de repérer les dents mobiles, les déplacements et les troubles des relations intermaxillaires et de l’occlusion. Cet examen clinique est suivi par des examens complémentaires : l’examen radiographique et l’analyse anatomopathologique.
Examen radiographique Les kystes des maxillaires se présentent sous la forme d’une perte de substance osseuse. Ils peuvent se confondre avec des foyers d’infection aiguë (ostéite) ou chronique (granulome) et toutes les autres pathologies tumorales des maxillaires. [5, 6] Stomatologie
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Figure 2. Diagnostic clinique de kyste dentigère. A, B. Enfant de 8 ans, présentant une tuméfaction exobuccale, génienne haute, soulevant l’aile du nez, sans aucune douleur. C. Tuméfaction endobuccale (cf. Fig. 1B). D. Image radiologique typique d’un kyste dentigère sur 22. E. Radiographie panoramique d’un autre patient présentant un kyste dentigère sur une 38.
Figure 1. Diagnostic clinique du kyste inflammatoire. A. Tuméfaction exobuccale, génienne haute : phase d’extériorisation. B. Tuméfaction endobuccale : la palpation montre une fluctuation circonscrite, en l’absence de surinfection ; absence des signes de l’inflammation (chaleur, rougeur, douleur). C. La ponction ramène un liquide citrin. D. L’accès chirurgical montre le sac kystique bleuté caractéristique. E. Cavité osseuse après énucléation, sans curetage. F. Kyste isolé de la dent. Noter les caractéristiques (cf. Fig.19).
La radiographie donne des renseignements dans deux directions de l’espace ; l’image obtenue sur un film est une superposition de structures tridimensionnelles, ce qui signifie qu’on ne lit pas une radiographie mais qu’on l’interprète, en faisant appel à deux notions : • la connaissance de l’anatomie, osseuse et dentaire ; • la connaissance de l’interprétation de celle-ci, à partir d’un dégradé de gris, du noir au blanc, [7] sachant que le noir est caractéristique de l’absence d’obstacle arrêtant les rayons incidents et correspond au vide, alors que le blanc sur le cliché correspond à l’image d’un corps radio-opaque aux rayons X [7, 8]; entre ces deux extrêmes, le dégradé de gris permet de reconstituer les tissus traversés ; ces tissus étant de même nature osseuse, la différence d’opacité renseigne sur leur degré de minéralisation (corticale, os spongieux) ou leur épaisseur, le plus épais étant le plus radio-opaque (Fig. 3A, Fig. 4A, Fig. 5A). Cette anatomie et son interprétation étant connues, toute image qui vient se superposer est anormale, pathologique ou non. En fonction du type de radiographie réalisé (rétroalvéoStomatologie
Figure 3. Diagnostic lésion/sinus. A. Le kyste de la racine palatine de 16 est intrasinusien. B. L’apex de la racine palatine de 16 est en dehors du sinus ; les apex des 14, 16 et 17 sont hors du sinus. La corticale du sinus ne suit pas le contour des dents.
laire, occlusal, orthopantomographie, tomographie, tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique [IRM], radiographie des sinus ...), les structures sont vues différemment et le praticien doit choisir le procédé le plus adapté à ce qu’il recherche ... Au niveau osseux, il faut retenir que les corticales apparaissent en blanc (radio-opaque), les cavités naturelles en noir et bordées par une zone de condensation osseuse, à part les trous (mentonnier, palatin) (Fig. 3A et B) qui eux ne sont pas bordés. Au niveau dentaire, les tissus sont au nombre de trois,
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Figure 4. Cas d’un traitement basé sur la perforation de la membrane (Bashkar). A. Kyste apical sur une incisive latérale, insuffisamment obturée. B. Préparation canalaire avec surinstrumentation. C. Obturation canalaire, sans dépassement. D. 15 mois après : le kyste est réduit. Deux éventualités sont possibles : la lésion évolue vers la guérison totale ; la régression est trop lente, la lésion réduite est curetée.
Figure 5. Kystes oubliés. A. Kyste inflammatoire avec toutes ses caractéristiques : cette image en « carafe », caractéristique, prouve qu’il s’agit d’un kyste en baie, car la membrane interrompue au niveau de la dent reste insérée autour de l’apex ; la pression du kyste a provoqué l’égression de l’apex résiduel. Après extraction de cet apex, le kyste peut disparaître, même sans curetage. B. Kyste inflammatoire sur 36 non guérie par un traitement endodontique. C. La 36 a été extraite et, 5 ans plus tard, le kyste a diminué de volume et a presque disparu : guérison spontanée.
avec une concentration minérale décroissante de l’émail à la pulpe en passant par la dentine minéralisée et la prédentine. Au niveau parodontal, nous avons à la surface radiculaire le cément dont la radio-opacité est proche de celle de la dentine de par
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Figure 6. Diagnostic radiologique des kystes. A. Radiographie d’un secteur sain (radiogramme de référence). On note : la présence d’un os avec une trabéculation normale ; le trou mentonnier ; l’image de la dent avec ses trois structures histologiques : émail, dentine et pulpe ; le parodonte (lamina dura, desmodonte). Ces caractéristiques doivent se retrouver après la guérison. Au passage, on note une image anormale : apex résiduel de 85 ?!! B. Kyste apical (cf. Fig. 19 et 34). C. Kyste latéroradiculaire au tiers moyen, face mésiale de 45. Noter que la lamina dura s’écarte de la racine et englobe la lésion. D. Mise en évidence chirurgicale d’un canal latéral causal, qui sera obturé a retro. E. « Kyste oublié » en voie de régression, par rupture de la membrane lors de l’extraction ou s’agissait-il alors d’un kyste en baie ou en poche. F. « Kyste oublié », dent extraite sans effraction de la membrane d’un kyste vrai, à distinguer d’un kyste latéroradiculaire, car au niveau de 44 la lamina dura et le desmodonte persistent.
son degré de minéralisation, ensuite l’espace desmodontal qui se matérialise par une ligne noire entourant la dent et contrastant avec la lame cribriforme ou lamina dura, contour alvéolaire apparaissant sous la forme d’une ligne claire enveloppant le desmodonte. Toute modification de ces deux structures est anormale ou pathologique. Pour chaque type de kyste, il y a un ou plusieurs clichés permettant de mieux l’identifier. [9]
Cliché rétroalvéolaire (Fig. 6B, C) Il permet déjà : • d’établir un rapport entre une image radio-claire et les dents voisines ; • de vérifier l’intégrité de la lamina dura et du desmodonte ; • d’établir un rapport entre les cavités naturelles et la cavité anormale, même lorsque ces images sont superposées, en modifiant l’incidence (excentrée ou plans parallèles) ; ces clichés ne permettent pas de distinguer les lésions de plus de 3 cm (Fig. 2D). Stomatologie
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Cependant, ce cliché est insuffisant car il offre des images fantômes, une faible visibilité des corticales, du bord basilaire et du canal dentaire inférieur lorsque la coupe ne passe pas à son niveau. [10]
Maxillaire défilé Technique actuellement moins courante, cette incidence utilise un film extrabuccal qui permet : • de voir parfaitement un côté de la mandibule ; • de visualiser les rapports d’une lésion avec le nerf dentaire inférieur, le trou mentonnier et le bord basilaire (Fig. 2E et Fig. 8D).
Incidence de Blondeau Elle utilise un cliché extrabuccal qui permet : • d’explorer les sinus de la face et d’aider au diagnostic des lésions pathologiques propres aux sinus ; • d’apprécier leurs rapports avec les lésions extrasinusiennes.
Tomodensitométrie
Figure 7. A. Kyste solitaire. B. Kyste inflammatoire.
Orthopantomogramme Ce cliché est une tomoradiographie ; il permet : • de voir la totalité des deux maxillaires, y compris les fosses nasales et les sinus, et de la mandibule avec les trajets des nerfs dentaires et les trous mentonniers (Fig. 7B) ; • d’évaluer le volume de la lésion, ses limites, ses rapports avec les structures voisines.
Elle reconstitue la troisième dimension à partir de coupes axiales et coronales ; elle permet d’évaluer des volumes : ce procédé en grandeur réelle est utile pour apprécier les résorptions osseuses et dentaires, les ostéoscléroses, les déformations corticales. Cette technique présente un inconvénient : elle est inutilisable chez les porteurs de prothèses maxillofaciales fixes métalliques (prothèse-ostéosynthèse) (Fig. 8C, E, F, Fig. 9,10).
Résonance magnétique nucléaire Les images obtenues par IRM [5] permettent : • de mieux différencier les kystes des tumeurs ; • d’évaluer l’infiltration osseuse et des tissus mous par la lésion. Cette technique présente un seul inconvénient : elle ne permet pas de distinguer les tumeurs calcifiées des corticales. [11] D’une façon générale, on peut dire que les images radioclaires, uni- ou polylobées, bien limitées par une lamina dura, sont Figure 8. Choix de la technique radiologique. A. Film occlusal : il a une bonne visibilité, mais superposition des structures. B. Orthopantomogramme : la lésion est visible dans ses rapports avec les structures anatomiques environnantes. Inconvénients : les trous mentonniers et les canaux dentaires inférieurs ne sont pas visibles. C. Tomodensitométrie : l’image est plus précise grâce aux coupes axiales, coronales et à la reconstitution 3D. Sur cette image, la coupe choisie montre sur 36 une lésion kystique qui refoule le canal dentaire inférieur. D. Maxillaire défilé : il donne une image de l’hémi-mandibule et de ses structures, ici le secteur 3. E. Incidence coronale : elle montre un kyste qui provoque l’effraction du plancher des fosses nasales gauches. F. Incidence axiale : elle montre l’effraction de la corticale palatine par un kyste apical sur 12.
Stomatologie
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Figure 9. Lésion mandibulaire. A. Radiographie panoramique dentaire montrant une très volumineuse lésion radioclaire de la région symphysaire étendue de 37 à 47. B. Cette coupe TDM montre la 33 incluse en position basse et un amincissement majeur du bord basilaire refoulé. C. Cette coupe TDM axiale montre un net amincissement des corticales, avec une prédominance au niveau vestibulaire. D, E. Cette coupe TDM coronale montre la 33 incluse ainsi qu’un amincissement important des corticales vestibulaire et linguale et du rebord basilaire.
caractéristiques de kystes et tumeurs odontogéniques bénignes, et que les images à limites floues sont le signe d’une tumeur maligne ou d’une lésion inflammatoire odontogénique bénigne infectée.
Analyse anatomopathologique Après cette première approche clinique et radiologique, certains kystes peuvent déjà être identifiés, surtout ceux de la lignée odontogénique, mais le potentiel de dangerosité de certaines lésions kystiques est tel que l’examen anatomopathologique devient un complément indispensable. Cet examen devrait logiquement être réalisé avant l’intervention, mais pour des raisons de sécurité et de prudence (risque de réactiver le processus tumoral) cet examen est demandé, ou devrait l’être, systématiquement après l’intervention. La demande d’examen anatomopathologique doit être précise ; elle est rédigée sur un formulaire, où sont consignées des informations relatives au prélèvement, telles que : • tout d’abord, la nature de l’examen demandé ; • la date et le lieu du prélèvement ; • la description de l’échantillon ; • la nature du milieu de conservation ;
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Points essentiels
Intérêts de l’examen anatomopathologique • Vérifier l’exactitude du diagnostic et permettre de réintervenir rapidement en cas de nécessité. • Prévoir d’éventuels risque de dégénérescence. • Assurer un suivi postopératoire régulier, sur 5 ans ou plus ; des transformations malignes ont été descellées après 9 ans sur des lésions réputées bénignes.
• les renseignements cliniques sur la nature de la pathologie ; • les médicaments administrés avant le prélèvement. Les résultats détaillés portent sur la nature des tissus examinés, leur structure, leur caractère malin ou bénin. Le plus souvent, l’anatomopathologiste donne un diagnostic détaillé et précis de la lésion (important sur le plan de la responsabilité). Lorsque l’apex de la dent a été prélevé avec la lésion, il peut être intéressant, sur le plan pédagogique, de vérifier l’intégrité de la membrane kystique à l’apex. Cette notion peut avoir une Stomatologie
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Figure 10. Lésions mandibulaires. A, B. Panoramique dentaire montrant 38 incluse et une large lésion monogéodique de la branche montante mandibulaire gauche, associée à un volumineux cémentome. C. Une coupe TDM en reconstruction dentaire de ce secteur 3 montre que la lésion ne touche pas l’intégrité des corticales. D. Cette reconstruction montre une lésion monogéodique radioclaire bien limitée, autour de la couronne de 38 incluse.
importance pour le diagnostic des kystes résiduels, de leur étiologie, et pour comprendre le processus de guérison du traitement non chirurgical des kystes inflammatoires.
■ Différents kystes des maxillaires Kystes épithéliaux odontogènes Ces kystes qui dérivent de l’épithélium odontogénique peuvent apparaître lors du développement d’une dent ou lors de remaniement de cet épithélium après éruption. Trois réservoirs d’épithélium odontogénique sont identifiés ; ce sont les restes épithéliaux de Malassez, l’épithélium admantin réduit et les résidus de la lame dentaire. Ce sont les plus évolutifs parmi les kystes des maxillaires, dont ils représentent 35 % du contingent.
Kyste gingival de l’enfant (perle d’Epstein) Ces nodules gingivaux blanchâtres ou jaunâtres, de quelques millimètres, sont issus de la dégénérescence kystique des restes de la lame dentaire. Ils sont souvent multiples et siègent habituellement sur la crête gingivale, de la naissance jusqu’à l’âge de 3 mois. Asymptomatiques, ils disparaissent par exfoliation. Histologiquement, ce kyste rempli de kératine est bordé par un épithélium malpighien dont l’assise basale est composée de cellules plates et dont la surface est le siège d’une parakératose.
Kyste gingival de l’adulte Le kyste gingival dérive de restes de l’épithélium de l’organe dentaire, dont Bhaskar [12] a démontré l’existence au sein de l’épithélium gingival. Son étiologie et sa pathogénie sont encore débattues : les résidus de la lame dentaire, l’épithélium admantin réduit ou les restes épithéliaux de Malassez seraient impliqués. Stomatologie
Peu fréquent (0,08 % à 0,5 %), cliniquement il se présente sous la forme d’un nodule blanchâtre de diamètre rarement supérieur à 1 cm, situé sur la crête gingivale ou sur le versant vestibulaire et parfois sur la papille interdentaire. [13] Sa localisation préférentielle est à la mandibule la région incisivocanine et prémolaire, et au maxillaire les incisives latérales et les canines. La moyenne d’âge est de 51 ans, avec une légère prédominance féminine. [14] Souvent unilatéral, il peut être aussi bilatéral et multiple. Il n’est radiologiquement visible que lorsqu’il y a une résorption de l’os adjacent et peut ainsi mimer un kyste parodontal latéral. À l’histologie, le revêtement épithélial du kyste est d’épaisseur variable : tantôt mince, avec une ou deux couches de cellules plates ou cubiques ; tantôt épais, malpighien stratifié, reposant toujours sur une membrane basale rectiligne, sans crête épithéliale. L’épithélium renferme parfois des plaques de cellules fusiformes ou calcifiées, analogues à celles observées dans les kystes parodontaux latéraux.
Kyste parodontal latéral Décrit pour la première fois en 1958 par Standish et Shafer, le kyste parodontal latéral se situe à côté ou entre les racines de dents vitales et se développe aux dépens des débris de l’épithélium odontogène qui dériveraient des résidus de la lame dentaire, sans qu’il y ait une quelconque étiologie inflammatoire. Extrêmement rare (0,7 % de tous les kystes maxillaires), sa localisation préférentielle est la région prémolaire mandibulaire et la région incisive maxillaire. Il peut se manifester à tout âge mais a une fréquence maximale au cours de la cinquième décennie. De petite taille, d’un diamètre inférieur à 10 mm, il est souvent asymptomatique et est découvert lors d’un examen radiologique. Il apparaît sous l’aspect d’une radioclarté ronde ou
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Cliniquement, on constate une voussure bleuâtre, de consistance ferme ou rénitente en regard de la dent. Il n’est pas détecté radiologiquement car il ne provoque pas de remaniement osseux. Histologiquement, l’épithélium kystique est pavimenteux stratifié, non kératinisé ; il y apparaît souvent un infiltrat inflammatoire chronique, consécutif aux microtraumatismes occlusaux. L’attitude thérapeutique est soit l’abstention, soit une simple incision muqueuse pour dégager la dent.
Kyste folliculaire Figure 11. Kyste d’éruption. Cette photographie endobuccale chez une jeune fille de 11 ans met en évidence, au niveau de 25, un kyste d’éruption avec ulcération traumatique liée aux dents antagonistes.
ovoïde, uni- ou multiloculaire, bien circonscrite par une fine coque osseuse, située souvent au tiers supérieur de la racine. Il n’entraîne qu’exceptionnellement une résorption radiculaire. Au plan histologique, deux variétés sont décrites : unikystique (solitaire) ou moins fréquemment polykystique (botryoïde). Leur revêtement épithélial malpighien non kératinisé comprend de deux à cinq assises cellulaires, alternant avec des épaississements en plaques de cellules claires, fusiformes. Sa croissance, lente dans sa forme unikystique, peut être plus rapide dans les formes polykystiques. Le traitement consiste en une énucléation chirurgicale qui permet une guérison sans récidives (seul deux cas de récidive ont été décrits pour les formes polykystiques). [15-17]
Kyste glandulaire odontogénique, kyste sialo-odontogénique Décrit pour la première fois en 1988 par Gardner, [18] cette entité n’est pas sans ressembler aux tumeurs mucoépidermoïdes centrales des maxillaires. [19] Cette lésion, rare, n’a pas de signes cliniques et radiologiques spécifiques. Elle évolue dans les régions dentées des maxillaires, avec une préférence pour la région mandibulaire antérieure. Il y a une légère prédominance chez le sujet masculin ; elle peut se voir à tout âge, avec une fréquence augmentée vers la cinquième décennie. Le revêtement est constitué d’un épithélium pavimenteux pluristratifié dont les cellules superficielles sont cuboïdes, parfois ciliées, et à cytoplasme éosinophile. La structure des couches superficielles confère à la limite endocavitaire un aspect irrégulier et papilliforme. De petites cavités kystiques à contenu muqueux, limitées par des cellules cuboïdes, colonisent les couches profondes de l’épithélium. Les coupes histologiques montrent par endroit des rubans épithéliaux ainsi que des cémenticules calcifiés dans l’épaisseur de la poche conjonctive. Le traitement exige une énucléation complète du kyste et une surveillance postopératoire sur plusieurs années, justifiée par l’agressivité de ce type de lésion et par la forte propension à la récidive. [20] La nature de ces lésions reste incertaine : pour certains, le kyste glandulaire odontogène serait une variante des kystes parodontaux latéraux ; pour d’autres, vu la difficulté de les distinguer des carcinomes mucoépidermoïdes centraux des maxillaires, elles représenteraient peut-être l’aspect d’une même maladie. [21, 22]
Kyste d’éruption Le kyste d’éruption entoure la couronne d’une dent en évolution, prête à faire son éruption et située hors de l’os, dans les tissus mous superficiels (Fig. 11). Il s’observe chez le jeune enfant, rarement chez l’adulte, avec une préférence pour les dents temporaires maxillaires. Son origine est encore débattue : pour certains, il serait dû à un changement dégénératif de l’épithélium adamantin réduit ou du remaniement de la lame dentaire ; pour d’autres, il s’agit d’une accumulation de sang qui dilate l’espace autour de la couronne dentaire. Récemment la ciclosporine a été mise en cause comme facteur favorisant l’apparition de kyste d’éruption. [23]
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Le kyste folliculaire (Fig. 2D) est formé au sein de l’organe de l’émail d’une dent encore incluse, suite à l’accumulation de liquide kystique entre la couronne et la paroi formée par les épithéliums adamantins interne et externe. On observe ce kyste à tout âge, avec une fréquence plus élevée entre la deuxième et la quatrième décennie chez l’homme. Le kyste folliculaire intéresse surtout la troisième molaire mandibulaire, puis la canine maxillaire et la deuxième prémolaire mandibulaire ; il reste exceptionnel en denture temporaire. [24] Ce kyste se développe soit au niveau d’une dent mature incluse, sans signe clinique d’inflammation décelable, soit à la suite d’une infection venant d’une dent temporaire. Selon la situation du kyste, on parle de kyste central, péricoronaire, latéral, périradiculaire ou circulaire. Le point commun de toutes ces formes est l’insertion de la poche kystique à la limite émail-cément. Cliniquement, le kyste folliculaire est souvent asymptomatique, sauf lors d’infection secondaire, et est souvent diagnostiqué tardivement, alors que sa croissance est déjà envahissante. La persistance de dents temporaires, l’absence d’une dent sur l’arcade, les malpositions de certaines dents, sont des signes qui doivent faire suspecter la présence d’un kyste folliculaire (Fig. 2A, B, C, D). Radiologiquement, on observe une image radioclaire bien circonscrite, classiquement monogéodique, entourant la couronne d’une dent incluse (Fig. 10). On peut distinguer quelquefois une résorption radiculaire sur les dents adjacentes [25] et la lésion peut atteindre un volume important, refouler la dent causale loin de son site normal, évider la majeure partie d’un maxillaire. [26] Des images évoquant un cloisonnement de la cavité kystique peuvent fausser le diagnostic différentiel : confusion avec un améloblastome ou un kératokyste. Une tomographie est indispensable afin d’évaluer l’expansion du kyste et de préciser son insertion au collet de la dent incluse. Souvent solitaire, le kyste folliculaire peut être bilatéral ou multiple, souvent retrouvé lors de syndromes tels la dysostose cléidocrânienne, le syndrome de Klippel-Feil ou le syndrome de Marateaux-Lamy. [27] Histologiquement, on observe une lumière kystique tapissée d’un épithélium à deux couches cellulaires. La paroi mince est constituée d’un tissu conjonctif lâche, pauvre en fibres de collagène (Fig. 12). La présence d’un épithélium cilié est rare, et on peut trouver des métaplasies cellulaires caliciformes, des corps hyalins, des cristaux de cholestérine et quelquefois une kératinisation des cellules épithéliales de la surface. Le diagnostic histologique avec un améloblastome unikystique peut être difficile, voire impossible si le fragment à analyser est trop petit. [28] La transformation carcinomateuse, quoique exceptionnelle, doit être prise en compte et imposer l’énucléation complète de la poche kystique et l’extraction de la dent incluse. [29] La marsupialisation doit être envisagée en présence d’un kyste folliculaire sur une canine ou une prémolaire chez un sujet jeune, afin de permettre l’éruption de la dent causale. Dans ce cas, un examen anatomopathologique reste indispensable ainsi qu’un suivi postopératoire jusqu’à la fin de l’éruption de la dent.
Kératokyste odontogénique Contrairement à la classification de l’OMS, le kératokyste odontogénique et le kyste primordial sont étudiés séparément dans la mesure où le kératokyste odontogénique peut se développer à distance d’une dent et que le kyste primordial peut ne pas présenter de kératinisation. [30] Stomatologie
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Figure 12. Kyste folliculaire. En périphérie, ce kyste est bordé par un épithélium pavimenteux non kératinisant mince, composé de 2 à 3 assises de cellules. Cet épithélium peut contenir en son sein des cellules muccosécrétantes ou ciliées. La paroi kystique est habituellement mince, elle est constituée d’un stroma conjonctif lâche.
Kératokyste odontogénique Appelé aussi kyste épidermoïde, ce kyste a été décrit pour la première fois par Philipsen en 1956 ; il se développe aux dépens de restes de l’épithélium odontogène inclus dans les maxillaires. Il est caractérisé par une importante kératinisation de sa bordure malpighienne, une croissance agressive et une forte propension à la récidive. Le kératokyste odontogénique représente 14 % des kystes des maxillaires, plus fréquent entre les troisième et quatrième décennies. [31] Ses localisations préférentielles sont la mandibule, à l’angle et au ramus, et le maxillaire antérieur. Il peut y avoir une absence de signe clinique, la découverte est alors fortuite à l’occasion d’un examen radiographique de routine, ou bien les signes cliniques en rapport avec l’expansion du kyste et les déplacements dentaires qu’il provoque se confondent avec les autres tumeurs odontogéniques. Certains signes inflammatoires peuvent faire suspecter la présence de ce type de kyste, telle une fistule de laquelle sourd une sécrétion jaunâtre parsemée de paillettes de cholestérine. L’image radiologique rencontrée est celle d’une géode monoou polyfocale, homogène, ronde ou ovale, au contour régulier, net, bien tracé, voire épaissi. Les images polygéodiques prennent un aspect en « bulle de savon ». Le kératokyste peut parfois prendre la forme d’une vaste géode unique festonnée, déformant les corticales amincies (en particulier l’externe), envahissant chaque segment osseux mais respectant le condyle. Une dent incluse peut aussi être retrouvée au sein de l’image kystique et se discuter avec un kyste folliculaire. Le diagnostic différentiel se fait également avec l’améloblastome. À l’examen anatomopathologique (Fig. 13), on trouve une fine capsule conjonctive bordée par un épithélium pavimenteux kératinisé composé d’environ cinq couches cellulaires. La couche basale ne montre pas de digitations acanthosiques. La croissance agressive du kyste peut entraîner la destruction de l’os environnant et essaimer dans les tissus mous.
Figure 13. Kyste épidermoïde (kératokyste). En bordure, cette lésion présente un épithélium de type malpighien pluristratifié, de 5 à 9 assises cellulaires. Son épaisseur est régulière. Cet épithélium se kératinise en surface, parakératose. La couche basale est régulière. La paroi kystique est fine, composée de fibres conjonctives plus ou moins régulières.
La propension aux récidives et la toujours possible greffe d’un carcinome sur la paroi kystique explique toute l’attention que l’on doit conférer à son traitement, qui va de l’énucléation de la lésion à la chirurgie osseuse interruptrice lors d’un envahissement d’un maxillaire ou après récidive. [32] Le kératokyste odontogénique peut se rencontrer dans la nævomatose basocellulaire (syndrome de Gorlin et Goltz) (Fig. 14). Ce syndrome, à transmission autosomique dominante, est caractérisé par une nævomatose basocellulaire qui subit des transformations carcinomateuses, par des kératokystes multiples des maxillaires, par des anomalies squelettiques et par des calcifications cérébrales. Ces kératokystes sont d’apparition précoce, volumineux et récidivants. Kyste primordial Ce kyste, très rare, se développerait par dégénérescence et apoptose du réticulum étoilé d’un organe de l’émail, avant calcification de l’émail ou de la dentine. [30] C’est la raison pour laquelle le kyste primordial est retrouvé à la place d’une dent normale ou d’une dent surnuméraire, et non en association avec une dent. Il est découvert le plus souvent entre 20 et 30 ans ; plus fréquent en région postérieure mandibulaire, il apparaît sur la gencive sous la forme d’un nodule gris ou bleuâtre. Sa découverte est fréquemment faite lors d’un examen radiographique de routine ; il se présente sous la forme d’une image radioclaire bien délimitée, uni- ou polyloculaire. Histologiquement, il est bordé par un épithélium malpighien, dont l’épaisseur est régulière et faible. Le contour plissé, ondulé, est très caractéristique. La membrane basale est rectiligne (Fig. 15). La kératinisation est très fréquente, mais elle ne peut pas être considérée comme l’élément le plus caractéristique. [2] Le traitement en est l’énucléation. À la différence du kératokyste, il est moins récidivant. [33]
Kystes inflammatoires Ces kystes sont le plus souvent dus aux complications infectieuses des pulpopathies non ou insuffisamment traitées. Figure 14. Syndrome de Gorlin. La lumière de cette lésion est bordée par un épithélium pavimenteux non kératinisant. Il peut être rectiligne ou plissé, composé de plusieurs couches cellulaires, comparable au réticulum étoilé. La paroi kystique est mince.
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Figure 17. Kyste inflammatoire (kyste radiculaire).
Figure 15. Kyste primordial. La lumière du kyste est bordée par un épithélium malpighien stratifié mince tapissé de parakératose. La couche basale est rectiligne sans crête en saillie dans le conjonctif. La coque fibreuse, faite de fibres collagènes, renferme quelques cellules inflammatoires.
Les germes endocanalaires prolifèrent et agissent en synergie, libérant des toxines et des enzymes, point de départ d’un processus inflammatoire et infectieux impliquant des réactions immunitaires à médiation cellulaire et humorale. [2, 34] La réponse apicale peut être brutale sous la forme aiguë d’un abcès, puis évoluer vers une forme chronique ou être d’emblée chronique (granulome) (Fig. 16). Le passage d’une forme à l’autre étant possible dans les deux sens. Le granulome peut dégénérer en kyste suivant un processus diversement présenté. [35, 36] Le mécanisme le plus décrit se compose de trois phases [3]: • une phase d’initiation : les cellules épithéliales provenant des débris de Malassez sont stimulées par des mécanismes divers tels que les hormones de croissance [37] et les antigènes bactériens [38]; • une phase de cavitation, où il se forme des cordons épithéliaux qui se rejoignent et qui entourent les tissus de granulation, [2] lesquels dégénèrent du fait de leur isolement [39]; la lyse cellulaire pourrait être due à des phénomènes autoimmuns ; • la phase d’expansion ; le mécanisme exact n’est pas connu et plusieurs hypothèses se présentent : cette expansion serait due à l’action des pressions osmotique et hydrostatique qui entraînent la lyse osseuse [40-42] ; la résorption osseuse pourrait être aussi liée à l’activation de cellules ostéoclasiques par certains facteurs tels que les prostaglandines, entraînant ainsi l’expansion. Dans ces hypothèses, la lyse osseuse pourrait être la conséquence de l’expansion [43] ou sa cause (Fig. 1B, C, D).
Figure 18. La paroi du kyste est bordée par un épithélium pluristratifié de type malpighien. Le tissu conjonctif sous-jacent renferme de nombreuses cellules inflammatoires, notamment des lymphocytes et des plasmocytes. En profondeur, noter la présence de lames osseuses délimitant le kyste.
Histologie Le kyste inflammatoire est toujours revêtu d’un épithélium pavimenteux malpighien non kératinisé, d’épaisseur variable (Fig. 17). Cette épaisseur est liée au processus inflammatoire : en effet, si celui-ci est discret, l’épithélium est mince ; si celui-ci est important, le revêtement présente une hyperplasie avec de nombreuses invaginations (Fig. 18). Le revêtement épithélial peut renfermer des cellules à mucus et des cellules cylindriques de type cilié ; elles peuvent être décelées même à la mandibule, à distance des sinus, signant ainsi une véritable métaplasie . [44] Il peut présenter des inclusions de corps hyalins éosinophiles, les corps de Rushton. [2, 45] La paroi conjonctive est à prédominance fibreuse et ses faisceaux de collagène sont intimement mêlés à ceux du desmodonte. [34] La trame conjonctive sous-épithéliale est en
Figure 16. Granulome réparateur à cellules géantes. Remarquer l’abondance de fibroblastes et des cellules géantes plurinucléées ressemblant à des ostéoclastes.
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relation avec l’œdème qui accompagne l’inflammation [2] et est envahie par un infiltrat inflammatoire constitué de cellules (lymphocytes, plasmocytes, des cellules natural killer, des cellules du système monocyte-macrophage) et d’immunoglobulines (A, G, M). [38, 39, 46] La cavité contient un liquide citrin englobant des cristaux de cholestérol dont l’étiologie est discutée : ils peuvent dériver de la lyse cellulaire [34, 45] ou avoir une origine extracellulaire par suite d’une ischémie vasculaire. [2] On y retrouve également des macrophages, des cellules plurinucléées riches en hémosidérine (résidu de la lyse d’hématies) ou des macrophages spumeux chargés de lipides. [34, 45]
Kyste apical et kyste latéroradiculaire Les germes et leurs toxines venant de l’endodonte empruntent deux issues : • l’une, apicale, donne le kyste apical ; • l’autre, latérale, liée à la présence d’un canal latéral ou iatrogénique en rapport lui-même avec une perforation réalisée lors d’un traitement endodontique ou lors de la préparation d’un logement pour un ancrage radiculaire, donne le kyste latéroradiculaire (Fig. 6C, D). Ce type de kyste est celui dont on parle le plus et qui reste encore un sujet de polémique aujourd’hui. Au plan diagnostique, l’impossibilité de distinguer un kyste d’un granulome a amené les chercheurs à réaliser des statistiques à partir d’examens anatomopathologiques postopératoires. Les résultats devaient montrer que le pourcentage de kystes variait de 6 à 55 %. [47] Les 22 auteurs de ces études statistiques, rapportées par Nair, étaient des plus connus dans les décennies 19601970. Plus tard, d’autres auteurs montrèrent que ce pourcentage restait inchangé. [2, 34, 48] Enfin, Nair a montré que seuls 15 % des lésions étaient kystiques .36 Cet auteur suppose que la variabilité des pourcentages est en rapport avec l’interprétation des coupes histologiques et surtout avec la réalisation des coupes. Dans cette même étude, Nair a vérifié l’hypothèse de Simon [35] qui décrivait deux types de kystes apicaux : • le kyste ouvert ou kyste en baie, où la membrane épithéliale est interrompue à l’apex de la dent causale autour duquel il vient s’insérer (Fig. 19,20) ; • le kyste fermé ou kyste vrai, dont la membrane n’est pas interrompue par la présence de l’apex et est à distance de celui-ci. L’étude de Simon portait sur 35 échantillons de kystes avec leur apex. Nair reprend l’étude sur 256 échantillons et réalise des coupes passant par l’axe du foramen, montre que 15 % de ces lésions sont kystiques, et parmi celles-ci 6 % sont constituées de kystes en baie et 9 % de kystes vrais.
Figure 19. Définition du kyste inflammatoire. A. Image radiographique d’un kyste sur 24 : lésion radioclaire ; cavité de forme arrondie ; la lamina dura s’écarte et englobe la lésion ; le desmodonte disparaît ; l’apex ne présente pas de résorption ; la lésion déplace les dents collatérales. B. Aspect du kyste, conservé pendant 1 mois dans du formol. C, D. Une incision pratiquée dans la poche kystique en montre : l’épaisseur (coque conjonctive fibreuse et épithélium) ; le volume de la cavité ; l’apex non résorbé (astérisque).
Kystes résiduels Ces kystes représentent de 2 à 10 % des kystes dentaires. Leur nature histochimique rappelle celle des kystes odontogènes inflammatoires : le contenu liquide, l’épithélium pavimenteux stratifié de la membrane et la capsule fibreuse collagénique (Fig. 6F). Ce kyste est généralement retrouvé isolé dans l’os maxillaire ou mandibulaire, dans un secteur partiellement ou totalement édenté et centré sur la ligne des apex des dents extraites, d’où son nom de kyste oublié. Il persiste une controverse quant à son évolution : pour certains, ce kyste peut évoluer pour son propre compte, [2, 49] pour certains disparaître progressivement ce que conteste d’autres. [2, 49, 50] Les hypothèses sont nombreuses pour expliquer leur étiologie, leur pathogénie et leur évolution. Les observations suivantes permettent une approche. Certains travaux ont montré qu’il y avait des kystes vrais, dont la membrane continue était à distance des apex, et des kystes ouverts dont la membrane s’interrompait aux apex. [34, 35] Cette réalité permet d’avancer l’hypothèse que l’extraction d’une dent présentant un kyste ouvert laisse la cavité kystique béante, comparable à une sorte de « marsupilisation endoalvéolaire », qui en décomprimant le kyste le fait régresser. Le cas présenté par la radiographie (Fig. 5A) montre l’image curieuse d’un apex oublié auquel était inséré un kyste en poche. L’égression de cet apex, peut-être favorisée par la pression intrakystique, a entraîné avec lui l’insertion épithéliale, donnant cette image originale en « carafe ». Stomatologie
Figure 20. Kyste inflammatoire (kyste apical).
Pour le kyste vrai, si la membrane était à distance de l’apex et qu’elle n’ait pu être lésée par les manœuvres d’extraction et si a fortiori le kyste n’a pas été cureté, il peut évoluer dans le sens d’un développement autonome jusqu’à sa phase d’extériorisation. Cette évolution est surtout observée chez le patient âgé porteur de prothèse amovible, laquelle jouerait le rôle de stimulus qui favoriserait le développement du kyste. Au contraire, lorsque ce kyste vrai n’est pas stimulé, on peut assister à son involution. Quelle que soit son étiologie, lorsque le kyste oublié gagne en volume, le traitement est chirurgical.
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Kyste paradentaire ou kyste collatéral inflammatoire Contrairement aux précédents kystes inflammatoires, celui-ci se rencontre sur des dents vivantes. [51, 52] Kyste marginal postérieur Ce kyste se rencontre au collet de la racine distale de la troisième molaire mandibulaire, partiellement sous-muqueux et en rapport avec le sac péricoronaire de cette dent atteinte de péricoronarite. [53] Kyste mandibulaire de la furcation buccale Ce kyste se présente chez les enfants aux premières et deuxièmes molaires mandibulaires avant leur éruption, ces dents étant vivantes. [54, 55] Il se localise à la furcation, en position vestibulaire. L’OMS a classé cette lésion dans les kystes paradentaires, car leur histologie rappelle celle des kystes radiculaires sur des dents en revanche vivantes. [56, 57] La classification de ces kystes est encore hésitante, car certains d’entre eux identifiés comme globulomaxillaires seraient en réalité des kystes paradentaires inflammatoires, ainsi que le montre l’analyse anatomopathologique. [58]
Traitement des kystes inflammatoires Traitement chirurgical et ses conséquences Ce chapitre est traité de façon plus complète dans un autre fascicule de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale, [1] dans lequel les auteurs rappellent que le traitement des kystes est essentiellement chirurgical. Cependant, il faut reconnaître que lorsque les kystes sont importants en volume, il se pose alors le problème de la perte de substance osseuse qui peut avoir des conséquences : • esthétiques, l’ablation chirurgicale pouvant se manifester comme une mutilation inesthétique par une asymétrie de la face, surtout si ces pertes intéressent les zones antérieures maxillaire ou mandibulaire ; • fonctionnelles, la réalisation d’une prothèse conventionnelle pouvant être difficile, voire impossible. Pour pallier ces pertes de substance, le plus souvent cavitaires, bien avant l’ère de la chirurgie esthétique, des tentatives de comblement ont été faites avec des matériaux divers, tel que le plâtre de Paris (Lebourg, 1950), puis sont venues les greffes.
Figure 21. Traitement chirurgicoendodontique. A. Traitement d’un kyste apical sur 14 avec nécrose de 15. Obturation endodontique de 14 et de 15, avec un dépassement maladroit sur la 14. B. Traitement chirurgical : énucléation du kyste après décompression par aspiration afin de mieux le décoller. C. La cavité osseuse n’est pas curetée, l’excès de pâte a été aspiré. L’obturation de 15, jugée insuffisante, a été complétée par une obturation a rétro à la Gutta chaude. D. La cavité osseuse a été comblée (Biocoral 450). E. Radiographie de contrôle, après le traitement.
Homogreffes Les greffons étaient prélevés sur des cadavres ou des sujets vivants [59-62]; ces homogreffes sont à nouveau dans l’actualité avec adjonction de tétracycline et de métronidazole au greffon. [63] Autogreffes Elles sont faites à partir d’os iliaque, pariétal ou mentonnier, avec des variantes qui associent des techniques odontologiques à la technique chirurgicale. [64] Ce cas porte sur le traitement d’un kératokyste, dont le protocole consiste à extraire les dents jouxtant le kyste, les traiter endodontiquement puis à disséquer la corticale osseuse suivant le contour du kyste, à cureter le kyste, à réimplanter les dents et combler la lacune autour des racines à l’aide de greffons d’origine iliaque ; le volet osseux est alors replacé et le lambeau suturé. Toujours dans un traitement de kératokyste, une autre technique a été décrite dans laquelle une greffe autogène était associée à des implants suivant un protocole en sept phases. [65] Hétérogreffes Elles utilisent des greffons d’origine animale (ovine, bovine ou porcine), qui sont potentiellement des matériaux à risque de contamination par des virus ou des prions. Xénogreffes De nombreux matériaux ont été proposés (hydroxyapatite, phosphate tricalcique, carbonate de calcium) et les techniques de mise en place largement décrites (Fig. 21, 22). Plus récemment, certains auteurs ont utilisé le verre bioactif comme agent de liaison entre la surface osseuse et le matériaux de comblement, ici l’hydroxyapatite, dans le but d’améliorer la formation osseuse et la résorption du matériau. [66] Ce même matériau a
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Figure 22. Traitement chirurgicoendodontique. A. Traitement chirurgical d’un kyste sur 21, 22 et 23 : résection osseuse a minima, énucléation du kyste après décompression et obturation a rétro à la Gutta de 22. B. Comblement osseux au Biocoral 450. C. Radiographie après traitement. D. Radiographie 2 ans après : régénération osseuse avec une trabéculation régulière. Stomatologie
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Figure 23. Traitement chirurgicoendodontique. A. Kyste sur 21 et 22. Le traitement endodontique a été complété par une obturation a rétro sur 22. Il n’y a pas eu de comblement car l’exposition du tiers apical des racines était en deçà de la corticale. B. Radiographie postopératoire 6 mois après. C. 12 mois après. D. Kyste volumineux : il est conseillé de conserver des ponts osseux pour aider la régénération osseuse. E. À défaut de membrane renforcée (titane), une éponge hémostatique résorbable (pour les petits kystes) est utilisée.
Figure 24. Traitement non chirurgical des kystes. A. Traitement endodontique, étape commune à toutesles méthodes. B. Lésion apicale, en rapport avec un canal latéral, au tiers apical causal, le foramen principal n’aboutit pas à l’apex. C. Cas guéri : noter que la guérison est obtenue lorsque le ligament et la lamina dura sont reconstitués et les trabéculations osseuses normales.
été utilisé dans le retraitement d’un kyste idiopathique avec succès, après une première intervention, sans comblement, qui avait échoué. [67] Association allogreffe-autogreffe Cette association de matériaux et de tissu prélevé permet d’éviter les prélèvements iliaques au profit des prélèvements mentonniers, moins importants. Le mélange devient alors bioactif, par association de facteurs de croissance. Abstention La cavité est remplie d’ouate de cellulose biodégradable ou refermée sur une membrane non résorbable à renfort de titane, afin d’empêcher l’invagination du lambeau. Une autre technique, quand cela est possible, est la conservation d’un pont osseux qui assure le rôle de membrane rigide (Fig. 23D, E).
Traitement non chirurgical des kystes inflammatoires Avant les années 1950, le diagnostic entre un kyste et un granulome étant impossible, cliniquement et radiologiquement, il était admis qu’une lésion d’un diamètre inférieur à 0,5 cm était un granulome et qu’une lésion d’un diamètre supérieur à 0,5 cm était un kyste. [68] Le traitement d’un kyste était uniquement chirurgical, mais déjà Marmasse disait qu’il n’était pas impossible d’envisager le traitement médical d’un kyste. [69] Puis, des cas de guérison furent rapportés après un traitement endodontique accompagné d’un dépassement de pâte dans la lésion, sans expliquer si l’efficacité du traitement était due à l’action mécanique ou chimique de la pâte. Stomatologie
Dans les années 1970, les statistiques montrèrent que l’on guérissait les lésions apicales, aussi bien kystiques que granulomateuses, par voie endodontique (Fig. 24). Certains auteurs précisèrent que seuls les kystes ouverts étaient guérissables par cette voie, alors que les kystes vrais étaient réservés à la chirurgie. [35, 36] En 2005, l’attitude reste chirurgicale pour les kystes d’un diamètre supérieur à 3 cm, de façon à éviter les erreurs de diagnostic (Fig. 25). D’autres auteurs pensent, avec sagesse, qu’il vaut mieux commencer par un traitement endodontique, thérapeutique plus douce, et intervenir chirurgicalement en cas d’échec ou en cas de régression jugée trop lente du volume de la lésion. La chirurgie est alors moins délabrante, le kyste ayant diminué de volume (Fig. 4). Principes du traitement non chirurgical des kystes inflammatoires Le kyste se forme, stimulé par une inflammation provenant de l’endodonte, à partir du granulome. Le principe de base est la suppression du foyer endodontique par une obturation du réseau canalaire étanche (Fig. 24B, C, Fig. 26A). Le kyste évolue, il augmente de volume sous l’effet de la pression intrakystique. Le deuxième principe est la décompression assurée par la mise en place d’un drainage pendant un temps variable selon les auteurs [70] (Fig. 27). Le kyste évolue pour son propre compte tant que la membrane épithéliale est intacte. Le troisième principe consiste alors à percer la membrane épithéliale, [12] mais ceci pour des kystes de petit volume, car l’apex est à proximité de la membrane
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Figure 25. Traitement chirurgicoendodontique. A. Kyste apical sur la racine distale de 36. B. Le traitement endodontique classique est remplacé par une obturation a rétro, après énucléation du kyste. C. Obturation à l’amalgame. D. 1 an après, guérison.
Figure 26. Traitement chirurgicoendodontique. Kyste volumineux sur 11, 12 et 13. A. Obturation par voie endodontique de 11. Énucléation du kyste après décompression et obturation a rétro de 11 et 12, la 13 étant vivante. B. Comblement osseux et pose d’un treillis de Vicryl®. C. Radiographie postopératoire. D. 2 mois après, apparition de l’apex à travers la muqueuse : l’apex était extracortical et le comblement n’a pas suffi.
épithéliale [71] (Fig. 4). D’autres expériences portant sur 132 cas de surobturation, jusqu’au centre de la lésion [72, 73] révèlent 112 guérisons (84,4 %) et 20 échecs, dont sept kystes et 13 abcès inflammatoires. On peut en conclure que la guérison d’un kyste par voie endodontique requiert trois conditions : • obturation canalaire, étape incontournable ; • drainage du kyste (Fig. 28) ; • perforation de la membrane, par voie endodontique ; cette étape intéresse certains kystes vrais [71] (Fig. 4B).
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Figure 27. Traitement basé sur la décompression (FriedmanQuéquiner) : principe de ce traitement non chirurgical, après traitement endodontique. A. Trépanation vestibulaire, puis mise en place d’une pièce de Téflon®. B. 15 jours après, dépose de la pièce de Téflon®. C. Radiographie après le traitement endodontique. D. Radiographie 6 mois après, guérison complète (21 et 23 sont encore vivantes).
Il y a des échecs (Fig. 25D). Les causes de ces échecs sont diverses ; elles peuvent être d’ordre : • anatomique : en effet, l’instrument endodontique dépasse largement l’apex, mais du fait soit de la courbure apicale, soit de la topographie du foramen principal, l’instrument passe à côté de la membrane kystique, qu’il ne perfore pas (Fig. 27) ; Stomatologie
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Figure 28. A, B. Cause d’échec de la méthode. La cavité kystique E est hors de l’axe du canal et l’épithélium n’est pas lésé par l’instrumentation endodontique.
• anatomopathologique : la cavité kystique n’est pas toujours dans l’axe de la dent et l’instrument passe à côté de la cavité, donc de la membrane ; • thérapeutique : lorsque l’instrument endodontique pénètre dans la cavité kystique, sous la pression le liquide kystique remonte dans le canal ; cette présence de fluide intarissable ne permet pas d’obtenir l’étanchement de l’endodonte, condition essentielle d’efficacité d’un traitement endodontique. En conclusion, la décompression, en assurant le drainage, agit à deux niveaux : la perforation de la membrane et le drainage du liquide kystique. La perforation seule, en revanche, semble suffisante. Compte tenu de ces éléments, on peut dégager le protocole suivant.
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Point fort
Protocole de traitement non chirurgical des kystes inflammatoires • Réaliser un diagnostic, le plus précis possible, sur la nature inflammatoire du kyste, d’après les critères vus précédemment. • Pratiquer un traitement endodontique efficace sur la ou les dents concernées par le kyste. • Réaliser une fine trépanation vestibulaire (fraise ronde 00) : C directement à travers la muqueuse et l’os, lorsque la gencive est kératinisée (Fig. 29A) ; C après avoir réalisé une petite incision vestibulaire de 1 mm, lorsque la gencive est libre, de façon à mettre la fraise au contact de l’os qui est alors perforé jusqu’au kyste ; C lorsque la corticale a disparu, une petite incision vestibulaire fait ressortir le liquide kystique, preuve de la perforation de la membrane. • Surveiller l’évolution du kyste tous les 3 mois (Fig. 26D), puis une surveillance annuelle est conseillée pendant 5 ans (Fig. 27C, D, Fig. 29C, D ; pour ces deux cas cliniques, guérison à 12 mois).
Erreurs à éviter (Fig. 30) Erreur de diagnostic clinique (cf. supra) Erreur d’interprétation radiographique (Fig. 31). Les images anormales, telles les cicatrices fibreuses qui se présentent Stomatologie
Figure 29. Traitement non chirurgical : principe du traitement non chirurgical, basé sur la perforation de la membrane. A. Trépanation osseuse à travers la fibromuqueuse. B. Trépanation osseuse après incision de la muqueuse non kératinisée. C. Résultat après traitement endodontique et trépanation. D. 1 an après, guérison complète, 11 et 13 restent encore vivantes.
comme un kyste (volume, forme), mais qui sont spécifiques, ont pour caractéristiques : • d’être à distance des apex (Fig. 32D) ; • d’avoir un aspect radio-opaque très contrasté et arrondi ; • de présenter un contour de la cavité osseuse régulier, avec absence de lamina dura et une orientation centrifuge des trabéculations (soleil radiant ou sun burnt). Cette image est due à l’absence des deux corticales, surtout après le traitement chirurgical d’un kyste. Ici la lésion originelle est guérie (Fig. 32C, D) : la dent causale est entourée d’un desmodonte et d’une lamina dura réguliers ; entre les deux muqueuses s’est installé un manchon fibreux. Cliniquement, cette lésion peut être mise en évidence en traversant les corticales et les muqueuses à l’aide d’une aiguille sans provoquer ni suintement ni douleur à travers le manchon fibreux (Fig. 32A, B). Cavité naturelle et kyste. Il ne faut pas confondre les cavités naturelles avec des lésions kystiques ; cette erreur est plus fréquente pour les kystes maxillaires (Fig. 31A). En effet, l’image du kyste odontogène peut se confondre avec l’image du sinus et certaines images pathologiques d’origine sinusienne (Fig. 3A). Aux sinus, on note deux types de lésions [74]: • des lésions sécrétoires, à partir des glandes à mucus du sinus, qui obstruées se dilatent et se présentent sous la forme d’un kyste bordé par un épithélium (kyste antral) ; • des lésions non sécrétoires provoquées par accumulation de fluide (sérum) dans la zone subépithéliale ; ce type de lésion n’est pas bordé par un épithélium mais par une couche de fibroblastes (mucocèle). Ce dernier type de kystes envahit la cavité sinusienne et ne détruit pas l’os maxillaire, hormis un cas décrit par Scheer. [75] Le diagnostic clinique se fait d’après les résultats de la ponction, quand celle-ci ramène : • de l’air, il s’agit du sinus ; • rien, le contenu est solide ; • un liquide jaune et du cholestérol, il s’agit d’un kyste apical résiduel ou autre kyste dentigère ;
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Figure 30. Erreurs à éviter. A. Traitement d’un kyste volumineux par une obturation endodontique à la Gutta : ne pas reséquer l’apex, au niveau du pôle basal de la lésion, en deçà de l’hypomochlion (tiers apical) pour des raisons biomécaniques. B. Situation défavorable : mobilité importante et perte de ces dents à court terme. C, D. Il est conseillé de préserver le maximum de longueur à la dent. À condition que l’apex soit en deçà de la corticale (absence de contact entre le lambeau et l’apex).
Figure 32. Cicatrices fibreuses. A. Radiographie 2 ans après le traitement chirurgical d’un kyste. La lésion a l’aspect d’un kyste oublié mais présente trois caractéristiques d’une cicatrice fibreuse : le contraste, les bords de la lésion et l’absence de trabéculations. B. Preuve clinique de la perforation des deux corticales, vestibulaire et palatine. C. Traitement chirurgical d’un kyste sur 22. D. 1 an après : persistance de la lésion. Il s’agit d’une cicatrice fibreuse par son aspect et l’absence de rapports entre la dent causale et cette nouvelle lésion. Le traitement est l’abstention, car il y a guérison. E. Lésion caractéristique d’une cicatrice fibreuse jouxtant une lésion apicale sur 12 et 11. F. Traitement a rétro de 12 et 11 à la Gutta, après dissection des tissus fibreux reliant les deux muqueuses. Le comblement osseux et la pose d’une membrane sont nécessaires pour prévenir une récidive.
Figure 31. Causes d’erreur de diagnostic radiologique. A. Sinus procident avec cloisonnement. Les apex des prémolaires (14 et 15) sont limités par une lamina dura et un desmodonte réguliers. B. Sinus volumineux sans rapports avec 17, avec son desmodonte et sa lamina dura. C. Cliché radiographique réalisé avec la technique de Ciezinski, provoquant une projection du malaire et un allongement des dents. D. Cliché réalisé avec la technique des plans parallèles de la même région, suppression de la projection du malaire, ces images sont en vraie grandeur. Le sinus est volumineux, mais les apex des dents ne sont pas antraux, car les lamina dura et les desmodontes sont visibles.
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• du mucus, il s’agit d’un kyste bénin du sinus ; • du pus, il s’agit d’un kyste infecté ou d’une sinusite ; • un faux pus, liquide jaune sans odeur, il s’agit d’un kératokyste. Pour le diagnostic radiographique (Fig. 33), le cliché de choix est l’incidence de Blondeau, qui permet une bonne lecture des différentes structures anatomiques superposées (apex, lésion, sinus), chacune ayant sa propre nuance de gris : le kyste est plus radio-opaque que le sinus sain (Fig. 34B) ; le kyste est en rapport avec au moins une dent nécrosée, la lamina dura s’écarte de la dent à l’apex pour englober le kyste (Fig. 6B) ; le kyste antral se présente sous la forme d’un dôme radio-opaque unique accolé au plancher ou aux parois latérales du sinus, à distinguer des Stomatologie
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Figure 35. Identification de kystes non odontogéniques. Radiogrammes montrant des aspects différents de kystes nasopalatins.
Erreur de diagnostic avec une cavité osseuse idiopathique. Celle-ci a l’aspect d’une petite lésion ronde, solitaire, à la radiographie. Le diagnostic est possible grâce à l’histologie. [81] Erreur de diagnostic avec un hémangiome de la mandibule. Cette lésion se rencontre en région molaire et prémolaire, et son image présente une condensation osseuse limitante, mais elle peut également être expansive et créer des résorptions radiculaires et prendre l’apparence d’un kératokyste, d’un kyste solitaire ou d’un kyste résiduel. [82]
Risque d’évolution maligne des kystes odontogènes Figure 33. Rapport dent/sinus. A. Coupe coronale passant par les apex et montrant les rapports dent/sinus. B. Identification d’une lésion kystique par injection intracanalaire d’une solution radio-opaque (racine palatine et Lipiodol® ultrafluide). C. Étendue de la lésion visualisée par le Lipiodol®.
Il y a deux sources de tumorigenèse [83, 84]: • directement, à partir de cellules épithéliales odontogènes ; • par transformation maligne à partir de cellules kystiques ou d’améloblastome. De rares cas de développement d’épithélioma spinocellulaire [85] et de carcinome mucoépidermoïde [74, 85] ont été décrits à partir d’un kyste. Ils se rencontrent plus fréquemment au maxillaire [86] qu’à la mandibule. [87] C’est la raison pour laquelle l’examen anatomopathologique doit être systématique après énucléation d’un kyste, même bénin au départ, et le patient faire l’objet d’un contrôle annuel jusqu’à disparition totale de l’image kystique, a fortiori quand le traitement est non chirurgical.
Kystes épithéliaux non odontogènes Ces kystes non odontogènes répondent à la définition générale des kystes, mais la membrane épithéliale est, ici, issue de cellules épithéliales en rapport avec le développement des bourgeons maxillofaciaux. Ils correspondent à 5 % des kystes des maxillaires.
Kyste nasopalatin Figure 34. Caractéristiques du kyste inflammatoire. A. Sur ce prélèvement, on constate que l’apex ne présente pas de résorption. B. Sur cette image, le kyste refoule le sinus et respecte la muqueuse sinusienne.
polypes qui se présentent de la même façon, mais avec le plus souvent une image multiple ; le kyste antral, contrairement aux kystes odontogéniques, n’a pas de lamina dura, il épargne les angles de la cavité sinusienne, qui sont repérables par un triangle noir. [76] Erreur de diagnostic avec une lacune Stafne. C’est une pseudo-lésion (cf. supra) qui se présente comme un kyste. [77, 78] Cette image se rencontre au niveau de la corticale interne de la branche horizontale de la mandibule. Une telle image peut ne correspondre à rien sur une coupe tomodensitométrique. [78] Erreur de diagnostic avec un myofibrome central solitaire [79] Erreur de diagnostic avec des kystes dermoïdes [80] Stomatologie
Anciennement appelé kyste du canal incisif, il dériverait des vestiges de l’épithélium du canal incisif ou nasopalatin, qui peut être de type malpighien ou cilié de type respiratoire. Le diagnostic clinique repose sur une tuméfaction rétro-incisive, fluctuante et sensible (en contact avec une dent mandibulaire), parfois une fistule. La ponction ramène un liquide séreux, parfois visqueux. Les dents voisines sont vivantes. La radiographie montre une image caractéristique entre les incisives centrales. [88] Cette image est ronde ou ovoïde, parfois en « cœur de carte à jouer » ; elle est bordée d’une ligne de condensation osseuse (Fig. 35). Le diagnostic différentiel se fait avec : le kyste inflammatoire odontogénique dont la situation est rarement axiale, par rapport à la suture médiane, et dont la dent causale est toujours nécrosée, la lamina dura englobant le kyste ; le kyste de la papille, mais celui-ci ne présente pas d’image radiologique. Le traitement est chirurgical.
Kyste nasolabial De nombreux termes désignent cette lésion, tel le kyste nasoalvéolaire, le kyste mucoïde du nez, le kyste du plancher ou du vestibule nasal, le kyste du seuil narinaire.
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Figure 37. Kyste solitaire.
Kystes médians palatin et mandibulaire
Figure 36. Kyste globulomaxillaire. A. Cliché occlusal. Image en négatif montrant une conservation du ligament et de la lamina dura, la 22 vivante, la forme de la lésion en poire renversée, le déplacement des dents collatérales. B. Hypothèse sur l’étiologie du kyste globulomaxillaire : la suture secondaire (d’après Poirier et Charpy, Masson, Ed.1931) ; 1. Suture médiane, interincisive ; 2. suture latérale, incisivocanine. C. Kyste globulomaxillaire. La lésion est caractéristique. D. Kyste inflammatoire. La 22 est nécrosée, avec perte de la lamina dura et desmodontale.
D’étiologie variée selon les auteurs, il dériverait des cellules épithéliales de la jonction des bourgeons nasal et maxillaire, ou d’un trouble du développement du canal lacrymonasal. [30, 33] L’examen clinique permet de constater une tuméfaction de la base du nez et du vestibule correspondant. Cette tuméfaction est fluctuante, non douloureuse, sauf en cas de surinfection. Cliniquement, elle peut être confondue avec un kyste de la région canine. Il n’y a aucun signe radiographique ; seul un film occlusal permet de distinguer une érosion corticale. L’histologie montre un revêtement malpighien contenant des cellules sécrétantes et ciliées. Le contenu kystique est identique à celui du kyste apical inflammatoire. Le traitement est chirurgical.
Kyste glomérulomaxillaire Les anciennes dénominations parlent de kyste prémaxillaire et de kyste fissuraire. Sur le crâne du jeune enfant, la voûte palatine présente la suture interincisive, médiane, et les sutures incisivocanines secondaires, transversales, séparant les prémaxillaires des postmaxillaires. Lorsqu’une suture incisivocanine persiste sur tout son trajet palatin, c’est-à-dire du canal palatin antérieur jusqu’au bord interne de l’arcade alvéolaire, elle aboutit généralement à l’alvéole de la canine. La suture recule avec l’âge par suite du développement inégal des régions palatines, pré- et postmaxillaires d’une part, et des alvéoles d’autre part [89] (Fig. 36B). Ce kyste peut être décrit comme un kyste non odontogénique, car il se forme à partir des restes épithéliaux de la suture, et se présente sous la forme classique d’une poire renversée entre l’incisive latérale et la canine maxillaire. Les dents, incisive latérale et canine, sont vivantes (Fig. 36C, D). Cliniquement, ce kyste se manifeste par une tuméfaction palatine ou vestibulaire, indolore. La lésion déplace les dents, l’incisive latérale et la canine, et refoule le sinus et la fosse nasale. Radiologiquement, l’image classique de la lamina dura et du desmodonte se superpose à celle du kyste.
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Ces kystes sont situés sur la ligne médiane alvéolaire palatine ou mandibulaire. [90] Leurs étiologies ne sont pas établies ; pour certains, ce sont des kystes odontogéniques. Le signe clinique majeur est une tuméfaction indolore. L’image radiologique est celle d’un kyste bien délimité. Le traitement est chirurgical, suivi d’un examen anatomopathologique.
Kystes non épithéliaux Kyste osseux solitaire Il est également appelé kyste osseux hémorragique, traumatique, essentiel. Le kyste osseux solitaire est une lésion rare ; il se rencontre plutôt à la mandibule et très rarement au maxillaire. Il est probablement semblable au kyste osseux solitaire des os longs, des enfants et adolescents, auquel il est souvent associé. Il survient chez des individus jeunes, enfants et adolescents ; il atteint les deux sexes avec la même fréquence, mais quand le patient a plus de 30 ans c’est souvent une femme noire. [91] Il siège essentiellement à la mandibule, au corps et à la symphyse, et quand il intéresse le maxillaire, c’est rarement dans la zone antérieure. Dans la majorité des cas, le diagnostic est fortuit et se fait à partir d’une radiographie. [92, 93] L’examen clinique découvre une tuméfaction, buccale ou labiale, indolore. Les dents en rapport avec la lésion sont la plupart du temps vivantes. [94, 95] Radiologiquement, la lésion apparaît sous la forme d’une image ostéolytique avec des bords nets mais irréguliers et des corticales minces. Un cliché occlusal montre que l’ostéolyse s’étend d’abord dans l’os spongieux. La lésion peut être à distance des dents ou envelopper les racines des dents évoluées. La lamina dura peut être intacte et des résorptions radiculaires peuvent se rencontrer. La lésion peut être uniloculaire, multiloculaire et être à l’origine d’une erreur de diagnostic. [92, 95] D’étiologie inconnue, un certain nombre de théories ont été proposées, [96] telles la préexistence d’un traumatisme hémorragique [97, 98] ou un défaut de différenciation de cellules ostéolytiques. [99] Au plan macroscopique, la chirurgie met fréquemment à jour une cavité vide ou contenant un magma hémorragique. Au plan histologique, ce kyste ne présente aucun revêtement épithélial et cette cavité est parfois tapissée par une fine membrane conjonctive, et contient quelques cellules multinucléées éparpillées. L’os adjacent montre des zones de résorption avec des hémorragies et un tissu nécrotique ou en dégénérescence (Fig. 37). Le traitement est chirurgical. Il consiste à éliminer le contenu kystique et à réaliser un curetage. La néoformation osseuse signe la guérison et il n’y a pas de récidive. [100]
Kyste anévrismal Ce kyste siège habituellement aux os longs et au rachis, il intéresse rarement les maxillaires. Cette lésion affecte des individus jeunes, de moins de 30 ans, plus souvent des femmes que des hommes. Elle siège plus fréquemment à la mandibule qu’au maxillaire, dans la région postérieure de la branche horizontale, à l’angle et dans la partie ascendante du ramus. [101] Stomatologie
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de ces lésions kystiques reste le caractère silencieux de leur progression qui les fait découvrir à un stade tardif de leur évolution. Au plan thérapeutique, la chirurgie devient alors mutilante, en raison des risques de récidive et surtout de dégénérescence cancéreuse. Cette meilleure connaissance des kystes permet d’espérer des traitements moins radicaux, moins délabrants et respectueux des tissus. Pour certains d’entre eux, les kératokystes notamment, des traitements chirurgicaux semiradicaux ont été proposés puisque la conservation des dents a pu être réalisée après leur réimplantation. L’endodontie moderne permet ce genre de traitement. De même, la conservation des dents après traitement chirurgical ne peut être envisageable que si l’étanchéité apicale est obtenue, par voie endodontique ou par voie rétrograde. Le traitement peut être uniquement endodontique pour certains kystes dentaires en baie, grâce à la continuité endodonte-kyste. Pour les kystes vrais, la connaissance des rapports anatomiques apex-kyste permet d’établir un protocole simple qui autorise la réalisation de traitements uniquement par voie endodontique, sans faire appel systématiquement à la chirurgie.
Figure 38. Kyste anévrismal. Dans les territoires solides apparaissent des cellules plurinucléées et dans les lumières des hématies isolées les unes des autres.
Cliniquement, cette lésion produit une tuméfaction ferme et une malocclusion qui s’aggrave, et la vitesse de son développement est souvent décrite comme rapide, jusqu’à perforer les corticales. Radiologiquement, ce kyste se présente sous la forme d’une image radioclaire, avec des expansions ovoïdes ou fusiformes qui soufflent les corticales. Il peut être uniloculaire, multiloculaire ou en nid d’abeille. Les dents sont projetées et des résorptions radiculaires sont décrites. [102] L’étiopathogénie est très controversée et un certain nombre de théories ont été proposées. Bien qu’un traumatisme ait été suggéré, cette hypothèse est peu probable. Un certain nombre de travaux décrivent que ce kyste résulte d’un désordre vasculaire, d’autres que ce kyste est un phénomène secondaire qui survient consécutivement à une lésion osseuse préexistante, telles un fibrome non ossifiant, un chondroblastome, un ostéosarcome, une tumeur osseuse à cellules géantes, un ostéoblastome, un granulome à cellules géantes, une dysplasie fibreuse, un myxofibrome ou un kyste osseux solitaire. [103-108] Histologiquement, cette lésion comporte de nombreux capillaires et des cavités d’aspect caverneux, remplies de sang. Ces cavités sont dépourvues d’endothélium ou de revêtement épithélial et sont séparées entre elles par des cloisons conjonctives. Fréquemment, elles contiennent des cellules multinucléées et des foyers épars d’ostéogenèse. Au sein de zones fermes, on observe un grand nombre de cellules géantes multinucléées, des fibroblastes, avec présence d’hémorragies et d’hémosidérine (Fig. 38). [109, 110] Le traitement doit être déterminé en fonction de la nature de la lésion associée ; dans la plupart des cas, il est chirurgical et il consiste à en réaliser l’exérèse ou le curetage. [111] Comme dans certains cas, il y a possibilité de récidive ; une surveillance postopératoire est indiquée jusqu’à guérison complète. [112]
■ Conclusion Le rôle du praticien est de traiter les nombreuses lésions qu’il est amené à découvrir chez ses patients, lésions différentes quant à leur pathogénie et à leur pronostic. Le diagnostic préalable à tout traitement est basé sur la clinique qui donne peu de renseignements. La radiologie qui reste le seul moyen d’investigation préopératoire de plus en plus performant grâce aux procédés d’imagerie numérisée. L’examen le plus précis demeure l’analyse anatomopathologique, qui ne peut se faire, à quelques exceptions près, qu’après l’intervention chirurgicale. L’intérêt de ce diagnostic anatomopathologique, postchirurgical, est de permettre malgré tout au thérapeute de réintervenir, le cas échéant, en cas d’erreur de diagnostic ou de n’assurer qu’une surveillance postopératoire devant le caractère bénin de la majorité des kystes. Durant ces dernière années, les progrès de la biologie ont permis de comprendre certains mécanismes concernant l’étiologie, la pathogénie et le développement des kystes. Le problème Stomatologie
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Kystes des maxillaires ¶ 22-062-G-10
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G. Sauveur, Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier. UFR d’Odontologie de Paris VII, 5, rue de Garancière, 75006 Paris, France. L. Ferkdadji, Praticien hospitalier. Laboratoire central d’anatomo-pathologie, Hôpital Robert-Debré, 75019 Paris, France. E. Gilbert, Assistant hospitalo-universitaire. UFR d’Odontologie de Paris VII, 5, rue de Garancière, 75006 Paris, France. M. Mesbah, Assistant hospitalo-universitaire ([email protected]). UFR d’Odontologie de Paris VII, 5, rue de Garancière, 75006 Paris, France. Laboratoire de biologie oro-faciale et pathologie Inserm U714, Centre de recherches biomédicales des cordeliers, 15–21, rue de l’École de Médecine, 75006 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Sauveur G., Ferkdadji L., Gilbert E., Mesbah M. Kystes des maxillaires. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-062-G-10, 2006.
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¶ 22-062-D-10
Ostéites des os de la face J.-M. Maes, G. Raoul, M. Omezzine, J. Ferri Les affections inflammatoires des os de la face sont d’origines diverses, souvent infectieuses (dentaire surtout, traumatique, tumorale, radiothérapique, etc.), mais parfois apparemment primitives (ostéomyélite chronique primitive), survenant dans ce cas soit isolément, soit dans le cadre d’affections plurifocales. Enfin, récemment ont été mises en évidence des ostéomyélites survenant sous traitement par biphosphonates, selon un mécanisme inconnu. Le signe clinique majeur est la douleur, avec fréquemment tuméfaction locale, trismus, halitose, et hypoesthésie labiomentonnière dans les formes chroniques mandibulaires. Un bilan minutieux doit poser le diagnostic et éviter les erreurs thérapeutiques. Les aspects habituels en imagerie (radiographie conventionnelle, scanner, imagerie par résonance magnétique [IRM]) sont l’ostéolyse, l’ostéogenèse périostée, des séquestres et, dans les formes chroniques primitives, une sclérose. La scintigraphie révèle très précocement la maladie, mais manque de spécificité pour la localisation précise des lésions. Hémogramme, vitesse de sédimentation (VS) et protéine C réactive (CRP) sont variables, mais sont très utiles dans la surveillance. Les résultats des études bactériologiques sont très variés, et doivent être analysés avec circonspection. La biopsie est souvent indispensable au diagnostic. L’évolution infectieuse spontanée peut se faire précocement vers l’extension locale, régionale ou générale. Secondairement, une fracture pathologique, un retard de consolidation ou le passage à la chronicité sont possibles. Enfin, l’évolution tardive peut être marquée par une pseudarthrose, une dégénérescence néoplasique, des récidives ou des séquelles (perte de substance, troubles fonctionnels par rétraction musculaire masticatrice ou ankylose temporomandibulaire, déformations esthétiques avec atrophie ou hypertrophie faciale). Le traitement dans les formes infectieuses associe antibiothérapie, à utiliser avec discernement, oxygénothérapie hyperbare pour certains et, si nécessaire, traitement chirurgical de la cause et de l’infection (décortication, résection interruptrice). Les formes chroniques répondant mal à ces traitements, il est suggéré l’emploi de biphosphonates ou de macrolides à 14 ou 15 atomes de carbone. Il n’y a pas encore de recommandations concernant les ostéites sous biphosphonates. L’hygiène buccale est la meilleure prévention. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ostéite ; Ostéomyélite ; Maxillaire ; Mandibule ; Infection ; Biphosphonates
Plan
¶ Biologie
6 6 6 7
¶ Définition
2
¶ Microbiologie Technique Résultats
¶ Rappel anatomique Mandibule Massif facial
2 2 2
¶ Anatomopathologie Formes aiguës Ostéites chroniques
7 7 7
¶ Épidémiologie
2
¶ Physiopathologie Ostéites (suppurées) Ostéites primitives (non suppurées, « sèches ») Ostéites sous biphosphonates
2 2 3 3
¶ Évolution Guérison Complications Séquelles
7 7 7 8
¶ Étude clinique Signes cliniques
3 3
¶ Imagerie Imagerie photonique : radiologie conventionnelle et scanner Imagerie par résonance magnétique Scintigraphie Fistulographie Résumé de l’imagerie
5 5 5 6 6 6
¶ Introduction
Stomatologie
2
¶ Formes cliniques Ostéite hyperostosante de Garré (périostite) Formes chroniques primitives Formes avec localisations extrafaciales Ostéites sous biphosphonates Formes rares
9 9 9 10 10 11
¶ Diagnostic Diagnostic positif Diagnostic différentiel
12 12 12
1
22-062-D-10 ¶ Ostéites des os de la face
¶ Traitement Méthodes Indications thérapeutiques Protocole de Topazian Prévention
12 12 14 15 15
¶ Conclusion
15
■ Introduction
La vascularisation, assurée par des réseaux artériels largement anastomosés et la présence importante de muqueuses, est riche, expliquant la moindre fréquence des ostéites maxillaires par rapport à la mandibule. Ces deux structures osseuses sont situées à proximité de cavités septiques (cavité buccale, cavité sinusienne) et sont donc soumises à des agressions bactériennes fréquentes, mais sont protégées par des systèmes (muqueuses, salive) qui limitent la contamination. De plus, elles sont beaucoup plus résistantes aux infections que le reste du squelette.
Les ostéites des os de la face se présentent sous des aspects variables : • des formes localisées, secondaires à une cause locale, rencontrées en pratique quotidienne, et qui répondent habituellement au traitement local avec antibiothérapie ; • des formes rares diffuses, surtout mandibulaires, souvent d’origine générale ou inexpliquée, entraînant des délabrements osseux importants, posant des problèmes diagnostiques délicats, et ne répondant parfois pas au traitement ; • enfin, la littérature récente fait état de la survenue d’ostéites sous biphosphonates [1-4], lesquels sont par ailleurs préconisés par certains auteurs comme traitement des autres ostéomyélites diffuses. [5-8]
Les ostéites infectieuses sont souvent d’origine dentaire, et sont le fait de patients négligents ou désocialisés. Les fractures sont également souvent en cause. Elles touchent une population principalement masculine. Les études, rares, sur les ostéites non infectieuses, portent sur des séries restreintes. L’atteinte paraît plus fréquemment intéresser des sujets féminins. [9] L’âge des patients est variable, avec un pic avant 20 ans, [10] et un autre après 50 ans. [11]
■ Définition
Les ostéites varient cliniquement selon la localisation, la durée, la présence de suppuration, et la cause.
Les ostéites représentent une affection inflammatoire du tissu osseux. Leur aspect clinique varie selon la localisation (corticale [ostéite], médullaire [ostéomyélite], périosté [périostite], tissus mous, diffuse), la présence ou non de suppuration, la durée (aiguë ou chronique) et la cause. Dans la majorité des cas, elles sont liées à une cause locale bien identifiée (dentoalvéolaire, traumatique, tumorale, etc.). Au contraire, certaines ostéomyélites chroniques ne font pas la preuve de leur étiologie, la cause bactérienne étant très discutée. Elles sont en nette régression depuis quelques décennies, grâce aux progrès de l’hygiène buccodentaire, de l’accès aux soins et de l’antibiothérapie, mais persistent néanmoins en raison de certains comportements (excès de boissons sucrées, négligence, etc.) ou de terrain fragilisé. Si le diagnostic est en général facile dans les ostéites d’origine infectieuse, les ostéomyélites chroniques posent des problèmes bien plus délicats. Le traitement des formes infectieuses repose sur la correction de la cause et l’antibiothérapie. Au contraire, certaines ostéites chroniques sont rebelles à tout traitement antibiotique, chirurgical et à l’oxygénothérapie hyperbare.
■ Rappel anatomique Mandibule La mandibule est un os corticospongieux. L’os spongieux est prédominant au niveau du corpus, cet os spongieux se raréfie vers la région articulaire. La vascularisation artérielle repose sur un réseau principal central d’une part (artère alvéolaire inférieure), et un réseau périosté, les anastomoses étant de faible débit. La branche montante est située à distance des structures dentaires. En région symphysaire, le réseau périosté est relativement développé. C’est donc la branche horizontale, ayant la vascularisation la plus précaire par prédominance du réseau central, exposé directement aux thromboses infectieuses, qui est la plus atteinte par les nécroses.
Massif facial Il s’agit d’une structure osseuse composée de 13 os, appendue à la base du crâne. La structure osseuse est différente de la mandibule, l’os étant fin, comportant très peu de structures spongieuses, lesquelles sont situées au niveau de l’os alvéolaire, et des os zygomatiques.
2
■ Épidémiologie
■ Physiopathologie
Ostéites (suppurées) Dans les formes suppurées, les bactéries, ainsi que les leucocytes eux-mêmes, agissent par production de facteurs inflammatoires variés. [12, 13] Les bactéries présentent des récepteurs protéiques ou glycoprotéiques d’adhésion aux protéines de la matrice extracellulaire, et des exopolysaccharides (slime ou glycocalyx) réduisant l’action des cellules immunitaires, l’ensemble constituant un biofilm, adhérant à l’os et agissant comme une barrière à la diffusion des agents antibactériens et des nutriments, avec prolifération parfois pluribactérienne. Plus le biofilm est ancien, moins il est accessible aux antibiotiques. L’ostéite est donc une urgence thérapeutique. Par ailleurs, l’œdème avec compression vasculaire dans l’os, qui ne peut se dilater, entraîne une thrombose avec zones de nécrose que ne peuvent atteindre les cellules immunitaires et les antibiotiques.
Origine infectieuse Cause locale ou régionale Organe dentaire. C’est la cause la plus fréquente (pulpite, granulome ou kyste périapical, parodontopathie). Traumatismes maxillofaciaux. Ils représentent également une cause fréquente. Il s’agit le plus souvent de fractures, l’infection étant favorisée par la proximité de la cavité buccale, des délabrements muqueux et/ou cutanés avec dévascularisation périostée, la présence de corps étrangers septiques (gravillons, etc.), ou des défauts de réduction de l’articulé dentaire Tumeurs. Elles sont bénignes ou malignes, l’infection peut être révélatrice. Origine iatrogène. Elle est la conséquence d’un geste thérapeutique (extraction dentaire, notamment de dent incluse, chirurgie des maxillaires traumatologique, orthopédique, tumorale, réparatrice, implantaire, etc.), surtout en cas de mise en place d’un corps étranger (plaque d’ostéosynthèse, implant, etc.). L’infection peut débuter 48 h après l’intervention, mais parfois beaucoup plus tardivement. Autres causes. Elles sont plus rares : sinusienne (sinusite chronique), salivaire, ou cutanée. Cause générale L’infection propagée à la mandibule par voie hématogène est exceptionnelle. C’est beaucoup plus souvent le phénomène inverse qui se produit. Les ostéomyélites hématogènes touchent surtout les enfants ou les personnes âgées, elles ont une origine Stomatologie
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souvent cutanée (furoncle, anthrax, etc.) ou oto-rhinolaryngologique (ORL) (angine), le germe en cause étant habituellement un staphylocoque doré. Autres ostéites secondaires Elles sont exceptionnelles (mycoses, produits chimiques). Facteurs favorisants Ils seront toujours à rechercher (diabète, corticothérapie, immunosuppresseurs, tabac, malnutrition, virus de l’immunodéficience humaine [VIH], maladie du collagène, vascularite radique, ostéopathies, ...). [14]
Ostéites primitives (non suppurées, « sèches ») Le terme d’ostéite scléreuse chronique a été introduit par Shafer en 1957. [15] Ce sont des affections rares, méconnues, d’étiologie mal précisée, de diagnostic difficile, à l’origine de traitements inappropriés, dont la prise en charge est souvent décevante. Elles sont marquées par une sclérose osseuse. Elles touchent principalement la mandibule, du fait vraisemblablement d’une vascularisation plus précaire qu’au maxillaire. L’origine infectieuse à bas bruit, [16] sur des constatations bactériologiques, est contestée, certains des germes mis en évidence étant saprophytes de la cavité buccale, et non pathogènes. Par ailleurs, les traitements classiques antibiotiques locaux ou généraux, les interventions chirurgicales (décortication), et l’oxygénothérapie hyperbare sont peu efficaces. Seuls les anti-inflammatoires non stéroïdiens semblent avoir une certaine action sur le déroulement de la maladie. En outre, Suei et al. [17] ont rapporté qu’un greffon osseux non vascularisé, après résection mandibulaire unilatérale, était viable, malgré sa contiguïté avec la mandibule résiduelle ostéitique. Enfin, nombre de ces ostéites diffuses chroniques surviennent chez des patients édentés. Par conséquent, plusieurs autres hypothèses ont été émises : altération de l’immunité locale, [18-20] origine périostée, [21] origine génétique, [11, 22] parafonctions, [18, 23] par analogie avec la panbronchiolite diffuse réfractaire, suspectent la présence d’un biofilm qui rend inopérants les antibiotiques et les défenses immunitaires. Les macrolides à 14 ou 15 atomes de carbone, par leur effet antibiofilm, semblent donner des résultats encourageants. Par ailleurs, certaines de ces ostéomyélites surviennent isolément, d’autres dans un cadre multifocal squelettique (ostéomyélite chronique récurrente multifocale, et syndrome SAPHO associant synovite, acné, pustulose palmoplantaire, hyperostose et ostéomyélite). Il existerait des relations entre ces trois affections, qui seraient l’expression variable d’une maladie unique, mais cette hypothèse reste à vérifier. [24] La terminologie elle-même est discutée. Le terme habituel d’ostéomyélite sclérosante diffuse est ambigu, car il regroupe les diverses affections décrites ci-dessus. Le terme d’ostéomyélite chronique primitive semble préférable. [11] Actuellement, aucune de ces étiologies ne peut être infirmée ni confirmée.
A posteriori, nous avons retrouvé plusieurs patients suivis dans le service pour ostéomyélites maxillaires et mandibulaires, y compris chez des édentés, sans cause infectieuse, la majeure partie d’entre eux étant sous biphosphonates. Cette pathologie pourrait être en rapport avec l’effet inhibiteur des ostéoclastes qui caractérise les biphosphonates, ralentissant le phénomène d’apposition-résorption osseuse, ainsi qu’avec un effet inhibiteur de l’angiogenèse de certaines molécules de ce groupe (zolédronate). Ruggiero [1] et Marx [2] impliquent cette molécule, ainsi que le pamidronate, et excluent les autres biphosphonates. [2] Le rôle du terrain et de la pathologie sous-jacente n’est pas précisé, de même que celui d’une extraction dentaire souvent réalisée aveuglément, et qui conduit à une dénudation osseuse non contrôlable. Enfin, un dernier élément déroutant est que les biphosphonates ont été utilisés avec un certain succès comme traitement des ostéomyélites primitives. [5-8] L’évolution de ces ostéites chroniques est souvent péjorative, du fait de la résistance aux traitements classiques (antibiothérapie, décortication, hyperbarie). Au total, les réflexions concernant les ostéites chroniques apportent plus de questions que de réponses, et des études plus poussées seront nécessaires. Par ailleurs, il apparaît que la prise en charge des ostéites des os de la face nécessite une étroite collaboration multidisciplinaire entre praticiens spécialistes de ces os, de l’imagerie, de l’infectiologie, de la microbiologie, de l’anatomopathologie, etc.
■ Étude clinique Signes cliniques Le maître symptôme est la douleur, souvent très vive, localisée ou irradiée, continue ou à renforcements paroxystiques, parfois insomniante, majorée au contact. Elle gêne l’alimentation. Un autre signe essentiel est la tuméfaction œdémateuse parfois érythémateuse, à proximité du site de l’inflammation. D’autres signes sont fréquents, tels le trismus en cas d’atteinte osseuse postérieure, l’halitose et la mobilité d’un groupe dentaire. Il peut apparaître une dénudation osseuse. L’hypoesthésie labiomentonnière (signe de Vincent) est fréquemment retrouvée dans les formes chroniques mandibulaires. L’anesthésie sous-orbitaire est rare. D’autres signes peuvent être trompeurs (syndrome myofascial et syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur [SADAM]). Il peut exister des adénopathies cervicales. La température est variable selon l’intensité et l’étiologie. On recherchera également des signes d’abcédation : hyperthermie oscillante au-delà de 39 °C, douleur insomniante, fluctuation au niveau de la gencive ou signe du godet cutané. Ces éléments sont variables en fonction de l’étiologie (atténués dans les formes chroniques [3]), plus marqués chez le sujet jeune, et souvent masqués par une antibiothérapie prescrite préalablement.
Causes infectieuses
Ostéites sous biphosphonates
Alvéolites
Plusieurs auteurs [1-4] ont récemment attiré l’attention à propos du développement d’ostéomyélites chroniques non bactériennes des maxillaires chez des patients sous traitement au long cours par biphosphonates pour affections ostéolytiques majeures, malignes (métastases d’adénocarcinomes, en particulier mammaire, myélome), ou bénignes (maladie de Paget, ostéoporose sévère). La fréquence apparaît beaucoup plus élevée que celle des ostéites primitives, mais elle est apparemment faible en regard du nombre de patients sous biphosphonates. Ces ostéomyélites semblent toucher exclusivement les maxillaires. Par ailleurs, le maxillaire est intéressé dans un tiers des cas. La suspension du traitement par biphosphonates n’améliore pas toujours la pathologie des maxillaires, peut-être en raison de leur effet prolongé.
Elle survient 2 ou 3 jours après une extraction dentaire. La douleur est très vive. À l’examen clinique, il peut s’agir d’une : • alvéolite sèche : les parois osseuses de l’alvéole sont exposées en bouche, la douleur est extrêmement vive au moindre contact alimentaire ou à la sonde. Progressivement, en 2 à 3 semaines, un tissu de granulation recouvre les parois, les douleurs s’atténuent. L’alvéolite sèche serait favorisée par les vasoconstricteurs associés aux anesthésiants locaux. Des fragments osseux alvéolaires fracturés peuvent être expulsés à la gencive quelques semaines après l’extraction ; • alvéolite suppurée : la douleur est vive, lancinante, associée à un œdème des parties molles et à un trismus dans le cas des dents de sagesse. Elle peut survenir plus tardivement après l’extraction.
Stomatologie
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Figure 1. Ostéite infectieuse maxillaire et mandibulaire droite sur kystes radiculodentaires (A, B, C, D).
Figure 2. Ostéite infectieuse sur fracture pathologique mandibulaire après extraction dentaire, avec séquestres et fistule cutanée (A, B, C).
Infection de l’organe dentaire (Fig. 1)
Ostéite postopératoire
Elle associe des signes de monoarthrite à des douleurs irradiant à l’oreille, à la symphyse lors d’une atteinte mandibulaire, vers le sinus ou la région orbitaire dans le cas du maxillaire, avec fréquemment un œdème des parties molles gingival et sous-cutané et des adénopathies satellites.
L’infection survient au plus tôt 48 heures après une intervention sur les maxillaires. Les douleurs postopératoires se majorent, il apparaît un œdème et un érythème local, la mastication est douloureuse.
Infection post-traumatique (Fig. 2) Elle survient au décours d’une fracture, avec un tableau inflammatoire secondaire (douleur, tuméfaction, érythème, mobilité du foyer, brèche muqueuse, et fistule purulente). Il s’agit en général soit d’un patient négligent ne respectant pas l’immobilisation bimaxillaire, soit d’un traitement mal conduit avec défaut de restauration d’une occlusion équilibrée. Infection d’origine tumorale Dans les tumeurs bénignes, l’infection est souvent révélatrice. En ce qui concerne les tumeurs malignes, l’interrogatoire retrouve fréquemment des épisodes antérieurs douloureux ou de tuméfaction, avec parfois anesthésie labiomentonnière. Infection d’origine sinusienne La sinusite maxillaire aiguë ou chronique unilatérale, avec douleurs locales, obstruction nasale, rhinorrhée purulente, cacosmie et larmoiements, peut rarement se compliquer d’une ostéite, avec douleurs anormalement vives, et survenue ultérieure d’une communication buccosinusienne spontanée.
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Le diagnostic est formel en cas de suppuration, spontanée ou après désunion de plaie.
Ostéite d’origine générale Elle est exceptionnelle. Elle touche surtout les sujets jeunes (enfants, adolescents) ou les personnes âgées, principalement en région angulomandibulaire. Les signes généraux sont brutaux, marqués par un syndrome septicémique sévère, avec hyperthermie oscillant au-delà de 39 °C et frissons, la douleur locale est violente, le trismus est serré. Un signe négatif est essentiel, il n’y a pas de point d’appel local gingivodentaire. L’origine est à rechercher au niveau cutané (panaris, furoncle, anthrax) ou pharyngé (angine). Chez les adultes en milieu de réanimation, à l’état général critique, les ostéites faciales passent souvent au second plan, le diagnostic étant porté au stade de fistule ou de séquelle. Stomatologie
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La biologie retrouve une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, avec vitesse de sédimentation (VS) et protéine C réactive (CRP) élevées. Des hémocultures doivent être pratiquées lors des pics fébriles. La prise en charge doit être immédiate compte tenu de l’état général.
■ Imagerie Elle est essentielle au diagnostic, au bilan d’extension et à la surveillance. Elle comprend la radiographie standard, la tomodensitométrie (scanner), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la scintigraphie. Chacun de ces examens a sa place dans la prise en charge de la pathologie. L’étude porte sur les structures osseuses (os cortical, os spongieux, canal dentaire), et sur les parties molles (périoste, muscles masticateurs). Enfin, on recherchera une cause (granulome ou kyste apical, corps étranger [matériel d’ostéosynthèse], fracture, pathologie tumorale, ...). La précocité du diagnostic est essentielle, mais pose le problème du délai d’accès aux examens.
Imagerie photonique : radiologie conventionnelle et scanner Technique La radiographie conventionnelle repose principalement sur l’orthopantomogramme, ainsi que sur des incidences particulières (maxillaires défilés, face basse de face et de profil, clichés occlusaux, rétroalvéolaires, etc.). Les signes radiologiques sont retardés par rapport à la clinique (4 jours à 3 semaines). Le scanner précise plus précocement et en trois dimensions les données de la radiographie conventionnelle. Il étudie l’érosion de l’os cortical côté endostal ou périosté, du canal, et l’élargissement du trou mentonnier. Il étudie la baisse de densité osseuse traduisant la déminéralisation. Il analyse enfin le périoste et les parties molles (sinusite, cellulite, muscles masticateurs). [14] Toutefois, radiographies et scanner ne détectent pas les anomalies débutantes, et le scanner est gêné par les soins dentaires conservateurs et restaurateurs.
Résultats Ostéolyse Il s’agit d’une décalcification osseuse initialement localisée au niveau de l’os spongieux, pouvant éroder la corticale du canal mandibulaire et se propager vers le trou mentonnier, avec raréfaction de la trame, corticale et médullaire à limites floues. À 4 semaines, le scanner est toujours positif. [14] Ostéogenèse périostée ou sous-périostée Elle est plus marquée chez les sujets jeunes. Le scanner révèle un dépôt linéaire ou semi-lunaire après 10 à 14 jours. Il s’agit d’une néo-ostéogenèse mono- ou multicouche parallèle à l’os cortical, avec des spicules plus rares qu’en pathologie néoplasique. Le côté vestibulaire est plus fréquemment atteint. Séquestres (4e à la 11e semaine) Il s’agit de fragments osseux isolés du reste de la structure osseuse restante par un liseré radioclair périphérique. La densité est élevée, alors que sur l’os restant, on observe une décalcification à proximité du liseré radioclair. Le scanner est plus précis pour apprécier la présence, la localisation et l’extension des séquestres. Leur apparition traduit le passage à la chronicité. Les signes radiologiques étant retardés par rapport à la clinique, certains auteurs pensent que la chronicité pourrait apparaître avant la limite arbitraire de 4 semaines. [6] Tissus mous (scanner) On observe un œdème et une prise de contraste du muscle masséter, moins fréquemment du ptérygoïdien interne, du Stomatologie
temporal, et rarement de l’espace parapharyngé. Ces aspects du masséter sont un indicateur précoce de récurrence ou d’exacerbation de la pathologie. Réossification des zones radioclaires Au cours de la guérison, on assiste à une réossification des zones radioclaires. En revanche, les zones d’ostéosclérose peuvent persister au titre de séquelle. Selon la forme clinique Ostéomyélites suppuratives. la répartition des lésions est continue, avec perforation corticale, séquestres, transformation scléreuse discrète et peu évolutive, et réaction périostée lamellaire en « pelure d’oignon ». Ostéomyélites chroniques. Les lésions sont extensives, plus éparses, le condyle peut être intéressé. [14] Elles sont caractéristiques mais non pathognomoniques, peuvent prêter à confusion et conduire à une biopsie si l’on ne dispose pas de scanner ou d’IRM pour différencier l’affection d’une maladie néoplasique : • phase de début : on assiste à une ostéolyse et à une réaction périostée ; • phase d’état : l’aspect scléreux se développe progressivement, l’ostéolyse régresse, les lésions s’étendent ; • phase tardive : prédominance de la sclérose, densité osseuse homogène caractéristique, et réaction périostée compacte, déformant la mandibule, [21, 22] plus marquée chez le sujet jeune, et qui est, chez l’adulte, un indicateur de l’inflammation chronique ou récurrente. [14] La sclérose peut être interprétée comme une cicatrice, d’autant plus marquée que l’évolution est ancienne et que le sujet est âgé. L’ostéolyse réapparaît lors des périodes de poussée. [11] Les séquestres sont rares. Le scanner révèle un élargissement osseux, le cortex d’origine a disparu, il est remplacé par une zone radio-opaque correspondant à la réaction périostée. En cas d’apposition osseuse corticale endostale, l’os médullaire diminue et peut être oblitéré. Le scanner est recommandé pour établir le stade de la pathologie et lors de son suivi. Il distingue les ostéomyélites actives et quiescentes, les modifications postopératoires et les processus réparateurs après traitement efficace. Il peut reconnaître un échec du traitement chirurgical, lorsque la sclérose progressive diffusant dans le corps mandibulaire indique une décortication inefficace.
Imagerie par résonance magnétique Technique Elle nécessite une acquisition en pondération T1, T2, et T1 avec injection de gadolinium. D’autres techniques, telles la réduction du signal du graisseux médullaire, [14, 25] ou les techniques spin-echo ou écho de gradient, [13] réduisent l’hypersignal graisseux et augmentent la détection hydrique, et par conséquent l’inflammation débutante. L’IRM est intéressante pour le canal médullaire, le périoste et les parties molles, qu’elle analyse avec une très grande spécificité, ainsi que pour un diagnostic précoce et la détection d’une pathologie maligne. Elle évite l’irradiation. Elle est « artefactée » par les traitements dentaires. Elle est contre-indiquée en présence de corps étrangers ferromagnétiques.
Résultats Formes aiguës L’IRM est plus précise et plus précoce que le scanner pour déterminer l’extension intramédullaire. Le degré d’intensité peut être corrélé au résultat histopathologique. Les aspects généralement rencontrés sont un hyposignal en T1 et un hypersignal après injection de gadolinium et en T2. Elle permet de faire la part entre le processus inflammatoire et le processus de sclérose, marqué par un hyposignal au gadolinium. La réaction périostée et l’extension aux muscles masticateurs sont décelées précocement. Elle peut déceler précocement une transformation maligne. Os cortical et séquestres sont moins bien analysés.
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Figure 3. Ostéomyélite chronique « primitive ». La scintigraphie est très évocatrice, en l’absence de signes physiques et radiologiques (A, B, C, D).
Formes chroniques
Résumé de l’imagerie
La sclérose médullaire est dépistée précocement, certains auteurs pensent que la chronicité apparaît avant la limite arbitraire des 4 semaines. [14] L’IRM retrouve une bonne corrélation avec l’examen histologique, sauf en cas de geste chirurgical retardé, de traumatisme ou d’infarctus osseux. L’IRM est d’un grand intérêt avant décortication, car elle permet d’établir la localisation et le degré d’atteinte du périoste. La surveillance postopératoire est difficile, les changements au niveau de la moelle osseuse prenant 1 à 6 mois pour revenir à la normale. Toutefois, après 6 mois, l’IRM est plus fiable que le scanner pour détecter des zones évolutives ou récurrentes.
La radiographie panoramique dentaire est indispensable pour étudier la dentition, les signes directs d’ostéomyélite, la présence de conditions prédisposantes (fracture, maladie osseuse systémique) et dans le suivi. Le scanner, également dans le bilan préchirurgical, précise le degré de destruction corticale, la présence de séquestres et l’étendue d’os à réséquer. L’IRM, du fait de sa grande sensibilité, est utile pour la détection de l’atteinte médullaire, et pour planifier le traitement chirurgical. Enfin, la scintigraphie est recommandée à la recherche d’autres localisations (ostéomyélite chronique récurrente multifocale, syndrome SAPHO).
Scintigraphie
(Fig. 3)
Les techniques récentes proposent un protocole en trois phases (1 minute après injection : temps de perfusion ; 5 minutes : lit vasculaire ; 2 à 3 heures : « phase de minéralisation » du « turn over » osseux), améliorées en combinant le technétium 99m et le gallium 67, plus spécifique de l’infection osseuse que le technétium, [26] ou les leucocytes marqués par l’iridium 111, également plus spécifique de l’infection osseuse, mais moins sensible). La scintigraphie est caractérisée par son extrême sensibilité (100 %), avec une hyperfixation dès le 2e jour de la maladie, mais avec une faible spécificité qui ne permet pas une analyse fine des différentes structures. Lors des traitements conservateurs, la diminution du contraste correspond à une réduction de l’activité et une augmentation à une reprise de l’affection. L’hyperfixation peut persister jusqu’à 4 mois après disparition des signes cliniques. Le retour à la normale est plus précoce qu’en scanner. [14] En outre, tout geste chirurgical préalable ou la régénération osseuse modifiant les images, elle est peu adaptée à la surveillance de l’évolution postopératoire. Enfin, la scintigraphie permet de déceler une atteinte d’une autre structure osseuse, en cas d’ostéite multifocale.
Fistulographie Elle permet de préciser le trajet d’une fistule en vue de son excision ou de sa mise à plat.
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■ Biologie Le bilan inflammatoire comprend la recherche d’une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, d’une accélération de la VS et d’une élévation de la CRP. Ces éléments sont en général étudiés à des périodes variables de la maladie, leur degré de modification est difficilement interprétable. La répétition de ces examens permet une surveillance de l’évolution. Dans les ostéomyélites chroniques, la VS est habituellement en dessous de 30 mm à la première heure. Lorsque le taux est supérieur, une autre étiologie doit être recherchée. Entre la VS et la CRP, la prédominance de sensibilité varie selon les auteurs. Les tests d’immunité sont divergents. [10] Par ailleurs, la biologie recherche une étiologie et d’éventuelles défaillances viscérales.
■ Microbiologie Technique La flore buccale saprophyte particulièrement riche est source de nombreux artefacts. Les prélèvements doivent respecter certaines règles : enquête microbiologique exhaustive pour obtenir l’historique de l’ostéite du patient, fenêtre antibiotique de 48 heures dans les traitements aveugles préalables, prélèvements par aspiration des écoulements purulents à la seringue Stomatologie
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▲ Mise en garde Les résultats bactériologiques sont à interpréter avec beaucoup de prudence.
avec cathéter, demande d’étude en aérobiose et anaérobiose (le matériel dans ce cas est à placer en Vacutainer ® stérile), transmission rapide au laboratoire. La méthode par écouvillon est à éviter, car les quantités de liquide sont très faibles et ne permettent pas l’étude de l’architecture du prélèvement. En ce qui concerne le bacille de Koch, il est relativement résistant et ne nécessite pas de précautions particulières, sinon de préciser au laboratoire d’en effectuer spécifiquement la recherche, comme les autres germes mycéliens. Des cultures multimédias sont recommandées. [27] L’étude bactériologique sur prélèvements osseux (séquestres) mis en flacon stérile, a des résultats très aléatoires. Il n’y a actuellement pas de consensus mondial sur la fiabilité d’une telle analyse. La contamination périphérique entraîne un risque d’artefact dû à la flore saprophyte. Une amélioration peut être obtenue par broyage en laboratoire. Il a été proposé un carottage osseux, avec analyse de la face profonde du prélèvement, au contact du processus infectieux. [28] Il faut être critique devant les résultats bactériologiques. Des prélèvements profonds et multiples ont une plus grande fiabilité. L’avenir réside dans l’étude de la génétique des bactéries.
Résultats La variété des germes susceptibles d’être responsable d’ostéites est très importante. Le groupe des staphylocoques est souvent en cause (Staphylococcus aureus, albus, epidermidis, melitis, etc.). On retrouve également fréquemment des streptocoques (oralis, sanguis, milleri, viridans, anginosus, midis, etc.) et des pneumocoques, des Haemophilus parainfluenzae, des germes à Gram – (Klebsiella, Serratia, Proteus, Escherichia coli, Enterobacter, etc.), des bacilles à Gram+ anaérobies (Propionobacterium acnes). Des germes mycéliens peuvent également être dépistés (Candida, Aspergillus israelii, A. Naeslundii). Des mycoplasmes, type Mycobacterium israelii ou Nocardia, sont difficiles à mettre en évidence. Enfin, citons des bactéries intracellulaires (Coxiella burnettii), ainsi que Veillonella, Eikenella corrodens, Pseudomonas aeruginosa, Peptococcus, Neisseria, Porphyromonas, Fusobacterium, Peptostreptococcus intermedius, etc. Dans les ostéites chroniques, il s’agirait de contamination lors du prélèvement. [10]
■ Anatomopathologie Formes aiguës L’inflammation au niveau de l’os n’a pas de particularité (œdème, infiltrat lymphoplasmocytaire). À l’endroit de l’infarctus apparaît une réaction hyperémique, avec augmentation d’activité des ostéoclastes. La zone nécrosée est le siège d’une résorption périphérique, sous forme d’un séquestre, avec cicatrisation sous-jacente à partir du tissu sain. Le séquestre finit par être expulsé. Entre-temps, il est responsable d’abcédation, tel un corps étranger infecté. On retrouve des colonies bactériennes. [9] Pendant ce temps, une apposition périostée avec néoostéogenèse apparaît.
Ostéites chroniques Elles évoluent plus lentement. Il se produit des remaniements de la médullaire, qui est remplacée par un tissu fibreux (lymphocytes, fibrocytes, polynucléaires, augmentation des ostéoblastes et des ostéoclastes, ces derniers empiétant sur l’os Stomatologie
médullaire). L’os trabéculaire apparaît irrégulier en taille et en forme, avec occlusion du système haversien. [24] Il y a un épaississement sous-périosté lié à la néo-ostéogenèse avec remodelage sous-jacent de l’os cortical par appositionrésorption. L’apposition osseuse endostale est de type pagétoïde. [10] La répétition des poussées aboutit à un tableau en « mosaïque ». [29] Il peut y avoir formation de micro-abcès. Les séquestres sont rares. Ces phénomènes sont variables selon l’étiologie. La vascularisation plus précaire de la mandibule explique qu’elle soit plus fréquemment et plus gravement atteinte que le maxillaire. La plupart des auteurs ne décrivent aucune complication à la suite de biopsies et font état d’une cicatrisation muqueuse normale, malgré la crainte de déclencher une exacerbation de l’ostéite.
■ Évolution La surveillance doit être mensuelle en période aiguë.
Guérison Alvéolites L’alvéolite sèche évolue favorablement en 3 semaines. L’alvéolite suppurée guérit dans un délai de quelques jours à quelques semaines, après lavage de la cavité.
Ostéites En ce qui concerne les ostéites, la guérison survient sous traitement. La douleur et l’œdème régressent, le trismus se lève en un délai variable, pouvant aller jusqu’à 2 mois, l’ostéolyse diminue avec la symptomatologie. Critères de guérison Un délai de plus de 1 mois sans symptomatologie est actuellement admis. [17, 30] Toutefois, il semble prudent de respecter un certain nombre de paramètres : [31] terrain fragilisé, paramètres cliniques (délai de prise en charge, délai de disparition de tous les signes cliniques locaux, technique chirurgicale qui a dû tenir compte du problème fonctionnel), ou paracliniques (normalisation de la VS et de la CRP, surveillance des éléments de l’imagerie à distance à 3 mois des gestes chirurgicaux en scintigraphie osseuse et en IRM). On recherchera la restitutio ad integrum des structures osseuses ou un aspect scléreux cicatriciel dans les formes chroniques. Cependant, seul le recul permet d’affirmer définitivement la guérison, un délai de 2 ans paraissant un minimum. Causes d’échec Ce sont [31] des attitudes incohérentes dans le traitement, la persistance de lésions mal visualisées, une antibiothérapie mal adaptée ou mal suivie, une pathologie néoplasique, une ostéomyélite non bactérienne.
Complications Elles sont d’autant plus marquées que le diagnostic et le traitement sont tardifs.
Précoces Elles correspondent à la diffusion de l’infection. Locales L’infection s’étend de proche en proche en contaminant l’os sain et les parties molles (cellulite), les signes cliniques s’exacerbent, de même que l’œdème périosseux. Au niveau des parties molles, il apparaît des fistules muqueuses ou cutanées à l’étage mandibulaire, une sinusite unilatérale au niveau maxillaire, avec rhinorrhée purulente, obstruction nasale et cacosmie. Les ostéomyélites chroniques primitives n’entraînent habituellement pas de séquestres ni de fistulisation.
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années à plusieurs décennies. L’imagerie doit comporter au minimum une radiographie panoramique régulière, permettant de juger de l’évolution des lésions osseuses et de leur extension, et une IRM qui décèle la persistance de phénomènes inflammatoires. Outre les classiques aspects d’ostéolyse, il apparaît une ostéosclérose avec densification de l’espace médullaire. L’IRM révèle, parfois de façon précoce, avant la fin du premier mois d’évolution, des images de sclérose du canal médullaire, autre signe de passage à la chronicité. La biologie, à la recherche de l’hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, de l’accélération de la VS et de l’élévation de la CRP, peut être normale. L’extension peut se faire également vers les parties molles, notamment au masséter et au ptérygoïdien interne dans les formes postérieures mandibulaires, avec myosite rétractile. Figure 4.
Fracture pathologique sur ostéite chronique.
Tardives Régionales
Locales
D’autres complications par diffusion plus à distance peuvent survenir : abcès de la fosse infratemporale, phlegmon orbitaire, ostéite de la base du crâne, thrombophlébite de la veine faciale, de la veine angulaire interne et du sinus caverneux, arthrite temporomandibulaire, avec risque chez l’enfant d’ankylose et d’hémiatrophie mandibulaire. Ces évolutions mettent en jeu le pronostic fonctionnel et parfois vital.
Pseudarthrose. Elle se distingue du retard de consolidation par son caractère pérenne. Elle est définie par une mobilité indolore du foyer de fracture, après un délai de 6 mois, et une calcification de type cortical des canaux médullaires de part et d’autre du trait de fracture. Dégénérescence néoplasique (Fig. 6D). Elle est exceptionnelle. Il peut s’agir d’un sarcome (osseux) ou d’un carcinome épidermoïde (muqueux), après plusieurs années d’évolution. Nous avons été confrontés à une telle dégénérescence carcinomateuse épidermoïde. [32] Le diagnostic de malignité est très difficile au stade de début, en raison de la prépondérance des signes d’ostéite masquant le caractère insidieux du néoplasme débutant. Cela souligne l’intérêt de réaliser des IRM régulièrement dans la surveillance d’une ostéite chronique rebelle.
Générales Sur le plan général, la diffusion infectieuse peut entraîner une septicémie ou une septicopyohémie, avec état de choc, abcès cérébraux, articulaires, pulmonaires, etc. Il peut également survenir, notamment avec les streptocoques, des endocardites, des atteintes oculaires, etc. Ces diffusions générales mettent en jeu le pronostic vital.
Secondaires Fracture pathologique (Fig. 4) Elle peut survenir à la suite d’un traumatisme minime, avec des douleurs locales modérées et une mobilité osseuse. Le diagnostic est posé par la radiographie panoramique et le scanner. Retard de consolidation Il s’agit de la persistance d’une mobilité douloureuse d’un foyer de fracture, sans densification médullaire de part et d’autre de la fracture, dans un délai inférieur à 6 mois après la fracture. Le potentiel de consolidation est intact. Passage à la chronicité (Fig. 5, 6A, 6B, 6C) Au-delà de 4 semaines, il est généralement admis que l’ostéite doit être considérée comme une forme chronique. Certains auteurs estiment que la chronicité survient plus précocement. [14] Elle se traduit par la persistance ou la réapparition de signes inflammatoires locaux (douleur, tuméfaction), une atteinte osseuse plus étendue, avec asymétrie faciale. Il peut apparaître une dénudation osseuse persistante. Des phénomènes de poussées récurrentes peuvent survenir pendant plusieurs
Générales Il peut survenir un rhumatisme articulaire aigu, une atteinte ophtalmique. Enfin, toute inflammation prolongée est susceptible d’entraîner une amylose avec insuffisance rénale.
Séquelles Pertes de substance Elles sont la conséquence de l’affection ou de son traitement. Il s’agit de pertes dentaires, et de pertes de substance osseuse avec ou non interruption de la continuité, entraînant dans le premier cas à la mandibule des pseudarthroses, et au maxillaire des communications bucconasales ou buccosinusiennes.
Séquelles fonctionnelles : troubles de la fonction manducatrice Ils peuvent être dus à une constriction permanente des mâchoires par rétraction musculaire masticatrice (masséter, ptérygoïdien interne). Il peut s’agir également d’une ankylose par arthrite temporomandibulaire, avec, chez l’enfant, défaut de croissance mandibulaire ou hémifaciale, responsable d’une hypotrophie du côté Figure 5. A, B. Ostéite chronique « primitive » mandibulaire gauche débutante. La 37 saine a été extraite.
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Stomatologie
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Enfin, il peut s’agir d’une perte de substance maxillaire ou mandibulaire, d’autant plus grave qu’elle se situe dans les régions antérieures.
Séquelles esthétiques Atrophie faciale Il peut s’agir d’une insuffisance de développement osseux dans le cadre d’une ankylose chez l’enfant ou d’une perte de substance osseuse n’ayant pas fait l’objet d’une réparation. Hypertrophie faciale Malgré la guérison de l’ostéite, il peut persister une tuméfaction résiduelle donnant un aspect d’hypertrophie faciale. Sur le plan cutané, les cicatrices de fistules sont en général rétractiles et disgracieuses.
■ Formes cliniques Ostéite hyperostosante de Garré (périostite) [33-38] Il s’agit d’une néoprolifération périostée, survenant chez l’enfant vers l’âge de 10 ans ; la prédominance féminine est marquée. Du point de vue clinique, elle se présente sous forme d’une tuméfaction périmandibulaire d’allure inflammatoire, dure, faisant corps avec la mandibule, avec de vives douleurs. L’aspect radiologique standard est assez évocateur, avec une ossification périostée en plusieurs couches, faisant évoquer la classique « pelure d’oignon ». La périostite peut s’accompagner de réactions inflammatoires osseuses, visibles au scanner, avec ostéolyse sous-corticale. L’étiologie en est infectieuse, dentaire, parodontale ou traumatique, en général au niveau de la région molaire mandibulaire. Sur le plan histopathologique, l’examen révèle une ostéogenèse périostée importante, avec ostéoformation selon un axe perpendiculaire au périoste, et une médullaire fibreuse. L’évolution sous traitement est en général longue, sur plusieurs mois, avec régression de la tuméfaction et normalisation de l’aspect osseux. Il peut parfois persister une tuméfaction séquellaire.
Formes chroniques primitives
Figure 6. A, B, C, D. Même cas que Figure 5, après 2 ans d’évolution, malgré un traitement antibiotique prolongé, des curetages et des séances d’oxygénothérapie hyperbare répétés. L’ostéolyse mandibulaire est totale, avec dégénérescence carcinomateuse épidermoïde droite sur le site ostéitique initial sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) (Fig. 6D), dont le diagnostic est très difficile à poser à un stade précoce.
pathologique, et d’un encombrement dentaire d’autant plus grave qu’elle survient dans le plus jeune âge, avec troubles de l’hygiène et défaut de soins dentaires, et parfois risque dramatique d’inhalation de corps étranger impossible à ôter du fait du défaut d’ouverture buccale. Stomatologie
(Fig. 7)
Les ostéomyélites chroniques primitives font l’objet de nombreuses discussions d’ordre nosologique. Elles peuvent survenir isolément, ou s’inscrire dans le cadre d’une pathologie diffuse (ostéomyélite chronique récurrente multifocale, syndrome SAPHO). La nature bactérienne est contestée. Deux tiers des patients n’ont pas de problème dentaire. Elles touchent presque exclusivement la mandibule. L’âge des patients se répartit en deux pics de fréquence, l’un chez le sujet jeune avant 20 ans, l’autre au-delà de 50 ans. Elles touchent plutôt des sujets de sexe féminin. La symptomatologie associe des signes d’ostéite, souvent sur un mode mineur, avec phénomènes douloureux, parfois intermittents, évoluant par poussées entrecoupées de périodes quiescentes, tuméfaction dure, adhérant à l’os, trismus et, de façon inconstante, anesthésie labiomentonnière. Les douleurs sont volontiers irradiées à la symphyse et à la région auriculaire, et à la région orbitaire en ce qui concerne le maxillaire supérieur. Il n’y a pas de suppuration ni d’hyperthermie. Le diagnostic peut être très tardif, jusqu’à 9 ans pour un syndrome SAPHO. [39] La radiologie est évocatrice, en révélant une opacité médullaire témoignant d’une réaction de sclérose, parfois associée à des zones d’ostéolyse. Les séquestres sont rares. Les analyses bactériologiques sont négatives ou retrouvent des germes saprophytes de la cavité buccale, qu’il est difficile d’incriminer dans la pathogénie. Cela rend toutefois plus complexes les discussions sur cette pathogénie. Il est essentiel dans ces conditions de rechercher une cause, même minime (dentaire, parodontale). Faute de quoi, il faut
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Figure 8. Ostéite maxillaire chez une patiente édentée sous biphosphonates. Absence caractéristique de cicatrisation après curetage (A, B).
Syndrome SAPHO (synovite, acné, pustulose palmoplantaire, hyperostose, ostéite) [41]
Figure 7. Ostéomyélite chronique primitive mandibulaire droite. Hyperfixation en scintigraphie, hyposignal en imagerie par résonance magnétique (IRM) en T1 et extension aux parties molles, aspect de sclérose osseuse diffuse avec lacunes sur le scanner (A à D).
considérer l’ostéomyélite comme primitive. La distinction est essentielle, car si les formes secondaires répondent aux traitements classiques (prise en charge de la cause, antibiothérapie, oxygénothérapie hyperbare, décortication, etc.), les formes primitives y sont particulièrement résistantes, et ont tendance à récidiver après une accalmie post-thérapeutique.
Formes avec localisations extrafaciales
Il s’agit de l’association d’une ostéomyélite chronique diffuse mandibulaire à des lésions extrafaciales, associant de façon variable des éléments divers à type de synovite, d’acné, de pustulose palmoplantaire, d’hyperostose, et d’ostéites diffuses (ostéosclérose, hyperostose, réaction périostée), lesquelles touchent préférentiellement la paroi thoracique antérieure (sternum, clavicules, côtes), mais également les vertèbres, le pelvis, le crâne et les os longs. Il s’agit d’une affection du sujet jeune, à prédominance féminine, une origine génétique étant suspectée. Le tableau clinique est rarement complet. Il peut s’y associer une arthrite des articulations adjacentes. [42] La mandibule est atteinte dans environ 10 % des cas. [22] Suei suspecte une étiologie périostée responsable d’une ostéogenèse initiale, puis d’une résorption ostéoclastique. [21] La fréquence du syndrome SAPHO serait sous-estimée. [10] Dans ces deux formes d’ostéomyélites diffuses multifocales, la scintigraphie est l’examen essentiel au diagnostic, au même titre que l’examen clinique général dermatologique concernant le SAPHO. Les prélèvements bactériologiques sont en général négatifs. Marx et al. [16] ont cependant retrouvé différents germes : Actinomyces, Propionibacterium propionicus, et Eikenella corrodens, Jacobson et al. [43] rapportant la présence de Propionibacterium acnes, dont on ne peut préciser le rôle dans l’ostéite.
Ostéomyélite chronique récurrente multifocale [40] À la localisation faciale s’associent des localisations souvent peu symptomatiques d’ostéomyélites chroniques localisées au niveau d’autres os (clavicule, sternum, côtes, humérus, radius, fémur tibia, etc.). La radiographie conventionnelle et la scintigraphie révèlent une atteinte synchrone ou métasynchrone d’os multiples.
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Ostéites sous biphosphonates [1-4] (Fig. 8 et 9) Chez le patient denté, l’ostéomyélite débute habituellement par l’absence de cicatrisation d’une alvéole après une extraction dentaire indiquée pour douleurs locales. Puis les tableaux Stomatologie
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Figure 10. Ostéomyélite mandibulaire sur ostéopétrose, avec fistules cutanées multiples. Aspect radiologique de sclérose diffuse, avec ostéogenèse périostée.
Figure 9. Ostéomyélite débutante, avec ostéogenèse périostée, au cours d’un traitement par biphosphonates. L’atteinte est d’emblée diffuse.
clinique et paraclinique se complètent. Le contexte de maladie ostéolytique est souvent évoqué, mais non pris en considération du fait de l’ignorance de cette association pathologique d’individualisation récente. L’affection est parfois rebelle à l’arrêt du traitement par biphosphonates. L’examen bactériologique est négatif, l’examen histopathologique fait état d’une ostéite chronique.
Formes rares D’autres formes sont beaucoup plus exceptionnelles dans nos régions. Il faut néanmoins savoir y penser lorsque la bactériologie est négative ou que l’évolution sous traitement est défavorable.
Ostéite actinomycotique
[44-46]
L’actinomycose mandibulaire est rare, elle intéresse essentiellement l’homme, [45] à un âge très variable, du jeune enfant à l’adulte âgé ; elle touche également les vertèbres. Le tableau est celui d’une inflammation osseuse locale aiguë. La survenue peut être primitive ou secondaire (germes opportunistes) sur une pathologie préexistante (fracture). Des faux négatifs bactériologiques ou histologiques peuvent être liés à des traitements antibiotiques aveugles préalables.
Ostéite tuberculeuse [47] Le germe responsable principal est le Mycobacterium tuberculosis, mais d’autres variantes peuvent être en cause (avium, bovis, kansasii, scrofulaceum). La maladie a nettement régressé depuis la vaccination et l’apparition de l’antibiothérapie, mais se déveStomatologie
loppe à nouveau dans les milieux à conditions socioéconomiques défavorables, et également en liaison avec le développement du virus VIH. La mandibule peut être contaminée par voie hématogène ou par inoculation buccale. Cliniquement, elle peut simuler un abcès alvéolodentaire, d’où un risque d’erreur diagnostique. Intradermoréaction (IDR) et test VIH doivent être réalisés. L’aspect histologique est une nécrose caséeuse à cellules géantes multinucléées de Langhans, cellules épithélioïdes et lymphocytes. Le diagnostic est fondé sur les cultures de prélèvements (crachats, tubage gastrique, prélèvements urinaires, ...) sur milieu de Lowenstein-Jensen en 6 à 8 semaines, mais peut être accéléré par le système BACTEC (détection automatisée de mycobactéries) ou par l’utilisation de la réaction de chaîne polymérase pour l’ADN de Mycobacterium tuberculosis. Le traitement consiste en une triple antibiothérapie de 9 mois en moyenne.
Ostéite et infection par le virus de l’immunodéficience humaine La morbidité apparaît supérieure. [48] Le traitement doit être précoce, car l’extension peut être considérable. Les traitements doivent être discutés, notamment s’ils sont mutilants, en fonction de l’espérance de vie des patients, et de préférence rester médicaux.
Ostéite sur ostéopétrose [49-52] (Fig. 10) La maladie d’Albers-Schönberg, autosomale, serait liée à une dysfonction ostéoclastique. C’est une sclérose osseuse touchant fréquemment les vertèbres, le bassin, les côtes, le crâne, la mandibule, incluant le condyle. L’aspect d’épaississement cortical avec diminution de l’espace médullaire est différent de celui des ostéomyélites. Les os sont anormalement vulnérables aux agressions, traumatiques ou infectieuses, notamment dentaires. Devant une ostéomyélite bilatérale de la mandibule, il faut rechercher une ostéopétrose sous-jacente. Le traitement visant à réduire la déminéralisation osseuse (corticoïdes, régime pauvre en calcium, interféron c-1 dans les formes sévères), l’ostéomyélite est pratiquement impossible à traiter. [52] Les transplants osseux microvascularisés stricts sont déconseillés, l’os étant susceptible d’être atteint. Des lambeaux myo-osseux sont préférables. La capacité de guérison diminue avec le
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nombre de gestes chirurgicaux, la cicatrisation étant de plus en plus retardée. Chaque patient doit donc être traité individuellement avec grande prudence.
Méthodes
Formes exceptionnelles
Antibiothérapie [12, 31]
Nous citerons les formes exceptionnelles d’ostéites d’origine infectieuse (syphilis, salmonellose, rougeole, scarlatine, noma, lèpre), ou chimique : arsenic, dont l’utilisation en dentisterie conservatrice est désormais proscrite, avec gencive violacée et expulsion d’un séquestre après 2 à 3 semaines, ou professionnelles (phosphore dans l’industrie des explosifs et des allumettes, tourneurs de nacre autrefois, produits radioluminescents...), aujourd’hui disparues grâce à la législation. Les ostéoradionécroses font l’objet d’un autre fascicule.
L’identification du germe est un préalable à l’instauration d’une antibiothérapie efficace. Choix des antibiotiques. 1) L’antibiothérapie doit avoir un spectre adapté aux bactéries responsables, mais le plus étroit possible. Les concentrations sériques minimales semblent devoir être au moins quatre fois la concentration minimale inhibitrice (CMI), nécessitant des dosages réguliers, l’efficacité in vitro n’étant pas toujours un gage d’efficacité in vivo. 2) Les antibiotiques doivent diffuser dans l’os infecté et le slime bactérien. Les associations d’antibiotiques doivent avoir une synergie de bactéricidie dans les tissus infectés. 3) Il faut identifier les antécédents : allergie médicamenteuse, les différentes prescriptions antibiotiques antérieures, ainsi que leurs effets sur l’évolution de l’ostéite (amélioration, guérison transitoire, etc.). 4) Il faut utiliser au mieux les propriétés des molécules : • on tentera de diminuer les contraintes du traitement prolongé : la voie intraveineuse n’est utilisée que si elle est indispensable (ostéite grave, antibiogramme), la voie orale doit lui être substituée dès que possible, notamment chez l’enfant. Pour la voie intraveineuse, on privilégiera les antibiotiques à demi-vie sérique prolongée (une seule administration journalière en ambulatoire) (céphalosporines de troisième génération, glycopeptides) ; • en administration prolongée, on associe l’amphotéricine orale contre les surinfections digestives à levures, et du métronidazole ou de l’Ultra-Levure® (controversée) à la clindamycine, en prévention des colites pseudomembraneuses à Clostridium difficile ; • les antibiotiques oraux doivent avoir une bonne biodisponibilité, qui peut être réduite par interactions médicamenteuses (pansements gastriques, fer, vitamines, ...). Règles de prudence à respecter. Les règles à respecter sont : • certains antibiotiques ne doivent jamais être utilisés seuls devant le risque d’émergence de résistance par mutation pendant tout le traitement de l’ostéite (rifampicine, fosfomycine) ou à la phase initiale de la prise en charge et devant présence de matériel (fluoroquinolones systémiques, acide fusidique) ; • les interactions médicamenteuses (notamment avec la rifampicine) et les effets secondaires doivent être connus ; • l’utilisation concomitante d’anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens au cours ou au décours des ostéites est contre-indiquée. Orientation antibiothérapique. On peut suggérer quelques orientations antibiothérapiques après identification du germe : [26] • Staphylococcus aureus méti-S : céfazoline ; • Staphylococcus aureus méti-R : vancomycine, associée à la rifampicine en cas d’échec, puis relais oral par rifampicine et doxycycline ; • streptocoques : ceftriaxone (une administration par jour) puis relais per os par amoxicilline ; • bacilles à Gram– : ceftriaxone ; • Pseudomonas aeruginosa : ciprofloxacine ; • actinomyces : benzathine pénicilline, ou doxycycline en cas d’allergie. Arrêt du traitement antibiotique. La décision d’arrêter le traitement antibiotique doit être prise sur les critères de guérison, en accord avec le patient informé d’une récurrence possible. Parfois, l’antibiothérapie est à poursuivre (patient âgé ou en mauvais état général, matériel inextirpable en raison d’un risque de grande mutilation (attelle métallique) et ayant une réponse favorable sous traitement médical). Dans ces rares cas, il peut être nécessaire de prolonger l’antibiothérapie, parfois indéfiniment. Roxithromycine. [18] Elle a une efficacité même en administration orale. Sa durée d’administration est variable selon les
■ Diagnostic Diagnostic positif Il repose sur l’anamnèse, l’examen clinique, l’imagerie, la bactériologie, l’examen histopathologique et, en dernier ressort, sur l’évolutivité. Aucune technique ne permet d’affirmer ou d’infirmer avec une absolue certitude la présence d’une ostéomyélite.
Diagnostic différentiel Si devant un tableau associant de violentes douleurs à une tuméfaction osseuse inflammatoire, dans un contexte de suppuration, avec séquestres et fistules, le diagnostic est évident, au contraire les formes chroniques primitives peuvent poser des problèmes beaucoup plus délicats. Il faut éliminer une pathologie bénigne ou maligne, locale ou générale.
Affections bénignes avec ostéocondensation On distingue : • la dysplasie fibreuse : pas de réaction périostée, pas de tuméfaction des tissus mous. Elle touche le sujet jeune, on observe une opacification avec érosion et extension au cortex. L’activité est diminuée en scintigraphie au gallium 67 ; • la dysplasie osseuse floride : elle touche le sujet d’âge moyen, est asymptomatique sauf si elle est compliquée d’une ostéomyélite, avec densification osseuse alvéolaire, bilatérale et symétrique, au niveau des quatre cadrans ; • le fibrome ossifiant ou cémentifiant, cémentome ; • la maladie de Paget ; • l’hyperostose corticale infantile de Carrey ; • l’ostéopétrose d’Albers-Schönberg ; • l’ostéoblastome (lacune plus ou moins bien définie, composante ostéoblastique et ostéoclastique) ; • le chérubisme, angiome mandibulaire avec lacune multigéodique ; • le fibrome desmoïde (image lytique), histiocytose X.
Affections malignes Ce sont le sarcome ostéogénique, le sarcome d’Ewing, de Hodgkin, le lymphome, le néoplasme osseux primitif ou secondaire. Les diagnostics les plus difficiles sont la dysplasie fibreuse en poussée, et la malignité, surtout en cas d’association ou de dégénérescence maligne. [53] En ce qui concerne ce dernier diagnostic, il peut se présenter sous forme d’une ostéolyse avec tuméfaction douloureuse et signe de Vincent. La rupture corticale n’est pas toujours pathognomonique. Le recours à la biopsie osseuse est nécessaire.
■ Traitement C’est une urgence thérapeutique médicale ou médicochirurgicale. Le but est de guérir l’affection et d’en limiter les séquelles.
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Méthodes médicales
Stomatologie
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patients, un traitement précoce semblant être une condition à une guérison plus rapide. Les lésions étendues nécessitent au moins 10 mois de prolongation de traitement après guérison, celles limitées au corpus mandibulaire semblent pouvoir être interrompues à la disparition de la symptomatologie. Le risque est l’ergotisme, les effets secondaires des troubles digestifs mineurs. D’autres antibiotiques ont également une action antibiofilm, mais n’ont pas fait l’objet d’études au niveau de la face.
identifiée, et non au hasard devant une douleur et une tuméfaction inexpliquées, au risque de mutiler les patients et de favoriser le développement d’une ostéomyélite chronique primitive. En ce qui concerne le matériel d’ostéosynthèse, sous traitement antibiotique et éventuellement sous drainage local, il peut être maintenu en place le temps de la consolidation, soit pendant 4 à 6 semaines, en s’assurant qu’il n’y a pas de complications au niveau du foyer de fracture.
Anti-inflammatoires
Traitement de l’infection osseuse
Outre leurs effets secondaires, ils ont l’inconvénient de réduire les défenses immunitaires, et sont contre-indiqués dans les formes infectieuses. Au contraire, dans les ostéites chroniques primitives, il semble qu’il s’agisse d’un des rares traitements efficaces, quoique de manière inconstante.
Incision muqueuse et/ou cutanée. Elle permet l’évacuation des collections. Curetage, décortication. Ils ont pour but de restaurer un environnement vascularisé viable, d’éliminer l’os nécrosé, et de réaliser des prélèvements bactériologiques et histopathologiques. On ne peut espérer la guérison de l’os nécrosé, qui va se comporter comme un corps étranger infecté. [12] L’exérèse se fait à la curette, à la pince gouge ou à la fraise, jusqu’en tissu osseux hémorragique. La décortication consiste à réséquer la totalité ou la quasitotalité de l’os cortical et sous-cortical infecté, et la zone périostée correspondante dans les formes chroniques primitives. [54] Le principe en est l’exérèse des foyers d’ostéites chroniques, la réduction de la compression vasculaire médullaire, et la revascularisation par les tissus mous mieux irrigués. Elle recherche un os bien vascularisé. Toutefois, son efficacité semble limitée dans les formes primitives. En règle générale, c’est l’os cortical vestibulaire, plus facilement accessible, qui fait l’objet de cette décortication. Elle doit être répétée. [9] L’exérèse doit être suffisamment large, [17] mais l’os viable est parfois difficile à atteindre. [29] À ce titre, un marquage préalable par 250 mg de tétracycline toutes les 6 heures pendant les 48 heures précédant l’intervention et un éclairage en ultraviolet à la lampe de Wood en peropératoire [55, 56] ont été proposés. L’intérêt est de déterminer l’étendue de l’os nécrotique, souvent supérieure aux constatations en lumière naturelle. L’inconvénient est de rendre difficilement interprétables les prélèvements bactériologiques. Dans la mesure du possible, le nerf alvéolaire inférieur doit être respecté. Les séquestres doivent être enlevés. Ils sont en général extrêmement faciles à retirer (« cueillette »). L’abord chirurgical permet en outre de mettre en place un système de drains à double flux d’irrigation-lavage à foyer fermé par antiseptiques ou antibiotiques. Une lame festonnée type lame de Delbet permet également un drainage satisfaisant et des irrigations anti-infectieuses répétées. Il est possible également de mettre en place un dispositif (billes, cales de ciment) délivrant in situ un antibiotique (aminoside, pénicilline, céphalosporine, clindamycine). L’intérêt de cette technique est controversé. Une fistule sera excisée et mise à plat ou suturée. Technique d’Ogawa et al. (« saucerization »). [30] Elle consiste en la résection de toute la zone périostée épaissie visible, de l’os cortical latéral, de l’os spongieux et de la moelle, avec greffe d’os spongieux et de moelle. Elle respecte la continuité, les contours et la fonction de la mandibule. Résection interruptrice. Dans les formes rebelles sévères diffuses ou récidivantes, souvent multiopérées et à l’évolution désespérante, la partie ostéitique doit être réséquée de façon large. Ici encore, le marquage à la tétracycline permet de mieux visualiser l’extension de la zone de nécrose. La résection partielle donne de meilleurs résultats que la décortication dans les ostéomyélites diffuses suppurées, mais moindres dans les ostéomyélites primitives chroniques primitives.
Antalgiques Ils sont à prescrire lors des périodes douloureuses, par paliers et en fonction des effets secondaires. Anticoagulants et thrombolytiques Ils auraient une utilité dans la prévention des phénomènes de thrombose et de nécrose, en en réduisant la fréquence ou en en limitant l’extension. Oxygénothérapie hyperbare Protocole de Marx : 90 minutes à 2,4 atmosphères à raison de deux séances par jour pendant 1 mois. [11] L’oxygénothérapie hyperbare augmente la perfusion tissulaire, les défenses immunitaires, améliore l’oxygénation tissulaire, la dégradation lysosomiale, la création de radicaux libres, la diminution des exotoxines, et l’augmentation de la néo-angiogenèse. [9] Elle diminue la concentration nécessaire en antibiotiques. Biphosphonates [5-8] Certains auteurs rapportent une efficacité certaine de ce groupe de médicaments à effet antiostéoclastique, et pour certaines molécules, antiangiogénétique (zolédronate). La prescription se limite aux formes chroniques, en dehors évidemment des formes survenant sous ce traitement. Leur efficacité peut être précoce en quelques jours (pamidronate) ou retardée après quelques mois (disodium clodronate). [11] Sulfasulazine et méthotrexate Ils ont été proposés dans les formes chroniques. Hygiène buccodentaire Il s’agit d’un des meilleurs traitements préventifs. Par ailleurs, il semble que ce soit une précaution particulièrement utile avant l’instauration de traitements par biphosphonates. L’application de gouttières fluorées est suggérée dans les ostéites chroniques, à l’identique des ostéoradionécroses, afin de prévenir les lésions carieuses dentaires. Réanimation Dans les formes majeures d’ostéomyélites associées à une septicémie, les moyens de réanimation sont nécessaires. Les troubles de la déglutition seront corrigés par sonde d’alimentation nasogastrique ou de gastro- ou jéjunostomie.
Méthodes chirurgicales Elles consistent à traiter la cause de l’infection, à éliminer celle-ci, à éliminer l’os nécrotique, et à corriger les séquelles. Traitement de la cause infectieuse Il s’agit de la condition sine qua non pour une guérison des formes infectieuses (extraction de la dent causale, curetage apical, curetage ou mise à plat des foyers parodontaux, résection apicale, curetage ou marsupialisation de kyste, dépose d’implants dentaires). Toutefois, les extractions dentaires doivent être indiquées avec discernement, sur une pathologie Stomatologie
Immobilisation intermaxillaire La stabilité osseuse en orthopédie générale est la condition majeure à la guérison d’une fracture. Le principe est d’intervenir sur os consolidé (rétablissement de la continuité par greffon, ostéosynthèse et immobilisation). Au niveau facial, l’immobilisation intermaxillaire par arc péridentaire ou sur prothèse ou
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Ostéites
Suppurées ATB, O2
« Sèches » (ATB, O2, décortication, anti-inflammatoires)
Aiguës
Chroniques
Chroniques primitives :
Sous biphosphonates :
Décortication si nécessaire
Décortication
Macrolides 14-15C ? Roxithromycine ?
Macrolides 14-15C ? Roxithromycine ? Arrêt biphosphonates ?
Figure 11.
Arbre décisionnel. Thérapie en fonction de l’étiologie.
encore par fixateur externe, couramment utilisée en traumatologie, est aisément transposée. En l’absence de fracture, la mise au repos fonctionnelle peut également aider à la guérison. En absence de reconstruction primaire, il est nécessaire de maintenir l’espace par une plaque d’ostéosynthèse métallique rigide résistante, les modèles actuels en titane étant bien tolérés, dans l’attente d’une reconstruction secondaire. Des greffons osseux libres sont également préconisés par certains auteurs. [17] Reconstruction Elle vise à rétablir l’intégrité osseuse, en cas de perte de substance, soit par distraction à partir de l’os sain avoisinant dans les pertes de substance limitées, soit par greffon non vascularisé si les conditions locales de désinfection et de couverture muqueuse sont satisfaisantes, soit sinon par lambeau vascularisé, de rotation ou à distance microvascularisé, apportant du tissu osseux (calvaria, clavicule, omoplate, côte, péroné, crête iliaque, etc.). Les régions antérieures doivent faire l’objet d’une réparation rapide, compte tenu de la mutilation esthétique et fonctionnelle qu’entraîne leur exérèse. Les structures latérales, plus fréquemment touchées, peuvent faire l’objet d’une discussion sur la reconstruction secondaire. La prise en charge de l’arthrite temporomandibulaire fait l’objet d’un fascicule spécifique. Réhabilitation dentaire Les séquelles dentaires devront faire l’objet de réhabilitation par prothèse amovible, bridge ou sur implants, avec toutefois le risque de poser un implant dans un os qui a été le siège d’une ostéite.
Indications thérapeutiques
(Fig. 11)
Le traitement doit être mis en route sans tarder.
“
Erreur à ne pas commettre
Des traitements antibiotiques aveugles ou des extractions dentaires pour douleurs non étiquetées ne doivent pas être entrepris sans un diagnostic précis de l’affection et de sa cause.
associé à l’oxyde de zinc, soit sous forme d’une pâte comportant des produits désinfectants et anesthésiants locaux. Au besoin, l’application sera renouvelée après quelques jours jusqu’à guérison définitive, en 3 semaines environ.
Alvéolites suppurées Elles nécessitent un lavage, et éventuellement une reprise de la cicatrice muqueuse dans le cas d’extraction de dent incluse, avec curetage des débris granulomateux.
Ostéites secondaires Ostéites aiguës Outre le traitement médical antibiotique, antalgique et éventuellement anti-inflammatoire, le traitement de la cause dentaire, parodontale, fracturaire ou tumorale bénigne, est nécessaire. Cela permettra le curetage simultané de l’os contaminé, les prélèvements à visée bactériologique et anatomopathologique, pour préciser le diagnostic et orienter l’antibiothérapie. Les fractures font l’objet d’une immobilisation en bonne position, avec restauration d’un articulé dentaire équilibré. Ostéites chroniques Le traitement en est souvent décevant. Dans les formes infectieuses, l’association rifampicine-fluoroquinolones est l’association de référence. [57] L’antibiothérapie, l’oxygénothérapie hyperbare et la décortication sont souvent suivies d’une période de rémission initiale, puis d’une récidive volontiers rebelle. Ruggiero [1] considère néanmoins l’os nécrotique comme un foyer infectieux potentiel qui doit être réséqué, afin d’éviter de surajouter des phénomènes infectieux risquant de contaminer les reconstructions, même par os ou tissus mous vascularisés. Ce pronostic incertain doit rendre prudent dans les exérèses osseuses larges, notamment chez l’enfant, du fait du risque sur la croissance. [11] La reconstruction primitive par greffe osseuse non vascularisée est envisagée par certains auteurs, considérant que le processus infectieux ne contamine pas le greffon. [17] Dans ce cadre, il est néanmoins préférable d’utiliser des autotransplants microvascularisés, d’autant que leur transposition sur les vaisseaux cervicaux leur assure une meilleure irrigation. Les macrolides à 14 ou 15 atomes de carbone ou les biphosphonates (en dehors des cas survenant sous ce traitement) donneraient des résultats intéressants. D’autres thérapeutiques ont été proposées (sulfasalazine, méthotrexate). Ostéites sous biphosphonates
Alvéolite sèche Le traitement local est en général suffisant, le patient étant soulagé en quelques instants par la mise en place d’eugénol, soit
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Ces ostéites sont également rebelles aux traitements médicochirurgicaux habituels. En l’absence d’une meilleure compréhension physiopathologique et de preuve formelle des relations entre l’ostéite et les biphosphonates, et compte tenu du contexte néoplasique généralisé souvent bien contrôlé par les Stomatologie
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Erreur à ne pas commettre [3]
Il ne faut pas extraire inconsidérément une dent douloureuse chez un patient traité par biphosphonates, au risque de voir se développer une dénudation osseuse irréversible.
biphosphonates, il n’est pas recommandé de suspendre ce traitement, tant les bénéfices en sont remarquables sur la pathologie maligne. En l’état actuel des connaissances et en l’absence de protocole d’étude validé, il faut que les praticiens concernés soient informés de cet effet secondaire jusqu’à présent inconnu. La seule recommandation proposée est de considérer les patients sous biphosphonates à l’identique des patients irradiés pour néoplasme des voies aérodigestives supérieures, c’est-à-dire de prévoir une mise en état rigoureuse de la denture avant instauration du traitement, et d’assurer un suivi strict sur le plan de l’hygiène dentaire, voire de prescrire l’application de gouttières fluorées quotidiennes. [1]
Séquelles
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Leur traitement rejoint les procédés classiques de chirurgie réparatrice.
Protocole de Topazian Il résume la prise en charge des ostéites suppurées : [58] • diagnostic précoce ; • drainage du pus ; • cultures bactériologiques et tests de sensibilité aux antibiotiques ; • traitement antibiotique approprié ; • thérapie de soutien ; • débridement chirurgical ; • reconstruction si nécessaire.
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Prévention Hygiène buccodentaire, asepsie lors des gestes osseux, respect d’une occlusion équilibrée en chirurgie traumatologique ou orthopédique, antibiothérapie de couverture, bactéricide à spectre étroit envers les germes aérobies et anaérobies, lors des gestes à risques (endocardite), sont des règles de base pour réduire encore la fréquence de ces infections. La prise en charge des pathologies néoplasiques et de l’ostéoradionécrose fait l’objet d’autres fascicules.
■ Conclusion Les ostéites de la face sont toujours à considérer comme potentiellement graves, nécessitant un traitement précoce, médical ou médicochirurgical. Une meilleure compréhension des formes chroniques primitives est nécessaire pour réduire leur incidence, qui semble augmenter du fait de relations mal précisées avec les biphosphonates. Enfin, rappelons l’intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire.
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Nous remercions pour leurs précieux conseils les professeurs Daniel Mathieu et Henri Migaud et les docteurs Eric Senneville et Abdelghni Serghini.
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Stomatologie
¶ 22-062-D-30
Ostéonécroses des maxillaires sous bisphosphonates J.-M. Maes, M.-H. Vieillard, G. Penel, G. Raoul, J. Ferri Les bisphosphonates, en particulier de dernière génération, nitrogénés, couramment utilisés en pathologie bénigne ou maligne, et dans le traitement des hypercalcémies malignes, sont suspectés depuis 2003 d’être responsables d’une pathologie habituellement dénommée « ostéonécrose des maxillaires ». Cette affection serait liée à une inhibition durable de la résorption osseuse ostéoclastique et, pour les aminobisphosphonates, à un effet antiangiogénique responsable d’une nécrose osseuse avasculaire, préparant le terrain à une surinfection. Seuls les maxillaires sont intéressés. Il n’existe toutefois à ce jour pas de preuve scientifique formelle à ce phénomène. L’incidence de la maladie, à prédominance féminine, serait de 1 à 10 %, avec un effet-dose. Le rôle potentiel de comorbidités générales, notamment en pathologie néoplasique (altération de l’état général, chimiothérapie, corticothérapie...) reste à préciser. Néanmoins, le seul point commun à l’ensemble des patients est l’utilisation des bisphosphonates. Sur le plan local, la mauvaise hygiène et les gestes chirurgicaux invasifs sont fréquemment mais non nécessairement rapportés comme facteurs déclenchants. Cliniquement, les éléments caractéristiques sont au début un tableau inflammatoire avec mobilité dentaire inexpliquée, puis une exposition osseuse persistante, en particulier après extraction dentaire, et l’expulsion de séquestres, parfois dans un tableau infectieux avec fistule cutanée. Ostéocondensation, séquestres, ostéogenèse périostée et hyperfixation scintigraphique sont les aspects caractéristiques en imagerie. L’évolution est volontiers désespérante, rebelle aux traitements habituels des ostéites, parfois aggravée par des gestes chirurgicaux intempestifs. L’intérêt de la suspension des bisphosphonates est très discuté. Le diagnostic différentiel élimine les autres ostéites et une localisation néoplasique. Sur le plan thérapeutique, la mise en état de la cavité buccale préalable au traitement par bisphosphonates, avec hygiène dentaire parfaite, et le respect des structures osseuses et parodontales en cours de traitement, constituent la meilleure prévention de l’affection qui, après son déclenchement, ne relève que d’un traitement symptomatique (antibiothérapie, gestes chirurgicaux a minima). © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ostéonécrose ; Maxillaires ; Bisphosphonates ; Métastase osseuse ; Myélome ; Ostéoporose
Plan ¶ Introduction
2
¶ Définition. Terminologie
2
¶ Historique
2
¶ Bisphosphonates : généralités Indications Durée de survie des patients Modes d’administration Autres effets secondaires Mode d’action Durée d’action
2 2 2 2 2 3 3
¶ Physiopathologie de l’ostéonécrose Historique Similitudes avec l’ostéopétrose Preuves Atteinte exclusive des maxillaires Théories
3 3 4 4 4 4
¶ Épidémiologie Incidence Sex-ratio
5 5 5
Stomatologie
Effet-dose Délai d’apparition Comorbidités
5 5 6
¶ Clinique Historique Circonstances de découverte Clinique Localisation
6 6 6 6 7
¶ Imagerie Imagerie photonique Scintigraphie
7 8 9
¶ Biologie Bilan sanguin Marqueurs du remodelage osseux : NTx urinaire
9 9 9
¶ Anatomopathologie. Microbiologie Anatomopathologie Microbiologie
10 10 10
¶ Évolution Surveillance Évolution
10 10 10
1
22-062-D-30 ¶ Ostéonécroses des maxillaires sous bisphosphonates
¶ Diagnostic Diagnostic positif Diagnostic différentiel
12 12 12
¶ Traitement Information Traitement
13 13 13
¶ Conclusion
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■ Introduction Les bisphosphonates sont couramment utilisés dans le traitement d’affections bénignes (ostéoporose, maladie de Paget...) et d’affections ostéolytiques malignes (métastases osseuses, myélome) ainsi que dans les hypercalcémies malignes, et ont des effets bénéfiques significatifs en réduisant la morbidité de ces affections. Ils semblaient en général bien tolérés, avec peu d’effets secondaires. Mais, depuis Marx en 2003 [1], de nombreux auteurs ont alerté sur la survenue d’ostéonécrose des maxillaires, surtout avec les bisphosphonates de dernière génération (aminobisphosphonates), en particulier par voie intraveineuse (pamidronate et zolédronate). Il est souligné dans l’ensemble de la littérature de nombreuses zones d’ombre quant à l’effet réel des bisphosphonates dans la genèse de cette complication, ainsi que la difficulté de la prise en charge thérapeutique, qu’elle soit préventive ou curative. Enfin, il est souligné l’intérêt et l’importance d’études prospectives qui permettraient peut-être de mieux préciser les facteurs de risque associés de survenue d’une ostéonécrose des maxillaires sous bisphosphonates et de déterminer les catégories de patients à risques, nécessitant une adaptation de cette thérapeutique.
■ Définition. Terminologie Il n’y a actuellement pas de consensus de définition ni de terminologie concernant les ostéonécroses des maxillaires sous bisphosphonates. La terminologie la plus fréquemment utilisée est « ostéonécrose des maxillaires associée aux bisphosphonates » [2]. Au XIXe siècle, une affection similaire était dénommée nécrose phosphorique ou encore phossy jaws [3]. D’autres appellations moins appropriées sont également rencontrées : nécrose avasculaire, ostéomyélite aux bisphosphonates, ostéonécrose aux bisphosphonates ou nécrose aux bisphosphonates. Ceci semble en partie erroné. Les termes semblent trop restrictifs ou trop simplistes [3]. Certains auteurs proposent les termes d’ostéochimionécrose [3] ou d’ostéopétrose chimio-induite [4]. Enfin, Migliorati et al. [5] proposent comme définition le « développement inattendu d’os nécrotique dans la cavité buccale chez un patient recevant un traitement par bisphosphonates et qui n’a pas reçu de radiothérapie de la tête et du cou ». À notre avis, le terme d’ostéonécrose est mal adapté. On devrait plutôt parler d’une ostéopétrose acquise survenant sous traitement par bisphosphonates, compliquée d’ostéonécrose, et peut-être réversible après arrêt des bisphosphonates. Néanmoins, nous retiendrons pour cet article le terme consacré d’« ostéonécrose des maxillaires sous bisphosphonates ».
■ Historique Le premier cas d’une affection proche, baptisée phossy jaw, a été décrit dans la littérature semble-t-il en 1838 [6]. La première description d’une série serait celle de Lorinser en 1845. Au XIXe siècle, il s’agissait de patients jeunes, en bonne santé, travaillant dans l’industrie de la fabrication d’allumettes,
2
du laiton et, comme aujourd’hui, de l’armement (traceurs), sans que l’on connaisse de description récente de cas d’atteinte d’origine industrielle [3]. La maladie survenait environ 5 ans après la première exposition (début de la fabrication des allumettes « Lucifer » : 1833) [3]. En 1944, on distinguait deux stades : un stade de nécrose extensive et de suppuration, et un « stade moderne » de petit séquestre, différences peut-être dues au degré d’exposition ou à l’accès aux soins [7]. Une autre description relatait une ostéomyélite avec séquestres, avec formation d’une nouvelle coque autour de l’os intéressé, tel un coffrage. L’affection était plus fréquente à la mandibule [3, 7, 8]. Ces aspects sont comparables à l’ostéonécrose associée aux bisphosphonates, incluant une sensibilité accrue à la dose autant qu’aux infections de la cavité buccale [6].
■ Bisphosphonates : généralités Il existe deux types de bisphosphonates : • les bisphosphonates non nitrogénés, de première génération, ou non-aminobisphosphonates (étidronate, clodronate) ; • les bisphosphonates nitrogénés, ou aminobisphosphonates, administrés par voie intraveineuse (zolédronate, pamidronate) ou per os le plus fréquemment (alendronate, risédronate, ibandronate), à chaîne latérale azotée, les plus récents, les plus puissants [9, 10] et apparemment les plus impliqués dans cette pathologie.
Indications Les bisphosphonates intraveineux (pamidronate, zolédronate) sont utilisés en pathologie tumorale maligne chez des patients présentant un myélome multiple ou des métastases osseuses de cancer (sein, poumon, foie, rein). Ils ont permis de réduire de manière statistiquement significative les complications squelettiques (fractures pathologiques, compressions médullaires, hypercalcémie, douleurs), de réduire la nécessité de radiothérapie ou de chirurgie osseuse [9], d’en limiter les conséquences [11], et d’augmenter la qualité de vie des patients [4] et leur mobilité [12]. Ils sont devenus une thérapeutique standard dans la prise en charge de ces patients [9]. Les bisphosphonates sont également indiqués dans l’ostéoporose postménopausique ou cortico-induite, dans ce cas le plus souvent par voie orale (alendronate, risédronate, ibandronate, étidronate, clodronate). Ils inhibent la résorption de l’os trabéculaire par les ostéoclastes et conservent la densité osseuse [4]. Parmi les autres indications, signalons le traitement de la maladie de Paget, de l’ostéogenèse imparfaite, de la nécrose osseuse avasculaire et de l’ostéite mandibulaire primitive. Les bisphosphonates ont également été proposés dans le traitement des résorptions parodontales. L’administration de bisphosphonates a pour but l’inhibition de la résorption osseuse [13] et l’augmentation de la masse osseuse [14], par inhibition de l’activité des ostéoclastes [15, 16].
Durée de survie des patients L’augmentation de la durée de survie des patients grâce aux bisphosphonates est discutée selon les auteurs [17].
Modes d’administration Les doses habituelles en pathologie oncologique sont de 90 mg mensuels pour le pamidronate, et 4 mg mensuels pour le zolédronate, avec un confort accru pour le patient avec le zolédronate (injection en 15 minutes au lieu de 2 à 24 heures pour le pamidronate [18]). En pathologie bénigne, on utilise en général la voie orale, et parfois la voie parentérale à des doses nettement inférieures.
Autres effets secondaires Les autres effets secondaires essentiels des bisphosphonates ont une incidence inférieure à 2 % selon les études cliniques en Stomatologie
Ostéonécroses des maxillaires sous bisphosphonates ¶ 22-062-D-30
phase III, et sont principalement une réaction inflammatoire systémique aiguë, une inflammation oculaire, une insuffisance rénale avec syndrome néphrotique, des perturbations électrolytiques (hypocalcémie) et des troubles digestifs avec les molécules per os [19]. Les bisphosphonates intraveineux ont une biodisponibilité supérieure et n’ont pas d’effets gastro-intestinaux, entraînant une meilleure adhésion du patient [9] et des praticiens [20].
Mode d’action Rappel sur le remodelage osseux L’os est un tissu vivant en constant renouvellement. Ce remodelage osseux a un rôle essentiel dans des processus physiologiques nombreux tels la croissance osseuse, l’éruption dentaire et le remodelage normal de l’os. Le niveau moyen du turnover osseux est de 10 % par an. Il a un rôle essentiel dans le maintien de la qualité de l’os [6]. Physiologiquement, il existe un équilibre entre l’ostéoformation réalisée par les ostéoblastes et l’ostéorésorption assurée par les ostéoclastes. Les ostéoblastes sont issus des cellules mésenchymateuses alors que les ostéoclastes dérivent de la lignée myéloïde.
Pharmacodynamique Les bisphosphonates sont des analogues des pyrophosphates inorganiques, à faible absorption intestinale. Ce sont des médicaments à forte affinité pour les cristaux d’hydroxyapatite et à forte rémanence squelettique (persistance de plusieurs mois, voire plusieurs années). Les propriétés et les modes d’action sont différents selon qu’il s’agit de non-aminobisphosphonates ou d’aminobisphosphonates. Deux théories dominent : • inhibition du remodelage osseux (inhibition de la différenciation des précurseurs de la moelle osseuse en ostéoclastes, inhibition de la fonction ostéoclastique, apoptose des ostéoclastes) ; • effet antiangiogénique [14]. Inhibition du remodelage osseux Les non-aminobisphosphonates (étidronate, clodronate) sont métabolisés en analogues cytotoxiques de l’adénosine triphosphate non hydrolysables par les ostéoclastes. À haute concentration, ils sont responsables d’une inhibition de l’adénosine triphosphate/adénosine diphosphate translocase, entraînant une perte du potentiel membranaire des mitochondries et l’induction directe de l’apoptose des ostéoclastes [21]. Les aminobisphosphonates (alendronate, risédronate, pamidronate, zolédronate, ibandronate) inhibent certains composants intracellulaires de la voie des mévalonates. Ils ne sont pas métabolisés. Ils agissent suivant plusieurs mécanismes. Les aminobisphosphonates inhibent l’action de la farnésyl pyrophosphate synthétase, enzyme clé de la voie de biosynthèse du mévalonate [4, 6, 9, 22]. Ceci est responsable de perturbations de certaines fonctions du transport intracellulaire, de l’organisation du cytosquelette et de la prolifération cellulaire, induisant une inhibition de la fonction d’ostéorésorption et la survie des ostéoclastes [9]. Les aminobisphosphonates induisent la production d’un analogue de l’adénosine triphosphate intracellulaire pouvant induire directement l’apoptose des ostéoclastes. Les aminobisphosphonates sont responsables d’une diminution de la prolifération des cellules endothéliales, d’une augmentation de l’apoptose de ces même cellules et de la diminution de la formation des capillaires [23]. Enfin, les aminobisphosphonates auraient des propriétés antitumorales, seuls ou en association avec d’autres traitements anticancéreux. In vitro, les aminobisphosphonates sont de 10 à 100 fois plus puissants que les non-aminobisphosphonates. Par ailleurs, les bisphosphonates inhibent le recrutement des ostéoclastes et le développement des ostéoclastes à partir des monocytes de la moelle osseuse [9, 13, 24-26], et peuvent moduler Stomatologie
les cytokines et les facteurs de croissance sécrétés par les ostéoblastes, inhibant ainsi le signal de résorption [24] . Ils pourraient en outre stimuler la synthèse du facteur d’inhibition ostéoclastique par les ostéoblastes [27]. Effet antiangiogénique Les bisphosphonates ont des propriétés antiangiogéniques [9, Expérimentalement, ils inhibent la formation de tube capillaire, du facteur de croissance endothéliale et de la croissance des vaisseaux [23]. Ils inhibent la prolifération endothéliale dans les cultures humaines sur cordon veineux ombilical humain et les cellules en anneau aortique du rat [28].
16] .
Résultante : nécrose osseuse La durée de vie des ostéoclastes et des ostéoblastes est en moyenne de 150 jours. Si pendant ce délai la matrice minérale n’est pas résorbée, les ostéons deviennent acellulaires et nécrotiques. Les vaisseaux capillaires involuent, l’os devient avasculaire, exposé à toute agression bactérienne [4]. En outre, après une extraction dentaire, les ostéoclastes sont déjà actifs au septième jour. On trouve des trabécules d’os lamellaire avec de la moelle osseuse après 180 jours. La défaillance des ostéoclastes serait donc susceptible de déclencher une ostéonécrose des maxillaires, même en l’absence de pathologie osseuse préexistante, pendant toute cette période [6]. Autres hypothèses Des théories alternatives de l’activité des bisphosphonates ont été développées à travers leurs effets sur l’inhibition des métalloprotéinases de la matrice [29]. En outre, la réponse immunitaire réduite de l’hôte pourrait être certainement un facteur contributif de l’ostéonécrose associée aux bisphosphonates dans les maxillaires. L’alendronate pourrait avoir un tel effet [30]. D’autre part, les bisphosphonates sont fréquemment administrés chez des patients qui ont reçu des thérapeutiques pour des cancers divers [6]. Enfin, les bisphosphonates ont plusieurs effets antitumoraux, incluant l’induction de l’apoptose des cellules tumorales, l’inhibition de l’adhésion des cellules tumorales à la matrice extracellulaire et l’inhibition de l’invasion tumorale [9]. Au total, de nombreuses questions restent sans réponses, l’effet pourrait être totalement différent sur les maxillaires par rapport au reste du squelette [14].
Durée d’action La durée d’action des bisphosphonates est inconnue [24]. On observe la présence d’un effet thérapeutique de l’alendronate 5 ans après la suspension du traitement [31]. La demi-vie de l’alendronate est estimée à plus de 12 ans [9], celle du zolédronate pourrait être supérieure à 20 ans. Même après interruption de l’administration des bisphosphonates, un relargage de proximité par l’os nécrotique est possible [6].
■ Physiopathologie de l’ostéonécrose Historique Les descriptions du XIXe siècle ne concernaient que l’atteinte par le phosphore blanc et pas par le phosphore rouge, qui sont deux allotropes l’un de l’autre, le phosphore blanc ayant une configuration tétrahédrique simple, le phosphore rouge étant un polymère de tétrahèdre de longueur variable [3]. Ce problème non résolu à ce jour pourrait être une piste de recherche intéressante [3]. Le phosphore blanc apparaît s’accumuler dans la région buccale. On ne sait pas si les maxillaires représentent une porte d’entrée plus exposée ou si le métabolisme osseux des maxillaires capte plus particulièrement le phosphore [3].
3
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Similitudes avec l’ostéopétrose L’ostéopétrose est une maladie autosomique dominante caractérisée par la perte du développement des ostéoclastes, avec sept sous-types. Comme dans l’ostéonécrose sous bisphosphonates, l’angiogenèse des tissus mous est normale [4]. Les tableaux cliniques sont identiques : exposition d’un os avasculaire quasi exclusivement dans les maxillaires, spontanément ou habituellement précipitée par des procédures dentaires invasives ou un traumatisme, sans évolution vers la guérison [4, 6], fréquente ostéomyélite des maxillaires et perte précoce des dents [32]. D’autre part, Whyte a rapporté un cas d’ostéopétrose sous bisphosphonates chez un enfant de 12 ans recevant du pamidronate depuis 4 ans [33]. En résumé, l’exposition phosphorique induit une hyperostose de l’ensemble du squelette et l’os spongieux est transformé en os scléreux [3]. Il faut se rappeler que l’augmentation de densité osseuse médullaire est un aspect commun aux descriptions historiques des ostéites phosphoriques. C’est pourquoi il semble que le problème primaire de l’ostéite phosphorique soit l’incapacité des ostéoclastes à assurer la résorption osseuse. Le problème de la suractivité des ostéoblastes ne doit pas être surestimé [3].
Preuves À ce jour, une relation certaine de causalité entre l’ostéonécrose des maxillaires et l’utilisation des bisphosphonates n’a pas été établie [34] . Mais bien qu’une étude en double aveugle, contrôlée, randomisée, prospective, prouvant que les relations de cause à effet spécifiques entre les thérapies par bisphosphonates et l’exposition osseuse ne sont pas possible, les médicaments pamidronate et zolédronate et plus rarement l’alendronate ont montré une corrélation directe avec l’affection qui ne peut être ignorée [4].
Atteinte exclusive des maxillaires Rares sont les fractures pathologiques (fémur...) sous bisphosphonates [3]. Dans l’ensemble, les maxillaires sont les seuls os intéressés [3, 14, 35], parce qu’ils auraient un aspect unique en matière de turnover osseux et d’exposition aux bactéries [3]. Le mécanisme de déclenchement de l’ostéonécrose est inconnu [3, 15] et serait lié au déséquilibre de l’axe ostéoblastes/ ostéoclastes, avec diminution de l’adaptabilité de l’os, rendu vulnérable aux agressions immunitaires internes ou bactériennes externes.
Théories Théorie infectieuse L’hypothèse dominante est que les patients sous bisphosphonates, avec un os hypodynamique, peuvent développer une ostéonécrose plus profonde lorsqu’ils sont sujets à une rupture locale de la muqueuse de recouvrement [6, 9]. Les maxillaires sont exposés à l’environnement [17] du fait des maladies dentaires ou parodontales, des traitements [4] et des traumatismes [9]. Enfin, soulignons le cas rapporté par Polizzotto et al. [36] d’une ostéonécrose de l’oreille après résection d’exostose du conduit auditif externe chez un patient présentant une ostéonécrose maxillaire [9]. Mais, en contrepartie, on connaît l’existence de séquestres spontanés en dehors de la prise de bisphosphonates sur la crête mylohyoïdienne.
Théorie vasculaire Les maxillaires auraient un système vasculaire plus important que les autres os, un turnover osseux plus rapide, pouvant par conséquent concentrer les bisphosphonates dans les maxillaires [4].
4
D’autre part, l’os cortical le plus épais et le moins vascularisé des maxillaires est présent dans la région prémolomolaire de la mandibule, site souvent mentionné comme localisation de l’ostéonécrose [6, 9]. L’inhibition de l’angiogenèse pourrait expliquer la fréquence de l’atteinte maxillaire (40 %) [24]. Enfin, l’hypovascularisation réduit la diffusion des antibiotiques [6]. Mais cette hypothèse a également ses limites, en considérant que des drogues antiangiogéniques plus puissantes que celles utilisées aujourd’hui (thalidomide, D-pénicillamine, et alpha2 interféron, aussi bien que celles d’essais cliniques avancés : endostatine, bortezomide et angiostatine) n’ont pas été démontrées comme pouvant induire une exposition des maxillaires [4]. D’autre part, le flux vasculaire sanguin chez l’homme a été mesuré à des niveaux inférieurs dans la mandibule et le crâne par rapport au pelvis, au tibia proximal et au péroné. La théorie vasculaire ne semble donc pas seule en cause [6].
Rôle de la moelle osseuse Le processus condylien, les angles mandibulaires et les tubérosités maxillaires sont des sites contenant de la moelle osseuse hématogène chez l’adulte, mais de façon plus courante les maxillaires contiennent de la moelle graisseuse, à l’inverse des vertèbres, des côtes et des os longs. La présence d’un environnement hématopoïétique est probablement un élément protecteur dans la réponse de guérison des os et son insuffisance relative dans la cavité buccale pourrait être un facteur prédisposant aux effets contraires [6].
Synthèse L’ostéonécrose des maxillaires semble résulter d’une réduction marquée du métabolisme osseux, avec accumulation de microdommages physiologiques et altération des propriétés biomécaniques. Le traumatisme et l’infection augmentent une demande de réparation osseuse dépassant les capacités de l’os hypodynamique, induisant une nécrose osseuse localisée. Les propriétés antiangiogéniques des bisphosphonates et des autres médications, et la présence d’autres facteurs de comorbidité, peuvent augmenter le risque de persistance et de progression de la maladie [9].
Autres hypothèses D’autres hypothèses sont envisagées, telles l’implication de la fonction manducatrice ou l’origine génétique [6].
Proposition de schéma évolutif Une séquence possible pour le développement de l’ostéite des maxillaires phosphoriques pourrait être la suivante : • diminution des ostéoclastes, augmentation relative des ostéoblastes en matière d’activité ; • exposition osseuse aux germes buccaux ; • non-résorption d’os nécrotique par les ostéoclastes ; • augmentation de la densité osseuse et modification du tissu conjonctif, avec diminution de l’adaptabilité médullaire et du périoste ; • lorsque le volume osseux nécrotique est suffisant, destruction de l’os, des vaisseaux et du tissu conjonctif, d’où incapacité à la réparation ; • cofacteur bactérien, préexistant, concomitant ou métachrone ; développement de séquestres, d’ostéomyélite, perte de la régénération périostée et muqueuse [3].
Remarques contradictoires Boyde [37] remarque que, à l’état physiologique, la densité osseuse mandibulaire d’un humain âgé est plus élevée que celle du reste du squelette (à l’exception de la chaîne des osselets de l’oreille moyenne). On note la présence de tractus d’os mort, à lacunes ostéocytiques minéralisées, à canaux haversiens également minéralisés. Il s’agit d’un os âgé, ce qui est physiologique et asymptomatique. D’autre part, la chirurgie touche fréquemment l’emplacement de ces structures mortes (allogreffes et xénogreffes de Stomatologie
Ostéonécroses des maxillaires sous bisphosphonates ¶ 22-062-D-30
matériaux, autogreffes d’os mort, mise en place de corps étrangers [hydroxyapatite, implants métalliques]) et la chirurgie étendue produit de l’os mort, sans conséquence. La nécrose tissulaire osseuse ne paraît donc pas être le problème. D’autre part, les dents sont une structure conjonctive traversant un épithélium, exposant l’os aux bactéries, sans conséquence la plupart du temps. Concernant la nécrose de la moelle osseuse, Boyde fait remarquer que la nécrose vasculaire de la tête fémorale est commune et ne met pas en jeu le pronostic vital. Enfin, concernant l’exposition osseuse, on ne sait pas s’il s’agit d’une nécrose primitive ou secondaire du mucopérioste.
■ Épidémiologie Incidence Historiquement, les phossy jaws touchaient de 1 à 10 % des personnels exposés au phosphore [3], fréquence comparable aux patients traités par bisphosphonates. On peut invoquer un rôle individuel. Concernant l’incidence, l’information est toujours rétrospective, sans contrôle approprié pour des comparaisons. On pourrait émettre l’hypothèse que les bisphosphonates sont prescrits chez les patients à risque d’ostéonécrose [24]. Les études rétrospectives sont en outre sujettes à des biais en raison de l’intérêt ciblé sur cet effet secondaire et de la surveillance plus particulière des patients à problèmes dentaires [38]. D’autre part, les données de la littérature sont éparses et consistent en des rapports de cas isolés ou de séries, ou des lettres à l’éditeur, réduisant ainsi le degré de rigueur scientifique des recommandations [39, 40] , et ne correspondent pas aux critères de l’evidence-based medicine [40]. L’incidence paraît faible, mais ceci peut être dû à un défaut de diagnostic [12]. Pour certains auteurs, il est à craindre que l’incidence ne soit croissante [40]. Pour d’autres, on devrait atteindre un plateau [12], voire assister à une baisse de fréquence avec l’information des praticiens. Citons quelques séries : • 10 % pour Estilo et al. [41] ; • pour l’International Myeloma Fundation, 6,8 % sur 1 203 patients avec myélome et cancer du sein recevant des bisphosphonates [42] ; • entre 1 et 10 % des patients recevant des bisphosphonates intraveineux [40] ; • 7,4 % pour Dimopoulos et al. [38] dans la première étude prospective (étude limitée au myélome).
Sex-ratio La prédominance féminine est très nette : 71 % pour Ruggiero [39], 60 % pour Woo et al. [9]. Ces fréquences sont comparables à celle de notre expérience.
Effet-dose Cela paraît un élément clé de la pathologie. Les bisphosphonates par voie orale ont une biodisponibilité d’environ 5 %, contre 50 % par voie intraveineuse [3]. En outre, Lin et al. [43] ont établi une classification de l’efficacité relative des bisphosphonates, basée sur la référence étidronate : étidronate = indice 1 ; clodronate = 10 ; pamidronate = 100 ; alendronate = 100 à 1 000 ; risédronate et ibandronate = 10 000 ; zolédronate > 10 000. Les molécules incriminées sont le plus souvent les aminobisphosphonates intraveineux, en particulier le zolédronate et pamidronate, à doses élevées [14]. Les doses pour indications oncologiques sont souvent jusqu’à 10 fois plus élevées que celles pour ostéoporose [9].
Aminobisphosphonates intraveineux Sur les 368 cas recensés dans la littérature, Woo a remarqué que la plupart des patients (94 %) étaient sous bisphosphonates Stomatologie
intraveineux, majoritairement (85 %) pour des pathologies néoplasiques (myélome multiple ou métastase de cancer du sein). Dans leur série de 119 cas, Marx et al. retrouvent 26 % de cas sous Arédia®, 40,3 % sous Zométa®, 30, 2 % sous Arédia® puis Zométa®, et 2,5 % sous Fosamax® [4]. Le risque est plus élevé avec le zolédronate et augmente avec le temps, probablement en raison de la demi-vie prolongée. En utilisation clinique, le zolédronate est fortement dosé par rapport aux études ayant démontré son efficacité en phase I [18]. Une autre étude fait apparaître une incidence de 10 % (211 patients) sous zolédronate, contre 4 % (413 patients) sous pamidronate [9].
Aminobisphosphonates per os Les autres cas sont essentiellement survenus sous bisphosphonates oraux pour ostéoporose ou maladie de Paget (quatre cas sous clodronate recensés par Woo et al. [9]). Les bisphosphonates oraux sont moins fréquemment concernés [14, 15]. Ont été rapportés : 170 cas sous alendronate au laboratoire Merck, 12 cas sous risédronate (Actonel) à Procter & Gamble, un cas sous ibandronate (Boniva®) au laboratoire Roche [34]. Un patient avait pris de l’alendronate pendant seulement 2 ans. La crainte de certains auteurs est que, de plus en plus de femmes vieillissant et prenant des bisphosphonates pendant de longues périodes, de plus en plus de cas d’ostéonécrose ne se développent chez des patients recevant de l’alendronate ou de l’ibandronate [9]. On a recensé 22 millions de prescriptions de Fosamax® entre mai 2003 et avril 2004 pour les seuls États-Unis. Par conséquent, même en cas de faible incidence, celle-ci sera non négligeable. En effet, une femme sur deux aura une fracture en relation avec une ostéoporose au cours de sa vie. Plus de 10 millions d’Américains de plus de 50 ans souffrent d’ostéoporose et 34 millions sont à risque. Il faut remarquer que les ostéonécroses des maxillaires survenant dans le cadre de l’ostéoporose seront sans doute moins facilement acceptées par les patients que pour des pathologies néoplasiques avancées.
Non-aminobisphosphonates Enfin, les cas survenant sous non-aminobisphosphonates ne sont peut-être pas si anecdotiques qu’on le pensait initialement, notamment avec le clodronate administré par voie parentérale.
Délai d’apparition La durée de traitement avant l’apparition de l’ostéonécrose sous bisphosphonates varie de 12 à 77 mois pour Zarychanski et al. [16]. Elle est de 33 mois (de 10 à 70) pour Ficarra et al. [44], et de 25 mois pour Edwards [34]. Pour Woo et al., la durée moyenne d’utilisation avant survenue de l’ostéonécrose est de 22 à 39 mois, en moyenne de 9 à 14 mois avec le zolédronate, malgré des survenues à partir de 4 mois. Le risque est de 1 % la première année, 21 % à 3 ans (0 % et 4 % pour le pamidronate, seul ou précédant le zolédronate). Pour Marx et al., cette durée de l’induction des lésions osseuses est de 14,3 mois avec l’Arédia®, 12,1 mois avec Arédia® puis Zométa®, 9,4 mois pour le Zométa®, 300 mois pour le Fosamax® [4]. Enfin, Edwards estime que l’incidence serait de 0,7 pour 1 000 000 par année d’exposition à l’alendronate [34]. Le risque paraît augmenter au-delà de 3 ans de traitement. Dans notre expérience, une patiente a développé l’affection après seulement 4 mois de traitement. Il est par conséquent nécessaire d’établir des rapports sur les facteurs de risque en précisant la durée d’exposition et le type de bisphosphonate utilisé. Le risque apparaît accru après 4 ans d’exposition. On souligne la nécessité d’une surveillance particulière lors de l’utilisation de bisphosphonates au-delà de 2 ans [38].
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Comorbidités
■ Clinique
On ne peut prédire de manière fiable quels patients ont le plus grand risque de développement d’ostéonécrose sous bisphosphonates [40]. Dans la littérature, l’analyse se fait selon la pathologie (myélome pour Dimopoulos et al. [38]), la recherche de facteurs de risque est donc subjective. Les facteurs de risque les plus importants apparaissent être le type et la dose totale de bisphosphonates (cf. supra) et une notion de traumatisme local, de chirurgie ou d’infection dentaires [9]. L’impact des facteurs locaux, tels le tabagisme, et généraux (conditions médicales sous-jacentes), tels le diabète ou les maladies vasculaires périphériques, reste à déterminer [9], ainsi que le rôle des divers agents pharmaceutiques associés [16]. On retient par conséquent la nécessité d’études supplémentaires pour déterminer les facteurs de risque et les groupes à risque [24].
Historique Au XIXe siècle, les descriptions faisaient état de zones gingivales rouge terne souvent au-dessus d’une dent « infectée ». Au début, les patients présentaient des douleurs dentaires intermittentes. Les premiers signes étaient probablement pris pour une douleur dentaire ordinaire. Cela aboutissait à l’extraction de la dent, avec la diminution des douleurs, mais sans cicatrisation. Ensuite apparaissait un suintement de matière, avec exposition de l’os alvéolaire. L’évolution de l’affection pouvait se poursuivre sur plusieurs années. Un autre scénario était l’apparition d’un os exposé indolore avec inflammation à l’emplacement d’une dent récemment extraite. Dans les deux cas de figure, on observait l’extension de l’exposition osseuse avec d’éventuels séquestres et plusieurs épisodes de séquestration [3]. Ces aspects paraissent toujours d’actualité.
Maladies sous-jacentes
Circonstances de découverte
Il s’agit principalement de myélomes et de cancers du sein métastatiques [10, 14, 16].
L’ostéonécrose des maxillaires doit être dépistée précocement chez les patients sous bisphosphonates. Le diagnostic peut être posé à l’occasion d’un examen de routine ou sur des signes fonctionnels [34]. Le début est souvent rattaché à un traumatisme local [39], souvent un geste dentaire (cause ou conséquence ?) [16, 34, 39]. Mais l’affection peut également survenir spontanément (chez 14 à 22 % des cas selon les auteurs pour Zavras et Zhu [24], 33 % pour Wang et al. [46], 30 % pour Marx [1], 60 % pour Migliorati [47], mais 0 % pour Robinson et Yeo [14]). On ignore combien de patients ont eu des extractions dentaires au cours ou après un traitement par bisphosphonates, sans ostéonécrose.
Comorbidités générales Elles sont nombreuses à être évoquées dans la littérature : • chimiothérapie selon des protocoles divers [4, 10, 14-16, 39] ; • transplantation de cellules souches de sang périphérique autologue [15, 16, 39] ; • corticothérapie [4, 10, 14-16, 39] ; • anémie et coagulopathie [10, 15] ; les patients avec myélome ont tendance à être prothrombotiques et sont souvent traités par agents antiangiogéniques, tels les glucocorticoïdes, le thalidomide, les nouveaux inhibiteurs de la protéase (tel le bortezomide) en association aux bisphosphonates ; • autres : âge avancé [3, 4, 34], immunité, indice de Karnofsky, index de Kaplan, axe ostéoclastes/ostéoclastes [3] , alcool, tabac [4] ; • carences en vitamine D et calcium chez ces patients âgés et malades, en règle générale sans supplémentation, d’où l’intérêt de compenser ces insuffisances [45].
Comorbidités locales Là encore, les auteurs évoquent différentes pathologies. Dans l’étude de Marx et al., on recense les comorbidités dentaires suivantes : parodontite, 84 % ; carie dentaire, 28,6 % ; abcès dentaires, 13,4 % ; traitements endocanalaires, 10,9 % ; taurus mandibulaires, 9,2 % [4]. La comorbidité la plus commune apparaît être la parodontite [34]. De plus, 60 % des patients ont eu une chirurgie dentoalvéolaire avec absence de cicatrisation du site et nécrose osseuse. Mais on ne peut déterminer si c’est l’infection qui a nécessité le geste ou le geste lui-même qui a déclenché l’ostéonécrose [9, 10].
Synthèse Il apparaît que le seul point commun à l’ensemble des patients est l’utilisation de bisphosphonates [4, 14] à des doses élevées. En résumé, le rôle possible des bisphosphonates dans l’initiation de la nécrose avasculaire, ses propriétés antiangiogénétiques découvertes récemment, l’impact de la durée, du mode d’administration et du dosage, ainsi que les autres facteurs de risque, sont des éléments dont l’impact sur le déclenchement de l’affection n’est pas élucidé [14]. Remarquons que si les foyers infectieux dentaires ou parodontaux, ou les traitements dentaires invasifs, ont une certaine importance dans le déclenchement de la pathologie, la prophylaxie dentaire pourrait peut-être réduire l’incidence de 80 %.
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Clinique Il y a peu de séries cliniques décrites dans la littérature. Le diagnostic clinique des ostéonécroses sous bisphosphonates est habituellement basé sur l’inspection (par exemple devant un os exposé) [39] et/ou l’apparence radiographique [39]. Mais la description radiographique établie par ce panel fait état d’un os radioclair ou d’ostéolyse, ce qui ne semble pas être l’aspect le plus fréquent. L’intensité des symptômes est très variable, depuis un état relativement peu symptomatique jusqu’à des lésion très sévères [3, 34, 39]. Il semble nécessaire d’établir une classification entre stade précoce et stade évolué [10].
Phase de latence fonctionnelle L’ostéonécrose des maxillaires sous bisphosphonates peut rester asymptomatique pendant des semaines ou des mois [39].
Phase de début Il est parfois difficile de reconnaître les signes d’ostéonécrose sous bisphosphonates à un stade débutant, ce qui entraîne fréquemment des procédures chirurgicales inutiles, aggravant la pathologie et son impact sur la qualité de vie des patients [16]. Les lésions deviennent symptomatiques lorsqu’elles s’infectent ou en cas de traumatisme des tissus mous [39]. Certains signes peuvent apparaître avant l’aspect cliniquement évident d’ostéonécrose : modification des tissus parodontaux, ulcère muqueux ne cicatrisant pas, mobilité ou perte de dents, et infection des tissus mous non expliquée [48]. Il n’y a pas de critères diagnostiques de l’ostéonécrose des maxillaires en début d’évolution [24].
Phase d’état À ce stade, l’aspect clinique peut parfaitement simuler un abcès dentaire, une douleur dentaire banale ou une ostéomyélite [10]. Ces symptômes paraissent inexpliqués et sont sources d’erreurs diagnostiques. Stomatologie
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Figure 1. Fistules cutanées et muqueuses. Elles sont fréquentes.
Figure 2. Exposition osseuse. C’est un élément caractéristique de l’affection. Elle est plus ou moins étendue. Les gestes chirurgicaux larges sont contre-productifs, avec souvent une aggravation de l’exposition osseuse (D).
L’affection peut être asymptomatique (31,1 % des cas pour Marx et al. [4]). Au contraire, elle peut se manifester par des signes fonctionnels : • douleurs, inconstantes, parfois très vives [34] ; • perte inexpliquée ou mobilité importante de dents, ce qui représente un aspect très évocateur de la maladie [34] (23,5 % des cas avec mobilité dentaire P3-P4 [48]) ; • tuméfaction des tissus mous [34], sensation de lourdeur, de « grosse joue » [48] ; • fistules (17,6 % pour Marx et al. [4]) muqueuses ou cutanées, avec suppuration (Fig. 1) ; • érythème de la muqueuse gingivale [48] ; • trismus dans les formes mandibulaires postérieures ou maxillaires. L’aspect le plus caractéristique est l’exposition osseuse dans la cavité buccale et notamment des alvéoles d’extractions qui ne cicatrisent pas [4, 16, 34, 39, 48] (Fig. 2). Le patient peut par ailleurs décrire des expulsions itératives de séquestres de taille variable. Ces éléments sont rebelles à tout traitement [34]. Plus atypiques sont l’halitose [39] ou l’hypoesthésie labiomentonnière [39, 48]. Stomatologie
Localisation L’atteinte du maxillaire est fréquente [49] (Fig. 3), même si la mandibule est plus fréquemment intéressée [3], dans 63 % des cas pour Ruggiero [39]. L’exposition peut intéresser la mandibule seule (65 % des cas), le maxillaire seul (26 %) ou les deux (9 %) pour Woo et al. [9]. De même, la localisation se ferait préférentiellement en région postérieure du versant lingual de la mandibule [16] , au-dessus de la ligne d’insertion du mylohyoïdien [9, 15] (Fig. 4). Ce n’est toutefois pas la localisation la plus fréquente que nous ayons rencontrée. Les atteintes multiples locales ou bilatérales sont légèrement plus fréquentes au maxillaire qu’à la mandibule (31 % contre 23 %) [20].
■ Imagerie Au stade initial de l’affection, les modifications radiologiques sont souvent minimes, difficiles à dépister [39].
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Figure 3. Atteinte maxillaire. Elle est plus fréquente que dans les autres types d’ostéites. Elle est, selon les séries, de l’ordre de 30 %. À noter également l’extension à la base du crâne de la condensation osseuse.
Figure 4. Atteinte postérieure de la crête mylohyoïdienne. Ce serait un point d’élection de l’affection, selon certains auteurs. Toutefois, ce n’est pas la localisation la plus fréquemment rencontrée chez nos patients.
En revanche, il faut insister sur l’intérêt d’un bilan radiologique dentaire précis dans le cadre de la mise en état dentaire avant instauration de la thérapie par aminobisphosphonates, au besoin par un dentascanner. Les aspects en imagerie sont peu évoqués dans la littérature. Il est donc difficile de préciser quels sont les aspects essentiels au diagnostic, même si l’ostéocondensation, le double contour périosté et les séquestres sont très évocateurs.
Imagerie photonique Historique Les auteurs ayant étudié les phossy jaws rapportent une augmentation du contraste osseux de l’os intéressé comparativement à l’ostéomyélite [3].
Ostéolyse Certaines descriptions font état de lésions ostéolytiques à l’emporte-pièce, en rapport avec une ostéonécrose sous bisphosphonates ou une ostéomyélite [16, 39]. Il est également noté des patches radioclairs osseux, avec élargissement des ligaments alvéolodentaires. Enfin, il peut apparaître une sclérose des marges corticales des alvéoles osseuses le long des sites d’extraction [50].
Ostéocondensation La littérature fait état également d’ostéocondensation, avec un os d’aspect blanc [3] , ou des zones mal limitées radioopaques en radiographie standard [38].
Séquestres Ils représentent le troisième élément fréquemment décrit (Fig. 5).
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Notre expérience Nous avons noté chez la quasi-totalité des patients que nous suivons une densification osseuse correspondant aux descriptions ci-dessus (Fig. 6). D’autre part, un aspect relativement peu évoqué, mais que nous avons observé dans environ un cas sur deux, est l’existence d’une réaction d’ostéogenèse périphérique, très probablement à partir des ostéoblastes du périoste (Fig. 7). Cela confère à l’os un aspect avec double contour périosté, correspondant dans les descriptions historiques à la formation d’un « coffrage » évoquée par Kennon et Hallem [7], qui signalent également une ostéocondensation. Il y a en outre un certain nombre de patients, environ 50 %, qui présentent une tendance à la séquestration récidivante, mais toujours au sein d’un environnement d’ostéodensification radiologique.
En résumé Il faut considérer que l’ostéodensification est le trait dominant de l’affection et qu’une ostéolyse peut être observée sous forme de séquestres dans les formes limitées avec conservation d’un os environnant viable, ou en cas d’élargissement des ligaments alvéolodentaires (mais s’agit-il d’une ostéolyse ?), ou enfin après résection chirurgicale. L’imagerie par résonance magnétique ne fait l’objet d’aucune description dans la littérature. Rappelons que, de toutes façons, l’apport du scanner en rayons X au diagnostic d’une ostéite est supérieur à celui de la résonance magnétique (cf. article EMCStomatologie 22-062-D-20). Stomatologie
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Figure 5. Séquestres. Ils sont fréquemment évoqués dans la littérature. Nous en avons rencontrés dans environ un cas sur deux chez nos patients. Leur taille est variable, parfois considérable : la moitié supérieure de la branche horizontale chez cette patiente.
Figure 6. Ostéocondensation. Elle est peu évoquée dans la littérature récente. Pourtant, nous avons observé cet aspect dans la quasi-totalité des cas, hormis peut-être dans les atteintes limitées du maxillaire.
Scintigraphie Là encore, les descriptions de la littérature sont assez pauvres. Rappelons l’apport de la scintigraphie en ce qui concerne le diagnostic précoce, grâce à sa grande sensibilité, et son intérêt dans la surveillance (cf. article EMC-Stomatologie 22-062-D-20). Dans le cadre d’affections avec métastases, la scintigraphie doit concerner les maxillaires, afin de différencier une métastase d’une ostéite phosphorique [39]. Le technétium 99 pourrait être un facteur de prédiction important de l’ostéite phosphorique des maxillaires [39].
■ Biologie Bilan sanguin Le bilan inflammatoire (numération-formule sanguine, vitesse de sédimentation, protéine C réactive) a un intérêt dans la surveillance, éventuellement dans le diagnostic différentiel, mais Stomatologie
pas pour évaluer l’intensité de la pathologie au premier examen, car les prélèvements initiaux sont effectués chez les patients à des stades différents de la maladie.
Marqueurs du remodelage osseux [51] : NTx urinaire Un taux de cross-linked N-telopeptides of collagen I (NTx) urinaire élevé est associé à des événements cliniques défavorables. Un NTx urinaire est élevé de façon persistante chez un nombre important de patients pendant le traitement par bisphosphonates, suggérant que des doses plus faibles et/ou des injections moins fréquentes chez les patients non sélectionnés réduiraient l’efficacité. Les variations interpatients assez nettes des marqueurs de base de l’activité ostéoclastique et la réponse au traitement par bisphosphonates posent la question de savoir si des traitements individualisés par bisphosphonates représentent une stratégie
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Figure 7. Réaction d’ostéogenèse périostée. Elle est également peu décrite dans la littérature récente. Là encore, nous en rencontrons chez près de la moitié de nos patients, avec formation parfois d’une véritable coque d’os cortical autour de la mandibule initiale (C, D).
effective pour augmenter l’innocuité et le confort et réduire le coût. Des études prospectives sont en cours.
■ Anatomopathologie. Microbiologie Les biopsies tissulaires ne devraient être réalisées qu’en cas de suspicion de maladie métastatique, et être associées à des cultures microbiennes [15], bactériennes aéro- et anaérobies, virales et mycologiques. Elles ont surtout un intérêt dans le diagnostic différentiel, en éliminant un processus de malignité [16].
Anatomopathologie Ostéite ou ostéomyélite avec nécrose Dans notre expérience, cet examen est en général assez décevant, puisqu’il répond invariablement qu’il s’agit d’une ostéite ou d’ostéomyélite avec nécrose et/ou infection, sans pouvoir aller plus loin. Carneiro et al. décrivent un os nécrotique infecté formant des séquestres [50]. Cette forme d’ostéonécrose ressemble plutôt à une ostéopétrose [3, 4], dont la caractéristique est de produire de l’os mort (ostéonécrose).
Analyse histomorphologique [3] La nécrose osseuse sous bisphosphonates est discontinue, en zones partiellement confluentes, en nids d’abeilles, avec foyers résiduels d’os vivant. On observe une oblitération des vaisseaux avec augmentation de la cellularité à la fois dans l’intima et la média. Les ostéoblastes sont nombreux au contact de l’os viable avec des lignes de résorption osseuse (ce qui est surprenant pour des substances censées inhiber le recrutement et la fonction des ostéoclastes : ceci pose des interrogations quant aux interactions entre les ostéoclastes, les cytokines et la destruction osseuse induite par les bactéries). On peut également observer un aspect d’hyperplasie pseudoépithéliomateuse (sans atypie cellulaire), à prolifération centrifuge. On peut se demander si ce phénomène de prolifération épithéliale intraosseuse correspond à un phénomène de séquestration et implique un risque de dégénérescence maligne. Remarquons également que l’auteur décrit essentiellement une ostéolyse, mais pas d’ostéocondensation.
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D’autre part, le tissu conjonctif environnant est normalement vascularisé [3]. La prolifération d’Actinomyces entre l’os et l’épithélium est assez fréquente [3].
Microbiologie Des Actinomyces sont souvent rencontrés à l’examen direct ou en culture [39]. Les bactéries sont très nombreuses sur les coupes de tissu [3]. Cette infection est située en périphérie de l’os, mais ne s’étend pas en profondeur [38].
■ Évolution Surveillance Elle est clinique, radiologique et éventuellement biologique (bilan inflammatoire, NTx urinaire). Il est conseillé une évaluation régulière des patients ayant débuté le traitement par bisphosphonates, selon un rythme trimestriel ou quadrimestriel [4, 15], selon le nombre de facteurs de risque concomitants [39]. Un suivi radiologique aussi précoce que possible doit être instauré, puis poursuivi sur un mode bisannuel [24].
Évolution Analyse de la littérature Elle est variable selon les auteurs. Pour certains, la pathologie est réfractaire aux traitements médicaux, ainsi qu’aux débridements chirurgicaux et à l’antibiothérapie systémique [16] . Farrugia et al. font état de 0 % de guérison [12]. Les patients doivent prendre conscience que l’exposition osseuse est probablement pérenne. D’autres auteurs rapportent un contrôle de la douleur dans la majorité des cas par une approche non chirurgicale (antibiothérapie systémique et bains de bouche à la chlorhexidine à 0,12 % [15, 39]). L’affection ne répondrait pas à la clindamycine [16]. Sur le plan chirurgical, les tentatives de débridement de l’os nécrotique ou de fermeture des zones osseuses ne guérissant pas n’ont fait qu’aggraver la pathologie osseuse sous-jacente par aggravation de la symptomatologie et extension de la surface osseuse nécrotique [15, 16, 39]. Mais Lugassy et al. signalent que chez trois patients sous aminobisphosphonates intraveineux depuis plus de 4 ans, dans Stomatologie
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Figure 8. Patiente traitée pour des localisations osseuses secondaires d’un adénocarcinome mammaire. La mise en évidence d’un tableau d’ostéonécrose de la mandibule a fait suspendre l’administration de l’acide zolédronique. À 2 ans, on constate une densification centromandibulaire entourée d’un halo radioclair et d’un os mandibulaire remanié. Une interprétation possible est que la densification centrale est constituée de la mandibule primitive, résorbée par les ostéoclastes qui auraient repris leur activité, avec régénération osseuse ostéoblastique périphérique, sans manifestation fonctionnelle ni problème dentaire. Toutefois, l’apparition d’un tassement vertébral avec risque imminent de compression médullaire semble témoigner que, sur la maladie osseuse initiale, l’effet des bisphosphonates est réversible. On discute chez cette patiente la reprise des bisphosphonates.
le cadre de myélomes, ils ont obtenu autant de guérisons par traitement médical ou médicochirurgical (antibiothérapie et oxygénothérapie hyperbare, débridement), avec un recul jusqu’à 2 ans [17].
Notre expérience Il semble que lorsque la phase d’état est atteinte, en dehors d’un nouvel événement dentaire et après arrêt des bisphosphonates, l’affection n’a pas tendance à s’étendre, et peut même régresser ou disparaître. Néanmoins, cette impression reste à confirmer. Chez une patiente (Fig. 8), la suspension du traitement par aminobisphosphonates pendant 2 ans a abouti à un remplacement quasi total de la mandibule primitive par un os néoformé, lequel semble même avoir pris la place de l’os initial autour des racines des dents, qui ont pu être conservées. Toute cette évolution s’est faite en dehors de toute symptomatologie fonctionnelle, hormis la période initiale douloureuse avant la suspension des bisphosphonates et pendant les quelques semaines qui ont suivi. Mais après ces 2 ans, on est confronté à un tassement vertébral avec risque imminent de compression médullaire, la reprise des bisphosphonates étant discutée.
Guérison Vescovi et al. [52] proposent des critères de guérison cliniques : • absence de douleurs et de symptômes d’infection buccale ; • absence de signes de fistule muqueuse ou cutanée ; • guérison muqueuse de l’os exposé. Mais, au vu du cas précédent, la guérison radiologique est plus lente et on ne sait pas si la restitutio ad integrum de l’os est possible, ni ce que celui-ci est susceptible d’endurer (extractions, reprise des bisphosphonates...).
Problème de la suspension du traitement par aminobisphosphonates
gérer les troubles fonctionnels induits par l’ostéonécrose par des protocoles conservateurs [39], et que d’autre part la longue durée de vie des bisphosphonates et leur grande efficacité rendent inutile la suspension de la thérapie [4]. Selon ces auteurs, les patients doivent et peuvent vivre avec une exposition osseuse. Le traitement doit éliminer ou contrôler la douleur, et prévenir la progression de l’exposition osseuse. L’os exposé nécrotique lui-même n’est pas douloureux et apparaît structurellement capable de supporter une fonction manducatrice normale [4]. Après infection secondaire, toutefois, le tableau va devenir douloureux et conduire à une cellulite ou à la formation de fistules, ce qui est plus grave. Les fractures pathologiques habituellement n’apparaissent pas, à moins qu’une chirurgie de débridement n’ait réduit l’intégrité structurelle de la mandibule [4]. Si une intervention chirurgicale est indiquée, l’arrêt des bisphosphonates peut être envisagé après concertation entre le chirurgien et l’oncologiste [39]. Attitude intermédiaire Enfin, certains auteurs ont une attitude plus nuancée. On ne sait pas si l’arrêt des bisphosphonates apporte un bénéfice [15, 39]. Malgré la présence prolongée des bisphosphonates, la réduction de l’effet antiangiogénique sur les tissus mous et le périoste peut jouer un rôle dans la guérison. Ceci est à mettre en balance avec l’évolutivité de l’affection initiale. Lorsque la maladie néoplasique est stabilisée, il faut envisager un relais par des bisphosphonates non nitrogénés dans un rôle de maintenance [9]. S’il n’y a pas d’indication en relation avec le cancer pour continuer les thérapies par bisphosphonates ou si l’indication d’origine a été résolue, il est raisonnable pour l’oncologiste de considérer l’arrêt de la thérapie [4].
Il s’agit d’un problème majeur, non résolu à ce jour. En faveur de la suspension Certains auteurs préconisent l’arrêt des bisphosphonates, mais constatent qu’il n’y a pas de régression de la maladie [10, 16] et que surviennent des risques de complications en relation avec la maladie ostéolytique [38]. En faveur du maintien D’autres auteurs au contraire poursuivent la thérapeutique par les bisphosphonates, en considérant d’une part que l’on peut Stomatologie
Notre expérience L’arrêt des bisphosphonates semble entraîner sur le long terme une régression de l’ostéonécrose des maxillaires (cinq cas de guérison clinique sur 14 patients régulièrement suivis) (cf. supra). Il semble donc que l’effet des aminobisphosphonates soit réversible. Mais il semble également que cette réversibilité intéresse également l’affection ostéolytique ou l’hypercalcémie. Il faut donc considérer chaque patient comme un cas d’espèce,
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la poursuite ou non du traitement par bisphosphonates étant à discuter avec le praticien prenant en charge la maladie osseuse générale. Dans notre expérience, nous n’avons qu’un seul cas où les bisphosphonates ont été prolongés, avec un résultat très péjoratif. La difficulté est de savoir, après un arrêt prolongé des bisphosphonates et la régénération osseuse, quelle nouvelle dose de bisphosphonates l’os néoformé peut supporter. En outre, soulignons que s’il existe une réversibilité de l’ostéonécrose sous bisphosphonates, l’os nécrotique destiné à être résorbé pourrait servir de conformateur au périoste pour la régénération osseuse, à la différence de l’ostéite bactérienne (Fig. 8). Prévention : durée d’administration des bisphosphonates L’émergence récente des ostéonécroses des maxillaires comme complication potentielle de l’exposition prolongée aux bisphosphonates suggère que la durée recommandée de traitement par bisphosphonates devrait être revue, avec par exemple dans le cas du myélome un traitement de 2 ans chez les patients en réponse complète ou en phase plateau, et un traitement moins fréquent, par exemple une injection tous les 3 mois chez des patients avec myélome actif [53]. Mais l’espérance de vie chez les patients avec métastases osseuses de tumeurs solides est court (de 15 à 18 mois pour les cancers de la prostate par exemple, plus court pour les métastases de cancer du poumon). Par conséquent, la balance risquebénéfice pour la durée des traitements ne concerne qu’un petit nombre de patients avec maladies métastatiques indolores à réponse particulièrement prolongée aux traitements systémiques [51].
■ Diagnostic Diagnostic positif Le diagnostic est parfois facile, dans un contexte de traitement par bisphosphonates au long cours, avec un os exposé réfractaire et/ou une suppuration avec fistule, et devant une ostéocondensation radiologique. Il est au contraire parfois difficile, devant un tableau d’« abcès dentaire », par des praticiens ou des patients non sensibilisés. Dans ce cas, rappelons le risque d’erreurs thérapeutiques.
Diagnostic différentiel Ostéites Parmi les ostéites des maxillaires en général (ostéomyélites, ostéonécroses, ostéoradionécroses), 10 % d’ostéonécrose surviennent sous bisphosphonates [54]. Ostéites secondaires chroniques et aiguës La symptomatologie associe douleurs, exsudats purulents, lymphadénopathies, hyperthermie, hyperleucocytose et autres signes d’infections dentaires. La nécrose osseuse (ostéolyse avec séquestres) peut survenir. Les cas chroniques sont aussi associés à l’affection primitive ; l’aspect clinique et l’évolution sont dépendants de la virulence des micro-organismes et de la résistance du patient. D’autres facteurs sont la localisation anatomique (fréquence plus grande en région molaire mandibulaire), l’état immunitaire, le statut nutritionnel, l’âge et la présence d’autres facteurs systémiques (maladie de Paget, antécédents d’irradiation, anémie à cellules falciformes, thalassémies, médications [corticostéroïdes]...). Ostéomyélite Moins habituelle mais également connue est l’exposition osseuse de l’ostéonécrose des maxillaires en relation avec une ostéomyélite, qui résulte d’une thrombose des petits vaisseaux sanguins de l’os, causant la mort des ostéoblastes et des ostéocytes [4].
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Ostéites primitives (cf. article EMC-Stomatologie 22-062-D-20) Elles sont rares, mal connues, et caractérisées par des douleurs, une tuméfaction des parties molles, l’absence de suppuration et de séquestres, et en imagerie une ostéocondensation et un double contour périosté. Ostéoradionécrose Il s’agit du type le plus commun d’ostéonécrose des maxillaires. Elle évolue dans un contexte très différent, avec des antécédents de doses élevées d’irradiation sur les maxillaires [2, 50]. En clinique et en imagerie, il existe des similarités entre l’ostéoradionécrose et l’ostéonécrose sous bisphosphonates : agressivité, prédilection pour la mandibule par rapport aux maxillaires, et la présence de dents. En revanche, il existe des éléments de différence : suppuration et infection bactérienne sont moins fréquentes dans l’ostéoradionécrose. Au plan radiographique, l’ostéoradionécrose est beaucoup plus ostéolytique [6]. Elle atteint rarement le maxillaire, mais beaucoup plus fréquemment la mandibule (95 %). Sur le plan physiopathologique, Marx en 1983 a établi l’origine vasculaire de l’ostéoradionécrose [3]. L’ostéoradionécrose est due à une réduction de l’action à la fois des ostéoclastes et des ostéoblastes [3]. En microscopie, l’ostéoradionécrose détruit les populations de cellules souches, les ostéoclastes endostaux et les cellules endothéliales vasculaires, produisant une nécrose avasculaire [4]. Les lésions sont étendues en nappes homogènes. Il y a une vascularite radio-induite avec hyalinisation de l’intima et de la média, et une réduction du nombre de cellules. On note la présence d’ostéoclastes. Ici encore, l’hyperplasie pseudoépithéliomateuse sans atypie cellulaire est assez fréquemment rencontrée, notamment dans les ostéoradionécroses infectées, mais elle a une prolifération centripète. Dans l’ostéoradionécrose, les lacunes de Howship sont plus nombreuses, les lignes de résorption sont en proportion normale. Mais il faut souligner le manque d’informations concernant les traitements d’oxygénothérapie hyperbare déjà reçus. Dans les zones plus profondes du tissu conjonctif, on observe une diminution de la vascularisation [3]. De plus, en microscopie, on constate l’action ostéoclastique et l’aspect remarquablement non inflammatoire dans les zones profondes, sauf en cas d’infection secondaire [3]. En bactériologie, dans les deux cas, il existe fréquemment une prolifération d’Actinomyces entre l’os et l’épithélium [3]. Au total, les mécanismes de nécrose semblent différents. Dans ce cas, cela démentirait la théorie vasculaire de l’ostéonécrose sous bisphosphonates. Cela expliquerait également la différence de résultats de l’oxygénothérapie hyperbare sur les deux pathologies [12]. Sur le plan thérapeutique, si la chirurgie d’élimination d’os nécrotique doit être envisagée, elle l’est en conjonction avec l’hyperbarie, qui stimule l’effet des ostéoblastes et des ostéoclastes [3], et celui de l’angiogenèse. Ostéonécrose induite par les corticostéroïdes Rarement mise en évidence dans les maxillaires, l’ostéonécrose induite par les corticostéroïdes est plus commune dans les os longs et ne produit pratiquement jamais d’exposition osseuse [4].
Cancer invasif local Dans le contexte, une biopsie osseuse est parfois nécessaire.
Autres diagnostics Syndrome d’immunodéficience humaine, lupus érythémateux systémique, thrombophilie ou hypofibrinolyse peuvent être évoqués, aucun de ces tableaux n’étant présent dans les cas induits par les bisphosphonates [4]. Stomatologie
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Figure 9. Difficultés diagnostiques et thérapeutiques chez cette patiente sans facteurs de risque, traitée pour un carcinome épidermoïde amygdalien avec localisations osseuses secondaires, notamment par irradiation régionale à plus de 100 Gy et par acide zolédronique. Douleurs et tuméfaction de la région de l’angle mandibulaire gauche. On peut évoquer un accident d’évolution de dent de sagesse, une ostéoradionécrose, une ostéonécrose sous bisphosphonates ou une récidive néoplasique.
Citons enfin l’ostéonécrose zostérienne [50] , la nécrose phosphorique, l’ostéonécrose de l’ostéopétrose, l’ostéonécrose de la dysplasie osseuse floride [2]. Il peut y avoir des mécanismes physiopathologiques communs (peut-être antiangiogenèse ou apoptose, mais rien n’a été prouvé) [2]. Dans le doute, la notion de traitement par bisphosphonates doit être prioritaire et rendre très prudente l’approche thérapeutique. Enfin, le diagnostic différentiel peut être rendu très difficile, comme l’illustre le cas de la figure 9, d’une patiente traitée par radiothérapie pour un carcinome épidermoïde de l’amygdale gauche survenu en dehors de toute intoxication, à nouveau irradiée pour métastase de la voûte crânienne, avec traitement au long cours par zolédronate pour métastases osseuses, et qui présente une ostéite mandibulaire gauche sur la 38 incluse, les phénomènes inflammatoires s’exacerbant mensuellement lors de l’aplasie médullaire secondaire à l’administration de la chimiothérapie d’entretien. On peut évoquer comme diagnostics une désinclusion de la 38, une ostéite sous bisphosphonates, une ostéoradionécrose et une localisation néoplasique.
■ Traitement On souligne l’intérêt d’une équipe spécialisée comportant un oncologue, un chirurgien maxillofacial et un odontologiste. Ces recommandations sont basées sur l’expérience mais n’ont pas été évaluées dans le contexte d’essais cliniques contrôlés [40].
Information Patient Il est nécessaire d’informer les patients du risque de survenue de cette complication, de sa nature pérenne et de sa morbidité prolongée, avant toute mise en œuvre d’un traitement par bisphosphonates [16, 34], et du fait que ce risque, même s’il est très faible et qu’on peut le minimiser, ne peut être complètement supprimé [6]. Il faut également les informer sur l’impérative nécessité d’une bonne hygiène dentaire, de rapporter à temps leurs symptômes et de s’astreindre à la surveillance [34]. Enfin, avant toute procédure invasive intéressant l’os ou le périoste, le patient doit être informé du risque [34].
Praticiens Il est nécessaire d’informer les praticiens prescrivant ces traitements, ainsi que les spécialistes de la cavité buccale [16], afin d’éviter des procédures chirurgicales inutiles et algogènes, en particulier du fait de l’extension de l’utilisation médicale et de l’intérêt récemment manifesté par les odontologistes pour l’utilisation de telles drogues, notamment dans les maladies parodontales et en implantologie [14]. Stomatologie
Traitement Traitement préventif Le défi aujourd’hui est la prévention de l’affection, avant l’instauration des bisphosphonates et pendant la thérapeutique, en l’absence d’ostéonécrose déclarée. Il n’y a pas de technique d’identification des patients à risque de développement d’une ostéonécrose [34] . Il se dégage un consensus chez les différents auteurs qu’une hygiène dentaire parfaite est le meilleur moyen de minimiser ce risque [6, 9, 16, 40]. Mais il n’y a pas de données démontrant que le maintien d’une bonne hygiène dentaire modifie le risque d’évolution vers une ostéonécrose sous bisphosphonates [40]. Enfin, si le mécanisme sous-jacent touche en premier lieu le remodelage osseux, rétablir la régulation de ce remodelage avant de débuter un traitement par bisphosphonates pourrait peut-être prévenir ces complications [4].
Avant instauration de la thérapie par bisphosphonates En préopératoire, on applique les procédures utilisées dans le cadre de pose de prothèse interne, de radiothérapie du cou, d’allogreffe de moelle osseuse ou de transplant d’organe [39]. Bilan dentaire Si l’on peut différer l’instauration des bisphosphonates, on effectue un bilan dentaire au début du traitement [15, 39], par un praticien expérimenté : examen clinique et panoramique, clichés rétroalvéolaires [4], voire dentascanner, avec maintien d’une hygiène dentaire parfaite et d’une balance diététique équilibrée, élimination de toute intoxication par l’alcool et le tabac, utilisation de bains de bouche et bon suivi dentaire [40]. Il n’est probablement pas nécessaire de retarder le début du traitement par bisphosphonates si la mise en état de la cavité buccale peut être résolue dans un délai de 1 à 2 mois [4]. Traitement dentaire Il a pour but d’éliminer les affections et de prévenir la nécessité de procédures dentaires invasives à court et moyen terme. Cela peut inclure des extractions dentaires, de la chirurgie parodontale, des traitements endocanalaires, le contrôle des caries, des restaurations et des prothèses dentaires [4]. Les dents incluses qui sont complètement couvertes par l’os ou les tissus mous doivent être respectées, celles communiquant avec la cavité orale doivent être extraites avec un délai de guérison de 1 mois [4]. Les torus mandibulaires larges, multilobés, ou les torus palatins médians doivent être réséqués 1 mois avant le début de la thérapie par bisphosphonates [4]. Ces patients ne devraient pas être considérés comme des candidats aux implants dentaires pouvant prédisposer à une exposition osseuse [4].
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En cours de traitement par bisphosphonates Il est recommandé un examen buccal par les oncologistes à chaque consultation, à la recherche de tissu osseux nécrotique ou exposé [4, 39], à la recherche d’os exposé dans les zones les plus habituellement touchées, telles les zones postérieures linguales de la mandibule, à la recherche également de signes radiographiques d’ostéolyse, d’ostéocondensation, d’élargissement de l’espace parodontal, et d’atteinte de la furcation. Un nettoyage dentaire et un traitement fluoré doivent être envisagés [4]. Dents On préfère le traitement endodontique aux extractions quand c’est possible [4, 15], et notamment l’amputation coronaire avec traitement endocanalaire dans les racines restantes [4]. Parodonte Les dents à mobilité 1 ou 2 sont solidarisées par une attelle plutôt qu’extraites. Si la mobilité est de 3 ou plus, ou associée à un abcès parodontal, il y a une forte présomption que l’ostéonécrose soit déjà présente et/ou que le tissu de granulation protège faiblement l’os. Dans ces situations, l’extraction de la dent sous couverture antibiotique est le seul recours [4]. Prothèse dentaire Une prothèse dentaire est acceptable, mais elle doit être exempte de zone de pression excessive ou de friction, et doit être retouchée si nécessaire [4]. On peut envisager une couverture de l’os exposé par une protection fine en vinyle, thermoformée, ou par une plaque acrylique mince, n’entraînant pas de traumatisme supplémentaire sur le site d’ostéonécrose, permettant au patient de maintenir une bonne hygiène [39]. Os On tente de réduire le traumatisme des tissus mous par des aspérités osseuses [4]. Une chirurgie élective des maxillaires telle l’extraction de troisième molaire ou de torus, la chirurgie parodontale ou la mise en place d’implants dentaires sont fortement contreindiquées à ce jour [4]. En cas d’absolue nécessité, la technique chirurgicale doit être strictement aseptique, la chirurgie atraumatique, et la suture étanche [14]. Antibiothérapie Une couverture antibiotique prophylactique pour les soins dentaires non invasifs n’est pas recommandée, mais est indiquée pour toute procédure dentaire invasive, la pénicilline demeurant la prescription de première intention. En cas d’allergie, on utilise un traitement associant les quinolones et le métronidazole, ou la spiramycine et le métronidazole. La clindamycine seule n’est pas recommandée en raison de son défaut d’activité contre les Actinomyces, Eikenella corrodens et les germes similaires fréquemment mis en évidence dans l’os exposé [4]. Traitement par bisphosphonates Dans le cas de soins dentaires non invasifs (nettoyage dentaire, application de fluor, restaurations dentaires coronaires, prothèses...), la thérapie par bisphosphonates n’a pas besoin d’être suspendue [4]. En cas de procédures dentaires invasives (extraction dentaire, chirurgie parodontale, traitement endocanalaire...), la reprise de la thérapie par bisphosphonates doit de préférence être différée de 1 mois pour donner un délai suffisant pour la guérison et le recouvrement osseux [4].
Patients présentant une ostéonécrose des maxillaires Lorsque l’os exposé dans les maxillaires est identifié par l’oncologiste ou l’odontologiste, le patient doit être adressé à un spécialiste des os de la face (médecin stomatologiste, chirurgien maxillofacial).
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Le problème de l’arrêt des bisphosphonates a été évoqué (cf. supra). Traitement médical Antibiothérapie. Elle a pour but de prévenir une infection secondaire des tissus mous, une douleur et une ostéomyélite. Sa durée n’est pas définie [39] . On utilise de préférence une pénicilline, ou en cas d’allergie un macrolide ou une quinolone, ces derniers associés au métronidazole (cf. supra), avec si nécessaire adaptation au germe identifié ou potentiel, à la tolérance des patients et en fonction du coût. On ne sait pas si des traitements à affinité osseuse élective sont plus efficaces [39]. La prophylaxie antibiotique doit couvrir la phase de cicatrisation [34]. Oxygénothérapie hyperbare. Elle n’a pas montré son efficacité et n’est pas recommandée à ce jour [10, 14, 38, 39]. Elle a en revanche un intérêt pour Lugassy et al. [17]. Autres traitements. D’autres traitements (bains de bouche) ont été essayés, mais aucun n’a prouvé son efficacité [10]. Traitement antalgique. Pour les patients présentant un os exposé douloureux, on peut contrôler la douleur efficacement sans résoudre le problème de l’exposition osseuse, et ce à 90 %, en utilisant les antibiotiques et la chlorhexidine à 0,12 % en bains de bouche antiseptiques [4]. Traitement des infections graves. En cas de cellulite sévère chez un patient hospitalisé, on a recours à une antibiothérapie par voie intraveineuse, type ampicilline 1 g avec acide clavulanique 500 mg par voie intraveineuse toutes les 6 heures, et métronidazole 500 mg par voie intraveineuse toutes les 8 heures. En cas d’allergie aux pénicillines, il a été mis en évidence la nécessité de prescrire une double antibiothérapie dans chaque cas, utilisant à la fois la ciprofloxacine 500 mg par voie orale deux fois par jour ou l’érythromycine par voie orale trois fois par jour, combinées au métronidazole 500 mg par voie orale trois fois par jour [4]. Traitement chirurgical Historique. Au XIXe siècle, il était préconisé « prévention, patience et chirurgie a minima ». Néanmoins, des interventions étaient pratiquées : résection maxillaire totale, résection de séquestres, d’os nécrotique, avec peu de manipulation des tissus mous, et pas de tentative de chirurgie étendue avec couverture épithéliale [3]. Ces protocoles sont encore d’actualité. Rôle du traitement chirurgical. Il est incontestable [39]. Hellstein remarque que l’exérèse de nombreux séquestres de l’ordre de plusieurs centimètres n’est pas un acte opératoire insignifiant [3]. Les protocoles chirurgicaux sont toutefois à préciser [39]. Il est souhaitable de suspendre les bisphosphonates au minimum 2 mois avant la chirurgie, voire 3 mois avant et 3 mois après la procédure. Chez les patients à risques, on a recours à l’avis d’un expert en maladies osseuses métaboliques [34]. Os. En dehors du polissage d’esquilles osseuses acérées qui entraînent une inflammation des tissus mous et des douleurs, la chirurgie de débridement, de couverture de l’os exposé avec des lambeaux ou les procédures de conformation osseuse sont habituellement contre-productives, et conduisent à des zones d’exposition osseuse supplémentaires, à l’aggravation des symptômes et à un risque plus élevé de fracture pathologique [4]. L’ensemble du squelette est atteint, il est donc impossible de réaliser un débridement jusqu’en zone osseuse viable [4, 39]. De telles tentatives de résection d’os saignant d’aspect viable sont suivies de récidives et d’extension de la nécrose en profondeur [50] (taux d’échec de 72,5 % pour van den Wyngaert et al. [55]). Par conséquent, il est nécessaire de conserver au maximum le périoste [39], le dépériostage excessif entraînant une absence de guérison (Fig. 2D). La chirurgie doit être si possible limitée (séquestrectomies itératives) [39]. Mais il est parfois nécessaire de réaliser des résections partielles des maxillaires [15, 34]. Dans ce cas, la résection doit être aussi limitée que possible [39], avec fermeture primaire des tissus si possible [34]. Stomatologie
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Figure 10. Difficultés de prise en charge du problème dentaire chez cette patiente présentant une poursuite de suppuration douloureuse sous bridge 33-36 malgré l’ablation d’un séquestre osseux. Elle refuse la dépose du bridge et l’avulsion des piliers qui lui sont indispensables pour soulager un syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur gauche.
Quant aux reconstructions par lambeaux microvascularisés, il faudrait pouvoir s’assurer que l’exérèse est en zone saine, ce qui est impossible, et de l’indemnité du greffon de tout processus néoplasique ou ostéopétrotique. En outre, ces interventions sont lourdes pour des patients habituellement en mauvais état général et à l’espérance de vie limitée. Il faut tenter les différents protocoles selon l’état général du patient, l’état clinique local, la présence de cofacteurs, la compliance du patient, l’évolution de la pathologie, et référencer les modalités de chaque cas [39]. Dents. Les traitements dentaires de routine ne doivent pas être modifiés par la notion de traitement par bisphosphonates. Le traitement endodontique est possible, en restant dans le canal [34]. Il faut noter que les pathologies périapicales et des sinus, les poches parodontales purulentes, les parodontites sévères et les abcès actifs intéressent la médullaire osseuse, et peuvent causer une ostéonécrose par eux-mêmes. Ces zones devraient être traitées immédiatement, puisque la médullaire est déjà intéressée par le processus pathologique [34]. La procédure doit alors consister à procéder par étapes, en débutant le traitement sur une dent, puis attendre 2 mois sans affection osseuse, puis le poursuivre [34]. Si des extractions sont nécessaires (Fig. 10), le traitement doit être conservateur, avec fermeture primaire des tissus si possible [34], après arrêt des bisphosphonates [6]. Parodonte. La prise en charge des maladies parodontales est de préférence non chirurgicale. Si une chirurgie est nécessaire, il faut informer le patient et recueillir un accord écrit (les greffes peuvent être compromises par la réduction de la vascularisation des tissus). Soulignons l’importance de la prévention chez les patients indemnes de maladies parodontales [34]. Prothèse. On peut couvrir les zones exposées par plaques acryliques et protéger les tissus mous adjacents [9]. Les prothèses doivent êtres adaptées pour éviter l’appui sur les zones nécrotiques [38]. Il n’y a pas de limitation à l’utilisation des prothèses. On n’a pas de notion d’augmentation du risque d’ostéonécrose par des troubles occlusaux [34]. Implants. Les données sur la pose d’implants chez les patients prenant des bisphosphonates sont rares. Il est préférable d’essayer les autres techniques. Si un implant est absolument nécessaire, il faut informer le patient et recueillir son accord écrit. En cas de problème sur des implants déjà en place, on réalise dans la mesure du possible un geste a minima périimplantaire, et en dernier recours un remodelage osseux modéré [34]. Un cas d’échec d’implant dentaire associé à l’utilisation des bisphosphonates a été rapporté par Woo et al. [9]. Stomatologie
■ Conclusion Toute avancée dans le traitement du cancer est associée à un certain degré de changement du risque [40]. Malgré toutes les précautions prises dans les études précliniques et cliniques, ainsi qu’au cours du suivi à long terme, cette complication est demeurée inconnue pendant plusieurs années. Ceci souligne les différences entre la physiologie animale et la physiologie humaine [4]. De nombreux travaux de recherche seront nécessaires pour établir des recommandations basées sur des preuves [40]. Ces travaux doivent : • établir la preuve des relations entre les bisphosphonates et l’ostéonécrose des maxillaires ; • proposer une définition claire de l’affection ; • préciser les critères diagnostiques [39], notamment en début d’évolution [24] ; • rechercher des modèles d’expérimentation animale [6] ; • préciser s’il existe une absorption différente des bisphosphonates dans la cavité buccale [6] ; • étudier l’évolution de l’incidence selon l’effet favorable de l’information des patients et des praticiens, ou défavorable de l’extension des indications (ostéoporose) [39] ; • essayer de définir des groupes de patients à risque [9, 39], notamment sur le plan génétique [24] ; • préciser les aspects d’imagerie et de biologie, en les combinant aux recueils de données cliniques, pour établir des grades de sévérité de l’affection [9], et établir des protocoles thérapeutiques concernant tant les traitements par bisphosphonates (dosage, mode d’administration, fréquence, type de molécule, durée du traitement...) [39] que la prévention de l’ostéonécrose des maxillaires notamment par la prophylaxie dentaire ; • évaluer les effets de l’arrêt des bisphosphonates [6]. L’information des patients et des praticiens, ainsi que le strict respect des règles de prévention et de prudence thérapeutique devraient réduire considérablement l’incidence de l’affection et sa morbidité. Car même si des alternatives thérapeutiques (tels le denosumab, l’anticorps monoclonal anti-RANK-L, ou les inhibiteurs de la cathepsine K) sont actuellement en cours de développement [40], rien n’indique que ces nouveaux traitements n’entraîneront pas eux-mêmes de nouvelles pathologies insoupçonnées [51].
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Points essentiels
• L’effet des bisphosphonates pourrait être lentement réversible après leur suspension, d’où l’intérêt de stopper la thérapeutique pendant les soins locaux. • Le seul point commun aux patients est l’effet-dose des bisphosphonates. La mauvaise hygiène buccodentaire, les gestes locaux intempestifs, et les autres facteurs ne sont que facultatifs. • Diagnostic : en cas de doute, et après avoir éliminé une lésion néoplasique, on considère qu’il s’agit d’une ostéonécrose des maxillaires sous bisphosphonates jusqu’à preuve du contraire. • Thérapeutique : dès lors que le traitement par bisphosphonates est instauré, on évite si possible toute intervention majeure sur le parodonte ou l’os. .
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J.-M. Maes, Praticien hospitalier ([email protected]). Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, Hôpital Roger Salengro, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 59037 Lille cedex, France. M.-H. Vieillard, Chef de clinique des Universités, assistant des Hôpitaux. Service de rhumatologie, Hôpital Roger Salengro, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 59037 Lille cedex, France. G. Penel, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Centre Abel Caumartin, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 59037 Lille cedex, France. G. Raoul, Praticien hospitalo-universitaire. J. Ferri, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service. Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, Hôpital Roger Salengro, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 59037 Lille cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Maes J.-M., Vieillard M.-H., Penel G., Raoul G., Ferri J. Ostéonécroses des maxillaires sous bisphosphonates. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-062-D-30, 2007.
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¶ 22-062-D-20
Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire) G. Raoul, J.-M. Maes, D. Pasquier, J. Nicola, J. Ferri L’ostéoradionécrose des maxillaires est une complication bien connue des radiations ionisantes utilisées dans le traitement des cancers de la région cervicofaciale. L’ostéoradionécrose en tant que complication de la radiothérapie a été décrite la première fois par Regaud en 1922. En stomatologie, l’ostéoradionécrose est principalement retrouvée au niveau mandibulaire, elle est exceptionnelle au niveau maxillaire. La prise en charge de cette pathologie est une priorité dans la mesure où il s’agit de patients guéris de leur pathologie carcinomateuse initiale. Il s’agit néanmoins d’une prise en charge très difficile en raison des antécédents lourds de ces patients et de l’altération des capacités de cicatrisation des tissus irradiés. De plus, l’atteinte qualitative et quantitative de la vascularisation cervicofaciale réduit les possibilités de reconstruction microchirurgicale. La physiopathologie de l’ostéoradionécrose n’est pas encore totalement élucidée. Les traitements conservateurs sont envisageables aux stades très précoces de la pathologie, mais plus l’ostéoradionécrose est étendue et d’évolution ancienne et plus le traitement doit être radical. Toute la difficulté est de savoir poser l’indication d’un traitement radical sans perdre de nombreux mois ou années en traitements conservateurs. La reconstruction mandibulaire par lambeau libre ostéocutané est actuellement le traitement de choix à proposer à ces patients. En matière d’ostéoradionécrose, étant donné qu’il s’agit d’une complication gravissime d’un traitement fondamental pour de nombreux cancers, le traitement le plus efficace est constitué par la prévention au niveau odontostomatologique et de la radiothérapie. Dans le cadre des ostéoradionécroses dans le traité de stomatologie, seule l’ostéoradionécrose des maxillaires chez l’adulte sera traitée dans ce chapitre. L’ostéite mandibulaire fait l’objet d’un article séparé. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ostéoradionécrose ; Oxygénothérapie hyperbare ; Reconstruction mandibulaire ; Lambeaux libres ostéocutanés ; Microchirurgie
Plan ¶ Définition de l’ostéoradionécrose
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¶ Épidémiologie Âge et sexe Incidence de l’ostéoradionécrose Délai d’apparition de l’ostéoradionécrose Localisation de l’ostéoradionécrose Facteurs déclenchants de l’ostéoradionécrose Facteurs favorisants de l’ostéoradionécrose
2 2 2 2 2 2 2
¶ Physiopathologie de l’ostéoradionécrose Évolution des concepts Notion de facteur déclenchant et ostéoradionécrose spontanée Atteinte de la vascularisation mandibulaire Fibrose Atteinte cellulaire Atteinte extraosseuse
3 3 4 4 4 4 5
¶ Description clinique Description classique Modes de découverte Examen clinique Formes cliniques
5 5 5 6 6
¶ Classifications de l’ostéoradionécrose Classification de Store Classification de Marx et Myers
6 6 6
Stomatologie
¶ Examens complémentaires Radiologiques Scanner Imagerie par résonance magnétique Scintigraphie Histologie de l’ostéoradionécrose
7 7 7 7 7 7
¶ Diagnostic différentiel de l’ostéoradionécrose Récidive carcinomateuse
8 8
¶ Complications de l’ostéoradionécrose Surinfection bactérienne dont Actinomyces Aggravation
8 8 8
¶ Prise en charge de l’ostéoradionécrose Traitement préventif odontologique Prévention au niveau de la radiothérapie Traitement médical Oxygénothérapie hyperbare Traitement chirurgical
8 8 8 8 9 9
¶ Indications thérapeutiques
12
¶ Réhabilitation prothétique Prothèse adjointe Implantologie
13 13 13
¶ Conclusion
13
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22-062-D-20 ¶ Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire)
■ Définition de l’ostéoradionécrose Depuis 1922, différents auteurs ont proposé plusieurs définitions de l’ostéoradionécrose des maxillaires faisant entrer en ligne de compte différents paramètres. Les auteurs s’accordent sur l’irradiation préalable des tissus, mais des nuances sont apportées concernant la taille de l’exposition osseuse, son évolution, l’atteinte muqueuse et la présence de signes radiologiques de nécrose osseuse et surtout de leurs étendues. [1-6] En fait, la plupart des définitions proposées amènent à une classification adaptée. Donner une définition précise de l’ostéoradionécrose est assez difficile. Cette dernière évolue dans le temps et au fur et à mesure des connaissances sur sa physiopathologie. Store [7] apporte une définition radiologique de l’ostéoradionécrose : « présence de signes radiologiques de nécrose osseuse au sein d’un champ d’irradiation, une récidive tumorale ayant été écartée ». En définitive, l’ostéoradionécrose est une nécrose osseuse secondaire aux radiations ionisantes utilisées à des fins thérapeutiques. Il s’ensuit une altération des capacités de défense et de cicatrisation du tissu osseux mandibulaire ou maxillaire. L’expression clinique est variable en fonction des patients, mais la douleur est généralement présente, puis les expositions osseuses, fistules, orostomes et fractures pathologiques peuvent se voir au cours de l’évolution. Les signes radiologiques n’apparaissent pas immédiatement. En effet, il est nécessaire d’atteindre un taux de déminéralisation significatif (à hauteur de 30 à 50 %) [7] afin de pouvoir observer ces signes radiologiques.
■ Épidémiologie Âge et sexe L’âge de survenue de l’ostéoradionécrose se situe aux alentours de 55 ans et correspond exactement à l’âge de survenue des cancers des voies aériennes digestives supérieures (VADS). La prédominance masculine est nette, avec cependant une tendance à l’augmentation de la part féminine (moins de 10 % en 1970, 13 % en 1985). Cette évolution suit l’intoxication alcoolotabagique.
Incidence de l’ostéoradionécrose L’incidence réelle de l’ostéoradionécrose maxillomandibulaire est difficile à déterminer étant donné que les nombreuses études réalisées mentionnent des chiffres variant de 0 à 43 % des patients ayant bénéficié d’une radiothérapie. [8-11] Par ailleurs, la définition de l’ostéoradionécrose n’est pas univoque, si bien que certaines équipes considèrent une exposition osseuse comme une ostéoradionécrose avérée. Une exposition osseuse postradique n’étant pas forcément pour d’autres une ostéoradionécrose. [2] Quoi qu’il en soit, l’incidence de l’ostéoradionécrose décroît significativement depuis les années 1960 et 1970. [9, 12, 13] Alors que l’incidence pouvait atteindre jusqu’à 30 % dans les séries historiques, [14-18] l’incidence rapportée dans les séries de patients traités plus récemment avec des photons de haute énergie est de l’ordre de 1 à 5 %. [19-22] Coffin [19] et Horiot [21] rapportent une incidence de 1 % chez respectivement plus de 2 800 et 900 patients. L’incidence est de l’ordre de 3 % pour Pernot [22] et Epstein. [20] L’incidence actuelle est inférieure à 5 %.
Délai d’apparition de l’ostéoradionécrose L’ostéoradionécrose fait suite, comme son nom l’indique, à la radiothérapie. Le délai d’apparition est excessivement variable puisqu’il peut s’agir de quelques semaines après la fin de la radiothérapie jusqu’à plus de 30 années après. [23]
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Point important
En pratique, il faut considérer que l’ostéoradionécrose des maxillaires peut se déclarer durant toute la vie du patient qui a bénéficié d’une radiothérapie cervicofaciale.
Lorsque de la radiothérapie exclusive est effectuée, le délai d’apparition de l’ostéoradionécrose est significativement plus long que dans les cas d’association chirurgie et radiothérapie. [2, 24] La dose totale délivrée influe sur l’extension de l’ostéoradionécrose, mais pas sur le délai d’apparition de cette dernière. [2, 8] D’après Marx, [24] il existe deux types principaux d’ostéoradionécrose : le type précoce (1 à 2 ans) faisant suite au traumatisme chirurgical, ou spontané en rapport avec une forte dose d’irradiation, et le type tardif (après 3 ans) consécutif à un traumatisme endobuccal (avulsion, prothèse, biopsie, vestibuloplastie) sur des tissus fragilisés par les radiations ionisantes et présentant une hypovascularisation importante. Au total, 65 % des cas d’ostéoradionécrose font suite à un traumatisme, et seulement 35 % sont spontanés. [25] Pour chacune de ces deux catégories, il existe des formes précoces et tardives.
Localisation de l’ostéoradionécrose En chirurgie maxillofaciale et stomatologie, l’ostéoradionécrose peut se rencontrer au niveau des maxillaires, avec une très forte prédominance mandibulaire (20 à 30 fois plus fréquente). [2] Cette constatation est supportée par une architecture osseuse et une vascularisation totalement différentes (cf. infra « Physiopathologie »). Au niveau maxillaire, les conséquences fonctionnelles et esthétiques sont souvent moins graves. L’ostéoradionécrose maxillaire est en général moins extensive et peut se traduire par une communication bucconasale ou buccosinusienne. Au niveau de la mandibule, l’ostéoradionécrose se développe préférentiellement au niveau de la région angulaire et de la branche horizontale. Cette zone est fragile en raison de sa vascularisation centromédullaire prépondérante. [26]
Facteurs déclenchants de l’ostéoradionécrose Ostéoradionécroses d’origine mécanique ou secondaire L’apparition de l’ostéoradionécrose fait en général suite à l’odontoradionécrose ou à un traumatisme avec effraction muqueuse et exposition osseuse, y compris d’origine chirurgicale. [23, 27-31] Sur terrain irradié, ces traumatismes ou microtraumatismes mécaniques ou infectieux sont reconnus par tous les auteurs : • microtraumatismes par prothèse dentaire, brossage, alimentation ; • odontoradionécrose et mauvais état buccodentaire ; • avulsions et soins dentaires ; • traumatisme chirurgical (biopsie, vestibuloplastie, implantologie, régularisation de crête, etc.).
Ostéoradionécroses d’origine spontanée Selon Marx, 35 à 39 % des ostéoradionécroses ne seraient pas secondaires à un traumatisme, mais seraient spontanées, en rapport avec un défaut des capacités métaboliques de l’os irradié. [24, 28, 32] Ce concept est depuis accepté et repris par d’autres auteurs qui trouvent en général des proportions sensiblement inférieures. [29]
Facteurs favorisants de l’ostéoradionécrose Site et stade tumoral Lorsque la tumeur primitive est située au niveau de la langue ou du plancher buccal, le risque d’ostéoradionécrose mandibulaire est plus élevé. [8, 12, 33, 34] On classe par ordre décroissant : Stomatologie
Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire) ¶ 22-062-D-20
langue, plancher buccal, mur alvéolaire, amygdale, voile du palais, palais dur, larynx, lèvres et glandes salivaires. Ce classement s’explique par la proximité immédiate du tissu osseux mandibulaire dans le champ d’irradiation des lésions primitives. [35] Le stade tumoral est également un facteur de risque chez les patients traités par curiethérapie. [36-38]
Geste chirurgical sur la mandibule Lorsque la tumeur est adjacente ou envahit la mandibule, d’une part, le volume irradié comprend le volume osseux mandibulaire, et d’autre part, le traumatisme chirurgical visant à traiter la tumeur primitive induit un dépériostage et une altération de la vascularisation de la mandibule et des tissus mous adjacents. [2]
Doses élevées de radiations ionisantes
L’hypofractionnement (utilisation de dose par séance supérieure à 2 Gy) augmente significativement le risque d’ostéoradionécrose. [45, 46] Chez les patients traités selon un schéma hyperfractionné (plus d’une séance quotidienne) un intervalle d’au moins 6 heures doit être respecté entre les séances afin de permettre les réparations cellulaires des tissus sains ; un intervalle inférieur à 6 heures est un facteur de risque d’ostéoradionécrose. [47-49] La curiethérapie consiste en l’implantation de sources radioactives au sein de la tumeur. Ses principales indications concernent les petites tumeurs (T1 et T2) de la cavité buccale et de l’oropharynx. La localisation et le stade tumoral ont une influence sur le risque d’ostéoradionécrose, [22, 37, 38, 50] ainsi que le débit de dose. [22, 36-38] Le port d’une gouttière plombée interposée entre les sources radioactives et la mandibule diminue significativement le risque d’ostéoradionécrose. [22, 36, 38, 51]
■ Physiopathologie de l’ostéoradionécrose
Le volume irradié et la dose reçue par la mandibule sont des facteurs de risque.34,39,40. En deçà de 60 à 65 Gy, le risque est très faible. Au-delà de 70 Gy, le risque augmente proportionnellement à la dose délivrée. [23, 25, 27, 28, 30, 31, 41] Pour Beumer, [39] le risque augmente significativement avec le volume recevant une dose supérieure à 65 Gy. Emami a estimé le risque d’ostéoradionécrose à 5 % à 5 ans pour un volume d’un tiers de la mandibule recevant 65 Gy, ou un volume supérieur recevant 60 Gy. [40] Dans le cas d’une association radiothérapie externe/ curiethérapie, une dose totale supérieure à 80-90 Gy est un facteur de risque d’ostéoradionécrose. [22, 36]
Depuis leur description par Regaud en 1922, [1] les mécanismes de la physiopathologie de l’ostéoradionécrose ont été étudiés, en s’aidant de l’évolution clinique. Les théories des 3 H et des 2 I s’opposent sur l’infection, mais s’accordent sur l’ischémie ou l’hypovascularisation.
Début précoce de la radiothérapie
Théorie des « 2 I » de Dambrain [52]
Le début de la radiothérapie avant la fin de la cicatrisation alvéolaire est un facteur favorisant. [28, 30, 42] Un délai de 10 à 21 jours entre les avulsions dentaires et la radiothérapie est généralement admis.
D’après Dambrain, ischémie et infection expliquent l’évolution de l’ostéoradionécrose. Il a été décrit que l’infection n’était présente qu’au niveau de l’os exposé et pas dans tout le volume osseux intéressé par l’ostéoradionécrose. En particulier, au niveau des zones profondes non exposées des foyers d’ostéoradionécrose, il n’y a pas de surinfection. [24, 28, 30] L’ischémie, quant à elle, est indéniable mais n’explique pas à elle seule la physiopathologie.
Absence de protection des dents restantes [21, 42, 43] La fluorothérapie est un élément primordial afin d’éviter l’odontoradionécrose qui est un facteur déclenchant d’ostéoradionécrose. L’odontoradionécrose aboutit à une nécrose dentaire postradique. L’hyposialie favorise une accumulation de plaque dentaire, une augmentation de l’acidité buccale et déminéralisation dentaire. La fluorothérapie permet de contrer ces phénomènes. En l’absence d’hygiène buccodentaire stricte et de fluorothérapie, les dents restantes sont le siège de caries du collet allant rapidement vers la perte de la couronne. Les racines restantes constituent alors un facteur déclenchant d’ostéoradionécrose. Une prophylaxie fluorée quotidienne en cas de diminution importante de la production salivaire diminue significativement le risque de caries. [39, 44]
Dents restantes non saines L’absence d’hygiène et un mauvais état buccodentaire sont également des facteurs favorisant le développement d’une ostéoradionécrose. En effet, les avulsions dentaires pratiquées après la radiothérapie sont considérées par de nombreux auteurs comme un facteur favorisant le développement d’une ostéoradionécrose.
Radiothérapie La radiothérapie est très fréquemment employée dans le traitement des carcinomes des voies aérodigestives supérieures. L’unité de dose est le Gray (Gy). La radiothérapie peut être adjuvante ou exclusive ; les doses utilisées s’étalent de 45 à 70 Gy. Le rythme standard consiste en cinq séances de 2 Gy par semaine. L’utilisation de hautes énergies de rayonnement (Cobalt 60, accélérateurs linéaires) a permis une nette régression de l’incidence de l’ostéoradionécrose grâce à la diminution des doses reçues par la mandibule. Les techniques récentes de radiothérapie (radiothérapie conformationnelle avec ou sans modulation d’intensité) permettent de réduire encore les volumes de tissus sains irradiés. Stomatologie
Évolution des concepts
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Point important
Une notion fondamentale est la différence radicale entre l’ostéoradionécrose et l’ostéite : l’ostéoradionécrose n’est pas une ostéite, son évolution n’est pas médiée par l’extension d’une infection. [53] En revanche, il peut y avoir une surinfection de tout ou partie du foyer d’ostéoradionécrose.
Théorie des « 3 H » de Marx Cette théorie n’a presque plus besoin d’être détaillée tant elle a été décrite. [24, 28, 30] D’après Marx, hypocellularité, hypoxémie et hypovascularisation sont les bases de la physiopathologie de l’ostéoradionécrose. Les « 3 H » aboutissent à une défaillance des capacités métaboliques du tissu irradié et à une baisse significative de ses capacités de cicatrisation et de réparation. Ces constatations sont fondées sur de longues séries cliniques avec preuves histologiques. L’hypovascularisation a de plus été mise en évidence grâce aux mesures de teneur en oxygène des tissus irradiés versus les tissus sains du patient. Cette description physiopathologique sert de fondement au traitement par l’oxygénothérapie hyperbare. [25] D’après les études réalisées par Marx, l’hypovascularisation évoluerait dans le temps en s’aggravant progressivement, rendant les capacités de cicatrisation moindres au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la date de la fin de la radiothérapie. Ainsi, avec le temps, le tissu irradié deviendrait de plus en
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22-062-D-20 ¶ Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire)
Figure 1. Vascularisation mandibulaire. S : Symphyse ; ADI : artère alvéolaire inférieure ; T : temporal ; M : masséter ; Ptl : ptérygoïdien latéral ; Ptm : ptérygoïdien mésial.
plus fibreux et hypovascularisé et donc potentiellement plus sensible aux facteurs déclenchants. Les six processus histologiques observés dans les cas d’ostéoradionécrose mandibulaire par Marx et Johnson en 1987 [24] sont les suivantes : hyperhémie, inflammation (avec endartérite), thrombose, hypocellularité, hypovascularisation et fibrose. Ces deux théories semblent, dans une certaine mesure, complémentaires, mais ne parviennent pas à résoudre l’ensemble du processus physiopathologique puisque les avis ne sont pas unanimes. Le point commun de l’ischémie ou hypovascularisation nous mène à l’atteinte vasculaire.
Notion de facteur déclenchant et ostéoradionécrose spontanée Initialement, l’ostéoradionécrose des maxillaires était décrite comme apparaissant secondairement à un traumatisme chirurgical ou prothétique. Marx s’inscrit en faux envers ce processus post-traumatique univoque en introduisant le concept d’ostéoradionécrose spontanée. [28] En effet, selon ses travaux, 35 à 39 % des ostéoradionécroses seraient spontanées et 65 % seraient secondaires aux traumatismes endobuccaux, ces deux catégories étant divisibles en précoce et tardif.
Atteinte de la vascularisation mandibulaire L’atteinte vasculaire par les radiations ionisantes est responsable d’une athéromatose radio-induite et, par voie de fait, pour être pragmatique, les « 3 H » et les « 2 I » en seraient la conséquence. La région mandibulaire comprise entre l’épine de Spix et l’émergence du trou mentonnier bénéficie principalement d’une vascularisation endostée par l’intermédiaire de l’artère alvéolaire inférieure et accessoirement périostée. [13] La région condylienne, le coroné, le ramus et la région symphysaire sont principalement du ressort de la vascularisation périostée par l’intermédiaire des muscles adjacents. [53] Les régions angulaire, rétromolaire et de la branche horizontale sont donc beaucoup plus sensibles à l’ostéoradionécrose en raison de leur vascularisation principalement centromédullaire (Fig. 1). De plus, cette vascularisation supportée par l’artère alvéolaire inférieure tend à diminuer physiologiquement avec l’âge. Après 50 ans, cette vascularisation est significativement diminuée. [54] Suite aux radiations ionisantes, une athéromatose (athérosclérose) radique est induite au niveau de l’artère alvéolaire inférieure, rendant la vascularisation endostée déficiente et responsable, entre autres, des conséquences histologiques et cliniques connues. Ce phénomène est également retrouvé dans les fractures sur mandibule atrophique où l’hypovascularisation de cette région mandibulaire est expliquée par l’athéromatose due à l’âge.
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Bras et al., en 1990, [55] ont démontré, grâce à des injections sélectives, que la vascularisation de la mandibule était dépendante de l’artère alvéolaire inférieure dans la quasi-totalité de la région angulaire et de la branche horizontale. Dans la région symphysaire, l’artère alvéolaire inférieure vascularise uniquement la médullaire et une partie de la corticale, le réseau périosté dépendant de l’artère faciale se chargeant du reste. Ainsi, comme l’artère alvéolaire inférieure est le siège d’une oblitération radique, on observe une hypovascularisation importante de la région de la branche horizontale et de l’angle sans possibilité de suppléance périostée. La région symphysaire, quant à elle, bénéficie d’une suppléance périostée provenant des attaches musculaires et des branches de l’artère faciale. Cette explication physiopathologique rend compte de la localisation très fréquente des foyers d’ostéoradionécrose au niveau de la branche horizontale et angulaire. Les constatations histologiques corroborent ce processus puisque, à mesure que la dose délivrée augmente, la fibrose fait son apparition selon une évolution centrifuge centrée sur l’artère alvéolaire inférieure. [55]
Fibrose Le métabolisme de l’os irradié est donc perturbé, avec, en particulier, une disparition des cellules différenciées spécifiques de ce tissu (ostéoblastes et ostéoclastes). Un remplacement de ces dernières par des fibroblastes se produit, d’où la théorie de la fibrose. En effet, la cicatrisation osseuse se fait par multiplication de fibroblastes qui vont édifier la trame fibreuse mais sans possibilité de la recalcifier étant donné la faible quantité d’ostéoblastes. Les constatations histologiques sont unanimes vis-à-vis de l’apparition d’une fibrose. [28, 30, 55] Un axe de recherche sur la lutte contre la fibrose radioinduite dans le cadre de l’ostéoradionécrose est exploré. Ainsi, de récentes études essayent de combattre la fibrose tout en favorisant la trophicité des tissus. [13, 56-58] L’association thérapeutique antifibrosante (pentoxifylline) antioxydante (tocophérol) et antiostéoclastique (biphosphonate : clodronate) serait à l’origine de guérison d’ostéoradionécrose mandibulaire de stades I et II (classification de Marx et Myers, [25] cf. infra). Ces résultats sont obtenus par étude comparative avec les traitements associant les protocoles d’oxygénothérapie hyperbare. De nombreux cas d’ostéonécrose mandibulaire sont décrits, faisant suite à des traitements par des biphosphonates : pamidronate et zelodronate. [59-61] Ces constatations sont troublantes, certains biphosphonates sembleraient être à l’origine d’ostéites mandibulaires chez des patients n’ayant pas subi de radiothérapie et qui sont traités pour maladie de Paget ou métastases. Il est donc certain que les biphosphonates ont une action indéniable sur le métabolisme osseux des maxillaires. Toute la lumière doit être faite sur ces études avant de pouvoir utiliser ce traitement médical conservateur en pratique médicale courante, dans le cadre des ostéoradionécroses des maxillaires. Néanmoins, les biphosphonates (clodronate) utilisés dans le traitement de l’ostéoradionécrose n’ont pas été incriminés dans l’apparition de nécrose osseuse aseptique, il ne s’agit pas des mêmes classes de biphosphonates. Cette constatation met en évidence le métabolisme particulier des maxillaires en raison de leur exposition constante au milieu extérieur par l’intermédiaire des organes dentaires. Cela met en évidence la nécessité d’études fondamentales complémentaires sur la physiopathologie de l’ostéoradionécrose, notamment au niveau de la régulation cellulaire.
Atteinte cellulaire De récentes études ont mis en évidence une atteinte cellulaire directe, [62, 63] indépendante de l’atteinte vasculaire. En effet, une atteinte cellulaire intrinsèque des ostéocytes a été mise en évidence, permettant de mettre en avant une baisse d’activité des ostéocytes avant même la constatation d’une hypocellularité. Les ostéoblastes seraient plus sensibles à ce phénomène en raison de leur importante différenciation cellulaire. Les ostéoclastes seraient un peu moins sensibles que les ostéoblastes, ce Stomatologie
Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire) ¶ 22-062-D-20
qui permettrait d’expliquer une relative déminéralisation et l’action régulatrice des biphosphonates dans l’ostéoradionécrose. Néanmoins, une réserve doit être apportée concernant l’utilisation des biphosphonates dans l’ostéoradionécrose (cf. supra). [13, 56-61] Cette perspective médicamenteuse est importante et pourra faire partie intégrante de l’arsenal thérapeutique disponible dans la prise en charge des ostéoradionécroses des maxillaires. Ainsi, il est possible d’observer une baisse de vitalité des ostéoblastes et ostéoclastes irradiés, y compris pour de faibles doses et sans signe d’ostéoradionécrose. Cette atteinte à l’échelle cellulaire explique ainsi la difficulté à donner un processus physiopathologique simple et didactique. La physiopathologie de l’ostéoradionécrose fait donc appel à plusieurs processus (atteinte cellulaire, atteinte vasculaire, fibrose, infection superficielle) qui s’unissent pour donner les conséquences cliniques et histologiques que nous connaissons. En revanche, des lésions cellulaires et vasculaires sont présentes à des degrés divers, faisant ainsi le lit d’une future ostéoradionécrose. Des travaux complémentaires sont en cours sur ce sujet, permettant de comprendre plus précisément les différentes expressions cliniques et leur évolution chez les différents patients. Cette compréhension est indispensable afin d’ériger une prise en charge adaptée au stade de la pathologie ainsi qu’en termes de prévention.
Atteinte extraosseuse
Figure 2. Exposition osseuse endobuccale au niveau de la branche horizontale gauche.
Les conséquences de la radiothérapie cervicofaciale ne se limitent pas au tissu osseux. Les glandes salivaires principales et accessoires irradiées voient leur sécrétion diminuée ou abolie, causant ainsi l’hypo- ou l’asialie avec xérostomie. La muqueuse est fragilisée et fibrosée, devenant beaucoup plus sensible aux traumatismes. Les dents irradiées sont candidates au développement de l’odontoradionécrose avec sclérose pulpaire et carie du collet, le tout majoré par la xérostomie. Enfin, la sclérose des muscles masticateurs et des tissus cutanés et sous-cutanés peut induire une limitation de l’ouverture buccale.
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Point important
Le déclenchement d’une ostéoradionécrose peut donc se comparer à une épée de Damoclès pour les patients ayant bénéficié d’une radiothérapie cervicofaciale. Sachant que le volume tissulaire au sein du champ d’irradiation est hétérogène, l’irradiation et ses conséquences tissulaires peuvent logiquement se considérer comme hétérogènes. Si on rajoute la sensibilité individuelle et les effets encore insuffisamment connus de la radiothérapie sur la régulation cellulaire, on peut comprendre, sans pour autant l’expliquer, la singularité du déclenchement et de l’évolution d’une ostéoradionécrose chez les différents patients. [2]
■ Description clinique Description classique La douleur est un des premiers signes cliniques retrouvés et celui qui demeure le plus invalidant durant toute la maladie. [64] Faisant suite à la douleur, on note l’apparition d’une exposition osseuse endobuccale (Fig. 2) avec signes radiologiques. Si la maladie continue d’évoluer, l’ensemble de ces signes s’intensifie et s’étend. Ensuite, il est possible de voir des fistules, orostomes, expositions cutanées, section labiale et fracture pathologique avec exposition muqueuse ou cutanée (Fig. 3). Stomatologie
Figure 3. À gauche orostome, à droite, fracture pathologique, exposition osseuse cutanée et section labiale inférieure.
La douleur se trouve souvent être la cause de la dénutrition des patients qui finissent par refuser de s’alimenter. De plus, étant donné qu’il s’agit de patients ayant bénéficié d’une radiothérapie cervicofaciale, ils peuvent présenter également les effets secondaires aigus de la radiothérapie (radiomucite, radiodermite), ainsi que les autres complications de la radiothérapie : limitation de l’ouverture buccale, asialie, troubles de la gustation, halitose. La douleur s’exacerbe avec les complications de type orostome, fracture pathologique et exposition cutanée qui viennent parfaire la description clinique et peuvent conduire jusqu’au décès par dénutrition.
Modes de découverte Les modes de découverte de l’ostéoradionécrose sont multiples et pas forcément cliniques. La douleur est souvent présente en premier, avec ensuite l’exposition osseuse qui augmente la douleur. L’ostéoradionécrose peut également se découvrir fortuitement sur un panoramique de contrôle ou de suivi qui montre des signes en faveur d’une ostéoradionécrose. L’exposition osseuse dans un champ de radiothérapie sans douleur peut également être présente en premier et permettre le diagnostic.
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22-062-D-20 ¶ Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire)
Examen clinique
Stade I
L’examen clinique doit débuter par un recueil soigneux des antécédents carcinologiques du patient ainsi que de ses habitudes alcoolotabagiques. Le détail de la radiothérapie doit être connu précisément (radiothérapie externe, curiethérapie) avec la dosimétrie afin de connaître l’importance du volume irradié. Ces éléments sont importants pour envisager le traitement conservateur ou radical, les possibilités de reconstruction et l’éventuelle réhabilitation prothétique. L’examen clinique reprend les mêmes éléments que l’examen de suivi d’un patient porteur d’un carcinome des VADS. L’examen endobuccal soigneux doit permettre d’examiner l’ensemble de la muqueuse et de la denture. L’examen cervicofacial est très important afin de juger de la qualité des tissus, et pour rechercher des orostomes et des adénopathies.
Inclusion Patients présentant une exposition osseuse de moins de 2 mm dans une région irradiée depuis plus de 6 mois, avec ou sans douleur. Signes radiologiques de déminéralisation diffuse ou en nappe, avec ou sans séquestres. Exclusion Patients ne présentant pas de fracture pathologique ni d’orostome, ni de fistule, ni de signes radiologiques d’atteinte de l’os cortical et en particulier de la basilaire mandibulaire. Traitement proposé Quarante séances d’oxygénothérapie hyperbare à 2,4 atmosphères de 90 minutes chacune, plus une antibiothérapie. Pas de traitement chirurgical, irrigations locales. En cas d’échec de cicatrisation, le patient passe au stade II.
Formes cliniques Atteinte mandibulaire La localisation mandibulaire est prépondérante (97 % des cas). [2] Le foyer est souvent unilatéral, en général situé au niveau de la branche horizontale ou de l’angle. Les formes bilatérales ont souvent une évolution asynchrone rendant difficile la prise en charge. En effet, lorsqu’un côté peut toujours être traité par des moyens conservateurs, l’autre peut nécessiter un traitement radical.
Stade II
Atteinte maxillaire
Patients ne présentant pas de fracture pathologique ni d’orostome, ni fistule, ni de signes radiologiques d’atteinte de l’os cortical et en particulier de la basilaire mandibulaire.
Inclusion Patients ne répondant pas au traitement du stade I ou ayant une dénudation osseuse supérieure à 2 mm. Exclusion : idem stade I
Cette localisation est très rare en raison de la nature même de l’os et de sa vascularisation. Par ailleurs, les conséquences fonctionnelles sont beaucoup moins invalidantes, notamment par l’absence d’orostome et de fracture pathologique.
Traitement proposé Traitement initial par débridement, curetage et séquestrectomie, la fermeture est obtenue par suture étanche sans tension des muqueuses vestibulaires et linguales sur de l’os saignant. Dix séances supplémentaires d’oxygénothérapie hyperbare selon les mêmes modalités que le stade I. En cas d’échec de cicatrisation, le patient passe au stade III.
■ Classifications de l’ostéoradionécrose De très nombreuses classifications de l’ostéoradionécrose ont été proposées. Leur but étant de proposer une thérapeutique adaptée à chacun des stades.
Stade III Inclusion
Classification de Store La classification de Store [7] en 2000, introduit la notion de stade 0, concernant les cas d’atteinte muqueuse seule, sans atteinte osseuse associée visible radiologiquement. Store considère ce stade comme un stade « latent » d’ostéoradionécrose, car tous les patients classés stade 0 ont évolué ultérieurement dans sa série vers une radionécrose osseuse radiologique. Store insiste sur la nécessité d’un diagnostic précoce, et définit l’atteinte comme la présence de « signes radiologiques de nécrose osseuse au sein d’un champ d’irradiation, dans lequel une récidive tumorale a été exclue ». Sa définition fondée essentiellement sur les signes radiologiques est complétée par une classification : • stade 0 : ulcération muqueuse seule ; • stade I : lyse osseuse radiologique sans atteinte muqueuse ; • stade II : lyse osseuse radiologique associée à une dénudation muqueuse buccale ; • stade III : exposition intrabuccale d’os cliniquement nécrotique, et lytique radiologiquement, accompagnée d’une fistule cutanée et d’une infection.
Classification de Marx et Myers [25] Compte tenu des nombreuses classifications cliniques présentes dans la littérature, il a été très difficile de choisir. Étant donné l’ampleur des travaux de Marx, la description de sa classification semblait incontournable. Cette classification date de presque 15 ans mais se révèle intéressante par la prise en charge multidisciplinaire de cette pathologie (traitement médical, oxygénothérapie hyperbare et chirurgie). D’ailleurs, la prise en charge actuelle reste liée à cette description.
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Patients ne répondant pas au traitement du stade II. Patients présentant une fracture pathologique, une fistule, un orostome ou une atteinte du bord basilaire de la mandibule. Traitement proposé
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Le traitement consiste en une résection des tissus non viables avec éventuel marquage à la tétracycline et révélation à la lumière ultraviolette afin de s’assurer d’une résection en tissu osseux manifestement vivant. Si la reconstruction primaire n’est pas réalisée d’emblée, un fixateur externe est mis en place. Les fistules et pertes de tissus mous sont reconstruites à ce stade. Dix séances supplémentaires d’oxygénothérapie hyperbare selon les mêmes modalités que le stade I et les patients arrivent au stade IIIR.
Stade IIIR Inclusion Patients issus du stade III ou ayant bénéficié d’une résection primaire carcinologique suivie d’une irradiation. Traitement proposé Après 2 semaines de cicatrisation et d’oxygénothérapie du stade III, la reconstruction osseuse est envisagée. Après la reconstruction osseuse, dix nouvelles séances d’oxygénothérapie hyperbare sont réalisées selon les mêmes modalités que le stade I. La contention osseuse est maintenue au moins 8 semaines. Un mois après l’ablation de matériel, la réhabilitation prothétique est envisagée. Stomatologie
Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire) ¶ 22-062-D-20
■ Examens complémentaires Radiologiques Le panoramique dentaire est l’examen radiologique conventionnel de référence permettant de visualiser l’ensemble de la mandibule et les organes dentaires. Le panoramique est en général prescrit pour vérifier l’état dentaire, rechercher des causes de douleurs des maxillaires. De nombreuses ostéoradionécroses sont souvent dépistées à un stade précoce parfois paucisymptomatique, sans exposition osseuse mais avec une douleur insidieuse et une image de déminéralisation localisée. De plus, la résolution du panoramique dentaire est optimale dans la région de la branche horizontale qui est le siège le plus fréquent des ostéoradionécroses. La région symphysaire est mal visualisée en raison des superpositions rachidiennes. Les signes radiologiques sont au départ une densification de la trame osseuse puis une ostéolyse mal limitée. Il est possible de voir des séquestres osseux ou des fractures pathologiques (Fig. 4,5).
Scanner Il s’agit de l’examen de référence dans la prise en charge préet postopératoire d’un patient atteint d’ostéoradionécrose. [65] De nombreux signes sont repérables avec notamment les limites d’atteinte corticale et spongieuse, les fractures, les fistules et orostomes, les atteintes des tissus mous. Le scanner mandibulaire apporte une précision beaucoup plus fine que le panoramique dentaire (Fig. 6). Pour les stades précoces d’ostéoradionécrose, et notamment dans les cas de séquestres linguaux, la prescription d’un dentascanner peut constituer une alternative intéressante afin de juger des limites d’exérèse interruptrice ou non.
Imagerie par résonance magnétique L’imagerie par résonance magnétique (IRM) ne permet pas de visualiser l’os cortical aussi finement que le scanner. En revanche, la médullaire est relativement bien visualisée et surtout les tissus mous. L’IRM ne s’impose pas comme un examen de référence dans le diagnostic et le suivi de l’ostéo-
Figure 4. Fracture pathologique bifocale de la branche horizontale droite avec séquestration.
Figure 6. Scanner mandibulaire horizontal, foyer d’ostéoradionécrose avec séquestre cortical interne au niveau de la branche horizontale gauche.
radionécrose. L’IRM n’apporte pas de renseignements supplémentaires par rapport au scanner. [7, 35] De plus, les délais d’obtention et les coûts étant supérieurs à ceux du scanner, l’IRM n’est pas prescrite dans le bilan de l’ostéoradionécrose en pratique courante.
Scintigraphie La scintigraphie osseuse au gallium 67 et téchnétium 99 permet une hyperfixation très sensible puisqu’elle identifie 100 % des ostéoradionécroses. Malheureusement, sa spécificité est très faible et ne permet pas de faire la distinction entre une ostéite, une ostéoradionécrose ou une récidive tumorale. [37] Cet examen n’est pas utilisé en pratique courante pour le diagnostic de l’ostéoradionécrose.
Histologie de l’ostéoradionécrose On observe une activité ostéoclastique avec élargissement des canaux haversiens dans la corticale. L’os compact s’amincit. La graisse des espaces médullaires est le siège d’une fine fibrose. Les vaisseaux présentent des parois hyalinisées. Des dépôts irréguliers d’os tissé dense forment des appositions contre l’os compact. Il est également possible de retrouver un cal osseux en cas de fracture pathologique, ainsi qu’un aspect d’ostéomyélite en cas de surinfection bactérienne. L’ensemble de ces lésions permet de confirmer que le diagnostic est compatible avec une ostéoradionécrose. La pièce d’exérèse est donc examinée après décalcification. C’est pourquoi, en cas de marquage à la tétracycline préopératoire, il est primordial de réaliser la révélation avant décalcification. Cette possibilité du marquage à la tétracycline avait été proposée par Marx. [25] Une récente publication illustre un cas de marquage mandibulaire à la tétracycline afin de repérer en peropératoire ainsi que lors de l’analyse histopathologique que l’os ayant fixé la tétracycline est donc viable. La révélation se fait grâce à la lumière de Wood avec une longueur d’onde de 365 nm dans le spectre des ultraviolets. [66]
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Point important
Le plus important est de rechercher l’absence de récidive carcinomateuse. L’analyse histopathologique est indispensable à la recherche d’une néoplasie. En effet, il peut s’agir d’une ostéoradionécrose compliquée d’un ou plusieurs foyers de carcinome épidermoïde. Figure 5. Stomatologie
Foyer d’ostéoradionécrose sur la branche horizontale gauche.
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22-062-D-20 ¶ Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire)
■ Diagnostic différentiel de l’ostéoradionécrose Récidive carcinomateuse Étant donné le terrain alcoolotabagique et radique, la recherche négative d’une récidive carcinomateuse est incontournable. L’ostéoradionécrose expose les tissus avoisinants à une inflammation chronique évoluant par poussées avec surinfections et apparition de séquestres osseux. Les foyers d’ostéoradionécrose sont des irritants chroniques sur un terrain prédisposé.
Les avulsions dentaires doivent être réalisées 21 jours avant le début de la radiothérapie pour s’assurer de la parfaite cicatrisation. [25, 27, 28, 30, 42, 53, 70] Au fur et à mesure que ce laps de temps diminue, le risque augmente graduellement. [24, 29] Durant la radiothérapie et les 6 mois après sa fin, les avulsions dentaires sont vivement déconseillées. [2] En somme, avant irradiation, il est préférable de retirer toutes les dents qui ne seront pas conservables durant le restant de la vie du patient. En effet, les avulsions dentaires après irradiation sont pourvoyeuses d’un plus grand taux d’ostéoradionécroses. [25, 27, 28, 30, 34, 43, 53, 70]
Suivi dentaire après irradiation
■ Complications de l’ostéoradionécrose Surinfection bactérienne dont Actinomyces [67, 68] L’os nécrosé exposé dans la cavité buccale présente toujours une infection. La surinfection par Actinomyces est possible.
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Point important
Le port des gouttières fluorées durant le restant de la vie du patient est une condition inflexible de prévention et de conservation des organes dentaires. [25, 27, 28, 30, 34, 43, 69, 70]
Aggravation L’évolution spontanée se fait le plus souvent vers la fracture, l’orostome, l’exposition cutanée. Cette évolution péjorative doit être évitée en prenant la décision d’un traitement radical.
■ Prise en charge de l’ostéoradionécrose Le traitement préventif de l’ostéoradionécrose est impératif. Chaque patient devant bénéficier ou ayant bénéficié d’une radiothérapie cervicofaciale doit faire l’objet de bilan et suivi rigoureux dans le cadre de l’ostéoradionécrose.
Traitement préventif odontologique Bilan dentaire avant irradiation Le bilan dentaire est clinique et radiologique (panoramique dentaire et rétroalvéolaire). La prévention dentaire est primordiale en matière d’ostéoradionécrose, [11, 19, 42, 69] la majorité des ostéoradionécroses étant déclenchées par traumatisme ou infection dentaire. La motivation du patient vis-à-vis de l’hygiène buccodentaire est déterminante. Il est possible de conserver toutes les dents saines et ne présentant pas de foyer infectieux, ainsi que les dents cariées en superficie ou présentant des soins endocanalaires. Chez des patients ne désirant pas se plier à une hygiène buccodentaire stricte (port de gouttières fluorées pour le restant de leur vie, suivi par le biais de consultations régulières), il peut être envisagé des avulsions préventives de dents cariées. [2, 25, 27, 28, 30, 53, 70]
La prophylaxie dentaire doit comprendre : • le traitement des foyers infectieux latents ou patents (kystes, granulomes, poches parodontales, dents mobiles, caries pénétrantes) ; [11, 42] • un détartrage complet avec soins des caries superficielles ; • la prise d’empreintes dentaires pour réalisation de gouttière de fluoration. Durant la radiothérapie, les prothèses amovibles ne sont pas portées en raison de la mucite radique. Ces prothèses pourront être réévaluées et adaptées après la fin des manifestations muqueuses. Les dents strictement incluses ou présentant des traitements endocanalaires bien conduits peuvent être conservées. Le problème se pose pour les dents sous-muqueuses ou incluses au contact du collet de la dent adjacente. [2, 27, 53] Il est conseillé de les retirer pour éviter une surinfection.
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Le port des gouttières fluorées est reconnu par tous les auteurs. Le port commence dès la fin de la radiothérapie et des phénomènes de mucite radique, pour une durée de 5 minutes par jour. Du gel fluoré est disposé dans les gouttières thermoformées et appliqué directement sur l’ensemble de la denture. Les avulsions dentaires ou intervention sur la mandibule irradiée doivent être réalisées sous antibioprophylaxie. La suture doit se faire sans tension et être parfaitement étanche. Les fraisages ou sciages doivent s’effectuer avec irrigation abondante pour éviter l’échauffement du tissu osseux, à moins d’utiliser des instruments non rotatifs ou à faible vitesse (gouge, râpe, scie à main). [11, 42] L’utilisation d’un pansement alvéolaire est actuellement un moyen d’optimiser l’étanchéité de la fermeture. [69] L’utilisation de l’oxygénothérapie hyperbare est conseillée à titre préventif, mais elle n’est pas systématiquement utilisée pour des raisons logistiques et financières. [3, 8, 71] L’oxygénothérapie hyperbare réalisée dans la période périopératoire aux avulsions dentaires permet de réduire significativement l’incidence d’ostéoradionécroses secondaires. [28, 30-32]
Prévention au niveau de la radiothérapie Ce chapitre a été traité précédemment dans le paragraphe sur la radiothérapie (cf. supra « Facteurs déclenchants »).
Traitement médical Antibiothérapie L’antibiothérapie systématique n’est pas indiquée, d’une part en raison de l’absence d’infection en profondeur au niveau des foyers d’ostéoradionécrose, et d’autre part en raison de la faible diffusion des antibiotiques dans les tissus ischémiés. En revanche, lors d’un geste chirurgical de quelque nature que ce soit sur une mandibule irradiée, l’antibiothérapie doit être instaurée. [35, 72]
Anti-inflammatoires Les anti-inflammatoires peuvent être utilisés sous couvert d’antibiothérapie, lors des poussées inflammatoires. Il est possible d’utiliser des anti-inflammatoires de type non stéroïdien ou stéroïdien.
Bains de bouche antiseptiques En cas d’exposition osseuse endobuccale, les bains de bouche antiseptiques sont utilisés. Stomatologie
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Antalgiques Les antalgiques sont indispensables afin d’atténuer la douleur. La prescription de morphiniques est tout à fait possible.
Lutte contre la résorption osseuse et la fibrose Il s’agit d’une thérapeutique encore en cours d’évaluation. Son action est dirigée contre la fibrose et la résorption osseuse. Il s’agit d’une association médicamenteuse : • tocophérol (Toco 500 ® ) × 2 : action antioxydante sur la fibrose constituée ; • pentoxifylline (Torental®) 400 × 2 : [73] prévient la fibrose radio-induite, augmente la déformabilité des globules rouges, vasodilatateur, fibrinolytique, antiagrégant plaquettaire. Favorise l’oxygénation des tissus ; • biphosphonate clodronate (Clastoban®) 800 × 7 ; 5 jours sur 7 : activité antiostéoclastique, permettant de limiter la résorption osseuse. Ce traitement semble actif sur l’ensemble des tissus irradiés. Il s’agit d’une perspective médicamenteuse intéressante qui a déjà montré son efficacité. [13, 56, 57] Il ne s’agit néanmoins que d’un traitement adjuvant à proposer aux stades peu avancés de la pathologie. La seule réserve est constituée par l’utilisation des biphosphonates (cf. supra « Physiopathologie »).
Oxygénothérapie hyperbare L’ostéoradionécrose des maxillaires est une indication reconnue de l’oxygénothérapie hyperbare. [8, 13, 25, 32, 74, 75] Les résultats positifs de la prise en charge associant l’oxygénothérapie aux protocoles d’oxygénothérapie hyperbare sont nombreux dans la littérature. [4, 25, 28, 41, 76]
Principes de l’oxygénothérapie hyperbare Le principe de l’oxygénothérapie hyperbare consiste en une augmentation des pressions tissulaires d’oxygène par une hyperoxygénation sanguine obtenue grâce à l’exposition du patient à une pression de 2 à 3 atmosphères sous 100 % d’oxygène. Le transport de l’oxygène est réalisé d’une part sous forme d’oxyhémoglobine (HbO 2 ), dont la saturation arrive aisément à 100 %, mais aussi sous forme dissoute dans le plasma, dont l’importance est directement fonction de la pression d’oxygène respirée. Ainsi, la quantité d’oxygène dissoute dans le plasma à pression atmosphérique sous air ambiant passe de 0,3 ml 100 ml–1 de plasma à 6 ml 100 ml–1 de plasma sous 3 atmosphères et 100 % d’oxygène. [77] Grâce à l’oxygénothérapie hyperbare, on atteint des taux qui vont jusqu’à 7 % d’oxygène dissous dans le sang, ce qui est 20 fois plus élevé que dans les conditions habituelles. Le gradient de pression d’oxygène entre le sang et les tissus s’élève donc considérablement, ce qui permet d’augmenter la distance de diffusion de l’oxygène dans l’ensemble des tissus ischémiés, rétablissant ainsi des conditions d’oxygénation normales. L’oxygénothérapie a également d’autres effets. La déformabilité des globules rouges est accrue. La vasoconstriction capillaire induite par l’hyperoxygénation permet une résorption de l’œdème vasogénique au sein des tissus ischémiques. L’oxygénothérapie possède un effet bactéricide et bactériostatique sur les germes anaérobies et certains germes aérobies. L’oxygénothérapie favorise l’angiogenèse, la prolifération fibroblastique et la synthèse d’un collagène de bonne qualité mécanique. L’épithélialisation et la réparation osseuse sont de plus stimulées. [78] Néoangiogenèse et fibroplasie ou fibrogenèse sont le mode de cicatrisation de l’os irradié, qui, en définitive ne se répare pas. Les ostéoblastes étant atteints en qualité et en quantité, la calcification ne se fait pas bien. Les fibroblastes étant un peu plus résistants, ils induisent une fibrogenèse. [25, 74] La fibrogenèse en conditions non hypoxiques aboutit à la sécrétion par les fibroblastes de collagène physiologique (triple hélice). Stomatologie
Le protocole fait appel à une exposition de 90 minutes à 100 % d’oxygène et à une pression de 2,5 ata (atmosphère absolue). Ces conditions permettent une oxygénation significativement plus importante des tissus irradiés sièges d’une hypoxémie et d’une hypovascularisation. Une pression supérieure à 2 ata est nécessaire afin d’obtenir un effet. [77] Les séances sont réalisées au rythme de 1 à 2 par jour et de 5 jours par semaine.
Indications et contre-indications de l’oxygénothérapie hyperbare Avant de pouvoir proposer cette prise en charge, il est nécessaire de s’assurer de l’absence de contre-indications. Les contre-indications absolues de l’oxygénothérapie hyperbare sont rares : pneumothorax non drainé, crise d’asthme en évolution. Certaines contre-indications sont transitoires : otite et obstruction tubaire, sinusite, épisode infectieux bronchopulmonaire. Certaines conditions ne sont pas des contre-indications, mais incitent à renforcer la surveillance en cours de séances : bronchopathie chronique obstructive, coronaropathie, antécédents d’épilepsie, états psychiatriques aigus. L’adjonction d’une oxygénothérapie hyperbare en périopératoire semble bénéfique et recommandée. [8, 25, 70, 79, 80] Toutefois, cette utilisation de l’oxygénothérapie hyperbare nécessite une coopération étroite entre deux équipes aux moyens techniques différents et situées souvent sur deux plateaux techniques séparés géographiquement. Hormis les problèmes d’organisation de séances d’oxygénothérapie hyperbare en périopératoire (extractions dentaires, exérèse, reconstruction), un autre facteur limitant est le coût par patient, [3, 8, 71] mais ce coût doit être apprécié par rapport à celui induit par l’apparition d’une ostéoradionécrose ou de l’échec d’une tentative de reconstruction. Les indications de l’oxygénothérapie hyperbare dans le cadre de l’ostéoradionécrose sont : les avulsions dentaires et la chirurgie d’exérèse avec reconstruction. Il est également licite de penser que l’implantologie en milieu irradié puisse bénéficier de cette thérapeutique.
Traitement chirurgical L’ostéoradionécrose se développe en général sur la mandibule, mais il ne faut pas oublier que les tissus mous adjacents ont également été irradiés. C’est pourquoi l’utilisation des capacités de cicatrisation des tissus locorégionaux n’est pas conseillée.
Traitement chirurgical conservateur Cette technique relativement ancienne consistait à perforer le foyer d’ostéoradionécrose afin de le faire bourgeonner et d’éviter le curetage-séquestrectomie. [81] Cette technique est bien évidemment dépassée et déconseillée.
Curetages, séquestrectomies Réalisés aux stades II et III de la classification de Marx et Myers, [25] les curetages ou séquestrectomies n’ont pour but que de retirer les tissus totalement nécrosés et de laisser traditionnellement un tissu osseux saignant. La voie d’abord est en général limitée et endobuccale. La fermeture doit être obtenue sans tension. Il peut être nécessaire d’utiliser un lambeau de recouvrement.
Lambeaux de recouvrement Ces derniers peuvent être utiles pour les patients qui ne peuvent pas bénéficier de microchirurgie ou qui ont conservé une hauteur mandibulaire suffisante, et qui donc ne nécessitent pas de reconstruction osseuse. Le lambeau nasogénien, le
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mandibulaire chez la moitié des patients porteurs d’ostéoradionécrose. L’oxygénothérapie hyperbare ne servirait alors qu’à titre préventif et complèterait la chirurgie.
Reconstruction d’une exérèse interruptrice Plaque de reconstruction
Figure 7.
Hémimandibulectomie droite.
lambeau pédiculé de pectoralis major, lambeau de temporal [35] ou pédiculé de grand dorsal peuvent aider à recouvrir une dénudation osseuse après curetage appuyé.
Il est possible d’envisager une plaque de reconstruction en titane bien qu’il ne s’agisse pas d’une reconstruction puisqu’on ne remplace pas l’os retiré. Le résultat est d’autant plus probant que la résection est latérale et postérieure. [86] Pour les résections antérieures, le taux d’échecs est beaucoup plus important. Cette méthode a l’avantage d’être rapide et peut être proposée aux patients relativement fragiles ou qui ne peuvent pas bénéficier de technique de microchirurgie. De plus, il est possible d’envisager une reconstruction osseuse secondairement. Bien évidemment, il ne s’agit pas de la méthode donnant les meilleurs résultats. [87]
Résection interruptrice
Greffes osseuses pédiculées
Le premier problème posé par la résection interruptrice est son indication dans l’évolution de la maladie. Initialement, les seules indications retenues étaient l’absence de réponse au protocole conservateur, [28, 30, 74, 77] l’existence d’une douleur incontrôlable et une fracture pathologique. [34] La résection interruptrice devient inévitable lorsque la totalité de la hauteur osseuse est atteinte. De même, dans les cas d’ostéoradionécrose évolutive, lorsque la hauteur d’os sain est faible, et en fonction de signes cliniques (douleur, qualité des tissus mous avoisinants, évolution de l’imagerie), il est souhaitable d’envisager une résection interruptrice plus précoce. Le deuxième problème posé par la résection interruptrice est celui de la définition des marges d’exérèse. Les règles de résection sont alors guidées d’une part par les constatations radiologiques (panoramique dentaire, scanner, IRM, scintigraphie), mais seule la constatation peropératoire donne la décision finale. Ainsi, la résection se fait en os cliniquement sain et saignant normalement avec une marge d’au moins 1 cm. Certains auteurs rapportent la nécessité de tenir compte des courbes isodoses pour aider à déterminer les limites de résection. [34] Il faut également tenir compte des spécificités physiopathologiques de la vascularisation mandibulaire. Lorsque la région angulaire est le siège d’une ostéoradionécrose importante, l’artère alvéolaire inférieure est oblitérée, rendant l’ensemble de la branche horizontale très fragile en raison de son hypovascularisation. Lorsqu’une résection interruptrice est décidée, il faut s’assurer d’être en limites saines afin d’obtenir une cicatrisation optimale. Afin d’aider à repérer le tissu osseux vivant, un marquage à la tétracycline peut s’envisager. [66, 77] Le troisième problème posé par la résection interruptrice est sa reconstruction. Une hémimandibulectomie peut se pratiquer [35, 72, 82] sans reconstruction osseuse, avec cependant des conséquences fonctionnelles et esthétiques non négligeables (Fig. 7). L’idéal est sans conteste la reconstruction osseuse. En cas de localisation bilatérale, le problème est encore plus compliqué dans la mesure où les lésions d’ostéoradionécrose n’ont pas systématiquement une évolutivité synchrone. Ainsi, lors de l’éxérèse-reconstruction, il peut être envisagé un lambeau de type fibula bipartite avec conservation de la région symphysaire. Les conséquences fonctionnelles seraient alors épouvantables en cas d’échec du lambeau étant donné la résection bilatérale et la déformation de type « Andy Gump ». [83] Depuis ces 15 dernières années, la reconstruction osseuse en chirurgie maxillofaciale a été révolutionnée par l’apparition des lambeaux libres osseux. [84, 85] L’apport de tissus parfaitement vascularisés et non irradiés constitue la meilleure alternative thérapeutique pour le traitement de l’ostéoradionécrose, et doit se faire par microanastomose. D’après certains auteurs, [26] la chirurgie est inévitable dès lors que le diagnostic d’ostéoradionécrose est porté. Glanzmann et Gratz, en 1995, [34] ont observé la nécessité d’une résection
Les greffes osseuses pédiculées sont envisageables et peuvent, dans certains cas, donner de bons résultats. Compte tenu des antécédents chirurgicaux et de la radiothérapie cervicale, le lambeau de sterno-cléido-mastoïdien avec clavicule est peu envisageable. Le lambeau de pectoralis major armé d’une côte apporte un os peu vascularisé et de faible qualité. Il peut également être proposé le lambeau pédiculé de temporal armé d’un fragment d’os pariétal. [35] Ces alternatives sont à proposer en cas de contre-indication de reconstruction microchirurgicale.
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Greffe osseuse libre non vascularisée Une greffe osseuse libre non vascularisée est vivement déconseillée en raison du taux d’échecs excessivement élevé inhérent au faible potentiel de cicatrisation des tissus receveurs. [12] Reconstruction microanastomosée Bilan avant reconstruction microanastomosée. La reconstruction en terrain irradié doit faire recourir à un os vascularisé, idéalement microanastomosé en cervicofacial. Néanmoins, le site vasculaire receveur est très souvent pauvre en rapport avec les antécédents chirurgicaux (évidements ganglionnaires, reconstructions microanastomosées précédentes), les antécédents de radiothérapie, ainsi que les antécédents de chimiothérapie (pose de voie centrale en jugulaire externe ou interne). Le bilan préopératoire doit permettre de connaître le lit vasculaire cervical receveur (échodoppler, artériographie, angioscanner ou angio-IRM) afin de ne pas se trouver dans une impasse technique. [88] Il est recommandé de débuter l’intervention par une recherche et une préparation prudente des vaisseaux sans les clamper pour éviter leur thrombose. De plus, il faut être certain de pouvoir prélever le lambeau choisi sans risquer de complications majeures. C’est le cas du lambeau libre de fibula ou du lambeau antébrachial (chinois). Cependant, dans ces deux cas, il faut s’assurer de la parfaite perméabilité du réseau vasculaire laissé en place. Le test clinique d’Allen est approprié pour la perméabilité de l’artère ulnaire, mais l’échodoppler permet de laisser une preuve médicolégale. Pour ce qui est du lambeau de fibula, le gold standard est l’artériographie des membres inférieurs avec retour veineux. Néanmoins, l’artériographie est invasive et pourvoyeuse de complications (3 à 5 %). La tendance est à l’utilisation de l’angio-IRM couplée à l’échodoppler couleur. [87] Le type d’explorations utilisées dépend du lambeau choisi, des antécédents du patient et des habitudes de l’équipe. Microchirurgie en terrain radique. La microchirurgie en terrain radique est rendue beaucoup plus difficile, surtout en raison de la qualité et de la quantité des veines. En effet, dans le meilleur des cas, les patients ont bénéficié d’un curage Stomatologie
Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire) ¶ 22-062-D-20
Figure 8. Reconstruction mandibulaire d’angle à angle par lambeau libre de fibula.
Figure 11. Reconstruction des deux branches horizontales de la mandibule par lambeau libre de fibula bipartite.
Figure 9. Reconstruction des deux branches horizontales par deux lambeaux libres de fibula réalisés à 4 ans d’intervalle pour ostéoradionécrose.
Figure 12. Mise en place de quatre implants au niveau de la branche horizontale gauche reconstruite par lambeau libre de fibula.
Figure 10. de fibula.
Reconstruction hémimandibulaire gauche par lambeau libre
cervical, éventuellement sélectif ou radical modifié, avec conservation de la jugulaire interne, mais la dissection veineuse est rendue très difficile. Il peut être nécessaire d’avoir recours à des greffes veineuses en cas de défaut de longueur du pédicule ou d’absence de veine utilisable en cervical. La réalisation d’une fistule carotidojugulaire par boucle vasculaire saphène peut également s’envisager. [89] L’anticoagulation (héparine ou aspirine ou antiagrégants plaquettaires) n’est pas univoque ni employée systématiquement. [90] Enfin, la surveillance postopératoire doit être très étroite compte tenu du plus fort taux d’échecs de la microchirurgie sur terrain postradique. La surveillance par doppler implantable ou doppler externe ou encore par monitorage en temps réel de la vitalité de la palette cutanée est recommandée, surtout dans les deux premiers jours postopératoires où se situent 80 % des thromboses vasculaires dont la majorité est d’origine veineuse. [87] Lambeau libre ostéo-myo-cutané de fibula. Depuis la publication de Hidalgo en 1989, [91] le lambeau de choix pour la reconstruction mandibulaire est indiscutablement le lambeau libre ostéo-myo-cutané de fibula. [26, 90, 92-98] En effet, compte tenu de sa fiabilité, de sa longueur, de la faible morbidité du site donneur, des possibilités d’ostéotomies (Fig. 8–11) et de sa Stomatologie
capacité à recevoir des implants dentaires (Fig. 12), il est actuellement utilisé en pratique courante dans les centres de reconstruction. [84] L’unité condylienne peut même être reconstruite par la tête de la fibula. [90] Ce lambeau est aussi utilisé dans la reconstruction maxillaire. [83, 85, 89] Lambeau libre de crête iliaque. Compte tenu de la morbidité du site donneur et des difficultés et dangers des ostéotomies pour le mettre en forme, le lambeau libre de crête iliaque est en général utilisé lorsque les autres lambeaux libres ne sont pas réalisables. [98] Néanmoins, en fonction des habitudes et de l’expérience des différentes équipes, ce lambeau peut s’utiliser en première intention. [12] Pour d’autres équipes, la crête iliaque vient en seconde position et s’utilise préférentiellement sans palette cutanée et avec l’adjonction d’un lambeau chinois pour la reconstruction des tissus mous. [93-95] En cas de reconstruction maxillaire, ce lambeau peut être utilisé et permettre une réhabilitation implantaire de qualité. [83, 99] Lambeau libre de radius. Le lambeau libre de radius [90] est, quant à lui, réservé aux cas de perte osseuse de faible importance avec surtout la nécessité d’un grand apport de tissus mous pour remplacer la muqueuse. Les complications à titre de fracture radiale sont connues, et l’apport osseux est en général insuffisant pour envisager une mise en place d’implant. L’association du lambeau chinois avec d’autres lambeaux du type fibula ou crête iliaque permet de s’affranchir d’une palette cutanée parfois non viable (absence de perforantes à destinée cutanée dans la fibula) ou de grande épaisseur (crête iliaque). [90]
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22-062-D-20 ¶ Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire)
Stades I et II
Stade III
Curetage/HBO suture directe ou recouvrement
Exérèse interruptrice
Dénudation persistante
Foyer postérieur unilatéral
Exérèse non interruptrice Lambeau de recouvrement Lambeau nasogénien, FAAMM Flap Buccinateur Temporalis, Pectoralis major
Reconstruction osseuse préférable, non impérative
Reconstruction osseuse inévitable
Guérison
Figure 13.
Arbre décisionnel. Traitement de l’ostéoradionécrose mandibulaire.
Lambeau serratocostal libre. Le lambeau serratocostal libre constitue une éventualité intéressante. [35, 72, 90] Néanmoins, la qualité de l’apport osseux est inférieure aux greffons de type fibula ou de crête iliaque en termes d’implantologie. Lambeau brachial externe. Ce lambeau très fiable permet d’apporter un fragment osseux de faible épaisseur, de hauteur moyenne (un tiers de la circonférence humérale) mais est peu propice à la mise en place d’implant. Une palette cutanée est également disponible. Les complications à type de fracture humérale sont également connues. Ce lambeau est à conseiller en seconde intention ou en apposition après curetage et séquestrectomie et, dans tous les cas, pour une reconstruction de faible longueur. Si besoin, la palette cutanée est très fiable et autofermante. Lambeau de scapula et parascapulaire. Ces lambeaux sont également possibles avec un apport osseux de faible épaisseur. Leur gros avantage est la possibilité de dissocier la palette. L’apport osseux est en général insuffisant pour proposer la mise en place ultérieure d’implants. [35, 72]
Place de l’oxygénothérapie hyperbare en périopératoire D’après les travaux de Marx, [28, 30] l’oxygénothérapie hyperbare fait partie intégrante de la prise en charge périopératoire avec 20 à 30 séances préopératoires et dix séances postopératoires. Cette thérapeutique est incluse dans le protocole de prise en charge selon les différents stades de la classification de Marx et Myers. [25] D’après ses auteurs, ce protocole permet une meilleure cicatrisation et un plus grand taux de réussites des reconstructions osseuses. Récemment, une étude, non exempte de critiques, remet en cause l’efficacité curative de l’oxygénothérapie hyperbare. [100] Toute la difficulté est de savoir poser l’indication d’un traitement radical sans perdre de nombreux mois ou années en
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Foyers bilatéraux Foyer antérieur
traitements conservateurs [4] et aboutir à une prise ne charge chirurgicale trop tardive. Cette attitude doit renforcer la communication et l’interaction entre médecins, radiothérapeutes et chirurgiens afin d’éviter de considérer le traitement chirurgical comme un constat d’échec des traitements conservateurs.
■ Indications thérapeutiques Le schéma habituellement adopté est calqué sur la classification de Marx et Myers [25] (cf. supra « Classification »). Les trois nuances apportées par ce travail seront tout d’abord l’intérêt d’une plus grande précocité des indications de résection chirurgicale avec reconstruction immédiate dans les cas d’ostéoradionécrose évolutive ne répondant pas bien aux traitements conservateurs médicaux (Fig. 13). L’autre différence est certainement l’inclusion des traitements antifibrosant et antiostéoclastique (biphosphonates). Enfin, l’oxygénothérapie hyperbare n’est pas probablement employée aussi fréquemment qu’elle le devrait, cela pour des raisons financières et matérielles. [3, 8, 71] En pratique, l’oxygénothérapie devrait être utilisée chez les patients présentant des lésions bilatérales, rapidement et massivement évolutives ou unilatérales évoluées avec une atteinte importante des tissus mous, en association à la chirurgie. L’accès à un centre d’oxygénothérapie hyperbare est indiscutablement un avantage en périopératoire pour le patient afin d’améliorer la cicatrisation des tissus irradiés. Le suivi du patient par des services de chirurgie maxillofaciale et stomatologique est incontournable afin de poser et de réaliser les indications chirurgicales radicales au cours de l’évolution. Très souvent, la prise en charge du patient évolue vers les services chirurgicaux au fur et à mesure de l’échec des traiteStomatologie
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Implantologie
Point important
La prise en charge de l’ostéoradionécrose doit être multidisciplinaire. Les chirurgiens maxillofaciaux et stomatologues se situent en première ligne pour la remise en état de la cavité buccale en vue d’une radiothérapie. Les radiothérapeutes doivent utiliser toutes les techniques à leur disposition pour minimiser l’irradiation de la mandibule saine sans compromettre le traitement carcinologique. Les données dosimétriques permettent d’avoir une indication fiable entrant en ligne de compte pour la résection chirurgicale et la pose implantaire. Un suivi médical est également nécessaire afin de corriger les facteurs associés d’atteinte cardiovasculaire (athérosclérose, hypertension, diabète, dyslipidémies, maladie de Vaquez, vascularites, ...) et d’assurer la réalisation ou le maintien du sevrage alcoolotabagique.
ments conservateurs, et les patients sont présentés au stade de complications de l’ostéoradionécrose (orostome, exposition cutanée ou fracture pathologique). Dans certains cas, il serait bénéfique pour le patient de pouvoir bénéficier d’une indication chirurgicale radicale plus précocement sans attendre l’apparition d’orostome et de fracture pathologique. Tous les schémas thérapeutiques incluent un traitement conservateur aux stades précoces de la maladie. Toute la difficulté réside dans l’indication de l’arrêt des traitements conservateurs et le passage au traitement radical. Des stades avancés sont indiscutablement chirurgicaux : existence d’une fracture pathologique, d’un orostome ou d’un pharyngostome. À notre sens, dès que toute la hauteur mandibulaire est atteinte, une résection interruptrice est indiquée. À des stades plus précoces encore, lorsque la hauteur mandibulaire basilaire saine restante est trop faible et qu’il n’y a pas d’amélioration avec les traitements conservateurs, il n’est pas nécessaire d’attendre la fracture pathologique pour poser l’indication d’une résection interruptrice. En effet, étant donné la possible limitation d’ouverture buccale par la fibrose et la rétraction musculocutanée postradique, les forces appliquées à la mandibule sont plus importantes, y compris sur une mandibule édentée. Idéalement, la reconstruction est réalisée dans le même temps par un lambeau osseux libre microvascularisé. Notre préférence va pour le lambeau libre de fibula. Le choix est porté en fonction des possibilités chirurgicales et des habitudes des équipes. En résumé, la chirurgie reste actuellement le traitement majeur curatif et l’oxygénothérapie un traitement adjuvant. [3]
■ Réhabilitation prothétique La réhabilitation prothétique est à proposer aux patients qui possédaient une réhabilitation prothétique auparavant ou qui ont subi des extractions avant la radiothérapie.
Les prothèses implantostabilisées ou implantoportées sont sans conteste les meilleures solutions prothétiques à proposer aux patients ayant présenté une ostéoradionécrose. Dans le volume osseux guéri d’une ostéoradionécrose, la mise en place d’implant est à proscrire. Dans un os non irradié, la mise en place d’implant est tout à fait possible, qu’il soit natif ou transplanté. Dans un os irradié sans ostéoradionécrose et avec une dose reçue connue et compatible avec la mise en place d’implants, l’implantologie est envisageable. Le problème est de déterminer la dose acceptable, et la limite de 50 à 60 Gy est de plus en plus souvent atteinte. Un examen minutieux des courbes isodoses permet de déterminer précisément les doses reçues par les segments mandibulaires candidats à la mise en place d’implants. Les prothèses implantoportées ou implantostabilisées sont toujours bénéfiques pour le patient en termes de stabilité et de confort. Chez le patient irradié chez qui se rajoutent l’hypo- et l’asialie, l’implantologie apporte encore plus de confort. Par ailleurs, cela évite le traumatisme muqueux qui est un facteur déclenchant d’ostéoradionécrose (Fig. 12). En termes de succès implantaire à long terme, les différents auteurs mettent en évidence une légère augmentation du taux d’échecs en terrain irradié alors que d’autres ne voient pas de modification. [10] L’oxygénothérapie hyperbare est toujours en cours d’évaluation par rapport à l’implantologie. Néanmoins, étant donné que l’oxygénothérapie hyperbare a un effet reconnu en périopératoire dans les cas d’avulsions dentaires, séquestrectomies, résections et reconstructions, il est licite de penser qu’en matière d’implantologie en terrain irradié, l’oxygénothérapie devrait jouer le même rôle, mais il n’y a pas actuellement assez de recul ni d’études pour le prouver. [41]
■ Conclusion L’ostéoradionécrose est une complication majeure de la radiothérapie. Cette dernière est cependant incontournable dans le traitement des carcinomes des VADS. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier que la pire des complications dans le traitement des carcinomes des VADS reste la récidive ou la poursuite évolutive du néoplasme. La prise en charge de l’ostéoradionécrose est chirurgicale avant tout. Le traitement chirurgical conservateur peut s’envisager tant que la hauteur osseuse résiduelle est suffisamment importante. En revanche, en cas d’atteinte de toute la hauteur mandibulaire, quelle que soit la longueur intéressée, le traitement doit faire appel à une résection interruptrice. [2] Le plus difficile est de poser l’indication de résection interruptrice avec reconstruction sans attendre une complication du type fracture pathologique, exposition cutanée ou orostome. L’oxygénothérapie hyperbare joue un rôle prépondérant dans la stratégie thérapeutique en matière de prévention périopératoire et devrait toujours être envisagée étant donné que ses indications sont reconnues. Le premier traitement de l’ostéoradionécrose est constitué par la prévention à l’aide de la remise en état de la cavité buccale et des modalités de radiothérapie. Les traitements médicaux et l’oxygénothérapie ne sont que des traitements adjuvants ou réservés aux stades très précoces de la pathologie. Seul le traitement chirurgical permet l’éradication de la pathologie, sur terrain radique la reconstruction microanastomosée demeure alors la thérapeutique de choix.
Prothèse adjointe Durant la radiothérapie, les prothèses adjointes sont interdites en raison de la radiomucite. Ces dernières sont réévaluées et éventuellement réajustées après la radiothérapie. Leur tolérance et leur stabilité sont en général mauvaises en raison de la xérostomie et des éventuels gestes chirurgicaux mandibulaires. Les prothèses adjointes ont un appui muqueux et peuvent être la cause d’ulcérations muqueuses et du déclenchement d’une ostéoradionécrose. Stomatologie
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Remerciements Professeur D. Mathieu, chef du service de médecine hyperbare, hôpital Calmette, CHRU de Lille. Docteur A. Wacrenier, service d’anatomie et cytologie pathologiques, CHRU Lille. Professeur E. Lartigau, chef du département universitaire de radiothérapie, centre Oscar Lambret, université Lille II, 2, rue Frédéric-de-Combemale, 59020 Lille.
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G. Raoul, Praticien hospitalo-universitaire ([email protected]). J.-M. Maes, Praticien hospitalier. Département universitaire de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille, 4, rue Émile-Laine, 59037 Lille cedex, France. D. Pasquier, Chef de clinique des Universités, assistant des Hôpitaux. Département universitaire de radiothérapie, centre Oscar Lambret, université Lille II, 2, rue Frédéric-de-Combemale, 59020 Lille, cedex, France. J. Nicola, Interne. J. Ferri, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service. Département universitaire de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille, 4, rue Émile-Laine, 59037 Lille cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Raoul G., Maes J.-M., Pasquier D., Nicola J., Ferri J. Ostéoradionécroses des maxillaires (maxillaire et mandibulaire). EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-062-D-20, 2005.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-065-D-10
22-065-D-10
Radiothérapie des cancers de la cavité buccale B Géry D Brune P Barrellier
R é s u m é. – L’association chirurgie/radiothérapie postopératoire permet d’obtenir les meilleurs taux de contrôle local et de survie des cancers de la cavité buccale. Cependant, l’irradiation peut être à l’origine de complications tardives et de séquelles qu’il est possible, dans bien des cas, de prévenir ou de limiter par une mise en condition préalable des patients, une préparation technique rigoureuse et un suivi post-thérapeutique régulier. En l’état actuel des connaissances, l’augmentation de l’efficacité antitumorale semble devoir faire appel aux associations radiochimiothérapiques concomitantes et aux protocoles d’irradiation hyperfractionnée, en cours d’investigation. Par ailleurs, la mise au point de nouveaux tests prédictifs de radiosensibilité qui prendraient en compte l’influence de l’environnement tumoral ou de l’oxygénation tumorale pourrait rendre possible l’adaptation des paramètres de l’irradiation à la tumeur considérée. © 1999, Elsevier, Paris.
Introduction La radiothérapie, qu’elle soit exclusive ou associée à la chirurgie, représente l’une des principales armes thérapeutiques des cancers de la cavité buccale. Son efficacité et sa tolérance sont très largement liées à la qualité du bilan clinique et paraclinique préalable, à une « mise en condition » indispensable des patients et à une préparation technique du traitement. Pendant l’irradiation, seul un suivi régulier de ces patients, dont la compliance reste souvent aléatoire (contexte socioprofessionnel défavorisé, intoxication alcoolotabagique persistante), peut permettre de mener à terme le traitement laissant espérer une efficacité maximale.
Généralités Rappel anatomique
© Elsevier, Paris
Différentes structures anatomiques constituent la cavité buccale : – en avant : les lèvres et les commissures labiales, les sillons gingivolabiaux supérieur et inférieur et la portion antérieure des gencives ; – latéralement : la face interne des joues, les sillons gingivojugaux supérieur et inférieur, la portion latérale des gencives, la commissure intermaxillaire et la muqueuse de recouvrement de la branche montante de la mandibule ; – en haut : la voûte palatine se prolongeant en arrière par le voile et la luette ; – en bas : la langue mobile jusqu’au V lingual et le plancher buccal. En arrière, la cavité buccale se prolonge par l’oropharynx à partir du pilier antérieur de la loge amygdalienne.
Bernard Géry : Radiothérapeute. Daniel Brune : Chef de consultation de radiothérapie. Paul Barrellier : Chef du service stomatologie, chirurgie maxillofaciale, professeur associé à l’institut de stomatologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Centre Régional François-Baclesse, route de Lion-Mer, 14021 Caen, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Géry B, Brune D et Barrellier P. Radiothérapie des cancers de la cavité buccale. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-065-D-10, 1999, 11 p.
Le drainage lymphatique, de façon générale, emprunte un réseau sousmuqueux particulièrement riche qui se jette dans les ganglions sousmaxillaires et sous-digastriques, puis dans les ganglions sus-omohyoïdiens, spinaux, jugulocarotidiens inférieurs et enfin dans la chaîne cervicale transverse. Les structures anatomiques les plus antérieures se drainent en premier relais dans les ganglions sous-mentaux ; les lymphatiques de la face interne des joues se jettent directement dans les ganglions sous-maxillaires.
Anatomopathologie Les cancers de la cavité buccale prennent naissance, dans plus de 90 % des cas, à partir de la muqueuse malpighienne ; il s’agit le plus souvent de carcinomes épidermoïdes, volontiers bien différenciés et kératinisants. D’autres types histologiques ont été décrits, mais leur fréquence reste très faible, tels les carcinomes adénoïdes kystiques (cylindromes) développés à partir des glandes salivaires accessoires sous-muqueuses, les sarcomes ou les mélanomes. L’atteinte ganglionnaire est fréquente et précoce, de l’ordre de 35 % d’emblée, notamment pour les cancers de la langue mobile, liée à la richesse du réseau lymphatique local ; la lymphophilie semble moins marquée pour les lésions du plancher buccal [5, 8]. Lorsqu’une option chirurgicale est retenue, l’étude anatomopathologique de la pièce d’exérèse tumorale et du curage ganglionnaire après fixation en paraffine permet d’évaluer le pronostic et de moduler les doses d’irradiation à délivrer dans les différents volumes. En ce qui concerne la tumeur, il convient de préciser : – la taille de la lésion, son épaisseur ; – l’importance de la nécrose en cas de chimiothérapie première ; – la qualité de l’exérèse ; – la présence d’emboles lymphatiques et/ou d’un engainement périnerveux ; – la présence de carcinome in situ sur les berges de la pièce d’exérèse ; – l’extension aux structures de voisinage, notamment osseuses et musculaires. L’examen du curage ganglionnaire porte quant à lui sur le nombre de ganglions envahis, leurs tailles, leurs localisations sur un schéma, l’existence d’une rupture capsulaire, la présence d’emboles vasculaires périganglionnaires et d’images d’engainement périnerveux, d’un envahissement musculaire et sur la qualité de l’exérèse.
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Préparation au traitement Bilan initial Cette étape préthérapeutique comprend tout d’abord un bilan clinique et paraclinique permettant de classer la lésion selon les critères de la classification TNM à partir desquels sont définies les indications thérapeutiques, et d’éliminer une lésion associée œsophagienne ou bronchique, puis une mise en condition du patient en prévision de l’irradiation. Elle doit être réalisée avant tout traitement carcinologique. En cas de surinfection, il est utile de recourir à un traitement antibiotique et anti-inflammatoire prescrit pendant quelques jours ; ceci permet d’évaluer de façon plus précise à la fois le volume tumoral et ganglionnaire. La tumeur et l’extension ganglionnaire sont reportées sur un schéma et des photographies sont prises après marquage des adénopathies sur la peau. Cette description lésionnelle permet de classer la maladie et de situer de façon précise les volumes cibles tumoral et ganglionnaire sur les documents utilisés comme références (schémas, photographies). Ces documents seront très utiles pour évaluer une régression, surtout en cas de chimiothérapie première. Le poids du malade, noté et comparé (en pourcentage) au poids de base antérieur à la maladie, permet d’apprécier un éventuel amaigrissement et l’état nutritionnel. Il est parfois nécessaire, avant de débuter l’irradiation, d’assurer une renutrition par suppléments caloriques liquides per os ou par sonde (naso-œsophagienne ou gastrostomie) ; une dysphagie douloureuse peut être à l’origine d’une diminution des ingesta, la mucite radio-induite venant majorer cette dysphagie. On en profitera pour souligner la nécessité de l’arrêt de l’intoxication alcoolotabagique [9].
Bilan stomatologique Il est indispensable. La remise en état de la cavité buccale doit impérativement avoir lieu avant l’irradiation, afin de réduire les risques d’ostéoradionécrose mandibulaire (15 jours paraissent un optimum).
Techniques d’irradiation Radiothérapie externe conventionnelle L’irradiation essentiellement par photons est réalisée à partir d’une source de cobalt 60 et, plus fréquemment maintenant, à l’aide d’accélérateurs linéaires. Elle concerne toujours la lésion elle-même, ou le lit tumoral en cas de chirurgie première, et les aires ganglionnaires de drainage. Ces deux volumes cibles, tumeur et ganglions, sont irradiés avec une marge de sécurité dépendant de la technique d’irradiation, le plus souvent de l’ordre du centimètre.
Choix des volumes cibles En cas de radiothérapie exclusive ou associée à la curiethérapie, il convient d’irradier : – la tumeur et ses extensions, définies selon les examens cliniques et paracliniques ; – les adénopathies palpables et l’ensemble des aires ganglionnaires de drainage, y compris les aires spinales ; – les creux sus-claviculaires sont irradiés de façon bilatérale, y compris chez les patients N0. La nécessité de traiter l’ensemble des aires ganglionnaires cervico-susclaviculaires a été soulignée par Baillet [3]. Les récidives ganglionnaires sont trois fois moins fréquentes après irradiation cervico-sus-claviculaire [8]. La moelle épinière représente l’organe critique essentiel lors de ce type d’irradiation ; on est ainsi amené, après une dose de 44-46 Gy délivrée dans un volume global incluant la lésion et l’ensemble des aires ganglionnaires de drainage, à effectuer une réduction de volume pour épargner la moelle. Ce volume réduit dit « de surimpression » comprend la lésion ou le lit lésionnel et les aires ganglionnaires envahies ou les premiers relais ganglionnaires. Il est parfois possible de réduire progressivement le volume de surimpression selon la fonte tumorale et/ou ganglionnaire. En cas de curiethérapie associée, il est impératif de ne pas dépasser les doses de tolérance des tissus sains, en protégeant si besoin la région irradiée lors de la curiethérapie, quand celle-ci a précédé la radiothérapie externe, ou en modulant les doses délivrées par la curiethérapie si celle-ci fait suite à la radiothérapie externe. – Après chimiothérapie première, quelle que soit la régression tumorale, le volume irradié est toujours déterminé en fonction de l’extension initiale. – Après chirurgie d’exérèse sur la tumeur et curage ganglionnaire, l’irradiation porte sur le lit tumoral et les aires ganglionnaires. En cas de page 2
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curage N négatif, l’irradiation est effectuée à dose « prophylactique » sur les aires ganglionnaires cervico-sus-claviculaires bilatérales ; en cas de curage N+, après avoir irradié l’ensemble des aires ganglionnaires cervico-susclaviculaires, on procédera à la poursuite de l’irradiation de façon localisée, dans les aires ganglionnaires envahies. Les cicatrices sont toujours incluses dans les volumes irradiés, afin de limiter les risques d’apparition de nodules de perméation.
Choix de la dose Dose tumeur La dose délivrée sur la tumeur en place, même après régression tumorale sous chimiothérapie, doit atteindre 70 à 75 Gy, le plus souvent selon un fractionnement standard : 10 Gy par semaine et 2 Gy par fraction. En cas de modalités de fractionnement différentes, c’est-à-dire de traitements réalisés avec des nombres de séances variés, la dose totale s’exprime en grayséquivalents par rapport au traitement standard. Après chirurgie, 45 à 50 Gy sont recommandés si l’exérèse est complète, 60 Gy s’il est difficile d’affirmer le caractère complet de l’exérèse, lorsqu’il s’agit notamment de grosses tumeurs, et 70-75 Gy si l’exérèse est insuffisante.
Dose ganglions Lors d’une radiothérapie exclusive, les patients N0 reçoivent 45 à 50 Gy dans l’ensemble des aires ganglionnaires cervicales bilatérales, à titre prophylactique. Lorsqu’une extension ganglionnaire est palpable, après une irradiation à la dose de 45 Gy de l’ensemble des chaînes cervicales, le traitement se poursuit jusqu’à 70-75 Gy dans un volume limité aux ganglions envahis. Après curage, certains préconisent de délivrer 45 à 50 Gy prophylactiques en cervico-sus-claviculaire bilatéral chez les patients N- [3] ; pour d’autres, l’irradiation n’est indiquée qu’en cas d’atteinte ganglionnaire (1 ou supérieure à 3 N+) [10, 20, 26] jusqu’à la dose de 60 Gy en cervico-sus-claviculaire ou seulement s’il existe une effraction capsulaire.
Préparation du traitement La préparation du traitement implique à la fois médecins, physiciens et manipulateurs. Certaines de ces étapes nécessitent la présence du malade, d’autres réclament seulement le dossier technique. Rigueur, minutie, disponibilité et coordination sont nécessaires, du fait du nombre de personnels impliqués et des contraintes techniques de plus en plus nombreuses visant à en améliorer la qualité. Le patient doit être préalablement informé des modalités du traitement et de sa durée, afin de comprendre la nécessité de rester immobile et de garder la position de référence. Parfois, une prémédication par sédatif léger est indispensable. – Le patient est placé en position de traitement : décubitus dorsal, bras le long du corps, épaules abaissées au maximum, cales sous la nuque, tête défléchie. Son alignement est vérifié par rapport à des faisceaux laser perpendiculaires servant de référence. Pour des tumeurs de la langue mobile sans adénopathie, il est possible d’épargner la muqueuse recouvrant la voûte palatine et tout particulièrement les glandes salivaires accessoires en ayant recours à des prothèses en résine qui éloignent la langue du palais osseux. L’utilisation de masques thermoformés personnalisés, moulés sur les reliefs de la face et fixés sur la table de traitement lors de la préparation de l’irradiation et lors des séances, permet d’assurer une immobilisation parfaitement reproductible des patients (fig 1). – La détermination des volumes à irradier peut s’effectuer, après cerclage sur la peau des lésions palpables et des cicatrices par des fils de plomb : – sur clichés radiographiques orthogonaux standards ; – sur clichés orthogonaux obtenus par simulateur ; il s’agit d’un appareil de radiodiagnostic possédant les mêmes caractéristiques géométriques que l’appareil qui sera utilisé pour le traitement ; – sur coupes obtenues à partir d’un simulateur-scanner ; – sur coupes scanner. Les deux premières méthodes impliquent que les volumes cibles soient choisis à partir des données cliniques et de l’imagerie, et qu’ils soient reportés sur les clichés en tenant compte de l’agrandissement. En prévision de l’étude dosimétrique ultérieure, il est indispensable, dans ces cas, de réaliser une conformation du patient, c’est-à-dire d’en relever les contours. Dans cette conformation, sont reportés avec soin l’organe critique essentiel (la moelle épinière), les volumes cibles, les limites des faisceaux et leur orientation. Le simulateur-scanner présente les propriétés du simulateur et permet de plus l’acquisition de coupes anatomiques en position de traitement. Cette acquisition est cependant lente, de l’ordre de quelques minutes par coupe, pour des coupes qui n’ont pas la qualité des images tomodensitométriques obtenues à partir d’un scanner diagnostique. Les faisceaux d’irradiation sont mis en place directement sur ces coupes anatomiques et leur position vérifiée sur des clichés radiographiques.
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1 Avant chaque séance, le manipulateur s’assure de la bonne position du patient sur la table de traitement ; la mise en place est facilitée par l’utilisation d’un masque thermoformé personnalisé, moulé sur les reliefs de la face et fixé sur la table. La tête de l’appareil est ensuite placée à l’horizontale pour réaliser une irradiation par faisceaux latéraux.
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3 Détermination des faisceaux sur clichés standards. Le volume cervical global est irradié par deux faisceaux latéraux opposés (en rouge). Les caches occipital et facial permettent de protéger les régions sensibles qui n’ont pas lieu d’être irradiées (en rouge hachuré). La surimpression sur la tumeur (T) et les premiers relais (N) fait appel à deux faisceaux latéraux opposés réduits (en bleu) épargnant la moelle (en jaune).
2 Le logiciel d’analyse d’images reconstruit des clichés radiographiques sur lesquels seront placés les caches nécessaires. Par exemple, volume cervical global en 2D.
Certains scanners diagnostiques à technique hélicoïdale peuvent être équipés de l’option thérapie ; ils offrent la possibilité d’acquisition de coupes jointives d’excellente qualité qui balayent l’ensemble des volumes cibles, en position de traitement. Grâce à un logiciel de traitement d’images, il est possible de : – contourner, coupe après coupe, les volumes cibles et les organes critiques, et de déterminer le centre de ces volumes cibles, à partir duquel seront placés les faisceaux d’irradiation ; – vérifier la position des faisceaux dans les différents plans ; – obtenir, par reconstruction à partir de coupes jointives, des clichés radiographiques orthogonaux (simulation virtuelle) qui serviront de référence lors de la vérification du bon positionnement des faisceaux sous l’appareil de traitement (fig 2). • Description type
L’exemple de description type est : radiothérapie exclusive d’un carcinome du bord droit de langue, avec adénopathie sous-angulomaxillaire droite de 2 cm. On distingue alors trois volumes cibles. Le volume cible cervicofacial global comprend la tumeur, ses extensions potentielles (base de langue/plancher buccal/sillon amygdaloglosse droit), les premiers relais ganglionnaires sous-digastriques et sous-angulomaxillaires droits et gauches, les aires ganglionnaires spinales bilatérales. Ce premier volume est irradié par deux faisceaux latéraux opposés coaxiaux horizontaux dont les limites sont les suivantes (fig 3, 4) : – en haut : l’articulation temporomandibulaire, permettant de couvrir la partie supérieure des chaînes jugulocarotidiennes ; lorsqu’il n’existe pas d’envahissement ganglionnaire, il est possible d’abaisser la limite supérieure de ce faisceau au-dessous du palais osseux en utilisant une prothèse endobuccale en résine acrylique : toute la partie supérieure des chaînes jugulocarotidiennes n’est donc pas incluse dans le volume, mais la muqueuse et les glandes salivaires accessoires palatines sont épargnées ;
4 Détermination des faisceaux sur scanner. Le volume cible est déterminé sur chaque coupe.
– en bas : bord inférieur de l’os hyoïde, en vérifiant que le ganglion sousangulomaxillaire droit est bien inclus dans le volume ; – en arrière : limite incluant les chaînes spinales, placée en regard des apophyses épineuses des vertèbres cervicales ; – en avant : selon l’extension antérieure de la lésion. Ce volume est irradié jusqu’à la dose de tolérance médullaire, c’est-à-dire, jusqu’à 45-46 Gy. Un cache occipital protège la fosse postérieure et l’oreille interne ; un cache buccal protégeant dents, muqueuse et commissures labiales, peut être mis en place selon l’extension de la lésion. Le cache idéal est un cache focalisé personnalisé, la focalisation étant adaptée à la géométrie de l’irradiation et qui permet de limiter au mieux la pénombre au niveau des tissus sains et des organes critiques. Le volume dit de surimpression comprend la tumeur et les premiers relais ganglionnaires sous-digastriques et sous-maxillaires en avant de la moelle, spinaux en arrière. Ce volume est irradié par deux faisceaux latéraux opposés coaxiaux horizontaux, présentant les mêmes limites supérieure, inférieure et antérieure que celles du faisceau précédemment décrit, mais dont la limite postérieure est placée en avant de la moelle. Ce volume de surimpression permet donc d’épargner la moelle et de poursuivre le traitement jusqu’à 70 Gy. Cependant, il nécessite de recourir à un complément dans les chaînes spinales par un faisceau d’électrons d’énergie appropriée selon la profondeur à traiter. Quand une adénopathie trop volumineuse ou trop postérieure ne peut être irradiée par faisceaux réduits latéraux opposés, la poursuite de l’irradiation fait appel à deux faisceaux : oblique postérieur droit et latéral réduit gauche épargnant tous deux la moelle, le faisceau oblique postérieur irradiant à la fois la tumeur, les premiers relais ganglionnaires et les chaînes spinales homolatérales. Ainsi, dans ce cas, le faisceau d’électrons n’est pas page 3
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Détermination des faisceaux sur cliches standards. Les aires ganglionnaires cervicales basses et sus-claviculaires sont irradiées par un faisceau antérieur, avec protection pulmonaire et médiane (en hachuré).
nécessaire, ce qui évite les risques de surdosage liés à une jonction de faisceaux (photons/électrons). Cette deuxième technique de surimpression est parfois obligatoire, lorsqu’une adénopathie trop volumineuse ou trop postérieure ne peut être incluse en totalité par une technique utilisant des faisceaux réduits latéraux opposés. Le troisième volume cible comprend les aires ganglionnaires cervicales basses droites et gauches, ainsi que les creux sus-claviculaires bilatéraux. Ce volume cible est couvert par un faisceau antérieur dont les limites sont les suivantes (fig 5) : – en haut : 5 mm au-dessous du faisceau cervical global décrit en ci-dessus ; cette limite peut être jointive avec les faisceaux latéraux en cas d’adénopathie située au niveau de la jonction ; – en bas : bord inférieur des clavicules ; – latéralement : union du tiers externe - deux tiers internes des clavicules. Une protection pulmonaire est placée sous les clavicules ; un cache médian vient protéger la filière trachéolaryngée, l’œsophage et la moelle, d’emblée comme dans l’exemple choisi, ou à partir de 45 Gy en cas : – de grosses adénopathies ; – de trachéotomie peropératoire chez un patient dont le curage cervical est positif, faisant courir le risque d’une greffe tumorale au voisinage du trachéostome. Ce volume reçoit 60 Gy, compte tenu de la présence d’une adénopathie sousdigastrique droite dans le cas pris comme exemple. En cas d’adénopathie située dans le volume cervical bas, le traitement se poursuit jusqu’à 70 Gy dans le reliquat ganglionnaire par un faisceau direct d’électrons.
Choix de l’énergie L’irradiation d’une tumeur de la cavité buccale s’adresse à la fois à des structures peu profondes, telles que la tumeur, et à d’autres structures plus superficielles comme les aires ganglionnaires. En terme d’énergie, seront préférentiellement choisis les photons du cobalt 60 ou ceux issus d’un accélérateur, jusqu’à 6 MeV. Les compléments dans les aires spinales ou au niveau d’un reliquat ganglionnaire font appel aux électrons, d’énergie strictement appropriée à l’épaisseur que l’on veut traiter afin d’épargner les tissus sains situés plus en profondeur.
Repérage cutané À la fin de l’étape de préparation du traitement, des points sont tatoués de façon précise à la peau ; ces points matérialisent le centre et, si nécessaire, les angles des faisceaux permettant de préciser la position du patient.
Étude dosimétrique Le service de radiophysique effectue l’étude dosimétrique ; celle-ci est réalisée sur ordinateur, grâce à des logiciels spécifiques, à partir de la conformation du patient reproduite sur papier, ou à partir de coupes obtenues par simulateur-scanner ou scanner. Les différents faisceaux d’irradiation, page 4
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6 Étude dosimétrique sur coupe transverse d’une irradiation par 2 faisceaux latéraux opposés dans un volume cible global (trait rouge continu). La moelle cervicale (en vert) incluse dans ce volume reçoit entre 95 et 100 % de la dose. La poursuite dans la tumeur du bord droit de langue et l’adénopathie sous-digastrique droite impose, au-delà de 45 Gy, dose de tolérance médullaire, de poursuivre le traitement par faisceaux latéraux opposés réduits épargnant la moelle. 7 Il est possible d’obtenir une reconstruction 3D du volume traité.
leurs dimensions, leur orientation sont pris en compte pour définir les courbes isodoses représentant les différents points d’un volume irradié recevant la même dose (fig 6). L’isodose 100 % de la dose prescrite doit englober au plus près le volume cible tout en épargnant les organes critiques (moelle cervicale, fosse postérieure, oreille moyenne et interne, etc). Les nouveaux scanners dotés de l’option de reconstruction en trois dimensions (3D) permettent d’obtenir une dosimétrie tridimensionnelle quand ils sont couplés à un logiciel adapté (fig 7). La technique d’irradiation (point de centrage des faisceaux, angulation, pondération, etc) est parfois ajustée à l’issue de cette étape dosimétrique, afin d’optimiser la distribution de la dose dans le volume cible. L’ensemble des caractéristiques de l’irradiation est consigné sur une fiche technique remise au manipulateur du poste de traitement correspondant. L’homogénéisation de la dose dans un volume cible donné peut rendre nécessaire l’utilisation d’accessoires particuliers, tels que : – le bolus : milieu équivalent tissu, moulé sur les reliefs cutanés, attirant les isodoses vers les plans superficiels et rendant possible l’irradiation des lésions cutanées ou des cicatrices ; – le filtre compensateur, constitué de milieu équivalent tissu ou de métal, placé à distance de la peau, et dont les dimensions sont ajustées en fonction de la divergence du faisceau ; son rôle est de compenser le manque de milieu dans le cas de portes d’entrée de formes complexes ; – les filtres en coins, souvent en plomb, permettent de rendre les isodoses perpendiculaires à l’axe du faisceau en cas d’obliquité de la porte d’entrée ou de modifier la forme de ces isodoses pour mieux couvrir des tumeurs de forme particulière ;
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– les caches (cf supra) en plomb ou en alliage à bas point de fusion ; placés à la sortie du collimateur, sur des supports en plexiglas, ils ont pour but d’atténuer le rayonnement dans les zones à protéger ; il peut s’agir de caches standards ou de caches focalisés, la divergence de ces derniers étant adaptée à la divergence du faisceau de photons à la sortie de l’appareil, permettant une protection plus efficace des tissus à respecter.
Contacthérapie Cette méthode de traitement utilise des photons de faible énergie (50-200 keV), peu pénétrants, émis par un tube à rayons X. Elle s’adresse aux lésions superficielles, peu étendues, des lèvres. Les rayons X sont focalisés sur la lésion à traiter par un localisateur de diamètre adapté ; un cache plombé protège les tissus sains voisins.
Curiethérapie Il s’agit classiquement d’une curiethérapie interstitielle par iridium 192, les sources radioactives étant placées dans la tumeur à traiter (fig 8). Le volume cible est représenté par la tumeur avec une marge de sécurité de 1 cm. Le repérage nécessite deux clichés orthogonaux (face et profil) qui sont effectués : – après avoir mis en place les sources factices en plomb dans les vecteurs porte-source préalablement implantés (fig 9) ; – ou après avoir implanté le matériel radioactif lui-même lorsqu’il s’agit d’épingles. Ce repérage permet le contrôle de la qualité de l’implantation et la réalisation de la dosimétrie. La dosimétrie est le plus souvent prévisionnelle, permettant de définir le nombre de lignes radioactives, leur longueur, ainsi que le nombre de plans
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8 Curiethérapie de bord droit de langue. Mise en place par voie cervicale antérieure de trois tubes plastiques (A) décrivant trois boucles dans et en périphérie de la lésion (B).
9 Des sources factices radio-opaques sont glissées dans ces tubes plastiques et repérées sur un cliché de face (A) et de profil (B).
nécessaires avant l’implantation elle-même. La distribution de la dose est calculée en général à partir d’une implantation virtuelle obéissant aux règles du système de Paris : sources rectilignes, équidistantes, de même longueur, de même débit. La dosimétrie est vérifiée dans un second temps en conditions réelles, à partir des clichés de repérage orthogonaux. La répartition de la dose au sein du volume tumoral est très hétérogène, la dose délivrée au contact de chaque source radioactive étant très élevée (manchon de surdosage) pour décroître rapidement ensuite sur une courte distance (fig 10). La dose est spécifiée à partir du débit de dose de base, qui représente la moyenne arithmétique des débits de dose minimaux entre chaque ligne. L’isodose de référence a, par définition, une valeur égale à 85 % de la dose de base ; le volume traité est inclus dans cette isodose de référence. Une implantation correcte permet d’englober au mieux le volume cible par l’isodose de référence, sans créer de manchons de surdosage de plus de 1 cm. Ce surdosage autour des sources rend nécessaire l’utilisation de caches plombés endobuccaux protégeant les structures osseuses voisines, notamment la mandibule, car le radioélément habituellement utilisé, l’iridium 192, émet un photon de basse énergie. L’implantation se fait soit sous anesthésie locale, patient en position assise, par l’intermédiaire de vecteurs métalliques servant à mettre en place des épingles, soit sous anesthésie générale, en décubitus dorsal, en cas d’utilisation de tubes plastiques dans lesquels seront glissés les fils d’iridium. L’utilisation d’une boucle d’iridium entourant le pôle postérieur de la tumeur permet d’améliorer de façon significative le contrôle local des lésions très postérieures de la muqueuse buccale [20]. Lorsqu’il est nécessaire de pratiquer une irradiation des aires ganglionnaires cervicales après curiethérapie, le volume de curiethérapie doit être impérativement protégé au-delà d’une dose totale cumulée de 70 Gy pour éviter les surdosages, sources de nécrose. page 5
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Les radiographies standards permettront de réaliser une dosimétrie prévisionnelle pour vérifier la qualité de l’implantation. Les courbes isodoses tracées par un logiciel spécifique relient les points recevant la même dose. A. Plan oblique. B. Plan sagittal.
Le patient est hospitalisé en chambre protégée pendant toute la durée du traitement, de l’ordre de 1 jour pour 10 Gy lors d’une curiethérapie à bas débit de dose. Cette curiethérapie peut aussi être réalisée en moyen et haut débit de dose à l’aide de projecteurs de source permettant un chargement différé. Dans ce cas, la dose choisie peut être délivrée en plusieurs fractions de quelques minutes par heure (curiethérapie pulsée) ou en séance journalière, évitant l’hospitalisation prolongée des patients. La curiethérapie interstitielle peut être réalisée par grains d’or 198, isotope de demi-vie très courte qui est implanté à demeure. Par cette technique, il est possible de traiter des lésions superficielles et végétantes, dont la localisation anatomique rendrait difficile une curiethérapie classique [16].
Réalisation pratique du traitement (radiothérapie externe) Lors de la réalisation du traitement, différents contrôles seront effectués, portant d’une part sur la conformité de l’irradiation par rapport à ce qui a été décidé lors de la mise en traitement et de l’étude dosimétrique, et d’autre part sur la tolérance clinique du patient.
Surveillance technique Le physicien assure le contrôle technique des appareils, notamment en terme de débit de dose (dose délivrée par unité de temps) et d’homogénéité du faisceau. Pour éviter les erreurs liées à la manipulation, on utilise des logiciels spécifiques qui gardent en mémoire les paramètres de l’irradiation de chaque malade, sous forme d’un code ; le rappel de ce code, à chaque séance, conduit à l’affichage automatique de ces paramètres. La première séance est une séance de « mise en place ». Le radiothérapeute qui a planifié la mise en traitement, aidé par le manipulateur, vérifie sous l’appareil la position des faisceaux après avoir aligné le patient grâce à des faisceaux laser dans les mêmes conditions que lors de la mise en traitement, en se basant sur les points de repérage tatoués. Des contrôles radiographiques sont effectués lors de cette mise en place avec les photons de l’appareil de traitement (gammagraphies) ; ils seront vérifiés par le radiothérapeute responsable avant de débuter le traitement et gardés dans le dossier technique du patient. Certains accélérateurs dotés d’un système d’imagerie offrent la possibilité de vérifier en temps réel l’exactitude de chaque mise en place et le bon positionnement des faisceaux.
Surveillance clinique En cours de traitement, une consultation avec le radiothérapeute doit avoir lieu au moins une fois par semaine. Cette surveillance s’intéresse à la tolérance du patient et à l’efficacité du traitement ; elle se doit aussi d’apporter le soutien psychologique nécessaire et motiver le malade. Quotidiennement, le personnel paramédical peut noter les incidents ou problèmes survenus (continuum du dossier médical). page 6
Tolérance L’irradiation de la cavité buccale va très vite conduire, dès la fin de la première semaine d’irradiation, à l’apparition de réactions aiguës, vis-à-vis desquelles il conviendra de rassurer le patient et de prescrire des traitements essentiellement à visée symptomatique.
Réactions cutanées • Épidermite
À partir de la deuxième semaine de traitement, on note au niveau des faisceaux d’irradiation, l’apparition d’une épidermite sèche initialement discrète, rosée, puis franche et enfin pigmentée. Cette épidermite s’accompagne fréquemment d’un prurit lié à une sécheresse cutanée et d’une desquamation fine. On conseille localement l’utilisation de savon de Marseille et l’application, à distance des séances, de topiques visant à hydrater la peau (Biafinet, Gel de Calaminet, huile d’amande douce). Seront à éviter le rasage mécanique, l’utilisation de savons ou de gels douche agressifs, d’eaux de toilette, l’exposition solaire et les bains de mer. Plus rarement, l’épidermite sèche peut évoluer vers l’exsudation et la formation de phlyctènes. L’exsudation apparaît initialement dans les plis, du fait du surdosage par effet de tangence ; elle risque ensuite de s’étendre, favorisée par un frottement (col de chemise), l’application de crème grasse en zone exsudative ou encore une mauvaise hygiène conduisant à une surinfection. Il importe alors de suspendre momentanément l’irradiation et d’entreprendre un traitement local comportant désinfection, application d’éosine aqueuse qui permet d’assécher les lésions, et éventuellement pansement gras. L’évolution se fait rarement vers la pyodermite, mais le plus souvent vers la cicatrisation en 1 semaine, autorisant la reprise de l’irradiation. • Épilation
Entre la deuxième et troisième semaine de traitement, les patients constatent un ralentissement de la pousse de la barbe située dans les faisceaux d’irradiation, puis progressivement la disparition de la pilosité à ce niveau. Cette épilation est définitive lorsque l’irradiation utilise les photons du cobalt 60, dont l’énergie est déposée dans les couches superficielles de l’épiderme ; elle peut être temporaire en cas d’irradiation par des photons de plus haute énergie épargnant l’épiderme.
Réactions muqueuses La mucite apparaît à partir de la fin de la première semaine ; initialement de type érythémateux, elle évolue vers la mucite blanche avec plaques évoquant une aphtose buccale, à l’origine d’une dysphagie douloureuse, particulièrement redoutable du fait de son retentissement sur l’alimentation. La muqueuse ainsi irritée est à l’origine d’un exsudat inflammatoire sous forme de sécrétions épaisses, collantes, pouvant constituer des fausses membranes. La mucite favorise la surinfection locale, notamment fongique, d’autant plus qu’il existe une hyposialie associée. Son traitement symptomatique associe bains de bouche antiseptiques, antiinflammatoires et anesthésiques locaux. Il est parfois nécessaire de suspendre
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pendant quelques jours le traitement pour obtenir une régression de l’inflammation muqueuse. La mucite cicatrise dans un délai d’environ 10 jours après la fin de l’irradiation. Il est impératif que le poids soit systématiquement surveillé lors de chaque consultation de surveillance hebdomadaire ; le patient pourra tirer bénéfice de consultations spécialisées en diététique. En cas de perte pondérale importante ou rapide liée à une dysphagie secondaire intense, malgré un traitement anti-inflammatoire et antalgique renforcé et une nutrition hypercalorique, on envisagera la pose d’une sonde naso-œsophagienne, voire dans certains cas une gastrostomie d’alimentation.
Au décours de l’irradiation, les mesures d’hygiène sont, bien sûr, maintenues et une surveillance dentaire est assurée de façon régulière dans le but de vérifier l’observance de la fluorothérapie, de faire bénéficier le patient de soins conservateurs et d’éviter autant que possible les extractions dentaires qui favorisent l’ostéoradionécrose de la mandibule. Les prothèses dentaires seront réalisées classiquement 8 à 12 mois après la fin du traitement, ou plus tôt si l’œdème et la mucite ont disparu.
Hyposialie radio-induite
Si les séquelles sont inévitables, car inhérentes au traitement, les complications peuvent être prévenues si l’on tient compte de leurs facteurs favorisants. Elles surviennent typiquement au-delà des 6 mois qui suivent la fin de l’irradiation, c’est-à-dire bien après que les réactions aiguës soient cicatrisées.
Dès les premières séances, les patients constatent fréquemment l’apparition d’un œdème des glandes salivaires principales situées dans les faisceaux d’irradiation, puis l’installation, après une période d’hypersialorrhée, d’une xérostomie. Les conséquences immédiates de cette hyposialie peuvent être particulièrement importantes selon la profession des patients du fait de la gêne à l’élocution ; par ailleurs, l’hyposialie favorise les surinfections de la cavité buccale et aggrave la dysphagie.
Perturbations de la fonction gustative Il s’agit le plus souvent d’une agueusie qui s’installe à partir de la deuxième ou de la troisième semaine de traitement. Parfois, les patients se plaignent d’une dysgueusie à type de goût métallique ou amer, volontiers favorisée par une mycose buccale. Ces perturbations semblent liées à l’irradiation des récepteurs sensoriels de la muqueuse. Elles régressent en 4 à 6 semaines après la fin du traitement, mais contribuent, pendant l’irradiation, à la diminution des ingesta, en association à la dysphagie et à l’hyposialie.
Efficacité du traitement Dans le cas d’une radiothérapie postopératoire, le radiothérapeute vérifiera à chaque consultation de surveillance l’absence d’adénopathie cervicale ou susclaviculaire palpable, l’absence de nouvelle lésion des voies aérodigestives supérieures (VADS), l’aspect des cicatrices de curage cervical et des aires ganglionnaires, notamment celles en rupture capsulaire ; une évolutivité pendant l’irradiation conduirait à modifier l’attitude thérapeutique. Dans le cas d’une radiothérapie exclusive ou faisant suite à une chimiothérapie première ayant permis d’obtenir une réponse partielle, il conviendra d’apprécier la régression tumorale et ganglionnaire. La réponse tumorale est souvent difficile à quantifier à partir de la troisième ou de la quatrième semaine de traitement, dans la mesure où la muqueuse est recouverte d’un exsudat masquant la lésion.
Compte rendu de fin de traitement À l’issue du traitement, le radiothérapeute doit rédiger un compte rendu précisant : – la dose totale délivrée dans les différents volumes traités ; – la technique (nombre et orientation des faisceaux, nature et énergie des particules), le fractionnement, c’est-à-dire la dose par séance ; – l’étalement ou durée totale du traitement, entre la première et la dernière séance ; – la tolérance clinique ; – l’efficacité immédiate jugée sur la régression tumorale et ganglionnaire. Ce compte rendu est adressé aux différents médecins responsables du patient.
Surveillance après la fin du traitement Elle vise à : – rechercher une récidive ou une deuxième localisation ; – dépister l’apparition de métastases ; – prendre en charge les éventuelles séquelles et complications tardives.
Recherche d’une récidive, d’une deuxième localisation de métastases – Débuter le sevrage alcoolotabagique, la poursuite de l’intoxication alcoolotabagique étant associée à une diminution du taux de contrôle local et de survie dans les cancers des VADS [5]. – Insister sur le maintien d’une hygiène buccodentaire correcte par brossage quotidien, nettoyage par hydropulseur des espaces interdentaires après chaque repas et bains de bouche antiseptiques répétés. – Sensibiliser le patient à l’utilité de la fluoruration quotidienne à vie, par l’intermédiaire de gouttières porte-gel fluoré personnalisées, appliquées 5 minutes par jour. Dans la mesure où le gel fluoré n’est pas dégluti, il n’existe pas de risque de fluorose secondaire.
Prise en charge des complications tardives et des séquelles
Séquelles En rapport essentiellement avec l’atteinte des capillaires, elles se traduisent par une diminution de la perfusion des tissus, à l’origine de sclérose, voire de nécrose. • Sclérose cervicale
La fibrose cervicale est caractérisée par un aspect plus ferme, voire dur des téguments irradiés ; elle peut être associée à des télangiectasies cutanées principalement en regard des régions surdosées. Son intensité est liée à l’existence d’une chirurgie et d’une radiothérapie conduite jusqu’à des doses élevées. • Trismus
Sa survenue est secondaire à l’irradiation des muscles masticateurs ; il peut être prévenu par une gymnastique mandibulaire quotidienne. • Œdème sous-mental à l’origine de la formation d’un jabot chronique • Hyposialie et odontonécrose, largement décrites par ailleurs
Complications Ostéoradionécrose mandibulaire Complication grave de l’irradiation des cancers de la cavité buccale, elle reste heureusement rare, survenant dans 5 à 25 % des cas selon la localisation anatomique traitée. Si elle peut apparaître précocement dans les 6 mois suivant l’irradiation, elle peut aussi être tardive, apparaissant 5 ans, voire 10 ans après le traitement. Elle paraît liée à une sclérose postradique touchant les branches terminales de l’artère dentaire inférieure qui vascularise à elle seule la mandibule, sans réseau de suppléance. S’y associent des phénomènes actifs avec augmentation de l’activité des ostéoblastes et apparition d’une ostéolyse ostéocytaire. Des facteurs favorisant la survenue de l’ostéoradionécrose sont le plus souvent retrouvés : – dose totale supérieure à 60 Gy dans un volume mandibulaire étendu ; – carie dentaire et parodontopathie, dénudation gingivale après extraction et irradiation débutée trop tôt ; – curiethérapie interstitielle réalisée sans protection plombée au voisinage de la mandibule (ostéite limitée bénigne) ; – proximité de la tumeur par rapport à la gencive ; – poursuite de l’intoxication éthylique.
Radionécrose muqueuse Elle peut apparaître au décours d’une ulcération superficielle apparue pendant l’irradiation ou secondairement en muqueuse saine. Elle est favorisée par : – des traumatismes locaux répétés, tels ceux occasionnés par des dents avec des arêtes tranchantes ou mal implantées, ou des prothèses fixes ou mobiles mal adaptées ; – la poursuite de l’intoxication alcoolotabagique, facteur d’irritation ; – un mauvais état nutritionnel. Cliniquement, il s’agit d’une ulcération douloureuse, plus ou moins nécrotique, à base indurée, pouvant s’étendre en profondeur, provoquer une dénudation osseuse et favoriser l’apparition de foyers infectieux dans les zones de rétention alimentaire. Le traitement associe antibiotiques, antalgiques et anti-inflammatoires pendant quelques semaines. En cas de poursuite évolutive, il est nécessaire de pratiquer des biopsies pour éliminer une non-stérilisation tumorale, au page 7
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risque de provoquer une nécrose extensive. En cas de résistance au traitement médical d’une authentique radionécrose, il est parfois nécessaire d’avoir recours à une chirurgie de reconstruction.
Myélite radique De survenue heureusement rare, la myélite radique représente la complication la plus grave de l’irradiation des cancers de la cavité buccale, complication liée à une faute technique. Cliniquement, elle peut se manifester selon différents tableaux [6]. • Signe de Lhermitte isolé
Il s’agit de la manifestation la plus fréquente. Le patient décrit, de façon précoce, quelques semaines à quelques mois au décours de l’irradiation, des dysesthésies à type de décharges électriques partant du cou et irradiant vers les quatre membres, lors des mouvements de flexion-extension du rachis cervical. L’évolution se fait le plus souvent vers la disparition spontanée des troubles en quelques semaines, plus rarement vers un syndrome de Brown-Séquart caractéristique de la myélite constituée. • Syndrome de Brown-Séquart
Après un temps de latence de 6 à 18 mois, apparaissent les premiers signes, à type de paresthésies (picotements, brûlures) ou d’hypoesthésie touchant la sensibilité superficielle, volontiers asymétriques au niveau de l’un des membres supérieurs. La période d’état est caractérisée par la présence d’une hémiplégie respectant la face, avec diminution dans le même territoire de la sensibilité profonde, et du côté opposé, diminution de la sensibilité superficielle. L’évolution se fait, le plus souvent, vers l’extension des troubles moteurs, avec apparition d’une tétraplégie et de troubles sphinctériens associés. La pathogénie de la myélite radique ferait intervenir à la fois un mécanisme indirect par atteinte des artérioles et des capillaires intramédullaires, et un mécanisme direct par atteinte des cellules gliales et des neurones. La vascularisation médullaire adoptant une disposition alternée, à un niveau donné, la moelle peut être moins abondamment vascularisée d’un côté par rapport à l’autre, expliquant le caractère souvent asymétrique du tableau clinique. Le diagnostic de myélite radique cervicale chez un patient présentant des antécédents d’irradiation de la cavité buccale étant évoqué, il ne pourra être retenu qu’après confirmation par le radiothérapeute de sa compatibilité avec le traitement effectué à partir d’une « révision dosimétrique », les diagnostics différentiels ayant été éliminés par les techniques d’imagerie appropriées. On recherchera, compte tenu du terrain, une compression médullaire par épidurite ou rupture du mur vertébral postérieur en cas d’ostéolyse, une métastase intramédullaire ou encore un syndrome paranéoplasique. Puis devront être éliminées les myélopathies en dehors du cadre des néoplasies : myélopathie cervicarthrosique, sclérose en plaques, syringomyélie, etc. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) représente l’examen de choix dans le diagnostic positif de la myélite radique [27]. Il s’agit le plus souvent d’une erreur technique avec chevauchement de faisceaux initialement jointifs, à l’origine d’un surdosage en regard de la région de recoupement. Parfois, aucune cause évidente ne peut être retrouvée au vu des éléments techniques du dossier, mais les difficultés signalées par le manipulateur lors du maintien du patient en position de traitement à chaque séance laissent à penser que la moelle n’a pu être correctement protégée malgré une mise en place pourtant rigoureuse. Le traitement de la myélite radique est avant tout préventif : – en respectant la dose de tolérance médullaire estimée à 45 Gy avec des doses par fraction de l’ordre de 2 Gy, et en modifiant la technique d’irradiation au-delà de 45 Gy pour épargner la moelle ; – en évitant autant que possible d’avoir recours à des faisceaux jointifs ; – en traitant les patients dans des conditions d’immobilisation satisfaisantes. Le traitement de la myélite déclarée fait appel à la corticothérapie à la phase initiale de la maladie, permettant de lutter contre l’œdème, facteur d’aggravation des lésions médullaires, puis à la phase d’état aux soins de nursing et à la kinésithérapie. L’amélioration de la technique et des contrôles de qualité quant aux doses délivrées et à la mise en place des patients doit conduire à la disparition d’une telle complication.
Grands principes thérapeutiques L’attitude thérapeutique varie selon les écoles mais de grandes tendances peuvent être dégagées. D’une façon générale, les stades I et II font le plus souvent appel à la chirurgie ou à la radiothérapie, tandis que les stades III et IV sont traités par une association radiochirurgicale et fréquemment inclus dans des essais thérapeutiques comportant une chimiothérapie associée. page 8
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Les séries publiées ont fait appel à des protocoles de traitement variables d’une institution à l’autre, sans comparaison réelle entre chirurgie et radiothérapie. Quelle que soit la localisation, il convient d’orienter le patient vers le traitement offrant la plus grande probabilité de contrôle locorégional, au prix d’un minimum de séquelles esthétiques et fonctionnelles. L’attitude thérapeutique est fonction : – du siège de la tumeur (proximité de la mandibule) ; – de son volume ; – de son extension aux structures voisines ; – du caractère complet ou incomplet de l’exérèse ; – de l’atteinte ganglionnaire et de la notion de rupture capsulaire ; – de l’existence d’un cancer synchrone et de métastases ; – de l’état général du patient et des tares viscérales associées, notamment cardiorespiratoires, conditionnant l’opérabilité.
Traitement de la tumeur Chirurgie Les T1 et T2 inférieures à 3 cm peuvent bénéficier d’une exérèse localisée avec très peu, voire pas de séquelles fonctionnelles. La présence d’un envahissement musculaire, d’engainements périnerveux ou de limites de résection atteintes nécessite une radiothérapie postopératoire [17] ; il est d’usage, en l’absence de ces facteurs de mauvais pronostic, de ne pas pratiquer d’irradiation postopératoire, la réservant à l’apparition d’un deuxième cancer. Les T2 supérieures à 3 cm, les T3 et T4 requièrent une exérèse étendue avec reconstruction par lambeaux, réparation osseuse et radiothérapie postopératoire selon les constatations anatomopathologiques.
Radiothérapie La curiethérapie interstitielle par iridium 192 avec protection plombée de la mandibule est indiquée pour des tumeurs infiltrantes ou ulcérées, jusqu’à 4 cm de grand axe, à condition qu’elles soient situées au minimum à 0,5 cm de la mandibule, pour limiter les risques d’ostéoradionécrose secondaire. Une curiethérapie postopératoire de « barrage » peut être indiquée dans les grosses lésions sans envahissement ganglionnaire. La radiothérapie externe peut être exclusive dans les T2 supérieures à 3 cm, T3 et T4, ou postopératoire selon le compte rendu anatomopathologique. Une exérèse incomplète ou limite, facteur de mauvais pronostic [7], nécessite de façon formelle une irradiation complémentaire, permettant de diminuer les risques de récidive locale et d’augmenter la survie [17] . L’irradiation postopératoire des tumeurs du plancher, à une dose supérieure à 60 Gy, permet d’obtenir un taux élevé de contrôle local, taux identique qu’il s’agisse d’une exérèse complète ou non. En revanche, avec la même dose, les tumeurs de langue mobile paraissent plus difficiles à contrôler, tout particulièrement lorsque l’exérèse est incomplète [34].
Chimiothérapie Lors d’association chimiothérapie première et radiothérapie, la chimiothérapie ne modifie ni la survie globale, ni le contrôle locorégional, mais elle diminue l’incidence des métastases et permet d’identifier les patients bons répondeurs qui généralement font preuve d’une réponse de meilleure qualité à l’irradiation, et chez lesquels une chirurgie mutilante sera évitée [19].
Traitement des aires ganglionnaires Chirurgie Pour les petites tumeurs T1N0 (inférieure à 1,5 cm), l’atteinte ganglionnaire différée est rare, survenant dans 13 % des cas [26]. Par ailleurs, il n’existe pas de différence significative entre la fréquence des récidives ganglionnaires des T1N0 avec curage initial et celles des T1N0 sans curage. Ainsi, il paraît logique, en particulier lorsque la tumeur primitive est traitée non chirurgicalement, de proposer une simple surveillance ganglionnaire cervicale, d’autant plus que le contrôle locorégional et les survies globale et spécifique sont identiques chez les patients T1N0 à curage systématique positif et chez les patients dont le curage positif a été effectué de façon différée devant l’apparition d’une adénopathie cervicale [26, 31]. Le curage cervical s’impose dans tous les cas où le suivi régulier n’est pas possible. Pour les T2N0, le curage est systématique, compte tenu du risque élevé de récidive ganglionnaire (8 % avec curage contre 21 % sans curage) [26].
Radiothérapie Les indications varient non seulement selon les écoles, mais aussi en fonction du siège de la tumeur primitive, sa taille, les options thérapeutiques choisies sur T et les données du curage éventuel.
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• Chez les patients N0
Pour les petites tumeurs, il est admis d’opter pour une surveillance clinique rapprochée. Pour les tumeurs supérieures à 1,5 cm : – lorsque l’option radiothérapie exclusive est choisie, l’irradiation ganglionnaire n’est pas systématique, mais fréquemment prescrite : Dearnaley a en effet montré que les récidives ganglionnaires survenaient trois fois moins souvent après irradiation chez des patients présentant des T1, T2, N0 du plancher et de la langue mobile dont la tumeur primitive était contrôlée [8] ; – lorsque la chirurgie est retenue, il est admis d’opter pour une surveillance rapprochée ou de pratiquer un curage : en cas de curage négatif, l’irradiation ne se justifie pas pour certains, ou est prescrite à dose prophylactique pour d’autres ; en cas de curage positif, l’indication de la radiothérapie dépend des écoles : – systématique en présence au moins 1 N+ R- ; – à partir de 3 N+ R- ; – uniquement en cas de rupture capsulaire. • Chez les patients avec atteinte ganglionnaire clinique
Si la tumeur est traitée par chirurgie, un curage fonctionnel pour les N1 et radical pour les N2, N3 est réalisé dans le même temps. La radiothérapie postopératoire dépend du compte rendu anatomopathologique. En présence de rupture(s) capsulaire(s) dans le curage, la radiothérapie postopératoire augmente le contrôle local et la survie [17]. Si la tumeur est traitée par radiothérapie, l’atteinte ganglionnaire nécessite une irradiation des aires cervico-sus-claviculaires, jusqu’à 70-75 Gy dans les ganglions en place. La persistance d’un reliquat ganglionnaire quelques semaines après la fin de la radiothérapie conduit à la réalisation d’un curage différé, radical ou conservateur selon l’atteinte initiale.
Chimiothérapie Prescrite en situation néoadjuvante dans les tumeurs évoluées, elle reste en général peu efficace sur l’atteinte ganglionnaire.
Cas particuliers Récidive tumorale La chirurgie de rattrapage est la meilleure approche, lorsque l’extension de la maladie la rend possible. Des protocoles de réirradiation sur des volumes aussi limités que possible, en association à une chimiothérapie radiosensibilisatrice sont à l’étude ; ils semblent permettre une palliation efficace, au prix d’une toxicité marquée chez les patients dont la survie est la plus longue [4]. Cette récidive tumorale est de mauvais pronostic : dans l’étude de Decroix, 13 % seulement des patients sont vivants à 5 ans [9].
Récidive ganglionnaire isolée Il est impératif de réaliser un bilan complet pour éliminer une récidive tumorale associée ou une deuxième localisation compte tenu du terrain ; le diagnostic de cette récidive est bien souvent difficile au sein d’une fibrose cervicale post-thérapeutique. • En territoire ganglionnaire non irradié
Il s’agit, le plus souvent, de patients initialement N0 ; la récidive ganglionnaire impose la réalisation d’un curage, puis d’une irradiation externe jusqu’à 60 Gy dans l’ensemble des ganglions cervicaux, avec une poursuite jusqu’à 70 Gy en présence d’une rupture capsulaire. S’il existe un recoupement avec le site tumoral initial préalablement irradié par curiethérapie ou radiothérapie, il est nécessaire de protéger cette région irradiée afin d’éviter les surdosages, sources de complications au niveau des tissus mous, des structures osseuses et de la moelle épinière. • En territoire irradié
Quand le site anatomique de l’adénopathie est situé dans le volume préalablement irradié, il reste possible de réaliser un curage radical, en sachant que le risque métastatique à distance est élevé. Quand le site du ganglion a déjà bénéficié d’un curage avec radiothérapie complémentaire, le pronostic est sombre, avec moins de 5 % de survie à 5 ans. Cette récidive survient généralement à partir de reliquats tumoraux après curage qui n’ont pas été stérilisés par l’irradiation externe. On peut alors tenter une exérèse éventuellement associée à une curiethérapie peropératoire, dont le gros avantage est de mettre en place les vecteurs (tubes plastiques le plus souvent) au contact des reliquats ganglionnaires après chirurgie souvent incomplète [24].
Métastases Elles surviennent principalement dans le foie, le poumon et le squelette et représentent un facteur de mauvais pronostic. Si l’atteinte hépatique n’est pas une indication de radiothérapie, certaines localisations pulmonaires peuvent
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tirer bénéfice d’une irradiation antitumorale palliative, hypofractionnée, dans les cas où le volume pulmonaire à irradier est peu important avec des explorations fonctionnelles respiratoires peu perturbées. Par ailleurs, une radiothérapie antalgique et antitumorale est indiquée dans les métastases osseuses, permettant souvent la suspension des morphiniques, la prévention d’éventuelles fractures sur ostéolyse et la consolidation après ostéosynthèse.
Résultats Par localisation Les résultats des traitements par curiethérapie, suivie ou non de radiothérapie externe, sont globalement équivalents à ceux observés après chirurgie et éventuelle radiothérapie postopératoire. Ils mettent en évidence les mêmes facteurs pronostiques généraux.
Langue et plancher buccal • En terme de survie
Le stade tumoral [10, 25] : – 58,5 à 70 % pour les T1 ; – 40 à 42 % pour les T2 ; – 18 % pour les T3 et T4. L’extension ganglionnaire clinique : – 47 % pour les N0 ; – 13 % pour les N > N0 [10]. • En terme de récidive locale
L’extension anatomique [21] : – plancher simple : 20 % de récidive locale ; – plancher avec atteinte gingivale : 53 % de récidive locale. La qualité de l’exérèse [34] : – limites saines : 22 % de récidive pour la langue contre 0 % pour le plancher ; – limites atteintes : 50 % de récidive pour la langue contre 20 % pour le plancher. • En terme de contrôle ganglionnaire [3, 8]
T1 T2 N0 : 21 % d’évolution ganglionnaire spontanée, contre 7 à 11 % après curage ou radiothérapie prophylactique. • En terme de modalité thérapeutique
Meilleurs résultats de la séquence curiethérapie suivie de radiothérapie plutôt que l’inverse. Intervalle inférieur à 20 jours entre curiethérapie et radiothérapie externe. Dose supérieure à 60 Gy pour tout traitement radiothérapique.
Face interne de joue Dans une étude multicentres portant sur 748 malades traités par curiethérapie ou chirurgie plus radiothérapie externe ou curiethérapie, Gerbaulet et Pernot [13] ont retrouvé comme facteur pronostique principal le stade tumoral : la survie globale à 5 ans, tous stades confondus, est de 38 % et par stade : T1, 66 % ; T2, 51 % ; T3, 39 % ; T4, 16 %. L’atteinte ganglionnaire ne présente de caractère péjoratif qu’à partir de N3. Dans les séries de Pop [31] (T1 à T4, N0 et N1 traitées par radiothérapie plus chirurgie ou chirurgie exclusive) et de Lapeyre et al [20] (T1, T2, N0 traitées par curiethérapie ou radiocuriethérapie), les survies globales à 5 ans sont proches de celles de l’étude de Gerbaulet, atteignant respectivement 38 et 47,5 % [13]. Pour Pop, la fréquence des récidives locales atteint globalement 45 % et dépend du stade tumoral : T1, 20 % ; T2, 42 % ; T3, 38 % ; T4, 70 %. Les récidives ganglionnaires sont comprises entre 16,5 et 27,5 % [20, 31]. Le contrôle local, après curiethérapie interstitielle par implants plus radiothérapie externe, pour des T1, T2, N0, paraît excellent, avec seulement 11 % de récidives locales et 2 % de récidives locales et régionales.
Commissure intermaxillaire, gencives, muqueuse palatine L’indication chirurgicale est préférentiellement retenue pour les T1 et T2, car elle permet d’assurer un contrôle local satisfaisant avec peu de séquelles, évitant notamment l’ostéonécrose radio-induite. L’irradiation postopératoire en T et/ou N n’est indiquée qu’en cas de résection insuffisante et/ou de facteurs anatomopathologiques de mauvais pronostic (QS). Pour les T3 à forme bourgeonnante sans atteinte osseuse, l’irradiation est réalisée jusqu’à 50 Gy, suivie d’une chirurgie en cas de régression supérieure à 50 %. page 9
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La radiothérapie donne de mauvais résultats dans les formes évoluées. La survie dépend du stade tumoral et de l’envahissement ganglionnaire : – pour Nathanson [34], après chirurgie plus radiothérapie ou radiothérapie plus chirurgie, la survie spécifique à 5 ans est de 73 % pour les T1, T2, N0, de 40 % pour les T3, T4, N0 et seulement de 17 % pour les N+ ; – pour Cady [10], après chirurgie ou radiothérapie, la survie spécifique à 5 ans des T1, T2 inférieurs à 3 cm est de 82 % chez les N0 et seulement de 38 % en cas d’envahissement ganglionnaire clinique ; pour les tumeurs de plus de 5 cm, elle atteint 37 % en l’absence d’atteinte ganglionnaire contre 0 % en présence de ganglion(s) palpable(s) ; Cady a noté 34 % de récidives locales, 33 % de récidives ganglionnaires isolées. Les éléments de mauvais pronostic sont : – le stade tumoral ; – le stade ganglionnaire : l’extension ganglionnaire est retrouvée dans 37 % des T1 et T2 ; – l’atteinte osseuse, mandibulaire ou maxillaire, qui est particulièrement fréquente (86 % des cas) ; – les antécédents d’avulsion dentaire en tissu tumoral ; ce geste favoriserait la dissémination du cancer suite à l’ouverture de la médullaire mandibulaire. L’association d’une chimiothérapie bihebdomadaire et d’une radiothérapie externe paraît très efficace selon l’étude de Fuchihata [12] : 67 % des T1, T2 et 35,5 % des T3, T4 sont en réponse complète après ce traitement ; 56 % des patients en réponse complète n’ont pas eu de traitement complémentaire. Le contrôle local à 5 ans, en tenant compte des traitements de rattrapage des récidives est particulièrement bon (T1 : 91 %, T2 : 89 %, T3 : 76 %, T4 : 61 %) avec une survie spécifique de 75 % pour les T1 et de 51 % pour les T4.
Lèvres [18] Le pronostic est fonction du stade tumoral, ganglionnaire et du degré de différenciation. La survie spécifique à 5 ans est de 95 %, identique pour les petites tumeurs après chirurgie ou radiothérapie ; pour les tumeurs supérieures à 3 cm, elle n’est que de 70 à 80 % et seulement 25 à 50 % pour les T4. Le même contrôle local est obtenu par curiethérapie ou chirurgie pour les T1, T2, T3, mais au prix de moins de séquelles morphologiques et fonctionnelles après curiethérapie dans les lésions très étendues. L’atteinte ganglionnaire est liée au stade T : 5 % des T1 et T2 ont une atteinte ganglionnaire clinique contre 67 % des tumeurs supérieures à T2. La curabilité des patients N supérieur à N0 ne dépasse pas 40-50 %. Les récidives locorégionales surviennent à des fréquences voisines après chirurgie ou radiothérapie : dans 5 à 11 % des T inférieurs à 1 cm, et jusqu’à 53 % des T4 ; 50 % des patients en récidive locale ou ganglionnaire sont contrôlés après chirurgie ou radiothérapie.
Techniques particulières – Wang a fait appel à une association radiothérapie tumoroganglionnaire classique + irradiation tumorale par électrons, en utilisant un localisateur intrabuccal dont le diamètre est adapté au volume tumoral, chez des patients N0. Le contrôle local atteint 100 % pour les T1 et 91 % pour les T2 du trigone rétromolaire ; il est tout aussi excellent pour les tumeurs de langue mobile ou du plancher (respectivement de 93 % pour les T1, 80 % pour les T2, et 95 % pour les T1 et 76 % pour les T2). Aucune complication osseuse, ni ulcération muqueuse persistante n’a été enregistrée. Cette méthode thérapeutique qui remplace la curiethérapie nécessite une sélection rigoureuse des patients ; elle s’adresse à des lésions bien limitées, ne dépassant pas les T2 chez des malades coopérants dont l’ouverture buccale est suffisante [32]. – Takéda a mis au point une curiethérapie endobuccale à l’or 198, par applicateur moulé personnalisé, associée à une radiothérapie externe [29]. Ce type de curiethérapie permet d’éviter l’anesthésie générale le plus souvent nécessaire lors de la curiethérapie interstitielle, tout en gardant les avantages dosimétriques de toute curiethérapie (dose élevée dans un petit volume, tissus sains voisins épargnés). Cette technique a été utilisée pour traiter principalement les T1, T2, N0 des gencives, sans envahissement osseux et conduit à une survie actuarielle de 82 % à 5 ans et à un contrôle local obtenu chez 74 % des patients. Plus de la moitié des récidives sont contrôlées par chirurgie de rattrapage. – Sous anesthésie locale, Horiuchi a réalisé une curiethérapie interstitielle par grains d’or 198, pour des T1, T2, N0 de langue mobile, plancher buccal ou muqueuse buccale ; cette curiethérapie a parfois été précédée d’une radiothérapie externe visant à diminuer le volume tumoral initial. À 2 ans, 86 % des T1N0 et 73 % des T2N0 sont contrôlées. La survie spécifique à 5 ans atteint 96 % pour les T1N0 et 74 % pour les T2N0. Cette curiethérapie interstitielle paraît d’application facile, possible dans des sites anatomiques d’accès difficile avec les sources rigides d’iridium 192, et semble donner les meilleurs résultats dans le cas de tumeurs superficielles ou exophytiques [16]. page 10
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Perspectives d’avenir - Voies de recherche Associations radiochimiothérapiques Survie globale et contrôle locorégional après radiothérapie ne sont pas modifiés par l’introduction d’une chimiothérapie néoadjuvante, antitumorale et radiosensibilisante. En revanche, l’intérêt de la chimiothérapie première est de permettre, dans certains cas, une préservation d’organe, évitant une chirurgie mutilante. La réponse à la chimiothérapie première semble représenter un facteur prédictif de réponse à la radiothérapie : chez les patients non répondeurs à la chimiothérapie, on constate une moindre efficacité de la radiothérapie, probablement du fait de la poursuite évolutive de la maladie [19]. D’autres modalités thérapeutiques ont été testées, par chimiothérapie adjuvante ou selon des associations concomitantes ou séquentielles radiochimiothérapiques. La méta-analyse, non encore publiée, menée à l’institut Gustave-Roussy, portant sur le rôle de la chimiothérapie dans les cancers ORL toutes localisations confondues, incluant au total 63 essais et plus de 10 000 patients, montre que : – la chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante ne présente aucun effet sur la survie ; – la chimiothérapie concomitante, en revanche, conduit à un bénéfice absolu à 5 ans de 8 % en terme de survie globale et de 4 % en terme de survie sans récidive [4]. Dès 1989, Taylor avait publié une étude incluant des stades III et IV dont 25 % de localisations buccales, traités par une association concomitante radiochimiothérapique avec CDDP, 5-FU (5-fluorouracile) et radiothérapie en split-course, c’est-à-dire avec un repos, ici de 1 semaine, entre chaque semaine de traitement ; dans ces stades pourtant avancés, il a obtenu 55 % de réponses complètes et 43 % de réponses partielles, avec une survie médiane de 37 mois [30]. L’étude randomisée d’Adelstein compare association radiochimiothérapique séquentielle et concomitante chez des patients porteurs de T3 et T4, dont la moitié sont situées dans la cavité buccale. Les réponses complètes atteignent 67 % en association simultanée et 32 % en séquentiel ; par ailleurs, le geste chirurgical est évité pour près de la moitié des patients en réponse complète. Si la survie globale n’est pas différente dans les deux bras, la survie sans récidive paraît meilleure dans le cas de l’association concomitante [1]. À partir des résultats de ces différentes études, la radiothérapie des cancers de la cavité buccale s’oriente donc actuellement, notamment pour les stades évolués, vers une association à une chimiothérapie préférentiellement concomitante.
Nouveaux schémas d’irradiation D’autres publications sont venues préciser les rôles du fractionnement et de l’étalement qui représentent avec la dose totale, les paramètres de l’irradiation. – Amdur a clairement montré dans une étude rétrospective le manque d’efficacité, en terme de contrôle local et de survie, d’une radiothérapie postopératoire à dose totale suffisante, mais comportant une interruption de l’ordre de 15 jours pendant son déroulement [2]. Cette modalité d’irradiation, pratiquée dans le but de limiter les réactions aiguës en favorisant la récupération des tissus sains, s’est avérée en fin de compte néfaste sur le plan clinique pour ces tumeurs de cinétique de prolifération rapide [28], dont la repopulation peut avoir lieu pendant la période d’arrêt de la radiothérapie. – Certains travaux ont testé l’efficacité d’une irradiation accélérée, le principe étant de délivrer sensiblement la même dose totale, mais dans un laps de temps plus court, c’est-à-dire avec un étalement réduit, dans le but de s’opposer à la repopulation de tumeurs à cinétique souvent rapide (temps de doublement potentiel inférieur à 3 jours avant tout traitement). La toxicité aiguë cutanéomuqueuse de ce type d’irradiation est plus importante que lors d’une radiothérapie standard ou hyperfractionnée [15] et, selon la méta-analyse non encore publiée de l’institut Gustave-Roussy, le contrôle local serait meilleur sans bénéfice en terme de survie [4]. – De nombreuses études ont testé l’hyperfractionnement, mais en ayant inclus différentes localisations de la tête et du cou [23]. Il s’agit de délivrer la dose quotidienne en deux ou trois séances (irradiation bi- ou trifractionnée), en gardant le même étalement et la même dose totale. Les avantages de cet hyperfractionnement sont les suivants : – diminution des réactions tardives des tissus sains à renouvellement lent (ulcération, nécrose, etc) ; – lutte plus efficace contre la repopulation tumorale en raccourcissant le délai entre les séances ; il est cependant nécessaire de maintenir un intervalle de 4 à 6 heures entre chaque séance pour permettre la réparation des lésions sublétales des tissus sains à renouvellement rapide et la réoxygénation tissulaire, facteur de radiosensibilité.
Stomatologie
RADIOTHÉRAPIE DES CANCERS DE LA CAVITÉ BUCCALE
– En fait, la tolérance globale étant améliorée et l’efficacité antitumorale étant plus faible quand le nombre de séances augmente, l’hyperfractionnement est le plus souvent associé à une augmentation de la dose totale. – D’une façon générale, la toxicité aiguë, notamment muqueuse, est plus grande lorsque l’irradiation a lieu selon un mode hyperfractionné, sans majoration de la toxicité tardive. Le contrôle locorégional paraît meilleur [15] et le bénéfice en terme de survie est en cours d’évaluation [23]. – Enfin, la toxicité de l’irradiation accélérée rendant nécessaire l’hyperfractionnement, plusieurs essais en cours d’évaluation étudient l’efficacité et la toxicité d’une radiothérapie hyperfractionnée accélérée, avec éventuellement split-course [23].
Mise au point de nouveaux tests prédictifs de radiosensibilité La modulation de la dose d’irradiation prescrite est fonction de l’étude anatomopathologique postchirurgicale ou des constatations cliniques lors d’une radiothérapie exclusive, mais l’on ne dispose pas actuellement de test fiable véritablement prédictif de la réponse tumorale aux radiations. La détermination de la sensibilité aux radiations par courbes de survie in vitro s’est montrée décevante, dans la mesure où des lignées isolées à partir de tumeurs radiorésistantes non radiocurables de la langue mobile ou du plancher buccal ne présentent pas de radiorésistance particulière in vitro [33]. L’étude quantitative, in vitro, par le test des comètes, des dommages radioinduits ne permet pas de différencier une lignée radiosensible d’une lignée radiorésistante ; tout au plus, peut-on constater une cinétique de réparation plus lente pour les lignées les plus radiosensibles [22]. La mesure de l’oxygénation tumorale est en cours d’investigation. Les tumeurs de la cavité buccale et leurs adénopathies, surtout quand elles sont volumineuses, sont fréquemment hypoxiques, l’hypoxie conférant un degré élevé de radiorésistance. Il semblerait que la pression intratumorale en O2 avant traitement soit un facteur prédictif de radiosensibilité dans les cancers des VADS. Une meilleure connaissance de la PO 2 des tumeurs avant traitement et pendant l’irradiation pourrait aider au choix du fractionnement pour favoriser la réoxygénation tumorale, et au développement d’une stratégie visant à lutter contre l’hypoxie par l’utilisation de transporteurs d’oxygène ou tirant partie de l’hypoxie par le biais des radiosensibilisants des cellules hypoxiques.
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Certains marqueurs de prolifération, tels que le KI 67 ou l’antigène nucléaire p105, semblent présenter un rôle prédictif de la réponse aux radiations ; leur évaluation est en cours [11]. Enfin, un travail préliminaire a souligné l’intérêt de prendre en compte le rôle de l’environnement tumoral, et notamment du tissu de soutien fibroblastique, lors de la mesure de la radiosensibilité de lignées isolées de tumeurs humaines, la présence de fibroblastes conférant un certain degré de radioprotection [14]. Il n’est pas possible, dans le cadre de ce chapitre, de dresser une liste exhaustive des différentes approches visant à préciser la sensibilité tumorale aux radiations ionisantes. Il semble d’ores et déjà que la radiosensibilité est une propriété hautement complexe, multifactorielle, qui ne pourra sans doute être définie qu’à partir de plusieurs tests complémentaires.
Développement de radioprotecteurs des tissus sains L’amifostine (Ethyolt) est un chimio- et radioprotecteur pléiotrope. Il s’agit en fait d’une prodrogue qui devient active après déphosphorylation par une phosphatase alcaline membranaire, présente uniquement sur les cellules saines. Le métabolite actif capte les radicaux libres générés par l’irradiation, grâce à son radical sulfhydrile. L’injection du produit doit avoir lieu avant chaque séance. L’efficacité et la tolérance de l’amifostine sont en cours d’étude, notamment lors de l’irradiation des cancers des VADS, où l’on espère obtenir une radioprotection sélective de la muqueuse et des glandes salivaires.
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Si l’élaboration de nouveaux protocoles de traitement laisse effectivement espérer une amélioration des résultats, il semble essentiel de souligner l’importance de la prévention, d’une part, qui doit permettre de réduire l’incidence de ces cancers par la suppression de l’intoxication alcoolotabagique, et d’autre part du diagnostic précoce par l’intermédiaire du stomatologue et du chirurgien-dentiste ; on rappelle en effet l’excellent pronostic d’une petite lésion sans atteinte ganglionnaire qui pourra être guérie par des techniques de traitement simples, occasionnant le minimum de complications et de séquelles.
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¶ 22-062-K-10
Traitement des kystes, tumeurs et pseudotumeurs bénignes des maxillaires B. Ruhin, F. Guilbert, J.-C. Bertrand Très dissemblables sur les plans étiopathogénique, diagnostique et évolutif, les kystes, tumeurs et pseudotumeurs bénignes des maxillaires présentent pourtant des points communs, dont celui de requérir un traitement chirurgical dès lors qu’ils se caractérisent par une surinfection ou encore une nette augmentation de volume à l’origine de répercussions fonctionnelles, de comblement des cavités naturelles, de disgrâces morphologiques et de risque fracturaire. Un prélèvement biopsique de première intention est le plus souvent un geste inutile et déplacé en raison des risques de dissémination tumorale et des réactions inflammatoires délétères pour l’exérèse ultérieure et le diagnostic anatomopathologique ; il peut être de plus source d’erreur, puisqu’une bonne étude anatomopathologique requiert un examen macroscopique, microscopique, voire ultrastructural de la totalité de la pièce d’exérèse. La découverte et l’identification de la lésion impliquent une authentique réflexion diagnostique basée sur des arguments cliniques et iconographiques : l’âge du malade, l’évolutivité du processus, l’étude radiographique qui précise le siège, les rapports de la lésion avec les structures avoisinantes (dents, sinus maxillaire ou nerf alvéolaire inférieur), le caractère uni- ou plurifocal de la lésion, et surtout son extension au sein de l’os dont les corticales (ces dernières, précisées par des incidences adaptées, peuvent demeurer épaisses ou au contraire être progressivement laminées, puis effacées). Cette réflexion diagnostique permet le plus souvent d’opter pour une solution thérapeutique conservatrice dans l’attente des certitudes anatomopathologiques. À l’extrême, une lésion volumineuse peut ne rester contenue que par un manchon conjonctivopériosté, relativement résistant. À cet égard, il serait déraisonnable pour le chirurgien de ne s’appuyer que sur le seul argument d’une solution de continuité corticale ou d’une extension tumorale pour poser l’indication d’une chirurgie interruptrice délabrante. Chacune des deux méthodes d’exérèse, conservatrice ou radicale, possède ses indications propres et évidentes. En revanche, tout l’intérêt de l’exposé des indications thérapeutiques réside dans la revue des situations cliniques où les deux méthodes sont confrontées sous l’unique arbitrage de l’expérience du praticien. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Kystes ; Tumeurs bénignes ; Maxillaires
Plan ¶ Moyens thérapeutiques Traitement chirurgical conservateur Résection osseuse
1 1 2
¶ Indications thérapeutiques selon le type lésionnel Kystes des maxillaires Tumeurs odontogéniques Tumeurs et pseudotumeurs non odontogéniques
2 3 6 8
¶ Conclusion
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■ Moyens thérapeutiques Traitement chirurgical conservateur Symbolisé par l’énucléation, il s’adresse le plus fréquemment aux lésions kystiques. Il permet de préserver les dents et le maximum de tissu osseux ainsi que les éléments le traversant. L’abord cutané est déraisonnable : l’incision intéresse le revêtement mucopériosté et est décalée par rapport à la trépanation osseuse ; cette dernière est réalisée prudemment afin de Stomatologie
ne pas léser la paroi kystique sous-jacente et doit être de dimension suffisante afin d’autoriser le passage d’un décolleur. L’énucléation est en effet réalisée grâce à cet instrument, permettant de cliver et de récliner très progressivement la paroi kystique, laquelle peut être fine par endroits et se déchirer, ou au contraire être épaisse et adhérente (Fig. 1). Tout geste agressif est prohibé afin d’éviter l’effraction accidentelle d’une corticale osseuse amincie, voire du périoste, et d’exposer les parties molles avoisinantes à un essaimage tumoral. Pour les mêmes raisons, le « curetage appuyé » doit demeurer un geste rigoureusement complémentaire de l’énucléation et être réservé aux seules parois osseuses épaisses ; il reste cependant incomplet sur les amas cellulaires restés accolés aux parois osseuses. Après avoir confié la totalité de la pièce opératoire à l’anatomopathologiste, la cavité d’énucléation doit faire l’objet d’une irrigation généreuse par du sérum physiologique. Certains auteurs complètent l’énucléation par une cryothérapie des parois osseuses : ils diminueraient ainsi le nombre de résections osseuses. [29, 44, 51] D’autres recourent à des applications d’eau oxygénée ou d’acide acétique de façon à irriter chimiquement les parois et les éventuels reliquats tissulaires. [20] Dans cette cavité, laissée de préférence vacante, un caillot sanguin aseptique s’installe, et peut induire une ostéogenèse de qualité. [7, 64]
1
22-062-K-10 ¶ Traitement des kystes, tumeurs et pseudotumeurs bénignes des maxillaires
Figure 1. Radiographie panoramique montrant un kyste dentigère angulomandibulaire droit, soufflant les corticales osseuses et refoulant en périphérie une dent incluse (A) : la paroi kystique, épaisse et adhérente, rattachée au collet se laisse facilement cliver permettant une énucléation complète du kyste (B).
L’abord muqueux est ensuite suturé grâce à des points souples et séparés de fil résorbable. L’énucléation impose une surveillance radiographique ultérieure : sa périodicité dépend de la conclusion anatomopathologique. Limitée dans le temps pour les kystes odontogéniques jusqu’à obtention d’une réossification complète, elle doit, en revanche, s’étendre sur plusieurs années dans le cadre des lésions réputées récidivantes (parmi lesquelles les améloblastomes) afin de vérifier la stabilité radiographique de la trame osseuse réédifiée. [25, 33, 55] Le geste conservateur varie, d’une part, selon la topographie mandibulaire ou maxillaire de la lésion : • au niveau mandibulaire, l’émergence du nerf alvéolaire inférieur doit être repérée lors de l’incision et du décollement mucopériosté, tout comme elle doit être également respectée lors de l’énucléation proprement dite ; les poussées inflammatoires peuvent favoriser l’adhérence de la membrane kystique au névraxe, prohibant à ce niveau tout geste agressif par le décolleur ; [3, 25, 33] • au niveau maxillaire, l’abord peut être vestibulaire et/ou palatin selon l’extension des lésions. Certaines d’entre elles ménagent des rapports étroits avec le sinus maxillaire ou la fosse nasale sus-jacente motivant parfois la résection de la muqueuse respiratoire ; en l’absence d’infection sinusienne, la fermeture de la communication oroantrale est réalisée par suture simple de la muqueuse palatine ; dans l’hypothèse inverse, une antrostomie de drainage est nécessaire. Le geste conservateur varie, d’autre part, selon le stade évolutif de la lésion. Une lésion kystique suppurée motive parfois un drainage dans des délais rapides : l’énucléation du kyste ne peut être réalisée que secondairement, après sédation de tout phénomène inflammatoire. Même à distance, du fait des phénomènes inflammatoires récents, cette énucléation peut s’avérer encore difficile. La fracture spontanée mandibulaire provient rarement de l’amincissement extrême des corticales osseuses et de la pression tumorale. Aussi, soigneusement évitée en peropératoire, la fracture doit être rigoureusement dépistée au cours de la surveillance radiographique ultérieure. Enfin, la réalisation de tout geste conservateur doit tenir compte des organes dentaires : s’ils sont compromis du fait d’une mobilité ou d’un délabrement excessif, et sans possibilité de traitement, ils seront avulsés. Par ailleurs, la crainte de léser le pédicule vasculonerveux à l’apex des dents intéressées par l’énucléation d’une lésion ne doit pas laisser courir le risque d’en réaliser une exérèse incomplète. Les tests de vitalité pulpaire de ces dents devront ensuite être réalisés toutes les 2 semaines durant la période postopératoire et seront suivis, le cas échéant, d’une obturation canalaire afin de ne pas gêner la réossification par des foyers inflammatoires chroniques. [33] Assimilable à un traitement conservateur, la résection modelante permet de réduire les contours des structures osseuses hypertrophiées par une lésion osseuse dysplasique. [3, 25]
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Résection osseuse Elle permet une exérèse tumorale en zone saine au large des limites de l’envahissement de l’os et des parties molles environnantes. Elle doit être réalisée selon un plan extrapériosté par une voie d’abord cutanée. En effet, l’exérèse – temps primordial du traitement – doit être conduite sous contrôle permanent de la vue. Seules les tumeurs peu étendues de la région symphysaire peuvent être réséquées par voie endobuccale, sous réserve que l’opérateur puisse en tout endroit être certain de ne pas réaliser d’effraction d’une extension tumorale dans les parties molles. [34, 48] La résection mandibulaire peut être segmentaire, partielle : elle épargne alors le bord postérieur mandibulaire et le bord inférieur basilaire (Fig. 2). Inversement, une section de ces mêmes bords constitue une résection mandibulaire interruptrice (Fig. 3). La résection maxillaire se fait par simple abord muqueux au niveau des futurs traits d’ostéotomie. Au niveau mandibulaire, la reconstruction osseuse peut être réalisée, de manière concomitante, par le biais d’un greffon (le plus fréquemment d’origine iliaque). [43] Ce greffon est fixé par une attelle métallique ou des miniplaques vissées (Fig. 4). Au maxillaire, le site de la résection peut être d’emblée comblé sans compromettre ultérieurement la surveillance directe de la cavité opératoire : soit par une prothèse adjointe à base molle, soit par une plaque obturatrice faisant alors barrage à la communication buccosinusienne. [1] Secondairement, une fois la rémission acquise, le défaut osseux maxillaire peut être reconstruit par greffes de Calvaria (corticale externe crânienne), greffon iliaque ou lambeaux composés pédiculés (musculoosseux temporaux) ou libres microanastomosés (cutanéo-osseux iliaque ou péronier) (Fig. 3,5). Le devenir du ou des greffons osseux ainsi placés est variable : stabilité plusieurs années après, ou résorption rapidement progressive dès les premiers mois postopératoires (conséquence possible d’une surinfection). Cette surinfection survient souvent à la faveur d’un défaut de couverture muqueuse qu’il faut résoudre par la réalisation de lambeaux muqueux locaux (palatin, vestibulaire ou linguaux), musculomuqueux pédiculés (buccinateur) ou musculocutanés pédiculés (nasogéniens), voire libres microanastomosés (antébrachial ou chinois).
■ Indications thérapeutiques selon le type lésionnel Au moment de la découverte d’une lésion des maxillaires, les caractères cliniques et radiographiques de la lésion seront finement analysés afin de pouvoir évoquer l’hypothèse diagnostique la plus plausible, et d’y associer la conduite thérapeutique la plus adaptée. Stomatologie
Traitement des kystes, tumeurs et pseudotumeurs bénignes des maxillaires ¶ 22-062-K-10
Figure 2. Améloblastome de la branche horizontale mandibulaire gauche en regard de 33-35 (A) : en B, contrôle radiographique après son énucléation conservatrice. Récidive de ce même améloblastome à 2 ans (C) : reprise chirurgicale par énucléorésection osseuse (mandibulectomie non interruptrice) et contrôle radiographique 1 an après (D).
Kystes des maxillaires Kystes épithéliaux odontogéniques Kyste primordial Il récidive rarement après énucléation. Dans la naevomatose basocellulaire ou syndrome de Gorlin, le pronostic est dominé non pas par l’évolution des kystes multiples des maxillaires mais par l’évolution des nævi homonymes. [13, 16] Kératokyste odontogénique ou kyste épidermoïde La réputation récidivante du kyste épidermoïde nécessite un traitement plus agressif que pour tout autre kyste des maxillaires. L’approche thérapeutique d’une forme étendue – certes exceptionnelle – est superposable à celle développée plus loin à propos des autres lésions ostéolytiques (l’améloblastome, par exemple). Les kystes épidermoïdes, le plus souvent de taille réduite, sont du ressort d’une énucléation complète : au mieux, on prend soin de garder la pièce entière, non fragmentée en préservant sa paroi kystique habituellement très fine et fragile (Fig. 6). [13, 21, 35, 59, 60, 66] La possibilité d’une adhérence et d’une récidive du kératokyste à partir des cellules basales de la muqueuse orale, notamment au niveau du trigone rétromolaire et du revêtement du bord antérieur des rami, impose à l’opérateur la résection concomitante de cette muqueuse et de son sous-sol osseux. Des cellules tumorales enchâssées dans la muqueuse sont notées dans un tiers des cas, ce qui explique les fréquentes récidives au niveau du ramus et de l’angle mandibulaire en l’absence de résection muqueuse. Enfin, la possibilité d’une transformation carcinomateuse de la paroi du kératokyste impose un examen anatomopathologique rigoureux de l’ensemble de la pièce d’exérèse. [10, 27, 59, 60, 66]
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Kyste dentigère L’existence d’une vaste image mono-, voire polykystique, se projetant au niveau de l’angle mandibulaire et le ramus, refoulant en périphérie une dent incluse et soufflant largement les corticales, peut être assimilée à un améloblastome : il faut opter pour une énucléation rigoureuse et complète pour espérer une non-récidive à moyen terme et permettre un examen anatomopathologique précis. [13, 26, 35, 38, 55] Dans leur dimension plus modeste, les kystes dentigères sont de diagnostic et d’énucléation aisés. L’avulsion de la dent incluse est assez souvent pratiquée, mais cette dernière peut être ménagée sous réserve d’une surveillance radiographique et orthodontique ultérieure (Fig. 1). Plus encore que pour les kystes inflammatoires, tout kyste dentigère doit faire l’objet d’un contrôle histologique attentif, afin de ne pas méconnaître une éventuelle greffe améloblastique, ou plus rarement carcinomateuse épidermoïde. Chez l’enfant, le kyste folliculaire sur une dent, en cours d’éruption sur l’arcade, doit bénéficier d’une perforation du sommet de sa membrane ; la dent termine ensuite son évolution en bonne place, de façon naturelle ou aidée d’un traitement orthodontique. Kyste glandulaire odontogénique Le kyste glandulaire odontogénique est une entité mal connue : son énucléation, bien que nécessaire, est suivie d’un risque majeur de récidive. Autres kystes odontogéniques Le kyste périodontal latéral bénéficiera d’une énucléation. Le kyste gingival de l’adulte et le kyste d’éruption bénéficieront d’une excision. La guérison complète est de règle. [27, 59, 60]
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Figure 3. Résection d’un volumineux améloblastome (A) ayant nécessité une reconstruction mandibulaire par lambeau libre de péroné (B, C, D).
Figure 4. Aspect d’un améloblastome énucléé et reconstruit dans le même temps par greffes osseuses iliaques soutenues par une attelle métallique (A). Résultat 1 an après la dépose du matériel d’ostéosynthèse (B). La résection-greffe ne met pas à l’abri de la récidive survenant ici 3 ans après : images kystiques au niveau de la zone de jonction symphyse-greffon (C). Cette récidive sera traitée par une nouvelle énucléation.
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Stomatologie
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Figure 5. Améloblastome géant mandibulaire déformant le tiers inférieur du visage (A et B) et concernant l’arche mandibulaire d’angle à angle (C). Résection large passant en zone saine. La reconstruction mandibulaire par lambeau libre de fibula (F) permet de recouvrer des contours anatomiques (D et E) ; la mise en place d’implants dentaires valorise le pronostic fonctionnel (F).
Kystes épithéliaux non odontogéniques Anciennement dénommés « kystes fissuraires », les kystes épithéliaux odontogéniques guérissent constamment après énucléation, et sans récidive. Le geste est effectué par la voie transmuqueuse appropriée (palatine, vestibulaire) en ayant soin de ménager l’apex des Stomatologie
dents adjacentes parfois rhizalysées, mais en règle générale vivantes et souvent divergentes. Certains kystes palatins sont adhérents à la muqueuse palatine et/ou au septum nasal. Certains auteurs préconisent l’abstention thérapeutique devant des kystes nasopalatins cliniquement muets et dont le diamètre est inférieur à 10 mm. [13, 56]
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Tumeurs odontogéniques De nombreuses tumeurs évolutives et très variables sont regroupées sous ce titre. La radiographie permet de différencier les lésions ostéolytiques, dont certaines ont une évolution extensive, des lésions ostéocondensantes au comportement moins agressif. [48]
Tumeurs épithéliales sans induction du mésenchyme Améloblastome
Figure 6. Plus fréquemment retrouvé au niveau de la mandibule, le kératokyste peut être maxillaire : ici, au niveau de la tubérosité maxillaire droite, il sera traité par énucléation.
Kystes inflammatoires Kystes radiculaires Le traitement des kystes inflammatoires d’origine dentaire est essentiellement chirurgical, car disposer d’un diagnostic incontestable face à toute lésion kystique, même la plus anodine en apparence, doit demeurer une préoccupation élémentaire ; l’énucléation de la lésion avec examen anatomopathologique de la totalité de la pièce d’exérèse est donc le meilleur geste thérapeutique. Les autres techniques, dont la marsupialisation ou les méthodes d’irrigation prolongée, ne sont pas à conseiller. [31, 39] Devant un kyste de petit volume, la reprise ou la réalisation du traitement endodontique de la dent intéressée peut être efficace : elle comporte une trépanation de la corticale osseuse, une oblitération canalaire a retro et une résection apicale mais exige une surveillance radiologique régulière de la lésion jusqu’à réossification complète. Ailleurs, l’énucléation du kyste par voie chirurgicale en permet l’habituelle guérison avec une rapide restauration de la trame osseuse par organisation du caillot sanguin intracavitaire. La ou les dents causales sont dévitalisées et traitées avant de bénéficier d’une surveillance régulière. Une dent causale délabrée ou dont le traitement endodontique ne peut être correctement réalisé, est habituellement avulsée dans le même temps opératoire. Le traitement du kyste inflammatoire est programmé si possible à distance de tout réchauffement infectieux. Kyste paradentaire Comme indiqué dans le chapitre clinique, la guérison complète, sans récidive ultérieure, est acquise dès lors que l’on réalise une énucléation du kyste paradentaire et une avulsion de la dent concernée (le plus fréquemment la dent de sagesse) ; s’il s’agit d’une première ou d’une deuxième molaire, elles seront conservées.
L’améloblastome est une tumeur bénigne douée d’une agressivité singulière par son caractère extensif et récidivant. Malgré la description de plusieurs variétés histologiques, la majorité des chirurgiens maxillofaciaux et des anatomopathologistes ne pensent actuellement pas qu’elles diffèrent en terme de pronostic après traitement ; pour quelques autres auteurs, les variétés périphériques et unikystiques seraient moins récidivantes. [63, 67] En revanche, le potentiel évolutif, et donc la stratégie thérapeutique qui en découle, sont étroitement corrélés à plusieurs facteurs : la localisation anatomique de la lésion, les caractères radiographiques (aspect uni- ou polykystique, dimensions, etc.), l’âge du patient (Fig. 3–5,7–9). La fidélité future de ce dernier aux consultations de contrôle est également importante à estimer : l’intervalle moyen entre le traitement initial et la première récidive – mais aussi entre deux récidives successives – est de quelques mois à plusieurs années (Fig. 4). C’est la raison pour laquelle la surveillance du patient devrait être poursuivie aussi longtemps que possible, d’abord tous les trimestres (jusqu’à obtention d’une réossification jugée homogène et complète) puis ensuite tous les 1 à 2 ans. Le pronostic de l’améloblastome après traitement a été maintes fois corrélé au type d’exérèse chirurgicale. Des taux élevés de récidive ont été rapportés avec des traitements conservateurs (45 à 90 %). Cependant, ces nouvelles lésions sont fréquemment de volume moindre et peuvent être traitées plus facilement que la lésion originelle. [11, 42, 55, 67] Ainsi, une récidive n’est pas synonyme nécessaire d’échec thérapeutique (Fig. 4). À l’opposé, plusieurs auteurs préconisent d’emblée une résection large de la lésion avec une marge de sécurité périphérique. [1, 5, 35, 37, 38, 42, 55, 58, 70] Cependant, l’expérience prouve que cette attitude ne doit pas être systématique, puisque le traitement conservateur a permis à un lot non négligeable de patients de guérir de manière simple avec des séquelles morphologiques ou fonctionnelles modérées. Améloblastome compact ou polykystique. Ce terme permet de réserver les variétés monokystiques et périphériques étudiées plus loin. La localisation au sein des maxillaires est importante à considérer lors du choix thérapeutique. Au niveau du corpus mandibulaire. L’énucléation n’est théoriquement pas le traitement idéal d’un améloblastome, puisque plus de la moitié récidivent après ce geste. Pourtant, le corps mandibulaire est la localisation où cette méthode est tout à fait justifiée ou du moins réalisée selon un risque calculé et avec l’assurance d’une surveillance clinique ultérieure (Fig. 7,9).
Figure 7. Image radiographique d’un améloblastome de la symphyse et de la branche horizontale mandibulaire droite (de la dent 33 à la dent 45) (vue radiographique : A). L’énucléation permet l’épargne de la basilaire et des corticales mandibulaires (B). Résultat à 3 mois de l’énucléation : réossification radiologique quasi complète (C).
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Figure 8. Volumineux améloblastome de l’hémimandibule gauche refoulant la dent 38 en basilaire (A). Contrôle radiographique 1 an après l’énucléation attestant de la reconstruction osseuse et du remodelage des corticales (B).
Figure 9. Traitement conservateur d’un améloblastome de l’angle et de la branche montante mandibulaire droits (A). La corticale amincie et fragilisée par le processus tumoral et son énucléation impose un blocage intermaxillaire d’immobilisation pendant 6 semaines (B).
L’énucléation est plus particulièrement indiquée en présence d’une cavité unique, enclose, régulière ou festonnée de contour. Dans les tumeurs polykystiques du corps mandibulaire, le décolleur parvient sans peine à contourner chaque bulle tumorale en effondrant les minces cloisons osseuses les séparant (Fig. 9) ; en revanche, la prudence est de règle et le curetage appuyé proscrit en regard des zones où la corticale osseuse amincie à l’extrême (fréquemment dans la portion susspigienne, l’angle et la corticale interne) risquerait de se rompre et de favoriser l’extension aux parties molles{ La résection mandibulaire s’impose en première intention lorsque la tumeur adopte une configuration polygéodique, excluant toute possibilité d’énucléation de proche en proche. Stomatologie
Elle est non interruptrice lorsque la basilaire mandibulaire non envahie peut être conservée ; au contraire, lorsque les destructions intéressent le bord basilaire de la mandibule, la résection est interruptrice (Fig. 4). L’hémimandibulectomie est réservée aux lésions très volumineuses qui ne peuvent être contrôlées par une résection marginale ou segmentaire [24, 42, 55, 61] (Fig. 3–5). L’énucléorésection est une technique particulière, pouvant être proposée aux tumeurs largement extériorisées dans les parties molles et pour lesquelles une résection serait techniquement très difficile et risquée (blessure de la tumeur). L’exérèse réalisée par voie endobuccale circonscrit, dans un plan extrapériosté, les foyers tumoraux propagés au sein des parties molles
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du versant buccal ; elle se poursuit alors selon la méthode de l’énucléation aux endroits où les contours osseux sont préservés. Cette méthode permet d’éviter la solution de continuité, de limiter les sacrifices musculaires ainsi que la morbidité d’une éventuelle greffe osseuse indiquée lors de la récidive tumorale ultérieure. Au niveau des rami mandibulaires. Les principes de traitement pourraient être similaires à ceux du niveau des corpi mandibulaires. C’est cependant oublier que la limite supérieure de cette région échappe à la vision directe, et qu’une effraction de l’échancrure sigmoïde, très facilement amincie par de volumineuses lésions, constitue une voie d’ensemencement tumoral vers la fosse infratemporale. L’énucléation doit donc nécessairement être entreprise avec délicatesse et compétence. Sinon, une indication de résection est ici plus largement posée. Au niveau du maxillaire. Les localisations postérieures sont particulièrement dangereuses du fait de leur difficulté d’accès et de la proximité des structures nasosinusiennes mais aussi de la fosse infratemporale et de l’orbite. À l’instar de son opposé mandibulaire, le maxillaire manque de corticales osseuses épaisses, barrières à la propagation tumorale. L’énucléation doit impérativement être conduite avec la plus grande prudence ; la résection maxillaire, le plus souvent partielle, peut aussi être réalisée à ce niveau. L’obtention de marges osseuses périphériques saines (1 à 1,5 cm selon les auteurs) est plus aléatoire dans cette localisation. Améloblastome unikystique. Cette variété prend volontiers l’aspect clinique et radiographique d’un kyste dentigère, mais peut, en revanche, ne pas être associée à une dent incluse, évoquant alors un kyste résiduel ou primordial. Très fréquemment située au niveau de la partie postérieure de la mandibule, la lésion fait alors l’objet d’une énucléation et le diagnostic est redressé par l’examen anatomopathologique. L’améloblastome unikystique serait réputé moins récidivant [24, 42, 55] en raison d’une bonne délimitation habituelle des foyers tumoraux au sein de la capsule kystique. [61] Améloblastome périphérique. Excentré par rapport à la trame osseuse, il ne récidiverait pas après résection marginale doublée d’un liseré périphérique d’os sain. Améloblastome récidivé. Les règles présidant au traitement initial d’un améloblastome peuvent être appliquées aux lésions récidivées, sous réserve d’une diminution des chances de guérison après nouvelle énucléation. Les tumeurs récidivées après résection initiale interruptrice et large existent : elles sont sans doute à mettre sur le compte d’une blessure de la tumeur lors de l’exérèse menée à tort par voie sous-périostée, ou par abord endobuccal exclusif. La récidive nouvelle pose alors le problème essentiel de sa prolifération multicentrique au sein des parties molles adjacentes. [42, 55, 61]
Tumeurs odontogéniques épidermoïdes Bien que la plupart des observations de tumeurs odontogéniques épidermoïdes mandibulaires aient été traitées sans récidive ultérieure par des méthodes conservatrices, d’autres localisations, notamment maxillaires, requièrent des résections plus larges.
Tumeurs épithéliales et conjonctives avec ou sans formation de tissu dentaire dur Fibromes améloblastiques, fibrodentinomes améloblastiques et fibro-odontomes Ils conservent un excellent pronostic après énucléation. Le traitement peut toutefois être délicat en présence de lésions atteignant de grandes dimensions ; d’où la difficulté de poser l’indication d’une résection chirurgicale large en présence d’une vaste lésion ostéolytique. [41] Odontoaméloblastome Il partage avec l’améloblastome son caractère récidivant après traitement conservateur. Tumeurs odontogéniques adénomatoïdes Elles se présentent comme un kyste, à la surface lisse et bien limitée, dont l’énucléation permet la guérison complète. Pouvant également se traduire par une vaste image kystique, la tumeur odontogénique adénomatoïde ne doit pas pour autant faire entreprendre une résection injustifiée ; l’image radiographique ponctuée de fines opacités peut orienter le diagnostic. L’énucléation, bien qu’elle soit parfois difficile, permet la guérison sans récidive ultérieure. [8] Odontomes complexes et composés Ils doivent être abordés de manière conservatrice. La tumeur possède une coque conjonctive périphérique permettant son clivage ; un curetage de la cavité complète ensuite le geste. Les lésions plus anciennes sont plus laborieuses à retirer et requièrent parfois une résection partielle non interruptrice à la pince gouge, à la fraise de Lindemann ou à la scie oscillante. [5]
Tumeurs ectomésenchymateuses odontogéniques, avec ou sans inclusion d’épithélium odontogénique De rares récidives sont rapportées après traitement conservateur du fibrome odontogénique. Le myxome pose parfois le problème d’une tumeur mal limitée, se propageant au niveau de l’os et des parties molles adjacentes. Le traitement aussi conservateur que possible, expose toutefois à certaines récidives. Le cémentoblastome bénin est une tumeur de l’os alvéolaire encapsulée et facilement clivable ; la dent en regard relève de l’avulsion avec large alvéolectomie. Le pronostic est constamment bénin.
Tumeurs et pseudotumeurs non odontogéniques Sont regroupées sous ce titre des tumeurs très dissemblables aux plans étiopathogénique, diagnostique et évolutif. Pourtant, les indications thérapeutiques peuvent être plus facilement posées à partir du diagnostic radiographique. Le traitement est d’ordinaire conservateur, surtout pour les lésions à composante ostéocondensante dominante ou exclusive.
Tumeurs épithéliales odontogéniques calcifiées
Tumeurs ostéoformatrices
Ces tumeurs guérissent après énucléation complète. D’exceptionnelles récidives locales et tardives ont cependant été signalées et mises sur le compte d’une exérèse incomplète. [40]
Ostéome vrai
Tumeurs odontogéniques à cellules claires Le potentiel malin des tumeurs odontogéniques à cellules claires reste discuté à travers les rares observations publiées et le faible recul. Pourtant, plusieurs arguments convergent vers la probabilité d’un caractère malin : non seulement les données immunohistochimiques, la croissance habituellement rapide de la lésion, l’existence de récidives, mais aussi la survenue d’authentiques métastases pulmonaires rapportées dans la littérature. Une exérèse large (résection) semble, dans ce contexte, souhaitable. [18]
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Son exérèse est habituellement indiquée : on évalue cependant toujours le volume de la tumeur, son siège, la qualité osseuse et l’importance prévisible de la mutilation. Dans la plupart des cas, il s’agit plutôt d’une résection modelante permettant une épargne et une symétrisation des contours osseux. Les localisations classiques à l’angle mandibulaire ainsi que la consistance particulièrement dure (« os de marbre ») imposent à l’opérateur un abord par voie de cervicotomie. Dans les atteintes maxillaires moins fréquentes, la lésion est habituellement de petite taille et peut être alors abordée par voie dissimulée (vestibulaire, palpébrale, etc.). Si l’ostéome est peu volumineux, l’abstention thérapeutique ne se justifie que sous réserve d’une Stomatologie
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surveillance régulière : la lésion pouvant très vite atteindre un volume important justifiant la sanction chirurgicale. Dans le syndrome de Gardner, les ostéomes sont difficiles à traiter chirurgicalement du fait de leur consistance, de leur multiplicité et de leur potentiel récidivant. Rappelons que la polypose adénomateuse rectocolique domine alors le pronostic. Torus palatin et torus mandibulaire Les tori gênent parfois le port d’une prothèse adjointe, et leur exérèse est alors indiquée par chirurgie modelante transmuqueuse. Ostéoblastome et ostéome ostéoïde Le traitement de ces lésions bénignes se résume, selon la plupart des auteurs, en une exérèse chirurgicale avec curetage ou résection. L’ostéoblastome est réputé comme étant une tumeur très vascularisée et bénéficie fréquemment d’un curetage appuyé, comme dans ses localisations extramaxillaires. [14, 57] Cependant, en raison de la possibilité de confusion diagnostique avec un ostéosarcome ou un cémentoblastome, certains auteurs préfèrent une résection complète. La radiothérapie est, en revanche, contre-indiquée. Comme dans ses localisations squelettiques, l’ostéome ostéoïde se caractérise par des signes fonctionnels douloureux parfois importants et par la difficulté de curetage complet du nidus à l’origine de récidive. Il est donc du ressort d’une résection complète mais non interruptrice au niveau mandibulaire. [65] Néanmoins, la régression spontanée d’authentiques ostéoblastomes et ostéomes ostéoïdes est décrite dans la littérature après prélèvement biopsique ou curetage incomplet. Lésions ostéofibreuses La prise en charge thérapeutique des lésions ostéofibreuses est difficile, elle repose sur la chirurgie dont les indications sont dictées par l’âge du patient, le volume et la localisation du processus, l’éventuel retentissement fonctionnel ou esthétique, les variétés histologiques et enfin les habitudes du praticien. [30] Au niveau maxillofacial, les dysplasie fibreuse et fibrome ossifiant sont des lésions bénignes n’engageant que rarement le pronostic fonctionnel et exceptionnellement le pronostic vital. [52] Aussi, malgré les données parfois retenues dans la littérature, l’attitude thérapeutique conservatrice semble-t-elle préférable dans la majorité des cas. Les indications chirurgicales reposent principalement sur la décompression d’une structure anatomique menacée (l’œil par exemple) ou sur la diminution des préjudices esthétiques. La biopsie préalable de la lésion, bien que ses résultats doivent être acceptés avec recul et confrontés à la clinique ou aux données radiographiques, permet d’en établir le caractère bénin. Pour la majorité des auteurs, elle est d’emblée indiquée en présence d’une lésion étendue avant d’envisager un traitement parfois délabrant ou pour obtenir une certitude histologique avant abstention chirurgicale. En revanche, une lésion bien limitée, de petite taille, facilement abordable peut être ôtée en totalité, confondant ainsi les gestes diagnostique et thérapeutique. [17, 19, 30, 45] Fibrome cémento-ossifiant Il s’agit généralement d’une tumeur bien limitée, de volume modéré. Selon la majorité des auteurs, l’exérèse doit être réalisée de façon complète afin d’éviter les récidives. Cependant, le fibrome ossifiant présente fréquemment un plan de clivage entre lui-même et l’os sain, le rendant ainsi accessible à l’énucléation suivie d’un curetage de la cavité résiduelle. [17, 19] En deuxième intention, dans les lésions récidivées, on peut opter pour des énucléations successives ou une exérèse plus large avec ou sans reconstruction. L’exérèse éventuelle de l’os péritumoral doit être réalisée dans un plan sous-périosté. Ce dernier est toujours indemne de prolifération lésionnelle ; sa conservation facilite la reconstruction ultérieure par greffon osseux (iliaque ou costal). Les récidives du fibrome ossifiant sont rapportées selon des taux variables : 10 à 28 % après énucléation et moins de 5 % après exérèse. [17, 19, 68] L’évolution spontanée en est inconnue. Stomatologie
Les indications thérapeutiques du fibrome ossifiant juvénile ne sont actuellement pas planifiées du fait de sa rareté. Les récidives après chirurgie d’exérèse seraient importantes et surviendraient dans les deux premières années postopératoires. [17, 19] Dysplasie fibreuse La lésion est plus diffuse : son exérèse complète est souvent difficile et se paie au prix de séquelles parfois supérieures à celles encourues par l’évolution naturelle, bien qu’imprévisible, de la maladie. Les indications thérapeutiques sont plus nuancées que pour le fibrome ossifiant ; il faut intervenir dès lors que l’on constate des déformations faciales importantes, des poussées inflammatoires fréquemment douloureuses et itératives ou que l’on suspecte une dégénérescence sarcomateuse. L’exérèse totale avec reconstruction immédiate par greffon osseux est prônée par certains, mais rejetée par d’autres, du fait de l’évolution naturelle de la maladie qui préfère ainsi une correction des reliefs osseux par chirurgie modelante sur une dysplasie compacte et ossifiée de l’adulte (Fig. 10). [9, 15, 17, 19] Cette dernière technique expose toutefois aux récidives des déformations dans 20 à 25 % des cas durant plusieurs années ; la reprise chirurgicale est alors tout à fait possible sans aucune augmentation de l’activité de la lésion, [6, 9] ni risque de dégénérescence. [45] La surveillance simple d’une dysplasie fibreuse est aussi indiquée chez les jeunes patients afin d’attendre la fin de leur croissance et une éventuelle stabilisation du processus dysplasique, ainsi que chez l’adulte présentant une lésion stable et quiescente. Cependant, toute dysplasie fibreuse doit être surveillée régulièrement, et surtout lorsqu’elle est évolutive et polyostosique, du fait de son risque accru de dégénérescence sarcomateuse. Les complications postopératoires possibles sont communes à toutes les lésions ostéofibreuses : les accidents hémorragiques surviennent particulièrement dans les résections partielles de lésions bien vascularisées dont l’hémostase est délicate ; les accidents septiques ne sont pas rares. Sur le plan médical, les antalgiques et les anti-inflammatoires stéroïdiens peuvent être utilisés durant la période postopératoire des dysplasies fibreuses. [36] Les troubles endocriniens ou métaboliques associés relèvent également d’une thérapeutique adaptée. L’orthodontie est d’un appoint non négligeable en entourant le traitement chirurgical. Nous rappelons ici qu’il faut à présent proscrire la radiothérapie, autrefois préconisée pour tenter de stabiliser cette lésion.
Tumeurs cartilagineuses Chondrome Bénigne, cette tumeur cartilagineuse est récidivante et concerne volontiers l’articulation temporomandibulaire. De plus, évaluer leur caractère malin est parfois difficile comme l’est la discussion du potentiel évolutif du chondrome bénin vers un chondrosarcome. Autant de raisons qui expliquent la nécessité d’une exérèse chirurgicale élargie dès le premier traitement. L’évolution sarcomateuse assombrit plus encore le devenir des patients atteints d’une enchondromatose multiple ou syndrome d’Ollier. [47] Exostoses (ostéochondrome) Le traitement repose sur l’exérèse chirurgicale complète, de principe, et souvent associée à une prise en charge orthognathique pour les localisations temporomandibulaires. [47] Chondroblastomes et fibromes chondromyxoïdes L’évolution du chondroblastome est bénigne, rarement émaillée de récidives après énucléation. [26] Néanmoins, des problèmes diagnostiques peuvent parfois exister avec un chondrosarcome du fait d’une grande densité cellulaire et d’irrégularités cytologiques. [12] Le traitement chirurgical du fibrome chondromyxoïde est similaire : l’évolution est alors habituellement bénigne. Malgré
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Figure 10. Dysplasie fibreuse du maxillaire supérieure gauche : image panoramique dentaire (A), imagerie par résonance magnétique (IRM) (B) et vue latérale gauche peropératoire. La résection modelante permet une analyse anatomopathologique de la pièce et une symétrisation anatomique des contours osseux (C).
un taux important de récidives postopératoires pour les lésions squelettiques, l’évolution des localisations maxillaires est difficile à préciser en raison de la rareté des observations rapportées.
Lésions fibroblastiques Il s’agit ici de lésions plus agressives dont le traitement conservateur n’est pas recommandé. Fibrome desmoïde L’évolution en est variable. En l’absence de traitement, le fibrome desmoïde, par définition mal limité, croît rapidement et son éventuelle diffusion dans les parties molles adjacentes rend le traitement difficile. Cette mauvaise limitation est déjà soupçonnée dès la radiographie, puis confirmée lors de l’abord muqueux permettant le prélèvement biopsique indispensable. L’aspect macroscopique du fibrome desmoïde est tel que l’énucléation est techniquement impossible, ce qui justifie pleinement une résection au large de la tumeur. Les récidives observées dans 25 % des cas sont le fait des traitements conservateurs ; elles obligent à une résection complémentaire. Fibromatose La guérison n’est possible qu’au prix d’une résection chirurgicale large, la distance des limites tumorales osseuses se situe, dans un plan extrapériosté, aux dépens des parties molles.
Tumeurs et pseudotumeurs riches en cellules géantes Granulome central à cellules géantes La trépanation de la corticale osseuse conduit à une lésion charnue brun rougeâtre, consistante, non encapsulée, à la surface mamelonnée. Ces lésions, riches en cellules géantes, ont un franc caractère hémorragique.
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L’énucléation reste le traitement de choix du granulome central à cellules géantes, mais il peut être parfois difficile du fait des adhérences osseuses dans les anfractuosités de la cavité. [26, 54] Cette énucléation méthodique avec curetage du tissu osseux périlésionnel permet la guérison habituelle sans récidive ; les organes dentaires et les structures osseuses, même extrêmement amincis, doivent être préservés, permettant ainsi une restructuration favorable des maxillaires. En revanche, une tumeur vraie à cellules géantes doit être réséquée largement, en tissu osseux sain, avec ou sans rétablissement de la continuité au niveau mandibulaire par greffon. Cette attitude permet de diminuer les risques de récidives et surtout de transformation maligne de cette exceptionnelle tumeur. [54] Hormis le traitement chirurgical local commun aux granulomes, l’ostéose parathyroïdienne relève du traitement spécifique de l’hyperparathyroïdie et des troubles du métabolisme phosphocalcique qu’elle engendre. Chérubisme Après une accentuation progressive des déformations jusqu’à l’âge de 7 ans, celles-ci vont théoriquement se stabiliser à la puberté puis régresser, voire disparaître à l’âge adulte (20 à 30 ans). L’abstention thérapeutique est donc la règle dans la plupart des cas. [23, 69] Cependant, l’évolution n’est pas toujours aussi favorable et il peut être nécessaire d’intervenir, soit durant l’enfance du fait d’un retentissement esthétique et fonctionnel inacceptable, soit à l’âge adulte devant des déformations osseuses séquellaires et gênantes sur le plan esthétique. Dans la pratique, les indications du traitement chirurgical sont laissées à la libre appréciation de chaque praticien ; ce traitement ne semble pas interférer sur l’évolution naturelle de la maladie contrairement à ce qu’il a été parfois suggéré. Stomatologie
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Sur le plan chirurgical, le curetage des lésions associé au remodelage cortical semble être la technique la plus appropriée. L’intervention doit être rapidement réalisée afin de réduire la spoliation sanguine habituellement importante. L’aspect macroscopique est similaire aux lésions riches en cellules géantes. Les lésions charnues sont retirées à la curette. Ce geste finit par créer des cavités dans lesquelles une mèche iodoformée peut être transitoirement installée. Les complications de cette chirurgie ne sont pas négligeables : outre les pertes sanguines pouvant grever le pronostic vital, des anesthésies des territoires du nerf trijumeau, ainsi que des fractures osseuses iatrogènes peuvent être également observées. Les dents mobiles ou en malposition sont souvent avulsées durant l’intervention. [23, 28, 69]
Angiodysplasies et tumeurs vasculaires : autres tumeurs conjonctives Angiodysplasies vraies et tumeurs vasculaires Le traitement des angiodysplasies osseuses à fort débit a connu un réel progrès grâce à l’avènement de l’embolisation hypersélective et de l’embolisation percutanée associées ou non à la chirurgie. [22, 62] Les indications thérapeutiques sur les angiomes peuvent être difficiles à poser, et doivent tenir compte de plusieurs paramètres : âge et psychisme du patient, taille, siège, évolutivité et caractère hémodynamique de la lésion. Deux circonstances sont alors évoquées : [46, 53, 62] • dans le cadre de l’urgence : il s’agit de tarir une hémorragie abondante provenant d’une alvéole ou d’une sertissure gingivale. Un tamponnement serré avec une mèche résorbable s’impose en même temps que la prévention ou le traitement des troubles hémodynamiques. Suivront ensuite, dans les meilleurs délais, le bilan et le traitement curatif de l’angiome grâce à la radiologie vasculaire interventionnelle. Le repérage de la totalité des pédicules nourriciers se fait grâce à une angiographie par voie radiale (anciennement fémorale), chez un patient immobilisé. L’embolisation est un geste de pratique délicate, se devant d’être suffisamment efficace et de ne pas induire de nécroses cutanées et/ou muqueuses. Les particules utilisées pour l’embolisation varient selon l’habitude des praticiens, le type de la malformation : Spongel ®, Ivalon®, Isobutyl®, cyanoacrylate ou ballonnets largables, etc. La ligature artérielle de ou des principaux pédicules doit être formellement proscrite : d’une part, elle gêne considérablement les futures possibilités d’embolisation et d’autre part, elle entraîne la création de nouvelles afférences [53, 62] ; • en dehors de l’urgence : les indications restent difficiles à poser et dépendent des caractères sus-cités. Les explorations radiographiques (angiographie hypersélective, imagerie par résonance magnétique avec injection de produit de contraste) permettent de déterminer avec précision le type angioarchitectural de la lésion. Malformations à haut débit Parmi elles, les fistules artérioveineuses sont, dans la grande majorité des cas, accessibles à une thérapeutique endovasculaire, avec mise en place d’un ballonnet dans la fistule ou avec des embolisations. L’intervention chirurgicale est réservée aux formes peu accessibles par voie endovasculaire. Les malformations artérioveineuses posent des problèmes plus délicats. L’efficacité des embolisations s’épuise avec le temps, et leur répétition infructueuse doit faire envisager l’exérèse chirurgicale. Lors de cette dernière, le risque d’hémorragie massive peut être atténué par une embolisation 3 jours auparavant ainsi que par le repérage des pédicules afférents conservés sur des lacs. L’anesthésie générale avec hypotension contrôlée encadre le geste. [22, 62] Malformations vasculaires à débit normal ou lent Les angiomes veineux sont peu sensibles à l’embolisation qui, fréquemment, ne permet d’obtenir qu’une amélioration clinique temporaire. L’association à une exérèse chirurgicale est donc Stomatologie
souhaitable, lorsqu’elle est possible. L’injection in situ de substance sclérosante est également un support thérapeutique non négligeable. L’abstention thérapeutique s’adresse aux angiodysplasies non compliquées, stables et sans répercussion morphofonctionnelle importante : elle est alors impérativement associée à une surveillance clinique et radiographique étroite. Chez l’enfant, l’intervention chirurgicale est au mieux repoussée jusqu’à la fin de la croissance par des embolisations répétées, sauf élément évolutif intercurrent. Autres tumeurs conjonctives L’exceptionnel lipome est traité par exérèse simple du peloton adipeux bien limité. [2] Le schwannome bénin est facilement reconnu : aspect plein, lisse et blanc nacré. L’endoneurodissection réalisée au microscope permet une énucléation atraumatique sans curetage et une guérison définitive du patient.
Tumeurs mélanotiques neuroectodermiques (« melanotic prognoma ») Lors de son curetage, la coloration sombre de la lésion contraste avec l’os normal environnant ; une déperdition sanguine parfois importante peut compliquer l’intervention. Toutefois, la lésion est bénigne et guérit après exérèse.
Granulome éosinophile Le traitement de cette variété d’histiocytose X repose avant tout sur la chirurgie avec énucléation et curetage appuyé du pseudotissu de granulation ; les sacrifices dentaires sont fréquents et permettraient de diminuer le risque de récidive. Certaines formes se caractérisent par des localisations multiples : maxillomandibulaires, squelettiques, mais aussi pulmonaires, ganglionnaires et cutanées qui doivent être systématiquement recherchées. Les formes demeurées isolées ne récidivent pas après un traitement conservateur. Les autres formes polyostosiques et pulmonaires témoignent d’une évolutivité rapide, et peuvent bénéficier d’une corticothérapie associée à une chimiothérapie (méthotrexate, vinblastine).
Dysplasies cémento-osseuses Devant un tableau radioclinique typique de dysplasie cémentaire périapicale, si les dents sont vivantes, l’abstention thérapeutique est la règle. L’exérèse limitée d’une lésion plus douteuse permet la guérison complète. En revanche, la prise en charge des patients atteints d’une dysplasie cémento-osseuse floride est souvent délicate et délabrante, avec possibilité d’ulcérations muqueuses, voire d’ostéite.
Lésions pseudokystiques Kyste anévrismal L’évolution spontanée du kyste anévrismal est variable : lente ou bien rapide, elle se caractérise par des poussées inflammatoires itératives augmentant le volume tumoral, et exposant au risque de fractures pathologiques et de tassements osseux dans les localisations extrafaciales. Lorsqu’il est techniquement possible, le curetage de la lésion semble être le traitement des localisations maxillaires, avec un faible taux de récidives ultérieures. L’aspect peropératoire est celui d’une tumeur déformant l’os et soufflant les corticales, lesquelles sont fines, voire perforées en certains endroits. La lésion sous-jacente, parfois très hémorragique, revêt l’apparence d’un tissu brunâtre, granuleux, friable, hémorragique, similaire aux lésions centrales à cellules géantes, et circonscrit par des parois cavitaires lisses. Il est classiquement admis que le kyste anévrismal cohabite avec une tumeur avoisinante, ce qui renforce l’intérêt d’un examen anatomopathologique de l’ensemble de la pièce d’exérèse. [4, 15, 54]
Les hypothèses étiopathogéniques ainsi que les récidives plus fréquentes des localisations extrafaciales font préconiser par certains une cryochirurgie complémentaire. Les exceptionnelles transformations sarcomateuses décrites seraient consécutives à certaines lésions irradiées. La résection tumorale relativement
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élargie semble préférable au curetage en présence de lésions étendues et difficiles d’accès. La surveillance radiologique régulière est ultérieurement impérative. [49] mais la restitution d’une trame osseuse complète semble être rare. [4, 15] Kyste solitaire de l’os (traumatique, essentiel) Le diagnostic de la lésion est réalisé lors de la trépanation de la corticale externe, permettant de mettre en évidence une cavité dépourvue de revêtement membraneux, tantôt vide, tantôt remplie d’un liquide sérohémorragique, voire de caillots. Le curetage des parois, geste facultatif, recueille parfois un fin tissu fibreux ou de granulation, fort utile pour le diagnostic anatomopathologique. La trépanation de la lésion induit une restauration de la trame osseuse radiologique en 9 à 12 mois. [50] Les récidives sont exceptionnelles [32]contrairement à celles, plus fréquentes, des localisations aux membres. La rareté du kyste osseux solitaire au-delà de l’âge de 25 ans suggère l’existence de guérisons spontanées.
■ Conclusion Au terme de cette étude, la méthode conservatrice de première intention apparaît le plus souvent indiquée. Le choix entre un traitement conservateur et une résection osseuse concerne presque exclusivement les tumeurs odontogéniques kystiques. Toutefois, lorsque les conditions anatomoradiographiques l’autorisent, l’énucléation de première intention assure le diagnostic anatomopathologique et permet le plus souvent aux patients de guérir de manière simple d’une lésion pourtant réputée récidivante. À l’inverse, il serait parfaitement déraisonnable de proposer un traitement radical sur un kyste dentigère anormalement extensif et malencontreusement non suspecté.
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B. Ruhin, Chirurgien maxillofacial et stomatologue, praticien hospitalier ([email protected]). F. Guilbert, Ancien professeur des Universités, praticien hospitalier, ancien chef de service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale. J.-C. Bertrand, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef du service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale. Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47–83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ruhin B, Guilbert F, Bertrand J-C. Traitement des kystes, tumeurs et pseudotumeurs bénignes des maxillaires. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-062-K-10, 2005.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-062-E-10
22-062-E-10
Tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu H Bénateau L Verneuil D Labbé A Dompmartin JF Compère
Résumé. – Les tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu sont fréquentes et polymorphes. La carcinogenèse cutanée fait intervenir divers facteurs tels les radiations ultraviolettes, les virus, les oncogènes, les gènes suppresseurs de tumeurs et les phénomènes d’apoptose. La sémiologie clinique, variée et parfois trompeuse, impose un examen anatomopathologique, seule certitude diagnostique. Les tumeurs sont regroupées en tumeurs de l’épiderme, tumeurs annexielles et tumeurs de la pigmentation cutanée ; il a paru légitime de traiter séparément les tumeurs de l’immunodéprimé du fait de leur fréquence croissante et de leur spécificité. Parmi les tumeurs épidermiques observées à l’extrémité céphalique, seules les plus fréquentes sont détaillées. Les moyens d’investigation, les modalités de prise en charge et les différentes solutions thérapeutiques sont abordées en fonction de la pathologie tumorale. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : tumeur, épidermique, face, cou.
Introduction Les tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu sont fréquentes et polymorphes. La distinction clinique entre bénignité et malignité n’est pas toujours évidente et le recours à l’examen anatomopathologique est systématique. Le caractère bénin d’une tumeur est défini par une prolifération unicellulaire localisée, avec un degré d’autonomie de contrôle de croissance et de différenciation normale. Le caractère malin in situ est attribué à un agrégat de cellules morphologiquement malignes, mais incapables de franchir la membrane basale. Quant au caractère malin invasif, il témoigne de la capacité à métastaser. Les tumeurs épithéliales bénignes touchent la peau plus souvent que la muqueuse buccale [22] ; leur exérèse ne pose pas de problème. Les cancers cutanés sont les plus fréquents des cancers. Le terme de carcinome se substitue de nos jours à celui d’épithélioma autrefois utilisé pour désigner les tumeurs malignes d’origine épithéliale. Il en existe plusieurs variétés chez l’homme de peau blanche ; le carcinome basocellulaire est non seulement le plus fréquent des cancers cutanés, mais aussi le plus fréquent de tous les cancers. Il représente de 15 à 20 % des cancers en France. Le carcinome spinocellulaire, lui, arrive en deuxième position avec de 20 à 30 % des cancers cutanés [25]. Le mélanome malin est de loin le plus grave et touche une population jeune. Sa fréquence est en constante augmentation.
L’exérèse chirurgicale, qu’elle soit de première intention ou appliquée aux récidives, est le traitement majeur des cancers cutanés.
Carcinogenèse cutanée RADIATIONS ULTRAVIOLETTES
Le soleil intervient dans la carcinogenèse des carcinomes et des mélanomes, ce qui explique leur localisation préférentielle à la tête et au cou. Le risque est lié à la quantité d’ultraviolets (UV) reçue (notamment d’UVB) et dépend du type cutané (phénotype cutané clair) [1]. Si, classiquement, les carcinomes s’observent après expositions solaires répétées et prolongées, ce qui explique leur propension pour les régions habituellement découvertes (visage, dos des mains) et pour les personnes travaillant en extérieur, le mélanome malin, en revanche, apparaît plus volontiers dans les suites d’antécédents parfois lointains (dans l’enfance) de « coups de soleil » sur des zones habituellement protégées (jambes). Les radiations UV induisent, parmi d’autres, des altérations structurales et fonctionnelles des cellules de Langerhans, qui constituent des cellules présentatrices d’antigènes dans l’épiderme, d’où une diminution de la fonctionnalité du système immunitaire épidermique. VIRUS
Hervé Bénateau : Chef de clinique-assistant. Daniel Labbé : Praticien hospitalier. Anne Dompmartin : Praticien hospitalier. Jean-François Compère : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de stomatologie et chirurgie maxillofaciale. Laurence Verneuil : Chef de clinique-assistant, service de dermatologie, hôpital Clemenceau. Centre hospitalier universitaire de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France.
Deux groupes de virus sont particulièrement impliqués dans la carcinogenèse cutanée : les rétrovirus et les papillomavirus. Pour ces derniers, les protéines E6 et E7e inhibent respectivement les protéines p53 et Rb, impliquées dans le cycle cellulaire et la réparation des altérations de l’acide désoxyribonucléique (ADN). Elles entraînent une immortalisation cellulaire et un risque de transformation maligne.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bénateau H, Verneuil L, Labbé D, Dompmartin A et Compère JF. Tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-062-E-10, 2002, 12 p.
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Tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu
ONCOGÈNES ET GÈNES SUPPRESSEURS DE TUMEURS
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La p53, considérée comme le « gardien du génome » intervient dans la réparation des altérations de l’ADN. Des mutations du gène, induites par les UV, ont été trouvées dans des carcinomes spinocellulaires. En revanche, les mutations de l’oncogène Ras sont rares dans les cancers cutanés, à l’exception du mélanome. APOPTOSE
Il s’agit d’un mécanisme de mort cellulaire programmée dont le dysfonctionnement est impliqué dans la carcinogenèse. En pathologie cutanée, il semble surtout intervenir dans les carcinomes basocellulaires.
Tableau I. – Critères retenus pour l’indication d’un examen histologique extemporané (d’après Spatz [28]). 1° Critères macroscopiques - Localisations à risque élevé de récidive : sillon nasolabial, canthus interne, philtrum, régions périauriculaires et lignes de fusion embryonnaire en général - Localisation où l’économie de peau est nécessaire pour des raisons fonctionnelles ou esthétiques 2° Critères histologiques - D’agressivité (neurotropisme, profondeur d’infiltration...) - Nature histologique (voir tableau V) 3° Critères liés au terrain - Exérèse en zone brûlée ou irradiée, sur cicatrice ancienne - Immunodéficience - Nécessité de diminuer le risque de réintervention
Anatomopathologie Aussi étroite et indispensable que puisse être la confrontation anatomoclinique, seule l’anatomopathologie affirme le diagnostic et permet d’adapter le traitement. Pour étayer son diagnostic, l’anatomopathologiste s’appuie sur : – les renseignements cliniques (âge, antécédents personnels et familiaux, siège, taille, évolutivité de la lésion) ; – l’aspect macroscopique de la tumeur (caractère bourgeonnant, ulcéré ou infiltrant, adhérence aux plans profonds) ; – le matériel fourni, qui doit l’être en quantité suffisante et répondre à des critères qualitatifs. BIOPSIE
La biopsie répond à des impératifs : prélèvement chirurgical et délicat évitant d’écraser les tissus avec les instruments, d’autant plus large et profond que la tumeur est volumineuse, réalisé en périphérie de la lésion, en délaissant les zones nécrotiques ou trop inflammatoires. Il est recommandé de multiplier les prélèvements, surtout si l’aspect de la lésion est hétérogène. En cas de tumeur de petites dimensions, une exérèse d’emblée à visée diagnostique peut se substituer à la biopsie. ANALYSE DE LA PIÈCE D’EXÉRÈSE
Elle s’effectue sur une pièce opératoire soigneusement orientée. Des fils de suture de longueurs différentes suffisent pour orienter les lésions simples. Les lésions plus complexes sont épinglées sur un schéma reposant sur un liège ou une mousse. En cas de doute sur l’intégrité d’une des limites d’exérèse de la pièce, l’anatomopathologiste en est informé.
– Examen microscopique extemporané : il s’adresse aux tumeurs cutanées malignes. Le tableau I réunit les critères pris en compte pour demander cet examen. Celui-ci est réalisé en cours d’intervention pour juger de l’intégrité des limites de l’exérèse et n’est indiqué que si son résultat influe directement sur la suite de l’intervention [3]. Sa durée varie de 15 à 45 minutes selon la taille de la tumeur et le nombre de coupes. Le matériel, orienté et limites repérées, est acheminé non fixé (pièce fraîche) au laboratoire d’anatomopathologie où il est congelé, coupé au microtome en tranches de 5 µm, puis examiné avec des colorations rapides. L’étude peut se faire soit sur des coupes verticales menées parallèlement aux limites de résection (la limite profonde étant appréciée de la même manière sur des coupes verticales), soit sur des coupes menées horizontalement, selon la technique de Mohs qui permettrait une meilleure appréciation de la limite profonde, mais dont la mise en œuvre est beaucoup plus lourde [28]. La qualité de l’analyse sur des coupes congelées est inférieure à celle effectuée en technique standard. Elle ne permet pas toujours d’avoir un diagnostic formel, ni d’assurer la qualité de l’exérèse chirurgicale. De plus, la technique de coupe en congélation altère le prélèvement et peut compromettre l’analyse ultérieure en technique standard.
Pathologie tumorale Les tableaux rappellent la multitude des tumeurs épidermiques rencontrées à la tête et au cou. Seules les principales tumeurs sont détaillées ici. PATHOLOGIE DES ANNEXES DE L’ÉPIDERME (tableau II)
TECHNIQUES ANATOMOPATHOLOGIQUES
– Examen en technique standard (en microscopie optique) : le prélèvement est acheminé au laboratoire dans du liquide fixateur type formol, puis il est inclus en paraffine. – Examen en miscroscopie électronique : il est rarement effectué en routine à visée diagnostique. Il peut être utile dans des tumeurs rares comme l’histiocytose. – Examen immunohistochimique : il permet la détection de molécules antigéniques sur coupes tissulaires à l’aide d’anticorps spécifiques. Son utilisation en pathologie tumorale repose sur le fait que les cellules néoplasiques maintiennent l’expression des antigènes de différenciation de la cellule parentale normale. Une perspective intéressante des immunomarquages concerne la possibilité de prédire l’agressivité biologique d’une tumeur ; cela repose sur l’étude de marqueurs de prolifération (Mib1/Ki67, proliferation cell nuclear antigen) ou d’oncoprotéine impliquées dans le contrôle du cycle cellulaire (p53), ou dans la transformation maligne (Ras, Myc...). 2
¶ Tumeurs bénignes Tumeurs sudorales Elles sont rares. Généralement bien encapsulées, leur exérèse est facile et le diagnostic histologique. Tumeurs pilaires et sébacées
• Kyste sébacé Présent dans les régions séborrhéiques du visage (notamment en rétro-auriculaire), de consistance molle ou élastique, la tuméfaction est centrée par un pertuis parfois noirci d’où s’échappe sous la pression un sébum crémeux, jaunâtre, à l’odeur âcre. Quand il siège au cuir chevelu (fig 1), le kyste est appelé loupe ou kyste tricholemmal. Certains de ces kystes peuvent être extrêmement proliférants et donner le change non seulement cliniquement, mais aussi histologiquement, pour un carcinome épidermoïde [31].
Tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu
Stomatologie
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Tableau II. – Tumeurs annexielles.
Rhinophyma : pseudotumorale.
forme
Tumeurs bénignes Tumeurs sudorales Tumeurs sudorales eccrines - syringome - cylindrome - hydradénome nodulaire - hydrocystome Tumeurs sudorales apocrines - hamartome apocrine - cystadénome apocrine - syringocystadénome papillifère Tumeurs pilaires et sébacées Tumeurs du follicule sébacé - hamartome pilaire - trichofolliculome Tumeurs de l’épithélium infundibulaire - infundibulome - porome folliculaire - fibrofolliculome - kyste épidermoïde Tumeurs du segment tricholemmal isthmique - tricholemmome - kyste pilaire - tumeur du scalp Tumeurs de la matrice pilaire - pilomatrixome Tumeurs indifférenciées pilaires - trichoépithéliome - hamartome basocellulaire - tumeur lymphoépithéliale Tumeurs de la glande sébacée - kyste sébacé - tumeur de Jadassohn - grains de Fordyce - hyperplasie adénomateuse - adénome sébacé
3
Hamartome sébacé de Jadassohn.
Tumeurs malignes Tumeurs sudorales Tumeurs sudorales eccrines - carcinome sudoral ductal - carcinome sudoral desmoplastique Tumeurs sudorales apocrines Tumeurs pilaires et sébacées Carcinome annexiel pilaire Carcinome sébacé
• Kyste épidermoïde ou épithélial infundibulaire Il siège le plus souvent au cuir chevelu, à la face, au cou et au dos. Il s’agit de grains de milium (petits kystes épidermoïdes blancs, de 2 cm de diamètre au plus), des kystes de l’acné juvénile, ainsi que des kystes d’inclusion post-traumatique. Le traitement est l’exérèse chirurgicale. Le kyste dermoïde constitue une forme particulière de kyste épidermoïde. Il correspond à une inclusion épithéliale dysembryoplasique dans un site de fente embryonnaire. Les localisations principales sont la face (avec une prédominance à la région périorbitaire et notamment au sourcil) et le cou. Il peut également être de siège endobuccal. Rond ou ovalaire, de consistance ferme, ce kyste est le plus souvent présent dès la naissance puis évolue lentement. Son diagnostic est évoqué cliniquement en cas de localisation classique. Histologiquement, il a la particularité de pouvoir contenir des annexes cutanées (poils, glandes eccrines et apocrines) et des fibres musculaires lisses. La dégénérescence maligne est exceptionnelle. Le traitement est chirurgical et il n’y a pas de récidive si l’exérèse est complète. Il peut faire partie exceptionnellement du syndrome de Gardner et il est alors, en général, multiple.
• Tumeur (hamartome sébacé) de Jadassohn ou hamartome 1
verrucosébacé Loupe du cuir chevelu.
• Rhinophyma Si, à un stade évolué, le rhinophyma revêt un aspect pseudotumoral (fig 2), il s’agit en réalité d’une pathologie fonctionnelle résultant d’un développement excessif des glandes sébacées. Son traitement au stade évolué est chirurgical : décortication ou, pour certains, dermabrasion [13].
Cette tumeur associe des anomalies de l’épiderme, de l’appareil pilosébacé et des glandes apocrines. Elle est souvent congénitale et siège au cuir chevelu dans 70 % des cas, à la face dans 25 % des cas. Elle se présente à la naissance ou pendant l’enfance sous forme d’une plaque rosée ou jaunâtre, discrètement surélevée, entraînant une alopécie en cas de localisation sur le scalp (fig 3). À partir de la puberté, sa surface devient souvent mamelonnée, verruqueuse ou comédonienne. À l’âge adulte, la dégénérescence dans 5 à 7 % des 3
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Tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu
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Tableau III. – Tumeurs épidermiques.
Verrue vulgaire plane.
Tumeurs bénignes Kératose séborrhéique Tumeur épidermique d’origine virale - verrue vulgaire - tumeur liée au virus de l’immunodéficience humaine Acanthome dyskératosique Tumeurs précancéreuses Kératose actinique ou solaire Corne épithéliale Kératose arsenicale Kératose radio-induite Kératose des goudrons Tumeurs malignes Carcinome Carcinome Carcinome Carcinome
intraépidermique ou in situ basocellulaire métatypique spinocellulaire
4
Kératose séborrhéique.
6 cas en carcinome basocellulaire justifie son exérèse préventive. Cette tumeur peut enfin être la manifestation cutanée du syndrome de Schimmelpfenning-Feuerstein-Mims qui associe, en outre, retard mental, épilepsie et malformations osseuses.
¶ Tumeurs malignes Carcinome sudoral
Kératose actinique.
l’enfant et l’adolescent, son incidence diminue avec l’âge. Souvent multiples, les verrues peuvent prendre sur la face les formes suivantes : – planes (fig 5), de coloration brun, jaune, d’un diamètre de 2 à 4 mm ; elles touchent aussi souvent les mains ; – filiformes, en relief, longues et étroites, localisées souvent aux paupières, aux lèvres et au cou ;
¶ Tumeurs bénignes
– pédiculées, sur le scalp ou sur les zones pileuses. Le traitement varie selon l’âge du patient, l’étendue des lésions et la durée d’évolution, en se rappelant toujours que l’évolution peut être spontanément résolutive. Les traitements proposés sont nombreux : cryothérapie (azote liquide, neige carbonique), lasers au gaz carbonique ou à l’argon, application locale de préparations kératolytiques verrucides (cantharidine, acide trichloracétique à 30 %, emplâtre à l’acide salicylique à 40 %) ou exérèse chirurgicale.
Kératose séborrhéique
• Tumeurs liées au virus de l’immunodéficience humaine (cf infra)
C’est une lésion bénigne de l’épiderme avec inclusion de constituants dermiques de taille variable, allant du jaune pâle au brun foncé. Progressivement, elle devient exophytique et de couleur plus foncée, voire franchement noire. À la phase d’état, elle forme une excroissance de 5 à 20 mm qui se recouvre d’un enduit squamokératosique gras (fig 4). Parfois, la tumeur est pédiculée sur la peau et sa surface devient irrégulière. L’évolution est chronique et bénigne. La dégénérescence est exceptionnelle. L’histologie n’est demandée qu’en cas de doute diagnostique. Le traitement est médical dans les formes mineures avec applications d’acide trichloracétique. Dans les autres cas peuvent être proposées une cryothérapie, une électrocoagulation ou une exérèse chirurgicale.
¶ Tumeurs précancéreuses
Il est de pronostic défavorable, surtout sous sa forme ductale (50 % de mortalité) [25]. Carcinomes pilaires et sébacés PATHOLOGIE ÉPIDERMIQUE (tableau III)
Tumeurs épidermiques d’origine virale
• Verrue vulgaire C’est une tumeur épithéliale bénigne, contagieuse, due à un papillomavirus (human papilloma virus [hPV]). Plus fréquente chez 4
Kératose actinique ou solaire Comme son nom l’indique, il s’agit d’une lésion cutanée hyperkératosique liée à l’exposition solaire. Elle s’observe avant tout chez le sujet âgé, de phénotype cutané clair, et sur les zones découvertes, la face, les mains. Les lésions sont souvent multiples. Initialement apparaît une macule érythémateuse, de surface irrégulière. L’hyperkératinisation (fig 6) produit des squames qui occasionnent un léger saignement si elles sont arrachées. La base de la lésion reste souple et, s’il existe une infiltration, une dégénérescence maligne en carcinome épidermoïde est fortement suspectée, ce qui s’observe dans 13 % des cas [10, 26]. Cliniquement, la lésion évoque aussi un carcinome in situ, ce qui renforce la nécessité d’un diagnostic histologique. Ce n’est qu’après avoir formellement éliminé une dégénérescence qu’un traitement médicamenteux par rétinoïde peut être proposé. Sinon, la sanction est chirurgicale.
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Corne cutanée.
8 Corne historique dégénérée à sa base.
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Carcinome basocellulaire. Forme perlée typique.
10
Carcinome basocellulaire du canthus interne.
Corne épithéliale Considérée comme une forme clinique de kératose solaire, il s’agit d’une prolifération exophytique de kératine, de forme variable, mais souvent conique, de couleur blanche ou jaune au début, fonçant avec le temps (fig 7). La taille pourrait atteindre plusieurs centimètres si on laissait l’évolution se faire spontanément. Il s’agit d’authentiques lésions précancéreuses [26] qu’il faut biopsier à leur base pour éliminer un carcinome spinocellulaire (fig 8). Histologiquement coexistent des aspects d’hyperkératose et de parakératose. Le traitement est l’exérèse chirurgicale.
¶ Tumeurs malignes Carcinome intraépidermique
L’évolution d’un carcinome basocellulaire est lente, mais inéluctable, avec envahissement progressif des structures voisines, exerçant une malignité essentiellement locale. Les métastases, y compris ganglionnaires, sont exceptionnelles. La surveillance postopératoire d’un basocellulaire est trimestrielle la première année, puis semestrielle les deuxième et troisième années. En cas de carcinome basocellulaire récidivé, ulcéré ou sclérodermiforme, la surveillance est prolongée au rythme d’une consultation annuelle à vie. Le taux moyen de récidive des basocellulaires après exérèse chirurgicale à limites saines est de 5 %. Différentes formes cliniques sont décrites :
Autrement appelé maladie de Bowen, ou carcinome in situ, ou carcinome intraépithélial, la tumeur maligne n’a pas franchi la membrane basale et reste donc intraépidermique. N’étant pas en contact avec les vaisseaux du derme, il n’y a pas de risque de métastase. Le vermillon des lèvres est la localisation préférentielle. Un tabagisme avéré est très fréquemment retrouvé. La lésion est blanchâtre et érythémateuse, souvent associée à des lésions d’hyperkératose punctiforme avec, une fois sur deux, une ulcération. Il est impossible cliniquement de distinguer un carcinome in situ d’un carcinome micro-invasif dont les cellules tumorales ont déjà franchi la membrane basale. Le diagnostic est histologique et le traitement chirurgical sans récidive si l’exérèse est complète.
– carcinome à bordure perlée, forme la plus fréquente, réalisant une plaque arrondie, qui augmente progressivement de taille avec, à la périphérie, un aspect perlé très caractéristique (fig 10) ;
Carcinome basocellulaire
– carcinome nodulaire dont l’extension se fait essentiellement en profondeur et qui, de ce fait, autorise une exérèse avec des marges de sécurité plus étroites ;
C’est le plus fréquent des cancers cutanés. L’exposition au soleil et le phototype clair sont des facteurs de risque. Au début, le carcinome basocellulaire se présente classiquement sous la forme d’une perle ou d’un petit mamelon, de taille millimétrique, plus ou moins translucide et bien limité (fig 9). Sa surface lisse est parfois parcourue de télangiectasies. Le traitement est le plus souvent une exérèse chirurgicale respectant une marge de sécurité de 3 mm. Une histologie extemporanée est préconisée en cas de reconstruction immédiate. La cryothérapie, la radiothérapie et le traitement médical (5-fluorouracil) sont des alternatives sur certaines formes de basocellulaire.
– carcinome ulcéré et ulcéro-infiltrant envoyant des extensions latérales et en profondeur, souvent plus étendues que ne le laisse penser la lésion clinique ; la tumeur peut envahir les tissus mous sous-jacents, les cartilages, l’os ; la marge de sécurité préconisée pour l’exérèse est de 1 cm ; – carcinome pagetoïde réalisant un placard érythémateux infiltré ; cette forme est rare au visage ; – carcinome pigmenté faisant penser à un mélanome ;
– carcinome sclérodermiforme, fréquent en région centrofaciale (80 % des cas) ; cette forme est caractérisée par ses limites mal définies nécessitant des marges d’exérèse plus importantes que pour la forme classique ; elle représente à elle seule 2 % des cancers cutanés ; cliniquement, l’impression de cicatrice banale à limites floues, plane, d’aspect blanc jaunâtre ou cireux, peut être faussement rassurante. La lésion est parfois parcourue de télangiectasies. Son aspect rétracté ou celui de ses berges est très évocateur de carcinome basocellulaire sclérodermiforme. Histologiquement, la tumeur, dite en iceberg, est 5
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Dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand.
12 plus étendue en profondeur qu’en superficie. L’infiltration dermique se fait par des cordons cellulaires qui diffusent dans les trois plans de l’espace. L’examen extemporané est considéré comme peu fiable sur ces lésions sclérodermiformes. C’est pourquoi il est d’usage soit d’attendre le résultat anatomopathologique classique avant de procéder à la reconstruction, soit de réaliser une greffe de peau mince d’attente. Seule la localisation palpébrale, en cas de problème de couverture du globe oculaire, justifie, pour éviter les complications cornéennes, une reconstruction immédiate après examen extemporané. Le traitement est l’exérèse chirurgicale avec marges de sécurité latéralement d’autant plus grandes que la tumeur est volumineuse (5 mm de marge pour une tumeur de 10 mm, et 10 mm de marge pour une tumeur de 15 mm). En profondeur, la sécurité impose de passer au moins dans le tissu graisseux. Le principal diagnostic différentiel du carcinome basocellulaire sclérodermiforme est le dermatofibrome de Darier-Ferrand (dermatofibrosarcome protubérant) [24]. Cette tumeur bénigne, rare, concerne l’adulte jeune entre 20 et 40 ans, avec une légère prédominance masculine. Elle se développe dans le derme et l’hypoderme sous la forme d’une plaque érythémateuse, plus ou moins indurée, aux limites mal cernées. Après plusieurs années, cette plaque tumorale devient bosselée, voire plurinodulaire (fig 11). L’évolution locale se fait sur un type malin ; c’est pourquoi le dermatofibrome de Darier-Ferrand est parfois considéré comme un fibrosarcome vrai, de faible grade de malignité. Il n’y a pas d’adénopathie satellite. Toutefois, un risque de dégénérescence sarcomateuse avec possibilité de métastases, surtout pulmonaires, apparaît à la suite de récidives locales itératives. Sur le plan anatomopathologique, le diagnostic peut être difficile avec l’histiocytofibrome bénin. La positivité au marqueur CD4 est en faveur du Darier-Ferrand. Le traitement est l’exérèse chirurgicale avec de très importantes marges de sécurité : latéralement, 5 cm de la lésion vue ou palpée et, en profondeur, l’exérèse emporte la dernière barrière anatomique (type aponévrose) saine. Carcinome basoépidermoïde Encore nommé carcinome basosquameux ou métalypique, il proviendrait le plus souvent de la greffe d’un carcinome spinocellulaire sur un carcinome basocellulaire qui joue alors le rôle de lésion préexistante. Une autre théorie, controversée, évoque la possible transformation du baso- en spinocellulaire. Une évolution plus longue, des récidives et des métastases après traitement plus fréquentes (fig 12, 13) distinguent ces carcinomes métatypiques des carcinomes baso- et spinocellulaires [14]. Carcinome spinocellulaire La face représente la localisation la plus fréquente [29]. L’homme est deux fois plus atteint que la femme. Le plus souvent, le carcinome se développe sur une lésion précancéreuse ou un cancer in situ sous la forme d’un nodule 6
Carcinome métatypique.
13
Carcinome métatypique. Tomodensitométrie : envahissement intraorbitaire du patient de la figure 12.
14
Carcinome spinocellulaire.
érythémateux, plus ou moins ulcéré en son centre, ferme à la palpation, aux limites souvent imprécises, recouvert d’une croûte qui saigne facilement au contact (fig 14, 15, 16). De nombreuses étiologies ont été évoquées et décrites dans la carcinogenèse de cette tumeur : – l’exposition solaire et d’autres facteurs qui lui sont liés, comme le phénotype cutané du patient, l’habitude vestimentaire, le type de profession et la vie en altitude notamment [22] ; – certains agents toxiques comme l’arsenic [30] ; – l’exposition aux rayons X ; – l’existence de tissu cutané cicatriciel, de brûlure ou d’ulcération chronique ;
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Kératoacantome.
La surveillance postopératoire est trimestrielle la première année, semestrielle les deuxième et troisième années, puis annuelle à vie. D’autres procédés, utilisés isolément ou plus souvent de manière combinée, font partie de l’arsenal thérapeutique :
15
Carcinome spinocellulaire.
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Carcinome spinocellulaire.
– le rôle de certains virus [22]. L’évolution locale se fait inéluctablement à la fois en profondeur et en surface, avec une prédilection particulière pour l’extension le long des filets nerveux [6]. La recherche d’une adénopathie satellite est systématique. La dissémination métastatique se fait par voie hématogène avec pour cible, par ordre de fréquence décroissante, les poumons, le foie, les os (surtout vertèbre, sternum, crâne) et le cerveau. La biopsie ou l’exérèse-biopsie permet le diagnostic de carcinome spinocellullaire. L’histologie renseigne sur le degré de différenciation : kératinisant, non kératinisant, anaplasique ou indifférencié. Le traitement du carcinome spinocellulaire est l’exérèse chirurgicale avec une marge classiquement admise de 5 mm. Cette marge est repoussée à 10 mm pour les spinocellulaires classés à risque sur les critères suivants : – type roux à peau claire ; – notion de récidive ou de lésions préexistantes (brûlures, ulcération chronique, kératose actinique, Bowen) ;
– la radiothérapie externe ou, pour les petites tumeurs labiales, la curiethérapie [32] ; – la chimiothérapie, soit en traitement d’induction, soit associée à la radiothérapie, soit aussi en traitement palliatif ; – l’immunothérapie, peu courante dans ces indications. Un diagnostic différentiel du carcinome spinocellulaire quasiment impossible à établir sur le plan histologique est le kératoacanthome (fig 17). En revanche, la clinique permet d’orienter : une apparition rapide, en un peu plus de 1 mois, une lésion centrée par un cratère rempli de kératine, une évolution possible vers la régression spontanée complète, laissant toutefois une cicatrice déprimée, plaident en faveur du kératoacanthome. En cas d’exérèse chirurgicale, il n’y a pas de récidive si l’exérèse est complète. Dans les récidives après chirurgie de kératoacanthome de grande taille existent des alternatives thérapeutiques : chimiothérapie locale par 5-fluorouracil, rétinoïdes (1 mg/kg/j) ou radiothérapie dans les formes ulcéreuses ou extensives. Le xeroderma pigmentosum est une forme clinique particulière et rare (prévalence de 1/250 000). Affection génétique à transmission autosomique récessive, elle est liée à une hypersensibilité élective aux UV, due à un déficit congénital enzymatique de réparation de l’ADN après atteinte des brins d’ADN par les rayons UV. La maladie est ubiquitaire et il n’y a pas de prédilection de sexe ou de race. La maladie associe des manifestations cutanées neurologiques (microcéphalie, retard mental, ataxie) et endocriniennes (retard du développement sexuel). Elle débute dès l’enfance, avant l’âge de 2 ans ; l’enfant est souvent adressé pour intolérance au soleil, car il présente photophobie et même, en cas d’exposition solaire brève, conjonctivites et érythèmes cutanés importants [ 2 2 ] . Puis se développent des éphélides, des macules brunes sur les régions les plus exposées et notamment la face avec une prédilection pour la région périorbitaire (fig 18), ce qui explique la fréquence des ectropions et entropions palpébraux responsables du faciès caractéristique de ces sujets. L’évolution passe par différents stades dont l’ultime est le stade néoplasique marqué par l’apparition de carcinomes essentiellement spinocellulaires, plus rarement basocellulaires, et des mélanomes (fig 19). Le traitement est avant tout préventif en supprimant les expositions solaires. Le traitement des tumeurs est chirurgical autant que possible et au prix de fréquentes et lourdes mutilations. Bien souvent, il n’empêche pas l’évolution mortelle.
– localisation à risque : région auriculaire ou labiale, ou zone de fusion des bourgeons embryonnaires ;
PATHOLOGIE DE LA PIGMENTATION CUTANÉE (tableau IV)
– épaisseur supérieure à 4 mm en profondeur car le risque de métastase est alors significativement supérieur ; – extension superficielle supérieure à 20 mm ;
¶ Nævus
– carcinome spinocellulaire indifférencié ou infiltration nerveuse à l’histologie.
Le terme nævus désigne toute hyperplasie circonscrite bénigne de mélanocytes dans la peau (fig 20). Les nævi sont importants à 7
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Xeroderma pigmentosum chez une fillette.
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Nævus pigmenté.
Nævus congénital géant.
¶ Mélanome
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Xeroderma pigmentosum dégénéré.
Tableau IV. – Tumeurs pigmentaires cutanées. Mélanome Nævus Principaux nævi nævocellulaires (susceptibles de dégénérer en mélanome) - lentigo simplex (« grain de beauté ») - lentigo sénile - nævus congénital - nævus tubéreux - nævus pigmenté - nævus bleu - nævus de Spitz - nævus desmoplastique - halonævus de Sutton - ostéonævus de Nanta Principaux nævi non nævocellulaires (sans risque de dégénerescence en mélanome) - nævus verruqueux - nævus sébacé - nævus basocellulaire (syndrome de Gorlin)
connaître car certains sont susceptibles de dégénérer en mélanome. C’est ainsi qu’un nævus congénital de grande taille (plus de 3 cm) (fig 21), qu’un nævus atypique (asymétrique, bord irrégulier, couleur inhomogène), ou qu’un nævus récemment modifié et siégeant dans une zone exposée à un traumatisme répétitif (joues et menton lors du rasage, cou irrité par le col de chemise) [25] sont autant de nævi à potentiel dégénératif justifiant leur exérèse [5]. 8
Le mélanome est la tumeur cutanée dont le pronostic vital est le plus défavorable. Sa fréquence actuelle (de 9 à 10/100 000 par an) double tous les 10 ans et augmente plus vite que pour tout autre cancer [2]. Le sex-ratio est de 1/1,5. L’âge moyen de survenue est 50 ans, mais le mélanome malin n’épargne cependant pas l’enfant chez qui il prend souvent un aspect nodulaire, et n’est pas toujours secondaire à un nævus congénital ou à un nævus dysplasique. Des antécédents familiaux de nævus dysplasique ou de mélanome malin sont habituels [12]. Deux types de facteurs de risque sont reconnus : – les facteurs constitutionnels : la race blanche est 12 fois plus atteinte que la race noire, et notamment les sujets roux ou blonds très sensibles aux coups de soleil ; des formes familiales s’observent et devant des antécédents de mélanome dans la parenté de premier degré, le risque est multiplié par deux ou trois ; des antécédents personnels de mélanome augmentent 1,2 à 8,5 fois le risque d’apparition d’un deuxième mélanome ; enfin, deux formes de nævus peuvent évoluer vers le mélanome : le nævus acquis dysplasique et le nævus congénital géant (de 2 à 30 % de dégénérescence, apparaissant une fois sur deux avant l’âge de 10 ans) ; 5 % des mélanomes malins proviennent de nævi congénitaux ; si ces derniers ont un diamètre inférieur à 1 cm, ils peuvent être surveillés, mais au-delà de 1 cm, leur exérèse est conseillée ; – les facteurs exogènes : ce sont, plus que l’exposition solaire chronique, des antécédents de coups de soleil, notamment dans l’enfance, et les traitements par psoralènes. Quatre formes anatomocliniques sont individualisées : – le mélanome superficiel extensif (de 60 à 70 % des mélanomes) apparaît essentiellement sur nævus préexistant (fig 22) ; son extension se fait de manière radiaire pendant 1 à 7 ans, suivie d’une extension verticale relativement rapide ; – le mélanome nodulaire (de 15 à 30 % des mélanomes), de coloration noir bleuté, présente une évolution d’emblée verticale ;
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Mélanome superficiel extensif.
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Maladie de Kaposi (syndrome immunodéficitaire acquis). Localisation nasale évocatrice.
et 3 cm de marge quand l’indice de Breslow est supérieur à 2,1 mm ; l’exérèse en profondeur emporte toute la graisse sous-cutanée jusqu’au fascia qui est respecté ;
23
Mélanose de Dubreuilh dégénérée.
– le mélanome lentigineux (de 4 à 10 %) correspond à la mélanose de Dubreuilh avec une localisation élective à la face chez le sujet de plus de 60 ans (fig 23) ; il s’agit d’une forme à extension horizontale très lente, se faisant sur 10 à 20 ans ; – le mélanome acral lentigineux (5 %) est localisé essentiellement à la plante des pieds. Les métastases, qu’elles soient ganglionnaires locorégionales ou à distance (poumons, cerveau, foie et os) grèvent le pronostic de manière redoutable. En revanche, le traitement précoce du mélanome de petite épaisseur est voué à la guérison. Devant un mélanome suspecté, la démarche est, sans retard, d’affirmer le diagnostic et d’évaluer l’indice de Breslow. Cet indice mesure, en histopathologie standard, l’épaisseur maximale de la tumeur, de la surface de la couche granuleuse à la cellule tumorale la plus profonde. Pour cela, on procède à une exérèse complète au bistouri à lame froide, avec des marges à 2 mm, allant jusqu’à inclure l’hypoderme. La fermeture est faite par simple rapprochement, sans décollement des berges ni lambeaux. La pièce est étudiée en histologie standard, il n’y a donc pas d’examen extemporané demandé sur les tumeurs mélanocytaires. L’indice de Breslow, étroitement corrélé à la survenue de la première métastase et à la probabilité de décès [2], est le meilleur indicateur pronostique et de sa valeur découlent les modalités thérapeutiques. Les propositions faites à la suite de la Conférence de consensus de Paris (Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale) [2] du 30 mars 1995 s’inspirent elles-mêmes des recommandations de la Conférence internationale de consensus de Venise de 1993 : – bilan préthérapeutique : l’examen clinique est le seul standard recommandé avec la radiographie pulmonaire ; échographie abdominale, scanner et imagerie par résonance magnétique (IRM) ne sont demandés qu’en cas de signe d’appel ; – exérèse ; latéralement, les marges dépendent de l’indice de Breslow avec 1 cm de marge pour les indices de Breslow inférieurs à 1 mm, 2 cm de marge pour les indices de Breslow, de 1,1 à 2 mm
– surveillance ; seule la surveillance clinique est imposée ; pour les mélanomes in situ, la surveillance est semestrielle pendant 2 ans puis annuelle pendant 5 ans ; pour les mélanomes avec indice de Breslow inférieur ou égal à 1,5 mm, elle est semestrielle pendant 10 ans, puis annuelle à vie ; enfin, pour les mélanomes à indice de Breslow supérieur à 1,5 mm, elle est trimestrielle pendant 5 ans, puis semestrielle les 5 ans suivants, puis annuelle à vie. Si l’exérèse chirurgicale est le traitement de choix, les autres moyens thérapeutiques tels la chimiothérapie, la radiothérapie (en traitement palliatif des métastases non chirurgicales) et les traitements adjuvants (interféron a, vaccinothérapie avec cellules tumorales, interleukine 2...) sont réservés aux stades métastatiques. PATHOLOGIE DE L’IMMUNODÉPRIMÉ
¶ Patient greffé Une augmentation de l’incidence des tumeurs malignes cutanées (et génitales), en particulier en rapport avec les papillomavirus, est reconnue chez l’immunodéprimé. Shamanin et al [27] rapportent des séquences d’hPV (surtout les sérotypes hPV 5 et 8), dans 60 % des carcinomes baso- et spinocellulaires de greffés rénaux, contre 30 % chez les immunocompétents. La fréquence de tumeurs bénignes viro-induites, comme les verrues vulgaires, est également plus élevée ; il en est de même pour le mélanome. Les radiations UV sont donc fortement déconseillées chez ces sujets [27].
¶ Patient porteur du virus de l’immunodéficience humaine – Le sarcome de Kaposi, dans ses atteintes cutanées faciales, siège sur la pointe du nez et les oreilles (fig 24). Il se présente initialement sous forme d’une macule érythémateuse ne s’effaçant pas à la vitropression, devenant progressivement violacée et infiltrante (fig 25). Des atteintes muqueuses et viscérales sont souvent associées. Le sarcome de Kaposi n’est pas l’apanage du syndrome immunodéficitaire acquis ; il s’observe aussi chez certains greffés rénaux. – Des infections opportunistes comme la cryptococcose peuvent prendre un aspect tumoral, donnant des aspects de nodules ulcérés (fig 26), de molluscum contagiosum. – Des lésions virales (verrues, condylomes, molluscum contagiosum), très fréquentes et souvent multiples, prennent volontiers un aspect hypertrophique. 9
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Tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu 25
Maladie de Kaposi (syndrome immunodéficitaire acquis).
26
Cryptococcose (syndrome immunodéficitaire acquis).
Stomatologie
extension ; ainsi la tomodensitométrie (TDM) est utile dans les tumeurs volumineuses pour juger de l’extension aux structures sous-jacentes comme l’os ; l’IRM, du fait d’un meilleur contraste spontané des tissus et d’une meilleure résolution spatiale que le scanner, est l’examen le plus contributif ; néanmoins, elle trouve ses limites sur la face, surtout dans l’évaluation de tumeurs de petite taille (moins de 2 cm) du fait, d’une part de la spécificité de l’antenne (2 cm de diamètre) et de sa difficulté d’adaptation aux reliefs déprimés (sillon nasogénien, région canthale interne) et, d’autre part, de sa durée (près de 1 heure) qui ne peut empêcher les artefacts dus aux mouvements respiratoires, de déglutition ou oculopalpébraux ; l’échographie doppler haute fréquence permet la mesure préopératoire précise des tumeurs (mélanome, basocellulaire) conduisant à une exérèse d’emblée suffisante, en même temps qu’une évaluation de la néovascularisation tumorale, facteur pronostique du risque métastatique [15] ; IRM et échographie doppler ne sont toutefois pas encore de pratique courante ; – évaluer son extension à distance par la recherche de métastases ganglionnaires au moyen de la TDM ; actuellement se développent, pour les mélanomes et pour les carcinomes spinocellulaires infiltrants, des études d’identification du ganglion sentinelle par lymphoscintigraphie isotopique avec des résultats qui ne permettent pas pour l’instant d’appliquer cette pratique en routine [17]. La recherche de métastases à distance concerne surtout le poumon (radiographie pulmonaire, voire TDM) ; – évaluer le pronostic sur la nature et les critères histologiques de la tumeur, la notion de récidive ou de traitements antérieurs, la présence de métastases, l’existence d’une immunodéficience ; – évaluer les possibilités opératoires : – sur le plan général, âge physiologique, état général, comorbidités et traitements en cours... ; – sur les modalités chirurgicales : exérèse raisonnable, possibilité de réhabilitation chirurgicale ou prothétique en fonction de l’étendue et de l’infiltration tumorale, du tissu irradié ; – informer le patient du génie évolutif de la tumeur, des options thérapeutiques, de leurs avantages, de leurs inconvénients, de leurs complications éventuelles, et recueillir son consentement « éclairé » sur le choix du traitement.
– Le prurigo s’observe aussi sous une forme pseudotumorale. – Comme tout sujet immunodéprimé, le patient séropositif pour le virus de l’immunodéficience humaine est davantage exposé aux carcinomes baso- et spinocellulaires et aux mélanomes, et bénéficie d’une surveillance cutanée attentive.
Traitement des tumeurs épidermiques Le traitement des tumeurs cutanées de la face n’offre en principe pas de difficulté en cas de bénignité, hormis pour les volumineuses lésions ou dans certaines localisations. En revanche, on se trouve, en cas de malignité, confronté à la nécessité de satisfaire simultanément deux objectifs : un bon résultat carcinologique et un bon résultat esthétique, le second ne devant toutefois pas prendre le pas sur le premier. Si la chirurgie est le traitement de choix, d’autres moyens, radiothérapiques ou dermatologiques, ont néanmoins leur place. ÉVALUATION ET PRISE EN CHARGE PRÉTHÉRAPEUTIQUES D’UNE TUMEUR CANCÉREUSE
Quelle que soit la tumeur, elle ne peut échapper à la démarche suivante : – affirmer sa nature maligne histologiquement par une biopsie ou, si la tumeur est de petites dimensions, une exérèse-biopsie ; – évaluer son extension locale, taille et profondeur, pour déterminer les possibilités thérapeutiques et guider l’exérèse tumorale ; les examens d’imagerie parviennent de mieux en mieux à cerner cette 10
CHIRURGIE
¶ Exérèse tumorale Toute ablation tumorale maligne ne doit être guidée que par les impératifs carcinologiques ; les éventuelles difficultés de réparation des pertes de substance n’ont pas à interférer dans les modalités et la conduite de l’exérèse. Ces mêmes impératifs carcinologiques peuvent imposer de traiter les aires ganglionnaires parotidiennes et cervicales. Si, pour le traitement des cancers cutanés, certaines équipes [21] prônent de dissocier les deux temps d’exérèse et de réparation pour avoir un diagnostic histologique d’extension tumorale précis, la plupart pratiquent la chirurgie réparatrice en même temps que l’exérèse, sous couvert impérativement d’un examen anatomopathologique extemporané au cours duquel toutes les limites latérales et profondes de la pièce opératoire correctement orientée sont étudiées (tableau V). Cette conduite à tenir, consommatrice de temps puisqu’elle neutralise l’intervention tout le temps de l’examen extemporané, n’est envisageable que dans des structures adaptées (proximité du laboratoire d’anatomopathologie et moyens de communication en temps réel). Ses indications [19, 22] sont rapportées dans l’encadré qui suit.
¶ Procédés chirurgicaux de reconstruction Ils vont du plus simple au plus complexe [4, technique prend en compte trois objectifs :
. Le choix de la
8, 11, 18, 23]
– sur le site receveur, obtenir les résultats fonctionnels et esthétiques les meilleurs ;
Stomatologie
Tumeurs épidermiques de la région cervicofaciale et du cuir chevelu
Tableau V. – Indications d’un examen extemporané des limites de résection tumorale selon le type histologique (d’après Spatz [28]). Indications principales - Carcinomes basocellulaires (sclérodermiformes surtout) - Plus rarement : carcinomes annexiels sclérosants microkystiques, carcinomes adénoïdes kystiques, adénocarcinomes eccrines, carcinomes sébacés Indications secondaires - Dermatosarcome protuberans (immunohistochimie avec CD34) - Sarcomes vasculaires, schwannomes, léiomyosarcomes Indication discutées -
Carcinomes épidermoïdes invasifs Carcinomes épidermoïdes in situ Mélanose de Dubreuilh Tumeurs de Merkel
Indications d’un examen histologique extemporané peropératoire • Cancers récidivés • Cancers agressifs évoluant rapidement, avec atteinte osseuse ou cartilagineuse • Cancers mal limités ou multiples • Cancers de dimension supérieure à 2 cm • Cancers sur terrain irradié ou sur brûlure • Cancers développés dans des zones présentant un risque particulier d’extension sur le plan carcinologique (périoste, plan du lifting sous-musculaire, nerfs, vaisseaux) • Cancers concernant des zones où l’exérèse doit être la plus limitée possible du fait des conséquences esthétiques (pointe du nez, paupières, aile narinaire). – sur le site donneur, entraîner une morbidité minimale ; – accomplir le geste opératoire le plus simple possible. Fermeture primaire La fermeture primaire reste la solution la plus simple pour des tumeurs inférieures à 3 cm de diamètre. Elle est particulièrement indiquée au front, à la joue et aux lèvres où elle est possible, chez le sujet âgé, après une amputation transfixiante de lèvre de moins de la moitié de la longueur labiale. La suture doit, chaque fois que possible, être orientée parallèlement aux lignes de tension de la face. Cicatrisation dite « dirigée » Après une phase de bourgeonnement favorisée par l’application de corps gras, l’épithélialisation est obtenue grâce à des pansements aux corticoïdes. Le résultat peut être excellent pour de petites lésions et dans certaines localisations préférentielles (pointe du nez, région canthale interne) à distance des orifices naturels et à condition d’un sous-sol correctement vascularisé. L’évolution, cependant, tend à se faire vers une cicatrice blanche, déprimée, avec un risque de distorsion liée à la rétraction cicatricielle, s’avérant particulièrement gênante aux paupières et sur les ailes narinaires où cette technique doit être évitée. Greffe de peau totale Elle est préférée à la greffe de peau mince sur le visage du fait de sa texture et de sa couleur bien meilleure. Le greffon est maintenu en périphérie par des points séparés, des agrafes ou un surjet passé. Sa zone centrale est plaquée au sous-sol par des points de capitons ou par un bourdonnet. Le site donneur idéal est la région rétroauriculaire chez le sujet jeune, sinon le creux sus-claviculaire chez le sujet plus âgé. Cette greffe est particulièrement adaptée aux pertes de substance sans manque des tissus profonds sous-cutanés et présente l’avantage en carcinologie de ne pas mobiliser le tissu sain de voisinage [8].
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Lambeaux locaux Ils sont très nombreux et leur diversité permet de traiter l’immense majorité des tumeurs cutanées de la face et du cou. Ils ont en commun et comme principal avantage de reconstruire le manque tissulaire par un apport local de peau de couleur et de texture de mêmes qualités. Citons les plus connus et les plus usités : – le lambeau en LLL de Dufourmentel, adapté pour les pertes de substance jugale et de la tempe ; – le lambeau en H, qui trouve ses meilleures indications au front et au sourcil ; – les lambeaux glabellaires ou frontaux qui s’appliquent aux pertes de substances de la région canthale interne dépassant 2 cm de diamètre ; – les lambeaux hétérolabiaux d’Abbé-Eslander qui permettent de reconstruire une lèvre amputée au plus de la moitié de sa longueur par l’autre lèvre [9] ; pour des reconstructions plus étendues, il est fait appel à d’autres lambeaux locaux type Karapandzic, Gillies, Webster, ou Camille Bernard. Greffe composée chondrocutanée Elle est prélevée sur l’hélix et trouve ses indications dans la reconstruction de l’oreille controlatérale et celle de l’aile narinaire. Lambeaux régionaux et transplants microanastomosés Ils ne s’adressent qu’à des lésions évoluées qui n’ont pu être traitées qu’au prix d’un sacrifice tissulaire large. Expansion tissulaire Le délai nécessaire à l’obtention du gain de peau ne permet pas, en carcinologie, son utilisation de première intention, mais secondairement, pour le temps de reconstruction où les indications peuvent être variables et nombreuses selon les écoles. En revanche, l’expansion peut être utile pour l’exérèse de nævi géants congénitaux, notamment ceux du scalp [4].
¶ Réhabilitation prothétique C’est une alternative à la chirurgie reconstructrice après amputation ou exérèse étendue [7, 20]. Les avantages de ce choix sont la faible morbidité du geste, et surtout la facilité de surveillance carcinologique dite à « ciel ouvert ». Il peut aussi s’envisager provisoirement comme solution d’attente avant une reconstruction chirurgicale. La possibilité pour les épithèses d’être implantoportées a considérablement amélioré leur stabilité et a réactualisé ce procédé prothétique. AUTRES MOYENS THÉRAPEUTIQUES
¶ Radiothérapie des carcinomes cutanés
[32]
Elle trouve ses indications soit dans les contre-indications chirurgicales, soit en complément de la chirurgie. Elle est classiquement proscrite dans les carcinomes de la nævomatose basocellulaire et dans les carcinomes de type ulcéreux.
¶ Cryothérapie à l’azote liquide Elle offre un intérêt pour les carcinomes basocellulaires superficiels centrofaciaux, notamment en cas de localisation multiple du sujet âgé. Son inconvénient est de ne pas permettre un contrôle histologique. Les carcinomes basocellulaires sclérodermiformes ou spinocellulaires constituent des contre-indications formelles.
¶ Chimiothérapie de type adjuvant ou palliatif Elle a peu d’indications. 11
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Stomatologie
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Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires A. Brygo, X. Leroy, J.-M. Maes, J. Ferri Les tumeurs non odontogènes bénignes représentent un peu plus de 13 % de l’ensemble des lésions des maxillaires. On distingue les kystes des tumeurs. Les kystes sont divisés en pseudokystes et en kystes épithéliaux. Les tumeurs ont été divisées selon leur origine (osseuse, cartilagineuse, fibreuse, vasculaire, lipomateuse, nerveuse, lymphoïde, musculaire, tératome) et leur spécificité maxillaire (cémento-ossifiant, riches en cellules géantes, histiocytose). Leur diagnostic nécessite une confrontation des données cliniques, radiologiques et anatomopathologiques, qui permettra un traitement adapté. À l’avenir, le développement des immunomarquages permettra encore d’affiner le diagnostic, voire d’établir un pronostic (récidive...). © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Tumeur non odontogène bénigne ; Kyste non odontogène ; Maxillaire ; Mandibule
Plan ¶ Introduction
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¶ Kystes et pseudokystes non odontogènes Pseudokystes et lacunes osseuses Kystes épithéliaux non odontogènes
1 1 3
¶ Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes des maxillaires 4 Tumeurs osseuses 4 Tumeurs cartilagineuses 5 Fibrome cémento-ossifiant (fibrome cémentifiant, fibrome ossifiant) 5 Tumeurs fibreuses 6 Tumeurs vasculaires 7 Tumeurs lipomateuses 7 Tumeurs nerveuses 7 Tumeurs lymphoïdes 8 Tumeurs et pseudotumeurs riches en cellules géantes 8 Tumeurs musculaires 9 Tumeurs salivaires 10 Tératomes 10 Histiocytose X (histiocytose langerhansienne, maladies à cellules de Langerhans) 10 ¶ Conclusion
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de dents au niveau des maxillaires qui fait leur plus grande singularité par rapport aux autres os de la face, et c’est la présence de ces dents qui est à l’origine de la plupart des pathologies des maxillaires). Mais le maxillaire est bien sûr formé d’os (d’origine membraneuse) et est donc soumis à toute autre pathologie touchant les os « longs ». Nous distinguons tout d’abord les kystes non odontogènes des maxillaires, puis les tumeurs non odontogènes bénignes en les distinguant selon leur origine (osseuse, cartilagineuse, ....).
■ Kystes et pseudokystes non odontogènes Ces lésions sont bien plus rares que les pathologies kystiques d’origine odontogène. Leurs découvertes sont souvent fortuites et radiologiques. On distingue d’une part les pseudokystes et lacunes osseuses, des kystes épithéliaux non odontogènes.
Pseudokystes et lacunes osseuses Ces pathologies bénignes sont rares, et souvent plus fréquentes au niveau de la mandibule.
Kyste osseux anévrismal
■ Introduction Différents auteurs ont proposé leurs classifications [1-8] (Batsakis 1979, Chuong 1985, Dahlin 1986, Huvos 1979, Kragh 1970, Lucas 1984, Schajowicz 1981, Standish 1970). Il a été proposé des classifications cliniques en différenciant les lésions kystiques (creuses), des lésions tumorales (pleines). Il est possible aussi de proposer des classifications radiologiques en différenciant les lésions claires des lésions opaques, ostéolytiques et ostéocondensantes. Actuellement, la classification basée sur les données de l’histopathogenèse et de produits de différenciation cellulaire prédomine, mais en général, elles s’associent à d’autres critères. Nous proposons une classification distinguant tout d’abord l’origine de la lésion, non odontogène ici (car c’est la présence Stomatologie
C’est une lésion bénigne, habituellement solitaire, caractérisée par une cavité intraosseuse uni- ou pluriloculaire au contenu hématique [9] (le terme anévrismal a été utilisé pour évoquer l’aspect soufflé des lésions). Le kyste anévrismal représente 1 à 4 % des tumeurs et dystrophies osseuses bénignes. Il touche surtout des patients jeunes (80 % ont moins de 20 ans). L’atteinte maxillaire est rare (2 % des localisations squelettiques), et dans ce cas touche préférentiellement la mandibule dans sa région angulaire et corporelle. Le kyste anévrismal est également caractérisé par son association avec une autre tumeur ou dystrophie osseuse bénigne dans un tiers des cas : dysplasie fibreuse, fibrome cémento-ossifiant, granulome réparateur à cellules géantes.... Cliniquement, les signes, rares, sont dominés par une tuméfaction osseuse indolore, d’évolution lente. Il n’y a pas d’altération neurologique périphérique et la vitalité dentaire n’est pas
1
22-062-H-10 ¶ Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires
Figure 1.
Kyste essentiel de l’angle mandibulaire droit.
altérée [10]. Radiologiquement [11], les images sont variables. Elles réalisent le plus souvent des images multiloculaires d’ostéolyse, bien circonscrites et bordées d’un liseré fin d’ostéocondensation. La résorption radiculaire dentaire est occasionnelle. Histologiquement [12], la tumeur est formée d’espaces caverneux remplis de sang, et est limitée par des cellules aplaties en forme de fuseau. Ces cavités siègent au sein d’un tissu conjonctif cellulaire au sein duquel sont observées de nombreuses cellules géantes multinucléées, de l’hémosidérine (trace de foyers hémorragiques) et de fines trabécules de tissu ostéoïde. L’évolution est bénigne, mais peut être lente ou bien rapide, en évoluant par poussées. D’exceptionnelles transformations malignes ont été décrites [13]. Le traitement de choix est le curetage, mais celui-ci est parfois très hémorragique.
Kyste osseux solitaire (kyste traumatique, kyste hémorragique, lacune essentielle, kyste osseux simple) C’est un kyste intraosseux délimité par un tissu conjonctif ténu, sans épithélium. Un lien a été suspecté entre un traumatisme et la survenue de ce kyste. L’hémorragie causée par ce kyste serait ensuite résorbée pour laisser persister une cavité [14]. L’incidence est très faible (2 % de tous les kystes solitaires se trouvent dans les maxillaires). Les lésions se trouvent le plus fréquemment dans la partie dentée de la mandibule, chez des sujets âgés de 10 à 20 ans. Les localisations au maxillaire supérieur sont observées dans un tiers des cas. Cliniquement, l’affection est muette, découverte lors d’un bilan radiologique de routine. Rarement, ce kyste peut s’infecter : un gonflement douloureux permet un bilan radiologique qui met en évidence la lésion. Cette image est alors caractérisée par une ostéolyse bien circonscrite par une très fine ligne bordante [15] (Fig. 1). À l’examen histologique, le revêtement du kyste est constitué, lorsqu’il est présent, d’une membrane conjonctive très fine et fragile. Parfois, il s’agit de tissu friable et hémorragique, mais jamais de tissu épithélial. Le contenu cavitaire est soit inexistant, soit hémorragique, soit séreux, voire sérohémorragique. Le traitement est chirurgical : la trépanation corticale suffit à stimuler la régénération osseuse (réorganisation osseuse du caillot sanguin formé), et permet de vérifier l’absence de contenu cavitaire. Il n’y a pas de récidive.
“
Point important
Le diagnostic du kyste osseux solitaire est fait, en général en peropératoire : on retrouve une cavité vide, sans membrane sur les parois. Le traitement est la trépanation osseuse simple.
Lacune de Stafne Ne rentrant pas directement dans le groupe des kystes et pseudokystes, la lacune de Stafne est à connaître car elle peut
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Figure 2. Orthopantomogramme d’une lacune de Stafne de l’angle mandibulaire gauche.
constituer un piège diagnostique, pouvant conduire à une exploration chirurgicale avec les risques qui l’accompagnent. Il s’agit d’une lacune radioclaire à localisation mandibulaire typique. Cette lacune osseuse serait attribuée à la pression exercée par le développement de glandes salivaires (sousmaxillaire ou sublinguale) [16] ou plus rarement de structures fibreuses, lymphoïdes, musculaires, vasculaires ou encore adipeuses, sur la corticale osseuse linguale de la mandibule. L’usage routinier de la radiographie panoramique permet de la découvrir chez 0,1 à 0,3 % des sujets, plus souvent chez l’homme que chez la femme. Plus souvent également du côté droit, les localisations bilatérales étant exceptionnelles (Fig. 2). Cliniquement, l’affection est toujours asymptomatique. Les signes radiologiques sont caractéristiques et permettent de poser facilement le diagnostic : lacune radiotransparente de forme arrondie ou ovalaire, située juste en avant de l’angle mandibulaire, toujours sous le canal mandibulaire [17]. Parfois, il n’y a qu’une encoche semi-ovale le long du bord basilaire. Plus rarement, la localisation est plus antérieure. Cette lacune atteint 1 à 3 cm de grand axe, parallèle au bord basilaire de la mandibule. Elle est très bien limitée par une zone d’ostéocondensation, surtout dans ses limites antéro-inférieures. On peut réaliser une sialographie sous-maxillaire pour éventuellement mettre en évidence une inclusion de parenchyme salivaire au sein de la lacune sur différentes incidences radiologiques (Fig. 3). L’évolution est bénigne. Il n’y a pas lieu d’instaurer un traitement. L’exploration chirurgicale peut être utile dans certaines localisations atypiques.
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Point important
La lacune de Stafne est à connaître. Son diagnostic est radiologique (TDM) et permet d’éviter une exploration chirurgicale inutile.
Pseudotumeur de l’hémophile L’hémorragie post-traumatique chez un patient hémophile peut donner lieu à une accumulation de sang intraosseuse. Ces lésions se présentent sous forme d’une ostéolyse arrondie avec un liseré d’ostéocondensation périphérique [18]. En cas d’hémorragie sous-périostée, une réaction périostée proliférative Stomatologie
Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires ¶ 22-062-H-10
Figure 3.
Lacune de Stafne vue au scanner, coupe coronale.
peut faire évoquer un processus tumoral. Ceci peut survenir dans 1 à 2 % des formes graves d’hémophilie, plutôt au niveau du fémur, du bassin et du tibia, plus rarement au niveau maxillaire.
Kyste cilié du maxillaire Ce kyste survient dans la région du maxillaire supérieur après intervention chirurgicale sur le sinus maxillaire. Il se développerait à partir de l’épithélium sinusien amené iatrogéniquement au niveau de l’os maxillaire. Cette affection est observée principalement chez les Japonais [19] . Les patients ont en moyenne 40 ans, et ont tous subi une intervention chirurgicale sur le sinus maxillaire. Cliniquement, le kyste apparaît comme une formation tumorale vestibulaire supérieure douloureuse et molle à la palpation, la lésion pouvant être extériorisée à la peau. Les signes radiologiques retrouvent une ostéolyse d’allure kystique, uni-, ou multiloculaire, bien limitée par une zone d’ostéocondensation. La lésion est le plus souvent de petite taille et distincte de la cavité antrale. Histologiquement, le kyste est bordé par un épithélium de type respiratoire (cubique). À d’autres endroits, l’épithélium est de type pavimenteux, non kératinisé ou cuboïdal. On ne retrouve jamais de glandes séromucineuses. L’exérèse chirurgicale est curative.
Kystes épithéliaux non odontogènes Ces kystes sont toujours bordés d’un épithélium non odontogène. Cet épithélium proviendrait de cellules épithéliales séquestrées lors du développement des bourgeons maxillofaciaux. Tous ces kystes sont rares et ne représentent que 5 % des kystes maxillaires. Leur étiologie explique leur localisation particulière, leur diagnostic différentiel est à réaliser avec les kystes odontogènes.
Kyste nasopalatin (kyste du canal incisif) Ce kyste dériverait des vestiges de l’épithélium du canal incisif ou nasopalatin qui fait communiquer, chez le fœtus, les cavités nasales et buccales. Il contient des branches des artères palatines descendantes et sphénopalatines, des nerfs nasopalatins et des restes du canal nasopalatin embryonnaire. Au cours de la première année de vie, en principe, ces éléments épithéliaux disparaissent. S’ils persistent, ils peuvent être à l’origine de formations kystiques, voire de fistules. Des microkystes nasopalatins ont pu être retrouvés chez un tiers des adultes. Pour certains, il s’agirait d’un reste non involué de l’organe de Stomatologie
Jacobson qui normalement disparaît complètement avant la naissance chez l’homme (et qui est présent chez les mammifères). L’incidence est faible, mais c’est le kyste le plus fréquent des kystes non odontogènes. Sa découverte est faite chez une patiente âgée d’une soixantaine d’année. Cliniquement latent (et donc de découverte fortuite), il peut s’infecter, se manifestant par des douleurs et par une tuméfaction rétro-incisive supérieure, voire par une fistulisation [20, 21]. La vitalité des incisives est toujours conservée. Le diagnostic est radiologique et anatomopathologique. Le bilan radiologique met en évidence une zone radiotransparente située entre les incisives centrales supérieures, pouvant être responsable d’une divergence des racines, avec une lamina dura toujours conservée. Sur les clichés en incidence occlusale, on peut retrouver l’image typique en « cœur de carte à jouer », ronde ou ovoïde. Un liseré d’ostéocondensation en périphérie n’est retrouvé qu’une fois sur deux [22]. On différencie le kyste nasopalatin de l’image radioclaire de la fossette incisive (dont le diamètre est inférieur à 10 mm, qui n’est pas aussi bien délimité, et dont la localisation est plus caudale). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) semble apporter des images spécifiques du kyste nasopalatin [23]. Histologiquement, le kyste est tapissé d’un épithélium malpighien dans sa portion buccale du canal, et d’un revêtement épithélial pseudostratifié cilié de type respiratoire dans la portion nasale du canal. Le traitement est chirurgical, avec respect des apex des incisives centrales. Si le kyste a une taille inférieure à 10 mm, on peut simplement le surveiller. Le kyste de la papille palatine est une variante du kyste nasopalatin, strictement localisé dans les tissus mous de la papille palatine, et donc sans répercussion radiologique.
Kyste nasolabial (kyste nasoalvéolaire, kyste mucoïde du nez, kyste du seuil narinaire) Plusieurs hypothèses étiopathogéniques ont été proposées. Il proviendrait d’inclusions épithéliales à la jonction des bourgeons maxillaires et nasaux, ou d’un trouble du développement du canal lacrymonasal [22]. Ce kyste est plus fréquent chez les femmes de race noire. Sa découverte survenant entre 40 et 50 ans. La symptomatologie clinique est composée d’une tuméfaction de la base d’implantation de l’aile narinaire et du vestibule buccal antéro-inférieur. La tumeur évolue lentement et présente une consistance molle ou fluctuante. Elle reste toujours mobile par rapport au plan osseux. Le kyste ne devient douloureux qu’en cas d’infection. Il n’y a pas classiquement de signes radiologiques. Mais des clichés en incidence occlusale peuvent mettre en évidence une concavité vers l’extérieur de la ligne osseuse de la partie antérieure du maxillaire, au-dessus de l’os alvéolaire, par érosion corticale [24]. Histologiquement, la paroi du kyste est formée d’un épithélium malpighien ou cylindrique pseudostratifié. Des cellules ciliées ou mucosécrétantes peuvent également être retrouvées. Le traitement consiste à en réaliser l’exérèse par voie endobuccale vestibulaire supérieure, sans crainte de récidive [25].
Kyste globulomaxillaire, kyste palatin médian, kyste mandibulaire médian, kyste alvéolaire médian Ces kystes ont été regroupés car se trouvant dans la zone de fusion embryologique des processus maxillaires, prémaxillaires, ou mandibulaires [22]. Le kyste globulomaxillaire, en forme de « poire renversée » est situé entre les racines de l’incisive latérale et de la canine supérieure. Les kystes médians sont situés sur la ligne médiane, soit alvéolaire, soit palatine, soit mandibulaire. La symptomatologie clinique est presque inexistante, la tuméfaction indolore étant le mode de révélation le plus fréquent. L’image radiologique est celle d’une radioclarté bien limitée [26].
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22-062-H-10 ¶ Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires
Le diagnostic est toujours histologique, car la distinction clinique et radiologique avec un kyste d’origine odontogène est quasiment impossible à réaliser. Le traitement est chirurgical.
■ Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes des maxillaires Elles constituent un groupe polymorphe de lésions. La grande majorité sont communes au reste du squelette. Différentes classifications ont été proposées par différents auteurs. Par souci de clarté, nous proposons une classification basée sur les données de l’histopathogenèse et de produits de différenciation cellulaire. La symptomatologie clinique n’étant en général que très peu contributive (permettant de suspecter la malignité ou non d’une tumeur), ce sont les critères radiologiques et surtout anatomopathologiques qui permettront de poser le diagnostic final.
Tumeurs osseuses
Figure 5. Ostéome de la corticale externe mandibulaire droite vu sur une coupe horizontale scanographique.
Peu fréquentes, elles sont le plus souvent malignes au niveau des maxillaires. Les exostoses, torus palatins et mandibulaires ne sont pas traités ici car d’origine génétique.
Ostéome (Fig. 4, 5) Il résulte de la prolifération d’os compact ou trabéculaire au sein d’un os membraneux [27]. Cette tumeur peut se développer de manière centrale (centro-osseux) ou sous-périostée. C’est une lésion propre au massif facial, touchant préférentiellement la femme après 40 ans au niveau de la mandibule [28]. La symptomatologie clinique est très pauvre, se résumant à la tuméfaction et à ses conséquences locales. L’image radiologique met en évidence une lésion radio-opaque soit centro-osseuse, soit appendue au contour osseux par une base de taille variable. L’analyse histologique permet de différencier l’ostéome spongieux (formé de lamelles osseuses limitant entre elles des lacunes médullaires larges), de l’ostéome compact (travées d’os lamellaire haversien) (Fig. 6). Cette lésion bénigne peut être enlevée chirurgicalement [29]. La présence de plusieurs ostéomes doit faire évoquer un syndrome de Gardner [30] associant : • polypose adénomateuse colique avec dégénérescence maligne très fréquente ; • kystes épidermiques multiples ; • fibromes abdominaux ; • ostéomes multiples (classiquement l’angle mandibulaire) s’accompagnant d’inclusions dentaires et d’odontomes.
Figure 4. Ostéome de la corticale externe de la branche montante droite.
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Figure 6. Coupe histologique montrant un massif d’os compact haversien (HES x 100).
Ostéoblastome et ostéome ostéoïde Ces deux tumeurs ont les mêmes caractéristiques anatomopathologiques, mais se distinguent cliniquement et radiologiquement. Elles touchent préférentiellement l’homme jeune (< 30 ans) en général au niveau des os longs et des vertèbres. L’ostéoblastome est beaucoup plus rare que l’ostéome ostéoïde et on le classe en trois variétés : cortical, spongieux et périosté [31]. Sa principale distinction par rapport à l’ostéome ostéoïde est sa taille supérieure à 1 cm. Cliniquement asymptomatique, il est parfois responsable de déplacements dentaires. Le bilan radiologique met en évidence une géode centrale, bien limitée par une zone ostéocondensée et ponctuée de zones variablement calcifiées [32]. L’anatomopathologie met en évidence une prolifération d’ostéoblastes sans atypies cytonucléaires au sein d’un stroma très vascularisé, des ostéoclastes dont le nombre est inférieur aux ostéoblastes et de la substance ostéoïde. L’évolution bénigne nécessite un traitement chirurgical, la radiothérapie est contre-indiquée. L’ostéome ostéoïde, trois fois plus fréquent, se distingue cliniquement par les typiques douleurs nocturnes calmées par les salicylés. Radiologiquement, il présente un noyau ou « nidus » inférieur à 1 cm. Le traitement est semblable. On a pu observer des régressions spontanées [33]. Stomatologie
Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires ¶ 22-062-H-10
Desmo-ostéoblastome (fibrome ostéoïde, fibrome psammo-ostéoïde) Touchant avec prédilection les jeunes et les enfants, ses localisations préférentielles sont le maxillaire et la région périorbitaire [34]. La tumeur apparaît sous forme d’une tuméfaction dure, fixée à la corticale osseuse et indolore cliniquement et sous forme d’une ostéolyse bien limitée d’un liseré d’ostéocondensation et soufflant les corticales. L’histologie met en évidence une prolifération d’ostéoblastes et de fibroblastes. Le traitement chirurgical est entaché de récidives fréquentes. Les tumeurs malignes sont représentées par les ostéosarcomes et les sarcomes d’Ewing.
Tumeurs cartilagineuses Ne sont traitées ici que les tumeurs des maxillaires en excluant les tumeurs articulaires provenant de l’articulation temporomandibulaire. L’origine de ces tumeurs est discutée ; reliquats cartilagineux enclavés durant l’embryogenèse (cartilage de Meckel), structures chondroïdes néoformées [35]. Les tumeurs malignes sont deux fois plus fréquentes que les tumeurs bénignes, mais leur possibilité d’association dans la même lésion rend le diagnostic histologique difficile.
Chondrome (enchondrome) Il est appelé enchondrome s’il se développe dans la cavité médullaire et chondrome juxtacortical quand il est juxtacortical. Tumeur exceptionnelle au niveau des maxillaires, elle est bénigne et touche préférentiellement l’homme de 50, 60 ans au niveau de la région antérieure du maxillaire supérieur. Au niveau clinique, elle est révélée par une tuméfaction indolore [36] . Une ostéolyse diffuse sans ostéocondensation périphérique est en général retrouvée au bilan radiologique. L’histologie met en évidence des cellules chondrocytaires, chacune contenue dans une logette au sein d’une matrice cartilagineuse. Le traitement chirurgical repose sur l’exérèse qui doit être complète (sous peine de récidives), mais conservatrice [37]. L’enchondromatose multiple est caractérisée par une multitude d’enchondromes intraosseux pouvant exceptionnellement toucher la mandibule avec un important risque de dégénérescence maligne. Si des angiomes s’y associent, on parle alors de syndrome de Maffuci.
Exostoses (ostéochondrome) Tumeur bénigne exceptionnellement rencontrée au niveau du coroné ou du condyle, exceptionnellement au niveau de la symphyse [38]. Elle se manifeste par une tuméfaction entraînant des troubles fonctionnels. Le bilan radio montre une hypertrophie des structures osseuses [39]. La tumeur est formée de tissus cartilagineux qui s’ossifient de manière centrifuge.
Chondroblastome Tumeur bénigne retrouvée exceptionnellement au niveau du condyle mandibulaire chez l’homme jeune (avant 25 ans) [40]. Elle se manifeste radiologiquement par une tuméfaction et par une ostéolyse mal circonscrite parfois parsemée de calcifications [41]. Histologiquement, il y a une prolifération chondroblastique mêlée à des cellules géantes ostéoclastiques dans une trame conjonctive de type chondroïde parsemée de petites calcifications. Le traitement chirurgical doit être complet sous peine de récidives. Exceptionnelle dégénérescence [42].
Fibrome chondromyxoïde Tumeur bénigne siégeant dans la métaphyse des os longs. Au niveau maxillaire, elle touche quasi exclusivement la mandibule. Elle touche préférentiellement la femme de 20 ans [43]. Stomatologie
Figure 7. Fibrome cémento-ossifiant de l’angle et de la branche horizontale droite responsable d’une importante déformation mandibulaire.
Elle se manifeste cliniquement par une tuméfaction douloureuse, et radiologiquement par une radioclarté lobulée, bien circonscrite, entourée d’une zone d’ostéosclérose [44]. L’anatomopathologie retrouve des lobules de cellules fusiformes ou étoilées, enchâssées dans une substance chondroïde ou myxoïde, jouxtant des cellules géantes et des plages fibreuses. Le traitement est chirurgical avec risques de récidives s’il n’est pas curatif d’emblée [45]. La forme maligne est représentée par le chondrosarcome.
Fibrome cémento-ossifiant (fibrome cémentifiant, fibrome ossifiant) Le fibrome ossifiant et le fibrome cémentifiant représentent une seule et unique entité tumorale selon l’OMS [46], ayant pour origine les cellules desmodontales du ligament alvéolodentaire. Le fibrome cémento-ossifiant est une néoplasie constituée de tissu fibreux contenant en quantités variables du matériel minéralisé ressemblant à de l’os et/ou du cément. Le fibrome cémento-ossifiant affecte essentiellement les maxillaires, et surtout la mandibule dans le secteur prémolaire [47]. Cette lésion, observée entre l’âge de 20 et 30 ans, est caractérisée par une tuméfaction d’évolution lente du secteur osseux intéressé. Elle s’accompagne de déplacements dentaires, voire plus rarement de rhizalyse. Le bilan radiologique objective une image bien circonscrite de tonalité variable selon la proportion de tissu osseux dont elle se compose [48] (Fig. 7). Le fibrome ossifiant présente une image radiotransparente au stade précoce. Puis de fines opacités viennent consteller le centre de l’image en s’épaississant progressivement. Plus tard encore, l’image est constituée de travées osseuses concentriques délimitées en périphérie par une coque, avec, à la fin, une image presque totalement radio-opaque [49]. Le fibrome cémentifiant se caractérise plutôt par une opacité homogène de faible tonalité. Mais en général, l’image est plus hétérogène avec des opacités de forme, taille et tonalité très variables [50]. À l’histologie, le fibrome cémentifiant est bien délimité par rapport aux tissus sains environnants. On y trouve de nombreux fibroblastes dans un tissu conjonctif avec l’édification d’une substance calcifiée d’origine cémentaire ou osseuse difficile à préciser. Cette description est très semblable à celle de la dysplasie fibreuse. Le traitement consiste en la simple énucléation, les récidives étant rares. On distingue une forme particulière appelée fibrome ossifiant juvénile. Il se différencie du fibrome cémento-ossifiant par son potentiel destructeur plus important [51]. Survenant préférentiellement chez de jeunes hommes (deuxième décennie), il est encore appelé desmo-ostéoblastome ou fibrome ostéoïde [52]. Son aspect radio est semblable au fibrome cémento-ossifiant, mais les destructions osseuses sont plus importantes. Son aspect histologique est intermédiaire entre la dysplasie fibreuse et le fibrome cémento-ossifiant. L’évolution est rapide et agressive avec destructions osseuses massives pouvant engager le pronostic vital et fonctionnel. Les récidives après chirurgie d’exérèse sont fréquentes [53] . Un
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22-062-H-10 ¶ Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires
Figure 8. Défilé maxillaire d’un fibrome desmoplasique de la branche horizontale droite montrant des zones d’ostéolyse entourées d’un liseré d’ostéocondensation péritumorale.
Figure 9. Coupe scanographique horizontale du même fibrome desmoplasique.
curetage peut être réalisé pour les lésions limitées et faciles à surveiller. Les lésions récidivantes et/ou étendues peuvent faire l’objet d’une résection plus élargie [54].
Tumeurs fibreuses Elles sont la conséquence d’une prolifération de cellules et de fibres mésenchymateuses. Fréquentes au niveau de la cavité buccale, mais à localisation osseuse plus rare, elles comportent souvent des caractéristiques d’agressivité locale [55], voire de malignité.
Fibromatoses Ce sont des affections caractérisées par une prolifération de tissu fibreux et de cellules fibroblastiques, caractérisées par une agressivité locale, voire générale. Ne sont évoquées ici que celles rencontrées au sein des structures osseuses des maxillaires. Fasciite périostée C’est une prolifération réactionnelle pseudotumorale. La fasciite périostée est développée le plus souvent à partir d’un tendon ou d’un fascia, elle peut plus rarement survenir dans le périoste et envahir les structures osseuses. C’est une affection bénigne localisée au niveau de la mandibule. Cliniquement, elle apparaît sous forme d’une tuméfaction. Radiologiquement, elle apparaît comme une ostéolyse diffuse et mal limitée. Histologiquement, la prolifération cellulaire est constituée d’éléments cellulaires allongés, fusiformes ou ovales, agencés en motif étoilés. La composante fibreuse collagénique est réduite, et un réseau capillaire plus ou moins important infiltre la lésion. Le traitement est chirurgical et le risque de récidive inexistant. Fibrome desmoïde (fibrome desmoplasique) Tumeur rare, la majorité des tumeurs surviennent au niveau mandibulaire postérieur. Le fibrome desmoïde touche préférentiellement les adultes jeunes. Il se manifeste cliniquement par une tuméfaction augmentant progressivement de volume. Le signe de Vincent d’Alger est exceptionnel, mais une constriction des mâchoires peut être expliquée par un envahissement musculaire [56]. Radiologiquement, il apparaît sous forme d’une zone d’ostéolyse uni- ou plurilobulée, bien délimitée avec parfois un liseré d’ostéocondensation péritumoral (Fig. 8, 9). La présence de cloison de refend intratumorale peut donner un aspect en « nid d’abeilles » et les résorptions radiculaires sont possibles [57]. Dans les cas où les corticales osseuses et le périoste sont rompus, on parle alors de fibromatose agressive.
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Figure 10. Prolifération de cellules fusiformes fibroblastiques peu atypiques organisées en faisceaux d’un fibrome desmoplasique.
Microscopiquement, des zones de fibres de collagènes entassées en motte ou en spirales avec peu de cellules jouxtent des zones à fibres moins nombreuses et à cellules fusiformes plus abondantes (Fig. 10). L’agressivité tumorale serait proportionnelle à la cellularité de la lésion. Le traitement est chirurgical [58], consistant en un curetage simple pour les tumeurs encapsulées, et en une résection plus radicale pour les formes agressives ou récidivantes [59]. Une chimiothérapie peut être associée à la chirurgie dans les lésions infiltrant des zones vitales. Histiocytome fibreux (xanthofibrome) Rare dans la cavité buccale, cette tumeur bénigne est caractérisée par une prolifération d’histiocytes et de cellules ressemblant à des fibroblastes et produisant des fibres de collagènes. Ils sont le plus souvent localisés à la peau. Quand ils touchent les maxillaires, ils sont asymptomatiques. Radiologiquement, ils se présentent sous forme d’une clarté uniloculaire, bien circonscrite. Le diagnostic est histologique. Myofibromatose infantile Cette tumeur rare ne présente pas l’agressivité des autres types de fibromatose infantile [60]. N’ayant que peu de manifestations cliniques, elle se manifeste radiologiquement par des lacunes d’allure kystique. Histologiquement, il y a une prolifération de cellules fusiformes ayant l’aspect de myoblastes, et de fibres de collagène. Stomatologie
Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires ¶ 22-062-H-10
L’évolution des formes localisées est bénigne, les formes généralisées peuvent être létales par infiltration d’organes vitaux. Le traitement est chirurgical et conservateur [60]. Des récidives sont décrites ainsi qu’une régression spontanée.
Fibrome non ossifiant (fibrome non ostéogénique, xanthome fibreux, xanthogranulome histiocytaire, fibrome central des os, histiocytofibrome) Cette lésion survient principalement chez les enfants, presque exclusivement au sein des os longs ; la localisation au sein des maxillaires est exceptionnelle [61]. La lésion est alors asymptomatique et se présente radiologiquement comme une lacune bien limitée entourée d’un liseré ostéocondensant. Le diagnostic est histologique qui retrouve un stroma conjonctif au sein duquel sont disséminées des cellules géantes et des cellules xanthomateuses en nombre variable. Le pronostic est bénin, il est traité par curetage chirurgical simple. Des régressions spontanées ont été rapportées. La forme maligne est représentée par l’histiocytome fibreux malin et le fibrosarcome.
Tumeurs vasculaires Plusieurs classifications ont été proposées. Nous avons retenu celle de l’ISSVA [62] qui distingue les tumeurs vasculaires et les malformations. Les tumeurs vasculaires sont caractérisées par une prolifération cellulaire, alors qu’à l’opposé, les malformations vasculaires sont le résultat d’un développement anormal d’éléments vasculaires pendant l’embryogenèse ou la vie fœtale. Parmi ces malformations, on distingue, selon le type de vaisseau touché, celles à « flux lent » (capillaire veineuse et lymphatique) et celles à « flux rapide » (artérioveineuse).
Tumeurs vasculaires Ces tumeurs vasculaires bénignes sont exceptionnelles au niveau des maxillaires (< 1 % des tumeurs des maxillaires). L’étiopathogénie est diverse : certaines sont réellement malformatives, d’autres seraient consécutives à un processus inflammatoire, d’autres encore seraient de réelles tumeurs. Certains syndromes sont caractérisés par la présence de multiples tumeurs, fréquemment localisées dans les téguments cutanéomuqueux (Rendu-Osler-Weber, von Hippel, KasabachMerritt, Brown, ...). On distingue classiquement [62] : • hémangiome infantile ; • hémangiome congénital ; • angiome en touffe ; • hémangioendothéliome kaposiforme.
Malformations vasculaires (angiodysplasies) Elles s’observent exceptionnellement dans les maxillaires. Ces malformations peuvent être congénitales, ou survenir à la suite d’un traumatisme, essentiellement une fracture. On distingue [62] : • malformation capillaire (à flux lent) ; • malformation veineuse (à flux lent) ; • malformation lymphatique (à flux lent) ; • malformation artérioveineuse (à flux rapide) encore appelée fistule artérioveineuse. Leur symptomatologie clinique est semblable : souvent latentes, elles peuvent être révélées par des phénomènes hémorragiques [63] (gingivorragies répétées au niveau du collet dentaire, voire hémorragie cataclysmique au décours de l’avulsion d’une dent mobile). Il faut donc rechercher un aspect angiomateux de la muqueuse, un caractère pulsatile à la tuméfaction osseuse, voire un « thrill » associé, et surtout réaliser un bilan radiologique avant toute avulsion dentaire. Le bilan radiologique met en évidence une ostéolyse pouvant apparaître sous forme d’une lacune arrondie de tonalité inégale et aux contours flous ou sous forme d’un pseudokyste polylobé, ou encore finement cloisonné en une rosace de spicules évoquant Stomatologie
une dysplasie fibreuse. L’IRM permet de définir les contours de la lésion, comme la tomodensitométrie, mais permet en plus d’avoir un aspect hémodynamique. L’artériographie sélective détermine avec précision le siège de la lésion et visualise la communication artérioveineuse, qui est soit directe et unique dans les FAV, soit multiple sans interposition de vaisseaux capillaires dans les MAV. Histologiquement, elle est formée de vaisseaux de taille variable, bordés par un épithélium aplati et séparés les uns des autres par des cloisons fibreuses. Leur traitement impose un traitement associant embolisation endovasculaire et/ou chirurgie selon son type. Les formes malignes sont représentées par les angiosarcomes (angioblastomes, hémangiosarcome, hémangio-endothéliosarcome, angiofibrosarcome) et les hémangiopéricytomes.
Tumeurs lipomateuses Ces tumeurs sont également exceptionnelles, ce qui est étonnant compte tenu de la présence de tissu graisseux intramédullaire.
Lipome Exceptionnellement intraosseux, il touche préférentiellement la mandibule. La symptomatologie fonctionnelle dépend de sa localisation (liée à son rapport avec le nerf alvéolaire inférieur), mais il est en général asymptomatique [64]. Il se présente sous forme d’une radioclarté bien définie [65]. On retrouve parfois des formes mixtes d’angiolipome. La forme maligne est représentée par le liposarcome.
Tumeurs nerveuses Les tumeurs bénignes sont beaucoup plus fréquentes que les sarcomes neurogéniques.
Névrome ou neurome traumatique Cette tumeur résulte de la prolifération non néoplasique de fibres nerveuses, de cellules de Schwann et de tissu fibreux, à l’extrémité proximale d’un nerf périphérique sectionné ou endommagé. Les seuls cas connus au niveau des maxillaires surviennent après traumatisme ou chirurgie des maxillaires [66, 67]. L’affection est douloureuse et se manifeste radiologiquement par une radioclarté mal limitée [68]. Histologiquement, des axones prolifèrent au sein de leur gaine de myéline, dans une masse de tissu fibreux et cicatriciel. Le traitement chirurgical fait disparaître les symptômes.
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Point important
On évoque un névrome après traumatisme, mais surtout après chirurgie des maxillaires devant l’apparition d’un point douloureux électif.
Neurilemmome ou schwannome bénin C’est une tumeur dérivant des cellules de Schwann (origine neuroectodermique). Elle affecte rarement les maxillaires, où elle simule une tumeur odontogénique. En ce qui concerne les formes intraosseuses, ce sont surtout les femmes âgées de 20 à 30 ans qui sont affectées, l’angle mandibulaire (nerf alvéolaire inférieur) et la partie antérieure du maxillaire (nerfs palatins antérieurs) [69, 70] sont les localisations préférentielles. Cliniquement, la tuméfaction s’accompagne souvent de signes neurologiques (paresthésies). L’exploration radiologique révèle une clarté, bien limitée, uniloculaire, entourée d’un liseré d’ostéocondensation. Le canal dentaire est fréquemment refoulé, la tumeur étant centro-osseuse.
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22-062-H-10 ¶ Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires
Figure 12. Orthopantomogramme d’un granulome réparateur à cellules géantes de l’hémimaxillaire droit.
Figure 11. Neurofibrome de l’angle mandibulaire droit.
Histologiquement, on constate une prolifération de cellules de type Antoni A (fusiformes) dans un tissu conjonctif riche en collagène, et de cellules d’Antoni B (rondes ou ovales) au sein d’un conjonctif lâche. Le traitement est chirurgical et conservateur.
Neurofibrome solitaire (Fig. 11) Cette tumeur est issue des éléments conjonctifs de la gaine de Schwann et se rencontre très rarement de manière isolée, mais plus souvent associée à d’autres neurofibromes dans la neurofibromatose de von Recklinghausen. Les neurofibromes intraosseux font très rarement partie de cette neurofibromatose. Leur localisation préférentielle est mandibulaire [71]. La symptomatologie clinique (tuméfaction, paresthésies) est identique à celle du schwannome bénin intraosseux. Mais son image radioclaire est moins bien délimitée et elle est plus souvent multiloculaire. L’élargissement du canal mandibulaire, aux limites corticales nettes, est typique pour les tumeurs du nerf alvéolaire inférieur. L’examen anatomopathologique met en évidence une prolifération de fibres nerveuses enchevêtrées dans un tissu conjonctif. L’évolution est bénigne et le traitement est chirurgical. La neurofibromatose de von Recklinghausen est un syndrome neurocutané qui est caractérisé par la survenue de tumeurs neurofibromateuses dans les organes d’origine ectodermique. Génétiquement, c’est une affection héréditaire autosomique dominante à pénétrance totale et à expressivité variable. Elle est caractérisée par un risque de dégénérescence sarcomateuse de ces neurofibromes [72].
Tumeur neuroectodermique mélanotique (melanotic prognoma) Cette tumeur bénigne dérive des cellules issues de la crête neurale. Elle peut être diagnostiquée par le dosage des métabolites urinaires des catécholamines. Elle survient principalement dans le système nerveux central, mais plusieurs cas ont été décrits au niveau des maxillaires, elle survient alors typiquement dans la région médiane du maxillaire, la mandibule étant plus rarement atteinte [73]. Cette tumeur ne se rencontre que chez l’enfant de moins de 1 an. Le tableau clinique est dominé par une tuméfaction gingivale exophytique, augmentant rapidement de taille en quelques semaines, non fixée, mais entraînant des destructions osseuses sous-jacentes. On retrouve parfois des pigmentations au sein de la tumeur [74]. Les signes radiologiques sont représentés par une radioclarté plus ou moins bien limitée, avec parfois des septa osseux, des dents refoulées sans résorption radiculaire [73]. Histologiquement, la tumeur est formée de deux types de cellules enchâssées dans un stroma conjonctif plus ou moins fibreux. On y trouve donc des cellules pseudoépithéliales,
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ressemblant à des mélanoblastes, cubiques ou aplaties, avec un gros noyau central, et pouvant s’orienter autour de cavités glanduliformes, et des cellules petites et arrondies, ressemblant à des neuroblastes, très chromophiles, pseudolymphocytaires [75]. Malgré son agressivité clinique primitive, cette tumeur bénigne guérit après exérèse. Les tumeurs malignes sont représentées par les tumeurs sympathiques (neuroblastome, ganglioneurome et ganglioneuroblastome) et par les sarcomes neurogéniques (schwannome malin et neurofibrosarcome).
Tumeurs lymphoïdes Ce sont exclusivement des tumeurs malignes. Elles sont représentées par les lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens, les lymphomes de Burkitt, les chloromes (sarcomes granulocytaires, myélosarcomes), myélomes et plasmocytomes.
Tumeurs et pseudotumeurs riches en cellules géantes Granulome central à cellules géantes (granulome gigantocellulaire central, granulome réparateur à cellules géantes) Il représente à peu près 10 % des lésions bénignes des maxillaires. Il siège exclusivement dans les maxillaires, et presque toujours dans la région alvéolaire dentée, avec une prédominance pour la région symphysaire mandibulaire chez des sujets de moins de 30 ans [76]. Des cas bilatéraux doivent faire évoquer un chérubisme. Cliniquement, le granulome central à cellules géantes est en général révélé par une tuméfaction osseuse recouverte d’une tuméfaction brunâtre. Les dents implantées dans la lésion sont très mobiles mais gardent leur vitalité, il n’y a jamais de perturbations de la sensibilité nerveuse. La croissance tumorale est en général lente, ce qui explique le diagnostic souvent tardif [77]. Radiologiquement, la lésion est donc, en général, de taille importante. Elle se manifeste par une lacune ostéolytique très bien limitée, uni- ou plurilobulée, souvent parcourue par quelques cloisons cotonneuses, ou au contraire très fine, conférant un aspect géométrique en « nid d’abeilles ». On peut aussi retrouver un aspect « soufflé » de la mandibule [78]. Les racines des dents implantées dans la lésion sont toujours refoulées, souvent résorbées (Fig. 12, 13). Le diagnostic est nécessairement histologique. Microscopiquement, le granulome se compose de cellules fusiformes de type fibroblastique et de cellules géantes (100 µm) polynucléées de type ostéoclastique autour d’un dense réseau capillaire interstitiel. Mais ces cellules géantes sont irrégulièrement distribuées au sein de ce granulome. Des travées de tissu ostéoïde ou osseux peuvent être observées en périphérie de ce granulome (Fig. 14). L’affection est bénigne, même si l’évolution locale au niveau des maxillaires peut parfois être très agressive [79]. Le traitement Stomatologie
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caractérisées par un polymorphisme et un hyperchromatisme nucléaire, et par une certaine constance dans la taille, la forme et le nombre de noyaux (40 à 50). Cette tumeur doit faire l’objet d’une exérèse chirurgicale complète, un simple curetage est insuffisant car le risque de récidive est trop important. Les métastases sont exceptionnelles.
Tumeurs brunes de l’hyperparathyroïdie
Figure 13. Coupe scanographique horizontale d’un granulome réparateur à cellules géantes.
Ce sont des lésions osseuses inhérentes à l’hyperparathyroïdie secondaire [82] dans le cadre d’une insuffisance rénale chronique compliquée d’ostéodystrophie. Ces tumeurs siègent principalement au niveau des os longs, du squelette costovertébral, mais aussi des maxillaires. Radiologiquement, les lésions réalisent de vastes lacunes finement cloisonnées. L’aspect histologique est similaire à celui d’un granulome central à cellules géantes. Le traitement est avant tout celui de l’hyperparathyroïdie (parathyroïdectomie en cas d’hyperparathyroïdie primaire) qui permettra une régression spontanée de la lésion, même si cette régression peut être longue (5 ans) [83].
Chérubisme (maladie kystique multiloculaire familiale des maxillaires)
Figure 14. Coupe histologique d’un granulome réparateur à cellules montrant une double population cellulaire composée de cellules mononucléées et de cellules géantes multinucléées.
est chirurgical, consistant en un curetage de la lésion et éventuellement comblement. Les dents pourront être conservées après traitement orthodontique. Mais les récidives sont possibles et surviennent dans à peu près 17 % des cas.
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Point important
Devant un diagnostic anatomopathologique de granulome à cellules géantes, on réalise un dosage de la calcémie et de la phosphorémie pour éliminer une hyperparathyroïdie.
C’est une affection génétique à transmission autosomique dominante à expression variable [84]. Il est caractérisé par le remplacement du tissu spongieux des maxillaires par un tissu fibreux vascularisé contenant en quantité variable des cellules géantes multinucléées et par une hypertrophie progressive des angles et des rami de la mandibule constamment atteinte ; les maxillaires sont moins fréquemment intéressés au niveau de leurs tubérosités et de leur portion supéroantérieure. Cette expansion osseuse débute vers l’âge de 1 à 3 ans, progresse régulièrement durant l’enfance, se stabilise à la puberté puis régresse, voire disparaît totalement vers 30 ans. Deux garçons sont atteints pour une fille. À l’acmé de la maladie, l’hypertrophie des régions massétérines, le plus souvent bilatérale, confère à l’enfant un aspect joufflu. En cas d’atteinte orbitaire, les globes oculaires peuvent être déplacés vers le haut. L’examen endobuccal met en évidence des malpositions dentaires. Le bilan radiographique montre une expansion des corticales osseuses sous l’effet de multiples plages ostéolytiques multiloculaires. Ces plages peuvent être parcourues par un réseau irrégulier de lignes opaques plus ou moins irrégulières. Les condyles sont toujours préservés. Il existe fréquemment des anomalies de migration dentaire et de fréquentes agénésies dentaires (2e et 3e molaires inférieures). L’aspect histologique dépend du stade évolutif [85] : le tissu conjonctif des lésions récentes est riche en fibroblastes et en cellules géantes, les lésions plus anciennes ont un tissu conjonctif dense, fibreux et pauvre en cellules géantes, voire présentent quelques travées osseuses. L’évolution spontanée est en principe favorable avec régression des déformations à l’âge adulte.
Tumeurs musculaires Elles sont exceptionnelles au sein des maxillaires.
Rhabdomyome Tumeur à cellules géantes (tumeur à myéloplaxes) La topographie habituelle de cette tumeur est l’épiphyse des os longs, et très exceptionnellement dans les maxillaires, dans leur partie postérieure. La lésion survient plutôt entre 20 et 40 ans. À peu près 10 fois moins fréquente que le granulome central à cellules géantes, elle s’en distingue également par un taux de récidive de 50 % et par un risque de transformation maligne de 10 à 20 % [80]. Les éléments cliniques et radiologiques sont semblables au granulome central à cellules géantes [81]. Histologiquement, la tumeur est formée de nombreuses cellules géantes dans une matrice pauvre en collagènes et riche en cellules fusiformes. Ces cellules géantes (100 µm) sont Stomatologie
Cette tumeur bénigne des fibres musculaires striées semble ne jamais avoir été observée au niveau maxillomandibulaire.
Léiomyome Cette tumeur bénigne est issue des fibres musculaires lisses de la paroi des vaisseaux [86]. Elle touche préférentiellement les patients jeunes et la partie postérieure de la mandibule [87]. La tumeur se manifeste par une radioclarté le plus souvent uniloculaire et asymptomatique. L’histologie montre une tumeur formée de faisceaux de fibres musculaires lisses entrelacées au sein de fibres de collagènes. Le traitement est chirurgical. Les formes malignes sont représentées par le rhabdomyosarcome et le léiomyosarcome.
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Tumeurs salivaires Étant donné l’embryogenèse particulière des glandes salivaires accessoires et leur rapport avec les structures osseuses des maxillaires, plusieurs tumeurs issues des glandes salivaires peuvent être incluses dans ces os. Il s’agit principalement de tumeurs mucoépidermoïdes. Mais d’autres tumeurs à type d’adénome pléiomorphe, d’adénocarcinome, de carcinome adénoïde kystique, de tumeur mucoépidermoïde et de tumeurs à cellules acineuses ont été rapportées, mais ne sont pas traitées ici, car étant des tumeurs typiques des glandes salivaires.
Tératomes Figure 15. Orthopantomogramme d’une histiocytose X avec impression de « dent flottant dans le vide ».
Ce sont des tumeurs congénitales malformatives. Ils sont rarement présents au sein des maxillaires. On peut en distinguer deux types : ceux développés à partir de la poche de Rathke, et extériorisés dans la cavité buccale par une implantation palatine. Ils communiquent alors avec la boîte crânienne et sont donc associés à un tératome de la région hypophysaire. Et ceux développés à partir des rebords du trou ovale et communiquant avec une tumeur frontotemporale par la région du trou ovale [88, 89]. Le traitement est chirurgical.
vaisseaux. Dans les cas difficiles, où la confusion peut être faite avec un granulome inflammatoire ou une ostéite chronique, on peut avoir recours au microscope électronique et à l’immunomarquage. L’évolution n’est pas prévisible et des évolutions malignes peuvent apparaître secondairement [90]. Le traitement est chirurgical pour les formes uniques [92] : curetage appuyé, voire association radio- et chimiothérapie. Pour les localisations multiples, c’est le traitement chimiothérapique qui prédomine.
Histiocytose X (histiocytose langerhansienne, maladies à cellules de Langerhans)
Maladie de Hand-Schüller-Christian
Cette affection est caractérisée par la pullulation de cellules langerhansiennes, formes particulières de macrophages nés dans la moelle osseuse et ayant secondairement migré dans la peau, les muqueuses, les ganglions et le thymus. Elles sont censées fixer les antigènes et les transférer aux lymphocytes T. L’histiocytose X a été dénommée de la sorte à cause de la non-connaissance de son étiopathogénie (X). On distingue actuellement trois syndromes qui sont les variantes d’un seul et même processus pathogénique : le granulome éosinophile qui représente la localisation osseuse solitaire ou multiple, la maladie de Hand-Schüller-Christian qui est une forme disséminée chronique (avec lésions osseuses et viscérales), et la maladie d’Abt-Letterer-Siwe qui est la forme disséminée et aiguë maligne avec également des lésions osseuses.
Elle est caractérisée durant l’enfance par un diabète insipide, une exophtalmie et des lacunes crâniennes. L’affection peut s’accompagner de géodes mandibulaires avec ulcérations gingivales, et luxations dentaires spontanées. Les lésions osseuses sont identiques à celles du granulome éosinophile.
Maladie d’Abt-Letterer-Siwe Ici, l’évolution est rapide, ayant presque des caractères de malignité. L’affection résulte de la prolifération d’histiocytes malins dans la cavité médullaire. Touchant le nourrisson et le jeune enfant, elle s’accompagne de signes généraux sévères (fièvre), de manifestations cutanées et hématologiques (anémie, adénopathies, hépatosplénomégalie). Au niveau maxillaire, l’ostéolyse est diffuse.
Granulome éosinophile L’incidence maxillofaciale représente 10 % de tous les granulomes éosinophiles (dont les principales localisations sont le crâne et le fémur). Ces granulomes ont une prédominance sexuelle masculine, la mandibule étant deux à trois fois plus souvent atteinte que le maxillaire supérieur. Alors que les cas extrafaciaux sont diagnostiqués chez les enfants en dessous de 10 ans, les localisations mandibulaires sont rencontrées dans la moitié des cas après 20 ans. Les foyers tumoraux peuvent être uniques ou multiples. L’affection se manifeste cliniquement [90] par une tuméfaction de croissance rapide et douloureuse. Une ulcération gingivale peut également survenir. Les dents implantées dans la lésion deviennent rapidement mobiles et paraissent « flotter » (Fig. 15), voire finissent par se luxer spontanément [63]. Les signes radiologiques sont caractérisés par des foyers d’ostéolyse de forme ronde, aux limites très nettes, comme « taillés à l’emporte-pièce ». Des fractures spontanées peuvent survenir par confluence des foyers d’ostéolyse [91]. Au niveau dentaire, l’ostéolyse parodontale et périapicale s’accompagne d’une résorption radiculaire. En phase cicatricielle, des foyers d’apposition osseuse peuvent apparaître. On recherche d’autres foyers d’ostéolyse : bilan biologique complet, ponction de moelle, scintigraphie et radiographie de tout le squelette doivent être réalisés. Histologiquement, on trouve un granulome inflammatoire avec de nombreux histiocytes et des histiocytes sous forme de cellules géantes plurinucléées ou au contenu spumeux et avec des polynucléaires, lymphocytes, plasmocytes et fibroblastes. Ces cellules s’agencent de manière concentrique autour des
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■ Conclusion La bonne connaissance de ces tumeurs permet leur diagnostic précis. Même si celui-ci est le plus souvent anatomopathologique, dans les cas difficiles, ce sont les données cliniques, radiologiques et histologiques qui permettent de poser un diagnostic et de proposer le traitement le plus adapté. Dans tous les cas, si le diagnostic anatomopathologique ne paraît pas compatible avec l’évolution (récidive), de nouvelles biopsies et une relecture des précédentes lames doit être réalisée. À l’avenir, les techniques d’immunomarquage et les techniques d’imagerie pourront apporter des informations complémentaires permettant d’étayer le diagnostic et le pronostic. .
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22-062-H-10 ¶ Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires
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A. Brygo ([email protected]). Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale du CHRU de Lille, hôpital Roger-Salengro, boulevard du Pr.-J.-Leclercq, 59037 Lille cedex, France. X. Leroy. Service d’anatomopathologie du CHRU de Lille, Pôle Biologie – Pathologie – Parc Eurasanté, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France. J.-M. Maes. J. Ferri. Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale du CHRU de Lille, hôpital Roger-Salengro, boulevard du Pr.-J.-Leclercq, 59037 Lille cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Brygo A., Leroy X., Maes J.-M., Ferri J. Tumeurs et pseudotumeurs non odontogènes bénignes des maxillaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-062-H-10, 2006.
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Stomatologie
Stomatologie [22-062-F-10]
Tumeurs odontogéniques
Estelle Favre-Dauvergne : Chef de clinique-Assistant, clinique de stomatologie et chirurgie maxillofaciale Michèle Auriol : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, service d'anatomie et de cytologie pathologiques Yves Le Charpentier : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service d'anatomie et de cytologie pathologiques La Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex France
Résumé Les tumeurs odontogéniques, affection originale et spécifique des maxillaires, constituent un groupe hétérogène dont plusieurs classifications, basées sur les différents stades de l'odontogenèse, ont jusqu'à présent été proposées. La compréhension de certains phénomènes d'induction entre les divers composants du bourgeon dentaire et leur enchaînement ont permis l'élaboration d'une classification récente par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) [37] ; cependant des incertitudes demeurent, d'une part en raison de la complexité des tissus impliqués, d'autre part du fait de la rareté de certaines lésions, ce qui rend difficile la constitution de larges séries comparables et l'établissement d'un pronostic. © 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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RAPPEL DE L'ODONTOGENÈSE INCIDENCES SUR LA CLASSIFICATION Le développement embryologique de chaque bourgeon dentaire résulte d'interactions entre la lame dentaire, invagination de l'épithélium buccal primitif, et l'ectomésenchyme, tissu conjonctif colonisé par des cellules nées des crêtes du nerf trijumeau, et ayant migré dans les ébauches maxillaires et mandibulaires [15]. Sous l'induction de l'ectomésenchyme, l'organe de l'émail naît de la lame dentaire
chez un embryon de 60 mm. Responsable de la formation de l'émail, il comporte 4 assises cellulaires dont les zones de réflexion périphériques sont à l'origine de la future gaine d'Hertwig : un épithélium dentaire externe aux cellules cubiques ; le réticulum étoilé (gelée de l'émail dont les cellules épithéliales sont disjointes par une substance fondamentale riche en mucopolysaccharides acides) ; le stratum intermedium aux cellules aplaties douées d'activité enzymatique phosphatase alcaline et ATPasique ; une assise interne de préaméloblastes, cellules cylindriques non sécrétantes. Les préaméloblastes induisent en retour dans la papille dentaire mésenchymateuse la différenciation des fibroblastes de surface en odontoblastes, responsables de la formation de dentine. Par ailleurs, les crêtes d'Hertwig influencent l'édification de la dentine au niveau radiculaire. La sécrétion de la dentine provoque le stimulus nécessaire à la maturation des préaméloblastes en améloblastes, lesquels sécrètent de l'émail à la surface de la dentine dans l'aire coronaire. Les cémentoblastes apparaissent en périphérie de la racine et sécrètent le cément après désagrégation des crêtes d'Hertwig en débris épithéliaux de Malassez ; ces derniers persisteront dans le ligament périodontal. La papille mésenchymateuse devient la pulpe dentaire bordée en périphérie d'odontoblastes fonctionnels. Les interactions entre les différentes parties du germe dentaire normal et leur morphologie sont reproduites à plus ou moins grande échelle dans la plupart des tumeurs odontogéniques. Ainsi leur caractérisation est-elle capitale aussi bien pour l'identification des lésions que pour leur récente classification par l'OMS [37]. Par rapport à la précédente, de nouvelles entités tumorales ont été décrites et certaines tumeurs faussement étiquetées odontogéniques ont été reléguées au chapitre des dysplasies osseuses. Les tumeurs odontogéniques sont essentiellement bénignes. Selon les types de tissus odontogéniques les composant, on distingue : les tumeurs épithéliales sans induction du mésenchyme ; les tumeurs épithéliales et conjonctives avec ou sans formation de tissu dentaire dur ; les tumeurs ectomésenchymateuses avec ou sans inclusion d'épithélium odontogénique. Les tumeurs odontogéniques malignes sont exceptionnelles et de très mauvais pronostic. Les tumeurs associant des structures épithéliales et des structures ectomésenchymateuses peuvent aboutir à l'élaboration d'émail, de dentine et de cément. La présence de ces divers éléments dépend du stade de maturation auquel la lésion est examinée et d'autres facteurs non encore élucidés. Il est ainsi possible que certaines entités pathologiques tumorales volontairement individualisées dans un but didactique représentent en fait les différentes phases chronologiques de l'évolution d'un seul type de tumeur.
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SIGNES CLINIQUES ET RADIOLOGIQUES COMMUNS
Symptomatologie Malgré leur grande diversité, les tumeurs odontogéniques partagent la même symptomatologie ; celle-ci est, de surcroît, non spécifique car commune avec les tumeurs non odontogéniques et simples kystes des maxillaires. En théorie, l'âge du patient, la notion de fréquence, le siège tumoral, et plus encore certains signes radiographiques parviendront à orienter la démarche diagnostique. La tuméfaction osseuse résume très souvent la symptomatologie. Asymptomatique
ou inaugurée par un épisode inflammatoire, elle fait, selon les propos de Cernea, « corps avec l'os » [32]. L'inspection combinée au palper bidigital constate l'intégrité des plans de recouvrement cutanéomuqueux, note la consistance ferme ou dépressible de la tuméfaction et en apprécie l'extension par rapport aux corticales. Les signes dentaires sont inexistants ou liés au développement tumoral adjacent : mobilité, déplacement, anomalies d'évolution, retard de cicatrisation alvéolaire après avulsion dentaire intempestive non ou mal documentée par un examen radiographique préalable. Les autres signes sont exceptionnels et contingents : fistule ou ulcération muqueuse, fracture spontanée... En l'absence de transformation maligne ou d'exacerbation inflammatoire, il n'existe pas d'altération de la sensibilité cutanéomuqueuse ni d'adénopathie métastatique cervicale.
Signes radiographiques L'orthopantomogramme apprécie l'extension de la lésion et son unicité. Péchant par l'analyse de la trame osseuse, il est avantageusement complété par des incidences rétroalvéolaires et occlusales. S'y ajouteront les incidences radiologiques conventionnelles spécifiques à la localisation tumorale (Blondeau, défilé maxillaire, face basse,...). Seront alors précisés : la tonalité de l'image : radio-opaque, témoignant de la composante odonto-, cémento- ou ostéoformatrice de la tumeur, ou plus souvent radio-claire, preuve du caractère ostéolytique ou kystique ; l'image est plus rarement mixte, signant d'autant mieux le caractère odontogénique de la tumeur ; le contour de l'image : bordure nette, soulignée d'une ligne épaisse ou fine, ou contour nuageux et irrégulier ; le caractère mono- ou polygéodique ; les signes dentaires : rhizalyse, témoignant classiquement d'une lésion d'évolution lente et bénigne, déplacements ou anomalies d'évolution dentaire ; les rapports tumoraux avec le canal dentaire et les structures nasosinusiennes ; en présence de tumeurs étendues, notamment maxillaires, la tomodensitométrie est fort utile afin de guider le bilan d'extension et le choix thérapeutique ; ces examens prescrits avec discernement ne peuvent cependant pas compenser l'absence de spécificité de nombreuses images radiographiques, tout particulièrement ostéolytiques.
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TUMEURS ODONTOGÉ NIQUES BÉ NIGNES
Tumeurs épithéliales sans induction du mésenchyme Améloblastome Relativement fréquent parmi les tumeurs odontogéniques [32], mais rare dans le cadre des tumeurs et kystes des maxillaires [14], l'améloblastome est une tumeur bénigne dont le caractère localement invasif justifie un diagnostic précoce précédant un traitement adapté. Il est caractérisé par un épithélium odontogénique proliférant, habituellement de type folliculaire ou plexiforme, au sein d'un stroma fibreux. La plupart des améloblastomes proviennent de l'épithélium odontogénique : restes de la lame dentaire (perles de Serres), restes de Malassez, voire plus rarement de l'assise basale de l'épithélium buccal ou de l'épithélium d'un kyste odontogénique.
Clinique et radiologie
L'améloblastome affecte plus fréquemment le sexe masculin avec une légère prédisposition pour les quatrième et cinquième décennies. Cependant, les âges extrêmes de la vie, notamment l'enfant, peuvent être intéressés par la variété unikystique. La mandibule est atteinte dans 80 % des cas, plus particulièrement dans la région angulaire avec extension vers la branche montante (70 % des cas) ; viennent ensuite les régions prémolaire (20 %) et incisive (10 %) . Le plancher des fosses nasales et les régions molaires se partagent les localisations maxillaires. Des localisations périphériques nées de l'épithélium buccal ou de résidus de la lame dentaire ont été exceptionnellement décrites [67]. Quant à la greffe d'un améloblastome sur la paroi d'un kyste odontogénique, sa fréquence est diversement appréciée dans la littérature et elle peut être simulée par une forme particulière d'améloblastome : l'améloblastome kystique. L'améloblastome est caractérisé par sa remarquable latence. S'il n'est pas antérieurement découvert au hasard d'un examen radiographique, il présente les signes cliniques communs de toutes les tumeurs bénignes des maxillaires : le plus souvent, une tuméfaction massétérine avec épaississement de la branche montante et antéprojection de son bord antérieur. La modification des contours osseux s'accompagne fréquemment de déplacements ou d'anomalies d'évolution dentaires, si toutefois des dents sont encore présentes au moment du diagnostic. Le trismus est rare et modéré. L'image radiographique de l'améloblastome n'est pas univoque. Aucune n'est spécifique. L'image polygéodique est la plus évocatrice [32] : des géodes arrondies ou ovalaires, de taille inégale, au fond clair et homogène, régulièrement bordées par un fin liseré périphérique s'adossent et se superposent en réalisant une image classique en « bulles de savon » (fig. 1) [32] ; les corticales sont progressivement amincies, voire par endroits soufflées par cette destruction osseuse multiloculaire ; plus fréquemment, l'image est vaste, au contour polycyclique, finement cloisonnée par les vestiges des cloisons osseuses entre les géodes multicentriques (fig. 2 et 3) ; plus tard, l'améloblastome revêt l'apparence d'une vaste géode unique, au contour festonné, soufflant et amincissant les corticales ; au niveau mandibulaire, la tumeur refoule l'échancrure sigmoïde, mais préserve classiquement le condyle (fig. 4). L'étude fine des clichés radiographiques permet de remarquer : l'absence d'envahissement des parties molles adjacentes ; l'inclusion ou le refoulement par la tumeur des organes dentaires dont la rhizalyse est classique ; le refoulement harmonieux du canal dentaire ; mais surtout, des microgéodes doivent être recherchées systématiquement en périphérie de l'image principale ou au niveau des cloisons intergéodiques, témoignant du caractère pluricentrique de l'améloblastome et guidant le choix thérapeutique.
Examen anatomopathologique L'étude macroscopique est réalisée sur une pièce d'énucléation ou sur un fragment de résection osseuse. A la coupe, la masse est blanc grisâtre, molle, parfois creusée de petits kystes ; ailleurs, il s'agit d'un kyste pluriloculaire renfermant un liquide clair ou un matériel gélatiniforme. Les limites d'une résection osseuse sur un améloblastome plurikystique doivent être étudiées systématiquement. A l'étude histologique, 2 principales variétés, associées ou non dans une même tumeur, sont d'observation courante.
Améloblastome folliculaire Il est constitué de lobules de cellules épithéliales enchâssées dans un stroma conjonctif vascularisé (fig. 5). Chaque follicule comporte une assise périphérique de cellules cubiques ou cylindriques de type préaméloblastique, dont les noyaux convergent vers le
centre du follicule. Au centre, les cellules épithéliales, parfois jointives, sont le plus souvent disjointes, rappelant l'aspect du réticulum étoilé de l'organe de l'émail (fig. 6). Au sein des follicules, des microkystes parfois confluents sont fréquemment observés. Le stroma conjonctif est plus ou moins riche en fibres collagènes ; sur le plan histoenzymologique, les fibroblastes présentent des activités phosphatase alcaline et ATPasique identiques à celles des odontoblastes et ostéoblastes, témoignant éventuellement de phénomènes d'induction mineurs de l'épithélium odontogénique sur le tissu conjonctif. Un anneau plus ou moins épais de substance hyaline est enfin retrouvé en périphérie des follicules. L'améloblastome folliculaire présente plusieurs variantes : dans l'améloblastome à cellules granuleuses , le centre des follicules est constitué de cellules rondes ou polygonales au noyau excentré (fig. 7), au cytoplasme acidophile, granuleux, PAS positif ; par les techniques d'histoenzymologie et de microscopie électronique, ces granulations présentent les caractères des lysosomes (activité phosphatase acide et sacs lysosomiaux en ultrastructure) ; d'autres améloblastomes présentent une métaplasie épidermoïde pouvant aboutir à une véritable kératinisation avec globes cornés (fig. 8).
Améloblastome plexiforme Il est constitué de cordons épithéliaux anastomosés entre eux en réseau. Chaque cordon comporte une assise de cellules cubiques ou cylindriques de type préaméloblastique identique à la forme folliculaire ainsi qu'une zone interne de cellules étoilées. Peuvent être également observés des kystes, lesquels siègent au sein du stroma au contact des cellules étoilées et sont absents des massifs épithéliaux.
Autres variétés Améloblastome unikystique : seule l'étude histologique permet le diagnostic de cette variété . Survenant chez des patients plus jeunes (deuxième et troisième décades), on en distingue 3 types : kystique, bordé par un épithélium pluristratifié comportant par endroits une basale de cellules cubiques ou cylindriques ; les autres assises cellulaires sont vacuolisées et tendent à se disjoindre, séparées par des espaces plus ou moins larges ; une hyalinisation est observée sous l'épithélium ; la deuxième variété réalise le même ensemble structural auquel s'ajoute un nodule d'aspect plexiforme, né de la bordure épithéliale et se projetant dans la lumière ; la troisième variété comporte en périphérie de la formation kystique des infiltrations ponctuelles de la paroi d'aspect plexiforme ou folliculaire ; ces modifications, témoignant d'un caractère infiltrant, sont à rechercher systématiquement sur différents plans de coupe. Améloblastome desmoplastique : il comporte un stroma très abondant, riche en fibres collagènes, au sein duquel les structures épithéliales sont souvent réduites à de minces travées peu évocatrices de l'améloblastome . Kératoaméloblastome : il est caractérisé par sa composante épidermoïde prédominante ou exclusive et se confond avec la tumeur odontogénique épidermoïde dont la bordure épithéliale est aplatie plutôt que cylindrique . Améloblastome à cellules basales : il est à différencier d'un carcinome adénoïde kystique dans sa forme basaloïde. Améloblastome périphérique : il serait l'équivalent d'un épithélioma basocellulaire de la gencive. Son potentiel extensif serait moindre que celui des améloblastomes osseux et il ne récidiverait pas après exérèse complète.
Evolution En l'absence de traitement, l'améloblastome s'accroît lentement, par poussées, pouvant atteindre un volume considérable. Malgré la distinction de plusieurs formes histologiques, celles-ci ne semblent pas être de pronostic différent après traitement, excepté pour les variétés unikystiques, périphériques et desmoplastiques, ne récidivant pas après exérèse complète. Ailleurs, l'améloblastome est doué d'une agressivité singulière dont témoignent
certaines lésions extensives et surtout récidivées.
Tumeur odontogénique épidermoïde Depuis la première description de Pullon en 1975 [52], plusieurs observations de tumeur odontogénique épidermoïde ont été rapportées de manière sporadique dans la littérature . Ailleurs, des foyers odontogéniques épidermoïdes, sans preuve cependant d'une réelle prolifération tumorale, ont été décrits au sein de kystes odontogéniques [69]. La tumeur odontogénique épidermoïde provient probablement des restes de Malassez, et naît donc du ligament périodontal [29], voire des vestiges de la lame dentaire (restes de Serres) . Sans prédilection de sexe, la tumeur survient à tout âge, avec cependant une prédisposition pour la troisième décade. Rarement asymptomatique, elle induit une mobilité dentaire avec sensibilité spontanée ou à la percussion axiale. Le maxillaire (incisive latérale ou canine) est aussi fréquemment intéressé que la mandibule (région prémolomolaire). Des lésions multicentriques ont été rapportées [42]. Radiologiquement, la tumeur odontogénique épidermoïde se présente sous la forme d'une zone radio-claire, triangulaire ou semi-circulaire, bordée par un liseré opaque. Le plus souvent uniloculaire, elle intéresse le processus alvéolaire en regard d'une racine dentaire dont la résorption a pu être décrite [29]. Cependant, certains processus peuvent se révéler localement infiltrants, plus particulièrement au niveau du maxillaire avec envahissement des structures anatomiques adjacentes. L'histologie est caractérisée par des îlots de cellules épidermoïdes bien différenciées dans un stroma fibreux, reposant sur une assise basale de cellules aplaties, et non cylindriques comme dans les kératoaméloblastomes. Les îlots épithéliaux présentent des microfoyers de dégénérescence kystique. Le diagnostic différentiel se pose avec certains carcinomes intraosseux primitifs, l'améloblastome et certaines proliférations odontogéniques épidermoïdes au sein de kystes odontogéniques . Le traitement conservateur, avec ou sans extraction dentaire, permet la guérison tumorale sans récidive, excepté pour les lésions plus étendues, notamment maxillaires, dont la résection large s'impose.
Tumeur épithéliale odontogénique calcifiée (tumeur de Pindborg) Longtemps confondue avec un améloblastome ou un odontome, cette tumeur a été individualisée pour la première fois par Pindborg en 1955 [49]. Elle demeure rare (0,67 % des tumeurs odontogéniques) [32] ; à peine plus d'une centaine de cas ont été rapportés dans la littérature depuis 1948 [25]. La tumeur associe des structures épithéliales malpighiennes, des dépôts d'une substance de nature amyloïde et des calcifications. Elle dériverait de l'épithélium de l'émail réduit ou du stratum intermedium de l'organe de l'émail. Une origine possible à partir de l'assise basale de l'épithélium buccal rendrait compte d'exceptionnelles localisations extraosseuses, gingivales ou labiales. La tumeur affecte également les deux sexes, se répartissant largement entre la deuxième et la sixième décade avec cependant un léger pic de fréquence à 40 ans. Les processus intraosseux sont de siège mandibulaire dans deux tiers des cas (niveau molaire, voire prémolaire) ; maxillaire dans un tiers des cas. L'association de ces tumeurs de Pindborg intraosseuses avec une ou plusieurs dents incluses est fréquente [25]. Les lésions extraosseuses, plus rares, ont surtout été décrites au niveau de la région antérieure des maxillaires. A l'examen clinique, la tumeur se présente le plus souvent comme une tuméfaction indolore de croissance lente. Les radiographies montrent un foyer ostéolytique irrégulier, au contour plus ou moins précis par rapport à l'os sain adjacent. L'image est parsemée de fines opacités de taille et nombre variables, pouvant converger vers la couronne d'une dent incluse. Cependant, certaines images radiologiques sont similaires à celles de l'améloblastome. Après exérèse, la tumeur est macroscopiquement dure, mal limitée, friable et de coloration grisâtre. L'aspect histologique est très variable d'une tumeur à l'autre.
Tantôt, il réalise des nappes denses de cellules polyédriques (fig. 9) aux limites nettes, reliées par des ponts intercellulaires plus ou moins nombreux. Les noyaux sont souvent volumineux, pourvus de plusieurs nucléoles. Des cellules plurinucléées (2 ou 3 noyaux) ou géantes sont rencontrées. L'index mitotique est faible. Ces cellules, en microscopie électronique, ont les caractères des cellules malpighiennes (desmosomes, tonofilaments, tonofibrilles). A l'histoenzymologie, elles présentent des activités phosphatase alcaline et ATPasique analogues à celles du stratum intermedium de l'organe de l'émail [16]. Des zones hyalines, présentant les attributs de la substance amyloïde [26] sont situées entre les cellules tumorales : elles présentent une réfringence verte en lumière polarisée après coloration par le rouge Congo et une fluorescence en lumière ultraviolette après imprégnation par la thioflavine T. En microscopie électronique, on y retrouve l'association de petits filaments de 50 ½, ainsi que d'autres plus épais (150 ½) et des fibres de collagène. Cette substance, sécrétée par les cellules épithéliales [13] représenterait une kératine altérée ou une matrice de l'émail. Des calcifications plus ou moins confluentes se déposent sur cette substance ou sur des cellules épithéliales dégénérées (anneaux de Lisegang) (fig. 10) ; Dans d'autres cas, la composante épithéliale, plus réduite, est constituée de petits îlots ou travées cellulaires, souvent clairs avec des signes de dégénérescence. Les calcifications et les dépôts amyloïdes sont alors plus abondants. Cette tumeur dont l'association est possible avec la tumeur odontogénique adénomatoïde guérit après énucléation complète. D'exceptionnelles récidives locales et tardives ont cependant été signalées et mises sur le compte d'un traitement inadéquat.
Tumeur odontogénique à cellules claires Cette tumeur dériverait probablement des vestiges de la lame dentaire ou d'îlots de Malassez. Elle n'a été décrite que récemment et peu d'observations sont jusqu'à présent publiées . Elle se présente comme une lésion ostéolytique agressive aux limites pauvrement définies au sein de l'un ou l'autre des maxillaires. A l'examen histologique, la tumeur est constituée de lobules ou plages compactes de cellules épithéliales. Celles-ci sont claires, vacuolisées, riches en glycogène ; elles ne s'orientent jamais autour de cavités glanduliformes. Le stroma, fibreux, est peu abondant. Ces foyers clairs peuvent coexister avec des structures folliculaires bordées de cellules cylindriques basophiles rappelant l'améloblastome commun [45]. En l'absence de structures « améloblastiques » typiques d'une tumeur odontogénique, le diagnostic différentiel se pose avec les adénocarcinomes à cellules claires développés sur glandes salivaires ectopiques (carcinome mucoépidermoïde, tumeur à cellules acineuses) et avec les métastases d'adénocarcinome à cellules claires (rein). Sur le plan évolutif, la tumeur odontogénique à cellules claires apparaît plus agressive localement que l'améloblastome et présente des variétés malignes avec possibilité de métastases à distance.
Tumeurs épithéliales et conjonctives avec ou sans formation de tissu dentaire dur Ces tumeurs sont composées d'un épithélium odontogénique proliférant dans un tissu ectomésenchymateux cellulaire, ressemblant à la papille dentaire ; des phénomènes d'induction d'intensité variable peuvent y entraîner une éventuelle formation de tissu dentaire dur. Elles forment un groupe clinique disparate, composé de tumeurs habituellement quiescentes et peu agressives. Les odontomes sont les plus fréquents parmi les tumeurs odontogéniques et apparaissent comme des anomalies de développement du bourgeon dentaire. D'autres lésions, groupées sous le terme générique de « fibrome améloblastique et lésions apparentées » sont beaucoup plus rares (1,57 % des tumeurs odontogéniques) [32] et sont d'authentiques tumeurs ; plusieurs variétés en sont distinguées selon le stade de différenciation et de maturation des deux composantes épithéliale et ectomésenchymateuse. L'expérience tendrait néanmoins à prouver que chaque lésion arbitrairement individualisée serait en fait une phase évolutive différente d'un seul type tumoral .
Fibrome améloblastique Cette tumeur rare intéresse une population plus jeune que l'améloblastome, et survient avant 21 ans [37]. Son siège de prédilection est la région prémolomolaire de la mandibule. Le diagnostic différentiel radiographique avec l'améloblastome est parfois impossible devant une image le plus souvent monogéodique, au fond grisâtre, à limite bien définie. L'exploration chirurgicale révèle une tumeur compacte de couleur blanc-gris. A l'examen histologique, cette tumeur à double composante associe des structures épithéliales rappelant l'organe de l'émail et des plages de tissu conjonctif simulant la papille dentaire (fig. 11). L'épithélium présente deux aspects différents. Tantôt, il réalise des lobules bordés par une assise de cellules cubiques ou cylindriques et centrés par des structures ressemblant au réticulum étoilé. Ces lobules se creusent rarement de petites cavités kystiques. Ailleurs, les cellules arrondies ou cubiques se disposent en travées, rappelant la lame dentaire. Le tissu conjonctif, lâche, pauvre en fibres de collagène, est peuplé de cellules fibroblastiques fusiformes ou étoilées. A la jonction épithélioconjonctive, un épaississement hyalin entourant la basale épithéliale est fréquemment observé comme dans les améloblastomes. Parfois, les fibroblastes peuvent présenter améloblastique à cellules granuleuses) [68].
un
cytoplasme
granuleux
(fibrome
Le traitement de choix du fibrome améloblastique est conservateur. Cependant certaines récidives sont décrites et diversement quantifiées selon les auteurs [63]. La transformation sarcomateuse du tissu conjonctif (fibrosarcome améloblastique) est exceptionnelle et peut être suspectée histologiquement en présence d'inégalités nucléaires et de mitoses trop abondantes.
Fibrodentinome améloblastique et fibro-odontome améloblastique Proches du fibrome améloblastique, ces tumeurs sont le siège d'une induction épithélioconjonctive qui aboutit à la fabrication de dentine (fibrodentinome) ou de dentine associée à de l'émail (fibro-odontome). Malgré les analogies histogénétiques de ces lésions exceptionnelles, chacune a une structure histologique originale et un pronostic différent.
Fibrodentinome améloblastique La lésion, autrement nommée dentinome, intéresse la région prémolaire inférieure des sujets jeunes. L'image radiographique est peu spécifique : vaste ostéolyse bien définie et contenant un matériel radio-opaque dont la taille varie entre une plage centrale ou un semis de fines ponctuations irrégulières. Ailleurs, les images radio-opaques tendent à se fondre en périphérie dans l'os environnant [32]. A l'examen histologique, la tumeur est constituée de travées épithéliales et de tissu conjonctif ressemblant à la pulpe dentaire. Y sont associés des dépôts de dentine de structure anarchique au contact de l'épithélium ; plus rarement, cette dentine est de structure organoïde ou tubulaire. La plupart des dentinomes sont intraosseux ; d'autres lésions extraosseuses présentent en leur sein un épithélium directement dérivé de la muqueuse buccale. La lésion, d'évolution considérables.
bénigne,
Fibro-odontome améloblastique
peut
entraîner
parfois
des
destructions
osseuses
Similaire au fibrodentinome, le fibro-odontome améloblastique présente cependant des phénomènes d'induction majorés aboutissant à la production d'émail associé à la dentine. Il intéresse habituellement la région molaire d'un patient du sexe masculin dans la deuxième décennie ; la branche montante de la mandibule est plus rarement intéressée. Radiologiquement, la géode est vaste et cloisonnée, centrée généralement par une image radio-opaque dont la périphérie est ponctuée par un semis ou des amas plus ou moins circonscrits d'opacités très denses, de type dentaire (fig. 12). A l'examen histologique, son aspect est identique à la précédente tumeur, mais elle comporte, de plus, des structures associées de dentine et d'émail (fig. 13). Malgré une évolution classiquement favorable, l'énucléation du fibro-odontome peut se révéler délicate car il peut atteindre d'importantes dimensions. Le diagnostic différentiel du fibrodentinome et du fibro-odontome améloblastiques s'avère parfois délicat avec certains odontomes complexes en voie de formation ; il repose alors sur l'âge, la localisation de la lésion et sur les caractères histologiques .
Odontoaméloblastome Exceptionnel, il associe des îlots améloblastiques et un ectomésenchyme odontogénique aboutissant à la production éparse de dentine et d'émail. Il se distingue cependant du fibro-odontome améloblastique par ses caractères structuraux et son potentiel évolutif agressif similaires à ceux de l'améloblastome . Chez un sujet jeune, la radiographie révèle une image géodique évoquant un améloblastome, si elle n'était ponctuée par des opacités d'épaisseur variable, éventuellement regroupées en amas irréguliers. A l'histologie, l'odontoaméloblastome est composé d'îlots épithéliaux améloblastiques de type folliculaire ou plexiforme et d'un ectomésenchyme odontogénique. Des structures de dentine et d'émail y sont associées. La composante épithéliale proliférante de l'odontoaméloblastome lui confère un caractère extrêmement récidivant après traitement conservateur.
Tumeur odontogénique adénomatoïde Probablement décrite depuis le début du siècle, la tumeur odontogénique adénomatoïde a été ainsi dénommée par Philipsen et Birn [47] en 1969. La lésion naît de l'épithélium odontogénique et englobe des structures pseudocanalaires avec présence de phénomènes d'induction d'amplitude variable au sein du tissu conjonctif. Kystique en partie, cette prolifération ne serait pas à proprement parler tumorale . La tumeur odontogénique adénomatoïde intéresse majoritairement le sexe féminin (sex ratio de 2/1 ou 3/1) au cours de la deuxième décennie (âge moyen de 19 ans) [62]. Son siège de prédilection est la région canine du maxillaire. Les localisations mandibulaires sont deux fois moins fréquentes [43] ; les localisations gingivales sont, quant à elles, exceptionnelles [59]. La tumeur se traduit cliniquement par une tuméfaction indolore, augmentant lentement de volume, entraînant parfois un retard d'éruption ou des déplacements dentaires. Son image radiographique simule fréquemment un kyste dentigère, monogéodique, bien limité, d'un diamètre de 2 à 4 cm, situé au contact d'une dent incluse ou l'englobant. Néanmoins, le caractère ponctué de l'image par de fines opacités permet parfois d'orienter le diagnostic. Macroscopiquement, la membrane kystique présente une surface lisse et une consistance ferme, similaires à un kyste dentigère. A l'étude histologique, la tumeur est formée de nappes et de cordons de cellules épithéliales, adoptant par endroits un aspect cylindrique améloblastique. Ces structures pseudoglandulaires sont visibles en divers endroits. Dans ces cavités, s'accumule un matériel homogène, acidophile, PAS positif, parfois calcifié. Ce matériel peut présenter les affinités tinctoriales et ultrastructurales de l'amylose. D'autres auteurs interprètent cette substance comme une dentine dysplasique .
L'association avec d'autres tumeurs odontogéniques a été décrite [46]. Après énucléation de cette lésion bien encapsulée, l'évolution est constamment favorable sans récidive [62].
Kyste odontogénique calcifié Précédemment confondu avec un améloblastome ou un odontome atypiques, le kyste odontogénique calcifié a été identifié par Gorlin en 1962 [30]. Du fait de la présence particulière d'un contingent de cellules épithéliales momifiées, dites « fantômes », le kyste de Gorlin présente une analogie avec les pilomatrixomes. Il aurait pour origine l'épithélium de l'émail réduit ou les vestiges d'épithélium odontogénique situés dans la muqueuse ou l'os alvéolaire . Cette lésion rare survient dans les deuxième et sixième décennies [10] avec une égale fréquence dans les deux sexes. Le maxillaire et la mandibule sont atteints avec la même fréquence, dans les régions antérieures jusqu'à la première molaire dans 80 % des cas . A côté de la localisation préférentielle intraosseuse, d'autres variétés périphériques, de fréquence moindre (20 %), sont décrites au niveau des parties molles gingivales recouvrant les aires d'éruption dentaire [11] ; ces dernières surviendraient chez des sujets plus âgés, adoptant ainsi certaines similitudes avec l'améloblastome périphérique ou le kyste gingival de l'adulte. L'image radiographique réalisée est ostéolytique, parfois de grande dimension, plus fréquemment polygéodique que monogéodique, aux contours habituellement bien définis. Inégalement réparti au sein de la clarté, un matériel radioopaque minéralisé réalise une fine ponctuation ou se groupe en amas plus volumineux. Ailleurs, les variétés extraosseuses sont radiologiquement muettes ou érodent légèrement la table externe osseuse. A l'histologie, le kyste est bordé par un épithélium dont l'assise basale comporte des cellules cubiques ou cylindriques, surmontées par d'autres couches cellulaires épithéliales similaires au réticulum étoilé de l'organe de l'émail, aspect voisin de l'améloblastome. Cependant, au sein de l'épithélium, des amas particuliers de cellules « fantômes » momifiées [36], peuvent évoluer vers la calcification (fig. 14) comme dans certains améloblastomes et autres lésions épithéliales odontogéniques. De la dentine dysplasique peut s'édifier au contact de la basale épithéliale. Enfin, un véritable odontome ou une autre tumeur odontogénique peuvent être associés dans une même lésion. D'autres variantes histologiques sont décrites : parmi elles, les formes infiltrantes pseudoaméloblastiques du sujet âgé nommées selon les auteurs « dentinogenic ghost cell ameloblastoma » [54] ou « odontogenic ghost cell carcinoma » [18]. La formation de mélanine au sein de l'épithélium est rapportée dans d'autres lésions plus exceptionnelles. En dépit d'une extension progressive, le traitement conservateur permet une guérison avec de rares risques de récidive ultérieure, lesquels peuvent être en rapport avec une exérèse incomplète [21], ou avec des variantes histologiques pseudoaméloblastiques infiltrantes.
Odontomes complexes et composés Les odontomes résultent d'anomalies du développement et ne constituent pas une réelle entité tumorale [12]. Tous les tissus dentaires normaux et minéralisés y sont représentés, mais sont disposés de manière anarchique. La distinction entre les odontomes composés et complexes est arbitraire, basée sur la prépondérance d'organes dentaires structurés ou de tissus dentaires désorganisés. Malformations fréquentes (19 % des tumeurs odontogéniques) [32], la plupart des odontomes sont diagnostiqués chez l'enfant durant la deuxième décennie. Ils peuvent se révéler par une tuméfaction des régions prémolaire ou molaire, maxillaire ou mandibulaire en égale fréquence, ou bien par un retard d'éruption dentaire. D'autres lésions moins actives et de taille modérée peuvent être découvertes à l'occasion d'un examen radiographique de routine.
Odontome complexe La lésion réalise une opacité irrégulière, de tonalité dentaire, de siège postérieur, cernée par un halo clair constitué par le tissu lésionnel en cours de minéralisation (fig. 15 et 16).
L'examen histologique montre une disposition anarchique de tissus dentaires normaux et minéralisés - émail, dentine, cément - et d'un tissu conjonctif pulpaire (fig. 17).
Odontome composé Il réalise radiologiquement une opacité dysharmonieuse, de siège antérieur, constituée par l'accumulation de multiples corps dentaires rudimentaires, l'ensemble étant cerné par un halo clair aux contours bien définis (fig. 18). Histologiquement, l'odontome composé est limité par un sac conjonctif, et renferme de petites dents multiples constituées chacune de tissu minéralisé (émail, dentine) et de pulpe dentaire (fig. 19). En pratique, des formes mixtes existent entre ces 2 variétés : il n'est en effet pas rare d'observer, au sein du dispositif odontogénique anarchique, type odontome complexe, des structures dentaires bien individualisées. Durant leur phase de développement, les odontomes peuvent être confondus avec un fibrome améloblastique ou un fibro-odontome améloblastique du fait des vestiges épithéliaux odontogéniques qui y sont parfois associés [5]. La guérison est habituellement définitive après exérèse, sauf si celle-ci est incomplète ou réalisée à un stade trop précoce.
Tumeurs ectomésenchymateuses odontogéniques avec ou sans inclusion d'épithélium odontogénique Fibrome odontogénique Il s'agit d'une tumeur fibroblastique issue du tissu mésenchymateux de l'ébauche dentaire et contenant en quantité variable de l'épithélium odontogénique apparemment inactif. Encore controversé dans son concept et sa définition, le terme de fibrome odontogénique paraît être appliqué à plusieurs types de lésions. La plus commune siège de manière asymptomatique en plein corps mandibulaire, chez l'enfant et l'adulte jeune. L'image radiographique est polygéodique et finement trabéculée [32] ; cependant, la présence de petites opacités de tonalité dentaire la différencie de l'améloblastome. Le fibrome odontogénique prend la forme macroscopique d'un nodule bien circonscrit et de consistance ferme. Histologiquement, il associe des fibroblastes et des fibres de collagène fréquemment clairsemées avec des îlots et des plages de vestiges épithéliaux odontogéniques. Cette dernière contient un nombre variable de cellules au cytoplasme granuleux et acidophile. Le terme de « tumeur odontogénique à cellules granuleuses » est parfois appliqué aux tumeurs de ce type, ainsi qu'aux fibromes améloblastiques présentant des cellules granuleuses similaires. Les divers fibromes centraux des maxillaires ne contiennent pas toujours un épithélium, ou celui-ci peut être clairsemé. En son absence, le diagnostic de fibrome odontogénique peut être porté sous réserve. D'autres subdivisions au sein de ce groupe deviendront probablement nécessaires dans l'avenir, mais pour le présent les différents critères morphologiques et évolutifs n'ont pas encore été établis. Des lésions extraosseuses sont décrites (fibrome odontogénique périphérique). Similaires aux lésions précédentes, la prolifération d'épithélium odontogénique peut cependant y être importante, rendant difficile la distinction avec un améloblastome périphérique. Enfin, une autre variété distincte gingivale consiste en un petit bourgeon tumoral pédiculé sur la gencive maxillaire ou mandibulaire chez la femme. Connue sous le terme d'hamartome épithélial gingival odontogénique, la lésion n'excède que rarement 1 cm de diamètre et n'entraîne pas de destruction de l'os sous-jacent. Constituée d'îlots épithéliaux dans un stroma fibreux mature, elle peut récidiver après exérèse.
Myxome (myxome odontogénique, myxofibrome) Le myxome est une tumeur localement invasive observée avant l'âge de 30 ans, sans prédisposition de sexe. Il intéresse plus fréquemment la mandibule, rarement le maxillaire
et exceptionnellement les parties molles (gencive, ligament alvéolodentaire). Motivée par une tuméfaction lentement progressive associée à une anomalie d'évolution dentaire, la radiographie révèle une image polygéodique, caractérisée par son cloisonnement géométrique à angles vifs ou droits (fig. 20). La bordure périphérique est nette ou au contraire mal définie avec rupture des corticales osseuses lors de tumeur volumineuse. Le caractère partiellement courbe des cloisonnements du fibromyxome prête à confusion avec un améloblastome. Macroscopiquement, le myxome est grisâtre, de consistance gélatineuse et se propage fréquemment, sans limite nette, dans l'os et les parties molles adjacentes. A l'étude histologique, il est composé de cellules conjonctives triangulaires ou étoilées, anastomosées par de fins prolongements et enchâssées dans un matériel mucoïde abondant, PAS positif et alcianophile [4]. Les fibres de collagène sont rares sauf dans les variétés myxofibromateuses. Parfois, s'associent des îlots d'épithélium odontogénique apparemment inactif (fig. 21). La présence de certaines atypies nucléaires dans la composante myxoïde peut faire évoquer un sarcome osseux (ostéo- ou chondrosarcome). Par ailleurs, des zones de type myxoïde peuvent également être retrouvées autour de la couronne d'une dent présentant un retard d'éruption. Le myxome étant peu encapsulé, son exérèse complète est parfois difficile. Des récidives sont décrites [57].
Cémentoblastome bénin (cémentoblastome, cémentome vrai) Cette rare tumeur d'origine mésenchymateuse odontogénique est caractérisée par la formation d'un tissu cémentaire proliférant avec d'authentiques cémentoblastes fonctionnels. Il s'observe chez le sujet jeune (entre 20 et 30 ans), avec une légère prédisposition masculine, et siège presque exclusivement au niveau de la région molaire et prémolaire de la mandibule, voire moins souvent, du maxillaire. La tumeur est de croissance lente et asymptomatique, associée à d'éventuels déplacements des dents restant vivantes malgré une possible insensibilité au test pulpaire [72]. L'image radiographique est caractéristique : une masse arrondie et opaque est accolée ou fusionnée à la racine d'une dent définitive, voire déciduale [72], en bonne place sur l'arcade (fig. 22 et 23) ; ce foisonnement de fines opacités entrelacées est très bien limité en sa périphérie par une mince bande claire uniforme constituée par les assises cellulaires formatrices et non minéralisées [19]. Une résorption des racines dentaires intéressées peut être observée. L'histologie est caractéristique : la majeure partie de la tumeur (zone centrale) est constituée de mottes ou de plages étendues de cément sillonnées par des lignes d'apposition basophile, irrégulières, pagétoïdes (fig. 24). Au sein de cette masse minéralisée, se creusent quelques petits axes conjonctifs renfermant, outre des vaisseaux, des cémentoblastes. En périphérie, le tissu conjonctif non minéralisé est constitué de cémentoblastes. Le diagnostic histologique peut parfois s'avérer difficile avec certains ostéoblastomes bénins [40], un ostéome ostéoïde, voire un ostéosarcome atypique. Après énucléation de cette tumeur facilement clivable, le pronostic est constamment bénin.
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TUMEURS ODONTOGÉ NIQUES MALIGNES
Carcinomes odontogéniques Comparativement aux extensions osseuses des carcinomes développés aux dépens de la
muqueuse buccale, en particulier gingivale, les carcinomes odontogéniques sont relativement rares. Ils sont d'autre part à distinguer des métastases de tumeurs développées à distance. Les carcinomes odontogéniques peuvent se développer par transformation maligne d'une tumeur odontogénique, tel l'améloblastome, ou directement à partir de vestiges d'épithélium odontogénique ; ailleurs, ils sont issus du revêtement épithélial de certains kystes odontogéniques. En fait, la distinction de 3 catégories n'a probablement qu'un intérêt académique, ces tumeurs étant souvent confondues sur le plan clinique et histologique à travers les rares observations qui en sont publiées.
Améloblastome malin Le diagnostic repose sur l'existence d'atypies nucléaires et de mitoses anarchiques au sein d'un améloblastome, de novo ou sur récidive d'un améloblastome bénin déjà traité. L'existence de métastases (ganglions cervicaux ou médiastinaux, poumons, squelette, foie, autres viscères...) renforce le diagnostic. Le terme d'améloblastome malin ne devrait pas être appliqué à un améloblastome commun grevant le pronostic du fait de son extension tumorale directe vers des structures vitales [6], telle une forme multirécidivée, développée vers la base du crâne.
Carcinome intraosseux primitif (CIOP) Ce carcinome exceptionnel se développerait à partir des vestiges épithéliaux odontogéniques, voire au niveau des sites de fusion des processus maxillaires embryologiques . Développé à l'intérieur des maxillaires, le CIOP peut présenter toutes les caractéristiques histologiques d'un carcinome épidermoïde différencié, plus ou moins kératinisant ; seules l'absence de connexion tumorale avec la muqueuse buccale et l'élimination de tout autre foyer tumoral à distance permettent de poser le diagnostic. Ailleurs, l'aspect évoque une tumeur odontogénique : des cellules basophiles de type basal y sont groupées en lobules ou travées plexiformes. En périphérie, les cellules sont hautes et palissadiques ; au centre, peut être observée une discrète kératinisation. Le CIOP doit donc être différencié de la transformation maligne d'un kyste odontogénique, d'un carcinome améloblastique, d'un améloblastome malin, voire d'un carcinome se développant sur un tissu salivaire (carcinome mucoépidermoïde primitif). A travers les quelques observations publiées , le CIOP intéresse le plus souvent la portion postérieure de la mandibule chez un sujet de sexe masculin entre les quatrième et septième décennies. En début d'évolution, l'absence de troubles sensitifs cutanéomuqueux et d'envahissement ganglionnaire peut retarder la date du diagnostic. La radiographie objective une zone ostéolytique de limite imprécise et irrégulière. Grevé d'un pronostic sombre, le traitement repose sur une chirurgie large avec évidement ganglionnaire, complétée éventuellement par une radiothérapie et/ou une chimiothérapie, d'intérêt discutable.
Variantes malignes d'autres tumeurs épithéliales odontogéniques Le kyste épithélial odontogénique calcifié [21], la tumeur odontogénique épithéliale calcifiée et la tumeur odontogénique à cellules claires présentent communément un pléomorphisme cytonucléaire non significatif. La transformation maligne de ces lésions demeure exceptionnelle.
Transformation maligne des kystes odontogéniques Toutes les variétés de kystes odontogéniques peuvent être exceptionnellement le siège d'une transformation maligne. Le caractère kératinisant de la lésion initiale serait un facteur prédisposant [9]. Le diagnostic repose sur l'examen anatomopathologique, toujours indispensable après exérèse d'un kyste, même d'apparence banale.
Sarcomes odontogéniques Fibrosarcome odontogénique (sarcome améloblastique) Contrepartie rare et maligne du fibrome améloblastique, il s'en distingue par la transformation de sa composante ectomésenchymateuse. Il intéresse l'adulte jeune vers 30 ans, sans prédisposition de sexe. La mandibule est le plus souvent atteinte. Motivée par des douleurs et une tuméfaction rapidement croissante, la radiographie révèle une ostéolyse irrégulière, rompant fréquemment les corticales et accompagnée de répercussions dentaires précoces. L'aspect histologique est habituellement celui d'un fibrome améloblastique dont la composante épithéliale reste régulière (follicule et travées d'épithélium odontogénique). Le tissu conjonctif cancérisé comporte des cellules nombreuses et polymorphes (fig. 25), parfois géantes avec de fréquentes mitoses atypiques. Rarement, la composante épithéliale n'est plus retrouvée au sein d'un aspect sarcomateux pur qui simule un sarcome fibroblastique osseux de pronostic plus sombre (métastases dans 25 % des cas). Considérée habituellement comme un sarcome de basse malignité, la tumeur est redoutable par son extension locale, souvent considérable. Les récidives in situ après résection chirurgicale sont fréquentes et souvent très tardives, parfois après une dizaine d'années. Les métastases (ganglions, poumons) sont beaucoup plus rares .
Fibrodentinosarcome améloblastique et fibro-odontosarcome améloblastique Similaires aux fibrosarcomes améloblastiques, ces exceptionnelles tumeurs comportent à côté d'une composante sarcomateuse des îlots de dentine dysplasique complétés ou non par une accumulation d'émail, conséquences de phénomènes inductifs intratumoraux persistants.
Carcinosarcome odontogénique Les deux composantes épithéliale et ectomésenchymateuse montrent des caractères cytologiques de malignité dans cette tumeur demeurant exceptionnelle [71].
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odontogénique
ameloblastoma
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reduced
of
the
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enamel
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adénomatoïde. Rev
prognostically a
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© 1995 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Améloblastome mandibulaire : orthopantomogramme ; aspect en bulles de savon.
Fig 2 :
Fig 2 : Améloblastome mandibulaire : orthopantomogramme.
Fig 3 :
Fig 3 : Améloblastome maxillaire : coupe tomodensitométrique.
Fig 4 :
Fig 4 : Améloblastome mandibulaire : face basse.
Fig 5 :
Fig 5 : Améloblastome folliculaire : aspect d'ensemble. Follicules bordés d'une assise de cellules cylindriques améloblastiques ; quelques cavités kystiques dans les follicules. (Hématéine-éosine, × 200).
Fig 6 :
Fig 6 : Améloblastome folliculaire. Détail d'un follicule avec assise cylindrique périphérique et cellules épithéliales centrales disjointes. (Hématéine-éosine, × 450).
Fig 7 :
Fig 7 : Améloblastome folliculaire. Cellules granuleuses au centre d'un follicule. (Hématéine, × 450).
Fig 8 :
Fig 8 : Améloblastome folliculaire. Différenciation épidermoïde centrale. (Hématéine-éosine, × 300).
Fig 9 :
Fig 9 : Tumeur épithéliale odontogénique calcifiée. Nappes compactes de cellules épithéliales avec atypies nucléaires. (Hématéine, × 300).
Fig 10 :
Fig 10 : Tumeur épithéliale odontogénique calcifiée. Calcifications sur la substance amyloïde et sur des cellules épithéliales nécrosées (anneaux de Lisegang). (Hématéine-éosine, × 200).
Fig 11 :
Fig 11 : Fibrome améloblastique. Ilots épithéliaux odontogéniques et tissu conjonctif ectomésenchy-mateux. (Hématéine-éosine, × 120).
Fig 12 :
Fig 12 : Fibro-odontome améloblastique : orthopantomogramme.
Fig 13 :
Fig 13 : Fibro-odontome améloblastique. Présence au contact des cellules épithéliales d'une dentine dysplasique. (Hématéine-éosine, × 200).
Fig 14 :
Fig 14 : Kyste épithélial odontogénique calcifié. Incrustations calcaires dans l'épithélium dont l'aspect est clarifié dans sa portion inférieure ; dentine dysplasique dans le conjonctif. (Hématéine-éosine, × 120).
Fig 15 :
Fig 15 : Odontome complexe : orthopantomogramme.
Fig 16 :
Fig 16 : Odontome complexe : coupe tomodensitométrique.
Fig 17 :
Fig 17 : Odontome complexe. Disposition anarchique de tissus dentaires minéralisés et conjonctifs. (Hématéine-éosine, × 120).
Fig 18 :
Fig 18 : Odontome composé : rétroalvéolaire.
Fig 19 :
Fig 19 : Odontome composé. Multiples petites dents comportant une pulpe et de la dentine en périphérie. (Hématéine-éosine, × 160).
Fig 20 :
Fig 20 : Myxome : orthopantomogramme.
Fig 21 :
Fig 21 : Myxome : Tissu tumoral constitué d'un tissu conjonctif lâche avec cellules fusiformes ; vestiges d'épithélium odontogénique centraux. (Hématéine-éosine, × 300).
Fig 22 :
Fig 22 : Cémentoblastome bénin : défilé maxillaire.
Fig 23 :
Fig 23 : Cémentoblastome bénin : occlusal.
Fig 24 :
Fig 24 : Cémentoblastome bénin. Tissu minéralisé avec lignes d'apposition irrégulières ; petits espaces conjonctifs. (Hématéine-éosine, × 200).
Fig 25 :
Fig 25 : Fibrosarcome améloblastique. Prolifération de fibroblastes à noyaux irréguliers ; composante épithéliale quiescente en haut. (Hématéine-éosine, × 480).
Stomatologie [22-062-E-15]
Tumeurs vasculaires de la face : hémangiomes et malformations vasculaires
Michel Stricker : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef du service de chirurgie maxillofaciale Luc Picard : Professeur de neuroradiologie, praticien hospitalier, chef du service de neuroradiologie diagnostique et thérapeutique Hôpital Central, 54000 Nancy France
Résumé En présence d'une malformation vasculaire de la face, la première urgence doit tout d'abord être la réflexion, qui doit inciter à prendre toutes les décisions diagnostiques et thérapeutiques avec la plus grande prudence. Avant toute décision, il faut s'assurer d'un diagnostic exact de nature et d'extension, car une lésion superficielle, paraissant simplement inesthétique, peut cacher une angiodysplasie profonde aux risques fonctionnels graves. Une très grande expérience est indispensable pour tenter d'apprécier le potentiel évolutif ; c'est pourquoi une permanente confrontation pluridisciplinaire associant le clinicien, le dermatologiste, le neuroradiologue et le chirurgien plastique est indispensable. C'est ensuite seulement que seront prises les décisions thérapeutiques qui pourront varier de l'abstention sous surveillance à la prescription d'une corticothérapie, en passant par l'embolisation, le laser, la sclérose, la chirurgie d'exérèse ou un simple maquillage. Chaque patient doit ainsi pouvoir bénéficier d'un protocole diagnostique et thérapeutique précis, mûrement réfléchi, qui permettra alors d'obtenir les extraordinaires résultats que l'on n'osait pas espérer il y a quelques années. © 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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INTRODUCTION L'angiome est une angiodysplasie localisée, dont les caractères cliniques sont extrêmement polymorphes. Une telle lésion peut être isolée ou rentrer dans le cadre d'une angiodysplasie diffuse, systématisée ou non. L'angiome peut avoir un potentiel évolutif «
blastomateux » expliquant alors le terme souvent employé, mais très imprécis de « tumeur vasculaire ». On distingue les hémangiomes, témoignant d'une prolifération cellulaire et à potentiel évolutif des malformations vasculaires, généralement stables et existant dès la naissance.
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DÉ FINITION Le mot « angiome » déclenche immédiatement l'apparition d'une séquence d'images, quelque peu confuses, dominée par trois lieux communs : la coloration de la lésion ; le risque hémorragique ; l'incertitude évolutive et thérapeutique. Variation extrême d'événements et de formes, tache rouge plaquée sur le tégument ou masse bleutée transparaissant à travers lui, le stigmate angiomateux réalise, par son polymorphisme, un kaléidoscope de lésions évidentes quant à leur nature, mais imprévisibles quant à leur évolution ; les angiomes qui nous intéressent sont habituellement des lésions bénignes, mettant rarement en cause le pronostic vital, mais dont le traitement est toujours délicat, en raison de leur localisation craniofaciale et, par conséquent, de leurs possibles conséquences psychiques et fonctionnelles. Le terme même d'angiome, à résonance essentiellement morphologique, prête à confusion, car il ne recouvre pas l'ensemble des manifestations cliniques. Cette complexité du « phénomène angiome » se trouve encore aggravée par la dispersion des patients et la distorsion d'attitude des trois principaux groupes de spécialistes concernés : le médecin, dermatologue souvent, parfois neurologue, attaché à la description morphologique et à l'histoire clinique et évolutive ; le neuroradiologue, soucieux, par l'artériographie sélective, de préciser les caractères morphologiques, topographiques et hémodynamiques, indispensables pour poser l'indication et réaliser une embolisation, premier stade fréquent du traitement ; le chirurgien, plus volontiers pragmatique, désireux de posséder et d'appliquer un protocole thérapeutique fiable. Angiome et angiomatose relèvent d'un cadre unique, les angiodysplasies, lesquelles regroupent un ensemble de lésions apparemment disparates, qui s'étendent du lymphangiome jusqu'à l'angiome artériel. La clinique, la forme histologique et le potentiel évolutif sont des éléments essentiels de l'identification et de la classification, mais le caractère unitaire est d'ordre embryologique, concourant à situer la malformation embryologique par rapport à l'angiopoïèse.
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RAPPEL EMBRYOLOGIQUE L'élément constitutif de base du système vasculaire forme « l'unité microcirculatoire » qui associe : artériole-canal anastomotique-veinule-lymphatique (fig 1). Cette unité microcirculatoire se développe au fil des cinq stades embryogénétiques : stade lacunaire ;
stade capillaire ou plexiforme ; stade réticulaire de différenciation hémodynamique artérioveineuse ; stade tronculaire de différenciation non seulement hémodynamique et topographique des artérioles et des veinules, mais encore histologique par apport mésenchymateux au sein des parois ; stade de modelage par résorption des formations transitoires. Le tableau I, emprunté à Andre, précise les principales malformations vasculaires rencontrées en fonction du stade au cours duquel la perturbation embryologique se produit. Cette dysembryoplasie qu'est l'angiome existe parfois dès la naissance. En fait, le plus souvent, l'apparition clinique est décalée. À la naissance, une « prélésion » existe, discrète étoile vasculaire d'apparence anodine. Vers les troisième-quatrième semaines, une poussée évolutive d'intensité imprévisible peut se produire. En effet, le potentiel évolutif de l'angiome est éminemment variable : potentiel « tumoral » exceptionnel. potentiel « blastomateux » habituel : il s'agit d'une prolifération anormale d'éléments normaux, le stade de maturation cellulaire de ces éléments constitutifs conditionnant le devenir de la prolifération. Les éléments jeunes, à potentiel évolutif élevé, sont souvent sujets à une involution spontanée, mise en exergue par les auteurs anglo-saxons. Cette régression se produit vers la quatrième année, parfois plus tard, jusqu'à la sixième année. Elle affecte la forme d'une métaplasie tissulaire se traduisant sur le plan morphologique par une dystrophie cutanée. Cette régression indiscutable est très lente. La statistique de Klosterman présentée au congrès de dermatologie de Munich en témoigne : 2 % après 1 an ; 23 % après 3 ou 4 ans ; 69 % après 7 ans. Dans leur traité de dermatologie néonatale, Salomon et Esterly constatent que 50 % des angiomes tubéreux ont disparu à l'âge de 5 ans et 70 % à l'âge de 7 ans. Des involutions sont possibles jusqu'à la puberté. Cette incertitude évolutive globale de l'angiome englobe deux notions complémentaires : l'évolutivité tardive parfois observée à l'âge adulte (syndrome de Bonnet, Dechaume et Blanc) ; le retentissement sur la croissance, directement induit par la perturbation du régime circulatoire et indirectement lié aux manoeuvres thérapeutiques. On peut naturellement se demander si les critères de l'avenir d'un angiome ne sont pas des critères histologiques. L'adage ancien « on ne biopsie pas les angiomes » garde toute sa valeur : le pronostic n'est pas histologique ; tous les auteurs s'y accordent. L'examen anatomopathologique est peu instructif dans la dysplasie isolée ; il l'est davantage dans les formes disséminées et il est parfois capable de déceler une potentialité maligne, heureusement exceptionnelle.
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CLASSIFICATION DES TUMEURS VASCULAIRES Classiquement considéré comme une tumeur bénigne, l'hémangiome est en fait, le plus souvent, un hamartome, « mélange anormal d'éléments constitutifs normaux », selon la définition d'Albrecht (1904). Malgré leur aspect tumoral, ces éléments qui ont manqué leur but, réalisent davantage une malformation congénitale, reliquat mésodermique des précurseurs de l'arbre vasculaire, qu'une tumeur. Énoncée comme « biologique » par Mulliken et Glowacki en 1982, la classification (fig 2 et 3) se fonde sur l'aptitude évolutive, sur l'hémodynamique, sur la situation de la malformation par rapport au « lit vasculaire ». Ces deux derniers paramètres sont déterminés par l'angiographie qui va discerner deux grands groupes : les hémangiomes et
les malformations vasculaires.
Hémangiomes (angiomes immatures ou à potentialité régressive) Ils sont encore appelés angiomes « phasiques ». Leurs aspects cliniques sont extraordinairement variables. Ce sont cependant le plus souvent des angiomes tubéreux superficiels, mixtes ou profonds, de consistance ferme ; ces lésions ne sont pas pulsatiles et aucun souffle n'y est perceptible lors de l'auscultation. L'hémangiome n'est pas un conglomérat de vaisseaux dilatés ou malformés, il répond à une modification de la structure vasculaire par prolifération endothéliale coexistant avec une augmentation du nombre des mastocytes, alignés le long des vaisseaux. Ces mastocytes, précurseurs de la néovascularisation, sont producteurs d'héparine, laquelle favorise la production d'ECGF (endothelial capillary growth factor), facteur de croissance endothéliale. On constate également une délamination de la basale. L'étude de la néovascularisation au sein des tumeurs montre que la régulation de l'angiogenèse est sous la dépendance des 17-bêtaestradiol (Sasaki), dont le taux est multiplié par 4 dans les hémangiomes évolutifs et qui sont inhibés par la cortisone. L'index mitotique des cellules endothéliales est très bas, entraînant une dérégulation des facteurs d'angiogenèse analogue à celle rencontrée dans la prolifération tumorale et d'ailleurs certaines tumeurs peuvent synthétiser leurs propres facteurs angiogènes. Le schéma évolutif est assez stéréotypé, se déroulant en trois phases : une phase initiale de latence pendant laquelle la dérégulation de l'angiogenèse se détermine au cours du troisième trimestre intra-utérin, puis durant les trois premières semaines après la naissance. À la naissance, l'hémangiome est peu ou pas visible, donc méconnu, mais parfois existe une petite lésion stellaire ou une plage érythémateuse ou achromique ; une phase évolutive s'étendant de la troisième semaine au 18e mois, phase d'apparition et d'extension variable, pouvant prendre une allure critique, dans les formes dites graves avec évolution ulcéronécrotique (fig 4) ; il est à noter que le taux de mastocytes varie de façon considérable entre les phases évolutive et involutive, ainsi que par rapport aux malformations vasculaires et à la peau normale dans lesquelles il est très bas ; une phase involutive, de régression, de 18 mois à 6 ou 7 ans, laissant subsister un reliquat dystrophique par dégénérescence fibrograisseuse, d'intensité variable. L'infection, la thrombose ont été incriminées dans la genèse de l'involution, en fait, on constate une régression endothéliale et une chute du taux des mastocytes (fig 5). Sur le plan angiographique, ces angiomes se présentent habituellement sous l'aspect d'un processus expansif hypervascularisé, sous forme d'un blush visible sur les temps artériolocapillaires. Ce blush disparaît relativement rapidement. Les artères afférentes ne sont que modérément ou pas dilatées, ce qui est logique puisque le « court-circuit » artérioveineux est peu important. L'hémangiome est rencontré chez 10 % des enfants nés à terme. Une étude d'Amir retrouve 20 % d'hémangiomes chez les prématurés à poids de naissance inférieur à 1 000 g et 15 % chez ceux à poids compris entre 1 000 et 1 500 g. La localisation craniofaciale représente 60 % des cas.
Malformations vasculaires (angiomes matures, stables) Résultant d'une erreur de la morphogenèse vasculaire, elles sont le plus souvent présentes dès la naissance et n'ont aucune tendance à la régression spontanée. La classification la plus intéressante est celle qui tient compte de la situation de la lésion par rapport au lit vasculaire, c'est-à-dire par rapport au système capillaire, veineux, lymphatique ou artériel (type de composante vasculaire) ainsi que de leur caractère hémodynamiquement inactif
(débit lent) ou actif (débit rapide). Malformations du système capillaire : ce sont essentiellement les angiomes plans, mais aussi les télangiectasies capillaires et les véritables cavernomes. Malformations du système veineux ou capillaroveineux, regroupant les dysplasies des troncs veineux, les ectasies veineuses appendues à une veine et même les varices qui prédominent au niveau de l'orbite. Ces malformations sont pratiquement toutes « à débit lent ». Elles se caractérisent par la présence fréquente de phlébolithes, pathognomoniques des phénomènes de stase et de thrombose. L'angiographie peut être négative, montrer un blush tardif en grains de raisin ou parfois bien sûr montrer les modifications morphologiques du système veineux ainsi que la stagnation du produit de contraste. Malformations lymphatiques, kystiques ou tissulaires, se manifestant avant 2 ans et donnant lieu à de fréquentes poussées inflammatoires (lymphangiomes et hémolymphangiomes). Malformations du système artériel, regroupant à la fois les rares anévrysmes, les fistules artérioveineuses, les angiomes artérioveineux, et même les hémolymphangiomes. Parmi ces malformations, nombreuses sont celles qui sont « à débit rapide ».
Malformations du système capillaire Les angiomes capillaires constituent les angiomes plans qui atteignent électivement les téguments : il s'agit de plages colorées plus ou moins homogènes à contours réguliers. La coloration peut varier depuis le rose pâle jusqu'au violet foncé, réalisant alors la classique « tache de vin ». La topographie est très variable, mais il s'agit assez souvent de lésions assez étendues, pouvant atteindre les muqueuses adjacentes. Comme leur nom l'indique, ces angiomes sont plans, parfaitement lisses (fig 6 A, B). Bien que de tels angiomes puissent parfois « pâlir » au cours de leur évolution, ils ne disparaissent jamais spontanément. Dans certains cas, au cours du vieillissement, ils peuvent être le siège d'une angiokératose qui aggrave le préjudice esthétique. Du point de vue anatomopathologique, ces angiomes sont constitués par des amas de capillaires dermiques, parfois dilatés et groupés en lobules jamais encapsulés, sans anomalie des parois vasculaires. Lorsqu'il existe une hyperplasie des cellules endothéliales, avec rétrécissement des lumières vasculaires, on parle d'angiome cellulaire. L'exploration angiographique des angiomes plans n'est indiquée que lorsque l'on soupçonne une association avec une lésion profonde, ou avec une malformation située dans le territoire encéphalique par exemple. L'aspect angiographique est souvent normal, mais on peut aussi constater une discrète « densification » sur les temps capillaires. Quelques tentatives d'embolisation réalisées au début de notre expérience n'ont jamais donné de résultats esthétiques probants ; cette indication doit donc être récusée.
Formes cliniques Du fait de sa régression spontanée, le naevus flammeus cité devrait plutôt figurer dans les angiomes immatures. En revanche, le classique angiome de Unna, lui aussi médian, postérieur, étendu sur la nuque et le cuir chevelu, régresse rarement spontanément. Un certain nombre d'angiomes plans recouvrent en fait des lésions profondes, parfois cliniquement difficilement décelables ; ceci peut faire discuter l'indication d'explorations complémentaires, tout particulièrement angiographiques. Ceci peut se rencontrer dans certaines formes cliniques d'angiomatose de Bonnet, Dechaume et Blanc. Dans d'autres cas, l'angiome plan est associé à d'autres lésions, ce qui est le cas du syndrome de Sturge-Weber-Krabbe. Le diagnostic de ces angiodysplasies sera envisagé plus loin et dépend du contexte clinique global. Les télangiectasies capillaires ont l'aspect de zones pétéchiales en grappes, en nodules ou en plages. Il s'agit de dilatations capillaires de forme et de taille variables, dont la paroi est réduite à un simple endothélium, ce qui explique leur fragilité. Chaque vaisseau a une
paroi propre, ce qui les distingue des cavernomes. Ces capillaires dilatés sont séparés par du tissu sain. Ces télangiectasies, angiographiquement mieux visibles lorsqu'elles sont sur le versant muqueux que lorsqu'elles sont sur le versant cutané, sont particulièrement fréquentes dans l'angiomatose de Rendu-Osler (fig 7). Localisées sur les muqueuses de la sphère ORL, ces télangiectasies sont responsables d'hémorragies distillantes, répétées, parfois cataclysmiques. Ces hémorragies sont bien contrôlées par l'embolisation des différents pédicules. Ces lésions proches des « angiomes stellaires » sont fréquentes, de survenue spontanée ou favorisée par des phénomènes endocriniens, en particulier par la grossesse. Une insuffisance hépatique peut provoquer leur apparition, de même que les classiques « taches rubis » qui se développent chez les adultes et augmentent avec l'âge.
Malformations du système veineux Ce cadre regroupe les malformations situées en aval du réseau capillaire portant soit sur le tronc veineux lui-même (varices), soit en dérivation sur ce dernier (ectasies veineuses) (fig 8). C'est probablement dans ce cadre que les erreurs de classification et de dénomination sont les plus fréquentes. En effet, les localisations faciales des angiodysplasies essentiellement veineuses, tels les syndromes de Klippel-Trenaunay et de Parkes-Weber, sont relativement rares et il en est de même pour les varices, en dehors de leur localisation orbitaire plus fréquente. Le diagnostic de ces lésions est d'autant plus difficile qu'elles sont souvent considérées comme invisibles à l'angiographie. En fait, il s'agit surtout de savoir « attendre » : les petites ectasies veineuses diffuses sont souvent décelables sur des clichés réalisés très tardivement (25e, 35e et même 45e seconde après le début de l'injection [fig 9]). Nous avons remarqué une association fréquente à une dysplasie des glandes salivaires. Dans certains cas, il s'agit d'ectasies veineuses, volumineuses, dont la nature peut être suspectée cliniquement, car elles augmentent considérablement de volume lorsque le patient se penche en position « tête basse » (fig 10). De telles lésions peuvent être tout à fait impossibles à opacifier par voie artérielle, même hypersélective ; dans ces observations, seule l'injection directe de la malformation par ponction percutanée peut permettre d'en réaliser l'opacification, afin d'en apprécier l'extension et, parfois, d'en effectuer le traitement par injection « sclérosante » in situ (alcool à 90°, Éthibloc® ou solutés hypertoniques très concentrés). Les angiomes caverneux ou cavernomes sont formés par des cavités sanguines béantes, limitées par une paroi fibreuse mince, doublée d'un endothélium interne. Leur taille est variable, mais ils se présentent le plus souvent comme des angiomes tubéreux. Ces angiomes sont fréquemment le siège de thromboses récentes ou anciennes qui expliquent la notion de « poussées évolutives ». Le syndrome de Bean ou blue rubber bled naevi est caractérisé par la présence d'angiomes caverneux multiples (fig 11). Le traitement de ces lésions est difficile : l'embolisation n'est pas ou peu efficace, la contention élastique difficile à appliquer au niveau de la face et la chirurgie d'exérèse souvent désarmée devant l'extrême diffusion des lésions. Les injections sclérosantes peuvent se discuter s'il n'y a pas de communication directe avec le système veineux encéphalique.
Malformations lymphatiques Elles sont hémodynamiquement inactives, fréquemment associées au compartiment veineux, voire capillaire. Les formes kystiques, anciennement dénommées hygromas kystiques, existent en prénatal et sont parfois de découverte échographique. L'échographie et surtout l'imagerie par résonance magnétique (IRM) étudient l'extension des coulées lymphatiques. Le traitement associe la chirurgie à la sclérose (fig 12).
Malformations du système artériel
Les malformations vasculaires du système artériel ou artériolocapillaire regroupent des lésions aussi disparates que les anévrysmes, les hémangiomes et hémolymphangiomes, les fistules artérioveineuses et les angiomes artérioveineux. Toutes ces lésions doivent être envisagées séparément. Les anévrysmes artériels représentent la « tumeur vasculaire » la plus élémentaire. Ainsi que nous le savons désormais, à l'image de ce qui se passe dans les autres structures de l'organisme, les anévrysmes congénitaux sont tout à fait exceptionnels au niveau cervicofacial. En revanche, on peut trouver des anévrysmes véritablement dysplasiques, associés à une phacomatose, comme la neurofibromatose de Recklinghausen par exemple, des anévrysmes mycotiques (fig 13 et 14) et des anévrysmes traumatiques. Le diagnostic repose sur l'angiographie supersélective. En fonction de leur caractère sacciforme ou fusiforme et surtout de la localisation, le traitement ressort soit de la chirurgie, soit de techniques d'occlusion par voie endovasculaire. Les hémangiomes et hémolymphangiomes forment une catégorie à part, constituant plus des hamartomes que des malformations vasculaires. Souvent localisés au niveau de la langue, on les retrouve aussi au niveau de la joue, du menton et de la région parotidienne. Leur évolution par poussées d'allure inflammatoire est très évocatrice ; ces poussées sont parfois provoquées par un syndrome infectieux ou grippal, des problèmes psychologiques ou des phénomènes endocriniens. Le potentiel blastomateux de ces hémolymphangiomes s'atténue souvent progressivement, pouvant même disparaître totalement au moment de la puberté. L'aspect angiographique est parfois déroutant : certains hémolymphangiomes se caractérisent par un blush artériolocapillaire, proche de l'aspect rencontré dans les angiomes immatures (fig 15) ; dans d'autres cas, des hémangiomes histologiquement comparables sont angiographiquement totalement invisibles. Notre expérience nous a montré tout l'intérêt de l'embolisation qui peut entraîner la régression du volume lésionnel, ainsi que la disparition des phénomènes hémorragiques et la sédation des douleurs. Répétées, ces embolisations peuvent, soit rendre possible, soit faciliter un acte chirurgical, soit éviter une mutilation grave (glossectomie par exemple), en permettant d'attendre la régression progressive du potentiel évolutif (fig 15). Une stabilisation spontanée peut se produire au moment de la puberté (fig 16). Les hémolymphangiomes kystiques peuvent bénéficier d'injections sclérosantes intrakystiques (alcool) capables de provoquer de significatives réductions de volume. Les fistules artérioveineuses sont des communications pratiquement directes, à plein canal, entre une artère et une veine de calibre souvent important. Parfois congénitales, ces lésions sont le plus souvent post-traumatiques (fig 17), révélées par un souffle perçu par le patient et stéthacoustiquement audible. Le diagnostic précis est le fait de l'artériographie supersélective. L'occlusion endovasculaire, ballonnets, injections d'histoacryl ou microcoils, est le traitement de choix, mais la chirurgie peut garder quelques indications en fonction de la localisation des lésions. Les angiomes artérioveineux représentent de véritables lésions à débit rapide. Cliniquement, il s'agit de tuméfactions souvent volumineuses et parfois monstrueuses, pulsatiles, chaudes, au niveau desquelles un thrill est perceptible (fig 18). L'auscultation permet parfois d'entendre un souffle. L'évolution de ces lésions est imprévisible. Parfois déclenchée ou révélée par un événement intercurrent, traumatique, hormonal ou chirurgical, l'aggravation peut être le fait de complications hémorragiques ou de phénomènes d'hémodétournement, responsables d'accidents nécrotiques. Si l'angiome devient volumineux, le retentissement cardiaque peut alors devenir préoccupant. Localement, en périphérie de l'angiome, les poussées évolutives successives peuvent entraîner d'importants troubles trophiques (fig 18). L'examen clinique ne permet pas d'apprécier avec précision l'extension parfois très profonde de ces angiomes, ce qui justifie la réalisation systématique d'explorations complémentaires. Les radiographies standards qui peuvent montrer des calcifications et des lésions osseuses (« envahissement » osseux, hypertrophie ou, au contraire, hypotrophie secondaire à l'angiome), ont perdu leur intérêt. L'étude scanographique craniofaciale doit être effectuée en coupes à la fois axiales et frontales : elle permet d'apprécier l'extension exacte de la lésion ainsi que les modifications osseuses secondaires ou associées.
Le doppler pulsé permet d'obtenir une appréciation chiffrée de l'augmentation du débit vasculaire local, ce qui peut être une méthode intéressante pour juger de l'évolution spontanée ou post-thérapeutique de l'angiome. La thermographie montrera évidemment une hyperthermie locale, mais cet examen n'a strictement aucun intérêt pratique, ni théorique. L'angiographie permet de voir les afférences artérielles très dilatées alimentant une lésion constituée d'un lacis vasculaire, souvent volumineux (fig 18). Il existe habituellement un réseau capillaire entre les afférences artérielles et le réseau veineux, lui aussi dilaté, mais il s'y associe parfois de véritables fistules artérioveineuses directes. Dans tous les cas, le retour veineux précoce est de règle. Le bilan angiographique doit être à la fois hypersélectif et complet, opacifiant toutes les afférences artérielles possibles du territoire envahi par le processus angiomateux : c'est en effet en fonction de ce bilan que pourra se décider un protocole thérapeutique précis. Habituellement, le meilleur protocole thérapeutique consiste à associer embolisation et chirurgie. Chez l'enfant, lorsque l'évolution le permet, il nous paraît préférable d'attendre l'âge de 5 à 6 ans avant de débuter le traitement. L'embolisation préopératoire sera, de préférence, réalisée avec des particules solides. Pour éviter de théoriques risques de contamination, la dure-mère a été totalement abandonnée au profit de microparticules de type Ivalon. Actuellement, les particules solides sont soigneusement calibrées de 50 à 500, voire 1 000 μm. Certains produits, très malléables, peuvent être injectés à l'aide de microcathéters, sans les obstruer. Étant donné que les particules ne sont jamais (ou très rarement) radio-opaques, les injections de particules doivent être réalisées à l'aide de produit de contraste permettant de suivre l'embolisation. S'il peut être tentant d'utiliser des substances polymérisables, de type isobutyl cyanoacrylate, il faut être conscient du fait qu'au niveau de la face, ces emboles sont « redoutablement efficaces », de telle sorte que l'on ne peut méconnaître les risques de complications : nécroses cutanées pouvant poser de graves problèmes esthétiques, embolisations erratiques par l'intermédiaire de nombreux systèmes anastomotiques préexistants. Dans le même ordre d'idées, la poudre de tantale, que certains utilisent encore pour augmenter la radio-opacité de leur mélange polymérisant, est formellement contreindiquée si l'on veut éviter des tatouages cutanés totalement inesthétiques. Il peut être nécessaire de réaliser plusieurs séances d'embolisations, espacées de quelques mois, avant l'acte chirurgical ; ce dernier peut parfois, lui aussi, être réalisé en plusieurs temps si sa réalisation ne permet pas l'exérèse en un seul temps : ce qui peut être le cas de lésions orbitofaciales nécessitant à la fois une voie d'abord directe et une craniectomie pour la portion profonde intraorbitaire de l'angiome (fig 19).
Angiodysplasies systématisées De nombreuses angiodysplasies systématisées comportent la possibilité de lésions craniofaciales et/ou encéphaliques. Avec Andre et Kissel, au cours des dernières années, nous avions proposé de regrouper un certain nombre de ces dysplasies sous le terme global de phacomatoses angiomateuses, tout en reconnaissant l'imperfection de cette dénomination. Parmi ces syndromes, certains sont à prédominance régionale, alors que d'autres sont beaucoup plus diffus.
Phacomatoses angiomateuses Phacomatoses angiomateuses à prédominance régionale. L'angiomatose encéphalotrigéminée de Sturge-Weber-Krabbe (fig 20) associe habituellement un angiome hémifacial à une comitialité avec retard psychomoteur et à un glaucome congénital avec buphtalmie. Il existe de plus un angiome leptoméningé à prédominance pariéto-occipitale associé à des malformations du système veineux profond, qui est souvent hypoplasique ou véritablement absent. Contrairement à ce qui est habituellement écrit, l'angiome leptoméningé est souvent visible sur les temps tardifs de l'angiographie cérébrale, si l'on prend la peine de réaliser des clichés à la 20e, 25e, 30e et même 40e seconde après le début de l'injection. Le scanner montre habituellement une hémiatrophie cranioencéphalique homolatérale associée à des calcifications souvent décelables sur les radiographies standards du crâne (fig 20). L'angiome facial est extraordinairement variable. Intéressant obligatoirement une portion cutanée située au-dessus d'une ligne passant par la fente palpébrale, ces angiomes
habituellement plans et localisés peuvent être franchement tubéreux, verruqueux et très étendus, voire bilatéraux. De nombreuses formes associées à une dysplasie plus étendue et en particulier à un gigantisme partiel sont bien connues. Le traitement de ces angiomes est délicat, car il pose essentiellement des problèmes esthétiques. L'embolisation ne modifie pratiquement pas les angiomes plans, mais paraît faciliter un geste chirurgical sur une localisation tubéreuse exubérante. Le plus souvent, la meilleure solution est un bon « maquillage » qui procure une vie sociale plus facile chez ces patients. Le syndrome de Klippel-Trenaunay-Weber regroupe les dysplasies veineuses congénitales caractérisées par une triade associant un angiome cutané, des varices congénitales et une hypertrophie monomélique. Dans ce cadre, il est habituel de différencier le syndrome de Parkes-Weber, au cours duquel il existe des fistules artérioveineuses, du syndrome de Klippel-Trenaunay qui comporte essentiellement une dysplasie veineuse pure. La face peut participer au processus angiomateux et toutes les formes de passages existent. Nous avons parfois rencontré une association hémiatrophie et hémihypertrophie de la face chez le même patient réunissant ainsi syndrome de Sturge-Weber-Krabbe et syndrome de Klippel-Trenaunay-Weber (fig 21). L'angiomatose de Bonnet, Dechaume et Blanc associe un angiome fronto-orbitaire à un angiome cirsoïde s'étendant depuis la rétine jusqu'à la région thalamodiencéphalique et même parfois jusqu'à la jonction myélobulbaire. Ceci explique que des formes antérieures, moyennes et postérieures aient été décrites (fig 22). Le potentiel blastomateux de l'angiome facial peut être extrêmement important, comme nous avons pu le constater au cours de l'évolution d'une observation personnelle dont le traitement a été singulièrement compliqué par une ligature malencontreuse des deux artères carotides externes. Le traitement doit théoriquement associer embolisation et chirurgie en fonction de la localisation et du potentiel évolutif.
Phacomatoses angiomateuses diffuses L'angiomatose familiale télangiectasique de Rendu-Osler est une affection à transmission autosomale dominante, caractérisée par le développement de nombreuses malformations vasculaires artérielles, capillaires, veineuses ou associées, responsables de multiples hémorragies. Au niveau craniofacial, les télangiectasies cutanées et muqueuses sont souvent évidentes chez l'adulte, entraînant épistaxis et gingivorragies (fig 7). Après épuisement des « petits moyens » classiques (cautérisations, tamponnements), les hémorragies sont souvent suffisamment sérieuses pour justifier l'embolisation qui doit, à notre avis, se situer avant la curiethérapie ou les plasties cutanées. Les épistaxis sont habituellement bien contrôlées soit par l'embolisation des artères maxillaires internes, palatines ascendantes et faciales, soit par des injections directes de mélanges polymérisants (Histoacryl) ou de tissu colle au niveau de la muqueuse nasale. En raison des risques d'embolisation erratique, de telles injections doivent impérativement être réalisées sous contrôle angiographique. Chez la femme, l'estrogénothérapie permet parfois de consolider remarquablement les résultats de l'embolisation. Le syndrome de Bean (blue rubber bled naevus) est caractérisé par la présence de multiples petits angiomes caverneux cutanés et muqueux, peu évolutifs. Leur aspect bleuâtre et leur caractère érectile et réductible « comme des tétines de caoutchouc » expliquent les qualificatifs de blue et de rubber bled naevi. Les calcifications de ces angiomes apparaissent sous forme de « phlébolithes » sur les radiographies standards. L'angiographie est inutile, car ces lésions sont, à notre connaissance, pour le moment invisibles, même sur les temps phlébographiques tardifs. Ces angiomes ne se compliquent habituellement pas et par conséquent ne justifient aucun traitement particulier. Le syndrome de Maffucci, qui associe une dyschondroplasie et une hémangiomatose, est extrêmement rare. Les chondromes prédominent aux extrémités, où ils sont responsables de déformations parfois monstrueuses ; des localisations craniofaciales sont possibles et en particulier au niveau de la base et de l'étage antérieur. Les angiomes sont répartis sur le lit vasculaire et variables avec chaque observation. Aucune attitude thérapeutique systématique ne peut donc être proposée.
Autres angiodysplasies systématisées
Certaines angiodysplasies systématisées ne rentrent pas dans le cadre des phacomatoses, mais dans d'autres cadres, comme celui des erreurs innées du métabolisme. C'est dans ce groupe que se situe l'angiokératose de Fabry qui est une sphingolipidose héréditaire caractérisée par des « éruptions » d'aspect purpurique, parfois confluentes. Ces lacunes vasculaires dermoépidermiques siègent essentiellement au niveau de la ceinture pelvienne, réalisant le « caleçon angiokératosique », mais des localisations faciales et buccales, parfois hémorragiques, sont possibles, expliquant la citation de cette rare maladie. Des associations à une macroglossie ou à une langue scrotale ont été rapportées.
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DIAGNOSTIC CLINIQUE ET PARACLINIQUE Si le diagnostic d'une lésion angiomateuse de la face est habituellement évident, le diagnostic d'une tumeur vasculaire sous un revêtement cutané d'aspect normal peut se révéler difficile. La démarche diagnostique doit donc suivre des règles précises comportant un examen clinique rigoureux et un certain nombre d'examens paracliniques.
Examen clinique Il débutera naturellement par l'interrogatoire qui précisera la date exacte de découverte de la lésion, ainsi que son évolution morphologique et clinique. Il est indispensable de rechercher d'éventuels antécédents d'angiomatose familiale. L'examen clinique doit chercher à préciser au mieux la lésion : aspect cutané, dimensions, topographie, extension en surface et en profondeur, caractère pulsatile, mobilité par rapport aux plans profonds, existence d'un thrill, perception d'un souffle par le patient et/ou par l'auscultation, modification de la température locale, conséquences fonctionnelles éventuelles. Si la lésion est bien visible, ce qui est habituellement le cas, il est indispensable de réaliser quelques photographies de la lésion sous forme de diapositives, qui permettront ultérieurement d'apprécier l'évolutivité de la tumeur vasculaire. La présentation par le patient de documents photographiques antérieurs à la première consultation permet souvent d'apprécier très rapidement le potentiel évolutif de l'angiome. Cet examen local, dont l'importance lors de l'appréciation des résultats thérapeutiques est évidente, doit toujours être complété par un examen général à la recherche d'autres localisations angiomateuses.
Examens paracliniques Parmi l'arsenal des nombreux examens complémentaires dont nous disposons actuellement, pour des raisons économiques évidentes, il nous paraît nécessaire de faire un choix. La thermographie utilisée par certaines équipes pour apprécier l'évolution spontanée ou après traitement, nous paraît un examen peu fiable, sans aucun intérêt pratique, de telle sorte qu'elle ne fait pas partie de notre protocole et qu'elle doit, à notre avis, être abandonnée. Réalisé par un opérateur entraîné, l'examen échographique est certainement plus intéressant, mais il perd, en revanche, une très grande partie, sinon tout son intérêt si un scanner et une angiographie sont envisagés. Dans certains cas, l'échographie peut être utilisée comme moyen de surveillance post-thérapeutique dans le but de dépister une récidive dont le diagnostic n'est pas toujours évident. Dès que la lésion est quelque peu étendue, soit en surface, soit en profondeur, les radiographies du massif craniofacial peuvent montrer des asymétries de développement ainsi qu'un envahissement des structures osseuses par la tumeur vasculaire. Elles étaient utiles si la lésion était volumineuse, mais elles ont perdu leur intérêt face à la
scanographie. La scanographie doit être réalisée avant et après injection de produit de contraste par voie intraveineuse, dès qu'un bilan d'extension s'avère nécessaire. Des coupes frontales doivent parfois compléter les coupes axiales ; les niveaux et les largeurs de « fenêtre » doivent être adaptés aux lésions étudiées, particulièrement lorsque ces dernières sont superficielles. Le scanner ne distingue pas le flux et son intérêt concerne surtout les formes intraosseuses. D'autres prônent les avantages de la scintigraphie aux globules rouges, marqués au technétium 99 pour différencier l'hémangiome de la malformation vasculaire, pour un prix de revient moindre que la résonance magnétique selon Mulliken. L'IRM est un examen souvent complexe, coûteux et inutile si la lésion est simple. En revanche, elle présente un très grand intérêt lorsque la lésion est diffuse, volumineuse, infiltrante. Elle est capable de situer profondément la lésion dans l'espace. Si la coupe sagittale ne présente que peu d'intérêt, ce sont essentiellement la coupe axiale et la coupe frontale qui doivent être utilisées. Les séquences pondérées en T2 sont associées. Une séquence pondérée T1 sera réalisée avec une injection de gadolinium. L'angiographie sélective est l'examen de choix, car elle permet de confirmer le diagnostic et bien souvent de débuter le traitement en réalisant une embolisation hypersélective.
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MOYENS DE TRAITEMENT La trilogie classique, abstention-radiothérapie-chirurgie, est bouleversée par l'approche nouvelle centrée sur une technique à la fois diagnostique et thérapeutique : l'artériographie avec embolisation. L'option thérapeutique ne se résume cependant pas en une formule lapidaire : emboliser et/ou opérer ou s'abstenir (fig 23). Le thérapeute dispose de multiples possibilités d'intérêt certes inégal, mais pour la plupart, susceptibles de rendre quelques services, voire même d'apporter, après perfectionnement, une solution radicale à rançon peu élevée. La panoplie thérapeutique peut être envisagée en fonction de ses objectifs : scléroser la lésion et en provoquer l'involution fibreuse ; extirper la lésion par action directe ou indirecte ; la dissimuler par un artifice de camouflage. En fait, il faut savoir que certaines thérapeutiques sont plus mauvaises que d'autres et doivent absolument être abandonnées. Il en est ainsi des ligatures et de la radiothérapie.
Ligatures Elles sont à proscrire sans aucune exception. Elles doivent théoriquement provoquer un effet palliatif indirect. Destinées à supprimer l'alimentation vasculaire de la lésion, elles obéissent à deux modalités principales : ligature artérielle du ou des principaux pédicules : artère faciale, artère linguale et même parfois ligature du tronc de la carotide externe ; ligature « périangiomateuse » pour circonscrire une lésion à pédicule mal défini et la séparer du réseau afférent, attitude chère à Fevre dans les formes de l'enfant.
En fait, le dossier des ligatures est accablant et leur procès les rend rédhibitoires : en effet, d'une part ces ligatures sont habituellement inefficaces en raison de la constitution quasi instantanée de suppléances appelées à se développer rapidement ; d'autre part, ces ligatures empêchent définitivement la réalisation des angiographies supersélectives et, par conséquent, des embolisations. Dans de nombreux cas, des ligatures intempestives préalables nous ont obligé, soit à effectuer des reperméabilisations chirurgicales permettant l'embolisation (fig 19), soit à ponctionner directement au-dessus de la ligature, ce qui complique sérieusement la tâche du neuroradiologue (fig 22). Les tentatives de reperméabilisation chirurgicale sont difficiles à mener à bien, car le chirurgien vasculaire doit alors intervenir sur un tissu très cicatriciel : l'utilisation d'un greffon veineux peut être nécessaire et les « recanalisations » obtenues ne peuvent pas toujours être ultérieurement franchies pour réaliser le cathétérisme hypersélectif. De même, la ponction directe d'une artère maxillaire interne ou d'un autre pédicule audessus d'une ligature est une technique difficile ; elle nécessite un repérage permanent très précis, utilisant la technique dite de road mapping en scopie, face/profil simultané, les structures vasculaires étant indirectement opacifiées par cathétérisme, par l'intermédiaire des systèmes anastomotiques de suppléance. Il faut beaucoup d'expérience, d'habileté et de patience pour réussir de telles ponctions. À notre avis, la seule indication « résiduelle » des ligatures est peut-être le contrôle temporaire de la carotide externe par un lacs ou un clamp, pour une période de quelques heures, nécessaire au transport, en cas de complication hémorragique grave.
Radiothérapies La radiothérapie conventionnelle de même que la gammathérapie sont, à notre sens, à proscrire en raison de leur interférence avec la croissance régionale. Des nécroses étendues responsables de mutilations ultérieures sont possibles. Le risque est en fait présent à tous les stades : risque immédiat : la nécrose ; risque secondaire à moyen terme : la stérilisation des zones de croissance ; risque tardif : dégénérescence épithéliomateuse spinocellulaire de cette vaste cicatrice de brûlure qu'est la plage de radiodermite. Les isotopes radioactifs, distribuant un rayonnement de faible pénétration, restent la seule opportunité envisageable, mais la technique de distribution est difficile : les solutions au thorium X ou au phosphore 32 en application sur buvard n'ont pas fait preuve d'une grande efficacité. La plaque au strontium 90 était utilisée, mais surtout dans des centres spécialisés ; elle est susceptible d'atténuer la coloration des plages angiomateuses. L'yttrium 90 a été proposé en pommade. Ces techniques doivent être considérées comme obsolètes. Les différents procédés décrits ci-après sont uniquement envisageables à titre complémentaire.
Compression L'effet de la pression sur le conjonctif est une évidence pour quiconque traite des problèmes de cicatrisation. Administrée de façon permanente et prolongée, son action est indéniable et bénéfique sur les hémangiomes. La compression modifie les données circulatoires et peut rendre d'éminents services. Son administration prolongée nécessite la mise en place « d'appareillages » variables en fonction de la localisation de la lésion et aussi de l'âge du patient.
Froid La neige carbonique et la cryochirurgie ont été très utilisées, mais l'inconvénient de la destruction par le froid réside dans l'importance de la dyschromie résiduelle, qui résulte de la destruction des pigments de la peau normale. De toute manière, cette technique ne peut
s'appliquer à des angiomes étendus en profondeur.
Chaleur L'électrocoagulation est un procédé de choix, très précieux dans les angiomes de petites dimensions, en particulier dans les angiomes stellaires : électrocoagulation à la pointe fine, percutanée, répétitive et efficace, ne laissant que d'infimes séquelles ; électrocoagulation de surface, véritable étincelage, menée sous anesthésie générale, plus incertaine quant à l'évolution cicatricielle. Elle nécessite plusieurs séances et une surveillance très attentive au début de la cicatrisation. Son efficacité paraît moindre pour un risque cicatriciel plus élevé.
Scléroses Les scléroses rentrent dans le cadre des thérapeutiques palliatives directes. Les agents sclérogènes, nombreux, sont efficaces mais parfois de nocivité égale à leur efficacité ; leur modalité d'action commune est la « brûlure » qui revêt parfois des aspects trompeurs.
Solutions hypertoniques L'injection de sérum salé hypertonique à saturation à 30 % environ ou de sérum glucosé à 50 % provoque une réaction importante par action hygroscopique immédiate, entraînant un oedème considérable, résolutif en quelques jours. Cette technique est réalisée sous anesthésie générale ; l'injection est sous-cutanée pour prévenir la nécrose du tégument. Quatre ou cinq injections de 3 ou 4 mL sont réalisées, suivant un rythme mensuel chez l'enfant. La quantité injectée varie avec l'étendue de la lésion et l'âge du patient. Matthews (1954) rapporte avoir utilisé jusqu'à 30 mL en une séance et sur une série de 100 cas, ne constate aucune complication importante. Au cours des dernières années, plusieurs équipes semblent avoir obtenu d'intéressants résultats à l'alcool à 90°. Technique d'intérêt complémentaire de manipulation délicate, elle requiert une réelle maîtrise fondée sur l'expérience. Le sotradécol, sulfate tétradécyl de Na à 3 % est très utilisé aux États-Unis.
Magnésium L'effet sclérogène du magnésium, connu depuis Nicoladoni dès 1893 (cité par Dimitroff, 1927) fut utilisé en premier lieu par Payr (1905) dans les angiomes sous forme de flèches directement implantées dans l'angiome ou de billes introduites à l'aide d'un trocart. Le magnésium implanté s'oxyde, libérant de l'hydrogène naissant, générateur de fibrose, et ce d'autant plus vite que la vascularisation est plus intense. La résorption du magnésium est totale en 10 semaines ; les nerfs ne sont pas lésés. Ce procédé connut un regain de faveur avec l'école autrichienne, et en particulier avec Wilfingseder, dans les formes infiltrant les peauciers de la face, dont l'exérèse s'avérait à risque trop élevé de mutilation de la mimique.
É thibloc C'est une protéine végétale, dérivée du maïs, combinée à de l'acide amidotrizoïque en solution huileuse et additionnée d'éthanol. Ce produit a été initialement développé pour réaliser l'occlusion de canaux pancréatiques, puis il a été ensuite utilisé au niveau des artères rénales. Des études expérimentales ont été réalisées dans différents pays au niveau de malformations vasculaires intracrâniennes et de la face. Ce liquide, très visqueux, a une action sclérosante dans les cavités vasculaires closes ou à débit très lent.
Lorsque cela est possible, une compression périlésionnelle est maintenue durant quelques minutes. Une réaction inflammatoire est la règle, accompagnée d'une poussée thermique. Après quelques mois, le reliquat fibreux est susceptible d'être extirpé. Actuellement, l'utilisation de ce produit au niveau de la face ne fait pas partie des indications retenues par le fabricant.
Maillage au catgut Certaines localisations, telle la langue, se prêtent volontiers à un faufilage de fils de catgut, entrecroisés selon un maillage moyennement serré ; ce qui induit une sclérose (fig 24).
Corticothérapie (fig 25) Prescrite par voie orale, la prednisolone, à raison de 2 mg/kg pendant 3 à 6 semaines, au départ tous les jours, puis ensuite 1 jour sur 2, peut être reprise après 1 mois d'arrêt ; elle a fréquemment une certaine efficacité sur les formes extensives du nourrisson, qui ne sont pas encore accessibles à l'embolisation. Dans notre expérience, si elle n'entraîne généralement pas la guérison, elle permet souvent de passer un cap difficile chez le tout petit. Ceci nous procure parfois un délai de quelques mois, ou même de quelques années avant l'embolisation. L'école milanaise d'Azzolini utilise la corticothérapie intralésionnelle en injection directe dans la formation angiomateuse. Il est fait état de résultats très probants dans les angiomes parotidiens.
Techniques de camouflage Ponçage coloré C'est un procédé astucieux dans son principe, qui s'est avéré d'un intérêt relativement restreint en pratique courante. Il en est de même de la dermabrasion. Certains auteurs injectent une solution de pigments dans la quinine-urée après dermabrasion.
Tatouage Il modifie la couleur par injection de pigments analogues au tégument sain. Ce procédé artisanal est en fait une affaire de professionnel et non d'amateur, même à qualification chirurgicale. La recherche de la couleur et sa fabrication sont une quête ardue dans des circuits inhabituels ; la distribution homogène du pigment en profondeur et en surface requiert une main experte. Les tentatives de réalisation de « machine à tatouer » se sont soldées par des échecs : l'appareil mis au point par Thompson s'est avéré impossible à vulgariser.
Maquillage Les crèmes courantes offrent une extrême variété de teintes et de textures, atteignant parfois la quasi-perfection. Le maquillage est une astreinte
pluriquotidienne en raison de sa fragilité à l'eau. L'acceptation de cette astreinte est parfois difficile à obtenir, surtout chez les hommes, pour des raisons psychologiques évidentes.
Laser L'effet laser semble avoir été initialement appliqué aux angiomes par Goldman en 1967. L'efficacité du laser provient de deux phénomènes : l'effet de vaporisation, transformant le faisceau laser en un bistouri électrique ultraprécis dans tous les plans. La coupe ainsi réalisée est stérile avec hémostase simultanée sous contrôle visuel permanent. C'est le laser au CO2 qui est le plus employé pour cette chirurgie d'exérèse ; l'effet de photocoagulation : la destruction sélective histologique des cellules anormales est le but idéal espéré. On utilise à cet effet un laser à l'argon ou à rubis pour une tension de 0,5 à 3 watts. Le faisceau photonique émis est réfléchi en partie par la couche cornée, le reste pénètre la peau. Les photons sont en majorité absorbés par les globules rouges dont la destruction entraîne une thrombose microvasculaire. Le laser à rubis, modifié par Oshiro, est très sélectif pour une diffusion en profondeur limitée à environ 1 mm, même avec un spot très large. Le laser à l'argon, au contraire, impose l'emploi de spots étroits, inférieurs à 2 mm, sous peine de nécrose ; par ailleurs, la diffusion profonde est plus importante, de l'ordre de 1,5 mm. L'effet laser provoque l'atténuation de la coloration de l'angiome dans 60 à 90 % des cas, mais la disparition totale est l'exception. Le contingent vasculaire profond au-delà de 1,5 mm est hors de portée du laser. La « réépithélialisation » s'effectue en 15 jours, mais seul Oshiro (1981) fait état de téguments traités indiscernables d'une peau normale. L'examen histologique montre une nécrose superficielle, épidermique, puis une cicatrice dermique avec rétraction. Dans le domaine des malformations capillaires (angiomes plans et télangiectasiques), l'utilisation des lasers s'est imposée ces 12 dernières années comme le mode thérapeutique préférentiel, sinon unique, à cause de l'absence de cicatrices, du moins pour les lasers de dernière génération, de type pulsé à colorant. Le laser CO2, responsable de cicatrices, a été rapidement abandonné au profit du laser à l'argon, puis du laser continu à colorant, du laser pulsé à colorant et plus récemment du laser YAG Ktp. Le laser argon émet un faisceau (488 à 514 nm) absorbé par l'hémoglobine et la mélanine. La mise au point de pièces à main automatisées facilite l'utilisation et permet de traiter de façon uniforme. Ce laser, peu sélectif, entraîne parfois des cicatrices et des troubles de la pigmentation. Il est contre-indiqué chez l'enfant. Les lasers à colorants (continu ou pulsé) utilisent la propriété de fluorescence d'un colorant organique, la rhodamine, pour transformer la lumière en une longueur d'onde sélective (577 à 585 nm), qui correspond à la bande d'absorption de l'hémoglobine et permet un effet de photothermolyse sélective. L'absence de dégâts tissulaires, donc de cicatrices, autorise son emploi chez l'enfant dès la période néonatale. Le laser continu à colorant (577 nm) est absorbé par la carboxyhémoglobine. Ce laser est habituellement couplé à une pièce à main Hexascan. Le laser pulsé à colorant (585 nm) est absorbé par l'oxyhémoglobine. Il diffère des autres lasers par son mode d'émission de la lumière-laser, non plus en mode continu, mais en mode pulsé. Cela signifie que chaque impact aura une durée très brève : 450 à 600 μs. La lumière-laser absorbée sélectivement par l'hémoglobine se transforme en énergie thermique, l'impact très bref évitera la diffusion de la chaleur au-delà du vaisseau. Il en résulte une absence de dégâts tissulaires, donc
de cicatrices (fig 26). En pratique, le faisceau-laser est transmis à une pièce à main grâce à une fibre optique. Le spot, délivré toutes les 1 à 3 secondes selon les appareils, mesure entre 5 et 10 mm. La fluence est choisie en fonction de l'âge du patient, du phototype, de la topographie de l'angiome (habituellement entre 5 et 8 J/cm2).
Conduite du traitement Une zone-test est pratiquée lors de la première consultation. Le résultat sera apprécié après 6 à 8 semaines. Le traitement de la totalité de la surface de l'angiome peut habituellement être effectué en une seule séance, soit sous simple anesthésie de contact après application de crème Emla®, soit sous anesthésie locale à la Xylocaïne®. Chez le petit enfant, l'anesthésie générale permet de traiter la totalité de la surface, l'angiome occupant souvent la topographie du territoire trigéminé. Le purpura gris ardoise apparaît immédiatement lors des impacts, net pendant la première séance, il disparaît en 10 à 15 jours. Le pâlissement de la zone traitée est maximal dans les 3 à 4 mois. La région centrofaciale, en particulier la lèvre supérieure, répond moins bien que les zones latérales du visage. Des passages complémentaires peuvent être effectués tous les 2 à 3 mois chez l'enfant âgé de moins de 1 an, tous les 6 mois chez les autres enfants et les adultes. Les angiomes de couleur rose pâle, disparaissant à la vitropression, répondent de façon inconstante. Le risque cicatriciel, considéré comme très élevé chez l'enfant avant 12 ans (38 % de cicatrices selon Dixon) est amendé par les lasers à colorant pulsé, sachant néanmoins que la lèvre supérieure est une zone à risque. Le principal facteur limitant de ces lasers est le coût d'achat et d'entretien (principalement pour le laser pulsé à colorant). Les nouveaux lasers YAG Ktp (532 nm) ont été homologués depuis peu. Ils sont particulièrement indiqués dans les angiomes télangiectasiques. De nouvelles générations de lasers viendront peu à peu remplacer les techniques actuelles. Les coûts élevés freinent leur développement. On peut cependant déplorer l'absence d'études comparatives car difficiles à imposer dans le traitement des angiomes sur les parties découvertes, plus particulièrement chez l'enfant.
Influence de la nature de l'angiome Les caractéristiques cliniques et hémodynamiques déterminent l'efficacité de l'embolisation et de l'exérèse, qui sont fonction de la disposition intratissulaire des vaisseaux, de leur densité, de leur nombre et de la taille des cavités. Le cavernome, angiodysplasie veineuse (fig 9) à topographie préférentielle jugale et parotidomandibulaire, est une forme difficile qui se présente sous deux aspects : le type disséminé, microcavitaire, hors d'atteinte d'une chirurgie raisonnable est imparfaitement accessible à l'embolisation ; le type paucicavitaire est théoriquement « plus chirurgical ». En fait, la dysplasie envahit souvent la muqueuse buccale et la reconstruction de ce plan muqueux pose de délicats problèmes, compliqués par la présence des muscles de la mimique. L'attitude logique paraît être : l'embolisation de principe, réitérée au besoin ; la sclérose par utilisation du magnésium ou d'injections directes d'un
produit sclérosant dans la dysplasie, soit Éthibloc, soit sotradécol à 3 %.
Influence de la topographie de l'angiome En fonction de la topographie, il faut distinguer trois formes. Formes à retentissement esthétique prédominant : pavillon de l'oreille, pointe du nez. Ces localisations situées sur un lit vasculaire de calibre extrêmement réduit, affectant un organe galbé et modelé, sont plus volontiers chirurgicales, sous réserve du respect de la forme ou de sa réhabilitation. L'angiome « Cyrano » de la pointe du nez (fig 27) est abordé par une voie marginale externe traversant la columelle. Le lambeau cutané est relevé, l'angiome est extirpé et coagulé. Formes à retentissement fonctionnel prédominant. La langue est l'organe le plus démonstratif ; déformée par le processus expansif vasculaire, elle obture en partie la cavité buccale, repoussant les arcades alvéolaires, faisant parfois issue à travers l'orifice buccal. La muqueuse est souvent piquetée de varicosités vasculaires, volontiers hémorragiques et les poussées inflammatoires sont fréquentes. L'embolisation des artères linguales est efficace et le complément chirurgical s'adapte bien à la lésion. L'extirpation est possible dans les formes localisées, mais seule une chirurgie de réduction peut s'envisager dans les atteintes globales. Cette glossectomie de réduction s'effectue dans des conditions parfois difficiles de contrôle du saignement veineux. Formes à retentissement mixte, par exemple les lèvres (fig 28).
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INFLUENCE DE L'EXTENSION DE L'ANGIOME (FIG 29)
Extension en profondeur La loge parotidienne et l'espace sous-parotidien postérieur peuvent être envahis par l'angiome qui gagne ensuite les confins craniofaciaux par la fosse soustemporale. Cet envahissement offre des difficultés de dissection en raison de la présence du nerf facial, ainsi que du caractère exigu du champ opératoire, à mesure que l'on gagne les régions profondes (fig 18). Les cavités « pleines », les orbites et la cavité crânienne sont fréquemment envahies par un angiome facial ou craniofacial. L'extension orbitocrânienne complique singulièrement la tâche des thérapeutes, contraints de respecter le globe oculaire, la fonction visuelle et l'oculomotricité (fig 19). L'envahissement osseux mandibulaire transforme la mandibule en une éponge vasculaire. L'embolisation peut permettre une réssofication, mais certaines lésions très hémorragiques imposent la résection osseuse.
Extension en surface : angiomes plans Disgrâce à retentissement psychologique sévère, l'angiome plan est auréolé d'une fâcheuse réputation. Longtemps réputé inaccessible à la chirurgie, il était confié à diverses thérapeutiques des plus imparfaites. Deux procédés sont complémentaires : la chirurgie et le camouflage. L'exérèse chirurgicale consiste en une excision menée en un ou plusieurs temps.
« Il est souhaitable de séparer le traitement des unités esthétiques, et de préserver la couche profonde du derme, ce qui garantit la persistance de la motricité et de la mimique vasculaires » (Clodius) (fig 30). La réparation se fait par greffe de peau totale, à site de prélèvement rétroauriculaire, préclaviculaire ou brachial interne. La greffe est, si possible, réalisée d'un seul tenant, pour prévenir les résurgences angiomateuses à la jonction des greffes. L'hémostase, la suture, la compression et l'immobilisation doivent tendre à la perfection. L'immobilisation peut s'avérer malaisée dans les localisations périorificielles, imposant un adossement tarsal temporaire, un blocage intermaxillaire, voire un adossement labial. Dans certains cas, la greffe est prélevée sur le cuir chevelu, après rasage ; ce procédé procure toute satisfaction (cicatrice invisible, répétition possible, coloration et texture très voisines du tégument facial). La réparation peut se faire par lambeau. La rotation cervicale, selon Esser et Ferris-Smith, avec ou sans greffe complémentaire, constitue le deuxième volet de l'alternative. La rotation jugocervicale procure une vaste étoffe pédiculée sur l'avant, permettant ainsi de reconstituer toute la joue. Elle a cependant ses limites : la paupière inférieure doit être greffée ; le lambeau ne doit pas être amené au-delà du sillon orbitonasogénien, sinon la nécrose est probable ; la rotation crée un pli cutané parabuccal dont le tégument peut être utilisé pour la lèvre supérieure (fig 31). Il est impossible de traiter en un seul temps les grands angiomes plans hémifaciaux, de sorte qu'un protocole chronologique est déterminé : rotation jugocervicale ; greffes de peau totale par unité esthétique ; lambeau frontal médian de réparation dorsonasale ; réduction de la lèvre supérieure avec reconstruction de la muqueuse et éventuellement greffe composée auriculaire sur la margelle narinaire ; révision des zones jonctionnelles et remise en tension éventuelle du système musculoaponévrotique superficiel. Traiter un angiome plan est chose difficile, grevée d'aléas de toutes sortes : par nécrose partielle, par hypertrophie des zones jonctionnelles, par résurgences angiomateuses au niveau de ces mêmes zones jonctionnelles. Par ailleurs, l'aspect en « manteau d'Arlequin » est souvent retrouvé, estompé néanmoins par l'utilisation d'un camouflage léger. Ce protocole chirurgical, très invalidant et à résultat le plus souvent imparfait, a cédé le pas à la technologie par laser, qui, dans des centres spécialisés, entre des mains expertes, procure à moindre frais une satisfaction équivalente dans la plupart des cas, tout particulièrement dans les formes disséminées. Il est néanmoins indispensable de bien posséder le protocole chirurgical dans l'hypothèse d'une défaillance du laser.
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TROUBLES DE LA CROISSANCE La présence d'un angiome équivaut le plus souvent à un allongement tissulaire très sensible dans les structures faciles à distendre (fig 32) telles que lèvres et paupières. Mais la différence de régime circulatoire aboutit parfois à des croissances différentielles des structures osseuses, en particulier de la mandibule. Ces distorsions de croissance, très spectaculaires, sont fort difficiles à résoudre et la compression est, en désespoir de cause, le moyen employé pour freiner l'évolution, en association avec l'embolisation, dans l'attente d'une chirurgie à la fois mutilante et remodelante (fig 33).
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Fig 1 :
Fig 1 : Nomenclature et schéma d'un angiome (d'après Andre). 1. Artère rectiligne ; 2. artère précapillaire ou métartériole ; 3. boucle capillaire terminée par le sphincter précapillaire ; 4. réseau capillaire vrai ; 5. veinule postcapillaire ; 6. veine postcapillaire ; 7. veine ; 8. capillaire de jonction ou anastomose artérioveineuse ou glomique.
Fig 2 :
Fig 2 : A. Nomenclature selon Mulliken et Glovacki avec les équivalents de terminologie. B. Les composants de la malformation à compartiment variable. C. La caractéristique hémodynamique est essentielle. Les malformations vasculaires hémodynamiquement actives artérioveineuses ont un pronostic plus sévère. D. Structure d'une malformation vasculaire lymphatique (lymphangiome kystique).
Fig 3 :
Fig 3 : Régression spontanée d'un angiome labial. A. Aspect clinique à l'âge de 4 mois. B. Régression partielle à l'âge de 12 mois. C. Aspect normal à l'âge de 10 ans.
Fig 4 :
Fig 4 :
Forme clinique extensive à évolution ulcéronécrotique. Interception thérapeutique : exérèse, réparation par lambeau sous-mental de transposition, résultat à distance.
Fig 5 :
Fig 5 : A. Hémangiome : évolution en trois phases. Le taux de mastocytes est un facteur d'évolutivité. B. Reliquat dystrophique après corticothérapie de freinage. C. Reliquat dystrophique après radiothérapie (à proscrire). D. Hémangiome jugal gauche. E. Hémangiome orbitofrontopalpébral gauche (E1), résultat après freinage corticothérapique et chirurgie complémentaire (E2). F. Hémangiome nasojugal gauche (F1), évolutif (F2), puis involué (F3). Résultat après correction chirurgicale du reliquat dystrophique (F4).
Fig 6 :
Fig 6 : Malformation capillaire (angiome plan) à topographie trigéminée. A. V1 V2. B. V3.
Fig 7 :
Fig 7 : Télangiectasies cutanéomuqueuses diffuses au cours d'une angiomatose de Rendu-Osler. A, B. Aspect des télangiectasies cutanées nasolabiojugales. C, D. Présence de très nombreuses télangiectasies linguales. E. Angiographie sélective du tronc maxillotemporal gauche (profil-soustraction) montrant des télangiectasies muqueuses diffuses (flèches). F. Après embolisation de l'artère maxillaire interne, l'angiographie opacifie sélectivement l'artère transverse de la face qui donne elle aussi naissance à de nombreuses télangiectasies (flèches).
Fig 8 :
Fig 8 : Malformation veineuse et son évolution. Indication à la sclérothérapie.
Fig 9 :
Fig 9 :
Angiome caverneux diffus hémifacial droit. A. L'artériographie de l'artère maxillaire interne en incidence de face opacifie une volumineuse cavité relativement superficielle. B. Artériographie faciale droite en incidence de profil ; sur un temps phlébographique très tardif (45e seconde après le début de l'injection), on constate de très nombreuses ectasies veineuses diffuses. C. Contrôle angiographique carotidien externe droit après embolisation distale à l'aide de particules. D. Aspect clinique avant embolisation à l'âge de 12 ans. E. Aspect clinique à l'âge de 13 ans, 1 an après la première embolisation. F. Aspect clinique à l'âge de 16 ans, 1 an après la deuxième embolisation. Importante régression du volume de la masse angiomateuse associée à une réduction très importante elle aussi de la dyschromie cutanée. L'amélioration esthétique obtenue est extrêmement appréciable.
Fig 10 :
Fig 10 : Varices superficielles extracrâniennes associées à une malformation diffuse du système veineux encéphalique. A. Aspect clinique de profil montrant une volumineuse lésion frontale médiane, dépressible et sans souffle associé. B. En position tête basse, cette lésion frontale augmente considérablement de volume. C et E. Aspect scanographique avant injection : calcification des noyaux gris centraux. D et F. Dilatation du système veineux et prise de contraste au sein de la lésion frontale médiane extracrânienne. G. Dysplasie du système veineux marquée par une dilatation des veines de la substance blanche ainsi que de l'ensemble du système veineux profond.
H. Seule la ponction directe de la tuméfaction permet d'opacifier la lésion qui est constituée d'ectasies veineuses irrégulières communiquant les unes avec les autres.
Fig 11 :
Fig 11 : Malformation veineuse. A, B. Cranio-orbitaire droite à composante intracrânienne majoritaire. C. Ectasies veineuses en « tête de méduse ». D, E. Évolutivité progressive, récidive après extirpation chirurgicale, sclérose peu efficace.
Fig 12 :
Fig 12 : Malformation lymphatique (lymphangiome kystique). Résultat du traitement chirurgical par exérèse radicale sous contrôle du nerf facial.
Fig 13 :
Fig 13 : Anévrysme mycotique cervical droit chez un enfant de 18 mois. A. Angiographie de l'artère carotide primitive droite en incidence de face montrant, à un stade très précoce, le début de l'opacification d'un volumineux anévrysme mycotique, appendu à l'origine du tronc de l'artère carotide externe. B. À un stade plus tardif, l'anévrysme est mieux dessiné, mais son opacification reste irrégulière, ce qui correspond vraisemblablement à la présence de caillots au sein de la masse anévrysmale.
Fig 14 :
Fig 14 : Anévrysme post-traumatique de la carotide interne cervicale chez un adulte jeune.
A. Angiographie carotidienne interne gauche en incidence de profil montrant un très volumineux anévrysme développé aux dépens de la portion prépétreuse de la carotide interne cervicale gauche. B. Angiographie de la carotide primitive gauche, en incidence de profil après traitement endovasculaire de l'anévrysme : occlusion totale de la carotide interne gauche par ballonnet. Excellente suppléance par l'intermédiaire du polygone artériel de Willis.
Fig 15 :
Fig 15 : Hémolymphangiome lingual traité par embolisation chez un enfant de 8 ans. A. Angiographie linguale droite montrant l'hypervascularisation de la lésion. B. Angiographie linguale droite après embolisation distale à l'aide de particules : l'hémolymphangiome n'est plus visible. C. Avant embolisation, la langue est globalement augmentée de volume et comporte de nombreuses plages nécrotiques. D. Aspect de la langue 1 mois après la première embolisation. E. Aspect clinique 5 ans après la première embolisation : il n'y a plus de douleur, ni de manifestations hémorragiques. La déglutition et la phonation sont normales.
Fig 16 :
Fig 16 : Évolution progressive d'une malformation vasculaire capillaroartérielle envahissant le squelette, responsable d'une hémihypertrophie osseuse maxillaire et mandibulaire. L'évolution s'avère irrémédiable.
Fig 17 :
Fig 17 : Fistule artérioveineuse carotidojugulaire droite post-traumatique. Enfant de 12 ans présentant un souffle auriculocervical droit apparu dans les suites immédiates d'une tonsillectomie « difficile » réalisée à l'âge de 2 ans. Le tronc de l'artère carotide externe est ligaturé à l'âge de 3 ans. A. Angiographie carotidienne primitive droite (profil). Obstruction de la carotide externe
(ligature) avec dilatation des rameaux vestigiaux de la carotide interne intrapétreuse et du siphon carotidien. B, C, D. L'angiographie vertébrale droite en incidence de profil (B) opacifie les branches de l'artère carotide externe droite par l'intermédiaire des nombreux systèmes anastomotiques. Cette angiographie montre la présence d'une fistule artérioveineuse qui est précisée par l'angiographie hypersélective de l'artère maxillaire interne (C-D) techniquement extrêmement difficile à réaliser par ponction directe, en raison de la ligature initiale de l'artère carotide externe. La fistule artérioveineuse est développée entre l'artère maxillaire interne et la veine jugulaire antérieure. E. Un ballonnet largable, marqué d'un clip d'argent (flèche) est placé au niveau de la fistule artérioveineuse qui est ainsi totalement obstruée. F, G. Le contrôle angiographique réalisé par voie vertébrale droite montre la disparition totale de la fistule artérioveineuse, ce qui est corroboré par la guérison clinique définitive.
Fig 18 :
Fig 18 : Angiome artérioveineux tubéreux pseudotumoral orbitojugal droit. A, B. L'angiome se comporte comme un véritable processus tumoral appendu à la paupière inférieure et recouvrant partiellement la joue gauche. C, D. Dilatation considérable de l'artère ophtalmique qui alimente la portion supérieure de l'angiome. Shunt artérioveineux très important avec retour veineux précoce. E, F. L'artère, maxillaire interne alimente la plus grande partie de l'angiome. Cette artère sera embolisée avant l'intervention chirurgicale et l'exérèse.
Fig 19 :
Fig 19 : Angiome artérioveineux naso-orbito-auriculaire gauche. Ligature intempestive de la carotide externe. A. Occlusion totale de la carotide externe gauche à son origine (ligature). B. Prise en charge des branches de la carotide externe par les branches musculaires de l'artère vertébrale. C. Reperméabilisation chirurgicale de la carotide externe par pontage veineux. D. Angiographie sélective de l'artère maxillaire interne gauche après reperméabilisation. E. Contrôle de l'artère maxillaire interne gauche après embolisation. F. Hypertrophie de l'artère auriculaire postérieure gauche alimentant la portion auriculaire de la lésion. G. Portion palpébrale de l'angiome alimenté par l'artère ophtalmique dilatée. H. Aspect clinique avant traitement. I. Aspect clinique après embolisation suivie d'une exérèse chirurgicale partielle.
Fig 20 :
Fig 20 : A. Angiomatose encéphalotrigéminée de Sturge-Weber-Krabbe. B, C. Sur les radiographies standards du crâne en incidences de face et de profil, on distingue les calcifications qui prédominent habituellement au niveau de la région occipitale. D. Les temps phlébographiques de l'angiographie carotidienne interne montrent une discrète hypervascularisation pariétale gauche, correspondant à la lésion angiomateuse leptoméningée, ainsi qu'une agénésie du système veineux profond. E, F, G, H. Les différentes coupes scanographiques montrent une hémiatrophie cranioencéphalique droite avec de nombreuses calcifications à la fois occipitales et frontales.
Fig 21 :
Fig 21 : Angiomatose hémifaciale gauche complexe. L'aspect clinique de ce patient évoque l'association d'une angiomatose encéphalotrigéminée de Sturge-Weber-Krabbe comme l'évoque la portion fronto-orbitaire de la lésion et d'une forme faciale de syndrome de Klippel-Trenaunay-Weber comme l'évoque la partie labiomentonnière de l'angiome. Il existe en effet une hémiatrophie de la partie supérieure de la face alors que la partie inférieure est hémihypertrophique.
Fig 22 :
Fig 22 : Angiome de Bonnet, Dechaume et Blanc. A. À l'âge de 40 ans, l'angiome envahit une partie de l'hémiface gauche et en particulier la région nasojugale et labiale supérieure. B. Vingt ans plus tard, le potentiel blastomateux de l'angiome a considérablement aggravé les déformations avec envahissement de toute l'hémiface gauche. C, D. Les angiographies carotidiennes droite et gauche en incidence de profil montrent qu'une ligature intempestive des deux carotides externes avait été réalisée de telle sorte qu'une partie de la portion faciale de l'angiome était prise en charge par les branches dilatées des deux artères ophtalmiques. On distingue en outre une partie de la portion intracrânienne thalamique gauche de l'angiome. E. L'angiographie vertébrale gauche montre la reprise en charge des branches de la carotide externe par l'intermédiaire des rameaux musculaires de cette artère vertébrale ainsi que la malformation artérioveineuse intracérébrale.
Fig 23 :
Fig 23 : Angiome frontal droit chirurgicalement extirpable sans difficulté. 1.Aspect clinique de l'angiome tubéreux frontal paramédian droit d'un nourrisson.
2.Aspect cicatriciel en fin d'intervention. 3.Résultat à plus de 10 ans.
Fig 24 :
Fig 24 : Schéma d'un maillage au catgut.
Fig 25 :
Fig 25 : Angiomatose orbitofrontale gauche chez un nourrisson de 6 mois. Corticothérapie d'indication fonctionnelle. 1.Aspect initial au cours d'une poussée évolutive avec oblitération orbitaire gauche menaçant la fonction visuelle. 2.Aspect évolutif 2 mois plus tard après corticothérapie : la fonction visuelle est restaurée.
Fig 26 :
Fig 26 : Efficacité du laser dans les malformations capillaires (angiome plan ou port-wine stain) et les télangiectasies (plateau laser de Mulhouse).
Fig 27 :
Fig 27 :
A. Hémangiome du nez. B. Malformation vasculaire de la pointe du nez (angiome « Cyrano »). C. Voie d'abord marginale externe de la pointe du nez en « aile de mouette ». D, E, F. Résultats du protocole.
Fig 28 :
Fig 28 : A. Involution d'un hémangiome labial. État initial. Résultat de l'involution. Reliquat dystrophique. B. Malformation vasculaire labiale non involutive. Résultat de la chirurgie d'exérèse par voie vestibulaire. C. Hémangiomes de la lèvre supérieure et de l'angle interne de l'orbite gauche. Résultat de la réparation chirurgicale (greffe de peau totale labiale supérieure).
Fig 29 :
Fig 29 : A. Hémangiome parotido-auriculaire gauche. B, C. Résultat de la chirurgie d'exérèse après résultat insuffisant de la corticothérapie intralésionnelle. Noter la dystrophie de la partie basse du pavillon auriculaire.
Fig 30 :
Fig 30 : A. Malformation capillaire hémifaciale gauche préalablement traitée par une greffe cutanée en « cocarde » de qualité médiocre. B. Résultat d'un protocole chirurgical ayant nécessité 18 mois de traitement. Exérèse de la greffe et des reliquats angiomateux, rotation cervicale large selon Esser, greffes de peau totale de la lèvre supérieure, des paupières, de la tempe, remise en tension du plan SMAS (système musculoaponévrotique superficiel). La patiente est maquillée.
Fig 31 :
Fig 31 : Malformation capillaire, classique angiome plan hémifacial droit dans le territoire trigéminal du V2. Résultat d'un protocole chirurgical d'exérèse avec réparation par rotation cervicale selon Esser, greffe de peau totale de la lèvre supérieure, lambeau muqueux hétérolabial en « rideau ». A, B. Préopératoire. C, D. Résultat.
Fig 32 :
Fig 32 : Malformation capillaire trigéminée prédominant dans le territoire du V3 avec expansion labiale inférieure.
Fig 33 :
Fig 33 : Malformation vasculaire capillaro-veino-lymphatique avec hyperplasie de la mandibule d'étiologie mixte : par hypervascularisation, par pression linguale.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-066-E-20
22-066-E-20
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires. M Richter C Mossaz F Laurent P Goudot
Insuffisances et excès sagittaux associés à une hauteur faciale normale Résumé. – Cet article traite des anomalies du développement antéropostérieur de la mandibule et du maxillaire. Il distingue deux chapitres selon la position relative de la mandibule et du maxillaire : mandibule en retrait du maxillaire et mandibule en avant du maxillaire. Un troisième chapitre est consacré au cas particulier de la biproalvéolie. Chaque dysmorphie est exposée sous son aspect clinique et céphalométrique. Son traitement orthodonticochirurgical précise les aspects particuliers de la préparation orthodontique, les techniques chirurgicales choisies et leurs échecs. Sont ainsi abordées successivement la rétromandibulie, la rétroalvéolie inférieure, la proalvéolie supérieure, la promandibulie, la rétromaxillie et la biproalvéolie. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : rétromandibulie, promaxillie, promandibulie, rétromaxillie, progénie, biproalvéolie, rétroalvéolie inférieure.
Introduction La chirurgie correctrice des malformations maxillomandibulaires s’applique, pour l’essentiel, aux bases osseuses. Pour cette raison, les articles qui portent sur l’analyse et le traitement de chacune des différentes malformations s’appuient sur une classification clinique qui reprend les termes définis au chapitre « Nomenclature » [26]. Cette étude analytique repose sur l’examen clinique et le plan dans lequel la malformation prédomine, en évitant la confusion que représente l’utilisation systématique des notions de classe d’Angle appliquée aux bases osseuses. Nous distinguons ainsi les « insuffisances et excès sagittaux », dont l’anomalie s’exprime essentiellement dans le plan antéropostérieur qui fait l’objet de cet article, des « insuffisances et excès verticaux » couramment appelés « faces courtes » et « faces longues » et les « déformations transverses » dominées par les asymétries qui seront traitées dans les articles suivants. L’analyse des dysmorphies maxillomandibulaires doit conduire le clinicien à s’interroger sur le siège de la malformation : est-elle alvéolaire ou intéresse-t-elle les bases osseuses maxillaire et/ou mandibulaire, par référence à l’étage crânien ? Ce chapitre concernant les anomalies sagittales peut être divisé selon que : – l’étage mandibulaire est en retrait de l’étage maxillaire ;
Michel Richter : Chef de service, chirurgien maxillofacial, unité de chirurgie maxillofaciale, division de chirurgie réparatrice, hôpital cantonal universitaire, 24, rue Micheli-du-Crest, Genève, Suisse. Claude Mossaz : Médecin dentiste orthodondiste, chargé d’enseignement à la falculté de médecine, Genève, Suisse. François Laurent : Chirurgien maxillofacial, médecin consultant à la faculté de médecine, Genève, Suisse. Patrick Goudot : Chirurgien maxillofacial, médecin consultant à la faculté de médecine, Genève, Suisse.
– l’étage maxillaire est en retrait de l’étage mandibulaire ; – les deux étages maxillaire et mandibulaire sont séquentiellement avancés par rapport au reste de la face (biproalvéolie).
Étage mandibulaire en retrait de l’étage maxillaire Cette anomalie peut être due à : – une rétromandibulie ; – une rétrogénie ; – une rétroalvéolie inférieure ; – une promaxillie ; – une proalvéolie supérieure. On établit le diagnostic sur la base des caractéristiques esthétiques et céphalométriques décrites dans le deuxième article « Diagnostic et plan de traitement » [27]. Le traitement se fonde sur les « Bases chirurgicales » [25] développées dans le troisième article. RÉTROMANDIBULIE
¶ Introduction Les cas de rétromandibulie sans excès ou insuffisance de hauteur dans le plan vertical sont certainement les malformations le plus souvent rencontrées dans notre population. Elles ne sont pas forcément diagnostiquées ni opérées aussi souvent que les rétromandibulies associées à une face longue (profils hyperdivergents), ni même que les promandibulies, deux dysmorphies responsables de profils beaucoup plus déséquilibrés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Richter M, Mossaz C, Laurent F et Goudot P. Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires. Insuffisances et excès sagittaux associés à une hauteur faciale normale. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-066-E-20, 2000, 21 p.
22-066-E-20
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires.
Stomatologie
¶ Diagnostic clinique Cliniquement, la rétromandibulie se caractérise par un grand nombre de variations. Elle se remarque schématiquement dans quatre situations : – lorsque la longueur de la mandibule est insuffisante et que le menton est en rétrusion ; le cas extrême est celui du profil d’oiseau ; – lorsque la projection antérieure du maxillaire est trop importante (proalvéolie supérieure ou promaxillie) ; – lorsque la projection antérieure du maxillaire est trop importante et que la mandibule est insuffisamment développée ; – lorsqu’il existe une béance osseuse entraînant une rotation inférieure de la mandibule et une hauteur antérieure exagérée. Le diagnostic et le traitement de cette dysmorphie seront développés dans l’article traitant des anomalies verticales. Toutes ces malformations ont une caractéristique commune : la relation interarcade se fait en classe II molaire selon Angle, raison pour laquelle certains parlent de « classe II osseuse ».
* A
* B
* C
* D
Demande du patient Le plus souvent, le patient se plaint d’avoir « les dents du haut trop en avant », parfois de posséder un « menton trop petit » ou un « nez trop grand ». Plus rarement, la forme ou l’interposition de ses lèvres peuvent le gêner. S’il existe une supraclusie, il peut souffrir d’un traumatisme de la papille palatine. Dans de rares cas, c’est un ronflement, voire même un syndrome des apnées du sommeil, qui motiveront la consultation. Aspect clinique L’examinateur analyse la position de la mandibule dans les trois plans de l’espace par rapport à l’ensemble craniofacial, puisque les positions horizontale et verticale de la mandibule modifient également l’aspect du visage.
• En vue frontale Le tiers inférieur de la face peut être normal ou sembler trop court. On confirme que le maxillaire occupe une position verticale normale si le découvrement des incisives supérieures est de 3 à 5 mm, lèvres au repos, ou de 8 mm lors du sourire. Lorsque le menton s’est trop développé, compensant la brièveté de la mandibule (progénie compensatrice), ou qu’il existe une version vestibulaire des incisives inférieures, le pli labiomentonnier est plus marqué et la lèvre inférieure s’éverse (fig 1A). Si le décalage antéropostérieur entre mandibule et maxillaire est important, la fonction labiale peut même devenir impossible, avec une lèvre supérieure courte et une lèvre inférieure éversée, ourlée sous les incisives supérieures.
• De profil Le profil est convexe (fig 1B). Pourtant, lorsque la brièveté de la mandibule est compensée par un développement exagéré du menton, il apparaît orthofrontal. L’étage inférieur devient alors légèrement concave (fig 2B). Verticalement, la hauteur du tiers moyen a la même valeur que celle de l’étage crânien, alors que celle du tiers inférieur semble insuffisante. Il est très important de différencier le problème squelettique du problème dentaire car souvent la micro- ou la rétromandibulie sont compensées par la vestibuloversion des incisives inférieures et/ou la palatoversion des incisives supérieures. Un angle nasolabial de 103 ± 5° confirme que le soutien dentaire de la lèvre supérieure est correct. L’angle labiomentonnier peut être fermé par l’appui des incisives supérieures sur la lèvre inférieure. En demandant au patient de propulser sa mandibule, il est possible d’évaluer l’amélioration de la ligne du profil et de la hauteur faciale, et surtout l’effet sur le déplissement labiomentonnier (fig 2E). 2
1
Rétromandibulie. A, B. Avant traitement : face et profil. C, D. Après traitement : face et profil.
• Examen endobuccal L’examen endobuccal doit être complété par l’analyse des modèles. Il confirme l’alignement interincisif supérieur et inférieur sur la ligne médiane du visage, une occlusion en classe II molaire et canine, et mesure la valeur du recouvrement incisif et l’éventuel surplomb (fig 3A). L’insuffisance de développement osseux entraîne parfois un manque de place et un encombrement dentaire antérieur. La seconde prémolaire peut même être bloquée du côté lingual lors de son éruption. Enfin, verticalement, la courbe de Spee est souvent exagérée par égression du bloc incisivocanin inférieur qui peut même laisser une empreinte dans la muqueuse palatine (fig 3B). Transversalement, dans les cas sévères, la largeur de la mandibule est insuffisante avec un diamètre transversal trop faible au niveau des prémolaires. La relation maxillomandibulaire est évaluée en demandant au patient d’effectuer une propulsion.
¶ Diagnostic céphalométrique Plusieurs valeurs céphalométriques caractérisent cette malformation. Dans le plan sagittal Les angles SNA et SNB et leur différence ANB sont de bons indicateurs de la position antéropostérieure du maxillaire et de la mandibule [21]. Ils sont appropriés si la base antérieure du crâne a une inclinaison normale [18]. L’angle SNA est alors proche de la norme, soit 82°, alors que SNB se situe en dessous de 80° (ANB entre 6° et 12°) (fig 4). Une façon plus directe de positionner maxillaire et mandibule consiste à tirer une « ligne verticale vraie », ou axe facial de MacNamara [23] , perpendiculaire au plan de
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Stomatologie
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3
* A
* A
Examen endobuccal (même cas). A. Supraclusie par égression des incisives supérieures et inférieures. Les lésions parodontales sont probablement responsables de l’ouverture du diastème interincisif. B. Empreintes des incisives inférieures dans la muqueuse palatine.
* B
* B
* C
SNA 81° (82°) SNB 74° (80°) ANB 7° (2°)
* D 2
Rétromandibulie avec progénie compensatrice. A, B. Avant traitement : face et profil. C, D. Après traitement. E. En propulsion mandibulaire pour simuler le résultat final.
115° (103°) 28° (32°)
13° (7°)
51° (43°)
15° (25°)
106° (93°)
* E
4
Analyse céphalométrique (même patient). Les valeurs normales sont entre parenthèses.
Francfort et passant par le point N. En cas de rétromandibulie, le point B se trouve nettement en retrait de cette ligne alors que le point A en est proche, le maxillaire étant en position correcte. Toutes les formes de menton, de la déficience à la proéminence, peuvent se rencontrer dans ce type de malformation. On peut les quantifier par le « Holdaway ratio » [15] qui indique la position sagittale de l’incisive centrale inférieure par rapport à la ligne NB (norme = 3 mm) et de Pogonion par rapport à cette même ligne (norme = 2 mm) (fig 5). Si on envisage un avancement mandibulaire important, on devra porter une attention particulière à cette valeur afin d’éviter de créer une progénie disgracieuse.
5 Proéminence du menton repérée par le « Holdaway ratio ».
Dans le plan vertical 2 mm
Plusieurs paramètres permettent d’évaluer si la dysmorphose antéropostérieure est associée à une hyper- ou une hypodivergence des bases osseuses. L’angle craniomandibulaire SN-GoMe en est le principal (fig 4). Sa valeur habituelle est de 32°. L’angle maxillomandibulaire Spa-Spp-GoMe (norme = 25°) exprime la rotation mandibulaire et détermine souvent le type musculaire. L’angle formé par la base du crâne SN et le plan palatin Spa-Spp
8 mm Holdaway ratio 2:8 (3:2)
3
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires.
87° (103°)
Stomatologie
117° (103°)
88° (93°)
109° (93°)
* B
* A 6
Influence des lèvres sur la position des incisives supérieures. A. Compensation dentaire de la malformation squelettique : incisives supérieures palatoversées, incisives inférieures vestibuloversées.
B. Interposition de la lèvre inférieure : les incisives supérieures sont vestibuloversées, les inférieures sont linguoversées.
(norme = 7°) exprime la rotation du maxillaire. C’est un facteur important pour prévoir la stabilité du résultat obtenu après intervention chirurgicale. Le rapport entre le tiers supérieur et la hauteur faciale antérieure totale se situe, pour cette catégorie de patients, entre 43 et 45 % [37]. Il faudrait respecter ces limites après chirurgie orthognathique [27]. Dans les rétromandibulies, les axes des incisives supérieures (Inc Sup-SN) et celui des incisives inférieures (Inc Inf-GoMe) peuvent varier considérablement selon que la lèvre inférieure s’interpose ou non entre les incisives, soit au repos, soit durant la déglutition. Lorsqu’il n’existe pas d’interférence labiale, on assiste à une compensation dentaire de la malformation squelettique par version palatine des incisives supérieures (angle < 95°) et vestibuloversion des incisives inférieures (angle > 100°) (fig 6A). À l’inverse, une interposition de la lèvre inférieure entraîne une labioversion (angle > 110°) des incisives supérieures et une linguoversion (angle < 88°) des inférieures (fig 6B). L’hérédité, le type ethnique, la place disponible sur les deux arcades, la tonicité de la langue, l’état parodontal sont autant de facteurs qui influencent aussi la position axiale des incisives. Dans le plan vertical, il n’est pas rare de rencontrer une « suréruption », ou supraclusie des incisives supérieures, en raison de l’absence de contact occlusal au cours de la dentition. Dans les cas extrêmes, les incisives inférieures touchent la muqueuse palatine et créent une occlusion qui peut devenir traumatisante.
* A
* B
* C
* D
* E
* F
¶ Analyse des moulages Pour les rétromandibulies isolées, l’analyse des moulages montre de façon constante une classe II molaire et canine, alors même que l’arrangement des arcades dentaires présente toutes sortes de variations des dimensions sagittale, verticale et transverse. Le surplomb ou le décalage antéropostérieur est souvent excessif (5-8 mm), voire même extrême (10-15 mm). La supraclusie varie de normale (2-3 mm) à exagérée (5-9 mm). On définit ce type de malocclusion comme la classe II division 1 (fig 7A, B, C). Au cours du développement, la pression de la lèvre supérieure par le muscle orbiculaire peut être suffisamment importante pour provoquer une version palatine des deux incisives centrales supérieures en éruption. Les latérales supérieures sortent alors en labioversion. Une supraclusie s’associe généralement à cette malocclusion pour donner la forme typique de classe II division 2 (fig 7DEF). On la rencontre le plus souvent en cas de micromandibulie associée à une face courte. Transversalement, l’arcade supérieure s’adapte en général à l’arcade inférieure en se comprimant dans sa partie postérieure. Lorsqu’il 4
7
A, B, C. Classe II, division 1 selon Angle. D, E, F. Classe II, division 2 selon Angle.
manque, de manière asymétrique, une ou plusieurs dents en raison d’extraction(s) ou d’agénésie(s), la ligne médiane dentaire supérieure est décalée. Fréquemment, l’analyse de place révèle une dysharmonie dentoalvéolaire inférieure en raison de la micromandibulie mais, de manière générale, les problèmes de périmètre sont les mêmes que ceux que l’on rencontre chez les patients orthognathes, en classe I.
¶ Préparation orthodontique Principe La préparation orthodontique avant correction chirurgicale d’une rétromandibulie isolée se résume à la réalisation de quatre objectifs.
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incisives supérieures est mesuré entre 1 et 5 mm en dessous du bord de la lèvre supérieure au repos, on peut niveler l’arcade supérieure en procédant à l’égression des dents postérieures. Au contraire, lorsque l’incisive supérieure présente une « suréruption », c’est elle qu’on tentera d’ingresser. À l’arcade inférieure, le nivellement est généralement obtenu par une combinaison d’ingression antérieure et d’égression postérieure.
• Coordination des arcades
* A 8
* B
Rétromandibulie avec extraction des deux prémolaires inférieures. A. Avant traitement : l’occlusion est en classe II canine et classe I molaire. B. Après traitement orthodonticochirurgical : l’occlusion est en classe I canine et classe III molaire.
• Alignement des arcades L’analyse céphalométrique et l’analyse de place sur les moulages permettent de décider si des extractions sont nécessaires pour parvenir à un alignement adéquat respectant l’anatomie des bases alvéolaires existantes. Lorsque les dysharmonies dentoalvéolaires sont sévères, on préfère extraire les deuxièmes prémolaires supérieures et les premières prémolaires inférieures. On maintient ainsi la position antéropostérieure des incisives supérieures, souvent correcte (fermeture d’espace avec ancrage minimal), tout en décompensant l’arcade inférieure (fermeture d’espace avec ancrage maximal). Les lignes médianes supérieure et inférieure doivent impérativement être alignées sur leur base, et non sur la ligne médiane de la face. La ligne médiane du maxillaire est, dans la grande majorité des cas, déjà alignée par rapport à la face. D’autres techniques, comme la réduction interproximale d’émail, permettent de gagner 5 à 6 mm pour corriger un léger manque de place. Une autre solution consiste à n’extraire que les deux premières prémolaires inférieures. Cette alternative est indiquée lorsque aucune dysharmonie dentoalvéolaire n’est mesurée au maxillaire et à condition que ce dernier, ainsi que les incisives supérieures, soient en position correcte par rapport au reste du massif facial. Il faut d’autre part que les dents de sagesse inférieures aient déjà fait leur éruption et soient en occlusion. On évite ainsi, après avancement mandibulaire, l’obtention d’une occlusion en « classe III thérapeutique » où les deuxièmes molaires supérieures n’ont pas d’antagonistes (fig 8 A, B).
• Nivellement des arcades Dans ce type de malformation, il arrive souvent que la courbe de Spee soit excessive à l’arcade inférieure et inverse à l’arcade supérieure en raison de la « suréruption » des incisives. La préparation orthodontique doit corriger ces déplacements en respectant avant tout la position verticale de l’incisive supérieure par rapport à la lèvre supérieure. En effet, si le bord occlusal des
9
* A Étape d’une décompensation d’une classe II. A. Classe II « compensée » : élastiques de type classe III. B. Classe II « décompensée ». C. Après chirurgie d’avancement mandibulaire.
Elle a pour but de préparer la forme et la dimension des deux arcades dentaires de façon à obtenir un engrènement idéal après la chirurgie. La forme de l’arcade inférieure sert de référence car elle tolère mal les modifications en raison de la forte influence du caractère héréditaire. Lorsqu’il existe une rétromandibulie associée à une classe II, l’arcade supérieure s’est adaptée à la position rétrusive de la mandibule, en général par une contraction compensatoire. La coordination implique de procéder orthodontiquement à une expansion dentoalvéolaire de 2 à 4 mm. Dans les cas plus graves, lorsqu’une endo- ou une micromaxillie accompagne la rétromandibulie, on doit prévoir une expansion squelettique avec assistance chirurgicale.
• Décompensation (fig 9A, B, C) Lorsque les incisives supérieures, en basculant du côté palatin, et les incisives inférieures en direction vestibulaire ont littéralement « tenté » de compenser la malformation squelettique, le surplomb diminue. L’avancement chirurgical potentiel de la mandibule, mesuré au niveau des incisives, est alors nettement insuffisant pour corriger la position des bases osseuses et la relation molaire. La décompensation a pour but de replacer les incisives supérieures et surtout les inférieures dans un axe idéal, de 90° environ par rapport au plan mandibulaire [35]. En exagérant la décompensation, on peut en plus surcorriger le déplacement chirurgical de la mandibule pour prévenir la récidive. Technique L’appareil orthodontique de choix est de type « arc droit », commercialisé à la fin des années 1970 et amélioré par la suite. Il doit être suffisamment rigide pour résister aux forces de l’occlusion, notamment lors du nivellement et des corrections transversales. On préfère utiliser des verrous avec un diamètre de .022X.028 au .018x.025 (inches). De nouveaux fils à base de nickel et de titane possédant une grande résilience peuvent, tout en exerçant des forces légères, être placés rapidement et corriger, dans un premier temps, les problèmes d’alignement et de rotation dentaires. Les séquences des arcs couramment utilisés sont les suivantes : .014 nitinol ; .016 × .022 copper Ni Ti ; .019 × .025 acier inoxydable. Ces arcs, en général préformés, sont choisis suivant la forme initiale de l’arcade inférieure. À partir du troisième mois, des élastiques mandibulomaxillaires ancrés des canines inférieures aux molaires supérieures (« élastiques
* B * C
5
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires. 10
* A classe III ») (fig 9A) doivent être portés par le patient pendant 12 à 24 heures par jour, de façon à « décompenser » l’étage alvéolodentaire de la rétromandibulie. Une légère expansion de l’arc supérieur est conseillée avec le port des derniers arcs. Ceux-ci sont en acier inoxydable (.019x.025) et serviront également lors du temps chirurgical. Il est conseillé d’augmenter la « bosse » canine supérieure par un pli de premier ordre (fig 10A). La position légèrement plus vestibulaire ainsi créée pour les canines permet, non seulement d’éviter une interférence occlusale à cet endroit lors de l’avancement mandibulaire, mais aussi de surcorriger éventuellement l’avancement lors du montage préopératoire sur articulateur. Ces arcs sont passifs au moment de leur dernière insertion, au maximum 1 semaine avant l’intervention chirurgicale. On leur ajoute des crochets qui permettent le blocage maxillomandibulaire pendant le temps chirurgical et l’installation d’élastiques par le patient après l’opération (fig 10B). Ces élastiques servent à la fois au maintien de la gouttière interocclusale et à la stabilité postopératoire (élastiques intermaxillaires de type classe II). Une semaine avant l’opération, on effectue une documentation complète qui inclut un orthopantomogramme, une téléradiographie de profil, et de face en cas d’asymétrie, des moulages montés sur articulateur, des photos intra- et extraorales. Ces documents servent de base à une consultation commune entre orthodontiste, chirurgien et patient afin de planifier définitivement l’intervention chirurgicale.
¶ Planification céphalométrique et « set-up » chirurgical La planification de l’intervention débute à la fin du traitement orthodontique préchirurgical. On l’effectue sur la base des modèles actuels pour vérifier que la préparation orthodontique est terminée. Elle comprend : – un tracé céphalométrique prédictif, une éventuelle simulation sur ordinateur ; – la réalisation de modèles définitifs ; – la réalisation d’une gouttière chirurgicale. L’analyse céphalométrique est tracée sur une feuille d’acétate, calque de la toute dernière radiographie du crâne de profil. Elle permet de planifier le ou les mouvements chirurgicaux et d’étudier la nécessité d’une éventuelle génioplastie. L’importance de l’avancée chirurgicale dépend de la position dentaire obtenue par l’orthodontie. Pratiquement, on réalise une analyse de Sassouni à laquelle on ajoute le dessin des tissus mous et un plan de MacNamara pour confirmer que le mouvement chirurgical entraînera un profil correct. Le plan de MacNamara permet d’apprécier la position et la forme des tissus mous et l’amplitude, en millimètres, de l’avancement du menton. Si on prévoit une génioplastie, il faut obtenir verticalement une hauteur de 45 mm, mesurée entre le point occlusal des incisives inférieures et le point Mo. Plus l’ostéotomie du menton est orientée vers le haut et l’avant, moins le rebord mandibulaire est rectiligne. Une deuxième feuille d’acétate est utilisée pour effectuer un dessin en superposition, de couleur différente. Ce tracé prédictif est alors déplacé antérieurement afin de trouver l’occlusion idéale. Cependant, le risque de récidive partielle pousse volontiers à prévoir 6
Stomatologie
A. Situation préopératoire, vue occlusale : préparation des « bosses » canines (flèches). B. Arcs chirurgicaux avec crochets soudés servant à la fixation maxillomandibulaire.
* B une hypercorrection. La superposition des surfaces au niveau des segments proximaux et distaux permet de situer l’endroit où seront placées les vis et de contrôler la position du segment proximal et du condyle. Réalisation de la gouttière chirurgicale : pour la mise en articulateur des modèles, il n’est pas nécessaire d’utiliser un arc facial. Après avoir dessiné les repères horizontaux et verticaux, le technicien découpe le modèle inférieur et colle les bases dans la position désirée par le chirurgien. La gouttière de méthacrylate est ensuite réalisée avec deux crochets orientés vers le haut et situés entre molaires et prémolaires.
¶ Techniques chirurgicales Indications La correction de la rétromandibulie doit porter sur la mandibule. Parfois, le traitement orthodontique a résolu les problèmes occlusaux et esthétiques. Seule reste à définir la position du menton et une génioplastie d’avancement peut alors suffire. Mais l’indication chirurgicale la plus habituelle reste l’ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire (OSBM) associée éventuellement à une génioplastie. L’utilisation d’une ostéotomie en « L » inversé avec interposition de greffon osseux nous semble plutôt réservée au traitement des micromandibulies et nous lui préférons la distraction osseuse. La génioplastie complémentaire peut être d’avancement pour améliorer la projection antérieure du menton selon le plan de MacNamara ou d’abaissement en cas de face courte. Le problème de la progénie compensatrice, difficile à corriger, est développé dans le paragraphe progénie. Déroulement de l’OSBM d’avancement Si les principes de l’OSBM restent ceux qui ont été décrits dans l’article précédent [27], l’avancement de la portion dentée suppose quelques aménagements. La nécessité d’obtenir un large contact osseux après avancement conduit à prévoir une valve externe longue, donc à tracer le trait d’ostéotomie vestibulaire antérieure en regard de la première molaire (fig 11A). Ce trait est volontiers orienté en bas et en arrière vers l’angle mandibulaire, pour éviter une encoche basilaire préangulaire postopératoire excessive (fig 11B). Il est préférable de procéder au « dessin » à la fraise des ostéotomies bilatérales et au repérage de la position des branches montantes avant d’effectuer le premier clivage afin de s’assurer avec plus de précision de la situation des condyles lors de l’ostéosynthèse. Un avancement mandibulaire important peut provoquer une valgisation des branches montantes (fig 12A). Dans ce cas, il faut modeler à la fraise la paroi interne de la valve externe et l’extrémité postérieure de la valve interne (fig 12B). Les attaches musculaires du ptérygoïdien médial qui persistent sur la valve interne doivent être ruginées pour diminuer le risque de rappel vers l’arrière de la portion dentée. L’ostéosynthèse est faite à l’aide de vis bicorticales non compressives par voie transjugale ou de miniplaques, mais ces dernières supposent un affrontement sans contrainte de la partie antérieure de la valve externe sur la valve interne. Lorsque l’ostéotomie sagittale est suivie d’une génioplastie, il est prudent de remettre en place un blocage maxillomandibulaire stable sur gouttière avant de procéder à l’ostéotomie génienne.
Stomatologie
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A. Ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire d’avancement. B. Orientation postérieure du trait vestibulaire pour éviter une encoche basilaire préangulaire.
* B * A 12
* B
* A
* A 13
A. Plaque supérieure de contention de type « circonférenciel ».
A. Risque de déplacement externe de la tête condylienne après ostéosynthèse rigide lors d’ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire d’avancement. B. Modelage de la paroi interne de la valve externe.
* B B. Appareil de contention inférieur, type Dohner.
¶ Orthodontie postopératoire Dans la semaine qui suit l’opération, on réalise une téléradiographie sans gouttière occlusale pour comparer le résultat du traitement avec la prédiction chirurgicale. Ce document servira de comparatif pour ceux qui seront réalisés à 3, 6 et 12 mois, afin d’évaluer la stabilité postopératoire. L’orthodontiste n’intervient en général pas avant 2 à 3 semaines. Les arcs chirurgicaux sont alors retirés et remplacés par des arcs plus souples de finitions (arcs.018 ronds). Les derniers gestes permettent d’obtenir la meilleure occlusion possible en classe I. On fait porter par le patient, si nécessaire, des élastiques maxillomandibulaires. Cette phase du traitement varie entre 3 à 6 mois. Elle est suivie, après la dépose des bagues, par une phase de contention comme
* C C. Appareil de contention de type « fil 3-3 collé ».
tout traitement orthodontique. Dans les cas où des extractions de prémolaires ont eu lieu, des appareils amovibles supérieurs et inférieurs sont indiqués pour maintenir les espaces d’extraction fermés (fig 13A, B). Ils sont portés pendant 3 mois à plein temps et 9 mois la nuit. L’appareil inférieur est alors remplacé par un fil collé sur le versant lingual des incisives inférieures pour une durée à déterminer en fonction de l’encombrement initial (fig 13C). Ce fil inférieur peut être placé immédiatement après la dépose des bagues si aucune extraction n’a été effectuée.
¶ Échecs Nous ne reviendrons pas sur l’ensemble des complications pouvant survenir après OSBM, traitées dans l’article précédent [1, 2, 9, 10, 17, 21]. 7
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Les échecs sont essentiellement de deux ordres : les troubles occlusaux d’apparition plus ou moins rapide et les mauvais résultats esthétiques.
Stomatologie
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Rétroalvéolie inférieure. A. Profil avant traitement. B. Analyse céphalométrique.
Troubles occlusaux L’anomalie occlusale peut apparaître dès la levée du blocage maxillomandibulaire pour contrôle, en cours d’intervention. Elle impose alors la dépose du matériel d’ostéosynthèse et la révision du positionnement des branches montantes. Lorsque le trouble occlusal apparaît en postopératoire, sa tolérance dépend de la possibilité de le corriger grâce à l’orthodontie. Si le décalage dépasse 2 mm, il faut se résoudre à une reprise chirurgicale pour repositionner correctement les branches montantes, la reprise est alors plus souvent bilatérale qu’unilatérale. La récidive [5, 8, 9, 12, 18, 34] de la rétromandibulie ne saurait être prévenue totalement par l’ostéosynthèse rigide. Les acteurs en sont l’occlusion et la musculature de l’appareil manducateur. Jusqu’à la reprise de l’orthodontie, la stabilité occlusale est assurée par la gouttière d’intercuspidation. L’étirement de la musculature peut expliquer des récidives secondaires [13, 30]. La récidive peut survenir plus tardivement, à 1 ou 2 ans, sous l’effet d’une résorption condylienne uni- ou bilatérale, et plus volontiers chez la femme [6, 7, 13, 20, 33]. Cette complication est plus fréquente dans le traitement des « faces longues ».
* A
17° (7°)
31° (32°)
L’échec esthétique est souvent ressenti par l’opéré de façon plus vive que l’échec occlusal. Ce mauvais résultat peut être la conséquence du trouble occlusal postopératoire ou d’une simulation préopératoire insuffisante. RÉTROALVÉOLIE INFÉRIEURE
¶ Diagnostic Cette malformation est relativement rare. Elle peut avoir un caractère héréditaire mais, plus fréquemment, elle est due à un manque d’unités dentaires à l’arcade inférieure, soit en raison d’extractions, soit en raison d’agénésies [20]. En règle générale, le maxillaire se trouve bien positionné par rapport au reste des structures crâniennes. Le menton est lui aussi aligné, avec des valeurs proches du profil orthofrontal idéal (fig 14A). En revanche, la denture de l’arcade inférieure est en retrait sur sa base mandibulaire, ce qui est caractérisé par un angle SNB inférieur à la norme (fig 14B). Il est important de différencier cette malformation de la progénie qui peut s’associer à tous les types de malformations craniofaciales. Sur les moulages, on observe un surplomb important. Les molaires peuvent se trouver en classe I alors que les canines sont en classe II en raison d’un manque de dents (fig 15A).
¶ Préparation orthodontique Si on prévoit une intervention chirurgicale de type OSBM d’avancement avec réduction du menton, la préparation
* A
8
50° (43°)
17° (25°)
Échec esthétique
15
SNA 78° (82°) SNB 72° (80°) ANB 6° (2°)
106° (103°)
Rétroalvéolie inférieure (même cas). A. Simulation sur modèles de la correction orthodonticochirurgicale. Noter le décrochement vestibulaire au niveau du futur trait d’ostéotomie.
90° (93°)
* B orthodontique reste la même que dans les cas de rétromandibulie. Si, au contraire, on choisit la solution d’une ostéotomie segmentaire antérieure mandibulaire afin d’avancer la partie dentoalvéolaire antérieure et de créer des espaces pour des unités dentaires supplémentaires en restaurant l’occlusion, la préparation est légèrement différente (fig 15B, C). La séquence des arcs reste identique, mais on doit veiller à coordonner la partie antéroinférieure avec celle de l’arcade supérieure. Les arcs inférieurs doivent donc présenter un décrochement vestibulaire au niveau du futur trait d’ostéotomie.
¶ Technique chirurgicale Indications Lorsque la relation des bases osseuses maxillaire et mandibulaire est harmonieuse, alors que la relation occlusale est de type classe II, plusieurs solutions chirurgicales peuvent être envisagées. Pour corriger la malocclusion, diminuer le sillon labiomentonnier en laissant le pogonion en place, il faut préférer une ostéotomie segmentaire d’avancement de 34 à 44, avec greffe osseuse dans les sites d’ostéotomie et restauration prothétique ultérieure à une ostéotomie subapicale totale [4] qui fait courir un risque majeur aux nerfs alvéolaires inférieurs.
* B B. Simulation de l’avancement segmentaire. C. Simulation de l’ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire.
* C
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* B
16
* A Rétroalvéolie inférieure (même cas). A. Représentation schématique de l’intervention. B. Téléradiographie du crâne de profil avant traitement. C. Après traitement.
* C On peut aussi discuter d’une ostéotomie sagittale d’avancement avec génioplastie de recul, mais le résultat esthétique sur le menton est souvent mauvais. Ostéotomie segmentaire antérieure Décrite à l’origine par Köle [32] pour corriger une béance osseuse et dentaire, cette technique a été adaptée pour corriger un déséquilibre antéropostérieur. On parle aussi d’ostéotomie subapicale antérieure. La région symphysaire de la mandibule est exposée par une voie vestibulaire, dans la gencive libre, comme pour une génioplastie. Après avoir protégé les rameaux mentonniers du nerf mandibulaire, on découpe à la scie oscillante, à 5 mm des apex dentaires, la base du segment alvéolaire sur toute son épaisseur. Les ostéotomies verticales bilatérales sont amorcées ensuite, entre les dents choisies, à la fraise fine et terminées au ciseau à frapper fin. Le segment est alors mobilisé et avancé dans sa nouvelle position grâce à la gouttière chirurgicale. On intercale ensuite deux cubes d’os spongieux autologue, entre les segments antérieurs et postérieurs, pour recréer une continuité osseuse (fig 16A, B, C) [20]. Les segments osseux, une fois positionnés, sont stabilisés par des ostéosynthèses rigides internes à l’aide de miniplaques vissées.
¶ Orthodontie postopératoire L’arc inférieur sectionné durant l’intervention chirurgicale est remplacé après 4 semaines par un arc rigide continu (.019 × .025) et la finition de l’occlusion est alors réalisée en s’assurant que les espaces créés sont suffisants pour accueillir plus tard soit des implants, soit des ponts conventionnels (fig 17A, B). Ces restaurations définitives ne doivent pas être entreprises avant 6 mois, pendant la phase de contention qui comprend deux appareils amovibles. RÉTROGÉNIE
La rétrogénie vient le plus souvent s’inscrire dans le cadre d’une face longue où les angles des bases osseuses maxillaire et mandibulaire divergent de façon excessive. Cette dysmorphose sera traitée dans le prochain article.
La rétrogénie accentue, de profil, l’importance du nez et de l’empâtement sous-mental. Le motif de consultation est plus souvent une demande de rhinoplastie ou de liposuccion sous-mentale qu’une demande de correction du menton. Lorsque l’occlusion est normale, ou stable, chez un adulte aux motivations uniquement esthétiques, une génioplastie d’avancement nous paraît préférable à la mise en place d’un implant synthétique qui, outre son instabilité, peut provoquer une lyse osseuse et s’encastrer dans la symphyse jusqu’à menacer la vitalité des incisives. L’ostéotomie peut être plus ou moins oblique pour associer au mouvement d’avancement une diminution ou une augmentation de la hauteur symphysaire. PROMAXILLIE ET PROALVÉOLIE SUPÉRIEURE
¶ Diagnostic Si, d’après la nomenclature, les termes de promaxillie et proalvéolie supérieure paraissent correspondre à des anomalies différentes, en pratique la promaxillie cède largement le pas à la proalvéolie. Cette dysmorphose, bien moins fréquente que la rétromandibulie, est souvent traitée orthodontiquement, en extrayant les deux premières prémolaires supérieures et en réduisant le surplomb par rétraction des dents antérosupérieures (fig 18A). Cette solution donne parfois un résultat occlusal acceptable, mais peut compromettre l’esthétique du profil définitif en augmentant l’angle nasolabial (fig 18B). En effet, il est difficile de rétracter orthodontiquement un bloc incisivocanin chez un adulte en maintenant l’axe des incisives supérieures dans une angulation idéale. L’apex des incisives ne sera que très peu distalisé tout comme sa base apicale (point « A »). L’avantage d’une intervention chirurgicale dans une telle situation est de pouvoir déplacer vers l’arrière tout le segment antérieur du maxillaire supérieur en maintenant l’axe des incisives supérieures et de provoquer ainsi un recul du point subnasal (Sn) en évitant une trop grande ouverture de l’angle nasolabial (fig 19A, B) [16]. 9
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Stomatologie
* B Initial
* A 17
Final
Résultats esthétique et fonctionnel. A. Profil équilibré. B. Occlusion après reconstruction prothétique par ponts conventionnels. C. Superposition des tracés avant et après traitement.
* C
difficilement réalisable, la correction portera plus volontiers sur la partie antérieure de ce maxillaire. Pour cette raison, la préparation orthodontique a pour but d’obtenir une occlusion parfaite dans les segments latéraux et postérieurs maintenus en classe II avant l’intervention chirurgicale. L’axe des incisives supérieures doit être idéal, voire même légèrement ouvert. Les mêmes objectifs d’alignement, de coordination des arcades, de nivellement et de décompensation sont à atteindre.
¶ Techniques chirurgicales Indications
* A 18
* B
Promaxillie et proalvéolie supérieure. Traitement orthodontique seul. A. Avant rétraction des dents antérosupérieures. B. Après traitement orthodontique, par extraction de deux prémolaires supérieures et rétraction du bloc incisivocanin : ouverture inesthétique de l’angle nasolabial.
¶ Préparation orthodontique La relation dentaire dans les cas d’une proalvéolie est de type classe II. Le recul chirurgical de l’ensemble du maxillaire étant
Des proalvéolies excessives avec angle nasolabial très fermé peuvent justifier une ostéotomie segmentaire antérieure du maxillaire de type Wassmünd/Wunderer, ou Cupar [7]. Enfin, la promaxillie vraie est exceptionnelle et l’utilisation d’une ostéotomie de type Lefort I pour effectuer un recul du maxillaire ne semble pas justifiée. Ces différentes techniques tendent à provoquer un profil cisfrontal souvent disgracieux, qui vieillit le patient. Il ne faut pas hésiter à envisager plutôt une ostéotomie mandibulaire d’avancement qui permet d’obtenir un profil transfrontal plus esthétique et plus jeune. À la technique de Wunderer [32] qui interrompt la vascularisation palatine et latérale vestibulaire pour laisser le fragment incisivocanin n’être vascularisé que par la muqueuse vestibulaire antérieure, il faut préférer la technique de Wassmünd [32] modifiée selon Cupar [7]. Cette variante donne un meilleur accès, mais nécessite une hauteur maxillaire suffisante (fig 20A).
19
* A 10
* B
Proalvéolie supérieure. Traitement chirurgical. A. Téléradiographie initiale. B. Téléradiographie après traitement chirurgical : conservation de l’angle nasolabial.
Stomatologie
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Complications des ostéotomies segmentaires incisivocanines supérieures La première des complications de l’ostéotomie segmentaire incisivocanine est la nécrose pulpaire par section du paquet vasculaire radiculaire. L’ostéotomie verticale par les alvéoles des prémolaires peut provoquer une poche parodontale. En postopératoire, il faut protéger le segment ostéotomisé d’un traumatisme occlusal, générateur de pseudarthrose, à l’aide d’une gouttière de contention occlusale. Mise à part la très exceptionnelle nécrose du fragment, la cause d’échec principale est d’ordre esthétique par recul excessif et ouverture disgracieuse de l’angle nasolabial (fig 18B).
¶ Orthodontie postopératoire
* A
Les arcs sectionnés pendant l’intervention chirurgicale doivent être remplacés par des arcs continus (.018) après 4 semaines. On place alors des élastiques maxillomandibulaires à porter, selon les besoins, jusqu’à l’obtention d’une occlusion fonctionnelle en classe II thérapeutique et esthétique. Après dépose des bagues, la phase de contention comprend une plaque amovible supérieure et un fil collé inférieur de canine à canine.
Étage mandibulaire en avant de l’étage maxillaire PROMANDIBULIE
* B 20
Ostéotomie segmentaire antérosupérieure, selon Cupar. A. Voie d’abord dans la muqueuse vestibulaire supérieure et tunnellisation palatine après extraction des deux prémolaires. B. Après recul du segment, stabilisation par ostéosynthèse rigide interne.
Déroulement des ostéotomies segmentaires incisivocanines supérieures Après l’avulsion des premières prémolaires supérieures, l’incision vestibulaire horizontale est pratiquée de 15 à 25. La première ostéotomie est faite à la fraise, horizontalement, au minimum à 5 mm des apex incisivocanins, de 14 à 24, et complétée par une ostectomie. En effet, le recul du bloc incisivocanin doit s’accompagner d’un léger mouvement d’ingression pour obtenir une occlusion antérieure optimale. Cette ostectomie est effectuée selon le modèle préchirurgical. L’ostéotomie est prolongée sur les cloisons inter-sinuso-nasales et le pied de la cloison nasale. À partir des alvéoles des prémolaires, la muqueuse palatine est tunnellisée. Cette manœuvre est plus délicate sur la ligne médiane, où la muqueuse est très adhérente, et lorsque la voûte palatine est très haute. Si une ostéotomie interdentaire, en particulier médiane, est nécessaire, elle doit être pratiquée à ce moment de l’intervention, lorsque le fragment antérieur est encore stable. Entamée à la fraise fine, elle est complétée à l’ostéotome. L’ostéotomie est terminée par la section palatine transverse d’un alvéole à l’autre, en veillant à ne pas perforer la muqueuse palatine. Le fragment sectionné est alors mobilisé vers le bas et l’ensemble des traits d’ostéotomie révisé. Il faut en particulier abraser à la fraise la ligne médiane sur son versant nasal afin d’éviter une déviation du septum et la berge postérieure du foyer d’ostéotomie palatine afin de favoriser le recul du fragment. Après la mise en place de ce fragment dans la gouttière occlusale, il est ostéosynthésé par deux miniplaques paranasales en « Y » inversé pontant à la fois les foyers d’ostéotomie horizontal et vertical (fig 20B).
¶ Demande du patient La promandibulie est une dysmorphie beaucoup moins fréquente que la rétromandibulie puisqu’elle ne représente par exemple que 2 à 2,5 % de la population d’origine caucasienne aux États-Unis [22]. Pourtant l’aspect fortement dysharmonieux et inesthétique de cette malformation pousse un grand pourcentage de ces patients à réclamer un traitement chirurgical puisqu’on a depuis longtemps reconnu la difficulté et même l’impossibilité de la corriger orthodontiquement. D’emblée, il est nécessaire de différencier l’excès mandibulaire d’une insuffisance de développement du maxillaire. Il semble en effet que, dans le sens sagittal, seuls 20 à 25 % des patients présentent une vraie promandibulie, 20 à 25 % une rétromaxillie et que 50 à 60 % souffrent d’une association des deux pathologies. Ainsi, plus des trois quarts des patients sont porteurs d’un certain degré de rétromaxillie [11].
¶ Diagnostic clinique De face La malformation se caractérise par une disproportion du tiers inférieur par rapport aux deux autres étages faciaux. Le bas du visage donne l’impression d’être trop long, trop large et aplati (fig 21A, B, D). Comme les tissus mous sont tendus sur les plans osseux sous-jacents trop développés, le menton semble « plat » avec comme corollaire un pli labiomentonnier peu marqué. L’occlusion croisée des dents antérieures (fig 21C) ne fournit pas aux lèvres un support adéquat de sorte qu’il peut exister une incompétence labiale. La lèvre supérieure est plus fine que la lèvre inférieure. Les commissures sont étirées. Que la lèvre supérieure soit longue ou courte, les dents du maxillaire sont en général peu visibles, même lors du sourire. Les narines apparaissent pincées. Lorsqu’elle existe, la rétromaxillie provoque un aplatissement des régions paranasales et les pommettes sont souvent peu marquées. Enfin, sans que cela constitue une caractéristique de la promandibulie/rétromaxillie, les plis nasogéniens sont souvent accentués donnant au visage, en plus de son aspect boudeur, une impression de vieillissement précoce. De profil Le profil est orthofrontal avec une forte tendance à prendre un aspect concave à cause de la proéminence de l’étage inférieur et/ou de la rétromaxillie. On retrouve l’excès de hauteur du tiers inférieur 11
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Stomatologie
* A
* B 22
* A
Promandibulie, même cas. Analyse des moulages (A, B, C).
* B 21
* C
Promandibulie avant traitement. A. De face, le bas du visage apparaît trop long. B. De profil, le menton semble aplati. Pli labiomentonnier trop peu marqué. C. Occlusion croisée antérieure. D. Analyse céphalométrique.
82° (82°) 87° (80°) -5° (2°) 110° (103°) 24° (32°)
48° (43°)
9° (7°) 15° (25°)
* C béance dentaire. L’angle des bases maxillomandibulaire est alors audessus de la norme et la projection du menton est dans ce cas moins marquée. À l’inverse, si le maxillaire montre une déficience dans le plan vertical, la mandibule est projetée vers l’avant. Il est à relever que dans cette situation la lèvre supérieure est souvent soulevée par l’inférieure, même en position de repos. La position exacte de la lèvre supérieure et du maxillaire doit donc être analysée soit à l’aide d’une téléradiographie « bouche ouverte » soit à l’aide de photographies extraorales dans cette même position. Tout comme dans les cas de rétromandibulie, les incisives ont tendance à compenser l’anomalie squelettique que représente une mandibule longue. Les incisives supérieures se versent du côté vestibulaire, alors que les inférieures basculent du côté lingual.
¶ Analyse des moulages
83° (93°)
du visage relevé durant l’examen de face (fig 21B). En masquant alternativement tiers moyen et tiers inférieur, on peut évaluer plus aisément la projection respective de ces deux structures par rapport à la base du crâne. De même, un angle cervicomentonnier normal (120°) caractérise un prognathisme mandibulaire vrai, alors que cet angle est en général mal défini lorsque existe une pseudopromandibulie par insuffisance de développement du maxillaire.
La relation molaire et canine est de type classe III (fig 22A, B, C). Le surplomb est négatif avec une occlusion croisée antérieure. On note souvent un encombrement dentaire dû à la linguoversion des incisives inférieures. Les incisives supérieures et inférieures sont parfois abrasées en raison de contacts occlusaux initiaux avec proglissement. Tout comme pour les rétromandibulies, la ligne interincisive supérieure est rarement déviée. Une macroglossie ou une langue en position antérieure et basse peut provoquer des espaces interdentaires multiples à l’arcade inférieure. L’occlusion croisée antérieure se prolonge parfois vers l’arrière.
¶ Diagnostic céphalométrique
¶ Préparation orthodontique
La téléradiographie permettant le diagnostic céphalométrique doit être prise en relation centrée. En effet, dans ce type de malformation un contact prématuré antérieur peut faire proglisser la mandibule et fausser l’analyse en aggravant de façon erronée l’anomalie squelettique. La base crânienne présente des formes multiples. La distance S-N est souvent diminuée, l’angle craniobasal (Ar-S-N) est souvent fermé [31]. Pour cette raison, les angles SNA et SNB ne sont pas toujours de bons indicateurs. En revanche, l’angle ANB reste primordial pour signifier l’importance de la malformation (fig 21D). La position dans les plans sagittal et vertical du maxillaire est décisive et doit être analysée scrupuleusement. Sagittalement, le point A devrait se situer sur ou à proximité immédiate de l’axe facial de MacNamara (fig 21D) [23]. L’angle du plan bispinal par rapport à SN, la position verticale des incisives centrales et des molaires supérieures sont de bons repères verticaux. Une promandibulie isolée peut, selon le développement vertical du maxillaire supérieur, présenter également un excès vertical, souvent accompagné de
Tout comme dans les cas de rétromandibulie, les objectifs du traitement orthodontique préchirurgical de la promandibulie isolée sont les suivants :
* D
12
– alignement : des extractions sont rarement nécessaires à l’arcade inférieure, la mandibule étant de large dimension. Au maxillaire, en revanche, si un manque de place est mesuré ainsi qu’une version vestibulaire des incisives, on peut être conduit à extraire deux prémolaires pour créer de la place et décompenser les incisives. Après correction chirurgicale, l’occlusion obtenue sera de type « classe II thérapeutique ». La ligne médiane dentaire supérieure doit absolument correspondre à celle du maxillaire ; – coordination : dans la majorité des cas, la coordination transversale nécessite peu ou pas d’expansion orthodontique à l’arcade supérieure. Néanmoins, de sévères problèmes transversaux peuvent survenir en cas de « macromandibulie », de macroglossie ou de langue en position basse. L’option chirurgicale de rétrécissement mandibulaire étant unanimement considérée comme peu stable, une
Stomatologie
23
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* B
* A Étape de la décompensation d’une classe III. A. Classe III « compensée » (élastiques de type classe II). B. Classe III « décompensée ». C. Après recul chirurgical de la mandibule.
* C
expansion chirurgicale du maxillaire est donc l’alternative de choix. La préparation orthodontique doit se faire par des arcs sectionnels à l’arcade supérieure ; – nivellement : dans ce type de malformation, l’arcade inférieure est souvent déjà nivelée et ne pose donc pas de problème particulier dans sa préparation ; – décompensation : il s’agit à nouveau de repositionner les incisives dans leurs axes respectifs corrects, c’est-à-dire de verser les incisives supérieures du côté palatin et les inférieures du côté vestibulaire (fig 23A, B, C). La séquence des arcs utilisés est la même que celle décrite pour les rétromandibulies. À partir du troisième mois, on utilise des élastiques de type classe II partant des canines supérieures en direction des molaires inférieures pour effectuer la décompensation (fig 23A). Des « bosses canines » (plis de premier ordre) sont conseillées sur les arcs rectangulaires, particulièrement dans les cas de béance dentaire où les canines n’ont jamais eu de fonction occlusale.
24
Ostéotomie sagittale de recul mandibulaire, résection de la valve externe.
¶ Techniques chirurgicales
théoriquement réalisable « ne connaît pas de limite », 8 à 10 mm de décalage sagittal est une distance à partir de laquelle il est préférable, pour des raisons de stabilité et d’esthétique, de répartir sur les deux bases osseuses la correction à apporter. La technique chirurgicale de choix pour reculer la mandibule est pour nous l’ostéotomie sagittale des branches montantes. Nous n’utilisons pas, pour cette indication, l’ostéotomie verticale rétrospigienne chère aux auteurs nord-américains, qu’elle soit pratiquée par voie extra- ou intraorale, même si elle préserve davantage le nerf alvéolaire inférieur. L’indication d’une génioplastie de complément suppose une prévision chirurgicale précise. Il peut s’agir d’une génioplastie d’ingression en cas de hauteur mentonnière excessive ou d’une génioplastie d’avancement lorsqu’un menton haut avec une symphyse peu marquée se traduit par un profil trop plat. En revanche, il faut éviter d’avoir à pratiquer une génioplastie de recul dont le résultat esthétique est souvent décevant.
Indications
Déroulement de l’OSBM de recul
Si la mandibule est en position trop antérieure, la tentation est de réaliser une intervention pour la reculer mais plus que pour n’importe quelle autre dysmorphie, le choix du type d’intervention se fait sur la base des données cliniques et non pas sur l’évaluation céphalométrique. En effet, un angle cervicomentonnier déjà ouvert, une ébauche de double menton sont aggravés par le recul mandibulaire, même associé à une liposuccion sous-mentale, et peuvent faire préférer une ostéotomie d’avancement maxillaire ou une ostéotomie bimaxillaire. Après décompensation orthodontique, il faut considérer l’importance du décalage sagittal entre les bords incisifs supérieur et inférieur. En effet, si l’ampleur du recul mandibulaire
Les grandes lignes de l’OSBM restent celles qui ont été décrites dans l’article précédent (fig 24) [25]. Cependant le recul mandibulaire permet et impose quelques nuances. Ainsi le trait vestibulaire antérieur peut être tracé en regard de la deuxième molaire. Le repère de positionnement de la branche montante doit être marqué plus haut, en regard de l’arcade maxillaire, pour ne pas être effacé lors de la trigonoplastie. En effet, le recul impose de réséquer la partie basse du bord antérieur de la branche montante afin qu’elle ne vienne pas en surplomb de la dernière molaire mandibulaire. La partie antérieure de la valve externe est réséquée non seulement en tenant compte de l’importance du recul mais aussi du débord latéral. Le ptérygoïdien
¶ Planification céphalométrique, « set-up » chirurgical La planification céphalométrique pour correction d’une promandibulie est, dans ses principes, identique à celle qui a été décrite pour la correction des rétromandibulies. Là encore, l’importance du mouvement nécessaire est dictée par la position dentaire obtenue par l’orthodontie. Il est préférable de prévoir une hypercorrection afin de laisser la place pour un certain degré de récidive plus risquée que pour l’avancement mandibulaire. La prévision céphalométrique sur feuilles d’acétate permet de juger de l’utilité d’une génioplastie complémentaire, parfois d’avancement. La gouttière chirurgicale construite par le technicien doit recouvrir toutes les dents et être aussi mince que possible. En effet, lorsqu’elle est trop épaisse, il peut se produire après sa dépose une projection antérieure due à l’autorotation condylienne.
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Stomatologie
* C 25
* A médial doit être totalement désinséré de la face interne de l’angle mandibulaire afin de permettre le recul sans obstacle de la valve interne. Ce recul entraînant parfois une importante valgisation de la valve externe, il est souvent nécessaire de creuser la face interne de celle-ci. La gouttière d’intercuspidation peropératoire doit conduire à une surcorrection, d’autant qu’un recouvrement incisif marqué est un facteur de stabilité (fig 25A, B, C). L’ostéosynthèse par vis ou par plaques doit veiller à ne pas contraindre la valve externe, donc le condyle, ni à comprimer le nerf alvéolaire inférieur. Là encore, il est préférable de mettre en place un blocage maxillomandibulaire avant de procéder à une génioplastie.
¶ Orthodontie postopératoire Les arcs chirurgicaux (.019x.025) sont déposés 4 à 6 semaines après l’intervention chirurgicale. Ils sont changés pour des arcs plus souples ronds (.018). Les éventuels attachements décollés ou abîmés sont remplacés à ce moment et les finitions orthodontiques sont effectuées. Des élastiques intermaxillaires peuvent aider à obtenir une parfaite intercuspidation et à prévenir une éventuelle récidive. Les séquences concernant la dépose des bagues et la mise en place d’appareils de contention restent les mêmes que dans les cas de rétromandibulie.
¶ Échecs Récidives Les récidives immédiates ou précoces sont à mettre sur le compte d’un mauvais positionnement peropératoire des branches montantes. Le soin apporté à la désinsertion des ptérygoïdiens médiaux et à l’adaptation des valves participe à la stabilité du résultat. Cette récidive rapide peut aussi être due à une intercuspidation médiocre. Une gouttière bien engrenée avec surcorrection doit pallier cet incident. Des récidives secondaires peuvent être dues à une langue trop volumineuse ou en position basse, qu’on peut corriger par un appareillage orthodontique « antilangue ». Les traitements d’orthophonie sont entrepris si possible longtemps avant l’intervention, car leur efficacité entre 16 et 18 ans, âge de l’intervention, reste très controversée. Le rôle du volume lingual est lui aussi sujet à controverse. Certes, devant une langue volumineuse, le patient est averti de l’éventualité d’une glossoplastie réductrice en cas de récidive. En fait, cette nécessité ne s’est pratiquement jamais imposée à nous. Il vaut mieux, devant une langue volumineuse, ne pas trop réduire le volume disponible et préférer une ostéotomie bimaxillaire à un recul mandibulaire seul. Des récidives tardives, en particulier chez les patients masculins, peuvent survenir sous l’effet d’une poussée de croissance mandibulaire autour de la vingtième année, voire plus tard. Seule une surveillance régulière clinique et radiologique, voire par 14
* B
Résultats esthétique et fonctionnel, après recul sagittal de la mandibule (même cas). A, B. Face et profil. C. Occlusion.
scintigraphie, permet de déceler à temps cette récidive qui impose une reprise chirurgicale plus volontiers par ostéotomie maxillaire d’avancement que par nouveau recul mandibulaire. Plusieurs des facteurs favorisant la récidive peuvent s’associer, en particulier chez des sujets peu coopérants. Échecs esthétiques Le recul mandibulaire peut aggraver un cou court. Il faut alors y adjoindre un avancement du menton et une lipectomie sousmentale. En cas de progénie importante, malgré la décompensation incisive, l’aspect prognathe peut persister. On doit alors procéder à une génioplastie de diminution verticale et antéropostérieure dite en « quartier d’orange ». Il faut savoir prévoir ces résultats esthétiques insuffisants et préférer alors réaliser des ostéotomies maxillaires d’avancement. Syndrome des apnées obstructives du sommeil Après recul mandibulaire trop important, certains patients peuvent se plaindre de ronchopathie. On peut craindre l’apparition d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil. C’est la raison pour laquelle on planifiera plus volontiers un avancement maxillaire pour corriger la promandibulie, voire même une ostéotomie bimaxillaire [28]. Dysfonctions temporomandibulaires Les dysfonctions temporomandibulaires, préexistantes ou en relation avec la prise en charge orthognathique, sont beaucoup plus rares dans les promandibulies que dans les rétromandibulies. Cependant, des limitations postopératoires de l’ouverture buccale durables, voire des ankyloses fibreuses, ont été rapportées [36]. RÉTROMAXILLIE
¶ Clinique Le quart des patients dont l’aspect est celui d’une promandibulie présente en réalité une rétromaxillie isolée [11] (fig 26A, B, C, D). Pendant de nombreuses années, la distinction n’a pas été faite et l’on a corrigé cette malformation par un recul mandibulaire entraînant un résultat esthétique médiocre, alors même que le résultat fonctionnel était bon. Les critères importants pour poser un diagnostic correct de rétromaxillie associent un angle nasolabial trop ouvert, une lèvre supérieure reculée, un aplatissement des régions paranasales avec, comme conséquence, un nez qui semble trop proéminent. Ces caractéristiques se combinent, à des degrés divers, à celles décrites pour la promandibulie. Rappelons qu’on apprécie mieux la rétroposition du tiers moyen sous l’étage crânien, vu de profil, en camouflant à l’aide de la main l’étage inférieur du visage [25].
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* A
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Aspect de promandibulie, en réalité rétromaxillie isolée. A. Vue de trois quarts. B. De profil. Aplatissement des régions paranasales. C. Vue intraorale : occlusion croisée antérieure. D. Analyse céphalométrique.
* B SNA 76° (82°) SNB 80° (80°) ANB -4° (2°) 109° (103°) 40° (32°)
17° (7°)
46° (43°)
23° (25°)
* C
81° (93°)
* D ¶ Analyse céphalométrique Diagnostic céphalométrique L’analyse céphalométrique révèle un maxillaire en arrière de l’axe facial de MacNamara [23], avec un angle ANB très négatif (fig 26D). Les incisives supérieures ont un axe proche de la norme, alors que les inférieures sont nettement linguoversées. Lorsqu’il existe une hypodivergence des bases, en position de relation centrée ou même en repos, la lèvre supérieure est éversée par la lèvre inférieure et masque l’anomalie squelettique sous-jacente.
¶ Analyse des moulages Les moulages présentent les même caractéristiques que ceux de la promandibulie. Le maxillaire est plus fréquemment hypoplasique dans le sens transversal. En positionnant les moulages en classe I molaire, on se rend compte de l’importance du manque de développement transverse et on peut alors décider de l’utilité d’une expansion chirurgicale du maxillaire. On l’effectue lorsque le déficit transverse est de 5 mm, ou plus.
¶ Orthodontie préopératoire La préparation orthodontique est semblable à celle qui est effectuée pour les promandibulies isolées. Lors de l’alignement, le choix d’extraire ou non des unités dentaires de l’arcade supérieure a moins d’importance, puisqu’un déplacement chirurgical est prévu. L’alignement des lignes médianes dentaires sur leur base respective est en revanche toujours primordial pour achever la symétrie en fin de traitement. Le nivellement est accompli sans se soucier de l’apparition d’une éventuelle béance antérieure. La décompensation des deux arcades est à nouveau nécessaire et s’obtient à l’aide d’élastiques maxillomandibulaires, comme dans le cas d’une promandibulie isolée. Dans les cas de micromaxillie ou d’endomaxillie, aucune coordination transversale ni nivellement maxillaire ne sont effectués
durant la phase préopératoire. Des arcs sectionnels sont placés à l’arcade supérieure dès le début du traitement. Ils délimitent les sites d’ostéotomies : soit un arc de canine à canine et deux arcs postérieurs, soit un arc pour les quatre incisives et deux arcs postérieurs.
¶ Planification céphalométrique et « set-up » chirurgical Le principe de la planification est semblable à celui qui a été décrit pour la correction d’une rétromandibulie, mais le déplacement est effectué à l’étage maxillaire et dépend de la position dentaire obtenue par l’orthodontie. L’analyse de Sassouni et le plan de MacNamara permettent de confirmer que la nouvelle position du maxillaire provoque un profil équilibré, voire transfrontal, car une légère promaxillie donne un aspect esthétique favorable, comme l’a décrit Rosen [28]. Grâce aux deux feuilles d’acétate utilisées, on peut superposer le tracé prédictif au tracé original et mesurer l’avancement aux points SPP et SPA. Ces données seront transmises au technicien qui les confirmera sur le modèle supérieur, après découpe. Pour la réalisation de la gouttière chirurgicale, nous préférons placer les modèles en articulateur à l’aide d’un arc facial, bien que cela ne soit pas absolument nécessaire si le plan occlusal est horizontal. Après avoir dessiné les repères horizontaux et verticaux, le technicien découpe le modèle supérieur et le recale dans la position désirée, selon les mesures transmises par le chirurgien. Lorsque le diamètre transversal est insuffisant, le modèle supérieur est découpé sur deux lignes parallèles paramédianes qui se terminent entre incisives et canines. L’adaptation occlusale correcte se fait par rapport au modèle inférieur. La gouttière de méthacrylate est ensuite réalisée avec deux crochets orientés vers le bas qui permettent de la fixer aux crochets orthodontiques latéraux supérieurs. Elle jouera un rôle complémentaire aux ostéosynthèses rigides pour éviter une récidive précoce de l’endognathie. Elle est laissée en place jusqu’au remplacement des arcs. 15
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Stomatologie
* C 27
* A
* B
Résultats esthétique et fonctionnel (même cas). A. Après ostéotomie Le Fort I d’avancement. B. Profil transfrontal sans sacrifice du volume squelettique mandibulaire. C. Occlusion
Lorsqu’une expansion est nécessaire, les découpes segmentaires interdentaires éventuelles sont réalisées à la fraise fissure ou à la microscie sur le maxillaire pas encore mobilisé et les ostéotomies paramédianes sont poursuivies dans le plancher des fosses nasales. Le maxillaire est immobilisé par des plaques vissées en « L » et en « Y », paranasales et sur les cintres maxillomalaires qui favorisent la stabilité à long terme [10]. Quand l’avancement dépasse 6 à 8 mm, il est prudent d’interposer des fragments d’autogreffes au niveau des piliers antérieurs et moyens. Plus on abaisse le maxillaire, plus on efface esthétiquement la promandibulie. Au-delà de 4 mm d’abaissement, il faut prévoir également des autogreffes. Il est utile d’augmenter le diamètre des fosses nasales en agrandissant l’échancrure piriforme à la fraise poire. L’élargissement du nez est évité par la mise en place d’un point de rapprochement des ailes narinaires amarré à l’épine nasale antérieure [29].
28
Ostéotomie de type Le Fort I d’avancement avec repères verticaux.
¶ Techniques chirurgicales Indications La correction de la rétromaxillie impose une ostéotomie d’avancement du massif facial. Traditionnellement, la correction d’une rétromaxillie/promandibulie impliquait un recul sagittal par OSBM. Cette approche thérapeutique, si elle corrige la classe III, provoque une réduction du volume squelettique facial et une insuffisance du support osseux pour les tissus mous. On a pu ainsi proposer des avancements maxillaires pour corriger de vraies promandibulies [28]. On parvient de la sorte à restaurer des proportions faciales harmonieuses, un profil transfrontal, sans sacrifier le volume squelettique (fig 27A, B, C). La fonction respiratoire peut aussi être améliorée par augmentation du volume des voies aériennes supérieures. Le niveau de l’ostéotomie dépend de l’importance de l’hypoplasie. On peut donc être conduit à réaliser une ostéotomie de type Le Fort I, II ou III et à la compléter par des appositions ou des interpositions d’os autogène. Les ostéotomies de type Le Fort II, Le Fort III seront décrites dans un prochain article. Pour mieux projeter les régions paranasales, il est aussi possible d’effectuer une ostéotomie dite antérieure en « escalier », comme elle a été décrite précédemment [25]. Déroulement de l’ostéotomie de Le Fort I d’avancement L’installation des champs opératoires doit laisser accès à la région orbitaire, dégageant toute la face pour juger de la symétrie et des proportions verticales pendant l’intervention. Nous avons pris l’habitude d’ajouter, avant l’intervention, dans la narine controlatérale à l’intubation, une sonde nasopharyngée de même diamètre que la sonde d’intubation pour mieux contrôler le positionnement et le maintien de la cloison nasale pendant et après l’opération. Des repères verticaux et transversaux sont marqués à la fraise au niveau du trait d’ostéotomie du maxillaire (fig 28). 16
PROMANDIBULIE ASSOCIÉE À UNE RÉTROMAXILLIE
¶ Diagnostic clinique La rétromaxillie associée à une promandibulie provoque un profil concave (fig 29B, 30B). Le deuxième critère dominant est l’aplatissement des régions paranasales (fig 29A, 30A) qui peut s’étendre sur les aires zygomatico-orbitaires, donnant parfois l’impression d’un exorbitisme. L’angle nasolabial apparaît constamment ouvert, la lèvre supérieure est en retrait par rapport à la lèvre inférieure (fig 30B). On apprécie la position relative du maxillaire et de la mandibule en les camouflant alternativement du plat de la main. Une occlusion croisée antérieure accentue l’aspect de concavité du tiers moyen de la face, en particulier au niveau des tissus mous. Lorsque le décalage entre mandibule et maxillaire est important, il peut apparaître – même chez les personnes jeunes – des plis nasogéniens marqués (fig 30A, B).
¶ Diagnostic céphalométrique Les trois quarts des patients porteurs d’une promandibulie présentent aussi une rétromaxillie [11]. L’analyse céphalométrique décrit un maxillaire en arrière de l’axe facial de MacNamara et l’angle ANB est nettement négatif. Les incisives supérieures ont généralement un axe proche de la norme, alors que les incisives inférieures sont nettement linguoversées. Dans les cas d’hypodivergence en position de relation centrée ou même de repos, la lèvre supérieure est éversée par la lèvre inférieure et masque le problème squelettique sous-jacent.
¶ Analyse des moulages Les moulages présentent les même caractéristiques que ceux de la promandibulie isolée, mais avec un maxillaire plus souvent hypoplasique dans le sens transversal. En positionnant les moulages en classe I molaire, on se rend mieux compte du déficit exact dans
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Stomatologie
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* C
* A
* B
107° (103°) 42° (43°)
7° (7°) 31° (32°) 24° (25°) SNA 79.5° (82°) SNB 84° (80°) ANB -4.5° (2°)
87° (93°)
* D * E 29
* F
Promandibulie et rétromaxillie modérées. A, B, C. Avant traitement. D. Analyse céphalométrique. E, F, G. Après traitement.
* G cette dimension et de la nécessité d’une expansion chirurgicale qu’on planifie si l’insuffisance est supérieure à 5 mm.
¶ Préparation orthodontique Comme pour la préparation d’une promandibulie isolée, le choix d’extraire ou non des dents à l’arcade supérieure a peu d’importance lors de l’alignement, puisqu’un avancement chirurgical du maxillaire est prévu. Le développement d’une éventuelle béance antérieure durant le nivellement ne porte pas à conséquence. La décompensation des deux arcades est obtenue par des élastiques intermaxillaires comme pour la promandibulie isolée. Dans les cas de micro- ou d’endomaxillie, il ne faut effectuer aucune coordination transversale, ni de nivellement en phase préopératoire sur le maxillaire. Des arcs sectionnels sont placés dès le début du traitement à l’arcade supérieure, qui délimitent les sites d’ostéotomies : soit un arc de canine à canine et deux arcs postérieurs, soit un arc pour les quatre incisives et deux arcs postérieurs.
¶ Planification céphalométrique, « set-up » chirurgical L’analyse céphalométrique actuelle est dessinée sur une feuille d’acétate. On trace ensuite deux calques, l’un pour la mandibule,
l’autre pour le maxillaire avec, sur chaque dessin, l’image ombrée des incisives et des premières molaires. On recopie aussi les plans mandibulaire, occlusal et bispinal, ainsi que le nez et le menton. Les deux dessins sont alors positionnés de façon à trouver une relation incisive et molaire correcte, avec une légère surcorrection, et l’un des calques est collé sur l’autre. Ce « bloc maxillomandibulaire » est ensuite placé dans la position désirée, en fonction de l’arc antérieur de Sassouni ou mieux, du plan frontal de MacNamara. Verticalement, on veille à placer l’incisive centrale supérieure pour qu’elle soit faiblement apparente sous la lèvre. D’autre part, la prolongation postérieure du plan bispinal doit être en contact avec le point occipital. Après contrôle de la hauteur antérieure, on mesure l’ampleur de l’avancement au point incisif et au niveau de SPP. Ces données sont alors transmises au technicien pour la réalisation des gouttières chirurgicales. La réalisation pratique est décrite dans l’article « Approche diagnostique et plan de traitement » [27].
¶ Techniques chirurgicales Indications Une ostéotomie maxillaire de type Lefort I d’avancement avec éventuel abaissement peut suffire pour corriger l’occlusion et permettre d’obtenir un profil transfrontal jeune et esthétique. 17
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Stomatologie
32
* A
Plan de Fox.
* B
Déroulement de l’ostéotomie bimaxillaire
* C
* D
30
Promandibulie et rétromaxillie marquées. Aplatissement des régions paranasales. Pli nasogénien trop évident. A, B. Avant traitement. C, D. Après traitement.
De façon habituelle, la rétromaxillie associée à une promandibulie doit être corrigée par une ostéotomie bimaxillaire, soit un Lefort I d’avancement associé à une ostéotomie sagittale bilatérale de recul de la mandibule. Pour corriger l’aplatissement maxillaire, on peut effectuer une découpe paranasale remontant sur les berges de l’orifice piriforme, jusqu’aux voies lacrymales (Lefort I en « marches d’escalier antérieures ») (fig 31). Il faut souvent adjoindre à l’ostéotomie de Lefort I une expansion transversale. L’adjonction d’une génioplastie d’ingression peut aider à améliorer le résultat esthétique, en évitant de reculer le menton.
* A 31
18
Ostéotomie avec escalier antérieur pour corriger l’aplatissement paranasal. A, B. Découpe sur modèles. C. Réalisation pratique.
Une autotransfusion est en général prévue lors de la consultation d’anesthésie préopératoire. L’installation des champs opératoires est identique à celle que nous avons décrite pour l’ostéotomie de Lefort I d’avancement. La réalisation d’une ostéotomie bimaxillaire impose l’usage d’une gouttière intermédiaire : elle assure le positionnement antéropostérieur, transversal mais aussi frontal, pour éviter une bascule du plan d’occlusion maxillaire. En cas de doute, on utilise un plan de Fox stérilisé (fig 32) pour vérifier le parallélisme du plan occlusal par rapport à la ligne bipupillaire. Le blocage maxillomandibulaire sur la gouttière intermédiaire permet de vérifier la position du maxillaire lors de la rotation mandibulaire. Pour éviter des surprises au déblocage, les condyles doivent rester bien au fond des glènes. Le maxillaire est stabilisé par des plaques vissées en « L » et en « Y », paranasales et sur les cintres maxillomalaires qui favorisent la stabilité à long terme [10]. Les ostéotomies sagittales mandibulaires n’offrent pas de particularité, si ce n’est le positionnement de la portion dentée de la mandibule sur une deuxième gouttière, dite « gouttière terminale ». Là encore, une ostéosynthèse rigide par vis bicorticales ou plaques vissées permet de vérifier la bonne occlusion statique et dynamique en peropératoire, dès le déblocage définitif.
¶ Orthodontie postopératoire Si le maxillaire a été déplacé en une pièce, l’orthodontie postopératoire est conduite selon les mêmes étapes de finition et de contention que pour les promandibulies isolées.
* B
* C
Stomatologie
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Arc transpalatin de type « Goshgarian ».
Si le maxillaire a été segmenté pour l’obtention d’une dimension transversale ou d’un nivellement correct, le patient est revu par l’orthodontiste dans la semaine qui suit l’opération. Les arcs segmentaires sont remplacés par un arc complet rigide (.019 × .025 acier inox) et un arc transpalatin est ajusté afin de maintenir la nouvelle dimension transversale (fig 33). L’arc chirurgical inférieur est remplacé après 4 à 6 semaines par un arc plus souple pour parfaire les détails de l’occlusion. Les séquences finales de la partie orthodontique sont alors identiques aux autres types de correction orthognathiques, avec une attention particulière portée à la contention transversale du maxillaire.
¶ Échecs Récidive et pseudarthrose La récidive peut être maxillaire ou mandibulaire. Les causes de récidive mandibulaire sont les mêmes que celles qui ont été évoquées pour les promandibulies isolées. Malgré l’utilisation d’ostéosynthèses rigides internes, les récidives maxillaires peuvent survenir quand l’espace interfragmentaire est supérieur à 5 mm. Il faut, dans ce cas, interposer des greffons osseux aux piliers canins et aux cintres maxillomalaires. Ce phénomène, ajouté à une occlusion traumatisante pendant la cicatrisation, peut être à l’origine d’une pseudarthrose du maxillaire [3]. Ainsi, avant une ostéotomie bimaxillaire, la préparation chirurgicale et la confection des gouttières d’intercuspidation doivent viser à une légère surcorrection et à un engrènement rapidement stable dans tous les plans de l’espace. Mortification pulpaire Un échec relatif peut venir de la nécrose aseptique d’incisive ou de canine supérieure lors de l’ostéotomie ou lors de l’ostéosynthèse par plaque vissée. Ce danger est encore augmenté en cas d’expansion chirurgicale associée, les 11 et 21 pouvant être victimes du trait d’ostéotomie horizontale, du trait interincisif ou d’un contact occlusal traumatisant. Il faut alors procéder au traitement de racine complet, précoce. Dysfonction articulaire Là encore, on ne constate que peu de dysfonction des articulations temporomandibulaires (ATM) [12], mais des limitations de l’ouverture buccale, voire des ankyloses postopératoires, ont été décrites, elles sont beaucoup moins fréquentes avec l’usage des ostéosynthèses internes rigides sans blocage maxillomandibulaire [36]. Échecs esthétiques Le patient peut ne pas être satisfait du résultat esthétique car le changement est souvent important. Si ces modifications ont été mal annoncées ou mal comprises, il lui faudra parfois plusieurs mois pour l’accepter. La bascule frontale ou antéropostérieure du plan d’occlusion est une complication redoutable, nécessitant parfois des reprises. La face peut aussi avoir été trop changée dans le sens vertical, trop courte avec incisives non visibles ou trop longue avec incompétence labiale et sourire gingival.
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Le protocole opératoire doit donc suivre scrupuleusement le plan de traitement car il est très difficile de l’ajuster pendant l’intervention. Des changements d’aspect de la pyramide nasale et des ailes narinaires, des malpositions de la cloison nasale peuvent aussi gêner le patient. Pour les éviter, il faut réséquer largement le pied de cloison nasale en cas d’ingression et finir l’intervention par des sutures de rapprochement des ailes narinaires [19, 24, 29]. Les hématomes et l’œdème des joues, souvent asymétriques, disparaissent lentement. Des séances de drainage lymphatique postopératoires aident au confort et à la résorption de cet œdème. PROGÉNIE
Elle est souvent la compensation naturelle d’une rétromandibulie et risque, par conséquent, de provoquer un profil disgracieux lorsqu’on planifie un avancement mandibulaire par OSBM. La tentation existe alors de diminuer la projection du menton par un simple meulage antérieur. Ce geste doit pourtant être proscrit car il provoque une rétraction des tissus mous et un aspect « émoussé » et artificiel de la pointe du menton. La réduction de la proéminence mentonnière par une ostéotomie horizontale de glissement postérieur, stabilisée par ostéosynthèse interne rigide, risque de faire apparaître un double menton. Lorsque la hauteur du menton est faible, une génioplastie d’abaissement fait basculer sa pointe en direction postérieure et diminue la progénie. L’abaissement ne doit pas dépasser 5 mm et il n’est alors pas nécessaire de greffer l’espace osseux créé. Une autre possibilité consiste à effectuer une ostéotomie subapicale antérieure pour avancer le segment alvéolodentaire sur sa base osseuse [20]. Cette technique est plus complexe car elle impose des greffes osseuses et une réhabilitation dentaire prothétique (fig 16, 17). Elle offre cependant un résultat fonctionnel et esthétique beaucoup plus satisfaisant que les autres solutions envisagées.
Biproalvéolie DIAGNOSTIC CLINIQUE
Cette dysmorphose est particulièrement fréquente dans certains groupes ethniques (Noirs africains, Maghrébins et Aborigènes australiens). Cliniquement, elle est caractérisée par une double avancée des segments alvéolodentaires antérosupérieur et antéroinférieur, alors que les bases osseuses maxillaire et mandibulaire conservent une position correcte sous l’étage crânien. De face et de profil, il existe une incompétence des lèvres qui restent à distance l’une de l’autre, découvrant des incisives supérieures et inférieures très proéminentes et constamment visibles. Pour recouvrir ses dents, le patient doit contracter volontairement ses muscles orbiculaires et ceux de la houppe du menton provoquant un aspect caractéristique en « peau d’orange ». Les lèvres ont un volume normal mais paraissent plutôt épaisses avec un vermillon éversé. Enfin, un angle labiomentonier très ouvert et une insuffisance de projection du menton concourent à donner de ces patients l’impression qu’ils ont « trop de dents ». DIAGNOSTIC CÉPHALOMÉTRIQUE
Les valeurs SNA et SNB sont souvent au-dessus de la norme. L’axe des incisives est fortement incliné du côté vestibulaire et dépasse 110° pour les incisives supérieures et 100° pour les inférieures. Les lèvres sont nettement en avant de la ligne esthétique nez-menton, l’angle nasolabial est fermé. On peut avoir l’impression que le menton est déficient, alors qu’il est peu marqué en raison de la protrusion des incisives inférieures (fig 34A, B, C). ANALYSE DES MOULAGES
Dans la plupart des cas, la relation molaire et canine est en classe I. Une tendance à la classe II ou à la classe III est aussi possible. En secteur incisif, on peut rencontrer aussi bien une béance dentaire 19
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en effet peu recommandé d’aligner et de coordonner les deux arcades en versant encore les incisives vestibulairement, au risque d’affaiblir le parodonte et de créer des récessions gingivales irréversibles. L’angle nasolabial gagne alors en harmonie, mais une génioplastie d’avancement peut être envisagée, en fin de traitement, pour améliorer le profil. Lorsque la place à disposition est suffisante, on prépare les deux arcades selon les mêmes principes édictés auparavant dans les cas de promandibulie et de rétromandibulie, sans se préoccuper de l’axe des incisives. On n’effectue pas de décompensation en particulier. Si, au contraire, on constate un excès de place avec des diastèmes multiples, on ferme les espaces interdentaires, sauf dans les sites prévus pour les ostéotomies, en règle générale entre canines et prémolaires. TECHNIQUES CHIRURGICALES
* A
* B 34
Biproalvéolie. A, B. Angles labiomentonniers ouverts. Contraction des muscles orbiculaire et de la houppe du menton pour parvenir à l’occlusion labiale. C. Sourire gingival.
¶ Indications Si la solution thérapeutique à proposer devant une biproalvéolie est le plus souvent orthodontique, l’indication chirurgicale peut être retenue, en particulier devant un parodonte médiocre et une version incisive excessive. Après avulsion d’une prémolaire à chaque demi-arcade, la technique chirurgicale associe une ostéotomie maxillaire de Cupar [7] et une ostéotomie de Köhle modifiée [32] mandibulaire. Une génioplastie d’avancement peut utilement compléter ce plan de traitement et participer à la qualité du résultat.
¶ Déroulement de l’intervention
* C qu’un recouvrement incisif excessif. Dans le plan sagittal, un surplomb ou une occlusion croisée antérieure sont aussi fréquents qu’une occlusion idéale. L’analyse de place révèle tantôt un manque, tantôt une situation idéale, tantôt un excès de place. Cette dernière situation est plus souvent observée chez les patients noirs africains dont le volume de la langue est trop important. On tiendra compte de cette découverte lors de la planification chirurgicale. PRÉPARATION ORTHODONTIQUE
Comme on l’a déjà mentionné, lorsque la biproalvéolie s’accompagne d’un manque de place important sur les deux arcades, on peut résoudre les deux problèmes par un traitement uniquement orthodontique. On extrait les quatre prémolaires et on rétracte les dents antérieures en utilisant des moyens d’ancrage efficaces. Il est
20
L’ostéotomie segmentaire antérieure du maxillaire, pratiquée selon la variante décrite par Cupar [7], donne le meilleur accès mais nécessite une hauteur maxillaire suffisante. Elle se pratique par une voie vestibulaire antérieure horizontale de 5 à 5 sans voie palatine. Après extraction des 14/24, on tunnellise la muqueuse vestibulaire pour effectuer une ostectomie en « L » inversé bilatéralement. On mobilise le fragment en le basculant vers le bas et la hauteur excessive d’os est alors diminuée à la demande, à la fraise boule. Le segment ostéotomisé est immobilisé dans l’attelle chirurgicale et stabilisé par deux miniplaques latérales. À la mandibule, l’ostéotomie segmentaire de recul est pratiquée selon la technique de Köle modifiée ou subapicale antérieure (cf supra). ORTHODONTIE POSTOPÉRATOIRE
Les arcs sectionnés durant l’opération sont remplacés 4 semaines plus tard par des arcs continus rigides permettant de maintenir fermés les espaces laissés par les extractions. À ce stade, un orthopantomogramme de contrôle permet de vérifier le parallélisme des racines de chaque côté des sites d’ostéotomie. On procède alors aux finitions de l’occlusion. Les appareils de contention sont de type amovible. Ils enrobent toute la dentition de façon à bien maintenir les espaces fermés.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-066-G-10
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie M Richter C Mossaz F Laurent
Résumé. – Cet article est le cinquième consacré aux dysmorphies maxillomandibulaires, et traite des anomalies du développement vertical de la mandibule et du maxillaire. Il est divisé en deux sections, selon que ce développement est insuffisant ou, au contraire, excessif. Pour chaque section, on a distingué trois formes de dysmorphies horizontales associées à la malformation verticale, selon que l’étage inférieur est aligné, en retrait, ou en avant du maxillaire. Chaque dysmorphie est exposée sous son aspect clinique et céphalométrique. Le traitement précise la préparation orthodontique, les techniques chirurgicales choisies et leurs échecs. De fréquentes références renvoient aux tomes publiés précédemment dans l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale, notamment sur les techniques chirurgicales qui ont été présentées dans le tome 2. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : face courte, face longue, face hypodivergente, face hyperdivergente.
Introduction Insuffisance et excès verticaux du visage sont couramment appelés « face courte » et « face longue ». À la différence des insuffisances et excès sagittaux, ces dysmorphoses sont reconnues comme des syndromes. Insuffisance et excès verticaux du visage ont en commun le fait d’avoir été identifiés depuis longtemps, et que leur traitement continue à présenter un défi en raison de leur important potentiel de récidive. En commun aussi, le fait d’être associés (ou non) à des anomalies sagittales des bases osseuses de la mandibule ou du maxillaire, entraînant des occlusions en classe I, en classe II et plus rarement en classe III.
1
Représentation schématique de l’influence de l’angle sellaire sur la position sagittale et verticale du menton (22).
L’importance de l’insuffisance ou de l’excès de la hauteur faciale peut jusqu’à un certain point être expliquée par la valeur de l’angle formé entre la base antérieure du crâne et le planum sphénoïdal (angle sellaire) (fig 1). Ainsi, toutes choses étant égales, 5 degrés d’augmentation de l’angle sellaire entraînent le développement d’une « face longue », alors qu’une diminution de 5 degrés provoque une « face courte » [27]. Cet angle est légèrement plus faible chez les individus d’origine caucasienne, ce qui explique une prédisposition à la face courte et à la supraclusie dans ce groupe ethnique. On comprend mal cependant la raison pour laquelle, avec un même angle sellaire, un petit nombre de patients va développer une dysmorphose sévère, alors que la grande majorité des individus se développera harmonieusement.
Michel Richter : Professeur, médecin-chef de service de la division de chirurgie réparatrice, responsable de l’unité de chirurgie maxillofaciale, département de chirurgie, hôpital cantonal universitaire de Genève, 24, rue Micheli-du Crest, 1211 Genève 14, Suisse. Claude Mossaz : Médecin-dentiste, orthodontiste, chargé d’enseignement. François Laurent : Chirurgien maxillofacial, médecin-consultant. Faculté de médecine Genève, Suisse.
Insuffisances verticales : face courte INTRODUCTION
Willmar puis Opdebeck et al ont été les premiers à utiliser cette terminologie sur la base de cinq observations de femmes, dont l’âge moyen était de 19 ans. On trouve dans la littérature d’autres synonymes pour ce syndrome : deep bite squelettique [34], face courte idiopathique [ 4 4 ] , face hypodivergente ou low angle face [ 3 6 ] , insuffisance maxillaire verticale [19]. Toutes ces définitions ont en commun une hauteur verticale antérieure du visage trop faible. À noter que « supraclusie » et « mordex clausus » font référence à des relations dentaires, qui, si elles participent au syndrome, ne peuvent à elles seules le définir. On devrait donc éviter ces locutions pour caractériser une face courte. Un facteur héréditaire joue certainement un rôle dans l’apparition de cette dysmorphose, qui survient rarement chez les Noirs
Toute référence à cet article doit porter la mention : Richter M, Mossaz C et Laurent F. Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-066-G-10, 2002, 19 p.
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
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d’Afrique ou les Asiatiques, mais touche des individus d’origine caucasienne de façon préférentielle. Parmi ce groupe ethnique, les Anglo-Saxons sont plus fréquemment affectés que les Scandinaves. Les caractéristiques d’une face courte sont multiples, complexes et variées. Elles peuvent cependant être regroupées en trois catégories selon que : – l’étage mandibulaire est aligné sur le maxillaire avec une occlusion en classe I ; – l’étage mandibulaire est en retrait de l’étage maxillaire avec une occlusion en classe II ; – la mandibule est en avant de l’étage maxillaire avec une occlusion en classe III. Cette dysmorphose est plus rare que les précédentes, et se retrouve essentiellement chez les patients touchés par les séquelles d’une fente labio-maxillo-vélo-palatine, ou des pertes prématurées de dents postérieures.
* A
* B
ÉTAGE MANDIBULAIRE ALIGNÉ SUR LE MAXILLAIRE. OCCLUSION EN CLASSE I
¶ Aspect clinique La fréquence de cette dysmorphose est difficile à évaluer, car les patients qui sont touchés ne consultent pas ou ne suivent pas la filière habituelle des consultations, puisque la composante dentaire de la dysmorphose dento-maxillo-faciale n’existe pas. En fait, ces personnes se plaignent surtout que l’ « on ne voit pas leurs dents », raison pour laquelle, elles « n’osent pas sourire ». De face La hauteur du visage est trop faible, ce qui lui donne un aspect large, presque carré, avec des angles mandibulaires très visibles (fig 2A). Les muscles masséters sont très développés. L’insuffisance de hauteur est surtout marquée au tiers inférieur. Les lèvres sont fines, pincées, avec des commissures écartées. Les incisives supérieures sont invisibles, cachées par la lèvre supérieure, aussi bien en position de repos que lorsque la personne parle, et même lorsqu’elle sourit. Cette caractéristique accentue l’impression d’édentation. Même chez les sujets jeunes, les plis nasogéniens sont trop marqués, et donnent au visage un aspect plus âgé qu’il n’est en réalité.
* C
De profil Le profil est orthofrontal (fig 2B). Le tiers inférieur est droit et trop bref. L’angle nasolabial est normal ou obtus, et les lèvres présentent un vermillon peu visible. Le plan mandibulaire est pratiquement horizontal, avec un angle goniaque presque droit. La hauteur du menton peut être normale et l’angle labiomentonnier harmonieux, parfois trop faible avec un pli souvent marqué. L’occlusion des dents est en classe I et les anomalies de position doivent être analysées sur les modèles (fig 2D).
¶ Diagnostic céphalométrique Dans le plan sagittal, les angles SNA et SNB (fig 2C) sont en général proches de la norme (82° et 80° respectivement). L’angle ANB peut toutefois s’approcher de 0° si la hauteur faciale a été diminuée à la suite de perte d’unités dentaires postérieures. Par un mouvement d’autorotation progressive dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, les points B et Pogonion sont projetés vers l’avant. Dans le plan vertical, il est important de faire le diagnostic différentiel entre une dysmorphose d’origine squelettique et/ou dentoalvéolaire. Les angles craniomandibulaire (SN-GoMe ; n = 32°), maxillomandibulaire (SpaSpp-GoMe ; n = 25°) ainsi que la hauteur faciale antérieure totale (NMe) et inférieure (intersection plan palatin-NMe), sont de bons indicateurs pour identifier la nature du problème. Ces valeurs sont toujours en dessous de la norme en cas de face courte. Idéalement, la hauteur du tiers inférieur se situe entre 55 % et 57 % de la hauteur antérieure globale. Ces chiffres sont aussi des objectifs à atteindre lors de la planification chirurgicale. 2
* D 2
Face courte. A. De face : aspect carré du visage. Insuffisance de développement de l’étage inférieur. Absence d’exposition dentaire. B. De profil : étage inférieur trop bref. Proéminence du menton. C. Analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses). D. Vue intraorale : supraclusie marquée.
Le rapport des hauteurs faciales postérieure et antérieure (SGo’/NMe ; n = 63 %) est toujours excessif. Il faut analyser séparément la position du maxillaire, par la mesure de l’angle SN-SpaSpp (n = 7°), et celle de la mandibule par la longueur de la branche montante et de l’angle goniaque. Dans les cas d’hypodivergence, l’angle goniaque est souvent fermé, alors que la branche montante reste longue. La position verticale de l’incisive supérieure est déterminante. En position de repos, elle devrait dépasser la lèvre supérieure de 1 à 5 mm. Lors du sourire, 8 mm de couronne et 2 mm de gencive visibles sont acceptables [1]. Dans les cas d’hypodivergence, il arrive que ces valeurs soient nettement en dessous de la norme. Une insuffisance de hauteur dentoalvéolaire s’évalue en mesurant la hauteur entre les bords incisifs des dents antérieures, ou les pointes
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¶ Préparation orthodontique La relation entre les arcades est en classe I, et l’orthodontie ne s’impose pas nécessairement. Si on y recourt, les objectifs de la préparation orthodontique suivent les mêmes principes que ceux édictés dans le chapitre traitant des insuffisances et excès sagittaux [31]. Ici pourtant, on choisit des techniques qui favorisent l’égression plutôt que l’ingression des dents. Ceci permet d’ouvrir les angles des bases maxillomandibulaires et craniomandibulaires, avec comme conséquence une rotation de la mandibule vers le bas et vers l’arrière qui augmente la dimension verticale antérieure. Alignement
Mesures linéaires verticales chez l'adulte caucasien (16 ans)*
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Hauteur faciale antérieure (Na-Me) Hauteur faciale postérieure (S-Go) Plan palatin menton Plan palatin incisive sup Plan palatin molaire sup Plan mand incisive inf Plan mand molaire inf
Il faut éviter les extractions d’unités dentaires, car elles aggravent la brièveté de la face. En cas d’encombrement, on peut gagner de la place par une faible expansion des arcades, ou en réduisant légèrement l’émail interproximal. Dans les cas de très forte dysharmonie dentoalvéolaire avec risque d’atteinte parodontale irréversible consécutive à une trop forte expansion orthodontique, on préfère extraire soit des incisives soit les premières prémolaires inférieures.
Hommes
Femmes
Coordination des arcades
137 (8) 88 (6) 76 (6) 33 (3) 28 (3) 49 (3) 38 (3)
123 (5) 79 (4) 67 (4) 30 (3) 25 (2) 42 (3) 33 (3)
Elle a pour but de préparer les arcades pour que les dents s’emboîtent parfaitement après l’intervention. La forme initiale de l’arcade inférieure sert souvent de guide.
* Riolo M, Moyers RE, Mc Namara JA et al. : An atlas of craniofacial growth, Ann Arbor, 1974, University of Michigan Center for Human Growth and Development.
3 Mesures linéaires verticales utilisées pour le diagnostic différentiel (d’après Proffit). 1. Hauteur faciale antérieure (Na-Me) ; 2. hauteur faciale postérieure (S-Go) ; 3. plan palatin-menton ; 4. plan palatin-incisive supérieure ; 5. plan palatin-molaire supérieure ; 6. plan mandibule-incisive inférieure ; 7. plan mandibule-molaire inférieure. des cuspides pour les dents postérieures, et leur base osseuse respective (fig 3). Les valeurs moyennes de ces mesures sont données par le tableau de cette figure [32]. Une insuffisance d’éruption postérieure des dents combinée à une éruption antérieure trop importante sont les malformations le plus souvent rencontrées. Les incisives supérieures sont alors très droites, ou même palatoversées. De même, les incisives inférieures sont en linguoversion. Il existe généralement une supraclusie.
¶ Analyse des moulages Par définition, les molaires et les canines sont idéalement en classe I. D’autres formes de malpositions dentaires peuvent néanmoins se rencontrer. La plus fréquente est la supraclusie, responsable de problèmes parodontaux, d’abrasions dentaires et même de douleurs (fig 4A, B). Le surplomb est en général faible. On relève systématiquement une courbe de Spee exagérée à l’arcade inférieure, alors que les incisives supérieures et inférieures peuvent présenter une suréruption. Les arcades ont un aspect large et carré, avec suffisamment de place pour adapter toutes les dents. D’autres malpositions dentaires, comme les rotations, les occlusions croisées ou les non-occlusions ne sont pas caractéristiques de la classe I associée à une face courte.
Nivellement des arcades Le nivellement de l’arcade supérieure par des moyens orthodontiques ne pose pas de réels problèmes, et doit être systématiquement réalisé. La position du bord de l’incisive supérieure par rapport à la lèvre supérieure est fondamentale, comme on l’a vu auparavant. Si l’on prévoit d’augmenter la dimension verticale en abaissant le maxillaire, seul compte l’axe (torque) des incisives supérieures, qui doit rester idéal malgré la bascule vers le bas de la partie antérieure du maxillaire. Ainsi l’arcade supérieure est nivelée aisément par un mouvement réciproque d’égression des dents postérieures et d’ingression des dents antérieures. À la mandibule, le nivellement complet peut s’avérer difficile, si bien qu’il est préférable de le reporter à la phase des finitions orthodontiques après la chirurgie. On réalise une documentation complète intermédiaire 1 semaine avant l’opération pour que chirurgien, orthodontiste et patient s’accordent sur le traitement chirurgical définitif.
¶ Planification céphalométrique et sur moulages Une fois encore, la position verticale de l’incisive supérieure est déterminante : son bord triturant ne devrait pas dépasser de plus de 5 mm la lèvre supérieure au repos. Lors du sourire, 8 mm de couronne et 2 mm de gencive visibles sont acceptables [1]. Ces valeurs sont fréquemment en dessous de la norme pour les personnes affectées d’une face courte qui donne au visage un aspect de vieillissement précoce. L’allongement de la face par abaissement antérieur du maxillaire est alors justifié, et la planification chirurgicale implique un abaissement antérieur du plan occlusal selon une rotation dans le sens des aiguilles de la montre. Ce mouvement provoque une rotation inférieure de la mandibule et un
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* A
Supraclusie. A. Occlusion antérieure traumatisante. B. Lésions parodontales au niveau des incisives inférieures, courbe de Spee exagérée.
* B 3
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recul du menton. Pour éviter que la face prenne un aspect convexe, on planifie une génioplastie d’avancée et d’abaissement, qui complète la correction de la dimension verticale antérieure. Si cette planification aboutit à un visage orthofrontal ou trop « plat », il est préférable de prévoir une avancée du maxillaire pour donner au profil un aspect transfrontal. Ce déplacement antérieur améliore le soutien des tissus mous en comblant les plis nasogéniens et en réalisant un véritable lifting interne. Il favorise aussi la ventilation des cavités aériennes, par augmentation des volumes sinusiens et des fosses nasales. Cette avancée nécessite une adaptation antérieure de la mandibule, qu’on réalise par des ostéotomies sagittales bilatérales. Enfin, lorsque la hauteur du menton est insuffisante, on prévoit aussi une génioplastie d’abaissement et d’avancée, pour améliorer l’aspect transfrontal du visage [30].
¶ Techniques chirurgicales Deux possibilités existent : l’ostéotomie maxillaire type Le Fort I d’abaissement [30] et l’ostéotomie maxillomandibulaire. Ostéotomie maxillaire type Le Fort I d’abaissement (fig 5) Dans ce cas, la descente du maxillaire s’effectue par rotation sur un axe centré au niveau ptérygoïdien. L’ostéotomie Le Fort I horizontale est réalisée classiquement et il n’est pas nécessaire de libérer les régions ptérygomaxillaires. Une fois le blocage sur gouttière fait, on mesure sur les crêtes latérales de l’échancrure piriforme la distance qui a été prévue par la planification céphalométrique. On adapte alors une plaque en Y sur le pilier antérieur, et en L aux cintres. Au-delà de 5 mm, des greffes osseuses autologues viennent s’intercaler au niveau des piliers moyens et antérieurs, pour prévenir une éventuelle récidive [30]. Dans ce cas de figure, la mandibule s’adapte par autorotation à la nouvelle position du tiers moyen et l’intervention est en général complétée par une génioplastie d’avancée, pour compenser la rotation vers le bas et en arrière de la symphyse du menton. Ostéotomie maxillomandibulaire C’est la deuxième option lorsqu’on prévoit, en plus de son abaissement, d’avancer le maxillaire : il faut alors libérer totalement l’espace ptérygomaxillaire pour mobiliser le plateau palatin vers l’avant. On utilise soit les leviers rétromaxillaires « col de cygne » de Tessier, soit les pinces de Rowe et Killey. Il n’est pas nécessaire de libérer les artères palatines de leur manchon osseux, ni de réséquer les cloisons intersinusonasales ou le septum. La fixation maxillomandibulaire temporaire sur la gouttière d’acryl permet alors de placer précisément le maxillaire dans sa nouvelle position et d’effectuer les ostéosynthèses à l’aide de quatre miniplaques vissées. Le déplacement antérieur du maxillaire oblige d’adapter la mandibule à la nouvelle position de l’étage moyen par une double ostéotomie sagittale (fig 6). La technique chirurgicale de ces deux procédures a déjà été décrite séparément [28].
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Ostéotomie de type Le Fort I d’abaissement du maxillaire. Des greffes osseuses autologues sont interposées au niveau des piliers de la face.
Certaines modalités particulières doivent cependant leur être appliquées lorsqu’on les utilise simultanément.
¶ Orthodontie postchirurgicale Une téléradiographie de profil prise dans la semaine qui suit l’intervention permet de vérifier la bonne concordance entre la simulation préopératoire et les déplacements effectivement réalisés. Elle sert aussi de document de base pour évaluer la stabilité du traitement après 3, 6 et 12 mois. Les finitions orthodontiques sont simples et ne nécessitent que 2 ou 3 mois de traitement actif, si les arcades ont été coordonnées, alignées et nivelées avant l’opération. Les arcs rigides sont remplacés par des arcs ronds (.018) et des élastiques maxillomandibulaires sont généralement installés pour la phase de finition. La contention obéit aux principes appliqués à n’importe quel traitement orthodontique : – utilisation d’appareils amovibles si des espaces ont été ouverts ou fermés, afin de stabiliser les déplacements dentaires ;
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Ostéotomie sagittale bilatérale de la mandibule. A. Obwegeser/Dal Pont. B. Hunsuck/Epker.
* A
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* B
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le tiers moyen est de hauteur correcte. Les lèvres sont très fines, avec des commissures tombantes, et les incisives supérieures constamment cachées derrière la lèvre supérieure, même lorsque le patient parle ou sourit. Il existe souvent un encombrement incisivocanin supérieur avec des versions compensatrices. Le menton est en général très développé, donnant l’impression d’un « bouton mentonnier » qu’accentue encore un profond pli labiomentonnier. Plus la hauteur faciale est courte et plus la lèvre inférieure tend à se désourler, accentuant ainsi le pli labiomentonnier. Les plis nasogéniens sont marqués, renforçant l’impression de vieillissement précoce de ces patients, qui paraissent souvent édentés. De profil
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* A
* B
* C
* D
Face courte. A, B. Avant traitement. De face : impression de vieillissement précoce du visage (A) ; de profil : projection du menton, plis et rides précoces (B). C, D. Après Le Fort I d’abaissement. De face : les trois étages de la face sont de valeurs égales. Exposition des incisives supérieures au repos (C) ; de profil : le sourire est harmonieux (D).
– fils collés du côté palatin et lingual pendant 3 ans, voire définitivement lorsqu’il existait, avant le début du traitement, d’importantes rotations des incisives.
¶ Échec On craint surtout le développement d’une récidive de la face courte. Ce risque diminue en utilisant systématiquement des ostéosynthèses rigides internes à l’aide de miniplaques vissées, et surtout en interposant des greffons osseux autologues dans l’espace laissé par l’ostéotomie au niveau des piliers de la face. Le meilleur gage de stabilité réside dans la planification, puisque le mouvement global obtenu en fin de traitement doit accompagner la tension neuromusculaire [26]. ÉTAGE MANDIBULAIRE EN RETRAIT DE L’ÉTAGE MAXILLAIRE. OCCLUSION EN CLASSE II DIV 2
¶ Aspect clinique On examine le patient avec sa tête en position naturelle et dents serrées, condyles en relation centrée. En vue frontale Le visage a un aspect trop court, carré, souligné par des angles mandibulaires proéminents (fig 7, 8A). L’insuffisance de hauteur verticale vient d’un tiers inférieur ostensiblement trop bref, alors que
La face est courte en raison d’un tiers inférieur plus bref que le tiers moyen (fig 8B). La mandibule est en rétroposition par rapport aux étages crânien et maxillaire, mais cette rétromandibulie est souvent compensée par un menton projeté vers l’avant et vers le haut. La lèvre supérieure est de longueur adéquate et l’angle nasolabial harmonieux. La lèvre inférieure se place en retrait de la lèvre supérieure, avec un vermillon plus épais et plus haut que son antagoniste. Ces signes cliniques s’estompent lorsque le patient se met en position de repos, et relâche sa musculature. La hauteur de la face devient harmonieuse par augmentation du tiers inférieur, la lèvre supérieure s’allonge, l’angle nasolabial s’ouvre et les plis nasogéniens disparaissent. En demandant au sujet d’effectuer une propulsion mandibulaire, on constate un déplissement partiel du pli labiomentonnier. Ce mouvement donne une idée de la dimension verticale souhaitable. L’examen endobuccal révèle une occlusion en classe II avec un surplomb. L’arcade dentaire inférieure présente une courbe de Spee exagérée alors qu’elle peut même être inversée au maxillaire. Le rebord alvéolaire supérieur présente une hauteur inhabituellement courte, qui explique l’insuffisance de développement de la partie basse de la face. Lorsque la mandibule est en position de repos, l’espace libre entre les arcades dentaires peut atteindre 10 mm.
¶ Diagnostic céphalométrique Dans le plan sagittal Les valeurs citées précédemment dans le chapitre consacré aux insuffisances sagittales, et plus précisément à la rétromandibulie, se retrouvent dans la description des faces courtes associées à une classe II. L’angle SNA est en général proche de la norme (82°) alors que l’angle SNB (n = 80°) est diminué, mais moins que lorsque la rétromandibulie accompagne une face longue ou normale. L’angle ANB est par conséquent légèrement excessif (fig 8C). Les plans palatin, occlusal et mandibulaire sont presque parallèles et se rapprochent du plan horizontal. L’angle goniaque est voisin de 90°. Dans le plan vertical On retrouve toutes les caractéristiques décrites pour la face courte associée à une classe I, mais d’une manière générale les valeurs sont encore plus éloignées de la norme. La dimension verticale antérieure s’est progressivement affaiblie par manque de support dentaire antérieur. L’axe des incisives centrales supérieures Is-SN (n = 105°) est très souvent palatoversé, signe d’une compensation par les dents d’une malformation squelettique antéropostérieure. Enfin, la supraclusie est toujours sévère.
¶ Analyse des moulages La relation molaire et canine est de type classe II. Les deux subdivisions, classe II div 1 et classe II div 2 peuvent accompagner une face courte. On observe ainsi soit un surplomb excessif, soit une absence de surplomb. L’éruption exagérée des incisives supérieures et inférieures est responsable d’une supraclusie importante (fig 8D). La courbe de Spee est par conséquent sévère. 5
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* A
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* B * C
* D
* E
* F
* H 8
Face courte associée à une rétromandibulie. A, B, C, D. Avant traitement. De face : le tiers inférieur est trop bref (A) ; de profil : décalage de la mandibule par rapport au maxillaire. La lèvre supérieure paraît protrusive (B) ; analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C) ; moulages : classe II div 2 dentaire et supraclusie (D).
¶ Préparation orthodontique À la mandibule, dans la majorité des cas, la position verticale de l’incisive inférieure par rapport au plan mandibulaire est correcte, alors que les molaires présentent une éruption insuffisante. 6
* G
* I
J *
E, F, G, H, I, J. Après traitement. De face : augmentation du tiers inférieur (E) ; de profil : correction de la rétromandibulie ((F) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé préopératoire (G) ; occlusion finale en classe I (H, I, J).
Idéalement, le nivellement de cette arcade devrait être réalisé par égression des dents postérieures et non par ingression des incisives inférieures. Comme ce mouvement est très difficile à réaliser chez les patients dont la musculature est puissante et qui développent
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* A 9
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* C
* B
Préparation orthodontique sans nivellement de l’arcade inférieure, après avancée chirurgicale de la mandibule. A. Arcs chirurgicaux et gouttière en place. B. Meulage de la gouttière dans les segments latéraux et installation d’élastiques maxillomandibulaires. C. Arcs souples pour la finition sans gouttière. D. Occlusion finale en classe I.
* D d’importantes forces durant l’occlusion, on préfère parfois l’effectuer après l’intervention chirurgicale. Par ailleurs, en maintenant le niveau vertical de l’incisive inférieure, on favorise la rotation antéro-inférieure de la mandibule et on diminue la projection du menton lors de l’avancée chirurgicale de l’étage inférieur. Ce point est important dans les cas d’hypodivergence avec légère rétromandibulie et progénie compensatrice. L’alignement, le nivellement et la coordination des arcades sont les principes à appliquer, comme lors de la correction d’une face courte associée à une classe I. Durant la phase préopératoire, les incisives supérieures ont souvent compensé la malformation par une version palatine exagérée. On les « décompense » à l’aide d’élastiques maxillomandibulaires de type classe III [31] pour permettre un avancement chirurgical suffisant. Deux approches sont possibles : soit sans, soit avec nivellement de l’arcade inférieure.
* B
* A
Technique sans nivellement de l’arcade inférieure (fig 9A, B, C, D) Cette approche est la plus fréquente, car elle évite de corriger chirurgicalement le maxillaire en procédant uniquement à une avancée sagittale de la mandibule. Cette option est non seulement choisie lorsque le menton est proéminent et/ou qu’on souhaite avancer la mandibule pour obtenir une occlusion en classe I, mais aussi pour augmenter la dimension verticale antérieure par « rotation-abaissement » de la mandibule. Une génioplastie d’abaissement et d’avancement complète en général ce geste chirurgical.
* C 10
Préparation orthodontique avec nivellement des deux arcades, après avancée chirurgicale de la mandibule. A. Arcs chirurgicaux et gouttière en place. B. Arcs souples et port d’élastiques maxillomandibulaires. C. Occlusion finale en classe I.
L’arcade inférieure ne doit pas être nivelée avant l’intervention, pour éviter de trop projeter le menton lors de l’avancement horizontal de la mandibule. En s’abstenant de réduire la courbe de Spee et en maintenant la hauteur verticale de l’incisive inférieure, on combine l’avancée mandibulaire à une rotation vers le bas de la pointe du menton. Même lorsque le bord incisif se déplace de façon significative vers l’avant, les points B et Pogonion avancent dans une moindre mesure (fig 8G).
Si l’arcade inférieure n’est pas nivelée durant la phase préchirurgicale, seules les deuxièmes molaires et le bloc incisivocanin sont en contact immédiatement après l’intervention chirurgicale. On doit donc veiller à leur coordination pendant la phase orthodontique préchirurgicale.
La séquence des arcs supérieurs et inférieurs est la même que celle décrite pour la préparation orthodontique avant correction chirurgicale de la face courte associée à une classe I. En revanche, il est indispensable de donner une courbe de Spee profonde à l’arc inférieur.
L’incive supérieure, lèvres en position de repos, ne doit apparaître que de 1 à 5 mm. Deux possibilités se présentent lors du nivellement : soit la position des incisives supérieures est correcte et on maintient leur position tout en égressant les dents postérieures, soit, lorsque les incisives supérieures présentent une éruption
Technique avec nivellement de l’arcade inférieure (fig 10A, B, C)
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exagérée, en les impactant. La plupart du temps, et quand on prévoit un déplacement chirurgical du maxillaire, on utilise une combinaison de ces deux techniques. La séquence des arcs suit celle décrite pour la classe I.
¶ Planification céphalométrique et sur moulages On dessine sur deux feuilles de papier acétate un calque de la mandibule et du maxillaire, afin de les déplacer séparément. On positionne d’abord le tracé du maxillaire sur la téléradiographie, en se souvenant que la relation entre l’incisive et la lèvre supérieure est le point principal à respecter pour une planification équilibrée. Cette position dépend surtout de l’examen clinique, et en partie de l’analyse céphalométrique. Pour déterminer la position verticale du maxillaire, on peut s’aider d’une seconde téléradiographie prise lorsque le patient est en position de repos, avec un espace libre entre les arcades. Ce document permet de mieux évaluer l’abaissement à effectuer. Le calque de la mandibule est positionné de façon à obtenir une occlusion en classe I. À ce stade, on évalue la hauteur verticale antérieure sur une ligne dessinée perpendiculairement au plan de Francfort, en avant du profil cutané. Les trois étages de la face sont mesurés séparément, de même que la projection du menton.
* A
Lorsque la hauteur de la symphyse est trop faible (moins de 45 mm mesurés entre le point Pogonion et le bord triturant des incisives inférieures), on planifie une génioplastie d’abaissement associée éventuellement à un léger recul, permettant ainsi d’éviter que l’avancée mandibulaire provoque une progénie.
¶ Techniques chirurgicales Les interventions permettant de corriger l’insuffisance de hauteur et de projection faciale on été décrites [28]. Lorsqu’on a choisi une préparation orthodontique sans nivellement de l’arcade inférieure, une double ostéotomie sagittale d’avancée de la mandibule (cf supra, fig 6) [28] est indiquée. La gouttière chirurgicale permet de combler les béances latérales une fois la mandibule opérée, en conservant des contacts antérieurs et postérieurs. Les ostéosynthèses sont réalisées classiquement, à l’aide de vis corticales ou de miniplaques vissées (fig 11). Si les incisives supérieures sont invisibles, les deux arcades sont nivelées et une ostéotomie maxillaire de type Le Fort I d’abaissement est nécessaire, en complément à l’avancée mandibulaire. Dans ce cas, la « descente » du maxillaire s’effectue par rotation sur un axe centré au niveau ptérygoïdien. L’ostéotomie Le Fort I horizontale est réalisée classiquement et il n’est pas nécessaire de libérer la région ptérygomaxillaire. Une fois le blocage sur gouttière fait, on mesure sur la crête latérale de l’échancrure piriforme la distance qui a été prévue par la planification céphalométrique. On adapte alors des plaques en Y sur les piliers antérieurs, et en L aux cintres. Des greffes osseuses autologues viennent s’intercaler au niveau des piliers antérieurs et moyens, pour prévenir une récidive. Dans ce cas, la mandibule s’adapte par autorotation à la nouvelle position du tiers moyen, et l’intervention est en général complétée par une génioplastie d’avancée, pour compenser la rotation vers le bas et en arrière de la symphyse du menton. Lorsqu’on prévoit, en plus de l’abaissement, d’avancer le maxillaire, il est nécessaire de libérer totalement l’espace ptérygomaxillaire pour mobiliser le plateau palatin vers l’avant, comme on l’a décrit précédemment. L’abaissement antérieur provoque un recul du menton. Une génioplastie peut non seulement corriger le manque de hauteur antérieure en évitant de créer une incompétence labiale, mais aussi l’insuffisance de projection.
¶ Orthodontie postchirurgicale La vérification du résultat obtenu et la surveillance de la stabilité se font comme on les a décrites pour les malformations de type face courte associées à une classe I dentaire. Lorsque l’arcade inférieure n’a 8
* B 11
Téléradiographies. A. Avant l’intervention chirurgicale sans nivellement de l’arcade inférieure. B. Une semaine après ostéotomie sagittale bilatérale de la mandibule.
pas été totalement nivelée, la gouttière doit être maintenue pendant les 4 semaines qui suivent l’intervention. On diminue alors la résine au niveau des premières molaires et des prémolaires inférieures (fig 9B) pour « tirer » progressivement ces dents en occlusion à l’aide d’élastiques maxillomandibulaires. Au cours de cette phase du traitement, la position de la mandibule est maintenue stable grâce à la gouttière fixée sur les deuxièmes molaires et les incisives inférieures. Après cette période, on installe un arc rigide à l’arcade supérieure (.019 X .025 acier inoxydable) et un plus souple (.018 acier inoxydable ou .016 nitinol) à l’arcade inférieure qui permet le nivellement par extrusion des dents des segments latéraux. On peut alors peaufiner les détails de l’occlusion à l’aide de deux arcs souples (fig 9C) pendant 4 à 8 mois. Lorsque l’arcade a été préalablement nivelée, les séquences classiques se suivent, avec dépose de la gouttière chirurgicale 7 à 10 jours après l’opération, et reprise du traitement orthodontique 4 à 6 semaines plus tard. L’orientation des élastiques maxillomandibulaires doit s’adapter à une éventuelle récidive de la classe II (fig 10B).
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
Stomatologie
* A
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* B * C
* D
* E
* F
* G 12
Face courte associée à une rétromaxillie. A, B, C, G. Avant traitement. De face : aplatissement des régions paranasales (A) ; de profil : lèvre supérieure en retrait (B) ; analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C).
ÉTAGE MANDIBULAIRE EN AVANT DE L’ÉTAGE MAXILLAIRE CLASSE III
¶ Aspect clinique En vue frontale Que l’anomalie soit due à une promandibulie ou, plus fréquemment, à une insuffisance de développement du maxillaire, le visage a un aspect triangulaire et la lèvre supérieure paraît trop courte et trop fine (fig 12A). Les régions paranasales sont aplaties et la pointe du nez est tombante avec des ailes qui semblent élargies. L’accentuation des plis nasogéniens est moins marquée et le sillon labiomentonnier plutôt effacé.
* H
* I
D, E, F, I. Après traitement. De face après avancée et abaissement antérieurs du maxillaire : harmonisation des traits du visage (D) ; de profil, aspect transfrontal (E) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé initial (F) ; vue intraorale initiale : occlusion croisée antérieure et diastèmes multiples (G) ; vue intraorale préopératoire après décompensation (H) ; vue intraorale finale avant les reconstructions prothétiques (I).
De profil Le visage est globalement concave. Le tiers inférieur est plus court que le tiers moyen et l’angle nasolabial est obtus. On note même parfois une chute de la pointe du nez. Le menton est harmonieux et le pli labiomentonnier peu marqué (fig 12B). Tous ces signes cliniques, de face et de profil, s’estompent et même disparaissent lorsque le patient relaxe sa musculature masticatoire et rétablit un espace libre interocclusal. On est alors surpris de découvrir un visage orthofrontal, avec une lèvre supérieure de longueur normale, même si les dents restent invisibles, que le patient sourie ou non. 9
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
¶ Diagnostic céphalométrique Dans le plan sagittal Il est important de savoir si l’occlusion en classe III est le résultat d’une rétromaxillie ou d’une promandibulie, voire de leur combinaison. L’hypodivergence des bases est plus souvent la conséquence d’un manque de croissance verticale du maxillaire, qu’une insuffisance de son développement antéropostérieur (fig 12C). Les angles SNA et SNB sont par conséquent des indicateurs assez fidèles de la dysmorphose, à cause des variations retrouvées au niveau de la base du crâne : la longueur SN peut être diminuée, de même que l’angle de la base du crâne NS-Basion. L’angle ANB est toujours négatif, caractéristique et significatif. L’analyse de Sassouni [30, 34] est conseillée pour affiner le diagnostic.
Stomatologie
Ostéotomie de type Le Fort I L’ostéotomie Le Fort I horizontale est modifiée pour réaliser deux escaliers antérieurs, afin de mieux corriger l’aplatissement latéronasal et les plis nasogéniens [28]. Il faut aussi libérer totalement l’espace ptérygomaxillaire pour bien mobiliser le plateau palatin vers l’avant. Il n’est pas nécessaire de dégager les artères palatines de leur manchon osseux, ni de réséquer les cloisons intersinusonasales ou le septum. Après blocage maxillomandibulaire sur la gouttière chirurgicale, les ostéosynthèses sont réalisées à l’aide de miniplaques vissées. Un rapprochement des cartilages alaires est particulièrement important, pour éviter l’aplatissement et l’élargissement des ailes du nez [28]. La technique chirurgicale de la génioplastie est classique. Double ostéotomie maxillaire et mandibulaire
Dans le plan vertical On retrouve pour la face courte associée à une classe III les mêmes déviations des mesures angulaires et linéaires, que pour la face courte associée à une classe I.
¶ Analyse de moulages Généralement, l’occlusion est en classe III canine et molaire (fig 12G). Certaines agénésies perturbent parfois le développement du maxillaire et peuvent provoquer des occlusions croisées antérieures avec une occlusion molaire en classe I. Dans le plan vertical, la courbe de Spee à l’arcade inférieure est rarement exagérée. La supraclusie est élevée dans les cas sévères.
¶ Préparation orthodontique Les principes sont semblables à ceux décrits pour la classe I. Au maxillaire, des agénésies obligent à ouvrir ou à fermer les espaces en respectant la ligne médiane (fig 12H). Les extractions sont fortement contre-indiquées à l’arcade inférieure, et les espaces interdentaires doivent être fermés avant l’opération. Parfois, la décompensation des incisives inférieures ne peut être réalisée sans le maintien de ces espaces, et nécessite même la création d’espaces supplémentaires en cas de dysharmonie dentoalvéolaire. La décompensation par version palatine des incisives supérieures et vestibulaire des incisives inférieures se fait à l’aide d’élastiques de type classe II [28]. Le nivellement préopératoire est systématique sur les deux arcades.
La deuxième possibilité associe au Le Fort I d’abaissement et d’avancée une ostéotomie sagittale bilatérale d’adaptation, complétée ou non par une génioplastie. Cette double intervention est obligatoire en présence d’une asymétrie mandibulaire. On l’utilise aussi lorsque le décalage entre promandibulie et rétromaxillie est très important, et que l’on veut diminuer le risque de récidive par des déplacements excessifs. Enfin, plus rarement, on y a recours pour corriger les séquelles d’une fente labio-maxillopalatine pour limiter le déplacement du maxillaire vers l’avant. La technique chirurgicale obéit aux mêmes principes que ceux décrits plus haut, mais en effectuant un recul mandibulaire.
¶ Orthodontie postchirurgicale Les séquences sont celles décrites pour la classe I. Le port d’élastiques de type classe III peut s’avérer nécessaire en cas de récidive dans cette direction.
¶ Échecs Ils sont représentés par les risques importants de récidive antéropostérieure plus que verticale. On les évite par une planification correcte, et au besoin en greffant les espaces laissés vacants par les ostéotomies.
Excès vertical : faces longues INTRODUCTION
¶ Planification céphalométrique et sur moulages
Schendel, en 1976 , a été le premier à parler de « syndrome de face longue ». D’autres synonymes existaient dans la littérature : face hyperdivergente [36], béance squelettique [34], face longue idiopathique [13], hyperplasie alvéolomaxillaire totale [12] et excès maxillaire vertical [35]. D’autres termes comme mordex apertus, infraclusie, apertogénie, open-bite ne sont pas synonymes de face longue, car ils ne tiennent pas compte de la position des bases osseuses. Il s’agit d’une constatation clinique faisant état d’une béance entre les arcades dentaires antérieures. Une face longue peut exister sans béance dentaire antérieure, et inversement. L’étiologie de la face longue n’est pas clairement définie, même si on parle parfois d’un facteur racial puisque la dysmorphose paraît moins fréquente chez les Noirs que chez les Blancs ou les Orientaux [26]. On évoque aussi une composante héréditaire, mais ce trait n’est pas souvent retrouvé dans la pratique. Enfin, des influences fonctionnelles ou environnementales comme celles de la langue ont été suggérées, et ont été énumérées dans le premier tome traitant de la Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : avant d’agir [29]. [35]
Le calque du maxillaire est découpé et positionné sur la mandibule du tracé céphalométrique, de façon à obtenir une occlusion en classe I. On prend garde à la relation entre l’incisive et la lèvre supérieure, qui reste le point critique à respecter pour obtenir une hauteur faciale équilibrée. Lorsque la lèvre est brève ou présente une séquelle de fente labiomaxillaire, il vaut la peine de dessiner une perpendiculaire au plan de Francfort, en avant des tissus mous, et de mesurer les hauteurs faciales cutanées. On peut ainsi mieux positionner l’épine nasale antérieure dans le plan vertical. On peut de même évaluer si le menton doit être abaissé ou parfois avancé lorsqu’il est trop plat ! L’analyse céphalométrique permet aussi de confirmer l’impression clinique sur la longueur de la mandibule et, le cas échéant, de planifier un recul mandibulaire. Il faut cependant se souvenir qu’un visage transfrontal donne un résultat esthétique plus favorable qu’un profil orthofrontal. Un recul mandibulaire important risque d’entraîner l’apparition d’une ronchopathie ou d’un syndrome des apnées obstructives du sommeil.
¶ Techniques chirurgicales Deux options permettent de traiter la dysmorphose : premièrement une ostéotomie de type Le Fort I d’avancée associée ou non à une génioplastie ou, deuxièmement, une double ostéotomie maxillaire et mandibulaire. 10
DÉFINITION
Morphologiquement, une face longue se définit comme une hauteur exagérée du visage. Cet excès peut s’accompagner d’anomalies
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Stomatologie
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antéropostérieures, soit que la mandibule se situe en arrière, soit en avant du tiers moyen. Dans le premier cas, l’occlusion est en classe II et dans le second, elle est en classe III. Le syndrome face longue associe à une hauteur faciale antérieure trop importante, une divergence exagérée des deux plans maxillaire et mandibulaire. Une béance dentaire antérieure peut être présente ou non. Cangialosi en 1984 [7] a été le premier à expliquer de façon précise les différents critères et formes morphologiques du squelette associés à l’open-bite antérieur. Les signes cliniques varient en fonction de la position antéropostérieure des étages mandibulaire et maxillaire. Ils seront exposés dans les chapitres respectifs. ÉTAGE MANDIBULAIRE ALIGNÉ SUR L’ÉTAGE MAXILLAIRE. OCCLUSION EN CLASSE I
¶ Aspect clinique Il s’agit, soit de cas sporadiques, soit de patients qui ont déjà eu un traitement orthodontique sans qu’une coordination chirurgicale n’ait été prévue. De face
* A 13
* B
Face longue. A. Légère crispation des muscles du menton pour obtenir l’occlusion des lèvres. B. Sourire gingival (« gummy smile »).
De face, le visage est trop allongé et plutôt étroit (fig 13). Le nez semble long car ses ailes sont pincées. De la sclère est visible sous les pupilles. L’excès de hauteur porte essentiellement sur le tiers inférieur. En position naturelle, il existe une incompétence labiale supérieure à 4 mm. L’occlusion des lèvres provoque une crispation des muscles du menton. Lors du sourire, la gencive devient visible entraînant un « sourire gingival » [30], que la lèvre soit de longueur normale ou trop brève (fig 13A, B).
postérieure de la pointe du menton (fig 14A, B). L’angle de la mandibule peut être normal, ou plus ouvert que la moyenne. Le menton paraît effacé, les muscles de la houppe comblant le sillon labiomentonnier. Lorsque les lèvres sont en occlusion, le sujet semble « faire la moue ». L’examen de la bouche montre, soit une denture correctement alignée en classe I, soit une absence de contact entre incisives et canines, s’étendant parfois jusqu’aux sixièmes dents.
De profil
¶ Diagnostic céphalométrique
Le profil est droit, parfois légèrement convexe, et donne l’impression qu’il existe une rétromandibulie, à cause de la rotation inférieure et
Dans le plan sagittal, la divergence des bases est caractérisée par une rotation vers le bas et généralement vers l’arrière de la mandibule.
* A
* B * C
* D 14
Face longue associée à une classe I. A, B, C, D, E, F, I. Avant traitement chirurgical. De face : hauteur excessive du tiers inférieur (A) ; de profil : visage convexe. Le menton paraît rétrusif (B) ; ana-
* E
* F
lyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C) ; vues intraorales préopératoires : trois arcs sectionnels sont utilisés pour la préparation orthodontique (D, E, F). 11
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Stomatologie
* I
* G
* H
J *
* K 14
(Suite) G, H, J, K, L. Après traitement. De face : compétence labiale (G) ; de profil : l’autorotation entraîne une projection et une légère remontée du menton (H) ; vue intraorale initiale : béance dentaire (I) ; vue intraorale finale : recouvrement incisif
Comme les points B et Pogonion sont en retrait, l’angle SNB se situe en dessous de la norme (< 80°) et l’angle ANB au dessus (> 2°). Même lorsque l’occlusion est en classe I, le profil est convexe (fig 14B, C). Dans le plan vertical, les valeurs sont inversées par rapport à celles décrites pour les faces courtes : les angles craniomandibulaire (SNGoMe), maxillomandibulaire (SpaSpp-GoMe) et l’angle goniaque sont au-dessus de la norme. La branche montante de la mandibule est courte. La hauteur du tiers inférieur est excessive, et le rapport entre les hauteurs faciales postérieure et antérieure est diminué. La présence ou l’absence d’une béance dentaire est déterminante pour le diagnostic, car préparation orthodontique, planification chirurgicale et stabilité du résultat dépendent de ce signe clinique caractéristique. Deux situations peuvent donc se rencontrer : dans la première, les incisives supérieures et inférieures ont compensé le manque de croissance verticale du complexe craniofacial. Le contact entre incisives supérieures et inférieures a été conservé grâce à une éruption exagérée des dents antérieures. Les distances plan palatin et molaires supérieures, plan palatin et incisives supérieures, plan mandibulaire et molaires inférieures et plan mandibulaire et incisives inférieures sont toutes au-dessus de la norme (fig 13) (cf tableau de la figure 1), d’où la terminologie d’hyperplasie alvéolomaxillaire et d’excès maxillaire vertical qui qualifie parfois cette dysmorphose. 12
* L favorable (J) ; téléradiographie après ostéotomie Le Fort I d’ingression : la surcorrection crée une petite béance au niveau des deuxièmes molaires (K) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé préopératoire (L).
Dans la deuxième situation, il existe une absence de contact dentaire antérieur, alors que les dents postérieures se touchent. Le complexe dentoalvéolaire n’est pas parvenu à compenser la direction défavorable de la croissance.
¶ Analyse des moulages Les molaires et les canines sont en classe I. L’arcade supérieure, ou les deux arcades, sont étroites, donnant parfois au maxillaire une forme de « lyre ». Le palais est profond, particulièrement lorsqu’il existe une respiration buccale ou quand la langue, au repos, s’appuie sur l’arcade inférieure en restant en position basse. Sans béance antérieure, l’arcade supérieure est souvent aplatie, alors que l’arcade inférieure présente une légère courbe de Spee. Celle-ci est généralement positive à l’arcade supérieure et inverse à l’arcade inférieure, lorsque l’hyperdivergence s’accompagne d’une béance dentaire antérieure. Des abrasions peuvent s’observer sur les faces occlusales des dents postérieures. Dans les cas extrêmes, seules les deuxièmes molaires sont en contact. D’autres formes de malocclusion s’associent volontiers à une divergence maxillobasale excessive, comme les occlusions croisées postérieures ou les dysharmonies dentoalvéolaires, liées en partie à une insuffisance de développement transverse du maxillaire.
Stomatologie
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
¶ Préparation orthodontique Le principe de base, avant l’opération, consiste surtout à exagérer la béance plutôt qu’à la diminuer. L’analyse de la documentation initiale doit permettre de différencier une hyperdivergence par excès de développement vertical de la partie postérieure du processus alvéolodentaire supérieur, d’une divergence par insuffisance de développement des branches montantes de la mandibule. Ces deux malformations sont cependant souvent associées. On peut ainsi prévoir un traitement orthodontique préchirurgical à l’aide d’arcs continus, lorsque la courbe de Spee est faible au maxillaire et qu’il n’existe pas de problème transverse. En revanche, il faut envisager des arcs sectionnels si la courbe de Spee est importante à l’arcade supérieure, qu’elle soit la conséquence d’une extrusion des dents postérieures, d’une béance dentaire antérieure ou d’une endomaxillie. On évite ainsi de niveler cette arcade par extrusion des dents antérieures, ou d’effectuer une expansion purement orthodontique. En effet, ces mouvements dentaires sont instables, et un risque de récidive existe durant la phase postopératoire, avec réapparition d’une béance antérieure. Il est donc préférable de corriger une courbe de Spee excessive, en adjoignant des ostéotomies segmentaires à l’ostéotomie basale du maxillaire. Alignement des arcades Les extractions de prémolaires sont parfaitement indiquées en présence d’un manque important de place. On préfère extraire les deuxièmes plutôt que les premières prémolaires, puisque la fermeture des espaces, en mésialisant les dents postérieures, doit faciliter une fermeture de l’angle maxillomandibulaire. Pourtant, l’axe des incisives supérieures doit être prévu en fonction de l’impaction postérieure du maxillaire qui sera réalisée lors de la chirurgie. Il faut donc souvent conserver aux incisives un axe supérieur à la moyenne, ou même les placer en proversion. Coordination des arcades Dans le sens transversal, il ne faut pas tenter de coordonner les deux arcades si la dysharmonie squelettique entre maxillaire et mandibule excède 5 mm. L’expansion orthodontique serait obtenue surtout par version des dents postérieures, avec des conséquences néfastes pour le parodonte, l’occlusion finale et la stabilité future. Il est préférable d’effectuer une expansion chirurgicale du maxillaire pour adapter sa largeur à celle de la mandibule. Dans la mesure du possible, la forme de l’arcade inférieure doit être respectée. La technique avec nivellement des deux arcades est classique, et a déjà été décrite dans le chapitre sur les faces courtes. On la choisit lorsqu’il n’existe pas de béance dentaire, ou lorsque l’extraction de prémolaires est indiquée. On utilise la technique sans nivellement de l’arcade supérieure chaque fois qu’on prévoit d’effectuer des ostéotomies segmentaires au maxillaire. Elle est indiquée pour traiter une endomaxillie avec béance dentaire. Trois arcs sectionnels, un arc antérieur et deux postérieurs sont adaptés. Les sites où seront placées les ostéotomies verticales déterminent la séparation des arcs (fig 14D, E, F). Les diamètres utilisés sont .014 nitinol et .016 X .022 CopperNiti pour l’alignement et la correction des rotations. Les arcs suivants sont en acier inoxydable .019 X .025 et servent aussi d’arcs chirurgicaux. L’arcade inférieure est en général préparée de manière conventionnelle. Certaines courbes de Spee inversées et sévères sont, la plupart du temps, la conséquence d’une insuffisance d’éruption des incisives inférieures, et ne doivent pas être nivelées orthodontiquement. Il est préférable d’envisager plutôt une correction chirurgicale par ostéotomie segmentaire antérieure. Pour la préparation, l’orthodontiste applique alors les mêmes principes qu’à l’arcade supérieure, par arcs sectionnels.
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céphalométrique confirme l’existence d’une hauteur postérieure excessive du maxillaire, que l’on corrige en impactant la région ptérygomaxillaire. Deux alternatives existent : soit on choisit de corriger la dysmorphose en opérant uniquement le maxillaire, soit on envisage d’emblée une intervention maxillomandibulaire. Dans le premier cas, le point menton remonte et se projette vers l’avant. La mandibule prend sa position définitive par autorotation (fig 14H). La décision n’est pas toujours aisée, car les articulateurs utilisés pour la simulation et la confection des gouttières chirurgicales ont un centre de rotation placé aux niveaux des condyles [35]. Dans la réalité, le centre mandibulaire d’autorotation peut se déplacer vers le bas [6, 39] obligeant un recul du maxillaire lors de sa reposition chirurgicale. Des techniques de prédiction ont été proposées [22], qui devraient permettre d’anticiper avec plus de sécurité la chirurgie prévue. Pour planifier ce déplacement, on dessine sur du papier calque la mandibule avec l’incisive et la première molaire, et le maxillaire schématisé par le prémaxillaire, les épines nasales antérieure et postérieure avec l’incisive et la première molaire. Les deux calques sont ensuite placés en position idéale, l’un par rapport à l’autre, en classe I, et fixés ensemble avec du papier adhésif transparent. On peut alors choisir pour ce « bloc » maxillomandibulaire une nouvelle position, en le déplaçant sur l’analyse céphalométrique originale. Verticalement, on se base sur les impressions cliniques, la hauteur faciale antérieure et le profil « cutané ». La position de l’incisive centrale est déterminante, et ne doit pas dépasser la lèvre supérieure de plus de 3 mm. Idéalement, plan palatin et plan d’occlusion devraient se prolonger postérieurement en affleurant l’occiput. L’impaction maxillaire peut parfois se faire horizontalement « en ascenseur », en remontant également les régions antérieure et postérieure. Le plus souvent, il faut corriger la béance osseuse par une impaction postérieure plus importante que l’impaction antérieure. Ce geste entraîne un recul du menton, au point qu’une génioplastie d’avancée doit alors corriger cette déficience. Pour harmoniser les trois étages du visage, on associe aussi une réduction de hauteur de la symphyse lorsque cela s’avère nécessaire. Horizontalement, l’arc antérieur de l’analyse de Sassouni [34] ou le plan de McNamara [20] sont des repères utiles, mais qui peuvent être dépassés si l’on souhaite donner un aspect légèrement « transfrontal » au visage. Cette projection supplémentaire provoque un découvrement de l’incisive supérieure, qu’il faut compenser par une impaction antérieure complémentaire. La simulation sur papier permet de mesurer les déplacements effectués, aux niveaux des épines nasales antérieure et postérieure et de l’incisive supérieure. On transmet ces données au technicien qui réalise les modèles, les met en articulateur et confectionnne les gouttières chirurgicales [30].
¶ Technique chirurgicale Ostéotomie du maxillaire associée à une autorotation de la mandibule La technique de base a déjà été exposée [28]. On découpe à la scie des bandeaux osseux bilatéraux taillés aux dimensions prévues par la planification et prolongés jusqu’aux tubérosités. Ces deux fenêtres facilitent l’abaissement et l’accès aux régions postérieures du maxillaire. Il faut alors squelettiser totalement les artères palatines hors des canaux palatins postérieurs, en repérant le vaisseau à l’extrémité de la cloison intersinusonasale. La hauteur du septum doit aussi être diminuée, et les cornets inférieurs parfois réséqués. Trois modifications techniques de l’ostéotomie Le Fort I sont réalisables pour faciliter le repositionnement du maxillaire dans les trois plans de l’espace : – une disjonction palatine avec sections paramédianes bilatérales corrige une endomaxillie ;
¶ Planification céphalométrique et sur moulages
– des segmentations verticales entre canines et prémolaires permettent de fermer une béance alvéolodentaire antérieure ;
Lorsque l’occlusion est en classe I et qu’il existe une face longue, seules les bases osseuses doivent être modifiées. L’analyse
– un aplatissement paranasal est avantageusement compensé par une ostéotomie avec escalier antérieur [28]. 13
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
L’adaptation définitive se fait une fois le blocage maxillomandibulaire effectué, en remontant avec douceur, mais fermement, les angles de la mandibule. Des retouches sont souvent nécessaires, surtout dans les régions postérieures, pour éliminer d’éventuels contacts osseux prématurés au niveau des ptérygoïdes. Quatre miniplaques d’ostéosynthèses en L et en Y sont façonnées, pour s’adapter parfaitement aux contours osseux et stabiliser le maxillaire dans sa nouvelle position (fig 14K). On peut utiliser tout ou partie des collerettes d’os découpées au début de l’intervention, pour combler des espaces laissés libres entre les parois interne et externe. Ostéotomies maxillomandibulaires Elles sont réalisées dans les cas sévères, et leur description sera faite plus loin pour le traitement des faces longues associées à une classe II.
¶ Orthodontie postchirurgicale Le suivi orthodontique des patients appareillés par des arcs continus est le même que celui décrit pour les porteurs de faces courtes. Lorsqu’on a réalisé des ostéotomies en plusieurs segments et que des arcs sectionnels ont été posés avant l’intervention, il faut impérativement les remplacer par des arcs continus rigides, dans un délai de 7 à 10 jours. Ils permettent de stabiliser au niveau dentaire les segments osseux fixés par les miniplaques, et les éventuels greffons. Un arc transpalatin ou un expandeur de type Hyrax doit également être inséré dès la dépose de la gouttière chirurgicale, pour stabiliser ou regagner la dimension transversale. Les finitions orthodontiques reprennent 4 à 6 semaines après l’opération. On installe des élastiques maxillomandibulaires antérieurs, pour exercer des forces verticales légères jusqu’à la fin du traitement orthodontique. La contention est semblable à celle utilisée dans les cas d’orthodontie classique : on veille particulièrement à maintenir la dimension transversale du maxillaire sur le long terme. La plaque palatine doit ainsi être portée en permanence la première année puis deux nuits par semaine, parfois même à vie.
¶ Échecs Ils sont représentés par la récidive à plus ou moins long terme de la béance antérieure, si l’impaction postérieure a été insuffisante ou lorsqu’elle a été corrigée orthodontiquement avant l’opération. De même, on peut voir réapparaître une insuffisance de dimension transversale du maxillaire dans deux situations : lorsque la contention palatine a été trop brève ou lorsque la correction a porté plus sur les dents que sur la base osseuse. Enfin, un risque de vieillissement trop précoce du visage existe, par excès d’impaction antérieure du maxillaire avec accentuation des plis nasogéniens, et surtout par manque d’exposition des incisives supérieures. ÉTAGE MANDIBULAIRE EN RETRAIT DE L’ÉTAGE MAXILLAIRE. CLASSE II
La description clinique d’une face longue associée à une classe I présente de nombreuses analogies avec celle d’une face longue associée à une classe II. Les signes cliniques sont pourtant plus marqués pour la face longue associée à une rétromandibulie, classe II. Les principes de traitement sont aussi très semblables pour les deux dysmorphoses, et on peut donc se référer au paragraphe précédent pour les descriptions qui vont suivre.
¶ Aspect clinique De face De face, le visage est globalement allongé et étroit (fig 15A). La hauteur du tiers inférieur est augmentée par rapport aux deux autres étages. Le nez est long, les ailes plutôt pincées. Les régions paranasales sont aplaties. Plus que pour les autres types de faces longues, la conjonctive sclérale est visible sous les pupilles, comme 14
Stomatologie
si les paupières étaient trop courtes. En position naturelle, il existe une incompétence labiale de plus de 4 mm. Lors du sourire, que la lèvre soit longue ou courte, la gencive se découvre et devient visible, avec l’apparition du classique « sourire gingival ». Comme les incisives supérieures sont en proversion et les incisives inférieures verticales, le surplomb est manifeste. L’occlusion des lèvres provoque une crispation des muscles du menton, qui prend un aspect en « peau d’orange ». De profil Le profil est convexe, confirmant l’impression d’une rétromandibulie par rotation inférieure et postérieure de la pointe du menton. L’angle nasolabial et l’angle labiomentonnier sont ouverts. Au tiers moyen, il existe souvent un aplatissement de la pointe des pommettes, et une insuffisance de développement du rebord orbitaire inférieur. L’angle de la mandibule est obtus. À l’examen endobuccal, c’est la béance dentaire antérieure qui frappe d’emblée (fig 15H). Elle intéresse les blocs incisivocanins et peut, dans les cas graves, être circulaire jusqu’aux sixièmes dents. Les incisives supérieures sont en proversion, tandis que les incisives inférieures sont verticales et se chevauchent. Au maxillaire, la courbe de Spee est exagérée, alors qu’elle a tendance à s’inverser à la mandibule. Les arcades dentaires ont une forme en V au maxillaire et en U à la mandibule. Une endoalvéolie supérieure est pratiquement constante et s’associe à une insuffisance de développement transverse du maxillaire.
¶ Aspect céphalométrique On retrouve ici toutes les valeurs décrites pour la classe I, mais en général avec une atteinte plus sévère (fig 15C). Ainsi, la rétrusion plus grave de la mandibule provoque un angle ANB excessif, parfois extrême, supérieur à 10°. Avec un menton insuffisamment développé ou inexistant, l’aspect est celui du classique « profil d’oiseau ».
¶ Analyse des moulages L’occlusion est en classe II et fréquemment de type classe II division 1, avec un surplomb important et des incisives supérieures labioversées. Plus rarement, en classe II division 2, les incisives supérieures ont partiellement compensé la malformation squelettique, en s’orientant en direction palatine sous l’influence des muscles orbiculaires des lèvres. Souvent, la rétromandibulie s’associe à une micromandibulie, caractérisée par un important manque de place à l’arcade inférieure. Les autres caractéristiques des moulages sont celles décrites pour la classe I associée à une divergence exagérée des plans maxillaire et mandibulaire.
¶ Préparation orthodontique Les principes énoncés pour la face longue associée à une classe I restent totalement valables pour la classe II. S’il existe une dysharmonie dentoalvéolaire, on préfère généralement extraire les deuxièmes prémolaires supérieures et les premières prémolaires inférieures, pour « décompenser » efficacement les deux arcades. Des élastiques maxillomandibulaires de type classe III peuvent aussi être recommandés.
¶ Planification céphalométrique et sur moulages L’analyse céphalométrique confirme l’existence d’une hauteur excessive du maxillaire, qu’il s’agit de diminuer en l’impactant dans sa partie postérieure. La planification de ce déplacement et l’adaptation de la mandibule suivent les étapes décrites précédemment lorsqu’il existe une face longue et une occlusion en classe I. La simulation permet de mesurer les déplacements dont les valeurs sont transmises au technicien qui réalise les modèles, les met en articulateur et confectionne les gouttières chirurgicales [30].
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
Stomatologie
* A
* B
* D
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* F
* H
* G 15
Face longue associée à une rétromandibulie. A, B, C. Avant traitement. De face : légère asymétrie mandibulaire, incompétence labiale et sourire gingival (A) ; de profil : hyperdivergence sévère responsable d’un aspect en « profil d’oiseau » (B) ; analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C).
¶ Technique chirurgicale Il s’agit de réaliser, dans le même temps opératoire, la mobilisation du maxillaire au niveau du Le Fort I et celle de la mandibule au
* I D, E, F, G, I. Après intervention : ostéotomie maxillomandibulaire. De face : symétrie retrouvée et élimination du sourire gingival (D) ; de profil : diminution de la hauteur faciale antérieure et de sa convexité. Le profil est transfrontal (E) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé initial (F) ; téléradiographie de profil montrant les ostéosynthèses rigides internes (G) ; vue intraorale initiale (H) ; vue intraorale finale (I).
niveau des branches montantes, par une double ostéotomie sagittale. La technique opératoire de ces deux procédures a déjà été décrite séparément [28]. Certaines modalités particulières doivent cependant 15
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
leur être appliquées lorsqu’on les utilise simultanément, car une intervention maxillomandibulaire est plus complexe et plus longue qu’une intervention sur un seul étage facial [3, 10]. Cette double approche comporte logiquement plus de risques opératoires et un plus grand potentiel de complications. Le succès du traitement chirurgical dépend de la reproduction fidèle des déplacements osseux prévus par la planification céphalométrique, et de la réalisation des deux gouttières confectionnées sur les modèles après simulation [30]. La séquence des gestes à effectuer s’enchaîne de la façon suivante : – ostéotomie Le Fort I d’impaction selon la description faite ci-dessus ; – blocage maxillomandibulaire (BMM) sur la gouttière intermédiaire ; – réalisation des ostéosynthèses rigides internes de façon stable ; – libération de la fixation maxillomandibulaire ; – contrôle de l’occlusion, gouttière intermédiaire en place ; – après adaptation des ailes narinaires, suture des voies d’abord. On passe alors à la mandibule : – réalisation des ostéotomies sagittales des branches montantes ; – positionnement de la mandibule sur le maxillaire opéré, grâce à la gouttière définitive et nouveau BMM ; – ostéosynthèses rigides des valves externes et internes par quatre vis corticales ; – libération du blocage et contrôle de l’occlusion définitive, avec et sans la gouttière. À ce stade, il ne faut pas hésiter à reprendre les ostéosynthèses s’il existe un décalage d’occlusion par rapport aux modèles chirurgicaux ; – suture des voies d’abord sur deux drains percutanés type Manovac ; – une éventuelle génioplastie est entreprise par voie vestibulaire antéro-inférieure et réalisée selon la planification préchirurgicale (fig 15G). En cas d’insuffisance de diamètre transversal, il est nécessaire d’effectuer deux sections paramédianes du plateau palatin, pour adapter le Le Fort I transversalement aux dimensions de la mandibule. Antérieurement, ces traits d’ostéotomies se terminent entre les incisives centrales ou, lorsqu’on a prévu de corriger une proalvéolie, entre canines et prémolaires [28]. On peut corriger l’axe des incisives par une ostéotomie segmentaire antérieure complémentaire à l’ostéotomie basale du maxillaire. Les traits de scie verticaux sont placés, soit entre canines et latérales, soit entre canines et prémolaires, en fonction de la planification sur les modèles. La stabilité de ce fragment est obtenue par une petite greffe autologue et une ostéosynthèse adéquate [28].
¶ Orthodontie postopératoire Si des ostéotomies segmentaires ont été réalisées au niveau du maxillaire, les arcs sectionnels doivent être remplacés par un arc continu dans les 10 jours qui suivent l’intervention chirurgicale, comme dans les cas d’une divergence excessive de l’angle des bases associée à une classe I. Des élastiques maxillomandibulaires de type classe II sont installés systématiquement pour assurer la stabilité du résultat dans le plan vertical et dans le plan sagittal.
¶ Échecs La réapparition d’une béance osseuse et dentaire après correction d’une dysmorphose associant une hyperdivergence des bases à une mandibule en retrait de l’étage moyen, est la récidive la plus redoutée. On découvre souvent une résorption tardive du ou des 16
Stomatologie
condyles mandibulaires, comme on peut la voir parfois après correction chirurgicale d’une rétromandibulie [21]. De nombreuses hypothèses ont été émises pour tenter d’expliquer cette modification de la forme du condyle. Parmi celles-ci, deux étiologies semblent jouer un rôle important : tout d’abord des causes liées au patient lui-même, et deuxièmement, l’adaptation des tissus mous après chirurgie. Dans le premier cas, le risque de résorption condylienne est plus grand chez « une jeune femme présentant des antécédents de dysfonction temporomandibulaire, une mandibule trop petite, une hauteur faciale postérieure trop brève et un rapport entre hauteur faciale postérieure et antérieure faible » [2]. Dans ce contexte, la forme et l’inclinaison du col du condyle semblent aussi jouer un rôle important [17]. En ce qui concerne l’adaptation des tissus mous, on pense que les forces mécaniques induites par un avancement important de la mandibule sont à l’origine de tensions neuromusculaires qui provoquent une compression du condyle et peuvent conduire à sa résorption [9, 17]. Pour éviter ce risque, les modifications chirurgicales imposées à la mandibule doivent se faire dans le sens des tensions physiologiques de la musculature masticatoire, en évitant par exemple de « fermer » une béance osseuse par une chirurgie mandibulaire isolée [16]. Enfin, l’idée selon laquelle les ostéosynthèses rigides internes seraient responsables d’un taux plus important de résorptions condyliennes que les contentions par blocage maxillomandibulaire est battue en brèche par des études récentes [15, 16]. En effet, si un blocage de 4 à 6 semaines permet à la tête condylienne de s’adapter à sa nouvelle position, l’immobilisation diminue fortement le métabolisme du cartilage articulaire, qui devient plus mince et dont la structure interne se modifie [5, 15]. Au contraire, les ostéosynthèses rigides, internes par miniplaques ou vis permettent le rétablissement d’une fonction précoce qui favorise la vascularisation locale. On évite ainsi la survenue de nécrose avasculaire susceptible d’entraîner un remaniement condylien [15]. Il semble que la récidive d’une béance osseuse et d’un recul mandibulaire ai des origines multifactorielles. La planification de l’intervention doit viser un équilibre architectural sans créer de tension neuromusculaire. Les « patients à risque » doivent être reconnus et avertis de la possibilité de complications à long terme. ÉTAGE MANDIBULAIRE EN AVANT DE L’ÉTAGE MAXILLAIRE. CLASSE III
¶ Aspect clinique De face De face, le visage d’un patient porteur d’une classe III associée à une face longue présente un tiers inférieur de hauteur exagérée (fig 16A). Les régions paranasales sont aplaties et les plis nasogéniens souvent peu marqués. Le pli labiomentonnier est plutôt discret en raison de la rétroversion compensatrice des incisives inférieures. Le menton est assez massif, et les angles de la mandibule présentent un débord important. De profil Le profil est droit ou plus souvent concave et l’excès de hauteur faciale est la conséquence du développement trop massif de la partie inférieure du visage (fig 16B). L’angle nasolabial est ouvert, supérieur à 103°. Le rebord orbitaire inférieur est en retrait sous la partie antérieure du globe. L’angle de la mandibule, supérieur à 110°, est augmenté par rapport à la moyenne. Le pli labiomentonnier est le plus souvent effacé.
¶ Diagnostic céphalométrique La mandibule est prognathe, pourtant l’angle SNB n’est pas exagérément supérieur à la norme (fig 16C). L’angle ANB est négatif. La longueur des branches montantes mandibulaires, comme celle
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
Stomatologie
* A
* C
* B
* D
* F
* E
* G 16
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* H
Face longue associée à une rétromaxillie. A, B, C. Avant traitement. De face : aplatissement des régions paranasales, plan occlusal déformé (A) ; de profil : lèvre supérieure courte, menton peu développé (B) ; analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C).
D, E, F, G, H. Après traitement. De face : amélioration de la symétrie et de la région paranasale (D) ; de profil final : proportions des hauteurs verticales et problème sagittal normalisés (E) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé initial (F) ; vue intraorale initiale : agénésie des incisives latérales supérieures et occlusion croisée antérieure (G) ; vue intraorale finale : correction de l’occlusion croisée et remplacement des incisives latérales supérieures par des couronnes sur implants (H).
des branches horizontales, est excessive. Les incisives supérieures ont tendance à être proclinées, alors que les inférieures sont rétroclinées. Les autres valeurs sont comparables à celles décrites pour la face longue associée à une classe I.
squelettique. L’encombrement au niveau des incisives inférieures est relatif et ne peut être attribué à un manque de place. On peut, au contraire, retrouver des diastèmes multiples sur toute l’arcade mandibulaire.
¶ Analyse des moulages
¶ Préparation orthodontique
L’occlusion est en classe III avec un surplomb négatif. Cette occlusion croisée peut s’étendre sur les segments latéraux, ou même intéresser l’arcade dans sa totalité (fig 16G). La classe III est plus fréquemment la conséquence d’une macromandibulie que d’une micromaxillie. Une béance dentaire antérieure est souvent présente. Les incisives supérieures sont palatoversées et les incisives inférieures linguoversées, comme pour compenser la malformation
Un traitement qui évite l’extraction des prémolaires est préférable. Pourtant, on peut envisager d’extraire les premières prémolaires supérieures si la dysharmonie dentoalvéolaire est importante. On agit de même si ces sites d’extraction peuvent être utilisés pour redresser des incisives supérieures dont l’axe est trop vestibulisé, et afin de préparer des espaces pour les traits d’ostéotomies segmentaires. Toute extraction sur une mandibule déjà large est 17
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
contre-indiquée. Les espaces éventuels doivent être fermés, en respectant le principe de la « décompensation » par installation d’élastiques classe II. Les mêmes étapes que celles décrites pour la classe I associée à une face longue complètent la préparation orthodontique.
¶ Planification céphalométrique et sur moulages La dysmorphose verticale doit être corrigée dans ce cas aussi, en impactant le maxillaire. Horizontalement, avancer le maxillaire plutôt que reculer la mandibule permet d’éviter l’apparition d’un double menton, et surtout empêche le rétrécissement des espaces pharyngés postérieurs avec ses conséquences. Cette avancée améliore la respiration nasale. Même si la mandibule est « trop longue », on peut se permettre de déplacer le maxillaire au-delà de la position proposée par l’analyse céphalométrique. Pratiquement, les deux calques sont collés en position dentaire idéale, puis ce bloc est mis en position par rapport à l’incisive supérieure qui ne devrait pas dépasser, verticalement, la lèvre de plus de 3 mm. Les plans occlusal et bispinal doivent affleurer la région occipitale. Lorsque le maxillaire présente une hauteur trop importante, l’impaction nécessaire provoque une autorotation vers l’avant et vers le haut de la mandibule, qui augmente encore sa projection et l’aspect prognathe. Il faut alors prévoir aussi un recul mandibulaire. On dessine ensuite la nouvelle ligne du profil et l’on mesure la hauteur des étages de la face. Ceci permet de réévaluer la position
Stomatologie
du menton, et de poser l’indication à une éventuelle génioplastie d’abaissement, de recul ou même parfois d’avancée.
¶ Technique chirurgicale Elle fait appel aux techniques d’ostéotomies décrites précédemment. Au maxillaire, une ostéotomie avec escalier antérieur permet de combler l’aplatissement des régions paranasales et d’harmoniser les traits du visage. À la mandibule, l’adaptation peut exiger une ostéotomie de recul, qu’on réalise selon la description déjà faite [28]. La séquence des gestes à effectuer lors de procédures simultanées sur le maxillaire et la mandibule a été décrite, pour la correction d’une face longue associée à une rétromandibulie.
¶ Orthodontie postchirurgicale Cette partie du traitement ne diffère pas de celles exposées pour la classe I et la classe II. Seule la direction des élastiques intermaxillaires est modifiée, au profit d’une direction verticale de classe III.
¶ Échecs Ils sont représentés par le risque de récidive après correction d’une promandibulie, comme ils ont été décrits dans le chapitre traitant de ce sujet [31], notamment lorsque la correction a été effectuée trop tôt, même après la fin de la croissance.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-066-E-20
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires. M Richter C Mossaz F Laurent P Goudot
Insuffisances et excès sagittaux associés à une hauteur faciale normale Résumé. – Cet article traite des anomalies du développement antéropostérieur de la mandibule et du maxillaire. Il distingue deux chapitres selon la position relative de la mandibule et du maxillaire : mandibule en retrait du maxillaire et mandibule en avant du maxillaire. Un troisième chapitre est consacré au cas particulier de la biproalvéolie. Chaque dysmorphie est exposée sous son aspect clinique et céphalométrique. Son traitement orthodonticochirurgical précise les aspects particuliers de la préparation orthodontique, les techniques chirurgicales choisies et leurs échecs. Sont ainsi abordées successivement la rétromandibulie, la rétroalvéolie inférieure, la proalvéolie supérieure, la promandibulie, la rétromaxillie et la biproalvéolie. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : rétromandibulie, promaxillie, promandibulie, rétromaxillie, progénie, biproalvéolie, rétroalvéolie inférieure.
Introduction La chirurgie correctrice des malformations maxillomandibulaires s’applique, pour l’essentiel, aux bases osseuses. Pour cette raison, les articles qui portent sur l’analyse et le traitement de chacune des différentes malformations s’appuient sur une classification clinique qui reprend les termes définis au chapitre « Nomenclature » [26]. Cette étude analytique repose sur l’examen clinique et le plan dans lequel la malformation prédomine, en évitant la confusion que représente l’utilisation systématique des notions de classe d’Angle appliquée aux bases osseuses. Nous distinguons ainsi les « insuffisances et excès sagittaux », dont l’anomalie s’exprime essentiellement dans le plan antéropostérieur qui fait l’objet de cet article, des « insuffisances et excès verticaux » couramment appelés « faces courtes » et « faces longues » et les « déformations transverses » dominées par les asymétries qui seront traitées dans les articles suivants. L’analyse des dysmorphies maxillomandibulaires doit conduire le clinicien à s’interroger sur le siège de la malformation : est-elle alvéolaire ou intéresse-t-elle les bases osseuses maxillaire et/ou mandibulaire, par référence à l’étage crânien ? Ce chapitre concernant les anomalies sagittales peut être divisé selon que : – l’étage mandibulaire est en retrait de l’étage maxillaire ;
Michel Richter : Chef de service, chirurgien maxillofacial, unité de chirurgie maxillofaciale, division de chirurgie réparatrice, hôpital cantonal universitaire, 24, rue Micheli-du-Crest, Genève, Suisse. Claude Mossaz : Médecin dentiste orthodondiste, chargé d’enseignement à la falculté de médecine, Genève, Suisse. François Laurent : Chirurgien maxillofacial, médecin consultant à la faculté de médecine, Genève, Suisse. Patrick Goudot : Chirurgien maxillofacial, médecin consultant à la faculté de médecine, Genève, Suisse.
– l’étage maxillaire est en retrait de l’étage mandibulaire ; – les deux étages maxillaire et mandibulaire sont séquentiellement avancés par rapport au reste de la face (biproalvéolie).
Étage mandibulaire en retrait de l’étage maxillaire Cette anomalie peut être due à : – une rétromandibulie ; – une rétrogénie ; – une rétroalvéolie inférieure ; – une promaxillie ; – une proalvéolie supérieure. On établit le diagnostic sur la base des caractéristiques esthétiques et céphalométriques décrites dans le deuxième article « Diagnostic et plan de traitement » [27]. Le traitement se fonde sur les « Bases chirurgicales » [25] développées dans le troisième article. RÉTROMANDIBULIE
¶ Introduction Les cas de rétromandibulie sans excès ou insuffisance de hauteur dans le plan vertical sont certainement les malformations le plus souvent rencontrées dans notre population. Elles ne sont pas forcément diagnostiquées ni opérées aussi souvent que les rétromandibulies associées à une face longue (profils hyperdivergents), ni même que les promandibulies, deux dysmorphies responsables de profils beaucoup plus déséquilibrés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Richter M, Mossaz C, Laurent F et Goudot P. Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires. Insuffisances et excès sagittaux associés à une hauteur faciale normale. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-066-E-20, 2000, 21 p.
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires.
Stomatologie
¶ Diagnostic clinique Cliniquement, la rétromandibulie se caractérise par un grand nombre de variations. Elle se remarque schématiquement dans quatre situations : – lorsque la longueur de la mandibule est insuffisante et que le menton est en rétrusion ; le cas extrême est celui du profil d’oiseau ; – lorsque la projection antérieure du maxillaire est trop importante (proalvéolie supérieure ou promaxillie) ; – lorsque la projection antérieure du maxillaire est trop importante et que la mandibule est insuffisamment développée ; – lorsqu’il existe une béance osseuse entraînant une rotation inférieure de la mandibule et une hauteur antérieure exagérée. Le diagnostic et le traitement de cette dysmorphie seront développés dans l’article traitant des anomalies verticales. Toutes ces malformations ont une caractéristique commune : la relation interarcade se fait en classe II molaire selon Angle, raison pour laquelle certains parlent de « classe II osseuse ».
* A
* B
* C
* D
Demande du patient Le plus souvent, le patient se plaint d’avoir « les dents du haut trop en avant », parfois de posséder un « menton trop petit » ou un « nez trop grand ». Plus rarement, la forme ou l’interposition de ses lèvres peuvent le gêner. S’il existe une supraclusie, il peut souffrir d’un traumatisme de la papille palatine. Dans de rares cas, c’est un ronflement, voire même un syndrome des apnées du sommeil, qui motiveront la consultation. Aspect clinique L’examinateur analyse la position de la mandibule dans les trois plans de l’espace par rapport à l’ensemble craniofacial, puisque les positions horizontale et verticale de la mandibule modifient également l’aspect du visage.
• En vue frontale Le tiers inférieur de la face peut être normal ou sembler trop court. On confirme que le maxillaire occupe une position verticale normale si le découvrement des incisives supérieures est de 3 à 5 mm, lèvres au repos, ou de 8 mm lors du sourire. Lorsque le menton s’est trop développé, compensant la brièveté de la mandibule (progénie compensatrice), ou qu’il existe une version vestibulaire des incisives inférieures, le pli labiomentonnier est plus marqué et la lèvre inférieure s’éverse (fig 1A). Si le décalage antéropostérieur entre mandibule et maxillaire est important, la fonction labiale peut même devenir impossible, avec une lèvre supérieure courte et une lèvre inférieure éversée, ourlée sous les incisives supérieures.
• De profil Le profil est convexe (fig 1B). Pourtant, lorsque la brièveté de la mandibule est compensée par un développement exagéré du menton, il apparaît orthofrontal. L’étage inférieur devient alors légèrement concave (fig 2B). Verticalement, la hauteur du tiers moyen a la même valeur que celle de l’étage crânien, alors que celle du tiers inférieur semble insuffisante. Il est très important de différencier le problème squelettique du problème dentaire car souvent la micro- ou la rétromandibulie sont compensées par la vestibuloversion des incisives inférieures et/ou la palatoversion des incisives supérieures. Un angle nasolabial de 103 ± 5° confirme que le soutien dentaire de la lèvre supérieure est correct. L’angle labiomentonnier peut être fermé par l’appui des incisives supérieures sur la lèvre inférieure. En demandant au patient de propulser sa mandibule, il est possible d’évaluer l’amélioration de la ligne du profil et de la hauteur faciale, et surtout l’effet sur le déplissement labiomentonnier (fig 2E). 2
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Rétromandibulie. A, B. Avant traitement : face et profil. C, D. Après traitement : face et profil.
• Examen endobuccal L’examen endobuccal doit être complété par l’analyse des modèles. Il confirme l’alignement interincisif supérieur et inférieur sur la ligne médiane du visage, une occlusion en classe II molaire et canine, et mesure la valeur du recouvrement incisif et l’éventuel surplomb (fig 3A). L’insuffisance de développement osseux entraîne parfois un manque de place et un encombrement dentaire antérieur. La seconde prémolaire peut même être bloquée du côté lingual lors de son éruption. Enfin, verticalement, la courbe de Spee est souvent exagérée par égression du bloc incisivocanin inférieur qui peut même laisser une empreinte dans la muqueuse palatine (fig 3B). Transversalement, dans les cas sévères, la largeur de la mandibule est insuffisante avec un diamètre transversal trop faible au niveau des prémolaires. La relation maxillomandibulaire est évaluée en demandant au patient d’effectuer une propulsion.
¶ Diagnostic céphalométrique Plusieurs valeurs céphalométriques caractérisent cette malformation. Dans le plan sagittal Les angles SNA et SNB et leur différence ANB sont de bons indicateurs de la position antéropostérieure du maxillaire et de la mandibule [21]. Ils sont appropriés si la base antérieure du crâne a une inclinaison normale [18]. L’angle SNA est alors proche de la norme, soit 82°, alors que SNB se situe en dessous de 80° (ANB entre 6° et 12°) (fig 4). Une façon plus directe de positionner maxillaire et mandibule consiste à tirer une « ligne verticale vraie », ou axe facial de MacNamara [23] , perpendiculaire au plan de
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Stomatologie
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3
* A
* A
Examen endobuccal (même cas). A. Supraclusie par égression des incisives supérieures et inférieures. Les lésions parodontales sont probablement responsables de l’ouverture du diastème interincisif. B. Empreintes des incisives inférieures dans la muqueuse palatine.
* B
* B
* C
SNA 81° (82°) SNB 74° (80°) ANB 7° (2°)
* D 2
Rétromandibulie avec progénie compensatrice. A, B. Avant traitement : face et profil. C, D. Après traitement. E. En propulsion mandibulaire pour simuler le résultat final.
115° (103°) 28° (32°)
13° (7°)
51° (43°)
15° (25°)
106° (93°)
* E
4
Analyse céphalométrique (même patient). Les valeurs normales sont entre parenthèses.
Francfort et passant par le point N. En cas de rétromandibulie, le point B se trouve nettement en retrait de cette ligne alors que le point A en est proche, le maxillaire étant en position correcte. Toutes les formes de menton, de la déficience à la proéminence, peuvent se rencontrer dans ce type de malformation. On peut les quantifier par le « Holdaway ratio » [15] qui indique la position sagittale de l’incisive centrale inférieure par rapport à la ligne NB (norme = 3 mm) et de Pogonion par rapport à cette même ligne (norme = 2 mm) (fig 5). Si on envisage un avancement mandibulaire important, on devra porter une attention particulière à cette valeur afin d’éviter de créer une progénie disgracieuse.
5 Proéminence du menton repérée par le « Holdaway ratio ».
Dans le plan vertical 2 mm
Plusieurs paramètres permettent d’évaluer si la dysmorphose antéropostérieure est associée à une hyper- ou une hypodivergence des bases osseuses. L’angle craniomandibulaire SN-GoMe en est le principal (fig 4). Sa valeur habituelle est de 32°. L’angle maxillomandibulaire Spa-Spp-GoMe (norme = 25°) exprime la rotation mandibulaire et détermine souvent le type musculaire. L’angle formé par la base du crâne SN et le plan palatin Spa-Spp
8 mm Holdaway ratio 2:8 (3:2)
3
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires.
87° (103°)
Stomatologie
117° (103°)
88° (93°)
109° (93°)
* B
* A 6
Influence des lèvres sur la position des incisives supérieures. A. Compensation dentaire de la malformation squelettique : incisives supérieures palatoversées, incisives inférieures vestibuloversées.
B. Interposition de la lèvre inférieure : les incisives supérieures sont vestibuloversées, les inférieures sont linguoversées.
(norme = 7°) exprime la rotation du maxillaire. C’est un facteur important pour prévoir la stabilité du résultat obtenu après intervention chirurgicale. Le rapport entre le tiers supérieur et la hauteur faciale antérieure totale se situe, pour cette catégorie de patients, entre 43 et 45 % [37]. Il faudrait respecter ces limites après chirurgie orthognathique [27]. Dans les rétromandibulies, les axes des incisives supérieures (Inc Sup-SN) et celui des incisives inférieures (Inc Inf-GoMe) peuvent varier considérablement selon que la lèvre inférieure s’interpose ou non entre les incisives, soit au repos, soit durant la déglutition. Lorsqu’il n’existe pas d’interférence labiale, on assiste à une compensation dentaire de la malformation squelettique par version palatine des incisives supérieures (angle < 95°) et vestibuloversion des incisives inférieures (angle > 100°) (fig 6A). À l’inverse, une interposition de la lèvre inférieure entraîne une labioversion (angle > 110°) des incisives supérieures et une linguoversion (angle < 88°) des inférieures (fig 6B). L’hérédité, le type ethnique, la place disponible sur les deux arcades, la tonicité de la langue, l’état parodontal sont autant de facteurs qui influencent aussi la position axiale des incisives. Dans le plan vertical, il n’est pas rare de rencontrer une « suréruption », ou supraclusie des incisives supérieures, en raison de l’absence de contact occlusal au cours de la dentition. Dans les cas extrêmes, les incisives inférieures touchent la muqueuse palatine et créent une occlusion qui peut devenir traumatisante.
* A
* B
* C
* D
* E
* F
¶ Analyse des moulages Pour les rétromandibulies isolées, l’analyse des moulages montre de façon constante une classe II molaire et canine, alors même que l’arrangement des arcades dentaires présente toutes sortes de variations des dimensions sagittale, verticale et transverse. Le surplomb ou le décalage antéropostérieur est souvent excessif (5-8 mm), voire même extrême (10-15 mm). La supraclusie varie de normale (2-3 mm) à exagérée (5-9 mm). On définit ce type de malocclusion comme la classe II division 1 (fig 7A, B, C). Au cours du développement, la pression de la lèvre supérieure par le muscle orbiculaire peut être suffisamment importante pour provoquer une version palatine des deux incisives centrales supérieures en éruption. Les latérales supérieures sortent alors en labioversion. Une supraclusie s’associe généralement à cette malocclusion pour donner la forme typique de classe II division 2 (fig 7DEF). On la rencontre le plus souvent en cas de micromandibulie associée à une face courte. Transversalement, l’arcade supérieure s’adapte en général à l’arcade inférieure en se comprimant dans sa partie postérieure. Lorsqu’il 4
7
A, B, C. Classe II, division 1 selon Angle. D, E, F. Classe II, division 2 selon Angle.
manque, de manière asymétrique, une ou plusieurs dents en raison d’extraction(s) ou d’agénésie(s), la ligne médiane dentaire supérieure est décalée. Fréquemment, l’analyse de place révèle une dysharmonie dentoalvéolaire inférieure en raison de la micromandibulie mais, de manière générale, les problèmes de périmètre sont les mêmes que ceux que l’on rencontre chez les patients orthognathes, en classe I.
¶ Préparation orthodontique Principe La préparation orthodontique avant correction chirurgicale d’une rétromandibulie isolée se résume à la réalisation de quatre objectifs.
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incisives supérieures est mesuré entre 1 et 5 mm en dessous du bord de la lèvre supérieure au repos, on peut niveler l’arcade supérieure en procédant à l’égression des dents postérieures. Au contraire, lorsque l’incisive supérieure présente une « suréruption », c’est elle qu’on tentera d’ingresser. À l’arcade inférieure, le nivellement est généralement obtenu par une combinaison d’ingression antérieure et d’égression postérieure.
• Coordination des arcades
* A 8
* B
Rétromandibulie avec extraction des deux prémolaires inférieures. A. Avant traitement : l’occlusion est en classe II canine et classe I molaire. B. Après traitement orthodonticochirurgical : l’occlusion est en classe I canine et classe III molaire.
• Alignement des arcades L’analyse céphalométrique et l’analyse de place sur les moulages permettent de décider si des extractions sont nécessaires pour parvenir à un alignement adéquat respectant l’anatomie des bases alvéolaires existantes. Lorsque les dysharmonies dentoalvéolaires sont sévères, on préfère extraire les deuxièmes prémolaires supérieures et les premières prémolaires inférieures. On maintient ainsi la position antéropostérieure des incisives supérieures, souvent correcte (fermeture d’espace avec ancrage minimal), tout en décompensant l’arcade inférieure (fermeture d’espace avec ancrage maximal). Les lignes médianes supérieure et inférieure doivent impérativement être alignées sur leur base, et non sur la ligne médiane de la face. La ligne médiane du maxillaire est, dans la grande majorité des cas, déjà alignée par rapport à la face. D’autres techniques, comme la réduction interproximale d’émail, permettent de gagner 5 à 6 mm pour corriger un léger manque de place. Une autre solution consiste à n’extraire que les deux premières prémolaires inférieures. Cette alternative est indiquée lorsque aucune dysharmonie dentoalvéolaire n’est mesurée au maxillaire et à condition que ce dernier, ainsi que les incisives supérieures, soient en position correcte par rapport au reste du massif facial. Il faut d’autre part que les dents de sagesse inférieures aient déjà fait leur éruption et soient en occlusion. On évite ainsi, après avancement mandibulaire, l’obtention d’une occlusion en « classe III thérapeutique » où les deuxièmes molaires supérieures n’ont pas d’antagonistes (fig 8 A, B).
• Nivellement des arcades Dans ce type de malformation, il arrive souvent que la courbe de Spee soit excessive à l’arcade inférieure et inverse à l’arcade supérieure en raison de la « suréruption » des incisives. La préparation orthodontique doit corriger ces déplacements en respectant avant tout la position verticale de l’incisive supérieure par rapport à la lèvre supérieure. En effet, si le bord occlusal des
9
* A Étape d’une décompensation d’une classe II. A. Classe II « compensée » : élastiques de type classe III. B. Classe II « décompensée ». C. Après chirurgie d’avancement mandibulaire.
Elle a pour but de préparer la forme et la dimension des deux arcades dentaires de façon à obtenir un engrènement idéal après la chirurgie. La forme de l’arcade inférieure sert de référence car elle tolère mal les modifications en raison de la forte influence du caractère héréditaire. Lorsqu’il existe une rétromandibulie associée à une classe II, l’arcade supérieure s’est adaptée à la position rétrusive de la mandibule, en général par une contraction compensatoire. La coordination implique de procéder orthodontiquement à une expansion dentoalvéolaire de 2 à 4 mm. Dans les cas plus graves, lorsqu’une endo- ou une micromaxillie accompagne la rétromandibulie, on doit prévoir une expansion squelettique avec assistance chirurgicale.
• Décompensation (fig 9A, B, C) Lorsque les incisives supérieures, en basculant du côté palatin, et les incisives inférieures en direction vestibulaire ont littéralement « tenté » de compenser la malformation squelettique, le surplomb diminue. L’avancement chirurgical potentiel de la mandibule, mesuré au niveau des incisives, est alors nettement insuffisant pour corriger la position des bases osseuses et la relation molaire. La décompensation a pour but de replacer les incisives supérieures et surtout les inférieures dans un axe idéal, de 90° environ par rapport au plan mandibulaire [35]. En exagérant la décompensation, on peut en plus surcorriger le déplacement chirurgical de la mandibule pour prévenir la récidive. Technique L’appareil orthodontique de choix est de type « arc droit », commercialisé à la fin des années 1970 et amélioré par la suite. Il doit être suffisamment rigide pour résister aux forces de l’occlusion, notamment lors du nivellement et des corrections transversales. On préfère utiliser des verrous avec un diamètre de .022X.028 au .018x.025 (inches). De nouveaux fils à base de nickel et de titane possédant une grande résilience peuvent, tout en exerçant des forces légères, être placés rapidement et corriger, dans un premier temps, les problèmes d’alignement et de rotation dentaires. Les séquences des arcs couramment utilisés sont les suivantes : .014 nitinol ; .016 × .022 copper Ni Ti ; .019 × .025 acier inoxydable. Ces arcs, en général préformés, sont choisis suivant la forme initiale de l’arcade inférieure. À partir du troisième mois, des élastiques mandibulomaxillaires ancrés des canines inférieures aux molaires supérieures (« élastiques
* B * C
5
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires. 10
* A classe III ») (fig 9A) doivent être portés par le patient pendant 12 à 24 heures par jour, de façon à « décompenser » l’étage alvéolodentaire de la rétromandibulie. Une légère expansion de l’arc supérieur est conseillée avec le port des derniers arcs. Ceux-ci sont en acier inoxydable (.019x.025) et serviront également lors du temps chirurgical. Il est conseillé d’augmenter la « bosse » canine supérieure par un pli de premier ordre (fig 10A). La position légèrement plus vestibulaire ainsi créée pour les canines permet, non seulement d’éviter une interférence occlusale à cet endroit lors de l’avancement mandibulaire, mais aussi de surcorriger éventuellement l’avancement lors du montage préopératoire sur articulateur. Ces arcs sont passifs au moment de leur dernière insertion, au maximum 1 semaine avant l’intervention chirurgicale. On leur ajoute des crochets qui permettent le blocage maxillomandibulaire pendant le temps chirurgical et l’installation d’élastiques par le patient après l’opération (fig 10B). Ces élastiques servent à la fois au maintien de la gouttière interocclusale et à la stabilité postopératoire (élastiques intermaxillaires de type classe II). Une semaine avant l’opération, on effectue une documentation complète qui inclut un orthopantomogramme, une téléradiographie de profil, et de face en cas d’asymétrie, des moulages montés sur articulateur, des photos intra- et extraorales. Ces documents servent de base à une consultation commune entre orthodontiste, chirurgien et patient afin de planifier définitivement l’intervention chirurgicale.
¶ Planification céphalométrique et « set-up » chirurgical La planification de l’intervention débute à la fin du traitement orthodontique préchirurgical. On l’effectue sur la base des modèles actuels pour vérifier que la préparation orthodontique est terminée. Elle comprend : – un tracé céphalométrique prédictif, une éventuelle simulation sur ordinateur ; – la réalisation de modèles définitifs ; – la réalisation d’une gouttière chirurgicale. L’analyse céphalométrique est tracée sur une feuille d’acétate, calque de la toute dernière radiographie du crâne de profil. Elle permet de planifier le ou les mouvements chirurgicaux et d’étudier la nécessité d’une éventuelle génioplastie. L’importance de l’avancée chirurgicale dépend de la position dentaire obtenue par l’orthodontie. Pratiquement, on réalise une analyse de Sassouni à laquelle on ajoute le dessin des tissus mous et un plan de MacNamara pour confirmer que le mouvement chirurgical entraînera un profil correct. Le plan de MacNamara permet d’apprécier la position et la forme des tissus mous et l’amplitude, en millimètres, de l’avancement du menton. Si on prévoit une génioplastie, il faut obtenir verticalement une hauteur de 45 mm, mesurée entre le point occlusal des incisives inférieures et le point Mo. Plus l’ostéotomie du menton est orientée vers le haut et l’avant, moins le rebord mandibulaire est rectiligne. Une deuxième feuille d’acétate est utilisée pour effectuer un dessin en superposition, de couleur différente. Ce tracé prédictif est alors déplacé antérieurement afin de trouver l’occlusion idéale. Cependant, le risque de récidive partielle pousse volontiers à prévoir 6
Stomatologie
A. Situation préopératoire, vue occlusale : préparation des « bosses » canines (flèches). B. Arcs chirurgicaux avec crochets soudés servant à la fixation maxillomandibulaire.
* B une hypercorrection. La superposition des surfaces au niveau des segments proximaux et distaux permet de situer l’endroit où seront placées les vis et de contrôler la position du segment proximal et du condyle. Réalisation de la gouttière chirurgicale : pour la mise en articulateur des modèles, il n’est pas nécessaire d’utiliser un arc facial. Après avoir dessiné les repères horizontaux et verticaux, le technicien découpe le modèle inférieur et colle les bases dans la position désirée par le chirurgien. La gouttière de méthacrylate est ensuite réalisée avec deux crochets orientés vers le haut et situés entre molaires et prémolaires.
¶ Techniques chirurgicales Indications La correction de la rétromandibulie doit porter sur la mandibule. Parfois, le traitement orthodontique a résolu les problèmes occlusaux et esthétiques. Seule reste à définir la position du menton et une génioplastie d’avancement peut alors suffire. Mais l’indication chirurgicale la plus habituelle reste l’ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire (OSBM) associée éventuellement à une génioplastie. L’utilisation d’une ostéotomie en « L » inversé avec interposition de greffon osseux nous semble plutôt réservée au traitement des micromandibulies et nous lui préférons la distraction osseuse. La génioplastie complémentaire peut être d’avancement pour améliorer la projection antérieure du menton selon le plan de MacNamara ou d’abaissement en cas de face courte. Le problème de la progénie compensatrice, difficile à corriger, est développé dans le paragraphe progénie. Déroulement de l’OSBM d’avancement Si les principes de l’OSBM restent ceux qui ont été décrits dans l’article précédent [27], l’avancement de la portion dentée suppose quelques aménagements. La nécessité d’obtenir un large contact osseux après avancement conduit à prévoir une valve externe longue, donc à tracer le trait d’ostéotomie vestibulaire antérieure en regard de la première molaire (fig 11A). Ce trait est volontiers orienté en bas et en arrière vers l’angle mandibulaire, pour éviter une encoche basilaire préangulaire postopératoire excessive (fig 11B). Il est préférable de procéder au « dessin » à la fraise des ostéotomies bilatérales et au repérage de la position des branches montantes avant d’effectuer le premier clivage afin de s’assurer avec plus de précision de la situation des condyles lors de l’ostéosynthèse. Un avancement mandibulaire important peut provoquer une valgisation des branches montantes (fig 12A). Dans ce cas, il faut modeler à la fraise la paroi interne de la valve externe et l’extrémité postérieure de la valve interne (fig 12B). Les attaches musculaires du ptérygoïdien médial qui persistent sur la valve interne doivent être ruginées pour diminuer le risque de rappel vers l’arrière de la portion dentée. L’ostéosynthèse est faite à l’aide de vis bicorticales non compressives par voie transjugale ou de miniplaques, mais ces dernières supposent un affrontement sans contrainte de la partie antérieure de la valve externe sur la valve interne. Lorsque l’ostéotomie sagittale est suivie d’une génioplastie, il est prudent de remettre en place un blocage maxillomandibulaire stable sur gouttière avant de procéder à l’ostéotomie génienne.
Stomatologie
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A. Ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire d’avancement. B. Orientation postérieure du trait vestibulaire pour éviter une encoche basilaire préangulaire.
* B * A 12
* B
* A
* A 13
A. Plaque supérieure de contention de type « circonférenciel ».
A. Risque de déplacement externe de la tête condylienne après ostéosynthèse rigide lors d’ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire d’avancement. B. Modelage de la paroi interne de la valve externe.
* B B. Appareil de contention inférieur, type Dohner.
¶ Orthodontie postopératoire Dans la semaine qui suit l’opération, on réalise une téléradiographie sans gouttière occlusale pour comparer le résultat du traitement avec la prédiction chirurgicale. Ce document servira de comparatif pour ceux qui seront réalisés à 3, 6 et 12 mois, afin d’évaluer la stabilité postopératoire. L’orthodontiste n’intervient en général pas avant 2 à 3 semaines. Les arcs chirurgicaux sont alors retirés et remplacés par des arcs plus souples de finitions (arcs.018 ronds). Les derniers gestes permettent d’obtenir la meilleure occlusion possible en classe I. On fait porter par le patient, si nécessaire, des élastiques maxillomandibulaires. Cette phase du traitement varie entre 3 à 6 mois. Elle est suivie, après la dépose des bagues, par une phase de contention comme
* C C. Appareil de contention de type « fil 3-3 collé ».
tout traitement orthodontique. Dans les cas où des extractions de prémolaires ont eu lieu, des appareils amovibles supérieurs et inférieurs sont indiqués pour maintenir les espaces d’extraction fermés (fig 13A, B). Ils sont portés pendant 3 mois à plein temps et 9 mois la nuit. L’appareil inférieur est alors remplacé par un fil collé sur le versant lingual des incisives inférieures pour une durée à déterminer en fonction de l’encombrement initial (fig 13C). Ce fil inférieur peut être placé immédiatement après la dépose des bagues si aucune extraction n’a été effectuée.
¶ Échecs Nous ne reviendrons pas sur l’ensemble des complications pouvant survenir après OSBM, traitées dans l’article précédent [1, 2, 9, 10, 17, 21]. 7
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Les échecs sont essentiellement de deux ordres : les troubles occlusaux d’apparition plus ou moins rapide et les mauvais résultats esthétiques.
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Rétroalvéolie inférieure. A. Profil avant traitement. B. Analyse céphalométrique.
Troubles occlusaux L’anomalie occlusale peut apparaître dès la levée du blocage maxillomandibulaire pour contrôle, en cours d’intervention. Elle impose alors la dépose du matériel d’ostéosynthèse et la révision du positionnement des branches montantes. Lorsque le trouble occlusal apparaît en postopératoire, sa tolérance dépend de la possibilité de le corriger grâce à l’orthodontie. Si le décalage dépasse 2 mm, il faut se résoudre à une reprise chirurgicale pour repositionner correctement les branches montantes, la reprise est alors plus souvent bilatérale qu’unilatérale. La récidive [5, 8, 9, 12, 18, 34] de la rétromandibulie ne saurait être prévenue totalement par l’ostéosynthèse rigide. Les acteurs en sont l’occlusion et la musculature de l’appareil manducateur. Jusqu’à la reprise de l’orthodontie, la stabilité occlusale est assurée par la gouttière d’intercuspidation. L’étirement de la musculature peut expliquer des récidives secondaires [13, 30]. La récidive peut survenir plus tardivement, à 1 ou 2 ans, sous l’effet d’une résorption condylienne uni- ou bilatérale, et plus volontiers chez la femme [6, 7, 13, 20, 33]. Cette complication est plus fréquente dans le traitement des « faces longues ».
* A
17° (7°)
31° (32°)
L’échec esthétique est souvent ressenti par l’opéré de façon plus vive que l’échec occlusal. Ce mauvais résultat peut être la conséquence du trouble occlusal postopératoire ou d’une simulation préopératoire insuffisante. RÉTROALVÉOLIE INFÉRIEURE
¶ Diagnostic Cette malformation est relativement rare. Elle peut avoir un caractère héréditaire mais, plus fréquemment, elle est due à un manque d’unités dentaires à l’arcade inférieure, soit en raison d’extractions, soit en raison d’agénésies [20]. En règle générale, le maxillaire se trouve bien positionné par rapport au reste des structures crâniennes. Le menton est lui aussi aligné, avec des valeurs proches du profil orthofrontal idéal (fig 14A). En revanche, la denture de l’arcade inférieure est en retrait sur sa base mandibulaire, ce qui est caractérisé par un angle SNB inférieur à la norme (fig 14B). Il est important de différencier cette malformation de la progénie qui peut s’associer à tous les types de malformations craniofaciales. Sur les moulages, on observe un surplomb important. Les molaires peuvent se trouver en classe I alors que les canines sont en classe II en raison d’un manque de dents (fig 15A).
¶ Préparation orthodontique Si on prévoit une intervention chirurgicale de type OSBM d’avancement avec réduction du menton, la préparation
* A
8
50° (43°)
17° (25°)
Échec esthétique
15
SNA 78° (82°) SNB 72° (80°) ANB 6° (2°)
106° (103°)
Rétroalvéolie inférieure (même cas). A. Simulation sur modèles de la correction orthodonticochirurgicale. Noter le décrochement vestibulaire au niveau du futur trait d’ostéotomie.
90° (93°)
* B orthodontique reste la même que dans les cas de rétromandibulie. Si, au contraire, on choisit la solution d’une ostéotomie segmentaire antérieure mandibulaire afin d’avancer la partie dentoalvéolaire antérieure et de créer des espaces pour des unités dentaires supplémentaires en restaurant l’occlusion, la préparation est légèrement différente (fig 15B, C). La séquence des arcs reste identique, mais on doit veiller à coordonner la partie antéroinférieure avec celle de l’arcade supérieure. Les arcs inférieurs doivent donc présenter un décrochement vestibulaire au niveau du futur trait d’ostéotomie.
¶ Technique chirurgicale Indications Lorsque la relation des bases osseuses maxillaire et mandibulaire est harmonieuse, alors que la relation occlusale est de type classe II, plusieurs solutions chirurgicales peuvent être envisagées. Pour corriger la malocclusion, diminuer le sillon labiomentonnier en laissant le pogonion en place, il faut préférer une ostéotomie segmentaire d’avancement de 34 à 44, avec greffe osseuse dans les sites d’ostéotomie et restauration prothétique ultérieure à une ostéotomie subapicale totale [4] qui fait courir un risque majeur aux nerfs alvéolaires inférieurs.
* B B. Simulation de l’avancement segmentaire. C. Simulation de l’ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire.
* C
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* B
16
* A Rétroalvéolie inférieure (même cas). A. Représentation schématique de l’intervention. B. Téléradiographie du crâne de profil avant traitement. C. Après traitement.
* C On peut aussi discuter d’une ostéotomie sagittale d’avancement avec génioplastie de recul, mais le résultat esthétique sur le menton est souvent mauvais. Ostéotomie segmentaire antérieure Décrite à l’origine par Köle [32] pour corriger une béance osseuse et dentaire, cette technique a été adaptée pour corriger un déséquilibre antéropostérieur. On parle aussi d’ostéotomie subapicale antérieure. La région symphysaire de la mandibule est exposée par une voie vestibulaire, dans la gencive libre, comme pour une génioplastie. Après avoir protégé les rameaux mentonniers du nerf mandibulaire, on découpe à la scie oscillante, à 5 mm des apex dentaires, la base du segment alvéolaire sur toute son épaisseur. Les ostéotomies verticales bilatérales sont amorcées ensuite, entre les dents choisies, à la fraise fine et terminées au ciseau à frapper fin. Le segment est alors mobilisé et avancé dans sa nouvelle position grâce à la gouttière chirurgicale. On intercale ensuite deux cubes d’os spongieux autologue, entre les segments antérieurs et postérieurs, pour recréer une continuité osseuse (fig 16A, B, C) [20]. Les segments osseux, une fois positionnés, sont stabilisés par des ostéosynthèses rigides internes à l’aide de miniplaques vissées.
¶ Orthodontie postopératoire L’arc inférieur sectionné durant l’intervention chirurgicale est remplacé après 4 semaines par un arc rigide continu (.019 × .025) et la finition de l’occlusion est alors réalisée en s’assurant que les espaces créés sont suffisants pour accueillir plus tard soit des implants, soit des ponts conventionnels (fig 17A, B). Ces restaurations définitives ne doivent pas être entreprises avant 6 mois, pendant la phase de contention qui comprend deux appareils amovibles. RÉTROGÉNIE
La rétrogénie vient le plus souvent s’inscrire dans le cadre d’une face longue où les angles des bases osseuses maxillaire et mandibulaire divergent de façon excessive. Cette dysmorphose sera traitée dans le prochain article.
La rétrogénie accentue, de profil, l’importance du nez et de l’empâtement sous-mental. Le motif de consultation est plus souvent une demande de rhinoplastie ou de liposuccion sous-mentale qu’une demande de correction du menton. Lorsque l’occlusion est normale, ou stable, chez un adulte aux motivations uniquement esthétiques, une génioplastie d’avancement nous paraît préférable à la mise en place d’un implant synthétique qui, outre son instabilité, peut provoquer une lyse osseuse et s’encastrer dans la symphyse jusqu’à menacer la vitalité des incisives. L’ostéotomie peut être plus ou moins oblique pour associer au mouvement d’avancement une diminution ou une augmentation de la hauteur symphysaire. PROMAXILLIE ET PROALVÉOLIE SUPÉRIEURE
¶ Diagnostic Si, d’après la nomenclature, les termes de promaxillie et proalvéolie supérieure paraissent correspondre à des anomalies différentes, en pratique la promaxillie cède largement le pas à la proalvéolie. Cette dysmorphose, bien moins fréquente que la rétromandibulie, est souvent traitée orthodontiquement, en extrayant les deux premières prémolaires supérieures et en réduisant le surplomb par rétraction des dents antérosupérieures (fig 18A). Cette solution donne parfois un résultat occlusal acceptable, mais peut compromettre l’esthétique du profil définitif en augmentant l’angle nasolabial (fig 18B). En effet, il est difficile de rétracter orthodontiquement un bloc incisivocanin chez un adulte en maintenant l’axe des incisives supérieures dans une angulation idéale. L’apex des incisives ne sera que très peu distalisé tout comme sa base apicale (point « A »). L’avantage d’une intervention chirurgicale dans une telle situation est de pouvoir déplacer vers l’arrière tout le segment antérieur du maxillaire supérieur en maintenant l’axe des incisives supérieures et de provoquer ainsi un recul du point subnasal (Sn) en évitant une trop grande ouverture de l’angle nasolabial (fig 19A, B) [16]. 9
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Stomatologie
* B Initial
* A 17
Final
Résultats esthétique et fonctionnel. A. Profil équilibré. B. Occlusion après reconstruction prothétique par ponts conventionnels. C. Superposition des tracés avant et après traitement.
* C
difficilement réalisable, la correction portera plus volontiers sur la partie antérieure de ce maxillaire. Pour cette raison, la préparation orthodontique a pour but d’obtenir une occlusion parfaite dans les segments latéraux et postérieurs maintenus en classe II avant l’intervention chirurgicale. L’axe des incisives supérieures doit être idéal, voire même légèrement ouvert. Les mêmes objectifs d’alignement, de coordination des arcades, de nivellement et de décompensation sont à atteindre.
¶ Techniques chirurgicales Indications
* A 18
* B
Promaxillie et proalvéolie supérieure. Traitement orthodontique seul. A. Avant rétraction des dents antérosupérieures. B. Après traitement orthodontique, par extraction de deux prémolaires supérieures et rétraction du bloc incisivocanin : ouverture inesthétique de l’angle nasolabial.
¶ Préparation orthodontique La relation dentaire dans les cas d’une proalvéolie est de type classe II. Le recul chirurgical de l’ensemble du maxillaire étant
Des proalvéolies excessives avec angle nasolabial très fermé peuvent justifier une ostéotomie segmentaire antérieure du maxillaire de type Wassmünd/Wunderer, ou Cupar [7]. Enfin, la promaxillie vraie est exceptionnelle et l’utilisation d’une ostéotomie de type Lefort I pour effectuer un recul du maxillaire ne semble pas justifiée. Ces différentes techniques tendent à provoquer un profil cisfrontal souvent disgracieux, qui vieillit le patient. Il ne faut pas hésiter à envisager plutôt une ostéotomie mandibulaire d’avancement qui permet d’obtenir un profil transfrontal plus esthétique et plus jeune. À la technique de Wunderer [32] qui interrompt la vascularisation palatine et latérale vestibulaire pour laisser le fragment incisivocanin n’être vascularisé que par la muqueuse vestibulaire antérieure, il faut préférer la technique de Wassmünd [32] modifiée selon Cupar [7]. Cette variante donne un meilleur accès, mais nécessite une hauteur maxillaire suffisante (fig 20A).
19
* A 10
* B
Proalvéolie supérieure. Traitement chirurgical. A. Téléradiographie initiale. B. Téléradiographie après traitement chirurgical : conservation de l’angle nasolabial.
Stomatologie
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Complications des ostéotomies segmentaires incisivocanines supérieures La première des complications de l’ostéotomie segmentaire incisivocanine est la nécrose pulpaire par section du paquet vasculaire radiculaire. L’ostéotomie verticale par les alvéoles des prémolaires peut provoquer une poche parodontale. En postopératoire, il faut protéger le segment ostéotomisé d’un traumatisme occlusal, générateur de pseudarthrose, à l’aide d’une gouttière de contention occlusale. Mise à part la très exceptionnelle nécrose du fragment, la cause d’échec principale est d’ordre esthétique par recul excessif et ouverture disgracieuse de l’angle nasolabial (fig 18B).
¶ Orthodontie postopératoire
* A
Les arcs sectionnés pendant l’intervention chirurgicale doivent être remplacés par des arcs continus (.018) après 4 semaines. On place alors des élastiques maxillomandibulaires à porter, selon les besoins, jusqu’à l’obtention d’une occlusion fonctionnelle en classe II thérapeutique et esthétique. Après dépose des bagues, la phase de contention comprend une plaque amovible supérieure et un fil collé inférieur de canine à canine.
Étage mandibulaire en avant de l’étage maxillaire PROMANDIBULIE
* B 20
Ostéotomie segmentaire antérosupérieure, selon Cupar. A. Voie d’abord dans la muqueuse vestibulaire supérieure et tunnellisation palatine après extraction des deux prémolaires. B. Après recul du segment, stabilisation par ostéosynthèse rigide interne.
Déroulement des ostéotomies segmentaires incisivocanines supérieures Après l’avulsion des premières prémolaires supérieures, l’incision vestibulaire horizontale est pratiquée de 15 à 25. La première ostéotomie est faite à la fraise, horizontalement, au minimum à 5 mm des apex incisivocanins, de 14 à 24, et complétée par une ostectomie. En effet, le recul du bloc incisivocanin doit s’accompagner d’un léger mouvement d’ingression pour obtenir une occlusion antérieure optimale. Cette ostectomie est effectuée selon le modèle préchirurgical. L’ostéotomie est prolongée sur les cloisons inter-sinuso-nasales et le pied de la cloison nasale. À partir des alvéoles des prémolaires, la muqueuse palatine est tunnellisée. Cette manœuvre est plus délicate sur la ligne médiane, où la muqueuse est très adhérente, et lorsque la voûte palatine est très haute. Si une ostéotomie interdentaire, en particulier médiane, est nécessaire, elle doit être pratiquée à ce moment de l’intervention, lorsque le fragment antérieur est encore stable. Entamée à la fraise fine, elle est complétée à l’ostéotome. L’ostéotomie est terminée par la section palatine transverse d’un alvéole à l’autre, en veillant à ne pas perforer la muqueuse palatine. Le fragment sectionné est alors mobilisé vers le bas et l’ensemble des traits d’ostéotomie révisé. Il faut en particulier abraser à la fraise la ligne médiane sur son versant nasal afin d’éviter une déviation du septum et la berge postérieure du foyer d’ostéotomie palatine afin de favoriser le recul du fragment. Après la mise en place de ce fragment dans la gouttière occlusale, il est ostéosynthésé par deux miniplaques paranasales en « Y » inversé pontant à la fois les foyers d’ostéotomie horizontal et vertical (fig 20B).
¶ Demande du patient La promandibulie est une dysmorphie beaucoup moins fréquente que la rétromandibulie puisqu’elle ne représente par exemple que 2 à 2,5 % de la population d’origine caucasienne aux États-Unis [22]. Pourtant l’aspect fortement dysharmonieux et inesthétique de cette malformation pousse un grand pourcentage de ces patients à réclamer un traitement chirurgical puisqu’on a depuis longtemps reconnu la difficulté et même l’impossibilité de la corriger orthodontiquement. D’emblée, il est nécessaire de différencier l’excès mandibulaire d’une insuffisance de développement du maxillaire. Il semble en effet que, dans le sens sagittal, seuls 20 à 25 % des patients présentent une vraie promandibulie, 20 à 25 % une rétromaxillie et que 50 à 60 % souffrent d’une association des deux pathologies. Ainsi, plus des trois quarts des patients sont porteurs d’un certain degré de rétromaxillie [11].
¶ Diagnostic clinique De face La malformation se caractérise par une disproportion du tiers inférieur par rapport aux deux autres étages faciaux. Le bas du visage donne l’impression d’être trop long, trop large et aplati (fig 21A, B, D). Comme les tissus mous sont tendus sur les plans osseux sous-jacents trop développés, le menton semble « plat » avec comme corollaire un pli labiomentonnier peu marqué. L’occlusion croisée des dents antérieures (fig 21C) ne fournit pas aux lèvres un support adéquat de sorte qu’il peut exister une incompétence labiale. La lèvre supérieure est plus fine que la lèvre inférieure. Les commissures sont étirées. Que la lèvre supérieure soit longue ou courte, les dents du maxillaire sont en général peu visibles, même lors du sourire. Les narines apparaissent pincées. Lorsqu’elle existe, la rétromaxillie provoque un aplatissement des régions paranasales et les pommettes sont souvent peu marquées. Enfin, sans que cela constitue une caractéristique de la promandibulie/rétromaxillie, les plis nasogéniens sont souvent accentués donnant au visage, en plus de son aspect boudeur, une impression de vieillissement précoce. De profil Le profil est orthofrontal avec une forte tendance à prendre un aspect concave à cause de la proéminence de l’étage inférieur et/ou de la rétromaxillie. On retrouve l’excès de hauteur du tiers inférieur 11
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Stomatologie
* A
* B 22
* A
Promandibulie, même cas. Analyse des moulages (A, B, C).
* B 21
* C
Promandibulie avant traitement. A. De face, le bas du visage apparaît trop long. B. De profil, le menton semble aplati. Pli labiomentonnier trop peu marqué. C. Occlusion croisée antérieure. D. Analyse céphalométrique.
82° (82°) 87° (80°) -5° (2°) 110° (103°) 24° (32°)
48° (43°)
9° (7°) 15° (25°)
* C béance dentaire. L’angle des bases maxillomandibulaire est alors audessus de la norme et la projection du menton est dans ce cas moins marquée. À l’inverse, si le maxillaire montre une déficience dans le plan vertical, la mandibule est projetée vers l’avant. Il est à relever que dans cette situation la lèvre supérieure est souvent soulevée par l’inférieure, même en position de repos. La position exacte de la lèvre supérieure et du maxillaire doit donc être analysée soit à l’aide d’une téléradiographie « bouche ouverte » soit à l’aide de photographies extraorales dans cette même position. Tout comme dans les cas de rétromandibulie, les incisives ont tendance à compenser l’anomalie squelettique que représente une mandibule longue. Les incisives supérieures se versent du côté vestibulaire, alors que les inférieures basculent du côté lingual.
¶ Analyse des moulages
83° (93°)
du visage relevé durant l’examen de face (fig 21B). En masquant alternativement tiers moyen et tiers inférieur, on peut évaluer plus aisément la projection respective de ces deux structures par rapport à la base du crâne. De même, un angle cervicomentonnier normal (120°) caractérise un prognathisme mandibulaire vrai, alors que cet angle est en général mal défini lorsque existe une pseudopromandibulie par insuffisance de développement du maxillaire.
La relation molaire et canine est de type classe III (fig 22A, B, C). Le surplomb est négatif avec une occlusion croisée antérieure. On note souvent un encombrement dentaire dû à la linguoversion des incisives inférieures. Les incisives supérieures et inférieures sont parfois abrasées en raison de contacts occlusaux initiaux avec proglissement. Tout comme pour les rétromandibulies, la ligne interincisive supérieure est rarement déviée. Une macroglossie ou une langue en position antérieure et basse peut provoquer des espaces interdentaires multiples à l’arcade inférieure. L’occlusion croisée antérieure se prolonge parfois vers l’arrière.
¶ Diagnostic céphalométrique
¶ Préparation orthodontique
La téléradiographie permettant le diagnostic céphalométrique doit être prise en relation centrée. En effet, dans ce type de malformation un contact prématuré antérieur peut faire proglisser la mandibule et fausser l’analyse en aggravant de façon erronée l’anomalie squelettique. La base crânienne présente des formes multiples. La distance S-N est souvent diminuée, l’angle craniobasal (Ar-S-N) est souvent fermé [31]. Pour cette raison, les angles SNA et SNB ne sont pas toujours de bons indicateurs. En revanche, l’angle ANB reste primordial pour signifier l’importance de la malformation (fig 21D). La position dans les plans sagittal et vertical du maxillaire est décisive et doit être analysée scrupuleusement. Sagittalement, le point A devrait se situer sur ou à proximité immédiate de l’axe facial de MacNamara (fig 21D) [23]. L’angle du plan bispinal par rapport à SN, la position verticale des incisives centrales et des molaires supérieures sont de bons repères verticaux. Une promandibulie isolée peut, selon le développement vertical du maxillaire supérieur, présenter également un excès vertical, souvent accompagné de
Tout comme dans les cas de rétromandibulie, les objectifs du traitement orthodontique préchirurgical de la promandibulie isolée sont les suivants :
* D
12
– alignement : des extractions sont rarement nécessaires à l’arcade inférieure, la mandibule étant de large dimension. Au maxillaire, en revanche, si un manque de place est mesuré ainsi qu’une version vestibulaire des incisives, on peut être conduit à extraire deux prémolaires pour créer de la place et décompenser les incisives. Après correction chirurgicale, l’occlusion obtenue sera de type « classe II thérapeutique ». La ligne médiane dentaire supérieure doit absolument correspondre à celle du maxillaire ; – coordination : dans la majorité des cas, la coordination transversale nécessite peu ou pas d’expansion orthodontique à l’arcade supérieure. Néanmoins, de sévères problèmes transversaux peuvent survenir en cas de « macromandibulie », de macroglossie ou de langue en position basse. L’option chirurgicale de rétrécissement mandibulaire étant unanimement considérée comme peu stable, une
Stomatologie
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* B
* A Étape de la décompensation d’une classe III. A. Classe III « compensée » (élastiques de type classe II). B. Classe III « décompensée ». C. Après recul chirurgical de la mandibule.
* C
expansion chirurgicale du maxillaire est donc l’alternative de choix. La préparation orthodontique doit se faire par des arcs sectionnels à l’arcade supérieure ; – nivellement : dans ce type de malformation, l’arcade inférieure est souvent déjà nivelée et ne pose donc pas de problème particulier dans sa préparation ; – décompensation : il s’agit à nouveau de repositionner les incisives dans leurs axes respectifs corrects, c’est-à-dire de verser les incisives supérieures du côté palatin et les inférieures du côté vestibulaire (fig 23A, B, C). La séquence des arcs utilisés est la même que celle décrite pour les rétromandibulies. À partir du troisième mois, on utilise des élastiques de type classe II partant des canines supérieures en direction des molaires inférieures pour effectuer la décompensation (fig 23A). Des « bosses canines » (plis de premier ordre) sont conseillées sur les arcs rectangulaires, particulièrement dans les cas de béance dentaire où les canines n’ont jamais eu de fonction occlusale.
24
Ostéotomie sagittale de recul mandibulaire, résection de la valve externe.
¶ Techniques chirurgicales
théoriquement réalisable « ne connaît pas de limite », 8 à 10 mm de décalage sagittal est une distance à partir de laquelle il est préférable, pour des raisons de stabilité et d’esthétique, de répartir sur les deux bases osseuses la correction à apporter. La technique chirurgicale de choix pour reculer la mandibule est pour nous l’ostéotomie sagittale des branches montantes. Nous n’utilisons pas, pour cette indication, l’ostéotomie verticale rétrospigienne chère aux auteurs nord-américains, qu’elle soit pratiquée par voie extra- ou intraorale, même si elle préserve davantage le nerf alvéolaire inférieur. L’indication d’une génioplastie de complément suppose une prévision chirurgicale précise. Il peut s’agir d’une génioplastie d’ingression en cas de hauteur mentonnière excessive ou d’une génioplastie d’avancement lorsqu’un menton haut avec une symphyse peu marquée se traduit par un profil trop plat. En revanche, il faut éviter d’avoir à pratiquer une génioplastie de recul dont le résultat esthétique est souvent décevant.
Indications
Déroulement de l’OSBM de recul
Si la mandibule est en position trop antérieure, la tentation est de réaliser une intervention pour la reculer mais plus que pour n’importe quelle autre dysmorphie, le choix du type d’intervention se fait sur la base des données cliniques et non pas sur l’évaluation céphalométrique. En effet, un angle cervicomentonnier déjà ouvert, une ébauche de double menton sont aggravés par le recul mandibulaire, même associé à une liposuccion sous-mentale, et peuvent faire préférer une ostéotomie d’avancement maxillaire ou une ostéotomie bimaxillaire. Après décompensation orthodontique, il faut considérer l’importance du décalage sagittal entre les bords incisifs supérieur et inférieur. En effet, si l’ampleur du recul mandibulaire
Les grandes lignes de l’OSBM restent celles qui ont été décrites dans l’article précédent (fig 24) [25]. Cependant le recul mandibulaire permet et impose quelques nuances. Ainsi le trait vestibulaire antérieur peut être tracé en regard de la deuxième molaire. Le repère de positionnement de la branche montante doit être marqué plus haut, en regard de l’arcade maxillaire, pour ne pas être effacé lors de la trigonoplastie. En effet, le recul impose de réséquer la partie basse du bord antérieur de la branche montante afin qu’elle ne vienne pas en surplomb de la dernière molaire mandibulaire. La partie antérieure de la valve externe est réséquée non seulement en tenant compte de l’importance du recul mais aussi du débord latéral. Le ptérygoïdien
¶ Planification céphalométrique, « set-up » chirurgical La planification céphalométrique pour correction d’une promandibulie est, dans ses principes, identique à celle qui a été décrite pour la correction des rétromandibulies. Là encore, l’importance du mouvement nécessaire est dictée par la position dentaire obtenue par l’orthodontie. Il est préférable de prévoir une hypercorrection afin de laisser la place pour un certain degré de récidive plus risquée que pour l’avancement mandibulaire. La prévision céphalométrique sur feuilles d’acétate permet de juger de l’utilité d’une génioplastie complémentaire, parfois d’avancement. La gouttière chirurgicale construite par le technicien doit recouvrir toutes les dents et être aussi mince que possible. En effet, lorsqu’elle est trop épaisse, il peut se produire après sa dépose une projection antérieure due à l’autorotation condylienne.
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Stomatologie
* C 25
* A médial doit être totalement désinséré de la face interne de l’angle mandibulaire afin de permettre le recul sans obstacle de la valve interne. Ce recul entraînant parfois une importante valgisation de la valve externe, il est souvent nécessaire de creuser la face interne de celle-ci. La gouttière d’intercuspidation peropératoire doit conduire à une surcorrection, d’autant qu’un recouvrement incisif marqué est un facteur de stabilité (fig 25A, B, C). L’ostéosynthèse par vis ou par plaques doit veiller à ne pas contraindre la valve externe, donc le condyle, ni à comprimer le nerf alvéolaire inférieur. Là encore, il est préférable de mettre en place un blocage maxillomandibulaire avant de procéder à une génioplastie.
¶ Orthodontie postopératoire Les arcs chirurgicaux (.019x.025) sont déposés 4 à 6 semaines après l’intervention chirurgicale. Ils sont changés pour des arcs plus souples ronds (.018). Les éventuels attachements décollés ou abîmés sont remplacés à ce moment et les finitions orthodontiques sont effectuées. Des élastiques intermaxillaires peuvent aider à obtenir une parfaite intercuspidation et à prévenir une éventuelle récidive. Les séquences concernant la dépose des bagues et la mise en place d’appareils de contention restent les mêmes que dans les cas de rétromandibulie.
¶ Échecs Récidives Les récidives immédiates ou précoces sont à mettre sur le compte d’un mauvais positionnement peropératoire des branches montantes. Le soin apporté à la désinsertion des ptérygoïdiens médiaux et à l’adaptation des valves participe à la stabilité du résultat. Cette récidive rapide peut aussi être due à une intercuspidation médiocre. Une gouttière bien engrenée avec surcorrection doit pallier cet incident. Des récidives secondaires peuvent être dues à une langue trop volumineuse ou en position basse, qu’on peut corriger par un appareillage orthodontique « antilangue ». Les traitements d’orthophonie sont entrepris si possible longtemps avant l’intervention, car leur efficacité entre 16 et 18 ans, âge de l’intervention, reste très controversée. Le rôle du volume lingual est lui aussi sujet à controverse. Certes, devant une langue volumineuse, le patient est averti de l’éventualité d’une glossoplastie réductrice en cas de récidive. En fait, cette nécessité ne s’est pratiquement jamais imposée à nous. Il vaut mieux, devant une langue volumineuse, ne pas trop réduire le volume disponible et préférer une ostéotomie bimaxillaire à un recul mandibulaire seul. Des récidives tardives, en particulier chez les patients masculins, peuvent survenir sous l’effet d’une poussée de croissance mandibulaire autour de la vingtième année, voire plus tard. Seule une surveillance régulière clinique et radiologique, voire par 14
* B
Résultats esthétique et fonctionnel, après recul sagittal de la mandibule (même cas). A, B. Face et profil. C. Occlusion.
scintigraphie, permet de déceler à temps cette récidive qui impose une reprise chirurgicale plus volontiers par ostéotomie maxillaire d’avancement que par nouveau recul mandibulaire. Plusieurs des facteurs favorisant la récidive peuvent s’associer, en particulier chez des sujets peu coopérants. Échecs esthétiques Le recul mandibulaire peut aggraver un cou court. Il faut alors y adjoindre un avancement du menton et une lipectomie sousmentale. En cas de progénie importante, malgré la décompensation incisive, l’aspect prognathe peut persister. On doit alors procéder à une génioplastie de diminution verticale et antéropostérieure dite en « quartier d’orange ». Il faut savoir prévoir ces résultats esthétiques insuffisants et préférer alors réaliser des ostéotomies maxillaires d’avancement. Syndrome des apnées obstructives du sommeil Après recul mandibulaire trop important, certains patients peuvent se plaindre de ronchopathie. On peut craindre l’apparition d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil. C’est la raison pour laquelle on planifiera plus volontiers un avancement maxillaire pour corriger la promandibulie, voire même une ostéotomie bimaxillaire [28]. Dysfonctions temporomandibulaires Les dysfonctions temporomandibulaires, préexistantes ou en relation avec la prise en charge orthognathique, sont beaucoup plus rares dans les promandibulies que dans les rétromandibulies. Cependant, des limitations postopératoires de l’ouverture buccale durables, voire des ankyloses fibreuses, ont été rapportées [36]. RÉTROMAXILLIE
¶ Clinique Le quart des patients dont l’aspect est celui d’une promandibulie présente en réalité une rétromaxillie isolée [11] (fig 26A, B, C, D). Pendant de nombreuses années, la distinction n’a pas été faite et l’on a corrigé cette malformation par un recul mandibulaire entraînant un résultat esthétique médiocre, alors même que le résultat fonctionnel était bon. Les critères importants pour poser un diagnostic correct de rétromaxillie associent un angle nasolabial trop ouvert, une lèvre supérieure reculée, un aplatissement des régions paranasales avec, comme conséquence, un nez qui semble trop proéminent. Ces caractéristiques se combinent, à des degrés divers, à celles décrites pour la promandibulie. Rappelons qu’on apprécie mieux la rétroposition du tiers moyen sous l’étage crânien, vu de profil, en camouflant à l’aide de la main l’étage inférieur du visage [25].
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Stomatologie
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* A
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Aspect de promandibulie, en réalité rétromaxillie isolée. A. Vue de trois quarts. B. De profil. Aplatissement des régions paranasales. C. Vue intraorale : occlusion croisée antérieure. D. Analyse céphalométrique.
* B SNA 76° (82°) SNB 80° (80°) ANB -4° (2°) 109° (103°) 40° (32°)
17° (7°)
46° (43°)
23° (25°)
* C
81° (93°)
* D ¶ Analyse céphalométrique Diagnostic céphalométrique L’analyse céphalométrique révèle un maxillaire en arrière de l’axe facial de MacNamara [23], avec un angle ANB très négatif (fig 26D). Les incisives supérieures ont un axe proche de la norme, alors que les inférieures sont nettement linguoversées. Lorsqu’il existe une hypodivergence des bases, en position de relation centrée ou même en repos, la lèvre supérieure est éversée par la lèvre inférieure et masque l’anomalie squelettique sous-jacente.
¶ Analyse des moulages Les moulages présentent les même caractéristiques que ceux de la promandibulie. Le maxillaire est plus fréquemment hypoplasique dans le sens transversal. En positionnant les moulages en classe I molaire, on se rend compte de l’importance du manque de développement transverse et on peut alors décider de l’utilité d’une expansion chirurgicale du maxillaire. On l’effectue lorsque le déficit transverse est de 5 mm, ou plus.
¶ Orthodontie préopératoire La préparation orthodontique est semblable à celle qui est effectuée pour les promandibulies isolées. Lors de l’alignement, le choix d’extraire ou non des unités dentaires de l’arcade supérieure a moins d’importance, puisqu’un déplacement chirurgical est prévu. L’alignement des lignes médianes dentaires sur leur base respective est en revanche toujours primordial pour achever la symétrie en fin de traitement. Le nivellement est accompli sans se soucier de l’apparition d’une éventuelle béance antérieure. La décompensation des deux arcades est à nouveau nécessaire et s’obtient à l’aide d’élastiques maxillomandibulaires, comme dans le cas d’une promandibulie isolée. Dans les cas de micromaxillie ou d’endomaxillie, aucune coordination transversale ni nivellement maxillaire ne sont effectués
durant la phase préopératoire. Des arcs sectionnels sont placés à l’arcade supérieure dès le début du traitement. Ils délimitent les sites d’ostéotomies : soit un arc de canine à canine et deux arcs postérieurs, soit un arc pour les quatre incisives et deux arcs postérieurs.
¶ Planification céphalométrique et « set-up » chirurgical Le principe de la planification est semblable à celui qui a été décrit pour la correction d’une rétromandibulie, mais le déplacement est effectué à l’étage maxillaire et dépend de la position dentaire obtenue par l’orthodontie. L’analyse de Sassouni et le plan de MacNamara permettent de confirmer que la nouvelle position du maxillaire provoque un profil équilibré, voire transfrontal, car une légère promaxillie donne un aspect esthétique favorable, comme l’a décrit Rosen [28]. Grâce aux deux feuilles d’acétate utilisées, on peut superposer le tracé prédictif au tracé original et mesurer l’avancement aux points SPP et SPA. Ces données seront transmises au technicien qui les confirmera sur le modèle supérieur, après découpe. Pour la réalisation de la gouttière chirurgicale, nous préférons placer les modèles en articulateur à l’aide d’un arc facial, bien que cela ne soit pas absolument nécessaire si le plan occlusal est horizontal. Après avoir dessiné les repères horizontaux et verticaux, le technicien découpe le modèle supérieur et le recale dans la position désirée, selon les mesures transmises par le chirurgien. Lorsque le diamètre transversal est insuffisant, le modèle supérieur est découpé sur deux lignes parallèles paramédianes qui se terminent entre incisives et canines. L’adaptation occlusale correcte se fait par rapport au modèle inférieur. La gouttière de méthacrylate est ensuite réalisée avec deux crochets orientés vers le bas qui permettent de la fixer aux crochets orthodontiques latéraux supérieurs. Elle jouera un rôle complémentaire aux ostéosynthèses rigides pour éviter une récidive précoce de l’endognathie. Elle est laissée en place jusqu’au remplacement des arcs. 15
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Stomatologie
* C 27
* A
* B
Résultats esthétique et fonctionnel (même cas). A. Après ostéotomie Le Fort I d’avancement. B. Profil transfrontal sans sacrifice du volume squelettique mandibulaire. C. Occlusion
Lorsqu’une expansion est nécessaire, les découpes segmentaires interdentaires éventuelles sont réalisées à la fraise fissure ou à la microscie sur le maxillaire pas encore mobilisé et les ostéotomies paramédianes sont poursuivies dans le plancher des fosses nasales. Le maxillaire est immobilisé par des plaques vissées en « L » et en « Y », paranasales et sur les cintres maxillomalaires qui favorisent la stabilité à long terme [10]. Quand l’avancement dépasse 6 à 8 mm, il est prudent d’interposer des fragments d’autogreffes au niveau des piliers antérieurs et moyens. Plus on abaisse le maxillaire, plus on efface esthétiquement la promandibulie. Au-delà de 4 mm d’abaissement, il faut prévoir également des autogreffes. Il est utile d’augmenter le diamètre des fosses nasales en agrandissant l’échancrure piriforme à la fraise poire. L’élargissement du nez est évité par la mise en place d’un point de rapprochement des ailes narinaires amarré à l’épine nasale antérieure [29].
28
Ostéotomie de type Le Fort I d’avancement avec repères verticaux.
¶ Techniques chirurgicales Indications La correction de la rétromaxillie impose une ostéotomie d’avancement du massif facial. Traditionnellement, la correction d’une rétromaxillie/promandibulie impliquait un recul sagittal par OSBM. Cette approche thérapeutique, si elle corrige la classe III, provoque une réduction du volume squelettique facial et une insuffisance du support osseux pour les tissus mous. On a pu ainsi proposer des avancements maxillaires pour corriger de vraies promandibulies [28]. On parvient de la sorte à restaurer des proportions faciales harmonieuses, un profil transfrontal, sans sacrifier le volume squelettique (fig 27A, B, C). La fonction respiratoire peut aussi être améliorée par augmentation du volume des voies aériennes supérieures. Le niveau de l’ostéotomie dépend de l’importance de l’hypoplasie. On peut donc être conduit à réaliser une ostéotomie de type Le Fort I, II ou III et à la compléter par des appositions ou des interpositions d’os autogène. Les ostéotomies de type Le Fort II, Le Fort III seront décrites dans un prochain article. Pour mieux projeter les régions paranasales, il est aussi possible d’effectuer une ostéotomie dite antérieure en « escalier », comme elle a été décrite précédemment [25]. Déroulement de l’ostéotomie de Le Fort I d’avancement L’installation des champs opératoires doit laisser accès à la région orbitaire, dégageant toute la face pour juger de la symétrie et des proportions verticales pendant l’intervention. Nous avons pris l’habitude d’ajouter, avant l’intervention, dans la narine controlatérale à l’intubation, une sonde nasopharyngée de même diamètre que la sonde d’intubation pour mieux contrôler le positionnement et le maintien de la cloison nasale pendant et après l’opération. Des repères verticaux et transversaux sont marqués à la fraise au niveau du trait d’ostéotomie du maxillaire (fig 28). 16
PROMANDIBULIE ASSOCIÉE À UNE RÉTROMAXILLIE
¶ Diagnostic clinique La rétromaxillie associée à une promandibulie provoque un profil concave (fig 29B, 30B). Le deuxième critère dominant est l’aplatissement des régions paranasales (fig 29A, 30A) qui peut s’étendre sur les aires zygomatico-orbitaires, donnant parfois l’impression d’un exorbitisme. L’angle nasolabial apparaît constamment ouvert, la lèvre supérieure est en retrait par rapport à la lèvre inférieure (fig 30B). On apprécie la position relative du maxillaire et de la mandibule en les camouflant alternativement du plat de la main. Une occlusion croisée antérieure accentue l’aspect de concavité du tiers moyen de la face, en particulier au niveau des tissus mous. Lorsque le décalage entre mandibule et maxillaire est important, il peut apparaître – même chez les personnes jeunes – des plis nasogéniens marqués (fig 30A, B).
¶ Diagnostic céphalométrique Les trois quarts des patients porteurs d’une promandibulie présentent aussi une rétromaxillie [11]. L’analyse céphalométrique décrit un maxillaire en arrière de l’axe facial de MacNamara et l’angle ANB est nettement négatif. Les incisives supérieures ont généralement un axe proche de la norme, alors que les incisives inférieures sont nettement linguoversées. Dans les cas d’hypodivergence en position de relation centrée ou même de repos, la lèvre supérieure est éversée par la lèvre inférieure et masque le problème squelettique sous-jacent.
¶ Analyse des moulages Les moulages présentent les même caractéristiques que ceux de la promandibulie isolée, mais avec un maxillaire plus souvent hypoplasique dans le sens transversal. En positionnant les moulages en classe I molaire, on se rend mieux compte du déficit exact dans
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires.
Stomatologie
22-066-E-20
* C
* A
* B
107° (103°) 42° (43°)
7° (7°) 31° (32°) 24° (25°) SNA 79.5° (82°) SNB 84° (80°) ANB -4.5° (2°)
87° (93°)
* D * E 29
* F
Promandibulie et rétromaxillie modérées. A, B, C. Avant traitement. D. Analyse céphalométrique. E, F, G. Après traitement.
* G cette dimension et de la nécessité d’une expansion chirurgicale qu’on planifie si l’insuffisance est supérieure à 5 mm.
¶ Préparation orthodontique Comme pour la préparation d’une promandibulie isolée, le choix d’extraire ou non des dents à l’arcade supérieure a peu d’importance lors de l’alignement, puisqu’un avancement chirurgical du maxillaire est prévu. Le développement d’une éventuelle béance antérieure durant le nivellement ne porte pas à conséquence. La décompensation des deux arcades est obtenue par des élastiques intermaxillaires comme pour la promandibulie isolée. Dans les cas de micro- ou d’endomaxillie, il ne faut effectuer aucune coordination transversale, ni de nivellement en phase préopératoire sur le maxillaire. Des arcs sectionnels sont placés dès le début du traitement à l’arcade supérieure, qui délimitent les sites d’ostéotomies : soit un arc de canine à canine et deux arcs postérieurs, soit un arc pour les quatre incisives et deux arcs postérieurs.
¶ Planification céphalométrique, « set-up » chirurgical L’analyse céphalométrique actuelle est dessinée sur une feuille d’acétate. On trace ensuite deux calques, l’un pour la mandibule,
l’autre pour le maxillaire avec, sur chaque dessin, l’image ombrée des incisives et des premières molaires. On recopie aussi les plans mandibulaire, occlusal et bispinal, ainsi que le nez et le menton. Les deux dessins sont alors positionnés de façon à trouver une relation incisive et molaire correcte, avec une légère surcorrection, et l’un des calques est collé sur l’autre. Ce « bloc maxillomandibulaire » est ensuite placé dans la position désirée, en fonction de l’arc antérieur de Sassouni ou mieux, du plan frontal de MacNamara. Verticalement, on veille à placer l’incisive centrale supérieure pour qu’elle soit faiblement apparente sous la lèvre. D’autre part, la prolongation postérieure du plan bispinal doit être en contact avec le point occipital. Après contrôle de la hauteur antérieure, on mesure l’ampleur de l’avancement au point incisif et au niveau de SPP. Ces données sont alors transmises au technicien pour la réalisation des gouttières chirurgicales. La réalisation pratique est décrite dans l’article « Approche diagnostique et plan de traitement » [27].
¶ Techniques chirurgicales Indications Une ostéotomie maxillaire de type Lefort I d’avancement avec éventuel abaissement peut suffire pour corriger l’occlusion et permettre d’obtenir un profil transfrontal jeune et esthétique. 17
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Stomatologie
32
* A
Plan de Fox.
* B
Déroulement de l’ostéotomie bimaxillaire
* C
* D
30
Promandibulie et rétromaxillie marquées. Aplatissement des régions paranasales. Pli nasogénien trop évident. A, B. Avant traitement. C, D. Après traitement.
De façon habituelle, la rétromaxillie associée à une promandibulie doit être corrigée par une ostéotomie bimaxillaire, soit un Lefort I d’avancement associé à une ostéotomie sagittale bilatérale de recul de la mandibule. Pour corriger l’aplatissement maxillaire, on peut effectuer une découpe paranasale remontant sur les berges de l’orifice piriforme, jusqu’aux voies lacrymales (Lefort I en « marches d’escalier antérieures ») (fig 31). Il faut souvent adjoindre à l’ostéotomie de Lefort I une expansion transversale. L’adjonction d’une génioplastie d’ingression peut aider à améliorer le résultat esthétique, en évitant de reculer le menton.
* A 31
18
Ostéotomie avec escalier antérieur pour corriger l’aplatissement paranasal. A, B. Découpe sur modèles. C. Réalisation pratique.
Une autotransfusion est en général prévue lors de la consultation d’anesthésie préopératoire. L’installation des champs opératoires est identique à celle que nous avons décrite pour l’ostéotomie de Lefort I d’avancement. La réalisation d’une ostéotomie bimaxillaire impose l’usage d’une gouttière intermédiaire : elle assure le positionnement antéropostérieur, transversal mais aussi frontal, pour éviter une bascule du plan d’occlusion maxillaire. En cas de doute, on utilise un plan de Fox stérilisé (fig 32) pour vérifier le parallélisme du plan occlusal par rapport à la ligne bipupillaire. Le blocage maxillomandibulaire sur la gouttière intermédiaire permet de vérifier la position du maxillaire lors de la rotation mandibulaire. Pour éviter des surprises au déblocage, les condyles doivent rester bien au fond des glènes. Le maxillaire est stabilisé par des plaques vissées en « L » et en « Y », paranasales et sur les cintres maxillomalaires qui favorisent la stabilité à long terme [10]. Les ostéotomies sagittales mandibulaires n’offrent pas de particularité, si ce n’est le positionnement de la portion dentée de la mandibule sur une deuxième gouttière, dite « gouttière terminale ». Là encore, une ostéosynthèse rigide par vis bicorticales ou plaques vissées permet de vérifier la bonne occlusion statique et dynamique en peropératoire, dès le déblocage définitif.
¶ Orthodontie postopératoire Si le maxillaire a été déplacé en une pièce, l’orthodontie postopératoire est conduite selon les mêmes étapes de finition et de contention que pour les promandibulies isolées.
* B
* C
Stomatologie
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Arc transpalatin de type « Goshgarian ».
Si le maxillaire a été segmenté pour l’obtention d’une dimension transversale ou d’un nivellement correct, le patient est revu par l’orthodontiste dans la semaine qui suit l’opération. Les arcs segmentaires sont remplacés par un arc complet rigide (.019 × .025 acier inox) et un arc transpalatin est ajusté afin de maintenir la nouvelle dimension transversale (fig 33). L’arc chirurgical inférieur est remplacé après 4 à 6 semaines par un arc plus souple pour parfaire les détails de l’occlusion. Les séquences finales de la partie orthodontique sont alors identiques aux autres types de correction orthognathiques, avec une attention particulière portée à la contention transversale du maxillaire.
¶ Échecs Récidive et pseudarthrose La récidive peut être maxillaire ou mandibulaire. Les causes de récidive mandibulaire sont les mêmes que celles qui ont été évoquées pour les promandibulies isolées. Malgré l’utilisation d’ostéosynthèses rigides internes, les récidives maxillaires peuvent survenir quand l’espace interfragmentaire est supérieur à 5 mm. Il faut, dans ce cas, interposer des greffons osseux aux piliers canins et aux cintres maxillomalaires. Ce phénomène, ajouté à une occlusion traumatisante pendant la cicatrisation, peut être à l’origine d’une pseudarthrose du maxillaire [3]. Ainsi, avant une ostéotomie bimaxillaire, la préparation chirurgicale et la confection des gouttières d’intercuspidation doivent viser à une légère surcorrection et à un engrènement rapidement stable dans tous les plans de l’espace. Mortification pulpaire Un échec relatif peut venir de la nécrose aseptique d’incisive ou de canine supérieure lors de l’ostéotomie ou lors de l’ostéosynthèse par plaque vissée. Ce danger est encore augmenté en cas d’expansion chirurgicale associée, les 11 et 21 pouvant être victimes du trait d’ostéotomie horizontale, du trait interincisif ou d’un contact occlusal traumatisant. Il faut alors procéder au traitement de racine complet, précoce. Dysfonction articulaire Là encore, on ne constate que peu de dysfonction des articulations temporomandibulaires (ATM) [12], mais des limitations de l’ouverture buccale, voire des ankyloses postopératoires, ont été décrites, elles sont beaucoup moins fréquentes avec l’usage des ostéosynthèses internes rigides sans blocage maxillomandibulaire [36]. Échecs esthétiques Le patient peut ne pas être satisfait du résultat esthétique car le changement est souvent important. Si ces modifications ont été mal annoncées ou mal comprises, il lui faudra parfois plusieurs mois pour l’accepter. La bascule frontale ou antéropostérieure du plan d’occlusion est une complication redoutable, nécessitant parfois des reprises. La face peut aussi avoir été trop changée dans le sens vertical, trop courte avec incisives non visibles ou trop longue avec incompétence labiale et sourire gingival.
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Le protocole opératoire doit donc suivre scrupuleusement le plan de traitement car il est très difficile de l’ajuster pendant l’intervention. Des changements d’aspect de la pyramide nasale et des ailes narinaires, des malpositions de la cloison nasale peuvent aussi gêner le patient. Pour les éviter, il faut réséquer largement le pied de cloison nasale en cas d’ingression et finir l’intervention par des sutures de rapprochement des ailes narinaires [19, 24, 29]. Les hématomes et l’œdème des joues, souvent asymétriques, disparaissent lentement. Des séances de drainage lymphatique postopératoires aident au confort et à la résorption de cet œdème. PROGÉNIE
Elle est souvent la compensation naturelle d’une rétromandibulie et risque, par conséquent, de provoquer un profil disgracieux lorsqu’on planifie un avancement mandibulaire par OSBM. La tentation existe alors de diminuer la projection du menton par un simple meulage antérieur. Ce geste doit pourtant être proscrit car il provoque une rétraction des tissus mous et un aspect « émoussé » et artificiel de la pointe du menton. La réduction de la proéminence mentonnière par une ostéotomie horizontale de glissement postérieur, stabilisée par ostéosynthèse interne rigide, risque de faire apparaître un double menton. Lorsque la hauteur du menton est faible, une génioplastie d’abaissement fait basculer sa pointe en direction postérieure et diminue la progénie. L’abaissement ne doit pas dépasser 5 mm et il n’est alors pas nécessaire de greffer l’espace osseux créé. Une autre possibilité consiste à effectuer une ostéotomie subapicale antérieure pour avancer le segment alvéolodentaire sur sa base osseuse [20]. Cette technique est plus complexe car elle impose des greffes osseuses et une réhabilitation dentaire prothétique (fig 16, 17). Elle offre cependant un résultat fonctionnel et esthétique beaucoup plus satisfaisant que les autres solutions envisagées.
Biproalvéolie DIAGNOSTIC CLINIQUE
Cette dysmorphose est particulièrement fréquente dans certains groupes ethniques (Noirs africains, Maghrébins et Aborigènes australiens). Cliniquement, elle est caractérisée par une double avancée des segments alvéolodentaires antérosupérieur et antéroinférieur, alors que les bases osseuses maxillaire et mandibulaire conservent une position correcte sous l’étage crânien. De face et de profil, il existe une incompétence des lèvres qui restent à distance l’une de l’autre, découvrant des incisives supérieures et inférieures très proéminentes et constamment visibles. Pour recouvrir ses dents, le patient doit contracter volontairement ses muscles orbiculaires et ceux de la houppe du menton provoquant un aspect caractéristique en « peau d’orange ». Les lèvres ont un volume normal mais paraissent plutôt épaisses avec un vermillon éversé. Enfin, un angle labiomentonier très ouvert et une insuffisance de projection du menton concourent à donner de ces patients l’impression qu’ils ont « trop de dents ». DIAGNOSTIC CÉPHALOMÉTRIQUE
Les valeurs SNA et SNB sont souvent au-dessus de la norme. L’axe des incisives est fortement incliné du côté vestibulaire et dépasse 110° pour les incisives supérieures et 100° pour les inférieures. Les lèvres sont nettement en avant de la ligne esthétique nez-menton, l’angle nasolabial est fermé. On peut avoir l’impression que le menton est déficient, alors qu’il est peu marqué en raison de la protrusion des incisives inférieures (fig 34A, B, C). ANALYSE DES MOULAGES
Dans la plupart des cas, la relation molaire et canine est en classe I. Une tendance à la classe II ou à la classe III est aussi possible. En secteur incisif, on peut rencontrer aussi bien une béance dentaire 19
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en effet peu recommandé d’aligner et de coordonner les deux arcades en versant encore les incisives vestibulairement, au risque d’affaiblir le parodonte et de créer des récessions gingivales irréversibles. L’angle nasolabial gagne alors en harmonie, mais une génioplastie d’avancement peut être envisagée, en fin de traitement, pour améliorer le profil. Lorsque la place à disposition est suffisante, on prépare les deux arcades selon les mêmes principes édictés auparavant dans les cas de promandibulie et de rétromandibulie, sans se préoccuper de l’axe des incisives. On n’effectue pas de décompensation en particulier. Si, au contraire, on constate un excès de place avec des diastèmes multiples, on ferme les espaces interdentaires, sauf dans les sites prévus pour les ostéotomies, en règle générale entre canines et prémolaires. TECHNIQUES CHIRURGICALES
* A
* B 34
Biproalvéolie. A, B. Angles labiomentonniers ouverts. Contraction des muscles orbiculaire et de la houppe du menton pour parvenir à l’occlusion labiale. C. Sourire gingival.
¶ Indications Si la solution thérapeutique à proposer devant une biproalvéolie est le plus souvent orthodontique, l’indication chirurgicale peut être retenue, en particulier devant un parodonte médiocre et une version incisive excessive. Après avulsion d’une prémolaire à chaque demi-arcade, la technique chirurgicale associe une ostéotomie maxillaire de Cupar [7] et une ostéotomie de Köhle modifiée [32] mandibulaire. Une génioplastie d’avancement peut utilement compléter ce plan de traitement et participer à la qualité du résultat.
¶ Déroulement de l’intervention
* C qu’un recouvrement incisif excessif. Dans le plan sagittal, un surplomb ou une occlusion croisée antérieure sont aussi fréquents qu’une occlusion idéale. L’analyse de place révèle tantôt un manque, tantôt une situation idéale, tantôt un excès de place. Cette dernière situation est plus souvent observée chez les patients noirs africains dont le volume de la langue est trop important. On tiendra compte de cette découverte lors de la planification chirurgicale. PRÉPARATION ORTHODONTIQUE
Comme on l’a déjà mentionné, lorsque la biproalvéolie s’accompagne d’un manque de place important sur les deux arcades, on peut résoudre les deux problèmes par un traitement uniquement orthodontique. On extrait les quatre prémolaires et on rétracte les dents antérieures en utilisant des moyens d’ancrage efficaces. Il est
20
L’ostéotomie segmentaire antérieure du maxillaire, pratiquée selon la variante décrite par Cupar [7], donne le meilleur accès mais nécessite une hauteur maxillaire suffisante. Elle se pratique par une voie vestibulaire antérieure horizontale de 5 à 5 sans voie palatine. Après extraction des 14/24, on tunnellise la muqueuse vestibulaire pour effectuer une ostectomie en « L » inversé bilatéralement. On mobilise le fragment en le basculant vers le bas et la hauteur excessive d’os est alors diminuée à la demande, à la fraise boule. Le segment ostéotomisé est immobilisé dans l’attelle chirurgicale et stabilisé par deux miniplaques latérales. À la mandibule, l’ostéotomie segmentaire de recul est pratiquée selon la technique de Köle modifiée ou subapicale antérieure (cf supra). ORTHODONTIE POSTOPÉRATOIRE
Les arcs sectionnés durant l’opération sont remplacés 4 semaines plus tard par des arcs continus rigides permettant de maintenir fermés les espaces laissés par les extractions. À ce stade, un orthopantomogramme de contrôle permet de vérifier le parallélisme des racines de chaque côté des sites d’ostéotomie. On procède alors aux finitions de l’occlusion. Les appareils de contention sont de type amovible. Ils enrobent toute la dentition de façon à bien maintenir les espaces fermés.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-066-G-10
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie M Richter C Mossaz F Laurent
Résumé. – Cet article est le cinquième consacré aux dysmorphies maxillomandibulaires, et traite des anomalies du développement vertical de la mandibule et du maxillaire. Il est divisé en deux sections, selon que ce développement est insuffisant ou, au contraire, excessif. Pour chaque section, on a distingué trois formes de dysmorphies horizontales associées à la malformation verticale, selon que l’étage inférieur est aligné, en retrait, ou en avant du maxillaire. Chaque dysmorphie est exposée sous son aspect clinique et céphalométrique. Le traitement précise la préparation orthodontique, les techniques chirurgicales choisies et leurs échecs. De fréquentes références renvoient aux tomes publiés précédemment dans l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale, notamment sur les techniques chirurgicales qui ont été présentées dans le tome 2. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : face courte, face longue, face hypodivergente, face hyperdivergente.
Introduction Insuffisance et excès verticaux du visage sont couramment appelés « face courte » et « face longue ». À la différence des insuffisances et excès sagittaux, ces dysmorphoses sont reconnues comme des syndromes. Insuffisance et excès verticaux du visage ont en commun le fait d’avoir été identifiés depuis longtemps, et que leur traitement continue à présenter un défi en raison de leur important potentiel de récidive. En commun aussi, le fait d’être associés (ou non) à des anomalies sagittales des bases osseuses de la mandibule ou du maxillaire, entraînant des occlusions en classe I, en classe II et plus rarement en classe III.
1
Représentation schématique de l’influence de l’angle sellaire sur la position sagittale et verticale du menton (22).
L’importance de l’insuffisance ou de l’excès de la hauteur faciale peut jusqu’à un certain point être expliquée par la valeur de l’angle formé entre la base antérieure du crâne et le planum sphénoïdal (angle sellaire) (fig 1). Ainsi, toutes choses étant égales, 5 degrés d’augmentation de l’angle sellaire entraînent le développement d’une « face longue », alors qu’une diminution de 5 degrés provoque une « face courte » [27]. Cet angle est légèrement plus faible chez les individus d’origine caucasienne, ce qui explique une prédisposition à la face courte et à la supraclusie dans ce groupe ethnique. On comprend mal cependant la raison pour laquelle, avec un même angle sellaire, un petit nombre de patients va développer une dysmorphose sévère, alors que la grande majorité des individus se développera harmonieusement.
Michel Richter : Professeur, médecin-chef de service de la division de chirurgie réparatrice, responsable de l’unité de chirurgie maxillofaciale, département de chirurgie, hôpital cantonal universitaire de Genève, 24, rue Micheli-du Crest, 1211 Genève 14, Suisse. Claude Mossaz : Médecin-dentiste, orthodontiste, chargé d’enseignement. François Laurent : Chirurgien maxillofacial, médecin-consultant. Faculté de médecine Genève, Suisse.
Insuffisances verticales : face courte INTRODUCTION
Willmar puis Opdebeck et al ont été les premiers à utiliser cette terminologie sur la base de cinq observations de femmes, dont l’âge moyen était de 19 ans. On trouve dans la littérature d’autres synonymes pour ce syndrome : deep bite squelettique [34], face courte idiopathique [ 4 4 ] , face hypodivergente ou low angle face [ 3 6 ] , insuffisance maxillaire verticale [19]. Toutes ces définitions ont en commun une hauteur verticale antérieure du visage trop faible. À noter que « supraclusie » et « mordex clausus » font référence à des relations dentaires, qui, si elles participent au syndrome, ne peuvent à elles seules le définir. On devrait donc éviter ces locutions pour caractériser une face courte. Un facteur héréditaire joue certainement un rôle dans l’apparition de cette dysmorphose, qui survient rarement chez les Noirs
Toute référence à cet article doit porter la mention : Richter M, Mossaz C et Laurent F. Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-066-G-10, 2002, 19 p.
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
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d’Afrique ou les Asiatiques, mais touche des individus d’origine caucasienne de façon préférentielle. Parmi ce groupe ethnique, les Anglo-Saxons sont plus fréquemment affectés que les Scandinaves. Les caractéristiques d’une face courte sont multiples, complexes et variées. Elles peuvent cependant être regroupées en trois catégories selon que : – l’étage mandibulaire est aligné sur le maxillaire avec une occlusion en classe I ; – l’étage mandibulaire est en retrait de l’étage maxillaire avec une occlusion en classe II ; – la mandibule est en avant de l’étage maxillaire avec une occlusion en classe III. Cette dysmorphose est plus rare que les précédentes, et se retrouve essentiellement chez les patients touchés par les séquelles d’une fente labio-maxillo-vélo-palatine, ou des pertes prématurées de dents postérieures.
* A
* B
ÉTAGE MANDIBULAIRE ALIGNÉ SUR LE MAXILLAIRE. OCCLUSION EN CLASSE I
¶ Aspect clinique La fréquence de cette dysmorphose est difficile à évaluer, car les patients qui sont touchés ne consultent pas ou ne suivent pas la filière habituelle des consultations, puisque la composante dentaire de la dysmorphose dento-maxillo-faciale n’existe pas. En fait, ces personnes se plaignent surtout que l’ « on ne voit pas leurs dents », raison pour laquelle, elles « n’osent pas sourire ». De face La hauteur du visage est trop faible, ce qui lui donne un aspect large, presque carré, avec des angles mandibulaires très visibles (fig 2A). Les muscles masséters sont très développés. L’insuffisance de hauteur est surtout marquée au tiers inférieur. Les lèvres sont fines, pincées, avec des commissures écartées. Les incisives supérieures sont invisibles, cachées par la lèvre supérieure, aussi bien en position de repos que lorsque la personne parle, et même lorsqu’elle sourit. Cette caractéristique accentue l’impression d’édentation. Même chez les sujets jeunes, les plis nasogéniens sont trop marqués, et donnent au visage un aspect plus âgé qu’il n’est en réalité.
* C
De profil Le profil est orthofrontal (fig 2B). Le tiers inférieur est droit et trop bref. L’angle nasolabial est normal ou obtus, et les lèvres présentent un vermillon peu visible. Le plan mandibulaire est pratiquement horizontal, avec un angle goniaque presque droit. La hauteur du menton peut être normale et l’angle labiomentonnier harmonieux, parfois trop faible avec un pli souvent marqué. L’occlusion des dents est en classe I et les anomalies de position doivent être analysées sur les modèles (fig 2D).
¶ Diagnostic céphalométrique Dans le plan sagittal, les angles SNA et SNB (fig 2C) sont en général proches de la norme (82° et 80° respectivement). L’angle ANB peut toutefois s’approcher de 0° si la hauteur faciale a été diminuée à la suite de perte d’unités dentaires postérieures. Par un mouvement d’autorotation progressive dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, les points B et Pogonion sont projetés vers l’avant. Dans le plan vertical, il est important de faire le diagnostic différentiel entre une dysmorphose d’origine squelettique et/ou dentoalvéolaire. Les angles craniomandibulaire (SN-GoMe ; n = 32°), maxillomandibulaire (SpaSpp-GoMe ; n = 25°) ainsi que la hauteur faciale antérieure totale (NMe) et inférieure (intersection plan palatin-NMe), sont de bons indicateurs pour identifier la nature du problème. Ces valeurs sont toujours en dessous de la norme en cas de face courte. Idéalement, la hauteur du tiers inférieur se situe entre 55 % et 57 % de la hauteur antérieure globale. Ces chiffres sont aussi des objectifs à atteindre lors de la planification chirurgicale. 2
* D 2
Face courte. A. De face : aspect carré du visage. Insuffisance de développement de l’étage inférieur. Absence d’exposition dentaire. B. De profil : étage inférieur trop bref. Proéminence du menton. C. Analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses). D. Vue intraorale : supraclusie marquée.
Le rapport des hauteurs faciales postérieure et antérieure (SGo’/NMe ; n = 63 %) est toujours excessif. Il faut analyser séparément la position du maxillaire, par la mesure de l’angle SN-SpaSpp (n = 7°), et celle de la mandibule par la longueur de la branche montante et de l’angle goniaque. Dans les cas d’hypodivergence, l’angle goniaque est souvent fermé, alors que la branche montante reste longue. La position verticale de l’incisive supérieure est déterminante. En position de repos, elle devrait dépasser la lèvre supérieure de 1 à 5 mm. Lors du sourire, 8 mm de couronne et 2 mm de gencive visibles sont acceptables [1]. Dans les cas d’hypodivergence, il arrive que ces valeurs soient nettement en dessous de la norme. Une insuffisance de hauteur dentoalvéolaire s’évalue en mesurant la hauteur entre les bords incisifs des dents antérieures, ou les pointes
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¶ Préparation orthodontique La relation entre les arcades est en classe I, et l’orthodontie ne s’impose pas nécessairement. Si on y recourt, les objectifs de la préparation orthodontique suivent les mêmes principes que ceux édictés dans le chapitre traitant des insuffisances et excès sagittaux [31]. Ici pourtant, on choisit des techniques qui favorisent l’égression plutôt que l’ingression des dents. Ceci permet d’ouvrir les angles des bases maxillomandibulaires et craniomandibulaires, avec comme conséquence une rotation de la mandibule vers le bas et vers l’arrière qui augmente la dimension verticale antérieure. Alignement
Mesures linéaires verticales chez l'adulte caucasien (16 ans)*
1 2 3 4 5 6 7
Hauteur faciale antérieure (Na-Me) Hauteur faciale postérieure (S-Go) Plan palatin menton Plan palatin incisive sup Plan palatin molaire sup Plan mand incisive inf Plan mand molaire inf
Il faut éviter les extractions d’unités dentaires, car elles aggravent la brièveté de la face. En cas d’encombrement, on peut gagner de la place par une faible expansion des arcades, ou en réduisant légèrement l’émail interproximal. Dans les cas de très forte dysharmonie dentoalvéolaire avec risque d’atteinte parodontale irréversible consécutive à une trop forte expansion orthodontique, on préfère extraire soit des incisives soit les premières prémolaires inférieures.
Hommes
Femmes
Coordination des arcades
137 (8) 88 (6) 76 (6) 33 (3) 28 (3) 49 (3) 38 (3)
123 (5) 79 (4) 67 (4) 30 (3) 25 (2) 42 (3) 33 (3)
Elle a pour but de préparer les arcades pour que les dents s’emboîtent parfaitement après l’intervention. La forme initiale de l’arcade inférieure sert souvent de guide.
* Riolo M, Moyers RE, Mc Namara JA et al. : An atlas of craniofacial growth, Ann Arbor, 1974, University of Michigan Center for Human Growth and Development.
3 Mesures linéaires verticales utilisées pour le diagnostic différentiel (d’après Proffit). 1. Hauteur faciale antérieure (Na-Me) ; 2. hauteur faciale postérieure (S-Go) ; 3. plan palatin-menton ; 4. plan palatin-incisive supérieure ; 5. plan palatin-molaire supérieure ; 6. plan mandibule-incisive inférieure ; 7. plan mandibule-molaire inférieure. des cuspides pour les dents postérieures, et leur base osseuse respective (fig 3). Les valeurs moyennes de ces mesures sont données par le tableau de cette figure [32]. Une insuffisance d’éruption postérieure des dents combinée à une éruption antérieure trop importante sont les malformations le plus souvent rencontrées. Les incisives supérieures sont alors très droites, ou même palatoversées. De même, les incisives inférieures sont en linguoversion. Il existe généralement une supraclusie.
¶ Analyse des moulages Par définition, les molaires et les canines sont idéalement en classe I. D’autres formes de malpositions dentaires peuvent néanmoins se rencontrer. La plus fréquente est la supraclusie, responsable de problèmes parodontaux, d’abrasions dentaires et même de douleurs (fig 4A, B). Le surplomb est en général faible. On relève systématiquement une courbe de Spee exagérée à l’arcade inférieure, alors que les incisives supérieures et inférieures peuvent présenter une suréruption. Les arcades ont un aspect large et carré, avec suffisamment de place pour adapter toutes les dents. D’autres malpositions dentaires, comme les rotations, les occlusions croisées ou les non-occlusions ne sont pas caractéristiques de la classe I associée à une face courte.
Nivellement des arcades Le nivellement de l’arcade supérieure par des moyens orthodontiques ne pose pas de réels problèmes, et doit être systématiquement réalisé. La position du bord de l’incisive supérieure par rapport à la lèvre supérieure est fondamentale, comme on l’a vu auparavant. Si l’on prévoit d’augmenter la dimension verticale en abaissant le maxillaire, seul compte l’axe (torque) des incisives supérieures, qui doit rester idéal malgré la bascule vers le bas de la partie antérieure du maxillaire. Ainsi l’arcade supérieure est nivelée aisément par un mouvement réciproque d’égression des dents postérieures et d’ingression des dents antérieures. À la mandibule, le nivellement complet peut s’avérer difficile, si bien qu’il est préférable de le reporter à la phase des finitions orthodontiques après la chirurgie. On réalise une documentation complète intermédiaire 1 semaine avant l’opération pour que chirurgien, orthodontiste et patient s’accordent sur le traitement chirurgical définitif.
¶ Planification céphalométrique et sur moulages Une fois encore, la position verticale de l’incisive supérieure est déterminante : son bord triturant ne devrait pas dépasser de plus de 5 mm la lèvre supérieure au repos. Lors du sourire, 8 mm de couronne et 2 mm de gencive visibles sont acceptables [1]. Ces valeurs sont fréquemment en dessous de la norme pour les personnes affectées d’une face courte qui donne au visage un aspect de vieillissement précoce. L’allongement de la face par abaissement antérieur du maxillaire est alors justifié, et la planification chirurgicale implique un abaissement antérieur du plan occlusal selon une rotation dans le sens des aiguilles de la montre. Ce mouvement provoque une rotation inférieure de la mandibule et un
4
* A
Supraclusie. A. Occlusion antérieure traumatisante. B. Lésions parodontales au niveau des incisives inférieures, courbe de Spee exagérée.
* B 3
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recul du menton. Pour éviter que la face prenne un aspect convexe, on planifie une génioplastie d’avancée et d’abaissement, qui complète la correction de la dimension verticale antérieure. Si cette planification aboutit à un visage orthofrontal ou trop « plat », il est préférable de prévoir une avancée du maxillaire pour donner au profil un aspect transfrontal. Ce déplacement antérieur améliore le soutien des tissus mous en comblant les plis nasogéniens et en réalisant un véritable lifting interne. Il favorise aussi la ventilation des cavités aériennes, par augmentation des volumes sinusiens et des fosses nasales. Cette avancée nécessite une adaptation antérieure de la mandibule, qu’on réalise par des ostéotomies sagittales bilatérales. Enfin, lorsque la hauteur du menton est insuffisante, on prévoit aussi une génioplastie d’abaissement et d’avancée, pour améliorer l’aspect transfrontal du visage [30].
¶ Techniques chirurgicales Deux possibilités existent : l’ostéotomie maxillaire type Le Fort I d’abaissement [30] et l’ostéotomie maxillomandibulaire. Ostéotomie maxillaire type Le Fort I d’abaissement (fig 5) Dans ce cas, la descente du maxillaire s’effectue par rotation sur un axe centré au niveau ptérygoïdien. L’ostéotomie Le Fort I horizontale est réalisée classiquement et il n’est pas nécessaire de libérer les régions ptérygomaxillaires. Une fois le blocage sur gouttière fait, on mesure sur les crêtes latérales de l’échancrure piriforme la distance qui a été prévue par la planification céphalométrique. On adapte alors une plaque en Y sur le pilier antérieur, et en L aux cintres. Au-delà de 5 mm, des greffes osseuses autologues viennent s’intercaler au niveau des piliers moyens et antérieurs, pour prévenir une éventuelle récidive [30]. Dans ce cas de figure, la mandibule s’adapte par autorotation à la nouvelle position du tiers moyen et l’intervention est en général complétée par une génioplastie d’avancée, pour compenser la rotation vers le bas et en arrière de la symphyse du menton. Ostéotomie maxillomandibulaire C’est la deuxième option lorsqu’on prévoit, en plus de son abaissement, d’avancer le maxillaire : il faut alors libérer totalement l’espace ptérygomaxillaire pour mobiliser le plateau palatin vers l’avant. On utilise soit les leviers rétromaxillaires « col de cygne » de Tessier, soit les pinces de Rowe et Killey. Il n’est pas nécessaire de libérer les artères palatines de leur manchon osseux, ni de réséquer les cloisons intersinusonasales ou le septum. La fixation maxillomandibulaire temporaire sur la gouttière d’acryl permet alors de placer précisément le maxillaire dans sa nouvelle position et d’effectuer les ostéosynthèses à l’aide de quatre miniplaques vissées. Le déplacement antérieur du maxillaire oblige d’adapter la mandibule à la nouvelle position de l’étage moyen par une double ostéotomie sagittale (fig 6). La technique chirurgicale de ces deux procédures a déjà été décrite séparément [28].
5
Ostéotomie de type Le Fort I d’abaissement du maxillaire. Des greffes osseuses autologues sont interposées au niveau des piliers de la face.
Certaines modalités particulières doivent cependant leur être appliquées lorsqu’on les utilise simultanément.
¶ Orthodontie postchirurgicale Une téléradiographie de profil prise dans la semaine qui suit l’intervention permet de vérifier la bonne concordance entre la simulation préopératoire et les déplacements effectivement réalisés. Elle sert aussi de document de base pour évaluer la stabilité du traitement après 3, 6 et 12 mois. Les finitions orthodontiques sont simples et ne nécessitent que 2 ou 3 mois de traitement actif, si les arcades ont été coordonnées, alignées et nivelées avant l’opération. Les arcs rigides sont remplacés par des arcs ronds (.018) et des élastiques maxillomandibulaires sont généralement installés pour la phase de finition. La contention obéit aux principes appliqués à n’importe quel traitement orthodontique : – utilisation d’appareils amovibles si des espaces ont été ouverts ou fermés, afin de stabiliser les déplacements dentaires ;
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Ostéotomie sagittale bilatérale de la mandibule. A. Obwegeser/Dal Pont. B. Hunsuck/Epker.
* A
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* B
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le tiers moyen est de hauteur correcte. Les lèvres sont très fines, avec des commissures tombantes, et les incisives supérieures constamment cachées derrière la lèvre supérieure, même lorsque le patient parle ou sourit. Il existe souvent un encombrement incisivocanin supérieur avec des versions compensatrices. Le menton est en général très développé, donnant l’impression d’un « bouton mentonnier » qu’accentue encore un profond pli labiomentonnier. Plus la hauteur faciale est courte et plus la lèvre inférieure tend à se désourler, accentuant ainsi le pli labiomentonnier. Les plis nasogéniens sont marqués, renforçant l’impression de vieillissement précoce de ces patients, qui paraissent souvent édentés. De profil
7
* A
* B
* C
* D
Face courte. A, B. Avant traitement. De face : impression de vieillissement précoce du visage (A) ; de profil : projection du menton, plis et rides précoces (B). C, D. Après Le Fort I d’abaissement. De face : les trois étages de la face sont de valeurs égales. Exposition des incisives supérieures au repos (C) ; de profil : le sourire est harmonieux (D).
– fils collés du côté palatin et lingual pendant 3 ans, voire définitivement lorsqu’il existait, avant le début du traitement, d’importantes rotations des incisives.
¶ Échec On craint surtout le développement d’une récidive de la face courte. Ce risque diminue en utilisant systématiquement des ostéosynthèses rigides internes à l’aide de miniplaques vissées, et surtout en interposant des greffons osseux autologues dans l’espace laissé par l’ostéotomie au niveau des piliers de la face. Le meilleur gage de stabilité réside dans la planification, puisque le mouvement global obtenu en fin de traitement doit accompagner la tension neuromusculaire [26]. ÉTAGE MANDIBULAIRE EN RETRAIT DE L’ÉTAGE MAXILLAIRE. OCCLUSION EN CLASSE II DIV 2
¶ Aspect clinique On examine le patient avec sa tête en position naturelle et dents serrées, condyles en relation centrée. En vue frontale Le visage a un aspect trop court, carré, souligné par des angles mandibulaires proéminents (fig 7, 8A). L’insuffisance de hauteur verticale vient d’un tiers inférieur ostensiblement trop bref, alors que
La face est courte en raison d’un tiers inférieur plus bref que le tiers moyen (fig 8B). La mandibule est en rétroposition par rapport aux étages crânien et maxillaire, mais cette rétromandibulie est souvent compensée par un menton projeté vers l’avant et vers le haut. La lèvre supérieure est de longueur adéquate et l’angle nasolabial harmonieux. La lèvre inférieure se place en retrait de la lèvre supérieure, avec un vermillon plus épais et plus haut que son antagoniste. Ces signes cliniques s’estompent lorsque le patient se met en position de repos, et relâche sa musculature. La hauteur de la face devient harmonieuse par augmentation du tiers inférieur, la lèvre supérieure s’allonge, l’angle nasolabial s’ouvre et les plis nasogéniens disparaissent. En demandant au sujet d’effectuer une propulsion mandibulaire, on constate un déplissement partiel du pli labiomentonnier. Ce mouvement donne une idée de la dimension verticale souhaitable. L’examen endobuccal révèle une occlusion en classe II avec un surplomb. L’arcade dentaire inférieure présente une courbe de Spee exagérée alors qu’elle peut même être inversée au maxillaire. Le rebord alvéolaire supérieur présente une hauteur inhabituellement courte, qui explique l’insuffisance de développement de la partie basse de la face. Lorsque la mandibule est en position de repos, l’espace libre entre les arcades dentaires peut atteindre 10 mm.
¶ Diagnostic céphalométrique Dans le plan sagittal Les valeurs citées précédemment dans le chapitre consacré aux insuffisances sagittales, et plus précisément à la rétromandibulie, se retrouvent dans la description des faces courtes associées à une classe II. L’angle SNA est en général proche de la norme (82°) alors que l’angle SNB (n = 80°) est diminué, mais moins que lorsque la rétromandibulie accompagne une face longue ou normale. L’angle ANB est par conséquent légèrement excessif (fig 8C). Les plans palatin, occlusal et mandibulaire sont presque parallèles et se rapprochent du plan horizontal. L’angle goniaque est voisin de 90°. Dans le plan vertical On retrouve toutes les caractéristiques décrites pour la face courte associée à une classe I, mais d’une manière générale les valeurs sont encore plus éloignées de la norme. La dimension verticale antérieure s’est progressivement affaiblie par manque de support dentaire antérieur. L’axe des incisives centrales supérieures Is-SN (n = 105°) est très souvent palatoversé, signe d’une compensation par les dents d’une malformation squelettique antéropostérieure. Enfin, la supraclusie est toujours sévère.
¶ Analyse des moulages La relation molaire et canine est de type classe II. Les deux subdivisions, classe II div 1 et classe II div 2 peuvent accompagner une face courte. On observe ainsi soit un surplomb excessif, soit une absence de surplomb. L’éruption exagérée des incisives supérieures et inférieures est responsable d’une supraclusie importante (fig 8D). La courbe de Spee est par conséquent sévère. 5
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* A
Stomatologie
* B * C
* D
* E
* F
* H 8
Face courte associée à une rétromandibulie. A, B, C, D. Avant traitement. De face : le tiers inférieur est trop bref (A) ; de profil : décalage de la mandibule par rapport au maxillaire. La lèvre supérieure paraît protrusive (B) ; analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C) ; moulages : classe II div 2 dentaire et supraclusie (D).
¶ Préparation orthodontique À la mandibule, dans la majorité des cas, la position verticale de l’incisive inférieure par rapport au plan mandibulaire est correcte, alors que les molaires présentent une éruption insuffisante. 6
* G
* I
J *
E, F, G, H, I, J. Après traitement. De face : augmentation du tiers inférieur (E) ; de profil : correction de la rétromandibulie ((F) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé préopératoire (G) ; occlusion finale en classe I (H, I, J).
Idéalement, le nivellement de cette arcade devrait être réalisé par égression des dents postérieures et non par ingression des incisives inférieures. Comme ce mouvement est très difficile à réaliser chez les patients dont la musculature est puissante et qui développent
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* A 9
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* C
* B
Préparation orthodontique sans nivellement de l’arcade inférieure, après avancée chirurgicale de la mandibule. A. Arcs chirurgicaux et gouttière en place. B. Meulage de la gouttière dans les segments latéraux et installation d’élastiques maxillomandibulaires. C. Arcs souples pour la finition sans gouttière. D. Occlusion finale en classe I.
* D d’importantes forces durant l’occlusion, on préfère parfois l’effectuer après l’intervention chirurgicale. Par ailleurs, en maintenant le niveau vertical de l’incisive inférieure, on favorise la rotation antéro-inférieure de la mandibule et on diminue la projection du menton lors de l’avancée chirurgicale de l’étage inférieur. Ce point est important dans les cas d’hypodivergence avec légère rétromandibulie et progénie compensatrice. L’alignement, le nivellement et la coordination des arcades sont les principes à appliquer, comme lors de la correction d’une face courte associée à une classe I. Durant la phase préopératoire, les incisives supérieures ont souvent compensé la malformation par une version palatine exagérée. On les « décompense » à l’aide d’élastiques maxillomandibulaires de type classe III [31] pour permettre un avancement chirurgical suffisant. Deux approches sont possibles : soit sans, soit avec nivellement de l’arcade inférieure.
* B
* A
Technique sans nivellement de l’arcade inférieure (fig 9A, B, C, D) Cette approche est la plus fréquente, car elle évite de corriger chirurgicalement le maxillaire en procédant uniquement à une avancée sagittale de la mandibule. Cette option est non seulement choisie lorsque le menton est proéminent et/ou qu’on souhaite avancer la mandibule pour obtenir une occlusion en classe I, mais aussi pour augmenter la dimension verticale antérieure par « rotation-abaissement » de la mandibule. Une génioplastie d’abaissement et d’avancement complète en général ce geste chirurgical.
* C 10
Préparation orthodontique avec nivellement des deux arcades, après avancée chirurgicale de la mandibule. A. Arcs chirurgicaux et gouttière en place. B. Arcs souples et port d’élastiques maxillomandibulaires. C. Occlusion finale en classe I.
L’arcade inférieure ne doit pas être nivelée avant l’intervention, pour éviter de trop projeter le menton lors de l’avancement horizontal de la mandibule. En s’abstenant de réduire la courbe de Spee et en maintenant la hauteur verticale de l’incisive inférieure, on combine l’avancée mandibulaire à une rotation vers le bas de la pointe du menton. Même lorsque le bord incisif se déplace de façon significative vers l’avant, les points B et Pogonion avancent dans une moindre mesure (fig 8G).
Si l’arcade inférieure n’est pas nivelée durant la phase préchirurgicale, seules les deuxièmes molaires et le bloc incisivocanin sont en contact immédiatement après l’intervention chirurgicale. On doit donc veiller à leur coordination pendant la phase orthodontique préchirurgicale.
La séquence des arcs supérieurs et inférieurs est la même que celle décrite pour la préparation orthodontique avant correction chirurgicale de la face courte associée à une classe I. En revanche, il est indispensable de donner une courbe de Spee profonde à l’arc inférieur.
L’incive supérieure, lèvres en position de repos, ne doit apparaître que de 1 à 5 mm. Deux possibilités se présentent lors du nivellement : soit la position des incisives supérieures est correcte et on maintient leur position tout en égressant les dents postérieures, soit, lorsque les incisives supérieures présentent une éruption
Technique avec nivellement de l’arcade inférieure (fig 10A, B, C)
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
Stomatologie
exagérée, en les impactant. La plupart du temps, et quand on prévoit un déplacement chirurgical du maxillaire, on utilise une combinaison de ces deux techniques. La séquence des arcs suit celle décrite pour la classe I.
¶ Planification céphalométrique et sur moulages On dessine sur deux feuilles de papier acétate un calque de la mandibule et du maxillaire, afin de les déplacer séparément. On positionne d’abord le tracé du maxillaire sur la téléradiographie, en se souvenant que la relation entre l’incisive et la lèvre supérieure est le point principal à respecter pour une planification équilibrée. Cette position dépend surtout de l’examen clinique, et en partie de l’analyse céphalométrique. Pour déterminer la position verticale du maxillaire, on peut s’aider d’une seconde téléradiographie prise lorsque le patient est en position de repos, avec un espace libre entre les arcades. Ce document permet de mieux évaluer l’abaissement à effectuer. Le calque de la mandibule est positionné de façon à obtenir une occlusion en classe I. À ce stade, on évalue la hauteur verticale antérieure sur une ligne dessinée perpendiculairement au plan de Francfort, en avant du profil cutané. Les trois étages de la face sont mesurés séparément, de même que la projection du menton.
* A
Lorsque la hauteur de la symphyse est trop faible (moins de 45 mm mesurés entre le point Pogonion et le bord triturant des incisives inférieures), on planifie une génioplastie d’abaissement associée éventuellement à un léger recul, permettant ainsi d’éviter que l’avancée mandibulaire provoque une progénie.
¶ Techniques chirurgicales Les interventions permettant de corriger l’insuffisance de hauteur et de projection faciale on été décrites [28]. Lorsqu’on a choisi une préparation orthodontique sans nivellement de l’arcade inférieure, une double ostéotomie sagittale d’avancée de la mandibule (cf supra, fig 6) [28] est indiquée. La gouttière chirurgicale permet de combler les béances latérales une fois la mandibule opérée, en conservant des contacts antérieurs et postérieurs. Les ostéosynthèses sont réalisées classiquement, à l’aide de vis corticales ou de miniplaques vissées (fig 11). Si les incisives supérieures sont invisibles, les deux arcades sont nivelées et une ostéotomie maxillaire de type Le Fort I d’abaissement est nécessaire, en complément à l’avancée mandibulaire. Dans ce cas, la « descente » du maxillaire s’effectue par rotation sur un axe centré au niveau ptérygoïdien. L’ostéotomie Le Fort I horizontale est réalisée classiquement et il n’est pas nécessaire de libérer la région ptérygomaxillaire. Une fois le blocage sur gouttière fait, on mesure sur la crête latérale de l’échancrure piriforme la distance qui a été prévue par la planification céphalométrique. On adapte alors des plaques en Y sur les piliers antérieurs, et en L aux cintres. Des greffes osseuses autologues viennent s’intercaler au niveau des piliers antérieurs et moyens, pour prévenir une récidive. Dans ce cas, la mandibule s’adapte par autorotation à la nouvelle position du tiers moyen, et l’intervention est en général complétée par une génioplastie d’avancée, pour compenser la rotation vers le bas et en arrière de la symphyse du menton. Lorsqu’on prévoit, en plus de l’abaissement, d’avancer le maxillaire, il est nécessaire de libérer totalement l’espace ptérygomaxillaire pour mobiliser le plateau palatin vers l’avant, comme on l’a décrit précédemment. L’abaissement antérieur provoque un recul du menton. Une génioplastie peut non seulement corriger le manque de hauteur antérieure en évitant de créer une incompétence labiale, mais aussi l’insuffisance de projection.
¶ Orthodontie postchirurgicale La vérification du résultat obtenu et la surveillance de la stabilité se font comme on les a décrites pour les malformations de type face courte associées à une classe I dentaire. Lorsque l’arcade inférieure n’a 8
* B 11
Téléradiographies. A. Avant l’intervention chirurgicale sans nivellement de l’arcade inférieure. B. Une semaine après ostéotomie sagittale bilatérale de la mandibule.
pas été totalement nivelée, la gouttière doit être maintenue pendant les 4 semaines qui suivent l’intervention. On diminue alors la résine au niveau des premières molaires et des prémolaires inférieures (fig 9B) pour « tirer » progressivement ces dents en occlusion à l’aide d’élastiques maxillomandibulaires. Au cours de cette phase du traitement, la position de la mandibule est maintenue stable grâce à la gouttière fixée sur les deuxièmes molaires et les incisives inférieures. Après cette période, on installe un arc rigide à l’arcade supérieure (.019 X .025 acier inoxydable) et un plus souple (.018 acier inoxydable ou .016 nitinol) à l’arcade inférieure qui permet le nivellement par extrusion des dents des segments latéraux. On peut alors peaufiner les détails de l’occlusion à l’aide de deux arcs souples (fig 9C) pendant 4 à 8 mois. Lorsque l’arcade a été préalablement nivelée, les séquences classiques se suivent, avec dépose de la gouttière chirurgicale 7 à 10 jours après l’opération, et reprise du traitement orthodontique 4 à 6 semaines plus tard. L’orientation des élastiques maxillomandibulaires doit s’adapter à une éventuelle récidive de la classe II (fig 10B).
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
Stomatologie
* A
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* B * C
* D
* E
* F
* G 12
Face courte associée à une rétromaxillie. A, B, C, G. Avant traitement. De face : aplatissement des régions paranasales (A) ; de profil : lèvre supérieure en retrait (B) ; analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C).
ÉTAGE MANDIBULAIRE EN AVANT DE L’ÉTAGE MAXILLAIRE CLASSE III
¶ Aspect clinique En vue frontale Que l’anomalie soit due à une promandibulie ou, plus fréquemment, à une insuffisance de développement du maxillaire, le visage a un aspect triangulaire et la lèvre supérieure paraît trop courte et trop fine (fig 12A). Les régions paranasales sont aplaties et la pointe du nez est tombante avec des ailes qui semblent élargies. L’accentuation des plis nasogéniens est moins marquée et le sillon labiomentonnier plutôt effacé.
* H
* I
D, E, F, I. Après traitement. De face après avancée et abaissement antérieurs du maxillaire : harmonisation des traits du visage (D) ; de profil, aspect transfrontal (E) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé initial (F) ; vue intraorale initiale : occlusion croisée antérieure et diastèmes multiples (G) ; vue intraorale préopératoire après décompensation (H) ; vue intraorale finale avant les reconstructions prothétiques (I).
De profil Le visage est globalement concave. Le tiers inférieur est plus court que le tiers moyen et l’angle nasolabial est obtus. On note même parfois une chute de la pointe du nez. Le menton est harmonieux et le pli labiomentonnier peu marqué (fig 12B). Tous ces signes cliniques, de face et de profil, s’estompent et même disparaissent lorsque le patient relaxe sa musculature masticatoire et rétablit un espace libre interocclusal. On est alors surpris de découvrir un visage orthofrontal, avec une lèvre supérieure de longueur normale, même si les dents restent invisibles, que le patient sourie ou non. 9
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
¶ Diagnostic céphalométrique Dans le plan sagittal Il est important de savoir si l’occlusion en classe III est le résultat d’une rétromaxillie ou d’une promandibulie, voire de leur combinaison. L’hypodivergence des bases est plus souvent la conséquence d’un manque de croissance verticale du maxillaire, qu’une insuffisance de son développement antéropostérieur (fig 12C). Les angles SNA et SNB sont par conséquent des indicateurs assez fidèles de la dysmorphose, à cause des variations retrouvées au niveau de la base du crâne : la longueur SN peut être diminuée, de même que l’angle de la base du crâne NS-Basion. L’angle ANB est toujours négatif, caractéristique et significatif. L’analyse de Sassouni [30, 34] est conseillée pour affiner le diagnostic.
Stomatologie
Ostéotomie de type Le Fort I L’ostéotomie Le Fort I horizontale est modifiée pour réaliser deux escaliers antérieurs, afin de mieux corriger l’aplatissement latéronasal et les plis nasogéniens [28]. Il faut aussi libérer totalement l’espace ptérygomaxillaire pour bien mobiliser le plateau palatin vers l’avant. Il n’est pas nécessaire de dégager les artères palatines de leur manchon osseux, ni de réséquer les cloisons intersinusonasales ou le septum. Après blocage maxillomandibulaire sur la gouttière chirurgicale, les ostéosynthèses sont réalisées à l’aide de miniplaques vissées. Un rapprochement des cartilages alaires est particulièrement important, pour éviter l’aplatissement et l’élargissement des ailes du nez [28]. La technique chirurgicale de la génioplastie est classique. Double ostéotomie maxillaire et mandibulaire
Dans le plan vertical On retrouve pour la face courte associée à une classe III les mêmes déviations des mesures angulaires et linéaires, que pour la face courte associée à une classe I.
¶ Analyse de moulages Généralement, l’occlusion est en classe III canine et molaire (fig 12G). Certaines agénésies perturbent parfois le développement du maxillaire et peuvent provoquer des occlusions croisées antérieures avec une occlusion molaire en classe I. Dans le plan vertical, la courbe de Spee à l’arcade inférieure est rarement exagérée. La supraclusie est élevée dans les cas sévères.
¶ Préparation orthodontique Les principes sont semblables à ceux décrits pour la classe I. Au maxillaire, des agénésies obligent à ouvrir ou à fermer les espaces en respectant la ligne médiane (fig 12H). Les extractions sont fortement contre-indiquées à l’arcade inférieure, et les espaces interdentaires doivent être fermés avant l’opération. Parfois, la décompensation des incisives inférieures ne peut être réalisée sans le maintien de ces espaces, et nécessite même la création d’espaces supplémentaires en cas de dysharmonie dentoalvéolaire. La décompensation par version palatine des incisives supérieures et vestibulaire des incisives inférieures se fait à l’aide d’élastiques de type classe II [28]. Le nivellement préopératoire est systématique sur les deux arcades.
La deuxième possibilité associe au Le Fort I d’abaissement et d’avancée une ostéotomie sagittale bilatérale d’adaptation, complétée ou non par une génioplastie. Cette double intervention est obligatoire en présence d’une asymétrie mandibulaire. On l’utilise aussi lorsque le décalage entre promandibulie et rétromaxillie est très important, et que l’on veut diminuer le risque de récidive par des déplacements excessifs. Enfin, plus rarement, on y a recours pour corriger les séquelles d’une fente labio-maxillopalatine pour limiter le déplacement du maxillaire vers l’avant. La technique chirurgicale obéit aux mêmes principes que ceux décrits plus haut, mais en effectuant un recul mandibulaire.
¶ Orthodontie postchirurgicale Les séquences sont celles décrites pour la classe I. Le port d’élastiques de type classe III peut s’avérer nécessaire en cas de récidive dans cette direction.
¶ Échecs Ils sont représentés par les risques importants de récidive antéropostérieure plus que verticale. On les évite par une planification correcte, et au besoin en greffant les espaces laissés vacants par les ostéotomies.
Excès vertical : faces longues INTRODUCTION
¶ Planification céphalométrique et sur moulages
Schendel, en 1976 , a été le premier à parler de « syndrome de face longue ». D’autres synonymes existaient dans la littérature : face hyperdivergente [36], béance squelettique [34], face longue idiopathique [13], hyperplasie alvéolomaxillaire totale [12] et excès maxillaire vertical [35]. D’autres termes comme mordex apertus, infraclusie, apertogénie, open-bite ne sont pas synonymes de face longue, car ils ne tiennent pas compte de la position des bases osseuses. Il s’agit d’une constatation clinique faisant état d’une béance entre les arcades dentaires antérieures. Une face longue peut exister sans béance dentaire antérieure, et inversement. L’étiologie de la face longue n’est pas clairement définie, même si on parle parfois d’un facteur racial puisque la dysmorphose paraît moins fréquente chez les Noirs que chez les Blancs ou les Orientaux [26]. On évoque aussi une composante héréditaire, mais ce trait n’est pas souvent retrouvé dans la pratique. Enfin, des influences fonctionnelles ou environnementales comme celles de la langue ont été suggérées, et ont été énumérées dans le premier tome traitant de la Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : avant d’agir [29]. [35]
Le calque du maxillaire est découpé et positionné sur la mandibule du tracé céphalométrique, de façon à obtenir une occlusion en classe I. On prend garde à la relation entre l’incisive et la lèvre supérieure, qui reste le point critique à respecter pour obtenir une hauteur faciale équilibrée. Lorsque la lèvre est brève ou présente une séquelle de fente labiomaxillaire, il vaut la peine de dessiner une perpendiculaire au plan de Francfort, en avant des tissus mous, et de mesurer les hauteurs faciales cutanées. On peut ainsi mieux positionner l’épine nasale antérieure dans le plan vertical. On peut de même évaluer si le menton doit être abaissé ou parfois avancé lorsqu’il est trop plat ! L’analyse céphalométrique permet aussi de confirmer l’impression clinique sur la longueur de la mandibule et, le cas échéant, de planifier un recul mandibulaire. Il faut cependant se souvenir qu’un visage transfrontal donne un résultat esthétique plus favorable qu’un profil orthofrontal. Un recul mandibulaire important risque d’entraîner l’apparition d’une ronchopathie ou d’un syndrome des apnées obstructives du sommeil.
¶ Techniques chirurgicales Deux options permettent de traiter la dysmorphose : premièrement une ostéotomie de type Le Fort I d’avancée associée ou non à une génioplastie ou, deuxièmement, une double ostéotomie maxillaire et mandibulaire. 10
DÉFINITION
Morphologiquement, une face longue se définit comme une hauteur exagérée du visage. Cet excès peut s’accompagner d’anomalies
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
Stomatologie
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antéropostérieures, soit que la mandibule se situe en arrière, soit en avant du tiers moyen. Dans le premier cas, l’occlusion est en classe II et dans le second, elle est en classe III. Le syndrome face longue associe à une hauteur faciale antérieure trop importante, une divergence exagérée des deux plans maxillaire et mandibulaire. Une béance dentaire antérieure peut être présente ou non. Cangialosi en 1984 [7] a été le premier à expliquer de façon précise les différents critères et formes morphologiques du squelette associés à l’open-bite antérieur. Les signes cliniques varient en fonction de la position antéropostérieure des étages mandibulaire et maxillaire. Ils seront exposés dans les chapitres respectifs. ÉTAGE MANDIBULAIRE ALIGNÉ SUR L’ÉTAGE MAXILLAIRE. OCCLUSION EN CLASSE I
¶ Aspect clinique Il s’agit, soit de cas sporadiques, soit de patients qui ont déjà eu un traitement orthodontique sans qu’une coordination chirurgicale n’ait été prévue. De face
* A 13
* B
Face longue. A. Légère crispation des muscles du menton pour obtenir l’occlusion des lèvres. B. Sourire gingival (« gummy smile »).
De face, le visage est trop allongé et plutôt étroit (fig 13). Le nez semble long car ses ailes sont pincées. De la sclère est visible sous les pupilles. L’excès de hauteur porte essentiellement sur le tiers inférieur. En position naturelle, il existe une incompétence labiale supérieure à 4 mm. L’occlusion des lèvres provoque une crispation des muscles du menton. Lors du sourire, la gencive devient visible entraînant un « sourire gingival » [30], que la lèvre soit de longueur normale ou trop brève (fig 13A, B).
postérieure de la pointe du menton (fig 14A, B). L’angle de la mandibule peut être normal, ou plus ouvert que la moyenne. Le menton paraît effacé, les muscles de la houppe comblant le sillon labiomentonnier. Lorsque les lèvres sont en occlusion, le sujet semble « faire la moue ». L’examen de la bouche montre, soit une denture correctement alignée en classe I, soit une absence de contact entre incisives et canines, s’étendant parfois jusqu’aux sixièmes dents.
De profil
¶ Diagnostic céphalométrique
Le profil est droit, parfois légèrement convexe, et donne l’impression qu’il existe une rétromandibulie, à cause de la rotation inférieure et
Dans le plan sagittal, la divergence des bases est caractérisée par une rotation vers le bas et généralement vers l’arrière de la mandibule.
* A
* B * C
* D 14
Face longue associée à une classe I. A, B, C, D, E, F, I. Avant traitement chirurgical. De face : hauteur excessive du tiers inférieur (A) ; de profil : visage convexe. Le menton paraît rétrusif (B) ; ana-
* E
* F
lyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C) ; vues intraorales préopératoires : trois arcs sectionnels sont utilisés pour la préparation orthodontique (D, E, F). 11
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Stomatologie
* I
* G
* H
J *
* K 14
(Suite) G, H, J, K, L. Après traitement. De face : compétence labiale (G) ; de profil : l’autorotation entraîne une projection et une légère remontée du menton (H) ; vue intraorale initiale : béance dentaire (I) ; vue intraorale finale : recouvrement incisif
Comme les points B et Pogonion sont en retrait, l’angle SNB se situe en dessous de la norme (< 80°) et l’angle ANB au dessus (> 2°). Même lorsque l’occlusion est en classe I, le profil est convexe (fig 14B, C). Dans le plan vertical, les valeurs sont inversées par rapport à celles décrites pour les faces courtes : les angles craniomandibulaire (SNGoMe), maxillomandibulaire (SpaSpp-GoMe) et l’angle goniaque sont au-dessus de la norme. La branche montante de la mandibule est courte. La hauteur du tiers inférieur est excessive, et le rapport entre les hauteurs faciales postérieure et antérieure est diminué. La présence ou l’absence d’une béance dentaire est déterminante pour le diagnostic, car préparation orthodontique, planification chirurgicale et stabilité du résultat dépendent de ce signe clinique caractéristique. Deux situations peuvent donc se rencontrer : dans la première, les incisives supérieures et inférieures ont compensé le manque de croissance verticale du complexe craniofacial. Le contact entre incisives supérieures et inférieures a été conservé grâce à une éruption exagérée des dents antérieures. Les distances plan palatin et molaires supérieures, plan palatin et incisives supérieures, plan mandibulaire et molaires inférieures et plan mandibulaire et incisives inférieures sont toutes au-dessus de la norme (fig 13) (cf tableau de la figure 1), d’où la terminologie d’hyperplasie alvéolomaxillaire et d’excès maxillaire vertical qui qualifie parfois cette dysmorphose. 12
* L favorable (J) ; téléradiographie après ostéotomie Le Fort I d’ingression : la surcorrection crée une petite béance au niveau des deuxièmes molaires (K) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé préopératoire (L).
Dans la deuxième situation, il existe une absence de contact dentaire antérieur, alors que les dents postérieures se touchent. Le complexe dentoalvéolaire n’est pas parvenu à compenser la direction défavorable de la croissance.
¶ Analyse des moulages Les molaires et les canines sont en classe I. L’arcade supérieure, ou les deux arcades, sont étroites, donnant parfois au maxillaire une forme de « lyre ». Le palais est profond, particulièrement lorsqu’il existe une respiration buccale ou quand la langue, au repos, s’appuie sur l’arcade inférieure en restant en position basse. Sans béance antérieure, l’arcade supérieure est souvent aplatie, alors que l’arcade inférieure présente une légère courbe de Spee. Celle-ci est généralement positive à l’arcade supérieure et inverse à l’arcade inférieure, lorsque l’hyperdivergence s’accompagne d’une béance dentaire antérieure. Des abrasions peuvent s’observer sur les faces occlusales des dents postérieures. Dans les cas extrêmes, seules les deuxièmes molaires sont en contact. D’autres formes de malocclusion s’associent volontiers à une divergence maxillobasale excessive, comme les occlusions croisées postérieures ou les dysharmonies dentoalvéolaires, liées en partie à une insuffisance de développement transverse du maxillaire.
Stomatologie
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
¶ Préparation orthodontique Le principe de base, avant l’opération, consiste surtout à exagérer la béance plutôt qu’à la diminuer. L’analyse de la documentation initiale doit permettre de différencier une hyperdivergence par excès de développement vertical de la partie postérieure du processus alvéolodentaire supérieur, d’une divergence par insuffisance de développement des branches montantes de la mandibule. Ces deux malformations sont cependant souvent associées. On peut ainsi prévoir un traitement orthodontique préchirurgical à l’aide d’arcs continus, lorsque la courbe de Spee est faible au maxillaire et qu’il n’existe pas de problème transverse. En revanche, il faut envisager des arcs sectionnels si la courbe de Spee est importante à l’arcade supérieure, qu’elle soit la conséquence d’une extrusion des dents postérieures, d’une béance dentaire antérieure ou d’une endomaxillie. On évite ainsi de niveler cette arcade par extrusion des dents antérieures, ou d’effectuer une expansion purement orthodontique. En effet, ces mouvements dentaires sont instables, et un risque de récidive existe durant la phase postopératoire, avec réapparition d’une béance antérieure. Il est donc préférable de corriger une courbe de Spee excessive, en adjoignant des ostéotomies segmentaires à l’ostéotomie basale du maxillaire. Alignement des arcades Les extractions de prémolaires sont parfaitement indiquées en présence d’un manque important de place. On préfère extraire les deuxièmes plutôt que les premières prémolaires, puisque la fermeture des espaces, en mésialisant les dents postérieures, doit faciliter une fermeture de l’angle maxillomandibulaire. Pourtant, l’axe des incisives supérieures doit être prévu en fonction de l’impaction postérieure du maxillaire qui sera réalisée lors de la chirurgie. Il faut donc souvent conserver aux incisives un axe supérieur à la moyenne, ou même les placer en proversion. Coordination des arcades Dans le sens transversal, il ne faut pas tenter de coordonner les deux arcades si la dysharmonie squelettique entre maxillaire et mandibule excède 5 mm. L’expansion orthodontique serait obtenue surtout par version des dents postérieures, avec des conséquences néfastes pour le parodonte, l’occlusion finale et la stabilité future. Il est préférable d’effectuer une expansion chirurgicale du maxillaire pour adapter sa largeur à celle de la mandibule. Dans la mesure du possible, la forme de l’arcade inférieure doit être respectée. La technique avec nivellement des deux arcades est classique, et a déjà été décrite dans le chapitre sur les faces courtes. On la choisit lorsqu’il n’existe pas de béance dentaire, ou lorsque l’extraction de prémolaires est indiquée. On utilise la technique sans nivellement de l’arcade supérieure chaque fois qu’on prévoit d’effectuer des ostéotomies segmentaires au maxillaire. Elle est indiquée pour traiter une endomaxillie avec béance dentaire. Trois arcs sectionnels, un arc antérieur et deux postérieurs sont adaptés. Les sites où seront placées les ostéotomies verticales déterminent la séparation des arcs (fig 14D, E, F). Les diamètres utilisés sont .014 nitinol et .016 X .022 CopperNiti pour l’alignement et la correction des rotations. Les arcs suivants sont en acier inoxydable .019 X .025 et servent aussi d’arcs chirurgicaux. L’arcade inférieure est en général préparée de manière conventionnelle. Certaines courbes de Spee inversées et sévères sont, la plupart du temps, la conséquence d’une insuffisance d’éruption des incisives inférieures, et ne doivent pas être nivelées orthodontiquement. Il est préférable d’envisager plutôt une correction chirurgicale par ostéotomie segmentaire antérieure. Pour la préparation, l’orthodontiste applique alors les mêmes principes qu’à l’arcade supérieure, par arcs sectionnels.
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céphalométrique confirme l’existence d’une hauteur postérieure excessive du maxillaire, que l’on corrige en impactant la région ptérygomaxillaire. Deux alternatives existent : soit on choisit de corriger la dysmorphose en opérant uniquement le maxillaire, soit on envisage d’emblée une intervention maxillomandibulaire. Dans le premier cas, le point menton remonte et se projette vers l’avant. La mandibule prend sa position définitive par autorotation (fig 14H). La décision n’est pas toujours aisée, car les articulateurs utilisés pour la simulation et la confection des gouttières chirurgicales ont un centre de rotation placé aux niveaux des condyles [35]. Dans la réalité, le centre mandibulaire d’autorotation peut se déplacer vers le bas [6, 39] obligeant un recul du maxillaire lors de sa reposition chirurgicale. Des techniques de prédiction ont été proposées [22], qui devraient permettre d’anticiper avec plus de sécurité la chirurgie prévue. Pour planifier ce déplacement, on dessine sur du papier calque la mandibule avec l’incisive et la première molaire, et le maxillaire schématisé par le prémaxillaire, les épines nasales antérieure et postérieure avec l’incisive et la première molaire. Les deux calques sont ensuite placés en position idéale, l’un par rapport à l’autre, en classe I, et fixés ensemble avec du papier adhésif transparent. On peut alors choisir pour ce « bloc » maxillomandibulaire une nouvelle position, en le déplaçant sur l’analyse céphalométrique originale. Verticalement, on se base sur les impressions cliniques, la hauteur faciale antérieure et le profil « cutané ». La position de l’incisive centrale est déterminante, et ne doit pas dépasser la lèvre supérieure de plus de 3 mm. Idéalement, plan palatin et plan d’occlusion devraient se prolonger postérieurement en affleurant l’occiput. L’impaction maxillaire peut parfois se faire horizontalement « en ascenseur », en remontant également les régions antérieure et postérieure. Le plus souvent, il faut corriger la béance osseuse par une impaction postérieure plus importante que l’impaction antérieure. Ce geste entraîne un recul du menton, au point qu’une génioplastie d’avancée doit alors corriger cette déficience. Pour harmoniser les trois étages du visage, on associe aussi une réduction de hauteur de la symphyse lorsque cela s’avère nécessaire. Horizontalement, l’arc antérieur de l’analyse de Sassouni [34] ou le plan de McNamara [20] sont des repères utiles, mais qui peuvent être dépassés si l’on souhaite donner un aspect légèrement « transfrontal » au visage. Cette projection supplémentaire provoque un découvrement de l’incisive supérieure, qu’il faut compenser par une impaction antérieure complémentaire. La simulation sur papier permet de mesurer les déplacements effectués, aux niveaux des épines nasales antérieure et postérieure et de l’incisive supérieure. On transmet ces données au technicien qui réalise les modèles, les met en articulateur et confectionnne les gouttières chirurgicales [30].
¶ Technique chirurgicale Ostéotomie du maxillaire associée à une autorotation de la mandibule La technique de base a déjà été exposée [28]. On découpe à la scie des bandeaux osseux bilatéraux taillés aux dimensions prévues par la planification et prolongés jusqu’aux tubérosités. Ces deux fenêtres facilitent l’abaissement et l’accès aux régions postérieures du maxillaire. Il faut alors squelettiser totalement les artères palatines hors des canaux palatins postérieurs, en repérant le vaisseau à l’extrémité de la cloison intersinusonasale. La hauteur du septum doit aussi être diminuée, et les cornets inférieurs parfois réséqués. Trois modifications techniques de l’ostéotomie Le Fort I sont réalisables pour faciliter le repositionnement du maxillaire dans les trois plans de l’espace : – une disjonction palatine avec sections paramédianes bilatérales corrige une endomaxillie ;
¶ Planification céphalométrique et sur moulages
– des segmentations verticales entre canines et prémolaires permettent de fermer une béance alvéolodentaire antérieure ;
Lorsque l’occlusion est en classe I et qu’il existe une face longue, seules les bases osseuses doivent être modifiées. L’analyse
– un aplatissement paranasal est avantageusement compensé par une ostéotomie avec escalier antérieur [28]. 13
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L’adaptation définitive se fait une fois le blocage maxillomandibulaire effectué, en remontant avec douceur, mais fermement, les angles de la mandibule. Des retouches sont souvent nécessaires, surtout dans les régions postérieures, pour éliminer d’éventuels contacts osseux prématurés au niveau des ptérygoïdes. Quatre miniplaques d’ostéosynthèses en L et en Y sont façonnées, pour s’adapter parfaitement aux contours osseux et stabiliser le maxillaire dans sa nouvelle position (fig 14K). On peut utiliser tout ou partie des collerettes d’os découpées au début de l’intervention, pour combler des espaces laissés libres entre les parois interne et externe. Ostéotomies maxillomandibulaires Elles sont réalisées dans les cas sévères, et leur description sera faite plus loin pour le traitement des faces longues associées à une classe II.
¶ Orthodontie postchirurgicale Le suivi orthodontique des patients appareillés par des arcs continus est le même que celui décrit pour les porteurs de faces courtes. Lorsqu’on a réalisé des ostéotomies en plusieurs segments et que des arcs sectionnels ont été posés avant l’intervention, il faut impérativement les remplacer par des arcs continus rigides, dans un délai de 7 à 10 jours. Ils permettent de stabiliser au niveau dentaire les segments osseux fixés par les miniplaques, et les éventuels greffons. Un arc transpalatin ou un expandeur de type Hyrax doit également être inséré dès la dépose de la gouttière chirurgicale, pour stabiliser ou regagner la dimension transversale. Les finitions orthodontiques reprennent 4 à 6 semaines après l’opération. On installe des élastiques maxillomandibulaires antérieurs, pour exercer des forces verticales légères jusqu’à la fin du traitement orthodontique. La contention est semblable à celle utilisée dans les cas d’orthodontie classique : on veille particulièrement à maintenir la dimension transversale du maxillaire sur le long terme. La plaque palatine doit ainsi être portée en permanence la première année puis deux nuits par semaine, parfois même à vie.
¶ Échecs Ils sont représentés par la récidive à plus ou moins long terme de la béance antérieure, si l’impaction postérieure a été insuffisante ou lorsqu’elle a été corrigée orthodontiquement avant l’opération. De même, on peut voir réapparaître une insuffisance de dimension transversale du maxillaire dans deux situations : lorsque la contention palatine a été trop brève ou lorsque la correction a porté plus sur les dents que sur la base osseuse. Enfin, un risque de vieillissement trop précoce du visage existe, par excès d’impaction antérieure du maxillaire avec accentuation des plis nasogéniens, et surtout par manque d’exposition des incisives supérieures. ÉTAGE MANDIBULAIRE EN RETRAIT DE L’ÉTAGE MAXILLAIRE. CLASSE II
La description clinique d’une face longue associée à une classe I présente de nombreuses analogies avec celle d’une face longue associée à une classe II. Les signes cliniques sont pourtant plus marqués pour la face longue associée à une rétromandibulie, classe II. Les principes de traitement sont aussi très semblables pour les deux dysmorphoses, et on peut donc se référer au paragraphe précédent pour les descriptions qui vont suivre.
¶ Aspect clinique De face De face, le visage est globalement allongé et étroit (fig 15A). La hauteur du tiers inférieur est augmentée par rapport aux deux autres étages. Le nez est long, les ailes plutôt pincées. Les régions paranasales sont aplaties. Plus que pour les autres types de faces longues, la conjonctive sclérale est visible sous les pupilles, comme 14
Stomatologie
si les paupières étaient trop courtes. En position naturelle, il existe une incompétence labiale de plus de 4 mm. Lors du sourire, que la lèvre soit longue ou courte, la gencive se découvre et devient visible, avec l’apparition du classique « sourire gingival ». Comme les incisives supérieures sont en proversion et les incisives inférieures verticales, le surplomb est manifeste. L’occlusion des lèvres provoque une crispation des muscles du menton, qui prend un aspect en « peau d’orange ». De profil Le profil est convexe, confirmant l’impression d’une rétromandibulie par rotation inférieure et postérieure de la pointe du menton. L’angle nasolabial et l’angle labiomentonnier sont ouverts. Au tiers moyen, il existe souvent un aplatissement de la pointe des pommettes, et une insuffisance de développement du rebord orbitaire inférieur. L’angle de la mandibule est obtus. À l’examen endobuccal, c’est la béance dentaire antérieure qui frappe d’emblée (fig 15H). Elle intéresse les blocs incisivocanins et peut, dans les cas graves, être circulaire jusqu’aux sixièmes dents. Les incisives supérieures sont en proversion, tandis que les incisives inférieures sont verticales et se chevauchent. Au maxillaire, la courbe de Spee est exagérée, alors qu’elle a tendance à s’inverser à la mandibule. Les arcades dentaires ont une forme en V au maxillaire et en U à la mandibule. Une endoalvéolie supérieure est pratiquement constante et s’associe à une insuffisance de développement transverse du maxillaire.
¶ Aspect céphalométrique On retrouve ici toutes les valeurs décrites pour la classe I, mais en général avec une atteinte plus sévère (fig 15C). Ainsi, la rétrusion plus grave de la mandibule provoque un angle ANB excessif, parfois extrême, supérieur à 10°. Avec un menton insuffisamment développé ou inexistant, l’aspect est celui du classique « profil d’oiseau ».
¶ Analyse des moulages L’occlusion est en classe II et fréquemment de type classe II division 1, avec un surplomb important et des incisives supérieures labioversées. Plus rarement, en classe II division 2, les incisives supérieures ont partiellement compensé la malformation squelettique, en s’orientant en direction palatine sous l’influence des muscles orbiculaires des lèvres. Souvent, la rétromandibulie s’associe à une micromandibulie, caractérisée par un important manque de place à l’arcade inférieure. Les autres caractéristiques des moulages sont celles décrites pour la classe I associée à une divergence exagérée des plans maxillaire et mandibulaire.
¶ Préparation orthodontique Les principes énoncés pour la face longue associée à une classe I restent totalement valables pour la classe II. S’il existe une dysharmonie dentoalvéolaire, on préfère généralement extraire les deuxièmes prémolaires supérieures et les premières prémolaires inférieures, pour « décompenser » efficacement les deux arcades. Des élastiques maxillomandibulaires de type classe III peuvent aussi être recommandés.
¶ Planification céphalométrique et sur moulages L’analyse céphalométrique confirme l’existence d’une hauteur excessive du maxillaire, qu’il s’agit de diminuer en l’impactant dans sa partie postérieure. La planification de ce déplacement et l’adaptation de la mandibule suivent les étapes décrites précédemment lorsqu’il existe une face longue et une occlusion en classe I. La simulation permet de mesurer les déplacements dont les valeurs sont transmises au technicien qui réalise les modèles, les met en articulateur et confectionne les gouttières chirurgicales [30].
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
Stomatologie
* A
* B
* D
* E
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* C
* F
* H
* G 15
Face longue associée à une rétromandibulie. A, B, C. Avant traitement. De face : légère asymétrie mandibulaire, incompétence labiale et sourire gingival (A) ; de profil : hyperdivergence sévère responsable d’un aspect en « profil d’oiseau » (B) ; analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C).
¶ Technique chirurgicale Il s’agit de réaliser, dans le même temps opératoire, la mobilisation du maxillaire au niveau du Le Fort I et celle de la mandibule au
* I D, E, F, G, I. Après intervention : ostéotomie maxillomandibulaire. De face : symétrie retrouvée et élimination du sourire gingival (D) ; de profil : diminution de la hauteur faciale antérieure et de sa convexité. Le profil est transfrontal (E) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé initial (F) ; téléradiographie de profil montrant les ostéosynthèses rigides internes (G) ; vue intraorale initiale (H) ; vue intraorale finale (I).
niveau des branches montantes, par une double ostéotomie sagittale. La technique opératoire de ces deux procédures a déjà été décrite séparément [28]. Certaines modalités particulières doivent cependant 15
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
leur être appliquées lorsqu’on les utilise simultanément, car une intervention maxillomandibulaire est plus complexe et plus longue qu’une intervention sur un seul étage facial [3, 10]. Cette double approche comporte logiquement plus de risques opératoires et un plus grand potentiel de complications. Le succès du traitement chirurgical dépend de la reproduction fidèle des déplacements osseux prévus par la planification céphalométrique, et de la réalisation des deux gouttières confectionnées sur les modèles après simulation [30]. La séquence des gestes à effectuer s’enchaîne de la façon suivante : – ostéotomie Le Fort I d’impaction selon la description faite ci-dessus ; – blocage maxillomandibulaire (BMM) sur la gouttière intermédiaire ; – réalisation des ostéosynthèses rigides internes de façon stable ; – libération de la fixation maxillomandibulaire ; – contrôle de l’occlusion, gouttière intermédiaire en place ; – après adaptation des ailes narinaires, suture des voies d’abord. On passe alors à la mandibule : – réalisation des ostéotomies sagittales des branches montantes ; – positionnement de la mandibule sur le maxillaire opéré, grâce à la gouttière définitive et nouveau BMM ; – ostéosynthèses rigides des valves externes et internes par quatre vis corticales ; – libération du blocage et contrôle de l’occlusion définitive, avec et sans la gouttière. À ce stade, il ne faut pas hésiter à reprendre les ostéosynthèses s’il existe un décalage d’occlusion par rapport aux modèles chirurgicaux ; – suture des voies d’abord sur deux drains percutanés type Manovac ; – une éventuelle génioplastie est entreprise par voie vestibulaire antéro-inférieure et réalisée selon la planification préchirurgicale (fig 15G). En cas d’insuffisance de diamètre transversal, il est nécessaire d’effectuer deux sections paramédianes du plateau palatin, pour adapter le Le Fort I transversalement aux dimensions de la mandibule. Antérieurement, ces traits d’ostéotomies se terminent entre les incisives centrales ou, lorsqu’on a prévu de corriger une proalvéolie, entre canines et prémolaires [28]. On peut corriger l’axe des incisives par une ostéotomie segmentaire antérieure complémentaire à l’ostéotomie basale du maxillaire. Les traits de scie verticaux sont placés, soit entre canines et latérales, soit entre canines et prémolaires, en fonction de la planification sur les modèles. La stabilité de ce fragment est obtenue par une petite greffe autologue et une ostéosynthèse adéquate [28].
¶ Orthodontie postopératoire Si des ostéotomies segmentaires ont été réalisées au niveau du maxillaire, les arcs sectionnels doivent être remplacés par un arc continu dans les 10 jours qui suivent l’intervention chirurgicale, comme dans les cas d’une divergence excessive de l’angle des bases associée à une classe I. Des élastiques maxillomandibulaires de type classe II sont installés systématiquement pour assurer la stabilité du résultat dans le plan vertical et dans le plan sagittal.
¶ Échecs La réapparition d’une béance osseuse et dentaire après correction d’une dysmorphose associant une hyperdivergence des bases à une mandibule en retrait de l’étage moyen, est la récidive la plus redoutée. On découvre souvent une résorption tardive du ou des 16
Stomatologie
condyles mandibulaires, comme on peut la voir parfois après correction chirurgicale d’une rétromandibulie [21]. De nombreuses hypothèses ont été émises pour tenter d’expliquer cette modification de la forme du condyle. Parmi celles-ci, deux étiologies semblent jouer un rôle important : tout d’abord des causes liées au patient lui-même, et deuxièmement, l’adaptation des tissus mous après chirurgie. Dans le premier cas, le risque de résorption condylienne est plus grand chez « une jeune femme présentant des antécédents de dysfonction temporomandibulaire, une mandibule trop petite, une hauteur faciale postérieure trop brève et un rapport entre hauteur faciale postérieure et antérieure faible » [2]. Dans ce contexte, la forme et l’inclinaison du col du condyle semblent aussi jouer un rôle important [17]. En ce qui concerne l’adaptation des tissus mous, on pense que les forces mécaniques induites par un avancement important de la mandibule sont à l’origine de tensions neuromusculaires qui provoquent une compression du condyle et peuvent conduire à sa résorption [9, 17]. Pour éviter ce risque, les modifications chirurgicales imposées à la mandibule doivent se faire dans le sens des tensions physiologiques de la musculature masticatoire, en évitant par exemple de « fermer » une béance osseuse par une chirurgie mandibulaire isolée [16]. Enfin, l’idée selon laquelle les ostéosynthèses rigides internes seraient responsables d’un taux plus important de résorptions condyliennes que les contentions par blocage maxillomandibulaire est battue en brèche par des études récentes [15, 16]. En effet, si un blocage de 4 à 6 semaines permet à la tête condylienne de s’adapter à sa nouvelle position, l’immobilisation diminue fortement le métabolisme du cartilage articulaire, qui devient plus mince et dont la structure interne se modifie [5, 15]. Au contraire, les ostéosynthèses rigides, internes par miniplaques ou vis permettent le rétablissement d’une fonction précoce qui favorise la vascularisation locale. On évite ainsi la survenue de nécrose avasculaire susceptible d’entraîner un remaniement condylien [15]. Il semble que la récidive d’une béance osseuse et d’un recul mandibulaire ai des origines multifactorielles. La planification de l’intervention doit viser un équilibre architectural sans créer de tension neuromusculaire. Les « patients à risque » doivent être reconnus et avertis de la possibilité de complications à long terme. ÉTAGE MANDIBULAIRE EN AVANT DE L’ÉTAGE MAXILLAIRE. CLASSE III
¶ Aspect clinique De face De face, le visage d’un patient porteur d’une classe III associée à une face longue présente un tiers inférieur de hauteur exagérée (fig 16A). Les régions paranasales sont aplaties et les plis nasogéniens souvent peu marqués. Le pli labiomentonnier est plutôt discret en raison de la rétroversion compensatrice des incisives inférieures. Le menton est assez massif, et les angles de la mandibule présentent un débord important. De profil Le profil est droit ou plus souvent concave et l’excès de hauteur faciale est la conséquence du développement trop massif de la partie inférieure du visage (fig 16B). L’angle nasolabial est ouvert, supérieur à 103°. Le rebord orbitaire inférieur est en retrait sous la partie antérieure du globe. L’angle de la mandibule, supérieur à 110°, est augmenté par rapport à la moyenne. Le pli labiomentonnier est le plus souvent effacé.
¶ Diagnostic céphalométrique La mandibule est prognathe, pourtant l’angle SNB n’est pas exagérément supérieur à la norme (fig 16C). L’angle ANB est négatif. La longueur des branches montantes mandibulaires, comme celle
Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
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* A
* C
* B
* D
* F
* E
* G 16
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* H
Face longue associée à une rétromaxillie. A, B, C. Avant traitement. De face : aplatissement des régions paranasales, plan occlusal déformé (A) ; de profil : lèvre supérieure courte, menton peu développé (B) ; analyse céphalométrique (valeurs normales entre parenthèses) (C).
D, E, F, G, H. Après traitement. De face : amélioration de la symétrie et de la région paranasale (D) ; de profil final : proportions des hauteurs verticales et problème sagittal normalisés (E) ; superposition du tracé final (en rouge) sur le tracé initial (F) ; vue intraorale initiale : agénésie des incisives latérales supérieures et occlusion croisée antérieure (G) ; vue intraorale finale : correction de l’occlusion croisée et remplacement des incisives latérales supérieures par des couronnes sur implants (H).
des branches horizontales, est excessive. Les incisives supérieures ont tendance à être proclinées, alors que les inférieures sont rétroclinées. Les autres valeurs sont comparables à celles décrites pour la face longue associée à une classe I.
squelettique. L’encombrement au niveau des incisives inférieures est relatif et ne peut être attribué à un manque de place. On peut, au contraire, retrouver des diastèmes multiples sur toute l’arcade mandibulaire.
¶ Analyse des moulages
¶ Préparation orthodontique
L’occlusion est en classe III avec un surplomb négatif. Cette occlusion croisée peut s’étendre sur les segments latéraux, ou même intéresser l’arcade dans sa totalité (fig 16G). La classe III est plus fréquemment la conséquence d’une macromandibulie que d’une micromaxillie. Une béance dentaire antérieure est souvent présente. Les incisives supérieures sont palatoversées et les incisives inférieures linguoversées, comme pour compenser la malformation
Un traitement qui évite l’extraction des prémolaires est préférable. Pourtant, on peut envisager d’extraire les premières prémolaires supérieures si la dysharmonie dentoalvéolaire est importante. On agit de même si ces sites d’extraction peuvent être utilisés pour redresser des incisives supérieures dont l’axe est trop vestibulisé, et afin de préparer des espaces pour les traits d’ostéotomies segmentaires. Toute extraction sur une mandibule déjà large est 17
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Chirurgie correctrice des dysmorphies maxillomandibulaires : insuffisances et excès verticaux. Sans asymétrie
contre-indiquée. Les espaces éventuels doivent être fermés, en respectant le principe de la « décompensation » par installation d’élastiques classe II. Les mêmes étapes que celles décrites pour la classe I associée à une face longue complètent la préparation orthodontique.
¶ Planification céphalométrique et sur moulages La dysmorphose verticale doit être corrigée dans ce cas aussi, en impactant le maxillaire. Horizontalement, avancer le maxillaire plutôt que reculer la mandibule permet d’éviter l’apparition d’un double menton, et surtout empêche le rétrécissement des espaces pharyngés postérieurs avec ses conséquences. Cette avancée améliore la respiration nasale. Même si la mandibule est « trop longue », on peut se permettre de déplacer le maxillaire au-delà de la position proposée par l’analyse céphalométrique. Pratiquement, les deux calques sont collés en position dentaire idéale, puis ce bloc est mis en position par rapport à l’incisive supérieure qui ne devrait pas dépasser, verticalement, la lèvre de plus de 3 mm. Les plans occlusal et bispinal doivent affleurer la région occipitale. Lorsque le maxillaire présente une hauteur trop importante, l’impaction nécessaire provoque une autorotation vers l’avant et vers le haut de la mandibule, qui augmente encore sa projection et l’aspect prognathe. Il faut alors prévoir aussi un recul mandibulaire. On dessine ensuite la nouvelle ligne du profil et l’on mesure la hauteur des étages de la face. Ceci permet de réévaluer la position
Stomatologie
du menton, et de poser l’indication à une éventuelle génioplastie d’abaissement, de recul ou même parfois d’avancée.
¶ Technique chirurgicale Elle fait appel aux techniques d’ostéotomies décrites précédemment. Au maxillaire, une ostéotomie avec escalier antérieur permet de combler l’aplatissement des régions paranasales et d’harmoniser les traits du visage. À la mandibule, l’adaptation peut exiger une ostéotomie de recul, qu’on réalise selon la description déjà faite [28]. La séquence des gestes à effectuer lors de procédures simultanées sur le maxillaire et la mandibule a été décrite, pour la correction d’une face longue associée à une rétromandibulie.
¶ Orthodontie postchirurgicale Cette partie du traitement ne diffère pas de celles exposées pour la classe I et la classe II. Seule la direction des élastiques intermaxillaires est modifiée, au profit d’une direction verticale de classe III.
¶ Échecs Ils sont représentés par le risque de récidive après correction d’une promandibulie, comme ils ont été décrits dans le chapitre traitant de ce sujet [31], notamment lorsque la correction a été effectuée trop tôt, même après la fin de la croissance.
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Chirurgie correctrice des malformations ou « dysmorphies » maxillomandibulaires « Avant d'agir »
Michel Richter : Chirurgien maxillofacial, privat-docent, chargé de cours à la faculté de médecine, chef de service Claude Mossaz : Médecin dentiste orthodontiste, chargé d'enseignement à lafaculté de médecine Nicolas de Tonnac : Psychiatre, médecin adjoint à l'unité de comportement et de communication, division de psychiatrie Alexandre Jaquinet : Chirurgien maxillofacial, chef de clinique François Laurent : Chirurgien maxillofacial, praticien privé, médecin consultant à la faculté de médecine Patrick Goudot : Chirurgien maxillofacial, praticien privé, médecin consultant à la faculté de médecine Unité de chirurgie maxillofaciale, division de chirurgie réparatrice, hôpital cantonal universitaire, 24, rue Michell-du-Crest, CH 1211, Genève 14 Suisse
Résumé Lorsqu'elle s'occupe de corriger des dysmorphies maxillomandibulaires, la chirurgie maxillofaciale doit améliorer aussi bien la forme que la fonction. Une étroite collaboration entre orthodontiste et chirurgien maxillofacial permet d'obtenir les résultats escomptés. Pour favoriser la communication entre les spécialistes, une nomenclature commune, précise et si possible universelle doit être acceptée par tous. L'origine de la malformation est la plupart du temps multifactorielle, et doit être recherchée, afin de planifier un traitement adéquat qui tienne compte des risques éventuels de récidive. La qualité des relations entre le praticien et le patient est une condition indispensable au bon déroulement de la prise en charge. Il faut pouvoir « débusquer » des signes cachés qui permettront de demander, avant tout geste opératoire, la collaboration d'un psychiatre pour une consultation commune. Ce médecin n'est pas partie prenante dans la transaction thérapeutique, il peut fournir un éclairage complémentaire face à des attentes peut-être irréalistes de la part des patients. © 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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DÉ FINITIONS La chirurgie correctrice des malformations ou dysmorphies maxillomandibulaires est la chirurgie orthopédique maxillofaciale appelée aussi chirurgie orthognathique. Elle a pour objet le traitement des affections squelettiques de la région maxillofaciale, afin de rétablir des fonctions et des formes correctes, le plus souvent en collaboration avec l'orthodontie. Une malformation est une « altération morphologique congénitale d'un tissu, d'un organe du corps humain », alors que les malformations acquises sont des déformations (Larousse/Robert). L'habitude veut que ce genre de distinction ne soit pas faite, car il est difficile de préciser si une rétromandibulie, par exemple, est d'origine congénitale ou la conséquence d'un pouce sucé durant la prime enfance. De même, une face longue peut aussi bien être congénitale ou la conséquence d'une respiration buccale en présence d'hypertrophie adénoïdienne durant la croissance, voire l'intrication des deux phénomènes (cf infra). Ces différentes considérations ont amené l'utilisation de plus en plus fréquente de termes comme dysmorphies ou dysmorphoses, qui sont des « anomalies de la forme d'une partie du corps humain » (Larousse). La terminologie anglo-saxonne est plus précise puisqu'elle parle de « dentofacial deformities » qui illustrent bien l'implication dentaire et squelettique de ces problèmes maxillofaciaux. Elle a de plus l'avantage de souligner d'emblée la nécessité de la prise en charge orthodonticochirurgicale. En revanche, elle a l'inconvénient de ne pas mentionner la dimension crânienne de ce problème.
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NOMENCLATURE Une nomenclature universelle, descriptive, définitive, acceptée par tous les spécialistes impliqués dans le traitement des dysmorphoses maxillomandibulaires, n'existe pas. Idéalement, la nomenclature devrait permettre de décrire de façon précise le siège de la malformation, sur la base de l'examen clinique et de l'examen radiologique. Elle devrait favoriser la communication entre les différents intervenants, quelles que soient leurs spécialités. Enfin, la terminologie idéale devrait pouvoir créer un lien entre diagnostic et traitement puisqu'elle montre précisément l'endroit où siège la lésion, et où, théoriquement, la correction devrait être effectuée. De façon utopique, il faudrait que la nomenclature utilisée soit universelle, intelligible et commune aux principales langues parlées. Avant d'énumérer les termes consacrés par l'usage pour décrire une dysmorphose, il est important de préciser ce que l'on comprend par un visage normal. En effet, la « normalité » est une notion hautement subjective et variable en fonction des cultures et des époques. Il vaut mieux parler de visage équilibré, voire harmonieux, dans la mesure où sont respectées la symétrie, les proportions faciales et la position de la face sous la calotte crânienne. Seules les analyses céphalométriques construites sur la base d'études effectuées à partir d'un collectif de patients choisis au hasard, sont susceptibles de qualifier la notion de normalité, c'est-à-dire d'une certaine moyenne. À ce propos, il existe des tendances qui permettent de différencier les analyses anglo-saxonnes des analyses plus latines. Cependant, ces analyses ont toutes en commun, de face et de profil, trois étages (supérieur, moyen et inférieur) dont les valeurs chiffrées sont identiques lorsque le visage
est équilibré (fig 1). L'étage supérieur s'étend de la racine des cheveux à la région de la glabelle. L'étage moyen de la région de la glabelle à la région sous-narinaire. L'étage inférieur des narines à la pointe du menton. De profil, ces proportions idéales de la face sont évaluées par rapport à une ligne horizontale idéale parallèle au plan de Francfort (fig 2). Les dysmorphoses doivent être décrites de façon tridimensionnelle sur la base des trois plans de références définissant l'espace : verticalement, le plan frontal et le plan sagittal médian et horizontalement, le plan horizontal (fig 3). Aussi bien pour l'analyse clinique que pour l'analyse céphalométrique, on choisit, par convention, le crâne comme référence. L'extrémité céphalique peut être subdivisée en cinq unités (cf fig 5) : crânienne ; maxillonasale ; mandibulaire ; alvéolodentaire supérieure ; alvéolodentaire inférieure. Deux sous-unités supplémentaires peuvent y être ajoutées : le menton ; le nez. Il est possible ainsi d'établir des relations antéropostérieures et verticales pour situer la face sous le crâne. On parlera ainsi de profils ortho-, trans- ou cisfrontaux (fig 4). Il est aussi possible de préciser la position de chaque unité par rapport à la base du crâne, un peu comme les tiroirs plus ou moins ouverts d'une commode (fig 5). En fonction des relations verticales et antéropostérieures de ces différentes unités sous la boîte crânienne, différents types ethniques, caucasien, africain ou asiatique, sont définis. Il y a, de ce fait, une raison supplémentaire pour laquelle le terme de normalité devrait être abandonné et remplacé par les qualificatifs de moyen, équilibré ou harmonieux. Sur ces références, en se basant sur les décisions de la Fédération dentaire internationale [1] , ainsi que sur certaines études comme celles d'Obwegerser [29], on peut différencier : les les les les les les les
anomalies anomalies anomalies anomalies anomalies anomalies anomalies
des bases maxillaires et mandibulaires ; alvéolaires ; de relation entre arcades dentaires ; intéressant l'ensemble de la face ; de position des dents ; de position du menton ; de position du nez.
La base du maxillaire correspond au complexe osseux situé au-dessus du plateau palatin et des rebords alvéolodentaires supérieurs. La base mandibulaire est la partie osseuse corticospongieuse située au-dessous du canal mandibulaire. En arrière, elle s'étend jusqu'à la région condylienne. Les rebords alvéolaires sont constitués par l'os en forme de fer à cheval qui porte les dents aussi bien de la mandibule que du maxillaire.
Construction linguistique usuelle Les définitions utilisées dans cette nomenclature sont purement descriptives et ne préjugent pas de l'étiologie.
Anomalies des bases osseuses et du menton
Les radicaux -maxillie, -mandibulie, -génie, traduisent la localisation de la dysmorphie, respectivement, sur les maxillaires, la mandibule et le menton. Ces radicaux sont précédés d'un préfixe.
Dans le plan sagittal (antéropostérieur) Les préfixes utilisés sont pro- et rétro- : promaxillie : position trop antérieure du maxillaire (très rare) ; promandibulie : position trop antérieure de la mandibule (préférable prognathisme) (fig 6) ; progénie : position trop antérieure du menton (fig 7) ; rétromaxillie : position trop postérieure du maxillaire (fig 8) ; rétromandibulie : position trop postérieure de la mandibule (fig 9) ; rétrogénie : position trop postérieure du menton (fig 10).
à
Dans le plan frontal Les préfixes utilisés sont infra- et supra- : inframaxillie : développement caudal insuffisant du maxillaire (cf fig 17) ; supramaxillie : développement caudal excessif du maxillaire.
Dans le plan horizontal Les préfixes utilisés sont endo-, exo-, et latéro- : endomaxillie : développement transversal insuffisant du maxillaire ; exomaxillie : développement transversal excessif du maxillaire ; latéromaxillie, latéromandibulie et latérogénie traduisent le développement asymétrique des structures osseuses concernées.
Appréciation volumétrique Les préfixes utilisés sont micro- et macro- : micromaxillie : petit maxillaire, associant en fait rétro-, infra- et endomaxillie (fig 11) ; micromandibulie : petite mandibule, associant rétromandibulie et rétrogénie (fig 12) ; macromandibulie : grande mandibule, associant promandibulie et macrogénie (parfois intitulée hypertrophie mandibulaire) (fig 13). Lorsque l'anomalie porte sur la région condylienne, on utilise le radical -condylie utilisé avec les préfixes hyper- ou hypo- pour traduire un développement excessif ou insuffisant.
Anomalies alvéolaires Le radical utilisé est -alvéolie.
Dans le plan sagittal
La proalvéolie traduit le développement antérieur excessif du procès alvéolaire à distinguer d'une promaxillie ou d'une version dentaire vestibulaire trop marquée. La rétroalvéolie participe du procédé inverse. Lorsque les procès alvéolaires maxillaires et mandibulaires sont également touchés, on parle de biproalvéolie (fig 14).
Dans le plan frontal La supra-alvéolie traduit le développement vertical excessif (en particulier développement caudal des procès alvéolaires maxillaires). L'infra-alvéolie traduit l'insuffisance de ce développement.
Dans le plan horizontal L'endoalvéolie exprime le développement développement transversal excessif.
transversal
insuffisant,
l'exoalvéolie,
le
Cliniquement, distinguer l'anomalie alvéolaire d'une anomalie de la base osseuse qui la supporte reste parfois difficile.
Anomalies de relation entre arcades dentaires Sens antéropostérieur C'est la classification d'Angle qui facilite le plus la communication, en raison de sa vaste diffusion internationale. Elle définit uniquement la relation des arcades au niveau vestibulaire, sans préciser les rapports des cuspides linguales ; dans la classe I, la molaire inférieure (dent de 6 ans) est située mésialement d'une demi-cuspide par rapport à la dent de 6 ans supérieure. La canine inférieure est en avance d'une demi-dent par rapport à la canine supérieure ; dans la classe II, les molaires sont, soit en bout à bout, soit la molaire inférieure est en arrière d'une cuspide par rapport à la molaire supérieure. On distingue deux divisions : dans la division 1, les incisives supérieures sont en vestibuloversion, et dans la division 2, elles sont en palatoversion ; dans la classe III, la molaire inférieure est située mésialement par rapport à la molaire supérieure. Dans le secteur antérieur, les dents sont en occlusion inversée ou en bout à bout (fig 15).
Anomalies verticales L'infraclusie traduit l'absence de contact entre les arcades dentaires (aussi appelée béance dentaire). La supraclusie correspond au recouvrement excessif d'une arcade par son antagoniste, en particulier du secteur incisivocanin inférieur par le secteur incisivocanin supérieur.
Remarques L'utilisation de cette terminologie, telle que la définit Ballard [1] pour préciser la position des bases osseuses entretient une confusion. En effet, Ballard parle de classes I, II, III squelettiques par analogie avec les classes I, II, III dentaires. Comme la relation des bases
ne permet pas de préciser le site de la dysmorphose. Pour exemple, l'impossibilité, selon cette terminologie, à définir une classe II dentaire associée à une rétromandibulie avec progénie compensatrice (fig 16 A, B).
Anomalies intéressant l'ensemble de la face Les anomalies sectorielles, telles que nous les avons définies précédemment, peuvent s'additionner pour constituer des syndromes dysmorphiques intéressant l'ensemble de la face. Il en va ainsi des faces longues (fig 17) et faces courtes (fig 18), où la modification de hauteur intéresse le tiers moyen et le tiers inférieur de la face. On parle aussi, dans ces cas, de face hyper- ou hypodivergentes. La notion de divergence est donnée par l'ouverture vers l'avant de l'angle que forment le plan maxillaire et le plan mandibulaire. On définit aussi les asymétries faciales (fig 19), où la croissance mandibulaire asymétrique peut être accompagnée d'une asymétrie maxillaire et d'une bascule du plan d'occlusion.
Anomalies de position du nez Il n'existe pas de nomenclature spécifique.
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É TIOLOGIE DES DYSMORPHIES MAXILLOMANDIBULAIRES Les malformations craniofaciales ne sont pas réellement des maladies, mais des déviations dans le cours d'un développement craniofacial normal. Leurs causes sont, dans la plupart des cas, multifactorielles et touchent plusieurs tissus à la fois. S'il est essentiel de les diagnostiquer, chez un enfant en période de croissance, de façon à diriger celle-ci correctement par des traitements orthopédiques et (ou) fonctionnels, il est également important d'établir, chez l'adulte, l'origine de la malformation afin de planifier un traitement adéquat tenant compte du risque éventuel de récidive. Les facteurs étiologiques peuvent être répartis en trois grands groupes : facteurs héréditaires, facteurs fonctionnels ou environnementaux et facteurs spécifiques.
Facteurs héréditaires Les ressemblances familiales dans l'arrangement des dents et dans le contour facial sont bien connues, et l'hérédité a toujours été citée comme facteur important influençant le développement du complexe craniofacial. Son rôle exact a été le sujet de grands débats, depuis le début du siècle, et de nombreuses études ont été entreprises. L'observation longitudinale de jumeaux monozygotes (univitellins) et dizygotes, se développant dans un même environnement, est un moyen classique de déterminer la part à attribuer logiquement à l'hérédité [26]. Les monozygotes ont la même garniture chromosomique et un génotype identique. Toute différence phénotypique résultera donc de l'influence du milieu, alors que chez les jumeaux bivitellins, qui sont issus de la fécondation de deux oeufs par deux spermatozoïdes, les différences proviennent aussi bien de l'environnement que de l'hérédité. Si certaines limites ont été décelées dans ces travaux, provenant essentiellement des variations dans le milieu, même pendant la vie intra-utérine, ils ont également montré un degré de similitude indéniable dans la formation des structures, des régulations et dans la détermination du comportement physiologique des jumeaux [32]. Selon Lundstrom [25], l'héritabilité semble être plus grande dans les dimensions faciales antéropostérieures que dans les dimensions verticales. Elle paraît être encore plus
importante dans les cas de promandibulie [23]. Un tiers des enfants présentant ce type de malformation possède au moins un parent avec le même morphotype. Un étude détaillée de paramètres mandibulaires a montré également une grande ressemblance dans les couples mère-fille et père-fils [43]. Enfin, selon Proffit [34], à l'exception des promandibulies, les variations faciales et squelettiques seraient dues autant à des facteurs liés à l'hérédité qu'à l'environnement.
Influences fonctionnelles (environnementales) Mastication Pour comprendre le rôle de la mastication dans la croissance craniofaciale, il suffit d'observer les effets d'une nutrition fibreuse primitive sur la dentition. La musculature est davantage stimulée, les arcades dentaires sont plus larges et les abrasions fréquentes sur les dents. Dans les malformations craniofaciales de type hyperdivergent ou « face longue », les dents postérieures montrent une suréruption, la mandibule fait une rotation vers l'arrière et vers le bas créant souvent une béance antérieure (fig 20). On pourrait alors penser que la force masticatrice est insuffisante et qu'elle est le facteur responsable de cette dysmorphie. Ou alors, inversement, la malformation influencerait-elle la tonicité musculaire ? Il a été démontré récemment que les forces occlusales pendant la déglutition, la mastication et en pression maximale, varient de façon significative entre les types faciaux hyperdivergents (faces longues) et les types harmonieux [36]. La même étude, chez les enfants, ne montre pas cette différence [35] qui apparaît donc au moment de la puberté, et qui tend à prouver que les variations de force de mastication sont plus un effet que la cause de la malformation. Après les changements squelettiques importants obtenus par la chirurgie orthognathique, les forces occlusales se modifient de façon diverse. Une ingression du maxillaire effectuée pour corriger une béance, provoque une augmentation de cette force, mais pas systématiquement, alors qu'après avancement ou recul mandibulaire, elle peut aussi bien diminuer qu'augmenter [38]. Il est donc vraisemblable, qu'à l'exception des dystrophies musculaires et de certains syndromes avec aplasies musculaires, la force exercée par les muscles masticateurs ne joue pas un rôle primordial dans l'étiologie des malformations dentofaciales.
Respiration Le mode de respiration influence la posture de la langue, de la mandibule et de la tête dans une moindre mesure, raisons pour lesquelles, elles devraient jouer un rôle dans la croissance craniofaciale. Un enfant respirant principalement par la bouche abaisse sa langue et sa mandibule en versant légèrement la tête vers l'arrière, ce qui devrait avoir pour effet une suréruption des dents postérieures, une rotation vers le bas et l'arrière de la mandibule, la formation d'une infraclusie antérieure et parfois une endomaxillie (fig 21). Si c'est effectivement ce que l'on peut observer dans de nombreux cas, la relation n'est pas si clairement admise de nos jours. Une première hypothèse suggérant un changement de posture de la tête après obstruction nasale a été vérifiée par Vig [47] qui a mesuré une rotation de 5° de l'angle craniovertébral, et un retour immédiat à la normale après élimination de l'obstruction. La nouvelle posture adaptative de la tête altère les forces musculaires qui peuvent avoir un impact sur les structures dentaires et squelettiques [48]. Dans la réalité, il est difficile de trouver des cas d'obstruction nasale complète bien documentés. En comparant le pourcentage de respiration nasale/buccale sur un groupe de patients « normaux » et un groupe hyperdivergent, Fields [11] observa qu'un tiers des patients porteurs d'une « face longue » avaient moins de 50 % de respiration nasale, alors qu'aucun des patients avec visage équilibré n'atteignait ce faible degré de respiration nasale. Des amygdales trop développées, des végétations hypertrophiques ou des allergies nasales chroniques perturbent la respiration nasale et doivent logiquement influencer la croissance de la face. Linder-Aronson [21] l'a confirmé en relevant que si, statistiquement, on notait une différence dans la hauteur faciale antérieure et l'angle du plan mandibulaire avec les autres plans crâniens entre un groupe d'enfant au visage équilibré et un groupe nécessitant l'ablation des végétations, celle-ci était petite. Après adénoïdectomie, les
respiration buccale, qui n'est pas présente chez tous les patients hyperdivergents, n'est pas systématiquement un facteur étiologique, mais qu'elle peut éventuellement contribuer au développement de malformations craniofaciales.
Déglutition On a souvent accusé la langue d'être responsable de béances dentaires en invoquant l'influence de la fonction sur la forme, notamment lorsque le patient interpose sa langue entre ses dents pendant la déglutition. En réalité, il semble établi à présent que la position de repos des tissus mous avoisinants soit plus importante que leurs mouvements actifs, qui sont de trop courte durée pour influencer les structures squelettiques et dentaires de façon significative [33]. Le passage d'une déglutition infantile à une déglutition adulte peut avoir lieu à 3 ans déjà, mais en général, il s'opère autour de 6 ans et 10 à 15 % de la population ne l'acquiert jamais. Lorsqu'un adulte interpose sa langue à la déglutition, il ne s'agit pas d'une véritable persistance de la déglutition infantile, qui n'existe que chez les patients présentant des problèmes cérébraux et chez qui la partie postérieure de la langue ne joue pas de rôle. En réalité, lors de la transition d'une déglutition infantile vers une déglutition mature, l'enfant passe par un stade où l'activité musculaire sépare les dents postérieures, amène les lèvres ensemble et déplace la langue vers l'avant entre les dents. Si une béance dentaire ou un large surplomb sont déjà présents, souvent en raison d'une succion du pouce, il est plus difficile de fermer l'ouverture antérieure. Le rapprochement des lèvres l'une vers l'autre et la protrusion de la langue deviennent des adaptations physiologiques à la malocclusion. Lorsque la mauvaise habitude cesse, la béance a tendance à se fermer, mais la position de la langue est toujours entre les dents jusqu'à la fermeture complète de l'ouverture antérieure. D'autre part, si l'on considère que la déglutition ne dure que 1 seconde environ, et qu'un individu normal déglutit en moyenne mille fois par jour, le temps où la force est exercée est finalement très court. L'interposition de la langue pendant la déglutition semble donc plus un effet dépendant de la position des incisives, que la cause du déplacement de ces dernières. En revanche, la pression exercée par la langue, dans sa position de repos, joue certainement un rôle important sur le développement des mâchoires, étant donné sa durée [9] . Si la langue repose sur l'arcade inférieure, ou si elle est très basse dans le plancher buccal, elle ne développera pas suffisamment le maxillaire et formera une arcade inférieure très large avec souvent une occlusion croisée et une béance dentaire et squelettique. La thérapie myofonctionnelle, qui devrait pouvoir changer la posture de la langue et améliorer le développement craniofacial, n'a malheureusement pas montré de résultats probants, bien que des progrès aient souvent été rapportés dans le langage [37]. On a parfois tendance à mettre en relation une macroglossie et une promandibulie. En fait, les vraies macroglossies sont rares et modifient de façon certaine la morphologie (fig 22). Il s'agit, dans la plupart des cas, d'une adaptation de la posture de la langue à la forme très large de la mandibule, car lorsqu'on procède à un recul mandibulaire, la langue change de position et recule également.
Succion du pouce et autres mauvaises habitudes En règle générale, si la succion du pouce ne persiste pas au-delà de la dentition lactéale, les effets à long terme sont peu ou pas du tout significatifs. Encore une fois, il semble que la durée de la succion, plus que la force générée, soit le facteur décisif, les enfants qui gardent leur doigt en permanence dans la bouche présentent des malformations plus importantes. Si cette mauvaise habitude se maintient en denture permanente, des modifications importantes peuvent se manifester, comme une version vestibulaire des incisives supérieures, une version linguale des incisives inférieures, la formation d'un surplomb, d'une béance et souvent d'une occlusion croisée postérieure due à une constriction de l'arcade supérieure (endomaxillie). En effet, lorsque l'enfant place son pouce ou un doigt entre ses dents, il appuie sur les incisives supérieures vers l'extérieur et vers l'intérieur sur les incisives inférieures (fig 23). La mandibule est déplacée vers le bas et les incisives ne peuvent poursuivre leur éruption normale. Les dents postérieures étant séparées, elles peuvent librement égresser, et accentuer la béance antérieure. Durant la succion, les muscles buccinateurs se contractent, augmentant la pression des joues. Le
rétablit et les dents reprennent une position correcte. La seule malocclusion qui aura tendance à persister est l'occlusion croisée postérieure (fig 24), qu'il s'agira alors de corriger par des moyens orthopédiques. D'autres habitudes pernicieuses comme se mordre la lèvre, ou l'aspirer, ont des effets plus dentaires que squelettiques et à caractère passager si on peut les arrêter à temps. De même, un décubitus latéral ou ventral durant le sommeil ne peuvent suffire à expliquer une asymétrie mandibulaire ou une rétromandibulie. Il faut en effet des contraintes beaucoup plus prolongées pour modifier de façon notoire la direction de croissance des mâchoires d'un individu.
Causes spécifiques Anomalies congénitales La plupart des tissus de la face et du cou, dont les muscles et les os, ont une origine ectodermique, alors que, dans le reste du corps, ils dérivent du mésoderme. Il proviennent donc des cellules de la crête neurale qui ont migré caudalement le long du tube neural sous la surface ectodermique [17]. Ensuite se forment les centres de croissance régionaux, les différents organes et la différenciation finale des tissus. En fonction du stade de développement auquel elles apparaissent, les anomalies de formation du squelette craniofacial peuvent constituer des tableaux cliniques très variables [13] dont certains présentent une dysmorphie maxillomandibulaire. Celle-ci peut intéresser l'os alvéolaire, comme dans les fentes alvéolomaxillaires par exemple, une partie d'une base osseuse, comme dans le syndrome de Binder (hypoplasie des maxillaires), une base osseuse dans sa totalité, comme dans le cas d'une fente palatine, les deux bases osseuses, voire l'ensemble du squelette facial, comme dans le cas d'une microsomie hémifaciale [46], d'un Treacher Collins [44], voire d'un syndrome de Crouzon. Cette liste n'est pas exhaustive. Quoi qu'il en soit, la prise en charge des dysmorphoses maxillomandibulaires associées à ces malformations se rapproche du plan de traitement des dysmorphoses maxillomandibulaires les plus fréquentes.
Traumatismes Traumatismes prénatals Des déformations de la tête peuvent provenir de pressions exercées sur la face en période de croissance rapide « in utero ». C'est le cas du syndrome ou séquence de Pierre Robin, lorsque la tête du foetus est comprimée contre sa poitrine, empêchant un développement normal de la mandibule. À la naissance, en plus d'une microrétromandibulie, on observe habituellement une fente palatine. En effet, la langue poussée cranialement s'interpose entre les bourgeons maxillaires et empêche la fermeture normale du palais. L'utilisation de forceps durant l'accouchement est de moins en moins fréquente et semble n'avoir été responsable de malformations mandibulaires par traction sur les articulations temporomandibulaires qu'en de très rares occasions.
Traumatismes postnatals Durant la période de croissance postnatale, toute atteinte des zones responsables de la croissance est susceptible de créer ou d'aggraver certaines malformations. La croissance cartilagineuse du septum nasal est un élément important dans le développement postéroantérieur du maxillaire , comme l'a confirmé une étude sur les fractures du septum nasal durant l'enfance [41]. Les fractures du processus alvéolodentaire peuvent aussi perturber un développement symétrique dans le plan d'occlusion (fig 25). Le col du condyle est une zone de faiblesse de la mandibule. Ses fractures sont fréquentes chez l'enfant, et ne sont pas toujours diagnostiquées [39]. Il est établi que la croissance
cartilagineuse du condyle est surtout un phénomène adaptatif à la poussée vers l'avant des tissus voisins. Lund a démontré également qu'il existe, chez l'homme, un potentiel de régénération du condyle sans effet négatif sur la croissance [24]. Cette dernière est toutefois perturbée si une limitation de la mobilité mandibulaire s'installe.
Acromégalie L'acromégalie est due à une production excessive d'hormone de croissance provoquée, chez l'adulte, par un adénome hypophysaire. La croissance des condyles (hyperplasie condylienne), des mains, des pieds et des arcades sourcilières augmente, donnant un aspect typique au patient (fig 26). Après exérèse de la tumeur, la croissance s'arrête, mais la malformation acquise reste à corriger. Chez des individus normaux, d'autres formes d'hyperplasie condylienne peuvent se développer unilatéralement. Elles ont été décrites par Obwegeser et Makek, qui ont différencié les hyperplasies hémimandibulaires, des élongations hémimandibulaires et des formes hybrides [31].
Troubles musculaires Le torticolis congénital, provoqué par une contraction excessive unilatérale des muscles du cou (surtout le sterno-cléido-mastoïdien), peut entraîner une asymétrie faciale sévère. À l'opposé, des faiblesses musculaires sont associées à certains syndromes (dystrophie myotonique), et provoquent généralement une croissance verticale excessive et une béance osseuse et dentaire (fig 27).
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DÉ CISION THÉ RAPEUTIQUE
Place du fonctionnel et de l'esthétique Généralités « La différence des esprits des hommes est aussi prodigieuse en eux que celle de leurs visages, qui font goûter aux uns les choses de spéculation, et aux autres celle de pratique » peut-on lire dans le préambule de La Bruyère à l'étude des Caractères. La chirurgie intéresse les caractères qui privilégient la pratique et, dans le domaine orthognathique, cette préoccupation a favorisé historiquement le développement des notions de chirurgie fonctionnelle ; le rétablissement d'une cinétique et d'une statique maxillomandibulaire normale, ainsi que l'optimisation de la ventilation, de la déglutition et de la phonation ont longtemps été considérés comme le but ultime. Par opposition, les préoccupations esthétiques étaient considérées comme plus futiles, voire bannies par l'autorité morale et religieuse (Tagliacozzi, au XVIe siècle, est condamné par l'Église pour « intromission répréhensible dans l'oeuvre du Créateur »), et une certaine opposition entre ces deux conceptions (esthétique et fonctionnelle) était perceptible [8]. Cette dichotomie est compréhensible, car le concept de base entre chirurgie fonctionnelle et chirurgie esthétique est fort différent. Fondamentalement, la chirurgie fonctionnelle est animée par une volonté égalitaire ; elle
vise à gommer les « anormalités » par trop flagrantes afin de rendre au patient une place dans la « normalité », alors que la réflexion esthétique est élitaire, visant à faire d'une structure normale et fonctionnelle une structure normale, fonctionnelle et belle. Pour concilier ces deux impératifs, certains chirurgiens adoptant un mode de pensée issu de l'architecture et du design industriel ont pu penser que la seule réussite fonctionnelle était suffisante, garante en elle-même de l'harmonie des formes, et qu'une réflexion esthétique supplémentaire était superflue. Si la notion de fonction normale est relativement aisée, en ce qu'elle ne doit pas être pathogène [1], la norme de l'esthétique, elle, est beaucoup plus ardue à définir : souvenons-nous du jugement de Pâris qui a entraîné la Guerre de Troie. D'autres enfin, craignant que l'adjectif « esthétique » entraîne une assimilation à la chirurgie dite esthétique, préfèrent parler d'harmonie. Pour Hegel [15] , l'harmonie représente d'une part la totalité des côtés essentiels, et d'autre part la suppression de leur opposition pure et simple, ce qui a pour effet de créer en un lien interne, un facteur de leur unité. Cela est parfaitement applicable lorsque les ostéotomies ont pour but de régulariser les « anomalies » verticales, transversales ou sagittales, mais cette définition est insuffisante pour englober tous les aspects de « l'esthétique ». Pour le chirurgien maxillofacial, en plus de l'harmonie de ces différentes proportions, il faut prendre en compte la ligne du sourire, la position de l'incisive centrale dans le stomion, la position des canthi, la projection des malaires, le drapé des tissus mous et prévoir les effets, soit vieillissants, soit rajeunissants des déplacements osseux verticaux. Vers 1970, Petrus Camper [12], artiste anatomiste hollandais, décrit l'angle facial qui depuis portera son nom. Ses objectifs étaient triples : caractériser la différence entre les races, étudier la beauté des statues grecques considérées comme un absolu, et décrire une méthode de dessin des visages. À ces différents titres, il est donc le père de l'anthropologie raciale et de l'analyse céphalométrique. Déjà on peut voir que l'opposition entre fonction et esthétique s'estompe. En effet, l'analyse céphalométrique qui dicte la réalisation chirurgicale à visée fonctionnelle, est issue de préoccupations concernant le beau, son idéal et de son rapport avec le divin. Depuis cette époque, la recherche d'un critère universel de beauté, d'une règle d'or, a présidé à l'élaboration de toutes les analyses céphalométriques et esthétiques. Malheureusement, ces tentatives de rationalisation du beau sont nécessairement incomplètes, voire illusoires. En effet, de nombreux visages perçus comme agréables, voire beaux, n'entrent aucunement dans ces normes prédéfinies, ce qui explique la multiplicité des analyses. La réflexion théorique des philosophes sur l'esthétique peut nous aider à le comprendre. Pour Kant [10], le sentiment de la beauté, et le plaisir esthétique qui l'accompagne, naissent d'une libre association de l'imagination. Ce jeu associatif est pleinement libre en ce qu'il n'obéit à aucune règle. Tout se passe cependant comme s'il suivait une certaine logique, comme s'il existait selon la formule même de Kant, une « légalité du contingent ». Pour nous, médecins, les analyses esthétiques et céphalométriques sont une tentative d'expression de cette légalité, mais il est bon de se souvenir, au moment du tracé, que l'accord entre les contingences esthétiques et l'imagination du praticien est libre. Est-ce que l'étude de ces règles et de ces proportions est inutile ? Une fois encore les notions fonctionnelles viennent se surajouter et complètent la notion purement visuelle. En effet, elles introduisent la nécessité de permanence du résultat. L'esthétique en général, et à plus forte raison celle d'un visage, est sujette au vieillissement et comme elle naît d'un libre mariage, elle est sujette à des fluctuations du goût, à des variations de la mode. Un exemple intéressant nous est donné par la « poupée Barbie » qui, en 40 ans d'existence, a subi plusieurs modifications de son profil et cela au gré des modes et au fil de l'évolution des idées (fig 28). Par opposition, la permanence de la fonction, elle, est indiscutable : l'appréciation d'une cinétique mandibulaire correcte ou une respiration diurne et nocturne non pathogène sera la même sur les cinq continents. Pour ces raisons, le chirurgien doit assurer la stabilité des résultats obtenus, et cette permanence découle plus de l'analyse, du diagnostic et du plan de traitement que des méthodes chirurgicales mises en oeuvre. D'autre part, ces différentes analyses sont des outils de connaissance et d'enseignement. Elles sont les instruments permettant de réfléchir sur un visage, aussi bien en vue de planifier une opération que sur le sentiment laissé par une vision fugitive et quasiment photographique d'un visage aperçu dans la foule. Delaire a créé la notion d'analyse architecturale [6]. Le tracé du plan de la face est aussi essentiel pour le chirurgien que le plan d'une construction l'est à l'architecte. Pour Le
Corbusier [18], « le plan est générateur, sans plan il y a désordre, arbitraire ». On peut en conclure que l'intégration des différentes conceptions fonctionnelles et esthétiques nous met à l'abri de l'arbitraire, ce qui paraît essentiel pour assurer au patient une constance dans le résultat, au-delà de toute considération de prise en charge par les assurances maladie ou sociales. Il nous paraît donc faux, désormais, d'opposer fonction et esthétique, ces deux aspects de la chirurgie orthognathique devant être pris en considération pour l'établissement du plan de traitement. En 1963 déjà, Obwegeser relevait des indications fonctionnelles et esthétiques pour améliorer, voire résoudre des problèmes d'ordre psychologique et sociaux [30]. Aujourd'hui, il paraît aussi faux de planifier, pour des raisons esthétiques, un recul mandibulaire qui risque de décompenser un syndrome d'apnée obstructive du sommeil, que d'ignorer les bénéfices esthétiques d'une ostéotomie de type Le Fort I d'avancement là où un recul mandibulaire provoquerait l'apparition d'un double menton. Le respect des principes qui précèdent et de la place de l'esthétique en chirurgie orthognathique peut s'appliquer aussi au traitement des séquelles de traumatisme. Pour exemple, l'histoire de cette jeune femme, victime d'un grave accident de la circulation à l'étranger. En raison de l'importance des lésions craniofaciales, elle séjourne 18 jours en unité de soins intensifs avant de pouvoir être transférée dans notre hôpital. L'examen clinique et radiologique révèle un traumatisme panfacial, associant des fractures crâniennes à un hémi-Le Fort III droit, une fracture comminutive de la branche horizontale gauche de la mandibule et une fracture disloquée du col du condyle droit. La réduction et l'ostéosynthèse rigide des cadres orbitaires, de l'arcade zygomatique droite et des piliers de la face est réalisée par voies coronale et endobuccale. La branche horizontale de la mandibule est réduite et ostéosynthésée par une plaque lourde. Six mois plus tard, on note une latérodéviation vers la droite du tiers moyen et du tiers inférieur de la face (fig 29). Des considérations purement fonctionnelles nous auraient conduits à corriger cette désaxation par une ostéotomie de type Le Fort I de réalignement avec positionnement de la ligne médio-incisive sur la ligne médiane du visage. L'analyse clinique et céphalométrique révélant un profil convexe avec rétrogénie, et un excès de recouvrement incisif supérieur, nous a conduits à réaliser une ostéotomie de type Le Fort I de symétrisation et d'avancement de 6 mm. On complète le mouvement par un léger abaissement pour faire apparaître les dents dans le stomion. Une ostéotomie sagittale bilatérale des branches montantes permet l'adaptation mandibulaire et une génioplastie d'avancement rend le visage moins convexe. Avec plus de 2 ans de recul, cette indication qui tient compte de considérations esthétiques plus complètes satisfait pleinement la patiente et le chirurgien (fig 30).
Forme et fonction dans la décision thérapeutique Forme et fonction sont des notions qui restent continuellement à l'esprit du médecin pour l'influencer dans sa décision thérapeutique.
Fonction Le patient peut se présenter en consultation avec des motivations d'ordre fonctionnel s'il a déjà été influencé par un autre spécialiste. Il peut s'agir de dysfonctions articulaires temporomandibulaires, de dysfonctions musculaires, de problèmes parodontaux avec l'angoisse de l'édentation ou alors, de façon plus spécifique, de ronflements, voire d'un véritable syndrome d'apnées obstructives du sommeil. Il faut noter que les motifs basés sur des problèmes digestifs ou proprement masticatoires, sont relativement rares, sauf dans les séquelles de traumatisme [16]. Souvent, le côté fonctionnel est un problème bien compris par les patients, lorsqu'ils ont été motivés correctement par l'orthodontiste qui leur a fait comprendre que les désordres dans l'alignement dentaire n'étaient que l'émergence de l'iceberg, que le problème est plus « profond », touchant la base des maxillaires. Lorsqu'un traitement combiné orthodonticochirurgical a été présenté correctement d'emblée aux patients, les motivations fonctionnelles sont évidentes pour ces derniers .
Forme
Si la première consultation est motivée par des considérations esthétiques, elle est en général perçue, par le ou la patiente, comme une disgrâce localisée : un nez trop long, un menton trop court, des dents trop apparentes (fig 31) ou des lèvres trop « pincées ». Plus rarement, la demande est d'emblée plus globale, parfois même induite par l'entourage, elle est alors beaucoup moins précise . Le chirurgien doit d'abord comprendre la démarche et sa relative subjectivité. Il faut ensuite aider le patient à intégrer cette anomalie dans l'équilibre de son propre visage, et enfin s'appuyer sur des critères objectifs, proportionnels et statistiques pour lui faire comprendre le bien-fondé du traitement qui sera proposé, sans pour autant tomber dans le complexe de Pygmalion et transformer chaque patient plus qu'il ne le souhaite. La décision s'appuie donc sur la position de la face par rapport au crâne, puis l'étude des trois étages dans les trois plans de l'espace. À cette première analyse, on ajoutera une appréciation des parties molles et des reliefs faciaux, nez, pommettes et menton. La place des arcades dentaires et le rapport avec les lèvres est une des clés de cette étude. Cette analyse esthétique doit s'attacher à comprendre et à harmoniser le langage du visage que l'on examine, c'est-à-dire son expression au repos et en fonction [2]. C'est donc au moyen de cette analyse clinique morphologique, appuyée par des photographies, avec éventuelle simulation informatique, des radiographies avec analyse céphalométrique et une étude des fonctions occlusales avec moulages dentaires sur articulateurs, que se dessinera le plan de traitement à proposer. Une éventuelle simulation informatique peut apporter une aide à la planification du traitement, mais il n'est pas conseillé de donner au patient des images obtenues de cette façon et qui pourraient, par la suite, créer certains conflits face au résultat obtenu. Il faudra encore tenir compte du sexe, de l'âge, de l'avis du patient, et parfois même de celui de son entourage, voire du morphotype de son groupe familial ou social. Nous considérons comme important de conserver l'image de l'origine ethnique du patient, en respectant la typologie de groupe, aussi bien que la typologie individuelle (fig 32). C'est dans ce sens que la chirurgie d'une dysmorphose doit viser l'obtention d'une harmonie et d'un équilibre facial tels que l'on ne puisse distinguer ce qui a été opéré, et que le patient « transfiguré » fonctionne maintenant correctement. Selon Baud [2], le but ultime doit tendre vers une beauté qui allie « la précision, la symétrie, la coordination et la structure fonctionnelle ». En somme, la chirurgie des dysmorphoses ou chirurgie orthognathique doit combiner le confort masticatoire, la normalisation des fonctions respiratoires et digestives avec l'amélioration de l'esthétique et de l'image de soi. Il est possible parfois même de modifier l'aspect de vieillissement précoce d'un visage et de s'approcher ainsi de Le Riche (citée par Thomas) : « La chirurgie peut être un acte d'autorité sur le destin » [45].
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INFLUENCES PSYCHIQUE, SOCIALE ET AFFECTIVE DE LA DYSMORPHOSE ET DE SA CORRECTION
Inclure ou exclure un sujet dans un programme opératoire Le propos de ce paragraphe n'a pas la prétention de fournir au lecteur une série de critères dont la sommation permettrait d'inclure ou d'exclure des sujets d'un programme opératoire. Bien qu'un tel outil de travail corresponde certainement à l'attente de bien des thérapeutes, on ne peut réduire une décision opératoire à l'énumération sèche de critères auxquels on répondrait par « oui » ou par « non » et en en faisant, finalement, la sommation. Toutefois, il paraît plausible de retenir des points constituant des « facteurs de risque psychologique » risquant de compromettre le résultat final. La notion de contrat thérapeutique paraît plus adéquate à travailler pour savoir comment introduire un tel partenariat. Les critères auxquels il est fait allusion précédemment n'interviennent alors qu'à titre d'évaluation des moyens du patient. En repérant ainsi les lignes de force et de faiblesse psychiques, mais aussi sociales et affectives, on se place d'emblée dans une analyse globale du sujet. Plusieurs points, nécessaires à la réalisation de cette dernière, seront examinés comme suit : l'appréciation de la demande d'intervention et des espoirs mis en ces résultats ;
les moyens à disposition permettant d'affronter tant le pré- que le postopératoire ; le travail intérieur d'acceptation du patient ; enfin, ce sont des aspects, plus philosophiques, liés à la transformation de l'image de soi, qui seront évoqués.
Demande et attentes du patient Dans la démarche du patient existent deux types de demande. La demande explicite concerne généralement des problèmes fonctionnels, par exemple d'occlusion dentaire. Elle a l'avantage d'être tout à fait claire et précise et de correspondre assez bien aux compétences du chirurgien. Mais ce peut être l'arbre qui cache la forêt. En d'autres termes, il y aurait une demande implicite non formulée et qui serait d'améliorer, voire de réparer quelque chose. Il peut s'agir là d'aspects n'ayant aucun rapport avec ce qui a motivé la démarche initiale. Le problème fonctionnel objectivé devient un prétexte, sans pour autant que le patient en ait conscience. Apparaît alors le fossé séparant les attentes réalistes des attentes irréalistes. Qui dit irréalistes, ne dit pas pour autant illégitimes, mais il s'agit bien là d'un défaut d'orientation thérapeutique, conséquence directe de l'incapacité qu'a le patient à pointer, et mettre en mots, certains de ses besoins primordiaux. C'est de toute évidence cette défaillance du patient qui l'incite à se référer au caractère magique et tout-puissant du chirurgien. Si ce dernier n'est pas attentif à cela, il prend le risque de l'échec du programme. Autant il aura été idéalisé, autant la chute du piédestal sera dure et lourde de conséquences. C'est probablement dans ce cadre-là que se constituent ces attitudes sinistrosiques, revendiquantes et procédurières que l'on peut observer. L'écart entre les plaintes subjectives du patient et la satisfaction du chirurgien est le reflet fidèle de l'écart séparant la demande explicite de la demande implicite non décodée préalablement.
É clairage complémentaire Dans certaines situations, pas dans toutes bien entendu, mais plutôt celles où le chirurgien perçoit un malaise face à une demande manquant de clarté, un éclairage complémentaire devient alors indispensable. La réalisation de ce dernier devrait être envisagée sous la forme d'une consultation conjointe, avec un psychiatre ou un psychologue, de façon à effectuer une lecture simultanée, et non consécutive, des propos du patient. Effectivement, le discours d'un individu a la caractéristique de changer en fonction de l'interlocuteur. D'autre part, les questions qui suscitent ce discours changent en fonction de l'interlocuteur. Une observation consécutive fournira alors deux images qu'il sera difficile, la plupart du temps, de faire coïncider. Il s'agit donc bien de confronter deux lectures du même « morceau » et non pas de deux « morceaux » différents. L'écueil à ce type de pratique est en général l'indisponibilité respective des thérapeutes, mais aussi le manque manifeste d'intérêt de l'un pour la discipline de l'autre. En revanche, un tandem ayant l'habitude d'une telle pratique peut améliorer la qualité du résultat en mettant plus l'accent par exemple sur la préparation préopératoire et le travail de la motivation du patient. L'avantage qu'a le psychiatre dans une telle pratique est de ne pas être partie prenante dans la transaction thérapeutique, son rôle se bornant à fournir ce fameux éclairage complémentaire. La mise au jour de la demande implicite, et des attentes irréalistes, permettra d'en discuter plus sereinement que dans le cadre d'une déception postopératoire. Il appartiendra au chirurgien de maintenir ou non sa proposition thérapeutique, mais alors en connaissance de cause.
Difficultés de la chirurgie réglée À la différence de la chirurgie d'urgence, la chirurgie réglée s'adresse à un sujet sain, en tout cas subjectivement sain, et par conséquent dont la vie n'est pas menacée. Ses attentes vis-à-vis du thérapeute peuvent être claires, il n'en demeure pas moins que sa
l'hôpital, gérait de façon autonome tous les aspects de sa vie. Entrer en milieu hospitalier, c'est abandonner le contrôle nécessaire à la bonne gestion de son existence. Il devient alors impératif de s'en remettre aux thérapeutes et de leur faire confiance. En situation aiguë, une rupture s'est produite dans le déroulement de la vie du patient, qui l'a conduit à être hospitalisé. Cette rupture représente une menace à plusieurs niveaux, tant somatiques que psychiques, l'incitant à abandonner un contrôle qu'il ne peut plus exercer, du fait de l'atteinte de son intégrité. Le mécanisme de régression est alors automatique chez la plupart des sujets, hormis chez certains, particulièrement anxieux et ne supportant pas un abandon du contrôle par trop menaçant. Pourtant, dans l'état de la chirurgie réglée, il est tout aussi nécessaire que le patient s'en remette à son thérapeute et abandonne le contrôle auquel il est fait allusion précédemment, faute de quoi les thérapeutes n'auront jamais le sentiment d'avoir les pleins pouvoirs pour exercer leur art. Cette situation inconfortable est souvent à l'origine d'échecs thérapeutiques, tout au moins de complications fâcheuses. Dans les situations délicates, le succès de l'entreprise pourra largement dépendre du climat entretenu par les équipes soignantes. Il s'agit, ni plus ni moins, des sentiments de bienveillance qu'éprouvera le patient et qui évitera de susciter chez lui des fantasmes menaçants, voire persécutoires, caractéristiques des climats d'insécurité et de stress. Il y a donc une grande disponibilité à avoir vis-à-vis de ces malades, qui ne sont pas comme les autres, mais qui sont en passe de le devenir. Il n'y a en cela aucune suspicion d'iatrogénie quelconque, car il s'agit bien de la fragilité du sujet et de ses mécanismes de défense nécessaires à sa survie. S'il se sent menacé, d'une façon ou d'une autre, ces mécanismes deviendront actifs, ce qui sera dommageable à la relation thérapeutique.
Travail d'acceptation du traitement Il y a donc un travail de préparation, permettant l'élaboration du contrat thérapeutique, au cours duquel le patient s'appropriera le projet du thérapeute. C'est à cette occasion qu'il peut vivre son ambivalence vis-à-vis de l'intervention. Pour ce faire, il doit bénéficier de la « souhaitable bienveillance » du ou des thérapeutes, tant il est difficile d'accepter certaines valses-hésitations de patients qui marchandent comme pour essayer d'obtenir le même résultat à moindre investissement. On entendra des phrases du style « est-ce bien nécessaire de faire toute cette préparation orthodontique ? », comme si c'était par jeu, voire par malveillance, que l'on demandait au patient un tel parcours. Mais il peut aussi manifester de la colère et devenir agressif en demandant au thérapeute s'il est bien sûr de ce qu'il fait, ou s'il est réellement nécessaire d'opérer. Cette tendance à vouloir transformer le thérapeute en demandeur de l'intervention, sous prétexte qu'il exige des conditions pour le faire, montre bien la nécessité d'être vigilant, afin de ne pas exproprier le patient de la responsabilité à l'adhésion au projet thérapeutique. Ces phénomènes, lorsqu'on les observe, constituent bien la preuve du « travail intérieur d'acceptation des tenants et aboutissants de l'intervention ». Il s'agit de mécanismes identiques à ceux du travail de deuil, si bien décrits par Elisabeth Kübler-Ross. On peut dire que toute préparation à un changement important pour l'individu est susceptible de mettre en oeuvre ce type de travail. On peut parfois être trompé par une détermination sans faille de la part du sujet déclarant « c'est une intervention absolument nécessaire, de toute façon il n'y a pas le choix ». Cette clarté peut être une défense face au caractère trop pénible de l'ambivalence. Le piège est de prendre ces déclarations pour argent comptant et de se retrouver en postopératoire avec un patient mécontent, ce qui est un moindre mal, ou développant un trouble somatoforme douloureux, ce qui est beaucoup plus ennuyeux. C'est en évaluant préalablement la capacité d'adaptation du sujet, c'est-à-dire aussi son degré de rigidité psychique, que l'on peut, le plus adéquatement, adapter le programme thérapeutique proposé. Dans cette observation préalable, l'existence ou non de traits de personnalité pathologique au sens de la classification DSM (Diagnostic and statistical manual of mental disorders DSM III-R) doit inciter à la prudence. Il peut être même préférable de renoncer au geste opératoire, plutôt que de mettre le doigt dans un engrenage dangereux. Si l'anamnèse révèle de nombreuses relations conflictuelles avec le corps médical, ou des abandons en cours de thérapie, comme on le voit chez les patients borderline (personnalité limite), là aussi le thérapeute devra modérer son enthousiasme vis-à-vis d'une intervention techniquement sans problème. Il sera aussi important de savoir si le sujet demandeur a déjà effectué d'autres approches auprès de chirurgiens, en particulier concernant son aspect physique. Cela pourrait témoigner d'une grande difficulté à se vivre de façon satisfaisante, avec la tendance à surinvestir son image et son corps. Enfin, et dans une mesure non psychopathologique, c'est l'âge qui constituera un obstacle plus ou moins infranchissable. Effectivement, la tendance à l'amoindrissement des facultés d'adaptation des sujets, peut, ajoutée à des problèmes purement biologiques, compromettre la bonne marche et, par voie de conséquence, le résultat de l'opération.
En conclusion de ce paragraphe, nous pouvons dire qu'il semble plus sûr d'opérer un individu jeune, bien inséré socialement et satisfait de son existence, plutôt qu'un individu ayant dépassé la quarantaine et faisant état de problèmes psychosociaux, sans rapport avec l'objet pour lequel il consulte.
Aspects liés à la transformation de l'image de soi Si, dans la majorité des situations, le problème fonctionnel est apparemment au centre des préoccupations tant du patient que du chirurgien, la chirurgie produira les modifications au niveau de la physionomie. Ces transformations peuvent être préjugées comme étant positives ou négatives, ou ni l'une ni l'autre, tant il est parfois difficile d'évaluer le résultat. Dans la majorité des cas, les patients sont satisfaits de la transformation de l'image de soi, faisant état d'une vie relationnelle meilleure. La plupart du temps, les femmes se trouvent plus séduisantes et elles en constatent les effets. Le thérapeute peut alors se sentir doublement satisfait de l'issue opératoire. Il y aura cependant un aspect tout à fait paradoxal à envisager, qui est la difficulté inhérente à la perte de l'aspect disgracieux. Effectivement, s'agissant d'une amélioration de la physionomie, la tentation de croire que cela ne posera pas de problème d'adaptation est forte. Pourtant cette modification entraînera des changements importants dans les rapports avec autrui. Le fait qu'il s'agisse d'un élément positif ne gommera en rien les aspects plus complexes mis en lumière par la non-reconnaissance par autrui. Le changement de physionomie créera une surprise chez l'interlocuteur qui s'attendait à trouver un visage connu, et qui de ce fait ne reconnaît plus. La surprise produite par ce changement, n'échappera pas au patient et sera à même de jeter un doute sur le maintien de son appartenance à un groupe social. Le rationnel prendra bien évidemment le dessus, mais les émotions suscitées par de telles remises en question peuvent, selon la sensibilité et la vulnérabilité du patient, créer un désarroi qui tranchera avec le caractère positif du changement. Il peut résulter de cela des ruptures relationnelles autrefois investies. Il y a aussi un changement de rôle inhérent à ce changement de physionomie, le laid devenant beau, qui serait le laid à son tour ? Dans notre besoin de remplir des cases et de mettre des étiquettes, la lacune créée par cette modification de physionomie peut être lourde de conséquences en envisageant cet aspect sous l'angle systémique. En conclusion, si l'on peut parfois préjuger du caractère positif d'un changement de physionomie, il sera bien difficile de préjuger des conséquences sur l'environnement relationnel du patient. En cas de répercussions négatives, un travail de soutien peut être nécessaire, quand bien même le résultat est jugé, de part et d'autre, comme satisfaisant. En résumé, on peut dire qu'au-delà de l'aspect technique des choses, la qualité de la relation avec le patient est, plus qu'ailleurs, une condition indispensable au bon déroulement des différents stades pré- et postopératoires. Pour en savoir plus, le lecteur peut se référer aux articles traitant de la somatisation des Docteurs Rousset et Cathébras et, à propos des consultations communes, à l'article de C Degive [5].
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© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Visage harmonieux de face : les trois tiers du visage ont la même valeur.
Fig 2 :
Fig 2 : Visage harmonieux de profil (les plans horizontaux sont parallèles au plan de Francfort) (F).
Fig 3 :
Fig 3 : Plans de référence. 1. Frontal ; 2. horizontal ; 3. sagittal médian.
Fig 4 :
Fig 4 :
Profils ortho- trans- cisfrontaux. A. Cisfrontal. B. Orthofrontal. C. Transfrontal.
Fig 5 :
Fig 5 : Tiroirs schématisant les différents constituants de la face.
Fig 6 :
Fig 6 : Promandibulie.
Fig 7 :
Fig 7 : Progénie.
Fig 8 :
Fig 8 : Rétromaxillie.
Fig 9 :
Fig 9 : Rétromandibulie.
Fig 10 :
Fig 10 : Rétrogénie.
Fig 11 :
Fig 11 : Micromaxillie.
Fig 12 :
Fig 12 : Micromandibulie (profil d'oiseau).
Fig 13 :
Fig 13 : Macromandibulie.
Fig 14 :
Fig 14 : Biproalvéolie. A. Aspect squelettique. B. Aspect clinique.
Fig 15 :
Fig 15 : Classes d'Angle. A. Classe I. B. Classe II, division 1. C. Classe II, division 2. D. Classe III.
Fig 16 :
Fig 16 : Rétromandibulie avec progénie compensatrice. A. Téléradiographie de profil. B. Aspect clinique de profil.
Fig 17 :
Fig 17 : Face longue.
Fig 18 :
Fig 18 : Face courte.
Fig 19 :
Fig 19 : Asymétrie faciale.
Fig 20 :
Fig 20 : A. Téléradiographie d'une patiente de type hyperdivergent. B Tracé céphalométrique de la même patiente, montrant des valeurs verticales excessives dans le tiers inférieur de la face.
Fig 21 :
Fig 21 : A. Patient avec respiration nasale inférieure à 10 %. B. Tracé céphalométrique du même patient ; tous les plans craniofaciaux horizontaux divergent.
Fig 22 :
Fig 22 : Macroglossie.
Fig 23 :
Fig 23 : A. Succion de plusieurs doigts. B. Malocclusion engendrée par cette mauvaise habitude ; l'infraéruption des incisives est réversible dès son arrêt.
Fig 24 :
Fig 24 : Occlusion croisée bilatérale persistante chez un adulte ayant sucé son pouce pendant l'enfance ; aucun traitement d'orthopédie dentofaciale.
Fig 25 :
Fig 25 : Obliquité du plan d'occlusion chez un patient ayant subi un traumatisme sur les deux maxillaires dans son enfance.
Fig 26 :
Fig 26 : Acromégalie. A. Face. B. Profil.
Fig 27 :
Fig 27 : Retard mental, face longue, ptose des paupières et incompétence labiale chez une patiente présentant une dystrophie myotonique. A. Face. B. Profil.
Fig 28 :
Fig 28 : Poupée Barbie.
Fig 29 :
Fig 29 : Séquelle d'un grave traumatisme craniomaxillo-mandibulaire : asymétrie faciale. A. Face. B. Profil.
Fig 30 :
Fig 30 : Après correction orthognathique. A. Face. B. Profil.
Fig 31 :
Fig 31 : Disgrâces localisées. A. « Nez trop long ». B. « Dents trop apparentes ».
Fig 32 :
Fig 32 : Cas de la figure 31, après correction orthognathique : visages équilibrés conservant la typologie individuelle.
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-066-E-10
22-066-E-10
Chirurgie correctrice des malformations ou dysmorphies maxillomandibulaires : bases chirurgicales M Richter P Goudot F Laurent A Jaquinet L Bidaut
R é s u m é. – Dans ce troisième article concernant les dysmorphies maxillomandibulaires, après ceux qui traitaient des réflexions préopératoires, les auteurs posent les principes techniques de cette chirurgie correctrice. Avant l’incision, il est nécessaire d’envisager avec l’anesthésiste les particularités de la chirurgie orthognathique : proximité des champs d’action de chacun, difficultés éventuelles d’intubation, réduction du saignement, extubation et surveillance postopératoire. Ces impératifs ont aussi une influence sur l’installation des équipes chirurgicale et anesthésique. Les auteurs décrivent ensuite les trois interventions de base que sont l’ostéotomie sagittale de la mandibule, l’ostéotomie maxillaire type Le Fort I et la génioplastie. Pour chacune d’elles, les auteurs détaillent pas à pas la technique chirurgicale typique : préparation, voie d’abord, ostéotomie, mobilisation, contention et soins postopératoires. À propos de l’ostéotomie sagittale de la mandibule, l’accent est mis sur les complications pouvant survenir pendant et après l’intervention. À propos de l’ostéotomie du type Le Fort I sont détaillées les variantes qui concernent le dessin de l’ostéotomie, le positionnement du maxillaire et son retentissement sur les tissus mous faciaux. Si la génioplastie paraît plus simple que les techniques précédentes, elle pose en fait des difficultés en rapport avec l’orientation du trait d’ostéotomie et le positionnement du volume symphysaire. Les autres techniques chirurgicales, d’un usage moins fréquent, seront développées à l’occasion de leurs indications dans les articles ultérieurs.
Anesthésie en chirurgie orthognathique La population concernée par la chirurgie orthognathique est le plus souvent constituée d’adolescents et d’adultes jeunes, en bonne santé, ce qui facilite la réalisation de l’anesthésie. Les indications posées chez les sujets de plus de 40 ans, pour le traitement d’un syndrome d’apnée du sommeil par exemple, restent rares, quoique en développement, comme celles qui mettent face à une limitation de l’ouverture buccale. Les indications chez l’enfant sont elles aussi moins fréquentes et nous ne traiterons pas ici de leurs contraintes anesthésiques particulières [41]. En chirurgie orthognathique, anesthésiste et chirurgien doivent partager le même site interventionnel à proximité des voies aériennes supérieures et le dispositif d’anesthésie doit éviter totalement la cavité buccale, le contrôle peropératoire de l’occlusion restant la clé de cette chirurgie. L’installation doit donc être fiable et minutieuse d’emblée ; elle doit éviter à l’anesthésiste de devoir réintervenir dans le champ opératoire.
© Elsevier, Paris
Michel Richter : Chirurgien maxillofacial, privat-docent, chargé de cours à la faculté de médecine de Genève, chef de service. Patrick Goudot : Chirurgien maxillofacial, praticien privé à Annecy, médecin consultant à la faculté de médecine de Genève. François Laurent : Chirurgien maxillofacial, praticien privé à Annecy, médecin consultant à la faculté de médecine de Genève. Alexandre Jaquinet : Docteur. Luc Bidaut : Docteur, LFMI radiologie. Unité de chirurgie maxillofaciale, division de chirurgie réparatrice, hôpital cantonal universitaire, 24, rue Michell-du-Crest, CH 1211, Genève 14, Suisse. Toute référence à cet article doit porter la mention : Richter M, Goudot P, Laurent F, Jaquinet A et Bidaut L. Chirurgie correctrice des malformations ou dysmorphies maxillomandibulaires : bases chirurgicales. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-066-E-10, 1998, 24 p.
Phase préopératoire La consultation préopératoire anesthésique obligatoire, intervenant bien avant l’intervention, repose sur l’examen clinique du patient à la recherche de toute pathologie pouvant influer sur la conduite de l’anesthésie générale. Mais la chirurgie orthognathique soulevant deux problèmes qui, sans être spécifiques, lui sont inhérents (difficulté d’intubation et possibilité de saignement important), il faut les prévoir et les évaluer.
Difficulté d’intubation [10] Elle peut être due soit à une difficulté d’introduction du laryngoscope en présence d’une rétromandibulie ou d’une macroglossie, soit à une difficulté de visualisation de la glotte avec un laryngoscope en apparence bien introduit. L’interrogatoire, l’examen clinique et radiologique permettent de prévoir ces difficultés : – interrogatoire : incidents au cours d’une précédente anesthésie par exemple... ; – examen clinique du visage dans diverses positions : – sujet de profil, bouche fermée, la tête en hyperextension : la distance menton-cartilage thyroïde doit être supérieure à 6 cm ; – sujet assis, de face, bouche ouverte, langue tirée, examiner son oropharynx : moins les structures oropharyngées (luette, voile, piliers du voile) sont visibles, plus grandes sont les difficultés d’intubation [39] ; – un cou court et une rétromandibulie augmentent les difficultés d’intubation. Cette étude clinique est à compléter par l’analyse de la téléradiographie de profil [26] qui fait toujours partie du dossier chirurgical.
Compensation du saignement Elle est à prévoir pour les interventions longues et hémorragiques : ostéotomies maxillomandibulaires, ostéotomies maxillaires difficiles (ingression postérieure importante, séquelle de fente palatine). Elle se fait par autotransfusion ou hémodilution.
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CHIRURGIE CORRECTRICE DES MALFORMATIONS OU DYSMORPHIES MAXILLOMANDIBULAIRES : BASES CHIRURGICALES
Stomatologie
1 Tube préformé pour intubation nasotrachéale évitant la déformation du nez.
Les incidents et accidents par administration de produits sanguins, en particulier les contaminations virales par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites, ont conduit les prescripteurs à réviser leur stratégie transfusionnelle [16]. C’est ainsi que, à l’heure actuelle, on a recours soit à la transfusion autologue, soit à l’hémodilution normovolémique.
A
• Transfusion autologue par don programmé (TADP) [11]
La technique consiste à épargner le propre sang du patient par des prélèvements séquentiels réalisés 1 à 2 mois avant l’intervention. Ce sang est fractionné en concentrés globulaires et en plasma frais congelé qui est délivré au bloc opératoire le jour de l’intervention. Cette technique est uniquement de la compétence des établissements de transfusion sanguine et est définie, en France, par l’arrêté du 20 juin 1990 et la circulaire du 3 juillet 1990 [16]. Les modalités de réalisation de la TADP peuvent être différentes à l’étranger [55]. • Hémodilution
C’est une technique simple de routine pour les compensations hémorragiques de moyenne importance. On prélève du sang en salle de préanesthésie jusqu’à obtenir un hématocrite d’environ 30 % et l’on compense par un substitut de plasma pour maintenir une normovolémie. Ce sang conservé au bloc opératoire est restitué au patient en fin d’intervention si nécessaire. • Avantages
Ces techniques présentent de multiples avantages. Elles éliminent les risques de transmission d’agents infectieux ; elles limitent le risque de réactions immunologiques contre les antigènes érythrocytaires, leucocytaires ou plasmatiques ; elles suppriment les risques d’hémolyse par incompatibilité ; elles préviennent les futurs problèmes immunologiques comme les conflits fœtomaternels par exemple ; elles stimulent l’érythropoïèse, améliorent la perfusion tissulaire, voire diminuent l’œdème postopératoire. Les vraies contre-indications sont peu nombreuses : hémoglobinémie inférieure à 11 g/dL, états infectieux, sténose aortique, hypertension artérielle mal contrôlée, mauvaises voies veineuses périphériques. Grâce à ces techniques, nous n’avons plus pratiqué de transfusions homologues depuis 5 ans pour 750 ostéotomies.
Intubation En chirurgie orthognathique, l’intubation nasale est de règle, permettant seule au chirurgien d’accéder à l’ensemble de la cavité buccale et de contrôler l’occlusion pendant l’intervention. Si l’intubation sous contrôle de la vue ne pose pas de difficulté, elle a lieu sous anesthésie générale. Si on prévoit une intubation difficile, il faut la réaliser sur un patient ne dépassant pas un certain stade de sédation (le sujet doit être somnolent mais « réveillable »). Après 3 à 4 minutes de « préoxygénation », les produits sédatifs étant injectés, on peut procéder à l’intubation et introduire la sonde sur un guide souple ou à l’aide d’un fibroscope [52]. La sonde d’intubation ne doit pas se déformer ni déformer le visage. On utilise soit une sonde armée ne s’écrasant dans aucune position mais plus difficile à mettre en place, soit une sonde préformée, coudée vers le haut [33] (fig 1), évitant ainsi de déformer le nez. Parfois, la longueur entre son extrémité et la coudure peut s’avérer trop courte, imposant de changer cette sonde, ou trop longue, entraînant le risque d’une intubation bronchique sélective. Fixée sur la ligne médiane, elle doit préserver l’accès aux régions orbitaires (fig 2A). La fixation classique par adhésifs est souvent gênante pour le chirurgien et se décolle en cours d’intervention. On peut lui préférer une fixation à la cloison par fil transfixiant. Cette sonde doit être solidement raccordée au filtre et aux tuyaux du respirateur. En effet, tout débranchement peropératoire est masqué par les champs, interrompt l’intervention et compromet l’asepsie du champ opératoire. Il faut veiller à ce que le filtre, placé entre sonde et tuyaux, n’appuie pas directement sur le front et interposer un coussinet de mousse ou des compresses afin d’éviter une souffrance cutanée (fig 2B). page 2
B 2
Installation du tube. Le coussinet de mousse protège la peau du front. A. Vue de face. B. De profil.
Avant d’installer les champs, il faut vérifier la liberté de mouvements de la tête et s’assurer que ceux-ci ne modifient pas la position de la sonde d’intubation ni n’induisent une plicature de celle-ci. Exceptionnellement, l’association d’une rhinoplastie à l’ostéotomie de mâchoire impose le changement d’intubation en cours d’anesthésie, le passage d’une intubation nasopharyngée à une intubation oropharyngée nécessitant des précautions supplémentaires. La protection des voies aériennes supérieures peut voir s’opposer les impératifs du chirurgien et de l’anesthésiste. La mise en place d’un tamponnement pharyngé permet en effet d’améliorer la stabilité de la sonde et d’éviter l’accumulation de sang et de liquide de lavage dans l’oropharynx, avec risque d’inhalation. En revanche, ce tamponnement provoque une propulsion du massif lingual, gênant le geste chirurgical et le blocage maxillomandibulaire peropératoire, et des douleurs pharyngées postopératoires. Ainsi, à ce tamponnement que nous n’utilisons plus, nous préférons une aspiration soigneuse qui s’ajoute à la protection apportée par le ballonnet basse-pression de la sonde trachéale. L’usage d’une couverture chauffante permet d’éviter l’hypothermie du sujet pendant une intervention prolongée du type ostéotomie maxillomandibulaire.
Phase peropératoire Surveillance [10] L’anesthésiste est, pendant l’intervention, éloigné de la tête de l’opéré et des renseignements cliniques qu’elle peut fournir en matière de surveillance. Celle-ci repose essentiellement sur les paramètres du monitorage permettant de veiller sur le circuit d’anesthésie, la saturation artérielle en oxygène et la ventilation.
Réduction du saignement peropératoire [34] Plusieurs techniques participent à la réduction du saignement. • Posture
L’installation de la table en proclive permet un gain de pression de 2 mmHg pour 2,5 cm de dénivellation par rapport au cœur, ce qui diminue la pression artérielle et peut annuler la pression veineuse (voire la négativer). Cette position proclive ne doit pas dépasser 20 à 28° [10].
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Stomatologie
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• Infiltration locale
L’infiltration sous-muqueuse de lidocaïne adrénalinée ou de sérum adrénaliné (1 mg dans 1 mL) est pratiquée avant l’installation des champs de façon à être pleinement efficace lors de l’incision. Elle doit se faire en collaboration avec l’anesthésiste afin d’en apprécier le retentissement général en fonction du dosage, de la quantité d’adrénaline et des produits anesthésiques utilisés. • Autres techniques
Une anesthésie profonde et stable est un facteur essentiel de contrôle des pertes sanguines. Le geste le plus hémorragique est d’ailleurs le décollement des muqueuses, en particulier nasales, lors de l’ostéotomie maxillaire. Nous opérons le plus souvent sous hypotension, même si pour certains auteurs [34], l’hypotension contrôlée est rarement nécessaire [23].
Compensation des pertes sanguines Nous avons vu quelles contraintes impose la TADP. Elle trouve toute son indication en chirurgie « bimaxillaire » chez des sujets jeunes, en bonne santé, sensibilisés aux risques transfusionnels. Si les conditions nécessaires à la réalisation de cette TADP ne sont pas réunies (âge, capital veineux insuffisant, anémie chronique, opposition confessionnelle), on peut avoir recours à l’hémodilution normovolémique intentionnelle [16]. L’association de cette hémodilution à la TADP semble diminuer l’œdème postopératoire [32].
Antibiotiques et anti-inflammatoires La chirurgie maxillofaciale doit être considérée comme une chirurgie propre contaminée [33]. Une antibioprophylaxie est donc souhaitable. La présence de germes aérobies et anaérobies nous conduit à utiliser l’amoxicilline ou l’amoxicilline associée à l’acide clavulanique dès avant l’incision. Chez les patients allergiques aux bêtalactamines, on prescrit de la clindamycine. Une glucocorticothérapie par dexaméthasone (5 mg dans 1 mL) est mise en route dès le début de l’intervention, renouvelée si celle-ci dure plus de 3 heures.
Phase postopératoire
[33]
Les précautions à prendre lors de l’extubation sont proportionnelles aux difficultés rencontrées lors de l’intubation. Cette extubation doit être réalisée après avoir dégonflé le ballonnet, la ventilation étant normale. Au besoin, un mandrin long et souple peut être glissé dans la sonde pour permettre une réintubation rapide si nécessaire. Mais la sécurité de l’opéré lors de l’extubation et de la phase de réveil est très améliorée par l’absence de blocage maxillomandibulaire. La réalisation d’ostéosynthèses internes rigides permet ainsi de laisser à l’anesthésiste le libre accès postopératoire aux voies aériennes supérieures. L’absence de blocage permet enfin d’éviter une hospitalisation systématique en secteur de soins intensifs. On éloigne la menace d’inhalation en cas de vomissement postopératoire et la nécessité d’avoir à portée de main les fameux ciseaux de Beebee. La corticothérapie instaurée pendant l’intervention est prolongée 3 jours pour limiter l’importance de l’œdème, en particulier muqueux. L’application immédiate de glace participe aussi à la limitation de cet œdème. La sonde gastrique n’est pas utilisée habituellement puisque les opérés ne sont pas bloqués et reprennent une alimentation molle, et pas uniquement liquide, dès le lendemain de l’intervention. La douleur postopératoire est atténuée par des produits à visée anti-inflammatoire plutôt que des antalgiques dépresseurs respiratoires [10].
Installation de l’opéré en chirurgie maxillofaciale Avant l’entrée en salle d’opération • Préparation de l’opéré [65]
Le dispositif pour le blocage maxillomandibulaire, constitué de deux arcs vestibulaires préformés avec attachements, s’il n’a pas été mis en place par l’orthodontiste, peut être installé la veille de l’intervention sous anesthésie locale, ce qui réduit d’autant le temps opératoire sous anesthésie générale. Outre les règles d’hygiène habituelles de préparation des futurs opérés, il est nécessaire de faire raser d’éventuelles barbe et moustache. Les dents doivent être brossées et la bouche nettoyée avec une solution antiseptique. La chevelure est contenue dans un linge (jersey tubulé par exemple) collé sur le front, les tempes et la nuque. • Dossier
Le dossier doit comporter, outre l’observation clinique et le plan de traitement : – les documents radiologiques, en particulier les téléradiographies craniofaciales, panoramiques, la simulation céphalométrique ;
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Disposition idéale du patient, de l’équipe soignante et de l’appareillage auxiliaire.
– les photographies ; – la simulation sur articulateur ; – la ou les gouttières d’occlusion peropératoires qui sont mises à tremper dans une solution antiseptique sur la table d’instruments. L’agencement de la salle d’opération doit permettre de compulser ces documents en cours d’intervention.
En salle d’opération La chirurgie orthognathique se caractérise par une installation longue et la multiplicité des appareils nécessaires. Elle requiert une salle d’opération suffisamment vaste pour permettre la mise en place de tout le dispositif nécessaire sans gêner l’accessibilité tout autour de la tête de l’opéré ni accroître le risque de faute d’asepsie. Cette accessibilité nécessite que le matériel d’anesthésie soit éloigné de la tête : à gauche de l’opéré à hauteur de son bassin ou, mieux encore, aux pieds du patient (fig 3). Avant de réaliser l’asepsie, il faut s’assurer de la liberté de rotation de la tête. Celle-ci repose sur un dispositif adapté, idéalement une têtière mobile type Benoist ou un simple rond mousse évitant l’appui occipital, source d’alopécie postopératoire. La protection oculaire peut être faite de façon indifférente par collyre et adhésif sur les paupières avant une ostéotomie mandibulaire. En revanche, en vue d’une ostéotomie maxillaire, il faut pouvoir accéder aux rebords orbitaires inférieurs afin de repérer les canthi internes pour mesurer la hauteur faciale. Dans ce cas, l’application de pommade ophtalmique à la vitamine A, voire une tarsorraphie provisoire, sont préférables à l’usage d’un adhésif appliqué sur les paupières. Si un tamponnement pharyngé est utilisé, il faut en couper la ficelle suffisamment court pour qu’elle ne sorte pas de la bouche ni n’interfère dans l’occlusion. L’existence de ce tamponnement doit être rappelée par un pensebête disposé de manière immanquable, sur le négatoscope par exemple. L’asepsie du champ opératoire est faite à l’aide d’un ammonium quaternaire ou de polyvidone iodée qui présente l’avantage d’être colorée. L’asepsie doit commencer par la bouche afin que l’excès de liquide et salive ne vienne pas souiller des joues déjà badigeonnées. Avant une ostéotomie maxillaire, il est préférable de faire l’asepsie des fosses nasales. Enfin, sont badigeonnés l’ensemble de la face et le cou. Nous avons vu qu’il est préférable, pour plus d’efficacité, d’infiltrer la solution adrénalinée avant de mettre les champs stériles. Le champ opératoire doit donner libre accès à toute la face [38] et la cavité buccale et isoler la sonde d’intubation. Un champ imperméable est souhaitable sous la tête et sur le corps de l’opéré. La mise en place des champs commence par la tête. Que l’on utilise des champs non tissés jetables ou des champs en tissu, dont le plus superficiel est disposé en triangle (à sommet céphalique), l’installation des champs de tête nécessite de débrancher page 3
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6 Protection de la sonde d’intubation par un champ collant transparent.
provisoirement la sonde d’intubation des tuyaux du respirateur (fig 4A) (y compris le tuyau du capnomètre) et de soulever la tête afin de pouvoir glisser ces champs sous celle-ci (fig 4B). Cette manœuvre suppose l’aide de l’anesthésiste pour la manipulation des tuyaux et d’une autre personne pour soulever la tête. Elle est génératrice de fautes d’asepsie et impose d’être pratiquée avec soin et méthode (fig 5A, B, C). La sonde d’intubation est isolée par un champ collant transparent (fig 6). Les champs non tissés doivent être collés sur les bords latéraux du cou et couvrir l’ensemble du corps. Les champs tissés sont fixés par des pinces ou cousus à la peau. Un champ en rideau isole du matériel d’anesthésie (fig 3). Si un prélèvement de greffon osseux extrafacial est prévu, les champs doivent exposer d’emblée le site de prélèvement choisi. L’appareillage nécessaire à la conduite de l’intervention doit être repoussé à distance du champ opératoire, de préférence à droite de l’opéré (fig 3). Il en va ainsi du bistouri électrique et de l’aspiration dont câble et tuyau vont courir sur le corps comme le tuyau d’un éventuel moteur pneumatique. Le bistouri électrique lui-même, la canule d’aspiration, la pièce à main sont logés dans des poches stériles collées sur le flanc du patient. Si on utilise un moteur électrique avec irrigation, le bloc moteur est isolé par un champ stérile et les pièces à main sont placées dans un panier métallique suspendu au moteur. page 4
B
Les champs stériles sont placés sous la tête du patient. A. La sonde et les tuyaux ont été débranchés. B. Après rebranchage rapide.
C 5
Séquences de l’installation du champ triangulaire.
Techniques chirurgicales Depuis le milieu des années 1980, la collaboration entre orthodontistes et chirurgiens maxillofaciaux s’est améliorée grâce à une meilleure compréhension des possibilités techniques de chaque spécialité. Comme les arcades dentaires ont été alignées, décompensées et coordonnées, il est possible de procéder à des mobilisations chirurgicales globales des bases, soit du maxillaire, soit de la mandibule. Un premier effet de ce travail commun est le recours moins fréquent aux ostéotomies segmentaires au maxillaire, de type Schuchardt pour les régions postérolatérales ou Wassmund/Wunderer pour la région antérieure ; de même pour les ostéotomies segmentaires antérieures de type Köhle à la mandibule. On évite ainsi des problèmes parodontaux à plus ou moins long terme, comme signalés dans la littérature [59]. Logiquement, les malformations basales sont corrigées par des mobilisations globales, soit de la base du maxillaire, soit de la base mandibulaire. Suivant le cas, il est possible de segmenter les bases osseuses mobilisées et ces modifications seront développées dans les prochains articles qui traiteront des insuffisances et excès verticaux, et des insuffisances et excès sagittaux. Seules les ostéotomies des bases maxillaires et mandibulaires sont donc développées ici.
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Ostéotomie sagittale bilatérale des branches montantes de la mandibule. Préparation interne. En traits pleins, l’ostéotomie ; en traits hachurés, la fracture. A. Obwegeser/Dal Pont. B. Hunsuck/Epker.
8 L’orthopantomogramme apporte les renseignements indispensables à la conduite de l’ostéotomie : canal dentaire dans la région spigienne et au rebord mandibulaire.
Ostéotomie sagittale des branches montantes de la mandibule Introduction L’ostéotomie sagittale des branches montantes de la mandibule fut d’abord décrite par Schuchardt puis popularisée par Trauner et Obwegeser en 1957 [73]. Dès 1961, leur élève Dal Pont [14] prolonge en avant le trait vestibulaire angulaire et décrit précisément les deux possibilités de clivage, soit sur toute la surface de l’angle, soit jusqu’en arrière de la gouttière du nerf dentaire inférieur (fig 7). Plus connue sous le nom d’ostéotomie d’Obwegeser-Dal Pont [67], cette technique, avec son abord intrabuccal et sa souplesse d’utilisation, permet de traiter de nombreuses malformations maxillofaciales. Des modifications lui ont été apportées par la suite pour en faciliter le geste, en réduire les complications ou en prévenir les récidives ; les plus connues sont celles de Hunsuck en 1968 [29], Gallo en 1976, Epker en 1977 [21], et enfin Wolford en 1987 [71] (fig 7A, B). À l’origine, la guérison était obtenue par blocage maxillomandibulaire de 6 semaines et les fragments étaient stabilisés par des ostéosynthèses semi-rigides au fil d’acier. Dès la fin des années 1970, Spiessl [63] a proposé des ostéosynthèses rigides internes, relayé par Souyris en 1977 [62]. Cette intervention reste techniquement difficile et sa réalisation est chaque fois différente en fonction des sujets, voire d’un côté à l’autre d’une même mandibule. Elle a pour but de modifier la position de la portion dentosquelettique de la mandibule pour normaliser l’occlusion dentaire. En
B 9
Ostéotomie sagittale : voie d’abord vestibulaire, en muqueuse libre. A. Extension antérieure. B. Le muscle temporal est récliné sur le coroné et maintenu par un écarteur à branche montante.
corollaire, elle doit laisser en place les deux branches montantes afin de ne pas modifier les fonctions articulaires et l’action des muscles élévateurs. Les conséquences potentielles que l’ostéotomie sagittale de la mandibule implique au niveau des articulations temporomandibulaires sont encore un sujet de controverse.
Examens nécessaires En plus de la téléradiographie de profil qui donne les renseignements nécessaires au projet thérapeutique, l’orthopantomogramme apporte des renseignements indispensables à la conduite de l’ostéotomie (fig 8). Ils montrent la hauteur de la région spigienne sur le ramus, la forme de l’angle mandibulaire et la position du canal dentaire par rapport au rebord mandibulaire. La région de l’encoche préangulaire est en effet le site fréquent du trait d’ostéotomie vestibulaire antérieur. Les dents de sagesse incluses auront été avulsées au moins 6 mois avant l’intervention pour éviter un risque de mauvais clivage ou une fracture de la table interne. Leur absence favorise aussi les ostéosynthèses bicorticales. On peut noter que d’éventuelles reprises d’ostéotomies sagittales sont possibles sur le même site, sans autre difficulté que le dégagement plus laborieux du nerf dentaire inférieur entre les corticales. page 5
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Exposition antérieure : un écarteur à prognathisme soutient la mandibule et écarte la
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joue.
Dans de très rares cas, on peut être conduit à demander une étude par scanner pour mieux visualiser l’épaisseur de l’angle mandibulaire et la situation du nerf dentaire inférieur.
Déroulement de l’intervention Voie d’abord Les arcades dentaires sont maintenues écartées par un coin ouvre-bouche en caoutchouc. Les lèvres doivent être enduites de vaseline ou de crème à la cortisone pour réduire au maximum l’œdème postopératoire et les perlèches. On place aussi un écarteur à lèvres pour les protéger. Une infiltration adrénalinée (1 mg dans 1 mL) de la région vestibulaire est pratiquée du coroné à la deuxième molaire ainsi que dans la région spigienne avant d’effectuer le champage (cf supra). Nous préférons la voie vestibulaire plutôt que l’incision au collet des molaires pour assurer une suture plus étanche. L’incision est menée dans le fond du vestibule, de la mi-hauteur de la branche montante jusqu’à la région mésiale de la première molaire inférieure (fig 9A, B). Le décollement sous-périosté dépasse le bord inférieur de la branche horizontale dans la région de la première molaire, en avant de l’encoche préangulaire ; le périoste basal est soigneusement récliné jusque sous le rebord du côté lingual : un écarteur « à prognathisme » dit d’Obwegeser est alors positionné pour soutenir la mandibule et récliner la muqueuse de la joue (fig 10). Le décollement périosté est poursuivi jusqu’à mi-hauteur de la branche montante ; les fibres du muscle temporal s’insérant sur le bord antérieur de l’apophyse coronoïde sont réclinées à l’aide d’une rugine échancrée puis maintenues par un écarteur échancré ou « à branche montante » (fig 9B). Il n’est pas nécessaire de pratiquer un décollement vestibulaire large le long de la branche montante. Du côté lingual, le décollement est poursuivi à partir du trigone rétromolaire jusqu’à la région spigienne avec une rugine courbe afin de franchir le surplomb de la ligne oblique interne (fig 11A). Le décollement remonte prudemment au-dessus de l’épine de Spix et de l’entrée du canal mandibulaire, qui peut être repérée par un crochet mousse (fig 12). Une rugine, ou un écarteur type prognathisme d’Obwegeser de dimension réduite est alors positionné(e), au-dessus de l’épine de Spix, sans traction excessive afin de récliner le paquet vasculonerveux mandibulaire (fig 11B).
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Décollement interne. A. Passage de la ligne oblique interne. B. Protection du paquet vasculonerveux.
Dessin du trait d’ostéotomie Il affecte la forme d’un Z ouvert comparable au « trait de Jupiter » des menuisiers. Il est composé de trois segments : supéro-interne, antéroexterne et intermédiaire. Il a pour but de séparer sagittalement la mandibule, en créant une valve externe portant le condyle et une valve interne portant l’arcade dentaire (fig 7). L’ostéotomie débute par le trait supérieur ou lingual qui est facilité en fraisant le surplomb formé par la ligne oblique interne qui «cache » l’épine de Spix [30]. Cette section de la corticale linguale est parallèle au plan d’occlusion, commence dans le fond de l’échancrure mandibulaire, soit à la fraise longue (type Lindemann), soit à la petite fraise boule [66] (fig 13A) ou éventuellement à la scie. page 6
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Un crochet mousse permet de repérer l’entrée du canal mandibulaire.
Le but est de sectionner ou d’affaiblir suffisamment l’anneau cortical entourant l’entrée du paquet vasculonerveux [64] (fig 14). Le trait se poursuit jusqu’au rebord antérieur de la branche montante dans la médullaire ou en tout cas dans la moitié de l’épaisseur de cette branche montante, souvent fine à cet endroit.
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Ostéotomie vestibulaire antérieure. A. La découpe de la corticale basilaire doit être totale afin de rejoindre l’extrémité de la ligne de faiblesse représentée par la gouttière mylohyoïdienne. B. Position des instruments permettant de protéger les tissus mous lors de la préparation antérieure. C. Vue interne de l’angle mandibulaire. La gouttière mylohyoïdienne est une zone de faiblesse où doit se faire la fracture interne.
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Premier trait d’ostéotomie. A. L’anneau osseux cortical doit être totalement sectionné. La section pénètre légèrement dans le canal mandibulaire. 1. Paquet vasculonerveux. B. Un petit écarteur à prognathisme protège le paquet vasculonerveux pendant la section. 2. Muscle ptérygoïdien interne.
attention particulière à la découpe du rebord basilaire qui doit être sectionné totalement sous protection d’un écarteur dit « à prognathisme » pour éviter de léser les vaisseaux faciaux et le rameau mentonnier du nerf facial (fig 15B). Ce geste est souvent facilité en fermant la bouche après avoir retiré l’ouvrebouche controlatéral. Le troisième trait d’ostéotomie relie les deux précédents le long du trigone rétromolaire et de la ligne oblique externe. On l’effectue soit à la fraise boule, soit à la fraise de Lindemann courte, jusque dans la médullaire, à distance des dents (fig 16). Avant de procéder au clivage, on mesure la position naturelle de la branche montante, pour permettre ultérieurement son repositionnement correct avant l’ostéosynthèse (fig 17A, B). On pratique une petite encoche sur le rebord antérieur du coroné, à la hauteur de la ligne occlusale, et on mesure la distance à un point de repère sur le maxillaire, par exemple un crochet soudé ou une bague. Pour cette mesure, la mandibule doit évidemment être en occlusion et les chiffres mesurés sont notés par l’anesthésiste.
Clivage mandibulaire 14
Anneau cortical marquant l’entrée du canal mandibulaire.
Le deuxième trait est vertical et coupe la corticale vestibulaire jusqu’au rebord basilaire (fig 15A). Sa situation antérieure peut être modifiée en fonction des surfaces de contact désirées entre les valves internes et externes. On porte une
L’amorce du clivage sagittal se fait avec l’ouvre-bouche en place et l’écarteur « à prognathisme » sous-mandibulaire solidement maintenu par un aide. On rase la corticale externe au ciseau fin enfoncé peu profond en veillant à ne pas traverser la corticale. Il est alors possible d’effectuer un clivage total de l’angle en prolongeant le trait en arrière de la région spigienne (type « ostéotomie sagittale page 7
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Le troisième trait d’ostéotomie occlusal est mené à la fraise boule. 1. Nerf.
rétromolaire ») ou un clivage empruntant la gouttière du nerf mandibulaire laissant ainsi toutes les insertions du ptérygoïdien médial en dedans de l’angle (type « ostéotomie oblique rétromolaire ») [14, 45]. À ce stade, il existe le risque de léser le nerf mandibulaire dans son trajet intraosseux et de traumatiser l’appareil articulaire par des gestes trop brutaux. La séparation des deux valves externe et interne est réalisée avec des ostéotomes assez épais, type Lexel, et de largeur progressive (fig 18A, B). Au fur et à mesure de la séparation des corticales, le nerf est repéré et la division choisie est aidée soit par engagement d’ostéotomes de plus en plus longs rasant la corticale externe, soit par une torsion au niveau du trait basal interne permettant d’amorcer la fracture le long de la gouttière mylohyoïdienne et de la zone de faiblesse naturelle. Si le nerf reste engagé dans tout ou partie de son canal, il est procédé à une neurolyse avec dégagement progressif du paquet vasculonerveux hors de la corticale, par usure à la fraise diamantée ou complément de clivage sagittal du canal avec un instrument fin. Une fois les deux valves totalement séparées, on libère les attaches musculaires de la partie postérieure de la valve interne pour faciliter l’avancement, on rugine les insertions du ptérygoïdien médial sur la face linguale de l’angle, afin de favoriser un recul sans obstacle [19, 40]. L’arcade mandibulaire libérée est amenée dans sa nouvelle position par l’intermédiaire de la gouttière occlusale prévue. Le blocage maxillomandibulaire est installé à l’aide de fils d’acier 0,4 placés en carré jusque dans la région antérieure, pour éviter une béance lors de l’ostéosynthèse. Chaque valve externe est repositionnée en évitant une mauvaise adaptation ou une compression du paquet vasculonerveux. Toute interférence osseuse est éliminée en protégeant le nerf par une lame malléable. page 8
Mesures de la position de la branche montante à l’aide d’une réglette graduée. A. Avant le clivage sagittal. B. Après repositionnement et avant l’ostéosynthèse.
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Clivage des valves internes et externes. A. Engagement de l’ostéotome de Lexel. B. Position favorable pour éviter une fracture atypique de la valve interne.
Ostéosynthèse Elle est effectuée par deux vis bicorticales de chaque côté, mises en place par voie transjugale à l’aide d’un passe-joue inséré en regard de la zone d’ostéosynthèse prévue (fig 19A, B). La position antéropostérieure de la branche montante est soigneusement contrôlée à l’aide des repères et des mesures effectuées précédemment, en vérifiant aussi l’alignement du rebord basilaire (fig 17B). On s’assure du repositionnement correct du condyle au moyen de quelques manipulations à l’aide d’un pousse-mèche en repoussant le ramus vers le haut (fig 20).
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Ostéosynthèses. A. Position des deux vis bicorticales. B. Vissage au travers d’un passe-joue.
branche montante est attirée en avant afin de placer les vis postérieures. La branche montante est ensuite repositionnée soigneusement et l’ostéosynthèse terminée par la mise en place des vis antérieures. Sur le marché sont apparus récemment des dispositifs de glissière vissée sur des plaques permettant de corriger éventuellement la position de la branche montante après le déblocage.
Contrôle occlusal et suture
20 Un pousse-mèche permet de repositionner le fragment proximal et de repousser le condyle vers le haut.
Une fois les deux côtés synthésés, le blocage est libéré pour vérifier le résultat occlusal. On mobilise la mandibule pour retrouver la position la plus proche de la relation centrée. Si l’occlusion n’est pas satisfaisante, il faut reprendre les ostéosynthèses. En cas d’ostéotomie de recul, il faut réséquer à la fraise la ligne oblique externe jusqu’au bord antérieur de la valve interne pour procéder à une véritable « trigonoplastie ». Deux drains aspiratifs transcutanés sont alors placés entre périoste et os, après lavage abondant au liquide physiologique. L’ouvre-bouche remis en place facilite la suture par un surjet direct au fil 3/0 résorbable ou non, avec parfois un ou deux points séparés de sécurité. L’incision cutanée faite pour le passe-joue est aussi suturée avec un fil 6/0. Lorsque la préparation orthodontique n’est pas terminée, on replace la gouttière occlusale munie de crochets et maintenue par deux élastiques monomaxillaires.
A B
21 Ostéosynthèses par deux vis bicorticales. A. Vue sagittale, la vis supérieure a été placée dans la zone de contact maximal entre valve interne et valve externe. B. Orthopantomogramme postopératoire (correction d’une asymétrie mandibulaire).
Les deux valves sont maintenues au contact l’une de l’autre par une pince courbe placée dans la région rétromolaire, si possible au point de plus grand contact. L’ostéosynthèse est assurée en plaçant au-dessus du nerf deux vis bicorticales, de 2,7 ou 2,4 mm de diamètre [63]. La première vis doit être placée dans la zone de contact maximal près de la pince, et la seconde le plus loin possible de la première, en évitant la deuxième molaire et le paquet vasculonerveux (fig 21A, B), juste en arrière du trait d’ostéotomie. Selon l’étude expérimentale de Shetty [60], ce montage est stable et suffisamment rigide pour permettre une fonction précoce. L’ostéosynthèse peut aussi être réalisée par voie buccale à l’aide de miniplaques droites (fig 22) ou d’une miniplaque en H. Dans ce cas, la
22 Ostéosynthèse par deux miniplaques avec vis monocorticales. Une vis à compression permet de stabiliser le trigone rétromolaire fracturé.
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Stomatologie
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Fractures atypiques. A. Fracture défavorable de la valve externe. B. Fracture défavorable de la valve interne sur dent de sagesse incluse. C. Fracture défavorable irradiant vers l’échancrure sigmoïde.
Suites opératoires Certains aspects de la phase postopératoire ont déjà été évoqués. Le séjour hospitalier ne devrait pas dépasser 3 à 4 jours. Les drains aspiratifs sont enlevés au deuxième jour. Les radiographies de contrôle, orthopantomogramme et téléradiographies, sont réalisées le lendemain de l’intervention. La gouttière occlusale, si elle n’est pas laissée en bouche en fin d’intervention, peut être réinstallée quelques jours plus tard car on constate que l’occlusion est parfois différente de celle que l’on avait obtenue en fin d’intervention. L’opéré peut retirer lui-même les élastiques de maintien pour prendre une alimentation hachée les premiers jours, puis tendre après 15 jours et « prudente » par la suite. On insiste sur l’hygiène buccodentaire par brossage des dents dès le troisième jour et des bains de bouche antiseptiques. L’hydropulseur n’est pas indiqué avant le huitième ou dixième jour. Il faut aussi rassurer le patient sur la récupération de la sensibilité de la lèvre inférieure et du menton. Une hypoesthésie ou une anesthésie vraie sont fréquentes après ce type d’intervention mais régressent spontanément par la suite. Il est très fréquent qu’un certain état dépressif apparaisse après l’intervention à l’arrêt de la corticothérapie : il est souvent proportionnel au degré d’anxiété du patient en préopératoire. Un vrai traitement antidépresseur est rarement nécessaire. Le traitement orthodontique actif peut reprendre après 2 ou 3 semaines, en fonction de l’amélioration de l’ouverture buccale et de la disparition de l’œdème. L’orthodontiste décide s’il conserve la gouttière ou permet au patient de la retirer. Les contrôles cliniques après chirurgie sont hebdomadaires jusqu’à la cinquième semaine, puis aux troisième, sixième, douzième et parfois vingt-quatrième mois.
Complications des ostéotomies sagittales des branches montantes Comme pour toute chirurgie, il existe des complications per- et postopératoires. Dans le premier groupe [30] , les plus fréquentes sont constituées de fractures atypiques lors de la séparation des deux valves, d’hémorragies ou de lésions directes du nerf alvéolodentaire inférieur.
Fractures atypiques Lors de préparation insuffisante de la corticale externe, certaines fractures de la valve externe peuvent survenir, limitant les possibilités de placement des vis bicorticales (fig 23A). On remédie à ce problème par l’installation de miniplaques vissées et l’obligation d’une immobilisation maxillomandibulaire pendant 2 ou 3 semaines. Une fracture atypique de la valve interne survient plus fréquemment si une dent de sagesse a été extraite trop récemment ou si elle est restée en place. La valve interne peut alors se briser au ras de la deuxième molaire (fig 23B). On peut remédier à cette complication en plaçant une vis à compression au niveau du trigone rétromolaire fracturé et deux miniplaques vestibulaires (fig 22). Enfin, des fractures se propageant le long de la ligne oblique interne jusque dans l’échancrure sigmoïde risquent d’apparaître en cas de préparation page 10
C
interne insuffisante (fig 23C). Lorsque cette complication se présente, il faut reprendre le clivage depuis la corticale basale et préparer la région interne avec un ostéotome fin, en prenant soin d’éviter la gouttière du nerf.
Hémorragies Elles sont rares, mais résultent souvent d’une protection insuffisante des vaisseaux faciaux lors de la section antérieure au rebord basilaire. On contrôle l’hémorragie par un tamponnement, plutôt qu’avec une coagulation monoou bipolaire pour ne pas léser la branche mentonnière du nerf facial. Une lésion de l’artère mandibulaire lors du clivage proximal peut aussi se produire, que l’on contrôle en plaçant un tampon imprégné de vasoconstricteur.
Lésions nerveuses Le nerf mandibulaire peut être lésé totalement lorsque l’on découpe le trait d’ostéotomie supéro-interne et que le paquet vasculonerveux est mal protégé. De façon plus fréquente, il est possible de le sectionner en pratiquant le trait d’ostéotomie vestibulaire antérieur. Lorsque cette complication est reconnue, on doit pratiquer un rapprochement des moignons nerveux en plaçant quatre fils 10/0 double-aiguille au niveau du périnèvre. L’utilisation du microscope et d’instruments de microchirurgie est tout à fait souhaitable. Les chances de récupération sont en général meilleures que pour les lésions du nerf lingual.
Fonctions articulaires Ce problème fait encore l’objet de controverses dans la littérature. Longtemps, les dysmorphoses maxillomandibulaires comme la rétromandibulie associée à une classe II.2 ou la promandibulie associée à une classe III ont été considérées comme des conditions favorisant des dysfonctions temporomandibulaires et ont motivé des traitements de chirurgie orthognathique. Ces notions sont souvent remises en cause [68]. De même, il semble que les problèmes articulaires survenant après chirurgie orthognathique sont surévalués [68]. Toujours est-il qu’il faut distinguer dysfonction musculaire et dérangement interne de l’articulation. Il est clair que le repositionnement condylien après chirurgie orthognatique peut provoquer, soit de légères contusions, soit un déplacement discal, surtout si l’ouverture buccale a été maintenue de façon prolongée chez un patient myorelaxé. Un déplacement transverse de la tête condylienne, lorsque l’ostéosynthèse rigide n’est pas pratiquée correctement, peut aussi être à l’origine de dérangements internes et douloureux de l’articulation temporomandibulaire (fig 24A, B). On y remédie, soit en calant un fragment d’os pour conserver l’espace antérieur (fig 24D), soit en adaptant les fragments à la fraise (fig 24C). Enfin, des dysfonctions musculaires sur fibrose cicatricielle par rugination excessive ont aussi été signalées [27]. L’atrophie condylienne progressive fait l’objet de recherches cliniques, car son étiologie n’est pas encore connue mais survient vraisemblablement par une trop grande compression [3, 44]. Elle peut entraîner des récidives après avancement mandibulaire, mais on la voit plus fréquemment apparaître chez des patientes jeunes, traitées pour une béance osseuse et dentaire.
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C
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A, B. Risque de déplacement externe de la tête condylienne lors d’ostéosynthèse rigide. C. Adaptation des valves internes et externes par modelage du fragment distal. D. Adaptation par une vis à compression et une vis d’adaptation ou à l’aide d’une cale osseuse.
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Stabilité après ostéotomie sagittale bilatérale de la mandibule. A. Mouvement favorable accompagnant la tension musculaire. Bonne stabilité à long terme. B. Mouvement le long du plan d’occlusion. Stabilité moins bonne, mais satisfaisante. C. Mouvement défavorable opposé à la tension neuromusculaire : instabilité à long terme.
A
De nombreux procédés de positionnement condylien peropératoires plus ou moins élaborés ont été décrits. Ces dispositifs sont lourds ou compliqués et n’ont, à l’heure actuelle, pas fait preuve de leur supériorité sur l’appréciation clinique [18] et la simple mesure (cf supra). Si la collaboration orthodonticochirurgicale n’est pas suffisante, une occlusion pathologique peut entraîner des mouvements condyliens anormaux et des dysfonctions de l’articulation temporomandibulaire [43].
Séquelles sensitives Elles affectent surtout la sensibilité de la lèvre sous forme de dysesthésie, voire d’anesthésie. Elles varient actuellement entre 5 et 4 % selon les auteurs et la littérature montre une évolution favorable avec les années et la popularisation de cette ostéotomie [37]. La récupération sensitive se fait le plus souvent dans les 6 premiers mois et la persistance d’un déficit objectif n’est pas forcément ressentie comme gênante par les patients à 1 ou 2 ans [9, 47]. Ce risque doit cependant être expliqué très précisément, avant l’intervention, au patient.
B
C
de ronflements, voire d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, il vaut mieux avancer le maxillaire que reculer la mandibule. Une double procédure permet éventuellement de diviser les mouvements à effectuer [28].
Ostéotomie maxillaire type Le Fort I L’ostéotomie horizontale du maxillaire a été décrite pour la première fois par von Langenbeck en 1859 [17] qui l’a intitulée « résection ostéoplastique du maxillaire ». Comme son tracé suivait les traits de la fracture basse décrite plus tard par Le Fort en 1901, on a pris l’habitude de la nommer « ostéotomie Le Fort I ». Depuis bientôt 140 ans, cette mobilisation temporaire du maxillaire a subi de multiples modifications et améliorations ; redoutée pendant de nombreuses années, à cause des risques hémorragiques qu’elle comporte, elle est devenue une technique de routine utilisée dans le monde entier pour corriger certaines dysmorphoses du tiers moyen.
Récidives
Indications
La récidive, précoce ou tardive après ostéotomie sagittale bilatérale de la mandibule, est surtout imputable à une mauvaise indication de cette procédure. Les mouvements les plus stables sont ceux qui accompagnent la tension neuromusculaire (fig 25A, B, C). Pour respecter cette règle, une ostéotomie sagittale bilatérale de la mandibule ne doit pas être utilisée pour fermer une béance antérieure. Une hyperdivergence des bases osseuses (béances maxillomandibulaires et dentaires) doit être corrigée plutôt par une impaction maxillaire associée ou non à un geste sur la mandibule [1]. Enfin, il faut se souvenir qu’un recul mandibulaire peut avoir des répercussions sur les voies aériennes supérieures. Afin d’éviter la survenue
L’opération Le Fort I permet de mobiliser globalement le maxillaire dans les trois plans de l’espace : horizontalement on peut l’avancer et, dans une moindre mesure, le reculer ; verticalement on peut l’impacter ou l’abaisser ; enfin, transversalement, il est possible d’augmenter ou de diminuer son diamètre (fig 26A, B). On corrige ainsi des rétro- et/ou des endomaxillies, des asymétries, des infra- ou des supraclusies, des bascules du plan d’occlusion. Des traits d’ostéotomies supplémentaires, avec ou sans extraction de prémolaire, permettent aussi de segmenter le bloc alvéolopalatin pour mieux adapter l’occlusion et corriger d’éventuelles pro- ou rétroalvéolies associées (cf fig 41 et 42). page 11
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26 Possibilité de mobilisation du maxillaire dans les trois plans de l’espace. A. Sagittalement et verticalement. B. Transversalement.
A
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27 Ostéotomie type Le Fort I : l’incision se fait en muqueuse libre, circulairement de 15 à 25.
Préparation
Ostéotomie et mobilisation
Afin de travailler sans être gêné par un saignement trop important, le vestibule supérieur est infiltré avec 10 à 20 mL d’une solution adrénalinée, 1 mg dans 10 mL de liquide physiologique. Pour faciliter la dissection, il faut injecter le liquide également dans l’espace ptérygomaxillaire. L’incision de la muqueuse peut se faire aux collets des dents mais nous préférons la mener en muqueuse libre, sur le versant labiojugal du vestibule, de 15 à 25 (fig 27). On évite de dépasser ces limites pour ne pas compromettre la vascularisation de la muqueuse vestibulaire supérieure qui peut, à elle seule, assurer la vascularisation du maxillaire s’il devenait nécessaire de coaguler les artères palatines [7, 8]. Après incision muqueuse, musculaire et périostée, à l’aide d’une rugine moyenne, on repousse le périoste sur le cintre jusqu’à la suture maxillomalaire et au trou sous-orbitaire en protégeant l’émergence du nerf avec un écarteur de Langenbeck. L’épine nasale est dégagée sur ses deux versants et peut être au besoin réséquée à l’aide d’une pince gouge. Une rugine courbe est ensuite utilisée pour libérer l’échancrure piriforme et la partie antérieure du plancher des fosses nasales. La préparation se poursuit le long de la branche montante du maxillaire. On effectue la même préparation sur la table osseuse controlatérale. Postérieurement, on contourne le cintre avec la rugine coudée jusqu’au dièdre ptérygomaxillaire sans remonter vers la fente sphénomaxillaire pour éviter un saignement du plexus veineux, qui peut parfois prendre des proportions importantes. On place alors, en arrière du cintre maxillaire, un écarteur de Langenbeck contre-coudé puis on insère une compresse adrénalinée de chaque côté pour assurer l’hémostase durant la fin de la préparation. Il faut ensuite libérer totalement, avec une rugine coudée mousse (type Freer), le plancher des fosses nasales, latéralement jusqu’aux cornets inférieurs et au milieu en remontant sur chaque face du septum et du vomer. Postérieurement, on repère la limite du palais dur en recherchant avec la pointe de l’index l’extrémité de l’instrument. On peut déjà, à ce stade, désinsérer la cloison nasale du plan palatin à l’aide d’un ciseau à septum gradué à 4 cm, jusqu’aux choanes.
Des marques sont alors dessinées à la fraise boule fine verticalement au niveau des cintres et des piliers antérieurs. S’il est prévu d’effectuer l’ablation d’un « bandeau » osseux pour remonter le maxillaire, des marques horizontales sont aussi placées, à l’aide d’un compas gradué, en conservant une marge de 5 mm au-dessus de l’apex des canines et de 3 mm au-dessus de l’apex des dents pluriradiculées (fig 28). Pour protéger la muqueuse nasale, on place une lame malléable fine entre os et périoste, le long de la paroi intersinusonasale. L’ostéotomie est pratiquée à la scie réciproque tenue perpendiculairement aux piliers de la face. Elle débute au cintre maxillomalaire et se prolonge vers l’avant jusqu’à la partie la plus externe du bord de l’orifice piriforme, en sectionnant au passage la cloison intersinusonasale (fig 29A). Vers l’arrière, on oriente le trait d’ostéotomie obliquement, en direction de la partie basse de
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28 Ostéotomie à la scie réciproque. La lame est tenue perpendiculaire au pilier de la face. Le trait d’ostéotomie doit s’incurver vers le bas et en arrière, à partir du cintre maxillomalaire.
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Stomatologie
A
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A. Schéma de la section des parois sagittales du maxillaire. B. Section de la cloison nasale à l’aide d’un ciseau gradué.
A 30
Down fracture. A. Mouvement d’abaissement antérieur. B. La région ptérygomaxillaire est le centre de rotation où doit s’effectuer la séparation maxilloptérygoïdienne. Il existe un risque de fracture atypique.
la suture ptérygomaxillaire. À l’aide d’un ciseau fin gradué à 4 cm, on complète la section postérieure de la cloison nasale (fig 29B). Pour séparer le maxillaire des apophyses ptérygoïdes, il est possible d’insérer un ciseau à frapper courbe dans le dièdre et d’effectuer la séparation de manière brutale au maillet. Il en résulte un écrasement des lames ptérygoïdiennes plutôt qu’une véritable disjonction ptérygomaxillaire [13, 24, 31]. On peut aussi pousser la rugine coudée obliquement de dehors en dedans et effectuer quelques mouvements de torsion en contrôlant leur effet sur la mobilité du maxillaire. Classiquement, l’abaissement du plateau palatin peut se faire en plaçant un crochet à os sur la partie antérieure du plancher des fosses nasales et en effectuant une traction progressive en direction du menton (down fracture) (fig 30). La région ptérygoïdienne devient ainsi le centre de rotation où doit s’effectuer normalement la séparation maxilloptérygoïdienne. On court cependant le risque de provoquer une fracture trop antérieure entre l’apophyse
B
palatine du maxillaire et la lame horizontale du palatin, ou en arrière dans la partie haute des lames ptérygoïdiennes [24]. Des fractures défavorables irradiant vers la base du crâne et vers l’orbite ont aussi été signalées dans la littérature, entraînant des conséquences neurologiques et ophtalmologiques graves [31]. Pour ces différentes raisons, nous préférons séparer maxillaire et ptérygoïdes par une « bascule inférieure » de la partie postérieure du maxillaire comme l’a proposé Precious en 1988 [49]. Pour réaliser ce geste, il faut placer simultanément deux distracteurs craniofaciaux de Tessier dans les traits d’ostéotomie des cintres et abaisser le maxillaire progressivement mais en maintenant le prémaxillaire vers le haut (fig 31). Pour que la disjonction postérieure se fasse favorablement, il est absolument nécessaire que le trait d’ostéotomie maxillaire postérieur ait été orienté suffisamment « vers le bas » en direction de la tubérosité. Quel que soit le déplacement maxillaire souhaité, il faut libérer au maximum le plateau palatin de ses attaches fibro-osseuses postérieures en plaçant un crochet de Tessier en arrière de chaque tubérosité (fig 32) et en les mobilisant alternativement vers l’avant puis de façon synchrone. page 13
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Stomatologie
Abaissement vertical en plaçant deux distracteurs au niveau des cintres maxillomalaires, tout en maintenant le prémaxillaire vers le haut.
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Disjonction postérieure à l’aide des crochets de Tessier.
Ostéotomie d’abaissement Par un abaissement de la partie antérieure du maxillaire, il est possible de corriger une face courte. L’ostéotomie horizontale est effectuée classiquement mais, lorsqu’on ne prévoit pas d’avancement, il n’est pas nécessaire de libérer la région ptérygomaxillaire. Une fois le blocage sur gouttière fait, on mesure sur la crête latérale de l’échancrure piriforme la distance qui a été prévue par la planification céphalométrique. On adapte alors une plaque en Y sur le pilier antérieur et des greffes osseuses autologues sont interposées dans les piliers moyens et antérieurs pour prévenir une éventuelle récidive (fig 34).
Ostéotomie de recul
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Ostéotomie d’avancement horizontal.
Son indication est heureusement rare car les résultats esthétiques qu’elle donne sont disgracieux. Sa réalisation est difficile et nécessite de réséquer la partie postérieure du maxillaire et de « creuser » littéralement l’os ptérygoïdien. Pour ce faire, les deux artères palatines doivent être libérées du canal osseux qui les entoure.
Ostéotomie avec escalier antérieur
Variantes Ostéotomie d’avancement Elle permet de corriger une rétromaxillie (fig 33). Après avoir abaissé le maxillaire, on le mobilise totalement vers l’avant à l’aide, soit des crochets rétromaxillaires en « col de cygne » de Tessier, soit d’une pince de Rowe et Killey. Le blocage maxillomandibulaire sur la gouttière en acrylique permet alors de placer précisément le maxillaire dans sa nouvelle position et d’effectuer les ostéosynthèses par miniplaques vissées (cf infra). page 14
Cette modification est proposée pour corriger une rétromaxillie associée à une dépression ou à un aplatissement paranasal important (fig 35A). Dans sa partie postérieure, l’ostéotomie est réalisée classiquement. Au niveau antérieur, il faut dégager la région paranasale jusqu’au rebord orbitaire inférieur. À la fraise ou à la scie, on sectionne horizontalement la branche montante du maxillaire juste au-dessous du sac lacrymal, sur 3 à 4 mm (fig 35B). La section est ensuite dirigée verticalement en direction du trait horizontal coupant la paroi antérieure du sinus. On dégage ainsi deux éperons antérieurs (fig 35C) résistants qui, une fois le maxillaire avancé, comblent le creux paranasal en fermant le dièdre nasojugal.
Stomatologie
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Ostéotomie avec impaction
34 Ostéotomie d’abaissement du maxillaire. Des greffes osseuses autologues sont interposées au niveau des piliers de la face.
Lorsqu’il faut ingresser le maxillaire, on découpe à la scie des bandeaux osseux bilatéraux taillés aux dimensions prévues lors de la planification céphalométrique, et prolongés jusqu’aux régions tubérositaires (fig 36). Ces deux fenêtres facilitent l’abaissement et l’accès aux régions postérieures du maxillaire. Il faut alors dégager totalement les artères palatines des canaux palatins postérieurs. On repère le vaisseau à l’extrémité postérieure du plateau palatin, dans le prolongement de la cloison intersinusonasale (fig 37). La dissection osseuse se fait à l’aide d’une fraise boule diamantée ou d’une pince gouge. La hauteur du septum doit aussi être diminuée et, après libération en souspérichondral, une bande de cartilage est découpée avec une paire de ciseaux forts ou au bistouri après avoir placé une pince de Kelly à la hauteur voulue (fig 38A). Sur le versant nasal du palais, il est utile de creuser une tranchée médiane dans laquelle la base de la cloison réséquée vient se loger après reposition supérieure du maxillaire (fig 38B). La diminution du volume des fosses nasales implique aussi la nécessité d’une résection des cornets inférieurs pour éviter une obstruction secondaire du méat inférieur (fig 39). La muqueuse est incisée sur le tiers antérieur de la base du cornet inférieur au bistouri électrique et la résection est faite à la pince gouge. Après hémostase, il n’est pas nécessaire de suturer la muqueuse du cornet alors que la muqueuse du plancher des fosses nasales est suturée par un surjet continu au fil résorbable 3/0. L’adaptation définitive se fait une fois le blocage maxillomandibulaire sur gouttière effectué. On repositionne le bloc maxillomandibulaire en remontant avec douceur mais fermement les angles de la mandibule. Lorsque ce mouvement est accompli par pression à la pointe du menton, on court le risque de « sortir » les condyles des cavités glénoïdes et d’effectuer une reposition erronée. Les parois supérieures et inférieures doivent s’adapter avec un maximum de contact, essentiellement au niveau des cintres et des piliers canins. Des retouches sont souvent nécessaires, surtout dans les parties postérieures pour supprimer, à la fraise boule, d’éventuels contacts osseux prématurés. On interpose des autogreffes, prélevées localement ou à distance, là où l’espace libre entre les parois osseuses internes et externes est trop important.
Ostéotomie avec disjonction paramédiane Lorsqu’il existe, chez des patients de plus de 18 ans, une endomaxillie supérieure à 4 mm, il faut envisager d’augmenter le diamètre transversal en effectuant une disjonction. Plutôt qu’un trait unique, médian, il est préférable de pratiquer une double ostéotomie paramédiane (fig 40) qui permet un déplacement latéral plus ample des fragments et surtout qui ne risque pas de provoquer une déviation de la base d’implantation du septum. Après avoir abaissé et libéré le bloc alvéolopalatin, on trace à la fraise diamantée de 2 mm deux tranchées parallèles au milieu du plancher de chaque fosse nasale, du rebord osseux postérieur jusqu’au prémaxillaire. Pour sectionner l’os corticospongieux antérieur, on utilise de préférence une scie réciproque que l’on dirige, soit entre les deux incisives centrales (fig 40B), soit entre incisive latérale et canine (fig 40A) en fonction de la préparation orthodontique. À l’aide d’un petit décolleur coudé, il faut alors libérer, sans la déchirer, la muqueuse du palais en sous-périosté aussi loin qu’il est possible sur chaque versant des deux traits d’ostéotomie paramédians. On sectionne alors l’arc orthodontique en regard de l’ostéotomie (au niveau des incisives) pour mobiliser les deux segments latéraux et engrener les dents dans la gouttière occlusale en résine. Lorsqu’il est prévu de pratiquer des ostéosynthèses rigides internes, il n’est pas nécessaire de greffer l’espace créé entre les fragments. Dans le cas contraire, on façonne deux diabolos d’os autologues qu’on place comme entretoise dans les fentes palatines.
A
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Ostéotomie avec segmentation
C 35
Ostéotomie avec escalier antérieur pour corriger un aplatissement paranasal. A, B. Découpe sur modèles. C. Réalisation pratique.
Il faut l’envisager dans deux situations, soit pour corriger une proalvéolie supérieure, soit pour fermer une béance dentaire associée à une hyperdivergence des bases maxillomandibulaires. Pour corriger chirurgicalement une proalvéolie, il faut reculer le prémaxillaire par extraction bilatérale d’une des deux prémolaires et en fraisant à la demande le palais osseux (fig 41). Lorsqu’il existe une béance osseuse, après avoir impacté postérieurement le maxillaire, on prépare l’ostéotomie verticale en tunnellisant la muqueuse vestibulaire en regard de la canine et de la prémolaire sans atteindre le collet. La section est pratiquée entre ces dents à la scie réciproque puis au ciseau à frapper, à travers le palais et l’alvéole. On bascule alors le segment antérieur en direction palatine et une petite cale osseuse permet de maintenir le fragment en rotation (fig 42). page 15
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Ostéotomie avec impaction. A. Création de deux fenêtres latérales par ablation d’une collerette osseuse. B. Coupe sagittale de l’intervention.
Technique Pendant que l’assistant maintient fermement le bloc maxillomandibulaire vers le haut pour obtenir le contact désiré entre parois supérieure et inférieure du maxillaire sectionné, on façonne les miniplaques de 1 mm d’épaisseur qui doivent s’adapter parfaitement aux contours osseux. Les quatre piliers antérieurs et moyens, constitués d’os corticospongieux, offrent le meilleur ancrage pour les minivis. Leur reconstruction recrée les lignes de force le long desquelles cheminent les forces de la mastication (fig 43). Quatre minivis de 6 mm par plaque sont nécessaires et suffisantes à condition de placer deux vis sur chaque versant du trait d’ostéotomie. Pour le pilier canin, on choisit une miniplaque en Y qu’on inverse afin de placer les deux branches de part et d’autre de l’apex de la canine (fig 44A). Pour le pilier moyen, il est nécessaire d’utiliser une miniplaque en L (fig 44B) pour pouvoir placer deux vis sur la petite branche puisque la hauteur d’os à disposition du côté alvéolaire est insuffisante pour les aligner. 37
Repérage des artères palatines dans le prolongement de la cloison intersinusonasale.
Adaptation des parties molles Lèvres
Ostéosynthèses Avantages et inconvénients Les ostéosynthèses semi-rigides à l’aide de fils d’acier conservent encore quelques adeptes essentiellement en raison de leur coût peu élevé et de possibles « adaptations » postopératoires. Nous préférons utiliser des plaques vissées miniaturisées en titane pur, biocompatibles et adaptables aux contours du maxillaire pour réaliser des stabilisations primaires qu’on nomme ostéosynthèses rigides internes. Cette technique, peut-être plus onéreuse, comporte cependant de nombreux avantages : elle permet, après reposition du maxillaire, de libérer le blocage maxillomandibulaire pour contrôler l’occlusion ; elle autorise la reprise d’une alimentation hachée précoce et, par voie de conséquence, d’abréger le temps d’hospitalisation. Enfin, elle semble donner de meilleurs résultats sur la stabilité à long terme [4, 5, 69]. page 16
• Allongement de la lèvre supérieure
Lorsque la lèvre supérieure est trop courte avec un vermillon peu visible, la suture d’une incision circulaire risque de raccourcir encore la lèvre. Pour l’éviter, on peut, au niveau du frein labial supérieur, pratiquer une incision en V inversé, afin de prévoir une plastie en VY qui permet d’allonger la muqueuse labiale. En décollant la muqueuse, on expose d’avantage le vermillon, améliorant l’aspect de l’arc de Cupidon. Cette technique permet un allongement effectif de 1 à 2 mm de la partie médiane de la lèvre.
Nez • Contrôle de la pointe [61]
L’ostéotomie de type Le Fort I d’avancement a pour effet de propulser légèrement la pointe, en créant le fameux « nez en pied de marmite ». Cet effet
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Résection de la cloison nasale. A. Dégagement en sous-périchondral. B. Création d’une tranchée médiane pour replacer la cloison réséquée.
• Contrôle des ailes narinaires
La désinsertion de la musculature narinaire et le déplacement imposé au maxillaire provoquent volontiers, après l’intervention, un élargissement des orifices narinaires. Cela peut être évité par la réalisation d’un point de rapprochement du pied des ailes narinaires (fig 45). Avant la suture de la muqueuse vestibulaire, on fore un trou à la base de l’épine nasale antérieure à l’aide d’un foret de 2 mm de diamètre. Les sillons nasogéniens sont repérés par un petit dissecteur ou une aiguille et resserrés vers l’épine nasale par un point profond de fil résorbable 2/0 passé au travers de l’orifice osseux. Il est alors possible d’équilibrer la tension du fil et d’adapter la position des ailes narinaires de façon symétrique. Lorsque le déplacement imposé au maxillaire provoque un pincement des ailes narinaires, ceci peut être corrigé en élargissant, à la fraise boule, la base de l’orifice piriforme. Pour obtenir 1 mm d’élargissement des ailes du nez, il faut élargir l’orifice piriforme de 2 mm. 39
Résection des cornets inférieurs.
secondaire n’est visible que lors d’avancement important ou lorsqu’une rhinoplastie a déjà été effectuée. En revanche, les ailes narinaires s’étalent, nécessitant d’effectuer un point pour les réenrouler. En cas d’ostéotomie d’abaissement, le nez apparaît plus effilé et l’angle nasolabial plus ouvert. Ces deux modifications sont plutôt favorables mais, par sécurité, on place tout de même un fil visant à stabiliser l’enroulement des ailes narinaires. L’ostéotomie avec impaction a pour effet de faire capoter la pointe du nez qui prend un aspect plus globuleux, inesthétique, d’autant plus qu’il se conjugue avec un élargissement des ailes narinaires. C’est surtout au niveau de l’adaptation-résection de la cloison qu’il faut gérer cette complication, en évitant d’agir sur le pied de la columelle. On peut aussi procéder à une ouverture des orifices piriformes et surtout à un réenroulement des ailes narinaires selon la technique proposée (cf infra).
Joues Résection graisseuse : si les joues paraissent trop rondes et manquent de creux entre la pointe de l’os malaire et le bord inférieur de la mandibule, on peut réaliser une lipectomie de la boule de Bichat.
Génioplastie Introduction Proéminence ultime de la mandibule, le menton est phylogénétiquement la conséquence de l’acquisition de la position verticale [36]. Il représente le point d’ancrage de la musculature linguale et le point de suspension de la musculature sus-hyoïdienne (fig 46). C’est l’équilibre des forces exercées par ces différents muscles qui lui donne son harmonie de forme et de position. Son relief est le résultat de la régression page 17
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A 40
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B
Disjonction palatine pour augmenter le diamètre transversal. A. Sections paramédianes bilatérales passant entre canine et incisive latérale. B. Sections en Y passant entre les deux incisives centrales.
41
Ostéotomie avec segmentation et extraction de deux prémolaires pour corriger une béance osseuse associée à une proalvéolie.
42 Ostéotomie de type Le Fort I associée à une bascule du prémaxillaire. Une petite cale d’os autologue permet de maintenir la rotation du prémaxillaire.
de l’appareil dentaire [36] et de la balance entre les zones d’apposition et de résorption comme l’a proposé Enlow [20]. page 18
A contrario, une asymétrie musculaire, qu’elle soit cervicale ou faciale, aboutit à une perturbation de cet équilibre, de cette harmonie (fig 47).
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43 Adaptation obtenue par une miniplaque : bonne coaptation des fragments.
Dans la face, le menton représente un des points remarquables où se fixe le regard d’autrui. Les autres points répartis sur le visage sont les endroits saillants du relief facial : les pointes des malaires, les angles mandibulaires, la pointe du nez [6]. La position de la pointe du menton revêtant une importance primordiale, aussi bien de face que de profil, il est donc nécessaire, pour le chirurgien qui recherche dans la correction orthognathique un visage équilibré, de planifier soigneusement la position postopératoire du « point menton » dans les trois plans de l’espace.
45 Point de rapprochement du pied des ailes narinaires. Le fil résorbable 2/0 passe au travers d’un trou foré à la base de l’épine nasale antérieure, puis latéralement en profondeur de sillons nasogéniens. On règle la position des ailes narinaires par la tension du fil.
Menton normal Les critères d’analyse esthétique de la face sont très variés. Les trois étages de la face sont de dimensions égales, et l’on retrouve à l’étage inférieur cette règle des tiers (fig 48). Dans le plan frontal : – le tiers supérieur s’insère entre le bord libre de la lèvre et le sillon labionasal [70] ; – le tiers intermédiaire est compris entre le bord libre de la lèvre inférieure et le pli labiomentonnier ; – enfin le tiers inférieur, sous le pli labiomentonnier, est constitué par la pointe du menton à proprement parler. Barnett décrit également un angle facial inférieur dont le sommet est situé à la pointe du menton et les deux côtés rejoignent les deux angles mandibulaires [6] ; cet angle permet également de situer la position verticale du menton par rapport à la largeur mandibulaire ; cet angle varie entre 60 et 70° (fig 49). Verticalement, Arnett [2, 3] admet une distance depuis la pointe de l’incisive jusqu’au rebord osseux du menton de 40 ± 2 mm chez la femme, et de 44 ± 2 mm chez l’homme. Outre les mesures de proportion, l’examen de face doit apprécier la symétrie de la région mentonnière. Un certain degré de disproportion peut être envisagé lors d’un traitement visant à masquer une minime rétromandibulie [53, 54]. Dans le plan frontal, la pointe du menton doit être située sur la ligne médiane du visage. Une ligne tangente au bord inférieur des tubercules mentonniers doit être parallèle à la ligne bipupillaire et à la ligne passant par les deux angles mandibulaires (fig 50). De profil, il existe de nombreuses analyses esthétiques. Mc Carthy en cite cinq [42] (fig 51) auxquelles il convient de rajouter l’analyse de Sassouni et
A
46 Insertions musculaires sur le menton, d’après [42]. 1. Orbicularis oris ; 2. depressor anguli oris ; 3. depressor labii inferioris ; 4. mentalis.
celle de Delaire. Toutes ces descriptions et constructions visent à déterminer la position idéale du menton dans le sens antéropostérieur. Leurs bases de réflexion proviennent soit de l’analyse céphalométrique, soit de l’analyse clinique. Actuellement, nous préférons l’analyse de Gonzàlez-Ulloa [25], qui nous fait tendre vers un visage transfrontal.
Technique chirurgicale Voie d’abord Deux approches sont couramment utilisées : – l’incision au collet des dents ; – l’incision vestibulaire à distance de la muqueuse attachée. Comme son nom l’indique, l’incision au collet se pratique par décollement des papilles de prémolaire à prémolaire et décharges latérales. Elle a l’inconvénient d’une suture délicate et surtout provoque une perte d’attache parodontale et d’os alvéolaire [ 5 1 , 7 2 ] . Elle implique des risques de complications infectieuses en cas de parodontopathie préexistante.
B
44 Ostéosynthèses rigides internes par miniplaques vissées. A. Synthèse des piliers antérieurs à l’aide de deux miniplaques en Y placées de part et d’autre des apex des canines. B. Synthèse des piliers moyens par miniplaque en L.
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47 Syndrome de Klippel-Feil : le déséquilibre musculaire cervical conduit à l’asymétrie faciale et au déplacement de la pointe du menton.
49 Dans un visage équilibré, l’angle facial inférieur est compris entre 60 et 70°.
L’incision dans le vestibule, en avant du sillon, dans la muqueuse de la lèvre, se fait sans risque de lésion neurologique si l’on prend soin d’inciser de canine à canine (fig 52). Il faut veiller à bien repérer les branches sous-muqueuses de la troisième branche du trijumeau qui innervent la lèvre et notamment son bord libre (fig 53), et on prolonge l’abord de proche en proche après avoir repéré le nerf à son émergence au trou mentonnier. L’incision du périoste peut se faire, soit par une voie sous-muqueuse, soit par une voie transmusculaire. La voie sous-muqueuse (fig 54A) permet de mieux préserver les filets terminaux du nerf mentonnier, mais expose aux déhiscences postopératoires. La voie transmusculaire (fig 54B) permet une suture en deux plans, plus résistante, mais elle expose à des troubles de la contraction du muscle carré du menton, responsable d’asymétrie lors de la mimique. Une fois le périoste incisé, on le récline pour exposer la symphyse. L’élévation périostée va se poursuivre vers l’arrière jusqu’au rebord basilaire, en regard de la première prémolaire (fig 55), en protégeant les nerfs mentonniers. On évite de désinsérer les muscles de la houppe pour ne pas aboutir à la déformation dite « du menton de sorcière » (witch chin deformity) [35, 56] (fig 56). Cet aspect est dû à une mauvaise réinsertion musculaire postopératoire qui accentue le pli sous-mental.
50 Parallélisme des lignes bipupillaires, biangulaires et des tubercules mentonniers.
Maîtrise de la symétrie L’ostéotomie peut être pratiquée, soit à la fraise, soit à la scie. La scie est plus difficile à maîtriser, mais elle crée moins de lésions des tissus mous, diminue le temps opératoire et, par voie de conséquence, les pertes sanguines. Nous préférons la scie alternative à la scie oscillante. Deux structures anatomiques doivent être impérativement préservées : les apex dentaires et les nerfs alvéolaires inférieurs. Cinq millimètres de marge sous les apex sont suffisants pour préserver la vitalité et la sensibilité des dents [22]. Une même marge de 5 mm doit être
48
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Stomatologie
respectée sous le trou mentonnier, car le nerf effectue une boucle inféroantérieure avant de sortir au trou mentonnier. La découpe doit être symétrique dans les trois plans de l’espace : – l’ostéotomie doit rejoindre le rebord mandibulaire à la même distance des deux côtés, en général en regard de la deuxième prémolaire ou de la première molaire ; – l’angle d’attaque de la scie doit être le même tout au long de la découpe, car une variation de l’angle peut induire des mouvements parasites lorsqu’on
Proportions du tiers inférieur du visage dans le plan frontal.
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A
B
D
E
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C
51 Différentes analyses esthétiques de profil. Holdaway, GonzàlezOllua, Sassouni intègrent les différentes structures crâniennes et faciales pour proposer une position idéale du point menton. Ricketts, Burstone et Steiner ont des critères orthodontiques et ne situent pas le menton par rapport aux structures craniofaciales. A. Gonzàlez-Ulloa et Stevens. B. Ricketts. C. Burstone. D. Steiner. E. Holdaway.
52 Dessin de l’incision muqueuse. A 54
B
A. La voie sous-muqueuse protège les fibres du nerf mentonnier. B. La voie transmusculaire favorise la suture en deux plans.
Ostéosynthèse
53 Exposition des fibres superficielles de la troisième branche du trijumeau dans la lèvre.
mobilise le fragment inférieur (fig 57) ; cette découpe symétrique est la première clé pour maîtriser le repositionnement tridimensionnel, car une fois le segment osseux individualisé, il faut le placer puis le fixer de manière à préserver la symétrie ; il faut insister sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement de repositionner la ligne médiane mais qu’il s’agit de repositionner un volume dans l’espace ; la modélisation informatique (fig 58) des mouvements permet de mieux comprendre les difficultés de stabilisation du fragment basilaire.
Les fils d’acier ont longtemps été l’unique méthode d’ostéosynthèse et gardent leurs partisans [22, 48]. Les considérations économiques prenant toujours plus d’importance, leur faible coût est à nos yeux leur dernier et unique avantage. En effet, les fils métalliques ne permettent une immobilisation des fragments que s’il existe uniquement un contact intime entre les corticales osseuses. En cas d’abaissement ou d’avancement importants, il faut avoir recours à des greffes autologues complémentaires qui ne sont normalement pas nécessaires avec des ostéosynthèses rigides. Ce sont les raisons qui nous poussent à préférer les plaques de titane miniaturisées grâce auxquelles un positionnement précis du fragment basilaire et une stabilité primaire en postopératoire peuvent être obtenus. Des plaques préfabriquées en « marche d’escalier » pour des avancements standardisés sont aussi disponibles [15]. On ne peut cependant les utiliser pour des abaissements ou des corrections angulaires en cas de découpe imparfaite. Nous préférons façonner deux miniplaques qu’on adapte avec précision à page 21
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55 Exposition osseuse : les muscles de la houppe ne sont pas désinsérés.
A
56 Déformation dite « du menton de sorcière » (witch chin deformity). B
C
57 Maîtrise de la symétrie dans les trois plans de l’espace : la longueur de la découpe A-B doit être égale des deux côtés. L’angle α doit être constant sur toute l’épaisseur osseuse.
chaque anatomie et à chaque mouvement appliqué au fragment symphysaire (fig 59). Un greffon osseux autologue n’est envisagé que si l’espace entre les fragments osseux dépasse 5 mm (fig 59). Nous avons vu que la symétrie est essentielle, il faut la conserver et la maintenir ; lors d’ostéosynthèses réalisées a minima à l’aide de quatre vis et deux plaques, des rotations autour de la tête des vis peuvent se produire, provoquant le phénomène du pantographe (fig 60). La stabilité primaire de la génioplastie peut également être obtenue grâce à deux vis de position ou à compression, comme l’a proposé Schendel [57]. Cette technique est assez délicate car elle revient à fixer un « fer à cheval » (le fragment mobile) sur un autre « fer à cheval » (la partie antérieure de la mandibule). Ce type de géométrie supporte mal les phénomènes de pression ou de désaxation qui apparaissent inévitablement lors du vissage, car les vis ne peuvent pas toujours être insérées perpendiculairement aux deux surfaces. La précision du montage peut donc en souffrir et pour éviter ces page 22
D 58
Modélisation informatique. A. Symétrisation du volume osseux à déplacer. B. Rotation autour de la ligne médiane. L’impression d’asymétrie provient du positionnement des ailes latérales. C. Abaissement asymétrique autour de la ligne médiane. D. Effet géométrique : plus la pente de l’ostéotomie est aiguë, plus il existe un effet de raccourcissement.
complications, Schow [58] propose une technique combinée associant une vis et une plaque.
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Tableau I. – Types de mouvements appliqués au menton. Augmentation
verticale
antéropostérieure
Diminution
verticale
(antéropostérieure)
par translation
par rotation
par impression différentielle
par augmentation différentielle
Symétrisation
59
Ostéosynthèse avec greffons osseux autologues interposés si l’espace est supérieur à 5 mm.
la mandibule. Le premier trait doit être placé suffisamment bas pour permettre la diminution, sans mettre en péril les apex des incisives et des canines inférieures. Cette technique favorise une diminution précise (millimétrique), en accord parfait avec le planning préchirurgical. On choisit une découpe très longue qui se termine en mourant dans la région des premières molaires, afin de ne pas créer un angle osseux aigu, palpable au rebord basilaire. La diminution antéropostérieure est beaucoup plus délicate si l’on désire un bon résultat esthétique ; en effet, s’il est relativement facile d’installer le menton en position plus postérieure, il est beaucoup plus difficile d’estimer l’effet de cette diminution de volume osseux sur les tissus mous. La plupart du temps, on retrouve dans la région sous-génienne un empâtement, voire un double menton disgracieux. Pour éviter ces risques, nous préférons éviter la génioplastie de recul isolée. Si cette technique s’impose absolument, on l’accompagne d’une mise en tension du platysma et d’une lipoaspiration de la graisse sous-mentale.
Augmentation
60 Phénomène du pantographe : le montage est mobile transversalement lorsque les miniplaques ne sont stabilisées que par deux minivis.
Technique unique, possibilités multiples La technique de découpe et de fixation précédemment illustrée permet de gérer les déplacements de la symphyse dans tous les plans de l’espace et d’en assurer la stabilité [46]. Ceci n’est pas toujours possible avec d’autres moyens de contention. Il nous paraît donc préférable d’adopter une technique universelle qui permette de se concentrer exclusivement sur la découpe et sur la précision du déplacement envisagé. Trois types de mouvements appliqués au menton sont identifiables : diminution ou augmentation de volume et symétrisation, avec huit variations différentes (tableau I).
Diminution Pour réduite la hauteur du menton, une fois la première découpe effectuée, une tranche d’épaisseur uniforme ou en « quartier d’orange » est réalisée parallèlement et au-dessus du premier trait d’ostéotomie sur la partie fixe de
On évite par principe les implants synthétiques d’augmentation qui aboutissent, en raison des forces d’appui des tissus mous, à une résorption osseuse sous-jacente comme Converse le relevait déjà en 1964 [12]. Grâce aux plaques ajustables, l’augmentation antéropostérieure du menton peut être réalisée jusqu’à concurrence de l’épaisseur de deux corticales sans difficultés. Lorsqu’un mouvement plus ample est recherché, on effectue une découpe en « tiroir » à deux ou trois niveaux pour obtenir un avancement en « marche d’escalier ». On peut augmenter la hauteur génienne d’environ 5 à 6 mm, sans qu’il soit nécessaire d’interposer un greffon osseux. Pendant les 6 premiers mois, les ostéosynthèses rigides maintiennent l’espace d’ostéotomie qui se comble parfaitement après environ 1 an. Cet abaissement est très utile et peut remplacer, par le biais d’une légère tricherie sur l’équilibre des tiers, un recul génien toujours disgracieux [54]. Tout mouvement osseux a une répercussion sur les tissus mous et une augmentation verticale de plus de 5 mm doit être envisagée avec prudence, au risque d’aboutir à une incompétence labiale ou à une contracture permanente du muscle carré du menton. Le sujet effectue ce mouvement involontaire pour parvenir à une compétence labiale et cette hyperactivité donne un aspect en « peau d’orange » à la houppe du menton.
Problème de la symétrisation Avec la combinaison de ces différentes techniques, on parvient à symétriser le menton, soit par une franche translation, soit par une ingression asymétrique, voire un abaissement asymétrique. Pour de rares cas, on peut même envisager une section centrale permettant de ne déplacer qu’une demivalve, comme l’a proposé Raffaini [50].
Références ➤
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Stomatologie [22-066-D-10]
Chirurgie correctrice des malformations ou dysmorphoses maxillomandibulaires : approche diagnostique et plan de traitement
Michel Richter : Chirurgien maxillofacial, privat-docent, chargé de cours à la faculté de médecine de Genève, chef de service Claude Mossaz : Médecin dentiste orthodontiste, chargé d'enseignement à la faculté de médecine de Genève François Laurent : Chirurgien maxillofacial, praticien privé à Annecy, médecin consultant à la faculté de médecine de Genève Patrick Goudot : Chirurgien maxillofacial, praticien privé à Annecy, médecin consultant à la faculté de médecine de Genève Unité de chirurgie maxillofaciale, division de chirurgie réparatrice, hôpital cantonal universitaire, 24, rue Michell-du-Crest, CH 1211, Genève 14 Suisse
Résumé Le plan de traitement des dysmorphies maxillomandibulaires impose une démarche rigoureuse de la part de l'équipe orthodontiste-chirurgien. Il s'appuie d'abord sur un examen clinique dans lequel la définition de la motivation du patient est aussi importante que les critères esthétiques et fonctionnels. La documentation qui complète cet examen clinique doit être précise et comporter des analyses radiologiques et des modèles en plâtre répétés. Cet ensemble permet d'établir un diagnostic et de faire aussi apparaître un certain nombre de problèmes que l'équipe thérapeutique devra résoudre avant le temps de la chirurgie. Les auteurs détaillent enfin la préparation de cette intervention et le mode de prise en charge postopératoire. © 1998 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
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EXAMEN CLINIQUE La chirurgie orthognathique et, dans une moindre mesure, l'orthodontie modifient profondément une physionomie. Avant de l'opérer, un visage doit être littéralement « compris » pour que les modifications qu'on y apporte soient favorables. L'examen clinique doit l'analyser de façon séquentielle en le plaçant dans son contexte corporel, en tenant compte des attitudes, voire du psychisme du patient. De la rigueur de cet examen dépendent le plan de traitement et la qualité des résultats. C'est l'étape la plus importante qui conduit au diagnostic. En effet, l'analyse céphalométrique, les modèles et les photographies, autres étapes menant au diagnostic, sont surtout destinés à confirmer et affiner les constatations faites en examinant le patient. « On n'opère pas des radiographies ». Le diagnostic est la définition des problèmes dont dépend le plan de traitement. Le traitement est l'exécution du plan élaboré.
Conditions de l'examen clinique On observe un patient en lui demandant de placer sa tête en position naturelle, soit la position qu'il adopte spontanément. Contrairement à une opinion généralement admise, il semble que l'être humain ne place pas son extrémité céphalique selon le plan de Francfort horizontal [11]. Pour parvenir à la position naturelle, on demande au patient de relâcher ses épaules et de regarder à l'infini, ou « le plus loin possible ». On peut aussi lui proposer de se regarder dans un miroir placé à quelques mètres en face de lui, à la hauteur des yeux. Si la tête est trop relevée, le profil a une tendance à la promandibulie. La tête abaissée donne l'impression d'une rétromandibulie (fig 1) [11]. L'examen devrait être réalisé en positionnant les condyles en relation centrée et non pas avec les dents en intercuspidation maximale qui risque de camoufler une rétromandibulie ou d'augmenter la sévérité d'une promandibulie. La musculature labiale doit être relâchée, attitude difficile lorsque le patient maintient ses condyles en relation centrée. On y parvient en lui demandant de crisper et de relâcher alternativement les muscles orbiculaires des lèvres. Une fois la tête en position naturelle, condyles en relation centrée et lèvres relâchées, le visage est examiné de face, de profil, de trois quarts, et en vue plongeante, dans les trois plans de l'espace.
De face Vue dans son ensemble, une face paraît large ou étroite, longue ou courte, ovale, voire rectangulaire ou carrée. Dans le plan frontal, on apprécie la symétrie, la hauteur et la largeur du visage. La symétrie s'évalue par rapport à une ligne idéale qui passe par la glabelle, le long de l'arête nasale, le philtrum et la pointe du menton (fig 2). Une asymétrie peut être globale ou porter sur un, voire deux des trois étages faciaux. Pour apprécier la hauteur faciale, il est possible, mentalement, de diviser la face en trois étages d'égale dimension, le tiers supérieur s'étendant de la racine des cheveux à la
glabelle, le tiers moyen de la glabelle à l'angle nasolabial, et le tiers inférieur de l'angle nasolabial à la pointe du menton (fig 3). Pour la largeur, il faut garder à l'esprit que les régions les plus larges du visage sont situées, d'une part entre les deux arcades zygomatiques et d'autre part, entre les deux angles mandibulaires (fig 4). Dans le plan horizontal, on évalue le parallèlisme des différents étages du visage en insistant sur l'horizontalité du plan bipupillaire et du plan bicommissural labial. Ces deux plans sont parallèles (fig 5) [1]. Le menton est une des structures les plus visibles de la face. Dans notre société, il est encore réputé être le reflet de certains traits de caractère puisqu'on parle facilement de « menton volontaire ». Un menton plutôt massif et proéminent est reconnu comme une caractéristique masculine, alors qu'une rétrogénie correspond en général à un visage féminin. Il faut décrire la forme arrondie ou pointue du menton. La palpation permet en outre d'apprécier l'importance des tissus mous qui peuvent compromettre une réduction du volume osseux en créant un double menton. Après cette appréciation d'ensemble, chacun des tiers est examiné séparément. Pour le tiers moyen, les pommettes occupent, avec le menton et les angles mandibulaires, une position remarquable dans la face. On doit décrire leur position haute ou basse, leur projection ou leur aplatissement. Elles sont en général plus marquées dans le sexe féminin (fig 6). La pointe des deux os malaires est mieux précisée si on les palpe avec les deux index simultanément. Il faut décrire aussi les régions paranasales, au besoin en y appliquant les doigts lorsqu'elles sont aplaties. On peut aussi soulever la lèvre supérieure à l'aide d'un miroir placé dans le vestibule pour simuler un avancement maxillaire. L'examen du nez doit définir sa forme, large ou étroite, sa position, rectiligne ou déviée, en précisant la largeur des ailes narinaires et l'alignement ou la déviation du bord inférieur de la cloison. L'analyse du tiers inférieur a une importance capitale car les proportions relatives des traits du visage à ce niveau sont plus importantes que l'équilibre existant entre les tiers moyen et inférieur [2]. Idéalement, le tiers inférieur peut être divisé en trois étages égaux, par quatre lignes horizontales et parallèles passant par : le le le le
pied de la cloison ; stomion ; point le plus profond du pli labiomentonnier ; point sous-mental (fig 7).
La forme, l'épaisseur, la hauteur et la longueur des lèvres jouent leur rôle mais c'est surtout l'espace libre situé entre elles qui est important. Dans un visage équilibré, le découvrement naturel des incisives supérieures, lèvres au repos, est de 1 à 5 mm (fig 8), et d'environ 8 mm lors du sourire, ce qui équivaut à la hauteur de l'incisive centrale (fig 9). Un recouvrement complet des dents (dents invisibles) est un signe accompagnant une face courte en cas d'insuffisance de hauteur verticale du maxillaire. Les lèvres sont volontiers éversées, les commissures écartées et les plis nasogéniens marqués (fig 10 A). Le pli labiomentonnier est profond, soulignant un bouton mentonnier très apparent (fig 10 B). Un espace interlabial augmenté avec des incisives très visibles et un excès de découvrement des gencives lors du sourire (sourire gingival) peut être la conséquence d'une lèvre supérieure trop courte. La plupart du temps, il est la conséquence d'une face longue par excès vertical du maxillaire (fig 11 A, B). Pour parvenir à l'occlusion des lèvres, le patient est obligé de contracter les muscles peauciers provoquant l'aspect classique dit en « peau d'orange » du revêtement cutané du menton (fig 11 B).
De profil On évalue le profil avec la tête en position naturelle, condyles en relation centrée et lèvres relâchées. Les côtés droit et gauche sont examinés successivement. Dans le plan vertical, on confirme les excès ou les insuffisances de hauteur repérés lors de l'examen de face, par la règle des tiers. Une attention particulière est portée aux angles mandibulaires. Dans les cas de face longue, ils seront plutôt ouverts (obtus) (fig 11 B) alors qu'un angle fermé accompagne de préférence une face courte (fig 10 B). Dans le plan sagittal, on apprécie globalement la projection du visage en le situant sous l'étage crânien et par rapport au front. On reconnaît des formes rectiligne, convexe ou concave (fig 12 A, B, C) ou des profils cis-, ortho-, ou transfrontaux (cf figure 4, article 22-066-C-10 de l'Encyclopédie médicochirurgicale). On analyse ensuite la position des étages les uns par rapport aux autres, ainsi que les régions alvéolodentaires comme les tiroirs plus ou moins ouverts d'une commode ou comme les « tiroirs » de Dali (fig 13). Le rebord orbitaire est un indicateur de la projection du maxillaire. La partie antérieure du globe est d'habitude située 2 à 4 mm en avant du rebord orbitaire [2]. Une insuffisance de projection maxillaire s'accompagne en général de pommettes plutôt aplaties (fig 14 A, B). Dans les cas de promandibulie qui accompagnent souvent une rétromaxillie, on peut mieux apprécier la situation réelle du tiers moyen en camouflant le bas du visage avec la main (fig 15). L'angle nasolabial est formé par l'intersection de la lèvre supérieure et de la columelle. Il peut varier entre 85 et 105°, et est en général plus obtus dans le sexe féminin [1] (fig 16). C'est le témoin de la forme du nez mais aussi de l'épaisseur de la lèvre et de l'appui dentaire sous-jacent : fermé en cas de proalvéolie, ouvert lors de rétroalvéolie. Un pli labiomentonnier harmonieux a une courbure très douce. Lorsqu'il est profond, il accompagne en général une face courte alors qu'il est presque inexistant, voire rectiligne dans les faces longues. Le menton est un point remarquable du visage. Il peut compenser une rétromandibulie par un excès de développement (cf figure 16, article 22-066-C-10 de L'Encyclopédie médicochirurgicale).
De trois quarts Il est possible de mieux situer la position des pommettes, leur hauteur ainsi que leur projection. L'aplatissement ou le bombé du front est aussi mieux apprécié de cette façon (fig 17).
Vue plongeante En observant le visage en vue plongeante, il est possible d'apprécier la symétrie de projection des os malaires et de la pyramide nasale.
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EXAMEN RADIOLOGIQUE L'examen radiologique [12] dans le cadre diagnostique et thérapeutique des dysmorphies maxillomandibulaires repose sur plusieurs types de clichés : l'orthopantomogramme ; des clichés endobuccaux ; d'autres examens radiographiques de la face ; la radiographie du poignet ; les téléradiographies craniofaciales ;
Orthopantomogramme (fig 18) C'est le cliché de « débrouillage » par excellence. Il donne des renseignements sur : l'état de la denture, et notamment son aspect quantitatif avec le degré d'évolution de la denture définitive ; l'identification et la situation des germes et des dents incluses, en particulier des dents de sagesse. Qualitativement, il permet le dépistage des caries, et le retentissement éventuel du traitement orthodontique sur les racines ; l'état parodontal à la recherche d'éventuelles poches parodontales et de foyers infectieux pararadiculaires ; l'anatomie de la mandibule, sa dimension, sa forme, la symétrie des condyles et des coronés ; le trajet du canal mandibulaire, notamment la position de son orifice proximal à l'épine de Spix et sa position par rapport au bord basilaire de la mandibule ; la structure de l'os, à la recherche d'éventuelle lésion pathologique intraosseuse ; l'anatomie des maxillaires, et en particulier la situation des bas-fonds sinusiens.
Clichés endobuccaux Occlusaux ou rétroalvéolaires, ils permettent de préciser, pour denture et parodonte, les lésions suspectées sur l'orthopantomogramme. Ils permettent aussi de surveiller le retentissement du traitement orthodontique sur l'os alvéolaire et les racines et de préciser la position des racines en vue d'ostéotomies segmentaires.
Autres examens radiographiques de la face Ils seront choisis en fonction des constatations faites lors de l'examen clinique et des clichés initiaux. Ainsi, par exemple, l'exploration par radiographie standard ou tomodensitométrie des sinus maxillaires ou des condyles mandibulaires. L'imagerie par résonance magnétique est l'examen de choix pour préciser la position et l'état des disques temporomandibulaires [8].
Radiographie du poignet La radiographie de face du poignet gauche permet de déterminer l'âge osseux [14] .
Téléradiographies Les téléradiographies ayant pour but de réaliser des analyses céphalométriques, l'idéal est que l'image obtenue soit de dimension égale à celle de l'objet radiographié et ce de façon reproductible. L'agrandissement radiologique est d'autant plus faible que la distance focale entre la source du rayonnement et l'objet est grande (4 à 5 m) et que la distance entre le plan sagittal de la face et le film est faible (9 à 15 cm) [19].
Téléradiographie de profil (fig 19) Ce cliché de profil est le plus utilisé. Il est en règle lu la face du sujet tournée vers la droite. Les repères que l'on choisit dépendent de l'analyse céphalométrique utilisée. Lorsque le cliché est de bonne qualité et la face symétrique, les contours des deux côtés droit et gauche sont à peu près superposés, en particulier au bord basilaire de la mandibule.
Téléradiographie de face (fig 20) Ce cliché doit faire partie de dysmorphies maxillomandibulaires.
l'examen
radiologique
systématique
des
Il est nécessaire à l'appréciation de la symétrie faciale.
Téléradiographie axiale Plus difficile à réaliser, moins utilisé, ce cliché reste le plus précis pour étudier la symétrie mandibulaire et condylienne.
Profil et tissus mous L'étude des tissus mous se superpose à la téléradiographie de profil : profil de la face : nez, angle nasolabial, lèvres, rapport dentolabial et occlusion labiale, menton, angle cervicomentonnier ; voies aériennes supérieures : végétations amygdaliennes, voile, amygdales palatines, base de langue, calibre des voies aériennes supérieures.
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ANALYSE CÉ PHALOMÉ TRIQUE
Introduction
encore utilisé de nos jours. Il est constitué d'un système de stabilisation de la tête dans une position naturelle par les conduits auditifs externes et un appui nasal, d'une source de rayons à une distance fixe et une cassette contenant le film. Cette dernière est munie d'un écran renforçateur pour diminuer le temps d'exposition. La téléradiographie est une image en deux dimensions d'une structure tridimensionnelle. Elle est prise en occlusion centrée avec les lèvres en position de repos. Lors d'un glissement de relation centrée en occlusion centrée, par exemple pour les cas de classe III, un second film peut être pris en relation centrée. Afin de mieux discerner le pourtour des condyles, une autre téléradiographie avec bouche ouverte est conseillée. Elle est utile pour mesurer la longueur mandibulaire totale. L'objectif initial de la céphalométrie était d'étudier la croissance craniofaciale à l'aide de radiographies standardisées superposables prises à des intervalles réguliers. Elles devaient ainsi permettre de déterminer des standards de croissance, tout comme ceux de Greulich et Pyle [14] pour l'évaluation de l'âge squelettique d'après la radiographie du poignet. C'est ainsi que les groupes de Bolton [7], de Michigan [3] divisés suivant le sexe, et ceux de Burlington répartis selon le type facial, ont été établis et servent toujours de référence pour des travaux scientifiques. Ils prenaient tous en considération des individus de race blanche d'origine du nord de l'Europe avec une occlusion idéale. Les études longitudinales de Bjork [4] et de ses collaborateurs, à l'aide d'implants, il y a une trentaine d'années, ont grandement contribué à notre connaissance des processus de croissance et notamment des phénomènes de rotation des maxillaires [5]. La téléradiographie, devenue un document indispensable en orthodontie puis en chirurgie, a servi à évaluer autant les malformations crâniennes, les malocclusions dentaires que les proportions faciales, et c'est ainsi que de nombreuses analyses céphalométriques ont été proposées régulièrement. Parallèlement, une autre application s'est révélée très utile pour le clinicien, avec la possibilité de suivre l'évolution du traitement à l'aide de documents successifs et superposables, de contrôler l'influence des appareils orthopédiques, et le degré de collaboration des patients.
Analyses céphalométriques Les années qui ont suivi le développement du céphalomètre ont vu naître une multitude d'analyses qui finalement tentaient toutes de quantifier, à l'aide de mesures linéaires et angulaires, les mêmes déviations anatomiques par rapport à une moyenne. Chaque étude a apporté son lot de nouveautés qu'il était bon de relever. C'est ainsi que, de nos jours, la plupart des Écoles n'enseignent pas une analyse spécifique, mais un amalgame constitué des résultats de différentes recherches qui se modifient en permanence. Parmi les travaux marquant les progrès de la céphalométrie, citons ceux de Downs [10], en 1948, avec l'angle de convexité N-A-Pog (nasion-point alvéolaire inférieur-pogonion) et le plan mandibulaire, et ceux de Riedel [25], en 1952, avec les angles SNA (selle turcique, nasion, point alvéolaire supérieur), SNB (selle turcique, nasion, point alvéolaire inférieur) et ANB (point alvéolaire supérieur, nasion, point alvéolaire inférieur). La définition de l'angle de l'incisive supérieure par rapport à NA et de l'incisive inférieure par rapport à NB est due à Steiner [28], de même qu'une ligne esthétique passant par le milieu de la base du nez et le pogonion cutané. Il établit également un tableau des valeurs de « compromis acceptables » pour l'axe de l'incisive inférieure en fonction de la malformation squelettique. Dans une période où la préférence allait vers des visages droits, voire creux, où pour cette raison les extractions de prémolaires étaient presque systématiques, Tweed [29] avait pour objectif de positionner l'incisive inférieure à 65° par rapport au plan de Francfort. Il détermina un triangle formé par ce dernier, le plan mandibulaire de Downs [11] et l'axe de l'incisive inférieure. Holdaway [15], en 1956, décrivit la proéminence du menton par un rapport entre la distance du bord de l'incisive inférieure à NB et celle de pogonion à NB « Holdaway ratio ».
En 1969, Sassouni [27] élabore une classification des types faciaux dans le plan sagittal et le plan vertical. À l'aide de quatre plans horizontaux et de leur convergence en un point O, on peut évaluer une dysmorphie dans le plan vertical. Trois arcs de cercle dessinés à partir du point O définissent les anomalies éventuelles dans le plan sagittal (fig 21). L'analyse de Ricketts [22] utilise principalement le plan de Francfort anthropométrique, qui n'est pas toujours facile à définir. Elle utilise également un point Xi, déterminé géométriquement, et correspondant au centre de la branche montante de la mandibule. Pour réaliser une analyse architecturale craniofaciale selon Delaire [9], il est nécessaire de disposer de films radiographiques suffisamment grands pour obtenir une image d'ensemble du crâne, de la face et des éléments alvéolodentaires. Cette analyse des structures squelettiques a la particularité d'être adaptée à chaque individu (fig 22). Enfin, McNamara [16] utilise une droite passant par le nasion et perpendiculaire au plan de Francfort pour établir la position antéropostérieure du maxillaire. Chez l'adulte caucasien, le maxillaire, défini par le point A, devrait être situé légèrement en avant du plan de McNamara (1,1 mm pour les hommes et 0,4 mm pour les femmes). En fin de compte, selon Moore [17], pour qu'une analyse céphalométrique soit complète, il importe qu'elle comporte un moyen d'établir les relations spatiales entre : maxillaire et crâne ; mandibule et crâne ; mandibule et maxillaire ; dentures maxillaire et mandibulaire ; proéminence du menton par rapport à la base dentoalvéolaire mandibulaire ; position axiale des incisives supérieures et inférieures par rapport à leur base osseuse et aux plans squelettiques ; proportions faciales et relations des diverses parties par rapport à l'ensemble. L'analyse de Genève (fig 23) tente de remplir ces conditions avec des mesures linéaires, angulaires et leurs proportions.
Prédictions céphalométriques Pour planifier les corrections d'une ou plusieurs malformations dento-maxillofaciales par chirurgie orthognathique, certains objectifs sont essentiels et doivent être atteints : occlusion fonctionnelle ; respiration sans restriction ; esthétique faciale harmonieuse ; santé parodontale ; articulations temporomandibulaires saines ; réponse à la motivation principale du patient. Il ne devrait théoriquement pas exister de hiérarchie entre ces différents objectifs. L'obtention d'un surplomb et d'un recouvrement incisif idéal, ainsi que des valeurs céphalométriques proches de la moyenne, ne sont que des éléments qu'il faut mettre en relation avec une normalisation du contexte facial . Pour faciliter la planification des cas de chirurgie orthognathique, on ajoutera à l'analyse de Genève la perpendiculaire au plan de Francfort passant par le nasion
ou plan de McNamara, la position de l'incisive supérieure par rapport à la lèvre supérieure au repos et les proportions des hauteurs faciales antérieures (fig 24). Les étapes nécessaires à la réalisation manuelle d'une prédiction céphalométrique d'un cas de rétromaxillie associée à une promandibulie sont illustrées (fig 25 A à H).
Analyses céphalométriques informatisées et prédictions par image vidéo Ricketts fut le pionnier de l'informatisation des données céphalométriques. Son approche ne consiste pas seulement à analyser les téléradiographies initiales de chaque patient, mais aussi à prédire la croissance et les effets éventuels d'un traitement (VTO : objectifs visuels du traitement). Malheureusement, son analyse utilise des points et des axes peu habituels et parfois difficiles à localiser, comme par exemple le porion anatomique. De plus, les valeurs utilisées comme normes sont dérivées de groupes non spécifiques rassemblés par Ricketts lui-même. En orthodontie, les patients dont la croissance est normale sont aisés à traiter, et la prédiction ne présente qu'une aide relative. Ce sont évidemment les prévisions pour les cas avec croissance atypique qui présentent le plus d'intérêt. Elles ne sont malheureusement pas encore accessibles de nos jours. Pour les patients adultes qui entreprennent un traitement orthodontique ou/et de chirurgie orthognathique, la prévision du résultat final devient plus aisée. Depuis plusieurs années, divers programmes ont été commercialisés, parmi lesquels on peut citer le Dentofacial Planner (DFP, Dentofacial Software, lnc Toronto, Canada), le Quick Ceph du docteur Blaseio (Quick Ceph orthodontic Processing, Chula Vista, California) et, plus récemment, l'analyse architecturale informatisée de Delaire. Une fois la téléradiographie digitalisée, ces programmes permettent d'obtenir une grande variété d'analyses céphalométriques et même de créer une analyse personnalisée. La technique de prédictions informatisées est relativement simple. Elle nécessite un ordinateur avec écran, une caméra vidéo, une table de digitalisation et le programme informatique. Dans un premier temps, on enregistre et on digitalise la téléradiographie, tissus durs et tissus mous. L'image du patient de profil (fig 26 A) est ensuite transférée sur l'ordinateur qui la superpose au tracé céphalométrique. L'étape suivante consiste à simuler sur le tracé, d'abord les déplacements dentaires envisagés par le traitement orthodontique préchirurgical et leurs conséquences sur les tissus mous, puis les ostéotomies planifiées. L'ordinateur, grâce à un programme qui intègre les rapports entre tissus durs et tissus mous, dessine ensuite le profil final (fig 26 B). Plusieurs solutions peuvent ainsi être testées et discutées, afin d'en choisir la meilleure. Il est impératif d'informer le patient sur le caractère non définitif du visage proposé. Il faut clairement expliquer que l'image visible à l'écran peut ne pas ressembler exactement au résultat final (fig 26 C). Des études récentes sur la fiabilité de ces systèmes de prédiction montrent que la prévision des déplacements osseux est assez aisée et précise, alors que le tracé des tissus mous relève plus de l'art que de la science. Enfin, les changements esthétiques apportés par la chirurgie orthognathique ne sont pas présentables dans le plan frontal, alors qu'ils ont une grande importance pour le patient et son entourage.
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ANALYSE DES MOULAGES Les moulages dentaires sont nécessaires à l'évaluation de l'occlusion. On en prépare en général deux paires, l'une comme modèle d'étude, l'autre pour la confection d'une simulation (set-up). Ils sont taillés simultanément, leur position
relation centrée en intercuspidation maximale de 1 à 2 mm n'a que peu de conséquences, alors qu'un glissement latéral ou antérieur de grande envergure peut influencer significativement le diagnostic et le plan de traitement. Si c'est le cas, on prendra une cire en relation centrée qui sert également pour effectuer la téléradiographie, l'éventuelle radiographie postéro-antérieure et au montage des modèles en articulateur.
Analyse interarcade Analyse sagittale : dans un premier temps, on définit la classe d'Angle (cf figure 14, article 22-066-C-10 de l'Encyclopédie médico-chirurgicale), qui n'est pas toujours symétrique. Chez des patients édentés multiples, elle peut parfois être difficile à apprécier. Le surplomb au niveau des incisives doit aussi être relevé. Analyse verticale : on note la supra- ou l'infraclusie antérieure, la courbe de Spee, les ingressions ou égressions de dent unitaire ou de groupes de dents. Analyse transverse : on relève les occlusions croisées antérieures ou postérieures, les non-occlusions buccales, les déviations de ligne médiane. S'il existe un problème sagittal à corriger, les modèles doivent être positionnés en classe I, de façon à repérer l'anomalie transversale réelle.
Analyse intra-arcade En analysant les arcades dentaires individuellement, on relève leur forme, la symétrie de position des dents, les rotations, la position de la ligne médiane par rapport à la base osseuse. L'analyse de place permet de juger s'il est nécessaire d'éliminer ou non des unités dentaires. Cette décision dépend aussi de l'état parodontal et de la téléradiographie qui précise l'axe de l'incisive inférieure par rapport au plan mandibulaire. Les dysharmonies dentodentaires sont mesurées par l'analyse de Bolton, sur la base de tables. Lorsqu'elles sont importantes, un meulage interproximal d'émail peut être indiqué, voire une reconstruction dentaire, ou encore des extractions atypiques envisagées. Elles seront confirmées sur le set-up orthodontique.
Set-up orthodontique Le set-up orthodontique est devenu un outil pratiquement indispensable dans la planification des traitements orthodontiques adultes. Il s'agit d'une simulation des mouvements dentaires planifiés sur des moulages dont les dents ont été préalablement séparées (fig 27). Il permet de visualiser le résultat occlusal final, de mettre en évidence les ancrages nécessaires et de faire ressortir les dysharmonies dentodentaires éventuelles. Le set-up devient obligatoire lorsque des espaces doivent être préparés pour la pose d'implants et que l'orthodontie devient « pré-prothétique ». Il est également indispensable dans les cas d'ostéotomies plurisegmentaires où l'orthodontiste a besoin de références pour sa préparation.
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PLANIFICATION ET COORDINATION ORTHODONTICOCHIRURGICALE Le but de la chirurgie orthognathique est d'obtenir un équilibre facial harmonieux individualisé et stable dans tous les domaines esthétique et fonctionnel.
La coordination du traitement et la communication entre l'orthodontiste et le chirurgien sont essentielles, garantes d'une collaboration interdisciplinaire efficace et d'un résultat final satisfaisant pour le patient [12]. La compréhension mutuelle passe par une connaissance réciproque des deux spécialités en termes de vocabulaire, d'approche diagnostique et de moyens thérapeutiques [18].
É quipe orthodonticochirurgicale La mise en place du traitement chirurgical des dysmorphies maxillomandibulaires suppose une véritable « stratégie » (fig 28). Si tout chirurgien « pense » son acte chirurgical, la chirurgie orthognathique a ceci de particulier que la réflexion s'inscrit dans une durée inhabituellement longue. En outre, elle met en jeu une véritable équipe thérapeutique au sein de laquelle l'association orthodontiste-chirurgien assure la permanence du suivi et de la réflexion. En effet, l'équipe constituée de ces deux praticiens doit être complétée par le médecin et le chirurgien-dentiste traitants habituels et peut devoir faire appel à des compétences particulières en parodontologie, occlusodontie, voire en psychiatrie [21].
Première(s) consultation(s) : éléments de la décision Si le plan de traitement orthodonticochirurgical comporte plusieurs étapes que nous détaillerons ultérieurement, il devra aussi s'adapter à de multiples facteurs.
Pathologies associées Le diagnostic de la dysmorphie maxillomandibulaire ne doit pas laisser négliger d'éventuelles pathologies associées dont la prise en charge allongera, voire modifiera, le programme thérapeutique. Il en va ainsi des dysfonctions temporomandibulaires qu'il faut traiter avant l'intervention chirurgicale, voire avant l'orthodontie préopératoire. Cette intervention ne pourra avoir lieu qu'après une période de stabilité clinique des articulations temporomandibulaires de 6 ou plutôt 12 mois [20]. Les dents de sagesse incluses devront être avulsées au moins 6 mois avant une intervention intéressant les angles mandibulaires, comme les ostéotomies sagittales des branches montantes, afin d'obtenir une bonne consolidation osseuse, évitant une fracture de la valve interne lors du clivage ou des difficultés de vissage bicortical lors de l'ostéosynthèse. Les édentations partielles dues à des agénésies ou des pertes dentaires pourront conduire à prévoir une restauration orthodontique des espaces. Ceci permettra, dans les cas les plus favorables, une autotransplantation de germes dentaires, ailleurs une restauration prothétique éventuellement sur implant. On pourra aussi prévoir, en même temps que la chirurgie orthognathique, des autogreffes osseuses localisées, préimplantaires. Il faudra insister sur la nécessité d'une hygiène buccodentaire parfaite, faire traiter les caries éventuelles et les parodontopathies. Dans certaines promandibulies, il est parfois nécessaire d'effectuer des greffes muqueuses vestibulaires avant la décompensation par vestibuloversion incisive inférieure. Enfin, il faut aussi faire réaliser d'éventuelles prothèses provisoires de longue durée.
L'examen de la langue et de sa fonction doit être systématique. Des praxies incorrectes pourront être améliorées par une rééducation orthophonique préchirurgicale dont il faut faire comprendre l'utilité pour éviter la glossoplastie souvent ressentie comme une mutilation. Un volume lingual important nous conduira à éviter toute ostéotomie réduisant le volume disponible, en particulier des ostéotomies mandibulaires de recul. Les indications de glossoplastie restent à notre avis exceptionnelles.
 ge L'âge du patient, et en particulier celui auquel on désire pratiquer l'intervention, est un point essentiel de la coordination entre orthodontiste et chirurgien. Il est en effet dommage de voir pour la première fois en consultation, dans la perspective d'une ostéotomie, un jeune patient qui vient de subir plusieurs semestres d'orthodontie et à qui on doit annoncer qu'il ne pourra être opéré avant plusieurs années et qu'il faut déposer l'appareillage actuel pour ne reprendre le traitement orthodontique que 18 mois avant l'intervention. Il y a là une perte d'énergie, d'argent et de motivation qu'il faut éviter en posant à bon escient le principe d'un traitement orthodontique et chirurgical dès le diagnostic de la dysmorphie. Si la tentation peut être d'opérer les patients le plus tôt possible afin d'épargner sa motivation et de rendre plus acceptable le changement d'image, nous avons cependant pour règle d'attendre : pour les dysmorphies par défaut, que l'évolution de la deuxième molaire soit terminée et l'installation régulière des règles chez la jeune fille ; en moyenne, l'intervention est effectuée entre 15 et 16 ans ; pour les dysmorphies par excès, que la croissance soit terminée. Ceci conduit en règle les garçons jusqu'à 18 ans, les filles jusqu'à 16 ans, après contrôle radiologique du poignet gauche et téléradiographies comparatives successives. Cette précaution ne met cependant pas à l'abri d'une poussée de croissance ultérieure vers la 20e année, voire au-delà, en particulier chez les garçons. Une indication précoce ne se justifiera que si la promandibulie est excessive, socialement gênante, sachant que dans ce cas une nouvelle intervention peut encore s'avérer nécessaire.
Motivation Entre la chirurgie générale, où la pathologie « dicte » l'intervention, et la chirurgie esthétique, où cette intervention ne trouve sa justification que dans la motivation du patient, la chirurgie orthognathique impose souvent à l'équipe thérapeutique de savoir faire naître cette motivation. La nécessité d'une opération chirurgicale sera ainsi plus facile à faire admettre à quelqu'un qui est gêné par les conséquences esthétiques de sa dysmorphie, qu'aux parents d'un enfant et à l'enfant lui-même dont la première consultation chez l'orthodontiste n'était indiquée que par des dents mal alignées. La motivation initiale, l'âge, l'entourage, l'héritage familial et culturel, le profil psychologique même sont autant de facteurs à percevoir, analyser, et prendre en compte dans la décision thérapeutique initiale [21].
Prévision des gestes associés
Prévoir les effets de la correction de la dysmorphie maxillomandibulaire conduit aussi à prévoir parfois des gestes complémentaires. Si le nez est souvent mieux intégré dans le profil grâce au bon choix de l'ostéotomie, certains gestes y aident encore : ostéotomie maxillaire avec « marche d'escalier » paranasale, greffe d'apposition, suture de rapprochement des ailes narinaires, par exemple. Une déviation de la cloison nasale pourra être rectifiée lors d'une ostéotomie maxillaire. A contrario, il faudra veiller à ne pas déplacer cette cloison lors du mouvement d'impaction maxillaire. La génioplastie fait en règle partie du plan de traitement initial. En cas de recul mandibulaire, le menton pourra être mieux dégagé grâce à une lipoaspiration sous-mentale.
Période préchirurgicale Dès la mise en route du traitement, ses objectifs chirurgicaux pourront apparaître sur une maquette céphalométrique avec découpage et mise en place des bases osseuses sur feuilles d'acétate [20]. On peut aussi réaliser une maquette opératoire approximative sur articulateur pour juger en particulier de la nécessité éventuelle d'une ostéotomie segmentaire. Ceci pourra compléter la maquette réalisée par l'orthodontiste, simulant les déplacements dentaires.
Préparation orthodontique L'objectif de cette phase orthodontique préopératoire est de décompenser l'anomalie alvéolodentaire, d'aligner les dents, de coordonner les deux arcades dentaires, de façon à obtenir un bon engrènement dentaire per- et postopératoire. Il peut s'y ajouter la nécessité de fermer ou d'ouvrir des espaces d'extraction. La pose de l'appareillage orthodontique doit comprendre un système fixe complet avec attachements jusqu'aux deuxièmes molaires [12]. On préfère l'utilisation de bagues sur les molaires, bagues qui résisteront mieux aux forces exercées pendant l'intervention chirurgicale [12]. Les attachements en céramique, plus esthétiques, risquent davantage de se fracturer. En revanche, l'appareillage lingual devra être changé en préopératoire afin de permettre le blocage maxillomandibulaire. L'utilisation d'arcs continus est souhaitable pour l'obtention d'une bonne coordination transversale et le nivellement des arcades. Les arcs segmentaires seront choisis si les ostéotomies segmentaires sont prévues ou si l'on veut éviter les mouvements d'égression ou d'ingression des incisives qui pourraient récidiver dans la période postchirurgicale.
Décompensation Dans
les
dysmorphies
sagittales,
les
incisives
inférieures
et
supérieures
augmente le surplomb avant l'intervention mais permettra de positionner molaires et canines en classe I. Cette décompensation s'obtient par le port d'élastiques maxillomandibulaires entre molaires supérieures et canines inférieures (fig 29 A, B, C). Inversement, en cas de promandibulie ou rétromaxillie, les incisives inférieures ont tendance à se verser lingualement et les supérieures, dans une moindre mesure, vestibulairement. Pour les décompenser, il faudra diriger les élastiques entre les molaires inférieures et les canines supérieures (élastiques en classe II) (fig 30 A, B, C). Durant cette phase, le patient est suivi mensuellement pour des ajustements de son appareillage jusqu'à réalisation des objectifs orthodontiques. Des modèles intermédiaires peuvent être nécessaires de façon à évaluer le bon déroulement du traitement. La durée de cette préparation peut varier entre 6 et 14 mois suivant les difficultés du traitement orthodontique. Au cours de cette préparation orthodontique, le chirurgien doit voir régulièrement le patient tous les 4 à 6 mois. Ces consultations intermédiaires peuvent conduire à modifier le plan de traitement initial. La date opératoire doit être fixée suffisamment tôt pour permettre à l'orthodontiste d'atteindre avec certitude le but recherché et au chirurgien de prévoir la consultation d'anesthésie préopératoire. En effet, il faut laisser le temps nécessaire pour effectuer les prélèvements sanguins en vue de l'autotransfusion différée [26] dans le cadre d'une ostéotomie bimaxillaire. Avant l'intervention, il faudra prendre les empreintes pour la confection du set-up chirurgical et des gouttières et mettre en bouche les arcs chirurgicaux. Ceux-ci doivent être rigides et comprendre des attachements vestibulaires pour des fixations maxillomandibulaires (cinq par arcade). On préférera des attachements soudés aux crochets fixés sur les arcs car ces crochets résistent moins aux forces appliquées pendant l'intervention et glissent le long des arcs. Les attachements doivent être pliés vers la gencive afin de ne pas blesser les joues et les lèvres du patient. Les bagues et tous les attachements sont vérifiés et les arcs fixés avec des ligatures métalliques (fig 31).
Période chirurgicale Simulation Grâce à des téléradiographies très récentes et aux tout derniers modèles en plâtre, les derniers jours préopératoires sont l'occasion de simuler l'intervention. Le premier temps de cette simulation est la réalisation du montage céphalométrique sur feuilles d'acétate [20]. Ce montage s'effectue en plusieurs étapes (fig 32) : dessin et découpage de la silhouette du maxillaire et de la mandibule ; mise en « occlusion » de ces deux pièces en s'appuyant sur le rapport interincisif et molaire pour obtenir une classe I. Il faut alors tenir compte de l'éventuelle nécessité de corriger l'axe de l'incisive supérieure, d'obtenir une hypercorrection sagittale (mise en bout à bout incisif d'une classe II par exemple) ou une béance occlusale postérieure. Cette mise en occlusion doit aboutir à un angle entre plan mandibulaire basilaire et plan maxillaire bispinal
d'environ 25°, meilleur gage de stabilité ultérieure ; mise en place de cet ensemble maxillomandibulaire dans le sens antéropostérieur et vertical ; antérieurement, c'est tout l'art de placer correctement l'incisive supérieure, clef de voûte de la planification, déterminante pour son résultat esthétique et fonctionnel. Il faut pour cela tenir compte du rapport labiodentaire supérieur, de l'équilibre des trois étages de la face et de la position de cet ensemble maxillomandibulaire sous la base du crâne. Verticalement, la prolongation du plan vertical postérieurement devra affleurer la région occipitale [27] (fig 32 D) ; le plan mandibulaire lui-même sera mis en occlusion classe I canine avec le plan maxillaire. À ce moment, une autorotation mandibulaire avec, pour axe théorique, le centre du condyle ou l'épine de Spix, peut être suffisante. C'est donc le plus souvent après positionnement du maxillaire que l'on peut estimer la nécessité ou non d'une ostéotomie dite bimaxillaire ; la dernière étape est celle qui détermine la position du menton à l'aide d'un calque de la symphyse. Cette position, tant antérieure que verticale est, elle aussi, assujettie à des critères esthétiques et fonctionnels corroborés par les analyses céphalométriques. Ce montage une fois terminé est « validé » par une étude céphalométrique permettant de s'assurer de son bien-fondé et de la qualité esthétique et fonctionnelle de cette prévision. L'ensemble de ce travail permet de déterminer avec précision les mouvements désirés et de les chiffrer. Ces mesures sont ensuite utilisées pour réaliser la simulation sur modèles en plâtre. Plus que jamais, le colloque entre chirurgien et orthodontiste est nécessaire pour décider avec précision des types d'ostéotomie et de déplacement squelettique à effectuer. Deux jeux de modèles sont nécessaires pour cette étape. L'un sera monté sur occluseur ou sur articulateur. Des repères sont tracés à l'aide d'un paralléliseur sur les modèles montés en articulateur (fig 33 A, B). En cas de chirurgie mandibulaire isolée, la mise en occlusion peut se faire sur un occluseur simple préprogrammé. Les mouvements nécessaires pour l'obtention d'une classe I canine et molaire sont simplement mesurés et reportés sur la maquette en plâtre. Si l'intervention est prévue sur le maxillaire seul, celle-ci est reportée sur le modèle supérieur en prenant soin de relever la position verticale de la tige incisive de l'articulateur. En cas de chirurgie bimaxillaire, l'utilisation d'un articulateur anatomique semiadaptable avec transfert par arc facial est nécessaire. La prise de l'arc facial est un temps capital car il faudra tenir compte de l'ensemble des malformations craniofaciales : plan de référence bipupillaire ou biauriculaire, point interincisif médian ou milieu de la face. Pour réaliser une cire en relation centrée, le sujet doit être allongé, décontracté et des condyles en position la plus haute. La mise en articulateur sera vérifiée en fonction de l'examen clinique, radiologique et photographique. Le déplacement des segments osseux sur la maquette opératoire, tenant compte des contraintes chirurgicales, est chiffré dans les trois plans de l'espace. Si des meulages dentaires sélectifs sont nécessaires, ils seront marqués sur les modèles. Les segmentations devront tenir compte des facteurs vasculaires et parodontaux. À ce stade, il est impératif de tenir compte des limitations anatomiques, de la stabilité future, de facteurs esthétiques, comme le rapport labiodentaire, de la rotation de segments, du plan occlusal et des lignes médianes. Enfin, il faut tenir compte de l'éventuel retentissement sur les articulations temporomandibulaires des mouvements asymétriques. Cette mise en articulateur doit aboutir à un bon engrènement des arcades associant un recouvrement incisif maxillaire harmonieux, sauf lors
d'hypercorrection voulue, et une relation canine et molaire en classe I.
Confection des gouttières chirurgicales Elles sont confectionnées en résine acrylique par le technicien de laboratoire. Pour une intervention bimaxillaire, il est confectionné une première gouttière, « gouttière intermédiaire », qui servira à positionner le maxillaire ostéotomisé sur la mandibule « non opérée » (fig 34 A, B). Cette gouttière devra s'engrener de façon stable sur l'arcade supérieure, sa face supérieure pouvant être signalée par un repère. Elle doit être solide avec un renfort transversal en cas de chirurgie segmentaire. Des trous sont ménagés en regard des espaces interdentaires pour les ligatures au maxillaire ; afin d'éviter les confusions peropératoires, elle a volontiers une couleur différente de la gouttière terminale (fig 36). La « gouttière terminale », ou unique en cas de chirurgie monomaxillaire, est ensuite confectionnée (fig 35 A, B). Elle est le plus souvent dégagée et renforcée par un jonc rétro-incisif entre 33 et 43 (fig 36). Ceci facilite la respiration et la phonation en cas de blocage maxillomandibulaire et pendant la période postopératoire. Elle doit être la plus mince possible afin de minimiser les risques d'erreurs dus à l'autorotation mandibulaire. Son positionnement sur l'arcade mandibulaire devra tenir compte de l'autorotation (dégagement des pentes postérieures sur la gouttière). On évite de la faire déborder latéralement de l'engrènement dentaire afin de faciliter le blocage maxillomandibulaire et de prévenir les blessures muqueuses de la joue ou du trigone rétromolaire. On peut lui adjoindre des crochets permettant de la solidariser à une arcade, ou des orifices en regard des espaces interdentaires pour la solidariser à l'arc, en particulier en cas de chirurgie segmentaire. Cette gouttière sans interférence occlusale et respectant l'arc de fermeture mandibulaire constitue une sécurité postopératoire et un moyen de stabilisation, voire d'amélioration de la position des segments osseux après les ostéosynthèses et avant la reprise du traitement orthodontique : elle permet le transfert de la position opératoire à la reprise de ce traitement orthodontique. La gouttière intermédiaire comme la gouttière terminale peuvent tenir compte de surcorrections désirées dans les trois plans de l'espace : plus épaisse dans les secteurs postérieurs pour fermer une béance, comprenant une surcorrection de l'avancement mandibulaire en cas de décompensation incisive inférieure insuffisante. Dans le plan horizontal, on surcorrige une expansion maxillaire souvent sujette à récidive en raison du fait que l'ostéosynthèse est située plus haut que le plan palatin. Il est souhaitable de vérifier l'engrènement de chaque arcade sur la gouttière en préopératoire.
Intervention chirurgicale et hospitalisation En raison de sa minutie et parfois de sa durée, la chirurgie orthognathique nécessite une installation rigoureuse tant chirurgicale qu'anesthésique que nous détaillerons dans un prochain article. Si la pratique nord-américaine tend vers la réalisation de cette intervention de plus en plus fréquemment en ambulatoire, il n'en est pas encore ainsi en Europe. La durée opératoire varie entre 1 et 6 heures selon le type d'ostéotomie, d'une sagittale mandibulaire à une bimaxillaire avec génioplastie.
Ces protocoles opératoires les plus longs supposent la mise à disposition d'un secteur de soins continus postopératoires. La durée de l'hospitalisation postopératoire varie de 1 à 4 jours en fonction de l'importance de l'intervention et de la façon dont elle est vécue par les patients.
Période postopératoire immédiate Les contrôles radiographiques, orthopantomogrammes et téléradiographies, sont réalisés précocement. La gouttière terminale est le plus souvent portée jour et nuit en dehors des repas, avec un élastique dans chaque région canine pendant 1 à 4 semaines jusqu'à reprise du traitement orthodontique actif. L'alimentation est mixée en postopératoire immédiat, après quoi les conseils visent simplement à éviter les aliments trop durs jusqu'à consolidation osseuse. L'arrêt de travail est de 2 à 4 semaines selon l'évolution et la profession. L'absence de blocage maxillomandibulaire, l'alimentation quasi normale, l'hospitalisation et l'arrêt de travail abrégés sont les gains incontestables dus à l'utilisation des ostéosynthèses rigides internes. La suppression des sports de groupe, en particulier scolaires, est recommandée pendant 2 mois. Le confort des suites opératoires peut encore être amélioré par une kinésithérapie pour drainage lymphatique, voire une rééducation de la fonction temporomandibulaire. L'orthodontiste doit revoir très précocement l'opéré pour vérifier l'occlusion, remplacer éventuellement des bagues descellées et insister sur les principes d'hygiène buccodentaire. En cas d'ostéotomie maxillaire segmentaire, l'arc sectionné sera remplacé par un arc continu rigide. La gouttière peut être modifiée ou supprimée à ce stade, avec ou sans maintien de tractions élastiques adaptées.
Suivi orthodontique et chirurgical Les contrôles cliniques chirurgicaux ont lieu systématiquement à 2 semaines, 1 mois, 3 mois, puis à 6 mois avec radiographies et photographies, à 12 mois et 24 mois avec de nouveaux documents. Quatre à 6 semaines après l'intervention, le traitement orthodontique de finition peut commencer avec contrôles mensuels. Les arcs chirurgicaux sont remplacés par des arcs plus souples et si une stabilité transversale est nécessaire, on peut adjoindre des dispositifs transpalatins de maintien ou d'amélioration de l'expansion. Il faut déceler au plus tôt les déviations squelettiques. Dans ce cas, le dialogue entre le chirurgien et l'orthodontiste est plus que jamais nécessaire, l'indication d'une reprise chirurgicale pouvant s'imposer. Les dysharmonies occlusales légères peuvent être corrigées par le port d'élastiques maxillomandibulaires. En raison de l'ostéosynthèse rigide, il est en revanche exclu de pouvoir prétendre agir sur les segments osseux, les mouvements ne pouvant être que dentaires ou dentoalvéolaires. La durée de l'orthodontie postopératoire dépend grandement du degré de coordination préopératoire. Elle est le plus souvent de 6 mois. Elle doit permettre à l'orthodontiste d'affiner l'occlusion fonctionnelle en recréant les protections canines et les guidances incisives et en recherchant un bon parallélisme radiculaire et enfin d'aboutir à un résultat dentaire esthétique.
Lorsque l'occlusion finale est obtenue, la dépose des bagues est effectuée et des appareils de contention mis en place le même jour. Ces dispositifs de contention n'ont pour but que d'éviter une récidive des mouvements dentaires. Les appareils amovibles sont à porter en permanence pendant 3 mois et pendant encore 6 mois, la nuit. En fonction de risque de récidive, on peut être amené à recommander un port nocturne une nuit par semaine pendant une période plus longue. Les contentions collées sur la face linguale sont à garder au minimum 1 an et parfois de façon définitive. Les contrôles à long, voire à très long terme (5 à 10 ans) sont nécessaires pour juger de la stabilité occlusale et squelettique, de la récupération de la sensibilité dans les territoires sous-orbitaires et dentaires inférieurs, du retentissement sur les articulations temporomandibulaires (remodelage condylien), de l'éventuelle modification des angles mandibulaires et de toute conséquence esthétique, favorable ou non, en particulier sur le vieillissement.
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skeletal
facial
l'autotransfusion types. Am
J
© 1998 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Fig 1 :
Fig 1 : Influence de la position de la tête sur l'aspect du profil.
Fig 2 :
différée
en
chirurgie
Orthod 1969 ; 55 : 109-
Fig 2 : Visage symétrique.
Fig 3 :
Fig 3 : Les différents étages de la face.
Fig 4 :
Fig 4 : Les dimensions extrêmes du visage.
Fig 5 :
Fig 5 : Les plans bipupillaire et bicommissurolabial sont parallèles.
Fig 6 :
Fig 6 : Points remarquables d'un visage.
Fig 7 :
Fig 7 : Les trois étages du tiers inférieur.
Fig 8 :
Fig 8 : Découvrement naturel des incisives supérieures.
Fig 9 :
Fig 9 : Découvrement des incisives supérieures lors du sourire.
Fig 10 :
Fig 10 : Face courte. A. De face. B. De profil.
Fig 11 :
Fig 11 : Face longue. A. De face. B. De profil.
Fig 12 :
Fig 12 :
Profils. A. Rectiligne. B. Convexe. C. Concave.
Fig 13 :
Fig 13 : « Le cabinet anthropomorphique. Les tiroirs ». (Salvador Dali).
Fig 14 :
Fig 14 : Rétromaxillie.
A. De face. B. De profil.
Fig 15 :
Fig 15 : Appréciation clinique de la position du maxillaire.
Fig 16 :
Fig 16 : L'angle nasolabial peut varier de 105 à 85°.
Fig 17 :
Fig 17 : La position des pommettes et du front s'apprécie en vue de trois quarts.
Fig 18 :
Fig 18 : Orthopantomogramme.
Fig 19 :
Fig 19 : Téléradiographie de profil.
Fig 20 :
Fig 20 : Téléradiographie de face.
Fig 21 :
Fig 21 : Analyse de Sassouni.
Fig 22 :
Fig 22 : Analyse de Delaire.
Fig 23 :
Fig 23 : Analyse de Genève.
Fig 24 :
Fig 24 : Le plan de McNamara est perpendiculaire au plan de Francfort et passe par le nasion.
Fig 26 :
Fig 26 : A. Image digitalisée du profil du patient. B. Profil virtuel. C. Image réelle après traitement orthodonticochirurgical.
Fig 25 :
Fig 25 : A à D. Prédiction céphalométrique orthodontique E à H. Prédiction céphalométrique chirurgicale. A. Tracé initial (cas de rétromaxillie). B. Repère antéropostérieur (plan de McNamara). C. Déplacement orthodontique anticipé (décompensation). D. Déplacements orthodontiques avec impact sur les tissus mous. E. Déplacement du maxillaire, en fonction du plan de McNamara, de la lèvre supérieure et du plan occlusal. F. Déplacement de la mandibule (recul). G. Tracé des tissus mous avec vérification des proportions osseuses et faciales. H. Tracé final, 6 mois après l'intervention.
Fig 27 :
Fig 27 : Simulation des mouvements dentaires planifiés ou set-up orthodontique.
Fig 28 :
Fig 28 : Étapes de la planification d'un plan de traitement orthodonticochirurgical.
Fig 29 :
Fig 29 : Étapes d'une décompensation d'une classe II. A. Classe II « compensée » : élastiques de type classe III. B. Classe II « décompensée ». C. Après chirurgie d'avancement mandibulaire.
Fig 30 :
Fig 30 : Étapes de la décompensation d'une classe III. A. Classe III « compensée » (élastiques de type classe II). B. Classe III « décompensée ». C. Après recul chirurgical de la mandibule.
Fig 31 :
Fig 31 : Arcs chirurgicaux avec crochets.
Fig 32 :
Fig 32 : Étapes de simulation et réalisation du montage céphalométrique sur feuille d'acétate (B, C : normalisation maxillomandibulaire). A. Analyse de départ.
B. Calque du maxillaire. C. Calque de la mandibule. D. Le « bloc » maxillomandibulaire est placé dans sa nouvelle position, le plan d'occlusion affleurant la région occipitale.
Fig 33 :
Fig 33 : A. Montage des modèles « chirurgicaux » sur articulateurs. B. Des repères dans les trois plans de l'espace sont tracés à l'aide d'un paralléliseur.
Fig 34 :
Fig 34 : A. Le modèle supérieur est collé en position désirée. B. La gouttière « intermédiaire » est confectionnée sur le modèle inférieur non coupé.
Fig 35 :
Fig 35 : Confection de la gouttière définitive.
Fig 36 :
Fig 36 : Gouttière définitive (transparente) et gouttière intermédiaire (bleue).
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-066-B-20
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Chirurgie des malformations craniofaciales B Raphaël J Lebeau G Bettega JG Passagia M Richard
Résumé. – La chirurgie des malformations craniofaciales ne peut se concevoir qu’au travers d’une complicité neurochirurgicale et maxillofaciale, guidée par une connaissance en pathologie malformative, sous la vigilance sans faille des anesthésistes et des pédiatres. Après avoir rappelé les spécificités et les exigences de cette pratique, les auteurs exposent successivement les voies d’abords, le tracé des ostéotomies, les principes de mobilisation, de contention et de reconstruction du squelette craniofacial. Les procédés de distraction osseuse, récemment apparus au niveau de l’arsenal thérapeutique, sont rapportés comme solution interceptive d’avenir. Une classification des malformations, tenant compte du pronostic de croissance, sert de guide à l’exposé des indications thérapeutiques. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : dysostoses, synostoses, distraction osseuse, ostéotomies.
Introduction Dans un souci de pragmatisme, ce chapitre se limite à l’exposé des techniques et des indications chirurgicales concernant les malformations
les plus courantes du squelette craniofacial, à l’exception des fentes labiomaxillopalatines et de la chirurgie dite « orthognathique » qui font l’objet d’exposés spécifiques. Les fentes faciales rares et les lésions des parties molles en sont également exclues.
Chirurgie craniofaciale Principes et exigences
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La correction des malformations craniofaciales fait appel à une discipline chirurgicale particulièrement exigeante, qui doit allier à une formation chirurgicale de base un apprentissage des gestes spécifiques au territoire craniofacial et une connaissance de la pathologie malformative. L’exploration chirurgicale de régions communes au crâne et à la face impose des abords judicieusement choisis afin d’en limiter le préjudice cicatriciel, sans pour autant restreindre la sécurité que confère un champ opératoire correctement exposé. Le cheminement respecte les structures et leurs enveloppes (fig 1), en restant extradural pour préserver l’encéphale, sous-périosté pour exposer et mobiliser les pièces osseuses, extramuqueux au niveau des fosses nasales pour prévenir les contaminations per- et postopératoires. La conservation des voies sensorielles en particulier olfactives doit être la règle. L’étiologie malformative confronte le chirurgien à un certain nombre de problèmes spécifiques, dominés par le devenir du geste chirurgical. Un agenda thérapeutique est donc établi après avoir
Bernard Raphaël : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Jacques Lebeau : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Georges Bettega : Praticien hospitalier. Service de chirurgie plastique et maxillofaciale. Jean-Guy Passagia : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de neurochirurgie. Martine Richard : Praticien hospitalier, département d’anesthésie-réanimation I. Centre hospitalier universitaire de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble cedex 09, France.
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Cheminement opératoire. 1. Sous-périosté ; 2. extradural ; 3. périolfactif ; 4. sous-muqueux.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Raphaël B, Lebeau J, Bettega G, Passagia JG et Richard M. Chirurgie des malformations craniofaciales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales – Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, 45-570, Stomatologie, 22-066-B-20, 2003, 41 p.
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identifié la malformation, apprécié l’intensité des altérations tissulaires, évalué l’aptitude à la croissance des territoires concernés. Cette chirurgie ne se limite pas à remodeler une morphologie mais doit intégrer la récupération des fonctions qui sont entretenues par la rééducation. Enfin, la présence de l’organe dentaire et la référence occlusale obligatoire à toute mobilisation maxillaire imposent fréquemment un complément orthodontique.
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ou, au contraire, intégrée dans un syndrome malformatif plus complexe, et a la responsabilité du conseil génétique auprès des parents. Cette chirurgie craniofaciale allie la compétence neurochirurgicale et celle du chirurgien facial en une communauté de pensée et d’action sans laquelle un tel acte ne peut se concevoir. À l’évidence, il s’agit d’une chirurgie d’équipe. L’otorhinolaryngologiste, l’ophtalmologiste et l’orthopédiste dentofacial apportent également le champ de leurs compétences respectives dans le bilan préopératoire et la surveillance à court et long terme. L’anesthésiste-réanimateur, enfin, doit recevoir une formation spécifique pour faire face à tous les aléas de cette chirurgie qui ne peut être menée à bien que dans le climat d’une confiance mutuelle entre les différents acteurs.
Chirurgie multidisciplinaire Elle s’adresse à l’enfant ou au nourrisson et nécessite donc naturellement un environnement pédiatrique. C’est le pédiatre qui, dans la majorité des cas, détecte la malformation, la reconnaît isolée
Techniques Préparation
– au moins deux cathéters courts périphériques (20 à 22 G) dans des territoires différents ;
POINT DE VUE DE L’ANESTHÉSISTE
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– un monitorage invasif de la pression artérielle, excellent reflet du remplissage vasculaire et des variations hémodynamiques ;
L’anesthésie d’enfants porteurs de malformations craniofaciales ne peut être prise en charge que par une équipe entraînée et rompue à ce type d’interventions. En effet, elle s’adresse à des nourrissons ou des petits enfants, pour une chirurgie à crâne ouvert, à risques hémorragiques sur masse sanguine très restreinte, sans accès direct peropératoire aux voies respiratoires, et souvent de longue durée. Dans toute la mesure du possible, l’âge de 4 mois au minimum est important à respecter ainsi qu’un poids supérieur à 6 kg. Dans la majorité des cas, ces enfants sont, selon la classification de l’American Society of Anesthesiologists, ASA1. La consultation d’anesthésie, réalisée à distance de l’intervention, permet de prendre en charge aussi bien l’enfant que sa famille. Les explorations demandées sont centrées sur le risque hémorragique : numération formule sanguine, bilan d’hémostase, détermination du groupe sanguin phénotypé et recherche d’agglutinines irrégulières. La technique anesthésique d’endormissement ne présente pas de particularité. L’induction au masque, lorsqu’il n’y a pas de signe d’hypertension intracrânienne, est souvent préférée à l’induction intraveineuse, le monitorage conventionnel ayant été mis en place. Bien sûr, l’enfant est intubé (attention à la fixation de la sonde, des changements de position de la tête pouvant intervenir au cours de l’intervention) et équipé d’une sonde orogastrique. Devant le risque de pertes équivalentes à une masse sanguine totale (environ 80 mL/kg) et parfois plus, en moins de 30 minutes, l’équipement est assuré par : 1
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– un cathéter veineux central avec mesure continue de la pression veineuse centrale (à discuter selon le type de malformation) ; – une surveillance de la diurèse horaire (à discuter selon le type de malformation). La surveillance continue de la fraction expirée de CO2, permet le maintien d’une hypocapnie modérée (environ 30 mmHg), nécessaire au cours de ces interventions à composante neurochirurgicale, en ventilation contrôlée et normoxie (fig 2). Au décours de l’intervention, des mesures répétées de l’hématocrite et de l’hémoglobine permettent d’évaluer les pertes sanguines. La pesée des compresses, la volumétrie des aspirations chirurgicales, l’examen des champs opératoires ne donnent que des estimations approximatives de ces pertes. À partir de ces mesures et grâce aux « formules-guides », l’anesthésiste peut calculer les pertes sanguines acceptables. Si transfusion il y a, elle repose sur des concentrés globulaires, phénotypés, Cytomégalovirus négatifs et déleucocytés. En cas de transfusion massive (supérieure à une masse sanguine), il est nécessaire d’apporter des facteurs de coagulation (plasma frais et/ou plaquettes). Les techniques d’économie de sang sont parfois possibles pour ce type de chirurgie : transfusion autologue programmée (enfant de plus de 20 kg), hémodilution 5
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Équipement peropératoire. 1. Intubation orotrachéale ; 2. cathéter artériel ; 3. sonde orogastrique ; 4. deux stéthoscopes (droit et gauche) ; 5. sonde urinaire ; 6. sonde thermique anale ; 7. drainage lombaire (facultatif) ; 8. cathéter veineux périphérique.
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Carte bactériologique. 1. Staphylococcus ; 2. Haemophilus ; 3. Streptococcus pneumoniae ; 4. Neisseria ; 5. Streptococci ; 6. anaérobies ; 7. Veillonellae ; 8. Actinomyces.
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normovolémique intentionnelle, autotransfusion peropératoire avec technique de récupération. Il est important d’en connaître les limites et les contre-indications. Les épisodes d’hypotension peropératoires sont le plus souvent transitoires et sans conséquence. Il faut détecter sans retard une acidose métabolique d’origine transfusionnelle. L’effraction accidentelle d’un sinus veineux peut être à l’origine d’une inefficacité circulatoire. L’embolie gazeuse peropératoire est une complication de la chirurgie crânienne (position proclive, compression jugulaire, variations hémodynamiques, favorisant un régime de pression négative). Le postopératoire est assuré en réanimation. La surveillance hémodynamique est poursuivie avec les mêmes règles de compensation sanguine. L’enfant peut être, ou non, ventilé durant cette période. Un traitement antalgique est instauré et, le plus souvent, la réalimentation est reprise le lendemain. À distance, les suites sont généralement simples. La chirurgie des malformations craniofaciales de l’enfant est une chirurgie à risques. Ces derniers ne doivent jamais être mésestimés et toute l’équipe doit être prête à y faire face en sachant que le facteur temps est vital, ce qui n’autorise aucun amateurisme. ASEPSIE
Draconienne, elle est un temps capital de l’intervention. Elle doit être une obsession pré-, per- et postopératoire. En effet, les gestes chirurgicaux vont mettre en relation des zones fragiles à toute agression bactérienne avec des cavités et surfaces naturellement hôtes d’une flore microbienne plus ou moins virulente. Une antibioprophylaxie complète, pour la plupart des équipes, l’indispensable asepsie du site opératoire [18, 28]. Elle est orientée par la connaissance de la « carte » bactériologique locorégionale (fig 3).
¶ Écologie bactérienne
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En fait, les « niches » bactériennes peu ou non accessibles à une asepsie chirurgicale rigoureuse sont les zones orificielles et périorificielles : – canthus médial où les voies lacrymales donnent asile à Staphylococcus et Haemophilus ;
– pharynx, hôte de Neisseria, Streptococci, germes anaérobies ; – gencive et langue avec en plus des germes précités, possibilité d’abriter Veillonellae et Actinomyces.
¶ Zones glabres L’asepsie cutanée est facile sur les zones découvertes. Elle est parfois beaucoup plus aléatoire dans les orifices (nez, méat acoustique externe) et en bouche où il faut pourtant prendre le temps d’un lavage antiseptique soigneux avec brossage des dents si elles sont déjà sur l’arcade. Ce temps ne doit jamais être négligé.
¶ Zones chevelues La plupart des auteurs préfèrent tondre le scalp des enfants. Il n’y a plus de rasage vrai qui irrite le tégument et est à l’origine de résurgence bactérienne. Pour cette raison, les opérés sont tondus sur table ou le matin de l’intervention et non plus la veille. L’Association des professeurs de pathologie infectieuse proscrit tout usage du rasoir [29]. INSTALLATION
L’enfant est installé en position opératoire par le chirurgien qui tient compte, bien entendu, du ou des gestes à exécuter, mais aussi des risques potentiels d’embolie gazeuse et des angulations maximales que l’on peut imposer à la colonne cervicale. La majorité des interventions se déroule en décubitus dorsal. Cette position donne un accès aisé à la face et aux régions frontopariétales. Elle ne permet pas, ou mal, d’aborder la région occipitale. Si la région occipitale est la seule à être abordée, un décubitus ventral strict est la meilleure position à envisager (fig 4), n’entraînant aucune distorsion vertébrale. Mais, la plupart du temps, l’ensemble craniofacial doit être dans le champ opératoire. Deux positions sont alors possibles, la première en décubitus dorsal, en flexion cervicale forcée, les deux écailles occipitales reposant sur une têtière « téléphone », la seconde, en décubitus ventral et extension cervicale (fig 5). La flexion cervicale forcée est celle que nous privilégions... Le risque majeur est une compression des jugulaires dont il faut vérifier le libre courant. Les deux positions forcées tête haute font courir le risque d’embolie gazeuse et imposent un contrôle rigoureux et immédiat de toute brèche veineuse.
– orifices narinaires où la flore est multiple : Staphylococcus, Streptococcus pneumoniae, Neisseria ;
Voies d’abord
– sinus maxillaire, possible site de Haemophilus, Streptococcus pneumoniae, germes anaérobies ;
L’accès aux structures profondes de la face et du crâne impose des voies d’abord cutanées et muqueuses. 3
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* A 4
* B
Installations en position classique. A. Décubitus dorsal.
B. Décubitus ventral.
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* A * B
* A 5
Installations en position forcée. A. Flexion forcée.
B. Extension forcée.
VOIES D’ABORD CUTANÉES (fig 6)
¶ Voie bitemporale C’est la voie de Cairns-Unterberger. Après avoir infiltré le trajet d’incision avec du sérum ou de la Xylocaïnet associée à un vasoconstricteur, le tracé est mené en arrière de la ligne d’implantation capillaire antérieure, en regard des sutures coronales. Si un accès à la région lambdoïde est souhaité, ce tracé peut être plus postérieur. Latéralement, l’incision descend en avant de la racine de l’hélix auriculaire et peut se prolonger si nécessaire en préauriculaire et en rétromandibulaire. Il faut s’efforcer de préserver le pédicule temporal qui pourra être utile dans l’avenir. L’hémostase des pédicules sous-dermiques se fait à la pince bipolaire, puis les berges sont bordées. Le décollement se fait dans le plan de l’espace de Merkel jusqu’à l’aplomb des rebords orbitaires supérieurs. À ce niveau, il faut inciser le périoste et poursuivre le décollement en sous-périosté afin de libérer totalement les orbites. Quatre zones sont particulièrement adhérentes : les sutures frontomalaires, les sutures frontonasales, la poulie du grand oblique et l’émergence du nerf susorbitaire. Lorsque ce nerf sort d’un canal et non d’une gouttière, il faut ostéotomiser le bord supérieur de l’orbite de part et d’autre de son émergence pour le libérer. La libération des orbites est alors aisée, en ruginant les parois supérieures, médiales et latérales. En dedans, les voies lacrymales sont contournées, le ligament canthal médial désinséré et le pédicule ethmoïdal antérieur coagulé. En avant, la rugination est poursuivie jusqu’à l’orifice piriforme. Latéralement, le muscle temporal est désinséré de la ligne temporale (ligne semi-circulaire) et récliné en dehors. On rejoint la corniche zygomatique, et le bord supérieur du zygoma est ruginé. La libération totale du muscle temporal peut alors se faire à la faveur d’une large section du feuillet superficiel du dédoublement de l’aponévrose. Pour que la progression vers la face soit maximale, il faut libérer largement l’étui périosté par des incisions verticales de décharge, sur la ligne médiane à l’aplomb du dorsum, latéralement, dans l’axe de chaque processus zygomatique.
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* B
Voies d’abord cutanées. A. 1. Voie bitemporale ; 2. voie latérofaciale et son prolongement cervical ; 3. voie médiofrontonasale. B. 4. Voie sous-ciliaire ; 5. voie moyenne ; 6. voie inférieure.
premier du nerf facial et la dissection de ses branches est le préalable à l’abord de cette région. Elle n’est que très rarement utile pour le traitement des malformations craniofaciales.
¶ Voie sous-angulomandibulaire Isolée, elle peut être utilisée pour aborder le ramus mandibulaire.
¶ Voies palpébrales Elles complètent plus volontiers la voie bicoronale dans les malformations cranio-orbitaires. Elles peuvent emprunter trois tracés différents : – supérieur, sous-ciliaire, se poursuivant par dissection de la peau du plan de l’orbiculaire jusqu’au rebord orbitaire inférieur ; – moyen, dans le pli palpébral, pénétrant alors directement entre les chefs musculaires pour atteindre le rebord orbitaire ; – inférieur, à la jonction palpébrojugale. Un peu plus visible que les deux autres, cette dernière voie a l’avantage de pouvoir se prolonger vers le canthus médial. La voie palpébrale permet de compléter la libération de tout le pourtour orbitaire.
¶ Voie latérofaciale
¶ Voie médiofrontonasale
Voie classique de Redon pour la parotidectomie, elle peut prolonger la précédente et, si utile, se poursuivre en cervicotomie. Le contrôle
Perpendiculaire à la voie de Cairns dont elle part sur la ligne médiane, elle descend verticalement jusqu’à la pointe du nez. Elle
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* A
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Variantes de la voie d’abord verticale frontonasale. A. Voie en « L » de Van Der Meulen. B. Plastie en « Z » glabellaire.
* B
peut être indispensable dans la chirurgie des hypertélorismes. Elle permet une résection cutanée interorbitaire, voire la réalisation d’un lambeau paramédian frontal utile pour certaines rhinopoïèses. Si elle est pratiquée, elle rend caduque la voie palpébrale inférieure. De nombreux auteurs proposent de briser la verticale frontonasale par une plastie en Z. Sa lourde rançon cicatricielle au niveau du nez fait parfois préférer la voie en L proposée par Van Der Meulen [40] : de médiofrontale, l’incision se poursuit en latéronasale masquant ainsi la cicatrice au niveau de la rupture de pente nasojugale (fig 7). VOIES D’ABORD MUQUEUSES
¶ Voie nasale Interseptocolumellaire unilatérale, c’est la voie classique de la rhinoplastie. Plus qu’ailleurs, elle doit rester strictement extramuqueuse. Elle permet d’abaisser la muqueuse du dièdre supérieur, réduisant ainsi ses risques d’effraction et donc celui de contamination des foyers osseux sous-jacents.
¶ Voie conjonctivale
* A
Elle empreinte le fornix inférieur et se poursuit soit en préseptal, ce qui évite l’issue de la graisse orbitaire dans le champ opératoire, soit en rétroseptal. Quelle qu’elle soit, elle permet de gagner le rebord orbitaire inférieur puis de ruginer la paroi inférieure de l’orbite. Cette voie possède l’énorme avantage de ne pas laisser de trace, mais limite aussi l’exposition et l’amplitude des manœuvres instrumentales.
¶ Voie buccale (fig 8) Vestibulaire supérieure Le tracé s’effectue quelques millimètres au-delà de la ligne de réflexion vestibulaire, sur le versant labial, afin de ménager une frange muqueuse indispensable à la qualité de la suture. Elle peut s’étendre, latéralement, jusqu’au niveau molaire, en ayant eu soin de repérer l’ostium du Sténon qu’il faut, bien entendu, éviter. La rugination va libérer tout le pourtour de l’orifice piriforme, le plancher des fosses nasales et le vomer sur ses deux faces. Elle s’étend, en haut, jusqu’au rebord orbitaire inférieur après avoir contourné l’émergence du pédicule infraorbitaire. Latéralement, le dégagement s’étend jusqu’à l’attache antérieure du masséter et doit être doux vers la région ptérygomaxillaire afin d’éviter l’issue de la boule de Bichat.
* B 8
Voies endobuccales. A. Vestibulaire inférieure et abord du ramus. B. Vestibulaire supérieure.
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9 Étanchéité de la base du crâne. 1. Colle biologique ; 2. greffons osseux ; 3. galéa ou péricrâne. 10
Voie palatine Il peut être utile de recourir à une courte voie juxtatubérositaire, afin d’avoir, dans certains cas, un accès direct à la région ptérygomaxillaire. Cette incision est arciforme, épousant la courbure tubérositaire.
Translation antérieure du muscle temporal.
Le drainage des espaces morts est constant par drains aspiratifs en dépression s’il n’y a pas de brèche durale, déclives dans le cas contraire. Les sutures cutanées et muqueuses obéissent aux règles de toute chirurgie plastique.
Fermetures et ajustements L’obsession d’une étanchéité parfaite de la base est constante. En effet, la moindre fuite de liquide céphalorachidien (LCR) grève la morbidité déjà lourde de risques infectieux majeurs. Toute brèche durale est immédiatement aveuglée par suture voire patch épi- ou péricrânien. Les pertes de substance osseuses de la base sont comblées par des greffons, le plus souvent d’origine crânienne. Enfin, les colles biologiques apportent une contribution non négligeable dans l’assurance de cette qualité d’étanchéité (fig 9). Les ajustements musculaires et ligamentaires concernent le muscle temporal et la région canthale médiale. Lors des avancées frontoorbitaires importantes, le muscle temporal doit être réinséré sur la corniche frontomalaire par des points transosseux afin de combler la dépression temporale créée (fig 10). La chirurgie intercanthale impose une canthopexie transnasale que Tessier a bien codifiée (fig 11).
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Ostéotomies craniofaciales Les altérations de la forme au niveau de l’extrémité céphalique, en se limitant aux seules structures osseuses, peuvent relever de différentes stratégies de « rééquilibration ». Il peut s’agir, lorsque le tissu est en quantité suffisante, de la simple mobilisation d’un secteur osseux après libération et découpe : l’ostéotomie. Les déficits tissulaires relèvent, quant à eux, des techniques d’adjonction osseuse par greffe ou lambeaux et surtout, de façon plus actuelle, des méthodes d’ostéogenèse par distraction. Dans tous les cas, la stabilisation des différents segments mobilisés ou adjoints nécessite de faire appel à une contention adaptée, dont la rigidité doit être modulée, dans ce contexte évolutif de l’enfant malformé.
Canthopexie transnasale.
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Découpe du volet frontal respectant le bandeau fronto-orbitaire.
TRACÉS D’OSTÉOTOMIES
L’ostéotomie est une section osseuse délibérée, à visée thérapeutique, autorisant le déplacement d’un secteur osseux, le plus souvent dans une direction et avec une amplitude planifiées. Les tracés de découpe sont contraints par les impératifs anatomiques locaux et par les caractéristiques de la déformation à corriger. Leur spécificité varie en fonction de l’étage concerné. Nous détaillerons les modalités de découpe osseuse à différents niveaux, qu’il s’agisse de la voûte du crâne, de l’équerre orbitonasofrontale, de l’orbite ou des deux maxillaires. Les indications sont développées en fin de chapitre. Outre ce rôle « actif », les ostéotomies ont parfois comme seul objectif de permettre la pénétration vers les régions profondes : ce sont les abords par dépose osseuse. C’est le cas en particulier des abords intracrâniens et orbitaires.
¶ Au niveau de la voûte L’accès à cette région ne peut se concevoir que par l’intermédiaire d’un volet, c’est-à-dire d’une fenêtre osseuse découpée dans la zone d’intérêt. Les volets sont le plus souvent libres. Les volets pédiculés (sur le muscle temporal notamment) sont devenus d’indication exceptionnelle. Ces volets sont presque toujours à cheval sur la ligne médiane. Dans tous les cas, ils doivent respecter le bandeau frontoorbitaire (fig 12).
La découpe est effectuée, le plus souvent, à partir de trous de trépan. Ce procédé impose un choix judicieux de leur localisation en fonction des objectifs visés. Il faut notamment être attentif à respecter les zones d’intérêt (notamment la région frontale) et à éviter les zones d’adhérence de l’os avec la méninge sous-jacente. Les trous de trépan doivent être suffisamment nombreux pour faciliter et assurer le décollement de la dure-mère. Chez le nourrisson, les fontanelles ouvertes peuvent faire office de trou de trépan ; mais l’étroite relation entre le périoste et la dure-mère à ce niveau doit rendre la dissection prudente. L’accès ouvert par le volet va permettre de procéder au décollement de l’ensemble de la dure-mère. S’il débute systématiquement en périphérie de la craniectomie, il peut concerner la voûte tout autant que la base du crâne. Au niveau de la voûte, les difficultés de dissection sont relatives aux adhérences qui prédominent au niveau des sutures et sur la ligne médiane, le long du sinus longitudinal supérieur. La dissection de la face profonde de l’os peut être compliquée par la présence d’aspérités liées à la dystrophie osseuse (impressions digitiformes). Au niveau de la base du crâne, le décollement est mené le plus souvent au sein de la fosse cérébrale antérieure, il concerne plus rarement la fosse cérébrale moyenne. Les difficultés sont liées aux adhérences au niveau de la crista galli, et au niveau des petites ailes du sphénoïde. D’autre part, la dissection de la lame criblée de l’ethmoïde est soumise à l’impératif de conservation des filets olfactifs (au moins d’un côté). 7
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Latéralement, les pôles temporaux font obstacle à une exploration très étendue. Les risques de ce décollement sont de plusieurs ordres. Il peut s’agir d’une contusion cérébrale, d’une lésion vasculaire et surtout d’une brèche méningée. La meilleure prévention est représentée par la qualité de l’exposition osseuse. La survenue d’une brèche durale impose une réparation immédiate. Elle procède d’une obturation par une pièce de péricrâne suturée et colmatée à la colle biologique en périphérie de la solution de continuité méningée. La couverture osseuse de la région réparée doit être continue pour éviter la survenue d’un défaut d’ossification en regard (growing skull fracture des Anglo-Saxons). En pratique, les ostéotomies peuvent être effectuées à tous les niveaux de la voûte : frontal unilatéral, bifrontal, temporal, pariétal, temporopariétal, voire occipital. Les ajustements pour corriger la déformation relèvent des techniques traditionnelles de chirurgie osseuse. Il peut s’agir : – d’une simple régularisation des contours ; – d’une mobilisation ou d’un échange de pièces. Toutes les modalités sont envisageables depuis la rotation, la transposition jusqu’au retournement du ou des segments ostéotomisés ; – de craniotomies partielles modelantes qui, par des affaiblissements ciblés, vont permettre de redonner à un os rigide le galbe souhaité (fig 13) ; – de greffes d’apposition. Une fois en place, les pièces osseuses sont stabilisées selon des modalités détaillées (cf infra).
¶ Au niveau du bandeau orbitonasofrontal Ce bandeau osseux, d’une quinzaine de millimètres de hauteur, comprend la région glabellaire, les deux rebords orbitaires supérieurs et les apophyses orbitaires externes du frontal (fig 14). Il 8
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Craniotomies modelantes.
surplombe le globe oculaire en marquant un angle de 90 à 120° avec le nez. Transversalement, il est légèrement convexe dans sa partie centrale, puis il se ferme à environ 90° latéralement pour rejoindre la fosse temporale. Il constitue la transition antérieure entre l’étage crânien et l’étage facial de l’extrémité céphalique. Sa reconstruction est donc capitale dans la prise en charge des malformations craniofaciales. L’ostéotomie du bandeau orbitonasofrontal ne peut s’envisager qu’après un abord bitragial et après la dépose d’un volet frontal. L’ostéotomie proprement dite débute en dehors de la jonction frontomalaire. La technique de choix consiste à contourner le ptérion selon différentes modalités dépendant du mouvement à imprimer au bandeau (fig 15). La découpe en « rail » est privilégiée dans les mouvements sagittaux, alors que lors des mobilisation verticales on choisit plus volontiers une taille en « Z » ou en « ergot ». Ces artifices assurent une meilleure stabilité du montage et rendent superflue l’interposition d’une greffe osseuse. Les clivages de l’apophyse orbitaire externe, de même que les tailles verticales intra- ou rétroptériques sont abandonnées. De la région fronto-orbitaire, le tracé est ensuite poursuivi en dedans à travers la racine externe de la petite aile du sphénoïde et à travers le toit d’orbite dans son tiers postérieur. La gouttière olfactive est contournée par l’avant. La découpe s’épuise sur la ligne médiane dans le foramen cæcum. L’ostéotomie est totalisée en avant, horizontalement à la jonction internasofrontale, et en dedans au niveau des parois orbitaires internes jusqu’à rejoindre la taille orbitaire précédente. Deux entraves brident la mobilisation du bandeau (fig 16), elles doivent être sectionnées au ciseau à frapper. L’une est externe, à la jonction frontoptérionique ; sa libération est soumise à la protection du lobe frontal. Elle nécessite la résection à la gouge de l’extrémité de la petite aile du sphénoïde (fig 17). L’autre, sise sur la ligne médiane, est constituée par l’épaisseur de l’épine nasale du frontal et de son environnement. Son débridement est contraint par le
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Bandeau orbitonasofrontal.
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Découpes ptérioniques. A. En « rail ». B. En « Z ».
* B
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Les deux entraves à la mobilisation du bandeau frontal. 1. Nasale ; 2. frontoptérionique.
17 respect de l’intégrité des afférences olfactives et de la muqueuse des fosses nasales. Avant stabilisation en bonne position, la pièce osseuse peut subir toute une série d’adaptations pour se conformer à l’objectif
Libération de l’extrémité de la petite aile du sphénoïde.
morphologique visé. Il peut s’agir de résections, de partitions ou de simples corticotomies modelantes. Ces modalités sont revues au chapitre « Indications ». 9
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Portions orbitaires. 1. Cône orbitaire ; 2. orbite « utile » chirurgicale.
¶ Au niveau de la région orbitaire Les ostéotomies de l’orbite se conçoivent le plus souvent au travers d’une exposition large associant un abord coronal bitemporal et un abord palpébral inférieur. La voie de Cairns ne garantit pas toujours, à elle seule, la précision de la découpe osseuse et la sécurité de la mobilisation. La désinsertion du ligament canthal interne améliore notablement l’exposition. D’un point de vue chirurgical l’orbite osseuse, cavité intermédiaire entre le crâne et la face, est constituée de deux portions (fig 18). Le cône postérieur, aux parois papyracées, sert de contenant au globe oculaire et à ses annexes périorbitaires. Sa participation chirurgicale est modeste. À l’inverse, l’anneau antérieur est une structure épaisse et solide plus complaisante à l’égard du chirurgien craniofacial. C’est donc logiquement à ce niveau que sont effectuées les ostéotomies. Elles vont consister en une partition plus ou moins complexe de ce cadre orbitaire antérieur. Les ostéotomies segmentaires sont dissociées des ostéotomies totales. Ostéotomies totales Elles préservent l’intégrité du cadre orbitaire (fig 19). La découpe osseuse s’effectue à deux niveaux différents : l’un antérieur circonscrit de façon plus ou moins complexe le cadre, l’autre, plus postérieur, siège au sein même des parois orbitaires. L’ostéotomie débute par le trait antérieur, qui est horizontal. Il suit le bord inférieur de la découpe du volet frontal et déborde latéralement la région orbitaire. Cette extension latérale sert de point de repère lors de la mobilisation et éventuellement de support à la fixation osseuse. L’ostéotomie verticale est ensuite réalisée latéralement et vers le bas au travers du malaire. Sa limite inférieure se situe en dessous du niveau du foramen infraorbitaire. Elle est prolongée en dedans dans une direction horizontale, à travers le maxillaire, vers l’orifice piriforme et sous le cornet inférieur. Chez l’enfant, le niveau de coupe doit parfois être relevé pour préserver les bourgeons dentaires, dans ce cas il peut être utile de libérer le nerf infraorbitaire à son émergence faciale. L’ostéotomie est terminée en dedans par la section des os propres du nez étendue au sinus frontal.
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En arrière, la découpe correspond à une ostéotomie circulaire du cône orbitaire. Elle remonte depuis la fente sphénomaxillaire vers la fosse cérébrale antérieure. Au niveau du ptérion, le trait se détourne pour rejoindre l’extrémité latérale de la découpe supérieure du cadre orbitaire. En dedans, l’ostéotomie traverse le toit d’orbite pour rejoindre la paroi interne, au niveau du plancher elle contourne par l’arrière les voies lacrymales pour rejoindre la fissure infraorbitaire. La découpe intraorbitaire doit se situer en arrière du méridien du globe oculaire pour éviter la survenue de déséquilibres oculomoteurs. Deux freins peuvent contraindre la mobilisation de cet ensemble orbitaire. Il s’agit d’une part du zygoma, latéralement, qui impose un complément de découpe au ciseau à frapper en direction de la fosse temporale. Le second obstacle est médial, il correspond au pilier canin. La libération totalisée, le déplacement planifié peut être réalisé. Il s’agit le plus souvent d’une translation médiale. En réalité, il s’agit plus d’une rotation médiale le long d’un axe craniocaudal fictif, qui a pour corollaire une projection antérieure des structures latérales. La cavité orbitaire se voit, de ce fait, élargie, ce qui contribue à un certain degré d’énophtalmie dont il faut tenir compte. De même, la fosse temporale se trouve approfondie, créant une dépression parfois inesthétique. Dans un certain nombre de cas, il peut être nécessaire de corriger concomitamment une divergence orbitaire craniocaudale. Une seconde rotation, le long d’un axe sagittal, s’impose. Ce mouvement conduit, en plus, à une ascension de la paroi latérale. Le repère du bandeau frontal devient fondamental dans la prévention des projections inadéquates des cadres orbitaires. De nombreuses variations de ces ostéotomies totales ont été proposées. Les principales reposent sur des modifications du dessin de l’extension latérale. Dans un certain nombre de cas, l’ostéotomie peut permettre de mobiliser l’ensemble de l’hémimaxillaire avec l’orbite. Il faut, dans ces situations, réaliser les disjonctions ptérygomaxillaire et intermaxillaire, pour espérer mobiliser l’ensemble. Converse, quant à lui, propose une ostéotomie respectant l’arête nasale lorsque la déformation centrofaciale n’est pas très importante (fig 20, 21). Ostéotomies partielles L’orbite peut être segmentée en quatre secteurs : médiofrontal, latérofrontal, maxillaire et zygomatique (fig 22). Chacun de ces secteurs peut faire l’objet d’une ostéotomie. Toutes les associations sont possibles. Les plus courantes sont les ostéotomies en « U » qui mobilisent deux secteurs, qu’il s’agisse des deux quarts supérieurs ou inférieurs. De même, les ostéotomies dites en « C » mobilisent les portions médiales ou latérales.
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Ostéotomies orbitaires totales.
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* B
* A 20
Ostéotomie orbitaire totale (variante avec conservation de l’arête nasale : A, B, C, D).
* D * C Ostéotomies interorbitaires La transposition médiale des orbites impose la résection d’une pièce osseuse centrale, rectangulaire, dans la région nasofrontale. Cette ostéotomie interorbitaire débute par la section supérieure prolongeant en dedans le trait supraorbitaire. La dissection inférieure est menée entre le bord libre des os propres du nez et les cartilages triangulaires. Elle permet d’effectuer une dissection sousmuqueuse du toit des fosses nasales, en préservant les pédicules olfactifs. Les sections verticales passent au travers du sinus frontal, et débouchent au niveau de la fosse cérébrale antérieure. L’ostéotomie se termine par la découpe et la résection progressive du toit des fosses nasales et des cellules ethmoïdales antérieures (fig 23). Les dômes muqueux peuvent ainsi être préservés, tout en exposant le septum nasal. La mobilisation du bloc interorbitaire est, à ce stade, conditionnée par la section du septum et de la jonction frontoethmoïdale (fig 24). Dans tous les cas la lame criblée est respectée.
¶ Ostéotomies maxillaires Historique La première tentative d’ostéotomie maxillaire est attribuée à Langenbeck, en 1859. Il décrit en effet une ostéotomie horizontale dans le cadre d’une résection tumorale. Il est suivi dans cette voie par Cheever en 1867.
Mais les conceptions actuelles dérivent des observations traumatologiques de René Lefort, datant de 1901. Il décrit les trois types de disjonctions craniofaciales que l’histoire retiendra, bien que la classification actuelle (américaine) soit inversée par rapport à l’originale. Wassmund, en 1927, est le premier à utiliser une ostéotomie maxillaire pour fermer une béance. En 1934, Axhausen effectue la première avancée maxillaire pour corriger un cal vicieux. Malgré les tentatives d’ostéotomies en deux temps de Schuchardt (en 1942), il faut attendre les travaux anatomiques de Bell, sur la vascularisation du maxillaire, pour rendre cette chirurgie plus sûre. Depuis, de nombreux auteurs ont attaché leur nom à une modification de la technique chirurgicale ; entre autres, Obwegeser en 1969 propose une greffe intertubéroptérygoïdienne, et surtout Tessier développe le concept d’ostéotomie craniofaciale. Tracés d’ostéotomies Ils sont multiples et d’intérêt inégal. La plupart sont réservés à des indications particulières, notamment les grandes dysostosténoses craniofaciales. Dans l’immense majorité des cas, c’est l’ostéotomie de Le Fort I (et ses variantes) qui est utilisée. Néanmoins, pour être exhaustif, nous aborderons tous les tracés en adoptant un parcours descriptif descendant. 11
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* B
* A 21
Ostéotomie orbitaire totale (variante avec dépose interorbitaire : A, B, C, D).
* D * C • Ostéotomie frontofaciale monobloc dite Le Fort IV Elle a été proposée pour la première fois par Ortiz Monasterio en 1978 (fig 25). L’objectif est d’avancer en monobloc l’étage frontofacial, dans les formes sévères de craniosténoses associées à des rétrusions faciales par dysplasie, telles que la maladie de Crouzon ou le syndrome d’Apert. Il s’agit d’une intervention lourde chez le petit enfant, n’autorisant que des déplacements de faible amplitude et grevée d’une morbidité importante, notamment infectieuse. De plus, le résultat à long terme est souvent décevant au niveau facial. Chez l’adolescent et chez l’adulte, l’espace mort frontal, dû à un défaut d’expansion encéphalique, peut être à l’origine de séquestrations. C’est pourquoi de nombreux opérateurs ont abandonné cette intervention au profit d’une dissociation, dans le temps et dans l’espace, de la mobilisation du bandeau frontal et du complexe maxillaire. Van Der Meulen a proposé une variante pour corriger, lors de l’avancée, un hypertélorisme. Il réalise, après la mobilisation du Le Fort IV, une bipartition faciale sagittale qui lui permet de médialiser une ou les deux hémifaces (fig 26).
• Ostéotomie orbitonasomaxillaire dite Le Fort III Elle réalise une véritable disjonction craniofaciale (fig 27). L’exposition est assurée principalement par un abord supérieur bicoronal. Celui-ci doit être complété par une voie palpébrale 12
inférieure pour libérer l’orbite inférieure et la région malaire. D’autre part, le nez fait l’objet d’une dissection sous-muqueuse via une incision interseptocolumellaire, de façon à minimiser le risque de contamination septique de l’étage supérieur. Enfin, une courte ouverture endobuccale, vestibulaire supérieure, va permettre d’appréhender la jonction ptérygomaxillaire en vue de la disjonction. Chez l’enfant, cette disjonction peut s’envisager par la voie haute temporale, ouverte par le Cairns. La découpe osseuse de l’orbite externe débute au niveau de la suture frontomalaire et se prolonge vers le bas et l’arrière, en direction de la fente sphénomaxillaire. L’ostéotomie est perpétuée en dedans, au niveau du plancher orbitaire, en arrière des voies lacrymales ; l’extension à la paroi interne permet de rejoindre la jonction frontonasale. De même, le trait est poursuivi en bas et en arrière au niveau de la paroi postérolatérale du maxillaire vers la fente ptérygomaxillaire, qui est disjointe. La jonction nasofrontale est traversée transversalement. Ce foyer nasofrontal est élargi pour permettre la section à l’ostéotome de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et du vomer (fig 24). Cette étape admet comme prérequis la localisation et donc la préservation de la lame criblée. La jonction temporozygomatique est dissociée par voie haute. À ce stade, l’ensemble de la pyramide osseuse peut être mobilisée prudemment au davier. De nombreuses variantes du Le Fort III existent (fig 27). Elles visent dans certains cas à améliorer la contention, dans d’autres situations, il s’agit d’avancer, dans le même temps, une partie du frontal. Les
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Secteurs de l’orbite. 1. Médiofrontal ; 2. maxillaire ; 3. zygomatique ; 4. latérofrontal.
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Esquive olfactive.
modifications impliquent, le plus souvent, la paroi latérale de l’orbite. Tessier a conjugué cette ostéotomie en différentes modalités : – Tessier I où le pilier frontomalaire est clivé sagittalement dans sa partie basse, le malaire faisant, quant à lui, l’objet d’une ostéotomie en « marche d’escalier » ; il s’agit d’une technique dite à crâne fermé qui n’est plus utilisée à l’heure actuelle ; – Tessier II où la section latérale concerne, outre la paroi latérale, l’arcade zygomatique selon un trajet vertical ou oblique ; – Tessier III dont l’objectif est d’avancer l’ensemble du pilier orbitaire externe, sous couvert d’un trou de trépan (méthode à crâne semi-ouvert) qui permet de protéger les structures cérébrales lors des manœuvres de découpe et de mobilisation ; la mobilisation concomitante de la portion externe de l’orbite permet de corriger un
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Libération septovomérienne.
exorbitisme associé à la rétrusion maxillaire, lorsque le bandeau nasofrontal n’est pas altéré par la dysmorphose ; – Tessier IV arborant un éperon latéral sphénofrontal qui assure une bonne stabilité, mais là encore au prix d’une craniotomie ; – Tessier V avec son éperon vertical autobloquant, en forme de « Z ». 13
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Ostéotomie frontofaciale de Le Fort IV.
Ostéotomie frontofaciale de Le Fort IV avec bipartition faciale selon Van Der Meulen.
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Ostéotomie orbitonasomaxillaire de Le Fort III et ses variantes. A. Tracé classique. B. À crâne « semi-ouvert ».
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Ostéotomie nasomaxillaire de Le Fort II.
• Ostéotomie nasomaxillaire dite Le Fort II Elle isole la pyramide centrofaciale et son appendice nasal selon des modalités proches des constatations traumatologiques (fig 28). Mais à la différence du trait de fracture, elle contourne les voies lacrymales par l’arrière, et elle sépare le nez au niveau de la jonction frontonasale. L’exposition associe une voie muqueuse vestibulaire supérieure et une voie cutanée qui peut être soit, de préférence, un abord bicoronal, soit un abord canthal interne. Le ligament palpébral interne doit souvent être désinséré pour optimiser l’accès à la paroi interne de l’orbite et pour mieux contrôler les voies lacrymales. Le nez fait l’objet, comme dans le Le Fort III, d’une dissection extramuqueuse soignée, menée au travers d’une incision interseptocolumellaire. Le dégantage facial moyen de Converse, effectué par une voie circonférentielle intranasale est abandonné compte tenu du risque de sténose de la valve nasale. L’ostéotomie nasofrontale et ses extensions orbitaires internes se déroule de façon analogue à celle du Le Fort III. Elle préserve, là encore, l’intégrité de la lame criblée de l’ethmoïde, qui a été préalablement localisée grâce au bilan morphologique préopératoire. La section du plancher s’épuise, en avant, au niveau du rebord
orbitaire, en dedans du foramen infraorbitaire. Le tracé est prolongé obliquement, au travers du maxillaire, jusqu’à la partie basse de la jonction ptérygomaxillaire qui est disjointe. Une multitude de variantes ont été décrites, elles concernent l’extension latérale de la découpe osseuse. Tessier propose d’inclure une partie de l’os malaire, et donc de mener l’ostéotomie en dehors du nerf infraorbitaire. Converse verticalise le trait latéral qui meurt entre canine et prémolaire ; il procède ainsi à une mobilisation segmentaire de l’arcade dentaire. Psillakis réalise, quant à lui, une ostéotomie périnasale qui épargne l’infrastructure maxillaire. Cette acrobatie est relativement dangereuse pour les apex dentaires, et la mobilisation de l’ensemble est délicate. Les indications confinent à l’exception.
• Ostéotomie maxillaire de Le Fort I C’est la plus fréquente des ostéotomies maxillaires. La première description semble provenir de Wassmund, en 1927. L’abord vestibulaire supérieur apporte à lui seul une exposition suffisante. Le décollement sous-périosté concerne l’ensemble de l’étage moyen de la face (comprenant la partie basse des fosses nasales), de façon à ne pas brider la mobilisation osseuse et de façon 15
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Ostéotomie maxillaire de Le Fort I.
à assurer une bonne redistribution des parties molles sur les reliefs corrigés. En revanche, la dissection respecte la muqueuse de la berge inférieure de façon à ne pas compromettre la vascularisation par les anastomoses gingivales. Le tracé d’ostéotomie comporte deux segments (fig 29). Le premier est horizontal, légèrement oblique en bas et en arrière, sus-apical, transnasal et transseptal. Il se situe, en dedans, sous le cornet inférieur, et passe 3 à 4 mm au-dessus de l’apex canin. Il se termine latéralement quelques millimètres au-dessus des racines des molaires, c’est-à-dire à peu près au niveau du tiers inférieur de la fente ptérygomaxillaire. La section s’effectue à la scie « va-et-vient ». Le second segment est vertical entre la tubérosité maxillaire et l’apophyse ptérygoïde, il correspond plus, en général, à une disjonction qu’à une véritable taille osseuse. Dans tous les cas, elle doit rester assez basse pour éviter les risques hémorragiques liés à une blessure des branches du pédicule maxillaire interne. Le préalable à la mobilisation osseuse est l’ostéotomie, au ciseau à frapper, du vomer sur la ligne médiane, et de la paroi interne des sinus maxillaires. La mobilisation au davier de Rowe et Killey, et la régularisation des arêtes auront soin de préserver les pédicules palatins descendants. Une fois en place, la contention est assurée, transitoirement, par un blocage intermaxillaire sur une plaque d’intercuspidation, associé à une suspension aux rebords orbitaires. La stabilisation définitive fait appel aux techniques traditionnelles d’ostéosynthèse par plaques vissées.
¶ Ostéotomies mandibulaires Limitations contextuelles Contrairement aux indications orthognathiques, la chirurgie mandibulaire des malformations craniofaciales est relativement limitée à quelques techniques bien standardisées. La nécessité d’une prise en charge précoce pour limiter la dysmorphose a relégué les ostéotomies au second plan, notamment par rapport aux techniques plus récentes de distraction osseuse. Leurs indications se limitent plus, actuellement, à la prise en charge des séquelles morphologiques, qu’au traitement primaire. Dans ce contexte, un certain nombre de modalités techniques méritent néanmoins d’être évoquées, même si elles sont détaillées par ailleurs dans d’autres chapitres plus spécifiques de cet ouvrage. D’autre part, un certain nombre de malformations latérofaciales sont le fait, entre autres, d’une insuffisance ou d’une absence de 16
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Segmentation chirurgicale de la mandibule.
développement des structures mandibulaires. Ces situations relèvent plus des techniques de reconstruction (cf infra). Des trois sites mandibulaires, seuls nous intéressent, dans les ostéotomies mandibulaires, les secteurs antérieur et postérieur (fig 30). Ostéotomies du secteur antérieur Il s’agit des différentes modalités de génioplastie qui visent à corriger les déformations du menton (fig 31). L’exposition est univoque, par une voie vestibulaire inférieure, exposant la symphyse mentonnière d’un foramen mentonnier à l’autre. Le bord basilaire n’est dégagé que dans sa portion antérieure, de façon à préserver les insertions musculaires et la vascularisation locale. Le trait d’ostéotomie sis au moins 4 mm en dessous des apex dentaires et sous l’émergence des nerfs alvéolaires. Le segment osseux isolé doit avoir une hauteur d’au moins 8, voire 10 mm, de façon à pouvoir supporter l’ostéosynthèse et à assurer un minimum de vascularisation. La découpe est plus ou moins symétrique en fonction de la correction à apporter. Tous les mouvements du fragment génien sont possibles. Lors des reculs, il est préférable de prévoir la résection des extrémités postérieures pour éviter un relief disgracieux et leur perception sous le tégument. Les génioplasties d’augmentation requièrent un apport osseux. Les grandes avancées (supérieures à 10 ou 12 mm) peuvent s’envisager au moyen d’ostéotomies à deux étages.
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Ostéotomies du secteur antérieur : génioplasties. 1. Greffon osseux.
Ostéotomies du secteur postérieur Ce sont les plus courantes. Le ramus se prête particulièrement bien à ce type d’intervention, l’histoire de la chirurgie orthognathique en atteste. L’épaisseur de l’os à ce niveau, la présence d’os spongieux, la facilité d’exposition sont autant d’atouts pour une découpe osseuse préservant le pédicule alvéolaire et pour une ostéosynthèse simple et de qualité. Deux modalités sont retenues dans le cadre de la chirurgie des grandes malformations craniofaciales : le clivage sagittal et l’ostéotomie en potence (L inversé).
• Clivage sagittal d’Obwegeser-Dalpont Il consiste à séparer le ramus en deux portions dans le plan sagittal (fig 32). La valve externe porte les structures articulaires condyliennes et le coroné, la valve interne est solidaire de l’arcade dentaire et elle héberge le pédicule alvéolaire qui a été esquivé par l’extérieur. Les modalités pratiques de cette intervention sont détaillées dans le fascicule 45-602 de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale « Ostéotomie sagittale de la mandibule ». Tous les déplacements de l’arcade
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Aménagements de la valve externe. a. Lors du recul mandibulaire : résection osseuse ; b. lors de l’avancée mandibulaire : maintien de l’espace.
dentaire sont envisageables dans les limites de la superposition des deux valves. Après la mise en articulé dentaire, la valve externe doit être aménagée de façon à reproduire au mieux la position préopératoire du condyle mandibulaire (fig 33). Schématiquement, elle doit être réduite dans les reculs mandibulaires, et il faut calibrer le foyer d’ostéotomie dans les avancées. L’utilisation d’un système de repositionnement, qu’il s’agisse d’une plaque d’ostéosynthèse ou de systèmes plus sophistiqués assistés par ordinateur, s’avère d’une grande utilité [2]. Epker a montré que la reproduction de la position préopératoire du condyle mandibulaire conditionnait la stabilité du résultat chirurgical, réduisait l’incidence des dysfonctionnements articulaires et améliorait la fonction manducatoire [ 11 ] . L’ostéosynthèse se fait à l’aide de vis bicorticales, mises en place par voie transjugale, en triangulation de part et d’autre du nerf alvéolaire (fig 34).
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Clivage sagittal du ramus mandibulaire.
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Vissage transjugal.
Reconstruction du ramus par greffe chondrocostale
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Le matériau de choix pour reconstruire le ramus, notamment de l’enfant, reste la jonction chondrocostale. Ses dimensions sont adaptées à la région à reconstruire, son extrémité cartilagineuse confère au greffon une compétence articulaire unique ; enfin, il est établi que le potentiel de croissance est un atout dans ces reconstructions pédiatriques. Il semble que la première utilisation condylienne soit le fait de Gillies en 1920. Depuis, de nombreuses publications ont confirmé la légitimité de cette intervention.
• Prélèvement
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Ostéotomie en « potence ». 1. Greffon osseux.
• Ostéotomie en « potence » Les grandes avancées mandibulaires se prêtent mal au clivage sagittal compte tenu des limites du chevauchement des valves osseuses. L’ostéosynthèse et la consolidation osseuse peuvent être critiques dans ces conditions. C’est pourquoi il est alors préférable d’envisager une ostéotomie en « potence » ou en « L inversé », telle qu’elle a été décrite par Trauner en 1955 et modifiée par Schuchardt en 1958. Cette intervention nécessite un abord cutané cervical, en arrière des vaisseaux faciaux, qui expose l’ensemble de la région angulaire. La découpe osseuse est d’emblée bicorticale, à la fois sus- et rétrospigienne (fig 35). Après la mise en articulé dentaire, la perte de substance osseuse, induite par l’avancée de la portion dentée, doit être comblée par une greffe osseuse. L’artifice de Mehnert, destiné à éviter la greffe, est déconseillé. Contraignant le condyle dans une position plus antérieure, il expose, à moyen terme, soit à une récidive du rétrognathisme, soit à des problèmes articulaires.
¶ Techniques de reconstructions mandibulaires appliquées aux malformations craniofaciales Les grandes dysplasies latérales avec hypoplasie ou absence du ramus ne peuvent être réparées par de simples ostéotomies. L’insuffisance tissulaire doit être compensée. Deux solutions, pas forcément contradictoires, sont possibles : la traditionnelle reconstruction du ramus par greffe chondrocostale et l’ostéogenèse par distraction mandibulaire. Plus loin, les indications respectives sont discutées. 18
Il implique un abord thoracique, dans le sillon sous-mammaire. Le prélèvement concerne la cinquième, sixième ou septième côte, en fonction de la taille souhaitée. Le greffon comporte 3 à 6 cm d’os et environ 1 cm de cartilage. La dissection est sous-périostée ou souspérichondrale sauf au niveau de la jonction ostéocartilagineuse pour ne pas trop l’affaiblir. La résection des enveloppes se traduirait invariablement par une séparation du cartilage et de l’os. La greffe est prélevée, en général, du côté opposé à la reconstruction de façon à adapter la courbure de la côte à la morphologie ramale.
• Reconstruction Elle s’envisage par un double abord, sous-angulomandibulaire et prétragien. L’abord cervical isolé est rarement suffisant pour adapter correctement le greffon dans la cavité glénoïdale. L’abord prétragien peut être étendu à la région temporale, soit pour assurer la dissection dans certaines situations difficiles (hypoplasies sévères), soit en prévision du prélèvement associé d’un lambeau de galéa. La dissection préserve les vaisseaux temporaux et les branches du nerf facial. Un soin tout particulier est apporté à l’hémostase des veines périarticulaires. L’exposition est améliorée, en fin de dissection, par une traction angulaire à l’aide d’un fil d’acier transfixiant l’angle mandibulaire. L’occlusion dentaire est contrôlée par un blocage intermaxillaire. Le greffon chondrocostal est mis en place en lieu et place du condyle manquant. Sa relation avec la cavité glénoïdale peut être assurée à l’aide d’un fil d’acier suspendant l’extrémité proximale du greffon au bas-fond articulaire (fig 36). Les modalités d’ostéosynthèse distale sont variables. Il peut s’agir d’une simple stabilisation par fils d’acier transfixiants ou circonférenciels. Le plus souvent, l’option choisie est celle des plaques vissées. Crawley [7] préconise l’interposition d’un lambeau de galéa entre le greffon et la cavité glénoïdale pour conforter le résultat fonctionnel. L’articulé dentaire est contrôlé en fin d’intervention. Le blocage intermaxillaire est conseillé les 15 premiers jours.
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Stabilisation du greffon chondrocostal au niveau de la cavité glénoïde. A. Ostéosynthèse par plaque.
Ostéogenèse par distraction mandibulaire
• Historique Elle débute en 1905 par un allongement fémoral effectué par Codivilla. Il faut attendre 1927 pour voir Abott renouveler l’expérience sur un tibia. Mais la diffusion de ces techniques reste confidentielle compte tenu des très nombreuses complications (nécrose cutanée, infection sur les broches, ossification aléatoire…). On doit à Ilizarov d’avoir codifié cette technique pour la rendre plus fiable. Il préconise de simples corticotomies préservant le plus possible l’enveloppe périostée, il invite à respecter un délai de cicatrisation de quelques jours avant de débuter la distraction au rythme de 1 mm/j. La première distraction mandibulaire est le fait de Snyder, en 1973, qui applique un distracteur externe sur des chiens. Quatre ans plus tard, Michielli réalise le même type d’expérimentation canine à l’aide d’un appareil endobuccal. Mais c’est McCarthy qui, en 1972, prouve la réalité de l’ostéogenèse dans le foyer de distraction. L’essor clinique de la méthode doit beaucoup à l’équipe d’Ortiz Monasterio à Mexico [22]. Et c’est en France, sous l’impulsion de Vasquez et Diner que sont établies les bases de la distraction endobuccale.
• Modalités pratiques Diner [10] identifie trois modalités de distraction en fonction du nombre d’ostéotomies. Il peut s’agir d’une distraction monofocale (un seul foyer d’ostéogenèse), d’une distraction bifocale où un fragment intermédiaire sert de relais, ou enfin d’une distraction trifocale avec deux sites de régénération osseuse et un site de consolidation par compression (fig 37). En pratique, l’abord est le plus souvent endobuccal, l’exposition est le fait d’une dissection sous-périostée de l’angle mandibulaire. La découpe osseuse est tracée en fonction des données de la planification. Les broches sont mises en place par voie transcutanée, en pinçant la peau entre le site proximal et le site distal, de façon à ménager une petite réserve cutanée qui minimise la rançon cicatricielle. L’implantation osseuse des broches est bicorticale. Pour Molina, la section osseuse est une simple corticotomie externe étendue au bord basilaire et à la crête alvéolaire, alors que pour McCarthy [20], il convient de sectionner totalement l’os. La distraction n’est débutée qu’après un délai de cicatrisation de 5 à 7 jours. Elle est effectuée au rythme moyen de 1 mm/j. Elle est suivie
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B. Suspension temporale.
d’une période de stabilisation qui varie de 6 à 8 semaines en fonction de l’importance de l’allongement et de l’âge du patient. Cette phase de consolidation est accompagnée d’une prise en charge orthodontique, s’il y a lieu, pour maintenir l’éventuelle béance molaire créée par l’allongement du ramus. En fin de traitement, le matériel peut être déposé au fauteuil. Dans le cadre d’une distraction bidirectionnelle, il est préférable d’envisager une double corticotomie isolant l’angle mandibulaire, le trait proximal horizontal est supra-angulaire, alors que le trait distal est vertical et préangulaire. La distraction endobuccale a l’avantage de limiter la séquelle cicatricielle et les contraintes socioprofessionnelles. Mais elle se heurte aux difficultés liées aux impératifs de miniaturisation. De plus, pour l’instant, seuls des distracteurs unidirectionnels sont disponibles. Ces techniques innovantes sont en plein essor actuellement. Mais les indications méritent d’être codifiées plus précisément. Si les applications mandibulaires sont à peu près bien établies, la place de la distraction au niveau de l’étage moyen, et a fortiori au niveau de l’étage supérieur de la face, reste à préciser. Marchac [15] a montré que cette technique pouvait être utile, chez le nourrisson, pour corriger les rétrusions faciales sans avoir recours à des interventions lourdes (fig 38). Cependant la morbidité reste importante (environ 50 % de complications) et les problèmes techniques à résoudre sont encore nombreux. MOYENS DE FIXATION OSSEUSE
En matière de chirurgie osseuse, la qualité du résultat dépend de l’habilité à découper et à déplacer les segments osseux selon les modalités préétablies, mais aussi de la qualité de la stabilisation des pièces osseuses dans leur nouvelle situation spatiale. La pratique différencie deux modes de contention plus ou moins complémentaires. Ce sont d’une part les fixations intrafocales, qui agissent au sein même du foyer d’ostéotomie, et d’autre part, les fixations extrafocales intervenant à distance.
¶ Fixations intrafocales Elles associent l’ostéosynthèse proprement dite et le calage par greffe osseuse. L’ostéosynthèse intègre les modalités de fixation des pièces osseuses entre elles. Elle est contrainte par les conditions anatomiques locales 19
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* A * B 37
Modalités de distraction mandibulaire. A. Unidirectionnelle B. Bidirectionnelle C. « Transporteur d’os »
* C – la finesse et l’élasticité des structures osseuses (rétention plus délicate) ; – la dynamique de croissance ; – les mécanismes de cicatrisation où le cal périosté prédomine. La méthode de choix est la coaptation des pièces osseuses à l’aide de fils d’acier. Elle répond aux caractéristiques techniques habituelles que sont l’orientation orthogonale au trait d’ostéotomie et le serrage du toron sur l’un des orifices de pénétration. Elle présente de nombreux avantages : – une excellente tolérance ; – une grande facilité de mise en œuvre ; – un coût négligeable et un ancillaire réduit ; – une adaptabilité à quasiment toutes les situations anatomiques ;
38
Distraction craniofaciale.
et par les contraintes biomécaniques. Dans le cadre spécifique du traitement des malformations craniofaciales, ces moyens de fixation doivent également tenir compte des conditions particulières que sont : 20
– une certaine souplesse de la fixation (front flottant) autorisant une meilleure adaptation à la croissance. En corollaire, ce dernier avantage constitue, dans certaines situations, l’inconvénient principal. Le manque de rigidité du montage, s’il est peu problématique au niveau de la voûte, peut être handicapant au niveau des maxillaires. Il impose alors l’association d’une synthèse extrafocale (notamment le blocage intermaxillaire ou la suspension) ; à défaut, le risque de récidive de la dysmorphose n’est pas négligeable. Ce sont ces contraintes qui ont contribué au développement des synthèses par plaques vissées. Le matériau de référence est le titane, compte tenu de son excellente biocompatibilité. Les avancées
Stomatologie
Chirurgie des malformations craniofaciales
technologiques ont permis une miniaturisation compatible avec une application pédiatrique tout en préservant une rigidité suffisante. Ces fixations ont considérablement simplifié le geste opératoire, notamment aux niveaux orbitaire et maxillaire. Mais ces plaques métalliques posent un certain nombre de problèmes dans le contexte évolutif de la croissance craniofaciale. Deux complications principales sont imputées à ces synthèses rigides : le blocage de la croissance et la migration intracrânienne des implants. Les problèmes des artefacts radiologiques liés au titane sont relativement anecdotiques, ce d’autant que les techniques actuelles de traitement de l’image permettent souvent de corriger les irrégularités induites, notamment sur les scanners. Des études expérimentales [12] ont clairement démontré que la mise en place précoce de plaques, au niveau d’une voûte normale, limitait la croissance de la région pontée et provoquait une croissance compensatrice des secteurs libres. Cela signifie que la planification (spatiale et temporelle) de ces ostéosynthèses rigides doit impérativement intégrer ces déviations du développement pour ne pas obérer le résultat morphologique. D’autre part, plusieurs rapports font état de migration intracrânienne d’une plaque d’ostéosynthèse [14, 26]. Les mécanismes de croissance par apposition-résorption sont à l’origine de ce phénomène. Certes, aucune conséquence neurologique n’a été déplorée pour l’instant, mais la plaque adhérant fortement à la duremère, les complications à long terme ne peuvent pas être exclues. De plus, dans ces conditions, l’ablation du matériel est délicate.
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a
b
Au total, même si l’ostéosynthèse rigide simplifie la contention des pièces osseuses en chirurgie craniomaxillofaciale, elle doit être déconseillée au niveau de la voûte du tout jeune enfant. La solution pourrait venir du matériel de synthèse à résorption lente. Il s’agit de copolymères associant 82 % d’acide L-lactique et 18 % d’acide glycolique, et modelés en plaques et en vis de dimensions classiques. Les résultats expérimentaux et les premières études cliniques sont encourageants. La vertu des greffes osseuses, en matière de fixation, est essentiellement de stabiliser le site d’ostéotomie, notamment dans les grands déplacements, et de favoriser la consolidation. Le greffon doit donc être dimensionné au déplacement escompté. Il est d’autant plus cortical que les contraintes qu’il est amené à subir sont grandes. La composante spongieuse n’a aucune résistance mécanique, elle intervient essentiellement dans la consolidation, dans l’ostéogenèse du foyer. Dans tous les cas, la surface de contact, entre les berges osseuses et la greffe, est optimisée pour assurer la stabilité du montage et son ossification. Les adaptations en tenon et mortaise sont particulièrement recommandées.
¶ Fixations extrafocales Elles concernent essentiellement les structures maxillaires. Le principe consiste, après avoir corrigé la position des pièces osseuses, à les amarrer au crâne. La référence anatomique est le plus souvent la référence occlusale. Les appareils de contention sont ancrés au niveau des dents (arcs périmaxillaires) soit par des fils d’acier péridentaires, soit par l’intermédiaire de brackets d’orthodontie. Le blocage intermaxillaire est l’expression la plus simple de la contention extrafocale. Dans un certain nombre de situations, il peut être avantageusement complété par une suspension crânienne. Différentes modalités sont envisageables en fonction des contraintes et des niveaux de mobilisation, qu’il s’agisse d’une suspension sousorbitaire, zygomatique ou orbitaire externe. Un fil d’acier transfixie le support osseux crânien, et le relais vers l’arc maxillaire est réalisé à l’aide d’une boucle intermédiaire qui reste accessible par voie endobuccale au cours du traitement. Un certain nombre d’appareils externes offrent les mêmes possibilités de suspension. L’ancrage osseux fait alors appel à des broches transcutanées qui supportent des systèmes mécaniques plus ou moins sophistiqués. Le casque de Delbet-Tessier en est un exemple. Il faut néanmoins reconnaître que, compte tenu de la qualité des ostéosynthèses intrafocales, les suspensions et les appuis péricrâniens sont rarement utilisés.
c
39
Principaux sites de prélèvement osseux. a. Voûte. b. Côte. c. Os iliaque. APPORTS OSSEUX
Ils ont deux fonctionnalités : la contention d’un foyer d’ostéotomie (cf supra) et la restitution du galbe dans les insuffisances squelettiques. Deux facteurs vont conditionner les indications de ces greffes d’apposition. Il s’agit, d’une part de la qualité du lit receveur et d’autre part, du coefficient de résorption de l’implant. La greffe osseuse classique masque, derrière sa simplicité technique, des contraintes importantes relatives à la vascularisation du site de réception. La trophicité du lit d’implantation de la greffe conditionne le succès et la consolidation du transplant et limite la résorption. D’autre part, chaque fois que cela est possible, les greffons osseux d’origine membraneuse (voûte du crâne principalement) sont préférés à ceux d’origine enchondrale (typiquement la crête iliaque). Leur coefficient de résorption est en effet bien moindre, il n’est pas alors nécessaire d’hypercorriger les reliefs. Les lambeaux osseux, à pédicule musculaire ou à pédicule purement vasculaire, s’adaptent mieux aux environnements tissulaires déficients. Leur vascularisation propre assure la stabilité du volume osseux et la consolidation de l’implant, et elle corrige au moins partiellement l’insuffisance trophique locale. Leur réalisation chez l’enfant est relativement délicate et doit être réservée à des indications particulières.
¶ Greffes L’autogreffe est celle qui assure la plus grande fiabilité et la plus grande sécurité (notamment infectieuse). La voûte du crâne, l’os iliaque et la côte sont les trois sites principaux de prélèvements (fig 39). Le site costal offre un os plastique en quantité abondante. Le galbe de la côte s’adapte assez bien aux contours de la voûte et aux 21
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Stomatologie
convexités faciales. Les possibilités de dédoublement par clivage permettent de minimiser la taille des prélèvements. L’os costal est facile à modeler et suffisamment résistant pour supporter les contraintes biomécaniques craniofaciales. Il ne s’agit pas pour autant d’un greffon idéal. Son origine embryologique et sa faible teneur en os spongieux déterminent une tendance marquée à la résorption à long terme. D’autre part, même si le prélèvement ne requiert pas de compétence technique très spécifique, les risques de lésions pleurales (et donc de pneumothorax) ne sont pas négligeables. Enfin, comme toute chirurgie thoracique, la rançon algique impose souvent le recours à des chimiothérapies relativement lourdes. L’os iliaque est la principale source d’os spongieux. Le volume disponible est considérable. Le mode de prélèvement est très simple. Les séquelles sont modestes dès l’instant où la crête est conservée. Le nerf fémorocutané doit être ménagé. Mais, chez l’enfant, la proximité du cartilage de conjugaison limite les possibilités de prélèvement. De plus, le coefficient de résorption, très important (de l’ordre de 30 à 50 %), impose une anticipation en surcorrigeant les reliefs. Enfin, la rigidité de l’os iliaque rend son maniement moins aisé que celui de la côte. La voûte crânienne, et plus spécifiquement l’os pariétal, est sans conteste le matériau de choix chez le nourrisson. Les propriétés ostéogéniques de la dure-mère permettent des prélèvements étendus, sur le même site opératoire, sans séquelles à long terme. L’os prélevé est plastique et son coefficient de résorption est quasiment nul. Chez l’enfant plus grand et chez l’adulte, le pariétal peut être dédoublé. Deux modalités de prélèvement sont donc envisageables. Dans la première, le pariétal est prélevé comme un volet osseux. Il est dédoublé sur table. La corticale interne, remise en place, protège la méninge au niveau du site de prélèvement. La corticale externe constitue la réserve osseuse. L’alternative consiste à dédoubler l’os in situ. Après avoir marqué les limites du prélèvement, une tranchée, assez large, est creusée en périphérie jusqu’à la table interne (fig 40). Cette gorge va permettre d’horizontaliser le ciseau à frapper ou la scie pour ne prélever que la corticale externe. On évite ainsi la craniotomie, mais la largeur du prélèvement est limitée par les possibilités de pénétration tangentielle de l’outil de coupe et par la convexité de la région. Il est difficile d’obtenir une bande osseuse de plus de 2 à 3 cm de large. L’inconvénient principal de l’os de voûte est sa grande rigidité (sauf chez le nourrisson). L’adaptation du greffon au relief receveur est donc un peu plus délicate.
¶ Lambeaux osseux Leurs indications en matière de chirurgie des malformations craniofaciales sont relativement limitées. Elles concernent essentiellement les lambeaux de muscle temporal transporteur d’os et le lambeau de galéa ostéoaponévrotique. Lambeau de muscle temporal Le muscle est capable d’assurer, via le périoste, la vascularisation d’une pièce osseuse. C’est ce principe qui régit les transferts ostéomusculaires dont le lambeau composite temporal est un archétype. Ce lambeau est vascularisé par deux branches de l’artère maxillaire interne : les artères temporales profondes antérieure et postérieure. Ce pédicule pénètre la face profonde du muscle de part et d’autre de l’apophyse coronoïde, sous le niveau de l’arcade zygomatique. Cette duplicité vasculaire permet de lever indifféremment le lambeau sur un pédicule musculaire antérieur ou postérieur (fig 41A, B). La vascularisation osseuse pariétale relève d’un important réseau anastomotique musculopériosté. Le prélèvement est effectué par voie de Cairns. Le muscle temporal est largement exposé. Le périoste calvarial est incisé un peu en dehors de la périphérie du prélèvement osseux. La zone de sécurité pour prélever le pariétal (en évitant le sinus longitudinal) se situe 1 à 2 cm en dehors de la suture sagittale. La pièce osseuse est découpée comme un volet en prenant soin de ménager l’attache périostée et le pédicule musculaire. En fonction des besoins, le 22
40
Modalités de prélèvement d’un greffon monocortical de voûte.
greffon peut être dédoublé. Le prélèvement monocortical d’emblée est possible, mais techniquement délicat notamment dans sa partie inférieure, sous le pédicule musculaire. Le périoste est assuré par des points transosseux à la périphérie du lambeau. Le muscle est ensuite libéré de l’arcade zygomatique et à sa face profonde jusqu’au coroné ; il est éventuellement séparé longitudinalement en deux faisceaux. L’un des faisceaux (le plus souvent antérieur) porte l’os, le second comble la portion ventrale de la fosse temporale. Les transferts vers le bas (vers le maxillaire) imposent le plus souvent une dépose transitoire de l’arcade zygomatique compte tenu du volume du lambeau. Lambeau de galéa On doit à Cutting [8], puis à Casanova [5] d’avoir montré que l’os pariétal était principalement vascularisé, via les anastomoses périostées, par des branches de l’artère temporale superficielle. C’est ainsi que se sont développées les indications de lambeau de galéa transporteur d’os. Par rapport au lambeau de muscle temporal, ce lambeau a l’avantage d’être plus fin, plus malléable, son pédicule est plus long et son prélèvement n’évide pas la fosse temporale. Il débute par la dissection de la face superficielle de la galéa au ras des follicules pileux. Le segment osseux est découpé comme précédemment, avec les mêmes précautions relatives à l’adhérence périostée (fig 41C). La dissection se termine par la libération de la
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* A
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* B 41
Lambeau temporal transporteur d’os. A, B. Musculaire selon Van Der Meulen. C. Galéal.
* C face profonde du fascia prétemporal dans l’espace de Merkel, à la partie inférieure du lambeau. L’excédent d’aponévrose peut servir à envelopper complètement l’os, notamment lorsqu’il s’agit de reconstruire la voûte palatine. Le pédicule doit être assez large (au moins 3 cm) car le retour veineux n’est pas toujours satellite de l’axe
artériel, il est souvent placé en arrière, témoignant d’un drainage auriculaire postérieur. Dans les dysplasies latérales (Treacher-Collins notamment), il est recommandé de repérer le pédicule vasculaire avant l’intervention, par échodoppler, afin de s’adapter à une éventuelle aberration anatomique.
Indications La chirurgie des malformations craniofaciales impose au chirurgien la connaissance préalable des caractéristiques et du pronostic de croissance des désordres malformatifs qu’il se propose de corriger. Dans cet objectif thérapeutique, une classification (fig 42) a été établie au sein de laquelle on distingue trois grands groupes [32, 34]. – Malformations cérébrocrâniennes L’accident malformatif dominé par la déficience de l’inducteur encéphalique se traduit par un défaut de déploiement de la voûte crânienne. L’existence d’une altération cérébrale conduit le plus souvent à une abstention thérapeutique.
atteinte de la placode olfactive, l’anorbitisme et le micro-orbitisme par aplasie ou hypoplasie du globe oculaire, en sont les expressions cliniques les plus caractéristiques. Les syndromes microphtalmiques, dans leurs formes isolées, sont accessibles à une correction chirurgicale précoce, basée sur le double principe de l’expansion cutanée pour les paupières et de la distraction osseuse pour le cadre orbitaire [30].
– Malformations cérébrofaciales
Un conformateur conjonctival est mis en place dès la naissance afin de déployer les paupières et de créer un cul-de-sac conjonctival. Vers 6 mois est mise en route la distraction orbitaire par la réalisation d’une ostéotomie orbitomalaire et la mise en place d’un expandeur gonflable (fig 43) [27, 33].
Elles sont secondaires à la déficience des placodes sensorielles, incapables d’induire la formation et le développement du territoire facial correspondant. L’arhinencéphalie (ou holoproencéphalie) par
L’expansion est poursuivie jusqu’aux environs de la sixième année, date à laquelle le volume orbitaire obtenu est consacré par un implant puis par une prothèse oculaire définitive. 23
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Histogenèse
Organogenèse
Os
Morphogenèse Croissance Développement
SNC
8 e semaine
2e semaine
Stomatologie
42
Principales malformations craniofaciales au cours des différentes étapes du développement. SNC : système nerveux central.
Naissance
Synostoses Fentes Dysostoses
Cérébrocrâniennes
Cérébrofaciales
43
Craniofaciales
Tracés d’ostéotomie et procédés d’expansion de l’orbite osseuse chez l’enfant.
Chez l’adulte, on a recours aux procédés classiques d’ostéotomies d’agrandissement, accompagnés de blépharopoïèses et d’approfondissement du cul-de-sac conjonctival (fig 44) [24, 35].
libère la poussée encéphalique dont l’effet orthopédique peut à nouveau se manifester et participer à la remise en forme des structures ;
L’expansion de l’orbite osseuse se heurte, dans le sens vertical, à la position basse du plafond orbitaire et impose une voie endocrânienne. L’expansion du sac conjonctival est réalisée dans le même temps, par une greffe de muqueuse buccale. La microblépharie fait l’objet d’une reconstruction palpébrale au cours d’un temps ultérieur. Elles relèvent de trois mécanismes :
– l’altération tissulaire intrinsèque ou dysplasie peut concerner un ou plusieurs tissus. L’atteinte osseuse est la plus courante, elle correspond aux dysostoses, qui peuvent siéger indifféremment ou simultanément au niveau du crâne, du maxillaire ou de la mandibule. L’aptitude à la croissance des tissus altérés est en général défavorable, elle peut cependant varier en fonction de l’intensité de la dysplasie et de sa topographie. Cette classification, dont l’intérêt est de tenir compte du potentiel de croissance, sert de guide à l’exposé des indications.
– la non-confluence des bourgeons faciaux à l’issue de l’embryogenèse est à l’origine d’une fente, le plus souvent labiomaxillopalatine ;
Synostoses de la voûte
– l’altération des sutures ou zones de jonction entre les pièces osseuses est responsable de synostoses. Localisées le plus souvent à la voûte crânienne, les synostoses prématurées s’opposent à l’expansion encéphalique créant le tableau de craniosténose. La levée chirurgicale précoce de l’obstacle représenté par la suture synostosée
Elles correspondent à la fermeture prématurée d’une ou plusieurs sutures, responsable d’une déformation caractéristique du territoire concerné, par arrêt du développement dans l’axe de la suture atteinte, associé à une croissance excessive compensatoire au niveau des sutures saines (loi de Virchow) (fig 45).
– Malformations craniofaciales
24
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* A 44
Procédés classiques d’agrandissement orbitaire chez l’adulte. A. Tessier. B. Marchac.
1
2
1
2
3 3
* B 45
Principales déformations de la voûte observées au cours des synostoses selon la loi de Virchow.
LOI DE VIRCHOW
Trigonocéphalie
Normocéphalie Dolichocéphalie
Brachycéphalie
antérieure postérieure Plagiocéphalie
La retombée sur la base des sutures crâniennes, ainsi que leur prolongement au travers du massif facial moyen, rend compte du
retentissement que peut avoir une synostose sur la morphologie orbitaire et sur la croissance du massif facial. 25
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Stomatologie
" A1
" A2
" B1
" B2 46
" B4
" B3 A. Sites des crâniectomies parasagittales à retombées coronale et lambdoïde dans la correction précoce des scaphocéphalies. B. Résultats cliniques et radiographiques des procédés.
" B5
La discordance temporospatiale des rythmes de croissance fait que l’expression clinique d’une atteinte suturaire est :
L’indication chirurgicale varie en fonction de la topographie et de l’évolutivité de la synostose.
– immédiate, à évolution rapide, au niveau de la voûte crânienne, tributaire de la poussée encéphalique ;
SCAPHOCÉPHALIE
– plus tardive au niveau de la face, entité de croissance discontinue, multifactorielle et à long terme. Cette action au niveau du massif facial est nulle ou minime au cours des synostoses de la suture sagittale ou de la lambdoïde, elle est plus apparente lors des atteintes de la suture coronale ou de la suture métopique sous la forme d’une déformation orbitaire concomitante, ou d’une rétrusion faciale évolutive, à long terme, lors d’atteinte polysuturaire. La correction chirurgicale des craniosténoses poursuit trois objectifs : – libérer le verrou représenté par la synostose en séparant les pièces osseuses fusionnées, pour permettre à la poussée encéphalique d’exercer son effet orthopédique ; – corriger les déformations en remodelant la voûte par mobilisation ou échange de volets osseux ; – retarder la réossification parfois, en agissant sur le feuillet externe de la dure-mère lors des interventions précoces. A contrario, au-delà du 18e mois, le potentiel de réossification s’épuise et doit conduire à limiter la surface des brèches osseuses. 26
L’atteinte de la suture sagittale provoque une réduction du diamètre bipariétal compensé par un allongement antéropostérieur frontooccipital responsable de l’aspect dolichocéphale. La compensation peut porter préférentiellement sur la région frontale ou sur la région occipitale. La correction chirurgicale est univoque chez le nourrisson avant 6 mois. Elle consiste dans la réalisation de deux larges crâniectomies parasagittales largement prolongées dans les sutures coronales et lambdoïdes. La compliance de la voûte à cet âge permet une reprise rapide de la croissance transversale, réduisant d’autant la compensation antéropostérieure (fig 46). Dans certains cas, la déformation peut être plus accentuée à une des extrémités du crâne, soit sous la forme d’une volumineuse bosse frontale fermant l’angle nasofrontal, soit par la proéminence d’un chignon occipital. Dans ces conditions, la procédure précédente peut être complétée par la correction de l’un ou de ces deux défauts, selon un tracé en « p » [13, 28].
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* A
* B 47 Crâniectomie parasagittale associée à un modelage des pièces osseuses par fragmentation selon Persing.
A. Déformation à prédominance frontale. B. Déformation à prédominance occipitale.
Les craniectomies prolongées très bas et l’affaiblissement des pièces osseuses par une fragmentation en « marguerite » [13], permettent une mobilisation et une correction de la zone proéminente, à la faveur d’une résection à une des extrémités de la pièce sagittale, autorisant une mise en tension par une suture au fil à résorption lente (fig 47). À partir de 1 an parfois et dans tous les cas au-delà de 18 mois, ces procédés (cf supra) ne permettent plus d’obtenir une correction satisfaisante de la dolichocéphalie. Dans ces formes du grand enfant, le remodelage de la voûte par transposition de volet devient la méthode de choix [16, 17]. Dans cette technique, la hauteur excessive du front est mise à profit pour rehausser l’aspect en fuite de la région occipitopariétale (fig 48).
brièveté de la base antérieure qui se verticalise. Ce retentissement facial de la synostose coronale rend inopérante la seule crâniectomie coronale, même en prolongeant celle-ci à travers la base jusqu’à la fente sphénomaxillaire [19] et impose un remodelage fronto-orbitaire. Ce geste, toujours réalisé avant la fin de la première année, consacre la correction de la déformation supraorbitaire par l’avancée et la bascule d’une équerre orbitonasofrontale selon différents tracés à la recherche d’une autocontention. L’avancée frontale concomitante sommairement fixée sur le précédent bandeau, libéré de toute attache latérale est donc susceptible de se redresser sous la poussée encéphalique (front flottant de Marchac) (fig 49) [16, 17]. La déformation frontale en rétrusion justifie parfois la rotation à 180° de ce volet.
BRACHYCÉPHALIE
La synostose bilatérale de la suture coronale crée une brièveté du diamètre antéropostérieur, associée à une compensation transversale et verticale. La rétrusion frontale basse supraorbitaire est souvent responsable d’un exorbitisme supérieur, il s’y associe toujours une
OXYCÉPHALIE
Ces formes correspondent habituellement à une synostose de la coronale associée à une synostose partielle de la sagittale, en particulier dans sa portion antérieure. 27
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Correction tardive d’une scaphocéphalie par transpositions osseuses multiples selon Marchac.
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3
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1
La déformation est caractéristique, réalisant un crâne pointu par la bascule postérieure du front en continuité avec l’arête nasale. C’est dans ces formes plurisuturaires que le risque d’hypertension intracrânienne (HIC) est le plus important au cours des 2 premières années. Le geste chirurgical procède, comme précédemment, d’une avancée du bandeau orbitonasofrontal, mais le rétablissement du galbe frontopariétal nécessite souvent la volte ou l’échange de volet (fig 50 [23]). Brachycéphalie et oxycéphalie peuvent être isolées à la voûte et à la région fronto-orbitaire. Cependant, leur association avec des rétrusions faciales ne sont pas rares. Elles répondent alors à une faciosténose rendant compte de la réalité de la retombée de la suture coronale à travers la jonction craniofaciale. Le retentissement facial de ces formes obéit à la chronologie de la croissance craniofaciale et ne se révèle que tardivement, souvent à la fin de la denture lactéale, voire plus tard. Les crâniectomies de la voûte, même étendues à la base, ainsi que l’allongement de l’étage antérieur par la propulsion fronto-orbitaire n’ont aucun effet de prévention sur le défaut de croissance faciale. PLAGIOCÉPHALIE
Le terme de « plagiocéphalie », dans le cadre des synostoses, correspond au raccourcissement fronto-orbitaire unilatéral par sténose d’une hémisuture coronale.
1
– soit une mobilisation globale bilatérale, ce mouvement ayant l’avantage de corriger la proéminence frontale controlatérale. TRIGONOCÉPHALIE
Cette déformation triangulaire du front et des orbites correspond à une synostose prématurée de la suture métopique ou interfrontale. Cette atteinte toujours très précoce de la suture au cours de la vie intra-utérine, crée une déformation caractéristique très apparente le jour même de la naissance. À cette déformation s’associe une verticalisation des parois internes des orbites, créant un hypotélorisme au-dessous d’un petit frontal étroit dans toutes ses dimensions (fig 52). La correction chirurgicale réalisée au cours de la première année, consiste en une ouverture du bandeau naso-orbitofrontal sur une charnière médiane. L’élargissement de la glabelle et l’abaissement des orbites externes justifient souvent l’interposition d’une pièce osseuse triangulaire au niveau du nasion. La déformation en « carène » du front subit la même correction selon différentes modalités : – le remplacement total de l’os frontal par une pièce pariétale ou par un hémifront [1, 16] ; – la rotation des deux hémifronts ; – la correction étagée en plusieurs bandeaux selon un tracé horizontal [36] ;
L’orbite externe bloquée sur son ptérion est à la fois ascensionnée et reculée selon une orientation dont témoigne la verticalisation de la petite aile du sphénoïde sur une incidence radiographique de face.
– le remplacement de la suture métopique extirpée par une greffe osseuse de la voûte pariétale [6], par une hémisuture coronale [31].
Cette rétrusion fronto-orbitaire peut être accentuée par une projection compensatoire de la bosse frontale controlatérale.
PACHYCÉPHALIE
Il y a lieu de noter que ce terme de « plagiocéphalie », fréquemment utilisé, est ambigu. Il recouvre d’autres déformations, en particulier occipitales, le plus souvent d’origine posturale. Un examen clinique attentif des régions orbitaires et temporales permet de les distinguer. La correction chirurgicale (fig 51) est adaptée à la déformation et s’adresse : – soit au seul côté pathologique, en réalisant une reposition frontoorbitaire par un déplacement dans les trois plans de l’espace dont le centre de rotation est représenté par le nasion ; 28
Cette terminologie correspond à la déformation de l’arrière-crâne, créée par une synostose bilatérale de la suture lambdoïde. De profil, l’arrière-crâne est verticalisé, très aplati, réalisant parfois un angle droit avec un vertex horizontal. De face, la compensation transversale crée une saillie souvent majeure des bosses pariétales et temporales. La forme unilatérale réalise une hémipachycéphalie, à laquelle il vaut mieux réserver le terme de « plagiocéphalie postérieure ». Cette forme est rare, difficile à différencier des plagiocéphalies posturales,
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" A2 " A1
" B3 " B2
" B1
49
" B4 bien que l’analyse tomodensitométrique du lambda et de la situation des rochers permette en théorie de l’identifier. Lorsque la correction de cette rétrusion de l’arrière-crâne se justifie, le remodelage chirurgical peut faire appel, soit à deux volets occipitaux remodelés ou échangés [3, 13] soit à une transposition bipariétale retournée, selon le procédé de Stricker et Czorny (fig 53) [9, 31]. Cette atteinte de l’arrière-crâne peut s’associer à une brachycéphalie par sténose coronale, réalisant la déformation caractéristique en tour ou turricéphalie. Cette déformation dans sa forme majeure peut justifier deux interventions chirurgicales, le premier temps étant réservé à la décompression de l’arrière-crâne. L’atteinte polysuturaire intéressant la coronale, la sagittale, et parfois la lambdoïde est responsable de déformations importantes (acrocéphalie, turricéphalie, crâne trilobé), associées à un risque fonctionnel majeur dès les premières semaines de vie. Ces situations
A. Traitement d’une brachycéphalie par avancée et bascule d’un bandeau orbitonasofrontal et avancée frontale semi-rigide. B. Cas clinique et radiographies illustrant le procédé.
" B5 imposent une libération chirurgicale précoce et un remodelage de la voûte, utilisant une combinaison des procédés précédemment décrits (fig 54).
Dysostoses craniofaciales avec synostoses ou dysostosténoses Elles correspondent à des dysmorphies craniofaciales majeures, appartenant au groupe des craniofaciosténoses, ou dysostosténoses craniofaciales, dont les formes les plus représentatives sont la maladie de Crouzon et le syndrome d’Apert. Bien que parfaitement identifiables à partir de leur différence sémiologique, les similitudes pathogénique, symptomatologique et thérapeutique ont conduit Tessier à regrouper ces deux affections sous le terme de « Croupert ». 29
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* A
" B1
" B2
" C1
" C2
50 A. Correction frontale des brachy- et oxycéphalies par échange de deux volets frontaux selon Stricker et Montaut.
B. Vues peropératoires illustrant le procédé (B1. face ; B2. profil). C. Cas clinique pré- (C1) et postopératoire (C2).
La symptomatologie morphofonctionnelle de ces malformations craniofaciales est caractéristique dès la naissance, mais la dysmorphie s’aggrave avec le temps, à court terme au niveau de la voûte et à plus long terme au niveau de la face. L’association d’une plurisynostose retombant sur la face à travers la base, à une dysostose sphénoïdofaciale, plus ou moins diffuse, est responsable :
à ce stade, la réalisation d’un bandeau orbitonasofrontal dont l’avancée représente un geste efficace sur l’exophtalmie ;
– d’une craniosténose de la voûte sous la forme d’une oxycéphalie ou d’une turricéphalie, fréquemment compliquée d’une HIC ; – d’un exorbitisme par brièveté de l’orbite ; – d’une rétrusion du massif facial, plus ou moins marquée au niveau du secteur nasomaxillaire, responsable d’une atrésie nasopharyngée, compliquée d’une étroitesse de l’espace rétrobasilingual à l’origine d’apnées obstructives. La correction de ces formes, révolutionnée par l’avancement facial initialement décrit par Tessier, est cependant loin d’être univoque, car elle doit tenir compte à la fois du problème encéphalique initial et des déformations faciales évolutives dans le temps. Pour répondre à ces deux obligations, l’avancée frontofaciale en monobloc [25, 36] ou bipartite [38] ont pu être proposées. Cependant, aussi magistral que soit ce type d’intervention, son indication est soumise à un certain nombre d’aléas : – le remodelage de la voûte, nécessaire à la levée de l’HIC est souvent indiqué au cours des premiers mois de vie et n’autorise pas à cet âge un monobloc frontofacial. On peut s’autoriser en revanche, 30
– au-delà de la troisième année, la propulsion orbitofrontale crée un espace mort, mal compensé par l’expansion encéphalique, et augmente le risque de séquestration frontale ; – l’avancée faciale précoce ne peut être indiquée que dans le contexte de troubles fonctionnels majeurs, ophtalmologiques ou respiratoires, car cette propulsion en l’absence de croissance sagittale est vouée à l’immobilisme, donc à sa détérioration progressive ; – l’avancée faciale définitive doit être renvoyée aux alentours de la 12e année, selon un tracé de Le Fort III. À ce stade, la correction est habituellement stable et peut bénéficier du concours de l’orthodontie (fig 55). Il est à penser que ces protocoles seront modifiés dans les années à venir par l’introduction du nouveau procédé thérapeutique que représente la distraction osseuse au niveau craniofacial.
Dysostoses Les déformations du squelette par déficience intrinsèque du tissu osseux, ou dysostose, peuvent siéger indifféremment ou simultanément au niveau de l’orbite, du nez, du maxillaire ou de la mandibule. Dans un but pragmatique, nous retiendrons trois localisations permettant de mettre en exergue les principaux protocoles thérapeutiques. Il s’agit :
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Stomatologie
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* A
* B
* C 51
Techniques chirurgicales dans les plagiocéphalies. A. Remise en situation orbitofrontale unilatérale. B. Mobilisation bilatérale. C. Vues peropératoires et radiographiques d’une correction bilatérale.
– des méningoencencéphalocèles par brèche ostéoméningée ; – les dysostoses centrofaciales ; – les dysostoses latérofaciales.
BRÈCHES OSSEUSES OSTÉOMÉNINGÉES
Occupées par une hernie méningoencéphalique de localisation frontonasale, frontoethmoïdale, médiale ou latérale, elles créent, de 31
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Stomatologie
2
1
" B1 " A1
2
1
" A2
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Traitement d’une trigonocéphalie et modalités de correction du galbe frontal. A. Déformation du bandeau naso-orbitofrontal et sa correction. B. Remplacement frontal. C. Interposition d’une pièce entre les deux hémifronts (Cohen). D. Transfert de la coronale (Stricker).
2
" B2
2 2
2
* C * D
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Stomatologie
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" E4 " E2
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" E3
(Suite) Traitement d’une trigonocéphalie et modalités de correction du galbe frontal. E. Vues tomodensitométriques et peropératoires de la déformation et de sa correction chirurgicale.
" E1
" E5 " E6 par cet obstacle et du fait de la dysostose, des déformations interorbitaires et médiofaciales parfois majeures (fig 56). Leur réparation impose une réintégration du tissu hernié, ou sa résection lorsqu’il s’agit de névroglie non fonctionnelle, une réfection du sac méningé par une plastie de péricrâne, ainsi que de la brèche osseuse par un greffon provenant habituellement de la voûte. Cette intervention, menée par double voie endocrânienne et faciale, souvent réalisée à partir du sixième mois, n’autorise pas toujours la correction définitive de la dislocation orbitonasale avec augmentation de la distance interorbitaire. La correction de l’hypertélorisme interorbitaire ou orbitaire résiduel, souvent asymétrique, associée à une rhinoplastie reconstructive, s’impose dans un deuxième temps. DYSOSTOSES CENTROFACIALES
Elles regroupent une grande variété d’expression clinique, depuis l’hypertélorisme interorbitaire, jusqu’aux grandes dysostoses mixtes, précédemment citées, telles que la maladie de Crouzon ou le syndrome d’Apert. Au niveau orbitaire, la déformation prédomine dans le sens transversal, qu’elle soit symétrique ou asymétrique, limitée à la région interorbitaire (hypertélorisme interorbitaire) ou réalisant une dystopie vraie des orbites (téléorbitisme de Tessier). Ces modifications de la situation spatiale des orbites se corrigent en déplaçant celles-ci vers la ligne médiane. Ce geste chirurgical doit être envisagé au-delà de la quatrième année, pour des raisons de structure et de cohésion osseuse. Le résultat dépend, non seulement de la bonne reposition des orbites et de la réduction de la distance intercanthale, mais aussi de la projection du nez.
" E7 Certaines formes majeures réalisant une véritable duplication faciale doivent bénéficier précocement, habituellement vers l’âge de 1 an, d’un geste majeur mais efficace : la bipartition faciale (fig 60). DYSOSTOSES LATÉROFACIALES
Elles affectent l’étage latéral, maxillomandibulaire et pétreux, atteignant séparément ou conjointement l’orbite externe et le zygoma, la branche montante de la mandibule ; les déformations pouvant être unilatérales (syndrome otomandibulaire et microsomie hémifaciale) ou bilatérales (syndrome de Franceschetti ou TreacherCollins). L’oreille externe participe, à des degrés divers, au tableau malformatif, le pavillon auriculaire pouvant être en situation anormale, de dimension réduite, voire rudimentaire ou absent. La reconstruction osseuse est différemment considérée selon que l’on s’adresse à la région orbitaire externe ou à la mandibule La région orbitozygomatomalaire peut être reconstruite précocement à l’aide de greffons osseux prélevés sur la voûte [37] ou de transferts ostéomusculaires pédiculés sur le muscle temporal [39]. Ces gestes doivent être associés à une reposition du canthus externe et de la paupière inférieure (fig 61). La reconstruction mandibulaire a été réalisée, au fil du temps, par de très nombreux procédés allant de la simple greffe osseuse ou ostéochondrale, au lambeau composite microanastomosé. La détérioration des résultats dans le temps conduit, d’ordinaire, à différer ces interventions. L’asymétrie faciale habituellement associée, du fait du retentissement d’une mandibule asymétrique sur la croissance maxillaire, voire de l’atteinte dysostosique de ce dernier, peut faire l’objet : – de traitements orthopédiques associés à la reconstruction mandibulaire, réalisés le plus souvent à partir d’une greffe chondrocostale ;
La morphologie initiale de la pyramide nasale est prise en considération au moment du tracé de l’ostéotomie orbitaire. Une rétrusion nasale majeure, associée à un téléorbitisme sévère, justifient une résection interorbitaire et une reconstruction par greffe osseuse. À l’opposé, une projection nasale suffisante et un hypertélorisme modéré feront opter pour une résection paramédiane conservatrice des structures médionasales (fig 57, 58, 59).
– d’ostéotomies symétriques ou asymétriques maxillomandibulaires, de type Le Fort I pour la correction du sens vertical, ou Le Fort II [37], lorsque la correction doit être faite dans les trois sens de l’espace.
Quoiqu’il en soit, la rhinoplastie reste un geste essentiel, souvent à renouveler ultérieurement car la croissance du nez est, le plus souvent, insuffisante à moyen terme dans ces formes.
Les techniques de distraction osseuse mandibulaire, voire bimaxillaire, introduites récemment dans l’arsenal thérapeutique, représentent incontestablement une voie thérapeutique d’avenir. 33
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Stomatologie
53
Traitement d’une déformation de l’arrière-crâne par synostose lambdoïde (pachycéphalie). A. Libération par corticotomie (Persing). B. Transposition de deux volets occipitaux (Sayers, Persing). C. Transposition bipariétale retournée (Stricker, Czorny).
* A
2
1
1
2
* B
1
3 2
1
2
3
* C
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3 1
2
2 3
1
* A
2
3
1
* B 54
Synostose polysuturaire. A. Aspect peropératoire et protocole opératoire. B. Schéma de l’intervention réalisée à 5 mois. C. Scanner préopératoire et résultat au 10e mois postopératoire.
* C
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Stomatologie
Résultat morphologique et occlusal d’un syndrome de Crouzon par avancée faciale type Lefort III.
" A1 " A2
" B1
" B2 " A3 56
A. Principaux sites de brèches ostéoméningées (1. frontonasale ; 2. frontoethmoïdale médiale ; 3. frontoethmoïdale latérale). B. Méningoencéphalocèle frontonasale, séquelle morphologique après cure chirurgicale au sixième mois.
Ces procédés, basés sur le principe de l’ostéogenèse par distraction osseuse sont remarquablement adaptés à la rééquilibration squelettique des enfants. L’action sur le squelette mandibulaire s’accompagne d’une expansion des parties molles et autorise une 36
" B3
compensation spontanée ou accompagnée par un appareillage orthodontique au niveau du maxillaire supérieur. Chez l’adolescent et l’adulte, la rééquilibration des parties molles doit accompagner, dans les formes sévères, celle du squelette.
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57
Variation dans la taille interorbitaire en fonction de la projection du dorsum. A. Avec conservation de l’arête nasale. B. Dépose orbitaire et greffe d’arête nasale.
* A
* B
58
Vue peropératoire et résultat d’un hypertélorisme symétrique avec dysplasie internasale.
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Évolution clinique et tomodensitométrique postopératoire d’un téléorbitisme asymétrique. ABCD. Préopératoire. EFGH. Postopératoire.
* A
* B
* C
* D
* E * F
* G 38
* H
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Téléorbitisme majeur d’une dysplasie frontonasomaxillaire avec duplication faciale traité par bipartition faciale.
* A
* B
* C
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Reconstruction orbitozygomatomalaire par lambeau osseux de voûte, dans le cadre d’une dysostose latérale de Treacher-Collins. A, B. Préopératoire. C, D. Postopératoire.
* D
39
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* A
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* B
* C 62
Correction d’un syndrome otomandibulaire par ostéotomie bimaxillaire de rééquilibration. A, B. Protocole opératoire.
C. Vues pré-, per- et postopératoire : reconstruction du ramus mandibulaire par greffe costale ostéochondrale. Correction des parties molles déficitaires par lambeau de grand dorsal.
La correction simultanée de l’étui cutané déficitaire et des plans sousjacents hypoplasiques est habituellement confiée à un lambeau musculocutané, le grand dorsal répond habituellement à cet objectif (fig 62). La galéa, de par sa proximité et sa richesse vasculaire, est aussi un matériau de choix pour la couverture des greffes osseuses et
l’harmonisation du galbe génien. Son utilisation doit cependant être des plus parcimonieuses, voire proscrite en cas de microtie, de façon à ne pas se priver de ce précieux fascia pour protéger la maquette cartilagineuse au moment de l’otopoïèse que l’on réalise vers l’âge de 8 à 9 ans.
40
Stomatologie
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41
¶ 22-066-B-56
Épithèses faciales E. Vigarios, P. Pomar, E. Toulouse, S. Fusaro, C. Grhenassia Malgré les importants progrès de la chirurgie reconstructrice, la prothèse maxillofaciale reste toujours d’actualité dans le domaine de la reconstruction du massif facial et se révèle d’un recours majeur dans nombre de cas. En effet, l’utilisation d’un moulage facial réalisé sur mesure et de biomatériaux tels que les élastomères de silicone permet la confection d’épithèse faciale qui autorise des reconstructions esthétiques bien intégrées par le patient, lui redonnant une vie relationnelle et sociale acceptable. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Épithèse ; Élastomère de silicone ; Moulage facial ; Prothèse maxillofaciale
Plan ¶ Introduction
1
¶ Matériel
1
¶ Méthode
3
¶ Résultats : observations cliniques Premier cas Deuxième cas Troisième cas Quatrième cas Cinquième cas Sixième cas Septième cas Huitième cas
3 3 3 4 5 5 7 7 8
¶ Discussion
8
¶ Conclusion
9
■ Introduction Les progrès réalisés en chirurgie reconstructrice (lambeaux pédiculés myocutanés ou ostéomyocutanés, et surtout lambeaux libres) permettent une réhabilitation esthétique et fonctionnelle de qualité face à des pertes de substance cervicofaciales d’origine chirurgicale, traumatique ou carcinologique. [1-3] La prothèse maxillofaciale se pose comme une alternative à la chirurgie, notamment dans le cas de pertes de substance pariétales étendues ou de volume important, quelle qu’en soit l’étiologie. [4] La reconstruction prothétique présente les avantages : • de reconstituer fidèlement les organes absents ou défectueux grâce à la technique du moulage facial ; • d’être réalisée de manière ambulatoire ; • de proposer une réponse efficace au problème psychologique du malade ; Stomatologie
“
Points essentiels
Indications des épithèses faciales : [5-10] • Sujets âgés avec altération de l’état général et sujets présentant des contre-indications à la chirurgie ; • tumeur néoplasique opérée avec traitement radiothérapique associé limitant les réinterventions ; • polytraumatismes faciaux importants, avec pertes de substance étendues ; • organes de forme complexe à reconstituer (pyramide nasale, pavillon de l’oreille, région orbitaire etc.).
• d’être amovible et de permettre ainsi la surveillance des tissus sous-jacents ; • d’être mise en œuvre en attente ou en complément de la chirurgie réparatrice ; • de s’adapter à la quasi-totalité des cas.
■ Matériel Notre choix s’est porté sur un matériau souple, un élastomère de silicone, qui par ses qualités élastiques se rapproche de la texture de la peau naturelle (Fig. 1, 2). La souplesse de ce matériau autorise le jeu de la mimique faciale, en suivant un mouvement musculaire par exemple, selon la zone anatomique concernée. Le silicone employé est le MED 40-11 (partie A, partie B) (Nusil®). Appartenant à la famille des élastomères de silicone RTV (room temperature vulcanizing), il bénéficie de leurs remarquables propriétés biologiques (inertie physiologique, absence de
1
22-066-B-56 ¶ Épithèses faciales
Figure 1.
Figure 2. faciaux.
toxicité) et physicochimiques (élongation importante : 420 % ; possibilité d’utilisation en couches minces ; stabilité électrique et thermique ; stabilité dans de larges intervalles de température). [8, 10-13] Ce matériau se présente sous l’aspect de vaseline à l’état non polymérisé. Un catalyseur s’ajoute dans les proportions de 10 % du silicone-base, mais selon la consistance que l’on veut obtenir, on peut faire varier ce pourcentage aisément. Il faut mélanger le tout sous vide afin d’éviter l’inclusion de bulles d’air. [14] Sa consistance s’avère idéale pour la coulée dans les moules. Translucide, il offre l’avantage de se laisser teinter dans la masse
2
Exemples de moulages faciaux.
Échantillons d’organes artificiels
à l’aide de pigments minéraux (soit issus d’infimes quantités de peinture à l’huile artistique, soit issus d’échantillons appartenant à des kits de coloration). Par cette coloration dans la masse, en plus d’un maintien dans le temps, on obtient une teinte se rapprochant le plus possible de celle de la peau du patient. [13-17] Une forme particulière d’élastomère de silicone RTV polymérisant en couches minces, une colle à froid (CAF), medical adhesive type A, MED 1511 (Nusil®), s’emploie pour le maquillage de surface après pigmentation dans la masse. Cette CAF s’applique par tapotements successifs à l’aide des doigts ou d’une compresse. [18, 19] Stomatologie
Épithèses faciales ¶ 22-066-B-56
Il faut préciser que, comme tous les élastomères de silicone, ce matériau présente une structure poreuse. Ceci favorise, après un laps de temps plus ou moins long, une colonisation microbiologique de type fongique (des levures de préférence), [20] avec pour conséquences des dyscolorations et des modifications de l’état de surface, obligeant ainsi à un renouvellement de la prothèse tous les 2 ans environ. Néanmoins, nous avons choisi ce matériau pour sa facilité de mise en œuvre, et pour ses qualités physicochimiques offrant de multiples possibilités d’adaptation face à des cas cliniques complexes et chaque fois différents.
(stabilité des berges de la perte de substance, infrastructure osseuse etc.) ; le recours aux implants transforme complètement le port et l’intégration d’une épithèse mais demande une certaine expérience de la part de l’équipe de réhabilitation ; il nécessite un suivi et une implication très rigoureuse sur le plan de l’hygiène péri-implantaire et s’adresse de ce fait à une certaine catégorie de patients.
■ Résultats : observations cliniques Premier cas
■ Méthode Avec l’équipe chirurgicale, on s’accorde sur l’étendue de l’exérèse et surtout sur les éléments anatomiques à conserver ou à éliminer pour favoriser le pronostic prothétique. La réalisation d’une épithèse comporte plusieurs phases que nous décrirons succinctement en nous référant à la technique décrite par Soulet : [18, 20, 21] • empreinte faciale (de la perte de substance) aux alginates avec surempreinte au plâtre à prise rapide ; • coulée en plâtre dur et tracé, sur ce modèle positif, des limites périphériques de la future épithèse (de préférence dans des sillons ou plis cutanés afin de masquer la jonction siliconepeau) ; • évaluation sur ce modèle, en adéquation avec l’examen clinique, des zones à décharger ou à éviter et détermination des zones pouvant servir d’appui ou de rétention ; • choix d’un « donneur » qui présente les mêmes caractéristiques faciales (forme, volume) que le patient ; empreinte faciale du donneur et réalisation d’une maquette en cire servant de base au travail de sculpture de l’organe à reconstituer ; • mise en place et adaptation de la maquette en cire sur le modèle facial positif ; • essayage de la maquette en cire sur le patient, et vérifications esthétiques, morphologiques et fonctionnelles ; • réalisation d’un moule en plâtre à partir du modèle positif et de la maquette en cire (le moule est généralement composé de deux parties) ; • élimination de la cire contenue dans le moule et mise en œuvre du silicone teinté dans la masse : adjonction de catalyseur, malaxage sous vide, coulée dans le moule, pressée mécanique lente du moule et passage à l’étuve (80 °C pendant 3 heures) afin de parfaire la polymérisation ; • démoulage, finition et essayage clinique de l’épithèse avec maquillage de surface grâce à la CAF type A ; • fixation de l’épithèse : [5, 6, 22-26] plusieurs moyens sont à notre disposition, ils ne relèvent pas d’un choix mais d’indications précises selon le cas clinique et la région anatomique à réhabiliter. Parmi ces moyens de fixation, nous pouvons citer : • les montures de lunette, qui sont un procédé simple, rapide, efficace et n’entraînant aucun traumatisme ; il est particulièrement indiqué pour les épithèses provisoires et rend classiquement de grands services dans une large majorité des cas ; dans la mesure du possible, on essaye d’obtenir une amovibilité entre la monture et l’épithèse (pour un nez par exemple) afin d’en faciliter l’entretien ; l’ingéniosité du praticien entre en jeu au moment de l’ajustage ; • les adhésifs (colles chirurgicales en spray ou en crème), qui sont souvent irritants (surtout après radiothérapie avec risque de radiodermite) et rendent l’hygiène difficile ; ce moyen est à réserver à des ports transitoires d’épithèse ou comme complément à la fixation ; [27] • les implants endo-osseux craniofaciaux, dont l’utilisation croissante reste sous la dépendance de l’état général du patient (âge, degré d’opérabilité, pronostic vital, terrain irradié) et de la possibilité du choix d’un site receveur Stomatologie
Il s’agit d’une amputation chirurgicale de la totalité de la pyramide nasale dans un contexte carcinologique (Fig. 3). La perte de substance apparaît parfaitement cicatrisée et stabilisée. Une maquette en cire sculptée sur le moulage facial est essayée sur le patient (Fig. 4, 5). Un moule en deux parties permet de couler le matériau en silicone teinté dans la masse et de le démouler facilement (Fig. 6, 7). L’épithèse se caractérise par un maquillage de surface à la CAF type A (Fig. 8). Une monture de lunette maintient la prothèse en place (dans le plan horizontal) par simple frottement mécanique. Une extension de l’intrados de l’épithèse dans la partie inférieure de l’orifice piriforme permet son ancrage dans le plan vertical.
Deuxième cas Ce cas est particulièrement intéressant car il démontre l’importance et la nécessité d’une bonne collaboration entre les équipes chirurgicale et prothétique.
Figure 3.
Amputation chirurgicale totale de la pyramide nasale.
Figure 4.
Réalisation de la maquette en cire.
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22-066-B-56 ¶ Épithèses faciales
Figure 5.
Figure 6.
Essayage.
Figure 8.
Épithèse nasale en élastomère de silicone.
Moule en plâtre en deux parties.
Figure 9.
Perte de substance nasale partielle (origine carcinologique).
Troisième cas
Figure 7.
Prothèse à la sortie du moule.
Cette patiente âgée de 80 ans présente une perte de substance de la pyramide nasale après exérèse chirurgicale d’une tumeur de la pointe et de l’arête du nez. Une partie de la cloison des cartilages alaires et de la columelle reste en place (Fig. 9). Sur le plan de la réhabilitation prothétique, il aurait été préférable de procéder à une exérèse totale car les structures épargnées par le geste chirurgical ne peuvent servir à la fixation de l’épithèse qui doit, de ce fait, les englober. Sur le plan esthétique, le résultat paraît satisfaisant malgré une prothèse élargie dans les secteurs latéraux (Fig. 10). Un adhésif vient fixer cette dernière, portée de façon transitoire.
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Ce jeune patient de 35 ans présente déjà un passé pathologique et chirurgical assez lourd, avec atteinte primitive à 18 ans ayant nécessité une ethmoïdectomie puis, quelques années plus tard, une extension à la région orbitaire avec énucléation (Fig. 11). Une épithèse de la région orbitaire trouve ici son indication, avec coque oculaire sclérale. À partir de l’examen clinique et du moulage facial (Fig. 12), les limites périphériques de la prothèse sont évaluées, ainsi que certaines zones de décharge (région palpébrale, région orbitomalaire, les deux perforations paralatéronasales). Le bord interne de la perforation inférieure apparaît ferme et sans douleur à la palpation, il recevra une extension de l’épithèse en vue d’un complément à sa fixation. La Figure 13 montre la sculpture de la maquette en cire. La coque oculaire se compose de résine acrylique auto- et thermopolymérisable teintée dans la masse et peinte au niveau de l’iris. Après essayage de cette maquette, un moulage en deux parties est élaboré (Fig. 14) : il est important de prévoir la fixation (par une tige en résine) de la coque oculaire dans le modèle initial, afin que celle-ci soit enrobée de silicone à la Stomatologie
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Figure 12. Moulage facial avec tracé des limites de l’épithèse et des zones de décharge.
Figure 10.
Prothèse plastique nasale.
Figure 13.
Maquette en cire élaborée avec coque oculaire.
Figure 11. Perte de substance de la région orbito-ethmoïdo-nasale (origine carcinologique).
coulée et donc maintenue en place par emboîtement mécanique. Le matériau en silicone autorise, après pigmentation dans la masse, l’obtention d’une teinte très proche de celle du patient (Fig. 15, 16). La CAF type A maquille en surface l’épithèse (vaisseaux superficiels, sourcils et cils y compris) par adjonctions successives de petites quantités teintées volontairement, à l’aide des doigts, d’une compresse ou d’une spatule. Des extensions nasale et temporale de l’épithèse (extensions prévues dès le stade de la maquette en cire) rendent possible l’utilisation efficace d’une monture de lunette amovible.
Quatrième cas Âgé de 78 ans, ce patient est atteint d’un envahissement tumoral (de type carcinome épidermoïde, développé aux dépens de la muqueuse sinusienne) de la totalité de l’hémiface droite avec effraction du plancher des fosses nasales et du plancher de l’orbite (Fig. 17, 18). Stomatologie
La chirurgie d’exérèse à visée curative crée une communication entre les cavités buccale, rhinosinusienne et orbitaire (Fig. 19). Une réhabilitation prothétique s’impose et se compose de deux éléments : • une partie endo-orale, à savoir une prothèse obturatrice, ici de type rigide puisque l’hémiarcade saine est dentée et dont le rôle est de rétablir l’étanchéité de la cavité buccale ; • une partie extraorale constituée d’une épithèse oculopalpébrale réalisée de façon identique au cas précédent (Fig. 20) ; la seule différence réside dans le fait qu’il s’agit pour ce cas d’une épithèse de recouvrement simple sans possibilité d’ancrage dans la perte de substance ; l’ajustage de la monture s’avère plus difficile et on doit la solidariser à la prothèse par un fil métallique transfixant au niveau du pont.
Cinquième cas La Figure 21A illustre le résultat de multiples tentatives de plasties chirurgicales en vue de combler un défaut cutané après
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Figure 14.
Moule en plâtre nécessaire à la coulée du silicone.
Figure 17. Patient présentant un carcinome épidermoïde envahissant l’étage moyen droit.
Figure 15. Épithèse oculo-orbitaire.
Figure 18. patient.
Examen en résonance magnétique nucléaire du même
Figure 16. Maquillage de surface. Figure 19. Vue opératoire après exérèse : création d’une communication bucco-rhino-sinusienne et orbitaire.
exérèse étendue à la hauteur de l’étage moyen. Dans ce cas, la chirurgie ne peut à elle seule reconstituer de façon satisfaisante la morphologie faciale de ce patient. Une épithèse de recouvrement (Fig. 21B), avec possibilité de stabilisation au niveau de la
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pyramide nasale, y trouve son indication. Une monture de lunette solidarisée à celle-ci par un fil métallique autorise une réhabilitation de qualité. Stomatologie
Épithèses faciales ¶ 22-066-B-56
Figure 20. Réhabilitation esthétique par une épithèse.
Figure 21. Épithèse centrofaciale après exérèse carcinologique.
L’épithèse est réalisée « œil fermé » pour des commodités esthétiques. En effet, avec une coque sclérale, l’absence de battements palpébraux gêne parfois les patients : ce fut le cas ici. Le maquillage de surface, effectué comme indiqué précédemment, à la CAF type A, reproduit les irrégularités cutanées et la pilosité par inclusion de pigments plus ou moins teintés selon les endroits. Il est évident qu’un problème fonctionnel apparaît à la jonction commissurale, mais le résultat esthétique obtenu se montre intéressant.
Sixième cas Ce patient a subi une maxillectomie bilatérale entraînant une brèche cutanée limitée à l’orifice piriforme (Fig. 22A). La lèvre supérieure respectée apparaît sans soutien. Ce cas, semblable au précédent sur le plan de la thérapeutique prothétique, va se résoudre plus difficilement du fait de l’absence d’une possibilité d’ancrage dans le sens d’une stabilisation ou dans celui d’une rétention. Stomatologie
Une prothèse plastique faciale en silicone (Fig. 22B) réhabilite de façon convenable ce patient. La monture de lunette solidaire de l’épithèse en assure à elle seule la fixation.
Septième cas Les Figures 23, 24 présentent un cas de maxillectomie subtotale bilatérale avec brèche cutanée centrofaciale. La patiente est âgée de 70 ans. À l’examen clinique, on remarque que les limites périphériques de la perte de substance sont fermes et bien stabilisées. L’indication d’une « prothèse à étages » semble la solution la plus efficace. Elle se compose : • d’une prothèse dentaire adjointe complète « classique » ; • d’une pièce obturatrice qui envahit la totalité de la cavité centrofaciale et prend un ancrage postérieur aux choanes, sur le rebord palatin existant ; cet obturateur joue un rôle important puisqu’il assure la rétention de la prothèse dentaire et participe à la fixation de l’épithèse ; une liaison de type magnétique unit plaque palatine et pièce obturatrice ;
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Figure 22. Épithèse centrofaciale de recouvrement après maxillectomie bilatérale.
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Point fort
Ces derniers cas paraissent extrêmes, ils font cependant partie de la consultation hospitalière de prothèse maxillofaciale et les traitements proposés constituent une nécessaire prise en charge psychologique, autant pour le malade que pour son entourage, principal demandeur.
■ Discussion Figure 23. Maxillectomie subtotale bilatérale avec brèche cutanée centrofaciale.
• d’une épithèse faciale qui vient s’emboîter dans l’obturateur ; le recours à une paire de lunettes pour parfaire la fixation de cette épithèse nécessite la présence d’un fil métallique transfixant.
Huitième cas Le passé oncologique et chirurgical de ce cas se passe aisément de commentaires (Fig. 25), avec un defect qui atteint la quasi-totalité du visage. L’œil droit laissé en place n’est plus fonctionnel. D’autre part, l’étendue et l’instabilité des lésions rendent la réhabilitation difficile. Cependant, une reconstruction prothétique par épithèse (avec coque oculaire) tiendra une place importante sur le plan psychologique. L’épithèse vient recouvrir la totalité de la brèche cutanée et s’arrête au-delà de ses limites périphériques, en zone saine (Fig. 26). Pour le maquillage de surface, nous avons ici implanté des sourcils et cils artificiels collés à la CAF type A. Les taches pigmentaires s’obtiennent par coloration de petites quantités de CAF qui sont apportées par tapotements digitaux à la surface de l’épithèse.
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Les pertes de substance faciale endo-orale ou extraorale génèrent des perturbations esthétiques et fonctionnelles lourdes, à l’origine de troubles psychologiques sévères qui ne doivent pas échapper à l’équipe soignante.
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Point fort
À chaque étape de la prise en charge médicale de ces patients, depuis l’annonce du diagnostic jusqu’à la pose de la prothèse maxillofaciale (qui nécessite souvent un temps d’attente important), une relation d’aide doit être mise en place. Cette relation d’aide fait appel à l’équipe médicale, paramédicale, à l’entourage familial, professionnel et amical du malade. [28-31]
Grâce à l’évolution technologique des matériaux siliconés et aux méthodes proposées dans leur mise en œuvre, les résultats esthétiques des épithèses faciales se révèlent très satisfaisants. Le choix d’un élastomère de silicone tel que le MED 40-11 repose sur ses remarquables propriétés biologiques et physicochimiques, et sur sa facilité d’utilisation, ainsi que sur la possibilité d’utiliser une CAF pour le maquillage final. Sur le plan fonctionnel, la prothèse doit parfaitement s’intégrer sans engendrer de gêne pour le patient. Certains problèmes, inhérents au matériau utilisé, peuvent apparaître. Ils sont liés, Stomatologie
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Figure 24. A, B. Prothèse à « étages » : prothèse dentaire, pièce obturatrice, épithèse.
Figure 25. Defect facial étendu (origine oncologique).
d’une part à l’inertie mécanique (problème de la ligne de jonction peau-silicone, « souplesse » parfois limitée dans certaines zones mobiles), et d’autre part à l’inertie thermique (problème d’étanchéité périphérique avec écoulement des fluides et sécrétions tissulaires, problème d’absence de vasomotricité de l’organe artificiel, donc inertie de teinte). Certains recours existent face à ces inconvénients ; ils dépendent de la nature du cas et de l’expérience du praticien. De toute manière, ces inconvénients paraissent minimes face aux résultats esthétiques relativement rapides apportés par les épithèses.
■ Conclusion L’alternative chirurgicoprothétique dans la reconstruction du massif facial se révèle toujours d’actualité et nous nous devons d’informer nos patients des possibilités et des limites de la chirurgie et de la prothèse. [4, 32] Stomatologie
Figure 26. Prothèse plastique faciale.
“
Point fort
Nous devons insister sur le rôle essentiel que joue le praticien au laboratoire. La réhabilitation prothétique est un geste thérapeutique et toutes les étapes de réalisation de celle-ci doivent se dérouler sous contrôle médical. Il découle de ceci l’implication obligatoire du clinicien dans tous les actes de laboratoire.
La mise en œuvre d’une épithèse se décide en accord avec le patient et une équipe pluridisciplinaire (chirurgien, spécialiste en prothèse maxillofaciale, psychothérapeute etc.). La symbiose chirurgicoprothétique qui permet de fixer, en dehors des impératifs thérapeutiques, les limites de l’exérèse se
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doit d’être fructueuse puisqu’elle vise à redonner au patient une vie relationnelle normale et une intégration sociale optimale. .
■ Références [1] [2]
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E. Vigarios, Assistante hospitalo-universitaire. P. Pomar, Professeur des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). Service d’odontologie, CHU Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31400 Toulouse, France. E. Toulouse, Épithésiste universitaire. S. Fusaro, Attachée universitaire. UFR d’odontologie Toulouse III, 31400 Toulouse, France. C. Grhenassia, Assistant hospitalo-universitaire. Service d’odontologie, CHU Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31400 Toulouse, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Vigarios E., Pomar P., Toulouse E., Fusaro S., Grhenassia C. Épithèses faciales. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-066-B-56, 2006.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-066-B-50 (2004)
22-066-B-50
Introduction à la prothèse maxillofaciale P. Pomar J. Dichamp
Résumé. – Les auteurs proposent une mise au point nécessaire dans l’établissement d’indications thérapeutiques face au problème posé par la reconstruction de pertes de substance étendues de la face. La réhabilitation prothétique apparaît comme une alternative intéressante à prendre en compte en complémentarité avec la reconstruction chirurgicale. Après une définition élargie de la prothèse maxillofaciale, une terminologie appropriée est présentée dans le cadre d’une symbiose chirurgicoprothétique. Le champ d’activité et les possibilités de la prothèse sont envisagés avant de livrer des pistes d’indications à poser tant pour la reconstruction chirurgicale que prothétique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Chirurgie cervicofaciale ; Prothèse maxillofaciale ; Symbiose chirurgicoprothétique ; Prothèse extraorale ; Prothèse endo-orale
Introduction Malgré son ancrage historique qui remonte à la plus haute Antiquité et son aspect spectaculaire qui frappe irrémédiablement les consciences, la prothèse maxillofaciale reste cependant une discipline mal connue tant par sa terminologie propre, où beaucoup de confusions règnent encore, que dans son exercice, qui se trouve souvent limité à un seul de ses aspects ou à de rares praticiens isolés. Il nous apparaît important de livrer dans cet article une mise au point visant à présenter la prothèse maxillofaciale dans sa globalité, ainsi que de situer sa place et son rôle au sein des spécialités médicochirurgicales.
Vers une définition Discipline à part entière, la prothèse maxillofaciale est à la fois l’art et la science de la reconstruction artificielle du massif facial dans les cas de pertes de substance acquises ou de malformations congénitales. Le principal objectif de cette discipline tend vers une réhabilitation à la fois fonctionnelle, esthétique et psychologique. Elle se situe à un carrefour entre des spécialités médicochirurgicales et odontologiques ayant pour souci principal de redonner au patient une vie relationnelle acceptable et une intégration sociale optimale. Son rôle et sa fonction ne peuvent se concevoir que dans le cadre d’une collaboration avec la chirurgie cervicofaciale, dans les cas fréquents de gestes d’exérèse étendue laissant des pertes de substance à reconstruire où alternativement chirurgie et prothèse doivent intervenir. Ici, ces deux disciplines ne sont pas en « compétition », mais bien au contraire mises en œuvre en complémentarité dans un souci de prise en charge optimale des patients concernés.
P. Pomar (Maître de conférences universitaire, praticien hospitalier) Adresse e-mail: [email protected] Unité de prothèse maxillofaciale, service d’odontologie, centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31403 Toulouse cedex 4, France. J. Dichamp (Professeur, chef du département de prothèse maxillofaciale) UFR de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Dans une autre approche, on ne peut nier son rôle éminemment fonctionnel dans le sens d’abord d’une préparation tissulaire au geste chirurgical et ensuite dans le sens d’une rééducation mettant en œuvre des techniques dynamiques qui ont pour but d’atténuer ou de récupérer une fonction altérée par un geste chirurgical, ou par les effets secondaires d’un traitement complémentaire tel que la radiothérapie, ou par des séquelles de pathologie locale ou générale. Ici apparaît la prise en charge de tous les problèmes liés aux limitations de l’ouverture buccale dans le cadre de désordres craniomandibulaires. La pratique d’une telle discipline ne se conçoit que dans le cadre d’une démarche médicale devant prendre en compte l’ensemble des facteurs garants de la bonne gestion des cas cliniques, de leur analyse, de leur traitement et de leur suivi.
Vers une compréhension SYMBIOSE CHIRURGICOPROTHÉTIQUE DANS LA RECONSTRUCTION DU MASSIF FACIAL
Elle est illustrée par la Figure 1 . RÉHABILITATION FONCTIONNELLE MAXILLOFACIALE
Elle est détaillée sur la Figure 2 . ÉTYMOLOGIE
Elle permet de comprendre différents termes utilisés, souvent à tort, dans le domaine de la prothèse. Prothèse : du grec pro : au lieu de, et tithêmi : je place. Dispositif de remplacement d’un organe ou d’une partie du corps en totalité ou en partie, reproduisant la forme et si possible en rendant les mêmes services fonctionnels. Orthèse : du grec orthos : droit, et tithêmi : je place. Dispositif destiné à protéger, immobiliser ou soutenir le corps ou une de ces parties auxquelles il est directement fixé (exemples : orthèse de soutien d’un lambeau, appareil guide, appareil de mécanothérapie, etc.). Épiprothèse ou épithèse : du grec epi : sur, au-dessus, et tithêmi : je place. Dispositif de remplacement d’un organe situé à une extrémité du corps (exemples : épithèse faciale, épithèse digitale, etc.).
Introduction à la prothèse maxillofaciale
22-066-B-50
Tout d’abord, deux grands types :
Atteinte oncologique grave
– prothèses externes : dispositif à usage externe, amovible, en contact avec la peau, les muqueuses ou les dents, et destiné à une réhabilitation esthétique, fonctionnelle et psychologique ;
Chirurgie d'exérèse curative + radio- et chimio-thérapie Pathologie congénitale Fentes faciales Divisions labiomaxillaires Syndromes polymalformatifs
Traumatologie - balistique - voirie (accident de la voie publique - domestique - divers
Perte de substance Sociologie de la santé
Prise en charge psychologique (psychologie médicale)
Problème de la reconstruction
alternance
Réhabilitation prothétique
Prothèse
Chirurgie
Stomatologie
Complémentarité
Figure 1
Symbiose chirurgicoprothétique dans un contexte de reconstruction d’une perte de substance faciale étendue.
– prothèses internes ou endoprothèses : dispositif non amovible destiné à être implanté chirurgicalement dans l’organisme et assurant une contention ou une substitution en vue de permettre une réhabilitation fonctionnelle et esthétique. En prothèse maxillofaciale, nous devons aussi distinguer parmi les prothèses externes : – les prothèses endo-orales, situées dans la cavité buccale, soit pour des pertes de substance maxillaire soit pour des pertes de substance mandibulaire, qui se composent surtout de prothèses dentaires adjointes adaptées à chaque cas ; – les prothèses extra-orales, situées hors de la cavité buccale, qui sont destinées à masquer des pertes de substance cutanée (pyramide nasale, pavillon de l’oreille, région oculopalpébrale, etc.) ; – les associations de prothèses endo- et extraorales, mises en œuvre dans les cas de pertes de substances étendues et complexes, qui jouent un rôle non négligeable sur le plan psychothérapeutique ; – Les orthèses maxillofaciales, qui autorisent des traitements complémentaires et alternatifs, utilisées seules ou en association avec d’autres prothèses (exemple : orthèses de réhabilitation des désordres craniomandibulaires, plan ou gouttière de surocclusion, appareils guides, guides cicatriciels, orthèses mandibulaires d’avancée lors d’apnée du sommeil, etc.) ; ici, ces appareillages sont de type dynamique, c’est-à-dire qu’ils autorisent une réelle réhabilitation fonctionnelle par action directe ou indirecte sur les tissus.
Vers des indications : la réhabilitation maxillofaciale au sein de la symbiose chirurgicoprothétique
Chirurgie d'exérèse ± radiothérapie Pathologie locale et/ou générale
Traumatologie - occlusale - articulaire - maxillofaciale - polytraumatique
Troubles de la cinétique mandibulaire
Défaut de propulsion d'un condyle ou des deux
Mobilisation active/passive - occlusodontie - mécanothérapie - kinésithérapie
CHIRURGIE RECONSTRUCTIVE : AVANTAGES, INCONVÉNIENTS [2, 3, 4, 5]
Elle constitue la forme la plus parfaite de reconstruction. Elle masque « définitivement » la perte de substance et permet une étanchéité excellente. Elle bénéficie des progrès remarquables réalisés depuis ces dernières décennies, notamment avec la technique des lambeaux libres, l’apport de l’imagerie et des techniques de vidéo-intervention (endoscopie), mais aussi avec des nouvelles techniques d’anesthésie. Elle s’impose dans les cas de perte de substance faible ou de moyenne étendue. Mais elle peut présenter des risques opératoires et anesthésiques, et des problèmes posés : – par un résultat qui n’est souvent pas immédiat, avec nécessité d’interventions itératives et d’équipes spécialisées multidisciplinaires ; – par le site prélevé ; – par l’attente du résultat final dans des conditions parfois difficiles et douloureuses ; – par un terrain irradié ;
éhabilitation fonctionnelle
Figure 2
Réhabilitation fonctionnelle maxillofaciale. CHAMP D’ACTIVITÉ
[1]
On distingue plusieurs types de prothèse selon leur situation et en fonction du rôle que l’on veut leur faire jouer. 2
– par la reconstruction d’organes de formes complexes et volumiques avec absence de tissu dur en infrastructure. PROTHÈSE : AVANTAGES, INCONVÉNIENTS
[6, 7, 8, 9]
Elle permet une reproduction fidèle de l’organe à reconstituer (par la technique des moulages) avec une esthétique de bonne qualité.
Stomatologie
Introduction à la prothèse maxillofaciale
Elle se réalise en ambulatoire avec un résultat immédiat en réglant le problème fonctionnel et esthétique. Elle autorise une observation du site sous-jacent en vue d’une surveillance. Elle répond à toutes les contre-indications de la chirurgie reconstructrice. On la préfère dans les cas de très grandes pertes de substance, avec un rôle psychothérapique primordial. Elle sait s’adapter à la majorité des patients et des cas cliniques. Son coût de réalisation est faible. Cependant, les contraintes se révèlent nombreuses. Le patient garde sa perte de substance ; il la voit tous les jours ; son image de soi reste toujours altérée. Un enchaînement de problèmes se succède du fait de la reconstruction artificielle : – problèmes fonctionnels : inertie de la prothèse, jonction prothèsetissu vivant, étanchéité, etc. ; – problèmes mécaniques : intégration fonctionnelle, fixation et ancrage de la prothèse, etc. ; – problèmes physiologiques : condensation avec écoulement des fluides et sécrétions, absence de vasopression périphérique, etc . ; – problèmes d’hygiène : au quotidien, avec une maintenance parfois lourde ; – problème esthétique : le plus souvent dû à un manque de symbiose entre les équipes chirurgicale et prothétique, entraînant des surcontours prothétiques sur des éléments naturels ou artificiel (implant) qui sont disgracieux. L’ensemble de ces problèmes se résout au cas par cas et selon l’expérience du praticien, tout en gardant à l’esprit que seul un compromis peut être réalisé.
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Symbiose chirurgicoprothétique
[10, 11, 12, 13,
14, 15]
À travers ce qui précède, on se rend compte des difficultés rencontrées pour les cas de reconstruction étendue d’une région du massif facial et ce, surtout dans les choix à faire. Des options décisives doivent être prises, parfois même avant le geste d’exérèse. Il est évident que la reconstruction chirurgicale arrive en préférence. Il faut cependant concevoir une approche en symbiose, dans le sens où la prothèse est indiquée en attente d’une chirurgie ou que la chirurgie peut préparer un geste prothétique. Pour les reconstructions volumiques, une association chirurgicale et prothétique mise en œuvre en alternance, en complémentarité, va autoriser une prise en charge complète du patient. La prothèse peut prendre le relais de la chirurgie et vice versa ; l’essentiel réside dans une réhabilitation psychologique et sociale qui parvienne à satisfaire le patient, son entourage et l’équipe thérapeutique. Un autre aspect de la prothèse maxillofaciale transparaît dans la réhabilitation fonctionnelle qui va devoir prévoir et prévenir certaines conséquences de gestes chirurgicaux, de traitements complémentaires ou de pathologies diverses en agissant de façon dynamique sur les tissus. Dans tous les cas, là aussi la notion d’équipe pluridisciplinaire s’impose pour une prise en charge optimale de patients dont la vie de relation n’est plus tout à fait possible. On le voit, le rôle de la prothèse maxillofaciale au sens large du terme prend ici toute son importance et celui-ci ne doit pas être cantonné au seul comblement de cavités chirurgicales, mais étendu à une véritable prise en charge médicale tant dans la surveillance de l’évolution des cas clinique que dans l’établissement d’une réhabilitation globale d’ordre dynamique.
Références [1] Banzet P, Servant JM. Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique. Paris: Flammarion, 1994; 2e partie: Tête et cou 917 p. [2] Benoist M. La réhabilitation chirurgico-prothétique en carcinologie maxillo-faciale. Actual Odonto-Stomatol 1982; 137: 121-124 [3] Benoist M. Réhabilitation et prothèse maxillo-faciales. Paris: J Prelat, 1978; 354 p. [4] Benoist M, Dichamp J, Poulain G. Les problèmes esthétiques de restauration prothétique de la face en fonction de l’environnement. Actual Odonto-Stomatol 1984(n°148): [5] Converse JM. Reconstructive plastic surgery. Philadelphia: WB Saunders, 1977; 1671 p.
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Stomatologie [22-066-A-50]
Malformations de la face et du cou
G Couly : Professeur Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale pédiatriques, hôpital Necker - Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, et Institut d'embryologie cellulaire et moléculaire du CNRS et du Collège de France (Pr Le Douarin) France
Résumé Les malformations de la face et du cou se manifestent avec un grand polymorphisme clinique qui contraste avec une remarquable cohérence embryopathique : ce sont des accidents topographiquement stables mais quantitativement et qualitativement variables. Ces malformations, objectivées pour certaines en échographie, et accessibles précocement au traitement chirurgical postnatal, constituent des signes cliniques, indiscutables, véritables critères de pertinence, corrélés au caryotype, indispensables à l'enquête génétique du nourrisson malformé. L'ensemble des travaux embryologiques a démontré l'origine embryologique commune de la face, du cerveau et des structures cervicothoraciques antérieures. Ces travaux expérimentaux permettent de proposer une grille de lecture pathologique du pôle céphalique. Le massif facial et le cou sont des structures issues de la neurulation et sont, en ce sens, des marqueurs qualitatifs et quantitatifs de l'activité développementale de cette étape embryonnaire. © 1992 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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ENVIRONNEMENT AMNIOTIQUE EMBRYONNAIRE ET TÉ RATOGENÈSE FACIALE
Le liquide amniotique baignant l'embryon est considéré comme un secteur liquidien lui appartenant, expansion extracorporelle de son propre milieu. Il intervient dans la physiologie de son développement en tant que compartiment d'échange et de régulation avec l'organisme maternel avec lequel il est également relié par le placenta, zone d'échange endocrinien. Les paramètres physicochimiques qualitatifs et quantitatifs du liquide amniotique ont une importance considérable. Ces paramètres sont la température, la tensioactivité, la teneur en oxygène, en glucose, en électrolytes et en protéines... Malgré cette relative protection utérine, l'embryon peut être agressé : soit par des agents infectieux (bactéries, virus, parasites) qui provoquent des tableaux d'infection amniotique responsable soit de la mort de l'embryon, soit des malformations associées (malformations de l'oreille, du coeur, de l'oeil en cas de rubéole maternelle par exemple) ; soit par des agents chimiques diffusibles, comme des molécules étrangères, telles que l'alcool ou certains médicaments hautement tératogénétiques tel que l'acide 13-cisrétinoïque. Sulik a proposé que le mode d'action de l'agression chimique de l'embryon est de provoquer un excès de mort cellulaire embryonnaire dans le mésenchyme responsable de malformations associées de la face, des yeux et du cerveau. Mais des agents physiques tels que l'hyperthermie, l'hypoxie et les radiations ionisantes sont également responsables de ce type de malformations par le même mécanisme ; l'hyperthermie en particulier déclenche des fentes labiales, vélopalatines et des hypoplasies des bourgeons de la face. L'un des facteurs qui déterminent l'aptitude d'une substance à provoquer des malformations lors d'exposition prénatale est le moment de son administration au cours de la gestation. La liste des facteurs tératogènes est très longue. Ils ont ouvert la voie à des recherches en clinique humaine notamment dans le domaine nutritionnel (carence folique et carence en zinc) . Les anomalies de la fermeture du palais ont été particulièrement étudiées. Différents tératogènes, comme la cortisone, sont susceptibles d'entraîner des divisions palatines. Les tératologistes étudient également les effets à long terme des xénobiotiques à risque cancérogène administrés au cours de la gestation. Parmi ces substances, figurent des cancérogènes ingérés avec les denrées alimentaires (aflatoxine B1, safrol, noix de cycas et certaines nitrosamines), des cancérogènes professionnels, comme la benzidine, le diméthyl-sulfate et l'o-amino-azotoluène, ou d'autres, utilisés comme médicaments anticancéreux, comme le méthotrexate, la procarbazine, la nitroso-urée et le stiboestriol (tableau I).
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CLINIQUE
Caractéristiques topographiques, quantitatives et qualitatives des accidents morphologiques orofaciaux et cervicaux Délétions et hypoplasies tissulaires dans un bourgeon facial ou cervical Elles sont responsables de la réduction volumétrique du bourgeon qui reste ainsi séparé des autres bourgeons par des fentes plus ou moins importantes. Ces malformations sont les plus fréquentes. Leurs stabilités topographiques contrastent avec leurs expressivités quantitatives variables. Les délétions touchent les tissus osseux, musculaires, nerveux, dentaires, dermiques, glandulaires dans le territoire correspondant.
Excédents tissulaires Ils s'expriment cliniquement par des hypertrophies touchant les mêmes tissus ou des
reliquats excédentaires comme les fibrochondromes faciaux ou cervicaux. Ces formations ont toujours une topographie stable, sur une zone de fusion ectodermique de bourgeons cervicofaciaux (fente macrostomique, fente labiomaxillaire, ou branchiale).
Kystes et fistules Ce sont des accidents assez fréquents correspondant à la propriété du tissu neuro-ectomésenchymateux et épidermique à s'organiser en vésicules. On les rencontre également au niveau des zones de fusion de l'ectoderme.
Tissus ectopiques et hamartomes Ces tissus ectopiques (derme, cartilage) sont retrouvés hors du lieu normal de leur différenciation dans la face (chondrome jugal, oreille rudimentaire, dermoïde conjonctival) ou constituent des hétérotopies intracérébrales (lipomes calleux, cérébelleux). De même, du tissu ectopique de type neuroglial peut être retrouvé dans la face, se manifestant par des cavités autonomes, riches en plexus choroïdes, pleines de liquide céphalorachidien. En clinique humaine, on constate souvent l'association d'hypoplasie, d'excédents tissulaires, de kystes et de fistules correspondant aux caractéristiques qualitatives, quantitatives et topographiques des anomalies de l'expressivité biologique des cellules de la crête neurale (CN) dans les régions faciales et cervicales. Ces accidents morphologiques pertinents de la face et du cou vont représenter, en clinique, autant de signes à valeur de critères d'inclusion des sujets examinés, dans une étude globale ou corrélée. Ces critères sont indiscutables. Par contre, sont discutables, les symptômes subjectifs tels que « front bombé », « oreilles basses implantées », hyper- ou hypotélorisme non mesurés... Au moindre doute, les mensurations faciales doivent être réalisées et rapportées à des tables de croissance (cf. chapitre EMC, « Morphologie céphalique humaine. Données anthropométriques du vivant », 22001 D10), afin qu'elles constituent des paramètres de la séméiologie malformative.
Grille de lecture des malformations et terminologie (fig. 1) Le pôle céphalique est constitué de territoires encéphalofaciaux encéphalocervicaux. A un territoire facial correspond un segment cérébral.
et
Un bourgeon facial, son ectomésenchyme et la vésicule cérébrale du niveau neural d'où est issu ce mésenchyme constituent une unité embryologique. Bien qu'il existe un chevauchement entre les différents territoires morphogénétiques issus de la crête neurale céphalique et ce, assurant une régulation quantitative en cas de défaillance de celle-ci, il semble légitime de nommer chaque contingent cellulaire en fonction de son territoire neural original. A un territoire de migration et de différenciation des cellules de la CN correspond un segment cérébral qui contrôle la motricité branchiomérique et viscérale, la somatosensibilité, la sensorialité. En clinique humaine, cette conception a un intérêt considérable puisque la face nous informe sur les conditions de la neurulation originelle au sens large du terme. Tout incident morphologique facial impose la recherche d'une malformation cérébrale et/ou nerveuse, soit globale, soit plus fréquemment située dans le territoire neural embryologique correspondant.
Neurocristopathie et dysneurulation (fig. 2) Le terme « neurocristopathie » (NCP) a été introduit en 1974 par Bolande [3] pour désigner un groupe d'affections ayant pour communauté d'origine une défaillance de la compétence biologique de la CN. Le résultat de cette défaillance se manifeste cliniquement soit par des malformations ou des histodysplasies, soit par des tumeurs bénignes ou malignes isolées ou en association. La
neurofibromatose en constitue le tableau clinique le plus démonstratif [2]. Nous avons élargi la notion de NCP en l'intégrant dans une conception plus globale de l'atteinte de la neurulation que nous avons appelée « dysneurulation ». Sa définition est l'association de l'atteinte des dérivés de la CN et du segment du tube neural d'où s'est produite cette émigration. Les anomalies qualitatives et quantitatives de l'ectoderme facial et cervical s'associent fréquemment aux accidents de dysneurulation, et ce dans les mêmes territoires, en raison même des rapports subtils existant dans la plaque neurale entre l'ectoderme, les futures cellules de la CN et le système nerveux central (chapitre « Embryologie », EMC).
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ANOMALIES DE DÉ VELOPPEMENT DU PÔLE CÉ PHALIQUE (FIG. 3) Nous les décrirons lors des diverses étapes du développement défaillant céphalique, tout au long de la neurulation depuis l'individualisation de la plaque neurale jusqu'à la fin de la différenciation après migration des CN. Nous exposerons : les grandes dysneurulations de chacun des territoires de la face en décrivant précisément leurs anomalies morphologiques ; ces dysneurulations sont le plus souvent létales précocement in utero ou alors sont découvertes chez les embryons avortés ou sont identifiées en échographie telles que les cyclopie, otocéphalie, agénésie maxillomandibulaire ; les NCP, malformations directement liées à une anomalie du comportement biologique de la CN touchant la migration, la prolifération et la différenciation ; en fait, la frontière nosologique entre dysneurulation et NCP est artificielle, car, en pathologie malformative humaine, si les dysneurulations associent théoriquement une anomalie du système nerveux central, une anomalie grave conjointe de la formation de la CN et de la peau, nombre de NCP d'un territoire facial s'accompagnent d'anomalies nerveuses ou cérébrales que l'analyse clinique peut ne pas percevoir.
Dysneurulations et neurocristopathies naso-frontoprémaxillaires et prosencéphaliques Le rôle de la CN antérieure dans les malformations craniofaciales a été particulièrement étudié par Johnston et par de Myer. Ce dernier insiste sur le mécanisme commun des associations malformatives faciales et cérébrales. La morphogenèse du cerveau antérieur, des yeux et de la face dans sa partie nasofrontale médiane est l'expression d'un mécanisme d'induction réciproque au sein du bourgeon nasofrontal pour lequel le rôle biologique de la CN est essentiel [13] .
Dysplasies fronto-naso-prémaxillaires et cérébrales - Schizisme médian de la face (fig. 4) Cette malformation rare est la conséquence d'un défaut de rapprochement des placodes olfactives autour desquelles se trouvent positionnés les bourgeons nasaux. Cette gêne à leur rapprochement est elle-même due à un défaut de fusion des bourrelets neuraux antérieurs et ventraux de la plaque neurale. En clinique humaine, on distingue des schizismes totaux, localisés et complexes. La forme totale est rare ; elle est responsable de la séparation des deux hémifaces avec hypertélorbitisme ; chaque hémiface s'est développée à partir des
cellules de la CN homolatérale dont le positionnement est assuré par la placode olfactive. Les formes localisées sont représentées par les kystes et fistules congénitaux du nez, de la racine frontonasale et des régions ethmoïdofrontales ou sphénoïdales médianes. Elles sont le résultat de la persistance de structures neurectodermiques à potentiel parfois gliomateux entre le cerveau et le revêtement cutané médian en regard de la fermeture du bourrelet neural ventral et antérieur. Ces îlots neurectodermiques persistants peuvent se différencier en structure épidermoïde et présenter parfois un prolongement dans les régions ethmoïdales ou sphénoïdales avec fistule à écoulement muqueux.
Dysplasies complexes (fig. 5, 6, 7 et 8) Les formes complexes réalisent le tableau clinique d'encéphalocèle ou d'encéphaloméningocèle faciales. Elles traduisent l'issue hors de la boîte crânienne de tout ou partie de l'encéphale, accompagnée de leptoméninge sous un revêtement cutané conservé. Du fait de leur localisation nasofrontale ou ethmoïdosphénoïdale ne dépassant jamais le niveau de la selle turcique, elles gênent le rapprochement des placodes olfactives et sont responsables d'un hypertélorbitisme et d'un syndrome d'hyperethmoïdisme. On constate alors une bifidité nasale ou septoethmoïdale. La tomodensitométrie cérébrale permet encore d'objectiver de grands kystes prosencéphaliques associés.
Fentes labiomaxillaires
[8]
Ce sont des accidents fréquents du développement embryonnaire que l'on peut interpréter et expliciter parfois quant à leurs associations malformatives. Elles sont aussi un « marqueur » temporospatial d'une anomalie embryonnaire entre les 35e et 45e jours (fig. 3). Pour que le développement embryonnaire de la face ait lieu dans de bonnes conditions, il faut : des comportements biologiques corrects de cellules en développement ; des bourgeons faciaux dont le développement volumétrique (assuré par les mitoses des cellules de la CN en migration) soit suffisant pour permettre leur fusion après contact jonctionnel) ; que l'ectoderme de surface des bourgeons soit compétent pour la mort cellulaire lysosomiale après la fusion (cf. chapitre « Embryologie », EMC) ; (tableau VII) que le liquide amniotique baignant l'embryon présente des propriétés physiochimiques (température, tension superficielle, composition moléculaire) permettant le contact fusionnel des bourgeons et la mort cellulaire. Or, parfois, une ou plusieurs de ces conditions ne sont pas remplies : soit il existe des anomalies structurales des chromosomes des cellules en développement ; soit la CN est insuffisante en quantité ou en qualité ; le bourgeon facial est sous-développé et s'accompagne d'anomalies du niveau cérébral d'où la CN a migré. Il s'y associe des anomalies malformatives qui se distribuent dans l'ensemble du territoire correspondant à la migration des cellules de la CN. On distingue ainsi : des fentes labio-maxillo-palato-vélaires bilatérales par défaillance quantitative du bourgeon nasofrontal (associées parfois à des anomalies du cerveau antérieur) (fig. 9 A, B) ; des fentes labio-maxillo-palato-vélaires bilatérales par défaillance quantitative des deux bourgeons maxillaires (associées parfois à des anomalies du tronc cérébral et des organes et viscères dont la formation dépend de la CN céphalique postérieure (fig. 10 A, B) ;
la fente labiomaxillaire unilatérale par défaillance originelle du bourgeon maxillaire (fig. 3). Soit l'ectoderme de surface des bourgeons est incompétent pour la mort cellulaire par anomalies primitives de l'ectoderme, tel semble être le cas de fentes labiales rencontrées lors des dysplasies ectodermiques. Soit les caractéristiques physiochimiques du liquide amniotique sont anormales : élévation thermique ; perturbation de la tension superficielle ; molécules étrangères ; infection. Dans ce groupe d'étiologie amniotique, les fentes s'accompagnent d'anomalies des membres (brides circulaires) . Mais il est des situations où aucune explication plausible n'est retrouvée. L'interprétation reposera sur la lecture clinique attentive de l'anomalie faciale faisant alors apparaître la caractéristique topographique de la fente et l'origine du bourgeon facial défaillant. L'étiologie de la division vélopalatine du syndrome de Pierre Robin est différente. La langue de l'embryon, primitivement dans la cavité unique stomodéale jusqu'à la fin du deuxième mois, gêne la fermeture du palais secondaire et reste incluse ainsi dans cette cavité commune bucconasale. Cette anomalie est due au retard ou à l'absence de l'organisation sensorimotrice de la langue du pharynx et ainsi de l'ensemble fonctionnel succion-déglutition dont le centre neurophysiologique est situé dans le tronc cérébral. Ainsi, la division vélopalatine, si particulière du syndrome de Pierre Robin, qui comporte comme autre signe la chute de la langue dans le pharynx, et le rétrognathisme, constitue un exceptionnel marqueur du trouble de l'organisation neurologique de l'oralité du foetus (cf. chapitre « Embryologie », EMC et fig. 36).
Génétique et conseils génétiques La distribution familiale des fentes labiales, labiomaxillaires et vélopalatines répond au critère de l'hérédité polygénique, d'une grande hétérogénéité avec des formes sporadiques et des cas héréditaires. Lorsque la fente labiomaxillaire ou palatine est associée à d'autres malformations, le conseil génétique n'est fourni que si le syndrome malformatif est parfaitement étiqueté. Par exemple, le syndrome de Van der Woude associant fente labiomaxillaire et fistules muqueuses de la lèvre inférieure se transmet selon le mode autosomique dominant. Lorsque la fente labiomaxillaire ou vélopalatine est isolée, le risque de récurrence chez les enfants ou les germains à naître est de l'ordre de 3 %.
Clinique et formes cliniques Quelle que soit l'importance du défaut de fusion des bourgeons constitutifs du massif facial supérieur, la fente emprunte le trajet des reliefs de la lèvre supérieure que possède tout être humain. Ces reliefs sont des marqueurs résiduels de l'embryologie normale et du développement accompli nasolabial après migration de la musculature. Les reliefs normaux sont les crêtes philtrales, la base du philtrum, le vermillon et l'ourlet cutanéomuqueux entre le vermillon et la lèvre blanche ou arc de Cupidon (fig. 13 A).
Fente labiale Dans sa forme unilatérale, elle emprunte la crête philtrale et s'arrête au seuil
narinaire. La lèvre supérieure est alors séparée en deux parties, une externe comportant la musculature et une interne comportant le philtrum et la lèvre controlatérale. Dans sa forme bilatérale, la lèvre est constituée de trois massifs séparés et autonomes, une partie médiane philtrale et deux parties latérales extraphiltrales (fig. 13 B).
Fente labiomaxillaire Elle est la conséquence d'un défaut de fusion des bourgeons nasal interne et maxillaire supérieur. La fente emprunte le trajet de la crête philtrale, la migration musculaire a été perturbée. La totalité de cette dernière est restée séquestrée en dehors dans le bourgeon maxillaire. Le pré- et le postmaxillaire sont séparés par un espace dont la topographie correspond à l'incisive latérale. La fente osseuse s'arrête au niveau du canal palatin antérieur. Dans sa forme bilatérale, cette fente autonomise le prémaxillaire ou tubercule médian qui est accroché au massif facial par le septum cartilagineux nasal.
Fente labiomaxillaire avec division vélopalatine Dans sa forme unilatérale cette fente a pour conséquence la bipartition asymétrique du massif facial (fig. 3, 11 et 12). Elle a pour origine un défaut de fusion entre le bourgeon maxillaire supérieur, le bourgeon nasal interne et le bourgeon maxillaire supérieur controlatéral. Comme précédemment, la fente de la lèvre emprunte la crête philtrale, la région du prémaxillaire passant par l'incisive latérale, puis passe entre les deux maxillaires, d'où résultent la division palatine et les deux parties, droite et gauche, constitutives du voile. Cette bipartition du massif facial est caractérisée par l'existence d'un petit fragment maxillaire externe et d'un grand fragment maxillaire interne. Dans sa forme bilatérale, on observe une tripartition du massif facial (fig. 3, 14 et 15). Celui-ci est formé par un massif squelettique denté médian, ou tubercule médian, comportant le philtrum labial, le prémaxillaire porté par le septum nasal cartilagineux, et de deux massifs ostéodentaires maxillaires latéraux.
Formes particulières de fentes labiomaxillaires et vélopalatines avec excédent embryologique (fig. 16) ; avec hypoplasie osseuse prémaxillaire (fig. 17) ; avec microphtalmie (fig. 18 A, B) ; associées à des brides circulaires des membres dans le cadre de la maladie amniotique (fig. 19) [25] ; la fente vélaire postérieure avec syndactylie est retrouvée dans le syndrome d'Apert (fig. 21).
Division vélopalatine isolée Elle est la conséquence d'un défaut de fusion des bourgeons maxillaires allant de la simple bifidité de l'uvule à la division vélaire et palatine complète. Des formes associées aux syndromes de Goldenhar, de Franceschetti et du 1er arc sont mentionnées dans 15 à 20 % des cas et rendent compte de la même origine topographique maxillomandibulaire (fig. 3). L'agénésie vélaire partielle ou totale est exceptionnelle (fig. 20).
Fentes labiomaxillaires avec holoprosencéphalies (cyclopie) (tableaux II, III et IV et fig. 3, 22, 23, 24 et 25)
Les fentes labiomaxillaires de ce groupe sont bilatérales et présentent des hypoplasies naso-fronto-prémaxillaires et incisives de degré variable, associées à des anomalies des yeux (microphtalmie, anophtalmie). Des malformations du prosencéphale avec anomalie endocrinienne de l'axe hypothalamohypophysaire (déficit en hormone de croissance et en hormone antidiurétique) sont responsables d'un développement neuropsychologique catastrophique. La tomodensitométrie du cerveau objective divers types de malformations : l'holoprosencéphalie alobaire : le cerveau est de petite taille avec agénésie de sa partie antérieure (prosencéphale) et absence des bulbes olfactifs (arhinencéphalie) ; au niveau facial, il existe une cyclopie, une ethmocéphalie (agénésie de l'ethmoïde et du nez, une agénésie du prémaxillaire et de la partie philtrale de la lèvre). Ces grandes malformations nasofrontales ne sont pas compatibles avec la vie [9]. l'holoprosencéphalie lobaire : le prosencéphale présente deux hémisphères développés dont la scissure est soit complète (type B), soit incomplète (type A). Dans le type A, il existe parfois une fente médiane de la lèvre supérieure, ou une agénésie franche du philtrum ou une fente labiomaxillaire bilatérale avec très grande hypoplasie philtroprémaxillaire [9]. l'holoprosencéphalie semi-lobaire : Le tableau clinique regroupe des anomalies cérébrofaciales de gravité intermédiaire entre les formes lobaires et alobaires. Les fentes labiomaxillaires y sont fréquemment associées [9]. Fentes labiomaxillaires avec anomalies de la giration du cerveau [9]. Ces anomalies sont des lissencéphalies ou des pachygyries avec convulsions précoces (tableau II). Fentes labiomaxillaires par anomalies chromosomiques. La trisomie 13 (syndrome de Patau) et la délétion du chromosome 18 de De Grouchy associent : une arriération mentale avec surdité et crises convulsives ; une polydactylie ; des anomalies craniofaciales associant : microphtalmie, anophtalmie et microcéphalie, fente labio-maxillo-palatine, hypo-septo-ethmoïdisme, cébocéphalie, absence de philtrum avec arhinencéphalie, s'intégrant dans le cadre des holoprosencéphalies (fig. 22) [17].
Probosis nasal (fig. 26) C'est une anomalie du développement unilatéral des bourgeons nasaux internes et externes de l'ethmoïde. Cliniquement, il existe, d'un côté, une agénésie de l'ethmoïde, de l'hémiphiltrum avec une narine apparaissant sous l'aspect d'une trompe.
Neurocristopathies nasales et prémaxillaires Ce sont des malformations isolées de la région nasofrontale dont l'origine est la défaillance de la CN antérieure. Pour certains, elles seraient la conséquence d'une agression toxique de l'embryon, au moment des migrations de la CN (alcoolisme maternel pendant la grossesse). La dysplasie microrhinique de Binder est une dysostose maxillonasale caractérisée par un syndrome d'hypo-septo-ethmoïdisme antéropostérieur associant un microethmoïde cartilagineux avec ostéodysplasie prémaxillaire et agénésie du champ spinal et nasal antérieur, une hypoplasie du philtrum, des fentes labiomaxillaires bilatérales, des anomalies amélodentinaires des incisives supérieures et parfois un déficit en hormone de croissance (fig. 27).
Autres dysneurulations et neurocristopathies nasofrontales Anomalies de l'odontogenèse des incisives du prémaxillaire associées à des déficits endocriniens diencéphaliques : incisive maxillaire unique associée à un déficit en hormone de croissance ou en hormone antidiurétique [15]. Grands colobomes naso-labio-oculaires bilatéraux, conséquence d'un défaut de fusion précoce des bourgeons nasaux et des bourgeons maxillaires (Tessier [24]), (fig. 3). Kystes de la queue du sourcil correspondant à l'inclusion supraoculaire de reliquat ectodermique entre les bourgeons nasofrontal et maxillaire supérieur (fig. 3). Syndrome de Waardenburg-Klein (fig. 28). Cette NCP associe : une hypopigmentation des cheveux (mèche blanche), des yeux (hétérochromie irienne) ; des malformations des canthus internes des yeux ; des fentes labiomaxillaires ; une surdité centrale ; parfois une anomalie de l'innervation motrice de l'intestin et du développement des arcs aortiques. Syndromes orodigitaux et faciaux (fig. 29) (tableau II). La forme I (ou syndrome de Papillon-Léage et Psaume) associe des freins buccaux muqueux surnuméraires au niveau des vestibules, des anomalies des doigts, parfois des fentes faciales (fente médiane de la lèvre supérieure) et des malformations du cerveau.
Neurocristopathies malformatives maxillomandibulaires (fig. 31) Wolff [29] réalise des malformations latérales du squelette facial chez l'oiseau (agénésie maxillaire, fente macrostomique, agénésie du bec inférieur) par irradiation localisée du tube neural dans les régions mésencéphaliques et métencéphaliques. Duhamel [14] mentionne encore l'agénésie du mésencéphale chez des foetus humains otocéphales (agnathie et grande hypoplasie des 1ers arcs droit et gauche) (fig. 3). Couly et Lelièvre-Ayer, après excision des CN mésencéphaliques d'embryon de poulet, observent l'agénésie des dérivés squelettiques du 1er arc et une microphtalmie homolatérale, démontrant ainsi les possibilités d'associations malformatives de l'oeil et des bourgeons maxillomandibulaires [11]. Plus récemment Aleksic [1] signale la grande fréquence des paralysies oculomotrices dans les syndromes de Franceschetti et de Goldenhar et rapporte une observation exemplaire de malformations latérofaciales (syndrome du 1er arc, fente macrostomique) associées à une anophtalmie, un lipome du cervelet (A sur la figure 30) et des agénésies nucléaires des IIIe, IVe et VIIIe paires crâniennes (fig. 30). Nos observations cliniques ou foetopathologiques confirment les résultats de ces travaux expérimentaux et leurs constatations : ces malformations sont soit isolées, soit associées à des anomalies du tronc cérébral et de ses nerfs crâniens (tableaux II et V) (fig. 31 et 32).
Neurocristopathies maxillaires Ce sont des anomalies quantitatives et qualitatives du phénotype cellulaire des dérivés des CN des segments mésencéphaliques et rhombencéphaliques antérieurs constituant l'ectomésenchyme des bourgeons maxillaires. Leur fréquence est de une pour dix mille naissances. Elles s'expriment le plus souvent en délétion qu'en excédent. Elles sont très fréquemment associées à des atteintes qualitativement équivalentes des bords des bourgeons mandibulaire, frontal et nasal. Elles s'associent à des anomalies viscérales et neurologiques (tronc cérébral et nerfs crâniens) (tableau V) (fig. 3 et 33).
Syndrome de Franceschetti-Zwahlen (encore appelé Treacher Collins) (fig. 3) Ce syndrome associe des délétions de tous les dérivés de la CN : os, muscles, dents, derme, tissus nerveux. Il est uni- ou bilatéral. Les hypoplasies touchent les os malaires, temporaux, zygomatiques, maxillaires et ptérygoïdes, les paupières et les cils, les muscles masticateurs, les dents maxillaires, le pavillon de l'oreille, les bords du bourgeon maxillaire responsable, avec, pour conséquence inconstante, la constitution d'une fente labiomaxillaire, d'une fente macrostomique, d'une malformation des voies lacrymales et d'excédents cartilagineux (fibrochondromes prétragiens). Cliniquement : l'hypoplasie faciale est latérale et palpable ; le canthus externe de l'oeil non tendu réalise la très classique orientation antimongoloïde de la paupière ; la division vélopalatine, constatée une fois sur trois, correspond au défaut de fusion des bourgeons maxillaires ; les malformations de l'oeil (microphtalmie, colobome, anomalies de l'angle iridocornéen) sont fréquemment associées (tableau V) ; les associations malformatives du syndrome de délétion du 1er arc, aux atteintes viscérales et squelettiques (rachis et membres 10 %) et à l'appareil urinaire, sont fréquentes (tableau VI).
Syndrome de Goldenhar (fig. 3)
[17]
C'est une entité clinique proche du syndrome de Franceschetti, il est caractérisé par un dermolipome épibulbaire de la conjonctive externe et une fente palpébrale du canthus externe qui correspondent à un phénomène de « bord » entre les bourgeons maxillaire et frontal. On retrouve les mêmes associations malformatives que précédemment. Une fente labiomaxillaire et vélopalatine peut être topographiquement associée.
Neurocristopathies du bourgeon mandibulaire Le syndrome du 1er arc (fig. 3, 34 et 35). Les hypoplasies des dérivés tissulaires des CN rhombencéphaliques dans le bourgeon mandibulaire touchent les os, les dents, les cartilages, les muscles et les nerfs. Les atteintes sont uni- ou bilatérales. Le syndrome du 1er arc en constitue l'archétype. Les atteintes précoces bilatérales s'expriment par des défauts de fusion médian responsables de fente du menton, qui se continue parfois par une bride mentosternale, avec reliquat embryonnaire. Les délétions sont : osseuses : hypoplasie de la branche montante mandibulaire et de l'articulation temporomandibulaire, agénésie du tympanal, du marteau, de l'enclume et de la caisse du tympan avec surdité de transmission [4] ; cartilagineuses : agénésie du pavillon de l'oreille et du conduit auditif externe ; dermiques : hypoplasie du derme latérofacial avec défaut d'implantation des cheveux refoulés vers la joue, fente macrostomique, fibrochondrome prétragien ou dans la loge parotidienne ; musculaires : hypoplasie de la musculature masticatrice et vélaire ; glandulaires : agénésie des glandes parotides et sous-maxillaires ; linguales : hypoplasie linguale homolatérale ; nerveuse : agénésie des nerfs dentaire, lingual, facial, glossopharyngien. La dysostose de Nager et Reynier et la dysostose acromandibulaire de Nager sont deux malformations assez peu différentes associant une grande hypoplasie de la mandibule et des pouces. Les surdités centrales par malformations cochléaires sont retrouvées dans 10 % des cas (syndrome de Mondini).
Les anomalies de l'oeil (microphtalmie, colobome) et les paralysies oculomotrices sont associées quatre fois sur cinq (tableau V).
Anomalies des 2e, 3e, 4e arcs branchiaux (fig. 3) Cette pathologie est dominée par les reliquats embryonnaires, kystes des poches ecto- et endobranchiales avec fistule, reliquats fibrocartilagineux en position des poches ectobranchiales (cf. chapitre « Embryologie », EMC).
Syndrome de Di George, neurocristopathie rhombencéphalique postérieure et syndrome de Pierre Robin (fig. 36) Le syndrome de Di George associe une hypocalcémie et une hyperphosphorémie (troubles phosphocalciques par aplasie des parathyroïdes), des troubles de l'immunité cellulaire liés à une hypoplasie du thymus, une malformation des arcs aortiques (artère pulmonaire, aorte) et cardiaque. Il a pour origine une atteinte en délétion des cellules des CN rhombencéphaliques postérieures. Le syndrome de Robin associe des troubles précoces du même territoire neurologique (le rhombencéphale), s'exprimant cliniquement par les défaillances de la succion-déglutition et de la régulation cardiorespiratoire en période néonatale. L'atteinte précoce foetale du rhombencéphale est responsable d'une division vélopalatine et d'un microrétrognathisme, secondaires à un défaut de la motricité de la langue qui reste incluse dans la fosse nasale ; le rétrognathisme foetal et néonatal est un signe de dysmaturité bulbaire. Le glaucome et la myopie grave sont fréquemment associés. Le syndrome de Di George et le syndrome de Pierre Robin constituent deux expressions cliniques assez voisines d'une même défaillance embryonnaire de la neurulation rhombencéphalique.
Syndromes somitiques L'aglossie-adactylie du syndrome d'Hanhart. Ce syndrome associe : une hypoplasie importante de la musculature de la langue (fig. 3) ; des agénésies de segment de membres.
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FACE, PRÉ DICAT DU CERVEAU (FIG. 1 ET 2) Malformations associées cervicofaciales, cérébrales, viscérales et oculaires. Les NCP maxillaires, mandibulaires et cervicales correspondent à une défaillance de la compétence biologique développementale des cellules des CN céphaliques. Or, ces cellules appartiennent au début de l'étape de la neurulation à la gouttière, puis au tube neural, quelque temps avant de migrer. Elles sont ainsi « neurales » dans leurs caractéristique originelle. Elles fournissent les cellules de Schwann, qui, lorsqu'elles sont défaillantes, sont responsables des agénésies nerveuses observées. La communauté d'origine des cellules migrantes de la CN et des cellules qui forment à proprement parler le tube neural explique que soient logiquement constatés des troubles de l'organisation centrale des fonctions du tronc cérébral ou certaines agénésies nucléaires nerveuses, en association avec les malformations latérofaciales. De même, cette commune origine embryonnaire
explique également que soient constatés des lipomes ou des kystes dermoïdes cérébelleux (tissu originel de la CN non migré et différencié in situ). Ces associations malformatives homotopes de la face et du cerveau méritent la dénomination de « dysneurulations ». Les tissus constitutifs du massif facial, en tant que dérivés des CN céphaliques, sont alors des « marqueurs » de la neurulation, étape embryonnaire au cours de laquelle se constituent également les différentes vésicules cérébrales. Ainsi, toute anomalie qualitative et quantitative de l'expression phénotypique des cellules des CN dans un territoire facial ou cervical peut constituer un signe prédicatif de malformations (agénésie, hypoplasie) ou de dysplasie (kyste) du segment cérébral et de ses nerfs crâniens correspondants. C'est dire l'importance de l'examen neurologique du nourrisson atteint d'une malformation céphalique, même mineure. L'examen tomodensitométrique cérébral ou par résonance magnétique nucléaire est une exploration morphologique de choix pour objectiver une anomalie macroscopique ; malheureusement, il a ses limites, puisque les anomalies cérébrales discrètes et les agénésies nerveuses et ganglionnaires ne sont pas individualisables. Les anomalies faciales et cervicales n'ont pas toutes la même valeur prédicative. Celles des régions maxillomandibulaires s'accompagnent de déficits : sensoriels et moteurs ; visuel par anomalies de l'oeil ; oculomoteur par agénésie musculaire et nerveuse ; facial par paralysie du nerf facial (complète ou partielle ; la bouche asymétrique lors des pleurs est souvent présente lors des malformations faciales) ; auditif (surdité de transmission et de perception) ; cardiopulmonaire par atteinte des commandes centrales ; oral et digestif par perturbation des commandes motrices de la succion et de la déglutition ; et s'associent à des malformations viscérales : coeur, rein, poumons (agénésie), intestin (atrésie oesophagienne), vertèbres cervicodorsales (tableau VI). Celles des régions nasofrontales et prémaxillaires antérieures (hypoplasie, fente) doivent attirer l'attention sur le cerveau antérieur (diencéphale, hypophyse, corps calleux, septum lucidum). Elles prédisent certains déficits endocriniens centraux (hypothalamohypophysaires). Elles s'associent à des anomalies de l'oeil et rarement viscérales (coeur) ; Par contre, les anomalies cervicales des dérivés des CN rhombencéphaliques ne sont pas d'emblée dysmorphologiques ; elles s'expriment à partir de la naissance par des tableaux cliniques de pathologie interne pédiatrique : cardiovasculaire malformatif, infectieux par atteinte immunitaire thymique et métabolique par troubles phosphocalciques. Cette situation doit faire rechercher également des signes de défaillance centrale des régulations cardiaques, respiratoires ou digestives et des anomalies de l'oralité néonatale (tableau V). Certaines de ces malformations sont diagnostiquées en période anténatale, dès la vingtième semaine, tels les fentes, les syndromes otomandibulaires.
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crest
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cellulaires,
cerveau
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the :
conséquences
et troubles Stomatol.
chez
face
de la Chir.
l'enfant. Actual.
and
discussion
brain. Birth report
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Fig 1 :
in
Fig 1 : Grille de lecture des malformations et accidents morphologiques de la face et du cou. Le massif facial et le cou se développent de manière segmentaire grâce à la confluence de bourgeons embryonnaires dont le volume est assuré par les mitoses des cellules des CN qui proviennent d'un segment précis du système nerveux central. II existe ainsi une correspondance topographique entre un territoire de la face et une vésicule cérébrale. Les structures naso-frontoprémaxillaires (SNFPM) correspondent à l'ensemble du prosencéphale (P). Les structures maxillomandibulaires (SMM) correspondent à l'ensemble du tronc cérébral et à ses nerfs (TC).
Fig 2 :
Fig 2 : Neurocristopathie et dysneurulation. A. Une neurocristopathie est une pathologie du développement des cellules de la CN (formation, migration, division, expression phénotypique). Une dysneurulation est l'association d'une neurocristopathie et d'une anomalie du segment neural (le système nerveux central) d'où a émigré le contingent cellulaire de la crête. B. Les dysneurulations cervicofaciales.
Fig 4 :
Fig 4 : Le schizisme total de la face. Cette malformation rarissime est due au défaut de fusion des bourrelets neuraux antérieurs et ventraux lors de la dynamique de fermeture de l'extrémité antérieure du tube neural (cf. chapitre « Embryologie », EMC). La conséquence en est un défaut de rapprochement des placodes olfactives autour desquelles s'organise le développement des bourgeons nasaux internes et externes. Il existe ainsi un plan de symétrie originel de la face assuré par la fermeture du tube neural. Ce défaut de fermeture n'a pas gêné le développement de chaque hémiface grâce au contingent homolatéral des cellules des CN.
Fig 5 :
Fig 5 : Cette figure objective la topographie des encéphaloméningocèles de la base du crâne, conséquence du défaut de soudure partielle des bourrelets neuraux ventraux. Ce défaut de fusion embryonnaire ne dépasse jamais le niveau de la selle turcique car, à ce niveau, le bourrelet neural antérieur devient l'antéhypophyse. En A, encéphaloméningocèle sphénoïdale ; en B, encéphaloméningocèle ethmoïdale ; en C, encéphaloméningocèle nasofrontale (appelée quelquefois « kyste du neuropore antérieur ») ; en D et E, encéphalocèles frontale et occipitale (syndrome de Meckel).
Fig 6 :
Fig 6 : Cet enfant de trois ans présente une encéphaloméningocèle du diencéphale (B) de topographie nasale associée à une fente médiane de la lèvre supérieure (A) (observation du service du Pr Hirsch, tomodensitométrie du service du Pr Lallemand).
Fig 7 :
Fig 7 : Enfant de un an présentant une encéphaloméningocèle nasofrontale (A) associée à une volumineuse cavité kystique du troisième ventricule.
Fig 8 :
Fig 8 : Enfant de deux ans présentant une dysplasie nasofrontale complexe avec malformation de la pyramide nasale et hypoplasie du philtrum labial.
Fig 3 :
Fig 3 : Représentation de l'ensemble des malformations et reliquats embryonnaires les plus courants des régions faciales et cervicales correspondant à la défaillance complète ou incomplète du développement d'un ou plusieurs bourgeons de la face et du cou. (Voir détail de la légende en page 5.)
Fig 9 :
Fig 9 : A - Fente labio-maxillo-palato-vélaire bilatérale par défaillance du bourgeon nasofrontal. B - La défaillance du développement volumétrique des bourgeons nasaux internes (BNI) est responsable de la formation d'une fente labiomaxillaire bilatérale. Les bourgeons nasaux internes ne peuvent fusionner avec les bourgeons maxillaires (BMx). Le septum nasal qui se développe également dans le bourgeon nasofrontal ne peut fusionner avec les procès palatins des bourgeons maxillaires, ce qui a pour conséquence une division vélopalatine. Des malformations du cerveau antérieur (holoprosencéphalie, anomalie de la giration) sont parfois associées. On rencontre cet ensemble malformatif dans les syndromes de Meckel (BNE : bourgeon nasal externe ; BMd : bourgeon mandibulaire).
Fig 10 :
Fig 10 : A - Fente labio-maxillo-palato-vélaire bilatérale par défaillance des deux bourgeons maxillomandibulaires. B - La fente labiomaxillaire est bilatérale. Elle est la conséquence du défaut de fusion des bourgeons maxillaires droit et gauche avec les deux bourgeons nasaux internes. La division vélopalatine est également la conséquence du défaut de fusion des deux bourgeons maxillaires avec le septum nasal. Dans cette observation, il existe des microties bilatérales correspondant à la défaillance du développement de l'ensemble des bourgeons maxillomandibulaires.
Fig 11 :
Fig 11 : Schéma du squelette facial atteint de fente labiomaxillaire et vélo-palatine unilatérale. La fente a eu pour conséquence la bipartition asymétrique du squelette facial. 1. Mésethmoïde cartilagineux. 2. Aponévrose nasale. 3. Cartilage alaire. 4. Maxillaire.
Fig 12 :
Fig 12 : Schéma de la musculature peaucière faciale des fentes labiomaxillaires unilatérales. 1. Cartilage alaire. 2. Tubercule latéral de la sous-cloison. 3. Orbiculaire interne. 4. Releveur commun. 5. Transverse du nez. 6. Chef nasolabial de l'orbiculaire.
Fig 13 :
Fig 13 : A - Développement et anatomie de la lèvre supérieure. 1. Contribution des bourgeons maxillaires (BM) et naso-internes (BNI) à l'organogenèse de la lèvre supérieure (BNE : bourgeon nasal externe). 2. Anatomie des reliefs de la lèvre supérieure. B - Fente labiale simple.
Fig 14 :
Fig 14 : Squelette du massif facial lors des fentes labio-maxillo-palato-vélaires bilatérales. Le massif facial présente une tripartition avec l'individualisation d'un massif ostéodenté médian, porté par le mésethmoïde cartilagineux, comportant le prémaxillaire, et renfermant les quatre bourgeons incisifs de lait et les quatre bourgeons incisifs adultes. Latéralement, le squelette est représenté par les deux postmaxillaires droit et gauche.
Fig 15 :
Fig 15 : Architecture de la musculature des fentes labiomaxillaires bilatérales. T. Transversus. Or. Orbiculaire. RC. Releveur commun. B. Buccinateur. NL. Nasolabial.
Fig 16 :
Fig 16 : Cette malformation exceptionnelle comporte un fibrochondrome de la crête philtrale au niveau du tubercule latéral de la sous-cloison, et une bride labiomaxillaire correspondant à l'excédent ectoder-mique de la fente labiomaxillaire non régulé par mort cellulaire.
Fig 17 :
Fig 17 : Forme particulière de fente labiomaxillaire avec hypoplasie du prémaxillaire sur la berge interne.
Fig 18 :
Fig 18 : Fente labiomaxillaire avec microphtalmie (A) et malformation du cerveau (lissencéphalie) (B).
Fig 19 :
Fig 19 : Fente labiomaxillaire avec bride circulaire des doigts dans le cadre d'une maladie amniotique.
Fig 20 :
Fig 20 : A - Hémiagénésie du voile. B - Division sous-muqueuse du voile.
Fig 21 :
Fig 21 : Syndrome d'Apert. Ce syndrome associe des syndactylies des mains, dites en « moufles », ainsi que des anomalies
des pieds avec cranio-facio-sténose et division vélaire.
Fig 22 :
Fig 22 : Hypoplasie naso-fronto-prémaxillaire avec cébocéphalie dans la trisomie 13.
Fig 23 :
Fig 23 : Hypoplasie naso-philtro-prémaxillaire (A) et incisive (B) associée à une holoprosencéphalie avec déficit en hormone de croissance.
Fig 24 :
Fig 24 : Agénésie nasophiltrale associée à une holoprosencéphalie alobaire.
Fig 25 :
Fig 25 : Fente labio-maxillo-palato-vélaire bilatérale avec hypoplasie du lambellule médian et holoprosencéphalie pseudolobaire.
Fig 26 :
Fig 26 : Probosis nasal.
Fig 27 :
Fig 27 : Syndrome de Binder ou hypoplasie nasoprémaxillaire.
Fig 28 :
Fig 28 : Syndrome de Waardenburg-Klein avec mèche de cheveux et zone frontale achromique.
Fig 29 :
Fig 29 : Syndrome oro-digito-facial de type I avec langue foliée (cette observation comporte une agénésie du corps calleux avec hypoplasie vermienne).
Fig 30 :
Fig 30 : Observation d'Aleksic
Fig 31 :
[1]
(A : lipome du cervelet).
Fig 31 : Figure objectivant les NCP malformatives latérofaciales associées à des anomalies du tronc cérébral et des nerfs crâniens correspondants.
Fig 32 :
Fig 32 : Syndrome du 1er arc avec aplasie du muscle triangulaire des lèvres.
Fig 33 :
Fig 33 : NCP du bourgeon maxillaire avec malformation latéronasale, microphtalmie et microtie.
Fig 34 :
Fig 34 : Syndrome du 1er arc (A) associé à une mégagrande citerne du cervelet (B).
Fig 35 :
Fig 35 : Syndrome du 1er arc avec fibrochondrome prétragien et microphtalmie.
Fig 36 :
Fig 36 : Division vélopalatine romane du syndrome de Pierre Robin.
Tableau I. - Facteurs de la t�ratogen�se. Facteurs de t�ratogen�se Anomalies
chromosomiques (num�riques et
Origine Trisomie 13 (syndrome de Patau)
Anomalies c�phaliques et maxillofaciales Fentes labiomaxillaires
18p (De Grouchy)
Hypoplasies nasophiltrales Holoprosenc�phalies
Radioth�rapie et
Fente labiomaxillaire
hyperthermie
Hypoplasie nasofrontale
T�tracycline
Hypoplasie de l'�mail
Cortisone
Fente v�lopalatine
Antitumoraux
Anenc�phalie : fente faciale
structurales) Agents physiques
Agents chimiques
Anticonvulsivants Acide r�tino�que
Malformations du cerveau
Fentes faciales
Hypoplasie nasofrontale Hypocholest�rol�miant Holoprosenc�phalie Agents infectieux
Virus de la rub�ole
Microc�phalie, cataracte, surdit�,
Cytom�galovirus
malformations du cœur Microc�phalie
Toxoplasma gondii
Microc�phalie Microphtalmie Choror�tinite
Le m�canisme d'action des d�terminants de la t�ratogen�se fait intervenir la p�riode critique du d�veloppement embryonnaire de l'organe, cible du facteur t�ratog�n�tique et l'association possible des facteurs chromosomiques et chimiques.
Tableau II. - Malformations associ�es de la face et du cerveau objectiv�es parmi une population de 300 malform�s de la face � l'h�pital Necker-Enfants Malades. Les anomalies c�r�brales, au nombre de 39, soit
13 %, ont �t� objectiv�es par tomodensitom�trie. Malformations c�r�brales
Malformations faciales Malformations naso-philtropr�maxillaires et v�lopalatines :
135
- Fentes labio-maxillaires unilat�rales
- 1 ag�n�sie calleuse 33
- Fentes labio-maxillaires bilat�rales 2 - Hypoplasies et ag�n�sie philtropr�maxillaires Dysplasies nasofrontales
- 1 lissenc�phalie
6
- 1 enc�phaloc�le occipitale (syndrome de Meckel) - 8 holoprosenc�phalies - 1 lissenc�phalie avec ag�n�sie calleuse - 2 holoprosenc�phalies - 1 ag�n�sie calleuse - 1 kyste prosenc�phalique avec ag�n�sie calleuse
Syndrome oro-digito-faciaux type I
4
14
2
- 3 kystes prosenc�phaliques avec ag�n�sie calleuse
4
- 1 ag�n�sie calleuse Dysostoses maxillo-mandibulaires
44
- 6 anomalies morphologiques de la fosse post�rieure
Syndrome de Pierre Robin
60
- 3 m�gagrandes citernes du cervelet - 1 kyste occipital
Syndrome de Di George
7
- 2 m�gagrandes citernes du cervelet - 1 ag�n�sie calleuse
Phacomatoses et neurocristopathies
9
- 3 malformations de Sturge-Weber - 3 hypertrophies c�r�brales unilat�rales
Tableau III. - D�ficit endocrinien (hormone de croissance et hormone antidiur�tique) associ� � des malformations de la face naso-philtro-pr�maxillaire et � des holoprosenc�phalies.
6 4 3
6
Cerveau Holoprosenc�phalies
Face
Alobaires Fentes labiomaxillaires bilat�rales :
2
Semi-
Lobaires
lobaires 3 (2 d�ficits
- 8 avec hypoplasie naso-philtropr�maxillaire
en ADH)
A
1
(1 d�ficit B en STH)
- 25 sans hypoplasie naso-philtropr�maxillaire
A
2
(2 d�ficits B en ADH) - 2 hypoplasies philtropr�maxillaires avec incisive unique ou absente
1 (d�ficit en
1 (d�ficit en
STH)
ADH)
A : partie ant�rieure B : compl�te.
Tableau IV. - Les diverses formes d'holoprosenc�phalie et les anomalies faciales et cr�niennes associ�es.
Cerveau
Cr�ne
Orbites et yeux
Ethmo� Pr�ma de
Holoprose Microc�p Cyclopie nc�phalie Absent halie Alobaire
Microc�p halie Microc�p halie
Holoprose Micro
Orbites
rudimen taires —
Rudime ntaire —
xillaire Absent
Absent
Absent
Hypot�l Hypopla Hypopl
Incisives
Absentes
Absentes
Philtrum
Palais secondaire
Pr�sent Hypoplasie
Pr�sent Hypoplasie
Absentes
Absent
Absentes
Absent
Hypoplasie Fente
nc�phalie
orisme
sie
asie
lobaire
A (lobes continus) Holoprose nc�phalie Microc�p Hypot�l Subnor
lobaire
B (lobes halie s�par�s)
orisme
mal
Hypopl
asie ou normal
Hypog�n�sie Ebauche Uvule
Bifide
Tableau V. - Malformations lat�rofaciales associ�es � des anomalies de l'œil, du tronc c�r�bral et de ses nerfs.
Nombre Syndrome de
2
Goldenhar
Syndrome de
Franceschetti
Anomalies c�r�brales
Œil
Atteintes nerveuses
1 d�faillance des r�gulations
1 paralysie
du cœur et du poumon (bradycardie, bradypn�e)
faciale
3
1
colobome irien bilat�ral
Syndrome du
7
1
1er arc unilat�ral
1 paralysie
cryptophta du III lmie
3 paralysies du V
4 paralysies du VII Syndrome du 1er arc bilat�ral
10
4 anomalies de la fosse post�rieure et de la
2
protub�rance
lmies
- 3 m�gagrandes citernes - 1 kyste dermo�de du
1 paralysie
cryptophta du VI
5 paralysies du VII
cervelet 3 anomalies des r�gulations bulboprotub�rantielles 22
8 (36 %)
4 (18 %)
15 (68 %)
Tableau VII. - Sch�ma du cycle cellulaire. 1. Cyclopie, cons�quence de l'ag�n�sie de la totalit� du bourgeon nasofrontal avec fusion des bourgeons maxillaires et des yeux sur la ligne m�diane. 2. Fente labio-maxillo-palato-v�laire bilat�rale ayant pour cons�quence la tripartition du massif facial. 3. Fente labiomaxiilaire unilat�rale ayant pour cons�quence la bipartition asym�trique du massif facial. 4. Kyste de la queue du sourcil. 5. Syndrome de Goldenhar.
6. Fente du canthus externe avec microtie.
7. Syndrome de Franceschetti avec microtie. 8. D�faillance totale du d�veloppement volum�trique du bourgeon maxillaire avec fente colobomateuse bucco-naso-oculaire, fente macrostomique, microc�phalie et microtie. 9. Division v�lopalatine. 10. Fente macrostomique avec fibrochondromes pr�tragiens. 11. Otoc�phalie ou grande ag�n�sie du 1er arc branchial bilat�ral (observation du Pr Le Marec).
12. Syndrome otomandibulaire ou syndrome du 1er arc. 13. Aglossie du syndrome d'Hanhart avec fente m�diane de la symphyse mandibulaire. 14. Kyste et fistule ectodermiques du sinus cervical du 2e arc. 15. Kyste amygdalo�de endodermique du 2e arc. 16. Fibrochondrome cervical du 2e arc. 17. Fibrochondrome du 4e arc si�geant au niveau thoracique sup�rieur. 18. Bride m�diane mentosternale avec fente de la symphyse mandibulaire et reliquat embryonnaire correspondant � un d�faut de fusion de l'ensemble des arcs branchiaux sur la ligne m�diocervicale.
¶ 22-066-B-55
Plaques palatines chez le nourrisson porteur de fente labiomaxillaire E. Noirrit-Esclassan, P. Pomar, R. Esclassan, B. Terrie, P. Galinier, V. Woisard Les divisions labiomaxillaires constituent une dysmorphose congénitale commune dont la prise en charge thérapeutique, qui s’étend de la naissance à la fin de l’adolescence, est multidisciplinaire. Les calendriers thérapeutiques et les techniques chirurgicales utilisées varient d’un centre à l’autre, tout comme le recours au traitement orthopédique préchirurgical. Aujourd’hui, les plaques palatines sont préconisées par certains, décriées par d’autres. Il en existe de multiples sortes : fixes ou amovibles, actives ou passives, combinées ou non à un appareil extraoral. Après un rappel des principales classifications des divisions labiomaxillaires, différents types de plaques palatines et leur technique de réalisation sont décrits. Le traitement orthopédique préopératoire est certes très controversé, mais les effets bénéfiques attendus à court, moyen et long termes ne sont pas identiques selon les équipes soignantes. Il reste difficile de faire la part des choses entre l’action conjuguée de la chirurgie, du traitement orthopédique, du degré des dysfonctions, du polymorphisme initial des fentes, des potentialités de croissance variables d’un individu à l’autre. Étant donné la variabilité des protocoles thérapeutiques d’un centre à l’autre, le rôle de ces traitements orthopédiques préchirurgicaux reste très complexe à évaluer. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Fente labiale et palatine ; Appareil orthopédique ; Plaque palatine obturatrice intraorale ; Appareil extraoral ; Traitement orthopédique préchirurgical
Plan ¶ Introduction
1
¶ Classifications des fentes Classification de Veau Classification de Kernahan et Stark et ses modifications Classification de Benoist Classification de Chancholle
1 2 2 4 5
¶ Terminologie Prothèse Orthèse Plaque palatine obturatrice
5 5 5 6
¶ Différents types de plaques palatines et leurs buts Plaques passives Actives : orthopédiques
6 6 8
¶ Prise d’empreinte et confection de la plaque Examen clinique Prise d’empreinte Étape de laboratoire (plaque passive) Entretien et surveillance
10 10 10 12 12
¶ Conclusion / discussion
12
■ Introduction Les divisions labio-alvéolo-palatines constituent une dysmorphose congénitale commune qui affecte 1 sur 500 à 1 sur 700 naissances vivantes en Europe (Organisation mondiale de la santé, 1998), avec des variations selon l’ethnie, l’origine géographique et le statut socioéconomique des parents, et selon le sexe de l’embryon. [2, 37, 41, 42] Stomatologie
Elles résultent d’un défaut d’accolement des bourgeons faciaux maxillaire et frontonasal pour les fentes labioalvéolaires et des processus palatins des bourgeons maxillaires et du septum nasal pour les fentes vélopalatines. Ces anomalies de fusion des bourgeons faciaux, toujours très stables topographiquement, se produisent entre les 4e et 7e semaines au moment de la formation du palais primaire et entre les 6e et 12e semaines pour le palais secondaire. [2, 10] Dans moins de 10 % des cas, ces fentes sont liées à des aberrations chromosomiques ou à des syndromes génétiques. Dans la majorité des cas, l’étiologie est dite polygénique ou multifactorielle à seuil : l’effet concerté de facteurs génétiques et environnementaux au-delà d’un certain seuil augmente le risque de développer une fente. [2, 38, 41] La prise en charge thérapeutique de ces enfants de la naissance à la fin de l’adolescence est multidisciplinaire et inclut de nombreuses spécialités : néonatologie, prothèse maxillofaciale, chirurgie, phoniatrie, otorhinolaryngologie, orthophonie, orthodontie, odontologie, psychologie, génétique. Cependant, les dates d’interventions chirurgicales, leur séquence et les techniques utilisées varient d’un centre à l’autre. Sur 201 équipes européennes recensées, 194 protocoles différents sont proposés pour le traitement d’une classe de fente. Environ la moitié des équipes ont recours à un traitement orthopédique préchirurgical, qui consiste en une plaque passive dans 70 % des cas. [42] Nous verrons à travers cet article les principaux types de plaques obturatrices, leur conception et leurs effets attendus.
■ Classifications des fentes Les divisions labiomaxillaires présentent une topographie stable et un polymorphisme clinique qui font l’objet de classi-
1
22-066-B-55 ¶ Plaques palatines chez le nourrisson porteur de fente labiomaxillaire
Figure 1.
Division. A. De la luette. B. D’une partie du voile. C. De la totalité du voile, d’après Veau
fications variables selon les critères mis en exergue par leurs auteurs. La classification d’un défaut congénital a deux buts principaux : clinique bien sûr, mais aussi scientifique afin de bénéficier de bases de données standardisées utiles à la recherche clinique. L’enregistrement des données et leur schématisation doivent intervenir avant toute chirurgie et être simples et claires afin d’être utilisés par n’importe quel membre de l’équipe. La représentation symbolique de l’étendue de la déformation doit permettre immédiatement l’identification des conditions préopératoires du patient ; et après l’avoir complétée par des données supplémentaires issues des modèles d’étude et des études céphalométriques par exemple, la classification participe à l’évaluation objective de l’influence à long terme du type de fente et du traitement sur la croissance faciale. [23]
Classification de Veau [3,
[3].
Figure 2. Division du voile et de la voûte palatine d’après Veau [3].
47]
Elle schématise les désordres anatomiques engendrés par les fentes faciales, sans prendre en compte les fentes purement labioalvéolaires. Quatre classes sont décrites.
Division simple du voile (Fig. 1) Elle intéresse les tissus mous du voile du palais et peut être partielle ou totale. Lorsque la luette seule est bifide, il faut rechercher une éventuelle division sous-muqueuse (aspect bleuté, pellucide de la ligne médiane du voile).
Figure 3. Fente labioalvéolo-palatine unilatérale totale d’après Veau [3].
Division du voile et de la voûte palatine (Fig. 2) Elle se prolonge lorsqu’elle est totale jusqu’au canal palatin antérieur.
Division du voile et de la voûte palatine associée à une fente labioalvéolaire unilatérale La fente intéresse la lèvre et les procès alvéolaires qu’elle franchit dans la région de l’incisive latérale, zone de fusion entre le massif médian et le bourgeon maxillaire. Cette dent est de ce fait fréquemment dédoublée ou absente. Le palais est divisé en un grand fragment comprenant la région incisive et la moitié du palais dur, et un petit fragment. Le vomer est partiellement ou complètement fusionné au grand fragment (Fig. 3).
Division du voile et de la voûte palatine associée à une fente labioalvéolaire bilatérale totale Le tubercule médian portant les incisives est isolé du palais secondaire et projeté vers l’avant du fait de l’absence de sangle labiale et de la croissance du septum nasal (Fig. 4).
2
Classification de Kernahan et Stark [3, et ses modifications
19]
Adoptée en 1967 par la Confédération internationale de chirurgie plastique, elle est basée sur des notions embryologiques et situe les lésions dans l’espace buccal (topographie) et dans le temps de gestation (chronologie). Le comité de nomenclature de l’American Cleft Palate Association [16] reconnaît trois classes principales : les fentes Stomatologie
Plaques palatines chez le nourrisson porteur de fente labiomaxillaire ¶ 22-066-B-55
Figure 4. Fente labioalvéolo-palatine bilatérale totale d’après Veau [3].
antérieures au canal palatin antérieur, les fentes postérieures au canal palatin antérieur et la combinaison des deux. La démarcation entre palais primaire et secondaire se situe au niveau du canal palatin antérieur, en rapport avec les séquences du développement embryologique. Des modifications dans chaque classe concernant les relations du vomer avec le palais dur, la rotation et la protrusion du prémaxillaire, les fentes sous-muqueuses et les cicatrices congénitales de la lèvre sont incluses. • Groupe 1 : palais primaire. • Groupe 2 : palais secondaire. • Groupe 3 : association palais primaire et palais secondaire.
Palais primaire (Fig. 5) • 1A : fente unilatérale incomplète (1/3, 2/3 ; 3/3 de la lèvre) ; • 1B : fente unilatérale complète (1/3, 2/3 alvéolaire) ; • 1C : fente bilatérale complète (3/3 alvéolaire).
Palais secondaire (Fig. 6) • 2D : fente incomplète : C voile : staphyloschizis (1/3, 2/3, 3/3) ; C palais dur : uranoschizis (1/3, 2/3, 3/3) ; • 2E : fente complète (palatoschizis).
Association palais primaire et secondaire (Fig. 7) • 3F : fente unilatérale complète ; • 3G : fente bilatérale complète ; • 3H : fente unilatérale incomplète :
Figure 5. Stomatologie
Figure 6. Fentes concernant le palais secondaire d’après Kernahan, Stark et Harkins.In3.
C avec pont labial ; C avec pont gingival. Kernahan [20] suggère une schématisation par un « Y rayé ». Il divise le palais dur en fentes complètes et incomplètes en utilisant deux boîtes ; le palais mou et l’uvula sont illustrés par une troisième boîte. Les branches du Y représentent le palais primaire et les lèvres (Fig. 8). Cette classification a été largement utilisée et a fait l’objet de nombreuses modifications. • Elsahy [13] adjoint deux sommets triangulaires représentant les seuils narinaires, des flèches indiquant la direction de la déflection du palais dur dans les fentes complètes, et deux cercles quantifiant la protrusion du prémaxillaire et la
Fentes intéressant le palais primaire d’après Kernahan, Stark et Harkins.In3.
3
22-066-B-55 ¶ Plaques palatines chez le nourrisson porteur de fente labiomaxillaire
Figure 7. Association palais primaire et secondaire d’après Kernahan, Stark et Harkins.In3 A. Fente unilatérale complète, palais primaire et secondaire. B. Fente bilatérale complète palais primaire et secondaire. C. Fente unilatérale incomplète du palais primaire et fente incomplète du palais secondaire.
R
L
1
4 2
Figure 8. Le « Y rayé » décrit par Kernahan. [20] 1 et 4 : lèvre ; 2 et 5 : crête alvéolaire ; 3 et 6 : partie du palais dur comprise entre la crête alvéolaire et le foramen incisif ; o : foramen incisif ; 7 et 8 : palais dur ; 9 : palais mou.
5 3
6 7 8 9
Droite
Gauche Prolabium
1
6
2
7
3
8 9
4 5
10
13
A
E
Seuil narinaire
B
F
Lèvre
C
G D
H
L
O
Crête alvéolaire Palais du primaire Tiers antérieur du palais dur
M
P
Tiers moyen du palais dur
N
Q
Tiers postérieur du palais dur
R
Palais mou
S
Uvula
Figure 10.
Arc narinaire Seuil narinaire Lèvre Crête alvéolaire Trigone rétro-incisif
11
Palais dur
12
Palais mou Fonction vélopharyngée
Figure 9. Classification de Friedman
[14].
compétence vélopharyngée. Ces symboles illustrent non seulement les conditions préopératoires mais aussi les anomalies fonctionnelles. • Millard [30] ajoute des triangles illustrant le nez et le seuil narinaire. • Friedman et al. [14] proposent une combinaison des deux modifications et quantifient la sévérité de la déformation. Cette classification permet d’inclure les résultats du traitement (Fig. 9). • Larson [23] propose un nouveau modèle du Y avec l’adjonction de deux boîtes aux extrémités de chaque bras, correspondant aux seuils narinaires. Les chiffres sont remplacés par des lettres, minuscules ou majuscules selon que la fente est
4
Gauche
Droite
Classification morphologique de Larson
[23].
incomplète ou complète. Une boîte vide représente l’absence de fente dans cette zone. Au niveau du palais dur, des cases doublées schématisent l’attachement du vomer aux lames palatines à droite et à gauche. Au niveau du palais mou, trois cas sont possibles : l’uvula est divisée, ou la fente concerne le palais mou de façon complète ou incomplète (Fig. 10).
Classification de Benoist [3] Cette classification est axée sur la prise en charge prothétique. Elle concerne les sujets opérés susceptibles de recevoir un appareil vélopalatin et ne tient pas compte de la nature uni- ou bilatérale de la fente. En revanche, elle considère les possibilités de contraction des moignons vélaires sur la prothèse et l’état de la denture qui fournit les moyens de rétention. Trois classes sont individualisées selon la motricité du voile du palais : • classe 1 : voile divisé mais tonique ; • classe 2 : voile suturé, trop court, mais contractile ; • classe 3 : voile inerte (scléreux ou paralysé). Chacune de ces classes peut se subdiviser : • a : associée à une fente palatine ; • b : associée à une malposition incisive ; • c : associée à un édentement partiel ; • d : associée à un édentement complet. Heureusement de nos jours, les personnes atteintes de division vélopalatine nécessitant de tels appareils sont devenues rares étant donnée la prise en charge précoce et continue par des équipes pluridisciplinaires. Les progrès des techniques chirurgicales de reconstitution initiale du voile associés à l’exercice en symbiose des chirurgiens, otorhinolaryngologistes, phoniatres et orthophonistes permettent de corriger les problèmes liés à l’incompétence vélopharyngée par les traitements Stomatologie
Plaques palatines chez le nourrisson porteur de fente labiomaxillaire ¶ 22-066-B-55
Figure 11. Exemples de formes bénignes (A), (B), (C) et (D) de la classification de Chancholle, d’après Magalon et Chancholle [25].
requis (rééducation orthophonique, pharyngoplastie) moment approprié selon chaque enfant.
au
Classification de Chancholle [25] Ce chirurgien apprécie dans sa classification la gravité de la dysmorphose d’un point de vue global et discerne les formes bénignes des formes graves. Il propose ainsi un pronostic de traitement afin d’envisager en présence des parents la « lourdeur » du traitement, ses risques et ses limites.
Formes bénignes Elles regroupent les cas où le maxillaire est normal ou subnormal, c’est-à-dire que la partie moyenne de la voûte n’est pas interrompue. Les tissus sont de bonne qualité (trophicité tissulaire normale ou presque, repères topographiques muqueux et cutanés nets et précis) et modérément déplacés. Leur remise en place normalisera les fonctions et la croissance de la face. Ceci ne signifie pas que tout y est résolu et facile ! Cliniquement, trois classes peuvent répondre à ces critères (Fig. 11) : • PI 1 : fente labiale unilatérale, fendant plus ou moins la lèvre ; • PI 2 : fente labioalvéolaire unilatérale, encochant plus ou moins l’arcade alvéolaire ; • PII 1 : fentes du voile ; • combinaison de ces classes.
Formes graves Elles sont déterminées par la division du maxillaire en deux fragments inégaux et déplacés. Les tissus présentent une qualité défectueuse et l’importance de leur déplacement est telle que leur remise en place par l’orthopédie et/ou la chirurgie ne normalisera pas les fonctions et la croissance de la face, et entraînera une cicatrice. D’autres Stomatologie
critères peuvent aggraver le pronostic de traitement : la bilatéralité des lésions même bénignes ; des critères liés au malade : hypotrophie globale du nouveau-né de mère trop jeune ou trop âgée, tabagique, droguée, alcoolique, comitiale ; nouveau-né issu de grossesse pathologique ou prématuré ; associations malformatives ; milieu familial déficient. Ces formes graves concernent (Fig. 12) : • PI 3 : fente labioalvéolaire unilatérale déformant l’arcade alvéolaire ; • PII 2 : fente palatine totale déformant la voûte palatine osseuse ; • PI 3 + PII 2 : fente labiopalatine totale unilatérale ; • toutes les formes bilatérales.
■ Terminologie Prothèse Ce terme, issu du grec « pro » : « au lieu de » et « tithêmi » : « je place », désigne tout appareil de remplacement d’un organe ou d’une partie du corps, en totalité ou en partie, reproduisant la forme, et si possible en rendant les mêmes services. Il convient donc aux plaques palatines qui remédient à la difformité congénitale représentée par la division labiomaxillaire, en remplaçant la partie absente de la voûte palatine.
Orthèse Du grec « orthos » : droit ; « tithêmi » : je place, l’orthèse définit tout appareil orthopédique destiné à protéger, immobiliser ou soutenir le corps ou une de ses parties auxquelles il est directement fixé. Ce mot s’applique aussi aux plaques puisque souvent destinées à redonner une morphologie harmonieuse et normale aux crêtes alvéolaires et à la voûte palatine.
5
22-066-B-55 ¶ Plaques palatines chez le nourrisson porteur de fente labiomaxillaire
Figure 12. Formes graves de la classification de Chancholle d’après Magalon et Chancholle (A à E) [25].
Plaque palatine obturatrice
Éviter l’interposition linguale dans la fente
Elle est à la fois : • une prothèse puisqu’elle remplace une partie du palais dur, du rempart alvéolaire ; • et une orthèse, puisqu’elle a une action orthopédique et de repositionnement de la langue. Le terme de plaque palatine obturatrice s’applique de façon générique aux prothèses-orthèses obturatrices.
Elle entraîne une distorsion des structures osseuses et cartilagineuses : infragnathie, plicature du vomer, diminution de la hauteur des choanes. La déplétion nécessaire à la tétée reporte la langue en arrière et en bas, entre la pente pharyngée d’une langue ptôsée et les parois pharyngées. Cette anomalie de position s’accompagne d’une intrusion de la portion mobile linguale entre les fragments palatins. La langue tente de « sceller » la fente par des mouvements compensatoires, comme elle le faisait in utero lors de la déglutition du liquide amniotique. Ceci provoque une orientation défavorable des lames palatines des maxillaires et des palatins, presque verticales, exagérant la largeur du hiatus osseux. Ainsi, la plaque palatine néonatale, en fournissant à la langue un point d’appui, évite ce phénomène de verticalisation et permet l’acquisition d’une image motrice linguale normale en redonnant une anatomie palatine correcte. C’est le centrage lingual. La plaque a alors une action orthopédique indirecte en normalisant les praxies linguales (Fig. 13, 14).
■ Différents types de plaques palatines et leurs buts Les plaques palatines sont indiquées dans les fentes intéressant le palais dur et le voile du palais. Une division purement labiale ou purement vélaire ne nécessite pas d’appareillage. Il existe des plaques passives ou actives, des plaques amovibles ou fixes, qui peuvent être combinées à des systèmes extraoraux. [49]
Plaques passives Introduites au début des années 1950 par McNeil (1954) [27] puis reprises par Burston (1958) [8] et modifiées par Hotz et Gnoinski, [17, 18] ces plaques sont réalisées dès la naissance et portées en continu jusqu’à la véloplastie si l’intervention est réalisée en deux temps, ou jusqu’à la palatoplastie si elle se déroule en un seul temps. Elles présentent plusieurs avantages : normaliser la position de la langue et permettre une déglutition physiologique, faciliter l’alimentation, impliquer les parents dans le traitement. De plus, elles contribuent à guider la croissance du maxillaire afin d’obtenir une arcade alvéolaire harmonieuse. [8, 11, 17, 18, 27, 33, 35, 36, 39, 50]
6
Diminuer le jetage nasal et supprimer l’utilisation de tétines particulières En cloisonnant les fosses nasales et la cavité buccale, elle évite toute irritation de la muqueuse nasale par le lait et améliore les conditions alimentaires du nourrisson en favorisant la succion. L’alimentation au sein n’est possible que lorsqu’il s’agit d’une fente concernant uniquement la lèvre. Dans les autres cas, l’absence d’étanchéité buccale empêche de générer une pression intrabuccale négative suffisante pour provoquer l’expulsion lactée. [15] L’alimentation au biberon favorise la pression linguale, labiale et jugale sur la plaque palatine et donc sur la voûte de façon uniforme (Fig. 15, 16, 17). Stomatologie
Plaques palatines chez le nourrisson porteur de fente labiomaxillaire ¶ 22-066-B-55
Figure 13.
Fente unilatérale complète.
Figure 16.
Figure 14.
Empreinte d’une fente bilatérale totale.
L’orthèse empêche l’intrusion linguale dans la fente.
Figure 17.
L’enfant tète aussitôt après la pose de la plaque obturatrice.
cas, l’empreinte des surfaces ostéomuqueuses n’est réalisée qu’après une période de cicatrisation d’une dizaine de jours. Le suivi de la croissance et l’adaptation de la plaque par des rendez-vous réguliers (mensuels ou hebdomadaires selon les techniques) favorisent l’implication des parents dans le traitement [44] et l’établissement de relations de confiance avec l’équipe soignante. Ces visites leur permettent en outre de côtoyer et de partager leur expérience avec d’autres familles. [7, 12] De plus, les rendez-vous combinés avec le chirurgien pédiatrique permettent de les rassurer, de répondre aux différentes questions et de planifier les interventions chirurgicales de façon optimale, [17, 24] et enfin, si la fermeture de la lèvre est réalisée, de surveiller l’évolution de la cicatrice et de prodiguer des conseils adaptés (massages).
Corriger les difformités du maxillaire et faciliter le geste chirurgical en stimulant la croissance [8, 17, 18, 22, 25, 27, 50]
Figure 15.
Fente bilatérale totale.
Soutenir psychologiquement les parents Au-delà de son rôle fonctionnel, la plaque palatine comble le vide thérapeutique des premiers mois dans bon nombre de calendriers thérapeutiques, en attendant soit la cheiloplastie primaire, soit la fermeture chirurgicale du voile du palais (chirurgie inversée du palais précoce de Malek), soit la palatoplastie après la chirurgie néonatale de la lèvre et du seuil narinaire. Elle est confectionnée dès les premières heures de vie, sauf dans les cas de cheiloplastie en période néonatale. Dans ce Stomatologie
En particulier dans les cas de divisions complètes uni- ou bilatérales en agissant sur l’infragnathie des deux fragments du maxillaire ou sur l’endognathie du petit fragment dans le cas d’une division labiomaxillaire unilatérale complète, mais aussi en servant de guide de croissance transversal dans le cas d’une division labiomaxillaire bilatérale complète. Dans tous ces cas, la plaque palatine néonatale a une action orthopédique directe, préparant le nourrisson à la chirurgie par rapprochement ou éloignement des berges mais aussi en rendant aux crêtes alvéolaires un contour harmonieux et en réduisant la déformation de la cloison nasale.
7
22-066-B-55 ¶ Plaques palatines chez le nourrisson porteur de fente labiomaxillaire
Figure 18. Guidance de la croissance des segments maxillaires par meulage progressif des zones grisées [17].
A C
B Historiquement, dans les années 1950, McNeil, [27] d’origine écossaise, spécialiste en prothèse, puis Burston, [8] orthodontiste anglais, cherchent à prévenir le collapsus des fragments et à obtenir un alignement de l’arcade. Leur but principal est de parvenir à un rétrécissement de la fente facilitant la procédure chirurgicale et réduisant ainsi les effets néfastes de la cicatrisation sur la croissance maxillaire. La technique consiste en une analyse de la déformation de l’arcade et de ses relations avec la mandibule et le reste du crâne. De cette étude découlent les mesures correctives nécessaires. Le modèle en plâtre est sectionné et les fragments sont repositionnés en appliquant un degré de correction fonction du jugement clinique et en relation avec le taux de croissance de l’enfant. La plaque est ensuite réalisée en résine acrylique sur ce modèle corrigé. Par la pression de la langue, la plaque provoque le modelage et la stimulation des fragments maxillaires. Cette action peut être renforcée par des bandes élastiques (strappings) externes, reliées à un bonnet, qui ventrofléchissent le prémaxillaire et rétrécissent la fente antérieure dans les cas de fentes bilatérales. [4, 5, 8] Plus tard, Hotz et Gnoinski (1965) [17, 18] modifient la technique de McNeil : leur objectif premier n’est plus de faciliter la chirurgie mais de profiter au mieux des potentialités intrinsèques de développement afin de diminuer les séquelles cicatricielles néfastes à la croissance. Le rétrécissement préopératoire de la fente est une conséquence de la croissance. Ils abandonnent les tractions extraorales. La plaque comporte un appendice postérieur obturant une partie de la fente vélaire. Elle est confectionnée à partir de deux résines acryliques de consistances différentes polymérisées ensemble. La partie souple couvre l’ensemble des surfaces et s’y adapte précisément. Elle autorise l’augmentation progressive de la dimension transversale du maxillaire. La portion rigide qui tient lieu de matrice couvrant les lames palatines et les crêtes alvéolaires permet la stabilisation des segments dans les sens transversal et antéropostérieur. Après une quinzaine de jours de port, l’alignement des segments palatins est induit en créant des chambres d’expansion en meulant la résine dans des régions bien définies toutes les 4 à 6 semaines (Fig. 18). Les auteurs préconisent la réfection de la plaque tous les 4 à 5 mois en raison de la détérioration de la résine souple et de la croissance antéropostérieure du maxillaire qui rend l’appendice postérieur insuffisant pour une bonne obturation vélaire. De façon comparable, Brecht [7] modèle l’arcade maxillaire par soustraction de résine acrylique rigide et adjonction de résine souple (Permasoft, Austenal, Chicago, IL) (Fig. 19). La plaque est maintenue par un système de bandes adhésives collées sur les joues et reliées à la plaque par l’intermédiaire d’un bouton incliné à 45°.
Actives : orthopédiques Un traitement orthopédique est mis en place pour corriger les déplacements sévères des fragments maxillaires dans les fentes uni- et bilatérales totales. Plusieurs appareils ont été décrits.
Vérin et boucle de compensation Un vérin peut être inclus dans la plaque afin de compenser l’endognathie du petit fragment dans les fentes unilatérales, qui
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A B Figure 19. A, B. Modifications de la plaque par addition de résine acrylique et de résine souple et soustraction dans des zones définies selon le type de fente d’après Brecht. [7] En vert : zone d’adjonction de résine acrylique ; en rose : zone d’adjonction de Permasoft™ ; en mauve : zone de meulage de résine acrylique.
pourrait s’expliquer par l’absence d’impulsion de croissance du septum nasal auquel ce fragment n’est pas rattaché. [8] Le vérin est placé le plus haut et le plus en avant possible dans la résine et une boucle de compensation est positionnée dans la partie postérieure pour servir d’axe de rotation. [12] Après environ 15 jours de port, la plaque est fendue dans l’axe de la fente et grâce au vérin, une expansion d’un quart de tour tous les 7 puis 6 puis 5 jours est effectuée en contrôlant l’absence de douleur. Dans les fentes bilatérales, il s’agit de créer une expansion transversale des fragments palatins afin de permettre la ventroflexion du prémaxillaire. La plaque est fendue en trois parties avec un vérin entre les deux parties médianes et deux boucles de compensation entre le prémaxillaire et les parties palatines [12] (Fig. 20). L’action de ces plaques actives est souvent fortement compromise par le problème de leur rétention. En effet, malgré l’adjonction de gomme adragante sur leur intrados, les forces d’action sont supérieures aux forces de rétention. Et si le nouvel équilibre musculaire obtenu après la chirurgie n’est pas en adéquation, le risque de récidive est majeur. [12] Ball [1] remplace le système de vérin par une boucle en U en acier inoxydable de 0,8 mm de diamètre, activé dans le sens transversal chaque semaine jusqu’à la fermeture de la lèvre. Au centre de la plaque, deux lames indépendantes se superposent afin d’assurer la continuité du « toit » buccal tout au long de l’expansion (Fig. 21, 22).
Appareil orthopédique nasolabial Brecht, Grayson et Cutting [7] décrivent un appareil orthopédique préopératoire stimulant et repositionnant les parties osseuses orales mais également les tissus mous et les cartilages nasaux. Une tige nasale en résine acrylique qui pénètre dans l’orifice narinaire est adjointe au niveau du rebord labial d’une plaque passive lorsque la largeur de la fente au niveau antérieur est inférieure ou égale à 6 mm. Elle permet de supporter et de modeler le dôme nasal et les cartilages alaires vers l’extérieur et Stomatologie
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Figure 20.
Figure 23. Appareil orthopédique préchirurgical modelant le palais et la région nasoalvéolaire d’après Brecht, Cutting et Grayson [7].
Plaque à vérin.
B A Figure 24. Appareil orthopédique utilisé dans les fentes unilatérales par Latham (A, B) [29].
Appareil fixe de Latham 1
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Figure 21. Plaque active avec boucle en U. [1] 1. Fil métallique d’activation ; 2. partie des fosses nasales enregistrées dans l’empreinte ; 3. orthèse ; 4. maxillaire.
Figure 22.
Plaque avec boucle en U
[1].
l’avant, corrigeant l’aplatissement de la narine. Cette étape de modelage nasoalvéolaire préchirurgical utilisé en coordination avec la chirurgie améliore les résultats esthétiques (Fig. 23). La rétention est améliorée par l’adjonction d’un bouton extraoral en résine situé au niveau de la fente labiale et incliné à 45° par rapport au plan d’occlusion. Il sert d’ancrage à des bandes élastiques fines elles-mêmes collées sur des « strips » plus larges adhérant aux joues, qui préviennent toute irritation de la peau. Ces bandes élastiques sont orientées vers le haut et l’arrière. Stomatologie
Latham, [4, 29] un défenseur des appareils orthopédiques préchirurgicaux avec Millard, adapte la technique auparavant utilisée par Georgiade. Il cherche à obtenir le repositionnement de la base alaire pour permettre une réparation sans tension des tissus sur une plate-forme osseuse stable, une migration osseuse au sein de la fente alvéolaire évitant le recours à une greffe osseuse alvéolaire secondaire et enfin, il souhaite recréer une esthétique faciale précoce. [28] Latham préconise des appareils orthopédiques fixés à l’os palatin sous anesthésie générale par des visses en acier inoxydable respectant les germes dentaires. [44] Dans les cas de fente complète unilatérale, l’appareil utilisé comprend deux parties en résine acrylique jointes par une entretoise postérieure à charnière ; tandis qu’une longue vis de 24 mm (Fig. 24) se resserre, les bords de la fente au niveau alvéolaire se rapprochent et la base alaire avance, ce qui tend à avancer le petit fragment, le grand fragment servant d’ancrage, et à niveler les deux bases alaires dans le sens antéropostérieur. L’appareil est porté durant environ 3 semaines et la fermeture de la lèvre est réalisée lors de sa dépose. Dans les cas de fentes bilatérales nécessitant une expansion des segments palatins latéraux tout en rétractant le prémaxillaire, Georgiade et Latham utilisent également un appareil fixé aux processus palatins par des vis sous anesthésie générale. Une tige inox de 7/10e mm de diamètre est insérée à travers le vomer juste devant la suture voméroprémaxillaire et tractée par une chaînette élastique (force : 80 g par côté). En 2 à 3 semaines d’activation quotidienne, le prémaxillaire est positionné entre les segments palatins sans ventroflexion et permet l’alvéolopériostéoplastie [6, 44] (Fig. 25, 26). D’après Millard et Latham, ce procédé permet également l’avancée des segments palatins positionnés postérieurement car ayant perdu leur « impulsion » de croissance en étant détachés
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État général du nouveau-né • Connaissance des malformations associées (au niveau vertébral…), afin de prévenir tout problème lors de la prise d’empreinte mais aussi lors du port de la plaque. • Connaissance du tonus du nouveau-né, d’éventuels troubles de la ventilation. Les problèmes d’apnée réflexe lors de la prise d’empreinte se produisent surtout chez des nourrissons hypotoniques. Les enfants porteurs de la séquence de Pierre Robin, selon le degré d’atteinte, peuvent présenter des troubles graves de la ventilation du fait de la glossoptôse. Comportement psychologique des parents
Figure 25. Appareil de traction orthopédique utilisé dans les fentes bilatérales [29].
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Lorsque les parents se sentent concernés par le traitement que doit subir l’enfant, une surveillance lors du traitement orthopédique préchirurgical peut leur être confiée avec l’assurance d’obtenir des résultats. En revanche, le traitement préchirurgical sera compromis lorsque les parents, et en particulier la mère, semblent rejeter le nourrisson du fait de son anomalie. La symbiose chirurgien, spécialiste de prothèse maxillofaciale, parents (mère) est une notion essentielle, quant au résultat, dans ce type de traitement. La collaboration des parents est d’autant mieux acquise que l’intérêt de l’orthèse leur est expliqué.
Évaluation clinique Examen exobuccal • Aspect de la face en général : forme ; nez, oreilles, yeux, bouche, cheveux, pilosité, revêtement cutané ; • Aspect de la bouche et des lèvres ; C aspect de la lèvre : fendue ou non ; largeur et forme de la fente ; palpation des lèvres ; tonicité des lèvres ; succion de la lèvre inférieure ; présence de fistules ; C appréciation de l’ouverture buccale. • Habitudes pernicieuses du nourrisson : mouvements de la langue ; succion du pouce. Examen endobuccal
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Figure 26. Appareil de Latham en coupe frontale d’après Bitter.61. Os palatin ; 2. septum nasal ; 3. maxillaire ; 4. muqueuse palatine ; 5. gencive ; 6. appareil orthopédique en résine acrylique ; 7. fente pour broche transfixiante.
du septum nasal qu’ils pensent être la force de croissance du complexe maxillaire. Berkowitz [4] estime en revanche que ces segments ne sont pas rétropositionnés.
■ Prise d’empreinte et confection de la plaque Examen clinique [39] Cette étape essentielle consiste en un recueil de données d’ordre général et local, préalable indispensable à la réalisation de l’empreinte et à la confection des plaques palatines. L’observation clinique en prothèse ne consiste pas seulement en un relevé topographique des régions ou zones anatomiques concernées. Il va surtout s’agir, par l’observation et la palpation, de déterminer les éléments favorables ou défavorables à la réalisation d’une prothèse.
Renseignements d’ordre général Le praticien prend connaissance des éléments suivants.
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Classification de la fente. Elle peut concerner le palais primaire, le palais secondaire ou les deux. Il existe naturellement une grande diversité de formes intermédiaires. Examen particulier du maxillaire. • Prendre connaissance des dimensions et du degré de déformation, de la présence éventuelle de bandes de Simonart. • Juger de l’état de la muqueuse de recouvrement. • Rechercher la présence d’une dent natale. • Observer la forme des fragments latéraux, du bourgeon médian (dans le cas de divisions labiomaxillaires complètes bilatérales). • Apprécier, à l’aide d’un bon éclairage et d’un abaisse-langue : C a hauteur et les reliefs des crêtes ; C les vestibules : profondeurs, insertions des freins et brides musculaires ; C la limite entre palais dur et mou ; C les berges de la fente (versants externe et interne) ; C la largeur de la fente ; C la présence d’une dent natale. • La palpation viendra confirmer ou infirmer l’examen visuel et apporter des éléments supplémentaires. Examen de la langue. • Au repos : sa forme ; son volume ; sa position : dans la séquence de Pierre Robin, la glossoptôse est certainement majorée par l’intensité du rétrognathisme. • Lors de la tétée, le mode de déglutition : le réflexe de succiondéglutition est altéré dans la triade de Pierre Robin ; fausses routes ; reflux.
Prise d’empreinte L’empreinte est réalisée de la façon suivante. Stomatologie
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À l’état vigile, sans anesthésie locale ou générale [7, 12, 17, 25, 37, 39] La réalisation de tels actes est disproportionnée par rapport au risque encouru par l’enfant lorsque toutes les précautions sont respectées. De plus, l’enfant à l’état vigile modèle par ses mouvements faciaux et mandibulaires les limites de l’empreinte. Très souvent, le réflexe de succion se déclenche lorsque le porteempreinte est placé en bouche.
En l’absence des parents Les parents peuvent être impressionnés par cet acte médical, en particulier chez le nouveau-né lors de la première empreinte qui peut avoir lieu dans les premières heures de vie si la cheiloplastie n’est pas réalisée en période néonatale. Par la suite, leur présence est positive pour l’enfant qui est rassuré et éventuellement distrait durant le temps de prise du matériau.
Sous surveillance oxygénothérapique
Figure 27. Prise d’empreinte à l’état vigile avec un porte-empreinte garni de polyvinylsiloxane.
Il est important, lors de la prise d’empreinte, de prévoir un arrêt respiratoire avec ses conséquences souvent dramatiques. Parmi ces précautions, il est nécessaire que la prise d’empreinte soit réalisée dans le service de néonatologie ou de pédiatrie équipé : • d’une source d’oxygène et éventuellement d’un appareil de mesure de la saturation en O2 ; • d’une aspiration chirurgicale. La présence d’un anesthésiste est souhaitable. On peut faire respirer de l’oxygène pur à l’enfant 3 minutes avant la prise d’empreinte, afin de prévenir toute apnée réflexe liée à une irritation des fosses nasales et en raison du laps de temps nécessaire à une intubation trachéale.
À l’aide d’un élastomère de silicone (polyvinylsiloxane) En l’absence de porte-empreinte, il est recommandé d’utiliser un matériau : • lourd : il reste sous le contrôle entier du praticien et ne coule pas dans les zones inaccessibles. Certains préconisent un rebasage au matériau fluide, [12] d’autres s’en abstiennent, arguant le manque d’intérêt des détails tissulaires [7] ; • polymérisant par condensation : permet de faire varier le temps de prise et en l’occurrence de l’accélérer en augmentant les proportions de catalyseur. Ce silicone se laisse manipuler aisément et peut être introduit dans la cavité buccale sans porte-empreinte, simplement soutenu avec les doigts ou par un abaisse-langue sur lequel on aura pris soin de noter la profondeur d’introduction. [12] En revanche, lorsque nous disposons d’un porte-empreinte adapté, l’utilisation d’élastomères de silicone de moyenne viscosité autorise un enregistrement plus fin et moins compressif des surfaces ostéomuqueuses (Fig. 27, 28, 29). Ce matériau, de par ses propriétés élastiques, permet le passage des zones de contre-dépouille sans déchirement, à la différence des hydrocolloïdes irréversibles. Un autre avantage des élastomères de silicone réside dans leur stabilité dimensionnelle qui nous permet de couler deux modèles à partir d’une même empreinte. [7] Nous bénéficions ainsi d’un modèle de travail et d’un modèle d’étude utile pour une étude longitudinale comparative. [17] L’empreinte a pour objectif l’enregistrement suffisant : • des surfaces à recouvrir ; • des crêtes alvéolaires ; • des vestibules ; • des berges de la fente (avec une légère pénétration dans la communication) ; • du bourgeon médian pour le cas de fentes labiomaxillaires bilatérales complètes. L’enfant est placé sur la table d’examen en décubitus dorsal, sauf dans les cas de séquence de Pierre Robin où il est en décubitus latéral, voire ventral, pour ne pas aggraver glossoptôse et troubles respiratoires. Une infirmière ou un parent maintient Stomatologie
Figure 28.
Empreinte d’une fente unilatérale totale.
Figure 29.
Tétée aussitôt après la pose.
ses bras et le rassure par la voix. Le praticien malaxe la base et le catalyseur dans des proportions environ triplées par rapport à la normale.
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Figure 31.
Figure 30.
Plaque passive sur le modèle d’une fente unilatérale totale.
En l’absence de porte-empreinte, le praticien insère le matériau à empreinte avec les doigts (index et médius) ; il peut ainsi juger des pressions à exercer et contrôler l’envahissement du matériau. En règle générale, la confection d’un porteempreinte individuel à partir de cette première empreinte est nécessaire. Il sera alors encollé et garni d’élastomère de silicone de moyenne viscosité, non fluide. Dichamp [12] propose de s’aider d’un abaisse-langue pour soutenir l’élastomère de silicone. Cette première empreinte lui sert de pseudo-porte-empreinte individuel qu’il rebase à l’aide d’un matériau plus fluide. Au fur et à mesure de l’augmentation du nombre d’enfants traités par orthèses, le nombre de modèles de travail s’accroît et de plus en plus de formes cliniques sont représentées. Des porteempreintes sont régulièrement confectionnés à partir de ces multiples modèles et il est rare qu’aucun d’entre eux ne convienne lorsqu’un nouveau petit patient se présente. Ces porte-empreintes autorisent l’utilisation d’une moindre quantité de matériau de consistance « semi-lourde ». L’enfant doit pouvoir pleurer, signe que le matériau n’obstrue pas les voies respiratoires. [7] L’empreinte est retirée et examinée. La cavité buccale de l’enfant est contrôlée à la recherche d’un éventuel fragment de matériau à empreinte déchiré. L’empreinte est coulée afin d’obtenir un modèle en plâtre à partir duquel la plaque est réalisée.
Étape de laboratoire (plaque passive) L’empreinte est coulée en plâtre dur ; après comblement des zones de contre-dépouille et de la fente à la cire afin de restaurer l’anatomie du palais et des remparts alvéolaires, le modèle est enduit de séparateur et la plaque palatine est réalisée en résine autopolymérisable Orthoresin® (Dentsply Detrey) en saupoudrant le modèle de poudre de méthacrylate de méthyle puis en la saturant de liquide de monomère. Afin de limiter les porosités et la quantité de monomère résiduel, le modèle est placé dans de l’eau chaude sous 2 bars de pression durant 10 minutes. Cette technique est simple et rapide. L’épaisseur doit être uniforme, les contours de la plaque respectent les freins et brides. La plaque est méticuleusement polie et les bords sont parfaitement arrondis. La couleur rosée du monomère la colore légèrement et permet aux parents de la retrouver plus facilement si l’enfant l’expulse (Fig. 30, 31).
Entretien et surveillance La plaque est portée en continu, 24 heures sur 24. Elle est déposée deux à trois fois par jour et brossée avec de l’eau tiède
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Orthèse en bouche.
Figure 32.
Plaque évidée en regard des incisives.
et du savon. La cavité buccale du nourrisson est nettoyée quotidiennement à l’aide d’une compresse imbibée d’une solution d’eau et de bicarbonate de soude afin d’éviter tout développement fongique. Lors de la pose et des séances suivantes, les éventuels points de compression sont contrôlés, en particulier au niveau du frein labial. [21] La transparence de la résine aide à les visualiser. [3, 12, 37]
Dès la mise en bouche, l’enfant est invité à téter afin d’évaluer l’intégration fonctionnelle de la plaque, même si quelques jours d’adaptation sont parfois nécessaires. La plaque tient par succion et adhésion [17] au début du traitement, mais le recours à de la gomme adragante majore son efficacité en la maintenant précisément appliquée aux tissus sous-jacents de façon constante. [21] Ainsi, l’appareil ne gêne pas l’enfant par ses déplacements intrabuccaux et les parents ne s’inquiètent pas d’une éventuelle perte. La plaque est parfaitement tolérée dans la grande majorité des cas : l’enfant pleure quand il ne porte pas sa plaque plutôt que l’inverse ! Elle est renouvelée tous les 3 mois environ selon la croissance maxillaire de l’enfant et des perforations sont effectuées en regard des dents qui font leur éruption (Fig. 32).
■ Conclusion / discussion Historiquement, dans les années 1920 et 1930, la philosophie de traitement des chirurgiens consistait en la réparation précoce de la division labiomaxillaire en rétablissant une continuité anatomique le plus tôt possible. La plupart des chirurgiens, méconnaissant l’embryopathogénie du développement des fentes palatines et les bénéfices de la croissance faciale à long terme, ne reconnaissaient pas l’importance de la date du traitement par rapport à la croissance qui pouvait se révéler leur ennemie comme leur alliée. En réaction, dans les années 1950, Burston et McNeil ont introduit un traitement plus conservateur Stomatologie
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qui privilégiait la croissance et retardait la chirurgie pour limiter les conséquences cicatricielles sur la croissance. [4] Dans les années 1970, Georgiade et Latham mettent au point un appareil fixe qui permet un repositionnement rapide du prémaxillaire dans les cas très sévères de fentes bilatérales complètes et devant des résultats qui leur paraissent satisfaisants, ils appliquent plus largement ce type d’appareil. [6] Toutes ces techniques orthopédiques font l’objet d’études à long terme. Aujourd’hui, les plaques palatines sont préconisées par certains : [45, 50] Mishima, [32, 33, 34] lui, étudie l’effet des plaques décrites par Hotz dans les trois dimensions de l’espace. Il observe, dans les cas de fentes unilatérales complètes, [31, 33, 34] qu’elles induisent un degré de courbure des fragments palatins en direction de la cavité nasale moindre, une stimulation de la croissance qui résulte en un palais plus large, une prévention du collapsus de l’arcade après chirurgie de la lèvre et une croissance guidée dans le sens sagittal du petit fragment par rapport au grand fragment dans les fentes unilatérales totales. Le déplacement induit par la plaque est maximal durant les premiers mois de vie. Kozelj [21, 22] insiste sur l’importance de la respiration nasale qui permet une croissance normalisée de l’étage moyen de la face. Les plaques passives participent à la correction de la déformation du septum nasal et rendent possible l’obtention de dimensions d’arcade similaires à celles d’enfants sains. Le recours aux plaques palatines sous-tend une participation active des parents dans le traitement. C’est un moyen efficace de dédramatiser la situation, de reprendre confiance après le choc initial, mais ceci implique des rendez-vous fréquents et réguliers qui peuvent devenir lourds si leur lieu de résidence est éloigné du centre de soins. Les orthèses sont largement décriées par d’autres : Talmant pense qu’une plaque ne changera pas de façon durable la déformation maxillaire présente à la naissance, reflet de l’équilibre musculaire installé depuis la rupture de l’enveloppe faciale. Selon lui, la meilleure orthopédie est celle des muscles de la lèvre et du voile reposés anatomiquement en minimisant la rançon cicatricielle et en préservant la perméabilité des fosses nasales. [46] Une comparaison de six protocoles internationaux [43] montre de moins bons résultats avec les appareils actifs. D’autre part, les deux meilleurs résultats sont obtenus sans recours à un traitement orthopédique. Berkowitz [4] décrit les conséquences à long terme de l’appareil orthopédique de Latham, qui ne conduirait pas à un développement harmonieux du palais et de la face. En fait, les calendriers thérapeutiques et les techniques et séquences chirurgicales (palatoplastie en un ou deux temps) variant d’un centre à l’autre, il devient très complexe d’évaluer et de comparer objectivement les bénéfices des mesures orthopédiques préopératoires, qui ne constituent qu’une part du traitement. [5, 17, 26, 42, 48] Des études randomisées ont été menées à partir de certains protocoles : Chan [9] montre que l’utilisation d’appareils orthopédiques fixes actifs (appareil de Latham) n’affecte pas les relations interarcades chez des préadolescents en comparaison avec des enfants non traités orthopédiquement. Prahl [40] étudie l’action des plaques passives et ne retrouve pas d’effet de prévention sur le collapsus des fragments palatins. L’évaluation des résultats doit prendre en considération la croissance, l’esthétique, l’occlusion, l’audition, la phonation, qu’il faut mettre en rapport avec la situation initiale anatomique et fonctionnelle. [17] Le traitement orthopédique préopératoire est certes très controversé, mais les effets bénéfiques attendus à court, moyen et long termes ne sont pas identiques selon les équipes soignantes. Il reste difficile de faire la part des choses entre l’action conjuguée de la chirurgie, du traitement orthopédique, du degré des dysfonctions au niveau de la respiration, de la succion, de la déglutition induisant des effets adverses sur le développement, du polymorphisme initial des fentes, des potentialités de croissance variables d’un individu à l’autre. [43] Un chirurgien expérimenté opérant selon un protocole identique un même type de fente peut obtenir des résultats très différents d’un enfant à l’autre. [4, 17] Stomatologie
Les objectifs du traitement sont bien sûr la reconstruction des formes et le rétablissement des fonctions mais ils ne seront totalement atteints que si l’enfant puis l’adolescent et un jour l’adulte parvient à accepter sa singularité, cultiver sa différence, être heureux, « bien dans sa peau » et est intégré socialement.
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E. Noirrit-Esclassan, Assistante hospitalo-universitaire, praticien hospitalier. P. Pomar, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). R. Esclassan, Assistant hospitalo-universitaire, praticien hospitalier. UF de prothèse maxillofaciale, Centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31403 Toulouse cedex 4, France. B. Terrie, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, chef de la sous-section d’odontologie pédiatrique. Sous-section d’odontologie pédiatrique, Hôpital des Enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31300 Toulouse, France. P. Galinier, Praticien hospitalier. Service de chirurgie pédiatrique, Hôpital des Enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31300 Toulouse, France. V. Woisard, Praticien hospitalier, phoniatre. Service d’otorhinolaryngologie, Centre hospitalier universitaire Larrey, hôpital de Rangueil, 1, avenue du Professeur-Jean-Poulhes, 31000 Toulouse, France.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-066-B-52 (2004)
22-066-B-52
Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) C. P. E. E.
Bou Pomar Vigarios Toulouse
Résumé. – La face peut faire l’objet d’une mutilation suite à une perte de substance acquise ou congénitale. Elle peut être à l’origine d’une destruction de l’identité et entraîner certaines formes d’exclusion, nécessitant une reconstruction chirurgicale et parfois prothétique. La prothèse maxillofaciale se définit comme l’art et la science de la reconstruction artificielle du massif facial. La demande des patients pour ce type de prothèse est sans cesse croissante avec le développement de nouveaux matériaux et de nouvelles méthodologies et techniques. Le nouveau concept « conception et fabrication assistées par ordinateur » (CFAO) permet désormais de combiner les avantages de la méthode traditionnelle en prothèse maxillofaciale et le potentiel du prototypage rapide pour valoriser le temps et la qualité. Dès lors le praticien peut se concentrer sur sa tâche principale, l’optimisation dans la création individuelle de la prothèse faciale. La prothèse maxillofaciale avec ce nouveau concept CFAO doit prendre sa place en médecine du fait de l’ensemble des réhabilitations qu’elle apporte tant sur le plan esthétique que psychologique, mais aussi et surtout fonctionnel. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Prothèse maxillofaciale ; CFAO ; Réhabilitation maxillofaciale ; Prototypage rapide
Introduction Nous proposons dans cet article une méthodologie de réalisation de prothèses maxillofaciales dans le cadre d’une conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO). Les progrès de l’imagerie médicale et des techniques informatiques nous permettent désormais de travailler les données médicales des patients et en particulier les images tomodensitométriques pour effectuer des reconstructions volumiques tridimensionnelles des structures anatomiques.
Épidémiologie Les pertes de substance réhabilitées par la prothèse maxillofaciale ont trois étiologies principales : carcinologique, traumatologique et congénitale. [1] ÉTIOLOGIE CARCINOLOGIQUE
Elle demeure l’étiologie prépondérante dans la réhabilitation en prothèse maxillofaciale. Une étude multicentrique dans différents pays montre que les tumeurs des voies aérodigestives supérieures (VADS) représentent 5 à 7 % de la totalité des cancers et demeurent pour certains pays un problème majeur de santé publique. [2, 3] En Europe, l’incidence des cancers de la cavité buccale est très variable, les taux d’incidence standardisés à l’Europe sont respectivement de 39,7 pour 100 000 hommes et de 4,9 pour 100 000 femmes. [4]
C. Bou (Attaché universitaire) Département santé publique-Informatique, faculté de chirurgie dentaire Bordeaux II, 16-20, cours de la Marne, 33082 Bordeaux cedex, France. P. Pomar (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) Adresse e-mail : [email protected] E. Vigarios (Assistant hospitalo-universitaire) E. Toulouse (Épithésiste universitaire) Équipe médicale de prothèse maxillofaciale, service d’odontologie, centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31062 Toulouse cedex, France.
Chez l’homme, la France présente les taux des cancers du tractus aérodigestif supérieur les plus élevés en Europe : deux fois supérieurs aux pays d’Europe du Sud, quatre fois supérieurs au Danemark et aux Pays-Bas. Chez la femme, la France se situe parmi les pays présentant les taux les plus importants avec le Danemark et les Pays-Bas. En France en 1995, les cancers de la lèvre, de la cavité buccale et du pharynx occupent en termes d’incidence, avec 10 882 cas estimés chez l’homme, la quatrième place après les cancers de la prostate, du poumon et les cancers colorectaux, et en termes de mortalité le quatrième rang avec 4 460 décès. De même, les variations d’incidence entre les départements couverts par un registre et l’estimation France entière sont importantes allant de : - 41 % (Tarn) à + 41 % (Bas-Rhin), supérieures aux écarts de mortalité variant de - 48 % (Tarn) à + 24 % (Calvados). Chez la femme, les écarts sont un peu plus faibles, l’incidence variant de –50 % (Tarn) à + 21 % (Bas-Rhin) et la mortalité de – 44 % (Tarn) à 16 % (Haut-Rhin). De façon plus générale, les taux départementaux de mortalité les plus élevés sont observés dans le nord-ouest et l’est du pays. Les taux départementaux les plus faibles restent cependant supérieurs aux taux européens. [5] ÉTIOLOGIE TRAUMATOLOGIQUE
L’amélioration de la sécurité de nos véhicules a entraîné une diminution de 70 % des traumatismes de la face lors d’accidents automobiles (AVP : accidents de la voie publique), alors que progressent les traumatismes maxillofaciaux liés à des rixes, agressions ou accidents de sports. En matière de traumatologie balistique, des cas complexes se présentent à la consultation, suite à des tentatives d’autolyse, et le profil psychologique particulier de ces patients sera à prendre en compte, en plus de la difficulté de la réhabilitation prothétique. La situation de la France au sein de la Communauté européenne n’est pas favorable en termes de suicides des jeunes. Que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, la France se situe en effet parmi les pays dont les taux de décès sont les plus élevés après la Finlande et l’Autriche. La majorité des
Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO)
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tentatives de suicide donnent lieu à un recours au système de soins. Celles-ci peuvent être estimées à environ 160 000 par an avec une fourchette comprise entre 130 000 et 180 000. La moitié d’entre elles donne lieu à l’intervention d’un médecin généraliste et sept sur huit à une prise en charge par les urgences, directement ou après le recours au médecin de ville. [6] ÉTIOLOGIE CONGÉNITALE
Les grands syndromes (du premier arc, de Franceschetti, otomandibulaire, de Pierre Robin) sont à l’origine d’agénésie du pavillon de l’oreille, de fente labioalvéolaire et/ou vélopalatine uniou bilatérale. [7] Devant la prise en charge aujourd’hui systématique des malformations congénitales dès la naissance, par une équipe multidisciplinaire obéissant à un calendrier thérapeutique bien codifié, les cas d’adultes relevant de la réhabilitation prothétique se font de plus en plus rares.
Figure 1
Prise d’empreinte faciale à l’alginate.
Conception d’une épithèse faciale GÉNÉRALITÉS
La réalisation d’une épithèse faciale nécessite de nombreuses séquences cliniques et de laboratoire. Le praticien devra montrer des qualités d’ordre thérapeutique, une maîtrise de la technique de laboratoire associée à un certain sens artistique ; l’expérience acquise prendra ici toute son importance. Afin de faciliter le travail du praticien dans la sculpture de la future prothèse par la méthode classique actuelle, un nouveau concept dit par « CFAO », faisant appel aux principes de l’imagerie médicale associés aux techniques du prototypage rapide, est proposé (Tableau 1).
Figure 2
Sur empreinte de plâtre.
Figure 3
Élaboration de la maquette en cire sur le modèle en plâtre.
MÉTHODE CLASSIQUE ACTUELLE
Elle comprend différentes étapes que nous décrirons de manière succincte car elle a été déjà évoquée précédemment. [8]
¶ Étape de la prise d’empreinte faciale La première étape est celle de la prise d’empreinte faciale à l’aide d’alginate. Elle nécessite une préparation psychologique du patient. En effet l’explication du déroulement de l’opération est indispensable pour rassurer et éviter toute crispation musculaire. L’alginate de consistance crémeuse est versée au niveau du front et de l’arête nasale, puis étalé progressivement, en évitant la formation de bulles, sur les zones voisines (orbitaires, jugales) en une couche régulière d’environ 1 cm d’épaisseur. Le patient respire par la bouche légèrement entrouverte (Fig. 1). Ensuite, du plâtre de type Snow-White est préparé et étalé sur l’alginate en commençant par le front, puis le centre du visage et enfin les bords, sur une épaisseur de 1 cm (Fig. 2). Cette empreinte faciale sera ensuite coulée en plâtre « dur » de consistance crémeuse en une couche homogène de 1 à 2 cm d’épaisseur. Tableau 1. Méthode classique
Méthode CFAO
Patient Imagerie (non exploitée) Empreinte faciale Moulage facial Maquette en cire Essayage Moule Coulée silicone Prothèse
Patient Imagerie (exploitée) CAO FAO Maquette en cire Essayage Moule Coulée silicone Prothèse
CFAO : conception et fabrication assistées par ordinateur ; CAO : conception assistée par ordinateur ; FAO : fabrication assistée par ordinateur.
2
¶ Confection de la maquette en cire Une fois le modèle en plâtre réalisé, la confection de la maquette en cire de la future prothèse comme une épithèse nasale peut être réalisée (Fig. 3), selon deux méthodes : – directe : la sculpture s’effectue par adjonctions successives de cire ramollie ; – indirecte : à partir d’un modèle en plâtre « donneur », une empreinte de l’organe à reconstituer est prise et investie de cire par enduction. – L’organe obtenu est ensuite adapté au maître-modèle par modelage, adjonction et suppression de cire.
¶ Mise en moufle de la maquette en cire Une fois la maquette en cire essayée sur le patient, son adaptabilité vérifiée, la mise en moufle de la maquette peut s’effectuer selon le principe de la cire perdue (Fig. 4). Classiquement le moule est constitué de deux contreparties, correspondant respectivement à l’intrados et à l’extrados de la prothèse. Ensuite on procède à la coulée du silicone après élimination de la cire.
Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO)
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Figure 4
Mise en moufle de la maquette en cire.
La prothèse en silicone est de nouveau positionnée sur le patient pour apprécier ses limites, ainsi que sa morphologie. Le maquillage final de la prothèse peut être réalisé ; pour cela vont être utilisés des pigments naturels et de la CAF et du cyclohexane, qui seront appliqués par couches successives. [9] MÉTHODE PAR CONCEPTION ET FABRICATION ASSISTÉES PAR ORDINATEUR
¶ Principe général Les progrès dans l’acquisition des données médicales et l’amélioration des techniques informatiques nous permettent désormais de travailler les images tomodensitométriques des patients pour effectuer des reconstructions virtuelles volumiques tridimensionnelles des structures anatomiques. [10, 11, 12] Dès lors l’exportation de ces images tridimensionnelles sous un format de fichier approprié va autoriser la fabrication de maquettes physiques 3D des pièces anatomiques. [13] Ce concept par CFAO comprend deux phases successives : – phase I : phase de conception assistée par ordinateur (CAO), phase de reconstruction et de simulation 3D ; – phase II : phase de fabrication assistée par ordinateur (FAO), phase de fabrication de la maquette à partir de machines de prototypage rapide.
¶ Phase de conception assistée par ordinateur Cette phase permet d’effectuer dans un premier temps la reconstruction informatique des structures anatomiques existantes, comme par exemple la perte de substance faciale ; et ensuite dans un second temps la simulation de la future épithèse à partir des informations recueillies préalablement. [14, 15] Phase de reconstruction 3D Les nouvelles technologies utilisées dans l’acquisition des données (scanner à acquisition spiralée ou imagerie par résonance magnétique [IRM]) [16] vont nous permettre de recueillir des informations de plus en plus précises avec des temps d’exposition moindres. [17, 18, 19, 20] (Fig. 5).
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Figure 5 Coupes axiale (A) et sagittale (B) de la région nasale dans le cas d’une amputation de la pyramide nasale. De même, la standardisation des formats de fichiers d’importation tomodensitométriques (ACR-NEMA/DICOM) associée à du matériel informatique sans cesse performant et l’utilisation de divers progiciels (C2000 / AMIRA) dans le traitement du signal et de l’image nous offrent la possibilité d’analyser et de segmenter les images scanner afin d’obtenir des reconstructions surfaciques ou volumétriques tridimensionnelles. [21, 22, 23, 24] En fonction de la nature de la perte de substance, nous choisirons une reconstruction isosurface pour une perte de substance faciale (nasale, oculopalpébrale, auriculaire, faciale) (Fig. 6A, B, C), et une reconstruction volumique pour une perte de substance endobuccale (communication nasobuccale par exemple) (Fig. 7). Une fois la reconstruction anatomique 3D exécutée, l’exportation du fichier est effectuée sous un format de « maillage » (.DXF / .STL …) qui puisse être reconnu par le logiciel de simulation 3D afin de concevoir la future prothèse (Fig. 8). Phase de simulation 3D L’utilisation de logiciels qui sont des modeleurs graphiques va nous permettre de modéliser aussi bien en polygones qu’en non uniform rational Bézier-Spline (NURBS) les futures prothèses maxillofaciales. [25] De nombreux outils transforment les courbes en surfaces qui peuvent être déformables à volonté. Les différentes méthodes de lissage obéissant à la géométrie dynamique, les opérations booléennes, la tesselation ou la décimation sont des outils qui vont nous permettre de concevoir le contour et le volume de ces maquettes (Fig. 9, 10). Une fois la pièce prothétique réalisée, le fichier est exporté selon le format .stl pour pouvoir être lu par les différents types de machines de prototypage rapide.
¶ Phase de fabrication assistée par ordinateur L’évolution de la technologie concernant le prototypage rapide permet désormais de standardiser la fabrication de maquettes Figure 6
Reconstruction isosurface cutanée dans le cas d’une perte de substance nasale.
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Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO)
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effectuées en résine selon le principe de la stéréolithographie (faisceau laser qui va polymériser la résine couche par couche). [30, 31, 32, 33, 34, 35]
L’inconvénient majeur de ce prototypage pour la prothèse maxillofaciale est la difficulté d’éliminer la résine lors de la mise en moufle du modèle. [36, 37, 38] Une autre méthode de prototypage existe ; il s’agit du procédé de fabrication d’objets par jet de gouttes sur demande (drop-on-demand inkjet). L’avantage de cette technique est d’utiliser un matériau avec un point de fusion de 90° à 113°, donc très intéressant dans la technique de la cire perdue. Un logiciel décompose le modèle CAO 3D (.stl) de la pièce anatomique en un ensemble de couches élémentaires 2D, correspondant à la coupe transversale. Figure 7
A. Afin de diminuer la taille du fichier informatique, une reconstruction de la seule région d’intérêt sera effectuée. B. Reconstruction isosurface cutanée dans le cas d’une perte du pavillon de l’oreille. C. Reconstruction volumique d’une communication bucconasale après maxillectomie.
physiques dans le domaine médical et plus particulièrement chirurgical pour faciliter le diagnostic et simuler certaines interventions complexes. [26, 27, 28] Après l’utilisation de machines-outils trois ou cinq axes, [29] la majorité des reconstructions anatomiques physiques actuelles sont
Les prothèses sont fabriquées par un procédé d’impression de jet de gouttes couche par couche. Deux têtes d’impression, déplacées par un chariot mobile dans un plan x-y, déposent deux matériaux à bas point de fusion sous forme de gouttes sur un matériau de support collé sur la plate-forme. La maquette est construite par superposition successive de couches, à partir de celle du bas, selon les sections horizontales du modèle CAO 3D (Fig. 11A, B, C). Une fois la maquette réalisée, elle sera essayée et adaptée sur le patient, pour être ensuite transformée en silicone selon la technique de la cire perdue (Fig. 12). Figure 8
Transformation de la perte de substance nasale en facettes selon la norme DXF.
Figure 9 Modélisation d’une épithèse nasale (A, B).
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Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) Figure 10
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Modélisation d’une épithèse auriculaire (A, B).
Figure 11
A. Maquette de la communication bucconasale. B. Maquette en cire d’une épithèse nasale. C Maquette en cire d’une épithèse de l’oreille.
traitement du patient doivent reposer sur une équipe médicale multidisciplinaire, dont le seul objectif est de permettre une réhabilitation globale de qualité de vie du patient. En effet, le chirurgien doit connaître les limitations, les principes biomécaniques de ces prothèses maxillofaciales afin de synchroniser le geste chirurgical à la future réhabilitation prothétique qui va suivre. Un avantage majeur de la prothèse maxillofaciale est de permettre une surveillance carcinologique. Les récidives des cancers des VADS variables selon les auteurs (7,5 % selon Marchetta ou 14 % selon Vikram) [40, 41] soulignent l’importance du praticien dans leur détection. En effet, ce dernier, au cours du suivi de la réhabilitation prothétique, de sa maintenance, pourra observer toute modification tissulaire qui pourrait sembler anodine chez le patient.
Figure 12
Réalisation finale d’une épithèse nasale (A, B).
Discussion L’amélioration des techniques chirurgicales d’exérèse et de reconstruction entraîne une situation paradoxale. La France présente l’incidence la plus élevée des cancers des VADS en Europe ; la prise en charge chirurgicale des patients est satisfaisante, cependant, la mutilation faciale induite postchirurgicale entraîne fréquemment l’exclusion du patient de la société, alors que cette dernière a mis tout en œuvre pour le traiter et le sauver. [39] La réhabilitation par prothèse maxillofaciale demeure une alternative incontournable et repose sur une symbiose chirurgicoprothétique des différents acteurs. Le diagnostic et le
Il est indéniable que la prothèse maxillofaciale contribue de manière significative dans l’amélioration de la qualité de vie des patients présentant une perte de substance faciale ou endobuccale. [42, 43, 44] ; patients qui présentent souvent des caractéristiques communes, un passé alcoolotabagique, des conditions socioéconomiques précaires, et face au defect, une détresse psychologique plus importante comparativement à d’autres patients présentant d’autres types de tumeurs. [45, 46, 47] Des efforts substantiels doivent être entrepris pour restaurer dès que possible le patient à la fois sur le plan fonctionnel et esthétique afin qu’il puisse mener une vie normale dans la société. [48] Cette nouvelle méthodologie par CFAO va permettre, chez ces patients affaiblis, d’éviter la prise d’empreinte faciale parfois angoissante pour le patient, difficile pour la praticien et présentant parfois des risques de fuite de matériaux dans les cavités naturelles. Ce concept CFAO en prothèse maxillofaciale permet également, à partir d’une base de données d’examens tomodensitométriques de patients, ou d’acquisition laser de surface, de proposer au patient 5
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Prothèse maxillofaciale et conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO)
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différentes simulations de sa future épithèse, afin qu’il puisse faire lui-même un choix ou avec l’aide de son entourage.
Conclusion
Malheureusement, ces prothèses en silicone ont une durée de vie limitée dans le temps ; il est désormais possible, grâce aux systèmes de sauvegarde, de réaliser de manière rapide une nouvelle prothèse à l’identique de la précédente, avec un gain de temps non négligeable, car les étapes préalables ne sont plus nécessaires.
Grâce à cette nouvelle méthodologie par CFAO, l’étape de conception au laboratoire de la maquette en cire et de la réhabilitation prothétique d’une manière générale se trouve facilitée, permettant ainsi de répondre à la dialectique de la satisfaction des besoins, que ce soit pour les différents prestataires de services ou mieux pour les patients.
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6
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Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques O. Bentahar, P. Pomar, S. Fusaro, F. Benfdil, A. Aguenaou, A. Abdedine Les résections des maxillaires induisent des séquelles fonctionnelles et esthétiques parfois très lourdes, avec tout le retentissement psychologique que l’on peut imaginer ; ce qui suppose une prise en charge appropriée et une coopération active d’une équipe multidisciplinaire. Malgré l’évolution des techniques chirurgicales de reconstruction et l’essor de la microchirurgie, la prothèse obturatrice conventionnelle reste encore d’actualité. Dans ce contexte, elle se doit de restaurer les principales fonctions de mastication, de phonation et de déglutition et de redonner au patient un aspect esthétique satisfaisant. Elle comporte comme avantage en cancérologie la possibilité d’une surveillance beaucoup plus facile. Les pertes de substance des maxillaires sont caractérisées par leurs aspects très polymorphes. Ceci a une grande répercussion sur la nature de l’appareillage. Par conséquent, il nous semble indispensable de proposer une nouvelle classification à visée prothétique qui tienne compte des inconvénients des classifications existantes et qui aidera pour optimiser la prise en charge. Enfin nous allons aborder la réhabilitation prothétique en fonction de cette classification proposée. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Prothèse obturatrice ; Perte de substance des maxillaires ; Maxillectomie ; Prothèse maxillofaciale ; Réhabilitation prothétique
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Terminologie
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¶ Étiologies Cancérologie Traumatologie Infectiologie Pertes de substance maxillaires congénitales Iatrogénie
2 2 2 3 3 3
¶ Classifications Classification de Benoist Classification d’Aramany Classification de Devauchelle Proposition de classification
3 3 3 3 3
¶ Conséquences Troubles fonctionnels Problèmes infectieux Altérations esthétiques Répercussions psychologiques et relationnelles
5 5 6 6 6
¶ Prothèses obturatrices Prothèse obturatrice immédiate Prothèse obturatrice semi-immédiate Prothèse obturatrice transitoire Prothèse obturatrice d’usage
6 7 8 8 9
¶ Perspectives
11
¶ Conclusion
11
Stomatologie
Les pertes de substance des maxillaires (PDSM) sont dans la plupart des cas la conséquence de l’exérèse des tumeurs des voies aérodigestives supérieures (VADS) localisées au niveau de l’étage moyen de la face. Plus rarement, les traumatismes ou les infections peuvent en être la cause. Les séquelles de la chirurgie d’exérèse du maxillaire sont mutilantes tant au plan anatomique, esthétique, psychologique que fonctionnel. La reconstruction chirurgicale étant le plus souvent délicate, la réhabilitation prothétique s’efforce de répondre, à divers degrés, à des impératifs anatomiques, fonctionnels et esthétiques souvent difficilement conciliables. Les objectifs de la prise en charge des PDSM sont : la réhabilitation des fonctions (respiration, phonation, mastication et déglutition), le rétablissement de l’esthétique et l’intégration sociale ; ceci suppose une collaboration étroite au sein d’une équipe multidisciplinaire [1]. Historiquement, les véritables tentatives de construction d’une prothèse obturatrice sont créditées à Ambroise Paré qui, en 1564, décrivit dans son traité « Dix livres de chirurgie avec le magasin des instruments nécessaires à icelle », un obturateur fait de matière d’or et d’argent auquel est attachée une éponge qui assure la rétention en se gonflant sous l’action de l’humidité. Assurément, Ambroise Paré n’était pas le premier à réaliser des pièces obturatrices, mais il fut le premier à utiliser le terme obturateur et à les décrire et les illustrer. Il est considéré comme le père de la prothèse maxillofaciale. Claude Martin, en 1875, proposa une prothèse obturatrice immédiate et donna une nouvelle dimension à la prothèse maxillofaciale [2, 3]. Le but de cet article est d’illustrer la stratégie prothétique en tenant compte des facteurs anatomiques et du temps chirurgical.
1
22-066-B-58 ¶ Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques
■ Terminologie Une PDSM peut être définie comme étant une solution de continuité tissulaire entraînant ou pas une communication de la cavité buccale avec les sinus maxillaires et/ou les fosses nasales. La séparation de ces cavités nécessite la mise en place d’une prothèse obturatrice.
“
À retenir
Une PDSM peut intéresser, dans le sens vertical, différents niveaux • infrastructure : gencive, palais et voile ; • mésostructure : cavité nasale et la partie centrale ; • suprastructure : cadre orbitaire.
La résection chirurgicale de l’os maxillaire, geste courant dans le traitement chirurgical des tumeurs essentiellement malignes du maxillaire, est qualifiée par le terme maxillectomie. La maxillectomie partielle consiste à enlever une partie de l’os maxillaire. La maxillectomie totale désigne l’ablation de tout le maxillaire. Elle peut être uni- ou bilatérale. Malheureusement, le terme maxillectomie est largement utilisé d’une façon impropre en désignant des situations cliniques confuses, alors que stricto sensu, le terme maxillectomie est défini comme étant une résection radicale d’un des deux os maxillaires. La prothèse obturatrice est un dispositif artificiel de remplacement destiné à assurer la fermeture étanche d’une communication bucconasale et/ou buccosinusienne, qu’elle soit d’origine congénitale, traumatique, tumorale ou infectieuse ; le but étant de rétablir une fonction et un profil esthétique normaux [4-6].
■ Étiologies Durant ces trois dernières décennies, les étiologies des PDSM n’ont pas changé ; seule leur fréquence s’est modifiée essentiellement en cancérologie du fait du dépistage précoce et des progrès de la radiothérapie externe et de la chimiothérapie.
Cancérologie En prothèse maxillofaciale, elle reste l’étiologie la plus prépondérante, tout en signalant que les tumeurs des VADS représentent entre 5 et 7 % de la totalité des cancers [7]. Les tumeurs malignes les plus fréquentes au niveau de la voûte palatine et des gencives maxillaires sont sans aucun doute les carcinomes épidermoïdes (Fig. 1). Les tumeurs bénignes (myxomes, kystes) sont rares mais peuvent dans certains cas être localement très agressives (Fig. 2) ; leur traitement chirurgical aboutit à des PDSM considérables. Malgré l’évolution des thérapeutiques médicales et physiques en cancérologie maxillofaciale, l’exérèse chirurgicale reste le plus
Figure 2. Myxome du maxillaire. C’est une tumeur bénigne caractérisée par un fort potentiel d’infiltration locale.
Figure 3. Perte de substance maxillofaciale induite par une tentative de suicide par arme à feu.
souvent le traitement d’appoint des tumeurs aussi bien bénignes que malignes. Les procédés de reconstruction chirurgicale sont malheureusement limités, car mises à part les répercussions d’une radiothérapie ultérieure possible, la réussite est souvent aléatoire et la surveillance carcinologique indispensable ne peut être menée aisément [8-10].
Traumatologie En traumatologie maxillofaciale, les PDSM peuvent faire suite à des accidents du travail, de la voie publique (AVP), domestiques ou sportifs. On parle de la traumatologie civile [11]. La traumatologie de guerre et/ou balistique (tentatives d’autolyse et d’homicide) peut aboutir à des PDSM complexes d’autant plus que les projectiles des armes modernes sont de plus en plus petits mais avec une vélocité importante entraînant des délabrements complexes (Fig. 3). Il faut noter que dans ce cas, la reconstruction chirurgicale est souhaitable lorsqu’elle promet des résultats acceptables. Malheureusement, cela n’est pas toujours possible, ce qui confronte les spécialistes en prothèse maxillofaciale à une réhabilitation prothétique avec des difficultés techniques (PDSM anfractueuses et irrégulières) et des profils psychologiques particulièrement exigeants et difficiles à gérer [12, 13]. Figure 1. Perte de substance d’origine carcinologique. A. Carcinome épidermoïde localisé au niveau du maxillaire droit. B. Aspect postopératoire. L’exérèse chirurgicale a entraîné une communication bucco-naso-sinusienne.
2
Stomatologie
Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques ¶ 22-066-B-58
pouvant bénéficier de traitements similaires. Toute classification suggérée doit avoir un intérêt pratique, permettant l’amélioration des concepts de réalisation en se servant de la recherche clinique (comparaison des résultats obtenus par différentes techniques). D’autre part, elle doit permettre pour le praticien une orientation thérapeutique. Dans ce chapitre, nous rappelons les principales classifications existantes en discutant de leurs inconvénients et avantages. Enfin, nous proposons une classification qui nous paraît répondre au double intérêt : pratique et adaptée à la réalité clinique.
Classification de Benoist [22]
Figure 4. Fente labio-alvéolo-palatine unilatérale.
Ces traumatismes peuvent être responsables directement des PDSM par disparition d’un segment osseux ou indirectement par dévascularisation retardée suivie d’élimination de séquestres osseux.
Infectiologie La mise au point puis les progrès de l’antibiothérapie ont fait que les infections mutilantes sont de plus en plus exceptionnelles ; mais elles peuvent réapparaître dans certaines conditions. Des infections d’origine hématogène spécifiques (attribuées à un germe exogène bien spécifique) ou non spécifiques (dues à des germes de la cavité buccale) peuvent être à l’origine de PDSM. Nous ne ferons que citer les exemples des kystes, de l’actinomycose, de la syphilis, de la tuberculose, des infections mycosiques (notamment chez des patients immunodéprimés) ou encore du noma [14-17].
Pertes de substance maxillaires congénitales Les divisions labio-alvéolo-palatines constituent une dysmorphose congénitale due à des anomalies de fusion des bourgeons faciaux. Un défaut d’accolement des bourgeons faciaux, maxillaire et frontonasal entraîne des fentes labioalvéolaires (Fig. 4). Les fentes vélopalatines sont déclenchées quand ce défaut affecte les processus palatins des bourgeons maxillaires et du septum nasal. L’association des deux entités polymalformatives n’en reste pas moins fréquente mais non systématique. Ces pertes de substance entrent dans le cadre de la prothèse vélopalatine et sont actuellement beaucoup moins fréquentes du fait de la prise en charge précoce. Il faut juste noter que si les cas des adultes présentant des fentes faciales et relevant de la réhabilitation maxillofaciale sont de plus en plus rares dans les pays développés, il n’est pas de même dans les pays en développement où l’on voit encore des fentes non prises en charge. Ces PDSM ne font pas l’objet de cet article, vu que leur prise en charge fait appel à des techniques et à un tableau chronologique bien spécifiques [18].
Iatrogénie Il s’agit de PDSM rares induites par l’ostéoradionécrose [19] (observée le plus souvent au niveau mandibulaire, la localisation maxillaire étant plus rare), exceptionnellement aujourd’hui par les dérivés arsénieux [20] et malheureusement par le traitement par les biphosphonates [21].
Elle divise les PDSM en : • petites quand la taille de la communication ne dépasse pas le quart de la voûte palatine ; • grandes quand l’étendue dépasse le quart. C’est une classification qui est simple, didactique et qui reste largement utilisée par les praticiens ; son inconvénient principal étant le manque de renseignements sur la denture et la topographie de la PDSM. D’autant plus que c’est une classification ancienne qui date des années 1970. Pour plus de précision, elle a été par la suite modifiée en rajoutant une classe des moyennes PDSM dans le cas d’une étendue intermédiaire [23].
Classification d’Aramany [24] Aramany, en 1978, propose une classification des PDSM (Fig. 5) postchirurgicales et le concept de réhabilitation pour chaque classe [25]. • Classe I : maxillectomie unilatérale classique. • Classe II : le prémaxillaire du côté réséqué est maintenu. • Classe III : la perte de substance intéresse la région centrale du palais dur et peut atteindre une portion du voile ; les dents sont habituellement préservées. • Classe IV : résection totale du prémaxillaire et s’étendant sur tout un côté. • Classe V : les dents antérieures sont conservées. Les dents postérieures, le palais dur correspondant et plus ou moins une portion du voile sont réséqués. • Classe VI : la perte de substance siège dans la partie antérieure du maxillaire. Cette classification a apporté des progrès considérables à la conception de la prothèse obturatrice. Elle est de loin la classification la plus utilisée dans les pays anglo-saxons. Ses principaux inconvénients résident dans le fait qu’elle ne prend pas en considération la composante verticale du délabrement osseux et se limite aux PDSM chez l’édenté partiel.
Classification de Devauchelle [26] Devauchelle, en 1993, propose une classification (Fig. 6) selon la taille, la profondeur et la topographie des lésions : • type I : perte de substance intéressant la voûte palatine et respectant l’arcade alvéolodentaire (Ia : localisation antérieure, Ib : localisation postérieure) ; • type II : perte de substance emportant l’arcade alvéolodentaire (IIa : au niveau du bloc incisivocanin, IIb : latéralement) ; • type III : perte de substance d’un hémipalais ; • type IV : perte de substance totale. En fait, c’est une classification orientée essentiellement vers la reconstruction chirurgicale et donc peu utilisée en prothèse maxillofaciale.
Proposition de classification
■ Classifications En pratique quotidienne, le prothésiste maxillofacial est confronté à des PDSM polymorphes, ce qui a poussé certains auteurs à proposer des classifications regroupant des cas voisins Stomatologie
Durant cette dernière décennie, des auteurs ont tenté d’établir des systèmes de classification intégrant les PDSM dans les trois dimensions de l’espace [27-30], mais sont pour la plupart à visée chirurgicale. De toutes ces classifications, il faut rappeler celle proposée récemment en 2005 par F. Boutault [31]. Elle repose sur
3
22-066-B-58 ¶ Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques
I
II
III
IV
V
VI
Figure 5. Classification des pertes de substance maxillofaciale proposée par Aramany en 1978.
Ia
Ib
II a
III
II b
IV
Figure 6. Classification de Devauchelle.
l’architecture osseuse, dont le but est de constituer une aide à la décision de la reconstruction chirurgicale. Il nous paraît donc nécessaire de proposer une classification qui nous renseigne non seulement sur la topographie du defect et l’état de la denture mais aussi sur le pronostic de la réhabilitation prothétique. Dans le sens transversal, la PDSM est désignée par un chiffre romain. Chaque classe représente des subdivisions selon l’étendue dans le sens vertical. Ainsi, on désigne par les lettres i, m et s les atteintes correspondant respectivement à l’infrastructure, la mésostructure et la suprastucture du massif facial supérieur (Fig. 7). • Classe I : une PDSM médiale conservant l’arcade alvéolodentaire chez le denté ou l’édenté partiel et conservant l’arcade alvéolaire chez l’édenté complet. • Classe II : une PDSM encastrée. Elle peut intéresser le prémaxillaire (a) ou le secteur latéral (b) ; les dents postérieures ou la tubérosité maxillaire étant conservées. Le fait que la cavité d’exérèse soit délimitée par des éléments anatomiques
4
susceptibles de participer à l’équilibre de la prothèse participe favorablement à améliorer le pronostic prothétique. • Classe III : ablation de tout l’hémipalais avec éventuellement résection de tout le prémaxillaire. • Classe IV : maxillectomie totale bilatérale. Pour les classes I, II et III, il faut préciser s’il s’agit d’un édenté partiel ou d’un édenté complet. Dans le sens vertical : • i (infrastructure) : en présence d’une communication bucconaso-sinusienne avec conservation de la corniche zygomatomalaire et de l’épine nasale antérieure ; • m (mésostructure) : quand la PDSM emporte la corniche zygomatomalaire et/ou l’épine nasale antérieure ; le plancher orbitaire étant conservé ; • s (suprastructure) : une PDSM intéressant la suprastructure avec résection du plancher orbitaire. Si l’ablation conserve le contenu orbitaire, une reconstruction par un lambeau est indispensable, sous peine d’exposer le patient à une énophtalmie majeure associée à une diplopie invalidante. Stomatologie
Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques ¶ 22-066-B-58
Figure 7. Classification proposée. i : infrastructure ; m : mésostructure ; s : suprastructure.
i
m
Classe I chez un denté
Classe IIa chez un édenté partiel
s
Classe I chez un édenté partiel
Classe IIb chez un édenté partiel
Classe I chez un édenté complet
Classe IIa chez un édenté complet
Classe III chez un édenté partiel
Classe IIb chez un édenté complet
Classe III chez un édenté complet
Classe IV
À titre d’exemple, la classe IIIs représente une maxillectomie unilatérale radicale, alors qu’une classe IVs désigne une maxillectomie bilatérale radicale.
“
À retenir
Il faut retenir que ces pertes de substance n’intéressent que le palais dur avec éventuellement une résection d’une partie du palais mou. Une perte de substance étendue du voile fait appel aux classifications et aux techniques de réhabilitation de la prothèse vélopalatine.
Stomatologie
■ Conséquences Les conséquences des PDSM dépendent de leur site et de leur étendue.
Troubles fonctionnels Il faut citer : • des difficultés d’élocution, par fuite de l’air expiré dans les fosses nasales. La voix devient nasonnée avec des paroles incompréhensibles [32] ; • l’alimentation devient très pénible par reflux des aliments et des liquides vers les fosses nasales (Fig. 8). Ce qui impose la mise en place d’une sonde gastrique pour une alimentation parentérale (Fig. 9) ;
5
22-066-B-58 ¶ Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques
Figure 8. Grande perte de substance entraînant comme conséquence le reflux des aliments et des liquides vers les fosses nasales. La fuite de l’air expiré dans la cavité rend la voix inintelligible. Figure 11. Troubles ophtalmologiques. Patient présentant en postopératoire des larmoiements de l’œil gauche suite à l’atteinte du sac lacrymal lors de la maxillectomie.
Figure 9. En l’absence d’une prothèse obturatrice, l’alimentation ne peut se faire que par voie parentérale en mettant en place une sonde gastrique.
Figure 12. Altération esthétique par manque du soutien de la lèvre supérieure suite à la résection du prémaxillaire.
Altérations esthétiques Le manque de soutien des joues et/ou des lèvres en cas de résection de l’os sous-jacent entraîne leur affaissement avec création de fortes asymétries et une détérioration importante de l’esthétique du patient (Fig. 12) [26].
Répercussions psychologiques et relationnelles
Figure 10. La perte d’un secteur denté entraîne des troubles masticatoires.
• des troubles masticatoires en cas de perte d’un secteur denté (Fig. 10) [33] ; • des problèmes ophtalmologiques : vu que l’os maxillaire intervient dans la constitution du plancher de l’orbite, son exérèse est à l’origine de perturbations de la statique oculaire et finalement de la vision (Fig. 11) [34, 35].
Problèmes infectieux Une infection chronique des cavités sinusiennes peut s’installer en cas de communication bucco-sinuso-nasale. Souvent la gravité est inversement proportionnelle à la taille de la perte de substance [22].
6
Le complexe maxillofacial est le siège de la mimique, des organes de l’olfaction, de la vision, de l’audition et de la gustation et l’origine des voies respiratoires et digestives. Ceci confère à cette partie anatomique une importance psychologique et relationnelle majeure. Toute mutilation affecte profondément les patients et les rend vulnérables et isolés de leur environnement social [36]. Afin d’éviter ces conséquences lourdes et handicapantes, il est impératif de mettre en place une prothèse obturatrice. Celle-ci ne peut être conçue que dans le cadre d’une symbiose chirurgicoprothétique.
■ Prothèses obturatrices Dans ce chapitre nous avons essayé de dégager les grandes lignes qui peuvent guider la stratégie de réhabilitation prothétique puis de dresser un tableau récapitulatif (Tableau 1). L’appareillage des PDSM dépend de leur étendue, de l’état des dents restantes mais aussi et surtout du moment où le patient est adressé au prothésiste maxillofacial. C’est en fonction de ce dernier paramètre qu’on pourra décrire des obturateurs immédiats, semi-immédiats, transitoires ou d’usage. Stomatologie
Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques ¶ 22-066-B-58
Tableau 1. Chronologie et appareillages dans le cadre d’une réhabilitation d’une perte de substance maxillaire.
Obturateur immédiat
Mise en place
Types de l’appareillage
En peropératoire
- Prothèse en résine - Plaque en résine transparente - Plaque estampée - Prothèse existante modifiée
Obturateur semi-immédiat
Dans la semaine qui suit l’intervention
- Prothèse en résine - Plaque en résine transparente - Plaque estampée - Prothèse existante modifiée
Obturateur transitoire
3 à 4 semaines après l’intervention, voire plus
Figure 14. Moulages. A. Modèle issu de l’empreinte de l’arcade maxillaire. B. Lors de la réunion de l’équipe multidisciplinaire, les limites de résection sont déterminées. Ceci permet de simuler l’intervention sur le moulage.
- Prothèse en résine monobloc - Prothèse avec un obturateur souple - Prothèse obturatrice immédiate rebasée
Obturateur d’usage
3 mois à 1 an après l’intervention
- Prothèse obturatrice en résine monobloc - Prothèse avec un obturateur souple - Prothèse métallique solidarisée à un obturateur rigide
Figure 15. A. Plaque palatine en résine transparente réalisée grâce au modèle modifié. B. Vue buccale de la plaque rebasée par une résine à prise retardée.
Figure 16. Cavaliers de rétention façonnés et fixés en regard de la zone à réséquer. Ils sont utilisés si le matériau de comblement envisagé est un silicone.
Figure 13. Empreinte de l’arcade maxillaire permettant d’avoir des moulages d’étude et de référence.
Prothèse obturatrice immédiate Elle est appelée également obturateur chirurgical. Sa mise en place nous paraît une nécessité, mais exige une consultation préopératoire et une collaboration étroite au sein d’une équipe multidisciplinaire. La consultation préchirurgicale permet : • la prise de contact entre le praticien et le futur opéré. Ce contact est important sur le plan psychologique (le prothésiste maxillofacial doit prendre le temps d’expliquer les différentes séquences prévues à un patient anxieux et très interrogatif) ; • la constitution du dossier médical ; • la mise en état de la cavité buccale ; • la prise des empreintes à partir desquelles des modèles en plâtre sont réalisés (Fig. 13) ; • l’enregistrement des rapports maxillomandibulaires lorsque cela est possible (parfois le volume de la tumeur empêche une telle manœuvre). Au cours d’une réunion de l’équipe multidisciplinaire, les limites de la future zone réséquée sont tracées sur le modèle (l’imagerie médicale actuelle permet une assez bonne approximation de l’étendue des lésions). Cette discussion permet au Stomatologie
prothésiste maxillofacial de suggérer la conservation des dents et des éléments anatomiques jugés stratégiques pour l’équilibre de la prothèse, mais tout en respectant les marges de sécurité en termes de résection chirurgicale. La priorité reste bien évidemment la qualité carcinologique de la résection et aucune concession dans ce domaine en vue de l’appareillage ne doit être envisagée [37-40]. Au laboratoire, les modèles sont montés sur articulateur (lorsque le cas clinique le permet) ; les dents devant être extraites pendant l’intervention sont supprimées ainsi qu’une éventuelle voussure due à la tumeur (Fig. 14). Sur le modèle corrigé, on confectionne une plaque palatine (Fig. 15) de préférence en résine transparente (qui permet, lors de la mise en place, le contrôle visuel des zones de compression) munie d’un maximum de crochets sur les éventuelles dents restantes. Au niveau de l’intrados de la plaque et en regard de la future résection, on fixe des cavaliers de rétention pour assurer une adhésion mécanique du matériau de comblement (Fig. 16). En fin d’intervention, le prothésiste maxillofacial façonne un matériau (FITT de Kerr® ou Optosil®) qui comble la PDSM ; la plaque palatine est mise en bouche modelant la face inférieure de l’obturateur. Si le matériau choisi pour combler le defect est la résine à prise retardée, les cavaliers de rétention ne
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Figure 17. A, B. Plaque palatine estampée. L’avantage de cette plaque obturatrice immédiate est la possibilité d’être confectionnée en peropératoire.
Figure 18. Prothèse obturatrice immédiate réalisée à partir d’une prothèse complète préexistante. A. L’empreinte prothèse en bouche permet d’obtenir un modèle sur lequel la prothèse est modifiée selon l’étendue de la zone à réséquer. B. Prothèse mise en place au bloc opératoire. Le silicone permet de combler la cavité d’exérèse. C. Vue de l’intrados de la prothèse après sa dépose (3 semaines après l’intervention).
Figure 19. Prothèse obturatrice semi-immédiate réalisée à partir d’une prothèse adjointe partielle en résine préexistante. A. Empreinte prothèse en bouche. B. Vue clinique de la prothèse en bouche.
sont pas nécessaires. L’adhésion chimique est largement suffisante pour la liaison du matériau de comblement à la plaque. Chez le patient édenté complet, la rétention peut être améliorée par différents moyens : fils métalliques suspendus aux apophyses zygomatiques et/ou à l’épine nasale antérieure, des fils de suture ou encore des vis transosseuses (vis autotaraudante en titane ou en acier inoxydable de 13 à 16 mm) [41]. Selon les cas cliniques (les conditions locorégionales, le temps préchirurgical dont on dispose), on peut être amené : • à réaliser une prothèse obturatrice avec les dents prothétiques remplaçant les dents absentes ; • à confectionner une simple plaque obturatrice en résine ; • à estamper en préopératoire, voire en extemporané, une plaque protectrice d’une feuille de polyéthylène (Biostar®) de 2 mm d’épaisseur (Fig. 17) ; • ou enfin à modifier une prothèse préexistante pour qu’elle remplisse le rôle d’un obturateur immédiat (Fig. 18). La prothèse obturatrice immédiate est une solution qui représente pour le patient un intérêt considérable en permettant : • la restauration des fonctions de mastication, de phonation et de déglutition immédiatement après le réveil du malade ; • le soutien des tissus mous de la face, évitant ainsi les rétractions fibreuses et donc facilitant la cicatrisation ; • l’amélioration de l’hémostase ; • la protection de la plaie des traumatismes et des contaminations générés par les aliments ; • d’éviter les douloureux méchages et déméchages postopératoires. L’ensemble de ces avantages fait que cette prothèse joue un rôle important sur le plan psychologique et relationnel.
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C’est une prothèse préparée en préopératoire, posée en peropératoire et laissée en place pendant 3 à 4 semaines, voire même plus.
Prothèse obturatrice semi-immédiate Elle est réalisée lorsqu’il n’est pas possible de faire la pose de la prothèse obturatrice en peropératoire, en particulier en l’absence d’une proximité des unités de chirurgie et de prothèse. Le prothésiste maxillofacial voit le patient avant l’intervention pour une prise d’empreinte et réalisation de l’appareillage [37]. Celui-ci est mis en place dans la semaine (Fig. 19) qui suit l’opération, de préférence dans un milieu hospitalier pour éviter un éventuel risque hémorragique. Une neuroleptanalgésie est souhaitable pour éviter les douleurs inhérentes à cet acte thérapeutique. Cet appareillage présente, malgré la pose différée, les mêmes avantages qu’une prothèse immédiate. L’inconvénient principal réside dans le fait qu’entre le jour de l’opération et la mise en place de l’obturateur, le patient ne peut s’alimenter que par voie parentérale (une sonde gastrique).
Prothèse obturatrice transitoire Elle est appelée également prothèse provisoire, médiate et évolutive. Elle est construite 3 à 4 semaines après l’intervention. Elle a l’enjeu de rétablir la fonction et l’esthétique tout en évoluant dans le temps en fonction de la cicatrisation. Ces modifications permettent de préfigurer l’appareillage d’usage et de préparer le patient à la réhabilitation définitive [42-46]. Les étapes de réalisation doivent être conduites d’une façon rigoureuse en fonction de la situation clinique ; notre but Stomatologie
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Figure 20. Mèche vaselinée qui prévient la fusée du matériau à empreinte dans les fosses nasales.
Figure 23. Cavité d’exérèse bien réépithélialisée.
Prothèse obturatrice d’usage
Figure 21. Empreinte anatomofonctionnelle. A. Remarginage aussi bien au niveau des bords prothétiques qu’au niveau des contours de la cavité d’exérèse. B. Surfaçage.
n’étant pas d’exposer les étapes de réalisation parfaitement décrites dans la littérature, mais d’insister sur les principes qui peuvent nous guider lors de la conception. Une mèche vaselinée est posée au fond da la cavité d’exérèse pour éviter une fusée du matériau d’empreinte (Fig. 20). Le porte-empreinte est choisi en fonction de l’arcade alvélodentaire et de la PDSM et peut être modifié si nécessaire pour améliorer l’adaptation. Après confection du porte-empreinte individuel, l’empreinte anatomofonctionnelle est réalisée en enregistrant à la fois le joint périphérique et les contours de la PDSM (Pâte de Kerr® ou un silicone de moyenne viscosité) ; un surfaçage viendra améliorer l’intimité de contact (Fig. 21). Plus la PDSM est étendue, plus l’enregistrement du rapport maxillomandibulaire est délicat et doit être mené d’une manière méticuleuse. Après la polymérisation de la prothèse, l’obturateur est évidé pour diminuer le poids (Fig. 22). La prothèse est ensuite posée. Elle peut être rebasée par une résine à prise retardée qui améliore la cicatrisation, le confort et l’étanchéité. Lorsque la prothèse obturatrice immédiate présente des dents et que l’équilibre prothétique et l’occlusion sont jugés satisfaisants, elle peut être utilisée comme prothèse transitoire en transformant l’obturateur de silicone en résine. Le patient est vu en consultation une fois toutes les semaines pour des éventuelles retouches et changement du matériau de rebasage.
La prothèse d’usage ne peut être envisagée que 3 mois à 1 an après l’intervention. Les changements dimensionnels dus au remodelage et au processus cicatriciel des contours du defect durent approximativement 1 an et sont plus en rapport avec des remaniements des tissus mous qu’avec ceux du tissu osseux. La décision d’une réhabilitation définitive dépend de l’étendue de la PDSM, des traitements associés notamment la radiothérapie qui prolonge le processus de cicatrisation, du pronostic de la tumeur, et de l’ouverture buccale qui doit être compatible avec la prise des empreintes. Une cicatrisation est jugée satisfaisante en l’absence d’élimination des séquestres et en présence d’une cavité d’exérèse bien réépithélialisée et non infectée (Fig. 23). Étant donné que la standardisation des attitudes thérapeutiques est extrêmement difficile, nous allons mettre le point sur les principes généraux qui répondent mieux à la réhabilitation de chaque groupe de PDSM.
“
À retenir
En règle générale, les obturateurs rigides sont indiqués en présence de dents, dans le cas de petites PDSM et en l’absence d’une limitation de l’ouverture buccale. Les obturateurs souples, quant à eux, sont indiqués chez l’édenté complet, dans le cas de grandes pertes de substance et en présence d’un trismus.
Réhabilitation des PDSM de classe I La réhabilitation prothétique des PDSM centrales respectant l’arcade alvéolodentaire n’offre pas de difficultés. Chez un patient denté, on se contente de réaliser une plaque palatine en résine solidaire d’un obturateur rigide et munie de simples crochets façonnés pour assurer la rétention (Fig. 24). Chez l’édenté partiel, on réalise une plaque palatine métallique avec des crochets coulés et remplaçant les dents absentes. Le châssis métallique est grillagé en regard du defect pour assurer la liaison avec l’obturateur en résine (Fig. 25).
Figure 22. Obturateur évidé. A. L’obturateur peut être évidé au niveau de l’intrados. B. L’évidement peut être fait au niveau de l’extrados ; l’avantage étant de préserver les détails de l’intrados de l’obturateur. C. Couvercle en résine qui viendra fermer l’obturateur. Stomatologie
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Tableau 2. Éléments anatomiques favorables et défavorables à l’équilibre prothétique.
Figure 24.
Plaque obturatrice en résine avec des crochets façonnés.
Éléments positifs
Éléments négatifs
les crêtes + les zones saines du palais
les cornets inférieur et moyen
le fond du vestibule
le vomer
les brides cicatricielles
le récessus sphénoethmoïdal
la corniche zygomatomalaire
le plancher de l’orbite
Tableau 3. Éléments anatomiques pouvant assurer la rétention de la prothèse obturatrice. En avant
le pied de la cloison nasale ou repli labial antérieur
En arrière
bord supérieur du voile
En dehors
la saillie de la tubérosité ou une bride cicatricielle au niveau du fond du vestibule si la prothèse se situe au-dessus d’elle
Sur la ligne médiane
le rebord de la voûte palatine s’il constitue une saillie de 2 mm par rapport au plan vertical de la cloison
“ Figure 25.
Chez l’édenté complet, la réalisation d’un obturateur en résine solidaire de la prothèse ne pose aucune difficulté, et les étapes d’élaboration diffèrent peu du protocole conventionnel (les mêmes étapes sont décrites dans le chapitre de la prothèse obturatrice transitoire). Dans tous les cas, l’obturateur doit s’adapter aux contours de la PDSM tout en pénétrant le moins possible dans celle-ci.
Réhabilitation des PDSM de classe II Chez l’édenté partiel, la réalisation d’une prothèse à châssis métallique est indiquée. Les règles de conception en prothèse partielle adjointe métallique vont guider notre stratégie prothétique avec des particularités liées à la PDSM. En fait, la présence des dents de part et d’autre de la cavité d’exérèse nous permet facilement de répondre aux exigences de l’équilibre prothétique (triade de Housset). L’analyse sur paralléliseur nous permet de déterminer l’axe d’insertion en fonction des axes dentaires et des contours de la perforation [47, 48]. La répartition des appuis occlusaux, des crochets et des barres coronocingulaires est une démarche intellectuelle qui prend en considération, en plus de l’axe d’insertion et l’état parodontal des dents, l’étendue de la PDSM et l’axe de rotation de la prothèse qui passe par les dents bordant le defect. Chez l’édenté complet, il faut rappeler que la conservation complète ou même partielle de la tubérosité maxillaire contribue à l’amélioration du pronostic prothétique. L’obturateur indiqué dans ce cas est rigide, solidarisé à une prothèse complète remplaçant les dents absentes. Dans le but d’améliorer la rétention, l’obturateur peut exploiter des zones de contredépouille (rebord de la voûte palatine, brides cicatricielles, épine nasale antérieure ou encore un moignon vélaire), mais sans traumatiser la fibromuqueuse tapissant les contours de la cavité d’exérèse. Ceci est possible lorsqu’on choisit une double trajectoire d’insertion. Les obturateurs souples en silicone sont à éviter parce que lors de l’insertion-désinsertion, ils exercent une pression sur les bords de la perforation et aboutissent à long terme à un état défavorable de la fibromuqueuse. De plus, ils nécessitent un entretien rigoureux exigeant des changements réguliers.
Réhabilitation des PDSM de classe III Les objectifs de la réhabilitation sont d’assurer une étanchéité de la cavité d’exérèse, d’améliorer le confort du patient et
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À retenir
Châssis métallique avec un obturateur rigide solidaire.
La présence d’au moins une paroi cavitaire en contredépouille peut être un élément favorable à la rétention, en optant pour un axe d’insertion multidirectionnel. Pour autant, il faut se garder de ne pas traumatiser la fibromuqueuse de la cavité anatomique.
rétablir les fonctions de mastication, de phonation et de déglutition. La réussite dépend essentiellement d’un équilibre prothétique satisfaisant. Chez l’édenté partiel, les principes de base qui régissent la conception sont un maximum de crochets et d’appuis occlusaux, une extension maximale de la prothèse au niveau du palais résiduel, des procès alvéolaires ainsi que tout élément anatomique pouvant participer à la sustentation. Dans le sousgroupe i, la corniche zygomatomalaire constitue un élément favorable à la sustentation. Il faut garder présent à l’esprit que l’équilibre prothétique dépend en grande partie des dents restantes. On peut améliorer la rétention en exploitant les zones de retrait présentes au niveau de la PDSM (Tableaux 2, 3). Leur choix doit être compatible avec l’axe d’insertion choisi. Chez l’édenté complet, l’indication d’un obturateur rigide est souhaitable à chaque fois que cela est possible. Les obturateurs souples en silicone sont traumatisants et présentent une durée de vie très limitée nécessitant une réfection totale de la partie obturatrice tous les 6 à 8 mois. Avec le recul clinique, on constate que les obturateurs en résine sont beaucoup plus tolérés que ceux en silicone. Le choix d’un obturateur souple s’impose devant une limitation de l’ouverture buccale, ou quand la rétention ne peut être obtenue que par l’exploitation de toutes les zones rétentives de la cavité d’exérèse (Fig. 26). La mise en place d’un obturateur souple nécessite une technique d’empreinte spécifique (Fig. 27) et un mode de liaison entre le silicone et la résine ayant recours à des masses magnétiques (Fig. 28) [49-53].
Réhabilitation des PDSM de classe IV Dans ce cas, la réhabilitation prothétique ne peut que partiellement satisfaire la triade d’équilibre de Housset ; l’objectif principal étant d’assurer l’étanchéité. Stomatologie
Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques ¶ 22-066-B-58
Figure 26. Obturateur souple. A. Prothèse complète et obturateur souple en silicone. Les extensions antérieures et postérieures permettent l’exploitation des zones de retrait. B. Obturateur souple en bouche. C. La prothèse adjointe complète est placée ensuite. Elle est liée à l’obturateur par des aimants.
Figure 27. Empreinte fragmentée de Soulet. A. Premier fragment destiné à enregistrer la zone du retrait au niveau du moignon vélaire. B. Mise de dépouille des fragments. C. Vue intrabuccale de l’ensemble des fragments. D. Empreinte fragmentée reconstituée grâce à une surempreinte en plâtre.
■ Perspectives
Figure 28. Masses magnétiques permettant la jonction obturateur silicone-prothèse en résine.
“
À retenir
Dans le cadre de la réhabilitation prothétique, c’est surtout chez l’édenté complet que les difficultés d’appareillage sont plus évidentes. La notion de symbiose chirurgicoprothétique est primordiale dans ce cas. L’acte chirurgical doit, en plus de la résection tumorale, prendre en compte le traitement prothétique.
Le rétablissement de l’étanchéité ne peut être obtenu que par l’utilisation d’un obturateur souple qui va combler la PDSM tout en exploitant le maximum des zones rétentives restantes. La liaison entre l’obturateur et la prothèse est assurée par des masses magnétiques. Stomatologie
La prochaine étape dans le processus évolutif de la reconstruction des PDSM semble impliquer une alliance des techniques de la distraction osseuse, de la chirurgie microvasculaire, de la réhabilitation prothétique et de l’implantologie [54-60], pour tenter de surmonter les difficultés que pose la prothèse obturatrice conventionnelle, en particulier pour obtenir une bonne étanchéité et un équilibre prothétique approprié. En chirurgie reconstructrice moderne, l’utilisation de greffons tissulaires vascularisés libres, en particulier la préfabrication de greffons microvasculaires, associée à des implants dentaires, a contribué de façon décisive à la réhabilitation correcte de défauts complexes non seulement sur le plan esthétique, mais aussi sur le plan fonctionnel. Ceci est désormais possible grâce aux avancées de l’imagerie médicale, en particulier les reconstructions 3D. Les systèmes de classification à trois dimensions sont disponibles et peuvent appuyer la symbiose chirurgicoprothétique afin de faciliter une prise en charge multidisciplinaire. Enfin, il faut dire que même si une diminution du recours à la réhabilitation prothétique classique des défauts maxillaires est prévisible, l’élimination complète de la prothèse obturatrice conventionnelle reste inenvisageable.
■ Conclusion Malgré l’évolution des techniques chirurgicales, l’essor de la microchirurgie et l’apparition de nouveaux matériaux, la prothèse obturatrice conventionnelle reste de loin la solution de choix pour pallier aux conséquences des PDSM. La prothèse et la reconstruction ne sont pas des disciplines en compétition, mais bien au contraire, elles doivent être mises en
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œuvre en complémentarité dans le but d’optimiser la prise en charge des patients concernés. Un projet thérapeutique doit être le résultat d’une discussion et d’un accord de tous les acteurs de l’équipe multidisciplinaire sans pour autant oublier le consentement et l’adhésion du patient dont la collaboration est indispensable pour mener à bien une réhabilitation fonctionnelle et esthétique de qualité. .
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O. Bentahar, Résident en prothèse maxillofaciale ([email protected]). P. Pomar, Professeur des Universités, praticien hospitalier. S. Fusaro, Attachée universitaire. F. Benfdil, Professeur assistant. A. Aguenaou, Professeur agrégé. A. Abdedine, Professeur d’enseignement supérieur, chef de service de prothèse adjointe. Centre de consultation et de traitement dentaires (CCTD), Centre hospitalier universitaire Ibn Sina, B.P. 6212, Madinat Alirfane, Rabat, Maroc. Service d’odontologie, Centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31400 Toulouse, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Bentahar O., Pomar P., Fusaro S., Benfdil F., Aguenaou A., Abdedine A. Prothèses obturatrices après maxillectomie : bases fondamentales et thérapeutiques. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-066-B-58, 2008.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-066-B-53 (2004)
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Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale E. Vigarios M. Fontes-Carrère P. Pomar K. Bach
Résumé. – En proposant une alternative à la chirurgie reconstructrice, la prothèse maxillofaciale permet la correction d’anomalies de cette région anatomique. Quelle qu’en soit l’origine, la mutilation faciale place au cœur de la démarche de réhabilitation la question de la souffrance psychique du patient. Un accompagnement et une relation d’aide thérapeutique s’avèrent indispensables pour la réussite du traitement prothétique, ainsi que pour le bien-être physique et moral du sujet. La prise en charge psychologique du patient et de sa famille est le fait d’une équipe pluridisciplinaire. Elle s’effectue tout au long de l’histoire médicale du patient. L’apport de diverses techniques de relation d’aide et plus précisément de la sophrologie est incontestable en termes notamment de gestion du stress et de mobilisation de ressources personnelles. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Prothèse maxillofaciale ; Réhabilitation ; Relation d’aide ; Prise en charge psychologique ; Souffrance psychique
Introduction La prothèse maxillofaciale est probablement la plus ancienne des disciplines consacrées à la réhabilitation du corps humain et se présente comme une alternative à la chirurgie reconstructrice pour la correction des anomalies maxillofaciales. [1] Qu’elle soit d’origine congénitale, traumatique, tumorale ou toxiinfectieuse, la mutilation maxillofaciale retentit lourdement sur le psychisme et le comportement du sujet atteint. La réhabilitation maxillofaciale implique, de fait, un travail d’équipe où de nombreux thérapeutes interviennent, cancérologue, chirurgien, oto-rhinolaryngologiste, plasticien, phoniatre, orthophoniste, odontostomatologiste, psychologue, infirmière sophrologue, kinésithérapeute, etc., un abord multidisciplinaire incontournable afin de concourir à une amélioration de la qualité de vie des patients. La multiplicité des traitements chirurgicaux, les traitements radiothérapiques avec leur cortège d’effets secondaires, le temps de cicatrisation, font que la durée de la réhabilitation est souvent longue. C’est dans cet espace d’attente qu’apparaissent les processus mentaux inhérents au travail de deuil et les problèmes liés à la modification du schéma corporel, à l’image de soi, à l’identité, au rôle socioprofessionnel et familial. [2] Après avoir mis en place quelques éléments de psychologie et de sociologie relatifs à la notion d’identité et de personne, nous traiterons des modalités de prise en charge psychologique en matière de réhabilitation maxillofaciale.
E. Vigarios (Assistante hospitalo-universitaire) M. Fontes-Carrère (Infirmière sophrologue conseillère de santé) P. Pomar (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) Adresse e-mail: [email protected] K. Bach (Chargée d’enseignement clinique) Unité fonctionnelle de prothèse maxillofaciale, service d’odontologie de Toulouse-Rangueil, Centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31403 Toulouse cedex 4, France.
Éléments de la problématique RÔLE DU VISAGE
Dans la vie quotidienne, la présence du spectacle des visages et des silhouettes est constante et inéluctable. Le visage est à la charnière de l’individuel et du social, elle est la partie visible, la face s’offre à la perception d’autrui. À travers le visage se lit l’humanité de l’homme et s’impose en toute évidence la différence infime qui le démarque de l’autre. [3] La paléontologie et l’anthropologie ont montré la lente régression du volume facial, de l’appareil masticateur, du nombre de dents chez le sujet humain entre autres modifications. De cette évolution physique est née inexorablement une notion de « normalité ». L’adjectif « normal » tend à définir dans l’inconscient collectif le profil physique indispensable à l’intégration dans le « groupe ». [4] La première communication interpersonnelle est d’ordre visuel et nous comprenons du coup la difficulté ressentie parfois comme un obstacle insurmontable par le sujet mutilé facial. Étymologiquement, visage vient de vis-à-vis, ce dernier se faisant à trois niveaux : [5] – face à face (face à soi-même) : on dit souvent que le visage est le miroir de l’individu, le reflet de sa personnalité ; – face à l’autre (face à son entourage proche) : le miroir est projeté, traversé par le regard des autres ; – face aux autres : c’est l’image de soi dans le monde socioprofessionnel. Le visage est, de toutes les zones du corps humain, celle où se condensent les valeurs les plus élevées. En elle se cristallise, entre autres choses, le sentiment d’identité, s’établit la reconnaissance de l’autre, se fixent les qualités de séduction et s’identifie le sexe. [6] Le corps amputé, mutilé, privé d’une partie de lui-même (organe, partie molle, segment osseux…) devient un corps autre. Le corps n’est plus tout à fait lui-même. L’identité est conservée dans la nonressemblance. L’individu a un sentiment d’étrangeté à l’égard de l’évolution traumatique de son corps, il a des difficultés d’adaptation
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à cette nouvelle image. Il lui est difficile de se retrouver dans ce visage. Le Breton parle même de privation d’identité. [6] Le visage est, avec le sexe, le lieu le plus investi, le plus solidaire du Moi. La valeur à la fois sociale et individuelle qui distingue le visage du reste du corps, son éminence dans la saisie de l’identité, tiennent au sentiment que l’être entier est là. [6] EXPÉRIENCE DE LA MUTILATION
Tout d’abord, il nous semble utile de rappeler la définition de la mutilation. Selon Le Nouveau Petit Robert, il s’agit d’une perte accidentelle ou une ablation d’un membre, d’une partie externe du corps, qui cause une atteinte irréversible à l’intégrité physique. Ce substantif convient davantage aux pertes de substance d’origine tumorale, traumatique ou toxi-infectieuse. Nous emploierons le terme de difformités pour les étiologies congénitales.
¶ Origine congénitale : divisions labiomaxillaires isolées ou non Au cours de la morphogenèse, les bourgeons faciaux sont le siège d’un développement volumétrique, d’une coalescence épiblastique provisoire et d’une mésodermisation. Un défaut de mésodermisation empêche l’accolement des bourgeons qui se séparent sous l’influence des jeux musculaires et induisent la formation de fentes faciales. Les formes cliniques des divisions labiomaxillaires sont nombreuses et s’organisent selon deux grandes catégories conformément à la classification de Chancholle : les formes bénignes et les formes graves. En évaluant le degré de gravité, cette classification donne les orientations en matière de thérapeutique chirurgicale. Selon les variétés de formes cliniques, les troubles fonctionnels et esthétiques diffèrent. Il est indispensable de prendre la mesure de l’impact psychologique de cette affection sur l’entourage de l’enfant et sur l’enfant lui-même. C’est pourquoi la correction de ces malformations intervient précocement dans la vie de l’enfant (traitement par orthèse dès les premiers jours de la vie du nouveauné ; première intervention chirurgicale correctrice dès les premières semaines ou premier mois de la vie). Dans le cadre de ces difformités congénitales, il est indispensable de rassurer les parents et de les déculpabiliser. Actuellement, en France, il existe peu de structures spécialisées. Cette thérapeutique d’entourage (très pratiquée en Angleterre notamment) permet aux familles d’affronter leurs inquiétudes, leurs déceptions parfois, ceci afin de les aider à accueillir cet enfant, à l’aimer et à l’éduquer sans stigmatiser son handicap. L’accompagnement psychologique est une nécessité pour donner à l’enfant et aux parents des armes contre la discrimination véhiculée par le regard social. D’autre part, par cette thérapeutique d’entourage, l’équipe pluridisciplinaire s’attache à obtenir la coopération familiale indispensable à la réussite du traitement.
¶ Origine traumatique Les pertes de substance d’origine traumatique sont de deux ordres : celles consécutives à un traumatisme d’origine volontaire (tentative d’autolyse par arme à feu) et celles consécutives à un traumatisme involontaire (accident de la voie publique, accident domestique, accident professionnel). Les contextes d’irruption de ces deux genres de traumatismes sont manifestement différents et cette différence doit être prise en considération afin d’adapter la prise en charge psychologique menée tout au long de la réhabilitation maxillofaciale. L’acceptation des difficultés de reconstruction liées à l’étendue de la perte de substance relève d’une prise en charge collective impliquant toute une équipe médicale et paramédicale.
¶ Origine tumorale Qu’elle soit bénigne ou maligne, une tumeur nécessite souvent une prise en charge chirurgicale en matière d’exérèse et de 2
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reconstruction, à l’origine parfois de tout un cortège de difficultés relatives à la réhabilitation prothétique ultérieure (réhabilitation à visée fonctionnelle et esthétique). Lorsque le pronostic vital est incertain, il faut, au-delà des doléances esthétiques et fonctionnelles du patient, entendre sa souffrance, ses inquiétudes, ses angoisses à propos de son avenir et fonder par le biais de la prise en charge psychologique des espoirs de survie ou, au contraire, préparer un travail de deuil. Dans le cas d’un cancer maxillofacial, le patient est la proie d’une double menace. Celle inhérente à la maladie cancéreuse se manifeste par une projection inéluctable dans la mort, une rupture avec le monde socioprofessionnel et familial, la douleur, une rupture avec son image inconsciente corporelle par perte de son intégrité corporelle. À ces éléments s’ajoute la menace plus spécifique liée à la situation anatomique de la pathologie : la défiguration, l’altération des fonctions de la sphère orofaciale et donc de la vie de relation du sujet, des préjudices esthétiques visibles ayant pour conséquence une perturbation avec le monde extérieur et des effets de stigmatisation, enfin des problèmes de camouflage de la perte de substance. La virulence de l’expérience de la défiguration est telle que la majorité des individus mutilés affirme choisir la mort plutôt que de revivre cette expérience ou de voir s’étendre davantage l’ampleur de la mutilation. À chaque instant, l’individu mutilé doit lutter contre son propre corps, il doit lutter contre la souffrance inhérente aux actes thérapeutiques, contre le mal qui le ronge de l’intérieur, et il doit réapprendre les actes élémentaires tels que mâcher ou parler. L’acteur dont le visage est abîmé subit une perturbation profonde de sa relation au monde, il vit provisoirement sur une image enfouie en lui, celle de son corps d’avant ; parallèlement, son corps actuel lui est intolérable. [6] La vie entière de l’individu est tournée vers les manifestations corporelles auxquelles il portait auparavant une attention moindre. Selon Le Breton, « la conscience que le sujet a de lui-même se fait dans le déchirement de son incarnation ». [3] Le degré d’atteinte de l’identité dépend du nombre et de l’importance des aspects du soi qui sont perdus, de la possibilité de les récupérer, de la capacité à découvrir de nouveaux modes d’action, de la capacité à transcender son corps, de la capacité à surmonter des pertes, et à construire une nouvelle conception de soi-même autour de ces limitations et de ces désorganisations. [7] La mutilation faciale et les dysfonctions qu’elle implique sont source de performances ratées ; ces situations peuvent engendrer un état de désespoir et de frustration. De tels sentiments ébranlent l’identité et la chaîne des conceptions biographiques du corps. Le seuil de tolérance à la douleur de notre société décroît au fur et à mesure que les produits antalgiques se banalisent. La question de la douleur est toute entière absorbée par la culture médicale. Mais, la souffrance étant principalement émotionnelle, les moyens disponibles à l’individu mutilé ne sont autres que sa propre tolérance à la souffrance et le soutien de ses proches. La peur de souffrir dépasse souvent celle de mourir ; la souffrance est perçue comme un non-sens absolu, une torture, elle traduit l’irruption du pire que la mort. La désorganisation des sphères de la vie quotidienne de l’individu mutilé commence par une mort sociale, sorte d’exil volontaire qui débute à l’inscription de la mutilation, et donc durant l’hospitalisation qui constitue le commencement d’une perte progressive de contact avec l’extérieur. Les séquelles fonctionnelles entravent la sociabilité de l’individu mutilé. Ne pas pouvoir parler de manière intelligible, la nécessité de s’alimenter liquide, mixé ou par sonde nasogastrique, sont autant de facteurs d’exclusion du sujet malade. En proposant une réhabilitation prothétique au sujet mutilé, celui-ci a les moyens de gérer comme il le souhaite l’information sur sa mutilation. Il camoufle ainsi la plaie béante qui le stigmatise. [8] Le travail du médecin consiste également à modifier le sens donné à l’expérience de la mutilation, à lui donner une définition médicale
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afin que l’individu puisse s’identifier à une catégorie socialement définie alors, que jusque-là, il pensait son expérience unique et sans ressource pour gérer cette douloureuse situation dont il n’est jamais fait mention dans le discours social. [9] En matière de chirurgie carcinologique, il faut bien saisir que c’est l’acte médical qui génère la mutilation. Le corps n’est certainement pas une machine dont on puisse aisément soustraire les composantes pour les remplacer par d’autres sans que nombre d’obstacles (moraux, éthiques, médicaux, anthropologiques) se rencontrent sur le chemin.
¶ Origine toxi-infectieuse Les pertes de substance d’origine toxi-infectieuse nécessitent presque toujours une thérapeutique prothétique. Les étiologies le plus fréquemment recensées sont : – l’ostéomyélite à localisation préférentiellement mandibulaire ; – la syphilis, occasionnant conjointement perforations palatines et effondrement de la pyramide nasale ; – une intoxication mercurielle ou phosphorique ; – l’ostéite postradique, responsable de nécrose tissulaire ; – les affections candidosiques rares (aspergillose, etc.). RÉHABILITATION MAXILLOFACIALE : UNE RÉHABILITATION SINGULIÈRE
De façon générale, le corps doit passer inaperçu dans l’échange entre les acteurs, même si une situation implique fortement sa présence ; il doit se résorber dans les codes en vigueur et chacun doit pouvoir retrouver, comme dans un miroir, ses propres attitudes corporelles. Il n’y a pas dans le discours social des traces de réponses habituelles disponibles pour l’acteur mutilé afin d’orienter la régulation de ses conduites face aux dérèglements introduits par la défiguration dans l’ensemble des sphères de la vie quotidienne. Par sa seule présence, il arrive que l’apparence du corps provoque un profond malaise et cesse d’être le miroir rassurant ; au contraire, il devient lourdement présent et embarrassant. La défiguration est une situation limite du fait de l’importance des enjeux qui la caractérisent, des perturbations qu’elle implique. C’est en ce sens-là qu’il y a une particularité dans l’approche d’une réhabilitation maxillofaciale. [10] Dans la partie qui suit, nous traiterons de la prise en charge plus spécifique que nécessite la réhabilitation maxillofaciale induite par un cancer.
Mise en œuvre de la prise en charge Quelle soit d’origine tumorale, congénitale, traumatique ou toxiinfectieuse, la perte de substance engendre une perturbation du schéma corporel, une altération du sentiment d’identité et génère de fait de l’anxiété. Cette anxiété est une des expressions de la souffrance du sujet mutilé et nécessite une prise en charge indiscutable, notamment en matière de perte de substance d’origine carcinologique. Le patient doit « faire face » dans un contexte où sa propre face est altérée ; cette expression « faire face » est hautement symbolique. Les stratégies d’adaptation que privilégie le sujet sont celles qui favorisent la dissimulation, le repli sur soi, l’isolement social et familial. La prise en charge en matière de réhabilitation maxillofaciale relève de l’intervention infirmière centrée sur le soin relationnel, associée au soin technique du médecin et du spécialiste de prothèse maxillofaciale. Un des premiers objectifs est d’agir sur les facteurs intraphysiologiques et extrapersonnels pouvant déstabiliser la
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personne ; le deuxième objectif est d’offrir à la personne un espace et des moyens pour s’adapter, se reconnaître et éventuellement s’accepter. MOMENTS
¶ À l’annonce de la maladie Selon la personnalité du sujet, les attentes et comportements diffèrent. En revanche, le sentiment d’anxiété est une constante invariable. [11] Parfois, le patient est en attente d’informations très précises à propos de la chirurgie, de l’anesthésie, du temps d’hospitalisation, de la confection de la prothèse, etc. Il a besoin d’explications détaillées sur le déroulement des opérations. Cependant, ces interrogations traduisant un besoin de maîtrise peuvent déclencher une attitude de coping vigilant (stress extrême). À l’opposé, certains patients, résignés, subissent les événements sans aucune forme d’implication. D’autres préfèrent consulter différents spécialistes ou montrent un refus catégorique du traitement chirurgical avec départ de l’hôpital la veille de l’intervention. Quoi qu’il en soit, la diversité des réactions observées signe une souffrance profonde et oblige le soignant à s’adapter à la personne malade.
¶ Pendant l’hospitalisation En préopératoire, l’une des croyances est que l’évolution de la maladie va être stoppée par la chirurgie et les traitements secondaires. Le facteur extrapersonnel qui peut induire ou renforcer cette croyance est la qualité de l’information donnée par le chirurgien. L’état d’anxiété fait place à la peur, peur de ne pas se réveiller, peur de souffrir, etc. En postopératoire, le facteur intrapsychologique essentiel est la prise de conscience de la modification de l’image corporelle consécutive à l’acte médical. Associé aux facteurs intraphysiologiques tels que la douleur (site de prélèvement, site opératoire, système de drainage) et à la perturbation du sommeil, il entraîne un état d’épuisement avec risque d’effraction des lignes de résistance. [12]
¶ Après l’hospitalisation De retour à son domicile, dans un centre de rééducation ou en maison de retraite, le patient passe par une phase d’isolement consécutive à la gêne engendrée par l’attention qu’il suscite à chacune de ces sorties. Il est victime du regard discriminant de la société. Ainsi, on peut comprendre combien il est important d’accompagner le patient dans cette nouvelle épreuve ; les liens avec le milieu médical ne doivent pas s’interrompre afin de ne pas générer chez le malade un sentiment d’abandon.
¶ À la consultation de prothèse maxillofaciale Plusieurs situations peuvent se présenter. [2] Le patient a bénéficié d’une consultation en prothèse maxillofaciale avant l’intervention chirurgicale et d’un accompagnement pendant l’hospitalisation. Après la chirurgie et la radiothérapie, les informations ont souvent été déformées ou oubliées quand vient le temps de la réhabilitation maxillofaciale. Le spécialiste de prothèse maxillofaciale doit faire face à une double exigence : celle d’attendre la stabilisation tissulaire et celle de satisfaire au mieux le besoin du patient de camouflage de la plaie béante sur son visage ou de pallier les troubles fonctionnels de déglutition, mastication et phonation. La personne a subi une ou plusieurs tentatives de reconstructions chirurgicales qui se sont soldées par un échec du fait de l’évolution défavorable de la maladie ou de problèmes d’intégration tissulaire ou vasculaire du greffon. Dans ce contexte clinique, la perte de confiance du malade à l’égard du corps médical est quasi systématique et s’accompagne d’un sentiment d’être un laissé–pourcompte du milieu médical. Face à la résignation, la méfiance ou 3
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Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale
l’agressivité du malade, accueil, écoute et soutien lors de la première consultation de prothèse maxillofaciale sont de rigueur lorsque le spécialiste énonce les propositions de réhabilitation prothétique et leurs limites. Ce premier contact est souvent déterminant par rapport à l’acceptation de la prothèse. La personne a subi l’exérèse tumorale, le traitement de radiothérapie, et n’a pas bénéficié de proposition de réhabilitation. Elle consulte sur proposition d’un tiers. Cette perspective est une nouvelle étape dans l’histoire du malade et est de ce fait génératrice d’émotions et d’anxiété. La qualité de l’information concernant la prothèse doit être pertinente. Au préalable, des soins de kinésithérapie et de mécanothérapie peuvent être prescrits dans le cadre d’une préparation tissulaire à la mise en place de la prothèse ultérieure. MODALITÉS
Afin d’adapter au mieux les techniques relationnelles et comportementales, il faut bien comprendre ce qui se joue au plan personnel et identitaire dans le cas d’une mutilation faciale. Le détour anthropologique éclaire la pratique médicale en soulignant ce que celle-ci néglige souvent dans sa démarche thérapeutique : la dimension de sens et de valeurs qui touche la relation de l’homme à son corps. La médecine, par son exercice, laisse sur le corps des cicatrices qui renvoient à certains types de maladies ou de pathologies ainsi visibles du premier coup d’œil. L’intervention chirurgicale marque comme un rite de passage un moment décisif de la vie (phase de liminarité). La dimension rituelle ne résume pas tout le contenu de l’expérience de la mutilation faciale, mais cette dimension est cependant très présente. Si on se réfère à la théorie des rites de passage de Van Gennep, [3] chaque séquence de passage se caractérise par une succession de trois stades. Phase de séparation : la souffrance due au marquage dans la chair n’est pas sans rappeler la douleur qui accompagne les rites initiatiques de nombreuses sociétés traditionnelles ; elle est une mémoire chevillée au corps, une marque qui signe l’apparence physique de l’« initié ». Elle atteste de la mutilation ontologique, du passage d’un univers social à un autre, bouleversant l’ancien rapport au monde. La cicatrice traduit dans la peau l’appartenance à une nouvelle communauté, elle matérialise la douleur en une mémoire tangible du changement de statut. Elle est une puissance de métamorphose qui marque dans la chair une mémoire indélébile du changement. La marque constituée par l’acte médical implique une modification du corps avec violence sur le corps. C’est cette violence qui atteste de son efficacité symbolique. Dans le cadre de la pratique médicale, cette violence est exercée par une personne désignée pour cela. L’« initié » est socialement redéfini par une modification physique de son apparence ayant une éminente valeur symbolique. Phase de marge : la stigmatisation perturbe les interactions qui aboutissent à l’isolement de l’individu, période pendant laquelle se déroule la mise au point de la restauration du visage. L’exérèse de la partie atteinte s’intègre dans la prise en charge médicale du cancer, elle devient alors efficace parce qu’elle intervient dans le cadre du soin et qu’elle est proposée par le médecin, trouvant sa légitimation scientifique dans un système interprétatif reconnu par la collectivité. L’idéologie biomédicale met en place un système cohérent que le malade accepte, et qui répond aux représentations et au système interprétatif de notre époque. L’action thérapeutique est nécessaire à l’individu, elle est une médiation, un relais nécessaire pour éviter toute rupture du sentiment de continuité, le temps de développer les propres capacités à assurer une représentation acceptable de l’acteur stigmatisé. L’ajout de sens opéré par la relation thérapeutique désamorce l’intolérable qui imprègne la situation douloureuse et en modifie la perception par l’individu. L’action symbolique émousse la douleur en modifiant sa signification et, par la suite, sa nature. Phase d’agrégation : la restauration chirurgicale ou la réhabilitation prothétique agissent au plan réel en instaurant un nouvel ordre, 4
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celui d’une esthétique d’allure normative. Au plan symbolique, elles agissent comme une sorte d’exorcisme en supprimant ou réparant ce qui est vécu par l’individu comme un stigmate, un défaut, qui tendait à le maintenir à l’écart ou dans l’indétermination. L’apparence est restaurée, elle devient alors le gage d’une « renaissance » possible et d’une autre vie. La réhabilitation prothétique autorise un retour à la vie « normale » qui va permettre une réorganisation de l’ensemble des sphères sociales. La restauration physique et la réorganisation mentale ainsi opérées permettent la substitution d’un nouvel ordre au désordre. Un certain nombre de facteurs personnels au malade sont à prendre en considération lors de la prise en charge psychologique. [2] Le facteur extrapersonnel essentiel est le temps d’attente ; en effet, la réhabilitation maxillofaciale est engagée dans un minimum de 6 mois après l’intervention chirurgicale. Les facteurs intrapersonnels socioculturels englobent l’histoire et les habitudes de vie du malade, son âge, son sexe, ses principes d’éducation, ses représentations de la maladie et de la santé, son niveau d’études. Ces facteurs jouent un rôle incontestable dans les phénomènes de résistance ou au contraire de mobilisations de ressources. Chaque consultation peut apporter des éléments permettant d’évaluer les besoins ou les difficultés rencontrées par rapport aux facteurs intraphysiologiques (cicatrisation de la plaie, œdèmes, risques infectieux, mucites, brûlures cutanées, manifestations douloureuses, écoulement de sécrétions, asthénie) et aux facteurs intrapsychologiques (réaction de dégoût exprimée par l’entourage, peur du regard des autres, isolement social et familial). D’autre part, des facteurs de risque intraphysiologiques (évolution tissulaire, phénomènes de condensation, nettoyage de la prothèse, altération cutanée liée à une mauvaise utilisation des produits de fixation) et intrapsychologiques (peur de perdre la prothèse, difficulté à intégrer le nouveau schéma corporel) sont présents et nécessitent de la part de l’équipe pluridisciplinaire une prise en charge adaptée (Fig. 1).
¶ Travail infirmier Relation d’aide Selon Rogers, « la relation d’aide est une relation professionnelle dans laquelle une personne doit être assistée pour opérer son ajustement personnel à une situation à laquelle elle ne s’adaptait pas normalement. Ceci suppose que l’aidant est capable de comprendre le problème et d’aider la personne à évoluer dans le sens de sa meilleure adaptation ». [2] La relation d’aide consiste en la prise en charge de la souffrance physique et psychologique endurée par le patient du fait de sa mutilation. Le soin relationnel est basé sur l’écoute de la personne dans son langage, ses demandes ou besoins immédiats, sur l’observation de son comportement non verbal. La proposition de techniques de relaxation ou de sophrologie est rarement acceptée d’emblée, la personne étant persuadée de contrôler la situation. Dans la réalisation de la prothèse, la prise d’empreinte est un moment dérangeant qui rappelle le souvenir de soins techniques traumatisants par le contact de matériaux, la gêne respiratoire ou la perte de contact visuel. Elle peut déclencher une réaction de peur verbalisée ou non. La prise d’empreinte dans la cavité buccale peut provoquer une sensation d’étouffement, de peur de perdre le contrôle des réflexes de déglutition, des nausées. Au cours de ce cheminement, différents outils de relation d’aide peuvent être proposés. Sophrologie Elle est considérée par son fondateur (Dr Caycedo) comme la science de la conscience et des valeurs de l’existence, la conscience étant la force responsable du dynamisme des structures psychologiques de l’être.
Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale
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Diagnostic et annonce e la malaie Méecin généraliste ou spécialiste e la famille, spécialiste C
ospitalisation pour linterention
Aant interention
Phénomène e liminarité
CMF PMF Infirmière sophrologue Psychologue Psychiatre Orthophoniste Assistante sociale Famille
Après interention CMF, PMF Orthophoniste Infirmière Psychologue Psychiatre Kinésithérapeute Diététicien Famille
Après hospitalisation etour la maison CMF, PMF, inésithérapeute, orthophoniste, iététicien, famille, psychologue, infirmière, infirmière sophrologue
Figure 1
Place des différents intervenants dans la réhabilitation maxillofaciale. [3] CHU : centre hospitalier universitaire ; CMF : chirurgien maxillofacial ; PMF : spécialiste en prothèse maxillofaciale.
Après avoir donné une information sur la technique et obtenu l’accord de la personne pour la pratiquer, la séance de sophrologie ou sophronisation se déroule en trois étapes. Le premier temps est celui de la relaxation. Elle permet de s’isoler des stimulations extérieures et de passer d’un état de vigilance normale à un état proche du sommeil. Ensuite vient l’activation pendant laquelle la personne mobilise ses capacités physiques par la respiration ou par des mouvements, ainsi que ses capacités mentales à travers la visualisation de ressources ou de valeurs existentielles. Le retour à l’état de vigilance normale ou désophronisation se fait progressivement. La personne prend conscience des phénomènes ressentis, de ces capacités d’adaptation à travers les différentes stratégies d’ajustement ou d’adaptation mises en place. La sophrologie est une discipline adaptée aux stratégies adoptées par le patient. Elle aide celui qui tend à se replier sur lui-même, qui refuse les visites, qui manque de savoir exprimer ou identifier ses émotions, etc. Autres techniques La programmation neurolinguistique, l’approche Simonton (psychothérapie amenant le patient à mettre en place un scénario pour lutter contre la maladie) sont d’autres méthodes en matière de relation d’aide. [13] Dans ce travail d’accompagnement, de gestion de l’anxiété et de la douleur, le soignant doit garder sa neutralité et laisser le libre choix de la méthode à son patient. D’autre part, au nom de l’éthique médicale, le respect de la personne doit présider à la relation de soin de manière à éviter les dérives sectaires dont certains ont pu accuser les adeptes de la méthode Simonton.
¶ Travail du chirurgien et du spécialiste de prothèse maxillofaciale Avant l’annonce de la maladie, une relation de confiance, d’écoute basée sur le respect mutuel doit s’établir.
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Le praticien a, dans le cadre de la relation contractuelle qui le lie à son patient, un devoir d’information. Après une information complète, il s’agit d’aider le patient à évacuer les fantasmes destructifs qu’il prête à sa maladie et sa thérapeutique. Après l’hospitalisation, le chirurgien doit inspecter la plaie opératoire et vérifier l’absence d’évolution d’un processus néoplasique sous-jacent. D’autre part, la compétence du médecin ne se limite pas à un acte technique, il doit pouvoir identifier une éventuelle détresse psychique et orienter le patient vers les spécialistes compétents. Le praticien spécialiste en prothèse maxillofaciale doit répondre aux interrogations du patient et le rassurer quant aux étapes de réalisation de la prothèse. Il doit évaluer les effets de la rééducation fonctionnelle et agir en conséquence. Le facteur temps est un paramètre important dans la relation au malade, car celui-ci montre souvent de l’impatience pour sa réhabilitation et ne comprend pas toujours la nécessité de l’attente. Pour le monde médical et paramédical, la prothèse est une pièce destinée à remplacer partiellement ou totalement un membre, un organe ou à rétablir une fonction, ceci afin de permettre à la personne une vie relationnelle acceptable. La réalisation de cette prothèse répond à des indications bien précises et à des modalités d’exécution bien spécifiques. Pour le patient, la prothèse est un corps étranger qui permet de dissimuler la mutilation qui le stigmatise, une pièce que l’on va chercher à intégrer au visage par le biais de maquillage. L’amovibilité de la prothèse assure une fenêtre de surveillance indispensable mais renvoie au patient l’histoire de sa meurtrissure et la perturbation de son image corporelle. L’inertie mécanique et thermique de l’artifice prothétique oblige le patient à penser à son comportement dans la vie sociale et relationnelle : gestion des écoulements, des sécrétions, de l’alimentation, de la phonation et des problèmes d’hygiène.
¶ Travail d’autres intervenants Après la chirurgie, afin de pallier les troubles fonctionnels (déglutition, phonation, mastication), kinésithérapeute et orthophoniste s’associent pour prendre en charge la rééducation. Quant à la famille, elle doit être omniprésente à toutes les étapes du traitement, voire s’intégrer à l’équipe soignante et participer aux prises de décisions thérapeutiques. Son rôle en matière d’apaisement et d’accompagnement est essentiel. Les ressources personnelles, familiales et sociales dont dispose le patient doivent être évaluées afin de prévoir un éventuel soutien psychologique.
Discussion De façon générale, le corps doit passer inaperçu dans l’échange entre les acteurs, même si une situation implique fortement sa présence ; il doit se résorber dans les codes en vigueur et chacun doit pouvoir retrouver, comme dans un miroir, ses propres attitudes corporelles. Il n’y a pas, dans le discours social, traces de réponses habituelles disponibles pour l’acteur mutilé afin d’orienter la régulation de ses conduites face aux dérèglements introduits par la défiguration dans l’ensemble des sphères de la vie quotidienne. L’individu stigmatisé participe à la vie sociale en fonction d’une qualité particulière, d’un « moi particulier ». Par sa seule présence, il arrive que son apparence provoque un malaise profond, il cesse d’être le miroir rassurant, le corps devient lourdement présent, terriblement embarrassant. [3] La défiguration, quelle que soit son origine, est une situation limite du fait de l’importance des enjeux qui la caractérisent, des perturbations qu’elle implique. [14] 5
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Psychologie et relation d’aide en réhabilitation maxillofaciale
Cependant, une part importante de la prise en charge de la mutilation se fait hors du système médical ; la famille et les proches en constituent une source importante. Néanmoins, il revient aux soignants le soin d’orchestrer au mieux cette prise en charge, et ceci dans une vision holistique de la personne. La prise en charge psychologique en matière de réhabilitation maxillofaciale conduit l’équipe soignante à se poser plusieurs questions. À la question « Que dire ? » , le milieu médical est, pour répondre, confronté à une double évolution : celle de la connaissance médicale du grand public et celle de la réglementation de la recherche clinique. Deux sortes de pratiques différentes, toutes deux éloignées d’un paternalisme bienveillant, animent l’exercice médical : la première, d’usage aux États-Unis, est basée sur la notion de vérité scientifique ; la seconde relève plutôt d’une démarche éthique plus intuitive, de rigueur en France. De nombreux témoignages montrent que les sujets mutilés faciaux parviennent à une réidentification lorsqu’ils bénéficient d’une bonne information relative au diagnostic, au traitement médical et au pronostic. En associant le stigmate à la maladie et à son traitement, le sujet donne un sens médicalisé et donc institutionnalisé à sa mutilation. Cependant, il revient au médecin d’interpréter au mieux la demande d’information du patient. Si ce dernier a le droit d’être informé, il a également le droit de conserver une certaine maîtrise sur la quantité d’informations qu’il peut recevoir. En ce qui concerne la question « Comment dire ? », après une information complète, il n’est pas interdit de dédramatiser, de rassurer, de reconstruire. En effet, il faut pouvoir aider le patient à évacuer les fantasmes destructifs qu’il prête à sa maladie et sa thérapeutique. [15]
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Conclusion L’attente d’objectivation du trouble par le patient fonde le médecin comme ingénieur du corps. Cependant, la maladie n’est pas réductible à sa seule définition biomédicale et le médecin ne peut se satisfaire de n’incarner qu’un technicien du corps. [16] Montrer de la sincérité, de l’honnêteté, de l’humanité à travers les mots et les gestes fait partie de la compétence relationnelle du médecin. La prise en charge psychologique en matière de réhabilitation maxillofaciale demande aux acteurs de cette prise en charge une disponibilité intellectuelle, une capacité d’écoute et d’adaptation. [17] Chaque patient est unique, il exprime de manière unique ses souffrances et ses attentes. La démarche vise à considérer la singularité d’une personne, d’une situation, de refuser de l’inscrire dans des généralités, afin de satisfaire au mieux les grands principes de l’éthique médicale. [18] Cette prise en charge psychologique est le fait d’une équipe pluridisciplinaire dont l’action s’articule autour de l’intervention médicale à chaque moment de l’histoire médicale du patient. Son objectif majeur est de rechercher avant tout la meilleure qualité de vie pour les patients. En bout de course de la réhabilitation maxillofaciale, la prothèse maxillofaciale apparaît, au-delà de ses rôles esthétiques et fonctionnels, comme une prolongation du travail psychothérapeutique mené tout au long de la prise en charge. La réhabilitation se présente elle-même comme une véritable prise en charge psychologique et conduit à évoquer la notion de « prothèse psychothérapique ». La prothèse maxillofaciale est une réelle plaque tournante au sein de l’équipe thérapeutique. Elle s’inclut dans une prise en charge médicale globale où la dimension humaine est au centre des priorités de chacun.
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Réhabilitation prothétique après glossectomie S. Fusaro, F. Destruhaut, E. Vigarios, E. Toulouse, P. Pomar Les modalités thérapeutiques des cancers de la langue aboutissent à une altération fonctionnelle et esthétique de la sphère orofaciale. Les conséquences sur la vie du patient nécessitent une prise en charge globale afin d’obtenir une réhabilitation optimale tant sur le plan fonctionnel, esthétique que psychologique. Devant la difficulté de restaurer un organe lingual fonctionnel et la lourdeur des traitements subis par le patient, une solution satisfaisante et simple peut être apportée par la mise en place de prothèses dentaires. Celles-ci permettent d’améliorer les fonctions orales dans lesquelles intervient la langue et apportent une réponse appropriée aux conséquences esthétiques et psychologiques des glossectomies. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Glossectomie ; Cancer lingual ; Prothèse maxillofaciale ; Réhabilitation prothétique
Plan ¶ Introduction
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¶ Glossectomies Glossectomies partielles Glossectomies totales
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¶ Conséquences des glossectomies Conséquences fonctionnelles Conséquences esthétiques et psychologiques
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¶ Réhabilitation prothétique après glossectomie Principes et objectifs de la thérapeutique prothétique Réhabilitation prothétique lors de glossectomies partielles (antérieure ou transversale) Réhabilitation prothétique lors de glossectomies subtotales ou totales
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¶ Conclusion
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■ Introduction Élément essentiel de l’étage inférieur de la face, la langue est un organe musculomuqueux composé de deux parties anatomofonctionnelles distinctes. Elle est formée d’une partie mobile antérieure constituée principalement par les muscles génioglosses, séparée par le V lingual d’une partie postérieure fixe, la base de la langue formée essentiellement par les muscles hyoglosses. La musculature intrinsèque de la langue comprend un septum fibreux antéropostérieur en position médiane qui s’affine vers la pointe de la langue. Le caractère invasif des cancers de la langue s’explique par cette anatomie qui n’oppose aucune barrière tissulaire à la diffusion tumorale. Les atteintes tumorales de la langue ont une fréquence importante puisqu’elles représentent 30 % des cancers de la cavité buccale et se situent au sixième rang des cancers des populations occidentales. Ce sont dans 90 % des cas des carcinomes épidermoïdes avec une atteinte de la partie mobile de la langue dans deux tiers des cas et de la base pour le tiers restant. Ces cancers Stomatologie
se développent dans la majorité des cas dans un contexte alcoolotabagique [1]. La langue possédant un rôle fondamental dans certaines fonctions orofaciales comme la déglutition, la mastication et la phonation, son atteinte oncologique et la thérapeutique chirurgicale en découlant ont de lourdes conséquences fonctionnelles, esthétiques et psychologiques pour le patient.
■ Glossectomies Lors d’un envahissement tumoral de la langue, le choix thérapeutique privilégié est la chirurgie. Elle peut être associée à une radiothérapie (externe ou à une curiethérapie) et dans certains cas à une chimiothérapie. L’objectif de la chirurgie est de réaliser une exérèse assez large pour circonscrire l’ensemble de la tumeur afin de prévenir les récidives tout en conservant la meilleure mobilité possible à la partie linguale restante (respect de l’innervation motrice et limitations des brides cicatricielles). Il existe différents types de glossectomies en fonction de la localisation et de l’étendue de l’exérèse [2] (Fig. 1, 2).
Glossectomies partielles La glossectomie est qualifiée de partielle lorsqu’elle concerne l’exérèse de moins de la moitié de la langue [3] (Fig. 1). Ces interventions ne vont concerner qu’une partie de l’organe lingual et leurs types varient en fonction de leur situation [2]. La glossectomie marginale est l’exérèse d’une tumeur du bord libre de la langue, elle concerne le quart du volume lingual. L’hémiglossectomie peut concerner la totalité de l’hémilangue, c’est-à-dire base et langue mobile comprises ou bien uniquement la langue mobile ou la base. L’hémiglossectomie de la base linguale va comprendre une partie de la région oropharyngée (Fig. 2). L’hémi-pelvi-glossectomie associe à l’exérèse linguale une partie du plancher buccal. L’hémi-pelvi-glosso-mandibulectomie comprend en plus de l’ablation linguale une exérèse du plancher buccal et de la mandibule. Elle peut être interruptrice ou
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22-066-B-54 ¶ Réhabilitation prothétique après glossectomie
Figure 1. Situation des différents types de glossectomies partielles. 1. Antérieure ; 2. de la face dorsale ; 3. latérale ; 4. hémiglossectomie ; a. base linguale ; b. langue mobile.
Figure 4. Glossectomie totale reconstruite par un lambeau myocutané de grand pectoral.
résection mandibulaire, soit en raison d’un envahissement tumoral soit pour réaliser une voie d’abord chirurgicale. La reconstruction de ce type d’intervention peut faire appel à des lambeaux musculocutanés de grand pectoral ou bien au lambeau cutané antébrachial à pédicule radial ou lambeau « chinois » (Fig. 3). Le lambeau antébrachial bilobé est préférable pour préserver la mobilité linguale par sa finesse et parce qu’il permet une reconstruction séparée du plancher buccal et de la langue [1] (Fig. 3).
Glossectomies totales
Figure 2. Coupe sagittale montrant l’étendue des exérèses linguales. 1. Hémiglossectomie de la base linguale ; 2. glossectomie transversale. 3. plancher buccal ; 1 + 2 : glossectomie totale ; 1 + 2 + 3 : pelviglossectomie.
non interruptrice selon la préservation ou non de la continuité osseuse (Fig. 2). La glossectomie transversale antérieure s’adresse aux tumeurs atteignant ou dépassant la ligne médiane. Elle comprend l’ablation de la langue mobile qui peut s’accompagner dans certains cas d’une exérèse du plancher buccal ainsi que d’une
L’exérèse totale de la langue est indiquée en première intention en présence d’une tumeur très envahissante atteignant la totalité ou la quasi-totalité de la langue ou en deuxième intention lors d’une récidive ou d’un premier geste chirurgical trop circonscrit. Dans certaines situations, la chirurgie d’exérèse peut s’étendre au plancher buccal, à la mandibule ou bien à la région oropharyngée. La glossectomie totale (Fig. 4) réalise une véritable ablation de l’étage inférieur de la face. En effet, elle comporte l’ablation de la totalité de la langue, le plancher buccal, supprimant les insertions musculaires de la langue, les régions sous-maxillaires et sous-mentales, l’os hyoïde. Une fois l’exérèse des tissus effectuée, il faut pourvoir à la reconstruction du plancher buccal de manière à permettre un retour à la fonctionnalité de la sphère orale. Cette reconstruction se fait par lambeau musculocutané de grand pectoral (lambeau pédiculé et variant en fonction du morphotype du patient) ou de grand dorsal (lambeaux musculocutanés libres). La reconstruction varie en fonction de la présence ou non des dents. L’absence de dents entraîne une suture du lambeau qui passe en pont au-dessus de la crête mandibulaire, alors qu’en présence de dents et d’une fibromuqueuse interne saine, cette dernière sert d’amarre au lambeau.
Figure 3. Glossectomie partielle reconstruite par lambeau bilobé antébrachial.
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Réhabilitation prothétique après glossectomie ¶ 22-066-B-54
La glossectomie totale peut dans des cas extrêmes être associée à une laryngectomie. Dans cette situation, la rééducation fonctionnelle s’avère très difficile, voire impossible [1]. Les voies d’abord chirurgicales des glossectomies peuvent être transmandibulaire interruptrice (interruption de la continuité osseuse) ou non interruptrice, ou inframandibulaire conservant l’intégrité osseuse. La chirurgie d’exérèse des tumeurs malignes de la langue s’accompagne systématiquement d’un curage ganglionnaire cervical homolatéral, voire controlatéral. Cette atteinte ganglionnaire métastatique est due à la richesse du réseau lymphatique au niveau de la langue. Les caractéristiques de la chirurgie d’exérèse ainsi que les traitements associés (la radiothérapie) font que ces thérapeutiques sont mutilantes et entraînent de lourdes répercussions qui vont retentir sur la réhabilitation fonctionnelle, esthétique et psychologique des patients.
■ Conséquences des glossectomies La langue a un rôle primordial dans diverses fonctions orofaciales comme la mastication, la phonation et la déglutition. L’exérèse partielle ou totale de la langue accompagnée dans certains cas par la suppression des éléments du plancher buccal, va avoir de lourdes répercussions fonctionnelles, esthétiques et psychologiques pour le patient, qui se retrouve avec des déformations anatomiques, physiologiques et morphologiques [2].
Conséquences fonctionnelles Altérations des fonctions buccales Phonation Le langage se définit comme un mode d’expression obtenu par des modifications du son, ces modifications pouvant survenir au niveau du pharynx, de la cavité buccale ou des fosses nasales. La phonation, quant à elle, est un phénomène d’émission des sons du langage lié à la mise en œuvre de mécanismes neurophysiologiques nécessaires à sa réalisation [4]. Ces modifications du son se font par interposition d’obstacles sur son passage comme la langue. La langue va donc intervenir comme articulateur dans la production des voyelles et des consonnes qu’elles soient constrictives ou explosives [5]. La prononciation de certaines consonnes se fait par contact de la langue au niveau du palais [6, 7] : • dentales [d], [t], [n] : la pointe de la langue s’appuie contre les incisives supérieures ; • alvéolaires [l] : la pointe de la langue s’appuie contre le rempart alvéolaire maxillaire ; • prépalatales [兰], [z] : la partie antérieure du dos de la langue s’appuie contre la région antérieure de la voûte palatine ; • palatales : la partie médiane du dos de la langue entre en contact avec la région centrale de la voûte palatine ; • vélaires [k] : le dos de la langue entre en contact avec le voile du palais ; • uvulaire [r] : le dos de la langue s’appuie contre la luette. La prononciation des consonnes constrictives se fait par la propulsion d’un jet d’air entre la langue et le palais [8]. La production des consonnes explosives se fait par une obturation complète suivie d’un dégagement soudain [9]. La production des voyelles se fait par modification de la taille et du volume des cavités de résonance formées par les cavités buccale et nasale. La langue intervient dans ce phénomène, par son interposition, elle va modifier le volume et la forme de la cavité de résonance [8, 9]. En effet, la prononciation des voyelles dépend de la position haute ou basse de la langue ainsi que de sa position avancée ou reculée [7]. La difficulté rencontrée par le patient dans l’émission de sons intelligibles varie selon différents degrés en rapport avec la quantité de tissu lingual réséqué et la situation de la résection [3]. Stomatologie
La perte de la mobilité linguale entraîne une incapacité à produire nettement certains sons. La résonance est altérée entraînant un changement des fréquences sonores (timbre) [10]. Mastication Au cours du cycle masticatoire, la langue va jouer un rôle central dans le devenir du bol alimentaire. La langue, par écrasement des aliments contre la voûte palatine, intervient dans la constitution du bol alimentaire. Elle agit également en coordination avec les muscles jugaux pour maintenir les aliments sur les tables occlusales des dents. La présence de terminaisons nerveuses de type sensitif au niveau de la langue permet une distinction de la texture et de la consistance des aliments, et ces fibres nerveuses envoient un signal lorsque le bol alimentaire est prêt à être dégluti. Une fois le bol alimentaire guidé vers l’oropharynx, la langue aide au débridement des aliments présents dans les vestibules et sur le plancher buccal [5, 11, 12]. Déglutition La déglutition est constituée de trois phases : orale, pharyngienne et œsophagienne. Lors de la phase orale, la langue par ses mouvements permet un malaxage des aliments avec la salive au sein du bol alimentaire et le maintien de ce dernier entre les surfaces occlusales. Le bolus est placé entre le dos de la langue et le palais dur. À ce moment, la contraction du muscle mylohyoïdien élève la langue apportant le bol alimentaire vers l’oropharynx. Pendant cette phase, l’os hyoïde et le larynx sont en position haute. La phase pharyngienne consiste au transport du bol alimentaire le long du pharynx jusqu’à l’œsophage. Le recul de la langue provoque l’éjection du bol alimentaire. Pendant cette phase, il se crée une barrière étanche entre le naso- et l’oropharynx grâce à une déplétion du voile du palais contre la langue, les voies respiratoires sont ainsi protégées par l’épiglotte [5, 8, 11, 13]. L’amputation partielle ou totale de la langue est à l’origine d’une désorganisation des mécanismes de la déglutition. Le patient possède une capacité à mastiquer diminuée.
Conséquences fonctionnelles de la chirurgie d’exérèse Elles ont un retentissement plus ou moins important selon l’étendue et la situation de la résection. La présence de brides cicatricielles, l’installation d’une fibrose due à la chirurgie et accentuée par la radiothérapie cervicofaciale, la voie d’abord chirurgicale pouvant supprimer les remparts alvéolaires, voire la continuité osseuse, la disparition des éléments de soutien du plancher buccal, vont conditionner la réhabilitation prothétique.
Conséquences esthétiques et psychologiques Les cicatrices issues des voies d’abord chirurgicales et du curetage ganglionnaire, l’aplasie des téguments et la diminution de l’étage inférieur de la face résultant de la thérapeutique chirurgicale sont sources de préjudices esthétiques indéniables (Fig. 5). Ces conséquences esthétiques et fonctionnelles, en particulier l’altération de la phonation, vont être à l’origine d’un isolement du patient de son environnement familial et social. Il en résulte un déséquilibre psychologique du patient accentué par la nature carcinologique de la pathologie et par l’atteinte du visage « reflet de l’identité humaine », déséquilibre pouvant compromettre l’intégration de la réhabilitation prothétique.
■ Réhabilitation prothétique après glossectomie La prothèse maxillofaciale, art et science de la reconstruction artificielle du massif facial, concourt à une réhabilitation
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22-066-B-54 ¶ Réhabilitation prothétique après glossectomie
Figure 5. Préjudices esthétiques liés à l’affaissement de l’étage inférieur de la face et aux cicatrices de l’évidement ganglionnaire cervical.
fonctionnelle, esthétique et psychologique [14]. La première trace d’une prothèse linguale est citée par Ambroise Paré au XVIe siècle. Il décrit dans son Livre XXIII, chapitre V, « une petite langue de bois que l’individu qui l’avait imaginé pour luimême posait sur le plancher inférieur et mobile de la bouche ». Trois siècles plus tard, Delebarre (1820) adapta sur un mendiant « un organe factice [...] en ivoire [...] tenue par son propre poids » [15]. La récente histoire de la prothèse linguale vient de la difficulté de remplacer un élément extrêmement mobile attaché à une base elle-même mobile. Les progrès de l’odontologie et surtout des matériaux vont permettre de combler le manque thérapeutique dans ces cas de prise en charge très particulière.
à la situation clinique [11]. Afin de permettre une restauration des fonctions buccales auxquelles participe la langue, il est nécessaire de recréer un contact entre le palais et le moignon lingual ainsi qu’avec les dents antérieures si celles-ci sont manquantes. Le succès de cette réhabilitation est conditionné par la mobilité résiduelle du moignon lingual [11]. Ce contact peut être permis par divers moyens comme : • une diminution de la dimension verticale d’occlusion en abaissant le plan d’occlusion [5] ; • un abaissement de la voûte palatine prothétique [6, 16-18]. Une sous-évaluation de la dimension verticale peut être préjudiciable d’un point de vue esthétique et être à l’origine d’une contamination mycosique des commissures labiales. Quant à l’abaissement de la voûte palatine, elle entraîne un alourdissement relatif de la prothèse. La réhabilitation prothétique doit être un compromis entre les avantages et les inconvénients apportés par ces moyens. Chez un patient édenté, opéré pour un carcinome épidermoïde du plancher buccal dans la région symphysaire dont la reconstruction chirurgicale par lambeau antébrachial bilobé (Fig. 3) a permis la conservation d’un moignon lingual et la préservation du support osseux, le choix de la réhabilitation initiale s’est orienté vers une prothèse complète bimaxillaire classique. La mise en place de ces prothèses a suffi dans ce cas à rétablir une élocution intelligible, une mastication efficace et une esthétique acceptable permettant au patient de réintégrer son environnement social. Il est possible dans certaines situations d’apporter des modifications comme la présence d’un sillon au niveau du palais afin de créer un courant d’air utile à la production de certaines consonnes [11], ou bien créer une anatomie fonctionnelle de l’extrados prothétique traduisant les contacts palatins de langue lors de la phonation et de la déglutition. Les modifications telles que l’abaissement de la dimension verticale d’occlusion ou du palais prothétique sont faites dans un second temps lors de la réfection des prothèses existantes, si cela est nécessaire et apporte une amélioration aux fonctions orofaciales.
Principes et objectifs de la thérapeutique prothétique
Réhabilitation prothétique lors de glossectomies subtotales ou totales
La réhabilitation prothétique de patients présentant une exérèse partielle ou totale de la langue a pour objectif de [8, 9, 11] : • réduire la taille de la cavité buccale de manière à améliorer les caractéristiques de la cavité de résonance ; • diriger les aliments vers l’œsophage ; • protéger les tissus sous-jacents ; • augmenter la surface linguale résiduelle en contact avec le palais lors de la phonation et de la déglutition ; • améliorer l’esthétique et permettre une réadaptation psychosociale du patient [9, 11]. Le choix de réhabilitation prothétique mis en œuvre dépend : • du type de glossectomie ; • de l’existence d’une mobilité linguale résiduelle. Le pronostic prothétique dépend également de la présence ou de l’absence de dents. Il est moins favorable pour des patients édentés en raison du manque de stabilité et de rétention des prothèses. Les séquelles de la radiothérapie (sclérose tissulaire, limitation de l’ouverture buccale, hypo- ou asialie...) et de la chirurgie (fibrose cicatricielle, perte de la continuité osseuse mandibulaire, disparition des vestibules...) sont autant d’éléments défavorables à la bonne intégration des prothèses.
L’approche de ces réhabilitations est variable et l’on trouve différentes démarches. Dans la majorité des cas, le spécialiste de prothèse maxillofaciale met en place une prothèse mandibulaire coulée ou en résine, selon la présence ou non de dents mandibulaires restantes, présentant des extensions au niveau du plancher buccal sur lesquelles viennent se fixer une ou plusieurs prothèses de langue en silicone ou en résine [8, 11, 18-20]. Certains spécialistes vont jusqu’à mettre en place six formes linguales différentes en fonction de la position de la langue au cours de la phonation et de la déglutition [10]. Ce type de réhabilitation par la mise en place d’une prothèse linguale est aléatoire et inconfortable pour le patient. Outre le poids et l’encombrement d’une telle prothèse, la nécessité de changer la prothèse linguale en fonction des sons à articuler ou de la fonction buccale ne permet pas une intégration parfaite de la prothèse qui est un fardeau pour le patient. Une réponse plus simple et plus confortable pour le patient peut être apportée par la mise en œuvre de prothèses dentaires amovibles partielles ou complètes en fonction de la situation clinique. La réhabilitation prothétique des glossectomies subtotales ou totales se fait préférentiellement par un abord mandibulaire [11, 17] . Bien sûr, cela ne signifie pas que les prothèses maxillaires ne pourront pas présenter des modifications. Chez un patient âgé de 61 ans qui a subi une glossectomie totale, par voie d’abord transmandibulaire interruptrice, suite à un carcinome épidermoïde de la langue, la glossectomie a été suivie d’une reconstruction du plancher buccal par un lambeau myocutané de grand pectoral (Fig. 4). En revanche, aucune reconstruction n’a concerné la résection mandibulaire. La réhabilitation se fait dans un premier temps par la mise en œuvre d’une rééducation, essentielle à la restauration des
Réhabilitation prothétique lors de glossectomies partielles (antérieure ou transversale) Ce type de réhabilitation est conditionné par l’existence d’un fonctionnement résiduel du moignon lingual. La réhabilitation de glossectomies partielles passe par une approche prothétique maxillaire avec la mise en place de prothèses dentaires adaptées
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Stomatologie
Réhabilitation prothétique après glossectomie ¶ 22-066-B-54
Figure 6. Extrados des prothèses complètes réalisées chez un patient ayant subi une glossectomie totale. La prothèse maxillaire est traditionnelle. La prothèse mandibulaire présente une extension linguale.
fonctions buccales. Cette rééducation est un préambule indispensable à la mise en place d’une prothèse endobuccale. Elle consiste en une prise en charge principalement par un kinésithérapeute et un orthophoniste. Le kinésithérapeute effectue des massages manuels de la région cervicofaciale qui vont s’opposer à l’installation d’une sclérose cicatricielle ou post-radique pouvant entraîner une limitation de l’ouverture buccale. Au cours de séances d’orthophonie, le patient réapprend à déglutir, à produire des sons et à articuler. Dans le cas d’une glossectomie partielle, le patient apprend à utiliser la partie restante de sa langue pour produire des sons et pour déglutir, alors que pour une glossectomie totale, il met en place des stratégies compensatoires par exemple par l’utilisation du tonus musculaire des joues et des lèvres pour la prononciation et l’articulation de sons intelligibles ou bien l’extension de l’extrémité céphalique associée à un serrement des lèvres pour permettre une déglutition efficace. Le patient présente un édentement complet bimaxillaire. L’hémiarcade mandibulaire droite est absente du fait de la voie d’abord chirurgicale. La reconstruction chirurgicale, à cet endroit, a conduit à une absence de vestibule, facteur négatif pour la réhabilitation prothétique. En revanche, la présence d’une crête osseuse mandibulaire dans le secteur opposé permet une stabilisation et une rétention relatives de la future prothèse complète. La rééducation lui a permis de retrouver une déglutition fonctionnelle et sa prononciation est relativement intelligible malgré l’absence de prothèse. Certains phonèmes restent imprononçables. La mise en place d’éléments prothétiques ne doit pas venir gêner la réalisation des fonctions buccales obtenue par la rééducation. La confection des prothèses débute par des empreintes primaires, à l’aide d’un hydrocolloïde irréversible, qui permettent la réalisation de porte-empreintes individuels. Lors de cette prise d’empreintes, une attention particulière est apportée à l’enregistrement des zones du plancher buccal en regard des volets rétro-mylo-hyoïdiens. Les empreintes secondaires sont réalisées à l’aide de matériaux élastiques de type silicone avec un silicone de bordage et un silicone de haute viscosité. Le choix du matériau à empreinte est guidé par le contexte thérapeutique. En effet, la radiothérapie conduit à une sclérose des glandes salivaires et donc à un assèchement de la muqueuse buccale. C’est pourquoi il est préférable d’utiliser des matériaux de nature hydrophobe. Cette étape correspond à un enregistrement classique des éléments anatomofonctionnels pour la confection d’une prothèse complète. Les étapes suivantes sont dictées par les règles de la prothèse complète conventionnelle. L’enregistrement des rapports maxillomandibulaires est une étape déterminante car outre son rôle conventionnel dans la confection des prothèses complètes, il va également nous permettre de réduire le volume de la cavité buccale par la gestion du positionnement et de l’orientation des dents prothétiques. Concernant le montage de ces dernières, une occlusion de convenance est privilégiée en l’absence de toute Stomatologie
Figure 7.
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Prothèse complète bimaxillaire en bouche.
pathologie articulaire ou de séquelles post-thérapeutiques du fait de la perte de substance mandibulaire et linguale de ce patient (Fig. 6 et 7). L’anatomie des prothèses complètes réalisées (Fig. 6) est tout à fait conventionnelle en ce qui concerne la prothèse maxillaire alors que la prothèse mandibulaire nécessite une adaptation à l’anatomie particulière du patient. La recherche de la rétention se fait au niveau des crêtes alvéolaires restantes (côté opposé à la voie d’abord chirurgicale) tandis que la stabilisation se fait grâce à la construction de la prothèse dans le couloir prothétique défini par les jeux musculaires (jugaux, labiaux et du plancher buccal), ainsi que par la réalisation d’extension au niveau du plancher buccal (Fig. 6). La pose de ces prothèses conduit à une difficulté pour le patient à s’exprimer. Cette difficulté est levée par des séances d’orthophonie. La rééducation doit, à ce stade, intégrer les prothèses. Ces prothèses complètes constituent une première étape d’une réhabilitation globale. D’autres prothèses seront réalisées au cours du suivi thérapeutique du patient, incluant des modifications, parfois minimes, fondées sur le fonctionnement des prothèses préalables.
■ Conclusion La réussite de la réhabilitation globale, c’est-à-dire fonctionnelle, esthétique et psychologique, d’un patient ayant subi une glossectomie réside dans une prise en charge globale du patient (prothétique et psychologique), dans une conception traditionnelle des prothèses utilisant les particularités anatomiques dues
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Points forts [4]
Le caractère invasif des cancers de la langue s’explique par son anatomie qui n’oppose aucune barrière tissulaire à la diffusion tumorale. La chirurgie vise à réaliser une exérèse assez large pour circonscrire l’ensemble de la tumeur afin de prévenir les récidives tout en conservant la meilleure mobilité possible à la partie linguale restante. Les glossectomies ont de lourdes répercussions sur les plans fonctionnel, esthétique et psychologique avec une altération des fonctions orofaciales et une désaffection de l’image de soi. La réhabilitation prothétique doit permettre la réduction du volume de la cavité buccale, l’orientation du bolus alimentaire, la protection des tissus sous-jacents, l’amélioration de la mastication, la restauration d’une élocution intelligible. Dans le cadre de glossectomies partielles, la réhabilitation privilégie une approche prothétique maxillaire. En revanche, pour les glossectomies totales, la préférence va à une réhabilitation mandibulaire.
à la situation, ainsi qu’à la mise en place d’une prise en charge pluridisciplinaire comprenant chirurgien maxillofacial, spécialiste de prothèse maxillofaciale, infirmier, kinésithérapeute, orthophoniste, etc. Le spécialiste de prothèse maxillofaciale joue également le rôle de relais entre le ressenti du patient et les divers protagonistes lors de la réhabilitation prothétique.
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■ Références [1]
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S. Fusaro, Assistante hospitalo-universitaire ([email protected]). F. Destruhaut, Attaché stagiaire hospitalo-universitaire. E. Vigarios, Praticien hospitalier. E. Toulouse, Prothésiste, épithésiste D.U. P. Pomar, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Unité fonctionnelle de prothèse maxillo-faciale, Service d’odontologie, CHU Rangueil, 3, chemin des Maraîchers, 31062 Toulouse, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Fusaro S., Destruhaut F., Vigarios E., Toulouse E., Pomar P. Réhabilitation prothétique après glossectomie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-066-B-54, 2008.
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Stomatologie
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Réhabilitation prothétique des pertes de substance mandibulaires d’origine carcinologique E. Vigarios, M. Pradines, S. Fusaro, E. Toulouse, P. Pomar Les pertes de substance mandibulaires ont pendant longtemps souffert d’une réhabilitation esthétique et fonctionnelle aléatoire liée essentiellement à la difficulté de reconstruire l’arc mandibulaire. Dans des conditions souvent longues à obtenir, la réhabilitation prothétique de l’étage mandibulaire en complément de techniques de reconstruction chirurgicales offre au malade opéré une amélioration essentielle à sa qualité de vie, et aide de façon primordiale à sa resocialisation. L’objet de cet article est, après avoir décrit les différentes formes cliniques de pertes de substance mandibulaires, d’insister sur les conséquences locales des différents traitements engagés, d’évaluer la valeur pronostique des critères locaux et régionaux et enfin de proposer une méthodologie de réhabilitation prothétique. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Mandibulectomie ; Réhabilitation prothétique ; Cancers mandibulaires
Plan ¶ Introduction ¶ Classifications des pertes de substance mandibulaires d’origine carcinologique Classification de Benoist (1974) Classification de Firtel et Curtis (1982) Classification de David (1988) Classification de Jewer et Boyd (1989) Classification de Peri (1989) Classification de la Société française de chirurgie maxillofaciale (1989) Classification de Lirken (1991)
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¶ Incidences locales des traitements carcinologiques en rapport avec la réhabilitation prothétique Conséquences de la chirurgie d’exérèse Conséquences de la radiothérapie Conséquence de la chimiothérapie Conséquences de la chirurgie reconstructrice
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¶ Évaluation pronostique des critères locaux et généraux en prévision d’une réhabilitation prothétique Critères locaux Critères généraux
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¶ Modalités et techniques de réhabilitation maxillofaciale d’une perte de substance carcinologique de l’étage inférieur Composante fonctionnelle de la réhabilitation : prise en charge kinésithérapique Composante prothétique de la réhabilitation : confection des prothèses Composante psychosociale de la réhabilitation ¶ Discussion-conclusion : place de l’implantologie dans la réhabilitation des pertes de substance mandibulaires
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et musculaire induit des rapports de proximité intimes entre la mandibule, les muscles manducateurs, le plancher buccal et les glandes salivaires. Ces différentes structures anatomiques peuvent être atteintes de tumeurs malignes des voies aérodigestives supérieures dont les traitements sont responsables de séquelles fonctionnelles et esthétiques sévères. L’attitude thérapeutique dans ce contexte carcinologique varie selon les écoles mais d’une façon générale il s’agit d’un traitement par association radiochirurgicale à laquelle peut s’ajouter une chimiothérapie. Cette attitude thérapeutique est fonction du siège de la tumeur, de son volume, de son extension aux structures voisines, du caractère complet ou non de l’exérèse, de l’atteinte ganglionnaire, de l’existence de métastases et de l’état général du patient. D’une manière générale, le contexte thérapeutique du traitement d’affections carcinologiques de l’étage inférieur de la face est très péjoratif à une restauration endo-orale. La dose de radiothérapie associée à la chirurgie d’exérèse dépasse souvent les 60 grays ; elle est à l’origine d’effets secondaires sévères et durables sur les parties molles (problèmes salivaires ; fibroses musculaires) ainsi que sur les os (délai de cicatrisation des greffons ; risques d’ostéoradionécrose). Par ailleurs, l’évidement ganglionnaire réduit considérablement la mobilité mandibulaire et cervicale. On comprend dès lors qu’un tel contexte locorégional associé à un contexte général et psychologique difficile (terrain alcoolo-tabagique fréquent) rende la prise en charge de ces patients particulièrement complexe.
■ Classifications des pertes de substance mandibulaires d’origine carcinologique [1-4]
■ Introduction La mandibule, os impair et médian, constitue le squelette du massif facial inférieur. La vascularisation à la fois axiale par l’artère alvéolaire inférieure et périphérique d’origine périostée Stomatologie
Schématiquement, les techniques de chirurgie d’exérèse tumorales sont de deux types : • conservatrice de la mandibule : pelvimandibulectomie non interruptrice, voie d’abord par buccopharyngectomie transmandibulaire (BPTM) ;
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• non conservatrice : BPTM avec sacrifice de la continuité mandibulaire au niveau de la branche horizontale et/ou verticale avec ou sans condyle, pelvimandibulectomie interruptrice. La chirurgie d’exérèse aboutit toujours à une perte de substance (PDS) qui, selon son siège, son volume et les lésions tégumentaires et nerveuses associées, fait l’objet d’une classification. Le geste chirurgical d’exérèse est presque toujours associé à un geste chirurgical de reconstruction que nous évoquerons ultérieurement.
Classification de Benoist (1974) Elle distingue : • les PDS partielles n’interrompant pas la continuité de l’os ; • les PDS interruptrices ou complètes de la continuité de la mandibule et leur localisation au niveau de la symphyse, de la branche horizontale de l’angle ou de la branche montante. Cette classification relève d’une classification sectorielle anatomique.
Classification de Firtel et Curtis (1982) Classe I : résection osseuse alvéolaire préservant la continuité de la mandibule, les muscles masticateurs, la plus grande partie de la langue et des tissus mous. Classe II : résection totale avec perte de continuité osseuse en distal de la canine. Le condyle, la branche montante ainsi que la portion de la branche horizontale en arrière de la canine sont retirés. On observe une perte des fonctions et des attachements musculaires : il en résulte une déviation de la partie restante. Classe III : la résection se fait à partir de la symphyse mentonnière et concerne toute une hémimandibule. On note une aggravation des troubles recensés en classe II : déviation mandibulaire, instabilité occlusale, trouble de la salivation, de la phonation et de la déglutition. Classe IV : résection latérale de la mandibule avec rajout d’une pseudoarticulation d’os et de tissus mous. Classe V : résection de la portion antérieure de la mandibule autour de la symphyse mentonnière. Les deux articulations temporomandibulaires sont conservées ; une greffe osseuse est effectuée pour combler cette PDS. Classe VI : résection mandibulaire identique à la classe V mais la continuité mandibulaire n’est pas restaurée.
Classification de David (1988) Elle se décline selon six types de PDS : • type A : PDS intéressant une branche horizontale seule et d’un seul côté ; • type B : PDS étendue de la région angulaire à la région symphysaire ; • type C : PDS étendue de la région de l’angle à la branche horizontale controlatérale ; • type D : PDS emportant le corps mandibulaire et les deux angles ; • type E : PDS de la région symphysaire ; • type F : hémimandibulectomie incluant le condyle mandibulaire. Cette classification anatomopathologique correspond essentiellement aux différentes circonstances de la chirurgie d’exérèse carcinologique traditionnelle.
Classification de Jewer et Boyd (1989) Après avoir évalué le résultat de 60 cas de reconstructions mandibulaires par transplants libres de crêtes iliaques, Jewer et Boyd proposent une classification reflétant davantage la complexité de la reconstitution que la taille de la PDS osseuse. Ils considèrent trois groupes : • les PDS « C » ou centrales qui concernent la région symphysaire incluant les deux canines et nécessitent une ou plusieurs ostéotomies pour donner un galbe satisfaisant à la région mentonnière ;
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• les PDS « L » ou latérales préservant la région condylienne ; • les PDS « H » ou qui correspondent aux hémimandibulectomies ; elles emportent la région condylienne qui doit être restaurée. La réalité des combinaisons possibles (CL, H, LC, LCL, HCL, HH) rend compte des difficultés de la reconstruction.
Classification de Peri (1989) Cette classification topographique et physiopathologique répertorie quatre types : • type I : PDS interruptrice mandibulaire (PSIM) antérieure et segmentaire, intéressant la région symphysaire, pouvant s’étendre vers l’arrière sur la branche horizontale de façon symétrique ou non ; • type II : PSIM latérale et segmentaire respectant la région articulaire et symphysaire jusqu’à la canine homolatérale ; • type III : PSIM latéroterminale comportant toujours une désarticulation et pouvant déborder sur la région symphysaire sans dépasser la ligne médiane réalisant au maximum une hémimandibulectomie ; • type IV : PSIM de la région articulaire intéressant la partie haute de la branche montante respectant ou non le coroné. Ces classifications expliquent l’importance des pertes de substance osseuses et leurs conséquences mais elles ne prennent pas en compte l’ensemble des facteurs qui influencent les résultats anatomiques, fonctionnels et esthétiques de la reconstruction qui doit être le plus souvent pluritissulaire.
Classification de la Société française de chirurgie maxillofaciale (1989) Elle s’intéresse aux PDS interruptrices de la mandibule. • Type I : PSIM antérieure segmentaire limitée au corpus. Cette PDS peut s’étendre latéralement vers l’arrière sur la branche horizontale de façon symétrique ou non ; • type II : PSIM latérale segmentaire respectant la région articulaire. Elle emporte tout ou partie de la branche horizontale en arrière de la canine, de l’angle et de la branche montante mais sans désarticulation ; • type III : PSIM latéroterminale. Elle comporte toujours une désarticulation ; elle emporte outre la région condylienne, la branche montante, l’angle et une partie de la branche horizontale en arrière de la canine. Elle peut déborder sur la région symphysaire sans dépasser la ligne médiane, réalisant ainsi une hémimandibulectomie ; • type IV : PSIM de la région articulaire. La résection intéresse toujours la région condylienne et peut déborder sur la partie haute de la branche montante.
Classification de Lirken (1991) Elle propose une classification complète de toutes les lésions anatomiques. Elle classe les PDS osseuses selon leur localisation : C pour condyle, R pour ramus, B pour body, le corps mandibulaire, S pour symphyse. Les lésions des parties molles associées sont notées. Les déficits neurologiques sensitifs (lingual, dentaire, mentonnier) ou moteur (hypoglosse, facial) uni- ou bilatéraux sont pris en compte dans les modalités de reconstruction.
■ Incidences locales des traitements carcinologiques en rapport avec la réhabilitation prothétique Conséquences de la chirurgie d’exérèse [5] Brides cicatricielles et interférences fibreuses Dans les PDS mandibulaires, les tissus muqueux et cutané sont presque toujours intéressés : suture du revêtement cutané Stomatologie
Réhabilitation prothétique des pertes de substance mandibulaires d’origine carcinologique ¶ 22-066-B-51
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Points essentiels
En pratique deux situations cliniques s’offrent à nous : • la PDS est non interruptrice : la continuité de l’os basal n’est pas atteinte par l’exérèse chirurgicale. La technique de reconstruction vise à recréer en regard de l’intrados de la future prothèse une couverture à la portion osseuse tronquée ; • la PDS est interruptrice : la solution de continuité mandibulaire est rompue par l’exérèse chirurgicale et engendre une brèche osseuse qui, dans la majorité des situations, ne pourra pas être appareillée en dehors d’une reconstruction chirurgicale. Les techniques de reconstruction font appel : • à des greffes osseuses (crête iliaque, de fibula ou d’os costal) ; • à des endoprothèses (matériel d’ostéosynthèse ou métalloacrylique), recouvertes par des greffes de peau, des lambeaux myocutanés, ou par lambeaux ostéo-myocutanés visant ainsi à recréer la continuité de l’arc mandibulaire. L’anatomie endobuccale résultant de la reconstruction est souvent délicate à appareiller, surtout chez l’édenté, mais tout aussi bien exploitable prothétiquement que les pertes de substance à l’origine non interruptrices. ainsi que suture intrabuccale sont réalisées. La cicatrisation s’accompagne d’une rétraction fibreuse ; elle se manifeste environ 15 jours après l’opération. Elle s’installe progressivement et induit déplacements et déformations. Les déplacements induits sont irréductibles à la main ; des appareillages agissant par traction ou pression ont parfois beaucoup de difficultés à vaincre la rétraction. Ces déformations par rétraction cicatricielle sont importantes à connaître car elles sont les plus difficiles à traiter. Lors de l’exérèse des tissus mous, la glossopexie est souvent pratiquée. Il en résulte une amputation du vestibule lingual à l’origine d’une déstabilisation de la prothèse lors de mouvements, même réduits, de la langue. Il en est de même de l’insertion des vestibules jugaux ou labiaux qui sont peu profonds et perdent leurs valeurs stabilisatrices et rétentives.
Lésions nerveuses Lors de l’exérèse tumorale, le nerf alvéolaire inférieur homolatéral à la résection peut être sectionné ; le nerf lingual peut lui aussi être concerné. Il s’ensuit des préjudices fonctionnels et esthétiques importants.
Pertes de surfaces d’appuis (Fig. 1) Les surfaces recherchées pour assurer la rétention, la stabilisation et la sustentation des futures prothèses sont difficilement exploitables après résection.
Latérodéviations et trouble de l’articulé dentaire Abandonnée à elle-même, une PDS mandibulaire aboutit toujours à des déformations importantes qui s’installent très rapidement après la chirurgie d’exérèse et en l’absence de traitements préventifs. La résection mandibulaire avec les désinsertions musculaires qu’elle comporte entraîne un déséquilibre de la statique mandibulaire, une déviation de la partie mandibulaire restante du côté opéré et un trouble de l’occlusion plus ou moins important selon la quantité de dents perdues avec la portion réséquée et la quantité de dents restantes sur l’arcade.
Incidences fonctionnelles Elles sont plus ou moins invalidantes selon l’étendue de la résection, l’ampleur de la déviation, la présence de brides Stomatologie
Figure 1.
Pertes de surfaces d’appuis.
Figure 2. Incidences esthétiques.
cicatricielles, les sutures endobuccales reliant la langue à la joue, la xérostomie postradique, la diminution de la mobilité linguale, la suppression de remparts alvéolaires, la disparition des éléments de soutien du plancher buccal. Les altérations fonctionnelles concernent la mastication, la phonation, la respiration (par ptose linguale), l’élocution. Une hémiparesthésie de la lèvre inférieure ainsi qu’une incontinence labiale peuvent être observées. Toute la vie de relation du sujet est affectée, il se retrouve en situation de handicap et souvent l’objet de stigmatisation.
Incidences esthétiques (Fig. 2) Les cicatrices cutanées sous-mentales, sous-maxillaires et latérales du cou sont témoins de l’incision réalisée. Une aplasie tégumentaire se produit du côté réséqué du fait de la disparition du relief osseux et des tissus mous en regard ; les paresthésies, l’incontinence labiale, la déviation mandibulaire sont également particulièrement préjudiciables à l’apparence.
Conséquences de la radiothérapie Elles sont nombreuses et touchent tous les tissus : cutané, muqueux, glandulaire, ganglionnaire, musculaire, osseux, nerveux. En pratique, parmi tous les effets de la radiothérapie, le plus préjudiciable à la réhabilitation prothétique concerne le plan glandulaire. L’irradiation cervicofaciale induit une altération sévère de la fonction salivaire : • modification qualitative et quantitative ;
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• diminution du pH salivaire et modification de la flore buccale ; • altération des fonctions enzymatiques et immunologiques de la salive. Ces modifications fonctionnelles sont irréversibles au-delà de 60 Gy par destruction définitive des parenchymes glandulaires. La mastication, la déglutition et la phonation sont entravées par une absence de lubrification des aliments et des muqueuses. La muqueuse buccale prend un aspect dépoli et colle au miroir. L’insuffisance ou l’absence de salive compromet considérablement la rétention prothétique.
Conséquence de la chimiothérapie La chimiothérapie engendre une immunodépression à l’origine de processus infectieux buccodentaires. L’incidence sur notre programme de réhabilitation est de différer les étapes de confection jusqu’à l’obtention d’une cicatrisation tissulaire acquise. À ce jour, la chimiothérapie est loin d’être systématique dans le protocole thérapeutique des cancers de l’étage inférieur de la face.
Conséquences de la chirurgie reconstructrice [1, 3-7] L’objet de la reconstruction chirurgicale est de reconstituer immédiatement le segment osseux réséqué afin de ne pas perturber l’équilibre mandibulaire. Elle offre également la possibilité de réinsérer les muscles et de reconstruire des plans de soutien de la bouche. La reconstruction chirurgicale fait appel soit à des endoprothèses (résines, métalliques, métalloacryliques, plaques de titane, grille de reconstruction mandibulaire en vitallium, attelle en acier inoxydable de Péri) soit à des lambeaux (musculocutané, greffe osseuse libre non vascularisée, lambeau osseux pédiculé, lambeau osseux libre revascularisé ou microanastomosé). Les pertes de substance osseuse de petite taille peuvent être l’objet de technique de distraction. Par ailleurs, la reconstruction par endoprothèses est souvent candidate à la mise en place, en complément, d’un appareillage de contention soit à ancrage dentaire soit à ancrage osseux afin de lutter contre l’installation d’une latérodéviation. Après la reconstruction chirurgicale et en prévision de la réhabilitation prothétique, un certain nombre de critères doivent attirer notre attention : • intégration du lambeau dans son axe osseux et restitution de la continuité osseuse sans rupture saillante avec le moignon mandibulaire restant ; • valeur d’ancrage et pronostic des dents présentes (étant convenu qu’un bilan buccodentaire complet est à réaliser et que les soins conservateurs et non conservateurs doivent être pris en charge avant la radiothérapie) ; • valeur rétentive des vestibules muqueux notamment du côté non opéré ; évaluation de la valeur rétentive ou au contraire déstabilisatrice pour la future prothèse des néovestibules linguaux, jugaux et labiaux dans le secteur opéré ; • présence d’une fibrose musculaire cervicofaciale postchirurgicale et postradique souvent à l’origine de l’installation d’une limitation d’ouverture buccale à prévenir impérativement par des techniques de kinésithérapie et mécanothérapie.
■ Évaluation pronostique des critères locaux et généraux en prévision d’une réhabilitation prothétique Cette évaluation dépend essentiellement de facteurs locaux résultant des traitements par association radiochirurgicale mais aussi de facteurs d’ordre plus général.
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Critères locaux Paramètres morphologiques Dans un souhait d’obtenir les conditions de réhabilitation les plus favorables, il faut retenir un certain nombre d’éléments. Pour les PDS non interruptrices (respectant l’os basal), deux impératifs morphologiques dictés par la future réhabilitation peuvent guider les chirurgies d’exérèse et de reconstruction : • éviter de créer des sections angulaires entre la portion osseuse saine et la brèche d’exérèse, zones trop saillantes sur lesquelles l’appui prothétique est traumatisant pour les tissus de recouvrement ; • chercher à obtenir un espace de recouvrement, par lambeaux ou par greffes, homogène, limité en épaisseur et adhérant à la brèche d’exérèse sous-jacente. Pour ce faire, une concertation préopératoire entre le chirurgien et le spécialiste qualifié en prothèse maxillofaciale est indispensable afin de confronter et de concilier les impératifs de chacun. Les pertes de substance interruptrices non reconstruites par la chirurgie sont généralement inappareillables prothétiquement car les defects morphologiques (effacement de l’angle mandibulaire) et fonctionnel (déviation mandibulaire installée) ne peuvent pas être comblés par la réhabilitation prothétique endo-orale [8]. Les latérodéviations de la mandibule sont caractéristiques des résections mandibulaires en l’absence de traitement préventif. Ces appareillages ou appareils guides sont des prothèses adjointes partielles en résine (avec volets vestibulaires ou linguaux) qui permettent de recentrer le chemin de fermeture mandibulaire et d’obtenir ainsi des contacts dentodentaires corrects lors de la mastication [9]. Ces situations cliniques nécessitent une prise en charge kinésithérapique très précoce, après l’intervention [10]. Concernant les résultats attendus après chirurgie reconstructrice : • la nouvelle crête osseuse endobuccale doit avoir une hauteur suffisante et former des vestibules, même peu profonds ; • les lambeaux libres de fibula en double épaisseur (en canons superposés) constituent, par le volume recréé, les meilleures configurations morphologiques à la réhabilitation prothétique des secteurs latéraux ; • les greffes de crête iliaque ou d’os costal apportent aussi de bonnes réponses anatomiques. Cependant, le modelage par ostéotomie avant leur mise en place dans le site d’exérèse étant délicat, la greffe fibulaire est actuellement préférée par la plupart des équipes chirurgicales ; • la hauteur globale (nouvelle crête associée au tissu de recouvrement) doit laisser un espace prothétique exploitable par rapport à l’arcade ou à la crête maxillaire antagoniste. Souvent, le tissu de recouvrement doit être dégraissé ou désépidermisé après intégration et cicatrisation du lambeau, de façon à obtenir une assise prothétique plus ferme ou un espace prothétique plus important ; • le manque de souplesse des palettes cutanées est long à disparaître car accru par la diminution de la qualité salivaire. Les altérations fonctionnelles et les préjudices esthétiques affectent considérablement la santé physique et mentale du sujet. Il s’impose à tout praticien de prendre la mesure réelle de la situation et de son impact désorganisateur dans toute la vie du sujet. En effet, la collaboration du patient ne peut s’obtenir autrement ; elle est indispensable à la mise en œuvre d’une réhabilitation prothétique et garante de son intégration.
Paramètres fonctionnels Ils sont essentiellement la conséquence des modifications tissulaires radio-induites. Stomatologie
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Tissu glandulaire La diminution ou l’absence de salive, très handicapante pour toute fonction orale (déglutition, phonation ou alimentation), constitue aussi un frein, voire une contre-indication à la mise en place de façon durable d’un corps étranger – prothétique - dans la cavité buccale. La surveillance clinique du problème salivaire est continue ; les conseils de soins locaux sont répétés. Tissu musculaire L’irradiation externe de la sphère cervicofaciale induit une sclérose des muscles masticateurs évoluant vers une limitation de l’ouverture buccale susceptible de s’installer définitivement. Le trismus peut aussi être une manifestation clinique d’un foyer d’ostéoradionécrose ou d’une récidive.
Critères généraux [11-13] L’équilibre psychologique du patient est un facteur essentiel attendu pour la mise en œuvre de tout traitement prothétique ; il est garant de l’intégration de la prothèse et de sa pérennité. Cependant, l’épreuve de la maladie et des traitements qu’elle implique a des répercussions considérables sur la personne qui en est victime. Le cancer présente une menace multiple : • une projection inéluctable dans la mort ; • une rupture avec le monde socioprofessionnel, familial ; • un danger d’isolement ; • la douleur ; • la perte de l’intégrité corporelle ; • la rupture avec son image inconsciente corporelle. À ces différents éléments, s’ajoutent les conséquences plus spécifiques liées à la localisation maxillofaciale de cette affection : • la mutilation faciale, la défiguration ; • l’altération des fonctions de la sphère orofaciale (difficultés à l’alimentation, la déglutition, la phonation, l’élocution, perturbation des sens) ; • des préjudices esthétiques visibles (cicatrices, dysmorphies localisées...) ayant pour conséquence une perturbation avec le monde extérieur et des effets de stigmatisation. Le cheminement psychologique indispensable entre l’avantet l’après-chirurgie est la résultante de la mise en place d’une relation d’aide par une équipe multidisciplinaire. Des entretiens réguliers doivent aboutir à une bonne connaissance du patient, de son vécu, de sa situation familiale et sociale, de l’histoire de sa maladie dans un contexte personnel pathologique, voire addictif défavorable (souvent alcoolotabagique : 48 % des carcinomes épidermoïdes). La collaboration thérapeutique au sein d’une équipe multidisciplinaire constituée de chirurgiens, de personnel infirmier, de kinésithérapeutes, de psychothérapeutes et d’acteurs de la réhabilitation maxillofaciale, concentre toutes les ressources physiques et psychologiques du patient pour une participation plus dynamique et active aux thérapeutiques qui lui sont proposées. Les éléments essentiels qui influencent l’intégration, l’acceptation et la réadaptation sont : • l’histoire de la maladie et de l’hospitalisation ; • les traitements secondaires ; • le facteur temps ; • la présence ou l’absence de famille. Par ailleurs, l’état général peut aussi conduire l’équipe de prothèse maxillofaciale à simplifier les protocoles de réhabilitation en s’inscrivant dans une démarche palliative qui vise à respecter au mieux les doléances fonctionnelles. Stomatologie
■ Modalités et techniques de réhabilitation maxillofaciale d’une perte de substance carcinologique de l’étage inférieur Composante fonctionnelle de la réhabilitation : prise en charge kinésithérapique [3, 4, 10, 14] Objectifs Les mouvements mandibulaires sont des réflexes innés qui peuvent cependant être volontairement contrôlés. C’est en jouant sur cette propriété qu’il est possible de corriger un mouvement pathologique en faisant acquérir au patient ayant perdu certains réflexes au cours d’une intervention délabrante, des réflexes conditionnés obtenus par la répétition d’exercices appropriés. Il s’agit en effet de maintenir ou rétablir un fonctionnement « normal » de l’appareil manducateur en agissant à plusieurs niveaux : • la circulation sanguine et lymphatique ; • les ligaments ; • les muscles.
Modalités La kinésithérapie maxillofaciale débute le plus tôt possible après l’intervention chirurgicale et doit idéalement être poursuivie pendant de nombreux mois. Une attention particulière doit être portée à la phase de radiothérapie. L’amélioration de la trophicité tissulaire locale se fait par massages manuels, application de chaleur (sèche ou humide) et a pour objectifs un assouplissement des tissus et une sédation de la douleur. Les étirements ligamentaires permettent de rendre aux tissus leur élasticité et leur longueur initiales par le biais de mobilisation passive (intervention du kinésithérapeute) ou autopassive (sans intervention du kinésithérapeute). La rééducation musculaire constitue l’étape majeure de la thérapeutique et vise à restituer au muscle sa fonction initiale. Elle nécessite un travail actif par des contractions musculaires provoquées.
Composante prothétique de la réhabilitation : confection des prothèses Appareils de prévention (gouttière de fluoration, appareils guides) et appareils de réduction [5] Gouttière de fluoration À partir d’un jeu d’empreintes réalisé avant l’exérèse chirurgicale, le chirurgien dentiste confectionne une gouttière de fluoration. Le port journalier pendant 5 minutes de ces gouttières permet un apport topique de fluor en prévention de l’odontoradionécrose. Le port à vie s’impose. Appareil guide à plan incliné Destiné à guider la portion de mandibule non réséquée au cours des mouvements de fermeture, leur action lutte efficacement contre les phénomènes de latérodéviation et contribue à la rééducation de la dynamique mandibulaire du malade. Plus précisément, ces appareillages sont constitués d’une base prothétique classique supportant un volet vestibulaire ou palatin, appelé plan incliné, prenant appui sur le plan de glissement constitué par les faces vestibulaires ou palatins de l’arcade antagoniste. À la fermeture, le volet s’oppose aux déplacements dans le sens transversal et guide la partie mandibulaire restante de sorte que les dents viennent s’engrener correctement.
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Selon le type d’édentation, du patient et de la mobilité des dents restantes, la base prothétique est réalisée en résine ou en métal coulé. Appareils de réduction Ils sont à connaître mais sont peu utilisés en pratique. Ils s’adressent plus particulièrement aux malades ayant subi une perte de substance mandibulaire livrée à elle-même pendant un laps de temps plus ou moins long et qui a, de ce fait, permis une sclérose cicatricielle de s’installer, fixant la portion mandibulaire restante dans une position vicieuse. Ces appareillages développent des forces relativement puissantes et nécessitent un ancrage solide sur les arcades dentaires. Ceci limite leur utilisation à des sujets porteurs d’une denture et d’un parodonte en bon état.
Figure 3.
Réalisation d’un porte-empreinte individualisé (PEI).
Prothèses d’usage [5, 7, 9, 15-18] Principe Le principal objectif de la réhabilitation maxillofaciale est de tendre vers une restauration ad integrum fonctionnelle, esthétique et psychologique. La méthodologie s’inspire de la réalisation des prothèses adjointes partielles ou complètes classiques ; seules les particularités propres aux prothèses maxillofaciales sont développées ici. Méthode Les deux étapes cliniques fondamentales sont les prises d’empreinte et la détermination des relations intermaxillaires ; elles conditionnent l’adaptation des bases prothétiques aux supports muqueux et la future fonctionnalité des prothèses. En effet, en enregistrant le contact des bases prothétiques aux supports muqueux, les empreintes déterminent la sustentation et la rétention des prothèses, alors que la stabilisation est développée par les rapports interarcades en fermeture buccale. Prises d’empreintes. La réalisation des empreintes est une étape longue (pour laquelle plusieurs séances sont nécessaires) et exigeante dont le résultat prime sur le temps de réalisation. Empreinte primaire. Prise d’empreinte initiale : on utilise des porte-empreintes du commerce modifiés à la pince ou au disque, ou rallongés à la résine pour des prises d’empreinte épousant les contours anatomiques exploitables. L’empreinte est prise généralement aux alginates ou au plâtre, mais surtout de manière peu compressive, c’est-à-dire avec un matériau fluide, à prise rapide. Les tissus sont mobilisés par l’opérateur pour enregistrer les freins, les brides et les vestibules ; le patient mobilise la langue et les lèvres. Réalisation d’un porte-empreinte individualisé (PEI) : il est impérativement réalisé sur les modèles positifs en plâtre : • selon les limites indiquées par un trait à l’aniline sur le matériau d’empreinte avant la coulée des modèles positifs, indiqué par l’observation clinique des zones enregistrables et exploitables ; • en résine suffisamment résiliente pour épouser et reproduire fidèlement l’enregistrement primaire ; • et présentant des extensions pour une manipulation plus aisée lors de l’empreinte secondaire. Ces extensions, qui selon les habitudes de l’opérateur et la technique employée, sont : C un moyen de préhension coudé qui n’interfère pas avec la lèvre, et des plots d’appui sur les secteurs latéraux permettant de contrôler l’enfoncement du PEI lors de l’empreinte secondaire ; C un bandeau vertical servant de préhension et qui n’interfère pas avec le jeu musculaire labial, à l’inverse des manches de préhension. Le PEI est réalisé de façon à représenter une simulation sur le modèle primaire la plus parfaite possible des futures bases prothétiques. Pour cela, il est longuement et patiemment ajusté au fauteuil. C’est ici un point déterminant pour la reproduction la plus fidèle possible. Une nouvelle empreinte aux alginates et la réfection d’un nouveau PEI auront lieu si le premier ne correspond pas parfaitement aux contours anatomiques exploitables par la future base prothétique (Fig. 3).
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Figure 4. Empreinte secondaire.
Empreinte secondaire (Fig. 4). Elle est classiquement réalisée à l’aide de deux matériaux de consistances différentes, de façon à superposer deux enregistrements : un statique et un dynamique. Cette étape s’effectue donc en deux temps, selon la largeur des bords prothétiques recherchée. Phase anatomique ou statique : cet enregistrement s’effectue sous une légère pression, de façon à caler le PEI autour de l’arcade osseuse, avec un matériau semi fluide en effectuant des mouvements passifs (par manipulations de l’opérateur) des tissus mous, lèvres et joues, et en centrant le PEI et l’empreinte ainsi prise, autour de la portion de crête osseuse saine. Nous prêterons évidemment attention aux blessures pouvant résulter de l’étirement des tissus opérés. Les excès de matériau sont découpés au bistouri après polymérisation. On doit veiller de cette façon à obtenir des bords prothétiques courts : en forme de petite virgule, le matériau situé au-dessus de la ligne de grand contour extérieur du bord est éliminé au bistouri. Phase fonctionnelle ou dynamique : réalisée à l’aide d’un matériau plus fluide, elle doit être comprise comme un rebasage fonctionnel (nous enregistrons ici les mouvements musculaires ; il faut pourtant exercer de légères tractions manuelles sur les freins et les brides fibreuses inertes ainsi que sur la langue opérée) du PEI et du matériau de l’étape statique. Nous utilisons plutôt un matériau fluide, dont la consistance peut être modifiée, selon le comblement des zones vestibulaires recherché ; le sens clinique du praticien guide alors le choix des proportions employées. Il est important de charger la quantité de matériau dans le PEI selon le résultat escompté, en le modelant à la spatule avant son introduction en bouche, de façon à éviter de grandes quantités d’excès de matériaux et des enregistrements inutiles. La mise sous pression, au début de la prise d’empreinte, est alors plus ou moins forte selon la viscosité du matériau utilisé ; elle est évidemment plus légère du côté opéré. Il est toujours préférable d’humidifier la cavité buccale avec de l’eau pour que le matériau ne colle pas aux muqueuses, ce qui produirait une déformation de surface. C’est aussi pourquoi Stomatologie
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nous évitons d’utiliser des pâtes à base d’oxyde de zinc eugénol : bien que très intéressantes pour leur manipulation et leur viscosité, elles sont irritantes sur les muqueuses sèches. La coulée des modèles secondaires s’effectue classiquement en plâtre dur avec coffrage des bords prothétiques. Détermination des relations intermaxillaires. Les positions des dents dans les trois sens de l’espace conditionnent l’emboîtement des deux arcades et déterminent ainsi la stabilisation des appareillages ; ce positionnement des dents conditionne aussi la rééducation fonctionnelle de la déglutition, de la phonation et de la mastication, car ce sont bien les relations maxillomandibulaires qui indiquent l’encombrement oral et le jeu musculaire maxillofacial. C’est pourquoi les rapports intermaxillaires (RIM) recherchés doivent s’inscrire dans la position la plus naturelle possible. Chez le patient denté, l’articulé de convenance est recherché ; l’appareillage peut parfois permettre une légère modification de cette position habituelle, mais la rééducation fonctionnelle est alors plus délicate. Ce changement est évité, en conservant suffisamment de contacts dentodentaires existants. Il est malgré tout souvent indispensable de retrouver des relations intermaxillaires correctes par le port successif de plusieurs appareillages prothétiques. Chez l’édenté, nous préférons sous-évaluer la dimension verticale qui, prise en relation centrée, offre ainsi plus de facilité musculaire à la rééducation fonctionnelle ainsi qu’un encombrement buccal plus réduit, notamment lors d’un premier appareillage, en sachant que nous réévaluons, par la suite, ces déterminants pour les appareillages suivants. Enregistrement des rapports intermaxillaires. Nous ne détaillons pas la méthode d’enregistrement qui respecte la méthode classique, mais nous tenons à mettre en avant deux points généraux et essentiels à la réhabilitation de ces situations limites : la stabilité et la reproductibilité des RIM. Stabilité de l’enregistrement : les maquettes d’occlusion doivent être stables en bouche : des crochets façonnés et des bases en résine sont employés et ajustés avant tout enregistrement. Le bord postérieur des prothèses complètes est toujours déterminé en premier, pour parfaire la stabilité de ces bases dures. La cire d’enregistrement ne doit pas opposer une forte résistance lors de la fermeture de façon à ne pas produire de glissements des bases d’enregistrement ; elle doit être modelée uniformément d’un côté et de l’autre de l’arcade. Reproductibilité de l’enregistrement : évidemment liée à la stabilité des bases, la reproductibilité, conduite par les manipulations de l’opérateur, est le facteur principal de cette recherche : • la position de relation centrée est intéressante à rechercher, surtout chez un patient édenté qui n’a pas porté de prothèses depuis longtemps ; • une position habituelle acquise avec le temps est à respecter absolument, si aucune pathologie articulaire n’est présente. Remarque : les silicones de haute viscosité peuvent être employés sur des bases dures dans lesquelles de bons repères sont gravés. Ces matériaux sont intéressants pour l’enregistrement de RIM car ils n’exercent aucune contrainte sur la cinétique mandibulaire. Cet enregistrement est difficilement reproduit au laboratoire mais la présence du prothésiste étant indispensable tout au long de la réalisation de ces étapes cliniques, leur utilisation est envisageable, créant de bons repères après la détermination des relations intermaxillaires (Fig. 5). Montage des dents et essayages [15] Particularités du montage des dents. Il existe une corrélation entre les conditions de l’occlusion et les phénomènes relatifs à la rétention des prothèses. Parallèlement, des mécanismes de régulation réflexe induits par les extérocepteurs de la muqueuse orale et par des propriocepteurs musculaires participent à la rétention des prothèses. Stomatologie
Figure 5.
Enregistrement des rapports intermaxillaires.
Figure 6.
Montage des dents et essayages.
En prothèse maxillofaciale, les mécanismes neuromusculaires sont très aléatoires et ce phénomène prédispose le sujet réhabilité à développer une rééducation avec ces prothèses dont le montage des dents repose généralement sur un articulé de convenance en OIM. Le montage des dents doit permettre une stabilisation optimale des prothèses. Étapes d’essayages cliniques. Les modèles secondaires sont montés en articulateur avec au préalable un enregistrement avec arc facial pour le montage du modèle maxillaire. Le montage des dents est non fonctionnel du côté opéré. L’essayage du montage des dents doit être réalisé comme une simulation exacte de la position des futures prothèses, plusieurs fois répétée si nécessaire jusqu’à l’obtention de la position intermaxillaire la plus reproductible, naturelle, et stable pour le patient (Fig. 6). Le premier appareillage est ainsi utilisé pour une rééducation fonctionnelle pendant plusieurs mois. Le patient acquiert une position initiale indispensable au développement fonctionnel buccofacial. Les appareillages suivants viennent fixer ces premiers schémas fonctionnels directeurs ou les modifient en vue d’améliorer les acquisitions fonctionnelles. Mise en place de la prothèse. Après validation des essayages esthétique et fonctionnel des maquettes, la prothèse est par la suite polymérisée comme en prothèse dentaire conventionnelle. La mise en bouche est accompagnée d’une vérification des rapports occlusaux. Pendant une période évaluée à environ 4 semaines, la mise en charge prothétique s’effectue progressivement ; il s’agit de remettre en fonction, par l’intermédiaire des prothèses, les zones
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■ Discussion-conclusion : place de l’implantologie dans la réhabilitation des pertes de substance mandibulaires
[7, 22-26]
Figure 7.
Le taux de succès des implants dentaires, leur apport considérable dans la réhabilitation prothétique conventionnelle est un fait reconnu. Cependant, leur utilisation en réhabilitation prothétique dans un contexte carcinologique doit faire l’objet d’une réflexion multidisciplinaire. En effet, le site à implanter est souvent un site reconstruit pour lequel il faut s’assurer, avant l’implantation, d’un état de la vascularisation optimal sur le site d’élection de l’implantation. De plus, les tissus mous apportés par les lambeaux sont le plus souvent épais et mal adaptés au tissu osseux sous-jacent. Ils nécessitent lors d’une réhabilitation par implants un traitement particulier à savoir un dégraissage du lambeau et une vestibuloplastie. Par ailleurs, le site reconstruit est souvent l’objet d’une irradiation externe : les risques d’ostéoradionécrose, de périimplantite, de défaut d’intégration ne sont pas négligeables. La période de mise en place des implants fait l’objet de controverse ; il est à noter que, comme en prothèse dentaire conventionnelle, l’analyse occlusale pré-implantaire est indispensable à la détermination de la position des implants ; ceci implique de dissocier le temps d’implantation du temps de reconstruction chirurgicale. À ce jour, l’implantation en terrain irradié n’est plus interdite ; en revanche, il est proscrit d’implanter sur un site guéri d’une ostéoradionécrose et sur un site qui a reçu plus de 50 Gy. Pour certains auteurs [22, 24, 25], l’oxygénothérapie hyperbare semble indispensable au succès implantaire en terrain irradié. Les indications de réhabilitation de PDS mandibulaires à l’aide d’implants chez des patients irradiés doivent répondre à des critères très stricts : • obligation de sevrage alcoolotabagique ; • bonne hygiène buccodentaire ; • motivation du patient ; • rémission carcinologique depuis au moins 2 ans. Le faible taux de cas traités ne permet pas de tirer des conclusions définitives sur l’implantologie en réhabilitation prothétique des cancers de la mandibule. Cependant, c’est une méthode qui semble pouvoir garantir un confort fonctionnel et esthétique indispensables à la resocialisation de nos patients.
Mise en place de la prothèse.
anatomiques « supports » sans provoquer de blessures muqueuses ou une quelconque dysfonction articulaire. La rééducation fonctionnelle [10] s’opère par le jeu de la mastication [19], de l’élocution [20], de la déglutition. Le patient doit accepter une alimentation mixée au départ pour introduire peu à peu une alimentation plus consistante par la suite. La durée de cette période de rééducation peut varier d’un individu à l’autre selon ses capacités physiques et morales d’adaptation ; elle ne doit en aucun cas être négligée car elle conditionne l’avenir de la réhabilitation et le pronostic des réhabilitations ultérieures [21]. La récupération d’une bonne trophicité tissulaire est indispensable à la mise en fonction prothétique sur les zones supports. Bien que l’excellente vascularisation des reconstructions par microchirurgie (très favorable) garantisse une cicatrisation relativement rapide des lambeaux ostéo-myo-cutanés, une bonne cicatrisation osseuse et muqueuse impose, par prudence pour la mise en fonction mécanique, au moins une année d’attente après la fin de la radiothérapie (Fig. 7). Les intrados prothétiques sont hyperpolis face aux zones chirurgicales, au risque de diminuer l’adhésion du ménisque à la résine. Les tissus muqueux ayant été opérés, greffés ou reconstruits, leur épaisseur et leur résistance sont limitées. Ils sont aussi « brûlés » par la radiothérapie, ceci même en dehors du volume cible. La plus grande prudence doit, dès lors, être observée lors de la mise en charge prothétique ; la pression exercée par les prothèses du côté opéré doit être partielle sur ces tissus mous. La surveillance prothétique est ensuite bimestrielle pendant l’année suivant la pose prothétique, puis bisannuelle à vie.
Composante psychosociale de la réhabilitation .
Cette composante de la réhabilitation est le fait d’un travail multidisciplinaire qui implique les équipes médicales, paramédicales, les proches du malade. La perte de substance engendre une perturbation du schéma corporel, une altération du sentiment d’identité et génère, de fait, beaucoup d’anxiété. Cette anxiété est une des expressions de la souffrance du sujet mutilé et nécessite une prise en charge indiscutable. Le patient doit « faire face » dans un contexte où sa propre face est altérée ; cette expression « faire face » est hautement symbolique. La relation d’aide consiste en la prise en charge de la souffrance physique et psychologique endurée par le patient du fait de sa mutilation, des conséquences esthétiques et fonctionnelles induites. Le soin relationnel est basé sur l’écoute de la personne dans son langage, ses demandes ou besoins immédiats, sur l’observation de son comportement non verbal. La collaboration du patient est indispensable à obtenir avant tout engagement dans une thérapeutique de réhabilitation [11]. Par ailleurs, des explications répétées et intelligibles de la démarche de réhabilitation s’avèrent indispensables car les étapes sont souvent longues, complexes ; elles demandent beaucoup d’investissement de la part de l’équipe de soin mais également une participation accrue de la personne soignée.
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E. Vigarios, Assistante hospitalo-universitaire. M. Pradines, Praticien hospitalier. S. Fusaro, Attachée universitaire. E. Toulouse, Épithésiste et prothésiste dentaire. P. Pomar, Professeur des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). UF de prothèse maxillofaciale, Service d’odontologie, Centre hospitalier universitaire Rangueil, 3, chemin des maraîchers, 31400, Toulouse, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Vigarios E., Pradines M., Fusaro S., Toulouse E., Pomar P. Réhabilitation prothétique des pertes de substance mandibulaires d’origine carcinologique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-066-B-51, 2007.
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Stomatologie [22-066-B-10]
Traitement des fentes congénitales labio-alvéolopalatines et vélopalatines
Jacques Mercier : Professeur des Universités, praticien hospitalier Georges Rineau : Orthophoniste Clinique de stomatologie et chirurgie maxillofaciale, centre hospitalo-universitaire de l'Hôtel-Dieu, BP 1005, 44035 Nantes France
Résumé Le traitement des fentes labiales et palatines nécessite une prise en charge longue et difficile allant de la consultation prénatale au traitement des séquelles éventuelles après la fin de la croissance. De la forme anatomoclinique, et des conséquences fonctionnelles susceptibles de survenir à la suite de la malformation ou des différentes thérapeutiques, dépendra le résultat final. Le traitement primaire représente à la fois le traitement curatif de la malformation et le traitement préventif des séquelles d'où son caractère primordial. La malformation étant stable dans le temps, le traitement primaire (en dehors du syndrome de Robin) ne présente pas de caractère d'urgence. Le bon repositionnement des muscles de la lèvre et du voile représente l'élément déterminant du traitement qui, associé à la rééducation orthophonique et au traitement orthodontique, devrait permettre de limiter la chirurgie secondaire. Il en est de même de la rhinoplastie primaire et de la position du cartilage alaire. La fermeture en deux temps des fentes palatines osseuses larges et le rétablissement de la continuité osseuse alvéolaire par la gingivopériostoplastie avec ou sans greffe osseuse permettent d'obtenir une bonne croissance du maxillaire et un bon équilibre architectural et occlusal. © 1997 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
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INTRODUCTION Malformation faciale parmi les plus fréquentes, les fentes labiales et les fentes palatines sont deux entités différentes en raison du site et de la chronologie de l'embryologie faciale. Leur association n'en reste pas moins fréquente mais non systématique, et la gravité de
leur évolution est dépendante non seulement de l'étendue de la fente, mais encore et surtout de l'atteinte de l'arcade maxilloalvéolaire qui transforme ces deux entités malformatives distinctes en une seule et même malformation dont le traitement et l'évolution seront étroitement subordonnés. La découverte brutale de la malformation à la naissance de l'enfant est toujours vécue par l'entourage comme un véritable drame familial. L'apport de l'échographie prénatale a permis un diagnostic précoce de plus en plus précis permettant par la consultation prénatale de dédramatiser la situation et d'informer les parents sur la nature exacte de la malformation et ses possibilités thérapeutiques. Il n'en reste pas moins qu'en dehors des formes isolées, accident embryonnaire localisé, qui sont heureusement les plus fréquentes, il existe des associations malformatives sévères ou des anomalies chromosomiques associées qui posent le douloureux problème de l'interruption volontaire de grossesse ou de la transmissibilité de la malformation imposant le conseil génétique auprès d'un généticien. La fente, quel que soit son site, résulte d'un défaut d'accolement des bourgeons embryonnaires de la face, sans que, actuellement encore, il soit possible de déterminer la cause exacte de celui-ci : atteinte primitive des cellules inductrices des crêtes neurales, troubles de la migration cellulaire, anomalies biophysico-chimiques, obstacle mécanique, défaut de la pénétration mésenchymateuse par non-mort cellulaire [10], atteinte génétique, autant d'éléments encore obscurs qui sont rassemblés sous le terme pudique de « polyfactoriels ». Quelle qu'en soit l'origine, ce défaut d'accolement n'implique pas systématiquement l'existence d'une véritable hypoplasie tissulaire, à l'exception toutefois de certains syndromes malformatifs tels que l'holoprosencéphalie, et il serait plus juste de parler d'hypodéveloppement dû à la dysfonction musculaire en rapport avec la malposition anatomique. Les modèles expérimentaux (souris, lapin, mouton...) n'apportent pas beaucoup d'éléments nouveaux tant la transposition modèle animal - modèle humain est discutable sur le plan clinique. D'autres expérimentations animales sont orientées vers la recherche des possibilités de la chirurgie in utero ou chirurgie foetale (établissement d'un modèle animal fiable pour la recherche sur les processus fondamentaux de la régénération tissulaire). Cette technique très séduisante présente encore trop de risques pour une malformation non vitale. La fente labiomaxillaire et/ou palatine est une malformation embryonnaire qui va évoluer tout au long de la croissance du sujet, et son traitement ne peut de ce fait se limiter à un seul geste chirurgical. La surveillance de cette évolution fera appel aux compétences d'une équipe pluridisciplinaire, acceptant avec humilité de se remettre constamment en question au vu de sa propre expérience et de l'expérience des autres équipes dans le seul but d'aboutir à terme, c'est-à-dire à la fin de la croissance du sujet, à une esthétique fonctionnelle faciale globale normale. Il s'agit d'un traitement long, fastidieux et très contraignant pour le sujet pour qui ces traitements devront être aussi brefs et efficaces que possible. Les nombreuses variétés de formes cliniques : le caractère uni- ou bilatéral de la fente, sa localisation uniquement labiale ou palatine, la persistance d'une union alvéolaire ou d'un pont cutané plus ou moins important, la déformation narinaire ou columellaire, la longueur ou la largeur même de la fente ou encore les anomalies dentaires, font que chaque cas est un cas particulier vis-à-vis duquel le praticien devra adapter sa stratégie thérapeutique. Aussi, les différentes classifications ne seront pas évoquées dans cet article mais seulement un rappel terminologique aidant à la compréhension du texte.
Terminologie Fente labiale simple : totale, avec pont cutané, partielle, simple encoche muqueuse. Fente labiomaxillaire (ou alvéolaire) : totale (forme large ou étroite), avec pont cutané. Fente vélopalatine : totale, partielle (large ou étroite). Fente vélaire, bifidité uvulaire, fente sous-muqueuse.
Fente labio-maxillo-palatine, à laquelle on peut ajouter une ou plusieurs des particularités précitées. Gauche, droite, bilatérale (symétrique, asymétrique).
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CONSULTATION PRÉ NATALE L'avènement et le développement de l'échographie aux 4e et 6e mois de la grossesse ont permis de diagnostiquer la plupart des fentes labiales et palatines (fig 1), sauf circonstances particulières (malposition foetale ou placentaire) ou formes minimes. Cette découverte impose une consultation prénatale auprès du chirurgien choisi de plus en plus souvent par les parents eux-mêmes, sur les conseils de l'obstétricien, du pédiatre, du médecin-généraliste, ou encore à la suite d'une demande personnelle auprès de plusieurs centres, ce qui peut les dérouter en raison des conceptions différentes des praticiens rencontrés. Quoi qu'il en soit, l'écoute des parents, les explications précises mais aussi simples que possible et l'approche visuelle progressive de la malformation à l'aide de photos ou de tout support visuel montrant l'évolution par étapes jusqu'au long terme, permettent de leur faire mieux accepter la situation et permettent à la mère d'accoucher avec une certaine sérénité.
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ORTHOPÉ DIE PRÉ COCE L'orthopédie précoce est actuellement très discutée [66]. Mac Neil, Hotz, Latham [66] ont toujours été d'ardents défenseurs de l'orthopédie précoce pré- et/ou postchirurgicale en raison de l'instabilité des fragments maxillaires due à la fente maxilloalvéolaire et de leur déplacement sous l'action conjuguée des muscles labiaux et linguaux. Elle ne doit d'ailleurs pas être confondue avec la simple plaque palatine (qui peut cependant avoir une action de contention), réalisée dans le but de faciliter l'appui lingual et l'alimentation en limitant le passage alimentaire nasal et en favorisant l'appui de la tétine, ou encore de protéger la muqueuse vomérienne fragile et parfois irritée (fig 2 et 3). Le traitement orthopédique a deux buts principaux : limiter le déplacement des fragments ou les remettre en bonne position en cas de déplacements inappropriés ; faciliter la tâche du chirurgien en essayant de lui donner des conditions anatomiques optimales pour son intervention. Les moyens pour y parvenir sont divers : la plaque palatine avec vérin ou ressort médian a été la plus utilisée ; le bandage élastique sur le bourgeon médian des fentes bilatérales pour en limiter la projection antérieure. Devant les résultats mitigés de ces techniques, Latham et Millard [42] ont proposé plus récemment un dispositif sophistiqué par tractions élastiques sur ancrage osseux palatoalvéolaire. Outre le caractère invasif (ou agressif) de ce dernier, le traitement orthopédique précoce, dont la preuve de l'efficacité à moyen et long terme n'a jamais été vraiment démontrée, se heurte également aux nombreuses contraintes notamment de déplacements des nourrissons.
Les possibilités de l'orthopédie et de l'orthodontie actuelles en denture lactéale et/ou définitive, alliées aux nouveaux concepts chirurgicaux posent le problème de la véritable utilité de cette orthopédie précoce [15].
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ANATOMOPHYSIOPATHOLOGIE DES FENTES LABIALES ET PALATINES Il est impossible d'envisager la thérapeutique des fentes labiales et palatines sans essayer de comprendre l'anatomie et la physiologie pathologique préexistant à tout traitement. L'aspect et la position des tissus mous et osseux, les compensations fonctionnelles ou les dysfonctions secondaires qui peuvent influer sur l'architecture faciale, sont autant d'éléments que le (ou les) praticien (s) devra (ont) avoir à l'esprit en permanence pour mener à bien leur thérapeutique.
Dans les fentes unilatérales totales avec ou sans fente palatine L'absence d'insertion normale des muscles nasolabiaux et orbiculaires entraîne (fig 4, 5 et 6) : une déviation de la partie antérieure de la cloison nasale et de la columelle du côté sain ; une déformation de l'aile narinaire (sans atteinte histologique) d'autant plus sévère que la fente est originairement large ; une orientation sagittale plus ou moins marquée du prémaxillaire sous l'effet de la traction musculaire controlatérale, avec un hypodéveloppement de celui-ci du côté fendu ; une position rétrusive et plus ou moins médiale du petit fragment due à un hypodéveloppement (comme pour le prémaxillaire) de son extrémité antérieure et à la compression des muscles du moignon labial externe plus ou moins contre-balancée par la langue. La position des berges de la fente alvéolaire est aussi influencée par d'éventuelles interpositions de toute nature : langue, doigts, tétine. Lorsqu'il existe une fente palatine associée, on observe : un écartement postérieur intertubérositaire du fait de l'absence d'union médiane des muscles du voile ayant tendance à aggraver la bascule médiale antérieure du petit fragment ; une coudure vomérienne accentuant la déviation septale et venant oblitérer partiellement la fosse nasale du côté de la fente. Delaire
[18]
a insisté sur les modifications cutanéomuqueuses, associant (fig 7) :
« une dérive de la peau de la narine et de la columelle sur la partie supérieure de la lèvre, sous l'influence des tractions des muscles de la lèvre et l'absence de soutien du plancher narinaire fendu » ; « une rétraction de la peau de la lèvre de part et d'autre de la fente labiale sous l'action des muscles eux-mêmes rétractés » ; « des particularités de la muqueuse des berges de la fente avec une muqueuse sèche plus fine ».
Dans les fentes bilatérales totales avec ou sans fente palatine La déformation labiomaxillaire et nasale est habituellement symétrique à l'inverse de la fente unilatérale (fig 8 et 9).
La projection antérieure du bourgeon médian est toujours importante dès lors qu'il y a absence totale d'union avec les parties latérales de la face. Elle est le résultat d'une hyperstimulation de la suture voméroprémaxillaire, sous l'influence principale de la langue et de l'absence de continuité musculaire labiale supérieure. Elle entraîne un raccourcissement columellaire parfois considérable. Il n'existe pas de fibres musculaires labiales au niveau du lambellule médian et le bourrelet cutanéomuqueux est le plus souvent peu marqué. Latéralement, il existe une rétrusion des fragments latéraux du maxillaire et un hypodéveloppement de leur extrémité antérieure. Ceux-ci présentent également une tendance à la conjonction médiale, précoce, postnatale, sous l'effet de la pression des moignons musculaires labiaux Cette conjonction est aggravée par l'écartement palatin postérieur en cas de fente palatine associée (fig 10 et 11). Dans ces cas, le vomer et la cloison nasale sont en rectitude sauf dans les formes bilatérales asymétriques où il existe une déviation du bourgeon médian sous l'effet d'un pont cutané ou d'une bandelette de Simonart. Citons encore Delaire
[18]
pour définir les anomalies cutanéomuqueuses (fig 12)
[13]
:
« sur le versant externe, (on retrouve) sensiblement les mêmes particularités que dans les fentes unilatérales » ; « au niveau du bourgeon médian, la peau est très rétractée ainsi que la columelle qui est littéralement absorbée par le prolabium » ; « en revanche, le vermillon médian manque et aussi la partie médiane de l'ourlet cutanéomuqueux ». La différence d'aspect entre une forme totale sans pont cutané et une forme avec pont (fig 10) montre bien le rôle du différentiel de projection entre le bourgeon médian et le septum nasal. Ceci explique les arguments de certains partisans des interventions précoces cherchant à rétablir une continuité des tissus mous au niveau du seuil narinaire, cependant la précocité embryologique de l'atteinte labiocolumellaire (la projection du bourgeon médian reste assez stable après la naissance) donne à ces interventions des résultats inconstants.
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TRAITEMENT CHIRURGICAL PRIMAIRE DES FENTES LABIALES Le calendrier opératoire est très variable selon les auteurs. Matsuo [40] préconise une fermeture très précoce, dans la semaine qui suit la naissance, Malek [38] intervient à 6 mois sur la lèvre et le palais osseux après fermeture du voile à 3 mois pour faciliter le repositionnement des fragments maxillaires. Cependant la plupart des auteurs jugent préférable de fermer la lèvre et le voile du palais dans le même temps opératoire vers l'âge de 6 mois : apparition des premières dents, alimentation à la petite cuillère plus aisée, tissus plus volumineux facilitent la technique opératoire avec moins de risques anesthésiques. Là encore, l'observation de sujets non opérés, à des âges différents, montre bien le caractère stable de la malformation et l'absence d'urgence thérapeutique souvent destinée à apaiser l'inquiétude des parents.
Fentes unilatérales L'accord est unanime actuellement sur la nécessité de faire un repositionnement musculaire aussi précis que possible des muscles nasolabiaux (muscle nasal, muscle élévateur de la lèvre supérieure, muscle élévateur de la lèvre supérieure et de l'aile du nez) et des muscles orbiculaires (pars lateralis et pars medialis) afin de rétablir le système annulaire des muscles superficiels de la face [18].
Tracé de l'incision cutanéomuqueuse Historique De toute l'histoire des fentes, le tracé de l'incision labiale cutanée a été une des préoccupations majeures des chirurgiens [65]. Tous les écrits traitant de fente labiale abordent de façon plus ou moins exhaustive l'histoire du tracé des incisions cutanées et leur évolution au fil des temps. Afin d'assurer une symétrie et plus particulièrement une longueur (ou hauteur labiale) satisfaisante du côté fendu de la lèvre blanche et de la lèvre rouge, presque tous les tracés ont été, et sont encore basés sur le principe de la plastie en Z (Tennison, Skoog, Malek), issue elle-même du principe de la plastie en L (Le Mesurier), toutes destinées, par l'ouverture et le déplacement des lambeaux ainsi créés, à allonger les berges de la fente (fig 13 et 14). Deux grands inconvénients ont pu être reprochés à ces tracés : la cicatrice en « marche d'escalier » ou en « Z » dont le segment horizontal vient barrer le philtrum, donnant un aspect inesthétique d'autant plus difficilement atténuable que la longueur du Z est élevée ; l'amputation des tissus mous, notamment cutanés au niveau des berges de la fente. Ce sacrifice, imposé par les impératifs du tracé cutané apparaît illogique dans un contexte d'hypodéveloppement (voire dans certains cas d'hypoplasie tissulaire) et n'est pas sans conséquence sur la projection labiale, sa motilité, sa capacité ultérieure de réparation (où toute nouvelle excision cicatricielle aggrave la situation) et à terme sur le secteur dentoalvéolaire sous-jacent. D'autre part l'amputation du côté médian fait disparaître tout ou partie de l'arc de Cupidon, situation difficilement récupérable par la suite. Un soin tout particulier doit donc être apporté à la préservation des tissus mous de la région philtrale, et plus particulièrement de la jonction cutanéomuqueuse et de l'ourlet cutanéomuqueux. L'absence de contrôle de la longueur labiale ou l'obsession de la lèvre trop courte (déformation classique en « chapeau de gendarme ») engendrée par le simple accolement des berges, d'autant plus grave que la fente était large, a par réaction contraire entraîné des plasties en L ou Z de plus en plus importantes, voire multiples, aboutissant à des lèvres exagérément longues (ou hautes), hypercorrection volontaire destinée à compenser la rétraction cicatricielle secondaire. En raison de ces problèmes, des aménagements se sont faits jour progressivement, parfois de façon presque confidentielle, ailleurs avec une diffusion plus vaste dont le rappel exhaustif n'est pas possible ici. De l'étude de la littérature, deux concepts techniques semblent avoir une certaine prépondérance : l'un basé sur l'intérêt de masquer le plus possible la cicatrice, voire de l'utiliser comme élément anatomique labial en la positionnant en lieu et place de la crête philtrale ; c'est le tracé proposé par Millard [41] (fig 15), Delaire [18] (fig 16) et Pfeifer [45] (fig 13), dans le but de respecter la structure anatomique du philtrum et de limiter le plus possible l'amputation des tissus mous ; l'autre, représenté principalement par Malek [38] (fig 14), fidèle à la plastie en Z, simple ou double, cherchant à redonner à la lèvre une longueur (ou hauteur) adéquate ; il utilise des mensurations précises, de façon à limiter le caractère aléatoire qui pourrait être reproché aux autres types d'incisions. On pourrait penser qu'il y a là une opposition majeure entre ces deux techniques de tracé, l'une privilégiant l'aspect cicatriciel, l'autre la hauteur labiale. C'est en partie vrai dès lors que ces techniques sont appliquées à la lettre, indépendamment de la forme anatomique de la fente et/ou que l'on considère le tracé de l'incision comme l'élément essentiel, voire unique du traitement de la fente. En fait, chacun sait maintenant que le repositionnement musculaire et la restitution d'une bonne fonction labiale sont au moins autant, sinon plus importants pour la qualité du résultat définitif. Par ailleurs, l'absence de critères communs d'évaluation du résultat, d'études multicentriques, et la multiplicité des paramètres
pouvant influencer le résultat font qu'il est très difficile d'objectiver, au sens réel du terme, la valeur d'une technique par rapport à une autre. Tous concourent certainement au même résultat : une hauteur labiale normale de telle sorte que la ligne du bord libre de la lèvre supérieure soit parallèle (ou homothétique) à celle de la lèvre inférieure et que l'arc de Cupidon soit le plus proche possible de la symétrie. Il est probable que la position des muscles de la lèvre et l'orientation de leurs fibres jouent un rôle prépondérant dans l'aspect cutanéomuqueux final.
Description du tracé Le tracé de l'incision de la chéïloplastie fonctionnelle primaire proposé par Delaire [18] (fig 16) est directement en rapport avec les anomalies cutanéomuqueuses. Après repérage précis des différents éléments et points cutanés et muqueux de part et d'autre de la fente, le tracé de l'incision est dessiné de façon variable selon la forme totale ou partielle de la fente et selon l'importance de la rétraction cutanée. Cependant, il semble préférable de limiter l'excision des tissus superficiels à la seule région muqueuse permettant l'accès et le repérage des muscles et de n'exciser la peau excédentaire qu'au moment de la fermeture cutanée pour avoir une parfaite orientation de la cicatrice et tenter de recréer un relief au niveau de la crête philtrale manquante.
Quatre points essentiels Quatre points essentiels doivent être constamment à l'esprit du chirurgien : suspension musculaire ; position de l'aile narinaire ; redressement septocolumellaire ; suspension vestibulaire.
Suspension musculaire Delaire, conforté par les travaux de Chateau [8] sur l'anatomie des muscles de la lèvre supérieure, est celui qui a le plus insisté sur ce point et l'un des premiers à avoir effectué cette suspension musculaire au travers du périchondre et du cartilage septal, juste audessus puis en avant de l'épine nasale antérieure. Il est préférable de ne saisir par le fil de suture que le périchondre et le surtout fibreux adjacent (ligament septo-prémaxillaire), sans traverser le septum cartilagineux qui souvent se déchire et rend plus difficile la septoplastie ultérieure. Le repérage musculaire est relativement aisé. Sur la berge externe, le décollement prudent de la partie cutanée du vestibule narinaire sur quelques millimètres permet de libérer le muscle nasal (transverse) qui sera fixé au niveau de la partie supérieure de l'épine nasale. La zone de convergence des muscles releveurs (encore appelée modiolus) se situe entre le pied de l'aile narinaire et le bombé des muscles orbiculaires provenant de la région commissurale. L'incision cutanée faite à ce niveau permet de les repérer et de les suspendre juste sous la cloison nasale en avant de l'épine nasale. Au niveau de la lèvre proprement dite, les fibres obliques du muscle orbiculaire externe (pars lateralis) se situent entre le plan glanduloadipeux de la face vestibulaire qui sera repéré par discision aux ciseaux fins, et l'épaisse couche dermique au niveau de laquelle le décollement doit être limité. Il faut prêter une grande attention à ce décollement pour ne pas léser les follicules pileux principalement chez le garçon. Une lèvre glabre, dépourvue de toute trace pileuse est plus visible que n'importe quelle cicatrice. Enfin, les fibres du muscle orbiculaire interne (pars medialis) ne doivent pas être décollées de la muqueuse entre la zone de l'ourlet cutanéomuqueux et la muqueuse humide. Ces deux parties du muscle orbiculaires seront suturées à leur homologue de la berge interne. Sur la berge interne, il faut déployer le muscle orbiculaire qui converge vers le pied
de la columelle, libérer la base de la crus mésiale et dégager la partie antérieure de la cloison et de l'épine nasale antérieure afin de permettre la suspension des muscles de la berge externe. Bien que controversé par certains auteurs qui lui reprochent d'avoir une action néfaste sur la croissance [5], l'utilisation d'un vaste décollement sous-périosté, s'étendant sur toute la face antérieure du maxillaire (fig 17), du bord antérieur de l'orifice piriforme au bord sous-orbitaire, à la région zygomatique et jusqu'en arrière de l'apophyse pyramidale du maxillaire, permet, au contraire, un meilleur déplacement musculaire tout en respectant la physiologie ostéoformatrice du périoste.
Position de l'aile narinaire Cette position est en effet déterminée, de façon quasi définitive, dès le premier temps opératoire (chéïloplastie) et sa correction ultérieure est toujours plus délicate à obtenir. Il faut donc veiller à ne pas trop fermer la narine, mais réaliser cependant un enroulement suffisant pour obtenir un sillon alogénien symétrique. Delaire et Millard ont préconisé de dégager le muscle transverse de la peau vestibulaire nasale pour mieux contrôler la translation de ces deux unités. Talmant [63] (fig 18) a montré, très justement, l'intérêt de maintenir dans certains cas la position verticale du pied de l'aile narinaire par une suture oblique en dedans et en bas pour éviter une ascension trop importante de celle-ci. Cette suture prend la direction des muscles myrtiforme et canin qui contractent des liens avec le muscle transverse.
Redressement septocolumellaire Il est indépendant de la suspension et de la suture musculaire, mais soumis à l'orientation du septum cartilagineux nasal et à la position du pied des crus latérales. Le décollement sous-périchondral du septum nasal du côté de la fente, la libération et le redressement de la partie antérieure de celui-ci, facilitent ce redressement sans préjudice de la croissance à venir. Enfin, un point sous-cutané entre le pied de la columelle et le lambeau de translation externe fixera en bonne position le pied des crus mésiales.
Suspension vestibulaire L'épaisseur de la lèvre supérieure entre le fond du vestibule et le seuil narinaire est assez minime. On peut d'ailleurs l'observer lors du repérage des muscles après l'incision cutanéomuqueuse. Il faut éviter de libérer de façon excessive la muqueuse vestibulaire dans l'angle supéro-interne de la berge externe. Le décollement sous-muqueux est réalisé dans la partie médiane, entre en bas les fibres de l'orbiculaire interne qui constitue la lèvre rouge, et en haut les fibres de suspension du vestibule. Cependant cette suspension vestibulaire doit être appréciée en peropératoire car elle a un rôle déterminant dans l'aspect final de la lèvre rouge et son enroulement (fig 19) ; pas assez de suspension entraîne un prolapsus muqueux et une lèvre rouge plus volumineuse du côté fendu ; trop de suspension affine la lèvre rouge par un enroulement excessif, surtout visible dans sa partie juxtacommissurale. Signalons, enfin, que le tracé primaire se doit d'être le plus économe possible de muqueuse labiale sur son versant vestibulaire. Ceci évite par un ajustage et une excision prudente, faite à la demande en fin d'intervention, la bride vestibulaire paramédiane parfois très préjudiciable pour la gencive attachée de l'incisive centrale et donc pour l'avenir de celle-ci.
Obturation de la fente alvéolaire Devant la difficulté à fermer par la suite la communication bucconasale située en regard de la fente alvéolaire et principalement le plan nasal, il paraît préférable d'assurer l'obturation
de la fente alvéolaire donc l'étanchéité, en même temps que l'intervention labiale. La suture du plan nasal sur toute la largeur alvéolaire est le prélude indispensable à cette obturation ; elle se fait généralement, en raison de sa difficulté d'accès, en début de fermeture labiale. Pour obtenir l'étanchéité, il est nécessaire de doubler ce plan nasal sur son versant buccal ou palatin par un lambeau : soit de Stellmach [44] prélevé sur la muqueuse vomérienne et retourné de 180° dans le sens sagittal et le plan horizontal (mais ce lambeau n'est plus usité en raison de sa relative complexité et de ses conséquences sur la croissance du maxillaire) ; soit prélevé sur la berge externe de la muqueuse vestibulaire labiale dont le pédicule reste solidaire de la lèvre (lambeau de Burian) et qui se mobilise avec celle-ci, ou dont le pédicule reste fixé à la muqueuse du petit fragment (lambeau de Muir) (fig 20) ; le lambeau est alors basculé et suturé aux berges latérales de la fente alvéolaire en regard du plan nasal. Ces lambeaux n'ont aucune propriété ostéogénique et ne doivent pas être confondus avec une gingivopériostoplastie.
Fentes labiales bilatérales avec ou sans fente palatine Comme pour les fentes unilatérales, la variété des formes anatomiques des fentes bilatérales est grande et tout peut se voir entre la forme labio-maxillo-palatine totale et la simple encoche ou fissure labiale bilatérale.
Généralités Nonobstant le fait que la prévalence des fentes bilatérales labio-maxillo-palatines totales dans les syndromes malformatifs craniofaciaux ou généraux est la plus élevée, le pronostic anatomofonctionnel est directement dépendant de la forme anatomique. La fente palatine totale aura un retentissement sur la croissance verticale, transversale et antéropostérieure des parties latérales du maxillaire, retentissement accentué par l'acte chirurgical. La fente maxilloalvéolaire bilatérale retentit sur la croissance du prémaxillaire. Considérée comme excessive dans le sens sagittal avant toute chirurgie, cette croissance du prémaxillaire [19] peut être gênée durant l'évolution du sujet : soit du fait de l'absence d'union avec les fragments latéraux maxillaires, empêchant sa croissance transversale ; soit par une lèvre supérieure cicatricielle et fibreuse ; soit en raison d'une agénésie dentaire plus ou moins sévère (fig 21). Quant à la disparition pure et simple du bourgeon médian, elle peut être le résultat d'une résection volontaire (devenue heureusement exceptionnelle) ou d'une ischémie dentoosseuse (secondaire au traumatisme chirurgical) du fait du non-respect de sa vascularisation. La fente labiale aura une influence plus modérée sur la croissance du maxillaire quoique cette notion soit actuellement controversée [2]. On peut observer un retentissement nasolabial plus ou moins marqué selon l'existence ou l'absence d'un pont cutané au niveau du seuil narinaire, dont la présence limite le raccourcissement columellaire. Ajoutons le rôle esthétique indiscutable et le rôle fonctionnel sur la mobilité labiale (articulation des phonèmes, rôle modelant sur le secteur dentaire incisif supérieur). Un autre élément relativement important dans le devenir des fentes bilatérales est l'existence ou non d'une symétrie. Un des rares avantages de la fente labiale bilatérale par rapport à la fente unilatérale est la symétrie originaire de la malformation qui facilite son maintien durant l'évolution. Dès lors que cette symétrie n'existe plus, et plus particulièrement aux niveaux des ailes narinaires, la malformation devient assimilable à deux fentes unilatérales avec la même problématique thérapeutique, nasale notamment.
En revanche, la déviation columellaire et du prolabium, contemporaine de la déviation du bourgeon médian (sous la dépendance d'un pont cutané unilatéral, d'une dysfonction ou interposition unilatérale (doigt-tétine), se corrige spontanément après la chéiloplastie fonctionnelle primaire (fig 22). La plupart des auteurs effectuent maintenant la fermeture labiale bilatérale en un seul temps opératoire, à des âges toutefois différents selon les écoles. C'est certainement le meilleur moyen d'obtenir une suture musculaire adéquate (muscles issus des deux berges) et donc une bonne fonction, et de respecter ou améliorer la symétrie. Certains praticiens utilisent de façon intermédiaire, une adhésion labiale préalable (ou lip-adhesion des auteurs anglo-saxons) [5].
Tracé des incisions cutanées et muqueuses Au niveau médian Pour obtenir la meilleure répartition possible entre peau columellaire et peau labiale, la distance séparant le sommet des orifices narinaires et la jonction cutanéomuqueuse est divisée en deux parties égales et sur une largeur équivalente à la distance séparant les sommets des orifices narinaires (fig 23 et 24). La moitié supérieure constituera la zone columellaire et la moitié inférieure, la zone labiale. Des deux points de jonction labiocolumellaire, une première incision très légèrement arciforme rejoint les deux points inférieurs, puis la courbure de l'incision s'inverse pour se rejoindre sur la ligne médiane juste au-dessus de la ligne cutanéomuqueuse donnant à la portion médiane de la lèvre un aspect en « écusson ». Une deuxième incision partant des mêmes points précités rejoint latéralement et de façon orthogonale la ligne cutanéomuqueuse. Les parties latérales du prolabium et la zone de jonction cutanéomuqueuse seront excisées. Ce lambeau cutanéomuqueux médian ainsi constitué, est clivé dans le sens de l'épaisseur à parts égales jusqu'au niveau de l'épine nasale. La muqueuse du prolabium qui doit être impérativement respectée, est désépaissie par sa face interne jusqu'à la sous-muqueuse afin de reconstruire, par sa suspension, le vestibule supérieur ou sulcus.
Latéralement Il faut conserver la quasi-totalité de la muqueuse labiale qui viendra, après incision audessus du bourrelet cutanéomuqueux, reconstituer la partie médiane muqueuse du philtrum et l'arc de Cupidon. Il faut y associer une incision sur le versant muqueux de la lèvre, parallèle à la précédente et se rejoignant en mésial. Une autre incision passant entre peau labiale et peau nasale, partant du pied de l'aile narinaire et perpendiculaire à la ligne cutanéomuqueuse, permet le repérage musculaire et la reconstruction du seuil narinaire. Enfin, une incision vestibulaire bilatérale jusqu'au plan osseux avec un vaste décollement sous-périosté est destinée à faciliter la translation des plans muqueux, musculaires et cutanés.
Repérage et suspension musculaire Les muscles nasolabiaux et orbiculaires sont situés exclusivement sur les berges externes, convergeant vers la jonction labionarinaire. Le repérage de ces muscles ne diffère pas de celui utilisé pour les fentes unilatérales. Delaire [19] à la suite des travaux de Latham [30], a souligné l'intérêt du système septal médian de la lèvre supérieure (fig 25) et son rôle dans la croissance du prémaxillaire. La reconstruction de ce système septal médian dans les fentes bilatérales est indispensable à la « réhabilitation du prémaxillaire » hypodéveloppé.
Ce système septal médian est formé de cinq éléments : le septum cartilagineux nasal ; le ligament septoprémaxillaire de Latham ; le septum celluleux médian de la lèvre supérieure décrit par Delaire, tapissé par les fibres musculaires labiales ; le frein médian de la lèvre supérieure qui est la marque inférieure visible du septum celluleux médian ; la suture membraneuse incisive médiane qui prolonge en arrière le septum celluleux précité. La suspension des muscles nasolabiaux (fig 26) se fait par deux ou trois points au surtout périchondropériosté situé au niveau de l'épine nasale antérieure et en avant de celle-ci, sous le septum nasal (qu'il importe de ne pas trop dégager afin de conserver un bon point d'ancrage). Les fibres de l'orbiculaire (pars lateralis et medialis) sont suturées entre elles sur la ligne médiane. La suspension de la muqueuse du prolabium (fig 27) permet de respecter le frein médian de la lèvre supérieure et son expansion postérieure au travers de la suture interincisive médiane (fig 28 et 29).
À propos de la rhinoplastie primaire Dans les fentes unilatérales, la rhinoplastie primaire est peut-être un des problèmes les plus difficiles à maîtriser en raison de sa complexité et des résultats que de nombreux auteurs considèrent comme inconstants . Le risque de troubles de la croissance nasale, en particulier cartilagineuse, par une dissection trop étendue ou traumatisante, ou par des incisions multiples génératrices de rétraction cicatricielle, doivent inciter le chirurgien à la prudence. Il est en effet plus aisé d'intervenir tardivement sur un nez intact que de courir après des séquelles sur des nez multiopérés. La difficulté vient essentiellement de la malposition et de la déformation du cartilage alaire. L'étude de la littérature [60] traduit bien cette complexité, de par le nombre de techniques proposées. Il en ressort cependant un certain consensus sur le caractère néfaste de certains gestes tels que : la dissection sous-périchondrale étendue des cartilages alaires ; les résections cartilagineuses ou de tissus mous endonasaux ; les incisions multiples ou circulaires au niveau de la valve nasale. La reconstitution du seuil narinaire, l'enroulement et la position du pied de la narine ont déjà été décrits lors de la chéiloplastie dont ils font partie intégrante. La rhinoplastie primaire s'attachera donc à résoudre le glissement caudal de la crus mésiale, l'affaissement du dôme, la rotation axiale et l'affaissement de la crus latérale. Berkeley [4] (fig 30) utilise une incision apicocolumellaire avec une dissection souscutanée des cartilages alaires et triangulaires, et une séparation des deux crus mésiales. Il réalise également une réaxation de la partie antérieure du septum nasal, suture les crus mésiales entre elles et la crus latérale au cartilage triangulaire. Il y associe une petite plastie en Z au niveau de la bride endonarinaire. Skoog [58] (fig 31) estime que le principal de la déformation narinaire est due à la ptose du cartilage alaire et notamment à la perte du chevauchement de la crus latérale sur le cartilage triangulaire. Après dissection sous-cutanée de la crus latérale par une incision intercartilagineuse, il suspend la moitié caudale de cette dernière à la partie paramédiane du cartilage triangulaire. MacComb (fig 32) est un des auteurs qui a le plus fait part de son expérience de la rhinoplastie primaire et de l'évolution de sa technique. Il pratique un décollement souscutané de toute la moitié de la pyramide nasale du côté fendu et suspend le cartilage alaire par des points sur bourdonnets, transfixiant la crus latérale et ressortant à la racine du nez de façon à raccourcir la longueur nasale qu'il juge excessive du côté de la fente. Tous ces auteurs notent que leurs gestes n'ont pas d'influence néfaste sur la croissance
nasale, mais n'obtiennent cependant pas une parfaite symétrie. Delaire [13] (fig 33) pratique une dissection sous-cutanée, par l'incision labionasale de la chéiloplastie, de la crus mésiale de son homologue controlatérale et ce jusqu'aux dômes. Il sectionne la cloison fibreuse entre l'espace columellaire et l'espace septal souspérichondral ; en dehors, il libère la face vestibulaire de la crus latérale, sectionne le cloisonnement entre espace sous-cutané et espace sous-muqueux du vestibule nasal, et parfois sectionne le périoste en arrière du muscle transverse et juste en avant de l'insertion de la tête du cornet inférieur, facilitant ainsi sa mobilisation. Cette libération n'est toutefois pas aussi importante que celle préconisée par Millard [41] qui réalise une section complète de la muqueuse, l'espace laissé vacant étant comblé par un lambeau de transposition de muqueuse buccale. Des points dits de « capiton » sont très souvent utilisés pour réaccoler la peau du vestibule narinaire. Certains auteurs japonais ), utilisent des conformateurs endonarinaires en silicone pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Il ne semble pas exister d'anomalies histologiques des cartilages alaires [54], mais qu'en est-il de la mémoire cartilagineuse d'un cartilage originairement déformé ? Dans les fentes bilatérales, la symétrie de la malformation facilite l'obtention d'une bonne symétrie nasale, à condition de bien positionner le pied des deux ailes narinaires. L'obtention d'une bonne conformation narinaire est dépendante de l'allongement columellaire. McComb, après l'avoir réalisé avant la chirurgie labiale primaire par un lambeau en fourche , préconise actuellement la suture des dômes par voie externe . Millard [41] effectue un allongement précoce après mise en réserve de deux petits lambeaux sur le seuil narinaire, prélevés sur les berges latérales du prolabium lors du temps labial primaire.
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TRAITEMENT CHIRURGICAL PRIMAIRE DE LA FENTE PALATINE La fente palatine peut être isolée ou associée à une fente labiale et/ou labiomaxillaire. Elle conditionne selon son étendue, sa largeur, son caractère uni- ou bilatéral, le pronostic de la croissance du maxillaire et avec la fente maxilloalvéolaire, celui de l'alignement dentaire et de l'occlusion en période de denture lactéale et définitive. Les études de Kriens [27] sur la taille des maxillaires de sujets fendus non opérés par comparaison avec des maxillaires de sujets sains, montrent un élargissement de la dimension transversale, souvent au détriment de la dimension sagittale. Le geste chirurgical et ses conséquences sur les tissus mous et/ou sur les fonctions, jouent un rôle prépondérant dans l'apparition secondaire des déformations dentosquelettiques. Celles-ci sont d'autant plus graves qu'elles sont associées à une fente alvéolomaxillaire. L'observation des sujets atteints de fentes labiales simples ou labiomaxillaires sans atteinte palatine, opérés ou non, est éloquente par le retentissement dentosquelettique minime. Il existe actuellement de plus en plus de publications sur l'évaluation du retentissement, sur la croissance de la face, de la chirurgie des fentes palatines en fonction de la technique et du calendrier opératoire . Les réponses sont aussi diverses que les techniques avec toutefois un consensus relatif sur le rôle néfaste des lambeaux de fibromuqueuse palatine. Dans les formes partielles ou étroites, la fermeture est réalisée en un seul temps opératoire entre 3 et 18 mois selon les auteurs. L'existence d'une fente labiale associée conduit souvent à fermer l'ensemble vers l'âge de 6 mois. Malek [39] opère séparément le voile à 3 mois et la lèvre à 6 mois. Dans les formes larges, les avis sont partagés entre les partisans de la fermeture en un temps vers l'âge de 18 mois et les partisans de la fermeture en deux temps ; le premier temps étant la fermeture du voile et le second, celle du palais osseux ou palais dur. L'âge de ce deuxième temps se situe aux alentours de 16-24 mois. Schweckendieck suivi par Celesnick et Peri [44] préfèrent fermer le palais dur à 12 ans sous couvert d'une plaque
palatine pour faciliter l'alimentation et la phonation. Le traitement chirurgical de la fente palatine doit distinguer : la chirurgie de la fente vélaire dont le but essentiel est d'assurer une bonne fonction vélopharyngée ; la chirurgie de la fente palatine osseuse dont le but est d'assurer l'étanchéité entre cavité buccale et fosses nasales en respectant les fonctions physiologiques des différents éléments en présence.
Chirurgie vélaire Elle a pour but, comme la chirurgie labiale, de reconstituer la structure musculaire du voile en tant que boucle musculaire constitutive du sphincter vélopharyngé. Le voile fait en effet partie du système musculaire facial profond [17] : dans le sens vertical de par les insertions qu'il contracte avec la base du crâne par les muscles levator et tensor veli, relayés au-dessous par le muscle palatoglosse qui intervient comme élément suspenseur de la base de la langue (fig 34) ; et dans le sens horizontal en raison des étroites connections existant entre le voile (palatopharyngien) et le muscle constricteur supérieur du pharynx. Victor Veau [64] et d'autres auteurs [7] ont bien montré l'orientation oblique des muscles de part et d'autre de la fente vélaire et leur amarrage sur le bord postérieur des lames palatines osseuses. Nombreuses ont été les études anatomiques du voile, notamment sur l'aponévrose palatine, et le rôle du muscle tensor veli sur sa constitution (fig 35). Kuehn et Kahane [28] ont réalisé des coupes anatomiques et histologiques sur des voiles normaux de cadavres humains et ont proposé un modèle anatomique en trois dimensions (fig 36), distinguant bien le plan nasal comme étant le plan musculaire et le plan palatin, d'égale épaisseur comme le plan glanduloadipeux, dépourvu de fibres musculaires. Comme pour la lèvre, le regroupement et, d'une certaine manière, l'enroulement des muscles du voile le long des berges et principalement dans la région uvulaire, nécessitent de tracer une incision de manière à repérer, dérouler et étaler le plan musculaire nasal pour une bonne reconstitution de la sangle musculaire. L'incision partant du pilier postérieur suit le tracé proposé par Horigutti-Singer [20] cheminant à la base de la luette au niveau du bombé que présente la face postérosupérieure du voile lorsqu'on le retourne pour pratiquer l'incision, puis suit la ligne de jonction entre la muqueuse nasale rouge-rosé et la muqueuse palatine plus pâle jusqu'à 1 cm environ en avant du bord postérieur des lames palatines osseuses. (Dans les formes peu larges pouvant être fermées en un temps chirurgical, l'incision peut être prolongée jusqu'à l'extrémité antérieure de la fente palatine.) Une seconde incision partant de la première à la base et en arrière de l'hémiluette, suit le bord libre de celle-ci pour la rejoindre en avant (fig 37). Cette incision détermine un triangle dont le sommet correspond au sommet de la luette et sur la surface duquel on pratique l'ablation de la muqueuse afin de faciliter le repérage musculaire et la reconstruction uvulaire. A partir de cette incision, il est possible d'isoler le plan musculaire nasal du plan glanduloadipeux palatin, du bord postérieur des lames palatines jusqu'à la base de la luette où le muscle uvulaire se prolonge jusqu'à son sommet. En arrière de la luette, la distinction entre ces deux plans est plus difficile en raison de la raréfaction du tissu glandulaire et adipeux. Pour réaliser une suture sans tension, le périoste et les fibres musculaires sont décollés du bord postérieur des lames palatines et de l'angle postéromédial de celles-ci. Ce décollement facilite en outre le recul et la transversalisation des fibres musculaires. Il est possible d'éviter le plus souvent l'incision de décharge latérale au niveau de la commissure intermaxillaire, à l'exception toutefois des formes larges [6]. L'attitude vis-à-vis du crochet de l'aile interne de la ptérygoïde est encore très discutée entre la fracture-luxation, la luxation simple, voire la section du tendon réfléchi du tensor
veli. Il n'est pas nécessaire, la plupart du temps, de procéder à un geste quelconque à ce niveau, excepté dans certaines formes larges où le crochet peut être fléchi, en direction médiale. Dans les formes très larges, la fermeture du plan palatin du voile peut nécessiter la prolongation de l'incision de décharge commissurale précitée par une incision transversale, proposée par Widmaïer puis par Malek [39], passant à la jonction de la muqueuse vélaire et de la fibromuqueuse palatine, en arrière du pédicule palatin postérieur. La profondeur de cette incision, peut varier selon la plus ou moins grande facilité à obtenir le contact médian ; le transfert d'un lambeau de muqueuse jugale, tel que l'a proposé Widmaïer n'est pas nécessaire pour obtenir une cicatrisation satisfaisante (fig 38 et 39). Furlow [23] propose une technique particulière basée sur le principe d'une double plastie en Z dont l'orientation est inversée sur le plan palatin et le plan nasal, et dont les lambeaux sont d'épaisseur inégale pour la mobilisation des muscles du voile (fig 40).
Fermeture du palais osseux La fermeture simultanée de la fente labiale et de la fente vélaire concourt à l'harmonisation de la courbe de l'arcade maxillaire et au rapprochement progressif des lames palatines osseuses (fig 41). Cela permet, d'une part de réaliser la gingivoplastie (cf ce chapitre), d'autre part d'effectuer la fermeture de la fente résiduelle du palais osseux sans avoir à utiliser la muqueuse vomérienne ni à mobiliser, à l'aide de grands lambeaux, la fibromuqueuse palatine, autant de gestes néfastes à la croissance du maxillaire. La fibromuqueuse palatine du palais dur peut être divisée en trois parties concentriques [20] (fig 42) : la fibromuqueuse des lames palatines située sur la partie médiane et horizontale de la voûte palatine, fine, lisse, participant aux phénomènes d'apposition-résorption osseuse et contribuant à l'abaissement progressif du plancher des fosses nasales et au recouvrement de la suture médio-voméro-palatine ; la fibromuqueuse palatine du maxillaire, circonscrivant la précédente et tapissant la partie incurvée de la voûte ; beaucoup plus épaisse, parcourue de crêtes dans sa partie antérieure, elle contient le pédicule palatin postérieur et de nombreux éléments conjonctifs, et contribue à l'accroissement vertical et transversal de la voûte palatine ; la fibromuqueuse gingivale, située entre la fibromuqueuse précédente et le collet des dents, dont l'importance varie selon le stade d'évolution dentaire et contribuant à la détermination de la hauteur alvéolaire et donc également à la profondeur palatine. Les décollements et la mobilisation vers la ligne médiane de lambeaux de la fibromuqueuse palatine du maxillaire et parfois même gingivale, utilisés dans certaines techniques dites « classiques » (Langenbeck, Veau, Wardill...) , souvent associés à l'utilisation de la muqueuse vomérienne pour la reconstitution du plan nasal, ont contribué au mauvais développement de la voûte palatine et du maxillaire en raison : de l'établissement de tissu cicatriciel au niveau de la suture médiane limitant la croissance verticale, antéropostérieure et transversale du maxillaire ; du déplacement médial de la fibromuqueuse palatine du maxillaire l'empêchant de jouer normalement son rôle dans la croissance verticale et transversale de la voûte et venant au contraire la combler et gêner la fonction linguale (fig 43). C'est ainsi que, par le rétrécissement secondaire des fosses nasales retentissant sur la fonction respiratoire, la position basse de la langue résultant du comblement de la voûte palatine et de la respiration buccale, les perturbations de la croissance du maxillaire sont accentuées, aboutissant progressivement à une dysmorphose dentosquelettique de classe III. Ces arguments ont été déterminants pour la fermeture des fentes vélopalatines larges en deux temps. Schwekendiek puis Celesnik et Peri [44] ont été parmi les plus grands promoteurs de cette technique puisqu'ils fermaient le palais dur à l'âge de 12 ans. Plus récemment Malek et Delaire ont bien précisé les avantages de cette technique en proposant une fermeture du palais dur plus précoce (entre 1 an et 2 ans), pour éviter les séquelles fonctionnelles phonatoires.
Le rapprochement progressif des lames palatines permet le plus souvent de fermer la fente résiduelle sans avoir à effectuer d'incision de décharge latérale, ni de mobilisation de la fibromuqueuse palatine (fig 44 et 45). Dans les formes plus larges, il peut être nécessaire de translater médialement la fibromuqueuse des lames palatines par une incision sagittale située entre la fibromuqueuse des lames palatines et la fibromuqueuse palatine du maxillaire. Enfin, quand la fente résiduelle apparaît vraiment trop large pour être fermée par ces procédés, il est préférable soit d'attendre l'âge de 3 ou 4 ans avec l'aide d'une plaque palatine, soit de ne la fermer que partiellement et reporter la fermeture définitive lors d'un troisième temps. Lorsque la fente vélopalatine est étroite, il est possible d'effectuer la fermeture en un seul temps par la seule mobilisation de la fibromuqueuse des lames palatines, à condition que celle-ci existe en quantité suffisante (fig 46). Bien entendu, à partir de 10-12 ans et a fortiori chez l'adulte, les fentes les plus larges peuvent être fermées en un seul temps par la mobilisation de l'ensemble de la fibromuqueuse sans crainte pour la croissance du maxillaire.
É valuation de la fonction vélopharyngée Nombreux sont les moyens d'évaluation de la fonction vélaire [25]. Plus ou moins sophistiqués, plus ou moins invasifs, plus ou moins fiables, ils diffèrent souvent selon l'utilisateur, sa formation et le but recherché : acousticien, rééducateur, chirurgien, professionnel de la voix... Dans la pathologie vélaire congénitale, le but du traitement est de reconstituer une bonne compétence vélopharyngée par rapport aux éléments solides et liquides lors de la déglutition, et lors de la phonation, tout en maintenant une perméabilité aérienne respiratoire nasale normale.
É tude clinique L'étude clinique d'observation du voile et du sphincter vélopharyngé est digne d'intérêt mais souvent négligée car empreinte d'une certaine subjectivité. L'aspect du voile au repos et son élévation lors du phonème A, sa longueur, l'existence d'un éventuel diastasis intermusculaire témoignant d'une fente sousmuqueuse, la contraction des piliers postérieurs du voile, leur éventuel rapprochement vers la ligne médiane en même temps que les parois pharyngées latérales, l'ascension plus ou moins importante de la muqueuse pharyngée postérieure, proportionnelle à la proéminence du bourrelet de Passavant, sont autant d'éléments à rechercher. À noter que le réflexe nauséeux est une attitude de contraction extrême de peu d'intérêt dans l'étude de la phonation. L'étude de la sensibilité du voile au contact (du miroir d'examen par exemple) peut en revanche permettre de tester la réactivité et la souplesse du voile. Quant à l'utilisation du miroir sous-nasal (ou du miroir de Glatzel) lors de la phonation, c'est un moyen très simple de détecter une fuite nasale dans l'émission des phonèmes oralisés, mais son imprécision ne permet aucune analyse fine de la nasalité.
Nasofibroscopie Cette étude clinique peut être complétée par la vision du sphincter par nasofibroscopie. Difficilement envisageable de façon systématisée avant l'âge de 6-8 ans, elle est donc réservée à l'étude des séquelles tardives puisque la correction secondaire est généralement réalisée plus précocement (6 ans). Son intérêt réside surtout dans les cas complexes discordants entre aspect clinique et phonation, ou les voiles multiopérés. Il n'est pas toujours possible de visualiser l'importance exacte de l'orifice résiduel responsable de la fente nasale, d'autant que celui-ci peut être relativement minime.
Téléradiographie de profil La téléradiographie de profil (à ne pas confondre avec la cinéfluoroscopie de profil), prise d'abord au repos dents serrées, puis sur un second cliché en faisant prononcer la lettre « i » de façon prolongée, visualise parfaitement la contraction et la modification de position sagittale du voile, son élévation, son « genou », ses rapports avec la paroi pharyngée postérieure (fig 47). Ces radiographies permettent également d'apprécier la profondeur du cavum, la distance séparant le voile de la paroi pharyngée postérieure, la concavité plus ou moins prononcée de celle-ci, la présence ou l'absence de végétations adénoïdes, le niveau vertical du contact réel ou présumé du voile avec la paroi postérieure et par rapport à l'arc antérieur de l'atlas (Cl), autant d'éléments susceptibles d'influer sur la conduite à tenir.
Autres méthodes Il existe d'autres méthodes d'évaluation : soit directes : ultrasonographie, vidéofluoroscopie tridimensionnelle ; soit indirectes : spectographie du son, étude de la pression du son, des vibrations nasales et l'électromyographie.
L'aérophonoscope dans le dépistage et l'observation des fentes vélopalatines Passionné par les problèmes de phonétique, l'inventeur G Rineau a toujours été fortement intéressé par les anomalies vélopalatines qui entraînent des troubles de la parole, et pour lesquelles l'aérophonoscope a été créé à l'origine. Deux années de recherche ont été nécessaires avant sa mise au point dans la clinique de stomatologie du professeur Delaire au centre hospitalouniversitaire de Nantes. De nombreuses expériences portèrent sur des microphones à transducteurs, des capteurs de chaleur, des cellules photoélectriques et des détecteurs de pression. L'expérimentation de ces procédés se révélant toujours décevante, c'est un appareil à thermistance destiné à détecter les fuites de gaz dans les canalisations, qui a mis l'inventeur sur la voie. Le principe de l'aérophonoscope repose sur l'enregistrement du flux d'air expiratoire au niveau des fosses nasales lors de la respiration ou de la phonation, sans être invasif, d'où la facilité d'emploi de cet appareil, même chez le petit enfant. Chez un sujet sain, la prononciation d'un phonème oralisé ne s'accompagne d'aucun flux d'air expiratoire nasal, d'où l'absence de déviation de la courbe du souffle nasal. Un phonème nasalisé provoquera un flux d'air nasal, perçu par le capteur et visualisé sur la courbe correspondante. L'appareil se compose d'une sonde (pièce maîtresse du système) à laquelle peuvent être rattachés différents dispositifs de visualisation et d'enregistrement. Le sujet tient lui-même la sonde (fig 48) qui associe un double système d'enregistrement, indépendant et fonctionnant en parallèle : le système nasal qui comprend deux capteurs enregistrant le flux aérien nasal de chaque narine. Le principe de fonctionnement du capteur est extrêmement simple et fait l'originalité de l'aérophonoscope. L'élément sensible du capteur est un « fil chaud », fil de platine-tungstène chauffé à environ 100 °C par le passage d'un courant électrique. Introduit au sein d'un écoulement d'air, le fil chaud est refroidi en fonction de la vitesse de l'écoulement. Il en résulte une variation de sa résistivité qui est mesurée, amplifiée puis envoyée vers le logiciel d'analyse ; le système buccal comprend un microphone qui enregistre l'onde vocale et un
capteur (également un fil chaud) pour le souffle aérien buccal. L'aérophonoscope est conçu de telle sorte qu'il permet l'observation simultanée des émissions nasales et buccales, sans qu'à aucun moment il n'y ait de possibilité d'interférence entre ces deux modes d'enregistrement. Ceci confère à l'appareil toute son originalité et une grande fiabilité.
Première extension : aérophonoscope DR L'aérophonoscope DR (diagnostic, rééducation) (fig 49) se présente sous la forme d'un cadran reproduisant une figurine-écran. Des diodes lumineuses (ou leds) disposées au niveau du nez et de la bouche indiquent, en s'allumant, la présence d'un flux d'air nasal et d'une émission vocale. Le système est conçu de telle sorte que ces ampoules s'allument en plus ou moins grande quantité, exprimant ainsi l'importance du flux d'air nasal et l'intensité de l'onde sonore buccale. Il constitue un mode de représentation original des deux signaux enregistrés. Son utilisation est particulièrement intéressante, lors de rééducations et d'examens de phonation réalisés avec des enfants en raison de son attrait ludique non négligeable. En rééducation, il permet à l'enfant de visualiser la qualité de sa phonation de façon simple, claire et agréable.
Deuxième extension : aérophonoscope II C Modèle plus performant, plus perfectionné, il a été conçu en 1989 en vue des examens, des bilans et des observations plus poussés dans les services spécialisés. L'appareil II C (fig 50), se compose : d'un écran à cristaux liquides pour la visualisation des différents tracés ; d'un clavier permettant de piloter les logiciels d'analyse. Il est possible de choisir entre quatre vitesses d'acquisition, 1, 2, 5 ou 10 secondes. Un temps court est nécessaire pour l'analyse précise de phénomènes très rapides comme l'émission d'un phonème isolé. Un temps long permet d'étudier un enchaînement de phonèmes lors de l'émission d'une phrase type, lors de la parole spontanée. L'appareil enregistre et mémorise en permanence cinq paramètres différents : le souffle nasal droit ; le souffle nasal gauche ; la sommation des souffles nasaux droit et gauche (reflet du mécanisme sphinctérien) ; le souffle buccal ainsi que l'onde vocale. Sur l'écran, deux courbes seulement, au choix parmi les cinq, peuvent être visualisées en temps réel lors de l'enregistrement, mais il est possible de visualiser, après l'acquisition des données, n'importe laquelle des cinq courbes gardées en mémoire. Selon la pathologie à étudier, l'utilisateur sélectionne les deux courbes qui lui paraissent les plus adaptées : étude simultanée de : sommation du souffle nasal et onde vocale. Cette étude est intéressante pour le bilan du fonctionnement du voile du palais, le dépistage de l'insuffisance vélaire et la rééducation des rhinolalies ouvertes ou fermées ; étude simultanée de : sommation du souffle nasal et souffle buccal, pour l'étude du mode de respiration (buccal, nasal ou mixte) ou la comparaison des souffles buccal et nasal, notamment dans l'émission des consonnes.
Aérophonoscope sur PC
Depuis 1994, l'aérophonoscope est expérimenté sur micro-ordinateur PC compatible, grâce à l'adjonction d'une carte d'acquisition et d'un logiciel ad hoc. L'aérophonoscope PC (fig 51) constitue un procédé nouveau d'investigation en pathologie vocale et en exploration de la motricité vélaire. Ce procédé permet l'observation simultanée des différents paramètres faisant l'objet d'étude en stomatologie, ORL, phoniatrie et orthophonie pour examens, bilans, rééducation. Sonde détectrice : l'affichage de ces paramètres se présente sur écran d'ordinateur en graphique de six courbes. Ces courbes dérivent d'une sonde d'examen munie de cinq capteurs destinés chacun à une observation spécifique. Courbes : courbe 1 : souffle nasal droit (capteur 1) ; courbe 2 : souffle nasal gauche (capteur 2) ; courbe 3 : sommation des souffles gauche et droite (capteurs 1 et 2) ; courbe 4 : souffle buccal (capteur 3) ; courbe 5 : onde vocale (capteur 4 : microphone) courbe 6 : vibrations laryngées (capteur : laryngophone).
Ces signaux peuvent être affichés : assemblés, couplés ou isolés. Vitesses : le défilement de ces courbes ou signaux sur l'écran peut être effectué en des temps de 1 s, 2 s, 5 s, 11 s et 15 s. Son : un dispositif peut permettre la diffusion sonore du message visualisé. Enregistrement : le stockage des données constitue un dossier complet des sujets examinés. Impression : les signaux visualisés sur l'écran peuvent être saisis sur une imprimante.
Bilan phonétique courant Étude de la perméabilité nasale dans l'émission : « non maman ». Recherche d'une déperdition nasale dans l'émission des voyelles : a. è. o. ou. é. i. Recherche d'une déperdition nasale dans l'émission des consonnes : pa ta ca - fa sa cha ba da ga. Recherche de l'occlusion vélopharyngée lors du souffle buccal.
Observations complémentaires Respiration Examen de la respiration nasale normale. Examen de la respiration nasale spécifique. Bouche close. Examen du mode respiratoire : nasal, buccal.
Rhinolalie ouverte - déperdition nasale Recherche spécifique de la déperdition nasale dans les syllabes : consonne-voyelle. Recherche de l'explosive glottale dans l'émission des consonnes p t k b d g. Recherche du souffle rauque dans l'émission des consonnes f s ch v z j. Rééducation de la rhinolalie ouverte : déperdition nasale, souffle nasal.
Recherche spécifique de fuites dans le langage courant.
Rhinolalie fermée Observation sur les voyelles nasales : an - on - in et les consonnes nasales : m - n - gn. Recherche sur l'obstruction nasale : gauche, droite, totale. Rééducation de la rhinolalie fermée.
Oralisation des consonnes sonores Recherche des vibrations laryngées des consonnes b, d, g. Recherche des vibrations laryngées des consonnes v, z, j. Rééducation de l'oralisation.
Évaluation de la mobilité vélaire Test sur des groupes composés de consonnes ou voyelles.
Examens du langage courant Test sur un texte dépourvu de phonèmes nasaux Test sur des émissions spécifiques de phonèmes
Protocole d'étude et analyse des tests (fig 52) Pour l'examen des fentes palatines, le protocole utilisé au moyen des aérophonoscopes II et PC ordinateurs comprend six tests objectivés en deux aérophonogrammes.
Premier test : évaluation de la perméabilité nasale L'émission des phonèmes nasalisés dans les deux mots « non maman » nous permet d'observer la présence normale ou l'absence pathologique de la perméabilité nasale pour chaque narine. L'absence totale de perméabilité nasale rend impossible la poursuite des examens concernant les fonctions vélaires. Tableau I : l'affichage du flux nasal dans l'émission des phonèmes normalement nasalisés « non maman » révèle une perméabilité normale des deux narines. L'absence de nasalité des mêmes phonèmes « non maman » traduit une obstruction nasale.
Deuxième test : évaluation phonétique de l'insuffisance vélaire. L'émission des phonèmes oraux a - è - o est destinée à rechercher la présence pathologique des fuites nasales dans ces voyelles ouvertes. La même recherche est effectuée dans l'émission des voyelles fermées ou - é - i. Tableau I : l'émission des phonèmes nasalisés « non maman » traduit par la courbe nasale une perméabilité normale des conduits narinaires. L'émission des voyelles orales a.è.o.ou.é.i. s'effectue sans fuite nasale.
L'occlusion vélopharyngée est assurée normalement. Tableau II : l'émission des phonèmes nasalisés traduit une perméabilité normale. Les voyelles orales émises avec fuite nasale traduisent une occlusion vélopharyngée déficiente, d'origine organique. On diagnostique alors une rhinolalie ouverte organique. Tableau III : la perméabilité nasale est normale. Les voyelles orales : o.ou.é.i. sont émises avec fuite nasale. Les autres : a.è. sont émises normalement. La motricité vélopharyngée peut, dans ce cas, être améliorée par une rééducation orthophonique. On diagnostique une rhinolalie ouverte fonctionnelle.
Troisième test : évaluation phonétique de l'insuffisance vélaire L'émission des consonnes occlusives associées à la voyelle a : pa ta ka, des consonnes constrictives : fa sa cha et des consonnes sonores : ba da ga nous permet d'objectiver ou non une déperdition nasale pour chacune de ces consonnes orales. Tableau IV : la perméabilité nasale est normale. Les consonnes orales p - t - c - f - s - ch - b - d - g sont émises normalement sans fuite nasale. Tableau V : la perméabilité nasale est normale. Les consonnes orales sont émises avec fuite nasale. L'occlusion vélopharyngée est déficiente. Le diagnostic s'oriente vers une rhinolalie ouverte organique. Tableau VI : la perméabilité nasale est normale. Les consonnes orales sont émises les unes avec fuite : b- d - g ; les autres : p - t - c - f - s - ch sont émises normalement. La motricité vélopharyngée peut être améliorée par une rééducation orthophonique. On peut diagnostiquer une rhinolalie ouverte fonctionnelle.
Quatrième test : évaluation de la rhinolalie fermée organique Le test pratiqué pour l'observation de la rhinolalie fermée organique vise à une recherche de la nasalité normale dans l'émission des voyelles et consonnes nasales. Tableau VII : le groupe nasal « non maman » ainsi que les voyelles nasales : an - on - in sont émis normalement avec une nasalité qui correspond à chaque phonème. Tableau VIII : les consonnes et voyelles nasales sont émises sans leur nasalité respective. Le test de respiration nasale révèle une obstruction nasale quasi totale. On diagnostique alors une rhinolalie fermée organique, justiciable d'un examen complet du trajet vocal.
Cinquième test : évaluation de la rhinolalie fermée fonctionnelle Tableau IX : les consonnes et voyelles nasales sont émises sans leur nasalité respective. En revanche, le test de respiration nasale révèle une perméabilité nasale normale. Le sphincter vélopharyngé n'assure pas sa fonction d'ouverture. On diagnostique alors une rhinolalie fermée fonctionnelle, justiciable d'une rééducation orthophonique.
Sixième test : évaluation de la tonicité vélaire Ce test consiste à émettre un souffle buccal prolongé. L'hyperpression buccale vient confirmer ou infirmer l'occlusion vélopharyngée sous la pression du souffle. Ce test peut aussi permettre de révéler une fistule palatine séquellaire dont il faudra éliminer l'obstruction au moyen d'une pâte pour apprécier véritablement la fonction vélaire.
Tests complémentaires Certaines observations des plus intéressantes peuvent être obtenues à l'aide de l'appareil. On peut réaliser des études sur : la la le la
motricité du voile et son influence phonétique ; respiration et ses incidences sur l'obstruction nasale ; mode respiratoire ; tonicité vélaire dans le langage.
Tonicité vélaire dans le langage courant Le bilan phonétique consiste en une analyse spécifique des phonèmes observés dans leur émission statique. Or, l'analyse du langage courant laisse parfois apparaître des anomalies dues aux déficiences motrices qu'exigent les lois d'association et de rapidité d'émission. Le tableau X montre une émission d'un texte spécifique dépourvu de phonèmes nasalisés. Aucune nasalisation n'est observée chez le sujet normal. Le tableau XI montre quelques anomalies manifestées par des fuites nasales qui entachent certains phonèmes ou syllabes du langage courant. Ces erreurs, grâce à la relecture sonore et au zoom, peuvent être détectées et faire l'objet d'étude ou de rééducation. « Le Petit Poucet part vers la forêt... » Dans la même perspective d'analyse, on peut aussi étudier l'émission des mêmes phonèmes groupés dans une phrase : Exemple : a : « papa a sa tasse », ou : « où court le loup ? », i : « Philippe lit ici ». Cette analyse permet d'étudier l'évolution du phonème intégré dans le langage courant.
Motricité vélaire et son influence dans le langage Les bilans phonétiques effectués à l'aide de l'aérophonoscope nous ont révélé, chez certains patients atteints d'insuffisance vélaire ou après intervention, une nasalité discrète dans la parole courante. Cette anomalie s'avérait d'autant plus surprenante qu'elle était observée chez des sujets dont le bilan phonétique classique était considéré comme normal. Nos observations nous ont permis de conclure que cette nasalité résultait d'une hypotonie vélaire dans la phase d'occlusion des phonèmes nasaux m -n -gn- dans la dynamique du langage. Cette étude a été pratiquée sur des sujets normaux et pathologiques au moyen de l'analyse des groupes : amada - amédé et ami. L'observation du test (tableau XII) chez le sujet normal montre une émission normale des phonèmes oraux et nasaux. En revanche, l'observation du test
(tableau XIII) chez le sujet pathologique montre : une voyelle initiale « a » normale ; une consonne « m » dont la courbe nasale traduit une ouverture vélaire normale rapide, mais une fermeture retardée. Le flux nasal retardé affecte d'une contamination nasale les phonèmes ada - édé qui terminent les groupes. Le tableau XIV montre une contamination nasale de la voyelle I prolongée avec une atteinte partielle ou totale. La motricité de certains voiles hypotoniques ou cicatriciels ne répond pas toujours aux lois de vitesse et d'association requises pour effectuer les mouvements rapides dans l'émission de phonèmes dans la parole courante. Il en découle un certain nasonnement qui vient entacher la parole spontanée. Il conviendrait d'en tenir compte, peut-être dans l'acte chirurgical, mais sûrement en rééducation orthophonique.
Évaluation du mode respiratoire Cet appareil permet aussi d'étudier le type de respiration du patient. On peut analyser la respiration spontanée. Celle-ci peut être mixte, buccale ou nasale. On peut aussi analyser la respiration nasale spécifique en demandant au patient de respirer bouche close.
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À PROPOS DE L'ENVIRONNEMENT OPÉ RATOIRE Le nourrisson, vu par les anesthésistes [47] lors d'une consultation spécialisée préalable, est hospitalisé la veille de l'intervention accompagné, si possible, d'un de ses parents (habituellement la mère) et avec quelques objets faisant partis de son environnement habituel. Plus l'enfant est jeune, plus l'intervention a lieu tôt dans la matinée (ordre croissant d'âge) pour éviter un jeûne trop long souvent difficile à supporter par l'enfant et par les parents. L'endormissement est fait au masque après une prémédication. Puis, après l'installation d'une voie veineuse pas toujours aisée à trouver chez les nourrissons potelés, ce qui peut retarder parfois notablement le début de l'intervention, l'intubation est réalisée par voie orotrachéale pour dégager toute la sphère labionasale et vélopalatine. La sonde armée sans ballonnet, en raison du petit calibre, est fixée sur la ligne médiane du menton par un collant. Cardioscope, capnographe, saturomètre, température évidemment partie du dispositif anesthésique obligatoire.
rectale
etc,
font
L'hypotension contrôlée et l'infiltration des tissus mous à la Xylocaïne adrénalinée® (à doses prédéterminées en fonction du poids de l'enfant), permettent d'obtenir un champ exsangue et de travailler dans des conditions optimales de vision. L'utilisation de lunettes-loupes ou d'un microscope, pour intéressante qu'elle soit, n'est pas obligatoire. L'alimentation à la petite cuillère est reprise le soir même de l'intervention et maintenue pendant quelques jours, selon la présence ou non et la forme de la
fente palatine, à la suite desquels l'alimentation au biberon peut être reprise. Des petits manchons faits de boîtes en carton (format boîte de sirop), recouvertes de jersey, sont placés au niveau des coudes, pour que l'enfant, tout en conservant l'usage de ses mains, ne puisse les porter à sa bouche. Ils sont fournis aux parents et maintenus pendant la durée de l'alimentation à la petite cuillère.
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SURVEILLANCE DE LA CHIRURGIE PRIMAIRE À 5-6 ANS
Sur le plan dentaire Une fois la cicatrisation obtenue, l'enfant reprend un rythme de vie normal. Les habitudes d'hygiène buccodentaire sont transmises aux parents de façon régulière. Il faut éviter à tout prix les tétines ou biberons sucrés donnés le soir au coucher qui détruisent rapidement les incisives supérieures (syndrome du biberon). Les dents lactéales surnuméraires de la région prémaxillaire (incisive latérale dédoublée, précanine) doivent être conservées, car elles stimulent la croissance du prémaxillaire et augmentent la place des dents définitives.
Sur le plan phonatoire La rééducation orthophonique peut être proposée à l'enfant dès le plus jeune âge en raison de ses facultés intégratives. À partir de l'âge de 3 ans, on peut faire exécuter par l'enfant des exercices destinés à l'obtention d'une phonation correcte. Pour permettre cette rééducation précoce et d'autre part ne pas laisser s'instaurer des habitudes vicieuses, il est nécessaire d'en informer les parents, premiers témoins des balbutiements naissants. C'est la guidance parentale. Lorsque l'apprentissage du langage est suffisamment élaboré (entre 4 et 5 ans environ), la rééducation orthophonique est confiée à l'orthophoniste. En revanche, pour les enfants dont les facultés intégratives sont perturbées (retard de parole, retard mental), il est préférable d'attendre un développement plus avancé.
Sur le plan ORL Il est classique de considérer que les sujets porteurs de fentes palatines sont plus sujets aux perturbations auditives que les autres, les raisons invoquées étant le dysfonctionnement tubaire relatif aux muscles communs entre voile et trompe d'Eustache. Les otites aiguës postopératoires sont en général jugulées par le traitement antibiotique comprenant un principe actif sur Haemophilus, très souvent incriminé dans cette pathologie. Les otites séreuses évoluent à bas bruit, se manifestant par une diminution progressive de l'acuité auditive. De ce fait, l'examen ORL est obligatoire pour apprécier et traiter cette hypoacousie. L'hypertrophie des végétations adénoïdes, également responsable d'otites séreuses et de perturbations de la perméabilité nasale doit faire l'objet d'un traitement spécifique (médical et chirurgical), sans arrière-pensée sur la fonction vélaire. Il est en effet plus aisé de rééduquer un enfant qui entend bien qu'un
enfant hypoacousique. Enfin, l'hypertrophie amygdalienne peut, dès lors qu'elle est jugée responsable d'un syndrome obstructif ou d'un retentissement squelettique facial, en dehors de tout contexte infectieux récurrent, imposer l'amygdalectomie. La généralisation de cette intervention sous intubation trachéale permet à l'opérateur de préserver les muscles du voile.
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TRAITEMENT SECONDAIRE DE L'INCOMPÉ TENCE VÉ LOPHARYNGÉ E L'existence d'une incompétence vélopharyngée responsable d'une rhinolalie ouverte peut nécessiter, après une période de rééducation phonétique plus ou moins longue, une reprise chirurgicale du voile ou pharyngoplastie. Différentes conditions peuvent imposer cette intervention : mauvaises conditions anatomiques avec un voile mobile s'élevant correctement mais trop court pour s'appliquer sur la paroi pharyngée postérieure, parfois associé à un cavum trop profond en rapport avec une architecture basicrânienne dolichoïde ou une posture cervicale cyphotique ; mauvaises conditions fonctionnelles avec un voile atone ou hypotonique ne présentant qu'une élévation partielle, ou un manque de rapidité à l'élévation principalement visible (ou audible) lors du langage spontané. Cette hypomobilité peut être d'ailleurs en rapport avec un voile cicatriciel, retracté, associant aux mauvaises conditions fonctionnelles des conditions anatomiques défavorables ; la présence de végétations adénoïdes ou de mouvements pharyngés compensatoires (bourrelet de Passavant par contraction du muscle constricteur supérieur du pharynx, visible par l'ascension de la muqueuse de la paroi pharyngée postérieure) peuvent abuser le clinicien ou l'orthophoniste et masquer les mauvaises conditions anatomiques ou fonctionnelles précitées. L'évolution spontanée aboutit le plus souvent à une phonation instable, de mauvais pronostic à long terme, notamment lors de l'involution spontanée des végétations adénoïdes ou lorsque les phénomènes compensatoires deviennent insuffisants, lors de la croissance du cavum, pour occlure de façon permanente le sphincter vélopharyngé. Bien que parfois peu perceptibles à l'audition, et masquées par une bonne articulation, ces insuffisances vélaires n'en sont pas moins réelles et bien mises en évidence par un examen approfondi à l'aérophonoscope. L'indication chirurgicale, dans ces cas, dépendra du retentissement sur la vie courante du sujet, des conditions anatomofonctionnelles laissant présager une amélioration de la phonation, et bien entendu de son âge ; la récupération est d'autant plus difficile que le sujet est âgé et mémorise ses mauvaises habitudes phonatoires. La présence d'une brèche palatine laissant passer l'air du souffle aérien buccal peut entacher la phonation de nasalité et donner des faux positifs à l'examen à l'aérophonoscope. Il sera donc prudent, avant toute évaluation de la fonction vélopharyngée utilisant l'audition ou la détection du souffle nasal, d'obturer préalablement la brèche palatine à l'aide d'une pâte gingivale.
Les différentes techniques chirurgicales Nombreuses sont les propositions faites pour tenter d'améliorer la phonation des sujets porteurs de fente vélaire ou vélopalatine pour lesquels la chirurgie
primaire s'est avérée insuffisante malgré la rééducation orthophonique. Notons à ce propos que l'appréciation subjective de la phonation jusqu'à ce jour peut faire varier de façon importante l'indication d'une pharyngoplastie selon les écoles ou les praticiens. L'intérêt d'une objectivation de la déperdition nasale par l'aérophonoscope notamment, contribue très probablement à augmenter le nombre de patients justiciables d'une pharyngoplastie, même si le résultat de cet examen doit évidemment être confronté à l'examen clinique et phonique. Le but de la pharyngoplastie est d'améliorer la dynamique vélaire et en même temps de diminuer la surface du sphincter vélopharyngé.
Avancement de la paroi pharyngée postérieure L'avancement de la paroi pharyngée postérieure en regard du genou du voile est une technique séduisante pour les voiles mobiles, se contractant bien, mais ne pouvant atteindre la paroi pharyngée postérieure, soit en raison d'un voile trop court ou d'une paroi pharyngée trop en arrière, ou trop concave, témoin d'un cavum profond. Divers matériaux ont été utilisés (téflon, silicone, proplast, os...) soit glissés en sous-muqueux ou en sus-aponévrotique (en avant de l'aponévrose vertébrale) mais parfois migrateur (par déclivité) ou mal toléré (extériorisation), soit directement fixé à la vertèbre sous-jacente (greffe osseuse vissée) mais dont la pérennité, outre les risques dus à la voie d'abord, rares mais disproportionnés par rapport à la pathologie, n'est pas assurée en raison des phénomènes de résorption. Cette technique est peu usitée et n'a jamais fait la preuve de son efficacité.
Technique d'Orticochéa Pour pallier le défaut de recul ou de contraction du voile, Orticochéa en 1970 [41] a proposé de faciliter la fermeture latérale du sphincter vélopharyngé par la transposition des piliers postérieurs du voile c'est-à-dire des muscles palatopharyngiens, par section de leur extrémité inférieure et transposition médiale avec fixation sur la paroi pharyngée postérieure (fig 53). L'efficacité de cette technique est liée à la contractilité des piliers postérieurs après leur transposition et dépend donc de l'aptitude de l'orifice médian résiduel à s'occlure totalement.
Technique de Sanvenero-Rosselli La pharyngoplastie avec lambeau pharyngé à pédicule supérieur décrite par Sanvenero-Rosselli en 1939, est probablement la technique la plus employée si l'on en juge la littérature [41]. Plusieurs aménagements ont été apportés à cette technique notamment en ce qui concerne les gestes réalisés au niveau du voile (fig 54). L'un des principaux avantages de cette technique est l'orientation du lambeau qui, oblique en haut et en arrière, suit une direction plus physiologique allant dans le sens du mouvement du voile. En réalité, le lambeau pharyngé n'a aucune action dynamique même avec le prélèvement musculaire, de plus, il peut représenter par sa présence et son inertie, un obstacle au mouvement du voile et gêner son élévation. D'autre part, il est nécessaire de suturer ce lambeau sur la face supérieure et postérieure du voile qui est difficilement accessible, sauf à faire une section de
celui-ci. Cela implique dans ce dernier cas, de fixer le lambeau avant de faire la suture musculaire d'où une certaine difficulté à obtenir un bon étalement de celui-ci.
Technique de Rosenthal À l'inverse de la technique précédente, Rosenthal a proposé en 1924 [41] un lambeau pharyngé à pédicule inférieur. Cette technique plus facile à réaliser, permet un meilleur étalement du lambeau, son positionnement se faisant en vision directe. Delaire a beaucoup défendu cette technique mettant en exergue son intérêt fonctionnel, non seulement sur la phonation, mais aussi et surtout sur son action dans la modification de la position de la base de langue et son retentissement sur la croissance et l'architecture faciale. Nous décrirons deux techniques de pharyngoplasties utilisant le lambeau pharyngé à pédicule inférieur (fig 55) et dont l'indication diffère selon l'âge du sujet et la gravité de la dysfonction vélopharyngée. Ces deux techniques ont en commun trois actions principales : le recul des muscles du voile ; l'allongement du voile par la suture des piliers postérieurs, technique déjà proposée par Sanvenero -Rosselli ; le prolongement du voile par le lambeau pharyngé à pédicule inférieur.
Urano-staphylo-pharyngoplastie (ou USPP) Elle est réalisée chez l'adulte ou l'adolescent ou dans les formes graves de dysfonction vélopharyngée (voile très court, cicatriciel, peu mobile nécessitant un recul important de celui-ci). Il est préférable de l'éviter dans la mesure du possible chez l'enfant en raison du risque de trouble de la croissance secondaire du maxillaire supérieur.
Prélèvement du lambeau pharyngé Celui-ci doit être aussi large que possible, la lame de bistouri (no 15) doit être orientée bien perpendiculairement au plan pharyngé postérieur pour éviter toute blessure vasculaire latérale, une lame malléable large et recourbée à son extrémité permet de récliner le voile et donne une vision satisfaisante sur la face postérieure du rhinopharynx où se trouvent les végétations adénoïdes. La limite supérieure du lambeau doit être découpée le plus haut possible même si elle se situe au sein de ces végétations adénoïdes. Les incisions supérieures et latérales se font jusqu'à l'aponévrose prévertébrale facilement identifiable par sa couleur nacrée. Le lambeau ainsi décollé doit comprendre la muqueuse et le muscle constricteur pharyngé supérieur sous-jacent. Les incisions latérales sont menées jusqu'au bord inférieur du relief de l'arc antérieur de l'atlas, qui correspond schématiquement à l'extrémité inférieure du relief des piliers postérieurs du voile. Le repérage de cette limite inférieure peut se faire également sur la téléradiographie de profil en « i » visualisant les rapports de l'extrémité postérieure du voile en contraction et l'arc antérieur de C1. La limite inférieure du lambeau devra dans tous les cas dépasser de quelques millimètres l'extrémité postéro-inférieure du voile pour éviter qu'il fasse obstacle à l'élévation de celui-ci. La surface aponévrotique prévertébrale est laissée en l'état après hémostase et la cicatrisation se fait spontanément.
Préparation du site receveur Le lambeau sera fixé à la face antéro-inférieure du voile, le plus souvent dans la zone rétro-uvulaire après excision muqueuse rectangulaire. Dans les voiles courts, dont le raccourcissement est parfois dû à un lâchage des sutures les plus postérieures, il est nécessaire de recréer ce site receveur en suturant, préalablement à la pose du lambeau, les muscles palatopharyngiens. La fixation du lambeau est assurée par deux points au fil résorbable, sur la surface cruentée préparée à cet effet, sans traction. Les fils passés transversalement sur le voile doivent être orientés sagittalement sur le lambeau pour ne pas altérer sa vascularisation. Ensuite, on réalise une suture bord à bord en ménageant de part et d'autre de la base du pédicule des orifices destinés au maintien d'une bonne perméabilité nasale.
Recul du voile et de ses muscles Ce temps chirurgical doit être effectué avant la fixation du lambeau, afin de n'exercer aucune traction sur celui-ci et pour bien apprécier le recul nécessaire. En effet, l'absence de traction, associée au prélèvement de la couche musculaire, permet de conserver à long terme un lambeau souple et bien étalé, et d'éviter que celui-ci ne se transforme progressivement en un cordon fibreux totalement inefficace. Le recul du voile dans l'USPP s'apparente au push back décrit par Dorance, [41]. Il s'effectue après décollement de toute la fibromuqueuse palatine, après incision au collet des dents se prolongeant en arrière vers la commissure intermaxillaire. Il est préférable cependant : de préserver la fibromuqueuse du prémaxillaire et de passer en arrière de la papille palatine permettant ainsi de faire une plastie antérieure en VY selon la technique de Veau-Wardill et Killner ; de maintenir en place la fibromuqueuse gingivale par une incision passant entre celle-ci et la fibromuqueuse palatine du maxillaire. La préservation de la fibromuqueuse gingivale évite les déplacements dentaires susceptibles de survenir à la suite du décollement de celle-ci. Il faut bien prendre garde lors du décollement, à préserver l'intégrité du plan nasal sur la ligne médiane, quitte à inciser dans l'épaisseur de la fibromuqueuse. En revanche, pour obtenir un recul satisfaisant du voile, il est souvent nécessaire de sectionner le plan nasal le plus postérieurement possible. Il n'est pas nécessaire de recouvrir cette surface cruentée qui cicatrise spontanément, au même titre que la zone de prélèvement du lambeau pharyngé.
Uvulo-vélo-pharyngoplastie (UVPP ou recul du voile par lambeau de luette en îlot) À partir de 1985, Delaire [17] proposa comme alternative à l'USPP, une technique de recul du voile, par un recul de sa région médiane, uvulaire qu'il appela « lambeau de luette en îlots » (fig 56). Le principe était de lutter contre la rétraction cicatricielle médiane responsable de la diminution de l'élasticité et donc de l'extensiblitié vélaire en arrière. Elle avait également l'avantage de respecter la totalité de la fibromuqueuse palatine et donc de pouvoir être réalisée précocement. Dans cette technique d'UVPP, le prélèvement du lambeau et la préparation du site receveur se font de la même façon que dans l'USPP.
Pour le recul du voile, l'incision losangique ne concerne que le plan muqueux et glanduloadipeux, et se termine juste en arrière de la jonction muqueuse vélairefibromuqueuse palatine. Les berges latérales sont décollées du plan musculaire sous-jacent et le lambeau losangique médian solidaire des muscles est décollé du plan muqueux nasal dans sa partie antérieure, puis reculé en masse après incision transversale du plan nasal le plus postérieurement possible. La fermeture du plan palatin se fait selon la technique du VY qui est ici inversé par rapport à celui cité dans la technique de l'USPP ; il peut être nécessaire parfois de s'aider d'une incision de décharge latérale si la tension au niveau du plan palatin est trop grande ou le voile cicatriciel. Cette technique est indiquée au voile mobile dont la distance avec la paroi pharyngée postérieure, en contraction, n'est pas trop importante (inférieure à 1 cm), et bien entendu chez les enfants pour préserver le potentiel de croissance maxillaire. Il est également possible de réaliser cette technique de façon isolée (c'est-à-dire sans lambeau pharyngé) dès le deuxième temps de fermeture de la fente vélopalatine.
Commentaires à propos du lambeau pharyngé Ce lambeau, quel que soit son pédicule, supérieur ou inférieur, n'a aucun rôle actif dans la mobilisation du voile. Il n'intervient que de façon passive, en diminuant la surface du sphincter vélopharyngé (fig 57) et donc le risque de déperdition nasale. Outre sa facilité de réalisation, le lambeau pharyngé à pédicule inférieur semble plus physiologique de par son orientation parallèle aux piliers postérieurs du voile qui lors de leur contraction viennent s'appliquer sur les bords latéraux du lambeau et obturer de façon plus efficace les orifices situés de part et d'autre de celui-ci (fig 58). L'inconvénient majeur du lambeau pharyngé est la création d'un ronflement dont il faut prévenir et l'intéressé et l'entourage. Ce ronflement, témoin de l'efficacité de l'intervention, est transitoire et s'estompe progressivement avec le temps. Il est purement vibratoire et ne doit donc pas être confondu avec un syndrome d'apnée du sommeil (SAS) [70]. Le lambeau pharyngé ne crée pas un SAS. Il faut cependant s'enquérir des antécédents du patient et éviter de réaliser cette technique chez un sujet présentant des signes de SAS. D'autre part chez l'enfant, il peut être indiqué de pratiquer avant la pharyngoplastie une amygdalectomie bilatérale devant des amygdales volumineuses.
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GINGIVOPLASTIE OU GINGIVOPÉ RIOSTOPLASTIE Le rétablissement de la continuité osseuse et gingivale dans les fentes labiomaxillaires (maxilloalvéolaires) ou labio-maxillo-palatines doit être une préoccupation majeure du chirurgien. Ce rétablissement est en effet indispensable au bon positionnement des dents adjacentes à la fente alvéolaire, et à l'obtention d'un environnement parodontal, osseux et gingival suffisant, pour une évolution fonctionnelle masticatoire et un aspect esthétique satisfaisant et durable. Véritable clé de voûte de l'arche maxillaire, il contribue, en outre, à une certaine stabilité des fragments, d'autant que l'union osseuse des lames palatines est, la plupart du temps, rarement obtenue. Enfin, il est indispensable à la bonne croissance du secteur prémaxillomaxillaire. Trois types de gingivoplastie, encore appelée gingivopériostoplastie, doivent être considérés selon l'âge du patient auquel elle est réalisée. D'autre part, un
distinguo doit être fait entre les fentes unilatérales et bilatérales.
Gingivopériostoplastie primaire précoce C'est la gingivoplastie réalisée pendant le temps primaire du traitement de la fente. Elle peut être faite lors du deuxième temps opératoire de la chirurgie primaire [16] , en même temps que la fermeture du palais osseux, c'est-à-dire entre le 15e et le 24e mois. Elle n'est possible que si les extrémités du grand et du petit fragment sont suffisamment alignées et proches l'une de l'autre, position parfois obtenue spontanément à la suite de la chirurgie primaire labiale et vélaire. Dans les fentes labiomaxillaires sans fente palatine, la gingivoplastie peut être faite dès le premier temps si les conditions anatomiques requises sont présentes. Elle ne doit pas être confondue avec l'obturation de la fente alvéolaire par la suture du plan nasal doublé d'un lambeau de muqueuse buccale de type Muir ou Burian qui permet d'obtenir un pont osseux au-dessous du plan périosté nasal, mais sans continuité osseuse alvéolaire, en raison du caractère non ostéogénique de ces lambeaux. Elle doit être distinguée également du lambeau périosté proposé par Stricker et Raphael. [59] Cette gingivoplastie primaire précoce, doit être effectuée avec prudence pour ne pas léser les germes dentaires sous-jacents, séparés du périoste gingival par une couche osseuse très mince, papyracée dont l'effraction est aisée. Le but est d'obtenir une continuité gingivopériostée vestibulaire pour obtenir une ossification corticale externe, prélude indispensable à une bon développement du prémaxillaire. L'incision doit être étendue jusqu'au sommet de la crête alvéolaire pour translater la fibromuqueuse gingivale attachée, afin d'obtenir une ostéogenèse sur toute la hauteur alvéolaire et donner une attache épithéliale satisfaisante à la dent définitive qui fera son éruption à ce niveau. La greffe osseuse à ce stade est discutable en raison de la difficulté à trouver un site donneur dépourvu de toute morbidité. Celle-ci ne s'avère d'ailleurs pas toujours nécessaire. Les biomatériaux (os de Peters, corail, phosphate tricalcique) sont en général mal tolérés, sujets à infection et expulsion secondaire. Cette gingivoplastie primaire précoce n'est cependant pas toujours possible pour diverses raisons : fente alvéolaire trop large avec espacement interfragmentaire trop important ; décalage transversal excessif des extrémités des fragments, le plus souvent en raison d'une conjonction médiane du petit fragment dans les fentes unilatérales ou de deux fragments latéraux dans les fentes bilatérales. Il faut alors reporter la gingivoplastie à une période où les conditions anatomiques locales seront plus favorables. C'est la gingivoplastie primaire antépubertaire.
Gingivoplastie primaire antépubertaire* Dès lors qu'il existe un bon alignement spontané ou orthopédique des fragments et un espace interfragmentaire adéquat (c'est-à-dire ni trop large, ni trop serré), la gingivoplastie peut être réalisée. Il est préférable de faire cette gingivoplastie avant l'éruption de la canine définitive pour faciliter son éruption .
D'autre part, pour éviter de léser les germes dentaires et, notamment, celui de l'incisive centrale supérieure adjacente à la fente, il peut être souhaitable d'attendre l'éruption de celle-ci. Ainsi, la période « idéale » de cette gingivoplastie antépubertaire se situe entre 7 et 10 ans. À cet âge, une interposition osseuse est souvent nécessaire, excepté dans les fentes très étroites où la gingivoplastie peut se suffire à elle-même. La nature de l'os utilisé pour la greffe osseuse alvéolaire est très variable selon les auteurs . Certains préfèrent un os d'origine membraneuse (calvaria, symphyse mentonnière) ; l'os calvarial, essentiellement cortical, est surtout intéressant comme greffe d'apposition, mais se prête peu à l'interposition, surtout si la largeur de la fente impose une quantité relativement importante de tissu osseux. Le site symphysaire ne peut être utilisé à cet âge que pour des petites quantités d'os ; il apporte plus de tissu spongieux que l'os calvarial mais l'étendue du prélèvement est limitée par la présence des germes des canines définitives. Dans ces cas, il peut être intéressant d'utiliser du tissu osseux spongieux, prélevé au niveau de l'extrémité supérieure du tibia au travers d'une petite incision de 1 cm, située à trois travers de doigts au-dessous de l'interligne articulaire sur le versant interne de la tubérosité tibiale antérieure. La corticale est perforée par un petit ciseau gouge et le tissu spongieux prélevé à la curette. La quantité d'os obtenue est suffisante pour les fentes alvéolaires larges, y compris dans les fentes bilatérales. La revascularisation du greffon est très rapide et sa transformation en os alvéolaire complète au bout de quelques semaines (fig 59). L'absence d'action de contention de la greffe alvéolaire à ce stade n'impose pas d'utiliser d'os cortical. Enfin, la présence du cartilage métaphysaire n'est pas une contre-indication au prélèvement ; il suffit de prendre la précaution de ne pas cureter en direction des plateaux tibiaux.
Tracé de l'incision Il est assez complexe car il concerne une structure pyramidale ou tronconique à sommet inférieur, la base étant représentée par le plan nasal. Il est indispensable d'avoir en permanence à l'esprit la représentation en trois dimensions de la fente alvéolaire dont il faut fermer le versant vestibulaire, le versant palatin et le versant nasal (ou le préserver si l'étanchéité a déjà été obtenue lors de l'intervention primaire). Du côté de l'incisive centrale (ou latérale si elle existe), l'incision part du bord libre de la gencive au quart distal de celui-ci et remonte jusqu'à l'extrémité supérieure de la fente muqueuse (fig 60), La fibromuqueuse gingivale restante sur les trois quarts mésiaux de l'incisive, ne doit pas être décollée ou de façon très minime pour faciliter la suture. Le lambeau distal est en revanche décollé en sous-périosté et constituera le futur plan muqueux du versant palatin. Une incision de décharge, partant du sommet de la fente muqueuse et se dirigeant horizontalement en arrière vers la papille palatine ou rejoignant le bord d'une brèche palatine résiduelle, donne toute la mobilité nécessaire à ce lambeau dont le large pédicule est représenté par la fibromuqueuse rétro-incisive. Son décollement doit être prudent car la visibilité est réduite et la muqueuse souvent fragile. La berge supérieure de cette incision horizontale correspond à la berge interne (ou mésiale) du plan nasal. En dehors, sur le versant canin de la fente alvéolaire, l'incision part du bord libre de la gencive au niveau du quart mésial de la canine lactéale sur son versant palatin (il est souvent nécessaire de procéder à l'extraction de la précanine lorsque la couronne fait saillie dans la fente) et se dirige d'abord verticalement vers le sommet postérieur de la fente muqueuse, puis obliquement en avant vers l'extrémité antérieure de la fente alvéolaire déterminant un lambeau dont le pédicule est vestibulaire (fig 60).
Si la fente alvéolaire est large, il est nécessaire de poursuivre l'incision vestibulaire au collet des dents puis obliquement vers le fond du vestibule pour en faire un lambeau de translation, capable d'atteindre sans tension la berge située sur la face vestibulaire de l'incisive centrale. Si nécessaire, le plan nasal est toujours suturé en premier, puis le plan palatin et enfin le plan vestibulaire, après introduction de la greffe osseuse. La réalisation concomitante d'une chéiloplastie secondaire avec transfixion de la lèvre facilite la gingivoplastie et notamment la reconstitution du plan nasal. Il est possible de faire une corticotomie unidentaire de l'incisive latérale pour la replacer dans la fente si son éruption est dystopique et qu'il est envisageable de la conserver.
Gingivoplastie primaire tardive ou postpubertaire Il est rare d'observer une fusion osseuse spontanée (par compression muqueuse entraînant sa résorption) entre les fragments, et la plupart du temps, la fente alvéolaire qui n'a pas bénéficié d'une gingivoplastie, persiste après l'apparition de la denture définitive et tout au long de la vie du patient, plus ou moins associée à une communication bucconasale. Après l'apparition des dents définitives, le traitement orthodontique, souvent commencé préalablement, permet d'obtenir un bon alignement dentaire masquant la fente alvéolaire qui peut se réduire à un simple sillon gingival, à peine perceptible cliniquement. Une radiographie rétroalvéolaire (ou occlusale) permet de mieux apprécier la réalité de la perte de substance osseuse et de la pérennité de la fente alvéolaire ; il est également possible de l'objectiver à l'aide d'une sonde parodontale. Cette situation pourrait être considérée comme acceptable (tout au moins dans les fentes unilatérales) si elle ne risquait pas, à plus ou moins long terme, de mettre en péril la situation parodontale des dents adjacentes à la fente alvéolaire. En effet, la compression de la fibromuqueuse gingivale associée à la contrainte orthodontique pour le nivellement des arcades et la mise en place des dents (évolution de l'incisive centrale souvent en rotation axiale mésio- ou distovestibulaire) peuvent entraîner, avec le temps, une disparition progressive de l'os alvéolaire qui accompagne normalement le ligament avéolodentaire de la dent en éruption. Seule persiste l'attache épithéliale (tout au moins au début), empêchant la constitution d'une véritable poche parodontale. La perte de cette attache épithéliale, quelle qu'en soit la raison, concrétise alors l'atteinte parodontale et peut aboutir à plus ou moins long terme à la perte de la dent. Des précautions sont nécessaires à ce stade pour empêcher la récession gingivale. Le tracé de la gingivoplastie tardive est le même que précédemment et le site osseux symphysaire mandibulaire s'avère souvent suffisant.
Particularité des fentes bilatérales Les arguments en faveur de la gingivoplastie dans les fentes unilatérales sont encore plus vrais dans les fentes bilatérales (fig 61, 62 et 63). La « réhabilitation » du prémaxillaire et son développement notamment transversal ne sont possibles qu'une fois l'union osseuse avec les fragments latéraux obtenue. L'expansion progressive du maxillaire entraînera alors l'expansion du prémaxillaire et l'activation de la suture inter-incisive médiane sous l'action du
d'avoir une vascularisation gingivale et osseuse latérale, la suppression de la vascularisation émanant de la ligne médiane (vomer) lors de l'ostéotomie, met en péril la survie du bourgeon médian et des dents qu'il supporte. Le tracé de l'incision ne diffère pas du tracé de la gingivoplastie unilatérale. Il existe cependant un point stratégique juste en arrière de la papille palatine où vomer et lame palatine horitonzale se croisent dans des plans perpendiculaires, favorisant la pérennité d'une fistule bucconasale, surtout avant l'éruption des incisives définitives (cf chapitre sur les fistules et brèches palatines résiduelles).
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TRAITEMENT ORTHOPÉ DIQUE ET ORTHODONTIQUE Le traitement orthopédique en denture lactéale et/ou mixte et le traitement orthodontique en denture définitive (appareillage multibagues) ont un rôle très important dans l'évolution des fentes, tout au moins dans certaines formes graves, même si les progrès chirurgicaux ont beaucoup amélioré le pronostic dentosquelettique.
Traitement orthopédique La palatoversion de la partie antérieure du petit fragment ou des deux fragments dans les fentes bilatérales avec une linguocclusion canine peut être corrigée par une plaque palatine d'expansion avec adjonction d'un plan de surocclusion pour éviter l'encombrement buccal et l'abaissement de la position linguale. Après l'apparition des premières molaires définitives, un quadhélix de Ricketts semble plus approprié. La correction de cette palatoversion trouve son indication dans le réalignement des berges de la fente alvéolaire pour la gingivoplastie antépubertaire, et dans le contrôle d'une latéromandibulie fonctionnelle débutante. La tendance à la rétromaxillie qui apparaît parfois précocement (classe III molaire et canine) est une indication à l'utilisation des tractions postéroantérieures sur masque de Delaire . L'efficacité de ce traitement dépend de l'état cicatriciel de la région palatine, ptérygoïdienne, labiale et pharyngée (en cas de pharyngoplastie). Sa durée ne doit pas être prolongée en l'absence totale de réponse, et suffisamment brève dans les autres cas, pour ne pas dégoûter l'enfant, quitte à le reprendre ultérieurement si nécessaire, sous couvert d'une surveillance attentive et d'un éventuel dispositif de contention (tractions intermaxillaires, talonnette postérieure de type Gudin, rampe à langue, Bionator....). D'autre part, une grande attention doit être apportée à l'ajustage de l'arc palatin pour ne pas créer une dysharmonie dentomaxillaire (ou l'aggraver en raison de l'hypodéveloppement maxillaire) par migration mésiale excessive des premières molaires principalement en cas de perte des molaires de lait. Les tractions sur masque peuvent être également utilisées indépendamment sur les deux fragments maxillaires et de manière divergente pour corriger une forte conjonction de ceux-ci. L'inversion de l'articulé incisif n'est pas toujours le reflet d'une vraie classe III dentosquelettique mais le témoin d'une palatoversion excessive des incisives supérieures ou d'un hypodéveloppement sagittal du prémaxillaire. Souvent plus marquée dans les fentes bilatérales, cette inversion de l'occlusion incisive peut être corrigée par des tractions élastiques postéroantérieures fixées uniquement sur les incisives supérieures (fig 64 et 65). L'essentiel est de retrouver un bon verrou incisif pour contrôler la projection mandibulaire et stimuler la projection antérieure du maxillaire. D'autre part le recouvrement d'un bon appui cingulaire incisif corrige la supraclusion antérieure et facilite le développement vertical des fragments latéraux. Il existe en effet une diminution de la dimension verticale d'occlusion au niveau des secteurs latéraux due à la perte précoce de l'appui
cingulaire incisif. L'absence de l'incisive latérale supérieure pose des problèmes différents selon le type de fente. Dans les fentes unilatérales, la question souvent posée du maintien ou du comblement de l'espace est loin d'être tranchée. Les orthodontistes considèrent que l'espace doit être comblé chaque fois que possible par mésialisation de la canine afin d'éviter la prothèse ultérieure. Pour louable qu'elle soit, cette attitude, parfois un peu dogmatique, n'en est pas moins responsable de nombreuses malocclusions antérieures par la réduction de la flèche de l'arc prémaxillaire (fig 66), souvent associée à une déviation du point interincisif médian supérieur du côté de la fente et d'une mésiopalatogression de la canine temporaire et surtout définitive. Dans les fentes bilatérales, la contraction du prémaxillaire est encore plus importante et entraîne une malocclusion sagittale symétrique masquée par des compensations dentaires (vestibuloversion incisive), préjudiciable à l'esthétique et compromettant l'avenir de ces dents. Il semble préférable de maintenir, voire même dans certains cas de recréer l'espace des incisives latérales absentes, à moins de prévoir précocement de combler cet espace, en créant des conditions parodontales optimales à la mésialisation des canines, tout en maintenant la bonne position des incisives supérieures,
Traitement orthodontique Il intervient sur les malpositions dentaires en denture définitive. Il corrige les rotations et notamment celle, très fréquente, de l'incisive centrale du côté fendu, compense de façon parfois excessive les décalages squelettiques, ou au contraire décompense les versions compensatrices en vue d'une correction chirurgicale squelettique. Dans les fentes bilatérales labiomaxillaires, le traitement orthodontique permet d'obtenir un très bon nivellement du prémaxillaire, et ce d'autant plus facilement que celui-ci aura été solidarisé aux fragments latéraux par la gingivopériostoplastie, évitant ainsi la reposition chirurgicale du bourgeon médian. Les extractions dentaires doivent, dans les fentes, être limitées le plus possible à l'incontournable (DDM très sévère, dent surnuméraire, ou en position palatine irrécupérable...), au maxillaire supérieur pour ne pas aggraver son hypodéveloppement, et à la mandibule pour ne pas compenser par un recul orthodontique du secteur incisivocanin (générateur d'une rétroalvéolie inférieure), une rétromaxillie justiciable d'une avancée maxillaire. Insistons encore une fois sur la nécessité fondamentale d'une hygiène dentaire, alimentaire et instrumentale irréprochable, et le rôle éducatif de chacun, y compris et surtout vis-à-vis des parents.
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TRAITEMENT INTERCEPTIF L'interception en matière thérapeutique pourrait se définir comme tout acte à visée fonctionnelle, réalisé en période de croissance et destiné à en améliorer l'évolution par la correction de la (ou des) dysfonction (s).
D'un point de vue chirurgical, c'est la période située entre la fin de la chirurgie primaire et la fin de la croissance. Pharyngoplastie, gingivoplastie, adénoïdectomie et amygdalectomie entrent tout à fait dans ce cadre. De même, la chéiloplastie fonctionnelle secondaire, la greffe d'épine nasale et la génioplastie fonctionnelle, font partie intégrante de l'interception. La septoplastie précoce (10-12 ans), parfois associée à la gingivoplastie antépubertaire et plus rarement à la plastie narinaire, a pour but d'améliorer la perméabilité nasale du côté fendu des fentes unilatérales, et de tenter de limiter la déviation progressive de la pyramide osseuse nasale (fig 67). Pour être efficace, l'éperon voméroseptal qui fait saillie dans la fosse nasale du côté de la fente (fig 68) doit être redressé sur toute sa longueur. Le cartilage de la cloison est préservé dans sa quasi-totalité, et pour la croissance, et en tant que site donneur ultérieur de cartilage. La puberté marque un véritable tournant dans l'évolution du patient ; modifications physiques, psycho-intellectuelles et affectives étroitement imbriquées, l'orientant vers l'épanouissement ou au contraire vers l'enfermement sur lui-même. L'observation tend à prouver qu'il n'y a pas de parallélisme entre le retentissement de la malformation et le développement du sujet. Cependant le praticien coordonnateur de la prise en charge thérapeutique a, avec les parents bien entendu, un rôle important dans l'organisation des traitements à venir : gérer le temps, inclure la chirurgie dans une scolarité souvent difficile, faire accepter le nécessaire délai avant la correction de la difformité, ne jamais faire croire à l'impossible mais rassurer sur le résultat final et toujours écouter l'intéressé.
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TRAITEMENT DES SÉ QUELLES Le terme de séquelle définit-il la conséquence inéluctable de la malformation congénitale à la fin de son évolution ou faut-il réserver ce terme aux conséquences (en tant que complications) des différentes thérapeutiques dont le patient a fait l'objet tout au long de sa croissance ? Dans l'évolution de la fente labiale et/ou palatine, le terme de séquelle doit être entendu dans le sens de conséquence, quelle qu'en soit l'origine, observée une fois la croissance du sujet terminée. C'est d'une certaine manière un état des lieux, pour lequel le souhait et la volonté conjointe du patient et du praticien aboutissent ou n'aboutissent pas à de nouvelles propositions thérapeutiques.
Séquelles labiales Outre l'aspect esthétique : asymétrie, absence d'arc de Cupidon, aspect cicatriciel, il faut apprécier la valeur fonctionnelle de la lèvre, à l'étirement et à la projection mettant en évidence un défaut plus ou moins sévère de la suspension et de la continuité musculaire. De même, il faudra examiner le vestibule labial supérieur, sa profondeur, l'existence d'une bride plus ou moins proche de la gencive attachée et le degré de récession gingivale qu'elle a déjà entraîné. La préhension de la lèvre supérieure entre les doigts permet également d'apprécier sa souplesse, et son élasticité notamment du côté fendu. Raideur et fixation aux plans profonds retentissent sur la fonction labiale et la croissance osseuse du maxillaire sous-jacent.
La chéilorhinoplastie fonctionnelle secondaire des fentes unilatérales Delaire puis Talmant ont beaucoup insisté sur la nécessité de réaliser cette intervention dès lors que la lèvre présentait un trouble fonctionnel susceptible de retentir sur la croissance faciale du sujet. Le dessin suit le tracé de la crête philtrale inexistante, ce qui lorsque l'ancienne cicatrice suit le même trajet, permet de faire une excision cicatricielle. Dans les techniques utilisant des lambeaux triangulaires, le tracé doit se faire selon l'orientation de la crête philtrale en essayant d'exciser le plus de tissu cicatriciel possible sans entraîner pour autant une amputation cutanée trop importante. Le décollement sous-cutané au niveau des vestiges de l'ancienne cicatrice a un important effet d'atténuation de celle-ci. La sangle musculaire doit être également sectionnée dans toute ou partie de sa hauteur selon l'importance du défaut de suspension musculaire. La plupart du temps, la section est complète avec excision des tissus cicatriciels, qui se présentent sous la forme d'un tissu fibroadipeux englobant les anciens fils de suture. « La situation est (alors) comparable à celle devant laquelle l'opérateur se trouve lors d'une chéiloplastie primaire » (Delaire). Il faudra veiller : au bon repositionnement des muscles ; à la bonne suspension du vestibule supérieur qui détermine l'enroulement de la lèvre rouge du côté fendu. La rugination sous-périostée, le redressement de la cloison, la libération intracolumellaire de la crus mésiale, sont reprises selon les mêmes principes techniques que la chéiloplastie primaire (fig 69). D'autres gestes associés peuvent éventuellement avoir lieu pendant cette intervention : la gingivoplastie (cf ce chapitre) grandement facilitée par l'ouverture simultanée de la lèvre, notamment pour la reconstitution et l'étanchéité du plan nasal ; la correction des brides vestibulaires en regard de l'incisive centrale, et l'approfondissement du vestibule par suspension de la muqueuse vestibulaire ; l'ostéotomie de Lefort I de repositionnement du maxillaire supérieur (cf ce chapitre) ; la plastie narinaire.
Chéiloplastie secondaire des fentes bilatérales La chéiloplastie secondaire des fentes bilatérales répond aux mêmes conceptions que pour les fentes unilatérales, c'est-à-dire une reprise complète de la suspension musculaire après excision des tissus cicatriciels médians fibroadipeux et la reconstruction du système septal médian de la lèvre supérieure [19]. Le tracé cutané dépendra bien sûr de la technique employée précédemment, de l'aspect de l'arc de Cupidon et des incisions muqueuses. Il faut adapter le tracé en fonction de ce que l'on veut obtenir et de la quantité de tissu disponible. Chaque fois que cela sera possible, le tracé des incisions cutanées s'inspirera du tracé de la technique primaire (fig 70 et 71) : écusson médian de largeur modérée (environ 1 cm) ; incision sous-narinaire pour le repérage des muscles nasolabiaux et le réenroulement narinaire ; incision arciforme juste au-dessus du bourrelet cutanéomuqueux dont l'étendue, latéralement, sera fonction de la largeur des tissus cicatriciels excisés ; incision muqueuse médiane puis en « V » inversé, sur le versant vestibulaire de la lèvre. Le sommet du « V » doit laisser suffisamment de
muqueuse au niveau de la face vestibulaire du prémaxillaire pour approfondir le vestibule. De la pointe du « V », l'incision s'étend latéralement dans le fond du vestibule pour permettre la translation muqueuse et la rugination souspériostée étendue. La réalisation simultanée de la gingivoplastie, nécessite de modifier le tracé muqueux ; les branches du « V » inversé s'arrêtent au sommet des fentes alvéolaires muqueuses et sont prolongées par les incisions de la gingivoplastie proprement dite (cf chapitre gingivoplastie). Il peut être préférable dans certains cas, d'effectuer la gingivoplastie d'un seul côté (le plus large) pour ne pas compromettre la vascularisation du bourgeon médian et l'avenir des incisives centrales. L'inconvénient de ce tracé est de ne pouvoir réaliser simultanément un allongement columellaire, sauf à utiliser la peau (ou le tissu cicatriciel) médiolabiale pour reconstruire la columelle en réalisant dans le même temps opératoire, un lambeau d'Abbé-Estlander. Le procédé de Talmant (fig 72) permet la réalisation simultanée d'un lambeau en fourche de Millard mais ne peut reprendre la totalité des muscles et des cicatrices de la lèvre rouge, puisqu'il lui faut conserver un pédicule vasculaire pour le lambeau médian. Dans les amputations labiales partielles dues à une résection cutanée et/ou muqueuse trop étendue, ou encore dans certaines hypotonies labiales, la lèvre supérieure est plate, en rideau et la plupart du temps rétrusive par rapport à son homologue inférieure qui, au contraire prend souvent un aspect éversé, accentuant le décalage, y compris chez les sujets où l'équilibre dentosqelettique est normal ou a été normalisé. Le lambeau d'Estlander-Abbé (fig 73) permet dans ces cas, de réduire la projection de la lèvre inférieure et de redonner du volume à la lèvre supérieure. Ce lambeau ne doit, pour garder toute son efficacité, être ni trop large (entre 1 et 1,5 cm), ni trop long (sommet du lambeau situé en deçà du sillon labiomentonnier dans la zone de prélèvement et en deçà de la jonction labiocolumellaire pour le site receveur).
Séquelles nasales Ce sont les plus fréquentes et aussi parmi les plus difficiles à corriger complètement. On peut d'ailleurs observer une relative pauvreté de la littérature dans ce domaine témoin, d'une certaine manière, de l'insatisfaction du praticien.
Fentes unilatérales Dans les fentes unilatérales, le vrai problème est celui de l'obtention d'une parfaite symétrie narinaire (surtout visible par une vue inférieure du nez, la tête en légère hyperextension). Certains auteurs ont décrit une augmentation de la taille de la narine du côté fendu. C'est souvent une illusion d'optique due à l'élargissement du seuil narinaire, par défaut d'enroulement de la narine. En réalité, à seuil narinaire égal et la columelle étant en rectitude, le périmètre de la narine est souvent plus petit du côté fendu que du côté sain. C'est une des raisons pour laquelle certains auteurs proposent une symétrisation par une résection en « quartier d'orange » de l'aile narinaire du côté sain. Si cette technique est intéressante dans les cas où il existe un excès narinaire du côté sain, elle peut dans le cas contraire diminuer la projection de la pointe du nez. Talmant [61] (fig 74), propose une technique de plastie narinaire, destinée à recréer une plica nasi par libération-suspension du cartilage alaire de la fente souvent associée à une greffe cartilagineuse prise sur la moitié supérieure de la crus latérale controlatérale et fixée en surépaisseur sur le dôme du côté fendu. D'autres gestes simultanés sont souvent nécessaires pour obtenir un bon résultat : agrandissement et libération du seuil narinaire et de la valve externe par
greffe ; pose d'un conformateur endonarinaire ; transposition d'un lambeau cutanéomuqueux dans le vestibule narinaire libéré lors de la chéiloplastie secondaire... Autant de petits gestes qui montrent combien la déformation narinaire est complexe, singulière, qu'il faut bien l'analyser et exploiter toutes les ressources de la chirurgie nasale pour tenter avec le minimum d'interventions, de symétriser les orifices narinaires tout en maintenant une bonne perméabilité nasale (fig 75 et 76). La rhinoplastie proprement dite, quant à elle, ne diffère pas beaucoup de la rhinoplastie classique. Rappelons simplement : l'hypodéveloppement de l'apophyse montante du maxillaire du côté de la fente imposant de réaliser l'ostéotomie latérale et le déplacement de celle-ci de façon prudente et modérée pour ne pas accentuer le collapsus de la fosse nasale homolatérale et pérenniser l'asymétrie nasale ; les voies d'abord, interseptocolumellaire éventuellement associée à une voie cutanée apicocolumellaire facilitant le positionnement des dômes et de la greffe cartilagineuse apicolobulaire de projection. La voie cutanée type Rethi, considérée comme la voie d'abord de choix pour des nez aussi difficiles et complexes que les nez de fentes, ne donne de bons résultats que chez les opérateurs entraînés et ne résout pas tout. On a souvent considéré cette voie d'abord comme celle de l'insuffisance (d'expérience), destinée aux chirurgiens débutants alors qu'elle doit plutôt être considérée comme la voie d'abord de la dernière chance, pour les nez multiopérés dont on ne connaît rien du passé.
Dans les fentes bilatérales Sauf fente très asymétrique, qui est plus la conjonction de deux fentes unilatérales, responsable d'une déformation narinaire équivalente à celle d'une fente unitalérale, le nez de la fente bilatérale est symétrique et pose des problèmes totalement différents : absence de projection de la pointe due à la brièveté columellaire (fente bilatérale totale) ; élargissement de la pyramide nasale et aplatissement sagittal de celle-ci dus à l'écart et à la transversalisation des apophyses montantes du maxillaire (fente totale) ; longueur nasale insuffisante, responsable d'un aspect de petit nez dans l'équilibre vertical de la face. Certains auteurs comme Millard [41] et MacCombs [32] proposent de réaliser l'allongement columellaire précocement avant 6 ans à l'aide des lambeaux mis en nourrice au niveau des seuils narinaires lors de la chirurgie labiale primaire, ou par l'utilisation d'un lambeau en fourche. Les résultats de ces interventions précoces semblent assez inégaux : aspect de « coup de hache » au niveau de l'angle nasolabial, ascension des dômes entraînant un raccourcissement nasal, columelle trop longue, résultat d'une projection satisfaisante de la pointe du nez sur une lèvre rétrusive. Il peut paraître préférable de réaliser l'allongement columellaire à la période juxta- ou postpubertaire par un lambeau en fourche, en prenant soin de placer le sommet du « V » de la fourche suffisamment bas sur la lèvre pour maintenir un galbe harmonieux à l'angle labiocolumellaire. Les incisions du lambeau en fourche sont prolongées en incisions marginales de façon à avoir une bonne vision sur les dômes et faciliter le travail sur les cartilages alaires. Si le nez est de longueur satisfaisante, la greffe cartilagineuse apicolobulaire sera le plus souvent suffisante pour obtenir une bonne projection de la pointe (site donneur : moitié supérieure des crus latérales, septum, cartilage auriculaire) [56]. Sur un nez court, long et épaté, la greffe osseuse de calvaria (fig 77 et 78), fixée aux os propres du nez par une vis en titane posée par une petite incision de 2 à 3
mm et parfois associée à un tuteur columellaire osseux pour stabiliser la projection nasale, donne de bons résultats morphologiques. Son seul inconvénient est la rigidité nasale. Une suspension des dômes et une greffe cartilagineuse apicolobulaire sont également nécessaires pour parfaire le résultat. L'élargissement et l'aplatissement du nez peuvent parfois être corrigés par la seule réalisation d'une ostéotomie latérale des apophyses montantes prolongée jusqu'à la racine du nez. Cependant, la pose d'une greffe osseuse calvariale peut s'avérer suffisante pour la projection du dorsum et corriger l'impression relative d'élargissement nasal sans qu'il soit nécessaire d'effectuer une ostéotomie latérale. Dans la chronologie du traitement des séquelles, la correction des déformations nasales doit toujours intervenir en dernier, notamment après correction labiale et dentosquelettique (fig 79).
Séquelles dentosquelettiques L'évolution des techniques et des concepts, une meilleure connaissance de la croissance faciale et des facteurs susceptibles de venir la perturber, une bonne éducation des parents et du sujet sur l'hygiène et la conservation des dents, tous ces éléments dont la liste n'est pas exhaustive, permettent d'espérer que les séquelles dentosquelettiques deviendront exceptionnelles et que la prise en charge multidisciplinaire sera le meilleur des traitements préventifs de ces séquelles. Il importe pour cela, que chirurgiens et orthodontistes travaillent en parfait accord et que le chirurgien ait une connaissance suffisante des possibilités de l'orthodontie tout comme l'orthodontiste doit connaître les limites de la chirurgie des fentes qui est différente de la chirurgie orthognathique classique. La fente labio-maxillo-palatine est une affection chirurgicale dont le traitement s'étale tout au long de la croissance et nécessite une formation spécialisée permettant d'appréhender l'ensemble des problèmes qui s'y rapportent.
Sur le plan orthodontique Les séquelles dentosquelettiques peuvent prendre de multiples aspects de gravité variable selon le suivi et l'évolution préalable. Il n'est plus possible à cet âge d'envisager un traitement orthopédique et l'objectif du traitement orthodontique sera différent selon qu'il existe ou non un bon équilibre squelettique basal. S'il existe un bon équilibre squelettique, la malocclusion est purement dentoalvéolaire et corrigée par le seul traitement orthodontique qui ne sera pas très différent des traitements classiques à condition : que le capital dentaire soit préservé et suffisamment sain pour être mobilisé ; que l'atteinte dentoalvéolaire ne soit pas trop sévère et donc accessible au seul traitement orthodontique ; notamment qu'il n'y ait pas d'indication d'extraction pour corriger une DDM, ni de tentative de compensation par des versions excessives ; que l'occlusion, une fois normalisée, soit contenue de façon quasi définitive par un système approprié et surveillé. Ces conditions sont rares, mais peuvent être observées dans les fentes labiomaxillaires sans fente palatine ou chez les patients traités selon des conceptions plus modernes et étroitement surveillés. Il faut cependant avoir toujours à l'esprit et prévenir le patient, des possibles
modifications occlusales (notamment dans le sens vertical) à la suite du traitement orthodontique, qui peuvent imposer par la suite une chirurgie orthognathique pour parfaire l'intercuspidation. Dans le cas d'un mauvais équilibre squelettique basal, ce qui est le plus fréquent au stade des séquelles, le traitement orthodontique est un traitement de préparation chirurgicale dont le but sera l'obtention d'une bonne intercuspidation per- et postopératoire ; celle-ci étant vérifiée sur moulages tout au long de la préparation. Si cette concordance ne peut être obtenue en première intention sur l'ensemble de l'arcade maxillaire, il est préférable de faire un alignement sectionnel : grand fragment d'un côté, et petit fragment de l'autre. La séparation entre grand et petit fragment est aisée (quand elle n'existe pas déjà) et ne nuit pas à la stabilité définitive. Il importe cependant durant cette préparation orthodontique : de respecter la position des canines inférieures, dans le plan frontal, qui doit être parfaitement symétrique ; de corriger autant que faire se peut la dimension transversale de l'arcade supérieure. Les possibilités chirurgicales sont en effet limitées par la fibrose cicatricielle sur une fibromuqueuse déjà peu extensible. Cette expansion transversale peut entraîner parfois une déchirure peropératoire, alors que l'extension progressive orthodontique joue le rôle d'expandeur tissulaire ; de recréer, si nécessaire, l'espace de l'incisive latérale absente si cela permet d'obtenir une meilleure occlusion notamment dans le secteur antérieur prémaxillaire ; de préparer l'arcade inférieure en cas de besoin.
Sur le plan chirurgical Il faut, là aussi, distinguer deux situations qui se rapprochent des situations exposées au plan orthodontique. Le décalage dentaire et/ou dentosquelettique après ODF est minime mais réel, facteur d'instabilité occlusale à plus ou moins long terme, et avec un retentissement esthétique certain : aplatissement des régions paranasales, rétrusion labiale supérieure, recul de l'angle labiocolumellaire. Il ne s'agit pas de séquelles à proprement parler, mais plutôt d'une évolution défavorable, dont on pourrait rapprocher certaines dysmorphoses d'origine dysfonctionnelle survenant chez les sujets normaux. La correction, aussi minime soit-elle (2 à 3 mm suffisent pour passer du bout à bout incisif à l'appui cingulaire) suffit à transformer l'aspect de ces patients [69], en y associant au besoin des gestes complémentaires : greffe d'épine nasale (site donneur : menton) ; greffe d'apposition para- et sous-nasale (os ou corail) ; génioplastie ; les vrais séquelles dentosquelettiques associent : une rétromaxillie, une endomaxillie, une insuffisance de développement vertical du maxillaire (sourire d'édenté) et cependant un excès vertical antérieur global, et enfin parfois une promandibulie dysfonctionnelle en réalité assez rare (fig 80). L'impact de cette dysmorphose dentosquelettique sur le plan esthétique est considérable et aucun geste chirurgical sur les tissus mous ne parviendra à masquer un tel déséquilibre. Il importe donc avant tout de corriger l'équilibre dentosquelettique. L'impossibilité de prévoir la quantité de croissance mandibulaire à venir chez un sujet donné, impose de n'intervenir qu'en fin de croissance. La stabilité est à ce prix et il faudra donc prévoir la préparation orthodontique en fonction de cet impératif, pour limiter le plus possible le port de l'appareillage multibagues, qui parfois est en place depuis l'âge de 10 ou 11 ans. Il faut savoir déposer un appareillage et mettre en contention pendant une période intermédiaire, pour ne pas lasser l'enfant et préserver le capital dentaire.
Ostéotomie de Le Fort I La technique de base ne diffère pas de l'ostéotomie classique, mais il existe un certain nombre de particularités propres aux fentes. La voie d'abord est variable selon que la gingivoplastie est ou n'est pas envisagée dans le même temps opératoire : s'il existe une continuité gingivale (ce qui n'est pas forcément synonyme de continuité osseuse), la voie d'abord peut rester classique (incision vestibulaire allant d'une première prémolaire à l'autre). La réalisation simultanée de la gingivoplastie, qui ne peut d'ailleurs s'envisager que dans les fentes unilatérales (ou bilatérales dont l'un des côtés a déjà été traité), impose de modifier le tracé de la voie d'abord (fig 81) : de la ligne médiane vestibulaire labiale, l'incision s'étend jusqu'au sommet de la fente gingivoalvéolaire puis reprend le tracé habituel de la gingivoplastie (cf ce chapitre). Il est préférable de pouvoir bénéficier d'arcs de contention rigides fixés sur attachements orthodontiques pour faciliter la fermeture de la voie d'abord et le repositionnement des papilles interdentaires. Les traits d'ostéotomie se font au même niveau que l'ostéotomie classique, mais dans les fentes alvéolo-maxillo-palatines, la mobilisation en deux fragments est quasi obligée (fig 82), l'union osseuse ne se faisant presque jamais au niveau du palais secondaire. La fragilité du pont osseux alvéolaire est plus ou moins importante. Celui-ci peut se fracturer, fracture sans conséquence particulière, qui peut cependant nécessiter l'enclavement ou l'interposition d'un petit greffon osseux. L'abaissement du plateau maxillaire doit être prudent et progressif, et après un décollement soigneux de la muqueuse nasale de part et d'autre du siège de la fente palatine osseuse. La continuité entre fibromuqueuse palatine et muqueuse nasale est constante, même s'il existe une parfaite étanchéité. Il importe donc, pour ne pas déchirer les tissus à ce niveau et compromettre ainsi l'étanchéité, de sectionner au bistouri la muqueuse nasale, lors de l'abaissement maxillaire, au ras du plateau palatin et sur toute sa longueur. Cela permettra de reconstituer par suture un bon plan nasal et de fermer de façon très efficace une brèche palatine résiduelle (fig 83). La mobilisation du ou des fragments ne peut se faire qu'une fois les tubérosités maxillaires libérées de la face antérieure des ptérygoïdes, le plan nasal ouvert au niveau du bord postérieur des fosses nasales osseuses, le tissu cicatriciel libéré dans la région véloptérygoïdienne. Il est nécessaire d'obtenir une parfaite liberté de mouvement du maxillaire dont l'avancement peut aller jusqu'à 10 mm et même parfois au-delà. La contention est assurée par des ostéosynthèses au fil d'acier et par plaques titanes. Ces dernières donnent plus de rigidité immédiate surtout lors de l'abaissement maxillaire (insuffisance de développement vertical), mais ne sont pas une garantie contre tout déplacement secondaire ou tardif, pas plus que ne le sont les greffes osseuses rétrotubérositaires qui n'ont pas grand intérêt. Nous n'avons pour notre part jamais utilisé les greffes osseuses postérieures pour aucune des ostéotomies maxillaires réalisées quel que fût le contexte (fig 84). Il est assez difficile de déterminer avec précision le rôle du lambeau pharyngé dans la dégradation du résultat ou la récidive de la malocclusion, ainsi que le risque de décompensation d'une insuffisance vélaire après ostéotomie de Lefort I [67] . Certains auteurs sectionnent le lambeau, d'autres font des études céphalométriques préalables à l'ostéotomie pour tenter d'évaluer surtout le risque d'incompétence vélopharyngée secondaire [55]. L'étude de 93 cas d'ostéotomie de Le Fort I chez des sujets porteurs de fente a montré que le risque de nasonnement postopératoire est minime [46] et qu'il peut être évalué par une étude préopératoire à l'aérophonoscope (préopératoire, état limite). D'autre part, le lambeau pharyngé peut représenter un frein à l'avancée du maxillaire supérieur s'il est très fibreux, tendu sans aucune souplesse. Il est alors inefficace sur le plan phonatoire et doit être sectionné. Une nouvelle pharyngoplastie sera réalisée ultérieurement (délai minimal : 1 an). L'ostéotomie de Le Fort I dans les fentes bilatérales totales pose des problèmes
spécifiques. Cette ostéotomie sectionne la poutre voméroprémaxillaire assurant la vascularisation du bourgeon médian. Si ce dernier n'est pas relié aux fragments latéraux par une continuité osseuse et/ou gingivale, au moins d'un côté, il y a un grand risque de nécrose, ou de souffrance vasculaire qui se traduira par la résorption du parodonte des incisives et la perte de celles-ci. Il est donc impératif de s'assurer préalablement de la solidarité du bourgeon médian avec au moins un des fragments latéraux, et sinon de réaliser cette union préalablement à l'ostéotomie [49]. Seule l'importance du décalage sagittal dentosquelettique associée aux conclusions de l'analyse architecturale et structurale peut imposer une chirurgie mandibulaire de recul, soit globale par ostéotomie sagittale des branches montantes type Dalpont-Epker, soit segmentaire mandibulaire antérieure si le terrain s'y prête. Il peut être utile pour stabiliser le résultat en postopératoire de réaliser des tractions sur masque de Delaire afin de lutter contre la rétraction cicatricielle, surtout si l'ostéotomie laissait présager une telle chose. Le masque, dont le port est exclusivement nocturne, joue sur l'élasticité des tissus et doit être maintenu pendant 6 mois. On peut également utiliser une plaque palatine avec plan d'engrènement postérieur pour bien caler l'occlusion, ou encore un appareil fonctionnel de type Balters III pour ascensionner la langue. Enfin, le maintien de l'alignement de l'arcade dentaire supérieure est quasi obligatoire pendant de nombreuses années, sinon à vie (fig 85).
Fistules et brèches palatines résiduelles C'est un traitement difficile, et paradoxalement d'autant plus difficile que la fistule est petite et le sujet âgé. Le meilleur traitement est préventif. En chirurgie primaire, excepté l'absence volontaire de fermeture alvéolaire, la persistance d'une communication bucconasale provient le plus souvent d'un lâchage de suture de causes multiples : traumatisme, infection, tension excessive des sutures. Il est préférable de ne pas réintervenir avant la cicatrisation définitive. La présence d'une fistule laissant passer l'air et/ou les aliments ne peut se traiter qu'à l'aide d'une vaste dissection. Au niveau du voile, seule une section complète transfixiante de part et d'autre de cette fistule, avec reprise des différents plans après excision du trajet fistuleux permet d'obtenir l'étanchéité, en prenant soin cependant de ne pas altérer la fonction vélaire. Sur le palais dur, il y a un grand intérêt à décoller la fibromuqueuse largement au pourtour de la fistule, pour conserver de quoi reconstituer le plan nasal. Les sutures éversées et l'interposition éventuelle d'une membrane résorbable aident à l'obtention de l'étanchéité. Pour les véritables brèches palatines séquellaires d'une erreur technique, et si les principes cités plus haut s'avèrent insuffisants, on pourra avoir recours : pour le voile, à un lambeau pharyngé (type pharyngoplastie) ; pour le palais dur, à des lambeaux de fibromuqueuse de retournement pour le plan nasal, et de rotation pour le plan palatin (fig 86) ; pour les brèches antérieures, à un lambeau de retournement de la fibromuqueuse rétro-incisive (après éruption des incisives définitives), doublé d'un lambeau de rotation uni- ou bilatéral de muqueuse vestibulaire. Plusieurs interventions peuvent être nécessaires dans certaines formes très importantes. Quant au lambeau de langue préconisé par certains auteurs , il doit être réservé aux cas désespérés, après échec des autres techniques. La prothèse obturatrice peut être une alternative envisageable dans ces cas surtout chez le sujet édenté.
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CHRONOLOGIE THÉ RAPEUTIQUE DANS LE TRAITEMENT DES SÉ QUELLES Deux attitudes sont possibles selon l'âge de découverte des séquelles.
Sujet en période de croissance L'ostéotomie maxillaire n'interviendra qu'en fin de croissance suivie par la chirurgie nasale. Chéiloplastie, pharyngoplastie et gingivoplastie prendront donc place avant, au décours de la préparation orthodontique éventuelle.
Sujet adulte La préparation orthodontique doit immédiatement être mise en place pour que l'ostéotomie soit faite dès que possible. La transformation physique du sujet, qu'il est en droit d'attendre à la suite de la correction de son architecture faciale osseuse, va en effet le motiver pour la poursuite du traitement. Pendant cette préparation ODF, chéiloplastie et gingivoplastie seront réalisées, avec ou sans génioplastie (site donneur de greffe osseuse). La pharyngoplastie sera reportée, si nécessaire, un an après l'ostéotomie maxillaire et sera suivie par la rhinoplastie qui peut éventuellement être faite simultanément (fig 87).
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FENTES LABIOPALATINES ET SYNDROMES MALFORMATIFS L'association d'un syndrome malformatif complique l'approche thérapeutique, soit par le risque vital qu'il représente (syndrome de Robin), soit par l'étendue des anomalies avec un véritable déficit tissulaire (syndrome EEC [ectodesmal dysplasia electrodactyly cleft lip and palate], Treacher-Collins, brides amniotiques...), soit par le retentissement anatomofonctionnel et/ou neurologique (syndrome de Binder, d'Opitz, de Shprintzen et autres syndromes présentant une atteinte motrice ou un retard mental). La déformation crânienne ou basicrânienne, les agénésies dentaires maxillaires, les troubles de la statique vertébrale, l'hypoplasie des tissus faciaux, l'hypotonie musculaire, etc, sont des facteurs aggravants, à la fois par le contexte malformatif et la cascade d'éléments dysfonctionnels qui en découlent. Les progrès de la génétique suscitent de plus en plus souvent l'intérêt, devant la moindre suspicion clinique, d'une demande de caryotype et d'une consultation auprès d'un généticien. Il n'est pas possible dans cet article de passer en revue les nombreux syndromes susceptibles de présenter une fente labiale et/ou palatine, à l'exception du syndrome de Robin.
Syndrome de Robin Défini par la tétrade fente palatine, glossoptose, rétromandibulie et troubles de la respiration et de la déglutition, le syndrome de Robin est une urgence chirurgicale. Une étude rétrospective sur 70 cas [3] a permis de dégager trois types de gravité fonctionnelle et deux principales formes dysmorphiques. Les différents types de gravité vont de la forme modérée (type 1) avec de simples accès de cyanose posturale ou alimentaire parfaitement contrôlée en période néonatale, à la forme majeure (type 3) où l'insuffisance respiratoire aiguë évoluant rapidement vers le coeur pulmonaire justifie une intubation voire une trachéotomie précoce. Il a été proposé d'autre part de faire une distinction entre syndrome de Robin « déformatif » associant une fente palatine large en « U », un faciès arrondi et une mandibule déformative « romane », et une forme « malformative » plus sévère où la fente est en « V », la face étroite, et la mandibule hypoplasique de type « gothique ». Le type « déformatif » semble de meilleur pronostic notamment pour l'évolution mandibulaire, alors que le type « malformatif » présente une fréquence plus importante de formes respiratoires graves et d'associations malformatives. La dysmaturation rhombencéphalique [10] des centres de la déglutition, la trachéomalacie et l'existence d'un reflux gastro-oesophagien seraient à l'origine des formes majeures. Enfin, le risque d'enclavement de la langue est très important dans la fente palatine étroite en « V », responsable de mort subite de ces nourrissons. L'attitude thérapeutique est variable selon les écoles. Le traitement postural n'est envisageable que dans les formes mineures où les accès de cyanose sont rares, sans signes de désaturation en oxygène, et parfaitement contrôlés par le nursing. La labioglossopexie (fig 88), pratiquée dès la naissance si nécessaire, permet de lutter efficacement contre la glossoptose. Il s'agit d'une technique simple, rapide et fiable, permettant d'éviter l'enclavement lingual dans la fente palatine, de libérer le carrefour oropharyngé et de reprendre l'alimentation orale. Elle est réalisée systématiquement au moindre doute sur l'évolution. La libération de la langue a lieu vers le sixième mois lors de la fermeture du voile et en raison de l'apparition des incisives inférieures temporaires. La transposition des muscles masseters (Eschler) sur le bord postérieur de la branche montante de la mandibule, réalisée par voie cutanée externe, est utilisée pour lutter contre la rétromandibulie. Une technique plus récente proposée par Delorme [22] consiste à libérer les insertions des muscles génioglosses et géniohyoïdiens de la face postérieure de la symphyse mandibulaire. D'apparence paradoxale, cette technique apporte, d'après son auteur, des résultats intéressants. La trachéotomie est le geste ultime destiné à sauver l'enfant d'une mort certaine. Elle doit de ce fait être réservée aux formes majeures où les gestes précédents n'ont pu résoudre les troubles asphyxiques. C'est un geste délicat, nécessitant un opérateur entraîné, pour que la décanulation, toujours tardive (18 mois, 2 ans, voire plus), ne se solde pas par une sténose trachéale ou laryngotrachéale. Délicate également, est l'intubation endotrachéale préalable à tout geste chirurgical. Les difficultés d'exposition de la glotte, peuvent nécessiter une intubation à l'aveugle éventuellement en position ventrale [48]. L'apport récent du masque laryngé apporte une possibilité d'intubation dans de meilleures conditions.
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CONCLUSION Apparemment univoque, le traitement des fentes labiales, maxillaires et palatines doit faire face à des variétés cliniques multiples nécessitant une adaptation permanente du thérapeute. L'évolution de la malformation sur de nombreuses années, la sentence incontournable de la poussée pubertaire justifient une surveillance étroite, une parfaite coordination entre les spécialistes concernés et une certaine humilité face à cette dysraphie encore mal connue. Souhaitons que les progrès dans la recherche, l'évaluation et les techniques permettent de limiter le temps chirurgical au seul temps primaire, de loin le plus important.
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périoste
dans
les
fentes
© 1997 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Fig 1 :
labio-palatines. Chir
Fig 1 : Images échographiques d'une fente labiomaxillaire bilatérale sans fente palatine.
Fig 2 :
Fig 2 :
Plaque palatine thermoformée.
Fig 3 :
Fig 3 : Plaque en bouche.
Fig 4 :
Fig 4 : A, B. Fente labiomaxillaire unilatérale totale avec fente palatine.
Fig 5 :
Fig 5 : Déformation naso-maxillo-palatine d'une fente labio-maxillo-palatine unilatérale (Delaire).
Fig 6 :
Fig 6 : Fente labiomaxillaire unilatérale totale sans fente palatine.
Fig 7 :
Fig 7 : Modifications cutanéomuqueuses d'une fente unilatérale (Delaire).
Fig 8 :
Fig 8 : A, B, C. Fente labio-maxillo-palatine bilatérale totale.
Fig 9 :
Fig 9 : Fente labiomaxillaire bilatérale totale sans fente palatine.
Fig 10 :
Fig 10 : Fente labiomaxillaire bilatérale avec pont cutané.
Fig 11 :
Fig 11 : Déformation naso-maxillo-palatine d'une fente labio-maxillo-palatine bilatérale (Delaire).
Fig 12 :
Fig 12 : Modifications cutanéomuqueuses d'une fente bilatérale (Delaire).
Fig 13 :
Fig 13 : Différents tracés cutanés utilisés pour le traitement de fente unilatérale.
Fig 14 :
Fig 14 :
Procédé du simple et du double Z de Malek (d'après Peri).
Fig 15 :
Fig 15 : Technique de Millard.
Fig 16 :
Fig 16 : Repères cutanéomuqueux et tracé des incisions dans les fentes unilatérales totales et partielles.
Fig 17 :
Fig 17 : Étendue du décollement sous-périosté dans les fentes unilatérales totales.
Fig 18 :
Fig 18 : Positionnement du pied de l'aile narinaire selon Talmant. 1. Releveurs ; 2. transverse ; 3. orbiculaire.
Fig 19 :
Fig 19 : A. Aspect pré- et postopératoire immédiat d'une fente unilatérale simple partielle. B. Aspect pré- et postopératoire à 1 an d'une fente unilatérale totale labio-maxillo-palatine.
Fig 20 :
Fig 20 : A, B. Fermeture du plan palatin de la fente alvéolaire par lambeau de Muir (pédicule aux dépens de la muqueuse labiale).
Fig 21 :
Fig 21 : Fentes labio-maxillo-palatines bilatérales totales. A. Forme avec agénésie des incisives. B. Forme avec présence des quatre germes incisifs.
Fig 22 :
Fig 22 : Fente labio-maxillo-palatine bilatérale totale asymétrique. A. Aspect préopératoire. B. Aspect 7 ans postopératoire.
Fig 23 :
Fig 23 : Repères cutanéomuqueux et tracés des incisions dans les fentes bilatérales labiomaxillaires totales.
Fig 24 :
Fig 24 : Repères cutanéomuqueux et tracés des incisions dans les fentes bilatérales labiomaxillaires totales.
Fig 25 :
Fig 25 : Système septal médian de la lèvre supérieure (Delaire). 1. Septum cartilagineux nasal ; 2. ligament septoprémaxillaire de Latham et son expansion postérieure ; 3. septum celluleux médian de la lèvre supérieure (Delaire) ; 4. muscles de la lèvre supérieure adhérents au septum ; 5. frein médian de la lèvre supérieure étendu en arrière jusqu'à la papille palatine ; 6. suture interincisive médiane ; 7. suture voméropalatine.
Fig 26 :
Fig 26 : A, B. Suspension des muscles nasolabiaux dans les fentes bilatérales.
Fig 27 :
Fig 27 : Suspension de la muqueuse du prolabium.
Fig 28 :
Fig 28 : A, B Tracés cutanéomuqueux et aspect postopératoire immédiat d'une fente bilatérale partielle symétrique.
Fig 29 :
Fig 29 : Aspect préopératoire et 6 ans postopératoire d'une fente bilatérale asymétrique.
Fig 30 :
Fig 30 : Technique de Berkeley (d'après Millard).
Fig 31 :
Fig 31 : Technique de Skoog.
Fig 32 :
Fig 32 : Technique de Mac Comb.
Fig 33 :
Fig 33 : Technique de Delaire.
Fig 34 :
Fig 34 : Système annulaire des muscles de la chaîne profonde de la face (Delaire).
Fig 35 :
Fig 35 : Anatomie du voile normal et fendu selon Veau
Fig 36 :
Fig 36 : A, B. Coupe histologique du voile normal et reconstruction anatomique, selon Kuehn et Kahane. Mm : muscle uvulaire ; MI : levator veli ; Mpp : muscle palatopharyngeus ; G : tissu glandulaire ; A : tissu adipeux.
Fig 37 :
Fig 37 : A, B. Incision muqueuse et individualisation des deux plans musculaire nasal et glanduloadipeux palatin.
Fig 38 :
Fig 38 : Suture de la fente vélopalatine large en deux temps. A. Avec simple incision de décharge latérale. B. Selon la méthode inspirée de celle de Widmaïer et Malek.
Fig 39 :
Fig 39 : Aspect clinique postopératoire immédiat (même patient). A. Vue palatine. B. Vue vélaire.
Fig 40 :
Fig 40 : Technique de Furlow.
Fig 41 :
Fig 41 : Harmonisation de l'arcade maxillaire et rétrécissement de la fente du palais osseux, 1 an après le temps primaire.
Fig 42 :
Fig 42 : Les trois fibromuqueuses de la voûte palatine.
Fig 43 :
Fig 43 : Rôle néfaste des lambeaux vomériens et de fibromuqueuse palatine sur la croissance maxillaire.
Fig 44 :
Fig 44 : Technique de fermeture du palais osseux lors du deuxième temps.
Fig 45 :
Fig 45 : Aspects cliniques de l'évolution de la fente palatine. A. Avant le temps primaire (6 mois). B. Avant le premier temps (18 mois). C. Après le deuxième temps (postopératoire immédiat).
Fig 46 :
Fig 46 : Technique de fermeture en un seul temps des fentes étroites selon Delaire.
Fig 47 :
Fig 47 : A, B C, D. Étude téléradiographique de la souplesse et de la mobilité du voile (phonème i). A. Atonie vélaire avec absence de contact pharyngé postérieur. B. Contraction et élévation satisfaisante du voile. Atonie vélaire avec absence de contact pharyngé postérieur.
Fig 48 :
Fig 48 : Position de la sonde de l'aérophonoscope pour l'étude de la phonation.
Fig 49 :
Fig 49 :
Aérophonoscope DR (diagnostic - rééducation).
Fig 50 :
Fig 50 : Aérophonoscope II c et son imprimante.
Fig 51 :
Fig 51 : Aérophonoscope sur PC.
Fig 52 :
Fig 52 : Différents tests réalisables avec l'aérophonoscope sur PC.
Fig 53 :
Fig 53 : Technique d'Orticochéa.
Fig 54 :
Fig 54 : Technique de Sanvenero-Rosselli.
Fig 55 :
Fig 55 : Technique d'urano-staphylo-pharyngoplastie de Rosenthal-Delaire.
Fig 56 :
Fig 56 : Technique d'uvulo-vélo-pharyngoplastie. A. Avec lambeau pharyngé (Delaire). B. Sans lambeau pharyngé.
Fig 57 :
Fig 57 : Aspect clinique d'un voile avec lambeau pharyngé.
Fig 58 :
Fig 58 : Rapprochement vers la ligne médiane des piliers postérieurs du voile lors de la contraction de celui-ci (phonème A).
Fig 59 :
Fig 59 : Aspect clinique et radiographique pré- et postopératoire d'une fente alvéolaire unilatérale. A. Aspect préopératoire.
B. Aspect postopératoire.
Fig 60 :
Fig 60 : Gingivoplastie des fentes unilatérales (Delaire).
Fig 61 :
Fig 61 : Gingivoplastie des fentes bilatérales.
Fig 62 :
Fig 62 : Aspect radiographique pré- et postopératoire d'une fente alvéolaire bilatérale.
Fig 63 :
Fig 63 : Aspect radiographique pré- et postopératoire d'une fente alvéolaire bilatérale.
Fig 64 :
Fig 64 : A, B. Tractions élastiques sur les incisives supérieures et dispositif de contention du masque de Delaire (patiente traitée par le Dr J M Salagnac).
Fig 65 :
Fig 65 : Téléradiographies de la patiente de la figure 64.
Fig 66 :
Fig 66 : Symétrisation de l'arcade maxillaire par réouverture de l'espace de la 12 absente.
Fig 67 :
Fig 67 : Déviation septale dans une fente unilatérale.
Fig 68 :
Fig 68 : Déviation voméroseptale et rétrécissement de la fosse nasale gauche (reconstruction scanner 3D).
Fig 69 :
Fig 69 : A, B. Aspect clinique pré- et postopératoire d'une séquelle labiale d'une fente unilatérale.
Fig 70 :
Fig 70 : A, B. Tracé cutanéomuqueux et aspect postopératoire immédiat d'une chéiloplastie secondaire d'une fente bilatérale.
Fig 71 :
Fig 71 : A, B. Aspect clinique pré- et postopératoire d'une séquelle labiale d'une fente bilatérale.
Fig 72 :
Fig 72 : Chéiloplastie bilatérale secondaire selon Talmant.
Fig 73 :
Fig 73 : Principe du lambeau d'Abbé-Estlander.
Fig 74 :
Fig 74 : Correction de la malformation du cartilage alaire selon Talmant.
Fig 75 :
Fig 75 : Aspect pré- et postopératoire d'une plastie narinaire sur séquelles de fente unilatérale.
Fig 76 :
Fig 76 : Aspect pré- et postopératoire d'une plastie narinaire sur séquelles de fente unilatérale.
Fig 77 :
Fig 77 : Voie externe avec lambeau en « fourche ».
Fig 78 :
Fig 78 : Greffe osseuse de calvaria (dorsum et tuteur columellaire en place avec suspension des dômes et greffe cartilagineuse apicale.
Fig 79 :
Fig 79 : Aspect pré- et postopératoire du patient de la figure 78 (la chéiloplastie secondaire et l'ostéotomie maxillaire ont été réalisées antérieurement).
Fig 80 :
Fig 80 : Aspect téléradiographique et céphalométrique (analyse de Delaire) d'une infrabrachyrétromaxillie séquellaire d'une fente bilatérale labiomaxillopalatine.
Fig 81 :
Fig 81 : A, B. Voie d'abord utilisée en cas de gingivoplastie associée (dans ce cas la voie d'abord vestibulaire classique ne doit être utilisée du côté du petit fragment).
Fig 82 :
Fig 82 : Tracé osseux de l'ostéotomie de Le Fort I (les deux fragments sont systématiques en l'absence d'union osseuse alvéolomaxillaire).
Fig 83 :
Fig 83 : Fermeture du plan muqueux nasal et palatin (brèche palatine) pendant l'ostéotomie maxillaire.
Fig 84 :
Fig 84 : Téléradiographies pré- et postopératoires (4 ans) après ostéotomie maxillaire sur séquelle de fente unilatérale.
Fig 85 :
Fig 85 : Contention de l'arcade maxillaire par un stellite ; (celui-ci peut également servir de support pour l' (les) incisive (s) latérale (s) absente (s).
Fig 86 :
Fig 86 : Fermeture de brèche palatine par lambeau de retournement (plan nasal) et lambeau de rotation (plan palatin).
Fig 87 :
Fig 87 : Aspects cliniques pré- et postopératoires après traitement global des séquelles d'une fente unilatérale avec édentation partielle (chéiloplastie, ostéotomie bimaxillaire, pharyngoplastie et rhinoplastie : trois interventions étalées sur 2 ans).
Fig 88 :
Fig 88 : Labioglossopexie.
* Le terme antépubertaire signifie toute la période située avant l'établissement de la denture définitive et se différencie de la période prépubertaire qui est celle située juste avant la poussée pubertaire et où la denture définitive a déjà fini d'évoluer.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-088-V-10
22-088-V-10
Aspects psychologiques de la défiguration M Stephant
Résumé. – Le visage est un organe de relation doué d’une valeur symbolique. Celle-ci est altérée lors de blessures importantes. L’image de soi dans le miroir met des années à se constituer et sa perte brutale en cas défiguration entraîne de graves remaniements psychologiques. Deux études effectuées sur des patients brûlés au visage, réalisées à l’aide de tests projectifs de personnalité, mettent en évidence chez chacun d’entre eux une dépression profonde. Pour le premier groupe constitué d’hommes, le test des trois personnages a été utilisé. Pour le second groupe composé de femmes, il a été fait usage du test de Rorschach. Dans les deux cas, des entretiens cliniques ont été effectués. Dans les deux cas, les résultats sont semblables et traduisent une souffrance intense. Pour redonner visage aux défigurés, il faut l’art du chirurgien et, pour leur faire accepter leur nouvelle apparence, l’accompagnement du psychologue est longtemps nécessaire. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : visage, défiguration, image de soi, tests projectifs de personnalité, chirurgie réparatrice.
Introduction La figure, la face, est une partie du corps particulièrement investie, bien que l’être humain n’en ait qu’une connaissance tardive. Toute atteinte du visage constitue pour l’homme une perte narcissique importante, entraînant des troubles psychologiques graves, allant de la dépréciation de soi à la perte identitaire. Ce sont les chirurgiens maxillofaciaux et plasticiens qui ont, les premiers, relevé le retentissement psychologique des blessures de la face. [2]. Il y a peu de textes psychologiques ou psychanalytiques consacrés à la défiguration, même si Freud évoque l’angoisse d’un de ses patients à propos du mauvais état de la peau de son visage (il souffrait d’acné). Pourtant, nous savons tous intuitivement qu’il s’agit d’une partie du corps qui revêt une importance particulière. Descartes, dans La Deuxième Méditation métaphysique, écrit : « je me représentais premièrement comme ayant un visage, des mains, des bras… » [6]. Mains et bras qu’il pouvait voir mais « premièrement un visage », cette partie de soi-même que l’on ne peut précisément pas voir, sauf dans un miroir… Bergson avait noté l’importance sociale des mimiques faciales humaines, Malraux écrit que « la face est le moyen d’expression du sentiment ». Mais le langage commun (bien souvent reflet de l’inconscient collectif) permet de comprendre qu’ici la partie désigne le tout, c’est-à-dire que la face, la figure, représente l’homme dans sa totalité. On crache à la face de quelqu’un pour lui signifier son mépris. Perdre ou sauver la face s’applique à la dignité, à l’honneur ; il en est de même quand on fait bonne ou piètre figure. On sait encore qu’une figure marquante est une personnalité notoire… La défiguration, c’est ce qui résulte de l’action de défigurer, c’est-à-dire
Monique Stephant : Psychologue clinicienne, psychothérapeute, ancienne psychologue du Centre de traitement des brûlés, Hôpital d’instruction des Armées Percy, ancienne chargée de cours de psychologie clinique,université Paris X Nanterre, 5, avenue Pierre-Grenier, 92100 Boulogne-Billancourt, France.
de déformer au point de rendre méconnaissable. Être défiguré, c’est ne plus pouvoir se reconnaître dans le miroir et ne plus être reconnu par les autres. Être défiguré, c’est perdre la face, l’estime de soi certes, mais aussi cette partie symbolique de l’organisme dont Léonard de Vinci faisait une unité de mesure du corps humain. Dans un service de brûlés, la première chose que les patients évoquent dès qu’ils sont à même de parler, c’est leur angoisse de la défiguration. Ils disent le rejet de l’image qu’ils découvrent graduellement au cours des soins. L’ultime épreuve consiste en la contemplation du visage dans le miroir, en principe accomplie en présence de la psychologue. Elle est parfois si redoutée que certains brûlés demandent à la remettre à plus tard, au moment où ils auront quitté le service, espérant peut-être inconsciemment trouver dans les yeux d’autrui plus d’indulgence que dans leur propre regard, alors même que la sortie des centres de traitement de brûlés vers les centres de rééducation fonctionnelle est tout particulièrement redoutée en tant que confrontation avec le monde extérieur.
Pour comprendre l’ampleur du drame vécu par les défigurés Il semble utile de rappeler comment se construit la connaissance de soi chez l’être humain et comment son Moi parvient à se différencier d’autrui et à se structurer. En effet, la reconnaissance de soi-même en tant qu’individu n’est pas une chose innée, mais qui se construit étape par étape. Nous évoquerons les différentes théories psychanalytiques, psychologiques, voire éthologiques se rapportant à la constitution de soi pour mieux appréhender la perte narcissique du défiguré. Il ne saurait être question de faire ici une analyse détaillée du concept de narcissisme tel que l’a introduit Freud [10], mais d’en rappeler les grandes lignes dans la mesure où ces notions nous ont souvent aidé à mieux comprendre le comportements des brûlés défigurés, et donc de mieux les prendre en charge. Freud s’étaye sur
Toute référence à cet article doit porter la mention : Stephant M. Aspects psychologiques de la défiguration. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-088-V-10, 2003, 4 p.
22-088-V-10
Aspects psychologiques de la défiguration
la mythologie : les parents de Narcisse avaient été avertis qu’il arriverait malheur à leur trop bel enfant s’il apercevait son image. Élevé loin de tous miroirs, Narcisse dédaignait l’amour qu’il suscitait chez les jeunes gens et les jeunes filles et ne se consacrait qu’à la chasse. Aphrodite, déesse de l’amour vexée de cette attitude, le frappa d’une grande soif qui l’amena à se désaltérer de l’eau d’une source. Narcisse vit alors surgir du fond de l’eau l’image adorable d’un jeune homme dont il s’éprit aussitôt. Cherchant à le rejoindre, il vit l’image se morceler sous son souffle et rendit l’âme… Nous ne pouvons que noter la résonance tragique du mythe avec ce que rapportent nos patients traquant dans la moindre surface réfléchissante ce qui reste de leur image. En résumant très schématiquement la pensée de Freud, qui a d’ailleurs évolué au fil de ses écrits, on peut dire qu’il distingue dans le narcissisme deux phases. Le narcissisme primaire correspondrait à une période où le bébé, encore indifférencié de sa mère, tire tout son plaisir et son sentiment de puissance d’une relation fusionnelle avec elle. Son plaisir peut alors être qualifié d’auto-érotique puisqu’il est dans cette symbiose. Puis, peu à peu, il découvre les autres et commence à répartir son plaisir (sa libido) entre lui-même et le monde extérieur, ce serait le narcissisme secondaire, mais il garde ancré en lui-même une part de libido qui reste consacrée à lui-même et vers laquelle il pourra éventuellement opérer un repli, une régression, en cas de malheur… L’enfant à ce stade ne connaît pas encore son image, il sait tout juste qu’il peut être heureux dans les bras de sa mère, en suçant son pouce, ou en découvrant le visage souriant de son père, de son entourage. Selon le psychanalyste Winnicott, le premier miroir d’un bébé est constitué par le visage de sa mère répondant de façon adaptée aux mimiques qu’il lui adresse [19]. Si les traits de la mère restent figés, impassibles, le bébé manifeste aussitôt de l’angoisse. Les travaux filmés de pédopsychiatres français ont remarquablement illustré cette hypothèse : l’interaction entre la mimique de l’enfant et celle de sa mère conduit, dans le cas du sourire réciproque, à la gaieté de l’enfant, la réponse au sourire de l’enfant par le masque inexpressif de la mère déclenche un malaise visible chez le nourrisson puis très vite ses larmes. Peu à peu, l’enfant, qui souriait à chaque visage souriant, va affiner sa connaissance des autres : souriant désormais aux seuls visages connus de lui, il affronte, c’est l’angoisse du 8e mois décrite par Spitz, les visages inconnus avec une réaction de rejet. Il reconnaît désormais les siens comme sécurisants… Il ne connaît pas encore sa propre image. Pour étudier le développement de l’homme, il est fréquent d’observer le comportement animal, du plus simple au plus élaboré. Les éthologues ont étudié le comportement d’un certain nombre d’animaux mis en présence d’un miroir. On constate que certains oiseaux, tels les pigeons, éprouvent devant leur image une impression de compagnie : seule dans sa cage mais face à un miroir, la pigeonne pond un œuf, il s’agit de la perception d’un autre semblable, mais pas de soi-même. Cela semble être également le cas de certains chiens et chats. Les grands singes passent la main derrière le miroir et manifestent leur colère de ne rien y trouver. On interprète généralement cette attitude comme un acte de connaissance. Il est pathétique de voir ce même geste, signant ici la non-reconnaissance de soi en tant qu’individu, chez certains patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Pour mieux appréhender comment enfin l’enfant parvient à la reconnaissance de son visage dans le miroir et à la construction de son individualité, on ne peut manquer de faire référence au « stade du miroir » tels que l’ont décrit Wallon et Lacan. Le psychologue Wallon (Wallon H, « Le corps propre et son image », revue Enfance, 1959) rapporte qu’un enfant de 1 an sourit à son image et à celle de son père perçues dans le miroir, mais lorsque le père situé derrière lui prend la parole, le bébé se retourne tout 2
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surpris vers lui. Wallon précise que l’enfant n’a pas su faire coïncider dans le temps et dans l’espace l’aspect réfléchi par le miroir et la présence réelle de son père. L’enfant en se retournant montre qu’il établit un rapport et le vérifie, un acte de connaissance s’instaure et il va peu à peu constater ainsi qu’il existe lui-même tout entier, individualisé de son père et de sa mère. Tout le monde connaît l’extension psychanalytique du stade du miroir, selon Lacan [12], moment fondateur du Moi, expression, dit-il, de « l’assomption jubilatoire »… L’enfant désormais sait se reconnaître et se différencier des autres, s’appuyant sur les progrès de sa motricité, il va peu à peu constituer son schéma corporel, notion neurologique, développer son image inconsciente du corps, notion psychanalytique. Désormais, il comprend que ce qu’il perçoit dans le miroir est une image réelle, extérieure à lui-même, et qu’il existe, lui, en tant que sujet. Il comprend également que ce reflet constitue l’apparence extérieure de son propre corps qu’il arrive de mieux en mieux à maîtriser. Il va progressivement accroître son intérêt pour le monde extérieur et construire peu à peu sa propre personnalité en fonction des différents modèles qu’il rencontre et auxquels il s’identifie successivement. Au cours du cycle de la vie, l’apparence extérieure se modifie en fonction des différentes étapes de la trajectoire humaine, l’image inconsciente du corps évolue, mais l’intérêt pour son reflet dans une glace perdure bien au-delà de l’enfance. Geneviève Boulanger-Balleyguier [3] écrit à ce propos que « notre image dans le miroir ne nous est jamais indifférente, nous projetons en elle une bonne partie des sentiments que nous avons nous-mêmes ». Elle souligne également que « le miroir nous découvre surtout la façon dont les autres appréhendent notre personne, le miroir nous permet de nous mettre à la place d’autrui et de nous observer de son point de vue ». Cet aller et retour entre le regard des autres sur soi et le regard que l’on porte sur nous nous conduit au cœur même de la tragédie des défigurés. Tout au long de notre vie, nous questionnons le miroir pour nous y comparer à nousmêmes et aux autres. La méchante reine de Blanche-Neige l’interpelle en lui demandant « miroir, mon beau miroir, suis-je la plus belle ? »… Il est le lieu du coup d’œil complice et furtif que nous nous adressons au passage et qui nous fait redresser nos épaules, ou arranger une mèche de cheveux. C’est encore le témoin cruel de notre vieillissement où nous recherchons, comme Marguerite Duras, jour après jour le lacis « des rides sèches et profondes, à la peau cassée » [8].
Évolution depuis le moment où l’enfant s’est reconnu dans le miroir jusqu’à l’image finale d’un visage âgé Cette évolution est longue. Qu’advient-il donc si le miroir se brise d’un seul coup et que la défiguration rend l’image méconnaissable ? Le défiguré ne retrouve plus son visage. L’angoisse l’envahit, aiguë, affolante, déstructurante. La régression, qui le contraint à s’enfoncer au plus profond de lui-même, est le seul mécanisme de défense efficace dont il dispose dans l’immédiat. Elle a de plus l’avantage de lui éviter d’avoir à penser à un avenir qu’il ne peut encore imaginer. Sur le plan clinique, la régression se manifeste par une apathie et une indifférence à l’entourage. C’est pourtant dès ce moment qu’il faut intervenir pour aider le blessé à commencer son travail du deuil de « l’image de soi non défiguré ». C’est dans ce but d’aide à la compréhension clinique pour mettre en place une psychothérapie adaptée qu’une recherche a été entreprise, au Centre de traitement des brûlés de l’Hôpital d’instruction des Armées Percy à Clamart, afin d’objectiver statistiquement l’importance de la régression et de la dépression. Un test projectif verbal français, le « test des trois
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personnages » [17], accompagné d’entretiens cliniques, a été utilisé. L’étude, groupes par groupes, d’hommes d’âge et de niveau socioculturel différents, et sa comparaison à des groupes-contrôle similaires, ont mis en évidence, en les validant statistiquement, quelques éléments intéressants. Dans un test consistant à imaginer trois personnages, les brûlés de la face (et/ou des mains) donnaient des réponses très pathologiques même lorsque la brûlure était peu profonde et qu’ils avaient été rassurés à de maintes reprises par toute l’équipe soignante. Leurs mécanismes de défense étaient très archaïques, évoquant une régression intense jusqu’au stade du narcissisme primaire où, nous l’avons indiqué plus haut, toute la libido est centrée vers le sujet lui-même et ne peut se distribuer vers autrui : aucun brûlé de la face n’a dans ce test été capable d’imaginer un personnage, ce qui est très précisément la consigne du test. Ils ont absolument tous décrits eux-mêmes en premier personnage, puis ont décrit leurs sauveteurs. Quelques années plus tard, les travaux ont porté sur un groupe de femmes défigurées à l’aide du test projectif de Rorschach [18]. Il s’agit d’un test projectif de personnalité très sensible à la détérioration de l’image de soi. Les caractéristiques du matériel, dix planches de taches d’encre disposées symétriquement autour d’un axe vertical, sollicitent la projection de l’image du corps. Les résultats obtenus ont fait constater l’intensité de la souffrance et du désespoir, la recherche anxieuse de contacts humains qui se heurte à la difficulté d’établir des relations, le retentissement sur la vie familiale, sexuelle, professionnelle et sociale. Certaines jeunes femmes avaient été brûlées à un moment de leur enfance où elles n’avaient pas encore intégré la notion de leur beauté, voire même de leur image. Ce n’est donc pas la destruction d’une image antérieure qui est traumatisante mais la simple constatation de la différence, en un mot, même s’il est cruel, on ne s’habitue pas à la laideur. La notion de beauté est importante pour l’être humain. Schilder, dans son ouvrage intitulé L’Image du corps, note que « la beauté peut être une promesse de complète satisfaction et y mener. Notre propre beauté figurera non seulement l’image que nous avons de nousmêmes, mais aussi celle que les autres ont de nous et qui nous sera renvoyée… » [16]. Ces travaux sont poursuivis actuellement en comparant les tests de ces femmes défigurées avec ceux d’hommes examinés pour des expertises. Il est frappant de constater à quel point les mots sont les mêmes, les projections inconscientes identiques, l’image inconsciente du corps des uns et des autres est très perturbée ; la souffrance des hommes et des femmes quel que soit leur âge est tragique. La blessure corporelle, la douleur entraînent une rupture dans la perception de soi et du corps jusque-là sans particularité notable. La soudaineté et la violence de l’accident font partie du registre de l’inimaginable. Le très beau film La Chambre des Officiers [7], diffusé l’année dernière, dévoile les pensées de ce jeune défiguré qui cherche à comprendre pourquoi il ne trouve plus ses dents, pourquoi il souffre tant et ne peut plus parler. La défiguration entraîne en outre une perte identitaire : une jeune femme brûlée au visage lors d’un attentat aux Galeries Lafayette en 1985 nous disait « la brûlure vous vole votre personnalité ». Elle eut du mal à faire le deuil de son image antérieure. Lors de son admission dans le service, son mari et sa propre mère étaient venus réclamer une euthanasie sous prétexte que cette femme si belle autrefois « ne se supporterait pas défigurée ». Pour appuyer leurs dires, ils exhibaient des photos de cette beauté. L’épouse trop belle, l’enfant trop beau sont parfois le support narcissique de leur famille. Tandis que le Moi du défiguré se bouleverse, il peut arriver aussi que son entourage s’accroche trop intensément à l’image dont il faut faire le deuil. Une jeune fille de 16 ans avait été victime d’un accident sur l’autoroute au retour des vacances. Terriblement brûlée,
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elle vit sa famille exposer dans la chambre d’hôpital des posters d’elle en maillot de bain, de face, de profil… Elle vit aussi sa psychologue défaire très rapidement le décor cruel imaginé par ses parents ! Les réactions des blessés de la face sont multiples. Un homme de 47 ans fut adressé à la psychologue par le chirurgien plasticien lors d’une consultation après son hospitalisation. Il présentait depuis son retour chez lui un certain nombre de traits d’allure démentielle. L’examen psychométrique pratiqué alors révéla une intelligence sans faille, sans altération mais le test de Rorschach et l’entretien démontraient la profonde souffrance d’un homme qui se sentait très dévalorisé par ses cicatrices. Il fut donc renvoyé vers le chirurgien qui restitua une certaine symétrie à son visage, tout en l’accompagnant d’une longue psychothérapie. Ces efforts conjugués lui rendirent, sinon son visage d’antan, du moins une certaine sérénité vis-à-vis de sa nouvelle image. Malheureusement, certains patients refusent toute aide psychothérapique, tel ce patient rencontré pour une expertise judiciaire. Le protocole du test de Rorschach démontrait sa détresse, il vivait « emmuré vivant » disait-il, en espérant une lourde condamnation pour l’agresseur qui l’avait défiguré et affirmait : « il a pris ma vie, il m’a tué, il a pris mon visage, mon identité, je ne pourrai plus jamais être moi-même, alors je veux qu’il ait la plus lourde condamnation possible, sinon je me serais déjà suicidé. ». Il n’a pas attendu le procès et a récemment mis fin à ses jours. Il existe cependant des cas où la défiguration semble plus acceptable, ou plus exactement, il existe des individus qui semblent accepter plus vite que d’autres le deuil de leur image perdue. Cela ne veut pas dire pour autant que leur souffrance est moins profonde, mais ils mettent en œuvre un travail psychique conscient et inconscient qui leur permet plus tôt d’accepter les échanges sociaux. C’est notamment le cas lorsque l’entourage familial et amical est à la fois chaleureux et structurant. Un de nos patients, d’un certain âge, était atrocement mutilé, mais sa femme a toujours eu pour lui les yeux de Chimène : c’était son mari nous disait-elle, elle l’aimait depuis tant d’années, pour lui, pour ce qu’il était, pas pour son image. C’est encore le cas pour ce que le langage commun nomme « les blessures glorieuses ». Si la défiguration survient dans des conditions où le blessé a fait montre de bravoure, il deviendra le héros que tout le monde peut admirer, même si le tribut payé – la défiguration – en est tragique. Une grand-mère avait été défigurée lors d’un attentat dans un grand magasin où elle travaillait. Elle vit la bombe, alerta les services de sécurité, parvint à écarter la foule, mais ne put échapper à l’explosion. Dans son chagrin elle disait, au cours de son hospitalisation, qu’elle ne reverrait jamais plus ses petites-filles à cause de son visage. Elle put dépasser son angoisse et affronter le public, entourée de toute sa famille, lorsqu’elle fut décorée de l’Ordre national du mérite pour son courage au moment de l’attentat.
Conclusion Il ne faudrait pas, à l’exposé de ces quelques exemples cliniques, penser que les choses se passent simplement dans la tête de la personne défigurée qui exagérerait et amplifierait les réactions redoutées d’autrui. Le visage est un organe de communication. Son altération complique la relation entre ces deux interlocuteurs que sont les accidentés de la face et la société, c’est-à-dire nous-mêmes : le défiguré, auquel nous ne pouvons nous identifier, dont nous ne pouvons plus comprendre les émotions dans ses mimiques, nous inquiète et nous pétrifie. Dans la mythologie, seul Persée peut échapper à la vision de la tête de la Méduse porteuse d’une horreur inimaginable : il lui renvoya son image destructrice par le biais d’un miroir [11]. 3
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Il existe des issues de secours pour les défigurés, mais il nous appartient à tous de les aider à les ouvrir, car le défiguré sans son miroir et sans le miroir de nos yeux ignorerait qu’il est défiguré… Longtemps, il aura besoin du secours et de tout le savoir-faire du chirurgien et de l’écoute attentive du psychothérapeute. Quand arrive la période de reconstruction et l’acceptation progressive d’une nouvelle image, c’est une réelle négociation pour le chirurgien plasticien de donner de l’espoir en recadrant le défiguré sur la réalité, lui faire accepter ce qui est possible et renoncer aux mirages. Mais il y a
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également un moment où il faudra refuser de nouvelles interventions pour commencer à adopter cette nouvelle image de soi, pour la faire sienne et l’apprivoiser dans le miroir. C’est parfois par le biais du rêve que cela se réalise. Un de nos patients nous dit un jour « je suis guéri, complètement guéri... Oh ! À propos, je voulais vous raconter mon rêve. J’étais nu sur une plage avec ma compagne, je fais souvent ce rêve et je me revois toujours tel que j’étais autrefois, avant l’accident, mais cette nuit, je me suis vu nu avec toutes mes cicatrices et cela ne me gênait plus du tout... »
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[7] Dugain M. La chambre des Officiers. Paris : Lattès, 1998 [8] Duras M. L’Amant. Paris : Éditions de Minuit, 1984 [9] Fisher S, Cleveland SE. Body Image and personality. New York : Van Nastraad cy, 1958 [10] Freud S. Pour introduire le narcissisme. La vie sexuelle. Paris : PUF, 1969 [11] Freud S. La tête de Méduse. Résultats, Idées, problèmes. Tome II. Paris : PUF, 1998 : [12] Lacan J. Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je. Rev Fr Psy 1949 ; 4 : 449-455 [13] Lefebvre P, Pons J, Bellavoir A, Stephant M. L’aide psychologique à la chirurgie réparatrice et prothésique du défiguré. Ann Méd Psy 1990 ; 1 : 75-76
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Brûlures de la face au stade aigu JC Bichet A Lakhel JL Foyatier D Cantaloube
Résumé. – Les brûlures de la face sont fréquentes. Ces brûlures sont extrêmement traumatisantes en raison des perturbations de l’identification, de la personnalité et des moyens de communication qu’elles entraînent. Elles imposent une prise en charge spécifique. Nous décrivons le bilan lésionnel précis à pratiquer en urgence. Nous présentons les différents moyens thérapeutiques, leurs délais d’application et leurs indications respectives. Les brûlures superficielles cicatrisent à l’aide de pansement et ne laissent pas de séquelles. En revanche, les brûlures profondes doivent bénéficier d’un traitement chirurgical précoce et entraînent des séquelles. Nous insistons sur la nécessité d’une kinésithérapie intensive et le port de vêtements compressifs. Nous citons les principales séquelles à redouter pour chaque région anatomique, en indiquant brièvement les possibilités de reconstruction. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : brûlures aiguës, face, paupières, nez, oreille, greffe de peau, rééducation réhabilitation, physiothérapie, séquelles, expansion cutanée.
Introduction La face est la région antérieure de l’extrémité céphalique comprise entre la ligne d’implantation capillaire et l’os hyoïde. Elle est caractérisée par un ensemble original de traits et de formes qui définissent en propre chaque visage et permettent son identification par le regard d’autrui. Les différentes attitudes et mimiques qui s’y affichent traduisent nos pensées et émotions successives. Le visage est donc un passeport social indispensable à la vie de relation. Les brûlures de la face sont fréquentes puisqu’elles concernent la moitié des patients admis dans les centres de traitement des brûlés. Les accidents domestiques sont le plus souvent en cause, par ébouillantement ou inflammation directe. Les zones les plus exposées sont la pyramide nasale, le front et les régions malaires, alors que l’œil est en général efficacement protégé par le réflexe d’occlusion palpébral. Les brûlures superficielles doivent en principe guérir sans laisser de cicatrices définitives. Les brûlures profondes laissent au contraire des cicatrices cutanées indélébiles et souvent dramatiques au niveau de la face. De plus, les muscles peauciers responsables de la mimique sont superficiels et donc très exposés. Leur atteinte laisse le visage inexpressif et figé, comme un masque inerte et pathétique. Les séquelles d’une brûlure grave de la face sont donc physiques et psychologiques, et la défiguration est douloureusement vécue par la victime, gravement perturbée par rapport à son image corporelle et dans ses relations avec autrui.
Jean -Christophe Bichet : Assistant de chirurgie plastique, ancien interne des hôpitaux de Lyon. Jean-Louis Foyatier : Chef de service. Service de chirurgie plastique et service des brûlés, centre hospitalier Saint-Joseph et Saint-Luc, 6, rue Raulin, 69365 Lyon cedex 07, France. Anne Lakhel : Chirurgien des Hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service. Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de chirurgie plastique et maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France.
La qualité de la prise en charge initiale des brûlés de la face est essentielle pour permettre la cicatrisation la plus rapide et la plus parfaite possible, ceci pour limiter les risques de complications et de séquelles, et préserver autant que faire se peut l’avenir médical, chirurgical et psychosocial du brûlé.
Généralités La gravité d’une brûlure de la face dépend directement des circonstances de survenue, de la profondeur, de la localisation et des lésions associées. CARACTÉRISTIQUES ANATOMIQUES DE LA FACE
La peau a une double origine embryologique : ectodermique pour l’épiderme, mésodermique pour le derme. L’épiderme est un épithélium pavimenteux, stratifié, kératinisé et pigmenté. C’est la couche superficielle protectrice de la peau : contre les traumatismes par la kératine et contre la lumière par la mélanine. L’épiderme est essentiellement constitué par les kératinocytes, disposés en quatre assises cellulaires selon leur différenciation. La couche germinative profonde est le siège des mitoses cellulaires qui vont assurer le renouvellement de l’épiderme. C’est la gravité des lésions à ce niveau qui définit la profondeur de la brûlure et les possibilités de cicatrisation spontanée. Dans les brûlures profondes, tous les kératinocytes souches sont détruits et c’est le chirurgien qui permet la cicatrisation en réalisant une greffe cutanée mince pour remplacer l’épiderme. Le derme est un conjonctif à la fois élastique et résistant qui enveloppe solidement l’organisme tout en permettant une grande mobilité articulaire. On distingue le derme papillaire sous la jonction dermoépidermique et le derme réticulaire en profondeur. Les deux couches comportent des éléments vasculaires et nerveux, ainsi que des annexes cutanées dérivées de l’épiderme : les follicules
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bichet JC, Lakhel A, Foyatier JL et Cantaloube D. Brûlures de la face au stade aigu. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-088-P-10, 2001, 10 p.
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pilosébacés, les glandes sébacées et sudoripares. Ces annexes jouent un rôle important dans la cicatrisation cutanée car elles peuvent constituer des îlots de réépithélialisation quand elles sont épargnées par la brûlure. Le revêtement cutané de la face est très variable d’un secteur à l’autre : – la coloration est très variable d’un individu à l’autre, et en général plus marquée sur les pommettes ; – la peau est beaucoup plus fine et souple au niveau des paupières et des pavillons auriculaires que sur le menton, la pointe nasale et les joues ; – les bulbes pileux et les annexes épidermiques sont particulièrement riches au niveau du scalp et de la barbe chez l’homme ; – le revêtement cutané se moule intimement sur l’armature cartilagineuse du nez et de l’oreille, alors qu’il est juste sous-tendu par les reliefs osseux du front et des pommettes, et simplement drapé au niveau des joues ; – la mobilité est importante au niveau des paupières, des joues et des lèvres, et plutôt limitée au niveau du front, du nez et des oreilles. Le revêtement cutané de la face circonscrit également sept orifices, qui peuvent être plus ou moins gravement atteints par la brûlure : orifices buccal, narinaires, oculaires et auriculaires. Le risque de ces brûlures périorificielles est la survenue de sténoses et d’incompétences fonctionnelles, ainsi que de graves mutilations esthétiques secondaires à la destruction des cartilages auriculaires, alaires et du tarse palpébral. Les muscles peauciers déterminent des lignes de tension cutanées, décrites par Langer, et qui sont essentielles à connaître car leur orientation détermine le sens de la rétraction cicatricielle. Elles contribuent également à définir les différentes unités esthétiques et fonctionnelles de la face. ÉTIOLOGIE DES BRÛLURES DE LA FACE
La fréquence exacte des brûlures est mal connue car la plupart sont heureusement bénignes. En France, on évalue à environ 70 000 le nombre des brûlures qui font l’objet d’une consultation ou d’une hospitalisation, le plus souvent en milieu non spécialisé. Rappelons ici qu’une brûlure grave, et donc en particulier une brûlure de la face, doit par principe être traitée dans un centre de traitement des brûlés. Les brûlures de la face peuvent survenir dans de multiples circonstances. Les accidents domestiques représentent l’éventualité la plus fréquente (70 %), en particulier chez les femmes et les enfants, malgré les campagnes de prévention à ce sujet. Les accidents du travail sont en constante diminution, mais sont souvent dramatiques à cause des risques encourus. Les accidents de loisirs et du trafic augmentent régulièrement. Les autolyses et les agressions ne sont pas très fréquentes, mais souvent graves. L’aspersion du visage par un caustique comme le vitriol reste heureusement rare en France. Enfin, les accidents iatrogènes par accident de bistouri électrique et après resurfaçage facial au laser ou par peeling chimique demeurent exceptionnels. PROFONDEUR
Au niveau de la face, comme sur l’ensemble de la surface corporelle, la profondeur d’une brûlure s’évalue classiquement en degrés, et plus simplement en brûlure superficielle et profonde dans la littérature internationale.
¶ Classification en degrés La classification française de Dupuytren distingue trois degrés de brûlure cutanée et deux degrés de carbonisation. – Le premier degré correspond à une brûlure limitée aux seules couches superficielles de l’épiderme. C’est le « coup de soleil » qui 2
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se traduit cliniquement par un érythème, un œdème et une pénible sensation de cuisson. L’évolution est spontanément favorable en quelques jours avec une desquamation superficielle et sans aucune séquelle cicatricielle. – Le deuxième degré est caractérisé par la présence des phlyctènes, à contenu clair ou citrin, qui décollent la jonction dermoépidermique. – Le deuxième degré superficiel correspond à une destruction étendue de l’épiderme qui respecte cependant l’essentiel de la couche germinative et de la membrane basale. L’évolution se fait en principe vers la cicatrisation spontanée en une dizaine de jours. La seule séquelle cicatricielle est la persistance, pendant plusieurs mois, d’une dyschromie inesthétique. – Le deuxième degré profond détruit la quasi-totalité de l’épiderme et de la couche germinative qui n’est donc plus capable d’assurer la régénération épidermique. La cicatrisation est ici longue et aléatoire, à partir des quelques papilles épidermiques saines et des annexes épithéliales du derme profond. Dans les cas favorables, l’évolution se fait en 1 mois environ vers la guérison, au prix de cicatrices définitives. En revanche, en cas de surinfection ou de prise en charge initiale inadaptée, les lésions s’approfondissent vers la nécrose cutanée. – Le troisième degré est caractérisé par la destruction complète du derme et de l’épiderme. Sur le plan clinique, la lésion caractéristique est l’escarre cutanée blanche, noire ou brune, voire rougeâtre après ébouillantement. Elle est indolore, contrairement aux lésions superficielles. Les phanères ne sont plus adhérents, ce qui est aussi un signe de gravité. Aucune cicatrisation spontanée n’est envisageable et la greffe cutanée est impérative. Seules les lésions de quelques centimètres carrés peuvent guérir par épithélialisation centripète à partir des berges saines. – Le quatrième degré correspond à la carbonisation du tissu souscutané et musculaire sous-jacent. – Le cinquième degré correspond à la brûlure osseuse.
¶ Classification internationale La classification internationale est plus simple et reconnaît seulement deux types de brûlures : – les brûlures superficielles qui sont les premier et deuxième degrés superficiels, c’est-à-dire les lésions qui guérissent « spontanément » en cicatrisation dirigée ; – les brûlures profondes qui sont le deuxième degré profond et le troisième degré, et doivent être greffées par le chirurgien. Au total, le diagnostic de la profondeur est habituellement aisé pour les brûlures superficielles et le troisième degré. C’est le deuxième degré profond qui peut être difficile à reconnaître, d’autant plus que les lésions sont susceptibles d’évoluer. En pratique, il faut considérer qu’une brûlure superficielle doit être cicatrisée en 10 jours, et qu’une lésion qui n’est pas guérie à la troisième semaine est une brûlure profonde.
Prise en charge du brûlé de la face Nous ne considérons en principe ici que le traitement lésionnel des brûlures de la face. Le chirurgien doit cependant connaître quelques aspects de leur prise en charge médicale. Le risque asphyxique peut engager à court terme le pronostic vital par inhalation de fumées, avec brûlures des voies aériennes, ou bien par intoxication quand des gaz létaux sont dégagés par la combustion, ou encore par œdème massif de la face et du cou. L’endoscopie pulmonaire est réalisée au moindre doute de brûlure trachéobronchique. L’intubation orotrachéale et l’assistance ventilatoire avec une pression expiratoire positive ont ici de larges indications. Il est en revanche rare de devoir pratiquer d’emblée une trachéotomie chirurgicale, en dehors des cas de dyspnée impossibles
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à intuber en urgence. Elle est délicate techniquement à cause de l’œdème cervical et constitue une porte d’entrée de l’infection pulmonaire. Les désordres hydroélectrolytiques ne sont pas au premier plan si la brûlure de la face est isolée. Seule une brûlure buccolabiale gênant l’alimentation peut imposer une réhydratation intraveineuse avec assistance nutritionnelle. L’antibiothérapie n’est pas indiquée de principe en dehors des cas de surinfection documentés, mais la prévention antitétanique est systématique. Une corticothérapie massive de courte durée est mise en œuvre en cas de brûlures respiratoires. Enfin, des antalgiques majeurs sont habituellement nécessaires. BILAN LÉSIONNEL INITIAL
Le bilan lésionnel initial doit être aussi précis et complet que possible. Le diagnostic repose sur l’aspect des lésions, leur couleur, l’adhérence des phanères, le caractère souple ou cartonné, la persistance ou non du pouls capillaire et d’un saignement après scarification. Il peut être difficile en cas de juxtaposition en « mosaïque » de brûlures de différents degrés, et de brûlures intermédiaires susceptibles de s’approfondir. De plus, l’œdème périlésionnel, souvent spectaculaire, modifie considérablement l’aspect clinique. En fait, en urgence, on apprécie l’étendue et la profondeur des brûlures « a priori », l’expérience de l’examinateur étant essentielle à la fiabilité du diagnostic. On réalise systématiquement la cartographie des lésions sur un schéma qui est régulièrement réactualisé. La face représente 3,5 % de la surface corporelle, le scalp 3,5 %, la face antérieure du cou 1 % et la nuque 1 %. L’ensemble de l’extrémité céphalique représente 9 % de la surface corporelle totale. Cette surface doit être doublée chez le nourrisson et adaptée chez l’enfant. Le bilan initial d’une brûlure de la face doit permettre de définir et d’orienter les actions thérapeutiques, en fonction du niveau de priorité par rapport aux autres lésions. Le pronostic fonctionnel et esthétique dépend directement de la qualité de la prise en charge immédiate et de la durée de cicatrisation. Le but du traitement local des brûlures de la face est d’obtenir leur cicatrisation complète à la troisième semaine, spontanément ou à l’aide d’une greffe. Il faut noter d’emblée que la greffe au niveau du visage est une chirurgie de nécessité et non de principe, qui n’est justifiée qu’en cas de brûlures profondes avérées. Par conséquent, compte tenu des difficultés du diagnostic initial, tout geste agressif immédiat est proscrit : aucune excision chirurgicale des brûlures de la face ne doit être réalisée en urgence. MOYENS THÉRAPEUTIQUES
¶ Soins locaux Chaque fois que l’état général le permet, le patient est installé en position proclive ou semi-assise pour limiter l’œdème céphalique [25]. Dès que l’hémodynamique est stabilisée et qu’une sédation efficace est administrée, on commence par laver la brûlure à l’aide d’une solution moussante antiseptique qui est rincée (Bétadinet Scrub, Hibitanet). Le rasage des cheveux (et de la barbe chez l’homme) est systématique pour les brûlures en zone pileuse. Les phlyctènes et les lambeaux épidermiques flottants sont ensuite soigneusement réséqués avec des ciseaux pointus fins. Les soins antiseptiques sont ensuite renouvelés à l’aide de solutions aqueuses (Bétadinet, Hibitanet, Amukinet) avant la réalisation du pansement [11]. La mise en place d’un pansement occlusif est indispensable pour soulager le patient quand l’exposition à l’air est douloureuse, en cas de lésions exsudatives, ou encore de brûlures profondes. L’application de pommade hydratante, renouvelée tous les 2 jours, est suffisante pour les brûlures superficielles. La sulfadiazine argentique (Flammazinet, Sicazinet) prévient le risque infectieux en cas de lésion intermédiaire ou profonde, et son rôle antalgique est non négligeable. Elle doit être renouvelée quotidiennement sous
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sédation pendant une dizaine de jours, jusqu’à la mise en place de pansements gras cicatrisants, en alternance avec des pansements anti-inflammatoires aux corticoïdes si un bourgeonnement trop important apparaît. L’exposition à l’air du visage après l’application de pommade cicatrisante et antiseptique est préconisée par certains. Elle prévient l’infection locale mais favorise la formation de croûtes et l’apparition de saignements.
¶ Excision des lésions L’excision chirurgicale d’une brûlure profonde de la face doit être la plus économe possible, couche à couche, pour préserver au maximum le derme sain. Elle se fait au mieux avec un dermatome mécanique (Lagrot, Watson ou Gullian) réglé pour une coupe entre 0,1 et 0,3 mm. La vitalité du derme est évaluée sur le saignement opératoire. L’hémostase est réalisée par l’application prudente et élective de la pince bipolaire, et par des compresses de sérum chaud adrénaliné à 30 mg/L. Le recouvrement des sites excisés doit ensuite être immédiat pour éviter l’approfondissement des lésions au niveau du derme, limiter le risque infectieux et les fuites liquidiennes. La discussion porte sur la date de l’intervention : excision-greffe « précoce » dans la semaine qui suit la brûlure, ou excision-greffe « tardive » au-delà des 2 premières semaines. L’excision-greffe précoce a une définition qui varie de quelques heures à une douzaine de jours avec les auteurs. Il est raisonnable de considérer qu’une excision est précoce quand elle est effectuée dans la semaine qui suit l’accident. L’avantage évident de l’excisiongreffe précoce est de réaliser rapidement la couverture des brûlures profondes : – en éliminant les escarres cutanées productrices de toxines ; – en fermant la porte d’entrée bactérienne à ce niveau ; – et surtout en bloquant l’intervention du bourgeon charnu, tissu cicatriciel quasi pathologique, dont l’hypertrophie puis la rétraction sont à l’origine de la majorité des séquelles esthétiques et fonctionnelles. Les inconvénients sont généraux à l’ensemble des brûlures, et spécifiques de la face : – l’état général du brûlé doit être stabilisé ; – il peut être nécessaire de différer l’excision lorsque le diagnostic de profondeur est incertain, pour ne pas exciser par excès des lésions superficielles et intermédiaires en créant des cicatrices inutiles ; – l’excision chirurgicale est techniquement difficile au niveau de la face à cause de l’importance du saignement capillaire d’une part, et du risque de traumatisme des branches du nerf facial d’autre part. Au total, l’excision-greffe précoce des brûlures de la face est en principe idéale, mais elle risque de laisser en réalité un blessé défiguré et paralysé du nerf facial après l’excision inutile de lésions qui auraient pu cicatriser spontanément. L’excision-greffe tardive survient au-delà des 2 premières semaines d’évolution. Elle repose dans un premier temps sur la détersion progressive et douce des brûlures, mécanique ou assistée chimiquement. L’application de vaseline boriquée à 1 ‰ sur des compresses grasses qui peuvent être renouvelées une fois seulement après 2 ou 3 jours, complète la détersion enzymatique physiologique. Sur le plan chirurgical, la technique est la même que précédemment, mais l’opérateur est guidé par l’apparition du processus cicatriciel. Ses avantages découlent de ce qui vient d’être dit : sacrifice tissulaire limité, sans geste agressif ni risque iatrogène. Les inconvénients sont moins de laisser en place des escarres de brûlures sur une surface limitée que de permettre l’apparition du bourgeon charnu avec un risque de cicatrices inflammatoires et rétractiles.
¶ Greffes cutanées La greffe cutanée mince est la technique de référence pour le recouvrement du brûlé grave au stade aigu. Les greffes de peau 3
Brûlures de la face au stade aigu
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Unités esthétiques de la face.
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Les trois sous-unités palpébrales. a. Orbitopalpébrale supérieure ; b. portion mobile de la paupière supérieure ; c. paupière inférieure.
a b c
a
a
b c
semi-épaisses et de pleine épaisseur peuvent également trouver des indications pour les brûlures de la face au stade initial, compte tenu des enjeux fonctionnels et esthétiques à ce niveau.
3 Sous-unités de la région péribuccale. a. Les deux sous-unités labiales supérieures, séparées par le philtrum que l’on peut aussi diviser en deux sous-unités ; b. sous-unité de la lèvre blanche de la lèvre inférieure ; c. sous-unité mentonnière.
Greffe de peau mince La particularité d’une greffe cutanée mince au niveau du visage est d’être toujours réalisée en peau pleine, sans expansion préalable pour ne pas laisser une cicatrice en filet à ce niveau, ce qui suppose donc une prise de greffe d’une surface considérable en cas de brûlures étendues de l’extrémité céphalique (1 000 cm2 et plus), et de la plus grande largeur possible (8 à 10 cm). Une telle greffe n’est donc pas toujours réalisable en un seul temps opératoire chez les brûlés les plus graves. Les sites donneurs de peau doivent être proches pour limiter les risques de dyschromie. Le scalp représente en pratique un site donneur privilégié car sa texture et sa pigmentation sont comparables à celles du visage, et il permet des prises de greffes de 400 à 600 cm2. Sinon, le tronc et les cuisses peuvent également fournir des greffons de grande largeur. Ces greffes sont prélevées au dermatome électrique ou pneumatique, les dermatomes de Padgett étant particulièrement intéressants par la largeur de leurs lames. L’épaisseur pour une greffe de peau mince est en principe de 0,3 mm. Elle peut varier de plus ou moins 0,1 mm en fonction des unités esthétiques de la face à recouvrir, du site donneur, et des habitudes de l’opérateur. Rappelons que plus une greffe cutanée est mince, plus sa « prise » est facile, mais plus la rétraction secondaire est importante. Les greffons doivent impérativement être multiperforés pour assurer le drainage des exsudats abondants chez le brûlé. L’hémostase est également drastique avant la pose des greffes. Des perforations multiples au trocart de gros calibre ou de courtes incisions longitudinales à la lame de bistouri 15 assurent le drainage, en ne laissant que peu de marques sur la cicatrice finale, sans aucune mesure avec l’aspect d’une greffe expansée en filet. Les greffes de la face doivent respecter les unités esthétiques (fig 1, 2, 3) telles qu’elles ont été définies par Gonzales et Ulloa [26], ainsi que les contraintes fonctionnelles de la région considérée. La greffe en « mosaïque » de patchs cutanés multiples des seules brûlures profondes au sein de lésions superficielles laissées en cicatrisation dirigée doit être formellement proscrite. C’est la brûlure du plus haut degré qui prime et impose la greffe de l’ensemble de l’unité esthétique, sauf si la nécrose cutanée est très réduite. Les greffes sont fixées et capitonnées par des points de sutures ou des agrafes. Des bourdonnets gras cousus sont systématiquement réalisés dans les régions périorificielles pour limiter la mobilité cutanée le temps nécessaire à la prise de la greffe (2 à 5 jours). L’utilisation de colle de fibrine autologue peut également être utile à ce niveau. 4
Greffe de peau semi-épaisse et de pleine épaisseur Les greffes de peau semi-épaisse (0,5 mm et plus d’épaisseur) et les greffes de peau totale rétractent peu et ont un aspect cosmétologique de belle qualité. Elles ont cependant peu d’indications d’emblée chez le brûlé [24] : – leur intégration est difficile et exige un sous-sol parfait, ce qui est rarement possible à la phase aiguë des brûlures ; – elles exigent un traitement spécifique du site donneur, soit par suture directe des berges, en général impossible, soit par greffe cutanée mince à ce niveau, ce qui n’est pas envisageable dans le contexte d’économie de la peau que représente un grand brûlé. En pratique, leurs seules indications au stade aigu sont les brûlures limitées et isolées de la face où elles représentent un mode de réparation définitive, ainsi que les brûlures des paupières sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement. Elles sont en revanche largement pratiquées pour le traitement des séquelles secondaires, pour resurfacer des cicatrices inesthétiques ou rétractées. À ce titre, la greffe de peau mince réalisée à la phase aiguë des brûlures de la face peut être considérée comme une couverture provisoire des lésions, en attendant de pouvoir réaliser les greffes de peau totale ou épaisse qui constituent le mode de recouvrement définitif. INDICATIONS
L’objectif du traitement des brûlures de la face est d’obtenir la cicatrisation à la troisième semaine, soit spontanément, soit à l’aide de greffes.
¶ Brûlures superficielles de la face Les brûlures du premier degré guérissent sans séquelles en 4 à 5 jours, avec une desquamation superficielle. Les brûlures du second degré superficiel doivent guérir par cicatrisation dirigée avant la troisième semaine. Elles ne laissent pas de séquelles cicatricielles, à l’exception d’une dyschromie plus ou moins marquée. Il n’y a donc pas d’indication chirurgicale.
¶ Brûlures profondes de la face À l’inverse des brûlures superficielles, les lésions du second degré profond et du troisième degré évoluent spontanément vers une
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Résultat morphologique à quelques mois : phase inflammatoire et hypertrophique.
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Résultat à distance après reconstruction des séquelles.
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Brûlure profonde de l’hémiface droite. Patiente du Dr Foyatier.
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Résultat à distance après reconstruction des séquelles.
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Application précoce de greffes de peau mince méchées à la lame 15 et fixées par agrafes. Blépharorraphie.
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Résultat des greffes aux premiers pansements.
cicatrisation vicieuse associant hypertrophie et rétractions. Il convient donc de prévoir et de prévenir ces séquelles dès la mise en œuvre du traitement initial. Les zones périorificielles (paupières et lèvres) sont considérées comme des priorités fonctionnelles. La prise en charge chirurgicale doit être systématique et la plus précoce possible pour les brûlures du troisième degré, dès lors que
l’on est certain de la profondeur des lésions. La technique indiquée reste l’excision-greffe, à l’exception de certaines carbonisations graves pour lesquelles on est parfois amené à discuter un lambeau de recouvrement qui est choisi en fonction de l’état cutané des sites donneurs potentiels (fig 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12). L’attitude chirurgicale est moins bien codifiée pour les brûlures intermédiaires. Elle dépend des habitudes des opérateurs, mais aussi du bilan lésionnel : au-delà de 30-40 % de la surface cutanée brûlée en profond, la priorité est donnée aux excisions-greffes corporelles de sauvetage. Une excision-greffe trop précoce de la face n’apporterait aucun avantage ni sur le plan vital ni sur le plan fonctionnel, en faisant courir un risque anesthésique et 5
Brûlures de la face au stade aigu
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hémorragique alors que la volémie est encore mal stabilisée, avec le danger de réaliser des excisions abusives de lésions considérées à tort comme profondes. L’attitude la plus raisonnable [10, 13, 19, 20] semble être de pratiquer l’excision à une phase encore précoce, vers le huitième ou dixième jour, et suffisamment différée pour qu’une partie des lésions se soit détergée, ce qui permet une meilleure appréciation de visu de leur profondeur. Chaque région anatomique peut alors être réévaluée, et les indications thérapeutiques posées. Cette attitude permet de limiter le sacrifice tissulaire au strict nécessaire. Dans le même ordre d’idée, il convient de pratiquer une dissection la plus fine et la plus élective possible, en préservant au maximum le derme non brûlé. SOINS POSTOPÉRATOIRES
* A
* B
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Brûlure profonde de l’unité frontale (A) et jugale gauche (B). Patiente du Dr Lakhel.
Le premier pansement est réalisé entre le troisième et le cinquième jour postopératoire, puis deux à trois fois par semaine, avec une sédation adaptée. Les bourdonnets des greffes périorificielles sont ôtés au second pansement postgreffe, vers le cinquième jour. On surveille l’apparition de collections séreuses ou hématiques qui sont évacuées et drainées par de courtes incisions sur la greffe. Une collection purulente est soigneusement lavée avec une solution antiseptique et le traitement antibiotique est discuté en fonction du germe et du statut infectieux général. Il est théoriquement possible de laisser la greffe à l’air en la protégeant de la dessiccation par une couche de vaseline ou par des aérosols. Mais la mise en place de pansements protecteurs est généralement utile pour la protéger des traumatismes, en particulier la nuit. En fonction de l’état local, ces pansements associent ou alternent les tulles pro- et anti-inflammatoires. L’ajout de pommade à la polyvidone iodée permet de prévenir le risque d’adhérence des compresses aux greffes, tout en limitant le risque infectieux. LOCALISATIONS PARTICULIÈRES DES BRÛLURES DE LA FACE
¶ Cuir chevelu
* A 11
* B
Greffe de peau mince pleine. Patiente du Dr Lakhel. A. Face. B. Profil.
Le cuir chevelu dépasse le strict cadre anatomique de la face, mais sa proximité explique la fréquence des brûlures associées à son niveau. Il est caractérisé par la richesse de sa vascularisation, ainsi que par l’abondance et la profondeur de ses inclusions épidermiques : follicules pileux, glandes sébacées et sudoripares. Il bénéficie donc d’importantes possibilités de cicatrisation épidermique, y compris pour les brûlures intermédiaires profondes qui peuvent cicatriser par des soins locaux bien conduits [3, 20]. Lorsque les brûlures sont plus profondes, la galéa permet l’apparition du tissu de granulation conjonctif qui est secondairement greffé en peau mince. Si la brûlure a atteint le périoste, la spongialisation de la table externe à la fraise boule permet d’exposer la diploé, pour obtenir le tissu de bourgeonnement par confluence du bourgeon charnu qui va proliférer à partir de chaque orifice osseux. La carbonisation de la table externe peut faire discuter la réalisation en urgence d’un lambeau de recouvrement. Lorsque ce lambeau n’est pas réalisable (brûlure des sites donneurs, état général précaire), une greffe cutanée posée sur la dure-mère permet la cicatrisation de la même manière.
¶ Paupières
* A 12
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Résultats à distance. Patiente du Dr Lakhel. A. Face. B. Profil.
* B
L’extrême minceur du revêtement cutané explique la très grande fragilité des paupières face à la brûlure. Elles ont un rôle à la fois fonctionnel et esthétique, puisqu’elles protègent la cornée, le globe oculaire et le système des voies lacrymales, tout en modulant la forme et l’expression du regard. Le problème séquellaire majeur de la cicatrisation palpébrale est la rétraction ou ectropion qui expose la conjonctive et éverse le tarse. L’ensemble des auteurs insistent sur la nécessaire précocité de la réparation des paupières, avant la troisième semaine. En effet, plus la greffe est précoce, plus la souplesse cutanée est importante, plus
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Brûlures de la face au stade aigu
le clignement palpébral est proche de la normale et moins les rétractions sont importantes [7, 8, 12], d’autant plus que l’excision précoce d’une brûlure profonde des paupières, suivie de son recouvrement immédiat par greffe, est une intervention simple et peu hémorragique [7, 8]. Ce n’est qu’en cas de brûlures corporelles associées très étendues que la priorité est donnée aux excisionsgreffes de sauvetage du tronc et des membres, et que la réalisation d’une tarsorraphie de protection permet d’attendre dans de bonnes conditions l’heure de la chirurgie palpébrale. La technique de la greffe dépend du niveau palpébral. La paupière supérieure est greffée en priorité pour protéger la cornée. Elle présente un segment inférieur très mobile qui ne doit pas être greffé avec une peau trop épaisse et trop lourde, de préférence un greffon de 0,4 mm d’épaisseur. La paupière inférieure, moins mobile, est greffée en peau totale, de préférence à partir de la peau susclaviculaire ou du sillon rétroauriculaire [7]. Il est important de remarquer que l’unité esthétique palpébrale s’étend jusqu’au rebord orbitaire en dehors et vers la glabelle en dedans, en dépassant largement les canthus. La paupière doit être greffée en tension maximale, en chevauchant son homologue, pour corriger au mieux le déficit cutané. Lorsque deux greffes sont utilisées pour un recouvrement complet des paupières supérieure et inférieure, leur ligne de jonction externe doit être placée vers la région temporale pour que la paupière supérieure ne soit pas entraînée vers le bas en cas de rétraction. Les indications de la blépharorraphie ne devraient plus souffrir de controverse [5, 16, 21]. La règle est de protéger le globe oculaire par la blépharorraphie en attendant la greffe. La blépharorraphie a simplement un rôle protecteur de l’œil et ne permet pas de prévenir les rétractions. Une paupière brûlée se rétracte toujours, et seule la greffe cutanée permet de réduire les rétractions. La blépharorraphie est indiquée dès que la brûlure est au moins du second degré superficiel [16, 24], ou dès que l’atteinte des paupières est globale [9]. Elle doit être réalisée le plus précocement possible, et impérativement dans les 3 ou 4 premiers jours. La paupière est immobilisée en position de fermeture, c’est-à-dire en position de capacité cutanée maximale. Il est préférable de réaliser une blépharorraphie subtotale [16], en ménageant un petit orifice interne pour permettre les soins oculaires et une vision élémentaire, surtout si les deux globes oculaires doivent être protégés. Pour être efficace, elle doit être solide, à l’aide de fils de fixation appuyés à la fois sur la peau et surtout le tarse [14].
¶ Oreilles L’atteinte d’un seul ou des deux pavillons auriculaires est particulièrement fréquente lorsque la face est brûlée. Leur position latérocéphalique sans protection vestimentaire habituelle, la minceur des téguments à ce niveau, la cohésion de la peau avec les reliefs du fibrocartilage sous-jacent qu’elle moule véritablement, expliquent que les brûlures soient le plus souvent profondes avec une atteinte du cartilage. Cette dernière peut être la conséquence directe de l’agression thermique, ou bien secondaire à la surinfection bactérienne, ou enfin, plus rarement, la conséquence d’un pansement trop compressif ayant provoqué une stase veineuse et fragilisant ainsi la surface cutanée. La première conséquence d’une brûlure du pavillon auriculaire est la survenue d’une chondrite, qui doit être prévenue et redoutée dès la deuxième semaine pour toutes les lésions au-delà du deuxième degré. Elle associe des lésions de périchondrite hypertrophique et des nécroses cartilagineuses qui provoquent des déformations du cartilage et de ses reliefs. L’infection peut rester localisée, ou bien diffuser à l’ensemble de l’oreille externe qui est réduite à un moignon. Une chondrite suppurée impose donc un débridement chirurgical en urgence et le parage des tissus nécrosés, sous couvert d’une antibiothérapie adaptée. Ce geste chirurgical doit être à la fois suffisant pour juguler l’infection, et économe pour préserver au maximum les cartilages sains et limiter la réduction de la surface du pavillon auriculaire.
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Les indications des excisions-greffes précoces de l’oreille externe sont rares. Les lésions sont excisées par dermabrasion au bistouri à lame ou aux ciseaux pointus fins. La greffe cutanée d’une épaisseur de 0,4 mm est positionnée en peau pleine et maintenue par des points de sutures, ou des agrafes à cheval sur l’hélix, et plaquée par des bourdonnets gras cousus. Il est également possible, en cas de déshabillage cutané étendu du cartilage auriculaire, de mettre ce dernier en nourrice sous la peau mastoïdienne, pour une reconstruction ultérieure.
¶ Nez L’atteinte des téguments du nez est très variable, sa moitié distale et principalement la pointe représentant la principale zone de vulnérabilité. Dans les cas les plus graves, la carbonisation des téguments et la fonte thermique de l’auvent cartilagineux ne laissent en place que les branches montantes du maxillaire supérieur, surmontées des os propres. Dans tous les cas, l’atteinte de la pyramide nasale est une lésion très défigurante et sa reconstruction très délicate [6]. Elle est impossible à la phase aiguë, et relève du traitement des séquelles après stabilisation des cicatrices. On considère que lorsque 50 % de la partie distale du nez est détruite, elle impose une reconstruction totale de la pointe à distance. Enfin, il faut noter ici la morbidité des attaches de sondes nasotrachéales et gastriques, à l’origine d’encoches narinaires ou de destructions columellaires très inesthétiques.
¶ Joues et front Si un geste chirurgical est nécessaire au niveau du front et des joues, des greffes de peau mince en peau pleine sont réalisées. Elles s’intègrent rapidement sur ces surfaces convexes. On surveille, au niveau du front, l’apparition de rétractions qui attirent les sourcils vers le haut et donnent une expression étonnée au patient.
¶ Lèvres Les brûlures des lèvres, y compris celles du second degré superficiel, provoquent une spectaculaire infiltration œdémateuse et des déformations très importantes de la lèvre rouge, surtout au niveau de la lèvre inférieure. Elles entraînent à ce niveau une éversion ou ectropion labial inférieur, à l’origine d’incontinence salivaire et d’incompétence labiale invalidantes pour le patient conscient, dont elles gênent l’alimentation et la parole. Les brûlures de la lèvre blanche sont souvent étendues à l’ensemble de l’unité esthétique labiale ou mentonnière. Les lésions profondes doivent être greffées en peau mince et pleine, en respectant impérativement les trois sousunités supérieures (hémilèvres latérales et philtrum) et les deux sous-unités inférieures (lèvre inférieure et menton). Les brûlures des muqueuses labiales et buccales sont rares, et le plus souvent superficielles, en raison de leur atmosphère humide. De simples applications de topiques hydratants sont habituellement suffisantes. Enfin, il est impératif de prévenir les rétractions précoces des commissures et la microstomie par la mise en place de conformateurs. RÉÉDUCATION FONCTIONNELLE
Dès que la cicatrisation cutanée est acquise, spontanément ou à l’aide d’une greffe, elle est suivie par une longue période d’évolution au cours de laquelle se produisent d’importantes modifications locales. Cette période dure environ 18 mois chez l’adulte, et beaucoup plus longtemps chez l’enfant. Les modifications cicatricielles sont caractérisées par des phénomènes d’hypertrophie, de rétraction et d’attraction. L’hypertrophie est la conséquence de la fibrogenèse anarchique du tissu conjonctif immature qui a pris la place du derme détruit. La rétraction est secondaire à l’action des myofibroblastes et à l’apparition de la sclérose tissulaire cutanée et sous-cutanée. Son rôle physiologique est de limiter la surface de la perte de substance cruentée. Elle provoque également l’attraction vers la cicatrice des tissus voisins, avec des déformations 7
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anatomiques caractéristiques au niveau de la face, en particulier dans les régions orificielles (paupières, narines et lèvres). Le geste chirurgical indispensable pour les brûlures profondes, même réalisé au mieux, reste aléatoire et inachevé s’il n’est pas correctement pris en charge et suivi par un kinésithérapeute ou un médecin rééducateur dans les suites opératoires. La rééducation fonctionnelle des brûlures de la face obéit à deux principes fondamentaux : elle doit être précoce et continue [4]. Ses objectifs sont également doubles : il s’agit d’obtenir et de préserver une capacité cutanée maximale, tout en exerçant simultanément une pression permanente sur la plus grande surface cicatricielle possible. Le maintien des positions de capacité cutanée maximale est obtenu à l’aide de conformateurs qui préviennent les rétractions. Ils sont surtout utilisés pour les lèvres et les orifices narinaires. Ils doivent être mis en place dès la phase de cicatrisation. Le conformateur buccal maintient l’extension commissurale en prenant comme référence la ligne bipupillaire. Il peut être statique, ou dynamique pour permettre une adaptation régulière au fur et à mesure de l’évolution. Le patient doit être prévenu du caractère pénible et gênant de cet appareil qui entraîne des sialorrhées par incompétence labiale, et quelquefois des érosions muqueuses ou cutanées. Les conformateurs narinaires se portent sous le masque de compression faciale. Ils se présentent comme des petits cônes perforés pour permettre la respiration nasale. Ils sont régulièrement réadaptés jusqu’à l’obtention d’un diamètre narinaire correct. Les moyens de compression sont variés et peuvent être élastiques, semi-rigides ou rigides. Ils permettent de lutter à la fois contre l’hypertrophie, la rétraction et l’attraction cicatricielles. Les techniques les plus anciennes sont représentées par les cagoules souples en tissu élastique et les masques semi-rigides en élastomère de silicone. Ces derniers sont actuellement abandonnés au profit des masques rigides thermoformés réalisés à partir de l’empreinte plâtrée de la face du patient. Ils sont transparents, ce qui permet d’apprécier l’efficacité de la compression par l’apparition du blanchiment cutané. La compression peut être ajustée en modifiant la tension des sangles de maintien, et en interposant des pièces de silicone dans les zones de moindre pression. Ces masques peuvent être globaux pour la totalité du visage, ou partiels pour ne comprimer que l’hémiface supérieure ou inférieure. Ils peuvent être associés à une minerve pour maintenir l’angle cervicomentonnier à 90° et éviter la rétraction du menton sur le sternum, voire l’attraction des tissus voisins de la face, avec éversion de la lèvre inférieure et, dans les cas les plus extrêmes, de la paupière inférieure. Le port du masque doit être le plus précoce possible, et permanent, de jour comme de nuit. L’expérience montre que les patients brûlés de la face apprécient le port de ces orthèses, qu’ils utilisent comme un camouflage pour masquer leur séquelles. La rééducation fonctionnelle des brûlures de la face est affaire de spécialistes. Elle permet d’assouplir et de débrider les greffes par les massages, en particulier le palper-rouler des cicatrices. Elle restaure aussi les mouvements de la mimique faciale. Les séances sont pluriquotidiennes, et doivent être complétées par l’éducation du patient pour qu’il puisse répéter seul les massages et les gestes simples. Le suivi chirurgical doit prévoir des consultations régulières au premier, troisième et sixième mois. L’efficacité de cette prise en charge s’apprécie sur la diminution du prurit, de l’hypertrophie et du caractère inflammatoire des cicatrices, puis sur leur blanchiment qui n’est obtenu qu’à partir de 12 à 18 mois. La prescription d’antihistaminiques est souvent utile, ainsi que les massages et les injections avec des dérivés corticoïdes pour limiter l’hypertrophie. Les meilleurs résultats sont obtenus avec des patients volontaires et coopérants, capables de comprendre et de suivre rigoureusement cette prise en charge pendant 2 ans. Un suivi psychologique en parallèle est indispensable pendant toute cette période. CURES THERMALES
Les cures thermales (crénothérapie) peuvent être prescrites dès que la cicatrisation est acquise. Elles ne concernent que les cicatrices des brûlures profondes [18] . L’efficacité est maximale pendant les 8
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2 premières années après l’accident, à raison de deux cures de 21 jours par an. Plusieurs stations sont spécialisées pour la crénothérapie des brûlés, comme La-Roche-Posay et St-Gervais-les-Bains. Il s’agit principalement de réaliser des douches filiformes en projetant l’eau thermale sous une forte pression de 15 à 18 kg/cm2 à une distance de 30 à 50 cm. En modulant la pression et la distance de projection, on provoque une congestion locale, des micromassages ou une abrasion de l’épiderme. Ces séances sont douloureuses, et donc de durée brève. L’action sur la cicatrice est essentiellement mécanique, mais aussi trophique, vasomotrice, hémostatique et chimique par la pénétration des ions minéraux de l’eau thermale. On observe, dans les semaines qui suivent, un assouplissement cutané, la régression du prurit et l’amélioration des dyschromies.
Place des substituts cutanés Les allogreffes et xénogreffes cutanées peuvent parfois être indiquées comme couverture provisoire ou pansement biologique au niveau de la face. Une nouvelle technique de greffe cutanée associe un derme artificiel (Integray) à l’autogreffe cutanée mince conventionnelle pour obtenir, au final, un résultat esthétique comparable à une greffe de peau totale. Ce derme est un treillis acellulaire obtenu à partir de collagène de veau néonatal, qui va être vascularisé et colonisé en quelques jours par les fibroblastes du sujet receveur. Il doit alors être recouvert par une greffe dermoépidermique mince faiblement expansée au cours d’une seconde procédure chirurgicale. Lorsque la prise de ce derme de synthèse est satisfaisante, les résultats cosmétiques (couleur, texture et relief) sont encourageants. De plus, l’aspect en « filet » de l’épiderme expansé disparaît sur l’Integray. Ce substitut cutané permet donc de réaliser un équivalent de greffe de peau totale dès la phase aiguë de la brûlure, en ne prélevant qu’une greffe de peau mince. Il est cependant très sensible à l’infection, à la qualité du site receveur et à la survenue d’hématomes sous-jacents. Sa survie est donc aléatoire. De plus, il est très coûteux, ce qui réduit ses indications. La culture de kératinocytes autologues est la seule technique qui permette aujourd’hui la cicatrisation des brûlés les plus graves, dont 80 % et plus de la surface corporelle est détruite. Le capital cutané sain restant n’est plus suffisant pour permettre le recouvrement par autogreffe expansée conventionnelle, et la multiplication des kératinocytes par le laboratoire permet de remplacer l’épithélium manquant [19, 22]. Les cultures épidermiques sont utilisables au niveau du visage, bien que très fragiles et difficiles à manier. Elles doivent cependant être proscrites au niveau buccal et oculaire où le risque septique et le risque de rétraction sont majeurs. Il est important de noter que la jonction dermoépidermique reste immature et fragile pendant plusieurs mois, ce qui complique la rééducation fonctionnelle : la pressothérapie, le port du masque et des conformateurs sont souvent retardés.
Principe de la prise en charge des séquelles Bien que le traitement des séquelles des brûlures sorte du cadre strict de cet exposé, il est indispensable de prévoir, dès la phase aiguë de la brûlure, le devenir ultérieur du patient, d’autant plus que ce dernier est rapidement demandeur d’informations sur les possibilités de reconstruction chirurgicale. La chirurgie des séquelles peut être schématisée en trois chapitres : débridement des rétractions cicatricielles (en particulier orificielles), reconstruction des mutilations (nasales ou auriculaires) et resurfaçage de cicatrices inesthétiques. En dehors de l’ectropion palpébral qui exige une greffe cutanée en urgence pour protéger la cornée, la chirurgie réparatrice ne doit être entreprise que quand les
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Séquelles de brûlures palpébrales. Patiente du Dr Foyatier.
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Les brûlures graves du nez amputent les ailes narinaires en laissant apparaître la cloison nasale, rétractent la peau du dorsum et ouvrent l’angle nasocolumellaire. La reconstruction chirurgicale bénéficie de l’amélioration des techniques de lambeaux frontaux pour rhinopoïèse, souvent précédées d’un temps d’expansion cutanée. Cette expansion peut être réalisée sur un front cicatriciel si le plan des muscles frontaux a été respecté. L’armature nasale est restaurée par des greffons osseux ou cartilagineux. Pour les reconstructions partielles, on discute des greffons composites auriculaires et les lambeaux régionaux frontaux ou nasogéniens. Enfin, lorsque les séquelles sont au-delà de toute ressource chirurgicale raisonnable, une épithèse en élastomère de silicone, avec une fixation par implants intraosseux est proposée.
Reconstruction par greffe de peau totale des unités esthétiques palpébrales. Patiente du Dr Foyatier.
OREILLES
Les séquelles les plus fréquentes de la région auriculaire sont l’amputation partielle ou totale du pavillon et la sténose du conduit auditif externe. Les otopoïèses partielles font appel aux lambeaux rétroauriculaires à pédicule supérieur ou inférieur et aux greffons composites ou cartilagineux. En cas d’otopoïèse totale, une épithèse est possible.
cicatrices sont stabilisées, c’est-à-dire à partir du 12e-18e mois au plus tôt. Elle doit être programmée et hiérarchisée : une microstomie ou un carcan cervical sont prioritaires, en raison de leur retentissement fonctionnel et des difficultés d’accès à l’axe trachéolaryngé qu’ils entraînent. Les procédés chirurgicaux sont nombreux. L’expansion cutanée est devenue en quelques années une technique de base [1, 2]. Nous dégageons simplement quelques principes, selon chaque localisation topographique. CUIR CHEVELU
Les zones d’alopécies cicatricielles ou les greffes fréquemment fragiles et instables du crâne sont corrigées par des lambeaux chevelus préexpansés de voisinage. L’expansion du cuir chevelu est indiquée pour des alopécies de plus de 50 cm2 et sont possibles s’il reste au moins un tiers de surface saine du cuir chevelu. Les greffes de cheveux ne donnent pas de bons résultats après brûlure.
JOUES
Les brides sont traitées par des plasties locales. En cas de lésions importantes, une greffe de peau totale ou l’utilisation de lambeaux expansés (Mustardé, cervical) peut remplacer l’ensemble de l’unité esthétique. LÈVRES
Les séquelles des brûlures des lèvres sont l’éversion avec incontinence salivaire et la microstomie. La microstomie est corrigée en priorité. De nombreuses techniques de commissuroplastie ont été décrites [3, 8, 25]. L’éversion est traitée par greffe de peau totale, en débordant latéralement les sillons nasogéniens.. Les anomalies de la ligne cutanéomuqueuse sont justifiables de plasties en « Z » ou en « VY ». En règle générale, les dyschromies cutanées sont toujours présentes et peuvent s’atténuer à l’aide de tatouage. Il faut surveiller à distance l’apparition d’épithéliomas sur cette peau traumatisée.
FRONT
Les cicatrices peu étendues sont corrigées par des lambeaux de voisinage, au besoin préexpansés. Les cicatrices importantes sont remplacées par des greffes de peau totale préexpansées, prélevées de préférence dans les régions sus-claviculaires. Les sourcils sont reconstitués par des greffes orientées de cuir chevelu associées à des tatouages correcteurs. PAUPIÈRES
Les séquelles des paupières comportent des rétractions responsables d’ectropion de gravité très variable. Les troubles de l’occlusion palpébrale peuvent avoir des conséquences graves : conjonctivites, infections des voies lacrymales, kératites, voire ulcérations cornéennes avec risque de cataracte et cécité. Elles constituent donc une priorité chirurgicale. Les brides canthales simples ou du bord libre bénéficient de plasties locales en « Z » ou en « VY ». Les ectropions vrais doivent être corrigés par des greffes cutanées, en respectant les points techniques précédemment décrits (fig 13, 14). Dans les rares cas de destruction transfixiante de paupière par la brûlure, il faut envisager un lambeau de voisinage (médiofrontal, nasogénien à pédicule supérieur ou temporal à pédicule inférieur), doublé par des greffons muqueux ou chondromuqueux (muqueuse jugale, cloison nasale, cartilage auriculaire).
Conclusion La prise en charge chirurgicale en aigu des brûlés de la face est au maximum conservatrice. Cette prise en charge est pluridisciplinaire et de longue haleine. Les cicatrices faciales évoluent pendant 18 mois et plus. Une chirurgie réparatrice des séquelles, en cas de brûlure profonde, est systématique afin d’obtenir des résultats cosmétiques satisfaisants. Ce n’est d’ailleurs qu’en vue de ces améliorations cosmétiques que le patient retrouve sa place dans la société. La prise en charge de la face est une lutte pour une conservation des zones fonctionnelles du visage et le maintien d’une apparence humaine. Même si le résultat des interventions de reconstruction du brûlé donne des résultats insuffisants, le chirurgien doit faire en sorte qu’il demeure pour son patient encore et toujours des possibilités d’amélioration. Le patient peut recourir à des retouches quand il le veut. Le brûlé accepte alors plus facilement son état en le considérant comme transitoire et non comme définitif. La décision d’arrêt des soins ne doit venir que du malade lui-même. Toutefois, l’amélioration de la prise en charge immédiate des brûlés et le progrès des procédés de reconstruction doivent redonner espoir aux brûlés de la face. 9
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Brûlures de la face au stade aigu
Stomatologie
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-068-A-05
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Examen d’un traumatisé facial P Duhamel O Giraud F Denhez D Cantaloube
Résumé. – Le traumatisme facial se définit comme l’ensemble des lésions de nature traumatique touchant la partie antérieure de l’extrémité céphalique, limitée en haut par un plan passant par la base du crâne et en bas par une ligne horizontale passant par l’os hyoïde. Ces lésions regroupent les solutions de continuité du squelette osseux de la face, mais également les atteintes des parties molles de recouvrement, voire des espaces profonds de la face, des éléments vasculonerveux et glandulaires. L’examen clinique d’un patient victime d’un traumatisme facial isolé, ou associé à d’autres lésions dans le cadre d’un polytraumatisme, constitue la première étape de la prise en charge diagnostique et thérapeutique, quels qu’en soient le mécanisme et la violence. L’approche diagnostique, grandement favorisée par les progrès de l’imagerie moderne et notamment par l’apport de la tomodensitométrie bi- et tridimensionnelle, doit continuer à reposer sur un examen clinique complet. De cet examen clinique et des gestes salvateurs en découlant peuvent dépendre, parfois le pronostic vital à court terme, toujours les choix thérapeutiques et l’évolution ainsi que le pronostic fonctionnel et esthétique à moyen et long termes. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : traumatisme face, examen physique, prise en charge, plaies et traumatismes, brûlure, fracture, radiologie, tomodensitométrie.
Introduction
Bilan des fonctions vitales, gestes salvateurs et d’urgence [6, 12, 18, 23, 25]
Le traumatisme facial se définit comme l’ensemble des lésions de nature traumatique touchant la partie antérieure de l’extrémité céphalique, limitée en haut par un plan passant par la base du crâne (ligne passant par la suture nasofrontale, le rebord orbitaire supérieur, la suture frontomalaire et l’arcade zygomatique), et en bas par une ligne horizontale passant par l’os hyoïde (fig 1). Ces lésions regroupent à la fois les atteintes des plans de couverture cutanéomuqueux et musculoaponévrotiques, des éléments vasculonerveux, glandulaires, mais également les solutions de continuité du squelette osseux de la face. En pratique, les limites anatomiques imposées par l’usage (couvre-chef et cravate) ne sont plus de mises, car le traumatisme facial concerne non seulement la face, mais également les confins craniofaciaux et cervicofaciaux. L’examen clinique d’un traumatisme facial isolé ou associé dans le cadre d’un polytraumatisme constitue la première étape de la prise en charge diagnostique et thérapeutique, quels qu’en soient le mécanisme et la violence. De cet examen clinique et des gestes salvateurs en découlant peuvent dépendre, parfois le pronostic vital à court terme, toujours les choix thérapeutiques et l’évolution, ainsi que le pronostic fonctionnel et esthétique à moyen et long termes. Les progrès de l’imagerie moderne, et plus particulièrement ceux apportés par la tomodensitométrie, représentent une aide diagnostique indéniable confrontée aux données de l’examen clinique.
Patrick Duhamel : Assistant des Hôpitaux des Armées. Olivier Giraud : Spécialiste des Hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service. Franck Denhez : Chirurgien dentiste des Armées, adjoint au chef de service. Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service. Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France.
L’examen clinique d’un traumatisé facial débute sur les lieux mêmes de l’accident, par une évaluation rapide des fonctions vitales : pouls, pression artérielle, fréquence respiratoire et état de conscience, à la recherche d’urgences aiguës asphyxiques et/ou hémorragiques, susceptibles d’engager le pronostic vital à très court terme. Il permet également d’effectuer un rapide bilan des différentes lésions, et, dans le cadre d’un polytraumatisme, de hiérarchiser les étapes de la prise en charge thérapeutique du blessé. D’un point de vue étiopathogénique, les mécanismes lésionnels impliqués sont variés. Les troubles asphyxiques peuvent être liés à : – des causes locorégionales telles que les obstacles sur les voies aériennes supérieures ou en amont. Il peut s’agir : – de corps étrangers de nature variable (sang mêlé de salive, caillots ou vomissements, fragments dentaires, appareils dentaires, débris projectilaires ou vestimentaires), qui peuvent siéger dans le rhino- ou l’oropharynx, voire plus en aval ; – d’un hématome de la langue, du plancher buccal, du palais mou, voire d’une dislocation de la pyramide nasale ou de lésions complexes pharyngo-laryngo-trachéales ; – d’une chute de la langue en arrière dans les fractures parasymphysaires bilatérales de la mandibule, par rupture des attaches antérieures (éventualité extrêmement rare sauf en cas de traumatisme balistique) ; – d’un œdème des voies aériennes supérieures chez les brûlés de la face, souvent associé à une inhalation de suies et de vapeurs toxiques qui altèrent les échanges gazeux respiratoires et l’hématose (sueurs, dyspnée, cyanose) ;
Toute référence à cet article doit porter la mention : Duhamel P, Giraud O, Denhez F et Cantaloube D. Examen d’un traumatisé facial. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-068-A-05, 2002, 24 p.
Examen d’un traumatisé facial
22-068-A-05
Tiers vertical médian
Tiers latéral gauche
1
Divisions de la face (d’après J Pons).
Étage inférieur
Étage moyen
Étage supérieur
Tiers latéral droit
Stomatologie
– des causes centrales par altération des fonctions neurologiques végétatives : troubles de la déglutition accompagnant des troubles de conscience, perte du réflexe de toux, atteinte des centres respiratoires du tronc cérébral… ; – des causes périphériques : hémopneumothorax suffocant par exemple. En ce qui concerne les troubles hémorragiques, les traumatismes faciaux isolés en sont peu générateurs, sauf les plaies du scalp et les gros traumatismes balistiques par armes à feu, qui peuvent être à l’origine de déperditions sanguines parfois importantes par hémorragie extériorisée ou non, au niveau d’une plaie ou d’un des orifices naturels. Les hémorragies peuvent être aussi internes ou mixtes sous la forme d’hématomes. Sans délai, des mesures d’urgence doivent être entreprises sur le terrain. Elles ont pour but d’assurer en priorité et de concert, la liberté des voies aériennes supérieures et l’hémostase. La liberté des voies aériennes supérieures, air way des Anglo-Saxons, est assurée par : – l’installation du blessé, idéalement en position demi-assise devant un traumatisme facial isolé et en l’absence de lésions du rachis cervical ; ou, en cas de doute, et alors en toute sécurité : en décubitus latéral (position latérale de sécurité) ; – la désobstruction de la cavité buccale au doigt, par aspiration et en faisant tousser le patient ; – une canule de Mayo ou de Guedel, qui permet d’éviter la chute de la langue en arrière ; – l’intubation par voie orotrachéale, réalisée après légère sédation et sous anesthésie locale. L’intubation nasotrachéale ne sera effectuée qu’après un bilan radiologique, afin d’éliminer une lésion de l’étage antérieur avec effraction de l’ethmoïde, compte tenu des risques septiques par brèche ostéoméningée, et d’aggravation lésionnelle ; – la trachéotomie, qui permet de court-circuiter l’oropharynx. Elle peut être réalisée par voie sus- ou transisthmique, avec une incision cutanée médiane verticale ou horizontale. Ses indications sont : les corps étrangers enclavés ou un œdème important, l’intubation impossible, les gros fracas de la face, et les lésions complexes pharyngo-laryngo-trachéales nécessitant une ventilation au long cours, enfin la pathologie de masse avec surveillance difficile de nombreux blessés ; – la coniotomie, réservée aux extrêmes urgences, compte tenu de sa rapidité de mise en place mais aussi des séquelles possibles (sténose 2
2
Traction sur la langue à l’aide d’une broche de Kirschner transfixiante (d’après J Pons).
trachéale). Elle consiste à effectuer une ponction intercricothyroïdienne à l’aide de Kits type « Quick trackt » ou « minitrack », et doit être rapidement relayée par une trachéotomie. Dans des circonstances exceptionnelles : – une traction sur la langue à l’aide d’une compresse ou d’une broche de Kirschner fine transfixiant la joue en avant du masséter, puis la langue et la joue opposée à la façon d’un « fakir », peut également être utilisée, notamment dans le cadre des fractures parasymphysaires bilatérales de mandibule. Il s’agit là d’un procédé astucieux et rapide, bien toléré, permettant de fixer temporairement la langue dans une position anatomique autorisant la déglutition (fig 2) [25] ; – en dernier recours, la manœuvre de Heimlich peut être utilisée, face à un corps étranger enclavé dans les voies aériennes supérieures. Cette manœuvre consiste à appliquer une brusque pression au creux épigastrique du patient, à direction antéropostérieure et vers le haut, afin d’obtenir l’expulsion du corps étranger enclavé par hyperpression dans les voies aériennes. L’hémostase peut être obtenue par plusieurs procédés : – une compression digitale ou instrumentale par pince hémostatique, relayée par la mise en place d’un pansement ou bourdonnet compressif, dans l’attente d’une ligature artérielle ou veineuse élective ; – les hémorragies extériorisées par les fosses nasales sous la forme d’épistaxis, relèvent d’abord d’un tamponnement nasal antérieur par mèches grasses ou hémostatiques, parfois associé à un tamponnement postérieur avec compresses packing. Une sonde urinaire à ballonnet gonflable peut être utilisée dans un contexte d’urgence (fig 3) ;
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Stomatologie
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* A 3
* C
Tamponnement nasal (d’après J Pons). A. Tamponnement nasal antérieur. B. Tamponnement nasal postérieur C. Tamponnement nasal mixte.
* B 4
Tamponnement buccal et jugal par bourdonnets compressifs en coupe frontale.
– les hémorragies du plancher buccal ou de la joue peuvent faire l’objet de points en U larges transfixiants, appliqués sur des bourdonnets (fig 4). En milieu spécialisé et dans un contexte d’urgence, l’hémostase peut être obtenue dans le cadre de la radiologie interventionnelle par embolisation sélective au décours d’une artériographie (fig 5). Il est exceptionnel d’avoir à réaliser l’hémostase au bloc opératoire par ligature d’une des deux carotides externes, entre l’artère thyroïdienne supérieure en amont et l’artère linguale en aval, en regard du classique triangle de « Farabeuf » ; celle-ci ne se justifiant qu’après échec de toutes les mesures précédemment mises en place (fig 6). Lorsque l’hémostase et la liberté des voies aériennes supérieures ont été assurées, les mesures de réanimation sont complétées par : – la mise en place d’une ou deux voies veineuses périphériques de bon calibre, voire une voie veineuse centrale type voie fémorale, permettant un remplissage vasculaire par solutés macromoléculaires de type Plasmiont avec compensation volume par volume, dans l’attente d’une transfusion isogroupe isorhésus, si elle est nécessaire. Parallèlement, des prélèvements sanguins sont effectués, en prévision d’une intervention chirurgicale en urgence avec : numération-formule sanguine, hémoglobine, hématocrite, groupage sanguin, bilan de coagulation, rhésus, recherche d’anticorps irréguliers ; – la mise en condition d’évacuation du blessé, qui achève la prise en charge initiale sur le terrain comprend : – une immobilisation par attelles et matelas coquille, avec maintien de l’axe craniorachidien en rectitude ;
5
Artériographie pour épistaxis incoercible après traumatisme facial type Le Fort III.
1 3
6 Site électif de ligature de l’artère carotide externe. 1. 2 carotide externe ; 2. carotide interne ; 3. artère linguale ; 4. site électif de ligature de l’artère carotide externe ; 5. carotide primitive.
4
5
– une lutte contre l’infection par antibiothérapie à visée antianaérobies. Celle-ci sera instaurée devant une plaie souillée 3
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profonde, et en cas de délai d’évacuation vers l’échelon hospitalier supérieur à 6-8 heures. Elle sera systématiquement associée à la prophylaxie antitétanique ;
Stomatologie
Bilan lésionnel complet
– enfin, une protection thermique, une lutte contre la douleur associées à une oxygénothérapie, et éventuellement une neurosédation dans les traumatismes craniofaciaux, complètent cette prise en charge initiale.
Interrogatoire L’interrogatoire du patient, parfois difficile voire impossible selon son état, doit être complété par les informations fournies par l’entourage, la famille du blessé, les témoins et les premiers intervenants de la chaîne des secours, notamment les données recueillies par les services d’urgence sur les fiches de transport et d’évacuation (Service médical d’urgence régional [SMUR] ou sapeurs-pompiers). – Il est important de connaître l’âge et le sexe du patient, l’horaire de survenue, le lieu et les circonstances de l’accident : accidents de la voie publique (voitures, camions ou deux-roues), accidents du travail, accidents de sport, accidents domestiques, rixes, chutes, traumatismes balistiques avec projectiles et agents vulnérants divers et variés, plaies par armes blanches, brûlures, morsures. – Le mécanisme direct ou indirect, le point d’impact et la violence du traumatisme doivent également être connus.
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Bilan lésionnel complet d’un traumatisé maxillofacial.
L’examen, méthodique, est successivement local, régional puis général. EXAMEN LOCAL : MAXILLOFACIAL ET STOMATOLOGIQUE
L’examen local vise à rechercher les déformations caractéristiques visibles au stade initial, mais rapidement masquées par l’œdème, parfois impressionnant, dans les heures qui suivent le traumatisme. L’examen clinique bien conduit doit être le plus précoce possible, réalisé de façon bilatérale et symétrique.
– L’heure du dernier repas et le délai écoulé sont utiles en cas d’indication opératoire urgente, pour adapter l’anesthésie (estomac vide ou plein), ou en cas d’associations lésionnelles.
¶ Examen exobuccal
– La notion de perte de connaissance initiale, complète ou non, et sa durée est importante, ainsi que le délai de la reprise de conscience immédiat ou secondaire, c’est-à-dire la notion d’intervalle libre faisant craindre un hématome intracrânien.
Elle se fait de face, de profil, en vue plongeante (l’examinateur se plaçant en arrière) et à jour frisant, étage par étage : tiers supérieur, tiers moyen, tiers inférieur dans un plan horizontal, tiers médian et tiers latéraux dans un plan vertical ; au repos et lors de la mimique. Elle permet de préciser :
– Les signes fonctionnels sont évalués avec : – la douleur qui a une valeur d’orientation : siège, intensité, irradiation, facteurs aggravants ou non, évolution dans le temps ; – l’impotence fonctionnelle : vision, olfaction, audition, phonation, mastication et/ou déglutition ; – la gêne à l’ouverture ou à la fermeture buccale ; – le déficit sensitif ou moteur. – Enfin, toute notion aidant à connaître l’état antérieur et pouvant être utile à la prise en charge diagnostique et thérapeutique sera précisée, à savoir : les antécédents médicochirurgicaux, notamment les antécédents traumatiques ou les dysmorphoses éventuelles, l’articulé dentaire préexistant, l’état buccodentaire, le port de prothèses dentaires fixes ou non, la notion de chirurgie orthognatique et les tares associées éventuelles (diabète…). – Les traitements en cours, en particulier la prise d’anticoagulants, les allergies éventuelles, et le statut vaccinal antitétanique, doivent être connus.
Examen clinique
[6, 17, 18, 23, 26]
Quels que soient l’aspect d’un traumatisé maxillofacial, spectaculaire ou non, et sa provenance (patient adressé par le Service d’aide médicale urgente [SAMU] ou venu de lui-même), l’examen clinique doit toujours être complet et stéréotypé, réalisé appareil par appareil, à la recherche de lésions associées cranioencéphaliques, rachidiennes, viscérales (thoracique, abdominale ou pelvienne) ou squelettiques (fig 7). Ainsi, l’examen clinique du traumatisé facial préalablement mis en confiance, est pratiqué au mieux dans une pièce chauffée sur un patient stabilisé par les premières mesures de réanimation d’urgence, vérifiées et complétées en fonction des constantes vitales. 4
Inspection
– l’état des téguments. On note les contusions, les ecchymoses ou hématomes en précisant leur siège, les plaies, de la simple plaie punctiforme au scalp plus ou moins étendu, ou les morsures avec leurs caractéristiques ; – les déformations du massif facial et le point d’impact souvent rapidement masqués par l’œdème, à type d’asymétrie, de déviation de l’axe médian, d’enfoncement, ou bien au contraire de saillie d’un fragment osseux sous la peau, orientant vers une fracture sous-jacente ; – les écoulements de sang ou de liquide céphalorachidien (LCR) par les orifices naturels ou par une plaie : – otorragie, épistaxis, saignements extériorisés par la bouche ou par une plaie. Les plaies du cuir chevelu doivent à ce titre faire l’objet d’une attention particulière, compte tenu de leur caractère particulièrement hémorragique. Elles imposent une hémostase soigneuse, notamment avant l’évacuation du traumatisé maxillofacial vers l’échelon hospitalier parfois éloigné ; – écoulement de salive par la bouche en cas d’incompétence salivaire labiomentonnière par plaie ou par attitude antalgique bouche entrouverte ; – otorrhée, rhinorrhée et/ou écoulement de liquide incolore par une plaie frontale sus-orbitaire : témoins d’une brèche cérébroméningée. Concernant les plaies, on note le siège, la taille et la direction. En effet, certaines localisations ont valeur d’orientation : le nerf facial et ses branches de division pour les régions géniennes et parotidiennes, à savoir les branches temporofaciale et cervicofaciale et leurs rameaux ; le canal de Sténon pour les plaies jugales, et les voies lacrymales pour les plaies du tiers interne des paupières et de la région canthale interne (fig 8). Il faut rappeler que toute plaie de la
Stomatologie
Examen d’un traumatisé facial
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* A 9
Traumatisme du tiers médian de la face après accident sur la voie publique avec fractures centrofaciales et plaie profonde des plans de couverture (prise en charge des troubles asphyxiques par intubation orotrachéale) (A, B).
8
Anatomie de la face en vue latérale. 1. muscle auriculaire postérieur ; 2. muscle auriculaire supérieur ; 3. muscle auriculaire antérieur ; 4. nerf facial ; 5. branche temporofaciale ; 5-1. rameau temporal ; 5-2. rameaux frontaux ; 5-3. rameau zygomatique ; 5-4. rameau buccal supérieur ; 6. branche cervicofaciale ; 6-1. rameau buccal inférieur ; 6-2. rameau mentonnier ; 6-3. rameau cervical ; 7. glande parotide ; 7-1. conduit parotidien (canal de Sténon) ; 8. veine faciale ; 9. artère faciale ; 10. muscle sterno-cléidomastoïdien ; 11. muscle platysma (en partie détaché de son insertion sur la mandibule) ; 12. muscle masséter ; 13. muscle buccinateur ; 14. muscle risorius ; 15. muscle abaisseur de l’angle de la bouche ; 16. muscle abaisseur de la lèvre inférieure ; 17. muscle mentonnier ; 18. muscle orbiculaire de la bouche ; 19. muscle grand zygomatique ; 20. muscle petit zygomatique ; 21. muscle élévateur de la lèvre supérieure ; 22. muscle élévateur de la lèvre supérieure et de l’aile du nez ; 23. muscle nasal (partie transverse) ; 24. muscle nasal (partie alaire) ; 25. muscle orbiculaire de l’œil (portions orbitaire et palpébrale) ; 26. muscle frontal.
* B
joue coupant la ligne tragus-aile du nez impose une exploration et une réparation chirurgicale immédiate, compte tenu des risques encourus pour le nerf facial, tout comme pour le canal salivaire source d’infection, de fistules et d’orostomes. Un examen attentif des bords libres et des lignes de jonction cutanéomuqueuses s’impose, afin de déceler tout décalage disgracieux au niveau des sourcils, des paupières, des orifices narinaires, des lèvres et des oreilles ; mais également afin de préserver la fonction : rôle de protection cornéenne pour les paupières supérieures, perméabilité nasale et rôle essentiel des lèvres dans la continence salivaire, qui doivent être préservés. La fonction des muscles orbiculaire de l’œil et orbiculaire de la bouche est ainsi systématiquement testée lors de l’examen, afin de pouvoir identifier toute rupture partielle ou complète. Les autres caractéristiques des plaies doivent être mentionnées : – leur nombre, uniques ou multiples en cas de polycriblage ; – la profondeur : superficielle à type de dermabrasion ou de scalp, ou profonde pouvant réaliser de vastes délabrements avec des os exposés, en particulier dans les traumatismes par armes à feu ou lors des chutes d’un lieu élevé (fig 9, 10, 11) ; – l’existence ou non d’une perte de substance cutanée, muqueuse, ou musculaire avec des berges régulières ou contuses, voire déchiquetées, en cas d’arrachements traumatiques partiels ou complets ; – le degré de souillure : toute plaie est par définition contaminée par les projectiles, débris telluriques, vestimentaires, goudron et corps étrangers. Ceux-ci peuvent être à l’origine de complications précoces septiques ou tardives par tatouage. Par ailleurs, la contamination peut également provenir directement de la cavité buccale, lorsqu’elle communique avec la plaie.
10 Traumatisme du tiers latéral de la face avec plaie profonde par arme blanche (coupe-coupe) et fracture associée de la mastoïde et de la branche montante de la mandibule.
Un examen clinique attentif est le préalable fondamental au parage certes économe mais complet, avec brossage et excision de tous les corps étrangers inclus, sous peine d’interventions réparatrices secondaires itératives et de séquelles esthétiques [20]. Concernant les brûlures de la face d’origine thermique, électrique, chimique ou par irradiations, on précise les facteurs de gravité : âge, localisation, surface et profondeur. Elles mettent en jeu d’une part, le pronostic vital à court terme par l’œdème des voies aérodigestives supérieures, souvent associé à une inhalation de produits toxiques altérant la physiologie de l’arbre bronchopulmonaire ; et d’autre 5
Examen d’un traumatisé facial
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11
Plaie nasojugale droite post-traumatique à type de lambeau musculocutané.
Stomatologie
V1 1
V2
* B
V3 2
* A
part, le pronostic fonctionnel et esthétique à moyen et long termes par leurs lourdes séquelles. Elles peuvent en effet être responsables : – pour les globes oculaires : d’ectropion ou d’inocclusion palpébrale, source de complications ulcératives cornéennes et infectieuses imposant la réparation de la paupière supérieure, ainsi que la protection et la surveillance du globe oculaire ; – d’une microstomie par rétraction commissurale ; – d’une sténose du conduit auditif externe ; – d’une rétraction des orifices narinaires, imposant l’utilisation de conformateurs [3, 25]. L’étude de la motricité faciale, avec contrôle de l’intégrité de la VII e paire crânienne complète l’inspection par l’examen de la mimique. On demande au patient de :
* C
* D Zones d’hypoesthésie ou d’anesthésie dans les territoires cutanés des branches de division du nerf trijumeau (V). (Inspiré de JM Descrozailles). A. Schéma général. 1. rameaux dorsaux des nerfs spinaux cervicaux ; 2. branches du plexus cervical. B. Région labiomentonnière innervée par le nerf alvéolaire inférieur (V3). C. Territoire sous-orbitaire et hémilèvre supérieure innervés par le nerf infraorbitaire (V2). D. Région suprasourcillière innervée par le nerf supraorbitaire (V1).
12
Elle permet de rechercher : – la présence des reliefs osseux normaux, masqués par l’œdème dépressible ;
– fermer les yeux : muscle orbiculaire des paupières ;
– un point douloureux électif, un décalage, un enfoncement ou une mobilité anormale, témoins d’une fracture sous-jacente déplacée ou non ;
– souffler : muscle buccinateur ;
– un emphysème sous-cutané ;
– siffler : muscle orbiculaire des lèvres ;
La paralysie faciale périphérique post-traumatique par atteinte du tronc du VII, en cas de plaie jugale ou parotidienne ou de fracture du rocher, entraîne ainsi une disparition de la motricité de toute une hémiface avec :
– des zones d’hypoesthésie ou d’anesthésie dans les territoires cutanés des branches de division du nerf trijumeau (V) (fig 12A) : région labiomentonnière innervée par le nerf alvéolaire inférieur (V3) (fig 12B), territoire sous-orbitaire et hémilèvre supérieure pour le nerf infra-orbitaire (V2) (fig 12C) et région supra-sourcillière pour le nerf supra-orbitaire (V1) (fig 12D). L’examen de la sensibilité et de la motricité faciales, hormis sa valeur diagnostique, présente un intérêt médicolégal certain, notamment en cas d’intervention chirurgicale. La palpation concerne successivement (fig 13) :
– effacement des rides et du sillon nasogénien ;
– le front ;
– inocclusion palpébrale, source d’ulcérations cornéennes et de complications oculaires ;
– le cadre orbitaire ;
– froncer et relever les sourcils : muscles sourcilier et frontal ;
– sourire : muscles petit et grand zygomatiques. On rappelle pour mémoire que le muscle releveur de la paupière supérieure est innervé par la IIIe paire crânienne, et les muscles masticateurs par le nerf trijumeau ou Ve paire crânienne.
– signe de Charles Bell : à la fermeture des paupières, l’œil ascensionne en haut et en dehors du côté paralysé ; – la bouche est attirée du côté sain, avec contraction du muscle platysma lors de l’ouverture contrariée de la cavité buccale réalisant le signe du peaucier du cou. Palpation Elle doit être douce, bilatérale et symétrique avec les deux mains réchauffées, protégées éventuellement par des gants en cas de plaie, en utilisant les pulpes du pouce et de l’index. 6
– la pyramide nasale : suture nasofrontale, arête nasale et faces latérales, branches nasomaxillaires ; – le zygoma et l’arcade zygomatique ; – le bord basilaire de la mandibule, angles et branches montantes ; – le conduit auditif externe et les condyles palpés en région prétragienne (fig 13, 14). Des manœuvres dynamiques spécifiques complètent l’examen avec : – recherche d’une mobilité des os propres du nez : le front étant immobilisé par la paume d’une main, l’examinateur tente de déplacer la pyramide nasale dans le sens transversal à l’aide du pouce et de l’index de l’autre main (fig 15) ;
Examen d’un traumatisé facial
Stomatologie
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13
Examen exobuccal. Palpation des reliefs osseux.
* A
14
Examen exobuccal. Palpation bidigitale du condyle lors des mouvements d’ouverture/fermeture buccale.
* B 16
Recherche d’une douleur provoquée à distance d’un point d’appui orientant vers une fracture à ce niveau. A. Fracture de l’angle mandibulaire. B. Fracture de la symphyse mandibulaire.
* A
* B
* C
* D
15
Recherche d’une mobilité des os propres du nez.
17 – recherche d’une douleur provoquée à distance du point d’appui, orientant vers une fracture localisée à ce niveau : fracture de l’angle mandibulaire avec douleur provoquée lors de la pression antéropostérieure sur le menton, fracture de la symphyse mandibulaire avec douleur provoquée lors de la pression transversale sur les angles mandibulaires (fig 16) ; – palpation des condyles en avant du conduit auditif externe lors des mouvements d’ouverture-fermeture de la bouche et de propulsion-diduction, pour vérifier l’absence de douleurs et la persistance de la mobilité condylienne (fig 14).
¶ Examen endobuccal Bouche fermée-lèvres écartées : étude de l’articulé dentaire en occlusion (fig 17). À l’état normal, le rayon de courbure du maxillaire supérieur est plus important que celui du maxillaire inférieur. Les points interincisifs supérieur et inférieur sont alignés dans le plan vertical,
Troubles de l’articulé dentaire (d’après J Pons). A. Articulé dentaire normal. B. Articulé déformé par fracture de la portion dentée des maxillaires. C. Articulé déplacé dans le sens transversal (décalage). D. Articulé déplacé dans le sens antéropostérieur avec rétrusion ou aspect de faux prognathisme, et déplacé dans le sens vertical avec béance ou contact prématuré.
et l’axe de la canine supérieure passe en arrière de celui de la canine inférieure. Les troubles de l’articulé dentaire post-traumatiques, témoins d’une fracture sous-jacente, doivent être analysés dans les trois plans de l’espace. Ils orientent vers un foyer de fracture avec déplacement : transversal avec décalage, vertical avec béance, ou contact prématuré et antéropostérieur avec aspect de faux prognathisme mandibulaire. Bouche ouverte À l’inspection, on note : – l’étude de la cinétique mandibulaire (fig 18) : mobilité spontanée, ouverture-fermeture, propulsion-rétropulsion, diduction droite et 7
Examen d’un traumatisé facial
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* A 18
* B
Cinétique mandibulaire. A. Propulsion/rétropulsion.
19
Formules dentaires (dents définitives/dents déciduales) selon la nomenclature de la Fédération dentaire internationale (FDI) d’octobre 1970.
HAUT 17
16
DROITE
48
47
46
15
14
12
13
55
54
85
84
45
* C
B. ouverture/fermeture. C. diduction droite/gauche.
ODONTOGRAMME
18
Stomatologie
44
53
52 82
83
43
11
42
21
51 61 81 71
41
31
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62
63 73
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27
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GAUCHE
36
37
38
BAS
gauche limitée voire impossible en cas de fracture, en particulier de siège temporomandibulaire ; – l’amplitude de l’ouverture buccale limitée en cas de fracture ou de contusion des muscles masticateurs ; – l’état des muqueuses : la présence d’ecchymoses, d’hématomes, de plaies muqueuses ou de morsures avec saignement muqueux ou non ;
corporel subi et l’indemnisation de la victime. La prise de photographies pré- et postopératoires avec plusieurs incidences et si possible toujours les mêmes : de face, de profil, en vue plongeante, de trois-quarts et bouche ouverte, complète habilement l’examen clinique, et fournit des données de référence utiles pour la prise en charge ultérieure. Il en est de même de la confection de modèles d’étude des arcades dentaires en plâtre ou moulages réalisés chaque fois que nécessaire.
– l’état dentaire : nombre de dents (fig 19), prothèses, appareillages, hygiène buccodentaire, parodontopathie associée. La palpation endobuccale complète l’examen. Elle retrouve une douleur exquise localisée en regard d’un foyer de fracture, ainsi qu’un déplacement avec articulé déformé en cas de fractures alvéolodentaires. La mobilité du foyer de fracture est également notée avec : – recherche d’une disjonction craniofaciale, avec mobilité anormale du maxillaire supérieur dans le sens transversal, vertical et/ou antéropostérieur. Le front restant immobilisé par la paume d’une main, le pouce et l’index de part et d’autre de la racine du nez, l’examinateur recherche une mobilité antéropostérieure, verticale ou transversale des structures osseuses de l’étage moyen de la base du crâne, en maintenant l’arcade dentaire supérieure entre pouce et index (fig 20) ; – recherche d’une fracture de la mandibule, en tenant chaque hémimandibule entre pouce et index, et en leur imposant des mouvements prudents en sens inverse dans le plan vertical (fig 21). L’intégrité, la mobilité, ainsi que la vitalité de chaque dent, doivent être systématiquement recherchées et notées lors du certificat médical initial, notamment pour faciliter la réparation du dommage 8
EXAMEN RÉGIONAL
¶ Examen ophtalmologique
[1, 12, 14]
Un examen de base doit pouvoir être réalisé par tout praticien susceptible de prendre en charge un traumatisé facial. Il doit permettre de suspecter une plaie ou une contusion grave, relevant alors d’une consultation spécialisée voire d’un geste en urgence. En effet, selon les séries, entre 4 et 50 % des traumatisés faciaux présentent des lésions oculaires de gravité variable [12]. L’examen clinique bilatéral et symétrique doit être méthodique, et effectué plan par plan, avec successivement le cadre orbitaire, les paupières et l’appareil lacrymal, l’oculomotricité et le globe oculaire. Cadre orbitaire La palpation douce permet de rechercher des points douloureux électifs et des déformations avec marches d’escalier en regard des foyers de fracture. Ceux-ci siègent le plus souvent au niveau des sutures frontozygomatiques, zygomaticomaxillaires et frontomalaires.
Examen d’un traumatisé facial
Stomatologie
20
23
Recherche d’une mobilité anormale du massif facial dans le sens transversal, vertical et/ou antéropostérieur.
21
Recherche d’une fracture de la mandibule (l’examinateur tient chaque hémimandibule entre le pouce et l’index, en leur imposant des mouvements en sens inverse dans le plan vertical).
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Exploration des neuf positions du regard.
La présence de plaies siégeant au tiers interne des paupières et dans la région canthale interne doit faire évoquer une lésion des voies lacrymales, en particulier des canalicules. Elle impose une exploration et une réparation chirurgicale, sous peine de larmoiements séquellaires par interruption traumatique des voies excrétrices. De même, le canal lacrymonasal dont le trajet est intraosseux, est particulièrement vulnérable en cas de fractures type CNEMFO ou Le Fort II ou III. La présence ou non du pli palpébral et sa hauteur sont notées, de même que la fonction du muscle orbiculaire des paupières est évaluée lors de l’occlusion palpébrale. Globe oculaire L’étude du globe oculaire comporte un bilan anatomique, un bilan fonctionnel, et un bilan clinique.
• Bilan anatomique
a b ( +- 33mm)
22
Mesure de la distance intercanthale (b). À l’état normal, le rapport a/b est supérieur ou égal à 2.
Paupières et appareil lacrymal On note l’orientation, les dimensions, la position et la symétrie des fentes palpébrales à la recherche d’une dystopie canthale, notamment d’un épicanthus par déformation du canthus interne ou d’un ptosis. La distance intercanthale doit être précisée. Un élargissement de la distance intercanthale, en moyenne de 33 mm, ou un rapport distance interpupillaire et distance intercanthale inférieur à 2, évoque fortement un télécanthus posttraumatique (fig 22). Ce télécanthus post-traumatique est souvent associé à un traumatisme sévère, avec notamment les fractures du complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire (CNEMFO). Il donne un aspect de fente palpébrale raccourcie avec pseudoptosis. Les dystopies canthales correspondent à une anomalie de positionnement du canthus interne ou externe, secondaire à une section ou à une désinsertion des tendons palpébraux médial et latéral ou à une fracture déplacée du cadre orbitaire. Le ptosis posttraumatique entraîne une asymétrie palpébrale supérieure par lésion du muscle releveur de la paupière supérieure ou de son aponévrose (rupture, désinsertion, plaie horizontale de la paupière supérieure ou incarcération dans une fracture du toit de l’orbite).
L’examen statique permet de rechercher un déplacement du globe oculaire vertical, latéral ou antéropostérieur, avec exophtalmie, énophtalmie, ou perte de parallélisme des globes oculaires. Ainsi, les fractures avec communication orbitosinusienne peuvent s’accompagner d’un emphysème orbitaire avec augmentation de l’exophtalmie lors du mouchage. L’examen dynamique permet d’étudier la motricité du globe oculaire. La motricité oculaire intrinsèque est mise en évidence par l’étude du réflexe photomoteur direct et consensuel. La motricité oculaire extrinsèque est pour sa part assurée par six muscles oculomoteurs : les muscles obliques supérieur et inférieur, les muscles droits supérieur, inférieur, médial et latéral, innervés par les trois nerfs crâniens oculomoteurs. Les muscles oblique inférieur, droits supérieur, médial et inférieur sont innervés par la IIIe paire crânienne ou nerf moteur oculaire commun. Le muscle oblique supérieur, qui porte le regard en bas et en dehors, est innervé par la IV e paire crânienne : nerf trochléaire ou pathétique. Le muscle droit latéral, qui porte le regard en dehors, est innervé par la VIe paire crânienne : nerf abducens ou moteur oculaire externe. Le nerf facial est pour sa part responsable du clignement, par contraction de l’orbiculaire des paupières. L’étude de la motricité extrinsèque s’effectue œil par œil puis en vision binoculaire, en demandant au patient de suivre le doigt de l’examinateur ou la pointe d’un stylo dans les neuf positions du regard (fig 23). On recherche une limitation de mobilité, le plus souvent verticale dans le regard vers le haut ou vers le bas, ou une déviation des globes oculaires. Les paralysies oculomotrices se traduisent ainsi par une diplopie, le patient ayant la sensation désagréable de voir double un objet fixé unique. Le test de Hess Lancaster (test aux verres rouge et vert) permet de préciser l’œil et les muscles atteints par le déficit, son degré de gravité, et de suivre l’évolution sur un graphique. Le test de duction forcée permet de mettre en évidence une limitation de mobilité du globe oculaire par incarcération musculaire. Il est réalisé sous anesthésie locale ou mieux sous anesthésie générale, à l’aide d’une pince avec griffes, en exerçant une traction sur l’insertion du muscle droit inférieur dans le cul-de-sac conjonctival inférieur. Le test doit être impérativement bilatéral et comparatif 9
Examen d’un traumatisé facial
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A. Test de duction forcée et fracture isolée du plancher de l’orbite type « blow-out » : traction. B. Photo numérique.
Stomatologie
– la pupille, dont on précise le caractère symétrique, et la réactivité ou non lors du réflexe photomoteur direct ou consensuel ; – la clarté des milieux et le tonus oculaire, par un toucher digital doux en l’absence de signes évocateurs de perforation. À l’issue de l’examen, plusieurs tableaux cliniques peuvent être décrits : – la luxation antérieure ou postérieure du globe oculaire réalisant au maximum une véritable énucléation ;
* A
* B pour permettre de conclure (fig 24). L’examen clinique permet également une orientation diagnostique du siège lésionnel. L’atteinte de la IIIe paire crânienne au niveau de la fissure orbitaire supérieure, dit syndrome de la fente sphénoïdale, entraîne ainsi une ophtalmoplégie complète par atteinte des trois nerfs crâniens oculomoteurs, associée à un ptosis et une mydriase avec réflexe photomoteur consensuel aboli.
• Bilan fonctionnel La mesure de l’acuité visuelle est effectuée grossièrement pour chaque œil de près et de loin, en demandant au patient de compter les doigts de l’examinateur. On quantifie ainsi une baisse de l’acuité visuelle, une cécité ou une asymétrie droite-gauche. L’acuité visuelle correspond à la vision centrale discriminative. L’étude du champ visuel temporal, nasal, supérieur et inférieur à la recherche d’un scotome, est réalisée en demandant au patient, l’œil immobile, de fixer un point. L’examen du champ visuel peut également orienter vers une lésion craniocérébrale associée, avec une hémianopsie bitemporale dans les lésions du chiasma optique, et une hémianopsie latérale homonyme dans les lésions rétrochiasmatiques.
• Bilan clinique L’analyse du globe oculaire, rôle du spécialiste, concerne successivement : – la conjonctive, à la recherche d’une hémorragie ou d’un chémosis sous-conjonctival. D’apparition immédiate après le traumatisme, ils orientent vers une contusion, voire une perforation du globe oculaire. D’apparition retardée, 2 à 3 jours après le traumatisme, siégeant au niveau des culs-de-sac conjonctivaux inférieurs, ils orientent vers une fracture de l’étage antérieur de la base du crâne. Le plus souvent, il s’y associe des ecchymoses palpébrales inférieures en « lunettes ». L’examen du globe oculaire peut être facilité par l’utilisation d’un écarteur autostatique de Desmarres (blépharostat) permettant de relever les paupières, au besoin après instillation d’un collyre anesthésique type Novésinet ; – la cornée : clarté, courbure, plaies ; – la chambre antérieure : profondeur, largeur et siège d’un épanchement sanguin ; – l’iris déplacé ou déformé, avec aspect d’iridodialyse par désinsertion de la racine de l’iris, ou mydriase définitive par rupture du sphincter ; 10
– les contusions ouvertes du globe oculaire, du segment antérieur (rupture au niveau du limbe sclérocornéen) ou postérieur (rupture autour de la papille) caractérisées par une perte plus ou moins complète de l’acuité visuelle d’un œil avec un globe oculaire mou rempli de sang ; – les plaies du globe oculaire, plus ou moins évidentes, doivent être suspectées face à un trouble fonctionnel oculaire associé à une hémorragie sous-conjonctivale, une hémorragie de la chambre antérieure, voire une hypotonie du globe. Outre le risque septique qui caractérise ces plaies, la présence de corps étrangers intraoculaires, en particulier métalliques, doit être systématiquement évoquée et documentée par des clichés radiographiques centrés sur les orbites. Ces corps étrangers métalliques sont en effet à l’origine de métalloses (sidérose avec les particules de fer, chalcose avec le cuivre), sources de taies cornéennes et de cataractes responsables de séquelles fonctionnelles, et d’intoxication rétinienne ; – les contusions du nerf optique entraînent une cécité plus ou moins complète avec mydriase aréflexique. Le réflexe photomoteur direct est aboli, mais le réflexe photomoteur consensuel est conservé par intégrité de la troisième paire crânienne, avec un fond d’œil normal. Sur le plan physiopathologique, elles peuvent correspondre à deux grands tableaux : la section physiologique du nerf optique caractérisée par l’absence d’intervalle libre entre traumatisme et perte de l’acuité visuelle, peu accessible à un traitement ; la compression du nerf optique avec notion d’intervalle libre accessible à un geste chirurgical de décompression en urgence par voie transethmoïdo-sphénoïdale (évacuation d’un hématome rétro-orbitaire, d’un emphysème ou d’un corps étranger) ; – le cas particulier des brûlures oculaires par agent physique ou chimique relève du spécialiste. Les plaies et contusions du globe oculaire doivent être systématiquement évoquées, et imposent une prise en charge spécialisée si possible dans les six premières heures pour préserver le pronostic fonctionnel. Le traitement sera, dans la mesure du possible, conservateur en évitant toute énucléation en urgence.
¶ Examen otologique Il comporte un bilan anatomique et fonctionnel. Bilan anatomique
• Examen exocavitaire Il recherche : – un écoulement de sang ou de LCR par le nez ou les oreilles (otorragies témoins d’une fracture du condyle mandibulaire ou d’une fracture du rocher, rhinorrhée associée à une brèche ostéoméningée, voire un othématome post-traumatique). Les fractures du rocher parfois associées dans la traumatologie craniofaciale comportent trois risques évolutifs : surdité, paralysie faciale et fistule de LCR ; – des plaies cutanées ou muqueuses dont on précise les caractéristiques. Les amputations traumatiques partielles ou totales du nez ou du pavillon de l’oreille, dont les fragments doivent être conservés au froid en vue d’une réimplantation microchirurgicale, même si le pronostic doit être réservé et les chances de succès réduites.
• Examen endocavitaire Il repose sur :
Stomatologie
Examen d’un traumatisé facial
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– la rhinoscopie antérieure, réalisée à l’aide d’un spéculum et d’un miroir de Clar après évacuation douce des caillots, croûtes et corps étrangers par mouchage, compresses et utilisation d’un vasoconstricteur d’action locale (Xylocaïnet naphazolinée à 5 %). Elle permet la mise en évidence d’un écoulement : épistaxis, rhinorrhée, d’un hématome septal, d’une déviation de la cloison nasale, voire d’une effraction muqueuse par un fragment osseux en cas de fracture ouverte, avec son risque septique propre ;
– le réflexe oculocéphalique vertical, qui n’est bien entendu recherché qu’après avoir éliminé une lésion du rachis cervical. Il se caractérise par une déviation conjuguée des yeux du côté opposé au mouvement lors des mouvements rapides de flexion-extension de la tête ;
– l’otoscopie, qui recherche un écoulement, et précise l’état du tympan normal ou lésé avec déchirure ou hémotympan, et l’état du conduit auditif externe : plaies, hématomes.
– le réflexe photomoteur ;
Bilan fonctionnel Il complète l’examen, comportant une évaluation de l’olfaction (anosmie dans les fractures de la lame criblée de l’ethmoïde par lésion de la première paire de nerfs crâniens), et de l’audition : audiométrie pour confirmer ou non une hypoacousie ou surdité.
¶ Examen craniorachidien et neurologique
[12]
Il complète l’examen régional. Le traumatisme facial peut en effet être associé à un traumatisme crânien dans 20 % des cas, réalisant ainsi un traumatisme craniofacial. L’examen clinique vise à évaluer l’état de conscience : profondeur d’un coma, et à rechercher des signes de localisation traumatique ou neurologique. L’évolutivité des lésions impose une surveillance attentive, en renouvelant régulièrement l’examen clinique, afin de dépister toute aggravation ou modification neurologique. L’état de conscience est évalué et chiffré selon l’échelle de Glasgow de 1 à 15, établie par Teasdale et Jennet (Glasgow coma scale) : E pour ouverture des yeux (de 1 à 4) 1. jamais 2. à la douleur (provoquée par un stimulus nociceptif au niveau des membres ou du tronc) 3. au bruit (à la parole) 4. spontanée (avec respect des cycles éveil-sommeil) V pour meilleure réponse verbale (de 1 à 5) 1. aucune 2. incompréhensible (gémissements, grognements) 3. inappropriée (mots compréhensibles mais conversation impossible) 4. confuse (conversation possible mais avec signes de confusion et désorientation temporospatiale) 5. normale M pour meilleure réponse motrice (de 1 à 6) 1. aucune 2. décérébration (membres supérieurs en hyperextension et rotation interne, membres inférieurs en hyperextension et flexion plantaire) 3. décortication (membres supérieurs réponse en flexion lente, membres inférieurs en extension) 4. réaction d’évitement (flexion rapide du coude avec évitement mais sans réaction orientée) 5. orientée (le mouvement de flexion tend à faire disparaître la source nociceptive) 6. obéit (à l’ordre oral). Le score de Glasgow est complété au besoin par l’étude des réflexes du tronc cérébral, qui ont une valeur localisatrice pronostique. Ils permettent d’évaluer plus précisément la profondeur d’une souffrance cérébrale : échelle de Liège. Au préalable, on doit s’assurer de l’absence de lésions du rachis cervical et de lésions du globe oculaire. Ce sont des réflexes primaires : – le réflexe fronto-orbiculaire, avec contraction bilatérale des muscles orbiculaires des paupières lors de la percussion de la glabelle ;
– le réflexe oculocéphalique horizontal, avec déviation conjuguée des yeux du côté opposé au mouvement, lors de la rotation de la tête à 45° d’un côté puis de l’autre ; – le réflexe oculocardiaque, avec ralentissement de la fréquence cardiaque lors de la pression des globes oculaires, qui correspond au stade de coma dépassé. Les réflexes du tronc cérébral disparaissent de façon progressive dans l’ordre énoncé lors d’une aggravation des souffrances neurologiques chez un traumatisé crânien. Les signes de localisation traumatiques : plaies du cuir chevelu, otorrhée, rhinorrhée, plaies craniocérébrales ; ou neurologiques : étude des paires crâniennes, réflexe ostéotendineux, motricité, sensibilité des quatre membres complètent l’examen, de même que l’examen du rachis cervical à la recherche d’une fracture associée. Réalisé conjointement avec les mesures de réanimation, l’examen tomodensitométrique cérébral permet de préciser les lésions cranioencéphaliques. L’indication opératoire est posée en urgence en cas : – d’apparition de signes de localisation ou aggravation de signes de localisation préexistants, orientant vers un hématome extradural, ou un hématome sous-dural aigu évolutif ; – de plaies craniocérébrales pénétrantes, compte tenu du risque infectieux (méningite post-traumatique précoce ou tardive). Dans les autres cas, l’indication opératoire peut être différée, avec prise en charge chirurgicale conjointe à plusieurs équipes ou non. L’évolution des traumatismes craniofaciaux, avec fracture de l’étage antérieur de la base du crâne, est dominée par le risque de brèche ostéoméningée (9 à 46 % des cas), elle-même source de rhinorrhée par fistule de LCR dans 40 % des cas. Le risque de brèche ostéoméningée et de rhinorrhée est plus marqué pour les traumatismes craniofaciaux de type III (traumatisme de la voûte crânienne irradié à la base) et de type IV (association des types III et II : traumatisme du tiers médian de la face) selon la classification de Fain et Péri [9, 10, 27]. EXAMEN GÉNÉRAL
L’examen clinique est par ailleurs complété appareil par appareil : thorax, abdomen, pelvis, appareil locomoteur, à la recherche de lésions associées qui peuvent conditionner elles aussi le pronostic vital et la prise en charge ultérieure. L’examen clinique est volontiers pluridisciplinaire, afin de définir le bilan lésionnel et la conduite à tenir, en particulier la chronologie de la prise en charge chirurgicale. Au terme du bilan clinique, plusieurs cas de figures peuvent se présenter : – les polytraumatismes avec instabilité hémodynamique, imposant le maintien des fonctions vitales par des mesures de réanimation d’urgence voire une chirurgie de sauvetage : tamponnade par plaie du cœur ou pneumothorax suffocant par exemple. Le bilan radiologique complémentaire et la prise en charge des lésions maxillofaciales sont effectués dans un deuxième temps après traitement des lésions viscérales ; – les polytraumatismes avec stabilité hémodynamique, autorisant la réalisation d’un bilan complémentaire. La tomodensitométrie sans injection de produit de contraste est alors l’examen de choix. Elle permet, au cours d’une même acquisition, d’effectuer un bilan craniorachidien, maxillofacial, thoracique, abdominal, pelvien et de l’appareil locomoteur, avec éventuellement reconstruction tridimensionnelle ; – les traumatismes craniofaciaux (20 %) neurochirurgicale et ophtalmologique ;
[12]
, où l’urgence est
11
22-068-A-05
Examen d’un traumatisé facial
– les traumatismes faciaux isolés (74 %) [12] : les gros fracas liés à un traumatisme violent à haute énergie cinétique (chute d’un lieu élevé, accident de la voie publique avec décélération brutale voire éjection du véhicule) sont explorés idéalement par le scanner. Les traumatismes simples relèvent pour leur part de la radiologie conventionnelle, éventuellement complétée par un bilan tomodensitométrique. Dans tous les cas, la priorité doit être donnée aux urgences vitales : craniorachidiennes, thoraciques, abdominales, et aux urgences fonctionnelles ophtalmologiques. Dans le cadre d’un polytraumatisme, la prise en charge des atteintes maxillofaciales est dans l’idéal intégrée dans un schéma thérapeutique pluridisciplinaire et hiérarchisé, mais dans tous les cas, après un bilan radiologique de qualité réalisé sur un patient non agité, permettant une analyse précise des fractures et des lésions associées. Toute précipitation ou imperfection est en effet susceptible de compromettre le pronostic fonctionnel ultérieur. Il n’y a pas d’urgence à opérer un traumatisme facial, sauf en cas d’associations lésionnelles viscérales, craniorachidiennes ou ophtalmologiques, ou de mise en jeu du pronostic vital dans un tableau clinique asphyxique ou hémorragique.
Examens radiologiques
Stomatologie
25
26
Incidence du mordu.
Incidence rétroalvéolaire.
[6, 7, 8, 13, 17, 19, 23]
CLICHÉS RADIOGRAPHIQUES STANDARDS
Des clichés radiographiques du rachis cervical de face, de profil, de trois quarts droit et gauche et bouche ouverte seront demandés en cas de signes d’appels cliniques, ou au moindre doute sur l’intégrité vertébrale. L’exploration du rachis cervical doit être systématique en cas de traumatisme crânien et chez les polytraumatisés, afin d’éliminer des lésions associées. Dans les traumatismes faciaux isolés ou localisés, un bilan radiologique de débrouillage est pratiqué en urgence en première intention. Il permet d’étudier le crâne et le massif facial et comporte : – un cliché de profil strict du crâne et de la face, voire une téléradiographie de profil ; – pour le tiers supérieur de la face : une incidence face haute ; – pour le tiers moyen et le tiers inférieur : une incidence de Waters ou de Blondeau. L’incidence de Louisette est pratiquée par certains en fonction des habitudes et des équipes ; – pour le tiers inférieur : une orthopantomographie (radiographie panoramique), une incidence face basse ou des clichés de défilé maxillaire. L’incidence de face du crâne a peu d’intérêt pour la traumatologie faciale, du fait de nombreuses superpositions. Un bilan complémentaire peut être réalisé dans un deuxième temps, en urgence ou à distance, en fonction de l’orientation clinique et des résultats du bilan de débrouillage : – pour le cadre orbitaire : des incidences des cadres orbitaires. La recherche de corps étrangers de la chambre antérieure de l’œil est possible par radiographies de face, de profil et selon la technique de Vogt en utilisant des films dentaires ; – pour l’os malaire : des clichés centrés, et pour les arcades zygomatiques : des incidences de Hirtz latéralisées ; – pour la pyramide nasale : des clichés de face en incidence de Gosserez et Treheux, et une incidence des os propres du nez de profil. Pour l’incidence de Gosserez et Treheux, le patient est installé en position assise ou en décubitus dorsal, la pointe du menton reposant sur la cassette placée parallèlement au plan orbitoméatal. Le rayon directeur est centré sur la ligne médiane en arrière du front au niveau de l’angle externe des yeux. Cette incidence permet également d’explorer l’ensemble du massif facial ; – pour la région alvéolodentaire : les clichés occlusaux intrabuccaux sont peu utilisés en pratique (incidence occlusale dite du « mordu ») 12
(fig 25). De la même manière, les incidences rétroalvéolaires, qui nécessitent l’emploi d’un appareillage de radiographie dentaire, sont d’un apport intéressant pour préciser les lésions alvéolodentaires quand le patient peut ouvrir la bouche (fig 26). Souvent plusieurs clichés sont nécessaires, notamment pour la mise en évidence des fractures radiculaires ; – pour les condyles mandibulaires : on dispose également des incidences antéropostérieure de Worms-Bretton, transorbitaire de Zimmer, ou incidence de Schuller modifiée (condyles et articulations temporomandibulaires de profil). Les incidences verticales de Hirtz sont contre-indiquées en cas de risque de lésions du rachis cervical, et sont actuellement remplacées par la tomodensitométrie.
¶ Technique radiologique Installation du patient, incidence et critères de qualité des clichés, méritent d’être précisés ou rappelés pour le moins pour les clichés de débrouillage. Toutes les infrastructures hospitalières ne disposent pas d’un radiologue physiquement présent 24 heures sur 24. Le spécialiste qui prend en charge un traumatisé facial doit pouvoir orienter et juger par lui-même du bilan radiologique réalisé. Ainsi, certaines incidences sont réalisables uniquement en position assise, voire en hyperextension. Elles sont donc contre-indiquées chez un traumatisé facial inconscient ou dans un contexte de polytraumatisme. Une incidence radiologique se définit par le point de centrage du rayon directeur, et l’angulation de ce rayon par rapport à deux plans de référence perpendiculaires (fig 27) : – le plan orbitoméatal passant par les canthi externes des orbites et l’orifice du conduit auditif externe (plan presque confondu avec le plan nasion-limite supérieure des tragus) ; – le plan sagittal médian ou plan de symétrie de la face et du crâne.
¶ Incidence de profil du crâne et de la face (fig 28, 29) Le patient est installé en position assise ou en décubitus dorsal, le plan sagittal médian parallèle au plan du film, avec un rayon directeur horizontal centré à 3 cm au-dessus des tragus. Les critères de qualité sont la superposition droite et gauche au niveau des parois orbitaires supérieures, des grandes ailes du sphénoïde et des conduits auditifs externes.
Examen d’un traumatisé facial
Stomatologie
22-068-A-05
SM
OM
* C * B 27
* A
Plans de référence en radiologie conventionnelle. A. Plan orbitoméatal (OM) en orange. B. Plan sagittal médian (SM) en vert. C. Profil gauche : plan orbitoméatal (OM). D. Vue supérieure : plan sagittal médian (SM).
* D
SM
RD
OM
* B * A
2 1 3
5 9
10 12 13
14
28
7
6
4
* C
17
21
8
11 18
15 16
19
Incidence de profil du crâne et de la face. A. Plan orbitoméatal (OM). B. Plan sagittal médian (SM). RD : rayon directeur. C. Radiographie de la face de profil. D. Incidence de profil (inspiré de F Heitz). 1. suture coronale ; 2. artère méningée moyenne ; 3. sinus frontal ; 4. apophyse nasale ; 5. toit des orbites ; 6. apophyse clinoïde antérieure ; 7. apophyse clinoïde postérieure ; 8. sinus sphénoïdal ; 9. grandes ailes du sphénoïde ; 10. cellules ethmoïdales ; 11. apophyses ptérygoïdes ; 12. sinus maxillaire ; 13. épine nasale ; 14. os palatin ; 15. arc antérieur de l’atlas ; 16. odontoïde ; 17. suture lambdoïde ; 18. branche montante de la mandibule ; 19. angle de la mandibule ; 20. branche horizontale de la mandibule ; 21. conduit auditif externe.
20
* D Le cliché de profil permet d’étudier à la fois les trois étages de la face et le crâne, en particulier : – un recul du massif facial ; – l’état de la voûte frontale et du sinus frontal ; – les os propres du nez à un moindre degré.
cervical), avec un appui nez-front-plaque parfaitement centré, le plan sagittal médian strictement perpendiculaire au plan du film. Le rayon directeur postéroantérieur est centré sur le nasion, et forme un angle de – 25° avec le plan orbitoméatal. Les critères de qualité sont : – des fentes sphénoïdales passant par les orbites ;
¶ Incidence face haute (ou incidence nez-front-plaque, incidence des cadres orbitaires) (fig 30)
– le bord supérieur des rochers se projetant à la partie inférieure des orbites ;
Le patient est installé en position assise ou en procubitus (donc incidence non réalisable en cas de suspicion de lésions du rachis
– la distance processus orbitaire du malaire-table interne de la voûte crânienne identique des deux côtés. 13
Examen d’un traumatisé facial
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Stomatologie
¶ Incidences de Waters et de Blondeau (fig 31) Le patient est installé en position assise tête défléchie (donc incidence possible uniquement en cas de certitude d’absence de lésion du rachis cervical), avec un appui menton-plaque, le plan sagittal médian strictement perpendiculaire au plan de la cassette. Le rayon directeur horizontal postéroantérieur est centré à la base du nez, formant avec le plan orbitoméatal un angle de – 50°, pour l’incidence de Blondeau, et – 60° pour l’incidence de Waters. L’incidence de Waters est souvent préférée pour le bilan d’un traumatisme facial. Les critères de qualité sont : – l’équidistance malaire-voûte temporale ; – la projection des rochers au-dessous des sinus maxillaires. Les incidences de Waters et de Blondeau permettent d’analyser les étages moyen et inférieur de la face : cadre orbitaire, plancher des sinus frontaux, os malaire, sinus maxillaire, pyramide nasale (auvent et cloison nasale), condyles, processus coronoïdes et rebord basilaire de la mandibule. L’analyse des clichés radiologiques est facilitée par l’utilisation des lignes de lecture décrites par Mac Grégor et Campbell (fig 32).
¶ Incidence face basse (sous-occipitofrontale) (fig 33)
29
Téléradiographie de profil.
L’incidence de face haute permet d’étudier les orbites et le massif facial supérieur : sinus frontaux, cellules ethmoïdales, mais également les sinus maxillaires, les fosses nasales, la mandibule : symphyse et branches montantes.
Le patient est installé en position assise ou en procubitus, bouche ouverte, avec un appui nez-front-plaque, le plan sagittal médian strictement perpendiculaire au plan de la cassette. Le rayon directeur postéroantérieur est centré à quelques centimètres sous la protubérance occipitale externe, formant un angle de + 15° à + 20° avec le plan orbitoméatal. Cette incidence donne une vue globale de la mandibule. Les critères de qualité sont la bonne visibilité de l’ensemble de la mandibule : branches horizontales et branches montantes, condyles et coronés.
RD
-25°
OM
* B * A
1
* C 30 2 3
5 6
4 8 10
12 14
13
9 7 11 17
15 19 16 18
14
* D
Incidence face haute. A. Plan orbitoméatal (OM). B. Plan sagittal médian. RD : rayon directeur. C. Radiographie face haute. D. Incidence face haute (inspiré de F Heitz). 1. voûte crânienne ; 2. sinus frontal ; 3. cadre orbitaire ; 4. apophyse cristagalli ; 5. processus zygomatique de l’os frontal ; 6. processus orbitaire du zygomatique ; 7. ligne innominée de Stenvers ; 8. cellules ethmoïdales ; 9. fissure orbitaire supérieure (fente sphénoïdale) ; 10. plancher de la selle turcique ; 11. bord supérieur du rocher ; 12. rebord orbitaire Inférieur ; 13. cloison des fosses nasales et cornets ; 14. sinus maxillaire ; 15. processus mastoïde ; 16. odontoïde ; 17. arcade zygomatique ; 18. symphyse mentonnière ; 19. branche montante de la mandibule.
Examen d’un traumatisé facial
Stomatologie
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RD
* B -50° M O
* A
* C 31
2 5
3 4 1
8 6
7
Incidence de Blondeau. A. Plan orbitoméatal (OM). B. Plan sagittal médian. RD : rayon directeur. C. Radiographie de Blondeau. D. Incidence de Blondeau (inspiré de F Heitz). 1. Voûte crânienne ; 2. sinus frontal ; 3. suture frontozygomatique ; 4. ligne innominée de Stenvers ; 5. toit de l’orbite ; 6. zygoma ; 7. sinus maxillaire ; 8. fosses nasales ; 9. arcade zygomatique ; 10. bord supérieur des rochers ; 11. processus mastoïde ; 12. mandibule ; 13. odontoïde.
9 10
11 12 13
* D alvéolaires inférieurs et des régions des condyles ; et sur le plan dentaire, une bonne analyse de l’anatomie coronoradiculaire des organes dentaires ;
1
2 6 3 4 5
32
Lignes de repérage radiologiques : lignes de Mac Grégor et Campbell. 1. Ligne supraorbitaire ; 2. ligne infraorbitaire ; 3. ligne passant par le plancher des sinus maxillaires et des fosses nasales ; 4. ligne d’occlusion dentaire ; 5. bord basilaire de la mandibule ; 6. cintre maxillozygomatique.
¶ Orthopantomographie ou radiographie panoramique (fig 34) Le patient est installé en position assise ou debout (donc radiographie non réalisable chez le polytraumatisé et en cas de suspicion de lésions du rachis cervical), avec utilisation d’un appareillage spécifique. Les critères de qualité sont : – pour la mandibule : sur le plan osseux, une bonne visibilité de la symphyse, des branches horizontales et montantes, des canaux
– pour le maxillaire : la visibilité de la partie inférieure des cavités aériques (fosses nasales et sinus maxillaires). Lorsqu’elle est réalisable, cette incidence permet d’étudier sur un même cliché, l’ensemble de la mandibule, des portions dentées et les articulations temporomandibulaires avec cependant des déformations. C’est un excellent cliché de débrouillage. Si la radiographie panoramique n’est pas utilisable, le bilan radiologique pourra être complété par : – les incidences obliques latérales appelées défilés maxillaires (fig 35). Elles sont réalisables sur un patient assis, la branche horizontale de la mandibule parallèle au plan de la cassette. Le rayon directeur ascendant de 15° à 20° est centré sur la région sushyoïdienne et le milieu de la branche horizontale. Ces incidences peuvent également être réalisées sur un patient en décubitus latéral avec un rayon directeur vertical. Elles permettent d’analyser une hémimandibule, de la branche horizontale au condyle ; – l’incidence dite du plus grand contour de Vaillant et Bonneau ; – l’incidence de la symphyse étalée. Les tomographies sont actuellement supplantées par la tomodensitométrie. TOMODENSITOMÉTRIE
[16]
La tomodensitométrie occupe actuellement une place de choix dans le bilan préopératoire des traumatismes dento-maxillo-faciaux et craniofaciaux. Elle peut être réalisée, soit d’emblée face à un choc violent ou chez un polytraumatisé, soit en complément d’un bilan radiographique standard. La stabilité hémodynamique et l’absence 15
Examen d’un traumatisé facial
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Stomatologie
RD OM +15°
* B * A * C
1
33
2 3 4 5 8
6
Incidence face basse. A. Plan orbitoméatal (OM). B. Plan sagittal médian. RD : rayon directeur. C. Radiographie face basse. D. Incidence face basse (inspiré de F Heitz). 1. Rocher ; 2. racine du zygoma ; 3. condyle mandibulaire ; 4. col ; 5. coroné ; 6. branche montante de la mandibule ; 7. ligne oblique externe ; 8. épine de Spix ; 9. canal dentaire ; 10. foramen mentonnier.
7
9
10
34
* D
Orthopantomographie.
d’agitation du patient conditionnent la réalisation pratique de l’examen, qui permet d’effectuer un bilan lésionnel complet : cranioencéphalique, rachidien, thoracique, abdominal, pelvien mais également locomoteur. Le scanner hélicoïdal, ou tomodensitométrie à acquisition spiralée, permet grâce à sa rapidité d’acquisition, d’obtenir des images de bonne qualité, et d’effectuer des reconstructions multiplans bi- et tridimensionnels. Il facilite l’analyse des traits de fracture et des déplacements, notamment dans les fractures complexes comminutives du massif facial et de la base du crâne : fractures disjonctions craniofaciales type Le Fort, fractures complexes de l’articulation temporomandibulaire, fractures de la portion dentée des maxillaires, et étude des lésions du cadre orbitaire et des parois. Le scanner avec reconstruction 3D surfacique présente un intérêt à la fois au stade initial et au stade des séquelles, pour analyser les déplacements osseux notamment dans les formes complexes, mais également dans un but pédagogique (fig 36). Il permet également de rechercher et de localiser des complications : 16
35
Défilé maxillaire droit.
– orbitaires (incarcération musculaire dans un foyer de fracture, hématome intra- ou rétro-orbitaire, lésions de l’apex, présence de corps étrangers intraoculaires, recherche de signes de compression du nerf optique) ; – neurologiques (contusions, hématomes, voire brèche ostéoméningée avec son risque infectieux secondaire en cas de fractures de l’étage antérieur de la base du crâne : paroi postérieure
Examen d’un traumatisé facial
Stomatologie
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Tomodensitométrie. Reconstruction 3D surfacique après acquisition volumique sur le massif facial, de face (A) et de trois quarts (B).
* A des sinus frontaux, lame criblée de l’ethmoïde). Sur le plan technique, l’examen scanographique comporte des coupes axiales et coronales réalisées en fenêtres osseuses et éventuellement parenchymateuses, pour préciser certaines localisations notamment orbitaires. Les coupes coronales sont soit directes, soit obtenues après reconstruction 2D à partir de l’acquisition axiale, en fonction de l’état clinique du patient et de la possibilité ou non de le mobiliser (polytraumatisme, suspicion de lésions du rachis cervical). Les progrès considérables de l’informatique et des capacités de traitement de l’image permettent des reconstructions multiples avec coupes frontales et sagittales, même si leur réalisation directe n’est pas possible. Ils permettent également de s’affranchir d’artefacts tels que ceux engendrés par les prothèses dentaires dans les coupes coronales directes.
* B – contusions – subluxations – luxations – fractures dentaires (fractures coronaires parcellaires avec ou sans atteinte pulpaire, fractures radiculaires, fractures de l’apex) – fractures alvéolodentaires – traumatismes gingivomuqueux Traumatismes de l’étage inférieur de la face : mandibule et articulation temporomandibulaire – fractures de la portion dentée – fractures de la symphyse – fractures de la branche horizontale
IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE (IRM)
Elle complète les données de la tomodensitométrie pour l’étude des parties molles, notamment l’analyse du contenu de l’orbite : globe oculaire, muscles, et la recherche de lésions du nerf optique. Il s’agit d’un examen non invasif et non irradiant, qui facilite également la recherche de lésions vasculaires post-traumatiques : fistule carotidocaverneuse et anévrisme (angio-IRM). AUTRES EXPLORATIONS
Les voies lacrymales peuvent être explorées par dacryocystographie éventuellement couplée à la tomodensitométrie, et le canal parotidien par sialographie après échec des classiques sondages et injections de produits colorés.
– fractures de l’angle – fractures de la portion non dentée – branches montantes – condyles – coroné – luxations dynamiques de l’articulation temporomandibulaire Traumatismes du massif facial (étages moyen et supérieur) : fractures occlusofaciales – fractures disjonctions craniofaciales horizontales de Le Fort – fracture de Le Fort I ou fracture de Guérin – fracture-disjonction craniofaciale haute dite vraie ou Le Fort III
ANGIOGRAPHIE
D’indication rare, elle présente un intérêt à la fois diagnostique pour le bilan de lésions vasculaires (fistule carotidocaverneuse, dissection dans les fractures irradiées au canal carotidien et au sinus caverneux) et thérapeutique. L’artériographie représente en effet une alternative thérapeutique à la ligature chirurgicale de l’artère carotide externe, dans les hémorragies post-traumatiques non contrôlées de l’extrémité céphalique, par les techniques d’embolisation vasculaire sélective (fig 5).
– fracture-disjonction craniofaciale intermédiaire dite fracture pyramidale ou Le Fort II – disjonction intermaxillaire et fractures verticales autres Traumatismes du tiers latéral de la face : fractures latérofaciales – fractures de l’arcade zygomatique et/ou du malaire – fractures du plancher orbitaire Traumatismes du tiers médian de la face : fractures centrofaciales – fractures de la pyramide nasale – dislocations orbitonasales
Formes cliniques des traumatismes et fractures de la face [17, 21, 23, 24]
Une classification topographique des traumatismes et fractures de la face peut être réalisée. Lésions des parties molles Traumatismes alvéolodentaires
– fractures de la paroi orbitaire médiale ou fractures orbitonasales – fractures de la paroi antérieure du sinus frontal – fractures du toit de l’orbite ou fractures orbitocrâniennes LÉSIONS DES PARTIES MOLLES
Les plaies et brûlures de la face ont déjà été évoquées (cf supra). 17
Examen d’un traumatisé facial
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Stomatologie
37
Traumatismes dentaires. 1. Fracture coronaire parcellaire sans atteinte pulpaire ; 2. fracture coronaire parcellaire avec atteinte pulpaire ; 3. fracture radiculaire à trait horizontal ; 4. fracture radiculaire à trait oblique ; 5. fracture de l’apex ; 6. luxation avec égression ; 7. luxation avec ingression ; 8. luxation avec palatoversion.
1 2
3 4 5 6 TRAUMATISMES ALVÉOLODENTAIRES
8
7 [23]
Ils sont de gravité variable.
¶ Contusion Elle se caractérise par une sensibilité transitoire de la dent à la percussion ainsi qu’au froid, avec des clichés radiographiques normaux. L’évolution peut être défavorable, et aboutir à une perte de la vitalité pulpaire.
¶ Subluxation La dent mobile et douloureuse après un choc direct est restée en place dans son alvéole. Les radiographies sont peu ou pas modifiées avec éventuellement un espace desmodontal élargi.
¶ Luxation
38
Formes topographiques des fractures de la mandibule. 1a. Fractures capitales du condyle ; 1b. fractures sous-condyliennes hautes ; 1c. fractures sous-condyliennes basses ; 2. coroné ; 3. branche montante ; 4. angle ; 5. branche horizontale ; 6. région symphysaire et parasymphysaire ; 7. région alvéolodentaire.
Elle s’accompagne d’une avulsion de la dent avec alvéole deshabitée par rupture des moyens d’union. Elle touche surtout le maxillaire et notamment les incisives centrales 11 et 21. Plusieurs types de mouvements sont possible, à savoir : ingression, égression, vestibuloversion, linguo- ou palatoversion (fig 37). La réimplantation d’une dent définitive est possible, mais doit être effectuée sans délai après le traumatisme dans de bonnes conditions techniques. Le pronostic reste cependant bien souvent défavorable à moyen terme.
secondaire et complications infectieuses, peut en effet survenir à tout moment, d’où la nécessité d’émettre systématiquement des réserves lors de la rédaction du certificat médical initial.
¶ Fractures dentaires : fractures coronaires parcellaires avec ou sans atteinte pulpaire, fractures radiculaires, fractures de l’apex (fig 37)
¶ Traumatismes gingivomuqueux
¶ Fractures alvéolodentaires (fig 38) Elles entraînent une mobilité de deux ou plusieurs dents, par fracture associée de l’os alvéolaire de soutien concernant ainsi un bloc alvéolodentaire.
Ils sont à type de plaies ou de contusions avec hématome sous-muqueux.
Fractures coronaires parcellaires sans atteinte pulpaire Ce sont des fractures asymptomatiques ou paucisymptomatiques limitées à l’émail ou à la dentine, de bon pronostic. Fractures coronaires parcellaires avec atteinte pulpaire Elles sont responsables de douleurs importantes du fait de l’ouverture de la chambre pulpaire, et imposent coiffage pulpaire ou pulpectomie et traitement endodontique. Fractures radiculaires Le siège et la direction du trait sont importants à préciser, car ils conditionnent pronostic et traitement. Les fractures à trait oblique ou vertical sont des fractures instables avec mobilité interfragmentaire lors de la mastication, d’où la nécessité de privilégier l’avulsion, à la différence des fractures à trait horizontal où l’avulsion n’est pas systématique selon la portion radiculaire concernée. Fractures de l’apex Elles sont traitées par résection apicale ou abstention thérapeutique et surveillance. Dans tous les cas et quelle que soit l’importance du traumatisme initial, une surveillance régulière de la vitalité dentaire doit être assurée au décours du traumatisme dentaire, compte tenu des risques évolutifs. La mortification pulpaire, avec lyse radiculaire 18
TRAUMATISMES DE L’ÉTAGE INFÉRIEUR DE LA FACE : MANDIBULE ET ARTICULATION TEMPOROMANDIBULAIRE [23]
Les fractures de la mandibule sont très fréquentes. Elles se divisent en fractures de la portion dentée (symphyse mandibulaire, branches horizontales et angles de la mandibule) et fractures de la portion non dentée (branches montantes, condyles, coronés) (fig 38).
¶ Fractures de la portion dentée La portion dentée est caractérisée par l’existence de zones de faiblesse : canines, dents de sagesse et alvéoles qui représentent les sièges électifs de fractures. Sur le plan clinique, celles-ci sont caractérisées par l’existence : – de points douloureux exquis en regard du ou des foyers de fractures ; – de déformations avec perte de l’alignement dentaire et troubles de l’articulé souvent dans les trois plans de l’espace par déplacement (chevauchement, décalage, angulation-rotation), secondairement masquées par l’œdème et les hématomes ; – d’une mobilité anormale interfragmentaire. Elles imposent une réduction parfaite, pour restituer l’articulé dentaire antérieur et éviter des troubles occlusaux séquellaires avec retentissement éventuel sur la fonction temporomandibulaire. Il faudra systématiquement :
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Tomodensitométrie. Fracture de la portion dentée de la mandibule en région symphysaire, en coupe axiale.
* A 40
* B
Fractures de la branche horizontale de la mandibule. A. Trait de fracture défavorable (action musculaire). B. Trait de fracture favorable.
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Tomodensitométrie. Fracture bilatérale de la mandibule déplacée (branches horizontales) en coupe axiale (A) et reconstruction 3D surfacique (B).
– préciser l’état de la denture avec son intérêt médicolégal et thérapeutique (possibilité de mise en place d’un blocage intermaxillaire) ; – rechercher une hypo- ou anesthésie labiomentonnière dentaire inférieure (V3), notamment dans les fractures siégeant entre épine de Spix et trou mentonnier (signe de « Vincent »). Tout déficit sensitif ou moteur doit en effet être mentionné sur le certificat médical initial, et notifié au patient dans la mesure du possible avant tout geste chirurgical (valeur médicolégale).
* A
Fractures de la symphyse (fig 39) Elles sont localisées entre les faces distales des deux canines. Le mécanisme peut être direct ou indirect, après choc latéral sur la branche horizontale ou l’angle mandibulaire, avec un trait de fracture médian ou paramédian, à direction verticale ou oblique. Un hématome pelvibuccal est quasi constant, avec un déplacement surtout marqué dans les fractures parasymphysaires. Le long fragment est attiré vers le bas sous l’action des muscles abaisseurs de la mandibule, et le court fragment déplacé vers le haut sous l’action des muscles élévateurs. Les formes bilatérales entraînent un déplacement en bas et en arrière du fragment symphysaire détaché, avec risque de troubles asphyxiques dans des cas exceptionnels. Elles se caractérisent cliniquement par une douleur en région symphysaire, provoquée par une pression transversale sur les angles mandibulaires ou par une pression antéropostérieure sur la symphyse (fig 16B). Chez l’enfant, il faut toujours penser à la classique association fracture symphysaire-fractures condyliennes, notamment devant une simple plaie du menton.
* B
Fractures de la branche horizontale Les fractures siègent entre la face mésiale de la première prémolaire et la face distale de la deuxième molaire. Elles peuvent survenir après un choc direct ou indirect. La direction du trait de fracture conditionne la mobilité ou non du foyer, et donc le risque de déplacement secondaire et la symptomatologie (fig 40). Les fractures à trait vertical ou oblique en bas et en arrière sont instables. Le fragment postérieur est ascensionné sous l’action des muscles temporal, masséter et ptérygoïdien latéral, alors que l’action des muscles mylohyoïdien et géniohyoïdien tend à abaisser le fragment antérieur, créant ainsi une marche d’escalier. L’action musculaire est ainsi défavorable. Les fractures à trait oblique en bas et en avant sont à l’inverse peu ou pas déplacées, avec absence de décalage dans le plan vertical. La possibilité de fractures monocorticales sans déplacement, paucisymptomatiques, de diagnostic radiologique difficile, impose de savoir répéter les incidences radiologiques : orthopantomographie, défilé maxillaire, mais également clichés occlusaux et incidences rétroalvéolaires, le trait de fracture étant alors plus facilement visible secondairement par déminéralisation osseuse (fig 41).
Fractures de l’angle mandibulaire Elles siègent entre la face mésiale de la troisième molaire ou dent de sagesse, et une ligne horizontale prolongeant le trigone rétromolaire. La douleur localisée en regard du foyer de fracture est réveillée lors de la pression antéropostérieure sur le menton (fig 16A). Ces fractures sont souvent déplacées sous l’action des forces musculaires puissantes (muscles masticateurs). La position de la dent de sagesse par rapport au trait de fracture conditionne la thérapeutique.
¶ Fractures de la portion non dentée Branches montantes Ce sont des fractures peu fréquentes, généralement non déplacées, localisées entre l’angle de la mandibule et l’échancrure sigmoïde, de deux types : verticales ou horizontales plus ou moins obliques. Elles entraînent une limitation douloureuse de l’ouverture buccale, avec un contact molaire prématuré du côté fracturé et une béance controlatérale. 19
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Tomodensitométrie. Fracture du condyle droit en coupe axiale.
Condyles (fig 42) Il s’agit de fractures le plus souvent indirectes après un choc frontal sur la symphyse mandibulaire, ou associées à une fracture de la branche horizontale controlatérale. Elles siègent au-dessus d’une ligne oblique passant par l’échancrure sigmoïde. Sur le plan topographique, on distingue deux types de fractures : les fractures intra-articulaires (fractures condyliennes ou capitales et fractures sous-condyliennes hautes) et les fractures extra-articulaires (fractures sous-condyliennes basses siégeant à la base du col). L’association à une fracture de l’os tympanal doit être recherchée. L’examen clinique peut retrouver : – une ecchymose en regard du menton ; – une douleur prétragienne élective au repos comme lors de la mobilisation, parfois accompagnée d’otorragies, pouvant faire suspecter une lésion du tympanal. L’atteinte du nerf facial avec paralysie faciale périphérique est rarement observée ; – en ce qui concerne la cinétique mandibulaire : – une limitation douloureuse de l’ouverture buccale par trismus réactionnel ; – en bouche fermée, des troubles de l’articulé dentaire, avec un contact molaire prématuré du côté fracturé par ascension de la branche montante, et une béance du côté sain ; – en bouche ouverte, une latérodéviation de la ligne interincisive du côté atteint (on dit que « le menton regarde la lésion »), une limitation douloureuse de l’ouverture buccale avec diminution ou impossibilité de diduction et propulsion, et une absence de mobilité du ou des condyles fracturés lors des mouvements d’ouverture-fermeture buccale. L’examen clinique et radiologique des régions condyliennes doit être tout particulièrement attentif en cas de chute sur le menton, notamment chez l’enfant, compte tenu des risques évolutifs des fractures condyliennes négligées. Elles peuvent en effet être à l’origine : de constrictions permanentes des mâchoires d’origine musculaire et/ou articulaire, évoluant vers l’ankylose avec dysfonctionnement majeur des articulations temporomandibulaires ; et surtout de troubles de croissance de la mandibule par atteinte des cartilages, responsables de dysmorphoses dentomaxillaires. Fractures du coroné Ce sont des fractures peu fréquentes, rarement isolées, avec une symptomatologie clinique pauvre. Elles associent limitation douloureuse de l’ouverture buccale, tuméfaction localisée et parfois hématome sous-muqueux à l’examen endobuccal. Le diagnostic en est essentiellement radiologique.
¶ Luxations dynamiques de l’articulation temporomandibulaire Les luxations vraies sont le plus souvent antérieures uni- ou bilatérales, survenant lors d’une ouverture forcée de la bouche 20
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(classique bâillement) ou après un traumatisme (coup de poing). Les formes médiales ou latérales sont associées à des fractures condyliennes, et les formes supérieures à un enfoncement vertical de la cavité glénoïde (fracture de Lefebvre). Le diagnostic est cliniquement évident pour les formes antérieures, avec une latérodéviation de la mandibule du côté sain (on dit que « le menton regarde du côté sain ») dans les formes unilatérales, une saillie du condyle luxé sous la peau et une vacuité de la glène. Dans les formes bilatérales, on note une béance et une impossibilité de fermer la bouche. La confirmation radiologique est fournie par les clichés standards, en particulier panoramique et incidences de Schüller en bouche ouverte et fermée ; ou bien par la tomodensitométrie en coupes coronales et sagittales. La réduction est obtenue par manœuvre de Nélaton réalisée en urgence ou à distance après sédation ou anesthésie générale, avec traction en bas puis en arrière au niveau des molaires. TRAUMATISMES DU MASSIF FACIAL (ÉTAGES MOYEN ET SUPÉRIEUR) : FRACTURES OCCLUSOFACIALES
¶ Fractures disjonctions craniofaciales horizontales de Le Fort [2, 5, 15, 22, 23] (fig 43) Il s’agit de fractures de direction horizontale séparant la face de la base du crâne, survenant au décours d’un traumatisme violent. Les rapports anatomiques de l’étage moyen de la base du crâne expliquent la fréquence : – des complications hémorragiques, par la richesse des éléments vasculonerveux ; – des lésions orbitaires et périorbitaires associées, et notamment des lésions du nerf infraorbitaire (V2) avec hypo- ou anesthésie dans le territoire correspondant ; – le risque de brèche ostéoméningée, par fracture irradiée à l’étage antérieur. Décrites au début du XXe siècle par un médecin militaire français, Le Fort, sur le cadavre, elles sont de trois types : fracture de Le Fort I ou fracture de Guérin ; fracture disjonction craniofaciale haute dite vraie ou Le Fort III ; fracture disjonction craniofaciale intermédiaire dite fracture pyramidale ou Le Fort II. Fracture de Le Fort I ou fracture de Guérin Le trait de fracture est localisé au-dessus des apex de l’arcade dentaire supérieure. Elle sépare le plateau palatin du maxillaire qui reste solidaire du massif craniofacial, avec luxation ou section du pied de la cloison nasale, et fracture associée à la partie inférieure des apophyses ptérygoïdes, en arrière (fig 43). Fracture disjonction craniofaciale haute dite vraie ou Le Fort III Elle associe quatre traits de fracture qui aboutissent à la séparation du massif facial de la base du crâne. Les traits de fractures concernent ainsi la racine du nez, l’épine nasale du frontal, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde près de la lame criblée, le vomer à sa partie haute, les parois interne, inférieure et externe de l’orbite en passant sous le canal optique, la suture frontozygomatique, le prolongement zygomatique du temporal et les apophyses ptérygoïdes à leur partie supérieure (fig 43). Fracture disjonction craniofaciale intermédiaire dite fracture pyramidale ou Le Fort II Les traits de fracture sont dans ce cas intermédiaires, passant par la partie moyenne de la pyramide nasale jusqu’au bord postérieur du vomer, la branche montante des maxillaires, le plancher et le rebord orbitaire inférieur, la suture maxillozygomatique, et la paroi postéroexterne des sinus maxillaires, jusqu’à l’apophyse ptérygoïde à sa partie moyenne (fig 43). Pour les fractures de types II et III, l’examen clinique peut objectiver de profil, en cas de déplacement : une rétrusion de l’étage moyen de la face avec aplatissement bilatéral des pommettes, rapidement masqué par l’œdème. Il peut s’y associer :
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* C
* A
* B 43
Traits de fracture dans les fractures-disjonctions craniofaciales horizontales de Le Fort : vue de face (A), de profil (B), inférieure (C) et parasagittale médiane (D). En vert : fracture Le Fort I, en rouge : fracture Le Fort II, en bleu : fracture Le Fort III.
* D – d’une hypo- ou anesthésie dans le territoire cutanéomuqueux du nerf infraorbitaire ; – de lésions oculaires : une diplopie par incarcération musculaire dans une fracture du plancher de l’orbite, une énophtalmie ou plus rarement des lésions du nerf optique par fracture irradiée au canal optique ; – d’un syndrome de la fissure orbitaire supérieure. La fracture type Le Fort III avec fracture ou disjonction fronto- et temporozygomatique, est caractérisée par une mobilité de toute la face par rapport au crâne, à la différence du Le Fort II, où l’os zygomatique reste solidaire des maxillaires. Les fractures de Le Fort I ont un aspect clinique beaucoup moins spectaculaire. On note l’existence de points douloureux électifs à la palpation des ptérygoïdes, réalisant le signe de Guérin, mais également à la base du nez et au niveau de l’orifice piriforme. Il existe également des troubles de l’articulé similaires et des ecchymoses vestibulaires supérieures et palatines en « fer à cheval ». La mobilité anormale est ici limitée au plateau palatin.
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Ecchymoses périorbitaires en « lunettes ».
– des ecchymoses périorbitaires en « lunettes » avec hémorragie sous-conjonctivale bilatérale (fig 44) ; – une énophtalmie plus ou moins marquée ; – des écoulements narinaires bilatéraux de sang et/ou de LCR. L’examen clinique exo- et endobuccal retrouve des points douloureux électifs localisés en regard des foyers de fracture, et des troubles de l’articulé dentaire avec contact molaire prématuré bilatéral et béance antérieure. On note également des ecchymoses vestibulaires supérieures et palatines postérieures. L’examen est complété par la recherche : – d’une mobilité anormale de l’étage moyen dans le sens transversal, antéropostérieur ou vertical (fig 20) ;
Le diagnostic radiologique impose un effort mental de reconstruction tridimensionnelle à partir des clichés standards, d’où la nécessité de plusieurs incidences, et surtout l’intérêt de la tomodensitométrie par les coupes coronales et les reconstructions multiplans. En pratique, les formes cliniques sont le plus souvent associées avec des traits de fractures de siège et d’orientation variables.
¶ Disjonction intermaxillaire et fractures verticales autres [5] Les fractures disjonctions craniofaciales verticales sont caractérisées par un trait de fracture sagittal médian ou paramédian, avec plaie palatine antéropostérieure et diastème interincisif médian ou paramédian. Elles peuvent être associées aux précédentes. 21
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Fracture disjonction du malaire.
Tomodensitométrie. Fracture enfoncement du malaire en coupe axiale avec hémosinus bilatéral prédominant à gauche. À noter, l’emphysème sous-cutané bien visible sur le cliché.
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Tomodensitométrie. Fracture orbito-maxillo-zygomatique en coupe axiale, avec fracture de la lame papyracée de l’ethmoïde, de la suture sphénomalaire gauche et pneumorbite associé.
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Tomodensitométrie. Fracture du zygoma droit avec hémosinus maxillaire droit associé en coupe axiale.
Fracture du malaire droit : effacement de la pommette en vue plongeante (flèche). TRAUMATISMES DU TIERS LATÉRAL DE LA FACE : FRACTURES LATÉROFACIALES
¶ Fractures de l’arcade zygomatique et du malaire : fractures orbito-maxillo-zygomatiques [2, 23] Ce sont des fractures fréquentes (20 à 25 % des fractures de l’étage moyen de la face [24]). Elles peuvent survenir après un choc direct ou un choc indirect, par irradiation d’une fracture complexe type fracture transfaciale (Le Fort II ou III). Le tableau clinique est variable : de la simple fracture non déplacée avec douleur et ecchymose localisées, jusqu’au classique tableau de la fracture disjonction du corps du malaire par rupture des trois pieds du « tabouret » (les processus orbitaire externe, maxillaire et zygomatique du malaire) (fig 45). Ce tableau associe de façon plus ou moins complète : – un effacement de la pommette visible à jour frisant mais rapidement masqué par l’œdème (fig 46) ; des points douloureux électifs et des décalages avec « coups de hache », perceptibles au niveau des sutures frontozygomatiques, temporozygomatiques, du rebord orbitaire inférieur et du cintre maxillozygomatique ; – des troubles sensitifs avec hypo- ou anesthésie dans le territoire du nerf infraorbitaire (V2), c’est-à-dire la région naso-jugo-palpébrolabiale et les arcades dentaires supérieures. Exceptionnellement, on peut observer des troubles sensitifs en région temporale. En fonction de l’importance du déplacement, il peut s’y associer : – un trismus à l’origine d’une limitation de l’ouverture buccale. Celui-ci peut être lié à la compression du muscle temporal ou à la contusion du masséter, voire être secondaire à un conflit entre coroné et arcade zygomatique ; 22
– des manifestations oculaires en cas de fracture irradiée au plancher de l’orbite avec : énophtalmie, abaissement du globe oculaire par dystopie canthale externe avec obliquité antimongoloïde de la fente palpébrale, et diplopie par incarcération des expansions musculaires du droit inférieur et du petit oblique. On peut également observer des manifestations sinusiennes avec : épistaxis, hémosinus et parfois emphysème sous-cutané jugal, avec sa crépitation neigeuse caractéristique correspondant à une présence anormale d’air (fig 47, 48, 49, 50).
¶ Fractures du plancher orbitaire Il peut s’agir de fractures isolées ou de fractures irradiées avec un point d’impact à distance. Elles résultent le plus souvent d’une
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Tomodensitométrie. Fracture-enfoncement de la partie latérale gauche du massif facial, avec solution de continuité osseuse des parois antérieures et postérieures du sinus maxillaire gauche et hémosinus associé en coupe axiale (A), et en reconstruction 3D surfacique (B).
* A
* B 51
52
Tomodensitométrie. Fracture du plancher de l’orbite gauche type « blowout » avec hernie graisseuse et esquille osseuse extraorbitaire en reconstruction 2D coronale.
Tomodensitométrie. Fracture plurifragmentaire du plancher de l’orbite droit avec pneumorbite en coupe coronale et hémosinus maxillaire droit associé.
hyperpression sur le plancher orbitaire, soit par choc direct sur le globe oculaire (blow-out pur de Converse et Smith), soit par choc sur le rebord orbitaire inférieur par balle de tennis ou de golf par exemple (blow-out impur). Dans les fractures dites blow-out, le plancher orbitaire reste effondré sous l’onde de choc, à l’inverse des fractures en « trappe » ou trap door fracture, où la partie du plancher de l’orbite fracturée se remet spontanément en place, piégeant ainsi les éléments anatomiques graisseux et/ou musculaires herniés [1, 2, 4, 11] .
53
Tomodensitométrie en reconstruction 3D surfacique : fracture orbitofrontale droite à type d’enfoncement.
Sur le plan clinique, elles se caractérisent classiquement par : – une énophtalmie souvent masquée par l’œdème ; – une hypo- ou anesthésie sous-orbitaire, et surtout des troubles oculomoteurs avec fixité de l’œil et diplopie. Le test de duction volontaire, particulièrement pénible et douloureux, difficile à réaliser, confirme l’atteinte verticale par blocage des muscles droit inférieur ou petit oblique ; – le cadre orbitaire intact dans les formes type blow-out pur. Il s’agit d’une indication chirurgicale absolue, sous peine de lésions oculomotrices définitives. Les radiographies standards sont parfois normales ou retrouvent une image en « goutte d’eau » appendue au plafond du sinus maxillaire, associée à un rebord orbitaire inférieur normal et à un hémosinus. L’exploration tomodensitométrique, par les coupes coronales, permet d’objectiver la hernie musculograisseuse dans le sinus maxillaire sous-jacent (fig 51, 52).
– fractures de la paroi orbitaire médiale ou fractures orbitonasales ; – fractures de la paroi antérieure du sinus frontal ; – de fractures orbitocrâniennes ou fractures du toit de l’orbite (fig 53). Dans les formes complexes, elles réalisent de véritables dislocations (dislocations orbito-naso-ethmoïdo-frontales : DONEF). L’examen clinique recherche : – un œdème et des ecchymoses naso-orbitaires ; – des points douloureux électifs et des déformations localisées ;
TRAUMATISMES DU TIERS MÉDIAN VERTICAL DE LA FACE : FRACTURES CENTROFACIALES [2, 22, 23]
Elles regroupent l’ensemble des lésions du CNEMFO. Il s’agit de façon isolée ou associée de : – fractures de la pyramide nasale (fractures les plus fréquentes des os de la face) ; – dislocation orbitonasale ;
– un télécanthus par désinsertion des ligaments palpébraux médiaux, notamment dans les fractures des branches montantes des maxillaires, voire un épicanthus ; – des épistaxis d’importance variable ; – une déformation par élargissement de la pyramide nasale de face, avec épatement de la racine du nez et un aspect de rétrusion de profil. 23
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La rhinoscopie antérieure apprécie l’existence de lésions endonasales : épistaxis, hématome de la cloison, déviation septale. L’examen oculaire recherche une diplopie, une lésions des voies lacrymales, voire des complications oculaires à type de cécité post-traumatique par fracture irradiée au canal optique. Enfin, on recherche des
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arguments en faveur d’une lésion associée de l’étage antérieur de la base du crâne : anosmie, rhinorrhée témoin d’une brèche ostéoméningée, ou une pneumatocèle sur les clichés radiographiques. Les fractures du toit de l’orbite s’accompagnent le plus souvent d’une hypo- ou anesthésie supraorbitaire (V1) : région frontale et sourcilière.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-072-A-10
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Fractures de l’orbite P Barbrel É Géré
Résumé. – L’orbite, de par sa position au sein de l’étage moyen de la face, constitue un véritable carrefour traumatique. Sa constitution anatomique, ses rapports limitrophes, son architecture biomécanique en sont la preuve et expliquent la fréquence de ses fractures parmi l’ensemble des traumatismes faciaux. Au vu des conséquences de ces fractures et de leur retentissement fonctionnel et morphologique, sans même parler d’esthétique, on peut difficilement sortir l’orbite de son contexte. L’enfermer dans une des nombreuses classifications anatomocliniques proposées au fil des temps ? Chacune a ses raisons, aucune n’est vraiment satisfaisante. Elles témoignent seulement de la variété de ces fractures, de la plus simple à la plus compliquée, et de la difficulté de leur systématisation. Ceci est paradoxal car la clinique est parfaitement connue et la prise en charge bien codifiée. Plutôt qu’un cadre nosologique étriqué, nous avons choisi de les regrouper au sein de trois grands chapitres qui ont pour points communs leur localisation régionale, leurs conséquences cliniques, leur attitude thérapeutique. Parmi les apports récents dont les fractures de l’orbite ont pu bénéficier, il faut insister sur l’imagerie médicale. La tomodensitométrie spiralée a permis, en gagnant du temps, de multiplier les possibilités de réalisation de ces examens qui sont devenus presque routiniers. Grâce aux logiciels de reconstructions, la précision des images est devenue remarquable. Elle apporte un plus indéniable au bilan lésionnel qui guide l’attitude thérapeutique et le geste du chirurgien. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : fracture, orbite.
Introduction Les fractures de l’orbite sont définies comme des solutions de continuité du squelette de l’étage moyen de la face qui entoure et protège le globe oculaire, squelette appartenant de fait à d’autres régions faciales : frontale, malaire, zygomatique, maxillaire, nasale. Leur retentissement est double : – morphologique, par atteinte des contours orbitaires, anomalie de position du globe ou anomalie de position des canthi palpébraux ; – fonctionnel, par altération de la vision et troubles de la sensibilité (V2), hormis l’atteinte directe du globe, qui n’entre pas dans notre propos, sachant que l’incidence des lésions du globe oculaire au cours des traumatismes orbitaires varie de 14 à 50 % suivant les auteurs et leur recrutement. La fréquence de ces lésions orbitaires en traumatologie faciale est notable puisque, à l’exception des fractures isolées du zygoma, des os propres du nez ou de la région alvéolodentaire, toutes les autres lésions de l’étage moyen du massif facial concernent de près ou de loin l’orbite. Les fractures orbitaires représentent ainsi entre 10 et 15 % de la traumatologie faciale [52]. L’étude clinique et le traitement primaire de trois grandes entités fracturaires (orbito-maxillo-zygomatique, orbitonasale, orbito-
Philippe Barbrel : Spécialiste des Hôpitaux des Armées, chef de service. Éric Géré : Spécialiste des Hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service. Service de chirurgie maxillofaciale et de stomatologie, hôpital d’instruction des Armées Robert-Picque, BP 28, 33998 Bordeaux Armées, France.
crânienne) sont précédés de rappels anatomiques et physiopathologiques. Les séquelles et leur traitement devant faire l’objet d’un autre article ne sont qu’évoqués.
Données épidémiologiques ÉTIOLOGIES
Les étiologies des fractures orbitaires sont encore largement le fait de la traumatologie routière, même si celle-ci est en régulière diminution grâce aux protections mises en œuvre : – casques intégraux pour les deux roues ; – ceintures et sacs gonflables pour les habitacles ; – protections adaptées dans les sports à risque [73] ; – mais aussi, grâce aux dispositions légales mises en œuvre par la prévention routière (abaissement du taux légal d’alcoolémie...). Les accidents de la voie publique (AVP) représentent ainsi 50 à 70 % des étiologies suivant les auteurs [19, 47, 54, 68]. En dehors des accidents de la circulation routière, les étiologies sont aussi variées que classiques [42] : rixes 10 à 40 % (comprenant les violences conjugales [25]), accidents du travail 10 %, accidents sportifs 5 % [73], chutes 10 %. RÉPARTITION SELON L’ÂGE ET LE SEXE
De fréquence faible chez l’enfant jeune, les lésions traumatiques faciales augmentent à l’âge du vélo, puis du scooter et de la moto.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Barbrel P et Géré É. Fractures de l’orbite. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-072-A-10, 2001, 20 p.
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Stomatologie
Toutes les séries s’accordent pour un âge moyen de 35 ans, c’est-àdire celui de la pleine activité physique et professionnelle. La répartition selon le sexe retrouve le ratio classique un tiers/deux tiers à prédominance masculine [19, 37, 47, 53, 55, 57, 61].
Anatomie chirurgicale de la région orbitaire [82]
L’orbite osseuse est le carrefour traumatique de l’étage moyen de la face, mais ses fractures ne peuvent être circonscrites à leur simple expression osseuse. Les particularités tégumentaires, la mécanique oculopalpébrale et les rapports limitrophes permettent de comprendre la physiopathologie de cette région orbitaire vue sous l’angle traumatologique.
* A ORBITE OSSEUSE (fig 1)
Destinée à protéger le globe oculaire, elle se présente classiquement comme une pyramide quadrangulaire ouverte vers l’avant, fermée vers l’arrière par l’apex orbitaire. Elle est constituée d’un cadre compact et de parois papyracées « empruntées » aux formations osseuses du voisinage comme le démontre l’embryologie.
¶ Paroi inférieure ou plancher La margelle infraorbitaire est formée en dehors par l’os zygomatique et en dedans par la branche montante du maxillaire. La paroi elle-même est essentiellement formée par la face supérieure de l’os maxillaire, mais aussi par l’os zygomatique en dehors et par l’apophyse orbitaire de l’os palatin en arrière. En rapport avec le sinus maxillaire, cette paroi est creusée d’une gouttière qui se poursuit par le canal infraorbitaire donnant passage au paquet vasculonerveux homonyme. L’artère infraorbitaire peut être à l’origine d’un hémosinus ou d’une hémorragie intraorbitaire. De 5 à 10 mm après l’émergence du nerf infraorbitaire, naît le nerf alvéolaire antérieur, responsable de l’anesthésie du bloc incisivocanin lorsqu’il est lésé.
¶ Paroi médiale
[12]
D’avant en arrière elle est constituée du processus frontal du maxillaire, de l’os lacrymal (unguis), de la lame orbitaire de l’ethmoïde (os planum) et de la face latérale du corps du sphénoïde. Cette paroi papyracée est centrée sur les cavités aériques du labyrinthe ethmoïdal. La suture ethmoïdofrontale est creusée de deux canaux ethmoïdaux qui laissent passage au rameau nerveux nasal interne et aux artères ethmoïdales antérieure et postérieure ; celles-ci vascularisent la partie supérieure des fosses nasales depuis le système ophtalmique.
¶ Paroi supérieure ou plafond Le toit de l’orbite est constitué par l’os frontal. Le saillant frontal (ou margelle supraorbitaire) se prolonge latéralement par les apophyses orbitaires interne et externe. L’échancrure sus-orbitaire où passent le nerf et l’artère supraorbitaires la divise en deux parties : la partie externe s’articule avec l’apophyse orbitaire de l’os zygomatique, la partie interne s’articule avec la branche montante du maxillaire et le squelette de l’auvent nasal. La paroi supérieure de l’orbite correspond au plancher de la fosse cérébrale antérieure. Elle est constituée par la portion horizontale de l’os frontal en avant et par la face inférieure de la petite aile du sphénoïde en arrière. À 5 mm en arrière de l’angle supéro-interne, on trouve la fossette trochléaire où s’insère la poulie de réflexion du muscle grand oblique. 2
* B 1
Orbite osseuse (d’après Zide). A. Structure : 1. grande aile du sphénoïde ; 2. ethmoïde ; 3. frontal ; 4. palatin ; 5. os lacrymal ; 6. os maxillaire ; 7. os zygomatique ; 8. petite aile du sphénoïde. B. Mensurations adultes habituelles : hauteur 35 mm, largeur 40 mm, profondeur 45-50 mm.
¶ Paroi latérale Elle se partage entre la grande aile du sphénoïde et l’os zygomatique (apophyse orbitaire du zygomatique). Elle est séparée du toit et du plancher par les fissures orbitaires supérieure et inférieure (fente sphénoïdale et fente sphénomaxillaire). La fente sphénomaxillaire met en communication la cavité orbitaire et la fosse ptérygomaxillaire. Son extrémité antérieure élargie et arrondie est située 16 à 18 mm en arrière du rebord orbitaire. Elle est traversée par quelques veines anastomotiques entre le système ophtalmique et les plexus ptérygoïdiens, ainsi que par des filets sympathiques issus des ganglions sphénopalatins destinés au muscle de Müller.
¶ Apex orbitaire Les quatre parois orbitaires convergent vers l’apex centré par le canal optique. L’os sphénoïde est la clef de voûte de cet assemblage
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3 Vue supérieure de l’orbite (d’après Zide). Muscles oculomoteurs. DI : droit interne ; DINF : droit inférieur ; DE : droit externe ; DSUP : droit supérieur ; GO : grand oblique ; PO : petit oblique ; R : releveur paupière supérieure. La flèche indique le canal lacrymonasal.
2
Apex orbitaire : anneau de Zinn (d’après Zide). 1. Fissure orbitaire supérieure ; 2. trou optique. III = S + I : nerf moteur oculaire commun (branches supérieure + inférieure) ; IV : nerf pathétique ; N : nerf nasal V1 ; F : nerf frontal V1 ; L : nerf lacrymal V1 ; VI : nerf moteur oculaire externe.
où passent tous les éléments vasculonerveux destinés à l’orbite : trou optique et fente sphénoïdale s’ouvrant directement dans la cavité crânienne. Le trou optique est situé dans la base de la petite aile du sphénoïde, légèrement au-dessus et en dedans du sommet de la pyramide orbitaire. Cet orifice ovalaire de 5 à 6 mm représente l’orifice antérieur du canal optique et laisse passage au pédicule optique (nerf optique et artère ophtalmique) qui lui est intimement associé. Au-dessus du trou optique, le releveur de la paupière supérieure vient s’insérer sur le périoste orbitaire comme le grand oblique plus en dedans. La fissure orbitaire supérieure (fente sphénoïdale) (fig 2), dessinée entre les deux ailes du sphénoïde, occupe le sommet de l’orbite et sa partie supéroexterne très en arrière. Divisée en deux par l’anneau de Zinn, elle laisse passage à de nombreux éléments vasculonerveux : en dedans le nerf nasal (première branche du V1) et le nerf moteur oculaire commun (III), en dehors de l’anneau de Zinn, le nerf pathétique (IV), le nerf frontal (deuxième branche du V1), le nerf lacrymal (troisième branche du V1) et enfin les sinus veineux de drainage de l’orbite. ANATOMIE OCULOPALPÉBRALE (ŒIL ET ANNEXES)
Le contenu orbitaire comprend, en dehors du globe oculaire, de sa graisse et des muscles oculomoteurs, l’appareil lacrymal et les paupières.
¶ Globe oculaire L’œil est solidement amarré et protégé par la périorbite et la capsule de Tenon, deux formations conjonctives d’origine mésenchymateuse. La périorbite est un manchon périostique en continuité directe avec la dure-mère au niveau du pédicule optique. Elle est aisément décollable lorsqu’elle n’est pas déchirée, mais reste amarrée en bas au pédicule infraorbitaire qu’il faut préserver dans le décollement du plancher puisqu’il est responsable de la sensibilité de la paupière inférieure et de la joue. On peut réaliser sans risque un décollement sous-périosté sur environ 30 mm au niveau du toit et de la paroi médiale et de 25 mm au niveau des parois inférieure et latérale. Le repère de profondeur du décollement interne est l’artère ethmoïdale postérieure dont l’émergence se situe 8 mm environ en avant du canal optique.
La capsule de Tenon enveloppe la partie postérieure du globe, engaine l’ensemble des muscles oculomoteurs, envoie des prolongements vers la surface du globe et les parois orbitaires. L’ensemble de ce réseau fibroélastique, que certains assimilent à une séreuse, réalise une véritable articulation en rotule qui donne à l’œil sa grande mobilité en rotation. Les muscles de l’orbite sont au nombre de sept (fig 3). Le releveur de la paupière supérieure, les quatre muscles droits et les deux muscles obliques ont pour point commun de s’insérer depuis le tendon de Zinn en arrière jusque sur la partie antérieure de la sclérotique, à proximité du limbe. Seul le petit oblique ne se détache pas du fond de l’orbite, mais en dehors du canal lacrymonasal. Le releveur de la paupière supérieure s’insère lui, en avant sur le tarse. Les muscles oculomoteurs ont tous un trajet direct sauf le grand oblique qui possède une poulie de réflexion dans la fossette trochléaire du frontal (paroi médiale). Trois nerfs se partagent l’oculomotricité : le nerf moteur oculaire commun (III) innerve le droit supérieur, le droit inférieur, le petit oblique et le releveur ; le nerf moteur oculaire externe (VI) innerve le droit externe ; le nerf pathétique ou trochléaire (IV) innerve le grand oblique. Il ne faut pas oublier le facial (VII) qui innerve l’orbiculaire des paupières (responsable du clignement). Leur action exclusivement rotatoire est à la fois synergique et antagoniste pour le même œil, mais aussi synchrone avec celle de l’autre œil. Lorsqu’un muscle se contracte, les autres agissent simultanément : les muscles droits sont ainsi antagonistes des muscles obliques. Bien entendu, chaque muscle possède une action spécifique, explicitée par le schéma suivant (fig 4) : – le droit supérieur est élévateur du globe, antagoniste du droit inférieur ; – le droit inférieur est abaisseur du globe, antagoniste du précédent ; – le droit interne est adducteur du globe, antagoniste du droit externe ; – le droit externe est abducteur, antagoniste du précédent. L’action du grand oblique est plus complexe : il est abaisseur quand l’œil est en adduction, rotateur interne (dans le sens des aiguilles d’une montre) quand l’œil est en abduction. Le petit oblique est son antagoniste : il est élévateur quand l’œil est en adduction, rotateur externe (dans le sens inverse des aiguilles d’une montre) quand l’œil est en abduction.
¶ Paupières et appareil lacrymal L’appareil tégumentaire protecteur du globe oculaire est constitué des paupières mobiles, de la conjonctive, cavité virtuelle où circulent les larmes et de l’appareil lacrymal qui les sécrète et les évacue. Paupières (fig 5) La paupière supérieure est très mobile, tel un rideau animé par le muscle releveur. La paupière inférieure l’est beaucoup moins ; tel un mur, elle retient les larmes dont le drainage est favorisé par les 3
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OD
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OG
Étape 1
Étape 2
Étape 3
* A Diplopies horizontales
Diplopies verticales
Atteinte du droit externe droit
Atteinte du droit interne droit
Atteinte du petit oblique droit
Atteinte du droit supérieur gauche
Atteinte du grand oblique droit
Atteinte du droit inférieur gauche
5 Paupières (d’après Zide). Éléments constitutifs. 1. Septum ; 2. muscle de Müller ; 3. tarse ; 4. releveur paupière supérieure ; 5. aponévrose du releveur : 6. muscle orbiculaire ; 7. peau.
* B Droit supérieur
Droit interne
Droit inférieur
4
Petit oblique
Droit externe
Grand oblique
* C
Action des muscles oculomoteurs de l’œil gauche (d’après Rouvière). A. Exploration des neuf directions du regard chez un sujet sain. B. Atteinte des différents muscles oculomoteurs de l’œil. C. Rappel des actions des muscles oculomoteurs de l’œil gauche.
contractions de l’orbiculaire. Leur squelette tarsal est attaché à ses extrémités par des tendons palpébraux ou canthi (médial ou latéral). Le tendon palpébral latéral s’insère sur le tubercule de Whitnall. Le tendon palpébral médial s’insère par un tendon profond sur la crête lacrymale postérieure et par un tendon direct sur la crête lacrymale antérieure. Cette insertion s’étale au-delà de la crête sur le processus frontal du maxillaire, sous les vaisseaux angulaires. De fait, sa désinsertion sous-périostée est difficile contrairement à celle du tendon palpébral latéral. Ces insertions osseuses jouent un rôle capital dans la dimension, la position et la symétrie de la fente palpébrale. L’armature fibroélastique des paupières est constituée d’une portion centrale tarsale et d’une portion périphérique, le septum orbitaire, qui unit le tarse à la margelle orbitaire où il est en continuité avec le périoste. La conjonctive est une muqueuse qui tapisse le globe (conjonctive oculaire), la face interne des paupières (conjonctive palpébrale). La zone de réflexion constitue les fornix. La cavité conjonctivale forme autour de l’œil une rigole quasi virtuelle qui ne contient qu’une mince couche de larmes. La conjonctive adhère peu à la sclère et se 4
6 Voies lacrymales (d’après Zide). 1. Point lacrymal supérieur ; 2. point lacrymal inférieur ; 3. canalicules lacrymaux ; 4. sac lacrymal ; 5. canal lacrymonasal. laisse facilement décoller par les ecchymoses ou les hémorragies sous-conjonctivales que l’on observe dans les fractures. Appareil excréteur lacrymal (fig 6) Les glandes lacrymales sécrètent les larmes, les voies lacrymales les évacuent dans les fosses nasales. Le mécanisme du drainage des larmes est encore controversé : fonction pompe d’origine musculaire ou par capillarité ? Les deux mécanismes sont sans doute associés. La glande lacrymale est située à l’angle supéro-interne de l’orbite dans une fossette osseuse. Elle est divisée en deux portions inégales par l’aileron externe du releveur de la paupière supérieure. Les canaux excréteurs s’ouvrent dans le fond du cul-de-sac conjonctival supérieur. Son innervation est assurée par le nerf lacrymal.
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6 5 7 4 3 2 1 Architecture faciale. Piliers verticaux (os compact) : 1. pilier antérieur canin ; 2. pilier latéral maxillozygomatique ; 3. pilier postérieur ptérygoïdien . Entretoises (os compact) : 4. entretoise infraorbitaire ; 5. entretoise supraorbitaire. Système de caissons : 6. caisson central (fosses nasales et ethmoïde) ; 7. caissons latéraux (orbite et sinus maxillaire).
7
Les voies lacrymales peuvent être divisées en deux parties. L’une, initiale, est intrapalpébrale et l’autre, terminale, est maxillonasale. Les points lacrymaux [2] se situent du côté interne des bords libres des paupières, à proximité du repli semi-lunaire et de la caroncule lacrymale. Les canalicules qui leur font suite ont un diamètre de 0,3 à 0,5 mm. Après un trajet arciforme de 6 à 8 mm, ils se réunissent ou non en un canal unique qui s’ouvre dans le sac lacrymal. Ce sac est un réservoir membraneux de 16 mm de haut sur 5 mm de large, protégé par la gouttière lacrymale osseuse et situé dans un dédoublement du tendon palpébral médial et du muscle orbiculaire qui permet le fonctionnement de la pompe lacrymale. Le canal lacrymal intraosseux a un diamètre de 3 mm. Long de 12 à 15 mm, il s’ouvre dans la fosse nasale à l’aplomb de la tête du cornet inférieur, à 3 cm en arrière de l’aile et de l’orifice narinaire, 15 mm au-dessus du plancher des fosses nasales.
Rappel biomécanique du squelette craniofacial [17]
La fosse crânienne antérieure et la face forment un ensemble biomécanique indissociable. Lors de son développement initial, la poussée oculaire participe de façon prépondérante, au même titre que la poussée encéphalique, à l’agencement osseux craniofacial. Ensuite interviennent diverses contraintes mécaniques et musculaires : pression masticatrice, force des muscles élévateurs (ptérygoïdien latéral et masséter), pression de la langue. Le résultat est une adaptation à des forces essentiellement verticales qui se traduit par un système de poutres ou de piliers séparés d’entretoises [74] que d’autres ont assimilé à des cintres (fig 7). Une approche mécanique plus moderne [16] par comparaison aux techniques de construction aéronautique ou automobile parle de système de caissons, permettant d’allier une extrême rigidité à une légèreté maximale. Les fosses nasales forment le caisson central. Comme un caisson de rupture ou une structure déformable, il permet d’amortir l’impact. Il est renforcé latéralement par les cellules ethmoïdales qui jouent un rôle de raidisseur. De part et d’autre, un caisson double et superposé : cavité orbitaire et sinus maxillaire. Chaque caisson est renforcé aux zones de surcontrainte par un cadre. Ce cadre correspond aux classiques piliers osseux de la face. Il est formé par différents processus de l’os frontal, de l’os zygomatique et de l’os maxillaire. Enfin, les arcades zygomatiques jouent un rôle de « jambes de force » qui renforcent sagittalement la région orbitaire. Cet assemblage complexe, conçu pour assurer la stabilité du plan occlusal et résister à des pressions verticales manducatrices, résiste
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mal aux forces vulnérantes transversales qui viennent briser ses piliers comme se cassent les pieds d’une table. Dans cet assemblage osseux, les auteurs soulignent le rôle central du complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire (CNEMFO) et individualisent deux zones différentes sur le plan biomécanique : – une zone antérieure, dense et résistante, exposée aux impacts : le bandeau frontal constitué de la région glabellaire au milieu et des corniches supraorbitaires latéralement. En son centre, un véritable noyau de résistance est constitué par la suture nasomaxillaire et l’épine nasale du frontal. En revanche, le sinus frontal constitue une zone de faiblesse d’autant plus grande que sa taille augmente et que ses prolongements s’étendent au-dessus des orbites et de l’ethmoïde ; – une zone postérieure, grêle et fragile, la poutre ethmoïdofrontale qui regroupe, d’une part le labyrinthe ethmoïdal de structure papyracée et d’autre part l’apophyse crista galli, la lame perpendiculaire et les lames criblées de structure osseuse compacte. Au total, le CNEMFO est le centre de convergence et d’épuisement des traits de fracture des traumatismes craniofaciaux.
Mécanismes, lésions et conséquences Tant sur le plan étiopathogénique ou anatomopathologique que physiopathologique, de nombreuses classifications ont été proposées pour les fractures orbitaires [8, 69, 70, 80]. La multiplication des classifications proposées rend bien compte de la difficulté d’établir des regroupements logiques, cohérents vis-àvis de fractures diverses qui n’ont pour point commun que de se situer autour de l’œil. Il nous paraît présomptueux de rattacher à tout prix une fracture orbitaire un peu complexe à un cadre nosologique précis. Il est en revanche indispensable d’inventorier l’ensemble des traits de fracture, les déplacements, les lésions associées des parties molles. Seule cette étude précise est garante d’une thérapeutique primaire logique. LÉSIONS OSSEUSES
Quelles que soient les caractéristiques de l’agent traumatisant, les lésions osseuses (siège et nombre des traits de fracture, déplacements des fragments) découlent en grande partie de l’anatomie et de la biomécanique de l’étage moyen de la face. Les traits de fracture, souvent indépendants des sutures anatomiques, sont en général perpendiculaires ou parallèles aux piliers ou les détruisent en cas de fracture comminutive.
¶ Déplacements Les déplacements des pièces osseuses dépendent de nombreux paramètres : force traumatisante, direction de cette force, point d’application, surface d’application et énergie, mais aussi des insertions musculaires sur les fragments fracturés. Les déplacements osseux au sein du massif facial sont essentiellement de type primaire, sous la dépendance directe de l’agent traumatisant. Les déplacements secondaires, d’origine musculaire, sont relativement faibles, contrairement à ce qui se passe à l’étage mandibulaire. Seuls les muscles temporaux sont suffisamment puissants, mais ils tendent plutôt à réduire et à colmater les brèches osseuses de la paroi orbitaire latérale, jouant le même rôle que la sangle ptérygomasséterine au niveau du ramus mandibulaire.
¶ Rôle des pare-chocs La très grande majorité des traumatismes s’exerce par l’intermédiaire des pare-chocs de la face, dont la résistance est très variable comme l’ont montré les études de Swearingen évaluant en « G Units » les résistances osseuses faciales maximales avant fractures [17]. 5
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Pare-chocs latéraux
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Fracture du complexe naso-ethmoïdomaxillo-fronto-orbitaire. Schéma d’une coupe tomodensitométrique en vue axiale. A. Aspect normal. B. Enfoncement monobloc de la racine du nez. C. Fracture des os nasaux.
Solides, ils sont représentés par les corps des os zygomatiques et par les bords supraorbitaires.
• Choc sur l’os zygomatique La fracture isolée du pare-chocs zygomatique est une fracturedisjonction avec simple rotation (bascule autour d’un axe). Si l’énergie du choc n’est pas épuisée dans cette première fracture, l’os zygomatique transmet les forces traumatisantes, en rompant ses attaches. Il se déplace dans le sens d’application de la force, habituellement en dedans, en bas et en arrière, en écrasant ses points d’appui et en pénétrant dans l’orbite, dans le sinus maxillaire et dans l’anneau zygomatique.
A
– Le plancher de l’orbite cède sur une plus ou moins grande surface, selon les zones de relative résistance (canal infraorbitaire) ou d’extrême faiblesse (postéromédiale). – Le globe oculaire, ses annexes et la graisse périorbitaire s’enfoncent dans le sinus maxillaire (d’où l’énophtalmie et la diplopie, transitoires liées à l’œdème ou à l’hématome ou bien définitives par incarcération du corps musculaire ou des expansions aponévrotiques du droit inférieur ou du petit oblique).
B
– L’arcade zygomatique subit un ou plusieurs traits de fracture entraînant souvent une déformation en « coup de hache » au niveau de l’anneau zygomatique et pouvant embrocher le muscle temporal (d’où le trismus). – Le rebord orbitaire latéral (frontozygomatique) est isolé par deux traits de fracture ou plurifragmenté. Son déplacement entraîne une dystopie canthale latérale. – La paroi orbitaire latérale peut présenter des traits de fractures irradiant vers l’apex orbitaire. – Une fracture en valgus de l’os zygomatique peut survenir en cas de traumatisme tangentiel (environ 5 % des cas). La paroi orbitaire latérale se déplace en dehors et le plancher orbitaire s’ouvre largement (d’où dystopie orbitaire et énophtalmie).
• Choc sur le bord supraorbitaire Sur cette zone de grande résistance, un choc latéral peut produire : – des lésions de redressement de courbure avec cisaillement duremérien, rarement des fractures du massif facial. Il s’agit de trait de fracture irradié de la voûte frontale à la base du crâne. Les points faibles sont alors le toit orbitaire et la gouttière olfactive ; – une embarrure frontale en cas d’impact très localisé. Ces fractures intéressant le plancher de la région frontale peuvent entraîner : – une ecchymose et un hématome périorbitaires, une incarcération du muscle releveur et du muscle droit supérieur ; – une compression des éléments vasculonerveux du canal optique ou de la fissure orbitaire supérieure lorsque les fractures atteignent l’apex orbitaire. Pare-chocs médians Fragiles, ils occupent toute la partie médiane de la face : région glabellaire avec la paroi antérieure des sinus frontaux, pyramide nasale avec les os nasaux et le squelette cartilagineux nasal. Un choc faible s’épuise à leur niveau, mais un choc de grande énergie entraîne toujours des lésions du squelette sous-jacent (paroi postérieure des sinus frontaux, processus frontaux du maxillaire, labyrinthe ethmoïdal, lame criblée, os maxillaires). Un choc antérieur sur la région glabellaire et la voûte frontale n’entraîne pas de conséquence orbitaire mais des complications exclusivement crâniennes. En revanche, un choc antérieur sur la région nasale entraîne la rupture et le recul du CNEMFO (fig 8). 6
C – Le plus souvent, la pyramide nasale se disloque et les processus frontaux des os maxillaires s’écartent. Parfois, elle résiste dans son ensemble, os nasaux et processus frontaux des maxillaires restant en monobloc ; c’est alors la partie moyenne de l’ethmoïde qui se fracture et le nez s’enfonce dans l’espace interorbitaire. – Le septum nasal ostéocartilagineux se fracture, se plicature et se luxe. – Les parois médiales des orbites subissent rarement une fracture simple, beaucoup plus souvent une comminution, voire une véritable perte osseuse. – Les bords infraorbitaires se fracturent, le trait pouvant irradier au plancher et/ou s’accompagner de perte osseuse. – L’os lacrymal et le canal osseux lacrymonasal fracturé peuvent léser les voies lacrymales. – L’épine nasale de l’os frontal, noyau de résistance, joue, une fois fracturée, un rôle lésionnel majeur en pénétrant par un mouvement de bascule en haut et en arrière dans l’ethmoïde et l’étage antérieur de la base du crâne. – La poutre frontoethmoïdale transmet les forces à l’étage antérieur de la base du crâne, avec effet de tassement. Les risques de brèche ostéodurale et de lésions des gouttières olfactives par atteinte de la paroi postérieure du sinus frontal et de la lame criblée de l’ethmoïde sont alors importants. À ces lésions du CNEMFO s’associent donc, selon le siège de l’impact et l’inclinaison de la tête, des fractures de Le Fort I rarement, surtout des fractures de Le Fort II ou III, avec un risque de fracture basicrânienne et de brèche ostéodurale nettement supérieur en cas de Le Fort III. CONSÉQUENCES DES LÉSIONS OSSEUSES
¶ Conséquences morphologiques Les modifications traumatiques des reliefs du nez, des pommettes, des bords supraorbitaires sont d’appréciation difficile en phase
Stomatologie
Fractures de l’orbite
primaire. La perte d’un relief osseux facial est rapidement suivie de la rétraction des parties molles de recouvrement entraînant des déformations très inesthétiques. Il s’agit le plus souvent d’aplatissement (nez, pommettes), parfois d’élargissement (valgus zygomatique, télécanthus), ou encore d’irrégularités de surface (défaut de galbe frontal, « coup de hache » sourcilier ou zygomatique).
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Arrachement palpébral au cours d’un traumatisme orbitozygomatique ouvert (collection Dr Barbrel).
¶ Conséquences nasales La déformation nasale se présente parfois sous la forme d’un recul en masse de l’auvent nasal sous l’os frontal creusant exagérément l’angle nasofrontal et ouvrant l’angle nasolabial et plus souvent sous la forme d’une ensellure par effondrement et élargissement de l’auvent nasal. La cloison nasale subit toujours un télescopage avec fracture du septum cartilagineux, de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et du vomer, source d’hématome de la cloison. La richesse vasculaire des fosses nasales explique la gravité des épistaxis traumatiques. Ces lésions ostéocartilagineuses et l’œdème de la muqueuse pituitaire, constants, expliquent l’obstruction nasale sévère et le retentissement respiratoire.
¶ Conséquences sinusales Selon la localisation de la fracture orbitaire, elles peuvent intéresser le sinus maxillaire, le sinus ethmoïdal et/ou le sinus frontal. La muqueuse sinusienne, fragile, est rapidement œdématiée, infiltrée, voire partiellement nécrosée sur des fragments osseux libres, ce qui favorise les complications infectieuses tant immédiates que tardives. La pathologie du sinus maxillaire est moins souvent évoquée, car ses complications sont moins bruyantes (hernie du corps adipeux jugal, esquille osseuse, sinusite post-traumatique...). La pathologie du sinus frontal est en revanche plus rare mais beaucoup plus grave. Une sinusite frontale post-traumatique peut entraîner une infection méningée, cérébroméningée ou un abcès intracrânien en cas de brèche de la paroi postérieure. Elle apparaît au cours de la première année, après effraction du sinus frontal ou traumatisme du canal nasofrontal. L’obstruction du canal nasofrontal par une embarrure ou des esquilles osseuses peut conduire, dans de rares cas, à l’empyème précoce ou à la mucocèle secondaire tardive (le délai habituel serait de 7 ans). Par pression kystique ou par élaboration d’une enzyme ostéolytique, la mucocèle érode l’os adjacent pour pénétrer dans l’orbite ou dans les cavités intracrâniennes. Si le contenu du kyste mucoïde s’infecte, une pyomucocèle se forme et conduit, dans de nombreux cas, à la formation d’abcès orbitaire ou crânien, à une ostéomyélite crânienne ou à une méningite.
¶ Conséquences palpébrales Les lésions directes palpébrales sont fréquentes : le chémosis, gênant considérablement l’examen, les plaies palpébrales, notamment supérieures, peuvent masquer une atteinte plus profonde de l’appareil releveur ou du globe oculaire. Les conséquences palpébrales habituelles des lésions osseuses sont les dystopies canthales et les ptosis. La dystopie canthale médiale apparaît habituellement à la suite du déplacement de la zone d’insertion, plus rarement après section ou arrachement du tendon palpébral médial. Il en résulte : une dystopie canthale dans les trois plans de l’espace par valgisation, antéposition, abaissement, une détente de la sangle palpébrale raccourcissant le diamètre transversal de la fente palpébrale ; un abaissement du point lacrymal inférieur qui quitte le contact avec la conjonctive bulbaire désamorçant la pompe lacrymale, source de larmoiement ; un pseudoptosis par abaissement de l’aileron aponévrotique médial. L’élargissement de la distance intercanthale entraîne un télécanthus traumatique qui peut être uni- ou bilatéral. Témoin d’un traumatisme osseux sévère, il coexiste souvent avec une lésion lacrymale, canaliculaire ou même sacculaire.
La dystopie canthale latérale peut résulter de l’arrachement du tendon sur le tubercule de Whitnall ou du déplacement du bord orbitaire latéral. Les ptosis, limitation ou abolition de l’ascension palpébrale, résultent habituellement de l’atteinte du muscle releveur de la paupière supérieure par embrochage par une esquille osseuse, entrave du muscle dans un foyer de fracture du toit orbitaire, désinsertion, déhiscence ou élongation de l’aponévrose du releveur.
¶ Conséquences lacrymales Les atteintes canaliculaires, sacculaires ou canalaires sont fréquentes (20 % des cas). Les plaies des voies lacrymales, génératrices de larmoiement, résultent de différents mécanismes : – section directe et franche, au niveau du canalicule inférieur et du canal d’union, plus rarement au niveau du canalicule supérieur ou des deux canalicules ; – arrachement de la paupière, siégeant de façon élective au niveau de la portion dite lacrymale, dépourvue de tarse (fig 9) ; – contusion directe ou embrochage par un fragment osseux au niveau du sac. À la différence du sac lacrymal, en grande partie intrapalpébral, le canal lacrymonasal, strictement intraosseux, est vulnérable lors des lésions squelettiques (cisaillement, embarrure lors de fractures du CNEMFO, Le Fort II ou III). Il est difficile de prédire si le traumatisme a engendré une obstruction définitive des voies lacrymales car certaines fractures complexes laissent un tractus lacrymal intact. En effet, il n’est pas nécessaire que le sac soit interrompu pour avoir un blocage. L’œdème de la muqueuse peut suffire à provoquer l’obstruction de la lumière du sac.
¶ Conséquences oculaires Elles portent essentiellement sur le globe oculaire, sa statique et sa dynamique. Lésions du globe oculaire Une plaie sclérale ou cornéenne est suspectée sur la diminution d’acuité visuelle et l’hypotonie du globe à la palpation. La contusion oculaire fermée est plus fréquente. Troubles de la statique : énophtalmie et exophtalmie L’énophtalmie, enfoncement du globe dans la cavité orbitaire, souvent masquée par l’œdème initial, peut résulter de divers mécanismes : 7
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Fractures de l’orbite
Stomatologie
– si l’élévation et l’abaissement sont limités, c’est que l’incarcération est située dans une zone moyenne, au niveau de l’équateur du globe oculaire. Comme le muscle droit inférieur, le muscle petit oblique peut être lésé lors de fractures du bord infraorbitaire et du plancher de l’orbite. Le muscle droit supérieur est menacé dans les fractures du toit de l’orbite, le muscle droit externe dans celles de la paroi latérale. Enfin, les fractures de la paroi médiale de l’orbite peuvent s’accompagner de désinsertion de la poulie du muscle grand oblique et d’atteinte du muscle droit interne.
¶ Conséquences neuro-ophtalmologiques
10
Niveau de l’incarcération en rapport avec l’équateur du globe.
– refoulement des parois orbitaires avec augmentation du contenant (surtout au niveau du plancher et de la paroi médiale), fuite du contenu intraorbitaire à travers les traits de fracture avec diminution du contenu ; – pincement des muscles oculomoteurs dans le foyer de fracture (muscle droit inférieur surtout) ; – pincement de la périorbite, déplacement ou atteinte du ligament suspenseur de Lockwood. L’augmentation du volume de la cavité orbitaire est cependant le phénomène prédominant dans la pathogénie de l’énophtalmie post-traumatique [3]. L’exophtalmie, beaucoup moins fréquente, résulte de deux principaux mécanismes : – diminution du contenant, consécutive généralement à une embarrure du toit orbitaire ou plus rarement du plancher (blow-in) qui refoule le globe vers l’avant et provoque fréquemment une diplopie associée ; – augmentation du contenu par œdème, corps étranger ou hématome intraorbitaires. Les troubles de la statique oculaire entraînent parfois des troubles de la dynamique, mais sans parallélisme entre les lésions anatomiques et les conséquences cliniques, ce qui est parfois surprenant. Troubles de la dynamique oculaire : diplopie Le déficit de la motilité oculaire se traduisant par la diplopie, en règle immédiate, est consécutif : – le plus souvent à une lésion mécanique par incarcération dans le foyer de fracture du muscle droit inférieur ou du muscle petit oblique, les autres muscles droits et le muscle grand oblique étant plus rarement intéressés ; parfois leur embrochage par une esquille osseuse ; – plus rarement à une lésion neurologique (III, IV, VI) essentiellement dans un fracas orbitaire avec trait irradié à la fissure orbitaire supérieure ; – parfois, à la décompensation d’une hétérophorie ancienne. Les diplopies d’apparition secondaire sont exceptionnelles. La diplopie verticale, la plus fréquente, traduit l’atteinte du muscle droit inférieur (fig 10) :
Les principales conséquences visuelles ou neuro-ophtalmologiques sont la baisse de l’acuité visuelle (amblyopie, cécité), la mydriase et l’ophtalmoplégie. Ces lésions ophtalmologiques sont le fait, soit des déplacements osseux, soit de la contusion directe du contenu orbitaire. L’amblyopie et la cécité post-traumatique, maîtres symptômes, sont retrouvées dans 3 à 10 % des cas de fractures de l’étage moyen de la face. Le plus souvent secondaires à un traumatisme du globe oculaire (lésions rétiniennes, hémorragies du vitré, paralysies neuromusculaires...), elles peuvent aussi témoigner d’une atteinte du nerf optique (0,5 à 5,2 % des cas de cécité). Les lésions directes du nerf optique relèvent de divers mécanismes : – fracture du canal optique avec compression du nerf ou embrochage par un fragment osseux, fracture des clinoïdes antérieures ; – compression par un hématome rétrobulbaire ou ethmoïdosphénoïdal associée à une fracture des parois latérale et supérieure de l’orbite ; – compression par un hématome des gaines périnerveuses ; – obstruction de la veine centrale de la rétine, ischémie après hémorragie des vasa nervorum ; – arachnoïdite périnerveuse secondaire. Fait essentiel, les cellules sensorielles rétiniennes ne pourraient plus récupérer au-delà d’un délai de 4 heures d’ischémie. La mydriase aréactive, rencontrée dans un tableau de section du nerf optique, peut être secondaire à de nombreuses autres causes : – contusion du globe ; – hémorragie de la chambre antérieure ; – rupture du sphincter irien ; – lésions du nerf moteur oculaire commun (III) ou du rameau destiné aux muscles droit inférieur et petit oblique, lésion optochiasmatique, hypertension intracrânienne avec engagement cérébral. Les troubles oculomoteurs neurogènes (ophtalmoplégie) résultent en règle d’une atteinte des paires nerveuses crâniennes au niveau de l’apex orbitaire et peuvent s’intégrer à un syndrome de la fente sphénoïdale (fissure orbitaire supérieure) ou à un syndrome de l’apex. Consécutifs à un impact latéral violent, ils accompagnent généralement des : – fractures déplacées de la paroi orbitaire latérale (fractures frontoorbitaire latérale et fronto-sphéno-temporale) ; – fractures déplacées type Le Fort II ou III ; – hématomes du cône orbitaire ; – hématomes et arachnoïdites de la base du crâne au voisinage de l’apex orbitaire.
– si la limitation de l’élévation est prépondérante, l’incarcération musculaire est vraisemblablement antérieure ;
Examen clinique du traumatisé orbitaire
– si la limitation de l’abaissement domine, il s’agit probablement d’une incarcération postérieure ;
Quand l’état de conscience le permet, l’analyse comporte un interrogatoire relevant les circonstances précises de l’accident.
8
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EXAMEN MAXILLOFACIAL
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Test de duction forcée (d’après Converse).
Centré sur la région orbitaire, il doit être bilatéral et comparatif. Il comprend plusieurs étapes.
¶ Examen ophtalmologique Quand un traumatisme perforant du globe est suspecté, il devient une priorité devant toute réparation orbitaire, toute manipulation pendant le traitement risquant d’aggraver les dégâts oculaires. L’interrogatoire recherche une diminution ou une perte d’acuité visuelle. Un examen du segment antérieur, de la réactivité pupillaire et du segment postérieur (fond d’œil) est systématiquement réalisé, au mieux à l’aide d’un biomicroscope et d’un verre à trois miroirs, sinon au lit du malade à l’ophtalmoscope, à la recherche d’éventuelles lésions contusives de la rétine.
Traction
¶ Examen orbitopalpébral Il apprécie : – la statique et la symétrie des globes oculaires : exo- ou énophtalmie, dystopie verticale. La distance intercanthale doit être appréciée. Mais cette distance peut être difficilement évaluable en cas de lésions bilatérales ; la comparaison des rapports entre les distances interpupillaire et intercanthale est alors plus intéressante : un télécanthus post-traumatique est hautement suspecté si ce rapport est inférieur à 2 ; – les déformations du cadre orbitaire par une palpation prudente et douce : les lésions du cadre siègent souvent au niveau des sutures osseuses zygomaticomaxillaires, frontozygomatiques où l’on pourra observer un ressaut en « marche d’escalier » avec point douloureux exquis. L’examen des paupières recherche des plaies, un ptosis posttraumatique, des atteintes des voies lacrymales. La palpation retrouve parfois un emphysème sous-cutané signant une communication entre les tissus orbitaires et les cavités sinusiennes environnantes ; elle évalue également les troubles de la sensibilité dans les territoires des nerfs supra- et infraorbitaires. Pour l’étude de la dynamique oculaire, la motilité oculaire doit être évaluée dans toutes les positions du regard. L’observation d’une diplopie n’est pas toujours significative d’une incarcération musculaire. L’exploration de la motilité oculaire se fait en première intention au doigt ou en fixant l’extrémité d’un stylo par exemple, recherchant essentiellement des limitations de l’élévation ou de l’abaissement qui permettent théoriquement de prédire le site de la fracture du plancher par rapport à l’équateur du globe. Cette exploration, si elle confirme une diplopie, est utilement complétée par un test de Lancaster qui permet de quantifier sur un schéma les limitations et surtout d’en suivre l’évolution. Quant au test de duction forcée (fig 11), s’il peut être pratiqué sous anesthésie locale en pinçant le droit inférieur dans le cul-de-sac conjonctival inférieur, il est au mieux réalisé sur un patient endormi : il n’a de valeur que très positif et réalisé de façon comparative, signant alors l’origine mécanique du trouble oculomoteur. L’examen maxillofacial est bien entendu systématique, recherchant en particulier une épistaxis, une limitation de l’ouverture buccale, ou des troubles de l’articulé dentaire associés. IMAGERIE
¶ Examens radiographiques simples (fig 12) Ils conservent toute leur utilité, même si leur importance diminue au profit des techniques récentes de tomodensitométrie. Deux incidences de base nous paraissent relativement performantes et de réalisation facile : – l’incidence de Waters est une incidence postéroantérieure, le plan du film faisant un angle de 45° avec le plan de Francfort, le rayon
A
B
1
2
3
C
12
D
Incidences radiographiques. A. Blondeau (nez-menton-plaque). B. Waters (45° avec le plan de Francfort). C. Louisette (avec une cassette spéciale). D. Lignes de McGregor et Campbell modifiées. 1. Ligne supraorbitaire ; 2. ligne infraorbitaire ; 3. cintre zygomatomaxillaire.
incident pénètre dans la région bregmatique et sort au niveau de la columelle, faisant un angle de 90° avec la plaque ; – l’incidence de la Louisette, chère aux Lyonnais, se pratique avec une cassette spéciale échancrée qui permet de la glisser sous le menton. Le plan du film est parallèle au plan de Francfort, le rayon incident est vertical rétrobregmatique. Cette cassette permet une très bonne étude des parties postéro-latéro-inférieures de la face et surtout peut s’utiliser au lit du malade. Il est commode d’analyser ces deux incidences en s’aidant des différentes lignes décrites par Campbell et Mc Gregor.
¶ Tomodensitométrie
[11]
Durant la dernière décennie, le scanner haute résolution, les reconstitutions bi- et tridimensionnelles, l’utilisation de machines à acquisition continue (technique hélicoïdale) ont significativement amélioré l’évaluation des traumatismes orbitaires, tant à la phase aiguë que dans le bilan des complications et des séquelles. 9
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Stomatologie
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Tomodensitométrie spiralée. Le déplacement du lit pendant l’émission continue du faisceau de rayons X réalise un balayage spiralé autour du patient.
Reconstruction 3D surfacique. Fracture de la margelle infraorbitaire irradiée au plancher orbitaire non déplacé. Esquille intraorbitaire (choc direct).
La tomodensitométrie classique en coupes axiales et coronales est maintenant abandonnée, au profit de la tomodensitométrie spiralée [31]. Tomodensitométrie spiralée (fig 13) Contrairement au scanner conventionnel à balayage séquentiel, le scanner spiralé explore un volume grâce à la rotation continue du couple tube-détecteurs autour du lit en déplacement. Ses avantages sont nombreux : – rapidité de l’exploration : l’examen ne prend plus que quelques minutes, permettant d’obtenir plus facilement l’immobilité du patient et de s’affranchir des artefacts de mouvements, facteurs de dégradation de la qualité de l’image et d’exploiter au mieux l’injection de produit de contraste avec un rehaussement maximal et homogène des vaisseaux ou des parenchymes ; – l’acquisition volumique continue permet lors de la reconstruction des coupes, de choisir a posteriori l’incrément ou espacement intercoupes et de réaliser si besoin, sans augmenter le temps d’examen ou l’irradiation du patient, des coupes chevauchées indispensables à des reconstructions 2D et 3D de qualité. Elle évite de placer le patient dans une position inconfortable, voire dangereuse en cas de lésion du rachis passée inaperçue ; – la réalisation d’une segmentation de l’image permet d’éliminer les structures parasites. Reconstructions multiplanaires et volumiques L’empilement des coupes acquises en mode spiralé avec chevauchement des coupes lors de la reconstruction crée un volume dans le lequel il est possible de reconstruire d’autres coupes dans n’importe quel plan de l’espace, chaque pixel ayant des coordonnées tridimensionnelles. C’est ainsi que l’on peut obtenir des coupes reconstruites dans les trois plans de l’espace et même des reconstructions curvilignes du massif facial comme celles employées à la mandibule pour les bilans préimplantaires (Dentascan). Les reconstructions volumiques font appel essentiellement en traumatologie à la reconstruction 3D surfacique qui montre la surface des structures osseuses en créant une impression de relief (fig 14). Ces reconstructions permettent un bilan exhaustif de lésions parfois difficiles à mettre en évidence en radiologie standard. Résultats Le scanner doit être réalisé soit en urgence en cas de fracture en « trappe », de fracture de l’apex avec troubles de l’acuité visuelle, soit de façon différée dans la semaine suivant le traumatisme. Les reconstructions volumiques sont réservées au bilan des fractures complexes et avant intervention pour correction de séquelles. Ces explorations scanographiques permettent pour les fractures complexes : – d’étudier les rapports de la fracture et des éventuels déplacements osseux avec les composants intraorbitaires (muscles, graisse, nerfs) : un risque élevé de diplopie existe quand un muscle oculomoteur est adjacent au foyer de fracture ; – de mesurer les modifications du volume orbitaire induites par la fracture. Pour Raskin [63] , ces modifications volumiques sont prédictives du degré d’énophtalmie dans les semaines suivant l’accident ; 10
– de mettre en évidence les associations fracturaires éventuelles ; – de déterminer l’origine des troubles de la motilité oculaire : œdème post-traumatique, énophtalmie, incarcération musculaire dans le foyer de fracture.
¶ Imagerie par résonance magnétique L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’est pas contributive en traumatologie aiguë [31]. Elle peut même être dangereuse en cas de méconnaissance de corps étrangers métalliques oculo-orbitaires. Elle devient en revanche l’examen le plus performant pour diagnostiquer les éventuelles fuites de liquide céphalorachidien (LCR) qui compliquent certaines fractures orbitonasales ou orbitofrontales.
Fractures orbito-maxillo-zygomatiques Elles résultent de traumatismes ayant pour point d’impact la pommette et/ou le rebord orbitaire inférieur. Ces fractures ne peuvent se considérer isolément, mais s’inscrivent dans la pathologie traumatique de l’os zygomatique ou dans le cadre plus général des fractures latérofaciales [17]. À ce titre, ce sont les plus fréquentes des fractures orbitaires (20 à 25 % des fractures de l’étage moyen de la face) [61]. FRACTURES ORBITOZYGOMATIQUES
¶ Étude clinique L’aspect le plus classique est celui de l’enfoncement postéro-interne et inférieur de l’os zygomatique. L’examen précoce, avant que les œdèmes ne masquent les déformations, montre (fig 15) : – un œdème et un hématome en « monocle » de la région orbitaire ; – un effacement de la pommette ; – une hémorragie sous-conjonctivale, en général externe ; – une dystopie canthale externe se traduisant par une obliquité antimongoloïde de la fente palpébrale ; – un pseudoptosis ; – une énophtalmie rarement perceptible à ce stade, sauf disparition totale du plancher et une épistaxis qui signe l’hémosinus. La palpation objective : – une solution de continuité douloureuse au niveau de la suture frontozygomatique et éventuellement de la jonction temporozygomatique et un ressaut plus ou moins marqué au niveau de la margelle infraorbitaire. La palpation du vestibule supérieur
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* A
Fracture orbito-maxillo-zygomatique. A. Hématome en « monocle », hémorragie sousconjonctivale externe, pseudoptosis. B. Effacement de la pommette, dystopie canthale externe.
* B
homolatéral est également douloureuse et perçoit souvent le déplacement fracturaire au niveau du cintre maxillozygomatique ; – un emphysème sous-cutané jugal (crépitation neigeuse) peut aussi être perceptible. Sur le plan masticatoire, une limitation modérée de l’ouverture buccale est habituelle. Le bilan neurologique objective une hypoesthésie plus ou moins marquée et étendue dans le territoire du nerf infraorbitaire (joues, ailes du nez, gencives et dents du groupe incisivocanin). L’examen endobuccal montre l’absence de trouble de l’articulé dentaire et la présence habituelle d’un hématome sous-muqueux vestibulaire supérieur homolatéral à la fracture. La motilité oculaire est difficile à apprécier au début quand l’œdème et l’hématome sont importants. Une diplopie immédiate est retrouvée dans 25 à 30 % des cas [61] : il s’agit pour l’essentiel de diplopie dans le regard vers le haut qui est très significative d’une atteinte musculaire quand elle est franche, impliquant le droit inférieur et/ou le petit oblique. Non systématisée, due à l’hématome et à l’œdème intraorbitaires, elle va disparaître avec eux. L’exploration de la motilité recherche essentiellement des limitations de l’élévation ou de l’abaissement (fig 4B) qui permettent théoriquement de prédire le site de la fracture du plancher par rapport à l’équateur du globe.
16 Incidence de Waters. Fracture du plancher orbitaire gauche avec signe de la goutte, hémosinus. 17
Tomodensitométrie. Fracture orbito-maxillozygomatique.
¶ Imagerie Examens radiographiques simples Sur les clichés standards, la fracture orbitomalaire déplacée est facile à reconnaître : diastasis frontozygomatique, hémosinus se traduisant par un niveau liquide horizontal dans le bas-fond sinusien, rupture de la ligne courbe orbitaire inférieure et du cintre zygomatomaxillaire, permettent d’objectiver rapidement le déplacement de l’os zygomatique. L’incidence de Waters peut également montrer une incarcération des tissus orbitaires dans le foyer fracturaire du plancher avec « signe de la goutte » (fig 16), qui n’est cependant pas pathognomonique. Tomodensitométrie Elle n’est pas obligatoirement pratiquée et n’est pas indispensable à la stratégie diagnostique et thérapeutique d’une fracture de l’os zygomatique sans retentissement ophtalmologique. Selon les possibilités du plateau technique, elle est cependant de plus en plus souvent proposée par les radiologues en première intention. Elle permet d’obtenir une topographie lésionnelle précise, de mettre en évidence une incarcération du contenu orbitaire et possède un intérêt iconographique préopératoire, voire médicolégal (fig 17). FRACTURES ISOLÉES DU PLANCHER ORBITAIRE
Elles méritent un chapitre particulier du fait de leur fréquence, de leur pathogénie qui reste discutée et de l’évolution des procédés de
restauration du plancher orbitaire, objet de très nombreuses publications depuis celle princeps de Converse.
¶ Fréquence Leur fréquence est estimée à 3 % des fractures de la région orbitaire [ 6 6 ] . Elle reste faible (1,5 %) dans l’ensemble des traumatismes de la face [62]. Pour Ouadah, 32 % des atteintes du plancher sont des fractures isolées [53], 28,2 % pour Meyer [47]. Paoli [54] retrouve 29 % de fractures du plancher sur 566 traumatismes faciaux. Les étiologies suivantes sont relevées par Gas [19] sur 85 cas : sport (de contact) 34 %, AVP 27 %, coup de poing 21 %, accidents domestiques, chutes, mécanismes divers 18 %. 11
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18 Schéma d’une fracture orbitaire par « blow-out » suite à un choc sur le globe oculaire ; a. balle ; b. rebord orbitaire non fracturé.
19
Tomodensitométrie. Fracture du plancher orbitaire gauche. A. Reconstruction frontale. B. Reconstruction sagittale.
* A ¶ Pathogénie Leur pathogénie mérite d’être rappelée [1, 79] . Deux théories principales, le plus souvent intriquées, semblent s’associer : – un traumatisme indirect hydraulique, proposé par Smith et Regan en 1957, confirmé en 1967 par Converse [8] qui lui donne le nom de « blow-out ». Ici, l’œil amortit directement l’onde de choc sans que le cadre orbitaire soit intéressé, ce qui implique des agents vulnérants de petite taille et à faible vélocité. On peut en rapprocher les fractures en milieu liquide survenues chez les plongeurs [58, 67] ; – un traumatisme direct osseux, choc sur la margelle infraorbitaire avec deux conséquences possibles : le rebord cède mais sans déplacement et la fracture irradie au plancher (blow-out impur), le rebord ploie sans se rompre et le plancher s’effondre sous l’onde de choc (mécanisme confirmé par les travaux de Fugino [18]) (fig 18).
¶ Sur le plan clinique On peut retrouver les mêmes éléments que dans les fractures de l’os zygomatique, à la déformation du cadre orbitaire près. Elles sont volontiers méconnues au début, du fait de l’absence de trouble morphologique important et du fait de l’œdème ecchymotique palpébral qui masque diplopie et énophtalmie qui sont les maîtres signes dans ces fractures. Une discontinuité osseuse ne s’observe que dans les fractures en « blow-out » impur. L’hypoesthésie dans le territoire du nerf infraorbitaire est variable en intensité, parfois absente. Compte tenu du mécanisme physiopathologique, l’examen oculaire doit être particulièrement attentif à la recherche de lésions contusives.
* B Alors que dans les blow-out le plancher reste effondré, ici le bâillement fracturaire antéropostérieur se remet spontanément en place, piégeant les éléments herniés au moment de l’impact (droit inférieur, petit oblique et fibres parasympathiques). Le diagnostic repose sur la netteté des signes oculomoteurs : fixité du globe dans les tentatives de duction volontaire qui sont de plus douloureuses, avec diplopie très invalidante et parfois mydriase témoignant de l’atteinte du contingent parasympathique [22]. Le scanner doit être ici pratiqué en urgence. Fracture en « clapet » Décrite par Merville et Gitton [45], c’est une fracture à charnière interne le plus souvent. Elle pose surtout des problèmes thérapeutiques. TRAITEMENT
¶ Explorations complémentaires
¶ Objectifs
L’imagerie standard est souvent peu contributive : l’hémosinus n’est pas toujours présent et une opacité arrondie du toit du sinus peut n’être qu’un hématome sous-muqueux. C’est essentiellement la tomodensitométrie par des reconstructions frontales et sagittales obliques qui permet un diagnostic lésionnel précis : nature de la fracture, siège par rapport au canal infraorbitaire, volet osseux effondré dans le sinus ou à charnière (fig 19). L’endoscopie est proposée par Sandler [71] par trépanation de la fosse canine sous anesthésie locale au lit du patient, chez certains polytraumatisés dont l’état interdit temporairement d’autres modalités d’explorations paracliniques.
Le traitement obéit à plusieurs principes : restauration des contours osseux, restauration des fonctions visuelles et masticatoires afin de limiter au maximum les séquelles toujours actuelles de ces lésions dont on connaît la difficulté thérapeutique (déformations persistantes des reliefs, diplopie, énophtalmie, troubles sensitifs). Pour atteindre ces objectifs, plusieurs étapes doivent être respectées : voies d’abord adaptées, libération des tissus incarcérés, réduction et contention des foyers de fracture, comblement des déficits osseux par greffons ou implants, sans oublier le traitement des parties molles.
¶ Formes cliniques particulières
Elles s’efforcent d’être discrètes, tout en donnant un jour suffisant pour repérer, réduire et contenir les fragments. Plusieurs sont possibles.
Fractures en « trappe » Décrites par Soll et Poley [75], il s’agit de variétés cliniques des fractures du plancher, tirant leur originalité de l’importance des troubles oculomoteurs nécessitant un traitement d’urgence, contrastant avec la pauvreté des signes radiologiques. Ces fractures se voient surtout chez l’enfant et l’adolescent. 12
¶ Techniques Voies d’abord [17]
• Voies d’abord cutanées (fig 20) – La voie d’abord translésionnelle est possible, mais elle expose au risque infectieux, offre parfois un jour limité et son élargissement est difficile si l’abord est insuffisant.
Fractures de l’orbite
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* A
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Voies d’abord. A. Voies d’abord de la région orbitaire externe. 1. Incision coronale ; 2. incision temporale ; 3. incision sourcilière externe (queue du sourcil) ; 4. incision dans la patte-d’oie ; 5. incision palpébrale haute (sous-ciliaire) ; 6. incision palpébrale basse ; 7. incision conjonctivale ; 8. incision buccale vestibulaire supérieure. B. Voie d’abord translésionnelle : fracture orbito-maxillo-zygomatique (collection Dr Barbrel). C. Voies orbitaires, coupe sagittale. Voie sous-ciliaire (rétromusculaire). 1. Conjonctive ; 2. septum orbital ; 3. graisse périorbitaire ; 4. orbiculaire ; 5. périorbite (périoste orbitaire) ; 6. plancher orbitaire. D. Voies orbitaires, coupe sagittale. Voie conjonctivale (préseptale).
21
Fracture orbito-maxillo-zygomatique. Réduction à l’aide d’un crochet de Ginestet (collection Dr Barbrel).
– La voie d’abord coronale est utilisée lorsque ces fractures s’intègrent dans un traumatisme craniofacial.
• Voies d’abord muqueuses – Conjonctivale inférieure de Tessier, pré- ou rétroseptale très étroite, elle donne un jour limité sur le plancher, à moins d’être aggrandie par une canthotomie externe.
* B
– Buccale vestibulaire supérieure, elle reste invisible et permet l’accès à la console maxillozygomatique et au sinus.
• Voies d’abord antrales
1
Elles permettent l’exploration endoscopique du plancher par trépanation de la fosse canine ou par méatotomie inférieure [72].
2
Réduction
3
* D
4 5
6
* C
– La voie palpébrale supérieure, externe, dans la queue du sourcil (en réalité au-dessus ou en dessous pour éviter de diviser le sourcil en deux), permet l’exposition de la région frontozygomatique. – La voie palpébrale inférieure haute, sous-ciliaire, qui est celle de blépharoplastie rétromusculaire, cachée et discrète, offre un large jour sur les lésions de la margelle et du plancher et éventuellement de la partie basse de la paroi médiale. – La voie palpébrale basse dans le pli palpébrojugal permet un abord direct à travers les fibres de l’orbiculaire ; elle est délaissée car source de complications postopératoires (lymphœdème persistant, adhérence au foyer de fracture) et de séquelles cicatricielles disgracieuses. – La voie d’abord temporale de Gillies permet l’abord à distance de l’arcade zygomatique, en cheminant sous l’aponévrose temporale.
Les déplacements fracturaires sont réduits de façon instrumentale, soit à ciel ouvert, soit par voie percutanée à l’aide du crochet de Ginestet (fig 21), soit par voie vestibulaire à l’aide du crochet long de Duclos. La réduction du contenu orbitaire hernié se fait de proche en proche à l’aide d’instruments mousse de façon à circonscrire totalement la fracture ; le décollement sous-périosté ne dépassant pas en profondeur 25 à 30 mm. Contention On utilise différents procédés visant à assurer la stabilité fracturaire pendant les 3 à 4 semaines nécessaires à la consolidation. L’ostéosynthèse au fil d’acier, utilisable sur tout le pourtour du rebord orbitaire, réalise un bon alignement des fragments mais manque de stabilité. L’ostéosynthèse par plaques miniaturisées vissées en titane réalise une contention rigide et peut être utilisée sur tout le cadre orbitaire avec du matériel adapté, mais ne tolère aucune erreur lors de sa réalisation car pérennisant les éventuels défauts de réduction. L’ostéosynthèse à l’aide de matériaux biorésorbables présente des avantages au premier rang desquels l’absence de réintervention 13
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Fracture orbito-maxillo-zygomatique. Contention du plancher par sonde à ballonnet intrasinusien.
Reconstruction du plancher orbitaire par grille en titane.
pour dépose éventuelle et une tenue mécanique semble-t-il aussi importante que celle des plaques métalliques. Les inconvénients sont de deux ordres : le prix et l’ergonomie de mise en place, obligeant à un taraudage préalable à la pose des vis. De nombreuses publications récentes font état de l’utilisation de ces procédés et de résultats satisfaisants [13-15, 23, 35, 77]. La stabilisation pneumatique interne par ballonnet intrasinusien (fig 22) type Franchebois, introduit par voie nasale ou vestibulaire, peut encore rendre service dans les très grandes instabilités fracturaires où l’on ne souhaite pas faire de reconstruction immédiate. L’utilisation des colles cyanoacrylates est proposée dans le traitement des lésions comminutives [32]. Reconstruction Le comblement des defects osseux a fait et fait toujours appel à une grande variété de moyens autologues ou hétérologues.
• Autogreffes Un greffon osseux autogène cortical ou corticospongieux (os calvarial, crête iliaque, côte dédoublée [30]) est plus fréquemment utilisé. L’os calvarial a pour avantage sa faible résorption par rapport à l’os iliaque et la proximité du site donneur, mais son prélèvement n’est pas exempt de risques et de complications. Dans les autres sites donneurs osseux faciaux, il faut signaler la région symphysaire [34], la paroi antérieure du sinus maxillaire [40] et même le processus coronoïde controlatéral [49]. D’autres autogreffes sont proposées, cartilagineuses : septum nasal [36] ou conque auriculaire [39], uniquement utilisables pour le plancher orbitaire.
• Implants allogènes [79] Certains ont été très à la mode pendant de nombreuses années (silicone : Silastict) mais semblent tombés en désuétude du fait de la fréquence des complications tardives et de l’obligation du retrait des implants [38, 47, 51, 57]. Les biomatériaux sont en fait extrêmement nombreux, qu’ils soient résorbables (polydioxanone : PDStcupules et plaques) [6, 55], inertes (polytétrafluoroéthylène [Gore-Text] ; Téflont) [4, 53], ostéo-inducteurs (corail type Biocoralt hydroxyapatite) [44, 48], voire métalliques (grilles en titane) (fig 23). Ils ont pour avantage l’absence de morbidité du site donneur qui doit être comparé à leur tolérance propre [19]. Un procédé émergeant pour la réalisation d’implants « sur mesure », semble être la stéréolithographie [2] permettant, pour Hoffmann [26], la réalisation d’implants en céramique adaptés à la perte de substance. La lourdeur et le coût du procédé semblent encore devoir réserver cette technique à la chirurgie des séquelles osseuses [27].
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Fracture maxillozygomatique. Stabilisation frontozygomatique par plaque vissée.
on peut s’en tenir à cette simple réduction sous réserve d’un contrôle radiographique. Si la réduction est instable (30 % des cas), il faut pratiquer une ostéosynthèse : en l’absence de fragments multiples, une plaque vissée sur le pilier frontozygomatique suffit à assurer une stabilisation tridimensionnelle (fig 24). Dans le cas contraire il faut multiplier les sites d’ostéosynthèse. On reconstruit ensuite éventuellement le plancher orbitaire suivant les données préopératoires et celles du test de duction forcée peropératoire (fig 25). Fractures isolées du plancher Associées ou non aux précédentes, elles sont traitées, soit en urgence (fracture en « trappe »), soit dans un délai habituel de 4 à 8 jours. Pour les fractures en « trappe », dès que l’incarcération est un peu importante, il faut déposer le plancher, en général à sa partie interne, autour de la fracture, puis remplacer par un biomatériau après réintégration du contenu orbitaire, la perte de substance étant généralement modérée. Pour les fractures avec perte de substance, l’indication opératoire doit reposer sur au moins un des critères suivants : – persistance d’une diplopie significative d’origine mécanique dans la semaine suivant le traumatisme ;
¶ Indications opératoires
– présence d’une énophtalmie supérieure à 2 mm responsable de séquelles esthétiques majeures, surtout en cas de dystopie oculaire associée ;
Fractures maxillozygomatiques
– volumineux déficit osseux supérieur à un tiers ou à 50 % de la surface du plancher, responsable d’une énophtalmie secondaire ;
Non déplacées, elles font l’objet d’une simple surveillance. Déplacées, elles doivent être réduites, le plus couramment à l’aide du crochet de Ginestet par voie percutanée : si la fracture est stable,
– quant à l’hypoesthésie dans le territoire du nerf infraorbitaire, isolée, ce n’est pas une indication formelle, car elle est souvent seulement liée à des phénomènes œdémateux. Elle régresse alors
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Fracture du plancher orbitaire (collection Dr Barbrel). A. Désincarcération. B. Reconstitution par matériau biorésorbable thermoformable.
Tomodensitométrie. Fracture orbitonasale associée à une fracture maxillozygomatique.
* A
* B habituellement en 3 à 6 mois. Notons toutefois que cette hypoesthésie fait partie des troubles séquellaires les plus fréquents dans ces fractures, 42 % des cas à 2 ans pour Meyer [47]. Pour les pertes de substances inférieures au tiers de la surface du plancher, l’utilisation d’un biomatériau résorbable est licite. Audelà, on utilise de préférence un matériau ostéo-inducteur (corail par exemple) ou une autogreffe osseuse [19, 39, 44, 47, 54]. Cas particulier de la fracture en « clapet » [45]. La réduction des éléments herniés peut être impossible par voie haute. C’est là l’indication, soit d’un abord endoscopique supplémentaire [72], soit d’une marginotomie de Tessier [78] qui permet de déposer le volet fracturé et de réintégrer le contenu orbitaire. La marginotomie est ensuite ostéosynthésée.
Fractures orbitonasales Ces fractures intéressent à des degrés divers le CNEMFO, comme il a été rappelé plus haut, lors d’un impact antéropostérieur sur la racine du nez. On peut schématiquement distinguer : les dislocations orbitonasales ou DON et les fractures isolées de la paroi médiale de l’orbite. DISLOCATIONS ORBITONASALES
La tomodensitométrie en mode spiralé permet le bilan exhaustif des déplacements osseux (fig 26) et montre l’impaction de l’épine nasale entre les cavités orbitaires. Elle doit comprendre également l’exploration de l’étage antérieur de la base du crâne pour confirmer ou non une atteinte du sinus frontal ou de la lame criblée ethmoïdale. Les déplacements osseux sont souvent bien appréciés à l’aide d’une reconstruction tridimensionnelle plus performante qu’il y a quelques années. Elle guide le geste chirurgical et le choix de la voie d’abord. FRACTURES ISOLÉES DE LA PAROI MÉDIALE DE L’ORBITE
Autrefois mésestimées, aujourd’hui peu opérées en urgence, elles posent le problème d’un risque d’énophtalmie secondaire. La fréquence de ces fractures paraît assez faible, surtout dans la littérature de l’époque précédant la généralisation des examens tomodensitométriques. Les séries publiées sont assez nombreuses, mais toutes très réduites. En moyenne, 50 % des fractures des parois orbitaires intéressent la paroi inférieure, contre seulement 10 % pour la paroi médiale [12]. En fait, de nombreux cas devaient passer inaperçus comme le suggèrent certaines études anatomiques retrouvant ce type de fracture chez 35 % des sujets autopsiés [59]. D’autre part, selon Davidson [9], les fractures de la paroi médiale de l’orbite seraient associées dans 10 à 53 % des cas à une fracture du plancher. Dans certaines séries, pourtant [5], elles apparaissent plus fréquentes que les fractures isolées du plancher (55 % sur 82 examens radiologiques, contre 27 % d’associations plancher-paroi médiale). Ceci s’expliquerait par des variations ethniques du squelette facial : cadre orbitaire plus fin, réduction de la projection nasale et contreforts moins résistants chez les asiatiques ; hypothèse aussi retenue par Gérard [21] pour des patients de race noire. Le mécanisme étiopathogénique [12] de ces fractures est identique à celui des blow-out du plancher.
¶ Étude clinique
¶ Étude clinique
Le télécanthus est le maître signe de ces fractures. Il est significatif au-delà de 35 mm. Outre l’œdème et l’hématome périorbitaires, les plaies éventuelles au point d’impact, l’examen ne montre parfois qu’un simple empâtement de la racine du nez. Le retentissement lacrymal se traduit par un épiphora dont on recherche ensuite la cause. Le retentissement sur la dynamique oculaire se traduit par une pseudoparalysie du IV ou du VI. L’épistaxis est la règle, de même que l’obstruction nasale qui peut masquer une rhinorrhée de LCR ou une anosmie qui témoigne d’une atteinte de la lame criblée.
La traduction clinique de ces fractures reprend les signes communs à tout traumatisme orbitaire : œdème, ecchymose, épistaxis unilatérale, mais aussi d’autres plus évocateurs :
¶ Imagerie Les radiographies standards ont peu d’utilité dans ces lésions, si ce n’est pour montrer les déplacements des os propres du nez.
– emphysème sous-cutané palpébral ou sous-conjonctival parfaitement perceptible (crépitation neigeuse) exacerbé par le mouchage intempestif ; – troubles de l’oculomotricité, plus rares que dans les fractures en blow-out du plancher [66]. Ils associent un phénomène subjectif, la diplopie horizontale, à des phénomènes objectifs comme la perturbation des manœuvres de duction, qu’elles soient volontaires ou forcées. Ces anomalies sont confirmées par un test de Lancaster.
¶ Imagerie C’est en fait le bilan radiologique qui permet le diagnostic. 15
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27 Cliché standard. Pneumorbite.
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Tomodensitométrie d’une fracture isolée de la paroi médiale. A. Coupe axiale. B. Coupe frontale.
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Voies d’abord orbitonasales. 1. Possibilité d’extension supérieure ; 2. possibilité d’extension palpébrojugale ; 3. possibilité d’extension transversale médiane.
résulte qu’un déplacement de la paroi médiale supérieur à 3 mm est une indication opératoire en prévention de l’énophtalmie. Les conclusions de Yab [81] vont dans le même sens. TRAITEMENT DES FRACTURES ORBITONASALES
Le traitement a pour objectif de restaurer l’oculomotricité, de prévenir les séquelles liées à l’énophtalmie, de rétablir la morphologie nasale et canthale, enfin de s’assurer de la perméabilité des voies lacrymales. La date de l’intervention, une fois la stabilisation acquise sur le plan général, peut être raisonnablement fixée entre le quatrième et le huitième jour, délai mis à profit pour obtenir un bilan paraclinique complet et programmer une collaboration neurochirurgicale si un geste endocrânien s’avère nécessaire. Précisons qu’en urgence, certains gestes ont été effectués : contrôle de l’épistaxis, évacuation d’un hématome septal, parage des lésions tégumentaires.
¶ Techniques
* A
* B Les clichés standards sont le plus souvent normaux et ne mettent en évidence que des signes indirects comme une opacité ethmoïdale homolatérale ou une pneumorbite sous forme d’un croissant gazeux clair à concavité inférieure sous le toit orbitaire (fig 27). C’est la tomodensitométrie qui montre le siège exact de la fracture (os planum), l’importance de l’impaction, le comblement des cellules ethmoïdales par l’hémosinus, ainsi qu’une éventuelle incarcération du muscle droit interne (fig 28). La quantification des déplacements fracturaires peut être étudiée sur ce bilan. En effet, les fractures de la paroi médiale de l’orbite sont une cause majeure d’énophtalmie secondaire [24]. Le problème est de déterminer à partir de quel déplacement ce risque existe. Parson [56] a essayé de quantifier expérimentalement l’importance de l’énophtalmie induite par le déplacement des parois orbitaires. Il en 16
Voies d’abord cutanées La voie périorbitaire interne permet l’exposition de la région canthale médiale, de la paroi orbitaire et de la gouttière lacrymale. L’incision est curviligne (fig 29), tracée à mi-distance entre l’arête nasale et le canthus, remontant plus ou moins haut par rapport au tendon canthal, selon le geste à effectuer. Cette voie d’abord peut être associée à une voie sous-orbitaire, à condition de laisser un pont cutané entre les deux incisions. Deux voies canthales peuvent être réunies par une incision horizontale permettant une bonne exposition de la racine du nez et de la glabelle, mais au prix d’une cicatrice souvent visible. La voie coronale offre un jour excellent pour aborder toute la région fronto-naso-ethmoïdale et les parois médiales des orbites (cf infra). La voie translésionnelle est toujours possible, avec les inconvénients déjà décrits. Réduction La réduction de l’impaction de la pyramide nasale est instrumentale. On utilise selon son choix ou ses habitudes une pince de Martin ou de Ash, ou des ciseaux droits mousse protégés. Le désengrènement de la racine du nez peut être contrôlé directement si un abord cutané est pratiqué. Il a pour corollaire le risque d’aggravation d’une brèche ostéoméningée, mais ce n’est pas toujours le cas. Pour cette raison, certains neurochirurgiens préfèrent intervenir après le traitement maxillofacial et effectuer secondairement le traitement de la brèche si elle persiste ou si elle s’aggrave. Contention La contention des fragments osseux fait appel aux procédés classiques (fils métalliques ou plaques d’ostéosynthèse).
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Principe de la canthopexie transnasale après ostéosynthèse rigide d’une fracture comminutive de la région nasale. Le fil métallique est passé en va-et-vient et fixé du côté opposé sur un taquet métallique.
* A La contention du tendon canthal interne s’effectue par canthopexie interne transnasale (fig 30). Elle est réalisée selon la technique de Mustardé à l’aide d’un fil d’acier serti chargeant le tendon canthal et la périorbite, passé en arrière de la crête lacrymale postérieure, puis toronné sur un taquet controlatéral. Il faut à ce stade restaurer les voies lacrymales ou rendre les conditions favorables à une future dacryo-cysto-rhinostomie. Reconstructions osseuses éventuelles Elles font appel aux procédés précédemment décrits.
¶ Indications opératoires Traitement d’une dislocation orbitonasale La réduction sanglante s’effectue par voie cutanée adaptée au cas d’espèce ; elle est le plus souvent associée à une réduction par voie endonasale. La racine du nez est stabilisée par une plaque vissée miniaturisée s’appuyant sur une zone fixe : en haut frontale et en bas sur les apophyses montantes du maxillaire. Si l’utilisation de microplaque vissée s’avère inadéquate en raison d’une instabilité trop grande ou de comminution de l’auvent nasal, ce qui est souvent le cas des dislocations orbitonasales bilatérales, le galbe de l’arête et la projection nasale sont obtenus par la mise en place d’emblée d’un greffon d’apposition. Puis le traitement du télécanthus fait appel aux techniques de canthopexie transnasale sur bourdonnets pour rétablir les dépressions orbitonasales et participer à la contention du nez fracturé. La nécrose cutanée qui peut survenir en cas de serrage trop important est prévenue par une surveillance régulière et une levée précoce si des signes de souffrance apparaissent. De la même manière, dans les dislocations orbitonasales unilatérales avec fracture comminutive de l’apophyse frontomaxillaire, un greffon osseux (calvarial par exemple) taillé à la dimension de la perte de substance peut être ostéosynthésé en place et la canthopexie réalisée ensuite à travers ce greffon. En fin d’intervention, on réaligne le septum nasal. La contention par plaques préfabriquées placées de chaque côté du septum, fixées par un point en « U » transfixiant, est maintenue pendant 10 à 15 jours. Un méchage endonasal bilatéral complète le traitement si nécessaire. Traitement des fractures isolées de la paroi médiale de l’orbite Une fracture simple de la paroi médiale n’impose qu’une surveillance clinique, assortie d’un traitement médical (antibiothérapie, aérosols). Une incarcération du muscle droit médial affirmée par le test de duction forcée et la tomodensitométrie est une indication opératoire formelle. Il en est de même pour une incarcération de la graisse périorbitaire avec des troubles de l’oculomotricité objectivés par un test de Lancaster effectué lorsque la diminution du chémosis le permet. Les techniques utilisent la voie d’abord canthale médiale [17], plus ou moins étendue en fonction de l’existence d’une atteinte associée ou non du plancher orbitaire.
* B 31
Fracture orbitocrânienne. A. Risque de fistule. B. Risque de fistule faible, risque important d’hématome extradural.
Classiquement, la levée de l’incarcération s’effectue par esquillotomie, puis la prévention de la récidive par une interposition de biomatériaux. Rauch [64] prône une décompression radicale de la paroi médiale de l’orbite qui est largement ouverte en dedans en réalisant une ethmoïdectomie partielle. Elle aurait pour avantage de lever les incarcérations importantes et de drainer le foyer de fracture vers les fosses nasales, mais le risque d’énophtalmie secondaire paraît important. Chen [7], pour limiter la rançon cicatricielle cutanée, propose une reconstruction par voie endoscopique transconjonctivale.
Fractures orbitocrâniennes Les fractures du toit de l’orbite (roof des Anglo-Saxons) s’inscrivent dans un tableau de traumatologie craniofaciale [29]. Elles intéressent toute la partie supérieure de l’orbite et représentent 5 à 10 % des traumatismes faciaux [43] [65], essentiellement par AVP, générateurs de traumatismes violents et de blessés polytraumatisés. Les statistiques montrent qu’elles sont fréquentes chez les enfants. Elles entraînent des complications cranioencéphaliques et neuro-ophtalmologiques connues depuis fort longtemps. Hippocrate ne disait-il pas : « les blessures qui portent sur le sourcil ou un peu au-dessus obscurcissent la vue » ? Du fait de leur complexité thérapeutique, elles impliquent une prise en charge multidisciplinaire où neurochirurgie, chirurgie maxillofaciale et ophtalmologie prennent chacune leur part. Mettant en relation l’endocrâne, l’orbite et le sinus frontal selon des degrés variables, il est habituel d’en distinguer deux sous-variétés [76] qui s’expliquent aisément par leur étiopathogénie : – des fractures médianes en dedans d’une verticale passant par l’échancrure supraorbitaire (fig 31) ; – des fractures latérales en dehors de l’échancrure supraorbitaire : fractures orbitoptérioniques ou fronto-sphéno-temporales [60] selon les auteurs (fig 31). Ces fractures sont souvent associées à des fractures transfaciales de type Le Fort II ou III. C’est parmi elles que l’on retrouve le plus fréquemment des atteintes de l’apex orbitaire. 17
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Fracture orbitocrânienne latérale. Aspect clinique précoce.
Stomatologie
L’examen se termine par celui des annexes de l’œil. Il évalue les lésions tégumentaires palpébrales supérieures et frontales : plaies avec ou sans pertes de substance qui peuvent éventuellement se transformer en voie d’abord.
¶ Fracture isolée du toit orbitaire
ÉTUDE CLINIQUE
La majorité des patients porteurs de telles lésions sont accueillis aux urgences neurochirurgicales. C’est donc après la prise en charge et le traitement des urgences vitales que le chirurgien maxillofacial est amené à les examiner. L’examen est toujours difficile, surtout après quelques heures d’évolution, en raison de l’œdème ecchymotique infiltrant les téguments, comme il est habituel en traumatologie faciale.
¶ Examen neurologique Outre les signes éventuels d’atteinte encéphalique (existence d’une perte de connaissance initiale, état de conscience apprécié par le score de Glasgow, fonctions neurovégétatives, signes neurologiques en foyer), on doit rechercher en priorité : – une anosmie et/ou une brèche ostéoméningée. Deux manœuvres peuvent aider à mettre en évidence une rhinorrhée de LCR, difficile à détecter chez un patient en décubitus dorsal, l’écoulement se faisant dans le pharynx : le signe du halo dans la compresse, le test à la bandelette. L’issue de LCR peut être retrouvée au milieu de l’épistaxis qui est exploré en rhinoscopie antérieure en position déclive (origine au méat moyen) ; – une atteinte des éléments de la fissure orbitaire supérieure (ophtalmoplégie, ptosis, mydriase aréflexique, abolition du réflexe consensuel) ou un syndrome de l’apex orbitaire devant la survenue d’une amaurose doivent entraîner un bilan d’imagerie en urgence. Cependant, il est généralement admis que si la baisse ou la disparition de l’acuité visuelle est concomitante de la fracture, les dégats sont irréversibles car liés à un arrachement ou à une nécrose contusive du nerf, rendant illusoire une décompression chirurgicale [50].
¶ Examen ophtalmologique Pratiqué sans mydriatique pour surveiller l’apparition éventuelle d’une anisocorie, il apprécie une atteinte du globe oculaire depuis le simple syndrome contusif jusqu’à l’éclatement du globe qui survient dans 10 % des cas [28]. La présence d’une exophtalmie fixe, non évolutive dans le temps, conséquence de l’abaissement du plafond orbitaire doit être différenciée de celle d’apparition progressive, inquiétante, s’accompagnant d’une diminution de la fonction visuelle et témoignant d’un hématome intraconique expansif. Le tableau s’enrichit progressivement (tension palpébrale, saillie du globe, ophtalmoplégie, mydriase) et impose une décompression orbitaire urgente, seule capable d’éviter l’amaurose définitive. Ce tableau clinique est très proche de celui d’une fistule carotidocaverneuse (souffle intracrânien, ophtalmoplégie, exophtalmie progressive et risque de cécité) qui peut survenir au décours de violents AVP, mais d’apparition plus tardive. A contrario, la présence d’une énophtalmie sous-tend l’existence de lésions associées des parois interne et/ou inférieure. Les déformations du cadre orbitaire et du galbe frontal sont visibles et palpables à un stade précoce ; on retrouve le crépitement de l’emphysème palpébral qu’exagère le mouchage et une hypoesthésie supraorbitaire. Le ptosis est constant (fig 32). 18
Le tableau clinique est parfois beaucoup plus limité [20]. C’est le cas chez les enfants chutant d’une faible hauteur, avec des signes cliniques se limitant à un hématome palpébral supérieur qui se développe classiquement quelques heures après le traumatisme. Si cette symptomatologie s’aggrave dans le temps, elle doit faire évoquer le diagnostic qui n’est pas rare avant l’âge de 5 ans [10, 33, 46], ceci vraisemblablement en raison de la taille proportionnellement plus grande du crâne à cet âge et de l’absence de pneumatisation du sinus frontal. IMAGERIE
¶ Tomodensitométrie Dans ce contexte de traumatisme crânien facial, la tomodensitométrie spiralée est réalisée en priorité. Les coupes doivent intéresser la totalité de l’orbite jusqu’à l’apex et bien sûr l’endocrâne. En urgence, on insiste sur la recherche des atteintes encéphaliques contusives, un hématome intracrânien (hématome extradural des fractures latérales), une pneumatocèle expansive (fracture du mur postérieur du sinus frontal et atteinte de la lame criblée des fractures médianes), une atteinte de l’apex orbitaire, ou un hématome intraconique.
¶ Imagerie par résonance magnétique C’est l’examen de choix dans le diagnostic des fistules de LCR et dans l’exploration des lésions encéphaliques associées, mais elle n’intervient que secondairement. TRAITEMENT
¶ Objectifs – La prise en charge des lésions encéphaliques éventuelles. – La restauration d’une étanchéité durale pour éviter une méningite. – La fermeture ou l’exclusion des cavités aériennes ouvertes pour minimiser l’apparition d’une mucocèle. – La réduction des déplacements osseux et la réparation d’éventuels defects. L’ensemble de ces objectifs contribue à la minimisation des séquelles (morphologiques, fonctionnelles ou infectieuses) de ces fractures dont le traitement fait l’objet d’un autre article (fascicule 22-075A-10 de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale). Pour atteindre ces objectifs, il est souhaitable de faire appel à une équipe mixte neurochirurgicale et maxillofaciale de façon à effectuer un traitement primaire le plus exhaustif possible dans le minimum de temps opératoire. Ceci n’est toutefois possible que dans les centres hospitaliers bien équipés et reste discuté au cas par cas. La date du traitement n’est pas absolument figée lorsque les lésions squelettiques sont isolées, mais il est habituel d’intervenir entre le septième et le 14e jour. Tout dépend bien sûr de l’état général du blessé.
¶ Techniques Voies d’abord L’approche translésionnelle est possible, mais elle ne se conçoit que pour des lésions limitées du rebord orbitaire supérieur ou de la paroi
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Fracture isolée du plafond orbitaire peu déplacée. Abstention chirurgicale.
¶ Indications
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Fracture orbitocrânienne. Voie coronale. Possibilité d’utilisation d’un lambeau de galéa à pédicule latéral ou à pédicule médian.
antérieure du sinus frontal. La voie d’abord la plus commune de ces lésions reste la voie coronale bitemporale qui, outre la dissimulation intracapillaire, permet seule l’abord crânien avec exposition optimale du toit orbitaire, du sinus frontal, des piliers de la face et la reconstruction des contours orbitaires supérieurs. Elle est menée au ras de l’épicrâne jusqu’au trait de fracture, puis en sous-périosté. Elle peut être prolongée latéralement vers les piliers orbitaires externes et les zygomas. En avant, le décollement sous-périosté doit ménager si possible le pédicule supraorbitaire qui peut être libéré de son canal. En cas de brèche ostéodurale, il faut se réserver la possibilité de prélever un lambeau de galéa à pédicule latéral ou antérieur dont le tracé doit être prévu avant l’incision périostée (fig 33). Ceci n’exclut pas, en cas de lésions associées, d’utiliser d’autres voies d’abord orbitaires précédemment décrites. Réparations osseuses Elles sont effectuées en même temps ou avant le temps neurochirurgical s’il est nécessaire, avec en particulier l’étanchéification de la dure-mère avec un greffon d’épicrâne ou un lambeau de galéa. Les déplacements fracturaires sont réduits et contenus le plus souvent par des ostéosynthèses miniaturisées vissées en titane, sous forme de plaques simples pour les piliers osseux (frontomaxillaire, frontozygomatique), sous forme de plaques tridimensionnelles plus adaptables au niveau de la voûte. Ces fixations rigides ont actuellement la préférence de nombreux auteurs, car garantes de l’absence de déplacements secondaires, même dans les fractures plurifragmentaires. Les ostéosynthèses au fil d’acier gardent cependant des adeptes, en particulier pour la fixation des volets crâniens. L’existence de pertes de substance osseuse, soit du fait du traumatisme initial, soit du fait de l’extrême comminution rendant les fragments inutilisables, doit conduire à une restauration, de préférence par greffon osseux autologue prélevé in situ (dédoublement d’un volet d’abord neurochirurgical, greffon calvarial) ou à distance (greffon iliaque, costal dédoublé...). Les matériaux biocompatibles ne sont utilisés qu’au stade séquellaire.
Fractures isolées du plafond orbitaire Il est licite de s’abstenir chirurgicalement lorsqu’elles ne sont pas déplacées (fig 34).Pour une fracture déplacée, il faut désincarcérer la périorbite et éventuellement le releveur de la paupière. Les petits defects n’ont pas systématiquement besoin d’être reconstruits. En revanche, si la perte de substance est large, il faut reconstruire par un greffon osseux pour éviter une synéchie orbitodurale (entraînant énophtalmie et fixité du globe). Lésions du sinus frontal Elles méritent une attention particulière. Pour éviter le risque de mucocèle, de nombreux auteurs ont recommandé l’ablation (crânialisation) ou l’oblitération (exclusion) du sinus et du canal nasofrontal chez les patients ayant une fracture de ce sinus. L’attitude varie suivant la lésion présentée : – les fractures isolées de la paroi antérieure font l’objet d’une ostéosynthèse classique ou d’une reconstruction par greffon autologue après mise en place d’un drainage frontonasal, ceci d’autant plus que certains grands sinus pneumatisent de façon importante le rebord orbitaire supérieur et jouent donc un rôle majeur dans le galbe frontal ; – les atteintes comminutives de la paroi postérieure du sinus doivent conduire à sa crânialisation après éradication totale de la muqueuse sinusienne, obturation du canal nasofrontal par un taquet osseux et « étanchéification » de la base du crâne par greffon corticospongieux ; – a contrario, les fractures non déplacées sont, soit laissées en l’état, soit conduisent à l’exclusion des petits sinus. Lésions des voies optiques L’exploration et la décompression des voies optiques peuvent se faire : – soit par voie frontale neurochirurgicale après trépanation du toit du canal ; – soit par voie canthale médiale transethmoïdosphénoïdale ; – soit par voie transmaxillaire, sous neuroleptanalgésie de façon à pouvoir tester la vision. Il faut toutefois rappeler que la neuropathie optique traumatique est une urgence dont le traitement ne présente pas de consensus : la place de la corticothérapie seule, de la décompression chirurgicale, ou de l’association des deux est toujours controversée [41].
Références ➤
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Fractures de l’orbite
Stomatologie
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Fractures de la mandibule F. Denhez, O. Giraud, J.-B. Seigneuric, A.R. Paranque Définies classiquement comme une solution de continuité de l’os, les fractures mandibulaires ont des répercussions à des degrés divers, selon leur forme anatomoclinique et leur localisation, sur la fonction manducatrice et l’esthétique de la face. Après des rappels anatomophysiologiques permettant de mieux appréhender les mécanismes de survenue de ces pathologies traumatiques, le bilan lésionnel est exposé. En découlent la prise en charge thérapeutique et l’exposé des différentes techniques d’orthopédie, de chirurgie et de mécanothérapie utilisées pour traiter les fractures mandibulaires. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Fractures ; Mandibule ; Classification ; Radiographies ; Tomodensitométrie
■ Rappels anatomiques
Plan
[1, 2]
¶ Introduction
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¶ Rappels anatomiques Architecture osseuse Système musculaire et cinétique mandibulaire Vascularisation et innervation
1 1 2 2
¶ Topographie des fractures mandibulaires
2
¶ Examen clinique Examen clinique de l’étage inférieur de la face
2 3
¶ Examens radiologiques Radiographies conventionnelles Tomodensitométrie
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¶ Formes anatomocliniques des fractures mandibulaires Généralités Classification topographique Fractures particulières
6 6 6 7
Os d’origine membranaire, impair, médian et symétrique, la mandibule constitue le relief du tiers inférieur de la face. En forme de fer à cheval à concavité postérieure, elle est constituée d’un arc horizontal ou corpus, prolongé à chaque extrémité par les branches montantes ou rami (Fig. 1). Elle s’articule avec le massif facial par deux éléments distincts ; l’un constant, l’articulation temporomandibulaire (ATM), bilatérale ; l’autre intermittent, l’articulé dentaire. Les arcades dentaires supérieure et inférieure entrent en contact de façon physiologique lors de la mastication et de la déglutition, et de façon pathologique dans les parafonctions comme le bruxisme. Le col du condyle est grêle et constitue un rupteur en cas de recul et/ou d’enfoncement traumatique de la mandibule, protégeant ainsi la cavité glénoïde et la zone temporale. La région symphysaire et les lignes obliques externes et internes
Parmi les lésions traumatiques du complexe maxillofacial, les fractures de la mandibule occupent une place privilégiée par leur fréquence. Seul os mobile de la face, la mandibule se trouve particulièrement exposée dans les traumatismes en raison de sa position basse et projetée qui lui fait jouer le rôle d’un véritable pare-chocs. Les étiologies des fractures mandibulaires sont multiples. On retrouve de façon préférentielle les accidents de la voie publique, les rixes et les sports de haute vélocité. Définies classiquement comme des solutions de continuité de l’os, les fractures mandibulaires ont des répercussions à des degrés divers, selon leur forme anatomoclinique et leur localisation, sur la fonction manducatrice et l’esthétique de la face. Le traitement vise à rétablir autant que possible ces deux éléments.
Figure 1. Anatomie de la mandibule. 1 : Condyle ; 2 : col du condyle ; 3 : branche montante ; 4 : angle mandibulaire ; 5 : ligne oblique externe ; 6 : branche horizontale ; 7 : trou mentonnier (foramen ovale) ; 8 : symphyse mandibulaire ; 9 : ligne oblique interne ; 10 : épine de Spix ; 11 : coroné.
Architecture osseuse
■ Introduction
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Figure 2. Lignes de faiblesse de la mandibule. 1 : Axe de la canine mandibulaire ; 2 : axe oblique mésial de la dent de sagesse mandibulaire ; 3 : col du condyle.
la mandibule, en agissant comme un véritable moteur de croissance. L’importance du jeu musculaire retrouve un rôle considérable dans la prise en charge thérapeutique des fractures mandibulaires et plus particulièrement en ce qui concerne les fractures articulaires. On distingue classiquement deux groupes musculaires principaux agissant sur l’ouverture et la fermeture buccale : • les muscles élévateurs : ce sont les plus volumineux. Ils sont représentés par le masséter, le temporal et le ptérygoïdien médial ; • les muscles abaisseurs : ils sont beaucoup plus grêles par rapport aux muscles élévateurs. Leurs insertions se situant à distance de l’axe de rotation virtuel de la mandibule passant par les condyles, il n’est mécaniquement pas nécessaire d’exercer une force musculaire importante pour obtenir une ouverture buccale. Les muscles abaisseurs sont le géniohyoïdien, le mylohyoïdien et le ventre antérieur du digastrique. À ces mouvements binaires s’ajoutent : • la propulsion : par contraction bilatérale des muscles ptérygoïdiens latéraux ; • la diduction droite et gauche : par contraction unilatérale réciproque de ces mêmes muscles ; • la rétropulsion : par la contraction des fibres postérieures du temporal et des ptérygoïdiens médiaux. La cinétique mandibulaire est complexe. Mécaniquement, elle fait intervenir trois éléments : l’articulation temporomandibulaire, le système musculaire et le système dentaire par le jeu de l’occlusion. Comme nous le verrons dans le chapitre du classement et du traitement des fractures, la fonction musculaire est parfois un élément stabilisateur, voire une thérapeutique dans le traitement de certaines fractures. Inversement, elle peut contribuer à déplacer une solution de continuité et devoir être absolument bloquée pour permettre la consolidation.
Vascularisation et innervation Figure 3. Système musculaire et cinétique mandibulaire. 1. Action des muscles élévateurs. 2. Action des muscles abaisseurs. 3. Rétropulsion . 4. Propulsion, diduction.
constituent des structures de renfort. L’os basal de la mandibule est constitué d’une gouttière épaisse de tissu compact au sein de laquelle se trouve du tissu spongieux dont les trabéculations s’établissent et s’orientent selon les lignes de forces auxquelles est soumis cet os. Ces trabéculations forment une structure classiquement décrite en « nid d’abeilles » qui contribue au renfort mécanique de l’entité osseuse. Le maxillaire et la mandibule portent le système dentaire qui est enchâssé au sein de l’os alvéolaire. Sa structure histologique ne présente pas de différence avec l’os basal mais sa genèse et sa persistance sont intimement liées à la présence des dents. L’os alvéolaire apparaît donc avec les dents et disparaît progressivement après édentement par défaut de sollicitation biomécanique. L’épaisseur des corticales externe et interne de l’os alvéolaire n’est pas homogène sur l’ensemble de l’arc mandibulaire. Cette variation est liée à l’axe d’implantation des dents. La corticale externe augmente d’épaisseur vers les secteurs postérieurs et, inversement, la table interne diminue. L’os alvéolaire renforce l’architecture de la mandibule mais les dents enchâssées dans cette structure constituent parfois un facteur fragilisant en traumatologie. Elles forment des lignes de faiblesse en fonction de l’axe d’implantation et de la longueur radiculaire. C’est ainsi que la canine, par la taille de sa racine, et la dent de sagesse, par son inclusion fréquente, oblique mésiale au sein d’un angle, constituent des zones préférentielles de fracture lors des traumatismes de la mandibule (Fig. 2). [3, 4]
Système musculaire et cinétique mandibulaire (Fig. 3) En dehors de la fonction masticatoire, le système musculaire orthognatique joue un rôle essentiel lors de la morphogenèse de
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La mandibule est un os à vascularisation terminale, laquelle est assurée principalement par l’artère alvéolaire inférieure, branche de l’artère maxillaire, elle-même branche de division de la carotide externe. L’artère alvéolaire inférieure pénètre dans le canal osseux du même nom au niveau de l’épine de Spix. Dans son trajet intraosseux, elle fournit des rameaux osseux et dentaires. À son extrémité distale, elle se divise en deux branches : une extraosseuse qui émerge par le trou mentonnier ; c’est la branche mentonnière ; l’autre qui continue son trajet intraosseux et qui participe à la vascularisation de la région symphysaire et du groupe dentaire incisivocanin correspondant. L’apport périosté est, quant à lui, mineur. L’innervation est assurée par le nerf alvéolaire inférieur (V3), branche du nerf trijumeau (V), qui, dans son trajet classique, est satellite de l’artère et de ses branches terminales. Notons dès à présent que dans certains traumatismes, des mécanismes de cisaillement et de compression peuvent être à l’origine de complications nerveuses (paresthésies, hypoesthésies, anesthésies) et/ou vasculaires (hémorragies, hématomes).
■ Topographie des fractures mandibulaires (Fig. 4) La topographie lésionnelle des fractures de la mandibule est bien établie à partir de nombreuses études. D’un point de vue fondamental, elle s’explique parfaitement par la connaissance de l’anatomie et de la fonction de cet os.
■ Examen clinique
[5]
Avant d’examiner plus particulièrement le complexe mandibulaire, il convient en toutes circonstances, face à un blessé, d’évaluer les fonctions vitales afin de prévenir et de traiter les Stomatologie
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d’établir les asymétries éventuelles ou déformations tégumentaires de l’étage inférieur de la face : projection, recul, latérodéviation de la pointe du menton, tassement des commissures, absence de contact des lèvres. On recherche des plaies plus ou moins conséquentes (de la perte de substance majeure à la simple érosion). On précise les œdèmes et les hématomes. La sensibilité de la lèvre inférieure depuis la commissure jusqu’à la ligne médiane est appréciée de façon symétrique à la recherche d’une éventuelle lésion du V3. Cadre osseux
Figure 4. Topographie des fractures mandibulaires. 1 : Condyle ; 2 : branche montante ; 3 : angle mandibulaire ; 4 : coroné ; 5 : portion alvéolodentaire ; 6 : branche horizontale ; 7 : symphyse et parasymphyse.
urgences pouvant compromettre la vie du patient. Ces notions sont exposées dans le chapitre de la prise en charge thérapeutique.
Examen clinique de l’étage inférieur de la face Il repose sur un examen exobuccal et endobuccal mais commence, comme tout examen clinique, par l’anamnèse. En cas de diagnostic clinique ou de suspicion de fracture et dès qu’un doute persiste, l’examen clinique est systématiquement complété par un bilan radiologique.
Anamnèse Elle précise les circonstances de l’accident. Elle permet parfois de suspecter, selon les renseignements donnés par le patient (nature, intensité et point d’impact du choc), le siège potentiel de certaines fractures. La notion de perte de connaissance est fondamentale dans la prise en charge médicale générale du patient. Elle constitue toujours un caractère de gravité potentielle. Tout élément précisant l’état antérieur du blessé (état général et plus particulièrement état buccodentaire) doit être recueilli. Des photos de face et de profil, des moulages dentaires et des radiographies antérieures au traumatisme peuvent être d’une aide précieuse. Outre l’aspect médicolégal, cet interrogatoire constitue une aide à l’établissement du diagnostic et du plan de traitement qui en découle.
Examen exobuccal Il se fait par l’inspection et la palpation de l’étage inférieur de la face. Cependant, les modifications squelettiques dans les fractures et les traumatismes divers sont souvent rapidement masquées par le développement d’un œdème extensif. Téguments L’inspection, en tenant compte des notions de l’état antérieur et par comparaison droite, gauche, de face et de profil, permet
La palpation symétrique du rebord mandibulaire recherche une encoche, une déformation ou une douleur provoquée. Une pression exercée sur la symphyse peut mettre en évidence une douleur au niveau goniaque ou temporomandibulaire. De même, une force appliquée latéralement sur les angles révèle parfois une douleur symphysaire en faisant bâiller le trait de fracture médian (Fig. 5). Cinétique mandibulaire (Fig. 6) Elle est appréciée qualitativement et quantitativement. Il ne doit pas exister de gêne ou de limitation dans les différents mouvements mandibulaires : ouverture, fermeture, propulsion et diduction. En amplitude maximale, l’ouverture buccale est classiquement mesurée à 40 mm plus ou moins 5 mm (distance séparant les bords incisifs mandibulaires et maxillaires centraux). La palpation bicondylienne prudente, légèrement en avant du tragus, puis au niveau du conduit auditif externe, dans ces différents mouvements, recherche une douleur, une asymétrie de déplacement des condyles ou objective une lacune éventuelle due au déplacement traumatique du condyle.
Examen endobuccal Les muqueuses des versants vestibulaire et lingual de la mandibule font l’objet d’un examen soigneux, sans pour autant négliger l’ensemble de la muqueuse buccale, notamment le plancher et la langue. Parfois, un simple saignement au niveau d’un collet peut être le seul signe clinique pouvant laisser suspecter une fracture de la portion dentée de la mandibule. On recherche une solution de continuité de l’arc mandibulaire en tentant de mobiliser avec précaution les différents segments de l’arc squelettique (Fig. 7). On demande au patient de se mettre en intercuspidation maximum et, en écartant légèrement les lèvres, on apprécie le rapport interarcade dans le sens vertical, transversal et antéropostérieur (Fig. 8). Un décalage des points interincisifs, une béance antérieure, une absence de calage postérieur unilatéral ou bilatéral, enfin toute modification de l’articulé dentaire par rapport à l’état antérieur existant ou décrit par le patient doivent faire évoquer un diagnostic de fracture. Au besoin, l’examinateur peut avoir recours au papier à articulé afin d’objectiver une perturbation de l’articulé dentaire. On recherche des mobilités dentaires unitaires ou d’un groupe de dents. Les fractures coronaires partielles ou totales sont notées Figure 5. A. Pression sur la symphyse entraînant une douleur de l’articulation temporomandibulaire (ATM). B. Force latérale sur les angles déclenchant une douleur symphysaire.
B A Stomatologie
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Figure 6. Palpation bilatérale des articulations temporomandibulaires (ATM) dans les mouvements mandibulaires. a. Index sur le tragus ; b. auriculaire dans le conduit auditif externe.
Figure 7. Recherche d’une solution de continuité par tentative de mobilisation des différentes portions de l’arc mandibulaire.
ainsi que les expulsions éventuelles. Le schéma dentaire, trop souvent négligé, doit être minutieusement établi dans un but médicolégal.
■ Examens radiologiques
[6, 7]
Indispensables et complémentaires, ils confirment ou infirment le bilan clinique en le précisant. Ils recherchent d’autres lésions associées éventuelles qui auraient pu échapper au premier bilan lésionnel. Parmi ces examens radiologiques, on distingue classiquement les clichés conventionnels et la tomodensitométrie.
Radiographies conventionnelles On distingue les incidences exobuccales et les clichés endobuccaux plus spécifiques du bilan alvéolodentaire.
Clichés exobuccaux Incidence panoramique des maxillaires (Fig. 9) Malgré les nombreux défauts qu’elle présente, l’incidence panoramique des maxillaires demeure un cliché de référence dans le bilan lésionnel de la mandibule. L’image obtenue permet l’analyse de l’architecture osseuse mandibulaire et des portions dentées. Elle s’apparente à une tomographie passant par un plan de coupe préétabli d’environ 1,5 cm d’épaisseur. Le cliché se déroule d’une ATM à l’autre. Cependant, la radiographie panoramique des maxillaires doit être considérée comme un cliché de débrouillage et doit être complétée par d’autres incidences exposées ultérieurement. En effet, la déformation du
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Figure 8. Rapports interarcades en normoclusion (A, B). a. Points interincisifs alignés ; b. rapports canins de classe 1 ; c. classe 1 molaire.
cliché obtenu n’est pas négligeable. D’environ 25 % en magnitude, elle est encore plus notable au niveau des extrémités. Si l’image obtenue de la mandibule reste d’une exploitation tout à fait acceptable dans sa portion dentée, elle l’est beaucoup moins quand il s’agit d’interpréter l’image déformée des condyles qui ne sont visualisés que dans un seul plan. Cette incidence suppose, en règle générale, d’être en présence d’un patient conscient et coopérant, la position requise étant, pour la majorité des appareils, une position assise nécessitant la participation du patient. Clichés en défilé mandibulaire Ils ne sont plus vraiment d’actualité. Cependant, ils restent indiqués quand, pour des raisons techniques dépendantes ou indépendantes du patient, la radiographie panoramique n’est pas réalisable. L’incidence du défilé permet l’analyse d’une hémimandibule. Deux clichés sont donc nécessaires pour un examen complet. Les images obtenues montrent beaucoup de superpositions et, généralement, seule la portion dentée de la mandibule est interprétable. Stomatologie
Fractures de la mandibule ¶ 22-070-A-12
Figure 9. Radiographie panoramique des maxillaires. 1. Condyle ; 2. coroné ; 3. angle mandibulaire ; 4. os hyoïde ; 5. canal alvéolaire inférieur ; 6. projection de l’apophyse odontoïde de C2 ; 7. trou mentonnier ; 8. apophyse styloïde ; 9. sinus maxillaire ; 10. fosses nasales.
Figure 10. A. Incidence face basse. a : plan orbitonasal ; b : rayon incident. B. Schéma d’un cliché face basse. 1. Rocher ; 2. racine du zygoma ; 3. condyle mandibulaire ; 4. col du condyle ; 5. coroné ; 6. branche montante ; 7. ligne oblique externe ; 8. épine de Spix ; 9. alvéolaire inférieur ; 10. trou mentonnier (foramen ovale).
1 2 3 4 a
5 8
6
7
+15 b
9
A 10
B
Incidence face basse ou nez-front-plaque bouche ouverte (Fig. 10) En défilant les branches verticales et les régions condyliennes, cette incidence permet plus particulièrement d’en révéler les fractures. Elle précise également les angles et les parties postérieures de la branche horizontale. Elle complète généralement, dans le cadre d’un bilan de base, la radiographie panoramique des maxillaires en réalisant des images des condyles dans un plan orthogonal à cette dernière. Incidence de Schuller Réalisée bouche ouverte et bouche fermée, cette incidence pseudodynamique permet de bien visualiser la région condylienne. Elle est donc particulièrement indiquée dans les suspicions de fracture de l’ATM.
Clichés endobuccaux Souvent négligés dans les bilans initiaux, ils prennent toute leur importance quand il s’agit d’explorer le système dentaire et son os de soutien. Ils supposent que le patient puisse ouvrir la bouche et demandent une coopération de celui-ci, ce qui est parfois délicat dans un contexte traumatique. Plusieurs clichés sont nécessaires pour explorer l’ensemble de la denture. Cliché mordu occlusal Son intérêt en traumatologie se limite généralement au secteur antérieur. L’inclinaison du rayon incident par rapport au film-support génère une forte déformation des structures explorées. Stomatologie
Cliché rétroalvéolaire Il est réalisé autant que possible en technique parallèle à l’aide d’un angulateur porte-film. En qualité d’interprétation, c’est sans doute le meilleur cliché de radiographie conventionnelle. Sans déformation, ni superposition, il permet un examen précis des dents, de l’os alvéolaire et de l’os basal sous-jacent. Il existe des films pédodontiques, à format réduit, qui ne sont pas réservés qu’à l’enfant et qui pourront aussi être utilisés chez l’adulte, notamment pour les secteurs antérieurs et en cas de difficulté d’ouverture buccale.
Tomodensitométrie Elle peut être réalisée d’emblée ou compléter un bilan radiographique conventionnel. Elle est indiquée en première intention dans le cadre d’un polytraumatisé permettant, avec un seul examen, de réaliser un bilan lésionnel complet chez un patient ne pouvant être mobilisé facilement. Actuellement, la TDM spiralée autorise une acquisition très rapide d’images avec des reconstructions multiplans. La qualité du bilan radiologique en tomodensitométrie permet d’obtenir des images fidèles à la réalité même dans les reconstructions tridimensionnelles longtemps sources de fausses images imputables au logiciel. De l’interprétation facilitée, notamment dans les fractures complexes, découle généralement une stratégie thérapeutique mieux adaptée. Ces différents examens permettent d’établir le diagnostic des fractures mandibulaires (Fig. 11).
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Figure 11. Arbre décisionnel. Fracture mandibulaire : diagnostic.
Fracture mandibulaire
Traitement des urgences vitales
Bilan lésionnel
Examen clinique, imagerie
Localisation
Pertes de substances étendues
Portion dentée
Portion non dentée
■ Formes anatomocliniques des fractures mandibulaires
Association portion dentée / non dentée
[8, 9]
Généralités Les formes anatomocliniques des fractures mandibulaires sont nombreuses. De façon générale, un certain nombre de qualificatifs sont utilisés pour classer et définir les fractures : fractures ouvertes ou fermées, uni- ou plurifocales (selon le nombre de localisations de traits de fracture), déplacées ou non, partielles ou totales (le trait de fracture rompt partiellement ou totalement l’os), stables ou instables, isolées ou associées (s’il existe d’autres atteintes de l’intégrité corporelle). Enfin, l’orientation du trait de fracture définie dans les trois plans de l’espace (vertical, horizontal et sagittal), et les rapports des extrémités des segments fracturés (chevauchement, décalage, angulation) précisent le type de fracture. L’ensemble de ces qualificatifs peut donc s’appliquer à la classification topographique des fractures mandibulaires développée ci-dessous.
Figure 12. Fracture de la branche horizontale. A. Fracture stable. B. Fracture instable.
Classification topographique Classiquement, on distingue les fractures de la portion dentée et de la portion non dentée.
choc violent direct sur le menton. Une fracture de l’un ou des deux condyles peut y être classiquement associée par transmission des forces traumatiques.
Fractures de la portion dentée
Fractures de la branche horizontale (Fig. 12)
La présence des dents et la déchirure de la muqueuse gingivale entraînent une communication du foyer de fracture avec la cavité buccale. Les fractures de la portion dentée de la mandibule sont donc considérées comme des fractures ouvertes et doivent être traitées comme telles.
Elles siègent entre la face mésiale de la première prémolaire et la face distale de la deuxième molaire. La stabilité de la fracture est conditionnée par l’orientation du trait de fracture. Une orientation oblique en bas et en arrière entraîne une instabilité due à l’action du jeu musculaire. Le fragment antérieur, sous l’action des muscles sus-hyoïdiens, tend à s’abaisser. Inversement, le fragment postérieur ascensionne par action des muscles élévateurs de la mandibule. Il existe parfois un déplacement du menton du côté fracturé par chevauchement des fragments antérieur et postérieur. À noter que ces mécanismes sont majorés en cas d’édentement, l’occlusion dentaire agissant comme un facteur limitant les déplacements. Un trait de fracture oblique en bas et en avant confère une meilleure stabilité. Dans les déplacements importants, les atteintes du nerf dentaire inférieur sont fréquentes, à type de contusion ou de section, et sont alors responsables, selon le cas, d’hypoesthésies ou d’anesthésies du territoire labiomentonnier. La rupture de l’artère dentaire inférieure peut exceptionnellement être à l’origine d’une hémorragie gravissime, pouvant justifier une hémostase en urgence, ou d’un hématome à évacuer.
Fractures symphysaires et parasymphysaires Par définition, elles sont localisées entre les faces distales des canines. Le trait de fracture est variable, médian, paramédian, oblique ou vertical, avec une localisation préférentielle le long d’une racine dentaire et plus spécifiquement le long de la canine, en raison de la raréfaction de l’os à ce niveau. Dans les formes unifocales, les signes cliniques sont le plus souvent discrets. Ils peuvent même être tardifs avec des déplacements secondaires. Une simple plaie de la muqueuse gingivale est parfois le seul signe clinique révélateur de la solution de continuité. Les formes bilatérales peuvent entraîner un déplacement vers le bas et en arrière de la région symphysaire, avec un risque de chute postérieure de la langue qui s’insère sur les apophyses geni pouvant ainsi engendrer une détresse respiratoire. À l’origine de ces fractures, on retrouve généralement un
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Stomatologie
Fractures de la mandibule ¶ 22-070-A-12
Figure 13. Fractures du condyle et du coroné. 1 : Fracture capitale ; 2 : fracture condylienne haute ; 3 : fracture sous-condylienne basse ; 4 : fracture du coroné.
Fractures de l’angle mandibulaire La région est limitée en arrière par la ligne horizontale du trigone rétromolaire et en avant par la face distale de la deuxième molaire. La présence d’une dent de sagesse incluse est un facteur favorisant la survenue de ce type de fracture. Le trait prend plutôt une orientation oblique en bas et en arrière et résulte le plus souvent d’un choc direct. Le déplacement est variable. Il se manifeste généralement par un décalage du point interincisif du côté fracturé et une béance postérieure controlatérale. Lorsque la troisième molaire est présente sur l’arcade ou en position d’inclusion, elle peut constituer un obstacle à la réduction de la fracture (cf. traitement fracture mandibulaire). L’atteinte du nerf dentaire inférieur est fréquente.
Fractures de la région non dentée Fractures de la branche montante Elles concernent la région s’étendant de l’angle mandibulaire aux apophyses du condyle et du coroné. Ces fractures sont plus rares et les déplacements sont peu fréquents, cela étant essentiellement dû à l’action protectrice et stabilisatrice de la gaine musculaire constituée principalement des muscles masséter et ptérygoïdien médial. Quelle que soit l’orientation du trait de fracture, on observe généralement une limitation d’ouverture buccale associée, dans les fractures déplacées, à un contact prématuré homolatéral dû à une diminution de la longueur de la branche montante. Fractures du condyle (Fig. 13) Elles ont pour origine essentiellement des chocs indirects, sur le menton ou le côté controlatéral de la mandibule. On peut les observer particulièrement lors des chutes en avant dans les pertes de connaissance en position orthostatique. La personne tombe brutalement sans interposition des membres supérieurs et le menton percute directement le sol. Dans ce cas, les fractures bicondyliennes sont fréquentes. On distingue les fractures extra-articulaires et les fractures intra-articulaires. Fractures extra-articulaires : fractures sous-condyliennes basses. En règle générale, les déplacements sont rares, l’articulé dentaire est peu perturbé. Ces fractures passent parfois inaperçues, la symptomatologie étant généralement réduite à une simple douleur à l’ouverture et à la fermeture buccale. Fractures intra-articulaires. Fractures condyliennes hautes. Sous l’action des fibres musculaires du ptérygoïdien médial, la tête du condyle bascule en avant et en dedans. Il en résulte une diminution unilatérale de la dimension verticale se traduisant cliniquement par une prématurité des contacts occlusaux du côté fracturé. La cinétique mandibulaire est contrariée en amplitude dans les mouvements d’ouverture et de diduction. La pointe du menton est déviée du côté homolatéral. Les fractures bilatérales ne sont pas rares en cas de choc sur le menton ; on observe alors un recul mandibulaire associé à une béance antérieure. Rappelons que Stomatologie
dans ce type de traumatisme, les condyles jouent le rôle de rupteur en cédant sous le choc afin de protéger les cavités glénoïdes et la base du crâne. Fractures capitales. Elles concernent la tête du condyle. On peut parfois observer un véritable éclatement de l’extrémité condylienne mais généralement, la fracture se présente sous la forme d’un trait unique. Comme dans les fractures souscondyliennes basses, les signes cliniques sont généralement assez discrets et peuvent même passer inaperçus. Tout traumatisme mandibulaire, même minime, chez un patient se plaignant d’une simple douleur dans les mouvements d’ouverture, sans signes évocateurs de perturbation de l’articulé, impose tout de même de suspecter une fracture condylienne intra-articulaire ou extra-articulaire haute. Celle-ci sera confirmée ou infirmée par les données de l’imagerie. Fractures du coroné Elles sont peu fréquentes. Le plus souvent, la symptomatologie est réduite à un simple trismus. Sous l’action des fibres musculaires du temporal, le coroné est attiré en haut et en arrière. Le diagnostic reste essentiellement radiologique.
Fractures alvéolodentaires et dentaires Elles peuvent être isolées ou associées à une solution de continuité de l’os basal. Les fractures alvéolodentaires touchent préférentiellement le bloc incisivocanin particulièrement exposé, par choc direct antérieur entraînant une version linguale du secteur dentaire. Les secteurs prémolaire et molaire présentent généralement des lésions dentaires pures dans les chocs latéraux (fractures cuspidiennes). Classiquement, on distingue donc : • les atteintes dentaires pures : C les fractures coronaires : – fractures de l’émail ; – fractures amélodentinaires avec ou sans exposition pulpaire ; C les fractures radiculaires (tiers apical, moyen, cervical) ; C les fractures coronoradiculaires (horizontales, verticales ou obliques) ; • les atteintes alvéolodentaires : C la subluxation : la dent est mobile et douloureuse mais reste dans son alvéole ; C la luxation partielle : la dent occupe une position différente dans son alvéole. Elle peut être extrusée, ingressée, vestibulée, ou lingualée ; C la luxation totale : la dent est expulsée de son alvéole ; C la fracture partielle ou totale du procès alvéolaire : le fragment alvéolodentaire est plus ou moins mobile ; généralement, il reste solidaire de l’os basal par l’intermédiaire de la fibromuqueuse gingivale.
Fractures particulières Fractures comminutives Il s’agit de fractures plurifragmentaires pouvant comporter des pertes de substance, voire une disparition d’un segment osseux. Elles sont assez typiques des traumatismes balistiques par armes à feu ou des grands traumatismes rencontrés lors des accidents du trafic ou des chutes de grande hauteur.
Fractures chez l’enfant Trois périodes sont distinguées : • de la naissance à la première année : la plasticité de l’os est telle que les traumatismes sont réduits au minimum. Les dents ne font normalement leur apparition qu’à partir de l’âge de 6 mois ; • entre 1 an et 6 ans : le développement de la motricité jusqu’à l’acquisition de la marche et la sociabilisation de l’enfant à la vie courante font qu’il est naturellement plus exposé aux traumatismes mandibulaires. Les condyles sont peu solides et les portions dentées présentes ou futures de la mandibule sont rendues fragiles par la présence de nombreux germes dentaires ;
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• entre 6 et 12 ans : l’enfant est en denture mixte. Les traumatismes alvéolodentaires sont fréquents et favorisés par la présence de dents immatures sur l’arcade. Le secteur incisif maxillaire est particulièrement concerné. Avant 12 ans, le traitement des fractures mandibulaires chez l’enfant est rendu difficile par la présence de nombreux germes, ce qui réduit la prise en charge thérapeutique au seul traitement orthopédique.
etc.), de pathologies générales à retentissement mandibulaire (ostéoporose, dysplasie fibreuse, etc.), de pathologies infectieuses ou postradiques (ostéite chronique, ostéoradionécrose). Ces pathologies compliquent généralement la prise en charge thérapeutique et sont sources de retard de consolidation. . .
■ Références
Fractures chez l’édenté
[1]
La disparition des dents entraîne une perte conjointe de l’os alvéolaire. Celle-ci est d’autant plus importante qu’il n’y a pas de compensation prothétique. La mandibule est donc fragilisée par la perte d’un capital osseux et l’absence de dents amplifie l’impact des traumatismes par défaut de calage. Le déplacement des fractures est favorisé par l’édentement. La prise en charge thérapeutique est plus difficile en raison de l’absence de référentiel occlusal.
[2]
Fractures pathologiques
[6] [7]
On les définit comme des fractures survenant sur un tissu osseux fragilisé par l’évolution d’un processus pathologique ostéolytique. Les étiologies sont nombreuses. Il peut s’agir de tumeurs bénignes d’origine odontogène ou non (kystes mandibulaires, améloblastomes, etc.), de tumeurs malignes (sarcomes,
[3] [4] [5]
[8] [9]
Rouvière H, Delmas A. Anatomie humaine. T 1: Tête et cou. Descriptive, topographique et fonctionnelle. Paris: Masson; 654p. Brizon J, Castaing J. Feuillets d’anatomie n°11. Ostéologie de la tête et du tronc. Paris: Maloine; 1997 (140p). Iida S, Nomura K, Okura M, Kogo M. Influence of the incompletely erupted lower third molar on mandibular angle and condylar fractures. J Trauma 2004;57:613-7. Dodson TB. Third molars may double the risk of angle fracture of the mandible. Evid Based Dent 2004;5:78. Denhez F, Seigneuric JB, Duhamel P, Cantaloube D. Examen d’un traumatisé maxillofacial. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-068-A-12, 2003: 11p. LacanA. Nouvelle imagerie dentaire. Paris: CDP éditions; 1990 (168p). Teman G. Imagerie maxillofaciale pratique. Paris: éditions Quintessence International; 2001 (244p). Le Breton G. Traité de séméiologie et clinique odonto-stomatologie. Paris: CDP éditions; 1998. Piette E, Reychler H. Traité de pathologie buccale et maxillofaciale. Bruxelles: De Boeck Université; 1991.
F. Denhez, Chirurgien dentiste, chef de service adjoint ([email protected]). O. Giraud, Chirurgien maxillofacial, chef de service adjoint. Service de chirurgie plastique et maxillofaciale et d’odontologie, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406 Clamart cedex, France. J.-B. Seigneuric, Stomatologiste, adjoint au chef de service. A.R. Paranque, Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service. Service de chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Denhez F., Giraud O., Seigneuric J.-B., Paranque A.R. Fractures de la mandibule. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-070-A-12, 2005.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-071-A-10
22-071-A-10
Fractures des maxillaires JP Dandrau S Aubert D Cantaloube
Résumé. – Les fractures du maxillaire correspondent à une solution de continuité qui intéresse le maxillaire en partie ou en totalité. Elles représentent en particulier les fractures décrites par Le Fort. Leur diversité tient au nombre de leurs combinaisons entre elles et avec d’autres formes cliniques plus rares à traits verticaux, mais aussi à la violence des traumatismes. Elles peuvent induire des troubles fonctionnels et morphologiques difficiles à résoudre. Les moyens radiologiques actuels aident efficacement à leur exploration. Si les ostéosynthèses par plaques miniaturisées-vissées et les greffes osseuses immédiates s’avèrent intéressantes, l’arsenal thérapeutique classique reste toujours d’actualité car tributaire des conditions variables d’exercice et des perturbations anatomopathologiques. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : fracture, maxillaire, dentaire, troubles occlusaux, ostéosynthèses.
Introduction Les fractures du maxillaire supérieur correspondent à une solution de continuité qui intéresse le maxillaire supérieur en partie ou en totalité. Elles représentent en particulier les fractures décrites par Le Fort. Leur diversité tient au nombre de leurs combinaisons entre elles et avec d’autres formes cliniques plus rares à traits verticaux. Bien que moins fréquentes aujourd’hui, en raison de l’élaboration de moyens de protection efficaces, néanmoins la violence des traumatismes leur associe des fractures des autres régions de la face et peut induire des troubles fonctionnels et morphologiques. Les moyens radiologiques actuels aident efficacement à leur exploration. Si les ostéosynthèses par plaques miniaturisées-vissées et les greffes osseuses immédiates s’avèrent intéressantes, l’arsenal thérapeutique classique reste toujours d’actualité, car tributaire des conditions variables d’exercice et des perturbations anatomopathologiques.
Données anatomiques MORPHOLOGIE
Le maxillaire supérieur, pair et symétrique, pièce maîtresse du massif facial supérieur, participe à la constitution des principales cavités de la face : fosses nasales, palais osseux de la cavité buccale, cavité orbitaire, fosse ptérygomaxillaire (fig 1, 2). Formé d’une pyramide quadrangulaire à base antéroexterne, couchée horizontalement, il est creusé d’une cavité, le sinus maxillaire, à laquelle se trouvent soudées plusieurs apophyses en
Jean-Pierre Dandrau : Spécialiste des hôpitaux des Armées, chef de service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie. Serge Aubert : Spécialiste des hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service. Service de chirurgie maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Legouest, 27, avenue de Plantières, 57070 Metz, France. Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de chirurgie plastique et maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart cedex, France.
1 Maxillaire : vue de trois quarts. 1. Maxillaire supérieur ; 2. frontal ; 3. malaire ; 4. os propre du nez ; 5. unguis ; 6. os planum ; 7. foramen infraorbitaire ; 8. canal infraorbitaire ; 9. fente sphénomaxillaire ; 10. foramen ethmoïdal antérieur ; 11. foramen ethmoïdal postérieur ; 12. arcade alvéolodentaire. rapport étroit avec les 13 os du massif facial supérieur (malaire, unguis, palatin, cornet inférieur, os du nez, vomer et indirectement os zygomatique) [5, 6, 29]. Ces apophyses sont représentées par : – l’apophyse montante du maxillaire ;
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dandrau JP, Aubert S et Cantaloube D. Fractures des maxillaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés), Stomatologie, 22-071-A-10, 2001, 13 p.
Fractures des maxillaires
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Stomatologie
compacts déterminant verticalement des piliers, horizontalement des entretoises, et sagittalement un système de lames verticales (travaux d’Ombrédanne, Shapiro, Lieber, Cowley) (fig 3). Dans le plan vertical
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Maxillaire : vue inférieure. 1. Maxillaire inférieur ; 2. malaire ; 3. os zygomatique ; 4. apophyse montante du maxillaire ; 5. lame palatine du maxillaire ; 6. bord supraorbitaire du frontal ; 7. foramen infraorbitaire ; 8. foramen palatin antérieur ; 9. foramen palatin postérieur.
– l’apophyse palatine qui s’unit par son bord interne avec son homologue controlatéral pour former la partie antérieure du palais osseux ; – le rebord alvéolaire formant avec celui du côté opposé l’arcade alvéolodentaire. De par sa position de base au sein du massif facial supérieur, cette structure aérique contribue à son renfort par un système d’os plus
– Le pilier antérieur ou canin naît de la zone canine supérieure, remonte le long de l’orifice piriforme pour se terminer à la partie interne du rebord supraorbitaire. – Le pilier externe ou maxillomalaire naît de la première et de la deuxième molaire, suit le cintre maxillomalaire et se prolonge par le pilier externe malo-orbitofrontal pour se terminer à la partie externe du rebord supraorbitaire de l’os frontal. – Le pilier postérieur ou ptérygoïdien naît à la zone de jonction ptérygomaxillaire puis remonte vers le corps du sphénoïde pour s’épuiser à la partie interne et inférieure de la grande aile du sphénoïde. Dans le plan horizontal – Le rebord orbitaire inférieur unit le corps du malaire et la partie supérieure du pilier canin. – Dans le prolongement du cintre maxillomolaire, l’apophyse zygomatique unit le corps du malaire au temporal par l’intermédiaire des racines transverses et longitudinales du zygomatique.
" A3
" A2 " A1 3
B2
B1
2
A. Lignes de renfort dans les trois plans de l’espace. B. Résistances osseuses maximales avant fracture des différents pare-chocs de l’étage moyen mesurées en G-unit (d’après Sweringen).
Fractures des maxillaires
Stomatologie
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Artérielle Elle est assurée à droite et à gauche par les branches d’une seule et même artère : la maxillaire interne, branche de division terminale de la carotide externe. Adossée à la tubérosité maxillaire, elle distribue plusieurs branches à destinée maxillaire avant de traverser le foramen sphénopalatin, au-delà duquel elle prend le nom d’artère sphénopalatine.
• Artère sphénopalatine Elle assure la vascularisation du palais : – par la palatine descendante qui emprunte le canal palatin postérieur et se termine en : – branche antérieure à destinée palatine le long du rempart alvéolaire ; – branche postérieure à destinée vélaire ; – par la nasopalatine qui irrigue le plafond, la cloison et le plancher des fosses nasales avant de gagner le canal palatin antérieur.
• Artère sous-orbitaire 4
Coupe transversale passant par la deuxième molaire. 1. Frontal ; 2. apex crista galli ; 3. cellules ethmoïdales ; 4. cornet supérieur ; 5. lame perpendiculaire de l’ethmoïde ; 6. cornet moyen ; 7. vomer ; 8. cornet inférieur ; 9. malaire ; 10. tissu cutané ; 11. masséter ; 12. petit zygomatique ; 13. nerf facial (VII) ; 14. grand zygomatique ; 15. canal de Sténon ; 16. buccinateur ; 17. sinus maxillaire.
– Le plateau palatin constitue en quelque sorte un point d’appui des trois piliers verticaux. Dans le plan sagittal Le système vomer-lame perpendiculaire de l’ethmoïde unit la ligne médiane maxillopalatine à l’ethmoïde et au sphénoïde, constituant une cloison sagittale verticale de résistance médiocre. Ce squelette osseux présente quelques insertions musculaires particulières : – le ptérygoïdien latéral inséré en partie sur la tubérosité maxillaire ; – le canin et le buccinateur traversés par le canal de Sténon ; – le masséter par ses insertions les plus antérieures. Au-delà, le maxillaire supérieur présente des rapports étroits avec ses plans de couverture : la peau et les éléments sous-jacents que sont le tissu cellulocutané et le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) sous lequel cheminent les branches terminales du nerf facial (fig 4).
¶ Vascularisation du maxillaire supérieur Mieux connue depuis les travaux de Bell et Cadenat, elle est fragile. Son mode de distribution conduit à utiliser des voies d’abord limitées, des décollements prudents et des mobilisations douces, guidées, pour la préserver (fig 5).
Elle naît dans la fosse infratemporale emprunte la fente sphénomaxillaire, la gouttière puis le canal sous-orbitaire avant de distribuer des branches terminales jugales et palpébrales inférieures, donnant sur son trajet intraosseux des branches alvéolodentaires à destinées incisivocanines.
• Artère antroalvéolaire de Jasques Elle aborde le maxillaire au niveau de la tubérosité et assure la vascularisation prémolomolaire et buccinatrice. Les différentes branches alvéolodentaires de ces deux dernières artères s’anastomosent entre elles en un réseau sous-apical. Drainage veineux Il est assuré par les veines homologues des artères, se drainant dans les plexi veineux ptérygoïdiens (appliqués sur les reliefs tubérositaires et les muscles ptérygoïdiens externes par des gaines vasculaires décrites par Champy). Les plexi s’individualisent en veines maxillaires qui se drainent dans le réseau jugulaire interne. Innervation Elle est assurée par les branches du nerf maxillaire supérieur, branche du trijumeau qui se distribue en : nerfs palatins antérieur et inférieur, nerf nasopalatin, nerf alvéolaire supérieur (deux postérieurs, un inférieur, un antérieur) anastomosés en un plexus sus-apical et le nerf sous-orbitaire, sources de dysesthésie post-traumatique.
¶ Physiopathologie En 1901, René Le Fort, chirurgien militaire français publie la description princeps des trois niveaux de « fractures de la mâchoire supérieure », à la suite de son étude expérimentale [16].
5
Vascularisation artérielle : vue antéro-interne. 1. Artère maxillaire interne ; 2. artère infraorbitaire ; 3. artère antroalvéolaire de Jasques ; 4. artère jugale ; 5. artère sphénopalatine et son épanouissement ; 6. artère nasopalatine ; 7. artère du cornet moyen ; 8. artère du cornet inférieur ; 9. artère palatine supérieur ; 10. nerf dentaire moyen ; 11. nerf infraorbitaire ; 12. nerf dentaire antérieur ; 13. nerf maxillaire supérieur ; 14. nerf dentaire postérieur. A. Vue antéro-interne. B. Vue externe.
* B * A 3
Fractures des maxillaires
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Stomatologie
Leurs dénominations discutées et sources d’erreurs amènent à les appeler : – Le Fort bas ou de type I ; – Le Fort moyen ou de type II ; – Le Fort haut ou de type III. Ainsi, le maxillaire supérieur est un pare-chocs médian de la face, par la région prémaxillaire et le bloc incisivocanin. Ces deux régions ont une résistance durimétrique élevée selon Swearingen, supérieure aux malaires, mais inférieure à celles des régions sus-orbitaires [4, 30]. En traumatologie, le maxillaire supérieur peut être intéressé par un traumatisme direct ou indirect entraînant des déplacements, source de modifications morphologiques et surtout fonctionnelles. Les caractéristiques de l’agent traumatisant (force, énergie, sens, point d’application, durée et surface d’application) induisent les lésions osseuses (siège, nombre de traits, déplacement des fragments). Elles peuvent en grande partie être déduites de l’anatomie et de la biomécanique de l’étage moyen de la face. – Traumatisme direct : un choc sur le prémaxillaire entraîne plutôt des fractures de type Le Fort I, celui exercé sur le bloc incisivocanin entraîne des dégâts alvéolodentaires associés à des fractures de Le Fort I parfois plurifragmentaires. – À distance : un choc frontolatéral sur la pyramide nasale, dans sa partie supérieure, peut entraîner des fractures de Le Fort II ou III. Un choc sur le corps de l’os zygomatique peut provoquer sa fracture, et son impaction éventuelle dans le squelette facial avec toute forme de fracture de Le Fort. – Un choc latéral sous le corps de l’os zygomatique est le plus souvent à l’origine d’une fracture de Le Fort II avec translation latérale. – Les déplacements : peu dépendants des effets musculaires, ils sont essentiellement de type primaire car sous la dépendance seule et directe de l’agent traumatisant. Les fractures de Le Fort II et III glissent en bas et en arrière le long du plan incliné basicrânien. Ces lésions vont avoir des conséquences : – morphologiques : l’étage moyen de la face est reculé, élargi ou allongé ; – fonctionnelles : elles sont occlusales à type de déplacements ou de déformations de l’arcade dentaire (les fractures de Le Fort déplacent l’arcade, alors qu’une disjonction intermaxillaire [DIM] la déforme). On peut observer : – une classe III dentosquelettique par recul maxillaire ; – une béance antérieure ou latérale par contact molaire prématuré ; – un décalage des points interincisifs médians et articulé croisé en cas de rotation maxillaire. La DIM crée des segmentations médiane ou paramédiane de l’arcade, source de diastème interdentaire, d’élargissement de l’arcade et de déchirure de la muqueuse palatine.
* B
6 Recherche de la mobilité maxillaire et alvéolodentaire par rapport aux structures fixes sus-jacentes. Elles s’accompagnent constamment d’une fracture des ptérygoïdes à un niveau variable.
¶ Sur le plan clinique
[4, 5, 9, 25]
Tant au moment du ramassage qu’à l’arrivée dans le service d’urgence, s’impose la recherche de troubles respiratoires, neurologiques ou d’hémorragie qui justifient des gestes d’urgence appropriés. Après le recueil des données circonstancielles de l’accident et des antécédents quand il est possible, sont réalisées sans délais, en fonction des signes d’orientation, les investigations complémentaires nécessaires au dépistage d’atteintes de voisinage ou à distance engageant le pronostic vital ou fonctionnel. Ainsi, sont recherchés : – une fracture du rachis, en particulier cervical, impliquant des précautions de manipulation ; – des troubles de la conscience, témoins d’une lésion endocrânienne imposant en urgence un examen tomodensitométrique en coupes axiales larges, au même titre que des lésions abdominothoraciques en particulier hémorragiques ; – une atteinte du squelette périphérique. En milieu spécialisé maxillofacial, l’examen clinique particulier est souvent gêné par un œdème d’apparition rapide, mais il doit cependant s’attacher à inspecter et à palper avec méthode et de manière comparative (fig 6). Exobuccal L’inspection relève de face et de profil, en vue plongeante et en contre-plongée : asymétries et déformations du massif facial, en particulier médian et des os propres du nez, plaies, ecchymoses et hématomes en « lunette ». Un trouble de la statique et de la dynamique oculaire et de l’acuité visuelle sont toujours recherchés. La palpation douce bilatérale et symétrique explore la sensibilité de la face, les contours osseux et leur mobilité possible ; elle apprécie la cinétique articulaire temporomandibulaire (ATM). Endobuccal
Étude clinique GÉNÉRALITÉS
¶ Sur le plan anatomique Les fractures de Le Fort réalisent une séparation d’une partie variable du maxillaire supérieur par rapport au reste du squelette craniofacial supérieur et intéressent, de la même manière, les deux maxillaires supérieurs. Cependant, différentes formes anatomocliniques peuvent être associées voire combinées. 4
* A
L’inspection et la palpation recherchent des fractures alvéolodentaires, des lésions muqueuses, ecchymoses vestibulaires supérieure tandis qu’une mobilité du prémaxillaire, du (des) maxillaire(s) entre eux et par rapport aux éléments fixes du massif facial supérieur sont mis en évidence. Cet examen est complété en fonction des besoins sans délais, ou ultérieurement par un bilan oto-rhino-laryngologique (ORL) et ophtalmologique. Sur le plan radiologique [3, 21] En urgence, il est nécessaire de réaliser des clichés standards simples à valeurs de débrouillage et d’orientation.
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Guide de lecture des incidences radiographiques antéropostérieures. a : ligne supraorbitaire ; b : ligne infraorbitaire ; c : cintre zygomatomalaire ; d : ligne d’occlusion ; e : bord basilaire ; f : axe de symétrie.
* A
* B
Les incidences de base Blondeau, Waters, La Louisette se partagent la faveur des auteurs français. McGregor, Campbell, Rowe-Killey ont ainsi isolé cinq courbes qui aident à l’interprétration de ces incidences (fig 7) : – ligne orbitaire supérieure : suture frontomalaire, arcade orbitaire, glabelle ; elle croise la zone des sinus frontaux ;
* D
– ligne orbitaire inférieure : tubercule zygomatique antérieure, arcade zygomatique, corps du malaire, margelle infraorbitaire, apophyse montante du maxillaire, cloison nasale ;
* C
– ligne palatonasale : col du condyle coroné, plancher des sinus maxillaires et des fosses nasales ; – ligne des bords occlusaux dentaires ; – ligne du bord inférieur de la mandibule. Ces clichés sont utilement complétés par d’autres de type « mordu » et rétroalvéolaire pour explorer arcade dentaire et palais osseux, mais aussi par un profil voire une téléradiographie de profil pour apprécier des déplacements postérieurs, notant au passage une opacité postérosupérieure du cavum, témoin d’un hématome en regard des ptérygoïdes. Les coupes tomodensitométriques axiales et coronales sont essentielles. Mais la réalisation de ces dernières nécessite l’intégrité du rachis cervical, parfois difficile à apprécier en urgence et qu’il faut rechercher au moindre doute. À noter l’existence de logiciels de reconstruction coronale à partir des coupes axiales. La tomodensitométrie 3D vient compléter, sans la remplacer, la tomodensitométrie 2D. Elle permet d’obtenir une vue globale des déformations, des déplacements osseux, mais la technique employée laisse trop de faux négatifs et de faux positifs pour permettre une étude fine du traumatisme. FORMES CLINIQUES
¶ Fracture de Le Fort I ou de Guérin (fig 8) Son siège bas, son bon pronostic, ses manifestations essentiellement intrabuccales la caractérisent. Les traits détachent l’arcade dentaire en passant au-dessus des apex, par-dessus le plancher sinusonasal ; ils coupent la partie inférieure des apophyses ptérygoïdes et luxent plutôt qu’ils ne sectionnent le bord inférieur de la cloison osseuse nasale.
* E
* F
8
Le Fort I : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale, cloison sinusonasale.
Le déplacement, s’il existe, se fait en arrière et en bas. L’examen intrabuccal authentifie le diagnostic : – ecchymose palatine en « fer à cheval » ; – ecchymose vestibulaire supérieure ; – trouble de l’articulé avec contact molaire prématuré, béance antérieure et latérodéviation sont possibles. La palpation montre des points douloureux : épine nasale antérieure, bords latéraux de l’orifice piriforme. On retrouve le signe de Guérin : douleur à la pression des ptérygoïdes. Enfin, l’arcade dentaire est facilement mobilisée par rapport aux malaires fixes. Ce sont les coupes coronales, perpendiculaires au plan fracturaire, qui montrent le mieux les lésions. Les coupes axiales situées dans le plan fracturaire sont insuffisantes, sous-estimant les lésions : elles montrent, en revanche, les fractures irradiées à la voûte palatine ou à la région alvéolodentaire. 5
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Clinique L’examen extrabuccal retrouve : – des ecchymoses périorbitaire en « lunettes » ; – un œdème facial avec rétrusion médiofaciale ; – une épistaxis. La palpation objective des points douloureux et une « marche d’escalier » sur la racine du nez, l’apophyse zygomatique ainsi que la margelle infraorbitraire. Une hypo- ou anesthésie des nerfs sous-orbitaires est habituelle. L’examen intrabuccal montre : – des ecchymoses vestibulaires et palatine postérieure ; – un trouble de l’articulé à type de béance incisive et contact molaire prématuré. La palpation retrouve un signe pathognomomique : la mobilité palatonasale par rapport au crâne et aux zygomatiques fixes.
* A
* B
¶ Fracture de Le Fort III (fig 10) Traits de fracture
* D
– Le premier trait va du nez à la fente sphénomaxillaire sur la face interne de l’orbite, il chemine au-dessous de la suture frontonasale, coupant la partie haute des os propres du nez, l’apophyse orbitaire interne du frontal ou disjoignant la suture fronto maxillaire ; il traverse l’unguis et l’os planum, passe en dessous du canal optique qui est respecté, et se dirige vers la partie postéro-interne de la fente sphénomaxillaire, il coupe enfin les racines des apophyses ptérygoïdes. – Le deuxième trait chemine sur la face externe de l’orbite, à partir de l’extrémité antérieure de la fente sphénomaxillaire, court au voisinage de la suture sphénomalaire et aboutit au niveau de la suture frontomalaire.
* C
– Le troisième trait sectionne le zygoma en un ou deux fragments, en arrière de la suture temporomalaire. – Le quatrième trait, médian, sectionne le septum nasal, l’épine nasale du frontal, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde près de la lame criblée, le vomer à sa partie haute, et atteint les choanes à ce niveau. Il existe des variantes extrêmement importantes : vers le haut avec atteinte de la lame criblée et rhinorrhée cérébrospinale, et extension du trait vers le canal optique. Déplacements
* E
* F
9
Le Fort II : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale, cloison sinusonasale.
¶ Fracture de Le Fort II (fig 9) Traits de fracture – Le trait externe coupe la partie moyenne des OPN, l’apophyse montante du maxillaire supérieur (MS), l’unguis croise la margelle infraorbitaire près de la jonction maxillomalaire ; il traverse la face antérieure du sinus maxillaire, sa face postérieure, les ptérygoïdes à leur partie moyenne, la paroi interne du sinus (entre cornet moyen et inférieur) et revient à son point de départ sur l’apophyse montante du MS.
L’ensemble de l’étage moyen recule et glisse en bas et en arrière sur le plan incliné basicrânien. Clinique – L’inspection de face montre un important œdème périorbitaire qui devient rapidement panfacial avec ecchymoses sous-conjonctivales, épistaxis, chémosis. On note également : une augmentation de hauteur de l’étage moyen, une augmentation de largeur de la face, un faux prognatisme par recul et impaction du massif facial, une racine du nez effondrée. – La palpation trouve des points douloureux frontozygomatiques, zygomatotemporaux et glabellaires. Elle met en évidence la mobilité anormale de la face par rapport au crâne. La sensibilité, dans le territoire du V2, est modifiée. – L’examen intrabuccal retrouve un trouble de l’occlusion avec béance incisive et contact molaire prématuré.
– Le trait médian est un trait septal coupant la cloison osseuse depuis les os propres du nez jusqu’au milieu du bord postérieur du vomer.
¶ Fractures de la région dento-alvéolo-palatine
– Il n’y a pas de trait zygomatique. De face, le fragment disjoint se présente comme une pyramide à sommet glabellaire et base dentoalvéolaire, d’où le terme de fracture pyramidale des Anglo-Saxons.
Ce sont des fractures partielles du maxillaire, aux traits peu complexes, dont l’exploration radiologique de base est suffisante, complétée par des clichés « mordus » et rétroalvéolaires à la demande.
6
[4, 8]
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Clinique Les signes endobuccaux dominent la scène : – plaie palatine antéropostérieure ; – diastème médian ou paramédian entraînant une déformation de l’arcade dentaire. La dent située au niveau du trait s’est luxée. Si les déplacements sont importants, il peut exister une communication buccosinusienne. Dans le cadre des fracas faciaux, elle se manifeste comme une dislocation de la voûte palatine en deux ou trois fragments principaux : – un antérieur, répondant au bloc incisivocanin ;
* A
* B
– deux latéraux, grossièrement symétriques, porteurs des groupes prémolomolaires. Ces disjonctions rompent la muqueuse du plancher au sinus maxillaire, des fosses nasales, moins souvent la muqueuse palatine plus résistante. La mobilité est très importante. Tous ces blocs osseux sont séparés, en haut, du reste de la face par un trait de type fracture de Le Fort I. Exploration radiographique – Sur les clichés standards, la fracture est rarement visible.
* D
* C
– En TDM, les coupes sagittales fines, ou mieux, les coupes coronales visualisent la fracture. Une rotation est possible dans les fractures complexes. Avant l’âge de 15-19 ans, date de la synostose de la suture palatine, des disjonctions suturaires peuvent survenir, plutôt que des fractures parasagittales.
¶ Fractures combinées Les fractures du maxillaire supérieur sont fréquemment associées entre elles ainsi qu’à d’autres traits verticaux, obliques ou horizontaux : – la fracture de Richet associe une fracture de Le Fort III à une DIM ; – la fracture de Walther, associe des fractures de types Le Fort III, Le Fort I et une DIM ; – la fracture de Bassereau comporte deux traits verticaux, paramédian, séparant en tout l’os propre du nez et les branches montantes du maxillaire, et libérant en bas le bloc incisif ;
* E
* F
10
Le Fort III : vues de face, profil, trois quarts plongeant, inférieure, cloison nasale, cloison sinusonasale.
Elles réalisent des fractures du maxillaire supérieur à l’état pur, se caractérisent par leur trouble morphologique discret et leur gravité vitale nulle. Elles s’accompagnent fréquemment de lésions dentaires (luxations, subluxations, contusions, fractures corono- ou radiculodentaires, lésion du paquet vasculonerveux dentaire.
– la fracture de Huet, présente deux traits verticaux plus externes que la précédente, passant par la zone canine prémolaire, et ouvrant les sinus maxillaires.
¶ Fractures associées Les fractures du maxillaire supérieur peuvent s’associer à des fracas centrofaciaux (fractures du complexe central naso-ethmoïdo-maxillofronto-orbitaire (CNEMFO), avec risque de brèche ostéoméningée), à des fractures mandibulaires, et participer à des fractures panfaciales. Nous ne les reprendrons pas car elles font l’objet d’un chapitre particulier de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale.
Cliniquement, une ou plusieurs dents sont douloureuses et mobiles avec l’os adjacent, entraînant une déformation de l’arcade dentaire. L’orthopantomogramme est suffisant et permet de juger de l’existence des traits.
¶ Disjonction intermaxillaire
[20]
Fractures sagittales essentiellement visibles en tomodensitométrie (TDM), caractérisées par un trait qui est classiquement médian ou paramédian. Cette fracture est toujours associée à une autre fracture.
Traitement – Buts : ce sont le rétablissement fonctionnel de l’occlusion préexistante et la restauration morphologique par une bonne projection du massif facial. – Moyens : ils sont orthopédiques et/ou chirurgicaux [2, 7, 8, 9, 10, 13, 21, . Si les circonstances le permettent, le traitement doit être d’emblée complet et total.
22, 23]
7
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11 Intubation sous-mentale : incision muqueuse paramédiane ; incision sousmentale.
* A
En dehors des urgences absolues (que sont l’hémorragie et l’asphyxie), le moment de l’intervention peut être différé de quelques jours. Ce qui permet de traiter un patient stable hémodynamiquement et complètement exploré sur le plan radiologique. Ensuite, plusieurs possibilités existent quant à l’intubation, la voie d’abord, les méthodes de réduction et de contention. INTUBATION
[1, 15, 26]
La voie nasotrachéale est la méthode la plus fréquente, la plus classique [18]. Mais, deux éventualités la récusent : – l’association ou la suspicion de fracture de l’étage antérieur de la base du crâne ; – l’association des fractures déplacées des os propres du nez. La voie orotrachéale interdit la réalisation du blocage intermaxillaire (BIM), donc la possibilité de rétablir l’articulé dentaire. La trachéotomie réglée, classique, restait alors la méthode de choix avant la description de l’intubation par voie sous-mentale. La voie sous-mentale (fig 11). En effet, ce moyen simple sur le plan chirurgical, fiable sur le plan anesthésique, et sans séquelle sur le plan morphologique, permet de traiter en un seul temps les dégâts du maxillaire supérieur avec trouble de l’articulé dentaire associé à des fractures déplacées de l’étage moyen. VOIES D’ABORDS (fig 12)
Elles peuvent être cutanées, muqueuses ou mixtes, ou emprunter les plaies existantes. – Cutanées : canthale externe (« patte-d’oie » ou « S » de Champy) pour l’abord du pilier orbitaire externe. – Sous-ciliaire, médiopalpébrale, palpébrojugale : pour l’abord du plancher orbitaire. 8
* B 12
Voies d’abords et régions accessibles. a : voie canthale externe ; b : voie sous-ciliaire ; c : voie palpébrale inférieure ; d : voie transconjonctivale ; e : voie vestibulaire supérieure.
– Coronale extracrânienne de Unterberger, hémicoronale de Stricker pour l’abord des parois supérieures et latérales de l’orbite, avec éventuellement un abord intracrânien (Cairns) pour le traitement des lésions à distance associées (fractures du toit de l’orbite, brèche ostéodurale). – Muqueuses : vestibulaire supérieure. Il s’agit d’une incision en muqueuse libre au fond du vestibule de 17 à 27. Elle permet la meilleure exposition des lésions du maxillaire supérieur d’un os zygomatique à l’autre.
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B1
" A3 13
A. Davier de Rowe-Killey : mobilisation. B. Traction par sonde nasale ou urinaire.
B2
– Conjonctivale (Tessier) pour des lésions localisées de la margelle infra-orbitaire ou de la partie médiane du plancher. RÉDUCTION
Elle peut être orthopédique à distance, ou directe à ciel ouvert, manuelle ou instrumentale (crochet de Ginestet, spatule de Gillies, ballonnet de Franchebois, sondes urinaires) (fig 13). CONTENTION
Moyens
Ce moyen, particulièrement fiable, doit être accompagné d’une instruction particulière du patient (hygiène buccale, port permanent de ciseaux de Bebee). Le BIM est dans la plupart des cas avec déplacements, le préalable indispensable avant l’ostéosynthèse.
• Moyens chirurgicaux Ils sont actuellement dominés par les plaques miniaturisées vissées. – Méthodes parafocales : les suspensions internes d’Adams dont le but est d’immobiliser les fragments mobiles à des structures osseuses fixes, plus haut situées (fig 15). Ce système est très peu utilisé aujourd’hui en raison de trois inconvénients majeurs :
• Orthopédique
– un recul du maxillaire supérieur (par sa traction en haut et en arrière) ;
Elle repose sur la mise en place d’arcs mandibulaire et maxillaire solidarisés aux arcades par des ligatures péridentaires en fil d’acier ou la pose de ligatures de type Ivy. La réduction permet d’obtenir un articulé dentaire en intercuspidation maximale et les deux arcs ou les ligatures d’Ivy sont unis par des fils d’acier verticaux (fig 14).
– une réduction de hauteur de la face ; – une stabilité pas toujours parfaite. – Méthodes intrafocales : – le fil d’acier : cette méthode est davantage un moyen de coaptation que de contention osseuse. Le fil d’acier procure une 9
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– les plaques miniaturisées vissées (PMV) (micro- et miniplaques) [20] sont les plus utilisées aujourd’hui. Elles permettent une excellente stabilité tridimensionnelle. L’emploi de longues PMV est le mode de contention idéal des grands fracas comminutifs dès lors que la plaque peut être fixée de chaque côté sur des segments osseux stables et que chaque fragment comminutif peut être accroché à la plaque à l’aide de vis. Le maxillaire supérieur, fortement pneumatisé, porteur de dents, se prête malgré tout, parfaitement à l’ostéosynthèse. Les zones électives sont :
* A
– le pilier canin ; – le cintre maxillomalaire ;
B2
B1
– le rebord infraorbitaire. L’ostéosynthèse de la paroi antérieure du sinus maxillaire est tout à fait réalisable sous forme de microplaques. Le forage et le vissage doivent respecter les organes dentaires et l’ostéosynthèse peut être impossible si le trait de fracture est trop proche des apex.
• Greffe osseuse [5, 13, 14, 19, 29] Elle est indiquée devant : – toute perte de pilier ;
C1
– toute comminution incontrôlable ; C2
C3
– tout défaut de projection osseuse. Elle est immédiate chaque fois que possible ; ses résultats sont constamment meilleurs que les greffes secondaires. La greffe osseuse n’est retardée qu’en présence d’une blessure très souillée ou infectée. Le site de prélèvement peut être local, régional ou à distance. – local : la symphyse mentonnière en mono- ou bicortical, mais ne fournit qu’un volume limité ;
D1
– régional : la calvaria au niveau du pariétal, en unicortical, se caractérise par sa très faible résorption, mais le greffon est difficile à modeler et en quantité limitée ; – à distance : os iliaque. Il autorise des prélèvements de grande taille avec une grande quantité de spongieux, et facile à modeler. Quel que soit le greffon, une contention correcte est essentielle pour prévenir infection et résorption. Celle-ci est réalisée au mieux par mini- ou microplaques. INDICATIONS
D2
* E 14
Moyens de fixation orthopédique. A. Différents types d’arcs. a : arc plat souple, à portemanteaux de Ginestet-Servais ; b : arc plat souple, à portemanteau de Erich ; c : arc demijonc, souple ou rigide, à portemanteau de Jacquet ; d : arc à goupilles qui peuvent se retirer rapidement en cas de déblocage urgent (Dupuis). B. Ligature de Ivy. B1 : préparation de la ligature (1 : ne faire que deux ou trois torons au fil d’acier 3,5 ou 4/10) ; 2 : ligatures réalisées sur un groupe de deux dents (prémolaire et/ou molaire), le fil vestibulaire passe entre les brins et non dans la boucle. B2. Les boucles sont solidarisées au fil 3 ou 3,5/10. C. Différents types de ligatures dentaires. C1 : Ligature dentaire sur un arc ; C2 : ligature de Duclos-Farouz ; C3 : ligature de Dingman. D. Ligature en « berceau ». D1 : Sur une incisive, vue vestibulaire et palatine ; D2 : sur une canine, vue vestibulaire. E. Blocage intermaxillaire : ligatures simples et en « X » ou « U » chez un sujet normalement denté.
stabilité bidimensionnelle et, pour éviter tout déplacement, l’utilisation de trois points de fixation est nécessaire ; 10
[5, 10, 11, 19, 25, 28, 30]
¶ Principes généraux Pour la plupart des auteurs français, l’exposition des foyers fracturés doit se limiter aux zones d’ostéosynthèse, sans dépériostage excessif. Le traitement chirurgical est conduit selon les principes généraux de chirurgie craniofaciale : – reconstruction de la périphérie vers le centre, de haut en bas ou de bas en haut (selon les possibilités de rétablissement occlusal) : – reconstruction de proche en proche, des régions intactes aux régions fracturées ; – en tenant compte de la septicité des zones cavitaires centrofaciales et en réalisant l’ostéosynthèse de la région centrale en dernier.
¶ Fracture de Le Fort I Dans le meilleur des cas, si toutes les dents sont présentes et si la mandibule est indemne de lésions, le BIM avec serrage sur fils d’acier ou élastiques, en position d’intercuspidation maximale, permet la réduction et la contention. Les ostéosynthèses par PMV permettent la reconstruction anatomique des piliers antérieurs, le repositionnement précis du
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Suspensions faciales. A. a : à l’épine nasale du frontal fixée sur plaques ou vis ; b. à l’apophyse frontale, elle passe derrière l’arcade zygomatique ; c : à l’épine nasale ; d : à l’orifice piriforme, mise en place par voie vestibulaire ; e : périzygomatique ; f : sur le rebord orbitaire inférieur par une voie d’abord et un trou de foret. B. Mise en place de suspensions à l’apophyse orbitaire du frontal par une voie d’abord canthale externe.
* A * B maxillaire par rapport à la base du crâne, la reconstruction de la dimension verticale et de la projection horizontale du maxillaire. Tout pilier instable est réparé à l’aide de PMV, et un pilier détruit doit être remplacé par une greffe osseuse immédiate. Si le montage osseux est solide, le BIM peut être levé, sinon le patient le gardera entre 4 et 30 jours. L’édentation ôte toute précision à l’appréciation des déplacements et gêne la réduction. Les ostéosynthèses par PMV, en permettant une reprise alimentaire rapide ont remplacé les méthodes de réduction utilisant les prothèses fixées au maxillaire (méthode de Paoli) et à la mandibule (méthode de Black-Ivy). Les suspensions internes d’Adams peuvent aussi être utilisées dans ces cas-là. Il est toujours possible de compenser une insuffisance de réduction par l’adaptation de nouvelles prothèses.
¶ Fracture de Le Fort II Le rétablissement de l’occlusion est obtenu par : – la mise en place des moyens de contention orthopédique ; – réduction de la rétrusion faciale par traction sur l’arc supérieur, en traction à l’aide du davier de Rowe-Killey ; – contention par BIM. Le traitement de la partie centrofaciale nécessite le plus souvent des ostéosynthèses infraorbitaires, maxillozygomatiques, et la restauration des planchers orbitaires.
¶ Fracture de Le Fort III
¶ Fracture panfaciale Le traitement comporte successivement la reconstruction de la mandibule et du complexe dento-alvéolo-palatin, la reconstruction frontale, puis l’étage moyen. Chez ces polytraumatisés associant fractures complexes de la face et lésions neurochirurgicales l’ostéosynthèse par plaque miniaturisée vissée représente le traitement idéal. Elle assure une stabilisation immédiate du squelette, élimine le risque d’asphyxie qui accompagne le BIM, facilite l’accès au carrefour aérodigestif supérieur et permet une intubation trachéale en cas d’urgence.
¶ Fractures combinées Elles compliquent le traitement en raison de l’existence de fragments intermédiaires difficiles à contenir. Elles comprennent les fractures de Le Fort combinées entre elles, qui mettent en œuvre les traitements précédemment décrits, mais aussi les formes cliniques qui associent des traits de fracture à direction verticale ou oblique dont le traitement plus difficile doit s’efforcer de retrouver une occlusion stable, équilibrée et une restructuration tridimensionnelle.
¶ Fractures associées Elles sont traitées dans des chapitres particuliers de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Il s’agit : – des fracas centrofaciaux ; – des atteintes fracturaires mandibulaires ;
La réduction et la stabilisation occlusale sont identiques à la précédente, souvent complétées par des ostéosynthèses frontozygomatiques.
– des fractures dentaires et alvéolodentaires. Dans tous les cas, un rétablissement fonctionnel satisfaisant doit présider au traitement primaire sans pour autant négliger l’aspect cosmétique.
¶ Disjonction intermaxillaire
¶ Formes cliniques particulières
La restauration de l’arcade dentaire supérieure se fait par BIM, soit par ostéosynthèse au-dessus des apex des incisives.
Le sujet édenté et le jeune enfant en denture mixte amènent à des particularités thérapeutiques :
¶ Fracture maxillaire et fracture mandibulaire
– chez le sujet édenté total, si les prothèses complètes sont retrouvées et utilisables, la pose de merlons noyés dans de la résine permet d’effectuer un BIM sur fils d’aciers entre prothèses, ou entre arcade dentée et prothèse après avoir immobilisé chaque type de prothèse complète par suspension et/ou par cerclage périmandibulaire (fig 16) [8] ;
La mandibule sert de guide au maxillaire pour rétablir l’occlusion ; il faut reconstruire l’arc mandibulaire en premier. Pour cela, un BIM est toujours nécessaire ; ensuite, les ostéosynthèses mandibulaires sont réalisées.
11
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B1
– chez l’édenté partiel, lorsque l’occlusion entre les dents restantes s’avère impossible ou instable l’emploi de prothèse(s) selon le même schéma est utile quand il est possible, sinon le rétablissement de l’occlusion sera un rétablissement prothétique de convenance après consolidation fracturaire ; – chez l’enfant en denture mixte, l’immobilisation fracturaire osseuse par BIM sur arcs n’est pas toujours possible mais reste contraignante. On peut s’aider de moyens orthodontiques (brackets associés à des arcs rigides munis de crochets). Des microplaques vissées trouvent aussi leur utilité à condition de ne pas compromettre l’évolution des germes dentaires en devenir ; – en ce qui concerne les lésions dentaires (luxation et fracture alvéolodentaire) associées aux fractures maxillaires, l’utilisation de composites auto- ou photopolymérisables renforcés par l’association de treillis métalliques, voire de fils d’acier, rend de grands services (cf chapitre particulier de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale).
Suites opératoires Dans les suites opératoires immédiates : selon les écoles, l’extubation se fait dès la reprise de la ventilation spontanée ou de manière différée à la reprise de conscience du patient. De même, l’emploi d’une sonde nasogastrique est fréquent mais pas systématique. En revanche, la plupart des auteurs prônent : – un traitement antibiotique et anti-inflammatoire pendant 8 jours ; – des instillations nasales ; – quand le BIM est réalisé, ce dernier est maintenu par fils d’aciers : 10 à 15 jours si les ostéosynthèses sont solides ; 30 à 45 jours si le montage est fragile, complété éventuellement par la pose d’élastiques pour retrouver un articulé de convenance. Des ciseaux de Bebee ou une pince coupante sont toujours à portée de main pour lever le blocage en cas de nausées et vomissements, à moins de disposer d’un système d’arcs à déblocage rapide. 12
" A4
A. Cerclage périmandibulaire. A1 : le passe-fil charge le fil 4 ou 5/10 du côté lingual. A2 : le fil passé sous la mandibule, est ramené en avant en gardant le contact osseux. A3 : la gouttière est perforée au foret, le fil passé dans le trou et la gouttière ou la prothèse ligaturée. B. Blocage sur prothèse. B1 : fixée à la mandibule. B2 : fixée au maxillaire et à la mandibule.
B2
L’hygiène buccale repose sur un brossage dentaire soigneux et des bains de bouche après chaque prise alimentaire. Le déblocage et la dépose des arcs réalisés après contrôle radioclinique de la consolidation osseuse, se font avec ou sans anesthésie locale. S’impose alors une rééducation des ATM. Dès que l’ouverture buccale est suffisante, un détartrage est réalisé et les soins dentaires nécessaires entrepris. Les cicatrices faciales sont l’objet de massages. À DISTANCE DU TRAITEMENT PRIMAIRE
Même bien conduit, les séquelles sont fréquentes et de traitement secondaire difficile, renforçant l’idée de bien traiter d’emblée toutes les lésions à retentissement tant fonctionnel que morphologique ou cosmétique. Objets de chapitres particuliers dans l’Encyclopédie Médic-Chirurgicale, nous ne les détaillons pas mais les évoquons en soulignant ici les principaux. RETARDS DE CONSOLIDATION
Au-delà de 6 semaines, ils doivent faire rechercher une infection sous-jacente (sinusite, ostéite) et déposer le matériel d’ostéosynthèse. La stabilité des fragments englués mais non consolidés est assurée par un BIM aidé parfois de suspensions. Une antibiothérapie adaptée après prélèvement in situ s’impose. Les pseudarthroses vraies sont exceptionnelles au même titre que les nécroses maxillaires, dues en général à un dépériostage excessif ou maladroit lors de délabrements déjà importants. Leur traitement s’avère long, difficile et délicat. SÉQUELLES OCCLUSALES
Elles traduisent une consolidation en position vicieuse associant des troubles fonctionnels masticatoires et des troubles morphologiques
Fractures des maxillaires
Stomatologie
réalisant au pire une déformation faciale globale avec un excès vertical antérieur et une rétrusion de l’étage moyen de la face (dish-face).
22-071-A-10
Les communications buccosinusiennes ou bucco-sinuso-nasales restent en général séquellaires d’une DIM. SÉQUELLES NASALES
SÉQUELLES SINUSIENNES
À type de sinusites post-traumatiques, elles sont associées fréquemment à une ostéite des parois minces du sinus.
À l’origine de troubles morphofonctionnels, elles peuvent associer : élargissement de la racine du nez, télécanthus, ensellure nasale, déviation du dorsum et de la cloison.
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13
Stomatologie [22-067-B-10]
Plaies de la face et de la cavité buccale
Jean-Paul Meningaud : Chef de clinique-assistant, service de stomatologie et de prothèse maxillofaciale du professeur Bertrand Éric Maladière : Chef de clinique-assistant Fabrice Bado : Chef de clinique-assistant Service de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale du professeur Guilbert. Groupe hospitalier PitiéSalpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13 France
Résumé Les plaies de la face sont un défi lancé au chirurgien maxillofacial. Le patient veut que lui soient garantis non seulement un résultat fonctionnel satisfaisant mais aussi le meilleur résultat esthétique possible. Le bon traitement n'est pas celui qui consiste en une cicatrisation correcte des parties molles mais celui qui restitue aussi les contours, l'élasticité et la plasticité de la peau. La première démarche consiste à s'assurer qu'il n'y a pas de fracture sous la plaie. Le parage est le plus économique possible. Le recours à des lambeaux locaux ou libres est parfois nécessaire tel le cas de l'avulsion d'une paupière ou d'une perte de substance totale des lèvres. Les incisions réalisées suivent au mieux les plis naturels de la face. Les techniques courantes pour la réparation des pertes de substance sont rappelées région par région : joue, lèvre, nez, scalp... La prise en charge de certaines catégories de plaies telles les morsures ou les brûlures est expliquée. Une classification des traumatismes balistiques est proposée. Cependant, au-delà des techniques expliquées, l'expérience chirurgicale reste irremplaçable. © 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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INTRODUCTION La plaie est une solution de continuité concernant un tissu. La cicatrice est la marque laissée par cette plaie, que ce soit le résultat d'une suture chirurgicale ou d'une cicatrisation dirigée. Le visage identifie : il exprime l'altérité qui procède de l'organisation sexuée de l'espèce humaine. Le visage est communicant : dans ses relations à autrui, l'humain se fait précéder de son visage : sourire, colère, étonnement...Le visage expose la
vulnérabilité de la personne. Le temps et la vie y laissent leurs empreintes ; or, la peau du visage est celle qui reste la plus nue. Aristote, fournissant déjà les bases concrètes de l'esthétique, insistait sur la précision, la symétrie et les proportions. À ces trois critères, Charles-Auguste Baud [3] rajoutait la fonction comme condition intrinsèque du beau. La plaie du visage, d'un seul trait, peut affecter les canons de la beauté. Elle a cela de singulier que la blessure narcissique qu'elle provoque dépasse bien souvent ses répercussions fonctionnelles. Le visage est ontologique ; celui de la mère comme miroir du sien propre participe à la genèse tardive du " je ". Emmanuel Levinas [21], le grand penseur de l'éthique, va encore plus loin, et voit dans le visage que nous regardons, une épiphanie qui nous confère d'emblée une responsabilité totale vis-à-vis de l'autre sans que la réciprocité ne soit jamais requise. Si le visage est paré de tant de vertus, le traitement de ses plaies ne peut être que l'affaire du spécialiste.
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É PIDÉ MIOLOGIE Le port de la ceinture de sécurité et le casque intégral ont déjà bien contribué à faire baisser le nombre de plaies liées aux accidents de la circulation. L'Air Bag® (ABSR) et les pare-brises en Triplex® ont accentué cette tendance. En milieu urbain, les étiologies les plus fréquentes concernent les chutes et les agressions. Les traumatismes sportifs représentent une étiologie en progression du fait de l'augmentation de la pratique sportive et surtout de l'essor de nouveaux sports (patins en ligne, vélo tout terrain, surf des neiges) pratiqués hors fédération.
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STRUCTURES MOLLES DE LA FACE La peau faciale est constituée de trois couches : épiderme, derme et hypoderme. Un certain nombre de qualités lui confèrent une spécificité propre. Sa coloration est due à la densité capillaire extrême de la région agents physiques : air et ultraviolets.
[33]
, et à l'exposition aux
La variabilité de son épaisseur est minimale en ce qui concerne les paupières, moyenne au front, importante au menton. Le tissu sous-dermique est faible en ce qui concerne le pavillon de l'oreille et important à la joue. La variabilité de ces caractéristiques est fonction de l'âge. Chez l'enfant, elle est fine et élastique ; elle repose sur un tissu sous-cutané important ; les cicatrices sont volontiers hypertrophiques. Chez l'adulte, elle est épaisse, plus ou moins grasse. Chez le sujet âgé, elle est fine et a perdu son élasticité ; en revanche, elle offre plus de réserve cutanée du fait de sa distension et les cicatrices sont discrètes. La présence de rides d'expression ou de vieillesse : les plaies perpendiculaires à ces rides sont plus visibles et peuvent nécessiter secondairement des techniques de chirurgie plastique pour être camouflées. Sa pilosité : cils, sourcils, barbe, ligne capillaire constituent autant de repères esthétiques. Les parties molles de la face sont également caractérisées par l'importance des structures nobles (nerfs sensitifs et moteurs, canaux salivaires et lacrymaux) qui les traversent. Leur systématisation sera rappelée plus loin, avec chaque type de plaie. Le
système
musculoaponévrotique
superficiel
(SMAS)
[25]
est
une
structure
anatomochirurgicale strictement superficielle dérivée du platysma primitif [20]. Il ne présente aucune insertion osseuse. Anatomiquement, il regroupe les différents muscles peauciers de la face, agencés de façon à réaliser des sphincters périorificiels [14]. Le muscle platysma en fait partie. Son importance est considérable, puisque cette lame portevaisseaux est responsable de la mimique faciale. Les structures molles sont indissociables des structures osseuses et dentaires sousjacentes. Ces dernières peuvent constituer des agents vulnérants directs et indirects : directs : les dents et particulièrement les incisives peuvent couper de dedans en dehors les lèvres ; indirects : les parties molles peuvent être prises en étau entre les contours osseux et l'agent vulnérant : arcade sourcilière, malaire...
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EXAMEN CLINIQUE Comme pour tout blessé, l'examen initial consiste à vérifier la liberté des voies aériennes, à contrôler une hémorragie, à traiter un état de choc, puis à diagnostiquer et traiter les dommages associés ; les lésions neurochirurgicales et ophtalmologiques sont prioritaires (les paupières sont systématiquement ouvertes à la recherche d'une plaie oculaire). Les lésions faciales sont traitées en dernier. L'anamnèse précise les circonstances, la date et l'heure du traumatisme. La vaccination antitétanique est systématiquement vérifiée. L'éventualité de corps étrangers au sein des plaies est évoquée. L'examen distingue trois types de plaies : les plaies franches : elles sont provoquées par le verre ou l'arme blanche. Elles sont superficielles ou profondes pouvant atteindre des structures nobles (nerf facial, canal de Sténon, etc) ; les plaies contuses : elles sont souvent tangentielles et renferment des corps étrangers pouvant tatouer la cicatrice ; les plaies avec perte de substance : les dimensions, le trajet et la topographie des plaies sont décrites avec précision. Une lésion des organes dentaires, une fracture associée ou une atteinte à distance est recherchée. Dans le cas d'une plaie isolée et en dehors des exceptions qui sont discutées plus loin, aucun examen complémentaire n'est sollicité. Tous les renseignements sont consignés dans le dossier du malade. Un bilan photographique est une bonne pratique. Le certificat médical initial est rédigé par le chirurgien qui explore et traite la plaie.
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PLAIES SIMPLES Ce sont toutes les plaies ne risquant pas de léser une structure noble (nerf facial, canal de Sténon, voies lacrymales...) et sans perte de substance. La plupart des plaies de l'arcade sourcilière, du cuir chevelu ou du menton en font partie. Elles peuvent être prises en charge par un chirurgien généraliste, dans une salle d'urgence au calme, sous anesthésie locale ou locorégionale (sous-orbitaire, sus-orbitaire, mentonnier). Une prémédication est parfois nécessaire chez les jeunes enfants. Les nourrissons sont enveloppés dans un drap et portés par une infirmière. Un bon éclairage, quelques instruments fins et une large palette de fils suffisent.
Traitement général Prise en charge dans les premières heures. Lavage, désinfection, exploration, parage économique. Le plan profond est suturé à l'aide d'un fil résorbable. Suture cutanée réalisée par points séparés à l'aide d'un fil Nylon® fin, sans tension. Les points sont posés en rapprochant et en éversant les berges. Un pansement compressif de 24 heures est parfois nécessaire, la plaie est laissée à l'air dès que possible. Ablation des fils entre j5 et j7. Application de vaseline afin d'éliminer les croûtes. Absence d'exposition solaire de la cicatrice (écran total) pendant 6 mois. Certaines plaies simples sont remarquables par leur fréquence.
Arcade sourcilière Mécanisme L'arcade sourcilière constitue l'un des pare-chocs protégeant l'oeil. Le mécanisme le plus fréquent est réalisé par les chocs directs. Un coup de poing par exemple, fait glisser la peau sur l'arcade d'avant en arrière jusqu'à la limite de son élasticité ; une plaie se produit. L'hémorragie peut être abondante contrastant avec une plaie généralement peu profonde mesurant 2 à 3 cm de longueur et située dans la " queue " du sourcil.
Traitement L'attitude immédiate consiste à réaliser une compression appuyée à l'aide de compresses stériles pendant 15 minutes. Le blessé consulte dans un centre chirurgical dans les 6 heures, le plus tôt étant le mieux. Le résultat esthétique est décevant au-delà de la 24e heure. Le médecin désinfecte la plaie, réalise la suture en prenant garde à ne pas créer de décalage, la cicatrice est laissée à l'air et les fils sont retirés au septième jour. Le blessé est informé qu'une ecchymose de la paupière supérieure apparaît fréquemment le lendemain et évolue favorablement en 3 à 4 jours.
Séquelles Les séquelles sont traitées par le spécialiste. Une suture décalée est traitée par une plastie en Z. Une perte de substance justifie un lambeau volant ou des greffes pileuses.
Plaies du cuir chevelu Traitement Elles peuvent être très hémorragiques. Les cheveux sont rasés le long des berges de façon à faciliter la suture. Elles sont suturées en deux plans : un plan profond sur la galéa à l'aide d'un fil résorbable et un plan superficiel avec un fil Monobrin non résorbable 3/0, des agrafes ou un fil à résorption rapide. S'il existe un espace de décollement, un pansement compressif est réalisé. Les fils ou agrafes sont retirés vers le huitième jour.
Séquelles
l'absence de plan profond ou lorsque le parage n'a pas tenu compte de la direction de l'implantation capillaire.
Plaies des muqueuses Plaies de langue Mécanisme Les plaies de langue sont relativement fréquentes. Leur mécanisme le plus courant s'explique par automorsure. La langue est interposée entre les arcades dentaires au moment d'une chute ou d'un choc.
Traitement Ces plaies peuvent être impressionnantes par l'hémorragie qui peut les accompagner. Après quelques minutes de compression à l'aide d'une compresse, une hémostase se réalise. La grande majorité ne nécessite pas de suture et cicatrise très bien sous antibiotiques et bains de bouche. Il peut arriver qu'une plaie détache un lambeau dont le parage et la suture sont à faire. Les plaies transfixiantes ou avec saignement actif persistant sont en principe les seules qui nécessitent une suture (fil résorbable).
Plaies du voile et du palais Par son mécanisme, une chute avec un objet dans la bouche (un crayon par exemple), ce type de plaie est plus fréquent chez l'enfant. Elle détache un petit lambeau en V (fig 1). L'hémorragie cède le plus souvent spontanément. Un traitement symptomatique par bains de bouche suffit généralement. Dans le cas contraire, la fermeture musculaire et muqueuse est assurée par quelques points séparés avec du fil résorbable.
Plaies de la muqueuse jugale Elle est le plus souvent consécutive à un choc sur la joue, mâchoires ouvertes. La suture est réalisée au fil résorbable.
Plaies de la gencive attachée et de la muqueuse palatine La plaie accompagne généralement une fracture sous-jacente et est traitée avec cette dernière.
Plaies de la gencive libre et des culs-de-sac vestibulaires Dans la région du foramen mentonnier, elles peuvent sectionner le rameau terminal du nerf mandibulaire provoquant l'anesthésie d'une hémilèvre inférieure. Lors de la suture, la profondeur des culs-de-sac est respectée afin de ne pas gêner le port ultérieur d'une prothèse. Les plaies du frein de la lèvre sont fréquentes chez l'enfant, la suture est rarement nécessaire.
Plaies des lèvres
Rappel anatomique Constitution La lèvre supérieure déborde la lèvre inférieure en avant. Les deux lèvres sont jointives au repos (stomion) et réunies latéralement par les commissures, idéalement situées au repos à l'aplomb de la pupille de l'oeil correspondant. Chaque lèvre comprend une partie cutanée (lèvre blanche) et une partie muqueuse (lèvre rouge). Le limbe définit la ligne qui les sépare. La lèvre blanche supérieure comprend une dépression médiane : le philtrum, bordé par les crêtes philtrales. Le limbe qui limite le philtrum en bas porte le nom d'arc de Cupidon. La lèvre rouge est elle-même divisée en deux portions : une partie semi-muqueuse (vermillon) et une portion humide muqueuse. Le vermillon de la lèvre supérieure présente en regard de l'arc de Cupidon un tubercule médian. La lèvre inférieure répond à ces deux éléments par une incurvation inverse et une légère dépression. La portion humide s'étend jusqu'au fond des vestibules buccaux et présente sur la ligne médiane de chaque lèvre un repli ou frein. Elle vient s'attacher à l'os pour former la gencive qui s'unit au collet des dents. La muqueuse de cette portion humide est séparée du plan musculaire par un tissu conjonctif lâche, riche en glandes salivaires accessoires.
Musculature La musculature labiale comprend deux ensembles : le muscle orbiculaire assurant la fermeture buccale et la continence salivaire ; les muscles dilatateurs, qui naissent à distance des lèvres et convergent vers la commissure labiale en constituant le modiolus [4].
Vascularisation
[31]
Les lèvres sont vascularisées par les artères coronaires supérieure et inférieure, branches de l'artère faciale. Nées près de la commissure, elles traversent le plan musculaire et cheminent de dehors en dedans, à la face profonde du plan musculaire, pour s'anastomoser sur la ligne médiane. Très sinueuses (réserve de longueur physiologique), elles sont situées à 7 ou 8 mm du bord libre des lèvres, à peu près au niveau de la jonction entre lèvre rouge humide et sèche. Les veines suivent le trajet des artères et gagnent la veine faciale.
Innervation (fig 2) La sensibilité de la lèvre supérieure est issue du nerf sous-orbitaire, rameau terminal du nerf maxillaire. La sensibilité de la lèvre inférieure provient de rameaux issus du nerf mentonnier, branche terminale du nerf mandibulaire.
Mécanisme Les plaies sont essentiellement provoquées par deux mécanismes : soit un choc direct sur la lèvre qui est prise dans un étau contre le secteur incisivocanin, soit par automorsure de la lèvre inférieure au cours d'une chute. L'examen de la cavité buccale recherche une plaie vestibulaire, voire transfixiante. Un bilan dentaire est systématique. En cas de luxation, la dent peut se retrouver dans l'épaisseur de la lèvre.
Traitement Les contusions simples sont traitées par application de glace puis de pommade anti-inflammatoire. Les plaies cutanées simples de la lèvre blanche sont suturées avec un fil fin non résorbable Monobrin (5 ou 6/0) par points séparés. La cicatrice est souvent hypertrophique. Les plaies de la lèvre rouge sont suturées à l'aide de points séparés avec un fil résorbable. Le résultat est toujours excellent. Les plaies mixtes, c'est-à-dire " à cheval " sur la ligne cutanéomuqueuse, posent le problème du réalignement de ce repère. Un point de suture est placé au-dessus de la ligne, l'autre au-dessous (fig 3). Les plaies cutanéomusculaires sont les plus fréquentes. Le muscle orbiculaire est repéré et suturé à l'aide d'un fil résorbable. Les plaies transfixiantes avec perte de substance ou délabrantes requièrent un avis spécialisé.
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PLAIES NÉ CESSITANT UNE PRISE EN CHARGE SPÉ CIALISÉ E Ce sont les plaies qui, par leur topographie ou leurs caractéristiques, peuvent être à l'origine de séquelles importantes. Elles nécessitent une bonne compétence et de l'expérience. Comme il se trouve que bon nombre de plaies de la face sont associées à un traumatisme osseux facial ou craniofacial, le recours à un chirurgien spécialisé est habituel. Les collaborations entre spécialités voisines étant courantes, il est à l'aise au contact des structures profondes de la face. Sa formation chirurgicale lui permet de reconnaître une urgence extrafaciale. L'intervention est réalisée au bloc opératoire. L'instrumentation est spécifique et adaptée aux divers besoins pour la réparation de chaque lésion osseuse ou dentaire associée. Une source de lumière froide est parfois utile tout comme un microscope opératoire. L'intervention est le plus souvent réalisée sous anesthésie générale. Le médecin anesthésiste en chirurgie maxillofaciale est rompu aux techniques d'intubation difficile. Les plaies du globe oculaire doivent être systématiquement recherchées et traitées en urgence par un ophtalmologiste. Leur traitement est prioritaire par rapport aux traumatismes maxillofaciaux.
Plaies selon leur topographie Plaies palpébrales Constitution
[16]
Chaque paupière comporte d'avant en arrière : la peau ; une couche de tissu cellulaire lâche ; le muscle orbiculaire (avec le releveur de la paupière supérieure) ;
une deuxième couche de tissu cellulaire lâche ; le muscle tarsal ; la conjonctive.
Traitement Ces plaies nécessitent le contrôle de l'intégrité du globe oculaire (absence de plaie cornéenne, d'hypotonie, acuité visuelle conservée...) et des voies lacrymales (fig 4, 5 et 6).
Plaies cutanéomusculaires Elles sont suturées à l'aide de points séparés avec un fil de Nylon® 6/0, le résultat est généralement excellent.
Plaies transfixiantes (fig 7) Elles sont suturées plan par plan. La conjonctive est suturée à l'aide de points inversants (afin d'éviter une kératite) avec un fil résorbable de 7/0. Le tarse est également suturé. Le muscle peut bénéficier de quelques points de rapprochement, une suture trop ample à ce niveau est source d'ectropion (particulièrement au niveau de la paupière inférieure). Une suspension de la paupière inférieure ou une blépharorraphie de 24 à 48 heures limite ce risque. À la paupière supérieure, l'atteinte du releveur doit être réparée afin d'éviter un ptosis secondaire. Le pansement ophtalmologique occlusif est retiré le soir même de l'intervention afin de faciliter la surveillance. Des soins des yeux sont réalisés à l'aide de collyre antiseptique ou de sérum physiologique.
Plaies avec perte de substance Inférieures au quart de la longueur du bord libre : elles sont traitées par suture directe comme les plaies transfixiantes. La suture doit être d'autant plus parfaite que les risques d'ectropion et d'entropion (source d'ulcère cornéen) ou d'éversion du punctum lacrymal (source de larmoiement) sont plus importants. Supérieures au quart du bord libre : la réparation fait appel à des procédés de chirurgie plastique (lambeaux locorégionaux et greffes). À la paupière inférieure, une greffe chondromuqueuse nasale (alaire ou septale) associée à un lambeau cutané hétéropalpébral ou temporojugal avec canthotomie (Mustardé) peut être proposée. À la paupière supérieure, le traitement est urgent afin de limiter le risque d'ulcération cornéenne. Un lambeau hétéropalpébral avec réparation de la zone donneuse par greffe chondromuqueuse et lambeau temporojugal de Mustardé est une solution.
Plaies des voies lacrymales Canalicules lacrymaux
[32]
Ils sont issus des puncta inférieur et supérieur situés à l'angle interne de l'oeil. Par un trajet intrapalpébral, ils rejoignent le sac lacrymal et sont drainés vers la cavité nasale par le conduit lacrymonasal. Le canalicule inférieur draine 80 % des larmes. L'interruption du canalicule supérieur peut être négligée. En revanche, l'interruption du canalicule inférieur se complique d'un larmoiement et peut être source de dacryocystite.
Diagnostic
L'atteinte des voies lacrymales est suspectée devant toute plaie du tiers interne de l'oeil. Le diagnostic se fait par cathétérisme des voies lacrymales.
Traitement La réparation primaire est réalisée à l'aide d'une sonde bicanaliculaire dont les extrémités sont laissées dans la fosse nasale et fixées à l'orifice narinaire ou d'une prothèse monocanaliculaire. La difficulté réside dans la découverte du fragment distal. Des soins des yeux par collyre sont prescrits. Le traitement dure 4 à 6 mois afin de limiter les sténoses secondaires. En cas d'échec une dacryocystorhinostomie est réalisée secondairement.
Plaies avec paralysie faciale Nerf facial (fig 8) Il innerve tous les muscles de la face à l'exception du releveur de la paupière supérieure qui reçoit son innervation du nerf moteur oculaire commun. Le VII émerge dans la face par le trou stylomastoïdien pour pénétrer la glande parotide où il se divise en ses branches principales.
Branche temporofaciale Elle s'épanouit en rameaux temporaux, zygomatiques et buccaux supérieurs. Classiquement, le trajet de la branche temporale du nerf facial est représenté par une droite passant juste sous le tragus et un point situé à 1,5 cm en dehors de la " queue " du sourcil. Hinderer et al [16] précisent que le lieu où la branche temporale croise l'arcade zygomatique coïncide avec le milieu d'une droite passant par la racine de l'hélix et le canthus externe. Trinei et al [36] mesurent le croisement de l'arcade par la branche temporale du nerf facial à 24 mm en moyenne (19 à 27 mm) du bord antérieur du conduit auditif externe. Ils décrivent une branche accessoire située entre 18 et 30 mm du même repère. Les rameaux temporaux se distribuent au muscle frontal. Les rameaux zygomatiques innervent les muscles de la fente palpébrale, les rameaux buccaux supérieurs, les muscles de la lèvre supérieure et du nez.
Branche cervicofaciale Elle se divise devant l'angle de la mandibule et s'épanouit en rameaux buccaux inférieurs (buccinateur, risorius, orbiculaire buccal), en un rameau marginal et un rameau du cou (platysma). Le rameau marginal décrit une anse à concavité supérieure, suit de façon variable le bord inférieur de la mandibule, croise le pédicule vasculaire facial, et se distribue aux muscles de la lèvre inférieure [12].
Diagnostic L'atteinte du VII est suspectée devant toute plaie latérofaciale (fig 9) et repose sur l'étude de la mimique faciale. Par exemple, l'atteinte du rameau marginal se traduit par une chute de la commissure labiale et par la perte de la continence labiale. L'atteinte de la branche temporofaciale se manifeste par le signe de Charles Bell : fermeture de l'oeil impossible avec globe oculaire se portant vers le haut.
Traitement Si la plaie siège au-delà d'une ligne verticale passant par le canthus externe, un bon affrontement musculaire permet la récupération motrice. La réparation directe des filets nerveux serait illusoire compte tenu de leur nombre et de leur taille. Si la plaie concerne le tronc ou les premières branches de division, une suture microchirurgicale épipérineurale est réalisée. L'extrémité proximale est recherchée par voie de parotidectomie. L'extrémité distale est recherchée à l'aide d'un neurostimulateur. La perte de substance nerveuse pose l'indication d'une greffe nerveuse prélevée aux dépens du plexus cervical superficiel ou du nerf saphène externe. La surveillance de la récupération est réalisée à l'aide d'électromyogrammes répétés. Une vitaminothérapie B est prescrite. En cas d'atteinte du rameau temporal, une tarsorraphie protège l'oeil, le temps de la récupération. La localisation proximale de la section, la nécessité d'une greffe nerveuse et l'âge du patient sont les facteurs qui allongent le temps de récupération.
Plaies sur le trajet du canal de Sténon Canal de Sténon
[6]
Le canal excréteur de la parotide se projette sur une droite passant par le tragus et la lèvre supérieure, 15 mm sous l'arcade zygomatique (fig 10). D'abord superficiel entre peau et masséter, il se glisse ensuite par un trajet en baïonnette en dedans du buccinateur. Son ostium se situe en regard de la deuxième molaire supérieure.
Diagnostic L'atteinte du canal est suspectée devant toute plaie coupant la ligne tragus-lèvre supérieure accompagnée d'un écoulement salivaire à travers la plaie ou de la présence de sang à l'ostium. Le diagnostic de certitude peut se faire à l'aide d'un test au bleu de méthylène ou au sérum bétadiné : issue par la plaie du colorant injecté dans l'ostium. Dans les cas difficiles (plaies suturées non explorées et examinées avec un délai de plusieurs jours) la sialographie fait le diagnostic (fig 11).
Traitement L'extrémité distale est cathétérisée à partir de l'ostium de Sténon. La tranche de section proximale est repérée en comprimant la glande. La suture se fait sur cathéter à l'aide de lunettes grossissantes ou d'un microscope et de fil Nylon® 8 ou 9/0. Le cathéter est laissé en place pendant 1 mois afin d'éviter les sténoses secondaires. Il est fixé à la muqueuse à l'aide d'un fil et mieux après tunnellisation. Lorsque l'extrémité distale n'est pas retrouvée ou lorsque la suture est impossible, l'alternative est de dérouter le canal en abouchant l'extrémité proximale à la face interne de joue. Si aucune extrémité n'est retrouvée, une fistulisation intrabuccale est réalisée à l'aide d'une lame en silicone. Si le canal de Sténon est perméable, une subséquente fistule salivaire se tarira spontanément en quelques semaines.
Plaies labiales Transfixiantes
la lèvre. Elles nécessitent une suture en trois plans (muqueux, musculaire et cutané) avec respect de la ligne cutanéomuqueuse. La profondeur du cul-de-sac vestibulaire est respectée. Le port d'une prothèse dentaire en sera facilité (fig 12 et 13).
Plaies labiales avec perte de substance (fig 14) Les pertes de substance inférieures au tiers de la longueur labiale sont fermées par suture directe plan par plan. La laxité des tissus permet un bon résultat fonctionnel et esthétique. Au-delà du tiers de la lèvre, ce type de réparation provoquerait une microstomie. Différents types de lambeaux sont alors proposés.
Lèvre supérieure Perte de substance entre un et deux tiers de la lèvre : lambeaux hétérolabiaux (Abbe ou Estlander) : ils transfèrent un fragment transfixiant (peau, muqueuse, muscle) de la lèvre opposée, vascularisé par l'artère coronaire et un pont de lèvre rouge pour le retour veineux. Le sevrage du pédicule se fait au cours de la troisième semaine. Au-delà [34] : lambeaux d'avancement transfixiants de joue de Webster associé à un lambeau d'Abbe médian pour reconstruire le philtrum, lambeaux nasogéniens de transposition à pédicule inférieur, deux lambeaux hétérolabiaux d'Estlander et commissuroplastie secondaire, lambeau de scalp de Dufourmentel pédiculé sur l'artère temporale superficielle.
Lèvre inférieure Perte de substance entre la moitié et les trois quarts de la lèvre : lambeaux hétérolabiaux d'Abbe ou d'Estlander. Au-delà : lambeaux de rotation péribuccaux de Karapandzic, méthode en marches d'escalier de Johanson, lambeaux d'avancement de joue de Camille Bernard, lambeaux nasogéniens de transposition à pédicule inférieur.
Perte de substance totale des deux lèvres Lambeau de grand pectoral [1, 27], de grand dorsal [22], temporopariétal bilatéral, sous-mental [9, 22], lambeau libre antébrachial [15] ou parascapulaire [5, 26].
Plaies narinaires Nez
[13]
La peau du nez est mince et mobile dans ses deux tiers supérieurs, avec un tissu sous-cutané épais dans le tiers supérieur et très mince dans le tiers moyen. La peau du tiers inférieur (pointe et ailes) est épaisse, sébacée et très adhérente aux cartilages alaires. Le nez est particulièrement vascularisé : les artères proviennent de la faciale, de la maxillaire interne et de l'ophtalmique. Les veines sont satellites des artères. L'anatomie de la charpente ostéocartilagineuse sur laquelle reposent ces structures ne sera pas rappelée ici, il importe cependant de bien la connaître.
Traitement
[30]
maintien prolongé d'un conformateur, afin de prévenir le risque de sténose (fig 15 et 16). Lorsque la plaie affecte l'orifice narinaire, un soin particulier est apporté afin d'éviter tout décalage. Les plaies de la columelle font courir le risque d'une rétraction secondaire avec chute de la pointe du nez. Ce risque est limité par un parage le plus économique possible et la réalisation d'une suture minutieuse. Les plaies du nez avec perte de substance sont réparées en fonction de leur importance par cicatrisation dirigée, greffe ou lambeaux locorégionaux. Chaque localisation a ses lambeaux de prédilection mais les indications sont à discuter au cas par cas : dorsum : lambeau frontal médian en deux temps (fig 17) ; glabelle : lambeau de rotation glabellaire (fig 18) ; face latérale : lambeau nasogénien d'avancement à pédicule sous-cutané ou lambeau d'avancement de joue ; aile du nez : lambeau nasogénien de transposition à pédicule supérieur ou greffe composée prélevée sur le pavillon de l'oreille ; pointe du nez : lambeau de Rieger ou de Marchac ; columelle : lambeau nasogénien bilatéral à pédicule sous-cutané ; moitié verticale du nez : lambeau frontal oblique ; totale : lambeau scalpant de Converse armé par un greffon pariétal.
Plaies de l'oreille externe Constitution Elle comprend le pavillon et le conduit auditif externe. Le pavillon est constitué d'une lame cartilagineuse et d'un revêtement cutané adhérent. La face latérale présente différents reliefs séparés par des excavations (fig 19).
Plaies cutanées simples Elles posent peu de difficultés. Une attention particulière est apportée en ce qui concerne l'hélix afin d'éviter une encoche inesthétique.
Plaies transfixiantes Lorsqu'elles réalisent un lambeau pédiculé vascularisé, elles sont suturées après décontamination, parage cutané le plus économique possible et sacrifice de 1 mm de cartilage le long des berges afin d'éviter toute tension. La richesse vasculaire faciale compense bien souvent l'étroitesse des pédicules. Un traitement vasodilatateur veineux, des pansements gras quotidiens non compressifs, et une antibiothérapie afin de limiter les risques de chondrite augmentent les chances de succès.
Amputations du pavillon de l'oreille Elles constituent un défi à la chirurgie réparatrice. Dans les meilleurs cas, une réimplantation microchirurgicale est tentée. Les difficultés sont multiples : le diamètre artériel est réduit (souvent moins de 1 mm), le pédicule est court et nécessite souvent la réalisation d'un pontage veineux, le pédicule est souvent strippé, entraînant des lésions intimales sur tout le trajet artériel, et pourtant la difficulté majeure provient du drainage veineux. Les chances de succès peuvent être augmentées par les vasodilatateurs veineux, un traitement antiagrégant plaquettaire à faible dose, une anticoagulation, la réalisation de scarifications ou
un plan de décollement rétroauriculaire. Cette poche lui assure une nutrition par imbibition. À défaut de revêtement cutané rétroauriculaire de qualité, un lambeau de fascia temporal est utilisé. Trois semaines sont nécessaires à l'autonomisation de l'oreille. La réépithélialisation se fait parallèlement. Le résultat final est celui d'une oreille dyschromique mais dont la morphologie est respectée. Si le pavillon ne peut être récupéré, la reconstruction fait appel à des greffes de cartilage costal [10].
Avulsion du scalp Mécanisme La médecine du travail a largement contribué à diminuer leur incidence. La plupart des cas actuels procèdent du non-respect des règles de sécurité. Le cas typique reste celui d'une femme jeune dont les cheveux attachés en " queue de cheval " se prennent dans une machine agricole ou une hélice de bateau. La ligne de rupture est occipitale en postérieur, au niveau des sourcils en antérieur et audessus des pavillons latéralement. Le tableau est très hémorragique (fig 20).
Traitement Le premier geste sur place est la réalisation d'un pansement compressif. Une transfusion sanguine est le plus souvent nécessaire. Le scalp est récupéré et conservé sur de la glace (et non dans la glace qui risquerait de le congeler). La réimplantation du scalp est extrêmement difficile en raison du mécanisme qui strippe les vaisseaux. C'est néanmoins la seule possibilité qui permette à la patiente de retrouver une chevelure naturelle.
Plaies selon leur mécanisme Morsures É pidémiologie Les morsures animales représentent un réel problème de santé publique. En France, 58 % des foyers ont un animal domestique et, chaque année, 50 000 morsures sont déclarées. Un tiers concerne la face. Les jeunes enfants sont les plus touchés en ce qui concerne le visage [28]. les enfants passent beaucoup de temps avec les animaux, aiment les taquiner et présentent un rapport de taille qui expose plus leur visage. De plus, il existe des phénomènes de jalousie des animaux par rapport à l'affection du maître et dans les situations de surprise (enfant qui tire la queue du chien alors que ce dernier est en train de dormir, par exemple) certaines races de chien ont du mal à identifier l'odeur du jeune enfant comme étant d'origine humaine. Les morsures humaines représentent 10 % des cas, les lésions sont moins importantes mais le risque infectieux est plus important.
Contamination bactérienne Les morsures sont de gravité variable, allant de l'érosion cutanée à l'amputation totale du nez, des lèvres, de la joue et des paupières. Le pronostic est naturellement lié au traumatisme direct mais aussi à la contamination bactérienne. Les plaies par morsure sont le plus fréquemment contaminées par Pasteurella (P) (67 %) dont la souche la plus fréquente est : P multocida multocida, sinon P dagmatis, P canis, P multocida septica... D'autres
espèces bactériennes sont en cause tels Staphylococcus aureus (7 %) et streptocoques pyogènes (8 %) entre autres fort nombreux.
Traitement chirurgical (fig 21) Il doit être le plus précoce possible. L'exploration chirurgicale est réalisée au bloc opératoire sous anesthésie générale, car bon nombre de plaies cutanées punctiformes sont associées à des décollements et des délabrements profonds importants. L'objectif est double : décontaminer les lésions par le parage et le lavage, puis les réparer [8]. Le déroulement de l'intervention est le suivant : prélèvements bactériologiques de principe ; exploration des plaies ; parage minutieux des lésions superficielles et profondes excisant tous les tissus dévitalisés ou suspects ; lavage au sérum bétadiné ; réparation des structures nobles : lésions nerveuses, Sténon, etc. Si le patient est pris en charge au cours des 6 premières heures, il est licite de pratiquer une suture plan par plan avec points séparés au niveau cutané. Sinon, une cicatrisation dirigée sous couvert de soins locaux quotidiens donne de meilleurs résultats. Cette limite des 6 premières heures n'est pas rigide et est à moduler en fonction des cas. Lorsqu'il existe une perte de substance, il est préférable de réaliser la réparation après une phase de cicatrisation dirigée.
Antibiothérapie L'antibiothérapie antipasteurelles de référence est représentée par les tétracyclines avec comme contre-indications : l'enfant de moins de 8 ans, la femme enceinte et l'allaitement. La doxycycline (Vibramycine®) est prescrite à la dose de 200 mg/j. La durée du traitement préconisée est de 10 jours. Le patient est prévenu du risque de photosensibilisation. En cas de contre-indication, l'alternative repose sur les bêtalactamines ou les macrolides : parmi les bêtalactamines, l'amoxicilline peut être proposée, bien que les résistances ne soient pas exceptionnelles. Les macrolides offrent l'avantage d'avoir un excellent tropisme qui peut compenser une activité in vitro moindre. Les fluoroquinolones constituent une classe de choix mais à réserver aux infections systémiques des sujets immunodéprimés afin d'éviter la diffusion de résistances.
Animal mordeur Il est de principe placé sous surveillance vétérinaire. En fonction du comportement de l'animal et du contexte dans lequel s'est produite la morsure, le vétérinaire conseille ou non l'abattage, 10 % des animaux mordeurs sont récidivistes et difficiles à contrôler, même après un dressage bien conduit. Cela est à nuancer par le fait que dans 80 % des cas, le maître est responsable de l'agressivité de l'animal.
Risque rabique La rage humaine cliniquement déclarée étant actuellement constamment mortelle, le traitement ne peut être que préventif. Suite à une morsure, quatre cas de figure peuvent se présenter :
le chien est correctement vacciné : l'idéal est de pouvoir joindre au dossier la photocopie du certificat de vaccination de l'animal mordeur ; le chien n'est pas vacciné ou son statut vaccinal n'est pas connu : c'est une situation qui est loin d'être rare, surtout dans les grandes villes qui drainent beaucoup de personnes sans domicile fixe n'ayant pas les moyens de vacciner leurs chiens. L'animal est placé sous surveillance vétérinaire, trois certificats vétérinaires sont produits à j1, j7, et j14 : l'animal est vivant et sain au premier examen. Le traitement vaccinal n'est entrepris que si l'animal présente des symptômes ; l'animal est vivant et suspect au premier examen. Le traitement vaccinal est entrepris. Seuls les centres antirabiques sont habilités à conduire ces vaccinations. Le schéma allégé (deux injections en deux sites différents à j0, une à j7 et une à j21), aussi efficace, est de plus en plus utilisé en France. Il sera interrompu si l'animal s'avère sain ; l'animal est mort spontanément ou abattu après la morsure : la tête de l'animal est rapidement adressée (généralement par l'intermédiaire de la direction départementale des services vétérinaires), dans de la glace, à l'institut Pasteur, service de la rage, où sont effectués trois types de recherche : une étude histologique à la recherche de corps de Négri, une technique d'immunofluorescence mettant en évidence des particules virales dans les coupes de cerveau et l'inoculation de broyats du cerveau suspect sur des cultures de cellules ; l'animal n'est pas retrouvé ou son cadavre est détruit : traitement vaccinal complet.
Traumatismes balistiques É pidémiologie En pratique civile, environ deux tiers sont dus à des tentatives d'autolyse, un tiers à des agressions (actuellement en progression), moins de 5 % à des accidents. La moyenne d'âge est de 40 ans, elle est plus jeune en ce qui concerne les traumatismes balistiques par agression. Ce type de plaies est nettement plus fréquent chez l'homme que chez la femme. Cinq types de projectiles peuvent être grossièrement distingués
[11]
:
groupe 1 : les munitions de chasse conventionnelles de calibre 12 ou 16 à projectiles multiples ou uniques du type balle à ailettes (30 % environ) (fig 22) ; groupe 2 : les munitions de calibre 22, le plus souvent 22 LR à projectile unique en plomb, balle non chemisée (30 % environ) (fig 23) ; groupe 3 : les armes dites d'autodéfense avec les pistolets et revolvers à grenailles et, par assimilation, les cartouches de 9 mm à plombs et les armes tirant des projectiles en caoutchouc (30 % environ) (fig 24) ; groupe 4 : les armes à air comprimé tirant un projectile unique, de 4,5 mm de diamètre le plus souvent (5 % environ) (fig 25) ; groupe 5 : groupe hétérogène comprenant différentes munitions à projectile unique, chemisé ou non, tirées par une arme de poing ou d'épaule, généralement à canon rayé (5 % environ). Les groupes 1 et 2 sont plus impliqués au cours des autolyses ; le groupe 3 et 5, au cours d'agressions ; le groupe 4, au cours d'accidents. Le groupe 1 est le plus délétère, que ce soit en termes d'extension des lésions, de durée d'hospitalisation, du nombre d'interventions nécessaires à la reconstruction, et de séquelles.
Clinique La diversité des lésions liées aux armes à feu est extrême et donc difficile à systématiser. Trois variétés peuvent néanmoins être distinguées : les
lésions
minimes
:
le
patient
présente
des
lésions
cutanées
tangentielles ou perforantes, telles une perforation de la joue ou du plancher buccal sans lésion osseuse. Le pronostic fonctionnel et esthétique est bon ; les lésions de gravité moyenne : les plaies cutanées et muqueuses sont plus importantes mais sans perte de substance. Les fractures osseuses traitées par ostéosynthèses ne nécessitent pas d'apport osseux ; les lésions majeures : elles réalisent des pertes de substance ostéomusculo-cutanées. Un apport tissulaire devient indispensable. Le traitement justifiera plusieurs interventions avant d'aboutir à un résultat esthétique et fonctionnel.
Traitement
[35]
La liberté des voies aériennes est vérifiée. Une intubation ou une trachéotomie peut être nécessaire en urgence. L'hémorragie et l'état de choc éventuels sont contrôlés. L'intervention sous anesthésie générale réalise le parage et l'exérèse des corps étrangers (fig 26, 27, 28 et 29). En cas de perte de substance mandibulaire, un fixateur externe est posé (fig 30 et 31). Le compte rendu opératoire et le certificat médical initial décrivent les lésions, les points d'impact, le trajet des projectiles, les éventuelles traces de poudre (tir à bout portant), traces de brûlure (tir à bout touchant)... Les projectiles extraits sont conservés à disposition des autorités. Le suivi psychiatrique fait partie intégrante du traitement. La reconstruction secondaire peut être réalisée par une greffe osseuse (perte osseuse inférieure à 5 cm avec tissus receveurs sains) ou un transplant libre ostéo-musculo-cutané (péroné, crête, scapulaire...) (fig 32). Une technique récente et pleine de promesses repose sur la distraction ostéogénique [18] ; elle réalise un apport local en os et en parties molles sensibles sans rançon cicatricielle supplémentaire. La prise en charge psychiatrique fait partie intégrante du traitement.
Brûlures Mécanisme Trois étiologies sont distinguées : les brûlures thermiques : flammes, projections de liquides bouillants ou inflammables (fig 33), explosions, radiations (solaires, atomiques) ; les brûlures électriques ; les brûlures chimiques : acide, soude.
Traitement Sur place, le premier geste consiste à réfrigérer immédiatement les lésions par irrigation à l'eau froide de façon à limiter leur importance. En cas d'atteinte de l'oeil, celui-ci doit être lavé abondamment. La face représente 5 % de la surface corporelle augmentée à 8 % s'il existe une brûlure de l'orifice buccal. Si la surface corporelle brûlée est supérieure à 10 % ou si la muqueuse des voies aériennes supérieures est atteinte, le patient est dirigé en centre de réanimation spécialisé. Les brûlures superficielles sont traitées par des soins locaux à l'aide d'antiseptiques et de pansements gras. Les brûlures du deuxième et du troisième degré sont traitées suivant les équipes par excisiongreffe précoce ou par détersion enzymatique progressive puis greffe de peau semi-épaisse. Lorsque la brûlure atteint les paupières, la protection du globe est assurée suivant la gravité, par des collyres protecteurs, une tarsorraphie, voire une blépharorraphie temporaire. La pressothérapie, la corticothérapie locale, la mécanothérapie et les douches filiformes en cures thermales permettent d'améliorer considérablement les cicatrices.
Séquelles Les séquelles de brûlures profondes sont dans leur grande majorité cutanées. Leur correction est essentiellement un problème de remplacement de la peau cicatricielle par une peau de bonne qualité. L'expansion cutanée a révolutionné la prise en charge de ces séquelles (fig 34). Elle permet de réaliser des autoplasties ambitieuses, des lambeaux locaux préexpansés ou d'importants sites donneurs pour la réalisation de greffes de peau totale. Les séquelles fonctionnelles sont principalement liées à : la microstomie, les commissuroplasties uni- ou bilatérales ainsi qu'une mécanothérapie permettent de les corriger ; les rétractions palpébrales : la reconstruction palpébrale se fait par greffe de peau semi-épaisse ou lambeau hétéropalpébral lorsque c'est possible [17] ; les brides rétractiles, en particulier cervicales, pour lesquelles des plasties en Z peuvent être proposées. La reconstruction des sourcils peut se faire par greffes de cheveux orientés associées éventuellement aux techniques de tatouage.
Traumatisme par pare-brise Lors de l'impact, les fragments de pare-brise criblent la face de plaies de petite taille. En fonction de leur cinétique, les fragments pénètrent dans le tissu souscutané, les muscles, ou s'impactent dans l'os. Ils peuvent se situer à plusieurs centimètres du point d'entrée. La présence de plomb dans la composition du verre le rend radio-opaque. Les radiographies de face et de profil permettent de compter et localiser grossièrement les fragments. Lors de l'intervention, une pince est introduite par les points d'entrée, le crissement produit par le contact du verre finit de localiser le fragment. Les plaies sont ensuite lavées au sérum bétadiné, parées et suturées. Lorsque les fragments ne sont pas retirés, l'évolution se fait par poussées inflammatoires et les fragments finissent par s'expulser spontanément au fur et à mesure des mois et des années.
Plaies par abrasion Mécanisme Elles sont provoquées par un mouvement de glissade sur le sol. À l'effet abrasif se surajoute un effet thermique qui provoque une brûlure (fig 35).
Traitement Un brossage de la plaie est pratiqué sous anesthésie générale de façon à éliminer toutes les particules susceptibles de provoquer un tatouage. En cas de perte de substance, une extension continue sur élastiques peut permettre de la réduire (fig 36). Une cicatrisation dirigée est entreprise en parallèle. En fonction des conditions locales, elle alterne des pansements antiseptiques (Tulle gras bétadiné®), des pansements gras et des corticoïdes (Corticotulle®).
Plaies infectées
était l'un des plus savoureux aphorismes de Raymond Vilain. L'infection d'une plaie faciale est rare, elle procède d'un déséquilibre dans cet écosystème au profit de germes pathogènes. Les infections à pyocyaniques sont fréquentes. Il s'agit le plus souvent de plaies négligées. Le traitement consiste à recréer, par une détersion mécanique et une désinfection, les conditions idéales d'une cicatrisation dirigée. Une antibiothérapie est associée.
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É VOLUTION DES PLAIES TRAITÉ ES Les fils sont retirés vers le cinquième jour. L'application de vaseline permet d'éliminer les croûtes résiduelles. À ce stade et en l'absence de phénomènes infectieux, la cicatrice est fine. Puis commence une réaction inflammatoire qui augmente jusque vers la fin du deuxième mois. Elle rétrocède ensuite progressivement pendant 6 mois. La chéloïde correspond à une cicatrisation pathologique (fig 37). Genèse du lymphoedème sus-cicatriciel : dans les suites immédiates de la suture, le bourgeon charnu qui s'interpose entre les deux faces de la plaie assure le drainage lymphatique ; son remplacement par du tissu cicatriciel interrompt les voies lymphatiques (fig 38). La disparition du lymphoedème sus-cicatriciel se fait lentement avec la création de voies de dérivation. Le résultant définitif d'une cicatrice ne peut être apprécié qu'à 1 an. Sauf indication contraire (ablation de corps étrangers, cicatrice périorificielle rétractile, atteinte d'une structure noble non réparée lors de la suture), il est préférable de ne pas reprendre la cicatrice avant ce terme. Dans l'intervalle, plusieurs techniques peuvent permettre d'améliorer les cicatrices : la protection solaire est toujours recommandée : chapeau, lunettes, écran total... ; la corticothérapie locale sous forme de crème ou d'injection en cas d'évolution sur un mode hypertrophique : elle peut être commencée à partir de 3 semaines de cicatrisation sous surveillance médicale ; la kinéplastie : elle consiste à pratiquer un massage-pétrissage quotidien des cicatrices. La kinéplastie est commencée à la fin du premier mois de cicatrisation ; la pressothérapie : elle trouve ses meilleures indications chez les patients brûlés ou à risque de cicatrices hypertrophiques. La compression est réalisée pendant le plus grand nombre d'heures, sur la journée et la nuit, pendant plusieurs mois. Elle est réalisée à l'aide de vêtements compressifs spécialement adaptés. Leur facture épouse de manière uniforme l'anatomie de la région traitée. Les coutures sont externes. Dans chaque cas un compromis est à trouver entre le confort (dont le corollaire est l'observance du traitement) et la pression exercée ; les moyens physiques : l'électrothérapie, les ultrasons et l'hydrothérapie. Ces techniques sont réalisées par un kinésithérapeute sous formes de séances discontinues ou de manière intensive en cure thermale. À l'amélioration réelle des cicatrices se rajoute un bénéfice psychologique encore plus flagrant.
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ASPECT MÉ DICO-LÉ GAL L'évaluation du dommage corporel d'un traumatisé relève de l'expertise et comporte :
un aspect médical par son objet, le corps humain ; un aspect juridique par le régime d'indemnisation et son évaluation économique. Parmi les pièces du dossier médical nécessaires à l'expertise médicale, le certificat médical initial (CMI) est l'élément capital. Pouvant rapporter les circonstances du traumatisme (agressions, accidents sur la voie publique [AVP], sport,...), le CMI décrit le plus précisément possible les lésions. Ce certificat reste unique et est remis au patient en main propre (daté et signé). Les clichés photographiques sont d'un grand apport pour juger de l'état initial d'un blessé. L'évaluation des préjudices (incapacité permanente partielle, pretium doloris, préjudice esthétique) est assurée par un expert désigné par l'autorité judiciaire compétente. Sa mission s'articule autour de deux pôles : la preuve de la réalité du dommage corporel et l'imputabilité de celui-ci à l'accident. À partir de ces éléments, le magistrat en charge du dossier décidera l'indemnisation de la victime.
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PRÉ VENTION Elle s'exprime essentiellement à travers la lutte contre les accidents du travail et les traumatismes sportifs [24]. En fonction des activités, elle passe par des protections extraorales ou intraorales adaptées, l'amélioration des postes de travail ou des installations sportives [7], la lutte contre l'alcoolisme et le dopage et surtout la formation du travailleur ou du sportif.
Protections extraorales Casques, masques, écrans : ils peuvent être au maximum intégraux et protègent alors le crâne et la face. Ils ne doivent pas trop diminuer le champ visuel et l'audition et doivent permettre une bonne élimination de la transpiration. Le poids ne doit pas rendre le port pénible. Lunettes : d'importantes innovations ont permis de limiter les bris de verre, d'améliorer le confort, le désembuage et la protection aux ultraviolets.
Protections intraorales Les protections dentomaxillaires sont un bon moyen de prévention chez les pratiquants de sports de combat, à condition de répondre aux critères définis par Sametsky : isoler les lèvres des dents ; protéger les dents maxillaires contre les chocs directs ; amortir les contacts occlusaux ; solidariser les deux arcades ; permettre la respiration buccale même mâchoires serrées ; ne pas entraver la phonation et la déglutition. Le meilleur modèle est celui mis au point par Sametsky [2]. Il répond à tous ces critères. Il est réalisé à partir d'empreintes des arcades dentaires et d'une occlusion contrôlée. La prise d'occlusion se fait avec une béance de 1 mm afin de permettre la respiration buccale d'effort. Pour les porteurs d'appareils orthodontiques [19], des protège-muqueuses peuvent être confectionnés afin d'éviter les lésions des muqueuses jugales et
labiales ainsi que le décollement des attaches de l'appareil. Sur les appareils de traction extraorale, des dispositifs de sécurité sont maintenant imposés afin d'éviter les plaies accidentelles oculaires.
Références [1]
Ariyan S The pectoralis major myocutaneous flap : a versatile flap for reconstruction in head and neck. Plast Reconstr Surg 1979 ; 63 : 73-81
[2]
Barrault D, Brondani JC, Rousseau D. Médecine du Judo. Paris : Masson, 1991 : 102-108
[3]
Baud JA. Harmonie du visage : étude scientifique de la beauté appliquée en chirurgie esthétique. Paris : Maloine, 1978 : 25-28
[4]
Bellavoir A. Anatomie des lèvres : configuration extérieure et dispositif musculaire. In : Levignac J ed. Chirurgie des lèvres. Paris : Masson, 1990 : 3-11
[5]
Berish S, Han-Liang Y. Head and Neck. In : Berish S, Han-Liang Y eds. Atlas of microvascular surgery. New York : Thieme Medical, 1993 : 526-537
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Bouchet A, Cuilleret J. Anatomie topographique descriptive et fonctionnelle. Tome 1. Paris : Simep, 1991 : 460-461
[7]
Cantu RC Head and spine injuries in youth sports. Clin Sports Med 1995 ; 14 : 517-532
[8]
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© 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Plaie du voile du palais.
Fig 2 :
Fig 2 : Sensibilité de la face. 1. Nerf ophtalmique ; 2. nerf maxillaire ; 3. nerf mandibulaire.
Fig 3 :
Fig 3 : Séquelle de plaie cutanéomuqueuse incorrectement traitée.
Fig 4 :
Fig 4 : Drainage d'un hématome orbitaire provoqué par une plaie par arme blanche.
Fig 5 :
Fig 5 :
Tomodensitométrie montrant l'hématome orbitaire le long de la paroi externe de l'orbite.
Fig 6 :
Fig 6 : Imagerie par résonance magnétique du même patient.
Fig 7 :
Fig 7 : Plaies palpébrales complexes.
Fig 8 :
Fig 8 :
Rameaux du nerf facial.
Fig 9 :
Fig 9 : Plaie dans la région du nerf facial.
Fig 10 :
Fig 10 : Canal de Sténon. Projection sur les parties molles.
Fig 11 :
Fig 11 : Sialographie chez un patient ayant consulté tardivement pour une plaie dans la région du canal de Sténon.
Fig 12 :
Fig 12 : Plaies transfixiantes des lèvres par verre.
Fig 13 :
Fig 13 : Même patient après réparation.
Fig 14 :
Fig 14 : Perte de substance de la lèvre supérieure négligée qui aurait dû bénéficier d'un lambeau locorégional.
Fig 15 :
Fig 15 : Plaie du nez transfixiante par verre, traitée par une suture plan par plan.
Fig 16 :
Fig 16 :
Résultat à 15 jours de face et de profil : contrairement aux apparences, il n'y a pas de perte de substance.
Fig 17 :
Fig 17 : Lambeau frontal afin de reconstruire une perte de substance du dorsum nasal.
Fig 18 :
Fig 18 : Lambeau de rotation glabellaire.
Fig 19 :
Fig 19 : Auricule gauche. 1. Fosse triangulaire ; 2. racine de l'hélix ; 3. pore acoustique externe ; 4. tragus ; 5. incisure intrargique ; 6. hélix ; 7. anthélix ; 8. conque de l'auricule ; 9. antitragus ; 10. lobule de l'auricule.
Fig 20 :
Fig 20 : Scalp : vascularisation et ligne de rupture. 1. Branche pariétale de l'artère superficielle temporale ; 2. artère temporale superficielle ; 3. artère auriculaire postérieure ; 4. artère occipitale ; 5. artère carotide externe ; 6. artère supratrochléaire ; 7. artère supraorbitaire ; 8. branche frontale de l'artère temporale superficielle ; 9. artère temporale profonde ; 10. artère maxillaire externe ; en bleu : ligne de rupture.
Fig 21 :
Fig 21 : Morsure de chien chez une enfant de 6 ans.
Fig 22 :
Fig 22 : Munitions : groupe 1.
Fig 23 :
Fig 23 : Munitions : groupe 2.
Fig 24 :
Fig 24 : Munitions : groupe 3.
Fig 25 :
Fig 25 : Plaie de l'orbite par carabine à air comprimé ayant justifié une décompression du nerf optique par voie canthale interne.
Fig 26 :
Fig 26 : Plaie par arme à feu à bout portant (traces de poudre).
Fig 27 :
Fig 27 : Radiographie panoramique du patient précédent.
Fig 28 :
Fig 28 : Brossage sous anesthésie générale.
Fig 29 :
Fig 29 : Corps étrangers retirés. Notez la bourre (radiotransparente).
Fig 30 :
Fig 30 : Traumatisme par arme à feu : fixateur externe.
Fig 31 :
Fig 31 : Radiographie panoramique du même patient.
Fig 32 :
Fig 32 : Lambeau de péroné. La flèche indique les anastomoses microchirurgicales.
Fig 33 :
Fig 33 : Brûlure après projection de liquide inflammable.
Fig 34 :
Fig 34 :
Séquelle de brûlure cervicale : expansion cutanée.
Fig 35 :
Fig 35 : Plaie par abrasion.
Fig 36 :
Fig 36 : Extension cutanée.
Fig 37 :
Fig 37 : Cicatrice chéloïde rétroauriculaire.
Fig 38 :
Fig 38 :
Lymphatiques de la face (d'après Küttner). 1. Ganglion parotidien ; 2. ganglion de la chaîne jugulaire externe ; 3. ganglion de la chaîne jugulaire interne ; 4. ganglion facial ; 5. ganglion sous-maxillaire.
¶ 22-087-E-10
Reconstruction chirurgicale des pertes de substance des maxillaires F. Boutault, J.-R. Paoli, F. Lauwers Les pertes de substance des maxillaires constituent un chapitre complexe du fait : des particularités anatomiques de l’étage moyen de la face, de la variabilité des lésions constatées, des différentes étiologies à l’origine de la perte de substance, du large éventail des techniques chirurgicales proposées, des imprécisions concernant le bénéfice fonctionnel réel des diverses procédures. Tout ceci explique l’absence de consensus et la nécessité de faire un large tour d’horizon des divers travaux et publications pour essayer d’en dégager quelques idées directrices, étayées éventuellement par une expérience personnelle. Sur la base de données anatomiques connues, il apparaît souhaitable de définir une classification qui tienne compte de celles déjà présentées mais puisse comporter une orientation thérapeutique plus claire. Après un rappel du contexte étiologique et de l’environnement fonctionnel particulier à cette région, une classification nouvelle est présentée, reposant sur l’architecture des piliers osseux horizontaux et verticaux qu’il convient de reconstruire. Puis les différentes techniques chirurgicales sont présentées en les analysant chacune de façon critique et comparative dans leur contexte, en fonction de la classification lésionnelle. Pour terminer sont abordés quelques points précis pouvant donner lieu à discussion, comme la place des reconstructions prothétiques, les particularités liées à la carcinologie ou le résultat fonctionnel réel des diverses procédures. Les auteurs concluent sur la difficulté de fournir un arbre décisionnel précis compte tenu de ce qui précède. Le sujet est en perpétuelle mutation et demande à être continuellement actualisé, avec probablement des améliorations techniques à venir. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Perte de substance ; Maxillaire ; Lambeau pédiculé ; Lambeau libre ; Prothèse
Plan ¶ Introduction
1
¶ Étiologie des pertes de substance des maxillaires Traumatismes Pertes de substance des maxillaires iatrogènes Infections diverses
2 2 2 2
¶ Conséquences des pertes de substance des maxillaires Conséquences fonctionnelles Conséquences morphologiques Vie sociale et relationnelle
3 3 3 3
¶ Classification des pertes de substance des maxillaires Classifications existantes Classification proposée
3 3 4
¶ Bilan et planning Bilan clinique Bilan radiologique Modélisation et simulation
5 5 5 6
¶ Reconstruction des pertes de substance des maxillaires isolées de l’étage 1 Pertes de substance centrales (PDS 1C) Pertes de substance alvéolaires postérieures (PDS 1P) Pertes de substance alvéolaires antérieures (PDS 1A) Pertes de substance totales ou subtotales de l’étage 1
6 6 8 9 9
Stomatologie
¶ Reconstruction des pertes de substance des maxillaires intéressant les étages 1 et 2 et 1, 2 et 3 Reconstruction par comblement simple (sans reconstruction osseuse) Reconstruction osseuse intégrée Problèmes posés par les pertes de substance des maxillaires intéressant l’étage 3
11 11 12 14
¶ Points controversés Carcinologie Place des reconstructions prothétiques Prise en charge des pertes de substance des maxillaires traumatiques Reconstruction des pertes de substance isolées de l’étage 2 Résultat fonctionnel réel de la chirurgie
14 14 14 15 15 15
¶ Conclusion
15
■ Introduction Bien qu’initialement dévolus à la même fonction, tout oppose les maxillaires et la mandibule : contrairement à la mandibule constituée d’une enveloppe corticale épaisse entourant une structure spongieuse, les maxillaires sont essentiellement constitués d’une structure osseuse corticale peu épaisse, alvéolée, complexe, en « nid d’abeilles », comportant un certain nombre de piliers osseux plus ou moins renforcés entourant des zones d’os fin, voire papyracé.
1
22-087-E-10 ¶ Reconstruction chirurgicale des pertes de substance des maxillaires
Pendant des années, reconstruction des maxillaires a été synonyme de reconstruction prothétique. Le but de tout chirurgien était d’obtenir une cavité propre, tapissée de muqueuse (ou éventuellement de peau greffée), comportant si possible des zones de rétention pour permettre une adaptation prothétique dans les meilleures conditions. Des appareillages parfois sophistiqués ont pu être développés et utilisés avec souvent d’excellents résultats fonctionnels. Mais les progrès constants dans les techniques (anesthésiologiques et chirurgicales) ont ouvert la voie à l’utilisation de tissus vivants pour la reconstruction. Qu’il s’agisse de lambeaux locaux, régionaux ou à distance, de transplants revascularisés ou plus récemment de distraction osseuse, l’arsenal disponible conduit logiquement à une ambition plus grande avec un objectif approché mais jamais réellement atteint de restitutio ad integrum. Dans cet article ne sont traitées que les pertes de substance (PDS) des maxillaires (PDSMax) acquises, les anomalies congénitales (et notamment les fentes) et leurs séquelles faisant l’objet d’un travail spécifique. [1] De même ne sont pas abordés ici les problèmes posés par la résorption progressive de l’os alvéolaire en rapport avec l’involution liée à l’âge. Par ailleurs, les techniques purement prothétiques de traitement des PDSMax (y compris par épithèses implantoportées) ne sont qu’évoquées. [2] Enfin, ne sont pas développés les essais d’utilisation de biomatériaux de substitution osseuse dont les résultats paraissent à ce jour manifestement trop inconstants pour constituer une alternative thérapeutique fiable. La principale difficulté à aborder le thème des PDSMax réside dans la complexité et la variabilité des présentations cliniques, rendant les comparaisons entre séries et procédés thérapeutiques fort aléatoires. Très souvent des termes identiques et assez vagues sont employés (« maxillectomie » par exemple) pour définir des situations très différentes. La coexistence de procédés parfois fort anciens et encore couramment utilisés avec des techniques modernes ultrasophistiquées prouve assez bien le niveau de complexité et d’incertitude qui entoure le sujet.
■ Étiologie des pertes de substance des maxillaires Traumatismes Il s’agit bien évidemment de traumatismes relativement violents susceptibles de provoquer des lésions d’arrachement et impliquant des PDS volontiers pluritissulaires. Il convient surtout de distinguer : • les traumatismes liés aux accidents de la route, aux accidents du travail et plus généralement à la traumatologie civile courante telle que constatée actuellement : si l’on peut constater des fractures parfois très nombreuses, réalisant des fracas faciaux potentiellement complexes, les authentiques PDS sont le plus souvent limitées à la région alvéolodentaire et aux parties molles labiales et périlabiales ; • les traumatismes en rapport avec des faits de guerre ou des événements apparentés, à l’origine de plaies balistiques dont la gravité et l’étendue sont liées à l’énergie des projectiles, c’està-dire à la fois à leur masse et à leur vitesse. Les dégâts provoqués par les armes modernes (armes à feu de petit calibre mais à haute vélocité) peuvent être nettement plus importants que ceux d’armes plus conventionnelles. Les traumatismes balistiques par tentative d’autolyse (fusil de chasse le plus souvent) sont à considérer dans le même chapitre. D’une manière générale, il faut bien sûr tenir compte de la possibilité de PDS secondaires avec ou sans perte de substance initiale, en rapport avec les phénomènes de dévascularisation et/ou d’infection, eux-mêmes à l’origine de nécroses et d’élimination de séquestres.
Pertes de substance des maxillaires iatrogènes Pertes de substance chirurgicales La chirurgie d’exérèse de tumeurs siégeant au niveau des maxillaires entraîne des PDS variables selon l’importance et la
2
nature de la lésion à traiter. Schématiquement, la distinction se fait essentiellement selon la nature bénigne ou maligne du processus. Pathologie tumorale maligne Les tumeurs malignes les plus fréquentes au niveau de la voûte palatine et des gencives maxillaires sont sans aucun doute les carcinomes épidermoïdes. Mais les autres types de tumeurs ne sont pas rares, notamment celles développées aux dépens des glandes salivaires accessoires (carcinome adénoïde kystique par exemple). Leur exérèse aboutit à une situation de maxillectomie partielle, subtotale ou totale avec comme conséquence fréquente une communication buccosinusale et/ou bucconasale (CBN). La localisation primitive peut se situer ailleurs que dans la cavité buccale : sinus maxillaires ou peau et tissus mous locorégionaux (nez, lèvre supérieure). Dans ces cas, les PDS sont bien évidemment pluritissulaires et complexes. En dehors des problèmes liés à l’acte chirurgical d’exérèse luimême, il faut également tenir compte des traitements complémentaires et des impératifs liés à la surveillance au moment de la décision éventuelle de reconstruction. Pathologie tumorale bénigne Les tumeurs bénignes susceptibles d’être l’objet d’exérèses larges sont relativement rares. Néanmoins, il faut tenir compte des destructions osseuses parfois considérables liées au développement lent et progressif de certaines tumeurs kystiques des maxillaires telles que les kératokystes, les tumeurs améloblastiques, voire certains gros kystes radiculodentaires. La simple énucléorésection de ces formations aboutit quelquefois à d’authentiques PDS osseuses communiquant parfois avec les sinus maxillaires ou les fosses nasales. L’exérèse de certaines tumeurs bénignes non kystiques peut également aboutir à des PDS importantes en fonction de leur nature ou de leur volume : citons par exemple les fibromes ossifiants ou les fibromyxomes pas toujours bien limités.
Ostéoradionécroses et autres causes iatrogènes Cause fréquente de PDS osseuses au niveau de la mandibule, les ostéoradionécroses sont plus rarement constatées au niveau des maxillaires. Certains cas de nécrose osseuse partielle ou étendue ont été décrits comme consécutifs à l’utilisation de dérivés arsénieux. [3] Des nécroses des maxillaires ont également été récemment décrites lors de traitements par biphosphonates. [4] Il faut bien sûr également mentionner le risque de nécrose aseptique à la suite d’ostéotomies maxillaires : Lanigan et al. [5] en rapportent 36 cas en 1990, insistant surtout sur les risques liés à la plurisegmentation.
Infections diverses Les destructions osseuses en rapport avec la syphilis ou la tuberculose ne sont que rarement constatées dans nos contrées. Il s’agit le plus souvent de sujets transplantés ayant importé avec eux une pathologie malheureusement encore assez répandue dans de nombreuses régions du globe. On peut en rapprocher les terribles mutilations dues au noma, débutant par une gingivite ulcéronécrotique chez un enfant ou un adulte jeune dans un contexte de malnutrition et de polycarences et aboutissant chez les survivants à des PDS pluritissulaires péribuccales complexes. Certaines infections ont également été décrites comme cause possible de nécroses maxillaires : • herpèsvirus, à l’origine de nécroses alvéolaires avec pertes dentaires ; [6, 7] • infections mycosiques (Aspergillus notamment) chez les sujets immunodéprimés [8] • infections par le virus du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida). [9] Stomatologie
Reconstruction chirurgicale des pertes de substance des maxillaires ¶ 22-087-E-10
■ Conséquences des pertes de substance des maxillaires Les PDSMax intéressent essentiellement les tissus osseux et muqueux, mais parfois aussi les tissus de revêtements cutanéomusculo-graisseux. Il n’est pas forcément inutile de rappeler la nature exacte des préjudices subis par les patients. C’est en effet la nature même de ces préjudices qui guidera l’indication thérapeutique, à moduler en fonction des cas. Comme pour toute pathologie maxillofaciale, les préjudices fonctionnels et esthétiques sont bien sûr intriqués et artificiellement séparés pour une présentation schématique.
Conséquences fonctionnelles Ce sont d’abord des troubles de l’alimentation : ils comportent à des degrés divers des atteintes de la fonction de mastication et de déglutition. Ils sont principalement en rapport avec des problèmes d’étanchéité à l’origine de fuites plus ou moins sévères (incompétence labiale, communications bucco-nasosinusiennes, incompétence vélaire). Mais il faut aussi tenir compte des problèmes liés aux pertes d’ancrage dentaire, qu’il s’agisse de dents naturelles ou prothétiques. Les troubles phonatoires sont également liés aux problèmes d’étanchéité (rhinolalie ouverte) mais aussi aux éventuelles lésions musculaires associées labiales ou linguales. Dans les cas sévères, on peut constater des troubles respiratoires, ainsi que des problèmes ophtalmologiques en cas d’atteinte orbitaire associée.
Conséquences morphologiques Le retentissement morphologique d’une perte de substance osseuse des maxillaires peut être modeste, voire nul, notamment dans les cas de lésion isolée de la voûte palatine ou de l’os alvéolaire. Il peut être relativement important lorsque les structures « piliers » sont atteintes : on constate alors une importante dépression des parties molles à l’origine de déformations en cascade intéressant la pyramide nasale ou les orbites. Mais en fait, les problèmes morphologiques et esthétiques sont surtout sévères dans les cas de lésions associées des parties molles et bien évidemment en cas de PDS étendue comme on le constate dans les traumatismes balistiques. Les éléments structurels participant le plus au soutien des parties molles sont (Fig. 1) : • les piliers verticaux externes ; • les piliers horizontaux : rebord orbitaire inférieur en haut, arcade alvéolaire en bas. Le relief de la pommette se situe au carrefour des piliers vertical et horizontal supérieur. Il sous-tend l’ensemble des tissus de la joue.
Vie sociale et relationnelle Les conséquences morphologiques et fonctionnelles s’ajoutent pour aboutir à un handicap socioaffectif et à des troubles
Figure 1. Piliers de la face. Stomatologie
psychologiques consécutifs. En ce sens, les disgrâces morphoesthétiques constituent également un handicap relationnel et donc un authentique préjudice fonctionnel. Parfois, l’aspect morphologique et esthétique est à peu près conservé, mais c’est le handicap lié au port d’une prothèse parfois volumineuse qui perturbe la vie sociale et affective.
■ Classification des pertes de substance des maxillaires Les os maxillaires constituent la partie la plus importante du squelette facial fixe. Structure osseuse de liaison entre la base du crâne et l’arcade alvéolodentaire supérieure qui lui appartient, elle ne peut être envisagée sans tenir compte des tissus mous (muqueuses mais aussi tissus de recouvrement) qui tapissent ses cavités ou qui les recouvrent. Néanmoins, il est habituel de classer les PDS en fonction de l’anatomie osseuse plus qu’en fonction des lésions des parties molles. Par ailleurs, une classification doit avoir un intérêt pratique, permettant une orientation thérapeutique au moins schématique, et si possible la comparaison des résultats obtenus par différentes techniques.
Classifications existantes La première tentative de classification des PDSMax semble remonter à 1933. [10] Un modèle de classification orienté vers la réhabilitation prothétique a été publié en 1978 par Aramany. [11] À partir de cette date sont apparues des classifications intégrant progressivement les techniques chirurgicales de réhabilitation au fur et à mesure de leur mise en œuvre. La plupart du temps, il s’agit de tentatives de caractérisation des différents types de maxillectomies dans le cadre de la pathologie tumorale. Spiro, en 1997, [12] différencie trois types.
“
Points à retenir
Classification de Spiro • Type I : maxillectomies « limitées » concernant une seule des parois des sinus maxillaires (généralement paroi interne ou paroi inférieure) • Type II : maxillectomies subtotales aboutissant à la perte d’au moins deux parois, mais avec respect du mur postérieur • Type III : maxillectomies totales, pouvant inclure ou non une exentération
Dans sa série, seuls 18 % des patients du type I et 5 % de ceux du type II ont bénéficié d’une procédure de reconstruction chirurgicale. Quant aux patients du type III, ils n’ont fait l’objet que de plasties de couverture sans que l’on puisse parler de véritable reconstruction. Trois ans plus tard, Cordeiro et Santamaria [13] reprennent cette classification en insistant au contraire sur l’intérêt de la reconstruction primaire. Ils ébauchent un algorithme décisionnel de reconstruction faisant appel à divers lambeaux au premier rang desquels figure le lambeau antébrachial, le lambeau de muscle temporal et le lambeau de grand droit. Les 60 patients de leur série ont tous bénéficié d’une reconstruction, microchirurgicale le plus souvent. Parallèlement, Brown et al. [14] mettent au point une nouvelle classification qui leur paraît pouvoir constituer une aide à la décision chirurgicale et une base solide pour des études comparatives ultérieures. Elle associe (Fig. 2) : • une caractérisation de la dimension verticale de la PDS (classée de 1 à 4) ; • une évaluation de la largeur du defect pour les classes 2 à 4 (codée a, b ou c).
3
22-087-E-10 ¶ Reconstruction chirurgicale des pertes de substance des maxillaires
Figure 2.
Classification de Brown.
Figure 3. Représentation schématique des maxillaires. A. Vue de dessus. B. Vue de face. C. Vue de dessous.
Même sans tenir compte des classes 4 (comportant une extension à la base du crâne et donc hors sujet), cette classification fournit une bonne typologie des PDSMax correspondant aux maxillectomies partielles, subtotales ou totales. Elle paraît, en revanche, assez imprécise pour les petites PDS, faisant abstraction des différences importantes entre palais et arcade alvéolodentaire, entre région antérieure (prémaxillaire) et régions postérieures. Cette lacune est relevée par Okay en 2001 [15] qui propose une subdivision de la classe 1 en : • classe 1a comportant les defects centropalatins sans atteinte de l’arcade alvéolodentaire ; • classe 1b regroupant les defects alvéolodentaires, qu’ils soient antérieurs ou postérolatéraux. Enfin, plus récemment, Yamamoto et al. ont insisté sur l’importance de la notion de piliers osseux pour définir un algorithme de reconstruction. [16] À partir de ces données, nous proposons une classification permettant une analyse topographique précise, susceptible d’aider à classer et à choisir les procédés de reconstruction.
Classification proposée Le but d’une reconstruction étant avant tout de rétablir la fonction, une classification topographique se doit d’être liée à une hiérarchisation fonctionnelle. De fait, une classification reposant sur l’architecture osseuse paraît la plus logique, même si les dégâts des parties molles ont bien sûr une importance considérable au moment de la décision chirurgicale.
4
Figure 4. Représentation schématique des maxillaires plancher orbitaire en place – Vue 3D reprenant les piliers de la face de la Figure 1.
On peut ainsi séparer l’anatomie osseuse en trois parties (Fig. 3, 4) : • au milieu, le palais osseux, grossièrement horizontal, de fine épaisseur, constitué d’os cortical et dont la fonction est essentiellement d’assurer l’étanchéité entre la cavité buccale et les voies aériennes, servant de support au voile du palais en arrière ; • en haut, une structure de liaison avec l’étage orbitaire, verticale, creuse (fosses nasales, sinus maxillaires), composée d’os cortical et comportant des renforcements internes et externes correspondant aux classiques piliers de la face ; sa fonction est essentiellement le soutien, tant vis-à-vis du globe que des parties molles de recouvrement ; Stomatologie
Reconstruction chirurgicale des pertes de substance des maxillaires ¶ 22-087-E-10
chirurgicale qui doit rester centrée sur l’impératif fonctionnel. À ce titre, on constate qu’il existe de nombreux procédés de réparation des PDSMax qui ne reconstruisent que les parties molles mais obtiennent néanmoins des résultats satisfaisants sur le plan fonctionnel.
■ Bilan et planning Bilan clinique
Figure 5.
Les trois étages des pertes de substance maxillaires.
• en bas, un « fer à cheval » d’os alvéolaire, essentiellement spongieux, ancré sous le palais, susceptible d’involution en fonction de l’âge et des pertes dentaires ; cette structure est fondamentale pour la mastication et à un moindre degré pour la phonation : soit elle supporte des dents naturelles, soit elle permet de reconstruire une denture prothétique fixe ou mobile. Correspondant à ces zones anatomicofonctionnelles, on peut donc décrire trois étages de PDSMax comportant éventuellement des subdivisions (Fig. 5). Au total, la classification proposée reste donc essentiellement osseuse mais a pour but de constituer une aide à la décision
“
Le bilan clinique doit bien sûr s’attacher à caractériser la PDS avec le maximum de précision. Il est inutile de rappeler la nécessité de réaliser cet examen dans d’excellentes conditions matérielles, en bonne position, sous bon éclairage, éventuellement avec l’aide d’un assistant. Le problème se pose différemment selon l’étiologie de la PDS : • soit elle est déjà constituée, et il sera possible de dégager une indication thérapeutique en fonction de l’état local, locorégional et général ; • soit on est en présence d’une formation tumorale dont il est nécessaire de réaliser l’exérèse et il faut alors prévoir les contours de la PDS en fonction de l’extension tumorale. Celle-ci est rarement appréciable en totalité lors de l’examen clinique et il faudra s’aider des explorations complémentaires. Bien évidemment, le projet thérapeutique peut être remis en question en fonction des constatations peropératoires. Des moulages des arcades dentaires peuvent être d’une grande utilité, notamment lorsqu’il s’agit d’une PDS « programmée » : ils serviront éventuellement à confectionner différents modèles de gouttières, plaques palatines ou conformateurs.
Bilan radiologique Il sera forcément complet et approfondi en cas de pathologie tumorale, faisant appel aux diverses techniques d’imagerie numérique en complément des clichés standards relativement peu informatifs. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) donne une bonne image des parties molles et permet une bonne connaissance de l’extension en profondeur des processus tumoraux. Mais c’est le scanner RX qui reste le plus utile pour
Points à retenir
Os Étage 1 : PDS intéressant l’étage alvéolopalatin, avec des subdivisions : • 1A pour les PDS alvéolodentaires antérieures ; • 1P pour les PDS alvéolodentaires postérolatérales (droite ou gauche) ; • 1C pour les PDS centropalatines. Pour chacune des ces subdivisions, il convient également de préciser l’existence ou non d’une communication avec les voies aériennes (fosses nasales, sinus maxillaires) : pratiquement obligatoire pour les PDS 1C (à l’exclusion des PDS muqueuses isolées), elles sont fréquentes pour les PDS 1P et plus rares pour les PDS 1A. Par ailleurs, elles peuvent bien sûr s’associer entre elles. Étage 2 : PDS intéressant les structures de liaison situées entre l’étage 1 et le plancher orbitaire ; elles peuvent concerner : • les piliers latéraux, les plus épais et les plus importants sur le plan biomécanique (cintre zygomatomaxillaire) ; • les piliers médiaux, représentés par les parois de l’orifice piriforme, les cloisons intersinusonasales, fines et fragiles, et la cloison nasale ostéocartilagineuse. Étage 3 : PDS impliquant le plancher orbitaire, et forcément associées à au moins une PDS de l’étage 2 dans le cadre du sujet traité. Les associations étage 1 + étage 2 correspondent aux situations de maxillectomie partielle ou totale telles qu’issues de la chirurgie carcinologique ou d’un traumatisme balistique sévère. Parties molles Les dégâts des parties molles, variables d’un cas à l’autre, ne sont pas réellement systématisables. En fait, on peut quand même distinguer plusieurs localisations : • les PDS de muqueuse adhérente (gencive, palais) sont intimement liées aux PDS osseuses et une reconstruction osseuse à ce niveau implique a priori une reconstruction muqueuse simultanée ; • les PDS labiales et jugales posent surtout un problème fonctionnel en rapport avec la perte de continence. On peut espérer le résoudre chirurgicalement sans pour autant que cela nécessite une reconstruction complète des PDS osseuses sous-jacentes ; • les PDS des tissus de recouvrement du squelette de l’étage moyen de la face (peau, muscles, tissu celluloadipeux) aggravent les PDS osseuses et en compliquent la reconstruction, nécessitant des techniques chirurgicales appropriées.
Stomatologie
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étudier le squelette osseux. La méthodologie doit en être rigoureuse, facilitée par l’évolution du matériel (appareils multibarrettes) : • acquisitions en coupes axiales fines et jointives ; • reconstructions bidimensionnelles dans le plan coronal et sagittal ; • reconstructions tridimensionnelles particulièrement utiles dans les cas complexes.
Modélisation et simulation La stéréolithographie a été proposée pour mieux analyser les PDSMax et optimiser la programmation de la reconstruction. D’après Chang et al., [17] l’erreur moyenne ne dépasse pas 1,5 mm, en général dans le sens d’une sous-évaluation du defect. Malheureusement, ce type de modèle reste très coûteux et la technique n’est donc guère reproductible. Une modélisation purement informatique (sur console avec logiciel spécifique) paraît plus envisageable, aboutissant à la réalisation d’un modèle théorique tridimensionnel dont l’analyse des formes et des dimensions peut optimiser la reconstruction, notamment dans un contexte de préfabrication. Enfin, il faut souligner l’intérêt éventuel d’utiliser un dispositif de localisation peropératoire, non seulement pour optimiser l’exérèse de tumeurs profondes, mais également pour mieux positionner et fixer une reconstruction osseuse. La navigation est par ailleurs fort utile pour positionner secondairement des implants dentaires au sein d’un os à l’architecture remaniée. [18]
■ Reconstruction des pertes de substance des maxillaires isolées de l’étage 1 Pertes de substance centrales (PDS 1C) Il s’agit de lésions intéressant la partie centrale du palais, sans atteinte des autres secteurs et notamment du secteur alvéolaire (Fig. 6). Les PDS purement muqueuses respectant le socle osseux ne posent que peu de problèmes, la cicatrisation spontanée étant habituellement constatée en quelques jours. Il peut être utile de confectionner une gouttière thermoformée souple pour guider la cicatrisation, protéger la zone à vif pendant les repas et diminuer les douleurs.
Les PDS centrales ostéomuqueuses impliquent une communication entre la cavité buccale et les fosses nasales. Le tableau clinique et la problématique s’apparentent aux fentes congénitales du palais et à leurs séquelles du fait de leur topographie médiane ou paramédiane. La reconstruction osseuse n’est pas nécessaire dans la mesure où l’arcade alvéolaire respectée permettra une réhabilitation prothétique satisfaisante, quelle qu’en soit la nature. Selon la taille de la PDS et la qualité des tissus voisins, on peut utiliser, soit des plasties locales, soit des plasties à distance. Le traitement prothétique (obturateur) est possible mais semble devoir être réservé aux contre-indications et échecs de la chirurgie car il n’assure que rarement une véritable étanchéité. [19]
Reconstructions par plastie locale Elles s’adressent aux PDS de taille modeste. Elles reposent sur le principe de la fermeture du plan buccal par des lambeaux de muqueuse palatine dont la vascularisation (issue des artères palatines descendantes) doit être préservée. Par ailleurs, il est généralement admis que le plan nasal doit également être reconstruit, si possible par plastie locale aux dépens de la muqueuse respiratoire, sinon par retournement d’une collerette de muqueuse buccale. La plupart de ces techniques sont anciennes et ont notamment été décrites par Ginestet. [20] Leur réussite tient aux possibilités de cicatrisation spontanée des zones « donneuses », c’est-à-dire des surfaces cruentées laissées à nu par la bascule des lambeaux. Les causes d’échec sont assez nombreuses, en rapport, soit avec une insuffisance de décollement (responsable de tension sur les sutures), soit au contraire d’excès de décollement (à l’origine de dévascularisation). Plastie de glissement par deux lambeaux palatins bipédiculés Cette plastie est adaptée à des PDS médianes de largeur modeste. La fermeture du plan profond est facilitée par un décollement centrifuge de la muqueuse nasale à partir de la ligne d’incision. Des contre-incisions latérales permettent le déplacement des deux lambeaux (Fig. 7). Plastie de glissement par un seul lambeau palatin Cette plastie s’applique bien aux PDS 1C paramédianes. La difficulté est plus dans la confection d’un plan profond que dans la taille du lambeau qui doit être volontairement surdimensionné pour éviter toute traction sur les points de suture (Fig. 8). On peut fermer de la sorte des PDS déjà assez conséquentes (Fig. 9).
Reconstructions par plastie locorégionale Elles s’adressent aux PDS 1C de taille plus importante ou aux échecs et contre-indications (cicatrices) des techniques locales. Lambeau de langue Technique relativement ancienne, le lambeau de langue à pédicule postérieur ou plutôt antérieur s’adapte bien aux PDS centrales. [21] L’inconvénient majeur réside dans le préjudice fonctionnel pendant la période de 2 à 3 semaines séparant les deux temps opératoires. En revanche, s’agissant d’un lambeau à composante musculaire, il n’est pas indispensable de réaliser un plan profond, la face supérieure cruentée du lambeau étant susceptible de s’épithélialiser secondairement. Lambeau nasogénien Surtout utilisé pour les PDS à composante alvéolaire (cf. infra), il peut avoir de rares indications chez l’édenté pour des reconstructions centrolatérales. Il s’applique en revanche fort bien aux PDS latérales du voile du palais. Lambeau de buccinateur Décrit initialement pour les PDS à composante alvéolaire (cf. infra), il a pu être utilisé avec succès pour des PDS centrales. [22, 23] Le pédicule est alors passé en arrière de l’arcade dentaire.
Reconstructions par plastie à distance Figure 6.
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Topographie des pertes de substance des maxillaires type 1.
Dans les cas de PDS 1C de grande taille, les plasties précédemment décrites trouvent souvent leurs limites. Des prélèvements à distance sont nécessaires. L’intégrité de l’arcade osseuse Stomatologie
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Figure 7. Étapes (de 1 à 3) de la fermeture d’une perte de substance 1C par migration centripète de deux lambeaux muqueux bipédiculés.
Figure 8. Étapes (de 1 à 3) de la fermeture d’une perte de substance 1C par lambeau de rotation à pédicule postérieur.
Figure 9. Exemple de fermeture d’une perte de substance 1C par la technique de la Figure 7. A. Aspect préopératoire. B. Aspect postopératoire.
alvéolaire rend habituellement superflue la reconstruction osseuse (rapport bénéfice/risque peu favorable). Lambeau fasciocutané temporal pédiculé Décrit il y a près d’un siècle pour reconstruction auriculaire ou palpébrale, [24] son arc de rotation autour de l’origine des vaisseaux temporaux superficiels lui permet d’atteindre facilement le plafond buccal. Il s’agit anatomiquement d’un lambeau de fascia susceptible de recevoir une greffe de peau immédiate ou secondaire. Malgré la rançon cicatricielle, on lui adjoint généralement une palette cutanée préférentiellement située en peau glabre frontale. [25] Il peut être préfabriqué [26] mais également se réépithélialiser spontanément. Il peut être utilisé : Stomatologie
• face cruentée vers le haut, doublée ou non par une greffe cutanée ; • face cruentée vers le bas, recouverte ou non d’une greffe cutanée. On peut également lui adjoindre un segment osseux calvarial, de peu d’intérêt dans les PDS 1C mais éventuellement intéressant dans des cas plus sévères (cf. infra). Lambeaux libres (transplants) Le plus employé est certainement le lambeau fasciocutané antébrachial initialement décrit dans la littérature chinoise en 1981 par Yang Guofan et al., d’où son appellation de « lambeau chinois ». [27] Il semble avoir été utilisé pour la première fois par
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Figure 10. Étapes (de 1 à 3) de la fermeture d’une petite perte de substance 1P située en secteur denté ayant constitué une communication buccosinusale. Utilisation d’un lambeau vestibulaire.
Hatoko et al. en 1990 pour la reconstruction du palais, sous la forme d’un lambeau à double palette replié sur lui-même. [28] Parmi les avantages de ce lambeau : la longueur du pédicule, la finesse et la malléabilité du transplant, l’absence de pilosité. Il peut être doublé par une greffe cutanée préalablement à son transfert. [29] Le pédicule peut être passé en transsinusien pour éviter de surcroiser le relief alvéolaire.
Pertes de substance alvéolaires postérieures (PDS 1P) Elles sont schématisées sur la Figure 6. Lorsqu’il s’agit d’une PDS 1P uniquement muqueuse, la cicatrisation est obtenue normalement spontanément en quelques jours, sous réserve d’une bonne vascularisation de l’os sous-jacent. Elle peut être accélérée par un geste simple associant alvéolectomie partielle et plastie de glissement mucogingivale. Lorsque la PDS est profonde, elle aboutit à une situation de communication buccosinusale de taille variable. La réhabilitation prothétique en est rarement satisfaisante (notamment sur le plan de l’étanchéité) et un geste chirurgical est donc largement justifié car le préjudice fonctionnel est notable, même pour de petites PDS. La reconstruction osseuse n’est en revanche que rarement indispensable.
Reconstructions par plastie locale Elles s’adressent bien évidemment aux petites PDS telles que celles représentées par les communications buccoantrales postavulsionnelles. Tous les procédés disponibles sont anciens et ont été décrits dans de nombreux ouvrages. [20] La situation est différente selon que l’arcade est dentée ou non. • Sur une arcade édentée, il est le plus souvent facile de réaliser une fermeture en deux plans avec un plan profond constitué du retournement d’une collerette muqueuse et un plan superficiel assuré par plastie de glissement aux dépens du versant vestibulaire, le versant palatin pouvant tout au plus être légèrement avancé grâce à une incision de décharge. • Sur une arcade dentée, les principes sont les mêmes mais la réalisation peut en être plus délicate (Fig. 10). En cas d’échecs, on peut envisager d’avulser une ou deux dents contiguës à la PDS pour permettre une suture étanche.
Reconstructions par plastie locorégionale Elles s’adressent aux PDS trop larges pour être fermées par une plastie locale ou aux échecs des techniques précédentes. Boule graisseuse de Bichat Utilisée semble-t-il pour la première fois en 1962 par Czappan, elle a prouvé son efficacité dans les PDS postérolatérales de petite taille, avec possibilité de couverture muqueuse par plastie vestibulaire. [30] Plus récemment, son indication a été précisée en fonction de la taille de la PDS : [31] 2-3 cm de diamètre semblent constituer une limite, même s’il est montré que la réépithélialisation spontanée dispense habituellement d’un
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procédé complémentaire de couverture en cas de déficit muqueux. À noter que son prélèvement n’entraîne pas de déformation jugale visible. Lambeau nasogénien Connu depuis des siècles, ce lambeau a été utilisé dès 1868 en transjugal par Thiersch pour fermer une PDS endobuccale. [32] Habituellement prélevé à pédicule inférieur pour les reconstructions du plancher buccal, [33] il s’adapte bien, lorsqu’il est prélevé à pédicule supérieur, aux PDS 1P ne dépassant pas 3 cm. [34] Il faut soigneusement désépidermiser la portion transjugale pour éviter l’apparition secondaire de kystes épidermiques et la pilosité peut constituer un handicap chez l’homme (Fig. 11). Par ailleurs, on crée un comblement partiel du vestibule postérosupérieur qui ne gêne cependant pas la réhabilitation prothétique. Le préjudice cicatriciel est le plus souvent très minime. Lambeau de buccinateur La première description d’un lambeau muqueux jugal à vascularisation axiale semble revenir à Sasaki. [35] Il s’agit en fait au départ de la portion musculomuqueuse d’un lambeau nasogénien de pleine épaisseur. Il n’a été utilisé qu’assez récemment pour fermer des communications buccosinusales, [36] parfois sous la dénomination de « facial artery musculomucosal flap ». [37] La possibilité de l’utiliser à contre-courant (avec un pédicule supérieur) lui permet de bien s’adapter aux PDS 1P. [22] Le muscle buccinateur comportant également un apport vasculaire postérieur, par l’artère buccale, il peut donc être prélevé à pédicule postérieur. Quoique plus fragile, son intérêt pourrait résider dans le maintien éventuel d’une sensibilité. [23] Comme pour le lambeau nasogénien, son utilisation est facilitée par l’édentation (Fig. 12).
Reconstructions osseuses Reconstruction pluritissulaire immédiate La mise en place d’un os non vascularisé expose à des complications liées à la situation anatomique d’un greffon au contact de la cavité sinusienne. C’est pourquoi certains auteurs ont préconisé l’association greffe osseuse traditionnelle – lambeau vascularisé de couverture avec par exemple la boule de Bichat. [38, 39] Ces techniques ont surtout été développées pour les PDS 1 + 2 (cf. infra). Reconstruction osseuse secondaire Les exigences liées à la reconstruction prothétique dentaire peuvent conduire à envisager une reconstruction osseuse alvéolaire postérieure isolée secondaire malgré une cicatrisation muqueuse satisfaisante. Des expérimentations animales permettent de penser que le principe du bone transport pourrait trouver là une indication. [40] Il est cependant rare qu’on ne puisse pas disposer d’un ancrage osseux ptérygoïdien, permettant de surmonter l’obstacle lié à la perte osseuse. [41] Stomatologie
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Figure 11. Reconstruction d’une perte de substance 1P par lambeau nasogénien à pédicule supérieur. A. Découpe et mobilisation du lambeau. B. Lambeau en place.
la reconstruction maxillaire. Son intérêt dans les PDSMax antérieures a notamment été souligné par Villaret et Fultran [43] qui en font leur lambeau préféré dans cette indication où la quantité d’os nécessaire est peu importante. Ont également été employés les lambeaux scapulaires, [44] éventuellement préfabriqués. [45, 46] Les autres types de transplants composites (fibula notamment) semblent peu adaptés à ce type de PDS. En revanche, on peut combiner un lambeau libre cutané (lambeau chinois) avec une technique plus traditionnelle de greffe osseuse, éventuellement maintenu par une grille en titane. [47]
Reconstruction osseuse différée - Pertes de substance osseuses pures
Figure 12. Reconstruction d’une perte de substance 1P par lambeau de buccinateur chez un patient édenté.
Pertes de substance alvéolaires antérieures (PDS 1A) Elles sont schématisées sur la Figure 6. Comme pour les PDS 1P, la cicatrisation spontanée de lésions purement muqueuses est généralement facilement obtenue si le sous-sol est de bonne qualité, éventuellement accélérée par une plastie locale de fermeture partielle. Les PDS 1A importantes peuvent aboutir à une CBN. Pratiquement impossibles à appareiller correctement, ces lésions constituent une indication chirurgicale. Même en l’absence de CBN, et compte tenu de l’épaisseur et de la densité osseuse du prémaxillaire, de son rôle de soutien de la lèvre supérieure ainsi que d’armature pour une éventuelle reconstruction prothétique dentaire éventuellement implantoportée, la reconstruction osseuse est souhaitable dans les PDS 1A. Elle peut être immédiate (pluritissulaire) ou différée. Pour la reconstruction immédiate ostéomuqueuse, il faut faire appel le plus souvent à un lambeau libre.
Reconstruction immédiate - Lambeaux libres composites Le lambeau ostéocutané antébrachial a été présenté d’abord pour la reconstruction mandibulaire [42] avant d’être utilisé pour Stomatologie
On devrait plutôt parler de PDS osseuses « recouvertes » car il est certain que la quantité de muqueuse disponible est diminuée proportionnellement à la perte osseuse. Le but est bien sûr d’obtenir un soutien des parties molles et un socle osseux permettant une réhabilitation prothétique dentaire dans de bonnes conditions. Ces objectifs peuvent être atteints selon les cas : • soit par greffe osseuse d’apposition, selon des procédures et des techniques classiques en chirurgie préprothétique et parodontale ; • soit par distraction verticale lorsque les conditions s’y prêtent, c’est-à-dire quand il reste suffisamment de tissu osseux pour supporter un distracteur plus ou moins miniaturisé (Fig. 13) ; • soit par distraction antéropostérieure ou oblique à l’aide d’appareils type plaque palatine fendue à vérin, faits sur mesure et ancrés par vissage transmuqueux au socle osseux. [48]
Pertes de substance totales ou subtotales de l’étage 1 Les associations entre PDS 1A, 1P et 1C aboutissent à des situations variables et conduisent à des indications assez difficiles à systématiser. Les procédés de reconstruction peuvent ou non intéresser l’os.
Pertes de substance partielles Dans les PDS partielles où subsiste un os alvéolaire, la reconstruction chirurgicale s’envisage différemment selon l’état de la denture et les objectifs, tout en gardant à l’esprit qu’une reconstruction prothétique isolée aura du mal à assurer une réelle étanchéité. Reconstruction sans apport osseux En présence d’un segment d’arcade restant correctement denté et pouvant facilement stabiliser une prothèse obturatrice
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Figure 15. Reconstruction d’une perte de substance 1A + 1C par lambeau chinois chez un édenté. L’étanchéité est obtenue mais la réhabilitation prothétique risque d’être problématique en l’absence de soutien osseux.
Figure 13. Reconstruction osseuse secondaire d’une perte de substance 1A post-traumatique par distracteur vertical. A. Positionnement des deux distracteurs. B. Résultat radiologique à M2. C. Mise en place d’implants dentaires.
Figure 16. Découpe d’un lambeau fascio-osseux temporal unicortical ; noter le prélèvement d’un lambeau musculaire associé, parallèle au pédicule vasculaire temporal.
présence de la pièce obturatrice. Vouloir assurer l’étanchéité peut se faire au détriment des possibilités de réhabilitation prothétique dentaire (Fig. 15). Reconstruction avec apport osseux
Figure 14. Exemple de prothèse dentaire comportant une extension obturatrice pour une perte de substance 1P + 1C chez un patient denté sur les secteurs alvéolaires restants.
comportant des dents, on peut sans doute accepter un certain défaut d’étanchéité et se contenter de cette réhabilitation (Fig. 14). Si on veut avoir comme objectif d’assurer cette étanchéité, les divers types de lambeaux précédemment décrits pourront trouver leur indication, en choisissant les plus fins, comme par exemple le lambeau fasciocutané temporal ou le lambeau libre antébrachial. Si l’os alvéolaire restant est insuffisamment ou non denté, la stabilité d’une prothèse dentaire n’est parfois assurée que par la
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PDS 1C prédominante. Les piliers verticaux étant intacts, un os fin et plat est souhaitable pour reconstruire le plateau palatin et il semble donc que la calvaria constitue le meilleur site donneur. Des interrogations demeurent concernant ses possibilités de vascularisation au sein d’un lambeau composite. En 1988, Ewers soulignait déjà les incertitudes concernant la qualité des anastomoses vasculaires entre le muscle temporal et l’os calvarial. [49] L’apport vasculaire à l’os calvarial peut aussi en principe être assuré par un lambeau fasciotemporal. [50] Dans une étude comparative publiée en 1991, Choung et al. ne notaient pas de différence entre apport vasculaire musculaire et apport vasculaire fascial. [51] Néanmoins, ils insistaient sur la meilleure malléabilité du lambeau fasciotemporal qui par ailleurs est plus fin. Les indications paraissent donc limitées aux PDS partielles car l’apport tissulaire est modeste. [52] À noter qu’on peut sans doute renforcer l’apport vasculaire galéal par un segment musculaire temporal (Fig. 16). Si le pédicule est positionné côté nasal, la face endobuccale exposée peut éventuellement être recouverte d’un lambeau muqueux local (Fig. 17). Le transplant osseux peut aussi être enveloppé en « sandwich ». [49] PDS 1P prédominante. On peut également choisir de ne reconstruire qu’un segment alvéolaire osseux (1A et/ou 1P) en se contentant d’une fermeture de la PDS centrale par des tissus mous. Ceci peut être assuré par un lambeau libre composite type lambeau antébrachial avec segment radial, [43] la probléStomatologie
Reconstruction chirurgicale des pertes de substance des maxillaires ¶ 22-087-E-10
Figure 17. Schéma d’une reconstruction 1C + 1P par lambeau fascioosseux temporal : pour respecter la concavité, le pédicule est positionné vers le haut, la face concave du fragment calvarial positionnée vers le bas et recouverte par un lambeau local type lambeau de buccinateur.
matique s’apparentant à celle des PDS 1A ou 1P isolées puisque la fermeture de la zone centrale est simplement assurée par l’extension de la palette cutanée.
Pertes de substance totales En cas de PDS totale de l’étage 1, on ne peut que difficilement envisager une reconstruction prothétique dentaire sans avoir reconstruit au moins partiellement un support osseux. Par ailleurs, il est rare qu’une PDS totale de l’étage 1 ne s’accompagne pas d’une PDS au moins partielle de l’étage 2. On se trouve alors devant une problématique s’apparentant aux PDS 1 + 2, traitées plus loin. On peut néanmoins mentionner l’intérêt essentiellement historique du lambeau cutané frontal type Mac Gregor [53] dans ce type d’indication où il n’est pas forcément nécessaire d’avoir un lambeau épais, avec un objectif limité à l’étanchéité, au prix d’une rançon cicatricielle paraissant actuellement disproportionnée.
■ Reconstruction des pertes de substance des maxillaires intéressant les étages 1 et 2 et 1, 2 et 3 Schématiquement, on est en présence de deux types de patients : • en chirurgie carcinologique, il s’agit de cas de maxillectomie totale ou partielle, intéressant rarement les tissus de recouvrement et notamment la peau ; • en traumatologie, il y a a revanche souvent une PDS cutanéograisseuse, voire musculaire, associée de nature à modifier l’indication thérapeutique. Comme pour toute PDS complexe, la reconstruction peut être immédiate ou différée. Elle peut aussi être partielle (reconstruction uniquement des parties molles par exemple) ou plus ambitieuse, comportant une reconstruction de tous les tissus, y compris osseux. Les possibilités thérapeutiques sont bien évidemment dépendantes de la typologie de la PDS (Fig. 18) : la différence entre « partielle » et « totale » dans la caractérisation des PDSMax 1 + 2 correspond plus ou moins à la séparation (d’ailleurs assez artificielle) entre les termes « hémimaxillectomie » et « maxillectomie totale ». Stomatologie
Figure 18. 1 + 2.
Topographie des pertes de substance (PDS) maxillaires type
Reconstruction par comblement simple (sans reconstruction osseuse) Contrairement aux PDS 1 isolées, il faut utiliser un procédé qui assure non seulement une couverture mais également une épaisseur. Ceci implique un lambeau à composante musculaire.
Lambeau de muscle temporal Le lambeau est mobilisé autour de son pédicule inférieur selon la technique décrite par Bakamjian. [54] Son arc de rotation est large, éventuellement avec résection de l’arcade zygomatique. Certains auteurs préconisent l’emploi des deux muscles pour des PDS totales du maxillaire. [55] Bien sûr, ses indications sont limitées aux PDS respectant le revêtement cutané. On connaît la possibilité d’obtenir une couverture muqueuse spontanée au bout de quelques semaines, mais il est également possible de recouvrir la face inférieure du lambeau d’une greffe cutanée. Sa fiabilité est reconnue et en fait le procédé de choix sur les terrains difficiles. [56]
Autres lambeaux pédiculés Le lambeau de grand pectoral (pectoralis major) ne peut guère être utilisé compte tenu de son arc de rotation. En revanche, le lambeau de grand dorsal (latissimus dorsi) a pu être employé pédiculé en îlot, mais on peut constater des rétractions cicatricielles en rapport avec la traction du pédicule. [57]
Lambeaux libres (transplants) Il semble que la première reconstruction maxillaire par lambeau libre ait été réalisée en 1984 avec le grand dorsal. [58] Il a été assez largement utilisé depuis, avec une ou plusieurs palettes cutanées. [59] Il reste très intéressant dans les larges PDS comportant des defects pluritissulaires, même s’il est généralement admis que le résultat cosmétique est médiocre au niveau de la face. Le lambeau parascapulaire peut être utilisé comme lambeau de comblement du fait de l’épaisseur des tissus sous-cutanés.
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Figure 19. Tumeur maxillaire droite cataloguée comme étant un odontoaméloblastome. A, B. Coupes scanographiques préopératoires montrant la tumeur dont l’exérèse aboutit à une perte de substance 1 + 2 postérolatérale. C. Vue peropératoire après exérèse et reconstruction par greffes osseuses iliaques reconstituant le pilier et l’arcade alvéolaire postérieures droites. La couverture muqueuse est de bonne qualité et ne nécessite pas de plastie complémentaire. D. Orthopantomogramme postopératoire. E. Vue endobuccale à 6 mois.
Néanmoins, il est surtout utilisé en tant que transfert composite avec un segment osseux scapulaire associé. [60] Le lambeau de grand droit de l’abdomen a pu aussi être proposé dans ce type d’indications. [19] Le volume disponible est généralement conséquent et lui permet de s’adapter à de larges PDS. [61]
Reconstruction osseuse intégrée En matière de PDSMax 1 + 2, il faut envisager non seulement la reconstruction du plateau palatoalvéolaire mais également celle d’un ou plusieurs des piliers verticaux sans lesquels aucune consolidation et donc aucune stabilité ne peut être espérée. C’est dire que le volume osseux nécessaire est forcément assez important.
Greffe osseuse traditionnelle La greffe osseuse est associée à un procédé permettant la reconstruction des parties molles. La plupart des auteurs admettent en effet un taux d’échecs important si la greffe osseuse n’est pas protégée par un tissu bien vascularisé. Dans ce
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type de reconstruction, le squelette osseux est donc reconstruit par des greffes osseuses traditionnelles (iliaques ou calvariales le plus souvent) dont la revascularisation est assurée, soit par les tissus mucopériostés restés intacts (Fig. 19), soit par des transferts tissulaires associés (lambeaux ou transplants microanastomosés) les enveloppant. Cet apport vasculaire peut être assuré : • par un lambeau locorégional comme un lambeau de fascia temporal [62] ou la boule de Bichat ; [39] • par un lambeau libre comme un lambeau de grand droit. Récemment, Smolka et IIzuka ont insisté sur le fort taux d’échec des reconstructions maxillaires utilisant une greffe iliaque traditionnelle, quel que soit le procédé de revascularisation associé. [63]
Greffe osseuse vascularisée par lambeau pédiculé locorégional Certains cas de PDS 1 + 2 de taille relativement limitée peuvent être reconstruits avec un lambeau composite pédiculé Stomatologie
Reconstruction chirurgicale des pertes de substance des maxillaires ¶ 22-087-E-10
Figure 20. Hémimaxillectomie droite pour carcinome adénoïde kystique chez une patiente de 49 ans. Reconstruction par lambeau libre de fibula comportant une palette cutanée endobuccale. A. Vue peropératoire précoce ; noter l’œdème à l’origine d’une lésion de morsure sur la palette cutanée (protection dentaire par gouttière). B, C. Scanner postopératoire à 1 an. D. Orthopantomogramme à 5 ans. E, F. Vues endobuccales à 5 ans ; la réhabilitation prothétique mobile satisfait la patiente qui par ailleurs ne pourrait pas bénéficier d’implants dentaires sans apport osseux complémentaire.
Il s’agit de l’application à la reconstruction maxillaire de procédés techniques généralement développés initialement pour d’autres indications.
est parfois nécessaire d’ostéotomiser le transplant osseux en deux ou trois segments et d’utiliser plutôt deux palettes cutanées. [65] Il est bien sûr possible de mettre en place des implants dentaires, soit au moment de la reconstruction, soit secondairement. [66] La morbidité au niveau du site donneur est généralement admise comme minime. Il est plutôt adapté à des PDS partielles, prenant appui sur les structures osseuses restantes (Fig. 20). Sa hauteur modeste ne lui permet pas de remplacer des piliers totalement détruits.
Lambeau de fibula Largement utilisé en reconstruction mandibulaire, il n’a été qu’assez récemment proposé en reconstruction maxillaire. [64] Il
Lambeau libre de crête iliaque Prélevé avec palette cutanée, il a été employé dès 1988 avec mise en place d’implants dentaires. [67] Brown a proposé de
temporal tel que décrit pour les PDS 1 (cf. supra), prenant appui sur un pilier osseux restant. Il semble que le taux d’échec soit assez important dès qu’on cherche à fermer une large PDSMax avec cette technique. [63]
Transplants composites microanastomosés
Stomatologie
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remplacer la palette cutanée souvent trop épaisse par un transfert de muscle oblique interne susceptible de se réépithélialiser spontanément. [68] Le volume osseux disponible et l’épaisseur des parties molles lui permettent de s’adapter à des PDS totales. Néanmoins, la morbidité au niveau du site donneur constitue un handicap. [69] Lambeau antébrachial avec segment osseux radial
En cas de perte du globe (postchirurgicale par exentération ou post-traumatique), l’attitude varie évidemment selon l’objectif : • simple comblement avec divers types de lambeaux, au premier plan desquels se situe le lambeau temporal ; [54, 56] • reconstruction prothétique du globe et des paupières par épithèse nécessitant des techniques spécifiques.
Procédé présenté plus haut à propos des PDS 1A, il trouve là ses limites du fait à la fois du faible volume d’os disponible et de la finesse du revêtement cutané. Ses indications paraissent donc limitées aux cas de maxillectomie partielle. [70]
■ Points controversés
Lambeaux composites scapulaires
Carcinologie
Dès 1986, Swartz mettait en évidence la versatilité des transplants vascularisés par les branches de l’artère circonflexe scapulaire avec notamment la possibilité d’obtenir un os d’épaisseur variable et une ou plusieurs palettes cutanées munies d’un pédicule vasculaire séparé. [71] Ce type de transplant se prête assez bien au concept de préfabrication comme il a été mentionné plus haut. [45, 46] Pour Urken et al., [72] les lambeaux libres basés sur le système sous-scapulaire sont les plus intéressants en reconstruction maxillaire complexe, du fait notamment de la longueur des pédicules et de la possibilité de séparer palettes cutanées (éventuellement double ou triple) et reconstruction osseuse.
Le problème de la conduite à tenir en pathologie tumorale a constitué une controverse pendant de nombreuses années : faut-il reconstruire après maxillectomie au risque de ne pas pouvoir diagnostiquer suffisamment tôt une éventuelle récidive ? En 1995, une étude réalisée en Grande-Bretagne [82] montrait que seuls 38 % des chirurgiens effectuaient des reconstructions (à l’époque par lambeau de muscle temporal) et que chacun d’entre eux ne réalisait cette reconstruction que pour 10 % des patients ! Bien sûr, la situation a bien évolué depuis et il est évident que le taux de reconstruction est bien plus important. Des moyens techniques (scanner, IRM) sont à notre disposition pour optimiser la surveillance. Néanmoins, on est toujours en attente d’une étude scientifique sur ce sujet, permettant de savoir si la reconstruction chirurgicale compromet ou non la surveillance et modifie éventuellement la durée de survie. Le problème de la radiothérapie complique le problème dans la mesure où chacun sait que ses effets sur les tissus compromettent les chances de réussite d’une reconstruction secondaire. Ce serait donc un argument en faveur d’une reconstruction chirurgicale primaire ou à l’inverse d’une « simple » réhabilitation prothétique sans reconstruction secondaire. Par ailleurs, la chirurgie reconstructrice ne doit en aucun cas retarder la radiothérapie, ce qui doit orienter vers les méthodes considérées comme les plus fiables.
Lambeaux libres comportant un transfert costal La possibilité de reconstruire les PDSMax par un lambeau de muscle grand droit associé à un transfert costal a été soulignée par Davison et al. [73] Mais l’apport vasculaire costal peut aussi être assuré par le muscle grand dorsal. [74] Ces transferts musculaires peuvent ou non être associés à une palette cutanée selon les cas.
Problèmes posés par les pertes de substance des maxillaires intéressant l’étage 3 En cas de PDS intéressant le plancher orbitaire avec un œil fonctionnel, la problématique consiste à restaurer un soutien pour le globe. Ceci peut être éventuellement assuré par les plus volumineux des lambeaux proposés pour les reconstructions des PDSMax 1 + 2 : • lambeau de grand dorsal ; [58] • lambeau libre de grand droit. [61] Cependant il est clair qu’un soutien rigide et donc préférentiellement osseux paraît nécessaire dans ce type de PDS. Cordeiro et al. ont montré qu’il était parfaitement envisageable d’associer greffe osseuse conventionnelle et lambeaux, ceux-ci véhiculant l’apport vasculaire. [75] Mais on recherche plutôt des transferts osseux vascularisés. • Une technique originale de transfert ostéomusculaire du coroné a été décrite en 1983, [76] avec cependant quelques incertitudes sur la qualité de la vascularisation apportée par le muscle temporal. • Bien sûr, l’os calvarial est bien adapté à la reconstruction du plancher orbitaire, inclus dans un lambeau composite. [77] • D’après des travaux plus récents, il semble que la côte se prête assez bien à la reconstruction du pilier horizontal qui va du rebord orbitaire inférieur à l’arcade zygomatique. [78] • On peut également utiliser un lambeau de fibula. [79] L’association de deux, voire trois lambeaux, peut être envisagée dans les cas les plus complexes. [80] Par ailleurs, certains auteurs insistent sur l’intérêt de techniques mixtes faisant appel aux matériaux prothétiques type grilles en titane associés aux transferts tissulaires. [81]
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Place des reconstructions prothétiques Il existe peu d’études comparatives entre techniques de reconstruction prothétique ou chirurgicale. Pour Matsui et al. [19] qui ont étudié la phonation, le préjudice fonctionnel reste globalement le même, mais il est de nature différente : • problèmes de fuites alimentaires ou salivaires chez les patients appareillés ; • problèmes phonatoires chez les patients reconstruits. Kornblith et al., à partir d’une étude portant sur 47 patients, aboutissent à la conclusion que pour les PDSMax inférieures ou égales au quart de la surface, la prothèse donne d’excellents résultats fonctionnels. [83] Il est parfois possible de combiner les deux approches, chirurgicales et prothétiques : ainsi on peut réaliser un transfert tissulaire microanastomosé pour améliorer la stabilité d’une prothèse obturatrice pouvant servir de prothèse dentaire. [84] Sakuraba et al. ont décrit plus récemment un artifice technique à utiliser dans les cas d’hémimaxillectomie : le lambeau de reconstruction est positionné de façon à laisser une étroite CBN qui permet une extension stabilisatrice de la prothèse. [85] Lorsqu’on envisage une épithèse pour les PDS complexes (et notamment de l’étage orbitaire), il est admis que les procédés de reconstruction tissulaire doivent : • éviter les lambeaux épais en privilégiant par exemple les lambeaux fasciocutanés au détriment des lambeaux à composante musculaire ; Stomatologie
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Tableau 1. Évaluation schématique du rapport bénéfice/risque codé de +/- à +++ selon le type de perte de substance (PDS) maxillaire et le type de reconstruction. Sont pris en compte le résultat fonctionnel qu’on peut espérer de la technique mais également la probabilité d’échec de celle-ci (lambeau libres notamment).
PDS 1
PDS 1 + 2
Prothèse
Lambeau pédiculé
Lambeau libre
Reconstruction osseuse
1C
++
+++
+
+/-
1P
+
+++
++
++
1A
+
++
+++
++
Partielles
++
++
++
++
Totales
+/-
+
+++
+
• utiliser éventuellement des moyens type greffe cutanée sur zones cruentées. [86]
Prise en charge des pertes de substance maxillaires traumatiques Deux attitudes peuvent s’envisager : • traitement immédiat des PDS (en même temps que le traitement de toutes les éventuelles autres lésions traumatiques) ; • traitement différé des PDS, après un délai variable mis à profit pour optimiser les conditions de la réalisation de la chirurgie reconstructrice. Les problèmes se posent essentiellement pour les traumatismes balistiques où il est généralement admis que l’attitude la plus rationnelle consiste à ne réaliser en urgence qu’un parage associé à la mise en place d’éventuels dispositifs de maintien des tissus (os, tissus mous) destinés à éviter les rétractions, sans forcément obtenir une fermeture immédiate. Il convient également de tenir compte des lésions associées (mandibule, régions orbitomalaires) ainsi que du statut neurologique. La prise en charge primaire des traumatismes balistiques fait l’objet d’un travail spécifique. [87] En dehors des traumatismes balistiques, les PDS traumatiques des maxillaires sont relativement rares. Il est souvent possible de faire un geste en urgence dont le but est essentiellement d’obtenir une fermeture muqueuse et/ou cutanée. La reconstruction osseuse est alors programmée secondairement.
Reconstruction des pertes de substance isolées de l’étage 2 Relativement peu fréquentes, elles sont très peu étudiées et n’ont fait l’objet que de rares publications. Le type de description en est la situation consécutive au traitement d’une volumineuse tumeur bénigne kystique ou non, dont le développement s’est fait aux dépens des piliers antérieurs ou postérieurs tout en respectant plus ou moins le plan alvéolopalatin. La PDS est alors postchirurgicale. Mais elle peut également être consécutive à un processus infectieux localisé. Il s’agit de PDS essentiellement osseuses qui peuvent rester en l’état car recouvertes d’un plan muqueux généralement intact ou reconstitué. Cependant, elles peuvent être à l’origine de complications infectieuses (sinusites, fistules) et bien sûr compromettre une réhabilitation prothétique dentaire. Leur reconstruction est : • le plus souvent inutile au niveau des piliers postérieurs ; • parfois nécessaire au niveau des piliers antérieurs avec un objectif qui peut être autant morphologique et esthétique que fonctionnel. Les techniques de chirurgie préimplantaire peuvent trouver là certaines indications.
Résultat fonctionnel réel de la chirurgie Il n’y a pas véritablement d’étude comparative entre les résultats des diverses techniques vis-à-vis de patients équivalents et considérant des paramètres similaires. On en est réduit à comparer des séries disparates dont les résultats sont appréciés selon des critères différents. Stomatologie
Une des plus intéressantes études concernant la reconstruction chirurgicale de cas de maxillectomie est celle de Cordeiro et Santamaria [88] qui ont analysé une série de 36 patients avec un recul supérieur à 6 mois. Ils notent pour les maxillectomies totales : • une alimentation normale dans plus de 50 % des cas ; • une parole et une intelligibilité normales ou subnormales dans plus de 80 % des cas. Ils concluent sur l’intérêt d’une reconstruction chirurgicale par lambeau libre de grand droit dans ces cas. Paradoxalement, leurs résultats dans les reconstructions des maxillectomies partielles (où ils préconisent plutôt un lambeau libre antébrachial cutanéo-osseux) paraissent moins convaincants. Dans une série de 51 patients ayant subi une maxillectomie totale ou partielle reconstruite par divers procédés microchirurgicaux, Triana et al. comptabilisent 30 patients disposant d’une réhabilitation prothétique dentaire traditionnelle et seulement huit ayant pu bénéficier d’implants dentaires. [89] La perméabilité des fosses nasales est très peu mentionnée et encore moins étudiée. Il apparaît évident que celle-ci est compromise par les transferts tissulaires volumineux. [90] L’impact fonctionnel du caractère immédiat ou secondaire de la reconstruction a été évalué : d’après Schliephake, les résultats des reconstructions secondaires sont moins bons que ceux des reconstructions primaires. [91] Cependant, celles-ci nécessitent la plupart du temps des techniques microchirurgicales alors qu’il est possible de se contenter de techniques plus traditionnelles dans les reconstructions secondaires. Une indication schématique du rapport « bénéfice/risque » selon la nature de la PDSMax et tenant compte des publications les plus récentes est récapitulée sur le Tableau 1. En définitive, sur un plan fonctionnel, l’intérêt d’une reconstruction chirurgicale semble plutôt s’imposer dans les cas les plus sévères tandis que la discussion reste ouverte dans les cas de PDS partielle. Quant aux possibilités réelles de réaliser une réhabilitation prothétique dentaire implantoportée, elles restent encore assez limitées.
■ Conclusion
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À retenir
Comme le suggère Okay, [15] une reconstruction maxillaire, qu’elle soit prothétique ou chirurgicale, doit avoir quatre objectifs : • fermeture de la cavité buccale • constitution d’une base solide pour restauration de la fonction (notamment la mastication) • restauration de la forme et de la symétrie du visage • soutien du globe si nécessaire
Il n’y a aucun doute que les procédés de réhabilitation prothétique ont encore une place importante, notamment
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dans les PDSMax modestes en carcinologie. En revanche, les PDSMax sévères constituent de façon de plus en plus consensuelle une indication chirurgicale. Le choix de la meilleure technique à employer reste assez subjectif, comme en témoignent les multiples publications parfois contradictoires. On pourrait imaginer qu’à chaque situation anatomique corresponde un indication « idéale », mais ce serait faire abstraction de la variabilité des situations cliniques... ainsi que des compétences et le l’expérience du chirurgien qui ne peut bien évidemment pas maîtriser toutes les techniques ; de même d’ailleurs que les compétences des spécialistes en prothèse peuvent être variables. Par ailleurs, certaines techniques qui paraissent actuellement encore expérimentales et peu fiables peuvent venir modifier profondément les données du problème : les matériaux prothétiques peuvent s’améliorer et le « tissue engineering » se développer, pour le plus grand bien de nos patients. Nul doute que ce sujet est amené à évoluer continuellement et probablement pour assez longtemps compte tenu de sa complexité.
“
Glossaire
Boule de Bichat : buccal fat pad (of Bichat) Lambeau nasogénien : nasolabial flap Lambeau de galea : temporoparietal fascia flap Lambeau musculaire temporal : temporalis muscle flap Lambeau chinois : chinese flap – antebrachial fasciocutaneous flap Lambeau libre parascapulaire : scapular free flap Lambeau libre iliaque cutanéo-osseux (LLICO) : groin osteocutaneous free flap Lambeau de grand droit : rectus abdominis myocutaneous flap
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[88] Cordeiro PG, Santamaria E. A classification system and algorithm for reconstruction of maxillectomy and midfacial defects. Plast Reconstr Surg 2000;105:2331-48. [89] Triana Jr. RJ, Uglesic V, Virag M, Varga SG, Knezevic P, Milenovic A, et al. Microvascular free flap reconstructive options in patients with partial and total maxillectomy defects. Arch Facial Plast Surg 2000;2: 91-101.
[90] Olsen KD, Meland NB, Ebersold MJ, Bartley GB, Garrity JA. Extensive defects of the sino-orbital region. Results with microvascular reconstruction. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1992;118: 828-33. [91] Schliephake H. Revascularized tissue transfer for the repair of complex midfacial defects in oncologic patients. J Oral Maxillofac Surg 2000;58:1212-8.
F. Boutault* ([email protected]). J.-R. Paoli. F. Lauwers. Service de chirurgie maxillofaciale et chirurgie plastique de la face, hôpital Purpan, 31059 Toulouse cedex 9, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Boutault F., Paoli J.-R., Lauwers F. Reconstruction chirurgicale des pertes de substance des maxillaires. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-087-E-10, 2005.
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Stomatologie
¶ 22-087-E-11
Reconstruction chirurgicale des pertes de substances mandibulaires acquises J.-R. Paoli, R. Lopez, F. Jalbert, F. Boutault La reconstruction mandibulaire reste difficile pour le chirurgien maxillofacial, principalement du fait de la forme de la mandibule et de la complexité de ses mouvements. De multiples techniques ont été utilisées par le passé, mais il nous semble nécessaire qu’actuellement, celles-ci soient plus codifiées. L’étiologie, l’état général du patient, la localisation et l’étendue de la perte de substance sont les principaux paramètres qui vont influer sur la décision chirurgicale. De nombreuses techniques peuvent être utilisées (greffes osseuses, endoprothèses, distraction, voire lambeaux libres), mais toutes auront pour but de limiter les séquelles tant esthétiques que fonctionnelles. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Perte de substance ; Mandibule ; Reconstruction ; Lambeaux libres ; Distraction
Plan ¶ Introduction
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¶ Historique
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¶ Paramètres de la reconstruction mandibulaire Étiologie des pertes de substance interruptrices de la mandibulaire Terrain Étendue de la perte de substance, localisation et lésions associées
2 2 3 3
¶ Défects mandibulaires et conséquences esthéticofonctionnelles Symphyse Branche horizontale, branche montante Condyle Lésions associées
4 4 4 4 5
¶ Outils de la reconstruction Planification de la reconstruction Voies d’abord Greffe osseuse non vascularisée Reconstruction prothétique : endoprothèses en titane Distraction osseuse Lambeaux
6 7 7 7 7 8 11
¶ Indications Choix d’une technique Choix des lambeaux libres Moment de la reconstruction Modelage du lambeau et adaptation à la perte de substance Reconstruction de la mandibule chez l’enfant
13 13 13 13 14 15
¶ Résultats Esthétiques et fonctionnels Réhabilitation dentaire
15 15 16
¶ Conclusion
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■ Introduction La reconstruction des pertes de substance interruptrices de la mandibulaire demeure un véritable challenge pour le chirurgien maxillofacial, le but n’étant plus d’obtenir une simple continuité, mais de restaurer l’esthétique et la fonction. En effet, la mandibule est un os extrêmement complexe dans sa forme et Stomatologie
sa fonction. Responsable de l’esthétique du tiers inférieur du visage, porteuse des dents, elle participe aux fonctions importantes que sont la phonation et la déglutition et sa destruction plus ou moins étendue entraîne de graves séquelles. Les deux principales étiologies responsables de pertes de substance mandibulaires restent la traumatologie et la cancérologie. Si la reconstruction des pertes de substance mandibulaires fait souvent appel à des techniques connues, bien décrites et ayant fait leurs preuves, elle peut faire aussi appel à des techniques plus modernes, fruits de la recherche sur la physiologie osseuse ou les biomatériaux. Il s’agit d’un problème fréquent et vouloir obtenir un résultat satisfaisant demeure une affaire de conviction personnelle et nécessite un investissement en temps et en moyens.
■ Historique La reconstruction des pertes de substance mandibulaires (PDSM) est une préoccupation qui ne date pas d’hier puisque les premières descriptions sont retrouvées dès l’Antiquité. Des tentatives sont plus régulièrement décrites au cours du XIXe siècle. La Grande Guerre et ses « gueules cassées », puis la Seconde Guerre mondiale posent ce problème de façon plus aiguë. Ainsi, à partir des années 1950, la littérature médicale fournit des descriptions plus détaillées sur ces techniques. Les méthodes proposées par ces pionniers de la reconstruction sont encore, en partie, utilisées de nos jours, mais les résultats sont restés décevants en raison des matériaux utilisés, des problèmes infectieux, des moyens de couvertures tissulaires limités. En 1968, une série de 13 cas de reconstructions par endoprothèse faisait l’objet d’une publication dans le Lancet et représentait donc une avancée importante [1] . L’arrivée des lambeaux musculocutanés, en particulier avec l’essor du lambeau de grand pectoral, décrit dans les années 1980 par Ariyan [2], permet des reconstructions plus audacieuses en particulier en terrain irradié. C’est aussi le début des reconstructions microchirurgicales, d’abord avec les lambeaux de crête iliaque puis avec le lambeau de fibula utilisé par Taylor [3], Wood [4] et popularisé pour la reconstruction mandibulaire par Hidalgo [5] en 1989. La reconstruction microchirurgicale représente un progrès majeur dont l’histoire est retracée par Testelin [6]. Enfin, l’évolution des techniques et du matériel de distraction osseuse a permis
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22-087-E-11 ¶ Reconstruction chirurgicale des pertes de substances mandibulaires acquises
d’utiliser ce type de traitement pour les reconstructions mandibulaires ou pour améliorer le résultat final. Désormais, la recherche s’oriente sur la formation in vivo de néomandibule à l’aide d’inducteurs d’ostéogenèse [7] et ouvre ainsi une voie prometteuse.
■ Paramètres de la reconstruction mandibulaire Ils déterminent le choix des techniques chirurgicales à employer : étiologie, terrain, caractéristiques et lésions associées de la perte de substance.
Étiologie des pertes de substance interruptrices de la mandibulaire Elles ont évolué depuis la fin de la dernière guerre du fait notamment de l’augmentation exponentielle des comportements à risque, par exemple, la consommation excessive et combinée d’alcool et de tabac, l’agressivité interindividuelle ambulatoire ou encore la violence routière. Les complications du traitement des traumatismes mandibulaires engendrés par ces comportements (ostéoradionécroses, infections chroniques ou pseudarthroses) génèrent également des PDSM. Ainsi, la prise en charge des PDSM devient une préoccupation quasi journalière en milieu hospitalier.
Étiologie tumorale Cette étiologie est sans nul doute la plus pourvoyeuse de PDSM, que ce soit dans le cadre de la prise en charge initiale ou de la prise en charge secondaire du fait de complications. Tumeurs bénignes Certaines tumeurs bénignes, du fait de leur étendue, de leur localisation ou de leur potentiel récidivant, nécessitent un sacrifice osseux quelquefois relativement étendu. Ce sacrifice reste cependant généralement osseux car le fourreau périosté peut, le plus souvent, être conservé. Les améloblastomes étendus, voire récidivants représentent l’étiologie la plus fréquente et leur exérèse nécessite des marges osseuses « carcinologiques » de 1,5 à 2 cm. La reconstruction est, sauf cas particulier, toujours indiquée dans cette situation. Ces résections peuvent aboutir à des pertes de substance quelquefois très étendues (Fig. 1).
Figure 1. Tumeurs bénignes et perte de substance mandibulaire. A. Améloblastome géant récidivé. B. Pièce opératoire : résection mandibulaire d’angle à angle par voie buccale et cervicale.
Tumeurs malignes Elles représentent l’essentiel des étiologies des PDSM dans les pays développés. Leur prise en charge est souvent chirurgicale et peut varier selon le contexte carcinologique. L’évolution des techniques chirurgicales vis-à-vis des cancers de la cavité buccale explique le nombre croissant de cas de reconstruction mandibulaire. Les exérèses se veulent plus limitées, plus logiques sur le plan fonctionnel qu’il y a 50 ans. Le carcinome épidermoïde est la forme histologique la plus fréquente des lésions nécessitant un sacrifice osseux. Lié à un alcoolisme et un tabagisme chronique souvent sévères, les pathologies associées, en particulier vasculaires, sont très fréquentes et peuvent compliquer la prise en charge et sa stratégie. L’atteinte osseuse nécessite un sacrifice large. Les mécanismes d’invasion osseuse sont mieux connus, l’imagerie permet de planifier la résection osseuse et de la limiter au strict nécessaire. La scintigraphie est non spécifique mais très sensible pour étudier l’existence d’une atteinte osseuse. L’examen tomodensitométrique montre les atteintes corticales et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) en mode T2 permet une exploration de l’atteinte médullaire. L’extension possible au canal dentaire nécessite classiquement une exérèse large de celui-ci. Les patients qui présentent de telles lésions ont un futur carcinologique fait d’évolutivité locale, de seconde localisation et de métastases. Ce futur carcinologique demeure un élément
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particulièrement important de la discussion pour le choix du moyen de reconstruction. Un des points majeurs est de ne pas retarder au-delà de 6 semaines la mise en route de la radiothérapie. Le pronostic de la maladie et l’état général, bien souvent compromis chez ces patients, représentent aussi des éléments importants dans la discussion du plan de traitement. Moins fréquentes sont les tumeurs osseuses primitives (ostéosarcomes mandibulaires) et les métastases osseuses mandibulaires.
Étiologie traumatique Qu’il s’agisse d’une pratique civile ou militaire, la traumatologie faciale s’accompagne dans plus de 50 % des cas de fractures de la mandibule. Ce sont surtout les fractures comminutives qui peuvent être responsables de PDSM. On peut cependant observer des PDSMA limitées, séquelles de traumatisme dont l’évolution s’est compliquée. Elles sont alors en général purement osseuses. Une étiologie fréquente, génératrice de PDSM complexes et pluritissulaires est représentée par les traumatismes balistiques consécutifs à une tentative d’autolyse, à une agression ou à un accident. Selon le type de munition, la distance de tir (à bout portant, à bout touchant ou à distance) impliqués dans le traumatisme, les lésions seront différentes. Ainsi, les traumatisStomatologie
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Elle pose des problèmes spécifiques particulièrement difficiles à traiter. Malgré les traitements conservateurs à type de curettage, exérèse de séquestres, elle conduit fréquemment à des interruptions mandibulaires souvent angulaires, quelquefois bilatérales, de façon synchrone ou successive. Elle est en général associée à des désunions muqueuses ou à des pertes de substance cutanées, ce qui réduit rapidement le choix du moyen de reconstruction aux lambeaux libres. Enfin il existe pratiquement toujours une infection à germes multirésistants. Plus récemment ont été décrites des chimionécroses liées à l’utilisation des biphosphonates, dont l’évolution semble comparable à l’ostéoradionécrose.
Terrain Il représente également un paramètre fondamental dans l’arbre décisionnel de la reconstruction.
Chez l’enfant Si l’on exclut de ce chapitre la prise en charge de la pathologie malformative, les PDSM sont relativement rares. Elles peuvent être le fait de traumatismes, de résections tumorales et de séquelles de pathologie infectieuse. La résection d’un bloc d’ankylose, fréquente dans les pays peu médicalisés, entre ainsi dans ce cadre. La reconstruction mandibulaire se trouve facilitée par les possibilités importantes de cicatrisation. Se pose le problème de la croissance mandibulaire et de l’existence des germes dentaires qu’il faut respecter.
Chez l’adulte L’âge physiologique est à prendre en compte dans le choix de la technique, mais il n’est pas fixé de limites précises, et les âges extrêmes dans les séries publiées peuvent atteindre 80 ans. La maladie cancéreuse et les antécédents ou la nécessité d’une irradiation sont également des points importants à considérer.
Figure 2. Traumatisme ballistique (tentative d’autolyse). A. Aspect clinique. B. Aspect tomodensitométrique. Perte de substance osseuse intéressant l’hémandibule.
mes par fusil de chasse consécutifs à un tir à bout touchant sont les plus graves, occasionnant des délabrements pluritissulaires, complexes et étendus [8, 9] (Fig. 2). Une atteinte associée du tiers moyen de la face complique le traitement et implique une véritable stratégie dans le choix et la chronologie des lambeaux. La prise en charge secondaire des fractures compliquées de pseudarthrose peut aboutir à des PDSM, en général relativement limitées. Si les pseudarthroses sont rares dans les pays occidentaux, elles sont très fréquentes dans les pays en voie de développement.
Étiologie infectieuse Les étiologies infectieuses sont devenues rares dans les pays occidentaux. Elles se rencontrent encore fréquemment dans les pays moins médicalisés. Les ostéites chroniques non spécifiques se manifestent par des douleurs intenses, des fistules cutanées et des expositions osseuses endobuccale ou cutanée. L’élimination spontanée d’un séquestre crée alors la PDSM. Le noma laisse également des PDSM, mais il s’y associe de façon constante des pertes de substance cutanéomuqueuses et une rétraction tissulaire, voire une fusion osseuse maxillomandibulaire. Si la cause du noma est encore à ce jour mal connue, des facteurs favorisants et prédisposants sont isolés.
Ostéoradionécroses .
Malgré les progrès de la radiothérapie (calcul de dose et irradiation multifaisceaux), l’ostéoradionécrose mandibulaire reste relativement fréquente. Stomatologie
Étendue de la perte de substance, localisation et lésions associées Les conséquences esthétiques fonctionnelles et psychologiques d’une PDSM sont toujours importantes, mais dépendent fortement de la localisation, de l’étendue et des lésions associées muqueuses, nerveuses, musculaires, cutanées et dentaires. Le bilan clinique doit noter précisément l’ensemble de ces éléments. Un bilan orthophonique préopératoire précis est indispensable, il servira de référence pour évaluer la qualité des résultats obtenus.
Revue de littérature L’étude des pertes de substance osseuses, leur localisation, leur volume et des lésions associées des parties molles a donné lieu à plusieurs classifications plus ou moins complètes. Elles doivent permettre une schématisation simple de chaque cas, facilitant ainsi les orientations thérapeutiques, l’évaluation des résultats et la comparaison des travaux menés par différentes équipes. Trop simples ou trop complexes, elles sont alors inexploitables. Il existe plusieurs classifications publiées des pertes de substance mandibulaires [10-14]. Toutes ces classifications sont donc fondées sur la segmentation anatomique de la mandibule et certaines apparaissent plus théoriques que pratiques et loin des préoccupations de la reconstruction mandibulaire. La classification des pertes de substance osseuse de Jewers-Boyd [13] est fréquemment utilisée dans la littérature. Elle reste simple et logique. La classification proposée par Urken [10] prend en compte les pertes de substance des parties molles associées que celles-ci soient cutanées, muqueuses ou nerveuses. Elle est fondée sur des considérations anatomiques, fonctionnelles et esthétiques. Son caractère complet permet une bonne description des PDMSA.
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Classifications des pertes de substance mandibulaires La première classification des PDSM publiée dans la littérature est proposée par Pavlov en 1974 [11]. Les deux principaux mérites de cette classification sont : • la reconnaissance de l’importance des problèmes esthétiques et fonctionnels posés par la reconstruction mandibulaire ; • la reconnaissance des séquelles posées par l’absence de deux éléments clés de la mandibule, le condyle et la région symphysaire. Cette classification comprend trois classes établies selon le nombre de fragments mandibulaires restants : • classe 1 : un fragment mandibulaire restant ; • classe 2 : deux fragments mandibulaires restants ; • classe 3 : trois fragments mandibulaires restants. Chaque classe est subdivisée en groupes selon l’atteinte de la région mentonnière et ces groupes sont divisés en sous-groupes selon la taille de la perte de substance. Cette classification donne donc 16 possibilités de pertes de substance mandibulaires. David et al. [15] proposent, en 1988, une classification des pertes de substance osseuses comportant six types : • type A : PDS d’une branche horizontale ; • type B : PDS d’une branche horizontale et de la région parasymphysaire ; • type C : PDS depuis l’angle jusqu’à la branche horizontale controlatérale ; • type D : PDS d’un angle mandibulaire à l’angle controlatéral ; • type E : PDS de la symphyse mandibulaire ; • type F : PDS d’une hémimandibule comportant le condyle. Pour les 35 cas décrits, la reconstruction mandibulaire était réalisée par transfert d’un lambeau libre osseux de crête iliaque. À cette date, le lambeau de crête iliaque était considéré comme lambeau le plus « populaire ». Une des limites de cette classification est qu’elle ne prend pas en compte les cas où le condyle peut être conservé (ce qui représente quatre autres cas). Jewer [14] et Boyd [12], en 1989, proposèrent une classification qui reflète plus la complexité du problème de la reconstruction que la taille de la perte de substance mandibulaire : la classification HCL : • C pour les pertes de substance centrales (de canine à canine) ; • L pour les pertes de substance latérales (excluant le condyle) ; • H pour les hémimandibulectomies, condyle inclus. Toutes les combinaisons et toutes les permutations des lettres H, C, L sont possibles. Ainsi huit types de pertes de substance mandibulaires sont décrits. Urken [10] décrit, en 1991, une classification des pertes de substance non seulement osseuses mais également des parties molles (cutanées et muqueuses) et nerveuses. Ainsi, cet auteur veut répondre au manque des précédentes classifications qui sous-estimaient l’importance du problème de la reconstruction en ne tenant pas compte des éléments adjacents à la mandibule. Les pertes de substance des parties molles intéressent les muqueuses (labiales, buccales, du palais mou, du plancher buccal, du pharynx), la langue, la peau des joues, des lèvres, du cou et du menton. Les lésions neurologiques sont unilatérales ou bilatérales et intéressent le nerf hypoglosse, lingual, facial ou alvéolaire inférieur. Concernant les pertes de substances osseuses, la classification proposée est fondée sur la segmentation de la mandibule, elle comprend quatre caractères : • C : pour la région condylienne ; • R : pour le ramus ; • B : pour le corpus (body) ; • S : pour la symphyse. Urken souligne l’importance des pertes de substances centrales car les séquelles esthétiques et fonctionnelles seront radicalement différentes si la perte est complète ou incomplète.
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Ainsi, la classification subdivise la région symphysaire en deux sous-régions : SH. Par cette classification sont identifiés : • 20 types de défects osseux ; • 22 types de défects des parties molles ; • huit types de défects neurologiques. Cela confirme la complexité de la reconstruction des défects pluritissulaires. Boyd propose, en 1993, une classification modifiée de celle de Jewer et al. (1989) fondée sur des facteurs esthétiques et fonctionnels. Elle comprend trois caractères majeurs : H, C, L et trois caractères mineurs : o, m et s. • « o » en absence de défect cutané ou muqueux ; • « m » en présence d’un défect muqueux ; • « s » en présence d’un défect cutané. Cette classification permet d’une part de prendre en compte tous les cas de pertes de substance mandibulaires et d’autre part les cas ignorés de la classification de David (1988). Cariou [14] propose, en 1994, une classification afin de préciser les indications de reconstruction, notamment avec un lambeau libre. Il distingue cinq types de perte de substance mandibulaire selon leur situation antérieure ou latérale et leur importance : • région symphysaire (Aa) ; • ensemble de l’arc antérieur de la mandibule d’angle à angle (Ab) ; • branche horizontale (La) ; • branche horizontale et montante (Lb) ; • perte de substance dépassant une hémimandibule (T). La classification des pertes de substance mandibulaires est présentée dans la Figure 3.
■ Défects mandibulaires et conséquences esthéticofonctionnelles Symphyse Sa reconstruction est jugée comme indispensable par la majorité des auteurs. Elle impose de restaurer la continuité de l’arc mandibulaire et de réinsérer les attaches linguales et hyoïdiennes. L’absence de reconstruction immédiate d’une telle PDSM impose la réalisation d’une trachéotomie. Les déformations faciales secondaires en cas d’absence de reconstruction définitive sont majeures, aboutissant au fameux « Andy gump syndrom » et une modification significative de la voix de type « hot patato voice ». Un fait reste constant pour tous les auteurs, celui de la reconstruction immédiate afin de limiter au mieux les séquelles fonctionnelles.
Branche horizontale, branche montante Les PDSM de ces segments entraînent une latérodéviation de la mandibule restante, quelquefois très importante, inesthétique et limitant l’alimentation par perte des contacts dentaires restants et diminution de la force de mastication. Il existe également une déformation typique avec effacement de l’angle et asymétrie faciale. La reconstruction des défects latéraux reste controversée et n’est pas jugée indispensable pour certains chirurgiens.
Condyle Sa disparition entraîne une asymétrie faciale, un trouble occlusal responsable de troubles de la déglutition. Une revue de la littérature concernant la reconstruction mandibulaire Stomatologie
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Type B
Type A
Type C
Type D
Type E
Type F
David 1988 [15]
Jewer 1989 [12]
H
C
Urken 1991 [10]
L
C
C
R
R B
SD
SD
B
S
Boyd 1993 [13]
H
C
L
“H” en absence de defect cutané ou muqueux. “C” en présence d'un defect muqueux. “L” en présence d'un defect cutané.
Cariou 1994 [14]
Aa
Ab
Figure 3.
La
T
Classification des pertes de substances mandibulaires.
permet de constater qu’il existe peu de publications faisant état du condyle et de sa préservation [16, 17]. La résection condylienne est le plus souvent de mise pour la plupart des auteurs. Ce « détail » de la reconstruction a été ignoré et oublié durant de nombreuses années. Soit celui-ci n’est pas reconstruit et, s’il est vrai que l’ouverture buccale est meilleure qu’en présence d’une reconstruction, la mastication est déplorable tout comme l’élocution et l’aspect esthétique. Soit l’extrémité d’un lambeau osseux ou ostéocartilagineux est modelée à l’image d’un condyle (côte avec cartilage costal ou second métatarsien) et la fonction est très altérée du fait d’une grande difficulté à construire un condyle en trois dimensions (Fig. 4), soit une prothèse condylienne est utilisée et l’innocuité à long terme n’est pas garantie. Soit enfin, le condyle est utilisé comme « transplant » non vascularisé ostéosynthésé sur un lambeau osseux libre. Stomatologie
Lb
Lésions associées L’existence de pertes de substances muqueuses et/ou cutanées associées complique la prise en charge et représente finalement le facteur pronostique majeur de la reconstruction. À ces défects cutanéomuqueux s’ajoutent très fréquemment des déficits nerveux, sensitifs ou moteurs (nerf alvéolaire inférieur, nerf lingual, hypoglosse), représentant également un facteur pronostique. Se pose également le problème de la continence labiale avant toute reconstruction. Ce point peut être influencé par la reconstruction dans la mesure où celle-ci participe à la restitution de la hauteur du tiers inférieur de la face. Ainsi, les défects centraux nécessitent une reconstruction parfaite afin d’éviter les risques de ptose labiale et de dégloving du menton.
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Figure 4. Reconstruction condylienne par greffe chondrocostale. Patient de 35 ans présentant une tumeur ostéolytique du condyle mandibulaire droit à l’origine de troubles fonctionnels et douloureux. Exérèse par condylectomie et reconstruction immédiate par greffe costochondrale. Diagnostic histologique de tumeur à cellules géantes. A. Exploration tomodensitométrique avec imagerie sagittale reconstruite. B. Exploration tomodensitométrique avec imagerie coronale reconstruite. C. Vue peropératoire montrant le condyle réséqué et le greffon costochondral. D. Vue peropératoire montrant l’ostéosynthèse par minivis à compression du greffon au niveau de la branche montante mandibulaire. E. Vue peropératoire montrant l’extrémité supérieure du greffon (portion cartilagineuse) en place dans la fosse mandibulaire. F. Orthopantomogramme pris à M6 montrant la bonne intégration du greffon et l’absence de déformation ou de trouble occlusal.
■ Outils de la reconstruction
Lors de la résection, tout sacrifice inutile doit être évité. Cela paraît une évidence, mais la classique résection hémimandibulaire avec désarticulation reste encore trop largement employée [16, 17].
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Historiquement, dans le domaine de la carcinologie, le sacrifice osseux lors de la classique buccopharyngectomie transmandibulaire réalisait une hémimandibulectomie. Ce sacrifice osseux était souvent réalisé uniquement comme voie d’abord, pour limiter les complications infectieuses et les Stomatologie
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Points importants
Avant même d’aborder les moyens techniques, il faut rappeler trois points importants : • limiter les exérèses au strict nécessaire ; • planifier la reconstruction osseuse précisément ; • choisir la voie d’abord la moins mutilante.
.
désunions postopératoires. Les moyens modernes d’exploration de l’envahissement osseux (tomodensitométrie [TDM] et IRM) et l’utilisation de lambeaux de couvertures ont permis de limiter considérablement les sacrifices osseux inutiles. Ainsi, une simple mandibulotomie permet d’aborder l’oropharynx quand la lésion reste à distance de l’os. Pour les lésions proches ou envahissant de façon patente celui-ci, un sacrifice partiel avec conservation de la région condylienne est le plus souvent réalisable (Fig. 5).
A
Planification de la reconstruction La perte de substance existante ou à créer peut et doit actuellement faire l’objet d’explorations complémentaires qui faciliteront la reconstruction et permettront d’obtenir les meilleurs résultats esthétiques. Ce bilan doit comprendre un examen phoniatrique complet. Le bilan radiologique, outre les explorations habituelles (panoramique dentaire, téléradiographie de face, de profil, incidence de Hirtz) comprend un examen tomodensitométrique avec reconstructions bi- et tridimensionnelles. Dans certains cas complexes, un modèle stéréolithographique peut être réalisé afin d’optimiser la reconstruction [18].
Voies d’abord Il est rare que la voie d’abord soit exclusivement endobuccale. Celle-ci procure une vue réduite et n’autorise que les reconstructions par plaques et greffes osseuses. Elle augmente le risque infectieux lors de la mise en place d’une greffe osseuse ou lors de désunion précoce, voire tardive. La voie d’abord cervicale de Sébileau est nécessaire dans la plupart des cas. Elle est placée à deux travers de doigt du rebord basilaire. La dissection doit préserver le rameau marginal mandibulaire du nerf facial. Un blocage bimaxillaire, s’il est réalisable, est nécessaire afin de contrôler le positionnement des segments restants. Récemment, une voie d’abord esthétique de type lifting a été proposée dans certains cas par Devauchelle.
Greffe osseuse non vascularisée
.
La greffe osseuse reste un moyen simple et efficace de reconstruction mandibulaire. Elle garde des indications fréquentes pour toute reconstruction en terrain favorable et notamment non irradié. Sa limite est la longueur de la perte de substance à reconstruire, moins de 10 cm pour certains. Cette limitation dépend avant tout de la conservation ou non d’un fourreau musculopériosté, l’existence de celui-ci permettant de dépasser cette limite théorique. Le site de prélèvement idéal est la crête iliaque sur sa partie antérieure ou postérieure compte tenu du volume osseux disponible. Le prélèvement peut être mono- ou bicortical, corticospongieux. La zone prélevée sera choisie pour s’approcher au plus de la forme et de la zone à reconstruire, notamment en termes de courbure, ce qui facilite le façonnage et limite les ostéotomies du prélèvement. Il peut être modelé par des ostéotomies verticales incomplètes qui permettent de le cintrer et d’adapter sa forme à la PDSM à reconstruire. En fonction de sa longueur, il est ostéosynthésé aux berges de la PDSM par des plaques classiques de 2 mm utilisées en traumatologie ou fixé sur des plaques rigides placées en pont. Compte tenu de la nécessité d’une bonne immobilisation du greffon, nous préférons cette seconde solution en cas de perte de substance étendue (Fig. 6). D’autres sites donneurs de greffon osseux sont décrits, mais n’autorisent pas Stomatologie
Figure 5. Résection interruptrice conservant le condyle. A. Le trait d’ostéotomie part de l’échancrure sigmoïde et se dirige vers l’angle. En avant, il est réalisé au niveau du trou mentonier. Cela sacrifie le canal dentaire en cas d’extension osseuse, mais permet une reconstruction fonctionnelle par conservation du condyle. B. Panoramique dentaire montrant ce type de résection et une reconstruction par lambeau de fibula modelé par deux ostéotomies.
de prélèvements importants : côte, crâne, tibia. Les prélèvements chondrocostaux gardent un intérêt pour la reconstruction de la branche montante et du condyle chez l’enfant.
Reconstruction prothétique : endoprothèses en titane Les plaques en titane restent un moyen simple et rapide de reconstruction mandibulaire. Plusieurs sociétés commercialisent ce type de plaque, actuellement toujours en titane. Les avantages de ces plaques sont la simplicité et la rapidité de mise en œuvre et elles ont une bonne adaptabilité. Elles offrent, pour certaines, la possibilité de reconstruire le condyle. Les résultats esthétiques, s’ils sont bons et relativement stables dans les secteurs latéraux, se dégradent dans le temps après reconstruction symphysaire, notamment sur le plan esthétique par atrophie progressive des parties molles. Elles constituent toutefois un moyen provisoire acceptable, quand une reconstruction de meilleure qualité n’est pas envisageable dans l’immédiat. Leur utilisation permet de maintenir une situation anatomique correcte, facilitant une éventuelle reconstruction secondaire (Fig. 7). Les inconvénients principaux sont le risque d’exposition, muqueux ou cutané, précoce ou tardif et le risque de rupture, minimisé avec les plaques actuellement disponibles (Fig. 8). Sur le plan fonctionnel, signalons l’impossibilité de mise en place d’implant dentaire et les difficultés de réhabilitation prothétique. Leur utilisation doit être largement associée à un lambeau afin de limiter le risque d’exposition muqueuse ou cutanée. Ce risque d’exposition demeure le principal inconvénient cité par la littérature. Il est de 25 % des cas dans une série personnelle de 34 patients, que l’exposition soit précoce ou tardive [19]. Ces données sont concordantes avec celles d’autres études publiées bien que le matériel ne soit pas le même : Zwetyenga [20] obtient 78 % de succès pour des reconstructions
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Figure 6. Reconstruction mandibulaire étendue par greffe iliaque. A. Exérèse d’un améloblastome géant : résection interruptrice de 36 à 46 (pièce opératoire). B. Vue peropératoire : ostéosynthèse du greffon iliaque sur plaque de reconstruction. Le greffon est modelé par des ostéotomies verticales incomplètes. De l’os spongieux est interposé dans les espaces. Mise en place par voie buccale. C. Panoramique dentaire postopératoire : le greffon est peu visible. D. Contrôle tomodensitométrique à 1 an : bonne intégration du greffon. E. Aspect de profil en postopératoire immédiat.
latérales avec le même matériel. Klotch [21] rapporte de bons résultats dans 86,7 % des cas utilisant les plaques de reconstruction AO/ASIF. Cependant, les cas étudiés portaient sur des échantillons non homogènes associant résections carcinologiques et résections de tumeurs bénignes. D’autres études mentionnées sur le même article montrent des résultats variables allant de 61,4 et 72,1 %. Spencer [22], utilisant des plaques de type Wursburg, obtient 71 % de bons résultats. Nicholson [23], sur une série de 92 patients utilisant cinq types différents de plaque, rapporte 25 cas (27 %) d’exposition en particulier chez des patients irradiés. Le type de plaque utilisé semble jouer un rôle dans la tolérance : Klotch observe 39 % d’exposition de plaque sur 31 patients traités avec des plaques de type THORP et 13 % sur 60 patients traités avec les plaques de type AO/ASIF. Aucune étude ne démontre la supériorité d’un matériel sur un autre [23, 24]. Cordeiro et Hidalgo ont souligné la relation entre radiothérapie et exposition des plaques. Soulignons une meilleure tolérance de ces plaques tant pour les reconstructions latérales que pour les reconstructions symphysaires et un risque de rupture majoré chez les patients conservant un secteur denté, chez qui les forces de mastication ne sont pas négligeables. Il est admis que ce type de reconstruction ne constitue pas un obstacle à la radiothérapie.
Distraction osseuse Distraction par compression élongation unifocale Cette technique de distraction osseuse ne comprend qu’un foyer de distraction, mis au préalable en compression. Il n’existe donc pas de transport osseux dans les distractions unifocales. Les derniers distracteurs permettent par ailleurs une distraction multidirectionnelle particulièrement utile dans certains cas (Fig. 9). Ce moyen de reconstruction osseuse mandibulaire sera utilisé lors de pertes de substance de petite taille. Une autre indication intéressante et prometteuse est la distraction des branches
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montantes mandibulaires lors d’ankylose temporomandibulaire multiopérée ou des mutilations articulaires de la polyarthrite rhumatoïde.
Distraction par compression élongation : transport osseux Il dérive des techniques décrites par Ilizarov pour le traitement des pertes de substances osseuses des os longs. Les premières applications de reconstruction mandibulaire par transport osseux remontent aux années 1990 avec les travaux de Costantino sur des modèles canins [25] puis chez l’homme. Le principe est de reconstruire la perte de substance mandibulaire par transport d’un segment osseux ostéotomisé. Un des avantages cités et de réaliser dans le même temps une élongation des parties molles [26]. Cette technique fait appel à un fixateur externe semicirculaire. Celui-ci est stabilisé par des fiches bicorticales et un ou deux systèmes peuvent se déplacer parallèlement à la mandibule sur l’arc du fixateur, entraînant un ou deux segments osseux sur le trajet de la perte de substance après ostéotomie (distraction-compression bi- ou trifocale) (Fig. 10). La distraction-compression bifocale est réservée aux PDSM de taille moyenne, il existe alors un foyer de distraction et un foyer de compression. C’est le type de description classique de distraction-compression selon Ilizarov. La distraction-compression trifocale est indiquée pour les PDSM très importantes, puisque, dans ce cas, il existe deux transports osseux donc deux foyers de distraction et un foyer de compression. La distraction est réalisée selon le protocole habituel : période de latence de 5 jours et rythme classique de 1 mm par jour, en deux fois, voire moins en cas de problème de tolérance. Une fois le trajet effectué par le ou les segments osseux transportés, une ostéosynthèse peut être pratiquée entre le segment transporté et la berge osseuse (sur le site de compression). Dans tous les cas, le dispositif est laissé en place pour le temps de la Stomatologie
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Figure 7. Reconstruction par plaque en titane et lambeau de grand pectoral pour épithélioma oropharyngé. A. Plaque de reconstruction en titane et son fantôme. B. Mise en place de la plaque en ostéosynthèse par voie cervicale. C. Panoramique dentaire postopératoire. D. Résultat postopératoire à 3 ans de face. E. Résultat postopératoire à 3 ans de profil. F. Résultat postopératoire à 3 ans : ouverture buccale et lambeau de grand pectoral.
Figure 8. Complications des plaques de reconstruction. Reconstruction secondaire d’une plaque de reconstruction. Stomatologie
consolidation, environ 2 mois selon la longueur de la perte de substance et l’évolution clinique et radiologique de l’ossification. Cette technique, séduisante dans son principe, présente actuellement plusieurs inconvénients pour le patient : • nécessité d’interventions multiples (mise en place et ablation du matériel, ostéosynthèse, voire quelquefois greffe osseuse) ; • contrôles radiologiques fréquents ; • gêne significative du fait de l’encombrement du matériel, fréquemment laissé en place pour 3 mois ; • douleurs possibles lors de l’activation. Elle conduit souvent encore à un échec partiel ou total nécessitant l’utilisation d’une technique conventionnelle. Les principaux problèmes rencontrés sont des anomalies du cal osseux (insuffisant avec un risque de fracture, excessif, pouvant freiner la distraction), les anomalies de vecteurs de distraction, les désinsertions de fiches, les ruptures de matériel et les infections. Cette dernière complication est relativement fréquente, conduisant, dans certains cas, à la dépose du matériel. Enfin, le gain espéré sur les parties molles n’est pas toujours suffisant et un lambeau associé reste le plus souvent nécessaire.
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Figure 9. Reconstruction par deux distracteurs multidirectionnels. Perte de substance mandibulaire (PDSM) antérieure consécutive à une tentative d’autolyse, échec de deux interventions reconstructrices (lambeau libre de fibula puis bone transport) avec résultat insuffisant et double pseudarthrose. Premier temps avec un apport osseux pour traiter les pseudarthroses puis mise en place de deux distracteurs multidirectionnels externes (Stryker®) pour corriger la rétromandibulie. A. Profil du patient avant la prise en charge. B. Téléradiographie du patient (noter le matériel d’ostéosynthèse). C. Vue de face en cours de distraction. D. Reconstruction 3D de profil après distraction de 25 mm (amplitude maximum du distracteur). E. Vue du patient de profil après distraction. Une nouvelle distraction est à envisager pour améliorer le résultat néanmoins jugé très acceptable par le patient.
Figure 10. Bone transport. A. Bone transport un segment. B. Bone transport deux segments.
Ces complications limitent l’essor de cette technique mais semblent très dépendantes du matériel et de l’expérience. Le matériel proposé évolue constamment et ne semble pas encore
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avoir atteint sa pleine maturité. La tendance serait de disposer d’un matériel de distraction interne, actuellement testé chez l’animal [27, 28]. Stomatologie
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Figure 11. Augmentation secondaire de hauteur d’un lambeau de fibula par distraction. A. Patient traité pour un sarcome par radiothérapie-chimiothérapie-chirurgie. Reprise de la voie d’abord réalisée lors de l’exérèse et mise en place du distracteur. Toute brèche muqueuse est soigneusement évitée. B. Le mécanisme de distraction est percutané. L’activation se fait selon le rythme habituel de 1 mm par jour en fonction de la tolérance. C. Panoramique dentaire en fin de distraction bilatérale. Gain de hauteur significatif autorisant la mise en place d’implants dentaires.
Distraction verticale ou horizontale classique Elle peut être un moyen complémentaire à mettre en œuvre pour parfaire un résultat et favoriser l’insertion d’implant dentaire. En effet, les moyens de reconstruction, s’ils permettent le rétablissement de la continuité de l’arche mandibulaire, sont souvent insuffisants dans le plan vertical. L’utilisation de distracteur permet une amélioration secondaire de ce problème, particulièrement fréquent avec le lambeau de fibula [29-31]. Un tel cas est présenté Figure 11. La distraction peut également s’utiliser pour repositionner un lambeau libre initialement mal positionné ou secondairement déplacé par rétraction tissulaire [32].
Lambeaux Lambeaux ostéomusculocutanés pédiculés Certains lambeaux pédiculés peuvent transporter un segment osseux, assimilable à une greffe osseuse assistée. Leur utilisation semble dépassée car l’apport osseux est en général limité et sa vitalité précaire. Ils paraissent avoir peu d’indications en routine dans la pratique quotidienne [33-37]. Ils peuvent toutefois, dans certaines circonstances, apporter une solution et, de ce fait, méritent d’être cités. C’est le cas du lambeau musculocutané de grand pectoral porteur de la cinquième ou sixième côte ou du lambeau musculocutané de grand dorsal porteur de la dixième côte. Tous deux présentent une fiabilité faible concernant le contingent osseux et un risque de pneumothorax non négligeable lors du prélèvement. Le lambeau de sternocléidomastoïdien porteur d’un segment de clavicule est également quelquefois proposé. Il présente un taux d’échecs important et un risque de séquelles au niveau du site donneur.
Lambeaux ostéomusculocutanés libres Ils représentent la solution de choix pour les pertes de substance étendues, composites, en terrain irradié ou nécessitant une irradiation postopératoire. Ils nécessitent la maîtrise de la microchirurgie et restent une solution lourde à mettre en œuvre. Ils peuvent générer des séquelles au niveau du site donneur. Ils constituent toutefois la meilleure et quelquefois la seule solution pour des reconstructions définitives et de qualité, pour les pertes de substance importantes. Le lambeau de fibula semble le plus utilisé. Son prélèvement est bien codifié et a fait l’objet d’une description récente dans l’encyclopédie médico-chirurgicale par Cariou détaillant l’adaptation à la reconstruction mandibulaire [38]. Il ne nécessite pas de changement de position et permet un travail à deux équipes. Viennent ensuite la crête iliaque et la scapula. Il existe enfin d’autres lambeaux utilisables en reconstruction mandibulaire, mais, s’ils peuvent répondre à une situation particulière, ils ne constituent pas un choix habituel. Citons le lambeau antébrachial avec segment osseux de radius, le condyle fémoral interne [39] et le lambeau brachial externe avec humérus [40], tous deux proposés dans ce domaine par Martin en 1991 et 1993. Stomatologie
Les techniques de prélèvement de ces lambeaux sont maintenant bien connues, mais la nécessité d’un travail à deux équipes doit être rappelé, limitant le risque d’échec lié à la durée et à la complexité de ce type d’intervention. Lambeau libre de fibula Plus de 30 publications lui sont consacrées pour son utilisation en reconstruction mandibulaire. Hidalgo a promu ce lambeau pour cette indication [5]. Son équipe en publie la plus large série [41] . En France, Cariou [42] puis Boutault [43] ont présenté les premiers cas. Hidalgo présente également une série homogène de patients avec un recul de 10 ans qui montre la stabilité et la pérennité des résultats [44]. Il présente de nombreux avantages. Son prélèvement est en général relativement facile. Il offre une longueur suffisante pour reconstruire la totalité de la mandibule (jusqu’à 25 cm de long). La palette cutanée est fiable et relativement indépendante dans l’espace par rapport au greffon. Le pédicule est suffisamment long pour ne pas nécessiter de pontage dans la plupart des cas (6 à 7 cm habituellement). Le prélèvement, correctement effectué en préservant 7 cm dans la partie inférieure, ne crée pas de séquelle [45]. L’inconvénient de ce lambeau est de fournir une hauteur d’os limitée, ce qui peut limiter le résultat esthétique et les possibilités implantaires. La technique proposée par Guyot permet de limiter ce problème [46]. Le point important pour des résultats de qualité est le façonnage minutieux du lambeau. Hidalgo, dans un article de 1991 [47], insiste sur la nécessité d’obtenir une courbure superposable au segment réséqué, en pratiquant autant d’ostéotomie que nécessaire, en se fondant sur un bilan radiologique simple. Il obtient des résultats esthétiques quasiment parfaits. Ces ostéotomies sont planifiées à l’aide du bilan radiologique et peuvent être réalisées avant section du pédicule (Fig. 12). Ce modelage reste très délicat et représente le temps difficile et important de la procédure. Les ostéotomies sont ensuite immobilisées par deux miniplaques sur chaque site ou, solution alternative, le péroné ostéotomisé est fixé sur une plaque de reconstruction soigneusement modelée et placée en pont sur la perte de substance (Fig. 13). Lambeau libre de crête iliaque Initialement décrit par Taylor, en 1979, fondé sur l’artère circonflexe iliaque profonde, il présente l’avantage de fournir un apport osseux très important pouvant aller jusqu’à 16 cm au maximum. L’épaisseur osseuse est pour sa part totalement compatible avec la mise en place d’implants. Les inconvénients sont pour nous la faible mobilité de la palette par rapport au contingent osseux et l’adaptabilité spatiale faible par ostéotomies. Enfin, on lui reproche parfois des complications, relativement fréquentes, au niveau du site donneur (éventrations, névralgie fémorocutanée, ...). Certes toujours utilisé, ce lambeau, qui avait révolutionné la reconstruction mandibulaire lors de ses premières utilisations, tend à être actuellement moins utilisé au profit du lambeau libre de fibula.
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Figure 12. Modelage du lambeau de fibula. A. Le lambeau porteur d’une palette cutanée est façonné sur le site donneur, avec deux ostéotomies, pour reconstruire une résection antérieure. B. Le lambeau détaché et modelé, prêt à être transféré sur le site receveur.
Figure 13. Reconstruction par lambeau libre de fibula. A. Mandibulectomie et curage en monobloc pour carcinome épidermoïde. B. Reconstruction par lambeau libre de fibula : panoramique dentaire. C. Aspect du patient vu de face : 2e mois postopératoire. D. Aspect du patient vu de profil. La dépression mandibulaire est liée au curage.
Lambeau de scapula
Voies d’avenir
Son utilisation semble moins répandue au vu du faible nombre de séries retrouvées dans la littérature. Urken [48], qui détient la plus large, a publié quelque 57 cas. Ayant la pratique des autres lambeaux, il retient comme caractéristique principale la possibilité d’obtenir une large palette cutanée associée. Il présente l’inconvénient de fournir un os fin et de nécessiter un changement de position peropératoire (interdisant ainsi le travail en double équipe). L’os prélevé est centré sur les vaisseaux circonflexes scapulaires. La totalité du bord libre, parfois même associé à la pointe, peut être utilisée. C’est un lambeau fiable, avec une adaptabilité spatiale correcte, mais la technique de prélèvement s’avère plus complexe. Rappelons dans un tableau les caractéristiques de ces lambeaux (Tableau 1).
Substituts osseux, inducteurs de l’ostéogenèse
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La possibilité d’induire la formation de tissu osseux par le biais de protéine inductrice est une voie de recherche qui se développe rapidement. Ces techniques permettraient d’éviter tout prélèvement et de disposer d’un greffon à la forme exacte de la perte de substance. Le rêve du chirurgien reconstructeur en quelque sorte. L’utilisation de protéines inductrices de l’ostéogenèse (bone morphogenetic protein [BMP]) pour reconstruire un défect mandibulaire a fait l’objet, par Terheyden [49], d’une expérimentation animale chez le cochon. Warnke a publié en 2004 [7] un article sur un cas de reconstruction réalisée selon cette technique chez l’homme. Son équipe a réalisé un treillis en titane de la perte de substance à partir de l’examen tomodensitométrique. Le « moule mandibulaire » a été Stomatologie
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Tableau 1. Paramètres des lambeaux pour la reconstruction mandibulaire. Lambeaux
Pédicule
Os
Palette cutanée
Inconvénients, séquelles du site donneur
Fibula
Pédicule fibulaire
Longueur : 29 cm max
10 × 10 cm
Hidalgo, 1989
Longueur : 6-8 cm
Épaisseur : 12-14 mm
Paralysie ou rétraction du long extenseur du pouce
Artère : 2-2,5 mm
Possibilité de plusieurs ostéotomies
Indépendance spatiale bonne
Veine : 3-4 mm
Possibilités implants 67 %
Crête iliaque
Pédicule circonflexe iliaque profond
Longueur : 14-16 cm
Taylor, 1979
Longueur : 6-8 cm
Épaisseur : 2 cm
Artère : 1,5-2 mm
Adaptabilité par ostéotomie faible
Veine : 2-3 mm
Possibilité implants 83 %
Scapula
Pédicule circonflexe scapulaire
Nassif, 1982
Longueur : 7-10 cm
Longueur : 11-16 cm (+ 3 cm si pointe omoplate)
Artère : 2,5-3 mm
Épaisseur : 1 cm
Veine : 2-3 mm
Adaptabilité par ostéotomie modérée
Cicatrice sur la jambe visible
12 × 40 cm au max Risque éventration, douleurs séquellaires, névralgies Indépendance fémorocutanées spatiale faible
40 × 12 cm max Indépendance spatiale bonne
Impossibilité de travail en double équipe Complexité du prélèvement
Possibilité implants 78 % Autres lambeaux utilisables dans de rares indications : humérus et lambeau brachial externe, chinois armé du radius, condyle fémoral interne, 2e métatarsien libre, côte libre sur grand dorsal ou grand dentelé.
rempli d’un mélange d’os autologue traité, de moelle osseuse du patient et de BMP. L’ensemble a été placé dans le muscle grand dorsal et la vitalité appréciée par scintigraphie et scanner. Le greffon a ensuite été transplanté avec le muscle avec succès. Il s’agit bien entendu d’une voie de recherche, mais les progrès dans ce domaine sont significatifs.
Reconstruction nerveuse Reconstruire la mandibule, c’est très souvent aborder la reconstruction du nerf alvéolaire inférieur. Celle-ci est curieusement assez peu développée dans la littérature, et cela est probablement dû au fait qu’elle est rarement réalisée, particulièrement dans le domaine de la cancérologie des carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale et de l’oropharynx. Elle rajoute un temps microchirurgical à une intervention souvent déjà longue. Le résultat d’une greffe nerveuse est jugé aléatoire compte tenu de la nécessité fréquente d’une radiothérapie externe postopératoire. Certains chirurgiens prônent toutefois leur utilisation systématique, après résection carcinologique. Le choix et les résultats des techniques ont récemment fait l’objet d’une analyse critique de la littérature par Dodson [50] . La reconstruction nécessite une greffe homologue, donc un site donneur supplémentaire. Le nerf cutané de l’avant-bras peut être utilisé avec de bons résultats [51].
■ Indications Chaque cas est particulier et l’indication sera portée en fonction de l’étiologie, du potentiel évolutif, de l’état général, des moyens disponibles et de l’expérience du chirurgien. Il faut également insister sur la possibilité de ne pas reconstruire l’os mandibulaire en l’absence de défect des tissus mous. En chirurgie primaire carcinologique, la non-reconstruction osseuse peut être une option raisonnable, selon l’état général. La demande de reconstruction secondaire est croissante avec la diffusion de l’information sur Internet. Il n’est pas rare de voir des patients consulter en provenance d’autres villes ou régions, pour des problèmes de séquelles, après chirurgie carcinologique ou ostéoradionécrose. Il est nécessaire de savoir récuser un patient. En effet, la chirurgie de reconstruction secondaire est particulièrement difficile, présente des risques non négligeables et n’entraîne pas toujours le bénéfice fonctionnel ou esthétique escompté. Ce type de patient doit faire l’objet d’un bilan minutieux et d’une bonne information.
Choix d’une technique Ces indications sont résumées dans la Figure 14. Stomatologie
Choix des lambeaux libres Il est évident qu’il est nécessaire de connaître plusieurs types de lambeaux, chacun ayant, selon la situation, des avantages et inconvénients. À travers la littérature, si l’on tient compte du nombre de publications et du nombre de cas présentés, le lambeau de fibula semble être le lambeau de choix, suivi de la crête iliaque et de la scapula. Une rationalisation du choix des lambeaux en fonction de ces critères a été proposée par certains auteurs. Pour Takushima [52], quand la perte de substance est latérale, la reconstruction peut faire appel au lambeau de fibula ou de scapula, celui-ci permettant un apport plus important pour les parties molles. La reconstruction symphysaire sera préférentiellement réalisée par le lambeau de fibula, associé à un autre lambeau s’il existe un problème important de parties molles [53, 54]. Pour Cordeiro [41], le lambeau de fibula est le meilleur choix, en particulier en reconstruction symphysaire ou étendue. La scapula offre l’avantage de permettre une reconstruction associée des pertes de substance étendue des parties molles avec une bonne indépendance spatiale de la palette cutanée. La crête iliaque est proposée en dernier recours [55]. Il semble avant tout que le meilleur lambeau soit celui dont on a l’habitude.
Moment de la reconstruction Immédiate Lorsque la PDSM est créée par le chirurgien, la reconstruction dans le même temps est toujours souhaitable. Elle est plus simple et donne les meilleurs résultats. C’est la situation habituelle des PDSM liées à une résection carcinologique ou pour tumeur bénigne. Dans le cas des traumatismes balistiques [56], les délais nous paraissent devoir être raccourcis au maximum car une cicatrisation rétractile s’exerce rapidement sur les parties molles et, même si les fragments osseux sont maintenus par des fixateurs externes, cette cicatrisation nuit au résultat définitif.
Secondaire Cette situation se rencontre de plus en plus fréquemment en cancérologie. La pratique de la buccopharyngectomie transmandibulaire sans reconstruction reste encore assez répandue, quelquefois par habitude, quelquefois parce qu’elle est justifiée par l’état pathologique du patient. Mieux informés, les patients demandent fréquemment une réparation secondaire. Cette situation est délicate et la reconstruction, toujours difficile du fait de la sclérose postradiochirurgicale, même bien menée, apporte peu de bénéfice. Le geste chirurgical, quelquefois particulièrement délicat, peut générer des séquelles.
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ENFANT Perte de substance de la mandibule
Branche montante et région condylienne
Région extracondylienne
Perte de substance très étendue
Greffe chondrocostale ou distraction
Distraction ou greffe simple
Lambeau libre de fibula
ADULTE Pathologie tumorale bénigne Reconstruction immédiate Longueur > 10 cm et résection large, intéressant les parties molles
Longueur < 10 cm et fourreau périosté
Greffe osseuse ostéosynthésée ou sur plaque de reconstruction
Lambeau libre
Pathologie tumorale maligne Lors du temps d'exérèse Reconstruction immédiate possible et raisonnable
Reconstruction secondaire
Symphyse
Branche horizontale
Lambeau libre en première intention Plaque de reconstruction sinon
Conservation condylienne chaque fois que possible Lambeaux libres ou plaques de reconstruction
Lambeau libre ou plaque en latéral
Ostéoradionécrose Préparation par séances de caisson d'oxygénothérapie hyperbare puis lambeaux libres après stabilisation de la maladie
Traumatisme balistique Prise en charge secondaire Fixateur externe en urgence
Peu de problème de couverture et perte de substance limitée
Perte de substance pluritissulaire étendue
Greffe osseuse simple
Lambeau libre « bone transport »
Figure 14.
Arbre décisionnel. Indication de la reconstruction mandibulaire.
Modelage du lambeau et adaptation à la perte de substance L’adaptation nécessaire du lambeau libre à la perte de substance est essentielle pour assurer un bon résultat tant fonctionnel qu’esthétique.
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Adaptation osseuse Le siège et l’étendue du défect osseux sont évalués en préopératoire. La longueur des fragments et le nombre d’ostéotomies nécessaires au modelage sont importants à prendre en compte dans le calcul de la longueur d’os à prélever, mais Stomatologie
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Figure 15. Reconstruction mandibulaire chez l’enfant. Enfant de 5 ans présentant une volumineuse tumeur (fibrome desmoïde) sous- et intramandibulaire gauche nécessitant une exérèse large avec mandibulectomie latérale. Reconstruction immédiate par greffe osseuse costale. A. Imagerie par résonance magnétique (IRM) préopératoire en acquisition axiale montrant l’importance du volume tumoral. B. IRM préopératoire en acquisition coronale montrant l’envahissement osseux par le rebord basilaire. C. Coupe tomodensitométrique précisant l’extension osseuse.
également pour le choix du lambeau libre. La fibula reste le lambeau permettant la meilleure adaptabilité osseuse par ostéotomies segmentaires. Il faut rappeler que chaque ostéotomie servant au modelage spatial fait perdre au moins 2 cm [38]. On en déduit la quantité d’os à prélever, le siège des ostéotomies intermédiaires. On aura également tendance à surdimensionner le prélèvement compte tenu de l’éventuelle nécessité de recoupes. L’enjeu de la reconstruction mandibulaire, quelle que soit la technique d’ailleurs, va être de combler le défect osseux sans modifier l’architecture globale tridimensionnelle de la mandibule, si l’on veut garantir le meilleur résultat fonctionnel et esthétique. Il est en effet essentiel que l’on s’emploie à ce que la reconstruction ne modifie pas ou peu la position des condyles. De multiples publications sur le sujet font état de techniques diverses et variées. Quand il est possible, le modelage sur la corticale externe de la plaque de reconstruction avant de réaliser la résection mandibulaire semble très satisfaisant. Certains proposent une technique de pontage par un artifice de plaque pour garder les repères anatomiques initiaux après la résection de la pièce chirurgicale [57]. Hidalgo décrit, en préopératoire, la réalisation d’un modèle à partir des données radiographiques permettant un modelage de la fibula sur le site donneur [47]. D’autres enfin ont eu recours à la stéréolythographie préopératoire [18] pour confectionner des plaques de reconstruction sur mesure, mais la technique reste difficile à mettre en place et son coût est encore important.
Adaptation tégumentaire Le dessin des palettes cutanées doit être pensé en fonction des contraintes du site receveur et de l’étendue de la perte de substance des tissus mous. L’indépendance spatiale entre palette cutanée et prélèvement osseux, la possibilité de prélever deux palettes cutanées sont spécifiques à chaque lambeau. On doit donc correctement évaluer le défect, sa taille, ses rapports, pour nous guider dans le choix final du lambeau à utiliser.
Reconstruction de la mandibule chez l’enfant Il faut intégrer dans la réflexion préthérapeutique la morbidité nouvelle au niveau du site donneur. Par ailleurs, la qualité des tissus permet d’élargir les indications de greffes osseuses non vascularisées. Ainsi, une greffe costale peut constituer une Stomatologie
réponse satisfaisante face à une PDSM qui, chez l’adulte, aurait été traitée par un lambeau libre. N’oublions pas également que les cicatrices grandissent autant que l’enfant. En pratique, nous utilisons le plus souvent la greffe osseuse simple ou la distraction et, selon nous, l’utilisation de lambeau libre doit être réservée aux cas de pertes de substance mandibulaires très étendues. Un cas de reconstruction mandibulaire chez l’enfant est présenté dans la Figure 15.
■ Résultats Esthétiques et fonctionnels Chez l’adulte Si le bénéfice des reconstructions simples est évident, il est plus difficile à objectiver pour les reconstructions complexes réalisées en carcinologie, où le rétablissement de la continuité mandibulaire ne représente qu’une partie de la reconstruction. C’est essentiellement dans ce domaine que les avis divergent, certains chirurgiens ne pratiquant aucune reconstruction. Peu d’études bien conduites sont disponibles pour évaluer et objectiver le bénéfice réel. Les paramètres de cette évaluation sont les possibilités de déglutition, de mastication, le type d’alimentation, les possibilités de réhabilitation prothétique et l’esthétique. Ce bénéfice est diversement apprécié. Pire, certaines études montrent peu de bénéfice de la reconstruction. Ainsi pour Komisar [58] , évaluant cinq paramètres (déglutition, phonation, mastication, esthétique, régime alimentaire et réhabilitation orale), le bénéfice de la reconstruction est faible après exérèse carcinologique. Il porte sur l’aspect esthétique pour les reconstructions immédiates mais pas pour les reconstructions secondaires. Les patients reconstruits ont plus d’hospitalisations, en nombre et en durée, en rapport avec des complications liées à la reconstruction. De même, pour Pinsolle [59], l’altération de l’état général, le pronostic défavorable de la maladie, et l’absence de différence significative des différentes méthodes ne plaident pas pour des reconstructions lourdes et systématiques dans ce domaine. Ce type d’évaluation est difficile à mener objectivement car les résultats dépendent en fait essentiellement des résections des parties molles associées, rendant toute étude comparative extrêmement délicate à mener. En particulier, il n’existe pas
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Figure 15. (suite) Reconstruction mandibulaire chez l’enfant. Enfant de 5 ans présentant une volumineuse tumeur (fibrome desmoïde) sous- et intramandibulaire gauche nécessitant une exérèse large avec mandibulectomie latérale. Reconstruction immédiate par greffe osseuse costale. D. Vue peropératoire de la tumeur avant son exérèse. E. Vue peropératoire montrant le greffon costal en place après exérèse. F. Vue de face de l’enfant en postopératoire à M10 (à l’âge de 6 ans) montrant une déformation minime. G. Vue de face de l’enfant 7 ans après l’intervention (à l’âge de 12 ans), montrant une déformation inchangée et traduisant l’existence de phénomènes de croissance au niveau de la zone reconstruite. H. Vue de profil de l’enfant 7 ans après l’intervention (à l’âge de 12 ans) – noter la rançon cicatricielle minime. I. Orthopantomogramme à l’âge de 12 ans. Réhabilitation dentaire à programmer.
d’étude qui mette en évidence la supériorité de tel ou tel lambeau pour les reconstructions microchirurgicales.
Chez l’enfant La reconstruction pose le problème de la croissance mandibulaire. Les pertes de substance interruptrices sont relativement rares chez l’enfant. L’utilisation d’un lambeau libre pose des problèmes spécifiques, en particulier les possibilités de croissance au niveau du site donneur et receveur, ainsi que la qualité des résultats à distance de la reconstruction. Il y a peu de données dans la littérature sur les possibilités de croissance et sur les résultats à long terme. Olvera-Cabalero [60] a publié son expérience sur sept cas de reconstructions microchirurgicales chez
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des patients de 8 à 16 ans (six fibulas, un scapula) suivis entre 1 et 5 ans avec d’excellents résultats, en particulier sur la croissance du site reconstruit. Genden [61] publie des résultats similaires avec quatre scapulas, deux fibulas et une crête iliaque avec un suivi supérieur à 2 ans. Chez ses patients, il n’a pas observé de trouble de la croissance, tant au niveau du site receveur que du site donneur.
Réhabilitation dentaire Elle est le but ultime de la reconstruction mandibulaire. L’objectif est toutefois rarement atteint en cancérologie du fait de l’état dentaire préexistant, de l’importance des remaniements, de la difficulté, voire du risque, de la mise en place Stomatologie
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d’implants dentaires et surtout de la xérostomie fréquemment associée. Il n’est pas rare, malgré nos efforts, que les prothèses soient confectionnées mais inutilisées par le patient, en tout cas lors de l’alimentation. La mise en place d’implants n’est pas contre-indiquée, mais semble peu utilisée après exérèse et reconstruction carcinologique, et pas seulement pour des motifs strictement budgétaires. Certains auteurs s’en font les défenseurs et prônent leur usage systématique comme Urken [10, 50, 51, 62-67] . Leur utilisation est soumise à un volume osseux de soutien suffisant. Moscoso estime les possibilités de mise en place d’implants à 67 % pour la fibula, à 83 % pour la crête iliaque et à 78 % pour la scapula [68].
■ Conclusion Les indications de reconstructions mandibulaires sont fréquentes. L’étiologie la plus fréquente dans nos régions est liée à la cancérologie, soit lors de l’exérèse, soit après traitement pour ostéoradionécrose. Les résultats de la reconstruction sont bons dans les PDSM limitées, d’étiologies bénignes, et les PDSM uniquement osseuses. La reconstruction est plus complexe en situation carcinologique, associant des défects cutanés et/ou muqueux. Elle exige alors un investissement important de l’équipe chirurgicale. Les résultats des différentes techniques restent difficiles à comparer tant les séries sont inhomogènes. .
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J.-R. Paoli, Professeur des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). R. Lopez, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. F. Jalbert, Interne. F. Boutault, Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service de chirurgie maxillofaciale et de stomatologie, Hôpital Purpan, place du Docteur-Baylac, 31059 Toulouse cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Paoli J.-R., Lopez R., Jalbert F., Boutault F. Reconstruction chirurgicale des pertes de substances mandibulaires acquises. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-087-E-11, 2006.
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Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-074-A-10
22-074-A-10
Séquelles des traumatismes de la face G Payement AR Paranque JB Seigneuric
Résumé. – Les séquelles des traumatismes de la face sont multiformes, tant sur le plan fonctionnel, morphologique que psychologique. Elles intéressent tous les spécialistes de l’extrémité céphalique en raison du polymorphisme de leurs expressions, des moyens thérapeutiques à mettre en œuvre pour les traiter, sans oublier leurs incidences médicolégales. Les traumatismes des maxillaires sont à l’origine de lésions osseuses dont l’expression clinique se situe fréquemment au niveau de la denture, elle-même souvent atteinte par des lésions directes (luxations, fractures) ou indirectes (dévitalisations). Dans ce cadre, les atteintes de l’articulation temporomandibulaire représentent une entité particulière, en raison des conséquences fonctionnelles sur la mastication, mais aussi chez l’enfant par leurs retentissements sur la croissance. Les séquelles des traumatismes des tiers moyen et supérieur de la face sont par nature le lieu de convergence des spécialistes de l’extrémité céphalique. Il en est ainsi des fractures de la pyramide nasale simple ou complexe avec extension vers l’étage antérieur de la base du crâne, de la région orbitaire et des confins craniofaciaux qui nécessitent le plus souvent une prise en charge multidisciplinaire tant au stade du traitement primaire, pour en améliorer le pronostic initial, qu’au stade des séquelles. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : traumatismes face, séquelles osseuses, séquelles fonctionnelles, séquelles morphologiques, séquelles psychologiques, chirurgie réparatrice.
Introduction Nous entendons par séquelles l’ensemble des suites pathologiques tardives consécutives à des lésions fixées qui résultent des traumatismes maxillofaciaux au sens large. Ces séquelles peuvent être fonctionnelles, c’est-à-dire se rapportant à l’une des trois grandes fonctions motrice, sensitive ou sensorielle de la face, mais aussi morphologiques par atteinte osseuse ou tégumentaire, enfin psychologiques par l’effet du traumatisme lui-même ou des désordres qu’il induit. L’intérêt de leur étude est basé sur des arguments de fréquence en raison de l’augmentation de la violence des traumatismes dans le cadre des accidents de la voie publique et de l’amélioration des moyens de réanimation et de ramassage de ces blessés, même si les séquelles sont en diminution grâce à une meilleure prise en charge au stade du traitement primaire. Le pronostic est souvent défavorable dans le cadre des séquelles sensorielles ou motrices d’origine neurologique, mais plus favorable sur le plan des séquelles fonctionnelles ou morphologiques, grâce aux progrès de la chirurgie réparatrice et orthomorphique. La prise en charge doit être multidisciplinaire le plus souvent, tant sur le plan de l’évaluation des déficits, faisant appel selon les cas aux différentes spécialités de l’extrémité céphalique (oto-rhino-laryngologiste [ORL], ophtalmo-
Armand Régis Paranque : Spécialiste des Hôpitaux des Armées, service de chirurgie plastique, chirurgie maxillofaciale et stomatologie, HIA Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. Guy Payement : Professeur agrégé du Val-de-Grâce. Jean-Baptiste Seigneuric : Assistant des Hôpitaux des Armées. Service de chirurgie plastique, chirurgie maxillofaciale et stomatologie, HIA Percy, 101, avenue HenriBarbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France.
logiste, neurochirurgien), que sur le plan thérapeutique, où une stratégie de réhabilitation bien définie permet d’offrir au patient les meilleures chances de récupération. Enfin, les conséquences médicolégales sont au total sur le devant de la scène dans le cadre de la réparation juridique du dommage corporel en raison des incidences sociales qu’elles génèrent. Nous exclurons cependant de notre étude les séquelles cicatricielles, conséquences d’une atteinte superficielle des téguments faciaux, dans la mesure où elles n’incluent pas de lésions vasculonerveuses ou canalaires.
Rappels Quelques rappels anatomiques, étiologiques et anatomopathologiques peuvent servir de base à une classification de ces séquelles. ANATOMIQUES
Le squelette craniofacial est composé de 16 pièces osseuses allant du sphénoïde au maxillaire, auquel nous ajoutons la voûte crânienne qui coiffe cet ensemble et la mandibule qui en constitue l’étage inférieur. Il s’agit d’un ensemble cohérent, pneumatisé par des cavités, abritant les antennes périphériques de tous les systèmes sensoriels nécessaires à la vie de relation et l’origine des voies aérodigestives supérieures. La face répond à la partie antérieure de l’extrémité céphalique comprise entre le « couvre-chef et la cravate » (Ginestet). « Passeport social » de l’individu, elle est drapée par des téguments variables en épaisseur, texture, modelé, pilosité, mise en tension selon des lignes décrites par Langer, animée par les muscles peauciers sous la
Toute référence à cet article doit porter la mention : Payement G, Paranque AR et Seigneuric JB. Séquelles des traumatismes de la face. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-074-A-10, 2001, 18 p.
Séquelles des traumatismes de la face
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dépendance des branches terminales du nerf facial. Les téguments de la face déterminent ainsi diverses régions, résumées dans les unités esthétiques de Gonzales-Ulloa, précisées par Burgett au niveau des régions nasales et labiales qui sont un guide incontournable pour le chirurgien réparateur. Enfin, dans l’épaisseur de ces téguments, cheminent des éléments vasculonerveux, des conduits salivaires et les voies lacrymales. ÉTIOLOGIQUES
Les étiologies sont connues et classiques. Les accidents de la voie publique en sont les plus grands pourvoyeurs en temps de paix malgré les mesures de prévention actives et passives, plus rarement les rixes, les accidents sportifs par l’avènement des sports de combat et des sports à haute vélocité, les accidents de travail ou domestiques. Les tentatives d’autolyse par armes à feu font le lien avec la pathologie des temps de conflits armés où les traumatismes balistiques représentent un phénomène épidémique, alors que les écrasements sont communs avec la médecine de catastrophe. ANATOMOPATHOLOGIQUES
Ces rappels expliquent les lésions anatomopathologiques rencontrées. Lésions osseuses à type de désunion, fracture franche ou dislocation avec déplacement, comminution, voire disparition des segments osseux. Ces deux dernières, représentant des circonstances aggravantes à l’origine d’un taux de séquelles plus important, sont à la base de toutes tentatives de catégorisation des lésions traumatiques. Les lésions des parties molles vont de la simple plaie au vaste délabrement avec ou sans perte de substance, qui conditionne par ailleurs la réparation osseuse et sa couverture. Enfin des lésions des organes nobles peuvent être décrites : les atteintes du globe oculaire, à type de contusion ouverte ou fermée, les nerfs par atteinte anatomique ou sidération physiologique et les lésions canalaires par section ou compression. Nous étudierons successivement les séquelles à composante occlusale au cours des traumatismes des maxillaires, les fractures centrofaciales – en particulier les atteintes de la pyramide nasale –, les fractures latérofaciales avec atteinte de l’orbite, enfin les fractures craniofaciales.
Traumatismes de la mandibule et des maxillaires ÉDENTEMENTS
Les traumatismes des maxillaires peuvent entraîner des édentements soit par atteinte directe des organes dentaires à type de luxations ou de fractures, soit indirectement par lésions de l’os alvéolaire ou dévitalisation, source potentielle de complications infectieuses imposant parfois une avulsion secondaire. Chez l’adulte, selon les lésions, les édentations post-traumatiques peuvent bénéficier de l’ensemble des procédés de restauration : prothèse conjointe, adjointe ou implantoportée en sachant que cette dernière peut être rendue difficile par les remaniements ou les pertes osseuses contemporaines du traumatisme et/ou aggravées par l’édentement. Chez l’enfant, il est possible d’observer des troubles de la croissance ou des dysharmonies dentoalvéolaires par lésions des germes dentaires impliquées dans les traits de fractures. De même, l’emploi inapproprié des procédés d’ostéosynthèse est susceptible de troubler l’évolution des dents définitives. Les pertes dentaires posent des problèmes particuliers en raison de la difficulté d’une réhabilitation prothétique en denture lactéale. Il convient cependant de prévenir les déplacements dentaires par l’emploi de mainteneurs d’espace afin de permettre une évolution normale de la denture définitive. CAL HYPERTROPHIQUE
Il s’agit d’une consolidation osseuse évoluant sur un mode exophytique. Il n’existe, par définition, aucun retentissement occlusal, ce qui le distingue du cal vicieux. Il apparaît comme une 2
Stomatologie
complication classique des fractures de la région symphysaire de la mandibule, en particulier lorsqu’elles intéressent les apophyses géni. Il peut évoluer vers un véritable torus mandibulaire, ou plus rarement sous la forme d’un ostéome du plancher buccal antérieur. Le port d’une prothèse adjointe peut alors devenir impossible en l’absence d’ostéoplastie modelante. Il est rarement responsable d’un trouble morphologique, sauf lorsque le processus affecte les contours basilaires de la mandibule, conséquence le plus souvent d’une réduction imparfaite d’un troisième fragment à ce niveau. La résorption spontanée étant la règle, un geste chirurgical ne sera éventuellement réalisé qu’après plusieurs mois d’évolution. CALS VICIEUX DES MAXILLAIRES
Les cals vicieux se définissent comme la consolidation en malposition d’un foyer de fracture.
¶ Physiopathologie Relativement rares, les circonstances de survenue sont assez stéréotypées. Il s’agit d’un retard à la mise en œuvre du traitement maxillofacial du fait d’un coma prolongé ou d’un polytraumatisme, de la méconnaissance d’une malocclusion préexistante corrigée de manière abusive, d’une fracture négligée – en particulier de la région condylienne –, d’un défaut de réduction dans les suites d’une ostéosynthèse rigide (fig 1). Ces dernières imposent en effet une réduction parfaite obtenue par l’usage simultané d’un blocage maxillomandibulaire peropératoire, parfois oublié ou négligé, prolongé si besoin de quelques jours, mais aussi d’un contrôle de l’occlusion peropératoire après ostéosynthèse et déblocage. Ceci souligne l’intérêt, malgré son caractère archaïque, du fil d’acier lorsque la réduction n’est pas optimale, laissant de plus grandes possibilités d’adaptation pendant la période de blocage postopératoire. A contrario, le cal vicieux peut être le fruit d’un défaut de contention, en particulier lors d’une ostéosynthèse au fil d’acier, qui impose toujours un blocage maxillomandibulaire concomitant régulièrement contrôlé et resserré pendant la période de consolidation. Citons aussi la reprise trop précoce d’une alimentation inadaptée ou la mobilisation d’une fracture condylienne mal engrenée. Enfin, il peut être la conséquence d’une luxation méniscale méconnue ou d’une malposition du condyle mandibulaire, rejoignant ainsi l’un des écueils classiques de la chirurgie orthognathique mandibulaire. L’anomalie se traduit alors classiquement par l’apparition d’une déviation de l’arcade au déblocage.
¶ Formes cliniques Les expressions du cal vicieux peuvent être occlusales et/ou morphologiques. Les troubles occlusaux mineurs vont de la simple interférence cuspidienne précisée au papier à articulé, aux troubles majeurs associant contacts prématurés, béance étendue et latérodéviation. Les troubles morphologiques se présentent sous la forme d’une asymétrie faciale, dès lors qu’ils déforment ou dévient l’arcade ou qu’ils touchent les contours osseux. Très schématiquement comme pour les fractures de la mandibule, l’arcade dentaire est déformée lorsque le cal l’interrompt et il se traduit par une malposition globale lorsqu’il se situe en position rétrodentée à la mandibule ou lorsqu’il complique une fracture type Le Fort au maxillaire. À la mandibule, différentes formes cliniques sont susceptibles d’être rencontrées. Un raccourcissement du ramus mandibulaire est source de contact molaire prématuré avec latérodéviation homolatérale du point interincisif inférieur médian et béance controlatérale. En fonction des séries, il existe entre 1,4 [1] et 13 % [41] de malocclusions après traitement fonctionnel d’une fracture du condyle mandibulaire, ce qui justifie pour certains les évolutions récentes concernant le traitement chirurgical par ostéosynthèse des condyles mandibulaires. Le cal vicieux peut aussi toucher, de façon symétrique ou non, les deux régions condyliennes (fig 2), entraînant
Séquelles des traumatismes de la face
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* A
* D
* B
* E 1
Séquelles d’une fracture de la branche horizontale droite prise en charge de manière inadaptée. A. Ostéosynthèse rigide avec défaut de réduction. B. Téléradiographie de profil objectivant la classe III squelettique. C. Bout à bout incisif. D. Montage des modèles d’étude sur articulateur. E. Panoramique dentaire après OSBM (ostéotomie sagittale bilatérale mandibulaire) de recul mandibulaire indiqué sur l’étude des modèles, de l’analyse céphalométrique, mais aussi des données cliniques (V3 droit conservé). F. Occlusion postopératoire avant traitement de l’édentement prémolaire inférieur droit.
* C un contact molaire prématuré bilatéral, un recul global de l’arcade mandibulaire et une béance antérieure. Au niveau de la région symphysaire, une réduction de la corticale externe en compression peut créer une béance corticale interne. Elle a pour conséquence la formation d’un cal vicieux à l’origine d’une valgisation des régions goniaques, avec vestibuloclusie molaire inférieure. Cette situation est particulièrement rencontrée dans les fractures trifocales de la mandibule, ce qui justifie pour l’équipe nantaise la mise en place d’un rappel transversal au niveau des régions goniaques [12]. Au maxillaire, une fracture de type Le Fort mal réduite est source d’un contact molaire prématuré avec béance antérieure et classe III squelettique par rétromaxillie positionnelle, avec ou sans latérodéviation du point interincisif supérieur. Cette anomalie est fréquemment à l’origine d’un excès vertical du tiers inférieur de la face. Au maximum, on aboutit à une déformation faciale globale avec excès vertical antérieur et rétrusion de l’étage moyen de la face avec rétromaxillie de type dish-face des auteurs anglo-saxons. Un cal vicieux pérennisant une disjonction intermaxillaire laisse persister un diastème interincisif médian ou latéral, avec un trouble de l’articulé transversal uni- ou bilatéral, parfois et à l’extrême une fistule bucconasale ou buccosinusienne. Citons enfin les formes complexes ayant pour conséquence une réduction de la dimension verticale de la face consécutive à un traumatisme ayant occasionné
* F des fractures comminutives des piliers maxillaires et des condyles mandibulaires, à l’origine d’une perte complète des références anatomiques. L’usage non raisonné des suspensions maxillaires consacre et aggrave alors la perte de dimension verticale et parfois le recul du plateau maxillopalatin. Au-delà de cette approche clinique schématique, il convient de souligner que les cals vicieux sont le plus souvent à l’origine de troubles occlusaux asymétriques et atypiques, en particulier dans le cadre de séquelles de fractures multifocales qui représentent par exemple 53,4 % [31] des fractures mandibulaires selon une étude menée à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
¶ Bilan paraclinique Ces lésions doivent être parfaitement documentées pour assurer des choix thérapeutiques individuellement adaptés. Il comprend essentiellement la réalisation des modèles d’étude, montés sur articulateur pour les cas complexes (asymétrie, anomalies verticales), des radiographies d’incidences adaptées et des téléradiographies, avec analyse céphalométrique sur le profil (analyse architecturale de Delaire), des coupes tomodensitométriques avec reconstruction tridimensionnelle, qui permettent la réalisation de modèles stéréolithographiques utilisés par certaines équipes. 3
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Séquelles des traumatismes de la face
Stomatologie
* B 2
Séquelles d’une fracture bicondylienne prise en charge de manière inadaptée. A. Téléradiographie de profil. B. Panoramique dentaire. C. Occlusion : béance antérieure.
* C * A L’ensemble de ces données a pour but de préciser le diagnostic et les indications thérapeutiques et d’offrir au chirurgien des moyens de contention personnalisés (arcs préformés), des guides à la réduction peropératoire (plaque d’intercuspidation), des modes d’ostéosynthèse optimisés (plaques préformées au vu des modèles stéréolithographiques…).
¶ Traitement Il a pour but la restitution ad integrum de la fonction manducatrice et de la morphologie. Les moyens [43] sont occlusodontiques avec les meulages sélectifs guidés par le papier à articulé, la prothèse adjointe ou conjointe, ou orthodontiques, le plus souvent par technique multiattaches. Les moyens chirurgicaux sont soit directs, c’est l’ostéotomie intrafocale du foyer de fracture initial, soit indirects, à distance du (ou des) cal(s) vicieux, selon les tracés classiques des ostéotomies d’usage orthognathique. À la mandibule, les ostéotomies les plus employées sont uni- ou bilatérales, symétriques ou asymétriques et sont représentées par l’ostéotomie sagittale des branches montantes selon les tracés d’ObwegeserDalpont I ou Dalpont II, l’ostéotomie rétrospigienne verticale ou en L inversé, les ostéotomies segmentaires typiques (Köhle) ou atypiques (parfois interruptrices). Au maxillaire, les ostéotomies sont menées le plus souvent selon les tracés de Le Fort I, mais aussi plus rarement Le Fort II, III, intermédiaire type Souyris [45], disjonction intermaxillaire et ostéotomies segmentaires typiques (Wassmund, Schuchardt) ou atypiques. À la mandibule et au maxillaire, les ostectomies, les ostéotomies modelantes (dont la génioplastie), les greffons osseux autologues ou les biomatériaux (type corail) utilisés en apposition peuvent être un appoint indispensable pour des corrections morphologiques. Les indications sont très variables selon les formes cliniques. Cependant, quelques règles générales guident les indications. Une interférence occlusale est traitée par meulage sélectif, guidé par le papier à articulé ; plus complexe, elle peut faire l’objet d’un traitement orthodontique. Dans le cadre d’un édentement partiel ou total, un cal vicieux peut faire l’objet de compensations ou de révisions prothétiques, adjointes ou conjointes, éventuellement implantoportées si les volumes osseux le permettent. Lorsque les troubles occlusaux sont plus importants, les traitements 4
occlusodontiques ne constituent plus que de simples adjuvants à la chirurgie. De nombreuses attitudes sont valides, mais de façon très schématique lorsque le cal vicieux déforme l’arcade dentaire, c’est le traitement direct qui s’impose sous la forme d’une ostéotomie intrafocale, éventuellement segmentaire si le cal complique une fracture alvéolodentaire. Dans le cas du déplacement ou de la déviation globale d’une arcade dentaire, il est licite de privilégier les tracés classiques employés en chirurgie orthognathique. Lorsque seul existe un retentissement morphologique, à l’exclusion de tout trouble occlusal, les ostéotomies modelantes, les ostectomies et les greffons osseux d’apposition sont d’indications larges. Quelques situations méritent une analyse particulière. Les cals vicieux secondaires à une fracture bicondylienne, avec contact molaire prématuré et béance antérieure posent deux problèmes : celui du délai minimal à respecter entre le traumatisme initial et l’intervention correctrice et celui du site de l’ostéotomie. Une intervention trop précoce pose en effet le double problème d’un condyle de consistance insuffisante, gênant sa reposition précise lors de l’ostéosynthèse des valves, à l’origine d’une possible surcorrection et celui de lésions articulaires non stabilisées exposant le patient à la récidive [11]. Becking et al [4] ont montré qu’un délai de 9 mois était suffisant à la stabilisation de ces lésions. Concernant le site de l’ostéotomie, le chirurgien peut choisir un geste mandibulaire ou maxillaire. À la mandibule il semble préférable de privilégier l’ostéotomie sagittale des branches montantes, uni- ou bilatérale, souvent asymétrique, avec rotation antihoraire, à l’ostéotomie rétrospigienne (même complétée d’une greffe osseuse) pour des raisons de stabilité. Au maxillaire, l’ostéotomie de type Le Fort I avec impaction postérieure semble donner des résultats plus stables que ceux obtenus par un geste mandibulaire en cas de béance antérieure importante (béance imposant une rotation mandibulaire antihoraire supérieure à 4°). Ce choix impose cependant un traitement orthodontique complémentaire car il entraîne une modification des axes des incisives supérieures. Un geste bimaxillaire peut enfin être discuté dans les cas de béance antérieure importante ; il augmenterait la stabilité postopératoire et autorise une meilleure répartition des parties molles. Lorsque le cal vicieux est secondaire à une béance corticale interne en région symphysaire, l’ostéotomie doit être intrafocale et la
Stomatologie
Séquelles des traumatismes de la face
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correction de la vestibuloclusie molaire inférieure s’aide volontiers d’un laçage des deux angles mandibulaires au fil d’acier, permettant leur rapprochement. Dans le cadre d’un cal vicieux secondaire aux fractures de type Le Fort II ou Le Fort III, il peut être licite de préférer parfois, en raison de la relative simplicité de leur réalisation, une ostéotomie de type Le Fort I ou de type intermédiaire (Souyris) corrigeant la malocclusion, associée à des greffes osseuses d’apposition à but morphologique, aux ostéotomies type Le Fort II ou III, de réalisation plus lourde. Soulignons enfin les difficultés considérables rencontrées dans le cadre du traitement des séquelles des traumatismes comminutifs du massif facial avec fracture bicondylienne responsable d’un effondrement de la dimension verticale, où les greffes osseuses sont largement associées aux ostéotomies. Enfin, dans un contexte d’ankylose temporomandibulaire, le cal vicieux n’est classiquement traité qu’après la résection du bloc d’ankylose et la normalisation de la fonction articulaire ou son amélioration conséquente.
* A
RETARDS DE CONSOLIDATION ET PSEUDARTHROSES
L’absence de consolidation objectivée à la sixième semaine au niveau de l’étage moyen de la face et au deuxième mois à la mandibule définit le retard de consolidation. La fréquence est variable selon les auteurs de 0 à 8 %. Réduit par l’utilisation des ostéosynthèses rigides, le retard est favorisé le plus souvent par une infection, plus rarement par une réduction et une contention insuffisante du foyer de fracture. En général, la solution de continuité reste mobile et souvent douloureuse, en rapport avec une infection intrafocale chronique. Le bilan radiologique visualise la persistance d’une solution de continuité et permet d’en préciser l’étiologie. Parmi les causes infectieuses, l’origine dentaire (dent dévitalisée lors du traumatisme ou antérieurement à celui-ci avec lésion apicale à proximité du foyer de fracture), sinusienne (sinusite posttraumatique) ou la présence de matériel d’ostéosynthèse parfois exposé sont les plus fréquentes. La pseudarthrose se définit comme l’absence de consolidation audelà du sixième mois. Elle est favorisée par l’existence d’une perte de substance osseuse post-traumatique ou infectieuse. Le foyer de fracture reste mobile mais non douloureux. Le bilan radiologique met en évidence une décalcification des extrémités osseuses associée à une ostéocondensation autour du foyer. Le cal fibreux peut être lâche ou serré, septique ou aseptique, correspondant dans les faits à une perte de substance osseuse. Le traitement des retards de consolidation passe par une reprise chirurgicale associant le curetage du foyer de fracture, le traitement des foyers infectieux de proximité (dentaire ou sinusien) (fig 3), l’ablation du matériel d’ostéosynthèse et la réalisation d’une nouvelle contention le plus souvent par blocage maxillomandibulaire prolongé. L’hygiène buccale doit être contrôlée et une antibiothérapie par voie générale instituée. Le traitement d’une pseudarthrose impose une résection des berges osseuses ou du séquestre aboutissant à une perte de substance des maxillaires de plus ou moins grande importance. PERTES DE SUBSTANCE DES MAXILLAIRES
¶ Physiopathologie Les pertes de substance des maxillaires ont, selon leur importance et leur localisation, un retentissement occlusal et morphologique plus ou moins marqué. Elles sont pour l’essentiel le fruit de traumatismes violents, illustrés à l’extrême par les délabrements majeurs engendrés par les armes à feu. Elles peuvent aussi être le fruit d’erreurs thérapeutiques telles que des dépériostages intempestifs ou l’absence de traitement des foyers infectieux dentaires jouxtant les solutions de continuité et pouvant évoluer vers des retards de consolidation, des pseudarthroses ou les exceptionnelles éliminations de séquestres sur ostéite postfracturaire. Leurs
* B 3
Pseudarthrose de l’angle mandibulaire droit dans les suites d’un traumatisme balistique avec dévitalisation secondaire de 48 et 47. A. Traitement primaire : panoramique de contrôle à j45. B. Évolution à 14 mois. Noter l’importance de la perte de substance correspondant à la nécrose osseuse. Rétablissement de la continuité mandibulaire par transplant osseux libre revascularisé de crête iliaque après échec d’un greffon osseux iliaque non revascularisé.
étiologies, leurs classifications et leurs prises en charge thérapeutique font l’objet du chapitre 22-087-E-10 de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Nous ne reprenons donc que les points importants.
¶ Formes cliniques On différencie les pertes de substance mandibulaires et maxillaires. Les pertes de substance mandibulaires peuvent être interruptrices ou non. Non interruptrices, elles posent le problème des pertes dentaires associées à un déficit osseux alvéolaire, initial ou secondaire, qui peut interdire une réhabilitation prothétique stable. Les pertes de substance interruptrices peuvent être classées selon différents critères. Nous ne rappelons ici que les classifications françaises anatomophysiopathologiques de Péri et al en 1989 (Perte de substance interruptrice de la mandibule [PSIM] I à PSIM IV) [34] et anatomochirurgicales de Cariou en 1991 (type A ab, L ab, T) [7]. Sur le plan clinique et de manière très schématique, nous soulignerons que le défaut de soutien des parties molles en région antérieure aboutit au classique profil Andy gump des auteurs anglosaxons, que les pertes de substance de type L ou T aboutissent à une latérodéviation homolatérale responsable d’une asymétrie faciale. Les pertes de substance du plateau maxillopalatin ont été classées selon des critères anatomochirurgicaux par Bonan et Devauchelle en 1993 (type I à IV) [6] . Sur le plan clinique, aux troubles morphologiques dus à la perte de soutien des parties molles s’ajoute nombre de déficits fonctionnels phonatoires, ventilatoires, parfois ophtalmologiques et bien sûr masticatoires.
¶ Traitement Il a pour but, sur le plan fonctionnel, la restauration des fonctions manducatrices, phonatoires et respiratoires, sur le plan morphologique le rétablissement du soutien des parties molles, la prévention et/ou la correction des troubles de croissance chez l’enfant. Il associe la mise en œuvre de moyens kinésithérapiques, prothétiques (prothèse guide, prothèse obturatrice, prothèse de réhabilitation occlusale adjointe, conjointe ou implantoportée) et chirurgicaux. 5
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À la mandibule, nous rappelons les possibilités de fixations extrafocales qui ne sont de mise, au stade des séquelles, qu’en cas de sepsis patent. Dès lors que leur couverture est assurée de façon complète par des téguments bien vascularisés, les greffes osseuses sont une solution de choix. Dans le cas contraire, les greffons osseux assistés et plus encore les transplants libres osseux ou composites vascularisés, doivent être préférés car ils permettent de reconstruire « tout en un temps par le même procédé » (Cariou). Le clivage sagittal de la mandibule proposé par Peters ou Salins et Rao [37] est parfois possible lorsque la topographie de la perte de substance l’autorise. Au stade des séquelles, les difficultés de reconstruction des rétractions tégumentaires associées aux pertes de substance osseuse ont poussé de nombreux auteurs à appliquer les principes de la distraction osseuse des os longs, développés par Ilizarov, à la face. Celle-ci permet de traiter l’ensemble des composantes de la perte de substance (osseuse et tégumentaire), supprime l’effet « rustine » des palettes cutanées, crée une muqueuse adhérente et un vestibule. Cette situation est alors beaucoup plus favorable à la mise en œuvre des procédés de réhabilitation prothétique que sont respectivement l’implantologie ou la prothèse adjointe. Si le matériel est traditionnellement exobuccal, actuellement se développent des ancillaires endobuccaux. Le traitement orthodontique est l’indispensable complément de toute distraction en présence de séquelles osseuses post-traumatiques ayant entraîné une bascule du plan d’occlusion ou des compensations alvéolaires. Concernant les pertes de substance des maxillaires, nous soulignerons la primauté des moyens prothétiques obturateurs. Les indications d’apport osseux sont en principe limités aux cas d’amputation alvéolodentaire et/ou tubérositaire, au minimum de type II de la classification de Bonan et Devauchelle. Les « lambeaux chimériques », basés sur le pédicule infrascapulaire, développés par cette même équipe, ont montré tout leur intérêt dans les pertes de substance complexes de l’étage moyen. SINUSITES MAXILLAIRES
Les sinusites maxillaires post-traumatiques ne sont pas rares. Elles peuvent avoir pour origine une ouverture des parois antérolatérales du sinus au niveau de la cavité buccale, une ostéite des petits fragments osseux papyracés dévascularisés qui composent sa paroi antérieure ou un défaut de drainage. Au décours des traumatismes de la pyramide nasale, un défaut de ventilation secondaire peut aussi être responsable. La symptomatologie classique, à type d’algies faciales aux irradiations multiples et de rhinorrhée, impose un bilan radiologique simple selon l’incidence spécifique de Blondeau à la recherche d’une opacité en cadre ou plus rarement d’un niveau liquide. Ce bilan est complété par un examen tomodensitométrique précisant l’étendue des lésions, tandis que la rhinoscopie antérieure, voire l’endoscopie nasale, visualise la présence de pus au niveau du méat inférieur et/ ou l’état de la cavité sinusienne. Les manifestations inflammatoires représentent le tiers des atteintes muqueuses (35 %), devant les polypes (20 %) et les mucocèles (5 %). Les synéchies sont habituellement très nombreuses. Le traitement est essentiellement médical, associant antibiotiques, anti-inflammatoires et soins locaux. En l’absence d’amélioration, une méatoplastie vise à favoriser la ventilation sinusienne, tandis que le drainage du sinus maxillaire et son curetage peuvent être réalisés soit par voie classique de Caldwell-Luc, soit par voie endonasale en association avec l’ablation du matériel d’ostéosynthèse adjacent au sinus. TROUBLES NEUROSENSORIELS
¶ Atteintes du nerf alvéolaire inférieur Au niveau de l’étage inférieur de la face, l’anesthésie ou l’hypoesthésie dans le territoire labiomentonnier traduit une lésion 6
Stomatologie
du nerf alvéolaire inférieur dans son trajet intramandibulaire. Elle est relativement fréquente au stade initial. La cause peut être traumatique (contusion, plus rarement section du nerf) ou iatrogène lors de l’emploi des procédés d’ostéosynthèse (forage et vissage). Sa récupération est en général lente (6 à 24 mois) pouvant parfois se faire sur un mode dysesthésique. Le traitement médical initial, associant corticothérapie et vitaminothérapie B, est d’une efficacité réduite. Les séquelles algiques sont invalidantes, justifiant la mise en œuvre de traitements antidouleurs adaptés (antalgiques majeurs) car l’efficacité du traitement chirurgical (neurolyse, décompression, dénervation...) est souvent incomplète et transitoire.
¶ Atteintes du nerf infraorbitaire De même au niveau de l’étage moyen de la face, les lésions du nerf infraorbitaire dans son canal infraorbitaire ou à son émergence entraînent hypo- ou anesthésie dans la région génienne. Évolution et traitement sont superposables.
Traumatismes de l’articulation temporomandibulaire PHYSIOPATHOLOGIE
Les troubles de l’ouverture buccale peuvent aboutir à l’extrême à une constriction permanente des mâchoires, principalement liée aux traumatismes de l’articulation temporomandibulaire (ATM), que ceux-ci soient de nature osseuse ou capsulo-ménisco-ligamentaire. Les fractures condyliennes représentent une importante proportion des fractures de la mandibule (25 à 35 % selon les auteurs) [14] et une entité particulière en raison de la fréquence des séquelles qu’elles induisent. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’elles sont articulaires, c’est-à-dire capitales, sous-condylienne haute ou basse avec un important degré de varisation ou de bascule antérieure du fragment supérieur [17]. Leur traitement relève d’une grande diversité de moyens (orthopédiques, chirurgicaux, kinésithérapiques) dont les indications et le suivi varient selon les auteurs. D’autres étiologies extra-articulaires, de moindre fréquence, peuvent parfois être en cause ; osseuse, au cours des fractures latérofaciales qui peuvent entraîner un recul de l’os zygomatique et un conflit avec le processus coronoïde, ou par réduction du diamètre transversal de l’anneau zygomatique, par atteinte du processus zygomatique qui vient limiter le jeu normal du tendon et du muscle temporal, tégumentaire, en particulier par atteintes des muscles masticateurs d’origine traumatique ou iatrogène comme les voies d’abord temporales ou coronales. FORMES CLINIQUES
¶ Syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM) et arthrose [16] D’origine articulaire, il convient de différencier les atteintes directes des structures fibreuses et méniscocartilagineuses ou des structures osseuses condyliennes mandibulaire ou temporale responsables de dysfonctionnements précoces de l’appareil manducateur (DAM), des atteintes indirectes au cours des malocclusions séquellaires des traumatismes des maxillaires. La fréquence du SADAM augmente en cas de malocclusion préexistante. Enfin, l’emploi de plus en plus large de procédés d’ostéosynthèse intra- (plaques miniaturisées vissées [PMV]) ou transfocaux (procédé ECKELT) impose une extrême rigueur dans la qualité de la réduction sous peine d’apparition précoce de SADAM dans les suites. La symptomatologie associe des manifestations articulaires algiques, des craquements, des claquements et des manifestations musculaires à type de myalgies avec irradiations, voire de trismus. Ces
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Séquelles d’une fracture bicondylienne remontant à 20 ans. Ankylose fibreuse bilatérale. A. Aspect clinique d’une constriction permanente des mâchoires. B. Radiographie en incidence face basse : noter les luxations internes des deux condyles. C. Tomodensitométrie (TDM) en coupes frontales et sagittales de l’articulation temporomandibulaire (ATM) gauche. D. TDM en coupes horizontales de l’ATM gauche. E. TDM en coupes horizontales de l’ATM droite.
* A
* B
* C
* D manifestations fonctionnelles sont le plus souvent en rapport avec des altérations anatomiques et physiologiques de l’articulation et de l’appareil discal, visualisées grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) statique et dynamique (Pharaboz). Dans le cas de fracture unilatérale, la symptomatologie siège le plus souvent du côté sain par perte de l’équilibre articulaire (diminution de hauteur de la branche montante du côté lésé ou « hypermobilité compensatrice » du côté sain), parfois du côté atteint où sa symptomatologie peut se confondre avec les signes d’une ankylose débutante. Ces lésions peuvent être à l’origine d’une arthrose post-traumatique d’apparition plus ou moins retardée, pouvant exceptionnellement aboutir à une ankylose temporomandibulaire fibreuse, voire osseuse.
¶ Ankylose temporomandibulaire L’ankylose temporomandibulaire trouve son origine dans la traumatologie dans deux cas sur trois (25 à 98 % selon les auteurs) [21] avec une prédominance chez le jeune adulte masculin. Elle correspond à l’apparition d’un tissu cicatriciel fibreux, osseux ou mixte unissant la branche montante de la mandibule à la base du crâne. L’évolution d’une fracture condylienne intéressant le système articulaire dépend de sa prise en charge initiale : les séquelles surviennent en cas de méconnaissance, de mauvaise prise en charge ou de blocage mandibulomaxillaire inapproprié ou prolongé.
* E Chez l’adulte, le maître symptôme est l’apparition progressive d’une limitation de l’ouverture buccale. Celle-ci est mesurée au pied à coulisse pour suivre l’évolution de la maladie. Le chemin d’ouverture résiduel n’est pas linéaire car il existe une déviation du point interincisif inférieur vers le côté ankylosé, correspondant à l’absence de glissement discal lors de l’ouverture buccale. Les troubles de l’articulé et les difficultés d’hygiène peuvent entraîner des anomalies de la denture et des pathologies du parodonte. Enfin, l’apparition d’un SADAM est fréquente du côté sain. Le bilan radiologique constitué de clichés simples (téléradiographies et orthopantomogramme) est le plus souvent insuffisant. Il faut faire appel à la tomodensitométrie (TDM) et à l’IRM pour préciser la taille, la forme, la situation et la nature du cal, l’état de l’articulation et du disque restant et des parties molles. Cette imagerie permet une classification anatomopathologique des lésions. Celles-ci peuvent être uni- ou bilatérales, respecter partiellement l’articulation ou la détruire complètement. L’ankylose peut être de nature fibreuse ou osseuse, les deux pathologies étant superposables, la première précédant théoriquement l’autre chronologiquement (fig 4). Il existe plusieurs classifications reposant sur des arguments cliniques et radiologiques. Comme le proposait Dufourmentel, on peut distinguer des ankyloses partielles ou fibreuses et des ankyloses totales. Les ankyloses partielles peuvent être internes (le long du muscle ptérygoïdien latéral en direction de l’épine du sphénoïde), 7
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Bloc d’ankylose de type I de la classification de Topazian. A. Aspect peropératoire du bloc d’ankylose. B. Aspect tomodensitométrique : reconstruction 3 D. C. Aspect peropératoire : section du bloc osseux. D. Aspect peropératoire : interposition d’une plaque de silicone.
* A
* B
* C
* D
postérieures (tympanocondyliennes) et latérales (Lachard). Les ankyloses totales sont de véritables synostoses temporocondyliennes que Topazian décrivait en quatre stades : – I : ankylose articulaire (fig 5) ; – II : bloc dans l’échancrure sigmoïde ; – III : bloc débordant l’échancrure ; – IV : bloc inclassable. Au cours de l’ankylose fibreuse, la limitation de l’ouverture buccale est modérée, il n’existe pas d’image radiologique de cal osseux mais le condyle apparaît augmenté de volume. L’ankylose externe est souvent observée dans les suites d’une fracture capitale par impaction au niveau de la partie externe du condyle temporal. Le bloc fibreux correspondant à l’ankylose peut être palpable à l’examen clinique. Il persiste des éléments articulaires dans la 8
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portion médiale de l’ATM, qu’il convient de reconnaître et de préserver lors du traitement chirurgical. Lorsque l’ankylose est complète, le bloc osseux soude totalement la branche montante à la base du crâne. Son évolution peut être favorisée par la multiplication des interventions chirurgicales locales. Les difficultés thérapeutiques dépendent directement de l’importance et de l’étendue du cal osseux vers l’échancrure sigmoïdienne, à l’origine de la classification de Topazian mais aussi de la prévention des récidives. En effet, ces séquelles exigent une prise en charge secondaire longue, souvent lourde et parfois décevante. La prévention prend donc toute son importance avec le développement des moyens iconographiques de diagnostic et des procédures thérapeutiques en constante évolution. Chez l’enfant [51] l’âge de survenue est un élément pronostique déterminant. La survenue de fractures condyliennes chez le jeune enfant, méconnues, négligées ou mal prises en charge, peut entraîner
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Aspect céphalométrique de face d’un enfant présentant une ankylose temporomandibulaire droite. a. Latérodéviation du menton ; b. inclinaison du plan d’occlusion ; c. troubles de l’articulé dentaire.
Squelette céphalique de profil d’un enfant présentant une ankylose temporomandibulaire bilatérale. a. Bloc de synostose ; b. hypertrophie du coroné ; c. encoche préangulaire ; d. incurvation postérieure de la branche montante.
a
b
b c
a
des conséquences gravissimes au niveau de la croissance faciale, d’autant plus importantes qu’elles surviennent précocement avec des retentissements esthétiques et fonctionnels très invalidants. D’après Couly [26], 30 % des ankyloses observées chez l’enfant sont bilatérales et l’étiologie traumatique vient en deuxième position derrière les causes infectieuses (postsepticémique et postotitique). En Europe, les étiologies infectieuses [25] cèdent le pas devant la pathologie traumatique qui, comme chez l’adulte, tend à occuper la première place. Outre la limitation de l’ouverture buccale, les signes varient selon la nature de l’ankylose et sont plus ou moins nets en fonction de la précocité de survenue du traumatisme. Les conséquences fonctionnelles se manifestent à différents niveaux. La fonction ventilatoire peut être altérée, notamment chez le nourrisson avec hypoxémie, hypercapnie chronique et parfois apparition d’un syndrome d’apnée du sommeil. L’alimentation est difficile et la réduction des apports nutritifs peut retentir sur le développement général de l’enfant. L’hygiène buccale difficile altère la dentition et la denture. Les difficultés de phonation influent de manière importante sur les capacités d’apprentissage de l’enfant avec un retentissement précoce sur le comportement psychologique et social. L’ankylose unilatérale est responsable d’un retrait et d’une latérodéviation du menton, d’une asymétrie faciale, de troubles de l’occlusion avec attraction verticale du plan d’occlusion vers le côté ankylosé (perte de hauteur du maxillaire du côté ankylosé) (fig 6). L’ankylose bilatérale aboutit au classique « profil d’oiseau » avec une importante rétrognathie mandibulaire pouvant prêter à confusion avec une maladie de Crouzon (fig 7). Le bilan d’imagerie simple (téléradiographie, orthopantomogramme) permet d’observer les modifications de l’architecture osseuse, une diminution de hauteur et une augmentation de l’épaisseur de la branche montante, une perte de hauteur de l’os maxillaire homolatéral, un trouble de l’articulé dentaire. L’image de fusion de la branche montante au crâne peut être observée, avec parfois respect d’un pseudo-interligne au niveau de l’articulation. Dans l’ankylose bilatérale, les signes les plus fréquemment observés sont des images de soudure de la mandibule à la base du crâne, une micromandibulie, une encoche préangulaire, une incurvation de la branche montante vers l’arrière et une hypertrophie du coroné. La TDM et l’IRM permettent de préciser l’atteinte de l’ATM, l’étiologie de l’ankylose si celle-ci est méconnue, l’état des tissus mous de la région et d’orienter le choix thérapeutique.
¶ Autres complications. D’autres séquelles sont décrites, elles peuvent être liées soit à des complications immédiates ou tardives non résolutives, soit à la prise en charge thérapeutique.
Trophiques [2, 20, 38, 53] La revue de la littérature rapporte des cas non rares d’altérations de la structure même du condyle mandibulaire. Des cas d’ostéomyélite aseptique avec résorption très importante de la tête condylienne sont rapportés avec, pour certains auteurs, une corrélation avec l’utilisation de matériel d’ostéosynthèse dans le traitement de fractures hautes. Ces troubles ont imposé une résection du tissu nécrotique et un débridement local. Plusieurs auteurs décrivent la formation d’un condyle bifide dans le cadre de fractures sagittales de la tête condylienne. Ces fractures sagittales sont rares et de diagnostic peu aisé, soulignant l’intérêt de la TDM. Leur prise en charge repose surtout sur la mécanothérapie. Nerveuses [19, 40] Les fractures condyliennes avec luxation importante de la tête peuvent entraîner des lésions nerveuses locales des troncs moteurs ou sensitifs, soit par mécanisme direct (section, élongation), soit par mécanisme indirect (sidération, compression œdémateuse ou par hématome). Des atteintes partielles du nerf trijumeau dans ses trois territoires ont été rapportées. Elles sont responsables d’hypoesthésies définitives des territoires du nerf auriculotemporal et du nerf buccal. Un cas d’agueusie complète d’un bord latéral de langue, une névralgie dans le territoire du nerf buccal, des syndromes de Frey [10] (sudation perprandiale avec érythème des zones cutanées innervées par le nerf auriculotemporal) ont aussi été décrits. Ces complications sont rares et le plus souvent résolutives. Le nerf facial peut être lésé mais, dans ce cadre, cette complication semble encore plus rare. Psychologiques Nous avons déjà évoqué les conséquences psychologiques très lourdes liées aux ankyloses de l’enfant jeune, responsables de troubles dysmorphiques. Chez l’adulte, l’altération de la fonction manducatrice et/ou phonatoire au long cours peut avoir d’importants retentissements psychologiques chez des patients souvent sollicités au niveau thérapeutique et parfois victimes de récidives. L’intrication avec un SADAM peut entraîner le patient dans un cercle vicieux où la prise en charge psychologique prend une place très importante. TRAITEMENT
¶ Préventif La prévention passe par un bilan exhaustif et une prise en charge initiale adaptée. Les moyens actuels d’iconographie doivent permettre d’écarter toute possibilité d’erreur ou d’absence de diagnostic. Ainsi, les blocages mandibulomaxillaires prolongés dans 9
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le cadre de fractures multiples avec fracture condylienne méconnue doivent être définitivement exclus. De même, pour les patients polytraumatisés, l’exploration tomodensitométrique de l’extrémité céphalique doit inclure une exploration faciale. Nous ne reviendrons pas sur la prise en charge thérapeutique au stade initial qui fait l’objet d’un autre chapitre, elle dépend bien sûr du type anatomopathologique de la fracture. Rappelons toutefois que d’après Gola, il existe cinq facteurs anatomiques présidant à la bonne récupération articulaire, le type de fracture (avec atteinte articulaire ou pas), le déplacement osseux (luxation de la tête condylienne, raccourcissement de la branche montante), l’intégrité de l’appareil discal, la qualité de l’occlusion et la qualité de la rééducation
¶ Curatif Le traitement de l’ankylose temporomandibulaire fait l’objet d’un chapitre très complet dans ce même ouvrage. De manière succincte, il est fonction de l’importance de la lésion, de son type anatomopathologique, du type de patient (jeune ou adulte). Nous retiendrons essentiellement que la prise en charge thérapeutique de l’ankylose pose plusieurs problèmes : la restitution de la fonction manducatrice (équilibre et cinétique), le maintien ou la restitution de l’occlusion, la correction des troubles de la croissance le cas échéant, enfin et surtout la prévention de la récidive. On fait appel à deux types de traitement indissociables : la chirurgie et la rééducation fonctionnelle.
Traumatismes de la pyramide nasale DÉFINITION ET CLASSIFICATION
Le squelette ostéocartilagineux du nez ne répond pas de manière uniforme aux forces induites par les traumatismes. Les structures osseuses, os propres du nez, parois latérales et cloison sagittale des fosses nasales résistent ou se brisent et se déplacent selon la force et la direction des traumatismes. La cloison réagit différemment suivant le segment considéré. Ainsi, la lame perpendiculaire se brise en cas de fracture des os propres, le vomer résiste en général. Ces déplacements peuvent par ailleurs être limités à la seule pyramide nasale ou s’étendre en arrière vers la région ethmoïdale et/ou l’étage antérieur de la base du crâne. Si le traumatisme atteint le tiers supérieur de la pyramide nasale, la région glabellaire considérée comme l’un des « pare-chocs » de la face peut jouer le rôle d’un coin vis-à-vis des structures osseuses papyracées situées en arrière. Les séquelles peuvent alors être limitées à la seule fonction ventilatoire ou s’intégrer au cadre plus vaste des séquelles neurosensorielles des traumatismes craniofaciaux. La réaction des cartilages est variable, ceux de la pointe du nez s’effacent devant le traumatisme, ce qui explique que, sauf en cas de fractures cartilagineuses survenant chez un enfant, ils retrouvent leur forme première une fois libérés. La cloison cartilagineuse est la plus exposée, sa souplesse la protège, mais elle peut se fracturer et se luxer, entraînant avec elle les cartilages triangulaires. Elle peut, de plus, s’épaissir par chevauchement de son cartilage morcelé ou par réaction périchondrale. Si les déformations dépendent surtout des déplacements initiaux des fragments osseux disjoints par la fracture, il faut aussi tenir compte de l’évolution anormale du cal, de la cicatrice fibreuse, rétractile (qui déforme secondairement le cartilage) ou hypertrophique et de la résorption osseuse. Enfin, aux déviations acquises de l’enfance, s’ajoutent des troubles du développement osseux et cartilagineux qui peuvent être à l’origine de troubles de la croissance des maxillaires responsables de troubles dysmorphiques, voire de l’articulé dentaire par défaut de poussée antéropostérieure du complexe septovomérien [48]. SÉQUELLES FONCTIONNELLES
La fonction respiratoire peut être perturbée par une atteinte de la pyramide nasale, génératrice de troubles de la perméabilité narinaire, par sténoses, synéchies muqueuses, atteintes septales à 10
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type de luxations, plus rarement des perforations. Ces anomalies ventilatoires ont des conséquences sur l’aération des sinus paranasaux responsables de mucocèles, de sinusites posttraumatiques qui peuvent exposer même à distance à des complications infectieuses oculo-orbitaires et/ou endocrâniennes. Le diagnostic est clinique : test au miroir de Glatzel, rhinoscopie antérieure, naso-fibro-sinusoscopie. L’imagerie standard dans les trois dimensions de l’espace et surtout l’examen TDM permettent une analyse de l’ensemble des fosses nasales à la recherche de lésions postérieures toujours difficiles à corriger. La thérapeutique fait appel aux différentes techniques de septoplasties par voie d’abord endonarinaire ou transcolumellaire qui donne une meilleure vision des lésions et facilite les gestes de décollement et de réparation, en particulier si des greffes en apposition paraissent nécessaires. SÉQUELLES MORPHOLOGIQUES
Les séquelles morphologiques sont à analyser dans les trois dimensions de l’espace. Cet examen permet de catégoriser de face et en incidence verticale des déviations, des asymétries des orifices narinaires ou des élargissements, de profil des anomalies de l’arête.
¶ Déviations nasales D’origine osseuse, elles se manifestent par la projection de la pyramide nasale du côté opposé au traumatisme avec une inégalité de hauteur des os propres du nez. Il peut s’y ajouter des cals hypertrophiques et un élargissement global du dorsum. La pointe du nez reste en place et la cloison suit le déplacement de l’auvent osseux aboutissant à un angle obtus à sommet opposé au traumatisme. D’origine cartilagineuse, elles sont responsables des déplacements des deux tiers inférieurs du dorsum et de la pointe du nez. Généralisées, elles peuvent être simples (rectiligne) ou complexes en « S » ou en « C », échappant parfois à toute description clinique. Sur le plan thérapeutique toute systématisation est difficile : association d’ostéotomies latérales et médianes avec ou sans résection d’une bosse osseuse, de reposition de la cloison ou de septoplastie. Le bilan préopératoire doit préciser l’état des structures osseuses et cartilagineuses, le résultat final en dépendant. S’il s’agit d’un simple déplacement, le résultat peut être satisfaisant alors que l’existence de solutions de continuité avérées rend le résultat plus aléatoire.
¶ Lésions de l’arête : ensellure Les ensellures traumatiques se situent le plus souvent au niveau du tiers supérieur du dorsum par atteinte des os propres du nez ; plus rarement dans les suites des traumatismes violents, toute l’arête nasale peut avoir disparu. La chirurgie correctrice de ce type de séquelles fait appel le plus souvent aux appositions de greffons autologues cartilagineux (fig 8) ou osseux, parfois à des biomatériaux comme le corail, exceptionnellement à des greffes tissulaires autologues. Plus rarement, la réparation impose, si les os propres du nez se sont écartés en s’enfonçant, des ostéotomies latérales et médianes pour corriger un élargissement excessif de la pyramide osseuse.
¶ Élargissement de la racine du nez et télécanthus À l’extrême, cet élargissement de la racine du nez s’intègre dans le cadre plus vaste des fractures centrofaciales de type disjonctions orbitonasales avec télécanthus. L’analyse préopératoire est facilitée par la TDM avec reconstruction tridimensionnelle. La réparation fait appel à des techniques d’ostéotomies de repositionnement reprenant les différentes solutions de continuité et de greffes osseuses. La canthopexie transnasale complète la réduction. Cependant, la spatialisation peropératoire des réductions est difficile, expliquant les résultats souvent incomplets de ces interventions.
¶ Asymétries narinaires Elles peuvent être intrinsèques, conséquences d’une déformation des deux tiers supérieurs de la pyramide nasale ou être secondaires à
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Séquelle d’un traumatisme de la pyramide nasale. A. Aspect préopératoire : face, profil (A1), incidence verticale (A2). Ensellure et déviation. B. Aspect peropératoire : greffon cartilagineux. C. Aspect postopératoire : face, profil (C1), incidence verticale (C2).
" A2 * A
" A1
* B
" C2 * C une cicatrisation vicieuse qui justifie une chirurgie de libération cartilagineuse ou des plasties cutanées de symétrisation ou de résection. Extrinsèques, elles sont en rapport avec des phénomènes d’attraction des régions voisines.
Traumatismes de la région orbitaire DÉFINITION ET CLASSIFICATION
Selon la théorie orbitocentrique développée par Tessier, les fractures du squelette de l’orbite sont communes à d’autres régions et à d’autres organes [52] . Ainsi, les disjonctions craniofaciales, les fractures du frontal, de l’os zygomatique, du maxillaire ou des os propres du nez peuvent avoir des retentissements ligamentaires, palpébraux, lacrymaux, musculaires et, par contrecoup, oculoorbitaires. Aussi est-il classique de retrouver ces séquelles aux chapitres des fractures fronto-orbitaires, maxillomalaires, nasoethmoïdo-maxillaires, voire des disjonctions craniofaciales. L’intrication est donc importante entre les séquelles fonctionnelles et morphologiques. SÉQUELLES FONCTIONNELLES
Elles sont motrices et sensorielles.
¶ Atteinte de l’acuité et du champ visuel. Cécité Elles sont en rapport avec une réduction de l’acuité visuelle partielle ou totale (amblyopie, cécité) ou une amputation du champ visuel. Les lésions du globe oculaire à type de contusion ouverte ou fermée peuvent intéresser les structures des segments antérieur et/ou
" C1 postérieur du globe, responsables de taies cornéennes cicatricielles, de cataracte post-traumatique, d’aphakie, de troubles du tonus à type de glaucome ou d’hypotonie pouvant évoluer vers une atrophie du globe, de décollement rétinien. Elles peuvent en imposer d’emblée ou secondairement pour une éviscération ou une énucléation génératrice de séquelles morphologiques que nous reverrons. La lésion du nerf optique au niveau du canal optique et/ou du chiasma est responsable d’une baisse de l’acuité visuelle ou d’une amaurose avec mydriase aréactive, abolition du réflexe photomoteur direct et conservation du consensuel, amputation du champ visuel latéral homonyme ou bitemporal. L’atteinte du nerf optique peut être directe par section ou arrachement, mais de manière plus fréquente indirecte par lésion vasculaire ou compression par un hématome rétrobulbaire, par une esquille osseuse provenant des parois de l’orbite, par des fractures irradiées vers le canal optique ou la fente sphénoïdale. Ces séquelles peuvent être associées à des paralysies oculomotrices responsables de diplopie. Elles sont explorées par des examens spécialisés : ophtalmoscopie, campimétrie de Goldmann, électrophysiologie (potentiels évoqués visuels [PEV]) ou imagerie (TDM ou IRM). Elles ne peuvent être prévenues ou réduites que par la mise en œuvre rapide, au stade de l’urgence, des gestes de réparation au niveau du globe en cas de contusions ouvertes, de réduction en cas de fractures représentant une menace pour les structures se situant au niveau de l’apex orbitaire, de drainage en cas d’hématome menaçant [24] . L’association à des traitements médicaux antiinflammatoires stéroïdiens et vasodilatateurs permet parfois d’obtenir des récupérations partielles. 11
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¶ Diplopie L’incidence d’une diplopie persistante, résiduelle ou induite par le traitement au décours d’une fracture de l’orbite varie selon les auteurs de 2 à 15 %. L’invalidité peut être majeure si la diplopie existe dans le regard primaire et à la lecture. Elle peut être de type statique, souvent associée à une énophtalmie ou une exophtalmie, ou dynamique. Elle répond alors à trois causes. Mécaniques pour les deux premières, par lésions osseuses, responsables d’une inadaptation du rapport contenant-contenu, au niveau des parois de l’orbite, en particulier au niveau du plancher [28], dans sa portion médiale et au niveau de la paroi attenante, responsable d’une énophtalmie. Des lésions de la périorbite et des muscles oculomoteurs à type d’incarcération ou d’embrochage, de désinsertion du muscle oblique supérieur au niveau de la fossette trochléaire qui lui donne insertion. Neurogène pour la dernière, par atteinte isolée des IIIe, IVe, ou VIe paires crâniennes, ou associée dans le cadre d’un syndrome de la fente sphénoïdale à une ophtalmoplégie complète, une anesthésie cornéenne, ou un syndrome de l’apex orbitaire associant au syndrome précédent, une cécité. Rarement l’étiologie apparaît comme centrale. Ces séquelles sont explorées cliniquement par le test de duction ou un test de Lancaster-Hess, examen indispensable ayant une valeur médicolégale au stade préopératoire. Le bilan d’imagerie comprend des radiographies standards de l’orbite dans les trois plans de l’espace, et un examen TDM dans les plans sagittal et coronal permettant la visualisation des solutions de continuité au niveau des parois osseuses, la reconstruction tridimensionnelle aidant à préciser le rapport contenant-contenu. Un examen électromyographique des muscles oculomoteurs peut préciser le bilan clinique et servir de base à une chirurgie musculaire. Sur le plan thérapeutique les atteintes neurogènes sont malheureusement peu accessibles à un traitement secondaire et relèvent des procédures à mettre en œuvre dès le stade de l’urgence. Les atteintes musculaires à type d’incarcération, fracture en « clapet » ou trap door fracture, ou les embrochages, doivent elles aussi bénéficier d’un traitement dans le cadre de l’urgence pour ne pas laisser se développer une fibrose musculaire toujours difficile à améliorer, même avec une rééducation adaptée. Mais ce sont essentiellement les atteintes de la périorbite et des parois osseuses qui bénéficient du traitement chirurgical [27]. Les incarcérations de la périorbite, qui sont toujours à redouter, nécessitent une libération large de celle-ci. Les atteintes osseuses sont traitées par des appositions d’os autologue ou de biomatériaux au niveau des différentes parois après réintégration du contenu orbitaire, des ostéotomies de reposition segmentaires ou totales de l’os zygomatique, dont on connaît les difficultés de spatialisation. Dans le plus grand nombre de cas, l’ancienneté des lésions est un facteur péjoratif à une récupération ad integrum et ceci malgré une restitution anatomique. Une orthoptie bien conduite et longtemps poursuivie est indispensable. Les séquelles résiduelles peuvent bénéficier de la prescription de verres à prismes adaptés. Ces gestes de réparation de l’orbite osseuse précèdent toujours une éventuelle chirurgie oculomotrice qui met en œuvre les techniques de la chirurgie strabologique. Elle est cependant difficile, imposant parfois des gestes itératifs et bilatéraux.
¶ Atteintes des annexes oculaires Une lésion des voies lacrymales par sténose partielle ou totale, par section, peut être responsable d’épiphora, de dacryocystite chronique ou de simple mucocèle. L’exploration clinique est réalisée par cathétérisme avec instillation de sérum physiologique complétée par une dacryocystographie qui permet la visualisation du niveau des lésions, préalable à un geste réparateur. Celui-ci consiste en la mise en place d’un tube de Jones par intubation transconjonctivale ou une dacryo-cysto-rhinostomie [56]. 12
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¶ Lésions des nerfs infraorbitaire, sus-orbitaire et supratrochléaire Elles sont le plus souvent la conséquence d’une lésion du plancher orbitaire, plus rarement d’un coup direct porté au niveau de la margelle infraorbitaire ou des manœuvres de réduction de l’os zygomatique. Leur évolution est imprévisible tant dans son intensité que dans son mode évolutif qui peut être dysesthésique, nécessitant une prise en charge adaptée [54]. Les tentatives chirurgicales de décompression ou de neurolyse secondaire sont en général peu concluantes. Un traitement symptomatique à visée antalgique au long cours peut alors être nécessaire. SÉQUELLES MORPHOLOGIQUES
Elles sont souvent associées aux atteintes fonctionnelles déjà exposées. Elles peuvent être en rapport avec un trouble de la statique du globe et sont le plus souvent associées à des atteintes de la cavité ou du cadre orbitaire. Une asymétrie de la pommette est fréquente, de même que des lésions palpébrales cicatricielles. La perte de globe représente une situation extrême qui impose des gestes palliatifs.
¶ Énophtalmies et exophtalmies Les énophtalmies, qui se définissent comme un déplacement en arrière du globe oculaire, sont plus fréquentes que les exophtalmies. Elles sont principalement liées à des solutions de continuité responsables d’une modification de forme et de volume des parois osseuses de la cavité orbitaire [49]. Cependant, une involution de la graisse intraorbitaire, en particulier dans sa topographie rétrobulbaire par hernie ou fibrose secondaire, peut modifier le rapport contenant-contenu selon un ratio difficile à apprécier au stade du bilan préopératoire [15, 22]. Ces troubles trophiques peuvent être aggravés par les interventions chirurgicales réalisées au stade initial. Enfin, le pincement et la rétraction de la périorbite et des muscles oculomoteurs peuvent fixer le globe en position rétruse et limiter les possibilités de la chirurgie réparatrice. Cliniquement, l’énophtalmie se manifeste par un creusement du sillon palpébral supérieur, un pseudoptôsis et une disparition des poches graisseuses au niveau des paupières supérieure et inférieure. Elle pose un problème cosmétique au-delà de 2 mm. La projection du globe peut être évaluée par l’exophtalmomètre de Hertel ou par des moulages de la région orbitopalpébrale. Le bilan TDM 2D et 3D permet le calcul comparatif des dimensions de la cavité orbitaire et des différents volumes osseux, graisseux, des parties molles et du globe [29]. Le traitement doit s’attacher à traiter le contenant et le contenu orbitaire [18]. Il fait appel à la réduction des déplacements osseux, à des greffes d’interposition lors de pertes de substance vraies, à des appositions osseuses autologues ou par biomatériaux, qui ne doivent jamais être excessifs selon Gola [50], mais en surcorrection pour d’autres auteurs, au niveau des différentes parois et en particulier au niveau du plancher et de la paroi médiale. Le positionnement de ces greffons est un élément fondamental puisque ceux-ci doivent se situer en position rétrobulbaire selon Pearl [32]. Ce geste princeps peut être associé aux manœuvres de désincarcération et de réintégration des éléments graisseux, musculaires, à des gestes de plastie selon Stricker [47] sur la périorbite, enfin à la restauration de la sangle tarsotendineuse par canthopexie interne transnasale ou externe transosseuse. L’injection intraconique de graisse autologue reste du domaine expérimental. Au total, de traitement difficile, l’énophtalmie est au mieux prévenue par une prise en charge chirurgicale initiale adaptée. Les exophtalmies d’origine osseuse peuvent bénéficier d’un agrandissement de la cavité orbitaire par une ostéotomie de reposition en varisation de l’os zygomatique qui permet, dans le même temps, de rétablir une projection satisfaisante de la pommette. Les résultats possibles sont difficiles à évaluer en peropératoire en raison des conséquences du traumatisme sur la graisse intraorbitaire.
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" A2
* A
Séquelles d’un traumatisme du tiers moyen et supérieur latéral droit de la face. Énucléation. A. Aspect préopératoire face (A), profil (A1), incidence verticale (A2) : syndrome mineur de l’énucléé et malposition de la pommette. B. Aspect peropératoire : ostéotomie de l’os zygomatique, reconstruction du plancher orbitaire par greffon calvarial, comblement par lambeau de fascia superficialis temporalis. C. Tomodensitométrie (TDM) : reconstruction 3D préopératoire. D. TDM ; reconstruction 3D postopératoire. E. Aspect postopératoire face (E), profil (E1), incidence verticale (E2).
" A1
* C
* D
* B
" E2
* E
" E1
¶ Éviscération et/ou énucléation Les éviscérations et/ou énucléations représentent un cas particulier en raison du retentissement psychosocial induit par la défiguration. On distingue ainsi des syndromes de l’énucléé mineur et majeur. Le syndrome mineur se traduit par une énophtalmie avec enfoncement prothétique, creux supratarsal et ptôsis. On retrouve parfois un entropion par atteinte du muscle droit inférieur, un ectropion par migration inférieure de l’implant et de la prothèse avec comblement du cul-de-sac conjonctival et un pseudoptôsis par défaut de réflexion du muscle releveur et du droit supérieur sur le volume orbitaire. Le syndrome majeur se traduit par une rétraction, voire une atrésie du sac conjonctival et une rétraction palpébrale sagittale et transversale par attraction vers l’apex orbitaire aboutissant à une incompétence prothétique. La réhabilitation d’une cavité orbitaire éviscérée ou énucléée doit redonner une harmonie biocinétique entre l’orbite pathologique et l’orbite saine par mise en place d’une prothèse fine,
si possible mobile, légère, adaptée au contenu orbitaire, respectant l’harmonie des fentes palpébrales, des dépressions sus- et souspalpébrales grâce aux courbes et aux volumes de sa face antérieure. Dans ce but, le traitement initial doit être conservateur, privilégiant l’éviscération à l’énucléation, mettant en place rapidement un implant le plus proche possible de la taille du globe (20 mL en moyenne). Au stade des séquelles, le traitement doit rechercher une adaptation contenu-contenant au niveau de la cavité orbitaire, du sac conjonctif par expansion, greffe ou lambeau d’interposition et un renforcement de la sangle orbitopalpébrale (fig 9).
¶ Dystopies du cadre orbitaire Les ectopies des fragments osseux appartenant au cadre orbitaire sont responsables de séquelles morphologiques qui peuvent nécessiter une restauration chirurgicale par ostéotomie, ostectomie ou apposition osseuse [44] . Le rebord infraorbitaire qui donne 13
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Correction d’une asymétrie de l’étage moyen de la face par implant madréporaire type Biocoralt. Aspects tomodensitométrique. A. Coupe horizontale. B. Reconstruction 3D.
* A insertion au septum inférieur et le rebord orbitaire supérieur doivent retrouver une intégrité anatomique susceptible d’assurer le fonctionnement des muscles releveurs et rétracteurs des paupières. Les dystopies canthales doivent faire l’objet d’un chapitre particulier en raison de leur incidence sur la fonction palpébrale. Dans le cadre des fractures naso-ethmoïdo-maxillaires, la dystopie canthale médiale peut être associée à un télécanthus et entraîner un pseudoptôsis mécanique par abaissement du canthus, plus souvent par déplacement de la zone d’insertion que par rupture ou arrachement du tendon palpébral médial avec rétrécissement de la fente palpébrale responsable d’un blépharophimosis. De même, les lésions de l’apophyse fronto-orbitaire sont responsables de la dystopie canthale latérale. Sur le plan thérapeutique, la restauration du cadre orbitaire au niveau fronto-orbitaire par ostéosynthèse et au niveau du canthus médial par une canthopexie transnasale doit redonner une statique palpébrale satisfaisante et précéder toute intervention sur les paupières et les muscles oculomoteurs.
¶ Lésions du rideau palpébral Le rideau palpébral doit bénéficier d’une réparation des plaies et des pertes de substance, surtout en cas d’atteinte de la paupière supérieure, et ceci dès le stade initial en raison du risque de kératite d’exposition. Mais l’évolution cicatricielle peut être responsable d’autres lésions que sont l’épicanthus, l’ectropion, l’entropion, la lagophtalmie qui peut aussi être en rapport avec une atteinte de la VIIe ou IIIe paire crânienne. Les cicatrices de type épicanthus par lésion traumatique ou voie d’abord canthale médiale peuvent bénéficier de plasties en « Z » ou en « trident ». Les brides cicatricielles palpébrales peuvent bénéficier de l’ensemble des procédés de réparation, plasties, greffes, lambeaux locaux ou régionaux hétéropalpébraux. Un ptôsis peut persister par atteinte directe du muscle releveur de la paupière par embrochage, incarcération ou par désinsertion, déhiscence ou élongation de son aponévrose. Il impose la mise en œuvre d’une thérapeutique spécifique. Enfin, le lymphœdème peut être secondaire au traumatisme par interruption du courant lymphatique ou lié à un abord chirurgical trop étendu latéralement.
¶ Effacement de la pommette Nous associons à ce chapitre les asymétries faciales dues aux fractures maxillozygomatiques, que celles-ci soient d’origine osseuse pure ou associées à des lésions fibreuses des parties molles en regard [46]. Leurs réparations font appel, en cas de lésions osseuses, aux mêmes techniques d’ostéotomie-reposition de l’os zygomatique. Peuvent y être associées des techniques de comblement par des lambeaux vascularisés provenant de la région temporale tels que le fascia superficialis temporalis ou d’apposition par de l’os autologue ou des biomatériaux (fig 10), voire par injection graisseuse selon la technique de lipostructure préconisée par Coleman [8]. 14
* B
Traumatismes craniofaciaux DÉFINITION ET CLASSIFICATION
Les traumatismes craniofaciaux sont générateurs de séquelles en rapport avec des lésions osseuses localisées à la base du crâne ou à la voûte frontale et/ou des lésions parenchymateuses. SÉQUELLES FONCTIONNELLES
¶ En rapport avec des lésions osseuses Lésions de la base du crâne Les séquelles des solutions de continuité atteignant la base du crâne sont dominées par les fistules ostéodurales diagnostiquées dès le stade initial ou passées inaperçues [30]. Elles représentent pour les patients une véritable épée de Damoclès en raison de la possible survenue d’une méningite bactérienne spontanée ou susceptible d’être réactivée en cas d’intervention au niveau de la région frontoorbitaire. Toute méningite à pneumocoque, en particulier si celle-ci est récidivante, doit faire soupçonner une brèche ostéodurale non documentée. Lésions frontales Les conséquences sinusiennes tardives des traumatismes du sinus frontal ne sont pas rares, 10 % de sinusites post-traumatiques récidivantes au cours de la première année [23]. Elles sont favorisées par l’importance des dégâts muqueux, l’obturation du canal nasofrontal ou l’ouverture à la peau d’une lésion de la paroi antérieure du sinus frontal (60 %). Leurs fréquences sont réduites par la réalisation d’un parage initial de qualité [ 3 3 ] . La symptomatologie évoque une sinusite infectieuse chronique posttraumatique responsable d’algies faciales. Elles peuvent être le point de départ de méningites. Un simple défaut de ventilation par sténose ou obturation chirurgicale des canaux nasofrontaux peut être à l’origine d’une mucocèle post-traumatique dont le développement se fait à travers des parois osseuses fragilisées par le traumatisme. En avant, elle se traduit par l’apparition progressive d’une masse rénitente dans la région fronto-orbitaire, en bas vers la cavité orbitaire par une exophtalmie ou en arrière vers les cavités intracrâniennes par un syndrome compressif. Dans ces cas, l’infection du kyste mucoïde peut évoluer vers un abcès orbitaire ou crânien. Le diagnostic et l’appréciation de l’extension sont du ressort de l’examen TDM et de l’IRM, tandis qu’un épisode aigu avec une lésion purulente peut être objectivé par une endoscopie nasale en direction du méat supérieur. Lésions ethmoïdales L’anosmie peut être la conséquence du cisaillement des filets olfactifs par effet cinétique lors du traumatisme ou par trait de fracture irradié. Il s’agit d’une séquelle extrêmement lourde de
Stomatologie
Séquelles des traumatismes de la face
conséquences, le plus souvent associée à une agueusie. Elle peut être de deux types : quantitative partielle ou totale, qualitative à type d’hallucinations olfactives, de parosmie ou plus récemment de cacosmie. Elle peut se compliquer de troubles généraux, en particulier de la vie sexuelle à type d’impuissance, d’aménorrhée et de troubles de l’humeur. Le diagnostic repose sur l’olfactométrie, précisé par l’anamnèse, des examens d’imagerie (TDM, résonance magnétique nucléaire) ou le compte rendu opératoire dans le cadre de l’exploration de l’étage antérieur extra- ou sous-durale bilatérale dont elle est souvent une des séquelles obligées. Elle est le plus souvent définitive. Lésions du rocher Elles peuvent générer des séquelles otologiques soit par une fracture du rocher atteignant l’oreille moyenne ou interne, soit par une onde de choc induite par le traumatisme sans fracture. L’ensemble des structures membraneuses, nerveuses cochléovestibulaires, le nerf facial et le système tympano-ossiculaire peuvent être atteints. Les séquelles otologiques altèrent l’audition et l’équilibre. L’atteinte des fonctions auditives peut être partielle ou totale, responsable d’hypoacousie ou de surdité isolée ou associée à des acouphènes, plus rarement des hyperacousies douloureuses. Il convient de distinguer à l’aide de l’examen clinique, otoscopique, acoumétrique, audiométrique des surdités de transmission, les plus fréquentes, par sténose du conduit auditif externe, lésions tympaniques ou atteinte de l’oreille moyenne, des surdités de perception, plus rares, par atteinte labyrinthique ou nerveuse (nerf cochléaire ou auditif) et des surdités de type mixte, rare en traumatologie. Les vertiges rotatoires et les troubles de l’équilibre sont fréquents puisque 80 % des patients ayant subi un traumatisme crânien ont, ou ont eu, des vertiges. Ils peuvent être isolés ou associés à des séquelles auditives et entrer dans le cadre d’un syndrome vestibulaire périphérique plus souvent que radiculaire ou central lorsqu’il s’agit de séquelles traumatiques. Ils sont la conséquence d’une atteinte labyrinthique au niveau des canaux semi-circulaires, du nerf vestibulaire ou du nerf auditif. Sur le plan clinique, ils se caractérisent par des vertiges intenses, rotatoires, accompagnés de nausées, voire de vomissements, d’un déséquilibre mis en évidence par l’épreuve de Romberg, la marche aveugle de Babinski-Weill, la déviation des index, l’existence d’un nystagmus spontané ou induit par le head shaking. Des examens complémentaires, épreuve calorique, électronystagmographie, le plus souvent associés à l’exploration de la fonction auditive, s’imposent pour confirmer le diagnostic et préciser la topographie des lésions. Le bilan TDM est réalisé dans un plan horizontal de manière millimétrique pour permettre des reconstructions tridimensionnelles. Ils permettent de distinguer les fractures labyrinthiques et extralabyrinthiques ou une ossification labyrinthique post-traumatique dans le bilan d’une cophose. Seule l’IRM permet de découvrir une fibrose post-traumatique et d’analyser des atteintes parenchymateuses. La paralysie faciale, dont la fréquence est évaluée entre 20 et 40 % des fractures du rocher, est une séquelle importante des traumatismes craniofaciaux [55] . Elle doit être dépistée le plus précocement possible et son évolution suivie par l’examen clinique, le testing musculaire de Freyss et l’électromyographie. Si une récupération spontanée est possible, elle peut également évoluer vers un hémispasme facial postparalysie. Le traitement fait appel, lorsque les effecteurs musculaires sont fonctionnels, à des procédés de chirurgie réparatrice (anastomose directe, transfaciale, V-VII, XII-VII, spinofaciale), lorsqu’ils sont absents à des procédés de chirurgie palliative. L’hémispasme facial peut bénéficier de l’emploi de toxine botulique. Les douleurs chroniques localisées à type d’otalgies ou diffuses et pulsatives, pouvant évoquer des accès migraineux, peuvent survenir par traumatismes du conduit, de la mastoïde, dans le cadre d’un dysfonctionnement de l’ATM ou d’une névralgie du nerf d’Arnold. À l’extrême, elles peuvent être à l’origine d’angoisse, de troubles du sommeil ou d’une dépression réactionnelle.
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Le cholestéatome post-traumatique par inclusion épidermique dans un trait de fracture est rare et se traduit par une otorrhée peu abondante et fétide.
¶ En rapport avec des lésions parenchymateuses Les troubles psychiques en rapport avec des lésions frontales surviennent en cas de traumatisme craniofacial violent entraînant des lésions suspectées ou avérées de type œdème ou contusion des régions encéphaliques frontales. Ces lésions génèrent des troubles multiformes moteurs, sensitifs, sensoriels, mais surtout psychiques avec désorientation temporospatiale, agitation, troubles du comportement pouvant aller jusqu’à la démence post-traumatique. Le suivi TDM de ces lésions peut mettre en évidence une atrophie corticale qui pose le problème de l’état antérieur et nécessite de confronter les résultats avec les habitus antérieurs au traumatisme. La thérapeutique fait appel aux différents procédés de la rééducation neurosensorielle encadrée de thérapeutiques anxiolytiques et neuroleptiques. Dans le cadre de l’épilepsie post-traumatique, l’imputabilité du traumatisme craniofacial est difficile à prouver, d’autant que la survenue des manifestations peut être tardive en cas de lésions frontales. Le diagnostic des crises localisées ou généralisées est essentiellement clinique, confirmé par un électroencéphalogramme. Le pronostic est modérément favorable, une guérison pouvant être obtenue dans 50 % des cas environ dans un délai de 4 à 5 ans. Le syndrome subjectif postcommotionnel des traumatismes crâniens est fréquent. Il est rencontré dans 50 à 60 % des traumatismes crâniens. Décrit par Pierre Marie, il s’atténue, voire disparaît habituellement dans un délai de 18 mois à 2 ans. Il est le plus souvent de diagnostic difficile car à différencier d’une sinistrose décrite par Brissaud ou d’une simulation et dont la description princeps remonte à la Première Guerre mondiale par Mairet et Pieron. Initialement, il s’agit d’un syndrome mineur associant une impression de déséquilibre accompagnée de signes végétatifs, d’acouphènes, de céphalées diffuses résistantes aux antalgiques usuels, d’une asthénie physique et psychique et d’une baisse de la libido. Les troubles mnésiques, de l’attention, du caractère et du sommeil complètent un tableau qui régresse habituellement en 1 à 2 mois dans plus d’un cas sur deux [42]. La persistance de la symptomatologie au-delà de cette date doit faire rechercher des facteurs aggravants [9] tels que l’importance de l’accident initial, l’âge, une atteinte vestibulaire, des douleurs chroniques, l’existence de crises épileptiques ou de problèmes psychiatriques. Mais le facteur psychosocial est essentiel, pouvant faire évoluer le patient vers une névrose constituée. D’autres syndromes ont été rapportés. Parmi ceux-ci, nous insistons sur les classiques hydrocéphalies post-traumatiques, séquelles d’hémorragies méningées avec ou sans hypertension intracrânienne et les syndromes parkinsoniens dont la cause traumatique est parfois évoquée. SÉQUELLES MORPHOLOGIQUES
¶ Au niveau du bandeau frontal Les déformations de l’os frontal sont particulièrement visibles dans cette région antérieure et exposée au regard, toute anomalie de la convexité « accrochant » la lumière et majorant ainsi l’importance des séquelles. Le mode d’implantation des cheveux est éventuellement un facteur aggravant. Le plus souvent il s’agit d’un enfoncement, plus rarement d’une saillie. Dans la région médiofaciale, elle correspond à une atteinte de la paroi antérieure du sinus frontal plus ou moins étendue au toit de l’orbite. Plus rarement, il s’agit de vastes pertes de substance osseuse, le plus souvent par ostéite d’un volet frontal neurochirurgical qui nécessite une réparation secondaire. Latéralement, les anomalies morphologiques entrent dans le cadre des dystopies segmentaires ou totales de l’orbite. Le bilan TDM précise les limites des solutions de continuité osseuse et les rapports avec les téguments de couverture et les éléments 15
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* A 11
Séquelle d’un traumatisme du bandeau frontal. A. Aspect préopératoire en incidence verticale. B. Tomodensitométrie : coupes horizontales. C. Aspect postopératoire après apposition osseuse d’origine calvariale.
* C
* B 12
Séquelle d’un traumatisme craniofacial grave. Perte du volet temporal. A. Aspect clinique préopératoire. B. Aspect clinique postopératoire à 1 mois C. Implant madréporaire Biocoralt sur mesure. D. Tomodensitométrie (TDM) de contrôle à 1 an ; coupe horizontale. E. TDM de contrôle à 1 an : reconstruction 3D.
* B
* A
* C dure-mériens sous-jacents. Tous les procédés de cranioplastie peuvent être proposés : ostectomie, apposition osseuse autologue d’os calvarial (fig 11) le plus souvent ou de biomatériaux rigide (Biocoralt) ou malléable (Bone Sourcet), ostéoclasie des traits de fracture et réduction en bonne position, voire reconstruction d’un segment osseux manquant par greffon autologue d’origine calvariale, iliaque, costale ou par biomatériaux de type métallique (titane) ou corail [5] . La stéréolithographie peut être une aide précieuse à la réalisation de modèles préfabriqués. Contrairement à la région temporale où un simple comblement peut être suffisant, la région frontale doit bénéficier d’une reconstruction rigide.
¶ Au niveau de la voûte Les voies d’abord cutanées craniofaciales de type CainrsUnterberger peuvent être à l’origine de séquelles cicatricielles chez le sujet chauve ou porteur de cheveux courts. Le respect des zones et du mode d’implantation doit permettre de les limiter. Les séquelles dysesthésiques peuvent parfois être invalidantes. 16
osseux
* D
* E
A contrario, la présence des cheveux peut masquer certaines irrégularités des reliefs. Les plus fréquentes de celles-ci sont représentées par les trous de trépan qui peuvent bénéficier d’un comblement secondaire. Plus rarement, il peut s’agir de la perte d’un volet temporal d’origine infectieuse. Enfin, il est important de rappeler que le prélèvement calvarial, même monocortical, utilisé dans le cadre de la chirurgie des séquelles est lui-même générateur de séquelles morphologiques, surtout s’il est étendu et peut être atténué par l’emploi de biomatériaux (fig 12).
Conséquences médicolégales Les séquelles post-traumatiques évoquées dans ce chapitre sont par définition peu susceptibles d’évolution. Elles peuvent donc faire l’objet d’une évaluation médicolégale visant à proposer un taux d’incapacité fonctionnelle permanente partielle (IPP) susceptible de bénéficier d’une indemnisation. Nous évoquerons les taux proposés
Stomatologie
Séquelles des traumatismes de la face
par le barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit commun [3]. Au-delà du préjudice fonctionnel réel mais parfois limité, il convient de prendre en compte les préjudices esthétiques et les souffrances endurées par ces patients [36] qui sont sur le devant de la scène. Ainsi, deux lésions de la face sur trois sont à l’origine d’un préjudice esthétique. SÉQUELLES MAXILLOMANDIBULAIRES
Nous entendons par là les atteintes de la fonction masticatoire. Les édentements post-traumatiques font l’objet d’une évaluation distincte : 0,5 % pour la perte de vitalité pulpaire d’une dent, 1 % pour la perte d’une incisive, 1,25 % pour une prémolaire et 1,5 % pour une canine et une molaire avec un maximum de 30 % en cas d’édentation totale inappareillable. Les troubles de l’articulé dentaire et de l’ouverture buccale sont évalués en fonction de leur retentissement sur la fonction masticatoire et sur les phénomènes algiques associés. La fourchette des taux se répartit de 2 à 35 % en cas de constriction permanente des mâchoires avec écart interdentaire inférieur à 10 mm. Beaucoup plus difficile à évaluer sur le plan de l’imputabilité, le SADAM posttraumatique mérite une analyse particulière. Les lésions directes de l’ATM ne posent que peu de problèmes, au contraire des lésions controlatérales et à distance, comme un trouble occlusal séquellaire. Le raisonnement médicolégal doit insister sur la relation physiopathologique entre les différents signes cliniques aboutissant à la notion d’unité de fonction [39]. De même, la fréquence des SADAM en rapport avec des malocclusions mineures ou majeures, des dysharmonies dentomaxillaires, des interférences occlusales parfois iatrogènes, pose le problème de l’état antérieur et ceci que les manifestations soient patentes ou latentes. Les pseudarthroses mandibulaires, les pertes de substance osseuse, les communications bucconasales et buccosinusiennes sont aussi évaluées en fonction de leur retentissement sur la mastication et la phonation. SÉQUELLES DES TRAUMATISMES DE LA RÉGION ETHMOÏDONASALE
Les troubles de la respiration nasale ne justifient que des taux faibles de 0 à 5 % tandis que la gêne esthétique le plus souvent associée n’entraîne pas d’incapacité permanente. Les hyposmies ou anosmies de diagnostic parfois difficile, dont le retentissement psychologique voire psychiatrique n’est pas négligeable, ne correspondent qu’à des taux variant de 2 à 5 %. Le préjudice esthétique dans ce domaine est souvent le plus important et doit tenir compte des possibilités de réparation secondaire. SÉQUELLES DES TRAUMATISMES DE LA RÉGION ORBITOMALAIRE
Lorsqu’il a pour conséquence une altération de la fonction visuelle, le taux d’incapacité est fixé par l’ophtalmologiste [35]. Pour mémoire, nous rappellons que la perte de la vision d’un œil correspond à un taux de 25 % mais qu’en cas d’énucléation ou d’atteintes cosmétiques associées le préjudice esthétique doit être évalué. Une diplopie peut correspondre à un taux de 3 à 20 % selon la localisation du champ visuel altéré. Une atteinte des annexes de l’œil à type de lagophtalmie, larmoiement, ectropion ou entropion peut correspondre à un taux de 0 à 5 % selon la gêne fonctionnelle provoquée, auquel il faut ajouter l’évaluation du préjudice esthétique. En revanche, les fractures de l’os zygomatique sans retentissement sur les fonctions visuelles ou masticatoires ne correspondent à aucun taux d’invalidité.
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SÉQUELLES DES TRAUMATISMES CRANIOFACIAUX
Il faut distinguer sur le plan fonctionnel les séquelles otologiques et les séquelles neurologiques. Dans les deux cas, l’évaluation des séquelles sensorielles est difficile à apprécier et le recours à des sapiteurs (ORL, neurologue, psychiatre) apparaît comme indispensable.
¶ Séquelles otologiques Surdité Une cophose unilatérale est estimée à 15 % et une cophose bilatérale à 60 %. La possibilité d’un appareillage est évaluée en réduction de ce taux. Acouphènes La persistance d’acouphènes entraîne une IPP supplémentaire de 2 à 5 % en fonction de leur intensité. Vertiges L’existence de vertiges fait bénéficier le patient d’une IPP de 5 à 25 % selon l’intensité des troubles objectivés par l’examen vestibulaire clinique ou instrumental.
¶ Séquelles neuropsychiatriques Syndrome postcommotionnel Pour un syndrome mineur persistant au-delà de 1 an, l’IPP est toujours inférieure à 5 % tandis qu’un syndrome modéré est évalué entre 5 et 10 %. Pour les atteintes sévères, l’association à d’autres syndromes neurologiques ou psychiatriques doit être prise en compte et bénéficier du taux d’indemnisation appliqué à chacun d’eux, ce qui peut aboutir, pour des formes majeures, à des IPP de 60 %. Épilepsie post-traumatique Elle se révèle habituellement dans les 3 ans qui suivent le traumatisme, sous la forme de crises localisées ou généralisées, le taux d’indemnisation variant alors selon le retentissement fonctionnel et/ou social de 5 à 50 %. Paralysie faciale Le taux d’incapacité lié à une paralysie faciale varie de 5 à 20 % selon l’importance de l’atteinte (partielle ou totale), en faisant la part de l’atteinte fonctionnelle et de l’atteinte esthétique.
Conclusion L’objectif d’un traitement initial bien conduit est la restauration des fonctions au même titre qu’une anatomie normale si possible selon la règle des quatre T, « tout, tôt, totalement et en un temps », chère à l’école du Val-de-Grâce en sachant que certaines séquelles sont inévitables [13] . Les séquelles se présentant sous la forme de troubles neurologiques résiduels durables ne peuvent pas être améliorées et sont directement liées au traumatisme. Il en est ainsi de la cécité, de l’anosmie traumatique, des dévitalisations dentaires, etc. Cependant, un grand nombre d’autres sont susceptibles d’être prévenues ou réduites par une prise en charge adaptée. A contrario, d’autres facteurs classiques favorisent l’apparition de ces séquelles : nous citerons ainsi les retards à la prise en charge initiale, la méconnaissance des lésions ou la sous-estimation de leur gravité, l’insuffisance d’un traitement privilégiant le galbe par rapport à l’occlusion ou l’inverse. Enfin, la complexité de la région faciale, siège de nombreux organes sensoriels, impose une prise en charge multidisciplinaire pas toujours disponible dans le cadre de l’urgence.
Références ➤
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Stomatologie
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Traitement des fractures de la mandibule F. Denhez, O. Giraud Le traitement des fractures de la mandibule bénéficie des progrès de l’imagerie médicale dont les données, associées à l’examen clinique initial, permettent d’affiner le diagnostic lésionnel. L’avènement des matériels d’ostéosynthèse, au premier rang desquels se placent les plaques métalliques miniaturisées, privilégie dans de nombreux cas les procédés chirurgicaux. Une fois les urgences vitales contrôlées, le traitement des fractures de la mandibule concerne en premier lieu les lésions osseuses. Selon les cas, les dents et le parodonte, les téguments cutanés et muqueux sont également intéressés par les procédés de correction ou de restauration. Sont associés à cette prise en charge thérapeutique réparatrice le traitement médical proprement dit, les mesures d’hygiène buccodentaire et diététiques ainsi que la rééducation. Enfin, ce type de fracture est susceptible d’entraîner des séquelles diverses nécessitant un traitement adapté à chacune d’entre elles. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Fracture de la mandibule ; Osthéosynthèse de la mandibule ; Orthopédie de la mandibule
Plan ¶ Urgences vitales Troubles respiratoires Troubles circulatoires
1 1 2
¶ Traitement des lésions osseuses Buts du traitement Principes du traitement Moyens de traitement Indications
2 2 2 2 4
¶ Traitement dentaire
7
¶ Traitement médical
7
¶ Diététique et hygiène buccodentaire
7
¶ Rééducation
8
¶ Traitement des séquelles
8
■ Urgences vitales Elles sont représentées par les troubles respiratoires et circulatoires schématisés chez les auteurs anglo-saxons par le sigle A B C (A = airway ; B = breathing ; C = circulation).
Troubles respiratoires Ils peuvent être gravissimes en mettant en jeu de façon quasiimmédiate le pronostic vital par obstruction de la filière aérienne supérieure. Plusieurs mécanismes peuvent en être la cause : • obstruction de la cavité buccale et de l’oropharynx par des débris telluriques, des caillots sanguins, des fragments dentaires ou prothétiques ou tout autre corps étranger ; • rupture des attaches antérieures de la langue avec glossoptose, en particulier par fracture des apophyses geni situées dans la concavité de l’arc mandibulaire et sur lesquelles s’insèrent plusieurs muscles linguaux. Stomatologie
• recul de la partie antérieure de la mandibule par action des muscles abaisseurs à la suite d’une fracture bilatérale de la région symphysaire ; • hématome ou œdème expansif de la langue ou du plancher buccal dans le cadre des associations lésionnelles locales ; • associations lésionnelles régionales : C atteinte centrale ou neurologique par lésion des centres respiratoires bulbaires, déficit du contrôle respiratoire cortical ; C atteinte périphérique : lésion laryngée (écrasement, fracas), lésion thoracopulmonaire de la paroi thoracique avec volet costal et incompétence respiratoire douloureuse, lésion thoracopulmonaire du parenchyme pleuropulmonaire avec épanchement compressif (pneumothorax, hémothorax ou association des deux), l’importance de ces phénomènes pouvant amener à la suffocation. L’obstruction des voies aériennes supérieures constitue une urgence absolue pouvant induire un syndrome de détresse respiratoire aiguë et devant être traitée immédiatement, même par des gestes de secourisme en attendant l’arrivée des moyens médicalisés. Il faut ainsi retirer au doigt tous les débris qui peuvent gêner le passage de l’air et placer la victime en position latérale de sécurité en veillant à maintenir l’axe cervical en cas de suspicion d’atteinte rachidienne (douleur spontanée ou provoquée, déformation au niveau du rachis cervical). Le personnel des services médicaux d’urgence (SMUR, pompiers) complétera l’exploration des voies aériennes supérieures à l’aide d’une aspiration. Il procédera ensuite à une intubation permettant une ventilation mécanique ou réalisera, en cas d’impossibilité (fracas du larynx, fracture du rachis cervical), une trachéotomie dite « à la volée » qui constitue alors un geste de sauvetage. Une fois le patient arrivé à l’hôpital, les voies respiratoires sont à nouveau contrôlées et l’intubation peut être remplacée par une trachéotomie réglée si la ventilation mécanique doit être prolongée.
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22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule
Troubles circulatoires
Traitement orthopédique
Ils peuvent être liés à un saignement en jet d’origine artérielle comme peut en provoquer par exemple une plaie de l’artère linguale ou de l’artère ranine. On peut également observer des hémorragies en nappe mettant en jeu le système veineux. Les pertes sanguines entraînent des troubles de l’hématocrite qui, outre un syndrome anémique avec chute de l’hémoglobinémie, peuvent être à l’origine d’un choc hypovolémique et de perturbations cardiaques allant des troubles du rythme jusqu’à l’arrêt permanent. Le traitement consiste en un remplissage par solutés macromoléculaires administrés par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs voies veineuses centrales ou périphériques. Le contrôle des saignements doit y être également associé, le plus vite possible. Sur les lieux de l’accident, on sera parfois amené à réaliser des sutures vasculaires, poser des pinces hémostatiques ou effectuer un tamponnement ou des compressions de façon à mettre le patient en condition d’évacuation. À l’hôpital, un bilan clinique et biologique sera pratiqué et un geste d’hémostase complémentaire pourra s’avérer nécessaire.
Il fait appel à une solidarisation des dents qui sont utilisées comme de véritables fiches d’un fixateur endobuccal. Selon l’importance des lésions fracturaires, on a recours à une contention monomandibulaire n’intéressant que l’arcade dentaire inférieure ou bien à un blocage bimaxillaire associant les deux arcades.
■ Traitement des lésions osseuses Les modalités du traitement des lésions osseuses varient selon leurs types et leur localisation. On distingue le traitement fonctionnel, le traitement orthopédique et le traitement chirurgical. Pour certains, ce dernier serait à l’origine d’un taux de complications plus important que le traitement orthopédique pour les mêmes lésions initiales, en particulier pour les fractures de l’angle. [1]
Contention monomaxillaire Elle utilise des gouttières, des arcs métalliques modelables maintenus par des ligatures péridentaires au fil d’acier, des arcs collés sur des brackets ou renforcés par une attelle en résine. La mobilité mandibulaire est maintenue mais une alimentation adaptée analogue à celle du traitement fonctionnel est nécessaire. Blocage bimaxillaire Il relie classiquement les deux arcades dentaires au moyen d’arcs métalliques modelables maintenus par des ligatures péridentaires et associés entre eux par des fils métalliques ou des élastiques. Pour des blocages de durée réduite, on peut également solidariser des ligatures péridentaires de type Ivy au niveau du groupe prémolaire ou des vis intraosseuses au niveau de la corticale externe à travers la muqueuse vestibulaire. La mise en bon articulé au préalable permet la réduction des déplacements, la contention étant assurée par le blocage intermaxillaire qui immobilise la mandibule.
Traitement chirurgical Il existe plusieurs méthodes selon les techniques d’abord des lésions et le type de matériel utilisé. L’abord n’est pas toujours direct en raison de l’accessibilité difficile voire impossible de certaines fractures.
Buts du traitement
Méthodes intrafocales
Le but essentiel du traitement est de rétablir les fonctions liées aux différents mouvements de la mandibule (ouverture et fermeture buccale, propulsion, rétropulsion et diduction) permettant la mastication. En cas de déplacement ou de perte osseuse, l’objectif du traitement est également de restaurer l’intégrité anatomique en particulier dans la portion dentée de la mandibule ce qui a, par conséquent, une incidence fonctionnelle mais aussi esthétique par rétablissement de l’articulé dentaire et de la continuité osseuse.
Elles consistent en un abord du foyer de fracture « à ciel ouvert », le plus souvent par voie muqueuse endobuccale vestibulaire inférieure, parfois par voie externe cutanée. Cet abord permet de contrôler de visu la qualité de la réduction des déplacements et de réaliser une synthèse des segments fracturés permettant leur contention. Cette ostéosynthèse peut être réalisée par du fil d’acier, des vis monocorticales ou bicorticales et des plaques métalliques vissées. Des antibiotiques sont généralement associés en raison de la mise en place de matériel étranger sur le site fracturaire, considéré comme ouvert lorsque les lésions intéressent la portion dentée. Voies d’abord. Les voies chirurgicales classiques sont vestibulaires inférieures et doivent être réalisées à distance de la gencive attachée afin de pouvoir assurer une suture sans tension. Au niveau de la région parasymphysaire et de la branche horizontale, l’émergence du nerf mentonnier en regard de la zone prémolaire doit être repérée et ménagée par une dissection prudente et un écartement non traumatique des berges de la plaie opératoire. Les voies cutanées sont parfois nécessaires lorsque l’abord endobuccal ne permet pas un accès suffisant au foyer de fracture, notamment au niveau condylien ou angulaire. Le rameau mentonnier et la branche temporofaciale du nerf facial constituent des dangers tandis que l’abord cutané en général représente un inconvénient sur le plan esthétique en laissant une rançon cicatricielle qu’il faudra limiter au maximum. Enfin, les plaies cutanées ou muqueuses peuvent également être utilisées en tant que voie d’abord et être au besoin agrandies. Elles ne doivent cependant pas être trop délabrées ou souillées ; la nécrose d’un lambeau muqueux par ischémie pourrait survenir entraînant la découverte du matériel d’ostéosynthèse sous-jacent avec un risque septique nécessitant son retrait. Techniques. Ostéosynthèse au fil d’acier. Cette technique, ancienne et économique, n’est plus guère d’actualité dans le traitement des fractures classiques qui faisait appel à des ligatures bicorticales, ou unicorticales, simples, en U ou en X. Ces dernières évitaient l’effet de cisaillement (Fig. 1). Ces ligatures peuvent toutefois servir pour la stabilisation de petits fragments avant la mise en place de miniplaques ; un
Principes du traitement Outre les urgences vitales, les principes du traitement sont constitués par la réduction du déplacement des éléments osseux fracturés et par la contention de ces derniers. En ce qui concerne les fractures occlusales, on fait appel au respect de l’occlusion antérieure ce qui, dans la pratique, n’est pas toujours facile à évaluer, en particulier en cas de pertes ou de fractures dentaires associées ou d’atteintes prothétiques. La réduction est basée sur le respect des rapports interdentaires. Elle peut être réalisée de façon manuelle, par traction élastique au niveau des arcades dentaires, ou par voie chirurgicale. La contention fait appel aux ligatures simples jusqu’au blocage intermaxillaire ou bien à des procédés chirurgicaux d’ostéosynthèse par fil métallique, vis ou plaques vissées.
Moyens de traitement Traitement fonctionnel Il consiste en la prise d’une alimentation d’abord liquide puis semi liquide ce qui permet de solliciter les pièces osseuses de façon modérée lors des mouvements mandibulaires en diminuant l’action des forces masticatoires. Cette mise au repos mandibulaire, associée à une mise en charge progressive par épaississement croissant des aliments, favorisent ainsi la consolidation. Un contrôle clinique et radiologique régulier et fréquent est indispensable.
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Stomatologie
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Figure 1.
Ligature au fil métallique (en X).
forage préalable est nécessaire et il faut veiller à limiter un dépériostage excessif, surtout en cas de fragments multiples ce qui pourrait compromettre leur vitalité. Le matériel peut être laissé en place ou retiré ultérieurement sous anesthésie locale le plus souvent. Ostéosynthèse par vis. Les vis sont placées dans la corticale externe ou les deux corticales, externe et interne, selon le type de fracture et les rapports avec le canal dentaire. Elles ont un effet de compression qui rapproche les fragments osseux fracturés. Elles peuvent être utilisées de façon isolée lorsque la topographie et l’orientation des fractures empêchent la mise en place de plaques (fracture en biseau). Il existe cependant un risque de déplacement supplémentaire du foyer de fracture lors du vissage. Ostéosynthèse par plaques. Il existe différents types de plaques fixées dans l’os au moyen de vis et l’on distingue les maxiplaques et les miniplaques. À côté de ce matériel métallique sont apparues récemment des plaques résorbables ; elles ne sont pas encore d’utilisation courante, surtout à la mandibule, et font l’objet d’études. [2] Le délai de résorption couvre la période de consolidation et elles ne semblent pas induire de toxicité ou de phénomènes inflammatoires. [3] Au niveau de la mandibule, ce sont les miniplaques qui sont le plus employées. L’avènement de ces plaques permet a priori de lever le blocage intermaxillaire dès que l’ostéosynthèse est réalisée ce qui permet de conserver la liberté de mouvements de la mandibule. Le blocage reste cependant un préalable indispensable pour permettre la réduction des déplacements en restaurant l’articulé dentaire. L’ablation des plaques est conseillée, sans être obligatoire, après la consolidation. Dans certains cas, elle peut être réalisée sous anesthésie locale. • Maxiplaques : elles ont été les premières à être utilisées pour les ostéosynthèses, d’abord par voie exobuccale puis par voie endobuccale. Rigides, elles sont réservées actuellement aux pertes de substance étendues ou aux fractures comminutives où elles sont placées en pont en étant fixées par des vis le plus souvent monocorticales. Elles permettent de conserver la forme générale de la mandibule avant la mise en place éventuelle d’un greffon osseux (Fig. 2). • Miniplaques : il s’agit de plaques miniaturisées qui chevauchent le foyer de fracture et sont maintenues en place par des vis monocorticales après avoir été modelées à la forme de l’os. Ces plaques et ces vis sont généralement en titane et sont bien tolérées. Des études ont montré la persistance de particules de titane dans les tissus adjacents sans que leur caractère nocif soit démontré. [4] Les miniplaques sont placées de façon à respecter les lignes de Champy décrites en fonction des contraintes exercées sur les foyers de fracture du corps de la mandibule (Fig. 3). Il en existe de diverses formes, le plus souvent droites avec un nombre variable de trous. Des plaques tridimensionnelles (3D), rectangulaires ou carrées, sont également disponibles.
Figure 2.
Maxiplaque métallique et greffon osseux.
Figure 3.
Miniplaques métalliques.
• le cerclage simple ; • le cerclage sur gouttière ou sur prothèse. Là encore, ces méthodes ne sont plus guère d’actualité depuis l’utilisation courante des plaques d’ostéosynthèse. Méthodes transfocales Il s’agit d’un embrochage à travers le foyer de fracture à l’aide de broches de type Kirschner placées horizontalement (Fig. 4) ou en croix (Fig. 5) au niveau du corpus. Les fractures comminutives de la région symphysaire peuvent bénéficier de ce traitement nécessitant un abord percutané. Méthodes parafocales Elles sont assurées par l’utilisation d’un fixateur externe (Fig. 6) ou de broches de type Kirschner reliées entre elles par un pont en résine (Fig. 7). Ce matériel est donc mis en place à distance du foyer de fracture. Ces techniques sont employées préférentiellement en cas de fracture comminutive ou de perte de substance au niveau du corpus, en particulier dans les délabrements liés aux armes à feu.
Méthodes périfocales
Autres méthodes chirurgicales
On distingue : • les ligatures périosseuses ;
L’avènement et les progrès de la chirurgie réparatrice permettent l’utilisation au niveau de la mandibule non seulement de
Stomatologie
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Figure 4.
Méthodes transfocales : broches de Kirschner horizontales. Figure 6.
Méthodes parafocales : fixateur externe.
Figure 5. Méthodes transfocales : broches de Kirschner en croix.
greffons osseux mais aussi de lambeaux composites qui peuvent être prélevés à distance et revascularisés sur le site receveur. Les greffons osseux ou ostéochondraux peuvent être iliaques, costaux ou péroniers pour la plupart. Les lambeaux composites comportent une composante osseuse associée selon les cas à des tissus cutanés, aponévrotiques, musculaires. La connaissance de leur microvascularisation permet l’utilisation de ces lambeaux composites qui sont ensuite branchés sur les vaisseaux artériels et veineux dépendant du système facial. Les greffons osseux sont ostéosynthésés sur le site receveur au moyen de miniplaques. Le type en est le lambeau de péroné (ou fibulaire) [5, 6] dont la composante osseuse présente des analogies anatomiques avec l’arcade mandibulaire.
Traitements mixtes L’association de plusieurs types de traitement peut être réalisée dans les fractures de la mandibule selon leurs types : • suture au fil d’acier et blocage intermaxillaire ; • ostéosynthèse par miniplaque et blocage intermaxillaire ; • cerclage d’une prothèse dentaire ; • suture au fil d’acier et contention monomaxillaire ; • blocage intermaxillaire et fixateur externe.
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Figure 7. Méthodes parafocales : broches de Kirschner reliées par un pont en résine.
Indications
(Fig. 8)
Traitement fonctionnel Il est utilisé en l’absence de déplacement ou de déplacement minime avec une orientation du trait de fracture favorable par rapport à l’action des forces musculaires. Il peut aussi être proposé chez l’enfant en cas de fracture en bois vert ou chez l’adulte où une fracture peu déplacée sans troubles de l’occlusion est découverte tardivement. Il suppose l’entière coopération éclairée du patient et reste la base du traitement des fractures condyliennes en complément des thérapeutiques orthopédiques ou chirurgicales. [7]
Traitement orthopédique Il est utilisé seul d’emblée ou en cas de contre-indication au traitement chirurgical ou bien comme temps préalable à celui-ci. Stomatologie
Traitement des fractures de la mandibule ¶ 22-070-A13
Pertes de substances étendues
Portion non dentée
Fixateur externe mainteneurs d'espace puis greffes plus ou moins lambeaux composites
Fracture non déplacée : - surveillance - mobilisation prudente
Ramus : - abstention ou BIM
Fracture sous-condylienne basse : - BIM 8 à 15 jours ou - ostéosynthèse ou vissage axial
Coroné : BIM courte durée
Figure 8.
Fracture déplacée : BIM et/ou ostéosynthèse
Fracture capitale : - mobilisation précoce plus ou moins blocage court
Association portion dentée et non dentée
BIM plus ostéosynthèse
Arbre décisionnel. Thérapeutique. BIM : blocage intermaxillaire.
Traitement chirurgical C’est le traitement le plus utilisé actuellement en raison de son confort autorisant une reprise rapide de l’alimentation par le patient ainsi que ses activités professionnelles.
Applications Fractures partielles : fractures du rebord alvéolaire (fractures alvéolodentaires) Après réduction des déplacements dentaires éventuels, une contention est réalisée par des ligatures dont il existe plusieurs types (en berceau, en échelle, etc.) ou une attelle en résine autopolymérisable qui peut être renforcée par un fil métallique ou encore par un blocage intermaxillaire plus stable. Fractures complètes Fractures non déplacées. Au niveau de la symphyse, de la branche horizontale et de l’angle, le traitement fonctionnel suffit en règle générale. Il peut être remplacé au début par un blocage simple avec des ligatures d’Ivy ou par une contention monomaxillaire par arc métallique et ligatures péridentaires. Au niveau de la branche montante et du coroné, une surveillance clinique et radiologique simple est souvent indiquée. Stomatologie
Condyle
Fracture sous-condylienne haute : - BIM inférieur à 8 jours ou - ostéosynthèse ou vissage axial
Portion non dentée
Fracture non déplacée : traitement fonctionnel plus ou moins blocage simple (Ivy) ou contention monomaxillaire
Fracture déplacée
Au niveau de la région condylienne, l’abstention thérapeutique est associée à une mobilisation prudente avec contrôles réguliers de l’ouverture buccale. Fractures déplacées, unilatérales. Fractures de la portion dentée (corpus). • Fractures de la symphyse et de la région parasymphysaire : le traitement est orthopédique par blocage intermaxillaire ou chirurgical par ostéosynthèse par plaques miniaturisées vissées ou bien il associe les deux méthodes. L’importance des contraintes exercées sur le foyer de fracture nécessite à ce niveau la mise en place de deux plaques superposées pour une meilleure stabilité. En cas de difficultés de mise en place, une contention monomaxillaire peut remplacer la plaque supérieure dans la région apicale. • Fracture de la branche horizontale : le traitement se fait par blocage intermaxillaire ou par ostéosynthèse au fil d’acier ou par une seule miniplaque, en arrière du trou mentonnier, ou par association des deux procédés. • Fractures de la région angulaire : le traitement consiste en une ostéosynthèse par plaque miniaturisée vissée mise en place : C au niveau de la ligne oblique externe après un abord endobuccal au fond du vestibule ; C si le trait de fracture est très postérieur ou si la réduction est
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22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule
instable, à la face latérale de la région pour éviter un écartement du foyer. L’abord est alors percutané faisant appel à une instrumentation particulière transjugale. Un abord transcutané sous-angulaire est parfois nécessaire lorsque la fracture reste instable, certains utilisant alors une maxiplaque. En cas de contre-indication au traitement chirurgical, un blocage intermaxillaire est nécessaire. Fractures de la portion non dentée. • Fractures de la branche montante (ramus) : l’action des masses musculaires massétérine et ptérygoïdienne aboutit à une autocontention qui autorise souvent une abstention thérapeutique. En cas de déplacement persistant, le traitement chirurgical est délicat quelle que soit la méthode car le foyer de fracture est difficile à aborder. Le traitement est en règle orthopédique par blocage intermaxillaire. • Fractures de la région condylienne : les partisans du traitement chirurgical s’affrontent avec ceux du traitement fonctionnel [8] qui ne permet pas une réduction anatomique parfaite mais préserve la fonction avec un remodelage du condyle, en particulier dans les fractures hautes. Le choix du traitement dépend de l’expérience de chacun mais aussi du niveau de fracture et de l’importance et de la direction du déplacement du segment fracturé. [9] C Fractures sous-condyliennes basses : un blocage intermaxillaire de 8 à 15 jours est réalisé avec des tractions élastiques sur cale molaire pour réduire progressivement le déplacement. Il est suivi d’une mobilisation précoce de la mandibule en ouverture-fermeture et en propulsion. Le traitement chirurgical fait appel à un abord rétromandibulaire ou prétragien avec mise en place d’une miniplaque d’ostéosynthèse. Une autre technique consiste en un abord indirect sous-angulomandibulaire, un forage de la branche montante, une réduction du déplacement et une contention par vissage en compression selon la méthode d’Eckelt. [10] Cette technique, aux difficultés propres, nécessite une expérience certaine des opérateurs. [11, 12] C Fractures sous-condyliennes hautes : pour certains un blocage intermaxillaire de courte durée, n’excédant pas 8 jours, est effectué de la même façon que précédemment. Pour d’autres, le blocage est contre-indiqué en raison des risques d’ankylose précoce. Une intervention chirurgicale peut être réalisée : elle comporte un abord direct prétragien, une réduction sanglante et une contention par ostéosynthèse par miniplaque vissée. Une autre technique consiste en un abord indirect sous-angulomandibulaire, un forage de la branche montante, une réduction du déplacement et une contention au moyen d’une vis d’Eckelt. Dans tous les cas, une rééducation précoce des mouvements mandibulaires doit être effectuée pour éviter ou diminuer leur limitation. C Fractures capitales : certains préconisent une mobilisation précoce avec ou sans blocage de courte durée par élastiques sur cale molaire. D’autres auteurs sont partisans d’une intervention chirurgicale avec abord direct du condyle, résection de la tête et remplacement de celle-ci par un greffon osseux ou ostéochondral ou par une prothèse. Là encore, la rééducation précoce est de règle. • Fractures de l’apophyse coronoïde : le traitement chirurgical est rarement indiqué et un blocage de courte durée peut être utilisé à titre antalgique. La rééducation doit permettre de juguler une limitation de l’ouverture buccale par atteinte du muscle temporal (hématome, rétraction). Fractures déplacées, bilatérales. Fractures symétriques. • Fracture parasymphysaire bilatérale : le traitement est de préférence chirurgical avec ostéosynthèse par plaques miniaturisées vissées en raison du risque d’instabilité du segment osseux intermédiaire. On peut également réaliser un blocage intermaxillaire ou associer les deux procédés. Quelle que soit la technique utilisée, la réduction du déplacement constitue une urgence en raison du risque asphyxique lié à la glossoptose.
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• Fracture de l’angle bilatérale : il s’agit d’une fracture particulièrement instable. Traitement orthopédique par blocage intermaxillaire ou ostéosynthèse par deux miniplaques sont possibles. • Fracture condylienne bilatérale : le traitement primaire est orthopédique (blocage sur cale postérieure) ou chirurgical par ostéosynthèse par miniplaque. Il doit être rapidement complété par un traitement fonctionnel passif puis actif particulièrement important ici pour éviter une béance antérieure et les répercussions néfastes de ce type de fracture sur la cinétique articulaire. Fractures asymétriques. On peut citer les lésions suivantes : • fracture de la région symphysaire et fracture de la branche horizontale controlatérale ; • fracture de la région symphysaire ou de la branche horizontale et fracture de l’angle controlatéral ; • fracture de la région symphysaire ou de la branche horizontale et fracture condylienne controlatérale. Ces associations nécessitent le plus souvent l’ostéosynthèse d’au moins l’un des foyers de fracture avec un blocage intermaxillaire prolongé en raison de leur instabilité habituelle. Fractures plurifocales. Le type en est l’association d’une fracture de la région symphysaire ou de la branche horizontale avec une fracture condylienne bilatérale : le traitement est orthopédique et chirurgical. Une ostéosynthèse de la région symphysaire par plaques miniaturisées vissées est effectuée après mise en bon articulé et blocage intermaxillaire. Elle permet la levée précoce de ce blocage intermaxillaire réalisé sur cales molaires et élastiques pour aider à réduire les déplacements condyliens et la mise en route rapide de la rééducation. Fracas et fractures comminutives. Le nombre et la taille souvent réduite des fragments osseux rendent une ostéosynthèse traumatisante avec un risque pour la vitalité des éléments fracturés. Le traitement orthopédique est, quant à lui, peu compatible avec le manque de stabilité osseuse et l’atteinte fréquente des dents. On peut alors avoir recours à un fixateur externe qui permet, après réduction, de réaliser une contention à distance. Fractures ouvertes, pertes de substance étendues. Les lésions osseuses, mais aussi cutanées, muqueuses et musculaires, sont particulièrement étendues et peuvent être associées à l’atteinte d’éléments nobles vasculaires, neurologiques et salivaires. La mise en œuvre rapide d’une thérapeutique de sauvetage des fonctions respiratoire et circulatoire est souvent la règle. Elle est suivie par un bilan des lésions puis par leur traitement. Deux modalités sont proposées ; elles dépendent des habitudes du chirurgien, des dégâts et du terrain sur lequel ils se sont produits : • maintenir les pièces osseuses restantes en position anatomique au moyen d’un dispositif extrafocal représenté par un fixateur externe ou des broches de Kirschner (Fig. 9). Consacrer les pertes de substance tégumentaires en suturant les plaies cutanées et muqueuses entre elles. Réaliser rapidement la réparation de l’ensemble des pertes de substance en apportant du tissu prélevé dans la région ou à distance et revascularisé in situ sur les vaisseaux faciaux. Le greffon osseux, conformé à la perte de substance, est le plus souvent ostéosynthésé ; • effectuer la réparation de l’ensemble des pertes de substance de façon immédiate selon les mêmes modalités de prélèvement et de mise en place. La qualité des tissus prélevés et la richesse vasculaire de la face autorisent de plus en plus ce type de traitement. Dans les deux cas, des « retouches » chirurgicales multiples sont nécessaires pour affiner l’épaisseur des tissus apportés et améliorer le résultat final, esthétique et fonctionnel. Fractures régionales associées. L’association de fractures du massif facial voire du crâne complique d’autant le traitement qu’elles résultent pour la plupart d’un traumatisme très violent entraînant des lésions multiples ; on peut se retrouver face à un véritable puzzle osseux. La stratégie thérapeutique commande alors de traiter d’abord la mandibule par des moyens chirurgicaux, si possible par ostéosynthèse, sinon par fixation externe. L’arcade mandibulaire va ainsi constituer un point de repère fixe permettant de stabiliser le massif facial par blocage intermaxillaire. Une fois Stomatologie
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Les dents incluses non lésées (canine, dent de sagesse), situées dans le foyer de fracture, peuvent en règle générale être laissées en place si la réduction peut se faire librement. La contention est alors souvent réalisée par blocage bimaxillaire mais l’ostéosynthèse par miniplaques reste cependant possible. [13] La conduite à tenir vis-à-vis des dents fracturées varie selon la topographie des lésions osseuses et le niveau d’atteinte de la dent.
■ Traitement médical
Figure 9. Perte de substance interruptrice : dispositif extrafocal de maintien des pièces osseuses.
cette stabilisation acquise, le traitement des étages supérieurs de la face et du crâne pourra être entrepris. Cas particuliers Chez l’enfant. Le traitement orthopédique classique des fractures de la portion dentée est rendu difficile par l’anatomie particulière des dents lactéales. Une contention monomaxillaire ou un blocage intermaxillaire peuvent néanmoins être réalisés au moyen de brackets collés qui remplacent les ligatures péridentaires. Le traitement chirurgical doit prendre en compte la présence des germes des dents définitives et la contention doit être réalisée au plus près du bord basilaire. Les fractures de la région condylienne répondent aux mêmes types de traitement que pour l’adulte mais la surveillance doit être renforcée en raison du risque majeur d’ankylose et de dysmorphose secondaire dans ce contexte. Chez le vieillard. L’état général, l’existence de tares médicales peuvent entraîner une contre-indication au traitement chirurgical. Le traitement orthopédique alors mis en œuvre suppose le contrôle d’une nutrition suffisante pour éviter l’affaiblissement d’un patient handicapé par la contrainte d’un blocage intermaxillaire prolongé. Chez l’édenté. L’absence des repères de réduction et des moyens de contention que constituent les dents peut nécessiter le recours à un traitement chirurgical. Chez l’édenté total appareillé, les prothèses constituent des repères des déplacements osseux et permettent une contention par blocage intermaxillaire. Elles sont solidarisées à l’os au moyen de ligatures périosseuses ou transosseuses après avoir été munies de crochets permettant de réaliser le blocage ce qui constitue une méthode mixte orthopédique et chirurgicale. Chez l’édenté partiel, on peut fixer des cales en résine sur l’arc pour ne pas perdre de hauteur lors du blocage en particulier dans le secteur molaire.
■ Traitement dentaire Les dents luxées ou impactées doivent être remises dans leur position initiale sur l’arcade avant tout traitement osseux afin de pouvoir au mieux reconstituer l’articulé dentaire qui sert de référence. Leur vitalité doit être surveillée ; un traitement endocanalaire est nécessaire en cas de mortification immédiate ou secondaire. Les dents trop délabrées constituent un facteur de contamination et sont donc avulsées de même que celles qui gênent la réduction des déplacements, en particulier au niveau de l’angle où la dent de sagesse peut constituer un obstacle irréductible. Il faut cependant être économe de l’os à ce niveau pour ne pas compromettre la stabilité du foyer de fracture et la consolidation. Stomatologie
Le traitement médical encadre le traitement orthopédique ou chirurgical des fractures de la mandibule. Outre les mesures de réanimation évoquées au début de cet exposé, il comporte la prescription : • d’antalgiques voire d’analgésiques majeurs dont l’action sera aidée par l’immobilisation initiale de la mandibule au moyen d’une fronde, en particulier lors de l’évacuation du blessé ; • d’antiœdémateux au premier rang desquels se trouvent les corticoïdes. L’application de vessie de glace contribue largement à diminuer l’œdème périfracturaire ; • d’antibiotiques en particulier dans les fractures de la portion dentée de la mandibule considérées comme des fractures ouvertes à la peau ou à la muqueuse. Cet usage n’est cependant pas systématique pour certains qui le réservent aux fractures comportant des plaies délabrées, opérées tardivement ou associées à une hygiène buccodentaire douteuse. L’association de l’amoxycilline et de l’acide clavulanique est classiquement utilisée de façon isolée ou accompagnée du métronidazole ; elle est remplacée en cas d’allergie à la pénicilline par des macrolides également associés au métronidazole. La prophylaxie antitétanique est contrôlée et éventuellement mise à jour. Les plaies cutanées et buccales sont désinfectées à la Bétadine® ou au benzalkomium en cas d’allergie à l’iode. Enfin, l’aspect psychologique ne doit pas être négligé face à ces blessés qui ne voient pas directement leurs blessures, qui peuvent s’inquiéter d’un écoulement sanguin ou d’une fermeture buccale incomplète ou douloureuse et qui ont pu être choqués par les circonstances de survenue du traumatisme. Les rassurer quant à l’état de leurs lésions et expliquer les choix thérapeutiques revient au praticien. Dans certains cas, la prescription d’anxiolytiques peut s’avérer nécessaire.
■ Diététique et hygiène buccodentaire Face à une fracture de la mandibule, l’impossibilité de s’alimenter de façon habituelle est évidente. L’alimentation liquide initiale devient une nécessité parce qu’elle fait partie du traitement dans les prises en charge fonctionnelles mais aussi en cas de blocage intermaxillaire et même d’ostéosynthèse par mini-plaque où les sollicitations osseuses postopératoires immédiates doivent être minimes. Selon le traitement, les aliments seront épaissis plus ou moins rapidement. Il faut expliquer au patient la nécessité de ce type d’alimentation, le rassurer quant aux possibilités de se nourrir malgré un blocage intermaxillaire et le prévenir d’une perte de poids habituelle de quelques kilogrammes qui sera quotidiennement surveillée. Les prises alimentaires sont fractionnées dans la journée, les repas étant dans la mesure du possible préparés devant le patient afin de faciliter son appétence. La ration calorique doit être contrôlée et éventuellement complétée par des préparations du commerce. L’hygiène buccodentaire doit être la plus rigoureuse possible, en particulier en cas de blocage intermaxillaire, et là aussi être bien expliquée au patient. Le brossage régulier des dents associé aux bains de bouche et aux pulvérisations endobuccales sont indispensables, en particulier après chaque prise alimentaire.
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22-070-A13 ¶ Traitement des fractures de la mandibule
■ Rééducation Les fractures de la mandibule peuvent entraîner une atteinte de la mobilité de l’os, en particulier en cas de blocage intermaxillaire prolongé ou d’atteinte des régions condyliennes surtout dans leur partie articulaire. La rééducation constitue alors le complément indispensable du traitement initial sous peine de voir s’installer une constriction des mâchoires qui, devenant permanente, peut aboutir à une véritable ankylose des articulations craniomandibulaires. Les méthodes de rééducation sont actives ou passives et peuvent être associées entre elles. Elles nécessitent la participation du laboratoire de prothèse. En l’absence de kinésithérapeute, il revient au praticien maxillofacial de bien les expliquer au patient et de suivre régulièrement son évolution. Le but est de restaurer et de maintenir l’amplitude des mouvements mandibulaires en mobilisant les masses musculaires de la manducation. Les méthodes passives, manuelles ou par l’intermédiaire d’appareils, forcent l’ouverture buccale. La mécanothérapie passive aide et guide les mouvements mandibulaires au moyen de mobilisateurs fixes ou amovibles qui agissent en permanence ou de façon intermittente. Ils permettent, le plus souvent par un système de traction élastique, de guider ou de positionner la mandibule en particulier lors des exercices qu’effectue le patient. Ceux-ci consistent en des étirements mettant en jeu les éléments de l’articulation craniomandibulaire et les muscles de la manducation ainsi qu’une mobilisation passive de la mandibule par le patient lui-même qui la saisit dans sa main. La kinésithérapie proprement dite permet une mobilisation active, aidée, pure puis contre-résistance. [14] Lors de la mobilisation aidée, le patient effectue des mouvements en accompagnant manuellement sa mandibule. Progressivement, cette aide manuelle est abandonnée pour aboutir à une mobilisation pure sans assistance. Dans la mobilisation contrariée, troisième et dernière étape de cette rééducation, les mouvements sont effectués contrerésistance afin de renforcer les forces musculaires.
• Les rétrusions séquellaires des fractures bicondyliennes peuvent bénéficier des techniques récentes de distraction osseuse. • Les ostéites sont traitées par immobilisation et antibiothérapie prolongées après ablation des corps étrangers en cause (matériel d’ostéosynthèse, dents infectées). • Les douleurs post-traumatiques localisées au niveau du foyer de fracture sont traitées par des antalgiques. Les algies entrant dans le cadre d’un dysfonctionnement temporomandibulaire peuvent nécessiter une équilibration après bilan occlusal. • Les dysesthésies et les paresthésies du nerf alvéolaire inférieur peuvent entraîner la dépose de matériel ou la résection d’un cal exophytique susceptibles de comprimer le nerf. Un traitement corticoïde à visée anti-inflammatoire ainsi qu’une vitaminothérapie sont également institués. L’intensité de la symptomatologie peut entraîner la recherche d’un névrome et son exérèse. .
■ Références [1]
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■ Traitement des séquelles
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• Le traitement des troubles de l’articulé dentaire va des meulages successifs à une ostéotomie interruptrice ou non avec réalignement des segments osseux dans les trois dimensions de l’espace. • Les troubles de la cinétique mandibulaire avec limitation de l’ouverture buccale ou latérodéviation mandibulaire peuvent faire l’objet d’infiltrations périarticulaires d’anesthésiques locaux pour lever le spasme musculaire. Certains auteurs procèdent à des injections intra-articulaires de corticoïdes mais cette technique présente un risque septique. En cas de constriction permanente des mâchoires, une intervention chirurgicale suivie de mécanothérapie est indiquée. • Les retards de consolidation entraînent une immobilisation prolongée. On peut être amené à pratiquer un curetage du foyer de fracture, à retirer le matériel de synthèse situé au niveau du foyer et à traiter ou avulser les dents mortifiées présentes, à réaliser une nouvelle contention (traitement orthopédique ou procédé extrafocal). • Les pseudarthroses peuvent nécessiter une greffe osseuse ou une endoprothèse selon le secteur intéressé.
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[11] [12]
[13] [14]
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F. Denhez, Chirurgien dentiste ([email protected]). O. Giraud, Chirurgien maxillo-facial, chef de service adjoint. Hôpital Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Denhez F., Giraud O. Traitement des fractures de la mandibule. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-070-A13, 2005.
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Stomatologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-073-A-10 (2004)
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Traumatismes craniofaciaux O. Giraud F. de Soultrait O. Goasguen G. Thiery D. Cantaloube
Résumé. – Les traumatismes craniofaciaux intéressent de manière concomitante la face et le crâne, en particulier au niveau de la partie antérieure de la base de celui-ci. Leur gravité tient tout d’abord dans leur risque létal, en raison de la possible atteinte de l’encéphale et d’effraction de la dure-mère. Ils ont aussi un retentissement majeur d’ordre fonctionnel, visuel, olfactif, voire masticatoire et également d’ordre esthétique. Les mécanismes en cause sont variés et les nombreuses classifications proposées rendent compte de leur complexité. Différents tissus et éléments importants de la face et du crâne peuvent être concernés. L’atteinte craniofaciale peut être centrale, latérale ou combinée, résultant dans ce cas de traumatismes très violents, souvent associés à des lésions multiples, viscérales et orthopédiques aggravant le pronostic. La prise en charge des blessés craniofaciaux doit être immédiate, dès les lieux de l’accident. Le diagnostic lésionnel repose sur l’examen clinique, neurologique et maxillofacial, et sur les moyens modernes de l’imagerie médicale, au premier rang desquels se trouve la tomodensitométrie. Les risques de complications conditionnent la prise en charge des traumatismes craniofaciaux. Ils sont essentiellement représentés par l’existence, la persistance ou la récidive d’un écoulement de liquide cérébrospinal par brèche ostéoméningée avec risque de méningite. Néanmoins, ces rhinorrhées sont de mieux en mieux diagnostiquées et prises en charge, en particulier grâce aux techniques d’exploration et de réparation endoscopiques transnarinaires. Le traitement chirurgical comprend selon les cas, et après réduction des fractures, des procédés de réparation osseuse tels que l’ostéosynthèse par plaques métalliques et l’utilisation de greffons osseux en cas de fractures comminutives ou de pertes de substance étendues. Les lésions de la dure-mère doivent également être réparées lorsqu’elles donnent lieu à une rhinorrhée abondante ou ne se tarissant pas spontanément. Le devenir du sinus frontal, en première ligne dans ces traumatismes, dépend de l’atteinte de ses parois antérieure et postérieure, de son plancher et du canal nasofrontal. Ce type de traumatismes montre la nécessité d’une collaboration étroite entre chirurgiens maxillofaciaux, neurochirurgiens et oto-rhino-laryngologistes pour conduire un traitement primaire définitif en un temps, auquel sont associés les ophtalmologistes et les anesthésistes-réanimateurs. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Traumatismes craniofaciaux ; Sinus frontal ; Sinus ethmoïdal ; Rhinorrhée post-traumatique ; Fistule carotidocaverneuse ; Méningite à pneumocoque ; Endoscopie
Introduction Les traumatismes craniofaciaux (TCF) associent des lésions traumatiques ouvertes ou fermées intéressant à la fois la face et la boîte crânienne, principalement la partie antérieure de celle-ci, ainsi que les éléments qu’elles abritent. Ils concernent une zone frontière particulière fréquemment désignée sous le vocable de confins craniofaciaux ; il s’agit là d’un véritable carrefour anatomique qui comporte de nombreux éléments dont l’importance vitale, fonctionnelle et esthétique fait toute la gravité des atteintes de cette région. Souvent liés à des chocs violents, ces traumatismes peuvent entraîner des lésions importantes des diverses structures osseuses et
O. Giraud (Chirurgien maxillofacial des Hôpitaux des Armées, chef de service adjoint) Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. F. de Soultrait (Neurochirurgien des Hôpitaux des Armées, chef de service adjoint) Adresse e-mail: [email protected] O. Goasguen (Assistant des Hôpitaux des Armées) Service de neurochirurgie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse. BP 406, 92141 Clamart cedex, France. G. Thiery (Assistant des Hôpitaux des Armées) Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, Hôpital d’Instruction des Armées Laveran, 4, boulevard A.-Laveran, BP 50, 13998 Marseille Armées, France. D. Cantaloube (Professeur agrégé du Val de Grâce, chef de service) Service de chirurgie plastique, maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France.
des parties molles ainsi que des éléments nobles qu’elles renferment, tout particulièrement la dure-mère qui enveloppe et protège l’encéphale. Ils deviennent ainsi susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital dans des délais et selon des modalités variables suivant le type d’atteinte. Sur le plan anatomique, la région craniofaciale présente un agencement rendu particulièrement complexe par ses nombreux éléments étroitement liés les uns aux autres, alternativement résistants ou vulnérables aux chocs du fait de caractéristiques structurelles et biomécaniques variables. Le traitement des lésions des différentes structures craniofaciales n’est donc pas univoque. Il doit s’attacher à restaurer la morphologie de cette entité en préservant les fonctions et les rapports avec la voûte et la base du crâne en haut et en arrière et avec la mandibule en bas, afin de reconstituer un ensemble céphalique cohérent. Dans la grande majorité des cas, ce sont les lésions intracrâniennes qui conditionnent le pronostic vital initial, les lésions de la face tolérant quant à elles plus couramment une prise en charge légèrement différée. Le traitement doit être idéalement rapide et complet, suivant ainsi la règle des quatre T édictée par Jean Pons : traiter Tout, Tôt, Totalement, en un Temps. Il est réalisé au mieux par une équipe multidisciplinaire associant neurochirurgiens, chirurgiens maxillofaciaux, ophtalmologistes et réanimateurs.
Traumatismes craniofaciaux
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Épidémiologie Les traumatismes craniofaciaux représentent des atteintes fréquentes de la face et du crâne. Ils sont provoqués par des chocs, le plus souvent très violents dans leur intensité et leur vélocité, liés essentiellement aux accidents de la voie publique. La vitesse excessive diminue voire annule la protection conférée par les zones d’absorption des chocs, qui ont été largement développées ces dernières années dans la conception des véhicules automobiles. La ceinture et les coussins gonflables de sécurité ainsi que les casques des motocyclistes n’offrent quant à eux qu’une protection limitée à grande vitesse. Plus rarement, on retrouve de tels traumatismes à la suite d’accidents du travail (chute d’échafaudage, éclatement de roue d’engin de chantier par exemple), d’accidents de sport (montagne) ou d’agressions avec des objets contondants, mais aussi de tentatives de suicide par armes à feu. Les traumatismes craniofaciaux sont rarement isolés et sont habituellement associés à des lésions endocrâniennes et ophtalmologiques mais aussi du reste du massif facial et de la mandibule, ceci en raison même de l’importance des forces appliquées à l’extrémité céphalique naturellement peu protégée. Ils entrent également souvent dans le cadre d’un polytraumatisme, majorant alors la mise en jeu du pronostic vital par l’altération des fonctions respiratoires, cardiocirculatoires ou neurologiques. Les lésions liées à ces traumatismes particulièrement vulnérants peuvent être d’une telle gravité qu’elles échappent à toute description classique, comportant un nombre important de fractures comminutives et de pertes de substance de localisation et d’importance variables. Par ailleurs, l’amélioration constante des moyens d’évacuation et des techniques de réanimation utilisés dans ce type de traumatismes a pour conséquence de voir augmenter le nombre de traumatisés craniofaciaux admis dans les centres de traitement des grandes villes.
Rappel anatomique Les traumatismes craniofaciaux concernent une région particulière où s’unissent de façon intime le « crâne facial » et le « crâne cérébral » des anatomistes (Fig. 1). Il s’agit de la réunion entre, d’une part, l’étage supérieur de la face, et d’autre part, l’étage antérieur de la base du crâne et la partie frontale de la voûte crânienne qui la coiffe et dont l’épaisseur varie selon les individus et la localisation. L’os frontal constitue la clé de voûte d’un ensemble anatomique particulièrement complexe, formé également du côté crânien par le sphénoïde et l’ethmoïde, qui relient le squelette du massif facial à la base du crâne.
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1 Figure 2 Vue de face de la région orbitomalaire : portion postérieure de l’or2 bite. 1. Trou optique ; 2. gouttière lacrymale ; 3. fissure orbitaire inférieure ; 4. fissure orbitaire supérieure.
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ÉTAGE SUPÉRIEUR DE LA FACE
Appendu à la base du crâne, il s’articule avec la région frontale de la voûte crânienne au niveau de la suture frontonasale au centre, et des deux sutures frontomalaires latéralement. Le tiers médian est composé des os propres du nez et de la partie médiale des orbites, tandis que les tiers latéraux sont constitués par la partie latérale des orbites (située en dehors de la fissure supraorbitaire) et le pilier frontal de l’os zygomatique. La paroi latérale des orbites est très épaisse ; elle constitue un pilier de résistance aux chocs dans sa partie antérieure et est en rapport direct avec la voûte crânienne en rejoignant la paroi latérale de celle-ci. L’orbite constitue une autre entité anatomique intéressée dans ces traumatismes, qu’ils soient médians ou latéraux. Sa partie antérieure est constituée par un rebord ou margelle et par quatre parois qui maintiennent le globe oculaire qui est mobilisé par les muscles moteurs oculaires. Sa partie postérieure (Fig. 2) comporte à l’apex le trou optique, orifice antérieur du canal optique où cheminent le nerf optique et l’artère ophtalmique. La fissure orbitaire supérieure est également située au fond du cône orbitaire, à l’angle supéroexterne de l’apex orbitaire (Fig. 3). Elle est le lieu de passage d’autres éléments nobles : veines ophtalmiques, nerfs moteurs oculaires commun (III) et externe (VI), nerf pathétique (IV), branches lacrymale, nasale et frontale du nerf ophtalmique (V1), première branche du nerf trijumeau (V). La partie médiale de l’orbite est en relation étroite avec le complexe ethmoïdal. Par ailleurs, elle est en rapport, d’une part avec le ligament palpébral interne et ses deux tendons et d’autre part, avec les voies lacrymales dont la gouttière lacrymale et le canal lacrymonasal qui lui fait suite puis s’ouvre au niveau du méat inférieur de la cavité nasale. La paroi médiale, particulièrement mince, constitue un élément de fragilité. L’angle supéro-interne Figure 1
Vues de face (A) et de profil (B) du crâne et de la face.
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Figure 3 Coupe frontale de la fissure orbitaire supérieure et du trou optique avec leurs éléments de passage. 1. Nerf optique (II) ; 2. artère ophtalmique ; 3. nerf nasal (V1) ; 4. veine ophtalmique inférieure ; 5. branche inférieure du nerf oculomoteur (III) ; 6. veine ophtalmique supérieure ; 7. nerf abducens (VI) ; 8. branche supérieure du nerf oculomoteur (III) ; 9. nerf trochléaire (IV) ; 10. nerf frontal (V1) ; 11. nerf lacrymal (V1).
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2
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Figure 4 Vue supérieure des trois étages de la base du crâne. 1. Fosse crânienne antérieure ; 2. fosse crânienne moyenne ; 3. fosse crânienne postérieure. comporte les orifices orbitaires des deux canaux ethmoïdaux antérieur et postérieur qui livrent passage à des éléments vasculonerveux. BASE DU CRÂNE
Elle comporte trois étages : antérieur, moyen et postérieur (Fig. 4).
¶ Fosse crânienne antérieure Appelée également étage facial ou étage ethmoïdofrontal de la base du crâne, elle est constituée de trois os imbriqués entre eux : le frontal, l’ethmoïde et le sphénoïde qui entretiennent des rapports étroits avec les os de la face : – le maxillaire s’encastre littéralement sous l’ethmoïde et le frontal ; – la lame criblée de l’ethmoïde forme la voûte des fosses nasales ; – la face inférieure du frontal constitue le toit des orbites et du complexe ethmoïdal. L’os frontal est par ailleurs le siège du sinus frontal situé entre la table externe et la table interne de la voûte du crâne et à la jonction de celle-ci avec la base.
Figure 5 Coupe frontale passant par le milieu de l’orbite montrant les rapports entre le sinus frontal, les cellules ethmoïdales et les fosses nasales. 1. Crista galli ; 2. lame criblée de l’ethmoïde ; 3. cornet supérieur ; 4. lame perpendiculaire de l’ethmoïde ; 5. orbite ; 6. fosses nasales ; 7. sinus maxillaire ; 8. vomer ; 9. cornet inférieur ; 10. cornet moyen ; 11. cellules ethmoïdales ; 12. sinus frontal. Résultat de la colonisation de l’os frontal par une cellule ethmoïdale, il s’agit donc plutôt d’un sinus ethmoïdofrontal. Cavité aérienne parfois absente en cas d’agénésie, de taille très variable, le plus souvent paire et asymétrique, elle constitue une zone de faiblesse au milieu du front et au-dessus des orbites, mais aussi dans une certaine mesure une zone d’absorption des chocs. Elle comporte une paroi antérieure directement exposée aux traumatismes et siège de l’abord chirurgical, et une paroi postérieure très mince siège des canaux de Bresche [30] permettant la communication des réseaux veineux intrasinusiens et extraduraux. [46] La dure-mère de la fosse crânienne antérieure adhère fortement à cette paroi postérieure. La paroi inférieure ou plancher comporte une portion médiale, ethmoïdonasale, et une portion latérale, orbitaire, constituant le toit de l’orbite. La cavité sinusienne est tapissée d’une muqueuse de type respiratoire avec un épithélium cylindrique cilié et des formations glandulaires. Elle recouvre également ces pertuis vasculaires ; son atteinte peut entraîner des complications infectieuses à type de sinusites ou tumorales à type de mucocèles. Le sinus frontal comporte un seul système de drainage constitué par le canal nasofrontal situé en arrière et en dedans du plancher ; il le fait communiquer avec la fosse nasale correspondante, le plus souvent au niveau du méat moyen. L’atteinte de ce canal est importante à reconnaître car elle peut elle aussi être cause de complications en cas d’obstruction, le drainage du sinus frontal ne pouvant plus être effectué. L’ethmoïde prolonge en arrière la pyramide nasale, entre la partie horizontale de l’os frontal et la partie antérieure de la base du crâne ; il est donc souvent concerné par les traumatismes de la région. Le sinus ou labyrinthe ethmoïdal, constitué d’une partie antérieure et d’une partie postérieure, représente un élément de fragilité, surtout en arrière où il est en rapport direct avec la dure-mère qui adhère fortement au toit ethmoïdal. Il est également en relation en arrière avec le sinus sphénoïdal. Dans sa partie endocrânienne, l’ethmoïde accueille les bulbes olfactifs dans les gouttières olfactives. Ces lames très fragiles, situées de part et d’autre de l’apophyse crista galli, sont considérées comme le point faible de l’étage antérieur de la base du crâne. Communiquant avec les fosses nasales (Fig. 5), l’ethmoïde expose ainsi à de sévères complications infectieuses méningées lorsqu’il est traumatisé. La cavité nasale est également en relation avec le sinus sphénoïdal dont l’orifice se situe au niveau du segment postérieur de la voûte des fosses nasales (Fig. 6).
¶ Fosse crânienne moyenne En arrière et de chaque côté, le sphénoïde désigne par sa petite aile la frontière entre la fosse crânienne antérieure en avant et la fosse 3
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Coupe sagittale des fosses nasales montrant la paroi latérale. Communication avec les sinus paranasaux. 1. Dure-mère ; 2. sinus frontal ; 3. cornet moyen ; 4. cornet inférieur ; 5. sinus sphénoïdal ; 6. cellules ethmoïdales postérieures ; 7. bulbe et nerfs olfactifs ; 8. sinus maxillaire ; 9. cellules ethmoïdales antérieures.
crânienne moyenne en arrière. À sa partie postérieure médiane, il forme la selle turcique qui abrite la glande hypophyse, bordée par deux gros lacs veineux aux parois constituées de dure-mère : les sinus caverneux. Ceux-ci sont traversés par les artères carotides internes à leur entrée dans la boîte crânienne.
¶ La dure-mère Elle tapisse la face interne de la boîte crânienne. C’est-à-dire, pour la partie qui nous intéresse, dans le plan vertical, la face endocrânienne de l’os frontal en avant et latéralement, mais également, dans le plan horizontal, la face supérieure de la fosse crânienne antérieure, représentée de chaque côté par le toit des orbites et les gouttières olfactives. Elle forme une enveloppe fibreuse et résistante, constituée de deux feuillets : – d’une part, le périoste, couche externe adhérente à l’os endocrânien, richement innervé et vascularisé ; – d’autre part, la dure-mère proprement dite, représentant la couche interne. Par endroits, ces deux feuillets se séparent pour former de larges sinus veineux, comme les sinus caverneux déjà cités, ou le sinus sagittal supérieur, dont le diamètre augmente depuis l’apophyse crista galli en avant jusque vers l’arrière de la voûte crânienne. Appendue au sinus sagittal supérieur et suivant le même axe, la faux du cerveau forme une cloison de dure-mère interhémisphérique sagittale, participant au soutien des deux hémisphères cérébraux. L’adhérence de la dure-mère à l’os est plus ou moins importante, alternant des zones décollables (convexité frontale, jugum sphénoïdal, toit de l’orbite) et des points d’ancrage plus solides (apophyse crista galli, gouttières olfactives, bord libre de la petite aile du sphénoïde). Cette disposition facilite les déchirures et les décollements traumatiques dans les zones plus fragiles, entraînant des brèches ostéoméningées.
¶ Lobes frontaux et organe de l’odorat Protégés par la dure-mère, les lobes frontaux sont posés sur le relief osseux de la fosse crânienne antérieure. Les pôles antérieurs de ces deux lobes sont situés directement au contact de la paroi postérieure du sinus frontal. Cette situation explique les contusions frontales et les séquelles neurologiques présentées par certains patients. Les filets olfactifs remontent depuis la muqueuse des fosses nasales au travers de la lame criblée de l’ethmoïde pour rejoindre les bulbes olfactifs posés dans les gouttières, prolongés en arrière par les nerfs olfactifs. Toutes ces structures de l’odorat sont très exposées dans les traumatismes craniofaciaux. 4
Stomatologie
Éléments de biomécanique Les études classiques décrivent, tant au niveau du massif facial que du crâne, des zones de forte résistance aux traumatismes et des zones plus fragiles. Les premières sont celles où vont s’épuiser les forces traumatiques jusqu’au point de rupture où se produit la fracture ; les zones plus fragiles se rompent pour des forces de moindre importance mais permettent l’absorption d’une partie de l’énergie de l’impact, ce qui épargne les structures avoisinantes. Au niveau du massif facial, [7] les zones de résistance sont constituées par des piliers : ce sont des coulées d’os compact destinées à absorber l’énergie des forces appliquées au massif facial, en particulier celles de la mastication qui sont de direction verticale. Il est décrit trois piliers superficiels (antérieur, latéral et postérieur) et un pilier profond qui s’étend du palatin au corps du sphénoïde. Cette disposition ne protège guère des traumatismes de direction horizontale. L’os spongieux est organisé en travées entre ces piliers, tandis qu’on trouve un os particulièrement fin, papyracé, au niveau de l’ethmoïde et du plancher orbitaire. Cet os permet d’alléger le squelette mais n’offre aucun caractère protecteur. Au niveau de la base et de la voûte du crâne, est décrit un système d’arcs-boutants et d’entre-boutants (toit des orbites). Les entreboutants constituent des zones de faiblesse. Les arcs-boutants, éléments de solidité, présentent eux aussi cependant des points de fragilité (lame criblée de l’ethmoïde, canal optique, fissure orbitaire supérieure). Si l’os de la voûte crânienne est épais, sauf au niveau du sinus frontal, celui de la base du crâne est fin et fragile. Des études plus récentes [45] font référence à un concept d’unités anatomiques regroupant des éléments osseux, en distinguant au niveau de la sphère craniofaciale des zones superficielles et profondes, d’une part, et une région centrale et deux régions latérales, d’autre part : – au niveau de la région centrale : – en surface, l’os frontal forme une unité mécanique avec les os centraux de la face, et l’on peut décrire un pilier superficiel constitué par la zone glabellaire, la partie médiale des bords supraorbitaires, l’épine nasale du frontal, la partie supérieure des os nasaux et le processus frontal du maxillaire ; – en profondeur, on distingue deux structures : une structure de disposition horizontale formée par la partie orbitaire du frontal (qui constitue la partie horizontale du plancher de la fosse crânienne antérieure) et par les petites et grandes ailes du sphénoïde; une structure de disposition verticale formée par le processus médian du frontal qui se poursuit par l’apophyse crista galli, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et le vomer, l’ensemble formant un pilier vertical ; – au niveau des régions latérales : – en surface, on décrit un pilier tridimensionnel formé par le processus zygomatique de l’os frontal, le processus orbitaire de l’os zygomatique, le processus pyramidal du maxillaire, l’arcade zygomatique et le bord infraorbitaire ; – en profondeur, l’association de l’os frontal à la grande aile du sphénoïde forme un seul pilier vertical de forte résistance mécanique, décrit par Couly comme un pilier ptérygo-sphéno-frontal. Au total sont décrites : – une plate-forme supérieure crânienne (frontosphénoïdale) formée par la partie horizontale de l’os frontal et par les grandes et les petites ailes du sphénoïde ; – une plate-forme inférieure faciale (palatine) formée par les os palatins. Ces deux plates-formes sont reliées par sept piliers verticaux, trois médiaux et quatre latéraux :
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Stomatologie
– les trois piliers médiaux comprennent deux éléments fronto-nasomaxillaires superficiels et symétriques et un élément frontoethmoïdo-vomérien profond ;
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Figure 8
Fractures laté-
rales.
– les quatre piliers latéraux comprennent deux éléments frontozygomatico-maxillaires superficiels et deux éléments frontosphénoïdaux profonds. Ces descriptions restent néanmoins théoriques. Plus récemment, en s’inspirant de techniques liées à l’aéronautique et en rappelant que l’os est une structure composite, les données biomécaniques de la face et du crâne ont été modernisées en les comparant à un système aréolaire organisé en plusieurs caissons qui ont un rôle d’allègement des structures. [1] Les caissons sont agencés en un système triple : cavités nasales au centre, cavités orbitaires et sinus maxillaires latéralement. Ce système est renforcé par un ensemble de cadres qui en assure la rigidité.
Pathogénie TRAUMATISMES LOCALISÉS
Ils peuvent être médians ou latéraux.
¶ Traumatismes médians Ils occasionnent des fractures centrales (Fig. 7) au niveau de la région nasofrontale et atteignent le CNEMFO ou complexe nasoethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire soit de façon directe, soit par propagation de l’énergie traumatique appliquée initialement sur la voûte crânienne. Cet ensemble anatomique et biomécanique comporte une partie antérieure et une partie postérieure. Partie antérieure Dense et résistante, elle est constituée, d’une part, par le bandeau frontal, fragilisé cependant par la présence d’une cavité aérienne, le sinus frontal, de taille variable, et, d’autre part, par l’épine nasale du frontal qui, elle, constitue un véritable noyau de résistance. Lors du contact avec les forces traumatiques, les os propres du nez et le processus frontal du maxillaire sont repoussés en arrière tout en s’écartant latéralement, ce qui provoque une véritable impaction de la pyramide nasale. Le bord infraorbitaire peut être interrompu et la paroi orbitaire médiale être le siège d’une fracture comminutive en raison notamment de sa minceur particulière. Figure 7 Fractures centrales (CNEMFO).
L’existence d’un sinus frontal bien pneumatisé permet l’absorption au moins partielle de la force du traumatisme, au prix souvent d’une fracture de sa paroi antérieure, préservant ainsi la paroi postérieure qui est en rapport direct avec la base du crâne. Lorsque le sinus frontal est de petite taille, il existe un risque accru d’atteinte de la dure-mère par l’intermédiaire du toit de l’orbite ou de la paroi postérieure du sinus. [6, 18] On s’expose ainsi à une fuite de liquide cérébrospinal (LCS) par brèche ostéoméningée. Partie postérieure Grêle et fragile, elle est constituée par des éléments appartenant à l’ethmoïde : masses latérales, apophyse crista galli, lame perpendiculaire et lames criblées. Cet ensemble est sous la protection de la partie antérieure précédemment décrite, jusqu’à un certain point de rupture lié à l’intensité du traumatisme. Dans ce cas, l’épine nasale du frontal, qui avait jusque–là un rôle protecteur, devient alors vulnérante pour les structures qui lui sont postérieures. Plus en arrière, la selle turcique peut elle-même être atteinte.
¶ Traumatismes latéraux Appliqués au complexe fronto-zygomato-malaire, ils entraînent des fractures latérales (Fig. 8) de la face et du crâne. En traversant le pilier fronto-zygomatico-maxillaire, les traits de fracture peuvent s’étendre parfois à la grande aile du sphénoïde et la région du ptérion, juste en arrière du pilier orbitaire. Ce point repère correspond à la convergence des sutures coronale, pariétosphénoïdale et frontosphénoïdale. En dedans du ptérion se trouve l’extrémité postérolatérale de la grande aile du sphénoïde ; en arrière, à la face latérale de la fosse crânienne moyenne, au niveau temporal, se situe la zone décollable de Gérard Marchant, lieu classique de décollement de la dure-mère à l’origine de saignements extraduraux. L’atteinte de l’os frontal se produit au niveau du bord supraorbitaire et de son processus zygomatique ainsi que, parfois, du toit orbitaire. Ces éléments sont alors déplacés en dehors. Le déplacement externe de la paroi latérale et du plancher de l’orbite se traduit par une dystopie canthale et une énophtalmie. Superficiellement, l’atteinte de la région zygomatique peut se traduire par un élargissement de cette zone située au niveau de la pommette tandis qu’en cas de fracture comminutive de sa paroi latérale, l’orbite peut se trouver en communication avec la fosse temporale où peut parfois migrer de la graisse périorbitaire. [18] En profondeur, les traits de fracture peuvent s’étendre à l’os pariétal, à l’os temporal et à la grande aile du sphénoïde [6] qui peut être 5
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Figure 9
Figure 10
Fractures étendues centrales et latérales.
Fractures
panfaciales.
déplacée, entraînant alors une exophtalmie par diminution du diamètre de l’orbite. L’atteinte du sphénoïde peut également intéresser la fissure orbitaire supérieure, lésant alors les éléments nobles vasculonerveux qui la traversent.
Figure 11 Sectorisation traumatotopographique (d’après J. Pons). 1. Étage supérieur ; 2. étage moyen ; 3. étage inférieur ; 4. tiers latéral gauche ; 5. tiers médian ; 6. tiers latéral droit.
¶ Traumatismes violents localisés Des traumatismes très violents mais restant localisés peuvent atteindre à la fois les éléments centraux et latéraux décrits précédemment (Fig. 9), entraînant des lésions comminutives et particulièrement instables ; il existe une véritable dislocation de la face au niveau de sa liaison avec la base du crâne et un risque accru d’atteinte endocrânienne au niveau de la fosse antérieure mais aussi de la fosse moyenne.
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TRAUMATISMES ÉTENDUS
Les traumatismes étendus atteignent l’ensemble craniofacial d’une façon plus globale.
¶ Au niveau de la face Peuvent être touchés les étages supérieur et moyen (avec des lésions de type disjonctions craniofaciales Le Fort II et III homo-, contro-, ou bilatérales associées à des dislocations orbitonasales). Les forces traumatiques appliquées au massif facial peuvent diffuser par l’intermédiaire du CNEMFO, zone de fragilité, jusqu’à l’encéphale. [22] Inversement, un traumatisme appliqué sur la voûte crânienne peut atteindre la base du crâne et la face. L’étage mandibulaire peut être concerné dans les grands traumatismes dans le cadre des associations lésionnelles régionales. Celles-ci, appelées également fractures panfaciales, transforment la région en un véritable puzzle traumatique dont la reconstitution est particulièrement ardue (Fig. 10).
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dans le plan horizontal et dans le plan vertical (Fig. 11), et proposer la localisation des lésions de la façon suivante : – dans le plan horizontal : localisation au tiers supérieur et à la partie haute du tiers moyen ; – dans le plan vertical : localisation au tiers médian frontonasal et aux deux tiers latéraux fronto-orbito-ptérioniques.
¶ Au niveau du crâne Peuvent être atteints la voûte crânienne, la fosse crânienne moyenne voire postérieure, la région de la selle turcique, le parenchyme cérébral. Outre les fractures à l’origine de lésions des éléments nobles par esquilles osseuses, ces traumatismes génèrent des lésions de l’encéphale par coups et contre-coups, mettant en jeu le pronostic vital et neurologique. Pour plus de clarté concernant les lésions craniofaciales proprement dites, on peut s’aider, sur le plan traumatotopographique, d’un schéma qui comporte un quadrillage divisant la face en trois tiers 6
Anatomopathologie Les lésions varient en fonction de l’intensité, de la localisation et de la direction des forces traumatiques appliquées à l’ensemble craniofacial. Le revêtement cutané peut être le siège de plaies, uniques ou multiples, franches, linéaires ou contuses, dilacérées, avec ou sans perte de substance. On peut également observer des signes de contusion (ecchymose, hématome) sans véritable plaie ; ceci ne
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Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : fractures déplacées de la paroi latérale de l’orbite et de l’apex orbitaire droits avec fragment au contact du nerf optique.
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La dure-mère peut présenter des lésions aux aspects différents selon leur localisation et la force du traumatisme : plaie punctiforme en relation avec un embrochage osseux mais aussi déchirure par cisaillement. Dans ce cas, la cicatrisation spontanée est fortement compromise et les risques d’écoulement de liquide cérébrospinal sont majeurs, provoquant une rhinorrhée ou une otorrhée. La carotide intracrânienne peut être blessée dans le canal carotidien qui traverse la base du crâne ou dans le sinus caverneux. Si la lésion n’entraîne pas un saignement intarissable rapidement létal, elle peut être à l’origine d’un pseudoanévrisme ou d’une fistule carotidocaverneuse. Cette dernière survient à la suite d’une plaie de la carotide ou d’une de ses branches collatérales dans leur trajet intracaverneux. Elle est favorisée par les fractures irradiées à la base du crâne. L’effraction de la paroi artérielle dans ce lac veineux est à l’origine d’une fistule à haut débit correspondant le plus souvent à un type A selon la classification de Barrow. [5, 10, 28] Ce reflux de sang artérialisé dans le réseau de drainage veineux de la base du crâne (veines ophtalmiques, sinus sphénopariétal, sinus pétreux) rend compte de la symptomatologie clinique exposée plus loin. Le reflux, qui peut aller jusqu’aux veines corticales, représente alors un risque hémorragique non négligeable. L’encéphale et les espaces méningés peuvent présenter des lésions en tous points de la boîte crânienne du fait des mécanismes de coups et de contre-coups qu’ils subissent. Par ordre de fréquence dans les traumatismes craniofaciaux, il peut s’agir : – de contusions parenchymateuses frontales directement en arrière du bandeau frontal, faites de pétéchies et d’œdème cérébral, voire d’hématomes intraparenchymateux dont la localisation frontobasale menace l’olfaction. Leur volume, avec l’effet de masse généré sur l’encéphale, peut être à l’origine d’un engagement cérébral létal ; – des épanchements aériques intracrâniens, ou pneumocéphalies, alimentés par les brèches ostéoméningées et pouvant devenir compressifs pour l’encéphale ;
Figure 13 Tomodensitométrie du crâne, reconstruction frontale en fenêtre osseuse : coupe frontale passant par l’apex orbitaire, dislocation orbitaire droite. Réduction du diamètre du cône orbitaire droit. préjuge pas de la gravité des éventuelles lésions sous-jacentes, dont une possible atteinte des cavités sinusiennes frontales ou ethmoïdales, le traumatisme étant alors considéré comme ouvert. Le scalp, très vascularisé, peut être à l’origine de pertes sanguines importantes. L’atteinte osseuse peut se traduire par une embarrure au niveau de la voûte frontale, par des traits simples localisés ou irradiés, isolés ou multiples, par une comminution avec présence de nombreux fragments, par une véritable dislocation voire par des disparitions ; on parle alors de fracas craniofacial. Les traits de fracture sont ici souvent complexes et échappent à toute systématisation. Certains éléments nobles peuvent être intéressés par les dégâts osseux : – le globe oculaire et ses annexes peuvent être directement touchés par l’impact, responsable de lésions variées pouvant aller jusqu’à la perforation voire l’éclatement ; – dans le cône orbitaire, une fracture déplacée, un hématome, peuvent provoquer une atteinte du nerf optique par compression, notamment au niveau de l’apex (Fig. 12, 13) ; – au niveau de l’ethmoïde, ce sont les filets du nerf olfactif qui peuvent être arrachés ; – dans la partie inféromédiale de l’orbite, le canal lacrymonasal peut être lésé ; – au niveau du plancher du sinus frontal, dans sa partie médiale, c’est le canal nasofrontal qui peut être fracturé ou occlus.
– des hémorragies méningées post-traumatiques qui n’ont pas le caractère de gravité des hémorragies par rupture anévrismale, sauf lorsqu’elles entraînent une inondation ventriculaire avec l’hydrocéphalie menaçante qui en découle par trouble de la circulation du liquide cérébrospinal (LCS) ; – des hématomes intracrâniens, tels les hématomes extraduraux (Fig. 14), dont l’effet de masse menace rapidement le pronostic vital. Les hématomes sous-duraux aigus sont souvent liés à d’importantes contusions parenchymateuses œdématohémorragiques extrêmement graves ; – des lésions axonales diffuses, liées à un effet d’accélération et de décélération, atteignant surtout le corps calleux et compromettant le réveil et la rééducation neurologique des patients. Elles sont accusées d’être responsables des comas d’emblée ; – enfin, des plaies craniocérébrales avec extériorisation à la peau de matière cérébrale. Leur risque septique est majoré quand il s’agit d’une lésion d’origine balistique avec pénétration intracrânienne de l’agent vulnérant.
Classification des lésions Divers auteurs ont proposé depuis plusieurs années différentes classifications des TCF. Ceci rend bien compte de la difficulté de schématiser ces atteintes qui peuvent toucher un nombre variable d’éléments anatomiques avec des répercussions vitales, fonctionnelles et esthétiques distinctes. CLASSIFICATION DE FAIN ET PÉRI
Elle reste d’actualité, mais son intérêt pratique n’est pas toujours facile à déterminer ; elle comprend cinq types associant de façon variable, d’une part, la face au niveau de ses étages supérieur et moyen et, d’autre part, la base du crâne au niveau de la fosse crânienne antérieure : 7
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Comme toute classification, celle-ci reste schématique, mais semble plus pratique pour élaborer une stratégie thérapeutique et poser les indications opératoires. C’est celle que nous préconisons.
Conduite à tenir et bilan lésionnel La conduite à tenir débute sur le lieu de l’accident par le sauvetage du blessé et la mise en œuvre des mesures de réanimation qui seront poursuivies lors de la prise en charge à l’hôpital, l’évaluation de l’état neurologique, des fonctions cardiocirculatoires et respiratoires pouvant imposer une ventilation assistée par intubation orotrachéale, voire trachéotomie. Cette dernière est préconisée lorsque la ventilation artificielle doit être prolongée, compte tenu des risques infectieux de l’intubation orotrachéale au long cours, la mise en place des voies veineuses se faisant de manière concomitante. Une antibiothérapie de principe est préconisée, elle doit être réévaluée secondairement. Un premier bilan lésionnel initial doit être rapidement fait pour évaluer les modalités de la prise en charge prévisible. D’abord global, il sera complété à l’hôpital, après contrôle ou stabilisation des grandes fonctions, par un examen clinique méticuleux et par les données de l’imagerie médicale. Figure 14
Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : hématome extradural temporal gauche (lentille biconvexe typique) avec effet de masse modéré.
– type I : fracture de la paroi antérieure du sinus frontal ; il peut exister de façon exceptionnelle des fractures de la paroi postérieure ; – type II : enfoncement médiofacial ; c’est la dislocation naso-orbitoethmoïdo-frontale ou DONEF de la classification de Paul Tessier. Une disjonction craniofaciale de type II ou III peut y être associée ; – type III : fractures de la voûte irradiées à la base avec trait simple ou embarrure ; en cas d’embarrure, les lésions de la base sont plus fréquentes de même que les atteintes de la dure-mère ; – type IV : association des types II et III ; – type V : lésions exceptionnelles isolées de l’étage antérieur. CLASSIFICATION DE STURLA
[45]
Elle est basée sur une étude expérimentale réalisée à partir de têtes de sujets anatomiques : – fractures centrales : atteinte du pilier superficiel et de l’ethmoïde. Atteinte isolée ou associée avec une fracture transversale de type Le Fort et/ou avec une fracture du crâne. Il existe une communication entre le toit des cavités nasales et la fosse cérébrale antérieure ; – fractures latérales : atteinte du pilier latéral superficiel et de la grande aile du sphénoïde. Atteinte isolée ou associée avec une fracture transversale de type Le Fort et/ou une fracture du crâne. Il existe une communication entre l’orbite et la fosse cérébrale antérieure et/ou moyenne. CLASSIFICATION PROPOSÉE AU XXXII E CONGRÈS DE STOMATOLOGIE ET CHIRURGIE MAXILLOFACIALE
[1]
BILAN CLINIQUE
Selon les conditions du traumatisme et l’état du blessé, priorité doit être donnée à la recherche de lésions susceptibles d’engager le pronostic vital. Un examen complet est donc souvent nécessaire, faisant appel à différents spécialistes, au premier plan desquels se trouvent les neurochirurgiens, les chirurgiens viscéralistes et les chirurgiens orthopédistes. Tout traumatisé crânien ou craniofacial est, jusqu’à preuve du contraire, un traumatisé du rachis cervical. Ainsi, le maintien d’une minerve jusqu’à l’élimination d’une lésion ostéo-disco-ligamentaire cervicale est impératif, a fortiori si le patient est comateux. Le chirurgien maxillofacial peut également être sollicité en cas de détresse respiratoire ou d’hémorragie faciale particulièrement abondante. Les urgences étant maîtrisées, le bilan général des lésions effectué, l’examen clinique du traumatisé craniofacial peut être complété. Il débute par l’interrogatoire du patient si son état le permet, ou par celui de son entourage ou d’éventuels témoins. Il s’attache à reconstituer les circonstances de l’accident, la nature du vecteur du traumatisme, l’existence d’une perte de connaissance initiale, le terrain médical et chirurgical du patient. L’obtention de photographies antérieures à l’accident élimine une éventuelle déformation préexistante et aidera à établir le schéma thérapeutique.
¶ Examen neurologique Score de Glasgow et déficits moteurs L’examen neurologique évalue d’emblée l’état de conscience par le score de Glasgow. Celui-ci cote trois fonctions d’intérêt majeur, notant la meilleure réponse possible à la stimulation pour chacune d’elles, la meilleure note obtenue étant 15 sur 15. Ces trois fonctions sont :
Plus récente, elle se rapporte à la biomécanique du traumatisme :
– l’ouverture des yeux, cotée de 1 à 4 ;
– fractures médiobasicrâniennes :
– la réponse verbale, cotée de 1 à 5 ;
– fractures du sinus frontal ; – fractures du CNEMFO ; – fractures latérobasicrâniennes : – fractures fronto-orbitaires latérales ; – fractures fronto-sphéno-temporales ; – fractures irradiées de la voûte à la base ; – fractures par contrecoup. 8
– la réponse motrice, cotée de 1 à 6. Il faut tenir compte de l’état du patient lors de sa relève sur le terrain et de son arrivée à l’hôpital. Certains patients ont pu être intubés et sédatés du fait d’une agitation, d’une confusion ou de délabrements de la face rendant difficile leur prise en charge. Cette sédation gêne alors toute cotation fiable selon le score de Glasgow. Il est donc important de savoir si des troubles de conscience ou un déficit touchant les membres existaient auparavant, pour pouvoir suspecter à bon escient un hématome intracrânien menaçant ou un traumatisme vertébromédullaire.
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Outre la réalisation du testing musculaire et sensitif, même de façon sommaire, il est important de rechercher un syndrome pyramidal qui est caractérisé par des réflexes ostéotendineux vifs, diffusés, polycinétiques et associés à un signe de Babinski homolatéral. Ce syndrome pyramidal témoigne de la souffrance des voies chargées de la motilité volontaire, notamment au niveau cérébral. Analyse des nerfs crâniens et des pupilles Face à un patient comateux, si l’œdème palpébral et le chémosis le permettent, on s’attache à retrouver une mydriase qui, dans un contexte traumatique, peut avoir plusieurs significations. Le plus souvent, elle est due à une souffrance du nerf moteur oculaire commun (III) par engagement du lobe temporal homolatéral venant menacer le tronc cérébral. Elle résulte d’un processus expansif hémorragique ou œdémateux qui se produit en général du même côté. Le réflexe photomoteur, recherché à l’aide d’un faisceau lumineux dirigé sur la pupille, entraîne normalement un myosis. Le réflexe consensuel, caractérisé par l’apparition d’un myosis controlatéral, témoigne de la bonne transmission du message lumineux par le nerf optique de l’œil étudié. Une mydriase qui ne diminue plus à l’illumination est dite aréactive. Elle indique un accroissement de la souffrance du III avec des risques majeurs de lésions cérébrales gravissimes et irréversibles mettant en jeu le pronostic vital. Lorsque la mydriase devient bilatérale, on doit suspecter un engagement cérébral central signant une souffrance généralisée de l’encéphale ; la mortalité est alors très élevée (85 % de décès si la mydriase dure plus d’une demi-heure). Lorsque le réflexe consensuel est absent face à une mydriase, on doit évoquer une lésion du nerf optique de l’œil examiné. Enfin, l’analyse des autres nerfs crâniens ne peut être réalisée de manière fiable chez les patients comateux ou sédatés. Dans ce contexte, la moindre anomalie clinique impose la réalisation d’un examen tomodensitométrique cérébral en urgence. Face à un déficit hémicorporel, on recherche une paralysie faciale dont on détermine le caractère central (déficit moteur de la partie inférieure de la face) ou périphérique (déficit moteur de l’ensemble de la face). Pour cela, on réalise la manœuvre de Pierre Marie et Foix, qui consiste à agripper par l’arrière les branches montantes de la mandibule, ce qui déclenche une grimace du côté sain mais pas du côté atteint. Si l’état du patient le permet, on recherche l’atteinte d’autres nerfs crâniens : – des troubles de l’odorat doivent faire suspecter une lésion des nerfs olfactifs (I), en sachant que des réactions inflammatoires posttraumatiques peuvent altérer fortement l’odorat sans que ses récepteurs ne soient atteints ; – les nerfs III, IV et VI sont étudiés plus loin ; – le nerf trijumeau (V) est testé par l’analyse de la sensibilité de la face dans les trois territoires correspondant à ses trois branches sensitives, sa branche motrice innervant quant à elle les muscles de la manducation ; – le nerf facial, qui peut être lésé en cas d’atteinte du rocher, est évalué par l’examen de la motricité de la face ; – l’ensemble cochléovestibulaire (VIII) est sommairement testé par le contrôle de l’audition et l’absence de syndrome vestibulaire (nystagmus, troubles de la marche et de la statique) ; – le nerf glossopharyngien (IX), exceptionnellement atteint, est évalué par l’analyse de la déglutition, du réflexe nauséeux et de la motricité du pharynx. Recherche d’une rhinorrhée cérébrospinale, à la phase clinique À la suite d’un traumatisme craniofacial, la recherche d’une rhinorrhée cérébrospinale doit être systématique lors de la phase aiguë et des visites de contrôle. Elle est due le plus souvent à une brèche ostéoméningée provoquée par une fracture de la paroi
Figure 15
Hématome en lunettes typique d’une fracture de l’étage antérieur de la
base du crâne.
postérieure du sinus frontal. Elle s’écoule alors par le canal nasofrontal. Son risque principal est représenté par la survenue d’une méningite à pneumocoque, diversement estimée selon les études. Globalement, entre 7 et 30 % de tous les patients présentant une rhinorrhée post-traumatique constitueront une méningite. [12] La rhinorrhée peut être variable dans son expression. Elle est difficile à mettre en évidence chez un patient intubé ; elle peut être déglutie sans que le patient ne le signale. Il faut penser à la rechercher le matin sous la forme d’une tache claire sur l’oreiller. Dans sa forme typique, de diagnostic aisé, elle est décrite comme un écoulement par le nez de liquide clair, intermittent, souvent favorisé par la position tête penchée en avant. La recherche de glucose dans cet écoulement par bandelette est définitivement obsolète, du fait de la présence de celui-ci dans les sécrétions nasales. Lorsque le recueil de l’écoulement est possible, c’est le dosage de la b2-transferrine, protéine hautement spécifique du LCS, absente des autres fluides de l’organisme, qui confirme la rhinorrhée. Il faut prendre soin de réaliser une électrophorèse des protéines sanguines pour éliminer la présence de b2-transferrine pathologique dans l’organisme (cirrhose hépatique…). [48] Lorsque l’écoulement est trop intermittent ou trop modeste, et que le dosage ne peut être réalisé, c’est le bilan endoscopique et d’imagerie qui aide à en déterminer l’origine par la localisation de la brèche.
¶ Examen maxillofacial Sur le plan maxillofacial, l’examen doit être débuté au plus tôt, l’extension rapide des œdèmes et des hématomes au niveau des tissus mous masquant une partie des signes. Ceci peut avoir une répercussion néfaste sur la conduite du traitement. Il faudrait alors attendre la résorption de ceux-ci pour réaliser un examen fiable, ce qui n’est pas compatible avec les modalités modernes de prise en charge thérapeutique. L’inspection, réalisée de face et de profil, sous bon éclairage, menée de façon bilatérale et symétrique, peut retrouver une atteinte des téguments sous la forme de plaies plus ou moins hémorragiques et dilacérées, avec ou sans pertes de substance, laissant parfois entrevoir le plan osseux sous-jacent avec des traits de fracture. La présence d’ecchymoses ou d’hématomes périorbitaires, dits « en lunettes » (Fig. 15), peut suggérer une atteinte de la base du crâne même si ce signe n’est pas formellement pathognomonique d’une telle lésion. L’existence d’une épistaxis est notée de même que son caractère uniou bilatéral et son abondance qui peut nécessiter un tamponnement nasal. L’état du système lacrymal doit être également évalué, surtout en cas d’atteinte de la partie inférieure et médiale de l’orbite. Des déformations peuvent apparaître : – rétrusion ou déviation de la pyramide nasale ; 9
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– recul du massif facial ; – élargissement de la distance intercanthale réalisant un télécanthus traumatique qui doit être mesuré ; – énophtalmie par élargissement du contenant orbitaire dû aux fractures des parois ; – exophtalmie par fistule carotidocaverneuse ou mouvement de la grande aile du sphénoïde pouvant par ailleurs être associée à une fracture en « blow-in » du toit orbitaire, piégeant les éléments sousjacents à celui-ci (tendons des muscles droit et oblique supérieurs, graisse orbitaire) ; – aplatissement de la zone orbitozygomatique qui forme le relief de la pommette ; – enfoncement du bandeau frontal, notamment dans sa portion centrale. La palpation doit être douce, méthodique, pratiquée de manière aussi aseptique que possible. Elle peut retrouver une crépitation « neigeuse » de la peau (témoignant de la présence anormale d’air au niveau du tissu sous-cutané), des points douloureux électifs, des déformations osseuses à type d’enfoncement ou de déviation, une mobilité anormale de segments osseux évocatrice d’une disjonction craniofaciale fréquemment associée. L’examen doit comporter l’exploration non seulement des zones médianes et latérales de la région craniofaciale, mais aussi l’ensemble de la voûte crânienne, les différents étages de la face y compris l’étage mandibulaire et la région rétroauriculaire. La présence à ce niveau d’un hématome peut révéler une fracture du rocher. Figure 16
¶ Examen ophtalmologique Il fait appel de manière systématique à un ophtalmologiste. Il est souvent gêné par l’œdème post-traumatique, qui rend parfois très difficile l’analyse de l’œil sous-jacent. Il évalue l’acuité visuelle et explore le globe oculaire qui peut être le siège d’une plaie, d’une hémorragie ou d’un hématome. Il teste sa mobilité intrinsèque et extrinsèque, cette dernière au besoin par une épreuve de duction forcée à la recherche d’une incarcération musculaire, et recherche un éventuel ptosis. Ainsi pourront être retrouvés : – un syndrome de la fissure orbitaire supérieure comportant l’atteinte motrice des III e , IV e et VI e nerfs crâniens constituant une ophtalmoplégie avec ptosis. L’atteinte concomitante de la 1 re branche du nerf trijumeau se traduit par une altération de la sensibilité du front, des paupières et du nez ainsi que de la cornée. Cette symptomatologie résulte d’un trait de fracture irradié à la fissure orbitaire supérieure ; – un syndrome de l’apex orbitaire associant à cette ophtalmoplégie une atteinte du nerf optique avec amblyopie sévère, voire cécité du côté atteint. La recherche d’une fistule carotidocaverneuse (FCC) doit être systématique et répétée durant les jours qui suivent le traumatisme craniofacial. En effet, si seulement 0,2 % des traumatisés crâniens développent une FCC, [15] l’apparition de ses signes spécifiques n’est pas toujours brutale et peut se faire de manière différée, avec les risques de cécité que cela implique. Les patients conscients se plaignent d’une diplopie avec exophtalmie pulsatile et douloureuse du fait de la distension veineuse périoculaire. Malgré un chémosis bien banal chez un traumatisé craniofacial, on recherche :
Radiographie de profil de la face ; fracture déplacée de la paroi antérieure du sinus frontal.
– un souffle systolodiastolique perçu par le patient et par l’auscultation des régions temporales et périorbitaires. L’exophtalmie peut très vite occasionner des lésions cornéennes qu’il faut s’attacher à prévenir d’emblée. De même, une altération de l’acuité visuelle constitue une urgence thérapeutique. À ce stade, devant toute suspicion de FCC, un examen doppler des vaisseaux du cou, réalisé au lit du patient, confirme l’accélération et l’augmentation du débit sanguin de la carotide primitive. Elles se traduisent par une baisse de l’index de résistance due à la fuite par la fistule. BILAN PARACLINIQUE
Il repose actuellement sur les données de l’imagerie médicale, majoritairement représentée ici par la tomodensitométrie.
¶ Radiographies standards Les radiographies standards ne sont plus d’actualité dans le bilan lésionnel initial. Elles peuvent cependant se révéler utiles dans des centres non équipés d’appareils de tomodensitométrie, en permettant un diagnostic de qualité moindre (Fig. 16). Elles seront par ailleurs réservées éventuellement au suivi opératoire de certains patients pour des problèmes ponctuels au niveau facial. Les clichés standards classiques sont les suivants : – le crâne de face et de profil ; – l’incidence de Blondeau ; – si l’état du rachis cervical du patient le permet : l’incidence nezfront-plaque et l’incidence de Hirtz.
– une dilatation des vaisseaux conjonctivaux et scléraux ;
¶ Examen tomodensitométrique craniofacial
– une paralysie oculomotrice touchant, de façon globale ou isolée, les IIIe, IVe ou VIe nerfs crâniens ;
Il est réalisé de façon systématique, les patients étant habituellement évacués dans des centres de traumatologie qui disposent de ce moyen d’investigation moderne. Les appareils tomodensitométriques de dernière génération, dits multibarettes, permettent en quelques secondes l’acquisition de
– une atteinte de l’acuité visuelle pouvant être d’origine multiple et notamment traumatique au niveau du globe oculaire ou du nerf optique ; 10
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Figure 17
Tomodensitométrie du crâne, reconstruction sagittale ; hémosinus frontal et ethmoïdal avec fracture non déplacée des deux parois du sinus frontal respectant le canal nasofrontal.
nombreuses coupes dans un plan axial. Dans l’exploration du complexe craniofacial, on peut ainsi réaliser plus de 200 coupes, d’une épaisseur de 1,25 mm et espacées par un intervalle de 0,7 mm. Ces coupes natives, qui se chevauchent, permettent d’obtenir des reconstructions bidimensionnelles selon, le plus souvent, un plan coronal ou sagittal mais aussi selon tout autre plan désiré (axe du cône orbitaire par exemple). Les reconstructions tridimensionnelles, obtenues également à partir des coupes natives, permettent de disposer d’une reconstitution des parties molles (dont le plan cutané) et des plans osseux avec des images globales. Si elles restent accessoires, ces reconstructions permettent néanmoins d’avoir une vue générale des lésions tant faciales que crâniennes, et apportent une aide à la stratégie opératoire. [6] Elles peuvent aussi fournir des renseignements sur le canal nasofrontal et ses rapports avec les traits de fracture [30] (Fig. 17). Par soustraction numérique, on peut également aboutir à la représentation tridimensionnelle des différents plans anatomiques. Ainsi la tomodensitométrie craniofaciale, incluse dans un examen « corps entier », présente de multiples intérêts :
Figure 18 Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : traumatisme craniofacial majeur ; embarrure frontotemporale avec contusion œdématohémorragique droite entraînant une déviation de la ligne médiane, contusion hémorragique frontale gauche et inondation hémorragique ventriculaire bilatérale.
– elle facilite un diagnostic précis des fractures et de leurs déplacements ; – elle permet d’obtenir en une seule séance des images nettes à la fois du crâne et de la face ; – elle détecte des lésions qui peuvent rester méconnues lors de l’examen clinique ; – elle diminue fortement l’irradiation liée à la réalisation de radiographies multiples. Les fenêtres osseuses permettent de distinguer les fractures et les déformations osseuses, notamment les embarrures, tandis que les fenêtres « parties molles » analysent l’état de l’encéphale et des annexes de l’œil. Ainsi, on visualise un hématome intracrânien (Fig. 14, 18), une contusion hémorragique, une pneumocéphalie (Fig. 19, 20), éléments menaçants, relevant au besoin d’un geste de décompression encéphalique en urgence. Si le sinus frontal est parfaitement analysable quant à l’atteinte de ses parois antérieure et postérieure, les éventuelles lésions du canal nasofrontal restent malgré tout difficilement identifiables. Au niveau de la face, un tel examen permet une exploration particulièrement fiable des orbites et de leur contenu : rebords orbitaires, parois latérales et médiales, plancher, toit, apex orbitaire et nerf optique. Celui-ci peut être lésé par une esquille osseuse (Fig. 12, 13) ou par un hématome compressif qui sera identifié par la tomodensitométrie (TDM). Face à une suspicion de fistule carotidocaverneuse, devant une exophtalmie pulsatile, l’examen TDM montre l’œdème des muscles orbitaires et la dilatation des veines ophtalmiques. L’injection de produit de contraste, dans ce cas, visualise le shunt artérioveineux
Figure 19
Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : pneumocéphalie en rapport avec une fracture de la paroi postérieure du sinus frontal gauche.
et les veines de drainage, imposant la réalisation d’une angiographie carotidienne pour préciser les lésions et éventuellement traiter la fistule.
¶ Place de l’imagerie par résonance magnétique L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’a pas d’intérêt en urgence dans l’exploration de ce type de traumatisme, d’autant plus que les appareils de TDM de dernière génération visualisent très bien les parties molles. En revanche, elle est d’un grand intérêt dans la prise en charge de la rhinorrhée et de la localisation des brèches ostéoméningées.
¶ Angiographie cérébrale L’angiographie cérébrale est demandée de manière exceptionnelle dans deux situations : 11
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Figure 20
Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale : pneumocéphalie majeure par plaie craniocérébrale envahissant les ventricules latéraux.
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– faciale ensuite, lors d’une seconde intervention réalisée plusieurs jours après. En l’absence de lésions neurochirurgicales urgentes, le principe était de traiter les atteintes faciales après stabilisation médicale de l’état neurologique avec diminution de l’œdème cérébral fréquemment présent. Les pertes de substance osseuse étaient réparées de façon secondaire voire même tertiaire. Actuellement, la plupart des auteurs [6, 14, 18, 19, 20, 38, 39] recommande un traitement précoce, en un seul temps opératoire, même si cela nécessite une prolongation de la durée initiale de l’anesthésie. Cette stratégie thérapeutique moderne, aidée par l’imagerie médicale, présente plusieurs avantages : – traitement de l’ensemble des lésions, qu’elles soient craniofaciales, maxillofaciales ou ophtalmologiques, dans le même temps que l’exploration neurochirurgicale ; – diminution des interventions itératives et donc des épisodes d’hospitalisation et d’anesthésie ;
– devant un déficit hémicorporel où l’examen doppler des vaisseaux du cou fait redouter une dissection post-traumatique de la carotide interne ; – lorsqu’une fistule carotidocaverneuse est suspectée par la clinique ou l’examen TDM ; elle permet de confirmer le shunt artérioveineux et d’analyser le drainage vers les veines habituellement affluentes du sinus caverneux. L’opacification des veines du cortex cérébral par le shunt témoigne d’un risque hémorragique majoré du fait de l’artérialisation de ces veines. Dans le même temps, l’angiographie doit permettre un traitement endovasculaire en urgence par ballonnet largable respectant le flux carotidien et occluant la fistule. [8, 21] CERTIFICAT MÉDICAL
Ce bilan lésionnel permet la rédaction précise d’un certificat descriptif, éventuellement associé à des photographies des lésions, à des fins médicolégales.
Traitement Après stabilisation des fonctions vitales, le traitement des lésions traumatiques peut être effectué. En dehors du cadre de l’urgence, il est préférable de temporiser quelques heures voire quelques jours selon les cas, afin d’affiner le bilan lésionnel et de s’accorder avec les autres spécialistes concernés sur la stratégie thérapeutique à adopter. OBJECTIFS DU TRAITEMENT
Les objectifs du traitement sont multiples : – protéger l’encéphale sur les plans mécanique et infectieux ; – restaurer les différentes fonctions ; – reconstituer l’anatomie initiale et son corollaire esthétique avec, en particulier dans cette région, le retour à la projection, la dimension verticale et la dimension transversale [19] telles qu’elles étaient avant le traumatisme. STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
Auparavant, il était d’usage de traiter ce type de traumatisme en deux étapes : – neurochirurgicale d’abord, dans l’urgence, pour réparer les lésions endocrâniennes (atteintes du parenchyme cérébral, lésions de la dure-mère) et ophtalmologiques (atteinte du globe oculaire ou du nerf optique) ; 12
– réduction du nombre de séquelles fonctionnelles et cosmétiques parfois liées à un traitement trop tardif et particulièrement difficiles à corriger (par exemple rétraction des parties molles). Selon la prépondérance des dégâts d’une région par rapport à une autre, priorité sera donnée à la face ou au crâne : – lorsque l’atteinte crânienne est minime et le traumatisme facial important, le squelette facial est reconstruit sur le crâne qui constitue la zone d’appui ; – lorsque les lésions osseuses crâniennes sont importantes, la face est d’abord traitée de façon « isolée » puis solidarisée aux éléments restés stables du crâne. Ce dernier est ensuite reconstruit, le massif facial constituant alors la zone d’appui. MOYENS DE RÉPARATION
¶ Voies d’abord
[19, 20, 35, 37, 38, 47]
Pour les lésions craniofaciales proprement dites : – voie coronale (Fig. 21A) linéaire stricte ou suivant la ligne sinusoïdale d’implantation des cheveux (Fig. 21B) : elle donne accès à la partie supérieure des orbites, au front, au complexe nasoethmoïdal au centre, au complexe zygomatomalaire latéralement. Elle permet d’aborder, par l’intermédiaire d’un volet osseux, le sinus frontal et la fosse crânienne antérieure (Fig. 22) ; – voie transethmoïdale classique : l’abord endonasal se fait par endoscopie ; il est limité à la lame criblée et au toit de l’ethmoïde ainsi qu’à la région de la selle turcique. Elle est insuffisante en cas de lésions étendues de la base du crâne et d’atteintes multiples de la dure-mère. – voie transethmoïdale élargie par association avec une voie sourcilière : [37, 38] elle donne accès à la fosse crânienne antérieure dont la région de la selle turcique, en évitant l’atteinte des filets olfactifs et la rétraction des lobes frontaux ; – voie sourcilière (Fig. 21C) : elle permet un abord du sinus frontal uni- ou bilatéral en se réunissant au niveau de la racine du nez. Elle expose au risque d’anesthésie cutanée frontale par atteinte du nerf supraorbitaire et de séquelles esthétiques cicatricielles. Pour les lésions associées : – voies transconjonctivale, sous-ciliaire ou palpébrale inférieure (Fig. 21D) : elles permettent l’accès au plancher orbitaire ; – voie vestibulaire (Fig. 21E) : elle est indiquée pour l’étage moyen du massif facial et en particulier l’os zygomatique ; elle peut être complétée par un décollement de la muqueuse au niveau de l’épine nasale et des orifices piriformes si nécessaire ; – voie canthale interne (Fig. 21F) : elle permet l’accès à la paroi médiale de l’orbite. La paroi latérale peut être abordée par une voie prolongeant la queue du sourcil.
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Figure 21 Voies d’abord de la face et du crâne dans les traumatismes craniofaciaux. A. Voie coronale linéaire ; B. voie coronale sinusoïdale ; C. voie sourcilière bilatérale et voie intercanthale ; D. voie sous-ciliaire et voie palpébrale inférieure ; E. voie vestibulaire ; F. voie canthale interne et voies sourcilières.
A
B
C
D
F
E
Figure 22
Volet frontal
médian.
¶ Matériels d’ostéosynthèse Toute fracture déplacée doit faire l’objet d’une réduction puis d’une contention par ostéosynthèse au fil d’acier en présence de petits fragments, et par plaques miniaturisées vissées (miniplaques et microplaques) (Fig. 23, 24) en présence de fragments plus importants. Cette ostéosynthèse par plaques métalliques en titane, utilisée également pour les greffons osseux, permet une fixation rigide et stable des éléments fracturés. Il est important de reconstituer ou de renforcer les piliers [19, 20] qui maintiennent les rapports du massif facial avec la base du crâne et la mandibule. Il s’agit des piliers nasomaxillaires et zygomaticomaxillaires qui sont des structures antérieures. Le maintien ou le retour à l’occlusion précédant le traumatisme constitue également un élément essentiel. Parfois, pour de grosses pertes de substance, on peut faire appel à des plaques en titane multiperforé adaptable au galbe crânien (Fig. 25, 26).
¶ Greffons et plasties
Par ailleurs, selon leur emplacement et leur importance, les plaies cutanées peuvent être utilisées pour l’exploration voire le traitement des fractures.
En présence de lésions comminutives ou de pertes de substance étendues, [20] comme c’est le cas des traumatismes par arme à feu, on a recours à l’utilisation de greffons osseux autologues (Fig. 27) d’origines diverses pouvant être associés à différents lambeaux reconstituant les parties molles. Ils sont prélevés dans le même temps opératoire, avant le développement des œdèmes et la rétraction des tissus mous. Les greffons calvariaux, [ 9 , 1 4 , 4 7 ] d’origine membraneuse et essentiellement corticaux, ont l’avantage de résister au phénomène de résorption et de se trouver sur le même site opératoire (Fig. 28). Selon les auteurs, ces greffons peuvent être utilisés de pleine 13
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Figure 23 Ostéosynthèses par plaques métalliques miniaturisées vissées.
Figure 26
Radiographie du crâne de face : cranioplastie frontale par plaque de titane multiperforée.
Figure 27 Greffes osseuses crâniennes et faciales.
Figure 24
Radiographie du crâne de face : reconstruction du bandeau frontal par
épaisseur, le site donneur faisant alors l’objet d’une autre greffe calvariale, dont le prélèvement est monocortical et controlatéral, ou bien on a recours à la table externe ou à la table interne. [34] Dans ce dernier cas, les deux tables sont clivées l’une de l’autre, puis la table externe est remise en place sur le site de prélèvement et ostéosynthésée. Les autres sites donneurs sont variables : côtes, crêtes iliaques antérieure et/ou postérieure. [14] Malgré une résorption plus importante, ils peuvent compléter les greffons calvariaux en cas de pertes de substance étendues. L’os iliaque apporte une grande quantité de tissu spongieux pouvant servir à un comblement. Les côtes permettent de disposer de greffons osseux et/ou cartilagineux utiles dans la réparation des traumatismes du nez. [14,
miniplaques.
16, 17]
En cas de communication entre les cavités crâniennes et nasales, celles-ci sont séparées par des lambeaux de fascia temporopariétal ou d’épicrâne qui apportent un tissu mou vascularisé fiable. PRISE EN CHARGE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES [37, 38]
Figure 25 14
Cranioplastie frontale par plaque de titane multiperforée.
La prise en charge hospitalière initiale des lésions maxillofaciales des traumatisés craniofaciaux est idéalement réalisée après les
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Figure 28
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Site de prise de greffe sur la calvaria. 1. Os frontal ; 2. site de prélèvement du greffon pariétal ; 3. écaille occipitale ; 4. 1 écaille temporale ; 5. projection du sinus sagittal supérieur.
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premiers jours d’œdème mais avant l’engluement des fractures en position vicieuse. Cette phase estimée en moyenne à 8 jours conditionne en partie les algorithmes suivants.
¶ Dans les huit premiers jours Les indications thérapeutiques initiales face à un traumatisme craniofacial sont résumées dans la Figure 29. On peut décrire cinq situations, que nous avons schématiquement regroupées en trois types selon la prédominance de l’atteinte neurologique ou maxillofaciale.
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Traumatismes craniofaciaux de type I Ils sont à dominante neurochirurgicale, qu’il y ait ou non un coma associé. Ils ont un caractère de gravité certain du fait de la menace neurologique qu’ils génèrent. Ceci impose toujours un geste chirurgical dont le délai de réalisation et les indications varient : – les lésions expansives intracrâniennes, principalement les hématomes menaçants décrits précédemment, mais aussi parfois les pneumocéphalies expansives, nécessitent d’intervenir en urgence voire en extrême urgence du fait de la mise en jeu du pronostic vital ; – les traumatismes craniofaciaux ouverts, en raison de leur risque infectieux, nécessitent d’être opérés dans l’urgence quel que soit le type de lésion sous-jacente. L’existence d’une brèche ostéoméningée (BOM) et a fortiori d’une plaie craniocérébrale (PCC) est alors ici un facteur aggravant ; – la dominante neurochirurgicale peut se limiter aux stigmates patents d’une brèche ostéoméningée (rhinorrhée abondante, pneumocéphalie importante, embarrure apparaissant neuroagressive). L’intervention chirurgicale revêt alors un caractère moins urgent et peut être réalisée de manière légèrement différée de 2 à 8 jours en fonction de l’état clinique du patient et de la sévérité des lésions associées. Traumatismes craniofaciaux de type II À dominante maxillofaciale, ils n’ont pas de lésions neurologiques imposant un geste chirurgical en urgence. Les fractures de la voûte crânienne ne sont pas déplacées et l’on n’observe pas de lésion expansive intracrânienne. Le patient peut être comateux et la rhinorrhée, si elle existe, est modérée. L’intervention chirurgicale, indiquée par le déplacement des lésions maxillofaciales, est réalisée dans les 8 jours en fonction notamment de l’état neurologique. Traumatismes craniofaciaux de type III Nous les appelons traumatismes « légers » ; ils présentent des fractures craniofaciales non déplacées ne nécessitant pas de réduction sanglante. S’il s’y associe une discrète pneumocéphalie Figure 29 Algorithme no 1. Prise en charge des traumatismes craniofaciaux (TCF) dans les 8 premiers jours.
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Figure 30 Algorithme no 2. Prise en charge d’une rhinorrhée post-traumatique au-delà du huitième jour. TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; DLE : dérivation lombaire externe ; DLP : dérivation lombopéritonéale.
(inférieure à 5 mm) ou une rhinorrhée modeste ou douteuse, nous privilégions la surveillance armée et nous complétons le bilan étiologique si la symptomatologie persiste plus de 8 jours.
¶ Au-delà du huitième jour Une fois passée la phase aiguë, outre les séquelles maxillofaciales, qu’une intervention chirurgicale ait eu lieu ou non, se pose le problème d’une rhinorrhée persistante ou d’apparition secondaire. Sa prise en charge est résumée dans la Figure 30. Exploration d’une rhinorrhée À ce stade, dans les cas les plus sévères, le patient peut encore se trouver sous la dépendance d’un système de ventilation du fait de ses lésions neurologiques. La rhinorrhée passe alors facilement inaperçue et peut être à l’origine d’une méningite. Cette complication impose la réalisation d’une ponction lombaire systématique au moindre doute. Lorsque le patient n’est pas comateux, la rhinorrhée est plus facilement dépistée. Lorsqu’elle est abondante et de diagnostic clinique aisé, la recherche de son origine est le plus souvent fructueuse. En revanche, lorsqu’elle est douteuse, intermittente et peu abondante, son faible débit est souvent lié à une fistule de très petit calibre parfois bien difficile à mettre en évidence. Quel que soit son type, la prise en charge d’une rhinorrhée ne doit pas être précipitée. En effet, entre 53 et 95 % d’entre elles se tarissent spontanément dans les semaines qui suivent le traumatisme. [12, 24] Cette évolution est d’autant plus fréquente que les fractures sont peu déplacées. Ceci n’élimine pas pour autant le risque de récidive d’écoulement de LCS ni de méningite. [43] Le dosage de la protéine b2-transferrine dans le liquide recueilli confirme son origine cérébrospinale. La brèche ostéoméningée, lieu de la fistule, doit être localisée précisément. Plusieurs méthodes d’imagerie sont utilisables en fonction des habitudes et possibilités de chaque centre. Il est licite de débuter cette recherche par les examens les moins invasifs pour le patient. – Tomodensitométrie crânienne. Les coupes tomodensitométriques du crâne avec reconstructions coronale et sagittale permettent dès l’accueil du patient de suspecter 16
Figure 31 Tomodensitométrie du crâne, reconstruction frontale en fenêtre osseuse : mise en évidence d’une perte de substance ethmoïdale (flèche) jouxtant l’apophyse crista galli authentifiant une brèche ostéoméningée. (Avec l’aimable autorisation du professeur Y.S. Cordoliani ; service de radiologie de l’HIA du Val-de-Grâce, Paris). les lieux potentiels de fistule de LCS. Lorsque la rhinorrhée se confirme ou perdure, des coupes fines millimétriques centrées sur la base du crâne permettent de visualiser les solutions de continuité osseuses (Fig. 31) et d’orienter la recherche en IRM. – Imagerie par résonance magnétique. Elle n’a pas la finesse de la tomodensitométrie pour objectiver les lésions osseuses. C’est surtout le signal d’un écoulement qui est recherché. Elle est réalisée suivant les séquences habituelles, complétées par des séquences appelées « CISS » (constructive interference in steady state ; Siemenst) ou « Fiesta » (General Electrict). Il s’agit de séquences d’écho de gradient très pondérées en T2 avec saturation de la graisse, permettant des coupes
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– Cisternographie par résonance magnétique. Plusieurs équipes préconisent la réalisation d’une cisternographie par résonance magnétique après injection intrathécale lombaire de gadolinium. Actuellement, l’autorisation de mise sur le marché pour ce type de produit et dans cette indication n’est pas encore obtenue. Cette technique paraît prometteuse pour affiner le dépistage des fistules de LCS lorsque les autres méthodes sont en échec ou contreindiquées (allergie aux produits de contraste iodés) en diminuant les faux positifs de l’IRM. À ce stade, dans la majorité des cas la fistule est localisée. Elle se situe principalement à trois niveaux, qui sont, d’avant en arrière, la paroi postérieure du sinus frontal, les gouttières olfactives et le sinus sphénoïdal. L’extériorisation de l’écoulement se fait alors respectivement : par le canal nasofrontal, la lame criblée et la partie supérieure des fosses nasales, enfin par leur paroi postérieure. Toute rhinorrhée post-traumatique qui ne fait pas sa preuve au niveau de l’étage antérieur de la base du crâne doit inciter à rechercher son origine au niveau d’une fracture du rocher. Évaluation du risque de méningite
Figure 32
Imagerie en résonance magnétique encéphalique, en séquence fortement pondérée en T2 (CISS ou FIESTA) et épaisseur de coupe submillimétrique : la mise en évidence de liquide dans les cellules ethmoïdales sous-jacentes affirme la fuite de liquide cérébrospinal par la brèche (flèche). (Avec l’aimable autorisation du professeur Y.S. Cordoliani ; service de radiologie de l’HIA du Val-de-Grâce, Paris).
inframillimétriques jointives avec possibilité de reconstruction multiplanaire. Elles ont une grande sensibilité pour la mise en évidence de la brèche ostéoméningée. [23, 25] Le LCS apparaît très blanc au niveau des citernes de la base du crâne et la communication avec les cavités sinusiennes en est rendue d’autant plus évidente (Fig. 32). – Cisternographie tomodensitométrique ou cisternoscanner. Elle permet de localiser la fistule après injection lombaire intrathécale d’un produit iodé qui, après mise en procubitus et position de Trendelenburg du patient, diffuse vers les citernes de la base du crâne. Cette technique est plus agressive que les précédentes, mais elle a fait la preuve de sa sensibilité et de sa spécificité dans les périodes d’écoulement actif. Les coupes coronales objectivent à la fois la lésion osseuse et l’issue de LCS des espaces sous-arachnoïdiens vers les cavités nasales. Parfois, cependant, lorsqu’il existe plusieurs fuites concomitantes, la localisation précise de chacune d’entre elles devient difficile. [32] – Endoscopie nasale couplée à l’injection intrathécale de fluorescéine. L’injection intrathécale de fluorescéine était controversée il y a quelques années du fait de crises comitiales ou d’accidents allergiques, tous régressifs, survenus pour des doses élevées de ce produit fluorescent. [26, 32] Actuellement, elle n’a pas d’autorisation de mise sur le marché pour cette indication intrathécale, mais semble bénéficier d’un regain d’intérêt avec le développement des techniques de réparation endoscopique. [4, 31, 32] Elle est très appréciée par certaines équipes. [2, 44, 50] Wolf [50] décrit seulement trois crises convulsives survenues pour 925 examens réalisés entre 1970 et 1995. Le patient, sous anesthésie générale, est placé en position de Trendelenburg après une injection intrathécale de fluorescéine en région lombaire. La solution diffuse vers les citernes de la base et facilite la recherche de la fuite par l’endoscopie nasale réalisée dans la demi-heure qui suit. Lorsque le point de fuite est localisé par l’apparition de la fluorescéine, et si les lésions sont accessibles, le traitement de la brèche peut être réalisé dans le même temps opératoire. Certains auteurs [26] proposent comme alternative à l’utilisation intrathécale de fluorescéine son application sur la muqueuse nasale lors d’un examen endoscopique. La fuite est alors suspectée par l’apparition d’un écoulement eau de roche décolorant la zone fluorescente.
C’est le spectre de la méningite qui conditionne l’attitude thérapeutique face à la fistule de LCS. Pour certains, il semble que le risque soit relativement faible, compris entre 1 et 2 % dans l’année qui suit le traumatisme. [36] Pour d’autres, ce sont entre 7 et 30 % des patients présentant une fistule de LCS post-traumatique qui feront un jour une méningite. [3, 12] Les germes responsables sont ceux des voies aériennes supérieures, pneumocoque en tête avec 50 % des cas. [36] La méningite à pneumocoque, ayant mauvaise réputation du fait de son taux de mortalité, a probablement conditionné dans les années 1980 les nombreuses indications opératoires de principe face aux fractures de l’étage antérieur. Néanmoins, l’importance de ces infections était relativisée [40] sur le constat de méningites précoces et fréquentes ne récidivant pas, opposées aux méningites tardives exceptionnelles mais récidivant fréquemment. La vaccination antipneumococcique serait alors justifiée pour en limiter la survenue et les conséquences. Traitement des fistules de LCS Deux grands types de techniques dominent la prise en charge chirurgicale des fistules de LCS post-traumatiques avec des indications différentes :. Ils peuvent avantageusement être aidés par les systèmes de navigation intracrânienne et faciale, notamment couplés à un endoscope (exemple : Digipointeurt de Collin orl-cmf, France). – Abords chirurgicaux transcrâniens. Ils sont indiqués devant une rhinorrhée persistante dans : – les gros fracas de la base du crâne avec pertes de substance osseuse ou atteinte de la paroi postérieure du sinus frontal ; – les lésions non accessibles par endoscopie ; – les fistules non localisées au terme du bilan d’imagerie ; – certaines fractures multiples passant par les gouttières olfactives ayant récidivé après un premier colmatage. [11, 33] Ils ont un taux d’anosmie non négligeable et un taux de récidive de la rhinorrhée variant de 10 à 40 %. [4] Voies neurochirurgicales classiques Sur un patient en décubitus dorsal, elles commencent par une incision coronale (ou bitragale) allant d’un tragus à l’autre, passant en arrière de la ligne capillaire, et réalisant le décollement d’un lambeau de scalp vers l’avant, associé à la découverte des muscles temporaux jusqu’aux piliers orbitaires externes. Il faut prendre garde à ne pas dénuder ces muscles trop bas pour ne pas léser la branche frontale du nerf facial. Une fois le bandeau frontal découvert jusqu’aux arcades orbitaires, il faut dégager les nerfs supraorbitaires, ainsi que la racine du nez. À ce stade, il y a trois manières d’accéder aux lésions de la base, notamment en fonction de leur étendue : [1] 17
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– par voie transfrontale, au dessus des sinus : un volet uni- ou bilatéral, adapté à l’étendue des lésions et situé au-dessus des sinus frontaux, donne accès à la base du crâne en limitant les risques d’anosmie. Cette voie est d’autant plus indiquée que les sinus sont de petite taille ou inexistants, en permettant un abord plus tangentiel de la base. En revanche, elle ne donne pas un excellent jour pour les lésions de la base étendues vers le jugum. Elle peut au besoin être facilitée par les techniques de navigation intracrânienne visualisant les limites des sinus et permettant de les respecter tout en évitant les volets trop haut situés ; – par voie trans-sinusienne : beaucoup plus fréquente, elle réalise un volet au ras des arcades sourcilières traversant les sinus (Fig. 22). Elle permet un accès plus tangentiel vers la base du crâne et ses lésions, en imposant un écartement moindre au cerveau pour accéder au jugum. Ceci limite l’œdème cérébral. L’anosmie est quasiment inéluctable si l’abord est bilatéral ;
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– par voie transfracturaire : elle représente souvent un accès associé à l’un des deux précédents. En effet, les TCF touchent rarement l’étage antérieur de la base du crâne sans léser le bandeau frontal. Outre d’éviter parfois la réalisation d’un volet osseux, elle permet l’inventaire des lésions sous-jacentes à la fracture ; – exploration et réparation : quelle que soit la voie d’abord, un temps d’exploration est alors indispensable. Il peut se limiter à un décollement de la dure-mère très antérieur si les lésions intéressent la face postérieure du sinus frontal, épargnant ainsi l’odorat. Si elle s’étendent en arrière, l’exploration doit pouvoir aller jusqu’au jugum sphénoïdal et au tubercule de la selle turcique. L’exérèse à la pince de l’apophyse crista galli permet d’aplanir l’espace interhémisphérique antérieur après décollement des adhérences dure-mériennes. À ce niveau, si une exploration intradurale, sous-frontale est décidée, la ligature du sinus sagittal supérieur juste en arrière du trou borgne et la section de la partie antérieure de la faux du cerveau sont nécessaires. Ceci facilite la recherche des lésions durales, même si elle impose l’écartement doux et progressif des lobes frontaux. Si cette voie intradurale est unilatérale, l’épargne olfactive devient possible mais avec le risque d’ignorer une fistule proche des filets olfactifs moins bien explorés. Il vaut mieux sacrifier l’odorat du côté atteint et en assurer l’étanchéité. L’abord intradural permet l’accès aux lésions cérébrales éventuelles, mais c’est la voie extradurale qui est la mieux adaptée pour la suture des lésions de la dure-mère. Cette suture se fait par points simples ou surjet passé de fil non résorbable 4/0. Pour en garantir l’étanchéité, une doublure doit être assurée par lambeau libre ou pédiculé d’épicrâne garni de colle biologique (Fig. 33). Il faut proscrire les plasties synthétiques dans cette région a priori contaminée. La réparation du plan osseux de la base se fait ensuite ou préalablement en fonction de l’étendue des dégâts et de leur accessibilité à l’aide des techniques déjà citées. La cranialisation des sinus (Fig. 34) est la règle après effraction traumatique ou chirurgicale classique de leurs deux parois (voir cas particuliers). Le bandeau frontal est reconstitué après exérèse des esquilles non viables car trop petites ou souillées. Le positionnement des miniplaques à cheval sur les emplacements des trous de trépan assure un meilleur résultat esthétique (Fig. 24). Voie nasofrontale [33, 37, 38] Elle peut être proposée pour la prise en charge de gros délabrements postérieurs ou lors de récidives de fuites de LCS après un premier traitement endoscopique ou transcrânien infructueux. À partir d’une incision bitragale, elle réalise un décollement sous-périosté du scalp vers l’avant puis un écartement de la périorbite de la paroi supérointerne des deux orbites isolant la racine du nez, en prenant garde aux nerfs supraorbitaires de chaque côté (au besoin libérés de leur arcade). Ceci permet de sculpter un volet frontal bilatéral emportant avec lui une pièce fronto-naso-orbitaire. Puis, par une dissection extradurale, notamment médiane, refoulant la masse cérébrale en arrière, on coagule les filets olfactifs au contact des gouttières olfactives. Ceci favorise les fistules de LCS au travers des orifices de 18
Figure 33
Cranialisation du sinus frontal et mise en place d’un lambeau pédiculé d’épicrâne en position sous-frontale. 1. Lobe frontal gauche protégé par la dure-mère ; 2. poudre d’os comblant les canaux nasofrontaux ; 3. sinus sagittal supérieur ; 4. suture coronale ; 5. zone de dissection de l’épicrâne pédiculé par sa base, puis glissé en dessous de la dure mère frontale réparée, créant ainsi un plan de séparation entre la cranialisation et la dure mère ; 6. clips hémostatiques du scalp ; 7. fils tracteurs sur la face interne du scalp.
Figure 34
Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : cranialisation du sinus frontal après reconstruction de la paroi antérieure par miniplaques.
ces filets. Néanmoins, ce décollement permet de retrouver les brèches existantes et les fractures en cause. Elles sont suturées au fil à dure-mère non résorbable. Une ethmoïdectomie associée à l’ouverture de la paroi antérieure du sinus sphénoïdal donne une large exposition de la région ethmoïdosphénoïdale et permet l’accès aux lésions de cette région. La résection de la muqueuse est obligatoire. Une pièce d’épicrâne prélevée en arrière de l’incision bitragale peut être apposée en extradural pour la renforcer ou remplacer une perte de substance. Enfin, l’épicrâne du lambeau de scalp antérieur est découpé et glissé sous la dure-mère basale antérieure et suturé à celle-ci. Il faut y associer l’application de colle biologique et de gaze hémostatique résorbable type Surgicelt. Il est recommandé de combler par des paquets de graisse abdominale la cavité créée sous ce plan tendu entre le toit des deux orbites. Pour finir, le bandeau frontal est reconstruit à l’aide de miniplaques. L’inconvénient majeur de cette technique est l’anosmie complète et définitive.
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Figure 35 Algorithme no 3. Prise en charge des fractures du sinus frontal. LCS : liquide cérébrospinal.
– Voies extracrâniennes transfaciales. Elles ont été décrites mais, outre la cicatrice qu’elles imposent parfois, elles n’offrent pas un jour suffisant pour la visualisation et la cure des brèches. – Abord endoscopique endonasal. [4, 13, 29, 31, 32] L’abord par voie basse transnarinaire endoscopique permet de visualiser l’écoulement du LCS au niveau de l’orifice muqueux, soit après localisation de la fistule par les examens d’imagerie, soit lorsque ceux-ci ne la retrouvent pas (cf. supra). Dans le même temps opératoire, elle permet de colmater la brèche au niveau de l’écoulement muqueux en utilisant différents types de lambeaux. Il s’agit essentiellement de fragments de muqueuse du cornet moyen ou inférieur et parfois de fascia lata, de muscle ou d’aponévrose temporale, voire de graisse abdominale. Ces lambeaux peuvent être associés entre eux et idéalement fixés par une colle biologique associée à du Surgicelt. La muqueuse adjacente de la fistule est nettoyée du tissu fibreux cicatriciel pour permettre un meilleur contact entre l’os et le greffon choisi. Le nez est ensuite méché à l’aide d’une gaze grasse type Tulle-grast. L’ablation des mèches se fait entre quelques jours et 3 semaines plus tard. [31] Au préalable, une ethmoïdectomie permet de visualiser l’ensemble de l’étage antérieur de la base du crâne. Si nécessaire, une ouverture du sinus sphénoïdal est également pratiquée. L’abord par voie endonasale d’une fistule située au niveau du sinus frontal est très difficile. Les résultats de ces techniques endoscopiques sont très bons, entre 80 et 100 % de succès. [4, 13, 31] De plus, elles sont grevées d’une moindre morbidité, ne donnant qu’exceptionnellement une anosmie, et ne laissent aucune cicatrice. Ces qualités incitent à retenir le traitement endoscopique en première intention pour le colmatage des brèches ostéoméningées qui réunissent les caractéristiques suivantes : – accessibles à l’endoscopie ; – sur des fractures peu ou pas déplacées ; – lorsque l’abord neurochirurgical n’a pas été nécessaire par ailleurs. – Moyens adjuvants. Face à une fistule de LCS avérée et active, la prise en charge thérapeutique peut être aidée par différents moyens adjuvants : – l’antibioprophylaxie initiale contre le pneumocoque est très controversée. Elle peut être proposée pendant la première semaine sur les critères du grand nombre de tarissements spontanés de brèches ; [36]
– la vaccination antipneumococcique systématique a été proposée et pourrait réduire la gravité des méningites secondaires. [49] Nous y avons recours systématiquement ; – enfin, de petits moyens visant à diminuer la pression intracrânienne sur la fistule peuvent se révéler d’une grande aide, notamment l’interdiction des efforts à glotte fermée pendant 1 à 2 mois : mouchage, éternuement retenu, mais aussi en limitant la toux et en administrant des laxatifs contre la constipation. Le patient doit dormir pendant une quinzaine de jours la tête surélevée, voire en position demi-assise, en évitant le décubitus strict ; – les dérivations du LCS, mises en place par voie lombaire, permettent une vidange partielle et contrôlée des espaces sousarachnoïdiens. Elles sont placées pour quelques jours sous forme d’une dérivation lombaire externe (100 à 200 cm3/24 h), ou à demeure, en dérivation lombopéritonéale. Elles représentent un complément de la cure locale de la brèche en diminuant la pression intracrânienne sur la fistule, permettant ainsi aux plasties et colmatages de cicatriser. CAS PARTICULIERS
[6, 18]
¶ Fractures du sinus frontal (Fig. 35) Le traitement dépend du type de fracture, de sa localisation, de l’existence d’un déplacement, de la présence d’une rhinorrhée. Les fractures simples de la paroi antérieure, fermées, non déplacées, sans atteinte concomitante de la région du canal nasofrontal ne sont pas opérées mais restent surveillées (Fig. 36A). Les fractures complexes de la paroi antérieure (Fig. 36B), ouvertes ou déplacées (Fig. 37) font l’objet d’une exploration chirurgicale, avec exérèse méticuleuse de la muqueuse lésée et des éléments étrangers éventuels, puis traitement des lésions osseuses par ostéosynthèse avec ou sans greffe osseuse reconstituant le bandeau frontal. Lorsque la fracture intéresse la partie inférieure du sinus frontal, l’atteinte du canal nasofrontal peut se compliquer d’obstruction, de mucocèle ou de sinusite. Son exploration chirurgicale s’impose lorsque les images tomodensitométriques montrent une lésion à ce niveau nécessitant son oblitération. Cette exclusion du sinus frontal (Fig. 36C) est obtenue par le comblement de la cavité sinusienne proprement dite et du canal nasofrontal, de préférence à l’aide de greffons spongieux ou corticospongieux. 19
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D
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G
Figure 36
Techniques de prise en charge des fractures du sinus frontal. A. Fractures simples de la paroi antérieure. B. Fractures complexes de la paroi antérieure. C. Exclusion du sinus et reconstruction de la paroi antérieure. D. Fracture complexe de la paroi antérieure associée à une fracture simple de la paroi postérieure.
E. Reconstruction d’une fracture complexe de la paroi antérieure et abstention chirurgicale sur une fracture simple de la paroi postérieure. F. Fracture complexe de la paroi antérieure et de la paroi postérieure. G. Cranialisation du sinus et reconstruction de la paroi antérieure.
¶ Fractures de l’orbite Leur réduction nécessite une bonne exposition dans les trois dimensions de l’espace pour éviter la survenue de déformations secondaires difficiles à redresser. Les lésions de la paroi orbitaire médiale exposent au risque d’atteinte du sinus ethmoïdal avec agrandissement du contenant orbitaire se traduisant par une énophtalmie. La correction chirurgicale fait souvent appel à une greffe osseuse (calvaria) pour reconstituer cette paroi orbitaire.
Figure 37
Tomodensitométrie du crâne, coupe axiale en fenêtre osseuse : fracture déplacée des parois antérieures et non déplacées des parois postérieures des sinus frontaux.
En cas de fracture associée de la paroi postérieure, si celle-ci est à trait simple sans déplacement ou avec un déplacement minime inférieur à son épaisseur (Fig. 36D), on s’abstient de tout traitement particulier en reconstruisant uniquement la paroi antérieure en l’absence de rhinorrhée (Fig. 36E). Lorsque la paroi postérieure est le siège d’une fracture plus importante, voire d’une comminution (Fig. 36F), il y a un risque d’atteinte de la dure-mère par brèche ostéoméningée. Si cette atteinte est effective et persistante sous la forme d’une rhinorrhée, le traitement consiste alors en l’exérèse de cette paroi postérieure. Seule la paroi antérieure est reconstruite. On réalise alors une « crânialisation » du sinus frontal (Fig. 34, 36G), en associant un curetage complet de toute la muqueuse sinusienne à l’exérèse de sa paroi postérieure. On en complète l’étanchéité en obstruant le canal nasofrontal à l’aide de poudre d’os récupérée lors de la trépanation mélangée à de la colle biologique, puis en séparant les cavités nasales, contaminées, de la cavité crânienne, par l’interposition d’un lambeau pédiculé d’épicrâne. Celui-ci, glissé sous la face endocrânienne de la dure-mère (Fig. 33), vient idéalement renforcer la suture d’une brèche durale. 20
Les fractures du toit de l’orbite [34] sont rares et souvent associées à une atteinte du bord supraorbitaire. Elles sont soupçonnées par la présence d’une ecchymose de la paupière supérieure et d’une hémorragie sous-conjonctivale. Elles peuvent entraîner une diplopie par œdème ou hématome intraorbitaire ou par incarcération des muscles droit supérieur et oblique supérieur et un ptosis par lésion du muscle releveur de la paupière supérieure. Par ailleurs, l’exophtalmie est ici plus fréquente que l’énophtalmie. Par le trait de fracture du toit orbitaire, on peut réaliser la désincarcération d’un muscle ou de la périorbite. Enfin, l’exploration des voies optiques est très controversée du fait des taux d’échec importants. [27, 42] Elle n’est éventuellement indiquée qu’en présence d’une cécité posttraumatique avérée, avec image de compression du tractus optique d’origine osseuse (Fig. 12, 13) ou par hématome. Elle se fait surtout par voie transethmoïdosphénoïdale médiane ou pour certains par voie endoscopique. [41]
¶ Fractures du complexe fronto-naso-ethmoïdal L’atteinte concomitante des os propres du nez et du septum nasal entraîne des déformations et une instabilité particulièrement délicates à corriger en première intention. Il faut s’attacher à reproduire la projection de la pyramide nasale, après réduction des déplacements, à l’aide de greffons osseux ou cartilagineux. Si la projection reste insuffisante, la présence du greffon sert cependant à limiter la rétraction des parties molles, réduisant ainsi les difficultés d’une reconstruction secondaire.
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telles que l’anosmie ou être difficilement corrigeables comme la diplopie. Enfin, les séquelles esthétiques peuvent nécessiter une correction ardue exigeant plusieurs étapes.
¶ Séquelles fonctionnelles Elles peuvent être : – l’anosmie : séquelle souvent définitive ou de récupération très partielle pouvant se révéler très invalidante, elle peut être liée aux lésions initiales quand elles atteignent le complexe frontoethmoïdal ou aux explorations et traitements d’une rhinorrhée. Dans sa forme bilatérale, elle peut s’accompagner d’une dysgueusie aggravant ainsi l’atteinte sensorielle ; – la cécité, la baisse de l’acuité visuelle, l’amputation du champ visuel : séquelles également définitives par atteinte directe ou indirecte du nerf optique, se manifestant de façon uni- ou bilatérale, symétrique ou non ; Figure 38
Radiographie du crâne de face : ostéolyse d’un fragment osseux du bandeau frontal après reconstruction par miniplaques. COMPLICATIONS
Au-delà de la mise en jeu du pronostic vital engendrée par les lésions neurologiques, elles sont essentiellement infectieuses et peuvent se manifester de façon précoce ou tardive : – complications précoces : – sinusites frontales ou ethmoïdales favorisées par les lésions muqueuses, par la présence d’un hématome, d’un œdème, par la proximité des fosses nasales. Elles peuvent se compliquer d’une méningite ;
– la diplopie : pouvant se manifester dans les différents secteurs du champ visuel mais plus fréquemment dans le regard vers le haut, elle est souvent difficile à corriger à distance du traumatisme, les lésions causales (atteinte de muscles moteurs oculaires ou de leurs tendons, fibrose) étant alors fixées ; – l’atteinte des voies lacrymales par malposition, compression ou section, pouvant se traduire par une épiphora ou une dacryocystite ; selon les cas, une dacryocystorhinostomie peut être pratiquée ; – des anomalies de l’occlusion dentaire avec parfois syndrome de dysfonctionnement craniofacial en cas de réduction insuffisante d’une fracture horizontale du massif facial.
¶ Séquelles morphologiques
– méningite par plaie craniocérébrale évidente, par brèche duremérienne insidieuse parfois à distance des foyers de fracture ;
Elles se traduisent par des déformations variées :
– abcès orbitaire ;
– enfoncement du bandeau frontal ;
– ostéite, ostéomyélite au niveau des éléments fracturés ou d’os en contact avec des foyers infectieux. Elles peuvent se traduire par des douleurs localisées accompagnées ou non de céphalées, avec une tuméfaction, une hyperthermie, une fistule cutanée et une image radio-claire de lyse osseuse (Fig. 38) ;
– énophtalmie par agrandissement de l’orbite en relation avec les différentes fractures des parois, ou dans les fractures déplacées du complexe orbitozygomatique ;
– abcès du cerveau et empyème péricérébral : ils restent peu fréquents ; – complications tardives : – mucocèle et mucopyocèle ; – sinusite frontale pouvant se développer à bas bruit et se transformer en pan-sinusite par atteinte des cavités sinusiennes de l’ethmoïde, du sphénoïde et du maxillaire ; – réapparition d’une rhinorrhée avec ou sans méningite. Autres complications : – pneumocéphalie se traduisant par la présence d’air dans la boîte crânienne par communication avec le milieu extérieur signant ainsi une brèche dure-mérienne pouvant nécessiter une intervention ; – atteinte oculaire concernant le globe par traumatisme direct ou le nerf optique intéressé par un trait de fracture ou par un œdème ou un hématome compressif. Cette atteinte peut parfois nécessiter l’exentération du contenu orbitaire. SÉQUELLES
Elles résultent d’une erreur de diagnostic, d’un bilan lésionnel incorrect, d’un traitement primaire mal adapté ou insuffisant ou d’une complication du traitement initial et parfois de lésions graves et complexes. Les séquelles fonctionnelles peuvent être définitives [19, 20]
– asymétrie de la face ;
– exophtalmie par rétrécissement de l’orbite ; – télécanthus par déplacement latéral de la paroi orbitaire médiale avec élargissement de l’arête nasale, et par défaut de repositionnement du ligament canthal médial ; – insuffisance de projection de la pyramide nasale dans les atteintes du complexe naso-ethmoïdo-orbitaire ; – élargissement ou enfoncement de la pommette dans les atteintes latérales au niveau de l’ensemble zygomatomalaire ; – rétrusion de la face dans le cadre d’une disjonction craniofaciale avec recul de l’étage supérieur. Elles sont souvent difficiles à corriger, en raison de la rétraction habituelle des parties molles sus-jacentes ou de la disparition de certains éléments osseux. La fixation spontanée, en mauvaise position, des pièces osseuses fracturées, ayant ou non conservé leur forme anatomique initiale, impose leur reconstitution. La correction [19, 20] fait appel aux techniques d’ostéotomies, associées ou non aux greffes osseuses et s’inspirant des techniques mises au point pour les malformations craniofaciales par Paul Tessier. Chaque cas est particulier et demande une adaptation aux différentes situations rencontrées.
¶ Séquelles neuropsychologiques des traumatisés
crâniens Il s’agit notamment du syndrome subjectif des traumatisés crâniens, des altérations des fonctions supérieures du syndrome frontal causées par les contusions frontopolaires.
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Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile J. Nicolas, E. Soubeyrand, D. Labbé, J.-F. Compère, H. Benateau Les traumatismes balistiques de la face par arme à feu sont source de lésions maxillofaciales très variées, plus ou moins complexes, dont l’inventaire précis conditionne les modalités thérapeutiques. La prise en charge initiale répond à des critères bien codifiés en fonction de la hiérarchisation des urgences. La prise en charge secondaire, temps de la réhabilitation dento-maxillo-faciale, fait appel à des procédés chirurgicaux ou prothétiques classiques et aux nouvelles techniques de lambeaux libres, de distraction ostéogénique, d’expansion cutanée et d’épithèses implantoportées. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Maxillofacial ; Balistique ; Lésion ; Reconstruction
Plan ¶ Introduction
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¶ Épidémiologie Tentative de suicide Tentative d’homicide Accidents
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¶ Bilan lésionnel Recherche de lésions pouvant compromettre le pronostic vital Bilan lésionnel craniofacial
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¶ Prise en charge primaire Prise en charge des urgences vitales Prise en charge primaire
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¶ Prise en charge secondaire : réhabilitation maxillofaciale et prise en charge des séquelles Prothèses dento-maxillo-faciales Lambeaux libres ou pédiculés Distraction ostéogénique Expansion cutanée Greffes
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■ Introduction Les traumatismes balistiques restent l’urgence maxillofaciale la plus redoutée. Ils entraînent de nombreuses séquelles sur les plans tant physique que psychologique. Leur prise en charge en urgence reste stéréotypée et la prise en charge secondaire (prise en charge des séquelles) requiert l’ensemble des techniques de reconstruction maxillofaciale afin d’obtenir les meilleurs résultats fonctionnels et esthétiques possibles.
■ Épidémiologie Tentative de suicide Les suicides par arme à feu constituent la première cause de traumatismes balistiques de la face [1]. Avec 24 % de suicidés par arme à feu [1], notre pays occupe le second rang mondial après les États-Unis où le taux atteint 47 %. Stomatologie
La population, principalement masculine, se situe dans une large fourchette de 10 à 85 ans, avec deux pics à 18-30 ans et à 40-55 ans, qui correspondent aux périodes dites « charnières » de la vie et qui représentent deux tiers des patients [2, 3]. L’arme utilisée est le fusil de chasse en milieu rural et plutôt l’arme de poing en zone urbaine [4, 5]. Les dégâts occasionnés dépendent de la nature de l’arme employée. Le fusil de chasse, le plus souvent utilisé canon appliqué sous le menton, entraîne de graves dégâts à l’étage mandibulaire et peut épargner plus ou moins l’étage moyen de la face et le crâne. Il n’en est pas de même si son canon est introduit en bouche ou si le désespéré applique une arme de poing en bouche ou sur la tempe : les lésions faciales hautes délabrantes et cranioencéphaliques gravissimes prédominent dans ces cas [6]. Les modalités et la motivation du geste suicidaire sont parfois difficiles à établir. Il est habituel de ne retrouver aucun antécédent psychiatrique [7, 8]. Les récidives sont exceptionnelles quand la prise en charge est globale, à la fois somatique par le chirurgien et psychologique par le psychiatre.
Tentative d’homicide L’arme de poing est le plus souvent utilisée. L’orifice de pénétration est surtout temporal. Le tir s’effectuant à bout portant et non à bout touchant, les dégâts constatés sont moins délabrants que dans les suicides [9, 10].
Accidents Qu’ils surviennent à la chasse, au cours de loisirs (ball-trap, tir, etc.) ou bien à l’occasion de l’entretien de l’arme, d’une rixe ou d’un maintien de l’ordre public, ils ne concernent qu’assez peu souvent la face [11-14].
■ Bilan lésionnel La grande diversité des traumatismes et des agents vulnérants explique le polymorphisme des lésions. Mais qu’il s’agisse du traumatisme bénin guérissant sous seule surveillance ou de la pulvérisation dramatique compromettant le pronostic vital, tous ces blessés doivent faire l’objet d’une prise en charge rigoureuse, hiérarchisée selon la nature de leurs blessures et leur degré de gravité.
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Figure 1. Traumatisme balistique classé M1. Radiographie de profil et panoramique : fracture comminutive de la symphyse mandibulaire avec présence de plombs multiples.
Recherche de lésions pouvant compromettre le pronostic vital Dans un premier temps, le pronostic de tout traumatisé balistique dépend du risque vital. Il faut donc évaluer tous les éléments pouvant compromettre en urgence le pronostic vital : • détresse respiratoire ; • choc hypovolémique avec collapsus hémodynamique ; • lésions cranioencéphaliques. Le premier élément de la prise en charge primaire comprend donc, en collaboration avec les réanimateurs, la prise en charge de ces trois éléments afin de passer le cap de l’urgence vitale. Une fois l’état hémodynamique du patient stabilisé, le bilan craniofacial du patient est établi.
Bilan lésionnel craniofacial Il s’appuie sur : • la nature et le trajet du projectile qui permettent d’évoquer les lésions supposées ; • la région faciale atteinte ; • l’existence ou non et la nature des pertes de substance ; • l’altération des structures squelettiques ; • les possibilités de couverture et de fermeture muqueuses et cutanées ; • les déficits fonctionnels éventuels. Difficiles à établir d’emblée en dehors des traumatismes balistiques de moindre gravité, l’importance et la nature des lésions faciales s’apprécient au cours de l’exploration chirurgicale.
Figure 2. Traumatisme balistique classé G1 G2 G3. Scanner du massif facial avec reconstruction 3 D : fracture comminutive de la branche horizontale, de l’angle mandibulaire gauche, de l’os zygomatique gauche et de l’orbite gauche.
Bilan radiologique Si l’état hémodynamique du patient le permet, il est réalisé avant la prise en charge chirurgicale. En objectivant le projectile et les lésions osseuses, l’imagerie, outre sa valeur médicolégale, contribue à l’inventaire lésionnel. Dans le cas contraire, il est réalisé après le bloc opératoire. Ce bilan comprend : • radiographies standards (Fig. 1) ; • scanner du massif facial (Fig. 2). L’imagerie par résonance magnétique est souvent contreindiquée en fonction du type de projectile [15].
D3
D2
Niveau 3 = orbitonasal
G2
D1
Classification (Fig. 3) [16]
2
G3
Niveau 2 = maxillopalatin
M2
Bilan clinique De nombreuses classifications sont proposées. Nous utilisons dans le service une synthèse de deux classifications prenant en compte les régions atteintes, ainsi que les orifices d’entrée et de sortie du projectile. Dans cette classification, le massif facial est séparé en trois niveaux et trois bandes verticales : • niveau 1 : mandibulaire (étage inférieur) ; • niveau 2 : maxillaire (étage moyen) ; • niveau 3 : orbitonasal (étage supérieur) ; • bande D : droite ; • bande M : médiane ; • bande G : gauche.
M3
G1
Niveau 1 = mandibulaire
M1
Bande D = droite
Bande M = médiane
Bande G = gauche
Figure 3. Classification utilisée pour décrire les différents traumatismes balistiques.
.
Ainsi sont isolées neuf régions : D1, D2, D3, M1, M2, M3, G1, G2, G3. La lésion est décrite en énonçant les régions touchées par le traumatisme dans l’ordre correspondant au trajet du projectile, depuis l’orifice d’entrée jusqu’à l’orifice de sortie (Fig. 4). Stomatologie
Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile ¶ 22-075-B-10
Figure 4. Différents exemples de traumatismes balistiques. A. Patient classé M1. B. Patient classé M2 M3 G3. C. Patient classé M1 M2 M3 G1 G2. D. Patient classé M1 M2 M3.
Bilan lésionnel Il débute avant la prise en charge chirurgicale et se poursuit lors de l’exploration chirurgicale. Les lésions osseuses, les lésions des tissus de couverture, les lésions organiques et fonctionnelles sont consignées sur un schéma. Ce bilan clinique doit s’accompagner de documents photographiques, complément utile sur le plan médicolégal, et qui permettent de suivre l’évolution du patient. Lésions osseuses. Elles sont explorées en partant de l’orifice d’entrée du projectile en suivant son trajet. Mandibule. En cas de suicide, la symphyse mandibulaire et la branche horizontale gauche (du fait de la prédominance de droitiers) sont majoritairement atteintes. Il arrive que le souffle fracture l’angle mandibulaire controlatéral au traumatisme. La perte de substance osseuse, quand elle existe, est variable, parfois majeure pouvant emporter toute la portion dentée d’un angle à l’autre. Maxillaire. Il peut n’être « que » traversé par une balle réalisant une communication buccosinusienne. Si la balle se fiche dans les fosses nasales, elle peut s’évacuer par les voies naturelles. D’autres fois, surtout quand le trajet du projectile est très antérieur, le maxillaire et le prémaxillaire explosent en d’innombrables fragments porteurs ou non de reliquats dentaires. Os propres du nez et apophyses montantes du maxillaire. Lorsqu’ils sont situés sur la trajectoire du projectile, ils sont souvent soufflés et présentent des fractures comminutives, avec élargissement de la pyramide nasale avec télécanthus. Au maximum, la déflagration emporte les parties molles et le squelette osseux médiofacial [17]. Stomatologie
Os zygomatique. Selon la trajectoire et la nature du projectile, il est tantôt soufflé et valgisé (les deux os zygomatiques peuvent être concernés), tantôt pulvérisé en de nombreux fragments lorsque le corps du malaire est traversé par le projectile [18]. Parois orbitaires. Du fait de leurs structures lamellaires (fragiles) et de l’effet de souffle, ce sont le plancher, la paroi interne et le toit qui sont le plus souvent fracturés. Structures osseuses latérofaciales (arcade zygomatique, coroné, condyle mandibulaire). Leur atteinte est à l’origine de constrictions permanentes des mâchoires, de traitement difficile. Confins craniofaciaux. Lorsqu’ils sont concernés (toit d’orbite, lame criblée, sphénoïde), ils exposent aux complications neuroencéphaliques et engagent souvent le pronostic vital. Lésions des tissus de couverture (peau et muqueuse). Parfois, il ne s’agit que d’un orifice de pénétration à bords plus ou moins nets, entouré de ses collerettes concentriques : érosives provoquées par un échauffement tissulaire au passage du projectile, circonscrites par une collerette d’essuyage moins étendue que la précédente, et éventuellement par une troisième collerette périphérique tatouée par les débris de poudre et la fumée de combustion. Une ecchymose d’importance et d’étendue variables cerne ces collerettes (Fig. 5). D’autres fois, les lésions sont plus délabrantes. L’orifice de pénétration est beaucoup plus large, à bords déchiquetés, dilacérés, avec attrition des tissus. Le tatouage par la poudre est constant lors des traumatismes à bout touchant et la présence de corps étrangers est habituelle : bourre, plombs, débris dentaires et prothétiques, mais il n’est
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Figure 5.
Orifice d’entrée du projectile.
Figure 6. Radiographie pulmonaire. Présence d’une dent inhalée dans la bronche souche droite après traumatisme balistique.
pas rare aussi de retrouver des débris telluriques et végétaux si le blessé a chuté à terre et que la plaie est béante. Les formes les plus graves sont représentées par les amputations cutanéomuqueuses, associées à des pertes de substance osseuse, mutilant sévèrement les orifices naturels de la face. Leurs séquelles fonctionnelles sont redoutables (Fig. 4C). Lésions organiques et fonctionnelles. Dents. Solidaires des maxillaires, elles partagent leur sort. Des fractures alvéolodentaires souvent plurifragmentaires et des pertes dentaires sont fréquemment retrouvées. Dents, amalgames, couronnes et débris prothétiques peuvent constituer autant de corps étrangers projetés et impactés dans les parties molles, voire inhalés ou, moindre mal, avalés (Fig. 6). La présence de fragments osseux dentés est un élément précieux pour positionner correctement les pièces squelettiques. Les sacrifices dentaires parfois nécessaires doivent être parcimonieux. Globe oculaire et ses annexes. Ils sont particulièrement vulnérables. Urgence fonctionnelle prioritaire, le syndrome de section physiologique du nerf optique (chute de l’acuité visuelle d’un œil dont la pupille est en mydriase avec réflexe photomoteur direct aboli et réflexe photomoteur consensuel conservé) traduit la compression ou l’étirement du nerf optique dans son canal par l’œdème, un hématome ou une esquille osseuse. L’examen ophtalmologique précoce s’enquiert d’une plaie du globe oculaire, voire de son éclatement. Une vélocité de 100 m/s est suffisante à un projectile pour pénétrer un œil : c’est le cas des plombs de chasse jusqu’à une distance de tir variant selon l’arme de 50 à 90 m [19]. Ces plaies sont souvent de pronostic très réservé.
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Les paupières, les ligaments palpébraux parfois arrachés, les voies lacrymales dilacérées ou comprimées, sont méthodiquement étudiées. Glandes salivaires. Elles sont exposées dans les traumatismes latéraux. Leur blessure ou celle de leurs canaux évacuateurs, peut être à l’origine de kystes ou de lacs salivaires responsables de retard de cicatrisation cutanée, d’infections, de fistulisation à la peau. Atteintes nerveuses [20]. Outre celle du nerf optique, elles sont dominées par les lésions du nerf facial dont l’atteinte est souvent incomplète, ne concernant que certaines branches. L’étude de la mimique est délicate précocement, d’autant plus qu’existent des plaies musculaires ; prudence et réserves doivent s’imposer dans les conclusions précoces. Concernant le nerf trijumeau, l’atteinte de la troisième branche est fréquente (fracture de mandibule ou arrachement du nerf à sa sortie de la mandibule au trou mentonnier). La deuxième branche est difficile à tester dans les traumatismes très délabrants où la réponse à l’étude de la sensibilité cutanée, muqueuse ou dentaire est difficile d’appréciation. Lésions vasculaires. Elles peuvent constituer à elles seules une urgence vitale [21, 22] , tant sous la forme d’une hémorragie abondante et diffuse (hémorragies artérielles maxillaires internes ou faciales, voire linguales) dont l’hémostase ne peut être aisément réalisée, que sous celle d’hématome volumineux asphyxique, ou de saignements diffus en « nappe » d’autant plus difficiles à maîtriser que le blessé est sous anticoagulants ou présente une maladie de la crase sanguine. Fistules carotidocaverneuses. Elles peuvent se constituer rapidement. Elles se suspectent devant un œdème, une ecchymose, une exophtalmie pulsatile, une circulation veineuse collatérale palpébrale supérieure et un souffle intracrânien, tableau qui doit amener à pratiquer en préopératoire une artériographie sélective à visées diagnostique et thérapeutique [23-27]. Atteintes neuro-basi-crâniennes. L’atteinte cérébrale est celle qui affecte le plus le pronostic vital puisqu’elle entraîne selon les séries de 35 à 80 % de mortalité. Il peut y avoir extrusion de matière cérébrale par éclatement de la boîte crânienne sans entraîner forcément le décès du patient [28]. Les lésions intracérébrales sont surtout frontales lorsqu’il s’agit d’autolyse. Des plombs peuvent rester dans les lobes frontaux sans pour autant compromettre la guérison. La pénétration intracrânienne d’un projectile induit nécessairement une brèche dure-mérienne, avec ses risques infectieux méningés et cérébraux. L’installation, dès les premiers jours, d’un diabète insipide traduit une lésion de la selle turcique et de la posthypophyse.
■ Prise en charge primaire Elle est hiérarchisée suivant la gravité des lésions : • risque vital immédiat : l’urgence est à la réanimation, au déchocage, au conditionnement du blessé (trachéotomie, hémostase), avant d’envisager le traitement chirurgical primaire des blessures maxillofaciales ; • gravité moyenne : si la prise en charge chirurgicale primaire n’est pas possible en urgence, elle peut être différée après transfert du blessé dans un centre spécialisé ; • gravité moindre, ne nécessitant pas de temps chirurgical de première intention. L’hospitalisation est cependant systématique, notamment du fait des risques hémorragiques et septiques secondaires. Cette hospitalisation permet également, en cas d’étiologie suicidaire, de débuter une prise en charge psychologique ou psychiatrique.
Prise en charge des urgences vitales Elle se mène conjointement avec les anesthésistes réanimateurs. La part revenant aux chirurgiens se résume à quelques gestes techniques.
En cas de difficultés respiratoires On doit veiller à la libération des voies aériennes supérieures : • ablation des éventuels corps étrangers (dents, fragments osseux ou de prothèse dentaire) ; Stomatologie
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• aspiration pharyngée ; • mise en place d’une canule de Guédel ou de Mayo qui est souvent mal supportée et remplacée par une intubation orotrachéale et une oxygénothérapie. Dans les fracas ou les amputations de la symphyse mandibulaire à l’origine d’une glossoptose, un fil tracteur transfixiant la langue permet une libération simple, rapide et efficace des voies respiratoires. Ces différents temps ne doivent pas retarder l’intubation qui est si possible orotrachéale, sinon par trachéotomie laquelle peut être maintenue, dans la mesure où l’on prévoit de nombreux temps opératoires dans les semaines et mois à venir [29].
En cas d’hémorragie ou de choc hypovolémique La prévention ou le traitement du choc hémorragique comprend : • la compensation des pertes sanguines et la réalisation d’hémostases locales : sauf nécessité impérieuse, aux clampages à la volée sont préférés les compressions, en attendant de pouvoir effectuer correctement une hémostase chirurgicale dans le cadre du traitement primaire ; • la recherche et le traitement d’un trouble de la crase sanguine ; • en cas de saignement incontrôlable, une embolisation artérielle.
En cas de lésions cérébrales Un avis doit être pris en urgence et une prise en charge effectuée par une équipe neurochirurgicale.
Prise en charge primaire Traitement médical Il est à visée : • antalgique : le recours à une analgésie lourde est rare, les grands délabrements maxillofaciaux étant paradoxalement peu douloureux ; • anxiolytique et neurosédative, indiquée chaque fois que le blessé est angoissé ou agité ; • prophylactique infectieuse [30] : l’antibiothérapie systématique doit être massive, aussi précoce que possible, administrée dans un premier temps par voie parentérale. Elle fait appel de première intention à une céphalosporine de première génération associée ou non à la gentamicine en cas de pertes de substances cutanées, pendant au minimum 48 heures, par voie intraveineuse. Secondairement, elle est adaptée en fonction des résultats d’éventuels prélèvements bactériologiques. Les causes locales de contamination bactérienne sont nombreuses : plaies ouvertes, perforantes, pénétrant divers tissus avec des zones nécrotiques qui, associées à l’hématome périlésionnel, fournissent un milieu de culture idéal pour le développement bactérien. Par ailleurs, au moment de la formation de la cavité temporaire se produit un phénomène de succion qui attire vers l’intérieur, depuis les orifices d’entrée et de sortie, des germes cutanés et/ou de la flore buccale, ainsi que des débris et des particules en suspension. Enfin, et contrairement à une idée préconçue, la chaleur produite par les gaz explosifs, par la friction du projectile contre les parois du canon et par la résistance aérienne qu’il rencontre est incapable de stériliser l’agent vulnérant [31]. Les germes les plus fréquents sont Staphylococcus aureus, Proteus aeruginosa et les entérobactéries. Les gestes locaux contribuent à la lutte anti-infectieuse par le parage, la mise à plat, l’irrigation, le lavage peropératoire des plaies et surfaces cruentées, par l’immobilisation des fragments osseux, par le drainage et l’oxygénothérapie éventuelle du lit opératoire [32] ; • prophylactique antitétanique : au moindre doute sur l’état vaccinal du blessé, un sérum antitétanique est administré et une vaccination mise en œuvre [30].
Gestes chirurgicaux d’accompagnement Ils sont fonction de la gravité des lésions faciales, des difficultés éventuelles d’alimentation et de la nécessité d’interStomatologie
ventions chirurgicales itératives sous anesthésie générale. Ils contribuent au confort, à la fois du chirurgien et du blessé, ainsi qu’à sa sécurité. La trachéotomie constitue souvent le premier acte chirurgical. Elle est effectuée au mieux en salle d’opération chez un patient préalablement intubé. Une gastrostomie d’alimentation est habituellement nécessaire dans les grands délabrements faciaux. Celle-ci peut être réalisée par voie endoscopique ou par voie chirurgicale. Un site veineux implantable peut également être mis en place en cas de difficulté de l’abord veineux.
Inventaire et traitement chirurgical initial des lésions maxillofaciales Après hémostase, parage, détersion des plaies, élimination de tous corps étrangers (dents, prothèses, débris telluriques...) ainsi que des projectiles facilement accessibles (conservés dans un but médicolégal), sans aggraver les délabrements, est entrepris l’inventaire des lésions. Inventaire et traitement des lésions squelettiques Le but est de réduire et de contenir les fragments osseux résiduels en position anatomique pour éviter leur conjonction toujours difficile à corriger secondairement [33]. Pour cela, trois préceptes doivent être respectés : • procéder méthodiquement du haut vers le bas, le crâne servant de référence spatiale pour retrouver l’architecture faciale sous-jacente ; • conserver le maximum de tissu osseux et respecter autant que possible le périoste ; seuls les petits fragments libres de toute insertion musculaire ou périostée sont sacrifiés ; • contenir les fragments par des moyens orthopédiques ou chirurgicaux : il n’y a pas de méthodes standards, chaque cas étant différent, chaque école ayant ses préférences. Les méthodes de fixation parafocale (broche de Kirschner de diamètre 12 ou 14, fixateur externe...) sont recommandées par la majorité des auteurs du fait de leurs simplicité et rapidité de mise en œuvre, de leur efficacité et de la sécurité qu’elles offrent sur ce terrain septique [34]. L’ablation de ces contentions parafocales se fait au plus tôt à la sixième semaine, habituellement sans anesthésie. La contention par plaques vissées (même miniaturisées) [35] expose parfois à des échecs du fait du dépériostage requis pour ce type d’ostéosynthèse et des conditions locales parfois très difficiles. S’il faut souvent faire preuve d’imagination, il faut avant tout rester humble en se rappelant la phrase de Franchebois « faire comme l’on peut, en fonction de ce qui reste » et privilégier bien souvent les procédés chirurgicaux simples, d’une efficacité sûre et reconnue. Inventaire et traitements des lésions dentaires Le but est de conserver le capital dentaire, avec comme préoccupation de préserver une fonction occlusale la meilleure possible, de respecter ou de restaurer une dimension verticale d’occlusion, de minimiser les risques infectieux en ne conservant pas abusivement des dents intrafocales en mauvais état. Les cas d’ostéite ou de pseudarthrose sont majoritairement reconnus dans la littérature comme étant d’origine dentaire [1, 7, 31]. Lors de fracture alvéolodentaire, les dents mobiles sont contenues au moyen d’arcs, de ligatures péridentaires au fil d’acier et de ligatures en berceaux. Préserver le maximum du capital dentaire accroît les chances de retrouver des rapports maxillomandibulaires normaux, rapports autour desquels s’édifieront les différentes étapes de la reconstruction osseuse et des tissus de couverture. Inventaire et traitement des lésions des tissus de recouvrement Le but est d’apprécier l’existence et l’étendue véritable d’une perte de substance cutanée ou muqueuse, et d’évaluer les possibilités de fermeture et les moyens de recouvrement des moignons osseux en cas d’amputation. Sans manque tissulaire ou avec une perte très modeste et selon la localisation, une fermeture de première intention est
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envisagée, en gardant présents à l’esprit les risques particuliers de rétraction cicatricielle dès lors qu’un orifice naturel est concerné, et si cette fermeture est réalisable sans tension. En cas de perte tissulaire importante, la règle est de ne pas fermer à tout prix mais au contraire de consacrer la perte de substance par une suture muqueuse à peau recouvrant soigneusement les moignons osseux préalablement réduits et maintenus en position anatomique. Cette attitude évite au mieux les rétractions cicatricielles, diminue les risques septiques et, loin d’entraver la reconstruction chirurgicale ultérieure, permet de la mener dans les meilleures conditions. Si certains auteurs [36] ont préconisé de première intention le recours à divers types de lambeaux ou de plasties, il semble admis aujourd’hui de réserver ces procédés aux temps de reconstruction [37]. Les plaies cutanéo-musculo-muqueuses sont généralement suffisantes pour permettre l’abord des lésions osseuses, en respectant les zones cutanées faciales indemnes. De la même manière, la recherche « acharnée » d’un projectile difficilement accessible risque d’aggraver les dégâts et de prolonger inutilement l’acte opératoire. Les plaies et délabrements orificiels (bouche, narines, méat auditif...) sont calibrés au moyen de conformateurs qui ainsi s’opposent à la rétraction cicatricielle. Inventaire et traitement des lésions organiques Plaies du nerf facial. Elles sont difficiles à traiter de première intention, surtout dans les délabrements majeurs avec dilacération. Il semble sage de se contenter d’un simple repérage si possible des extrémités nerveuses rétractées en vue d’une réparation différée. Plaies des glandes salivaires. La tranche parenchymateuse est suturée à la muqueuse pour lui permettre de se drainer directement et largement dans la cavité buccale. En cas de plaie canalaire et si les extrémités distale et proximale sont retrouvées, elles sont suturées sur tuteur. Bien souvent, un simple déroutement en bouche de la portion proximale du canal de Sténon, guidé sur cathéter, est réalisé. Plaies oculaires. Si le globe ne peut être sauvegardé dans une orbite indemne, il convient de l’éviscérer et de mettre en place un conformateur oculaire en prévision d’une prothèse ultérieure. Même si cette éviscération n’empêche pas toujours une ophtalmoplégie sympathique, elle évite, par rapport à l’énucléation, l’impression inesthétique d’orbite hypophtalme [38].
Surveillance et soins postopératoires Surveillance générale En unité de réanimation chirurgicale, en cas de traumatisme majeur, elle s’assure du maintien des fonctions vitales, prévient les complications respiratoires (pneumopathie de déglutition), la décompensation d’états pathologiques antérieurs (diabète, insuffisances organiques, delirium tremens, syndrome de manque, troubles de la coagulation...), les complications du décubitus (escarre, thrombophlébite...), l’apparition d’un ulcère gastrique de stress... L’installation d’un diabète insipide, la survenue de complications infectieuses (septicémie, méningoencéphalite, abcès du cerveau), vasculaires (ischémie artérielle, anévrisme, fistule carotidocaverneuse produite plus par effet de souffle que par le projectile) sont liées à la nature même du traumatisme. En cas de besoin, douleurs, agitation et agressivité sont soulagées. Une alimentation hypercalorique et hyperprotidique, dont les modalités d’administration (gastrostomie, sonde nasogastrique, per os) dépendent de l’état du patient, favorise la cicatrisation. Le schéma classique consiste en un apport fractionné en cinq repas quotidiens. Surveillance et soins locaux Les premiers pansements, parfois réalisés sous anesthésie générale, sont faits par le chirurgien. Ils consistent en lavage, nouveau parage économique des tissus à la vitalité douteuse, débridement, mise à plat d’abcès profonds, application de pommade antiseptique en couche épaisse sur des pansements
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gras pour protéger les blessures cruentées de la dessiccation. Le rythme des pansements peut être initialement biquotidien. Les soins de trachéotomie et de gastrostomie d’alimentation, classiques, sont, s’ils doivent durer, progressivement délégués au patient. L’hygiène buccodentaire, l’usage d’un aérosol ou d’un humidificateur, le maniement d’une aspiration, l’entretien d’un conformateur lui sont enseignés jusqu’à obtenir son autonomie complète et pouvoir envisager, si possible, son retour au domicile. La surveillance s’applique : • à la cicatrisation : contrôle de la qualité, de l’absence de tension ou de désunion des sutures cutanées et muqueuses, du risque d’exposition osseuse ; • à l’état cutané : détection précoce d’une souffrance, d’une collection salivaire, d’une inflammation, ou d’une suppuration d’origine dentaire, osseuse ou sinusienne ; • au matériel de contention des fractures en s’assurant de sa bonne tolérance, de sa stabilité et de son efficacité. Ces premiers pansements permettent de compléter ou de modifier les ostéosynthèses réalisées en urgence et souvent sans bilan radiologique.
Prise en charge psychiatrique [39] Indispensable et précoce, surtout en cas de suicide, elle cherche à expliciter le geste suicidaire. Seul le psychiatre est apte à mesurer le risque de récidive et à mettre en place, si besoin, une psychothérapie ou un traitement psychotrope. Il permet une triangulation de la relation chirurgien-malade parfois tendue, notamment dans le cas fréquent de patients intransigeants sur les délais entre les différents temps chirurgicaux.
■ Prise en charge secondaire : réhabilitation maxillofaciale et prise en charge des séquelles Débutée, selon les auteurs, entre la deuxième semaine et le deuxième mois, la réhabilitation est possible sitôt obtenus une cicatrisation et un lit trophique de qualité, et avant l’installation des rétractions tissulaires. Les techniques doivent permettre une reconstruction des différents tissus lésés. Les objectifs de cette reconstruction sont multiples [40, 41], esthétiques et fonctionnels : • restauration d’une compétence et d’une fonction palatine satisfaisante (séparer les cavités orale et nasosinusienne) ; • couverture d’un déficit musculaire et cutané ; • restauration des contours faciaux ; • réhabilitation dentaire afin d’obtenir une compétence labiale (fonction masticatrice). Tous les procédés de chirurgie reconstructrice ont été préconisés et utilisés, leur choix étant affaire de cas particuliers et d’école. La prothèse maxillofaciale conserve des indications alternatives ou complémentaires à la chirurgie. La réhabilitation ne saurait s’intéresser au seul aspect esthétique sans se préoccuper de prévenir les séquelles fonctionnelles (phonation, manducation, incontinence labiale, vision...) qui bien souvent constituent un handicap familial et social lourd et difficile à assumer, et un obstacle rédhibitoire à la reprise d’une vie professionnelle. C’est dans ces cas que prennent éventuellement toute leur place la rééducation orthophonique, la kinésithérapie, l’apprentissage du braille, le soutien psychologique. Toutes les techniques de réhabilitation maxillofaciale peuvent être utilisées seules ou associées en fonction du type de defects et des zones à reconstruire.
Prothèses dento-maxillo-faciales Épithèses maxillofaciales (Fig. 7) [42, 43] Ce procédé simple, d’un moindre coût, mis en œuvre conjointement par un chirurgien et un épithésiste, offre avec l’utilisation d’élastomères souples de silicone des résultats Stomatologie
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Figure 7. A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion classée G2 G3. Selon le souhait du patient, la réhabilitation est obtenue au moyen d’une épithèse fronto-orbito-palpébro-nasale implantoportée clipsée sur une barre tenue par deux implants vissés dans la colonne orbitaire externe, après comblement de la cavité d’exentération gauche par un lambeau pédiculé de muscle temporal greffé. B. Épithèse. C. Avec épithèse, sans lunettes. D. Avec épithèse et lunettes.
remarquables sur les plans plastique et tinctorial. Les colles actuelles permettent une bonne adhérence de l’épithèse à la peau. Celle-ci laisse cependant un aspect de visage figé, surtout quand elle concerne une région étendue et animée, et sa durée de vie reste limitée, bien que les pigments actuellement utilisés soient plus stables. L’épithèse peut n’être qu’une étape dans un plan de réhabilitation long et complexe permettant une vie relationnelle satisfaisante, ou bien constituer l’aboutissement de la réparation faciale. Dans ce cadre-là, les épithèses nasale, orbitopalpébrale et du pavillon de l’oreille sont les meilleures indications et seront implantoportées [43].
Réhabilitation dentaire [44] Elle intervient en dernier lieu après cicatrisation stable des parties molles. La prothèse adjointe ou conjointe, outre son rôle fonctionnel, contribue aussi au soutien des lèvres et des joues. Les implants, quand ils sont possibles, permettent d’obtenir la meilleure stabilité prothétique. À la mandibule, les palettes cutanées des lambeaux musculocutanés (pédiculés ou libres) utilisés pour la reconstruction pelvibuccale, et même celles des transferts osseux libres, sont épaisses et manquent d’adhérence sur l’os, ce qui compromet une solution implantaire de qualité et durable. Cet obstacle semble levé avec la distraction ostéogénique (cf. infra), grâce à une reconstruction pluritissulaire, comprenant de la muqueuse attachée, ce qui facilite la mise en place des implants et de la prothèse. Au maxillaire, la prothèse dentaire, au mieux sur implants, permet également d’obturer une communication buccosinusienne ou bucconasale. Stomatologie
Lambeaux libres ou pédiculés Lambeaux libres Grâce à l’amélioration des techniques de microchirurgie et du suivi postopératoire, la reconstruction par lambeaux microanastomosés est actuellement la technique de reconstruction la plus employée pour les vastes pertes de substance pluritissulaires (osseuses, musculaires et cutanées). Longtemps, la prudence recommandait de ne pas utiliser ces lambeaux à moins de 1 mois du traumatisme balistique, du fait des lésions vasculaires intimales et des microthrombus induits par le souffle [45]. Ce dogme est actuellement bousculé par quelques équipes [46-49] qui utilisent ces lambeaux dès le traitement primaire, arguant d’une vascularisation périostée et endostée tôt restituée permettant à l’os de se comporter comme un os vivant, capable de consolider et de se défendre contre l’infection [50]. Le choix du lambeau est déterminé par l’étendue des pertes osseuses, sa localisation sur l’arc mandibulaire, les possibilités locales de couverture muqueuse et cutanée, et l’étendue des pertes musculaires et cutanées. Interviennent aussi dans la décision la nature des lésions associées, l’état du site donneur et l’état général du patient. Différents lambeaux Lambeaux ostéo-fascio-cutanés. Le lambeau de fibula est le plus utilisé pour traiter les pertes de substance osseuses. Il est particulièrement indiqué pour les reconstructions mandibulaires [51]. Le lambeau scapulaire est utilisé par certains, mais pour des pertes de substance osseuses limitées [1, 46, 49].
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Figure 8. A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion classée G1 G2 G3. Patient après la prise en charge initiale (parage et suture des plaies sans reconstruction des pertes de substances et contention par un embrochage cruciforme par broches de Kirschner). B. Patient en cours de distraction ostéogénique à l’étage moyen de la face par distraction ostéogénique avec distracteur externe sur mesure. C. Patient à la fin de la prise en charge secondaire au repos et au sourire. La reconstruction des étages moyen et inférieur de la face a été faite par une distraction ostéogénique.
Le lambeau de crête iliaque a la même indication que les lambeaux scapulaires. Lambeaux musculocutanés ou fasciocutanés. Ils sont utilisés pour des pertes de substances musculocutanées ou cutanée pures : • le lambeau de latissimus dorsi ; • le lambeau de serratus antérieur ; • le lambeau antébrachial (lambeau fasciocutané). Ces lambeaux peuvent être associés entre eux (soit deux lambeaux de fibula [52] ou deux antébrachiaux [53]), ou associés à des greffes osseuses. Ces lambeaux libres permettent de traiter les pertes de substance pluritissulaires (osseuse, musculaire et cutanée). Leurs inconvénients sont : • au plan cutané, les différences de couleur entre le lambeau et la peau faciale, responsables d’un aspect de patchwork, et l’absence de sensibilité de la palette cutanée ; • au plan musculaire, la perte de l’innervation et de la contraction, responsable d’une fonte musculaire du lambeau ; le patient n’a donc plus de mimique faciale au niveau de la zone reconstruite. Enfin, ces techniques de microchirurgie nécessitent des équipes entraînées et des séjours en réanimation, avec un coût élevé. Malgré leurs inconvénients, ces lambeaux restent la méthode de reconstruction osseuse la plus utilisée.
Lambeaux pédiculés Les lambeaux musculocutanés pédiculés de grand pectoral ou de grand dorsal sont sûrs et apportent des tissus de couverture amples et de qualité. Cependant, souvent trop épais, ils induisent des temps ultérieurs de désépaississement et créent surtout des plages cutanées dyschromiques.
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Le lambeau ostéomusculaire temporal ou temporopariétal, préconisé par McCarthy et Zide en 1984 [54], est utilisé dans les reconstructions du maxillaire comme alternative de la prothèse obturatrice.
Lambeaux locorégionaux En dehors des lambeaux libres ou des lambeaux pédiculés, il est possible d’avoir recours à de multiples « petits » lambeaux locaux. Ils sont essentiellement indiqués pour les rhinopoïèses, qu’elles soient totales ou partielles. Les deux lambeaux les plus utilisés sont : • le lambeau de Converse [55] ; • le lambeau frontal. Associés en général à des greffes osseuses ou ostéocartilagineuses, ils permettent d’améliorer la projection nasale ou de recréer la maquette cartilagineuse. Les fermetures de communications bucco-naso-sinusiennes font appel, quand elles restent de dimension modérée, aux lambeaux locaux (palatin ou lingual) et à l’interposition du corps adipeux de la bouche (« boule de Bichat »).
Distraction ostéogénique
(Fig. 8, 9)
Depuis 1976 et les premières études de Snyder et al. [56] montrant la possibilité de distracter la mandibule des chiens, la distraction ostéogénique est devenu une arme thérapeutique de choix pour la reconstruction maxillofaciale. Dans le traitement des séquelles de traumatisme balistique, la distraction ostéogénique est essentiellement utilisée pour la reconstruction mandibulaire. De nombreux types de distracteurs ont été développés. Stomatologie
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Figure 9. A. Tentative de suicide par fusil de chasse. Lésion classée M1 M2. Prise en charge initiale : parage et suture des différentes plaies, pertes de substances et contention des fragments osseux restants par un embrochage cruciforme par broches de Kirschner. B. De face après la prise en charge secondaire : reconstruction par distraction ostéogénique et réhabilitation dentaire par prothèse implantoportée. C. De profil après la prise en charge secondaire. D. Panoramique dentaire : après distraction ostéogénique mandibulaire consolidée par attelle vissée et réhabilitation dentaire prothétique implantoportée. E. Réhabilitation dentaire par prothèse implantoportée.
L’élongation peut être mono-, bi- ou trifocale [7, 57, 58]. Seules les pertes osseuses très limitées relèvent de l’élongation monofocale et beaucoup, dans ces cas et d’autant plus que la localisation est symphysaire, restent fidèles à la greffe osseuse. L’élongation bi- ou trifocale est indiquée pour les grandes amputations. Si les avantages de cette technique sont inestimables, ils ne doivent pas en occulter les inconvénients : longueur de la phase active du traitement (de 2 à 3 mois) ; lourdeur du procédé ; complexité et fragilité du matériel ; nécessité de consolider le gain osseux par des attelles vissées de contention mises en place à la dépose du matériel de distraction. Le principal intérêt de la distraction ostéogénique est la création simultanée des tissus mous de la face [59]. En effet, l’élongation osseuse par distraction ostéogénique permet un apport cutané important dont le principal avantage est l’absence de l’effet patchwork observé avec les palettes cutanées des lambeaux libres et pédiculés. L’élongation tissulaire déclenche une hyperactivité angiogénique et neurogénique expliquant l’absence de déficits sensitifs sur le revêtement cutané et permettant l’apport d’un tissu musculaire conservant une fonction motrice. La distraction ostéogénique recrée aussi la muqueuse gingivale attachée ainsi que la fibromuqueuse palatine [60], permettant de refermer les communications buccosinusiennes et donc de restaurer une fonction palatine. L’os distracté est vascularisé et autorise une réhabilitation dentaire par prothèses implantoportées [61]. En cas de défaut de projection osseuse après distraction ostéogénique, des greffes osseuses en onlay peuvent être proposées avec une diminution des risques d’exposition car les difficultés de couverture des greffons sont éliminées grâce au Stomatologie
gain de parties molles (muqueuse attachée, muscle, tissu souscutané et peau) induit par la distraction.
Expansion cutanée Elle est particulièrement bien adaptée aux reconstructions faciales, car elle permet de respecter les spécificités propres à chaque unité morphologique du visage (texture, coloration, épaisseur de la peau, pilosité). La peau expansée conserve des qualités mécaniques identiques à celles de la peau saine, ainsi qu’une structure semblable tant sur le plan macroscopique qu’histologique [62]. Les annexes, glandes sébacées et follicules pileux, présentes sur le lambeau expansé restent fonctionnelles. L’expansion cutanée n’est généralement utilisée qu’en deuxième intention, en association et en complément d’autres procédés chirurgicaux [63, 64] pour remplacer une palette cutanée rapportée dyschromique (lambeau composite pédiculé ou libre dit « à palette cutanée provisoire ») ou pour supprimer une zone cicatricielle cutanée particulièrement inesthétique ou fonctionnellement gênante.
Greffes Osseuses Les greffes osseuses iliaques ou calvariales sont utilisées en apposition pour redonner une structure et du volume à une pommette, à un cadre orbitaire, ou pour les pertes osseuses mandibulaires très limitées. Si l’os spongieux est plus ostéogénique que l’os cortical, en revanche sa résorption est plus importante ce qui justifie l’engouement pour les prélèvements corticaux d’origine calvariale. La greffe chondrocostale conserve un intérêt pour remplacer un condyle mandibulaire.
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Cutanées Les greffes de peau totale s’appliquent aux pertes de substance cutanées limitées. Les greffes de peau mince sont indiquées pour les approfondissements de vestibule inférieur dans la perspective d’une réhabilitation dentaire par prothèses adjointes ou implantoportées, ou pour traiter des brides endobuccales.
Lipofilling [65] Appliquée selon la technique de Coleman [65], elle permet de combler de petites dépressions cutanées et d’assouplir les cicatrices. Elle est surtout utilisée en complément des autres techniques.
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Points essentiels
• La prise en charge primaire des traumatisés balistiques graves doit se faire en étroite collaboration avec les réanimateurs. • En cas de perte tissulaire importante, la règle est de ne pas fermer à tout prix mais au contraire de consacrer la perte de substance par une suture muqueuse à peau. • Il n’y a pas d’indication à une reconstruction en urgence. .
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J. Nicolas, Chef de clinique-assistant des Hôpitaux. E. Soubeyrand, Praticien hospitalier. D. Labbé, Praticien hospitalier. J.-F. Compère, Professeur des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). H. Benateau, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie plastique, Centre hospitalier universitaire de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Nicolas J., Soubeyrand E., Labbé D., Compère J.-F., Benateau H. Traumatismes de la face par arme à feu en pratique civile. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-075-B-10, 2007.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-067-A-05 (2004)
22-067-A-05
Traumatismes dentaires et alvéolaires A. Tardif J. Misino J.-M. Péron
Résumé. – Touchant enfants comme adultes avec des évolutions et des implications différentes, les traumatismes dentaires et/ou alvéolaires sont des lésions fréquentes motivant la consultation d’un praticien, souvent en urgence, puis la collaboration entre stomatologues ou chirurgiens maxillofaciaux et dentistes. La difficulté réside en la nécessité d’un diagnostic et d’une prise en charge précoces (parfois impossibles à obtenir en cas de polytraumatisme ou éloignement d’un spécialiste), mais est également liée à la nature du terrain : enfants, détresse vitale associée, état buccodentaire médiocre… Quoi qu’il en soit, l’évolution de ces lésions est imprévisible et une grande retenue devra être faite, même en cas de succès apparent, auprès du patient ou de sa famille. Compte tenu des implications fonctionnelles, cosmétiques et financières en cas d’échec du traitement, la rédaction rigoureuse du certificat médical initial est d’une importance capitale. Une surveillance attentive est indispensable : hebdomadaire en début de traitement, elle s’étendra ensuite sur plusieurs années. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Fractures dentaires ; Luxations dentaires ; Traumatismes osseux ; Lésions des parties molles ; Vitalité pulpaire ; Surveillance ; Certificat médical
Généralités CONTEXTE CLINIQUE
Les traumatismes dentaires et alvéolaires sont des motifs fréquents de consultation en urgence. [1] Sollicitant souvent les médecins des services d’accueil, ils sont idéalement gérés lorsque le recours à un spécialiste de la cavité buccale est possible, celui-ci possédant les compétences requises et le matériel adéquat. L’examen systématique d’un blessé devrait toujours comporter au moins une inspection de la cavité buccale et notamment des organes dentaires. Il n’en est pas toujours ainsi, surtout en cas de lésion vitale prédominante où la priorité est donnée au traumatisme crânien ou thoracoabdominal. Le diagnostic est alors porté tardivement, compromettant grandement les chances de succès du traitement. La situation est légèrement différente lorsque le polytraumatisme englobe des lésions de la région maxillofaciale, car l’intervention précoce du spécialiste fait rapidement bénéficier le patient d’un examen complet de la cavité buccale. [33] De même, le diagnostic de fractures alvéolodentaires est parfois posé fortuitement à la lecture de clichés radiographiques de la face ou du crâne demandés de manière systématique chez un traumatisé inconscient. Les patients présentant un traumatisme dentaire isolé représentent un groupe à part, dans la mesure où ils font eux-mêmes le diagnostic de leurs lésions et consultent spontanément. Les chances maximales de succès sont pourtant inégales et varient en fonction du délai avec lequel ils rencontrent le praticien qui débutera le traitement ou bien selon les conditions de conservation de l’organe traumatisé.
A. Tardif (Chef de clinique-assistant) Adresse e-mail: [email protected] J. Misino (Ancien chef de clinique-assistant) J.-M. Péron (Professeur de chirurgie maxillofaciale et stomatologie) Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, CHU de Rouen, hôpital Charles Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France.
Enfin, il est habituel d’avoir à faire le diagnostic rétrospectif de traumatisme dentaire devant un tableau de cellulite circonscrite que n’explique aucune lésion carieuse ou parodontale : bien souvent le traumatisme dentaire est méconnu, notamment chez l’enfant qui ne le signale pas…, ou considéré comme bénin et négligé par le blessé ou l’entourage. PHYSIOPATHOLOGIE
Les enfants représentent une population à risque pour les traumatismes dentaires et alvéolaires, [24] mais les maturations osseuse et dentaire évoluent tout au long de la croissance et, selon le stade de leur évolution, ces deux structures offrent des résistances différentes aux agents vulnérants.
¶ En denture temporaire Entre 6 mois et 3 ans, il existe une forte croissance des maxillaires, et le remodelage osseux important aboutit à la formation d’un os alvéolaire peu dense et peu minéralisé, donc malléable, favorisant les luxations des organes dentaires plutôt que les fractures. Par ailleurs, le retard de croissance de la mandibule par rapport au maxillaire génère une proalvéolie supérieure relative qui expose préférentiellement les incisives supérieures. C’est également durant cette période, vers l’âge de 3 ans, que les rapports entre apex de la dent lactéale et germe de la dent définitive sont les plus étroits, menaçant de blessure ce dernier, ou provoquant simplement l’ouverture de son sac, en cas d’ingression de la dent temporaire. [36] Entre 3 et 6 ans, l’enfant acquiert la vitesse de déplacement, et les risques ne font que s’accroître lorsque il est scolarisé. Les chocs peuvent être directement transmis à la dent, mais il est fréquent de voir des traumatismes occasionnés par une chute alors que l’enfant portait un objet dans la bouche, entraînant dans le même temps des atteintes muqueuses et osseuses, notamment au niveau du palais. À cet âge, l’os alvéolaire reste malléable et les attaches parodontales lâches, la racine est raccourcie par la rhizalyse physiologique : tous ces facteurs privilégient toujours les luxations dentaires par rapport aux fractures. Les ingressions dentaires restent fréquentes, tout
Traumatismes dentaires et alvéolaires
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comme les versions palatines ou vestibulaires. Avec la résorption progressive de la racine, on voit diminuer le risque de complications pour l’os alvéolaire et le germe de la dent définitive.
¶ En denture mixte Pendant cette période qui s’étale en moyenne entre 6 et 12 ans, les incisives centrales supérieures sont les premières à apparaître et restent les plus touchées par les traumatismes. Mais durant les premières années, l’édification radiculaire en cours confère quelques spécificités : la racine courte permet les luxations, même si l’os alvéolaire devient plus compact et plus résistant aux déplacements latéraux et axiaux ; le canal radiculaire est large et protège le paquet vasculonerveux des forces de cisaillement et de la strangulation par l’œdème post-traumatique ce qui évite le plus souvent la mortification pulpaire. Les lésions fracturaires des organes dentaires apparaissent avec l’allongement des racines et la densification osseuse.
¶ En denture permanente À partir de l’adolescence, la denture définitive est édifiée et les conséquences d’un traumatisme alvéolodentaire sont plus lourdes. Ce sont les activités sportives qui semblent générer le plus d’accidents chez les sujets jeunes. À tout âge, rixes et agressions sont des causes fréquentes de fractures et luxations dentaires. L’adulte partage également tous ces facteurs de risque, auxquels il faut ajouter le vieillissement physiologique de la denture, des tissus de soutien et parfois le mauvais état buccodentaire. Il existe alors quelques causes iatrogènes telles que l’intubation endotrachéale anesthésique (où la luxation des incisives centrales supérieures est possible surtout en cas de parodontolyse associée), ainsi que les avulsions dentaires si les instruments sont utilisés de manière inappropriée. Il est classique de dire que la proalvéolie supérieure favorise la survenue de tels accidents, les incisives étant alors particulièrement exposées aux agents vulnérants du fait de leur vestibuloversion. Les traitements orthodontiques plus largement développés tendent à réduire actuellement ce risque. En revanche, le port d’appareillage modifie l’histoire naturelle des traumatismes dentaires, tantôt en assurant une contention solide qui limite dans une certaine mesure les dégâts, tantôt, au contraire, en mobilisant en bloc un groupe dentaire à distance du point d’impact. Après 12 ans, les lésions des tissus de soutien et des organes dentaires s’équilibrent donc et sont déterminées par les caractéristiques des agents vulnérants : Les projectiles de faible masse percutant des dents nues à vitesse rapide aboutiront aux fractures coronaires radiculaires ou mixtes. Le processus carieux majore ce risque. Les agents contondants, lourds et à déplacement lent, surtout s’ils percutent des dents protégées par des tissus mous tels que les lèvres, engendreront des luxations. Avec l’âge, le vieillissement des tissus parodontaux favorise le retour des luxations quelle que soit la nature du traumatisme. ÉPIDÉMIOLOGIE
Il est évident qu’il existe une sous-estimation de l’incidence et de la prévalence des traumatismes dentaires parce que, d’une part les patients ne viennent pas tous consulter, et d’autre part, les lésions ne sont pas toutes diagnostiquées. Ce sont néanmoins des affections fréquentes : pour Gineste, [20] un individu sur dix a été victime d’un traumatisme dentaire ou alvéolodentaire à l’âge de l’adolescence, et pour Delattre, [10] cela concerne 13,6 % des enfants de 6 à 15 ans. La fréquence de ces traumatismes diminue d’ailleurs avec le vieillissement des sujets : 50 % avant 10 ans pour 30 % entre 10 et 30 ans. [17] Pour Gassne, [17] les traumatismes dentaires accompagnent 48,25 % des traumatismes craniofaciaux et se répartissent essentiellement en accidents de circulation (10 à 54 % selon les séries), agressions (13 à 48 %) et sports (6 à 33 %), les accidents domestiques et du travail représentant une part négligeable. 2
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Jeux de ballons, sports de combat, équitation et cyclisme sont les activités les plus citées. Récemment, VTT, patins en ligne, skateboard et trottinette ont corrigé à la hausse des chiffres que la diminution des accidents de circulation avait contribué à faire baisser. Il existe une écrasante prédominance masculine, même si le sexratio est variable selon les circonstances de survenue, variant de 1/1 pour les accidents domestiques chez l’enfant à 1/10 pour les accidents du travail (1/2 pour les traumatismes sportifs et 1/8 pour les agressions). PRÉVENTION
Elle est applicable à plusieurs niveaux et nécessiterait un effort collectif.
¶ Concernant le patient Elle se limite à la pratique des sports. Beaucoup d’entre eux ne requièrent pas de protection dentaire, même en compétition : c’est le cas du cyclisme, du patinage ou de l’équitation où le casque ne protège que le crâne et pas la face. Dans les sports de ballon ou de combat, le port de protège-dents est préconisé voire obligatoire, et les différentes études mettent en évidence la nette supériorité des protections personnalisées réalisées par des odontologistes sur les protections thermoformées du commerce. [31] Il importe de réaliser un fenêtrage qui permet une respiration buccale tout en gardant les mâchoires serrées : cette zone de faiblesse est palliée par l’inclusion d’une armature rigide ; de même, pour la plongée, il faudrait adapter l’embout respiratoire à la cavité buccale du plongeur. Enfin, le traitement des dysmorphies faciales peut être considéré comme un moyen indirect de prévention des traumatismes dentaires et alvéolaires.
¶ Concernant l’entourage Il s’agit plutôt d’une prévention des complications, c’est-à-dire d’une prévention secondaire alors que le traumatisme est survenu. Le but est donc de former les catégories de population susceptibles d’être confrontées aux traumatismes dentaires. En premier lieu, les professeurs des écoles : certains d’entre eux connaissent la conduite à tenir en urgence, la majorité des autres est demandeuse de formation. [4] Il en est de même des moniteurs sportifs qui reçoivent les informations nécessaires au cours de leur tronc commun. [18] Enseigner aux parents serait l’idéal mais paraît illusoire devant le trop grand nombre. Enfin, le personnel des professions paramédicales et tous les médecins devraient connaître les principes de traitement d’urgence.
Examen du sujet Comme pour toute pathologie ou traumatisme, il se doit d’être méthodique et systématisé. Après avoir installé confortablement et rassuré la victime, cet examen débute par un interrogatoire qui est un temps capital dans la démarche diagnostique. Inspection et palpation sont suivies de clichés radiographiques, souvent multiples. C’est à ce terme qu’a lieu la rédaction du certificat médical initial. ANAMNÈSE
La première partie de l’interrogatoire concerne l’accident à proprement parler : le praticien s’enquiert alors des date, heure et lieu de survenue, perte de connaissance initiale. Il se renseigne également sur l’agent vulnérant, car ses différentes caractéristiques (consistance, direction, point d’impact, cinétique…) peuvent orienter vers tel ou tel type de lésions. Les conditions de survenue, accident de la vie privée ou causé par un tiers, de loisir ou de sport de compétition, du travail, agression, ont un rôle déterminant sur les conséquences juridiques et l’indemnisation du préjudice.
Traumatismes dentaires et alvéolaires
Stomatologie
Les questions sont ensuite orientées vers le sujet et ses antécédents médicochirurgicaux : interventions chirurgicales antérieures, pathologies connues, troubles de l’hémostase, allergies médicamenteuses, traitements en cours, statut vaccinal notamment contre le tétanos. La notion de traitements buccodentaires en cours ou passés est importante à recueillir pour déterminer un « état antérieur » à l’actuel traumatisme. Enfin, le recueil des signes fonctionnels est une bonne étape de transition entre interrogatoire et examen clinique : existence de douleurs et conditions d’apparition (chaud, froid, alimentation, position), paresthésies ou anesthésie dans un territoire précis, plaintes associées concernant d’autres organes. Impossible chez le polytraumatisé ou le sujet souffrant de troubles neurologiques, cette étape du diagnostic est également délicate chez l’enfant, surtout si celui-ci n’est pas accompagné de proches parents munis du carnet de santé. Effectivement, le traumatisme récent a tendance à rendre les enfants mutiques ou au contraire très agités, donc peu coopérants pour l’interrogatoire comme pour l’examen physique. Chez eux, il est indispensable de commencer par rassurer la mère, ce qui a pour effet de calmer l’enfant. EXAMEN CLINIQUE
Celui-ci est idéalement réalisé par un spécialiste de la cavité buccale parce qu’il requiert un matériel adéquat : le fauteuil inclinable et le scialytique permettent une excellente inspection de l’ensemble de la bouche, plus difficile pour l’arcade dentaire supérieure. Ce matériel est rarement disponible dans les services d’accueil et d’urgences, où l’alternative consiste à examiner un patient en décubitus à la lumière d’un miroir frontal. Il convient d’avoir à portée de main, outre des gants d’examen, une aspiration douce, car les gingivo- ou stomatorragies sont fréquentes. Le praticien utilise un miroir dentaire, une sonde, une pince « précelle », du coton et une bombe réfrigérante pour tester la vitalité pulpaire, des compresses. Du matériel pour réaliser une anesthésie locale est nécessaire, même s’il n’est utilisé le plus souvent qu’au moment du traitement des lésions. Sur un patient préalablement rassuré et calmé, surtout s’il s’agit d’un enfant, et chez lequel la douleur a été atténuée par une prise médicamenteuse, on débute par une inspection globale de la cavité buccale et de ses annexes (versant cutané puis muqueux des lèvres). Toutes les lésions doivent être soigneusement analysées puis consignées sur le certificat médical initial, comme celles des tissus mous (lèvres, gencives, langue) qui sont trop souvent oubliées. L’inspection globale des organes dentaires apprécie l’ampleur des dégâts et notamment l’absence de couronnes, pour laquelle il faudra définir s’il s’agit de luxation totale ou de fracture radiculaire avec racine restante. L’observation des dents en place analyse leur coloration (normale, grisâtre pour une mortification ancienne, rosée pour une fracture récente), leur position ou variation d’axe traduisant un déplacement dont le caractère ancien ou récent peut être reconnu par l’étude des facettes d’usure. L’examen des couronnes recherche une fêlure ou fracture et toute amputation, même minime, est notée. La palpation est un temps de l’examen plus délicat à réaliser, car le patient craint que le praticien ne réveille une douleur qui s’était spontanément atténuée. Comme pour l’inspection, il est important de ne pas oublier les structures annexes : on recherche un éventuel corps étranger, dentaire ou non, au sein des plaies des lèvres, dont on apprécie également la sensibilité au toucher. Les bases osseuses sont examinées à la recherche d’une fracture associée, par exemple en palpant le bord basilaire mandibulaire ou la cinétique des condyles dans les deux régions prétragiennes. La mobilité des dents est testée manuellement ou à l’aide de la précelle, et l’amplitude des mouvements possibles dans les divers plans de l’espace est cotée. Chaque dent est examinée indépendamment et le déplacement d’un groupe dentaire en monobloc fait suspecter une fracture de l’os alvéolaire. En revanche, en cas de mobilité d’une seule dent, il faut différencier les
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mouvements de la couronne (signe de fracture coronoradiculaire) des mouvements de la dent dans son ensemble (qui traduisent une luxation incomplète). Enfin, l’examen se termine par les tests de vitalité pulpaire des dents suspectées traumatisées et des dents attenantes. Parmi les différentes possibilités (électricité, température…), c’est le test au froid qui semble être le plus utilisé. Les réponses sont inscrites sur un schéma qui doit absolument être daté ; en fait, ce n’est pas la réponse actuelle qui importe le plus mais son évolution avec le temps : certaines dents initialement insensibles peuvent retrouver une vitalité normale (phénomène de sidération nerveuse), le contraire est également possible, et comme la mortification pulpaire entraîne un cortège de complications, il faut savoir la dépister précocement. EXAMEN RADIOGRAPHIQUE
C’est lui qui permet le plus souvent d’affirmer le diagnostic, mais il n’est pas toujours réalisable de manière aussi complète que le praticien le voudrait. Le très jeune enfant, agité car anxieux, ne se soumet pas toujours à ces examens qui nécessitent une immobilité parfaite. Le polytraumatisé ne peut pas bénéficier de l’apport du cliché panoramique dentaire réalisé en orthostatisme ou éventuellement chez un patient assis. Néanmoins, dans la majorité des cas, l’accès à une séquence d’examens est possible et nous décrirons ici les clichés idéaux et leurs alternatives. Le cliché « panoramique des maxillaires » possède l’avantage de montrer sur un seul film radiologique l’ensemble des deux arcades dentaires, leurs bases osseuses alvéolaires et basilaires, les branches montantes mandibulaires et les articulations temporomandibulaires. Il représente un excellent cliché de débrouillage en permettant de recenser les dents manquantes ou de dépister les fractures mandibulaires associées. La qualité des images est meilleure à la mandibule qu’au maxillaire en raison d’artefacts provoqués par les cavités aériennes sus-jacentes. Les clichés rétroalvéolaires qui viennent au besoin compléter l’examen précédent apportent des renseignements plus précis. En cas de doute, il est important de multiplier ces clichés sous diverses incidences afin de mettre en évidence un trait de fracture suspecté par le seul examen clinique. Ils permettent de visualiser plus précisément la structure de l’organe dentaire, l’état de la chambre pulpaire et le degré d’édification radiculaire, ainsi que l’os alvéolaire et l’espace ligamentaire. De ces clichés, on peut rapprocher les clichés endobuccaux occlusaux ou « mordus » qui sont également utiles pour le dépistage notamment de fractures incomplètes des structures osseuses, qui n’apparaissent pas toujours sur la radiographie panoramique. En cas d’impossibilité de réaliser ces radiographies, il convient de demander des images en « maxillaires défilés » (incidences obliques qui dégagent en deux clichés les hémimandibules droite et gauche), une « face basse » qui visualise tout l’arc mandibulaire ou une incidence de Blondeau pour mettre en évidence la région centrale de l’arcade maxillaire.
Classification La classification la plus utilisée, celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (Tableau 1), a le mérite de la simplicité. Elle décrit avec précision les lésions des tissus de soutien : procès alvéolaires et gencive. En revanche, elle ne mentionne pas la topographie des fractures radiculaires qui, selon la hauteur, ont des implications thérapeutiques différentes. Elle ne fait pas état non plus de la possibilité de fêlure de l’émail, atteinte qui passe trop souvent inaperçue. 3
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Tableau 1. – Classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ses références.
Tableau 3. – Gestes initiaux à réaliser en fonction des situations rencontrées.
Fractures Coronaires
Simple surveillance de la vitalité pulpaire Contusion isolée Fêlure de l’émail Ingression d’une dent lactéale Subluxation réduite et stable Restauration coronaire d’emblée Éclat de l’émail Fracture sans exposition pulpaire Traitement endodontique immédiat Exposition pulpaire douloureuse Avulsion avec long délai extraoral ( cf. tableau 4) Dépulpation à distance Constatation d’une mortification secondaire Avulsion en urgence Luxation dans un contexte de parodontose dépassée Dents porteuses de lésions irréversibles Luxation instable d’une dent lactéale chez le tout jeune enfant
Coronoradiculaires Radiculaires Luxations Contusions Subluxations Avulsions Fractures des procès alvéolaires Dilacérations gingivales
-Éclats de l’émail : N 873.60 -Simples : N 873.61 -Expositions pulpaires : N 873.62 -Simples : N 873.64 -Expositions pulpaires : N 873.64 N 873.64 N 873.66 -Intrusions/extrusions : N 873.67 -Luxations latérales : N 873.66 Avulsions Mandibulaires : N 802.20 Maxillaires : N 802.40 N 873.69
C’est pourquoi, nous lui préférons une classification descriptive plus complète (Tableau 2) qui distingue les atteintes ligamentaires, dentaires, osseuses et des tissus mous périphériques : c’est cette classification qui sert de trame à notre étude anatomoclinique. Enfin, il faut rappeler que le traumatisme dentaire ou dentoalvéolaire ne prend de valeur que replacé dans son contexte : état parodontal correct ou défectueux, denture définitive, lactéale ou mixte, traumatisme isolé ou associé à d’autres lésions, surtout si elles engagent le pronostic vital du patient. Il nous a donc paru nécessaire de parfois regrouper des lésions anatomiquement différentes mais débouchant sur une même conduite à tenir : simple surveillance de la vitalité, restauration anatomique a minima, geste endodontique nécessaire, avulsion obligatoire, et ainsi de proposer une classification originale selon l’attitude thérapeutique adoptée initialement : celle-ci est donnée (Tableau 3) dans le chapitre réservé au traitement.
Anatomie descriptive LÉSIONS DES TISSUS DE SOUTIEN
¶ Contusions Souvent décrites avec les luxations, les contusions en représentent en fait le premier stade, à ce détail près que leur diagnostic n’est pas évident à la simple inspection, du fait de l’absence de déplacement de la dent dans son alvéole. Elles correspondent à un traumatisme, le plus souvent par compression ou écrasement, des fibres ligamentaires qui unissent la dent à son os alvéolaire. Les
phénomènes inflammatoires qui en découlent sont responsables d’un œdème d’autant plus néfaste qu’il se produit en vase clos dans l’espace inextensible de l’alvéole, entraînant des phénomènes d’ischémie du desmodonte et, par répercussion, de la pulpe dentaire. Si ces phénomènes sont réversibles, on assiste dans un premier temps à une diminution ou une disparition de la vitalité pulpaire, qui se normalise progressivement dans les jours ou les semaines qui suivent : on parle alors de sidération pulpaire. Plus grave est la compression prolongée du paquet vasculonerveux aboutissant à la mortification pulpaire, responsable à distance d’accidents infectieux. Cliniquement, cet accident de compression des fibres ligamentaires se traduit par des douleurs d’intensité modérée spontanément, mais qui s’intensifient lors des mouvements et manœuvres axiales (occlusion ou percussion) pour rappeler les signes cliniques de la desmodontite, classique « dent trop longue ». Il n’existe pas de mobilité dentaire et les tests de vitalité pulpaire ne sont pas fiables initialement. Le cliché rétroalvéolaire peut montrer un élargissement de l’espace desmodontal. En cas de traumatisme isolé, il convient de surveiller pendant 6 semaines au minimum la vitalité pulpaire ; l’évolution confirmant la non-réponse aux tests à distance de l’épisode, il importe de réaliser une trépanation de la dent avec pulpectomie et obturation canalaire pour éviter la survenue d’épisodes infectieux. Chez l’enfant, la contusion dentaire ne présente que peu de spécificité : elle reste rare pour des dents à racines non édifiées, laissant la place, dans ce cas, à la luxation ou subluxation. De plus,
Tableau 2. – Classification plus complète utilisée pour la description anatomique des lésions. Atteintes des tissus de soutien
Atteintes de l’organe dentaire
Contusions Subluxations
Avulsions Fêlures Éclats de l’émail Fractures sans exposition pulpaire Fractures avec exposition pulpaire
Lésions osseuses
Lésions des tissus mous
4
Alvéolaires périradiculaires Alvéolaires sus-apexiennes Fractures d’os basilaire Fractures de l’épine nasale antérieure Dilacérations gingivales Plaies de la langue Plaies des lèvres Lésions des muqueuses jugales
Intrusions Extrusions Déplacements latéraux
Transversales ou obliques de la couronne Longitudinales coronoradiculaires Transversales ou obliques de la couronne Coronoradiculaires Radiculaires du tiers cervical Radiculaires du tiers moyen Radiculaires du tiers apical
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Figure 1
Rapports entre les germes des dents définitives et les apex des dents temporaires chez l’enfant. A1, A2 : de 1 à 3 ans ; B1, B2 : à partir de la 4e année. [3]
B2
A2 B1
A1 Figure 2
Dysplasie dentaire survenue sur des incisives centrales supérieures à l’état de germes et blessées par l’ingression des apex des dents temporaires.
revanche, elle s’accompagne toujours de dégâts alvéolaires par « éclatement », perceptibles à la palpation vestibulaire sous forme d’une voussure osseuse irrégulière, et confirmés par le cliché rétroalvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire sont souvent perturbés et leur surveillance doit être prolongée jusqu’au repositionnement de la dent sur l’arcade (au minimum 6 semaines).
¶ Égressions dentaires
dans un canal radiculaire large, l’œdème est responsable d’une ischémie moins sévère de la pulpe et entraîne probablement moins souvent une mortification.
¶ Ingressions dentaires Cette forme de luxation axiale semble être l’apanage des incisives supérieures lactéales chez des enfants âgés de 1 à 3 ans car l’os alvéolaire fragile et la présence du germe définitif favorisent la pénétration de la dent dans le maxillaire. Si la pénétration est complète, l’absence de dent sur l’arcade peut faire croire à une luxation totale, et c’est le cliché radiographique qui fait le diagnostic de l’ingression. Il tente alors de préciser les rapports entre la dent ingressée et le germe de la dent définitive dont l’embrochage peut avoir de fâcheuses conséquences sur son évolution. En fait, la situation est plus complexe puisque, selon l’âge de survenue du traumatisme, les rapports entre dent temporaire et germe varient (Fig. 1) et les lésions attendues sont différentes. C’est entre 1 et 3 ans que les rapports entre ces deux organes sont les plus étroits (le sac qui contient le germe est à l’aplomb de l’apex dentaire) et les lésions les plus préoccupantes : il n’est pas rare que le télescopage des deux structures entraîne une modification de l’axe radiculaire de la dent définitive qui aboutit à l’éruption d’une dent mal positionnée, ou bien une blessure du germe qui se traduit par l’éruption d’une dent hypoplasique (Fig. 2). Avant 1 an, l’apex de la racine de la dent lactéale est plus vestibulaire que le germe et les lésions de celui-ci sont rares. À partir de 4 ans, la rhizalyse est suffisamment avancée pour que les lésions induites par la pénétration de la dent temporaire soient plus importantes sur celle-ci que sur le germe de la dent définitive. Quoi qu’il en soit, la surveillance est de mise et la migration de la dent impactée permet le plus souvent son retour sur l’arcade en quelques semaines à quelques mois. Il convient d’émettre les plus grandes réserves quant à l’avenir de la dent permanente, dont l’éruption est guettée en analysant sa position, sa forme et sa coloration, ainsi que sa vitalité : ceci doit être parfaitement compris par les parents. L’impaction des dents définitives est plus rare et volontiers incomplète, ce qui rend le diagnostic clinique plus facile. En
Cette forme de traumatisme correspond bien à la notion de luxation puisqu’il existe effectivement une perte des rapports normaux alvéolodentaires, ainsi qu’une lésion plus ou moins sévère du ligament qui les unit (les luxations totales sont traitées à part). Parmi les cas d’égression partielle, il faut différencier les simples étirements du ligament des déchirures dont le pronostic est probablement plus sévère. Dans les cas les plus limités, a priori plus favorables, l’hématome qui remplit l’espace alvéolodentaire fait place à un tissu de granulation réparateur « favorable » à une cicatrisation ligamentaire ; le faible déplacement de la dent n’engendre qu’un étirement du pédicule vasculonerveux, avec de moindres conséquences à long terme sur la vitalité pulpaire. L’inspection retrouve une dent sortie de son alvéole, mobile, associée à une hémorragie au collet gingival. Le cliché radiographique montre un élargissement, parfois asymétrique, de l’espace alvéolodentaire ; il doit éliminer une fracture radiculaire et/ou de l’os alvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire sont fréquemment perturbés, mais bien souvent il ne s’agit que d’une simple sidération nerveuse, et tout revient dans l’ordre dans un délai de quelques jours à quelques semaines. Parfois, lorsque le déplacement a été plus important, la subluxation aboutit à la mortification pulpaire et un traitement endodontique devient nécessaire. La difficulté de cette catégorie de traumatismes réside en la présence du caillot ligamentaire qui fait obstacle à la réimpaction dentaire tentée par le praticien avant fixation de la dent.
¶ Déplacements latéraux Beaucoup plus fréquents dans le sens antéropostérieur que dans le sens mésiodistal, ils représentent la variété la plus fréquente de luxations incomplètes. Les subluxations de dents lactéales sont fréquentes car favorisées par la rhizalyse et l’approche de la chute physiologique. Chez l’adulte, c’est la parodontolyse avec résorption de l’os alvéolaire qui est pourvoyeuse de déplacements dentaires. À l’examen, c’est la malposition de la dent qui fait porter le diagnostic ainsi que la mobilité de la couronne. La version peut être palatine ou vestibulaire. Il existe également une hémorragie au collet gingival. Les manœuvres de mobilisation sont inutiles et douloureuses, et c’est le cliché rétroalvéolaire ou le cliché occlusal antérieur qui confirme le diagnostic, en montrant l’intégrité de la racine et un élargissement asymétrique de l’espace desmodontal. L’état de l’os alvéolaire est tout aussi important à préciser. Une fois encore les tests de vitalité pulpaire ne sont que peu contributifs le jour du traumatisme, car leur négativité peut 5
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correspondre à un phénomène de sidération nerveuse et l’évolution peut se faire spontanément vers leur normalisation. À l’opposé, leur positivité initiale n’est que faussement rassurante et ne doit pas dispenser du suivi habituel en raison de la possibilité de mortification secondaire de la pulpe.
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Figure 3
Rhizalyse débutante à 1 an de la réimplantation de la 11 avulsée.
¶ Luxations totales Elles correspondent au stade ultime des luxations, et le diagnostic est d’autant plus facile que le patient ou sa famille se présente avec la dent expulsée de son alvéole. Dans le cas inverse, le diagnostic différentiel d’ingression dentaire reste à poser, et c’est à nouveau le cliché radiographique qui confirme l’hypothèse d’avulsion en montrant un alvéole déshabité. [34] Lorsque la dent n’a pas été retrouvée, il importe de s’assurer qu’elle n’a pas été inhalée par le patient : l’interrogatoire recherche les signes (toux suffocante, dyspnée avec tirage, cyanose, agitation…) faisant craindre un « syndrome de pénétration » des voies aériennes et, en cas de doute, une radiographie thoracique de face doit être prescrite, à la recherche de cet éventuel corps étranger qui favoriserait les pneumopathies. La déglutition de la dent ne comporte aucun risque majeur, et le cliché abdominal ne présente pas d’autre intérêt que de faire cesser les recherches si la dent est visualisée en projection de l’aire gastrique. La réimplantation d’une dent lactéale n’est généralement pas tentée car le geste est lourd et le risque infectieux secondaire grand pour le peu de bénéfice attendu. La question se pose, bien sûr, lorsqu’il s’agit d’une dent permanente, mais selon les nombreuses études réalisées le pronostic est différent selon le contexte : les chances de réussite (obtention à 2 mois d’une dent stable et vivante) sont maximales en cas de réimplantation rapide (inférieure à 1 heure pour certains) d’une dent dont l’apex n’est pas complètement édifié, chez un individu au bon état buccodentaire et présentant des dents avoisinantes saines ce qui permet un ancrage efficace pour la contention. L’intégrité de l’os alvéolaire est également un facteur de réussite, tout comme la nature du milieu de conservation pendant le délai extraoral. Il existe des contre-indications relatives à la remise en place de la dent (comme la parodontolyse) ou absolues telles que les cardiopathies valvulaires, en raison du risque de mortification pulpaire et de formation d’une lésion infectieuse apicale. Lorsque cette réimplantation est tentée, il importe de ne pas léser les structures ligamentaires, en évitant un curetage trop appuyé dans l’alvéole et un brossage de la racine dentaire. Dans les cas les plus favorables, il existe une cicatrisation ligamentaire qui passe par l’édification d’un tissu de granulation alvéolaire et la réinnervation est parfois constatée pour des dents à apex ouvert : dans ce cas, la vitalité pulpaire réapparaît à distance du geste. Une autre forme de consolidation est représentée par l’ankylose : le ligament détruit cède la place à un tissu inflammatoire ostéoïde néfaste, et l’espace alvéolodentaire est alors comblé par un os spongieux qui favorise l’interpénétration de la dentine et des ostéoblastes. La stabilité de la dent ainsi « ankylosée » n’est que provisoire ; elle risque d’être fortement compromise par une rhizalyse secondaire plus ou moins rapide (Fig. 3, 4 ). FRACTURES DENTAIRES
¶ Fêlures Elles peuvent être considérées comme le premier stade des fractures coronaires. Le diagnostic en est d’autant plus difficile que l’aspect macroscopique de la couronne semble normal. La radiographie ne montre aucune image suspecte et c’est l’examen clinique en lumière tangentielle, ou mieux par transillumination (Fig. 5, 6 ), qui permet de mettre en évidence cette atteinte isolée de l’émail. Comme à l’habitude, ce sont les incisives supérieures qui sont les plus fréquemment touchées. L’examinateur utilise alors une sonde 6
Figure 4
Même dent que Figure 3 à 2 ans du traumatisme : disparition quasi totale de la racine.
Figure 5
Traumatisme a priori bénin de la 21 avec éclat de l’émail du bord occlusal.
dentaire dont le passage sur la face vestibulaire « accroche », éventuellement en reproduisant une douleur si celle-ci n’était pas spontanée. Une fois de plus, c’est le test de vitalité pulpaire qui détermine la gravité de l’atteinte : le plus souvent, la dent est vivante et le traitement peut consister en un simple polissage. Si les tests de vitalité sont négatifs initialement, il faut rassurer le patient ou sa famille, car il ne s’agit le plus souvent que d’une simple sidération de la pulpe, et la normalisation se fait spontanément en quelques jours à quelques semaines. Quand l’atteinte est plus profonde, la lésion peut se prolonger à travers la dentine jusqu’à la pulpe et on se rapproche alors des fractures de la couronne, même s’il n’existe pas de mobilité de celleci. Le patient présente alors des douleurs spontanées à type de pulpite et la fissure peut être visible à l’œil nu. Dans ce cas, la
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Traumatismes dentaires et alvéolaires Figure 6
Figure 7
Même dent que Figure 5 vue par transillumination qui permet de dépister des fêlures profondes associées.
mortification pulpaire est plus fréquente et il est important de surveiller l’évolution de la vitalité de la dent pendant plusieurs semaines avant de prendre une décision thérapeutique.
¶ Éclats de l’émail Ce sont de véritables fractures de la couronne et, à la différence des fêlures, l’observation à l’œil nu met en évidence une amputation partielle de celle-ci, ne touchant que l’émail et respectant la dentine (Fig. 5). Ces variétés de traumatismes se rencontrent fréquemment au niveau des incisives et se limitent le plus souvent à un angle du bord libre de la dent. Il est possible également de rencontrer des éclats de l’émail dans les régions prémolaires et molaires, supérieures comme inférieures, lors d’un choc de l’arcade mandibulaire contre l’arcade maxillaire (choc sur le menton bouche ouverte par exemple), ou au cours de l’alimentation lorsque le sujet cherche à broyer un élément dur. Le risque de mortification pulpaire étant quasiment nul compte tenu de la nature du traumatisme, le traitement consiste en la simple restauration prothétique de la couronne, voire un polissage du bord libre.
¶ Fractures amélodentinaires sans exposition pulpaire Elles représentent une variété fréquente de traumatismes et posent des problèmes différents selon le terrain. La conduite thérapeutique n’est pas la même en présence d’une lésion de dent lactéale ou définitive et, chez l’adulte, les signes cliniques et les implications sont différents s’il s’agit d’une dent vivante ou, à l’opposé, mortifiée suite à un accident ancien. Enfin, l’irradiation du trait de fracture vers la racine, synonyme de fracture ouverte, est de plus mauvais pronostic que l’atteinte coronaire isolée. Quoi qu’il en soit, devant toute fracture de la couronne, la première préoccupation du praticien est d’éliminer une exposition pulpaire, et c’est ce cas que nous traitons ici. Les fractures amélodentinaires coronaires des dents lactéales sont rares et surtout rencontrées entre 2 et 4 ans car, après cet âge, la rhizalyse et la structure fragile de l’os alvéolaire favorisent de loin la survenue des luxations aux dépens des fractures. Néanmoins, lorsqu’ils surviennent, ces traumatismes n’entraînent que peu de conséquences à moyen et long termes, notamment sur l’éruption de la dent définitive. L’essentiel est de surveiller la vitalité pulpaire et, ici encore, la survenue éventuelle d’une mortification peut engendrer des accidents infectieux avant la chute de la dent traumatisée. Les fractures coronoradiculaires de dents lactéales sont également rares et exposent fréquemment la pulpe : ce cas sera donc traité plus loin. Les fractures de dents définitives se rencontrent couramment et répondent aux mêmes mécanismes que les éclats de l’émail. En revanche, la diminution d’épaisseur de la dentine amène à constater des signes cliniques sensiblement différents, puisque la couche de tissu isolant est plus fine. Le patient présente des douleurs au chaud et au froid, réveillées par la palpation à la sonde dentaire qui recherche une communication vers une corne pulpaire. Il est souvent
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Fractures coronaires avec exposition pulpaire de 11 et 21.
préférable d’éviter les tests de vitalité pulpaire qui déclenchent des douleurs intenses, et l’examen s’oriente d’emblée vers la réalisation du cliché rétroalvéolaire qui apprécie l’épaisseur de tissu dur restant et recherche une éventuelle fracture radiculaire associée. Dans ce cas, la communication avec l’espace desmodontal transforme cette lésion en fracture ouverte, de mauvais pronostic car générant des risques infectieux notables, mais aussi parce que l’interposition de tissus épithéliaux dans le foyer de fracture constitue un obstacle à la formation du cal. La suppression du petit fragment peut être recommandée, mais crée des difficultés quant à la restauration prothétique. Plusieurs situations semblent favoriser ces fractures amélodentinaires : la mortification secondaire à un traumatisme antérieur et la dévitalisation d’une dent cariée avec mise en place d’un amalgame rendent plus fragiles les tissus durs de la dent (notamment si « émail non soutenu »). Il en est de même de certaines maladies de système [ 3 0 ] telles que l’hyperparathyroïdie, l’hypothyroïdie ou le diabète, et on en rapproche les variations hormonales au cours de la grossesse. Enfin, les malpositions dentaires sont également des facteurs décrits.
¶ Fractures avec exposition pulpaire Quelle que soit la localisation du trait de fracture, coronaire, radiculaire ou mixte, il existe dans cette catégorie de traumatismes une ouverture de la chambre pulpaire qui fait communiquer celle-ci avec le milieu septique de la cavité buccale. L’irritation des éléments nerveux entraîne des douleurs intenses à type de pulpite, au moindre contact, ou si le fragment proximal coronaire ou coronoradiculaire est mobile. Selon la hauteur du trait, les possibilités thérapeutiques sont différentes, mais le praticien a toujours à l’esprit l’éventuelle conservation intégrale ou partielle de la pulpe, afin de tenter de préserver la vitalité de l’organe dentaire. Quand ce geste est possible initialement, une surveillance à long terme est de rigueur. On distingue alors : les fractures coronaires exclusives, les fractures coronoradiculaires et les fractures radiculaires pures.
¶ Fractures coronaires exclusives Elles sont fréquentes dans le secteur antérieur, le trait est oblique ou bien horizontal et alors situé le plus souvent au collet de la dent. Le diagnostic est évident dès le début de l’examen, que le fragment proximal soit resté en place ou non. Dans les lésions récentes avec amputation du petit fragment, l’examinateur aperçoit la pulpe centrale et de coloration rosée, parfois hémorragique (Fig. 7). Les tests de vitalité sont bien sûr contre-indiqués, et le cliché rétroalvéolaire recherche une atteinte associée de la racine. Lorsque le praticien tente de conserver la pulpe radiculaire, il protège cette dernière par un « pansement-bouchon » à l’hydroxyde de calcium ou à l’eugénol-oxyde de zinc, en effectuant ce geste dans des conditions d’asepsie rigoureuses et sous couverture antibiotique de 8 jours environ. La restauration prothétique est envisagée dans un deuxième temps. La surveillance consiste à apprécier la vitalité pulpaire et comprend des clichés radiographiques centrés qui éliminent une rhizalyse secondaire. 7
Traumatismes dentaires et alvéolaires
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Stomatologie
Figure 8
Fracture du tiers moyen de la racine de la 21.
1
2
3
4
Figure 10 Figure 9
Même dent que Figure 8 après évolution favorable : consolidation et persistance de la vitalité pulpaire.
Les quatre évolutions possibles des fractures radiculaires selon Bouyssou. [6] 1. Type I ; 2. type II ; 3. type III ; 4. pseudarthrose.
– le cal de type II remplit l’espace fracturaire en isolant deux demipulpes, la partie apicale pouvant rester vivante ; – le cal de type III entoure la chambre pulpaire qu’il laisse en monobloc ; – dans le quatrième cas, l’absence de cal conduit à la pseudarthrose et le maintien de la dent sur l’arcade n’est possible que si le trait de fracture est proche de l’apex. Lorsque couronne et partie proximale de la racine ont disparu suite au traumatisme, le diagnostic de luxation dentaire complète peut être porté à tort, et c’est la radiographie qui rétablit la vérité. Le traitement est alors guidé par l’état buccodentaire du patient, les lésions associées de l’os alvéolaire et la longueur de racine restante. LÉSIONS OSSEUSES ASSOCIÉES
Lorsque la conservation pulpaire n’est pas envisageable, la pulpectomie doit être réalisée précocement et être suivie d’une obturation canalaire qui permet la pose d’une prothèse ultérieurement. Fractures coronoradiculaires Elles se rencontrent dans des conditions traumatiques particulières : dans les secteurs postérieurs, elles peuvent être secondaires à un choc contre une dent de l’arcade opposée, mais il est également classique de les induire par des manœuvres endodontiques. Les fractures de la portion dentée de la mandibule se compliquent fréquemment de fractures coronoradiculaires, et il se pose alors la question de leur maintien sur l’arcade lors du traitement chirurgical ou orthopédique. L’obliquité du trait de fracture et l’ouverture vers le desmodonte rendent la conservation pulpaire difficile, et on lui préfère la dévitalisation avant restauration anatomique. Fractures radiculaires pures Horizontales, elles se traitent différemment selon la hauteur de la lésion, cervicale, du tiers moyen ou apicale. Elles sont souvent associées à des fractures de l’os alvéolaire, surtout si la lésion radiculaire est proche de l’apex. Lorsque la dent persiste sur l’arcade, la composante douloureuse est extrêmement variable car elle est directement liée à la mobilité du fragment proximal, d’autant plus importante que la lésion est proche du collet. Les tests de vitalité sont presque toujours négatifs initialement en raison d’une sidération nerveuse, mais leur évolution peut se faire favorablement en quelques semaines. C’est le cliché rétroalvéolaire qui fait le diagnostic topographique de la fracture et recherche en outre une lésion osseuse associée. Il est parfois nécessaire de réaliser plusieurs incidences avec des angles différents afin de mettre en évidence le trait (Fig. 8, 9 ). La consolidation n’est pas toujours acquise et Bouyssou [6] a décrit quatre modalités d’évolution (Fig. 10) : – le cal de type I comble l’espace interfragmentaire et la chambre pulpaire puis aboutit à une ankylose entre l’alvéole et la dent (ce tissu mortifié possédant une solidité quasi définitive) ; 8
L’os alvéolaire serait lésé six fois sur dix d’après Pasturel, [30] l’atteinte de l’os basilaire est en revanche beaucoup moins fréquente. Il n’y a que peu d’éléments communs à ces deux entités dont les mécanismes lésionnels et les signes cliniques révélateurs sont très différents.
¶ Fractures alvéolaires périradiculaires Elles semblent être les plus fréquentes et sont essentiellement le fait des luxations incomplètes des organes dentaires lorsque ceux-ci pivotent autour d’un point fixe, généralement situé à la hauteur des tiers moyen et cervical de la racine. Il s’agit le plus souvent d’une fracture-tassement d’un des deux murs alvéolaires avec prédominance sur le versant vestibulaire lorsque la luxation est une version palatine ou linguale. L’inspection retrouve une tuméfaction et des ecchymoses de la muqueuse gingivale et, à un stade plus avancé, l’adhérence de celle-ci à l’os alvéolaire conduit à sa déchirure si le déplacement est important. La mobilisation douce retrouve une mobilité associée de la (ou des) dent(s) et de l’os alvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire sont le plus souvent perturbés. C’est le cliché rétroalvéolaire qui fait le diagnostic de la fracture osseuse tout en appréciant l’intégrité ou non de la racine dentaire. Dans ces cas fréquents mais souvent méconnus de fracture osseuse limitée, il convient de repositionner au mieux les petits fragments avant d’assurer la contention de la dent traumatisée. Ce geste est le plus souvent réalisable sous anesthésie locale lorsque le traumatisme est peu important, et on en profite pour réaliser la suture de la muqueuse gingivale si celle-ci est nécessaire. Une couverture antibiotique de 8 à 10 jours est généralement instaurée, associée à la prescription de bains de bouche. Grâce à toutes ces précautions, les accidents infectieux immédiats sont rares et les complications à distance restent le fait de mortifications dentaires passées inaperçues.
¶ Fractures alvéolaires sus-apicales Elles sont la conséquence d’un traumatisme plus important et dont l’agent vulnérant s’est réparti sur un groupe de dents. De ce fait, les
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Stomatologie
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Figure 11
Traumatisme alvéolaire avec luxation en bloc du secteur incisif maxillaire chez un homme jeune déjà partiellement édenté.
organes dentaires sont restés solidaires de l’alvéole et c’est une véritable ostéotomie qui s’est réalisée. Le diagnostic est fréquemment posé devant la mobilité de plusieurs dents en monobloc, associée à une dilacération des tissus muqueux en regard (Fig. 11). Il n’est pas rare d’assister à une épistaxis par atteinte de la muqueuse des fosses nasales quand cet arrachement global touche le bloc incisif supérieur. Les tests de vitalité sont presque constamment perturbés et le bilan exact des lésions osseuses et dentaires est radiographique.
Figure 12
Importants dégâts d’os alvéolaire et basilaire suite à la luxation des quatre incisives supérieures chez une jeune femme victime d’un accident de la voie publique. Noter la comminution osseuse périradiculaire.
¶ Traumatismes de l’os basilaire Ils répondent à des mécanismes lésionnels différents et plutôt à des chocs directs. Leur traitement fait appel à des techniques orthopédiques ou sanglantes dont il n’est pas question ici, mais se pose parfois le problème de la luxation ou de la fracture radiculaire de la dent à cheval sur les deux fragments mandibulaires. Il est traditionnel de dire que le maintien sur l’arcade de cette dent permet une meilleure coaptation des deux berges du foyer, d’autant plus que son avulsion, relativement difficile, peut aggraver le déplacement des fragments et occasionner des lésions du pédicule dentaire inférieur. En revanche, l’éventuelle mortification de cette dent peut entraîner des complications infectieuses, retardant ou empêchant la consolidation osseuse, lorsqu’on décide de laisser la dent en place. Devant l’existence d’avantages et d’inconvénients à ces deux attitudes, il paraît une fois de plus nécessaire d’entreprendre une surveillance régulière. Dierks [12] propose cinq indications à l’avulsion immédiate de la dent dans le foyer fracturaire :
Figure 13
Même patiente que Figure 12 : le traumatisme concerne également l’épine nasale antérieure et est responsable d’une luxation du pied de la cloison cartilagineuse.
repositionnement du pied de la cloison et d’un tamponnement antérieur des fosses nasales sous couvert d’une antibiothérapie.
– importante mobilité de la dent sans mobilité osseuse ; – lésion apicale préexistante ; – fracture radiculaire ; – lésions carieuses non restaurables par les techniques usuelles ; – gêne à la réduction du foyer. Quoi qu’il en soit, dans les fracas osseux importants, la conservation des multiples fragments semble la règle admise, à condition de recouvrir ceux-ci d’une unité gingivopériostée qui assure la persistance de leur vitalité.
¶ Fractures associées du vestibule nasal Lors des dégâts étendus du bloc incisif supérieur, il est possible de constater un traumatisme associé du plancher des fosses nasales, des orifices piriformes et de l’épine nasale antérieure (Fig. 12, 13). La dislocation de ces différents fragments entraîne une déchirure de la muqueuse nasale, responsable d’épistaxis dont le tarissement n’est pas toujours spontané, ainsi qu’une luxation du pied de la cloison nasale, qui se trouve déviée latéralement. Dans les cas les plus sévères, il peut apparaître de véritables fractures du cartilage de la cloison ou hématomes, dont le diagnostic doit être posé rapidement sous peine d’évoluer vers l’infection puis la nécrose du cartilage. [14] Le traitement du traumatisme dentaire doit impérativement être accompagné du drainage d’une éventuelle collection, du
LÉSIONS DES TISSUS MOUS
Ce sont des atteintes fréquentes lors des traumatismes du tiers inférieur de la face, [29] mais elles passent trop souvent au second plan derrière les traumatismes alvéolodentaires, tant sur le plan thérapeutique que dans leur description dans le certificat médical initial. [28]
¶ Plaies gingivales Elles sont fréquentes lorsqu’il existe une atteinte de l’os sous-jacent ou une fracture déplacée des bases osseuses. Elles sont dues à l’adhérence de la fibromuqueuse sur la corticale osseuse. Leur diagnostic est fait dès l’inspection, et c’est la présence de ces dilacérations qui doit faire rechercher l’atteinte osseuse en profondeur. Trop souvent, leur suture est difficile voire impossible du fait de la contusion des tissus ou des pertes de substance. Dans ce cas, un bourgeonnement par cicatrisation spontanée reste la seule évolution possible sous couverture antibiotique associée à une antisepsie buccale. Lorsque les plaies sont nettes et que les berges sont vivantes, une suture est réalisée sous anesthésie locale, à l’aide de fil résorbable monté sur une aiguille à pointe ronde qui respecte mieux ces tissus fragiles. 9
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¶ Plaies de la langue Elles sont induites par l’interposition de celle-ci entre les deux arcades dentaires lors de l’accident. Leur exploration doit être systématique. On y retrouve parfois des fragments dentaires de couronnes lésées de manière concomitante. Devant une plaie superficielle, il n’est pas impératif de suturer. Il n’en est pas de même lorsque la lésion touche le muscle en profondeur ou lorsque la plaie est transfixiante. Il faut d’abord rassurer le patient et son entourage devant une hémorragie qui semble abondante. Chez l’enfant, le recours à l’anesthésie générale pour l’exploration des plaies et leur traitement chirurgical est presque toujours nécessaire.
¶ Plaies des lèvres Elles peuvent être causées par l’impaction directe des dents opposées ou bien par l’agent vulnérant lui-même, et il s’agit alors plutôt de traumatismes par éclatement occasionnés par l’interposition de la lèvre entre l’objet contondant et le plan dur que représentent les dents et l’os en arrière. La réparation est indispensable. Si la plaie est transfixiante, on commence par assurer la suture du plan musculaire, et la deuxième préoccupation est d’aligner la ligne de jonction entre la lèvre blanche et le vermillon. Le choix de l’anesthésie, locale ou générale, est guidé par l’âge du patient et les dégâts alvéolodentaires associés.
¶ Lésions des joues
Figure 15
Dysharmonie dentodentaire survenue après l’avulsion de la 11 chez un sujet en « bout-à-bout incisif ». Une prothèse provisoire pour maintenir l’espace aurait pu éviter le déplacement mésial de la 12.
– le déplacement, souvent latéral, des dents bordant l’espace édenté et pour lequel la prévention consiste à placer une prothèse provisoire qui vise à maintenir l’espace en attendant la réhabilitation définitive. Lorsque la dysharmonie est avérée (Fig. 15), il importe d’entreprendre un traitement orthodontique de réalignement ; – la résorption d’os alvéolaire en secteur édenté impose de réaliser une greffe osseuse avant réhabilitation prothétique, surtout si on a recours à l’implantologie ; – la mortification d’une dent est la séquelle la plus fréquente : elle nécessite la pulpectomie avec obturation canalaire pour éviter la survenue des complications infectieuses. Elles peuvent également concerner la dent définitive traumatisée à l’état de germe par l’apex ingressé de la dent lactéale :
Elles sont rares et correspondent à des morsures dans les régions molaires lorsque le traumatisme survient bouche ouverte. On y rencontre essentiellement des contusions ou ecchymoses, plus fréquentes que les plaies véritables.
– dyschromie coronaire avec éventuelle hypoplasie de l’émail ;
Séquelles
– anomalies de l’éruption : absence, retard ou ectopie.
On entend par « séquelle » une forme d’évolution défavorable survenant à distance du traumatisme, le plus souvent prévisible, et correspondant à un état de stabilisation des lésions que seule l’intervention du praticien peut modifier. Il faut les distinguer des « complications » qui surviennent dans un délai variable et de manière inopinée, et qui sont parfois révélatrices du traumatisme ancien passé inaperçu : c’est le cas de l’épisode infectieux (cellulite ou fistule) par réchauffement d’une lésion apicale secondaire à la mortification à bas bruit d’une dent lésée (Fig. 14). Elles sont à la fois fonctionnelles et esthétiques. Citons :
Principes du traitement et cas particuliers
– la perte d’une dent définitive par absence de consolidation ligamentaire, qui pose le problème de son remplacement, tant sur le plan technique que pécuniaire ;
Figure 14
Kyste symphysaire (révélé par une complication infectieuse) secondaire à la mortification d’incisives inférieures. Le traumatisme initial était passé inaperçu.
10
– dilacérations coronaires ; – anomalies radiculaires à type d’angulation ou arrêt de la maturation ;
GÉNÉRALITÉS
Ce n’est qu’après avoir établi un diagnostic précis et exhaustif des lésions, directement lié à la qualité de l’examen clinique et des radiographies, que l’on peut prétendre dispenser un traitement approprié. Le résultat est d’autant meilleur que le traitement est débuté rapidement. La mise en place dans l’alvéole d’une dent luxée sur les lieux mêmes de l’accident en est probablement le meilleur exemple. De même, lorsque plusieurs dents sont traumatisées ou lorsqu’il existe des lésions associées, il est nécessaire d’entreprendre les différents traitements simultanément. Seules quelques lésions échappent à la notion d’urgence thérapeutique mais ne dispensent pas, malgré tout, de l’avis d’un spécialiste : il s’agit entre autres de l’éclat de l’émail dont l’égalisation ou la réparation peut se faire à distance ; l’ingression d’une incisive maxillaire lactéale nécessite une surveillance qu’il faut assurer jusqu’à l’éruption de la dent permanente. En pratique, plusieurs cas de figures se présentent. La contusion simple, qui associe une dent stable, non déplacée et sans exposition de la pulpe, est probablement le cas le plus favorable puisqu’il ne requiert pas de soins d’urgence même si la vitalité pulpaire est douteuse ou nulle, car nous avons vu que seule la persistance du déficit sensitif pendant plusieurs semaines devait conduire à la pulpectomie avec obturation canalaire. Toutes les autres situations nécessitent de réaliser un geste d’emblée : – le déplacement d’une dent doit faire poser l’indication de sa réduction dans les meilleurs délais suivie de la pose d’une contention efficace ;
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Traumatismes dentaires et alvéolaires
– l’ouverture pulpaire fait discuter la pulpectomie immédiate ou la conservation partielle avec coiffage ;
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Figure 16
Fracture du tiers radiculaire apical d’une incisive centrale. La contention est assurée par une ligature en berceau sur arc de Dautrey en raison de la mobilité importante du fragment coronoradiculaire.
– enfin, la luxation complète d’une dent définitive peut être considérée comme une urgence fonctionnelle : pour la majorité des praticiens, la réimplantation doit être tentée quel que soit le délai qui sépare le traumatisme de la possibilité thérapeutique. [7] L’attitude quant à la conservation pulpaire est sujette à variations selon le temps écoulé et l’intégrité desmodontale. Cinq types de gestes peuvent être proposés, à réaliser le jour du traumatisme ou à distance (Tableau 3). TRAITEMENT DES FRACTURES SELON LEUR SIÈGE
¶ Atteinte isolée de l’émail Les lésions superficielles qui ne touchent que l’émail des couronnes, fêlures et éclats, ne nécessitent que des gestes simples et sans urgence. Après s’être assuré de la persistance de la vitalité pulpaire, le praticien effectue un simple polissage ou égalisation du bord occlusal, ou bien fait l’adjonction d’un petit fragment de composite pour restaurer l’anatomie coronaire.
Figure 17
Même dent que Figure 16 après traitement endodontique et résection du fragment apical. La contention par arc a cédé la place à des boîtiers d’orthodontie collés.
¶ Mise à nu de la dentine sans exposition pulpaire La préoccupation est la protection de la dentine des agressions bactériologiques et chimiques, car elle y est beaucoup plus sensible que l’émail. L’application d’hydroxyde de calcium est indispensable pour obturer les tubuli dentinaires avant d’envisager toute réparation prothétique définitive. Bien entendu, une surveillance prolongée de la vitalité de la dent est une fois de plus nécessaire.
¶ Exposition pulpaire des fractures coronaires L’irritation pulpaire est constante lorsque le fragment proximal de la couronne persiste et qu’il est mobile : la solution consiste en la suppression de celui-ci associée à une pulpectomie partielle si possible, sinon totale. Le coiffage pulpaire direct est réservé aux lésions pulpaires limitées et prises en charge dans des délais ne dépassant pas 6 heures, quel que soit le degré de maturation dentaire. On lui préfère la pulpotomie cervicale en cas de nécrose pulpaire superficielle. La pulpotomie partielle, ou technique de Cvek, [8] est indiquée pour les dents immatures ou matures jeunes, prises en charge tardivement (15 à 18 heures), suivie d’un coiffage à l’hydroxyde de zinc ou au Mineral Trioxide Aggregate (MTA). [8] Certains auteurs préconisent une pulpectomie d’emblée en cas de dent mature.
¶ Fractures radiculaires L’atteinte pulpaire est évidente mais le traitement est différent selon la hauteur du trait lésionnel :
la dent sur l’arcade. La sanction la plus fréquente est donc représentée par l’avulsion de la dent traumatisée, surtout si la fracture concerne plus de 3 à 4 mm de racine. [5] TRAITEMENT DES LUXATIONS
Le déplacement dentaire, partiel ou complet, définit le principe de la luxation et se traduit par la lésion plus ou moins étendue des tissus desmodontaux. Le traitement obéit à la séquence « réduction-contention-surveillance ». Un cas particulier est celui de l’avulsion dentaire : le temps écoulé hors alvéole et le milieu de conservation de la dent pendant le délai extraoral sont des facteurs influençant la réussite thérapeutique. [7, 25]
– au tiers cervical, la mobilité de la couronne rend la consolidation difficile, mais la racine restante est suffisamment longue pour supporter une reconstruction fixe, après traitement endocanalaire ; – devant les fractures du tiers moyen, on tente un maintien sur l’arcade du fragment proximal à l’aide d’une contention rigide maintenue en place pendant 3 à 6 mois, et le traitement endodontique est réalisé à distance si la pulpe s’est mortifiée dans l’intervalle de temps ; – enfin, dans les fractures du tiers apical, l’absence de mobilité incite souvent à laisser la dent sur l’arcade et à réaliser une résection apicale du petit fragment, après pulpectomie et obturation canalaire du fragment cervical (Fig. 16, 17).
¶ Fractures coronoradiculaires Elles associent les inconvénients des lésions coronaires et radiculaires, et le trait vertical ne permet pas souvent le maintien de
¶ Réduction du déplacement Ce geste doit être réalisé le plus précocement possible, et il faut privilégier l’anesthésie locale chez un patient adulte calme ; il est important de contrôler la qualité de la réduction, ainsi que l’état de l’os alvéolaire après le geste, par un cliché radiographique centré. Les autres situations nécessitent le recours à l’anesthésie générale, surtout si la bascule est fixée. Il est également nécessaire de rétablir l’articulé dentaire préexistant et non un « articulé idéal ». Le mouvement de réduction est réalisé prudemment entre pouce et index, pour contrôler l’amplitude du geste et éviter l’avulsion dentaire, et non à l’aide de daviers. La réinsertion dans son alvéole d’une dent avulsée répond à des critères stricts, surtout si on veut tenter de retrouver une vitalité ou à défaut une stabilité par ankylose aux dépens de la régénération 11
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Tableau 4. – Conduite à tenir avant réimplantation d’une dent permanente luxée selon son degré de maturation et le délai passé hors cavité buccale (d’après Nivet [27]). Délai extraoral
Dent immature
Dent mature
Moins de 15 minutes Moins de 2 heures à sec Moins de 6 heures dans lait ou sérum Moins de 24 heures dans le milieu de Hanks Plus de 2 heures à sec
Doxycycline 5 minutes Hanks 30 minutes Doxycycline 5 minutes Doxycycline 5 minutes Curetage ligamentaire + traitement canalaire Acide citrique 3 minutes + dérivé fluoré 15 minutes Doxycycline 5 minutes
Rinçage Hanks Hanks 30 minutes Néant
Fil 4/10
Résine
1
2
Résine
Fil 4/10
Figure 18
Ligature en échelle (d’après Benoist [2]) : les fils des montants sont d’un diamètre supérieur à celui des fils des barreaux. Les dents absentes sont remplacées par des « boulettes » de résine autopolymérisable pour éviter le déplacement secondaire des dents bordant les espaces.
du ligament desmodontal. De nombreuses études récentes ont démontré l’importance du délai extraoral le plus bref possible, [15, 16] de l’utilisation de milieux de conservation et topiques locaux avant réimplantation, ainsi que le lien entre l’évolution et le degré de maturation dentaire. [11] La conduite à tenir que nous proposons (Tableau 4) est inspirée de Nivet. [27] La revascularisation pulpaire est favorisée par la largeur du canal radiculaire des dents immatures à apex ouvert, [8, 12] surtout si on prend le soin d’immerger celles-ci au préalable dans une solution antibiotique pour éviter la nécrose pulpaire d’origine septique (la pénicilline jadis utilisée est maintenant remplacée par les tétracyclines auxquelles on peut associer des dérivés fluorés dans le but de diminuer les phénomènes de rhizalyse). [9, 23, 32] En attendant la mise en place dans l’alvéole, la conservation en milieu liquide doit débuter le plus précocement possible : les milieux « usuels » disponibles à domicile tels que lait ou sérum physiologique (pour la désinfection nasale des enfants) semblent donner de moins bons résultats que les milieux de conservation ou de culture cellulaire utilisés en activité hospitalière (milieu de Hanks utilisé par les anatomopathologistes et milieu de Viaspan pour les transplantations d’organes). [21, 35] Enfin Duggal [13] et Matson [26] trouvent en l’acide citrique, qui décape la dentine radiculaire, une indication de stimuler l’ankylose des dents réimplantées tardivement.
¶ Contention
Résine 3
4
B
Fil 5/10
1
Tube plastique
Figure 19
Les ligatures de De Wilde (A) et de Stout (B), dérivées de la ligature en échelle, restent les plus utilisées.
2
3
Devant le large éventail de techniques d’immobilisation, le praticien se pose la question du choix de la plus adaptée au cas particulier à prendre en charge. Ligatures exclusives sans pose d’arc métallique Elles dérivent toutes de la classique ligature en échelle (Fig. 18). Elles ont l’avantage d’être rapidement réalisées et ne nécessitent que peu de matériel. On utilise des fils d’acier 3/10 et 4/10. Ces techniques semblent un peu délaissées en raison de leurs multiples inconvénients : desserrage spontané, lésions iatrogènes de la gencive et tendance à l’égression des dents réimplantées. On peut citer la ligature de Wilde (Fig. 19A) qui nécessite l’adjonction d’une résine 12
4
polymérisable à la face palatine ou linguale des dents, la ligature de Stout (Fig. 19B) dont les boucles vestibulaires permettent également d’assurer un blocage maxillo-mandibulaire associé et la ligature en échelle (Schéma 3) qui permet de choisir exactement la longueur totale de la contention mais trouve ses limites en cas d’édentement partiel.
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Figure 20
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Contention de 11 et 21 avulsées par des ligatures en berceau sur arc de Dautrey (la denture mixte et l’absence de 12 rendant difficile le collage de boîtiers).
Figure 21
Ligatures sur arc métallique
technique de contention semi-rigide respecte la mobilité physiologique des dents et semble diminuer le risque d’ankylose.
Celui-ci peut être lisse ou muni de porte-manteaux ou crochets et fixé autour du collet de chaque dent saine par une ligature. Ainsi stabilisé, l’arc réalise un point fixe qui sert d’attelle à la dent traumatisée, elle-même fixée par une ligature métallique qui assure une excellente contention y compris dans le sens vertical. Citons la ligature en berceau (Fig. 20) et la ligature en sautoir qui sont les plus utilisées. Gouttières de contention Elles sont les moyens les moins agressifs pour le patient, aux dépens d’un léger préjudice esthétique pendant leur port. La prise d’empreintes qu’elles nécessitent représente un traumatisme supplémentaire pour la dent fracturée ou luxée qui vient d’être repositionnée. La gouttière de Grazide en résine autopolymérisable et de réalisation simple a progressivement cédé la place à la gouttière en résine molle ou à la gouttière thermoformée rigide, plus esthétiques car transparentes. Ces gouttières doivent être portées, comme les ligatures et les arcs, 6 à 8 semaines pour les luxations dentaires, et de manière plus prolongée encore pour certains cas de fractures. L’immobilisation moins stricte qu’elles assurent devrait les faire réserver à certaines formes de luxations où la stabilité dentaire est obtenue sitôt la réduction effectuée. Immobilisation par boîtiers d’orthodontie Le principe, récemment rappelé par Gigon, [19] représente une technique peu invasive pour le patient : après un mordançage de l’émail, on fixe les boîtiers à la face vestibulaire des couronnes par un mélange de colle et d’activateur. La solution de facilité consiste ensuite à les réunir par une ligature métallique en « huit de chiffre » (Fig. 21) serrée à l’une des extrémités. Lorsque plusieurs dents doivent être immobilisées, le serrage de la ligature a tendance à entraîner une version postérieure des dents, et on lui préfère alors une fixation par arc métallique dans la rainure des boîtiers. Cette
Contention par des boîtiers d’orthodontie collés et ligature en « huit de
chiffre ».
Procédés d’ancrage endodontique Ils sont bien utiles dans les cas d’édentation en bordure de la région traumatisée. Ils représentent des moyens solides de stabilisation à la face postérieure des dents, au moyen de fils de métal précieux insérés dans les tissus durs de la dent (inlay) ou fixés par de la résine (attelle de Berliner). SURVEILLANCE
À l’issue du premier geste, une surveillance rapprochée doit être instaurée. Le rythme peut varier selon les praticiens et la nature des traumatismes. Il est important de ne prendre aucune décision quant à la vitalité pulpaire avant la 6e semaine, voire plus. Après réduction d’une luxation, qu’elle soit totale ou non, la contention est maintenue 6 semaines minimum, parfois 8 semaines en cas de mobilité résiduelle. Passé ce délai, il ne semble pas exister de bénéfice à laisser le matériel en place. En cas de fracture radiculaire, ce traitement peut s’étendre sur 4, voire 6 mois. [3] Lorsque le traitement dure environ 2 mois, le patient consulte chaque semaine au début, puis toutes les 2 semaines, jusqu’à l’ablation du système de contention. La réhabilitation prothétique peut alors être envisagée sur une dent solide. Dans tous les cas, un contrôle de la vitalité pulpaire à moyen puis à long terme est recommandé, en revoyant le patient tous les 6 mois. Au début du traitement et à chaque consultation, le praticien vérifie la solidité du montage et la stabilité des dents traumatisées. Des clichés centrés sur les dents sont réalisés à chaque consultation et classés dans l’ordre chronologique, afin de dépister une complication osseuse ou une rhizalyse à distance. Enfin, l’évolution de la vitalité pulpaire est notée. Il est également important de profiter de ces consultations pour prodiguer les conseils hygiénodiététiques au patient ou à sa famille, en rappelant l’importance de l’alimentation molle initialement, puis de la remise en charge progressive des dents, ou en précisant la date de reprise du brossage.
Références ➤
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Traumatismes dentaires et alvéolaires
Stomatologie
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Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques O Giraud P Duhamel JB Seigneuric D Cantaloube
Résumé. – La traumatologie maxillofaciale reste d’actualité malgré les différentes mesures modernes de protection de la face. En raison de leur diversité, qui constitue l’une de leurs caractéristiques, les lésions traumatiques de la face, qu’elles soient osseuses, tégumentaires ou dentaires, doivent faire l’objet d’une thérapeutique bien codifiée qui doit rester adaptée à chaque cas. En s’appuyant sur les données de l’examen clinique et des explorations radiologiques, les modalités thérapeutiques comportent différentes étapes qui sont précisées ici. Le contrôle des urgences, en particulier vitales, constitue le premier stade. Il précède le traitement primaire de l’ensemble des lésions, réalisé plan par plan en commençant par l’architecture osseuse. La qualité de la réalisation de ce premier traitement permet de limiter la survenue de séquelles. Ces dernières peuvent néanmoins subsister et bénéficieront d’un traitement secondaire à distance du traumatisme initial. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : traumatisme facial, architecture osseuse, lésions tégumentaires, lésions faciales.
Introduction Situé à la partie antérieure de l’extrémité céphalique dans sa définition sociale selon Ginestet, entre le couvre-chef et la cravate ou, d’une façon plus anatomique, entre la base du crâne et l’os hyoïde, habituellement dépourvu de toute protection, le complexe maxillofacial est particulièrement exposé aux traumatismes les plus divers, faute d’une protection efficace. Siège de la vie relationnelle par le jeu de la mimique et par les organes responsables de la vision, de l’olfaction, de l’audition et de la gustation, origine des voies respiratoires et digestives, d’une importance psychologique majeure au plan esthétique, ce complexe peut être atteint par différentes lésions. Celles-ci sont caractérisées par leur extrême diversité, que ce soit dans leurs circonstances de survenue, leur topographie ou leur type anatomoclinique : – dans leurs circonstances de survenue [16] : il peut s’agir d’accidents du trafic, toujours d’actualité malgré les multiples mesures de sécurité routière au premier rang desquelles figurent le port de la ceinture de sécurité et la généralisation des coussins gonflables ; ces accidents peuvent être responsables de traumatismes considérables, de même que certains accidents du travail ; à un moindre degré de gravité, on peut citer, avec une proportion qui augmente en fréquence et en intensité, les rixes et les accidents de loisirs et de sport, en particulier avec la pratique d’activités à haute vélocité telles que le skate-board ou le vélo tout terrain ; les atteintes par armes à feu, enfin, occupent une position à part, selon l’étendue des lésions qu’elles provoquent ; le contexte psychologique, voire psychiatrique, doit être pris en compte en raison de leurs circonstances bien particulières : tentative d’autolyse ou agression par un tiers ;
Olivier Giraud : Spécialiste des hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service. Patrick Duhamel : Assistant des hôpitaux des Armées. Jean-Baptiste Seigneuric : Assistant des hôpitaux des Armées. Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de chirurgie plastique et maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart cedex, France.
– dans leur topographie : ces lésions peuvent intéresser l’ensemble de la face ou bien se limiter seulement à une partie plus ou moins importante de celle-ci à la mandibule ou au massif facial ; – dans leur type anatomoclinique : sur le plan osseux, par exemple, on peut rencontrer des fractures simples à un trait ou des fractures plurifocales pouvant aller jusqu’à la comminution ; on peut également assister à des dislocations, voire à la disparition de segments osseux. Ainsi, la traumatologie maxillofaciale doit faire appel à des modalités thérapeutiques pertinentes et adaptées à chaque cas tout en répondant à un schéma classique de prise en charge qui doit être connu de tout praticien de la spécialité. Bien entendu, ces modalités varient selon le type de lésion, qui peut aller de la plaie isolée de la face jusqu’au grand fracas par arme à feu avec associations lésionnelles régionales ou générales, faisant ainsi appel, selon les circonstances, au chirurgien maxillofacial seul ou associé à d’autres spécialistes. À chaque étape de la prise en charge doit correspondre une réponse thérapeutique adéquate : – lors de la relève du blessé sur le terrain, immédiatement après l’accident, par une équipe du Service d’aide médicale urgente ou des pompiers ; – pendant son transport vers une structure hospitalière ; – à son arrivée dans celle-ci, suivie du traitement primaire qui est primordial ; – enfin, dans le cadre de séquelles éventuelles, par un possible traitement secondaire. Cette prise en charge doit répondre à un schéma clair, que les circonstances d’intervention se placent elles-mêmes dans un contexte simple de rixe ou d’accident sportif ou dans un cadre plus dramatique d’accident du trafic ou de pathologie de masse comme peuvent en engendrer les catastrophes naturelles ou industrielles, ainsi que les actes de terrorisme et les guerres.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Giraud O, Duhamel P, Seigneuric JB et Cantaloube D. Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-068-A-10, 2002, 14 p.
Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques
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Relève du blessé sur le terrain
Stomatologie
1 Transfixion de la langue par broche transjugale.
Les gestes immédiats dépendent des lésions rencontrées mais aussi de la formation des sauveteurs, qui peuvent effectuer des actes de secourisme jusqu’à des soins véritablement médicalisés. Il convient alors : – de rechercher et de traiter les urgences susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital ; – de réaliser un bilan lésionnel initial local et régional, mais aussi général, aussi précis que possible ; – de mettre en œuvre un traitement temporaire, d’attente, en fonction de l’éloignement du centre hospitalier, des délais et de la durée prévisibles de l’évacuation. URGENCES
Glossopexie latérale.
[16, 17]
Rarement rencontrée dans les traumatismes habituels, l’extrême urgence est représentée par l’atteinte de deux grandes fonctions, respiratoire et circulatoire. Elle doit être systématiquement recherchée et éliminée dans les polytraumatismes et dans les grands traumatismes cranio- et maxillofaciaux. À ces deux entités et à un degré de gravité moindre, on associe parfois l’existence d’un choc, bien qu’elle reste rare, et le risque infectieux. Il faut par ailleurs rechercher une possible lésion du rachis, en particulier cervical, révélée par un point douloureux précis spontané ou provoqué par la palpation ou bien par la découverte d’une déformation dans cette zone. Une telle atteinte est à suspecter par principe dans les accidents du trafic souvent responsables de chocs de haute énergie cinétique.
¶ Asphyxie L’asphyxie constitue l’urgence des urgences, mettant immédiatement en jeu le pronostic vital. Ses causes sont multiples : locales directes ou par associations lésionnelles de mécanismes indirects. Ses conséquences peuvent très schématiquement se résumer par une hypoxie qui peut rapidement aboutir au décès. Les causes locales qui peuvent provoquer l’obstruction des voies aériennes supérieures sont les suivantes : – obstruction de l’oropharynx par accumulation de sang ou de sécrétions, par des débris divers (telluriques, dentaires, prothétiques) ou par chute d’un corps étranger dans les voies aériennes supérieures ; – recul du segment antérieur de la mandibule par action des muscles insérés sur les apophyses geni, en cas de fracture parasymphysaire bilatérale ; – glossoptose par le même mécanisme dans les traumatismes balistiques ; – dislocation de la pyramide nasale entraînant une obstruction de la filière nasopharyngée ; – hématome expansif du plancher buccal, de la langue, du palais mou ; – atteinte de l’os hyoïde et des muscles qui y sont insérés et perte de contrôle du complexe musculaire glossohyoïdien ; – fracas du larynx. Les associations lésionnelles, quant à elles, aggravent l’insuffisance respiratoire par une action centrale et/ou périphérique : – l’action centrale est représentée par l’atteinte des centres respiratoires bulbaires ou du contrôle cortical ; – l’action périphérique est laryngée ou bien thoracique par atteinte pariétale avec volet costal et incompétence respiratoire douloureuse 2
2
ou par atteinte du parenchyme pleuropulmonaire avec épanchement gazeux ou hématique compressif, voire suffocant. Par ailleurs, l’association à une hémorragie aggrave le pronostic. Il convient alors de rendre perméables au plus vite les voies aériennes en levant l’obstacle ou en le contournant sur les lieux mêmes de l’accident. Après avoir installé le patient en décubitus latéral, lésions contre le plan de repos (le rachis cervical étant maintenu en rectitude et en extension en cas de doute sur son intégrité) et ce, afin de faciliter le drainage des voies respiratoires par gravité, on effectue les manœuvres suivantes : – retirer les débris qui obstruent la filière aérienne supérieure au doigt ou à l’aide d’une compresse montée sur une pince ; – faire tousser le blessé ; – aspirer les sécrétions et le sang ; – au besoin, pratiquer la manœuvre de Heimlich en cas de suspicion de corps étranger intrabronchique ; – assurer une hémostase sommaire par compression, par tamponnements, rarement par forcipressure ou ligatures ; – tracter la langue en avant à l’aide d’une pince ou d’un fil traversant sa pointe ; on peut également transfixier la langue placée en position de repos à l’aide d’une broche de type Kirschner passée à travers les joues (fig 1) ou réaliser une glossopexie latérale à l’aide de fils transjugaux noués sur des bourdonnets (fig 2) ; selon Pons [16], ces deux procédés ont l’avantage de laisser la langue en position habituelle et de permettre une déglutition normale ; – mettre en place une canule de Mayo ou de Guedel ; – ventiler au masque. Les gestes complémentaires éventuels sont la stabilisation d’un volet costal ou l’évacuation d’un épanchement thoracique. Si ces procédés se révèlent inefficaces ou insuffisants, il faut alors assurer la ventilation par des manœuvres invasives, autorisant une oxygénothérapie adaptée : – intubation, en particulier en cas d’hypoventilation liée à un état comateux ; elle est de préférence nasotrachéale en l’absence de suspicion d’atteinte de la base du crâne et donc de risque de brèche cérébroméningée ;
Stomatologie
Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques
– ponction transtrachéale avec un cathéter, reposant sur les conséquences de l’effet Venturi, les gaz injectés sous pression se détendant brusquement et créant un appel d’air dans les voies aériennes supérieures ;
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Tamponnement nasal antérieur par mè-
che.
– coniotomie à l’aide de kits adaptés permettant un abord intercricothyroïdien d’extrême urgence avec cependant des risques de sténose trachéale secondaire ; elle est, dès que possible, remplacée par une trachéotomie ; – trachéotomie, par exemple en cas d’afflux massif de blessés ou de délais d’évacuation importants ou face à un écrasement du larynx ou de la trachée ; sur le terrain, elle est qualifiée d’« expéditive ».
¶ Hémorragies
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Tamponnement jugal par bourdonnets.
Les hémorragies, abondantes à la face en raison de la richesse de sa vascularisation, se manifestent de façon externe, interne ou mixte, en nappe ou en jet. Isolées, elles sont cependant rarement responsables d’un choc hypovolémique. Les circonstances de survenue varient de la plaie vasculaire simple au vaste délabrement facial avec atteinte de multiples vaisseaux. Il convient alors d’arrêter l’hémorragie et de compenser les pertes, pour prévenir ou corriger un choc éventuel, par la mise en place de voies veineuses de bon calibre, périphériques de préférence, permettant la perfusion de solutés macromoléculaires avec correction de la volémie et équilibration hydroélectrolytique. Les hémorragies sont, rappelons-le, temporairement jugulées par compression digitale jusqu’à ce qu’un contrôle permanent puisse être réalisé.
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Tamponnement pelvibuccal par bourdonnets.
En jet, elles font l’objet de clampages, de ligatures intrafocales ou au point d’élection. Le clampage ne doit pas être fait à l’aveugle mais rester sélectif, sous bon éclairage, afin d’éviter de léser des éléments nobles vasculaires ou nerveux, nombreux dans cette région. En nappe, elles sont traitées par compression : méchage nasal antérieur (fig 3) ; tamponnement buccal, jugal (fig 4) ou pelvibuccal (fig 5) par des points en U noués sur des bourdonnets.
¶ Plaies du scalp Les plaies du scalp, particulièrement hémorragiques, sont rapidement suturées par un surjet simple avec un fil de bon calibre en affrontant les berges dans toute leur épaisseur.
¶ Survenue d’un choc La survenue d’un choc, lié aux hémorragies associées à un certain degré d’hypoxie, est surveillée par le contrôle régulier de l’état de conscience, du rythme cardiaque et de la pression artérielle, et prévenue par le remplissage vasculaire et l’immobilisation provisoire des fractures à titre antalgique par une fronde ou par des ligatures de type Ivy. Ce choc est plus fréquent dans les polytraumatismes et les atteintes particulièrement délabrantes dues aux armes à feu que devant un traumatisme maxillofacial isolé.
¶ Risque infectieux Le risque infectieux est à craindre dans les grands traumatismes et dans les fractures de la portion dentée de la mandibule en raison de la présence des cavités buccale et nasales et de leur flore commensale mais aussi de la large communication avec le milieu extérieur en cas d’atteinte cutanée associée avec des plaies souillées comme c’est le cas des fractures ouvertes. C’est pourquoi il convient de mettre en œuvre une antibiothérapie précoce, suffisante et adaptée telle que des b-lactamines ou des macrolides associés au métronidazole. On considère par ailleurs les blessures par armes de guerre comme étant toujours potentiellement infectées et donc devant bénéficier d’une antibioprophylaxie systématique. En outre, le statut antitétanique est contrôlé et, si besoin, mis à jour.
BILAN LÉSIONNEL INITIAL
Il doit être rapide afin de ne pas retarder l’évacuation du patient tout en permettant de lui apporter des premiers soins adaptés. Sur le terrain, il ne peut qu’être clinique et repose d’abord sur l’interrogatoire du blessé, de son entourage ou des témoins qui relatent les circonstances de l’accident. Les signes fonctionnels tels que la douleur ou la limitation de l’ouverture buccale sont notés. Inspection et palpation succinctes précisent les lésions suspectées, les déformations, les amputations qui sont rapportées sur une fiche. Non seulement local, et donc facial, ce bilan comporte également un temps général, à la recherche de lésions associées dont le traitement doit parfois se révéler prioritaire. Les observations et les conclusions de ce bilan sont notées sur une fiche d’évacuation. Quelles que soient les lésions identifiées, le bilan est complété lors de l’admission à l’hôpital. MISE EN CONDITION D’ÉVACUATION
Elle suppose le recours à un traitement temporaire et à des moyens de surveillance permettant d’optimiser le transport du patient pour lui-même comme pour le personnel soignant, c’est-à-dire : – sur le plan maxillofacial, un nettoyage des plaies, une contention maxillomandibulaire (fig 6) et un pansement de protection ; selon son état, le patient est évacué en décubitus latéral ou ventral ou en position semi-assise mais jamais en décubitus dorsal ; en cas de blocage intermaxillaire, un système de déblocage instantané doit être prévu en raison du risque potentiel d’inondation bronchique en cas de vomissements ; 3
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Contention maxillomandibulaire par bandages.
* A
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* B
A. Tamponnement nasopharyngé mixte par mèche et tampon. B. Tamponnement nasopharyngé par sonde à ballonnet.
– sur le plan général, les moyens de surveillance des constantes vitales respiratoires, circulatoires et neurologiques sans omettre ceux des éventuelles lésions associées : protection thermique, minerve en cas de suspicion de lésions rachidiennes, matelas-coquille ; – un traitement médicamenteux comportant des antalgiques, des antibiotiques systématiquement, des antiémétiques par voie parentérale éventuellement.
Transport Médicalisé, par voie routière ou aérienne, il se fait de préférence vers une structure spécialisée où se trouvent anesthésistesréanimateurs et chirurgiens de toutes les disciplines. Outre les moyens précédemment cités, un contrôle des voies d’abord périphériques, des canules de trachéotomie, des sondes nasogastriques est assuré. Par ailleurs, la nutrition est adaptée aux conditions et à la durée de l’évacuation et le patient est constamment surveillé dans l’éventualité de la survenue d’une aggravation de son état. Enfin, des sutures temporaires peuvent être réalisées pour faciliter le transport et réduire le risque hémorragique ou infectieux en cas de fracture ouverte ou de large lambeau tégumentaire décollé.
Plaie de la face.
– urgences hémorragiques : – électrocoagulation, tamponnement local complémentaire ; – en ce qui concerne les épistaxis, tamponnement nasopharyngé antérieur, postérieur ou mixte (fig 7A), ou sonde urinaire à simple ou double ballonnet de type Foley (fig 7B) ; – en cas d’échec persistant des méthodes précédentes, traitement endovasculaire sous contrôle angiographique par embolisation sélective du territoire intéressé ; – ligature de la carotide externe ou de ses branches, exceptionnelle mais parfois nécessaire pour assurer un contrôle régional de l’hémorragie malgré le rôle joué par les nombreuses anastomoses. Le traitement est précédé par la poursuite du bilan lésionnel maxillofacial qui comporte examen clinique et imagerie médicale.
Examen clinique INTERROGATOIRE
Il précise les circonstances de l’accident, la position du blessé au moment de celui-ci, ses antécédents personnels et familiaux, son âge, son état général, les traitements éventuels en cours. Les signes fonctionnels sont recherchés : douleur localisée, gêne à l’ouverture buccale, troubles de la vision, atteinte nerveuse sensitive ou motrice. EXAMEN LOCAL
Arrivée à l’hôpital Selon son état et l’étendue des lésions, le patient est reçu par l’anesthésiste-réanimateur ou le chirurgien maxillofacial, celui-ci étant seul ou accompagné d’autres spécialistes dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire : radiologue, neurochirurgien, oto-rhinolaryngologiste, ophtalmologiste, voire chirurgien orthopédiste ou viscéraliste. Cette prise en charge pluridisciplinaire permet, le cas échéant, de réaliser un traitement primaire en un temps opératoire avec une seule anesthésie générale. Le contrôle des urgences vitales est vérifié et au besoin ajusté ou adapté par des gestes propres au milieu hospitalier, complétant ou remplaçant les techniques utilisées lors de la relève du blessé : – urgences respiratoires : trachéotomie réglée, préférable à une intubation en cas d’assistance ventilatoire prolongée ; 4
Réalisé sous bon éclairage, il est bilatéral et comparatif, et comporte inspection puis palpation, exo- puis endobuccales. L’examen exobuccal est réalisé le plus rapidement possible avant la survenue d’œdèmes parfois massifs qui vont empêcher l’appréciation correcte des déformations. L’inspection exobuccale permet de caractériser les plaies quand elles existent : linéaire simple par arme blanche par exemple, contuse (fig 8) par agent contondant comme un fragment de pare-brise, avec perte de substance parfois telle qu’elle empêchera toute suture directe sans tension. Selon la topographie de l’atteinte, des éléments anatomiques dits « nobles » peuvent être impliqués : – le canal salivaire de Sténon ; – le nerf facial ou ses branches et rameaux de division dans la joue, en particulier sur une ligne joignant le tragus à la commissure labiale, avec atteinte variable de la mimique ;
Stomatologie
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Hématome taire.
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périorbi-
Atteinte dentaire et parodontale.
La palpation endobuccale, prudente, peut déclencher une douleur vive, élective et retrouver un déplacement ou une mobilité des reliefs osseux. Autres examens : initiés par le chirurgien maxillofacial s’il est seul, ils sont complétés par les différents spécialistes concernés.
– la glande submandibulaire et son canal excréteur, le rameau mentonnier du nerf facial dans la région submandibulaire ; – les voies lacrymales dans la région canthale interne et paranasale ; – le tarse et le muscle releveur de la paupière supérieure. L’inspection détecte également une contusion, une tuméfaction, une ecchymose ou un hématome (fig 9), une asymétrie de la face ou une augmentation de sa dimension verticale. Une attitude bouche entrouverte, laissant parfois s’écouler un peu de salive sanguinolante, peut suggérer l’existence d’une fracture de la mandibule. Elle peut cependant également résulter d’une lésion du massif facial, mais aussi d’atteintes dentaires par réflexe antalgique ou de la formation d’un hématome dans la région postérieure de la mandibule. La palpation note la présence d’un point douloureux exquis, l’existence de zones d’hyperesthésie, d’anesthésie ou d’hypoesthésie dans les différents territoires d’innervation, une modification des reliefs telle qu’un enfoncement de la pommette ou la perception d’une marche d’escalier ou d’un décalage, la mobilité anormale de segments osseux ou de l’arcade dentaire, la présence d’une crépitation sous-cutanée signant la présence d’air. La palpation des repères osseux que représentent les pare-chocs naturels de la face constitue un élément d’orientation diagnostique particulièrement important. L’ouverture buccale est évaluée dans son amplitude, son trajet, son caractère algique ou non. Elle peut être impossible, diminuée et/ou déviée ou présenter une course sinusoïdale. Les autres mouvements, propulsion et diduction, sont également étudiés. Lèvres écartées, on examine l’occlusion dentaire dont les anomalies peuvent se traduire par un défaut d’alignement (fig 10), une béance antérieure, un contact prématuré au niveau de la région molaire, un diastasis interdentaire évoquant une fracture sagittale. L’existence de troubles antérieurs de l’occlusion peut gêner l’évaluation des anomalies liées au traumatisme. L’inspection endobuccale peut noter : – une plaie de la muqueuse jugale, linguale, palatine ou labiale, qui peut prolonger une atteinte cutanée ; – l’existence d’un hématome ; – une atteinte parodontale avec déchirure de la muqueuse attachée, la présence de sang au collet et une mobilité dentaire signant une atteinte alvéolodentaire (fig 10). L’état dentaire proprement dit est évalué à la recherche d’atteintes diverses : contusion, fracture, subluxation ou luxation, en prenant soin de préciser, si possible, l’état antérieur.
– Examen ophtalmologique : l’acuité visuelle et le champ visuel sont évalués de même que les réflexes photomoteurs direct et consensuel. L’examen apprécie également l’état des globes oculaires et leur position au niveau de l’orbite, à la recherche d’une exophtalmie ou d’une énophtalmie, la présence de sang sous forme d’hyphéma ou d’hémorragie sous-conjonctivale. Les voies lacrymales sont contrôlées et au besoin cathétérisées. Au moindre doute sur l’existence d’une diplopie associée ou non à une limitation des mouvements de l’œil dans une ou plusieurs directions, un test de Hess-Lancaster est effectué si l’état du patient l’autorise ; il apporte un diagnostic topographique et permet de quantifier l’atteinte de la motilité oculaire et de contrôler ultérieurement son évolution en objectivant le type de diplopie sur un schéma. On note également l’existence d’une dystopie canthale par atteinte du ligament palpébral externe ou celle d’un télécanthus par élargissement de la racine du nez. L’existence d’un syndrome de la fissure orbitaire supérieure constitue une urgence en signant une atteinte grave de la région orbitaire. Aux différents signes de ce syndrome peut s’associer une cécité unilatérale par lésion du nerf optique, directe par section ou indirecte par compression, réalisant ainsi le syndrome de l’apex orbitaire. – Examen rhinoscopique antérieur : il est réalisé à l’aide d’un spéculum et d’une aspiration. Il permet d’objectiver un hématome de cloison, une plaie muqueuse, une déviation du septum et de contrôler une épistaxis persistante ou récidivante. – La présence d’une otorragie amène à pratiquer un examen otoscopique permettant de contrôler l’état du tympan et du conduit auditif externe. Une telle hémorragie peut faire évoquer l’existence d’une fracture de l’os tympanal fréquemment associée à une fracture du condyle mandibulaire (fracture de Monteggia). – Un écoulement de liquide clair par le nez (rhinorrhée) ou par l’oreille (otorrhée) correspondant à une fuite de liquide cérébrospinal signe une brèche ostéoméningée à l’étage antérieur de la base du crâne. On effectue alors un test au Clinistixt, le patient étant penché en avant, à la recherche de glucose après un contrôle tomodensitométrique. Les lésions liées à l’utilisation des armes à feu, et en particulier les fusils de chasse, avec leurs cartouches à plombs, et les armes de guerre actuelles, avec leurs balles de petit calibre de haute vélocité, constituent une entité à part en raison : – de la multiplicité des atteintes, intéressant d’emblée les différents plans de couverture et l’architecture osseuse ; – de leur gravité, liée à leur étendue d’une part, avec des disparitions tissulaires, et à leur évolutivité d’autre part, par un phénomène d’attrition et de dévascularisation secondaire, rendant le bilan lésionnel clinique initial particulièrement difficile et toute systématisation impossible ; – de leur potentiel particulièrement septique. 5
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Incidence de Blon-
deau.
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Incidence panoramique des maxillaires.
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Incidence face basse.
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Incidence de Hirtz.
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Tomodensitométrie : coupe coronale du maxillaire.
Le repérage des orifices d’entrée et de sortie permet de reconstituer le trajet projectilaire et donc d’approcher les lésions anatomiques. Cependant, les munitions de chasse ont tendance à s’éparpiller dans l’épaisseur des tissus sans orifice de sortie. Dans les deux cas, l’examen radiologique est indispensable.
Examen radiologique Guidé par l’examen clinique, il permet de préciser la topographie des lésions osseuses et leur déplacement. Le bilan fait appel à des incidences particulières en fonction de la localisation des atteintes des différentes régions de la face. RADIOGRAPHIES SIMPLES
[15]
Les incidences diffèrent selon l’étage facial à étudier ; des clichés orthogonaux permettent de visualiser les fractures et leurs déplacements dans les trois plans de l’espace. Pour l’étage inférieur de la face : l’incidence panoramique des maxillaires (fig 11) permet de contrôler la mandibule dans son ensemble. Chez l’enfant, la position des germes dentaires est également précisée [19]. Mais cet examen nécessite une installation particulière et une certaine autonomie du patient. Une incidence face basse (fig 12), bouche ouverte, précise l’atteinte de la branche horizontale, de l’angle et des condyles. Ceux-ci sont également visualisés par l’incidence transorbitaire de Zimmer. L’incidence maxillaire défilé étudie la portion dentée de la mandibule à droite ou à gauche, et plus précisément la région de l’angle et la branche 6
montante. Ce cliché est plus particulièrement demandé en cas d’impossibilité de réalisation de l’incidence panoramique (il peut être effectué au lit du malade). Pour le massif facial : l’incidence de Waters ou de Blondeau (fig 13) retrouve les fractures du maxillaire, du malaire et de la région orbitofrontale. La lecture des lignes de Campbell facilite la recherche de déplacements osseux éventuels. L’incidence de Hirtz (fig 14) montre la projection de l’os malaire et une atteinte de l’arcade zygomatique. Pour les organes dentaires et l’ensemble alvéolodentaire, l’incidence panoramique des maxillaires offre une vision globale de la denture, mais les clichés rétroalvéolaires fournissent des images ciblées de précision et de meilleure qualité, en particulier pour l’arcade dentaire supérieure. TOMODENSITOMÉTRIE
Elle permet d’obtenir en un temps très court et sans manipulation excessive du patient des images précises dans les plans coronal (fig 15) et axial (fig 16) en acquisition directe, et dans un troisième plan par reconstruction (fig 17). Ce procédé permet aussi d’acquérir
Stomatologie
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Tomodensitométrie maxillaire : reconstruction tridimensionnelle.
* A 19
Tomodensitométrie mandibulaire : reconstruction tridimensionnelle.
particulièrement utile dans l’exploration des orbites [8] , des articulations craniomandibulaires [19], ainsi que de l’étage antérieur de la base du crâne. IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
Elle n’a pas d’intérêt dans la prise en charge primaire mais peut être utile au stade des séquelles ou en cas de lésion cérébrale associée.
* B 16
A. Tomodensitométrie : coupe axiale du maxillaire. B. Tomodensitométrie : coupe axiale de la mandibule.
17
Tomodensitométrie : coupe sagittale du maxillaire.
ARTÉRIOGRAPHIE
Elle trouve son utilité en cas d’hémorragie abondante persistante malgré les diverses tentatives d’hémostase précédemment décrites. Elle permet alors de localiser le ou les vaisseaux en cause afin de faciliter leur contrôle in situ ou de recourir à une embolisation sélective dans le cadre de la radiologie interventionnelle. Au terme de ce bilan lésionnel, un certificat médical initial descriptif est rédigé de façon précise, notamment à des fins médico-légales ; il sert en outre de référence lors du suivi du patient.
Traitement primaire Nous verrons successivement quels en sont les buts, les moyens et les indications. Il intéresse le plan osseux, mais aussi les structures de recouvrement, les fractures étant traitées en premier avant la réparation des parties molles et les sutures muqueuses puis cutanées. La prise en charge thérapeutique initiale est essentielle pour prévenir et limiter au maximum les éventuelles séquelles. OBJECTIFS
des images tridimensionnelles (fig 18, 19) reconstituant assez fidèlement les traits de fracture et les déplacements [14], bien qu’il existe des artefacts parfois trompeurs. Le bilan tomodensitométrique maxillofacial, réalisé conjointement au bilan craniocérébral, rachidien ou corps entier selon les cas, permet de gagner du temps dans l’élaboration du bilan lésionnel mais affine aussi ce dernier grâce à ses images de meilleure qualité que celles des radiographies standards. Il est
Il s’agit, autant que possible, de rétablir la continuité osseuse en respectant l’anatomie afin de sauvegarder la fonction tout en préservant l’esthétique, particulièrement importante à la face. Dans certains cas cependant, la conjonction de moyens thérapeutiques complémentaires autorise une restauration anatomique imparfaite comme dans le cas de certaines fractures condyliennes où le respect de la fonction est privilégié. Globalement, les objectifs majeurs du traitement sont donc le respect ou la restitution conjoints de : 7
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– l’anatomie ;
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– la fonction ;
Ligature d’Ivy.
– l’esthétique. MOYENS
Ils font appel à des procédés fonctionnels, orthopédiques, chirurgicaux utilisés de façon isolée ou en association. Le rôle de ces différents procédés est la réduction d’un éventuel déplacement, la contention en bonne position et l’immobilisation jusqu’à ce que la consolidation soit acquise. TRAITEMENTS MÉDICAUX
Ils encadrent de façon variable les thérapeutiques précédentes et comportent : – des antibiotiques ; – des antalgiques ; – des anti-inflammatoires non stéroïdiens ou corticoïdes ; – une vaccination antitétanique ; – des antiémétiques. On y associe : – une hygiène buccodentaire par brossage doux et régulier des dents et pulvérisations endobuccales après chaque repas ; – une alimentation adaptée, liquide ou hachée. RÉPARATION OSSEUSE
¶ Procédés fonctionnels Ils concernent la mandibule et sont basés sur la prise d’une alimentation semi-liquide les premiers jours, puis mixée pendant quelques semaines, et sur la mobilisation prudente de l’arcade inférieure avec surveillance clinique et radiologique régulière de l’absence de déplacement du foyer de fracture, laquelle doit rester stable avec un trait favorable par rapport à l’action des forces musculaires. Quant à la mécanothérapie, elle permet de mobiliser la mandibule à l’aide d’un mécanisme autorisant les mouvements d’abaissement et de propulsion dans des conditions aussi physiologiques que possible. Il s’agit là d’un traitement complémentaire pour éviter l’apparition d’une constriction permanente des mâchoires ou pour conserver une amplitude suffisante d’ouverture buccale en cas d’atteinte des zones articulaires condyliennes.
¶ Procédés orthopédiques Ils reposent sur la présence du système dentaire qui sert à la fois de repère anatomique pour contrôler l’efficacité de la réduction et aussi
de véritables fiches d’un fixateur endobuccal grâce à la solidité de l’ancrage dentaire sur les arcades osseuses maxillaires. Ils nécessitent l’existence d’organes dentaires de bonne qualité et la possibilité de retrouver l’articulé dentaire de convenance tel qu’il existait avant le traumatisme, c’est-à-dire du retour à l’engrènement habituel entre les dents maxillaires et les dents mandibulaires. Ils s’adressent donc aux fractures de la portion dentée des maxillaires. L’immobilisation des maxillaires est nécessaire pour un rétablissement précis de l’occlusion. Elle facilite par ailleurs la consolidation et limite le risque d’infection tout en prévenant une déformation secondaire. Plusieurs procédés sont utilisables, seuls ou en association. La réduction peut être manuelle ou instrumentale. On fait appel [17] à des ligatures (Leblanc, Ivy, Dautrey, Duclos) (fig 20), des arcs, malléables de préférence, voire préformés (arc simple, de Ginestet, de Duclos, de Peri, de Champy, de Pons) solidarisés aux dents par des fils circonférentiels péridentaires et des gouttières réalisées par le prothésiste. Ces procédés permettent, selon les cas, une réduction puis une contention par immobilisation des foyers fracturaires, mono- ou bimaxillaires, par l’intermédiaire d’élastiques ou de fils d’acier (fig 21). Dans ce dernier cas, qui fait appel à la solidarisation du maxillaire et de la mandibule, on doit toujours disposer d’un moyen de déblocage rapide en cas d’urgence et en particulier lors de la survenue de vomissements susceptibles d’être inhalés. Ainsi, une paire de ciseaux de type Beebee, ou à défaut une pince permettant de couper le métal, doivent être immédiatement disponibles. Pons a par ailleurs décrit des moyens de déblocage instantanés permettant de déchirer les élastiques ou de libérer un blocage par fils d’acier. Dans certains cas, on réalise une contention monomaxillaire par ligatures en échelle ou par gouttières qui nécessitent la prise préalable d’empreintes. Lorsque le blocage intermaxillaire est temporaire, comme cela peut être le cas d’une réduction en bon articulé avant ostéosynthèse d’une fracture, deux types de matériels peuvent aussi être utilisés : – le système IMFy ou Quick Fixy, avec quatre vis dont la tête est percée ; elles sont placées dans l’espace interradiculaire entre canine et première prémolaire en prenant garde aux apex dentaires et sont reliées deux par deux par un fil métallique (fig 22) ;
21
* B
* A 8
Blocage intermaxillaire par fils d’acier. A. Schéma. B. Photo.
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Ostéosynthèses par plaques métalliques vissées.
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Système de blocage intermaxillaire temporaire.
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Ostéosynthèses au fil d’acier.
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– l’emploi de quatre fils d’acier dont une extrémité est reliée à une sphère de plomb ; les fils sont passés entre les prémolaires, la sphère de plomb restant sur le versant palatin ou lingual des dents, puis reliés entre eux directement [15]. Il existe d’autres moyens, exobuccaux : il s’agit des frondes, des appuis péricrâniens plâtrés, de l’appui craniofacial de Darcissac. Ils ne sont plus d’actualité. Par ailleurs, les crochets de type Ginestet introduits par voie percutanée sont utilisés pour la réduction des fractures du malaire, de même que la pince de Claude Martin pour les fractures du nez.
Ostéosynthèse mandibulaire par miniplaques.
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Ostéosynthèse des margelles infra-orbitaires par microplaques.
¶ Procédés chirurgicaux Ils permettent la réduction des déplacements osseux des portions dentées et non dentées de la face, ainsi que leur contention et leur immobilisation. Procédés intrafocaux Ils sous-entendent l’abord des foyers de fracture par des voies diverses, cutanées et/ou muqueuses selon leur topographie, et parfois par la plaie elle-même si sa taille est suffisante et sa localisation adaptée. La réduction est effectuée à « ciel ouvert » au moyen d’instruments divers. La contention fait appel à la technique de l’ostéosynthèse dont les variantes peuvent être utilisées séparément ou en association selon les circonstances et les types de fractures : – ostéosynthèse par fil d’acier souple transfixiant bicortical ou cortical externe uniquement (fig 23), après avoir créé une voie de passage au moyen d’un foret de part et d’autre du foyer ; le fil est perpendiculaire au trait de fracture ou en X ;
– ostéosynthèse par plaques métalliques, en général en titane, de forme et de taille diverses (fig 24), relativement malléables et adaptables aux reliefs anatomiques, vissées dans la corticale externe ; on utilise actuellement, là encore selon les cas, des miniplaques (fig 25) ou des microplaques (fig 26), en fonction de l’épaisseur osseuse rencontrée ; les maxiplaques sont plutôt employées pour ponter les pertes de substance osseuse (fig 27) ; il est important de bien conformer les plaques au relief rencontré afin qu’elles soient totalement inertes lors de leur mise en place ; – ostéosynthèse par vis bicorticale avec compression ; elle s’adresse à la mandibule et reste peu utilisée. L’utilisation de matériels d’ostéosynthèse résorbables est de plus en plus répandue. Ces matériels sont constitués d’un polymère d’acide lactique et perdent progressivement leur résistance mécanique en plusieurs semaines. 9
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Embrochage transmandibulaire.
Maxiplaque (perte de substance de l’angle mandibulaire).
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Suspensions au fil d’acier.
Embrochage maloma-
laire. A. Schéma. B. Photo.
* A rejoindre (voie sous-angulomaxillaire pour une fracture souscondylienne basse) ou l’inverse comme dans l’embrochage malomalaire (fig 28) où le malaire fracturé est le premier embroché avant d’être solidarisé au malaire sain. Procédés extrafocaux Le matériel utilisé reste à distance du foyer de fracture. On fait appel à des broches du même type que précédemment ou à un fixateur externe. Les broches sont mises en place transversalement ou selon un montage en X (fig 29). Le fixateur externe, déjà utilisé par Ginestet, présente un modèle de petites dimensions adaptable à la face et en particulier à la mandibule. Il est constitué de fiches ancrées dans l’os et de barres d’union avec un système de solidarisation entre ces deux éléments. En regard de la forme particulière de la mandibule dans sa portion dentée en fer à cheval, ce système rigide peut être remplacé par de la résine autopolymérisable dont la forme épouse plus étroitement celle du corpus.
* B
Procédés transfocaux Il s’agit de l’embrochage à l’aide d’une broche métallique de type Kirschner introduite à distance du foyer de fracture avant de le 10
Procédés parafocaux Ce sont les suspensions type Adams en position frontolatérale ou médiofrontale (fig 30) qui solidarisent l’arcade dentaire supérieure à la base du crâne par un point fixe. Ils permettent, dans certains cas, d’éviter le blocage intermaxillaire et donc de permettre la mobilisation de la mandibule.
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Ligatures en berceau de dents subluxées.
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Contention dentaire par résine polymérisable.
visant à éliminer les corps étrangers en assurant une hémostase pas à pas et un parage a minima, éliminant les tissus nécrosés. Les différents tissus doivent être manipulés avec précaution de façon à ne pas aggraver une ischémie possible et l’exploration des lésions doit être minutieuse.
32
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Ligature en berceau d’une incisive centrale supérieure.
Ligature en berceau d’une canine supérieure.
Procédés périfocaux C’est l’exemple des cerclages périfracturaires par fil d’acier, utilisés essentiellement sur une prothèse ou sur une gouttière chez l’édenté. ASSOCIATIONS
Outre la nécessaire réduction en bon articulé avec blocage intermaxillaire temporaire avant la mise en œuvre d’une ostéosynthèse, il existe des exemples d’une véritable association des procédés thérapeutiques chirurgicaux et orthopédiques laissés en place jusqu’à la consolidation osseuse. C’est le cas de l’ancrage d’un système de contention maxillaire (arc ou gouttière) à un point fixe par l’intermédiaire de fils d’acier, par le procédé des suspensions, ce point fixe pouvant être maxillaire (orifice piriforme, rebord orbitaire inférieur) ou crânien (apophyse orbitaire externe de l’os frontal, arcade zygomatomalaire, paroi crânienne). Un autre exemple est celui des atteintes de la voûte palatine où l’embrochage de l’os supra-alvéolaire renforce la stabilisation réalisée par une ligature en échelle. PROBLÈMES DENTAIRES
Les dents situées dans les foyers de fracture, a fortiori si elles sont elles-mêmes fracturées ou empêchent une réduction en bonne position, les dents délabrées favorisant la survenue d’un processus infectieux et les dents présentant un trait de fracture défavorable sur les racines sont avulsées. On garde au contraire les dents solidement implantées, même si elles sont endommagées, car elles servent d’ancrage pour l’immobilisation des fractures. Les dents exposées dont la conservation est possible font l’objet d’un traitement endodontique et d’une surveillance clinique régulière. Les dents luxées sont réintégrées dans leur alvéole et contenues par des ligatures en berceau (fig 31, 32, 33) ou par une résine polymérisable (fig 34). Par ailleurs, l’hygiène buccodentaire doit être évaluée de façon précise et les foyers infectieux que sont les caries, les kystes et les poches parodontales sont éradiqués. Un détartrage est utile dans tous les cas au décours du traitement.
Le plan muqueux est suturé selon les cas par des points séparés ou un surjet de fil résorbable, l’intérêt des points séparés étant de limiter le risque de constitution d’un hématome profond ou d’un abcès, celui du surjet étant d’assurer une suture étanche protégeant un matériel d’ostéosynthèse sous-jacent. Le plan musculaire est suturé par des points séparés de fil résorbable. Ce plan est important à restaurer pour éviter des dépressions souscutanées inesthétiques, des élargissements cicatriciels et pour assurer la pérennité de la motilité musculaire qui est, par exemple, particulièrement importante aux lèvres. Le plan cutané est lui aussi suturé par des points séparés ou par un surjet avec du matériel non résorbable avec un affrontement parfait, sans tension, en respectant les lignes de tension, les plis naturels et les unités esthétiques. Il faut particulièrement veiller au respect des points de repère que sont la ligne d’implantation des cheveux, les sourcils, les paupières, les lèvres et la commissure labiale, ainsi que les ailes et les orifices narinaires. En cas de plaie défavorable sur le plan esthétique, on diminue les tensions en les répartissant dans le plan sous-cutané. En cas de perte de substance, on peut avoir recours à un lambeau local ou de voisinage pour respecter les sousunités esthétiques et éviter les tractions excessives. Cette attitude contraste avec la consécration temporaire des larges pertes de substance par réunion des berges cutanées et muqueuses, technique que l’on utilise en chirurgie de guerre, en pathologie de masse ou face à une vaste destruction nécessitant une réparation secondaire par un lambeau prélevé à distance. L’atteinte du nerf facial ou de ses branches, identifiée lors de l’examen clinique ou de l’exploration chirurgicale, doit être traitée le plus précocement possible avec un matériel microchirurgical adapté. La suture du tronc est systématique. En avant d’une ligne passant par le bord antérieur du masséter, cette attitude est plus nuancée. Pour les glandes salivaires, l’atteinte du parenchyme parotidien n’entraîne que rarement une fistule à la peau. Un tarissement spontané ou sous pansement compressif est fréquent. Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit d’une lésion du canal excréteur de Sténon où la fistulisation est quasi constante. La plaie canalaire est repérée à l’aide d’un produit coloré (bleu de méthylène ou dérivé iodé). – Si la suture primaire est impossible, les portions proximale et distale du canal sont cathétérisées puis le cathéter est suturé à la muqueuse jugale, avec tunnellisation pour éviter son arrachement, et maintenu environ 7 jours.
RÉPARATION DES PARTIES MOLLES
– En l’absence de portion proximale individualisable, le cathéter est introduit dans la portion distale du canal et placé dans la profondeur de la plaie avant la suture des plans muqueux et cutané.
Elle est réalisée à la suite de la réparation osseuse, en commençant par le plan le plus profond et en progressant plan par plan vers la superficie. Elle débute par un nettoyage soigneux avec brossage
– Si le segment distal du canal n’est pas retrouvé, le cathéter doit être placé en bouche à travers la suture muqueuse pour prévenir ou diminuer les risques de survenue d’une fistule cutanée salivaire. Un 11
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tel procédé est plus difficile à réaliser pour la glande sousmandibulaire en partie en raison de sa position et de ses rapports avec le plancher buccal. En général, l’atteinte de la glande sousmandibulaire entraîne son exérèse. Les voies lacrymales sont suturées sur un cathéter laissé en place pendant 6 mois, le risque de telles lésions, lorsqu’elles sont négligées, étant celui d’un larmoiement persistant par défaut d’amorçage de la pompe lacrymale. L’atteinte du pavillon de l’oreille expose aux risques d’othématome, à évacuer par drainage et à comprimer par bourdonnets, et de chondrite, à prévenir par recouvrement précoce du cartilage par un lambeau cutané. RÉÉDUCATION
Elle complète bien souvent les traitements précédents en luttant contre la rétraction des parties molles ou en sauvegardant la fonction temporomandibulaire par le jeu musculaire. Les atteintes partielles dans le territoire du nerf facial peuvent aussi être en partie compensées par la rééducation musculaire [4]. INDICATIONS
Stomatologie
– Traitement chirurgical : – embrochage du foyer de fracture par voie d’abord sousangulomaxillaire avec une broche de type Kirschner selon la technique de Stevenson ou un clou-vis type Eckelt [11, 12] ; – abord direct du foyer de fracture [2], réduction et contention par microplaque vissée selon la technique de Cadenat ; – exceptionnellement, condylectomie partielle ou totale en cas de pulvérisation de la tête condylienne, suivie de la mise en place d’une prothèse capitale ou d’un greffon chondrocostal. – En cas de fractures multiples : les indications chirurgicales sont plus fréquentes, de même que les associations thérapeutiques. C’est le cas des fractures bifocales ou trifocales impliquant la symphyse d’une part et un ou deux condyles d’autre part. Le blocage intermaxillaire initial permet la réduction des déplacements ; la mise en place de plaques d’ostéosynthèse à la symphyse autorise une levée précoce du blocage pour une mobilisation rapide de la mandibule afin de préserver la fonction articulaire.
¶ Au massif facial
[7]
En présence d’un trouble de l’articulé dentaire
Elles varient selon la localisation et l’étendue des lésions.
• Fractures transversales
¶ À la mandibule
Les fractures transversales de type Le Fort sont traitées selon le schéma suivant :
[7]
À la symphyse et à la branche horizontale – En l’absence de déplacement : traitement fonctionnel avec alimentation liquide et surveillance clinique et radiologique hebdomadaire ou contention monomaxillaire par ligature en échelle ou arc vestibulaire s’il existe un risque de déplacement secondaire. – Réduction en bon articulé par blocage intermaxillaire ; abord endobuccal et contention par fil d’acier associé à un blocage intermaxillaire ou par plaques d’ostéosynthèse avec levée du blocage intermaxillaire en fin d’intervention, ce qui permet un retour à la fonction plus rapide. On met en place deux plaques à la symphyse et une seule dans la région latérale en raison du jeu musculaire défavorable à la symphyse. À l’angle – Réduction et contention orthopédiques par blocage intermaxillaire. – Réduction par blocage intermaxillaire ; abord endobuccal, suture au fil d’acier sur la corticale externe, poursuite du blocage ou ostéosynthèse par plaque vissée sur la ligne oblique externe et levée du blocage immédiatement ou rapidement, quelques jours après l’intervention. – Réduction chirurgicale par voie endobuccale et contention par plaque d’ostéosynthèse par voie transjugale à l’aide d’une instrumentation adaptée à cette voie d’abord. À la branche montante Immobilisation par blocage intermaxillaire pendant quelques jours, le jeu musculaire étant ici favorable à la réduction des déplacements. Aux condyles [9] – Traitement fonctionnel [13] avec mobilisation en propulsion associée à des tractions élastiques après une courte immobilisation par blocage intermaxillaire sur cale molaire du côté atteint pour compenser le déplacement. Dans les fractures extra-articulaires, le blocage est plus long que dans les fractures intra-articulaires (capitales et sous-condyliennes hautes) où il est inutile pour certains ou doit être de très courte durée pour d’autres. C’est la mobilisation précoce, associée ou non à un appareillage dans le cadre de la mécanothérapie, qui permet de retrouver une fonction articulaire physiologique. 12
– la réduction est assurée par traction : – par un instrument, type davier de Rowe et Kiley ; – sur des arcs métalliques solidarisés aux dents ; – rarement, par deux sondes de type Foley passées par les orifices narinaires et ressorties par la bouche (procédé de Dufourmentel pouvant entraîner des lésions du voile du palais) ; – la contention est réalisée par un blocage intermaxillaire en bon articulé, remplacé par des suspensions en cas de mobilité persistante ; on peut aussi avoir recours à une ostéosynthèse par fils d’acier ou plaques miniaturisées vissées.
• Fractures verticales Les fractures verticales [1] sont réduites et contenues fréquemment par procédé orthopédique. Elles peuvent également faire l’objet d’une ostéosynthèse par fil d’acier ou plaque miniaturisée vissée. En l’absence de troubles de l’articulé dentaire On distingue les fractures du tiers médian des fractures des tiers latéraux.
• Fractures des tiers latéraux Les fractures de l’os malaire sont de gravité et donc de traitement variables : – une fracture simple du corps du malaire est réduite par instrument (crochet de Ginestet, de Duclos, de Freidel) lorsqu’elle est déplacée ; si la réduction est insuffisante et/ou instable, on a recours à des procédés chirurgicaux par des voies d’abord cutanées et muqueuses qui permettent une correction de la réduction et une contention par ostéosynthèse ou par ballonnet de Franchebois introduit dans le sinus maxillaire puis gonflé ; ce ballonnet maintient en place le malaire et contribue à soutenir le plancher orbitaire lorsqu’il est affaissé ; – une fracture complexe, associée à des lésions autres de l’orbite (plancher, paroi médiale, paroi supérieure), nécessite une réduction et une contention chirurgicales. Les fractures de l’arcade zygomatique sont également réduites par méthode instrumentale (crochet par voie percutanée, davier par voie endobuccale ou temporale de Gillies) et contenues, en cas d’instabilité, par ostéosynthèse par voie temporale.
Stomatologie
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• Fractures du tiers médian
¶ Chez l’enfant
Les fractures de la pyramide nasale sont réduites à l’aide d’un instrument (pince de Claude Martin, de Asch) et contenues par attelle plâtrée et méchage endonasal.
L’utilisation de procédés orthopédiques ne s’accorde pas toujours avec l’anatomie dentaire et la pusillanimité potentielle du jeune patient. On peut cependant tenter de recourir aux boîtiers collés pour assurer un blocage intermaxillaire. L’utilisation de techniques chirurgicales doit préserver, quant à elle, les germes dentaires. Aux condyles, la surveillance de l’évolution est renforcée en raison du risque d’ankylose de l’articulation [20] et de troubles de la croissance par atteinte des centres condyliens.
Les fractures nasoethmoïdales sont traitées par méthode chirurgicale en double équipe neurochirurgicale et maxillofaciale, en raison de l’atteinte de la base du crâne. Les fractures du sinus frontal [16, 17] sont également opérées en double équipe en cas d’atteinte de la paroi postérieure. Si la paroi antérieure est seule intéressée, son abord chirurgical permet la réduction des déplacements et une contention par ostéosynthèse ou une reconstruction par greffon osseux. En cas de lésion de la paroi postérieure, on réalise une crânialisation en la réséquant complètement. On pratique de même pour la muqueuse sinusienne tandis que la cavité ainsi créée et le canal nasofrontal sont obstrués avec de l’os autologue [17].
¶ En cas de dislocation faciale Mandibule et massif facial sont intéressés. Il s’agit le plus souvent d’accidents du trafic ou du travail. On associe les procédés orthopédiques et chirurgicaux en se basant sur les éléments les plus stables pour servir de points d’appui aux structures les plus fragiles. On débute le schéma de traitement par les réductions et les contentions les plus aisées avant d’aborder les déplacements les plus complexes.
¶ En cas de perte de substance osseuse Le fixateur externe permet de maintenir les segments osseux en bonne position en attendant un geste de réparation par greffon osseux ou lambeau composite. De même, la mise en place de broches de type Kirschner stabilise les foyers, tant à la mandibule qu’à l’étage moyen comme le précise Compère dans le traitement initial des traumatismes par armes à feu [5]. La reconstruction ultérieure fait appel à des greffons osseux taillés aux dimensions des pertes de substance, la tomodensitométrie tridimensionnelle participant à l’étude préopératoire.
¶ Chez l’édenté On se sert des prothèses comme moyen d’ancrage. Celles-ci sont solidarisées aux éléments osseux par des ligatures au fil métallique. Une réduction imparfaite est compensée par la réalisation d’une prothèse adaptée aux nouvelles conditions anatomiques. En l’absence de prothèses, on a recours à une réduction sanglante et à une contention par plaque(s) d’ostéosynthèse.
¶ Fractures multiples et comminutives Selon les opérateurs, elles sont traitées par des techniques de réduction fermée ou par la mise en place d’un fixateur externe.
¶ Soins postopératoires – Mise en place d’un pansement légèrement compressif pendant quelques jours, là où c’est possible, pour limiter les hématomes. – Lubrification des lèvres et des narines pour prévenir fissurations et ulcérations par produit gras ou compresse humide. – Protection de la muqueuse labiale, en cas de blocage intermaxillaire, par morceaux de cire sur les sutures métalliques. – Alimentation fractionnée, fréquente, suffisante et adaptée, avec surveillance du poids : – en l’absence de blocage : alimentation molle et liquide nécessitant peu de mastication ; – en cas de blocage : alimentation liquide fine, équilibrée et suffisamment calorique avec éventuellement des compléments diététiques. – Hygiène buccodentaire chez les patients porteurs d’un blocage intermaxillaire : – bains de bouche avec produits à visée antiseptique ; – brosse à dents souple ; – hydropulseur à faible pression plusieurs fois par jour. – Surveillance de la vitalité des dents traumatisées ou proches des foyers fracturaires pendant plusieurs semaines devant le risque de nécrose pulpaire secondaire.
Prise en charge des séquelles Elle se fait à distance du traitement initial et mobilise selon les cas les ressources de la chirurgie et de la prothèse maxillofaciale. Là encore, les situations sont très variables.
35
Reconstruction d’une margelle infraorbitaire par greffon osseux pariétal.
13
22-068-A-10
Traumatologie maxillofaciale : modalités thérapeutiques
– Ostéotomie correctrice [ 8 , 1 8 ] en cas de cal vicieux ou de consolidation en mauvaise position.
Stomatologie
36
Reconstruction par substitut osseux (exemple : corail) : pommette, plancher orbitaire.
– Apposition d’un greffon osseux (fig 35) ou d’un substitut osseux (fig 36) [8] en cas de déformation persistante ou de perte de substance osseuse. Les pertes de substance pluritissulaires peuvent bénéficier de lambeaux composites apportant os, muscle, tissu cutané avec leur vascularisation propre [3, 10]. – Orthodontie pour réaligner un secteur, corriger un défaut localisé, maintenir des espaces avant greffe osseuse ou implantation dentaire. – Chirurgie correctrice de cicatrices inesthétiques ou de brides rétractiles gênant la fonction. – Chirurgie nerveuse ou traitement palliatif d’une paralysie faciale définitive [16]. – Obturateur dans le cadre de la prothèse maxillofaciale surtout utilisée dans les vastes délabrements du massif facial et permettant une certaine réhabilitation esthétique et fonctionnelle en association avec la chirurgie [6]. – Rééducation par massokinésithérapie associée, selon les cas, à une mécanothérapie par appareil mobilisateur de l’articulation temporomandibulaire [17].
– Cures thermales avec douches filiformes par projections d’eau à des pressions et des distances variables.
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14
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¶ 22-090-K-10
Allergie et toxicité des cartouches analgésiques : faire face aux complications C.B. Wierzba, C. Chenu Dans la mesure du possible, chaque chirurgien dentiste souhaite pouvoir soigner ses patients de façon indolore. Pour ce faire, une série de produits anesthésiants efficaces sont à notre disposition. Pourtant, il nous arrive de ne pas obtenir une anesthésie suffisante ou, pire encore, de déclencher des accidents de causes diverses. Ces situations sont désagréables tant pour le patient (qui, en raison de la douleur, devient plus anxieux et donc plus difficile à soigner) que pour le praticien, confronté alors à une situation plutôt stressante. Toutefois, la survenue d’un accident, même si elle n’est pas fréquente, doit conduire le praticien à adopter une attitude rassurante sur le caractère le plus souvent réversible de la situation. Enfin, lorsque l’événement survient, la mise en place de procédures visant à rétablir la situation physiologique reste l’attitude la plus pertinente. L’objectif du présent article est de présenter les différents accidents pouvant survenir suite à une anesthésie locale, ainsi que la conduite à tenir pour faire face à ces complications. Les cartouches d’analgésie comportent de nombreux composants, tous susceptibles de déclencher des réactions toxiques ou allergéniques. Au travers de notre étude, nous nous pencherons sur les accidents liés à la molécule d’analgésie et ceux liés aux adjuvants contenus dans les cartouches analgésiques. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Anesthésie locale ; Vasoconstricteur ; Adjuvants ; Toxicité ; Allergie
Plan ¶ Accidents dus à la molécule d’analgésie Quantité toxique Allergie
1 1 2
¶ Accidents dus aux vasoconstricteurs Pathologies contre-indiquant les vasoconstricteurs associés à l’anesthésique local Pathologie ne contre-indiquant pas les vasoconstricteurs associés à l’anesthésique local Manifestations cliniques Conduite à tenir
3
4 4 4
¶ Accidents dus aux adjuvants Allergie aux parahydroxybenzoates Allergie à l’éthylène-diamine-tétra-acétique Allergie aux sulfites Manifestations cliniques Conduite à tenir
4 4 4 4 5 5
¶ Conclusion
5
3
■ Accidents dus à la molécule d’analgésie Les anesthésiques locaux sont des substances relativement sûres lorsqu’ils sont utilisés en suivant les recommandations. Cependant, lors de l’utilisation de ces solutions, comme lors de celle de toute substance, il existe potentiellement un risque : la manifestation des effets indésirables. Stomatologie
Quand une substance est administrée, deux types de réactions peuvent être observées : des actions désirées qui sont cliniquement recherchées et généralement bénéfiques, et des actions indésirables qui s’y ajoutent et qui ne sont pas recherchées [1-3].
Quantité toxique Il s’agit de l’administration d’une quantité trop importante d’une molécule d’analgésie locale, entraînant une réaction d’overdose. Cette réaction d’overdose durera aussi longtemps que le taux sanguin de l’agent dans les tissus se maintiendra au-dessus du seuil de toxicité [4, 5]. Les causes provoquées par des concentrations sanguines élevées en anesthésiques locaux peuvent être dues à une ou plusieurs des raisons suivantes : • une dose administrée totale trop importante ; • une résorption inhabituellement rapide à partir du site d’injection (dans le cas par exemple d’un état inflammatoire accompagné d’une vasodilatation intense) ; • une administration intravasculaire accidentelle ; • une anomalie quantitative ou qualitative des protéines transporteuses lors de la distribution, conduisant à une plus grande quantité de forme libre d’analgésie locale dans le plasma ; • une biotransformation anormalement faible de la substance : ce problème se rencontre principalement pour les molécules à fonction amide dont le métabolisme est hépatique. Ainsi, tout facteur altérant le débit sanguin hépatique (cirrhose, collapsus tensionnel, débit cardiaque faible, prise de b-bloquants, sujets âgés, etc.) conduira à une augmentation de la demi-vie d’élimination et majorera les concentrations plasmatiques des aminoamides ; • une élimination rénale trop lente.
1
22-090-K-10 ¶ Allergie et toxicité des cartouches analgésiques : faire face aux complications
Tableau 1. Classification de Gell et Coombs, 2000. Type I
Type II
Type III
Type IV
Hypersensibilité
Cytotoxicité
Pathologies à complexes immuns
Hypersensibilité retardée cellulaire (lymphocytes)
Cytopénies médicamenteuses
Maladie sérique
Immédiate humorale (IgE) Anaphylaxie :
Eczémas de contact
– urticaire
Toxidermies
– œdème de Quincke
Érythème pigmenté fixe
– bronchospasme – rhinite – conjonctivite – choc IgE : immunoglobuline E.
Signes d’alarme Sur le plan fonctionnel doivent alerter : • des paresthésies de la bouche, des lèvres, de la langue, des mains et des pieds ; • une céphalée brutale, un état nauséeux, une somnolence, des vertiges ; • une sensation d’angoisse, de mort imminente ; • une logorrhée (flux intarissable de parole) ou une dysarthrie (trouble de l’élocution) ; • une désorientation ou des hallucinations (acouphènes) ; • des troubles oculaires (diplopie : perception visuelle doublée d’un objet unique) ; • des secousses musculaires (myoclonie : contraction brève et involontaire d’un ou de plusieurs muscles) ou des convulsions généralisées. Sur le plan somatique doivent alerter : • une pâleur ; • une tachycardie ; • une dyspnée ; • un état confusionnel.
Concernant le traitement des manifestations cardiovasculaires : une hypotension nécessite une oxygénothérapie au masque en décubitus dorsal, jambes relevées. Si elle ne cède pas rapidement, un transport médicalisé (samu) en réanimation est alors nécessaire.
Allergie La majorité des auteurs s’accorde à dire que l’allergie vraie aux anesthésiques locaux à base d’aminoamide reste exceptionnelle. Les réactions allergiques concernent donc essentiellement les molécules à fonction ester dont le principal catabolite, l’acide para-amino-benzoïque (PABA), possède des propriétés allergènes. En outre, il est important de souligner que les allergies aux anesthésiques locaux sont essentiellement des mécanismes allergiques de type I et, à moindre degré, de type IV, selon la classification de Gell et Coombs (Tableau 1). Ces accidents toxiques peuvent se produire dès la concentration de 2 µg/ml.
Conduite à tenir
Manifestations cliniques
Dans le cas de l’échec d’une analgésie locale, le praticien ne devra pas renouveler une ou des injections, mais plutôt rechercher un autre site d’analgésie. On minimise ainsi le risque d’échec et également le risque d’apport de quantités trop importantes d’analgésique. La prévention de la plupart de ces événements justifie la présence d’un vasoconstricteur, qui permettra de ralentir la résorption sanguine de l’anesthésique [5]. La vitesse d’injection constitue l’un des facteurs les plus importants dans la cause ou la prévention des complications toxiques. L’administration intraveineuse rapide (inférieure ou égale à 15 secondes) de 36 mg de lidocaïne entraîne des taux considérablement élevés et, de ce fait, une réaction de toxicité. Une injection plus lente (supérieure ou égale à 60 secondes) produira des concentrations significativement plus faibles avec un risque réduit de toxicité. Il faut prendre en compte toutes les formes d’administration des analgésiques locaux, que ce soit par application de surface, infiltration, etc., afin d’éviter tout surdosage systémique qui pourrait causer la survenue d’incidents ou d’accidents. Il faut rechercher des zones moins bien perfusées, des sites d’injection moins vascularisés, malgré le fait que la cavité buccale est l’un des organes les plus vascularisés de tout le corps. Concernant le traitement des signes d’alarme, l’injection doit être immédiatement interrompue, le patient doit être allongé et de l’oxygène doit lui être administré au masque tandis que le praticien lui demande d’hyperventiler. Concernant le traitement des convulsions, il faut assurer la liberté des voies aériennes et l’oxygénation, afin d’éviter l’hypoxémie et une acidose. Si la crise convulsive persiste, l’utilisation d’un anticonvulsivant est justifiée (par exemple, diazépam en intraveineux [i.v.]). Si un coma s’installe, une intubation et ventilation sont alors nécessaires.
Réactions dermatologiques
2
Celles-ci sont diverses et peuvent être d’ordre dermatologique : • l’urticaire, qui est une éruption passagère localisée de papules rosées ou blanchâtres accompagnée de démangeaisons intenses ; • l’angio-œdème ou œdème de Quincke, qui est un gonflement localisé en réponse à un allergène, se localisant au niveau des mains, du visage, des pieds et des organes génitaux, mais qui peut également toucher les lèvres, la langue, le pharynx et le larynx (consécutif à l’application d’anesthésique de surface) ; • le syndrome de Lyell, qui est une atteinte cutanée pouvant être mortelle, caractérisée par un décollement de la peau en larges lambeaux. La cause la plus fréquente est médicamenteuse (forme grave de la toxidermie médicamenteuse), mais, dans un certain nombre de cas, l’origine n’est pas retrouvée. Réactions respiratoires On retrouve également des réactions respiratoires : • le bronchospasme est la manifestation allergique respiratoire classique, dont les symptômes sont les suivants : détresse respiratoire, dyspnée, sifflements, rougeur subite, cyanose, tachycardie, anxiété ; • l’œdème laryngé, extension d’un œdème vasculonerveux au larynx, peut entraîner l’obstruction des voies aériennes supérieures. Choc anaphylactique Enfin, la plus dramatique et la plus grave des réactions allergiques est l’anaphylaxie généralisée ou choc anaphylactique : le patient peut y succomber en quelques minutes. Elle peut survenir quelle que soit la voie d’administration, mais semble plus fréquente après une administration parentérale. Le Stomatologie
Allergie et toxicité des cartouches analgésiques : faire face aux complications ¶ 22-090-K-10
temps de réponse est variable, mais celle-ci se développe de manière assez rapide, atteignant une intensité maximale en 5 à 30 minutes. La progression typique des signes et symptômes de l’anaphylaxie généralisée est la suivante : réactions cutanées, spasme des muscles lisses des appareils gastro-intestinal, urogénital ainsi que respiratoire, détresse respiratoire, collapsus cardiovasculaire jusqu’à la perte de conscience et l’arrêt cardiaque. Cependant, la survenue d’un choc anaphylactique doit amener à poser un diagnostic différentiel avec le simple malaise lipothymique. Trois points importants permettent de distinguer le choc anaphylactique de la simple lipothymie : • son délai d’apparition, au moins 3 à 5 minutes après l’injection, est plus long que celui du malaise vagal, qui peut survenir quelquefois au moment même de l’injection ; • il comporte presque obligatoirement des signes cutanés à type de prurit puis d’urticaire, tachycardie, douleur épigastrique vive, suivie d’un collapsus, bronchospasme, etc. ; • enfin et surtout, les accidents anaphylactiques aux anesthésiques locaux sont très rares.
Conduite à tenir La thérapeutique varie selon la manifestation allergique et consiste d’abord en l’éviction de l’allergène dans la mesure du possible, en des mesures d’hygiène pour diminuer sa présence et enfin en un traitement spécifique comme la désensibilisation. Les traitements symptomatiques consistent à administrer des antihistaminiques (H1) de synthèse utilisés de manière préventive comme l’astémizole (Hismanal®), la fexofénadine (Telfast®) ou la cetirizine (Zyrtec®), ou encore la loratadine (Clarityne®) ou des inhibiteurs de la dégranulation des mastocytes, ou bien la corticothérapie. Face aux réactions cutanées La conduite à tenir est la suivante : • administrer 0,3 ml (0,125 ml pour un enfant) d’adrénaline à 1/1 000 en intramusculaire (i.m.) (ou 3 ml à 1/10 000 en intraveineux [i.v.]) ; • faire une injection i.m. d’un corticoïde : Solu-Médrol ® (méthylprednisolone), soit 1 mg/kg/j ; • administrer un antihistaminique de synthèse en i.m. : dexchlorphréniramine (Polaramine®), soit 4 mg/kg/j chez l’enfant et 12 mg/kg/j chez l’adulte ou méquitazine (Primalan ® ), soit 2,5 mg/kg/j chez l’enfant et 10 mg/kg/j chez l’adulte ; • en cas d’œdème de Quincke : effectuer une pulvérisation buccopharyngée et inhalation d’adrénaline (Dyspné-Inhal®) ; • obtenir pour le patient une consultation avec un allergologue ; • garder le patient en observation pendant au moins 60 minutes pour être témoin d’une éventuelle rechute, puis le renvoyer sous la surveillance d’un adulte en prescrivant un antihistaminique par voie orale. Pour le cas particulier du syndrome de Lyell : les médicaments suspects (l’injection) doivent être immédiatement arrêtés. L’hospitalisation doit se faire en soins intensifs et le traitement est identique à celui d’un grand brûlé. Face aux manifestations respiratoires Bronchospasme. La conduite à tenir est la suivante : • placer le patient en position semi-assise ; • lui administrer de l’oxygène à l’aide d’un masque ou d’un embout nasal à une vitesse d’écoulement de 5 à 6 l/min ; • administrer de l’adrénaline par injection i.m. (0,3 ml d’adrénaline à 1/1000) ou autre bronchodilatateur à l’aide d’un aérosol (Ventoline®) ; • administrer un antihistaminique en i.m. pour diminuer la possibilité de rechute et le renvoyer après lui avoir prescrit un antihistaminique par voie orale ; • garder le patient en observation pendant au moins 60 minutes avant de considérer son renvoi. Si une rechute se produit, réadministrer de l’adrénaline ou une inhalation et, si nécessaire, demander une assistance médicale (samu). Stomatologie
Œdème laryngé. La conduite à tenir est la suivante : • placer le patient en position couchée sur le dos avec les pieds légèrement surélevés ; • administrer au patient de l’oxygène ; • administrer de l’adrénaline ; • administrer des antihistaminiques en i.m. ; • en dernière intention, si les précédentes étapes n’ont pas permis de rétablir la liberté des voies aériennes, une procédure d’urgence consiste à réaliser une trachéotomie, suite à laquelle la circulation de l’air devra être maintenue ; • demander une assistance médicale. Face à une anaphylaxie généralisée Face à une anaphylaxie généralisée, il convient : • de placer le patient en position allongée, couchée sur le dos, les jambes surélevées ; • de libérer les voies aériennes supérieures ; • de ventiler avec de l’oxygène pur ; • d’administrer de l’adrénaline en i.m. ou en i.v. ; • d’effectuer une injection i.m. d’un corticoïde : méthylprednisolone (Solu-Médrol®), soit 1 mg/kg/j ; • d’effectuer une injection i.m. d’un antihistaminique : Polaramine® : 1 ampoule de 5 mg, soit prométhazine (Phénergan®) : 1 ampoule de 50 mg ; • de rassurer le patient si celui-ci est conscient ; • de faire une injection de sérum glucosé en perfusion, si le patient est inconscient ; • de surveiller les signes vitaux (pression artérielle et pouls, réaliser un massage cardiaque si nécessaire) ; • de demander une assistance médicale (samu). Chez ces patients, il faut absolument proscrire les aminoesters. Cette famille est très peu utilisée en Europe. Cependant, un analgésique de contact de cette famille est commercialisé, il s’agit du Topex®, qui est donc à proscrire chez eux. De plus, avant de déclarer le sujet allergique aux analgésiques, il faut éliminer les allergies dues aux digues et aux gants en latex. Le patient doit être orienté vers un service d’allergologie où des tests cutanés à lecture immédiate, tels que le prick-test ou l’intradermoréaction, permettront un diagnostic plus précis. Par conséquent, les analgésiques de type aminoamide avec épinéphrine ou norépinéphrine sont particulièrement indiqués chez ces patients.
■ Accidents dus aux vasoconstricteurs Une grande variété de vasoconstricteurs sont couramment utilisés en pratique dentaire : l’adrénaline est le plus efficace et le plus largement répandu. Les réactions d’overdose, même si elles restent possibles, sont peu communes avec les autres vasoconstricteurs. De plus, du fait des concentrations employées en adrénaline jointe à un anesthésique local, les accidents toxiques demeurent assez rares dans ces conditions. La toxicité des vasoconstricteurs est fonction de l’état physiopathologique du patient. En 2003, la Société francophone de médecine buccale et de chirurgie buccale a énoncé des recommandations quant à l’emploi des vasoconstricteurs en odontostomatologie.
Pathologies contre-indiquant les vasoconstricteurs associés à l’anesthésique local [5, 6] Le phéochromocytome constitue une contre-indication absolue des vasoconstricteurs. Les patients atteints de cette affection doivent être pris en charge en milieu hospitalier disposant d’une structure de réanimation lorsqu’une anesthésie locale avec ou sans vasoconstricteur est nécessaire. Il paraît souhaitable d’éviter l’association de vasoconstricteurs à l’anesthésique local lors des soins conservateurs et surtout non conservateurs sur un os irradié au-delà de 40 Gy.
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22-090-K-10 ¶ Allergie et toxicité des cartouches analgésiques : faire face aux complications
Les injections intraosseuses d’anesthésique local adrénaliné doivent être évitées chez les patients arythmiques.
Pathologie ne contre-indiquant pas les vasoconstricteurs associés à l’anesthésique local Les patients hyper- et hypothyroïdiens stabilisés n’ont pas de troubles majeurs lorsqu’ils sont soumis à un traitement correcteur et mis en présence de cathécholamines. Bien que le risque de potentialisation thyroxine-adrénaline soit sérieux, il n’existe pas de cas clinique rapporté. Les vasoconstricteurs associés à une solution anesthésique ne sont pas contre-indiqués chez un sujet hypertendu stabilisé par le traitement hypertenseur. En cas d’instabilité tensionnelle associée à d’autres éléments grevant le pronostic, les soins impliquant une anesthésie locale avec vasoconstricteur devront être menés en milieu hospitalier disposant d’une structure de réanimation et effectués sous monitorage. Dans les fibrillations auriculaires équilibrées par un traitement adapté, le contrôle du stress et de la fréquence cardiaque thérapeutique est essentiel et l’utilisation d’anesthésiques locaux avec vasoconstricteur est contre-indiquée. Les patients sous digoxine et ceux atteints d’arythmie atrioventriculaire doivent être traités sous monitorage en milieu hospitalier disposant d’une structure de réanimation lorsqu’une anesthésie locale avec ou sans vasoconstricteur est nécessaire. Les vasoconstricteurs associés à une solution anesthésique ne sont pas contre-indiqués dans les cardiopathies coronariennes stabilisées. Les vasoconstricteurs associés à une solution anesthésique ne sont pas contre-indiqués chez les sujets asthmatiques dans le dessein de maîtriser la douleur et d’éviter le stress qui est probablement la principale source de passage à la crise d’asthme au cabinet dentaire. En cas d’asthme corticodépendant, le recours à un anesthésique sans vasoconstricteur et donc sans bisulfite est indiqué. Les vasoconstricteurs associés à une solution anesthésique ne sont pas contre-indiqués chez les patients ayant présenté une atteinte hépatique virale ou toxique ancienne et guérie. En cas d’atteinte sévère évolutive, l’évaluation de la fonction hépatique est importante. La quantité totale injectée peut devoir être réduite et les intervalles entre les injections peuvent devoir être augmentés, sans préjudice de l’utilisation d’un vasoconstricteur associé. Les vasoconstricteurs associés à une solution anesthésique ne sont pas contre-indiqués chez les patients diabétiques équilibrés de type I ou II. En cas de diabète déséquilibré et instable, avec passage brutal de l’hypo- à l’hyperglycémie, les quantités d’anesthésique local avec vasoconstricteur seront modérées de façon à tenir compte du caractère hyperglycémiant de l’adrénaline.
Manifestations cliniques Les symptômes concernant l’overdose d’adrénaline ou de tout autre vasoconstricteur sont : • peur, anxiété, tension, agitation ; • mal de tête lancinant ; • tremblement, palpitations ; • sueur ; • faiblesse, respiration difficile ; • vertige ; • pâleur. Les signes de toxicité se manifestent par : • une élévation aiguë de la pression sanguine (primairement systolique) ; • un pouls élevé ; • des troubles éventuels du rythme cardiaque (contraction ventriculaire prématurée, tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire).
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Conduite à tenir La plupart des accidents toxiques sont de si courte durée qu’aucune mesure n’est véritablement requise. Toutefois, si la réaction se prolonge, il sera nécessaire d’entreprendre le protocole suggéré : • terminer la procédure de soins et si possible, retirer la source d’adrénaline (par exemple, un fil de rétraction imprégné d’adrénaline). Arrêter l’injection d’anesthésique local adrénaliné ; • positionner le patient en position droite ou semi-assise, permettant de minimiser toute élévation de la pression sanguine cérébrale ; • rassurer le patient au sujet des signes et des symptômes qui peuvent disparaître à tout moment. La production endogène d’adrénaline et de noradrénaline respectivement par la médullosurrénale diminuera lorsque le stimulus responsable de l’anxiété disparaîtra ; • contrôler la pression sanguine et administrer de l’oxygène (en cas de difficulté respiratoire). La pression sanguine et le pouls doivent être vérifiés toutes les 5 minutes pendant l’épisode ; • le patient doit rester sur le fauteuil le temps nécessaire à sa récupération. Ne pas renvoyer le patient si le moindre doute subsiste concernant son aptitude à se prendre en charge.
■ Accidents dus aux adjuvants Les accidents dus aux adjuvants présents dans les cartouches d’anesthésie se manifestent sous la forme d’accidents allergiques.
Allergie aux parahydroxybenzoates Ces conservateurs sont à l’origine de phénomènes d’allergie, du fait de leur structure chimique se rapprochant de celle du métabolite majeur des molécules d’analgésie locale à fonction ester : PABA (remplacement d’un groupement amine par un groupement hydroxyle en position para). De plus, il existe des réactions allergiques croisées entre les parabens et les molécules aminoesters. La capacité allergisante de ces agents conservateurs apparaît nettement supérieure à celle des molécules d’analgésie locale à fonction amide, à l’exception des molécules à fonction ester. Deux types d’allergie sont rencontrés en fonction du mode d’administration des produits : • soit par voie locale, conduisant à une allergie de type retardé (type IV) ; • soit par voie générale, entraînant une allergie de type immédiate (type I). C’est pour cette raison que l’Agence du médicament a demandé la suppression des parahydroxybenzoates des solutions anesthésiques dentaires.
Allergie à l’éthylène-diamine-tétra-acétique Quelques cas d’allergies liées à l’éthylène-diamine-tétraacétique (EDTA) contenu dans un anesthésique local sont retrouvés dans la littérature.
Allergie aux sulfites La présence de vasoconstricteurs ne représente pas en soi une contre-indication d’utilisation chez l’allergique. Cependant, étant donné que les vasoconstricteurs s’oxydent, un antioxydant leur est associé (maintenant que les parabens ont été supprimés, on utilise en général le bisulfite de sodium). Il s’agit des métabisulfites que l’on retrouve fréquemment dans l’alimentation (bière, vins, jus de raisin, fruits de mers, etc.), mais aussi dans les cartouches d’anesthésiques [7] . Or, certains patients présentent une intolérance aux métabisulfites. Le risque d’intolérance aux métabisulfites est d’autant plus important que le patient est asthmatique et il est encore augmenté s’il est porteur de la triade « polypose nasosinusienne, asthme, intolérance à l’aspirine » (syndrome de Widal). Stomatologie
Allergie et toxicité des cartouches analgésiques : faire face aux complications ¶ 22-090-K-10
ayant une fonction spécifique, peut, de par ses propriétés pharmacologiques, aboutir à un accident plus ou moins grave. Ces accidents, exceptionnellement mortels en pratique dentaire, auraient été évités si un examen préanesthésique complet avait été réalisé avant d’administrer les soins. Grâce à cette enquête préanesthésique, le praticien sera alors apte, en fonction de la nature et de la durée des interventions envisagées, à choisir la solution et la technique anesthésiques les mieux adaptées à l’état de son patient. En effet, de nombreux états physiologiques et/ou pathologiques peuvent interférer, contre-indiquer, ou préférer telle ou telle technique, telle ou telle molécule pour réaliser une analgésie locale efficace. Quoi qu’il en soit, malgré le risque toujours possible d’apparition de complications, l’anesthésie locale reste de loin plus sûre que l’anesthésie générale.
Selon certains auteurs, il n’est pas clairement démontré dans la littérature que la quantité de sulfite présente dans les cartouches anesthésiques puisse être à l’origine d’accidents de type anaphylactique. En fait, il semble que le seuil de sensibilité soit de 0,6 à 0,9 mg. Cette quantité est souvent supérieure à celle contenue actuellement dans les cartouches anesthésiques. Néanmoins, il convient chez des patients ayant présenté une réaction allergique prouvée au sulfite de bannir l’utilisation d’une solution contenant des vasoconstricteurs. En outre, il faut tenir compte de l’éventuel effet cumulatif possible par voie alimentaire et par voie injectable, pouvant causer la survenue de telles manifestations. S’il n’existe qu’une suspicion de risque allergique, il faut alors choisir une solution faiblement dosée en métabisulfite et ne pas dépasser le seuil de sensibilité.
Manifestations cliniques
.
Les manifestations cliniques rejoignent celles causées par les molécules d’analgésie locale.
■ Références [1]
Conduite à tenir La conduite à tenir face aux accidents allergiques dus aux adjuvants est identique à la conduite à tenir face aux accidents allergiques dus aux molécules d’analgésie locale. La première des mesures prises sera naturellement d’éviter tout contact avec le produit allergène.
■ Conclusion
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[3] [4]
[5]
L’analgésie locale étant le premier geste thérapeutique, il est primordial de la réussir, afin de gagner la confiance du patient, de lui apporter le plus de confort possible, mais aussi d’apporter le confort nécessaire au praticien pour réaliser un soin correct. Cependant, l’usage des anesthésiques locaux n’est pas dénué de risque compte tenu de leur composition. Chaque composant
[6] [7]
Arreto CD. Aspects pharmacologiques des anesthésiques locaux utilisés en odonto-stomatologie. Real Clin 1991;2:85-98. Guerin T, Maman L, Wierzba CB. Mise au point sur les anesthésiques locaux injectables en 1997. Quel anesthésique et pourquoi? Chir Dent Fr 1997(848):23-32. Wierzba CB, Issembert D. Anesthésie locale et patients sous psychotropes. Chir Dent Fr 2001(1044):19-22. Guerin T, Maman L, Wierzba CB. Anesthésie locorégionale : le choix des solutions et des molécules. Actual Odontostomatol (Paris) 1996; 193:35-57. Fricain JC, Marteau JM. Choix d’une solution anesthésique et indication de son association à un vasoconstricteur. Rev Odontostomatol (Paris) 1997;26:4-5. Boucher Y. Corcuff B. Anesthésies et pathologies endocriniennes. Real Clin 1991;2:149-52. Sonneville A. Notions d’actualités brèves sur l’allergie aux bisulfites. Allerg Immunol 1996;28:246-7.
C.B. Wierzba ([email protected]). C. Chenu. 113, boulevard Voltaire, 75011 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Wierzba C.B., Chenu C. Allergie et toxicité des cartouches analgésiques : faire face aux complications. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-090-K-10, 2008.
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-091-A-70
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Anesthésie générale en chirurgie stomatologique et maxillofaciale Y Le Manac’h S Ausset A Lienhard B Lenoir
R é s u m é. – En stomatologie et en chirurgie maxillofaciale, l’anesthésiste doit gérer, en plus des problèmes inhérents à toute chirurgie céphalique, le problème du partage des voies aériennes avec les opérateurs. L’intubation difficile y est plus fréquente, et doit être détectée dès la consultation d’anesthésie. L’extubation se fait après un réveil complet, car la laryngoscopie n’est pas toujours faisable pour une réintubation. Dans cette chirurgie qui peut saigner abondamment, les techniques d’économie de sang et de transfusion autologue doivent être développées. Le risque de surinfection varie selon les actes ; la chirurgie osseuse et articulaire est une chirurgie propre, alors que la carcinologie appartient à la classe III d’Altemeier. Tous les âges sont concernés par la stomatologie et la chirurgie maxillofaciale, tant en chirurgie réglée qu’en traumatologie d’urgence. © 1999, Elsevier, Paris.
Introduction L’anesthésie générale pratiquée en chirurgie maxillofaciale et en stomatologie permet la réalisation d’actes longs et complexes. Les opérateurs partagent souvent avec l’anesthésiste leur site opératoire : l’entente entre les deux spécialités est donc indispensable pour le partage des voies aériennes, dont le contrôle est le principal souci pour l’anesthésiste. Les éléments moins spécifiques, mais réels, du risque anesthésique, sont à évaluer en consultation d’anesthésie pour prévoir les moyens à mettre en œuvre. L’installation se fait, sans rien céder à la sécurité, pour que le chirurgien bénéficie de bonnes conditions de travail. L’extubation est un moment critique chez ces patients dont la réintubation peut être difficile ; elle doit donc être surveillée en milieu spécialisé pendant un temps suffisant pour s’assurer de la bonne récupération des réflexes. Le risque transfusionnel a pris depuis quelques années un relief particulier et incité à développer les techniques d’économie de sang et de transfusion autologue. Enfin, l’anesthésiste et le chirurgien peuvent envisager une activité ambulatoire, mais celle-ci, loin d’être une facilité pour le praticien, est une modalité exigeante pour la sécurité du patient.
Cadre réglementaire de l’anesthésie générale
© Elsevier, Paris
L’anesthésie est considérée comme une spécialité médicale depuis 1965. Elle se singularise depuis quelques années par l’existence d’un cadre réglementaire qui définit les conditions dans lesquelles elle doit obligatoirement se dérouler.
Yvon Le Manac’h : Anesthésiste réanimateur, spécialiste du service de santé des Armées. Sylvain Ausset : Assistant d’anesthésie-réanimation du service de santé des Armées. Albert Lienhard : Anesthésiste réanimateur, spécialiste du service de santé des Armées. Bernard Lenoir : Anesthésiste réanimateur, professeur agrégé du Val-de-Grâce. Département d’anesthésie-réanimation, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Manac’h Y, Ausset S, Lienhard A et Lenoir B. Anesthésie générale en chirurgie stomatologique et maxillofaciale. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-091-A-70, 1999, 11 p.
Le décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 [18] règle aussi bien les impératifs de la consultation d’anesthésie que la programmation, l’obligation de moyens en personnel et en matériel des établissements de santé, pendant les périodes per- et postopératoires. Un arrêté du 3 octobre 1995 [4] complète ce décret en décrivant les modalités d’utilisation et de contrôle des dispositifs mis en œuvre. Le nouveau Code de déontologie [19] a été complété par une plaquette éditée par le Conseil de l’Ordre des médecins qui rappelle les conditions dans lesquelles doivent s’exercer les relations entre anesthésistes-réanimateurs et les autres praticiens [66]. Le thème n° XX des références médicales opposables (RMO) s’applique aux examens préopératoires [5]. Enfin, une jurisprudence récente de la Cour de cassation a conduit, comme dans les autres spécialités médicales, à une réflexion poussée sur l’information du malade.
Consultation d’anesthésie Depuis le décret du 05.12.1994 [18], la consultation d’anesthésie doit être faite plusieurs jours avant l’acte anesthésique. Lors de celle-ci, le médecin anesthésiste procède à un interrogatoire à la recherche des pathologies préexistantes, médicales et chirurgicales, et à un examen clinique du malade.
Buts de la consultation d’anesthésie Le principal objectif est la diminution de la morbidité anesthésique. L’examen clinique va donc rechercher l’ensemble des facteurs prédictifs de risque d’accident périopératoire, pour en assurer la meilleure prise en charge possible. Son deuxième objectif est l’élaboration de l’acte anesthésique, en fonction du malade et de la chirurgie. Ceci ne peut s’envisager sans un dialogue entre l’anesthésiste et le chirurgien. L’anesthésiste doit être informé par le chirurgien sur l’acte opératoire envisagé, et notamment sur l’installation. En retour, le chirurgien sera informé par l’anesthésiste des éventuelles difficultés que présente le geste, voire d’un report de l’acte opératoire pour bilan complémentaire. De cette approche résulte en partie l’élaboration conjointe du programme opératoire. Le troisième objectif de la consultation d’anesthésie est l’information du malade. Il est souhaitable de lui distribuer, en fin de consultation chirurgicale, dès la décision opératoire prise, l’information type élaborée par la Société française d’anesthésie réanimation [24] qui pourra servir de point de départ à d’éventuelles questions en cours de consultation d’anesthésie.
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ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN CHIRURGIE STOMATOLOGIQUE ET MAXILLOFACIALE
Prévention des accidents d’anesthésie On désigne par « accident d’anesthésie » une complication directement due à l’acte anesthésique. Certaines de ces complications peuvent être prévenues par un matériel adapté. C’est le cas par exemple de la ventilation inappropriée qui peut être détectée par l’analyse des gaz expirés. D’autres complications comme l’intubation difficile ou l’allergie ne peuvent être prévues que par une consultation d’anesthésie. Les complications graves les plus fréquentes sont cardiovasculaires et, dans une moindre mesure, respiratoires : ces deux fonctions sont donc l’objet d’une évaluation particulière. Forrest et al [25] sur une série de 17 201 anesthésies, rapportent 847 complications sévères dans les 7 jours suivant l’acte chirurgical, dont 608 de nature cardiovasculaire et 163 de nature respiratoire. Pedersen et al [59], sur une série de 6 306 actes, évaluent l’incidence des complications intrahospitalières sévères à 9,4 %, celle des complications cardiovasculaires à 6,3 % et celle des complications respiratoires à 4,8 %. L’insuffisance rénale postopératoire a une incidence de 0,1 à 30 % selon la chirurgie [56], avec une mortalité qui dépasse 50 % [56].
Prédiction du risque allergique
[41]
Principaux allergènes en cause Les curares sont les principales substances mises en cause lors des accidents allergiques et sont responsables de plus d’un choc anaphylactique sur deux. Le latex est la deuxième substance le plus fréquemment mise en cause, et la fréquence des accidents allergiques dus à cette substance ne cesse de croître au fil des ans. La fréquence des accidents allergiques aux morphiniques et aux hypnotiques est très faible malgré une très large utilisation.
Groupes à risque et facteurs prédictifs La consultation d’anesthésie permet de rechercher un antécédent d’allergie vraie, mais aussi de reconnaître des groupes à risque. Ceux-ci, à l’issue de cette enquête, peuvent se voir proposer une conduite préventive mais aussi un bilan allergologique prédictif par prick-tests afin d’identifier le (ou les) allergène(s).
Stomatologie
échec de la technique chirurgicale, sous forme d’une défaillance d’organe favorisée par la combinaison de l’anesthésie et de la chirurgie. La probabilité de survenue de ce type de complications est prévisible par un examen préopératoire et définit, en chirurgie réglée, le risque opératoire. Les complications postopératoires surviennent toujours sur des terrains particuliers que la consultation d’anesthésie doit identifier en permettant : – de définir un niveau de risque associé à l’acte chirurgical envisagé. Ceci amène parfois à reconsidérer l’indication chirurgicale ; – d’abaisser ce niveau de risque en optimisant le traitement d’une pathologie sous-existante. Ceci amène parfois à différer l’indication chirurgicale ; – de choisir la technique anesthésique et les modes de surveillance per- et postanesthésiques les mieux adaptés au patient.
Facteurs prédictifs des complications postopératoires Déterminants du risque opératoire De nombreuses études épidémiologiques sur de larges cohortes de malades ont identifié les grands cadres pathologiques associés à une surmortalité postopératoire.
Pathologie cardiovasculaire La cardiopathie ischémique est un facteur de risque cardiovasculaire majeur, particulièrement après un infarctus du myocarde [25, 30, 59], et ce d’autant plus que cet infarctus est récent [25, 59]. L’angor stable peu invalidant ou la suspicion de coronaropathie ischémique requièrent une évaluation et la préparation du patient en fonction du type de chirurgie, de l’existence d’une revascularisation dans les 5 ans et d’indicateurs cliniques majeurs, intermédiaires ou mineurs [23]. L’insuffisance cardiaque est un facteur de risque cardiovasculaire majeur [25, 59], et de complications respiratoires [25], ainsi que d’insuffisance rénale postopératoire [56]. L’hypertension artérielle peut être un facteur de risque d’insuffisance rénale [56], mais aussi de mortalité [30] et de morbidité cardiovasculaires [25].
Pathologie respiratoire
Si le produit en cause est connu, il doit naturellement être écarté du protocole anesthésique. Dans le cas contraire, une consultation d’allergoanesthésie permettra de tester les produits suspects. En cas d’urgence, il est recommandé d’éliminer les curarisants, d’opter si possible pour une technique d’anesthésie locorégionale et d’utiliser du matériel sans latex naturel.
La détection de la bronchopneumopathie chronique obstructive est purement clinique [25, 59]. L’existence d’une expectoration purulente en préopératoire est mieux corrélée au risque de complications postopératoires que ne le sont les données des épreuves fonctionnelles respiratoires, ou des gaz du sang [50]. L’insuffisant respiratoire dont le volume expiratoire maximal-seconde (VEMS) est inférieur à 0,8 L impose une appréciation au cas par cas. L’impact du tabagisme sur la morbidité respiratoire est qualifié de faible [25], sauf quand il existe des antécédents d’infarctus du myocarde, même anciens.
• Allergie aux curares
Autres facteurs de risque de complications postopératoires
Elle présente deux particularités : la grande fréquence des allergies croisées (70 %) et la possibilité d’accident grave même en l’absence d’antécédents anesthésiques, donc de contact avec un myorelaxant, qui est retrouvée chez 30 % des patients ayant fait un choc anaphylactique aux curares. On pense que ces patients se sont sensibilisés lors de contacts répétés avec des produits contenant des radicaux ammoniums quaternaires tels que les produits ménagers. C’est ainsi qu’un patient allergique aux curares conservera sa vie durant un taux d’anticorps élevés et des tests cutanés positifs, confirmant ainsi que son système immunitaire est perpétuellement stimulé. L’atopie, l’allergie médicamenteuse isolée et les antécédents d’anesthésies multiples sont les trois facteurs de risque à l’allergie aux curares. Chez ces patients, la prévalence de l’allergie aux curares est de 16 %, contre1,6 % dans la population générale.
L’âge avancé est un facteur de risque même après ajustement en fonction des pathologies associées [16, 25, 30, 37, 59, 60]. L’insuffisance rénale est un facteur de risque de mortalité toutes causes confondues [30, 37, 59], ainsi que d’insuffisance rénale postopératoire [56]. Le diabète est un facteur de mortalité quand il s’accompagne d’une dysautonomie [67] ; celle-ci est donc à rechercher en préopératoire. L’obésité a un faible impact sur la morbidité [25] . Néanmoins, certains problèmes techniques méritent d’être planifiés à l’avance : la ventilation et l’intubation sont plus difficiles [39], et la mécanique ventilatoire est perturbée. L’existence d’une pathologie évolutive est un facteur de risque de mortalité majeur. L’hypoalbuminémie, un cancer métastasé et la perte de poids récente de plus de 10 % sont évocateurs. Le type de chirurgie est un élément fondamental du risque opératoire. En particulier, la chirurgie en urgence est assortie d’un risque accru [59].
• Antécédent allergique avéré
• Allergie au latex
Elle doit être évoquée devant certaines situations d’exposition fréquente à ce produit, et certaines allergies croisées. Un bilan allergologique doit être fait devant l’existence de signes cliniques d’intolérance au latex. Sa prévalence atteint 6 à 10 % dans les professions exposées, surtout médicales. Certaines allergies croisées sont évocatrices. En effet, certaines protéines allergisantes (hévamines A et B) sont des lysozymes trouvées dans de nombreux végétaux (pollens, ficus) et fruits (banane, avocat, kiwi, châtaigne…). Des réactions croisées existeraient dans 50 % des cas d’allergie au latex. La prévalence peut augmenter du fait d’interventions multiples chez des patients atopiques.
Prédiction des complications postopératoires
Accès aux voies aériennes supérieures Les accidents respiratoires représentent les deux tiers des accidents peranesthésiques. Ils conduisent à la mort ou à des séquelles neurologiques postanoxiques dans 85 % des cas [13] et sont dus le plus souvent à une ventilation inadaptée ou à un défaut de contrôle des voies aériennes. En France, la responsabilité directe ou indirecte de l’intubation difficile est retrouvée dans un tiers des accidents d’anesthésie et représente la première cause de morbidité et de mortalité peranesthésique [8] . Dans 15 à 30 % des cas, cette intubation difficile n’avait pas été prévue [8]. La prédiction de l’intubation difficile est donc le préalable indispensable à la stratégie de prise en charge des voies aériennes supérieures. Elle permet de prévoir une technique anesthésique adaptée. Dans le contexte particulier de la chirurgie maxillofaciale, la fréquence de l’intubation difficile est majorée, et les techniques spécifiques du contrôle des voies aériennes supérieures doivent être plus souvent envisagées.
Dépistage de l’intubation diffıcile
Principales complications postopératoires - Risque opératoire
• Anamnèse
Les complications peuvent être dues aux aléas des techniques chirurgicales, comme un lâchage de suture, ou à l’évolution d’une pathologie préexistante, telle qu’une néoplasie ; enfin, certaines surviennent sans rapport avec un
Les conditions d’intubation lors des précédentes anesthésies seront recherchées : toute intubation difficile doit être signalée au patient, qui doit en garder une trace écrite, avec les moyens mis en œuvre. Des pathologies ou
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ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN CHIRURGIE STOMATOLOGIQUE ET MAXILLOFACIALE
Stomatologie
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Tableau I. – Classification de l’American Society of Anesthesiologists (ASA). Classe 1 2
Description Patient en bonne santé Exemple : hernie inguinale chez un patient sans autre affection Patient présentant une atteinte modérée d’une grande fonction Exemples : bronchite chronique, obésité modérée, diabète contrôlé par le régime, HTA modérée
3
Patient présentant une atteinte sévère d’une grande fonction, limitant l’activité sans entraîner d’incapacité Exemples : angor stable, diabète insulinodépendant, obésité pathologique, insuffisance respiratoire modérée
4
Classe 1
Classe 2
Classe 3
Classe 4
Patient présentant une atteinte d’une grande fonction, invalidante et mettant en jeu le pronostic vital Exemples : angor rebelle, insuffisance cardiaque sévère, insuffisance respiratoire, rénale, hépatique ou endocrinienne avancée
Grade 1
Grade 2
Grade 3
5
Patient moribond dont l’espérance de vie est inférieure à 24 heures, avec ou sans intervention Exemple : rupture d’anévrisme de l’aorte avec grand état de choc
U
Si l’intervention est pratiquée en urgence, un U est ajouté à la classe ASA d’état clinique
Grade 4
1 Classes de Mallampati (en haut) et grades de Cormack (en bas). Classe 1 : on voit la luette et les loges amygdaliennes ; classe 2 : on voit la luette ; classe 3 : le voile du palais est visible ; classe 4 : on ne voit que le palais osseux.
HTA : hypertension artérielle.
Une pathologie cervicofaciale peut modifier les rapports anatomiques. Une pathologie articulaire peut provoquer une immobilité, désirée ou non, du rachis cervical, comme dans le cas du polytraumatisé porteur d’un collier cervical.
Problème des dents
A
2 Angle de Delègue (en A). Il doit dépasser 100°.
antécédents peuvent modifier l’exposition glottique : chirurgie maxillofaciale, maladie rhumatismale limitant la mobilité de l’articulation atloïdo-occipitale, cancer oto-rhino-laryngologique (ORL)… Une sténose trachéale sera évoquée en cas d’antécédents d’intubation prolongée ou de trachéotomie. • Examen clinique
Outre des séquelles de chirurgie maxillofaciale, ou une dysmorphie faciale, il recherchera les éléments validés pour être prédictifs d’une intubation difficile [39] : cou court, proéminence des incisives, petite ouverture de bouche, obésité. Un examen oropharyngé sera pratiqué afin de déterminer la classe de Mallampati du patient (fig 1). Modifiée par Samsoon et al, la classification de Mallampati permet de prédire la qualité de la laryngoscopie en fonction de la visualisation des structures oropharyngées [46]. La mobilité du rachis cervical sera appréciée de même que celle de l’articulation atloïdo-occipitale par la mesure de la distance thyromentonnière. Selon Pottecher et al, les signes les plus pertinents d’intubation difficile sont la classe de Mallampati supérieure à 1, l’ouverture de bouche inférieure à 41 mm et la distance thyromentonnière inférieure à 80 mm [63]. • Examens paracliniques
Les examens paracliniques ne font pas partie des examens de routine de dépistage de l’intubation difficile [8]. La radiographie pulmonaire permet de contrôler la position médiane de la trachée. Un cliché de la face en incidence de Hirtz peut montrer une asymétrie mandibulaire. L’étude du défilé pharyngolaryngé, de profil, la tête étant en hyperextension et la langue tirée, permet de mesurer l’angle de Delègue, qui doit dépasser 100° (fig 2). • Contextes cliniques particuliers
Le diabète peut entraîner une ankylose de l’articulation temporomaxillaire. Celle-ci est évoquée par le signe du prieur, c’est-à-dire par l’impossibilité d’étendre les mains lors du signe de la prière en raison d’une ankylose des articulations interphalangiennes.
Quatre-vingt-quinze sur 98 des accidents concernant l’intubation déclarés en 1997 par les anesthésistes au Groupe des assurances mutuelles médicales (GAMM) [65] résultent de bris dentaires. Il existe alors un risque d’inhalation de la dent, dont l’extraction sous fibroscopie ou bronchoscopie rigide n’est pas toujours couronnée de succès, et qui peut créer un foyer infectieux. Cette situation se retrouve chez l’enfant en âge de perdre ses dents de lait. Dans la chirurgie réglée, l’examen dentaire permet le plus souvent de prévenir ces accidents. Il faut donc rechercher non seulement la présence de prothèses dentaires, mobiles ou non, mais aussi éprouver, avec un doigt ganté, la solidité des dents restantes, qui peuvent parfois servir de support à une prothèse. Leur luxation éventuelle doit faire l’objet d’une information spécifique. Il ne faut pas hésiter à adresser, avant l’anesthésie, un malade à son dentiste, soit pour améliorer l’état dentaire par des soins appropriés, soit pour fixer un éventuel état antérieur [74]. Dans les intubations difficiles, démonter un bridge exposé peut se justifier avant l’intervention. Cette attitude éviterait, en dehors de l’urgence, un certain nombre de contentieux.
Conclusions à la consultation d’anesthésie L’examen clinique se termine par un bref résumé des problèmes posés par le terrain et la chirurgie. La classification ASA (American Society of Anesthésiologists) (tableau I) en est un élément. Quoique critiquable, il est prouvé qu’elle est fiable pour définir le risque opératoire quelles que soient les complications étudiées [25, 30, 37, 56, 59, 60] ou pour prédire la mortalité postopératoire [64]. La définition d’un protocole anesthésique, ultime étape de la consultation, comporte trois étapes : celle de la prémédication et des traitements à poursuivre, celle du protocole anesthésique lui-même, tant pour l’induction que pour l’entretien, et celle des moyens spécifiques à mettre en œuvre, qu’il s’agisse des moyens nécessaires au contrôle des voies aériennes, du monitorage ou des voies veineuses. Il est important de consigner tout cela par écrit : ce document a valeur médicolégale dans le contrat qui lie le patient à son médecin, et doit donc comporter un minimum de rubriques laissant entendre qu’un examen des grandes fonctions a été fait. C’est aussi le support des informations transmises par le médecin anesthésiste à un confrère si celui qui a vu le malade en consultation n’est pas celui qui l’endort. Le patient doit être informé de cette situation, fréquente dans les grands départements d’anesthésie.
Cas particulier de l’anesthésie pour chirurgie ambulatoire L’anesthésie pour chirurgie ambulatoire [9] est réservée aux interventions courtes, dont les suites doivent être simples et, en particulier, ne pas présenter de risque d’obstruction des voies aériennes ou de saignement. La sélection des patients est faite sur des critères sociaux (capacité de compréhension des instructions, environnement au domicile, présence d’un accompagnant) et page 3
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géographiques (éloignement d’une structure de soins), enfin sur des critères médicaux : les patients seront de classe ASA 1 ou 2, exceptionnellement de classe ASA 3, quand la pathologie qui justifie ce classement est bien stabilisée et ne risque pas de décompenser du fait de l’acte opératoire. Ce mode de fonctionnement implique une structure spécifique définie par les décrets 92-1100, 92-1101 et 92-1102 du 2 octobre 1992. Il requiert surtout des recommandations très précises sur le jeûne préopératoire comme sur le retour à domicile, la possibilité de rejoindre une structure hospitalière… La consultation d’anesthésie permet, ici, d’apprécier le degré de compréhension du malade.
Malade vu en urgence Hors la notion de délai entre consultation et anesthésie, la consultation du malade vu en urgence doit s’attacher à rechercher les mêmes éléments. Elle peut être réduite à sa plus simple expression en fonction du contexte (malade inconscient …). L’indication d’une intervention chirurgicale est du ressort du chirurgien, qui doit garder en mémoire l’existence d’un risque anesthésique accru du seul fait de l’urgence.
Visite préanesthésique Elle doit être effectuée dans les heures qui précèdent l’anesthésie. Elle est aussi obligatoire. Elle permet de vérifier que l’état de santé du malade ne s’est pas modifié depuis la consultation, dans quelques cas de provoquer une nouvelle programmation. Elle permet en outre de rappeler les règles de jeûne, et de modifier, si besoin, la prémédication et le protocole anesthésique.
Problèmes généraux posés par la chirurgie stomatologique et maxillofaciale à l’anesthésiste La chirurgie maxillofaciale et stomatologique est une chirurgie qui concerne tous les âges, qu’il s’agisse de chirurgie réglée ou en urgence. Le principal problème est celui de l’accès aux voies aériennes (fig 3). Il en découle des précautions à prendre lors de l’installation de l’opéré. Le problème du saignement et de l’œdème dus à la chirurgie ou au traumatisme n’est pas constant, mais doit toujours être présent à l’esprit de l’équipe médicochirurgicale. Le risque infectieux peut venir des germes présents dans la sphère oropharyngée, ou des germes cutanés.
Ventilation et accès aux voies aériennes Accès facile aux voies aériennes supérieures Lorsque la consultation d’anesthésie laisse prévoir une intubation aisée, celle-ci se fera par laryngoscopie directe après anesthésie générale.
Intubation orotrachéale Elle se pratique pour les interventions qui concernent la partie supérieure du visage, y compris la mâchoire. La chirurgie des parties molles (glandes salivaires, adénopathies) y fait appel le plus souvent. À côté des sondes d’intubation classiques, on peut utiliser des sondes préformées orales, dont la courbure présente un angle aigu dès la sortie de la bouche. Fixées sur la mandibule, elles permettent de libérer le massif facial pour le chirurgien en disposant le respirateur aux pieds du malade sans risquer de couder la canule. Les sondes armées ont un diamètre qui ne varie pas quel que soit le rayon de courbure. Elles peuvent être mobilisées et épousent parfaitement les courbures qui leur sont imposées lors de l’installation du chirurgien. Si elles résistent mieux à une compression accidentelle, elles peuvent en revanche se déformer de manière définitive lorsqu’elles sont mordues. Le malade est alors difficile à ventiler et il est impossible d’aspirer les sécrétions. L’usage d’une canule de Guédel prévient cet accident banal au moment du réveil.
Intubation nasotrachéale Elle est utilisée pour tous les gestes qui requièrent un travail en bouche, mais aussi lorsque la chirurgie se termine par un blocage des maxillaires. Ce geste s’accompagne facilement d’un saignement par lésion muqueuse du cornet inférieur. L’utilisation d’une mèche imbibée d’un anesthésique local associé à un vasoconstricteur (Xylocaïnet 5 % naphtazolinée) permet de réduire ce risque. Il vaut mieux utiliser les pinces en « baïonnette » en usage en ORL, qui permettent de mettre le cornet en contact avec le produit sur toute sa longueur, puis utiliser une sonde de petit diamètre, 6,5 pour les femmes et 7 pour les hommes. Lorsque les fosses nasales sont étroites, une sonde de gros diamètre peut perforer la muqueuse et suivre un trajet sous-muqueux, qui peut beaucoup saigner. page 4
3 Moyens de ventilation en chirurgie maxillofaciale. 1. Sonde d’intubation normale ; 2. sonde armée ; 3. sonde préformée orale ; 4. sonde préformée nasale ; 5. masque laryngé ; 6. masque laryngé armé (le tube est plus long et moins large) ; 7. sonde de trachéotomie de Montendon.
Les sondes normales et les sondes armées dépassent peu du massif facial. Les premières peuvent se plicaturer au niveau de l’orifice narinaire. Les sondes armées peuvent y créer un escarre en étant retournées vers l’arrière. Les sondes préformées nasales sont plus longues. Leur courbure, accentuée vers le front, est à distance de la face et appuie moins sur la surface narinaire. Fixée sur le front, elles peuvent être déplacées sagittalement, ce qui entraîne une intubation sélective.
Place du masque laryngé Depuis 1988, le masque laryngé est apparu comme alternative à l’intubation. Sa principale évolution est l’apparition du masque laryngé armé, dont le tube a la structure et la souplesse d’une sonde d’intubation armée. Il peut être inséré sans curare, mais impose une anesthésie profonde. Le masque laryngé peut être utilisé dans la chirurgie de surface de la face, comme chez le brûlé où l’absence d’intubation peut simplifier les procédures d’anesthésie. Il est utilisé par certaines équipes en dentisterie [78]. La principale contre-indication à son emploi est le risque d’inhalation du contenu gastrique ou de sang issu de l’oropharynx ; le saignement doit donc être contrôlable. Une méta-analyse qui conclut à un risque, en chirurgie réglée, de 2,3 pour 10 000, comparable au risque dû à l’intubation, insiste sur le respect des indications et contre-indications [10]. L’emploi du masque laryngé se heurte en pratique à quelques écueils. Il est facilement mobilisable, même si la version armée est plus stable. La mobilisation de la tête, en particulier, s’accompagne volontiers de fuites et d’une hypoventilation qui peut imposer l’arrêt de la chirurgie pour un repositionnement ou une intubation. Une pression d’insufflation supérieure à 25 cmH2O peut causer une distension gastrique qui favorise les régurgitations peropératoires et les vomissements postopératoires [1]. En pédiatrie, il est recommandé de ne pas dépasser 1 heure d’intervention si la pression dépasse 15 cmH2O. Le masque laryngé peut en revanche être d’un grand secours pour le contrôle des voies aériennes des enfants atteints de dysmorphoses de la face. Quoique contre-indiqué dans l’anesthésie de l’estomac plein, sa facilité de mise en place le fait entrer dans les algorithmes de gestion de l’intubation difficile [69].
Sédation Un certain nombre de gestes de stomatologie sont faits sous simple sédation, sans la participation d’une équipe anesthésique. Un entraînement aux gestes de réanimation est alors indispensable, car le risque de complications n’est jamais nul. En dentisterie, le mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote (Entonoxt) est utilisé à visée antalgique chez l’enfant dans les pays anglosaxons ou scandinaves via un masque nasal [ 2 ] ou une canule nasopharyngée [6]. Ce mélange, en France, n’a pas le statut de médicament, n’est soumis à aucune autorisation de mise sur le marché (AMM), et peut être
Stomatologie
ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN CHIRURGIE STOMATOLOGIQUE ET MAXILLOFACIALE
Tableau II. – Indications classiques de la trachéotomie Obstruction des voies aériennes supérieures Fracture des deux condyles avec fracture symphysaire diminuant le tonus de la langue Fractures médiofaciales sévères associées à une fracture du nez ou de la mandibule Œdème de l’oropharynx et de la glotte Important recul de la mandibule Suspicion de lésion de la colonne vertébrale cervicale Indication de réintubation chez un patient porteur d’une fixation intermaxillaire Blessures multiples du plancher de la bouche ou de la langue Insuffisant respiratoire chronique très sécrétant Nécessité d’une ventilation prolongée Patient porteur d’une cricothyroïdotomie à son arrivée à l’hôpital Facilité de réparation des lésions par l’opérateur
utilisé hors des sites d’anesthésie sous la responsabilité de l’utilisateur, du prescripteur et du directeur de l’établissement [2]. Il est euphorisant, peut générer nausées, vomissements, excitation, sédation ou dysphorie. Il est contre-indiqué dans les fractures des os de la face. L’association à un morphinique ou à un psychotrope comme les benzodiazépines peut entraîner un risque respiratoire [2]. L’implantologie peut utiliser la sédation intraveineuse par benzodiazépines et morphiniques, sous couvert d’un monitorage, dans des conditions d’exercice comparables à celles de l’anesthésie, pour permettre une hospitalisation de jour [14].
Trachéotomie Les indications classiques de la trachéotomie en chirurgie maxillofaciale [73] sont rappelées dans le tableau II. Son problème se pose essentiellement en traumatologie. Lorsque les lésions maxillofaciales sont isolées et que les voies aériennes ne sont pas menacées, un traitement immédiat est rarement nécessaire. Par ailleurs, les patients opérés n’auront pas besoin alors d’une réanimation prolongée. Les malades dont les lésions justifient des interventions itératives et dont l’intubation est difficile, comme les brûlés, restent cependant des indications. Chez un malade déjà intubé, on peut utiliser une voie chirurgicale ou une technique percutanée, présentée par certains auteurs comme plus sûre, mais qui expose à des difficultés de recanulation [71]. La ventilation à travers l’orifice de trachéotomie peut se faire par une sonde de Montendon, dont la conformation permet d’installer le respirateur aux pieds du malade. Une alternative à la trachéotomie est représentée par l’intubation sousmentale [38], décrite en 1986. Cette technique, utilisable quand l’intubation ne doit pas dépasser 48 heures, fait passer par une incision à travers le plancher buccal une sonde armée d’intubation orotrachéale qui sort dessous le menton.
Intubation difficile Avec une fréquence de 0,5 à 2 %, toutes spécialités confondues [69] , l’intubation difficile est suffisamment fréquente pour justifier l’existence d’un chariot d’intubation difficile dans les structures où se pratique l’anesthésie. Il regroupe les moyens disponibles pour la prise en charge prévue, mais surtout imprévue, de cette éventualité. Elle explique aussi le développement, par les sociétés savantes, d’algorithmes [69] dont les praticiens peuvent s’inspirer pour réfléchir aux leurs, où l’oxygénation du malade endormi tient la place centrale. L’intubation difficile doit se concevoir dans deux situations : prévue et imprévue.
Intubation diffıcile prévue Elle doit se concevoir chez un malade éveillé. Elle se fait en utilisant largement l’anesthésie de contact de la langue, du nasopharynx et du larynx par de la lidocaïne en méchage, en spray, ou en gel utilisé en gargarisme et avalé. Cette technique est aussi efficace que la pratique d’un bloc du nerf laryngé supérieur, qui diminue rapidement la réactivité glottique et du tiers supérieur de la trachée. L’intubation sous fibroscopie est la technique de référence dans l’intubation difficile de l’adulte, mais elle n’est pas exempte d’échec [35], requiert un matériel onéreux, un entraînement des praticiens. La désinfection du matériel est délicate à mener. On utilise surtout la voie endonasale, après méchage à la lidocaïne naphtazolinée, chez le patient vigile ou après une sédation légère qui ne compromet pas le tonus laryngé. L’anesthésie locale est exécutée de proche en proche par le canal opérateur du fibroscope. Les fibroscopes pédiatriques sont employés dans les rétrécissements de la filière aérienne, mais leur canal d’aspiration très fin se bouche facilement quand il faut aspirer du sang ou des sécrétions. Le passage par voie buccale est plus difficile, mais peut s’imposer dans certaines chirurgies de la face. L’anesthésie de contact des structures oropharyngées soigneuse permet de mettre en place, sous sédation, une grosse canule de Guédel coupée en deux dans le sens de la longueur pour charger la langue et guider le fibroscope vers la glotte. L’intubation nasotrachéale à l’aveugle se fait chez un malade en ventilation spontanée, placé en position de Jackson, quand on ne peut pas disposer de la
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fibroscopie. Après anesthésie des fosses nasales par un méchage avec de la lidocaïne naphtazolinée, la sonde est introduite par la narine la plus perméable et progresse perpendiculairement au massif facial jusqu’au larynx. La progression à l’oreille est guidée par le souffle, dont la disparition signe le passage dans l’œsophage. Cette technique requiert une bonne mobilité du rachis.
Intubation diffıcile imprévue Face à une intubation difficile, il ne faut pas oublier de demander de l’aide. Sa gestion repose sur un algorithme personnel, qui peut s’inspirer de ceux de la Société française d’anesthésie réanimation (SFAR) (fig 4). • Petits moyens
Ils sont immédiatement accessibles. Un coussin peut décoller du plan de la table d’opération la tête (position de Jackson), ou, lorsqu’un aide est disponible, il peut modifier la hauteur de celle-ci tandis que l’opérateur cherche une meilleure exposition glottique. Un mandrin malléable placé dans la sonde préalablement siliconée permet d’en modifier la courbure ou de soulever l’épiglotte pour passer les cordes vocales, lorsque seule la base de la glotte est discernée. L’intubation rétromolaire permet de favoriser l’exposition dans les rétrognathies, l’ouverture limitée de la bouche et dans le syndrome de Pierre Robin [43]. Une lame droite charge l’épiglotte et facilite la vision de la glotte lorsque le larynx est antérieur. • Intubation difficile sans visualisation de la glotte
L’intubation rétrograde, pour laquelle existent des kits, demande un peu d’expérience. Un long guide à extrémité mousse est introduit par une aiguille piquée dans la membrane inter-crico-thyroïdienne et dirigé vers l’extrémité céphalique. Il est saisi par une pince de Magill et une sonde d’intubation munie d’un œilleton latéral est glissée sur ce mandrin bien tendu. Quand la sonde d’intubation bute sur l’extrémité inférieure du guide, il est retiré et la sonde poussée dans la trachée. Le passage de la glotte peut être facilité par un mouvement de rotation de la sonde sur son axe, elle-même plus facile si le cathéter passe dans l’extrémité distale et l’œilleton [44]. Les mandrins lumineux, dont il existe plusieurs types, sont passés à travers la sonde d’intubation. Le positionnement de leur extrémité est contrôlé par transillumination laryngée. La plupart sont une aide en cours de laryngoscopie ; le plus récent, le Trachlightt, est utilisé sans laryngoscope [47]. Les algorithmes récents proposent, dans l’intubation difficile, l’intubation à travers le masque laryngé par une sonde d’intubation de taille 6 ou 7. Cependant, la conformation au niveau glottique de ce dispositif conduit à un taux d’échec élevé. Un masque laryngé a été étudié pour l’intubation difficile : le Fastracht permet de mieux centrer la sonde d’intubation, ici en silicone, et de relever l’épiglotte qui est souvent un obstacle à l’intubation sous masque laryngé [47]. • Intubation difficile avec vision glottique
Dans les situations imprévues, la fibroscopie impose qu’on n’insiste pas en laryngoscopie directe pour éviter un œdème et un saignement local. Chez ces patients endormis, la perte du tonus de la langue empêche la visualisation glottique, et il faut subluxer la mâchoire ou tirer sur la langue avec une pince pour améliorer cette visualisation. La visualisation de la glotte peut être obtenue par un prisme de Hufman qui se clippe sur la lame du laryngoscope et fait gagner un angle de 30° environ. La sonde est alors guidée sur un mandrin malléable. Le laryngoscope de Bullard [40] est équipé de fibres optiques. Sa lame très recourbée permet de passer en arrière de la langue qui est soulevée vers le haut, ce qui dégage la glotte et permet d’y glisser la sonde montée sur un guide rigide spécifique. Ce dispositif, qui évite de mobiliser le rachis, requiert une bonne ouverture de bouche. L’épiglotte doit souvent être chargée pour qu’elle ne gêne pas le passage de la sonde. Les structures anatomiques sont difficiles à reconnaître car elles paraissent très petites. Il faut donc s’y entraîner.
Contrôle des voies aériennes de sauvetage La technique d’oxygénation la plus simple en cas d’urgence absolue est la ventilation par ponction inter-crico-thyroïdienne. Un cathéter court de ponction intraveineuse est mis en place et le retour gazeux est vérifié par aspiration. On peut alors administrer de l’oxygène (4 à 6 L/min) qui assure l’oxygénation par diffusion au prix d’une hypercapnie rapide, ou mettre en route une jet-ventilation, soit à haute fréquence si un appareil de ce type est disponible, soit avec un dispositif de jet-ventilation manuel branché directement sur une prise murale, soit en se branchant sur le by-pass de l’appareil d’anesthésie. Toute obstruction des voies aériennes empêchant l’expiration entraîne un risque de barotraumatisme. L’abord trachéal en urgence ne peut se faire qu’avec un chirurgien très expérimenté, pour ne pas finir dans un saignement intratrachéal générateur de pneumopathie. page 5
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ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN CHIRURGIE STOMATOLOGIQUE ET MAXILLOFACIALE
Intubation prévue impossible
Intubation prévue difficile
Technique vigile + fibroscopie oxygène transtrachéal intubation rétrograde trachéotomie
Intubation difficile imprévue
Ventilation au masque inefficace
Ventilation au masque efficace
Algorithme (s) personnel (s)
Algorithme 1
Des kits de minitrachéotomie ou de cricothyroïdotomie à usage unique permettent la mise en place d’une canule de petit diamètre, soit en utilisant un trocart de ponction, soit en utilisant un guide introducteur après incision au bistouri de la membrane inter-crico-thyroïdienne. Ces petites canules permettent une ventilation manuelle chez l’adulte. Chez l’enfant, ces techniques exposent à des perturbations du carrefour aérodigestif et à une sténose laryngée, et doivent être évitées. Chez l’adulte enfin, le Combitubet permet de se tirer d’un mauvais pas, et d’attendre le réveil du malade. Ce dispositif muni de deux tubes et de deux ballonnets, l’un trachéal ou œsophagien et l’autre pharyngé, permet de ventiler le malade quelle que soit la position de son extrémité. Il est inefficace sur les obstacles trachéaux ou laryngés, et ne permet pas d’aspirer le malade [7].
AG +- curares
Anesthésie générale Ventilation spontanée
Installation et monitorage du malade
Algorithme 2
A
Ventilation efficace au masque
Essai autre technique (2 essais < 5 min)
guides souples autres
Succès
Échec
Chirurgie
Masque laryngé
Chirurgie Réveil
Succès
Échec ou CI
Intubation Fibroscope ou laryngoscopes spéciaux (2 essais < 5 min) Succès Réveil
Échec
B
Ventilation inefficace au masque
Masque laryngé
Chirurgie
Échec ou contre-indication
Succès Intubation
Réveil
Réveil
Échec
Succès
Autres techniques d'intubation
Échec
Coniotomie ou trachéotomie
Réveil
Saignement
Techniques de réduction du saignement
C
4 Algorithmes de l’intubation difficile proposés par la SFAR (Société française d’anesthésie-réanimation). A. Arbre décisionnel général. B. Algorithme 1. Arbre décisionnel en cas de ventilation efficace au masque facial. C. Algorithme 2. Arbre décisionnel en cas de ventilation inefficace au masque facial.
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La protection des voies aériennes supérieures est le souci essentiel de la chirurgie maxillofaciale. La fixation de la sonde d’intubation doit être rigoureuse pour éviter l’extubation accidentelle. Elle fait classiquement appel aux rubans adhésifs, qui peuvent se décoller du fait des mucosités ou des antiseptiques utilisés lors de la préparation du champ opératoire, ou gêner le chirurgien. On peut utiliser un cordon qui passe derrière la tête ou fixer la sonde par un fil. Il est passé autour d’une dent ou transfixie la cloison nasale. Les sondes préformées nasales se fixent par leur partie proximale, sur le front, libérant l’essentiel de la face pour le chirurgien. Lorsqu’une mobilisation de la tête est prévue pendant l’opération, il faut vérifier que, lors de celle-ci, les mouvements de la sonde d’intubation, qui peuvent atteindre plusieurs centimètres [28], ne provoquent pas une intubation sélective et ne lèsent pas les cordes vocales. L’accumulation de sang, de mucosités et de débris osseux ou dentaires dans l’oropharynx explique, qu’en plus du ballonnet, l’étanchéité au niveau des voies aériennes soit améliorée par un tamponnement pharyngé postérieur ou packing. Il prévient aussi la déglutition du sang, qui favorise les vomissements postopératoires. On le met en place avant de fixer la sonde, qui est ainsi plaquée contre la paroi du pharynx. Ce tamponnement est indispensable chez l’enfant si une sonde d’intubation sans ballonnet a été utilisée. Il est réalisé avec des éponges humidifiées et munies d’un fil de rappel qui permet son retrait en fin d’intervention, ou avec des mèches « à prostate » qu’il faut placer autour de la sonde sous contrôle de la vue avec la pince de Magill. Ce tamponnement peut être à l’origine d’un œdème de la langue qui peut empêcher l’extubation [36]. Il ne doit pas faire oublier l’aspiration régulière de l’oropharynx. L’insertion et l’ablation de ce tamponnement doivent apparaître sur la feuille d’anesthésie. La protection oculaire est impérative, et utilise une occlusion par adhésifs, voire par tarsorraphie si les incisions passent près des paupières [43]. Dans les interventions longues, ou si un packing ne peut être mis en place, une sonde nasogastrique permet de vidanger l’estomac du sang et des sécrétions en fin d’intervention pour prévenir nausées et vomissements postopératoires. L’installation du malade est soigneusement contrôlée au niveau des points d’appui, d’autant plus que la chirurgie sera longue, et le réchauffement est assuré par des dispositifs à air chaud pulsé, sous contrôle de la température centrale. Le monitorage minimal répond désormais à des normes [18] et peut être renforcé en fonction de la chirurgie, en particulier hémorragique, et du terrain.
Il est le plus souvent modéré en chirurgie maxillofaciale, et difficile à évaluer. Certains gestes exposent à des hémorragies importantes ou massives. C’est en particulier le cas de la chirurgie carcinologique, de la chirurgie des angiomes de la face et celle du fibrome nasopharyngien, et de la traumatologie [12] . Dans la chirurgie orthognatique, le risque de pertes importantes existe quand les deux maxillaires sont concernés [51] ou sur un os pathologique [12].
O2 transtrachéal
Succès
Stomatologie
L’utilisation d’un anesthésique local adrénaliné est fréquente en chirurgie maxillofaciale et permet de réduire le saignement dans une zone très richement vascularisée. Il faut veiller à ne pas dépasser la dose toxique des anesthésiques locaux (500 mg de lidocaïne pour un adulte [72] ) et des interférences de l’adrénaline avec les gaz halogénés utilisés pour l’entretien de l’anesthésie [43]. L’hypotension délibérée en utilisant l’isoflurane ou la trinitrine est sans danger chez le sujet ASA 1 ou 2 [52] mais son intérêt est discuté. L’anesthésie doit être profonde et stable pour éviter les à-coups tensionnels. La mise en position proclive favorise le retour veineux de la face, mais expose au risque d’embolie gazeuse, surtout en cas d’hypovolémie car la pression
Stomatologie
ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN CHIRURGIE STOMATOLOGIQUE ET MAXILLOFACIALE
veineuse centrale peut se négativer. De plus, il existe un risque d’hypoperfusion cérébrale si la pression artérielle moyenne est inférieure à 60 mmHg chez l’adulte sain. Cette pression se mesure en prenant pour zéro de référence le conduit auditif externe. Ces techniques d’hypotension imposent une ventilation en normocapnie. Dans la chirurgie des angiomes, des malformations artérioveineuses et des tumeurs très vascularisées, une embolisation préalable à la chirurgie peut être proposée pour réduire le saignement. C’est un geste souvent long, parfois fait sous anesthésie générale car il est douloureux dans certains territoires [12], exceptionnel en traumatologie [53]. Le saignement périopératoire peut être réduit par des moyens pharmacologiques [58] avec des résultats variables selon les centres. L’élévation de l’hématocrite par administration d’érythropoïétine pourrait diminuer les besoins transfusionnels [29].
Stratégie transfusionnelle Elle cherche à éviter la transfusion homologue en développant la transfusion autologue périopératoire. La transfusion autologue programmée est onéreuse et demande plusieurs semaines mais permet de recueillir, souvent fractionnées en concentré érythrocytaire et en plasma frais congelé (PFC), trois ou quatre unités de sang. Les contre-indications principales sont l’anémie, les causes cardiaques et les causes infectieuses [27], ce qui en limite les indications ici. Le patient peut recevoir de l’érythropoïétine pour augmenter le nombre de poches autologues [33]. L’hémodilution normovolémique simplifie le problème du recueil et améliore la viabilité des lambeaux en chirurgie reconstructrice [12]. Si on ne désire pas obtenir de PFC par les prélèvements de transfusion autologue, l’érythrocytaphérèse peut être faite 3 semaines avant l’acte opératoire, pour laisser au patient le temps de reconstituer son volume globulaire par stimulation de l’érythropoïèse. On prélève les hématies du patient en normovolémie, sur le même milieu que pour le sang total, et elles sont stockées en centre de transfusion. La restitution du sang recueilli, après lavage, est utilisable en chirurgie maxillofaciale si le saignement est massif, et doit être évalué en tenant compte du risque septique.
Problèmes infectieux La chirurgie maxillofaciale et odontologique se classe essentiellement dans les classes I (propre) et II (propre contaminé) d’Altemeier [43]. Dans la classe I, la chirurgie de l’articulation temporomaxillaire justifie l’emploi d’une céphalosporine [43] , comme la chirurgie plastique et reconstructrice [42]. Dans la classe II, malgré l’existence d’une flore commensale buccale aérobie (streptocoques) et anaérobie, les recommandations de la Conférence de consensus de la SFAR de 1992 ne retiennent pas la nécessité d’une antibioprophylaxie en l’absence de valvulopathie. La chirurgie d’exérèse tumorale, qui entre souvent dans la classe III, impose, plutôt qu’une antibioprophylaxie, une antibiothérapie en cas de difficulté de fermeture muqueuse, d’intervention longue, de radiothérapie et de lambeau myocutané [42] en visant les bactéries à Gram positif et les anaérobies [26]. Naturellement, cette antibioprophylaxie est adaptée en fonction du terrain allergique ou non, du malade. Les recommandations de la Conférence de consensus sont de donner une association clindamycine-gentamicine aux patients allergiques à la pénicilline.
Problèmes du réveil et de la période postopératoire Lorsque l’intervention ne compromet pas la liberté des voies aériennes, l’extubation se fait après réveil complet, disparition de toute curarisation (si besoin par antagonisation), réchauffement, récupération des réflexes laryngés et vidange gastrique si on soupçonne une déglutition peropératoire de sang. Dès l’extubation, il faut penser à vérifier l’articulé dentaire, car les ouvrebouches peuvent favoriser une luxation antérieure de la mandibule. L’œdème des parties molles, d’apparition rapide, peut compromettre la ventilation du malade et la vitalité des lambeaux. Il est combattu par l’administration de corticoïdes (prednisolone : 1 mg/kg) dès la période peropératoire, et poursuivie en postopératoire. Leur utilité dans la chirurgie de surface est discutée [57]. L’œdème des muqueuses nasales peut être limité par l’administration de sprays vasoconstricteurs, afin de faciliter la ventilation [43]. La mise en place d’une canule nasopharyngée permet, de même, de libérer les voies aériennes, tout en autorisant une aspiration des sécrétions et du sang pharyngés sans blesser les muqueuses [6]. Des aérosols adrénalinés peuvent être commencés dès la salle de réveil pour limiter l’extension œdémateuse. Les génioplasties peuvent être à l’origine d’un hématome du plancher de la bouche qui peut repousser la langue en arrière. Leur surveillance doit être attentive pendant plusieurs heures.
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Chez les malades qui bénéficient d’un blocage intermaxillaire, ou lorsqu’il existe un œdème postopératoire majeur, deux problèmes prennent un relief particulier : la difficulté de réintubation et le risque de vomissement. Il faut donc n’extuber ces malades qu’à coup sûr, en prenant un certain nombre de précautions. Un blocage par fils d’acier impose qu’une pince de Bebee soit disponible en permanence à la tête du lit pour les sectionner. Un blocage par élastique est sectionné par des ciseaux, qui ne doivent pas quitter le malade. Au réveil, constantes hémodynamiques et fonction respiratoire étant stables, on aspire parfaitement les sécrétions buccopharyngées et on laisse ventiler le malade autour de la sonde, ballonnet dégonflé. En cas de doute, il est possible d’extuber le malade sous fibroscopie, pour contrôler l’absence de sang dans les voies aériennes et avoir un guide pour une réintubation rapide et précoce. Lorsque l’opération a été longue et hémorragique, une aspiration gastrique peut être débutée au réveil, et maintenue si un suintement hémorragique persiste. Quoique peu adaptées à l’alimentation entérale, les sondes à double courant sont préférables, car elles se collabent moins que les sondes en silicone à simple courant. L’analgésie postopératoire doit être commencée très précocement. Les douleurs de la chirurgie de surface peuvent être traitées par les antalgiques banals : propacétamol ou néfopam, relayés par du paracétamol, avec un antiinflammatoire en odontologie. Dans la chirurgie osseuse, l’utilisation des morphiniques s’impose souvent. La nalbuphine et la buprénorphine posent le problème de leur antagonisation si une apnée suit leur administration. La morphine permet des modalités d’administration très diverses : intraveineuse directe ou en mode autocontrôlé par le patient (PCA), sous-cutanée, mais aussi orale qu’il s’agisse des formes retard, ou du sirop pour les enfants, pour lesquels le sirop de codéine est une autre option. Tous les morphiniques favorisent nausées et vomissements. La fréquence de la maladie thromboembolique dans cette chirurgie serait très basse, estimée à 0,06 % par Lowry [45]. La chirurgie carcinologique est la plus exposée à ce type de complication, suivie de la traumatologie. Une attention constante doit être portée aux facteurs de risque, dont l’association multiplie le risque plutôt qu’il ne l’additionne.
Anesthésie générale en fonction des interventions Anesthésie en odontologie L’anesthésie générale est rarement nécessaire chez l’enfant pour pratiquer des soins dentaires. Chez les enfants pusillanimes, une prémédication (midazolam intrarectal) peut suffire à diminuer l’anxiété liée à ces interventions. Néanmoins, l’anesthésie générale peut être rendue indispensable si les soins sont longs, en particulier pour les enfants handicapés mentaux, chez qui une seule séance doit permettre de réaliser un geste complet, réparation de dent cassée ou traitement de plusieurs caries par exemple. Ces enfants doivent être soigneusement évalués, car il n’est pas exceptionnel que l’accès aux voies aériennes soit difficile et qu’ils soient porteurs de plusieurs tares : ainsi les trisomiques 21 ont une valvulopathie dans un cas sur deux, leur larynx est souvent petit et leur morphologie rend difficile l’intubation. Si le geste dure 1 ou 2 minutes et n’est pas hémorragique, on peut se contenter d’une anesthésie aux gaz anesthésiques halogénés tels que l’halothane, ou, plus récent, le sévoflurane : après une induction au masque facial, l’entretien se fera avec une canule nasopharyngée ou un masque nasal [78] . Les gestes plus longs ou qui saignent imposent une intubation. Chez l’adolescent, l’extraction des dents de sagesse ne peut pas toujours se faire au fauteuil, surtout quand elles sont incluses. Ce sont des malades souvent difficiles à prémédiquer suffisamment pour qu’ils soient calmes à l’arrivée au bloc opératoire. Le méchage préalable à l’intubation nasotrachéale est difficile à faire correctement, et il est souvent plus simple de le faire après l’induction, en attendant 2 ou 3 minutes avant d’intuber. L’utilisation du propofol et de l’anesthésie locale par spray de lidocaïne permet souvent d’éviter les curares, et donc une sensibilisation précoce des patients. Le masque laryngé [78] et le masque laryngé armé [15] sont proposés comme alternative à l’intubation, mais ils se déplacent dans 30 % des cas environ [78], malgré l’expérience des opérateurs. Un packing empêche une ingestion ou une inhalation des débris dentaires. L’odontologie de l’adulte se pratique sous anesthésie générale chez les patients anxieux, psychiatriques ou retardés mentaux. Il s’agit souvent d’extractions multiples, parfois suivies de la mise en place de prothèses provisoires. Il existe alors, en général, une parodontite évoluée qui favorise une bactériémie peropératoire, et une antibioprophylaxie n’est pas inutile. Certains actes peuvent se faire en ambulatoire, même avec une intubation, si la durée n’excède pas 1 heure et demie. Les enfants et les adultes handicapés mentaux sont moins perturbés par cette forme d’hospitalisation, qui est possible s’ils n’ont pas de pathologie autre et si un familier proche peut assurer leur garde à domicile. page 7
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ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN CHIRURGIE STOMATOLOGIQUE ET MAXILLOFACIALE
La chirurgie hémorragique, douloureuse en postopératoire, ou qui retarde la reprise alimentaire orale, impose une hospitalisation. C’est le cas des ostéoplasties et de la chirurgie reconstructrice, et en cas de trismus ou de blocage intermaxillaire. Il faut alors procurer aux malades une alimentation liquide, absorbée à la paille. L’alimentation par sonde gastrique permet de fournir un apport calorique de meilleure qualité et de protéger les sutures endobuccales. Toute prise en charge spécifique de la période périopératoire impose l’hospitalisation. Les soins odontologiques s’accompagnent d’une bactériémie transitoire qui nécessite une prévention de l’endocardite par amoxicilline et gentamicine chez les patients porteurs d’une valvulopathie.
Chirurgie des dysmorphoses dentomaxillaires Les ostéotomies proposées dans les dysmorphoses dentomaxillaires concernent le plus souvent des patients jeunes. L’objectif est d’éviter une altération précoce des dents et de l’articulation temporomaxillaire en rétablissant un articulé dentaire satisfaisant. De nombreuses ostéotomies sont possibles, seules ou associées, pour avancer ou reculer le maxillaire supérieur (opération de Wasmund, ostéotomies d’avancement de type Le Fort I...), ou le maxillaire inférieur (ostéotomie d’avancement d’Obwegeser). C’est une chirurgie longue, potentiellement hémorragique, rarement urgente, pour laquelle l’âge des patients justifie que soit organisée une transfusion autologue programmée. Dans les actes de type Le Fort I, l’opérateur peut étirer et léser l’artère maxillaire par l’artère palatine descendante [54]. Les ostéotomies d’Obwegeser passent près de la carotide externe ; l’hématome compressif du cou est une des complications de ce geste. Enfin, les génioplasties peuvent être à l’origine d’un hématome du plancher de la bouche qui entraîne des troubles asphyxiques. L’association de plusieurs gestes d’ostéotomie augmente le risque hémorragique [51]. Les techniques d’hypotension contrôlée peuvent faciliter le travail du chirurgien en rendant le champ moins hémorragique [54]. Tous ces actes se font avec un tamponnement pharyngé qui arrête le sang, les sécrétions, mais aussi les microplaques et les vis qui peuvent échapper à l’opérateur lors du temps intrabuccal. S’agissant d’une chirurgie avec ouverture des muqueuses de type propre-contaminé, avec de plus en plus pose de matériel d’ostéosynthèse, une antibioprophylaxie doit être entreprise, par céfazoline ou association amoxicilline- inhibiteur des bêtalactamases.
Chirurgie de l’articulation temporomaxillaire C’est une chirurgie réglée qui concerne souvent des patients à l’ouverture de bouche très limitée, ce qui en fait des candidats à l’intubation sous fibroscope ou à l’aveugle. L’intubation est nasotrachéale de préférence, pour permettre au chirurgien de mobiliser la mandibule et de vérifier la fonction articulaire. C’est une chirurgie faite dans un champ étroit, pour laquelle un champ exsangue doit être recherché par des techniques d’hypotension. L’artère maxillaire passe au fond de ce champ ; son hémostase est difficile. Comme toute chirurgie articulaire, elle est exposée à l’infection, et elle doit donc bénéficier d’une antibioprophylaxie antistaphylococcique et d’une asepsie rigoureuse. En cas de reconstruction par des implants osseux, un blocage peut être nécessaire. La levée d’une ankylose importante s’accompagne parfois d’un œdème de la paroi pharyngée qui retarde l’extubation [57]. Les prothèses totales de l’articulation exposent particulièrement aux lésions de l’artère maxillaire. L’arthroscopie temporomaxillaire a des indications réduites.
Chirurgie plastique maxillofaciale Chirurgie esthétique Les liftings sont le plus souvent purement esthétiques. Ils corrigent rarement une paralysie faciale. Les patients ont généralement entre 40 et 60 ans, et il importe d’évaluer avec précision leur état cardiovasculaire, et de dépister toute anomalie pouvant créer un risque anesthésique ou chirurgical. Il ne paraît pas licite de prendre le moindre risque en chirurgie esthétique pure. Ces actes de 2 à 3 heures, qui rentrent donc dans la chirurgie longue, se font généralement sous anesthésie générale avec intubation nasale. La fixation par un fil passé dans la cloison nasale est préférable à l’emploi du sparadrap parce qu’elle permet de respecter la symétrie des traits du visage. C’est une chirurgie propre. Le décollement cutané est fait par une infiltration adrénalinée qui limite le saignement : s’il s’agit de lidocaïne, il faut faire attention aux quantités utilisées par les chirurgiens, qui peuvent facilement dépasser les doses toxiques. Le pansement peut occlure les yeux. Il n’y pas d’intérêt à administrer des corticoïdes. Le geste peut être envisagé sous anesthésie locale et prémédication par benzodiazépines, avec de la part de l’équipe anesthésique une vigilance identique compte tenu du risque de dépression respiratoire et des quantités d’anesthésique local qui peuvent être utilisées. page 8
Stomatologie
Les rhinoplasties ont en général un intérêt purement esthétique. S’agissant d’un acte sans grand décollement muqueux et sans déplacement de la tête, on peut envisager de le réaliser sous masque laryngé armé, en utilisant néanmoins un packing [77]. Le problème du déplacement peropératoire demeure cependant, en particulier si l’anesthésie est trop légère. Les blépharoplasties sont des actes habituellement faits sous anesthésie locale pure, dont la durée excède rarement une demi-heure. Chez les diabétiques, existerait un risque de spasme de l’artère centrale de la rétine, et donc de cécité. Les cures des pertes de substance, notamment dans les suites de chirurgie carcinologique, s’appuient sur la réalisation de lambeaux soit locorégionaux, depuis le grand pectoral ou la région dorsale, soit microanastomosés. C’est alors une chirurgie très longue, qui dépasse couramment 8 à 12 heures, dont les pertes sanguines sont certaines, mais difficilement quantifiables ; il faut faire des bilans intermédiaires pour confirmer les résultats horaires des microhématocrites, et ne pas oublier de mettre en place une sonde urinaire. Le malade est le plus souvent réveillé en réanimation, le lendemain de l’intervention. La chirurgie des rétractions cicatricielles les plus simples repose sur des plasties : l’anesthésiste s’adaptera à leur situation. Lorsque la surface à corriger est importante, le chirurgien peut être amené à mettre en place un expandeur cutané, qui sera gonflé au sérum physiologique pour obtenir un excès de peau ; dans un deuxième temps, la zone cicatricielle est réséquée et recouverte par glissement. La mise en place de l’expandeur doit se faire dans des conditions parfaites d’asepsie, puisqu’il y a mise en place d’un corps étranger. Nous n’avons pas trouvé d’attitude définitive sur l’éradication des foyers infectieux (dentaires, sinusiens…) ; dans des surinfections survenant plusieurs semaines après la pose, la question mériterait peut-être d’être envisagée. Ces gestes sont peu hémorragiques, et en dehors du terrain, seule la situation de l’expandeur gonflé peut être gênante : cervicaux ou occipitaux, ils limitent l’extension de la tête ou l’ouverture de la bouche. Même à 1 mois d’intervalle, il faut donc revoir ces patients en consultation.
Chirurgie plastique chez le brûlé de la face Pour l’anesthésiste, le brûlé de la face occupe une place à part dans la chirurgie plastique de la face. Souvent, il a été intubé ou trachéotomisé, et les sténoses trachéales sont d’autant plus fréquentes que l’arbre bronchique a été brûlé. Les brides rétractiles rendent l’extension du cou impossible, la microstomie est la règle, et les orifices narinaires sont souvent étroits. La difficulté d’intubation est donc habituelle, et il ne faut jamais la sous-estimer. En cas de difficulté, un masque laryngé, de taille adaptée à la corpulence, peut en général être inséré malgré la microstomie. La prise des accès veineux impose l’utilisation de matériel pédiatrique, souvent sur les pieds, et la crème Emlat, utilisée pour rendre ces ponctions moins douloureuses, est peu efficace du fait de l’épaississement du revêtement cutané. La protection oculaire doit utiliser des gels plutôt que les larmes artificielles, car l’occlusion palpébrale est volontiers imparfaite. Les prises de greffe de peau mince sont plus douloureuses que celles de peau épaisse. C’est une chirurgie habituellement peu hémorragique, mais le phénotypage des culots globulaires, s’il est nécessaire, est d’autant plus indispensable qu’il s’agit de patients aux antécédents transfusionnels chargés. Les rétractions cutanées peuvent déformer le squelette oromaxillofacial et ajouter aux difficultés d’intubation [55].
Chirurgie des glandes salivaires La seule difficulté des parotidectomies, partielles ou totales, est la dissection du nerf facial, qui passe en pleine glande. Cette dissection s’aide souvent d’un stimulateur de nerf qui le repère en contractant la commissure labiale. Le patient ne doit donc pas être curarisé. Les opérations sur les glandes sous-maxillaires exposent à des lésions nerveuses périphériques, qui entraînent une gêne fonctionnelle au niveau de la langue.
Chirurgie des anomalies vasculaires de la face Pour l’anesthésiste, la chirurgie des angiomes de la face présente avant tout un risque hémorragique, qui peut aller jusqu’à engager le pronostic vital. Il s’agit d’une chirurgie rarement urgente, qui concerne surtout le sujet jeune. Le patient doit entrer dans un programme d’autotransfusion. La banque de sang constituera une réserve immédiatement disponible au bloc opératoire. L’embolisation du territoire vasculaire concerné dans les jours qui précèdent l’intervention diminue le saignement [11]. L’intervention se fait après mise en place de plusieurs grosses voies veineuses et d’une pression artérielle sanglante, en utilisant au maximum les techniques d’hypotension contrôlée. Les malformations vasculaires de l’adulte s’accompagnent souvent d’anomalies osseuses qui peuvent compliquer le contrôle des voies aériennes [17].
Stomatologie
ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN CHIRURGIE STOMATOLOGIQUE ET MAXILLOFACIALE
Chirurgie carcinologique La carcinologie en stomatologie est le plus souvent la localisation d’un cancer des voies aérodigestives chez l’alcoolotabagique de plus de 40 ans. Le bilan préopératoire doit rechercher le retentissement de ces habitudes toxiques. L’artérite et la coronaropathie, l’insuffisance respiratoire chronique parfois avancée, l’altération de la fonction hépatique et donc de la synthèse des facteurs de coagulation, sont fréquentes. Chez ces patients multicarencés, amaigris, dénutris, l’extension locale peut modifier la stratégie d’accès aux voies aériennes. Les conséquences de la toxicité propre d’une chimiothérapie antérieure doivent être recherchées. La radiothérapie préalable rend les tissus plus fragiles, inflammatoires, et les muqueuses saignent facilement au contact. L’accès aux voies aériennes est rarement simple, des modifications anatomiques locales modifiant les repères habituels. Une nasofibroscopie au fauteuil préalable à l’intervention permet de les visualiser. L’induction doit se faire en présence d’un chirurgien apte à faire une trachéotomie de sauvetage et, si une sédation est nécessaire, elle utilisera des produits dont les effets sont rapidement réversibles. Ce sont des interventions longues, hémorragiques, mutilantes, qui peuvent s’accompagner d’une trachéotomie et de lambeaux myocutanés. La prévention des infections passe par une antibiothérapie d’au moins 5 jours orientée sur les anaérobies en utilisant l’association amoxicilline-acide clavulanique. En période postopératoire, le malade est ventilé jusqu’au retour à la normothermie et la correction de l’éventuelle anémie. Souvent, on attend 24 heures avant de le rendre à la ventilation spontanée, avec des aérosols. La canule de trachéotomie est enlevée quand l’œdème postopératoire a totalement disparu. La gastrostomie perendoscopique (GPE) a permis de remplacer la nutrition parentérale sur cathéter central par une nutrition entérale continue commencée 24 heures après l’intervention. Ce dispositif est mis en place en début d’intervention ou quelques jours avant. Il supprime une porte d’entrée septique souvent proche du site opératoire, et est plus efficace dans la prévention de l’ulcère de stress. Les complications sont fréquentes. Les surinfections pulmonaires résultent du terrain tabagique et des fausses routes salivaires. La désunion des sutures est d’autant plus fréquente que les tissus ont été irradiés ; ces orostomes ou pharyngostomes posent le problème de leur fermeture. Enfin, ce sont les opérés de chirurgie maxillofaciale les plus exposés aux accidents thromboemboliques.
Chirurgie des dysmorphoses craniofaciales et buccopharyngées Cette chirurgie [43, 48, 62] concerne essentiellement des enfants, dans l’objectif de corriger des anomalies qui peuvent entrer dans le cadre d’un syndrome polymalformatif. Ces anomalies demandent souvent des actes répétés, dont la précocité dépend de la mise en jeu du pronostic vital [43]. Il n’est pas question de passer ici en revue les différents syndromes, vu leur nombre. Leur définition et leurs implications précises en termes d’anesthésie et de réanimation sont détaillées ailleurs [48]. Les arguments pour une chirurgie précoce sont la qualité de la cicatrisation, la diminution des troubles fonctionnels et la meilleure acceptation de la malformation par la famille.
Consultation d’anesthésie Lors de sa consultation, l’anesthésiste doit porter toute son attention à deux problèmes : d’une part, la nature et les conséquences du syndrome malformatif, et, d’autre part, la ventilation et l’abord trachéal de l’enfant. Les malformations associées peuvent être cardiovasculaires, métaboliques, vertébrales ou neurologiques (hypertension intracrânienne). Une cardiopathie impose une prévention de l’endocardite bactérienne pour les actes portant sur les voies aériennes et la bouche. On envisage une obstruction des voies aériennes devant la notion d’apnées du sommeil, de sueurs nocturnes ou de stridor, au repos, lors du cri ou de la prise du biberon. L’examen cherche un ronflement, un battement des ailes du nez, un tirage. Les malformations et le reflux gastro-œsophagien peuvent favoriser les fausses routes et les infections pulmonaires récidivantes [48]. La fréquence de l’intubation difficile n’est pas connue chez l’enfant, et cette difficulté évolue dans le temps du fait de la croissance. À l’examen de face, on cherche l’état et le chevauchement des dents, un palais ogival, la taille et la mobilité de la langue, une asymétrie ou une hypotrophie des reliefs osseux. L’ouverture de bouche, chez l’enfant coopérant, doit être supérieure à 20 mm. L’examen du profil recherche une rétromicrognathie et la mobilité du rachis cervical. Les examens complémentaires varient avec l’opération envisagée. Dans certains cas, on peut s’en passer [62] ; chez l’enfant en âge de marcher, les hématomes dus aux multiples chutes permettant d’éliminer un trouble de l’hémostase. Les examens radiologiques [20], éventuellement l’imagerie par résonance magnétique (IRM), peuvent aider à évaluer une difficulté d’intubation. L’évaluation des besoins transfusionnels peut déboucher sur un programme d’autotransfusion à partir de 10 kg.
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Lors de la visite préanesthésique, on contrôle surtout l’absence d’infection aiguë avec hyperthermie, qui contre-indiquerait la chirurgie. La prémédication est contre-indiquée quand existe une glossoptose [43]. Sinon, elle utilise du midazolam intrarectal. Au réveil, le contrôle de la douleur utilise les antalgiques usuels.
Chirurgies L’anesthésie pédiatrique a des particularités sur lesquelles il n’est pas question de revenir. Dans cette chirurgie où opérateurs et anesthésistes partagent les voies aériennes, le risque de déplacement de la sonde d’intubation doit être d’autant plus limité que la trachée du petit enfant est très courte. Les actes les plus fréquents portent sur les fentes labiomaxillopalatines (une naissance sur 700) isolées dans 85 à 90 % des cas [48, 62]. La fermeture chirurgicale de la lèvre et de la partie postérieure du palais est réalisée d’autant plus tôt que la malformation est sévère, entre le premier et le septième mois, la fermeture complète du palais entre 12 et 18 mois [61]. L’intubation est orotrachéale, et complétée par un packing. Le saignement n’est pas négligeable. L’antibiothérapie, qui s’étale sur 1 semaine, vise Haemophilus influenzae, et est associée à une corticothérapie pendant les 6 premières heures. À la fin du geste, l’enfant ne doit pas pouvoir mettre ses doigts sur le site opératoire. Les pharyngoplasties sont faites entre 4 et 10 ans pour réduire l’insuffisance vélopharyngée qui cause une voix nasonnée. Le lambeau peut entraîner une obstruction, souvent modérée et temporaire, mais dont l’importance peut nécessiter une réintubation et une reprise chirurgicale. L’œdème et l’association à d’autres malformations craniofaciales peuvent aggraver cette obstruction. Les micrognathies, dont la plus connue est le syndrome de Pierre Robin, associent une glossoptose, un retrait mandibulaire et une division vélopalatine. Le reflux gastro-œsophagien est fréquent. Les troubles respiratoires et de déglutition peuvent aboutir à une mort subite. Le degré d’obstruction des voies aériennes permet de prédire la difficulté de ventilation au masque et d’intubation [49]. Divers procédés permettent de contrôler les voies aériennes : lorsque la laryngoscopie directe n’est pas possible, l’intubation peut être tentée à l’aveugle chez un enfant en décubitus ventral, tête en hyperextension, ou à travers un masque laryngé. La fibroscopie utilise des appareils très fins : le moins gros est dépourvu de canal opérateur, parfois utilisé pour l’administration d’oxygène. Elle peut être faite à travers un masque laryngé. Celui-ci est un moyen de sauvetage efficace lorsque les autres manœuvres ont échoué [49]. D’autres malformations peuvent se voir, avec limitation ou impossibilité d’ouverture buccale, avec augmentation des parties molles, avec hémihypertrophies faciales, diminution de la mobilité cervicale ou craniofacio-sténose. Certaines sont accessibles à des actes simplement palliatifs [43]. Les techniques d’intubation sont comparables à celles proposées dans le syndrome de Pierre Robin [32, 34].
Traumatologie Dix-sept pour cent des traumatisés ont un traumatisme de la face ou du nez. Les traumatismes maxillofaciaux purs n’imposent pas une chirurgie urgente. Lorsque le pronostic vital est mis en jeu, les troubles asphyxiques et la spoliation sanguine en sont la cause. Lors de la prise en charge, il ne faut pas se laisser impressionner par l’aspect spectaculaire et faire un bilan étiologique et lésionnel complet en pensant aux séquelles, essentiellement visuelles et masticatoires.
Étiologies Les causes des traumatismes maxillofaciaux sont en rapport avec l’âge, le sexe et la consommation d’alcool [31]. Chez l’enfant de moins de 15 ans, les chutes sont au premier plan, et les fractures sont rares [70]. Entre 15 et 50 ans, les rixes, souvent dans un contexte d’alcoolisation, sont les causes les plus fréquentes, mais ce sont les piétons et les cyclistes victimes d’un accident de la voie publique qui sont les plus graves. Au-delà de 50 ans, les chutes viennent en première position ; leur cause peut être cardiovasculaire, neurologique, toxique ou accidentelle. Les traumatismes par arme à feu affectent souvent l’ensemble du visage sans être fatals. La fréquence de ces traumatisés augmentent dans les explosions (terrorisme) [21] ; les lésions dues au blast, souvent méconnues, affectent surtout le tiers médian de la face [68] .
Prise en charge des urgences de chirurgie maxillofaciale Troubles asphyxiques Ce sont la principale cause de décès en cas de traumatisme facial majeur. L’obstruction des voies aériennes peut être due à de la salive, des caillots ou des vomissements, à des corps étrangers, à un hématome ou à un œdème des page 9
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Stomatologie
parties molles dont la constitution progressive peut aggraver tardivement le blessé, à un traumatisme laryngotrachéal ou à un fracas mandibulaire avec chute de la langue. Une fracture de la mandibule, un trismus ou un collier cervical peut gêner l’ouverture de la bouche. Mais un coma, un traumatisme haut du rachis ou une lésion thoracique, peuvent être la cause première de ce trouble ventilatoire. La position latérale de sécurité, l’aspiration buccale, une traction de la langue par une pince, un fil ou une broche de Kirchner passée en transjugal, peuvent régler la situation. L’intubation se fait dans les conditions les plus défavorables ; le blessé, estomac plein, est toujours susceptible de vomir, la préoxygénation est difficile, les rapports anatomiques sont modifiés et, surtout, le rachis est hautement suspect. Tant que l’imagerie médicale n’exonère ni le rachis, ni la base du crâne, l’intubation sera orotrachéale, comme le passage de la sonde gastrique [22]. La fibroscopie du malade vigile est difficile dans ce contexte hémorragique, mais l’utilisation d’un guide lumineux ou l’intubation rétrograde sont possibles. Les dispositifs de minitrachéotomie et la ponction intercricothyroïdienne ou transtrachéale constituent deux moyens rapides de traiter l’hypoxie.
rapidement, mais possède un potentiel hémorragique qui impose, quand elle est réduite sous anesthésie générale, une protection des voies aériennes. Quoique la plupart soient traitées avec une intubation, le masque laryngé est employé dans certaines séries [76]. Le risque d’abcès de la cloison nasale impose une antibioprophylaxie. Les fractures du malaire peuvent demander une ostéosynthèse par miniplaque ; c’est une chirurgie propre faite par abord sous-conjonctival, comme la réduction des fractures du plancher de l’orbite. Celles-ci deviennent urgentes quand existe une incarcération du muscle oculomoteur droit inférieur.
Urgences hémorragiques
Au réveil, ces blessés ont souvent un blocage intermaxillaire, et, du fait de l’œdème et du suintement sanguin, l’extubation se fait après récupération des réflexes de toux et de déglutition. Si la ventilation doit se poursuivre, on peut faire une trachéotomie d’emblée, ou, plus exceptionnelle, une intubation sous-mentale.
Chez le traumatisé maxillofacial, les hémorragies qui mettent en jeu le pronostic vital sont rares, estimées à 5 % [3], mais souvent impressionnantes. Le plus souvent, elles peuvent être contenues par une bonne hémostase ou par un tamponnement nasal, mais, quelquefois, il faut avoir recours à l’embolisation pour y mettre fin [53]. Le contrôle de l’hémodynamique n’a rien de spécifique et repose sur le remplissage vasculaire par des cristalloïdes, des macromolécules, puis des produits sanguins, après mise en place de cathéters courts périphériques de gros calibre.
Chirurgie des traumatismes maxillofaciaux Parmi les lésions simples du massif facial, les plus fréquentes sont les fractures du nez et des autres reliefs osseux. La fracture du nez se réduit
Les fractures du massif facial ont été classées par Le Fort en trois classes. La classe I détache l’arcade dentaire supérieure du reste du massif facial. Dans les fractures de classe II, l’enfoncement de la pyramide nasale la sépare, avec les maxillaires supérieurs, du reste du squelette. La classe III sépare le crâne de la face. Les classes II et III peuvent entraîner un risque de méningite posttraumatique par fracture de la lame criblée ethmoïdale et écoulement de liquide céphalorachidien. Le saignement d’une déchirure de la muqueuse ou un épistaxis pose le problème de l’induction de l’estomac plein chez des blessés dont le rachis cervical est suspect.
Conclusion à la traumatologie Une asphyxie persistante après désencombrement buccopharyngé et traction de la langue, ou une perturbation hémodynamique grave sans un saignement extériorisé important, doit faire soupçonner une lésion vitale sérieuse : traumatisme crânien ou lésion du rachis cervical, lésion laryngée ou thoracique ou hémorragie intra-abdominale ou intrathoracique [75].
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-360-A-30
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Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur B Lombard
Résumé. – L’avènement d’une technologie nouvelle a fréquemment constitué, dans l’histoire moderne de la médecine, le point de départ d’une nouvelle discipline, soit en augmentant l’acuité perceptive du médecin, source de nouvelles possibilités diagnostiques, soit en s’interposant entre la main du thérapeute et le corps malade, source d’affinement de l’acte thérapeutique. Ainsi en est-il du microscope, de l’électrocardiographe, ou encore des rayons X, chacun à l’origine de spécialités médicales majeures. Il est bien tôt encore pour se prononcer sur l’impact qu’auront sur l’art chirurgical les techniques d’assistances numériques, disponibles que depuis très peu de temps. Mais, outre le fait qu’elles risquent de devenir rapidement incontournables, il se pourrait qu’elles conduisent non seulement à une nouvelle manière d’opérer, mais aussi à une façon différente de penser la chirurgie. Le but du présent article est de présenter dans leurs grandes lignes les concepts qui président à la chirurgie à assistance numérique, certains aspects techniques inévitables pour concevoir la manière d’utiliser ces systèmes et ce qu’il est raisonnable d’en attendre en l’état actuel des connaissances. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : chirurgie assistée par ordinateur, chirurgie craniofaciale, chirurgie maxillofaciale, assistance numérique.
Introduction La chirurgie assistée par ordinateur a pour but d’offrir au chirurgien une assistance sous forme de guidage lors d’interventions portant sur des régions anatomiques complexes, à haut risque fonctionnel ou vital, et où l’étroitesse de la voie d’abord pratiquée ne permet pas un repérage direct constant, visuel et tactile. Cette définition élimine les situations périopératoires où l’ordinateur est présent, comme il l’est d’ailleurs devenu dans la plupart des actes, même les plus courants, de toute activité professionnelle. Nous écartons également de ce cadre la cyberchirurgie ou chirurgie réalisée par robot, car elle pose des problèmes différents, encore imparfaitement résolus, et elle n’est pas chirurgie puisque, stricto sensu, la chirurgie est un acte manuel. Au plan sémantique, cette technologie est trop récente pour avoir un nom définitif. Le terme de chirurgie guidée par l’image est souvent avancé, mais il ne permet pas d’en distinguer la chirurgie vidéoendoscopique qui se pratique sans ordinateur. Les termes « neuronavigation » et « sinusonavigation » sont trop restrictifs. Le terme franglais surgétique, parfois utilisé, est vide de toute étymologie et donc de sens. L’acronyme CAO est déjà réservé pour signifier la conception assistée par ordinateur. Nous proposons le terme de chirurgie infodromique (de info et dromos : trajet, chemin).
logique de la considérer comme le prolongement naturel de la chirurgie stéréotaxique, née bien avant l’ère des ordinateurs, puisque les premiers cadres stéréotaxiques sont apparus à la fin du siècle dernier. CHIRURGIE STÉRÉOTAXIQUE SUR CADRE
En 1908, Clarke et Horsley décrivent une méthode de topographie rectilinéaire du cerveau de macaque Rhésus et mettent au point le premier cadre stéréotaxique moderne, dont la complexité préfigure le problème général du référencement et du recalage (cf infra) (fig 1). Ce système leur permet d’appliquer des courants électriques lésionnels en différents points du cerveau à travers des aiguilles isolées et guidées grâce à ce cadre. En 1947, Spiegel reprend les travaux de Clarke et Horsley et décrit une méthode alternative à l’effroyable lobotomie frontale d’Egas Moniz, en générant des lésions électriques du nucleus médian et du thalamus sécurisées grâce à un cadre stéréotaxique [18]. Ses résultats ne sont guère meilleurs que ceux de Moniz, mais aboutissent à une psychochirurgie moins hémorragique et donc moins létale.
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Cadre stéréotaxique de Horsley et Clarke (1908).
Historique La chirurgie assistée par ordinateur a pour objet essentiel d’offrir à l’opérateur une assistance sous forme de guidage, dans le but d’améliorer la précision de son geste. Pour cette raison, il semble
Bertrand Lombard : Chirurgien spécialiste des Hôpitaux des Armées, hôpital d’Instruction des Armées Desgenettes, service d’oto-rhino-laryngologie, 108, boulevard Pinel, 69275 Lyon cedex 03, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lombard B. Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-360-A-30, 2003, 8 p.
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Cadre stéréotaxique de Perry.
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Le « Neuronavigator » de Watanabe.
Talairach, à Paris, publie en 1949 son célèbre atlas stéréotaxique basé sur une série de dissections cérébrales soigneusement mesurées dans un repère cartésien triplanaire et qui, 50 ans plus tard, constitue toujours une référence. RADIOLOGIE CRANIOENCÉPHALIQUE
Mais les travaux précités ignorent le potentiel formidable de l’imagerie médicale et s’appuient sur une analyse statistique de la topographie encéphalique humaine, acquise à travers la dissection post mortem. C’est probablement Cushing, vers 1914, qui le premier a pressenti l’intérêt considérable de la radiographie craniofaciale. Pour déterminer une stratégie d’abord opératoire de la selle turcique pour hypophysectomie, il développe une méthode de mensuration de clichés radiologiques pris sous des incidences précises [4]. Et ainsi, pendant un demi-siècle, les techniques vont s’affiner peu à peu, aboutissant à une multitude d’indices, repères et autres ratios utilisés comme guides par les neurologues qui deviendront peu à peu neurochirurgiens avec l’individualisation de cette discipline. L’idée d’utiliser un ordinateur pour piloter un générateur de rayons X remonte au début des années 1960 avec le neurologue californien Oldendorff, qui publie un rapport sur l’insuffisance de l’imagerie encéphalique traditionnelle comparée aux possibilités d’exploration d’autres organes et souligne le danger des méthodes d’encéphalographie iodée, gazeuse ou d’angiographie cérébrale. Il suggère l’utilisation d’un ordinateur pour piloter avec précision un tomographe classique. Mais le problème est complexe et les ordinateurs encore rudimentaires. Il faut attendre 1972 pour que la pugnacité de l’ingénieur anglais Hounsfield, prix Nobel de médecine, aboutisse à la première coupe transversale de la tête d’un patient en 5 minutes. La médecine numérique est née et la chirurgie assistée par ordinateur n’en sera qu’une conséquence. L’apparition ultérieure de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) étendra le champ de l’imagerie, mais sa précision est encore limitée comparée à celle de la tomodensitométrie : l’IRM fait de belles images, mais elles sont peu précises topographiquement. Désormais, la stéréotaxie ne sera plus envisagée autrement que couplée au scanner : Leksell imagine un nouveau cadre [12], que perfectionnent Berstrom et Greitz. Le cadre de Brown [2] permet de placer une sonde cérébrale avec une précision moyenne de 1,8 mm, précision que Perry améliore encore grâce à des marqueurs opaques repérés avec plus de finesse (fig 2). Aujourd’hui, les cadres stéréotaxiques sont peu à peu abandonnés au profit de systèmes dits frameless.
proprement parler de système de navigation, mais simplement d’accessoires de visée balistique. Les neurochirurgiens qui les utilisent savent le temps consommé par leur installation et les calculs trigonométriques qui s’y associent obligatoirement. On comprend dès lors le formidable intérêt suscité en 1987 par la publication des travaux de Watanabe, neurochirurgien du Tokyo General Hospital [22]. Le « Neuronavigator » (fig 3) qu’a mis au point son équipe pour pratiquer l’exérèse de tumeurs cérébrales diverses utilise un bras mécanique relié à un ordinateur dans lequel ont été préalablement introduites les images tomodensitométriques du patient. La précision est médiocre, l’erreur atteint parfois 10 mm. L’ordinateur ne peut stocker que six images. La présence d’un ingénieur en salle d’opération est indispensable au fonctionnement de l’appareil. Le Neuronavigator, trop cher et peu précis ne sera jamais commercialisé, mais la chirurgie assistée par ordinateur est inventée. CHIRURGIE CRANIO-MAXILLO-FACIALE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR
STÉRÉOTAXIE SANS CADRE
Initialement développés pour leurs applications en neurochirurgie, les systèmes de navigation suscitent très vite l’intérêt d’équipes chirurgicales oto-rhino-laryngologiques et maxillofaciales, elles aussi confrontées aux problèmes du repérage anatomique peropératoire. En effet, l’avènement de l’endoscope moderne permet une chirurgie mini-invasive permettant l’accès à des régions très enclavées comme le labyrinthe ethmoïdal, la base antérieure du crâne ou encore la fosse ptérygomaxillaire. Des interventions comme celle de De Lima, abandonnées pour leur très haut risque fonctionnel ou vital, sont alors repensées sous l’angle de l’endoscopie par des équipes comme celle de l’Autrichien Messercklinger, avec des résultats autrement meilleurs et une morbidité raisonnable. La chirurgie endoscopique s’impose. Mais elle a aussi ses désavantages : les optiques panoramiques modernes entraînent une déformation sphérique de l’image aboutissant à des erreurs de perception du champ opératoire qui peuvent atteindre près de 1 cm pour un opérateur non entraîné. Les voies d’abord utilisées, essentiellement endonasales, sont très exiguës et rendent difficile un geste hémostatique. La chirurgie infodromique craniofaciale, introduite vers 1997, apparaît comme une solution très intéressante à ces problèmes de repérage topographique.
Les cadres précédemment décrits, quoique fiables et précis, sont encombrants pour le chirurgien, douloureux et angoissants pour le patient qui doit rester la tête emprisonnée plusieurs heures dans un carcan métallique avant d’entrer en salle d’opération. De plus, leurs possibilités se limitent à guider précisément une aiguille poussée sur une certaine distance à partir d’un point de coordonnées relatives connues et selon un angle calculé. Il ne s’agit pas à
Ailleurs, des équipes d’implantologie dentaire savent qu’un facteur important pour la pérennité de leur implant est son positionnement axial optimal, de manière à ce que les contraintes s’exercent essentiellement en compression et le moins possible en cisaillement. Là encore, les systèmes de navigation sont à même de résoudre ce problème, avec une résolution angulaire nettement supérieure à celle de l’œil de l’opérateur.
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Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur
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Principe général de la chirurgie assistée par ordinateur. TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique.
Écran d’affichage
Station informatique
Imagerie TDM IRM
Système de localisation spatiale
Concepts généraux et technologiques de la chirurgie assistée par ordinateur La chirurgie assistée par ordinateur consiste à utiliser la puissance de calcul, la capacité à stocker de l’information et les possibilités d’affichage graphique des micro-ordinateurs modernes pour mettre en correspondance, en temps réel, les coordonnées d’un capteur spatial solidaire de l’instrument utilisé par l’opérateur avec le point homologue situé sur l’imagerie du patient. Le résultat de cette opération est exprimé sur un écran visible du chirurgien, qui a ainsi l’illusion de naviguer au sein des structures anatomoradiologiques du patient qu’il opère. Au fur et à mesure de sa progression, il peut ainsi connaître avec précision la position de son instrument, y compris dans des régions exiguës, noyées par l’hémorragie, remaniées par la pathologie ou encore la fibrose d’un geste chirurgical antérieur. Cette technologie suppose donc la mise en œuvre d’un système de localisation spatiale, d’une station informatique, et la réalisation d’une imagerie adéquate : tomodensitométrie ou IRM (fig 4). SYSTÈMES DE LOCALISATION SPATIALE
Ils constituent un maillon important de cette technologie en convertissant en coordonnées cartésiennes relatives la position d’un capteur assujetti à un instrument.
¶ Systèmes électromécaniques Ils ont été les premiers utilisés en raison de leur simplicité. Une potence supporte un bras constitué de plusieurs segments articulés entre eux de manière à offrir cinq ou six degrés de liberté. Les articulations contiennent un potentiomètre de précision renseignant sur l’angle relatif formé par chaque segment. Robustes et peu onéreux, ils ont été abandonnés en raison de leur ergonomie médiocre et de leur précision intrinsèque réduite à 2 ou 3 mm.
¶ Systèmes à faisceau ultrasonore Ils sont constitués d’un émetteur piézoélectrique fixé sur l’instrument et d’une baie de trois microphones située à distance du champ opératoire et analysant le temps de vol des impulsions ultrasonores émises par l’émetteur. Connaissant le temps de propagation du son dans l’air, on peut en déduire, par simple triangulation, la position relative de l’instrument. Malheureusement, ce temps de propagation est largement dépendant de la température et de l’hygrométrie ambiantes, entraînant des erreurs cumulées de plusieurs centimètres, même après un calibrage soigneux. En outre, l’interposition d’objets (mains de l’opérateur, instrumentation) entraîne des aberrations difficilement détectables. Pour cette raison, ces systèmes sont restés à l’état de prototypes.
¶ Systèmes optoélectroniques Ils sont apparus un peu plus tard. Ils reposent sur l’emploi d’une baie de deux ou trois caméras CCD à haute résolution située à
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distance du champ opératoire. Ces caméras analysent par triangulation la position d’un minimum de deux diodes électroluminescentes émettant dans le proche infrarouge et fixées sur l’instrument chirurgical. Ces diodes peuvent éventuellement être remplacées par des sphères réfléchissant la lumière infrarouge émise par un projecteur placé dans la baie de caméra (système passif), ce qui permet de s’affranchir du câble alimentant les diodes, au prix d’une légère dégradation de performance. Leur précision est excellente, de l’ordre du demi-millimètre. Mais ils ont pour inconvénients un angle de vision réduit et d’interrompre leur fonctionnement dès qu’un objet s’interpose entre la ligne de vue des caméras et les diodes émettrices. Il en résulte une ergonomie difficile à gérer, puisque le chirurgien n’est plus libre de positionner ses aides, ses instruments et ses mains à sa guise. La baie de caméra est encombrante et surtout fragile, car elle contient un système de lentilles cylindriques susceptibles de se défocaliser lors de chocs, entraînant une perte de précision. Aussi, si ces systèmes apparaissent très adaptés à la gestuelle quasi statique de la neurochirurgie pour laquelle ils ont été primitivement conçus, ils semblent l’être beaucoup moins pour la dynamique gestuelle des interventions cranio-maxillo-faciales.
¶ Systèmes électromagnétiques Ils sont d’apparition récente. Ils reposent sur la réalisation d’un champ magnétique alternatif selon trois axes orthogonaux. Un capteur constitué de bobinages également orthogonaux, déduit sa position vis-à-vis de l’émetteur en fonction du champ induit dans chacun de ses bobinages. Les champs magnétiques décroissant avec une puissance cubique de la distance à la source, la sensibilité et la résolution de ces systèmes sont excellentes, de l’ordre du dixième de millimètre. En outre, ils sont robustes et suffisamment miniaturisables pour pouvoir faire oublier au chirurgien leur présence sur le site opératoire. Autre avantage, ils fonctionnent sans restriction, quelle que soit la position du chirurgien, de ses instruments ou de ses aides, puisqu’ils ne sont pas tributaires d’une ligne de vue à préserver. L’émetteur, mesurant généralement 1 ou 2 cm3, peut être fixé directement sur le patient, supprimant le capteur de référence requis par les systèmes infrarouges et divisant ainsi par deux l’erreur de mesure. Les premiers prototypes avaient un inconvénient majeur, celui d’être sensibles aux masses métalliques inévitablement présentes dans le champ opératoire. Ce défaut est à présent corrigé grâce à une technologie d’échantillonnage spécial à haute fréquence du signal, éliminant la plupart des distorsions métalliques. En outre, l’emploi d’un capteur témoin permet de détecter une distorsion résiduelle et d’en avertir aussitôt l’utilisateur, conférant à ces localisateurs la même fiabilité que celle des systèmes infrarouges, sans leur inconvénients. MISE EN ŒUVRE D’UN SYSTÈME DE NAVIGATION CHIRURGICALE
Quel que soit le type de système considéré, sa mise en œuvre requiert invariablement les étapes suivantes : – réalisation d’une imagerie, transfert de la série d’images sur la station informatique du navigateur (via un réseau ou un support tel qu’un CD-Rom) et traitement de ces images, généralement au format DICOM (norme internationale des systèmes d’imagerie médicale, signifiant Digital Imaging and Communication in Medicine), pour les rendre accessibles à la navigation ; – recalage de ces images pour les placer dans le même système de coordonnées que celui du localisateur spatial ; – calibrage de l’instrument chirurgical ; en effet, le localisateur ne connaît que la position de son capteur fixé à l’instrument ; or, le chirurgien, lui, ne s’intéressant qu’à la position de l’extrémité active de son instrument, il convient donc d’indiquer à la machine les caractéristiques dimensionnelles de cet instrument ; c’est le calibrage, opération simple et rapide, mais qui doit être renouvelée chaque fois que l’instrument chirurgical choisi comme sonde par l’opérateur est modifié ; 3
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– enfin, vérification de la cohérence des informations retournées par le système avant de débuter l’intervention.
¶ Recalage des images Principe La position et l’orientation de la tête du patient sur les images dépendent de la manière dont celui-ci a été installé sur la table radiologique vis-à-vis du tube radiogène. Il n’y a aucune raison pour que, une fois allongé sur la table d’opération, sa position vis-à-vis du localisateur soit identique. Le but du recalage est de déterminer les équations de transfert permettant de convertir les coordonnées de tout point retourné par le localisateur, de sorte qu’il corresponde exactement au point homologue dans le système de coordonnées des images. C’est un problème complexe. La manière la plus simple de le résoudre consiste à fournir à la machine un certain nombre de points répartis sur le visage et le crâne du patient, et à sélectionner ces mêmes points sur les images. Pour ce faire, on peut utiliser soit des repères anatomiques naturels (nasion, canthus interne et externe, tragus, jonction nasolabiale), soit des marqueurs fiduciaires radioopaques collés sur la peau ou vissés dans la table externe du crâne. Cette deuxième technique est la plus contraignante pour le patient comme pour l’opérateur, puisqu’elle nécessite un examen radiologique spécial suivi du geste chirurgical dans un délai aussi court que possible, pour éviter la gêne entraînée par des plots vissés ou le risque de déplacement de marqueurs collés. Mais elle est plus précise que la précédente puisqu’elle n’est pas tributaire de l’habileté de l’opérateur à repérer un point tridimensionnel sur l’imagerie et à viser avec exactitude ce même point sur le patient. Recalage surfacique Certains systèmes (VectorVision IIt, BrainLab GmbH ; Système DigiPointeurt, Collin-ORL-CMF) résolvent élégamment ce problème grâce à un algorithme de recalage surfacique. Son principe consiste à recréer un modèle surfacique tridimensionnel à partir du volume d’images, puis, après acquisition de quelques centaines de points prélevés de manière aléatoire sur le visage du patient à l’aide d’une sonde assujettie au localisateur, d’ajuster rotations et translations de manière itérative, jusqu’à obtenir la superposition optimale des points sur le modèle surfacique. Cet ajustage, qui ne réclame que quelques secondes de calcul, est réalisé automatiquement par l’ordinateur. Cette technologie présente des avantages pratiques importants : – il n’est pas nécessaire de prévoir un examen radiologique spécial pour l’intervention ; – le procédé, simple et très rapide, est peu opérateur-dépendant ; – l’appariement des points est réalisé avec une précision mathématique théorique plusieurs milliers de fois supérieure à la main d’un opérateur ; – mais surtout, le nombre de points mis en jeu pour le recalage peut être très élevé comparativement aux quelque cinq ou dix points des méthodes traditionnelles ; l’optimisation mathématique du recalage dépendant de la racine carré du nombre de points mis en jeu, il en résulte un gain sensible de précision.
¶ Problème du référencement Après recalage, la tête du patient doit être maintenue dans une position constante vis-à-vis du système localisateur, faute de quoi les informations délivrées par le navigateur deviennent inexactes. Les systèmes destinés à la neurochirurgie résolvent cette difficulté en immobilisant la tête du patient dans une têtière à pointes (étrier de Mayfield). Cette modalité est inapplicable dans les spécialités cranio-maxillo-faciales, lesquelles requièrent une dynamique gestuelle très différente. Pour maintenir valide le recalage malgré la mobilisation de la tête du patient, on fixe sur celle-ci un capteur secondaire, dit capteur de référencement, qui renseigne le système de tout déplacement relatif vis-à-vis du localisateur, pour permettre 4
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sa compensation. La manière dont ce capteur est fixé sur le patient est cruciale puisqu’elle doit être à la fois très stable, ne pas gêner l’opérateur et autoriser tout type de voie d’abord. Selon les systèmes, le capteur de référencement peut être solidarisé au crâne du patient par un arceau métallique, un casque, un bandeau, un trépied vissé dans la table externe de la calvaria ou encore une petite pièce buccale autostatique immobilisée entre maxillaire et mandibule. Le référencement mandibulaire pose un problème particulier, puisque l’angle d’ouverture buccale et l’éventuelle latéro- ou propulsion de la mandibule sont variables entre l’instant où a été réalisée l’imagerie et celui où le patient est installé intubé sur la table d’opération. L’utilisation d’un système de navigation pour guider la réalisation d’ostéotomies mandibulaires ou encore pour positionner avec précision des implants mandibulaires ostéo-intégrables nécessite un recalage spécial sur la mandibule pour assurer son référencement de manière indépendante du reste de l’extrémité céphalique.
¶ Navigation Une fois réglé et opérant, un système de navigation ne doit pas être utilisé aveuglément. Au début de l’intervention, il importe à l’opérateur de vérifier la pertinence et la précision des informations graphiques renvoyées par le système, sur des repères anatomiques fiables et indiscutables. Il y a lieu de multiplier ces vérifications sur des repères variés, de manière à valider cette fiabilité sur les trois axes de l’espace. Tout au long de l’intervention, il est souhaitable d’observer le comportement du système de manière à connaître sa pertinence et à savoir, le moment venu, face à un problème de repérage ou d’identification anatomique crucial, quelle confiance accorder à la machine. C’est là une philosophie essentielle, sans laquelle l’usage d’un système de navigation peut s’avérer plus dangereux que bénéfique.
Systèmes disponibles Il existe essentiellement cinq modèles de navigateurs chirurgicaux disponibles pour la chirurgie craniofaciale (fig 5, 6, 7, 8). Leurs performances sont variables d’un modèle à l’autre et pour un même modèle, selon les options qui les équipent. Le tableau I présente ces systèmes et leurs caractéristiques essentielles. Des efforts considérables ont été faits par les concepteurs pour tenter de simplifier en apparence une technologie complexe et la rendre utilisable pour des actes de pratique quotidienne. Cet aspect nous paraît essentiel, car seul un matériel utilisé en pratique de routine, donc simple et rapide à installer, est suffisamment maîtrisé pour des interventions plus lourdes où la machine devient significativement contributive. Le choix d’un système, à notre sens, doit prendre en compte divers paramètres, parfois contradictoires : – l’ergonomie globale du système ; de ce point de vue, les systèmes électromagnétiques sont très performants [5, 6, 11, 14] ;
5 Système DigiPointeurt ORL-CMF, France).
(Collin-
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Système Instatrackt (VTI, Wilmington, États-Unis).
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Système Landmar xt (Medtronic, Jacksonville, États-Unis).
– la fiabilité et la précision réelles du système, souvent très éloignées des prétentions du constructeur ;
Système VectorVision (BrainLab, Munich, Allemagne).
– sa simplicité de mise en œuvre et plus précisément le temps effectif requis par un utilisateur ordinaire pour installer et lancer le système ; un appareillage trop compliqué n’est qu’exceptionnellement utilisé et donc peu fiable entre les mains d’un utilisateur occasionnel ; – sa capacité à s’adapter à tous les types de procédure chirurgicale, quelle que soit la voie d’abord choisie ; – ses possibilités d’adaptation instrumentale ; le fait de pouvoir utiliser l’instrumentation auquel l’opérateur est habitué est une donnée importante ; – sa capacité à être piloté directement par l’opérateur d’une façon simple et efficace ; les systèmes utilisant un pédalier de commande nous semblent peu pratiques, mais ceci relève d’un choix personnel ; – l’encombrement, le poids, la fragilité globale du système, sont à considérer avant de les faire pénétrer dans des blocs opératoires déjà surchargés de consoles d’anesthésie, microscopes, lasers, moteurs suspendus et autres amplificateurs de brillance ; – enfin, le coût d’un système tout autant que celui des consommables qui lui sont nécessaires est, bien sûr, un élément
Tableau I. – Systèmes de navigateurs chirurgicaux disponibles et leurs caractéristiques esssentielles. Type de navigateur
VectorVision-IIt
DigiPointeur 6300-Vt
Instatrackt
LandMar Xt
SNSt
Fabricant
Brainlab GmbH, Munich, Allemagne
Collin-ORL-CMF, Cachan, France
GEMS/VTI, Wilmington, États-Unis
Medtronic, Louisville, États-Unis
Strycker-Leibinger, Portage, États-Unis
Technologie du localisateur
Optique passive
Électromagnétique Superpulsée
Électromagnétique
Optique active ou passive
Optique active
Système de référencement
Bandeau frontal
Bandeau frontal ou pièce buccale autostatique
Casque temporofrontal
Arceau métallique péricrânien
Trépied frontal
Applications couvertes
Neurochirurgie ORL Orthopédie
ORL - Chirurgie latérale de la base du crâne - CMF
ORL Neurochirurgie Orthopédie
ORL Neurochirurgie Orthopédie
ORL-CMF
Adaptation instrumentale
Tous instruments
Tous instruments
Instruments spéciaux ou à usage unique
Instruments spéciaux
Instruments spéciaux
Type de recalage
Recalage automatique surfacique
Recalage automatique surfacique
Recalage préétabli sur casque
Recalage manuel sur points de repères
Recalage manuel sur points de repères
Oui : casque
Oui : marqueurs
Oui : marqueurs
Nécessité de porter un dispositif spécial durant l’imagerie pour une précision optimale
Non
Non
Clichés standards
Clichés standards
Capacités de planning chirurgical
Analyse 3D volumique
Analyse 3D volumique
Non
Analyse 3D volumique
Non
Mode de pilotage peropératoire du système
Écran tactile Télécommande IR
Souris Télécommande IR Commandes vocales
Souris Écran tactile
Souris Pédales
Stylet Pédales
Temps d’installation (selon référence bibliographique citée)
NC
7 minutes [14]
10 minutes [11]
20 à 40 minutes [7]
NC
ORL : oto-rhino-laryngologie ; CMF : chirurgie maxillofaciale ; IR : infrarouge ; NC : non communiqué.
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important de choix, d’autant plus que les systèmes les plus onéreux ne sont pas nécessairement les plus performants.
Précision Les spécifications techniques des constructeurs de navigateurs chirurgicaux, tout comme les études menées par des cliniciens, sont souvent fantaisistes quant à la précision et ne s’appuient généralement sur aucune méthodologie métrologique [5, 6, 11]. La plupart des chiffres exprimés représentent la magnitude moyenne (RMS ou root mean square) d’un vecteur erreur, apprécié empiriquement par l’observateur, sur les trois axes x, y, z, pour n échantillons (où i représente un échantillon de mesure renvoyé par le système de navigation et r la position réelle de ce même point, après correction) :
e =
Σ
i=l
(xi _ xr)2 + (yi _ yr)2 + (zi _ zr)2
Une telle formulation a l’avantage d’exprimer par une valeur numérique unique des données à trois dimensions. Mais elle tend à minimiser l’erreur et ne permet pas de connaître la pertinence ou fiabilité du système, à moins d’être associée (ce qui est rarement le cas), à l’écart-type, au minimum et au maximum de ces mesures. Mais, même dans ce cas, si le bruit d’erreur n’a pas une répartition normale, c’est-à-dire de type gaussienne, la fiabilité métrologique du système ne peut être appréciée. Or, la plupart des erreurs étant dues à un biais dans la chaîne de mesure, il serait préférable d’adopter la bonne habitude d’exprimer la précision de ces systèmes sous forme de quantiles, par exemple au 95e percentile. Une telle méthode aurait l’avantage de donner à l’opérateur un intervalle de confiance utilisable [13]. Une norme devra sans doute être créée pour éviter à des fabricants d’annoncer une précision nettement meilleure que la taille du pixel (ou point élémentaire) des images affichées ! Le volume englobé dans la mesure est également important à préciser : 100 mesures prises à quelques millimètres de distance ne représentent pas la même précision que 100 autres mesures réparties dans un volume de 1 dm 3 . Or, ce volume de mesure n’est qu’exceptionnellement rapporté dans les études disponibles. Par ailleurs, les études de précision menées par des équipes chirurgicales indépendantes ne reposent le plus souvent que sur une appréciation visuelle perendoscopique du vecteur erreur, avec néanmoins des résultats exprimés généralement en centièmes de millimètre. Or, seuls des protocoles utilisant des marqueurs de référence implantés de manière stable dans l’os permettent une analyse rigoureuse de la distribution volumique de l’erreur. Mais de telles études sont bien sûr lourdes à mener et éthiquement discutables car sans bénéfice direct pour le patient. Et celles menées en laboratoire sur des pièces fantômes sont trop éloignées de la réalité chirurgicale pour être intéressantes. À ces remarques près, la plupart des systèmes de navigation ont une précision inférieure à 3 mm et jouxtent le plus souvent le millimètre dans le volume opératoire utile. Il convient cependant de remarquer que cette précision dépend d’une chaîne où interviennent de nombreux facteurs : précision avec laquelle est calibré l’imageur et ses paramètres de réglage, immobilité plus ou moins complète du patient durant l’examen, précision intrinsèque du système localisateur spatial, précision de l’opérateur réalisant le recalage, performance de l’algorithme de calcul du recalage, précision du calibrage dimensionnel de l’instrument, lequel doit être parfaitement rigide pour n’induire aucune erreur supplémentaire due à sa déformation.
Indications craniofaciales de la chirurgie infodromique Elles sont nombreuses et tendent à augmenter de jour en jour. Aussi, n’en citerons-nous que quelques exemples. 6
9
Tumeur ostéolytique de la paroi latérale du sinus sphénoïde gauche. Cette lésion, quoique de petite taille, est située à 4,3 mm du nerf optique. Son caractère ostéolytique fait craindre un processus néoplasique. L’imagerie par résonance magnétique n’apporte pas d’orientation étiologique supplémentaire. L’injection de contraste n’a pas été réalisée. Une biopsie est indispensable pour préciser la nature exacte de cette lésion, mais fait courir un risque certain pour le pédicule optique de ce patient. L’utilisation d’un système de navigation permet de mesurer avec précison ses rapports avec la masse tumorale, puis de l’aborder avec une précision inframillimétrique, dans des conditions de sécurité optimales. L’image vidéoendoscopique, dans le quadrant inférieur gauche, montre la canule aspiratrice au contact de la lésion. L’intersection des lignes correspond à la position de l’extrémité de la canule (Système DigiPointeurt). CHIRURGIE ENDOSCOPIQUE DES SINUS DE LA FACE ET DE LA BASE ANTÉRIEURE DU CRÂNE
Les risques de blessure vasculaire, neuro-optique ou de plaie méningée avec ou sans pénétration cérébrale inhérents à cette chirurgie expliquent que les premiers essais de chirurgie craniofaciale infodromique aient porté sur cette indication. L’association endoscope-navigateur permet d’accroître très sensiblement la qualité de l’exérèse chirurgicale, avec certainement une morbidité sensiblement réduite (fig 9). Les gestes de réparation de brèches méningées ou de décompression du nerf optique, notamment pour des atteintes d’origine traumatique, idéalement, ne devraient plus être réalisés autrement que sous l’assistance d’un système de navigation [10, 11, 20]. VOIES D’ABORD EXTERNES CRANIOFACIALES
Les voies externes bénéficient également de la navigation, sous réserve que l’ancillaire de référencement soit compatible avec l’incision et le décollement du lambeau musculocutané envisagés. L’utilisation d’un ancillaire de référencement buccal autostatique peut s’avérer précieux pour réaliser sans encombre une incision bitragienne en vue d’aborder un sinus frontal. Le navigateur permet le repérage exact de la projection des contours des sinus frontaux au cas où un volet ostéoplastique est décidé. La résection de tumeurs du complexe ethmoïdo-fronto-orbitaire devrait être menée plus sûrement lorsqu’un navigateur est capable de donner une appréciation rigoureuse de profondeur et de renseigner sur la proximité du pédicule neuro-optique ou de la méninge. GUIDAGE BIOPSIQUE. CHIRURGIE « MINI-INVASIVE »
La biopsie de lésions situées dans des régions profondes, par exemple étage antérieur ou moyen de la base du crâne, peut être réalisée de manière performante et peu invasive, avec des délabrements limités au strict minimum. Les abords endoscopiques endonasaux assistés par ordinateur de lésions traditionnellement considérées comme du seul ressort de la neurochirurgie stéréotaxique autorisent dans bon nombre de cas un diagnostic
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Kyste dermoïde de la ptérygoïde droite, étendu à la grande aile du sphénoïde, à l’origine d’un syndrome comitial majeur avec état de mal épileptique. Abord de la tumeur par voie transantrale avec fraisage de la paroi postérieure du sinus maxillaire. Après repérage du pédicule sphénopalatin, la tumeur kystique est marsupialiséee et sa matrice épidermique réséquée au maximum. Le système de navigation permet d’optimiser la voie d’abord tout en repérant précisément fente et pédicule sphénopalatins. L’évidement de la lésion est un geste aveugle contrôlé par le navigateur et les sensations de contact osseux avec la canule aspiratrice permettant de suivre les limites de la masse kystique. Sans l’assistance d’un système de navigation, la voie endoscopique aurait probablement été abandonnée au profit d’une voie neurochirurgicale autrement plus lourde et plus délabrante.
histologique, voire l’éradication de la lésion, avec des séquelles esthétiques et fonctionnelles sans commune mesure avec celles générées par les voies d’abord externes traditionnelles (fig 10). Sur ce même principe, nous avons pu réaliser à titre antalgique, lors de carcinomes ethmoïdaux incontrôlables, des infiltrations neurolytiques de la deuxième branche du nerf trijumeau à son émergence au trou grand rond, avec une précision et une sécurité difficiles à atteindre par les techniques manuelles classiques. EXTRACTION DE CORPS ÉTRANGERS
Les corps étrangers, notamment ceux localisés dans la fosse infratemporale, balistiques ou à type de foret dentaire cassé et migré, quoique peu fréquents, posent des problèmes considérables de localisation lorsque leur extraction s’impose, par exemple après constitution d’un granulome réactionnel extensif. L’emploi de clichés radiologiques sous plusieurs incidences ou même d’un amplificateur de brillance ne permet pas toujours de venir à bout de ce problème comme peut le faire un système de navigation tridimensionnel. CÉPHALOMÉTRIE PRÉOPÉRATOIRE ET MÉTHODES MORPHOMÉTRIQUES PEROPÉRATOIRES
La mesure des angles céphalométriques et le tracé de lignes d’appui menés traditionnellement sur des calques apposés sur des clichés xéroradiographiques sont sensiblement facilités par la technologie numérique. Elle permet, par exemple, une simulation des ostéotomies d’avancement ou de recul mandibulaire dans le cadre d’un projet de profiloplastie avec calcul automatique chiffré des angles et distances relatifs [9]. En peropératoire, elle offre la possibilité de mesurer très précisément l’importance des déplacements osseux effectifs, même après que se soient constitués œdèmes ou hématomes. La pose de greffons est également facilitée par la mesure simultanée de distances et d’angles comparatifs avec le côté opposé, permettant leur positionnement précis et symétrique [4].
11
Reconstructions volumiques avec rendu surfacique (A. choanes ; B. sinus frontaux et recessus frontal droit ; C. massif facial). L’intérêt de telles reconstructions est évident lorsqu’il s’agit d’apprécier les rapports spatiaux d’une lésion traumatique ou malformative complexe, ou encore de modéliser dans les trois plans de l’espace un greffon de reconstruction, puis de le positionner de façon optimale. Certains systèmes sont également dotés de capacités d’endoscopie virtuelle, dont l’utilité en pratique de routine reste à démontrer, mais d’un intérêt didactique certain. IMPLANTATION PROTHÉTIQUE
Le rôle joué par les systèmes de navigation est encore au stade expérimental, mais devrait rapidement se développer. Comme en orthopédie des membres inférieurs, les navigateurs sont capables de déterminer un centre géométrique et de renvoyer avec précision un jeu de valeurs angulaires pour les trois plans de l’espace. Il en résulte la possibilité de positionner d’emblée de manière optimale un implant dentaire sans avoir à en corriger secondairement les axes par des pièces intermédiaires. Il est également possible d’effectuer des reconstructions en trois dimensions avec rendu volumique (fig 11) pour simuler la position et les contraintes de l’implant vis-àvis des dents adjacentes et sus-jacentes [23, 24]. La situation exacte de l’outil de forage vis-à-vis du canal dentaire ou du plancher du sinus maxillaire ainsi que la distance qui les sépare peuvent être connues au millimètre près.
Conclusion : intérêt et limites de la chirurgie infodromique Depuis ses premières apparitions dans les blocs opératoires, la chirurgie assistée par ordinateur a considérablement évolué dans ses performances en même temps que sa mise en œuvre s’est simplifiée. Son coût, il y a encore peu, n’était accessible qu’à de gros services universitaires occidentaux. Aujourd’hui, le prix de tels systèmes, du même ordre de grandeur que celui d’un bon microscope opératoire, est accessible à tout bloc chirurgical de moyenne capacité. À ce jour, aucune étude prospective contrôlée n’a pu apporter la preuve que les navigateurs chirurgicaux aient réduit morbidité et mortalité opératoires. La raison en est tout simplement d’ordre éthique et tend implicitement à démontrer l’intérêt de ces systèmes de navigation, puisque les services qui en sont équipés tendent à les utiliser systématiquement, empêchant dès lors toute étude comparative prospective. Les études rétrospectives sont d’intérêt moindre, puisqu’elles comparent généralement des résultats à différentes périodes (avant, puis après acquisition d’un navigateur) de groupes d’opérateurs dont l’expérience s’est accrue au fil des années [6, 18]. Toutes ces études, en revanche, expriment un bénéfice sensible pour l’opérateur, plus détendu dans la réalisation de son acte, généralement plus complet [14, 7
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, avec parfois un gain de temps non négligeable [14]. Toutes aussi insistent sur les capacités didactiques indiscutables de ces systèmes, susceptibles d’améliorer la performance d’un opérateur confirmé et d’accélérer la formation d’opérateurs en apprentissage [9]. Les limites actuelles de la chirurgie infodromique sont essentiellement liées à celles de l’imagerie. L’apparition de nouveaux scanners multibarrettes à très haute résolution permet d’obtenir des images dont la résolution spatiale, quasiment isométrique, est de l’ordre de 0,2 mm. Mais les systèmes de contention du patient sont encore trop rudimentaires pour immobiliser efficacement le crâne et ses inévitables micromouvements, même si les temps d’acquisition sont désormais inférieurs à la minute. Il est probable que les générations de systèmes d’imagerie à venir vont intégrer peu à peu un ensemble de moyens destinés à optimiser l’intégration chirurgicale d’images devenues, non plus de simples outils diagnostiques, mais d’authentiques instruments thérapeutiques. Par ailleurs, aucun algorithme n’est capable d’assurer l’utilisateur que les informations affichées par la machine sont exactes et précises. Des
18]
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calculs d’espérance statistique, plus ou moins empiriques, peuvent renseigner sur la qualité présumée du recalage des images. Mais seule la vérification directe, in situ, par l’opérateur permet de savoir la précision effective de la machine. Et ce n’est qu’après avoir vérifié la bonne concordance d’un certain nombre de points circonscrivant la zone opératoire qu’il est possible d’accorder au système un crédit suffisant pour s’appuyer, avec une sécurité raisonnable, sur son assistance durant le geste à effectuer. En cas d’incohérence entre la perception anatomique de l’opérateur et la perception électronique du système de navigation, seul l’esprit critique du chirurgien correctement entraîné est à même de trancher entre son sentiment et l’information numérique. Cette mise en garde est d’ailleurs inscrite en première page des notices d’emploi de tous ces systèmes. Mais même ainsi limitées, les possibilités actuelles et les perspectives de la chirurgie infodromique la rendent peu à peu incontournable dans les spécialités cranio-maxillo-faciales, comme elle l’est déjà en neurochirurgie, où elle constitue une obligation médico-légale pour bon nombre d’interventions.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-351-A-10
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Chirurgie de la glande parotide et de la glande sous-mandibulaire G Malka A Danino
Résumé. – Les tumeurs des glandes salivaires représentent 3 % des tumeurs de la tête et du cou, et 75 % de ces tumeurs sont situées dans la glande parotide. Le traitement des lésions de la glande parotide est le plus souvent chirurgical. Il va nécessiter des exérèses variables suivant l’importance de la lésion : parotidectomie superficielle, parotidectomie totale avec ou sans conservation du nerf facial, voire parotidectomie élargie associée à un évidement jugulocarotidien. Si la pathologie tumorale prédomine à la glande parotide, c’est la pathologie lithiasique et inflammatoire qui prédomine à la glande sous-mandibulaire. Le diagnostic clinique, confirmé par des examens complémentaires de qualité, facilite la mise en place d’une véritable stratégie thérapeutique. Si l’objectif de guérir prévaut, il faut une extrême prudence lors de l’acte opératoire, le risque majeur étant représenté par une lésion du nerf facial pouvant entraîner une paralysie faciale. La parotidectomie est avant tout une « chirurgie nerveuse ». Comme celle de la parotide, la chirurgie de la glande sous-mandibulaire est elle aussi bien codifiée. Ces caractéristiques justifient donc une bonne connaissance de l’anatomie. La glande sous-mandibulaire, la glande sublinguale et la glande parotide représentent les glandes salivaires principales. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : parotide, sous-mandibulaire, lithiase salivaire, tumeurs salivaires, paralysie faciale.
Chirurgie de la glande parotide RAPPEL ANATOMIQUE (fig 1A, B, fig 2)
L’étude anatomique nécessaire à une bonne approche chirurgicale permet de localiser le nerf facial à partir de repères constants. Les repères constants sont : – la mastoïde, véritable promontoire du rocher ; – l’arcade zygomatique, croisée par les filets de la branche temporofaciale ; – le tragus ; – le bord antérieur du sterno-cléïdo-mastoïdien sur lequel chemine le plexus cervical superficiel. On retrouve aussi la jugulaire externe. Le nerf facial, qui divise la glande parotide en deux lobes, sort du trou stylomastoïdien, formant un tronc qui se divise en deux branches : une branche temporofaciale et une branche cervicofaciale. Le nerf facial est très profond et sa division en deux branches est variable : aucune systématisation ne peut être faite, ce qui nécessite une grande prudence lors de son abord. Il a été décrit une « zone muette » entre les deux branches du nerf facial, cette « zone muette » ne comportant pas de filets nerveux. Cette particularité anatomique n’a pas été retrouvée lors des dissections du facial. Il n’existe donc pas de zone muette, le facial est profond.
Gabriel Malka : Professeur, chef de service. Alain Danino : Assistant chef de clinique. Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital général, 3, rue du Faubourg Raines, BP 1519, 21033 Dijon cedex, France.
La glande est traversée par la carotide externe et la veine communicante intraparotidienne. CLASSIFICATION ANATOMOPATHOLOGIQUE (fig 3) Les tumeurs des glandes salivaires peuvent être classées selon leur type histologique. La classification adoptée est celle définie par l’Organisation mondiale de la santé en 1972. Celle-ci a l’avantage d’être simple. L’adénome pléiomorphe, appelé encore « tumeur mixte », représente environ 50 % des tumeurs des glandes salivaires. Ces tumeurs se distinguent en adénomes, carcinomes, tumeurs non épithéliales et tumeurs inclassables. Le contrôle histologique de toute lésion des glandes salivaires s’impose. La seule possibilité d’affirmer le diagnostic est représentée par l’exérèse avec contrôle histologique de la lésion. Les autres types de biopsie (drill-biopsie) sont à proscrire formellement.
Adénome pléiomorphe • Affirmer le diagnostic par l’exérèse-biopsie. • Ponction biopsie : contre-indication. BILAN PRÉOPÉRATOIRE (fig 4) Outre les examens biologiques, habituellement demandés dans le cadre de la consultation d’anesthésie, les examens de choix sont représentés par l’échographie et la sialographie. Ces examens sont en général suffisants pour affirmer la nature parotidienne ou sousmandibulaire de la lésion :
– peu d’intérêt sauf visualisation des calcifications ; – opacification de la glande par injection des canaux (diagnostique que dans 70 % des cas) ; – permet d’affirmer la nature intraparotidienne ; fiabilité assurée pour la tumeur inférieure à 2 cm, en faveur de la bénignité : tumeur homogène ; malignité : absence de ces deux critères.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Malka G et Danino A. Chirurgie de la glande parotide et de la glande sous-mandibulaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-351-A-10, 2003, 9 p.
Chirurgie de la glande parotide et de la glande sous-mandibulaire
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Stomatologie
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A. 1. Carotide externe ; 2. parotide ; 3. sterno-cléidomastoïdien ; 4. artère maxillaire interne ; 5. nerf facial ; 6. communicante intraparotidienne ; 7. condyle mandibulaire. B. 1. Carotide interne ; 2. parotide ; 3. muscle stylohyoïdien ; 4. ventre postérieur digastrique ; 5. sternocléido-mastoïdien.
7 4 5
6
3
2
* B 1
* A 2
Schémas anatomiques. 1. Lobule de l’oreille ; 2. arcade zygomatique ; 3. tragus ; 4. bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien ; 5. angle mandibulaire.
2 3
1
4
5
Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ne se justifient qu’en cas de lésions importantes ou devant des lésions ayant des prolongements cervicaux ou pharyngés. L’examen clinique ayant défini la date d’apparition des signes, l’étude de leur évolutivité va surtout rechercher les signes de cancérisation : la douleur, la paralysie faciale, la fistule cutanée, les adénopathies cervicales, voire des signes otologiques en cas d’envahissement du rocher.
INSTALLATION DU PATIENT (fig 5)
Le patient est installé en décubitus dorsal et en position proclive, position qui permet de réduire le saignement veineux. Un billot est placé sous les épaules et la tête est tournée du côté opposé. La zone chevelue préauriculaire est rasée ; un collyre est instillé dans les yeux et ceux-ci sont protégés. Après désinfection, les champs opératoires sont mis de façon à ce que l’hémiface correspondante reste visible, permettant un contrôle permanent de la mimique faciale lors de l’intervention et lors de l’utilisation du neurostimulateur. Une mèche est mise dans le conduit auditif externe. L’utilisation du neurostimulateur n’est pas obligatoire, mais il est préférable de s’en servir car il facilite le repérage du facial au début de l’intervention et le contrôle en fin d’intervention. La coagulation bipolaire est utilisée notamment dès que l’on se rapproche du nerf facial.
• • • •
Position proclive Hémiface visible Neurostimulateur Coagulation bipolaire
INTERVENTION DE PAROTIDECTOMIE
¶ Voies d’abord (fig 6) Celles-ci doivent répondre à trois impératifs :
• • • •
2
Radiographie sans préparation Sialographie Échographie IRM ou scanner
– tout d’abord permettre un accès facile à la région parotidienne et donc avoir une bonne exposition du champ opératoire ; – minimiser les séquelles morphologiques et notamment les séquelles cicatricielles, ainsi que la dépression postopératoire ;
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Stomatologie
Tumeurs épithéliales 60 % Bénignes
Tumeurs non épithéliales 8-18 %
Malignes
Bénignes
Malignes
Papillomes Adénomes monomorphes
Tumeurs vasculaires • Hémangiome • Lymphangiome
Adénolymphome cystadénolymphome (Tumeur Wharton)
Adénomes oxyphiles oncocytomes Adénomes à cellules claires Adénomes trobéculaires Adénomes basocellulaires Adénomes sébacés Adénomes pléiomorphes
• Tumeurs à cellules acineuses • Tumeurs mucoépidermoïdes • Carcinomes à Cylindrome à Carcinome adénokystique Adénomes, cancer à Cancer épidermoïde à Cancer indifférencié Cancer développé sur adénome pléiomorphe
4
Lipomes
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3 Classification anatomopathologique de l’Organisation mondiale de la santé.
Tumeurs conjonctives • Hémangiopéricytome • Fibromes
Sarcomes Tumeurs secondaires
Métastases • Cancer cutané • Cancer buccopharyngé • Cancer viscéral
Tumeurs nerveuses • Neurinome • Neurofibrome
6
A. Échographie parotidienne. B. Sialographie de la glande parotide.
Voies d’abord (Redon).
* A
* B
7
Abord du plan de dissection.
5
Installation du patient pour la parotidectomie. Voie d’abord de Redon.
– permettre d’agrandir et de prolonger l’incision en cervical pour réaliser dans le même temps l’exérèse d’un prolongement tumoral ou un évidement jugulocarotidien. • Voie d’abord camouflée • Minimiser les séquelles morphologiques : cicatrice, dépression • Parotidectomie élargie. Incision prolongée en cervical
– – – – –
mastoïde ; arcade zygomatique ; vaisseaux temporaux ; bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien ; angle mandibulaire.
¶ Infiltration L’infiltration de la voie d’abord est réalisée à l’aide d’une solution de Xylocaïnet 1 % adrénalinée et diluée avec du sérum physiologique.
¶ Tracé (fig 6)
¶ Incision (fig 7)
Au crayon dermographique, on repère les éléments anatomiques majeurs :
L’incision comporte un segment préauriculaire vertical, un segment curviligne sous-lobulaire s’arrêtant au bord antérieur de la mastoïde, 3
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* B
* A 8
A. Repérage du tronc du nerf facial. Le tronc du facial (2) correspond à la bissectrice de l’angle dièdre formé par le plan prétragien (1) et le plan présternocléidomastoïdien (3).
puis un segment vertical descendant le long du bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien qui se termine horizontalement dans un pli du cou. Des variantes ont été proposées, en utilisant l’incision du face lift et passant derrière le tragus. Un fil de traction est alors posé sur le lobule de l’oreille, qui peut être ainsi rétracté vers le haut et l’arrière. Une hémostase des plans sous-cutanés étant réalisée, on commence la libération sous-cutanée du lambeau cutané antérieur. Cette dissection peut être menée facilement sans risques de lésions du nerf facial, celui-ci étant très profond (cf supra). La libération du lambeau cutané antérieur se fait dans le plan situé entre la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et le fascia préparotidien. Il faut se méfier de ne pas poursuivre le décollement trop en avant pour ne pas léser les portions terminales des filets du facial (fig 7). • Incision de Redon. • Le facial est très profond. • Décollement au-dessus du platysma.
¶ Repérage du tronc facial (fig 8) C’est le temps le plus important de l’intervention. Le nerf facial forme la bissectrice de l’angle dièdre formé par le plan préauriculaire et le plan sterno-cléido-mastoïdien (Striker). À l’aide de ciseaux courbes à bout mousse, on plonge dans le plan préauriculaire, en haut au voisinage des vaisseaux temporaux que l’on relève vers l’arrière. Ce plan permet de libérer le bord postérieur de la parotide en avant et le plan du conduit auditif externe en arrière. On libère alors le plan présterno-cléido-mastoïdien en passant en avant du bord antérieur du muscle. Le plexus cervical superficiel est préservé en général pour permettre de réaliser une réparation du nerf facial (greffe nerveuse) en cas de lésion de celuici. Ce temps permet en même temps de libérer le pôle inférieur de la glande et la veine jugulaire externe est liée. Le tronc facial : la dissection à partir de ce moment se fait de la superficie vers la profondeur, utilisant les ciseaux courbes, courbure vers le haut et parallèlement au plan du nerf facial. Le neurostimlateur facilite le repérage du tronc du nerf facial. Près du nerf, il existe souvent un saignement correspondant à l’artère stylomastoïdienne (Fritneau) qui est coagulée à la bipolaire. Ce saignement, en général, signe la présence du facial. En réclinant la parotide vers l’avant, on aperçoit le blanc nacré du nerf. La longueur du tronc étant variable, il faut être prudent avant de commencer à 4
Stomatologie
* C
B. Dissection du facial après parotidectomie superficielle. C. Parotidectomie du lobe profond.
sectionner la glande. Deux écarteurs de Farabeuf réclinent la parotide vers l’avant, ce qui permet de tendre le tronc du nerf. Les petits vaisseaux sont coagulés. Il est à noter que la position du tronc du nerf facial peut être modifiée du fait du développement d’un processus tumoral, celui-ci modifiant les rapports anatomiques. Le tronc du nerf facial peut alors être refoulé en dedans par une lésion du lobe superficiel ou en dehors par une tumeur du lobe profond. • • • •
Plan préauriculaire Plan présterno-cléido-mastoïdien Facial dans l’angle dièdre entre ces deux plans Bissectrice de l’angle dièdre
¶ Variante : découverte du tronc par voie rétrograde Dans les cas d’infiltration de la région prétragédienne ou de tumeur de la gouttière préauriculaire, on peut aborder le facial par voie rétrograde. La voie d’abord est identique ; on libère le lambeau cutané vers l’avant, on repère une des branches du facial et, à partir de cette branche cutanée, on dissèque le nerf en remontant vers le tronc. Le tronc une fois libéré, on reprend la libération du facial d’arrière en avant. En général, c’est la branche cervicofaciale qui est isolée ; celle-ci longe le bord inférieur de la branche horizontale mandibulaire du massif et, souvent, c’est la position de la veine communicante intraparotidienne qui permet de retrouver la branche cervicofaciale.
¶ Parotidectomie superficielle (fig 9) En restant au-dessus du plan du nerf facial, on peut couper la glande d’arrière en avant, tout en suivant les filets. Cette dissection se poursuit jusqu’au bord antérieur de la parotide. Les différentes branches du nerf sont ainsi isolées. Cette dissection nécessite l’utilisation des ciseaux courbes mousses, la concavité du ciseau devant rester vers le haut. Le canal de Sténon est repéré en avant de la glande, celui-ci est en général lié, mais il est possible de ne pas le faire puisqu’il n’y aura aucune complication. • Abord du tronc • Voie d’abord rétrograde • Parotidectomie superficielle
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Stomatologie
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¶ Extensions intrapétreuses En cas d’atteinte de la mastoïde sous forme d’ostéolyse et d’envahissement rétrograde du facial, il faut envisager un geste otologique complémentaire.
¶ Récidives C’est une chirurgie à risque pour le nerf facial car sa dissection au sein d’un bloc fibreux s’avère d’une difficulté extrême. La chirurgie des récidives pose en fait deux problèmes : – celui du décollement cutané, qui doit être prudent ; – celui de la découverte du tronc facial. On s’aide alors d’un neurostimulateur. On peut, après toute intervention sur la parotide, laisser un fil non résorbable près du tronc du nerf, ce qui facilite sa découverte.
¶ Fermeture
9
Parotidectomie superficielle.
Un drain de type « Jost-Redon » est mis en place. Son ablation a lieu au troisième jour et les fils sont retirés au sixième jour. Des massages sont prescrits sur la cicatrice pendant au moins 6 mois.
¶ Complications postopératoires Les complications peuvent être précoces ou tardives : – complications précoces : – une désunion de la cicatrice, qui souvent est traitée en cicatrisation dirigée ; – une gêne masticatoire ; – une hypoesthésie de la région auriculaire ; – une parésie faciale, notamment dans la région frontale, parésie en général transitoire et qui récupère dans les quelques jours qui suivent l’intervention ; – des hématomes nécessitant parfois des reprises le jour de l’intervention ;
10
Ablation du lobe profond.
ABORD DU LOBE PROFOND (fig 8A, 10)
Les filets du nerf facial sont situés sur la face externe du lobe profond ; la dissection et l’ablation du tissu glandulaire se font à travers les mailles du réseau nerveux. Le problème majeur est représenté par la présence de l’artère carotide externe qui peut être liée en cas de blessure ou préservée. En effet, cette artère, qui provient de la région cervicale, va se diviser au pôle supérieur de la glande en artère temporale superficielle et en artère maxillaire interne. L’exérèse terminée, un contrôle au neurostimulateur du nerf facial est réalisé pour vérifier l’intégrité de la mimique faciale.
¶ Parotidectomie élargie Si la parotide est le siège de lésions à extension pharyngée, la voie d’abord est la même, mais on peut s’aider d’un doigt endobuccal pour refouler la lésion vers l’extérieur. On peut même s’aider en réalisant une voie d’abord endobuccale. On élargit la voie d’abord chaque fois que l’on est en présence de signes de cancérisation pour réaliser en même temps l’évidement jugulocarotidien permettant l’ablation de tous les ganglions. En cas de fistule cutanée, le sacrifice de la peau est nécessaire et une reconstruction par un lambeau cutané ou musculocutané s’impose. • Voie d’abord endobuccale • Lambeau myocutané • Lambeau cutané
– la dépression prétragéienne, qui laisse parfois un déficit morphologique ; cette dépression peut être réparée par un comblement à l’aide du sterno-cléido-mastoïdien ou à l’aide des muscles peauciers ; – complications tardives : – apparition d’une fistule salivaire, qui peut survenir vers le huitième jour et qui souvent se tarit spontanément ; – le syndrome de Frei, qui se traduit par l’apparition de rougeur et de sudation de la région parotidienne lors des repas ; de pathogénie discutée, ce syndrome est traité par section du nerf auriculotemporal ou par traitement médical.
Chirurgie de la glande sous-mandibulaire ANATOMIE DE LA GLANDE SOUS-MANDIBULAIRE
Située dans la loge sous-mandibulaire, la glande sous-mandibulaire est située en avant de la région carotidienne et sous la région parotidienne. Ses rapports principaux se font essentiellement avec le pédicule facial, le nerf lingual en dedans et le rameau mentonnier le long du bord inférieur de la mandibule. En effet, en dehors l’artère faciale, branche de la carotide externe, contourne le pôle inférieur de la glande pour cheminer le long du bord basilaire de la mandibule. La veine faciale, superficielle, est quant à elle située à la face profonde de l’aponévrose cervicale superficielle. Le rameau mentonnier cervical chemine entre l’aponévrose et le muscle peaucier. Le nerf lingual entre en rapport avec la face interne de la glande et contracte des rapports avec la glande par des fibres 5
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sécrétoires parasympathiques. La projection de la glande dans la région cervicale correspond à une zone située entre le bord basilaire en haut, le plan de l’os hyoïde en bas, un travers de doigt en avant de l’angle mandibulaire en arrière. • Pédicule facial • Rameau mentonnier • Nerf lingual INDICATIONS OPÉRATOIRES
¶ Lithiase sous-mandibulaire Elle représente l’indication la plus fréquente de chirurgie de la glande sous-mandibulaire. Il s’agit le plus souvent de sous-maxillite lithiasique chronique ne réagissant plus au traitement médical. Elle peut s’accompagner de calculs situés dans le canal de Wharton.
Stomatologie
Scialographie sous-maxillaire.
– sialographie sous-mandibulaire pratiquée en dehors des épisodes inflammatoires, qui permet d’apprécier l’état fonctionnel de la glande et d’aider à poser l’indication opératoire ; – enfin l’échographie, qui peut être utilisée comme examen complémentaire. La sialographie (fig 11) permet de préciser l’état de la glande sousmandibulaire et éventuellement d’affirmer la nature lithiasique ou tumorale de la lésion.
INSTALLATION DU PATIENT (fig 12)
Le patient est installé en décubitus dorsal, la tête légèrement surélevée, ce qui permet de diminuer le saignement veineux. La tête est tournée du côté opposé. Les champs sont placés de telle façon que l’hémiface correspondante peut être observée pendant l’intervention pour surveiller la mobilité faciale et permettre de dégager la région antérolatérale du cou.
¶ Pathologie tumorale Les tumeurs de la glande sous-mandibulaire sont nettement moins fréquentes que celles de la parotide. Elles ne représentent que de 10 à 25 % des sous-mandibulectomies. Si l’on retrouve la possibilité d’adénome pléiomorphe, les tumeurs malignes sont avant tout des cylindromes et des lymphomes. Dans le cadre de cancers locorégionaux, on retrouve souvent des métastases ganglionnaires par extension de proche en proche ou par voie lymphatique.
¶ Lésions inflammatoires et dysimmunitaires Si le traitement est avant tout médical, le traitement chirurgical peut être proposé pour préciser le diagnostic. Il s’agit d’augmentation de volume de la glande dans le cadre de syndromes secs ou de sarcoïdose. • Sous-maxillite chronique • Métastases de cancers locorégionaux • Tumeurs primitives : cylindromes BILAN PRÉOPÉRATOIRE
Outre les examens biologiques demandés dans le cadre de la consultation d’anesthésie, les examens les plus courants utilisés sont : – le film occlusal maxillaire inférieur, qui permet de retrouver la projection des calculs notamment dans le canal de Wharton ; 6
SOUS-MANDIBULECTOMIE
¶ Repérage des points principaux Au crayon dermographique, on repère le bord basilaire, l’angle mandibulaire. L’artère faciale est palpée et dessinée. On trace l’incision à deux travers de doigt du rebord basilaire, ce qui permet d’éviter le rameau mentonnier. Cette incision mesure environ 5 cm. Une infiltration à la Xylocaïnet 1 % adrénalinée est réalisée, ce qui permet de favoriser l’hémostase et décoller les plans. – En avant de l’angle mandibulaire – Deux travers de doigt sous le rebord mandibulaire – Cervicotomie horizontale
¶ Incision (fig 13) L’incision intéresse la peau, le tissu cellulaire sous-cutané et le muscle peaucier. Après libération des deux lambeaux supérieur et inférieur, on charge le lambeau supérieur sur un écarteur de Farabeuf, ce qui permet de protéger le rameau mentonnier. La glande apparaît sous l’aponévrose ainsi que la veine faciale. • Incision intéressant le peaucier • Incision à deux travers de doigt du bord basilaire
Stomatologie
Chirurgie de la glande parotide et de la glande sous-mandibulaire 12
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A. Installation du patient pour le sous-maxillaire. 1.Projection de veine ; 2. angle mandibulaire ; 3. projection de l’artère faciale ; 4. rameau mentonnier. B. Repères de la voie d’abord de la glande sousmandibulaire.
* B * A 13 Voie d’abord sous-capsulaire de la glande sousmandibulaire. A. L’incision intéresse la peau, le tissu cellulaire souscutané et le peaucier. B. Dissection sous-capsulaire.
* A
* B 14
A. Ligature du pédicule facial. B. Libération du pôle antérieur de la glande.
* B * A ¶ Dissection de la glande (fig 14) Le lambeau antérieur récliné, la dissection est réalisée en souscapsulaire. On libère le pôle inférieur de la glande, en liant en premier la veine faciale repérée en arrière de ce pôle. Cette libération se poursuit en avant, en bas jusqu’à la région sous-mentale ; en haut, la glande est libérée du bord postérieur du mylohyoïdien dans
la région sous-mentale ; des petits vaisseaux doivent être coagulés. Le pédicule facial est alors abordé au pôle postérieur de la glande ; l’artère est liée. On poursuit alors la dissection vers le bord basilaire pour lier le pédicule facial dans sa portion horizontale. Un écarteur charge le bord basilaire, permettant de récliner en même temps le mylohyoïdien. Ceci permet d’objectiver le prolongement antéro7
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Stomatologie
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Projection du canal de Wharton. 1. Angle mandibulaire ; 2. prolongement antérieur de la glande sousmaxillaire ; 3. canal de Wharton.
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2 1
interne de la glande représenté par le canal de Wharton, qui passe entre le mylohyoïdien et le muscle hyoglosse. Le nerf lingual apparaît du fait de la traction exercée sur la glande en dehors. Des éléments vasculonerveux relient la glande au nerf lingual. Ces éléments vasculonerveux sont sectionnés au ras de la glande pour ne pas léser le nerf lingual. La glande ne tenant plus que par le canal de Wharton, on sectionne alors entre deux pinces ce canal le plus près possible du plancher buccal. Le nerf grand hypoglosse est aperçu sous l’aponévrose profonde. La glande est alors adressée au laboratoire pour un examen anatomopathologique. • Ligature du pédicule facial à deux niveaux • Dissection sous-capsulaire • Éviter la traction sur le nerf lingual
¶ Fermeture Après vérification de l’absence de saignement dans la loge sousmandibulaire, un drain de Redon est mis en place. La fermeture est réalisée en deux plans, un plan sous-cutané prenant le peaucier au fil résorbable et un plan cutané sous forme d’un surjet intradermique. L’ablation du drain a lieu à j2 ou j3, les fils étant enlevés à j6. Une antibioprophylaxie est le plus souvent préconisée en peropératoire. COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES
¶ Complications vasculaires En cas d’hématome postopératoire, il faut intervenir immédiatement. Une hémostase soigneuse permet de prévenir ces complications.
¶ Complications nerveuses – Paralysie du rameau mentonnier du nerf facial : elle est souvent transitoire et touche l’hémilèvre inférieure correspondante, ce qui gène l’élocution et l’alimentation ; la récupération est variable dans le temps. – Paralysie du nerf lingual : elle entraîne une diminution de la sensibilité de l’hémilangue correspondante. Elle peut se traduire par des paresthésies. Cette complication se retrouve dans 3 à 6 % des cas. – Paralysie du grand hypoglosse : elle est très rare.
¶ Complications infectieuses Elles sont rares. Il est nécessaire d’opérer les sous-maxillites à distance d’un épisode aigu. CHIRURGIE DU CANAL DE WHARTON (fig 15)
L’indication de l’abord du canal de Wharton se justifie le plus souvent par la présence d’un calcul qui obstrue le canal. Cette 8
* A 16
* B
A. Kyste sublingual. B. Traitement du kyste par marsupialisation.
chirurgie est réalisée sous anesthésie locale, rarement sous anesthésie générale. Il s’agit de la taille du canal de Wharton.
¶ Taille du canal de Wharton Après anesthésie locale, un fil tracteur est mis sur la pointe de la langue ou un abaisse-langue récline celle-ci. Elle est tractée du côté sain. On réalise une incision de la muqueuse buccale centrée sur le calcul ; deux fils tracteurs sont mis en place sur les berges de la muqueuse. Le canal de Wharton apparaît et est incisé dans son grand axe. Le calcul est expulsé. À l’aide d’une sonde à bout mousse, on vérifie l’absence d’obstacle en amont et en aval. La voie d’abord peut ne pas être suturée mais il est préférable de rapprocher les berges du canal de Wharton à l’aide d’un fil résorbable. Des bains de bouche sont prescrits en postopératoire.
¶ Complications – Sous-maxillite aiguë, qui est traitée par antibiothérapie et soins locaux. – Grenouillette sublinguale : cette complication est observée dans un nombre variable, entre 5 à 20 % des cas, du fait de la possibilité de drainage de la sublinguale dans le canal du Wharton et dans la muqueuse buccale directement. L’indication opératoire va nécessiter l’ablation de la glande sublinguale. Pour éviter cette complication, on peut dériver directement le canal de Wharton.
Chirurgie de la glande sublinguale La glande sublinguale peut être le siège soit d’un kyste rétentionnel, soit de tumeurs bénignes ou malignes. Nous n’envisagerons que le traitement de la grenouillette, les tumeurs ne nécessitant qu’une exérèse simple. GRENOUILLETTE (fig 16A)
Il s’agit d’un kyste rétentionnel mucoïde. Il est situé sur le plancher de la bouche et peut évoluer jusque dans la région médiane ou latérale sus-hyoïdienne. Deux techniques peuvent être utilisées.
¶ Marsupialisation (fig 16B) Après anesthésie locale ou générale : incision de la muqueuse buccale ; évacuation du contenu mucoïde ; résection de la partie superficielle du kyste ; suture des berges du kyste à la muqueuse du plancher.
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Chirurgie de la glande parotide et de la glande sous-mandibulaire 17
Exérèse du kyste.
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¶ Exérèse du kyste (fig 17) Ces kystes possèdent des parois très fines et très fragiles. Il faut éviter l’exérèse incomplète.
¶ Complications La complication majeure est représentée par l’hémorragie, à prévenir par une bonne hémostase à la coagulation bipolaire. Les lésions du nerf lingual sont plus rares. La récidive de la grenouillette est possible. Une plaie du Wharton est très rare (et sans gravité).
Anatomie de la glande sous-mandibulaire et sublinguale • Rameau mentonnier du facial • Pédicule facial • Canal de Wharton
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-320-A-10
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Chirurgie préprothétique G Princ R Toledo J Dichamp
R é s u m é. – Depuis le développement de l’implantologie, les indications de la chirurgie préprothétique sont plus restreintes. Il faut néanmoins connaître ses indications ainsi que ses possibilités thérapeutiques. Les différentes informations du bilan préopératoire indispensables à l’orientation thérapeutique seront exposées en première partie. Puis nous détaillerons successivement les techniques utilisées sur les plans muqueux et osseux, par soustraction ou addition, et la chirurgie du plancher buccal. © 1999, Elsevier, Paris.
Rappel Les critères anatomiques qui permettent de supporter confortablement une prothèse dentaire amovible, complète ou partielle, sont muqueux et osseux. L’appui muqueux doit être de bonne qualité et suffisamment étendu pour répartir au maximum la pression par unité de surface pendant les efforts de mastication. Le support osseux doit être régulier et son relief suffisamment marqué pour assurer une rétention et une stabilité convenables. Il peut être nécessaire de recourir à la chirurgie pour rétablir des conditions anatomiques satisfaisantes [1, 2, 4, 8, 12, 21, 23, 27, 33, 34, 37, 38, 52].
Examen clinique Il faut apprécier non pas tant les stigmates du vieillissement cutané que les rapports antéropostérieurs des bases osseuses (fréquemment défavorables), les fonctions musculaires (labiales, etc) et articulaires temporomandibulaires. L’examen de la muqueuse buccale est méthodique et complet, recherchant des kératoses buccales et évaluant les facteurs positifs et négatifs de rétention et de stabilisation prothétiques : insuffisance vestibulaire, frein hypertrophique, hyperplasie muqueuse, hypertrophie osseuse, etc.
En fonction des anomalies rencontrées, l’acte chirurgical se situe sur : – les muqueuses modifiées par des plasties ; – l’os basilaire et alvéolaire, par des interventions destinées à en régulariser les contours, ou à en augmenter le relief, et enfin à modifier les rapports interarcades.
Bilan radiographique
Qu’ils soient muqueux, osseux ou combinés, les actes chirurgicaux localisés à un secteur de l’arcade sont réalisables sous anesthésie locale. Il n’en est pas de même pour les anomalies intéressant la totalité d’une ou des deux arcades relevant de techniques pouvant nécessiter une anesthésie générale.
Classiquement, nous réalisons deux types de moulages. Pour la première empreinte, nous utilisons un hydrocolloïde afin de visualiser sur le modèle l’espace prothétique et de déterminer le meilleur type d’intervention. Du modèle en plâtre, nous réalisons un porte-empreinte individuel. La deuxième empreinte en compression, donne une appréciation sur la forme globale de la mandibule et sur le degré de dépressibilité des brides et freins. La pâte de Kerr est préférée à un silicone lourd qui a tendance à gonfler le cul-de-sac vestibulaire permettant ainsi une meilleure dépression. La pâte de Kerr est appliquée sur le porte-empreinte suivant la technique classique de prothèse adjointe ; cependant, avant la mise en bouche, cette extension est façonnée suivant dans le prolongement du porte-empreinte. La prise de l’empreinte ne se fait que lorsque la pâte de Kerr est peu déformable et refoule correctement le cul-de-sac vestibulaire. Cette manœuvre peut être répétée plusieurs fois sur une même zone afin d’optimiser au maximum la compression. L’état de surface final est obtenu grâce à un rebasage avec une pâte à l’oxyde de zinc chargée de talc afin d’en diminuer le pouvoir hydrophile ou avec un alginate, un silicone souple si le patient est partiellement denté. Au terme de cette étape, nous disposons du modèle de référence et d’un « modèle chirurgical » pour la réalisation d’un « gabarit » de contention dont la technique de réalisation suit les mêmes étapes qu’une prothèse adjointe classique. De l’évaluation générale et locale découlent un ou plusieurs plans de traitement nécessitant parfois une concertation pluridisciplinaire.
La qualité du résultat dépend de l’exactitude du diagnostic, du choix thérapeutique. La chirurgie préprothétique (dite de « confort »), s’adressant le plus souvent à des sujets âgés, impose une évaluation médicale complète du patient. En fonction des résultats, les indications opératoires pourront être discutées.
Bilan Données de l’interrogatoire L’interrogatoire du patient doit recueillir : – le degré de compréhension et de motivation ; – les antécédents médicochirurgicaux, les prises médicamenteuses ;
© Elsevier, Paris
– le suivi du patient par l’odontologiste et/ou le stomatologiste ; en rappelant les différentes pathologies buccales, fréquentes chez les sujets âgés : glossodynies, hyposialie (voire hypersialie).
Guy Princ : Coordinateur du diplôme universitaire de chirurgie et prothèse implantologique (Paris V), responsable de la consultation de stomatologie et chirurgie maxillofaciale. Rafaël Toledo : Attaché associé, consultation de stomatologie et chirurgie maxillofaciale. Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France. Jacques Dichamp : Attaché consultant, service de stomatologie et prothèse maxillofaciale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Princ G, Toledo R, Dichamp J. Chirurgie préprothétique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-320-A-10, 1999, 9 p.
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Le panoramique dentaire est systématique. Il peut être, en fonction de chaque cas, complété par des clichés rétroalvéolaires, voire un examen tomodensitométrique (TDM).
Étude des moulages pour édenté total
Techniques chirurgicales On distingue les interventions au niveau des plans muqueux, musculaires, osseux ; on différencie des procédés par « soustraction » ou par « addition ».
Plans muqueux par soustraction Ce sont les interventions les plus fréquentes. EMC [257]
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CHIRURGIE PRÉPROTHÉTIQUE
A 1
Stomatologie/Odontologie
B
Résection gingivale. A. Incision crestale. B. Résection gingivale cunéiforme.
C
D
C. Désépaississement des lambeaux. D. Sutures.
3
Plastie en Z, transposition des lambeaux E et B.
La résection est « économe », pour ne pas diminuer la profondeur du vestibule. En outre, de l’intervention chirurgicale peut résulter une bride cicatricielle qui viendrait gêner la stabilité prothétique ; c’est pourquoi on a recours, dans certains cas, à l’association d’une plastie de glissement.
Brides et freins Les brides muqueuses vestibulaires existent chez tous les édentés. Elles sont la traduction visible de la modification du siège des insertions des muscles peauciers de la face, due à la résorption osseuse. Ils ne doivent être corrigés que s’ils sont trop proéminents et causes d’instabilité prothétique. À la section transversale avec simple suture, il faut préférer la plastie en Z ou en VY, pour éviter une bride cicatricielle minorant la qualité du résultat (fig 2). 2
Plastie du frein labial supérieur.
Hypertrophies gingivales Elles sont habituellement constituées sous l’influence d’une irritation locale, d’une infection chronique ou d’une action chimique (Di-Hydant par exemple). Elles peuvent être localisées au niveau des tubérosités maxillaires, entraînant une réduction de l’espace libre entre crêtes antagonistes et empêchant ainsi la réhabilitation prothétique. La résection gingivale cunéiforme est réalisée (à la demande), puis les deux berges de la perte de substance crestale sont suturées sans tension après plastie de glissement de la fibromuqueuse (nécessitant un décollement souspériosté) [53, 54] (fig 1).
Crêtes flottantes Elles coexistent souvent avec des crêtes en « lame de couteau », liées à la résorption alvéolaire. Un bilan radiographique, scanographique ou tomographique doit mettre en évidence cette association. La résection est conduite prudemment. En effet, cette « crête flottante » confère à la prothèse un minimum d’adhésion qu’il ne faut pas compromettre [45]. La section doit atteindre d’emblée le plan osseux. Le rapprochement des berges est en général aisé.
Hyperplasies traumatiques Elles sont fréquentes chez l’édenté, au niveau des vestibules, au contact de la fausse gencive prothétique. page 2
Plastie en Z (fig 3) Son principe est la réalisation de deux triangles équilatéraux. La ligne médiane suit le frein (ou la bride) ; deux contre-incisions sont réalisées aux deux extrémités faisant un angle à 60°. Les deux lambeaux triangulaires sont alors échangés, permettant d’horizontaliser le grand axe (bride ou frein).Le seul impératif technique est l’obtention de deux lambeaux muqueux bien vascularisés. Ces lambeaux muqueux vont permettre, grâce à leur translation, une répartition topographique différente de la muqueuse. Les lambeaux d’échange type plastie en Z donnent la possibilité, en outre, de combler une perte de substance muqueuse.
Freinectomie linguale L’incision est parfois perpendiculaire à l’axe du frein de la langue, après avoir repéré les deux ostiums des canaux de Wharton ; la dissection peut être poursuivie, permettant, après mise en évidence des faisceaux antérieurs du muscle génioglosse, de pratiquer la section de leur insertion linguale. En fait, il s’agit plus fréquemment d’une plastie en Z.
Macroglossies De nombreuses techniques de glossoplasties ont été décrites ; les indications sont rares.
Glossoplastie losangique médiane [15] Un fil médian tracteur transfixe la pointe de la langue mobile ; latéralement, les zones de trait de la résection latérale sont repérées par deux fils. La résection est débutée sur la face dorsale de la langue puis poursuivie sur la
CHIRURGIE PRÉPROTHÉTIQUE
Stomatologie/Odontologie
face pelvienne. Après une hémostase soigneuse, les deux fils latéraux sont ramenés vers la ligne médiane, pour obtenir un remodelage parfait de la langue mobile. Dans certains cas, il peut exister une petite saillie médiane dans la région postérieure dorsale pouvant nécessiter une résection complémentaire médiane. La suture se fait en deux plans. Un fil de protraction linguale est laissé en place pendant 48 heures permettant en cas d’œdème ou d’hématome de libérer l’oropharynx.
Plans muqueux par addition Insuffisances vestibulaires Les indications sont de plus en plus exceptionnelles, les résultats étant aléatoires. Les techniques implantaires permettent souvent de pallier ces insuffisances vestibulaires. Le manque de profondeur du vestibule ne permet pas d’utiliser toute la hauteur osseuse disponible, pour bénéficier d’une surface d’appui prothétique suffisante. L’orthopantomogramme montre : – au maxillaire : l’atrophie des procès alvéolaires, la proximité des cavités nasales et sinusiennes, la forme et la situation de la tubérosité et ses rapports avec l’apophyse ptérygoïde ; – à la mandibule : l’atrophie alvéolaire, le trajet du canal dentaire et la situation du trou mentonnier. La téléradiographie de profil est intéressante, montrant la forme de la symphyse mentonnière et les rapports antéropostérieurs des maxillaires. Les possibilités d’améliorer le vestibule peuvent être mises en évidence par des moulages réalisés selon la méthode de la « double empreinte ». Grâce à ces indications, on peut déterminer si une vestibuloplastie est réalisable. Celle-ci le sera à condition que : – la muqueuse soit souple et de bonne qualité ; – la hauteur osseuse soit de 12 à 15 mm à la mandibule ; au maxillaire, on peut se contenter de 6 à 8 mm, en sachant qu’il est possible de l’augmenter en avant par une résection de l’épine nasale (le pied du malaire efface souvent le relief alvéolaire). Dans certains cas, le dernier obstacle anatomique rencontré est la position haute du trou mentonnier pouvant nécessiter le « détournement » du nerf alvéolaire inférieur.
Techniques proposées Vestibuloplasties simples L’approfondissement vestibulaire a été décrit pour la première fois par Kazanjian en 1935 [21]. Il s’agit d’un procédé sous-périosté qui va entraîner une dénudation osseuse, en réclinant périoste et insertions musculaires. L’incision muqueuse, légèrement décalée par rapport au sommet de la crête, est poursuivie en profondeur jusqu’à l’os. Elle est horizontale, arciforme, suivant la crête. La rugination est poursuivie en sous-périosté vers le bord basilaire, respectant l’émergence des nerfs mentonniers. Le lambeau ainsi créé va être amarré vers le bas, permettant l’approfondissement du vestibule. La prothèse réalisée en position de correction, dont les bords sont adaptés en peropératoire avec une résine molle (Fitt de Kerrt) ou avec une silicone par addition (Drop-Orthot, Rebasilt), maintient le cul-de-sac vestibulaire néoformé et est ligaturée à l’arcade mandibulaire, le temps de l’obtention de la cicatrisation.
Procédé de Clark (fig 4) Il s’agit d’une technique sus-périostée [6]. Après incision horizontale de la muqueuse sur le versant externe de la crête, la dissection des insertions des muscles mentonniers est pratiquée au ras du périoste symphysaire. Le
A 4
Procédé de Clark. A. Insuffisance vestibulaire. B. Approfondissement du vestibule.
B
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lambeau disséqué est réamarré en bas. Le bord libre muqueux est fixé au fond du vestibule par des fils transfixiants mentonniers, noués sur un bourdonnet. Les procédés sus-périostés ont notre préférence, facilitant une épithélialisation secondaire correcte.
Trou mentonnier, contrainte anatomique Dans certains cas, il faut modifier le positionnement de celui-ci vers l’arrière et vers le bas, permettant ainsi de faciliter l’approfondissement vestibulaire et supprimant un traumatisme prothétique sensitif. Après une petite incision muqueuse antérieure, la rugination sous-périostée permet de mettre en évidence l’émergence. L’incision est poursuivie alors latéralement au-dessus de celle-ci. Puis on met en place une spatule coudée à bords émoussés au niveau du trou mentonnier, dirigée vers le canal et protégeant le paquet vasculonerveux. L’ostectomie est conduite progressivement à la fraise boule, permettant de supprimer la table externe du canal. Le nerf est alors déplacé de quelques millimètres (souvent gêné par les branches incisives) (fig 5).
Préparation de la « prothèse guide » Cette prothèse est faite à partir des moulages issus de la deuxième empreinte, réalisée avec un matériau de consistance ferme. On creuse, à l’aide d’une spatule ou d’un couteau à plâtre, le vestibule de façon à augmenter sa profondeur, et à reproduire aussi exactement que possible la morphologie du futur vestibule. Cette préparation doit être faire en présence du patient pour permettre au praticien de se guider par la palpation des reliefs osseux. Les moulages sont montés en articulateur et une prothèse complète est réalisée. La base prothétique de l’arcade intéressée par l’acte chirurgical est réalisée soit en résine acrylique souple, soit en silicone par addition après adjonction de « primer d’adhésion ». Elle comportera du côté vestibulaire, un boudin périphérique destiné à modeler le vestibule ; elle protège la zone où s’effectuera l’épithélialisation secondaire. Pour être efficace, cette prothèse de contention doit être rigoureusement immobile. Dans ce but, elle est fixée : – à la mandibule par deux ligatures circonférentielles d’Ivy, avec un fil métallique n° 3 ; – au maxillaire par une suspension effectuée par un fil passant sur la ligne médiane, dans l’épine nasale, et latéralement, dans une petite perforation forcée au niveau de la partie inférieure des malaires. Cette prothèse est laissée en place 4 à 5 semaines, délai indispensable pour permettre une bonne épithélialisation secondaire et pour s’opposer au comblement du néovestibule par le tissu de cicatrisation. Un traitement antibiotique de principe est prescrit. Une hygiène buccodentaire rigoureuse et une alimentation mixée sont indispensables. La dépose de la prothèse s’effectue après section des ligatures. Puis, elle est portée en permanence jusqu’à la mise en place de la prothèse définitive, réalisée après un délai de 3 semaines. Cette intervention peut être effectuée sous anesthésie locale avec prémédication en chirurgie ambulatoire.
Vestibuloplastie sous-muqueuse Cette technique décrite par Obwegeser [ 3 9 ] est destinée à corriger l’attachement du tissu mou au maxillaire. L’incision est faite au niveau de la ligne médiane et la muqueuse est séparée du tissu sous-muqueux par dissection au ciseau (fig 6). Ainsi est créé un tunnel sus-périostal des deux côtés et le tissu sous-muqueux est incisé et repositionné plus haut. Après suture de la voie d’abord, une prothèse préfabriquée ou une gouttière est mise en place pour maintenir les tissus dans cette nouvelle position pendant la cicatrisation.
C
D
C. Mise en place de la prothèse immédiate. D. Dépose de la plaque et « néovestibule ».
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CHIRURGIE PRÉPROTHÉTIQUE
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Détournement du nerf dentaire inférieur. A. Émergence du nerf mentonnier.
6
Vestibuloplastie sous-muqueuse. A. Dissection au ciseau. B. Tunnel sus-périostal.
A
B
C
B. Ostectomie de la table externe du canal dentaire. C. Déplacement de l’émergence du nerf.
B
Vestibuloplasties avec greffes cutanées [49] Les vestibuloplasties simples donnent des résultats relativement décevants. En effet, la cicatrisation spontanée va entraîner une rétraction et une perte de profondeur au niveau du vestibule de l’ordre de 30 à 50 %. Certains auteurs ont donc préconisé l’association de greffes cutanées et/ou muqueuses afin de conserver le bénéfice apporté par la technique d’approfondissement. Rappelons les différents types de greffes cutanées : – greffes dermoépidermiques minces : elles emportent l’épiderme, la basale et une mince couche de derme abondant au sommet des papilles dermiques ; leur épaisseur moyenne est de 1,5 à 2,5 dixièmes de millimètre ; le site de prélèvement est le plus souvent situé sur la face interne des cuisses ; – greffes dermoépidermiques moyennes : elles vont prendre l’épiderme, une couche plus épaisse de derme, ainsi que les annexes épidermiques ; – greffe de peau totale : elle est constituée par l’épiderme, le derme avec ses annexes épithéliales dans leur totalité ; son épaisseur est de 8 à 15 dixièmes de millimètre suivant la région donneuse (sus-claviculaire) ; cette technique impose une plastie de glissement pour fermer la perte de substance cutanée au niveau du site donneur. Les greffes peuvent être utilisées en continu ou en discontinu (en îlots, en filet). Dans certains cas rares de cicatrices chéloïdes, les prélèvements cutanés sont contre-indiqués. Il faut prélever de la muqueuse, mais la superficie est trop limitée pour permettre un recouvrement suffisant [16, 17]. Toute la première partie de l’intervention se déroule comme pour une vestibuloplastie simple. Une prothèse de contention a été préparée et stérilisée ; mais, contrairement à l’intervention précédente, elle est doublée d’une couche de pâte thermoplastique. Celle-ci sera modelée par une mise en bouche de la prothèse après ramollissement à la chaleur. On obtient ainsi une prothèse dont la base est parfaitement adaptée à la surface périostée qui doit être recouverte. Lorsque l’ajustage est terminé, la prothèse est retirée, refroidie et séchée. Elle est alors enduite sur tout l’intrados d’une couche de colle chirurgicale. Un greffon cutané, après avoir été découpé, y est collé par sa face dorsale de façon à recouvrir complètement toute la partie de la prothèse en pâte thermoplastique. Après avoir été habillée par le greffon, celle-ci est mise en place avec précaution, de façon à s’adapter exactement aux contours du nouveau vestibule. Pendant toute cette phase de l’intervention, il est nécessaire de tenir compte de l’occlusion et de vérifier qu’elle sera respectée lors de la fermeture buccale. page 4
Stomatologie/Odontologie
C
D
C. Incision du tissu sous-muqueux. D. Mise en place de la gouttière.
La prothèse peut alors être fixée par des ligatures circonférentielles comme dans la vestibuloplastie. La greffe cutanée remplace l’épithélialisation secondaire et permet d’avoir un tissu plus souple, de meilleure qualité et n’ayant pas tendance à se rétracter. La prothèse peut être enlevée au dixième jour ; en général la prise est obtenue à 90 %, remplacée par la prothèse provisoire doublée d’une couche de résine molle.
Plancher buccal Intervention de Trauner L’intervention de Trauner [28, 29, 43] a pour but de supprimer l’action répulsive des muscles du plancher buccal et, éventuellement, des glandes sublinguales, par section du muscle mylohyoïdien. Cette intervention va, en outre, permettre d’obtenir un approfondissement du sillon pelvilingual.
Rappel anatomique Le muscle mylohyoïdien est un muscle aplati, large, tendu transversalement de la face interne de la branche horizontale de la mandibule, s’insérant sur toute la longueur de la ligne oblique interne (ou ligne mylohyoïdienne). Il se porte ensuite en bas et en dedans vers l’os hyoïde et le raphé médian. Les fibres antérieures sont courtes et horizontales ; les autres devenant de plus en plus longues, obliques en bas et en dedans vers l’arrière. Les deux muscles mylohyoïdiens sont réunis sur le raphé médian de la symphyse jusqu’à l’os hyoïde. Ces muscles forment une sangle sur laquelle repose l’étage susmylohyoïdien du plancher buccal. Enfin, sur les apophyses geni s’insèrent les muscles géniohyoïdien et génioglosse qui sont des muscles courts et juxtamédians.
Technique (fig 7) Cette intervention est pratiquée sous anesthésie générale (intubation nasotrachéale). L’incision de la muqueuse du plancher buccal suit la crête, légèrement en dedans. Le muscle mylohyoïdien est alors mis en évidence latéralement, une sonde cannelée est glissée sous le muscle de chaque côté ; après section de ses insertions mandibulaires. Celui-ci va être abaissé vers le bord basilaire symphysaire par deux fils de traction, transfixiant la zone mentonnière et fixés dans cette région sur des bourdonnets (certains proposent de passer les fils de traction sous le bord basilaire, de les nouer sur des bourdonnets dans le vestibule).
CHIRURGIE PRÉPROTHÉTIQUE
Stomatologie/Odontologie
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B
Intervention de Trauner. A. Action répulsive du muscle mylohyoïdien. B. Opération de Trauner.
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Crêtes en « lame de couteau ».
Crêtes en « lame de couteau » Elles s’observent essentiellement sur la partie antérieure de l’arc mandibulaire. La technique d’approche est la même que pour l’alvéoloplastie simple, mais plutôt que de pratiquer une ostéctomie, il est préférable de conserver ce relief sur lequel peut s’adosser un greffon osseux en onlay (fig 8).
Dans certains cas, l’intervention est complétée par une abrasion de la corticale interne après rugination sous-périostée. Une prothèse, munie d’une expansion du côté lingual, est alors mise en place, doublée d’un matériau souple ; elle maintient le lambeau muqueux sur le périoste mandibulaire. Il est préférable de fixer cette prothèse pendant une dizaine de jours par deux ligatures périmandibulaires. En avant, l’abaissement du plancher doit être très modéré. Il faut absolument éviter de léser les insertions des muscles génioglosse et géniohyoïdien. Tout au plus, peut-on sélectionner quelques fibres musculaires pour obtenir un léger récessus. D’autres procédés de clivage musculaire ont été décrits. Au niveau du maxillaire supérieur, peut être proposée la technique d’Obwegeser [44, 45]. Une incision vestibulaire est pratiquée sur la ligne médiane, perpendiculairement au cul-de-sac vestibulaire ; à partir de cette incision, une tunnellisation vestibulaire va permettre de réaliser un clivage des muscles. Il faut, enfin, souligner que toutes les techniques décrites peuvent être associées entre elles.
Elle peut être associée à des extractions multiples, ou faite après une période de cicatrisation. L’incision vestibulaire suit le collet des dents sectionnant les languettes interdentaires, le lambeau vestibulaire mucopériosté décollé et les avulsions dentaires pratiquées. L’ostectomie est faite à la demande afin de régulariser la crête à la fraise ou à la pince gouge (on s’assure de la régularité de la crête par palpation). La suture simple de la voie d’abord, est faite sans tension (si l’incision est trop large, on préfère la suture continue pour faciliter l’hygiène postopératoire). Quand les contours ne sont pas trop irréguliers et la hauteur bonne, mais qu’il existe une saillie vestibulaire en regard d’une ou plusieurs dents, on peut faire appel à la technique de l’alvéoloplastie intraseptale. Réalisée au moment de l’extraction, cette technique donne des résultats plus satisfaisants à long terme [36]. De réalisation simple, elle consiste à retirer la portion intraseptale de l’os alvéolaire et à rapprocher la corticale vestibulaire de la corticale linguale par pression digitale (fig 10).
Laser à gaz carbonique
Hypertrophies tubérositaires
L’utilisation du laser à gaz carbonique est très éclectique et ses indications sont encore mal définies ; c’est néanmoins le laser chirurgical par excellence au niveau de la cavité buccale [42]. La puissance délivrée par le laser CO2 peut varier, selon les besoins, de quelques watts à 60 watts. Le choix de la puissance dépend de nombreux facteurs : nature du tissu (épaisseur, richesse en eau, etc), vitesse de balayage, effet recherché (section ou vaporisation). L’utilisation du faisceau se fait sur un mode focalisé permettant de pratiquer des coupes sectionnelles extrêmement fines (lambeaux locaux). Lors d’un tir défocalisé, on obtient une vaporisation tissulaire exsangue, sans risque lésionnel pour les structures voisines (on ne peut alors recouvrir le site par une greffe cutanée ou muqueuse). En général, en cas de freinectomie, on a recours à l’utilisation sur un mode focalisé. La section va mettre en évidence une perte de substance muqueuse impliquant une cicatrisation dirigée. L’existence de brides cicatricielles semble excessivement rare. L’approfondissement vestibulaire est pratiqué en utilisant ce même principe de section. Enfin, pour réduire la fibromuqueuse gingivale tubérositaire, on préfère le procédé par vaporisation tissulaire. Du fait de l’étendue du champ opératoire, la cicatrisation est relativement longue (4 semaines) ; la durée des phénomènes sensitifs douloureux ne dépasse pas 10 jours.
En cas de proéminence dans le vestibule ou de hauteur trop importante, les hypertrophies tubérositaires sont réséquées à la demande, après réalisation d’un lambeau d’accès. La position du sinus maxillaire doit être repérée à l’orthopantomographie pour éviter une possible perforation. Après la résection osseuse, l’excès du tissu du lambeau sera excisé pour permettre une suture sans tension.
Chirurgie osseuse - Plastie de soustraction
Alvéoloplastie simple (fig 9)
Torus Au maxillaire : il s’agit d’hypertrophie du raphé médian de la voûte palatine (torus palatin). L’indication est posée sur les cas de réhabilitation prothétique mobile. Ont été proposées différentes incisions (et lambeaux d’accès) : linéaire, bifide à l’extrémité antérieure, ou bifide aux deux extrémités (fig 11), puis décollement de la fibromuqueuse palatine ; l’exérèse est conduite progressivement de manière à ne pas créer une communication bucconasale. La suture est simple. Une plaque palatine peut être positionnée en postopératoire pour appliquer les deux lambeaux palatins sans compression, en évitant un espace mort (source d’hématome). À la mandibule : ils sont localisés au niveau de la table interne mandibulaire en regard des prémolaires. Après incision crestale, le lambeau mucopériosté est décollé du côte lingual. Le torus mandibulaire peut être modelé à l’ostéotome ou à la fraise, prudemment. Puis, le contour est palpé et la suture continue ou simple réalisée. Les œdèmes et hématomes sont fréquents.
Plastie tubérositaire de Celesnik (fig 12)
Régularisation des crêtes Exostoses vestibulaires Elles sont plus fréquentes au maxillaire qu’au niveau de la mandibule [51]. Classiquement fréquente [20], la régularisation a pour but d’obtenir un rebord alvéolaire adéquat à la réhabilitation prothétique immédiate et doit être pratiquée de manière économe. Après l’incision crestale, le lambeau mucopériosté sera décollé et la régularisation sera faite à la pince gouge ou à la fraise et contrôlée par palpation. La suture peut être continue ou simple.
Cette intervention a pour but de remodeler la tubérosité, afin de lui conférer une valeur prothétique [5, 30]. Elle peut être pratiquée unilatéralement ou bilatéralement et associée à d’autres procédés. L’incision crestale contourne le bord postérieur de la tubérosité, descend vers la limite du voile jusqu’à 1 cm de la ligne médiane. Le versant postérieur de la tubérosité est dégagé, le crochet de l’apophyse ptérygoïde interne est réséqué au ciseau frappé. Pour maintenir le sillon néoformé, un conformateur peut être modelé extemporanément sur le vestibule ainsi créé et adapté à la plaque-base. page 5
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CHIRURGIE PRÉPROTHÉTIQUE
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A
B
9
Alvéoloplastie simple. A. Régularisation de la crête après extraction des incisives supérieures. B. Régularisation à la pince gouge. C. Régularisation à la fraise. D. Régularisation à la lime à os. E. Suture sans tension du lambeau d’accès.
C
D
A 10
E
B
Alvéoloplastie intraseptale. A. Incision. B. Décollement du lambeau et extraction dentaire.
C C. Ostectomie économe. D. Comblement de l’alvéole et suture du lambeau.
11 A
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B
Torus palatin. A. Torus palatin ; vue antérieure. B. Incisions palatines.
D
CHIRURGIE PRÉPROTHÉTIQUE
Stomatologie/Odontologie
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Ostéotomies et crêtes mandibulaires Des procédés d’ostéotomie ont été décrits afin de remodeler la crête ; le greffon osseux étant utilisé en interposition [12, 13, 14, 41, 43, 46-48].
Ostéotomie dite en « sandwich » (décrite par Schettler en 1971) L’ostéotomie mandibulaire est horizontale. Le fragment supérieur est déplacé vers le haut afin d’obtenir un espace libre intermédiaire qui va être comblé par un greffon osseux d’interposition. Secondairement, une vestibuloplastie peut être associée. Les risques fracturaires et des lésions du nerf alvéolaire inférieur sont majeurs.
Ostéotomie en « visière » (décrite par Härle en 1975 [18]) A 12
B
Intervention de Celesnik. A. Ostectomie. B. Mise en place du conformateur.
Ostéotomies maxillaires La chirurgie segmentaire dentoalvéolaire peut être pratiquée afin de permettre une réhabilitation prothétique. Par exemple, en cas d’égression du secteur prémolomolaire supérieur, après édentation ancienne du secteur antagoniste inférieur, non compensée, il existe une diminution de l’espace prothétique. L’ostéotomie de Schuchart permet la mobilisation du bloc prémolomolaire, qui est impacté, vers le haut (fig 13). La contention est assurée par ostéosynthèses et par une gouttière réalisée sur les modèles plâtrés de simulation. En cas de dysmorphies dentomaxillaires, il faut corriger le décalage des bases osseuses. Par exemple, chez un édenté total, des rapports d’occlusion antéropostérieurs défavorables peuvent imposer une ostéotomie de type Le Fort I avec mouvement d’avancée (fig 14).
Chirurgie osseuse - plastie par addition
Son principe est celui du clivage des tables osseuses par une ostéotomie sagittale. La corticale interne reste pédiculée au niveau du plancher buccal par les insertions musculaires ; ce fragment va être ascensionné puis ostéosynthésé dans sa nouvelle position ; la vestibuloplastie est réalisée secondairement. Peterson [40] en 1977 introduisit quelques modifications (fig 15) : – le fragment interne est élevé de manière égale dans les secteurs antérieur et postérieur ; en effet, dans la technique initiale, la corticale interne restait en place dans le secteur postérieur qui jouait alors un rôle charnière ; – la vestibuloplastie est réalisée d’emblée. Cette ostéotomie pose également des problèmes techniques majeurs. En effet, le clivage n’est possible que si l’épaisseur transversale est suffisante (valeur de l’examen TDM) [ 1 4 ] ; d’autre part, il faut préserver le paquet vasculonerveux alvéolaire inférieur. Enfin, il semble que la résultante sur la hauteur de la crête soit insuffisante dans la majorité des cas [18, 35].
Ostéotomies et crêtes maxillaires De même, l’ostéotomie de Le Fort I peut être associée à l’utilisation d’un greffon osseux en interposition (fig 16). Le but est de modifier la dimension verticale, voire antéropostérieure et de remodeler dans le même temps la crête.
De nombreux auteurs ont préconisé l’utilisation de greffons osseux (iliaque, crânien, costal, tibial, etc) en apposition afin de rehausser la crête mandibulaire. Ces interventions, outre le fait qu’elles exposent à de nombreuses complications, n’ont pas donné les résultats anatomiques escomptés dans le cadre de la chirurgie préprothétique [11, 14, 15]. Les autogreffes restent d’actualité à visée préimplantaire, l’utilisation des biomatériaux restant soumise à de nombreuses controverses.
15 13
14
Ostéotomie en « visière ».
Ostéotomie de Schuchart.
Ostéotomie de type Le Fort I.
16
Ostéotomie Le Fort I et greffe osseuse.
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A 17
B
Augmentation de la crête mandibulaire par biomatériau. A. Augmentation de la hauteur de la crête mandibulaire par biomatériau. À partir des incisives latérales, réalisation du tunnel.
A 18
Augmentation de la crête maxillaire par biomatériau. A.Augmentation de la hauteur de la crête maxillaire par biomatériau. Incision médiane.
Procédés par apposition simple (onlays) Biomatériaux Un procédé usuel consiste à réaliser un tunnel sous-périosté, crestal, en cas d’utilisation d’un biomatériau [3, 25, 26, 50]. Le biomatériau le plus utilisé est l’hydroxyapatite, qui peut être utilisée en particules ou blocs et retrouvée sous forme poudreuse ou non poudreuse. Ce biomatériau est en « théorie » non résorbable, raison pour laquelle l’hydroxyapatite empêche une « néoformation » osseuse. Histologiquement, l’hydroxyapatite est entourée d’un tissu fibreux sans inflammation [24], cependant son utilisation reste discutée. À la mandibule, la technique opératoire est la suivante : – la voie d’abord est faite par deux incisions situées de part et d’autre de la ligne médiane, immédiatement en avant des orifices d’émergence des nerfs mentonniers ; les incisions verticales, partant de la face linguale de ce qui reste de la crête alvéolaire, vont descendre jusqu’au fond du vestibule (fig 17) ; – l’incision s’étend jusqu’au plan osseux en sectionnant le périoste après s’être assuré, par une dissection légère, que les branches terminales des nerfs mentonniers ne risquent pas d’être lésées ; – le périoste est ensuite décollé d’avant en arrière, depuis l’incision jusqu’au trigone rétromolaire. Après avoir réalisé deux tunnels latéraux, on les réunit en avant pour former un tunnel médian. Des fils d’attente sont passés dans les berges des incisions : ils permettent de les écarter lors du comblement et de les suturer immédiatement après. Au maxillaire (fig 18), la réalisation technique est plus difficile. L’« expandeur » a été préconisé sans succès [31, 32, 55]. L’utilisation d’un tube résorbable (Vicrylt) rempli des particules d’hydroxyapatite et positionné sur la crête a été aussi proposée [19]. Le tube va être résorbé et l’hydroxyapatite va rester en place.
Plaque de contention Après avoir pris une empreinte aux hydrocolloïdes, le modèle est coulé en plâtre dur afin de réaliser un porte-empreinte individuel. Il est capital de bien page 8
Stomatologie/Odontologie
C
B. Injection du biomatériau. C. Sutures.
B
C
B. Injection du biomatériau. C. Sutures.
régler ce porte-empreinte et de prendre une empreinte de qualité, car toute surpression au niveau du moyen de contention entraînerait une plaie de la muqueuse et donc une possibilité de communication entre le milieu buccal et le matériau de comblement sous-périosté. Il est nécessaire, au niveau du modèle en plâtre, d’aménager sur la crête l’espace destiné au matériau de comblement ; son volume est dicté par le diamètre de la seringue qui sert à insérer le matériau. Ce volume est fidèlement reproduit avec du plâtre sur le modèle au niveau de la crête osseuse. Puis on estampe une plaque en biocryl (résine dure thermoformable) grâce à une presse de type Biostart. Cette plaque est découpée aux limites de la prothèse adjointe classique et peut être essayée en bouche, cette manœuvre permettant de visualiser les zones de surpression qui pourront être meulées ; cela étant d’autant plus facile que le matériau est transparent. Cette plaque est alors confiée au bloc opératoire qui pourra la stériliser à froid. Cette gouttière est posée en peropératoire et ligaturée soit au fil d’acier, soit au fil de soie. Elle est laissée environ quinze jours. En théorie, le patient pourrait être aussitôt appareillé, mais il nous parait plus simple de transformer cette contention en plaque-base, puis en bourrelet d’occlusion, et enfin en appareil provisoire. En effet, un rehaussement de crête ne peut être efficace que s’il est associé à un approfondissement vestibulaire et cela ne doit pas être réalisé avant six à neuf mois. L’utilisation de biomatériaux non résorbables n’a pas d’intérêt dans le cadre de l’ostéo-intégration. C’est pour cela qu’ils ont été de plus en plus abandonnés. À l’heure actuelle, l’orientation de la recherche se fait vers un biomatériau ostéoconducteur, mais à la fois ostéo-inducteur.
Greffes osseuses d’apposition crestale Plusieurs techniques d’augmentation de la hauteur par des autogreffes ont été utilisées, combinées avec des ostéotomies. Si les résultats sont aléatoires en chirurgie préprothétique, les indications restent larges en chirurgie préimplantaire (cf fascicule 23-395-A-10 de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale). Les complications immédiates sont fréquentes à type d’infection, de désunion de sutures ; plus tardivement, la muqueuse sous-jacente peut devenir fragile, prenant un aspect atrophique [3].
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Stomatologie [22-350-A-10]
Chirurgie réparatrice des lèvres
Guy Payement : Spécialiste des hôpitaux des Armées Jean-Luc Cariou : Professeur agrégé du Val-de-Grâce Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce Alain Bellavoir : Professeur au Val-de-Grâce, titulaire de la chaire de chirurgie spéciale Clinique de chirurgie plastique, chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hôpital d'instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé France
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INTRODUCTION Les lèvres sont situées dans la région centrofaciale, à l'intersection du tiers moyen et du tiers inférieur de la face. Elles se présentent comme une structure anatomique particulièrement mobile et spécifique sur le plan fonctionnel et esthétique. Exposées au regard de tous, leur réparation est importante à double titre. Elle se justifie pour d'une part leur redonner une fonction et une esthétique aussi proches que possible de la normale et d'autre part et en conséquence participer à la restauration de l'identité sociale de l'individu. Fonction : le rôle des lèvres dans la préhension et la rétention des nourritures solide et liquide est essentiel et commun à la plupart des espèces animales. Plus évoluée est la fonction phonatoire où elles participent à l'articulation finale des sons, au même titre que la langue. Plus subtil enfin est leur rôle dans la mimique où les lèvres s'intègrent à la mobilité générale de la face, permettant de traduire toute la gamme des sentiments. Ce rôle est particulièrement important dans la vie de relation, et les perceptions enfantines les traduisent aisément. Enfin leur continuité joue un rôle fondamental dans la morphogenèse faciale en préservant l'équilibre de la croissance des procès alvéolaires entre poussée linguale et sangle labiale [61]. Esthétique : selon Levignac [42] l'esthétique correspond à « un idéal fonctionnel où les lèvres bien formées et en place jouent librement ». Les variations morphologiques sont nombreuses selon l'âge, le sexe et les individus. Le modelé est différent selon les sujets. Le philtrum, l'arc de Cupidon, le tubercule médian présentent en effet de multiples nuances quant à leur forme et leur relief qui sont plus ou moins accentués. Les dimensions des lèvres sont variables, même si la position de la commissure se situe en moyenne sur
une ligne verticale abaissée du milieu de la pupille. L'épaisseur et la coloration diffèrent selon l'origine ethnique, au même titre que la pilosité varie selon l'âge et le sexe. Enfin, l'âge induit des variations de forme liées à la distension musculaire et cutanée mais aussi aux modifications du prémaxillaire liées à l'état de la denture sous-jacente. Rétablir une fonction et une esthétique labiale consiste, selon Merville [47] à reconstruire une lèvre souple, ample, dynamique, de coloration ou de pilosité aussi proche que possible de la normale. Redonner la souplesse impose l'emploi de téguments dont la texture est proche de celle des lèvres et les procédés de réparation employés ne doivent pas « barrer » ces lèvres par des brides cicatricielles génératrices de handicaps fonctionnels. Les lèvres doivent être amples en hauteur et en largeur, pour permettre une continence salivaire et une occlusion labiale satisfaisante autorisant l'alimentation et la phonation. Sur le plan esthétique, la réparation doit redonner une hauteur labiale suffisante pour permettre une couverture dentaire et éviter un « sourire gingival ». Elle doit également rétablir l'équilibre entre la longueur des lèvres supérieure et inférieure pour conserver des rapports interlabiaux proches de la normale. La région labiale est avant tout mobile, et lui rendre sa dynamique impose le rétablissement d'une continuité musculaire soit par suture directe soit par apport d'un tissu musculaire innervé ou réinnervable. Enfin, la couverture cutanée de la région doit redonner une coloration normale aux différentes sous-unités esthétiques, éventuellement permettre la restauration de la pilosité. Impératifs de la reconstruction labiale : telles sont les données fondamentales et les contraintes qui s'imposent au chirurgien maxillofacial ou plasticien dans un but de reconstruction idéale. La complexité de cette réparation est illustrée par le nombre des techniques proposées, qui traduit le plus souvent l'imperfection des résultats obtenus. Ainsi en 1970, Dirlewanger [13] avait recensé 75 techniques chirurgicales principales. Le choix d'une ou de plusieurs techniques en association doit donc donner la préférence à la simplicité, la rapidité, la qualité du résultat et la sécurité de la cicatrisation en limitant autant que possible les séquelles au niveau des sites donneurs. Toutes ces contraintes expliquent que la chirurgie réparatrice des lèvres doit utiliser de première intention les tissus labiaux restants pour reconstruire des pertes de substance dont la largeur dépasse les possibilités de suture directe car comme le dit Stricker [73] « à la lèvre plus encore qu'ailleurs, la priorité est au muscle ». Les indications varient selon les dimensions, le siège, l'âge des patients et les circonstances étiologiques. Concernant les étiologies, nous ne retiendrons dans cet article que les étiologies traumatiques, en incluant morsures et brûlures, et carcinologiques. Les étiologies malformatives congénitales sont traitées dans d'autres chapitres de cette encyclopédie.
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BASES ANATOMIQUES Les lèvres correspondent à deux replis musculomembraneux [45] qui réalisent un diaphragme constituant à la fois les bords libres de l'orifice buccal, l'orifice supérieur du tube digestif et la paroi antérieure de la cavité buccale. Les différents rôles fonctionnels qui leur sont dévolus sont possibles grâce à l'existence d'un dispositif musculaire très élaboré, recouvert par une « étoffe » cutanée et muqueuse souple et donc apte au déploiement.
Situation et limites
[3]
Les lèvres, réunies latéralement et symétriquement par les commissures buccales, forment la région labiale, impaire, située à la partie médiane de la jonction entre étages moyen et inférieur de la face. Cette région présente deux versants. L'un est cutané, limité en haut par une droite horizontale passant par le seuil narinaire et le pied de la columelle, en bas
par le sillon labiomentonnier, latéralement par les deux sillons nasogéniens et le prolongement fictif de ceux-ci vers le bas. L'autre, muqueux, a pour limite, en haut et en bas, les fonds des vestibules buccaux et latéralement une verticale passant par les premières prémolaires.
Aspect La morphologie labiale est sujette à de nombreuses variations individuelles et en fonction de l'âge. Les rapports de longueur et de position entre les deux lèvres doivent être pris en compte. Chaque lèvre comprend une portion cutanée, ou lèvre blanche, et une portion muqueuse, ou lèvre rouge. La lèvre blanche présente un revêtement cutané épais, résistant, adhérent au plan musculaire sous-jacent. Elle est le siège chez l'homme de nombreux éléments pileux. La lèvre blanche supérieure présente une dépression médiane, le philtrum, bordée par les reliefs des crêtes philtrales et en regard, la lèvre blanche inférieure présente une dépression plus ou moins marquée. Toutes ces régions forment autant de sous-unités esthétiques qu'il convient de restaurer ou de préserver. La lèvre rouge, de nature muqueuse, forme le bord libre des lèvres. Elle se subdivise en deux zones. La portion interne, ou lèvre humide est constituée par un épithélium pavimenteux stratifié en continuité avec la muqueuse buccale. A la face profonde de cette muqueuse, fine et richement vascularisée, existe un tissu conjonctif lâche, riche en glandes salivaires accessoires. Une portion externe correspond à la lèvre sèche, ou vermillon, encore appelée zone de Klein, qui est une zone de transition entre une véritable muqueuse et un épithélium corné. À ce niveau, la couche granuleuse est absente, le derme est très mince et présente des rapports étroits avec le muscle orbiculaire. Il n'existe ni follicule pilosébacé, ni glande salivaire accessoire. La ligne de jonction cutanéomuqueuse est saillante, nette, de tracé harmonieux. Elle constitue un repère essentiel en chirurgie réparatrice. À la partie médiane de la lèvre supérieure, répondant au philtrum, on note une incurvation plus ou moins accentuée, l'arc de Cupidon, auquel correspond une incurvation inverse à la lèvre inférieure. Les commissures buccales, points fixes à topographie variable [74] sont classiquement situées au repos dans un plan vertical à l'aplomb de la pupille correspondante lorsque l'oeil regarde vers l'infini. Dans un plan horizontal, elles se situent sur une ligne horizontale parallèle au plan bipupillaire. Elles sont caractérisées par une aptitude au déploiement, possible grâce à une réserve d'étoffe cutanée et muqueuse qui se traduit par un plissé cutané correspondant aux sillons paracommissuraux et nasogéniens que l'on retrouve sur le versant muqueux. L'agencement cutané commissural dessine une plastie en Z asymétrique, décalée de la commissure par le triangle d'arrêt (fig 1). L'équilibre entre les deux lèvres est aussi un élément important à restaurer. De face, la longueur de la lèvre supérieure est plus importante que celle de la lèvre inférieure. De profil, la lèvre supérieure se situe en léger surplomb par rapport à la lèvre inférieure, ce qui correspond à la situation des procès alvéolaires sous-jacents.
Constitution du dispositif musculaire
[3]
L'élément central est constitué par le muscle orbiculaire des lèvres (musculus orbicularis oris) autour duquel s'organise en deux plans l'ensemble du dispositif musculaire. Le plan profond constitue une véritable sangle musculaire labiobuccinatopharyngée qui joue le rôle de sphincter supérieur du tube digestif. Elle est formée en avant par l'orbiculaire interne (pars labialis) qui adhère au chorion de la muqueuse et se prolonge latéralement par le buccinateur (musculus buccinator). Ce plan profond est aussi constitué par le muscle compresseur des lèvres particulièrement développé chez le nouveauné, dont les fibres tendues de la face profonde de la peau à la face profonde
de la muqueuse traversent les fibres de l'orbiculaire interne. Le plan superficiel est constitué par le muscle orbiculaire externe (orbicularis marginalis) dont les fibres peuvent être extrinsèques ou intrinsèques. Les fibres extrinsèques appartiennent au plan des muscles peauciers qui convergent vers les lèvres. Ces muscles sont représentés en haut et en dehors par les petit et grand zygomatiques (zygomaticus minor et major), le canin (levator anguli oris) et l'inconstant risorius, en bas et en dehors par le platysma et le triangulaire des lèvres (depressor anguli oris). Ces muscles qui ont tous des insertions dermiques se réunissent dans la région paracommissurale pour former le modiolus. Les fibres intrinsèques sont étendues du bord alvéolaire des maxillaires et de la mandibule aux lèvres où elles fusionnent avec les fibres extrinsèques de l'orbiculaire externe. À la lèvre supérieure, le releveur de la lèvre supérieure et de l'aile du nez, le releveur de la lèvre supérieure (musculus levator labii superioris) viennent s'insérer à la face profonde de la peau. À la lèvre inférieure, le carré du menton (depressor labii inferioris) vient adhérer à la face profonde de la peau de la lèvre inférieure, alors que le muscle de la houppe du menton vient se terminer à la face profonde de la peau du menton.
Vascularisation
[63]
La réalité de la vascularisation des lèvres, bien loin du classique cercle artériel péribuccal, s'explique par l'embryologie de la région.
Vascularisation artérielle Elle est principalement assurée par les artères coronaires labiales supérieure et inférieure, branches de l'artère faciale. Les coronaires représentent un élément flexueux globalement horizontal sur lequel sont branchées des artères collatérales verticales. D'un diamètre d'environ 1 mm, elles cheminent à la face profonde du muscle orbiculaire entre le muscle et les glandes salivaires accessoires et leurs trajets se projettent au niveau de la ligne de jonction cutanéomuqueuse. Le plus souvent elles s'anastomosent avec l'artère homologue controlatérale. Selon Ricbourg, dans 16 % des cas, il n'existe pas d'anastomose médiane au niveau de la lèvre supérieure et les artères coronaires se terminent par l'artère de la sous-cloison. Toujours selon cet auteur, dans 12 % des cas, une coronaire inférieure est absente. Pour Park et al [51] l'artère labiale supérieure distribue de nombreuses branches septales en deux réseaux, superficiel et profond par rapport au muscle orbiculaire. Cette vascularisation est complétée par des vaisseaux accessoires. Au niveau de la lèvre supérieure, il s'agit de collatérales directes de l'artère faciale telles que la branche alaire et des branches terminales labiales de l'artère sphénopalatine. Au niveau de la lèvre inférieure, il s'agit des collatérales directes de l'artère faciale et de l'artère mentonnière qui se distribuent selon des axes verticaux et horizontaux.
Drainage veineux Il se caractérise par l'absence de l'indépendance totale de chaque lèvre. Au niveau de la lèvre supérieure, dermique et sous-muqueux, par tronc labial supérieur et le tronc commissural supérieur. Ils
veine
coronaire
individualisable
et
il s'effectue à partir de réseaux d'origine sousl'intermédiaire de deux troncs principaux, le philtrocommissural, et par un tronc accessoire se réunissent pour former le tronc
labioseptocolumellaire ascendant qui se jette dans la veine faciale. Au niveau de la lèvre inférieure, les réseaux d'origine sont identiques, mais les troncs de drainage difficilement individualisables s'anastomosent entre eux avant de se regrouper en un ou deux troncs qui se jettent dans la veine jugulaire antérieure.
Drainage lymphatique Il tire son origine de deux réseaux, en rapport avec la muqueuse pour l'un et avec la peau pour l'autre, qui s'anastomosent sur le bord libre des lèvres [47]. Le drainage s'effectue pour la lèvre supérieure presque en totalité vers les ganglions sous-maxillaires, plus rarement sous-digastriques et pour la lèvre inférieure de façon différente selon les zones. Les trois cinquièmes médians se drainent vers les ganglions sous-mentaux et la chaîne jugulaire antérieure, et les deux cinquièmes externes vers les ganglions sous-maxillaires.
Innervation L'innervation motrice est assurée par le nerf facial. La lèvre supérieure est innervée par le rameau buccal supérieur et par le rameau sous-orbitaire pour les muscles releveurs de la lèvre supérieure, les zygomatiques et le muscle canin. La lèvre inférieure est innervée par les rameaux buccal inférieur et mentonnier. L'innervation sensitive est sous la dépendance du nerf trijumeau par sa branche maxillaire supérieure, le nerf sous-orbitaire, et par sa branche maxillaire inférieure par l'intermédiaire du nerf dentaire inférieur et du mentonnier.
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RÉ PARATION DES LÉ SIONS TRAUMATIQUES DES LÈVRES SANS PERTE DE SUBSTANCE
Réparation des plaies des lèvres La réparation d'une plaie labiale impose la mise en oeuvre des moyens techniques indispensables à l'obtention d'un résultat optimal dès le premier temps opératoire car il ne s'agit pas d'une extrême urgence et sa réparation doit être d'emblée idéale. L'opérateur doit se mettre dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire disposer d'instruments adéquats et de matériel de suture adapté fin et solide, résorbable et non résorbable, sans hésiter à recourir à l'anesthésie générale en particulier chez l'enfant. L'exploration chirurgicale, après contrôle de l'hémostase et nettoyage très soigneux à l'aide d'antiseptique et de sérum physiologique, permet de catégoriser la plaie afin de choisir une conduite à tenir adaptée. Ricbourg [64] a proposé une classification en cinq types. Le type I correspond à une plaie simple et le type II à une plaie souillée, qui doivent bénéficier après préparation d'une suture en urgence. Le type III correspond à une plaie avec perte de substance qui peut bénéficier, selon son importance, en largeur et en épaisseur, et son degré de souillure, d'une suture directe avec ou sans plastie associée, d'une suture différée, voire, si les lésions sont importantes, de sutures cutanéomuqueuses afin de protéger les berges d'une contamination en attendant
une réparation secondaire. Les lésions de type IV sont associées à une atteinte osseuse sous-jacente et la couverture de la lésion osseuse est un impératif au stade initial. Enfin, les lésions de type V comportent l'atteinte d'un organe « noble », circonstance rare, lors des lésions labiales isolées. Si une suture en urgence est possible ou nécessaire, certaines structures anatomiques doivent être repérées puisqu'elles constituent autant de points clés de la reconstruction. En premier lieu, la ligne de jonction cutanéomuqueuse est soit tatouée, soit scarifiée, soit fixée par un fil fin non serré dont les chefs longs sont réunis sur une pince en attente. Si possible, la ligne de jonction entre lèvre humide et lèvre sèche est elle aussi repérée. Le plan musculaire doit être recherché et dégagé par une légère traction vers le bas au niveau de la lèvre supérieure et vers le haut pour la lèvre inférieure, et séparé du plan cutané de la lèvre à la lame froide sur une distance d'environ 3 mm. Le plan muqueux est plus aisément identifiable. La suture est alors effectuée en trois plans en débutant par le plan musculaire qui est suturé au fil résorbable ou non selon les auteurs. Elle est effectuée de manière centripète et les derniers points noués sont laissés longs en attente pour servir de tracteurs pour la suture muqueuse. Celle-ci est réalisée à points séparés de fil résorbable de type résorption rapide. Cette suture doit être aussi étanche que possible pour réduire la contamination salivaire, source de retard de cicatrisation, voire de lâchage de suture. Les noeuds doivent être multiples et bien serrés. Comme pour la suture musculaire, elle est effectuée de manière centripète en partant du fond du vestibule gingivolabial vers le bord libre de la lèvre et ceci jusqu'à la jonction entre lèvre sèche et lèvre humide, zone frontière qu'il faut autant que possible réaligner. Au-delà de cette zone, le fil non résorbable laissé long au niveau de la jonction cutanéomuqueuse est noué et la suture est réalisée à points séparés de nylon fin (5/0 ou 6/0) sur le versant cutané. La traction sur cette suture est plus ou moins importante, fonction de l'oedème et de la largeur de l'éventuelle perte de substance associée. Elle peut être soulagée par l'emploi de sutures cutanées adhésives. La lèvre rouge doit être soigneusement vaselinée. Le pansement peut être sec sur le versant cutané, laissé en place pendant 48 heures, puis la plaie peut être laissée à l'air jusqu'à l'ablation des fils qui sont enlevés au septième jour. L'alimentation peut être reprise rapidement lorsqu'il s'agit de plaies simples, sous couvert d'une hygiène buccale de type bains de bouche. Les prothèses dentaires, lorsqu'elles existent, doivent être remises en bouche immédiatement après la réparation pour éviter une rétraction cicatricielle les rendant inadaptées. En cas de délabrement important, la mise en place d'une sonde nasogastrique permet de protéger pendant quelques jours les sutures muqueuses.
Prévention des séquelles esthétiques des plaies des lèvres L'évolution des sutures verticales linéaires, quel que soit le soin apporté à leur réalisation, se traduit souvent par la création d'une encoche au niveau de la jonction cutanéomuqueuse et du bord libre labial. Pour certains, la prévention de cette séquelle passe par la réalisation d'emblée d'une suture en marche d'escalier au niveau de la jonction cutanéomuqueuse ou d'une suture avec plastie en Z, voire double Z type Tennison sur le versant cutané de la réparation. Lorsque la perte de substance est d'origine chirurgicale, la prévention de cette séquelle passe par la réalisation d'une exérèse pentagonale avec deux angles situés au niveau de la ligne de jonction cutanéomuqueuse. D'autre part, les cicatrices verticales situées au niveau de la lèvre inférieure ont souvent comme conséquence une hypertrophie cicatricielle qui peut être partiellement prévenue par la réalisation de multiples Z superposés. Contrairement aux notions classiques qui préconisent à la face un parage « économe jusqu'à l'avarice », au niveau labial la qualité du résultat esthétique et fonctionnel passe, parfois, par un parage géométrique ; en traumatologie lorsque les berges de la plaie sont très délabrées ou lorsqu'il existe une perte de substance inférieure au quart de la longueur labiale, ce qui rend possible une suture directe. De la même manière, les résections carcinologiques doivent respecter certaines règles lorsqu'une suture directe est envisagée.
D'autre part, les sutures labiales sont responsables, pour les plaies transfixiantes, d'une induration palpable correspondant à la fibrose du plan musculaire. Cette induration, souvent longue à se résorber peut être améliorée par la réalisation, dès la troisième semaine, de massages et de pétrissages de la cicatrice.
Réparation des séquelles esthétiques des plaies des lèvres Les plaies des lèvres sont pourvoyeuses d'un grand nombre de séquelles esthétiques qui peuvent justifier d'une chirurgie réparatrice. Vandenbussche [77] a proposé une classification schématique de ces séquelles qui peuvent intéresser uniquement la lèvre rouge ou la lèvre blanche, le plus souvent les deux éléments, voire des états cicatriciels complexes étendus aux régions voisines. Les anomalies de la lèvre rouge peuvent être, selon cet auteur, de cinq types. Le débord muqueux ou le débord mucomusculaire isolé permanent, la saillie encoche musculaire par non-suture orbiculaire, la malsuture et malrotation de l'orbiculaire et les brides vestibulomuqueuses. Les débords muqueux isolés sont traités par une résection fusiforme axée sur les stries du vermillon si elles sont de petite taille, axée sur les fibres de l'orbiculaire si elles sont de plus grande taille. Lorsque la déformation intéresse en plus le muscle orbiculaire, les exérèses fusiformes décrites sont complétées par une résection cunéiforme de la malfaçon cicatricielle musculaire et une réparation bi- ou tritissulaire. Les cicatrices vicieuses intéressant uniquement la lèvre blanche ne présentent pas de caractères spécifiques par rapport aux autres plaies de la face. Si la malfaçon cicatricielle est qualitative sans asymétrie de hauteur des berges et sans décalage cutanéomuqueux, on réalise une découpe en W équilibrée sur toute la hauteur après une section franche de la lèvre rouge. S'il existe une asymétrie de hauteur sans décalage, une excision tritissulaire en W modulée pour allonger la lèvre blanche la plus courte est effectuée. En cas de décalage de la jonction cutanéomuqueuse, il faut réaliser un Z en positionnant l'encoche sur la berge la plus courte et le lambeau triangulaire sur l'autre. Certaines techniques de réparation peuvent être préférentiellement indiquées pour la lèvre supérieure ou pour la lèvre inférieure. Au niveau de la lèvre supérieure, les rétractions cicatricielles peuvent bénéficier de plasties en Z d'allongement voire d'un lambeau de rotation prélevé au niveau de la région labiogénienne adjacente après excision de la zone cicatricielle responsable de fait d'une perte de substance superficielle. Lorsque l'évolution cicatricielle est responsable d'une encoche de largeur importante dans la région médiane ou paramédiane, Ginestet [26] proposait un procédé de type « marche d'escalier ». Au niveau de la lèvre inférieure, une cicatrice rétractile de faible importance perpendiculaire au grand axe de celle-ci, responsable d'une encoche modérée du bord libre, peut être corrigée par une plastie en VY qui supprime l'attraction cicatricielle et fait disparaître l'encoche. Si la rétraction est plus importante, une plastie en Z unique ou étagée pour limiter la longueur des branches transversales, s'impose.
Deux cas particuliers : morsures et brûlures électriques Les morsures animales, parfois humaines [75], peuvent intéresser les lèvres au même titre que la pyramide nasale ou le pavillon auriculaire. Concernant les morsures de chiens, cas le plus fréquent, Pinsolle et al [55] à propos de 200 cas, rappellent des données classiques. Les enfants sont les principales victimes de ces morsures de la face et les lèvres sont atteintes dans 26 % des cas. Les lésions sont variables en importance puisque ces auteurs ne rapportent que 5 % d'amputations labiales par arrachement, mais les berges des plaies sont toujours contuses et les lésions même punctiformes sont souvent profondes. La septicité de ce type de traumatisme est bien connue, basée sur une contamination polymicrobienne associant des cocci à
Gram positif (entérocoque, streptocoque hémolytique, staphylocoque...) et des bacilles à Gram négatif (Escherichia coli, Pasteurella multocida, Moraxella...). L'antibiothérapie générale doit tenir compte de cette contamination et être mise en oeuvre au même titre que la prophylaxie antitétanique et antirabique. Sur le plan local, quel que soit le délai entre la morsure et le parage chirurgical initial, il faut toujours préférer une suture différée de 2 à 7 jours selon les lésions. Dans cet intervalle des pansements pluriquotidiens doivent être effectués le plus souvent à l'eau oxygénée pour lutter contre l'anaérobiose. La suture primaire est alors possible sans tension. La mise en oeuvre de ce protocole permet à ces auteurs de ne constater que 2,5 % d'infections postopératoires. Dans tous les cas où existe une perte de substance superficielle ou de pleine épaisseur, la réalisation des gestes de chirurgie réparatrice ne doit être entreprise qu'après obtention de la cicatrisation primaire. Les brûlures électriques, contrairement aux brûlures thermiques qui intéressent le plus souvent le revêtement cutané et peuvent donc être assimilées à des pertes de substance superficielles, se caractérisent par leur profondeur puisque les trois plans peuvent être intéressés et leur siège, localisé préférentiellement au bord rouge de la lèvre inférieure. La circonstance étiologique le plus souvent retrouvée est la lésion survenant chez le jeune enfant qui porte à sa bouche la fiche femelle d'un prolongateur électrique laissé branché sur la prise. Selon l'importance des lésions, Marchac [44] a proposé une classification à visée pronostique des formes anatomocliniques. Les lésions de type I, II, III, sont des lésions plus ou moins étendues et superficielles, intéressant la lèvre rouge et une surface plus ou moins grande de la lèvre blanche dont les séquelles sont essentiellement esthétiques. Les types IV, V, VI, intéressent respectivement le fond des vestibules labiaux, la commissure, ou se caractérisent par une étendue supérieure à la moitié de l'orifice buccal. Selon leur importance, l'évolution cicatricielle peut être à l'origine d'une incontinence labiale, de troubles de la croissance dentaire, voire maxillaire, de difficultés d'alimentation en cas d'atrésie buccale, toujours associés à des séquelles esthétiques considérables. Les modalités évolutives initiales de ce type de traumatisme plaident pour une abstention chirurgicale en urgence. Après une phase d'oedème, survenant entre la quatrième et la douzième heure, on constate vers le quatrième jour l'apparition d'un sillon d'élimination en périphérie des lésions. La poursuite des soins locaux, visant à limiter la surinfection locale, permet d'obtenir la chute de l'escarre entre le dixième et le vingt-cinquième jour, souvent accompagnée de phénomènes hémorragiques. À l'issue de cette phase de détersion, un nouveau bilan permet de catégoriser les lésions et de proposer une attitude thérapeutique. Pour des lésions de type I, II, III, qui représentent près de 80 % des cas, la cicatrisation dirigée permet d'obtenir le plus souvent des résultats satisfaisants avec des cicatrices limitées, sans séquelles fonctionnelles. La réparation à visée esthétique doit alors, autant que possible, être retardée de plusieurs années (2 à 4 ans) afin de laisser la cicatrice s'assouplir et s'aplanir au maximum, laisser la croissance labiale se poursuivre chez l'enfant et obtenir de lui un certain degré de coopération pour les temps de chirurgie réparatrice. Dans l'intervalle, une surveillance s'impose afin de dépister précocement une complication fonctionnelle qui justifie un geste réparateur. Pour des lésions de type IV, VI, les conséquences fonctionnelles immédiates et secondaires imposent une réparation rapide. Elles nécessitent le plus souvent un apport tissulaire souvent difficile chez l'enfant où la laxité tégumentaire est limitée. Pour les lésions commissurales de type V, génératrices de brides commissurales, le retentissement fonctionnel est souvent plus limité et la difficulté de correction de cette région incite à en retarder la réparation après l'obtention d'une cicatrisation primaire.
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RÉ PARATION DES PERTES DE SUBSTANCE SUPERFICIELLES
La chirurgie réparatrice des pertes de substance superficielles peut concerner la lèvre blanche, la lèvre rouge ou vermillon et enfin la muqueuse labiale. Quelle que soit la zone anatomique concernée, on peut distinguer deux circonstances : les pertes de substance suturables d'emblée sans déformation des éléments anatomiques de voisinage et les pertes de substance non suturables.
Chirurgie réparatrice de la lèvre blanche Perte de substance suturable Qu'elles intéressent la lèvre supérieure ou la lèvre inférieure, les pertes de substance superficielles doivent pouvoir être transformées en un fuseau dont la largeur ne dépasse pas 1 cm, à grand axe vertical ou oblique selon l'orientation des stries du vermillon. Si le besoin s'en fait sentir, le fuseau peut déborder au niveau du vermillon. Cependant, plus la perte de substance est large et proche de la ligne de jonction cutanéomuqueuse, plus la suture directe aura tendance à augmenter la hauteur de la lèvre réparée et la tension sur les berges à entraîner un élargissement secondaire de la cicatrice. Il faut alors inclure des fibres de l'orbiculaire dans l'exérèse et parfois transformer celle-ci en une perte de substance transfixiante de la lèvre selon des règles que nous décrirons [59].
Perte de substance non suturable Cette situation se rencontre le plus souvent à l'occasion des brûlures d'origine thermique au stade initial ou lors de la prise en charge des séquelles puisque l'intégrité des plans musculaires et muqueux est préservée. En cas de perte de substance traumatique, il convient de réaliser un parage, une appropriation des berges et une suture directe aussi soigneuse que possible sans entraîner cependant de distorsions des structures anatomiques de voisinage. Dans les deux cas, l'existence d'un sous-sol de bonne qualité permet d'envisager une cicatrisation dirigée, mais celle-ci est génératrice de cicatrices disgracieuses et de rétractions secondaires. Une couverture cutanée s'impose donc à titre préventif dans des délais brefs, si possible avant la troisième semaine. Deux solutions sont possibles : la greffe libre et les lambeaux locaux ou locorégionaux. La greffe cutanée libre est le procédé le plus classique. Elle garde toutes ses indications lorsque la perte de substance est de grande taille, dépassant les possibilités de réparation locales. Elle est donc particulièrement indiquée dans le cadre des brûlures. Elle doit répondre à des critères anatomiques précis [31] sans hypercorrection et être réalisée avec des soins méticuleux qui peuvent seuls permettre une réussite totale. Tout greffon demoépidermique a comme inconvénient majeur sa rétraction secondaire. Il faut donc lui préférer autant que possible les greffons de peau totale (fig 2). Le site donneur peut être la région rétroauriculaire, la région sus-claviculaire ou la face interne du bras. Comme le proposent Foyatier et al, la surface prélevable peut être magnifiée par l'emploi des procédés d'expansion [18bis] qui par ailleurs limitent les séquelles au niveau des sites donneurs. Pour des raisons fonctionnelles, lorsque la perte de substance atteint le sillon nasogénien, la greffe doit déborder celui-ci en dehors afin de réduire le risque de bride responsable d'une limitation permanente de l'ouverture buccale. À la lèvre inférieure, elle doit se terminer en dents de scie sur la ligne médiane pour prévenir la survenue d'une bride rétractile responsable d'une éversion labiale. Pour des raisons esthétiques la greffe est le plus souvent étendue à l'ensemble d'une unité esthétique : à la lèvre supérieure d'un sillon nasogénien à l'autre et jusqu'aux seuils narinaires, à la lèvre inférieure en
dissociant la région labiale et la région mentonnière. Dans d'autres zones, en particulier chez le sujet âgé, la greffe peut être limitée à des sous-unités esthétiques, région philtrale en particulier qui peut bénéficier d'une greffe en écusson, ou suivre les lignes de jonction entre ces sous-unités esthétiques. Malgré tous ses avantages, la greffe de peau totale donne souvent, en particulier chez l'homme en raison de la pilosité, un effet de pièce rapportée glabre et plus ou moins dyschromique. C'est pourquoi, lorsque la perte de substance est limitée, on fait appel à un lambeau local ou locorégional. Les lambeaux locaux utilisables varient selon la lèvre intéressée. Au même titre que pour des résections élargies où la notion de sous-unité esthétique s'impose pour assurer des reconstructions plus esthétiques, Iwahira [34] propose pour des pertes de substance superficielles de subdiviser les régions labiales en « mini-unités esthétiques » dont les limites suivent des lignes de tension cutanée, permettant une meilleure correction esthétique et une limitation des pertes tissulaires induites par les différents procédés de réparation. Au niveau de la lèvre supérieure deux types de lambeaux sont particulièrement indiqués. Les lambeaux de transposition (fig 3) qui prennent leur origine au niveau du sillon nasogénien sont utilisés préférentiellement à pédicule inférieur. Leurs limites ne doivent pas être arciformes mais à angles aigus pour limiter leur tendance à la rétraction en boule. Si la perte de substance ou la résection le justifie et si la laxité tégumentaire le permet, le lambeau peut être prélevé à cheval sur le sillon nasogénien et taillé suffisamment large pour assurer la couverture d'une zone étendue de la ligne de jonction cutanéomuqueuse jusqu'au pied de l'aile narinaire et à la crête philtrale, zone correspondant à une sous-unité esthétique latérale. Lorsque la perte de substance se situe dans la région paramédiane, le pédicule peut être sous-cutané, la palette cutanée du lambeau étant alors en îlot. Plus rarement le lambeau de transposition est à pédicule supérieur, et il peut alors assurer la réparation d'un déficit cutané situé dans la région latérale de la lèvre supérieure. Il présente alors comme avantage de permettre le prélèvement d'une palette pileuse plus proche de la texture labiale. Un lambeau d'avancement d'origine nasolabiale, simple avec excision cutanée, de deux triangles au niveau des sillons nasogéniens [57] (fig 4) ou dans la région périalaire (fig 5) tel qu'une variante du lambeau de Webster [62] est possible. Il permet de couvrir des pertes de substance verticales paramédianes de la lèvre supérieure. Sa forme doit tenir compte de l'obliquité de la jonction cutanéomuqueuse, pour éviter une augmentation de hauteur en dehors de la lèvre supérieure. Prenant leur origine au niveau de la région nasolabiale, des lambeaux « cerfvolant » ou lambeaux d'avancements en VY à pédicule sous-cutané [33] ont été proposés par Spira et Stal pour assurer la couverture cutanée de la région labiale latérale. Enfin, des plasties de type LLL de Dufourmentel à pédicule inférieur permettent d'utiliser la peau de la région périalaire. Au niveau de la lèvre inférieure, on peut d'avancement selon le principe de Burow (fig 6).
recourir
à
des
autoplasties
Un lambeau paramentonnier peut ainsi fermer, après excision nasogénienne, une perte de substance siégeant au tiers externe de la lèvre si elle est inscrite à l'intérieur d'un triangle isocèle à base supérieure. L'inconvénient majeur de cette technique est lié à la rançon cicatricielle située au niveau de la région commissurale, facteur de limitation secondaire de l'ouverture buccale. Les lambeaux de rotation d'origine génienne dérivés des techniques d'Imre et de Blaskovics, peuvent être intéressants pour des pertes de substance triangulaires situées dans la région paramédiane. Les lambeaux de transposition peuvent être des lambeaux jugomentonniers à grand axe vertical ou oblique dont le pédicule supérieur se situe à l'aplomb de la commissure buccale. Le lambeau nasogénien à pédicule inférieur constitue, au même titre que pour la lèvre supérieure, un excellent procédé de réparation compte tenu de la modicité des séquelles au niveau des sites donneurs, en particulier chez le sujet âgé, mais la rotation de
90° qu'il subit a tendance à créer une oreille au niveau de son point de rotation. Les lambeaux locorégionaux peuvent être d'origine génienne, crânienne ou cervicale. D'origine génienne, le lambeau en U d'avancement de joue de Mouly et le grand lambeau d'avancement-rotation cervicojugal en « marche d'escalier » de Texier, s'adressent à des pertes de substance superficielles étendues de la lèvre inférieure ne dépassant pas la ligne médiane [7]. D'origine crânienne, le lambeau de cuir chevelu uni- ou bipédiculé de Dufourmentel, épais, pileux, peu susceptible de rétraction, permet de resurfacer une perte de substance étendue de la lèvre supérieure ou inférieure chez un homme qui souhaite impérativement porter la moustache. Cependant selon Servant [69], son épaisseur, sa rigidité et ses qualités esthétiques ne doivent pas le faire retenir de première intention sauf chez les patients chauves. L'expansion cutanée préalable permet une fermeture plus aisée de la zone donneuse particulièrement intéressante au niveau d'une zone glabre. D'autres auteurs ont proposé l'utilisation des tissus du scalp sous la forme de lambeau en îlot vascularisé par le pédicule temporal superficiel soit en utilisant une palette pileuse, soit comme Upton [76], en préfabriquant le lambeau avec une greffe cutanée. D'origine cervicale, le lambeau sous-mentonnier ou lambeau cervical unipédiculé pour Merville [47] est un lambeau de transposition qui a l'avantage d'être prélevé dans une zone où les téguments sont souples et se prêtent bien à la mise en oeuvre des techniques d'expansion. Cependant ils s'adressent à des pertes de substance de grandes dimensions car la rançon cicatricielle est importante. Le lambeau cervical bipédiculé s'adresse à des réparations médianes superficielles étendues largement à la région mentonnière. La sécurité vasculaire de ce lambeau est assurée par les deux pédicules latéraux, mais la zone de prélèvement est génératrice de séquelles fonctionnelles et esthétiques considérables.
Chirurgie réparatrice de la lèvre rouge Les pertes de substance de la lèvre rouge sont rarement suturables d'emblée, sauf à entraîner des déformations importantes. La coloration rouge de la région labiale impose de combler ces pertes de substance par de la muqueuse. De ce fait, les zones donneuses privilégiées sont représentées par la muqueuse de la région labiale adjacente ou antagoniste et par la muqueuse génienne. Suivant la profondeur de la perte de substance à corriger, les lambeaux utilisés peuvent être muqueux purs ou musculomuqueux. Lorsque la restauration de la lèvre rouge est entreprise après reconstruction de vastes pertes de substance par des lambeaux pédiculés ou des transplants libres, l'absence de tissus muqueux de voisinage a conduit certains auteurs à greffer de la muqueuse provenant des petites lèvres pour resurfacer le vermillon [2] ou à réaliser une dermopigmentation des palettes cutanées [21] au niveau des zones de plicature pour redonner un aspect esthétique de lèvre rouge.
Lambeaux muqueux Quelques principes généraux régissent l'utilisation de ces lambeaux. Tous les lambeaux muqueux prélevés au niveau de la muqueuse humide et à destinée de la lèvre sèche doivent être abondamment vaselinés dans les jours qui suivent l'intervention. Les sutures cutanéomuqueuses sont effectuées avec des surjets intradermiques de monofilament non résorbable pour éviter des traces très inesthétiques.
Les lambeaux muqueux de glissement homolabiaux sont indiqués en cas de vermillonectomie. La lèvre inférieure est particulièrement exposée aux rayonnements solaires, générateurs de lésions kératosiques préépithéliomateuses [40]. La vermillonectomie doit donc emporter la totalité de la semi-muqueuse sèche et un remplacement muqueux s'impose dans le même temps. Le décollement du lambeau muqueux est effectué au ras du plan musculaire (fig 7) puis en descendant vers le fond du vestibule en restant à la face profonde des glandes salivaires. Ce lambeau extrêmement fragile sur le plan vasculaire doit être mobilisé avec précautions par traction sur le vermillon qui doit être excisé. Les suites opératoires sont alors simples avec l'apparition d'une parakératose physiologique dans les semaines qui suivent le transfert du lambeau et une récupération de la sensibilité entre le troisième et le sixième mois. Les lambeaux muqueux hétérolabiaux sont utilisés selon la technique du rideau [78] qui nécessite deux temps opératoires. Unipédiculés, ils sont prélevés (fig 8) sur le versant interne de la lèvre et déroulés de dedans en dehors comme un « rideau », le plan de décollement se situant à la face profonde. Le décollement étant réalisé, l'extrémité distale du lambeau est amarrée aux berges cutanées de la perte de substance labiale. La section « pédiculaire » s'effectue entre 2 et 3 semaines et la zone donneuse labiale est fermée par le glissement d'un lambeau muqueux obtenu par un décollement large en direction du fond du vestibule ou par une greffe libre de muqueuse labiale. Ces lambeaux présentent plusieurs inconvénients. Ils sont fragiles sur le plan vasculaire et limitent l'ouverture buccale pendant la phase intermédiaire, posant des problèmes anesthésiques et alimentaires communs à l'ensemble des lambeaux hétérolabiaux. Ils se prêtent donc mal à une utilisation chez les enfants. Lors des reconstructions totales de la lèvre rouge, plusieurs solutions sont envisageables : soit réaliser deux lambeaux en rideau, un pour chaque hémilèvre afin de conserver en permanence un espace interlabial, soit utiliser la méthode du rideau pour la partie centrale de la lèvre et réparer secondairement les régions paracommissurales par des lambeaux jugaux unipédiculés. Parmi les variantes décrites de ces lambeaux muqueux hétérolabiaux, nous citerons le lambeau bipédiculé. Il est constitué d'une languette muqueuse prélevée horizontalement au niveau de la face interne de la lèvre supérieure dont la vascularisation est assurée par ses deux extrémités latérales. Ce lambeau réalise ainsi une anse, apte à recouvrir par sa portion moyenne une perte de substance médiane et superficielle de la lèvre rouge antagoniste. La zone donneuse est fermée par simple rapprochement. Les contraintes liées à la limitation de l'ouverture buccale sont moindres, mais la fragilité vasculaire est majeure. Le lambeau unipédiculé jugal (fig 9) est un lambeau muqueux à pédicule antérieur, prélevé sur la face muqueuse de la région jugo-paracommissurolabiale dont les dimensions sont fonction de la zone à resurfacer et la longueur suffisante pour éviter une tension exagérée du pédicule tout en préservant le canal de Sténon. Le sevrage du lambeau est effectué entre la deuxième et la troisième semaine.
Lambeaux musculomuqueux Lorsque la perte de substance intéresse non seulement la couverture muqueuse mais aussi le bord libre du muscle orbiculaire, il convient d'utiliser des lambeaux myomuqueux afin de redonner du galbe à la lèvre rouge [41]. Ces lambeaux myomuqueux peuvent provenir de la lèvre rouge restante selon une technique décrite par Ombrédanne et reprise par Goldstein, de la lèvre rouge antagoniste selon le principe d'Abbe, ou de la langue. Le lambeau myomuqueux d'avancement ou elastic flap de Goldstein [27] est centré sur l'artère coronaire labiale qui chemine sur le versant interne de
la lèvre en projection de la ligne de jonction cutanéomuqueuse (fig 10). L'incision est réalisée à ce niveau ou en mordant légèrement sur le versant muqueux et sa longueur est fonction de la taille de la perte de substance à reconstruire. Elle s'étend en profondeur à travers le muscle orbiculaire au niveau de sa pars marginalis en conservant au niveau du versant interne une épaisseur suffisamment importante pour préserver l'artère coronaire. Cependant, une anatomie vasculaire non favorable, comme celle décrite par Ricbourg, ne représente pas une contre-indication absolue en raison de la conservation d'un pont muqueux [48]. La levée du lambeau se termine par l'incision muqueuse sur le versant interne qui est parallèle à l'incision externe. Celui-ci présente des capacités élastiques importantes qui lui permettent de couvrir par simple extension, des pertes de substance atteignant la moitié de la longueur de la lèvre rouge sans être responsable de déformations au niveau des modioli. Ce lambeau peut être utilisé sur la lèvre homolatérale ou comme lambeau hétérolabial type Abbe [49]. Une variante a été décrite par Ortis-Monasterio [8, 22, 81] pour regalber des encoches limitées de la lèvre rouge. Un prélèvement partiel musculomuqueux (fig 11) est réalisé au niveau de la lèvre puis mis en îlot sur un pédicule musculaire constitué de la pars marginalis du muscle orbiculaire labial avant d'être transposé par voie sous-muqueuse au niveau de la lèvre antagoniste. Plus récemment Park et al [51] ont décrit des lambeaux musculomuqueux, prélevés au niveau de la lèvre supérieure sur la branche alaire de l'artère faciale ou sur des branches septales profondes de la coronaire labiale, pouvant être mis en îlot vasculaire pour reconstruire des pertes de substance de la lèvre rouge antagoniste. Les lambeaux linguaux représentent l'alternative. La grande mobilité de la langue lui permet de se positionner à proximité de la perte de substance. La texture de la muqueuse, en particulier au niveau de sa face inférieure dépourvue de papille visible est proche de celle des lèvres. Il est possible de prélever avec la muqueuse une épaisseur importante de muscle sans entraîner de conséquences fonctionnelles. Enfin, la vascularisation linguale très riche autorise le prélèvement de nombreux lambeaux (fig 12). Le lambeau latéral à pédicule proximal de Gosserez et Stricker [28] permet la reconstruction de perte de substance latérale de la lèvre rouge inférieure. [15] Dessiné bifolié, il peut resurfacer la région commissurale . Le lambeau médian ou de pointe à pédicule proximal est le plus souvent destiné à réparer une perte de substance musculomuqueuse de la lèvre supérieure. À pédicule distal et avec une incision ventrale, il prend le nom de lambeau en « tête de requin-marteau » parfaitement indiqué pour des reconstructions étendues de la lèvre rouge inférieure [11]. La fermeture du site donneur est en général aisée compte tenu de la plasticité des téguments et de la largeur du lambeau par rapport au volume total de l'organe. Ces lambeaux présentent quelques inconvénients. Ils ont une grande tendance à la rétraction, ce qui impose de les prévoir de largeur suffisante au stade du prélèvement. L'hémostase doit être rigoureuse et les points larges car de mauvaise tenue sur cet organe. Au stade initial, les sutures doivent être soulagées par l'amarrage de la langue à un point fixe antérieur le plus souvent dentaire. Une bonne coopération du patient est indispensable jusqu'au sevrage du lambeau possible entre le quinzième et le vingtième jour.
Chirurgie réparatrice de la doublure muqueuse Perte de substance suturable La muqueuse buccale est particulièrement souple et élastique. La réparation d'une perte de substance limitée peut donc s'effectuer par simple glissement des muqueuses jugolabiales après décollement de la muqueuse environnante, permettant une suture directe en un seul plan de points séparés au fil résorbable ou des plasties en VY.
Perte de substance non suturable
Lorsque la taille de la perte de substance dépasse les possibilités de recouvrement par simple glissement, il faut recourir à des procédés de greffons libres. La technique de l'epithelial-inlay d'Esser, décrite dans le cadre des vestibuloplasties d'approfondissement, peut s'appliquer pour la couverture des pertes de substance muqueuse siégeant sur le versant labial. Les greffons peuvent être d'origine muqueuse, prélevés au niveau de la joue, de la lèvre ou de la muqueuse palatine. Ces greffons muqueux libres sont intéressants en raison de leur texture qui ne génère que de faibles rétractions et de leur coloration. Ils ont comme inconvénient de ne pouvoir être que de petite taille pour permettre une fermeture directe de la zone donneuse. Le plus souvent, il faut faire appel à des greffons libres dermoépidermiques de peau mince car la prise de greffe initiale est facilitée. En effet, la cavité buccale humide et septique est un milieu défavorable à la prise de ces greffes libres. Outre leur coloration particulière, ces greffes sont le siège d'une importante rétraction secondaire. La mise en place d'un conformateur, solidaire des structures rigides avoisinantes, permettant de stabiliser le greffon selon la technique décrite par Benoit [4], est indispensable pendant les 6 premiers jours.
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RÉ PARATION DES PERTES DE SUBSTANCE DE PLEINE É PAISSEUR Intéressant la totalité des tissus labiaux, ces pertes de substance se caractérisent par la perte de l'élément musculaire. Exceptionnellement des réimplantations labiales ont été rapportées [35]. La réparation doit donc s'attacher à rétablir la continuité de ce plan pour limiter les séquelles fonctionnelles. Les modalités de cette réparation sont variables selon que l'on s'adresse à la lèvre supérieure ou à la lèvre inférieure. Cependant, deux circonstances peuvent schématiquement se présenter. Soit la perte de substance est suturable directement, et l'on se retrouve dans la situation déjà décrite d'une plaie de la lèvre de type I ou II de Ricbourg ; soit elle ne l'est pas et il faut faire appel à des tissus locaux, locorégionaux ou à distance pour remplacer les éléments tégumentaires manquants.
Pertes de substance suturables Les modalités des sutures labiales ont déjà été décrites dans le chapitre concernant la réparation des plaies simples des lèvres. Au niveau de la lèvre supérieure, la suture directe est possible pour des pertes de substance dont la largeur est inférieure ou égale au tiers de la longueur. Au niveau de la lèvre inférieure, la suture directe est possible pour des pertes de substance dont la largeur est inférieure à la moitié de la longueur de la lèvre inférieure. Cependant, certains artifices géométriques permettent d'obtenir un meilleur résultat esthétique. Ainsi, une perte de substance triangulaire a pour conséquence un allongement inesthétique de la lèvre lors de sa suture. La réalisation d'un triangle d'exérèse de grande hauteur permet d'équilibrer la longueur des berges et de limiter ainsi cette augmentation de hauteur. Cet agrandissement est possible au niveau de la lèvre supérieure dans la région labiale latérale vers le sillon alogénien. Il est remplacé par une exérèse rectangulaire au niveau des régions médiane et paramédiane qui permet d'apporter la hauteur exacte de lèvre dans la zone à réparer, de faire porter la tension maximale de la réparation vers le sillon gingivolabial et de ne pas
déformer le philtrum [58]. De même, au niveau de la lèvre inférieure, le V peut être remplacé par une exérèse en W lorsque sa hauteur déborde au niveau de la région mentonnière.
Pertes de substance non suturables La perte de substance doit alors être comblée par un tissu de remplacement apportant autant que possible en un temps les trois plans : cutané, musculaire et muqueux. De nombreux procédés ont été proposés. Ils peuvent être classés selon leur provenance locale, locorégionale ou à distance et leur destinée qui est fonction de la localisation et de l'étendue de la perte de substance.
Au niveau de la lèvre supérieure
[46]
Lambeaux de provenance labiale Le lambeau d'avancement de joue de Webster [79] est possible par une excision cutanée en croissant périalaire et une incision muqueuse à 2 ou 3 mm du fond du sillon gingivolabial loin en arrière (fig 13). L'incision de la berge supérieure est étendue vers la région alogénienne de manière à être parallèle à la jonction cutanéomuqueuse pour éviter une augmentation de hauteur de la lèvre en dehors. Le muscle est ainsi intégralement respecté ainsi que son innervation. Utilisé de manière unilatérale, il peut reconstruire une perte de substance paramédiane et de façon bilatérale une perte de substance médiane. Dans ce cas, il présente comme inconvénient de créer une rétrochéilie labiale supérieure. Pour reconstruire les reliefs de la région philtrale, Merville [46] propose d'incorporer en sous-cutané un fragment cartilagineux prélevé au niveau de la conque de l'oreille. Il semble cependant préférable de l'associer avec un lambeau hétérolabial médian d'Abbe destiné à réparer la totalité de la sous-unité esthétique philtrale lorsque la largeur de la perte de substance est supérieure à 20 mm. Les lambeaux nasolabiaux de von Bruns [47] sont prélevés à partir des tissus bordant la perte de substance sous la forme de lambeaux de rotation (fig 14). Le pédicule est inférolatéral, l'extrémité distale se situe sous le seuil narinaire et dans la région périalaire et le bord externe au niveau du sillon nasogénien. La largeur de ces lambeaux est déterminée par la hauteur de la lèvre à reconstituer. L'utilisation des deux hémilèvres restantes pour la reconstruction d'une perte de substance médiane est responsable d'une rétrochéilie. L'avantage de ces deux lambeaux est d'utiliser la lèvre rouge restante pour réaliser une reconstruction en un temps de la lèvre rouge et de la lèvre blanche et de préserver l'intégralité de l'innervation motrice.
Lambeaux de provenance labiomentonnière Le lambeau en éventail ou fan flap de Gillies [23] est un lambeau latéral labial de pleine épaisseur vascularisé par les coronaires labiales dont les pédicules sont situés au niveau des commissures. Le tracé du lambeau s'inscrit dans les plis naturels (fig 15). La berge supérieure est située dans la région périalaire, puis devient arciforme à concavité interne vers le bas passant en dehors du sillon nasogénien vers la région mentonnière. On obtient ainsi des lambeaux concaves qui peuvent glisser en dedans. Ce mouvement est favorisé soit par l'excision d'un triangle tégumentaire de pleine épaisseur dont la base est égale à la moitié de la largeur de la perte de substance, soit par une plastie en Z au niveau de l'extrémité externe de la berge du lambeau. L'avantage de ces lambeaux tient à leurs excellentes capacités fonctionnelles puisqu'ils reconstituent en totalité la sangle musculaire orbiculaire. Utilisant une partie des téguments de la lèvre inférieure, ils entraînent une rétrochéilie moins importante que les lambeaux nasolabiaux totaux mais créent une microstomie qu'il sera nécessaire de corriger dans un deuxième temps opératoire. Utilisés unilatéralement, ils
peuvent combler une perte de substance latérale ou paramédiane et, employés de façon bilatérale, ils peuvent réparer une perte de substance correspondant aux deux tiers de la longueur de la lèvre supérieure. Comme variante, la technique de Karapandzic [37] mobilise les tissus labiaux disponibles autour de l'orifice buccal et de la commissure sous forme de lambeaux neurovasculaires. Ils semblent plus intéressants destinés à la lèvre inférieure ou pour des pertes de substance multiples. Deux lambeaux jugomentonniers verticaux totaux ou paramentonniers verticaux pour Merville à pédicule supérieur (fig 16) peuvent reconstruire la totalité de la lèvre supérieure, par une rotation en dedans et une suture sur la ligne médiane. Lors du prélèvement il faut prendre garde de ne pas léser le nerf mentonnier, branche du nerf facial. Ils présentent comme avantage de ne pas générer de microstomie, mais comme inconvénients de nécessiter une grande laxité tissulaire au niveau de la région génienne pour permettre une fermeture du site donneur, d'être minces et donc responsables d'une rétrochéilie, enfin de nécessiter un deuxième temps opératoire pour reconstituer la lèvre rouge. Le lambeau paramentonnier horizontal de Merville est un lambeau total musculocutanéomuqueux à pédicule antérieur labial inférieur permettant de reconstruire, par une rotation à 90° vers le haut, une perte de substance latérale de la lèvre supérieure étendue à la région commissurale (fig 17). Ce lambeau entraîne une fermeture de la commissure nécessitant ultérieurement une commissurotomie et peut générer une limitation de l'ouverture buccale.
Lambeaux hétérolabiaux Ils permettent de réparer une perte de substance labiale par du tissu labial, situation la plus favorable sur le plan fonctionnel, mais aussi de réaliser dans le même temps un équilibrage entre la longueur des deux lèvres. Il s'agit de lambeaux de pleine épaisseur retournés vers le haut à 180° dont la vascularisation est assurée par l'artère coronaire labiale incluse dans un pédicule constitué au minimum d'une atmosphère musculaire protectrice qui permet le retour veineux [30]. À l'extrême ce lambeau semble pouvoir survivre sur un pédicule uniquement muqueux [48]. Le sevrage du pédicule peut être effectué vers la troisième semaine. Selon Préaux la chronologie du geste est importante pour mettre le lambeau dans les meilleures conditions. La réparation de la lèvre inférieure doit être réalisée avant la mise en place du lambeau. Du côté opposé au pédicule, la suture du lambeau aux berges de la perte de substance en trois plans respecte les règles déjà décrites pour la réparation des plaies simples des lèvres. En revanche, du côté du pédicule, l'étirement de la berge et la plicature du pédicule rendent parfois difficile un affrontement précis des tissus. Aussi, lors du sevrage, la reprise de la suture de cette berge sur la moitié, voire les deux tiers de sa hauteur, peut être nécessaire. Cette reprise peut être aidée par la scarification au stade du prélèvement, de repères correspondant au tiers de la hauteur du lambeau. Le dessin de ce lambeau est fondamental. La largeur de sa base doit être au moins égale à la moitié de la largeur de la perte de substance. Cette largeur doit être légèrement augmentée lorsqu'il est destiné à la lèvre supérieure car anatomiquement celle-ci est plus longue que la lèvre inférieure. Sa hauteur doit être au moins égale à la hauteur de la perte de substance. À la suite de Sabattini [66] deux auteurs ont attaché leur nom à ces procédés de réparation. Estlander [17] a proposé ce type de lambeau pour réparer des pertes de substance latérales juxtacommissurales. Si la découpe du lambeau est de forme triangulaire, il existe une incongruence des berges de celui-ci avec celles de la perte de substance, responsable d'une augmentation de hauteur de la lèvre. Ceci peut être prévenu par la taille d'un lambeau de la plus grande longueur possible. Une microstomie systématique nécessite une commissuroplastie secondaire réalisée à partir du deuxième mois. Abbe [1] a laissé son nom aux lambeaux hétérolabiaux destinés à réparer des pertes de substance non juxtacommissurales. Pour la réparation des pertes de
substance siégeant dans la région paramédiane, il est souhaitable que le lambeau soit taillé rectangulaire, la zone donneuse labiale inférieure pouvant être transformée en V ou en W selon sa position et sa largeur (fig 18). Dans le cas particulier d'une perte de substance philtrale, le lambeau doit être aux dimensions exactes de la sous-unité esthétique et la largeur de la lèvre rouge prélevée sera légèrement inférieure aux dimensions de la perte de substance pour recréer les reliefs de l'arc de Cupidon en s'aidant de la petite fossette naturelle située en regard au niveau de la lèvre inférieure. Le pédicule du lambeau doit être situé latéralement par rapport à la perte de substance, du côté le plus proche de la ligne médiane. Pour limiter les tractions sur le pédicule, Ginestet proposait de réaliser un blocage intermaxillaire. La situation médiane du pédicule, qui réalise une cheilorraphie temporaire, pose des problèmes sur le plan anesthésique et alimentaire. L'alimentation peut se faire par un tube sur le côté opposé au pédicule du lambeau ou par une sonde nasogastrique. Pour réduire ces inconvénients, Hu [32] propose de prélever un lambeau d'Abbe pédiculé sur une artère coronaire labiale inférieure et un étroit pédicule muqueux en regard. Enfin, la rançon cicatricielle au niveau de la lèvre inférieure n'est souvent pas négligeable compte tenu de l'évolution volontiers hypertrophique des plaies médianes de cette région. L'ensemble de ces recommandations montre la difficulté de réalisation de ces lambeaux qui nécessitent une grande minutie et dont la tolérance pour un enfant ou des patients fragiles est difficile.
Lambeaux de provenance nasogénienne Les lambeaux nasogéniens totaux décrits par Ginestet [26] permettent une reconstruction totale de la lèvre supérieure. Ils sont taillés dans le sillon nasogénien à pédicule inférieur et emportent la totalité des téguments (fig 19). Si la largeur de la perte de substance à reconstruire est importante, la longueur du lambeau nécessaire implique que sa portion distale ne possède plus de doublure muqueuse. Il faut alors l'associer à un lambeau muqueux vestibulaire. En revanche, il autorise une reconstruction dans le même temps de la lèvre rouge si un lambeau muqueux en « péninsule » est prélevé sur le bord externe au niveau de la muqueuse du vestibule supérieur. Pour des raisons de reconstitution de la sangle orbiculaire, le pédicule inférieur semble plus favorable puisqu'il permet une horizontalisation des fibres musculaires situées dans le lambeau. En revanche, le relief du sillon nasogénien vient barrer la lèvre supérieure ainsi reconstruite. Les tissus du sillon nasogénien peuvent être utilisés en îlot vasculaire sur le pédicule facial dont les caractéristiques anatomiques autorisent un déroutement vers les régions labiales supérieures paramédianes et latérales.
Lambeaux prélevés à distance cylindriques, pédiculés ou libres En l'absence de tissus de qualité ou lorsque la perte de substance déborde la région labiale, il convient d'avoir recours à des tissus prélevés à distance sous forme de lambeaux cylindriques, pédiculés ou libres. Pendant de nombreuses années, les lambeaux cylindriques d'origine thoracoabdominale ont été utilisés. Ces lambeaux présentent cependant plusieurs contraintes. Les dimensions, estimées par Ginestet [26] nécessaires pour reconstruire une lèvre supérieure, sont au minimum de 6 cm sur 15 cm. Cette taille impose des temps d'autonomisation préalable au niveau du site donneur. Un relais au niveau de la région antébrachiale est indispensable avant de positionner le lambeau dans la région périlabiale. Il faut enfin envisager de nombreux temps opératoires pour modeler et affiner la région labiale reconstruite. Au total, si l'aspect final permet d'obtenir des reconstructions d'une qualité proche de celles obtenues actuellement, la durée de la méthode représente un handicap majeur par rapport aux lambeaux cutanés et musculocutanés pédiculés provenant de la région crânienne ou thoracique et aux lambeaux cutanés libres. Leurs indications se limitent donc actuellement à des contre-indications locales ou générales à la réalisation de lambeaux libres en cas de très vaste perte de substance.
Les lambeaux pédiculés ont pour origine les régions crânienne ou thoracique. Le classique lambeau de scalp de Dufourmentel (fig 20), qui peut être uni- ou bipédiculé [25], est vascularisé par les pédicules temporaux superficiels. La section des pédicules peut être réalisée entre la troisième et la quatrième semaine. Peu susceptible de rétraction, il peut être doublé par une greffe cutanée libre demi-épaisse pour assurer la réparation du plan muqueux. Cependant, il ne semble utile que pour des patients souhaitant impérativement une reconstruction pileuse. Selon Servant [69], rasé ce lambeau est de très mauvaise qualité esthétique, en raison de son épaisseur et de sa rigidité. En revanche, chez les patients chauves le scalp apparaît plus souple et maniable, ce qui permet des indications beaucoup plus larges. Le lambeau frontal bipédiculé de Kilner chez la femme, apporte une peau glabre et dans les deux cas l'expansion préalable de la zone donneuse autorise sa fermeture directe. D'autres auteurs [60] ont proposé des variantes à l'emploi des tissus crâniens. Upton [76] propose de « préfabriquer » un lambeau de fascia superficialis temporalis pédiculé par mise en place d'une greffe cutanée pour assurer la reconstruction de pertes de substance transfixiantes de la lèvre supérieure. Montandon propose d'associer à ce procédé une greffe osseuse afin de reconstruire des lésions de la lèvre supérieure étendues au maxillaire comme peut en provoquer le noma. Cependant, c'est le plus souvent un dispositif prothétique qui doit assurer le soutien de la pyramide nasale, éventuellement l'obturation palatine, et qui assure dans le même temps la projection labiale. Des lambeaux cutanés purs peuvent être prélevés au niveau de la face antérieure du thorax. Le lambeau deltopectoral de Bakamjian, vascularisé par des branches perforantes de l'artère mammaire interne, est un lambeau cutané à réseau vasculaire axial dans sa portion proximale qui nécessite une extension, par autonomisation préalable, au niveau de la région scapulaire pour pouvoir atteindre la région labiale supérieure. Tubulisé, il peut atteindre en un seul temps cette région. La qualité de sa vascularisation impose de prévoir un temps de ligature des branches perforantes de l'artère mammaire interne avant le sevrage définitif de la palette cutanée utile. Le prélèvement thoracique, générateur de cicatrices importantes, fait réserver cette technique, autant que possible, à l'homme. Au total, si le nombre des temps opératoires est réduit par rapport aux lambeaux cylindriques, ce lambeau cutané ne permet pas un apport tissulaire suffisant en un seul temps pour des reconstructions labiales supérieures très étendues. Les lambeaux musculocutanés pédiculés de grand dorsal et de grand pectoral [43, 69] ont été proposés pour reconstruire la région labiale supérieure. Cependant, leurs arcs de rotation, théoriquement suffisants, sont un facteur limitant en particulier chez les patients à thorax court ou à cou long. Ces lambeaux sont amenés par tunnellisation au niveau de la région cervicale, après une dissection plus ou moins étendue du pédicule nourricier, voire sa mise en îlot vasculaire. Les modalités de vascularisation de ces lambeaux rendent le sevrage difficile, ce qui réduit les possibilités d'adaptation au site receveur. Très utiles au niveau des régions commissurale et labiale inférieure, leurs indications nous paraissent en revanche limitées dans leurs formes pédiculées pour des pertes de substance étendues de la lèvre supérieure. Les transplants libres [20, 68] ou semi-libres [6] sont indiqués devant de très vastes pertes de substance qui débordent la région labiale supérieure vers la région génienne adjacente, la commissure et/ou l'autre lèvre, ou lorsqu'elles intéressent l'infrastructure osseuse sous-jacente. Les sites donneurs possibles sont nombreux, mais deux critères en limitent le choix : la texture et l'épaisseur. Les lambeaux cutanés inguinal, scapulaire, parascapulaire ont été proposés mais leur épaisseur est en général trop importante. Le lambeau antébrachial radial ou lambeau « chinois » est particulièrement intéressant compte tenu de la finesse des téguments apportés. Les lambeaux musculocutanés libres revascularisés ne trouvent leur justification que dans le cadre de la réparation des lésions étendues où leur effet de masse permet d'obtenir dans le même temps un comblement en profondeur et une couverture de la perte de substance. Les anastomoses vasculaires de ces
lambeaux sont réalisées le plus souvent sur les vaisseaux faciaux ou plus à distance sur d'autres branches de l'artère carotide externe, sur la veine jugulaire interne ou sur la veine jugulaire externe. La distance entre ces vaisseaux receveurs et la zone receveuse située dans la région médiofaciale doit faire prévoir le prélèvement de longs pédicules artérioveineux ou impose l'utilisation de pontages par greffons veineux.
Indications (tableau I) La multiplicité des procédés de reconstruction proposés traduit la difficulté à systématiser les indications. Elles sont non seulement dépendantes des possibilités de chaque lambeau mais aussi d'associations éventuelles qui permettent d'obtenir le but recherché plus facilement et au prix de moindres séquelles. Pour des raisons fonctionnelles, il faut donner autant que possible la préférence à des lambeaux comportant une large composante musculaire dont l'innervation doit être préservée, afin de rétablir une sangle orbiculaire dynamique. Les lambeaux locaux et locorégionaux sont donc à privilégier. Nous rappelons dans le tableau I les principales indications des lambeaux décrits. Comme nous l'avons déjà précisé, pour reconstruire une perte de substance supérieure aux deux tiers de la largeur de la lèvre supérieure, intéressant donc la région philtrale, il est préférable pour des raisons esthétiques de centrer la reconstruction autour d'un lambeau hétérolabial d'Abbe remplaçant exactement la sous-unité esthétique. Il réalise un transfert de tissu labial d'une lèvre sur l'autre permettant d'équilibrer la largeur des deux lèvres et de limiter la rétrochéilie, séquelle classique des autres procédés. Pour combler le reste de la perte de substance, peuvent être proposés des lambeaux d'avancement de joue de type Webster ou des lambeaux nasolabiaux de type von Bruns. Lorsque la perte de substance s'étend au niveau de la région latérolabiale, la réparation doit reconstruire toute l'unité esthétique latérale. Il faut faire appel à des tissus voisins d'origine génienne ou labiogénienne, tels que le lambeau nasogénien total de Ginestet, le lambeau d'Estlander géant ou le lambeau en éventail unilatéral de Gillies. Ces procédés ont comme inconvénients de déplacer le modiolus en dedans et donc de nécessiter une commissuroplastie secondaire. Burget et Menick [9] proposent pour éviter cette séquelle de réaliser un lambeau hétérolabial d'Abbe prélevé dans la région médiane de la lèvre inférieure pour reconstruire une perte de substance latérale de la lèvre supérieure (fig 21).
Lèvre inférieure
[16]
Les reconstructions labiales inférieures relèvent des mêmes principes que les reconstructions labiales supérieures, mais elles présentent des points particuliers. Les contraintes sont moindres sur le plan esthétique, mais plus importantes sur le plan fonctionnel. La lèvre inférieure assure la continence salivaire et la rétention du bol alimentaire dans la cavité buccale. Un soin tout particulier doit donc être apporté aux sutures muqueuses et cutanées qui sont décalées autant que possible dans le plan sagittal. Comme pour les reconstructions labiales supérieures, il faut rétablir en priorité une sangle orbiculaire fonctionnelle, ce qui justifie l'emploi des tissus labiaux et l'utilisation de procédés préservant l'innervation musculaire. Or, les prélèvements réalisés au niveau de la lèvre supérieure sont moins aisés et imposent la mise en oeuvre de nombreux artifices. Comme pour la lèvre supérieure, nous présenterons les différents procédés possibles selon leur provenance, locale, locorégionale ou à distance, avant d'évoquer leurs indications.
Lambeaux de provenance labiale Les lambeaux labiaux latéraux, équivalents à la lèvre inférieure des lambeaux nasolabiaux de von Bruns, sont des lambeaux à pédicule externe utilisant les tissus des « moignons » labiaux résiduels qui sont suturés l'un à l'autre en
utilisant le principe d'une plastie en VY. Outre la possibilité de fermeture d'une perte de substance limitée médiane ou paramédiane (fig 22), ce procédé induit un gain de hauteur au niveau de la lèvre inférieure. Comme pour leurs homologues destinés à la lèvre supérieure, ils provoquent une rétrochéilie labiale inférieure mais présentent comme avantage de reconstruire la lèvre rouge dans le même temps. Johanson [36] a proposé l'utilisation de lambeaux d'avancement labiaux latéraux en escalier ou step technique, équivalent moderne du procédé de la marche d'escalier proposé par Ginestet, pour la correction d'une perte de substance de pleine épaisseur, supérieure à la moitié de la longueur de la lèvre inférieure (fig 23). Les lambeaux labiaux latéraux sont taillés selon une forme de marche d'escalier, dont la largeur est égale à la largeur de la perte de substance, ou à la moitié de celle-ci si les lambeaux sont bilatéraux, et la hauteur correspond à celle de la perte de substance. Deux à trois marches d'escalier sont taillées sur la hauteur de la région labiale, mais seules les deux premières, au maximum, sont transfixiantes. Pour les autres, la résection sera uniquement cutanée. L'avancée du lambeau peut être effectuée soit par un simple glissement, soit en « montant » une marche si un gain de hauteur est indispensable. Ce lambeau, qui peut être uni- ou bilatéral, est surtout destiné à des pertes de substance médianes. Utilisé pour des pertes de substance latérales, il impose une découpe asymétrique des marches. Cette technique qui n'entraîne que peu de déplacement des modioli est aussi responsable d'une rétrochéilie labiale inférieure plus ou moins marquée.
Lambeaux de provenance labiogénienne Pour limiter l'effet de rétrochéilie induit par des lambeaux labiaux latéraux, ceux-ci doivent être étendus vers les régions géniennes. Les techniques anciennes d'autoplastie par glissement aux dépens d'un triangle de résection à base inférieure situé en dehors de la région commissurale qui sacrifient la région du modiolus, ou les autoplasties type Blaskovics qui prolongent le lambeau labial par un lambeau jugal total dont la berge supérieure arciforme à concavité antéro-inférieure est située entre la commissure buccale et la région de l'angle mandibulaire, sont très mutilantes et sont actuellement abandonnées. On leur préfère des lambeaux péribuccaux. Le lambeau en « éventail » ou fan flap de Gillies [23], déjà décrit au niveau de la lèvre supérieure, est un lambeau de pleine épaisseur vascularisé par les artères coronaires labiales conservées au niveau des pédicules paracommissuraux. Ces lambeaux subissent un glissement et une rotation en dedans qui peuvent être accentués par la réalisation d'une plastie en Z à l'extrémité proximale de la berge externe. Ces lambeaux transfixiants sont avantageusement remplacés par le procédé de Karapandzic [37] qui est plus anatomique et reconstitue la sangle fonctionnelle orbiculaire. Les lambeaux sont dessinés parallèlement au bord libre des lèvres à une distance correspondant à la hauteur de la perte de substance à corriger. Après incision cutanée, la dissection musculaire est conduite en conservant la vascularisation comprenant l'artère faciale et les coronaires labiales et l'innervation sensitivomotrice à destinée du lambeau (fig 24). Ces lambeaux neurovasculaires ne sont pas totalement transfixiants car le plan muqueux n'est ni incisé, ni décollé, sauf sur une courte distance au niveau de leur portion distale pour faciliter la suture muqueuse. Ils ont comme inconvénient d'induire une microstomie par déplacement en dedans des modioli pouvant nécessiter une commissuroplastie non systématique selon Karapandzic. En revanche, l'équilibre entre les deux lèvres est préservé à la différence du lambeau en « éventail » de Gillies.
Lambeaux hétérolabiaux Basés sur des principes déjà évoqués pour la lèvre supérieure, ils présentent, appliqués au niveau de la lèvre inférieure les mêmes avantages, mais aussi certaines limites liées à la spécificité de la zone donneuse labiale supérieure. Si les reconstructions labiales supérieures nécessitent un prélèvement dépassant la
moitié de la largeur de la perte de substance pour conserver un équilibre labial satisfaisant, pour la lèvre inférieure la largeur du lambeau hétérolabial sera au plus égale à la moitié. Au maximum, la largeur du lambeau est donc égale au tiers de la longueur de la lèvre supérieure, autorisant ainsi une suture directe. Il faut donc s'assurer d'un positionnement correct du prélèvement pour préserver les sous-unités esthétiques labiales supérieures. Pour des pertes de substance médianes, le tracé du lambeau d'Abbe doit préserver la région philtrale et l'arc de Cupidon. C'est ainsi que le procédé de Stein [19] faisant appel à deux lambeaux triangulaires prélevés aux dépens de la région philtrale est à rejeter. D'autres auteurs ont repris le principe de deux lambeaux symétriques et opposés. Wexler et Dingmann prélèvent des lambeaux rectangulaires au niveau des régions paramédianes qui peuvent être fermés par des lambeaux d'avancement de type Webster. Ce dernier procédé présente l'avantage de fournir plus de tissu pour la reconstruction et de mieux respecter les règles de résection-suture au niveau de la lèvre supérieure. L'ajustement de la lèvre rouge reste difficile comme pour tous les lambeaux hétérolabiaux de type Abbe. D'autre part, la contrainte liée à la limitation de l'ouverture buccale n'est pas aisée à supporter pour des patients fragiles ou des enfants. La méthode de Buck qui consiste à transformer une perte de substance médiane en une perte de substance latérale par translation d'une hémilèvre restante et suture directe dans la région médiane puis comblement par un lambeau d'Estlander de la perte de substance latérale (fig 25) présente des avantages certains. Pour des pertes de substance latérales, le lambeau d'Estlander (fig 26) est parfaitement indiqué. Pour les raisons géométriques déjà évoquées, le prélèvement labial supérieur doit être de forme triangulaire et remonter suffisamment haut pour éviter un effet d'allongement de la hauteur de la lèvre supérieure. Au même titre que le lambeau de Gillies ou le lambeau de Karapandzic, le lambeau hétérolabial d'Estlander entraîne un déplacement en dedans du modiolus qui permet une meilleure répartition de la longueur entre les deux lèvres, mais peut nécessiter une commissurotomie secondaire.
Lambeaux de provenance nasogénienne Ils sont au nombre de deux : le procédé de Bernard nasogéniens totaux de Ginestet [24].
[5]
et les lambeaux
La technique de Bernard est particulièrement indiquée chez le sujet âgé, bénéficiant d'une importante laxité tégumentaire (fig 27). Il s'agit d'un lambeau total de joue, réalisé de façon bilatérale, dont l'avancement est permis par l'exérèse de deux triangles opposés situés de part et d'autre de sa portion proximale au niveau des sillons nasogéniens. Dans la technique princeps, la base du triangle d'exérèse nasogénien supérieur doit se situer au milieu de l'incision horizontale et non à son extrémité. D'autre part, il faut conserver sur le bord supérieur des deux lambeaux latéraux une languette muqueuse en « péninsule » qui permet d'ourler le bord libre de la reconstruction pour refaire le bord rouge dans le même temps. L'inconvénient de ce procédé est lié à la perte tissulaire engendrée. Webster a proposé une modification du tracé de l'incision inférieure réalisée de manière arrondie autour de la houppe du menton où l'excision tissulaire est située à la base des lambeaux d'avancements, ce qui réduit notablement les séquelles esthétiques. Greco déporte ceux-ci au niveau de la région sous-mentale [29]. - Les lambeaux nasogéniens de Ginestet, prélevés cutanés ou de pleine épaisseur à pédicule inférieur, peuvent être utilisés pour reconstruire la lèvre inférieure. Ils sont uni- ou bilatéraux selon la taille de la perte de substance à corriger et éventuellement utilisés en îlot vasculaire [10]. Bilatéraux, ils seront utilisés de différentes manières [54]. Si la hauteur de la perte de substance est réduite, ils peuvent être affrontés bord à bord au niveau de la région médiane (fig 28) ou croisés l'un en îlot glabre à pédicule sous-cutané reconstruisant le plan muqueux, l'autre cutané pur assurant le resurfaçage. Si la perte de substance est plus étendue en hauteur, les lambeaux totaux doivent alors être superposés. Ces lambeaux sont responsables d'une rétrochéilie inférieure et ont l'inconvénient de ne pas reconstruire, ou de manière très incomplète le bord rouge de la lèvre
inférieure.
Lambeaux prélevés à distance cylindriques, pédiculés ou libres Les principaux lambeaux utilisés pour les reconstructions labiales supérieures trouvent des indications dans le cadre des reconstructions labiales inférieures. Deux problèmes spécifiques à cette région se posent cependant. Pour les reconstructions labiales inférieures, l'indication d'un lambeau prélevé à distance se justifie lorsque la perte de substance est étendue. Dans ce cas, il peut exister une perte de substance osseuse mandibulaire qu'il faut reconstruire dans le même temps ou en deux temps et par un ou plusieurs procédés associés [52]. L'autre problème est lié aux difficultés d'amarrage de ces lambeaux, surtout de provenance thoracique, qui ont une tendance très importante à subir une ptose secondaire. Il est possible de faire appel à des lambeaux cutanés de provenance crânienne, thoracique, plus rarement actuellement thoracoabdominale. Les lambeaux cylindriques sont en effet supplantés par les lambeaux pédiculés. Le lambeau de scalp de Dufourmentel, au même titre que le lambeau frontal bipédiculé de Kilner dont nous avons déjà évoqué les avantages et les inconvénients pour les reconstructions labiales supérieures peut reconstruire des pertes de substance labiales inférieures. Le lambeau deltopectoral de Bakamjian peut être utilisé, seul mais avec l'autonomisation préalable d'une extension vers la région deltoïdienne permettant la plicature du lambeau pour reconstruire dans le même temps les plans cutané et muqueux, bilatéral selon la technique « pharaonique » proposée par Soussaline [71]. Cette technique juxtapose deux lambeaux ou les met en apposition pour reconstruire l'un le plan muqueux, l'autre le plan cutané. Les séquelles au niveau du site donneur font réserver ces techniques à l'homme. Ces lambeaux cutanés ont comme inconvénient de nécessiter un sevrage secondaire et dans les vastes délabrements labiomentonniers associés à une perte osseuse, leur qualité tissulaire se prête mal à l'association avec une greffe osseuse. C'est pourquoi, actuellement on leur préfère les lambeaux musculocutanés d'origine thoracique, de grand pectoral ou de grand dorsal. Ces deux lambeaux ont un arc de rotation qui leur permet d'atteindre sans difficulté la région labiale inférieure. Le muscle grand dorsal semble préférable en raison de sa moindre rançon cicatricielle en particulier chez la femme, de sa moindre pilosité chez l'homme et de sa plus grande surface utile prélevable. Plus que pour les lambeaux cutanés en raison de leur poids, ils nécessitent un amarrage extrêmement soigneux au niveau des sillons nasogéniens, voire pour Turkula [74] au niveau de la région temporale par des suspensions à l'aide de bandelettes de fascia lata pour limiter la ptose secondaire. La forme en sablier de la palette cutanée prélevée, proposée par Servant [69], facilite le modelage et la plicature en « feuillet de livre » du lambeau. La partie distale de la palette cutanée vient dans tous les cas resurfacer le plan muqueux. Le plan cutané peut être reconstruit soit par la portion proximale de la palette cutanée, soit, si l'épaisseur de la reconstruction paraît trop importante, par la réalisation d'une greffe cutanée venant recouvrir la portion musculaire proximale de la reconstruction. Enfin, ces lambeaux présentent comme avantage de pouvoir réaliser une reconstruction osseuse mandibulaire dans le même temps, soit par une greffe osseuse libre corticospongieuse le plus souvent d'origine iliaque, soit par le prélèvement concomitant d'un segment costal (4e-5e côte pour le muscle grand pectoral, 9e et 10e côte pour le muscle grand dorsal) sous la forme d'une greffe osseuse assistée au sein d'un lambeau ostéomyocutané. Concernant les lambeaux libres prélevés à distance, tous les lambeaux cutanés ou fasciocutanés évoqués pour les reconstructions labiales supérieures sont utilisables au niveau de la lèvre inférieure. Cependant les contraintes particulières de cette reconstruction font préférer le lambeau antébrachial radial ou lambeau « chinois », en raison de sa minceur qui permet un modelage facile, de son faible poids qui réduit le risque de ptose, de son absence de pilosité et de la possibilité d'un prélèvement concomitant de tendon du muscle petit palmaire
[67, 68, 80]
voisinage.
pour assurer la suspension du lambeau aux structures géniennes de
Lorsqu'il existe des lésions osseuses associées, on peut faire appel à des [53] lambeaux composites libres revascularisés qui permettent des reconstructions en un temps et avec le même procédé. Les critères de choix de ces transplants doivent tenir compte de la taille du segment osseux nécessaire, de la taille de la palette cutanée prélevable avec le transplant et de son indépendance spatiale vis-à-vis du segment osseux qui permet un remodelage de la région labiale. Trois lambeaux de ce type sont plus particulièrement utilisés. Pour des pertes de substance osseuse limitées, le lambeau antébrachial radial prélevé avec un segment osseux de radius est utilisable. Le lambeau ostéocutané de crête iliaque permet un apport tégumentaire très important mais la palette cutanée ne présente aucune indépendance vis-à-vis du segment osseux. Le lambeau composite fibulaire proposé en France par Cariou [10bis, 10ter] est particulièrement intéressant en cas de perte de substance osseuse étendue et sa palette cutanée, éventuellement aponévrotique pure possède une grande indépendance spatiale par rapport au segment osseux. Pour d'autres auteurs [12], le remodelage de la région ne peut être réalisé que par la dissociation des reconstructions osseuse, muqueuse et cutanée.
Indications (tableau II) Les principales indications des lambeaux décrits sont regroupées dans le tableau II. Cependant, comme pour la lèvre supérieure, il semble préférable dans certains cas d'assurer la reconstruction labiale par des procédés complémentaires [14, 70]. Ainsi, dans les pertes de substance latérales subtotales c'est-à-dire dépassant les trois quarts de la longueur de la lèvre inférieure, Servant préconise l'association d'un lambeau d'Estlander « géant » sous la forme d'un vaste triangle de grande hauteur, dont la pointe rejoint le sillon nasogénien, à un avancement de joue. D'autres proposent des reconstructions en plusieurs temps associant successivement, le procédé de Karapandzic pour rétablir un sphincter musculaire, puis un rétablissement de l'équilibre labial par la réalisation d'un ou de deux lambeaux d'Abbe avant de corriger les commissures [39]. Dans le cadre des vastes pertes de substance inférieures, avec ou sans extension à la région mentonnière et/ou perte de substance osseuse, la reconstruction en un temps et par un seul procédé semble difficile. La plupart des auteurs associent plusieurs procédés dans le même temps (fig 29) ou le plus souvent en plusieurs temps opératoires. De nombreux ajustements secondaires sont nécessaires. Merville propose ainsi l'association de deux lambeaux jugolatéraux et d'un lambeau crânien bipédiculé, ou l'association d'une palette cutanée d'origine thoracique à un lambeau crânien bipédiculé. Dans tous les cas, la ptose secondaire des lambeaux pédiculés d'origine thoracique est importante. Il convient donc de leur assurer un amarrage solide au niveau des sillons nasogéniens ou dans la région temporozygomatique. Il en est de même pour les lambeaux libres qui assurent des apports tissulaires importants mais qui nécessitent de nombreux temps d'ajustement secondaire. Actuellement, les transplants osseux libres revascularisés composites autorisent des reconstructions en un temps et par le même procédé, mais les résultats fonctionnels obtenus concernant en particulier la continence labiale, incitent à dissocier la reconstruction osseuse et muqueuse de la reconstruction cutanée.
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CHIRURGIE RÉ PARATRICE DES COMMISSURES
Nous avons insisté, dans le cadre des rappels anatomiques, sur le rôle fonctionnel de la région commissurale et du modiolus dans la mimique et l'aspect général des lèvres. Selon Ginestet, isolée sur le plan anatomique et physiologique, la région commissurale bénéficie d'une autonomie opératoire. La chirurgie réparatrice de cette région s'impose en deux circonstances. En premier lieu lorsqu'il existe des problèmes de position, puisque anatomiquement la situation de la commissure est très précise, située au croisement d'une ligne horizontale passant par la jonction des deux lèvres et une verticale tracée à l'aplomb du centre pupillaire lorsque le regard se porte en avant vers l'infini. À partir de ce point idéal, il est possible de catégoriser les anomalies par rapport au plan horizontal, ce sont les dystopies verticales et par rapport à un plan vertical, ce sont les dystopies transversales, microstomies en dedans, et plus rare, macrostomies en dehors. En second lieu, les pertes de substance transfixiantes de la région commissurale posent des problèmes particuliers en raison de leur chevauchement sur les lèvres supérieures et inférieures. Dans tous les cas, quel que soit le procédé choisi, la mécanothérapie doit être débutée dès la cicatrisation acquise, vers le quinzième jour postopératoire et longtemps poursuivie pour lutter contre la rétraction secondaire toujours importante.
Dystopies commissurales verticales Les dystopies commissurales verticales sont provoquées par des rétractions cicatricielles, siégeant au niveau des sillons nasogéniens ou dans la région paramentonnière, provoquant des déplacements vers le haut ou vers le bas. Toutes les techniques de la chirurgie réparatrice concernant les brides cicatricielles, plasties en Z, W, VY, etc, peuvent trouver leurs indications. En cas de déformation vers le bas, la simple résection cutanée dans le sillon nasogénien ne se justifie que dans le cas d'une ptose commissurale au décours d'une paralysie faciale qui nécessite par ailleurs d'être associée à une suspension de la région. Pour des dystopies plus importantes, la réalisation d'une plastie en Z constituée de deux triangles opposés, composés l'un d'un lambeau pédiculé labial supérieur et l'autre de la commissure elle-même, peut être indiquée (fig 30). Enfin, on peut faire appel à un lambeau nasogénien à pédicule inférieur, qui sera transposé au niveau de la lèvre inférieure. Le point limitant externe de ce lambeau doit alors se situer au niveau de la future région commissurale. Dans les dystopies verticales vers le haut, les mêmes procédés peuvent être réalisés en utilisant un lambeau labial inférieur. En revanche, les lésions cicatricielles responsables de la dystopie sont souvent des contre-indications à l'emploi d'un lambeau nasogénien.
Dystopies commissurales transversales Microstomies Les microstomies peuvent se rencontrer dans deux circonstances : soit les tissus sont cicatriciels dans le cadre des traumatismes ou des brûlures, soit les tissus sont souples et bien vascularisés, ce qui est le cas des microstomies induites par les procédés de réparation labiale par lambeaux de rotation tels les procédés de Estlander, Gillies ou Karapandzic.
Selon le type et l'importance des lésions, différents procédés peuvent être envisagés. Devant une déformation limitée, avec réduction de la netteté de l'angle muqueux, il est possible d'utiliser le procédé de Gillies [23]. Après excision d'un triangle cutané réalisée dans le prolongement de la ligne bicommissurale et éventuelle section musculaire, sont réalisés deux triangles muqueux opposés par leur base, tracés dans la région juxtacommissurale. Ils sont transposés par rotation de 90° en dehors au niveau de l'incision horizontale. En présence de déformations plus importantes, il convient d'agir sur les différents plans situés au niveau de la commissure : le plan cutané, le plan musculaire et le plan muqueux. Le procédé classique de Converse, reprenant les éléments de la technique de Werneck-Dieffenbach (1851), consiste à réaliser une excision triangulaire horizontale intéressant le tissu cutanéomusculaire cicatriciel situé dans le prolongement de la ligne bicommissurale. La réfection du plan muqueux est alors effectuée par la réalisation de trois petits lambeaux muqueux, à l'aide d'une incision en Y horizontal ouvert vers la néocommissure (fig 31). Cependant, cette technique présente comme inconvénient majeur d'être responsable à moyen terme d'une mauvaise définition de l'angle commissural et de ne pas être physiologique. Nous rapprocherons de ce procédé ancien la technique proposée par Ono [50] pour corriger les microstomies induites par le procédé d'Estlander. Cette technique consiste à lever deux lambeaux équilatéraux opposés de vermillon et un petit triangle cutané dont la pointe se situe en regard de la néocommissure avant de les transposer pour permettre un allongement labial et une meilleure définition de la zone. Il faut lui préférer les techniques associant une plastie du plan musculaire, quel que soit son état. C'est Pons [56] qui, le premier, a insisté sur la nécessité de restaurer le plan musculaire dans le cadre des commissuroplasties. Le procédé décrit consiste à exciser le revêtement cutané plus ou moins cicatriciel, à isoler l'anse orbiculaire du plan muqueux interne, avant de la dédoubler par une incision transversale soigneuse. Les lambeaux musculaires ainsi obtenus, sont sectionnés en bas pour le lambeau superficiel et en haut pour l'hémianse profonde (fig 32). Les deux lambeaux sont amarrés l'un à l'autre, avant d'être mis en tension sur un bourdonnet positionné 2 cm en dehors de l'angle commissural. Ce procédé est particulièrement indiqué pour la réparation des séquelles cicatricielles du type microstomie postbrûlure. Lorsque les tissus musculaires sont souples, sains et bien vascularisés, dans le cas de microstomies postchirurgicales, il est possible de mettre en oeuvre la technique proposée par Préaux [59]. Celle-ci consiste après résection du plan cutané selon une excision aux limites triangulaires, à réaliser un clivage sagittal [18] selon un tracé arciforme à concavité supéro-interne, permettant d'obtenir un chef externe appendu à la berge supérieure, et un chef interne appendu à la berge inférieure (fig 33). Solidarisés entre eux, ils sont fixés en dehors de la néocommissure sur un bourdonnet. Le temps muqueux peut alors être réalisé selon le procédé de Dieffenbach ou de Préaux. Ce dernier propose d'attirer le bord libre de la muqueuse conservée après pexie musculaire vers le sommet de la néocommissure et de réaliser alors une plastie en Z décalée au niveau de la bride muqueuse artificiellement créée, dont les lambeaux ne sont pas échangés mais suturés côte à côte, leurs extrémités étant suturées dans le nouvel angle commissural. Enfin, lorsque la perte de substance ou la qualité tissulaire ne le permet pas, il faut faire appel à des lambeaux muqueux d'origine linguale ou jugale que nous avons déjà évoqués.
Macrostomies Les déplacements en dehors de la commissure labiale sont responsables d'une macrostomie par attraction cicatricielle justiciable de la mise en oeuvre de procédés d'autoplasties locales sans particularités. Beaucoup plus intéressants sont les colobomes post-traumatiques, conséquence d'une perte de substance limitée, transfixiante, de la commissure buccale où la correction chirurgicale doit veiller à la préservation d'une ouverture buccale
satisfaisante. La fermeture de ce colobome, ou labiocommissuroraphie, doit être effectuée en trois plans pour rétablir un sphincter musculaire continu et les couvertures muqueuse et cutanée. Les rétractions cicatricielles muqueuses et cutanées sont corrigées par de simples plasties en Z, autant que possible inversées dans leurs tracés.
Amputations labiocommissurales Comme pour la lèvre inférieure, la priorité est donnée à l'étanchéité de la réparation qui sera obtenue le plus souvent par la mise en bouche d'une palette cutanée prélevée. Le capital des lambeaux locorégionaux est souvent amputé mais, comme pour les pertes de substance latérales, il est possible d'envisager la réalisation d'un lambeau d'Estlander sur les tissus labiaux résiduels avec fermeture de la zone donneuse par un lambeau d'avancement de joue et commissuroplastie secondaire. Cependant, dans la plupart des cas, il faut faire appel à des lambeaux à distance prélevés au niveau de la région crânienne, cervicale ou thoracique. La région frontotemporale est une zone donneuse aisée, utilisable soit sous la forme d'un lambeau type Dufourmentel unipédiculé, soit en îlot vasculaire sur un pédicule temporal de fascia superficialis temporalis (fig 34) servant de vecteur à une palette cutanée frontotemporale [65]. La doublure muqueuse de ces lambeaux peut être assurée soit par un retournement des berges de la perte de substance, soit par une greffe cutanée à la face profonde de ceux-ci. Provenant d'une région située au-dessus de la zone commissurale, ils présentent une moindre tendance à la ptose secondaire. La région cervicale a été utilisée comme zone donneuse, sous la forme de lambeaux cylindriques verticaux assurant soit uniquement la couverture cutanée, le plan profond étant réalisé par un retournement des berges de la perte de substance selon le procédé de Gillies, soit par un dédoublement de la partie distale du lambeau selon la technique de Ginestet. Ces deux procédés ont comme inconvénient majeur d'être longs et responsables de séquelles esthétiques importantes. C'est pourquoi, aujourd'hui, on fait appel à des lambeaux musculocutanés. Le lambeau musculocutané de peaucier du cou de Barron[43] Tessier , peut être utilisé en l'absence de curage ganglionnaire jugulocarotidien préexistant ou associé, ou si l'artère faciale a pu être respectée. Sa palette cutanée, de dimension limitée pour être autofermante, assure le comblement de la perte de substance muqueuse et le pédicule musculaire est alors greffé. Quand la perte de substance est très vaste, étendue au niveau des régions jugales adjacentes, il faut le plus souvent faire appel à des lambeaux d'origine thoracique. La palette cutanée nécessaire à la reconstruction peut alors être de grande dimension, comme dans le cas des lambeaux musculocutanés de grand dorsal ou de grand pectoral. Elle peut subir une plicature au niveau de la commissure, pour assurer la réparation des deux plans. Cependant la taille et l'épaisseur de ces lambeaux imposent toujours un ou plusieurs temps d'ajustement et de dégraissage. D'autre part, ils n'assurent pas la réparation du bord rouge de la lèvre qui sera effectuée par des lambeaux muqueux ou selon des procédés de tatouages. Enfin, si l'épaisseur de la reconstruction paraît trop importante d'emblée, la palette destinée au versant cutané est remplacée par une greffe de peau totale. Tous les lambeaux libres que nous avons évoqués au cours des chapitres précédents, sont éventuellement utilisables. Cependant, la priorité doit être accordée à des lambeaux libres fins éventuellement resensibilisables tels que le lambeau antébrachial radial qui est le procédé le plus souvent utilisé actuellement [20].
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CONCLUSION La réparation chirurgicale d'une perte de substance labiale est une entreprise difficile car il faut à la fois restaurer au mieux la fonction et obtenir un résultat esthétique satisfaisant. Les procédés chirurgicaux sont nombreux ; nous les avons envisagés en fonction de la localisation et de l'importance de la mutilation labiale en mettant l'accent sur les indications respectives. D'une manière générale, il faut privilégier, chaque fois que cela est possible, l'utilisation des tissus de voisinage. Lorsque les possibilités du réservoir local sont dépassées, le recours aux lambeaux pédiculés ou libres et revascularisés par microanastomoses vasculaires s'impose. Ces lambeaux permettent de corriger des pertes de substance labiales étendues qui peuvent intéresser les structures voisines.
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Son
of
rôle
human
dans
bite
labiale
la
d'agrandissement. Ann
morphogenèse
losses
of
the
faciale. Ann
lip. Plast
Chir
Chir
Reconstr
© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Agencement cutané commissural et triangle d'arrêt a. Îlot muqueux d'arrêt b. Réserve muqueuse à disposition radiaire c. Sillon nasogénien. d. Îlot cutané d'arrêt.
Fig 2 :
Fig 2 : Greffe de peau totale expansée (collection Dr Foyatier). A. Brûlures des lèvres d'origine thermique. B. Région sus-claviculaire expansée. C. Greffe de peau totale. Trois sous-unités esthétiques : labiale supérieure, labiale inférieure et cervicale.
Fig 3 :
Fig 3 : Lambeau nasogénien à pédicule inférieur. A. La zone receveuse doit être taillée à angles aigus et éventuellement étendue aux limites de la sous-unité esthétique. B. La fermeture de la zone donneuse est réalisée par un simple glissement génien.
Fig 4 :
Fig 4 : Lambeau de glissement nasolabial avec excision cutanée au niveau des sillons nasogéniens. a. Triangle d'exérèse cutanée.
Fig 5 :
Fig 5 : Lambeau d'avancement nasolabial type Webster.
A. Dessin des limites de l'exérèse. B. Exérèse cutanée. C. Suture.
Fig 6 :
Fig 6 : Autoplastie d'avancement selon la technique de Burow. a. Triangle d'exérèse cutanée.
Fig 7 :
Fig 7 : Vermillonectomie (coupe sagittale de la lèvre). A. Vermillonectomie.
a. Artère coronaire labiale inférieure. b. Muscle orbiculaire. c. Ligne de jonction cutanéomuqueuse. B. Décollement du lambeau muqueux. C. Glissement et suture du lambeau muqueux.
Fig 8 :
Fig 8 : Lambeau muqueux hétérolabial : technique du rideau. A. Prélèvement muqueux. B, B'. Déroulement en rideau du lambeau muqueux. C. Sevrage du lambeau à la 2e semaine.
Fig 9 :
Fig 9 : Lambeau muqueux jugal unipédiculé.
Fig 10 :
Fig 10 : Lambeau myomuqueux d'avancement : elastic flap. A. Fissure labiale chronique. B. Dessin des limites d'exérèse. C. Levée d'un lambeau myomuqueux. D. Suture : résultat immédiat.
Fig 11 :
Fig 11 : Lambeau myomuqueux prédiculé selon Ortis-Monasterio. A. Correction d'une perte de substance myomuqueuse labiale supérieure. B. Levée d'un lambeau myomuqueux pédiculé. C. Transposition de la palette muqueuse.
Fig 12 :
Fig 12 : Lambeau lingual. A. Bipédiculé. B. Unipédiculé à pédicule proximal. C. Unipédiculé à pédicule distal. D. Lambeau en « tête de requin-marteau ».
Fig 13 :
Fig 13 : Lambeau d'avancement de joue de Webster. A. Exérèse rectangulaire d'une lésion labiale supérieure. B. Lambeau labial de pleine épaisseur. C. Résultat immédiat.
Fig 14 :
Fig 14 : Lambeaux nasolabiaux de von Bruns.
Fig 15 :
Fig 15 : Lambeaux en « éventails » ou fan flap de Gillies.
Fig 16 :
Fig 16 : Lambeaux jugomentonniers verticaux totaux.
Fig 17 :
Fig 17 : Lambeau paramentonnier horizontal de Merville.
Fig 18 :
Fig 18 :
Lambeau hétérolabial d'Abbe. A. Exérèse étendue à l'ensemble de l'unité philtrale. B. Lambeau d'Abbe en place.
Fig 19 :
Fig 19 : Lambeaux nasogéniens totaux de Ginestet.
Fig 20 :
Fig 20 : Lambeau de scalp de Dufourmentel.
Fig 21 :
Fig 21 : Procédé de Burget et Menick.
Fig 22 :
Fig 22 : Lambeaux labiaux latéraux. A. Exérèse spinocellulaire lèvres inférieures et tracé des lambeaux. B. Aspect final postopératoire.
Fig 23 :
Fig 23 : Lambeaux d'avancement labiaux latéraux en « escalier » ou step technique.
Fig 24 :
Fig 24 : Lambeau neurovasculaire de Karapandzic. 1. Muscle petit zygomatique. 2. Muscle grand zygomatique. 3. Rameaux commissuraux du nerf facial. 4. Vaisseaux faciaux. 5. Zone d'exérèse.
Fig 25 :
Fig 25 : Procédé de Buck. A. Transformation d'une perte de substance médiane en une perte de substance latérale. B. Lambeau d'Estlander fermant la perte de substance latérale créée.
Fig 26 :
Fig 26 : Lambeau d'Estlander. A. Exérèse d'une lésion labiale inférieure juxtacommissurale. B. Lambeau d'Estlander. C. Résultat immédiat. D. Résultat tardif avant commissuroplastie.
Fig 27 :
Fig 27 : Procédé de Bernard. A. Vue schématique du tracé et des limites d'exérèses selon Bernard. B. Modification des tracés selon Webster. C. Avulsion traumatique de la lèvre inférieure. D. Procédé de Bernard : résultat précoce à 1 mois. E. Résultat tardif : à 12 ans.
Fig 28 :
Fig 28 : Lambeaux nasogéniens totaux de Ginestet. A. Patient de 35 ans présentant un épithélioma spinocellulaire de la lèvre inférieure (coll Pr Cariou, 1985). Aspect préopératoire. B. Vue opératoire de la perte de substance après résection et du tracé des deux lambeaux
nasogéniens totaux à pédicule inférieur. C. Les deux lambeaux levés. D. Vue de face à 3 mois. E. Vue de profil à 3 mois.
Fig 29 :
Fig 29 : Reconstruction labiale inférieure étendue. A. Femme de 70 ans présentant un carcinome épidermoïde labial inférieur avec envahissement osseux (coll Pr Cariou, 1984). B. Vue opératoire après résection labiale inférieure élargie, évidement celluloganglionnaire cervical bilatéral et glossopexie. C. Reconstruction par association d'un lambeau myocutané de grand pectoral pour le plan muqueux et d'un lambeau deltopectoral pour le plan cutané. Aspect lors du sevrage du lambeau deltopectoral. D. Résultat de face à 6 mois. E. Résultat de profil à 6 mois.
Fig 30 :
Fig 30 : Dystopie commissurale verticale : plastie en Z. A. Attraction cicatricielle de la commissure. B. Dessin de la plastie en Z de pleine épaisseur. C. Résultat immédiat.
Fig 31 :
Fig 31 : Microstomie : resurfaçage muqueux commissural selon le procédé de Converse. A. Excision d'un triangle cutané. B. Excision du tissu fibreux et dessin des lambeaux muqueux. C. Mise en place des lambeaux muqueux.
Fig 32 :
Fig 32 : Microstomie : plastie musculaire selon le procédé de Pons. A. Exérèse cutanée et isolement de l'orbiculaire. B. Représentation schématique de la duplication musculaire (schémas originaux Pr Pons). C. Plastie muqueuse.
Fig 33 :
Fig 33 : Microstomie : plastie musculaire selon le procédé de Préaux. A. Anneau musculaire isolé. B. Duplication sagittale du plan musculaire. C. Réfection de l'anneau orbiculaire.
Fig 34 :
Fig 34 : Reconstruction labiocommissurale par lambeau de fascia superficialis temporalis vecteur d'une palette cutanée temporofrontale (d'après Rochebilière).
¶ 22-092-B-10
Complications des avulsions dentaires : prophylaxie et traitement F. Semur, J.-B. Seigneuric Dans un contexte médicolégal omniprésent, la prise en charge de nos patients doit s’affirmer dans les impératifs que sont l’obligation de moyens et de résultats. Obligation d’exercer un art en conformité avec les données actuelles et « actualisées » de la science. Au-delà d’une technique chirurgicale parfaitement maîtrisée et aguerrie, l’avulsion dentaire reste un acte dont le contexte médical est à prendre en compte dans sa globalité. Interrogatoire précis, pertinence des examens et de la prophylaxie, suivi rigoureux sont autant de corollaires indispensables à une prise en charge optimale du patient dans un souci toujours accru de sécurité. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Avulsion dentaire ; Pathologies endocriniennes ; Affections respiratoires ; Troubles de l’hémostase ; Risques infectieux ; Cancers
Plan
3
¶ Intérêt médicolégal
1
¶ Avulsions dentaires et patients à risque Pathologies cardiovasculaires Pathologies endocriniennes Affections respiratoires Troubles de l’hémostase Risques infectieux Patient porteur d’une pathologie cancéreuse : chimiothérapie et radiothérapie Maladie de Paget L’enfant La personne âgée
2 2 5 5 6 7 8 9 9 9
¶ Complications immédiates des avulsions dentaires Complications liées à l’anesthésie Complications liées à l’installation Complications lors du temps muqueux Complications lors du temps dentaire Complications osseuses Complications hémorragiques
9 9 11 12 12 15 17
¶ Complications secondaires Au niveau des tissus mous Accidents osseux Accidents nerveux
18 18 19 20
¶ Complications à distance Mobilisations dentaires Kystes résiduels
24 24 24
¶ Complications exceptionnelles
24
¶ Conclusion
24
■ Intérêt médicolégal Le rapport du Sou Médical sur la responsabilité civile professionnelle de l’année 2005 (5 décembre 2006) met particulièrement bien en valeur le contexte médicolégal de l’exercice médical. Il peut être consulté dans son intégralité sur le site : www.macsf.fr à la page : www.macsf.fr/Legroupe/docmacsf/ docmacsf_6392. Stomatologie / Odontologie
2,5
2
1,5 1997
1998
1999
2000
Exercice libéral Figure 1.
2001
2002
2003
2004
2005
Tous exercices confondus
Évolution de la « sinistralité » par praticien depuis 1997.
En guise d’introduction, nous en dégagerons les éléments qui nous semblent importants. La figure 1 rapporte l’évolution de la « sinistralité » par praticien depuis 1997. L’évolution à la hausse dans le secteur libéral est à signaler. Si les spécialités de stomatologie, chirurgie maxillofaciale et odontologie n’occupent pas le premier rang, la « sinistralité » déclarée n’est pas négligeable (13,6 % pour la stomatologie et la chirurgie maxillofaciale et 4,3 % pour l’odontologie). Sur l’exercice 2005, on rapporte en particulier : • en stomatologie et chirurgie maxillofaciale : C un accident coronarien aigu chez un malade ayant subi une angioplastie, le lendemain d’une chirurgie d’extraction dentaire sous anesthésie générale (AG) (reproche : absence d’information sur le risque d’arrêt de l’aspirine avant l’intervention) ; C des complications suite à l’extraction de dents de sagesse : – atteintes du nerf alvéolaire inférieur ou du nerf lingual ; – 13 fractures de la mandibule ; – migration dentaire dans les parties molles ; – communication buccosinusienne ; – extraction incomplète ; – erreur d’extraction ; – bris dentaire ;
1
22-092-B-10 ¶ Complications des avulsions dentaires : prophylaxie et traitement
C des complications liées à des extractions simples : – atteinte du nerf alvéolaire inférieur ; – erreur d’extraction ; • en odontologie : complications suite à des gestes d’extraction : C des conséquences d’anesthésie et suites opératoires : – paresthésies ou hypoesthésies du nerf alvéolaire inférieur, du nerf lingual ; – lésions provoquées par l’aiguille lors de l’injection (nécrose osseuse et de la papille) ; – trismus et craquements articulaires secondaires ; – réactions diverses : lipothymies, céphalées, allergie à l’anesthésique ; C des erreurs d’extraction ou de diagnostic d’extraction ; C des fractures dentaires coronaires ou radiculaires ; C des fractures mandibulaires et maxillaires ; C des effractions et lésions du sinus : – projection d’apex, de racines ; – instruments fracturés ; – création de communications buccosinusiennes (CBS). L’obligation de moyens et de résultats impose aux praticiens une rigueur de chaque instant et une connaissance toujours remise à jour des données « actualisées » de la science. Ainsi, la simple lecture de ces dommages met en lumière la structure de cet article : après avoir détaillé la prise en charge médicale des pathologies « à risque » avant extraction, nous détaillerons les différentes complications inhérentes aux gestes d’extraction, leur prophylaxie et leur prise en charge.
■ Avulsions dentaires et patients à risque Nous l’avons vu dans les chapitres précédents, l’information et la préparation du patient sont des éléments fondamentaux, non seulement d’un point de vue médicolégal (loi du 4 mars 2002), mais aussi d’un point de vue technique. L’interrogatoire systématique et orienté permettra de mettre en évidence des pathologies médicales ou des traitements spécifiques. Le renseignement d’un questionnaire médical par le patient peut être un support précieux. Dans tous les cas et au moindre doute, il est possible de préparer l’intervention en concertation avec le spécialiste traitant ou d’adresser le patient en milieu hospitalier pour une prise en charge pluridisciplinaire le cas échéant. L’étude de toutes les pathologies interférant avec la chirurgie buccodentaire ne peut être exhaustive : nous présentons ici les cas de figure les plus fréquents. La plupart sont liés aux conditions d’extraction sous anesthésie locale. Dans le cadre de l’anesthésie générale, le médecin anesthésiste pourra conseiller directement le praticien. Les patients porteurs de plusieurs pathologies médicales doivent bénéficier d’une prise en charge adaptée. La bonne connaissance de la prophylaxie et l’évaluation des risques doivent optimiser le choix des techniques et des conditions de prise en charge et ce, pour la sécurité du patient, du praticien dans certains cas, mais également dans un souci d’économie de santé (choix du type d’anesthésie, choix de la prise en charge hospitalière ou en cabinet).
Pathologies cardiovasculaires Les patients présentant des pathologies cardiovasculaires sont réputés fragiles (risque d’endocardite infectieuse [EI], contreindications médicamenteuses, traitements anticoagulants). La prise en charge en milieu hospitalier n’est pas obligatoire. L’anamnèse et le concours du cardiologue traitant doivent permettre la prise en charge la plus adaptée. Nous traiterons successivement les précautions à prendre visà-vis du choix de l’anesthésique et de l’adjonction de vasoconstricteur (VC), puis les règles de prise en charge des patients présentant un risque d’EI, enfin nous aborderons les conseils de prise en charge des patients bénéficiant d’un traitement anticoagulant ou antiagrégant.
2
Antécédents cardiologiques et adjonction de vasoconstricteurs [1] Dans cette catégorie, on regroupe les patients ayant des antécédents ou suivis pour : • hypertension artérielle (HTA) [2] : C les patients présentant une HTA stable et correctement équilibrée par un traitement médical ne présentent pas de contre-indications aux VC ; C les patients porteurs d’une HTA instable, sévère ou non traitée pourront bénéficier d’une anesthésie locorégionale (AL) avec adjonction de VC dans un milieu hospitalier avec structure de réanimation, sous contrôle d’un monitorage ; • athérosclérose, cardiopathies ischémiques (angor ou infarctus du myocarde) : C il n’existe pas de contre-indication formelle si la pathologie est considérée comme stabilisée ; C le praticien doit néanmoins s’assurer de l’absence de passage intravasculaire. Il doit également utiliser la plus petite dose efficace (injections prudentes, espacées, répétées si besoin, plutôt qu’une grosse dose d’emblée) ; C dans le cadre de pathologies mal équilibrées, d’insuffisance cardiaque avérée, on évitera l’adjonction de VC au cabinet, en dehors d’un milieu spécialisé et de l’avis d’un cardiologue ou du médecin anesthésiste ; • troubles du rythme : C fibrillation auriculaire : il n’existe pas de contre-indication à l’adjonction de VC, mais il convient d’éviter les injections intraosseuses qui peuvent provoquer des élévations plus importantes du rythme cardiaque et de la pression artérielle ; C patient sous digoxine ou présentant une arythmie atrioventriculaire : l’adjonction de VC doit être extrêmement prudente et n’être proposée que dans un milieu hospitalier avec monitorage et structure d’anesthésie ; C dans tous les cas, l’administration de produits anesthésiques doit se faire avec prudence et rigueur. L’injection doit être lente et s’effectuer après aspiration afin de s’assurer de l’absence de passage intravasculaire : l’attention des praticiens doit être attirée sur certains systèmes d’infiltration qui ne permettent pas le test d’aspiration. On évitera toutefois de dépasser la dose de 0,04 mg d’adrénaline soit deux cartouches dosées à 1/100 000 ou quatre cartouches dosées à 1/200 000 [3].
“
Point important
Les pathologies cardiovasculaires équilibrées ne contreindiquent pas nécessairement l’adjonction de VC. On évitera de dépasser la dose de deux cartouches dosées à 1/100 000, soit une dose totale de 0,04 mg d’adrénaline. Le test d’aspiration préalable à l’injection est indispensable afin d’éviter le moindre passage intravasculaire.
Patients présentant des risques vis-à-vis de l’endocardite infectieuse Ces patients peuvent être classés selon différents types de pathologies [4] : • les cardiopathies valvulaires ; • les cardiopathies congénitales ; • les antécédents de chirurgie cardiaque. Tous ces patients et notamment ceux présentant des malformations congénitales ou ayant bénéficié d’interventions cardiaques ne présentent pas les mêmes risques vis-à-vis de l’EI. Au moindre doute, le praticien fera appel au médecin traitant ou directement au cardiologue. Rappelons que, d’après certains Stomatologie / Odontologie
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Tableau 1. Cardiopathies à risque d’endocardite infectieuse. Groupe A
Groupe B
Cardiopathies à haut risque
Cardiopathies à risque moins élevé
Cardiopathies à faible risque
Prothèses valvulaires (mécaniques, homogreffes ou bioprothèses)
Valvulopathies (IA, IM, RA)
CIA et pathologies afférentes
Prolapsus mitral ± IM et ou épaississement valvulaire
Plasties mitrales
Cardiopathies congénitales cyanogènes non opérées et dérivations chirurgicales (pulmonaire systémique)
Bicuspidie aortique
Pontage et angioplasties coronaires
Cardiopathies congénitales non cyanogènes sauf communication interauriculaire
RM pur
Cardiomyopathies hypertrophiques, obstructives avec souffle auscultatoire
Maladie de Kawasaki, RAA, transplantation cardiaque
Antécédents d’EI
Souffle valvulaire fonctionnel
IA : insuffisance aortique ; EI : endocardite infectieuse ; IM : insuffisance mitrale ; RA : rétrécissement aortique ; CIA : communication interauriculaire ; RM : rétrécissement mitral ; RAA : rhumatisme articulaire aigu.
auteurs, le risque de bactériémie varie entre 51 et 85 % lors des extractions dentaires. La conférence de consensus de mars 1992 a été révisée en 2002. Cette révision vise un certain nombre d’objectifs : • limiter l’utilisation des antibiotiques à titre prophylactique ou curatif devant l’augmentation des résistances de certains germes ; • limiter l’utilisation aux situations où le rapport bénéfice/ risque collectif semble le plus élevé. Cette attitude s’inscrit dans la politique globale de réduction de consommation des antibiotiques en France.
Tableau 2. Facteurs orientant le choix en cas d’antibioprophylaxie optionnelle. Arguments favorables Terrain Âge > 65 ans Insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, respiratoire, hépatique Diabète Immunodépression acquise, constitutionnelle ou thérapeutique (corticoïdes, immunosuppresseurs...) État buccodentaire Hygiène buccodentaire défectueuse Gestes
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Point important
Saignement important (intensité, durée, etc.) Geste techniquement difficile (acte prolongé) Souhait du patient après information
Les patients sont répartis selon trois groupes : groupe A (haut risque), groupe B (risque moins élevé) et groupe à faible risque. L’antibioprophylaxie avant avulsion dentaire est recommandée pour le groupe A, et optionnelle pour les deux autres catégories. En dehors d’allergies et de traitement récent par b-lactamines, la dose de 3 g d’amoxicilline 1 heure avant le geste reste la prophylaxie de choix.
Ainsi six recommandations sont proposées : • recommandation 1 : définition des groupes à risque : C aux deux groupes A (haut risque) et B (risque moins élevé) vient s’ajouter une troisième catégorie qui regroupe les patients porteurs de cardiopathies à « faible risque d’endocardite infectieuse » ; C on regroupera ainsi dans un tableau global ces trois catégories (Tableau 1) ; • recommandation 2 : importance des mesures d’hygiène : C la conférence insiste sur le respect des règles d’hygiène dans la pratique quotidienne et lors de gestes à risque ; C les gestes d’effraction muqueuse en particulier devront être évités ; • recommandation 3 : gestes concernant la cavité buccale : C il est préconisé un bain de bouche antiseptique à base de chlorhexidine pendant 30 secondes avant le geste ; C le cas échéant, les séances multiples doivent être espacées d’au moins 10 jours ; C les avulsions dentaires sont considérées comme une pratique à risque justifiant l’antibioprophylaxie : celle-ci sera recommandée pour les patients du groupe A, elle sera optionnelle et laissée à l’appréciation du praticien pour les patients des groupes B et pour les patients à « faible risque » ; C la conférence de consensus propose un certain nombre de critères orientant le choix en cas de prophylaxie optionnelle (Tableau 2) ; Stomatologie / Odontologie
Arguments en faveur de l’abstention Allergie à de multiples antibiotiques Souhait du patient après information
C si l’avulsion nécessite certains gestes associés : séparations radiculaires, curetage de poches parodontales ou de kystes, l’antibioprophylaxie est recommandée ; C dans tous les cas, le choix sera établi en accord avec le patient qui aura bénéficié d’une information précise et adaptée. Celle-ci doit préciser les recommandations dans le mois qui suit le geste, en particulier en cas de fièvre : consulter son médecin généraliste ou spécialiste avant toute prise médicamenteuse, afin de permettre des hémocultures avant le début d’une antibiothérapie ; • recommandation 4 : gestes à risques autres que buccodentaires ; • recommandation 5 : propositions : C afin d’éviter les confusions, il est proposé que tout compte rendu d’échographie cardiaque précise de manière claire le groupe à risque du patient ; C un carnet de suivi individuel devra être mis en place : il fera apparaître de façon claire le groupe d’appartenance (A ou B), une éventuelle allergie aux b-lactamines, les gestes effectués, et les antibioprophylaxies déjà mises en œuvre ; C enfin une évaluation épidémiologique devrait être mise en place ; • recommandation 6 : modalités de l’antibioprophylaxie : C elle est débutée dans l’heure qui précède le geste ; elle peut être poursuivie dans l’heure qui suit en cas d’un risque infectieux ultérieur succédant au geste ; C le Tableau 3 en précise les modalités ; C les auteurs précisent que la dose peut être modulée à 2 g d’amoxicilline dans certaines circonstances (patient dont le poids est inférieur à 60 kg ou patient intolérant préalable à la dose de 3 g) ; C en outre, la pristinamycine ou la clindamycine seront préférées lors de la réalisation d’une seconde antibioprophylaxie rapprochée ou d’un traitement anti-infectieux récent par b-lactamines.
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Tableau 3. Prophylaxie de l’endocardite infectieuse. Lors de soins dentaires en ambulatoire Produit
Prise unique dans l’heure précédant le geste
Pas d’allergie aux b-lactamines
Amoxicilline
3 g per os
Allergie aux b-lactamines ou antécédent récent d’antibioprophylaxie
Clindamycine
600 mg per os
ou Pristinamycine
1 g per os
Produit
1 heure avant le geste
6 heures après
Pas d’allergie aux b-lactamines
Amoxicilline
2 g i.v. (perfusion en 30 min)
1 g per os
Allergie aux b-lactamines ou antécédent récent d’antibioprophylaxie
Vancomycine
1 g i.v. (perfusion > 60 min)
Pas de deuxième dose
Lors de soins dentaires sous anesthésie générale
ou Téicoplanine
400 mg i.v. (directe)
EI : endocardite infectieuse ; i.v. : voie intraveineuse.
Patients sous anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires La prise en charge de patients bénéficiant de médications anticoagulantes ou par antiagrégants plaquettaires est une situation courante dont il faut connaître les implications. Au cours des dernières décennies, la prise en charge a été largement controversée, mais la tendance actuelle est clairement définie, tant par les spécialités médicales, que par les praticiens stomatologistes et chirurgiens maxillofaciaux. En effet, si le relais par héparines de bas poids moléculaire (HBPM) reste encore la référence pour certains praticiens, il est clairement démontré que les véritables risques encourus par le patient sont d’ordre thromboembolique et sont rarement hémorragiques [5, 6]. En outre, la rééquilibration de l’international normalized ratio (INR) après relais par HBPM est difficile et entraîne parfois des défauts d’anticoagulation pendant plusieurs jours. Ainsi, le rapport bénéfice/risque reste largement en faveur d’un maintien des thérapeutiques anticoagulantes et antiagrégantes. Ce chapitre propose un certain nombre de recommandations par rapport à la prise en charge globale de ces patients et de leurs traitements. Nous détaillerons les moyens hémostatiques locaux dans le chapitre sur les complications peropératoires. Avulsions et antivitamine K [7] De nombreuses études ont montré clairement que le risque hémorragique (facilement jugulé par des moyens locaux) est moindre que le risque thromboembolique. Un groupe d’experts américains conseille en 2001 le maintien des AVK, sous réserve de gestes d’hémostase locale adaptés et protocolisés, et lorsque l’INR reste inférieur à 4. En 2003, Garcia-Darennes et al. [7] proposent le protocole suivant. Réalisation d’un INR la veille du geste dans le laboratoire où le patient réalise habituellement son bilan d’hémostase. Si l’INR est inférieur à 2,8, l’avulsion est réalisée avec hémostase locale systématique. Si l’INR est supérieur à 2,8, l’intervention est reportée de quelques jours avec réduction du traitement en accord avec le cardiologue (réduction d’un quart de comprimé tous les 2 jours). En ce qui concerne la prise en charge peropératoire, les procédures d’hémostase locale sont indispensables. Les gestes doivent être les plus atraumatiques possibles. Un matériau hémostatique résorbable intra-alvéolaire doit être mis en place, toute plaie doit être suturée. L’utilisation de colle biologique et/ou d’agent fibrinolytique est conseillée en cas de chirurgie hémorragique. Une prise en charge hospitalière est obligatoire en cas de risque médical associé, en cas de soins dentaires à haut risque hémorragique ou si l’INR est supérieur à 3,5. Un relais du traitement antivitamines K (AVK) par HBPM doit rester exceptionnel. L’anesthésie locorégionale reste formellement contreindiquée. Tous les auteurs insistent sur l’importance des précautions postopératoires : alimentation froide ou tiède, début des bains
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de bouche à partir de j1, voire j2 postopératoire, contreindication des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et des salicylés à visée antalgique. Il convient également de prendre en compte les éventuelles interactions médicamenteuses susceptibles de modifier l’INR. Enfin, les auteurs précisent que le recours à l’hospitalisation n’est pas nécessaire en l’absence d’autres risques médicaux spécifiques. Avulsions et antiagrégants plaquettaires [8-10] L’arrêt du traitement par clopidogrel, par salicylés à faible dose (75 à 325 mg/j) avant avulsion dentaire n’est pas justifié. Dans le cas de traitement par aspirine à forte dose (supérieur à 500 mg/j), il convient de retenir que ce traitement répond à des indications antalgiques ou anti-inflammatoires et non antiagrégantes. Dès lors, l’arrêt peut être envisagé sans risque pour le patient. On veillera à suspendre le traitement 5 jours avant le geste chirurgical si l’on tient compte de la compétence hémostatique et 10 jours avant si l’on souhaite que l’action de l’aspirine ait complètement disparu. Aucun bilan de coagulation n’a fait la preuve de son efficacité pour prédire le risque hémorragique, en particulier le temps de saignement (TS). L’évaluation du risque de saignement repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique. Il en découlera le choix d’une prise en charge en cabinet de ville ou en milieu hospitalier. L’anesthésie locorégionale du nerf alvéolaire inférieur est déconseillée, et ne sera pratiquée qu’en cas d’échec ou d’impossibilité de réaliser une AL. L’anesthésie générale est réalisable, mais l’intubation nasotrachéale est délicate. On aura recours aux moyens d’hémostase locale : sutures des berges de la plaie opératoire, compression locale, hémostatiques locaux résorbables [8], bains de bouches hémostatiques [11]. Dans tous les cas, on recommandera la délivrance d’une fiche de conseils au patient, spécialement adaptée aux précautions postopératoires vis-à-vis du risque hémorragique. Une consultation de contrôle à 48-72 heures permettra de contrôler la bonne observance thérapeutique et l’évolution locale.
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Point important
Le relais AVK par HBPM ne se justifie plus que dans de rares situations. Un INR < 2,8 (réalisé la veille de l’intervention) autorise les gestes d’avulsions dentaires, sous réserve d’un protocole chirurgical rigoureux. L’arrêt des antiagrégants plaquettaires n’est plus justifié avant les avulsions dentaires. Le TS ne présente aucun intérêt dans le bilan préalable.
Stomatologie / Odontologie
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Pathologies endocriniennes Diabète [12] Le patient souffrant d’un diabète connu non équilibré présente des spécificités vis-à-vis de la pathologie elle-même (modalités de prise en charge, choix des anesthésiques) et des problèmes vis-à-vis de la cicatrisation (risque infectieux majoré). Les VC [13] ne sont pas contre-indiqués chez les patients porteurs d’un diabète de type I ou II bien équilibré. Dans le cadre d’un diabète déséquilibré ou instable, les VC seront évités. Néanmoins, on préfère s’abstenir de délivrer des vasoconstricteurs qui pourraient interférer avec la glycémie du sujet. Les soins sont réalisés de préférence le matin lors de séances brèves. Le praticien insiste sur l’importance d’un petit-déjeuner normal avant les soins. Les troubles affectant les parois des vaisseaux réduisent le flux sanguin et donc la pression locale en oxygène : retards de cicatrisation et infection postopératoire sont deux complications fréquentes qu’il faut prendre en compte et prévenir. Ainsi, les mesures d’hygiène et d’asepsie sont observées scrupuleusement, une antibioprophylaxie peut être mise en route en cas de risque infectieux évalué, des visites régulières permettent de surveiller la cicatrisation [1].
Pathologies de l’axe surrénalien Les patients porteurs de pathologies de l’axe surrénalien et bénéficiant ou ayant bénéficié d’une corticothérapie au long cours doivent faire l’objet d’une attention particulière. En dehors de l’urgence, l’avis du spécialiste ou du médecin traitant est requis. Dans la plupart des cas, on préfère éviter l’usage de vasoconstricteurs lors de l’anesthésie locale. Dans le cadre du phéochromocytome, la contre-indication aux VC est absolue. On proposera la réalisation des avulsions en milieu hospitalier avec structure de réanimation [14]. Les risques majorés de l’infection dus aux effets immunosuppresseurs des corticothérapies au long cours induisent parfois un traitement d’antibiothérapie prophylactique et une surveillance postopératoire prolongée.
Thyroïde [1] L’hyperthyroïdie se traduit par des troubles cardiovasculaires qui reproduisent les effets d’un surdosage en adrénaline (tachycardie, arythmies, ischémie myocardique...). Pendant longtemps, on a cru que les VC agissaient de façon synergique. En pratique, les réponses hémodynamiques aux VC ne sont pas fondamentalement changées. Bien que le risque de potentialisation thyroxine-adrénaline soit sérieux, il n’existe pas de contre-indication formelle à l’usage des VC chez les patients hyper- ou hypothyroïdiens.
Grossesse D’un point de vue général, au cours du 1er semestre, seules les avulsions justifiées par l’urgence seront envisagées. Pendant ces périodes d’organogenèse et de morphogenèse, l’embryon puis le fœtus sont particulièrement sensibles aux agressions. Par ailleurs, la femme se trouve dans une période où algies, nausées, fatigue rendent le geste moins souhaitable et la prise en charge plus difficile. Au cours du 2e trimestre, la patiente et le fœtus se trouvent dans la période la moins défavorable aux interventions. Le praticien prend garde, toutefois, d’éviter des gestes trop longs ou particulièrement traumatisants et veille à prescrire ses traitements de façon la plus économique et la moins toxique possible. Au-delà de la première moitié du 2e trimestre, les gestes sont à proscrire en dehors de l’urgence. Lorsque la prise de poids est importante, la position semiallongée peut être très inconfortable. Une mauvaise position sur le fauteuil dentaire peut comprimer la veine cave inférieure et perturber le retour sanguin, pouvant aller jusqu’au choc cardiogénique. On conseille de glisser un coussin sous la fesse droite de la patiente, pour mieux répartir le poids du fœtus en le déplaçant vers la gauche. Stomatologie / Odontologie
L’usage des radiations ionisantes doit être limité au strict nécessaire, en ayant recours aux méthodes classiques de protection (tablier de plomb, exposition à des faibles rayonnements : 5 à 10 rd). La prévention et le traitement des infections sont aussi l’une des préoccupations du praticien. Les antibiotiques de choix sont en premier lieu les amoxicillines en dehors de l’allergie. Viennent ensuite les macrolides et les céphalosporines. On évitera si possible les dérivés imidazolés. Rappelons qu’un certain nombre de spécialités pharmaceutiques sont contre-indiquées dans le cadre de la grossesse : • les médicaments ayant un effet dépresseur respiratoire (sédatifs, antalgiques mixtes avec dérivés morphiniques, psychotropes) ; • les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), l’acide acétylsalicylique, les morphiniques et dérivés pour leur effet tératogène connu ; • les tétracyclines qui provoquent des colorations dentaires chez l’enfant ; • la streptomycine et la gentamycine pour leurs toxicités rénale et auditive ; • les corticoïdes qui ont un effet tératogène sur les animaux. À l’heure actuelle, la toxicité pour le fœtus humain n’a pas été prouvée, mais la réserve s’impose. Il convient de noter qu’il n’existe pas de contre-indication formelle à l’usage des VC lors de l’anesthésie [1].
Affections respiratoires On retiendra l’importance d’une consultation spécialisée ou avec le praticien traitant avant l’intervention. L’usage des vasoconstricteurs doit être mesuré chez des patients bénéficiant de thérapeutiques bronchodilatatrices. En effet, l’association de ces deux molécules peut provoquer ou aggraver des troubles du rythme cardiaque.
Asthme Si le patient est asthmatique, le praticien vérifie qu’il est bien muni de son aérosol le jour de l’intervention. Toute prescription reste prudente, compte tenu des risques allergiques. Les VC ne sont pas contre-indiqués car ils diminuent le stress du patient [1]. Dans le cadre des patients corticodépendants, les VC sont contre-indiqués dans la crainte d’une hypersensibilité aux bisulfites [13, 15].
Insuffisants respiratoires chroniques Chez les insuffisants respiratoires chroniques, on évitera de prescrire des dépresseurs des systèmes respiratoires et cérébraux tels que la morphine, la codéine et les autres antalgiques à principe d’action centrale. Le patient sera installé en position semi-assise pour limiter la dyspnée. La ventilation d’oxygène au débit de 1 à 2 l/min peut être prescrite en milieu spécialisé. Une équipe canadienne [16] rapporte un cas d’infection fungique (mucormucosis) pulmonaire suite à une extraction dentaire chez un patient souffrant de bronchopneumopathie obstructive.
Tuberculose [1] La tuberculose impose un certain nombre de précautions : en fonction du type d’anesthésie, on évitera les substances à métabolisme hépatique pour les patients traités par isoniazide et/ou présentant une insuffisance hépatique. Les isoniazides provoquent une thrombopénie et une leucopénie : un bilan de l’hémostase est justifié avant l’intervention. Dans le cadre des extractions multiples, on privilégie l’intervention en un temps. Le paracétamol potentialise les effets hépatotoxiques de la rifampicine : son usage sera limité au maximum. En fonction du risque infectieux, on préférera retarder un geste jusqu’à 15 jours après une bithérapie en particulier.
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Tableau 4. Interrogatoire à la recherche d’une anomalie de la crase sanguine. Données générales Âge Sexe Groupe sanguin : groupe O/non O Traitement Pathologies associées potentiellement hémorragiques : hépatique/rénale/hématologique Antécédents (ATCD) ATCD personnels chirurgicaux : - amygdalectomie/adénoïdectomies/avulsions dentaires/autres - complications hémorragiques ATCD obstétricaux : - nombre et type d’accouchements/type d’accouchement - complications hémorragiques ATCD personnels chirurgicaux : analyse des complications hémorragiques : - subjectifs : saignements « anormaux » immédiats ou retardés - objectifs : hématome/transfusion/reprise chirurgicale ATCD familiaux
Troubles de l’hémostase Nous avons vu, dans le chapitre cardiologie, les différentes recommandations pour la prise en charge des patients bénéficiant d’un traitement antivitamine K (AVK) ou antiagrégant plaquettaire. Dans ce chapitre, nous nous attacherons à la recherche d’anomalies de la crase sanguine non médicamenteuses, de leur bilan préopératoire et de la prise en charge per- et postopératoire, en fonction du risque hémorragique chirurgical. En préalable à ce chapitre, précisons qu’une exploration systématique de l’hémostase est injustifiée en dehors d’une évaluation globale du risque hémorragique chirurgical et de l’interrogatoire du patient. L’interrogatoire précis du patient lors de la consultation préopératoire permet, dans la plupart des cas, de dépister une telle pathologie ou de la suspecter (caractère héréditaire de l’hémophilie). Le Tableau 4 [17] propose un modèle d’interrogatoire. L’âge permet de s’orienter vers une pathologie acquise (patient adulte ou âgé) ou vers une pathologie congénitale à potentiel plus grave (hémophilie chez l’enfant). Si le sexe féminin exclut l’hémophilie, il n’en exclut pas moins des déficits en facteurs VIII (F. VIII) ou facteur IX (F. IX) chez certaines conductrices de l’hémophilie. On recherchera en outre des signes subjectifs tels que des saignements « anormaux », ou prolongés (> 15 minutes) après ponction veineuse, des hématuries inexpliquées, des épistaxis bilatérales, des ecchymoses faciles sans causes évidentes, des ménométrorragies. Les antécédents (ATCD) familiaux ont une grande importance pour la recherche d’hémophilie ou de maladie de Willebrand. Un bilan préopératoire permet de préciser l’importance du trouble de la coagulation et d’en préciser l’étiologie [17], mais en l’absence d’éléments significatifs à l’interrogatoire et de risque hémorragique particulier, le bilan n’est pas requis. Le bilan de base comprend les trois tests suivants : numération plaquettaire, temps de céphaline activée (TCA) explorant la voie endogène de l’hémostase et temps de quick plasmatique (TQP) explorant la voie exogène. L’allongement du TQP impose la détermination des cofacteurs F.II, F.V, F. X et F. VII. Les étiologies les plus fréquentes en dehors de prises médicamenteuses sont l’hypovitaminose K et l’insuffisance hépatocellulaire. L’allongement du TCA doit conduire à doser F. VIII et F. IX (facteurs antihémophiliques). Un avis spécialisé est alors demandé.
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Lorsque le taux de plaquettes circulantes est inférieur à 100 × 109, tout acte pouvant faire saigner doit être proscrit. Pour une thrombopénie inférieure à 50 × 109, une transfusion de concentré plaquettaire est prévue avant une avulsion si celle-ci est jugée indispensable. Des troubles avérés de la crase sanguine devront guider le praticien dans le choix du type d’anesthésie en fonction du risque hémorragique. Si l’anesthésie générale peut provoquer un hématome laryngé, l’anesthésie tronculaire à l’épine de Spix peut engendrer un hématome latéropharyngé. La prévention des risques hémorragiques chez des patients souffrant d’hémophilie peut être réalisée par un certain nombre de molécules : • la desmopressine (Minirin®) augmente trois à quatre fois les taux circulants de facteur VIII et de facteur Willebrand (injection intraveineuse [i.v.]). Son indication sera fonction du type d’anesthésie utilisée [18] ; • l’acide tranexamique (Exacyl®) [19] inhibe l’activation du plasminogène (i.v. lente 2 à 3 fois par jour). Son action en bain de bouche présente également un intérêt certain [20] pendant les 48 heures postopératoires ; • l’acide aminocaproïque (Hexalense®) peut aussi avoir un intérêt, en particulier chez les hémophiles mais présente une action dix fois moindre que celle de l’acide tranexamique [21] ; • l’histoacryl est également reconnu pour ses propriétés hémostatiques locales [22] ; • le facteur VIIa recombinant (commercialisé sous le nom de Novoseven®) est un traitement hémostatique et coagulant d’origine biotechnologique, administré par voie générale qui a montré une efficacité dans le traitement et la prévention d’épisodes hémorragiques. Son emploi se justifie dans les pathologies mineures de l’hémostase alors qu’aucune étude n’existe encore dans le domaine odontostomatologique. Chez des patients atteints de troubles sévères de l’hémostase d’origine hépatique, l’injection d’une dose de 80 µg/kg en préopératoire immédiat s’est avérée efficace dans 80 % des cas. Une nouvelle injection à la même posologie, 1 heure après l’intervention, permet l’arrêt de l’hémorragie résiduelle. Ce traitement systémique à usage hospitalier peut être un recours face à une hémorragie incoercible après échec de l’hémostase locale. Ce traitement complexe nécessite une prise en charge pluridisciplinaire hématologue/biologiste/ chirurgien-dentiste. En 2005, une étude a prouvé son efficacité sans effets indésirables chez des enfants hémophiles A [23].
Hémophilie [24, 25] On ne propose pas de traitement substitutif particulier pour les formes mineures d’hémophilie (facteur présent en quantité inférieure à 30 %). Les avulsions dentaires simples ou multiples chez les hémophiles sévères (présence du facteur déficitaire en quantité inférieure à 1 %) présentent un risque hémorragique important qui peut être évité par un traitement combinant : • produit de substitution du facteur de coagulation déficitaire d’origine plasmatique ou recombinante par perfusion ; • mise en place d’un hémostatique intra-alvéolaire : • réalisation de sutures muqueuses hermétiques ; • utilisation de colle biologique ; • mise en place de gouttière de compression par le patient. Chez un patient ayant développé un anticorps inhibiteur du facteur transfusé, qui rend inefficace le traitement substitutif, il n’est plus possible d’employer des produits de substitution pour prévenir les risques hémorragiques. Face à ce type de patients, outre les dispositifs locaux indispensables, on propose des injections de concentrés prothrombiniques activés selon un protocole précis avec surveillance particulière pour éviter une coagulation intravasculaire disséminée [26]. Dans le cadre de l’extraction dentaire sous AL chez le patient hémophile sans gouttière hémostatique, la tendance est aujourd’hui à la simplification des protocoles dans le but de limiter la durée de l’hospitalisation, le plus souvent ambulatoire, Stomatologie / Odontologie
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Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir en cas de trouble sévère de la circulation.
Anesthésie locale ou générale
Hémophilie A sévère à modérée
Maladie de Willebrand type 2
Hémophilie B sévère à modérée
en fonction du sous-groupe
Maladie de Willebrand type 3
Traitement substitutif (concentré de facteurs de coagulation)
Traitement substitutif ou desmopressine
Anesthésie générale
Anesthésie locale
Hémophilie B mineure Patients non répondeurs
Patients répondeurs Hémophilie A Willebrand type 1 Thrombopathie
Hémophilie B mineure Patients non répondeurs
Patients répondeurs Hémophilie A Willebrand type 1 Thrombopathie
Traitement substitutif
Desmopressine
Sans
Desmopressine
et d’améliorer le confort postopératoire des patients. À l’exclusion des hémophiles sévères, les techniques d’hémostase locale combinent : • colle biologique ; • mèche de gélatine et sutures résorbables ; • compressions intermittentes de compresses imbibées d’acide tranexamique, durant les 3 premiers jours qui suivent l’intervention ; • injection de concentrés de facteurs de la coagulation ou de desmopressine (Minirin®). Tous ces éléments permettent de limiter l’hospitalisation à 12 heures [27]. Un arbre décisionnel (Fig. 2, 3) peut être proposé pour la prise en charge des patients en fonction de la sévérité des désordres de l’hémostase et du choix de l’anesthésie [18]. Ces précautions générales n’excluent pas les mesures d’hémostases locales déjà énoncées. En cas d’insuffisance hépatique d’origine éthylique et de cirrhose : le bilan d’hémostase permettra de mettre en œuvre une éventuelle thérapeutique supplétive en facteurs de la coagulation vitamine K-dépendants. Une antibioprophylaxie permettra de gérer le risque infectieux. On favorisera l’anesthésie para-apicale et les anesthésiques à fonction amide comme la mépivacaïne.
Risques infectieux En pratique quotidienne, au cabinet ou à l’hôpital, le praticien est amené à prendre en charge des patients porteurs de pathologies infectieuses diverses (hépatite virale, virus de l’immunodéficience humaine [VIH], autres). Les règles d’hygiène et d’asepsie sont plus que jamais de rigueur, afin d’assurer la sécurité du patient infecté, des autres patients et du praticien lui-même. Nous conseillons vivement la lecture du « guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie » (édition de juillet 2006) édité par le ministère de la Santé sur le site www.santé.gouv.fr. à la page : www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/infect_chirdentaire/guide.pdf. Si le port du masque et des gants est obligatoire pour le praticien et ses aides, lors d’interventions chez des sujets porteurs d’infection par le virus de l’hépatite ou par le virus de Stomatologie / Odontologie
Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite à tenir en cas de trouble mineur de la coagulation.
l’immunodéficience humaine (VIH), les gants seront doublés afin de limiter les risques d’effraction cutanée par un instrument ou une aiguille souillée. De plus, le port de lunettes évite toute projection oculaire de sang ou de salive potentiellement contaminants. L’emploi des instruments et des matériels à usage unique est préféré lorsque c’est possible. Les matériels à usage multiple sont lavés, désinfectés physiquement puis stérilisés selon les méthodes appropriées avant de servir pour d’autres interventions. Toutes les surfaces de travail susceptibles d’être contaminées sont protégées avant l’intervention, puis nettoyées après par contact prolongé avec des solutions d’hypochlorite de sodium ou de glutaraldéhyde. Les interventions concernant des patients porteurs de pathologies à haut potentiel contagieux seront prévues en fin de programme (sous AG comme sous AL).
Infection par le virus de l’immunodéficience humaine Une étude [28] a montré que les patients VIH positifs présentaient plus de complications postextractionnelles que des patients VIH négatifs. On peut observer un purpura thrombopénique, par mécanisme immun associé à l’infection VIH. C’est une anomalie de l’hémostase fréquemment rencontrée. Elle est liée à une hyperconsommation splénique des plaquettes : les mécanismes impliqués associent des dépôts spécifiques de complexes immuns et des autoanticorps. Une injection i.v. d’immunoglobulines humaines de type Ig IV 3 jours avant une séance d’extractions multiples fait remonter le taux de plaquettes, et permet un geste chirurgical sous AL (avec des moyens d’hémostase locaux conventionnels) sans complication hémorragique postopératoire. L’utilisation d’Ig IV permet de remonter le taux de plaquettes de manière plus efficace qu’une transfusion de plaquettes dont la durée de vie est inférieure à 24 heures [29].
Hépatites virales Rappelons tout d’abord que le risque de contamination par le virus de l’hépatite C (VHC) est dix fois plus important que le
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risque de contamination par le VIH. Le risque contagieux de l’hépatite B est 100 fois plus important que celui du VIH. L’usage des VC n’est pas contre-indiqué [1]. On évitera tout geste en dehors de l’urgence en cas d’hépatite active. De principe, on réalisera un bilan d’hémostase et une antibioprophylaxie. On limitera au maximum la prescription de médicaments hépatotoxiques (AINS, paracétamol). Chez les insuffisants hépatiques, après évaluation de la fonction hépatique, on choisira de diminuer les doses et d’espacer les injections, mais l’usage de VC reste possible.
Patient porteur d’une pathologie cancéreuse : chimiothérapie et radiothérapie Les patients porteurs de pathologies cancéreuses peuvent faire l’objet de thérapeutiques spécifiques agressives pour l’organisme avec leurs contre-indications propres. La sphère stomatologique et en particulier la région mandibulaire (de par sa vascularisation terminale) sont particulièrement sensibles à l’action de la radiothérapie. Les risques de xérostomie (conséquence de l’hyposialie) compliquent en outre les suites de telles thérapeutiques.
Ostéoradionécrose L’ostéoradionécrose (ORN) mandibulaire est une des complications les plus redoutables de la radiothérapie cervicofaciale [30]. Ses conséquences gravissimes peuvent conduire à des mutilations (et reconstructions) parfois plus délabrantes que la pathologie néoplasique d’origine, chez des patients parfois en rémission. Nous proposons comme référence pour ce chapitre la monographie de l’EMC spécialement dédiée à l’ostéoradionécrose des maxillaires (Stomatologie 22-062-D-20, 2005). Ce traité apporte tous les éléments nécessaires à la compréhension de cette complication gravissime de l’irradiation des maxillaires. Nous rapportons ici quelques éléments qui nous paraissent essentiels dans le cadre des avulsions dentaires [31]. Les effets combinés de la radiothérapie et de la chimiothérapie majorent les risques d’ostéoradionécrose. Dès 50 Gy de dose totale, on estime le risque d’ORN à 5 %, et à plus de 20 % lorsque la dose cumulée atteint 70 Gy. Prophylaxie avant radiothérapie La préparation buccodentaire des patients avant toute prise en charge de radiothérapie doit être systématique et rigoureuse. Elle vise à éliminer tout foyer d’infection patent ou potentiel. En effet, toute intervention ultérieure à une irradiation présente un risque majeur d’ostéoradionécrose des maxillaires et en particulier de la mandibule [32]. Le site ONCOLOR : www.oncolor.org/ referentiels/support/dent_acc.htm propose des schémas très clairs de conseils de prise en charge des patients devant bénéficier de radiothérapie ou de chimiothérapie. Les différentes situations sont appréciées clairement et permettent une prophylaxie adaptée pour limiter le risque d’ORN. Ainsi, une attention toute particulière est apportée à l’hygiène buccodentaire et à ses motivations avant de réaliser des choix thérapeutiques. Ainsi, d’après certaines études [33], il est proposé par exemple de réaliser une avulsion prophylactique des troisièmes molaires avant irradiation. Les gouttières fluorées : le port quotidien des gouttières fluorées est un élément essentiel pour limiter et prévenir tous les risques des effets délétères de l’irradiation sur l’ensemble de la cavité buccale (os, tissus dentaires, muqueuses). Par ailleurs, une étude de 2002 montre que le risque d’ostéoradionécrose ne diminue pas avec le temps [34-36]. Prophylaxie avant avulsions dentaires sur terrain irradié Antibioprophylaxie. Une étude au Royaume-Uni de 2002 [35, a montré que, selon le type de dents avulsées et les antécédents plus ou moins importants de radiothérapie, les praticiens avaient recours à une antibioprophylaxie dans 50 à 90 % des situations avant extraction chez des patients ayant reçu une radiothérapie. Dans la plupart des cas, celle-ci était poursuivie 36]
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de manière intensive après le geste. Dans la majorité des cas, ils préfèrent l’usage des antibiotiques à l’oxygénothérapie pour prévenir l’ORN. Les recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) [37] placent les pénicillines A, ainsi que l’azythromycine et les 5-nitroimidazolés comme les antibiotiques de première intention en stomatologie. L’azithromycine présente l’avantage d’un traitement bref avec une durée d’efficacité de 10 jours. Certains praticiens la préfèrent donc en antibioprophylaxie de l’ORN avant une extraction dentaire. Elle sera donc prescrite à la dose de 500 mg/j pendant 3 jours avant le geste, associée ou non à un imidazolé. L’ampicilline associée au sulbactam est proposée avec une bonne efficacité en prévention de l’ORN [38]. Le choix de l’administration (per os ou i.v.) dépend de l’habitude du praticien et du risque infectieux potentiel. De même, le choix de l’anesthésie pourra varier. Oxygénothérapie hyperbare [39]. Ashamalla [40] a clairement montré les bénéfices de l’oxygénothérapie hyperbare chez les enfants. Tant dans un rôle prophylactique (avant avulsions) que dans un but thérapeutique (prise en charge d’une ostéoradionécrose déclarée). De nombreuses études ont montré l’action [41] de l’oxygénothérapie hyperbare, que celle-ci soit ou non associée à la chirurgie reconstructrice. En 2005, la Ve conférence de consensus européenne sur la médecine hyperbare [42] rappelle l’efficacité et les modalités de prescription de cette thérapeutique à visée curative, qu’elle soit ou non associée à des gestes complémentaires chirurgicaux. La conférence rapporte également l’intérêt de l’oxygénothérapie hyperbare d’un point de vue prophylactique avant les extractions dentaires. Cette thérapeutique, qui nécessite des moyens lourds, impose des choix précis à mettre en œuvre avec les différents spécialistes : oncologue, radiothérapeute, praticien qui réalise l’avulsion.
Précautions à prendre lors du geste technique Les recommandations sur l’usage des VC lors de l’anesthésie locale interdisent toute adjonction d’adrénaline chez les patients ayant reçu une dose de rayonnement supérieure ou égale à 40 Gy. Dans tous les cas, l’anesthésie est réalisée de manière prudente (elle évite en particulier les infiltrations intraligamentaires). Une anesthésie générale peut être choisie, pour éviter les infiltrations locales d’anesthésiques. Une évaluation de l’état de l’immunité est réalisée par un contrôle de la numération-formule sanguine (NFS) et des plaquettes. L’avulsion est réalisée de la façon la moins traumatisante possible, la muqueuse est suturée de la façon la plus étanche possible. L’antibioprophylaxie est maintenue jusqu’à l’obtention d’une cicatrisation muqueuse complète. Dans le but de laisser le moins de tissu osseux dénudé après une avulsion dentaire, certains auteurs proposent de combler les alvéoles avec des biomatériaux et une adjonction de tétracycline, limitant ainsi la prévalence de l’ORN [43, 44]. D’autres proposent des comblements à base de collagène et de gentamycine. Pour certains auteurs, le traitement endodontique (lorsque celui-ci est possible et réalisé dans des conditions d’asepsie draconiennes) est préférable car les risques de complication sont moindres. La surveillance du site sera attentive, répétée et les moindres signes physiques (douleurs, retard de cicatrisation) ou généraux (hyperthermie) évoquant une alvéolite ou une ostéite seront recherchés. Le suivi du patient est très fréquent dans les premiers mois qui suivent le geste (tous les mois ou tous les 2 mois pendant la première année). Puis tous les 4 à 6 mois pendant les années suivantes jusqu’à la cinquième année. Un suivi annuel est ensuite instauré.
Précautions à l’égard des troubles de la crase sanguine Certaines chimiothérapies et radiothérapies étendues peuvent avoir un effet thrombocytémiant ou thrombocytopathique, Stomatologie / Odontologie
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Point important
L’ostéoradionécrose est une complication gravissime dont la prévention passe par une prophylaxie rigoureuse et une éradication de tout foyer infectieux potentiel préalable à l’irradiation. L’usage des VC est contre-indiqué L’antibiothérapie et l’oxygénothérapie hyperbare sont les traitements de première intention, tant prophylactiques que curatifs.
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modifiant ainsi la crase sanguine. Un bilan de coagulation est réalisé au préalable selon les modalités précisées plus haut avec une prise en charge adaptée. Dans les cas critiques, l’hospitalisation permet d’assurer une meilleure préparation et une surveillance per- et postopératoire.
Maladie de Paget [45] Dans le cas spécifique de cette pathologie, des risques hémorragiques peuvent exister, pouvant compliquer une avulsion simple, au stade précoce de la maladie. L’hypervascularisation osseuse peut en être la cause. Des risques d’alvéolite sèche ou suppurée postavulsion et de séquestres peuvent se rencontrer à la phase scléreuse de la maladie. L’ostéomyélite est une complication redoutable. Face à des images radiologiques de sclérose et d’hypercémentose, l’intérêt de l’antibiothérapie associée à une alvéolectomie est à souligner [46].
L’enfant Certaines précautions particulières sont à observer dans la prise en charge de l’enfant : • bilan d’hémostase chez l’enfant et le nourrisson : C l’immaturité physiologique du système de coagulation peut faire suspecter un déficit constitutionnel entre 6 et 9 mois de vie ; C un déficit sévère constitutionnel pourra être diagnostiqué lors d’une hémorragie de chute du cordon ; C rappelons que des déficits peuvent passer inaperçus en dehors de contexte chirurgical avant l’âge adulte ; • usage des VC : compte tenu des facultés métaboliques spécifiques des enfants, l’usage des VC est contre-indiqué avant l’âge de 6 ans [1].
La personne âgée Chez la personne âgée, on prendra en compte toutes les pathologies associées, les traitements en cours et les éventuelles médications. L’évaluation des fonctions rénales et hépatiques devra conduire à la baisse des doses administrées. Au-delà de 70 ans, la suspicion d’une insuffisance rénale chronique avec baisse de la filtration glomérulaire doit faire baisser les doses de VC [1] : • de 30 % entre 70 et 80 ans ; • de 50 % au-delà.
■ Complications immédiates des avulsions dentaires Complications liées à l’anesthésie Anesthésie générale Nous conseillons la lecture des fascicules suivants de l’EMC : • Odontologie 23-400-G-10, 2001 : anesthésies locale, locorégionale et générale en odontologie et stomatologie pédiatriques ; • Stomatologie 22-091-A-70, 1999 : anesthésie générale en chirurgie stomatologique et maxillofaciale. Stomatologie / Odontologie
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Figure 4. Précautions lors de l’installation sous anesthésie générale. 1. Packing oropharyngé humidifié ; 2. intubation nasotrachéale, si possible ; 3. articulation temporomandibulaire ; 4. vaseline.
Les complications, liées aux conditions techniques de l’anesthésie générale elle-même, sont très spécifiques et incombent à l’équipe d’anesthésie (médecin et infirmier anesthésistes). Rappelons que ce geste présente toujours un risque pour le patient et que le choix de réaliser des avulsions dentaires sous anesthésie générale doit faire appel à des indications particulières et justifiées. Le rapport bénéfice/risque doit être un souci constant du praticien. Lorsque l’alternative est possible entre anesthésie générale (AG) et anesthésie locale (AL), il doit informer clairement et loyalement le patient afin d’obtenir son consentement éclairé. Le dossier médical doit témoigner de cette discussion et rendre compte des explications claires du thérapeute et des choix du patient.
Installation Le praticien est responsable de l’installation et de la préparation du patient dans la salle d’opération au même titre que l’équipe d’anesthésie. Il doit être présent avant l’induction et attendre le réveil du patient. Sa responsabilité est engagée au même titre que celle de l’équipe d’anesthésie. Certains incidents encore observés trop souvent peuvent être évités par la réalisation de gestes soigneux et mesurés dont l’anesthésie générale ne dispense pas (Fig. 4). Luxations dentaires lors de l’intubation ou lors de manœuvres de levier s’appuyant sur des dents fragiles (volumineux amalgames, reconstitutions prothétiques) Toute dent saine luxée sera réimplantée aussitôt durant l’intervention et contenue par les méthodes appropriées. L’examen préalable doit faire rechercher ces points de faiblesse. Le patient pourra être prévenu de certains risques : bris d’amalgames volumineux, pertes de dents mobiles, bris amélaires. L’équipe d’anesthésie sera prévenue lors de risques liés aux manœuvres d’intubation : prothèses sur le secteur incisif maxillaire, parodontopathies du même secteur. Protection des incisives centrales Un abaisse-langue métallique mis en place de manière orthostatique vient s’appuyer sur le bord occlusal des incisives centrales en particulier (Fig. 5). Il peut alors léser l’émail de la
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« Packing » oropharyngé La mise en place d’un packing oropharyngé durant l’anesthésie générale est systématique : ce dispositif permet d’éviter la projection dans les voies aérodigestives de fragments dentaires, osseux, de sang, de liquide de rinçage ou d’irrigation. Afin d’éviter une irritation locale de la muqueuse pharyngée, l’opérateur prend soin de l’humidifier avant de la mettre en place. De plus, un fil de rappel sur le packing permet de le récupérer facilement et dans son intégralité à la fin de l’intervention. Afin d’éviter tout oubli, le praticien qui l’a mis en place s’assure lui-même qu’il a bien été ôté. Protection des lèvres Le graissage par vaseline ou l’humidification régulière des lèvres limite les blessures lors de la traction prolongée d’un écarteur, en particulier lors d’une AG.
Anesthésie locale Figure 5. (flèche).
Abaisse-langue non protégé au contact des incisives centrales
Figure 6. A, B. Abaisse-langue protégé par une compresse (flèche).
dent avec un préjudice esthétique non négligeable. On conseillera de protéger la lame de l’abaisse-langue avec une compresse par exemple (Fig. 6). Articulation temporomandibulaire Elle doit être ménagée, en limitant des manœuvres d’ouverture buccale trop amples ou trop brutales. Parfois un ressaut les signe, mais elles peuvent survenir au cours d’une manœuvre d’élévation et passer inaperçues. Un écarteur orthostatique mal positionné ou placé en force peut initier un syndrome algodysfonctionnel. Enfin, la vérification systématique de l’ouverture buccale en fin d’intervention doit prévenir les risques de luxation irréductible postopératoire.
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Les complications générales liées à l’utilisation de produits anesthésiques locaux sont nombreuses, allant du simple malaise vagal à la syncope cardiaque vraie, en passant par toute l’échelle des manifestations allergiques ou d’intolérance possibles. L’étude de ces réactions est traitée de façon très complète dans le fascicule Stomatologie 22-090-K-10,1998 « Incidents et accidents de l’anesthésie locale et locorégionale ». Rappelons que les complications dépendent de plusieurs facteurs : • du mode d’administration (anesthésie de contact, anesthésie locale, anesthésie locorégionale) ; • de la dose administrée ; • de la concentration du produit anesthésique ; • de la présence ou non de VC (les produits sont injectés lentement en ne dépassant pas la vitesse de 1 ml/min après test d’aspiration. La plus petite dose efficace est toujours recommandée) [1]. Rappelons quelques contre-indications des VC dans certains cas médicaux particuliers : • les antidépresseurs tricycliques ne contre-indiquent pas l’adrénaline mais celle-ci doit être dosée à 1/200 000 et il convient de réduire les doses maximales par trois. Les inhibiteurs de la mono-amine-oxydase (IMAO) sélectifs ne contre-indiquent pas l’usage des VC [47] ; • les b-bloquants cardioséléctifs autorisent l’adrénaline dans les cartouches dosées à 1/200 000. Les b-bloquants non sélectifs doivent faire préférer les produits les plus faiblement dosées en VC ; • les VC sont proscrits jusqu’à 24 heures après la prise de cocaïne. Certains patients peuvent présenter des réactions allergiques aux anesthésiques locaux : même si l’allergie vraie est rare, celle-ci est reconnue et peut être testée en allergologie [48]. En dehors d’une structure hospitalière, le praticien doit connaître ces complications, ainsi que les thérapeutiques de première urgence qui doivent être mises en œuvre en attendant l’arrivée des secours médicaux d’urgence (Smur [Service médical d’urgence et de réanimation], Samu [Service d’aide médicale d’urgence], brigade des sapeurs-pompiers). Un équipement minimal de matériel et de thérapeutiques d’urgence requis en pratique libérale permet une prise en charge plus rapide et plus efficace en phase aiguë. Le référentiel 12 : « la sécurité sanitaire au cabinet dentaire » peut être consulté sur le site de l’Association dentaire française (ADF) : www.adf.asso.fr/pdf/referentiels/Referentiel12.pdf. Les conditions requises sont précisées [3] : « Le cabinet dentaire dispose du matériel de réanimation comportant des dispositifs d’assistance respiratoire et des produits de santé. » Accidents locaux lors de l’anesthésie locale Ils ne sont pas à négliger. On les distingue selon le mode de survenue. Accidents mécaniques. La douleur est le premier signe critique d’une injection réalisée de façon trop brusque et trop rapide, ou parfois d’un produit trop froid. Stomatologie / Odontologie
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Figure 7.
Rupture d’aiguille lors de l’anesthésie tronculaire.
La rupture de l’aiguille est un accident peu fréquent. Il peut être facilement évité si le geste est réalisé dans de bonnes conditions de visibilité avec un contrôle permanent du trajet de l’aiguille. Dans le cadre d’une anesthésie périapicale, le morceau d’aiguille peut le plus souvent être extrait à l’aide d’une petite pince sans griffes ou au porte-aiguille. L’opérateur prend soin de vérifier l’intégrité du fragment et, au moindre doute, il contrôle l’absence d’éléments métalliques résiduels par un cliché radiographique (cliché rétroalvéolaire ou panoramique). Lors d’une anesthésie tronculaire à l’épine de Spix, le fragment cassé peut être perdu dans les tissus mous (Fig. 7). Si le morceau fracturé n’est pas directement visible, l’exploration immédiate est à éviter : elle est difficile, douloureuse, désagréable pour le patient, hémorragique et souvent infructueuse. Après un bilan radiologique permettant la localisation précise du corps étranger dans les trois plans de l’espace, l’exploration et l’ablation de ce corps étranger sont programmées au cours d’une séance différée, parfois sous anesthésie générale, en fonction du degré de difficulté présumé. Dans tous les cas, le patient est informé de la situation, des conséquences possibles et des modalités de la prise en charge à suivre. Accidents hémorragiques. Ils peuvent se manifester par un petit saignement au point de ponction de l’aiguille. Cet incident est fréquent et bénin. Un délai de 8 à 10 minutes entre l’infiltration et une incision muqueuse permet une action optimale des VC et évite un saignement qui pourrait rendre le geste moins inconfortable. Rappelons que des troubles de la crase sanguine contre-indiquent les anesthésies locorégionales tronculaires. Le spectre d’un hématome extensif incontrôlé de l’espace latéropharyngé ou du plancher buccal doit rester présent à l’esprit de l’opérateur chez les patients à risque. Accidents nerveux (sensitifs ou moteurs). On distingue : • sur le plan sensitif : des douleurs ou des paresthésies transitoires peuvent être observées lors des anesthésies locorégionales. L’événement le plus caractéristique est la douleur observée lors d’une anesthésie tronculaire du nerf alvéolaire inférieur à l’épine de Spix : le patient décrit une décharge électrique irradiant dans l’axe de l’hémimandibule, reproduisant le trajet du nerf. L’aiguille est alors retirée prudemment de quelques millimètres et l’injection réalisée lentement en dehors de tout contexte douloureux ; • sur le plan moteur : une paralysie faciale transitoire peut être observée en cas d’injection de volume trop important ou dans une zone trop proche du rameau mentonnier du nerf facial. L’action est due à une diffusion de proximité du produit. Cette complication, quoique très impressionnante, est rapidement et spontanément résolutive en quelques heures, après élimination des principes actifs. Échec de l’anesthésie locale. Enfin, l’échec de l’anesthésie locale est une complication. Elle peut être due à plusieurs facteurs : • l’anesthésie locale en terrain infecté est parfois malaisée et l’obtention d’une analgésie correcte très difficile ; • l’absence de VC, en cas de contre-indication, diminue souvent le potentiel analgésique des produits ; Stomatologie / Odontologie
Figure 8. Blessure de la lèvre inférieure en contact avec la lame du bistouri (flèche).
• chez un patient peu coopératif, ou lipothymique, les conditions anesthésiques peuvent se révéler difficiles ; • dans tous les cas, en face d’une mauvaise anesthésie ou d’une analgésie peu satisfaisante, la sagesse suggère de reporter l’intervention. Lors de la nouvelle intervention, le patient peut bénéficier d’une prémédication (benzodiazépines, hydroxyzine). Celle-ci doit être administrée avec prudence, parfois sous couvert d’une hospitalisation à la journée pour surveillance ou sous la condition d’une personne accompagnante. La résolution d’un contexte infectieux ou inflammatoire local peut également permettre une nouvelle intervention dans des conditions plus favorables. Certains auteurs suggèrent des prises en charge par psychothérapie, sophrologie ou hypnose en fonction du terrain et de la personnalité du patient. Enfin, l’anesthésie générale peut être proposée, avec les réserves que l’on sait et lorsque le geste le justifie.
Complications liées à l’installation Certaines complications peuvent être liées à la mauvaise qualité de l’installation et à un manque de technique ou d’expérience de l’opérateur. Certains gestes peuvent être mis en œuvre pour les prévenir.
Traumatismes labiaux La protection labiale est un souci constant, sous AG comme sous AL. La mise en place de corps gras (type vaseline simple, par exemple) et l’écartement prudent et mesuré au niveau de la commissure limitent les risques de traumatisme. Le contrôle permanent de la lame de bistouri doit éviter toute blessure de la lèvre. Cependant, qu’il s’agisse d’une lame montée sur manche chirurgical ou de manche préarmé à usage unique, il existe une zone intermédiaire où le risque de blessure de la lèvre est non négligeable (Fig. 8). Cette complication, parfois mutilante, est d’autant plus à craindre que l’espace de travail est restreint (trismus, petite cavité buccale, enfant). Un Steri-Strip® placé sur le manche porte-lame prévient ce type d’aléa (Fig. 9). L’utilisation prolongée de la pièce à main peut entraîner un échauffement ou une brûlure de la lèvre (d’autant plus facilement lorsque celle-ci est anesthésiée). Une protection par lame malléable ou par un simple écartement du majeur est à conseiller (Fig. 10). Les traumatismes labiaux restent à craindre après l’intervention, le temps de l’anesthésie tronculaire. Le patient ne sent plus sa langue ni sa lèvre inférieure et, en l’absence de mise en garde, on peut observer des mutilations très impressionnantes.
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Figure 9.
Figure 10. (flèche).
Protection labiale lors d’utilisation d’instruments rotatifs
Perte ou fracture d’instruments Ce genre d’accident (instrument rotatif dans la langue, dans la gencive ou dans l’os, pointe de syndesmotome dans l’alvéole) est trop souvent dû à une erreur de manipulation (geste mal adapté ou trop brutal). Le cas échéant, le patient doit être informé de l’événement et l’opérateur tentera de récupérer la partie cassée au cours de l’intervention. Dans les situations anatomiquement difficiles (impossibilité de repérer l’élément perdu, patient peu coopératif), le geste de récupération peut être repoussé à une séance ultérieure plus ou moins éloignée sous couvert d’une surveillance clinique et d’une information loyale du patient.
Complications lors du temps muqueux Chacun des temps que nous avons décrits peut se compliquer. Il nous a paru logique de les reprendre chronologiquement.
Accident lors de l’incision L’usage d’instruments en bon état permet d’éviter d’éventuelles lésions de déchirure ou de dilacération des téguments. Par exemple, on exclura de notre pratique les syndesmotomes à pointes émoussées ou fracturées. L’incision doit être réalisée de manière franche, sans à-coups, perpendiculaire et au contact du plan osseux profond. Lorsque cette règle n’est pas respectée ou que la lame est déviée lors d’un geste mal contrôlé, l’incision peut se prolonger trop profondément sans contrôle dans les tissus mous. La maîtrise du geste réalisé avec un appui solide est le meilleur moyen de prévenir ce type de complication. Les saignements peuvent être impressionnants. On distinguera les hémorragies d’origine veineuse (diffuse et en nappe) des hémorragies d’origine artérielle (en jet). La compression sur une compresse est le plus souvent suffisante dans le cas d’un saignement veineux ou tissulaire diffus. Le saignement prolongé d’un petit vaisseau individualisé peut parfois nécessiter une forcipressure ou une électrocoagulation au bistouri électrique lorsque l’opérateur dispose d’un tel équipement.
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Protection de la lame de bistouri par strip.
À la mandibule, des blessures du nerf lingual lors de l’incision du trigone ont été décrites. Des incisions de décharge vestibulaires trop profondes peuvent provoquer une lésion du tronc de l’artère faciale ou de la branche du V3 à son émergence au foramen mentonnier. Les plaies du plancher buccal, du canal de Wharton ou de la langue restent exceptionnelles. Au maxillaire, l’incision vestibulaire postérieure mal contrôlée peut provoquer une effraction du corps adipeux de la joue (boule graisseuse de Bichat) dans la cavité buccale. Elle se manifeste par l’apparition souvent impressionnante d’une masse cellulograisseuse dans le fond du vestibule. L’opérateur prend soin de la protéger durant l’intervention et la réintègre à la fin en suturant la muqueuse de la façon la plus étanche possible. Des réactions œdémateuses impressionnantes mais sans gravité signent classiquement les suites. L’atteinte de l’ostium du canal de Sténon ou des piliers de l’amygdale est décrite mais reste exceptionnelle. La survenue d’un emphysème sous-cutané des tissus mous de la joue peut parfois être observée lors d’efforts de mouchage sur une incision mal suturée ou provoquée par des instruments utilisant de l’air sous pression. Une augmentation brutale du volume de la joue peut le révéler de manière impressionnante. À l’inverse, un simple crépitement des tissus à la pression peut le signaler. Les suites de cet événement sont totalement bénignes.
Accident lors du décollement Un décollement trop brutal, réalisé avec un instrument mal adapté, provoque dilacération et déchirures de la muqueuse ou des papilles interdentaires. Outre les conséquences hémorragiques, ces muqueuses abîmées seront d’autant plus difficiles à suturer correctement.
Autres accidents La muqueuse peut également être lésée lors des manœuvres d’écartement réalisées sans précaution, sur des lambeaux trop petits, qui peuvent parfois se nécroser secondairement. En pratique, pour le temps muqueux, on recommande un geste sûr avec appui. Les voies d’abord seront si possible naturelles (respect des collets) et les incisions de décharge seront limitées en fonction des besoins de l’intervention. Enfin, la gencive et le lambeau muqueux doivent toujours être protégés lorsque les instruments rotatifs sont utilisés en bouche. Brûlures, perforations, déchirements et dilacérations seront ainsi évités.
Complications lors du temps dentaire Fracture de la couronne Lors des manœuvres de mobilisation de la dent (à l’élévateur) ou lors de la prise de celle-ci (au davier), la couronne peut être amenée à se fracturer brutalement. Le geste est sans conséquence dans la mesure où tous les fragments brisés sont récupérés et que les dents voisines ne sont pas atteintes. Cet incident est souvent prévisible au vu de l’état antérieur (dent ankylosée, couronne très fortement cariée ou affaiblie par un volumineux amalgame). Ainsi, l’opérateur informe le patient au moment du geste, évitant une fausse manœuvre lors d’un mouvement brusque de surprise du patient.
Fracture ou mobilisation d’une dent voisine Lors d’une manœuvre mal contrôlée (lors de l’élévation en particulier), la dent voisine peut être lésée. Elle peut être Stomatologie / Odontologie
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simplement mobilisée, sa couronne peut se fracturer en partie ou de façon importante, une reconstruction obturatrice ou prothétique peut être abîmée. On peut observer une mortification secondaire de cette dent. Rappelons que les bilans clinique et radiologique préopératoires doivent orienter l’opérateur. Il prévient le patient des risques et les consigne par écrit sur l’observation médicale. La dénudation d’une ou de plusieurs racines d’une dent voisine, lors de l’alvéolectomie ou la fracture d’une dent antagoniste lors de l’avulsion au davier, peuvent être rencontrées. La bonne maîtrise des gestes de l’opérateur doit permettre d’éviter ce type de complications dont la réparation devra être prise en charge ultérieurement, après information du patient.
Fracture d’un apex Dans le cas de dents anciennement dépulpées, l’ankylose peut être source de fracture d’un ou de plusieurs apex. Il en est de même, si un apex est particulièrement rétentif de par sa position ou sa conformation anatomique. L’opérateur entraîné la reconnaît à un craquement et à une augmentation concomitante de la mobilité de la dent. La dent extraite, le contrôle des racines confirme l’absence d’un ou de plusieurs apex. La cavité alvéolaire est rincée et lavée afin d’offrir un bon contrôle visuel. Un apex facilement accessible et mobile peut être extrait avec un instrument adapté (pointe de syndesmotome ou lime endocanalaire). Un apex profondément enfoui et non mobile, ne pouvant être extrait que par un dégagement osseux important et dans des conditions de visibilité parfois limitée, pose l’éventualité de l’abstention thérapeutique. En effet, outre la mise en jeu du capital osseux, les risques de complications ne sont pas négligeables (communication buccosinusienne [CBS] au maxillaire ou lésion du nerf alvéolaire inférieur à la mandibule). Commissionat [49] décrit le devenir des apex laissés en place. La plupart d’entre eux effectuent une migration vers la crête alvéolaire. Ils peuvent ainsi être récupérés dans un second temps dans des conditions très simples. D’autres apex migrent mais restent silencieux, s’intégrant à l’os alvéolaire. Dans tous les cas, les complications secondaires (infectieuse ou nerveuse par irritation locale) lors d’apex laissés en place sont très rares. Ainsi, la surveillance et l’information du patient sont souvent préférables, car elles permettent d’éviter des complications inutiles.
Projection d’une dent hors de son alvéole Lors d’une manœuvre mal contrôlée ou en cas de fracture dentaire, une partie de la dent ou sa totalité peuvent se trouver propulsées hors de l’alvéole. Les localisations sont multiples. Projection dans les voies digestives Dans ce cas, le patient déglutit et avale le fragment par manœuvre réflexe. Le plus souvent, ce fragment ou cette dent suivent le trajet du bol alimentaire et sont évacués par voie naturelle dans les 48 à 72 heures. Au-delà de ce délai, si le fragment n’a pas été évacué, on vérifie sa position par un contrôle radiographique. En effet, on peut craindre l’enclavement du fragment avalé. En cas de risque de complications digestives, une exérèse sera envisagée par voie endoscopique ou chirurgicale.
Figure 11. A à C. Protection d’une dent dans le sinus maxillaire.
Projection dans les voies aériennes
Projection dans les espaces cellulograisseux de la face
Elle peut revêtir plusieurs aspects cliniques. Une grande détresse respiratoire doit faire appel aux manœuvres d’expulsion de la dent (manœuvre de Heimlich) et aux méthodes de réanimation en attendant l’arrivée des secours médicaux. Dans un autre cas, le fragment peut être rejeté par un effort de toux. Lorsque le fragment de petite taille est inhalé sans détresse respiratoire, il peut être entraîné dans une bronche ou à un niveau segmentaire plus étroit. Les signes fonctionnels peuvent être très frustes mais le risque d’infection avec atélectasie impose une recherche du fragment par imagerie avant récupération de celui-ci par voie endoscopique. Ces deux premières
Elle expose le patient aux risques de cellulite. Le fragment ou la dent perdue seront recherchés par méthode prudente. Devant un échec de récupération immédiate, cette recherche fait l’objet d’une nouvelle intervention différée, avec un complément d’imagerie afin de localiser parfaitement l’élément à extraire dans les trois plans de l’espace (scanner éventuellement). Parfois, une simple surveillance régulière peut être suffisante.
Stomatologie / Odontologie
complications sont évitées sous anesthésie générale par la mise en place systématique d’un packing oropharyngé.
Projection d’une dent maxillaire dans le sinus maxillaire (Fig. 11) Elle fait l’objet d’une tentative de récupération immédiate. Le patient est placé en position assise. Un cliché rétroalvéolaire réalisé au fauteuil permet de localiser rapidement la dent ou le
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Figure 12. A à F. Dent de sagesse projetée dans la fosse ptérygomaxillaire. En C, ossification péridentaire (flèche) (avec l’aimable autorisation du docteur Ranoarivony).
fragment perdu. Si celui-ci est sur le plancher, une tentative de récupération immédiate peut être mise en œuvre par voie alvéolaire éventuellement élargie. Ici encore, l’acharnement est à éviter. Une intervention différée est souvent préférable pour le confort du patient et l’efficacité de l’opérateur. Celle-ci peut être réalisée par différentes voies d’accès en fonction de la situation de l’élément qu’on recherche (voie vestibulaire ou maxillaire type Caldwell-Luc). Les réactions muqueuses locales sont fréquentes lorsque la dent est laissée en place.
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Projection d’une dent de sagesse maxillaire dans la fosse ptérygomaxillaire (Fig. 12) C’est une complication heureusement peu fréquente. Compte tenu de la difficulté d’accès chirurgical de cet espace et des nombreux éléments vasculonerveux qui s’y trouvent, une intervention différée est souvent préférable. En l’absence de signes cliniques, un suivi régulier du patient peut suffire. La survenue de complications infectieuses locales, mécaniques Stomatologie / Odontologie
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Figure 13. A. Fracture alvéolaire lors de l’avulsion. B. Photo de la dent.
(craquements, blocages) ou de signes de compression nerveuse implique une recherche chirurgicale de la dent.
Échec de l’extraction L’échec de l’avulsion peut relever de plusieurs éléments : • échec de l’anesthésie ; • erreur de dent : le plus souvent erreur de prémolaire dans les avulsions avant traitement orthodontique ou erreur entre la deuxième et la troisième molaire maxillaire ; • mauvaise tolérance du patient au geste (physiologique ou psychologique) qui empêche la poursuite de l’intervention dans de bonnes conditions ; • durée trop importante de l’intervention pouvant être source d’échec : l’intervention peut être reportée avec une éventuelle prémédication ou réalisée sous anesthésie générale lorsque les conditions le justifient ; • fracture multiple de la dent (couronne ou apex) qui peut compliquer l’avulsion d’une dent ankylosée ou des apex rétentifs, justifiant un geste osseux (alvéolectomie) ou un morcellement de la dent qui n’avait pas été prévu au départ. Une bonne habitude doit permettre au praticien d’évaluer la difficulté de l’intervention et l’importance du geste. Il doit prévoir en conséquence un matériel et une instrumentation permettant de répondre à toutes les situations (obligation de moyens). Dans le cas contraire, le patient peut être confié à un praticien mieux équipé ou plus expérimenté. Complications lors de l’avulsion d’une dent lactéale Des manœuvres incontrôlées peuvent entraîner des lésions du germe de la dent définitive : mobilisation, luxation partielle ou complète. Le plus souvent, cet accident ne survient que lorsque le germe est enchâssé entre les racines de la dent lactéale. Un bilan radiologique simple doit prévoir ce risque et l’éviter par des méthodes douces et appropriées. Le germe d’une dent définitive doit bénéficier d’une réimplantation immédiate qui, si elle est réalisée dans de bonnes conditions, peut permettre une évolution ultérieure normale de ce germe.
Complications osseuses Fracture alvéolaire Il s’agit le plus souvent de fragments de paroi alvéolaire (séquestre) fracturés, luxés ou simplement fendus (Fig. 13). Parfois, ils peuvent être plus importants, découvrant les racines Stomatologie / Odontologie
de dents voisines ou, dans les cas extrêmes, les luxant. Ces traumatismes sont favorisés par différents facteurs : • l’os fragilisé et déminéralisé des personnes âgées ; • l’os fragilisé par un état d’infection locale (aiguë ou chronique) ; • la réalisation de manœuvres de mobilisation trop violentes ou mal orientées, ou avec un mauvais appui. En pratique, l’évaluation de l’état local et la réalisation de manœuvres douces permettent d’éviter ces complications sur un os sain. Les fragments fracturés sont extraits et les bords osseux régularisés à l’aide d’une curette ou d’un instrument rotatif sous irrigation continue. Lors de l’avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire, une manœuvre trop brusque peut fracturer et luxer le bord interne de l’alvéole. Le risque de lésion du nerf lingual est à redouter. Il est recommandé de placer en position linguale une lame de protection (type lame de Schneck), sous-périostée stricte.
Fracture de la tubérosité La fracture de la tubérosité maxillaire (Fig. 14), lors de l’avulsion d’une dent de sagesse maxillaire, est favorisée par une trépanation osseuse insuffisante. Un craquement et une hémorragie localisée la révèlent. Un séquestre osseux peut être observé sur la dent extraite. On recherche systématiquement dans l’alvéole d’éventuels fragments osseux mobiles que l’on prendra soin de déposer.
Fracture de la mandibule La fracture de l’angle mandibulaire (Fig. 15) est une complication classique mais exceptionnelle de l’extraction de la dent de sagesse mandibulaire. Elle est favorisée par certaines positions anatomiques de la dent ou par certaines conditions particulières : • inclusion basse ; • ostectomie excessive ; • mouvement de luxation mal contrôlé ; • avulsion chez le vieillard (os mandibulaire fragile et ostéoporotique) ; • volumineux kyste péricoronaire. Elle se manifeste par un craquement évocateur associé à une douleur. L’examen clinique retrouve, dans certains cas, une mobilité des segments osseux, une hémorragie importante, un trouble de l’articulé. Parfois, elle passe inaperçue et se révèle dans un second temps par des douleurs, des retards de cicatrisation et est confirmée par l’imagerie.
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Figure 14. Fracture de la tubérosité maxillaire. 1. Élévateur (type élévateur de pont).
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Figure 15.
Fracture de l’angle mandibulaire. 1. Élévateur de pont. Figure 16.
La conduite consiste en une révision de l’alvéole, un contrôle de l’avulsion de la troisième molaire et un contrôle radiologique. Le traitement fait appel aux règles habituelles de traitement des fractures de mandibule par un praticien exercé (stomatologiste et chirurgien maxillofacial) : réduction et contention par méthode orthopédique, d’ostéosynthèse ou mixte. Une fracture non déplacée pourra bénéficier d’un traitement plus simple : alimentation molle et contrôle clinique et radiologique hebdomadaire. Dans tous les cas, la prise en charge initiale (avant traitement spécialisé) associera antalgiques, antibiothérapie (en fonction du délai de prise en charge). Des conseils de jeûne seront prodigués au patient dans l’éventualité d’une intervention en urgence sous anesthésie générale.
Communication buccosinusienne La communication buccosinusienne (CBS) peut être rencontrée lors de l’avulsion de dents antrales dont les racines entretiennent un rapport direct avec la cavité sinusienne (en particulier les molaires et prémolaires maxillaires) (Fig. 16). Le bilan radiographique préalable permet de prévoir ce risque et d’en informer le patient. La présence de bulles d’air dans l’alvéole après l’avulsion en est le premier signe. Sous anesthésie locale,
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Rapport des dents maxillaires avec le sinus maxillaire.
la manœuvre de Valsalva peut la confirmer par la fuite d’air à travers l’alvéole de la dent extraite. Une épistaxis peut être observée de manière inconstante. Enfin, on peut réaliser l’exploration prudente à la curette ou avec une fine canule d’aspiration. La communication bucconasale (CBN) peut survenir à la suite de l’avulsion d’une dent en position ectopique (canine incluse avec volumineux kyste péricoronaire en rapport avec les fosses nasales et la fibromuqueuse palatine) (Fig. 17). L’existence d’une communication (sinusienne ou nasale) doit faire l’objet d’une tentative de fermeture immédiate et d’une surveillance postopératoire régulière (Fig. 18). La conduite à tenir consiste essentiellement à ne pas aggraver les choses par une exploration intempestive, à suturer de façon la plus étanche possible avec recours éventuel à des plasties locales muqueuses et à administrer des antibiotiques par voie générale. Dans les suites, le patient évitera les manœuvres d’hyperpression (mouchage violent, éternuement) ou de dépression (boisson à la paille) et les bains de bouche répétés. Le facteur pronostique de réussite dépend de l’état des tissus sus-jacents : une muqueuse inflammatoire ou infectée risque de retarder ou d’empêcher la cicatrisation. En revanche, sur un terrain sain, la communication a tendance à se fermer rapidement sans séquelles. Lorsque le bilan initial laisse craindre ce Stomatologie / Odontologie
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Figure 18. Lambeau muqueux par plastie locale pour fermeture d’une communication buccosinusienne. 1. Lambeau vestibulaire ; 2. vestibule ; 3. palais ; 4. communication buccosinusienne.
et antibiothérapie préalables à l’intervention) augmentera les chances de réussite d’un tel geste.
Complications hémorragiques Hémorragie artérielle ou veineuse
Figure 17. A à C. Canine maxillaire incluse avec volumineux kyste péricoronaire. En B, effraction du plancher des fosses nasale (flèche) ; effraction du palais osseux (tête de flèche).
type de complication, une gouttière souple peut être réalisée au préalable, protégeant la zone sensible après l’intervention. En cas de persistance de la communication (Fig. 19), le patient pourra présenter les signes suivants : sensation de fuite d’air, passages liquidiens ou alimentaires avec passages possibles par le nez, écoulements purulents, sinusites à répétition puis chroniques. Une intervention secondaire sera prévue. Les techniques chirurgicales pourront associer des gestes plus complexes : transposition du corps adipeux de la joue, greffe osseuse. Une bonne préparation générale (antiseptiques locaux Stomatologie / Odontologie
Un saignement artériel en « jet » ou veineux en « nappe » peut être observé dans une alvéole. Celui-ci peut être en relation avec une cause générale (traitement, déficit des facteurs de coagulation. cf. supra) au locale (atteinte d’un pédicule, lésion inflammatoire type kyste ou granulome). Cette hémorragie localisée peut faire l’objet d’une compression intra-alvéolaire temporaire. Devant la persistance du saignement, une coagulation électrique sélective peut être utilisée si la source de saignement est individualisée. L’atteinte de l’artère alvéolaire inférieure est une complication rare qui peut survenir : • lors de l’avulsion d’une dent de sagesse inférieure incluse en position basse. Une manœuvre de luxation mal adaptée provoque une effraction du canal et une lésion des pédicules vasculaires et nerveux. L’utilisation d’un instrument rotatif mal contrôlé peut engendrer le même résultat. Le plus souvent, l’artère se spasme et l’hémorragie se tarit rapidement. Devant la persistance des saignements, un tampon hémostatique est placé au fond de l’alvéole ; • lors de l’anesthésie à l’épine de Spix. L’aspiration prudente avant injection trouve ici toute sa justification. Rappelons la contre-indication absolue de l’anesthésie locorégionale à l’épine de Spix en cas de troubles de la coagulation avérés ou de médications modifiant la crase sanguine ; • au niveau du trou mentonnier lors de l’anesthésie et plus souvent lors d’un geste mal contrôlé de la lame du bistouri (incision de décharge intempestive ou décollement mal contrôlé) ; • enfin, au niveau du maxillaire, on peut observer des plaies des branches de l’artère maxillaire interne (Fig. 20) lors de la fracture de la tubérosité maxillaire, des lésions des artères palatines descendantes, nasopalatines et de leurs branches lors de voies d’abord palatines.
Malformations vasculaires L’atteinte d’une malformation vasculaire intraosseuse est une complication rarissime mais redoutable, parfois fatale, car elle est à l’origine d’une hémorragie cataclysmique qui ne peut être jugulée par les méthodes habituelles. L’origine de cette malformation peut être multiple : hémangiomes intraosseux [50] , malformations artérioveineuses [51]. Cette pathologie est diagnostiquée chez le sujet jeune avec une fréquence plus importante chez les femmes (sex-ratio de 1,6). Le site de prédilection est la région prémolaire et molaire mandibulaire (65 %).
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Figure 19. Communication buccosinusienne persistante avec défect osseux modéré.
Figure 21. Gouttière hémostatique thermoformée. Figure 20.
Anatomie de l’artère maxillaire interne (flèche).
La localisation est le plus souvent mandibulaire. D’un point de vue clinique, elle peut être complètement silencieuse. Elle peut se manifester par ailleurs par : • une tuméfaction peu importante ; • un élargissement des tables osseuses ; • les seules gingivorragies spontanées (plus souvent) ; • des mobilités dentaires. La radiographie simple (panoramique dentaire ou rétroalvéolaire) peut montrer diverses images [51] : des images radioclaires (30 %) de lyse osseuse à contours peu nets, atypique (image en « bulles de savon », « nids d’abeille » dans 35 % des cas ou trabéculations), mais, le plus fréquemment (70 %), il s’agit d’opacités radiologiques. Les dents en rapport avec la lésion présentent volontiers une rhizalyse et des déplacements. Devant toute suspicion, le bilan d’imagerie est complété par scanner, angio-imagerie par résonance magnétique (IRM), doppler vasculaire avec mesure des flux. Malgré toutes les précautions, lors de la survenue d’un tel accident, les pertes sanguines sont massives et l’hémorragie ne cède pas aux techniques habituelles d’hémostase. Des gestes de réanimation doivent être mis en œuvre très rapidement. L’urgence de la situation justifie parfois la ligature chirurgicale de gros pédicules vasculaires (artère faciale ou plus souvent carotide externe directement). La radiographie interventionnelle peut rendre de grands services par l’embolisation sélective des vaisseaux. Si le diagnostic est effectué avant l’intervention, une embolisation sélective peut être proposée. Une exérèse élargie de la lésion elle-même suivra, avec marge de sécurité importante souvent délabrante au niveau osseux, justifiant le plus souvent un temps de reconstruction immédiate ou différée. Le choix de l’anesthésie peut se porter vers l’anesthésie générale [52] ; la levée du stress et l’hypotension contrôlée par l’usage du propofol sont autant d’arguments en faveur de l’anesthésie générale.
Hémorragies liées à l’état général Nous avons détaillé les étiologies des risques hémorragiques liés à l’état général du patient et à ses traitements. Puis nous
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avons présenté les ressources préventives et les traitements qui pouvaient être mis en œuvre par voie générale. Au niveau local, différents moyens permettent de juguler les hémorragies postextractionnelles sur terrains débilités : • la compression locale est le premier geste à effectuer. Simple et efficace, elle permet d’arrêter la spoliation sanguine et de préparer un autre geste si celui-ci est insuffisant. Des gouttières souples thermoformées sur moulages préalables peuvent faciliter la compression (Fig. 21) ; • l’électrocoagulation est efficace si elle est sélective, en particulier sur les saignements des tissus mous ; • la mise en place de produits hémostatiques (éponges ou colles) peut permettre de résoudre des suffusions hémorragiques sur les tissus osseux. La cire de Horsley placée en petite quantité au contact direct de l’os est également efficace ; • une fermeture étanche de l’alvéole joue un rôle important lorsque cela est possible. Dans le cas contraire, les auteurs proposent [10] la mise en place d’une compresse hémostatique au sein de l’alvéole et l’obturation de la zone non suturée par une colle biologique (type Tissucolle®).
■ Complications secondaires Considérons, comme complications secondaires, tous les aléas qui succèdent directement à l’intervention dans un délai bref, sans intervalle libre.
Au niveau des tissus mous Hématome ou hémorragie persistante Une hémorragie persistante négligée, qu’elle soit diffuse ou due à une lésion d’un axe vasculaire (artère alvéolaire inférieure à l’épine de Spix avec hématome du plancher buccal), peut engendrer un hématome d’importance variable. Une simple ecchymose cutanée peut le révéler. Lors de troubles de l’hémostase, l’hématome peut prendre rapidement un caractère volumineux et diffus ajoutant des risques de compression des voies aérodigestives supérieures en plus de la spoliation sanguine. Stomatologie / Odontologie
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La surveillance postopératoire immédiate et différée n’est pas à négliger, en particulier chez les patients à risque. La compression locale n’est pas à négliger et permet de limiter la survenue des hématomes. L’hématome constitué est le lit de l’infection, complication secondaire qu’il faut alors prévenir, en particulier chez les enfants où il ne faut pas négliger cette évolution quasi systématique.
Escarre palatine L’injection trop rapide, avec une pression trop importante d’anesthésie avec adjonction d’adrénaline au niveau de la fibromuqueuse palatine, peut entraîner sa nécrose. L’escarre se forme en quelques jours, elle est très douloureuse et réalise une lésion circonscrite : blanchâtre dans un premier temps, la zone prend un aspect nécrotique avec dénudation de l’os sous-jacent. La réépidermisation spontanée de la muqueuse sera lente et accompagnée de douleurs à l’alimentation. Des anesthésiques de contact (Xylocaïne visqueuse ® , lidocaïne chlorhydrate : Dynexan®) et l’adjonction de trophiques locaux (acide hyaluronique) pourront limiter les phénomènes algiques. L’injection anesthésique doit être douce, sans pression excessive et s’interrompt lorsque la muqueuse blanchit.
Infection Le respect strict des règles universelles d’hygiène et d’asepsie ne permet pas toujours d’éviter les complications infectieuses secondaires. Celles-ci peuvent trouver leur origine dans une infection préexistante au niveau de la dent extraite, mais également être liées à des fautes d’asepsie ou à des erreurs techniques. Notons que certains auteurs signalent une moindre incidence des complications infectieuses après avulsions prophylactiques de dents de sagesse asymptomatiques qu’après avulsions de dents ayant présenté des épisodes inflammatoires antérieurs (type péricoronarite) [53]. À l’adresse suivante, on peut trouver de précieux conseils pour la prescription et le bon usage des antibiotiques dans la pratique des avulsions dentaires sous l’égide de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et de l’Assurance maladie : http://www.bourgogne.assurancemaladie.fr/fileadmin/BOURGOGNE/publications/Fiches_techniques_ ATBIO.pdf et Prescription des antibiotiques en odontologie et stomatologie – recommandations et argumentaire – (Afssaps) – juillet 2001. (www.afssaps.sante.fr). L’infection des tissus mous de la face évolue dans les tissus cellulograisseux de soutien : ce sont les cellulites. Rappelons en référence l’ouvrage de l’EMC : Foyers infectieux dentaires et complications, Traité de Médecine Akos 7-1105, 1998 et Cellulites et fistules d’origine dentaire, Stomatologie 22-033-A-10, 2002. Les cellulites peuvent se présenter selon les tableaux cliniques classiques (séreuses ou collectées selon le mode évolutif, circonscrites ou diffuses selon le mode topographique). Un terrain débilité (immunodéficience), un traitement chirurgical mal conduit, l’utilisation de thérapeutiques antiinflammatoires (stéroïdiens ou non), la sélection de germes résistants par une antibioprophylaxie mal adaptée ou inutile sont autant de facteurs qui peuvent favoriser leur survenue. La prise en charge est classique. Le praticien recherche l’existence d’un foyer local pouvant l’entretenir (alvéolite, apex resté en place, fragment d’os alvéolaire fracturé). Une cellulite chronique peut s’installer. Ce foyer infectieux tout d’abord silencieux peut se révéler de manière aiguë, la fistulisation en bouche ou à la peau la révélant. La présence d’un nodule induré dans le plancher buccal ou sous la peau peut témoigner d’une lésion ancienne avec passage à la chronicité.
Accidents osseux Alvéolite sèche [54] Ses autres dénominations laissent entrevoir, dans leur traduction, une grande partie de sa symptomatologie (dry socket, alveolar osteitis, alveolitis sicca dolorosa). Stomatologie / Odontologie
Cette complication de l’extraction dentaire, surtout des molaires inférieures, est relativement fréquente. Son incidence avoisine 1 à 3 % après une extraction banale pour certains auteurs [55, 56], 14 à 35 % après l’extraction chirurgicale des dents de sagesse pour d’autres [57, 58]. La douleur intense, tenace, lancinante et continue domine le tableau. Elle a pour siège l’alvéole déshabitée avec parfois des irradiations à d’autres territoires. Elle reste rebelle aux antalgiques habituels, même à doses élevées et est volontiers insomniante (et exacerbée par le décubitus). Elle survient précocement après l’extraction dans un délai de 48 heures à 5 jours. L’examen retrouve une alvéole vide. L’os est blanchâtre et atone, parfois encombré de quelques caillots ou débris alimentaires, exhalant une odeur nauséabonde. Il est très sensible au moindre contact avec les instruments. La muqueuse bordante est normale ou légèrement inflammatoire. Sur le plan évolutif, cette alvéolite sèche guérit avec ou sans traitement en une quinzaine de jours sans séquelles. Un tissu de granulation se développe du fond vers les parois de l’alvéole, parallèlement à une épithélialisation depuis la muqueuse. La pathogénie de l’alvéolite sèche est encore discutée et sûrement multifactorielle. La théorie de Birn [59] sur la fibrinolyse semble la plus intéressante. On peut résumer l’affection en supposant que le caillot qui doit normalement remplir l’alvéole ne se forme pas ou que, s’il se forme, il se désagrège secondairement [60] . Birn évoque une activité fibrinolytique accrue. Localement, des facteurs extrinsèques comme le traumatisme osseux opératoire, le rôle de micro-organismes et d’autres facteurs aussi divers que des agents chimiques, le tabac, les tics de succion et les rinçages intempestifs peuvent favoriser son apparition. Autant dire qu’il est difficile d’attribuer une responsabilité unique et qu’une conjonction de facteurs est plutôt à mettre en cause. Torres-Lagares et al. ont présenté, en 2005 [61], une revue de la littérature sur cette pathologie : selon les études, on rapporte de 1 à 70 % d’alvéolites sèches après avulsion. Vingt à 30 % d’entre elles sont en rapport avec l’avulsion d’une troisième molaire incluse. Ils rapportent les hypothèses pathogéniques liées aux mécanismes fibrinolytiques bactériens et à la flore buccale du patient. Traitement Discussions sur le traitement préventif. L’utilisation des vasoconstricteurs, associée à l’anesthésie locale, est classiquement incriminée dans la survenue d’une alvéolite sèche. Aucune étude ne l’a prouvé, tout comme le rôle favorisant des corticoïdes en postopératoire. Une antibiothérapie de type amoxicilline [62] associée ou non à du métronidazole [63], à titre prophylactique, a été proposée sans résultats probants. La même remarque peut être faite pour l’utilisation des antifibrinolytiques [64] par voie locale ou générale. Bien que peu utilisable en pratique, l’administration d’un inhibiteur de la sécrétion salivaire quelques minutes avant l’intervention aurait une incidence d’après Krekmanov [58]. Plus intéressante dans la prévention de l’alvéolite sèche est l’utilisation en pré-, per- et postopératoire d’un bain de bouche de gluconate de chlorhexidine. Dans la même optique, certains préconisent de placer dans l’alvéole, en fin d’intervention, une éponge de gélatine imbibée de chlorhexidine, ou plus récemment sous forme de gel [65-67] . En revanche, le traitement préopératoire par bains de bouche, en particulier pendant la semaine qui précède le geste, n’a pas prouvé son efficacité. Des travaux chinois proposent l’usage des ultrasons à basse fréquence qui semble diminuer de manière sensible la douleur postopératoire et la survenue de l’alvéolite sèche [68]. Suleiman a réalisé une étude en 2006 qui montrait une prévalence supérieure de 25 % d’alvéolite sèche lorsqu’une gaze de Surgicel® était laissée en place dans l’alvéole par rapport aux interventions où l’alvéole était laissée vide [69]. Une étude finlandaise de 1997 [70] rapportait un nombre accru de complications postavulsion (et en particulier des alvéolites) chez les patientes sous contraceptifs oraux. Par
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ailleurs, une nette corrélation était retenue entre les degrés d’inclusion de la dent, la difficulté opératoire et la survenue de complications postopératoires (toutes confondues). L’acide polylactique, présent dans certaines membranes de régénération osseuses, serait susceptible d’augmenter de manière significative le risque de survenue de l’alvéolite [71]. Le rinçage postopératoire immédiat au sérum physiologique est un autre moyen efficace et reconnu. Enfin, même si leurs rôles respectifs sont difficiles à préciser, les manœuvres agressives doivent être évitées pendant l’intervention (lors de l’alvéolectomie en particulier) et la révision alvéolaire systématique. Traitement curatif. Les traitements proposés sont multiples. Tous ont pour but de calmer la douleur sans véritablement modifier le processus évolutif. En premier lieu, il convient de s’assurer de la vacuité de l’alvéole par un cliché rétroalvéolaire. Certains auteurs préconisent un rinçage de l’alvéole sous faible pression avec de l’H2O2 par exemple. Puis la mise en place dans l’alvéole d’une mèche simple ou d’un coton imbibé d’eugénol, changé quotidiennement au début. Il aura un effet antalgique immédiat et spectaculaire en règle générale. De nombreux produits contenant : anesthésiques locaux, antibiotiques et corticoïdes, aux mêmes effets, existent sur le marché. D’autres préfèrent pratiquer d’emblée un curetage de l’alvéole sous anesthésie locale, afin d’éliminer les débris de caillots et d’aviver l’os pour qu’un nouveau caillot « efficace » se reforme. Cette manœuvre est très douloureuse. Parallèlement, des antalgiques généraux seront prescrits.
Alvéolite suppurée Elle est due à une surinfection de l’alvéole ou du caillot, survenant quelques jours après l’intervention. Des débris résiduels (séquestres osseux, fragments dentaires, sac péricoronaire ou résidus de granulome, tartre, aliments) ou l’extension d’une infection locale (apex incomplètement cureté ou parodontite) peuvent être en cause. Les douleurs sont moins intenses que dans l’alvéolite sèche. Les bords de l’alvéole sont tuméfiés, bourgeonnants tandis que l’alvéole elle-même est comblée par un tissu granulomateux, faiblement hémorragique, laissant sourdre du pus. Un cortège de signes infectieux (fébricule, trismus, adénopathie régionale) est associé. En l’absence de traitement, aucune évolution spontanée favorable n’est à attendre. La prise en charge consiste à réviser l’alvéole et à placer une mèche comme dans le traitement de l’alvéolite sèche. Aucun traitement antibiotique n’est à prescrire de manière systématique, une fois le geste local effectué. La prévention de cette complication passe par une révision alvéolaire postopératoire soigneuse, en particulier lors d’extractions difficiles où une fragmentation de la dent est nécessaire et/ou quand il existe des antécédents de péricoronarite chronique. Le même tableau clinique peut être retrouvé à la 3e semaine.
Ostéite Heureusement devenue très rare, elle n’est pas à oublier. Elle survient la plupart du temps sur un foyer d’alvéolite négligée et souvent sur un terrain débilité (os fragile, Paget, irradiation antérieure, diabète). L’ostéite circonscrite du rebord alvéolaire est en fait la suite clinique de l’alvéolite suppurée avec des manifestations plus importantes. L’ostéite centro-osseuse est très rare sur un terrain sain. Elle est surtout vue dans le cadre particulier d’un « affaiblissement » de la structure osseuse comme nous venons de l’évoquer. Les algies sont très invalidantes et les signes généraux en soulignent la gravité. À la mandibule, il est classique d’observer un trismus et un signe de Vincent. L’examen clinique peut retrouver une tuméfaction de consistance dure au niveau des tables osseuses, tapissées d’une muqueuse inflammatoire. Les signes radiologiques sont retardés mais peuvent révéler, dans le cadre d’une ostéite évoluée, des zones radioclaires signant les zones de nécrose. Un séquestre peut être isolé au milieu d’une telle zone.
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Figure 22. Anatomie du nerf alvéolaire inférieur. 1. Trajet intraosseux ; 2. émergence du foramen mentonnier.
La mise en place d’une antibiothérapie prolongée et adaptée, la recherche et le traitement d’une cause locale et le suivi permettent une guérison complète de cette pathologie. Sur un terrain fragilisé (os irradié en particulier), l’évolution est gravissime, c’est l’« ostéoradionécrose ». Douleurs, trismus, infection des parties molles avoisinantes, fractures pathologiques, fistules cutanées ou orostomes en sont les corollaires les plus fréquents. Les traitements médicaux et associés détaillés plus haut sont souvent insuffisants et justifient des gestes d’exérèses osseuse et muqueuse élargies avec des reconstructions complexes et mutilantes (lambeaux pédiculés locorégionaux, transplants osseux libres vascularisés).
Accidents nerveux Lésions du nerf alvéolaire inférieur (Fig. 22) Elles sont possibles lors de l’avulsion des dents de sagesse inférieures. Dans cette région, le canal mandibulaire contracte des rapports étroits avec la troisième molaire (Fig. 23). Cette complication est retrouvée par Valmaseda dans 1,1 à 1,3 % des cas [72, 73]. Les lésions de ce nerf sensitif (branche mandibulaire du nerf trijumeau : V 3) vont de la simple contusion à la section complète, déterminant dans la période postopératoire immédiate des troubles de la sensibilité de l’hémilèvre et de la pointe du menton homolatérales (Fig. 24). En cas d’anesthésie locorégionale, la proximité du nerf se manifeste par une décharge douloureuse, bien individualisée de la gêne opératoire normale : elle traduit souvent une effraction de la fragile lamina dura du canal. Dans la plupart des cas, le nerf est atteint directement lors de l’extraction. Il peut s’agir : • d’une blessure lors de l’anesthésie à l’épine de Spix ; • d’une contusion, d’un étirement, d’une compression lors de la luxation dentaire. Sa section complète reste rare : éventualité exceptionnelle lors d’apex soudés autour du nerf (Fig. 25) ; • d’une effraction du canal lors de la fragmentation de la dent ou de la recherche d’un apex résiduel ; • d’une réaction inflammatoire ou d’un œdème qui peuvent entraîner une compression du nerf dans son canal ; • plus rarement, de la présence d’un fragment d’instrument fracturé pendant l’intervention ; • du décours d’une fracture peropératoire de l’angle de la mandibule. L’atteinte du nerf alvéolaire inférieur entraîne, dans son territoire, des troubles sensitifs de plusieurs natures : il peut s’agir d’anesthésies partielles ou complètes, d’hypoesthésies, de paresthésies ou de dysesthésies. Les manifestations cliniques sont nombreuses, parfois invalidantes pour le patient. Classiquement, la plus grande part de la récupération s’observe dans les 6 premiers mois qui suivent le traumatisme. Néanmoins, on peut encore espérer des améliorations dans un délai de 18 mois. Les déficits sensitifs peuvent s’exprimer de plusieurs façons : • le patient peut présenter des plaies muqueuses de la lèvre inférieure consécutives à des morsures ; Stomatologie / Odontologie
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Figure 23. A, B. Rapport des apex de la troisième molaire mandibulaire avec le canal alvéolaire inférieur. 1. Empreinte du canal alvéolaire sur les apex.
Figure 24.
Répartition métamérique du nerf alvéolaire inférieur.
Figure 25. Cas exceptionnel d’apex crochetant complètement le nerf alvéolaire inférieur.
• à l’extrême, le bol alimentaire peut s’accumuler dans le vestibule, reproduisant parfois une incompétence labiale relative (due à un trouble proprioceptif et non à une déficience motrice) ; • les brûlures sont fréquentes chez les patients fumeurs ; • on peut observer des difficultés d’élocution lors de l’élocution rapide ; • parfois, le mode paresthésique ou dysesthésique domine : sensations de fourmillements, de brûlures ; Stomatologie / Odontologie
• des algies peuvent survenir : la douleur est souvent sourde, continue, entrecoupée d’épisodes paroxystiques. Elle peut être très vive, étendue à l’hémimandibule, irradiant vers l’oreille, le pharynx, le menton. Les crises peuvent durer plusieurs heures, aggravées par la mastication, l’exposition au froid, volontiers insomniantes. Les antalgiques classiques sont le plus souvent impuissants. Le retentissement psychologique n’est pas à négliger. Avec le temps, les troubles altèrent de façon très importante la vie sociale. Les traitements inefficaces, la perspective d’un handicap définitif et la responsabilité du praticien sont autant de moteurs du retentissement psychologique : dépression, agressivité, etc. Ces manifestations sont d’autant plus marquées que le sentiment d’abandon ou de mauvaise prise en charge thérapeutique est grand. La prophylaxie d’une telle complication justifie, dans certains cas, un bilan d’imagerie spécifique lorsque les conditions anatomiques le suggèrent. Le simple cliché rétroalvéolaire ou le panoramique dentaire permet d’identifier les dents à risque : en particulier lorsque, sur un cliché simple, les extrémités inférieures des apex se projettent sous la limite inférieure du canal alvéolaire inférieur (Fig. 26). Un dentascanner peut être prescrit au cas par cas, permettant au praticien d’adapter sa technique opératoire, mais n’excluant en rien le risque. Le risque doit être clairement expliqué, afin de recueillir le consentement éclairé du patient, nécessaire préalable à l’intervention. Ces examens précisent le trajet exact du nerf par rapport aux apex et la forme de ceux-ci. Dans ces cas précis, la stratégie opératoire conseille un morcellement de la dent plutôt qu’un acharnement à vouloir l’extraire dans son intégrité. La séparation interradiculaire en particulier permet luxations et élévations prudentes des apex, sous contrôle de la vue si possible. Commissionat [49, 74] propose, à titre prophylactique, la technique de « l’extraction par usure avec apex laissés en place ». Cette technique, adaptée à l’anesthésie locale, montre de bons résultats à distance sous réserve d’une surveillance et d’une information du patient. Cette théorie rejoint l’idée de laisser en place des apex fracturés trop profondément ou trop proches du nerf alvéolaire inférieur. Le traitement des lésions neurologiques constituées repose sur la vitaminothérapie B1 et B6. La prescription d’anti-inflammatoires stéroïdiens peut être bénéfique, pour peu qu’elle soit précoce. Certains auteurs [75] proposent une association d’électrothérapie au traitement médical qui permettrait une réduction de la surface anesthésiée et des douleurs.
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Figure 26. A à F. Bilan d’imagerie avant avulsion d’une troisième molaire mandibulaire (flèches). Rapport avec le canal alvéolaire inférieur.
En cas d’échec et de résistance aux antalgiques simples, la prise en charge se superpose à celle des névralgies faciales : carbamazépine, clonazépam.
Lésions du nerf lingual (Fig. 27) L’atteinte du nerf lingual est une complication classique de l’extraction des dents de sagesse mandibulaires. Sa fréquence est estimée à 0,5 % [76]. En 1994, Chickhani retenait une prédominance féminine [77]. Différents manœuvres peuvent être à l’origine de l’atteinte du nerf lingual : • une blessure accidentelle lors de l’anesthésie ; • une syndesmotomie trop appuyée sur le versant lingual de la mandibule ; • une séquestrectomie de la table interne fracturée ; • une utilisation intempestive et mal contrôlée d’instruments rotatifs puissants lors de fragmentation de la dent ou du dégagement de l’angle distolingual de la deuxième molaire ; • une voie d’abord linguale avec protection insuffisante ou traction trop importante par la lame malléable ;
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• le non-respect du plan sous-périosté lors de la mise en place de la lame de protection linguale ; • une suture muqueuse trop large sur le versant lingual de l’incision. Ce nerf sensitivosensoriel présente des rapports intimes dans son trajet avec la table interne mandibulaire. Aussi, il peut être facilement comprimé, étiré, plus rarement sectionné lors des différents temps opératoires. Sur le plan sensitif, une lésion du nerf entraîne une anesthésie, une hypoesthésie ou des paresthésies du bord latéral de l’hémilangue homolatérale, entraînant des morsures lors de la mastication. Ces troubles sont mal tolérés et invalidants, d’autant plus que l’évolution se fait parfois sur un mode hyperesthésique ou dysesthésique. Sur le plan sensoriel, son atteinte se traduit par une baisse des capacités gustatives par dégénérescence et disparition plus ou moins complète des récepteurs papillaires. Il s’ensuit dysgueusie, hypogueusie ou agueusie dans le territoire concerné. Cliniquement, le test des quatre saveurs de base (sucré, salé, acide, amer) en apprécie l’importance, aidé dans certains cas complexes par Stomatologie / Odontologie
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Figure 27. Lésion du nerf lingual. 1. Nerf lingual ; 2. usage d’instrument par abord lingual à proscrire ; 3. syndesmotomie interne à proscrire.
l’électrogustométrie. Cette sensibilité spécifique reste très difficile à objectiver et à quantifier précisément. L’évolution de tels déficits est imprévisible. Outre les récupérations complètes et rapides, on observe des cas où le retour à une sensibilité normale et totale s’observe au bout de 12 à 18 mois. Les séquelles définitives ne sont pas rares et peuvent faire l’objet de demandes d’indemnisation. L’information systématique est, là encore, requise. La qualité de la prise en charge médicolégale de ces patients est importante, compte tenu du caractère invalidant des troubles et de leur caractère subjectif. Un certain nombre de signes cliniques permettent de déterminer la réalité d’une lésion ancienne du nerf lingual : • cicatrices et empreintes de dents sur le bord de la langue du côté atteint, indolores et de divers stades évolutifs ; • présence de tartre plus marquée du côté pathologique (mastication unilatérale pour éviter les morsures) ; • retentissement de la mastication unilatérale : versions dentaires, parodontopathies et troubles de l’articulation temporomandibulaire (ATM) du côté atteint. Des traitements divers, aux résultats incertains, sont régulièrement proposés. La prescription de vitamines du groupe B, de corticoïdes ou d’anti-inflammatoires est classique. En cas de phénomènes algiques, si les antalgiques habituels se montrent insuffisants, il convient de faire appel aux traitements de la névralgie faciale essentielle. L’acupuncture et la prise en charge par psychothérapie peuvent apporter confort et soutien. Certains auteurs [78] proposent, dans les stades avancés (avec hypertrophie asymétrique des muscles élévateurs en particulier), l’injection de toxine botulinique : l’action se concentrera sur le dysfonctionnement des ATM et les douleurs associées.
Lésions du nerf mentonnier L’émergence du nerf alvéolaire inférieur au foramen mentonnier (Fig. 22), au niveau de la table externe de la mandibule, s’effectue classiquement au-dessus de la ligne oblique, à la moitié de la hauteur du corps, à l’aplomb de la deuxième prémolaire. La radiographie panoramique dentaire permet de la situer précisément. Il se termine en trois faisceaux terminaux avec des anastomoses avec des filets mentonniers de la branche cervicofaciale du nerf facial. Il réalise l’innervation sensitive du menton et de la lèvre inférieure muqueuse et cutanée. Des lésions de cet axe entraînent des troubles sensitifs dans son territoire. Les lésions peuvent intervenir : • lors d’une anesthésie au trou mentonnier par piqûre de l’aiguille et/ou injection du produit anesthésique dans le nerf lui-même. Le caractère très algique et sa nature (décharge électrique) lors de la piqûre doivent faire suspecter la proximité du nerf et retirer l’aiguille de quelques millimètres avant l’injection ; Stomatologie / Odontologie
• lors d’une incision muqueuse mal contrôlée ou imprudente, comme nous l’avons déjà précisé. Ainsi, les alvéolectomies pour extraction dans cette zone doivent être prudentes avec éventuelle dissection préalable pour localiser, isoler et protéger le nerf. En cas de section à ciel ouvert, une réparation par suture microchirurgicale peut être envisagée après repérage des deux extrémités.
Prise en charge de la douleur La prise en charge antalgique postopératoire immédiate ou différée doit être un souci constant du praticien. Le rapport de 2005 de la Haute Autorité de Santé (HAS) de 2005 [79] précise les modalités de bonne prescription. Le traitement pharmacologique de la douleur en chirurgie buccale doit être prescrit de manière systématique et pour une durée suffisante. La prescription doit couvrir l’ensemble du nycthémère, en précisant clairement les horaires de prise (éviter les précisions du type « en cas de douleur »). Le choix de la molécule est fondamental, respectant allergies éventuelles, contre-indications et associations médicamenteuses : • des douleurs estimées faibles céderont facilement au paracétamol à la dose de 1 g toutes les 6 heures ; • des douleurs modérées à intenses feront préférer des antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou des opioïdes faibles. On évitera d’associer deux AINS ; • devant des douleurs persistantes ou résistantes et si les traitements précédents se sont avérés inefficaces on choisira : AINS associé à paracétamol + codéine ou tramadol en prise systématique (forme à libération prolongée). S’il existe une contre-indication aux AINS, qu’elle soit générale ou locale (avulsion dans un contexte infectieux) on aura recours aux opioïdes forts. La persistance d’une douleur élevée doit conduire à une consultation postopératoire auprès du chirurgien afin de dépister d’éventuelles complications et d’adapter le schéma analgésique. Dans cette étude, il est clairement montré qu’il n’existe pas de supériorité de l’association paracétamol + dextropropoxyphène par rapport au paracétamol seul (on préférera une association paracétamol + codéine). L’utilisation des coxibs (anti-cox2) est non recommandée. D’autres approches sont envisagées, mais leur efficacité n’a pas encore été démontrée : acupuncture, laser, infiltrations locales (naropéine), cryothérapie, antibiothérapie. La persistance d’algies sans étiologie peut faire suspecter une lésion neurologique ou une algie vasculaire de la face, mais leur morbidité suite à extraction dentaire est rare [80].
Trismus Il doit faire rechercher le plus souvent une complication infectieuse locale ou traumatique. C’est une réaction normale après l’avulsion d’une dent incluse postérieure (dent de sagesse en particulier). Il accompagne l’œdème réactionnel mais ne doit pas se prolonger au-delà de quelques jours après l’extraction. Le praticien prendra soin d’éliminer une cause infectieuse générale (tétanos, méningite, encéphalite) indépendante des suites chirurgicales. Pour les causes locales infectieuses et traumatiques, le traitement associe à une antibiothérapie un traitement symptomatique : myorelaxant (tetrazepan [Myolastan®], thiocolchicoside [Coltramyl®]), rééducation de l’ouverture buccale (massages, kinésithérapie, thermothérapie, instruments manuels type sauterelle). Le trismus peut révéler une fracture de la mandibule méconnue. Un syndrome algodysfonctionnel passé inaperçu peut être aggravé par des manœuvres d’ouverture buccale forcée ou trop brusques (lors d’une anesthésie générale en particulier).
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■ Complications à distance
■ Conclusion Dans tous les cas, le bilan préopératoire, tant radiologique que général, doit permettre de préparer l’intervention dans de bonnes conditions. Un examen précis et un interrogatoire ciblé doivent permettre de préparer le geste dans les meilleures conditions de sécurité pour le patient et le praticien. Une pathologie générale pouvant compliquer l’intervention doit conduire le praticien à prendre contact avec le médecin traitant afin de mettre en œuvre les mesures nécessaires. Lors de l’existence de facteurs locaux laissant prévoir des difficultés, le praticien doit user des moyens adaptés et surtout tenir le patient informé des risques encourus. Le recours à une structure hospitalière doit être envisagé en fonction des risques et de l’habitude de chacun. En cas de complications et de litiges avec le patient, le praticien doit faire la preuve qu’il a apporté l’information préalable nécessaire, que celle-ci a été comprise et que le consentement « libre et éclairé » du patient a été recueilli. Les différentes alternatives thérapeutiques de prise en charge doivent être énoncées et discutées. Une technique précise et aguerrie permettra de limiter au maximum les risques de complications immédiates. Un suivi des patients adapté à chaque cas permet d’éviter d’éventuelles complications secondaires ou tardives ou de prendre en charge rapidement celles-ci.
Mobilisations dentaires L’avulsion d’une dent (hormis les dents de sagesse) doit être théoriquement suivie sans tarder de son remplacement par une prothèse (adjointe ou conjointe). Dans le cas contraire, on observe des évolutions mécaniques avec un retentissement important sur la dynamique mandibulaire. La dent antagoniste a tendance à égresser et les dents avoisinantes à occuper l’espace libre (rotation, bascule, version). La réhabilitation est d’autant plus difficile qu’elle est tardive. La modification de l’articulé dentaire et la régression de l’os alvéolaire peuvent entraîner à moyen terme des lésions de parodontopathie et/ou des dysfonctionnements de l’ATM. Nous insistons sur la nécessité de prendre en compte et de prévoir la réhabilitation prothétique avant les avulsions.
Kystes résiduels Un kyste résiduel évoluant à bas bruit peut succéder à un granulome dont l’exérèse a été incomplète. Il se comporte comme un foyer infectieux potentiel, cliniquement muet jusqu’au jour où un facteur déclenchant le révèle de manière spectaculaire (cellulite, fistule, fracture pathologique, envahissement d’un sinus maxillaire). La survenue d’un améloblastome sur les vestiges épithéliaux de kystes coronodentaires est décrite. Leur siège préférentiel est retrouvé dans l’angle mandibulaire, en regard du site d’extraction de la dent de sagesse. La radiographie montre une volumineuse image radioclaire, multiloculaire, en « bulle de savon » ou en « nid d’abeilles ». Les images radiologiques le font souvent suspecter mais le diagnostic est anatomopathologique. L’exérèse chirurgicale large et complète évite toute récidive de cette tumeur bénigne très agressive localement.
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■ Références [1]
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■ Complications exceptionnelles Certaines complications sont exceptionnelles. Funayama décrit un hématome postextractionnel survenu 40 jours après un geste d’avulsions multiples avec des suites opératoires immédiates normales. L’hématome, rapidement compressif, obstruant les voies aériennes supérieures, a conduit à la mort du patient. L’autopsie a montré un état de cirrhose hépatique mais aucun élément local n’a pu révéler l’origine d’un hématome aussi tardif et d’évolution aussi foudroyante [81]. Plusieurs auteurs décrivent la survenue d’abcès médiastinaux après des gestes d’avulsion dentaire. Parfois, ces manifestations infectieuses peuvent se compliquer de fistules trachéobronchiques [82]. Les emphysèmes sous-cutanés postopératoires sont connus [83]. S’ils ne sont pas dépistés précocement, leur évolution, parfois dramatique, peut entraîner fasciites ou médiastinites. Goodnight décrit un emphysème diffus cervical et médiastinal secondaire à la mauvaise utilisation d’une turbine à air comprimé [84]. Les accidents infectieux suivis de cellulites peuvent avoir des conséquences gravissimes si elles sont méconnues ou mal traitées. Ainsi, Revol et al. publient, en 2003 [85], le cas d’un patient ayant été traité par AINS après avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire. Il a présenté dans les suites une cellulite cervicofaciale compliquée d’un abcès cérébral. Certaines complications extrêmes peuvent être décrites. Une ostéite nécrosante de l’angle mandibulaire dont on a rapporté le cas au Cameroun [86]. En Espagne en 2006, il a été rapporté un abcès sous-périosté de l’orbite suite à l’avulsion d’une dent de sagesse maxillaire. L’hypothèse étiologique repose sur la migration d’une infection de l’espace ptérygomaxillaire vers le cône orbitaire. Cet événement, certes exceptionnel, souligne, s’il est besoin, l’évolution imprévisible de certaines situations [87].
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F. Semur, Chirurgien dentiste. Centre municipal de santé M. Tenine, 94500 Champigny-sur- Marne, France. J.-B. Seigneuric, Stomatologiste, spécialiste des hôpitaux des Armées ([email protected]). Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, Hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Semur F., Seigneuric J.-B. Complications des avulsions dentaires : prophylaxie et traitement. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-092-B-10, 2007.
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Dangerosité en chirurgie maxillofaciale G. Couly La prise de conscience de la dangerosité par les opérateurs(trices) des interventions grandes ou petites de chirurgie maxillofaciale se construit grâce à un savoir anatomique irréprochable, concernant les sites et régions abordées, seul facteur d’aisance technique et ainsi de maîtrise du risque. La dangerosité garde encore toute son acuité dans les suites opératoires, dominées par les accidents hémorragiques, facteurs d’hypovolémie et de détresse respiratoire parfois mortelles. L’hémostase peropératoire et le drainage aspiratif postopératoire ne se discutent pas. La dangerosité demeure encore bien réelle pour les actes dont les indications sont fictives. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Insuffisance respiratoire aiguë postopératoire ; Décès postopératoire ; Cécité ; Nerf lingual ; Paralysie faciale
Plan ¶ Introduction
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¶ Danger et dangerosité
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¶ Dangerosité des interventions de chirurgie maxillofaciale et de stomatologie Dangerosité lors des ostéotomies du massif facial fixe Incidents, accidents et risques vitaux des ostéotomies du massif facial mobile, mandibulaire Glossectomie Ankylose temporomandibulaire Uranostaphylorraphie et pharyngoplastie Sauvegarde nerveuse et vasculaire lors de la chirurgie des glandes salivaires Sauvegarde nerveuse et canalaire lors des interventions de chirurgie maxillofaciale Précautions opératoires et postopératoires
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■ Introduction Le danger est, selon le Larousse de la langue française, [1] défini comme un « ensemble de circonstances où l’on est exposé à un mal ou un inconvénient ». La dangerosité des interventions de chirurgie maxillofaciale s’identifie par l’existence de risques peret/ou postopératoires connus, mettant en jeu le pronostic vital ou comportant une menace de lésion d’organe noble. Le massif facial est un complexe organique comportant une exceptionnelle densité de tissus spécialisés (nerfs, vaisseaux, muscles), dont les rapports topographiques sont enseignés par l’anatomie et la médecine opératoire. La dangerosité est ainsi fondée sur l’existence d’incidents ou d’accidents opératoires connus parfois rapportés dans la littérature médicale et ainsi prévisibles. La connaissance de ces incidents, grâce à l’enseignement des anciens et aux publications de la littérature médicale (mais ces faits et incidents ne sont pas toujours publiés), doit faire agir Stomatologie
avec prudence, attention et application, le principe de précaution de la part de l’opérateur devant prévaloir. Ce risque, lorsqu’il est connu, doit être mentionné à l’opéré adulte ou aux parents si l’opéré est un enfant en raison de l’obligation d’informations claires, précises et loyales.
■ Danger et dangerosité La dangerosité potentielle d’une intervention chirurgicale maxillofaciale doit être connue de l’opérateur(trice). (Nous n’aborderons pas la dangerosité chirurgicale inhérente aux tumeurs vasculaires.) Les risques sont fonction de l’âge et de l’état antérieur de l’opéré, du type d’intervention, de sa localisation anatomique, mais également de la compétence de l’opérateur (connaissance anatomique, formation technique, connaissance du risque par la formation, la littérature médicale et les publications médicochirurgicales et adresse technique personnelle). Les risques sont, soit locaux, soit régionaux, soit généraux et, dans ces cas, ils sont vitaux. La dangerosité signifie alors qu’il existe un risque local ou vital pour l’opéré qu’il est nécessaire de prévoir. Ce risque doit également être anticipé par la prudence opérationnelle et par la mise en œuvre de tout traitement pouvant y faire face. Cette dangerosité d’un acte de chirurgie maxillofaciale provient : • en période opératoire : C du risque hémorragique peropératoire : par plaies vasculaires (artérielle et/ou veineuse) impliquant son contrôle durant l’intervention ; C du risque de lésion d’organe noble comme les nerfs moteurs, sensitifs ou sensoriels rentrant alors dans le cadre des risques régionaux et locaux (nerfs optiques, moteurs oculaires, facial, lingual, sous-orbitaire, alvéolaire inférieur, etc.) ; • en phase de réveil et en période postopératoire : C du risque hémorragique qui est la conséquence d’un contrôle peropératoire insuffisant ;
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22-090-K-20 ¶ Dangerosité en chirurgie maxillofaciale
C du risque ventilatoire par obstruction directe des voies aériennes : nez, pharynx, filière laryngée par corps étranger (packing pharyngé laissé en place par exemple ou sang coagulé obstruant le carrefour aérodigestif) ; C du risque combiné hémorragique et ventilatoire par compression des voies aériennes, par hématome dans les parties molles, responsable alors d’un syndrome obstructif et d’une insuffisance respiratoire aiguë. Ce peut être l’hématome compressif du plancher buccal ou des espaces latéropharyngés qui, en raison de son importance, comprime puis réduit la filière respiratoire et provoque une défaillance respiratoire postopératoire rapidement mortelle.
■ Dangerosité des interventions de chirurgie maxillofaciale et de stomatologie Nous exposerons ici les accidents connus et rapportés dans la littérature médicale lors de la réalisation d’interventions de chirurgie maxillofaciale, accidents per- et postopératoires qui font que certaines d’entre elles comportent un risque vital ou pour les organes nobles et ainsi une dangerosité potentielle qui doit être exposée à l’opéré dans le cadre du devoir d’information. L’intervention chirurgicale décidée doit être d’une utilité réelle. Cela implique que les opérateurs soient formés efficacement : connaissances anatomiques suffisantes, formation technique, discussion approfondie des indications chirurgicales, analyse du risque encouru mis en balance avec un bénéfice escompté prévisible à obtenir. Les opérateurs doivent avoir conscience du danger et être techniquement adroits. Le principe de précaution, pour ces situations, devant prévaloir.
Dangerosité lors des ostéotomies du massif facial fixe
Figure 1. Jonction maxillaire-palatin-ptérygoïdes. A. L’os palatin et ses rapports maxillaire et ptérygoïdien. 1. Lame horizontale ; 2. apophyse ptérygoïde ; 3. apophyse pyramidale ; 4. apophyse sphénoïdale ; 5. apophyse orbitaire ; 6. gouttière palatine postérieure ; 7. os palatin droit lame verticale ; 8. sinus maxillaire ; 9. maxillaire. B. 1. Tubérosité maxillaire ; 2. apophyse pyramidale du palatin ; 3. apophyse ptérygoïde.
La littérature médicale ne semble pas avoir rapporté d’observation de mise en jeu du pronostic vital, c’est-à-dire de décès lors des ostéotomies de Lefort I et II. En revanche, des accidents et des incidents ont été rapportés. Ils constituent de véritables risques potentiels de ce type d’intervention. Leur dangerosité est en premier lieu l’hypovolémie, conséquence des saignements : • diploétiques et tout particulièrement celui de la cloison intersinusonasale lors des sections osseuses maxillaires et nasales ; • des déchirures muqueuses vestibulaires, palatines et nasales, lors de la mobilisation des fragments, et des sections transfaciales des cavités pneumatiques de la face, (fosse nasale, cloison et sinus). La dangerosité majeure de ces interventions se situe lors du temps de disjonction ptérygomaxillaire et de la mobilisation du maxillaire (Fig. 1). Ce geste aveugle (non contrôlé par la vue), implique des repères stricts, un matériel adapté, une stratégie fondée sur l’anatomie et la prudence. Ce temps de disjonction ptérygomaxillaire doit être une ostéotomie sélective transversale de l’apophyse pyramidale du palatin qui solidarise en clavette le dièdre inférieur des deux ailes de l’apophyse ptérygoïde sur la tubérosité (Fig. 1). L’accident ou les accidents de ce geste sont représentés par les fractures incontrôlées de la tubérosité, les fractures de l’apophyse ptérygoïde avec refend prolongé vers le corps du sphénoïde et les masses latérales de l’ethmoïde et la perforation de la lame verticale du palatin assurant la solidarisation de l’apophyse ptérygoïde sur la face postéro-interne de la tubérosité ; celle-ci s’accompagne d’hémorragie brutale provenant de la fosse ptérygomaxillaire et de son arrière-fond et correspond au cours de ce temps à des blessures ou déchirures
des artères sphénopalatines, voire maxillaires interne et antroalvéolaire (Fig. 2, 3). Ces accidents hémorragiques imposent la ligature peropératoire de l’artère carotide externe, après tamponnement compressif de la fosse ptérygomaxillaire ou nasale postérieure. La dangerosité repose encore sur la déchirure du pharynx par perforation transfixiante due au dérapage du ciseau de disjonction qui, mal maîtrisé, pénètre alors dans le rhinopharynx au niveau de la fossette de Rosenmüller, à proximité de la trompe d’Eustache. L’ensemble de ces situations hémorragiques s’accompagne constamment d’hémosinus, d’hémoethmoïde et d’hémosphénoïde et peut encore être responsable d’un hématome compressif vers le cône postérieur intraorbitaire, rétro-oculaire fusant au travers de la fente sphénomaxillaire avec son corollaire, avec risque de cécité postopératoire. [2-5] Pour y remédier, la tentative de décompression du nerf optique est indispensable. Par ailleurs, le drainage par drain aspiratif est difficile à réaliser, le sang s’évacuant au travers des cavités pneumatiques sectionnées vers les fosses nasales. La dangerosité des ostéotomies faciales existe encore lors de la mobilisation du fragment ostéotomisé par abaissement puis par impaction ou rostralisation (avancée) ou distalisation (recul). L’impaction des fragments ostéotomisés comporte un danger réel : celui de générer des fractures par « flambage », c’est-à-dire par compression verticale de structures squelettiques papyracées profondes du massif facial, telle que la cloison intersinuso-ethmoïdo-nasale après son abaissement. La fracture en
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Stomatologie
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La littérature médicale rapporte comme complications des ostéotomies de Lefort I : • sept observations de cécité postopératoire ; [2, 5] • des paralysies du III et VI ; [6, 7] • un anévrisme du sinus caverneux.
Incidents, accidents et risques vitaux des ostéotomies du massif facial mobile, mandibulaire Alors que la morbidité des ostéotomies du massif facial fixe paraît inexistante, celle des ostéotomies de la mandibule (branches montantes, horizontales et menton) est bien réelle. Si la littérature médicale rapporte, grâce aux observations, les accidents et incidents de ce type d’acte, elle ne rapporte qu’exceptionnellement les décès des opérés. Nous avons tous, dans notre entourage, professionnel des observations rares, mais bien indiscutables de décès, dans les suites immédiates d’ostéotomies mandibulaires.
Figure 2. Artère maxillaire interne et ses branches dans la fosse. 1. Nerf temporal profond moyen ; 2. Nerf temporal massétérin ; 3. ligament de Hirtl ; 4. muscle ptérygoïdien externe ; 5. nerf temporobuccal ; 6. porus crotaphitico buccinatorius ; 7. artère maxillaire interne ; 8. nerf dentaire ; 9. artère buccale ; 10. nerf buccal ; 11. nerf lingual ; 12. mandibule ; 13. muscle masséter ; 14. muscle ptérygoïdien interne ; 15. nerf massétérin ; 16. artère dentaire ; 17. apophyse interne ptérygoïdienne ; 18. artère massétérine ; 19. muscle ptérygoïdien externe ; 20. artère temporale profonde moyenne ; 21. apophyse ptérygoïdienne temporomaxillaire.
Ostéotomie des branches montantes mandibulaires L’ostéotomie des branches montantes mandibulaires est dominée par le risque hémorragique générateur d’hématome compressif latéropharyngé, et responsable d’insuffisance respiratoire aiguë rapidement mortelle si une trachéotomie d’urgence n’est pas réalisée. Le risque hémorragique est la conséquence soit du saignement diploétique mandibulaire, soit de plaies vasculaires directes (artères maxillaire interne, alvéolaire inférieure, faciale ou linguale). Ce type d’ostéotomie implique un drainage aspiratif bilatéral efficace par drains de Redon-Jost et non par drain en accordéon à dépression insuffisante et ce, afin d’éviter que ne se constitue un hématome compressif refoulant les deux parois pharyngées « en varus » générant une insuffisance respiratoire par compression de la filière laryngopharygnée qui nécessiterait alors à son tour une trachéotomie urgente. La dangerosité de cette ostéotomie est dominée par le risque vital, rapidement mortel, si les gestes de libération des voies aérodigestives supérieures ne sont pas assurés, d’autant que l’opéré peut être la bouche bloquée sur anses métalliques. L’opéré, dans ces circonstances postopératoires, se met alors en position genupectorale pour lutter contre les effets de l’insuffisance respiratoire. Une observation de paralysie faciale transitoire a été rapportée. [7, 8]
Ostéotomie du menton, génioplastie (Fig. 4, 5)
Figure 3. Arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire. 1. Nerf sphénopalatin ; 2. rameau orbitaire du V2 ; 3. artères dentaires postérieure et supérieure ; 4. artère sous-orbitaire ; 5. artère sphénopalatine ; 6. artère maxillaire interne ; 7. ganglion de Meckel ; 8. muscle ptérygoïdien externe ; 9. aile ptérygoïde externe ; 10. nerf vidien ; 11. palatin ; 12. nerf palatin antérieur ; 13. nerf palatin moyen ; 14. artère palatine postérieure descendante ; 15. nerf palatin postérieur ; 16. artère sphénopalatine ; 17. nerf nasal moyen ; 18. nerf nasal supérieur ; 19. nerf nasopalatin ; 20. artère ptérygoïdienne palatine ; 21. nerf ptérygoïdien palatin ; 22. artère vidienne.
éclat par refends du planum ethmoïdal risque alors de léser le nerf optique à l’entrée du canal optique ou d’embrocher le muscle oculomoteur droit interne. [2, 5] L’avancée ou la rostralisation du fragment squelettique comporte le double risque de déchirure vasculaire par élongation des artères palatines postérieures avec perte ou pseudarthrose du maxillaire et de déchirure de la paroi latérale du pharynx au niveau de la fossette de Rosenmüller avec lésion de la trompe d’Eustache. Stomatologie
Cette ostéotomie comporte un double danger hémorragique : • diploétique, lors de la section osseuse horizontale du menton, sous-apicodentaire. Le menton osseux est vascularisé par les branches terminales intraosseuses de l’artère alvéolaire inférieure et directement par une ou deux branches intraosseuses originaires de l’artère linguale qui pénètrent la table interne au niveau des apophyses géniennes ; • musculaire, par l’implication par le trait d’ostéotomie de la table interne, des muscles génioglosses, géniohyoïdiens, mylohyoïdiens qui s’insèrent sur cette dite table. Nous rappelons que les muscles mylohyoïdiens sont très vascularisés. La mobilisation et l’avancée du fragment mentonnier ostéotomisé mettent en tension les insertions musculaires précédemment citées et génèrent des déchirures vasculaires (artérielles et veineuses) qui elle-mêmes sont responsables d’hématome du plancher de la bouche, compressif, pour les voies respiratoires mettant en jeu le pronostic vital et impliquant dans l’urgence extrême la trachéotomie postopératoire. L’hémostase, lors des génioplasties, doit être irréprochable. Le drainage de la zone d’ostéotomie, par drain aspiratif de Redon-Jost, est une nécessité absolue, comme lors de la chirurgie des branches montantes.
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aspiratif doit être absolu. Lorsqu’elles font l’objet de greffe costale ou iliaque, les risques sont également ceux de la prise de greffe.
Glossectomie Leur dangerosité est inhérente à la quantité de masse linguale musculaire retirée et au défaut de repérage des artères linguales, responsable d’hématome de la langue et du plancher buccal en période postopératoire.
Ankylose temporomandibulaire
Figure 4. Vascularisation de la région mentonnière de la mandibule. Rapport avec la musculature et les branches terminales de l’artère linguale. 1. Nerf lingual ; 2. canal de Wharton ; 3. lingual ; 4. artère ranine ; 5. artère du frein ; 6. artère sublinguale ; 7. artère ranine ; 8. muscle lingual inférieur ; 9. XII ; 10. muscle géniohyoïdien ; 11. muscle génioglosse ; 12. muscle hyoglosse ; 13. artère dorsale de la langue ; 14. os hyoïde ; 15. rameau sus-hyoïdien ; 16. artère linguale.
L’arthrolyse pour ankylose temporomandibulaire est une intervention difficile, comprenant de nombreux dangers, rarement rapportés dans la littérature : • plaie du conduit auditif externe, déchirure du tympan, plaie de l’artère maxillaire interne ; • blessure ou élongation du nerf facial, responsable de paralysie postopératoire ; • plaie de la trompe d’Eustache ; • blessure de la corde du tympan émergeant en profondeur de la scissure de Glaser (responsable d’agneusie postopératoire).
Uranostaphylorraphie et pharyngoplastie La dangerosité de l’uranostaphylorraphie est inhérente aux risques de blessures de l’artère palatine postérieure dont la conséquence est la nécrose du lambeau palatin. Les lésions de la trompe d’Eustache, lors de la fracture réglée du crochet de l’aile interne de la ptérygoïde, peuvent également être observées. La dangerosité de la pharyngoplastie réside dans la rare blessure vasculaire de la carotide interne ou de la jugulaire avant leurs entrées dans la base du crâne, en raison de la taille trop large du lambeau pharyngé. La largeur de sa base ne doit pas dépasser 1 cm dans le plan médian postérieur pharyngé.
Sauvegarde nerveuse et vasculaire lors de la chirurgie des glandes salivaires Parotidectomie L’intervention de parotidectomie est une intervention réglée techniquement : incisions cutanées et repère artériel de la carotide externe. Il n’en reste pas moins que la parotidectomie est une intervention difficile car minutieusement codifiée en ce qui concerne la découverte du tronc du nerf facial. La section de ce dernier ou sa blessure partielle lors de sa découverte impose une réparation microchirurgicale. Figure 5. Nerf lingual dans le plancher de la bouche. Ce dernier est menacé lors de la mandibulectomie et lors de l’avulsion de la dent de sagesse mandibulaire. 1. Artère palatine ascendante ; 2. artère faciale ; 3. ligament et muscle stylohyoïdiens ; 4. tendon interne du digastrique ; 5. grande corne de l’os hyoïde ; 6. paroi interne de la loge mandibulaire ; 7. muscle ptérygoïdien interne ; 8. glande sublinguale ; 9. ligament ptérygoïdien maxillaire ; 10. nerf lingual ; 11. canal de Wharton ; 12. canal de Rivinus ; 13. ganglion sublingual de Blandin ; 14. muscle mylohyoïdien ; 15. prolongement antérieur et glande sous-maxillaire. 16. loge sousmaxillaire.
Ostéotomie pour malformation du premier arc Les ostéotomies en L inversé ou les ostéotomies arciformes dans les hypoplasies des branches montantes des syndromes du premier arc présentent les mêmes risques que ceux des ostéotomies des branches montantes. Leur drainage par matériel
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Sous-maxillectomie (Fig. 6) La sous-maxillectomie n’a malheureusement pas bénéficié d’une codification technique aussi attentive que la parotidectomie. C’est la raison pour laquelle le nerf lingual est encore fréquemment lésé au cours de cette intervention générant des séquelles irréversibles d’anesthésie et d’agneusie ou de dysgneusie de l’hémilangue correspondante, séméiologie équivalente à celle générée par les lésions du nerf lingual, lors de l’avulsion de la dent de sagesse mandibulaire par la voie dite linguale (le nerf lingual est un nerf sensitif pour les sensibilités épicritique protopathique, thermique et discriminative mais également sensorielle). Cette double symptomatologie lésionnelle sensitive et sensorielle doit être prise en compte lors de la réparation juridique du dommage corporel en responsabilité professionnelle. Au cours de la sous-maxillectomie, le rameau mentonnier du nerf facial fait l’objet également d’une sauvegarde sinon le risque de parésie, voire de paralysie des muscles peauciers commissuraux (houppe du menton, carré du menton et triangulaire des lèvres) en est la rançon. Stomatologie
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Figure 6. Sous-maxillectomie. A. Le nerf lingual est attaché à la glande. B. Après section du ganglion sous-maxillaire. 1. Nerf lingual ; 2. glande sous-maxillaire ; 3. canal de Wharton.
Sauvegarde nerveuse et canalaire lors des interventions de chirurgie maxillofaciale Les nerfs sous-orbitaire, mentonnier, alvéolaire inférieur lingual, facial et leurs branches lors d’intervention sous anesthésie générale ou locale doivent être protégés en premier. • le nerf sus-orbitaire est menacé lors de la chirurgie du sourcil ; • le nerf sous-orbitaire est impliqué dans toute chirurgie de la paroi antérieure du maxillaire ; • le nerf alvéolaire inférieur est menacé lors de la chirurgie de la mandibule (branches montantes et horizontales) jusqu’à son émergence au foramen mentonnier ; • le nerf mentonnier est menacé lors des génioplasties et des actes concernant 33, 34, 35 et 43, 44 et 45 ; • les branches extraparotidiennes du nerf facial (en particulier le rameau mentonnier, le rameau pour le modiolus et orbiculaires des paupières) sont menacées par des incisions inappropriées du tégument facial ; • le nerf lingual est doublement menacé lors de l’abord lingual de la dent de sagesse mandibulaire et lors de la mandibulectomie (Fig. 6) ; • les canaux de Wharton et de Sténon sont menacés lors de la chirurgie du plancher de la bouche et de la face interne de joue.
Précautions opératoires et postopératoires Danger du réveil de l’opéré « bouche bloquée » par anses métalliques Le blocage intermaxillaire per- et postopératoire a pour but d’utiliser l’intercuspidation dentaire comme référentiel fonctionnel lors d’ostéotomie ou de simple contention pour les fractures non déplacées du massif facial. Le blocage par fils d’acier réunissant les deux arcs maxillaire et mandibulaire constitue un danger réel lors du réveil postopératoire, puis ensuite chez l’opéré éveillé. En effet, en période postopératoire, le sang siège dans l’estomac lorsqu’il n’a pas été aspiré par sonde et peut être émis en jet par vomissement. Il rencontre alors l’obstacle oral réalisé par l’impossibilité d’ouverture buccale en cas de blocage métallique, ce qui peut constituer, dans ces conditions, un risque d’inhalation massive puis d’arrêt cardiorespiratoire. Les ciseaux de Bebee permettant de couper les anses métalliques n’ont pas, en général, le temps d’être utilisés. Mieux vaut, dans les suites opératoires, utiliser deux à quatre élastiques maintenant un blocage souple compatible avec une ouverture buccale en cas de vomissements brutaux postopératoires. Dans les jours qui suivent l’intervention, ce blocage élastique peut être maintenu sans risque lors de la reprise alimentaire semi-liquide qui, du reste, n’est pas dénuée de vomissements. Stomatologie
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Quelques conseils et recommandations aux débutants et aux plus jeunes • Avoir une connaissance parfaite de l’anatomie maxillofaciale et de ses variations ; une bonne lecture des lieux chirurgicaux est indispensable : réfléchir avant d’agir. « Voir ce que l’on fait » est le garant de la sauvegarde des organes et des structures. Le dogme « pas vu, pas pris » doit être proscrit et n’illustre qu’une méconnaisance dangereuse des lieux anatomiques, responsable de lésions organiques alimentant les procès en responsabilité professionnelle. • Réfléchir à la nécessité réelle de deux interventions dans la même séance chirurgicale. • Ne jamais réaliser d’acte opératoire, conséquence d’une indication chirurgicale fictive. • Avoir une formation technique irréprochable assurant adresse et aisance avec un matériel adapté. • Avoir une bonne connaissance de la littérature médicale, concernant les risques vitaux et les lésions des organes nobles, déjà publiée dans le domaine de l’intervention considérée, afin d’en informer l’opéré ou ses parents si ce dernier est mineur. • Assumer, en peropératoire et postopératoire, les complications, incidents et accidents chirurgicaux. • Ne jamais pratiquer de réveil d’un opéré ayant une bouche bloquée sur anses métalliques mais privilégier les élastiques légers. • Assurer un drainage aspiratif efficace sur drain de Redon-Jost, pour toute intervention. • Se rappeler que la présence de l’opérateur ou de l’opératrice en salle de réveil est indispensable, surtout lorsque l’opéré est extubé. • Faire un compte rendu opératoire détaillant les constatations et les difficultés, incidents, accidents opératoires. Ce compte rendu sera remis en mains propres à l’opéré ou aux parents de l’enfant opéré.
Drainage chirurgical Le drainage aspiratif est un impératif absolu lors des ostéotomies mandibulaires. Lors des ostéotomies des branches montantes pour prognatisme ou rétrognatisme et du menton pour génioplastie, intervention transdiploétique, le saignement osseux se répand alors dans le site opératoire, les parties molles, et risque de s’organiser en hématome. La cire de Horsley est alors recommandée pour contrôler ce saignement osseux réalisé
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lors des traits d’ostéotomie mais peut générer un retard d’ossification et de consolidation en restant interposée dans les foyers d’ostéotomie. Il faut alors instituer le drainage absolu dans ces types d’intervention, drainage bilatéral dans les ostéotomies des branches montantes et pelvilinguales lors des génioplasties. Le drain aspiratif en pipeau ou en rainure est alors mis au contact des foyers d’ostéotomie et relié à un flacon sous vide (type Redon-Jost). Il a un double intérêt : • éviter la formation d’hématome latéropharyngé et du plancher de la bouche dont la dangerosité par obstruction respiratoire est évidente ; • alerter, en période postopératoire, en cas de saignement continu dans le ou les foyers d’ostéotomie (par la présence de sang en quantité anormalement élevée dans les flacons d’aspiration), ce qui impose alors une reprise urgente de l’hémostase.
Cette situation renforce la nécessité, en cas de méchage nasal, d’éviter le réveil postopératoire avec une bouche bloquée et de différer ce dernier jusqu’à ce que le méchage nasal soit retiré.
Hémostase peropératoire et postopératoire La ligature vasculaire de l’artère carotide externe s’impose lors d’une plaie de ses branches impossible à contrôler, surtout si elle est située dans la fosse ptérygomaxillaire ou dans son arrière-fond. La réparation s’impose en cas de plaie de la carotide interne dans les espaces parapharyngés. .
■ Références [1] [2]
Méchage nasal Le méchage nasal peut être indiqué lors des ostéotomies de Lefort I et II et intermédiaires, en raison du saignement nasal occasionné par la section septale et des deux cloisons intersinusonasales et qui est majoré par l’avancée. Il doit être utilisé avec précaution et surveillé en période postopératoire, car il prive l’opéré de la voie nasale respiratoire, parfois déjà bloquée en intermaxillaire.
[3]
[4]
[5]
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▲ Mise en garde
[7]
Il n’y a pas de petite chirurgie maxillofaciale. L’aléa thérapeutique en chirurgie maxillofaciale peut-il résister à la connaissance réelle du risque ?
[8]
Larousse de la langue française. Paris: Lexis Larousse; 1977. Bendor-Samuel R, Chen YR, Chen PK. Unusual complications of the Lefort I osteotomy. Plast Reconstr Surg 1995;96:1289-96. Couly G, Guilbert F, Benoist M. Les disjonctions ptérygo-maxillaires. Études anatomo-chirurgicales et radiologiques de 100 disjonctions expérimentales. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1976;77:260-7. Lo LJ, Hung KF, Chen YR. Blindness as a complication of Le Fort I osteotomy for maxillary distraction. Plast Reconstr Surg 2002;109: 688-700. Mercier J, Delaire J. Ostéotomie sagittale des branches montantes de la mandibule. Considérations anatomiques et techniques. À propos de deux complications. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1984;85:94-101. Reiner S, Willoughby JH. Transcient abducens nerve palsy following a Lefort I maxilla osteotomy: report of a case. J Oral Maxillofac Surg 1988;46:699-701. Stajcic Z, Roncevic R. Facial nerve palsy following combined maxillary and mandibula osteotomy. A cas report. J Craniomaxillofac Surg 1990;18:192-4. Vesse M, Benoist M, Gonsard JM. Complications and impact of sagittal osteotomy of the ascending ramus. Personal experience. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1984;85:261-4.
G. Couly, Professeur de chirurgie maxillofaciale*. Service de stomatologie, hôpital Necker-Enfants Malades, 149-161, rue de Sèvres 75015 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Couly G. Dangerosité en chirurgie maxillofaciale. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-090-K-20, 2005.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-091-K-10
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Dispositif chirurgical B Ruhin B Louvel JC Bertrand
Résumé. – Le dispositif chirurgical correspond à l’ensemble « bloc opératoire » qui regroupe l’espace de travail, les outils indispensables à son bon fonctionnement et les bonnes pratiques du personnel. Cet espace de travail est soumis à des règles strictes allant de sa conception, de la construction même des locaux à la bonne conduite de toute personne y accédant. Les outils de travail (mobilier, matériel et instruments) doivent répondre aux exigences de l’équipe soignante et des patients-cibles, en garantissant la qualité optimale et la plus grande sécurité, dans le respect des multiples textes réglementaires. Nous exposons successivement les impératifs architecturaux d’un bloc opératoire, détaillons l’agencement du local de préparation des chirurgiens et de la salle d’intervention et étudions ensuite les règles indispensables à leur bonne utilisation. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : bloc opératoire, architecture du bloc opératoire, mobilier du bloc opératoire, éclairage du bloc opératoire, tenues vestimentaires au bloc opératoire, drapage opératoire, instruments, bionettoyage, stérilisation.
Introduction Actuellement consciente de l’impossibilité d’atteindre une garantie absolue, la collectivité connaît sa vulnérabilité. Le patient exposé, informé de ses droits, peut à tout moment utiliser son recours juridique. Face à ces nouvelles pressions, l’établissement, le chirurgien et son équipe soignante se doivent de connaître et maîtriser au mieux leur dispositif chirurgical afin de fournir aux patients une prestation irréprochable de soins : risque minime et bénéfice optimal.
Impératifs architecturaux L’espace de travail doit être, avant tout, fonctionnel, pratique, sécurisant et confortable. Pour cela, il doit respecter certains principes et normes [10]. AGENCEMENT
La construction d’un bloc opératoire comme partie intégrante d’un établissement de soins est soumise au Code de la construction et de l’habitation : article R123.43. De récentes réalisations architecturales ont montré la possibilité de créativité et d’originalité dans ce domaine, arrivant à marier harmonieusement impératifs fonctionnels, règles de sécurité et confort des individus y séjournant. Certaines idées sont
Blandine Ruhin : Chef de clinique-assistante. Brigitte Louvel : Cadre supérieur infirmière de bloc opératoire diplômée d’État (IBODE), présidente de l’Association d’Île-de-France des infirmières de bloc opératoire diplômées d’État (AIFIBODE). Jacques-Charles Bertrand : Professeur des Universités, chef de service. Clinique de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
abandonnées : ainsi, face à la constatation que les circuits « sales » sont souvent plus propres que les circuits « propres » (car plus protégés et nettoyés), et étant donné le coût non négligeable de la surface architecturale, la politique initiale des circuits sales et propres a été abandonnée au profit d’une politique de zones protégées et systèmes clos [4]. Il n’en reste pas moins essentiel d’intégrer dans cet espace, les sousespaces suivants : vestibule d’accès protégé (digicode et interphone), vestiaire, bureau du cadre infirmier, secrétariat d’accueil, toilettes, salle de détente du personnel comprenant généralement un coin repas, ascenseur réservé au transport des patients alités, pièce de décontamination et stérilisation des matériaux, pièce de stockage des conteneurs chirurgicaux, pièce de réserve de matériel et salles d’intervention dont l’une (ou plusieurs) plus isolée est réservée aux gestes septiques. MURS ET SURFACES
Les matériaux composant les revêtements doivent résister aux produits détergents et désinfectants permettant l’entretien et l’hygiène des surfaces, et ainsi répondre aux normes Association française de normalisation (AFNOR) [9, 16]. Dès lors qu’il y a présence de produits inflammables anesthésiques, un revêtement de sol antistatique est obligatoire. Il peut s’agir de sols souples ou de carrelage dont la résistance d’isolement est conforme à la réglementation (environ 20 mégaohms, si l’on se réfère à la réglementation concernant les installations électriques). VENTILATION
La prévention de l’aérobiocontamination de la salle passe par le filtrage de l’air extérieur, son renouvellement et sa surpression par rapport aux autres locaux. Dans notre spécialité, on utilise des filtres à 95 % ou « très haute efficacité » (THE) (arrêtant les particules de 1 µm), intermédiaires entre les filtres high efficiency (HE) et high efficiency particulate air filtor (HEPA) ou « efficacité absolue ».
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ruhin B, Louvel B et Bertrand JC. Dispositif chirurgical. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-091-K-10, 2003, 12 p.
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EMC [257]
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Le renouvellement de l’air s’impose aussi. Dans le flux turbulent (FT), le renouvellement de l’air 25 fois le volume de la salle par heure suffit à éviter les zones de stagnation, sources d’accumulation et de multiplication bactériennes. Dans le flux laminaire (FL) (filtre HEPA), l’air lave la salle, à 0,46 m/s, de façon unidirectionnelle (verticalement [FLV] ou horizontalement [FLH]) et se renouvelle ainsi toutes les 2-5 minutes. Les flux laminaires répondent aux textes réglementaires suivants : arrêté du 8 octobre 1987 (art 3 et 4), et Code du travail (livre II titre III). La rigueur s’impose lors de l’installation de ces systèmes : gaines accessibles, trappes de visite régulièrement disposées le long des gaines pour en faciliter le nettoyage et la décontamination, éviction de tout matériel interposé entre la source du flux et le champ opératoire (Lechet, Centre national de l’équipement hospitalier [CNEH]) [4, 13]. CIRCUITS D’EAU
Dans un bloc opératoire, les points d’eau doivent être accessibles, en nombre suffisant, de bonne qualité (durabilité, entretien facile), fournissant une eau de nature différente (exemple : eau bactériologiquement pure). Ils offrent alors de bonnes conditions au lavage standard des mains à la prise de service, au lavage chirurgical préopératoire et à l’entretien des instruments, des sols, des surfaces et du mobilier [5, 8].
Stomatologie/Odontologie
confort du lavage des mains et avant-bras. Son extrémité est munie d’un filtre terminal changé et stérilisé toutes les 24 heures [8]. La commande d’eau peut se faire, soit au pied par un dispositif mural n’entravant pas le nettoyage du sol, soit au coude (classique et peu coûteux), soit au genou, à la hanche ou la cuisse (mais peu adapté aux variations morphologiques des différents utilisateurs), soit par infrarouge ou cellule photoélectrique (plus coûteux). Le débit du jet ainsi obtenu est constant (réglage par clé ou système camouflé) ; son intensité doit être modérée et efficace (éviter les projections intempestives). Préréglée par mélangeur thermostatique, la température de l’eau est tiède (pour le plus grand confort des utilisateurs !). PRODUITS
Le lavage chirurgical utilise des savons antiseptiques à large spectre, ayant un effet rémanent, bien sûr non toxique pour la peau (Hibiscrubt, Bétadine moussantet). Ces savons se présentent sous forme de distributeurs à commande propre (manuelle ou au pied). Des distributeurs de brosses chirurgicales mettent à disposition des brosses à usage unique : elles comportent un côté éponge en mousse imbibée ou non de savon liquide, et un côté brosse avec curette à ongles. RÈGLES DE LAVAGE DES MAINS
CIRCUITS ÉLECTRIQUES
Les installations électriques doivent répondre aux normes et textes réglementaires spécifiés dans le règlement de sécurité ERP (art EL 14), arrêté du 25 juin 1980, décret du 14 novembre 1988, arrêté du 20 décembre 1988, circulaire du 6 février 1989 et lettre circulaire du 16 décembre 1997. CIRCUITS DES FLUIDES MÉDICAUX
Les fluides (air, air comprimé, oxygène, protoxyde d’azote, vide) et circuits doivent répondre au règlement de sécurité (art U41-PU5) et à la norme NFS 90.155. L’air comprimé est généralement disponible sous différentes pressions (4, 7 ou 8 bars) de façon à pouvoir utiliser des moteurs de puissances différentes (basses pressions pour Microfrance, hautes pressions pour Zimmer). MONTE-CHARGE
Leur installation et entretien répondent au cahier des charges défini dans le décret du 10 juillet 1993 modifié, arrêté du 25 juin 1980 et règlement sécurité des articles AS9 et AS10.
Il a pour but de réduire la flore commensale et squames cutanées des mains et avant-bras, et d’éliminer la flore transitoire. Il est réalisé avant tout geste chirurgical ou assimilé à risque infectieux [5]. Il s’effectue en trois temps après avoir laissé couler l’eau 30 secondes : d’abord un mouillage et lavage des mains et des avantbras avec rinçage, puis un brossage des ongles uniquement avec rinçage et enfin un dernier lavage-rinçage des mains et des manchettes. Le temps d’application est de 3-5 minutes auquel il convient d’ajouter le temps de rinçage, soit un temps total de 5 à 8 minutes en accord avec le protocole national des Comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) [8]. Le séchage est important car l’humidité favorise la pullulation microbienne et ne permet pas d’assurer la stérilité d’une casaque chirurgicale, surtout si celle-ci est en tissu. Le séchage s’effectue avec un ou mieux deux essuie-mains stériles des extrémités vers les coudes, en veillant à ce que l’essuie-mains frôlant la zone proche du coude ne vienne ensuite contaminer les portions distales plus propres. L’efficacité de ce lavage entend bien sûr l’absence de vernis et de bijoux (alliance comprise), des ongles courts et arrondis, le port du masque et de la coiffe au moment du lavage [5, 8].
Local de préparation des chirurgiens HABILLAGE CHIRURGICAL AUGES CHIRURGICALES
Les cuvettes sont de dessin, de hauteur et de taille adaptés, en matériau non poreux et détachées du mur pour éviter toute zone non accessible au nettoyage. Le plus souvent, ce sont des auges communes à deux ou trois utilisateurs, à bac profond ne gênant pas les mouvements des membres et disposant parfois d’un tabouret (Allemagne). Le bruit occasionné par la chute de l’eau est à l’origine de quelques adaptations : matériaux phoniques absorbants sur l’envers du bac, auges en polyester, système anti-splash (États-Unis, Suède) par un plan incliné. ARRIVÉE D’EAU
L’installation est munie d’un préfiltre. Le bec du robinet est à une hauteur de 1,25 m et éloigné de 25-30 cm de la cloison pour le 2
Il a pour but de protéger le patient et l’opérateur de la transmission de micro-organismes. L’arrivée sur le marché de nouvelles générations de tissu de microfibres en améliore les performances ; cependant, leur entretien est difficile et leur qualité diminue avec le nombre de lavage. La mise sur le marché des non-tissés déperlants ou même imperméables a amélioré la sécurité du geste chirurgical en garantissant un réel isolement du patient et réduit les risques de transmissions d’agents infectieux et d’infections nosocomiales. Il est indispensable de ne pas toucher l’endroit de la casaque à mains nues, de la déplier sans la secouer et d’en enfiler les manches. La casaque est alors fermée, croisée ou non dans le dos, soit par un aide à l’arrière, soit par l’infirmier du bloc opératoire circulant en utilisant une plaquette en carton ou une pince stérile. Seuls les avant-bras, les mains et la portion antérieure du tronc sont considérés comme stériles ; il est donc recommandé de ne pas poser ses mains sur les genoux, les hanches ou sous les aisselles. Les tabourets sont recouverts d’un champ stérile avant de s’y asseoir.
Dispositif chirurgical
Stomatologie/Odontologie GANTAGE
L’objectif est d’isoler le patient et de protéger l’opérateur. Tous les gants sont constitutionnellement porteurs de trous, plus ou moins nombreux selon leur qualité ; de ce fait, ils deviennent tous poreux avec le temps et le contact avec le sang et les sérosités. Il est donc préconisé d’en changer toutes les 45 minutes. Le port de deux paires de gants permet de respecter les consignes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour une meilleure protection (en cas de piqûre, la matière en double épaisseur obture les aiguilles creuses et le passage du premier gant « nettoie » l’aiguille). Il permet aussi de pratiquer la procédure fermée : quitter une paire de gant sans pour autant se retrouver mains nues, et de laisser enveloppées en permanence ses mains jugées moins propres. Un exemple en est le changement de gant après la disposition des champs (les fautes d’asepsie à la pose des champs étant difficilement évitables et constantes). Ils sont en latex et talqués pour un enfilage plus aisé. Dans notre spécialité, certains gants plus épais et marrons (dits « gants de blocage » type Triflex Ultrathickt chez Allegiance) protègent les doigts des piqûres intempestives aux fils d’acier. Les opérateurs allergiques à la poudre de maïs utilisent des gants en latex sans poudre de maïs (de type Nutext chez Ansell), associés éventuellement à des sous-gants en soie ou coton. D’autres, allergiques au latex, utilisent des gants stériles en néoprène, de couleur verte (Derma Prenet chez Ansell).
Salle d’opération MOBILIER
¶ Tables Le plus souvent, la table d’opération est constituée de deux parties : socle fixe et plateau mobile permettant d’accueillir le futur opéré sur un chariot de transfert et de le transporter ainsi dans l’enceinte limitée du bloc en réduisant les risques infectieux. Les tables d’opération actuelles sont télécommandées, autorisant la mobilisation dans les trois plans de l’espace (montée, descente, proclive, déclive, latéralité et parfois translation) pour le confort du chirurgien, de l’anesthésiste et du patient. La spécialité nécessite l’utilisation spécifique de têtières ou céphalostats directement fixés sur les plateaux mobiles. Les oscillateurs céphaliques de Benoist (Nichrominoxt) et de Morgon sont articulés afin d’orienter et de fixer la tête en rectitude ou rotation. Plus rudimentaires mais non moins efficaces, les classiques appuistête sont encore couramment utilisés. Les coussins de mousse dense recouverte ou non d’une enveloppe de Skaït ou de PVC restent salissants et non stérilisables (protection de jersey à chaque intervention). Plus récemment, les coussins en polymères viscoélastiques à haute densité (Elastomt, Phagogènet) se lavent à l’eau savonneuse, supportent les pulvérisations d’aérosols et parfois même l’autoclave [14]. Les tables annexes sont métalliques, à roulettes, à simple ou double plateaux étagés. Tigées et adaptables, elles peuvent aussi se glisser ou s’emboîter sur la table d’opération pour constituer une tablepont plus accessible à l’opérateur et l’instrumentiste.
¶ Sièges Ce sont les classiques selles au pied flexible, les tabourets avec ou sans roulettes à hauteur variable (manette ou pédale) ou encore les fauteuils de microchirurgie à accoudoirs et réglages multiples. Ils présentent habituellement un revêtement de Skaït. Ils sont recouverts d’un champ stérile avant d’accueillir une personne revêtue stérilement.
¶ Conteneurs et sacs à déchets Il peut s’agir de simples cadres métalliques sur lesquels sont fixés des sacs plastiques à destinée variable (jaunes pour les déchets
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contaminés, noirs pour les déchets standards). Il peut aussi s’agir de bacs métalliques qui sont placés sur des supports à roulettes (facilement déplaçables au pied) et habillés de sacs plastiques avant chaque nouvelle intervention. Il existe de petits conteneurs de plastique rigide jaune qui reçoivent les objets contondants et piquants. Il existe enfin de grands conteneurs de plastique rigide jaune qui reçoivent les objets souillés encombrants voués à l’incinération (tubulures, canules et bocaux d’aspiration…). ÉCLAIRAGE
¶ Éclairage général de la salle Habituellement assuré par des tubes fluorescents, son niveau d’intensité doit être réglable en fonction de celui du champ opératoire. Au mieux, la décroissance de la lumière est progressive à partir du champ opératoire vers la zone des anesthésistes, de façon à ménager l’adaptation de l’acuité visuelle.
¶ Éclairage opératoire Le champ opératoire est une surface à reliefs imposant à l’éclairage certaines propriétés consignées par Hoet [10] : sa puissance est réglable et sans ombre, sa profondeur de champ suffisante pour une bonne visibilité des cavités profondes, son spectre épargnant la couleur des tissus et respectant les reliefs, son rayonnement de chaleur minime, son maniement facile, sa stabilité sûre et son nettoyage aisé. Il se fait par l’intermédiaire d’une large coupole scialytique : sa face inférieure se place à environ 1 m du site opératoire, permettant une bonne profondeur de champ et un réglage de la focalisation du cône lumineux. Il est souvent couplé à un ou plusieurs satellites annexes pouvant éclairer un second site chirurgical ou anesthésique. Ces appareils sont suspendus au plafond ; ils sont munis de poignée stérilisable (à vis ou autoclipante) ou de protection plastique à usage unique qui permet à l’opérateur d’en régler la focalisation et l’orientation à tout moment. Certains sont munis d’une caméra qui permet ainsi une retransmission sur écran du site opératoire éclairé. Actuellement, les progrès technologiques permettent un niveau d’éclairage allant jusqu’à 200 000 lux (10 000 lux au début du XXe siècle). La plupart des ingénieurs estiment idéal un éclairage de l’ordre de 50 000 lux qui garantit ainsi un confort visuel en surface et en profondeur. L’éblouissement est évité par l’utilisation d’instruments mats et de champs opératoires colorés verts ou bleus. Le rendu des couleurs est optimal avec des gradients de l’ordre de 4 500-6 500 degrés Kelvin (Association française d’éclairage et Illuminating Engineering Society).
¶ Éclairages annexes (frontale, lumière froide) La lumière froide est une lumière apportée depuis une source lumineuse par un faisceau de fibres optiques souples. Elle peut être couplée à une microcaméra puis à un moniteur télévision et un magnétoscope pour une visualisation plus large et un enregistrement des données.
Drapage chirurgical Initialement en tissu, le drapage devait comporter deux épaisseurs pour éviter l’inconvénient des failles dans la trame trop lâche du tissu. Ces derniers autrefois fixés à la peau par des pinces de Joyle ou de Backhaus provoquaient douleurs, cicatrices et brûlures en cas de contact intempestif avec le bistouri électrique. Actuellement, les champs non tissés imperméables ou déperlants assurent un isolement efficace, un gain de temps notoire et une sécurité incomparable : effet « barrière », moins de manipulations donc moins de risque de contamination, allègement du circuit blanchisserie, disponibilité en set stérile ou en emballage unitaire, 3
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amélioration nette de l’asepsie. Les champs non tissés sont, soit monocouche déperlants soit multicouches (deux ou trois feuillets les constituent : feuillet de cellulose absorbante, douce et confortable au contact du patient, feuillet intermédiaire de polyéthylène souple étanche aux microbes et feuillet superficiel non tissé absorbant rapidement les liquides). Ils sont pourvus de bordures autocollantes pour une fixation cutanée directe. À noter qu’il faut toujours veiller à ce que les champs ne touchent pas le sol afin d’éviter la migration de germes du sol vers le site opératoire.
Instruments Seuls les instruments spécifiques de notre spécialité sont détaillés ici ; les autres rejoignent le cadre de la chirurgie générale vasculaire, digestive ou traumatologique (prélèvement des lambeaux, anastomoses vasculaires...) ou de la chirurgie plastique (otoplasties, septorhinoplasties, liftings…). ÉCARTEURS
La plupart d’entre eux sont spécifiques de la chirurgie maxillofaciale : ils permettent une bonne exposition de la zone opératoire et une protection des tissus avoisinants. Les ouvre-bouche sont multiples : écarte-joues double action en polycarbonate autoclavable à 121 °C (type Spandext de HagerWerken), classique ouvre-bouche métallique de Doyen, de Jenning, à palettes de Terrier, avec abaisse-langue incorporé de Davis-Boyle ou de Kliner-Doughty (chirurgie du palais et de l’oropharynx). Les écarteurs permettent de récliner les parties molles : abaisse-langue coudés, les écarteurs de Farabeuf, d’Ollier, de Dautrey, de SennMiller, de Volkmann, les crochets de Gillis et les lames malléables. Les cales ouvre-bouche caoutchoutées autostatiques moins encombrantes libèrent le champ opératoire. D’autres écarteurs permettent une exposition osseuse par rétraction de l’enveloppe périostée : les écarteurs de Dautrey, de Langenbeck et d’Obwegeser indispensables dans les ostéotomies ont des longueurs et largeurs de lames variables avec des extrémités simples, inversées et/ou fourchues. Pour une exposition du menton, les écarteurs sont contre-coudés en trois parties, s’emboîtent sur le bord basilaire de la symphyse et écartent la lèvre inférieure ; pour un abord de l’angle et de la branche montante, ils sont à bec. Pour l’articulation temporomandibulaire, on utilise les classiques cuillères à condyle de Dautrey. INSTRUMENTS DE CHIRURGIE OSSEUSE
Les décollements mucopériostés se font à l’aide de rugines d’Obwegeser (de largeur et de courbure variables), décolleur double de Davis ou de Joseph (rhinoplastie) ou de décolleur de Chompret (kystectomie). Les sections osseuses se font rarement à la scie manuelle de Gigli, plus souvent à la scie oscillante sur moteur, aux fraises (cf infra), ou aux ciseaux à os et ostéotomes de Dautrey, contre-coudés de Couly, de McIndoe, de Joseph, de spatules palatines et lames de Pauwels. Les disjonctions et mobilisations maxillaires nécessitent les daviers de Dygman, de Rowe et Killey (Lefort), le levier de Kilner (pour l’arcade zygomatique) ou le distracteur de Tessier. Les résections osseuses se font à l’aide de pinces-gouges fines, droites ou courbes et coupantes de Liston. INSTRUMENTS DE BLOCAGE ET D’OSTÉOSYNTHÈSE
Le blocage intermaxillaire utilise des arcs métalliques souples de Dautrey ou mieux rigides sur mesure, préformés sur empreintes maxillaires, des fils d’acier 3/10 et 4/10 appointés, un passe-fils, des pinces à toroner de Terrier, de Finochietto et des pinces de Baumgartner. Les ciseaux de Beebee permettent la coupe des fils d’acier. 4
Stomatologie/Odontologie
Les ostéosynthèses se font par fils d’acier non biseautés (3/10 à 5/10) ou par plaques (miniplaques de 1 mm ou microplaques de 0,4 mm d’épaisseur). Ces dernières sont de deux à 16 trous, droites, courbes, en L et L inversé, en X, en Y ou en T…. Les pinces à chantourner permettent la conformation des plaques. Des forets de 0,7 à 2,5 mm de diamètre permettent la mise en place de vis de diamètre 0,9 à 2,7 mm, de longueur 5 à 10 mm. Plus volumineuses, les attelles métalliques permettent la reconstruction d’une large perte de substance mandibulaire. Les suspensions sont réalisées par longs fils d’acier 5/10 montés sur un passe-fil de Tessier. Enfin, les appareils distracteurs extraoraux ou endobuccaux peuvent être utilisés : ils comportent un système d’amarrage osseux et un mandrin distracteur. INSTRUMENTS DE CHIRURGIE DENTAIRE
Les seringues métalliques à carpules permettent une infiltration régulière sous-périostée sans phénomène d’hyperpression. Les décollements muqueux au pourtour des dents sont réalisés à l’aide de syndesmotomes de quatre types : droit, faucille ou coudé (sur le plat ou sur le champ). Décolleurs, élévateurs et exodents servent à mobiliser les dents. Les daviers spécifiques de chaque dent maxillaire ou mandibulaire (branches droites pour les dents maxillaires, coudées pour les dents mandibulaires, à mors fins pour le bloc incisivocanin et les racines restantes, à mors larges et festonnés pour les secteurs prémolomolaires) permettent leurs avulsions. Les curettes de Chompret permettent de réviser l’alvéole ; les râpes à os régularisent les crêtes alvéolaires. MOTEURS ET PIÈCES À MAINS
Les moteurs sont stérilisables, maniables, légers et à commande manuelle ou à pédale. Un système d’irrigation peut y être intégré. Ils peuvent être électriques : rotation pouvant aller jusqu’à 20 000 tours/min qui limite l’échauffement des pièces à main et le blocage des forets. Ils peuvent être pneumatiques à 8 bars (pression d’air de 110 PSI) : ces turbines assurent une rotation allant de 500 à 20 000 tours/min. Leur régime de rotation n’est pas forcément rapide ; en revanche, le couple (rapport entre puissance et vitesse) doit être important, même à bas régime. Il existe des moteurs spécifiques à la pose des implants dentaires : ils se caractérisent par une rotation lente et un fort couple. Les pièces à main rotatives sont, soit droites, soit coudées, soit à contre-angles ; elles s’ajoutent au moteur pour fraiser, couper et forer. Elles portent des bagues de couleurs différentes selon leur vitesse de rotation : verte réductrice de 20 000 à 25 000 tours/min, bleu neutre de vitesse égale à celle du moteur, rouge multiplicatrice de 80 000 à 100 000 tours/min. Elles sont stérilisables à l’autoclave 135 °C. D’autres modèles de pièces à main (de forme et d’inserts variés) permettent des sections osseuses par mouvement oscillant, frontal ou sagittal, alternatif de 18 000 cycles/s. FRAISES, FORETS ET SCIES
Ils sont nombreux. Chaque fraise a ses propres fonctions : fraisesrésine pour régularisation osseuse ou prothétique, fraises diamantées pour des meulages osseux doux, fraises d’Itles pour des meulages dentaires, fraises-boules perforantes, fraises coupantes de Lindemann ou de Dygman, fraises-fissure dentaires.… Les forets sont de différents diamètres et longueurs. Les scies sont droites (longues ou courtes microscies de Médicont), circulaires (disque diamanté) ou en « éventail ». SYSTÈMES D’IRRIGATION ET D’ASPIRATION
L’irrigation peut être externe, coaxiale ou mixte. Elle assure le refroidissement des inserts et limite l’échauffement osseux.
Dispositif chirurgical
Stomatologie/Odontologie
L’aspiration se fait par l’intermédiaire de canules jetables en polymère ou de canules métalliques stérilisables, au diamètre variable, droites ou coudées, et parfois munies d’une lumière froide. Certaines canules disposent de filtres permettant la récupération des copeaux osseux. MATÉRIAUX PROTHÉTIQUES
L’alginate est un produit à base d’algues utilisé pour la prise d’empreintes des arcades dentaires. L’Optosilt est un silicone lourd utilisé avec un catalyseur à froid pour obturation provisoire maxillaire ou orbitaire. Les résines acryliques type Ostront ou Palacost servent à la fabrication de cale molaire, de conformateur oculaire... INSTRUMENTS OPTIQUES
Ils sont multiples : loupes et lunettes grossissantes, microscope opératoire (dans les anastomoses vasculaires, nerveuses et canalaires salivaires), vidéoendoscope (pour les arthroscopies des articulations temporomandibulaires), fibroscope et nasofibroscope (pour les panendoscopies des bilans carcinologiques et pour les intubations difficiles). CONTENEURS CHIRURGICAUX
Plus ou moins hauts, à paniers métalliques incorporés, ils peuvent être à filtre ou à soupape. Ils sont repérés par un code couleur ou la dénomination de leur usage : de kyste, parotidectomie, lifting, cicatrices, ostéotomie, sinus, avulsions dentaires, dents de sagesse, de rhinoplastie… Ils doivent comporter une identification et un témoin de stérilité contrôlé avant l’usage (traçabilité). AUTRES DISPOSITIFS MÉDICAUX
Les bistouris électriques utilisent du courant haute fréquence (pince bipolaire de taille, forme et commande variables) ou le principe de l’électrocoagulation ; leurs caractéristiques font l’objet d’un chapitre spécifique. Le garrot pneumatique, de préférence électrique, dispose d’alarmes et d’indicateur du temps de pression. Il est utilisé par certains opérateurs pour le prélèvement exsangue des lambeaux libres. Son usage impose l’utilisation préalable de bandes caoutchoutées d’Esmarch. Le stimulateur à nerf sert au repérage des ramifications nerveuses essentiellement lors de la chirurgie parotidienne (Neuropulset par Aaron). Les voies lacrymales sont cathétérisées par des sondes métalliques de Moria de différentes tailles, puis conformées par des sondes bicanaliculaires en silicone (FCIt) ou en métal de Bodknin. Les sinus et canaux salivaires sont respectivement sondés par de fins drains d’Albertini ou des cathéters à sialographie.
Mode d’emploi Il est primordial de connaître les risques potentiels du dispositif chirurgical et de les prévenir par un strict respect des protocoles et bonnes pratiques. Il en va de la sécurité du patient ou du personnel soignant, de la qualité globale des soins et de l’accréditation de la structure chirurgicale.
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paradoxalement, le lieu où sont concentrés les patients les plus infectés (infections nosocomiales, virus de l’immunodéficience humaine, hépatites...) [6, 9]. Selon le Center for Disease Control, les actes chirurgicaux en stomatologie et chirurgie maxillofaciale présentent un risque potentiel de transmission d’agents transmissibles non conventionnels. À ce titre, elle est soumise à la circulaire Direction générale de la santé/Direction de l’hospitalisation et de l’offre de soins (DGS/DHOS) n° 139 et DGS/SC n° 138 du 14 mars 2001 relative aux précautions à observer en milieu chirurgical et anatomopathologique face aux risques de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (fig 1). La contamination se fait, soit par contact direct (contact, frottement, projection...), soit par l’intermédiaire d’un vecteur (aiguille, fils d’acier, instruments, oculaires…). À noter que les accidents percutanés représentent environ 13,6 % des accidents observés et la main est le site le plus exposé (50 % des cas) (ARIBOLR, Sécurité et protection du personnel au bloc opératoire, Montpellier, 1997) [11].
¶ Risques électriques Ils concernent toutes les installations électriques (hautes ou basses fréquences). Toute mauvaise utilisation d’un matériel électrique (bistouri, pièces rotatives…) peut entraîner une perturbation des autres appareils (monitorage cardiaque, moniteur vidéo...), une électrisation de l’opérateur ou du patient (du simple picotement à la tétanisation musculaire avec le risque d’une crispation de la main sur le conducteur), une électrocution (graves brûlures externes et internes, risque de fibrillation ventriculaire et d’arrêt cardiaque). L’électricité statique ne provoque pas d’effets physiopathologiques directs, mais elle peut être à l’origine de gestes brusques de l’opérateur ou des aides aux conséquences graves par effet de surprise.
¶ Risques chimiques Les produits chimiques existent sous la forme liquide (dérivés du formol...), gazeuse (protoxyde d’azote...) ou solide (chaux sodée...). Ils sont utilisés dans certaines techniques chirurgicales (cryochirurgie) et lors de la désinfection [ 6 ] . Leur mélange intempestif, leur exposition à l’air ou aux gaz inflammables peuvent provoquer explosion, réaction exothermique, brûlure chimique, gelure et incendies avec risques majeurs de blasts, plaies et brûlures cutanées, irritation des muqueuses, toxicité par effet mutagène, voire cancérigène.
¶ Risques toxicologiques L’utilisation de médicaments est chose courante dans la structure chirurgicale ; l’effet toxique est fonction du terrain, de la dose, de la fréquence, de la durée et du mode d’administration (inhalation et lésions pulmonaires, ingestion et troubles digestifs, contacts cutanés et allergies).
¶ Risques liés aux rayonnements
L’environnement d’un bloc opératoire et les différentes techniques employées nécessitent l’utilisation de nombreux dispositifs et matériaux comportant des risques potentiels autant pour les patients que pour les utilisateurs.
L’emploi de générateurs de rayonnements ionisants (amplificateur de brillance, appareil radiographique mobile, source isotope) peut entraîner une simple rougeur cutanée, des perturbations cellulaires et tissulaires avec mutations cancérigènes, et justifie le port d’appareils de protection. L’emploi de générateurs de rayonnements non ionisants (laser, ondes hyperfréquences, lumière visible ou non) expose au risque potentiel de troubles oculaires et cutanés, émission d’ultraviolets et rayons X parasites, échauffement, destruction de matériel, émanation de fumées nocives et toxiques.
¶ Risques infectieux
¶ Risques d’incendies
Ils concernent aussi bien les patients que les soignants. L’hôpital est synonyme de propreté, d’hygiène, de désinfection, mais c’est aussi,
Ils sont majeurs tant au niveau de l’infrastructure que des produits et dispositifs médicaux utilisés. Les conséquences peuvent être
RISQUES
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Stomatologie/Odontologie
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Fiche d’identification de risque de transmission de maladie de Creutzfeldt-Jakob à remplir de façon systématique et impérative en préopératoire.
SERVICE DE STOMATOLOGIE ET DE CHIRURGIE MAXILLOFACIALE IDENTIFICATION DU RISQUE DE TRANSMISSION MALADIE DE CREUTZFELDT-JAKOB (ou autres maladies à prions) Étiquette GILDA
Patient :........................................... Type d’intervention :........................................... Praticien :...........................................
AVEZ-VOUS PENSÉ À LA MALADIE DE CREUTZFELDT-JAKOB (MCJ) ? 1 - Le patient a-t-il des signes neurologiques évocateurs de MCJ ?
Oui
Non
Le diagnostic de la maladie de Creutzfeldt-Jakob doit être suspecté devant l’apparition récente et l’évolution progressive sans rémission de troubles intellectuels o u psychotiques associés au moins à un signe neurologique (myoclonies ; troubles visuels ; syndromes cérébelleux ; pyramidaux, extrapyramidaux ; ataxie ; chorée ; dystonie ; symptômes sensitifs douloureux persistants ; épilepsie ; mutisme akinétique) après élimination de toute autre cause. Si oui
confirmé
*
Pr céd re de séq estrat n d matér el avant incinération si le diagnostic est o
u
u
io
u
i
2 - Avez-vous pensé aux facteurs de risque de MCJ ? + À votre connaissance, le patient a-t-il reçu de l’hormone de croissance avant 1988 ? Oui
Non
+ À votre connaissance, le patient a-t-il des antécédents d’interventions neurochirurgicales* antérieures à l’année 1995 ? Oui
Non
+ À votre connaissance, y-a-t-il eu un cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob dans la famille du patient ? (fratrie ou ascendant direct) Oui Si
Non
n n a x q est ns 1 et 2 à l’ ne des q est ns 2 o
Si oui
u
u
u
io
u
io
* Si antécédents de chirurgie rachidienne sans brèche durale : répondre NON
Procédure standard Remplir le questionnaire préinterventionnel du CLIN disponible auprès des surveillantes de consultation, hospitalisation, bloc opératoire
Date : ....../....../...... Signature du praticien :
MHF/Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière/Projet de fiche CLIN 2001
graves étant donné le risque de diffusion de fumée aveuglante, d’émanation de gaz toxiques, de mouvement de panique du 6
personnel et de la problématique de l’évacuation des patients en cours d’intervention sous anesthésie générale.
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Stomatologie/Odontologie
¶ Risques liés aux conditions de travail Ils méritent d’être cités. La position statique, la durée des interventions, la chaleur ambiante favorisent stase veineuse, jambes œdématiées et varices. Une mauvaise position lors des gestes opératoires, la répétition des contraintes sont source de lombalgies. Enfin, le contexte clos, l’absence de lumière naturelle, la notion d’urgence, la lutte contre la pathologie parfois entre la vie et la mort génèrent de fortes tensions psychologiques et des états de stress important. SÉCURITÉ
¶ Prévention des risques Hygiène Face au risque potentiel d’incident infectieux, il faut se résoudre à obtenir un niveau d’asepsie le plus élevé possible pour la zone d’effraction chirurgicale ; cet objectif s’inscrit dans le concept d’asepsie progressive de la zone limitée du site opératoire à l’espace plus global représenté par la structure hospitalière. Chaque passage d’un espace à l’autre devant être sanctionné par un strict respect des règles d’hygiène. L’objet de ce chapitre est de présenter les principes qui gèrent l’hygiène et l’asepsie au bloc opératoire. Auparavant, la démarche classique consistait à protéger les patients des contaminations extérieures. Pour cela, le port d’une tenue spécifique est préconisé et la notion de circuits reconsidérée au bénéfice de l’asepsie progressive : vestiaires dans les sous-sols de l’hôpital ou au plus près des services de soins, ascenseurs réservés au personnel, aux malades et aux visiteurs, matériel sale et déchets acheminés par des couloirs et monte-charge réservés. Depuis quelques années, des études ont montré que les circuits « sales » sont plus propres que les circuits « propres », car moins fréquentés et plus soigneusement nettoyés. Face à ce constat, on ne raisonne plus en termes de circuits mais en termes de zone protégée et système clos. Il est ainsi fondamental d’isoler tout ce qui est sale dans des conteneurs ou des sacs propres et étanches pour ne plus avoir qu’une seule circulation protégée, et d’insister sur l’hygiène de base pour minimiser les risques de transmission des infections hospitalières [9, 11, 16].
• Tenue vestimentaire Elle répond à l’objectif d’élimination des squames, particules supports de germes. Nous rappelons ici les études réalisées par la NASA lors des premières expéditions spatiales montrant l’incidence de la desquamation dans le transfert des micro-organismes. Ainsi, l’individu desquame jusqu’à 100 g par semaine (soit environ 15 g/j) lorsqu’il n’est pas en hyperactivité et s’il est non stressé (deux conditions largement dépassées au bloc opératoire). La tenue est au maximum non productrice de particules : de préférence non tissée sinon composée au minimum de 50 % de polyester, ou en papier (jetable après une intervention). Elle est spécifique du bloc opératoire par sa coupe, sa couleur et sa texture. La tenue est blanche ou de couleur (verte, jaune ou bleue). Elle autorise une identification du personnel de bloc et permet de contrôler son absence ou son port inadéquat hors du service. Elle participe à la qualité de l’accueil mais protège surtout le personnel en évitant le transfert des micro-organismes vers l’extérieur et en particulier aux domiciles des agents. Il est indispensable de rappeler ici la nécessité de changer de tenue chaque jour et de se résoudre à se dévêtir dès lors que l’on quitte l’espace « bloc opératoire ». La tenue vestimentaire du bloc opératoire comporte un pantalon et une veste. Elle doit comporter des manches courtes et être peu décolletée. La présence de poches assimilables à des réceptacles de microbes est décriée par la plupart. Le mieux est de porter la veste resserrée dans le pantalon et les bas de pantalon serrés pour éviter les fautes dues à son ampleur lors de l’approche d’une zone stérile, mais aussi la dissémination des squames de la partie haute et basse du corps.
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L’entretien des tenues est en général assuré par l’hôpital : par sa propre lingerie ou le système de nettoyage extérieur avec lequel il sous-traite. Cette tenue est complétée par le port de chaussures silencieuses, antidérapantes, ergonomiques, fermées sur le dessus et facilement nettoyables en machine (sabots de type suédois ou en polyuréthane [Allemagne]). Les chaussures de ville sont tolérées dès lors qu’elles sont recouvertes de surchaussures en non-tissé à usage unique dont la semelle est renforcée et imperméable. Le port de bottes en tissu est plus rare (Angleterre) car controversé : bien que plus efficaces sur la dissémination des squames, elles sont plus souillées en fin de journée et d’entretien plus coûteux. Une coiffe enveloppante doit couvrir l’ensemble des cheveux : calot pour les hommes, charlotte pour les femmes. Le port d’une cagoule est recommandé ; elle diminue les surfaces découvertes, notamment la région auriculaire riche en micro-organismes. La coiffe est en textile non tissé ou en tissu imperméable type Ventile ; le port de bonnet de jersey est proscrit car producteur d’un nombre considérable de particules. Un masque doit impérativement être porté lors du lavage chirurgical des mains, en salle de conditionnement et de stockage du matériel stérile et en salle d’opération. Masques en papier sans filtre dits « visiteurs » et masques de tissu n’assurent qu’une protection illusoire et devraient être proscrits. Seul le masque de papier avec filtre est valable. Sa durée d’efficacité est de 3-4 heures. Placé sur la bouche et le nez, il est ajusté au moyen de cordelettes. Il ne doit pas être réutilisé une fois défait ; il doit être jeté immédiatement après usage. Il est parfois muni d’une visière plastique, protégeant l’opérateur des projections intraoculaires. Un pincement du masque au niveau nasal (filet métallique permettant une conformation adaptée) et un relâchement des cordelettes inférieures permettent d’éviter un dépôt de buée sur les protections oculaires de l’opérateur. À noter que certaines dermatites atopiques ont été rapportées au contact de l’armature métallique du masque. De principe, les lunettes font désormais partie de la tenue vestimentaire dans notre spécialité étant donné les risques de projections et le profil des patients pris en charge. Elles peuvent être personnelles à verres correcteurs ou non, ou standards en Plexiglast à branches adaptables (couvrantes avec ailerons latéraux).
• Lavage standard des mains Nous rappelons ici que les ongles doivent être courts et sans vernis. Les mains sont exemptes de bijoux. Obligatoire à la prise du service, le lavage des mains est dit antiseptique ou hygiénique (d’après la nomenclature des normes européennes [16]). Il est réalisé avec un savon détergent (savon doux haute fréquence à la glycérine de type Aniost), selon la méthode d’Ayliffe, accompagné d’un brossage des ongles si besoin. Il dure environ 1 minute et est suivi d’un rinçage de la même durée. Le traitement antiseptique des mains par frictions (toujours d’après la nomenclature des normes européennes) est une méthode uniquement chimique qui a fait la preuve de son efficacité. Il s’agit d’une friction des mains avec un produit antiseptique alcoolique (Sterilliumt) ; le temps, le volume et la fréquence nécessaires sont dictés par le fabricant. Elle agit sur la flore de transit sans agir sur la flore résiduelle. Un séchage complet des mains doit être obtenu. Il est néanmoins conseillé, au bout de quatre-cinq usages, de recourir à un lavage antiseptique classique. En début de service, le lavage des mains élimine les souillures sur les mains du soignant et protège ainsi le soigné. En fin de service, après déshabillage, il protège le soignant et son entourage d’un transfert éventuel de micro-organismes présents sur sa tenue.
• Entretien de l’instrumentation À l’issue d’une intervention, les instruments triés doivent immédiatement subir un traitement qui, en France, consiste en une prédésinfection par immersion. Les instruments sont ensuite lavés, rincés, séchés, contrôlés puis conditionnés et enfin stérilisés ou désinfectés avant d’être stockés [16]. 7
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Dispositif chirurgical
Prédésinfection Elle répond à la prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins (circulaire DGS/DH n° 98-249 du 20 avril 1998). Elle consiste en une immersion complète des instruments triés, désarticulés et ouverts dans une solution détergente-désinfectante répondant aux normes AFNOR NF T 72 pour la bactéricidie, virucidie, fongicidie et la qualité de l’eau. Le degré de dilution, la température (inférieure à 30 °C) et la durée sont précisés par le fabricant. Le bac d’immersion est fermé par un couvercle ; le bain d’immersion est changé après chaque utilisation [14]. Nettoyage Sauf exception, il s’effectue en machine. À noter que tout instrument neuf est revêtu d’un film de protection et lubrifiant pouvant constituer un obstacle à la stérilisation et par conséquent, doit être lavé avant de subir un cycle de stérilisation. Le matériel fragile, les instruments de microchirurgie sont traités à part, souvent aux ultrasons, à une fréquence comprise entre 25 et 50 kHz dans une eau à 40-50 °C, en évitant tout choc. Conditionnement Réalisé rapidement après le lavage pour éviter la recontamination, il comporte l’ensemble des moyens et méthodes par lesquels les instruments peuvent être emballés (selon la pharmacopée française). Il s’agit de sachets, de papier crêpe, de feuille de non-tissé ou de conteneurs en acier inoxydable, en aluminium ou en matériaux composites, selon les normes NF S 90-322. Ils doivent résister à l’agent stérilisant sans le contrecarrer, ne pas s’altérer lors du transport et du stockage, être dotés d’un système de fermeture fiable inviolable et s’ouvrir facilement lors de l’intervention. Stérilisation C’est une activité hospitalière à part entière sous la responsabilité du pharmacien hospitalier [3] . Elle est régie par les normes européennes (AFNOR NF T 72101) et le modèle d’assurance qualité (ISO 9002). Nous ne faisons que citer ici les différents procédés à disposition [3]. – Chaleur humide (autoclave) : il s’agit d’une dénaturation des protéines bactériennes par hydrolyse. Qu’il soit à charge poreuse, ou à déplacement de gravité, c’est le seul moyen reconnu efficace par la circulaire ministérielle n° 100 du 11 décembre 1995 (autoclavage à 134 °C pendant 18 minutes). Température, pression, durée du plateau thermique sont consignés par l’ infirmière de bloc opératoire diplômée d’État qui veille aussi à la siccité parfaite des instruments à leur sortie de l’autoclave. Les instruments caoutchoutés (écarteurs, câbles, moteurs...) sont autoclavés à 121 °C pendant 18 minutes. – Chaleur sèche ou stérilisation par l’oxygène de l’air : il agit par oxydation des protéines bactériennes. Dépassé et peu fiable, il convient de l’abandonner. – Stérilisation par alkylation au gaz d’oxyde d’éthylène (toxicité pour l’utilisateur et le patient, inflammabilité). – Alkylation en enceinte close par gaz de formaldéhyde (toxicité et inflammabilité moindres). – Péroxyde d’hydrogène en phase de gaz plasma obtenu par un champ électromagnétique induit par une onde radio. C’est un procédé innovant permettant de traiter tout le matériel thermosensible sans risque de toxicité. – Méthode industrielle par irradiation de 2,5 Mrad des produits conditionnés dans leurs emballages définitifs et étanches. À noter que la plupart des agents transmissibles non conventionnels (ATNC) sont résistants aux procédés habituels de stérilisation et de désinfection [ 3 ] . Conformément à la circulaire DGS/5C/DHOS/E2/2001/138 du 14 mars 2001, on préfère les procédés d’inactivation dits d’efficacité importante (immersion 1 heure dans l’hypochlorite de sodium, la soude ou autoclavage de 18 minutes à 134 °C), maximale (immersion précédente associée à l’autoclavage sus-cité) ou la destruction contrôlée en cas de haute infectiosité (température supérieure à 800 °C ou pyrolyse). 8
Stomatologie/Odontologie
Ainsi, tout matériel thermosensible non autoclavable utilisé chez un patient atteint de maladie de Creutzfeldt-Jakob doit être incinéré (circulaires DGS/DH n° 100 du 11 décembre 1995, DGS/DPPR n° 292 du 29 mai 2000 et DGS/5C/DHOS/E2/2001/138 du 14 mars 2001 indiquant les précautions à observer face aux risques de transmission de la maladie en milieu chirurgical, selon le type d’acte et du profil du patient) [1, 7, 15].
• Entretien des surfaces et des locaux Le bon niveau d’hygiène est garanti par le respect des techniques d’entretien concernant les locaux et le matériel. Ce dernier passe par un bionettoyage, soit de type A (détersion, rinçage puis désinfection) soit de type B (détersion-désinfection) [11, 14, 16]. Ce bionettoyage peut être entrepris à différents moments : – chaque jour, en début de programme, un dépoussiérage humide des surfaces planes et des sols est réalisé ; – entre deux interventions, le bionettoyage comporte une évacuation des instruments, du linge, des poubelles, des déchets, un balayage humide des salissures, puis un nettoyage des surfaces et des sols (simple dépoussiérage humide en cas de sol propre, lavageséchage en cas de sol souillé). Après une intervention septique, il revient à un bionettoyage de fin de programme avec un minimum de matériel laissé en salle. Après une intervention chez un patient atteint d’une maladie à déclaration obligatoire : il correspond au bionettoyage de fin de programme avec une absence de ventilation de 7 heures ; – en fin de programme, le bionettoyage comporte une sortie et le nettoyage de tous les accessoires mobiles, un bionettoyage du sol, une rentrée de tous les accessoires nettoyés, un arrêt de la ventilation, une désinfection par pulvérisation d’une solution détergente-désinfectante sur tous les murs à hauteur d’homme, le respect d’un temps de repos, une remise en route de la ventilation ; – de façon annuelle, il consiste en un lessivage complet avec décapage-cirage (fermeture du bloc opératoire). Le nom de l’agent responsable du bionettoyage est consigné sur une fiche (nom du patient, date, heure, signature de l’agent). L’entretien du système de ventilation respecte la norme NF S 90 351. Ainsi, une fois par semaine, murs et gaines d’aération sont dépoussiérés par balais télescopiques et aspirateur. L’entretien du circuit d’eau suit la norme ISO 14 644. Les becs sont décontaminés, prédésinfectés, nettoyés et stérilisés de façon quotidienne. Tous les matins, une purge de 30 minutes est imposée aux circuits d’eau, par écoulement libre.
• Traitement et stockage des déchets Un tri des déchets est effectué de façon à séparer les déchets non contaminés, contaminés, piquants et/ou tranchants. On utilise des contenants résistants, de forme et de couleur adaptées, hermétiques, étanches à l’air et aux liquides pour les liquides biologiques (impossible réouverture), contenants rigides et spécifiques (nonouvertures) pour les déchets piquants et tranchants (circulaire DH/DGS n° 554 du 1 septembre 1998). Ces contenants ne sont pas remplis au maximum, sont évacués fermés dès la fin de l’intervention, sauf les contenants spécifiques aux déchets piquants et tranchants qui ne sont évacués qu’une fois par jour. Le local de stockage des déchets est ventilé ou mieux en dépression, à une température adaptée, au mieux réfrigérée. Il comporte des sols et murs lavables, est équipé d’un point d’eau et est nettoyé une fois par jour. Il est facile d’accès avec une évacuation vers l’extérieur. Le stockage des déchets n’excède pas 48 heures, si possible 24 heures.
• Contrôles bactériologiques Ils sont faits, chaque trimestre (jour et heure surprise), sur initiative des instances du bloc opératoire ou de l’hôpital (laboratoire de
Dispositif chirurgical
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Tableau I. – Contrôles des installations. Installation ou équipement
Typologie du contrôle
Organisme ou société habilités
Fréquence
Installations électriques
- Vérifier les installations - Mesure des résistances d’isolement
Apave, Veritas, Socotec, etc
Annuelle
Fluides médicaux
- Vérifier la conformité de l’installation
Apave, CEP, etc
Annuelle
Moyens de lutte contre l’incendie (extracteur, robinet d’incendie armé, clapet, coupe-feu)
- Vérifier le bon fonctionnement des équipements
Knock Out, Général Incendie
Annuelle
Flux laminaire
- Vérifier l’intégrité de l’appareil (comptage de particules, etc...)
Établissements Henry, ATPM, Euroflux, etc
Annuelle
Générateur de rayonnements ionisants
- Vérifier la conformité de l’appareil (mesure d’irradiation) - Respecter les consignes de sécurité et des équipements de protection
Apave, Véritas, Socotec
Tous les 2 ou 3 ans suivant l’âge du générateur
Monte-charge
- Vérifier l’installation dans le cadre des appareils de levage
Apave, Socotec, Véritas, etc
Annuelle
Autoclave
- Vérifier l’installation dans le cadre des appareils à vapeur
Apave, etc
Tous les 18 mois
Tableau II. – Les différents niveaux de maintenance (d’après Thibault. Technologies biomédicales hospitalières, université de technologie de Compiègne, 1996-1997). Niveau
Description
Exemple
Acteur
1
- Réglages simples ou échanges de consommables prévus par le constructeur
- Régler - Nettoyer
Utilisateur
2
- Dépannages par échange standard et opérations préventives simples
- Graisser, lubrifier - Contrôler le bon fonctionnement
Technicien
3
- Déclaration et traçabilité - Réparations par échange de composants et opérations préventives - Identification et diagnostic des pannes
- Analyse, diagnostic de pannes - Réparation, réglage d’appareil etc
Technicien
4
- Travaux importants correctifs ou préventifs sans modification ou reconstruction
- Travaux suite à un diagnostic et pour une expertise
Technicien
5
- Rénovation, reconstruction ou réparations importantes en atelier spécialisé - Remplacement
bactériologie). Il consiste en des prélèvements de l’air, de l’eau, des surfaces, des mains du personnel soignant. Il passe aussi par la vérification systématique et impérative de l’asepsie du stérilisateur à vapeur d’eau (fiche de contrôle bactériologique mentionnant le lot stérilisé, la durée du cycle, les contrôles de couleur toutes les quatre heures). Une évaluation de l’incidence des infections postopératoires peut aussi être intéressante (réseau INCISO). Textes et contrôles réglementaires des locaux Dès la construction et l’installation, le respect des textes réglementaires est impératif. Les moyens de lutte contre l’incendie répondent au règlement de sécurité de l’article MS73, à l’arrêté du 25 juin 1980, au règlement de sécurité de l’article DF8-PE4, et au Code du travail R232-1221. Les générateurs de rayonnements ionisants répondent aux réglementations des décrets du 2 octobre 1986 (art 31), au décret du 18 avril 1988, et à l’arrêté du 2 octobre 1990 (art 1). Le tableau I recense les installations concernées, les organismes habilités et la périodicité de ces contrôles. Maintenance Elle est de plus en plus incluse dans le processus de l’entreprise qui devient donc un acteur réel de la bonne marche du bloc opératoire et du centre hospitalier, par l’intermédiaire de la direction des équipements biomédicaux et des ingénieurs. Il existe deux types de maintenance résumés dans le tableau II: – préventive (niveaux 1 et 4) pour réduire la probabilité de défaillance ou la dégradation d’un service rendu ; – corrective : maintenance effectuée par l’utilisateur en cas de défaillance (niveau 1), intervention curative effectuée par un technicien (niveaux 2 et 3).
Constructeur
Chaque équipement nécessite une maintenance spécifique dictée par l’arrêté du 3 octobre 1995 relatif aux modalités d’utilisation et de contrôle des matériels et dispositifs médicaux assurant les fonctions et actes cités aux articles D712-43 et D712-47 du Code de la santé publique (tableau III). La maintenance du système de ventilation impose ainsi de nettoyer ou changer les préfiltres tous les 6 mois, de contrôler le filtre HEPA tous les ans, de le changer dès la diminution sensible de la vitesse d’écoulement du flux (efficacité inférieure à 99,999 % pour des particules supérieures à 0,3 µm) et de changer le filtre à charbon actif de façon périodique ou après analyse positive des rejets en aval. La maintenance des circuits d’eau passe par un entretien simple et régulier : les préfiltres sont changés tous les 6 mois ou avant en cas de suspicion de non-conformité, les filtres terminaux sont changés toutes les 24 heures. Par ailleurs, selon le type d’auge, électronique ou mécanique, une vérification des différents organes est effectuée au moins une fois par an. Enfin, la qualité de l’eau de l’établissement est vérifiée par analyse bactériologique, trois fois par an, par un laboratoire privé, extérieur. Contrôle de qualité D’après la norme NF EN 150 8402 (management de la qualité et assurance de la qualité), le contrôle qualité a pour objet de « déterminer si les résultats obtenus à un instant « t » d’un processus sont conformes aux exigences spécifiées », donc de définir les performances d’un équipement biomédical selon une périodicité bien définie et préconisée par le constructeur (tableaux II, III). 9
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Tableau III. – Plan de maintenance des équipements. Équipement Éclairage opératoire
Table d’opération
Bistouri électrique
Aspiration et fluides
Domaine d’application
Entretien
- Tout type de chirurgie : de la salle de consultation au bloc opératoire
- Nettoyer la coupole - Tester le fonctionnement normal et le secours (halo, focalisation) - Vérifier et régler toutes les articulations et les ressorts - Contrôler la qualité à l’aide d’un luxmètre et d’une mire
Utilisateur Utilisateur
Journalière Journalière
Technicien
Semestrielle
Technicien
Annuelle
- Nettoyer (sang et produits) - Vérifier les différents mouvements et accessoires - Vérifier périodiquement les pièces en mouvement (jeux) - Resserrer les vis et les écrous
Utilisateur Utilisateur
À chaque utilisation À chaque utilisation
Technicien
Semestrielle
Technicien
Semestrielle
- Vérifier le bon état des câbles HF, des électrodes actives et du câble de l’électrode neutre (plaque) La partie la plus fragile du bistouri électrique est le câble porte-électrode actif qui est soumis à des stérilisations multiples - Essayer l’alarme de la plaque (utiliser des plaques REM) - Contrôler à l’aide d’un testeur la qualité des puissances délivrées en coupe et en coagulation, plus d’autres paramètres
Utilisateur
Avant chaque utilisation
Utilisateur
Avant chaque utilisation
Technicien
Annuelle
- Vérifier les tuyaux et leur bon fonctionnement - Vérifier les installations (détendeur et prise) - Changer les clapets-filtres - S’assurer de la présence d’un aspirateur électrique de secours
Utilisateur
Avant chaque utilisation
Technicien
Annuelle
Technicien
Annuelle
- Vérifier les organes de sécurtié (lunettes, portes, ventilation, alarme) - Maintenance préconisée par le constructeur
Utilisateur
Avant chaque utilisation
Technicien
Annuelle
- Assurer l’immobilisation du patient et l’accessibilité au site opératoire
- Générateur de courant à haute fréquence (HF) qui permet l’hémostase et/ou la section de tissus
- Aspirer des produits liquides ou semi-liquides - Ventiler les patients - Propulser des moteurs
Laser ultrason
- Chirurgie cutanée
Opérateur
Fréquence
Air
- Toute salle sous système de renouvellement d’air
- Test de surpression - Changement des filtres
Utilisateur Technicien
Avant chaque utilisation Annuelle
Eau
- Auges chirurgicales
- Contrôles physiques - Contrôles bactériologiques
Utilisateur Laboratoire
Avant usage Trimestrielle
Garrot
- Compression vasculaire
- Vérifier l’état des tuyaux et brassards - Contrôler les fuites et les pressions
Utilisateur
Avant chaque utilisation
Technicien
Annuelle
Microscope opératoire
- Chirurgie de précision (sutures fines, microanastomoses vasculaires, nerveuses et canalaires
- Nettoyer et désinfecter l’appareil - Nettoyer les lentilles et les optiques - Vérifier et régler les mobilités - Changer les lampes
Utilisateur Utilisateur Technicien Technicien
Avant et après chaque utilisation Avant et après chaque utilisation Annuelle Annuelle
Amplificateur de brillance
- Intervention nécessitant des clichés (ostéosynthèse d’Eckelt, corps étranger, dent intrasinusienne)
- Nettoyer et désinfecter - Contrôler les différents organes et l’état des câbles
Utilisateur Technicien
Avant et après chaque utilisation Annuelle
Dispositifs médicaux d’anesthésie
- Tout dispositif médical concourant à la prise en charge d’un patient en pré-per- et postopératoire
- Contrôler le bon fonctionnement
Utilisateur
- Changement de filtres, valves, etc - Calibrer les capteurs - Remise en service après réparation - Maintenance préventive
Utilisateur Utilisateur Technicien Technicien
Ouverture de salle et avant chaque anesthésie Mensuelle Mensuelle
- Contrôler les fuites et les pressions de dioxyde de carbone au niveau de l’insufflateur - Contrôler le fonctionnement de la lumière froide, de la caméra - Contrôler les débits et les pressions des gaz - Changer la lampe - Vérifier le fonctionnement de la caméra et de l’imprimante
Utilisateur
Avant chaque utilisation
Utilisateur
Avant chaque utilisation
Technicien
Annuelle
Technicien Technicien
Suivant utilisation Annuelle
Ensemble endoscopique
- Toutes investigations endoscopiques
Traçabilité et matériovigilance Le respect des textes réglementaires est devenu de nos jours incontournable. L’évaluation des pratiques de soins des établissements de santé est une étape obligatoire pour l’obtention 10
Suivant utilisation ou annuelle
de l’accréditation (arrêté du 3 octobre 1995 et ordonnance du 24 avril 1996 sur la réforme de la sécurité sociale). Enfin, les textes concernant la matériovigilance (loi n° 94-43 du 18 janvier 1994, loi 95-116 du 4 février 1995, décret n° 95-292 du 16 mars 1995, décret
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Dispositif chirurgical
n° 96-32 du 15 janvier 1996) ont conduit ainsi la direction hospitalière, la DHOS et la DGS à l’émission d’environ deux circulaires par mois, depuis 1996, concernant les dispositifs médicaux. Conformément aux récentes dispositions françaises et européennes, la traçabilité au bloc opératoire passe par l’ établissement d’une fiche d’ouverture de salle d’opération (témoin de la présence et de l’efficience des différents dispositifs médicaux nécessaires) (fig 2) et d’une fiche d’ouverture de stérilisation. Les différents points de la décontamination du mobilier et matéraux sont aussi consignés par écrit sur une fiche de décontamination : étiquette patient, date, salle, intervention, agent soignant hospitalier et infirmière de bloc opératoire diplômée d’État responsable, heure de dépôt et de sortie du bac, conteneurs de matériel utilisés, nom de l’agent ayant réalisé le bionettoyage de la salle. Enfin, il existe une fiche exhaustive de suivi d’intervention (trace de l’intégralité du séjour de l’opéré en salle d’opération). Ces documents doivent être conservés par l’établissement au minimum 20 ans (arrêté du 11 mars 1968, article 3).
¶ Formation, qualification et compétence La formation initiale ou continue est nécessaire et primordiale pour les personnels évoluant au bloc opératoire (utilisateurs, nouveaux agents, responsables de la maintenance, infirmiers, médecinschirurgiens…) : elle garantit la sécurité des patients et du personnel et permet une optimisation des équipements mis à leur disposition [2]. Cette formation se fait de trois façons : – au moment de l’acquisition et de la mise en service des nouveaux équipements (démonstration, manuel de fonctionnement, procédure d’entretien courant) ; – en permanence, par évaluation de l’acquisition des connaissances en fonction du degré d’autonomie à résoudre un problème technique, du nombre d’appels pour assistance, de l’indisponibilité des appareils due à des problèmes d’utilisation ; – par des formations complémentaires spécifiques (exemple : conduction d’autoclave...). La compétence est directement liée à la formation initiale des personnels recrutés, au niveau de leur formation permanente, au tutorat et à l’encadrement dans la structure « bloc opératoire ». Pour la favoriser, lois et décrets précisent les crédits formation (loi n° 90-579 du 4 juillet 1990), la formation continue des agents de la fonction publique hospitalière (décret n° 90-319 du 5 avril 1990), le remboursement du contrat (loi n° 91-73 du 18 janvier 1991) et les modalités de remboursement des frais de formation (décret n° 911301 du 19 décembre 1991).
Conclusion Le chirurgien doit connaître son espace, ses outils de travail et les règles les régissant pour en anticiper les bienfaits et méfaits potentiels et pour mieux comprendre le sens des tâches de ses coéquipiers : son intégration dans le réseau matériel et humain du bloc opératoire n’en sera que
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N° de la salle :
Date :
Heure :
I.D.E/I.B.O.D.E Responsable :
ÉQUIPEMENTS
ÉQUIPEMENTS
ÉCLAIRAGE OPÉRATOIRE
BISTOURI ÉLECTRIQUE
â Coupole â Bras â Halo lumineux â Focalisation â Intensité â Équilibre â Amplitude des bras â Batterie de secours (secteur)
â Câble de secteur â Câble de plaque â Pédale monopolaire et bipolaire
ÉCLAIRAGE AMBIANT
MOBILIER ET SA MOBILITÉ
â Intensité
â Table pont â Table d’instrumentation â Estrade + Baquets â Tabourets â Éléments suspendus
BRAS ÉLECTRIQUE
ENVIRONNEMENT
â Prises
â Surfaces – Verticales – Horizontales
TABLE D’OPÉRATION
POINTS D’EAU
â Socle â Plateau â Mouvement – montée / descente – proclive / déclive â Dispositif de secours (secteur) â Accessoires – rond de tête – fixe cuisses x 2 – gouttière de bras – coussins
â Lavabos â Brosses + antiseptique â Essuie-mains
TRAITEMENT DE L’AIR â Surpression â Température â État des bouches de soufflage
2
Fiche de traçabilité à l’ouverture de salle d’opération.
meilleure. Enfin, toute défaillance de ce dispositif peut avoir de lourds enjeux sanitaires et juridiques remettant en cause la qualité du dispositif chirurgical et du système de soins. Il en va de l’accréditation du dispositif chirurgical qui passe par une procédure externe d’évaluation visant à porter une appréciation de manière indépendante sur les procédures, les bonnes pratiques cliniques et les résultats… et donc sur la qualité globale du dispositif chirurgical (ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996). Lexique AFIBODE : Association française des infirmières de bloc opératoire diplômées d’État AIFIBODE : Association de l’Île-de-France des infirmières de bloc opératoire diplômées d’État AFNOR : Association française de normalisation AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ASH : Agent soignant hospitalier CLIN : Comité de lutte contre les infections nosocomiales DGS : Direction générale de la santé DH : Direction des hôpitaux DHOS : Direction de l’hospitalisation et de l’offre de soins IBODE : Infirmière de bloc opératoire diplômée d’État NF : norme française UNAIBODE : Union nationale des associations d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État
Références ➤
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Stomatologie/Odontologie
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12
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Dispositifs médicaux : aspect légal, directives D. Durand-Viel Le marquage « conformité européenne » (CE) des dispositifs médicaux à partir des années 1990 a constitué une évolution réglementaire fondamentale en Europe, car elle a permis d’harmoniser les règles pour la mise sur le marché de ces dispositifs, à travers la publication des directives européennes correspondantes. Avec plus de dix ans de recul, le nouveau système, même s’il peut être encore amélioré, représente un grand progrès vis-à-vis de la sécurité des patients et des utilisateurs. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Dispositifs médicaux ; Marquage CE ; Mise sur le marché des dispositifs médicaux ; Réglementation européenne sur les dispositifs médicaux ; Matériovigilance
Plan ¶ Historique Situation en Europe jusqu’aux années 1990 Directive sur les dispositifs médicaux implantables actifs Directives sur les dispositifs médicaux et sur les dispositifs de diagnostic in vitro
1 1 1
¶ Autres directives
2
¶ Dispositifs concernés : définitions
2
1
¶ Notion de fabricant
2
¶ Marquage CE Classification des dispositifs et leur destination Comment obtenir le marquage CE ?
2 2 3
¶ Documentation technique Contenu Conformité aux exigences essentielles Rôle des normes harmonisées Analyse des risques Données cliniques
3 3 4 4 4 5
¶ Autorités compétentes et organismes notifiés
5
¶ Matériovigilance
6
¶ Documents MEDDEV et guides d’application
7
¶ Prochains défis
7
■ Historique Situation en Europe jusqu’aux années 1990 Avant l’arrivée des directives européennes sur les dispositifs médicaux, chaque pays en Europe avait mis en place son propre système réglementaire pour assurer le contrôle et la sécurité des dispositifs médicaux mis sur le marché. Le système le plus contraignant était celui de l’homologation française, puisqu’il couvrait environ 120 catégories d’appareils. Les contrôles techniques obligatoires (comportant des essais de sécurité et de performances) étaient confiés par le ministère de la Santé à un laboratoire d’essais, tandis que des essais cliniques devaient être réalisés en complément dans des établissements de soins français. À titre de comparaison, en Allemagne, seulement Stomatologie
17 catégories d’appareils étaient soumises à des contrôles techniques de sécurité obligatoires. Un fabricant qui souhaitait commercialiser son produit en Europe devait effectuer séparément les procédures d’enregistrement dans chacun des pays visés, car il n’y avait aucune reconnaissance d’un pays à l’autre, les exigences et les contrôles n’étant pas harmonisés.
Directive sur les dispositifs médicaux implantables actifs En 1990, la première directive européenne sur les dispositifs médicaux a été publiée, sous la référence 90/385/CEE (20 juin 1990). Elle concernait une gamme très restreinte de dispositifs : principalement les stimulateurs cardiaques implantables et les pompes implantables. Cependant, elle ouvrait la voie à une approche radicalement nouvelle de la réglementation pour la mise sur le marché en Europe ; après l’obtention du marquage CE, tout dispositif pouvait être mis sur le marché dans n’importe quel pays européen. En outre, les règles applicables pour obtenir ce marquage CE étaient homogènes dans tous les pays en Europe.
Directives sur les dispositifs médicaux et sur les dispositifs de diagnostic in vitro Trois ans plus tard paraissait la seconde directive 93/42/CEE, du 14 juin 1993, qui couvrait pratiquement tous les autres dispositifs (du scalpel au scanner), à l’exclusion de ceux destinés au diagnostic in vitro. Elle est entrée en vigueur de façon obligatoire à partir du 14 juin 1998 : depuis cette date, aucun dispositif médical ne peut être mis sur le marché en Europe s’il ne porte pas le marquage CE. Enfin, le 27 octobre 1998, la troisième directive concernant les dispositifs de diagnostic in vitro (98/79/CE) venait compléter la réglementation européenne applicable : à titre d’exemples, les réactifs de laboratoire, mais aussi les automates d’analyse ou les appareils individuels de mesure de la glycémie sont couverts par cette directive. Il faut toutefois noter que ces directives ne sont applicables qu’à travers leurs transpositions nationales dans chaque pays de l’Union européenne.
1
22-091-L-10 ¶ Dispositifs médicaux : aspect légal, directives
■ Autres directives Cinq autres directives ont été publiées ultérieurement, pour couvrir des familles particulières de dispositifs médicaux : • les directives 2000/70/CE et 2001/104/CE sur les dispositifs qui incorporent des dérivés stables du sang ou du plasma humain ; • la directive 2003/12/CE sur les implants mammaires ; • la directive 2003/32/CE sur les dispositifs médicaux fabriqués à partir de tissus d’origine animale ; • la directive 2005/50/CE sur la reclassification des prothèses articulaires de la hanche, du genou et de l’épaule.
■ Dispositifs concernés : définitions La définition d’un dispositif médical selon la directive 93/42/ CEE est donnée en encadré. Elle couvre aussi bien les appareils médicaux que les consommables, qu’ils soient utilisés à des fins diagnostiques ou thérapeutiques, ou même à des fins de modification de l’anatomie ou de maîtrise de la conception. Afin d’établir la frontière avec les médicaments, il a été précisé que l’action principale voulue ne doit pas être obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques, ni par métabolisme.
“
Point important
Définition d’un dispositif médical (directive 93/42/CEE) Tout instrument, appareil, équipement, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, y compris le logiciel nécessaire pour le bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins : • de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie ; • de diagnostic, de contrôle, de traitement, d’atténuation ou de compensation d’une blessure ou d’un handicap ; • d’étude ou de remplacement ou modification de l’anatomie ou d’un processus physiologique ; • de maîtrise de la conception et dont l’action principale voulue dans ou sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens.
Les dispositifs médicaux « actifs » sont ceux qui fonctionnent avec une source d’énergie (électrique ou autre), à l’exception de l’énergie générée par le corps humain ou la pesanteur.
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Point important
Définition d’un dispositif médical actif (directive 90/385/CEE) Tout dispositif médical dépendant pour son fonctionnement d’une source d’énergie électrique ou de toute autre source d’énergie que celle générée directement par le corps humain ou la pesanteur.
Les « dispositifs médicaux implantables actifs » sont les dispositifs actifs conçus pour être implantés en partie ou en totalité dans le corps humain par une intervention, et destinés à rester en place après l’intervention.
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Point important
Définition d’un dispositif médical implantable actif (directive 90/385/CEE) Tout dispositif médical actif qui est conçu pour être implanté en totalité ou en partie, par une intervention chirurgicale ou médicale, dans le corps humain ou, par une intervention médicale, dans un orifice naturel et qui est destiné à rester après l’intervention. Enfin, la définition de « dispositif médical de diagnostic in vitro » est donnée en encadré.
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Point important
Définition d’un dispositif médical de diagnostic in vitro (directive 98/79/CE) Tout dispositif médical qui consiste en un réactif, un produit réactif, un matériau d’étalonnage, un matériau de contrôle, une trousse, un instrument, un appareil, un équipement ou un système, utilisé seul ou en combinaison, destiné par le fabricant à être utilisé in vitro dans l’examen d’échantillons provenant du corps humain, y compris les dons de sang et de tissus, uniquement ou principalement dans le but de fournir une information : • concernant un état physiologique ou pathologique, ou ; • concernant une anomalie congénitale, ou ; • permettant de déterminer la sécurité et la compatibilité avec des receveurs potentiels, ou ; • permettant de contrôler des mesures thérapeutiques.
■ Notion de fabricant Le fabricant au sens des directives sur les dispositifs médicaux est celui qui met son nom sur le produit. En faisant ainsi, il prend la responsabilité de la conformité du produit aux exigences des directives applicables (manifestée par le marquage CE qui est apposé sur le dispositif), même s’il n’a pas lui-même conçu ou fabriqué effectivement ce dispositif. C’est pourquoi le nom et l’adresse du fabricant doivent être apposés de façon claire sur le dispositif, son emballage et sur le mode d’emploi, de même que le marquage CE.
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Point important
Définition du fabricant (directive 93/42/CEE) Personne physique ou morale responsable de la conception, de la fabrication, du conditionnement et de l’étiquetage d’un dispositif en vue de sa mise sur le marché en son propre nom, que ces opérations soient effectuées par cette même personne ou pour son compte par une tierce personne.
■ Marquage CE Classification des dispositifs et leur destination Les dispositifs médicaux ont été classés en quatre classes (numérotées I, IIa, IIb et III) en fonction de leurs risques Stomatologie
Dispositifs médicaux : aspect légal, directives ¶ 22-091-L-10
Figure 1. Directive 93/42/CEE : accès au marquage CE pour les dispositifs de classe I (non stériles et sans fonction de mesurage).
CLASSE I
ANNEXE VII Déclaration CE de conformité
intrinsèques. La classe I correspond aux dispositifs à faible risque (fauteuils roulants, électrodes ECG, etc.), et la classe III au risque le plus élevé (valves cardiaques, dispositifs incorporant un médicament, etc.). Pour classer un dispositif, il faut avant tout en connaître la « destination » telle qu’elle est définie par le fabricant (notices commerciales, mode d’emploi). En effet, les 18 règles de classification (définies dans l’annexe IX de la directive 93/42/ CEE) sont basées sur le mode d’action sur le patient : • dispositif « actif » ou non ; • dispositif « invasif » ou non (par les voies naturelles, ou invasif chirurgicalement) ; • durée d’utilisation (moins de 24 heures, moins de 30 jours, plus de 30 jours) ; • site d’application (système nerveux central, système circulatoire central ou non). Ainsi, un cathéter peut être en classe IIa s’il est destiné par le fabricant à être utilisé par voie périphérique, mais le même cathéter sera en classe III s’il est destiné par le fabricant à être utilisé pour des applications cardiaques. Ce n’est donc pas la nature du dispositif qui permet sa classification, mais sa destination.
Comment obtenir le marquage CE ? Une fois la classe du dispositif déterminée, la voie d’accès au marquage CE peut être choisie. Dans la directive 93/42/CEE, pour les dispositifs médicaux de classe I (non stériles et sans fonction de mesurage), le marquage CE est apposé par le fabricant lui-même, après qu’il a démontré qu’il respecte les « exigences essentielles » dans un dossier appelé « documentation technique » (Fig. 1). Il peut alors établir la « déclaration de conformité » par laquelle il prend la responsabilité de la conformité du produit aux exigences essentielles. Ces documents doivent être accessibles en cas de contrôle des autorités réglementaires. Pour tous les autres dispositifs médicaux (classe I stérile ou classe I avec fonction de mesurage, classes IIa, IIb ou III), l’intervention d’un « organisme notifié » est nécessaire. Plusieurs voies d’accès au marquage CE sont possibles, décrites dans les annexes de la directive correspondante (voir les Figures 2 à 6 pour la directive 93/42/CEE). Dans la plupart des cas, le fabricant doit mettre en place un système d’assurance qualité et demander à un organisme notifié de venir effectuer un audit, afin de vérifier à la fois son système qualité et la conformité de ses produits. Certaines voies d’accès incluent également des essais techniques à effectuer par l’organisme notifié, ou un examen du dossier de conception. Stomatologie
Ce premier audit est suivi chaque année d’un audit de surveillance, et la décision de l’organisme notifié, délivrée initialement, n’est valable que cinq ans au maximum. Le fabricant est libre de sélectionner l’organisme notifié de son choix. La liste des organismes notifiés est accessible sur internet sur le site de la Commission européenne (Tableau 1). Il y a près de 80 organismes notifiés en Europe, mais tous ne sont pas notifiés pour l’ensemble des dispositifs couverts par les directives mentionnées. Chaque pays de l’Union européenne a notifié à Bruxelles un ou plusieurs organismes, qui sont ainsi officiellement agréés pour effectuer les procédures requises par les directives afin de permettre au fabricant d’apposer le marquage CE sur ses produits. Lorsqu’il a fait appel à un organisme notifié et que le résultat est positif, le fabricant émet une « déclaration de conformité » et doit apposer, sur ses dispositifs et sur le mode d’emploi, le marquage CE accompagné d’un numéro à quatre chiffres, qui correspond au numéro d’identification de l’organisme notifié qui est intervenu.
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Point fort
La « déclaration de conformité » est le document par lequel le fabricant engage sa responsabilité sur la conformité d’un dispositif médical vis-à-vis des directives applicables. Il peut être demandé par toute personne qui souhaite vérifier qu’un dispositif médical est bien couvert par le marquage CE.
■ Documentation technique Contenu Pour démontrer la conformité de son dispositif, le fabricant doit établir un dossier appelé « documentation technique ». En réalité, il ne contient pas seulement des informations techniques, puisqu’il doit couvrir les chapitres suivants : • description du dispositif, variantes et accessoires ; • destination et classification ; • plans, schémas et autres données de construction ; • description du processus de fabrication et des contrôles effectués (y compris méthode de stérilisation et sa validation, si applicable) ; • liste des normes appliquées ;
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22-091-L-10 ¶ Dispositifs médicaux : aspect légal, directives
Figure 2. Directive 93/42/CEE : accès au marquage CE pour les dispositifs de classe I avec fonction de mesurage. XXXX : numéro de l’organisme notifié.
CLASSE I avec fonction de mesurage Au choix du fabricant
ANNEXE IV
ANNEXE IV
ANNEXE V
ANNEXE VI
ANNEXE VII
Essais statistiques
Essais des produits (à 100 %)
Assurance qualité en production et contrôle final
Assurance qualité en contrôle final
Déclaration CE de conformité
Surveillance
Surveillance
Annexes limitées aux aspects liés à la conformité du produit aux exigences métrologiques
XXXX
Figure 3. Directive 93/42/CEE : accès au marquage CE pour les dispositifs de classe I stériles. XXXX : numéro de l’organisme notifié.
CLASSE I stérile
Annexe V limitée aux aspects liés à l'obtention et au maintien de l'état stérile
ANNEXE V
ANNEXE VII
Assurance qualité en production et contrôle final
Déclaration CE de conformité
Surveillance
XXXX
• démonstration de la conformité aux exigences essentielles applicables ; • analyse des risques ; • données cliniques ; • étiquetage et documents d’accompagnement (mode d’emploi). Cette « documentation technique » doit être tenue à disposition des autorités réglementaires, avec la « déclaration de conformité » correspondante. Elle est aussi examinée par l’organisme notifié pendant l’audit du fabricant.
Conformité aux exigences essentielles Chaque directive contient une annexe avec la liste des « exigences essentielles » à respecter pour que les dispositifs couverts par cette directive puissent être considérés comme conformes. Tous les risques potentiels sont passés en revue : risques chimiques, physiques, biologiques, infection et contamination microbienne, risques liés aux rayonnements, risques électriques, etc. Il appartient au fabricant de démontrer qu’il a apporté une réponse appropriée pour chaque risque applicable à son dispositif.
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Rôle des normes harmonisées De nombreuses normes proposent des solutions techniques pour répondre aux risques identifiés : par exemple, la norme EN 60601-1 précise les règles de construction, les tests et les critères d’acceptation pour garantir la conformité des appareils électromédicaux vis-à-vis de la sécurité électrique. De même, la norme EN 550 contient les exigences et les mesures à mettre en œuvre afin de garantir la stérilité des produits stérilisés par oxyde d’éthylène. S’il s’agit de normes européennes et si elles sont publiées au journal officiel des Communautés européennes, ces normes sont dites « harmonisées ». La liste actualisée des normes harmonisées pour chaque directive est accessible sur le site internet de la Commission européenne (Tableau 1). La conformité aux normes harmonisées n’est pas obligatoire, mais ces normes apportent la présomption de conformité aux exigences essentielles correspondantes, donc c’est le moyen le plus simple, pour un fabricant, de démontrer qu’il respecte les exigences essentielles qui s’appliquent à son produit.
Analyse des risques Ce document central est destiné à anticiper tous les événements indésirables qui peuvent survenir, depuis la conception Stomatologie
Dispositifs médicaux : aspect légal, directives ¶ 22-091-L-10
CLASSE IIa Au choix du fabricant Au choix du fabricant (*)
ANNEXE II Système complet d'assurance qualité (conception, production, contrôle final) (II.3)
ANNEXE VII
Figure 4. Directive 93/42/CEE : accès au marquage CE pour les dispositifs de classe IIa. XXXX : numéro de l’organisme notifié. (*) Annexe V obligatoire pour les dispositifs stériles.
Déclaration CE de conformité ANNEXE IV
ANNEXE IV
ANNEXE V
ANNEXE VI
Essais statistiques
Essais des produits (à 100 %)
Assurance qualité en production et contrôle final
Assurance qualité en contrôle final
Surveillance
Surveillance
Surveillance
XXXX
Figure 5. Directive 93/42/CEE : accès au marquage CE pour les dispositifs de classe IIb. XXXX : numéro de l’organisme notifié.
CLASSE IIb Au choix ANNEXE III Examen CE de type : (essais effectués par l'organisme notifié) ANNEXE II Au choix Système complet d'assurance qualité (conception, production, contrôle final) (II.3)
ANNEXE IV
ANNEXE IV
ANNEXE V
ANNEXE VI
Essais statistiques
Essais des produits (à 100 %)
Assurance qualité en production et contrôle final
Assurance qualité en contrôle final
Surveillance
Surveillance
Surveillance
XXXX
du produit jusqu’à son élimination, en passant par les risques liés à sa fabrication et à son utilisation. Des mesures de réduction du risque doivent être mises en place afin d’atteindre un niveau de risque acceptable pour toutes les étapes du cycle de vie du produit. L’analyse de risque doit être revue périodiquement après la mise sur le marché du dispositif, en fonction des événements qui surviennent et des informations récoltées sur le terrain.
Données cliniques Le fabricant doit démontrer que les revendications du dispositif vis-à-vis de la sécurité et des performances cliniques sont satisfaites, afin de garantir que les bénéfices du dispositif sont supérieurs aux effets indésirables et aux risques résiduels. Il doit pour cela fournir des « données cliniques », qui peuvent prendre deux formes principales : • examen critique de la littérature disponible sur le dispositif ou sur des produits similaires ; Stomatologie
• ou résultats d’essais cliniques (en particulier lorsqu’il n’existe pas de littérature disponible, ce qui est le cas pour les nouvelles technologies ou les applications médicales innovantes).
■ Autorités compétentes et organismes notifiés Dans chaque pays de l’Union européenne, une « autorité compétente » a été nommée. Il s’agit généralement du ministère de la Santé, ou d’un organisme qui lui est rattaché. La liste des autorités compétentes en Europe est disponible sur le site internet cité dans le Tableau 1. En France, c’est l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qui a été choisie (Tableau 2). L’autorité compétente a pour principales missions de désigner
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22-091-L-10 ¶ Dispositifs médicaux : aspect légal, directives
Figure 6. Directive 93/42/CEE : accès au marquage CE pour les dispositifs de classe III. XXXX : numéro de l’organisme notifié.
CLASSE III Au choix ANNEXE III Examen CE de type : (essais effectués par l'organisme notifié) Au choix
ANNEXE II Système complet d'assurance qualité (II.3) + examen du dossier de conception par l'organisme notifié (II.4)
ANNEXE IV
ANNEXE IV
ANNEXE V
Essais statistiques
Essais des produits (à 100 %)
Assurance qualité en production et contrôle final Surveillance
Surveillance
XXXX
Tableau 1. Adresses internet de l’Union européenne concernant les dispositifs médicaux. Sujet
Adresse internet
Directive 90/385/CEE
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/consleg/1990/L/01990L0385-20031120-fr.pdf
Directive 93/42/CEE
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/consleg/1993/L/01993L0042-20031120-fr.pdf
Directive 93/42/CE révisée (entre en vigueur à partir de 2010)
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1993L0042:20071011:FR:PDF
Directive 98/79/CE
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/1998/l_331/l_33119981207fr00010037.pdf
Normes harmonisées
http://ec.europa.eu/enterprise/newapproach/standardization/harmstds/reflist/meddevic.html
Organismes notifiés
http://ec.europa.eu/enterprise/newapproach/nando/index.cfm?fuseaction=directive.notifiedbody &dir_id=13&type_dir=NO%20CPD&pro_id=99999&prc_id=99999&ann_id=99999&prc_anx=99999
Documents MEDDEV
http://ec.europa.eu/enterprise/medical_devices/meddev/index.htm
Autorités compétentes
http://ec.europa.eu/enterprise/medical_devices/ca/list_ca.htm
Base de données Eudamed
http://ec.europa.eu/idabc/en/document/2256/5637
Tableau 2. Adresse internet de l’autorité compétente française (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), formulaire de déclaration d’incident (matériovigilance) et kit de formation à la matériovigilance. Sujet
Adresse internet
Afssaps
http://agmed.sante.gouv.fr/
Matériovigilance (formulaire de déclaration)
http://www.sante.gouv.fr/cerfa/dispo_med/amaterio20.pdf
Matériovigilance (kit de formation)
http://afssaps.sante.fr/htm/10/dm/form/choix.htm
les organismes notifiés et de vérifier leur fonctionnement, mais aussi d’effectuer la surveillance du marché et de traiter les cas de matériovigilance.
■ Matériovigilance Le système de « matériovigilance » mis en place par les directives sur les dispositifs médicaux a un objectif principal de prévention et d’anticipation. À cet effet, il est obligatoire de signaler sans délai à l’autorité compétente : • non seulement les incidents ayant effectivement entraîné la mort ou une dégradation grave de l’état de santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’un tiers ; • mais aussi les « quasi-incidents » qui auraient pu avoir ces mêmes conséquences, si des circonstances favorables n’avaient pas permis de les éviter ; • en outre, tout rappel de produit effectué pour des raisons techniques ou médicales doit également être signalé.
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Point important
Le fabricant au sens des directives sur les dispositifs médicaux est celui qui met son nom sur le produit, et qui endosse ainsi la responsabilité de sa conformité aux exigences applicables. Le nom et l’adresse du fabricant doivent apparaître sur le produit et sur le mode d’emploi. Si plusieurs noms et adresses apparaissent (par exemple, nom et adresse du distributeur), l’identification du fabricant doit être clairement indiquée.
Ainsi, il devient possible non seulement d’éviter qu’un incident qui s’est déjà produit ne survienne à nouveau sur des Stomatologie
Dispositifs médicaux : aspect légal, directives ¶ 22-091-L-10
de loi, ils sont largement utilisés, car ils explicitent la position officielle de la Commission européenne sur des points aussi sensibles que la classification des dispositifs médicaux, la matériovigilance, l’évaluation des données cliniques ou la démarcation entre les dispositifs médicaux et les médicaments.
dispositifs similaires, mais aussi d’anticiper la survenue d’incidents, dès lors que leur risque d’apparition a été détecté. Le fabricant, mais aussi les médecins, le personnel soignant ou les utilisateurs sont soumis à cette obligation de signalement. En France (et dans plusieurs autres pays de l’Union européenne), l’absence de déclaration est passible d’une peine de prison assortie d’une amende. L’Afssaps traite environ 7 000 déclarations par an, dont plus de 10 % concernent des dossiers jugés « critiques ». Un formulaire CERFA est disponible sur internet pour effectuer les déclarations d’incident ou de risque d’incident (Tableau 2). Il comporte un arbre de décision (p. 2) qui permet de déterminer s’il faut ou non déclarer un incident. L’Afssaps a également mis en ligne un kit de formation à la matériovigilance pour les correspondants de matériovigilance des établissements de santé et des industriels (Tableau 2).
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■ Prochains défis
Point fort
La matériovigilance en France : tout incident, lié à un dispositif médical, ayant entraîné ou susceptible d’avoir entraîné la mort ou une dégradation grave de l’état de santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’un tiers doit faire l’objet d’une déclaration à l’Afssaps. Toute personne qui a connaissance d’un tel incident et qui ne fait pas de déclaration est passible d’une peine de prison de quatre ans et d’une amende de 75 000 Euros.
■ Documents MEDDEV et guides d’application Afin de clarifier certaines exigences des directives sur les dispositifs médicaux, des documents ont été établis et entérinés par la Commission européenne. Ils sont désignés sous l’abréviation MEDDEV (medical devices). La liste des documents MEDDEV en vigueur (près d’une trentaine) est accessible sur le site internet indiqué dans le Tableau 1. Bien qu’ils n’aient pas force
.
Afin d’assurer la communication entre les autorités compétentes en Europe, il est apparu nécessaire de disposer tout d’abord d’une terminologie commune pour désigner les dispositifs médicaux : plusieurs années de travail ont été nécessaires pour constituer une nomenclature unique des dispositifs médicaux appelée global medical device nomenclature (GMDN, http://www.gmdnagency.fr). En complément, une base de données européenne Eudamed (Tableau 1) est en cours de mise en place, afin de permettre aux autorités compétentes d’échanger des informations sur les dispositifs mis sur le marché communautaire, mais aussi sur les cas de matériovigilance. Les retombées de ces deux chantiers devraient se faire sentir dans les prochaines années. En conclusion, les directives européennes sur les dispositifs médicaux ont constitué une avancée considérable vers l’harmonisation des réglementations en Europe. Les futures pistes de progrès à court terme sont : • une meilleure coordination entre les autorités compétentes, leurs exigences et leurs interprétations ; • une meilleure harmonisation entre les pratiques des organismes notifiés. À long terme, l’abolition des différences qui demeurent entre les systèmes de prise en charge permettrait de gommer l’un des derniers obstacles significatifs à la diffusion en Europe des dispositifs médicaux soumis à remboursement, mais il s’agit là d’un défi majeur auquel devront s’attaquer les générations futures.
Pour en savoir plus Guide relatif à la mise en application des directives élaborées sur la base des dispositions de la nouvelle approche et de l’approche globale : http: //ec.europa.eu/enterprise/newapproach/legislation/guide/document/ guidepublicfr.pdf.
D. Durand-Viel, Responsable de l’activité médicale ([email protected]). TÜV Rheinland France, 62 bis avenue Henri Ginoux, 92120 Montrouge, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Durand-Viel D. Dispositifs médicaux : aspect légal, directives. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-091-L-10, 2008.
Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels
Stomatologie
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Autoévaluations
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-326-B-10 (2004)
22-326-B-10
Distraction alvéolaire Y. Benchemam H. Benateau D. Labbé E. Kaluzinski M. Mundreuil P. Sabin J.-F. Compere
Résumé. – La chirurgie préimplantaire s’est enrichie récemment de la technique de distraction alvéolaire. Après avoir rappelé les principales indications et le protocole de distraction alvéolaire, les auteurs insistent sur les problèmes retrouvés durant la distraction et notamment les problèmes de vecteur. Ils présentent enfin quelques cas cliniques. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Bord alvéolaire des maxillaires ; Chirurgie préimplantaire ; Distraction osseuse ostéogénique ; Implants dentaires
Introduction
Historique de la distraction osseuse
Les pertes de substance d’os alvéolaire post-traumatiques ou secondaires à une perte dentaire font appel à de nombreux procédés d’aménagement osseux préimplantaire.
Les premiers cas d’allongement osseux par distraction progressive reviennent aux orthopédistes. C’est à Codivilla, [9] en 1905, que semble revenir la première description d’allongement des membres inférieurs. Mais c’est Ilizarov dans les années 1950 qui révolutionna la technique d’allongement osseux en précisant le concept de l’ostéogenèse par la contrainte en traction (distraction). Il développe un système orthopédique basé sur la capacité de l’os à former un nouveau tissu osseux au niveau d’un defect osseux progressivement allongé, sous des conditions techniques strictes. [10, 11]
Il existe divers procédés de comblement osseux : – la régénération tissulaire guidée utilisant des membranes résorbables ou non résorbables ; les résultas sont limités et imprévisibles ; [1, 2, 3] – le comblement par des biomatériaux (hydroxyapatite) ; ils présentent un risque important de résorption et d’infection ; l’ostéointégration des implants est faible, compliquée parfois de migration des implants ; [4] – la greffe osseuse autologue, très largement utilisée aujourd’hui en chirurgie préimplantaire ; elle est utilisée en apposition (onlay) ou en interposition (inlay) ; d’ossification idéalement membraneuse, elle est le plus souvent prélevée sur la mandibule ou la voûte crânienne en fonction des besoins en volume. Malheureusement, cette technique s’accompagne d’une morbidité potentielle sur le site donneur, d’une résorption du greffon à moyen terme, d’un risque d’infection non négligeable et surtout de difficultés de couverture muqueuse en cas de comblement osseux important. [5, 6, 7, 8] Une nouvelle technique issue du développement récent de la distraction osseuse en chirurgie maxillofaciale est devenue une alternative de choix aux greffes osseuses autologues en chirurgie préimplantaire : il s’agit de la distraction alvéolaire qui, dans de nombreux cas, s’avère être une technique moins invasive, avec des résultats en termes d’augmentation de la crête alvéolaire plus prédictibles.
Y. Benchemam (Chef de clinique-assistant) Adresse e-mail: [email protected] Service de stomatologie, CHU de Saint-Étienne, boulevard Pasteur, 42055 Saint-Étienne cedex 02, France. H. Benateau (Praticien hospitalier universitaire) D. Labbé (Praticien hospitalier) Service de stomatologie, CHU de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen cedex 5, France. E. Kaluzinski (Praticien hospitalier) M. Mundreuil (Praticien hospitalier) Service de stomatologie, CHG de Cherbourg, 46, rue Val-de Saire, BP 208, 50102 Cherbourg cedex, France. P. Sabin (Attaché des hopitaux) J.-F. Compere (Professeur des Universités, praticien hospitalier) Service de stomatologie, CHU de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen cedex 5, Franc.
En 1992, McCarthy [12] introduit la distraction osseuse en chirurgie maxillofaciale et rapporte les cas de trois enfants traités pour des microsomies hémifaciales et d’un enfant porteur d’un syndrome de Nager. Les études de Karp [13] de 1992 ont montré que le processus histologique de formation osseuse après distraction mandibulaire est identique à celui observé sur les os longs. Ortiz-Monasterio [14] en 1995 rapporte l’utilisation de la technique sur 67 cas d’hypoplasie mandibulaire uni- ou bilatérale. La plupart des cas étaient des cas de microsomies hémifaciales ; il y avait aussi des syndromes de Treacher Collins, un syndrome de Robin et des séquelles d’ankylose temporomandibulaire. En 1996, Block [15] parvient expérimentalement chez le chien à augmenter de l’os alvéolaire verticalement, en utilisant la technique de distraction alvéolaire. Le travail inclut une analyse clinique, radiologique et histologique. Deux ans plus tard, il montre chez le chien l’ostéo-intégration d’implants mis en place dans l’os alvéolaire distracté. [16] Depuis, de nombreuses équipes de par le monde ont adopté la distraction osseuse dans leur arsenal thérapeutique et multiplié les indications. McCarthy a développé des distracteurs intra-oraux à l’origine de la conception des différents types de distracteurs alvéolaires actuels. [17] En 1996, Chin et Toth ont pour la première fois utilisé cette technique en chirurgie humaine préimplantaire et présenté cinq cas de distraction alvéolaire suivis de réhabilitation prothétique implantoportée. Il s’agissait de cas de pertes de substance d’os alvéolaire post-traumatiques. Le distracteur utilisé était un distracteur interne « endobuccal ». [18, 19]
Distraction alvéolaire
22-326-B-10
Définition
Stomatologie
On sait également que la pression de ces tissus cicatriciels augmenterait la résorption d’un greffon osseux autologue.
La distraction alvéolaire est définie par l’élévation localisée du rebord alvéolaire par déplacement contrôlé d’un segment d’os alvéolaire mobilisé progressivement selon les principes énoncés par Ilizarov, à savoir l’ostéogenèse par la contrainte en traction. Cette technique est donc utilisée en cas de perte de substance localisée d’os alvéolaire et intéresse l’os alvéolaire aussi bien maxillaire que mandibulaire. Le but de la distraction alvéolaire est la réparation structurale de la crête alvéolaire, dans un but fonctionnel et esthétique. Les principaux avantages par rapport aux autres techniques sont d’éviter la morbidité d’un site donneur de greffe osseuse, de combler le déficit avec un os autogène vascularisé (donc moins de risque de résorption et d’infection), d’adapter l’allongement à la hauteur de la crête alvéolaire désirée, et d’augmenter de façon concomitante le volume du tissu osseux et celui des tissus mous. Ce dernier constitue sûrement l’intérêt principal de la distraction alvéolaire. De la muqueuse vestibulaire est créée et permet d’éviter souvent la réalisation d’une vestibuloplastie secondaire. De la gencive attachée est aussi créée, diminuant les problèmes ultérieurs de péri-implantites. La finalité de cette technique est la réhabilitation prothétique implantoportée. L’application de cette technique est exclusivement intraorale et fait appel à des distracteurs internes.
Indications Les principales indications de la distraction alvéolaire concernent des pertes de substance d’os alvéolaire post-traumatiques et atrophiques par perte dentaire. Il existe d’autres indications plus rares (indications orthodontiques, implants mal positionnés, chirurgie préimplantaire après résection tumorale). PERTES DE SUBSTANCE D’OS ALVÉOLAIRE POST-TRAUMATIQUES
Il s’agit de pertes de substance très fréquentes après fractures alvéolodentaires et concernant surtout les secteurs antérieurs incisivocanins (Fig. 1). Il s’agit des secteurs les plus faciles à distracter car leur accès est plus direct que les secteurs maxillomandibulaires postérieurs. [20] D’ailleurs, les premiers cas de distraction alvéolaire décrits par Chin concernaient des pertes de substance d’os alvéolaire d’origine traumatique. [18] Les cas post-traumatiques sont de très bonnes indications de distraction alvéolaire : la « distraction » des tissus mous permet d’éviter souvent une vestibuloplastie secondaire ; selon certains auteurs, des cicatrices muqueuses post-traumatiques importantes peuvent gêner la distraction et nécessiter une vestibuloplastie secondaire. [21, 22]
PERTES DE SUBSTANCE D’OS ALVÉOLAIRE ATROPHIQUES PAR PERTE DENTAIRE
Après des extractions dentaires ou des pertes dentaires, la crête osseuse alvéolaire s’atrophie rapidement, notamment durant la première année. Le degré de résorption alvéolaire varie selon les patients et semble plus important à l’os alvéolaire mandibulaire qu’à l’os alvéolaire maxillaire. Il existe également une différence notable de résorption alvéolaire entre les hommes et les femmes, phénomène expliqué partiellement par l’ostéoporose apparaissant après la ménopause. [23] En 1988, Cawood et Howell [24] ont étudié des phénomènes de résorption osseuse sur 300 crânes, en prenant trois points de mesure sur le maxillaire et la mandibule. Ils ont proposé une classification en six stades selon le degré de résorption. De plus, il existe une relation significative entre l’ostéo-intégration de l’implant et sa longueur. Les études de Friberg, [25] corroborées par les résultats de Jemt, [26] objectivent une baisse considérable de la stabilité dans le temps des fixtures courtes (7 mm) par rapport aux résultats obtenus avec des implants plus longs (10 mm). En effet, sur une période de 3 ans, les échecs à la mandibule sont sept fois plus fréquents avec des implants courts qu’avec des implants longs. [25] La distraction alvéolaire est une solution préimplantaire dans ces mandibules atrophiques. Cependant, lorsque la résorption osseuse est importante, le nerf alvéolaire inférieur affleure fréquemment le sommet de la crête alvéolaire édentée et représente alors une limite anatomique à la réalisation du procédé. La seule alternative peut être représentée par le déroutement du nerf, qui expose à d’importants risques de troubles sensitifs secondaires. [27] Les techniques d’apposition d’os autologue peuvent présenter le même risque lors de l’ostéosynthèse du greffon. Perdijk et Van Strijen [28, 29, 30] rapportent leur expérience de distraction alvéolaire sur mandibule atrophique. Pour eux, la principale complication à redouter est la fracture de la baguette basilaire qui peut survenir lors de la pose du distracteur ou pendant la distraction. Ils déplorent également des problèmes de vecteurs de distraction plus fréquents avec les distracteurs intraosseux qu’avec les distracteurs sous-muqueux, d’où leur préférence pour ces derniers. Selon Chin, [31] il est également possible de distracter un secteur qui a déjà bénéficié d’une greffe osseuse autologue. DISTRACTION ALVÉOLAIRE APRÈS CHIRURGIE CARCINOLOGIQUE
La chirurgie d’exérèse carcinologique des carcinomes épidermoïdes du plancher buccal peut faire appel à la résection en bloc des tissus mous du plancher et d’un segment dentoalvéolaire (pelvimandibulectomie non interruptrice). Smatt [32] propose dans ces cas une réhabilitation prothétique implantoportée par distraction alvéolaire verticale. Le distracteur proposé par Smatt est constitué d’une vis d’activation centrale maintenue par deux miniplaques et reliée à une prothèse provisoire par laquelle il est possible d’effectuer la distraction quotidienne (LOG II Paraimplant Systemt). Cet appareillage permet le port de prothèse pendant la période d’élongation, notamment en cas de déficit étendu. Aucune équipe n’a pour l’instant rapporté son expérience de distraction alvéolaire sur os « radiothérapé ». IMPLANTS MAL POSITIONNÉS ET DISTRACTION ALVÉOLAIRE MULTIDIRECTIONNELLE
Figure 1 2
Exemple de crête alvéolaire post-traumatique.
Les jeunes patients souffrant d’oligodontie peuvent bénéficier à un âge précoce d’une réhabilitation prothétique implantoportée. Malheureusement, la croissance des maxillaires peut entraîner à l’âge adulte une malposition de ces implants.
Distraction alvéolaire
Stomatologie
Watzek [33, 34] a mis au point un prototype de distracteur alvéolaire permettant des mouvements multidirectionnels dans ces indications précises et a publié huit cas avec déplacement des implants dans une position prothétique favorable. [34] Mommaerts [ 3 5 ] a proposé dans les cas de crête alvéolaire hypoplasique secondaire à des agénésies dentaires une distraction alvéolaire par traction orthodontique sur les dents temporaires dans les segments d’ostéotomie. INDICATIONS ORTHODONTIQUES DE LA DISTRACTION ALVÉOLAIRE
La distraction alvéolaire peut s’appliquer aux dents ankylosées, restées en infraclusion. La traction orthodontique sans ostéotomie préalable échoue dans tous les cas. En revanche, la distraction alvéolaire peut facilement remettre à niveau le plan occlusal en regard de ces béances localisées. Hidding [36] a décrit plusieurs cas de distraction alvéolaire sur dents ankylosées. Cette technique n’est évidemment possible qu’avec des distracteurs sous-muqueux. Shierle [37] a proposé un distracteur exclusivement fixé sur les dents par l’intermédiaire d’un arc orthodontique pour éviter ainsi le risque de lésion radiculaire par les vis de fixation. DISTRACTION ALVÉOLAIRE DANS LES FENTES ALVÉOLAIRES
Le rétablissement de la continuité osseuse et gingivale dans les fentes alvéolaires est indispensable au bon positionnement des dents adjacentes à la fente alvéolaire, à l’obtention d’un environnement parodontal, osseux et gingival satisfaisant sur les plans fonctionnel et esthétique, et enfin à la bonne croissance du secteur prémaxillomaxillaire. La gingivopériostoplastie réalisée dans les cas de fentes alvéolaires larges peut parfois être insuffisante et nécessiter une seconde intervention avec greffe osseuse. Buis et Vazquez [38] ont proposé récemment un distracteur qui permet d’éviter dans ces cas précis une seconde gingivopériostoplastie. En effet, les multiples cicatrices muqueuses représenteraient un obstacle à la réussite d’une seconde greffe osseuse. Compte tenu de l’absence de support osseux, les distracteurs traditionnels ne peuvent être utilisés. Une plaque d’ostéosynthèse positionnée sous la muqueuse des fosses nasales permet l’appui nécessaire à la translation verticale du fragment ascenseur. D’autres équipes ont proposé la fermeture de larges fentes alvéolaires par distraction alvéolaire antéropostérieure. [39] DISTRACTION VERTICALE DES LAMBEAUX LIBRES DE FIBULA
Le lambeau microanastomosé de fibula est un lambeau de choix pour des reconstructions mandibulaires. Les avantages de ce lambeau sont multiples : – grande quantité d’os prélevable ; – une vascularisation double, périostée et endostée ; – un os bicortical de géométrie tridimentionnelle proche d’une mandibule édentée, et donc compatible avec une réhabilitation prothétique implantoportée. [40] Cependant, la hauteur limitée de cet os peut poser certains problèmes au plan prothétique. En effet, il est souvent nécessaire de réaliser des couronnes allongées, inesthétiques, engendrant en outre un rapport couronneracine défavorable qui peut conduire à une surcharge des implants. Certains auteurs ont proposé d’utiliser deux barreaux de péroné superposés, [41] d’autres des greffes osseuses autologues d’apposition [42] afin d’augmenter la hauteur. Nocini [43] puis Chiapasco [44] ont publié deux cas de distraction verticale de lambeaux libres de fibula, 1 an après l’intervention
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initiale, rétablissant une hauteur compatible avec la pose d’implants dans de bonnes conditions anatomiques. CAS PARTICULIER DE LA DISTRACTION HORIZONTALE
Dans un certain nombre de cas de crête alvéolaire atrophique, la hauteur est conservée mais le déficit osseux se fait aux dépens de l’épaisseur de la crête. Ces déficits transversaux peuvent être corrigés par une distraction alvéolaire classique « verticale », jusqu’à une hauteur permettant une régularisation de cette crête atrophique (hypercorrection puis régularisation). Chin [45] a proposé un artifice chirurgical capable, par une distraction verticale, d’augmenter simultanément les dimensions verticales et transversales de la crête alvéolaire. La technique consiste après la réalisation de l’ostéotomie et avant la pose du distracteur à donner au fragment ascenseur un mouvement de rotation de telle sorte que les berges des corticotomies vestibulaires soient espacées de 4 mm et que les berges des corticotomies linguales soient en contact. On obtient ainsi une chambre de régénération osseuse triangulaire avec un vecteur de distraction permettant l’augmentation d’os alvéolaire dans les deux directions voulues. Bernini [46] propose, lui, une distraction de vecteur horizontal à l’aide de distracteur transosseux (OGD y Osteogenic Distractor commercialisé par ACE surgical supply et CAD y commercialisé par Plan 1 Health). Pour ce faire, il est nécessaire de réaliser une corticotomie transversale, complétée par deux corticotomies verticales et une corticotomie horizontale. Gaggl et Schultes [47] ont publié la plus grande série de distraction transversale (sept patients, 14 implants appareillés avec succès). lIs insistent sur les particularités techniques des distractions transversales : – incision muqueuse paracrestale ; – corticotomie transversale ; – distraction quotidienne de 0,35 mm du fait des dimensions réduites du fragment ascenseur.
Différents types de distracteurs Il existe trois grands types de distracteurs alvéolaires : les distracteurs sous-muqueux, les distracteurs trans-osseux et les implants-distracteurs. DISTRACTEURS SOUS-MUQUEUX
Le système TRACK 1,5t (Tissue Regeneration by Alveolar Callus distraction-Köln) commercialisé par Martin Medizintechnik GmBH est un distracteur en titane permettant un allongement maximal de 15 mm. Il est utilisé par Hidding et al. [49] Il est constitué d’un système à vérin relié à des miniplaques d’une largeur de 50 mm permettant une distraction sur un déficit étendu. Ces miniplaques peuvent être coupées si nécessaire, la fixation des miniplaques se faisant à l’aide de vis monocorticales. Le système est fourni avec le tournevis d’activation (1 tour = 0,5 mm). C’est l’un des seuls distracteurs autorisant le transport de fragments porteurs de dents ankylosées. Depuis peu, le système TRACKt s’est enrichi de deux nouveaux distracteurs, le TRACK 1,0t permettant un allongement maximal de 10 mm pour des déficits alvéolaires localisés et le TRACK 2,3t permettant un allongement maximal de 23 mm pour des déficits alvéolaires plus étendus. Nous rappelons que, pour Perdrijk et Van Strijen, [28, 29, 30] il est préférable en cas de déficit alvéolaire étendu maxillaire ou mandibulaire d’utiliser ces distracteurs sous-muqueux. Ils permettent alors un meilleur contrôle du vecteur de distraction par une stabilité accrue (due aux attaches osseuses étendues) et par la possibilité de recourber les miniplaques. Millesi-Schobel [50] préconise dans les cas de déficit alvéolaire étendu mandibulaire un tracé en L inversé afin de ne pas augmenter la 3
Distraction alvéolaire
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hauteur alvéolaire en secteur distal qu’il juge inutile et peu conforme au profil naturel de la crête alvéolaire. Il utilise le même distracteur TRACK t mais complète le tracé par une ostéosynthèse par microplaque au niveau de l’éperon distal du segment ascenseur, afin qu’il ne s’y réalise qu’un mouvement de rotation. Il existe un autre distracteur sous-muqueux semblable au système TRACK t , le système « Verona » t commercialisé par Medicon Instrumente et utilisé par Nocini. [51] DISTRACTEURS TRANSOSSEUX
Le chef de file des distracteurs utilisant une vis centrale transosseuse est le distracteur LEAD Systemt (Leibinger Endosseous Alveolar Distraction system) commercialisé par les laboratoires Leibinger. C’est le distracteur utilisé par Chin, [45, 48] le précurseur de la distraction alvéolaire. Il est constitué d’une vis centrale maintenue par deux miniplaques. Ce système permet une augmentation de volume de l’os alvéolaire dans les sens vertical, horizontal et antéropostérieur. L’inconvénient de cet appareil est l’intégration des plaques dans le cal osseux, celui-ci pouvant être lésé lors de l’ablation du matériel. Par ailleurs, il n’est utilisable qu’en cas de déficit assez localisé. Le GDD.t (Gröningen Distraction Device) commercialisé par Martin Medizintechnik GmBH et utilisé par Raghoebar [52] est constitué d’une vis guide, de deux vis de distraction et de deux extensions. À l’ablation des vis de distraction, ceux-ci sont remplacés par des implants. Ce distracteur est surtout utilisé dans des cas de mandibules atrophiques. Raghoebar [52] rapporte 14 cas avec perte d’un seul implant. Les distracteurs ACE Osteogenic Distractort commercialisés par ACE Surgical Supply et les distracteurs CAD TMt commercialisés par Plan 1 Health sont quasi identiques. Ils comportent une vis centrale télescopique permettant une distraction alvéolaire de bonne qualité de 5 à 10 mm53. Il s’agit de distracteurs ayant un diamètre de 3,75 mm comme les implants dentaires conventionnels. En fin de distraction et après la phase de contention, ils sont remplacés par les implants dentaires. Mc Allister [53] rapporte une série de dix cas avec un recul de 2 ans. Le « Maastricht Distraction screw system »t commercialisé par Medicon et utilisé par Poukens [54] est séduisant par sa simplicité. Il s’agit d’une vis en titane dont la rotation entraîne une translation verticale du segment ascenseur. Ces distracteurs sont utilisés par Poukens dans des cas de mandibule atrophique, les orifices de positionnement des distracteurs étant remplacés à terme par des implants dentaires. Poukens rapporte cinq cas avec mise en place de dix implants au total. IMPLANTS DISTRACTEURS
Le système DISSIS t (Distraction Implant SIS-Trade Inc, Klagenfurt, Austria) associe les qualités techniques d’une vis de distraction et d’un implant dentaire. L’implant distracteur est en titane et disponible en longueur de 7, 9, 11 et 13 mm. Ce système a la particularité de ne nécessiter qu’un seul temps opératoire ; la vis centrale de distraction est remplacée en fin de distraction par des piliers de cicatrisation pendant toute la période de contention, puis par une tête d’implant dentaire au moment de la réhabilitation prothétique. [55, 56, 57] Gaggl rapporte une série de 17 cas avec perte d’un seul implant. [56] Il est évident que le principal avantage de ces implants distracteurs par rapport aux autres distracteurs est l’utilisation d’un appareillage « double emploi » en un temps chirurgical unique. Leur principal problème réside dans le bon positionnement de l’implant en vue de la réhabilitation prothétique ultérieure. CHOIX DU DISTRACTEUR
Une étude comparative entre les distracteurs sous-muqueux et les distracteurs transosseux a été menée par Perdijk et Van Strijen. [28, 29, 30]
Cette étude, portant sur des déficits alvéolaires étendus et notamment des mandibules atrophiques, est en faveur des 4
Stomatologie
distracteurs sous-muqueux. Les inconvénients des distracteurs transosseux rapportés par ces auteurs sont : – la difficulté de positionner les vis transosseuses de distraction de façon parallèle (surtout en cas de déficit étendu) ; – l’instabilité du segment ascenseur par traction des tissus mous pelvibuccaux ; – une hauteur de distraction limitée ou insuffisante du fait des limites même des distracteurs transosseux ; – la difficulté à manipuler plusieurs vis de façon simultanée par les patients.
Protocole de distraction alvéolaire BILAN PRÉOPÉRATOIRE
Il est essentiellement clinique évaluant l’importance du defect alvéolaire à reconstruire, mais le panoramique dentaire voire le denta-scanner peuvent nous donner de précieux renseignements sur la proximité des éléments nobles, notamment le nerf alvéolaire inférieur. TECHNIQUE CHIRURGICALE
Nous rapportons la technique chirurgicale telle que proposée par Chin. [58]
¶ Incision muqueuse On réalise une voie d’abord vestibulaire horizontale sous la gencive attachée, sur toute la longueur de la perte de substance d’os alvéolaire. On réalise alors un décollement sous-périosté jusqu’à la crête alvéolaire à reconstruire (de manière à pouvoir réaliser des ostéotomies verticales) et sur toute la surface osseuse nécessaire à la pose du distracteur. Le plus important est de respecter le périoste lingual ou palatin, garant de la vascularisation du segment ascenseur. Le distracteur est alors fixé temporairement et les sites de corticotomie marqués à la fraise.
¶ Réalisation des ostéotomies La réalisation des ostéotomies est bicorticale, avec évidemment respect du périoste lingual ou palatin. Elle est réalisée après dépose du distracteur, et comprend une ostéotomie horizontale et deux ostéotomies verticales rejoignant la crête alvéolaire. Ces ostéotomies sont réalisées à l’aide de microscies oscillantes ou alternatives. Il est important lors de la réalisation des ostéotomies verticales de pratiquer des ostéotomies dont les axes sont légèrement divergents vers la crête alvéolaire afin de ne pas gêner le mouvement d’ascension. La mobilité du fragment ostéotomisé est vérifiée à l’aide d’un élévateur.
¶ Pose du distracteur Nous décrivons la pose d’un distracteur sous-muqueux type Martin, la technique étant différente avec des distracteurs transosseux. Le distracteur sous-muqueux est mis en place et fixé à l’aide de microvis monocorticales : une miniplaque fixe vers le bord basilaire et la miniplaque mobile solidaire de la vis de distraction sur le fragment ascenseur. Un orifice est réalisé sur la gencive attachée au sommet de la crête alvéolaire pour la sortie de la vis d’activation.
¶ Fermeture muqueuse Une fois le fonctionnement du distracteur vérifié en activant la vis de distraction, la suture muqueuse est réalisée. En fin d’intervention, seule la vis d’activation est extramuqueuse. RYTHME DE DISTRACTION
Le rythme de distraction est variable selon les auteurs, mais il s’effectue globalement avec le même rythme de distraction que pour
Stomatologie
Distraction alvéolaire
l’os basal mandibulaire, c’est-à-dire 1 mm par jour. La plupart des auteurs préconisent une période de latence avec un distracteur statique non actif de 5 à 7 jours. La distraction peut alors commencer sur un rythme de 1 mm par jour en une fois selon Chin [58] ou en deux fois 0,5 mm selon Aldegheri. [59] Cette période de distraction varie entre 7 et 15 jours selon le gain de hauteur désiré d’os alvéolaire. Certains auteurs proposent d’inclure le distracteur à une prothèse provisoire par laquelle il est possible d’effectuer la distraction quotidienne. Cet appareillage permet le port de prothèse pendant la période d’élongation, notamment en cas de déficit étendu. Tous les auteurs s’accordent à dire [58, 60] qu’il faut réaliser une hypercorrection de la hauteur alvéolaire (de 1 à 2 mm) car il y a toujours à la fin de la période de contention une résorption osseuse modérée. SURVEILLANCE DE LA DISTRACTION
La surveillance s’effectue par des clichés rétroalvéolaires ou un panoramique dentaire. Ces clichés ne visualisent pas le cal osseux de distraction qui est à ce stade encore immature, mais visualisent l’élévation progressive du fragment ascenseur et l’absence de complications (fracture du bord basilaire, fracture de plaque, migration de vis). L’évaluation clinique est fondamentale pour surveiller un éventuel problème de vecteur du fragment distracté. Urbani et Consolo [60] proposent une surveillance radiologique tous les 3 jours pendant la période de distraction. PÉRIODE DE CONTENTION ET DE CONSOLIDATION SUIVIE DE L’ABLATION DU DISTRACTEUR
Cette période dure 6 semaines (selon Chin [45]) à 12 semaines (selon Hidding [49]). Il s’agit de la période suffisante pour avoir un cal osseux distracté de qualité satisfaisante. Selon Paranque, [49] le cal osseux est d’une excellente qualité au contrôle tomodensitométrique réalisé à 12 semaines, avec objectivation d’un os de densité 2 selon l’ossification de Lenkholm et Zarb. Par ailleurs, Paranque insiste sur le fait que ces données d’imagerie sont confirmées par les sensations cliniques lors du forage implantaire et par la stabilité des fixtures après leur pose. Consolo [61] a réalisé une étude histologique de l’os néoformé à 40, 60 et 88 jours après la fin de la distraction : – à 40 jours, il retrouve une ostéogenèse dans la portion centrale du cal distracté ; – à 60 jours, il existe une importante formation osseuse dans la totalité du cal avec la présence massive d’os trabéculaire ; – enfin à 88 jours on retrouve un os quasi mature avec un maximum d’os lamellaire. Cette étude confirme le délai raisonnable de 3 mois qu’observent la plupart des auteurs pour décider de l’ablation du distracteur. QUAND FAUT-IL POSER LES IMPLANTS ?
Dans le protocole de distraction alvéolaire, la date la plus controversée est la date de pose des implants dentaires. Les publications les plus anciennes sur la distraction alvéolaire recommandaient un délai supplémentaire de 4 semaines avant la pose des implants dentaires. [49] Hidding [49] et Chin, [45] les chirurgiens ayant les plus grandes séries de distraction alvéolaire, recommandent la pose des implants en même temps que l’ablation du distracteur. Ceci permet l’économie d’un temps opératoire. Les études histologiques de Consolo [61] ont montré la prédominance de l’activité ostéoclastique à partir du 88e jour, d’où la nécessité de poser les implants précocement, et même de les mettre en charge rapidement pour éviter des phénomènes de résorption osseuse. Vereecke [62] et Labbe [63] livrent leur impression clinique positive du comportement de l’os néoformé vis-à-vis de l’implant. Labbe et al. [64] pensent que l’implantation précoce dans un os immature ne gêne pas, voire favorise une ostéo-intégration
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d’excellente qualité. Cela semble aller dans le sens des travaux récents rapportés par Bränemark avec l’implant Novum. [65] Nosaka [66] montre la parfaite ostéo-intégration d’implants mis en place très précocement dans de l’os distracté (étude histologique menée chez l’animal avec pose d’implants à 3 semaines de la fin de la distraction). MISE EN CHARGE DES IMPLANTS
Les délais observés avant la mise en charge des implants sont des délais classiques de 3 à 5 mois, c’est-à-dire les délais nécessaires à l’achèvement de l’ostéo-intégration des implants. Il s’agit des délais habituellement observés par Chin [45] et Hidding. [49] Cependant, Degidi [67] a proposé une mise en charge immédiate des implants. Il s’agit d’un concept relativement récent en implantologie, dont les résultats semblent prometteurs en termes de survie de l’implant. [67] Cette technique diminue l’inconfort de l’édentement du patient sur une longue période. CHOIX DE L’ANESTHÉSIE
L’anesthésie locale, parfois associée à une sédation, est la règle pour Chin [45] et Hidding [49] qui ont les plus grandes séries de distraction alvéolaire. Les auteurs avec une moindre expérience [20, 59] préfèrent réaliser les deux premiers temps opératoires (pose et dépose du distracteur) sous anesthésie générale ; mais cette technique semble tout à fait réalisable en totalité sous anesthésie locale à l’exception des déficits alvéolaires étendus. Tous les auteurs préconisent une antibiothérapie peropératoire et durant la phase de distraction. PROBLÈMES RENCONTRÉS PENDANT LA DISTRACTION
Lors de la distraction alvéolaire, on peut rencontrer des problèmes assez exceptionnels tels que des infections du site de distraction, des fractures de la baguette basilaire ou une consolidation prématurée, mais le principal problème est le problème de vecteur de distraction.
¶ Épisodes infectieux Selon Oda, [68] l’infection est la complication la plus fréquente mais elle est sans gravité ; une antibiothérapie et une bonne hygiène dentaire sont fondamentales durant la période de distraction. En cas de survenue d’une désunion muqueuse ou d’un écoulement purulent dans le site de distraction, une irrigation locale avec un antiseptique associée à l’antibiothérapie doivent facilement résoudre le problème infectieux.
¶ Fractures de la baguette basilaire Elles surviennent surtout en cas de distraction alvéolaire sur mandibule atrophique. Elles nécessitent une ostéosynthèse de la fracture et un report de la distraction après consolidation. [68]
¶ Consolidations prématurées Les consolidations prématurées surviennent en cas de distraction trop lente ou après la réalisation d’une ostéotomie incomplète. Oda [68] en recense un cas. Elles nécessitent, dès le diagnostic, fait une reprise chirurgicale avec nouvelle ostéotomie.
¶ Problème du vecteur de distraction Ce problème est le problème retrouvé par tous les auteurs. [69, 70]. Cette palatoversion ou linguoversion du fragment distracté est très fréquente ; elle résulte de la traction de la fibromuqueuse palatine et des tissus mous pelvilinguaux. Cette linguo- ou palatoversion du fragment ascenceur est imprévisible. Quand elle survient en cours de distraction, il est nécessaire, pour ne pas compromettre la réhabilitation prothétique implantoportée, de la corriger. De nombreuses solutions chirurgicales, orthodontiques et prothétiques ont été proposées. [70] 5
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Distraction alvéolaire
Une pression manuelle sur l’os néoformé (encore souple) réalisée lors d’une ablation précoce du distracteur permet un réalignement du fragment ascenseur sur la crête alvéolaire préexistante. Une contention par gouttière ou ostéosynthèse est alors préconisée. La réalisation après consolidation vicieuse d’une nouvelle ostéotomie est envisageable. [70] Il est également possible lors de la pose du distracteur afin de contre-carrer l’obliquité de la symphyse mandibulaire de fraiser l’os de la corticale externe et d’y loger le distracteur afin de donner une orientation plus verticale au vecteur de distraction. Hidding [49] utilise des distracteurs sous-muqueux et propose de corriger le vecteur de distraction en recourbant les mini-plaques selon l’axe désiré. Herford [70] a proposé quatre solutions orthodontiques en cas de survenue de linguo- ou palatoversion lors de la phase de distraction : – un dispositif multiattache est posé sur les dents adjacentes au site de distraction avec contrôle du vecteur de distraction par un élastique orthodontique relié à la vis de distraction ; il est recommandé de placer les brackets sur un minimum de deux dents de chaque côté du site de distraction afin de ne pas exercer des forces non désirées sur les dents saines adjacentes (mouvement de rotation) ; – un arc orthodontique sécurisé sur les dents adjacentes par des brackets est relié à la vis de distraction par un élastique orthodontique de vestibuloversion ; – l’ascension du fragment distracté est guidée en encerclant la vis de distraction par un arc orthodontique rigide fixé sur les dents adjacentes ; il est fondamental de positionner l’arc orthodontique près du plan occlusal afin de ne pas gêner l’ascension du fragment distracté ; – en cas de distraction alvéolaire étendue sans dents adjacentes permettant d’appliquer les techniques précitées, la distraction selon le vecteur désiré est guidée en incluant la vis de distraction dans une attelle acrylique. Une solution prothétique est également possible avec la réalisation de prothèses implantoportées en porte-à-faux avec des contraintes mécaniques défavorables. Ceci est en accord avec les premières études de Bränemark de réhabilitation implantoportée sur mandibule édentée totale qui comportait des porte-à-faux importants (supérieurs à 1 cm), avec cependant une stabilité dans le temps des implants.
Autres techniques en chirurgie préimplantaire Des techniques de chirurgie préimplantaire alternatives à la distraction alvéolaire ne reconstruisant pas l’os alvéolaire ont été décrites : – la transposition du nerf alvéolaire inférieur (technique lourde et risquée sur le plan sensitif) ; – le placement d’implants courts ou inclinés permettant d’éviter des éléments anatomiques tels que le nerf alvéolaire inférieur ou le sinus maxillaire. Ceci se fait au prix d’un compromis fonctionnel, esthétique ou mécanique aboutissant parfois à la fracture de l’implant, du fait d’un rapport couronne-implant défavorable. La reconstruction alvéolaire apparaît donc comme un préalable indispensable pour retrouver des rapports anatomiques optimisés. Pour ce faire, plusieurs techniques sont à la disposition du chirurgien. EXPANSION CRESTALE AUX OSTÉOTOMES
Il s’agit d’une méthode qui élargit l’alvéole en la fracturant en bois vert pour en augmenter la seule dimension horizontale et qui permet un minimum d’épaisseur crestale afin d’y insérer des implants. [71] 6
Stomatologie RÉGÉNÉRATION TISSULAIRE GUIDÉE
Il s’agit d’un concept permettant d’éviter la croissance et l’invagination des tissus muqueux non ostéogènes dans le site greffé, ainsi que la dispersion des particules greffées par le biais des membranes. Ces membranes résorbables (treillis de Vicrylt) ou non résorbables (Gore-Text ou titane) utilisées en association avec une greffe osseuse, des biomatériaux et des facteurs de croissance osseux (plasma riche en plaquettes) produisent indéniablement une certaine quantité d’os néoformé. Néanmoins, les résultats en termes d’augmentation de la crête alvéolaire sont limités (au maximum 5 mm) et les complications non négligeables (infection). [72] BIOMATÉRIAUX
Ils sont rarement utilisés seuls ; ils sont réputés pour leur importante résorption et les risques importants d’infection. [4] Il s’agit essentiellement de matériaux bioactifs créant des ponts ostéogéniques avec le tissus osseux (phosphates de calcium). GREFFES OSSEUSES AUTOLOGUES
Elles restent actuellement la technique standard pour reconstruire l’os alvéolaire et sont les techniques de choix quand la perte de substance d’os alvéolaire affleure le nerf dentaire inférieur, la distraction alvéolaire étant alors impossible. C’est également dans la zone maxillaire postérieure jouxtant le plancher sinusien que la greffe osseuse autologue devient la technique de choix (sinus lift). [73, 74] Ces greffes sont d’origine soit intraorale (menton, zone rétromolaire, tubérosité maxillaire), soit extraorale (calvariale ou iliaque). [75] Ozaki et Buchman [76] ont montré et comparé le devenir des greffes ectomésenchymateuses (calvarial, mandibulaire) et mésenchymateuse (iliaque), et ont montré la supériorité du greffon d’origine membraneuse par rapport au greffon d’origine enchondrale quant à la maintenance du volume osseux.
Résultats et avenir de la distraction alvéolaire Les deux plus grandes séries cliniques de distraction alvéolaire dans le monde ont été publiées par Hidding [76] et Chin. [49] Ils ont traité à eux deux plus de 300 patients et posé environ 450 implants dentaires. Le gain de hauteur alvéolaire était satisfaisant dans 95 % des cas et la perte d’implants inférieure à 2 % avec un recul allant jusqu’à 6 ans. La distraction alvéolaire semble donc être une technique séduisante en chirurgie préimplantaire en dépit du coût relativement élevé du matériel (1 200 à 1 600 euros). Elle a plusieurs avantages : – permettre l’expansion simultanée de l’os et des tissus mous ; – diminution du délai de mise en charge des implants ; – absence de complications liées au site donneur de greffe osseuse ; – réalisable en ambulatoire sous anesthésie locale. Bianchi [69] a préfiguré l’avenir de la distraction alvéolaire avec des appareils de plus en plus miniaturisés et résorbables, économisant ainsi le second temps opératoire d’ablation du distracteur. Il propose d’agir sur le vecteur dès la phase de distraction. Les champs d’application de la distraction alvéolaire devraient ainsi s’élargir de plus en plus.
Cas cliniques Cas clinique 1 : Alyette D., âgée de 19 ans, victime d’un accident de la voie publique en septembre 1999 avec perte des dents 31, 32 et 33,
Distraction alvéolaire
Stomatologie
Figure 2
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La crête alvéolaire à reconstruire.
Figure 4
Réalisation des ostéotomies.
Figure 5
Pose du distracteur Martint.
Figure 3
Régularisation de la crête afin de distracter un fragment osseux d’épaisseur suffisante.
se présente à notre consultation en septembre 2000 pour un avis prothétique. Nous lui proposons une solution implantoportée avec au préalable une reconstruction de sa crête par distraction alvéolaire (Fig. 2 à Fig. 15). Cas clinique 2 : Benjamin P. est victime à 11 ans d’une chute de sa hauteur avec fracture alvéolodentaire du secteur 31-32, entraînant
secondairement la perte de ces deux dents. Il consulte à 16 ans pour avis prothétique (Fig. 16 à Fig. 28). Cas clinique 3 : Jean G., âgé de 14 ans, est victime en août 1998 d’une chute de vélo. Il présente une fracture symphysaire horizontale associée à une fracture alvéolodentaire de 31 à 43, avec perte de substance du rempart alvéolaire antérieur (Fig. 29 à Fig. 43).
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Distraction alvéolaire
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Figure 6
Stomatologie
Fermeture muqueuse.
Figure 10
Pose de deux implants dans le même temps opératoire.
Figure 11
La crête est rehaussée mais légèrement linguoversée.
Figure 7
Figure 8
Début de la distraction.
Fin de la distraction (j12) avec une légère hypercorrection souhaitée.
Figure 12
Piliers de cicatrisation en place.
Figure 9 3 mois. 8
Fin de la période de contention, lors du temps de dépose du distracteur à
Distraction alvéolaire
Stomatologie
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Figure 17
Ouverture orthodontique de l’espace 31-32 et réalignement.
Figure 13
Ostéo-intégration des implants.
Figure 14
Réalisation d’une prothèse en porte-àfaux pour compenser la linguoversion de la crête reconstruite.
Figure 15
Résultat prothétique satisfaisant sur le plan esthétique.
Figure 18
La crête alvéolaire est très fine sans solution implantaire.
Figure 16
Fermeture de l’espace 31-32 par mésialisation progressive des autres dents.
Figure 19
Reconstruction de la crête par distraction alvéolaire.
9
Distraction alvéolaire
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Stomatologie
Figure 23
Rétroalvéolaire objectivant l’ascension du fragment distracté.
Figure 20
Réalisation des ostéotomies.
Figure 24
Migration linguale du mobile alvéolaire.
Figure 21
Pose du distracteur Martint.
Figure 22
En cours de
distraction.
Figure 25
Pour corriger cette linguoversion, réalisation d’une section de la vis d’activation à sa base, puis traction vestibulaire sur cale de disclusion en fer à cheval (fixée sur les faces triturantes des dents mandibulaires) avec surplomb vestibulaire en regard de la zone à implanter. Une traction progressive par fils d’acier permet un alignement de la crête.
10
Distraction alvéolaire
Stomatologie
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Figure 29
Ostéosynthèse de la fracture symphysaire. Tentative de réimplantation et de contention du secteur 31-43.
Figure 26
Quatre mois après la mise en place des implants, on réalise des couronnes titane-céramique scellées provisoirement sur les faux moignons. Malheureusement, on observe à distance sur le rétroalvéolaire une légère résorption para-implantaire qui nous oblige à desceller les coiffes titane-céramique.
Figure 27
Réalisation de nouvelles prothèses à partir des empreintes de la résorption para-implantaire avec des masques esthétiques en céramique rose.
Figure 28
Figure 30
Après échec de la contention alvéolodentaire et cicatrisation muqueuse, on observe une perte de substance d’os alvéolaire en lame de sabre.
Figure 31
On décide alors de reconstruire la crête par distraction alvéolaire : réalisation des ostéotomies.
Résultat esthétique satisfaisant au sourire.
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Distraction alvéolaire
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Figure 32
Stomatologie
Utilisation d’une microscie alternative.
Figure 33
Pose du distracteur avec au préalable la création d’une logette osseuse pour le distracteur afin de contre-carrer l’obliquité de la symphyse et de permettre un vecteur de distraction plus vertical.
Figure 36
Légère hypercorrection en fin de distraction. Il y a souvent pendant la période de contention une légère résorption osseuse.
Figure 37
Résultat de la distraction alvéolaire : la crête est rehaussée et plus
épaisse.
Figure 34
Fermeture muqueuse. Seule la vis d’activation est extramuqueuse.
Figure 35
12
On observe l’ascension de fragment osseux distracté.
Figure 38
Ablation du distracteur.
Distraction alvéolaire
Stomatologie
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Figure 41
Figure 39
Parfaite ostéo-intégration des implants à 8 mois.
Pose de trois implants dans le même temps opératoire que la dépose du
distracteur.
Figure 42
Piliers de cicatrisation en place.
Figure 40
La crête alvéolaire reconstruite est alignée.
Figure 43
Au dixième mois, réhabilitation prothétique implantoportée transvissée.
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-326-A-10
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Expansion tissulaire au niveau de l’extrémité céphalique
© Elsevier, Paris
B Ricbourg M Léandris
R é s u m é. – L’expansion tissulaire, depuis son introduction en chirurgie réparatrice en 1976, a actuellement acquis sa maturité : son matériel s’est amélioré. Surtout, ses champs d’application se sont élargis et ainsi presque tous les tissus biologiques peuvent bénéficier de la méthode. Parallèlement, les indications opératoires se sont codifiées. Après un exposé des concepts, nous décrivons le matériel employé et le protocole général d’utilisation : il comporte un bilan et une étude préopératoire très soigneux. Le protocole opératoire vient ensuite avec ses différents modes : expansion itérative discontinue lente ou expansion cutanée continue rapide. Les complications bien qu’en diminution sont encore importantes (comprises entre 5 et 10 %) ; les différents moyens de les éviter sont décrits. Une étude topographique des indications en chirurgie maxillofaciale met en exergue les particularités propres à chaque région, soulignant entre autres l’intérêt de l’expansion dans le traitement des pertes de substance du scalp. L’utilisation de l’expansion ou distraction osseuse dans le traitement des malformations craniomaxillofaciales est nouvelle et semble de grand avenir.
Historique
Concept de l’expansion tissulaire
Si l’histoire de l’extension de la peau se superpose à celle des sutures cutanées, l’idée de l’utilisation thérapeutique de l’expansion cutanée par dispositif gonflable provient de l’observation de phénomènes physiologiques et de comportements ethniques. Au plan physiologique, le meilleur exemple d’expansion cutanée est la grossesse. Mais un certain nombre d’événements pathologiques (obésité, hernies et tumeurs sous-cutanées volumineuses) induisent, du fait de leur volume, une adaptation comparable de l’étui cutané. Par ailleurs, certaines peuplades d’Afrique ou d’Asie, dans un souci de mode ou pour satisfaire à certains rites religieux ou sociaux, soumettent certaines parties de leur corps à une distension progressive. C’est le cas par exemple au Tchad ou en Éthiopie, où les femmes placent des plateaux de bois de taille croissante dans leur lèvre inférieure, ou bien chez les Masaï, et les Djaraï en Asie, qui font de même avec leurs lobes d’oreilles. En thérapeutique, les premiers cas rapportés d’expansion tissulaire concernent les allongements de membres (Codivilla en 1905, Magnuson en 1908, Putti en 1928). En 1947, Goni-Moreno propose la technique du pneumopéritoine afin d’expandre la cavité abdominale en préparation à la chirurgie des grandes éventrations. Il faudra attendre 1957, avec Neumann, pour voir la première publication d’expansion cutanée par ballon gonflable dans une reconstruction d’oreille post-traumatique [40]. Enfin en 1976, Radovan réalise et utilise le premier expandeur cutané moderne, afin de réaliser la couverture d’un defect situé au niveau du bras [46].
Si le concept de l’expansion tissulaire remonte à la « nuit des temps », l’utilisation thérapeutique de ce phénomène de distension tissulaire par un autre facteur sous-jacent met en jeu un concept qui n’est pas totalement résolu : en effet, s’agit-il d’une simple distension tissulaire ou d’une réelle production de tissus ? En faveur de la distension tissulaire est la constatation d’un amincissement de l’épaisseur de la paroi tissulaire avec, dans le cas de la peau, la survenue de vergetures témoins d’une véritable fracture cutanée. En faveur de la production tissulaire, on peut citer la constatation d’un excès cutané après une grossesse, après exérèse d’une tumeur sous-cutanée, mais plus encore dans la formation osseuse après fracture suivie de distraction osseuse. Nous avons cherché à rendre compte de façon scientifique de ces phénomènes en réalisant des études scientifiques : les propriétés biomécaniques et circulatoires de la peau ont été étudiées en collaboration avec le service de dermatologie du centre hospitalier universitaire de Besançon (Pr Agache et Pr Humbert). Ce travail a été réalisé chez des patients faisant l’objet d’un protocole d’expansion cutanée. Des examens de la peau ont été pratiqués à j0, j7, j14 et j21 après la pose de la prothèse. Les examens à j0 étaient pratiqués avant la mise en place de la prothèse. Les examens à j7, j14 et j21 ont été réalisés juste avant le gonflage. Les paramètres étudiés étaient la vélocimétrie laser doppler, la perte insensible d’eau, la mesure de l’extension cutanée, la mesure de l’épaisseur cutanée en échographie mode B. Les résultats demandent à être validés par un nombre plus important, mais globalement au cours de l’expansion on constate : – une diminution de l’extension cutanée ; – une augmentation de l’épaisseur cutanée ; – une diminution de la perte insensible en eau ; – une augmentation des valeurs du laser doppler. Quoi qu’il en soit le concept même d’expansion de la peau implique en contrepartie la rétractabilité après ablation de la prothèse sous-cutanée induisant au minimum une tension sur les berges de la suture finale et au minimum une rétraction pouvant infirmer plus ou moins partiellement le gain obtenu.
Bernard Ricbourg : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service. Marc Léandris : Chef de clinique-assistant. Service de chirurgie maxillofaciale et de chirurgie plastique, centre hospitalier universitaire Jean Minjoz, 1, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ricbourg B et Léandris M. Expansion tissulaire au niveau de l’extrémité céphalique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-326-A-10, 1998, 15 p.
22-326-A-10
EXPANSION TISSULAIRE AU NIVEAU DE L’EXTRÉMITÉ CÉPHALIQUE
En ce qui concerne l’éventuelle production tissulaire, avec Andreoletti, Bannerot et Garnier, nous avons cherché à mesurer chez le rat l’index mitotique par prélèvement biospique réalisé de façon itérative après mise en place d’une expansion. La méthode utilisée a été une technique d’immunomarquage par PCNA (proliferating cell nuclear antigen). Il existe une variation significative de l’index mitotique pour le segment de peau expansée mais la quantification s’avère difficile.
Matériel
(fig 1)
Les prothèses d’expansion sont constituées de trois éléments : – la prothèse proprement dite ou « ballon » ; – la tubulure de liaison ; – la valve. Toutes les prothèses d’expansion sur le marché à l’heure actuelle sont en silicone de grade médical. Il en existe une grande variété de taille, forme et volume [35].
Stomatologie
Des contre-incisions peuvent être utilisées, notamment pour le scalp, afin de faciliter l’introduction et l’étalement de la prothèse. On réalise souvent la mise en place au travers de la lésion à traiter si elle est stabilisée (cicatrice ou nævus congénital), sinon dans une zone dissimulée, ou en lisière de la lésion. • Choix de la prothèse et de son emplacement
La prothèse doit toujours être la plus grande et la plus volumineuse possible, si possible 150 % de plus que la surface de la perte de substance à réparer. Les prothèses à paroi fine posent plus de problèmes de mise en place et exposent moins aux plis, par opposition aux prothèses à paroi épaisse, qui sont plus faciles à étaler, mais qui exposent à des plis, et donc à un risque de souffrance cutanée. Dans les cas de pertes de substances complexes, plusieurs ballons peuvent être nécessaires autour de la zone à reconstruire. L’indépendance des cavités de mise en place de chacune des prothèses est conseillée, afin d’éviter le retrait de toutes les prothèses en cas de complication. Certains auteurs cependant disposent les différents ballons dans une seule et même loge, ce qui supprime les adhérences et facilite la mobilisation cutanée en fin d’expansion.
Prothèses
• Choix de la valve
– Formes. De multiples formes standards sont proposées par les fabricants : rectangulaires, rondes, en croissant, ovales, etc, mais il est possible de faire fabriquer des ballons sur mesure, en fonction de la surface et des contours de la zone à traiter, et de la peau disponible. – Parois. Elles sont minces ou épaisses, chacune ayant leurs avantages, les premières formant moins de plis au remplissage, mais étant moins faciles à mettre en place que les secondes. Certaines prothèses présentent un fond plus épais ; d’autres possédaient des pattes d’attache utiles pour la mise en place mais induisant des blessures cutanées ; ces pattes d’attache ont été retirées. La surface est le plus souvent lisse, bien que certains fabricants commercialisent des prothèses à surface texturée (lutte contre la formation de capsule périprothétique, comme pour les prothèses mammaires). – Volume nominal. Il peut varier de 1 à 1 000 cm3 ou plus, en sachant que toute prothèse peut être surgonflée bien au-delà de son volume nominal (jusqu’à sept fois).
La méthode la plus utilisée est la valve interne, à distance, située sur un plan dur, afin de faciliter son repérage. Mais il semble que la valve externe sortant à travers la peau soit une solution de choix en particulier chez l’enfant (évite les injections à travers la peau) ; il faut toutefois que le patient et l’entourage soient coopérants, et qu’une bonne asepsie au niveau de la valve et du point de sortie de la tubulure soit respectée.
Tubulures Faites de silicone souple, elles relient le ballon d’expansion à la valve de remplissage. Leur longueur varie : elles sont le plus souvent munies d’un raccord métallique qui permet de régler leur longueur à la valeur désirée.
Valves de remplissage – Valves internes à distance (placées sous la peau) : leur base est épaisse avec une semelle métallique, et leur dôme est en silicone renforcé. Une tunnelisation sous-cutanée permet de les placer à distance du ballon. – Valves incorporées au sommet du ballon d’expansion. – Valves externes (placées à l’extérieur) : elles présentent des facilités pour le gonflage et ne semblent pas exposer particulièrement aux infections.
Protocole général d’utilisation [29] Bilan préopératoire Il doit permettre d’analyser le terrain, la perte de substance à traiter, afin de choisir le type de prothèse et son emplacement, la voie d’abord, le type de valve, et enfin le type de plastie cutanée qui sera utilisé pour la reconstruction de la peau. • Terrain
Le patient doit être apte physiologiquement et psychologiquement à supporter deux interventions, séparées de plusieurs semaines, habituellement six, de gonflage progressif. L’inconfort et la gêne sociale occasionnés doivent aussi être pris en compte. L’information du patient doit donc être particulièrement complète et là, plus qu’ailleurs, un délai de réflexion doit précéder la décision opératoire. • Perte de substance
Il faudra préciser avec soin ses dimensions, sa topographie, en particulier par rapport aux orifices et aux plis de flexion, ainsi que ses caractères pathologiques (lésion cicatrisée et stable, ou bien infectée, ulcérée). • Choix de la voie d’abord
Elle est le plus souvent courte, radiaire par rapport à la prothèse afin d’éviter toute traction sur la cicatrice, et à distance de la zone d’expansion. page 2
• Choix du type de plastie
Elle tient compte de deux paramètres opposés : optimisation de l’utilisation de la surface cutanée expansée et minimisation cicatricielle. – Glissement : c’est la technique la plus simple, qui permet le plus souvent d’obtenir une bonne couverture de la perte de substance avec un minimum de rançon cicatricielle. – Rotation : la taille du lambeau doit respecter les règles habituelles en chirurgie plastique, en sachant qu’il s’agit ici de l’équivalent d’un lambeau autonomisé. De plus, la capsule périprothétique peut gêner la rotation. – Avancement : leur tracé doit être adapté à la forme convexe de la peau expansée. Différents procédés d’optimisation de l’avancement ont été décrits (« balle de tennis », back-cut...) – Transposition : les précautions sont ici les mêmes que pour les lambeaux de rotation.
Protocole opératoire de mise en place de la prothèse – L’incision va jusqu’au tissu sous-cutané. Le décollement est prudent, débuté aux ciseaux, puis à l’aide de dissecteurs mousses. La taille de la loge doit légèrement dépasser celle de la prothèse qui doit pouvoir s’étaler sans difficulté. Un rinçage abondant de la loge permet d’éliminer les débris sanguins et graisseux et, associé à une compression, d’assurer l’hémostase. Le plus souvent, un drainage par drain de Jost-Redon sera mis en place dès ce stade, car il doit rester à la face profonde de la prothèse. – La mise en place de la prothèse : préalablement vidée de son air et rincée au sérum physiologique, celle-ci est introduite dans le décollement par la voie d’abord. Un enroulement de la prothèse sur elle-même peut faciliter cette introduction. L’étalement de la prothèse dans sa loge doit être parfait, en évitant la constitution de plis, ce qui est facilité par un gonflage de la prothèse de près d’un tiers de son volume nominal. Dans le cas d’une valve interne, un deuxième décollement sera réalisé, afin de placer celle-ci suffisamment à distance de la prothèse, sur un plan dur (aponévrotique ou osseux), ce qui facilite son repérage et évite une bascule de la valve. Il faudra de plus veiller à ce que la tubulure ne chemine pas audessus de la prothèse ou de la valve, et ne décrive pas de coude susceptible de créer des zones d’hyperpression au niveau de la peau sus-jacente. Si l’on place une valve externe, celle-ci doit être tunnellisée pour sortir à distance de la prothèse ; pour cela, on peut utiliser une alêne de Redon, qui est fixée à la tubulure. Un raccord métallique reliant cette tubulure à la valve est alors mis en place à distance de l’orifice de sortie cutanée. Enfin, l’incision est fermée en deux plans.
Remplissage (fig 2) Il débute le plus souvent en peropératoire par l’injection d’une quantité de sérum suffisante pour déplisser la prothèse et pour assurer une compression hémostatique de la loge d’implantation. Plusieurs techniques de remplissage sont utilisées [6].
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• Expansion itérative discontinue lente
C’est la plus couramment utilisée. La première séance de remplissage postopératoire est réalisée plus ou moins précocement en fonction de la voie d’abord : si l’incision est radiaire et à distance, la première injection
pourra être faite dans les jours suivant l’intervention. Si la suture est susceptible d’être mise en tension par le remplissage, il est préférable d’attendre au moins 2 semaines.
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Matériel prothétique A. Vue générale des prothèses. B. Valves sous-cutanées à socle métallique. C. Valves sous-cutanées et valves externes. D. Valve sous-cutanée + prothèse rectangulaire. E. Valve sous-cutanée + prothèse ronde. F. Valve sous-cutanée + prothèse rectangulaire avec pattes d’attache. G. Prothèse à destinée sous-muqueuse mandibulaire.
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Éléments de surveillance du gonflage des prothèses d’expansion Éléments de surveillance clinique L’apparition du blanchiment lors du gonflage, de même que la survenue d’une douleur continue, doivent faire arrêter le gonflage et parfois même retirer quelques millilitres. En effet, le décollement cutané effectué pour mettre en place la prothèse a déconnecté le tissu soulevé de fibre sensitive, et la douleur n’est déclenchée que par une souffrance patente. De même, le blanchiment traduit une difficulté de retour veineux qui, si elle devait se poursuivre, entraînerait une intoxication locale source de nécrose ultérieure.
Éléments de surveillance paraclinique Nous avons tenté de mesurer les pressions intraluminaires, mais les résultats obtenus n’ont pas permis de conclure. L’étude de la pression d’oxygène transcutanée (TcPO 2 ) nous a particulièrement intéressé [18]. La TcPO2 est mesurée par l’intermédiaire d’une électrode chauffée entre 42 et 45 °C. Le capteur mesure 20 mm de diamètre ; il est relié à un analyseur oxymétrique couplé à un thermomètre électrique. La chute de température alliée à une chute de la pression de la TcPO2 de plus de la moitié correspond à une ischémie préjudiciable à la vitalité de la peau expansée. Ce monitorage n’est pas systématique, mais il s’avère très utile dans le cadre de l’expansion continue rapide.
2 Remplissage par sérum physiologique ou eau distillée : aiguille fine intradermique, ponction transcutanée (pour valve sous-cutanée).
Les injections seront réalisées à un rythme hebdomadaire ou bihebdomadaire, par un membre de l’équipe chirurgicale ou par le médecin traitant qui aura été préalablement formé à cette technique. On utilise le plus souvent une aiguille d’un calibre maximal de 25 G en prenant les précautions d’asepsie maximales. Un fascicule sera donné au patient dans un double but : d’une part assurer une meilleure information du procédé chirurgical et d’autre part réaliser une comptabilité précise du volume injecté. L’expansion devra être poursuivie jusqu’à obtention d’un excès cutané permettant une couverture aisée de la perte de substance, en sachant que toutes les prothèses actuelles peuvent sans difficulté être gonflées très largement au-delà de leur volume nominal. Une séquence d’expansion dure en fonction des cas de 1 à 4 mois.
Temps d’ablation de la prothèse et de reconstruction On débute souvent par un surgonflage de la prothèse jusqu’à obtenir un blanchiment cutané. L’incision doit suivre la périphérie de la zone expansée, suivant le tracé du lambeau qui a été planifié. Après ouverture de la peau, la capsule est ouverte au bistouri électrique, afin d’éviter de percer la prothèse qui est retirée. L’ablation de la valve se fait par la même voie, ou bien par une contreincision réalisée en regard de son sommet. La présence d’une capsule périprothétique est constante. L’attitude adoptée vis-à-vis d’elle varie selon les auteurs. En effet, si elle rigidifie la peau sus-jacente, elle induit une hypervascularisation. Ainsi, plusieurs attitudes thérapeutiques sont possibles : – il est possible de la conserver ; – certains l’excisent dans sa totalité, afin d’affiner le lambeau ; – d’autres ne l’excisent que partiellement, sur l’une de ses deux faces, afin de faciliter l’adhérence du lambeau, ou bien à la base du lambeau, afin d’augmenter sa mobilité, surtout si une rotation est envisagée. Ce n’est qu’une fois ces différents temps effectués que l’on peut envisager l’excision de la peau pathologique. En effet, si la peau expansée ne permet pas de recouvrir en totalité la lésion, il ne faudra pas hésiter à en laisser une partie en place. La plastie de recouvrement est réalisée suivant le plan préopératoire, mais doit pouvoir être modifiée en fonction des données constatées pendant l’intervention. Le drainage sous le lambeau est habituel, et les sutures effectuées en deux plans sont soulagées par des bandelettes adhésives.
• Expansion cutanée rapide (fig 3)
L’expansion cutanée rapide (ECR) se déroule au cours de la même hospitalisation. Elle débute dès le premier jour postopératoire. On procède au gonflage une à deux fois par jour pendant 1 à 3 heures selon le temps d’immobilisation supporté par le malade. Les valves des prothèses sont toutes externes, évitant des ponctions transcutanées itératives. L’injection se fait de façon continue après avoir isolé du milieu extérieur par une compresse stérile. L’autre extrémité de la tubulure est vissée sur une seringue de 50 mL placée sur un pousse-seringue électrique couramment utilisé dans les services hospitaliers. La vitesse d’injection est choisie selon la localisation et le volume de la prothèse, puis adaptée au patient (généralement entre 5 et 15 mL/h). La surveillance est constante pour éviter les complications (cf infra). L’hospitalisation est maintenue jusqu’à obtention du volume requis pour la plastie. • Expansion cutanée peropératoire
Certains auteurs ont proposé ce procédé [51]. Nous l’avons essayé à plusieurs reprises sans succès. Nous pensons qu’il s’agit d’une simple distension cutanée liée à l’élasticité de la peau et que bien évidemment cette dernière va se rétracter quasi immédiatement ; bien sûr il ne peut y avoir de production tissulaire. Nous l’avons donc personnellement abandonné.
A 3 Protocole de gonflage pour extension cutanée rapide. A. Pompe électrique. B. Capteur thermosensible de TcPO2. C.Analyseur à expression graphique de la TcPO2.
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Utilisation de la colle biologique Comme nous l’avons vu déjà, la rétractabilité est un des problèmes essentiels venant obérer le résultat escompté. Dans cet esprit, nous avons effectué une étude avec utilisation de colle biologique sous la peau expansée. L’objectif semble avoir été obtenu, avec de surcroît la diminution significative des hématomes postopératoires [48].
Complications
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Une douleur importante lors d’un gonflage signe une souffrance qui impose un dégonflage partiel de la prothèse.
Bradycardie Elle a été décrite lors du gonflage peropératoire d’un ballon d’expansion au niveau du cuir chevelu ; elle est certainement en rapport avec un malaise vagal.
(fig 4)
Bien que le taux des complications de l’expansion cutanée ait nettement diminué, il reste réel. Nous décrirons les complications pouvant survenir à la phase de mise en place, lors de la phase de remplissage et lors de la réalisation de la plastie.
Infection Elle peut être précoce ou survenir à la phase de remplissage. C’est la complication la plus fréquente. Les signes locaux sont patents, avec tension cutanée, œdème, douleurs postopératoires persistantes, liquide d’aspiration louche, parfois rougeur cutanée. Dans ces cas, nous adoptons l’attitude thérapeutique suivante : reprise chirurgicale avec dépôt de la prothèse et prélèvements bactériologiques. La cavité est soigneusement lavée avec une solution antiseptique. Une nouvelle prothèse d’expansion est alors mise en place avec un drainage de gros calibre. Une antibiothérapie sera prescrite et, au besoin, adaptée à l’antibiogramme. Le remplissage ne sera redémarré qu’à la disparition de tous les signes locaux et généraux. Dans un certain nombre de cas, l’infection persiste et il faut déposer la prothèse. La prévention de l’infection repose sur une asepsie rigoureuse lors de la mise en place. L’hémostase et le lavage de la cavité doivent être scrupuleux et accompagnés d’un drainage. L’antibioprophylaxie peropératoire n’est pas systématique mais conseillée. Enfin, les injections de remplissage doivent être réalisées dans des conditions d’asepsie très strictes et cela souligne un des intérêts des valves externes.
Fuites Un dégonflage progressif de la prothèse est le plus souvent dû à une fuite au niveau des points de ponction d’une valve sous-cutanée, d’où, là encore, l’intérêt des valves externes. Une fuite trop importante peut imposer une reprise chirurgicale mais cela est rare. De façon systématique, nous mesurons le volume de la prothèse lors de son ablation et, la plupart du temps, il existe une différence entre le volume retrouvé et celui injecté.
Souffrance cutanée, ulcération, exposition de la prothèse Un gonflage excessif, une irrégularité de la surface de la prothèse ou de la tubulure, peuvent entraîner une souffrance cutanée, qui se manifestera par des douleurs et une rougeur cutanée. Une prothèse mal étalée faisant des plis, zones de compression, peut entraîner un risque d’ulcération cutanée ; cela peut arriver en regard de valves souscutanées ou d’une « coudure » de la tubulure. Cette ulcération évoluera rapidement vers une exposition de la prothèse ; on peut parfois continuer le processus après suture de l’ulcération et dégonflage partiel et transitoire. Ailleurs, devant la persistance de la souffrance cutanée, il est préférable d’arrêter le gonflage et d’utiliser la peau expansée afin de couvrir la plus grande partie de la perte de substance.
Souffrance du sous-sol On a pu décrire parfois des érosions calvariales sous l’implantation de la prothèse [22].
Douleurs postopératoires Elles cèdent en général aux antalgiques simples. Leur persistance est rarement le signe d’un gonflage excessif, mais traduit plus fréquemment l’existence d’un hématome. Celui-ci nécessite d’être évacué parfois à la seringue, avec les difficultés que l’on imagine aisément, mais plus souvent de façon chirurgicale.
Difficultés d’utilisation de la peau expansée Nous avons déjà envisagé la difficulté d’étalement de la peau expansée rendue rigide par la coque périprothétique sous-jacente. 4
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Complications. A. Infection et exposition de la valve souscutanée. B. Exposition de prothèse. C. Nécrose partielle de lambeaux. C1. Séquelles de brûlure avec perte de la voûte du crâne, fin d’expansion, prothèse de 600 mL. C2. Vue peropératoire du lambeau expansé : noter l’étroitesse du pédicule ; il s’agit d’une erreur de concept, en effet le lambeau expansé, compte tenu de la pathologie, n’est pas à pédicule vasculaire mais à vascularisation dermique de type lambeau « au hasard ». C3. Lambeau mis en place ; noter la stase veineuse qui va amener la nécrose.
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Un autre problème tient à la nature du lambeau que l’on va utiliser. En effet, si la prothèse a été glissée dans un plan sous-jacent au fascia superficialis, lame porte-vaisseau, le lambeau expansé sera de type de lambeau à pédicule vasculaire. Il va pouvoir être utilisé en rétrécissant son pédicule de façon à améliorer considérablement sa rotation ou transposition ; l’exemple type est celui du lambeau frontal utilisé en reconstruction du nez (cf infra). Mais, dans la plupart des cas, il n’existe pas de pédicule axé dans la peau expansée, et le lambeau qui va être utilisé sera régit par les lois de la vascularisation dite « au hasard ». C’est dire que le plus souvent seront réalisés des lambeaux de glissement gardant un pédicule large.
Conclusions sur les complications Les premières publications outre-Atlantique des années 1984-1985 rapportaient environ 25 % de complications aboutissant à un échec de la méthode [36]. Avec l’expérience, le pourcentage de complications a sensiblement chuté pour atteindre dans nos séries environ 5 % de complications majeures [49]. Nous entendons par là les complications qui obligent à l’arrêt de la méthode et aboutissant à un état comparable à l’état initial ; même s’ils sont relativement rares, ces échecs sont difficilement vécus par le patient et le chirurgien en raison de la souffrance, de la longueur et de l’inconfort du traitement. C’est ce qui justifie à nos yeux l’utilisation, dans les cas complexes, du monitorage par la TcPO2. Les complications mineures n’entraînent pas l’arrêt du processus et permettent d’aboutir à la réalisation du projet thérapeutique. Elles sont beaucoup plus fréquentes (10 à 15 %). Il faut cependant insister sur la nécessité de la rigueur de l’indication opératoire et de sa réalisation technique.
Étude topographique des indications en chirurgie maxillofaciale Aspects généraux [56] L’extrémité céphalique est un des domaines d’application majeurs de l’expansion tissulaire, en particulier le scalp où l’expansion est devenue souvent irremplaçable. On peut diviser l’extrémité céphalique en plusieurs régions aux caractéristiques cutanées différentes : le scalp, la région frontonasale, la région périorbitaire, et la région cervicojugale. L’expansion sera indiquée lorsqu’il n’est pas possible d’effectuer une fermeture d’un defect, qu’elle soit directe ou par un lambeau local. Son inconvénient est la déformation temporaire induite, surtout visible au niveau du front et de la joue, avec les répercussions psychologiques et socioprofessionnelles que l’on conçoit aisément. Elle présente cependant souvent l’avantage de diminuer la rançon cicatricielle par rapport aux lambeaux classiques, qu’ils soient locorégionaux ou à distance. En outre, elle induit un tissu très bien vascularisé, analogue au tissu qui doit être remplacé. Or, la notion esthétique est ici fondamentale et ainsi le résultat se jugera sur la forme et la fonction, mais aussi sur l’apparence. Il faudra, dans le plan thérapeutique, « voir grand ». On utilise le plus souvent des prothèses rectangulaires, à paroi mince et à base semi-rigide, qu’il faudra toujours surgonfler, car les lambeaux de glissement, le plus souvent utilisés, ont tendance à se rétracter (rotation et transposition sont d’indication plus rare). Les complications semblent plus élevées au niveau des joues et du cou. Enfin, il faut citer différentes voies de recherche actuelles : – l’expansion sous-mucopériostée, mandibulaire ; – l’expansion muqueuse (réparation de perforations septales...) ;
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5 Expansion du scalp. Pathologie : nævus sébacé dégénéré. Protocole opératoire : mise en place de plusieurs prothèses ; au niveau du cuir chevelu il s’agit d’une prothèse rectangulaire de 400 mL ; durée d’expansion : 5 semaines à gonflage bihebdomadaire ; on est amené à interrompre l’expansion en raison d’une exposition de la prothèse ; après l’exérèse, la couverture par le scalp est cependant obtenue. A. Vue antérolatérale du nævus débordant la région frontale. B. Fin de l’expansion (cuir chevelu + front). C. Vue peropératoire après ablation de la prothèse. D. Mise en place du lambeau expansé ; adjonction d’un spray de colle biologique. E. Patiente 3 mois après l’opération.
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– l’expansion des cavités osseuses, en particulier l’orbite, dans un but d’induction de la croissance des structures maxillofaciales hypoplasiques ou absentes (post-traumatique ou iatrogène) ; – l’expansion nerveuse.
Aspects topographiques Expansion du scalp (fig 5, 6, 7) [12, 17, 34, 37, 42, 43] Le scalp est un tissu unique, ne ressemblant à aucun autre, pour lequel l’expansion est devenue la technique de reconstruction de base.
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Depuis 1982, de nombreuses reconstructions d’alopécies ou de pertes de substances traumatiques du scalp ont été publiées. On a également utilisé le procédé à des fins esthétiques de correction de la calvitie. Jusqu’à cette période, en effet, il était impossible de reconstruire les grands defects de cuir chevelu, autrement que par les lambeaux classiques (type Orticochea, Juri, Nataf...), et souvent les résultats étaient partiels. Le scalp est un tissu très tolérant à l’expansion qui est facilitée de surcroît par le plan dur calvarial sous-jacent. Au plan étiologique, les alopécies cicatricielles se répartissent comme suit : – alopécies congénitales (aplasia cutis congenita, cutis verticis gyrata...) [3] ;
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6 Expansion du scalp. Pathologie : nævus pigmentaire géant du cuir chevelu débordant sur la face. Protocole opératoire : mise en place de trois prothèses (cuir chevelu, front, joue). Temps de gonflage : 4 semaines (protocole expansion continue rapide). Pas de complication. Réalisation de la totalité du geste programmé. A. Patiente rasée vue de trois quarts. B. Vue de profil. C. Fin de gonflage. D. Vue peropératoire, deuxième temps. E. Lambeau expansé. F. Ensemble nævique retiré : dimensions : 22 × 12 cm. G. Lambeau en place. H. À distance.
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– alopécies acquises : – post-traumatiques : lacération, avulsion partielle et totale du scalp ; – postchirurgicale : exérèse de tumeurs bénignes ou malignes (nævus sébacé de Jadassohn, nævus nævocellulaire, épithélioma basocellulaire, ...) ; – postbrûlures, surtout thermiques. Plus rarement, brûlures chimiques, électriques, voire irradiations ; – postinfectieuses. Le protocole opératoire est le suivant : la prothèse est généralement mise en place entre galéa et péricrâne. Le gonflage évolue en deux phases, avec une période initiale de résistance relative qui cède en quelques semaines. Il faut faire attention aux zones d’appui sur la valve et l’expandeur, avec leur risque d’ischémie cutanée et de nécrose. Lors du temps de reconstruction il faut veiller à décoller le plus de scalp possible pour faciliter sa redistribution. Il est opportun de reconstituer l’implantation naturelle des cheveux (orientés en avant sur le dessus, et vers le bas, latéralement et en arrière), les incisions sont en biseau pour éviter de léser les follicules et en dents de scie afin de mieux camoufler la cicatrice. L’élargissement cicatriciel est cependant inévitable ; on peut réaliser, à la fermeture, des points d’appui dermocapsulopériostés. Plusieurs points sont importants : – bien planifier l’expansion en fonction du defect à traiter ; – ne pas oublier que la convexité du crâne peut faire sous-estimer les besoins et diminuer l’avancement des lambeaux ; il sera nécessaire de prévoir le plus souvent au moins deux prothèses ; – expandre le plus possible de cuir chevelu restant, en sachant qu’une réparation est réalisable s’il reste au moins 25 % de scalp sain au prix d’un aspect plus clairsemé des cheveux. Dans la mesure du possible, les lambeaux seront tracés axés sur un des pédicules anatomiques du scalp. Dans les cas de larges defects, la prothèse devra être la plus grosse possible, surgonflée, et le lambeau sera taillé à mi-hauteur sur les côtés de celle-ci, pour adopter un compromis entre le meilleur avancement possible et le pédicule le plus large possible ; – les lambeaux de transposition permettent d’utiliser au mieux le capital tissulaire du scalp. De fait, la reconstruction de la ligne frontale antérieure se fera par lambeau temporal à pédicule supérieur expansé, puis transposé en avant, uni- ou bilatéral ; – le lambeau de glissement sera réservé aux alopécies centrales (du vertex et de la couronne) par une expansion bitemporale et occipitale ; – une réexpansion est possible, et souvent nécessaire, dans les grandes alopécies, en attendant au moins 6 mois entre chaque séquence. Le taux de complications est très variable dans la littérature ; pour notre série, il est de 5 % de complications majeures faisant abandonner le procédé. page 8
A. Expansion du scalp. Pathologie en cause : alopécie après brûlure. B. Protocole opératoire : prothèse en croissant ; volume : 160 mL. Durée d’expansion : 6 semaines avec gonflage hebdomadaire. C. Expansion menée à son terme sans complications. D. Résultat : 1 an.
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L’expansion tissulaire du scalp sera à discuter avec l’excision-suture itérative. Celle-ci offre en effet l’avantage indéniable d’être pour le patient beaucoup plus simple et facile à supporter. Son inconvénient est cependant l’élargissement quasi constant de la ligne de suture, annihilant le résultat obtenu temporairement. Sans vouloir entrer dans une polémique, nous pensons qu’il faut schématiquement garder l’excision-suture pour les alopécies réduites (mesurant moins de 3 cm dans leur dimension maximale), mais que l’expansion cutanée seule pourra apporter une solution satisfaisante aux alopécies étendues. En conclusion, l’expansion tissulaire est un outil irremplaçable dans la reconstruction du scalp.
Expansion cutanée de la face et du cou Généralités La face est constituée de plusieurs types de peau, au plan de la pilosité, de la texture, de l’épaisseur, et de la densité en glandes sébacées. Nul n’est besoin d’attendre la fin de la croissance faciale. Les lambeaux expansés gardent un potentiel de croissance chez l’enfant, sans distorsion ni asymétrie faciale en fin de croissance. On doit expandre les unités esthétiques faciales, en veillant à placer les cicatrices finales en bordure de ces unités. Il est très important d’établir un plan thérapeutique ; pour cela, il faut analyser le defect ou l’éventuelle malformation dans sa globalité ; dans ce dernier cas, une anomalie squelettique sous-jacente sera traitée avant de s’intéresser aux parties molles. Le niveau d’expansion est sous-cutané, au-dessus du plan du système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) et donc des filets du nerf facial. La valve sera toujours à distance, en choisissant son site d’implantation de manière à éviter les zones mobiles (cou) ; en effet le risque est d’entraîner des mouvements du tube et de la valve. On évitera également les zones de compression possible (mastoïde). Tous ces risques nous font préférer les valves externes. De toute façon, la prothèse sera la plus grande possible, pour tenter d’avoir un excédent tissulaire entraînant une suture sans tension, évitant l’élargissement cicatriciel ; si celui-ci apparaît, il faudra attendre 1 an pour reprendre la cicatrice. Les lambeaux utilisés seront préférentiellement d’avancement (parfois de transposition), en essayant si possible d’y inclure un axe vasculaire. Deux points importants sont à souligner : – toujours garder à l’esprit les futures zones pileuses lorsque l’on fait cette chirurgie chez le jeune garçon ;
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– tout mettre en œuvre pour éviter les distorsions à type de rétraction, sources d’ectropion de la paupière et de la lèvre inférieures. Pour cela, il faut faire des lambeaux fins et légers (expansion dans le tissu sous-cutané superficiel) et expandre suffisamment pour faire des sutures sans tension ; en cas de tension importante, il ne faut pas hésiter à rajouter une greffe de peau totale. Il est intéressant d’amarrer le lambeau en profondeur, au périoste ou aux éléments musculoaponévrotiques, pour diminuer la tension sur les sutures et prévenir la rétraction et la chute gravitationnelle. Enfin, il faudra préférer si possible l’expansion horizontale, car les lambeaux expansés avancés verticalement favorisent l’ectropion orificiel. Quoi qu’il en soit, l’expansion en matière de reconstruction faciale ne se substitue pas toujours aux procédés conventionnels, et les lambeaux locaux gardent toute leur place dans la réparation des petites pertes de substance ; pour les defects plus importants, l’expansion tissulaire doit faire partie de l’arsenal thérapeutique. A
Expansion du front (fig 8) [26]
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Le front est situé à la jonction entre le scalp chevelu et les parties molles de la face. Sa peau est de coloration et de texture semblables à celles du nez. L’utilisation de lambeaux frontaux expansés est possible pour reconstruire le front lui-même mais aussi dans certaines rhinopoïèses.
Réparation frontale (fig 8) [26] Le front représente une surface grossièrement rectangulaire limitée par la ligne d’implantation du cuir chevelu en haut et latéralement ; en bas, les sourcils sont séparés par une zone médiane : la glabelle. Outre les constituants habituels de la peau, se trouve le muscle frontal occupant les deux tiers médiaux du front ; le vieillissement est marqué par la fonte du tissu sous-cutané ayant pour conséquence l’apparition de rides. Le muscle frontal s’unit par une large et solide aponévrose (galéa) au muscle occipital ; il est large, mince, quadrilatère. Malgré la communauté des fibres médianes, il y a bien deux muscles distincts ainsi que le montre leur innervation par un rameau facial droit et gauche. Un dédoublement de la galéa engaine le muscle et lui fournit sur ses deux faces un feuillet lamelleux. Par sa face antérieure, le frontal adhère intimement à la peau et rend sa dissection très difficile ; au contraire, sa face postérieure ou profonde glisse sur le périoste dont elle est séparée par un espace celluleux aisément décollable (espace de Merckel). Les pédicules supraorbitaires et supratrochléaires situés d’abord contre l’os à leur émergence orbitaire ne tardent pas à se bifurquer en branches principales cutanées cheminant entre peau et muscle frontal, et en branches accessoires périostées peu volumineuses. La peau frontale est le meilleur tissu pour réparer une perte de substance frontale, qu’elle soit cicatricielle ou faisant suite à l’exérèse d’une tumeur bénigne, d’un nævus congénital par exemple. La mise en place de l’expandeur prête à discussion. En effet, le plan d’insertion de la prothèse d’expansion doit être choisi en fonction de la finalité du lambeau : – soit il s’agit de la réparation d’une lésion occupant toute l’épaisseur (traumatique ou chirurgicale), la prothèse est alors glissée dans l’espace de Merckel, en arrière du muscle ; l’introduction est facile, peu hémorragique ; l’expansion sera lente mais sûre. La peau expansée va pouvoir être utilisée pour un lambeau de transposition à pédicule vasculaire ; un exemple typique sera celui du lambeau frontal utilisé dans les rhinopoïèses ; – soit il s’agit d’une lésion superficielle et l’introduction de la prothèse sera au mieux prémusculaire ; la dissection sera difficile et hémorragique ; l’expansion sera plus rapide mais on devra observer une grande prudence. Le lambeau expansé sera à vascularisation dite aléatoire et de type glissement ou rotation. Un point intéressant est la conservation à coup sûr de la mobilité frontale. Inversement, en cas de greffe de peau adhérente au périoste se traduisant par une zone figée et inexpressive, le remplacement de cette dernière par un lambeau expansé par une prothèse sous-jacente au muscle permettra éventuellement de restaurer une mimique frontale. Un defect frontal médian ou paramédian sera au mieux couvert par deux expandeurs placés de part et d’autre avec création de deux lambeaux d’avancement (incisions le long de la ligne d’implantation capillaire et le long du bord supérieur du sourcil). Un defect frontal plus latéralisé peut être reconstruit par expansion frontale, plus ou moins associé à une expansion en région parotidienne si le defect est fronto-temporo-zygomatique. Une expansion médiofrontale axée sur le pédicule supratrochléaire peut même être réalisée avec un lambeau plus ou moins oblique pour couvrir ce type de perte de substance. L’expansion permet de reconstruire jusqu’à 50 % de la surface du front, et on a même pu « resurfacer » la totalité du front par rotation de deux lambeaux temporaux expansés ; quoi qu’il en soit, il faut penser en termes de sousunités esthétiques et ne pas hésiter à totaliser une perte de substance frontale subtotale pour éviter l’effet patch d’une reconstruction trop partielle.
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Expansion du front. Pathologie en cause : cicatrice. Protocole opératoire : mise en place d’une prothèse frontale de 100 mL. Gonflage bihebdomadaire : 150 mL. Pas de complication : obtention du résultat projeté. A. Vue de face. B. Fin de gonflage profil. C. Fin de gonflage vue inférieure. D. Fin de gonflage vue antérieure. E. Vue peropératoire : vue expansée. F. Lambeau : mise en place. Résultat précoce.
Reconstruction nasale [2, 47] Les lambeaux frontaux axés sur le pédicule supratrochléaire font partie de l’arsenal thérapeutique des pertes de substance nasale. L’expansion du lambeau frontal est une bonne solution pour une reconstruction totale ou subtotale du nez pour amputation traumatique, noma, page 9
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hypoplasie ou aplasie congénitale. Il faut que la peau du front soit indemne de cicatrice. La fermeture directe du site donneur frontal minimise la rançon cicatricielle. L’avantage de la technique est la création d’un lambeau bien vascularisé et suffisamment large et fin pour assurer sa plicature, nécessaire à la reconstruction apico-columello-alaire. Trois temps opératoires sont nécessaires s’il faut repositionner le pédicule du lambeau. Le lambeau frontal utilisé est médian ou paramédian, vertical ou plus ou moins oblique. Il ne faut pas hésiter à agrandir un defect nasal pour reconstruire une unité esthétique, avec une rançon cicatricielle moins visible. Il faudra toujours bien avertir le patient de l’aspect inesthétique, long et inconfortable de cette expansion. La douleur est fréquente et il faudra utiliser de petits volumes de remplissage. Une résorption osseuse sous l’expandeur est possible chez l’enfant.
pour projeter, maintenir les plans latéraux, évitant la rétraction sous la pression de la cicatrisation du lambeau et l’aplatissement-ascension du nez reconstruit.
• Aspects techniques
Survie des greffes osseuses sous les lambeaux expansés [28]
La mise en place de la prothèse se fait par une petite incision coronale en arrière de la ligne d’implantation capillaire, à au moins 4 cm de l’expandeur, ce qui diminue les risques de désunion. L’expandeur utilisé est hémisphérique ou rectangulaire, d’un volume de 100 à 250 cm3, voire plus pour une rhinopoïèse totale. La valve est toujours à distance. L’expansion cutanée permet donc de réaliser une rhinopoïèse totale par lambeau frontal, avec un tissu de qualité et en quantité suffisante pour assurer une couverture cutanée et une doublure muqueuse, tout en assurant une fermeture du site donneur frontal, tout cela même lorsque le front est court. Il est certes aussi possible de réaliser secondairement une expansion du front pour traiter la cicatrice de la zone donneuse. Une autre possibilité est d’expanser la peau située de part et d’autre du lambeau lui-même, ce qui permet de fermer le site donneur, sans risquer d’augmenter la rétractabitilité du lambeau lui-même. Le lambeau expansé permet, par plicature distale, la reconstruction de la columelle et des ailes du nez, mais il est primordial, pour éviter une rétraction postopératoire (sténose narinaire, recul de la pointe, ensellure), de bien reconstituer le support squelettique et la doublure muqueuse ; dans tous les cas, il faut respecter les résidus existants. L’armature sera réalisée en matériau autologue (os pariétal pour le dorsum, cartilage de conque pour les alaires),
Les autogreffes osseuses d’apposition sont souvent utilisées pour restaurer les contours faciaux, notamment au niveau du nez, nous venons de le voir. Mais ces greffons se résorbent toujours plus ou moins, la calvaria à un moindre degré que l’os iliaque. De cette résorption et du remodelage osseux va dépendre le résultat final. Les facteurs entrant en jeu sont les forces s’appliquant sur la greffe, la surface de contact avec l’os du site receveur et la vascularisation du lit receveur. L’expansion augmente la vascularisation cutanée, et Argenta postula très tôt [4] que l’intégration des greffes osseuses devait être plus rapide sous de la peau expansée. Cela semble vérifié en particulier par une étude chez le lapin, qui a montré une revascularisation plus rapide des greffes d’apposition osseuse sous un lambeau expansé, avec une survie meilleure si la greffe est différée de 2 semaines après l’ablation de l’expandeur.
Expansion du nez (fig 9) [23] L’expansion des parties molles nasales est rarement pratiquée, mais possible ; n’est concernée que la partie supérieure du nez en regard des os propres et dans les régions glabellaires. L’expansion facilite un lambeau de type Rieger Marchac. Dans certaines anomalies congénitales avec hypoplasie nasale comme dans le cas du syndrome de Binder ou dysplasie maxillonasale, l’expansion va permettre d’insérer un greffon osseux autologue sous les téguments défectueux.
Expansion cervicojugale (fig 10, 11, 12) Elle est surtout indiquée pour traiter des séquelles de brûlure cervicale antérieure ou faciale, et des tumeurs bénignes de la face, à type de nævus et malformations vasculaires à distribution trigéminée. L’expansion tend à remplacer avec succès les greffes de peau totale dans ces indications. L’expansion jugale servira à reconstruire les régions centrale et inférieure de la face. 9 Rhinopoïèse par expansion frontale. Pathologie en cause : radiodermite dégénérée. Protocole opératoire : mise en place d’une prothèse ronde de 400 mL. Gonflage bihebdomadaire : 380 mL. Complications : douleur, exposition de la valve. Expansion menée à son terme et rhinopoïèse réalisée. A. Vue peropératoire (premier temps) : noter la radiodermite nasale et le site d’implantation frontal. B. Exérèse (elle sera complétée ultérieurement). C. Fin de gonflage. D. Dessin du lambeau expansé. E. Mise en place du lambeau. F. Le même malade 6 mois après.
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L’expansion cervicale permettra de reconstruire aussi bien le cou lui-même que la région faciale inférieure, ces deux zones pouvant aussi être traitées par une expansion scapulaire et thoracique antérieure. Les complications, surtout à type d’infection et d’exposition de prothèse, semblent plus fréquentes ici qu’ailleurs. Un phénomène lié à cette localisation semble difficile à éviter : c’est l’accumulation du liquide de gonflage vers la partie déclive de l’expandeur, avec tendance à une descente de celui-ci, et expansion plus importante dans la partie caudale. Ce phénomène est responsable de la formation de plis le long des barrières naturelles constituées par le rebord mandibulaire et la clavicule, avec risque d’érosion cutanée et donc d’exposition de la prothèse. Le même risque peut émaner de la formation de boucles du tuyau de remplissage sur ces zones, ou d’une compression cutanée par une valve en position cervicale. Il faudra éviter si possible de décoller la région cutanée située sur la clavicule ou le rebord mandibulaire. Le plan de dissection et de mise en place de l’expandeur sera de préférence sous-platysmal si l’expansion cervicale est faite pour reconstruire le cou. Si, en revanche, on désire resurfacer la face, la dissection sera préplatysmale pour une expansion cervicale et au-dessus du SMAS pour une expansion jugale. Il faut toujours surgonfler pour obtenir un excès cutané initial, car la rétraction secondaire risque d’entraîner un ectropion palpébral ou labial inférieur.
10 Expansion du cou. Pathologie en cause : séquelle et brûlure. Protocole opératoire : mise en place de deux prothèses (droite et gauche) mesurant 160 mL rectangulaires. Gonflage bihebdomadaire. Complication : douleur. Expansion menée à son terme. Résultat incomplet. A. Vue antéro-inférieure droite. B. Profil gauche. C. Prothèse : fin de gonflage. D, E. Résultat.
D’emblée, soulignons que le rebord mandibulaire constitue un obstacle difficile à franchir et que ces lambeaux d’avancement cervical vers le haut ne permettent pas de gagner beaucoup de peau, en tout cas moins qu’on pourrait le croire, d’autant plus que la région sous-mandibulaire est concave. Ces lambeaux expansés cervicaux viendront cependant réparer l’étage inférieur de la face (médian et latéral). En cas de lésion étendue de la joue, une reconstruction de l’unité esthétique jugale sera assurée par un grand lambeau cervicofacial expansé, souvent grâce à une expansion itérative qui amènera tout d’abord de la peau saine devant l’oreille ; une expansion secondaire permettra d’amener cette peau vers l’avant. Il faut respecter la branche mandibulaire du nerf facial, qui est hors de danger si on reste dans un plan strictement sous-cutané. L’angle cervicomentonnier devra être redessiné en suspendant le lambeau au plan profond, pour éviter l’élargissement cicatriciel et la distorsion des orifices par tension sur les lignes de suture. Le risque de rétraction secondaire est constant et le port d’un collier cervical mousse est de rigueur pendant plusieurs semaines. Enfin, il faut toujours penser chez l’enfant aux futures zones pileuses qu’il ne faudra pas perturber, ou restaurer si possible le cas échéant.
Expansion cervicale à destinée cervicale
Chaque fois qu’il reste de la peau jugale saine, il vaut mieux l’expanser plutôt que de réaliser une expansion cervicale à destinée jugale, car un lambeau d’avancement horizontal donne de meilleurs résultats qu’un lambeau d’avancement vertical. On utilisera de préférence la région parotidienne ou paramandibulaire ; les possibilités de reconstruction vont jusqu’au sillon nasolabial, et même à la lèvre supérieure si nécessaire. Inversement, une expansion médiojugale pourra permettre de réparer une perte de substance préauriculaire, reportant la cicatrice dans le sillon prétragien ; de même, une lésion paranasale sera réparée par un lambeau jugal expansé de rotation-avancement avec report des cicatrices finales dans le sillon nasogénien et la zone infraorbitaire.
L’expansion est très intéressante dans le traitement des brides rétractiles antérieures, en particulier les séquelles de brûlures. Une lésion strictement médiane sera traitée par deux expandeurs latérocervicaux, deux lambeaux d’avancement venant s’agencer en Z sur la ligne médiane. Un placard cicatriciel du tiers supérieur sera traité par un seul expandeur, le lambeau avançant vers le haut. Souvent le tiers inférieur de la face atteint lui aussi sera resurfacé de la même manière, dans le même temps, ou par une nouvelle expansion. Une rétraction étendue et diffuse nécessitera de resurfacer toute la région cervicale antérolatérale, en expandant un grand lambeau de rotation fasciocutané trapézoacromial ; le site donneur est fermé directement, ou on transpose un lambeau expansé sus-scapulaire en « épaulette ».
Expansion cervicale à destinée jugale
Reconstruction du pavillon auriculaire avec l’aide de l’expansion cutanée
Elle est isolée en cas de brûlure ou de nævus étendu de la joue, sinon elle peut être associée à une expansion jugale.
Il est intéressant de constater que le premier cas d’expansion cutanée publié fut une reconstruction d’avulsion traumatique partielle de l’oreille [40].
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Expansion de la joue. Pathologie en cause : nævus pigmentaire géant de la face. Protocole opératoire : mise en place de plusieurs protocoles d’expansion étagés sur 9 ans. Pas de complications. Expansion menée à son terme et éradication du nævus. A, B. Patient âgé de 4 ans (de face et de profil).
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C. Premier temps opératoire : mise en place d’une prothèse réniforme de 100mL. D. Prothèse gonflée. E. Lambeau expansé mis en place. F. Vue immédiate après la dernière intervention (9 ans se sont écoulés...).
12 Pathologie en cause : atrophie alvéolaire. Protocole opératoire : mise en place de prothèse en « fer à cheval » sous-gingivale. Expansion : 1 mois de gonflages itératifs. A. Prothèse. B. Prothèse en place. C. Gonflage peropératoire. D. Un mois après, noter l’expansion correcte à gauche et médiocre à droite.
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Mais les otopoïèses sont réalisées le plus souvent dans un contexte de microtie congénitale. Il s’agit d’une malformation congénitale majeure de l’oreille, atteignant un nouveau-né sur 8 000, plus fréquemment unilatérale (syndrome otomandibulaire) que bilatérale (comme dans le syndrome de Franceschetti). La malformation classique associe un lobule rudimentaire, des reliquats cartilagineux variables et un conduit auditif externe souvent absent. page 12
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Parfois, le tableau clinique est plus atypique comme dans les microsomies hémifaciales où il y a localement un manque de peau glabre, et où le méat et le conduit sont en position anormalement basse ; ailleurs, on est en présence de peau cicatricielle (après plusieurs tentatives infructueuses de reconstruction, ou après chirurgie de l’oreille moyenne). Brent a été le premier à rapporter l’utilisation de cette technique pour la reconstruction auriculaire, en 1980.
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Firmin a repris le procédé et a réalisé de nombreuses publications sur ce sujet [14]. Schématiquement la qualité d’une reconstruction auriculaire dépend de deux facteurs principaux : – qualité de la maquette cartilagineuse construite à partir des cartilages costaux ; – qualité et quantité de la peau recouvrant cette maquette. L’expansion cutanée est pré- ou peropératoire : – en peropératoire, c’est ici un des très rares cas où elle est intéressante. Après excision des reliquats cartilagineux et décollement sous-cutané, on introduit une petite prothèse de 50 cm3 ; son gonflage permet d’évaluer l’élasticité cutanée ainsi que la vascularisation locale ; en outre, elle diminue la tension cutanée dans les situations difficiles ; – en préopératoire, la prothèse est mise en arrière du site choisi pour obtenir une quantité de peau suffisante pour recouvrir la maquette cartilagineuse, en particulier lorsque l’implantation des cheveux est basse. Une autre raison est la réalisation d’un sillon rétroauriculaire. Dans ces cas, la prothèse est réniforme ou en croissant. L’expansion cutanée rend ainsi possible la reproduction des reliefs marqués de l’oreille reconstruite par la technique classique, surtout dans les microsomies hémifaciales, où les cheveux descendent très bas latéralement. L’expansion tissulaire réalise une expansion préalable indirecte, sous le cuir chevelu adjacent. Cela permet de diminuer la tension cutanée excessive de la peau glabre locale qui peut aussi recouvrir la presque totalité de greffon. L’inconvénient est la création d’une zone chevelue en regard de l’hélix de l’oreille reconstruite ; cela est facilement traité par excision-greffe ultérieure ou épilation électrique.
Expansion palpébrale Le tissu palpébral est supérieur à tout autre tissu pour reconstruire une paupière. L’expansion a pu être utilisée à la paupière inférieure, dans le traitement d’ectropions cicatriciels, ou secondaires à un déficit cutané primitif, avec une bonne tolérance globale. La sélection des patients doit être réfléchie, car il s’agit d’une peau fine, sans tissu sous-cutané. Il est préférable de ne pas expandre une paupière à peau atrophique ou cicatricielle. Enfin, il faudra veiller à ne pas étirer le tarse, ce qui pourrait être source d’ectropion. Au total, les indications de l’expansion sont rares, voire anecdotiques, et les greffes de peau totale ou les lambeaux locaux restent de loin les plus utilisés.
Expansion tissulaire et réparation des anomalies craniofaciales Outre la prise en charge des séquelles post-traumatiques et postbrûlures, l’expansion va être d’un apport considérable dans la prise en charge des malformations congénitales de l’extrémité céphalique, où il existe, à des degrés divers, un defect tissulaire. Certes, les anomalies congénitales les plus fréquentes seront les nævi nævocellulaires, les nævi sébacés et les hémangiomes. Mais il existe nombre d’autres anomalies, qui atteignent aussi bien le revêtement cutané, que les parties molles et l’infrastructure osseuse sous-jacente ; ces trois contingents doivent dans la mesure du possible être réparés. En effet, à la face, la finesse de la reconstruction des tissus mous est aussi importante que celle du squelette. L’expansion tissulaire permet d’augmenter la quantité de tissu localement et d’améliorer l’irrigation d’une région à vascularisation précaire.
Induction de la croissance faciale par expansion tissulaire [15, 19, 57] L’expansion semble en effet permettre de façonner au long cours le squelette craniofacial de l’enfant, atteint d’anomalies de développement.
Croissance craniofaciale La croissance craniofaciale répond à des forces intrinsèques et extrinsèques, et son premier élan est la croissance cérébrale ; plus tard, ce sera la pneumatisation des sinus, qui va définir la taille et la forme de la face. Déjà, Wolff en 1892, émettait la théorie selon laquelle l’os se forme et se remodèle en réponse aux forces qui lui sont appliquées. Le déterminisme du développement squelettique ne se trouve pas dans l’os lui-même, mais dans les tissus environnants, avec une interaction possible de facteurs génétiques. Les travaux de Moss ont montré que la croissance du squelette facial est induite et régulée par le développement et la fonction des parties molles (muscles masticateurs et de la mimique, langue, cerveau, globes oculaires...), formant des matrices fonctionnelles. Cette croissance est le fruit d’un déplacement et d’un remodelage osseux continuels. L’orbite en est un bel exemple : en tant qu’os de membrane, son développement est en effet soumis à la poussée du conformateur
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organofonctionnel (selon Couly) qu’est l’œil (ainsi que les muscles oculomoteurs et la capsule de Tenon), dont la croissance se fait essentiellement in utero et durant les premières années de la vie. À l’âge de 2 ans, le globe a atteint une taille quasi adulte, et jusqu’à l’âge de 3 ans, il induit une croissance orbitaire qui est plus rapide que celle du reste de la face et est de toute façon terminée à 7 ans. Il faut que le globe ait une croissance normale pour que l’orbite osseuse soit normale, et nous parlerons de l’apport de l’expansion tissulaire dans le traitement des micro-orbitismes congénitaux.
Travaux expérimentaux [38, 44] Ils ont en commun deux actes chirurgicaux : – une ostéotomie partielle du segment osseux ; – une expansion de ce segment par distraction progressive. • Expansion orbitaire
Le traitement des micro-orbitismes résultant d’anophtalmies congénitales a pendant longtemps fait appel à des implants orbitaires sur mesure, en silicone et de taille croissante, que l’on devait changer régulièrement. Les résultats en étaient décevants. Inversement, on sait depuis longtemps qu’une éviscération orbitaire précoce entraîne chez l’animal comme chez l’homme une hypoplasie de l’orbite et une déformation faciale, et que l’utilisation d’implants orbitaires corrige partiellement ces anomalies, tout cela suggérant le rôle de la pression exercée par le globe dans l’orbite. L’éviscération orbitaire néonatale chez des chatons a montré un arrêt de la croissance horizontale et verticale de l’orbite [32]. L’utilisation de prothèses d’expansion intraorbitaires rétablit cette croissance et prévient les anomalies squelettiques. Tout cela prouve le rôle de la pression sur la croissance du squelette craniofacial, et il est établi que l’expansion par prothèse gonflable intraorbitaire débutée suffisamment tôt induit et maintient une croissance orbitopalpébrale normale chez des jeunes anophtalmes. Ces principes généraux pourront peut-être trouver des applications panfaciales extraorbitaires. • Expansion du sinus maxillaire
Des études préliminaires chez le lapin ont montré qu’une expansion maxillaire était techniquement possible, et permettait de modifier la morphologie de l’étage moyen de la face ainsi que semble-t-il celle de l’étage antérieur de la base du crâne. Les auteurs soulèvent la thèse de l’existence d’un axe squelette facial-basicrâne-neurocrâne, dont les composantes seraient en relation dynamique, permettant par là même de « manipuler » cet axe pour traiter certaines anomalies craniofaciales. L’expansion par prothèse gonflable du sinus maxillaire peut être un moyen d’y arriver, notamment dans les syndromes d’Apert ou de Crouzon, où il existe entre autres une hypoplasie de l’étage moyen de la face. Ces rétrusions faciales sont classiquement traitées par des ostéotomies d’avancement de type Lefort III de Tessier, qui n’ont un intérêt réel que chez les sujets dont la croissance craniofaciale est achevée. Chez l’enfant, ces interventions ont un bénéfice transitoire et une deuxième ostéotomie de type Lefort I ou II est souvent nécessaire plusieurs années plus tard, dans des conditions plus difficiles. L’expansion pourrait éviter ces interventions lourdes et itératives, et de plus permettre d’échapper au retentissement sur la croissance des gros décollements des parties molles et des mobilisations osseuses, réalisés lors des ostéotomies. On peut aussi envisager d’associer les deux techniques. Mais il est trop tôt pour argumenter plus en avant, et des études supplémentaires sont nécessaires, pour évaluer en particulier les risques septiques et de compression des germes dentaires, ainsi que l’impact réel sur la base du crâne de cette expansion du sinus maxillaire.
Traitement du micro-orbitisme de l’anophtalmie congénitale par expansion orbitaire L’anophtalmie congénitale recouvre en fait deux entités [52, 53] : – l’anophtalmie vraie, rare, le plus souvent bilatérale, due à l’absence de vésicule optique primitive et caractérisée par une agénésie de tout le tractus optique (souvent dans le cadre d’une anencéphalie) ; – la microphtalmie congénitale, le plus souvent unilatérale, due à l’absence d’évolution de la vésicule optique secondaire et caractérisée par un globe plus ou moins rudimentaire. Toutes ces formes d’anomalies oculaires, ainsi qu’une énucléation dans la première enfance, entraînent un micro-orbitisme proportionnel au développement des structures intraorbitaires, touchant tous les os qui participent à la formation de l’orbite (malaire, maxillaire, frontal, grande aile du sphénoïde, ethmoïde), avec de ce fait une hémiatrophie craniofaciale du même côté. page 13
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L’orbite est déplacé en bas et dedans, l’apophyse orbitaire externe est épaissie. Il existe une dystopie canthale interne vers le bas avec télécanthus. Les paupières non développées sont atrophiées, et la fente palpébrale est raccourcie transversalement. Il y a enfin une atrésie conjonctivale avec absence de cul-de-sac. C’est Rodallec qui a initié la technique [50] visant à simuler la croissance du globe à l’aide d’une prothèse gonflable intraorbitaire, relançant le phénomène d’apposition-résorption osseuse, et induisant de ce fait une croissance orbitaire. Les ostéotomies d’expansion chirurgicale de l’orbite sont ainsi évitées, ou dans le pire des cas, reportées en fin de croissance. Le traitement doit être mis en route le plus tôt, dès le troisième mois, car il est avant tout préventif et a pour but de permettre un développement facial harmonieux et le port ultérieur d’une prothèse oculaire adéquate. Les résultats sont d’autant meilleurs que l’enfant est jeune au début du traitement, et ils sont plus rapides dans la microphtalmie extrême que dans l’anophtalmie vraie, où de plus, la croissance palpébrale est plus difficile à obtenir. La technique de Rodallec doit être mise en œuvre dès l’âge de 3 mois. Après une éventuelle exploration de l’orbite par voie conjonctivale, une orbitotomie externe est pratiquée par voie hémicoronale, après ruginage du muscle temporal. La prothèse sphérique est mise en place dans le cône orbitaire, à l’intérieur des muscles oculomoteurs, en intratenonien, et intrascléral après éviscération s’il s’agit d’une microphtalmie. Le tube de remplissage s’extériorise par la paroi externe de l’orbite, et la valve est en situation temporale. Les gonflages sont mensuels et lents, pendant toute la durée de la croissance orbitaire normale. Cette expansion est bien entendu associée à une expansion conjonctivale classique, par conformateurs de taille croissante. Lorsque le volume de la prothèse a atteint celui d’un globe normal (soit environ 6,5 mL), on peut mettre en place une prothèse sclérale esthétique. L’expansion orbitaire permet en définitive une reconstruction beaucoup plus ambitieuse et facilite l’appareillage prothétique [20].
Les déformations osseuses seront corrigées en premier. Les parties molles sont traitées par « remplissage » à partir de lambeaux pédiculés, ou surtout libres, dont le pédicule doit être long pour un branchement à distance des zones atrophiées. Mais ce remplissage n’améliore en aucun cas l’atrophie cutanée. L’expansion cutanée peut donc être intéressante au niveau frontal, par exemple pour amener de la peau normale. L’expansion directe de la peau atrophiée jugale a même semble-t-il pu améliorer l’état trophique local. La distraction mandibulaire, qui peut être un moyen de rétablir la symétrie faciale squelettique, a un rôle indirect d’expansion tissulaire des parties molles adjacentes.
Apport de l’expansion ou distraction osseuse au traitement de la microsomie hémifaciale [13, 21, 24, 33, 39]
Abramo a proposé le traitement des fentes palatines larges par expansion rapide peropératoire (technique ISLE de Sasaki) permettant de recruter en quelques minutes du tissu par expansion cyclique d’un ballonnet mis en place temporairement, en sous-périosté et sous-musculaire, de part et d’autre des berges de la fente. La capacité à réduire la distance entre les berges et la tension sur les sutures serait significative. Il ne semblerait pas y avoir de rétraction postopératoire, ni d’incompétence vélopharyngée, car l’expansion rapide peropératoire rallongerait le voile longitudinalement et transversalement. Les résultats demandent à être validés par une étude clinique à distance. Une expansion sous-muqueuse classique de part et d’autre d’une fistule bucconasale a pu être réalisée avec un gonflage hebdomadaire pendant 1 mois, permettant la fermeture directe et sans tension des grandes fistules, hors de portée des lambeaux locaux, qui sont autrement fermées par lambeau de langue ou par obturateur.
La microsomie hémifaciale ou syndrome otomandibulaire est une dysmorphose évolutive complexe, congénitale, atteignant les parties molles et les structures squelettiques dérivant des premier et deuxième arcs branchiaux, de manière unilatérale. Son incidence est de 1 pour 3 500 naissances pour Poswillo, et de 1 pour 5 600 naissances pour Grabt. Classiquement, le traitement chirurgical est plus ou moins précoce, en fonction du degré d’hypoplasie mandibulaire, classé en trois types par Pruzanzki. Le défaut de croissance verticale de la mandibule du côté atteint entraîne en effet des troubles de croissance secondaires, surtout de l’étage moyen de la face ; la correction mandibulaire précoce, surtout dans les types III (absence de ramus), peut éviter des ostéotomies maxillaires et orbitaires à l’entrée dans l’âge adulte [11]. La conduite à tenir sur l’infrastructure osseuse dépendra de la gravité de l’atteinte : – en cas d’aplasie totale de la branche montante, une greffe ostéocartilagineuse s’impose, dont la croissance permettra une distension cutanée progressive ; – dans les formes les moins graves, l’atteinte des parties molles est limitée, et une chirurgie orthognatique suffira le plus souvent ; – dans les formes intermédiaires et en cas d’échec des greffes chondrocostales, la distraction mandibulaire progressive peut être un apport considérable. Cette distraction utilisant un matériel du même type que celui que Matev employait pour la distraction métacarpienne dans la reconstruction du pouce, a l’avantage d’induire également une expansion concomitante des parties molles adjacentes. Cette atteinte des parties molles peut être légère (petite macrostomie, légère atrophie musculo-sous-cutanée) ou sévère (atteinte importante du contour facial, faiblesse musculaire et atteinte du nerf facial dans 25 % des cas, fentes labiopalatines, voire anomalie du pavillon auriculaire, corrélée à l’atteinte du VII), en passant par des stades intermédiaires. Il peut être nécessaire d’apporter des tissus vascularisés par transfert libre, mais si la peau est très tendue, une expansion préalable peut être utile.
Apport de l’expansion au traitement de l’atrophie hémifaciale [27] Il s’agit le plus souvent d’une atrophie hémifaciale progressive dans le cadre d’une maladie de Romberg. page 14
Apport de l’expansion au traitement des dysraphies de la face Fentes craniofaciales Ce sont des anomalies rares et d’une grande variété. La classification de Tessier [54] présente ces fentes comme un problème tridimensionnel, l’aspect des parties molles ne faisant que refléter l’état squelettique. Pour des résultats optimaux, la reconstruction doit intéresser tous ces niveaux, par des interventions séquentielles, le devenir fonctionnel et esthétique étant déterminé par la qualité de la couverture cutanée et des parties molles. Cette couverture devra si nécessaire être précédée d’une mobilisation et d’une fixation des pièces squelettiques. L’expansion aurait ici plusieurs avantages : – elle permet la reconstruction et le resurfaçage des parties molles déficientes ou absentes, par avancement ou transposition des berges de la fente ; – l’hypervascularisation induite permet la couverture par un tissu de bonne trophicité des greffes osseuses utilisées surtout dans les fentes médianes et les fentes oro-naso-oculaires ; – elle permet de libérer la rétraction des parties molles temporozygomatiques dans les fentes médianes et paramédianes, s’opposant à la correction de la dystopie orbitaire et de l’hypertélorisme.
Fentes et fistules palatines [1, 10, 56]
Traitement du pterygium colli par expansion [30, 41] Le pterygium colli, décrit en 1883 par Kobylinski, est un repli cutané triangulaire joignant la mastoïde à l’acromion, de chaque côté du cou, et n’intéressant pas le muscle trapèze. Il s’agit d’une des anomalies caractéristiques du syndrome de Turner. De nombreux procédés de traitement chirurgical ont été décrits pour cette anomalie où il existe un double problème : une quantité insuffisante de peau, et une implantation basse des cheveux en arrière. Toutes les techniques classiques à base de grandes plasties en Z ou de lambeaux latérocervicaux d’avancement laissent des séquelles cicatricielles importantes. La mise en place par une incision occipitale de deux expandeurs réniformes, en arrière de chaque palmure, permet d’augmenter la quantité de peau locale et de réaliser deux lambeaux d’avancement en haut et en dedans, n’intéressant que la partie chevelue de la malformation. La peau en excès est excisée selon une ligne verticale médiane, ne dépassant pas en bas la ligne d’implantation des cheveux, le tout laissant une cicatrice en T en situation entièrement intracapillaire. Des points profonds ancrent la palmure cutanée aux parties latérales du cou. Grâce à cette technique utilisant l’expansion cutanée, le pterygium colli est traité efficacement, avec une rançon cicatricielle diminuée et une remontée satisfaisante de l’implantation des cheveux en arrière.
Expansion sous-périostée à la face L’expansion sous-périostée maxillomandibulaire dans un but de reconstruction des crêtes alvéolaires des maxillaires édentées nous a appris la faisabilité de l’expansion du périoste et la tolérance de l’expansion intrabuccale [8, 31, 45].
Stomatologie
EXPANSION TISSULAIRE AU NIVEAU DE L’EXTRÉMITÉ CÉPHALIQUE
La mise en place de particules d’hydroxyapatite ou de granules de corail sous du périoste expansé permet une certaine colonisation osseuse. Ailleurs, il est possible de mettre en place un greffon osseux. Ces possibilités ouvrent la voie à diverses reconstructions, mandibulaires en particulier, comme les grandes microrétrognathies. De plus, une étude chez le lapin a montré que l’expansion sous-périostée semblait induire une véritable ostéogenèse, améliorée si l’on dispose des particules d’hydroxyapatite autour de la prothèse d’expansion. Ces résultats sont intéressants et méritent d’autres travaux, car une nouvelle voie de l’expansion tissulaire peut en émerger.
Greffes de peau totale expansée [16, 25] Une alternative intéressante à l’expansion cutanée faciale, lorsqu’il s’agit de réaliser un simple resurfaçage, est l’utilisation de greffes de peau totale en unités esthétiques prélevées sur un site à distance préalablement traité par expansion cutanée ; le capital cutané autologue peut ainsi être augmenté, avec
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une fermeture directe du site donneur créant une cicatrice dissimulée. Ce site donneur peut être préauriculaire avec une cicatrice finale dans le sillon prétragien ou bien sus-claviculaire, inguinal, voire hypogastrique. Les caractéristiques de cette peau, en particulier son coefficient de rétraction, sont en tout point comparables à celles des greffes de peau totale classique. Les résultats esthétiques et fonctionnels sont très satisfaisants, et souvent supérieurs à ceux obtenus à l’aide de lambeaux locorégionaux. Ce procédé permet la création d’une véritable « banque » de peau autologue, afin de combler de larges pertes de substances cutanées laissées par l’exérèse d’un nævus étendu ou d’une séquelle de brûlure. La greffe de peau totale expansée est un bon procédé pour réaliser ces grands resurfaçages de la face et du cou en plaçant l’expandeur en zone susclaviculaire ou bien latérocervicale, pour des raisons de texture et de coloration cutanée. L’opération peut être répétée plusieurs fois si nécessaire selon le principe de l’expansion itérative.
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-095-A-10
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Extraction des dents incluses Dents de sagesse JB Seigneuric F Denhez JF Andreani D Cantaloube
R é s u m é. – La réalisation d’extractions dentaires nécessite le respect d’un certain nombre de règles inhérentes à toute pratique chirurgicale. Les conditions d’installation, la connaissance du matériel et des instruments ainsi que leur utilisation rationnelle sont des éléments qui déterminent une bonne pratique opératoire. Les techniques présentées permettent d’aborder de façon progressive les difficultés correspondant aux différents cas de figure. C’est ainsi que sont d’abord exposées les extractions simples, puis les extractions difficiles et les extractions de dents incluses. Un dernier chapitre présente les complications liées à ces extractions et les différentes méthodes de prévention et de traitement. © 1999, Elsevier, Paris.
Introduction Coniques
L’avulsion d’une troisième molaire incluse est un acte de pratique courante et doit répondre à une technique précise et observer des règles codifiées. L’indication de ce geste a toujours été l’objet de nombreuses discussions et études. Si les indications d’avulsions à titre curatif (infectieuses, tumorales, neurologiques ou mécaniques) sont claires, l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) tente d’établir des critères décisionnels dans le cadre des avulsions à titre prophylactique. Dans tous les cas, ce geste chirurgical doit être décidé avec le consentement éclairé du patient, informé des motifs, des techniques et des risques de cet acte. De même, le choix du type de mode d’anesthésie, doit être fait avec discernement et tempérance. Les risques toujours présents de l’anesthésie générale, la feront réserver à des extractions, souvent multiples, particulièrement difficiles ou réalisées chez des patients justifiant d’après des critères précis de ce type d’anesthésie. Nous étudierons successivement les techniques pour les dents de sagesse inférieures puis supérieures.
Extraction de la dent de sagesse inférieure Rappels anatomiques Rappelons d’abord quelques données de base concernant cette dent.
Troisième molaire mandibulaire • Forme
Son volume est le plus souvent inférieur à celui des autres molaires, rarement supérieur. La couronne est grossièrement rectangulaire et a peu de caractéristiques constantes hormis sa forme globuleuse.
Renflées
Divergentes
Convergentes
Coudées
1
Anatomie radiculaire.
Les racines sont surtout à considérer dans leur forme et leur nombre (fig 1). Elles peuvent être soit groupées (coniques ou renflées) ou plus fréquemment séparées (convergentes, divergentes ou coudées). Les follicules (ou germes dentaires) n’ont pas de racine mais seulement une ébauche radiculaire. Leur forme ronde les caractérise. • Situation (fig 2)
Le plus habituellement on la trouve dans le trigone rétromolaire, en arrière de la deuxième molaire (ou dent de 12 ans). Elle peut être dystopique : dans l’angle ou proche du rebord basilaire. Elle peut être ectopique au niveau de la branche montante, du condyle ou du coroné.
© Elsevier, Paris
• Position
Jean-Baptiste Seigneuric : Assistant des hôpitaux des Armées. Franck Denhez : Chirurgien-dentiste des Armées. Jean-François Andreani : Spécialiste des hôpitaux des Armées. Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce. Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Seigneuric JB, Denhez F, Andreani JF et Cantaloube D. Extraction des dents incluses. Dents de sagesse. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-095-A-10, 1999, 10 p.
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Par rapport au tissu de soutien (par rapport à l’os mandibulaire), elle peut se définir dans les trois plans de l’espace. – Dans le plan sagittal (fig 3) : verticale, oblique mésiale ou distale ou horizontale. – Dans le plan frontal (fig 4) : elle peut être basse et complètement incluse dans l’os. À l’inverse, plus haute, elle peut être partiellement incluse dans l’os mais complètement recouverte par la muqueuse (inclusion muqueuse). Enfin, elle peut affleurer la muqueuse, découvrant une ou plusieurs cuspides : la dent est enclavée. – Dans le plan horizontal (fig 5) : elle peut être alignée sur l’arcade ou déjetée latéralement vers le vestibule ou vers le côté lingual. EMC [257]
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EXTRACTION DES DENTS INCLUSES.
Stomatologie/Odontologie
2 Différentes localisations de la dent de sagesse mandibulaire. 1. Trigone rétromolaire ; 2. rebord basilaire ; 3. angle ; 4. branche montante ; 5. coroné ; 6. condyle. 5 Positions de la dent de sagesse dans le plan horizontal. 1. Dent alignée ; 2. version linguale ; 3. version vestibulaire.
A
B
6 Rapports de la dent de sagesse avec les nerfs alvéolaire inférieur et lingual. 1. Nerf alvéolaire inférieur ; 2. nerf lingual.
3 Positions de la dent de sagesse dans le plan sagittal. A. Verticale. B. Oblique. C C. Horizontale.
7 Différents rapports possibles entre le nerf alvéolaire inférieur et les racines de la dent de sagesse. A 4
B
C
Positions de la dent de sagesse dans le plan frontal. A. Enclavée. B. Inclusion haute. C. Inclusion basse.
• Dents surnuméraires
La présence d’une dent surnuméraire de morphologie normale est relativement rare. En revanche, la présence d’un ou deux éléments dysmorphiques est plus fréquente (odontomes ou odontoïdes). Ces « quatrièmes molaires » sont le plus souvent incluses et affectent la forme de molaires de petite taille.
Rapports anatomiques L’évolution de la dent de sagesse mandibulaire se fait dans un espace réduit où les obstacles sont nombreux, gênant l’évolution et source de complications. – En arrière : c’est le trigone rétromolaire. On trouve la branche montante. À ce niveau, se trouve fréquemment un granulome ou kyste marginal postérieur qui réalise une petite logette qui peut parfois faciliter le geste du praticien. – En avant : on trouve la dent de 12 ans. Souvent elle bloque complètement la dent de sagesse dans sa progression. Ses racines peuvent être dénudées ou le siège de lésions carieuses. L’opérateur sera particulièrement attentif à cette dent, fragilisée et souvent traitée. – En dehors (fig 6) : la table osseuse externe est épaisse, surtout au niveau de la ligne oblique externe. – En dedans : la table osseuse interne est beaucoup plus mince, parfois lysée jusqu’au niveau du collet de la dent. Cette cloison fragile sépare la dent du page 2
nerf lingual. Dans la plupart des cas, ce nerf chemine à la face interne de la mandibule entre périoste et gencive. Pour certains auteurs (Kiesselbach et Chamberlain, 1984), dans 20 % des cas, il peut longer la crête alvéolaire sous la gencive où il se trouve alors très exposé. – En haut : le segment osseux rétromolaire est de forme triangulaire et de taille variable. – En bas (fig 7) : le canal alvéolaire inférieur où chemine le paquet vasculonerveux alvéolaire inférieur. Ses rapports avec les racines de la dent de sagesse sont très variables, avec possibilité d’un contact direct avec un des apex dentaires ou exceptionnellement un passage à travers la dent. Ainsi, il convient de préciser son trajet avant toute intervention. Les techniques employées seront développées (cf infra). Plus bas se trouve le rebord basilaire. Il convient également d’apprécier la perte osseuse et la fragilisation de l’angle lors de l’extraction d’une dent volumineuse et profonde.
Bilan préopératoire Son importance est primordiale afin de préparer l’intervention et de prévoir les difficultés et les risques de complications.
Interrogatoire Classique, il précise : – les antécédents éventuels du patient (cardiovasculaires, endocriniens, respiratoires, hématologiques, allergiques, immunologiques et infectieux). Une patiente enceinte fera l’objet d’une attention particulière ; – la notion de soins dentaires et d’anesthésies antérieures ; – l’existence de traitements au long cours, leur action sur les fonctions de l’hémostase. Un éventuel bilan biologique pourra préciser certains éléments.
Stomatologie/Odontologie
EXTRACTION DES DENTS INCLUSES.
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Au cours de l’interrogatoire et des éventuelles consultations précédant l’acte, le praticien doit informer le patient des indications, des techniques et des risques de complications liés au geste. Actuellement, le manque d’information délivrée au patient constitue les mobiles principaux des actions en justice.
Examen clinique Il précise le degré d’ouverture buccale, l’existence d’un éventuel trismus. Il évalue la taille du segment rétromolaire, le degré de désinclusion dentaire, l’état de la couronne de la deuxième molaire, l’état du parodonte qui peut influer sur le choix de l’incision.
8 Daviers pour dents de sagesse (maxillaire à gauche et mandibulaire à droite).
Il vérifie l’état de la muqueuse et tient compte en particulier d’une stomatite (surtout lors d’un accident d’évolution de la dent). Cette inflammation locale ou parfois locorégionale (stomatite odontiasique) contre-indique temporairement le geste. L’hyperplasie du capuchon muqueux est également à prendre en compte pour la conduite de l’intervention.
Examen radiologique Réalisé en phase préopératoire, il permet de poser l’indication mais il est également un élément indispensable pour évaluer et diriger la technique opératoire. Il permet de préciser la taille et la forme de la dent et de ses racines, les rapports des apex dentaires avec le nerf alvéolaire inférieur et l’état de la deuxième molaire. Le cliché panoramique est l’examen de base. Il donne une image suffisamment fiable de l’angle de profil afin de préciser un certain nombre de rapports. Il précise notamment les rapports du canal alvéolaire inférieur avec les apex dentaires dans le sens vertical. Bien souvent, son image se projette sous les apex de la dent de sagesse. Le bilan peut s’arrêter ici. Lorsque son trajet se superpose aux images apicales, il convient de préciser l’intimité de ses rapports par d’autres examens. La radiographie en incidence de maxillaire défilé est de moins en moins utilisée, rendue obsolète par le cliché panoramique. Elle donne pourtant une bonne projection latérale de la mandibule, même s’il existe d’importantes déformations. Le cliché rétroalvéolaire est idéal lorsqu’il peut donner une image complète de la dent et de tous les éléments de voisinage. Malheureusement, dans cette région très postérieure, il est difficile de réaliser ce cliché dans des conditions parfaites. Il permet néanmoins de bien définir les rapports avec la deuxième molaire et l’état de la trame osseuse de voisinage. Citons pour mémoire le cliché dit « long cône » qui, prescrit pour une autre indication, peut toujours s’avérer utile s’il existe. L’incidence mordue est simple à réaliser au cabinet et permet de préciser la position et l’orientation de la dent dans un plan vestibulolingual. L’incidence « face-basse bouche ouverte » peut être réalisée en complément d’un cliché d’incidence sagittale (rétroalvéolaire ou panoramique). On réalise une projection frontale, transversale, des régions angulaires bien meilleure que celle obtenue par l’incidence mordue. La tomographie est délaissée au profit de la tomodensitométrie. La tomodensitométrie est un examen fiable qui permet de préciser et de mesurer précisément tous les rapports anatomiques. Il permet, grâce à des coupes sagittales, de suivre le cheminement du canal dentaire inférieur. Il reste onéreux et ne sera prescrit que dans des situations d’exception où le doute persiste. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est peu contributive et très souvent perturbée par les substances prothétiques métalliques qui se trouvent en bouche. Les indications et les différents protocoles d’investigation préopératoires restent fonction des habitudes du praticien, des moyens mis à sa disposition et du coût global des différents examens. On peut proposer le protocole suivant (réf AOS [Actualités odontostomatologiques] juin 1995) : après cliché panoramique ou rétroalvéolaire de bonne qualité, on se trouve devant différentes alternatives : – les apex se projettent au-dessus du canal mandibulaire : l’examen radiographique réalisé est suffisant ; – les apex se projettent à hauteur ou en dessous du canal mandibulaire : on réalise une incidence « face-basse bouche ouverte » ; – les apex se projettent du côté lingual par rapport au bord interne du canal mandibulaire : le canal est vestibulé par rapport à la dent, il est inutile d’aller plus loin ; – les apex se projettent en dehors du canal, la tomographie ou le scanner préciseront leur position exacte.
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Écarteur orthostatique.
Technique opératoire Instrumentation Elle ne diffère pas de celle utilisée pour les dents simples. Précisons toutefois les caractéristiques du davier à dent de sagesse mandibulaire (fig 8). Les mors font un angle de 90 à 120° par rapport au bord des branches (alors que pour les autres molaires, ils sont coudés par rapport aux faces des branches). Les extrémités sont bilobées avec un ergot médian.
Installation Déjà décrite dans le chapitre sur les extractions de dents simples, elle ne sera pas détaillée et précisera seulement les éléments caractéristiques liés aux extractions des dents de sagesse. Elle est à considérer selon les deux cas de figure : dans le cadre d’une anesthésie locale et dans le cadre d’une anesthésie générale. – Lors d’une anesthésie locale, le patient est installé confortablement au fauteuil, légèrement incliné, de manière à ce que la mandibule soit horizontale lors de l’ouverture buccale. La têtière est réglée de manière à ce que tête et cou se trouvent dans le prolongement du thorax. Le praticien se place à droite ou à gauche du patient selon la dent à traiter, son habitude ou sa propre latéralité. – Lors d’une anesthésie générale, l’installation se prépare en coordination avec les médecins et infirmiers anesthésistes pour le meilleur confort de chacun et la sécurité des dispositifs. On préférera, lorsque c’est possible, une intubation nasotrachéale, qui offre au praticien un meilleur espace de travail. La sonde d’intubation est rabattue à la tête du patient, fixée solidement et protégée par les champs opératoires qui protègent les yeux. Il est à noter que les conditionnements des champs opératoires se perfectionnent et se diversifient, offrant à l’opérateur confort et facilité d’installation. (Les champs fenêtrés pour l’oto-rhino-laryngologie ou la chirurgie maxillofaciale en sont un bon exemple.) Avant tout geste opératoire, l’opérateur prend soin de mettre en place un packing oropharyngé, évitant ainsi les risques d’inhalation du patient. Une aspiration chirurgicale, un ouvre-bouche et un écarteur lingual sont à prévoir comme instrumentation complémentaire. L’utilisation d’ouvrebouche orthostatique (fig 9) ou de cale molaire se fera prudemment sous anesthésie générale, afin d’éviter un traumatisme méniscal au niveau des articulations temporomandibulaires. Dans tous les cas, les règles élémentaires et primordiales d’asepsie doivent être respectées. Les instruments sont installés sur un champ stérile, sur une table à bonne hauteur, pour le confort et l’ergonomie des gestes de l’opérateur.
Anesthésie La désinfection péribuccale et endobuccale peut être réalisée avec un simple bain de bouche. Elle peut également faire appel à de véritables antiseptiques adaptés à la muqueuse buccale que l’opérateur badigeonne selon les règles de préparation chirurgicale. Les commissures sont protégées d’une traction prolongée des écarteurs et de l’échauffement des instruments rotatifs par application de vaseline. L’anesthésie locale fait l’objet d’un chapitre particulier et ne sera pas développée ici. Rappelons toutefois qu’elle associe une anesthésie page 3
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10 Tracés d’incision muqueuse. 1. Incision linéaire ; 2. tiers mésial de la première molaire ; 3. bord mésial de l’hémipapille première-deuxième molaire ; 4. bord distal de la papille.
locorégionale, tronculaire du nerf alvéolaire inférieur à l’épine de spix, à une anesthésie locale. (Infiltration de la région rétromolaire, injection dans le fond du vestibule, anesthésie locale du nerf buccal du temporobuccal). L’anesthésie générale ne contre-indique pas l’infiltration préalable qui permet un meilleur décollement des tissus et limite le saignement peropératoire par action des amines constrictives associées.
Temps muqueux L’incision est réalisée le plus souvent avec une lame de bistouri n° 15. Elle doit être franche et nette, intéressant dans un même temps la muqueuse et le périoste. Le tracé de l’incision se doit de respecter les éléments de voisinage richement vascularisés : ainsi, la règle est donc de sentir l’os pendant tout le trajet de l’incision. Plusieurs types de tracés ont été décrits (fig 10). La présence de cuspides apparentes, les habitudes de l’opérateur et l’état local de la muqueuse peuvent orienter ces choix. L’incision linéaire reprend la partie rétromolaire de l’incision précédente, contourne la face mésiale de la deuxième molaire et se poursuit jusqu’à la première molaire ou deuxième prémolaire au collet des dents, sectionnant l’attache de la gencive marginale, intéressant les hémipapilles. L’incision angulaire ou en « baïonnette » est composée de deux segments : un segment postérieur en regard du bord interne du trigone, allant de la base de la branche montante à l’angle distolingual de la deuxième molaire. L’autre segment est une incision de décharge vestibulaire qui permet une meilleure exposition du site opératoire. Elle peut être réalisée au niveau du tiers mésial de la première molaire, du bord mésial de l’hémipapille première-deuxième molaire ou au bord distal de cette papille. La muqueuse vestibulaire est libérée au décolleur ou à la rugine sur toute la surface permise par l’incision. Le contact osseux est gardé de façon permanente et permet l’exposition de la dent, de la corticale externe de l’angle et de la branche montante. Un écarteur atraumatique expose toute la zone d’os alvéolaire qui va être sacrifiée. La muqueuse rétromolaire est décollée avec prudence. Ce temps est souvent rendu difficile par les nombreuses adhérences et la présence du capuchon muqueux. Le syndesmotome faucille de Chompret est souvent utilisé pour libérer ces attaches. Le lambeau interne est récliné par un instrument strictement sous-périosté qui protégera le nerf lingual durant toute l’intervention (lame de Schneck, fig 11).
Temps osseux (fig 12) Le tracé de l’ostéotomie dépend de beaucoup de facteurs et ne peut être systématisé. Il dépend des caractères anatomiques particuliers de la dent, de ses rapports et de son degré d’inclusion. Dans tous les cas, le sacrifice doit être calculé, orienté vers la plus grande économie osseuse possible. Dans la cadre d’une inclusion osseuse complète, on réalise la taille d’un volet osseux. Avec une fraise boule ou fissure, on réalise une série de perforations selon un tracé quadrangulaire ou ovalaire centré sur le grand axe présumé de la dent. Pendant tous les travaux avec un instrument rotatif, l’os doit être irrigué de façon permanente pour éviter tout échauffement. La plupart des instruments actuels proposent une irrigation simultanée. Les trous sont réunis pour dégager un volet osseux qui sera délimité et détaché à l’aide d’un ciseau à frapper. La couronne sera dégagée de sa gangue d’os spongieux à la fraise boule. La dent se trouve en inclusion partielle : avec une fraise fissure surtaillée ou une fraise boule, on réalise un dégagement complet de la couronne par un sillon le long de la couronne, vestibulaire et distal, dont la profondeur dépend de la hauteur de la couronne et de l’espace nécessaire à la mobilisation de la dent. Toute résection osseuse en avant de la dent sera réalisée de façon extrêmement prudente pour ne pas léser la deuxième molaire. page 4
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Écarteurs buccaux et lame de Schneck au centre.
Ainsi, on dégage la dent de manière suffisante pour permettre sa mobilisation et sa luxation sans danger pour les autres dents ou le tissu osseux de voisinage. L’espace créé est parfois insuffisant et le sacrifice osseux tend à être limité par la fragmentation de la dent (cf infra).
Temps dentaire – La mobilisation. Lorsque le dégagement est jugé suffisant, on introduit un élévateur (type élévateur de Pont) dans la gouttière distovestibulaire. Le positionnement se fera selon le meilleur appui et la meilleure stabilité de l’instrument. Le geste ne doit pas être réalisé en force : il est réalisé avec une mesure permanente de la force exercée, une protection des éléments sensibles (linguaux, jugaux, dentaires), un point d’appui sûr. La dent est mobilisée avec douceur, progressivement dans le sens horaire ou antihoraire par rapport à l’axe de l’instrument. – L’avulsion proprement dite est réalisée lorsque l’opérateur sent la dent désolidarisée de son alvéole qui amorce un mouvement ascendant. Elle est cueillie avec le davier, convenablement mis en place avec un mouvement, non seulement de traction vers le haut, mais aussi de bascule vestibulaire et linguale. – La dent est nettoyée et l’on vérifie son intégrité avant de passer au dernier temps de l’avulsion.
Temps final – Temps osseux. L’alvéole est nettoyée, à l’aide d’une curette coudée, des éléments résiduels : reste de sac péricoronaire, débris osseux (esquille osseuse, septum interradiculaire fracturé et luxé). Rappelons que l’instrument est déposé au fond de l’alvéole et que son action n’est réalisée que de la profondeur vers la superficie. Une éventuelle régularisation osseuse de la périphérie du site d’extraction peut être réalisée à la pince gouge. – Parage de la plaie par lavage abondant, élimination de tout débris. – Suture. La suture favorise la qualité et la rapidité de la cicatrisation. Un méchage peut être réalisé dans le cas d’une avulsion effectuée sur un terrain particulièrement infecté. Les berges muqueuses sont rapprochées et la suture est réalisée par des points séparés de fil résorbable ou non, selon le choix de l’opérateur. Les points de repère sont suturés en premier pour éviter tout déplacement et toute tension sur le lambeau. Les fils non résorbables seront ôtés à partir du huitième jour suivant l’intervention. L’utilisation de fil non résorbable permet de revoir le patient et de suivre l’évolution de la cicatrisation muqueuse et alvéolaire.
Conseils postopératoires La zone opérée est protégée par une compresse mordue sans serrer durant un quart d’heure après l’intervention. Après l’intervention, l’opérateur vérifie l’articulé dentaire du patient et l’absence de luxation temporomandibulaire. Ce geste est très important, en particulier lors d’une anesthésie générale, après le maintien d’une ouverture buccale prolongée par écarteur, le patient ne pouvant donner d’indication sur son occlusion. Le patient évitera la consommation de tabac dans les 24 premières heures. Dans cette même période, il préférera des boissons froides, voire glacées, aux boissons chaudes afin de favoriser l’hémostase. L’application d’une vessie de glace dans les 48 premières heures limite la douleur et l’œdème local. Des antalgiques simples systématiquement prescrits suffisent le plus souvent à prévenir et juguler l’algie des premiers jours.
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Temps classiques pour l’avulsion simple d’une dent de sagesse mandibulaire.
13 Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire verticale basse.
14 Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire oblique distale.
L’antibiothérapie est réservée à des indications particulières (terrain local ou général). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être prescrits avec une couverture antibiothérapique. Des soins locaux sont prescrits par bains de bouche et brossage doux à partir de la 48e heure.
Indications particulières Le protocole précédemment décrit est une démarche de base qui peut suffire à l’avulsion d’une dent de sagesse verticale ou légèrement oblique avec des racines de conformation anatomique simple. Nous allons présenter à présent les techniques particulières appliquées à chaque grand cas anatomique ou morphologique.
Liées à la dent Dent verticale basse (fig 13) L’incision muqueuse reste la même mais le dégagement osseux de la rigole vestibulomésiale est plus profond. L’élévateur est alors placé dans l’un des angles mésio- ou distovestibulaire et par des mouvements de rotation
alternants, horaire et antihoraire, la dent est progressivement repoussée. Dès qu’elle se dégage suffisamment, elle est extraite au davier.
Dent en position linguale Après incision et décollement muqueux, la dent est luxée du côté lingual. On aura pris soin auparavant de protéger le nerf lingual avec un instrument comme nous l’avons précisé (cf supra). L’opérateur vérifie que la margelle osseuse interne n’a pas été fracturée. Le cas échéant, l’esquille osseuse sera ôtée très prudemment.
Dent oblique distale (fig 14) Le degré d’inclusion est variable mais on procédera toujours de la même façon pour le dégagement de la couronne. La couronne est sectionnée dans son plus grand axe à l’aide d’une fraise fissure diamantée ou en carbure de tungstène, réalisant une séparation coronoradiculaire. La couronne extraite, une ostéotomie cunéiforme sus-radiculaire doit faciliter l’avulsion des racines selon la manœuvre de Archer (avec un syndesmotome coudé sur le plat par exemple). Cette technique n’est valable que dans le cas de figure où les racines ne sont pas rétentives. Lorsqu’elles le sont, il convient de les séparer afin de pouvoir les extraire individuellement. page 5
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15 Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire oblique mésiale.
16 Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire horizontale.
17 Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire coincée sous la deuxième molaire.
Dent oblique mésiale (fig 15)
Liées aux racines
La dent sera luxée selon une courbe voisine de la courbe idéale de Capdepont. Dans le cas où la dent n’est pas bloquée lors de l’élévation par la deuxième molaire, la technique se superpose avec celle décrite (cf supra). La résection osseuse doit être cependant plus importante. Lorsque la dent est bloquée par la deuxième molaire, le fractionnement dentaire est inévitable. L’obliquité du trait de section est fonction de l’obliquité de la dent et doit permettre à celle-ci de sortir de son alvéole sans traumatiser la deuxième molaire. La technique de séparation coronoradiculaire décrite (cf supra) peut être également appliquée ici.
Racines convergentes (fig 19)
Dent horizontale (fig 16)
Racines divergentes ou coudées (fig 20)
On réalise un dégagement suffisant pour permettre la séparation coronoradiculaire. Il convient ensuite de dégager l’os qui entoure la partie supérieure des racines pour réaliser la manœuvre de Archer.
Ici la technique reste la même que celle décrite (cf supra). Le caractère divergent des racines impose, dans la grande majorité des cas, une séparation coronoradiculaire complète ou partielle préalable. La racine dont l’aspect anatomique est le plus favorable à sa luxation est extraite en premier. Une légère résection du septum interradiculaire peut parfois être nécessaire, elle est faite à la fraise boule avec économie, prudence, sous un contrôle visuel permanent.
Dent horizontale coincée sous la deuxième molaire (fig 17) Il est regrettable, mais parfois nécessaire, d’extraire la deuxième molaire afin d’accéder à la dent de sagesse. Ce cas précis nous permet de rappeler l’importance de l’indication opératoire et de l’information du patient.
La technique d’abord reste la même. On prend soin de dégager la couronne un peu plus afin de visualiser la furcation. À l’aide d’une fraise fissure en carbure, on réalise une séparation radiculaire afin de sortir chaque racine individuellement. Une séparation coronoradiculaire préalable permet, selon les cas, de laisser un espace plus important pour permettre la luxation des racines. Les gestes seront doux et mesurés, d’autant plus que l’intimité des apex avec le canal dentaire inférieur est grande (cf bilan radiologique).
Germe (fig 18) La technique de base diffère peu des techniques décrites pour les dents adultes. On précise toutefois l’intérêt du crochet extracteur. En raison de l’âge du patient et de l’indication fréquente d’avulsion des quatre germes, on préfère souvent l’anesthésie générale. L’incision est semblable à celle réalisée chez l’adulte. La fraise attaque la corticale externe environ 0,5 cm en arrière de la deuxième molaire et en dessous de la crête alvéolaire. La fraise ne tarde pas à découvrir une cavité qui sera progressivement élargie. Les tentatives de bascule ou d’élévation du germe se soldent souvent par une rotation du germe dans sa cavité comme une véritable bille. Plutôt que sacrifier un volume trop important d’os, on préférera fractionner le germe en le maintenant à l’aide d’un élévateur ou d’un crochet extracteur. Le parage de la plaie est de première importance puisque l’on doit éliminer tous les débris folliculaires restant solidaires de la muqueuse. La suture se fait selon la technique déjà décrite. page 6
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Avulsion d’un germe de dent de sagesse mandibulaire.
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Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire avec racines convergentes.
Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire avec racines divergentes ou coudées.
21 Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire dans l’angle.
Racines globuleuses, en « bouchon de champagne », en « baguette de tambour » Le caractère très rétentif de ces racines impose souvent un morcellement plus important des éléments dentaires. Les racines peuvent être séparées selon un axe mésiodistal ou vestibulolingual. Parfois, l’association de ces deux tracés est nécessaire et réalise une séparation en croix qui fragilise les éléments rétentifs et permet dans un même temps de gagner de la place pour faciliter la luxation des fragments de racine.
Liées à la position de la dent Canal dentaire en position dangereuse Le repérage radiologique doit être soigneux et le patient informé des risques d’hypoesthésie labiomentonnière postopératoire. La conduite la plus sage est le morcellement à la demande de la dent suivi d’une mobilisation douce et progressive des différents éléments.
Dent dans l’angle (fig 21) Deux voies d’abord sont à discuter ici. La voie d’abord vestibulaire est réalisable, peu confortable et parfois délabrante. La voie d’abord cutanée présente de multiples inconvénients et risques : cicatrice cutanée, risque d’atteinte du rameau mentonnier du nerf facial. Elle présente l’avantage d’être beaucoup moins délabrante que la voie d’abord endobuccale. Une technique maîtrisée doit permettre d’éviter l’élément nerveux de cette zone et d’engager une rançon cicatricielle minime. – L’incision est arciforme, à l’aplomb et sous l’angle mandibulaire, dans un pli du cou, de 3 cm de long environ à un travers de doigt en dessous du rebord basilaire. – Dégagement : au doigt on sent le rebord basilaire. L’opérateur dissèque les plans suivants : le tissu adipeux, les muscles peauciers et l’aponévrose
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Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire dans la branche montante.
cervicale superficielle. Le lambeau cutanéomusculaire est écarté avec douceur contre la glande submandibulaire. Il protège dans son épaisseur le rameau mentonnier du nerf facial. – Au contact du rebord basilaire, le périoste est décollé et la table osseuse trépanée selon la méthode habituelle. La dent est luxée, l’alvéole lavée et curetée. – La fermeture des différents plans pourra s’effectuer sur un drainage légèrement aspiratif. Dans tous les cas, un pansement compressif limitant les risques d’hématome est recommandé.
Dent dans la branche montante (fig 22) La voie d’abord est buccale. Selon le caractère présumé difficile de l’extraction, on peut choisir de réaliser l’intervention sous anesthésie générale. L’incision est verticale sur le bord antérieur de la branche montante (3 à 4 cm), en regard de la localisation présumée de la dent. Elle intéresse tous les plans jusqu’au périoste. Le périoste est décollé. On récline ensuite le masséter en dehors et le ptérygoïdien interne en dedans, en prenant soin de protéger le paquet vasculonerveux alvéolaire inférieur. À l’aide des instruments rotatifs déjà décrits, et selon le choix de l’opérateur, on résèque la partie antérieure de la branche montante d’une façon limitée afin de repérer la dent. Lorsque la fraise est au contact de la dent, l’orifice est élargi avec le même instrument, ou à la pince gouge, afin de dégager la couronne et de permettre la luxation de la dent à l’aide d’un élévateur droit et fin. Le dernier temps est celui de la régularisation alvéolaire et osseuse. La suture est réalisée de manière étanche. page 7
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23 Avulsion d’une dent de sagesse mandibulaire dans le condyle (voies d’abord). 1. Incision de Ginestet ; 2. incision d’Aubry.
Dent dans la région condylienne (fig 23) L’anesthésie peut être locale ou générale, selon le degré présumé de difficulté de l’intervention et le degré de coopération du patient. Une protection du conduit auditif externe est réalisée par une tente (petite compresse légèrement humide). La voie d’abord est cutanée, pré-auriculaire, laissant le choix entre un grand nombre de voies d’abord, parmi lesquelles nous pouvons citer : – l’incision de Ginestet : elle est réalisée à 1 cm en avant du tragus (en avant des vaisseaux). Elle peur être étendue sous le lobule de l’oreille superficiellement ; – l’incision de Aubry, Palfer-Sollier est endo-aurale (après avoir récliné le tragus) et temporale en arrière des vaisseaux ; – l’incision de Dingman est semblable à la précédente, mais dans ce cas, le tragus est dédoublé. On retiendra une attention toute particulière pour le rameau frontal du nerf facial qui croise le zygoma dans sa partie moyenne. Le dégagement se fait après la traversée des plans superficiels. On repère le zygoma et la tête du condyle en mobilisant la mandibule. L’opérateur rugine le col du condyle de haut en bas jusqu’à la base en dépassant sur la partie supérieure de la branche montante. Le repérage réalisé, on trépane à l’aide d’une fraise boule. L’élargissement du champ opératoire est réalisé à la demande à la fraise fissure, plus ou moins associée à une pince gouge. La région étant relativement fragile, le morcellement de la dent est fortement conseillé, permettant une perte osseuse minime et un moindre risque traumatique lors de la luxation. La dent extraite, la toilette de la cavité est réalisée selon la technique habituelle et le site opératoire est fermé en deux plans sur drainage aspiratif type Manovac.
Complications Celles liées aux avulsions dentaires font l’objet d’un chapitre spécifique de cet ouvrage. Nous ne reviendrons pas sur les complications classiques liées aux extractions dentaires en général. Toutefois, certaines complications ou incidents per- ou postopératoires sont spécifiques des avulsions des dents de sagesse ou ont une incidence notable dans ces cas d’avulsions, c’est l’objet de ce nouveau paragraphe. • Au cours de l’incision
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De même, on protège toujours le lambeau mucopériosté qui risque d’être traumatisé par les instruments rotatifs. L’opérateur veille à ce que le manche de la pièce à main ne touche ni la muqueuse labiale, ni la muqueuse jugale. L’échauffement de l’instrument rotatif utilisé de façon prolongée peut provoquer des brûlures, d’autant plus graves et profondes qu’elles surviennent dans des territoires anesthésiés ; le patient n’en a pas la sensation et ne peut prévenir l’opérateur de lui-même. Si le forage est trop profond dans la cavité alvéolaire, une perforation malencontreuse d’une paroi du canal alvéolaire inférieur peut provoquer un saignement important qui a tendance à s’accentuer après l’avulsion de la dent. Ici encore, le tamponnement et la compression permettent de contrôler rapidement et efficacement cette hémorragie, habituellement d’origine veineuse.
Au cours de la mobilisation et de l’avulsion de la dent La fracture de l’angle mandibulaire est possible dans les cas suivants : inclusion basse, ostéotomie excessive, mouvement de luxation mal contrôlé, avulsion chez le vieillard (os mandibulaire fragile et ostéoporotique), volumineux kyste péricoronaire. Elle se manifeste cliniquement de façon caractéristique par un craquement évocateur, parfois une mobilité des segments osseux, une hémorragie importante et, le plus souvent, par une éviction de la dent de sagesse de son alvéole. La conduite à tenir est simple et consiste en une toilette de l’alvéole, un parage soigneux local et un contrôle radiologique. Le traitement fait appel aux règles habituelles de traitement des fractures de mandibule dont l’indication repose sur les bilans cliniques et radiologiques. La fracture d’un apex est de survenue non rare. On doit tenter d’« aller chercher » cet apex fracturé, mais pas à n’importe quel prix. On doit éviter un trop grand délabrement osseux ou un risque de lésion du canal dentaire pour récupérer un petit apex dont le pronostic est : soit l’ankylose, soit la migration à plus ou moins long terme. Dans tous les cas, les suites restent relativement simples par rapport aux risques de complication encourus en cas d’acharnement. En cas d’échec, le patient est prévenu et rassuré. Le traumatisme du nerf alvéolaire inférieur n’est pas rare. La section et l’étirement restent heureusement exceptionnels. Le plus souvent, il s’agit d’une contusion ou d’une compression par un hématome postopératoire. Ces lésions se traduisent par une anesthésie, une hypoesthésie ou des dysesthésies dans le territoire labiomentonnier homolatéral. La récupération peut se faire de manière complète ou partielle et l’évolution se fait sur une période de 6 à 18 mois. La thérapeutique est peu codifiée et peut faire appel à la vitaminothérapie B ou aux corticoïdes. Dans tous les cas, un suivi clinique régulier s’impose. Le traumatisme du nerf lingual se manifeste par une symptomatologie voisine dans les deux tiers antérieurs de l’hémilangue homolatérale. Des troubles trophiques et des lésions de morsure sont les séquelles le plus souvent observées. Dans tous les cas, on ne saurait trop rappeler l’importance d’un bon bilan préopératoire et d’une information précise et éclairée du patient. Il devient indispensable de fournir cette information avant un geste qui prend de nos jours un caractère de plus en plus consensuel.
Extraction de la dent de sagesse supérieure Rappels anatomiques
Les risques hémorragiques sont le plus fréquemment rencontrés. Ils sont le plus souvent dus à une incision trop externe ou trop interne, mal contrôlée, qui provoque une lésion de la joue ou du pilier antérieur. La compression pendant quelques minutes (compresses ou mèche hémostatique) vient rapidement à bout de ces suffusions hémorragiques.
Rappelons d’abord quelques données de base concernant cette dent.
• Au cours du décollement
Son volume est inférieur à celui de la dent de sagesse inférieure. Les racines sont rarement rétentrices, très souvent soudées avec une forte inclinaison distale. Les follicules maxillaires n’ont pas de racine mais seulement une ébauche radiculaire.
Si l’incision n’est pas assez profonde et ne va pas d’emblée jusqu’au périoste, le décollement risque d’être incomplet et de léser la muqueuse et les parties molles. L’usage d’un bistouri à usage unique et la réalisation d’une incision franche et perpendiculaire au plan osseux permettent d’éviter cet écueil. • Au cours de la trépanation
Toute utilisation d’instruments rotatifs doit se faire sous irrigation continuelle afin d’éviter tout risque de nécrose osseuse ultérieure. La perforation se fait par courtes séquences et toujours sous le contrôle permanent de la vue (ne pas laisser envahir le champ opératoire par le liquide d’irrigation). Toute pénétration de la table interne doit se faire de façon prudente et sous la protection d’une lame métallique sous-périostée, comme nous l’avons déjà précisé. On veille à rester au contact de la dent de sagesse et à ne pas venir au voisinage de la deuxième molaire. page 8
Troisième molaire maxillaire • Forme
• Situation
Elle se trouve au niveau de la tubérosité maxillaire, en arrière du sinus maxillaire et de la deuxième molaire. • Position (fig 24)
Par rapport au tissu de soutien (par rapport à l’os maxillaire), elle peut se définir dans les trois plans de l’espace. Dans le plan sagittal : verticale, oblique en avant ou en arrière, horizontale en arrière ou au-dessus de la deuxième molaire. Dans le plan frontal : elle peut être haute et complètement incluse dans l’os. À l’inverse plus basse, elle peut être en inclusion muqueuse simple. Elle peut
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A
B
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C
24 Différentes positions anatomiques de la dent de sagesse maxillaire. A. Dent de sagesse supérieure en position d’inclusion verticale normale. B. Dent de sagesse supérieure enclavée oblique mésiale. C. Dent de sagesse supérieure incluse oblique distale.
aussi affleurer la muqueuse, découvrant une ou plusieurs cuspides. Enfin, on peut la trouver sur l’arcade en place en arrière de la deuxième molaire. Dans le plan horizontal : elle peut être alignée sur l’arcade ou déjetée latéralement vers le vestibule ou vers le palais. • Dents surnuméraires
La présence d’un ou deux odontomes ou odontoïdes n’est pas rare, comme dans le cas des dents de sagesse mandibulaires.
Rapports anatomiques L’évolution de la dent de sagesse maxillaire se fait dans des conditions moins difficiles que celles de la dent de sagesse mandibulaire, néanmoins elle doit trouver sa place dans la partie la plus postérieure de l’arcade, compte tenu de fréquentes dysharmonies dentomaxillaires et de la diminution de la taille des maxillaires selon l’évolution phylogénétique. En arrière : on trouve la fosse ptérygomaxillaire, loge de tissu cellulaire accueillant nerfs et vaisseaux. Cet espace très proche est d’accès difficile et le risque d’y laisser glisser la dent n’est pas rare et représente l’un des principaux risques de cette intervention. En avant : on trouve le sinus maxillaire. En dehors : on trouve le muscle buccinateur, inséré en partie sur l’os maxillaire. La boule graisseuse de Bichat est elle-même située au-dessus et en arrière et peut gêner l’opérateur lorsque la désinsertion du muscle est nécessaire. En dedans : le canal palatin postérieur où chemine l’artère palatine supérieure. La muqueuse palatine est fragile. En bas : la deuxième molaire qui peut bloquer son évolution. Lorsque la dysharmonie entre ces deux dents est très importante ou évolue depuis une longue période, la deuxième molaire peut être en version vestibulaire, gênant l’avulsion de la dent de sagesse.
Bilan préopératoire
25 Tracé d’incision muqueux angulaire. 1. Partie distale ; 2. partie mésiale.
– la tubérosité maxillaire et son épaisseur ; – l’existence d’une image radioclaire, péricoronaire ou apicale ; – la présence d’une dent surnuméraire.
Technique opératoire Instrumentation Elle ne diffère pas de celle déjà présentée (cf supra). Le davier à dent de sagesse supérieure est le seul élément caractéristique à signaler ici. La forme doublement contournée en est caractéristique.
Installation Elle est similaire à celle déjà décrite. Pour une dent droite, l’opérateur se place à la tête du patient, pour une dent gauche, il se place à sa droite. Le patient tourne la tête vers le côté opposé afin d’exposer au mieux la zone opératoire. La bouche n’est pas complètement ouverte, évitant ainsi la gêne occasionnée par le coroné en position trop antérieure.
Anesthésie
Identique à l’interrogatoire habituel, il élimine en particulier toute pathologie sinusienne aiguë qui contre-indiquerait l’intervention.
L’anesthésie générale peut être choisie pour les raisons que nous avons déjà évoquées avec une intubation nasotrachéale de préférence. L’anesthésie peut être purement locale avec une anesthésie complémentaire du rameau palatin en interne. Elle peut être régionale par anesthésie des nerfs dentaires postérieurs par infiltration haute rétrotubérositaire. L’anesthésie tronculaire du nerf maxillaire supérieur intervient très rarement.
Examen radioclinique
Temps muqueux
Le bilan radiologique permet de préciser la taille et la forme de la dent et de ses racines, leur position, les rapports avec le sinus maxillaire, les rapports avec la deuxième molaire. Le cliché panoramique reste l’examen de base. Il donne une image de la dent dans son environnement et, en outre, une bonne idée des rapports des apex avec le sinus maxillaire. La radiographie en incidence de maxillaire défilé est très déformée et ne présente pas ici beaucoup d’intérêt. Le cliché rétroalvéolaire est idéal mais réalisé très difficilement dans cette région très postérieure, compte tenu de la présence du palais et des réflexes nauséeux. L’incidence mordue n’apporte pas d’élément au niveau du maxillaire. Dans la plupart des cas, ces examens sont suffisants et on ne réalisera des examens plus poussés que dans des cas très précis. Ils permettent d’évaluer : – la position de la dent : incluse ou enclavée, haute ou basse, sous-muqueuse, endosinusienne ; – son orientation : verticale, horizontale, oblique ou transverse ; – sa forme, et en particulier celle des apex : comme pour la dent de sagesse inférieure, la forme des racines est très variable. Notamment, la présence d’une ou deux racines divergentes à angle droit dans le plan frontal peut être à l’origine de complications et de difficultés lors de la luxation ; – les rapports avec la deuxième molaire ;
L’incision répond aux mêmes impératifs que ceux que nous avons décrits pour la dent de sagesse mandibulaire. Le choix d’une lame de bistouri courbe avec le tranchant dans la concavité peut être plus facile pour réaliser les incisions dans cette région très postérieure. L’usage et les habitudes de l’opérateur doivent guider celui-ci dans ses choix. Plusieurs types de tracés seront proposés. – Le tracé angulaire (fig 25), le plus souvent décrit, est composé d’un segment médiotubérositaire sagittal et d’un autre vestibulaire vertical dit « de décharge ». L’incision vestibulaire est réalisée au choix : en regard de la partie distale ou mésiale de la deuxième molaire, voire en regard de la dent de 6 ans. – L’incision linéaire (fig 26) commence à la deuxième prémolaire ou à la première molaire et va jusqu’à l’angle distovestibulaire de la deuxième molaire. Elle intéresse la gencive marginale qui est sectionnée dans le sulcus sur toute cette longueur. Au niveau de la deuxième molaire, l’incision est prolongée par un segment médiotubérositaire comme celui décrit plus haut. – La muqueuse vestibulaire est libérée par décollement strictement souspériosté. Un écarteur expose prudemment le lambeau (celui-ci est fragile et sujet aux déchirures).
Il est aussi important que pour la dent de sagesse inférieure et fait appel aux mêmes éléments.
Interrogatoire
Temps osseux La dent est exposée comme dans le cas de la dent de sagesse inférieure. Si la dent est en position basse, l’ostéotomie est facile : l’os est friable comme une coquille d’œuf et peut être dégagé avec la pointe d’un syndesmotome. Dans page 9
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EXTRACTION DES DENTS INCLUSES.
Stomatologie/Odontologie
Temps final
26 Tracé d’incision muqueux linéaire.
Les temps postopératoires, de nettoyage et de régularisation de l’alvéole, de parage, de lavage et de sutures sont similaires à ceux présentés dans le cadre des avulsions de dents de sagesse inférieures. On peut suspecter une communication buccosinusienne : – la présence de bulles d’air dans l’alvéole après l’avulsion en est le premier signe. Sous anesthésie locale, la manœuvre de Valsalva peut la confirmer par la fuite d’air à travers l’alvéole de la dent qui vient d’être extraite ; – la présence d’une épistaxis doit également la faire suspecter ; – enfin, on peut réaliser l’exploration prudente à la curette ou avec une fine canule d’aspiration. L’existence d’une communication buccosinusienne doit faire l’objet d’une suture le plus étanche possible et d’une surveillance postopératoire régulière. Le patient doit éviter les manœuvres d’hyperpression (mouchage violent), les bains de bouche trop répétés. Une intervention peut être prévue dans un deuxième temps pour fermer la cavité de façon étanche sous couverture antibiotique. On vérifie la résistance de la tubérosité par voie alvéolaire afin de dépister toute mobilité suspecte. Le cas échéant, tout élément mobile devra faire l’objet d’une résection et le site en cause d’une régularisation.
Conseils postopératoires Ils font appel au bon sens et sont similaires à ceux décrits pour une extraction dentaire courante ou pour tout acte de chirurgie buccale intéressant l’os et la muqueuse.
Indications particulières Dent horizontale 27 Luxation de la dent de sagesse maxillaire.
le cadre d’une inclusion plus haute, l’os plus épais est attaqué à la fraise en regard du lieu présumé de la dent. La cavité est ensuite agrandie afin de visualiser la dent et son anatomie en exposant, dans le meilleur des cas, trois de ses faces : – la face vestibulaire est complètement dégagée ; – la face occlusale est dégagée en partie en fonction du type de luxation choisie ; – la face distale peut être dégagée, idéalement jusqu’au plus grand diamètre coronaire et au moins sur sa moitié externe.
Temps dentaire La luxation de la dent peut être effectuée dans trois directions différentes. Le choix en est défini par la qualité du dégagement osseux et les dispositions anatomiques. Les gestes doivent être mesurés et doux afin de prévenir l’une des principales complications à ce stade de l’intervention : la fracture de l’os tubérositaire. – La luxation distale (fig 27) se réalise à l’aide d’un élévateur de Roy en « baïonnette » ou, si l’espace interdentaire ne le permet pas, par un syndesmotome de Chompret droit. Par des mouvements de rotation horaires et antihoraires, on luxe petit à petit la dent. L’opérateur garde un index en protection au fond du vestibule supérieur afin de retenir la dent. – La luxation vestibulaire peut être réalisée à l’aide des mêmes instruments, mais placés en position palatine. – La dent est cueillie au davier avec une prise bien assurée, une protection au doigt des dents de l’arcade opposée par des mouvements de latéralité vestibulaire.
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Lorsque la dent est horizontale, on cherche à obtenir un champ opératoire le plus large possible, et pour cela on préfère l’incision angulaire avec l’incision de décharge en regard de la première molaire. L’ouverture buccale doit être limitée, diminuant la gêne occasionnée par le coroné.
Germe L’avulsion du follicule supérieur est superposable dans sa technique à celle décrite pour les follicules mandibulaires. Le syndesmotome de Chompret en forme de faucille permet de crocheter le germe pour le luxer, car il a tendance à rouler dans sa cavité comme le fait le germe inférieur.
Complications Les complications spécifiques liées à l’extraction de la dent de sagesse supérieure ont été évoquées pour la plupart au cours des différents temps opératoires. Rappelons toutefois que : – la fracture de la tubérosité maxillaire est favorisée par une trépanation osseuse insuffisante. Un craquement peut la révéler mais sa manifestation est peu spectaculaire. Ainsi, on la recherche systématiquement après l’avulsion de la dent afin d’éliminer tout segment osseux mobile ; – la communication buccosinusienne est également recherchée. La conduite à tenir consiste essentiellement à ne pas aggraver les choses par une exploration intempestive, à suturer de façon la plus étanche possible et à administrer des antibiotiques par voie locale ou, le plus souvent, par voie générale ; – la projection de la dent dans la fosse ptérygomaxillaire est à redouter, en particulier dans le cadre de l’avulsion d’un follicule. La dent glisse « comme une savonnette » par la partie haute de l’incision en l’absence de protection par l’index vestibulaire. On préfère une intervention différée pour partir à la recherche du follicule perdu. En effet, cette région est d’un accès difficile et contient de nombreux éléments vasculonerveux. Ainsi, il convient de prévoir un deuxième temps opératoire après repérage radiographique. Dans certains cas, l’expectative et la surveillance ne sont pas déraisonnables.
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-092-A-10
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Extractions dentaires : techniques opératoires F Denhez JB Seigneuric JF Andreani D Cantaloube
R é s u m é. – La réalisation d’extractions dentaires nécessite le respect d’un certain nombre de règles inhérentes à toute pratique chirurgicale. Les conditions d’installation, la connaissance du matériel et des instruments ainsi que leur utilisation rationnelle sont des éléments qui déterminent une bonne pratique opératoire. Les techniques présentées permettent d’aborder de façon progressive les difficultés correspondant aux différents cas de figures. C’est ainsi que sont d’abord exposées les extractions simples, les extractions difficiles et enfin les extractions des dents incluses. Un dernier chapitre présente les complications liées à ces extractions et les différentes méthodes de prévention et de traitement. © 1999, Elsevier, Paris.
Introduction Si les évolutions de la parodontie et de la dentisterie conservatrice, notamment dans le domaine de l’endodontie, permettent dans bon nombre de cas (là où autrefois l’utilisation du davier s’imposait) de préserver le capital odontologique des patients, les extractions dentaires demeurent de pratique courante. Définie techniquement comme l’ensemble des manœuvres qui permettent de sortir la dent de l’alvéole où elle se trouve, l’avulsion dentaire est loin d’être un acte anodin. À la fois geste thérapeutique et chirurgical, elle obéit à un certain nombre de règles qu’il convient de respecter pour mener à bien la réalisation d’un tel acte en diminuant autant que possible les risques de survenue de complications per- ou postopératoires. Toutes les avulsions ne
présentent pas le même degré de difficulté dans la réalisation du geste. C’est grâce à un examen clinique et paraclinique précis que l’opérateur peut prévoir et évaluer les obstacles auxquels il risque d’être confronté. Ceux-ci peuvent être d’ordre général, régional ou local. Afin de rendre plus didactique le propos, seront d’abord envisagés : – les avulsions simples ; – les avulsions difficiles ; – les avulsions de dents incluses. Seules les techniques opératoires seront développées. Les indications, le bilan préopératoire, les prémédications, les techniques d’anesthésie ainsi que les complications font l’objet d’un développement plus exhaustif dans d’autres chapitres.
Extractions dentaires simples L’extraction dentaire simple peut être définie comme l’acte chirurgical qui consiste à pratiquer l’avulsion d’un organe dentaire sans anomalie de structure, de forme et de position avec un contexte local et général non susceptible de compliquer la réalisation de l’acte.
pourquoi nous exposerons d’abord les données relatives « à la bonne pratique des avulsions dentaires » avant d’aborder plus particulièrement le protocole opératoire de base.
Installation du patient
Généralités
© Elsevier, Paris
La réalisation d’un acte simple n’exclut pas le respect d’un certain nombre d’éléments fondamentaux inhérents à toute pratique chirurgicale. C’est
Franck Denhez : Chirurgien-dentiste des Armées. Jean-Baptiste Seigneuric : Assistant des hôpitaux des Armées. Jean-François Andreani : Spécialiste des hôpitaux des Armées. Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de chirurgie plastique et maxillofaciale. Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Denhez F, Seigneuric JB, Andreani JF et Cantaloube D. Extractions dentaires : techniques opératoires. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-092-A-10, 1999, 12 p.
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Généralement en position semi-assise, le patient devra être confortablement installé. Lunettes et prothèses amovibles sont ôtées. Les vêtements superflus sont retirés. La règle des trois « c » doit être respectée : il faut relâcher les cols, ceintures et cravates trop serrés afin que ceux-ci ne soient pas un obstacle à une bonne ventilation et vascularisation. Le fonctionnement du fauteuil doit permettre d’obtenir un décubitus dorsal total qui est parfois recherché par l’opérateur pour un meilleur accès à la cavité buccale et constitue également la position de référence indiquée en cas de risque ou de survenue de lipothymie. Il faut cependant ne pas perdre de vue que la position complètement allongée ouvre considérablement le carrefour oropharyngé, les risques d’inhalation ou de déglutition d’un corps étranger étant alors majorés. Enfin, il est souhaitable que le fauteuil dentaire, pour des raisons évidentes d’asepsie, en plus de la commande manuelle possède une commande au niveau de la pédale permettant de moduler si nécessaire la position du patient en cours d’intervention. EMC [257]
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EXTRACTIONS DENTAIRES : TECHNIQUES OPÉRATOIRES
Stomatologie/Odontologie
Opérateur Bien que les conditions d’un cabinet dentaire ou de stomatologie ne soient pas celles d’un bloc opératoire, il faut tendre autant que possible à les approcher. Idéalement, l’opérateur doit être habillé d’une casaque stérile qu’il aura revêtue avec l’aide d’un assistant après avoir préalablement pratiqué un lavage soigneux des mains. Plus généralement, il est revêtu d’une blouse adaptée, propre, à manches courtes. Face au risque de contamination en particulier virale, le port de gants à usage unique, d’un masque et de lunettes de protection est devenu indispensable. Lorsque ce risque est connu, le doublage des gants est conseillé. La position de l’opérateur est fonction de la localisation et de la nature de la dent à extraire. Généralement à droite de l’opéré pour un opérateur droitier et inversement pour un gaucher, il pourra, lors de certains temps précis, se positionner plus en avant ou plus en arrière. La station debout est préférable, elle assure une meilleure stabilité et facilite une bonne gestuelle. La position relative par rapport au patient doit être telle que, le coude au corps, l’opérateur aura en main les instruments dans le prolongement naturel de son avant-bras, le coude étant en flexion de 60 à 90°. Même dans les cas de gestes simples, la présence d’un aide est souhaitable.
Champ opératoire et éclairage Après avoir pratiqué une désinfection périorale et buccale à l’aide d’une solution à base d’hexétidine (même si par nature la bouche est un milieu septique, l’utilisation de ce type de solution contribue à diminuer la concentration bactérienne), l’opérateur dispose un champ propre sertissant sans oppression le cou du patient, maintenu par un système adhésif ou une pince à champ, recouvrant les épaules et descendant jusqu’au-dessous de la ceinture. L’utilisation d’un champ stérile perforé uniquement en regard de l’orifice buccal constitue l’installation idéale. L’éclairage, grâce à un scialytique, est réglé soit avant le port des gants, soit pendant lorsque les poignées sont revêtues de capuchons stériles. Certains opérateurs complètent ce type d’éclairage par le port d’un système de lumière frontale qui leur permet de parfaire la vision du site opératoire.
Aspiration chirurgicale Elle est munie d’une canule à usage unique et facilite grandement le travail de l’opérateur en évitant les mouvements parfois incessants du patient vers le crachoir qui constituent une source de contamination réelle par des rejets mal maîtrisés (effets de l’anesthésie locale) de salive souillée de sang. Il est à noter que certains concepts de fauteuil ont complètement occulté le crachoir pour des raisons évidentes d’hygiène. L’aspiration chirurgicale est un élément de confort et de sécurité pour le praticien comme pour le patient qui contribue à assurer l’opérateur d’une vision optimale du site opératoire.
Instrumentation Il ne s’agit pas d’établir une liste exhaustive mais de présenter les instruments le plus communément utilisés. Les descriptions, les techniques d’utilisation d’un instrument, aussi répétitives qu’elles puissent paraître, constituent des éléments à connaître et conditionnent sans aucun doute la pratique d’une bonne gestuelle.
Matériel de désinfection orale et périorale (fig 1) Il est constitué d’une cupule métallique remplie d’antiseptique et d’une pince de type Kocher mordant ou tenant une compresse. Ce matériel une fois utilisé ne rejoint pas le plateau ou le champ instrumental. Considéré comme septique, il est remis à l’aide-opératoire ou déposé à distance.
Syndesmotomes Chompret.
de
niveau d’une des papilles interdentaires jusqu’au contact du rebord crestal, voire légèrement en dessous, et chemine ainsi au contact de la dent par un mouvement de reptation jusqu’à la papille opposée en sectionnant le ligament parodontal. Très souvent, certains syndesmotomes sont utilisés comme levier. Il convient cependant de rappeler que la conception mécanique de ces instruments n’est pas faite pour ce type d’utilisation et les risques de rupture de la partie distale de l’engin sont alors non négligeables. Variétés. Les accès au plan ligamentaire sont variables selon la position de la dent, ce qui conditionne l’utilisation de plusieurs types d’instruments.
Syndesmotomes Chompret (fig 2) • Syndesmotome droit
Le manche et la partie travaillante sont dans le même axe ; il est généralement utilisé pour les dents antérieures. • Syndesmotome faucille
C’est sans doute le syndesmotome le plus utilisé ; son extrémité arciforme lui confère une excellente efficacité quelles que soient la position ou la face de la dent sur laquelle la syndesmotomie est effectuée. Beaucoup d’opérateurs l’utilisent également comme élévateur. • Syndesmotome coudé sur le tranchant
De profil rectangulaire à pointe triangulaire, la partie spécifique forme un angle d’environ 120° avec le manche. Il permet un accès aux faces vestibulaires et linguales des dents postérieures mandibulaires. • Syndesmotome coudé sur le plat
La partie active forme un angle de 90° à 120° avec le manche ; il autorise la section des fibres ligamentaires mésiales et distales des prémolaires et molaires.
Syndesmotomes de Bernard (fig 3) Il s’agit véritablement d’un assortiment de syndesmotome constitué d’un manche démontable et de 11 inserts différents adaptés à toutes les particularités anatomiques des dents. Les extrémités fines de la partie travaillante permettent une insertion profonde de l’instrument, assurant ainsi une syndestomie dite « intégrale ». Leur utilisation facilite grandement les étapes ultérieures de l’avulsion dentaire. Utilisation (fig 4). Un peu à la manière d’un stylo, le manche du syndesmotome est calé sur l’éminence hypothénar, la partie antérieure de l’instrument est maintenue entre le pouce et l’index de telle sorte que seule l’extrémité travaillante dépasse. C’est l’index qui guide le syndesmotome et sert également de butée en cas de dérapage de celui-ci. C’est un véritable « doigt de garde ».
Élévateurs (fig 5, 6)
Syndesmotomes Fonctions. Ils permettent de couper la sertissure gingivale tout autour de la dent, ce qui évite, lors de l’extraction proprement dite, de provoquer des déchirures de la gencive. L’instrument est introduit dans le sillon gingival au
1 Matériel de désinfection orale et périorale.
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Fonctions. D’une conception plus volumineuse tant au niveau du manche que de la partie travaillante, ils servent à mobiliser la dent après la syndesmotomie.
3 Syndesmotome de Bernard : manche et inserts démontables (au total 11 inserts différents).
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l’organe. Soit l’instrument agit perpendiculairement à l’axe de la dent ; la partie travaillante est introduite entre l’os et le cément au niveau de l’angle mésio- ou distovestibulaire de l’odonte. Les bords de la face concave de l’élévateur accrochent la structure radiculaire tandis que la partie convexe prend appui sur le rebord crestal. Par rotation du manche, le praticien imprime un mouvement de déroulement à la racine qui sort de son alvéole. Il ne reste plus alors qu’à saisir la dent luxée.
Daviers 4 Tenue du syndesmotome.
5 Élévateurs de Roy et de Pont.
Fonctions. Pinces en forme de tenaille, ils permettent de saisir très solidement la dent, participent activement à la luxation de celle-ci et terminent l’avulsion. Il faut cependant remarquer qu’ils n’ont pas toujours un rôle aussi déterminant ; en effet, leur emploi se résume parfois à une simple cueillette de l’organe dentaire lorsque l’utilisation de l’élévateur aura été rondement menée. Variétés. Un davier est formé de trois parties : – les mors : ils constituent la partie spécifique, ils permettent de saisir la dent grâce à l’adéquation de leur forme à la morphologie de la dent. À chaque variété de dent correspondent des mors adaptés ; – les branches : elles sont généralement symétriques, légèrement courbées et à section ovalaire. Les faces externes sont striées pour assurer une meilleure préhension. Elles peuvent présenter des encoches anatomiques pour le placement des doigts ; – la charnière : c’est le point d’union des deux bras de l’instrument. Cet axe de rotation permet les mouvements d’ouverture et de fermeture de la pince.
Daviers maxillaires (fig 8 à 11) Ils possèdent des mors parallèles au manche ou légèrement obliques par rapport à celui-ci. Parmi ceux-ci, on distingue différentes catégories : – daviers pour incisives et canines : ils sont parfaitement rectilignes ; les mors sont symétriques, plus effilés pour les incisives que pour les canines ; – daviers pour prémolaires : forme générale de « S » étiré ; mors identiques ;
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Élévateurs lancéolés.
8 Daviers incisivocanins et prémolaires maxillaires.
7 Tenue empaumée de l’élévateur.
C’est par l’insertion de l’extrémité active de l’instrument entre la dent et l’os alvéolaire, la concavité s’adaptant à la convexité de la racine, que la subluxation de la dent est assurée. On réalise un véritable clivage de la dent de son tissu de soutien, le but étant d’aboutir à la mobilisation et l’élévation de l’organe dentaire. Variétés. Il en existe de formes multiples, mais de façon générale il présente un manche volumineux en forme de poire et une partie active solide, ce qui permet une meilleure prise en main et autorise l’application d’une force certaine lors de son utilisation, élément qui n’est pas sans risque et nécessite des gestes prudents et précis afin de pallier tous mouvements iatrogènes. Certains instruments possèdent un manche anatomique ; les encoches destinées à recevoir les doigts sont censées conférer à l’instrument une meilleure prise. Les plus utilisés sont les élévateurs droits : élévateur de Pont, élévateur de Roy (en baïonnette). Utilisation (fig 7). L’instrument est maintenu fermement, le manche dans la paume de la main, l’index en extension sur la partie travaillante. La notion de « doigt de garde » est d’autant plus importante que la force appliquée par l’intermédiaire de l’instrument est considérable. Soit l’instrument travaille parallèlement à l’axe de la dent en s’immisçant progressivement entre l’alvéole et la racine pour en élargir l’espace et faciliter la luxation finale de
9 Daviers molaires maxillaires droit et gauche.
10 Daviers à dents de sagesse maxillaires et mandibulaires.
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A
B
11 Coupe d’une molaire davier en place. A. Vestibulaire. B. palatin ; 1. racine distovestibulaire ; 2. racine mésiovestibulaire ; 3. racine palatine.
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15 Daviers à racines mandibulaires et maxillaires.
– daviers pour molaires (première et deuxième) : forme générale de « S » étiré ; mors asymétriques : de forme classique en palatin, en vestibulaire, le mors possède un éperon médian qui s’insère dans l’espace interradiculaire. Il existe donc un davier droit et un davier gauche ; – daviers pour dents de sagesse : forme générale de baïonnette ; mors larges et symétriques.
Daviers mandibulaires (fig 10, 12 à 14) Ils possèdent des mors qui forment un angle droit avec l’axe du manche. On distingue plusieurs catégories : – daviers pour incisives, canines et prémolaires : mors symétriques, plus larges pour les canines, plus effilés pour les incisives et médians pour les prémolaires ; – daviers pour molaires (première et deuxième) : mors identiques plus volumineux que les précédents, avec un bec central qui s’adapte à l’espace interradiculaire ; – daviers à sagesse : mors semblables et volumineux. Contrairement aux autres daviers, instrument en place, la charnière est horizontale, l’ouverture des bras de la pince se fait donc selon ce même plan ; – daviers à racines (fig 15) : qu’ils soient maxillaires ou mandibulaires, ils ont comme point commun de posséder des mors longs, symétriques et effilés. Pince fermée, leurs extrémités viennent en contact doux ;
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Tenue du davier.
– daviers pour dents lactéales : il s’agit de petits daviers adaptés au volume de ce type de denture. Généralement, ils possèdent un ressort de rappel disposé entre les branches de l’instrument. La forme des mors est bien entendu adaptée à celle des dents lactéales qui, notamment pour les molaires, nécessite une concavité prononcée, adaptée à la convexité importante de leur morphologie coronaire. Utilisation (fig 16). Bien que destinés à maintenir fermement la dent pour lui imprimer les mouvements nécessaires à sa subluxation, les mors du davier ne doivent pas l’écraser. La prise en main des branches de l’instrument est franche, calée dans le pli d’opposition du pouce et enroulée des quatre autres doigts. La pulpe du pouce est engagée entre les deux bras de l’instrument et constitue un rempart souple qui permet de doser à tout moment la pression exercée sur la structure dentaire. La position du davier sur la dent doit garantir un maximum de prise ; pour ce faire, les mors de l’instrument sont insérés le plus profondément possible dans l’espace sulculaire. L’opérateur travaille le bras en adduction, ce qui lui assure une meilleure stabilité gestuelle.
Curettes (fig 17, 18) Daviers mandibulaires.
Fonctions. Leur rôle est d’explorer l’alvéole déshabitée afin d’en retirer les éventuels débris tissulaires qu’ils soient osseux, dentaires, kystiques ou de granulation. Elles sont constituées d’un manche fin et d’une extrémité en forme de cuillère. Variétés. Les plus communément utilisées sont les curettes de Chompret. Elles sont au nombre de trois : curette droite, curettes coudées sur le tranchant à droite et à gauche. Utilisation. La prise est de type « porte-plume », la face concave de la partie active est appliquée sur toutes les parois de l’alvéole et progresse de la profondeur vers la superficie, assurant ainsi un curetage soigneux de la cavité. 13 Comparaison des mors du davier à prémolaires et à molaires mandibulaires.
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Fonctions. C’est une pince coupante, qui permet de régulariser les rebords alvéolaires saillants. Plus généralement, son utilisation est réservée à la
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B A
Pince-gouge (fig 17)
14 Coupe axiale d’une molaire mandibulaire davier en place. A. Lingual. B. vestibulaire ; 1. racine mésiale (deux canaux) ; 2. racine distale (un canal).
17 Curette droite de Chompret, râpe à os parfois utilisée pour la régularisation de crête, pince-gouge.
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18 Tenue « porte-plume » de la curette.
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20 Mouvements de luxation d’une incisive maxillaire. 1. Luxation vestibulaire d’une amplitude plus marquée qu’en palatin ; 2. luxation palatine ; 3. petits mouvements de rotation horaire et antihoraire ; 4. traction axiale terminant l’avulsion.
19 Matériel de suture : pince porte-aiguille ; pince de Backey.
régularisation des septa interdentaires lors des avulsions multiples. Une râpe à os peut être utilisée dans le même but, mais avec une efficacité moindre. Variétés. Un peu à l’image des daviers, il en existe de formes multiples. Elles peuvent être droites ou coudées de 90 à 120°, avec des mors plus ou moins larges. Elles présentent un ressort de rappel entre les deux manches. Le bord des mors est coupant. Utilisation. La tenue est identique à celle d’un davier, excepté le fait qu’il n’y a pas d’interposition de la pulpe du pouce entre les manches. La pression exercée par la main sur les branches de l’instrument rapproche les mors tranchants sur le rebord crestal à régulariser, aboutissant à la coupe de l’extrémité osseuse saillante. L’absence d’épine osseuse irritative favorise une bonne cicatrisation alvéolaire.
Matériel de suture (fig 19) Même dans le cadre des extractions simples, il peut être nécessaire de tenir à disposition un matériel de suture pour parfaire une hémostase difficile à obtenir par une simple compression.
Protocole opératoire de base Bien que nous n’envisagions que les techniques opératoires, il faut tout de même mentionner l’importance du bilan clinique et paraclinique (essentiellement radioclinique) qui permet de recueillir des renseignements opératoires d’ordre anatomique sur la dent à extraire, sur le contexte environnemental (rapport avec les structures anatomiques sus- ou sousjacentes, rapport avec les dents bordantes), afin de prévoir et prévenir les difficultés éventuelles.
Désinfection péribuccale et endobuccale Elle peut être effectuée avec un simple bain de bouche que le patient réalise lui-même, mais idéalement il est souhaitable qu’elle soit pratiquée par le praticien à l’aide-compresse sur pince de Kocher imbibée d’antiseptique, en badigeonnant d’abord les lèvres puis l’intérieur de la bouche.
Anesthésie C’est un temps important. Sans un silence opératoire correct, il est difficile de mener à bien une avulsion dentaire (cf infra).
Syndesmotomie Il faut choisir le syndesmotome qui convient à la topographie ou localisation de la dent. Rappelons que le syndesmotome faucille de Chompret peut être considéré comme universel et convient à pratiquement toutes les topographies. Pour les dents maxillaires, mains et instruments travaillent selon l’axe général de la dent. Pour les dents mandibulaires, l’orientation est proche d’un angle droit. La syndesmotomie s’effectue sur toutes les faces de la dent et au contact de celle-ci, avec les points d’appui pour se préserver de tout dérapage d’instrument.
Subluxation Après la syndesmotomie, l’utilisation prudente de l’élévateur contribue à mobiliser la dent. Son utilisation n’est pas une obligation, elle contribue à faciliter l’action du davier et suffit parfois à pratiquer l’avulsion dentaire.
Avulsion (fig 20) Le choix du davier est prépondérant pour garantir une prise correcte de la dent à extraire. La position des mors doit assurer un maximum de prise. Les mouvements à imprimer sont variables selon le type de dent. Généralement, grâce à une série de manœuvres vestibulolinguales ou vestibulopalatines (d’une amplitude plus marquée vers le vestibule), par des petits mouvements de rotation (notamment pour les monoradiculées), ou par une combinaison de ces gestes, la dent est luxée et extraite de son alvéole. Une force de traction selon le grand axe de la dent peut être exercée lorsqu’il ne s’agit plus que d’une simple cueillette de l’organe dentaire et que l’amplitude du mouvement, au moment de l’extraction, ne risque pas d’endommager par choc du davier les éléments antagonistes. Dès l’avulsion terminée, il faut pratiquer un examen de la dent pour contrôler son intégrité radiculaire (nombre de racines, présence des apex) pour s’assurer que rien n’a été laissé en place.
Révision alvéolaire On vérifie l’intégrité des parois alvéolaires. En cas de fragment osseux fracturé, si celui-ci est de petite dimension, il doit être retiré. Si, au contraire, son volume est considérable, il faut s’enquérir de son degré d’attachement au périoste et évaluer ses possibilités de conservation ou ses risques de séquestration avant d’avoir une pratique d’exérèse systématique. L’utilisation des curettes de Chompret est tout à fait indiquée pour l’exploration de l’alvéole. Elles permettent également, quand l’os ne saigne pas, d’aviver ses parois par un grattage appuyé pour s’assurer de la formation d’un caillot indispensable à la cicatrisation. Il est parfois nécessaire de pratiquer une régularisation des crêtes saillantes à l’aide d’une pince-gouge.
Hémostase C’est un temps qu’il ne faut pas négliger. Le patient ne doit pas repartir tant que l’hémostase n’est pas satisfaisante. Rien ne sert de mettre systématiquement en place un matériau hémostatique. Dans la majeure partie des cas, un rapprochement entre le pouce et l’index des berges gingivoalvéolaires, complété par une compression verticale exercée par le patient en mordant sur une ou deux compresses repliées, suffit à garantir la formation d’un caillot de bonne qualité.
Conseils postopératoires Éviter les bains de bouche pendant les 24 premières heures qui sont toujours susceptibles d’éliminer un caillot trop fraîchement formé. Tabac, alcool et boissons chaudes sont également à proscrire le premier jour. Une hygiène correcte doit être maintenue. Il existe des brosses à dents chirurgicales à poils très souples qui permettent de reprendre très tôt le page 5
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EXTRACTIONS DENTAIRES : TECHNIQUES OPÉRATOIRES
brossage du secteur concerné. Pour lutter contre la douleur postopératoire très variable selon les patients, éviter la prise d’anti-inflammatoire non stéroïdien sans couverture antibiotique, bannir l’aspirine et préférer les antalgiques purs à base de paracétamol.
Indications particulières Il appartient à l’opérateur maintenant de moduler le protocole de base en fonction d’un certain nombre d’éléments que nous pouvons classer ainsi : – secteur dentaire ; – état morphologique de la dent ; – nombre de dents à extraire ; – conditions locales ou générales.
Selon le secteur dentaire Au maxillaire L’opérateur se place devant et à droite du patient, installé généralement en position semi-allongée. La main gauche du praticien expose la zone intéressée. L’index prend un appui vestibulaire, soulevant la lèvre et écartant la joue. Le pouce s’applique sur le versant palatin. La pince réalisée par ces deux doigts constitue un élément de stabilité et de protection autorisant des points d’appui et permettant d’exercer un effort antagoniste à celui exercé par les manœuvres d’avulsion. Le réglage du fauteuil doit être tel que l’axe instrument-main/avant-bras du praticien et celui de la dent à extraire soient dans le prolongement l’un et l’autre.
Groupe incisivocanin – Exposition et contrôle. Pouce et index de la main gauche sont placés de part et d’autre du rempart alvéolaire, les autres doigts reposent sur la région nasogénienne. – Syndesmotomie. Utiliser le syndesmotome droit de Chompret ou faucille, ou encore le syndesmotome de Bernard avec un insert droit. – Subluxation. L’emploi de l’élévateur droit de Roy doit être prudent face à la fragilité de la table externe. – Avulsion. Utilisation d’un davier à mors droits, plus ou moins large selon qu’il s’agit d’une canine ou d’une incisive. La manœuvre consiste à combiner des petits mouvements de rotation horaire et antihoraire se terminant par une traction de la racine vers la couronne. Il faut éviter ou réduire au minimum les mouvements classiques vestibulopalatins qui risquent d’être très dommageables à une table osseuse externe de faible épaisseur. – Révision alvéolaire et hémostase. Vérification de l’intégrité des tables osseuses ; la coaptation des berges est facile à obtenir étant donné la faible épaisseur des procès alvéolaires dans cette région.
Groupe prémolomolaire – Exposition et contrôle : – à droite : le praticien se place généralement plus en arrière du patient, mais toujours à droite. Le bras gauche entoure la tête de l’opéré. La main gauche étant en supination, c’est le pouce qui écarte la lèvre et la joue en prenant un appui vestibulaire tandis que l’index est en opposition au palais ; – à gauche : position et exposition sont semblables à celles requises pour le groupe incisivocanin, si ce n’est que la position des doigts-remparts est évidemment plus profonde en bouche en rapport avec la situation plus postérieure du groupe prémolomolaire. – Syndesmotomie. Selon l’opérateur, utilisation d’un syndesmotome de Chompret faucille ou droit, ou encore d’un syndesmotome de Bernard avec les inserts adaptés pour accéder à toutes les faces de la dent. – Subluxation. L’utilisation maîtrisée d’un élévateur droit autorise l’insertion de son extrémité active entre l’os alvéolaire et la racine dentaire ; avec un travail selon l’axe de la dent et par petits mouvements de rotation du manche, on provoque un élargissement de l’espace ligamentaire, ce qui facilite les manœuvres du davier. Cependant, la disposition des racines rend difficile l’utilisation de l’élévateur et les risques de traumatismes pour les dents bordantes sont non négligeables. – Avulsion. Choisir le davier adapté, se souvenir qu’il existe un davier gauche et un davier droit pour les molaires maxillaires (exception faite de la troisième molaire). Trois types de mouvements, le plus souvent combinés, participent à la luxation de la dent : mouvements vestibulopalatins (majorés en vestibulaire), mouvements de circumduction de faible amplitude, traction axiale contrôlée et généralement terminale pour finir l’extraction. – Révision alvéolaire et hémostase. Exploration prudente de l’alvéole à l’aide d’une curette adaptée, en prenant garde de ne pas léser le plancher sinusien souvent procident ou intriqué avec les racines de la première molaire. La régularisation septale est quasi systématique lors de l’avulsion de pluriradiculés. Pincer fortement avec les doigts les berges alvéolaires afin de faciliter une bonne hémostase. page 6
Stomatologie/Odontologie
À la mandibule Le patient est en position assise ou semi-allongée. La main de l’opérateur, son avant-bras, ainsi que le manche des instruments utilisés sont alignés. L’axe ainsi constitué est parallèle au plan mandibulaire.
Groupe incisivocanin – Exposition et contrôle. Index et pouce de la main gauche se placent de part et d’autre du rempart alvéolaire antérieur assurant à la fois un maintien de la mandibule, l’écartement de la lèvre inférieure et le refoulement de la langue. Les autres doigts se placent en repli sous la mâchoire et la soutiennent. – Syndesmotomie. Choisir le syndesmotome le mieux adapté à la situation. Pour les incisives, il est préférable d’utiliser les lames d’un syndesmotome de Bernard dont la finesse est plus adaptée au volume réduit des racines. – Subluxation. La proximité radiculaire des incisives mandibulaires rend souvent difficile l’insertion de l’extrémité d’un élévateur dans l’espace desmodontal. La faible épaisseur des parois alvéolaires linguales et vestibulaires ne favorise pas les appuis pour le travail de l’instrument ; de plus, les risques de pression iatrogène sur les dents voisines sont considérables. En résumé, l’utilisation des élévateurs n’a que peu d’intérêt pour ce groupe dentaire et si l’opérateur averti s’autorise leur emploi de façon prudente, le praticien moins expérimenté se méfiera d’une luxation accidentelle des dents adjacentes. – Avulsion. Insertion des mors du davier le plus loin possible le long de la racine. Les mouvements combinés de luxation vestubulolinguale et de rotation modérée, terminés généralement par une traction vers le haut, permettent l’extraction de la dent. Il faut se méfier tout particulièrement d’une butée incontrôlée de la tête du davier sur le groupe incisivocanin antagoniste lors du mouvement final. – Révision alvéolaire et hémostase. Aucune particularité notable. Le rapprochement des berges par pression digitale est facilité par la fine épaisseur des tables osseuses internes et externes.
Groupe prémolomolaire La position de l’opérateur par rapport à l’opéré est différente selon qu’il s’agit d’une dent droite ou d’une dent gauche. • À gauche : l’opérateur se situe devant le patient
– Exposition et contrôle. Le pouce de la main gauche est « vestibulaire » et refoule la joue, l’index est « lingual » repoussant la langue, les autres doigts se placent sous le rebord basilaire et maintiennent la mandibule. – Syndesmotomie. L’utilisation d’un syndesmotome faucille suffit à réaliser la syndesmotomie sur la totale périphérie de la dent. L’emploi du syndesmotome de Chompret, coudé sur le tranchant pour les faces linguales et vestibulaires, impose une syndesmotomie complémentaire sur les faces distales et mésiales à l’aide de l’instrument coudé sur le plat. Le syndesmotome de Bernard est également indiqué mais nécessite l’utilisation de plusieurs lames coudées. – Subluxation. Le plus souvent un élévateur coudé sur le bord lancéolé est placé en distovestibulaire de la dent à extraire. Des petits mouvements de rotation permettent progressivement la mobilisation de la dent, plus facile à obtenir sur les prémolaires que sur les molaires. Il faut bannir les points d’appui sur les dents voisines sous peine de fracture de celles-ci. – Avulsion. En maintenant une ferme pression digitale sur les tables osseuses alvéolaires, le praticien exerce, à l’aide du davier adapté, des mouvements de bascule linguovestibulaire d’une amplitude toujours plus marquée vers le vestibule. L’avulsion se termine par une traction contrôlée dans l’axe de la dent. L’anatomie radiculaire des prémolaires autorise la combinaison de mouvements de rotation à ceux précédemment décrits. – Révision alvéolaire et hémostase. À l’issue de l’avulsion dentaire, les rebords alvéolaires vestibulaires ainsi que les septa interradiculaires des molaires forment souvent des esquilles osseuses irritatives qu’il est nécessaire de régulariser à l’aide d’une pince-gouge. La révision alvéolaire, grâce à l’utilisation de curettes de Chompret coudées, permet d’éliminer d’éventuels débris tissulaires. La proximité du canal dentaire ou du trou mentonnier imposera un curetage prudent du fond des alvéoles concernées, bien qu’il soit rarement décrit de lésion des structures nerveuses par l’utilisation de ces instruments. Le rapprochement des berges par la pression digitale est partiel, mais contribue tout de même à faciliter la formation du caillot. • À droite : le praticien se place derrière le patient
– Exposition et contrôle. Le bras gauche de l’opérateur entoure l’extrémité céphalique du patient, le pouce est lingual tandis que l’index est vestibulaire. – Autres temps. Ils sont comparables à ceux précédemment décrits.
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Aspect morphologique de la dent Certains états morphologiques de la dent, qu’ils soient constitutionnels ou la conséquence d’un processus pathologique, ne facilitent pas l’intervention. Ceux-ci peuvent concerner la partie coronaire ou radiculaire de l’organe dentaire.
État coronaire Les couronnes fragiles ou fragilisées suite à des pertes de substances d’origine traumatique ou carieuse offrent une prise instrumentale bien moins sûre qu’une couronne intacte. L’opérateur s’attachera à pratiquer une bonne mobilisation de la dent à l’aide d’élévateurs afin de réduire au maximum les contraintes mécaniques qu’inflige l’utilisation du davier à la partie coronaire lors des manœuvres d’avulsion, avec tous les risques de fractures que celles-ci supposent.
État radiculaire L’obstacle potentiel représenté par la morphologie radiculaire ne peut être apprécié cliniquement. Seul l’examen radiologique permet d’objectiver la difficulté réelle liée aux particularités anatomiques radiculaires. Les racines droites de volume et d’orientation normale qui ne présentent pas de contre-dépouille ne posent en général que peu de problèmes. En revanche, il faudra être plus particulièrement prévenant face à des racines grêles ou volumineuses présentant parfois des apex crochus et/ou des orientations divergentes, qui devront orienter d’emblée le praticien vers des techniques opératoires plus adaptées (alvéolectomie, séparation de racines) (cf infra). Le soin apporté au bilan opératoire doit permettre de prévenir toutes ces difficultés en orientant dès le départ le praticien vers l’acte et la technique appropriés.
Nombre de dents Lorsqu’une indication d’avulsions dentaires multiples est posée pour des raisons inhérentes à un état buccodentaire particulièrement déplorable et négligé, ou lorsque celle-ci s’inscrit dans le cadre d’un traitement préparatoire visant à éradiquer tout foyer infectieux potentiel d’origine dentaire (greffe d’organe, valvulopathie, pose d’endoprothèses valvulaires ou articulaires, radiothérapie cervicofaciale...), il peut être judicieux ou nécessaire de pratiquer cet acte sous anesthésie générale. L’avantage est de réaliser en un seul temps l’ensemble des extractions dentaires utiles et de diminuer au total le retentissement général et local du geste buccal. Les temps opératoires sont identiques à ceux décrits dans un acte réalisé sous anesthésie locale. La multiplicité des sites d’extraction impose le plus souvent une régularisation crêtale de l’os alvéolaire qui doit être menée sans excès. Celle-ci est réalisée à l’aide d’une pince-gouge ou d’une grosse fraise-boule sur pièce à main sous une irrigation stérile. Un rapprochement soigneux des berges gingivales par des sutures les plus étanches possibles permet généralement d’obtenir une cicatrisation rapide et indolore. Des prothèses transitoires (sauf en cas de radiothérapie) confectionnées avant l’intervention grâce à des moulages sur lesquels le prothésiste, suite aux indications du praticien, aura simulé les avulsions, peuvent être indiquées pour le confort fonctionnel et psychologique du patient. Lors de la mise en place, un rebasage en résine molle est souhaitable. Il permet une meilleure adaptation de l’intrados prothétique à un tissu fraîchement traumatisé tout en assurant sa protection. Des réglages seront nécessaires pendant la période de cicatrisation.
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patient qui sera l’élément déterminant. Il faut bannir l’acte réalisé sous contrainte qui peut aboutir à des manipulations dangereuses et surtout traumatiser psychologiquement l’enfant. Si la cueillette de la dent de lait en fin de rhizalyse ne présente techniquement aucune difficulté, il n’en sera pas de même pour un organe dentaire lactéal dont les racines sont encore bien présentes. Il faudra tout particulièrement se méfier de la présence du germe de la dent définitive sous-jacente, encore peu édifiée et donc très vulnérable.
Avulsion dentaire chez le sujet âgé Très souvent polymédicamenté, ne connaissant pas toujours très précisément la ou les pathologies générales pour lesquelles il est soigné, le patient âgé doit être abordé prudemment. Le bilan préopératoire revêt alors toute son importance et permet de cerner le contexte général du patient. Le vieillissement physiologique aboutit à un certain nombre de modifications tant générales que locales. Citons notamment les éléments qui nous concernent plus directement dans notre pratique : – la résorption osseuse ainsi que l’ostéoporose contribuent à la fragilité du squelette maxillomandibulaire ; – la fragilité des parois vasculaires favorise l’apparition d’hématomes postopératoires, la laxité des téguments faciaux à la diffusion de ceux-ci ; – l’ankylose dentoalvéolaire chez les sujets bruxomanes augmente avec l’âge ; – les parodontites sont plus fréquentes et marquées avec l’âge avancé.
Incidents peropératoires Une extraction simple peut à tout moment se compliquer par la survenue de divers incidents. Les incidents généraux et régionaux, qui font l’objet d’un développement particulier dans cet ouvrage, ne seront pas abordés. Nous nous attacherons à décrire ceux présentant un caractère local. Ceux-ci peuvent concerner la dent, l’os, la muqueuse et les instruments.
Incidents intéressant la dent Erreur de dent Aussi idiot que cet incident puisse paraître, il n’en est pas moins relativement fréquent. Il peut entraîner des conséquences médicolégales graves. C’est pourquoi le praticien doit avant tout repérer le plus précisément possible la dent qu’il doit extraire (notamment dans le cas d’indication d’avulsion des prémolaires en orthopédie dentofaciale [ODF]) et travailler le plus possible en vision directe. La meilleure des préventions est de compter les dents.
Dent concernée Au cours des différentes étapes de l’avulsion, une extraction simple peut devenir difficile suite à la fracture de la partie coronaire ou radiculaire de la dent, ou encore consécutivement à la projection d’un apex dans une cavité naturelle. Cela nécessite alors le recours à des techniques complémentaires qui sont exposées ultérieurement.
Dents bordantes
Conditions locales ou générales Avulsion dentaire sur terrain local infecté Certains préconisent l’intervention « à chaud » ; d’autres, plus nombreux, préfèrent différer l’intervention de 24 heures et instaurer une antibiothérapie dans un premier temps, éventuellement pratiquer un drainage s’il y a présence d’une collection. L’opérateur peut alors être confronté à deux problèmes essentiels qui sont la conséquence de l’état inflammatoire du site. – Le patient peut présenter une diminution d’ouverture buccale consécutive à l’installation d’un trismus (fréquent dans les cellulites géniennes basses). Une anesthésie massétérine par voie transcutanée, complétée par une anesthésie locorégionale à l’épine de Spix, permet généralement de lever le handicap. L’anesthésie générale, si elle est indiquée, a les mêmes effets. – Le silence opératoire peut être difficile à obtenir. L’anesthésie locale seule est rarement suffisante, elle doit constituer le complément d’une locorégionale pratiquée à distance du foyer infectieux.
Avulsion dentaire chez l’enfant L’abord psychologique est primordial pour pouvoir ou non réaliser l’acte dans des conditions satisfaisantes. Une prémédication sédative peut aider le praticien, mais plus généralement c’est le degré de coopération du jeune
Un appui iatrogène sur une dent voisine, d’autant plus fragile qu’elle sera porteuse d’une reconstitution coronaire, peut aboutir à une fracture partielle ou totale de la couronne. Plus fréquemment, il peut se produire le descellement d’une prothèse conjointe voisine. La complication majeure demeure sans doute la luxation de la dent adjacente par des appuis et forces mal adaptés, exercés généralement par l’utilisation d’un élévateur.
Incidents intéressant l’os La fracture d’une paroi alvéolaire ou d’un septum est une complication fréquente. Elle peut être parfois mutilante dans la mesure où elle compromet une future réhabilitation prothétique implantaire en privant le patient d’un site receveur compatible avec ce type de traitement. Il faut toujours être économe avec l’os alvéolaire. Une alvéolectomie menée soigneusement est généralement moins délabrante qu’une avulsion réalisée en force, entraînant avec la dent une partie de la table externe. Plus grave est la fracture de l’os basal, heureusement rare, mais dont les conséquences tant dans le traitement que dans les suites médicolégales sont beaucoup plus graves. page 7
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Incidents intéressant la muqueuse
Stomatologie/Odontologie
Fracture d’instrument
La maîtrise d’une bonne gestuelle et l’utilisation d’une instrumentation adéquate minimisent la fréquence des dérapages instrumentaux générateurs d’effractions des tissus mous. Cependant, quand ceux-ci surviennent, il faut savoir rapidement parer un problème hémorragique en clampant ou en comprimant une artériole lésée. Les déchirures des muqueuses, selon leur importance, seront suturées afin d’éviter tout problème infectieux ou formation de brides cicatricielles.
L’utilisation des instruments dans la fonction pour laquelle ils ont été conçus doit prévenir ce genre de risque. Plus l’extrémité travaillante sera fine, plus le risque de rupture sera élevé. Il est important que l’opérateur utilise des instruments de qualité et que ceux-ci bénéficient d’un entretien soigneux afin de réduire au maximum la fréquence de ces incidents.
Extractions dentaires difficiles Nous définissons l’extraction dentaire difficile comme l’avulsion d’une dent en situation normale ou paranormale, dont l’état pathologique, ou la morphologie coronaire et/ou radiculaire, nécessite un geste chirurgical spécifique complémentaire à la technique opératoire de base. Sont exposés successivement : – les facteurs locaux des difficultés ; – les moyens complémentaires : – matériels et instrumentations ; – techniques spécifiques : – alvéolectomie ; – séparation de racines.
Causes locales des difficultés Les raisons qui peuvent rendre une avulsion dentaire difficile sont multiples. Elles peuvent être d’ordre général, régional ou local. Dans notre propos, seuls les éléments locaux, c’est-à-dire ceux relatifs à la dent et son environnement proche, sont exposés.
Difficultes liées à la dent Position, morphologie, état naturel ou acquis de la dent conditionnent la difficulté de l’acte.
Position En dehors des dents incluses ou enclavées qui font l’objet d’un développement ultérieur, des orientations ou des positions paranormales compliquent parfois la réalisation de l’avulsion. La situation vestibulaire, palatine ou linguale d’une dent à extraire s’accompagne généralement d’un rapprochement des dents bordantes. L’opérateur se trouve ainsi confronté à un manque de place à la fois pour le positionnement des instruments (les mors du davier trouvent difficilement leur prise) et pour la réalisation des manœuvres de luxation vestibulobuccale. Les dents qui présentent des rapports anatomiques intimes avec le sinus maxillaire ou le canal dentaire sont par définition des dangers potentiels.
Morphologie Qu’il s’agisse de particularités anatomiques liées à la partie coronaire et/ou radiculaire de la dent, certaines morphologies sont à l’origine de difficultés fréquentes. Partie coronaire. Des couronnes volumineuses ou inversement réduites sont parfois gênantes. C’est par défaut de préhension, par inadéquation des mors des daviers existants à la morphologie coronaire que ces avulsions deviennent alors délicates. Partie radiculaire. De la même façon, des racines grêles volumineuses sont génératrices de difficultés. Sujettes à un excès de rétention ou à des risques de fracture lors de la mobilisation, elles imposent parfois la pratique d’un dégagement osseux avant d’être extirpées dans leur intégralité. Les apex crochus, les contre-dépouilles radiculaires, les orientations convergentes ou divergentes lorsqu’il s’agit de dents pluriradiculées, contribuent à la complexité de l’acte.
État dentaire Que ce soit l’état naturel de l’organe dentaire ou le résultat d’un processus pathologique (rhizalyse interne ou externe, destruction carieuse), ou encore la conséquence d’un traumatisme dentaire, les dents fragiles ou délabrées se fracturent facilement au cours des manœuvres opératoires. Le praticien est alors fréquemment confronté à la persistance de la partie radiculaire en situation infra-alvéolaire n’offrant que peu de prise au davier. De même, toutes les dents porteuses de reconstitution coronaire partielle ou totale sont susceptibles de se briser au cours de l’acte opératoire. page 8
Difficultés liées au contexte parodontal Le système d’ancrage de la dent reconstitué en particulier par le desmodonte peut, dans un certain nombre de cas, s’effacer, voire disparaître complètement, au profit d’une véritable ankylose de la racine dans l’os alvéolaire. Il est alors difficile, voire impossible, pour le praticien de réaliser le clivage de l’élément radiculaire sans avoir recours à un dégagement osseux. Les dents du patient bruxomane, ainsi que celles qui ont bénéficié d’un traitement endodontique, présentent souvent un certain degré d’ankylose. Dans la bruxomanie, la répétition de microtraumatismes occlusaux est à l’origine d’une hypercémentose qui se développe aux dépens du ligament alvéolodentaire, aboutissant à cette confusion entre l’os et la racine.
Moyens complémentaires Afin de surmonter les obstacles rencontrés dans les avulsions dentaires difficiles, l’opérateur dispose de techniques complémentaires qui s’ajoutent à celles décrites dans le protocole opératoire de base (cf supra). Qu’il s’agisse de l’alvéolectomie ou de la séparation de racines, trois temps peuvent être individualisés, correspondant chacun à un groupe instrumental particulier : – le temps muqueux ; – le temps osseux ; – le temps dentaire. Nous envisageons, dans une première partie, le matériel complémentaire requis pour ces différentes étapes. Secondairement seront exposées les techniques spécifiques. L’instrumentation de base décrite dans le chapitre sur les avulsions dentaires simples ne sera pas reprise. Il conviendra de s’y référer.
Matériels et instrumentations Instrumentation pour le temps muqueux But Ouvrir et dégager le site opératoire en réclinant la fibromuqueuse gingivale, puis assurer le repositionnement du lambeau après l’extraction dentaire.
Matériel – Bistouri (fig 21, 22) : en travaillant au contact des corticales osseuses, il permet une section franche de la fibromuqueuse gingivale. Plusieurs types de lames sont à la disposition de l’opérateur, mais il convient généralement de préférer les lames 11 et 15 pour leur finesse. – Décolleur ou rugine (fig 23) : à l’issue de l’incision, l’instrument permet de décoller et de récliner un lambeau mucopériosté en travaillant au contact du plan osseux sous-jacent. – Écarteur (fig 24) : il en existe un grand nombre à la disposition de l’opérateur ; nous ne citerons que ceux utilisés le plus couramment. Il s’agit des écarteurs de Dautrey, de Farabeuf et les lames souples que le praticien transforme à sa guise. Leur rôle est de charger le lambeau et de protéger les parties molles pendant les étapes ultérieures. – Pinces ou précelles à griffes : les extrémités munies de griffes autorisent ces engins à saisir la fibromuqueuse réclinée et facilitent ainsi l’embrochage par l’aiguille du fil de suture lors du temps de fermeture. – Pince porte-aiguille et ciseaux à fil. – Fil de suture : généralement, l’opérateur utilisera une aiguille sertie 3/8e de cercle, triangulaire, d’une longueur de 19 mm. Selon le choix du praticien, le fil sera résorbable ou non et d’un diamètre de 2/0 à 5/0.
Instrumentation pour le temps osseux But Il est de réséquer l’os alvéolaire pour dégager le système radiculaire de la dent à extraire et rendre le site accessible aux autres instruments participant à l’avulsion de l’odonte.
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21 Bistouris jetables lame 15, 11, 12.
25 Turbine et pièce à main avec fraises adéquates.
22 Manche de bistouri et lames dissociées jetables 15 et 11.
26 Fraise Zécrya à os pour turbine, fraise fissure tungstène pour pièce à main, fraiseboule tungstène pour pièce à main.
– Pinces-gouges : elles servent à régulariser les rebords alvéolaires et les septa intermédiaires. Leur utilisation peut être complétée par l’emploi d’une grosse fraise-boule ou ogivale sur une pièce à main sous une irrigation stérile.
Instrumentation pour le temps dentaire But Saisir, luxer et sortir l’élément dentaire à l’issue ou non des autres temps opératoires. 23 Différents types de décolleurs et rugines.
Matériel – Syndesmotome : essentiellement le faucille de Chompret ou de Bernard avec la lame adéquate. – Élévateur : utilisation des élévateurs fins, droits ou coudés. – Davier à racine.
Techniques opératoires spécifiques On décrit classiquement deux techniques spécifiques qui peuvent être utilisées séparément ou complémentairement selon les difficultés auxquelles l’opérateur est confronté. Elles ont pour but de faciliter une extraction dentaire qui s’avère impossible ou difficile par les méthodes habituelles. 24
Écarteurs de Farabeuf et de Dautrey.
Matériel (fig 25, 26) On décrivait autrefois deux types d’instrumentation : l’une à frapper (ciseaux, burins) ; l’autre rotative (pièce à main, turbine, fraises adéquates). La première n’a plus actuellement qu’un caractère anecdotique, peu de praticiens continuent à l’utiliser étant donné les prestations et le confort, tant pour l’opéré que pour l’opérateur, qu’offre l’instrumentation rotative. Il existe deux types d’engins rotatifs présentant chacun leurs avantages et leurs inconvénients. – Pièce à main chirurgicale : c’est un instrument rotatif à entraînement mécanique muni d’une irrigation interne ou externe, utilisé avec des fraisesboules ou fissures en acier ou carbure tungstène. Le refroidissement assuré par de l’eau stérile évite l’échauffement de l’os. L’utilisation de la pièce par le praticien offre une meilleure appréciation du fraisage, permettant de distinguer tactilement le travail de l’os spongieux, de l’os cortical et de la dent (cette sensation étant quasiment effacée avec l’utilisation de la turbine). – Turbine : c’est un instrument rotatif à entraînement par air, le refroidissement étant assuré par un spray d’eau et d’air. La forme coudée de l’instrument facilite son travail en bouche. Munie généralement d’une fraise Zécrya chirurgicale, la turbine travaille rapidement en souplesse mais sans contrainte sous peine de blocage et de fracture de l’insert. Tactilement, il est difficile à l’opérateur de différencier le fraisage de l’os et de la dent. Le spray de refroidissement peut être à l’origine d’un emphysème sous-cutané.
Alvéolectomie Généralités. On la définit comme la technique opératoire qui permet d’exposer partiellement ou totalement la ou les racine(s) de la dent à extraire. Généralement, elle consiste en une ostéotomie de la table externe alvéolaire intéressant ou non les septa intermédiaires. Technique – Exposition du site : elle répond à une règle classique de la chirurgie qui consiste à parfaire l’exposition du site opératoire pour exercer en vision directe toutes les manœuvres nécessaires à la réalisation de l’acte. Après avoir pratiqué une anesthésie locale, éventuellement associée à une locorégionale notamment pour les secteurs molaires mandibulaires, l’opérateur, muni d’un bistouri à lame 11 ou 15, pratique une incision intrasulculaire accompagnée ou non d’un trait de décharge mésiale (cf supra) (fig 27 à 30). En aucun cas le trait de décharge, s’il est pratiqué, ne doit se faire en regard de la dent à avulser mais à distance. Pour ce faire, l’incision au collet se prolonge environ d’une dent de part et d’autre du site d’intervention. Le but étant d’obtenir un lambeau mucopériosté à base large facile à repositionner lors du temps de fermeture. Le décollement du lambeau s’effectue en partant du trait de décharge mésial (s’il est pratiqué) et progresse par cheminement de long des collets dentaires en s’enfonçant progressivement vers le fond du vestibule. – Alvéolectomie proprement dite (fig 31) : après le décollement et le chargement du lambeau à l’aide d’un écarteur, l’opérateur creuse une gouttière dans l’os alvéolaire vestibulaire grâce à l’instrument rotatif de son choix muni de la fraise adéquate ; le rempart dentaire servant de guide. Il réalise une véritable ostéotomie latérale avec agrandissement de l’espace page 9
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27 Incision intrasulculaire simple (sans trait de décharge). Elle doit être prolongée d’un peu plus d’une dent de part et d’autre du site opératoire afin de jouer sur l’élasticité de la fibromuqueuse lors du décollement et du chargement du lambeau.
28 Incision intrasulculaire avec trait de décharge mésial. Le trait de décharge est oblique dans le but d’obtenir un lambeau à base large et pratiqué à la distance d’environ une dent du site d’intervention. Il doit respecter autant que possible les papilles et devra être prudent en regard des première et deuxième prémolaires mandibulaires, en raison de la présence du trou mentonnier.
29 Incision intrasulculaire avec traits de décharge mésial et distal. Ce type de lambeau trapézoïdal offre un excellent accès au site d’intervention.
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Incision arciforme ou en L. Ces types d’incisions sont essentiellement utilisés pour les résections apicales ou l’ablation d’apex résiduels.
desmodontal, facilitant ainsi l’accessibilité à la partie radiculaire. Il effondre à volonté la hauteur du pan osseux vestibulaire jusqu’à l’obtention d’un dégagement suffisant permettant l’avulsion du reliquat dentaire. – Avulsion, révision alvéolaire, fermeture du site : la réalisation d’une petite encoche dans l’élément radiculaire facilite parfois l’extraction en autorisant l’appui de l’extrémité d’un élévateur. Généralement, l’avulsion est réalisée grâce à l’utilisation d’instrument à partie travaillante fine : syndesmotome faucille de Chompret ou de Bernard, élévateurs fins, davier à racines. Lorsqu’il s’agit d’extirper un apex immédiatement après une avulsion incomplète, cela peut être effectué à l’aide d’un instrument endodontique « vissé » dans le canal radiculaire (fig 32). L’alvéole est révisé. Le lambeau est repositionné et suturé par points séparés, simples et peu serrés. page 10
Séparation de racines (fig 33, 34) Généralités. Par définition, elle concerne les dents pluriradiculées. Sa réalisation permet de lever l’obstacle constitué par la divergence ou la convergence radiculaire qui s’oppose mécaniquement à la « sortie » de l’odonte de l’alvéole. Cette technique peut être utilisée seule ou compléter une alvéolectomie selon le cas. Technique. Nous prendrons comme modèle de description une molaire mandibulaire biradiculée. – Exposition de la bifurcation radiculaire : la réalisation d’une syndesmotomie profonde, voire d’un petit lambeau mucopériosté, permet de mettre en évidence la bifurcation radiculaire vestibulaire qui sert de point de repérage pour le temps de fraisage.
Stomatologie/Odontologie
EXTRACTIONS DENTAIRES : TECHNIQUES OPÉRATOIRES
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– Première prémolaire maxillaire (prémolaire biradiculée) : le trait de séparation est mésiodistal.
Complications peropératoires Celles-ci peuvent concerner les éléments dentaires, l’os, les parties molles et l’instrumentation. Plus une extraction dentaire est difficile, plus elle est succeptible d’être à l’origine de complications peropératoires.
Fractures d’instruments 31 Ostéotomie latérale à mihauteur radiculaire d’une prémolaire maxillaire.
La fracture d’une fraise ou d’un foret n’est pas chose rare, surtout si l’instrument rotatif support est une turbine. Le blocage de la partie active de la fraise peut être à l’origine de sa désolidarisation du mandrin par cassure nette. Il faut rechercher cliniquement et radiologiquement le matériel fracturé et en faire l’ablation car il peut engendrer des infections au sein de l’os.
Dents bordantes Outre les risques de fractures, voire de luxation accidentelle des dents bordantes lors des manœuvres d’avulsion, la pratique d’une alvéolectomie trop large peut entraîner des lésions des racines voisines avec ultérieurement des mortifications pulpaires.
Parties molles 32 Extraction d’un apex à l’aide d’un instrument endodontique.
1
2
33 Séparation radiculaire vestibulolinguale d’une molaire mandibulaire. 1. Lingual ; 2. vestibulaire.
Sous l’action d’un maniement peu délicat des écarteurs, des contusions des tissus mous peuvent se produire. L’utilisation prolongée de la pièce à main génère un échauffement de la partie mécanique pouvant être à l’origine de brûlures des muqueuses d’autant plus gênantes quand elles concernent la commissure labiale et le rempart cutané. Les pièces à main à irrigation interne évitent ce genre d’incident ; de plus, l’application de vaseline sur le rempart des lèvres constitue une protection supplémentaire. La levée d’un lambeau mucopériosté suivie de l’utilisation de la turbine est parfois générateur d’un emphysème sous-cutané. Il faut savoir en faire le diagnostic. C’est un incident d’apparition immédiate, caractérisé par une tuméfaction qui « crépite » sous la pression digitale. Devant les risques de diffusion sous-périostée d’un infiltrat aérohydrique non stérile, l’antibiothérapie est de rigueur. Des hémorragies provoquées par un dérapage instrumental qui lèse les parois d’un vaisseau peuvent perturber grandement le déroulement de l’intervention. Sous une bonne aspiration, il faut pratiquer rapidement une thermocoagulation de la source du saignement, rarement une ligature.
Os 1
Nous n’aborderons que les effractions des cavités naturelles.
Effraction du plancher du sinus maxillaire
2
34
Séparation radiculaire en T d’une molaire maxillaire. 1. Vestibulaire ; 2. palatin.
– Fraisage de la dent : à l’aide d’une fraise fissure sur pièce à main et sous une bonne irrigation, l’opérateur réalise une gouttière vestibulolinguale en démarrant de la bifurcation. Beaucoup de praticiens préfèrent l’utilisation de la turbine qui confère une meilleure capacité de coupe pour les tissus dentaires. Il est souhaitable que la séparation effectuée par l’action de la fraise ne soit pas complète jusqu’en lingual, dans le but de préserver le rempart osseux interne et d’éviter toute pénétration involontaire de l’intrument rotatif vers les tissus mous. – Séparation : suite à l’insertion de l’extrémité d’un syndesmotome droit de Chompret ou d’un élévateur dans le sillon réalisé, le praticien imprime un léger mouvement de rotation qui désolidarise les deux parties en fracturant les tissus dentaires restants. – Extraction : elle s’effectue ensuite selon la technique habituelle utilisée pour une dent monoradiculée. Variantes – Molaires maxillaires (dents triradiculées) : on réalise une séparation en T. Le trait vestibulopalatin clive les deux racines latérales ; le trait mésiodistal clive la volumineuse racine palatine des deux autres.
Elle n’est pas toujours due à une manœuvre malencontreuse. Il est important d’en faire le diagnostic et de s’assurer qu’aucun corps étranger d’origine dentaire ou instrumentale n’a été projeté dans la cavité aérienne. Une simple manœuvre de Vasalva suffit à mettre en évidence la présence d’une communication buccosinusienne. Le contrôle de l’intégrité des éléments radiculaires permet de suspecter ou non la possibilité de la projection d’un apex dans le sinus maxillaire. Seuls un complément radiographique de type profil de la face et une incidence de Blondeau permettent d’affirmer le diagnostic.
Conduite à tenir face à une communication buccosinusienne (fig 35) – Nettoyage soigneux des berges. – Fermeture la plus étanche possible du site par coaptation des berges et suture de la muqueuse par points séparés (sans tension). – Compression prolongée pour assurer la formation d’un caillot de bonne qualité. Conseils postopératoires : éviter la surpression intrasinusienne (mouchage violent, variation brutale de pression dans la pratique de certains sports). La réalisation d’une plaque palatine de recouvrement en postopératoire permet un plaquage efficace de la muqueuse et assure une protection idéale du site, favorisant ainsi une cicatrisation à l’abri de toute agression extérieure. La fermeture primaire de la communication buccosinusienne nécessite généralement la réalisation d’un lambeau vestibulaire suffisant en épaisseur totale d’abord, puis en épaisseur partielle. Ceci permet de libérer la quantité de fibromuqueuse nécessaire à une fermeture sans tension. page 11
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EXTRACTIONS DENTAIRES : TECHNIQUES OPÉRATOIRES
Stomatologie/Odontologie
2 3 Vestibule 1
Palais 4 5
35 Fermeture d’une communication buccosinusienne. 1. Lambeau d’épaisseur totale ; 2. lambeau d’épaisseur partielle ; 3. sinus ; 4. périoste ; 5. muqueuse.
Toute pathologie sinusienne sera un obstacle à la fermeture de la communication. Il conviendra donc de traiter celle-ci, s’il y a lieu, afin d’obtenir le résultat escompté. Dans tous les cas, le patient est mis sous antibiotique et revu régulièrement afin de juger de l’évolution du processus cicatriciel.
réaliser rapidement un bilan radiologique objectivant la présence du corps étranger avant de poser l’indication de son ablation. Parfois, en mettant le patient assis à 90° sur le fauteuil et en s’aidant d’un instrument mousse, il est possible de le retirer (sa localisation à l’apex de l’alvéole aura été assurée auparavant).
Conduite à tenir face la projection d’une racine dans le sinus maxillaire
Effraction du canal dentaire : relativement rare, lorsque celle-ci se produit, elle s’accompagne généralement d’une hémorragie en nappe facilement jugulable par une simple compression complétée éventuellement de matériaux hémostatiques. La projection d’un apex au sein du canal est encore plus rarement décrite.
Rien de dramatique pour le patient, il convient de le rassurer et de l’informer. Il faut instaurer une antibiothérapie de prévention et faire
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-096-A-10 –
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Extractions des canines et autres dents incluses F Denhez JB Seigneuric JF Andreani D Cantaloube
R é s u m é. – La réalisation d’extractions dentaires nécessite le respect d’un certain nombre de règles inhérentes à toute pratique chirurgicale. Les conditions d’installation, la connaissance du matériel et des instruments ainsi que leur utilisation rationnelle sont des éléments qui déterminent une bonne pratique opératoire. Les techniques présentées permettent d’aborder de façon progressive les difficultés correspondant aux différents cas de figure. C’est ainsi que sont d’abord exposées les extractions simples, puis les extractions difficiles et les extractions de dents incluses. Un dernier chapitre présente les complications liées à ces extractions et les différentes méthodes de prévention et de traitement. © 1999, Elsevier, Paris.
Extraction des canines incluses Après la troisième molaire, la canine définitive est la dent le plus souvent retenue avec une prévalence pour le site maxillaire. L’anomalie est plus fréquente chez la femme et la position est presque toujours palatine. Généralement les signes fonctionnels sont inexistants. C’est la persistance de la canine lactéale ou le retard d’évolution de la dent définitive qui conduit le praticien à réaliser un examen complémentaire radiologique, confirmant le diagnostic de l’organe dentaire en situation incluse. Parfois il existe des manifestations infectieuses, mécaniques, tumorales ou algiques qui conduisent le patient à consulter. Face à la rétention d’une canine définitive, trois possibilités sont offertes.
Abstention thérapeutique L’attitude qui consiste à laisser la dent incluse en place peut être retenue dans un certain nombre de cas : – l’examen clinique et radiologique révèle l’absence de toute notion de pathologie infectieuse, tumorale en rapport avec l’inclusion ; – l’âge du patient et/ou la position de la dent ou encore la morphologie de l’odonte rendent très hypothétique, voire impossible, la mise en place sur l’arcade ; – l’absence de demande et de motivation du patient devant une découverte fortuite ; – des risques très élevés d’une avulsion délabrante et potentiellement dangereuse pour les dents adjacentes.
Remise en place sur l’arcade La technique fait appel à la fois à la chirurgie buccale et à l’orthopédie dentofaciale, mais elle nécessite des conditions particulières (motivation du patient, possibilités techniques, âge...).
Extraction chirurgicale Elle fait l’objet de notre propos.
Généralités Indications d’avulsions Idéalement, étant donné le rôle primordial de la canine dans la fonction occlusale et son importance esthétique dans le sourire et le soutien des lèvres, il faut le plus possible « la mettre à sa place ». Cependant, des indications d’avulsions naissent de l’impossibilité technique ou circonstancielle (souvent relative au patient : considérations médicales, financières...) de repositionner la canine sur l’arcade, quand l’abstention thérapeutique n’est plus possible. Quatre circonstances cliniques amènent à l’acte chirurgical.
Complications infectieuses Une ouverture partielle du sac péricoronaire de la dent en rétention mettant en communication celui-ci avec le milieu buccal ou des actes de dévitalisation des dents voisines peuvent être à l’origine d’un envahissement bactérien du follicule, se manifestant alors par un accident infectieux de type péricoronarite, un abcès palatin ou vestibulaire selon la topographie de l’inclusion dentaire.
Manifestations tumorales ou pseudotumorales
© Elsevier, Paris
Il s’agit généralement d’une dégénérescence du sac péricoronaire évoluant vers une forme kystique (ostéolyse, infection possible localement et à distance par diffusion). Franck Denhez : Chirurgien dentiste des Armées. Jean-Baptiste Seigneuric : Assistant des hôpitaux des Armées. Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service. Jean-François Andreani : Spécialiste des hôpitaux des Armées. Service de chirurgie plastique et maxillofaciale, hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, BP 406, 92141 Clamart cedex, France.
Manifestations algiques Souvent mal systématisées, elles sont généralement révélatrices d’une transformation évolutive infectieuse.
Manifestations mécaniques Toute référence à cet article doit porter la mention : Denhez F, Seigneuric JB, Andreani JF et Cantaloube D. Extractions des canines et autres dents incluses. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-096-A-10, 1999, 6 p.
150 447
Pendant la croissance, des signes de dysharmonie dentomaxillaire se traduisant par des chevauchements des dents bordantes apparaissent suite à la poussée de la canine qui tente de trouver un chemin pour son éruption sur EMC [257]
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EXTRACTIONS DES CANINES ET AUTRES DENTS INCLUSES
l’arcade dentaire. Lorsqu’un traitement d’orthopédie dentofaciale n’est pas indiqué ou est refusé par le patient ou les parents (résultats trop incertains, anomalie morphologique de la dent incluse, défaut de coopération du patient, considérations financières...), l’indication d’avulsion peut être posée. Enfin, quel que soit l’âge du patient, l’évolution du sac péricoronaire de la canine incluse peut entraîner une résorption externe des systèmes radiculaires des dents voisines.
Stomatologie/Odontologie
a 63 b
Bilan préopératoire Examen clinique Si le bilan radiologique est fondamental, car il détermine la position de la dent incluse et de fait conditionne la technique opératoire, l’examen clinique n’en est pas moins indispensable. Après l’interrogatoire qui précise les antécédents personnels et éventuellement familiaux, l’examen clinique odontostomatologique endobuccal est pratiqué. Il permet de déterminer le nombre d’organes dentaires présents, le type d’occlusion du patient et précise une éventuelle dysharmonie dentomaxillaire. Devant l’absence d’une ou plusieurs canines définitives sur l’arcade, le praticien s’attache à rechercher l’existence d’une voussure palatine, vestibulaire ou linguale. L’examen clinique permet déjà d’envisager toutes les éventualités thérapeutiques concernant la ou les dents incluses avant de prendre une décision en accord avec le patient au vu de l’examen radiologique.
Examen radiologique • But
– Objectiver la présence de la dent incluse et préciser sa position selon les trois plans de l’espace. – Définir la morphologie coronoradiculaire de l’organe dentaire retenu. – Établir les rapports avec les dents adjacentes et structures anatomiques voisines (fosses nasales, sinus maxillaires, trou mentonnier, corticales internes et externes). – Évaluer le risque infectieux d’une intervention en vérifiant l’état des systèmes radiculaires des organes dentaires voisins (qualité des obturations radiculaires si présence de dents dévitalisées, absence de granulomes apicaux...). • Techniques radiologiques
Parmi les radiographies conventionnelles nous citerons : – les rétroalvéolaires : l’utilisation d’un angulateur évite les déformations. Ce type de cliché permet de situer très précisément la position de la canine selon un plan vertical. Cependant, son volume réduit ne permet généralement pas de visualiser la totalité de la structure ; – les radiographies occlusales : elles sont fondamentales. Ces clichés sont réalisés selon deux techniques classiquement décrites : incidence de Belot, incidence de Simpson. La dimension du film supérieure à celui d’un cliché rétroalvéolaire permet de situer la canine selon l’axe antéropostérieur, précisant la situation plus ou moins palatine, vestibulaire ou linguale de la dent, et indique les rapports avec les organes dentaires voisins ; – la radiographie panoramique : c’est une radiographie d’ensemble génératrice de nombreuses déformations. Cependant, elle permet de visualiser l’ensemble dentosquelettique et objective l’absence ou la présence de l’élément inclus au sein des maxillaires. Mais les renseignements fournis doivent absolument être complétés par d’autres clichés précédemment décrits pour préciser les orientations et les rapports ; – la tomodensitométrie : il ne s’agit plus ici d’une radiographie conventionnelle. Cette technique permet d’apporter un maximum de précisions topographiques et dimensionnelles et de préciser les rapports de contiguïté avec les éléments anatomiques voisins. La tomodensitométrie constitue un complément d’imagerie indispensable, dès qu’un doute persiste sur les éléments objectivés, dans un bilan radiologique conventionnel (obligation de moyen du praticien, responsabilité contractuelle).
c
45°
1 Incision intrasulculaire de type Gérard Maurel modifié. Trépanation osseuse en regard de la canine incluse afin de dégager la partie coronaire et le premier tiers radiculaire. Selon la situation d’inclusion de la dent, on peut parfois préserver le paquet vasculonerveux qui émerge du trou palatin antérieur en limitant le tracé de l’incision. a. Persistance de la canine lactéale sur l’arcade (63). b. Trou palatin antérieur. c. Chargement du lambeau à l’aide d’un fil de suture.
visualisation de la pointe canine au sein de la muqueuse palatine. En situation plus profonde, l’ensemble de la dent est enfoui dans l’épaisseur de l’os et peut jouxter les cavités sinusales et/ou nasales. Dans le vestibule l’inclusion est plutôt basse, visible et palpable cliniquement. Des situations hautes sont parfois décrites mais elles sont beaucoup plus rares. – Dans le plan horizontal : dans ces localisations les plus fréquentes, le grand axe de la canine forme généralement un angle de 45° par rapport à la ligne sagittale médiane. Elle est parfois plus centrale, pratiquement en projection sur la suture médiane ou à l’opposé plus latérale, son extrémité apicale jouxtant alors les prémolaires.
Topographie de la canine mandibulaire De la même façon, on décrit des inclusions sur le rempart mandibulaire interne ou externe (plus généralement), c’est-à-dire lingual ou vestibulaire, mais aussi des positions transalvéolaires. Les orientations selon les trois plans de l’espace peuvent aboutir à une dent en situation horizontale, verticale ou oblique. Plus rarement, les localisations ectopiques, avec une dent dont la position est très éloignée de celles classiquement rencontrées, sont observées. Citons pour exemple l’inclusion au sein du rebord basilaire (symphysaire, parasymphysaire généralement). Dans tous les cas d’inclusion canine, qu’elles siègent à la mandibule ou au maxillaire, c’est généralement la position par rapport au rempart alvéolodentaire qui détermine la voie d’abord chirurgicale pour l’extraction.
Anatomie de la canine incluse Le bilan radiologique doit permettre de préciser la morphologie coronaire et radiculaire de la dent incluse. Une couronne volumineuse et/ou la présence d’un système radiculaire rétentif, que ce soit par la forme de la racine (apex coudé ou en « baguette de tambour ») ou le degré d’ankylose consécutif à l’effacement de système ligamentaire, constituent des éléments de difficultés pour l’opérateur.
Extraction des canines incluses maxillaires Nous distinguons la canine en inclusion palatine, la canine en inclusion vestibulaire et la canine en situation transalvéolaire.
Extraction des canines incluses palatines (fig 1 à 3) Temps préopératoire En dehors du bilan préopératoire précédemment évoqué, il semble très souvent utile de réaliser une plaque palatine de protection. Légèrement déchargée en regard du site d’intervention, elle contribue au confort du patient en couvrant la zone opérée et évite également la formation d’un hématome susceptible de décoller le lambeau. • Installation
Topographie de la canine incluse maxillaire
Le patient est en décubitus dorsal, la tête plus volontiers en hyperextension afin d’offrir à l’opérateur le meilleur accès possible au palais.
La position de dent doit être considérée selon les trois plans de l’espace et peut être schématisée de la façon suivante. – Dans le plan sagittal : la canine est plus généralement située en arrière du rempart alvéolodentaire, donc en situation palatine. Plus rarement, elle se localise devant en situation vestibulaire. On décrit une situation intermédiaire qui est transalvéolaire avec une partie vestibulaire et l’autre palatine. – Dans le plan frontal : la dent peut être localisée plus superficiellement ou profondément selon les cas. Du côté palatin, l’inclusion superficielle permet généralement la palpation clinique de l’élément coronaire, parfois avec une
• Anesthésie
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Elle peut être locale ou générale avec intubation nasale et protection pharyngée. • Instrumentation
Le matériel opératoire de base est décrit et développé dans le chapitre précédent (cf fascicule 22-092-A-10 de l’Encyclopédie MédicoChirurgicale). Une aspiration chirurgicale est particulièrement utile dans cette intervention.
EXTRACTIONS DES CANINES ET AUTRES DENTS INCLUSES
Stomatologie/Odontologie
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Il est important que l’extrémité coronaire et le tiers cervical de la racine soient largement exposés. Une petite tranchée osseuse circonscrit l’ensemble. Lors de cette manœuvre, il faut faire attention à ne pas léser les apex des dents voisines et éviter en profondeur la muqueuse nasale.
63
Temps dentaire 2 Réalisation d’une gouttière au sein de l’os circonscrivant la couronne et le premier tiers radiculaire de la dent. Insertion de l’extrémité d’un élévateur ou d’un syndesmotome et mobilisation de la canine.
ne pas prendre appui sur les dents
63
a
b
L’introduction de l’extrémité d’un élévateur permet de pratiquer la mobilisation de la dent. Les appuis instrumentaux sont prudents et en aucun cas ne doivent se faire sur les dents voisines. Si la résistance est trop importante pour autoriser la sortie de la dent, deux possibilités s’offrent à l’opérateur. Celles-ci peuvent être utilisées individuellement ou complémentairement. • Séparation coronoradiculaire
Elle est effectuée à l’issue de la mobilisation primaire de la dent. La séparation amorcée au collet anatomique de l’odonte par l’utilisation d’une fraise fissure en tungstène montée sur pièce à main est poursuivie par l’insertion de l’extrémité d’un élévateur suivie d’un mouvement de rotation. La section est soit perpendiculaire au grand axe de la dent, soit légèrement oblique selon le cas. Le fragment coronaire est d’abord extrait, puis la partie radiculaire. Il est parfois judicieux de réaliser une petite encoche dans le fragment radiculaire qui autorise l’introduction de la partie active d’un élévateur ou d’un syndesmotome faucille de Chompret. Grâce à un mouvement de levier, en prenant un appui instrumental sur les rebords osseux, la racine est luxée puis extraite (manœuvre d’Archer). • Augmentation du dégagement osseux de la dent
3 a. Séparation coronoradiculaire. b. Réalisation d’une encoche radiculaire afin de pratiquer l’avulsion de la racine (après extraction de la couronne selon la manœuvre d’Archer).
Temps muqueux • Types d’incisions
L’incision de Ginestet classique s’étendant de la deuxième molaire homolatérale à la deuxième molaire controlatérale, selon un tracé continu situé à environ 2 mm du collet des dents, semble actuellement moins utilisée ; les raisons incriminées en sont que la fine bande de fibromuqueuse restant au contact du collet des dents présentait des risques de nécrose non négligeables étant donné la faible vascularisation. L’incision qui nous semble préférable est celle de Gérard Maurel modifiée. Elle réduit l’importance du décollement en s’étendant de la première molaire homolatérale à la première prémolaire controlatérale. L’incision est pratiquée au collet des dents en palatin. L’accès obtenu est satisfaisant pour la plupart des canines incluses unilatérales. Pour des inclusions bilatérales, l’incision de Gérard Maurel classique est pratiquée. Elle s’étend d’une molaire à l’autre et augmente donc la visibilité du site opératoire. • Décollement mucopériosté
Une infiltration généreuse d’anesthésique local (Xylocaïnet adrénaline) sous la fibromuqueuse palatine prépare et facilite le décollement du lambeau. L’opérateur ressent une certaine résistance lors de cette infiltration due à la forte adhérence de la fibromuqueuse à l’os sous-jacent. Une fois l’incision pratiquée avec un bistouri à lame 11 ou 15, le décollement est effectué soigneusement à partir du collet et chemine progressivement d’avant en arrière le long du rempart dentaire pour s’enfoncer plus profondément au contact osseux vers la ligne médiane du palais. Le respect du paquet vasculaire palatin antérieur n’est pas toujours possible selon l’importance du lambeau. Lorsque celui-ci est lésé (son sacrifice est parfois inéluctable mais peu préjudiciable tant d’un point de vue vasculaire que nerveux), l’hémorragie engendrée est facilement jugulée par compression manuelle, voire par forcipressure, rarement par hémostase au bistouri électrique. Lors du décollement du lambeau palatin, il faut prendre garde à ne pas s’appuyer avec les instruments sur le rempart dentaire. Le lambeau est maintenu par un écarteur ou le passage d’un fil de suture d’un diamètre suffisant et à distance de la berge (pour éviter une déchirure du lambeau) qui permet d’exercer une traction sur la fibromuqueuse décollée, exposant ainsi de façon satisfaisante le site d’intervention.
Si la première solution est généralement plus raisonnable car plus conservatrice de la structure osseuse péridentaire, elle n’est pas toujours suffisante. En effet, le praticien peut être amené à pratiquer une extension du dégagement osseux le long de la partie radiculaire, lorsque celle-ci présente des facteurs de rétention qui s’opposent à son avulsion (apex coudé ou en baguette de tambour). Le geste doit être mené de façon économe en circonscrivant le plus précisément possible les contours de l’élément inclus.
Temps final La cavité est soigneusement révisée. La totalité du sac péricoronaire doit être éliminée pour éviter tout risque infectieux ultérieur. Un lavage au sérum physiologique stérile permet d’éliminer les débris du fraisage des structures osseuses et dentaires. Les rebords saillants sont régularisés. L’hémostase est contrôlée et le lambeau repositionné. Après une pression digitale exercée pendant 2 à 3 minutes, les sutures sont réalisées par points séparés, l’utilisation d’un fil non résorbable réduit les phénomènes inflammatoires. Les points en huit sont le plus souvent utilisés, les chefs étant noués du côté vestibulaire. Si une plaque palatine a préalablement été réalisée, celle-ci est positionnée immédiatement après la fermeture du lambeau. Le praticien vérifie qu’elle ne soit pas trop compressive en regard du site d’intervention afin d’éviter toute souffrance vasculaire de la fibromuqueuse palatine repositionnée.
Particularités selon la position de la dent • Canine profondément incluse
Une fois le lambeau palatin levé, aucune voussure ne permet d’objectiver la présence de la canine incluse profonde. Le bilan radiologique revêt alors toute son importance. À l’aide des différents clichés, la dent doit être soigneusement localisée. Avant de pratiquer un volet osseux, il est prudent d’effectuer un repérage à l’aide d’une fraise boule acier montée sur pièce à main. La dureté rencontrée au fraisage signe la présence de la dent. • Canine à localisation antérieure
Dans cette situation, généralement la dent jouxte les racines des incisives. Le dégagement osseux est essentiellement postérieur. Il ne faut pas hésiter à fractionner l’élément dentaire en plusieurs parties afin de diminuer au maximum les risques de lésions des structures radiculaires voisines par des appuis instrumentaux dangereux.
Temps osseux
Extractions des canines incluses transalvéolaires (fig 4, 5)
Guidé ou non par la présence d’une voussure osseuse signant la présence de l’organe dentaire inclus, l’opérateur, à l’aide d’une fraise boule montée sur pièce à main et sous irrigation stérile, réalise un volet en « timbre-poste » circonscrivant la partie coronaire de la dent incluse. Une fois la dent repérée en vision directe et par le contact instrumental, le dégagement de la couronne s’effectue avec précaution, l’émail de la dent servant de guide au fraisage osseux.
La couronne est en général en position palatine tandis que l’extrémité apicale émerge en vestibulaire entre les racines des deux prémolaires. Il est fréquent que l’apex soit coudé et contribue, de ce fait, à la difficulté de pratiquer l’avulsion de la racine. Les temps opératoires, décrits pour l’avulsion des canines incluses palatines, restent identiques. Cependant, ils seront complétés par un temps vestibulaire qui donne accès à l’extrémité radiculaire de la dent. page 3
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a 63
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4 En situation transalvéolaire maxillaire, la réalisation vestibulaire d’un lambeau arciforme permet l’accès à l’extrémité apicale de la dent. a. Instrument poussoir de type élévateur ou chasse-greffon qui permet de repousser la dent vers le palais. b. Mobilisation palatine à l’élévateur en veillant à ne pas exercer d’appui iatrogène sur le rempart dentaire.
6 Canine en inclusion vestibulaire. Incision vestibulaire arciforme à concavité supérieure.
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5 a. Section de l’apex coudé. b. Séparation coronoradiculaire. La dent peut être extraite ensuite selon les manœuvres classiques. 53
L’abord vestibulaire fait suite au temps palatin qui aura permis de dégager la couronne de la canine en remontant le plus possible le long de la racine tout en préservant le rempart radiculaire représenté par les prémolaires. L’incision est arciforme. La trépanation osseuse est effectuée en projection de l’apex de la dent incluse et permet de mettre en évidence l’extrémité radiculaire. En cas de présence d’apex coudé, celui-ci est sectionné par l’action d’une fraise fissure sur pièce à main afin d’autoriser le passage de la racine entre les deux prémolaires. Par voie palatine, la mobilisation de la dent est amorcée avec précaution. Au besoin, une section coronoradiculaire est effectuée. La dent est ensuite extraite par luxation simple ou manœuvre d’Archer. En cas de difficulté, un instrument poussoir de type élévateur ou chasse-greffon est placé sur l’extrémité radiculaire de la canine et orienté selon le même axe. La pression exercée par l’opérateur, éventuellement complétée de quelques coups de maillet, contribue à chasser la racine vers le palais où elle peut être récupérée. La cavité est révisée et nettoyée. Les voies d’abord sont suturées classiquement.
7 Après rugination et chargement du lambeau, réalisation de la trépanation osseuse en « timbre-poste ».
Extractions des canines incluses en position vestibulaire (fig 6 à 8) Installation du patient
53
En position demi-assise, sous anesthésie locale, l’opéré tourne la tête vers l’opérateur. Sous anesthésie générale, le patient est en décubitus dorsal la tête en légère hyperextension avec intubation nasotrachéale et protection pharyngée.
Temps muqueux Après infiltration, le praticien effectue une incision arciforme à concavité supérieure large d’environ trois fois le diamètre mésiodistal de la dent incluse, 2 à 3 mm en dessous de la projection de la pointe canine. Le décollement est réalisé classiquement. Lorsque l’inclusion est suffisamment basse, il est préférable de réaliser une incision intrasulculaire. Si un trait de décharge antérieur est pratiqué, celui-ci doit respecter au mieux la papille interdentaire et le repositionnement final du lambeau doit assurer une parfaite coaptation des berges verticales de l’incision afin de prévenir tout préjudice esthétique ou fonctionnel par la création d’une bride.
Temps osseux La zone de trépanation est localisée le plus précisément possible grâce au bilan radiologique. En cas de doute sur la localisation de la dent, il est possible de pratiquer, comme précédemment décrit, des trous de repérage. Une trépanation en « timbre-poste » est réalisée, puis l’ensemble des points est relié. Un volet page 4
ne pas prendre appui sur les dents
8
Dégagement coronaire et mobilisation à l’élévateur sans appui sur les dents voisines. Avulsion de la dent à l’aide d’un davier adapté.
osseux est levé. Une gouttière, circonscrivant la couronne et le premier tiers radiculaire, est creusée autour de la dent aux dépens de l’os.
Temps dentaire La mobilisation est réalisée par l’introduction d’un élévateur approprié dans l’espace créé entre l’os et la dent. Il est possible d’élargir le dégagement osseux afin de faciliter la luxation de l’odonte. L’avulsion se termine par une prise au davier à mors fins.
Temps final Il ne présente aucune particularité notable. Exceptionnellement, le defect vestibulaire consécutif à l’avulsion peut justifier un aménagement du site par comblement à partir d’os autologue (prélèvement d’une carotte d’os
EXTRACTIONS DES CANINES ET AUTRES DENTS INCLUSES
Stomatologie/Odontologie
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83
c a
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Inclusion en situation oblique vestibulaire de la canine mandibulaire droite : réalisation d’un lambeau vestibulaire et dégagement osseux de la couronne et du tiers radiculaire.
83 c b
b 12 a. Section coronoradiculaire. b. Réalisation d’une encoche radiculaire. c. Mobilisation à l’élévateur de la partie coronaire.
d’incision horizontal ne doit pas être situé en dessous de la projection du milieu de la racine de la prémolaire afin de préserver le paquet vasculonerveux qui émerge du trou mentonnier. Pour la même raison on évite de réaliser un trait de décharge distal. La fibromuqueuse est prudemment décollée.
Temps osseux Après repérage de la dent, la couronne et le tiers cervical sont dégagés selon les techniques habituelles.
a
10 a. Section coronoradiculaire. b. Encoche radiculaire afin de pratiquer une manœuvre d’Archer. c. Mobilisation à l’élévateur.
Temps dentaire La dent est soigneusement mobilisée par l’utilisation d’un élévateur ou d’un syndesmotome adapté. Si la luxation est difficile à réaliser l’opérateur peut à sa guise élargir la trépanation ou effectuer une séparation coronoradiculaire.
Temps final
83
Pas de particularité notable.
Canines en inclusion linguale 11
Inclusion verticale vestibulaire de la canine mandibulaire droite à l’aplomb de la dent lactéale. Levée d’un lambeau mucopériosté. Trépanation osseuse en regard de la couronne.
symphysaire) ou à défaut de biomatériaux résorbables ou non résorbables. Cette ostéoplastie du rempart alvéolaire a pour but d’une part d’éviter la formation d’une déhiscence vestibulaire préjudiciable esthétiquement et toujours difficile à masquer en prothèse conventionnelle fixée ; d’autre part, le comblement préserve et prépare un éventuel site implantaire (dans ce cas il faut préférer l’os autologue).
Extraction des canines incluses mandibulaires À l’image des canines incluses maxillaires, on décrit des inclusions vestibulaires, linguales et transalvéolaires. Si les techniques d’avulsion à la mandibule diffèrent peu dans leurs principes de celles décrites au maxillaire, il faut cependant prendre en considération certaines particularités liées à l’anatomie même de la mandibule : – la dent incluse est pratiquement toujours très proche des apex incisifs et/ou prémolaires ; – la proximité du trou mentonnier avec son contenu vasculonerveux en regard de l’apex de la deuxième prémolaire conditionne le tracé de l’incision vestibulaire.
Canines en inclusion vestibulaire (fig 9 à 12) Installation Sous anesthésie locale, le patient est en décubitus dorsal ou en position semiassise, la tête plus ou moins tournée vers l’opérateur en fonction de la localisation de la dent.
Anesthésie Elle est locale ou générale selon les indications.
Temps muqueux En fonction de la profondeur de l’inclusion et de l’orientation de la dent qui peut être verticale, oblique ou horizontale, l’incision est pratiquée à distance du collet des dents, ou intéresse le sulcus. Généralement, elle s’étend de la deuxième prémolaire à l’incisive centrale. Lorsque celle-ci est réalisée à distance de la gencive marginale, le trait
Cette situation est exceptionnelle. L’abord est lingual. L’incision est réalisée dans le sulcus, plus étendue que pour un abord vestibulaire mais sans trait de décharge. La fibromuqueuse se laisse difficilement récliner. Les autres temps de l’avulsion présentent les mêmes difficultés compte tenu de l’abord instrumental peu facile et de la faible visibilité du site. L’opérateur, ou l’aide selon le cas, doit veiller à ne pas enfoncer l’écarteur (généralement une lame souple) en lingual trop profondément sous peine de compression ou lésion des structures musculaires, nerveuses et vasculaires de la région du plancher buccal (risque d’hématome). Le geste se termine par un contrôle soigneux de l’hémostase.
Canines en inclusion transalvéolaire L’abord est mixte : vestibulaire et lingual. Le dégagement osseux associé à la section coronoradiculaire et éventuellement apical doit permettre l’avulsion séparée des deux parties de la dent. Le décollement de part et d’autre du rempart alvéolaire mandibulaire doit être limité. Les traits de décharge vestibulaire dans ce cas sont à éviter, ceci afin de préserver au mieux la qualité de la vascularisation et l’innervation de la baguette mandibulaire amputée d’une partie de son capital osseux et partiellement dépériostée à l’issue de l’avulsion de la dent incluse. Il convient de surveiller scrupuleusement le processus cicatriciel et d’évaluer la vitalité des dents voisines.
Extraction des autres dents incluses En dehors des dents de sagesse et des canines, d’autres dents en situation incluse sont parfois rencontrées. Ces inclusions peuvent êre uniques ou plurales (s’inscrivant alors dans le tableau clinique des rétentions dentaires multiples dont l’étiologie reste souvent indéterminée). Par ordre de fréquence, on rencontre plus généralement des prémolaires, des incisives, des dents surnuméraires (mésiodens, odontomes), des molaires. L’attitude qui consisterait à pratiquer leurs avulsions systématiquement est à proscrire. L’indication d’extraction doit reposer sur les critères conventionnellement admis (orthodontiques, mécaniques, pathologies infectieuses, tumorales ou pseudotumorales). La notion de bénéfice/risque doit être présente dans l’esprit du praticien et l’abstention thérapeutique est parfois la meilleure attitude. Cependant, quand l’avulsion est indiquée, c’est au début de l’intervention que des choix s’imposent concernant la voie d’abord. Les autres temps opératoires sont identiques dans leurs principes à ceux décrits dans le cadre des dents de sagesse et canines incluses. page 5
22-096-A-10
EXTRACTIONS DES CANINES ET AUTRES DENTS INCLUSES
Inclusions maxillaires C’est la topographie et le nombre des inclusions qui déterminent la voie d’abord. Selon les circonstances, l’opérateur choisit donc le côté vestibulaire, palatin et pratique une incision limitée ou étendue, en muqueuse libre ou attachée.
Stomatologie/Odontologie
Inclusions mandibulaires Voies d’abord limitées
Voies d’abord limitées
Il convient de se référer à celles décrites dans les chapitres précédents, concernant notamment les extractions difficiles et les extractions des canines incluses.
Elles sont identiques à celles précédemment décrites, notamment à propos de l’extraction des canines incluses.
Voies d’abord étendues
Voies d’abord étendues Elles sont réservées aux inclusions hautes et/ou multiples. Une incision horizontale, intéressant ou non le frein labial, allant de la première molaire homolatérale à la première molaire controlatérale, située en muqueuse libre ou attachée, autorise un accès à la quasi-totalité de la face externe des deux maxillaires. Il faut préférer dans ce type de décollement une anesthésie générale pour le confort du patient et de l’opérateur.
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Elles s’étendent d’une région molaire à l’autre. L’incision est horizontale et s’attache à préserver les nerfs mentonniers dont l’émergence est habituellement localisée à l’aplomb des apex des deuxièmes prémolaires. Pratiquée en muqueuse libre ou attachée selon le cas, elle permet une exposition large, après rugination sous-périostée, de l’arc mandibulaire. Une voie d’abord correctement réalisée autorise dès lors une exécution optimale des temps osseux et dentaires.
¶ 22-325-A-10
Incisions et sutures en chirurgie maxillofaciale et stomatologie N. Teysseres, S. Fossat Devant l’importance identitaire physique, psychique et sociale du visage, la chirurgie maxillofaciale et stomatologique, plus que toute autre discipline, doit porter une attention particulière au résultat cicatriciel. Ainsi, la localisation et les dimensions d’une incision sur la face doivent répondre aux impératifs d’abord et d’exposition, mais aussi à la volonté de laisser la cicatrice la plus discrète possible. Afin de concilier ces exigences, le chirurgien doit connaître les particularités cosmétiques des tissus de la face et l’existence de zones rendues dangereuses par la présence d’éléments nobles anatomiques. Après l’énoncé de principes généraux, les auteurs décrivent un grand nombre de tracés d’incision utilisés en chirurgie maxillofaciale et stomatologique, regroupés dans des chapitres consacrés à la chirurgie esthétique, la chirurgie orthognathique et endobuccale, la traumatologie et la carcinologie. Les techniques de suture sont ensuite détaillées, sous-cutanées, cutanées, muqueuses, ainsi que les sutures spécifiques de la chirurgie parodontologique. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Unités esthétiques ; Incision ; Suture ; Cicatrice ; Chirurgie parodontologique
Plan ¶ Introduction
1
¶ Anatomie Peau Tissu cellulaire sous-cutané Système musculoaponévrotique superficiel Périoste Muqueuses Éléments nobles Conclusion
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¶ Voies d’abord Principes généraux de l’incision Voies d’abord en chirurgie esthétique Chirurgies orthognathiques et autres chirurgies endobuccales Traumatologie de la face Chirurgies carcinologiques et chirurgies apparentées
4 4 5 6 7 7
¶ Sutures Matériels de suture Techniques de suture
8 8 9
¶ Conclusion
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■ Introduction Essence même de notre identité physique, le visage, plus que toute autre localisation du corps, ne tolère pas de cicatrice disgracieuse. Il est pourtant nécessaire, lors de chaque intervention chirurgicale, d’inciser, de créer une voie d’abord, pour mettre à jour la lésion sous-jacente et la traiter. Or, certains paramètres de cicatrisation échappent au contrôle médical et la certitude d’une jolie cicatrice n’est jamais acquise. Et même dans ce cas, si elle est mal placée, elle peut être ressentie comme intolérable par le patient et son entourage. C’est pourquoi le chirurgien a, depuis longtemps, mis tout son savoir-faire, Stomatologie
quelquefois son génie, pour rendre cette cicatrice la plus discrète, voire cachée, tout en permettant le geste opératoire dans les conditions les plus aisées et de sécurité. Bien entendu, les considérations esthétiques sont à la mesure de l’engagement thérapeutique et il est clair qu’une chirurgie carcinologique, tout en étant la moins mutilante possible, est sans concession sur les critères esthétiques qui compromettraient la guérison. À l’inverse, la qualité de la cicatrice finale en cas de chirurgie esthétique a une importance capitale, parfois plus que de raison de la part de l’opéré ! L’incision, premier temps de l’intervention chirurgicale, a un caractère définitif. Une fois pratiquée, on ne peut que l’agrandir ! C’est pourquoi la localisation et les dimensions doivent toujours être considérées avec le plus grand soin, avant le geste opératoire, dans une totale acceptation éclairée du patient.
■ Anatomie
[1-3]
Il est classique, pour des raisons de classification, de diviser la face en trois tiers verticaux et trois étages (Fig. 1). Il nous a semblé plus juste, dans le cadre de cette mise au point, de nous consacrer aux structures tissulaires que l’incision est censée traverser et qui comprennent la peau, le tissu cellulaire souscutané, le système musculoaponévrotique superficiel, le périoste et les muqueuses. Pour chacune de ces structures, nous décrivons les spécificités qui influent sur les modalités d’abord et de suture. De plus, il existe au sein de ces structures des éléments nobles qu’il faut préserver.
Peau Le revêtement cutané facial offre d’importantes variations topographiques. La peau est particulièrement fine au niveau des paupières, beaucoup plus épaisse au niveau des joues, du menton, de la pointe du nez.
1
22-325-A-10 ¶ Incisions et sutures en chirurgie maxillofaciale et stomatologie
Figure 1.
Pour le nez et la lèvre supérieure, Burget [5] a décrit des sousunités très utiles pour la reconstruction des pertes de substance. En théorie, l’intégrité de ces unités doit être respectée, en plaçant le tracé des incisions à leurs limites, et en remplaçant la totalité de l’unité en cas de perte de substance. La mobilité de la peau par rapport aux plans profonds est également à considérer, car elle influe sur les possibilités de fermeture directe d’une perte de substance de la région concernée. Elles sont faibles par exemple sur le front ou le nez et beaucoup plus importantes au niveau jugal. Le dessin de l’incision doit également tenir compte des tensions qui s’appliqueront sur la suture, et qui pourront être responsables d’un élargissement de la cicatrice. De manière empirique, à l’occasion de dissections cadavériques, Karl Langer (1819-1887) a défini l’emplacement de ces lignes de tension [6]. En fait, les lignes décrites par Kraissl, orientées perpendiculairement à l’action des muscles sous-jacents, semblent être de meilleurs guides pour les incisions [6] (Fig. 3). En effet, dans la pratique, si l’on demande au patient de réaliser une mimique forcée, rides et plis cutanés se forment, perpendiculaires au sens de raccourcissement des muscles, et l’on peut alors dessiner le tracé de l’incision de façon parallèle à ces plis.
Divisions de la face.
Elle présente des zones de transition avec les muqueuses et le cuir chevelu, limites que l’on évite de traverser par une incision. Sinon, ces limites doivent être fidèlement restituées lors de la suture. La pilosité varie en fonction du sexe et de l’âge. Les limites des zones pileuses, en particulier pour les sourcils, doivent être reconstituées avec précision. On parle classiquement au niveau de la face d’unités esthétiques, décrites en 1956 par Gonzales-Ulloa [4], unités qu’il est dommageable de rompre par une cicatrice. Il s’agit du front, du nez, des paupières supérieures et inférieures, des régions temporales, des joues, de la lèvre supérieure et de la lèvre inférieure en incluant le menton (Fig. 2).
Tissu cellulaire sous-cutané Sa particularité est d’être richement vascularisé et de bien se défendre contre les infections. Il représente néanmoins un espace de diffusion pour les hématomes et les œdèmes.
Système musculoaponévrotique superficiel Il existe 18 muscles peauciers pairs et symétriques auxquels s’ajoute le muscle orbiculaire de la bouche, soit 37 muscles responsables de la mimique. Ils présentent des insertions
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Figure 2. Unités esthétiques du visage (A à C). 1. Frontale ; 2. nasale ; a. dorsum ; b. latéronasale ; c. pointe ; d. aile narinaire ; e. columelle ; 3. orbitaire supérieure ; 4. orbitaire inférieure ; 5. temporale ; 6. jugale ; 7. labiale supérieure ; 8. labiale inférieure ; 9. mentonnière.
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C Figure 3.
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Le système de lignes selon Kraissl.
Stomatologie
Incisions et sutures en chirurgie maxillofaciale et stomatologie ¶ 22-325-A-10
profondes osseuses fixes et des insertions superficielles cutanées mobiles. Réunis par un feuillet aponévrotique, équivalent pour la face du fascia superficialis, ils forment ainsi le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS). La peau et le SMAS se moulent sur la face osseuse et sur le corps adipeux de la bouche, ou boule de Bichat, qui s’étend de la tempe jusqu’au nez. Situé à la face postérieure des corps musculaires, ce dernier a longtemps été considéré comme un simple plan de glissement favorisant les mouvements des muscles par rapport au plan profond. Il semble que son volume (bombement rétromusculaire) et sa localisation lui donnent également le rôle d’une poulie permettant d’accroître l’amplitude de contraction des muscles : la mimique est ainsi plus dynamique et plus expressive [7]. Avec le temps, l’involution graisseuse de la face fait disparaître cet effet de poulie, et participe à l’aspect plus figé du visage âgé.
Périoste Cette membrane conjonctive mince et résistante, sans élasticité, recouvre et nourrit le plan osseux. Très utilisée pour l’abord des os de la face, la dissection sous-périostée, en général aisée et avasculaire, protège l’ensemble des éléments nobles sus-périostés.
Muqueuses •
•
• •
On distingue : la muqueuse buccale qui est de deux types : la muqueuse attachée au niveau du palais dur et de l’os alvéolaire et la muqueuse libre au niveau des vestibules, de la face interne des joues et du plancher buccal. Il existe des freins labiaux, trois au niveau du vestibule supérieur (un médian et deux latéraux), un seul médian pour le vestibule inférieur. Il faut reconstituer les freins médians quand la voie d’abord les traverse ; la muqueuse du dos de la langue, épaisse et adhérente au plan musculaire, qui contient des papilles spécialisées dans la fonction gustative ; la muqueuse endonasale, fine et fragile ; la conjonctive palpébrale tapissant la face interne des paupières et se poursuivant sur le globe oculaire.
Éléments nobles Nerf facial Il est responsable de la mimique faciale. Son trajet extrapétreux commence au foramen stylomastoïdien dont il émerge pour pénétrer dans la glande parotide. En son sein, il se divise en deux branches, temporofaciale et cervicofaciale, souvent unies par des anastomoses qui forment le plexus intraparotidien. La branche temporofaciale croise le col du condyle puis le processus zygomatique, 1 cm en avant du tragus. La branche cervicofaciale donne, entre autres, le rameau marginal de la mandibule (ou rameau mentonnier), qui côtoie le bord inférieur de la mandibule jusqu’au menton. Ce sont là quelques repères qui définissent des zones d’abord délicates. L’absence de systématisation du trajet de ses différentes branches terminales impose, en cas d’intervention intéressant le plan anatomique de ce nerf, son repérage à son origine et la dissection de ses branches. Concernant son repérage en profondeur, il est toujours situé à la face profonde du SMAS.
Figure 4.
Les émergences osseuses des branches du nerf trijumeau.
Le nerf ophtalmique (V1) emprunte le foramen supraorbitaire, le nerf maxillaire (V2) le foramen infraorbitaire, et le nerf mandibulaire (V3) le foramen mentonnier, sous la 2e prémolaire (Fig. 4).
Artère faciale Quatrième branche collatérale de l’artère carotide externe, elle naît au-dessus de l’artère linguale et présente un trajet sinueux. Elle contourne la glande submandibulaire par ses faces postérieure et latérale, avant de cravater le bord inférieur de la mandibule pour monter sur la face obliquement en haut et en avant jusque dans le sillon nasogénien.
Artère temporale superficielle Branche terminale de l’artère carotide externe, elle naît avec l’artère maxillaire au-dessous du col de la mandibule, dans la glande parotide, qu’elle traverse en montant. Elle passe entre le tragus et l’articulation craniomandibulaire et se divise au-dessus de l’arcade zygomatique en deux rameaux, frontal et pariétal.
Glandes salivaires principales La glande parotide, la plus volumineuse, est superficielle, située en dessous et en avant du méat acoustique externe, en arrière de la branche montante de la mandibule. La salive se déverse par l’intermédiaire du conduit parotidien ou canal de Sténon, long de 5 cm environ, qui émerge du bord antérieur de la parotide, parcourt la face latérale du masséter, contourne le corps adipeux de la joue, puis perfore le muscle buccinateur pour s’ouvrir dans le vestibule oral au niveau de la 2e molaire supérieure. L’exploration et la reconstruction de ce canal sont primordiales en cas de plaie profonde de la joue. La glande submandibulaire présente une partie superficielle, située dans le triangle submandibulaire, et une partie profonde, située contre la face médiale de la base de la mandibule. Le conduit submandibulaire ou canal de Wharton s’ouvre au sommet de la caroncule linguale.
Nerf trijumeau C’est un nerf mixte, sensitif pour la face et moteur pour les muscles masticateurs. La localisation de l’émergence de ses trois branches terminales, par trois foramen situés sur la même verticale, est importante à connaître. Stomatologie
Appareil lacrymal Il comprend la glande lacrymale, à l’angle supéroexterne de l’orbite, les canalicules lacrymaux supérieur et inférieur, qui naissent du bord libre de la paupière à 6 mm du canthus
3
22-325-A-10 ¶ Incisions et sutures en chirurgie maxillofaciale et stomatologie
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Figure 6. Technique d’incision respectant l’inclinaison des bulbes pileux. 1. Bistouri ; 2. cheveu ou poil.
• apporter une sécurité maximale à l’intervention en évitant les zones dangereuses (branches du nerf facial par exemple) ; • tenir compte des zones cicatricielles (brûlures, plaies ou incisions) d’autant qu’elles sont récentes. Elles pourraient délimiter des parties mal vascularisées (risque de nécrose). Figure 5. Exemple de cicatrice hypertrophique en zone pileuse.
Principes généraux de l’incision interne et se rejoignent dans le sac lacrymal, lequel se déverse dans les fosses nasales par l’intermédiaire du canal lacrymonasal.
Conclusion Ces brefs rappels anatomiques ont pour but de réfléchir aux meilleures options avant de dessiner une voie d’abord. Celle-ci est au mieux dissimulée, soit en utilisant une voie muqueuse, soit en étant située en zone pileuse, à condition de ne pas créer de zones d’alopécie. Sinon, on cherche à la placer à la limite d’une unité esthétique, au niveau d’un pli, d’une ride. La concentration d’éléments nobles peut également imposer le choix d’un abord cutané à distance de la zone de travail, afin de les contourner. Par ailleurs, la grande richesse vasculaire des tissus de l’extrémité céphalique, si elle confère un excellent pouvoir de cicatrisation, est également responsable de saignements diffus qui peuvent gêner l’opérateur. Lors de l’intervention chirurgicale, ces saignements sont minimisés par l’hypotension contrôlée, la position proclive du patient, et surtout l’infiltration systématique de vasoconstricteurs locaux de toute la zone d’incision et de décollement.
■ Voies d’abord Elles doivent répondre à de nombreuses contraintes, souvent de bon sens, qui sont : • permettre un accès suffisant aux structures à traiter et, éventuellement, faire entrer la lumière grâce aux techniques de lumière froide conduite par fibre optique (lumière frontale montée sur casque, écarteur éclairant, etc.) ; • laisser place à une cicatrice cutanée la plus discrète possible, de dimension réduite, orientée selon les principes de tensions cutanées décrits plus haut et localisée dans des zones favorables (loin de la partie médiane de la face, dans une partie chevelue ou poilue). Il est préférable de pratiquer deux ou plusieurs petites incisions (et donc cicatrices) qu’une seule grande ; • choisir un abord endobuccal chaque fois que cela est possible ; • prendre en compte le risque de cicatrice hypertrophique et chéloïde chez l’enfant, l’adolescent et le mélanoderme, populations les plus exposées à ces complications ; • il est à noter que chez les personnes d’origine africaine, les incisions faites en zones pileuses, par incarnation de poils ou de cheveux, peuvent conduire à des cicatrisations inflammatoires, voire hypertrophiques, rapidement incontrôlables (Fig. 5) ;
4
La préparation du site opératoire répond à des protocoles propres à chaque établissement en accord avec la dernière conférence de consensus [8]. Citons entre autres : • la recommandation de privilégier la non-dépilation. En cas de nécessité, la dépilation se fait par tonte (tondeuse à tête jetable) ou dépilation chimique en dehors du bloc opératoire, au plus près de l’intervention ; • les douches antiseptiques débutées la veille de l’intervention ; • les bains de bouche antiseptiques en cas de chirurgie endobuccale ; • la détersion cutanée, au bloc opératoire, par l’infirmier de bloc, à l’aide d’une solution moussante antiseptique suivie d’un rinçage à l’eau stérile puis prébadigeon de solution antiseptique. Le dessin de l’incision est primordial. Il est le fruit du compromis entre l’incision théorique et les contraintes citées plus haut. L’asepsie se fait par solution dermique pour la peau, ophtalmique pour l’œil, endobuccale pour la bouche. Une solution incolore simplifie, après pansement, le nettoyage cutané de fin d’intervention, ce qui est appréciable pour l’opéré en cas de chirurgie ambulatoire. Le champage laisse, le plus souvent, le visage dans le champ opératoire. Lorsque c’est toute l’extrémité céphalique, un shampoing antiseptique est nécessaire. L’infiltration d’une solution adrénalinée pour réduire le saignement est pratiquée au niveau de la zone d’incision cutanée ou muqueuse ainsi que dans les zones de décollement (ce qui facilite le temps de dissection par le phénomène d’hydrodissection). L’incision est pratiquée à la lame n° 15 ou 11 pour la face, n° 21 ou 23 pour le cuir chevelu. La lame du bistouri reste perpendiculaire au plan de la peau qui est mise en tension, dans l’axe de l’incision, par appuis digitaux ou crochets de Gillies. Un seul et même geste devrait idéalement inciser l’épiderme et le derme et seulement ces deux plans. Dans le cas particulier des zones pileuses et chevelues, du fait de l’orientation des poils, le chirurgien peut être amené à incliner la lame afin d’en respecter les bulbes (Fig. 6). À noter que certains praticiens incisent la muqueuse buccale libre au bistouri électrique. L’hémostase du derme, aidée par l’infiltration de solution adrénalinée, ne devrait recourir que très rarement à la coagulation. Si cette dernière s’avère nécessaire, elle est effectuée de façon prudente et élective à la pince bipolaire. Sans être exhaustifs, nous décrivons les voies les plus communément pratiquées. Comme son nom l’indique, le but de la voie d’abord est d’atteindre des structures sous-jacentes. Elle est donc un passage. Nous ne parlerons donc pas dans ce chapitre des techniques chirurgicales de correction cutanée (techniques Stomatologie
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Figure 7. Les voies d’abord en chirurgie esthétique (A à F). 1. Lifting cervicojugal ; 2. coronale ; 3. blépharoplastie supérieure ; 4. blépharoplastie inférieure par voie sous-ciliaire ; 5. transconjonctivale ; 6. auriculaire postérieure ; 7. interseptocolumellaire ; 8. columellaire ; 9. intercartilagineuse ; 10. transcartilagineuse ; 11. marginale.
de lambeau, de reconstruction telle que correction de fente labiopalatine) ou d’exérèse de lésion cutanée. Par souci d’organisation et de clarté, nous présentons dans un premier temps les incisions en chirurgie esthétique car elles sont les plus contraignantes du point de vue du résultat cicatriciel. Elles sont, en fait, l’aboutissement de l’historique des incisions. Nous abordons ensuite les incisions en chirurgie orthognathique, en traumatologie et en cancérologie ou chirurgies apparentées.
Voies d’abord en chirurgie esthétique
(Fig. 7)
La priorité est donnée à la discrétion du résultat cicatriciel.
Liftings Liftings cervicojugaux L’incision se décompose en trois parties : temporale, préauriculaire et cervicale. L’incision temporale connaît de nombreuses variantes qui visent à optimiser deux buts : permettre le déplacement du lambeau cutané et dissimuler la cicatrice dans les cheveux. Elle peut être concave en avant, oblique ou en L inversé. Ce sont là les incisions dites classiques. Elles ont l’inconvénient de déplacer la ligne d’implantation des cheveux vers l’arrière et vers le haut (ce qui rehausse l’implantation de la patte chevelue). D’autres tracés, au ras de la ligne d’implantation des cheveux, donnent un meilleur résultat de ce point de vue. L’incision préauriculaire se fait dans le pli cutané habituel à cet endroit. Au niveau du tragus, elle peut passer au niveau du bord libre, voire à sa face postérieure. Le segment cervical emprunte, de façon consensuelle, un trajet rétroauriculaire à la face postérieure du pavillon, en dehors du sillon rétroauriculaire. Enfin, en arrière, l’incision se perd dans le cuir chevelu avec une concavité vers le bas. Liftings frontaux L’incision est coronale avec un trajet sinusoïdal, voire en M, la pointe centrale étant antérieure. Les limites latérales sont les Stomatologie
racines de l’hélix. Toujours dissimulée dans les cheveux, elle est un peu antérieure dans sa partie médiale (à 5 cm environ de la ligne d’implantation des cheveux). Elle va, en profondeur, jusqu’au périoste (non compris). Liftings sous-périostés médiofaciaux Ils nécessitent au minimum une voie sous-ciliaire qui traverse ensuite la portion orbitaire du muscle orbiculaire pour accéder au plan sous-périosté. En fonction des techniques, on peut y associer des voies endobuccales vestibulaires supérieures pour la dissection et des voies temporales pour la suspension.
Blépharoplasties Blépharoplasties supérieures La voie d’abord est particulière puisqu’elle vise d’emblée à pratiquer l’exérèse d’un fuseau cutané (ou cutanéomusculaire). Ce fuseau a pour limite interne une ligne passant à l’aplomb du canthus et pour limite externe une ligne passant à l’aplomb de la queue du sourcil. L’incision inférieure, légèrement sinusoïde, se situe de 8 à 10 mm du bord libre de la paupière. Blépharoplasties inférieures L’incision sous-ciliaire est pratiquée de 1,5 à 2 mm du bord libre de la paupière. Elle reste en dehors de la ligne passant à l’aplomb du point lacrymal. Elle se prolonge, en externe, dans une ride de la patte d’oie sur 1 cm environ. La voie transconjonctivale (incision un peu en dessous du bord inférieur du tarse) évite toute cicatrice cutanée. En revanche, le jour est moins important que par la voie sousciliaire et n’autorise de facto aucune résection cutanée en cas de dermatochalasis. Elle n’est donc à réserver que pour des résections graisseuses.
Otoplasties L’incision se fait habituellement à la face postérieure du pavillon, avec ou sans résection cutanée associée, de façon à ce que la cicatrice ne se situe pas dans le sillon rétroauriculaire
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22-325-A-10 ¶ Incisions et sutures en chirurgie maxillofaciale et stomatologie
Figure 8. Les voies d’abord en chirurgie orthognathique et autres chirurgies endobuccales (A, B). 1. d’ostéotomie mandibulaire ; 2. bitubérositaire ; 3. vestibulaire pour abord du sinus maxillaire ; 4. pariétale ; 5. pour dent de sagesse mandibulaire ; 5a. avec décollement aux collets des dents 6 et 7 ; 5b. avec incision de décharge au niveau de la dent 7.
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mais plutôt en regard de l’anthélix. Cette voie d’abord permet aussi le râpage du cartilage à sa face antérieure selon les techniques dérivées de celle de Stenström.
Rhinoplasties Elles sont nombreuses et dépendent du type de rhinoplastie effectué. On distingue les voies dites fermées qui sont endonasales, des voies ouvertes. Voies fermées • L’incision interseptocolumellaire, le plus souvent transfixiante, se place au ras du septum cartilagineux en préservant le septum membraneux et, bien entendu, les crus mésiales des cartilages alaires. • La voie d’abord endonarinaire externe, pouvant être associée à la voie interseptocolumellaire (qui est alors pratiquée en premier), est soit intercartilagineuse (l’incision passe entre le bord supérieur de la crus latérale du cartilage alaire et le bord inférieur du cartilage triangulaire), soit transcartilagineuse (au travers de la crus latérale). La voie marginale qui passe à 2 ou 3 mm du bord narinaire, au ras du bord inférieur de la crus latérale, est essentiellement associée aux voies dites « ouvertes ». L’incision endonarinaire externe se fait en deux temps, succédant à l’incision interseptocolumellaire, d’abord latérale en partant du dôme et en allant vers l’extérieur, puis au niveau du dôme rejoignant ainsi les incisions déjà faites [9]. Rhinoplasties par voies ouvertes Elles associent à une voie d’abord marginale, une incision columellaire, dérivée de la voie de Rethi, se situant à la jonction tiers moyen-tiers antérieur de la columelle. L’incision cutanée est brisée par un V inversé (Goodman) ou par une marche d’escalier (Aiach). Il est important de préserver les crus mésiales lors de l’incision. Pour les ostéotomies latérales des os nasaux, la voie d’abord doit juste laisser la place pour l’ostéotome. Elle se situe dans le vestibule narinaire en dessous de l’incision endonarinaire externe. Une toute petite voie d’abord cutanée peut être exceptionnellement envisagée, quand la fracture haute ne se fait pas, pour pratiquer une ostéotomie complémentaire au petit ciseau à frapper, au niveau de la racine du nez.
Chirurgies orthognathiques et autres chirurgies endobuccales (Fig. 8) Ce sont des voies endobuccales. Elles sont, si possible, pratiquées en muqueuse libre, plutôt qu’en muqueuse attachée, ce qui permet une suture plus facile à réaliser et plus étanche à la salive. L’incision doit être suffisamment longue pour que les
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tractions exercées en écartant ne provoquent pas de déchirure muqueuse. Elle se situe idéalement de 5 à 10 mm de la jonction mucogingivale. Le décollement est sous-périosté. La gencive attachée ne doit pas être décollée pour garantir la bonne vascularisation du parodonte.
Ostéotomies mandibulaires (type Epker ou Obwegeser) L’incision comporte un segment vestibulaire en muqueuse libre de la deuxième prémolaire à la dernière molaire et un segment postérieur en regard du bord antérieur de la branche montante remontant au-dessus du niveau de l’échancrure sigmoïdienne. Le décollement est ensuite sous-périosté. Les autres ostéotomies mandibulaires (génioplastie, ostéotomies segmentaires du secteur incisivocanin) sont menées par incision vestibulaire plus ou moins étendue.
Ostéotomies maxillaires Il s’agit, là aussi, d’une incision vestibulaire en muqueuse libre de dernière molaire à dernière molaire (incision dite « bitubérositaire »). Le frein labial médian bénéficie d’une incision en V.
Chirurgies préprothétiques dentaires Nous n’abordons pas les chirurgies muqueuses de soustraction (résections gingivales, glossectomies partielles, etc.) ou d’addition (pour les insuffisances vestibulaires) ni les différentes plasties (freinectomies et corrections de brides). L’incision vestibulaire des interventions de rehaussement de sinus (sinus lift) est la même que la voie d’abord de Caldwell. Elle va de la tubérosité à la région incisive avec un trait de décharge vertical respectant le frein labial. Le prélèvement d’un greffon osseux calvarial se fait au niveau de l’os pariétal. L’incision du cuir chevelu est paramédiane à environ 5 cm du vertex, allant, en profondeur, en un temps jusqu’à la table osseuse. Le décollement est sous-périosté. Idéalement, le côté choisi est à droite chez un droitier (et inversement chez un gaucher) mais il peut être bilatéral en cas de nécessité. Lorsque la chirurgie préprothétique ne requiert qu’une simple apposition osseuse crestale, l’incision du site receveur se fait en muqueuse attachée avec décollement sous-périosté. L’intervention de Trauner d’abaissement du plancher buccal fait appel à une incision muqueuse qui suit la crête légèrement en dedans.
Voies d’abord muqueuses limitées Les avulsions dentaires nécessitent un décollement par syndesmotome de la muqueuse attachée au niveau du collet de la dent (incision sulculaire). En cas d’abord plus important, un Stomatologie
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Figure 9. Voies d’abord en chirurgie traumatologique (A à C). 1. bicoronéomandibulaire ; 2. sousangulomandibulaire (voie de Ridson modifiée) ; 3. préauriculaire ; 4. biangulomandibulaire ; 5. bitubérositaire ; 6. sous-ciliaire ; 7. transconjonctivale ; 8. sous-orbitaire ; 9. dans la queue du sourcil ; 10. canthale interne ; 11. temporale (Gillies).
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trait de refend vertical respectant la papille est pratiqué. L’avulsion de dent de sagesse incluse mandibulaire se fait grâce à une incision crestale (latéralisée sur le versant vestibulaire par un trajet en « baïonnette » pour ne pas risquer de blesser le nerf lingual) se prolongeant, en arrière, par une incision de décharge jugale et, en avant, soit par une incision de décharge vestibulaire à l’aplomb de la dent 7, soit un décollement au collet des deux molaires 7 et 6. Pour la dent de sagesse incluse maxillaire, l’incision crestale est, en arrière, prolongée dans son axe sur la tubérosité et, en avant, par une incision de décharge verticale à l’aplomb de la dent 7. L’abord palatin est, soit médian en regard de la suture maxillaire, soit au collet des dents et dans ce cas pouvant se faire sur l’ensemble de l’arcade.
Traumatologie de la face
(Fig. 9)
Dans la très grande majorité des cas, les voies d’abord servent à traiter les fractures faciales. Elles ont bénéficié, dans leur élaboration, des contraintes esthétiques de celles précédemment décrites. Chaque fois que possible, ces dernières sont utilisées car les séquelles esthétiques cicatricielles traumatiques sont les principales plaintes des patients après traumatisme facial. Le chirurgien doit tout faire pour ne pas créer d’autres cicatrices [10]. Les indications sont, cependant, opportunistes et les adaptations au cas par cas tiennent compte des plaies ou pertes de substance associées qui peuvent servir de voie d’abord.
Traumatologie mandibulaire Les fractures de la portion dentée sont abordées par une incision vestibulaire horizontale en regard du trait de fracture. Le décollement est sous-périosté. L’émergence du nerf alvéolaire inférieur au foramen mentonnier à l’aplomb de la seconde prémolaire est le danger principal de ces voies d’abord. Au maximum, l’incision est bicoronéomandibulaire, ce qui expose la quasi-totalité de la mandibule. Les fractures de la branche montante qui doivent être ostéosynthésées nécessitent souvent un double abord cutané et endobuccal. Grâce à un matériel adapté, l’abord cutané transjugal permet le forage et le vissage perpendiculairement au plan osseux. Une petite moucheture cutanée au bistouri lame froide permet l’introduction du trocart et de sa gaine jusqu’au plan de décollement sous-périosté préalablement pratiqué par la voie d’abord endobuccale vestibulaire. Le trocart retiré, la gaine permet le passage des instruments d’ostéosynthèse. Il est possible de traiter les fractures sous-condyliennes par abord direct sous-angulomandibulaire (voie de Ridson modifiée) [11]. Il s’agit d’une incision de 5 à 6 cm située 1 cm en dessous du rebord palpé de la région angulaire. C’est également par une voie sous-angulomandibulaire (associée à une voie orale) qu’une fracture du col du condyle peut être traitée par vissage à compression (vis d’Eckelt). Stomatologie
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Parfois, il faut recourir à la voie préauriculaire (utilisée pour les liftings ou les chirurgies de la glande parotide) pour l’abord direct de la région condylienne. La voie cutanée élargie biangulomentonnière peut être exceptionnellement utilisée, notamment au stade de correction de séquelles ; et encore plus exceptionnellement, l’association de cette voie d’abord avec la voie bicoronéomandibulaire citée plus haut (Pons) [12].
Voies d’abord du massif facial Les voies d’abord vestibulaires maxillaires décrites précédemment autorisent assez facilement l’accès aux os maxillaires et zygomatiques. De façon étendue, il s’agit de la voie bitubérositaire. Ces voies sont souvent associées à une voie d’abord sousciliaire ou sous-orbitaire (pour l’abord de la margelle orbitaire inférieure ou du plancher de l’orbite), dans la queue du sourcil (pour la suture frontomalaire) ou plus rarement canthale interne (à 3 mm environ en dedans de la crête lacrymale antérieure). L’étage supérieur de la face est abordé par voie coronale (ou biauriculaire). En cas de fracture de l’arcade zygomatique isolée, la voie temporale de Gillies (2 cm au-dessus de la racine de l’hélix) est parfois suffisante pour glisser, entre le feuillet superficiel et le feuillet profond de l’aponévrose temporale, un instrument qui réduit la fracture. Les voies sus- et sous-orbitaires en lunettes sont exceptionnellement utilisées car très inesthétiques d’un point de vue cicatriciel.
Chirurgies carcinologiques et chirurgies apparentées (Fig. 10) Étage inférieur et évidements ganglionnaires du cou Les incisions des tumeurs endobuccales sont toutes plus ou moins apparentées à l’incision d’hémi-glosso-pelvimandibulectomie, qu’elle soit interruptrice (commando) ou non (pull-through) [13, 14]. Au niveau cervical, pour permettre le curage ganglionnaire, l’incision typique est celle de Latshevsky et Freud modifiée ou appelée aussi incision de Sébileau-Carréga. Elle débute à la mastoïde, descend en décrivant une trajectoire curviligne jusqu’à 4 cm environ de la clavicule et remonte jusqu’à la pointe du menton. Un trait de refend vertical partant du point déclive de cette incision se prolonge jusqu’à 2 cm de la clavicule. En cas de curage bilatéral, l’incision se poursuit vers la mastoïde opposée de façon plus ou moins symétrique. De la pointe du menton, l’incision se prolonge, médiane, vers la lèvre en la transfixiant, puis dans la bouche, après une portion vestibulaire jusqu’au niveau prémolomolaire puis jusqu’au plancher et la langue. À la hauteur du V lingual, elle
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Figure 10. Voies d’abord en chirurgie carcinologique et chirurgies apparentées (A à D). 1. d’hémi-glosso-pelvi-mandibulectomie ; 2. d’évidement ganglionnaire (Latshevsky et Freud modifiée ou Sébileau-Carréga) ; 3. variante de l’incision d’hémi-glosso-pelvi-mandibulectomie ; 4. paranasale selon Moure ; a. avec extension vers la région sourcilière homolatérale ; b. avec extension vers la région sourcilière controlatérale ; c. avec extension labiale ; 5. de parotidectomie selon Redon ; 6. de sous-mandibulectomie.
bifurque vers le trigone rétromolaire et se rejoint par le sillon vestibulaire. Selon la localisation de la tumeur et son stade, cette incision est plus ou moins réduite. Par ailleurs, il est possible d’atténuer le retentissement cicatriciel de la pointe du menton en contournant ce dernier, respectant ainsi son unité esthétique. L’incision transfixiante de la lèvre se poursuit ensuite comme décrite précédemment. Enfin, en variante, pour éviter l’incision de la lèvre et du menton, un « dégantage » (degloving) mandibulaire, en prolongeant l’incision sous-mandibulaire du côté opposé, est possible. La voie d’abord passe alors au ras du bord basilaire de la mandibule. D’autres incisions cervicales pour les évidements ganglionnaires du cou sont fréquemment utilisées. Citons l’incision de Hayes-Martin modifiée par Slaughter puis par Loré, qui présente une portion horizontale, curviligne, sous le rebord basilaire de la mandibule, et une portion verticale en « S » jusqu’à la clavicule. Il existe encore d’autres variantes selon Mac Fee, Roux-Berger, Schobinger, Conley, etc. L’incision en L modifiée est, elle aussi, largement utilisée. L’incision débute à la pointe de la mastoïde, se porte en arrière pour rejoindre le bord postérieur du muscle sterno-cléidomastoïdien qu’elle longe sur son tiers moyen pour ensuite finir en arc de cercle à environ 4 cm au-dessus du creux sternal. Ces incisions ont pour règle de ne pas se superposer à l’axe vasculaire des gros vaisseaux du cou.
Étage moyen Dans les interventions de type ethmoïdectomie, maxillectomie avec, éventuellement, exentération orbitaire, la voie d’abord passe classiquement par l’incision paranasale (de Moure) pouvant comporter une extension vers la région sourcilière homo- ou controlatérale ou palpébrale inférieure. De même, vers le bas, l’incision peut être prolongée le long du bord du philtrum jusqu’au rebord labial comme l’a décrit Pons. Le dégantage (degloving) est, là aussi, une solution plus esthétique. L’incision vestibulaire se poursuit par un décollement sous-périosté jusqu’au seuil narinaire. Les narines bénéficient d’une incision circonférentielle endonarinaire et les téguments de la pyramide nasale sont réclinés au-dessus du plan ostéocartilagineux.
Glandes salivaires L’abord de la glande parotide est assez standardisé. Décrite par Redon, l’incision est préauriculaire, verticale, jusqu’au lobule. Elle se continue en arrière jusqu’au bord antérieur de la mastoïde puis descend verticalement le long du bord antérieur
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du muscle sterno-cléido-mastoïdien de façon curviligne pour se terminer dans un pli du cou. Ses principales variantes ont pour objectif de la rendre plus discrète. Elle est alors pratiquée à la face postérieure du tragus et sa portion terminale se prolonge, non pas par un segment vertical cervical mais dans les cheveux, reprenant ainsi l’incision de lifting traditionnelle. La glande submandibulaire requiert une incision d’environ 5 cm de longueur, horizontale, à environ 2 à 4 cm sous le bord basilaire palpé de la mandibule afin d’éviter le rameau mentonnier du nerf facial. Pour la même raison, l’incision intéresse la peau, le tissu sous-cutané et le muscle peaucier du cou pour passer sous le plan de la veine faciale.
■ Sutures Matériels de suture Aiguilles Différentes sortes d’aiguille sont disponibles, en fonction de la nature du tissu à suturer. Il existe trois types de courbure : 1/4 de cercle, 3/8 de cercle et 1/2 de cercle. Une courbure importante facilite une suture en profondeur, une faible courbure permet d’avancer rapidement et régulièrement pour un surjet intradermique par exemple. La section de la pointe peut être triangulaire, facilitant le passage au travers de tissus résistants et denses comme la peau. Pour les tissus élastiques et peu résistants à la pénétration comme les muqueuses, qui risquent de se déchirer au passage de l’aiguille, on préfère une pointe à section ronde.
Fils Les fils résorbables sont composés de polymères d’acide glycolique ou lactique. Leur résorption se fait par hydrolyse. Leur résistance mécanique se maintient pendant 10 jours pour le Vicryl® Rapide jusqu’à 60-70 jours pour le PDS II®. Leur résorption totale survient au bout de plusieurs mois. Les fils non résorbables restent à demeure dans les tissus. Ils peuvent être monobrins ou tressés. À l’inverse des fils résorbables, leur stabilité physicochimique diminue notablement les réactions inflammatoires à leur contact. Les fils résorbables sont classiquement utilisés pour les plans profonds, sous-cutanés, intradermiques et muqueux, et les fils non résorbables pour les points cutanés. En pratique, on a parfois intérêt à utiliser les fils non résorbables également en profondeur, afin par exemple de pérenniser des suspensions et Stomatologie
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des amarrages de tissus (canthopexie, liftings sous-périostés). Souvent, les surjets intradermiques sont pratiqués au fil non résorbable pour éviter les phénomènes inflammatoires et sont retirés dès que la cicatrice est devenue mécaniquement solide. De la même façon, on peut préférer des fils à résorption rapide pour les sutures superficielles (points muqueux, blépharoplastie inférieure), ce qui supprime le temps d’ablation, parfois inconfortable et douloureux pour le patient. Enfin, sur la face, les fils utilisés, résorbables ou non, sont en général d’un diamètre moyen, décimale 2 ou 1,5 (anciennement 3/0 et 4/0), à l’exception du plan cutané, qui est suturé avec des fils plus fins, de décimale 1 ou 0,7 (5/0 et 6/0). Sur la face, dans le cas des fils non résorbables, et afin de marquer la peau le moins possible, les sutures cutanées sont retirées rapidement, entre le 4e jour (paupières) et le 6e jour. Sur le cuir chevelu, les sutures sont laissées 10 jours.
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Divers Les agrafes sont réservées à la fermeture des plaies du scalp, où elles ont pour intérêt la rapidité de réalisation de la suture et l’affranchissement de la gêne due à la présence des cheveux. Les bandes adhésives de type Steri-Strip ™ 3M ™ peuvent remplacer les points superficiels si les berges cutanées sont parfaitement affrontées. Elles peuvent également soulager une suture sous tension. Les colles sont de deux types : les dérivés de fibrine (Biocol®) ont été un temps utilisés dans les plans profonds, en fait surtout pour leurs propriétés hémostatiques ; les cyanoacrylates, très proches dans leur composition des « glus » à prise rapide du commerce, peuvent remplacer les points superficiels si les berges cutanées sont parfaitement affrontées. Leur application indolore les fait conseiller dans les services d’urgence en cas de petite plaie traumatique chez l’enfant, mais cela exclut la réalisation préliminaire d’un plan solide sous-cutané.
B Figure 11. Point sous-cutané. A. Simple. 1. Épiderme ; 2. derme ; 3. tissu sous-cutané. B. Inversant avec appui dermique.
Techniques de suture Principes Comme pour le matériel, le choix de la technique de suture dépend du type de tissu concerné, mais aussi, bien sûr, des préférences et de l’expérience de l’opérateur. Le principe de réparation systématique de chaque plan anatomique est souvent relativisé au niveau de la face, soit par impossibilité (fréquente pour le périoste en particulier), soit par choix, nombre de chirurgiens se passant de points dans les espaces celluleux, ainsi que de points sous-cutanés. Néanmoins, s’il existe le moindre risque de tension sur la cicatrice, qui pourrait être responsable de son élargissement, il est conseillé de réaliser des points sous-cutanés s’appuyant sur le derme, ce qui solidifie la suture, les points cutanés ayant alors pour seule mission de parfaire l’affrontement des berges. Quelques détails techniques sont néanmoins à préciser. Les muscles, s’ils ont été sectionnés (on rappelle ici que la discision des fibres est préférable), voient leurs tranches de section rapprochées par des points en X, peu serrés, de fil résorbable. Au niveau de la peau, on affronte parfaitement les berges épidermiques, en veillant à reconstituer absolument les lignes anatomiques que l’incision aura pu traverser, comme les limites entre lèvres rouge et blanche. Les sutures du plan muqueux endobuccal sont protégées par des soins locaux : bains de bouche antiseptiques, associés éventuellement dans les premiers jours à une alimentation par sonde nasogastrique.
Figure 12. Point d’angle horizontal.
“
Point fort
Il est capital, lors de la suture, de reconstituer parfaitement les limites anatomiques que l’incision a traversées : entre la lèvre rouge et la lèvre blanche, entre la peau du visage et le cuir chevelu, etc. Pour ce faire, la technique consiste à placer en tout premier un point cutané simple qui, sur chaque berge, passe exactement sur cette limite. Ainsi il n’y aura pas de décalage.
se limite à l’affrontement des berges pour éviter les phénomènes d’ischémie responsables de l’aspect inacceptable de cicatrice en « échelle de perroquet ». Points d’angle Ils sont utilisés pour suturer, sans la traumatiser, la pointe d’un lambeau triangulaire (Fig. 12).
Techniques Surjets cutanés ou muqueux Points simples Ce sont les plus utilisés, pour tous les plans. À noter l’utilisation de points sous-cutanés inversants pour le plan dermique (Fig. 11), afin d’enfouir le nœud en profondeur. La suture cutanée charge les berges de manière symétrique, et le serrage Stomatologie
Les surjets simples font gagner du temps lors de la suture d’une plaie muqueuse ou du cuir chevelu. Le surjet en cadre ou le surjet passé, plus ischémiants, peuvent être justement préférés pour limiter les saignements, dans les sutures rétroauriculaires ou du cuir chevelu.
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Figure 16. Point simple intrapapillaire.
Figure 13. Surjet intradermique. 1. Boucle externe.
4 1 2 Figure 14. 4. dent.
3 Point simple en « O ». 1. Fil de suture ; 2. gencive ; 3. os ;
Figure 15. Point simple en « 8 ».
Surjet intradermique Il associe en principe dans une même suture la résistance du plan dermique et l’affrontement des berges cutanées, sans laisser de marques sur l’épiderme, puisqu’il ne le traverse pas (Fig. 13). La difficulté de sa réalisation consiste à éviter tout décalage vertical et horizontal entre les berges. Ses extrémités sont arrêtées par des points sous-cutanés si le fil est résorbable, sinon par un point cutané simple, ou une boucle réunissant les deux chefs, ou enfin par une fixation des chefs libres sur la peau par des bandes adhésives de type Steri-Strip™3M™. En cas de long surjet intradermique au fil non résorbable, il est important, afin d’éviter toute rupture lors du retrait, soit de prévoir un fil suffisamment résistant, soit de pratiquer une ou plusieurs boucles externes pour le retirer en plusieurs parties. Sutures en parodontologie [15] • Les points simples (Fig. 14 à 18) sont parfois pratiqués avec un appui périosté. En plus du point simple habituel, appelé dans cette discipline point en O, il existe le point en 8, le point matelassier horizontal, le point matelassier vertical et le point intrapapillaire. • Les sutures en « écharpe » (Fig. 19, 20). On distingue la suture en « écharpe » autour de la dent et la suture en « écharpe »
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Figure 17. Point matelassier horizontal. 1. Fil de suture ; 2. dent ; 3. aiguille ; 4. muqueuse.
Figure 18. Point matelassier vertical.
autour de la dent adjacente. La suture en « écharpe » est appelée « continue » lorsqu’elle exécute une sorte de surjet pouvant être simple ou double en « aller-retour » (Fig. 21). Un des buts essentiels de ces sutures parodontales est d’appliquer parfaitement au collet dentaire la papille sans perte de hauteur.
■ Conclusion Les principes de base que nous avons présentés s’adressent tout particulièrement au jeune chirurgien, peut-être aussi au chirurgien confirmé d’une autre discipline. La voie d’abord est un élément clé de l’intervention chirurgicale. Bien que modélisée, elle nécessite réflexion et adaptation au cas par cas pour faciliter le geste opératoire au mieux tout en pensant déjà à la suture et au résultat cicatriciel si important sur la face. Les voies endobuccales sont primordiales dans nombre d’interventions faciales et, à risque égal, doivent être préférées autant que possible aux voies cutanées. Dans les principes de suture, qui sont exposés brièvement, la simplicité est souvent, avec la méticulosité, la meilleure amie du chirurgien. Stomatologie
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Figure 20.
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Point en « écharpe » à la dent adjacente.
Figure 19. Point en « écharpe ».
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d Figure 21.
Surjet continu en « écharpe » (aller et retour).
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■ Références
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22-325-A-10 ¶ Incisions et sutures en chirurgie maxillofaciale et stomatologie
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N. Teysseres, Chirurgien maxillofacial ([email protected]). S. Fossat, Chirurgien plasticien. Service de chirurgie plastique, chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Hôpital d’instruction des Armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Teysseres N., Fossat S. Incisions et sutures en chirurgie maxillofaciale et stomatologie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-325-A-10, 2008.
Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-330-A-10
22-330-A-10
Liftings de la face et du cou AR Paranque A Bellavoir G Payement
Résumé. – Les liftings de la face et du cou ont tiré grand bénéfice, depuis la fin des années 1960 surtout, de l’apport de travaux anatomiques déterminants concernant les plans profonds, dont le système musculoaponévrotique superficiel et le platysma, et leurs rapports avec le nerf facial. Ces précisions ont permis le développement de techniques chirurgicales plus audacieuses et radicales, réalisant des lambeaux de système musculoaponévrotique superficiel ou levant des lambeaux composites, cutanés et musculocutanés. En regard des techniques sous-cutanées strictes, qui gardent leurs applications, les bénéfices de ces procédés plus agressifs semblent plus complets et durables, mais restent en étroite corrélation avec le bien-fondé des indications. Parallèlement, l’évolution logique qui tend à dissimuler au mieux les cicatrices s’est poursuivie dans la voie de l’endoscopie, dont les résultats, en particulier à l’étage frontal, ont bénéficié d’une meilleure connaissance de la physiologie musculaire et aponévrotique. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : lifting, incision, plans de décollement, cervicofacial, frontal, médiofacial, cervical, angle cervicomentonnier, anatomie, complications, techniques.
Introduction Les termes de rhytidoplastie, imprécis, et de rhytidectomie, impropre, sont aujourd’hui largement délaissés au profit de l’anglicisme « lifting ». Ainsi, par « lifting de la face et du cou », nous entendons l’ensemble des interventions chirurgicales dont le but est la remise en tension et/ou en position de la ou des structures anatomiques cervicofaciales distendues et/ou ptôsées. Les premiers liftings, dont Madame Noël est l’une des pionnières du début du siècle, sont strictement sous-cutanés. Bourguet, en 1919, et surtout, d’une manière bien plus précise, Virenque dès 1925, proposent déjà la réalisation de gestes sur le plan profond, annonçant les classiques plicatures qu’Aufricht ne propose qu’en 1960. Skoog décolle ce même plan profond dès ses publications de 1974, malgré la crainte qu’inspire le « grand VII » (Tessier). Ce plan, jusqu’alors innominé, devient le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) à l’étage jugal, avec les travaux de Mitz, Peyronie, Quilichini et Thion. Son décollement, puis sa section, permettent l’obtention d’excellents résultats à l’étage cervicomentonnier. L’intérêt se porte ensuite sur l’étage médiofacial, tandis que l’endoscopie trouve ses premières applications esthétiques à l’étage frontal.
Armand-Régis Paranque : Spécialiste des Hôpitaux des Armées. Alain Bellavoir : Professeur au Val-de-Grâce, titulaire de la chaire de chirurgie spéciale. Guy Payement : Professeur agrégé du Val-de-Grâce. Clinique de chirurgie plastique, chirurgie maxillofaciale et stomatologie. Hôpital d’Instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.
Disposant aujourd’hui d’une palette technique extrêmement riche, le lifting est devenu une intervention composite, tant anatomiquement que techniquement, et doit atteindre un équilibre subtil entre exploitation des plans de glissement et libération des zones d’adhérences. Notre étude des liftings de la face et du cou débute par un bref rappel d’anatomie chirurgicale. Nous évoquons ensuite le choix des voies d’abord, avant de scinder notre exposé en chapitres topographiques. Ce choix, qui se veut didactique, est bien entendu artificiel sur le plan chirurgical, car le vieillissement des structures cervicofaciales est le plus souvent homogène et son traitement volontiers global, réalisé dans le même temps opératoire.
Anatomie chirurgicale : l’essentiel Formée d’une charpente osseuse tridimensionnelle, la face présente un revêtement tégumentaire pluristratifié dont le vieillissement est sectoriellement et parfois chronologiquement différencié. – Sur le plan squelettique et à l’étage inférieur, le bord basilaire de la mandibule contribue à définir l’ovale du visage et l’angle cervicomentonnier. Le sommet de ce dernier est déterminé par la position de l’os hyoïde, comme l’a souligné Marino [33], idéalement situé en regard du corps de C4. Sa valeur est de 105 à 120° [14]. Soulignons aussi l’importance d’une occlusion fonctionnelle dans la projection des parties molles et dans le respect des proportions harmonieuses de la face. En effet, les trois étages cités représentent classiquement chacun le tiers de la hauteur totale de la face. L’édentement maxillomandibulaire non compensé entraîne un effondrement de la dimension verticale du tiers inférieur, par autorotation antihoraire mandibulaire. Son effet vieillissant est particulièrement prononcé. – Les muscles peauciers cervicofaciaux font l’objet de désinsertions, de plicatures, de décollements et de suspensions, de sections et de
Toute référence à cet article doit porter la mention : Paranque AR, Bellavoir A et Payement G. Liftings de la face et du cou. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-330-A-10, 2000, 10 p.
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Les trois types de disposition platysmale selon Cardoso de Castro. a. Type III ; b. type I ; c. type II.
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Segment postglandulaire du nerf facial.
a 2 cm b c
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Points fixes ostéocutanés.
– La vascularisation artérielle [44] de la face est dominée par les artères faciale et temporale superficielle, qui déterminent la présence de perforantes musculocutanées, de branches cutanées directes et d’un réseau anastomotique sous-dermique. En conséquence, un décollement sous-cutané superficiel lèse souvent le réseau sousdermique et sectionne les perforantes musculocutanées et les branches cutanées directes ; le lambeau cutané n’est alors plus vascularisé que par le réseau péribuccal [34]. Un décollement sousgraisseux type « système adipocutané superficiel » (SACS) préserve le réseau sous-dermique et la vascularisation du SMAS. Un décollement isolé du SMAS (sans décollement sous-cutané), type Hamra [22], préserve nombre de perforantes musculocutanées et cutanées directes. En revanche [45], la levée d’un lambeau de SMAS induit sa dévascularisation. – Le drainage veineux peut être schématisé selon quatre axes de direction descendante et convergente, se drainant dans les veines jugulaire externe, jugulaire interne, jugulaire antérieure et communicante intraparotidienne.
résections. Nous ne citerons que l’étude de Cardoso De Castro sur le platysma [6], dont les fibres médiales se croisent au niveau de l’éminence mentonnière selon trois types de disposition (fig 1). Le type I (75 %) correspond à l’entrecroisement des fibres médiales sur une hauteur de 1 à 2 cm sous la symphyse mentonnière. Le type II (15 %) voit l’entrecroisement des fibres jusqu’au niveau du cartilage thyroïde et l’absence totale de jonction médiane caractérise le type III. Ceci constitue la base des platysmaplasties antérieures. – Le SMAS [35] ne représente, dans la région temporale, que le feuillet le plus superficiel de la galéa, dont le plus profond adhère étroitement au périoste de l’arcade zygomatique. Dans la région parotidienne, le SMAS est fibreux, résistant et adhère à la capsule parotidienne [27]. Dans la région jugomassétérine, il est mobile par rapport au plan profond et s’affine jusqu’à disparaître au niveau du muscle grand zygomatique en avant. Il ne gagne pas le sillon nasogénien [48]. Enfin, dans la région cervicale, il se poursuit par le platysma cervical. Son rôle est passif (composants conjonctifs) et actif (platysma et risorius), mais sa mobilité est limitée par l’existence de points fixes ostéocutanés [16] (fig 2). – Les tissus celluloadipeux de la face se répartissent en deux plans. Le plan superficiel est sous-cutané, sus-jacent au SMAS et à l’orbiculaire orbitaire. Il n’existe que dans les régions latérales et sous-mentale. Présent au-dessus du sillon nasolabial, il est absent en dedans de celui-ci. Cette différence de structure détermine l’existence du sillon et du pli nasolabial. Cette graisse métabolique, soumise aux variations pondérales, s’amincit et subit les effets de la gravité avec l’âge. Elle est partie intégrante du système adipocutané superficiel de Trepsat [49]. Le plan profond, graisse fonctionnelle peu soumise aux effets des variations pondérales, constitue les sysarcoses manducatrices. 2
– L’innervation motrice est assurée par le nerf facial, classiquement réparti en quatre segments, fonction de leurs rapports avec la glande parotide. Le premier et le dernier de ces segments seulement ont une importance chirurgicale au cours du lifting. Le segment préglandulaire donne le nerf auriculaire postérieur, qui innerve aussi le muscle occipital, tenseur de l’aponévrose épicrânienne. L’absence de plan de décollement entre fascia superficialis et aponévrose du muscle sterno-cléido-mastoïdien à ce niveau l’expose au danger d’une dissection rétroauriculaire trop profonde, et donc d’une ptôse sourcilière. C’est dans le segment postglandulaire (fig 3) que les branches du nerf facial sont les plus vulnérables. Elles cheminent dans un fascia cellulaire fragile, entre aponévrose massétérine en profondeur et SMAS ou platysma en superficie. Deux branches sont plus particulièrement menacées : les branches temporofrontale et mandibulaire : – branche temporofrontale : le rameau temporofrontal est destiné principalement au muscle frontal qu’il aborde par sa face profonde. Sa lésion entraîne une paralysie inesthétique et difficile à traiter, avec chute du sourcil et disparition des rides de l’hémifront. Il donne d’autres branches, de trois à six, destinées au muscle orbiculaire des paupières, à l’auriculaire antérieur, au muscle corrugateur du sourcil (anciennement muscle sourcilier) et au muscle pyramidal. En profondeur, il est plaqué contre le périoste de l’arcade zygomatique et chemine dans la région temporale, à la face profonde du fascia superficialis céphalique. Dans le sens antéropostérieur, et malgré une extrême variabilité, nous pouvons retenir les repères proposés par Correia [12] et Bernstein [4], qui le situent entre deux lignes partant du lobule de l’oreille, l’une en direction de la queue du sourcil, l’autre vers l’extrémité latérale du pli frontal horizontal le plus haut. Cette disposition impose donc la plus grande prudence lors de la dissection en regard de
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l’aire de projection de cette branche temporofrontale, plus particulièrement en regard de l’arcade zygomatique où le décollement est le plus souvent sous-périosté strict et/ou sous-cutané ;
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Voies coronales classique (en rouge) et mixte (front haut) (en noir).
– branche mandibulaire : grêle et fragile, elle ne présente que peu de suppléances anastomotiques. Elle chemine entre platysma et aponévrose cervicale superficielle. Sa branche supérieure regagne très vite le bord basilaire de la mandibule et croise superficiellement le pédicule facial, où elle devient encore plus vulnérable aux dissections sous-platysmales. La branche inférieure reste presque toujours, selon Ellenbogen, sous le bord basilaire. Une atteinte de ces rameaux entraîne une asymétrie buccale lors du sourire, empêchant d’attirer en bas et en dehors la commissure buccale, et d’éverser le vermillon de la lèvre inférieure. – L’innervation sensitive de la face dépend des branches ophtalmique, maxillaire et mandibulaire du nerf trijumeau, et de la branche auriculaire du plexus cervical superficiel.
Incisions et lifting conventionnel 5
Les trois « YV ».
RÈGLES GÉNÉRALES
La spécificité des voies d’abord est ici dominée par leur nécessaire discrétion. L’incision est donc le plus souvent de siège intracapillaire, dans les régions frontale, occipitale et dans la patte. La lame du bistouri est maintenue parallèlement à l’axe des bulbes pileux, en prévention de l’apparition de zones d’alopécie et de kystes pileux secondaires [9] . L’hémostase est réalisée à la pince bipolaire, essentiellement sur la tranche galéale des berges en région frontale, et l’usage de clips ou d’agrafes neurochirurgicaux est largement indiqué. La fermeture fait appel aux agrafes, moins ischémiantes qu’un surjet, et la pointe d’éventuels lambeaux de type « YV » est soigneusement soulagée de toute traction. Lorsque l’incision ne peut être intracapillaire, le contour festonné est préféré au tracé linéaire et les sutures sont réalisées en deux plans à l’aide de fil résorbable. Enfin, les plans incisés sont directement choisis en fonction du ou des plans de décollement. Souvent décalés, ceux-ci sont fonction des dangers anatomiques, essentiellement nerveux, et des structures à mobiliser (peau, système adipocutané superficiel, SMAS, « deepMAS »…). SPÉCIFICITÉS TOPOGRAPHIQUES
¶ Incisions dans le lifting frontal Héritage neurochirurgical, la voie type Cairns-Unterberger est aujourd’hui totalement délaissée en raison de ses rançons sensitives et cicatricielles, au profit de la voie coronale et de ses variantes intraet précapillaires. La voie coronale classique (fig 4) est certainement la plus employée. Elle va d’une racine d’hélix à l’autre. Rectiligne ou légèrement festonnée, elle passe à 5 cm en arrière de la ligne d’implantation frontale des cheveux, respectant la double innervation sensitive du cuir chevelu, d’origine sus-orbitaire et sous-occipitale [31]. La lame incise peau et galéa au centre, épargnant le périoste. En région temporale, elle incise aussi les deux feuillets décrits par Libersa et Laude [30], préservant le rameau temporal du nerf facial. Le plan de décollement est donc sous-galéal strict, acelluleux et avasculaire, rasant le péricrâne et l’aponévrose temporale. Ses variantes (fig 4) sont intracapillaires, précapillaires ou mixtes, et ont pour but de préserver le capital capillaire et l’harmonie des proportions, le front devant correspondre au tiers de la hauteur faciale. Ainsi, Cornette de Saint-Cyr préserve le capital chevelu par la réalisation de trois « YV », ce qui permet une ascension sans résection de cuir chevelu (fig 5) [11].
De même, une ascension des sourcils de 1 mm entraînant, en moyenne, un recul de la ligne d’implantation antérieure des cheveux de 1,5 mm, il faut impérativement tenir compte de la hauteur du front, normalement égale au tiers de la hauteur faciale, lors du choix de l’incision. Ce critère est particulièrement déterminant chez le patient présentant un front déjà haut, mais aussi chez le sujet de sexe masculin, porteur d’une calvitie patente ou latente [8].
¶ Incisions et région temporale Lorsqu’elle prolonge l’incision coronale d’un lifting frontal, elle peut être rectiligne jusqu’à la racine de l’hélix. Dans le cadre d’un lifting cervicojugal, elle peut être absente pour Rees, imposant alors une résection cutanée cunéiforme sous la patte afin d’autoriser la rotation postérosupérieure du lambeau cutané jugal. Hamra propose cette même résection triangulaire lorsque sont réalisés simultanément un lifting frontal et un lifting cervicojugal, en raison des différences quantitatives et qualitatives (axes) des tractions entre les deux étages [23]. Mais le plus souvent, l’incision temporale est nécessaire à l’absorption de l’excédent cutané d’un lifting cervicojugal. Elle est alors volontiers intracapillaire et oblique en haut et en arrière, son axe se rapprochant de celui des tractions en fin d’intervention (fig 6).
¶ Incisions et patte chevelue L’incision au niveau de la patte se situe le plus souvent dans le prolongement de l’incision temporale, joignant cette dernière à la racine de l’hélix. 3
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Lifting cervicofacial et incisions. Incision temporale (en rouge) ; tracés auriculaire et occipital classiques (en noir) ; « L » inversé (en gris).
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pli sous-mental afin d’en prévenir la rétraction et l’invagination, à l’origine d’un « menton de sorcière », de traitement difficile. INCISIONS ET LIPOASPIRATION
La lipoaspiration est le plus souvent réalisée à l’étage cervicomentonnier par trois incisions de quelques millimètres, l’une médiane en arrière du pli mentonnier et les deux autres sous les lobes auriculaires.
Liftings et étage médiofacial DÉFINITION
Compris entre la queue du sourcil en haut et le bord basilaire de la mandibule en bas, l’étage médiofacial présente un vieillissement cutané, graisseux et musculaire (fig 7) : – cutané, avec l’apparition de rides au niveau de la patte-d’oie, du sillon nasogénien, du pli d’amertume et de la région prétragienne, mais aussi de « bajoues » soulignées par le point fixe mandibulaire ; Cependant, la patte chevelue occupe, selon Trepsat, entre le tiers et la moitié de la distance séparant la racine de l’hélix de la queue du sourcil. Soucieux de préserver cet équilibre, Connell propose une incision précapillaire sinueuse dès que la résection cutanée est estimée supérieure à 1,5 cm. Mais c’est le « Z » de Guyuron [21] qui nous semble le plus avantageux. Sa branche horizontale se situe le long de l’extrémité caudale de la patte et sa branche intermédiaire part en haut et en arrière, juste avant le bord antérieur de la patte, afin de rejoindre l’incision temporale ou coronale. Ce tracé offre, en outre, un très bon abord si une plastie de l’orbiculaire orbitaire est indiquée (fig 6).
¶ Incisions et région périauriculaire L’incision de la patte se poursuit en contournant le bord antérieur de l’hélix, puis le versant postérieur de la crête du tragus, le tout en suivant le plus précisément possible les fins reliefs antérieurs de l’oreille. Chez le sujet de sexe masculin, la zone glabre prétragienne doit être préservée. L’incision peut alors être prétragienne, ou rester sur le tragus, imposant alors la résection soigneuse des follicules pileux de la peau que le lifting ramène sur l’oreille. L’incision désinsère le lobule puis se poursuit dans le sillon rétroauriculaire de façon rectiligne, ou sinueuse pour Hoefflin, jusqu’à son changement de direction mastoïdien, au niveau du relief du muscle auriculaire postérieur. Elle se termine en intracapillaire en région occipitale, à l’horizontale ou selon un tracé arciforme à concavité inférieure, ce dernier offrant une meilleure résorption de l’excédent cutané. Lorsque la résection cutanée doit être importante, supérieure à 2,5 cm environ, il convient de prévenir l’ascension de la ligne d’implantation par une incision précapillaire sinueuse et une éventuelle « marche d’escalier » par la réalisation d’une incision occipitale en « L » renversé, décrite par Marchac [32], puis par Le Louarn et Cornette de Saint-Cyr [29] (fig 6). INCISIONS ET MASK-LIFT
Qu’il soit sous-périosté ou sus-périosté, le mask-lift peut bénéficier des voies décrites pour le lifting frontal [28]. Celles-ci permettent d’accéder à la région zygomatomalaire ; elles sont volontiers complétées par un abord palpébral inférieur, souvent sous-ciliaire, et des incisions endobuccales centimétriques, situées dans le fond du vestibule supérieur. INCISIONS ET GESTE CERVICAL ANTÉRIEUR
Une lipectomie sous-mentale ou une platysmaplastie antérieure sont réalisées le plus souvent par une incision comprise entre les deux branches horizontales mandibulaires, 5 mm environ en arrière du 4
– graisseux, avec migration des structures sous l’effet principal de la gravité, entraînant : – l’aplatissement du relief de la pommette et la squelettisation de la margelle infraorbitaire ; – la création du pli nasogénien, contribuant à creuser le sillon homonyme ; – la fonte du vermillon labial ; – musculaire, avec distension de l’orbiculaire orbitopalpébral, créant, à la manière de rideaux trop longs, le « malar bag » de Hamra. BUTS DE LA CHIRURGIE DU RAJEUNISSEMENT MÉDIOFACIAL
Ils sont dominés par la remise en tension des structures fibromusculaires et cutanées et la redistribution des éléments graisseux. VOIES D’ABORD
Elles sont étudiées dans un chapitre spécifique. L’abord postérieur peut être complété par une incision sous-ciliaire et/ou vestibulaire supérieure en fonction des structures à traiter. PLANS DE DÉCOLLEMENT
Leur association est désormais presque une règle, car le décollement doit toucher le ou les plans à traiter.
¶ Décollement sous-cutané Il peut être superficiel, préservant toujours quelques millimètres de graisse, mais sectionnant souvent les réseaux anastomotiques
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Étage médiofacial et vieillissement.
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Décollement souscutané à l’étage cervicojugal.
vasculaires superficiels. C’est le plan des liftings de première génération, mais il est encore fréquemment employé, en particulier en association avec la levée d’un lambeau de SMAS. Les structures graisseuses ptôsées sont alors repositionnées par la mobilisation du SMAS auquel elles restent solidarisées (fig 8). Profond, le décollement sous-cutané est réalisé au ras du plan fibromusculaire : c’est le lifting du SACS selon Trepsat [49], qui préserve les réseaux vasculaires et lymphatiques sous-dermiques. Les structures graisseuses dystopiques sont alors repositionnées par la mobilisation du lambeau cutanéograisseux. L’étendue du décollement sous-cutané est essentiellement tributaire de la topographie des anomalies à corriger et de l’éventuelle dissociation des atteintes cutanées, graisseuses et musculoaponévrotiques, conditionnant l’association simultanée d’autres plans de décollement. Ainsi, lorsque le décollement sous-cutané est associé à celui du SMAS, il peut éventuellement être limité, voire quasiment nul dans le cas particulier du lifting conservateur de Gola [18]. En revanche, réalisé isolément ou dans sa variété profonde (SACS), il est volontiers extensif, libérant en particulier impérativement les points fixes ostéocutanés. Enfin, le décollement sous-cutané autorise un geste sur un plan profond non décollé, sous la forme de plicatures orientées du SMAS. Leur efficacité dépend, outre de leurs indications, de la disposition réfléchie de leurs vecteurs de tractions, encore récemment précisés par Cardenas-Camarena et Gonzalez [5], puis par Rohrich (fig 9).
* A
* B
* C
* D
* E
* F
¶ Décollement du SMAS (fig 10) Initialisé par Tord Skoog, le décollement de la face profonde du SMAS a ensuite bénéficié des travaux anatomiques de Mitz et Peyronie [35], mais aussi d’une meilleure connaissance des rapports SMAS-nerf facial. Amorce du décollement Dans la région parotidienne, le SMAS ou peaucier vestigial de Jost et Levet [27] est très adhérent au plan profond. Il est donc fixé, et son décollement n’est, par conséquent, aucunement justifié par son vieillissement. En revanche, son caractère fibreux et résistant est exploité par certains auteurs pour en amorcer la levée. C’est l’attitude de Jost et de Connell. Ce dernier lève son lambeau fibromusculaire dès la région parotidienne, à 1 cm du tragus, avec incision horizontale 1,5 cm sous l’arcade zygomatique, l’ensemble étant en continuité avec le platysma qu’il décolle à l’étage cervical. Jost complète un tracé relativement proche par une contre-incision antérieure, d’axe oblique en avant et en bas, en regard du muscle grand zygomatique, dans le but de mieux mobiliser son lambeau et de prévenir toute distorsion musculaire. Il semble cependant plus logique d’amorcer le décollement de ce plan dans une région où le SMAS est mobile, donc sujet aux effets du vieillissement et aisément mobilisable. De nombreux auteurs incisent donc le SMAS en avant de la parotide car son décollement y est plus facile et sa mobilisation plus justifiée.
9 Lifting cervicofacial, décollement sous-cutané et plicatures orientées du système musculoaponévrotique superficiel.
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Lambeau de système musculoaponévrotique superficiel.
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Lifting médiofacial sous-périosté, limites du décollement.
Hamra [23] semble allier les avantages d’une incision parotidienne à ceux d’une amorce plus antérieure, puisqu’il lève son SMAS sur une ligne oblique, joignant la zone d’insertion malaire du muscle grand zygomatique en avant, à un point situé à 2 cm en avant du lobule de l’oreille en arrière.
* A
* B
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Lifting cervicofacial, lambeau de système musculoaponévrotique superficiel et section partielle postérieure du platysma.
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Lifting selon Hamra.
composite
Épaisseur du lambeau Il est classiquement limité au plan fibroaponévrotique lui-même, le tissu adipeux superficiel restant solidaire du lambeau cutané. Citons toutefois Papillon [38] qui réalise un lambeau de SMAS épais, fibrograisseux, alors que son décollement cutané est très superficiel. Les structures graisseuses sont donc repositionnées avec le SMAS. Étendue du décollement Quelle que soit l’étendue de son décollement, il ne peut déborder en avant les muscles zygomatiques. À partir de cette limite anatomique, de nombreux auteurs, dont Hamra, poursuivent leur dissection dans un plan sous-cutané profond, rasant leur face superficielle, laissant la graisse malaire ptôsée solidaire du lambeau cutané. Enfin, d’une manière très pragmatique, Connell stoppe son décollement dès que son efficacité lui paraît suffisante.
¶ Décollement sous-périosté Il est utilisé dans les buts de restaurer, voire d’augmenter, le relief de la pommette, mais aussi de tenter d’améliorer les résultats souvent décevants obtenus, quel que soit le procédé employé, sur l’aspect à moyen terme du sillon nasogénien. Voies d’abord et décollement (fig 11) Dérivé du mask-lift et fruit de l’extension des liftings frontaux endoscopiques à l’étage médiofacial, le lifting médiofacial souspériosté est réalisé par une voie d’abord endobuccale, vestibulaire supérieure, complétée d’un abord temporal pour Little et Hobar [25], ou palpébral inférieur pour Hester [24]. Il est fréquemment réalisé dans le cadre d’un lifting frontal et/ou cervicofacial. Le décollement concerne le rebord orbitaire latéral (désinsérant le ligament palpébral selon les besoins), la margelle infraorbitaire, la totalité des faces antérolatérales des os maxillaire et zygomatique, prolongé en haut jusqu’à la suture frontonasale, en avant du ligament canthal médial, en dedans jusqu’au bord latéral de l’orifice piriforme. Le décollement de l’arcade zygomatique, extensif pour Ramirez [43], est limité à sa portion antérieure pour Little et pour Hobar, faisant courir moins de risques au rameau temporal du nerf facial. Tractions et suspensions Les points périostés doivent être situés en regard de la portion la plus céphalique du tissu graisseux malaire profond. Lorsque le relief malaire doit être augmenté de manière plus radicale, Little place un second point au niveau de sa portion caudale, afin de l’invaginer sous la première. 6
Axes de tractions Verticaux pour Hester, ils créent fréquemment un excès tissulaire dont la résection impose un abord palpébral inférieur. Little et Hobar conseillent plutôt un axe de traction oblique en haut et en arrière, permettant en outre un redrapage musculocutané de la paupière inférieure.
¶ Association des plans de décollement Elle est aujourd’hui presque devenue la règle, fort logique devant la fréquente dissociation quantitative et/ou qualitative (vecteurs) des vieillissements cutané, graisseux et fibroaponévrotique. Ainsi, et à des degrés divers, peuvent être réalisés : – un décollement sous-cutané nul ou presque, dans le lifting conservateur de l’unité cutanéo-musculo-aponévrotique proposé par Gola [18] ; – un décollement sous-cutané limité aux fossettes créées par la remise en tension du plan fibroaponévrotique, comme préconisé dans le lifting à traction différentielle [37] (fig 12) ; – Hamra [22] enfin, dans son lifting composite, associe à l’étage médiofacial, un décollement sous-cutané parotidien à un décollement du SMAS en avant de la région parotidienne, poursuivi par une dissection sous-cutanée profonde en regard des muscles zygomatique et à une dissection sous le plan de l’orbiculaire palpébral, respectant le couple cutanéo-orbiculaire (fig 13). GESTES GRAISSEUX
Ils sont presque toujours réalisés dans le cadre des techniques exposées précédemment. Leur but essentiel est la redistribution de la graisse malaire, réalisée, nous l’avons vu, par l’intermédiaire du lambeau cutané, fibromusculaire et/ou malaire composite du lifting sous-périosté. Citons toutefois le lambeau musculograisseux décrit
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Étage frontal et vieillissement.
par le Louarn [29], refixant en haut et en dehors la portion orbitaire de l’orbiculaire et la graisse malaire superficielle, et la lipopexie du coussinet adipeux prémalaire, selon Nicolettis [36]. GESTES MUSCULAIRES
Si les gestes sur le muscle grand zygomatique (plicatures) semblent abandonnés, le muscle orbiculaire orbitopalpébral reste aujourd’hui un élément clé du traitement des rides de la patte-d’oie. Dès 1974, Skoog proposait différents gestes sur le muscle orbiculaire, à type d’étalement, de sections ou de résections. Aston [1] propose, en 1980, de libérer les faces superficielle et profonde de la portion latérale du muscle, afin de le sectionner puis de le réétaler. Hamra conseille de ne libérer que sa face profonde, technique intégrée dans sa « composite rhitidectomy ». Enfin, Fogli, en 1992 [15], propose la remise en tension latérale de la portion inférieure orbitaire du muscle orbiculaire, geste permettant en outre d’éviter l’abord des poches graisseuses palpébrales. COMPLICATIONS SPÉCIFIQUES DES LIFTINGS DE L’ÉTAGE MÉDIOFACIAL
Elles sont tout d’abord nerveuses, avec l’atteinte du nerf facial dans ses composantes : – temporale, exposée lors de la dissection de l’arcade zygomatique ; – zygomatique, épargnée par une dissection superficielle au muscle grand zygomatique ; – buccale, dont l’atteinte récupère souvent grâce à la richesse de ses suppléances anastomotiques. Elles peuvent être sensitives avec l’atteinte du nerf infraorbitaire, évitée par l’excellent contrôle visuel qu’offre l’abord endobuccal vestibulaire supérieur dans le lifting sous-périosté. La nécrose cutanée, enfin, est moins rare dans la région rétroauriculaire que dans la région génienne, car le respect de la branche auriculaire du plexus cervical superficiel et de l’aponévrose du muscle sterno-cléido-mastoïdien impose souvent une dissection cutanée très superficielle.
Lifting et front VIEILLISSEMENT
Le vieillissement de la région frontale (fig 14) se traduit essentiellement par l’apparition : – de rides frontales horizontales (muscle frontal), rides glabellaires verticales (muscle corrugator) et horizontales (muscle procerus), accentuées par l’étroite adhérence muscle-peau ; – d’un relâchement galéal et d’une distension cutanée, à l’origine d’une ptôse de la queue des sourcils, parfois palliée par la contraction permanente des muscles frontaux accentuant les rides horizontales frontales.
Lifting frontal conservateur selon Gola.
Le lifting frontal doit donc traiter ces anomalies tout en préservant le capital capillaire et la hauteur du front. VOIES D’ABORD. PLANS DE DÉCOLLEMENT
Lorsque la hauteur du front est normale, a fortiori lorsqu’elle est inférieure à la normale (le tiers de la hauteur faciale totale, ou environ 65 mm [17]) et en l’absence de calvitie, la voie d’abord usuelle est représentée par la voie coronale et ses variantes intracapillaires. Le décollement est sous-galéal, offrant l’accès direct aux muscles abaisseurs de la tête du sourcil. Le plan sous-périosté ne se justifie que dans le cas d’un remodelage des contours osseux ou lorsque l’obliquité des fentes palpébrales doit être modifiée. Souvent associé à une incision précapillaire, le plan sous-cutané, préconisé par Guyuron [21] en 1988, par Wolfe [50] en 1989, ne se discute qu’en présence d’un front trop haut et/ou de rides particulièrement prononcées dans les régions frontale et glabellaire, mais aussi au niveau de la patte-d’oie. Le décollement est plus long à réaliser, plus hémorragique, mais la sensibilité du cuir chevelu est alors totalement préservée en arrière de la ligne d’incision. GESTE CUTANÉ
La tension est plus latérale, selon un axe oblique en haut et en dehors, que centrale et strictement verticale, le but étant l’ascension de la queue du sourcil et non de sa tête. L’excès de cuir chevelu est éventuellement réséqué, mais le plus volontiers résorbé par des sutures en « YV » [11]. GESTES MUSCULAIRES ET CORRECTION DES RIDES
Ils s’adressent aux muscles frontal, corrugator et procerus, et font toujours l’objet de controverses. Certains auteurs, dont Connell, ne font que sectionner les muscles corrugator et procerus, d’autres les résèquent plus ou moins largement, tel Tessier, Jost ou Marchac. Quoi qu’il en soit, il est impératif de préserver le muscle frontal jusqu’à une hauteur de 3 cm au-dessus du rebord orbitaire supérieur, afin d’éviter la ptôse des sourcils ! Citons enfin le lifting frontal conservateur selon Gola [18] qui, dans le but de préserver les unités os-périoste et muscle-peau, réalise une libération des insertions osseuses basses de la galéa (fig 15, 16) et dissocie le muscle frontal de ses antagonistes. COMPLICATIONS SPÉCIFIQUES DU LIFTING FRONTAL
Elles sont nerveuses et cutanées avec : – l’atteinte du rameau temporal du nerf facial, dont la proximité est annoncée par la découverte de la veine dite « sentinelle » ; – les troubles sensitifs, par atteinte des nerfs supratrochléaire ou supraorbitaire ; – les zones d’alopécie cicatricielle, prévenues par des décollements et des hémostases préservant les follicules et par des sutures sans tension. 7
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* A 17
Étage cervicomentonnier et vieillissement.
Il convient enfin de prévenir les patients de la fréquence de chutes de cheveux transitoires et réversibles dans les mois qui suivent l’intervention.
Mask-lift Présenté par Paul Tessier en 1989 [47], il réalise le décollement dans un plan sous-périosté de l’ensemble des régions temporofrontale, zygomaticomalaire et maxillaire. Le mouvement réalisé est essentiellement un mouvement d’ascension verticale de l’ensemble des structures décollées, en particulier du deep musculoaponevrotic system (DMAS), rassemblant en bloc le feuillet superficiel de l’aponévrose du muscle temporal, le périoste zygomatique et les fibres les plus superficielles du muscle masséter, l’ensemble étant fixé à l’aponévrose temporale. Il semble actuellement que la modification profonde de la morphologie faciale par action sur les structures osseuses représente l’intérêt essentiel de ce procédé. Entre des mains inexpérimentées, il en constitue aussi l’inconvénient majeur.
Lifting et cou VIEILLISSEMENT DE L’ÉTAGE CERVICAL
C’est le fruit d’un relâchement cutanéoplatysmal et d’une accumulation de graisse dans les régions sous-mandibulaire et sousmentale. Ceci induit l’apparition des bajoues, soulignées en avant par le point fixe mandibulaire, d’un double menton, de cordes platysmales paramédianes et par l’augmentation de l’angle cervicomentonnier (fig 17), l’ensemble contribuant à dégrader l’ovale du visage et le décolleté.
Lifting frontal conservateur selon la technique de Gola.
* B 18
Critères esthétiques du cou jeune.
GESTES MUSCULAIRES
Aufricht le premier [2], en 1959, propose un geste profond avec ses plicatures. Skoog [46], en 1974, décolle la face profonde du platysma et le tracte en haut et en arrière. Les résultats restent toutefois insuffisants en région sous-mentale, mais la voie est ouverte et de très nombreux auteurs proposent autant de types de platysmaplasties.
¶ Platysmaplasties à action postérolatérale Si de nombreux auteurs n’en proposent que des sections partielles [19, 40] , c’est Connell [7] qui conseille le premier la section totale des platysma. Elle doit être basse et parfois complétée par un surjet platysmal complémentaire, de direction antéropostérieure. Ellenbogen [13], puis Millard, montrent que seule la section complète du muscle permet d’éviter la récurrence des cordes platysmales antérieures. Enfin, dernière évolution logique, Perpère, en 1985 [39], conseille de traiter aussi le lambeau caudal du platysma sectionné, afin d’agir sur la partie basse du décolleté. Cette « double flap cervical platysmaplasty » ne se conçoit, selon son auteur, qu’associée à une platysmaplastie antérieure.
¶ Platysmaplasties antérieures Les types I et II de Cardoso de Castro [6] sont transformés en type III et les cordes platysmales, souvent asymétriques, sont excisées. La raphie médiane des peauciers cervicaux est alors effectuée de la symphyse au cartilage thyroïde. GESTES GRAISSEUX
Réalisés sous contrôle visuel ou par lipoaspiration, ils touchent essentiellement la graisse sus-platysmale.
TRAITEMENT DE LA RÉGION CERVICALE
GESTES OSSEUX
Il est presque toujours réalisé dans le cadre d’un lifting cervicojugal permettant ainsi une redistribution optimale des plans mobilisés. Ses buts sont superposables aux critères esthétiques du profil cervicofacial « jeune » rassemblés par Ellenbogen et Carlin [14] (fig 18).
Ils touchent les bases osseuses maxillomandibulaires. Tout défaut de projection antéro-inférieure du menton induit l’augmentation de l’angle cervicomentonnier et/ou la diminution de la distance cervicomentonnière à l’origine d’un aspect de « menton dans le cou » (fig 19).
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Endoscopie et lifting Son utilisation a été rapportée en chirurgie esthétique par Corre en 1991, Taddeo en 1992, puis Isse en 1993.
LIFTING FRONTAL ENDOSCOPIQUE
C’est la plus pratiquée de ces interventions. Elle comprend quatre temps opératoires : – réalisation de quatre à huit incisions d’axes divergents, dont la somme des longueurs est moindre que la longueur d’une incision coronale ou précapillaire, situées 5 à 10 mm en arrière de la ligne d’implantation capillaire ;
* A 19
* B
Cou gras, os hyoïde bas, platysmaplastie antérieure et lipoaspiration.
Ainsi, lorsque l’occlusion, la dimension et la position des maxillaires par rapport à la base du crâne sont normales, il s’agit d’une simple rétrogénie qui justifie un traitement de type génioplastie. Ailleurs, un articulé dentaire de classe II et l’étude céphalométrique permettent d’objectiver une rétromandibulie qui justifie le plus souvent une ostéotomie d’avancée mandibulaire après préparation orthodontique. De même, certaines insuffisances verticales antérieures des maxillaires sont traitées, modifiant, même si l’ostéotomie ne touche que le maxillaire, là aussi avantageusement la position du menton. Enfin, une position trop basse de l’os hyoïde est à l’origine de l’ouverture de l’angle cervicomentonnier. Citons ici la désinsertion des muscles sus-hyoïdiens proposée par Collins et Epker et reprise par Guyuron [20]. GESTES CUTANÉS
Ils ne présentent pas de spécificité en dehors du problème particulier que pose le « menton de sorcière », associant une ptôse cutanéograisseuse à un relâchement du muscle mentonnier, contrastant avec un pli mentonnier trop creusé. Presque tous les auteurs proposent l’excision cutanée du pli, suivie d’une plastie locale cutanée, adipeuse, voire musculaire [41]. COMPLICATIONS SPÉCIFIQUES
Elles sont surtout nerveuses, impliquant : – le rameau marginal de la mandibule (ramus marginalis mandibulae) ; les décollements platysmaux doivent donc être effectués sous contrôle visuel et les sections platysmales sont réalisées au moins 5 cm sous le bord basilaire mandibulaire [3] ; – le nerf grand auriculaire, déjà évoqué. Citons enfin, pour mémoire, l’atteinte exceptionnelle du nerf spinal, superficiel en regard du bord postérieur du sterno-cléidomastoïdien.
– décollement sous-périosté [42] ou sus-périosté [10], créant une cavité artificielle permettant la visualisation des structures tégumentaires ; – libération du sourcil par myotomie ou section de la branche temporofrontale du nerf facial [26] ; – élévation par traction postérieure du scalp.
MASK-LIFT ENDOSCOPIQUES
Ils correspondent à une extension à l’étage moyen de la face de la technique décrite pour le lifting frontal, souvent complétée par des abords palpébral et endobuccal.
ENDOSCOPIE CERVICOFACIALE
Elle est limitée par les possibilités de rétraction spontanée de l’excédent cutané. Elle permet cependant la réalisation des platysmaplasties cervicales.
Conclusion L’amélioration spectaculaire des résultats des liftings de la face et du cou, en qualité et en pérennité, s’est longtemps bâtie sur des évolutions strictement techniques : siège des incisions, étendue et nature du ou des plans de décollement... Aujourd’hui, les liftings exploitent l’ensemble de ces procédés en optimisant leurs indications, réalisant des interventions hautement personnalisées. À ces choix judicieux s’ajoutent nombre d’adjuvants médicaux et/ou chirurgicaux, dont la lipostructure de Coleman ne semble pas être le moins prometteur. Nous soulignons enfin, dans le cadre de cette chirurgie dite « de confort », l’importance toute particulière de l’information exhaustive du patient, et rappelons le primum movens de tout geste chirurgical : « primum non nocere » !
Références ➤
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ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-324-A-10
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Microchirurgie reconstructrice en chirurgie maxillofaciale JL Cariou G Payement F Lambert
R é s u m é. – Après un rappel historique, les auteurs décrivent le matériel nécessaire à la confection des microanastomoses vasculaires et nerveuses. Ils envisagent ensuite la microchirurgie reconstructrice vasculaire appliquée à la chirurgie maxillofaciale. Après un rappel des principes, la réalisation des anastomoses vasculaires au fil aiguillé est détaillée. Les auteurs présentent un nouveau procédé d’anastomose par éversion et agrafage par microclips nécessitant un matériel spécifique. Les applications sont revues, tant en urgence (réimplantation de scalp, du pavillon auriculaire, de lèvre) qu’en chirurgie reconstructrice réglée. Les différents sites donneurs de lambeaux sont répertoriés selon les impératifs de la reconstruction : couverture cutanée, doublure muqueuse, comblement, reconstruction osseuse ou pluritissulaire. Deux nouveaux concepts sont présentés : les lambeaux chimériques et les lambeaux préfabriqués. Les indications sont envisagées en fonction des possibilités des principaux sites donneurs et de la conjonction site donneur-site receveur. Des exemples de reconstruction sont présentés au niveau crânien (scalp, voûte, base), au niveau des tiers moyen et inférieur de la face et au niveau cervical. La microchirurgie nerveuse est enfin et surtout évoquée concernant la réanimation des paralysies faciales : anastomoses hétéronerveuses (hypoglossofaciale), faciofaciales, lambeaux musculaires revascularisés réinnervés.
Introduction La microchirurgie, en tant que technique liée au microscope opératoire, a apporté une contribution considérable aux procédés de réparation et de reconstruction dans toutes les spécialités chirurgicales, dont la chirurgie maxillofaciale. N’étant le fait que de quelques équipes, voire de chirurgiens isolés, il y a 20 ans, elle fait aujourd’hui partie intégrante et intégrée, réalisée et enseignée, de presque toutes les équipes chirurgicales impliquées en chirurgie reconstructrice.
Un peu d’histoire
© Elsevier, Paris
La première utilisation clinique du microscope opératoire, mis au point depuis une soixantaine d’années dans la suite des travaux expérimentaux de Carrel, revient à l’otologiste Nylen pour la chirurgie de l’otosclérose. Il est d’usage courant depuis 1964 et a permis de réaliser puis d’affiner les microsutures nerveuses, canalaires et surtout vasculaires. Avant l’essor de ces dernières, le temps était toujours au vieux rêve de beaucoup de chirurgiens pour qui la possibilité de transplanter d’une partie du corps à l’autre un lambeau libre permettrait d’occulter les contraintes d’autonomisation, de migration et d’étalement des classiques lambeaux à distance. Cette possibilité semble avoir été envisagée dès 1917 par Esser et réalisée pour la première fois chez l’animal en 1960 par Jacobson et Suarez, bientôt suivis par d’autres auteurs dont Krizek, Buncke, Ikuta, Yasargil, O’Brien et Acland.
Jean-Luc Cariou : Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service adjoint. Guy Payement : Spécialiste des hôpitaux des Armées, adjoint au chef de service. Frédéric Lambert : Spécialiste des hôpitaux des Armées. Service de chirurgie plastique, chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94163 Saint-Mandé, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Cariou JL, Payement G et Lambert F. Microchirurgie reconstructrice en chirurgie maxillofaciale. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie, 22-324-A-10, 1999, 16 p.
Dans le domaine clinique, il faut attendre 1963 puis les années 1970 pour assister à l’introduction puis au rapide développement des reconstructions microchirurgicales, d’abord en urgence (Chen Zhong-Wei est le premier à réimplanter un avant-bras amputé en 1963, Komatsu et Tamai réimplantent un doigt amputé en 1965), puis réglées. L’année 1973 est celle de l’explosion des transferts libres revascularisés dans le monde. Au niveau de la face, il semble que le premier transfert revascularisé ait été réalisé en 1971 par Black [7] qui reconstruit un palais au moyen d’une anse jéjunale. En 1972, Mac Lean et Buncke [47] recouvrent un déficit crânien étendu par un transfert épiploïque revascularisé. En France, en 1974, Baudet [2] revascularise sur les vaisseaux temporaux superficiels gauches un lambeau de cuir chevelu prélevé sur leurs homologues droits. Depuis, de nombreux lambeaux libres, qu’ils soient cutanés, cutanéoaponévrotiques ou fasciocutanés, musculaires, musculocutanés, osseux ou composites, ont été décrits et leurs transferts réalisés dans des situations cliniques aussi variées que les séquelles traumatiques ou les grandes exérèses carcinologiques faciales.
Matériel microchirurgical La microchirurgie est une technique qui s’adresse à toutes les structures nécessitant un moyen optique de grossissement pour leur suture ou leur anastomose. Elle demande un matériel adapté. Le microscope opératoire est l’élément indispensable mais peut être remplacé, dans certaines circonstances et en des mains expérimentées, par des lunettes ou des loupes binoculaires en raison de leur moindre coût, de leur maniabilité et donc de la plus grande liberté qu’elles apportent à l’opérateur [78]. La microcoagulation bipolaire, mise au point par Malis en 1956, permettant de réaliser des hémostases ponctuelles près des vaisseaux sans les léser, a constitué un progrès décisif en apportant un gain de temps important au niveau de l’abord et de la préparation des vaisseaux donneurs et receveurs. Cependant, elle est susceptible de provoquer des thromboses secondaires et son emploi s’est réduit depuis la mise à disposition du microchirurgien de microclips vasculaires en titane.
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MICROCHIRURGIE RECONSTRUCTRICE EN CHIRURGIE MAXILLOFACIALE
L’instrumentation est réduite à cinq ou six instruments (pinces, ciseaux, porte-aiguilles) dont le choix dépend de chaque opérateur, à un jeu de clamps variables en dimension, en largeur et en pression exercée puisqu’ils doivent s’adapter aux vaisseaux à occlure sans pour autant les léser et au site opératoire souvent profondément situé au niveau cervicofacial, et à des systèmes d’irrigation. Empruntée initialement à l’ophtalmologie, elle a bénéficié de l’apport de chaque équipe de microchirurgie, voire de chaque microchirurgien (Ikuta, O’Brien, Acland, Gilbert…). Cette instrumentation, fragile et coûteuse, doit bénéficier de soins attentifs lors de son nettoyage et de son conditionnement. Le matériel de suture doit être adapté aux différentes structures et choisi au sein des différents fils fins monobrins de calibre de l’ordre du centième de millimètre (9/0, 10/0, 11/0, 12/0) et des aiguilles très fines, atraumatiques, disponibles. Parallèlement à l’affinement de ces matériaux de suture depuis près de 20 ans, des procédés de non-suture ou d’aide à la suture ont de tout temps été étudiés. Certains, tels les adhésifs, ont été abandonnés alors que l’électrocoaptation a été remise à l’honneur par l’introduction du laser CO2 [70], diode laser [88] ou argon [53]. Les procédés de suture mécanique par des coupleurs externes rigides [6, 10], des coupleurs résorbables [24] et des anneaux magnétiques [62] ont fait l’objet de nombreuses études expérimentales et cliniques, sans pour autant faire l’unanimité. Les procédés utilisant des microagrafes ou microclips ont fait l’objet de développements récents [3, 14, 31, 43, 71] . Ils permettent, à fiabilité équivalente dans certaines conditions, un gain de temps à la réalisation des anastomoses vasculaires. Dans tous les cas, la formation microchirurgicale doit être débutée en laboratoire par un apprentissage méthodique avant l’application humaine. Elle impose la mise en œuvre de procédures communes à toutes les interventions ou techniques microchirurgicales. Par la suite, si la pratique clinique est assez fréquente, il ne paraît pas indispensable de poursuivre cet entraînement régulier sur l’animal à condition de respecter en toutes circonstances les principes techniques et d’être en bonne forme physique afin de cultiver réflexes de patience et de finesse.
Microchirurgie vasculaire Technique des microanastomoses vasculaires Principes Dès 1902, Carrel [17] posait les principes fondamentaux des sutures vasculaires. En 1958, Seidenberg et al [76] rapportaient ceux applicables aux vaisseaux de 2,5 mm de diamètre. Ces principes, depuis repris par de nombreux auteurs et sans cesse affinés pour améliorer le taux de réussite, ont quatre buts : – éviter l’infection par une asepsie parfaite ; – éviter la thrombose en supprimant ses facteurs : – la dessiccation, par une irrigation permanente de la tranche de section des vaisseaux ; – les lésions de l’intima, en maniant les vaisseaux avec précaution ; – une inclusion d’adventice, en réalisant une adventicectomie sur les 3 mm terminaux ; – éviter la sténose en : – prenant le moins possible de tissu dans les points de suture ; – évitant de rajouter des points (cinq à six points suffisent pour un vaisseau de 1,5 à 2 mm de diamètre) ; – éviter les fuites en : – utilisant l’aiguille et le fil les plus fins possibles ; – faisant une légère compression pour compléter l’hémostase quand la suture est terminée.
Réalisation pratique Actuellement, le microchirurgien dispose d’un procédé de référence sous la forme des classiques anastomoses par affrontement et suture au fil aiguillé, mais également de dispositifs plus modernes au premier rang desquels il convient de placer l’éversion avec agrafage. À la lumière des différents travaux émergent deux paramètres qui caractérisent chaque procédé d’anastomose et permettent donc d’en établir une classification exhaustive (tableau I). Il s’agit de la disposition des parois l’une par rapport à l’autre (affrontement, éversion, télescopage) et du mode de contention des berges vasculaires (suture, agrafage, collage, laser, friction, couplage). Plutôt que de rappeler les différents temps de la réalisation d’une anastomose, qu’elle soit terminoterminale ou terminolatérale, il nous paraît plus intéressant de préciser quelques détails techniques concernant les deux procédés de suture actuellement employés : la suture au fil aiguillé et le procédé d’éversion-agrafage. page 2
Stomatologie
Tableau I. – Classification des différents procédés de microanastomoses vasculaires. Disposition des parois Affrontement
Télescopage
Éversion
Suture Collage Modes de contention
Laser Coupleurs Friction Agrafage
Anastomoses vasculaires au fil aiguillé Ces quelques points techniques concernent : l’adventicectomie, la répartition des points et les procédés utilisables en cas d’incongruence de diamètre des vaisseaux donneurs et receveurs. • Adventicectomie
Elle appelle quelques remarques. Représentant une manœuvre préventive de thrombose et curative de levée de spasme, elle a l’inconvénient d’interrompre tout le réseau externe des vasa vasorum et donc de dévasculariser les deux extrémités de l’artère qui se comportera alors comme une greffe, avec le risque de sclérose secondaire. À l’opposé, la nutrition de la veine, qui possède également un réseau interne de vasa vasorum et dont l’adventice est moins abondant, se trouvera peu modifiée. Ainsi, actuellement, on ne pratique plus d’adventicectomie artérielle large. Trois attitudes sont prônées selon les auteurs : – aucune adventicectomie (Buncke) ; – adventicectomie a minima (sleeve amputation), en tirant sur les lambeaux d’adventice jusqu’à ce qu’elle saille au-delà de la lumière vasculaire « comme un prépuce » qui fait l’objet d’une circoncision, laissant à nu 1 mm de vaisseau ; – adventoplastie par dégantage de l’adventice, refoulement en arrière et repositionnement une fois la suture terminée (Dessapt). Selon la « plasticité » de l’adventice, nous recourons soit à la première alternative (artère fibreuse, irradiée ou âgée), soit à la seconde (artère jeune et saine). • Répartition des points
La biangulation symétrique (deux points d’appui à 180°) a été abandonnée, car elle entraînait un collapsus des deux parois vasculaires antérieure et postérieure, avec risque de suture de la paroi postérieure par un point antérieur. Trois techniques, originelles ou personnalisées, sont actuellement les plus usitées : – la biangulation excentrée (deux points d’appui à 120°), décrite en 1967 par Cobbett, qui est en fait une triangulation ; – la quadrangulation (quatre points équatoriaux), rapportée en 1967 par Mouret puis reprise par Buncke et Harashina ; – la suture de proche en proche en utilisant chaque fois le point précédent comme tracteur, proposée par Le Quang en 1972. • Procédés utilisables en cas d’incongruence
Si au-delà du rapport 2/1 il est indispensable de réaliser une anastomose terminolatérale ou possible d’effectuer une anastomose dédoublée en Y, en particulier pour les veines [97], une anastomose terminoterminale peut être effectuée au-dessous de cette limite. Plusieurs artifices peuvent alors être utilisés (fig 1) : – dilatation du plus petit vaisseau à condition qu’il soit receveur ; – section oblique ; – greffe veineuse d’interposition comme en cas de perte de substance ; – suture intériorisée avec tubulisation simple, avec mise en place de deuxtrois points [ 4 4 ] ou avec contre-incision longitudinale du vaisseau receveur [19].Les résultats expérimentaux et cliniques démontrent la rapidité d’exécution et la fiabilité de ce procédé lorsqu’il est réalisé dans le sens du flux pour des artères de calibre supérieur ou égal à 1 mm, et ceci malgré des aspects histologiques parfois défavorables [16]. Ainsi, actuellement, le taux de fiabilité clinique des microanastomoses vasculaires réalisées au fil aiguillé varie de 85 à 95 % selon les localisations et les auteurs [45, 77].
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Anastomose artérielle par éversion-agrafage. A. Application d’un microclip. B. Aspect terminé de l’anastomose.
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Artifices possibles en cas d’incongruence des vaisseaux donneur et receveur. A. Dilatation du plus petit vaisseau. B. Section oblique du plus petit vaisseau. C. Suture intériorisée avec tubulisation. D. Suture veineuse dédoublée en Y.
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2 Anastomose artérielle par éversion-agrafage. Maintien des deux parois éversées et adossées par deux pinces à éverser
Anastomoses par éversion et agrafage [31, 43, 71] • Définition et objectif
L’éversion des parois constitue l’un des modes de présentation de deux segments vasculaires avant anastomose, qu’il s’agisse d’anastomose terminoterminale ou terminolatérale. Elle consiste en un retournement, vers l’extérieur et sur 90°, des deux extrémités vasculaires qui entrent en contact par adossement de leur endothélium. Cette technique s’apparente au classique « collet battu » couramment utilisé en plomberie (fig 2). L’agrafage des parois constitue l’un des modes de contention de l’anastomose. Il se caractérise par l’application de clips ou agrafes non transfixiants qui pontent les deux parois éversées et se disposent en couronne, à cheval sur la ligne d’anastomose (fig 3). • Matériel
– L’applicateur d’agrafes (AutoSuturet VCSt). Seul matériel actuellement commercialisé, la pince présente les caractéristiques suivantes : automatique, à usage unique, délivrant 25 clips en titane (fig 4). Le modèle VCSt medium, dont le clip mesure 1,4 mm de large, permet la réalisation d’anastomoses vasculaires sur des vaisseaux possédant un diamètre endoluminal variant de 1,5 mm à 5 mm, situations le plus couramment rencontrées en microchirurgie reconstructrice. – Le matériel ancillaire nécessaire se compose de deux pinces à éverser, de clamps vasculaires et d’une pince ôte-agrafe (fig 5, 6). • Réalisation des anastomoses
Les microanastomoses vasculaires peuvent schématiquement se répartir en deux catégories, sur la base des difficultés techniques rencontrées lors de leur réalisation. Dans le premier cas de figure, les circonstances sont jugées favorables car le site opératoire est correctement exposé, les vaisseaux à anastomoser sont congruents et de consistance identique, excluant toute anastomose faisant intervenir une veine. Nous pourrons alors réaliser une anastomose sans retournement du clamp.
Applicateurs de microclips VCST. 1. small ; 2. medium ; 3. large.
Dans le second cas de figure, les circonstances sont jugées défavorables car le site opératoire est mal exposé, il s’agit d’une anastomose terminolatérale, les vaisseaux sont incongruents par leurs diamètres intraluminaux ou l’épaisseur de leurs parois (pontage ou anastomose veineuse). Nous aurons alors recours à des fixations d’angle et le clamp sera retourné. – Sans retournement du clamp La préparation des extrémités vasculaires (adventicectomie) ne diffère en rien de celle effectuée dans le cadre d’une anastomose classique. L’installation dans le clamp constitue la première particularité de la technique. Il ne doit en effet exister aucune tension sur l’anastomose, les lumières vasculaires devant se trouver au contact l’une de l’autre. Le premier travail d’éversion s’effectue sur la face antérieure de l’anastomose, à l’aide de deux pinces, avec pour objectif la préparation de l’agrafage (fig 2). L’agrafage débute sur l’un des côtés et se poursuit pas à pas sur la face antérieure. Après rotation des pinces, mors horizontaux, la face postérieure est parcourue jusqu’à la première agrafe. Lors de cette manœuvre, le vaisseau se vrille sur lui-même. Lorsque l’opérateur travaille seul, il présente les parois éversées à l’aide d’une pince pendant que l’autre applique les clips (fig 3A). En maintenant la pression, le clip n’est pas libéré, ce qui donne le temps à la pince de reculer afin d’éverser les parois un peu plus loin. Lorsque deux opérateurs travaillent, le premier éverse les parois à l’aide de deux pinces pendant que le second pose les clips. Un contrôle de l’anastomose sur 360° est effectué à l’aide de deux pinces à éverser. Des clips complémentaires peuvent alors être ajoutés en cas de fuite visible ou lors de la levée du clamp. – Avec retournement du clamp et fixations d’angle L’objectif consiste, en présence de vaisseaux incongruents ou peu accessibles, à répartir harmonieusement les tensions sur toute la circonférence de l’anastomose. Nous aurons pour cela recours à deux fixations d’angle. L’installation dans le clamp obéit aux mêmes contraintes, les deux lumières doivent être au contact. La mise en place de deux points d’angle (ou agrafes) permet la mise en tension transversale de l’anastomose au centre du clamp à cadre. Le travail d’éversion est effectué sur la face antérieure avant l’agrafage puis sur la face postérieure, après retournement du clamp. L’agrafage s’effectue sans particularité, face antérieure puis postérieure après retournement du clamp et pivotement de la plaquette contre-appui. • Particularités de la technique
La disposition d’un matériel ancillaire adapté conditionne la qualité de l’éversion des parois. Contrairement aux anastomoses par affrontementsuture qui acceptent une certaine tension, l’éversion-agrafage impose une mise en place des lumières vasculaires au contact l’une de l’autre, ce qui page 3
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5 Matériel ancillaire nécessaire à l’application des microclips.1. Pince à disséquer mors fins ; 2. pince à disséquer mors plats ; 3. clamp vasculaire ;4. ôte-agrafe ; 5. pince à éverser large ; 6. pince à éverser medium ; 7. pince à éverser small.
Stomatologie
centres spécialisés. Malgré cela, les qualités trophiques et vasculaires du scalp et le faible volume tissulaire autorisent une réimplantation, même tardive (dans un délai pouvant être supérieur à 20 heures), de tissus lésés dont la conservation n’a pas été parfaite. Elle s’impose lorsque la surface avulsée dépasse les deux tiers de la surface du scalp car les procédés d’expansion tissulaire secondaire ne permettraient pas d’obtenir des résultats satisfaisants sur la chevelure ou lorsque ce scalp total ou subtotal emporte une unité esthétique de voisinage comme le front, les sourcils, la glabelle ou les paupières. Il paraît possible de réaliser une expansion secondaire de ces scalps réimplantés [49]. Compte tenu du mécanisme avulsif à l’origine de cette lésion, les vaisseaux sont étirés et rompus soit à la limite du scalp, soit plus à distance, compliquant ou rendant impossible tout geste microchirurgical. En pratique, il faut : – rechercher tous les pédicules artérioveineux temporaux, frontaux, auriculaires postérieurs et occipitaux ; – se souvenir que, si en théorie un seul axe temporal artérioveineux suffit [30], il est prudent de prévoir au moins une anastomose artérielle et deux ou trois anastomoses veineuses. Ces anastomoses doivent être réalisées à distance de la zone de séparation, en zone saine, ce qui impose des transpositions vasculaires ou des pontages longs. La revascularisation doit d’abord être artérielle pour faire un choix raisonné des veines de retour, car les lésions veineuses sont en général plus importantes que les lésions artérielles, ce qui peut parfois en imposer pour la réalisation de shunts artérioveineux ; – enfin, penser qu’une réinnervation de ce scalp est souhaitable.
Amputation du pavillon auriculaire
6 Clamp vasculaire à cadre et contre-appui. 1. Clamps ; 2. cadre ; 3. plaquette pivotante contre-appui.
implique une longueur vasculaire supérieure. L’intérêt de la technique réside dans la simplicité du procédé, sa rapidité d’exécution (gain de temps de 50 %), sa fiabilité expérimentale accrue pendant les 7 premiers jours [31, 43, 71] et sa fiabilité clinique [14]. Ces propos doivent toutefois être pondérés par la nécessité absolue, avant toute pratique de ces anastomoses, de posséder parfaitement bien la technique classique des anastomoses au fil aiguillé, qui, dans certaines circonstances, reste le seul procédé réalisable. • Indications et limites
Les indications sont : – toute anastomose terminoterminale ne revêtant pas de difficulté technique, chaque fois que les conditions locales autorisent une éventuelle reprise par suture classique au fil aiguillé (longueur du pédicule et des vaisseaux receveurs) ; – la présence de vaisseaux incongruents par leur diamètre ou par l’épaisseur de leur paroi (la meilleure indication étant représentée par les pontages) ; – la plupart des anastomoses veineuses, même terminolatérales. Les limites de la technique sont représentées par les anastomoses artérielles terminolatérales, les anastomoses avec une longueur limite de pédicule et enfin les anastomoses réalisées au fond d’un « puits chirurgical » [14].
Applications En urgence Il s’agit de la replantation, ou réimplantation, de téguments craniofaciaux ou fragments de ceux-ci amputés traumatiquement, tels que lèvre, nez, pavillon d’oreille, scalp facial ou scalp du cuir chevelu. Ceux-ci doivent avoir été correctement conditionnés et réfrigérés, ramassés, lavés avec du sérum et conservés dans un sac plastique déposé dans un récipient contenant un mélange eau-glaçons. Ces interventions de longue durée, réalisées dans le cadre souvent peu favorable de l’urgence, se justifient au niveau de la face, comme aux membres, en raison des difficultés de réparation secondaire de ces régions exposées, du fait de leur pilosité, de leur finesse ou de leur texture particulière. La microchirurgie représente alors la seule chance d’obtenir un résultat cosmétique parfait en un seul temps opératoire [38].
Scalp du cuir chevelu [5, 20, 30, 49] Cette lésion grave, traitée avec succès pour la première fois par Miller en 1976 [56], illustre parfaitement l’intérêt de la microchirurgie en chirurgie d’urgence. La fréquence de ces replantations est rare [5, 20, 49]. Autrefois liés à l’industrie, il s’agit actuellement surtout d’accidents agricoles survenant à distance de page 4
Depuis la première revascularisation auriculaire réussie par Pennington en 1980 [67], seulement 15 cas ont été rapportés dans la littérature. Elle a fait l’objet de nombreuses tentatives mais les nombreux échecs s’expliquent par la petitesse des vaisseaux (0,5 mm) et le pourcentage élevé de thromboses veineuses, qui peut être réduit par l’utilisation de thérapeutiques anticoagulantes (héparine, dextran, aspirine, etc). Il faut retenir que le siège des anastomoses vasculaires est préférable localement, soit par anastomose terminoterminale directe, soit après déroutement des vaisseaux temporaux superficiels, plutôt que par pontage veineux, et ceci en ménageant autant que possible les possibilités de réparation secondaire [58, 87].
Amputation labiale Les avulsions des lèvres sont le plus souvent en rapport avec des morsures humaines ou animales, ce qui aggrave le pronostic en raison de leur septicité. La nature essentiellement musculaire des tissus labiaux limite dans le temps les possibilités de replantation. Aussi, les cas rapportés sont-ils extrêmement rares. Après réimplantation, le problème est également ici veineux. Parmi les moyens locaux de traitement de la stase veineuse, retenons le saignement des tranches de section et surtout l’utilisation de sangsues pendant 5 à 6 jours.
En chirurgie reconstructrice réglée Il s’agit de transplanter un lambeau uni- ou pluritissulaire disposant d’un apport artériel et d’un retour veineux autonome, d’un site donneur au site receveur de l’extrémité craniocéphalique au niveau duquel l’existence d’une artère et d’une (ou de deux) veine(s) utilisable(s) constitue une condition impérative. Cette contrainte vasculaire ne pose en général pas de problème quantitatif au niveau de la face, très richement vascularisée, et à proximité des gros vaisseaux du cou, même si la qualité de ces vaisseaux peut être grandement compromise par les antécédents et l’état général des patients ou les thérapeutiques préalablement mises en œuvre, telle la radiothérapie [79]. Les transferts tissulaires, nés de l’ingéniosité des chirurgiens, sont actuellement très nombreux pour répondre aux impératifs de la reconstruction.
Impératifs de la reconstruction faciale Adaptés à la face, isolés ou associés, ce sont ceux de toute chirurgie reconstructrice, à savoir : – couverture cutanée (éventuellement pileuse dans certaines régions chez l’homme) et/ou muqueuse endobuccale ; – comblement ; – soutien squelettique ; – reconstruction composite pluritissulaire.
Sites donneurs Actuellement très nombreux [50], à facettes structurales variables, ils sont répertoriés ici en fonction du tissu qu’ils apportent.
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7 Sites donneurs de lambeaux libres de couverture cutanée les plus utilisés en chirurgie maxillofaciale. Les lambeaux de type vascularisation cutanée directe sont représentés en blanc, ceux de vascularisation fascio- ou septocutanée en orange, ceux de vascularisation musculocutanée en jaune et marron. 1. Lambeau inguinal ; 2. lambeau « perforant » abdominal ; 3. lambeau antébrachial radial ; 4. lambeau parascapulaire ; 5. lambeau musculocutané de grand dorsal. • Lambeaux de couverture cutanée (fig 7)
Revus et corrigés au fil des années en fonction du type de vascularisation cutanée (cutanée directe, musculocutanée ou septocutanée [12]), ce sont des lambeaux cutanés ou plutôt cutanéograisseux, musculocutanés ou fasciocutanés. – Lambeaux cutanés Lambeaux à pédicule axial prélevés à distance, mais frères vasculaires des lambeaux temporofrontal de Mac Gregor et deltopectoral de Bakamjian qui atteignent la face en étant pédiculés, certains d’entre eux sont ici répertoriés dans l’ordre historique de leur description. – Le lambeau inguinal, décrit par Mac Gregor en 1972, est prélevé sur le pédicule circonflexe iliaque superficiel dont la dissection n’est pas facile et qui a, dans la moitié des cas, une origine commune avec le pédicule épigastrique inférieur superficiel nourricier du lambeau hypogastrique. Comme transplant libre, il a été délaissé par de nombreuses équipes en raison des variations anatomiques, de la brièveté et du petit diamètre de son pédicule. – Le lambeau dorsopédieux (Mac Craw, 1975) a l’avantage de sa très grande finesse et l’inconvénient de sa dissection difficile et des séquelles au niveau du site donneur. – Le lambeau axillaire (de Coninck, 1975 ; Baudet, 1976) n’a pas une anatomie artérielle constante (branche antérieure de l’artère scapulaire inférieure ou branche cutanée de l’artère thoracodorsale). – Le lambeau mammaire externe (Le Quang, 1977), axé sur des branches cutanées de l’artère thoracique latérale, est intéressant chez la femme car la rançon cicatricielle est contrebalancée par l’amélioration esthétique d’une poitrine initialement ptôsée et/ou hypertrophiée. – Le lambeau brachial postérieur (Masquelet, 1985), d’anatomie vasculaire variable, est basé sur le rameau cutané de l’artère du vaste interne. Sa finesse, sa rançon cicatricielle modeste et la taille de son pédicule pouvant atteindre 4,5 cm l’indiquent pour des pertes de substance de petites et moyennes dimensions. – Le lambeau auriculaire postérieur (Kölhe, Leonard, 1993) est basé sur l’artère auriculaire postérieure, branche de l’artère carotide externe, et sur la
veine auriculaire postérieure qui se draine vers la veine jugulaire externe. Sa plasticité et le fait que la rançon cicatricielle soit dissimulée sont à mettre en opposition avec les risques de son prélèvement vis-à-vis du nerf facial et sa petite taille. – Lambeaux musculocutanés à prélèvement musculaire restreint Éclairés par des études anatomiques intéressant la vascularisation et l’innervation intramusculaires, de nombreux auteurs ont montré la possibilité de prélever un lambeau musculocutané sur un fragment musculaire restreint dans le but de limiter la morbidité au niveau du site donneur. Ces « nouveaux » lambeaux ont une double justification nerveuse et vasculaire : nerveuse, puisque les travaux de Taylor montrent que cette possibilité existe pour des muscles ayant plusieurs pédicules nerveux, et vasculaire, puisqu’ils sont vascularisés par des branches cutanées directes d’artères musculaires [12]. En tant que transferts libres revascularisés, nous retenons, pour une couverture cutanée craniofaciale, les lambeaux musculocutanés du : – grand dorsal (latissimus dorsi), quand son arc de rotation est dépassé en tant que lambeau pédiculé et dont la surface peut être magnifiée par l’utilisation préalable d’une expansion [95] ; – grand droit de l’abdomen (rectus abdominis), prélevé sur le pédicule épigastrique inférieur profond [59], dont les séquelles musculaires liées au prélèvement peuvent être encore réduites par la suppression du prélèvement musculaire, aboutissant au DIEP (deep inferior epigastric perforator) flap [41, 63] ; – grand fessier (gluteus maximus), où la palette cutanée est isolée sur les seules perforantes cutanées individualisées [34], correspondant au lambeau ischiofessier et dont le prélèvement a l’avantage de corriger dans le même temps une lipodystrophie trochantérofessière ; – tenseur du fascia lata (tensor fasciae latae), assimilable à un lambeau fasciocutané, prélevé sur la branche transverse de l’artère circonflexe latérale de la cuisse, pouvant être réinnervé sur le plan moteur par la branche inférieure du nerf fessier supérieur tandis que le territoire cutané peut être resensibilisé par le nerf fémorocutané ; page 5
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Exemple de lambeau libre chevelu temporal. A. Prélèvement à droite sur la seule artère temporale superficielle, sans découverte de veine comittante. B. Revascularisation du côté gauche, anastomose artérielle termino-terminale sur l’artère temporale superficielle. C. Anastomose veineuse termino-terminale d’une veine transverse du lambeau sur une veine pariétale du site receveur. D. Vue préopératoire du patient présentant une alopécie temporale gauche après brûlure. E. Vue postopératoire précoce du lambeau chevelu revascularisé. F. Aspect postopératoire à un an.
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9 Sites donneurs de lambeaux libres de couverture muqueuse les plus utilisés. Ceux d’origine digestive (estomac, jéjunum) sont représentés à gauche. Les substituts de structure cutanée sont dessinés en orange, ceux de structure fasciale ou fasciograisseuse en jaune. a. Devenir muqueux des lambeaux fasciograisseux en situation endobuccale ; 1. lambeau gastroépiploïque ; 2. lambeau jéjunal ; 3. lambeau brachial latéral ; 4. lambeau de fascia dorsal ; 5. lambeau antébrachial radial ; 6. lambeau fasciograisseux fibulaire (revascularisé).
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– vaste externe (vastus lateralis), prélevé sur la branche descendante de l’artère circonflexe latérale de la cuisse, autorisant le prélèvement concomitant d’une palette cutanée située au niveau du tiers inférieur de la face latérale de la cuisse [98]. Signalons également deux lambeaux cervicaux basés sur la vascularisation segmentaire du muscle platysma : le lambeau sus-claviculaire (Baudet, 1988) vascularisé par l’artère cervicale transverse superficielle et drainé par la veine jugulaire externe, et le lambeau sous-mental (Martin, 1990) vascularisé par les vaisseaux sous-mentaux issus du pédicule facial [50]. – Lambeaux fasciocutanés Cartographiés par Cormack et Lamberty [22], ce sont essentiellement, pour venir au secours de la face : – les lambeaux scapulaires : orthoscapulaire (Dos Santos, 1980 [27] ), parascapulaire (Nassif, 1982 [60]) et scapulaire ascendant [37], tous basés sur les branches de l’artère circonflexe scapulaire ; – le lambeau « chinois » antébrachial radial [81, 82, 99], lambeau à méso vasculaire dont la palette cutanée est vascularisée par des perforantes septocutanées issues de l’artère radiale. Citons également le lambeau deltoïdien (Franklin, 1984) basé sur la branche cutanée ascendante de l’artère circonflexe humérale postérieure. Si la surface disponible est assez importante, la rançon cicatricielle au niveau de ce site à potentiel chéloïdien est très importante. – Lambeaux pileux – Lambeau chevelu temporofrontal ou temporopariétal, où l’absence de parallélisme artério-veineux du pédicule temporal superficiel pose parfois des problèmes (fig 8). – Lambeau sus-pubien, prélevé sur l’artère honteuse externe, permettant de mimer la barbe chez l’homme. • Lambeaux de doublure muqueuse (fig 9)
Si la doublure muqueuse s’inscrit dans le cadre d’une reconstruction bipartite cutanéomuqueuse, celle-ci peut être assurée par le même procédé, à savoir le lambeau cutané plicaturé en « feuillet de livre ». Si elle est isolée et si l’on désire respecter l’analogie tissulaire, on peut faire appel à des transplants digestifs, soit gastroépiploïque [11], soit jéjunal [7]. Ces transplants ont l’inconvénient d’une laparotomie. On leur préfère souvent actuellement des substituts cutanés, choisis fins, tel le lambeau antébrachial radial [81, 82], ou aponévrotiques, tel le lambeau libre
de fascia dorsal prélevé dans le territoire des lambeaux scapulaires [40], voire fasciograisseux, prélevés dans n’importe quel territoire fascio- ou septocutané (lambeau brachial latéral, lambeau péronier, etc). Ces lambeaux fasciaux purs ou fasciograisseux ont une évolution stéréotypée en situation endobuccale. En 3 à 4 semaines, ils se recouvrent d’un tissu de granulation qui, à son tour, en 3 à 4 semaines, se recouvre d’un « tapis » muqueux d’évolution centripète à partir des berges de la perte de substance muqueuse (fig 9). • Lambeaux de comblement (fig 10)
On peut utiliser ici : – des lambeaux relativement épais cutanés (inguinal, mammaire externe), fasciocutanés (lambeaux scapulaires) ou musculocutanés désépidermisés (latissimus dorsi, rectus abdominis, gluteus maximus) ; – des lambeaux musculaires purs dont le volume variable sera choisi en fonction de l’importance du comblement : grand dorsal (latissimus dorsi), grand dentelé (serratus anterior), droit interne (gracilis), petit pectoral (pectoralis minor) ; – l’épiploon, prélevé sur les vaisseaux gastroépiploïques droits. Ce matériau abondant, aux propriétés irremplaçables bien connues depuis les travaux de Kiricuta, permet de réaliser un apport trophique important tout en assurant un comblement et/ou une couverture étendus. • Transplants osseux libres revascularisés (TOLV) et composites
En 1975, Östrup et Frederickson [64] montraient que la revascularisation par microanastomoses respectait la vascularisation périostée et endo-osseuse de l’os qui reste donc vivant. Le fragment osseux, vascularisé par son réseau médullaire et/ou musculopériosté, peut être prélevé seul ou en association avec d’autres éléments : muscle, palette cutanée, fascia, au sein de lambeaux composites pluritissulaires. Les nombreux sites donneurs sont rapportés dans le chapitre concernant la réparation des pertes de substance des maxillaires de ce même ouvrage [65]. En reconstruction maxillofaciale, au-delà du volume osseux nécessaire et suffisant pour permettre le rétablissement d’une continuité osseuse au maxillaire ou à la mandibule, l’expérience des différentes équipes et la possibilité d’une réhabilitation prothétique de qualité permettent de classer les différents transplants en deux groupes : – les transplants de premier choix : fibula, crête iliaque, scapula, auxquels nous joindrons le prélèvement périosté de condyle fémoral interne en raison page 7
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11 Principaux sites donneurs de transferts osseux ou composites libres revascularisés : iliaque (à gauche), fibulaire (au centre : exemple de lambeau bipartite ostéofascial, à droite : exemple de lambeau bipartite ostéocutané préfabriqué), scapulaire (au centre : exemple de lambeau ostéocutané à deux palettes cutanées), brachial latéral (à droite : exemple de lambeau ostéocutané). 1. Lambeau de crête iliaque antérieure osseux pur (petit prélèvement monocortical) ; 2. prélèvement maximal ; 3. lambeau ostéocutané scapulaire (avec deux palettes) ; 4. lambeau ostéocutané fibulaire (prélèvement osseux maximal) ; 5. lambeau ostéocutané brachial latéral ; 6. lambeau composite fibulaire (préfabrication osseuse avant transfert microchirurgical).
de sa spécificité. La qualité de l’os apporté, de leur pédicule vasculaire et leur adaptabilité aux sites receveurs faciaux sont leurs principales qualités ; – les transplants de deuxième choix : humérus, radius, deuxième métatarsien, arcs costaux, clavicule, peuvent justifier de leur emploi si le volume osseux nécessaire à la reconstruction est peu important, dans le cadre de transferts composites ou lorsqu’il est souhaitable d’inclure un fragment cartilagineux costal pour espérer une croissance adaptative (fig 11). – TOLV de crête iliaque La vascularisation de la crête iliaque antérieure, riche réservoir d’os spongieux et corticospongieux, est de nature périostée. Trois types de lambeaux peuvent être prélevés : – lambeau osseux pur, sur le pédicule circonflexe iliaque profond [1, 18] ; – lambeau ostéocutané sur le pédicule circonflexe iliaque profond [18, 89] ; – lambeau ostéocutané à plus grande palette cutanée, prélevé sur les deux pédicules circonflexes iliaques superficiel et profond [28, 73]. Le prélèvement osseux, initialement décrit bicortical, peut n’intéresser que la corticale interne et le spongieux. Une variante postérieure, osseuse pure, a été décrite par Gong-Kang en 1985 [33], prélevée par abord postérieur sur le pédicule fessier supérieur profond. page 8
– TOLV de scapula La vascularisation du bord latéral et de la pointe de la scapula est double [21, 90]. L’artère circonflexe scapulaire se divise en branches fasciocutanées vascularisant les lambeaux scapulaire et parascapulaire, et en branches musculopériostées vascularisant le bord latéral de la scapula. La longueur du pédicule de l’os à l’artère axillaire est de 4 à 6 cm. Le diamètre des vaisseaux est de 2 à 3 mm. La vascularisation de la pointe de la scapula est assurée par une branche de l’artère thoracodorsale. La première utilisation de lambeaux composites scapulaires dans le cadre des reconstructions mandibulaires est rapportée par Swartz [85] en 1986. Le prélèvement réalisé en décubitus latéral rend impossible deux chantiers opératoires simultanés. – TOLV fibulaires Si le premier transfert revascularisé d’os péroné, ou fibula, en reconstruction des os longs semble être le fait de Ueba en 1973, il a fallu attendre 1987 pour voir paraître 12 cas de reconstruction mandibulaire par ce même transplant osseux [36]. Pourtant, par rapport aux deux lambeaux précédemment cités, ce site donneur est certainement le plus riche, vu l’abondance des branches osseuses, musculaires et septocutanées issues du pédicule artérioveineux fibulaire [13].
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MICROCHIRURGIE RECONSTRUCTRICE EN CHIRURGIE MAXILLOFACIALE
La vascularisation de la fibula est double : musculopériostée, étagée et centromédullaire dans la région médiane où l’os est pénétré par l’artère nourricière. Ceci explique que la fibula, dont la portion prélevable peut mesurer 25 à 28 cm, puisse être ostéotomisée en deux à quatre fragments, l’un d’eux conservant un double apport vasculaire. Le diamètre des vaisseaux est important (artère : 2,5 mm ; veine : 3 mm). La hauteur du prélèvement osseux est d’environ 14 mm, ce qui rend possible la mise en place d’implants secondairement. Des lambeaux bi-, tri- ou quadripartites, emportant un fragment osseux et un autre élément musculaire (soléaire, long péronier latéral ou long fléchisseur de l’hallux), aponévrotique et/ou cutanéoaponévrotique, peuvent être prélevés. La palette cutanée, située au niveau de la face postérolatérale de la jambe, peut mesurer au maximum 32 cm de long sur 15 cm de large. Elle est vascularisée par des perforantes septocutanées ou septomusculocutanées, au nombre de trois à huit, prédominant au niveau du tiers moyen de la jambe. Située à l’extrémité d’un septum mesurant de 4 à 6 cm de long, elle jouit d’une indépendance spatiale de 180° autour de l’axe osseux. La réalisation de deux chantiers opératoires simultanés est possible. Les inconvénients théoriques sont liés à la structure essentiellement corticale et au diamètre réduit du péroné par rapport à la taille de la mandibule restante. Le risque de phlébite postopératoire au niveau de la jambe donneuse est évoqué par certains auteurs. Le sacrifice de l’axe vasculaire fibulaire en contre-indique l’emploi chez un patient diabétique, cet axe étant le plus souvent respecté par l’artériopathie à l’inverse des deux artères tibiales antérieure et postérieure. – TOLV de condyle fémoral interne Évolution du lambeau saphène interne décrit par Acland en 1981 et des travaux de Masquelet concernant la vascularisation du tendon du muscle grand adducteur et de son insertion osseuse (1985), ce lambeau a été décrit et utilisé dans le cadre d’une reconstruction mandibulaire par Martin en 1991 [52]. La vascularisation du condyle fémoral interne est double : périostée et osseuse directe. Le segment osseux prélevable (8 à 9 cm au maximum) est de nature corticospongieuse avec une importante proportion d’os spongieux. Le prélèvement peut aussi n’être que périosté et c’est sous cette forme qu’il nous paraît le plus prometteur. – D’autres transplants osseux Les greffes costales revascularisées, après avoir été parmi les premières utilisées [23] puis sous différentes variantes, antérieures et postérieures, osseuses pures ou ostéocutanées, sont actuellement pratiquement abandonnées en reconstruction mandibulaire. Le deuxième métatarsien, prélevé seul ou au sein d’un lambeau composite ostéocutané dorsopédieux [28, 48, 61] sur un long pédicule, a une longueur limitée inférieure à 7 cm et est peu malléable. Le lambeau ostéocutané radial [81, 82] a l’inconvénient de la petitesse du fragment osseux, inférieur à 10 cm, et de sa rectitude. Le lambeau ostéocutané brachial externe, utilisé en France par Martin [51], apporte une palette cutanée fine ou une palette fasciograisseuse adaptable par rapport au segment osseux qui peut mesurer 10 cm de longueur. Le lambeau ostéocutané claviculaire, décrit par Reid et Taylor en 1986, est certes de prélèvement rapide mais a l’inconvénient d’un pédicule court. Après cette énumération, il apparaît que chaque lambeau osseux ou composite a ses avantages et ses inconvénients concernant sa richesse tissulaire, ses facilités de dissection et les qualités microchirurgicales de son pédicule. Ils apportent tous de l’os vivant du fait de la vascularisation médullaire et/ou périostée, et les preuves de la bonne revascularisation osseuse peuvent être apportées par une scintigraphie osseuse postopératoire précoce et/ou une artériographie sélective. La qualité et la vascularisation du lit receveur osseux et tégumentaire n’ont pas d’influence ou d’importance vu l’autonomie vasculaire de l’os transplanté. • Lambeaux chimériques
Le terme « lambeau chimérique » fut introduit par Hallock en 1991 pour décrire des lambeaux bi- ou pluritissulaires vascularisés par des branches séparées d’un seul et même pédicule axial majeur. Ce concept représente l’aboutissement des lambeaux composés ou composites. Les critères d’un bon lambeau chimérique ont été définis en 1993 par Koshima [42]. Ils sont basés sur des données anatomiques et techniques. Sur le plan anatomique, le site donneur doit regrouper différents tissus cutanés, aponévrotiques, musculaires, osseux et nerveux, vascularisés par des pédicules à destinée tissulaire variable, mais tous issus d’un même gros tronc présentant une grande longueur et un important diamètre. Sur le plan technique, il doit être situé à distance du site receveur pour permettre la réalité de deux chantiers opératoires simultanés, et les différents prélèvements tissulaires doivent être réalisables sans changement de position opératoire. Citons comme sites donneurs réels ou potentiels [12] : – la région antérolatérale de cuisse [42] où, sur le système vasculaire circonflexe fémoral latéral, peuvent être prélevés, sur la branche ascendante,
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un lambeau osseux de crête iliaque et un lambeau fasciocutané dans le territoire du tensor fasciae latae, sur la branche descendante, une autre palette fasciocutanée ; – la région thoracodorsale où, sur le pédicule thoracodorsal, peuvent être prélevés de nombreux lambeaux indépendants dans l’espace de par leur vascularisation propre : des lambeaux osseux de scapula en dissociant la pointe et le bord latéral, un lambeau scapulaire unique (ortho-, para- ou ascendant), voire un lambeau bifolié ou trifolié, un lambeau musculaire ou musculocutané de latissimus dorsi ainsi qu’un lambeau musculaire ou ostéomusculaire de serratus anterior ; – la région antébrachiale antérieure où, sur le pédicule radial, peuvent être prélevés un lambeau musculocutané de brachioradialis ainsi qu’un lambeau chinois antébrachial radial, soit simplement cutané, soit sensible, soit ostéocutané. Même si le prélèvement de ces lambeaux n’est pas sans séquelles au niveau du site donneur, ils peuvent représenter dans certaines circonstances un recours dans la mesure où l’on ne veut pas légitimement utiliser deux (voire plus) lambeaux libres microanastomosés en série. • Lambeaux préfabriqués
Représentant une alternative futuriste d’une chirurgie reconstructrice élaborée (Hyakusoku, 1987 ; Hirase, 1988 ; Germain, 1989 [32] ), ils correspondent à l’un quelconque des lambeaux déjà décrits, en particulier le lambeau antébrachial radial, au contact du pédicule vasculaire duquel sont positionnés dans un premier temps un certain nombre de tissus (os, cartilage, nerf) pensés et préformés en vue d’une reconstruction pluritissulaire particulière. La mise en nourrice d’un cartilage auriculaire provenant d’une oreille amputée au contact du pédicule radial est d’ailleurs une alternative aux techniques de replantation [84]. D’autres territoires vasculaires et d’autres lambeaux sont utilisés selon le concept de lambeaux préfabriqués [4]. Nous citerons les travaux de Vinzenz [96] préparant, au niveau de la scapula, des transplants osseux dans un but de reconstruction maxillaire, et les travaux de Khouri [39] qui préfabrique, après déroutement du pédicule artérioveineux temporal superficiel et expansion de la région sus-claviculaire, des lambeaux en îlot vasculaire destinés à des couvertures faciales en raison des qualités plastiques des téguments de cette région. Il s’agit donc de lambeaux composites, plus ou moins complexes, préfabriqués à la demande, dont le transfert microchirurgical ou en îlot vasculaire est réalisé 5 à 6 semaines après les greffes tissulaires, alors néovascularisées.
Indications Les indications sont nombreuses dans tous les domaines de la chirurgie maxillofaciale : traumatologie, cancérologie, pathologie malformative congénitale ou acquise, chirurgie esthétique. Si la réalisation des lambeaux libres uni- ou pluritissulaires a permis de repousser les limites de la reconstruction, ils trouvent encore le plus souvent leur justification dans les défauts, les limites ou les échecs des autres procédés (greffes classiques, autoplasties pédiculées locorégionales ou à distance). Chaque cas étant un cas particulier, ne serait-ce que par les critères généraux inhérents au patient (âge, état général, pathologie, motivation…), à l’heure du choix, il faut aussi prendre en considération un certain nombre de paramètres inhérents aux deux sites, receveur et donneur.
Au niveau du site receveur facial Le siège, le volume apparent et réel (brûlures), et l’incidence fonctionnelle de la perte de substance doivent être pris en compte, évalués sur le plan clinique et par une imagerie adaptée. La radiologie conventionnelle est actuellement dépassée par les procédés d’imagerie moderne (tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique nucléaire) et ses dérivés tels que les reconstructions tridimensionnelles, les ciné-IRM et la réalisation de prototypes stéréolithographiques. Tous ces procédés ont pour but une évaluation aussi précise que possible des déficits tissulaires et seront probablement une aide précieuse dans la conception et la réalisation des lambeaux préfabriqués, et tout particulièrement de leur âme rigide. Ils permettent actuellement de faire une évaluation précise des différents tissus à reconstruire, d’apprécier leur différenciation fonctionnelle et esthétique, enfin de préciser leur orientation spatiale réciproque pour aboutir à une modélisation précise de la perte de substance, facteur majeur de choix du lambeau. L’état vasculaire local et locorégional doit être évalué cliniquement et si besoin par des examens complémentaires spécifiques tels que l’examen échodoppler et l’angiographie numérisée. Sur le plan artériel, ce bilan s’intéresse dans un premier temps à la carotide externe et à ses branches de division collatérales : thyroïdienne supérieure, linguale, faciale et terminales, en particulier l’artère temporale superficielle. page 9
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Plus à distance, il précise l’état des vaisseaux dans la région basicervicale, particulièrement les branches de l’artère sous-clavière telles que le tronc thyrocervical et l’artère cervicale transverse. En l’absence de vaisseaux homolatéraux disponibles ou en raison de leur éloignement, la recherche est controlatérale. Le capital veineux est évalué de la même manière, et en tenant compte des antécédents opératoires du patient. Ce bilan vasculaire permet de préciser la stratégie opératoire concernant les anastomoses vasculaires réalisables sur des petits vaisseaux de proximité, qui représentent en général le premier choix, sur des gros troncs vasculaires, voire sur des vaisseaux situés à distance, et d’en déduire la nécessité ou non de prélever un greffon veineux, d’envisager une transposition vasculaire de la veine céphalique, voire la réalisation d’une boucle vasculaire [86]. Le positionnement des vaisseaux est en effet plus complexe au niveau de la région céphalique qu’au niveau des membres car ce segment est mobile dans les trois plans de l’espace, ce qui peut induire des contraintes mécaniques sur les anastomoses vasculaires [93]. Les reconstructions microchirurgicales en carcinologie cervicofaciale posent des problèmes particuliers liés à la qualité des vaisseaux receveurs, en raison des habitudes toxiques des patients et de l’effet de la radiothérapie préalable. Une étude histologique prospective [79] réalisée sur des vaisseaux receveurs de localisation cervicofaciale a montré un taux de 93 % d’anomalies histologiques, le plus souvent à type de dysplasie des parois. En revanche, la radiothérapie préopératoire ne semble pas représenter un facteur péjoratif sur la réussite de la revascularisation d’un transplant libre si le délai entre l’irradiation et la reconstruction n’est pas trop long [57].
Au niveau du site donneur Les besoins tissulaires et les possibilités vasculaires étant déterminés, le choix du lambeau peut être effectué. Schématiquement, deux situations sont à considérer : le cas des reconstructions unitissulaires et les reconstructions pluritissulaires.
Pour des reconstructions unitissulaires On choisit préférentiellement un lambeau possédant une anatomie vasculaire constante, un long pédicule de diamètre important (2 à 3 mm) rendant plus fiables les anastomoses et dont le prélèvement laisse le moins possible de séquelles fonctionnelles et esthétiques. Enfin, sans que cela soit un impératif absolu, les modalités pratiques de l’intervention telles que l’absence de changement de position peropératoire et la possibilité de réaliser deux chantiers opératoires simultanés sont des facteurs à prendre en compte, dans le but de limiter le temps de l’intervention qui est déjà de longue durée. Il n’existe pas de lambeau universel adaptable à toutes les situations, cependant certains répondent plus favorablement au « cahier des charges » et peuvent donc être retenus comme étant des lambeaux « cardinaux » en chirurgie réparatrice de la face et du cou. Ce sont (fig 7, 9, 10, 11) : – les lambeaux scapulaires [92] (ortho- et para-), les lambeaux de latissimus dorsi et de rectus abdominis à prélèvement musculaire restreint et le lambeau antébrachial radial pour la couverture cutanée et muqueuse ; – les muscles grand dorsal et grand dentelé pour des apports musculaires purs à visée de comblement qui sont à discuter avec les lambeaux précédents désépidermisés ; – les transplants digestifs, parfois irremplaçables dans un but de remplacement muqueux pharyngo-œsophagien ; – l’épiploon pour son apport trophique ; – les lambeaux de fibula et de crête iliaque pour, respectivement, la quantité et la qualité de leur apport osseux.
Pour des reconstructions pluritissulaires Deux logiques peuvent se présenter : – soit la recherche ou la préfabrication d’un transplant unique capable de répondre aux besoins définis en un ou plusieurs temps opératoires, ce qui est le cas des lambeaux composites [15], chimériques ou préfabriqués ; – soit l’emploi de plusieurs lambeaux [25] idéalement adaptés pour chacun à la reconstruction d’une fraction de la perte de substance à reconstruire, et ceci en un temps ou en plusieurs temps. De nombreux transplants osseux peuvent être prélevés comme des lambeaux pluritissulaires, cependant peu d’entre eux peuvent être qualifiés de composites du fait de la faible indépendance spatiale des divers composants et donc de leur adaptabilité réduite au site receveur. Nous retiendrons principalement les lambeaux composites avec fibula pour la quantité d’os prélevable, modelable par des ostéotomies multiples, et leur caractère pluritissulaire [13, 15]. Les lambeaux chimériques proviennent actuellement le plus souvent des régions thoracodorsale et antérolatérale de cuisse, tandis que le site donneur antébrachial radial est le site le plus souvent retenu dans le cadre de la préfabrication de lambeaux composés [4]. page 10
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Conjonction site donneur-site receveur Elle doit être envisagée en préopératoire au niveau de : – la possibilité réelle de deux chantiers opératoires (cf supra) ; – la congruence des vaisseaux donneurs et receveurs, faisant poser éventuellement l’indication de prélèvement de greffons veineux d’interposition ou d’allongement ; – l’adaptation du transplant à la perte de substance.
Concernant le choix du transplant Il est impossible de vouloir imposer des indications générales précises sans tomber dans l’erreur. On peut malgré tout, dans un esprit purement didactique, retirer de la littérature [9, 72, 74] et de l’expérience quelques indications parmi les plus fréquentes en fonction de l’étiologie et de la topographie. – Au niveau crânien Il faut distinguer le resurfaçage du scalp, la reconstruction de la voûte et celle de la base du crâne. Ces situations extrêmes se rencontrent lors de brûlures électriques étendues profondes, de radionécroses avec éventuellement récidive épithéliomateuse et envahissement ostéodural ou de poursuite évolutive tumorale. Classiquement, le resurfaçage total du scalp nécessitait le recours à un transfert revascularisé d’épiploon. Aujourd’hui, il est supplanté par les lambeaux musculaires greffés de grand dorsal éventuellement préalablement expansés [95], ou des grands lambeaux fasciocutanés à pédicule musculaire tels que le lambeau de muscle grand droit de l’abdomen [9]. Ceux-ci ne peuvent cependant pas assurer la couverture totale d’un scalp et l’association sur le même pédicule vasculaire principal d’un autre lambeau, soit musculaire pur comme le grand dentelé, soit fasciocutané comme un lambeau scapulaire destiné à la région frontale, est indispensable. Deux inconvénients sont à signaler : la persistance d’une alopécie résiduelle, et la difficulté d’une surveillance carcinologique secondaire qui impose une certitude histologique peropératoire. Lorsqu’une reconstruction osseuse de la voûte paraît indispensable, les lambeaux osseux n’ont pas fait, à ce jour, et dans cette situation, la preuve de leur supériorité par rapport à des greffons osseux libres d’origine iliaque, costale [91] ou calvariale associés à des transplants musculaires revascularisés (fig 12). Le comblement des espaces situés sous la base du crâne doit répondre à des impératifs d’étanchéité entre les méninges et les cavités aréiques sousjacentes. L’effet de masse et une bonne vascularisation des tissus sont obtenus par des lambeaux musculaires de type grand dorsal [94], grand dentelé ou grand droit de l’abdomen. – Au niveau de l’étage moyen de la face Si une reconstruction des téguments de la joue et/ou des lèvres doit être réalisée, ces mêmes lambeaux musculocutanés ou fasciocutanés [92] peuvent être utilisés, apportant plusieurs palettes cutanées dissociées, plicaturées sur elles-mêmes en « feuillet de livre » dans le cas de très grandes pertes de substance. En cas de déficits plus modestes, en l’absence de solutions thérapeutiques locales ou locorégionales, il peut être fait appel à des lambeaux minces, tel le lambeau antébrachial radial, ou à des lambeaux cervicaux controlatéraux, tel le lambeau sous-mental. La reconstruction osseuse maxillaire et palatine doit être mise en balance avec des solutions prothétiques en raison de leur simplicité et éventuellement d’une nécessaire surveillance carcinologique. Si une reconstruction osseuse est décidée, pour des raisons fonctionnelles le plus souvent, la scapula dans le cadre de lambeaux composites, préfabriqués [96] ou chimériques [40, 41], paraît être le site donneur souvent privilégié. Les malformations faciales ou craniofaciales congénitales [46] (microsomies latérofaciales, syndromes de Franceschetti, otomandibulaire et de Goldenhar) ou acquises (atrophie hémifaciale progressive de Romberg, traumatismes) peuvent bénéficier d’un comblement (fig 13) par lambeau musculaire (grand dorsal ou grand dentelé), musculocutané (de grand dorsal ou de grand droit à prélèvement musculaire restreint), fasciocutané désépidermisé (scapulaire) ou antébrachial [29]. L’association à des lésions osseuses impose souvent le recours à des transplants composites [15]. Une rhinopoïèse totale peut être envisagée par lambeau dorsopédieux avec deuxième métatarsien, lambeau ostéocutané antébrachial radial ou lambeau préfabriqué [4], voire lambeau ostéocutané fibrulaire. – Au niveau de l’étage inférieur La reconstruction du plancher buccal [54], de la même manière que toutes les autres couvertures muqueuses endobuccales étendues, fait appel de première intention au lambeau antébrachial radial. Les pertes de substance de la mandibule, osseuses pures, ostéomuqueuses ou ostéocutanéomuqueuses, secondaires à des traumatismes par armes à feu ou à de grandes exérèses carcinologiques primaires ou secondaires (pour récidive ou ostéoradionécrose), ont toujours posé le problème de leur reconstruction et de la réhabilitation prothétique ultérieure. Les transferts composites avec os revascularisé apportent ici la solution en un temps de ce difficile problème
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et ont été remarquablement argumentés lors du rapport du XXXIe Congrès national de stomatologie et de chirurgie maxillofaciale en 1989 [68]. Depuis cette date, en dehors du lambeau de condyle fémoral interne, aucun transplant osseux composite n’a vu le jour. En revanche, l’expérience de différentes équipes françaises [1, 15, 25, 69] et étrangères [26, 74] a permis d’évaluer à moyen et long termes la validité anatomique, fonctionnelle et cosmétique des différents lambeaux. À ce jour, les lambeaux composites de site donneur
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12 Exemple de lambeau libre de latissimus dorsi pour reconstruction de la voûte crânienne. A. Épithélioma spinocellulaire extensif récidivant après radiothérapie. B. Tomodensitométrie 3D de l’atteinte osseuse. C. Imagerie par résonance magnétique de l’atteinte méningée. D. Vue peropératoire après résection du scalp, osseuse et méningée. E. Réparation du plan dural par deux greffons de fascia lata. F. Couverture par un lambeau libre de latissimus dorsi revascularisé sur le pédicule temporal superficiel gauche. G, H. Vues postopératoires de dessus et de profil à 3 mois.
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péronier représentent le premier choix de nombreuses équipes (fig 14). Nous proposons ici un arbre décisionnel possible, et pour nous plus que souhaitable dans l’intérêt du patient, quand on envisage une reconstruction mandibulaire microchirurgicale en un temps par le même procédé par lambeau libre composite. Les propositions sont envisagées en fonction du type de la perte de substance interruptrice de la mandibule (Aa, Ab, La, Lb, T) [15] et des lésions associées éventuelles cutanéomuqueuses (tableau II). page 11
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13 Exemple d’atrophie hémifaciale gauche sans atteinte osseuse (syndrome de Romberg) traitée par lambeau libre revascularisé de serratus anterior. A, B, C. Vues préopératoires. D. Lambeau revascularisé avant son implantation sous-cutanée. E. Vue de face à 1 mois. F. Vue de face à 4 ans. G, H, I. Vues postopératoires à 8 ans.
Les reconstructions linguales posent le problème de la préservation ou de la restauration des fonctions linguales de déglutition, mastication et phonation. Leur rareté relative explique la multiplicité des solutions proposées. Cependant, l’analyse de la littérature fait apparaître, selon l’importance et le siège de la perte de substance, deux voies possibles. La persistance d’un moignon lingual fonctionnel justifie l’emploi de tissus inertes assurant essentiellement une couverture par des lambeaux muqueux d’origine digestive (transplant gastroépiploïque) ou fasciocutanés (lambeau antébrachial radial). Quand la glossectomie est subtotale ou totale, c’est le volume du transplant qui est recherché par l’apport de tissu inerte (transplant musculocutané de grand droit [59] ) ou actif (transplant musculaire ou musculocutané de droit interne ou de vaste latéral [98]), utilisé seul ou en association avec des transplants digestifs. – Au niveau de la région cervicale Les reconstructions de l’hypopharynx et de l’œsophage cervical font appel, en cas de reconstruction partielle, à un lambeau antébrachial radial, et en cas de reconstruction circonférencielle, à des transplants digestifs, en particulier le lambeau jéjunal.
Concernant les anastomoses vasculaires Le choix définitif du pédicule receveur est basé sur des constatations peropératoires qui confirment ou infirment la stratégie prévue en préopératoire. Idéalement situé à mi-hauteur dans le cou, le pédicule receveur doit être autant que possible congruent pour réaliser une anastomose terminoterminale de première intention. Pour limiter l’influence de la rotation page 12
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de la tête en postopératoire, l’axe des anastomoses doit autant que possible être longitudinal [57, 93] et celles-ci réalisées légèrement sous tension puisque la tête est en général en rotation controlatérale en peropératoire. Sur le plan pratique, le temps de positionnement du lambeau précède le temps des anastomoses dont les positions peuvent être contrôlées par leur mise en place dans un clamp à cadre. Le premier choix est constitué par les branches collatérales ou terminales de l’artère carotide externe et dépend de la région à reconstruire. Pour le scalp et le crâne, les vaisseaux receveurs sont le plus souvent les vaisseaux temporaux superficiels. Pour les reconstructions des tiers moyen et inférieur de la face, ce sont, par ordre décroissant, pour les artères, l’artère faciale, thyroïdienne supérieure, temporale superficielle, et pour les veines, les veines homologues puis la veine jugulaire externe. Le second choix se portera vers des anastomoses terminolatérales réalisées sur l’artère carotide externe et la veine jugulaire interne. Tous les autres artifices doivent être considérés comme des solutions de secours majorant le risque d’échec du transplant [57, 72, 93].
Microchirurgie nerveuse Technique des microanastomoses nerveuses Alors que la microchirurgie des nerfs périphériques, née des travaux de Sunderland, est passée de la théorie à la pratique [55, 80] au début des années 1960, la première suture de nerf facial couronnée de succès semble être le fait de Sterling Bunnel en 1927.
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Perte de substance interruptrice étendue de l’arc antérieur de la mandibule après résection pour carcinome du plancher buccal antérieur et radiothérapie. A. Orthopantomogramme préopératoire. B, C. Vues cliniques préopératoires. D, E, F. Vues radiologique et cliniques postopératoires 1 an après reconstruction par lambeau libre composite fibulaire illustré en 6 fig 11.
Tableau II. – Rationalisation du choix microchirurgical en reconstruction mandibulaire (selon le principe du « tout en un temps par le même procédé »). Associations lésionnelles
Os + muqueuse
Type de PSIM Aa
Os + peau
Os Crête iliaque O
O>M
M>O
O>P
P>O
Crête iliaque OM
Radius ou humérus + 1 palette CA
Crête iliaque OC
Radius ou humérus + 1 palette CA
Péroné + 1 palette CA
Os + peau + muqueuse Crête iliaque OC ou radius + 1 ou 2 palettes
Ab
Péroné O
Péroné + 1 palette CA ou A
La
Crête iliaque O
Crête iliaque OM
Lb
Crête iliaque ou péroné O
Crête iliaque OC ou péroné + 1 palette CA ou A
Crête iliaque OC ou péroné + 1 palette CA
Péroné + 2 palettes ou scapulum + 2 palettes
T
Péroné O
Péroné + 1 palette CA ou A
Péroné + 1 palette CA
Péroné + 2 palettes
Radius ou humérus + 1 palette cutanée
Crête iliaque OC
Péroné + 2 palettes Radius ou humérus + 1 palette cutanée
Crête iliaque OC ou péroné ou humérus + 2 palettes
PSIM : perte de substance interruptrice de la mandibule ; O : transplant osseux pur ; OM : ostéomusculaire ; OC : ostéocutané ; CA : cutanéoaponévrotique ; A : aponévrotique ; Aa : PSIM antérieure limitée ; Ab : PSIM antérieure étendue d’angle à angle ; La : PSIM intéressant la branche horizontale ; Lb : PSIM intéressant les branches horizontale et montante ; T : PSIM dépassant une hémimandibule.
Il existe différents types d’anastomoses nerveuses réalisables par des sutures au fil aiguillé (fig 15) : – épineurale, périphérique, la plus ancienne et la plus grossière ; – périneurale, sans ou avec artifices, préconisés par Millesi : résection d’une bande d’épinèvre, recoupes fasciculaires à des niveaux différents ; – interfasciculaire ou intrafasciculaire ; – épipérineurale, préconisée par O’Brien et la plus usitée. Des anastomoses sans suture ont été étudiées par recours à un collage plasmatique [75] ou biologique isolé ou associé à deux points de suture ou à un engainement, dans un tube de Silastict par exemple, voire par des « soudures » au laser. Si tous ces types d’anastomose ont été décrits, c’est que aucun n’est parfait, le gros obstacle à la guérison nerveuse étant histologique, vu la formation d’un cal fibreux intermédiaire. Celui-ci étant généré en particulier par la tension, toute perte de substance nerveuse impose une autogreffe, dont le site de prélèvement, en ce qui concerne la réparation faciale, peut être le plexus cervical superficiel, le nerf brachial cutané interne
ou son accessoire, le nerf saphène postérieur (externe) qui peut être revascularisé et dont le prélèvement peut atteindre 35 cm. La greffe peut être réalisée tronculaire avec suture épineurale, fasciculaire en câbles ou interfasciculaire.
Applications Réparation des plaies du nerf facial Toute plaie du tronc du nerf facial ou de ses branches de division, traumatique accidentelle ou iatrogène, doit être suturée (suture épipérineurale ou collage biologique), au mieux sous microscope au grossissement 16 ou 25. Toute perte de substance est pontée par un câble de plexus cervical superficiel qui a l’avantage de sa proximité. Si la réparation primaire ne peut être effectuée, en particulier en raison de lésions associées, la réparation secondaire sera précoce, entre 3 semaines et 1 mois. page 13
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16 Principaux lambeaux libres musculaires revascularisés réinnervés utilisés pour la chirurgie dynamique de réanimation des paralysies faciales. Concept = transfert au niveau de l’hémiface paralysée d’un muscle actif vascularisé (une artère, une veine) et réinnervé par anastomose de son nerf moteur avec une greffe nerveuse transfaciale. 1. Pectoralis minor ; 2. serratus anterior ; 3. latissimus dorsi ; 4. gracilis ; 5. extensor digitorum brevis.
3 B 15
Différents procédés de suture ou anastomose nerveuse. A. Coupe transversale d’un tronc nerveux périphérique. 1. Épinèvre ; 2. périnèvre ; 3. endonèvre. B. Trois procédés de suture nerveuse (d’après Millesi). 1. Suture épineurale ; 2. suture fasciculaire ; 3. suture périneurale.
Réanimation des paralysies faciales La réanimation microchirurgicale des paralysies faciales peut faire appel à deux types d’intervention : soit des anastomoses nerveuses, soit des transferts de lambeaux musculaires revascularisés réinnervés [8, 83].
Anastomoses hétéronerveuses ou faciofaciales Les anastomoses hypoglossofaciales, préconisées par Korte dès 1903, sont le plus fréquemment réalisées [66]. Elles peuvent l’être sur le tronc principal du nerf grand hypoglosse, ce qui génère des séquelles fonctionnelles linguales, que d’autres auteurs ont tenté de réduire en anastomosant le segment distal du nerf facial sur la branche descendante du grand hypoglosse (Vacher), ou en réalisant la greffe nerveuse sans section du tronc principal (May). La qualité des résultats varie selon la précocité de l’anastomose hypoglossofaciale, la qualité de la rééducation et les capacités psychiques du patient. Les suites sont souvent marquées par la persistance de syncinésies « œil-bouche », et par la réapparition de la paralysie faciale lors de l’émotion. Les anastomoses faciofaciales, proposées par Scaramella en 1971, réduisent ces séquelles mais le délai nécessaire à l’obtention d’une réinnervation du côté paralysé est souvent responsable d’une réduction de la capacité fonctionnelle des effecteurs musculaires qui nuit au résultat.
Lambeaux musculaires revascularisés réinnervés (fig 16) La première tentative de réanimation d’une paralysie faciale par lambeau libre de muscle droit interne ou gracilis, revascularisé et réinnervé, peut être attribuée à Harii en 1976. Depuis cette date, une quinzaine de sites donneurs ont été rapportés dans la littérature, ce qui traduit les incertitudes concernant le lambeau idéal dont le choix conditionne en grande partie la qualité du résultat.
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Le cahier des charges est complexe : les propriétés contractiles doivent être proches de celles de la musculature faciale, le muscle doit présenter des digitations susceptibles de se distribuer aux différents étages de la face ; le pédicule vasculaire doit être fiable, de bonne longueur et de calibre compatible avec celui des vaisseaux faciaux receveurs ; l’innervation doit être de type segmentaire, ce qui permet de dissocier le muscle en sous-unités fonctionnelles. La réinnervation de ces lambeaux ne se conçoit que sur le nerf facial ipsi- ou controlatéral, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un greffon nerveux selon un protocole opératoire [35] en deux temps. Parmi les autres lambeaux proposés, nous retiendrons le lambeau de muscle petit pectoral ou pectoralis minor (Terzis, 1982), le lambeau de muscle grand dentelé ou serratus anterior (Buncke, 1984), celui de grand droit de l’abdomen ou rectus abdominis (Taylor, 1985). Le positionnement et la taille du transplant sont empiriques, faisant largement appel à l’expérience de l’opérateur. L’obtention de mouvements volontaires est possible à partir du sixième mois et l’amélioration fonctionnelle peut se poursuivre pendant 2 ans. Cette réanimation intéresse essentiellement la commissure buccale et paraît beaucoup plus difficile à obtenir pour la région palpébrale qui doit souvent bénéficier de procédés palliatifs complémentaires. Ces procédés sont tous envisagés dans l’article de Dupuis et al, Encyclopédie Médico-Chirurgicale, fascicule 22-360-A-10. En pratique, de façon schématique, trois situations cliniques peuvent se présenter : – le nerf facial est réparable par suture directe ou greffe ; – le nerf facial est irréparable et l’effecteur musculaire est utilisable, c’est l’indication d’une anastomose nerveuse ; – l’effecteur musculaire est hors d’usage, c’est l’indication d’un transplant musculaire revascularisé réinnervé, à mettre en balance avec une chirurgie palliative de rééquilibration des parties molles ou une myoplastie du temporal.
Neurolyse des nerfs sensitifs de la face Dans les lésions traumatiques récentes, la neurolyse passe par la réduction et la contention des lésions osseuses. Les séquelles à l’origine d’une neuropathie canalaire sont traitées par l’agrandissement du « verrou » osseux au niveau du trou sous-orbitaire ou labiomentonnier et une neurolyse épineurale extraneurale.
Stomatologie
MICROCHIRURGIE RECONSTRUCTRICE EN CHIRURGIE MAXILLOFACIALE
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-360-A-10 (2004)
22-360-A-10
Paralysie faciale M. Stricker E. Simon L. Coffinet S. Sellal F. Duroure
Résumé. – La paralysie faciale résulte de l’atteinte du nerf moteur des muscles peauciers, le nerf facial, VIIe paire crânienne. Si le diagnostic positif est évident cliniquement, le diagnostic topographique et étiologique nécessite le recours à des examens paracliniques. Le traitement chirurgical fait appel, suivant l’étiologie, l’âge et le délai écoulé depuis la survenue de l’infirmité, à différents procédés : une suture simple du nerf facial, une greffe nerveuse, une anastomose à un nerf voisin, un transfert musculaire qui pourra être pédiculé ou microanastomosé. La rééducation joue un rôle essentiel, afin d’entretenir le fonctionnement musculaire. Une place à part peut être faite à la réhabilitation de la fente palpébrale, à visée fonctionnelle, afin de protéger la cornée, mais également dans l’esthétique du regard. Le traitement de la paralysie faciale est une véritable gageure pour le chirurgien, qui devra en analyser les différentes composantes, afin d’établir une stratégie efficace de prise en charge. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Paralysie faciale/chirurgie ; Syndrome de Moebius ; Nerf facial ; Greffe nerveuse ; Transfert musculaire
Introduction La paralysie faciale, perte de la mobilité d’une hémiface, résulte de l’atteinte du nerf moteur des muscles peauciers, le nerf facial, 7e paire crânienne : – le diagnostic positif est évident ; – le diagnostic topographique et étiologique est orienté par la clinique et confirmé par les examens paracliniques ; – l’évolution est rarement favorable ; – le traitement, difficile, est une véritable gageure pour le chirurgien.
Anatomie de la mimique La mimique faciale, 2e terme de l’expression après le langage, compose une physionomie à mimique volontaire, intentionnelle ou spontanée, émotionnelle par le jeu de la diversification hypersophistiquée des mouvements des muscles peauciers, dont la traduction picturale cutanée se trouve dans les plis et rides d’expression du visage. L’animation de la face se définit à travers la relation privilégiée entre : – une commande nerveuse unique : le nerf facial ; – un effecteur musculaire dispersé, les peauciers de la face et du cou, organisés en un masque continu. COMMANDE NERVEUSE
Le nerf facial, 7e paire crânienne, à vocation motrice prédominante, naît du tronc cérébral et traverse le rocher pour gagner la région latérofaciale. Trois éléments sont à mettre en exergue :
Figure 1 Les trois portions du trajet du nerf facial : portion intracrânienne, portion intrapétreuse et portion extrapétreuse. – le trajet et la distribution ; – la vascularisation ; – l’organisation architecturale.
¶ Trajet (Fig. 1) M. Stricker, E. Simon Adresse e-mail : [email protected] L. Coffinet, S. Sellal, F. Duroure Sercice de chirurgie maxillofaciale, Hôpital central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex, France.
Il comporte trois portions à caractéristiques différentes et à retentissement clinique spécifique. La 1re portion intracrânienne émerge du tronc cérébral par le sillon bulboprotubérantiel, formant avec le VII bis (nerf intermédiaire de
Paralysie faciale
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Stomatologie/Odontologie
contact du bord postérieur du ramus mandibulaire, au point de croisement de la face superficielle de la veine communicante intraparotidienne de Launay (portion initiale de la veine jugulaire externe) : – la branche temporofaciale, la plus volumineuse, s’épanouit immédiatement en quatre ou cinq rameaux divergents, temporaux, frontaux, palpébraux, sous-orbitaires et buccaux supérieurs. Parfois un rameau plus volumineux, le ramus maximus de Fröhse, satellite du canal de Sténon, distribue les filets sous-orbitaires et buccaux supérieurs ; – la branche cervicofaciale, la plus grêle, se dirige verticalement en situation superficielle dans l’épaisseur de la glande parotide, vers l’angle de la mâchoire. Elle distribue des rameaux buccaux inférieurs, mentonniers et cervicaux.
¶ Distribution
Figure 2
Zone muette selon Friteau.
Wrisberg) et le VIII, le pédicule acousticofacial dans la citerne pontocérébelleuse latérale, au-dessus de l’émergence des nerfs mixtes. Le pédicule acousticofacial pénètre dans le conduit auditif interne, engainé par un manchon arachnoïdien. Au fond du conduit, les éléments se séparent, le nerf facial s’engage dans l’aqueduc de Fallope à travers le rocher, louvoyant entre oreille interne et oreille moyenne. La 2e portion intrapétreuse emprunte l’aqueduc de Fallope, le long duquel elle se décompose en trois segments séparés par deux angulations. Le premier segment labyrinthique s’insinue entre limaçon en avant et vestibule et canaux semi-circulaires en arrière, selon un axe perpendiculaire à celui du rocher. La première angulation ou genou du facial s’élargit pour former la loge du ganglion géniculé. Le second segment tympanique longe la paroi interne de la caisse du tympan jusqu’à sa paroi postérieure, où il décrit sa seconde angulation. Le nerf chemine entre le vestibule et la caisse ; tout proche de la fenêtre ovale, selon un axe horizontal antéropostérieur. La seconde angulation ou coude du facial répond au changement de direction, le conduit devient vertical, traversant la mastoïde. À ce niveau se situe le seuil de l’aditus ad antrum. Le troisième segment mastoïdien s’étend du coude jusqu’au trou stylomastoïdien. Le nerf répond à ce niveau : – en avant, à la paroi postérieure de la caisse, puis au sulcus tympanicus, et ensuite à la paroi postérieure du conduit auditif externe osseux ; – en arrière, à la pneumatisation de la mastoïde. Pour la 3e portion extrapétreuse ou extracrânienne, le nerf émerge du rocher au trou stylomastoïdien, en avant de l’apophyse mastoïde, en arrière de l’apophyse styloïde. Il se porte vers l’avant selon une direction oblique vers le haut, en avant du ventre postérieur du muscle digastrique, en dessous du conduit cartilagineux et s’engage dans la glande parotide, qu’il clive en deux lobes. Le tronc du nerf, dans un trajet ascendant d’environ 15 mm, est rejoint par l’artère stylomastoïdienne, branche de l’artère auriculaire postérieure, le plus souvent, de l’occipitale parfois. L’artère stylomastoïdienne, véritable artère nourricière du nerf, se divise à son contact en deux rameaux : une branche descendante, l’artère collatérale du nerf facial de Friteau [1] (Fig. 2), une branche ascendante, l’artère stylomastoïdienne à trajet rétrograde dans l’aqueduc de Fallope. La division nerveuse à angle droit en ses deux branches terminales, supérieure temporofaciale et inférieure cervicofaciale, s’effectue au 2
La portion intracrânienne est celle des tumeurs de l’angle pontocérébelleux et plus particulièrement des neurinomes de l’acoustique. Le nerf est croisé par l’artère cérébelleuse postérieure dont la responsabilité est évoquée dans l’étiologie de certains hémispasmes faciaux. La portion intrapétreuse est celle des accidents de la cophochirurgie, mais surtout du conflit facial-rocher dans la traversée pétreuse, plus long trajet nerveux intraosseux de l’économie, au cours duquel le nerf peut s’étrangler dans son canal osseux inextensible. La portion extrapétreuse est celle de la chirurgie faciale et de lésions accidentelles. Il importe donc, pour prévenir une section chirurgicale malencontreuse des rameaux, de bien posséder sa topographie et son mode de distribution : – le tronc peut être porté vers la superficie par un processus tumoral du lobe profond de la parotide ; – la branche temporale est plus constante dans sa topographie, mais plus variable dans ses modalités de division ; – la branche cervicofaciale est plus constante dans sa division, mais plus variable dans sa topographie, le rameau buccal inférieur affectant une position qui varie entre 1 cm au-dessus et 2 cm audessous du bord basilaire de la mandibule ; – un rameau à destinée cervicofaciale peut se détacher du tronc en amont de la division ; – la distribution des rameaux est volontiers plexiforme ou selon une modalité en boucles successives ; de ce fait, il est illusoire et dangereux de se fier à l’existence d’une zone soi-disant muette, décrite par Friteau, reprise par Ginestet, [2] zone située dans l’écartement des branches de division. Une boucle unissant le rameau buccal supérieur à l’inférieur est constante à la partie antérieure de la glande parotide. Les boucles jugales sont observées dans 80 % des dissections, les boucles sur les rameaux mandibulaires sont plus rares, dans 5 à 10 % seulement. Plexus génien Le Quang [3] a décrit un plexus génien (Fig. 3) situé au bord antérieur du muscle masséter, sorte de seconde division plus distale, formant un noyau de forme variable entre le rameau sous-orbitaire de la branche temporofaciale et le rameau buccal inférieur de la branche cervicofaciale. De ce noyau naissent les branches efférentes destinées aux peauciers de l’étage moyen, les muscles du sourire. Smith avait déjà attiré l’attention sur cette disposition anatomique, favorable au branchement distal d’une greffe nerveuse transfaciale ou du nerf d’un transfert musculaire libre.
¶ Vascularisation Le nerf facial présente la sensibilité à l’ischémie caractéristique des nerfs des mammifères ; préserver son contingent vasculaire est primordial, tant dans la dissection que dans la réparation. La
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Figure 4
Masque mi-
mique.
Figure 3
Plexus génien selon Le Quang.
disposition longitudinale des vaisseaux autorise une certaine extensibilité du nerf à 8 % d’élongation, mais une élongation à 15 % entraîne de facto une ischémie. De même, la dissection du tronc et des rameaux doit ménager les vasa nervorum, excepté, bien entendu, dans les englobements de rameaux par des processus tumoraux, car dès lors, une dissection au ras du nerf ou le sacrifice du rameau sont nécessaires à un bon résultat. On distingue deux territoires vasculaires : – une arcade vasculaire cheminant à la surface du périnèvre depuis le conduit auditif interne jusqu’à la division, arcade constituée d’un triple apport : – la branche supérieure de l’artère stylomastoïdienne ; – une branche de l’artère méningée moyenne, collatérale des nerfs pétreux ; – une branche de l’artère auditive interne, elle-même issue de l’artère cérébelleuse moyenne ; – une artère collatérale du nerf facial décrite par Friteau, branche de division inférieure de l’artère stylomastoïdienne.
¶ Organisation architecturale Les nombreux travaux expérimentaux et cliniques, en raison de leurs discordances, amènent à conclure que la systématisation topographique intranerveuse est illusoire avec de très nombreux échanges de fibres. Deux notions, néanmoins, se dégagent. Dans la 3e portion, mastoïdienne, de l’aqueduc de Fallope, le contingent inférieur, cervicofacial, est antérieur. Les fibres nerveuses destinées à un muscle peaucier n’empruntent pas toutes le trajet du rameau dévolu à ce muscle. Il n’y a pas de correspondance stricte entre la topographie d’un rameau nerveux et la destinée des fibres qu’il contient. Un muscle reçoit des fibres empruntant des trajets différents pour une destination commune, disposition anatomique favorable à la réalisation des neurectomies hypersélectives chères à Clodius. Cette absence de disposition spatiale rigoureuse, même distale, a été récemment soulignée à nouveau par Mc Kinnon et Dellon. [4, 5]
Figure 5
Masque mimique organisé en trois sangles.
EFFECTEUR MUSCULAIRE : PEAUCIERS DE LA FACE
Les peauciers de la face sont de fins voilages musculaires différant par leur nature, leurs modalités d’insertion et la richesse de leurs combinaisons dynamiques du reste du système musculaire. Leur fonction est double : – sphinctérienne, originelle, de protection des orifices buccal et palpébraux ; – expressive, secondaire, par sophistication progressive de l’environnement des sangles orificielles, la fresque de ces petits muscles dessinant un véritable masque mimique (Fig. 4, 5).
¶ Morphogenèse Ils émanent de la nappe musculaire cervicodorsale, qui a fait mouvement vers la face pour se disposer en deux couches superficielle et profonde d’évolution différente.
¶ Morphologie Un muscle peaucier présente une insertion mobile, cutanée et une fixe, osseuse ou aponévrotique. La plupart des peauciers sont 3
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dépourvus de fascia, à l’exception des muscles auriculaires, de l’occipitofrontal, du buccinateur et du plastysma. Ils sont très intriqués avec le fascia superficialis céphalique (Charpy), l’ensemble dessinant une nappe continue, le système musculoaponévrotique superficiel (SMAS), popularisé par Tessier et son école. Ils sont agencés en trois sangles autour de trois points fixes ostéopériostés : – la sangle buccale, impaire et médiane, est suspendue à l’épine nasale antérieure du maxillaire, référence fixe complétée par deux points mobiles à géométrie variable, les modioli commissuraux, zone d’équilibre de la transition cutanéomuqueuse labiale latérale. On lui adjoint deux sangles incomplètes, supérieure nasale, inférieure mentonnière ; – les sangles palpébrales, paires et symétriques, se concentrent sur les ligaments palpébraux internes, tendons d’insertion des muscles orbiculaires, dont la contraction les ramasse vers les canthi internes. Chez l’animal, les sangles auriculaires orientent les pavillons, récepteurs des sons, mais chez l’espèce humaine, elles ont perdu cette activité. Elles sont réduites à leur plus simple expression. La sangle buccale est mobilisée dans quatre directions par quatre groupes musculaires : – en propulsion par les muscles compresseurs des lèvres ; – en élévation par la couronne des élévateurs ; – en excursion latérale par les dilatateurs, essentiellement le buccinateur ; – en abaissement par les abaisseurs, triangulaire des lèvres et carré du menton. Chaque sangle palpébrale est assujettie à un complexe élévateur, releveur de la paupière, frontal et sourcilier et, à un moindre degré, à des expansions émanées de la couronne des élévateurs vers le chef inférieur de l’orbiculaire. L’ensemble du masque mimique est, en outre, organisé autour du plan sagittal selon : – une symétrie au repos par le tonus musculaire, garant de la stabilité des parties molles ; – une variabilité au mouvement entre symétrie de la réaction émotionnelle et dissymétrie éventuelle des mimiques intentionnelles.
¶ Physiologie La fonction archaïque sphinctérienne et celle, évoluée, d’expression sont indissociables, les muscles orbiculaires s’intégrant à l’expression mimique. Fonction sphinctérienne La sangle palpébrale assure l’ouverture et l’occlusion de la fente palpébrale, en synergie avec le releveur de la paupière supérieure. Elle contribue, en outre, à l’évacuation des larmes vers le nez par amorçage de la pompe lacrymale. La sangle buccale, dévolue à la préhension des aliments, contribue à la manducation par le brassage alimentaire, la contention salivaire, et à la déglutition dans son temps initial avec le concours du buccinateur. L’occlusion labiale régit les variations de pression intrabuccale, autorise la succion et assure l’équilibre entre les arcades dans le couloir occlusal.
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L’expression faciale, délicate et fugace, parce qu’émotionnelle, peut devenir intentionnelle par création factice d’une expression ou d’une impassibilité. Elle fait intervenir un troisième personnage, le tégument facial, qui transcrit les émotions par un lacis de rides dans les zones d’équilibre tensionnel. La mimique est un schéma inné de réponse, celles d’un enfant sourd ou aveugle de naissance ne différant guère de la normale.
Examen clinique de la face paralysée Le déséquilibre statique et dynamique altère sévèrement le faciès du patient, qui adopte une attitude inclinée visant à le dissimuler. L’asymétrie est déjà flagrante au repos, les reliefs médians se décalent vers le côté indemne, ils s’estompent, la joue est flaccide et détendue, l’angle buccal abaissé dans un affaissement global de l’hémiface. L’occlusion palpébrale est impossible ; à la tentative de fermeture, le globe oculaire s’élève en haut et en dehors (S. de Charles Bell), signe typique de la paralysie périphérique. La réaction émotionnelle tord la face en grimace intense et brève. L’analyse menée d’un côté à l’autre et d’une région à l’autre dégage trois éléments : la ptôse, la distension, l’asymétrie. PTÔSE
Le tégument relâché par les muscles atoniques est soumis à la contrainte de la pesanteur, cet affaissement déforme de façon éloquente les sangles musculaires et leurs repères morphologiques : – la commissure buccale s’abaisse et se porte en dehors, étirant les hémilèvres homolatérales. La lèvre supérieure exagère son débord sur l’inférieure ; – le front est relâché, le sourcil s’abaisse, surtout en dehors ; – la paupière inférieure, sollicitée en avant par le déroulement cutané et déséquilibrée par l’atonie musculaire, s’affaisse, puis s’éverse en un ectropion variable selon la composante sénile surajoutée. DISTENSION
Les parties molles abandonnées à elles-mêmes et à la pesanteur modifient leur structure et leur topographie. La ptôse se solde, à terme, par une distension cutanée très sensible à la commissure buccale, au niveau de laquelle la réserve tégumentaire se distribue en s’étalant, les hémilèvres s’allongent. Il en est de même des paupières, mais à un moindre degré, en raison de leur armature tarsale. Le tégument est aminci, son compartiment cellulaire sous-cutané s’est réduit, la peau est flasque, ayant perdu l’essentiel de son élasticité. ASYMÉTRIE
À l’examen, le contraste entre hémiface saine et paralysie est flagrant. Classiquement, on évoque l’hypertonie du côté sain, mais le terme est sujet à caution ; en effet, on distingue quatre stades d’activité musculaire : – le tonus, tension minimale de la fibre musculaire ;
Fonction expressive
– l’hyperactivité, augmentant le volume du muscle en cause ;
Le mouvement expressif résulte d’une combinaison de contractions musculaires, Duchenne de Boulogne [6] distinguait les muscles peauciers en trois catégories :
– l’hypertonie, spontanément réversible ;
– complètement expressifs ; – incomplètement expressifs ; – expressifs complémentaires. Il analysait également les différentes mimiques, classées en trois rubriques : attractives, répulsives et satisfaites. 4
– la contracture, spontanément irréversible. Le terme d’hyperactivité paraît plus adapté. Les signes cliniques d’altération fonctionnelle associent : – le larmoiement, parfois dans un contexte de conjonctivite avec œil rouge ; – le déficit inspiratoire nasal par déficit de la valve affaissée en un clapet interne ;
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Figure 6 Les trois âges de la paralysie. A. Chez l’enfant. B. Chez l’adulte jeune. C. Chez le sujet âgé.
– l’incontinence salivaire ; – le syndrome du hamster, constatation d’une poche latérobuccale de vidange difficile par atonie du buccinateur. L’examen du voile du palais (Gosserez) [7] est anecdotique, mais peut révéler un déficit du côté lésé. EXAMEN OPHTALMOLOGIQUE
Les manifestations oculaires obéissent à un triple déterminisme : – morphologique par agrandissement de la fente palpébrale et ectropion palpébral inférieur ; – lacrymal par larmoiement chronique très invalidant ; – cornéen par altération de la sensibilité de la cornée lors de l’atteinte du trijumeau dans les tumeurs de l’angle pontocérébelleux. La cornée est en danger lorsque sa sensibilité est altérée et que l’élévation du globe s’avère défectueuse, la laissant exposée à la dessication. La ptôse palpébrale inférieure se complique d’une irritation cutanée par le larmoiement, lequel résulte du désamorçage de la pompe lacrymale et de la dystopie progressive du point lacrymal inférieur, qui quitte le contact avec la conjonctive bulbaire. Chez le patient âgé, l’ectropion occupe le devant de la scène, mais la cornée se dessèche plus volontiers, affectée d’un « dépoli » dans son quadrant inférieur. La quatrième dimension, le temps écoulé depuis le début de la paralysie, a une influence très péjorative :
Le retentissement psychologique de la mutilation de l’expression doit faire l’objet d’une évaluation. En effet, le comportement, reflet de la structure mentale du patient, intervient dans la décision chirurgicale. Le recours à des protocoles thérapeutiques complexes et aléatoires ne doit être envisagé que chez des patients aptes à percevoir l’information et à s’impliquer dans une rééducation.
Examens paracliniques Ils permettent de préciser le siège de la lésion, la gravité et donc le pronostic de la paralysie. Leur intérêt est essentiel dans les paralysies idiopathiques de Charles Bell, dites « a frigore », car ils légitiment l’intervention précoce de décompression. Dans les paralysies anciennes, ils renseignent sur l’état des fibres nerveuses et des muscles peauciers. FONCTION MOTRICE
Elle concerne les fonctions sphinctérienne et mimique, mais également l’accommodation acoustique.
¶ État du nerf L’état du nerf est apprécié par l’exploration :
– l’ancienneté de la lésion limite l’efficacité thérapeutique ;
– de l’activité électrique des unités motrices, par l’électromyogramme (EMG) de détection, qui explore tous les muscles faciaux par électrode monopolaire, au repos et à la contraction volontaire ;
– l’âge du patient introduit la dissociation entre deux tableaux cliniques (Fig. 6) :
– de la conduction des fibres nerveuses par l’EMG de stimulodétection :
– chez l’enfant et l’adulte jeune, l’altération est surtout dynamique, le visage au repos est peu modifié, la paupière inférieure et l’hémilèvre supérieure sont discrètement abaissées ;
– par stimulation directe du nerf facial par une électrode bipolaire avec recueil du potentiel par une électrode tripolaire au niveau des territoires supérieur (frontal et orbiculaire palpébral) et inférieur (orbiculaire des lèvres et triangulaire) ;
– chez le sujet âgé, la distension est affichante, le fait sénile aggrave le fait paralytique, surtout à la paupière inférieure, siège d’un ectropion. En ce qui concerne le diagnostic clinique, l’analyse clinique de la face paralysée définit le type, central ou périphérique, de l’atteinte du nerf facial, apprécie l’état des différents muscles ou groupes musculaires, constate le retentissement sur les parties molles et le squelette et mesure les différences d’activité avec le côté sain. Les examens paracliniques vont permettre de fixer le niveau lésionnel sur le trajet du nerf.
– par stimulation réflexe du nerf sous-orbitaire et réception par électrode bipolaire au niveau de l’orbiculaire des paupières. Le test de Hilger, la neurographie selon Esslen sont des tests d’évolution dans les formes « a frigore », dans les 10 premiers jours. Une réponse normale ou peu altérée entre le 3e et le 10e jour au test de Hilger est de pronostic favorable. La neurographie recueille par une électrode de surface la réponse à une stimulation cutanée du tronc du nerf. Elle reflète la proportion de fibres nerveuses dégénérées. Au 4e jour, une dégénérescence de 5
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– un 1er examen la première semaine ;
plus de 50 % des fibres ou une aggravation de 15 à 20 % dans les 48 heures suivantes est l’indice d’une forme grave. L’EMG intégré de surface enregistre la contraction volontaire en la comparant au côté sain ; ce qui définit la proportion de fibres en fonction.
– un 4e au 8e mois ;
¶ État du muscle
– un dernier entre 12 et 18 mois. Le pronostic peut être évalué dès le premier examen :
L’état du muscle est apprécié par la stimulation galvanique et le testing musculaire, rarement par la biopsie musculaire. La stimulation galvanique et faradique montre après 3 semaines :
– si la réponse distale est normale et constante dans les 3 premières semaines, le pronostic est favorable ;
– une excitabilité faradique ; – une lenteur galvanique qui traduit la persistance de la trophicité musculaire et donc la possibilité de réinnervation. La disparition de la lenteur galvanique signe l’atrophie musculaire irréversible. Le testing musculaire selon Freyss [8] étudie la motricité, le tonus et la coordination. Chaque muscle est coté de 0 à 3 : – 0 : aucun mouvement ; – 1 : visible à jour frisant ; – 2 : ample, mais faible ; – 3 : normal, analogue au côté sain. On distingue le groupe musculaire médian (sourcilier, pyramidal, élévateur commun, orbiculaire labial et mentonnier), susceptible de recevoir une innervation croisée et le groupe latéral (frontal, orbiculaire palpébral, zygomatiques, buccinateur et triangulaire des lèvres). Le tonus est coté de –3 à 0 pour l’hypotonie et de 1 à 3 pour l’hypertonie. La coordination musculaire recherche les syncinésies. Le réflexe stapédien, ou contraction du muscle de l’étrier limitant les mouvements des osselets, est de valeur pronostique s’il est conservé et diagnostiqué, ou s’il coïncide avec une paralysie faciale persistante, indiquant alors l’existence d’un processus tumoral de la partie basse de l’aqueduc de Fallope. FONCTION PARASYMPATHIQUE
Le test de Schirmer explore la sécrétion lacrymale par l’imbibition d’un papier buvard dans le cul-de-sac conjonctival externe après l’inhalation d’une solution ammoniaquée. Le test salivaire de Blatt mesure la sécrétion sous-maxillaire, mais il est peu utilisé, car il impose le cathétérisme des canaux de Wharton. FONCTION SENSITIVE
On vérifie la sensibilité cutanée de la zone de Ramsay-Hunt. FONCTION SENSORIELLE
L’exploration du goût par l’électrogustométrie est d’un intérêt mineur, valable au stade initial, mais d’interprétation subjective. Le réflexe acoustique et le test de Schirmer ont un certain intérêt pronostique, mais surtout topographique. Ce sont les examens électromyographiques et le testing musculaire qui présentent le plus d’intérêt dans l’optique d’une chirurgie de réhabilitation. L’étude de l’évolution de la paralysie intrapétreuse relève de la stricte compétence oto-rhino-laryngologique ; toute aggravation clinique ou électrique dans la première semaine s’avère un facteur de gravité. Le chirurgien demande à être renseigné sur : – l’intensité de la lésion nerveuse et du retentissement musculaire ; – la possibilité de réinnervation spontanée et la qualité fonctionnelle de ladite récupération. Nous avons adopté le schéma suivant pour le contrôle électrique : 6
– un 2e à la 4e semaine ; – un 3e au 3e mois ;
– si la réponse distale est modifiée, le pronostic est défavorable à court terme, mais la récupération peut survenir avec des erreurs de réinnervation et un hémispasme fréquent ; – si le nerf est inexistant, le pronostic est défavorable à court et à long terme. Le 3e mois est la date charnière de la réinnervation et plus cette dernière est tardive, plus les séquelles sont importantes.
Formes cliniques Seules seront envisagées les paralysies périphériques, de façon non exhaustive, selon un déterminisme topographique sur le trajet du nerf : – la première portion endocrânienne est celle des tumeurs de l’angle pontocérébelleux, principalement le neurinome de l’acoustique, à symptomatologie initiale otologique, également les neurinomes du trijumeau ; – la deuxième portion intrapétreuse est celle des paralysies a frigore, zostériennes, des accidents de la chirurgie otologique et des fractures du rocher. La paralysie faciale du polytraumatisé inconscient doit être systématiquement recherchée : – par la manœuvre de Pierre Marie et Foix, la pression au bord postérieur des branches montantes de la mandibule entraîne une asymétrie faciale ; – par l’inspection du tonus musculaire, la joue du côté paralysé se soulève à l’expiration : le blessé « fume la pipe » ; – la troisième portion extrapétreuse est la victime d’agressions chirurgicales, le plus souvent involontaires, mais parfois délibérées en cas de chirurgie tumorale. PARALYSIES CONGÉNITALES
¶ Syndrome de Melkersson-Rosenthal Il associe une langue plicaturée, une paralysie faciale surtout inférieure, parfois à bascule et une macrochéilie œdémateuse.
¶ Syndrome de Moebius (Fig. 7) Von Graefe a, le premier, fait état en 1880 d’une paralysie faciale bilatérale. Le syndrome malformatif décrit par Moebius en 1888 associe une diplégie faciale, une paralysie de l’abducens et des altérations des extrémités, ainsi que du thorax, de sorte que les auteurs américains décrivent une séquence, le CLUFT syndrome (cranial, lower limb, upper limb, face, thorax). La clinique est centrée sur le visage au faciès figé caractéristique, aux lèvres minces et rétractées. La lésion est nucléaire, parfois objectivable à la résonance magnétique nucléaire. L’absence de nerf facial identifiable au trou stylomastoïdien a été vérifiée dans plusieurs cas (Stricker). [9] Pitner, au cours de l’autopsie d’un nouveau-né de 1 mois, découvre une dégénérescence graisseuse des peauciers atrophiés, mais y note la présence de fibres nerveuses.
¶ Syndrome de Cayler (Fig. 8) L’agénésie musculaire correspond à la théorie mésodermique de la séquence de Moebius. L’aplasie des abaisseurs de la lèvre inférieure
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Figure 7
Séquence de Moebius. A. Chez un enfant. B. Chez un adulte.
Figure 8
Syndrome de Cayler par aplasie des abaisseurs et de la lèvre inférieure gauche.
FORMES ÉVOLUTIVES
Le mode évolutif va définir trois tableaux cliniques selon les caractéristiques de la récupération motrice : – la récupération, complète au plan clinique, est le plus souvent partielle au plan électrique, car 50 % des axones suffisent pour une motricité cliniquement normale ; – la récupération incomplète est la règle ; – l’absence de récupération traduit la dégénérescence irréversible des plaques motrices, les peauciers s’atrophient. Le muscle dénervé évolue vers une stabilité relative acquise au 3e mois, la perte de poids est de 60 à 80 %, le tissu connectif s’épaissit (Sunderland), [10] mais la fibre musculaire garde son identité jusqu’au 15e mois au minimum ; bien que des délais paradoxaux de reprise d’activité aient été avancés par Conley [11, 12] avec des survies très longues, attribuées à l’activité supplétive du trijumeau. Martin [13] prétend que 20 % des interruptions périphériques totales du facial sont améliorées par la substitution fonctionnelle par la partie motrice du V2 (le nerf maxillaire supérieur précède le facial dans l’innervation de la face) à la lumière d’un cas clinique célèbre. Vingt pour cent des anastomoses entre le trijumeau et le facial concernent, selon Mundnich, le rameau buccal du V (Fig. 9).
se rencontre dans l’« asymmetric crying facies » ou syndrome de Cayler, qui y associe des malformations cardiaques.
¶ Dysplasies latérales Les dysplasies de la pyramide pétreuse, isolées ou intégrées à une dysplasie latérofaciale, parfois à une microsomie hémifaciale, s’accompagnent fréquemment d’une paralysie faciale : – partielle dans le territoire inférieur dans le syndrome de Gérard ; la dysplasie retentit sur l’aqueduc et le contingent facial inférieur est comprimé, parce qu’en situation la plus antérieure ; – totale dans les dysplasies sévères. Le rocher est plicaturé, recroquevillé vers l’intérieur, l’aqueduc de Fallope est dystopique, le facial émerge très en avant et en dedans, la prudence est de mise dans sa découverte chirurgicale. Le nerf est vacuolaire. PARALYSIE DE LA LÈPRE
La phase chronique de l’atteinte lépreuse comporte volontiers une paralysie faciale.
Les deux dernières modalités évolutives que l’on observe sont les complications et les séquelles.
¶ Complications oculaires Secondaires à la disparition du rôle protecteur de la paupière, elles peuvent apparaître en cours d’évolution lors des récupérations tardives. La cornée est en danger surtout si la sensibilité est altérée. Le dépistage des kératites impose une répétition des contrôles et une protection est mise en place à la moindre menace. Le risque conjonctival est plus élevé chez le patient âgé, sujet à un ectropion accentué.
¶ Syndrome des larmes de crocodile Le larmoiement prandial unilatéral est rare. Il signe une atteinte du nerf en amont du ganglion géniculé avec déviation du réflexe gustatosalivaire en réflexe gustatolacrymal par erreur de réinnervation. 7
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Figure 9
Anastomose V-VII prédominant dans le territoire sous-orbitaire.
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Ces dyskinésies sont la rançon obligatoire des récupérations partielles et de nombre de réparations nerveuses par déficit quantitatif de la repousse axonale et par erreur des axones dans leur destination topographique. L’hémispasme serait dû à une démyélinisation des fibres, d’origine vasculaire par dévascularisation, autorisant une impulsion d’axone à axone sans passage synaptique.
Traitement Les interventions de décompression qui visent à libérer le nerf de son carcan osseux et aponévrotique inextensible se déroulent dans le trajet intrapétreux et sont d’obédience strictement oto-rhino-laryngologique. Avant d’envisager les protocoles de réhabilitation et leurs indications, il importe de dresser le constat technique de la repousse nerveuse et des réinnervations musculaires. CONSTAT TECHNIQUE
Le chirurgien, dont l’ambition est de rétablir la relation neuromusculaire, est confronté à une série de faits incontournables, comme autant de voies sans issue. Figure 10 Syncinésie palpébrobuccale gauche.
¶ Impasse musculaire Elle est à la fois morphologique et fonctionnelle. Morphologique Le masque mimique des peauciers est d’une telle complexité qu’il est illusoire de prétendre reproduire sa configuration et son action par le recours à un autre muscle ou groupe de muscles. L’animation faciale met en jeu 10 muscles par côté, leur substituer un ou plusieurs vecteurs d’animation est à l’évidence un pis-aller. Par ailleurs, tout oppose le muscle peaucier, fin, délicat, dépourvu d’aponévrose, arrimé à la peau à un substitut épais, massif, en un mot « grossier » même dans les transpositions partielles. Fonctionnelle
¶ Hémispasme postparalytique Il survient dans les formes graves par atteinte tronculaire avec réinnervation partielle et comporte : – un élément statique, la rétraction musculaire par atrophie, variant de la simple exagération du tonus de repos au rictus permanent, rétrécissant la fente palpébrale, amincissant la commissure labiale et rétractant la région nasogénienne ; – des éléments dynamiques : – les myokymies, secousses musculaires en éclair, provoquées par un mouvement volontaire ou réflexe ; – les syncinésies (Fig. 10), contractions musculaires involontaires, associées à un mouvement volontaire d’un territoire adjacent. Elles traduisent une erreur d’aiguillage (Lipschitz 1893) [14] lors de la repousse axonale. La plus fréquente, palpébrobuccale, consiste en une élévation labiale lors de l’occlusion palpébrale. Selon d’autres auteurs (Zülch, Fowler), [15] elles résultent d’une repousse désordonnée avec dispersion de « neurones vagabonds » de Ford et Woodhal ; [16] – les mouvements de masse, mobilisant en bloc un ensemble musculaire régional. 8
Le quotient d’innervation musculaire, qui est le nombre de fibres innervées par un axone, est de 25 pour les peauciers (Feinstein 1955), [17] muscles qualifiés d’« intelligents » par Terzis (1983), [18] alors que le quotient des transplants utilisés est de 1 à 2 000 pour les muscles proximaux qualifiés de « stupides » (gracilis, pectoralis major) et de 1 à 200 pour les muscles distaux, tel l’extensor digitorum brevis (pédieux). La qualité de contraction dépend du rapport de proportion entre les unités motrices lentes, les fibres rouges et rapides, les fibres blanches. Les peauciers comportent un pourcentage élevé d’unités lentes (Kidd, 1984). [19] Après dénervation, toutes les unités motrices retrouvent le type lent, le retour au type rapide ne pouvant s’effectuer que par réinnervation par l’axone d’un neurone rapide. Réinnerver un muscle lent par le nerf d’un muscle rapide inverse le type de contractilité du muscle réinnervé par changement des fibres du type 1 au type 2 (Buller, Eccles et Eccles 1960). [20]
¶ Impasse nerveuse Elle est d’ordre biologique, en fonction de la repousse axonale, qui s’avère, le plus souvent, assez imparfaite : – la population axonale diminue, 20 à 50 % seulement des axones atteignent les fibres musculaires et cette diminution s’accentue avec l’âge ; – la régénération axonale est grevée d’une diminution de diamètre des axones et d’une réduction de la myélinisation ; ce qui entraîne une moindre vélocité de l’impulsion nerveuse, abaissée de 50 à 20 millisecondes (Mayou 1981) ; [21]
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condition que la barrière aponévrotique ait été réséquée. Ce fait, avéré expérimentalement par Erlacher en 1915 chez le cobaye, [26] a été confirmé histologiquement par Steindler (1916), [27] puis Aitken (1950). [28] Cette aptitude colonisatrice du muscle a été à l’origine de la greffe musculaire selon Thompson, [29, 30] un transplant musculaire, préalablement dénervé, servant de support de neurotisation entre un muscle sain et les peauciers dénervés. La dénervation réalise une forme de métabolisme économique favorable à la résistance des fibres musculaires (Romanul et Hogan). [31] Pour Carlson et al. (1979), [32] les fibres nerveuses débutent l’envahissement du greffon à la 3 e semaine et les synapses neuromusculaires se forment après la 4e semaine. Dans tous les cas, le retour à une authentique mimique spontanée est l’exception, la mimique est toujours modifiée, souvent falsifiée. Figure 11
La repousse axonale est tributaire du chimiotaxisme distal.
Mimique modifiée – la repousse axonale est stimulée par des facteurs neurotrophiques distaux à spécificité topographique démontrée (Seckel) [22] et pourtant l’erreur de réinnervation est constante, à l’origine des syncinésies. MODALITÉS DE RÉCUPÉRATION
La réinnervation des muscles s’effectue selon trois modes différents : – la repousse nerveuse ; – la neurotisation nerveuse ; – la neurotisation musculaire.
¶ Repousse nerveuse L’interruption du nerf déclenche une dégénérescence distale et proximale jusqu’au nœud de Ranvier. La repousse est lente, 1,5 mm j–1, aléatoire, tributaire de facteurs généraux et locaux et très sensible au rôle nocif de la fibrose cicatricielle. Nous en avons envisagé les aléas et les avatars. La repousse serait provoquée par un signal chimique émané de la myéline en dégénérescence et des cellules de Schwann. La laminine, protéine de la lame basale du muscle, joue un rôle prépondérant dans le chimiotactisme (Fig. 11), le blocage de son activité par un anticorps spécifique réduit de 90 % la repousse axonale, et l’addition de laminine exogène favorise la rapidité de la repousse (Toyota 1990). Une interruption nerveuse peut, de ce fait, être pontée par une greffe musculaire. Ce neurotropisme, pressenti par Forssman (1898) et R. Cajal, est à haute spécificité fasciculaire et tissulaire (spécificité de la réinnervation motrice Brushart 1988). Le NGF, facteur de croissance nerveuse, fait malheureusement preuve de toxicité hépatique. Le rôle de la vascularisation est essentiel, les fibres proches des vaisseaux ont la repousse la plus rapide.
¶ Neurotisation nerveuse Le muscle récupère une fonction contractile à partir d’éléments nerveux par implantation d’un nerf sain dans un muscle dénervé (Heinicke 1914), [23] une plaque motrice se formant à l’endroit de l’implantation. Expérimentalement, un broyat musculaire, mis au contact d’un nerf, se réorganise en fibres, aptes à se contracter (Mira). [24] Qui plus est, l’implantation d’un nerf dans un muscle normalement innervé provoque une hyperneurotisation par formation de plaques motrices supplémentaires (Hoffmann 1951), [ 2 5 ] mais une seule est opérationnelle.
¶ Neurotisation musculaire Elle existe au sein du muscle, entre les unités motrices, ainsi qu’à partir de muscles voisins. Un muscle sain, amené au contact d’un muscle dénervé, est capable de le coloniser et de le réinnerver, à
L’altération est le fait des erreurs de réinnervation, rançon obligatoire des réparations nerveuses homolatérales, mais aussi de l’incitation motrice controlatérale après une greffe nerveuse transfaciale, utilisant comme moteur le nerf facial opposé. Mimiques falsifiées La falsification résulte de la modification de l’incitation motrice, puis, au stade suivant, de l’emploi d’un effecteur musculaire différent sous contrôle nerveux variable. Mimique de substitution La commande motrice diffère, émanant parfois du phrénique ou du spinal, le plus souvent de l’hypoglosse. La réhabilitation du tonus est remarquable, la mimique volontaire existe, mais sans dissociation entre le facial supérieur et l’inférieur et la mimique émotionnelle est nulle ; le patient grimace, surtout lorsque la langue s’anime. Mimique caricaturale Lorsque l’effecteur est hors d’usage, la transposition de muscles voisins ou bien la transplantation de muscles éloignés, même si le nerf facial controlatéral les anime, ne procure qu’une caricature de mimique. Recourir aux transplants musculaires aboutit à un raccourci de la mimique, la réduisant à quelques mouvements élémentaires simplifiés, quelle que soit leur amplitude. On obtient un mouvement, rarement une mimique, à l’exception d’un sourire particulier. La réhabilitation de la relation neuromusculaire facial-peauciers porte sur trois paliers : – tonus ; – mimique volontaire ; – mimique émotionnelle. L’analyse objective des récupérations montre à l’évidence que le nerf prime tout, assurant seul le dernier palier émotionnel, à condition qu’il s’agisse du facial lui-même.
¶ Réinnervations paradoxales : intrication
trigéminofaciale Les réhabilitations paradoxales après interruption chirurgicale avérée du nerf facial ont été souvent attribuées à une repousse à travers le défect, repousse guidée par le neurotropisme distal. Pour Martin et Helsper (1957), [13] 25 % des cas de destruction chirurgicale du VII ont une récupération spontanée. Martin, arguant de huit cas cliniques, dont un, célèbre, de chanteuse, émit l’hypothèse d’une récupération par la voie du trijumeau. La patiente, après exérèse d’une tumeur parotidienne emportant les branches du VII, avait récupéré une motilité hémifaciale et cette 9
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Figure 12
Signe
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du
croisement.
mimique n’avait pas été modifiée par une réintervention avec exérèse large complémentaire pour récidive tumorale. La réinnervation débute entre 8 et 14 mois au niveau des élévateurs de la sangle buccale, s’étendant peu à peu dans le masque mimique, sauf à ses extrémités. Certains auteurs ont invoqué une réinnervation trans-sagittale par le VII opposé, c’est le signe du croisement (Fig. 12), bien connu des électrologistes. Dans un cas de Fisch, [33] le blocage du VII opposé stoppait la mimique récupérée. Mais ce croisement est limité dans l’espace, ne dépassant qu’exceptionnellement la commissure labiale. L’intrication entre trijumeau et facial et leur complicité sont étayées par de nombreux faits anatomiques et cliniques. Une intrication plexiforme entre les rameaux terminaux du V et du VII est une disposition anatomique commune aux mammifères (Bowden et Mahran). [34] Des fibres nerveuses émanées du V cheminent avec les rameaux du VII, véhiculant la proprioception et la sensibilité profonde (Baumel 1974). [35] La cénesthésie faciale relaie dans les ganglions du V vers le noyau sensitif (Fig. 13). Des fibres du VII empruntent la voie du V (Oleshkevich). [36] La stimulation électrique du V provoque une réaction réflexe des peauciers. Le 1er temps du réflexe de clignement est d’origine musculocutanée faciale (Kugelberg) ; [37] (l’anesthésie locale des téguments n’affecte pas ledit réflexe Rushworth). Une anesthésie locale dentaire provoque une parésie faciale (Hollinshead) et Cushing [38] a observé des parésies faciales après destruction de la racine motrice du V ou du ganglion de Gasser ; ces fibres empruntent la voie du grand nerf pétreux ; en effet, les lésions intracrâniennes du nerf facial ne donnent jamais lieu à récupération. Conley [11, 12] a confirmé l’hypothèse de Martin ; l’anesthésie locale des terminaisons trigéminales interrompt la fonction mimique récupérée, fait confirmé par les électromyogrammes de contrôle. Cette complicité V/VII, ainsi que la proximité des noyaux de ces nerfs constituent un élément très favorable à la rééducation, aussi bien des anastomoses nerveuses que des transferts musculaires. MÉTHODES ET INDICATIONS
L’histoire de la réhabilitation de la face paralysée est faite d’une succession d’espoirs déçus, tant la disparité est grande entre les satisfactions infracliniques, biologique et électrique et l’insatisfaction clinique. Le postulat actuel est plutôt pessimiste. Restaurer la plénitude d’une expression faciale spontanée et symétrique est une gageure quasi irréaliste. 10
Figure 13
Intrication facial-trijumeau.
Nous décrirons les méthodes et les indications dans une optique pragmatique ; trois situations se présentent : – le facial est réparable ; – l’effecteur musculaire est utilisable, mais le facial est hors d’usage ; – l’effecteur musculaire est hors d’usage, l’alternative existe alors entre les transferts musculaires et la chirurgie de rééquilibration des parties molles.
¶ Facial réparable Le rétablissement de la continuité nerveuse et de l’alignement des fascicules par suture ou par greffe est un concept ancien, initialement mécanique ; le nerf étant assimilé à un conduit, structure guide de la repousse axonale. Suture (Fig. 14) La suture épineurale depuis Hueter (1873) [39] rétracte le périnèvre, affronte les fascicules de façon défectueuse et s’accompagne de la formation d’un cal fibreux obstructif. De ce fait, à la suite de Millesi, [40] la suture est devenue périneurale fasciculaire (Fig. 15). Le traumatisme est réduit, la recoupe des extrémités nerveuses est franche. La prévention de la prolifération conjonctive et de la fibrose est assurée par la résection de l’épinèvre, l’utilisation d’un matériel minimum, la suppression des engainements de la suture et l’absence de tension. La tension est nocive, génératrice de fibrose, à tel titre que Millesi prônait le recours à la greffe pour des pertes de substance de plus de 1 cm. Parfois, le déroutement du nerf permet un gain de longueur suffisant pour éviter la greffe. Greffe La greffe équivaut à une double suture, elle obéit à certaines règles.
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Figure 16 Mise en place d’une greffe nerveuse en boucle.
Facteur vasculaire Le rôle de la vascularisation est primordial, tant au niveau du muscle, qu’à celui du nerf. Le diamètre de la greffe nerveuse ne doit pas excéder 5 mm, faute de quoi une nécrose centrale est à redouter. La longueur du greffon induit un risque de déficit de revascularisation et donc de réinnervation. La qualité vasculaire du lit receveur est également importante. Ces considérations ont conduit à la pratique de greffes nerveuses vascularisées. Figure 14
La suture d’épine durale est devenue péridurale, en raison du risque de chevauchement et de fibrose.
Choix du greffon Le greffon autologue offre les meilleures garanties, car les greffes homologues conservées n’ont pas fait la preuve de leur validité. Le prélèvement est effectué : – soit au plexus cervical superficiel situé à proximité immédiate ; – soit au saphène externe ou sural dont le long trajet est favorable. Choix de la technique En raison du double obstacle conjonctif, la repousse nerveuse, après avoir franchi la première suture, peut venir s’épuiser sur la seconde, de sorte que certains auteurs préconisent la réalisation en deux temps. Le nerf facial est un terrain favorable pour la greffe nerveuse, Conley affiche 75 % de bons résultats, Millesi et Samii 85 à 90 %. Cependant, l’école de Gottingen avec Stennert [41] estime que les résultats sont surévalués et que la neurotisation hétéromorphique responsable des mouvements de masse est la règle.
Greffe vascularisée Bien que la greffe fasciculaire ait réduit le risque d’ischémie et donc la production conjonctive par la barrière sclérale, la greffe nerveuse vascularisée a connu une certaine faveur. Le nerf sural présente un type de vascularisation favorable à ce protocole, type 2 de Breidenbach et Terzis [42] à un pédicule dominant. La greffe est réalisée en un fragment selon Taylor et Ham (1996), [43] en plusieurs fragments selon Facchinelli (1981), [44] mais les résultats en sont relativement décevants. Greffe en « boucle » (Fig. 16, 17) Le prélèvement de la branche auriculaire du plexus cervical superficiel autorise la restauration de la continuité entre le tronc et les branches de division dans certains modes de distribution du plexus. Dans le cas contraire, il est possible de recourir au montage en boucle, arrimant la totalité des segments distaux au segment tronculaire proximal. Le cheminement de la réinnervation s’effectue avec la rançon habituelle d’erreurs des neurones vagabonds. La repousse est guidée par le signal chimique distal et les axones franchissent le périnèvre, sans qu’il soit nécessaire de le fenêtrer. Ce fait a été amplement démontré par la pratique des anastomoses latéroterminales de Viterbo (1992) [45, 46] (Fig. 18). L’anastomose Figure 15 Patient présentant une paralysie faciale droite traumatique. A. aspect préopératoire. B. Aspect après suture et récupération.
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Figure 17
Aspect de patient présentant une tumeur maligne de la région parotidienne, ayant nécessité une résection du nerf facial et reconstruction par montage en boucle. A. Aspect initial. B. Résultat postopératoire immédiat après boucle nerveuse. C. Aspect à distance.
Figure 18 Anastomose latéroterminale selon Viterbo avec des variantes.
Figure 19 Anastomose hypo-glosso-faciale avec implantation de la branche descendante dans le tronc de l’hypoglosse.
– la greffe veineuse. La veine, dont la paroi est de faible tonicité, se collabe sous l’effet de la pression cicatricielle ; latéroterminale, procédé répandu depuis Flourens (1828), amplement utilisée depuis lors ainsi qu’en témoigne le travail de Sherren (1906), [47] était passée de mode jusqu’à sa remise à l’honneur par Viterbo. Sa validité a été confirmée par Lundborg (1994). [48] Le segment rattaché : – attire les axones, tant sensitifs que moteurs, par prolifération collatérale et d’autant plus s’il a été soumis à une prédégénération, qui augmente le nombre de cellules de Schwann ; – procure aux muscles une récupération à 60 % de leur force contractile à 90 jours ; la dégénérescence distale sur le nerf donneur est minime, même si une fenêtre périneurale est pratiquée. Cependant Dellon, [49] s’appuyant sur les expérimentations de Kalliainen, émet des réserves : la masse musculaire serait moindre et le pourcentage de fibres dénervées plus élevé dans la variante latéroterminale. Conduits guides Les greffes veineuses, les tubes de silicone et les tubes résorbables en acide polyglycolique ont été employés comme structures guides de la régénération nerveuse : 12
– le tube de silicone. L’utilisation du matériau non biologique déjà récusée par Sunderland (1978), [10] l’a été plus récemment par Merle et al. (1989) ; [50] – les conduits résorbables en polyglycolique sont prônés par Mac Kinnon et Dellon (1989) [4] pour des pertes de substances inférieures à 3 cm.
¶ Facial irréparable : effecteur musculaire en état Il faut substituer au nerf facial un autre moteur par une anastomose nerveuse (Fig. 19), déroutant un nerf voisin sur le bout distal du facial ou dérivant l’influx par un branchement latéroterminal. L’idée est ancienne, la réalisation également, puisque dès 1879 Drobnik [51] anastomose le XI au VII. Deux protocoles essentiels sont les plus en vogue. Anastomose hypo-glosso-faciale (Fig. 20) Elle est la plus ancienne, mais aussi la plus actuelle, le XII tout proche est d’accès et de prélèvement aisés, la morbidité est réduite, l’efficacité satisfaisante. Dans la technique classique, le tronc du XII est transposé sur le bout distal du VII, tandis que la branche descendante du XII est transposée sur le tronc pour minimiser la
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Figure 20 Patiente présentant une paralysie faciale droite après neurinome du VIII. A. Aspect initial. B, C. Aspects postopératoires à distance après récupération d’une anastomose hypo-glosso-faciale.
séquelle linguale. Dans la modification de Tucker, [52] le XII est transposé sur le bout distal du VII, mais la branche descendante du XII, prélevée avec les fragments des muscles sous-hyoïdiens, est transposée sur l’orbiculaire palpébral. La rééducation a pour objet de rendre indépendante la nouvelle unité motrice. Les travaux de Holstege [53] sur les noyaux moteurs des V, VII, XII ont montré la coordination motrice entre ces nerfs. À la suite de l’anastomose hypo-glosso-faciale, le réflexe trigéminofacial est remplacé, à partir du motoneurone hypoglosse, par un réflexe trigéminohypoglosse étudié par Stennert, [54] dans lequel la réponse primaire, musculaire, est plus lente, de l’ordre de 14 ms, que la normale de 11 ms. Les résultats sont bons sur le tonus et sur la sangle buccale, en quelques mois, mais l’efficacité palpébrale est plus réduite, plus tardive et plus aléatoire. La séquelle linguale amyotrophique n’est invalidante que dans 25 % des cas. L’anastomose XII/VII est utilisée dans trois indications distinctes : – comme suppléance globale du facial lésé ; – comme suppléance du seul facial inférieur, selon Miehlke, qui, avec Stennert, considère que les territoires inférieur et supérieur sont différents, et donc à traiter différemment ; – comme donneur de tonus, préservant les muscles peauciers dans l’attente de la repousse axonale d’une greffe transfaciale, l’hypoglosse jouant le rôle de « baby-sitter » (Terzis). [55] Anastomose faciofaciale ou greffe transfaciale (Fig. 20, 21) L’idée de réanimer la face paralysée par une greffe nerveuse branchée sur le nerf facial controlatéral est le fait de Scaramella. Elle fut reprise, modifiée et codifiée par Smith, Anderl, Samii [56-58] et bien d’autres : – le nerf donneur est le sural ; – l’intervention se déroule en un temps, mais plus volontiers en deux temps à 6 mois d’intervalle pour minimiser le risque de blocage conjonctif à la 2e suture ; – le branchement est proximal pour certains, distal pour la plupart, en aval du plexus génien ; – l’implantation est nerveuse, mais faute de mieux, musculaire (Anderl) [57] lorsque aucun nerf utile n’est retrouvé ; – la morbidité sur le côté sain est réduite, la pratique des neurectomies sélectives a montré que 40 % du contingent nerveux peuvent être interrompus sans séquelle paralytique, mais avec le risque du spasme de régénération ;
– la morbidité sur le site de prélèvement se chiffre à 27 % de complications, dont 6 % de névromes (Ortiguela) et une perte de la sensibilité du bord externe du pied et de la cheville. Zucker a proposé le prélèvement endoscopique pour limiter le préjudice cicatriciel ; – le greffon saphène externe est inversé, orientant son extrémité proximale du côté paralysé, de façon à prévenir les fausses routes dans les collatérales nerveuses (O’Brien 1980, Mac Kinnon et Dellon 1988) ; [5, 59] – la greffe transfaciale permet de dériver sur un transplant musculaire un rameau du VII opposé, assurant la fonction demandée au transplant et, dans ce cas, le protocole en deux temps permet d’attendre la repousse axonale pour transférer le muscle, qui est ainsi immédiatement réinnervé. La greffe transfaciale, transmission synchrone de l’influx nerveux émané du facial sain aux branches correspondantes du côté paralysé (Anderl 1973) [57] est : – séduisante dans sa conception ; – controversée dans sa réalisation ; – convaincante dans sa validité biologique et physiologique ; – décevante dans son efficacité clinique, en raison de la lacune quantitative de la repousse axonale par insuffisance du quota de neurotisation, selon Harii [60, 61] ; 20 % seulement des axones atteignent l’hémiface paralysée. Trois facteurs entrent en ligne de compte selon Gary Bobo : [62, 63] – insuffisance du nombre de fibres myélinisées au sein des greffes ; – différences de calibre et d’épaisseur de la gaine de myéline, responsables d’un asynchronisme de transmission de l’influx ; – variabilité dans le temps du processus de myélinisation (coexistence de fibres en dégénérescence et de fibres en myélinisation). Il en résulte (Rayment, Poole et Rushworth 1987) : [64] – une diminution de 50 % de la vélocité de l’influx ; – une diminution du nombre d’axones atteignant le muscle (20 à 50 % selon Harrison (1985) ; – une diminution du nombre d’unités motrices réinnervées ; – et donc une asymétrie de la mimique faciale.
¶ Muscles hors d’usage L’aréflexie galvanique signe l’incapacité du muscle à être réhabilité par une fibre nerveuse (Chouard 1932), le délai de 2 ans étant 13
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Figure 21
Différents modes d’anastomose transfaciale
(A, B, C, D).
habituellement retenu pour les paralysies anciennes invétérées. Le recours au muscle s’effectue selon de multiples protocoles : – la greffe musculaire selon Thompson dénervation préalable ;
[29,
30]
préparée par
– le transfert musculaire réinnervé, initié par Thompson et Gustafson ; – le transfert musculaire réinnervé et revascularisé par son pédicule ; – les transpositions musculaires de voisinage, utilisant les muscles masticateurs. Greffe musculaire Sa conception repose sur le concept de neurotisation musculaire et sur l’avidité à la neurotisation des muscles préalablement dénervés (3 semaines). La dénervation préalable réduit les besoins nutritifs de la fibre musculaire (Romanul et Hogan 1965), [65] accélère la vitesse de régénération axonale et améliore la synthèse protéique, qui va de pair. Thompson [29] utilisait le pédieux et le grand palmaire, transposés sur toute la longueur de leurs fibres ; le pédieux était en charge de la sangle palpébrale, le grand palmaire de la sangle buccale. L’insuffisance du résultat sur le plan dynamique conduisit à une modificaton du protocole, visant à conjuguer neurotisation nerveuse et neurotisation musculaire. Transferts musculaires réinnervés Le nerf moteur du muscle dénervé est anastomosé à une greffe transfaciale branchée sur un rameau de topographie similaire au mouvement recherché. Les résultats médiocres, même après dénervation sélective du nerf tibial antérieur et utilisation exclusive de ses fascicules moteurs ont conduit à l’abandon de ces procédés (Nicolaï 1981). [66] De toute manière, au sein du muscle dénervé se produit une compétition entre la repousse des filets du V et la réinnervation par la greffe transfaciale. Transferts musculaires réinnervés et revascularisés (Fig. 22) La préservation de la vascularisation garantit la vitalité du transplant et donc, en théorie, son efficacité dynamique. Les techniques utilisées varient avec : 14
– le site de prélèvement musculaire ; – le site de revascularisation ; – le moteur de réinnervation et le mode de branchement. En ce qui concerne le site de prélèvement, il répond aux critères définis par Harii, de discrétion du préjudice fonctionnel et du caractère unique, avec une orientation et une longueur favorables des pédicules vasculonerveux. Nombre de muscles ont été testés, peu restent utilisés : – le pectoralis minor (petit pectoral), préconisé par Terzis, [18] puis Harrison, [67] présente de notables inconvénients de son mode d’innervation ; – l’extensor digitorum brevis (pédieux), comporte quatre tendons distaux favorables à la dissociation d’action, mais les chefs musculaires sont courts et le nerf tibial antérieur est mixte ; – le latissimus dorsi (grand dorsal) est irrigué par un système dominant, l’artère thoracodorsale, et peut être prélevé partiellement ; – le gracilis (droit interne) est un muscle rubanné à fibres longues (24 cm), comportant deux territoires neuromusculaires (Manktelow 1984), [68] l’antérieur sous dépendance d’un pédicule unique contient 25-50 % du muscle, ce qui autorise son prélèvement sélectif. Guelinckx [69] a préconisé le prélèvement du nerf obturateur sur une grande longueur ; – le serratus anterior (grand dentelé) est irrigué par deux pédicules vasculaires principaux, son innervation est commune à celle du grand dorsal et il est de volume trop important. Le site de revascularisation se situe à l’artère temporale superficielle ou à l’artère faciale. Le choix du moteur de réinnervation (Fig. 23) est d’une importance capitale. Trois options sont envisageables : – le nerf facial homolatéral. Le moignon facial proximal est utilisable à court, voire à moyen terme, sous réserve de vérification de son aptitude à la repousse par l’absence d’interférences à l’EMG et de la réalisation d’un test de Karnovsky à la cholinestérase sur la biopsie du moignon. Ueda et al. [70] ont préconisé ce procédé chez l’enfant, dans les paralysies congénitales acquises (forceps), qui constituent 88 % des cas (Falco). [71] La contraction du transplant musculaire réapparaît au 6e mois et l’évaluation des résultats montre leur haute qualité ;
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Figure 22
Réhabilitation par transfert musculaire réinnervé et revascularisé.
Figure 24 Transfert partiel du territoire neuromusculaire antérieur du muscle gracilis.
latissimus dorsi (Fig. 25) avec un nerf long branché sur le nerf massétérin ou à la rigueur sur une greffe nerveuse transfaciale courte, sachant que : – la valeur dynamique du muscle transplanté est à 25 à 50 % de la normale, seulement 10 % selon Yamaha ; – la diminution de volume avoisine 50 % ;
Figure 23
les différents moteurs de réinnervation. A. Nerf facial homolatéral. B. Nerf facial controlatéral. C. Nerf massétérin.
– le nerf facial controlatéral peut être choisi, mais l’aléa constant de la GTF est la longueur du trajet qui entraîne un déficit notable de réinnervation. Les transpositions à court trajet sont de loin préférables ; – le nerf massetérin était initialement employé par Spira, [72] mais Manktelow et Zuker68 y ont eu recours, en particulier dans les transferts musculaires fasciculaires bilatéraux dans les Moebius. La symétrie du mouvement obtenu est assez remarquable, peut-être en raison de l’appartenance trigéminale du nerf massétérin. L’évolution actuelle des protocoles (Gousheh, Zuker) [73] amène à l’utilisation de transferts partiels du gracilis (Fig. 24) ou du
– la fibre musculaire doit être prélevée en totalité et suturée sous une tension adéquate pour bénéficier de la puissance et de l’amplitude de contraction du muscle transplanté. La puissance maximale est obtenue en début de contraction et diminue au fur et à mesure que le muscle se raccourcit (Elftman 1966). La diminution de la tension de repos s’accompagne d’une perte fonctionnelle. Deux artifices sont utiles pour conserver sur le site récepteur la tension de repos du site d’origine. O’Brien [59] place deux sutures à la surface du muscle et maintient leur écartement. Frey [74] tend un fil de soie entre les extrémités du muscle. La vitalité est, le plus souvent excellente, la réinnervation est soumise aux aléas de la greffe transfaciale, mais la récupération n’est jamais complète ; pourtant, la progression fonctionnelle pourrait se poursuivre 2 ans après les premiers signes de réinnervation, peutêtre par augmentation de la myélinisation et de la taille des axones (Tolhurst 1982). [75] 15
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Figure 25 Enfant présentant une paralysie faciale congénitale droite. A. Aspect initial. B. État d’une transposition musculaire libre partielle de grand dorsal réinnervée.
D’autres transferts musculaires ont été envisagés : – la transposition micro-anastomosée du frontal ou du platysma, proposée par Terzis, [42] n’est qu’un exercice de style ; – la transposition du digastrique et du mylo-hyoïdien sur l’artère sous-mentale, branche de l’artère faciale et le nerf mylo-hyoïdien, branche du nerf dentaire, détaché juste avant l’épine de Spix est plus intéressante. Le transplant possède un arc de rotation de 5 cm et peut être utilisé en neural pur ou en neurovasculaire pour réanimer le groupe abaisseur de la sangle buccale. L’efficacité de ces procédés est évaluée par le déplacement de la commissure buccale, en élévation et en translation, un déplacement de 1,5 à 2,5 cm en direction physiologique est considéré comme un bon résultat.
Figure 26 Les trois types morphologiques de sourires.
Transposition des masticateurs Les muscles masticateurs, voisins immédiats, ont été mis à contribution pour réanimer les sangles faciales. L’idée initiale était de neurotiser les peauciers par transposition de languettes musculaires, procédé phare de l’école allemande avec Erlacher, Rosenthal et Lexer. [26, 76] Ces convictions ne se sont pas maintenues et les muscles sont actuellement utilisés essentiellement comme vecteurs d’animation, dans une direction donnée, d’un groupe de muscles ou d’une sangle. Il convient d’en envisager les données anatomiques, les protocoles de transposition et les compléments de rééducation, aussi bien orthophoniques que kinésithérapiques. Données anatomiques. En ce qui concerne l’anatomie du sourire (Fig. 26), alors que la sangle palpébrale oscille dans un plan frontal curviligne entre ouverture et fermeture de la fente, la sangle buccale est animée dans toutes les directions par trois groupes de muscles ou rênes d’animation :
Figure 27 L’effilement commissural est à prévenir par un mode de fixation adapté.
– le groupe releveur ou couronne des élévateurs des anatomistes ; – le groupe élongateur ou dilatateur, responsable de l’excursion latérale par le buccinateur et le risorius ; – le groupe abaisseur composé du triangulaire des lèvres et du carré du menton. Rubin, [77] en 1974, distingue trois types morphologiques de sourire, en fonction de la disposition des muscles et de leur insertion dermique, en particulier de l’élévateur de la lèvre supérieure et des particularités du soubassement osseux et occlusal : – le sourire « Mona Lisa » (67 %) sous la dominante du grand zygomatique à direction oblique, relevant les commissures et découvrant légèrement la denture ; – le sourire « canin » (31 %) sous la prépondérance des élévateurs de la lèvre supérieure à direction verticale, exposant les canines ; – le sourire « gingival » (2 %) caractérisé par l’excès de hauteur de soubassement maxillodentaire, découvrant l’arcade alvéolodentaire. Cette analyse est capitale pour définir le mode de fixation des transplants musculaires, arrimage à double étage, musculaire profond au niveau du sillon nasogénien, dermique superficiel au plus près de la commissure et de la lèvre. 16
Cette pratique est indispensable pour éviter l’effilement commissural (Fig. 27) et son antépulsion lors de la contraction des transplants. L’analyse du mouvement montre qu’il existe trois modes de sourire : – le sourire esquissé ou ébauché, par l’action du risorius à excursion courte de la commissure ;
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Figure 29
Figure 28
Les trois transplants masticateurs et leur direction d’action.
– le sourire appuyé à course longue de la commissure sur un trajet de 1 à 2,5 cm, selon une direction oblique à 30° à 80° sur l’horizontale selon les types individuels, rieur à bouche généreuse ou rébarbatif à bouche pincée ; – l’éclat de rire, en « flash », lequel n’est possible qu’à la faveur d’une transmission ultra-rapide de l’influx. Anatomie des transplants. Leur choix tient compte d’un ensemble d’impératifs : – de vitalité : la préservation de la vascularisation est essentielle pour éviter la fibrose, qui réduirait le muscle à l’état de languette fibreuse inerte ; – de contractilité : bien évidemment, l’innervation doit être respectée, en fonction des données anatomiques lors du prélèvement musculaire. De plus, on doit s’assurer que le potentiel contractile du transplant n’a pas été affecté par l’étiologie de la paralysie faciale, (exemple type : la poliomyélite) ; – d’orientation : le muscle transplanté se situera dans la direction d’action du groupe musculaire à réanimer (Fig. 28) ;
Transposition du ventre antérieur du digastrique.
– de rééducation : l’innervation de ces transplants par un nerf dont le noyau moteur est voisin de celui du VII, ce qui crée une condition favorable au processus de rééducation et, par ailleurs, la cinétique mandibulaire s’y adapte aisément. De ce fait, les muscles masticateurs constituent les transplants les plus appropriés : – le temporal pour l’élévation ; – le masséter pour l’élongation ; – le digastrique pour l’abaissement. Protocoles d’utilisation. Nous décrirons la transposition du digastrique et du masséter, en insistant sur celle du temporal, qui est le pivot de cette réanimation. Digastrique (Fig. 29, 30, 31). Le ventre antérieur, innervé par le V, est utilisable pour le transfert sur les abaisseurs. Le corps musculaire court et trapu doit être prolongé : – soit par une bandelette tendineuse ou aponévrotique ; – soit par son tendon intermédiaire, prélevé en dehors jusqu’au sein du ventre postérieur. Ce prolongement est arrimé en boucle sur le triangulaire des lèvres et le carré du menton. Deux courtes incisions, l’une sous-mentale oblique et l’autre dans le pli mentolabial, procurent un accès adéquat. Masséter. Le faisceau antérieur est isolé en arrière de l’artère faciale par une incision verticale oblique en avant dans un pli cutané. Le Figure 30
Enfant présentant une paralysie congénitale des abaisseurs ; réhabilitation par transfert du muscle digastrique. A. Aspect initial. B, C. Aspects à distance.
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Figure 31
Patient présentant une paralysie faciale inférieure par tumeur maligne de la glande sous-maxillaire. A. Aspect initial. B. Aspect après exérèse tumorale. C et D. Résultats de la transposition du muscle digastrique.
hamac périosté est incisé sur la face postérieure du rebord mandibulaire, le muscle est ruginé, puis discisé à la spatule pour atteindre le pédicule. L’hémimasséter antérieur est volté vers le haut et vers l’avant dans une tunnellisation pour gagner la région commissurale. Le muscle temporal est le muscle essentiel de la réanimation faciale, de par son emplacement, ainsi que ses caractéristiques morphologiques et fonctionnelles. L’ingéniosité chirurgicale s’est donné libre cours dans les protocoles d’utilisation, mais nous ne décrirons que les deux méthodes à retenir à ce jour : l’utilisation globale, palpébrale et buccale et le procédé de Labbé [78] de transposition-glissement : – l’utilisation globale. Nombre d’auteurs s’en sont fait les champions, prolongeant le muscle par des bandelettes de son aponévrose : – le chef antérieur est transféré sur la sangle palpébrale à travers une perforation de la paroi orbitaire externe pour éviter la 18
luxation antérieure des paupières, les bandelettes aponévrotiques gagnent par tunnellisation le canthus interne et sont arrimées au ligament palpébral interne (LPI) ; – les chefs moyen et postérieur sont transférés sur la sangle buccale dans la coulisse temporale de préférence, parfois par devant l’arcade zygomatomalaire dont la hauteur est réduite par abrasion ; – la région temporale est deshabitée, déprimée en un « creux » disgracieux, constrastant avec la surépaisseur sous-jacente due au retournement musculaire ; – le protocole de Labbé [78] (Fig. 32). Ce dernier a initié une technique de transposition-glissement du muscle sur son pédicule avec section du tendon, qui est transféré sur la sangle buccale dans la coulisse rétromalaire, à travers la sysarcose manducatrice de la boule de Bichat. La technique très logique est de simplicité apparente, mais
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Figure 32 Transposition du muscle temporal selon le protocole de Labbé (A, B).
de réalisation parfois délicate, les points de détails sont d’importance :
– d’autres (Rubin) prônent un ancrage dissocié entre les peauciers et le derme ;
– le tendon temporal s’enroule très bas sur le coroné ; il doit être soigneusement ruginé en spirale avant la section osseuse et ce geste peut être mené de façon plus précise par une courte incision endobuccale ;
– d’autres, enfin, recommandent d’utiliser un relais de contrôle vers le côté sain. Dans le cas de transplant libre, l’arrimage proximal se situe à l’arcade zygomatique. Rééducation. Les protocoles de rééducation garantissent l’entretien des peauciers, athlétisent les transplants, procurent une aptitude indubitable à une mimique intentionnelle, mais l’obtention du palier émotionnel est sujette à caution. La physiothérapie de complément, autrefois fort utilisée, est tombée en désuétude. Le training neuromusculaire se décompose en trois phases (Barat) : [81]
– la distance de transfert varie selon la morphologie faciale et les faces courtes sont moins favorables ; – la section osseuse de l’arcade doit être très antérieure pour dégager largement la coulisse ; – les attaches musculaires, surtout préarticulaires temporomandibulaires, doivent être levées et parfois, le pédicule temporal profond postérieur est à disséquer pour obtenir l’arc de rotation souhaité. La morbidité est réduite, le galbe temporal est peu altéré, car le muscle est resuturé à la portion aponévrotique antérieure préservée. L’hématome intramusculaire est le risque majeur, l’hémostase est rigoureuse et les manœuvres musculaires peu agressives. Le muscle coulisse sur le coussinet de glissement de la sysarcose. La qualité de récupération du mouvement labiocommissural est tributaire de la fixation des transplants et de la rééduction. Fixation. Le mode de fixation est essentiel pour l’équilibre et la symétrie du mouvement réhabilité : l’accès à la sangle buccale se conçoit de trois manières : – accès latéral par la voie du lifting, préférentiel pour Zuker ; [79, 80] – accès nasogénien avec résection cutanée éventuelle ; – accès endobuccal, préférable à nos yeux chez les patients jeunes. La voie muqueuse dessine un U très évasé étendu d’une lèvre à l’autre en s’éloignant de la commissure. Le lambeau muqueux trapézoïdal est levé sur une charnière commissurale. La discision sous-cutanée conduit sur les peauciers ou leurs reliquats. La référence fournie par l’activité du côté sain est en partie fallacieuse, en raison de l’hypertonie habituelle, ce qui contraint à un facteur de pondération. Les manœuvres peropératoires de traction sur la sangle affinent les emplacements de fixation. L’arrimage du transplant est effectué, si possible, de muscle à muscle, soit d’un seul tenant, soit dissocié, par des languettes disposées en éventail avec de notables différences selon les auteurs : – certains arriment au niveau du sillon nasogénien ;
– initiale passive ; – secondaire d’aide active ; – terminale active par les mécanismes de « biofeedback ». La phase passive correspond à l’entretien des muscles, la phase d’aide active à l’athlétisation des contingents musculaires, de réalisation difficile à la face (les fibres de type 1 sont seules accessibles à l’exercisation). L’implication du patient est essentielle, mais délicate, car il se trouve directement confronté à son handicap par l’effet du miroir et doit dépasser ses inhibitions. La compréhension des mécanismes de « biofeedback » à la face impose de revenir sur la relation privilégiée entre le trijumeau et le facial, déjà envisagée au chapitre des réinnervations paradoxales. La rééducation intervient donc à deux niveaux : – locorégional, primaire, mécanique par exercisation différentielle des peauciers devant le miroir ; – neurocérébral, secondaire, d’intégration ou d’engrammation du substitut musculaire ou neuromusculaire. Trois protocoles précis et argumentés ont été décrits, l’un par l’école de Gottingen avec Stennert, [41] l’autre par l’école de Caen avec Lambert-Prou, [82] le troisième par l’école d’Amsterdam avec Devries : [83] – le protocole de Gottingen fait appel à des techniques de contrôle du corps, inspirées du yoga et à des exercices de rééducation devant le miroir, en présence du rééducateur avec contrôle du côté sain ; – le protocole de Caen repose sur le bilan préalable des fonctions de la face et l’étude de l’excursion commissurale du côté sain selon les principes de Manktelow. Le travail porte sur le transplant, mais 19
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Figure 33
Réhabilitation des parties molles chez un patient présentant une paralysie faciale droite. A. Aspect initial. B , C. Aspect final.
aussi sur les différents phonèmes ; phonèmes étirés par abduction, élévation labiale (i, é, in), phonèmes bilabiaux en propulsion (p, b, m) et phonèmes labiodentaires (f, v). Selon l’auteur, la récupération du sourire se déroule en trois stades : – le sourire mandibulaire, obtenu par la cinétique de la mandibule ; – le sourire temporal volontaire, sous la seule dépendance du transplant ; – le sourire temporal, qualifié de spontané, mais dont la spontanéité est équivoque ;
dimensionnelle doit porter directement sur les lèvres et sur la région naso-génio-labiale ; la remise en tension latérale classique n’ayant qu’une résultante très indirecte. La réduction est totale en épaisseur, cutanéomusculaire, mais le muscle orbiculaire labial de la portion réséquée est conservé pour être tunnellisé vers la commissure, puis arrimé à un transplant ou à une suspension passive. De même, le derme nasogénien peut être conservé et taillé en pieuvre à quatre tentacules (Guerrero Santos). [85] Lesdites suspensions ne procurent que des satisfactions mitigées : – les bandelettes aponévrotiques se distendent ou s’enraidissent ;
– pour le protocole d’Amsterdam, la maîtrise de la mimique est obtenue grâce au concours d’un mime, les exercices respiratoires sont réalisés pour atteindre la relaxation nécessaire ; le VII étant considéré comme le nerf respiratoire de la face (Bell 1821). Soutien psychologique. « Il n’est pas d’exemple qu’un homme atteint de paralysie faciale ait joué un rôle de quelque importance dans la vie publique » Hélène Janvier (1951). [84] La spécificité humaine du visage et sa fonction sociale sont des évidences :
– les implants élastiques (PTFE) fragiles à l’infection sont à éviter.
– mon visage me dit qui je suis et il dit aux autres qui je suis :
– la paupière inférieure est plus altérée que la supérieure chez le patient âgé ;
– dans l’identification/constitution du moi ; – dans la relation au monde de l’individu ; – en tant qu’être social tenu et porté par la communication. Le soutien du sujet fragile qu’est le paralysé facial demande à être maintenu sur du long terme, car l’intensité du retentissement peut être imprévisible dans le vécu du patient. Le transfert partiel de l’hémi-orbiculaire labial sain sur le côté paralysé mérite d’être mentionné. Il peut améliorer une paralysie modérée des abaisseurs par un effet de sustentation et peut-être aussi de neurotisation musculaire. Chirurgie palliative par rééquilibration des parties molles (Fig. 33) Ultime recours des paralysies au long cours chez le patient âgé, c’est une chirurgie de remise en tension sur le côté paralysé avec une réduction tissulaire obligatoire. Elle est à visée morphologique prédominante à la sangle buccale et à visée fonctionnelle prédominante sur la sangle palpébrale. Un complément d’action sur le côté sain s’avère indispensable pour tendre à une symétrie meilleure, surtout au repos. Étage buccal La distension des parties molles et leur allongement sont majeurs au niveau buccal, la commissure est abaissée, l’allongement des hémilèvres paralysées, la déporte en dehors. La réduction 20
Étage orbitopalpébral La démarche chirurgicale, en matière de paralysie palpébrale, obéit à quelques principes fondamentaux : – l’occlusion à tout prix est une démarche idéaliste, liée à un activisme chirurgical répréhensible ; – le rôle de la pesanteur est fondamental mais contradictoire, bénéfique à la paupière supérieure, nocif à la paupière inférieure ;
– la sensibilité de la cornée et la mobilité du globe oculaire vers le haut sont deux éléments essentiels. Chez le patient jeune et lors des récupérations spontanées, le préjudice palpébral est modeste et ne requiert pas, le plus souvent, d’intervention. Chez le patient âgé, la paupière inférieure ectropionée occupe le devant de la scène. Les objectifs thérapeutiques sont les suivants : – symétriser la fente palpébrale qui est agrandie dans sa dimension verticale, en raison du relâchement palpébral inférieur et de la prédominance du releveur ; – corriger la ptôse du sourcil ; – améliorer l’occlusion en s’opposant au releveur ; – remettre en tension la paupière inférieure ; – rétablir la dérivation des larmes vers la fosse nasale. Symétriser la fente palpébrale. La canthorraphie externe de Mac Laughlin [86] adosse les quarts externes avivés des tarses après avoir fixé la commissure par une canthopexie, ainsi que le recommande Tessier. [87] La canthoplastie est une canthopexie externe d’Edgerton et Wolfort, [88] modifiée par Montandon [89] (Fig. 34).
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Figure 34 Canthopexie externe selon Edgerton modifié Montandon (A, B, C, D).
L’avivement des tarses est prolongé par la désépidermisation d’un lambeau cutané triangulaire horizontal. Ce lambeau dermique est arrimé à l’apophyse montante du malaire à travers un orifice osseux. Corriger la ptôse du sourcil. La simple résection cutanéomusculaire suprasourcilière n’assure qu’une correction provisoire. Il convient d’y adjoindre une suspension par bandelette aponévrotique temporale en Y ou en boucle. Améliorer l’occlusion. S’opposer au releveur se conçoit de trois manières : – par l’action directe d’allongement du tendon par tenotomie ou par greffe aponévrotique ; – par l’action indirecte d’antagonistes passifs ou d’entrave au libre jeu du releveur : – l’alourdissement par inclusion prétarsale d’un implant métallique en acier inoxydable (Fig. 35) a été décrit par Sheehan en 1927, [90] repris par Freeman, puis par Illig (1958) [91] avec un implant rectangulaire en or d’un poids de 0,8 g à 1,2 g selon le sexe. En raison du pourcentage élevé d’extrusions (30 %), la plaque rectangulaire à deux trous a été modifiée, devenant elliptique à trois trous, plus longue, plus mince et plus galbée, pour accompagner par son incurvation la courbure de la paupière. De ce fait, le taux d’extrusion est tombé à 4 %. Hormis les rares épisodes infectieux, les inconvénients sont mineurs, par déplacement de l’implant, déformant la paupière ou réduction de la dimension de la fente palpébrale en position verticale. Il est d’usage de compléter cet alourdissement palpébral supérieur par une inclusion souple de cartilage à la paupière inférieure ; – les aimants de Muhlbauer. [92] Le champ magnétique, développé par les implants, supplée l’action de l’orbiculaire déficient. L’occlusion obtenue est une occlusion « collée » dans sa phase terminale et la majeure partie de leur efficacité semble bien le fait de l’alourdissement. Royer a proposé d’alléger les aimants ;
Figure 35
Amélioration de l’occlusion par implants métalliques d’alourdissement.
– les entraves au releveur. La greffe de conque de 0,75 g par Greco perturbe le relief palpébral et la greffe de peau totale de Tessier donne un aspect cicatriciel peu engageant ; – par l’action indirecte d’antagonistes « actifs » : – le cerclage dynamique d’Arion [93] (Fig. 36) consiste en l’inclusion d’un fil d’élastomère de silicone de 8/10e de millimètre de diamètre dont la courbe d’allongement correspond à peu près à celle de l’orbiculaire. Le fil est passé dans les tunnellisations par une aiguille mousse à courbure adaptée. Il est placé en situation juxtamarginale pour éviter une éversion des bords libres, surtout le bord inférieur. Il est fixé au périoste en dehors, au ligament palpébral interne en dedans, après passage sous ledit LPI. Le geste 21
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Figure 36
Cerclage par fil d’Arion.
est mené sous anesthésie locale pour bénéficier de la coopération du patient dans le réglage de la tension. La rupture du cerclage est la complication à redouter ; – le ressort palpébral de Morel Fatio et Lalardrie, [94] (Fig. 37) de conception ingénieuse, est d’une indéniable efficacité dans des mains entraînées. La stabilisation de la boucle par fixation osseuse transmalaire et l’engainement de protection de la branche inférieure ont considérablement réduit les risques d’extériorisation. Cependant, toutes les conformations orbitopalpébrales ne se prêtent pas à ce procédé et il est préférable de l’éviter dans les cas de cornée insensible, le frottement de la branche inférieure, même protégée pouvant induire un ulcère de cornée. Remettre en tension la paupière inférieure. Cette remise en tension est difficile, car le bénéfice vertical est rarement direct, le plus souvent indirect, par la composante verticale de la tension horizontale. Les suspensions par bandelette tendue d’un canthus à l’autre sont inefficaces : – elles ne tiennent pas compte de la distension ; – elles exercent leur tension sur la courbe du globe et tendent à glisser vers le bas, comme la ceinture serrée sur le ventre de l’obèse.
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Figure 38 Schéma de cure de l’ectropion selon la technique de KuhntSzymanowski-Pokhissof. Pour l’armature palpébrale, les différents implants, qu’il s’agisse de la conque ou de la prothèse de Grignon, distordent la paupière et tendent à faire issue à travers le tégument. Le Kuhnt-Szymanowski-Pokhissof (Fig. 38, 39) est le procédé clé de la cure de l’ectropion, qu’il soit sénile ou paralytique. Il clive frontalement la paupière en deux lames : – interne tarsoconjonctivale attirée en dedans ; – externe cutanéomusculaire liftée en dehors avec résection triangulaire haut située au-delà du canthus. Dans les canthorraphies, l’adossement des tarses avivés est un procédé d’exception dans sa conception ancienne médiopalpébrale de protection cornéenne. Elles ne sont légitimes que dans les angles. La tarsorraphie interne prélacrymale de Terson [95] (Fig. 40, 41) procure une sustentation satisfaisante de la paupière inférieure, tend à ramener le point lacrymal au contact de la conjonctive bulbaire, mais cette synéchie peut échouer ou se rompre et, par ailleurs, elle empiète sur l’iris, lors de la rotation nasale du globe. Les différentes canthoplasties internes sont le plus souvent décevantes à moyen terme. Figure 37 Patiente présentant une paralysie palpébrale. Réhabilitation par ressort de Morel Fatio de faciaux synthésé. A. Aspect initial. B. Aspect final.
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Figure 39
Ectropion palpébral inférieur paralytique et sénile. Correction selon la technique de KuhntSzymanowski. A. Aspect initial. B. Aspect postchirurgical.
– toxine botulique. La dénervation chimique de la plaque motrice par la toxine botulique A survient par inhibition de la sécrétion présynaptique d’acétylcholine. L’efficacité en est temporaire et les nerfs sont exposés à une diffusion locale du produit (Eleopra 1996). [98]
Indications
Figure 40
Canthorraphie interne prélacrymale selon Terson.
Rétablir le drainage lacrymonasal. Le déficit de la pompe lacrymale désamorcée n’est pas toujours invalidant, en raison du rôle de l’évaporation. Si handicap il y a, les dérivations sophistiquées par greffe veineuse ou artérielle ne sont pas de mise. Trois options s’offrent au chirurgien : – la lacodacryostomie, par bascule du dôme du sac dans le lac lacrymal ; – la lacorhinostomie par mise en place d’un drain de Lester-Jones. L’inconvénient majeur résulte du reflux conjonctival des sécrétions nasales lors du mouchage ; – la lacorhinostomie par mise en place d’un drain de Talmant dans le canal lacrymonasal. La collerette supérieure est menacée d’obturation par la prolifération conjonctivale. Complément d’action sur le côté sain. L’hypertonie du côté sain participe à l’asymétrie et à l’aspect grimaçant de la face ; il importe donc de réduire son activité. Pour ce faire, l’action peut porter sur les muscles ou sur les nerfs par chirurgie ou par utilisation d’une toxine :
Se soucier du nerf facial, c’est avant tout le préserver lors des interventions sur l’étage latéral, c’est aussi le réparer à tout prix, en tout lieu et à tout âge, par suture ou par greffe. En cas de paralysie invétérée, l’activisme chirurgical sur les paupières est éminement critiquable, l’occlusion à tout prix est une hérésie perfectionniste, car le plus souvent, la cornée n’est pas en danger et il faut préserver la morphologie de la fente palpébrale. Au niveau buccal, il faut toujours proposer un protocole de réhabilitation permettant d’accéder à une mimique intentionnelle rééducable ; les procédés passifs de suspension ne sont indiqués que chez les patients réticents. PARALYSIES DE L’ENFANT
¶ Conflits facial/rocher La dysplasie du rocher s’accompagne d’une dystopie de l’aqueduc de Fallope avec issue faciale atypique du nerf en situation très antérieure. La parésie faciale prédomine dans le territoire inférieur, car le contingent nerveux inférieur est en situation antérieure dans le rocher, et donc, première victime du garrot osseux. Tel est le cas dans : – le syndrome de Gerard ; – la microsomie hémifaciale. Ortiz Monasterio a réalisé chez ces patients très jeunes une greffe nerveuse transfaciale ; attitude, à notre sens, très abusive ; tous ces cas relevant plutôt d’une décompression intrapétreuse avec neurolyse fasciculaire éventuelle ;
– myectomie (Niklison 1965). [96] La section ou mieux, la résection partielle interruptrice des peauciers hypertoniques, est pratiquée indifféremment par voie cutanée ou endobuccale, en fonction de la topographie. L’étude préalable de l’efficacité par un test à la botuline renseigne, à la fois, le chirurgien et le patient ;
– le syndrome de Moebius (Fig. 42). La transplantation musculaire est de mise, soit des temporaux selon le protocole de Labbé, soit sous forme de transfert partiel micro-anastomosé, réanimé par une greffe transfaciale courte ou par le nerf massétérin (Zuker). Cette dernière technique autorise une réhabilitation émotionnelle meilleure et assure une excellente, quoique paradoxale, symétrie. Harrison [67] recommande d’étoffer les lèvres amincies par l’aplasie de l’orbiculaire ;
– neurectomie. Elle se doit d’être sélective et distale et de porter sur plusieurs rameaux. Clodius (1976) [97] thuriféraire du procédé l’utilise :
– le syndrome de Cayler. La symétrisation labiale fait appel à l’affaiblissement du côté sain par la toxine botulique ou une neurectomie hypersélective très distale.
– pour symétriser le sillon nasogénien ; – pour traiter les parésies partielles, labiomentonnières ou frontales. Cependant, la réinnervation est habituelle avec son risque syncinétique ;
PARALYSIES INVÉTÉRÉES
Si le nerf facial est irréparable et les peauciers en état, le choix existe entre les anastomoses nerveuses et les transpositions musculaires. 23
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Figure 41
Patient présentant une paralysie palpébrale. Résultat de la technique de Terson. A. Aspect initial. B. Aspect postopératoire.
Figure 42 Patient présentant un syndrome de Moebius. A, B, C. Anomalies faciales tronculaire et digitale. D, E , F. Aspects après réhabilitation après transfert temporal classique. À noter la dépression au niveau de la fosse temporale.
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Chez le patient âgé, en état précaire, l’anastomose hypo-glossofaciale est un geste rapide, fiable, peu agressif. Sinon, chez les adultes jeunes et motivés, les transplantations musculaires semblent préférables. L’information est donnée au patient pour se déterminer entre une simple transposition des masticateurs ou un transplant réinnervé et revascularisé, de réalisation plus complexe, soumis aux aléas de la réinnervation. Enfin, la rééquilibration des parties molles avec ou sans suspension sera réalisée dans les autres cas.
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– 0-5 mm : bon ; – 5-10 mm : décevant ; – plus de 10 mm : médiocre. En réalité, le seul critère objectif est dynamique par le biais du film ou de l’image vidéo.
Conclusion
PARALYSIES PARTIELLES ET PARÉSIES RÉSIDUELLES
Une combinaison judicieuse d’affaiblissement, de résections et de remise en tension permet une amélioration significative dans de nombreux cas.
Critères d’évaluation des résultats Les tables de cotation des muscles peauciers et la définition d’un score sont d’un intérêt plus théorique que réel, appliquées, en général, aux résultats des réparations intrapétreuses et sujettes à caution, en raison de leur caractère éminement subjectif. Plus intéressante est l’approche de Lalardrie (1967), [ 9 9 ] de mensuration de la distance entre le point interincisif et l’angle commissural et de sa différence avec le côté sain, entre le repos et le mouvement :
Le chirurgien, confronté aux effets néfastes du couple pesanteur/paralysie dispose d’une gamme de procédés de réhabilitation pour rétablir le 1er palier de la mimique, celui du tonus au repos et accéder au 2 e palier, celui de la mimique intentionnelle. Malheureusement, même avec le secours de la rééducation, un constat est à dresser, à savoir l’impuissance à retrouver une réelle mimique émotionnelle symétrique, même avec la réparation du nerf facial ou le recours à son homologue opposé. Ce constat ne doit pas déboucher sur un immobilisme chirurgical, améliorer est la règle, réanimer cette hémiface inerte est une satisfaction pour le patient et son chirurgien, mais ce dernier doit se garder de la tentation de la prouesse chirurgicale. En effet, le retentissement psychologique est majeur, souvent mal évalué et se prolonge à très long terme, il faut accompagner le patient dans sa quête du mieux-être.
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Parotidectomie subtotale par voie de lifting J.-P. Meningaud Par ordre décroissant, les motifs d’inquiétude des patients placés dans la perspective d’une parotidectomie sont : la parésie faciale, la cicatrice, la modification du contour du visage et le syndrome de Frey. La voie de lifting associée au lambeau de système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) diminue considérablement ces problèmes. Pourtant, bien que sa sûreté ait été documentée et malgré sa pertinence sur le plan esthétique, cette voie d’abord n’est pas une technique de routine pour beaucoup de chirurgiens. Cet article décrit les astuces de cette voie d’abord qui devrait être la technique de référence, excepté pour les patients obèses et les cancers. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Parotidectomie ; Lifting ; Système musculoaponévrotique superficiel ; Parotide ; Frey
pas de la technique classique. [4] Seuls changent le tracé de l’incision et la réalisation d’un lambeau de SMAS.
Plan ¶ Introduction
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¶ Technique opératoire Cicatrice Comblement de la perte de substance
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¶ Intérêt fonctionnel du lambeau de système musculoaponévrotique superficiel Récupération plus rapide de la parésie faciale (paralysie incomplète et transitoire) Diminution de l’incidence du syndrome de Frey ¶ Conclusion
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■ Introduction Les deux séquelles qui angoissent le plus les patients pour lesquels une parotidectomie est indiquée sont la cicatrice et la parésie faciale (voir Paralysie, EMC 22067 B 10). Cette inquiétude est d’autant plus marquée que les indications de parotidectomie pour adénome pléiomorphe concernent souvent des femmes jeunes. Cette peur a même des effets délétères dans la mesure où il n’est pas rare de voir des patients différer indéfiniment cette intervention au risque de voir se développer une tumeur cancéreuse. Une fois que la parotidectomie a été réalisée par voie classique, les deux séquelles qui perturbent le plus les patients sont le creux au niveau de la zone opérée et le syndrome de Frey. Or, ces séquelles peuvent être considérablement diminuées par la voie de lifting [1, 2] et le comblement de la perte de substance par un lambeau de système musculoaponévrotique superficiel [3] (SMAS). .1
■ Technique opératoire Le bilan préopératoire, l’installation du patient, le repérage du tronc du nerf facial et la dissection de ses branches ne diffèrent Stomatologie
Cicatrice Pour mémoire, l’incision de Redon comporte un segment préauriculaire vertical, un segment curviligne sous-lobulaire s’arrêtant au bord antérieur de la mastoïde puis un segment vertical descendant le long du bord antérieur du muscle sternocléido-mastoïdien qui se termine dans un pli du cou. L’incision de lifting passe derrière le tragus, dans le pli du lobule, derrière l’oreille et se termine dans les cheveux (Fig. 1A). Si l’incision est suffisamment prolongée en arrière dans les cheveux, les tissus peuvent être correctement réclinés (Fig. 1B) de telle sorte que la visibilité sur l’ensemble du nerf facial est excellente : le risque de lésion nerveuse n’est pas augmenté. Avec ce type d’incision, l’utilisation d’une valve éclairante à lumière froide n’est pas nécessaire (Fig. 2). Une variante consiste à prolonger l’incision rétroauriculaire vers la nuque au ras du cuir chevelu, la dissection sera un peu plus facile, mais la cicatrice risque de se voir si la coiffure choisie est le chignon. Que ce soit dans la voie d’abord de Redon ou de lifting, un fil de traction est placé sur le lobule pour le récliner en arrière.
Comblement de la perte de substance Le lambeau de SMAS peut être réalisé dès le début de l’intervention (juste après le décollement cutané) ou plus simplement lorsque la dissection du lobe superficiel est bien avancée. En effet, à cette étape, le plan de dissection à suivre est directement accessible. Pour faciliter le décollement du SMAS, des ciseaux spatulés peuvent être utilisés et une hydrodissection préalable peut être réalisée. La dissection se fait au ras de l’aponévrose parotidienne. Elle est relativement facile, tant que l’on se trouve sur l’aire parotidienne. La couleur grisâtre de la parotide qui tranche avec la couleur jaune du SMAS permet d’éviter la confusion des plans. Une fois terminée cette dissection, qui ne
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22-351-A-11 ¶ Parotidectomie subtotale par voie de lifting
Figure 1. A. Abord par voie de lifting. L’incision passe derrière le tragus, dans le pli du lobule, derrière l’oreille et se termine dans les cheveux. En pointillés, la cicatrice est cachée derrière le tragus et derrière le pavillon de l’oreille. B. Si l’incision est correctement prolongée en arrière dans les cheveux, les tissus peuvent être correctement réclinés de telle sorte que la visibilité sur l’ensemble du nerf facial est excellente : le risque de lésion nerveuse n’est pas augmenté.
B
Figure 2. Photo montrant en haut à gauche la parotide superficielle pédiculée sur son canal (Sténon) et en bas les branches du nerf facial sur la parotide profonde.En changeant la position des écarteurs en fonction des branches, leur visualisation reste excellente ; l’utilisation d’une valve éclairante à lumière froide n’est pas nécessaire.
prend que quelques minutes, l’intervention reprend son cours habituel avec la finalisation de la parotidectomie. En fin d’intervention, l’extrémité externe du lambeau de SMAS est repliée et enfouie dans la perte de substance (Fig. 3). La charnière du lambeau est suturée solidement au muscle sternocléido-mastoïdien de sorte à créer un plan bien tendu. L’équivalent d’une membrane de cicatrisation telle qu’on les utilise en parodontologie est ainsi réalisé. Une cicatrisation (réellement) dirigée des tissus profonds vers ce plan solide est ainsi favorisée. Il s’agit d’éviter que le plan cutané ne se plaque trop rapidement sur le nerf et empêche ainsi cette cicatrisation dirigée. Si la dissection au large de la tumeur a nécessité de perforer le lambeau de SMAS, il suffit de le réparer par quelques points de suture. Cette technique diminue significativement les rétractions rétromandibulaires de telle sorte que si l’on observe le patient de face ou du côté opéré, on ne remarque pas de creux (Fig. 4–6). En revanche, si l’on compare méthodiquement le côté opéré au côté sain, une petite différence subsiste. Or, dans la vie sociale, nous nous regardons de face ou de trois quarts, éventuellement de profil, mais
Figure 3. A. Lambeau de système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) dont l’extrémité externe et inférieure (pince droite) va être enfouie dans la perte de substance. B. Suture de la charnière au muscle sterno-cléido-mastoïdien. Un pertuis est ménagé à l’extrémité supérieure de la cicatrice afin de faciliter le drainage. Le drain est appliqué au-dessus du SMAS et non au contact du nerf de façon à éliminer tout risque de lésion lors de son ablation.
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Stomatologie
Parotidectomie subtotale par voie de lifting ¶ 22-351-A-11
■ Intérêt fonctionnel du lambeau de système musculoaponévrotique superficiel Récupération plus rapide de la parésie faciale (paralysie incomplète et transitoire)
Figure 4. Parotidectomie subtotale gauche par voie de lifting avec lambeau de système musculoaponévrotique superficiel (SMAS), résultat à 1 mois. L’incision de lifting passe derrière le tragus, dans le pli du lobule, derrière l’oreille et se termine dans les cheveux.
Figure 5.
Même patiente, résultat à 9 mois.
Figure 6. Même patiente, résultat à 9 mois de face et au sourire.
nous ne regardons évidemment pas les deux profils simultanément. Ainsi, si chacun des deux profils apparaît harmonieux, rien ne sera noté par l’entourage du patient. Stomatologie
La parésie faciale est en grande partie favorisée par la dévascularisation du nerf lors de la réalisation d’une parotidectomie subtotale. Cette thématique a entraîné dans le passé une intense discussion sur la nécessité ou pas de réaliser une parotidectomie subtotale. Si l’on prend l’exemple de la tumeur la plus fréquente, à savoir l’adénome pléiomorphe, il faut savoir qu’elle est très finement encapsulée (les déhiscences capsulaires sont fréquentes sous la forme de pseudopodes ou de nodules satellites), de telle sorte qu’il faut éviter toute dissection au contact de la tumeur. Une dissection au contact de la tumeur (énucléation) fait courir un grand risque de récidive (20 à 45 %). Par ailleurs, le risque de paralysie faciale est augmenté en cas de réintervention. Les localisations multicentriques d’adénome pléiomorphe (deux nodules tumoraux ou plus) sont en fait très rares, mais existent. En revanche, une marge de sécurité de tissu glandulaire sain excessive, comme dans les parotidectomies totales conservatrices du nerf facial, ne paraît pas non plus justifiée. C’est pourquoi il semble préférable de réaliser d’emblée une parotidectomie subtotale (lobes profond et superficiel), mais non extensive et conservant le VII. Cette attitude est indiquée pour les tumeurs du lobe profond et celles qui ont un contact étroit avec les premières branches de division du nerf facial. Pour les tumeurs isolées du lobe superficiel, dont les constatations peropératoires permettent d’être sûr qu’il n’y a pas eu d’exposition tumorale, une parotidectomie superficielle (voire superficielle partielle comme dans certaines tumeurs polaires inférieures) est acceptable. L’intérêt de la parotidectomie superficielle isolée est de diminuer l’incidence de la parésie en évitant une dissection excessive du VII ; mais elle ne doit pas se faire au prix d’une exérèse tumorale incomplète. La récupération de la parésie faciale est fonction de plusieurs facteurs : • de l’importance de la dévascularisation du nerf et donc de la localisation de la tumeur : plus une tumeur est située loin du tronc, c’est-à-dire proche de la bouche ou de l’œil, plus la parésie est fréquente et longue à récupérer bien que plus localisée ; • de l’âge du patient : un patient jeune a moins de risques d’avoir une parésie et, à défaut, récupère plus vite ; • de l’expérience gestuelle du chirurgien : « les heures du vol du pilote d’avion sont les heures de bloc du chirurgien » ; • du fait qu’il s’agit bien d’une première intervention et non d’une reprise chirurgicale car une seconde intervention augmente considérablement les difficultés techniques et donc les risques ; • du caractère anastomotique ou pas du nerf (Fig. 7). Les nerfs faciaux anastomotiques sont plus difficiles à disséquer mais sont très peu sujets aux parésies. Cesteleyn et al. ont montré que le lambeau de SMAS diminuait significativement le temps de récupération nerveuse, le faisant passer en moyenne de 3 mois à 6 semaines. [5] Le mécanisme serait celui de l’apport vasculaire de cette lame porte-vaisseaux.
Diminution de l’incidence du syndrome de Frey Le syndrome de Frey se manifeste par une hypersudation et un érythème (rougeur) de la région temporale pendant les repas dus à la réinnervation erronée des glandes sudoripares par le nerf auriculotemporal. Des fibres parasympathiques destinées à la glande salivaire envahissent les axones des fibres sympathiques destinées à la peau et aux glandes sudoripares de la zone de décollement cutané. [6] Ces fibres sympathiques sudoripares ont la particularité d’être cholinergiques, ce qui constitue une
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lambeaux [10-12] et de son faible coût comparé aux techniques utilisant des membranes d’interposition. [13, 14] En revanche, la technique classique doit être privilégiée chez les patients obèses ou atteints de cancer.
■ Références [1] [2] [3] [4] [5] Figure 7. Tortella.
Exemple de nerf facial très anastomotique : type plexulaire de
[6] exception dans la physiologie du système sympathique. Ainsi les deux types de fibres sont tous deux cholinergiques et fonctionnent donc avec le même médiateur et la régénérescence de fibres à destinée salivaire à l’intérieur des fibres à destinée sudoripare suffit à expliquer le changement de fonction. Le lambeau de SMAS visible sur la Figure 3 diminue l’incidence du syndrome de Frey en s’interposant entre les deux contingents nerveux [7-9] (incidence passant de 33 à 4 %). Les quelques syndromes de Frey survenant avec cette technique semblent être dus à des lambeaux de SMAS trop fins ou perforés lors de la dissection et non réparés. Il est cependant à noter que la toxine botulique s’est révélée très efficace dans le traitement de ce syndrome, mais « mieux vaut prévenir que guérir ».
[7] [8] [9] [10] [11] [12]
■ Conclusion La technique associant voie d’abord de lifting et lambeau de SMAS devrait devenir la technique de référence du fait non seulement des avantages décrits ci-dessus, mais aussi de sa rapidité d’exécution (elle ne rallonge le temps opératoire que d’une dizaine de minutes), du fait qu’elle n’aggrave pas la rançon opératoire comparée aux techniques utilisant d’autres
[13] [14]
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J.-P. Meningaud* ([email protected]). Service de chirurgie maxillofaciale du professeur J.-C. Bertrand, CHU Pitié-Salpétriêre, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Meningaud J-P. Parotidectomie subtotale par voie de lifting. EMC (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-351-A-11, 2005.
Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels
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Stomatologie
Stomatologie [22-090-A-10]
Préparation du malade à l'intervention
Bruno Rouvin : Anesthésiste-réanimateur du service de santé des Armées Daniel Cantaloube : Professeur agrégé du Val-de-Grâce Jean-Marie Saïssy : Professeur agrégé du service de santé des Armées Hôpital Bégin, 69, avenue de Paris, 94000 Saint-Mandé France
Résumé La préparation à une intervention chirurgicale est une période fondamentale qui va permettre : d'éliminer, ce qui aujourd'hui est devenu exceptionnel, les patients ne pouvant subir l'acte chirurgical envisagé ; d'évaluer les difficultés que vont rencontrer le chirurgien et l'anesthésiste durant la période opératoire ; de contrôler une affection préexistante, en relation ou non avec l'acte chirurgical, afin d'en minimiser le rôle aggravant. En stomatologie et en chirurgie maxillofaciale cette période est surtout fondamentale dans deux types de chirurgie : en chirurgie esthétique, chirurgie qui concerne des patients, et surtout des patientes, en bon état physique, pour qui le risque principal est le risque anesthésique qui doit être réduit au minimum ; en chirurgie carcinologique, où au contraire les patients sont souvent porteurs de nombreuses tares, et chez qui l'abstention chirurgicale est impossible avec nécessité d'une préparation préopératoire parfaite.
© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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CONTRAINTES LIÉ ES À LA CHIRURGIE
Chirurgie traumatique C'est une chirurgie d'urgence, souvent chez un polytraumatisé. Le bilan des lésions, outre celui réalisé par le chirurgien maxillofacial, comprend suivant les cas un bilan clinique régional ophtalmologique (malaire, plancher de l'orbite), otorhinolaryngologique (épistaxis), neurochirurgical (scanner cérébral et osseux), cervical (radiographie du rachis cervical de face, de profil, bouche ouverte), et un bilan général thoracoabdominal et squelettique [9]. Une fracture de l'étage antérieur de la base du crâne peut être révélée par un hématome en lunette. L'atteinte des étages du massif facial génère un risque asphyxique et un risque d'inhalation : l'asphyxie due à la chute en arrière de débris dentaires, osseux, tissulaires, alimentaires, aux corps étrangers (prothèse dentaire, bridge), à la glossoptose, persiste jusqu'au contrôle de l'airway par la canule de Guedel, l'intubation ou la trachéotomie ; de plus le patient saigne (plaie du scalp, de la face), il est agité, algique, voire hypertonique ; le risque d'inhalation provient du sang (traumatisme muqueux et osseux), de l'estomac ou du bol alimentaire ; il convient donc, parallèlement à la prise en charge du réanimateur de stopper au mieux les hémorragies, généralement par compression, plus rarement par forcipressure. La diversité lésionnelle (fractures et/ou plaies faciales, traumatismes vus en urgence ou au stade des séquelles, multiplicité des champs opératoires, voire des équipes chirurgicales en cas de traumatismes craniofaciaux) impose un consensus entre le chirurgien et l'anesthésiste. Les voies d'abord, la nécessité d'explorations chirurgicales longues et minutieuses (nerf facial, voies lacrymales), l'utilisation de matériel d'ostéosynthèse ou d'arcs visant à effectuer des blocages intermaxillaires (disjonctions craniofaciales) doivent être discutées avant et pendant l'intervention, la stratégie pouvant s'adapter en fonction des constatations opératoires et des difficultés rencontrées.
Chirurgie plastique C'est une chirurgie de confort : chirurgie esthétique, ou de nécessité : chirurgie réparatrice [29] . C'est une chirurgie périphérique avec un retentissement général mineur. Il faut cependant tenir compte du profil psychique souvent particulier des patient(e)s. Les dysmorphies faciales acquises (traumatisme, cancer, brûlure) ou congénitales (syndrome de Pierre-Robin, Barraquer-Simons, etc.) nécessitent des interventions itératives qui modulent progressivement la personnalité du patient. Les traumatismes par arme à feu très délabrants nécessitent des hospitalisations de longue durée (plusieurs mois). Les progrès obtenus après chaque intervention n'empêchent pas la lassitude du patient en raison de la durée des soins. Les lésions dermatologiques (baso- ou spinocellulaires, mélanome) sont négligées et non reconnues comme tumorales mais seulement dysesthésiques. Les dates d'intervention ne sont pas respectées malgré la connaissance du diagnostic et les mises en garde.
Chirurgie carcinologique La cancérologie buccale et maxillofaciale est un monde à part. Les interventions sont généralement longues, hémorragiques (trachéotomie, curage, résection, examen extemporané, mise en place de lambeaux...) justifiant le terme de « chantier opératoire ». Une stratégie thérapeutique et la parfaite information du médecin anesthésiste sur les séquences opératoires et leurs obligations est peut-être plus qu'ailleurs une nécessité [20].
C'est une chirurgie mutilante et réflexogène responsable au réveil d'angoisse, de trouble de la déglutition, de dyspnée. Le dysconfort est majeur. La canule de trachéotomie est rapidement encombrée de sécrétions, surtout chez le fumeur.
Chirurgie buccale et des glandes salivaires Il s'agit habituellement d'avulsions dentaires, dont le nombre est connu, les difficultés évaluées lors de l'examen clinique, la technique opératoire parfaitement codifiée, les suites simples généralement. Les mêmes remarques peuvent être faites en ce qui concerne la pathologie bénigne des glandes salivaires. La cavité buccale est un milieu septique malgré les enzymes salivaires. La salive contient 106 bactéries/mL et même 1011 bactéries/mL au niveau du sillon gingivodentaire où prédominent les anaérobies. L'infection se propage localement par contiguïté (cellulite cervicale, sinusite, ostéite, bronchopneumonie, médiastinite), et à distance par voie sanguine (fièvre au long cours et endocardite sur valve native ou prothétique).
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CONTRAINTES LIÉ ES AU TERRAIN
Terrain en fonction de la pathologie chirurgicale Certaines pathologies chirurgicales sont sous la dépendance d'un terrain particulier qu'il faut bien connaître en raison des problèmes qu'il va poser tout au long de la préparation à l'intervention.
Dans la chirurgie carcinologique Patient polybalafré Les cicatrices rétractiles, hypertrophiques, chéloïdiennes sont souvent présentes. L'ouverture buccale est limitée compliquant l'exposition glottique. Après radiothérapie cervicofaciale, la constriction des mâchoires, la fibrose des masséters limitent l'ouverture de bouche. Les tissus irradiés rétractiles sont cartonnés. Les dents sont souvent fragiles, parfois mobiles, toujours faciles à luxer. Les veines périphériques sont rares et dures et obligent à ponctionner les voies veineuses profondes. Le risque infectieux chez des patients souvent immunodéprimés impose une gestion rationnelle et économe du capital veineux.
Patient alcoolique chronique L'intoxication est variable selon la durée de l'imprégnation, elle est d'autant plus sousestimée par le patient qu'elle est ancienne. Elle est suspectée en raison du contexte socioprofessionnel et révélée par l'habitus toxique. On chiffre la consommation d'alcool (g/j) et la durée de l'intoxication. Il faut savoir différencier le cirrhotique stéatosique d'âge moyen résistant aux drogues, du cirrhotique plus ancien dans la maladie, proche de la décompensation. L'alcool est responsable d'une hypoprotidémie avec retard de cicatrisation, d'une
hypoalbuminémie avec baisse de la pression oncotique sanguine, d'une augmentation du volume de distribution avec oedème, d'une augmentation de la fraction libre des médicaments, d'un défaut de synthèse du cholestérol et des cholinestérases avec retard de décurarisation pour les curares d'élimination hépatique, d'anomalie de la crase sanguine par déficit des facteurs de la coagulation. Le risque chirurgical est proportionnel à la sévérité de l'atteinte hépatique. On recherchera une ascite, une atteinte cardiaque, pulmonaire et rénale, une altération de la coagulation, une dénutrition.
Patient tabagique L'élimination du monoxyde de carbone et de la nicotine demande 12 à 18 heures. La période de sevrage théorique minimale est de trois demi-vies pour la carboxyhémoglobine soit 12 heures (chez le sujet non fumeur habituel) à 18 heures (chez le sujet fumeur) pour obtenir un retour à la normale de la courbe de dissociation de l'hémoglobine. La diminution des sécrétions demande 1 à 2 semaines de sevrage. La disparition complète de la ciliostase demande une abstinence tabagique d'au moins 4 à 6 semaines. Il existe chez le tabagique une hyperactivité bronchique liée au tabac mais le temps de sevrage nécessaire à sa disparition n'est pas connu. Il existe également une immunodépression acquise avec, malgré une polynucléose une baisse des cellules Ttueuses. Le sevrage du tabac, dont la consommation dépasse souvent 30 paquets-année, est souvent illusoire chez un patient habituellement alcoolotabagique. En pratique, seul le gros fumeur (plus de 30 cigarettes/j), pour une intervention de chirurgie réglée doit avoir un sevrage prolongé du tabac [30]. Chez le tabagique chronique, on recherche une surinfection bronchique, une bronchite chronique, une maladie emphysémateuse, une tuberculose pulmonaire. La gazométrie artérielle, la spirométrie, la ductance au CO permettent de préciser le profil ventilatoire du patient.
Dénutrition Le dénutri est un immunodéprimé [16]. L'immunité spécifique et l'immunité non spécifique sont atteintes. L'altération de l'immunité non spécifique facilite les translocations d'endotoxines et de bactéries digestives à travers la barrière intestinale. La cicatrisation est médiocre chez l'immunodéprimé. La surinfection nosocomiale, les abcès plus fréquents confortent l'antibioprophylaxie. Le déficit en zinc s'accompagne également d'un risque infectieux élevé, et le déficit en sélénium et en vitamine E diminue la production d'anticorps. L'évaluation pratique de la dénutrition repose sur la mesure de la perte de poids avec prise en compte des oedèmes ou de l'ascite, les indices anthropométriques plus laborieux à réunir, enfin le dosage de l'albuminémie. De nombreuses études ont montré une augmentation de la morbidité et de la mortalité pour des albuminémies inférieures à 35 g/L en période préopératoire. La renutrition préopératoire n'est cependant pas justifiée en carcinologie cervicobuccale. Son bénéfice n'a été établi que dans les interventions chirurgicales digestives majeures et les cystectomies totales.
Dans la chirurgie plastique Chirurgie de reconstruction
[29]
Les patients sont souvent des polyopérés de nécessité. Les défigurés après traumatisme facial (accidents de la voie publique, accidents de sport, plus rarement plaies de guerre, lésions de blast) peuvent avoir un déficit sensoriel (cécité, anosmie, surdité). Les reconstructions nécessitent plusieurs temps opératoires. Les séquelles psychologiques sont rémanentes entretenues par les multiples réinterventions et la lenteur de la réhabilitation. Le brûlé grave est aussi un patient multiopéré (excisions-greffes, amputations) à reprendre encore pour des corrections de cicatrices, des dermabrasions, des lambeaux de recouvrement. Le capital veineux périphérique est souvent amputé. Les sténoses trachéales, les trachéomalacies après intubation ou trachéotomie sont à rechercher. Ce sont potentiellement des patients à intubation difficile compte tenu des attractions, de la microstomie entravant l'ouverture buccale.
Chirurgie esthétique Profil psychologique Les patient (e) s sont ici bien différents, il s'agit de patientes souvent connues du service, récidivistes notoires des interventions de chirurgie plastique jusqu'à un âge avancé. Narcissisme et hantise des rides sont les traits psychologiques dominants. Les cicatrices sont exigées parfaites et la « prémédication profonde » pour ne rien voir de l'anesthésie.
Spasmophilie Chez la patiente spasmophile, on retrouve une hyperexcitabilité neuromusculaire, un fourmillement des extrémités, des crampes trop fréquentes, des palpitations, une torsion épigastrique, une striction laryngée, des clonies palpébrales, une insomnie, des signes de Chvostek de grade II et III, et surtout une anxiété. C'est l'équivalent d'une tétanie latente chronique. Les patientes spasmophiles sont très fréquentes en chirurgie esthétique.
Obésité Il s'agit d'un problème de plus en plus fréquent et à partir de 30 ans, il existe une surmortalité liée au poids. Ce sont généralement des femmes, dépressives, au schéma corporel altéré, déniant leur obésité. Elles ont abandonné tout régime hypocalorique et tout entraînement physique assimilés à une mode et non à un traitement. Ces patientes sont à haut risque ventilatoire et cardiocirculatoire. Au niveau ventilatoire, l'insuffisant ventilatoire chronique est de type restrictif. Une hypercapnie doit faire rechercher un syndrome de Pickwick avec obésité, hypersomnie diurne, hypoventilation alvéolaire, polyglobulie et insuffisance ventriculaire droite. Progressivement, l'obèse développe une cardiopathie hypertrophique excentrique bien visualisée à l'échocardiographie. L'hypertension veineuse des membres inférieurs favorise la thrombose et les ulcères surinfectés des plis. Dans la maladie de Barraquer-Simmons, la cachexie du visage et du thorax contraste avec une obésité gynoïde du bassin, des membres inférieurs très musclés, une hypertriglycéridémie et une hypercholestérolémie. Ces patients ont un haut risque de thromboses en per- et en postopératoire.
Contraintes fréquentes non liées à la chirurgie  ge Le patient âgé est par définition un patient de plus de 75 ans. L'âge physiologique souvent différent de l'âge chronologique est évalué sur l'état des réserves qui s'amenuisent avec l'involution des grandes fonctions vitales. Le risque cardiovasculaire et pulmonaire est majeur mais seules les tares cérébrales ou hépatiques contre-indiquent vraiment l'intervention. Le vieillard est un polymédicamenté. Actuellement les contre-indications médicamenteuses à l'anesthésie générale sont rares hormis la réserpine (Tensionorme®), responsable d'hypotension brutale peranesthésique dont la prescription doit s'arrêter une semaine avant l'intervention. Après 60 ans, la maladie thromboembolique est plus fréquente et les complications de décubitus sont favorisées par la dénutrition, la perte d'autonomie et l'incontinence. Le vieillard est un patient fragile psychiquement, d'où l'importance de la famille qui maintient un entourage et des repères et avec qui les indications opératoires doivent être discutées.
Allergie Hormis l'allergie au latex [13], les allergies peropératoires graves sont principalement des allergies liées aux agents anesthésiques [12], les curares en particulier. Les accidents aux anesthésiques locaux sont exceptionnels avec les anesthésiques à fonction amide. Les autres allergènes sont représentés par les antibiotiques (pénicillines), l'oxyde d'éthylène utilisé pour la stérilisation, et certains métaux (nickel, argent, cuivre principalement, mais pas l'or) des bijoux fantaisie. L'allergie est le plus souvent déjà connue. Les allergies alimentaires (oeuf, fruits exotiques, banane, ananas, letchis, châtaignes) sont à différencier des intolérances aux aliments riches en histamine (poissons et viandes fumés, fromage, chocolat, vin blanc, salami).
Myocardiopathies Il faut d'abord évaluer la cardiopathie, généralement connue et souvent négligée : hypertensive, ischémique, valvulaire, son caractère symétrique ou obstructif. On précise son retentissement en recherchant les signes d'insuffisance cardiaque. Le patient est classé selon la New York Heart Association [11]. Le traitement, l'anesthésie, la chirurgie sont adaptés. L'évaluation de la fonction myocardique préopératoire repose moins sur l'électrocardiogramme ou la radiographie pulmonaire que sur la fraction de raccourcissement chiffrée par l'échocardiographie [17].
Insuffisance respiratoire Une insuffisance respiratoire restrictive et/ou obstructive est un facteur de risque important, en particulier en cas de chirurgie abdominale (cures d'éventrations, abdominoplasties...). En effet, après l'intervention les volumes et les débits diminuent en raison de la douleur, du dysfonctionnement diaphragmatique et des microatélectasies déclives aggravant la défaillance respiratoire préexistante. [10].
Chez l'insuffisant respiratoire obstructif, les résistances bronchiques s'élèvent en postopératoire, augmentent la fatigue ventilatoire, génèrent des bronchospasmes, retardent le sevrage du ventilateur. L'évaluation de la fonction ventilatoire préopératoire sera alors indispensable par la réalisation d'épreuves fonctionnelles respiratoires et éventuellement d'une gazométrie artérielle.
Diabète
[23]
La macroangiopathie est responsable de nécroses myocardiques silencieuses dépistées en peropératoire par l'analyse du segment ST, et responsable de bas débits au niveau des membres. La microangiopathie hypertensive.
est
responsable
d'insuffisance
rénale,
de
poussée
La neuropathie et la dysautonomie [24] contre-indiquent les anesthésies médullaires. Les cicatrices sont médiocres. Les infections sont fréquentes, en particulier à staphylocoques (urinaire, cutanée).
Encéphalopathies chroniques Les patients infirmes moteurs cérébraux sont hospitalisés le plus souvent pour des soins dentaires tardifs et des avulsions multiples. Ils sont hospitalisés accompagnés par un parent. L'anesthésie ambulatoire est contre-indiquée (défaut du critère psychologique). L'incompréhension de leur propos, leur angoisse irraisonnable à la moindre contrariété et leurs cris compliquent la consultation préanesthésique, l'installation au bloc et l'induction anesthésique.
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PRÉ PARATION DU PATIENT
Préparation chirurgicale Il est impossible d'être exhaustif, tant la pathologie est diverse en chirurgie maxillofaciale et les variantes nombreuses. Au même titre que le médecin anesthésiste, dans son domaine de compétences, le chirurgien doit informer le patient des raisons de l'intervention, des modalités opératoires, de la durée prévisible de celle-ci, des risques connus, des suites opératoires prévisibles, des complications éventuelles, des résultats attendus, de la durée d'hospitalisation... Cette prise en charge initiale est primordiale, ce consentement éclairé obligatoire. L'indication opératoire posée, l'examen clinique effectué et les examens complémentaires consultés, le chirurgien prend alors contact avec l'anesthésiste pour préparer l'intervention. Différents paramètres doivent être précisés : l'importance de l'intervention évaluée schématiquement sur le terrain, l'âge, la durée de l'intervention, le risque hémorragique ou infectieux, les
difficultés prévisibles à chaque temps du geste opératoire... ; les impératifs d'ordre technique : position opératoire, changement de position pendant l'intervention, immobilisation de la tête, packing, mode d'intubation, sonde nasogastrique, nécessité d'un examen histologique extemporané ; les modalités de surveillance postopératoire : nécessité d'une prise en charge en réanimation ou simple surveillance rapprochée dans le service, surveillance des drains éventuels, prévention de l'infection et/ou de l'oedème, reprise de l'alimentation, nécessité d'un blocage intermaxillaire par exemple ou soins particuliers... Autrement dit, tout doit être prévu et préparé, autant que faire se peut, avant l'intervention.
Préparation anesthésique : consultation d'anesthésie Risque anesthésique Le risque anesthésique ne doit pas être disproportionné vis-à-vis du risque opératoire. En chirurgie esthétique, le risque anesthésique est le risque majeur, le risque opératoire n'est que le risque fonctionnel. En chirurgie plastique réparatrice, où l'intervention est beaucoup plus lourde, avec mise en place de lambeau, de prothèse, de greffon, ce sont essentiellement les problèmes d'intubation difficile et d'anesthésie de longue durée qui prédominent [5].
Détection de l'intubation difficile prévisible Il existe de nombreux scores et tests permettant de la dépister .
Critères de Mallampati
[21]
Classe 1 : la luette, le palais mou, les piliers du voile ainsi que la paroi postérieure du pharynx sont vus. Classe 2 : visibilité du palais mou et de la luette. Classe 3 : visibilité du palais mou et de la base de la langue. Classe 4 : palais mou invisible.
É tude de la mobilité rachidienne selon Bellhouse et Doré Stade 1 : ouverture buccale supérieure à 35°. Stade 2 : ouverture buccale réduite d'un tiers. Stade 3 : ouverture buccale réduite de deux tiers. Stade 4 : ouverture nulle.
Critères anatomiques (osseux) de White et Kander
Augmentation de la hauteur de la mandibule (partie postérieure supérieure à 29 mm). Diminution de la distance séparant l'occiput de l'apophyse épineuse de l'atlas (inférieure à 4 mm). Diminution de la distance séparant l'apophyse épineuse de l'atlas de celle de l'axis. Diminution de la mobilité de la mâchoire inférieure par atteinte de l'articulation temporomaxillaire.
Score de Wilson (tableau I) Un score supérieur à 2 laisse présager une intubation difficile
[18]
.
Préparation du diabétique Non insulinodépendant En cas de chirurgie mineure, les biguanides sont arrêtés 24 heures avant l'intervention, les sulfamides sont continués jusqu'à la veille. En cas de chirurgie majeure, le protocole est le même avec une surveillance rapprochée de la glycémie.
Insulinodépendant En cas de chirurgie mineure, la dose habituelle est divisée de moitié. Dans la chirurgie majeure, le relais de l'insulinothérapie sous-cutanée pour l'insulinothérapie intraveineuse continue est institué la veille. Le protocole d'insulinothérapie évite une correction trop ajustée de la glycémie tout en restant sous le seuil rénal (surveillance par les bandelettes urinaires) pour éviter toute hypoglycémie.
Méthodes de lutte contre le sepsis
[19]
Préparation du site opératoire Le lavage des dents avant l'intervention, voire un détartrage - certains préconisent des antibiotiques (érythromycine et néomycine, ou clindamycine) les bains de bouche après l'intervention diminueraient significativement le nombre de germes. Les aérosols d'antibiotique sont inefficaces.
Antibiothérapie Antibioprophylaxie Elle reste encore mal connue en chirurgie maxillofaciale, mais les principes
heures au maximum, la première administration est faite 1 heure au moins avant l'incision chirurgicale (donc au lit du patient et non pas à l'arrivée au bloc) [13]. La posologie est standardisée, à efficacité similaire, l'antibiotique le moins onéreux est choisi [22]. Cependant il n'existe pas d'étude randomisée suffisante et l'antibioprophylaxie sera celle adoptée lors de la conférence de consensus de 1992 (tableau II).
Cas particuliers On ne préconise aucune chimioprophylaxie pour la chirurgie cervicofaciale propre : glandes salivaires et chirurgie alvéolaire, chirurgie de curage ganglionnaire, chirurgie vélopalatine. L'antibioprophylaxie de prévention de la maladie oslérienne : elle prime sur l'antibioprophylaxie du geste chirurgical. La fréquence de l'endocardite infectieuse ne baisse pas actuellement. Le protocole comprend 2 g d'amoxicilline en préopératoire et 1g 6 heures après. En cas d'allergie le protocole est de 1g de vancomycine ou 400 mg de téicoplanine en dose unique. L'antibiothérapie curative : l'infection est déjà présente, c'est une classe III d'Altemeier, on continue les antibiotiques en cours. L'antibiothérapie est maintenue 5 jours . La présence d'un drain n'est pas une indication de prolongation de l'antibioprophylaxie. Les drains permettent de traiter une collection ce que ne peuvent faire les antibiotiques, même à forte dose ; ils sont souvent contaminés lors du retrait et la bactériologie est peu rentable sur les drains.
Prévention de la maladie thromboembolique
[15]
La maladie thromboembolique est prévenue par les antithrombotiques (héparine non fractionnée, héparine de bas poids moléculaire, antivitamines K) et l'aspirine, les dextrans, les bas de contention mis en place avant l'intervention et conservés au bloc, le lever précoce, les bas à varices, l'hémodilution. La multiprévention est indispensable sur les terrains à risque.
Classification ASA Au terme de la consultation d'anesthésie, transcrite sur la fiche d'anesthésie (document médicolégal), accompagnée du bilan paraclinique du patient la classification de l'ASA (American Society of Anesthesiologists) permet de quantifier le risque anesthésique. Classe I : patient en bonne santé. Classe II : patient présentant une atteinte modérée d'une grande fonction. Classe III : patient présentant une atteinte sévère d'une grande fonction qui n'entraîne pas d'incapacité. Classe IV : patient présentant une atteinte sévère d'une grande fonction, invalidante et qui met en jeu le pronostic vital. Classe V : patient moribond dont l'espérance de vie est inférieure à 24 heures avec ou sans intervention chirurgicale. Cette classification simple permet de préciser la stratégie interventionnelle
périopératoire adaptée au patient en accord avec le chirurgien.
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CONCLUSION La préparation du patient à la chirurgie maxillofaciale exige une coopération étroite entre le chirurgien et l'anesthésiste afin d'amener le patient dans les meilleures conditions physique et psychologique au bloc opératoire et de minimiser les conséquences de l'acte chirurgical, la qualité des suites opératoires dépendant largement de la qualité de la prise en charge préopératoire.
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during
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head
and
infectieuse
neck
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autonomic
© 1997 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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Tableaux Tableau I. Tableau I. - Score de Wilson. Niveau
Facteur de risque 0
1
2
Poids (kg)
< 90
90 � 100
> 100
Mouvements de la t�te et
> 90
90
> 90
>5
=5
<5
normal
mod�r�
s�v�re
normales
longues
pro�minentes
du cou (�) Ouverture de la bouche (cm) R�trognathisme Incisives sup�rieures
Tableau II. Tableau II. - Antibioprophylaxie. Acte chirurgical Chirurgie
Produits
Posologie
Dur�e
Co�t 1993
c�fazoline
2g
24 h
73 F
Med
pr�op�ratoire puis 1 g/8 h cervicofaciale avec ouverture buccopharyng�e
p�nicilline A + IB * alternative : clindamycine + gentamicine
Chirurgie plastique et reconstructive Classe I
c�fazoline
2g
24 h
pr�op�ratoire puis 1 g/6 h 600 mg/12 h 1,5 mg/kg/8 h
2g pr�op�ratoire
� 110 F (Unacim�) 24 h
138 F 127 F
dose unique
29 � 58 F
r�injection si ur�e > 3 h dose unique
Classe II
p�nicilline A + IB *
* Inhibiteur de b�talactamase
102 F (Augmentin�)
2g
r�injection
pr�op�ratoire
si dur�e > 2h
32 � 63 F (Augmentin�) 34 � 74 F (Unacim�)
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-400-A-10 (2004)
22-400-A-10
Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale J.-P. Meningaud G. Toure
Résumé. – Tout comme la recherche clinique, la recherche évaluative s’intéresse aux résultats des thérapeutiques. Elle s’en distingue par le fait de se placer systématiquement du point de vue du patient. Ainsi les mesures ne concernent pas des données physiques ou des tests de laboratoire mais visent à évaluer ce que ressent le patient. Ce type d’étude est absolument fondamental en chirurgie esthétique car le bénéfice réel de ce type de chirurgie n’est pas fonctionnel mais subjectif. La recherche évaluative permet d’apporter des réponses au problème éthique du rapport bénéfice-risque des interventions de chirurgie esthétique. Elle permettra, au fur et à mesure de ses progrès, de mieux cerner les indications. En recherche évaluative, la mesure peut être recueillie sous la forme d’un indice de satisfaction, d’une échelle de qualité de vie ou d’une échelle d’évaluation en psychologie. Les indices de satisfaction ont l’immense avantage de leur simplicité mais souffrent de la facilité avec laquelle des réponses peuvent être induites. Ils fonctionnent essentiellement avec des échelles visuelles analogiques sur le modèle de ce qui très répandu pour l’évaluation de la douleur. Les tests de qualités de vie intègrent en un seul score différents domaines comme des critères physiques, sociaux, psychologiques et émotionnels. On distingue les tests génériques et les tests spécifiques. Les derniers tiennent compte de la pathologie ou de demande de soins du patient, en l’occurrence d’une demande de chirurgie esthétique. Les tests génériques visent à quantifier la qualité de vie globale du patient sans tenir compte de sa demande, ils sont souvent moins biaisés. Enfin, les échelles d’évaluation en psychologie sont naturellement les plus employées étant donné la nature psychologique de la demande de chirurgie esthétique. Elles explorent la dépression, l’anxiété, l’image corporelle, etc. Une revue de la littérature fait apparaître que la chirurgie esthétique maxillofaciale n’améliore pas les indices de dépression. Elle améliore indiscutablement la confiance en soi, l’estime de soi et l’image corporelle. La chirurgie esthétique améliore les tests génériques ou spécifiques de qualité de vie lorsque ceux-ci incluent certains paramètres psychologiques précités. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Recherche évaluative ; Esthétique ; Chirurgie maxillofaciale ; Éthique
Qu’est-ce que la recherche évaluative ? Il est difficile de trouver un équivalent français de l’expression anglaise « outcome research ». En effet, la traduction littérale « recherche sur les résultats » reste ambiguë et ne permet pas une distinction vis-à-vis de la recherche clinique classique. L’expression, souvent employée, « évaluation des pratiques » embrasse un champ beaucoup plus large, puisqu’elle s’intéresse tout aussi bien à des aspects organisationnels, institutionnels ou économiques. L’expression « étude de qualité de vie » est en revanche trop restrictive. En effet, la qualité de vie n’est que l’une des composantes permettant de mesurer la satisfaction globale du patient. Enfin l’expression « enquête de satisfaction » a tendance à faire référence à des études où le patient cote lui-même directement sa satisfaction. C’est pourquoi, faute de mieux, nous adopterons dans notre propos, l’expression « recherche évaluative ». Tout comme la recherche clinique, la recherche évaluative s’intéresse aux résultats des thérapeutiques. Elle s’en distingue par le fait de se placer systématiquement du point de vue du patient. Ainsi les
J.-P. Meningaud Adresse e-mail : [email protected] Service de chirurgie maxillofaciale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. G. Toure Service de chirurgie maxillofaciale, centre hospitalier intercommunal, 40, allée de la Source, 94190 Villeneuve-Saint-Georges, France.
mesures ne concernent pas des données physiques ou des tests de laboratoire mais visent à évaluer ce que ressent le patient. Ce type d’étude est absolument fondamental en chirurgie esthétique car le bénéfice réel de ce type de chirurgie n’est pas fonctionnel mais subjectif. La recherche évaluative permet d’apporter des réponses au problème éthique du rapport bénéfice-risque des interventions de chirurgie esthétique. Elle permettra, au fur et à mesure de ses progrès, de mieux cerner les indications. En recherche évaluative, la mesure peut être recueillie sous la forme d’un indice de satisfaction, d’une échelle de qualité de vie ou d’une échelle d’évaluation en psychologie. Ainsi la recherche évaluative se propose d’objectiver et de mesurer les différents paramètres qui reflètent la satisfaction du patient suite à un acte thérapeutique. En chirurgie esthétique pure, le principal (voire l’unique) critère du succès est la satisfaction du patient. On conçoit aisément que si chacun peut parfaitement vivre avec des poches sous les yeux, des bajoues, ou une bosse ostéocartilagineuse, la demande est en fait d’origine psychique. Or, ce bénéfice peut être quantifié. Nous avons tous eu, dans nos consultations, des patients dont le résultat opératoire nous a déçu, mais qui étaient paradoxalement très heureux de leur intervention. Réciproquement, nous avons vu des patients, pour lesquelles nous avions techniquement honoré le contrat, s’avérer très insatisfaits. Cela illustre la nécessité des études en recherche évaluative, pour nous aider à faire porter l’indication opératoire sur ceux qui auront une chance d’être satisfaits, et à mieux conseiller ceux qui auraient a priori moins de chance de l’être.
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Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale
De même, des études prenant en compte la satisfaction finale du patient pour différents risques permettraient de pondérer au mieux l’importance du geste à réaliser. Ainsi les résultats de la recherche évaluative peuvent être mis en rapport avec les « études de risque ». L’un des meilleurs critères pour prendre une décision thérapeutique est le rapport « bénéfice sur risque ». Cependant ce « bénéfice » est souvent si peu estimé en chirurgie que l’on se contente du rapport « risque de faire sur risque de ne pas faire ». Ce mode décisionnel est certes souvent opérant, en chirurgie carcinologique par exemple, mais nettement moins en chirurgie sans bénéfice fonctionnel telles la chirurgie de donneur vivant, la chirurgie de conversion sexuelle et, bien entendu, la chirurgie esthétique. Imaginons que plusieurs études concordantes retrouvent que la satisfaction est la même après un lifting avec dissection complète du système musculoaponévrotique superficiel (SMAS) ou avec des plicatures ; il deviendrait alors évident qu’à satisfaction identique, il faudrait réaliser l’intervention jugée par une étude ad hoc comme la moins risquée.
Quelques données épidémiologiques situent l’importance d’une évaluation D’après l’ASPS (American Society of Plastic Surgeons), il y a eu, pendant l’année 2000 aux États-Unis (260 millions d’habitants, 73 millions d’interventions chirurgicales), 7,4 millions d’interventions de chirurgie esthétique, soit 2,84 % de la population en 1 an ou 10 % de l’effort chirurgical du pays. Pour la même année, l’American Society for Aesthetic Plastic Surgery (ASAPS : http : //www.surgery.org/press/statistics-2002.asp) avance un chiffre moindre mais tout de même de 5,7 millions (6,9 millions en 2002) et précise que ces chiffres ont augmenté de 25 % en un an et de 173 % entre 1997 et 2000. Selon la même source depuis 1997 : les interventions pour liposuccion ont augmenté de 113 %, les prothèses mammaires de 101 %, les mammoplasties de réduction de 88 %, les abdominoplasties de 72 %, les blépharoplasties de 33 % ; et le lifting de 4 %. Les chiffres de la médecine esthétique ont explosé avec une augmentation du Botoxt de 120 % soit 1 096 611 de procédures. Ces chiffres ont été obtenus à partir de différents types de déclarations. Ils sont donc forcément sous-évalués. Une partie des interventions, liposuccions, paupières supérieures, implants de cuir chevelu, ainsi que certaines injections (Botoxt, acide hyaluronique, etc.) échappent à ce recensement. De plus, les procédures esthétiques en rapport avec l’orthodontie, l’orthopédie dento-maxillo-faciale et la chirurgie dentaire ne sont pas prises en compte dans cette statistique. Il est de plus en plus fréquent de voir des patients demander un traitement orthodontique pour une légère rotation d’une seule dent, la mise en place de facettes, ou le changement de tous les amalgames pour des composites. En France, d’après le journal Les Echos, le « marché » de la chirurgie esthétique augmente de 10 % par an. L’ASAPS prévoit une augmentation importante de cette activité au États-Unis en 2004, et l’attribue à l’amélioration du taux de croissance de l’économie américaine. Une pratique qui concerne par an environ 3 % d’une population et près de 10 % de l’effort chirurgical d’une nation mérite que les professionnels ouvrent le débat éthique et peut-être d’autant plus qu’elle concerne des personnes « bien portantes, demandeuses et consentantes ». Bien que la chirurgie esthétique soit le domaine en plus forte expansion de la chirurgie, ses effets sur les patients ne sont par encore bien compris.
Quelques données qualitatives pour situer l’importance de l’enjeu Le corps semble vécu par nos contemporains comme un matériau d’une grande plasticité comme en témoignent la mode du bodybuilding, l’obsession des régimes alimentaires, la chirurgie de conversion sexuelle, l’engouement pour le tatouage et le piercing et 2
Stomatologie
naturellement la chirurgie esthétique. [26] Au-delà des demandes classiques de chirurgie de rajeunissement ou d’embellissement qui prennent pour modèle un idéal de jeunesse ou de beauté grécoromaine, émergent les demandes dites « Star treck ». Dans nos consultations apparaissent ainsi de plus en plus des requêtes qui sortent de la norme ; réalisation d’une fossette ou d’un pli au niveau du menton, création d’un relief par mise en place d’un implant sous la peau du front, bridement des yeux d’un Européen, allongement des canines sont quelques exemples que nous avons pu personnellement rencontrer. Pourtant, parallèlement, les psychothérapies abondent : familiales, comportementales, analytique, etc. Notre société réclame des psychologues dans toutes sortes de situations : en victimologie (victimes et professionnels), au travail (harcèlement moral, sexuel, plans sociaux…), en privé (divorce, addiction…), en milieu scolaire (syndrome d’hyperactivité, racket…), dans les institutions (prisons, hôpitaux, service d’aide médicale d’urgence [Samu] social…), etc. La presse, les émissions de télévision et de radio consacrées à la psychologie ont un immense succès. Les séminaires professionnels sur la gestion du stress, la communication, la caractériologie ou la gestion des conflits abondent. Ainsi notre société ne renie donc pas, bien au contraire, l’apport d’une réflexion et un appel à l’aide sur les mécanismes de la pensée. Mais, après la révolution sexuelle, elle se prépare à vivre une révolution non moins capitale dans son histoire, celle du corps, conduisant à vivre de façon radicalement différente les rapports corps, âme, esprit ; en rupture avec une vision séculaire. Le corps ne se contente plus d’être entretenu pour le profit de l’esprit selon l’adage mens sana in corpore sano. Le corps mortel n’est plus méprisé comme la dernière entrave face à une vie spirituelle gage d’éternité. Il n’est plus réduit à sa composante génétique, vision commode pour exclure une partie de l’humanité, même si les tentations eugénistes demeurent récurrentes. Le corps n’est plus davantage vécu de façon exclusivement positiviste, étendard d’une médecine triomphante. Notre société postmoderniste, orientée par la recherche d’une certaine liberté formelle, l’éclectisme et la fantaisie, souhaite pouvoir modeler le corps à l’image de ses représentations. La technique aidant, le corps devient plus plastique que la pensée. Notre société veut s’en libérer afin de passer d’un corps objet à un corps sujet, d’un corps que l’on a, à un corps que l’on est.
La recherche évaluative est une exigence éthique La chirurgie esthétique pose le problème éthique du rapport bénéfice/risque des interventions sans bénéfice fonctionnel. Lorsqu’un patient présente une fracture de jambe, une occlusion intestinale, ou un trouble de la perméabilité des fosses nasales, le bénéfice attendu de l’intervention est évident. En revanche, concernant les procédures esthétiques, ce bénéfice est beaucoup plus subtil à appréhender. S’il existe, il se situe à un niveau psychologique. Il faut donc mettre en balance un risque certain, celui d’une anesthésie générale, d’une complication éventuelle, d’une indisponibilité temporaire, d’un coût avec un bénéfice difficile à évaluer par le clinicien. « Me sentir mieux dans ma peau », « avoir plus confiance en moi », « améliorer l’estime de moi-même » sont en général les objectifs affichés du patient lorsqu’on lui pose, avec conviction, la question : « que changera cette intervention dans votre vie ? ». Les raisons professionnelles, certains motifs fonctionnels ne sont, la plupart du temps, que des alibis. Des raisons beaucoup plus subtiles peuvent se cacher derrière la demande esthétique. On parvient quelquefois à les appréhender lorsque l’on demande au patient « quel est l’événement qui a déclenché la demande ? », « depuis quand avez-vous envie de vous faire opérer ? » ou « depuis combien de temps envisagez-vous de vous faire opérer ? » (l’envie pouvant précéder le passage à l’acte de plusieurs années) et surtout lorsque l’on instaure un climat de confiance. Une grande différence d’âge avec le conjoint, un divorce récent, un problème relationnel non résolu avec l’un des parents (« le nez du père ») ne sont que quelques exemples courants.
Stomatologie
Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale
Ainsi, les procédures esthétiques posent des problèmes éthiques considérables. Peut-on faire courir un risque, si faible soit-il, à un patient lorsqu’on n’est pas sûr du bénéfice que cette intervention pourra lui apporter ? Une information bien faite et un consentement suffisent-ils à rendre cette intervention éthique ? Cela reviendrait à privilégier le concept d’autonomie du patient, actuellement très favorisé dans la problématique éthique anglo-saxonne, beaucoup moins par les préférences philosophiques françaises, plus paternalistes. Ce point mériterait d’être beaucoup plus détaillé. Il est toujours saisissant de constater comment les pratiques médicales et notamment les attentes des patients (clients, usagers) diffèrent en fonction des statuts juridiques de part et d’autre de l’Atlantique. Concernant les procédures esthétiques, les deux aspects qui sont très majoritairement abordés sont les techniques et les aspects juridiques. Pourtant, cela ne permet pas de répondre aux questions fondamentales. Quelle est la motivation réelle des personnes en demande d’une procédure esthétique ? [31] Au-delà de l’apparence, qu’est-ce qui est réellement changé après une chirurgie esthétique ? Dans quelle mesure ? Pour quels patients ? Toute intervention comprend un risque et un bénéfice. De l’estimation de ce rapport peuvent découler une indication pertinente et un consentement mieux éclairé. Pourtant en chirurgie esthétique, si les risques sont parfois étudiés, les bénéfices réels ne le sont que très ponctuellement. Avant chaque acte chirurgical, le chirurgien consciencieux se pose deux types de questions : dois-je faire ? et si oui, comment faire ? Les corollaires de cette question sont, bien entendu : que se passerat-il si je le fais ? quel bénéfice ? pour quel risque ? que se passera-t-il si je ne fais pas ? Contrairement à ce que pense le sens commun, des centaines de milliers d’interventions chirurgicales ont été réalisées sans répondre à cette question qui paraît pourtant aller de soi. Des centaines de milliers de patients ont été opérés sans certitude sur la pertinence scientifique de l’indication. Ainsi en est-il des appendicectomies systématiques jusqu’au jour où fut établi que le risque (occlusion sur bride) était supérieur au bénéfice. Une pratique médicale ne peut être responsable que si elle se met en capacité de mesurer les conséquences de ses actes. En chirurgie esthétique, la recherche évaluative est indispensable.
Quelles sont les caractéristiques d’une bonne échelle d’évaluation ? Lorsque l’on choisit un test, plusieurs critères sont nécessaires. Il faut d’abord vérifier son domaine d’application, c’est-à-dire ce qu’il est supposé mesurer, par exemple la qualité de vie, la dépression, [39] l’anxiété, la confiance en soi, etc. Il faut ensuite s’intéresser à son mode de passation. Quelles sont les consignes de l’auteur du test pour le faire passer ? S’agit-il d’un questionnaire en autoévaluation ? d’un jeu de rôle ? d’un entretien semi-directif ? etc. Puis, il faut vérifier le mode de cotation du test. Y a-t-il une grille de cotation ? Une double grille ? Une échelle visuelle analogique ? etc. Enfin, et c’est le plus important, il faut vérifier comment le test a été validé. Les études de validation sont l’équivalent de l’étalonnage pour la pesée. Il faut tout d’abord vérifier que le test a été validé sur une population similaire à celle que l’on veut étudier. En effet, un test validé sur une population anglo-saxone n’est pas directement utilisable sur une population européenne. Les études de validation réalisées, explorent, bien entendu, les notions classiques de la statistique telle la sensibilité, la spécificité, mais aussi la fiabilité testretest, la fidélité inter-juge, la validité de convergence, et éventuellement la consistance interne. La fiabilité test-retest mesure la probabilité d’obtenir le même score à très brève échéance. Un test où les notes seraient très différentes alors qu’aucune action n’a été entreprise sur le patient ne peut pas être considéré comme fiable. La fidélité inter-juge mesure que le test n’est pas ou peu passeurdépendant. Cette donnée est importante lorsque plusieurs personnes font passer les tests, notamment dans les études multicentriques. La validité de convergence est une donnée absolument fondamentale. En effet, l’étalonnage des tests ne se fait pas ex nihilo, il se fait par
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référence à d’autres tests souvent beaucoup plus lourds à faire passer. La consistance interne est une donnée évaluant la cohérence d’un test lorsque celui-ci mesure plusieurs aspects.
Quels sont les principaux instruments utilisés en recherche évaluative plastique et maxillofaciale ? Les instruments existants peuvent être classés en trois catégories : les échelles de satisfaction, les échelles d’évaluation en psychologie, et les études de qualité de vie. Les évaluations objectives n’en font pas partie ; elles quantifient directement des changements physiques. Il s’agit pour l’essentiel de méthodes anthropométriques [ 1 ] éventuellement assistées par ordinateur. [ 2 ] Naturellement, les évaluations objectives ne quantifient pas le bénéfice réel de la chirurgie esthétique, mais peuvent avoir un intérêt du point de vue technique et en association avec les méthodes précitées. ÉCHELLES DE SATISFACTION
Elles ont l’immense avantage de leur simplicité. Elles mesurent la satisfaction du patient à l’aide d’une note ou d’une échelle visuelle analogique sur le modèle de ce qui se fait pour la douleur. Elles souffrent de la facilité avec laquelle des réponses peuvent être induites. Pour éviter ce biais, il est souvent fait appel à une interface, évaluateur indépendant ou photo. Malgré leur faiblesse, leur usage est certainement appelé à augmenter pour plusieurs raisons : beaucoup de problèmes en chirurgie esthétique relèvent intuitivement de cette technique d’évaluation, ce type d’échelle peut être combiné aux autres modes, enfin ce type d’étude est le plus simple à mettre en œuvre pour le chercheur qui souhaite commencer à quantifier ses résultats en se plaçant dans la perspective du patient. TESTS DE QUALITÉ DE VIE
Les tests de qualité de vie intègrent en un seul score différents domaines comme des critères physiques, sociaux, psychologiques, émotionnels, voire spirituels. On distingue les tests génériques et les tests spécifiques. Les derniers tiennent compte de la pathologie ou de la demande de soins du patient, en l’occurrence d’une demande de chirurgie esthétique. Les tests génériques visent à quantifier la qualité de vie globale du patient sans tenir compte de sa demande, ils sont souvent moins biaisés. Le Tableau 1 donne quelques exemples (non exhaustifs) d’études utilisant des échelles de qualité de vie. Ne pouvant tous les décrire, nous décrivons très succinctement le EQ-5D3 à titre d’exemple : c’est un test générique développé par un groupe multidisciplinaire de chercheurs européens en 1987. Il a été conçu pour être rempli directement par les sujets enquêtés. Simple dans sa formulation, ne prenant qu’une minute à remplir, il convient très bien pour de grandes enquêtes cliniques. Le EQ-5D se présente essentiellement sous forme de deux pages, i.e. : un questionnaire fermé, permettant un autoportrait de l’état de santé orienté sur cinq aspects fondamentaux, chaque aspect donne lieu à trois réponses possibles. Au total, 243 états de santé possibles peuvent être définis de cette façon. Le EQ-5D VAS (visual analogic scale) reflète l’état de santé global (physique et psychologique) estimé par le patient grâce à une échelle visuelle analogique graduée de 0 à 100 sur le modèle d’un thermomètre. ÉCHELLES D’ÉVALUATION EN PSYCHOLOGIE
Ce sont naturellement les plus employées étant donné la nature psychologique de la demande de chirurgie esthétique. Le Tableau 2 donne quelques exemples de tests utilisés dans cette catégorie. Ne pouvant tous les décrire, nous décrirons (très succinctement) le Social Interaction Self-Statement Test (SISST) à titre d’exemple4. C’est 3
Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale
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Stomatologie
Tableau 1. – Exemples d’échelles de qualité de vie utilisées en chirurgie esthétique faciale Échelle
Générique/spécifique
Étude décrivant l’échelle
Étude utilisant l’échelle
Derriford apparence Scale [8] EQ–5D
Spécifique Générique
Klassen et al, 1998 [7] The EuroQol Group 1990 [3]
Health Measurement Questionnaire
Générique (en fait quelques éléments spécifiques)
Gudex et Kind1988 [11]
Short Form 36 Rhinoplasty Outcomes evaluation Facelift Outcome Evaluation Blepharoplasty Outcome Evaluation Skin Outcome Evaluation
Générique Spécifique Spécifique Spécifique Spécifique
Ware 1993 [14] Alsarraf 2000 [16] Alsarraf 2000 Alsarraf 2000 Alsarraf 2000
Harris et Carr 20013 (étude de validation) Meningaud et al. 2001 [3] Meningaud et al. 2003 [10] Cole et al. 1994 [12] Rankin et al. 1998 [13] Klassen et al. 1996 [15] Alsarraf 2002 [17] (étude de validation) Alsarraf 2002 (étude de validation) Alsarraf 2002 (étude de validation) Alsarraf 2002 (étude de validation)
Tableau 2. – Exemples d’échelles d’évaluation en psychologie utilisées en chirurgie esthétique faciale Échelle
Cible
Étude décrivant l’échelle
Étude utilisant l’échelle
Facial Appearence Sorting Test
Image corporelle
Copas et Robin 1989 [18]
Robin et Copas 1988 [19]
Body Image Inventory
Image corporelle
Berscheid et al.1973 [20]
Ozgur et al. 1998 [21]
Multidimensional Body-Self Relations Questionnaire (MBSRQ)
Image corporelle
Cash 2000
Semantic differential test
Image corporelle
Osgood et al. 1957 [24]
Burk et al. 1985 [25]
Body Cathexis Scale
Image corporelle
Secord et Jourard 1953 [26]
Marcus 1984 [27]
Rosenberg’s Self Esteem Scale
Estime de soi
Ronsenberg 1965
Self-Esteem Inventory
Estime de soi
Coopersmith 1986 [29]
Ozgur et al. 1998 [21]
Minnesota Multiphasic Personality Index (MMPI)
Évaluation psychiatrique générale
Hathaway et McKinley 1970 [30]
Wright 1975 [31]
Brief Symptom Inventory
Évaluation psychiatrique générale
Derogatis et al. 1982
Crown Crisp Experimental Index
Évaluation psychiatrique générale
Crown et Crisp [34]
Slator et Harris 1992 [35]
Beck Depression Inventory
Dépression
Beck et al. 1990 [36]
Goin et al. 1980 [37]
Hamilton depression scale
Dépression
Hamilton 1967
Montgomery and Asberg Depression Rating Scale (MADRS)
Dépression
Montgomery et Asberg 1979 [39]
Social Interaction Self-Statement Test (SISST)
Relations interpersonnelles
Glass et al. 1982
Fundamental Interpersonal Relations Orientation-Behavior (FIRO-B) Body dysmorphic disorder Examination self-report
Relations interpersonnelles
Schutz 1958 [40]
Goin et al. 1980 [33]
Dysmorphophobie
Rosen et Reitter1996 [41]
Sarwer et al. [42]
General Health Questionnaire
Bien-être psychologique
Goldberg et Hillier 1979 [43]
Klassen et al. 1996 [15]
[22]
Pertschuk 1998 [23]
[28]
Klassen et al. 1996 [15]
[32]
[38]
Goin et Rees 1991 [33]
Goin et al. 1980 [33] Meningaud et al. 2001 [9] Meningaud et al. 2003 [10]
[4]
Meningaud et al. 2001 [9] Meningaud et al. 2003 [10]
l’une des meilleures échelles d’évaluation développées pour quantifier la sévérité de la phobie sociale et la symptomatologie anxieuse dans le contexte des relations hétérosociales grâce à un double score (pensées facilitatrices ou inhibitrices). Il s’agit d’une échelle d’autoévaluation comprenant 30 variables cotées de 1 à 5 (de 1 = je n’ai presque jamais eu cette pensée à 5 = j’ai très souvent cette pensée). Plusieurs études ont montré une bonne cohérence interne et une bonne validité convergente. Seule l’échelle négative différencie deux types de sujets phobiques sociaux : les sujets ayant peur de l’interaction sociale ont de plus hauts scores que les sujets ayant peur de parler en public.
Quelques résultats en recherche évaluative dans le domaine de la chirurgie esthétique maxillofaciale En préambule, précisons que les résultats de la chirurgie esthétique faciale ne sont pas superposables à ceux de la chirurgie esthétique de la silhouette. [10] Les problématiques sont différentes. Le visage est le centre de l’identité, l’interface privilégiée de la relation sociale. La chirurgie de réduction mammaire, la liposuccion et la plastie abdominales sont souvent liées à des problèmes de surpoids et indirectement à des problèmes fonctionnels. Ainsi les résultats de la chirurgie esthétique générale ne sont pas directement extrapolables à la chirurgie esthétique faciale. De même une distinction devrait théoriquement être faite entre la chirurgie d’embellissement facial et la chirurgie de rajeunissement. Sur cet aspect, les données sont encore très fragmentaires. La population candidate à une chirurgie esthétique faciale a des indices de dépression supérieurs à la population générale. [9] La 4
chirurgie esthétique faciale n’améliore pas les indices de dépression. [10] Les réactions dépressives sont fréquentes après une chirurgie esthétique (notamment le lifting [37]). Il s’agit le plus souvent d’une intensification passagère de symptômes préopératoires. [37] En revanche, elle améliore indiscutablement la confiance en soi qu’il s’agisse de la chirurgie de rajeunissement [37] ou celle d’embellissement. Il en va de même pour l’estime de soi [33] et bien entendu pour ce que l’on pourrait qualifier le bien-être psychologique global. [15] Elle améliore statistiquement les scores des échelles d’image corporelle, notamment dans le domaine de la rhinoplastie. [19] Elle améliore la cohérence entre l’image corporelle faciale et l’image corporelle globale, cette dernière étant souvent bonne. [25] Il existe une corrélation entre l’amélioration des scores d’image corporelle et la diminution de certains symptômes psychiatriques. [ 1 9 ] Des effets bénéfiques psychologiques et comportementaux ont pu être mis en évidence aussi bien à court terme qu’à long terme. [27] La chirurgie esthétique faciale améliore aussi bien les tests génériques ou spécifiques de qualité de vie mais cela semble lié exclusivement à l’amélioration de certains paramètres psychologiques précités contenus dans ces tests. [10] Les patients atteints du « body dysmorphic disorder » (terme non strictement équivalent à dysmorphobie dans la nosographie psychiatrique actuelle), représentent environ 5 % des patients de la clientèle d’un chirurgien esthétique. [5] C’est statistiquement le nez qui est le plus souvent le centre de leurs préoccupations. Ils ne bénéficient pas de la chirurgie esthétique. Un dépistage de ce syndrome par le chirurgien lui-même apparaît nécessaire afin que le patient puisse être adressé au praticien compétant. [42] Ces patients ne doivent pas être adressés à un autre chirurgien, comme cela peut souvent se voir lorsque le premier chirurgien se sent dépassé, mais à un psychiatre en vue d’une psychothérapie comportementale et/ou d’un
Stomatologie
Recherche évaluative en chirurgie esthétique maxillofaciale
traitement médicamenteux. [6] Sur un autre plan, une étude explorant une cohorte de patients 5 ans après leur rhinoplastie n’a pas montré que la demande de rhinoplastie était le symptôme précoce d’une maladie psychiatrique sévère. [35]
Conclusion En guise de conclusion, nous voudrions insister sur trois aspects importants. Tout d’abord, au vu des résultats de la recherche évaluative, on conçoit que la chirurgie esthétique est un acte médical à part entière puisqu’il peut se révéler thérapeutique.
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Par ailleurs, la recherche évaluative en chirurgie esthétique n’en est qu’à ses prémices. Des études beaucoup plus fines seront réalisées dans les années à venir. Elles auront notamment pour objectif de comparer des procédures chirurgicales en utilisant comme outil de mesure des échelles d’évaluation, de telle sorte que des rapports bénéfice/risque puissent être calculés. Enfin, il semble indispensable pour le professionnel qui s’oriente vers la chirurgie esthétique d’avoir une formation initiale et continue sur les données de la recherche évaluative. Un chirurgien orthopédiste, cardiaque, ou viscéral est capable d’évaluer le bénéfice de ses interventions. Il devrait en être de même dans le domaine de la chirurgie esthétique. Cela n’exclut pas le recours ponctuel à un psychiatre.
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¶ 22-090-A-05
Risques de lésions du nerf lingual et de la corde du tympan en chirurgie orale et maxillofaciale L. Benouaiche, B. Michel, G. Couly Le nerf lingual, nerf sensitivosensoriel de la langue mobile, reçoit son contingent gustatif de la corde du tympan (nerf intermédiaire de Wrisberg ou VII bis). Le nerf lingual, en raison même de son trajet dans les parties molles du plancher buccal et de la région ptérygomandibulaire, est l’organe le plus exposé en chirurgie oro-maxillo-faciale (avulsion chirurgicale des dents de sagesse mandibulaires, sousmaxillectomie, taille du plancher buccal, sublingualectomie, glossectomie). Il est, avec le nerf alvéolaire de la mandibule, le nerf le plus lésé lors de tous les actes chirurgicaux. La corde du tympan est une structure anatomique gracile qui risque d’être lésée lors de la chirurgie de l’articulation temporomandibulaire (ankylose et fracture condylienne). La connaissance anatomique irréprochable de la topographie du nerf lingual dans les parties molles et la prudence technique requises de l’opérateur (trice) ne permettent pas de cautionner aujourd’hui l’aléa thérapeutique en cas de lésion nerveuse de ce nerf lors d’une intervention chirurgicale (38 ou 48 incluse) orale ou maxillofaciale. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Lésions du nerf lingual ; Lésions de la corde du tympan ; Sous-mandibulectomie ; Arthroplastie temporomandibulaire ; Avulsion des dents de sagesse mandibulaires ; Chirurgie oro-maxillo-faciale
Plan ¶ Introduction
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¶ Rappel de l’origine et du trajet anatomique du nerf lingual et de la corde du tympan Nerf lingual Trajet anatomique
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¶ Circonstances lésionnelles chirurgicales du nerf lingual Glossoplasties Chirurgie du plancher latéral de la bouche, par voie orale Lors de la sous-maxillectomie ou submandibulectomie par voie cutanée cervicale Lors de l’avulsion des dents de sagesse inférieures 38 ou 48 Lors de l’incision de Herntz de l’uranostaphylorraphie Sémiologie de la section du nerf lingual dans son trajet pelvibuccal
3 3 4 4 4 6 6
¶ Circonstances lésionnelles de la corde du tympan en chirurgie maxillofaciale 7 ¶ Sémiologie de la lésion de la corde du tympan
7
¶ Conclusion
7
mobile de langue sont majoritairement bivalents : pour les saveurs sucrées et salées. Le contingent nerveux gustatif quitte le nerf lingual dans la fosse ptérygomandibulaire et prend le nom de corde du tympan (VII bis). La base de la langue (le tiers postérieur) est innervée par les deux nerfs glossopharyngiens également sensitifs et gustatifs. Les deux territoires sont séparés par le « V » lingual matérialisé par les papilles caliciformes ou circumvallée. Lors de son trajet anatomique, le nerf lingual peut être menacé par divers actes chirurgicaux que nous exposons. La dangerosité potentielle de ces actes au cours d’interventions maxillofaciales et dentaires fait que la lésion chirurgicale du nerf lingual est, avec celle du nerf dentaire inférieur ou alvéolaire, la plus fréquente de toutes les lésions nerveuses répertoriées en chirurgie générale [1, 2] (Fig. 1).
■ Rappel de l’origine et du trajet anatomique du nerf lingual et de la corde du tympan (Fig. 2-5) [3]
■ Introduction Le nerf lingual, en raison même de son trajet dans les parties molles des régions ptérygomandibulaires, pelvibuccales et linguales, est le nerf le plus exposé au risque chirurgical oral et maxillofacial. La lésion du nerf est d’avenir incertain et a un retentissement sur l’oralité alimentaire et la vie de relation. Les nerfs linguaux droit et gauche, branches du nerf trijumeau (V e paire crânienne), sont originellement sensitifs et gustatifs pour la muqueuse de la portion mobile de la langue (les deux tiers antérieurs). Les récepteurs gustatifs de la portion Stomatologie
Afin de rester conforme au rôle neurosensoriel du nerf, nous décrivons son trajet à l’inverse des descriptions classiques : depuis son origine, à partir de la portion mobile de langue, car il s’agit d’un nerf transportant majoritairement des influx centripètes sensitifs et sensoriels gustatifs.
Nerf lingual Le nerf lingual prend son origine dans les récepteurs de la sensibilité générale de la muqueuse de la portion mobile de langue : terminaisons épicritiques, thermoanalgésiques et
1
22-090-A-05 ¶ Risques de lésions du nerf lingual et de la corde du tympan en chirurgie orale et maxillofaciale
Figure 1. Les lésions des branches du nerf maxillaire inférieur (incluant le nerf lingual) sont les plus fréquentes lors de la pratique chirurgicale stomatologique et maxillofaciale. Figure 3. Systématique du nerf lingual et de la corde du tympan. 1. Ganglion géniculé ; 2. nerf maxillaire inférieur ; 3. nerf lingual ; 4. papilles linguales ; 5. ganglion de Gasser ; 6. trijumeau ; 7. cortex gustatif ; 8. nerf facial ; 9. nerf intermédiaire de Wrisberg ; 10. noyau du faisceau solitaire ; 11. ganglion d’Andersch ; 12. corde du tympan ; 13. nerf glossopharyngien ; 14. ganglion submandibulaire parasympathique.
Figure 2. Schéma général du trajet de la corde du tympan depuis la scissure de Glaser, jusqu’à sa rencontre avec le nerf lingual dans la fosse ptérygomandibulaire. Schéma du trajet du nerf lingual dans le plancher buccal postérieur. 1. Nerf dentaire inférieur ; 2. nerf lingual ; 3. nerf du ptérygoïdien interne ; 4. apophyse ptérygoïde temporomaxillaire ; 5. artère temporale profonde moyenne ; 6. artère petite méningée ; 7. artère maxillaire interne ; 8. artère dentaire ; 9. artère ptérygoïdienne ; 10. muscle ptérygoïdien ; 11. corde du tympan ; 12. muscle ptérygoïdien interne ; 13. ligament ptérygoïdien maxillaire ; 14. ganglion submandibulaire ; 15. canal de Wharton ; 16. ganglion otique ; 17. nerf auriculotemporal ; 18. artère méningée moyenne ; 19. épine du sphénoïde ; 20. artère tympanique ; 21. articulation temporomandibulaire ; 22. artère carotide externe ; 23. ligament sphénomaxillaire ; 24. ligament stylomaxillaire ; 25. glande sous-mandibulaire.
protopathiques. De là, le contingent de fibres transite dans le nerf lingual, le trijumeau et le ganglion de Gasser, siège des cellules en T. Le nerf prend également origine à partir des récepteurs gustatifs de la même portion mobile de la langue, portés par les
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Figure 4. Schéma général du trajet du nerf lingual dans le plancher buccal, objectivant ses rapports avec la glande submandibulaire, le ganglion parasympathique submandibulaire, et le canal de Wharton, et la glande sublinguale ; 48 en situation anatomique est à proximité du nerf lingual dans la partie postéroexterne du plancher buccal. Le nerf lingual sous-croise le canal de Wharton. Il est attaché au pôle postérieur de la glande submandibulaire par le ganglion parasympathique du même nom. 1. Ptérygoïdien interne ; 2. ligament ptérygomaxillaire ; 3. nerf lingual ; 4. ganglion submandibulaire ; 5. glande sublinguale ; 6. canal de Wharton ; 7. canal de Rivinius ; 8. ganglion sublingual de Blandin ; 9. mylohyoïdien ; 10. glande submandibulaire ; 11. loge submandibulaire ; 12. paroi interne ; 13. grande corne de l’os hyoïde ; 14. tendon interne du digastrique ; 15. ligament et muscle stylohyoïdien ; 16. artère faciale ; 17. artère palatine ascendante.
papilles fongiformes, des régions apicale et marginale antérieure. Les fibres gustatives empruntent le nerf lingual et le quittent Stomatologie
Risques de lésions du nerf lingual et de la corde du tympan en chirurgie orale et maxillofaciale ¶ 22-090-A-05
trajet du nerf lingual dans le plancher de la bouche se fait en diagonale puisqu’en avant dans la partie latérale de la racine linguale, il se retrouve en arrière dans l’angle postérieur du plancher (Fig. 2, 4 ). Il quitte la loge submandibulaire par son angle postéroexterne toujours sous-muqueux à proximité de l’alvéole des dents 38 ou 48 dont il est séparé de 1 à 3 mm. Les dents de sagesse 38 et 48 surplombent la loge sous-mandibulaire dans sa partie postérieure et externe. Puis le nerf pénètre dans la région ptérygomandibulaire en sous-croisant le ligament ptérygomandibulaire contre le périoste de la table interne de la branche montante de la mandibule en dehors du muscle ptérygoïdien interne et monte verticalement dans l’espace interptérygoïdien pour rejoindre le nerf mandibulaire. Au cours de ce trajet, les fibres gustatives du VII bis le quittent pour constituer la corde du tympan.
A
“
Point fort
Le nerf lingual présente une exceptionnelle stabilité de son trajet pelvibuccal. Les anatomistes n’ont pas mentionné de variations de trajet [3]. Son diamètre est de 3 mm.
De la corde du tympan
B Figure 5. A. Rapport anatomique de la corde du tympan dans la scissure de Glaser avec la cavité glénoïde. B. Rapport de la corde du tympan avec l’anneau tympanal chez le nouveau-né. 1. Cavité glénoïde de l’articulation temporomandibulaire ; 2. scissure de Glaser ; 3. zygoma ; 4. squamosal ; 5. corde du tympan ; 6. os tympanal ; 7. os pétreux.
dans la fosse ptérygomandibulaire, devient alors la corde du tympan, puis passe par la scissure de Glaser, emprunte le nerf facial et prend le nom de nerf intermédiaire de Wrisberg ou VII bis après le ganglion géniculé. De là, les cellules du noyau du nerf font synapse avec un protoneurone vers le cortex gustatif. Par le nerf lingual transitent également des influx centrifuges d’origine parasympathique bulbaire dont l’origine est le noyau salivaire supérieur. Le contingent de fibres transite par le VII bis, la corde du tympan et rejoint le nerf lingual ; le protoneurone long fait synapse dans les ganglions juxtaglandulaire, sousmandibulaire et sublingual avec un neurone court qui assure la sécrétion salivaire des glandes sous-mandibulaires et sublinguales.
Trajet anatomique Du nerf lingual Sa connaissance est fondamentale pour éviter de léser le nerf (Fig. 2). L’arborescence sensitivosensorielle des fibres nerveuses dont l’origine sont les récepteurs des deux tiers antérieurs de la langue converge vers le tronc dans l’épaisseur de la masse musculaire linguale entre muscle hyoglosse et styloglosse. Puis le tronc traverse, par une direction antéropostérieure, le plancher latéral sus-mylohyoïdien de la bouche dans la partie supérieure de la loge sous-mandibulaire, sous la muqueuse buccale. À ce niveau, il contracte des rapports intimes avec le canal de Wharton qu’il sous-croise en X allongé de dedans en dehors en avant du bassinet de la langue. Puis il surcroise le pôle postérieur de la glande attaché à celle-ci par des fibres courtes, sécrétoires du ganglion sous-mandibulaire parasympathique. Le Stomatologie
Après un trajet dans un canal osseux autonome dans la scissure de Glaser, conjonction du tympanal du pétreux et du squamosal, c’est-à-dire dans la scissure pétrotympanale, la corde du tympan pénètre dans la caisse du tympan et se place dans l’épaisseur de la membrane tympanique en épousant le col du marteau. Au cours de son trajet dans la scissure de Glaser, quelles que soient les variations anatomiques, la corde du tympan est dans la paroi interne de la cavité glénoïde de l’articulation temporomandibulaire. Elle entre en rapport avec le ligament latéral interne, la capsule et la partie interne du ménisque de cette articulation. Chez le nouveau-né et pendant 3 ans, en raison de l’anatomie si particulière de cette région à cet âge, la corde du tympan émerge immédiatement de la caisse du tympan : celle-ci communique directement avec l’articulation. Les risques d’arthrite septique sont fréquents à cet âge en complication des otites et antromastoïdites bactériennes, particulièrement staphylococciques.
■ Circonstances lésionnelles chirurgicales du nerf lingual Au cours de son trajet lingual, pelvibuccal, et ptérygomandibulaire, le nerf lingual peut faire l’objet de lésions unilatérales lors d’actes chirurgicaux. Les lésions sont exceptionnellement bilatérales.
Glossoplasties Les glossoplasties ou résections apicales et antérieures de la portion mobile de langue ne sont plus aujourd’hui réalisées car éthiquement inacceptables. Leur réalisation passée consistait en une amputation mutilante pour des raisons fonctionnelles de la langue (les seules glossoplasties admissibles sont celles réalisées pour les macroglossies du syndrome de Wiedemann-Beckwith et les asymétries linguales rencontrées lors des dysplasies tissulaires de l’enfant, véritables monstruosités linguales). Les séquelles lésionnelles du nerf lingual au niveau de son arborisation, lors de ces interventions, sont des dysesthésies et des troubles de la gustation apicale (pour le salé et le sucré),
3
22-090-A-05 ¶ Risques de lésions du nerf lingual et de la corde du tympan en chirurgie orale et maxillofaciale
Figure 6. Sous-maxillectomie ou submandibulectomie. A. Le nerf lingual (1) est solidaire de la glande (2). B. Après section du ganglion submandibulaire, le nerf lingual (1) reste en place. La glande est encore solidaire du canal de Wharton (2) qui va être sectionné.
conséquence des lésions terminales de l’arborisation des deux nerfs dans la partie mobile de la langue.
Chirurgie du plancher latéral de la bouche, par voie orale Lithiases du canal de Wharton Constituée de carbonate de calcium, plus rarement d’oxalate, la lithiase peut comporter un ou plusieurs calculs. Ces lithiases peuvent siéger avant ou après le croisement du canal avec le nerf lingual. Avant le croisement, le ou les calculs sont dans le bassinet, c’est-à-dire dans une région postérieure du plancher buccal. Après le croisement, les calculs sont dans la partie libre du canal ; parfois le calcul est enclavé dans la portion terminale, c’est-à-dire dans l’ostium. C’est lors de la taille du canal de Wharton dans la partie latérale du plancher de la bouche, alors que le ou les calculs sont perçus à bout de doigt, que le nerf peut être lésé. L’incision du plancher, puis du canal, même de direction antéropostérieure, peut léser, voire sectionner le nerf, générant ainsi un syndrome complet d’anesthésie et d’agueusie de l’hémilangue homolatérale. La suture du nerf lésé, même immédiate, n’est malheureusement pas suivie, 1 à 2 ans plus tard, de la restitution de la normalité neurosensorielle.
Lors de l’exérèse de tumeurs bénignes du plancher Lors d’exérèse de kyste salivaire et de tumeurs muqueuses telles que lipomes, schwannomes, le nerf peut être menacé, surtout si la tumeur bénigne siège dans la partie postérieure du plancher ; ce qui impose son repérage premier.
Lors de la sous-maxillectomie ou submandibulectomie par voie buccale
submandibulaire. Le canal de Wharton est accompagné par un prolongement glandulaire sus-mylohyoïdien. Ainsi deux circonstances lésionnelles du nerf peuvent exister lors de la sous-mandibulectomie : • lors de la séparation du ganglion submandibulaire de la glande (Fig. 6A) ; • lors du décroisement du canal avec le nerf (Fig. 6B). La dissection minutieuse de la glande, en contrôlant de la vue tous ces éléments anatomiques, prévient les lésions. La sous-mandibulectomie intracapsulaire à l’aveugle ne doit pas être réalisée, car ne permet pas de contrôler, par la vision directe, la position du nerf lingual.
Lors de l’avulsion des dents de sagesse inférieures 38 ou 48 (Fig. 7-10) Qu’elles soient en situation anatomique ou incluses ou au stade de germe, 38 et 48 contractent, avec le nerf lingual, des rapports constants de grande proximité.
“
Point fort
L’orthopantomogramme ne rend jamais compte du rapport des dents de sagesse inférieures 38 ou 48, quelle que soit leur position, avec le nerf lingual ! À leurs niveaux, le nerf lingual mesure 3 mm de diamètre.
Dents de sagesse 38 ou 48 sur arcade (Fig. 4, 8)
Cette intervention n’est plus réellement pratiquée actuellement et n’a qu’un intérêt historique. Lors de cette intervention réalisée sous anesthésie locale bouche ouverte, les atteintes lésionnelles du nerf n’étaient pas rares.
Ces dents en situation anatomique « surplombent » la région sous-mandibulaire, c’est-à-dire le plancher buccal postérieur et externe. Le nerf lingual est à proximité (de 1 à 3 mm) du niveau radiculaire par l’alvéole de 38 et 48. Le nerf peut être menacé lors d’avulsion simple (arrachement, traumatisme par syndesmotome).
Lors de la sublingualectomie
Dents de sagesse 38 et 48 au stade de germe
Le nerf lingual est à proximité du pôle postérieur de la glande ; il peut être menacé lors de la sublingualectomie, lors du temps terminal de l’intervention.
Lors de la germectomie, le nerf lingual est à proximité de la couronne du germe, de 1 à 3 mm de la table interne de la mandibule, au-dessus du muscle mylohyoïdien, dans l’angle postéroexterne du plancher buccal (cf. Fig. 7).
Lors de la sous-maxillectomie ou submandibulectomie par voie cutanée cervicale (Fig. 6A, B)
Dents de sagesse 38 ou 48 incluses à la jonction branche horizontale/branche montante de la mandibule (Fig. 9A, B)
Au cours de son trajet dans la loge sous-mandibulaire, le nerf lingual contracte des rapports intimes avec le canal de Wharton qu’il sous-croise, attaché à la glande par le ganglion
La dent n’est plus uniquement dans la partie postérieure de la branche horizontale en situation verticale, mais dans une situation différente horizontale ou oblique, dans la branche
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Stomatologie
Risques de lésions du nerf lingual et de la corde du tympan en chirurgie orale et maxillofaciale ¶ 22-090-A-05
Figure 7. A. Imagerie par résonance magnétique du plancher buccal en incidence horizontale, objectivant le nerf lingual en dedans des racines de 48, chez un adolescent de 14 ans. B. 1. Nerf lingual ; 2. langue ; 3. alvéole de 48 ; 4. masséter ; 5. ptérygoïdien interne.
B
Figure 8. A à C. La dent de sagesse 48 surplombe la loge submandibulaire. Elle est située à la jonction ramus-branche horizontale, mais dans la table interne osseuse de la mandibule. a. Empreinte de la glande submandibulaire.
montante, contre la table interne. La couronne tombe à l’aplomb du pilier temporal contre la table interne de la branche montante, c’est-à-dire dans la région ptérygomandibulaire. Le nerf lingual est au contact de la branche montante, de sa table osseuse interne, c’est-à-dire au contact de la couronne de la dent incluse. C’est lors de cette circonstance d’avulsion chirurgicale par ostéotomie à la fraise que le nerf peut être réellement menacé, si un « rempart » protecteur métallique par lame n’est pas placé préalablement. Les lésions sont des traumatismes par syndesmotome et par élongation, des déchirures par coups de fraise rotative, des sections pures et simples par bistouri. Stomatologie
L’anesthésie locale ou générale ne permet malheureusement pas d’alerter l’opérateur des symptômes initiaux d’anesthésie lésionnelle. La protection première du nerf lingual par une lame métallique large et souple, placée en dedans de 38 ou 48 incluse, ne se discute plus. Un à 3 % de lésions du nerf lingual, toutes formes réunies, sont actuellement observés lors de ces avulsions. La régénération du nerf traumatisé est imprévisible et se fait le plus souvent sous forme de douleurs et dysgueusies, associées à une hypoesthésie, voire anesthésie de l’hémilangue mobile homolatérale.
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22-090-A-05 ¶ Risques de lésions du nerf lingual et de la corde du tympan en chirurgie orale et maxillofaciale
Figure 9. A, B. Schéma illustrant que le nerf lingual contracte des rapports de proximité immédiate, voire de contact avec la dent de sagesse 48 incluse dans la table interne de la branche montante mandibulaire. 1. Nerf lingual ; 2. muscle mylohyoïdien ; 3. nerf alvéolaire de la mandibule.
A
“
Points forts
La proximité, voire le contact du nerf lingual contre la mandibule dans son trajet au niveau de 38 et 48, soit au stade de germe, soit incluses, constitue une dangerosité potentielle constante impliquant que la voie linguale de la germectomie ou de la chirurgie d’avulsion de ces dents incluses soit pratiquée avec grande prudence. Devant la position intraramique du germe ou devant une inclusion intraramique de ces dents, la voie vestibulaire « avec un œil sur la table interne » doit être en premier privilégiée. Un rempart de protection par lame métallique doit être placé contre l’alvéole de 38 ou 48 en dedans. Si l’ostéotomie du pilier temporal à la fraise, afin d’assurer un dégagement suffisant de 38 ou 48 incluse ne se discute plus, son « accouchement » par la voie linguale est réalisé avec grande prudence.
Sémiologie de la section du nerf lingual dans son trajet pelvibuccal Figure 10. Circonstances lésionnelles du nerf lingual et de la corde du tympan. 1. Glossoplastie ; 2. taille du canal de Wharton et chirurgie du plancher buccal ; 3. submandibulectomie ; 4. avulsion de 38 ou 48 sur arcade, en germe ou incluse ; 5. uranostaphylorraphie ; 6. actes chirurgicaux et endoscopiques de l’articulation temporomandibulaire (ankylose, fracture, arthroscopie).
Des lésions bilatérales exceptionnelles du nerf lingual ont été décrites en cas d’avulsions conjointes de 38 et 48.
Lors de l’incision de Herntz de l’uranostaphylorraphie Lors de l’incision de la commissure intermaxillaire postérieure de Herntz, puis du décollement superficiel aboutissant au crochet de l’aile interne de l’apophyse ptérygoïde, puis à sa varisation, une grande prudence est de mise, car le nerf lingual est très proche, sous le ligament ptérygomandibulaire.
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Immédiatement, après disparition de l’anesthésie locale Les signes neurologiques homolatéraux à la lésion sont : • perte de sensibilité générale de l’hémilangue mobile, de la pointe jusqu’à la région frontière entre la portion mobile et la base ponctuée par les papilles caliciformes, et concerne les sensibilités épicritique, protopathique et thermoanalgésique ; • perte de la gustation dans le même territoire, essentiellement pour les saveurs sucrées et salées ; • diminution notable de la sécrétion salivaire de la glande sousmandibulaire et sublinguale pour les lésions siégeant en amont du ganglion submandibulaire. La lésion nerveuse en aval du ganglion parasympathique submandibulaire ne s’accompagne pas théoriquement de perte de sécrétion salivaire submandibulaire.
Quelques mois, voire 1 à 2 ans après la lésion À ces symptômes neurologiques de lésions s’associent des brûlures et dysgueusies. Stomatologie
Risques de lésions du nerf lingual et de la corde du tympan en chirurgie orale et maxillofaciale ¶ 22-090-A-05
■ Sémiologie de la lésion de la corde du tympan
La langue ayant perdu ses repères neurosensoriels de protection et ainsi la conscience proprioceptive, elle devient alors une proie des dents et est l’objet de morsure par les dents homolatérales.
Homolatéralement, l’examen objective la perte de la gustation de la portion mobile de la langue (deux tiers antérieurs) ainsi que la disparition de la sécrétion salivaire des glandes sousmandibulaire et sublinguale. Le pronostic de la lésion est incertain.
Après réparation chirurgicale La suture nerveuse immédiate ou différée n’est malheureusement pas suivie de restitution sensitivosensorielle, lors de l’évaluation de la deuxième année.
■ Circonstances lésionnelles de la corde du tympan en chirurgie maxillofaciale • Lors de la chirurgie de l’ankylose temporomandibulaire. Si l’ankylose date de la petite enfance, conséquence d’otite ou d’antromastoïdite, alors à forme pseudotumorale, le bloc d’ankylose confine jusqu’au temporal, en l’intégrant. La libération du bloc, par ostéotomie interne, peut léser la corde. L’examen de la gustation préopératoire est indispensable pour s’assurer de l’absence ou de l’existence de la gustation normale de l’hémilangue correspondante. • Lors de la chirurgie réparatrice des fractures du condyle mandibulaire. La corde du tympan peut être menacée par étirement lors des manœuvres de réduction de la fracture condylienne et de son ostéosynthèse. • Lors des arthroscopies temporomandibulaires. Des observations de lésions de la corde du tympan ont été mentionnées lors de ce type d’examen, par fausse route de l’arthroscope par la scissure de Glaser ou par le conduit auditif externe (paroi antérieure).
■ Conclusion (Fig. 10) Le nerf lingual, en raison de son long trajet dans les parties molles ptérygomandibulaires et pelvibuccales, est très exposé aux actes de la chirurgie maxillofaciale et orale. La corde du tympan est exposée aux actes chirurgicaux de l’articulation temporomandibulaire. La connaissance anatomique et la formation technique irréprochable des praticiens, sont les seuls garants de la préservation de ces structures nerveuses vulnérables. L’aléa thérapeutique et technique ne peut être retenu en cas de lésion peropératoire. .
■ Références [1] [2] [3]
Gaillard PY. Pitié pour les nerfs. Responsabilité 2005;5:20. Couly G. Dangerosité en chirurgie maxillo-faciale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-090-K-20, 2005. Testut L. Traité d’anatomie humaine. Paris: Doin; 1911.
L. Benouaiche. B. Michel. G. Couly ([email protected]). Service de chirurgie maxillofaciale, stomatologie et plastique, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Benouaiche L., Michel B., Couly G. Risques de lésions du nerf lingual et de la corde du tympan en chirurgie orale et maxillofaciale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-090-A-05, 2007.
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¶ 22-091-P-10
Soins postopératoires en chirurgie maxillofaciale et stomatologie L. Dumas, S. Cartier, A. Costa, G. Daoud La période postopératoire nécessite une attention toute particulière et des soins rapprochés pour prévenir, dépister et prendre en charge de façon adaptée les éventuelles complications précoces ou tardives. Les soins postopératoires demandent des équipes médicales et paramédicales compétentes dans la spécialité, doivent être adaptés au terrain et aux pathologies associées du patient, et ne peuvent se concevoir sans une franche coopération de ce dernier après une information éclairée, fournie en préopératoire. Les soins postopératoires en stomatologie et chirurgie maxillofaciale sont très variables et à moduler, du fait de la grande diversité des interventions : urgence/intervention programmée, terrain septique/chirurgie propre, chirurgie endobuccale/chirurgie cutanée, tissus concernés par l’intervention (os, parties molles, organe dentaire) et des techniques opératoires utilisées. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Soins postopératoires ; Chirurgie maxillofaciale
Plan ¶ Traitements médicamenteux Antalgiques Anti-inflammatoires Antibiotiques
1 1 2 2
¶ Soins locaux Soins de bouche Soins oculaires Fosses nasales Drainage Pansements
2 2 3 3 3 3
¶ Certains soins spécifiques Blocage maxillomandibulaire Alimentation Trachéotomie Kinésithérapie
3 3 3 4 4
¶ Conclusion
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■ Traitements médicamenteux Antalgiques [1] La douleur, qu’elle soit secondaire à une intervention ou symptôme d’un état pathologique, est aujourd’hui de plus en plus difficilement admise par le malade, et le soulagement rapide de sa souffrance apparaît comme une priorité thérapeutique. Toute prescription d’antalgiques doit être précédée et associée à une évaluation régulière et systématique de la douleur au moyen d’une échelle validée et adaptée. Il est important d’évaluer la douleur avant et 30 minutes après l’administration. L’objectif du traitement est d’obtenir un soulagement rapide et durable de la douleur. Il faut prévoir l’administration d’antalgiques : • systématique en postopératoire immédiat ; • et/ou conditionnée par un score de douleur. Stomatologie/Odontologie
Il faut donc apprécier, en fonction du type d’intervention, le degré prévisible de douleur postopératoire à laquelle il faudra faire face d’emblée. Il est plus logique de prescrire un antalgique de classe trop élevée en postopératoire immédiat et de passer ensuite à une classe moins élevée que de laisser s’installer une douleur qu’il sera plus difficile ensuite de contrôler. Il est important de : • reconnaître le type de douleur, aiguë, chronique, neurogène, par désafférentation, provoquée ; • adapter le mode d’administration et les formes galéniques ; • contacter les équipes « mobiles » de la douleur. Quoi qu’il en soit, l’antalgique de classe I le plus fréquemment utilisé est le paracétamol qui a l’avantage d’exister sous des formes très variées permettant son utilisation par voie intraveineuse (Perfalgan®) ou par voie orale, en comprimé, gélule ou effervescent, cette dernière forme pouvant être très utile dans notre spécialité. Il n’a pas de contre-indication en dehors de l’insuffisance hépatique grave et peut être utilisé chez l’enfant, formes sirop et suppositoire, et la femme enceinte. Évidemment, l’aspirine est déconseillée en raison de son effet antiagrégant plaquettaire, pouvant être responsable d’hémorragies et d’hématomes postopératoires. De même sont déconseillés : • la noramidopyrine et ses dérivés en raison du risque imprévisible de survenue d’une agranulocytose immunoallergique qui peut être grave (mortalité 10 %) ; • les dérivés de la glafénine pour des risques allergiques. En cas de douleurs prévisibles plus importantes ou en cas d’inefficacité du paracétamol simple, il faut prescrire un antalgique plus puissant, de classe II : • la codéine seule (Codenfan®) ou en association au paracétamol (Codoliprane® ou Efferalgan Codéine®) ; • le dextropropoxyphène seul (Antalvic®) ou en association au paracétamol (Di-Antalvic®) mais dont le principal inconvénient est son unique existence sous forme de gélule ; • les opioïdes faibles tels que la nalbuphine (Nubain®), agoniste-antagoniste, et le tramadol (Topalgic®, Contramal®).
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22-091-P-10 ¶ Soins postopératoires en chirurgie maxillofaciale et stomatologie
Pour des douleurs plus intenses, on utilise des antalgiques centraux dont la morphine reste l’antalgique de choix. Elle existe sous forme de chlorhydrate et de sulfate. Le rapport d’efficacité entre la morphine par voie orale et par voie parentérale est de 3 à 1. Le chlorhydrate est présenté : • sous forme de solution buvable (Morphine Cooper® 0,1 % et 0,2 %). La dose journalière de départ est en général administrée en six prises (ampoules à 10 mg/10 ml) ou bien à la demande après titration ; ce médicament est réservé pour des douleurs intenses et rebelles aux antalgiques de niveau plus faible ; • sous forme injectable : Morphine Lavoisier®, ampoules de 1 ml à 10 ou 20 mg ; ampoules de 5 ml à 50 mg ou 100 mg ; Morphine Meram®, ampoules de 1 ml à 10 mg ou 20 mg, ampoules de 2 ml à 20 mg. Le sulfate de morphine est présenté en comprimés enrobés à libération prolongée ou rapide : • les comprimés (Moscontin®) sont dosés à 10, 30, 60, 100 et 200 mg, ce qui permet d’ajuster la dose (60 mg au départ chez l’adulte et 1 mg/kg/j chez l’enfant de plus de 6 mois). Il existe aussi sous forme de gélules (Skenan® LP à 10, 30, 60, 100 et 200 mg ou Actiskenan®). La grande activité de la buprénorphine (Temgésic® 0,2 mg comprimé sublingual) permet une large marge thérapeutique, ses effets secondaires sont mineurs et son efficacité est très bonne dans toute la sphère faciale et buccodentaire pour les douleurs intenses postopératoires ou néoplasiques. Les doses sont de un à deux comprimés trois fois par jour (à moduler pour le sujet âgé et l’enfant de plus de 7 ans). Il existe une forme injectable à 0,3 mg/ml. Dans les cas de douleurs chroniques stables et intenses résistantes, le fentanyl (Durogésic®), opioïde majeur en patch, est une bonne alternative. Il est très rare d’y avoir recours en dehors des cas de carcinologie.
Douleurs neurogènes Lorsque la douleur se caractérise par l’association de fulgurances à types de « décharges électriques » et de troubles de la sensibilité (hypo- ou hyperesthésie, sensations de brûlure ou de picotements), il faut évoquer une composante neurogène. Les douleurs neurogènes sont habituellement mal soulagées par les antalgiques classiques. Le Laroxyl® per os ou intraveineux constitue le traitement de choix pour la douleur de fond. Il peut être associé à la prescription d’anticonvulsivants (Rivotril®) pour les fulgurances.
Douleurs provoquées Les douleurs générées par les soins, pansements, actes diagnostiques ou thérapeutiques programmés doivent être prises en charge de façon anticipée. Les prémédications antalgiques utilisées sont principalement la morphine ou la nalbuphine. Le protoxyde d’azote représente une réponse privilégiée en matière de douleur provoquée par les soins, spécialement en pédiatrie. Les topiques anesthésiants, cutanés (Emla®) ou muqueux (Xylocaïne gel®), plus ou moins associés à une anesthésie locale ou locorégionale doivent être utilisés dès que possible en confort, et adhésion aux soins. Les sédatifs (Atarax®, Hypnovel®...) n’ont aucune action sur la nociception, mais peuvent être associés à visée anxiolytique.
Anti-inflammatoires Ils ont à la fois un effet antalgique (classe I) et antiœdémateux. L’œdème postopératoire est extrêmement fréquent dans les suites opératoires en stomatologie et chirurgie maxillofaciale. Son importance est variable selon le type de chirurgie (cutanée ou osseuse, endo- ou exobuccale, durée plus ou moins longue, importance des décollements...) et selon les patients. Outre l’application d’une vessie de glace, on peut utiliser : • les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ibuprofène, kétoprofène, ou diclofénac, sauf en cas de risque d’extension d’un processus septique, notamment dans les cellulites d’origine dentaire ;
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• les corticoïdes, qui peuvent être utilisés à forte dose (1 mg/ kg) pendant une durée n’excédant pas 4 à 5 jours. L’arrêt de la corticothérapie peut se faire dans ce cas de façon brutale (il n’est pas utile après une période courte de diminuer progressivement les doses).
Antibiotiques [2-4] L’antibiothérapie postopératoire n’est pas systématique, elle dépend du type de chirurgie, de l’existence de foyers infectieux et du terrain (diabète, prothèse, immunodépression...).
Chirurgie endobuccale Que ce soit en curatif (infection buccodentaire) ou en préventif, les antibiotiques les plus utilisés sont : • la pénicilline G ; • l’amoxicilline ; • l’Augmentin® (amoxicilline associée à l’acide clavulanique, plus ou moins associés au métronidazole) ; • en cas d’allergie à la pénicilline, un macrolide type érythromycine ; • l’association spiramycine – métronidazole sous forme de Rodogyl® ou Birodogyl® ; • plus récemment est apparu sur le marché le Zithromax®, préconisé pour sa concentration salivaire, sous forme d’un comprimé par jour pendant 3 jours.
En cas d’infection à point de départ cutané L’oxacilline (Bristopen®) reste de mise.
En cas de morsure animale ou humaine • Augmentin® ; • cycline comme la Vibramycine®.
Indications Les indications des antibiotiques postopératoires sont : • de principe, en traitement curatif en cas d’infection patente (cellulite d’origine dentaire ou cutanée, péricoronarites...) ; • en antibioprophylaxie seule en cas de chirurgie osseuse (chirurgie orthognatique, fracture, ostectomie pour dent de sagesse incluse), ou chirurgie carcinologique ; • pas d’antibiotique dans tous les autres cas. Le cas de la prévention de l’endocardite d’Osler est très important, à ne pas négliger chez tous les patients porteurs de cardiopathies à haut risque : • avant tout chez les porteurs de prothèse valvulaire ; • certaines cardiopathies congénitales (tétralogie de Fallot, communication interventriculaire) ; • valvulopathies (insuffisance aortique [IA], rétrécissement aortique [RA], insuffisance mitrale [IM], rétrécissement mitral [RM], bicuspidie aortique) ; • cardiomyopathie obstructive.
Anticoagulants Ils sont rarement indiqués dans les suites d’interventions de stomatologie ou de chirurgie maxillofaciale, qui ne sont pas des interventions emboligènes et qui permettent un lever précoce. Dans les autres cas, on les réserve aux patients à risque emboligène : • antécédent de phlébite ou d’embolie pulmonaire ; • alitement prévisible prolongé (coma, polytraumatisme). Ils seront utilisés à doses coagulantes, sous forme d’héparine de bas poids moléculaire par voie sous-cutanée. La seule indication spécifique en chirurgie maxillofaciale est la cellulite jugale haute où il existe un risque de thrombophlébite veineuse craniofaciale.
■ Soins locaux
[5]
Soins de bouche Fondamentaux en cas d’intervention endobuccale, ils comportent à la fois les bains de bouche, et si nécessaire les aspirations buccales, les tamponnements buccaux, le jet dentaire et le brossage dentaire. • Les bains de bouche sont indispensables pour une bonne cicatrisation (Givalex®, Hextril® 0,1 %, Eludril®, Alodont®, Stomatologie/Odontologie
Soins postopératoires en chirurgie maxillofaciale et stomatologie ¶ 22-091-P-10
Hibident ® ) après chaque repas ; ils sont débutés dès le lendemain d’une intervention endobuccale, associés à l’utilisation de fil de soie et d’un jet dentaire. • En cas d’intervention buccale importante, les soins par une tierce personne (infirmier[e] ou aide-soignant[e]) sont indispensables : aspirations plus ou moins répétées, tamponnements buccaux à l’aide de tampon en mousse de façon à retirer les croûtes ou autres dépôts intrabuccaux pouvant favoriser une surinfection. • Dans tous les cas, le brossage dentaire est autorisé, sauf au contact direct des cicatrices. L’hygiène dentaire peut être complétée par l’usage d’un jet dentaire, notamment en présence d’arcs dentaires mono- ou bimaxillaires (hydropulseur à faible pression). • Enfin, lubrification des lèvres par de la vaseline pour prévenir ulcérations et fissurations.
Soins oculaires Ils peuvent être indiqués en cas de chirurgie de la région orbitopalpébrale ou de chirurgie du tiers moyen de la face qui peuvent entraîner un œdème palpébral ou conjonctival, un chémosis, une difficulté d’occlusion palpébrale avec risque d’ulcération cornéenne. On utilise donc : • un antiseptique local type Biocidan® ; • des lavages oculaires au sérum physiologique ; • des applications de compresses humides et froides de façon à lutter contre l’œdème ; • l’application de vitamine A en pommade le soir avec éventuelle protection et occlusion palpébrale nocturne ; • les corticoïdes locaux en collyre sont plutôt contre-indiqués car pouvant retarder la cicatrisation conjonctivale et entraîner une hypertension intraoculaire.
Fosses nasales Le lavage des fosses nasales doit être systématique dès lors que le mouchage est interdit comme dans les fractures du plancher et de la paroi interne orbitaire, de la base du crâne, après rhinoplastie, et chez les patients trachéotomisés ou en réanimation, alors complété par des aspirations. Il est classiquement réalisé au sérum physiologique au minimum 3 fois par jour, mais un décroûtage important nécessite l’adjonction d’un corps gras (huile goménolée), et une désinfection rhinopharyngée, l’utilisation d’un antiseptique, voire d’un anti-inflammatoire local.
Drainage Différents types de drainage, passif ou actif, sont utilisés en stomatologie et chirurgie maxillofaciale. • En cas de décollement important, une mise en dépression des tissus par les drains aspiratifs de type Redon-Jost évite la formation d’hématomes ou de séromes postopératoires. L’orifice cutané de sortie du drain doit être désinfecté à chaque fois que le pansement est pratiqué par l’infirmière (au minimum 1 fois/j). Le drain est conservé pendant une durée très variable n’excédant pas quelques jours, selon le type d’intervention, l’importance du décollement, et surtout la quantité de liquide sérohématique drainée par 24 heures. Les drains type Manovac dérivant du système de Redon-Jost sont de plus petite taille et donc utilisés en cas de décollement peu important ou chez l’enfant. • Les lames type Delbet sont en général utilisées pour drainer une collection, soit endobuccale, soit cutanée. Elles permettent la réalisation d’irrigations-lavages quotidiens [6]. • Enfin, les crins de Florence ou drainage filiforme, en fils de Nylon monobrins, ont un effet de drainage capillaire.
Pansements En postopératoire, ils ont pour but : soit de protéger les cicatrices et de favoriser leur bonne évolution à court terme, soit de protéger une perte de substance en attendant sa réparation secondaire ou en permettant sa cicatrisation dirigée, enfin légèrement compressif, là où ils sont possibles, pour limiter l’œdème et les hématomes. Stomatologie/Odontologie
En endobuccal Il est rare d’avoir recours à des pansements. • L’utilisation de Tulle gras ® sur une éventuelle perte de substance ou sur une greffe en tant que bourdonnet est à proscrire, les orthèses hémostatiques, protectrices ou de guidage pour cicatrisation dirigée semblant bien plus adaptées. • Le reste du temps, les cicatrices suturées sont laissées telles quelles et la bonne hygiène buccodentaire permet la cicatrisation sans complication. Les sutures sont réalisées le plus souvent avec du fil résorbable ; on peut néanmoins pratiquer l’ablation des fils au bout d’une quinzaine de jours s’ils gênent le patient ou sont le siège de dépôts alimentaires.
En cutané Les pansements au niveau facial ont les particularités suivantes. • En l’absence de suture cutanée : soit suture sous-cutanée + adhésifs de contention type Stéri-Strip®, soit suture souscutanée + colle cutanée type Dermabond®). • En cas de suture cutanée par fil non résorbable, ablation précoce des points entre 4 et 6 jours, remplacés par des StériStrip® qui permettent un bon affrontement des berges de la cicatrice. • Difficulté fréquente à réaliser des pansements au niveau de la face, du fait de la présence des différents orifices naturels, des poils de barbe chez l’homme, de la mobilité importante (mimique, alimentation, occlusion palpébrale...). De ce fait, les cicatrices sont, soit laissées à l’air avec une désinfection quotidienne par tamponnement à l’aide d’un antiseptique cutané, soit protégées uniquement par des Stéri-Strip®. • Le suivi des cicatrices, l’absence de désunion, de nécrose, la vitalité d’un lambeau, la prise d’une greffe, doivent être systématiques au moment des soins, tant par les équipes médicales que paramédicales. • Ce suivi est également facilité par la prise de photographies. • Pour certains, les Stéri-Strip® pouvant être responsables d’une épidermolyse par tension trop forte, empêchent les soins cicatriciels, type décroûtage, et sont donc espacés, ou proscrits. Ils peuvent être remplacés par l’application initiale de compresses humides qui, par aspiration des sérosités, évitent les croûtes, causant infections et désunions locales. • La cicatrisation au long cours ne sera pas traitée dans ce chapitre (cf. plaies et cicatrisation).
■ Certains soins spécifiques Blocage maxillomandibulaire [7] En dehors des problèmes alimentaires dont nous parlerons et d’hygiène buccodentaire qui doit être particulièrement rigoureuse, le blocage bimaxillaire nécessite : • l’éducation du patient et le port ou la présence à proximité de ciseaux de Bebee ou à défaut d’une pince permettant de couper les fils d’acier de blocage, afin de pouvoir réaliser un déblocage rapide en cas d’urgence par lui-même ou son entourage (notamment lors de la survenue de vomissements susceptibles d’être inhalés ou en cas de crise comitiale) ; • un traitement antiémétique en postopératoire immédiat ; • la protection éventuelle des muqueuses labiales ou jugales par interposition de cire sur les sutures métalliques et arcs de Dautrey ; • une surveillance clinique et radiologique régulière (tous les 8 à 15 jours) de façon à resserrer le blocage s’il a tendance à se détendre et à surveiller un déplacement secondaire. Une fois le blocage levé, le patient doit réaliser une autorééducation par mécanothérapie active et passive afin de récupérer une dynamique mandibulaire satisfaisante.
Alimentation • Au minimum, après une intervention endobuccale : alimentation froide pendant 24 heures, molle et liquide pendant quelques jours, en « épargnant » ensuite la zone opératoire pendant une dizaine de jours.
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22-091-P-10 ¶ Soins postopératoires en chirurgie maxillofaciale et stomatologie
• En cas de chirurgie osseuse avec interruption de la continuité et ostéosynthèse rigide : alimentation molle et liquide, nécessitant peu de mastication pendant 45 jours. • En cas de blocage maxillomandibulaire : alimentation liquide, suffisante et adaptée, avec surveillance du poids et des apports énergétiques. Ajouter si besoin des compléments diététiques type Fortimel® ou Nutridoral®. • En cas de chirurgie carcinologique : alimentation hyperprotidique et hypercalorique afin de lutter contre une dénutrition préalable fréquente (par anorexie, altération de l’état général et intoxication énolique). Cette alimentation se fera systématiquement par sonde nasogastrique à la fois pour un meilleur contrôle qualitatif et quantitatif, mais également afin de protéger les sutures endobuccales souvent plus fragiles sur ce terrain dénutri. La sonde est laissée au moins 1 semaine, voire plus en cas de bonne tolérance. Le mode d’alimentation sera également adapté chez le nourrisson après intervention pour fente labio-alvéolo-vélo-palatine, en récusant souvent allaitement et biberon classique.
Trachéotomie Provisoire, elle nécessite : humidification par aérosols, des soins d’orifice et de canule ou chemise interne, des pressions de ballonnet nulle ou très faible afin d’éviter tout risque de sténose trachéale. L’utilisation d’une canule fenêtrée ou parlante permet confort et rééducation du carrefour. La position du patient est bien évidemment en décubitus dorsal ou demi-assise. Il faut s’assurer de la présence, dans la chambre, du matériel d’aspiration, de ventilation manuelle et mécanique, de monitorage hémodynamique et ventilatoire du matériel d’intubation, de canules de trachéotomie de différentes tailles ainsi que d’un écarteur de Laborde. Le premier changement de canule est effectué à j2-j3 par l’opérateur connaissant les risques d’impossibilité de recanulation et les risques de faux trajet, puis elle sera changée tous les 7 jours par le personnel paramédical. Les aspirations trachéales pluriquotidiennes doivent être aseptiques et non traumatiques, accompagnées d’instillations trachéales pour éviter les bouchons. Le patient peut être aidé par de la kinésithérapie respiratoire. Il faut également assurer une bonne hygiène cutanée de l’orifice cutané (Bétadine®) et faire le pansement quotidiennement avec du Lyomousse ®. La décanulation sera faite au plus vite, si la canule une fois obstruée est bien tolérée ou bien si une nasofibroscopie montre
l’absence d’œdème glottique, avec une bonne sensibilité laryngée. La cicatrisation est obtenue en quelques jours sous pansement sec occlusif de l’orifice.
Kinésithérapie Elle peut être respiratoire, chez les patients présentant un encombrement bronchopulmonaire lié à des antécédents particuliers, trachéotomisés, sortant de réanimation avec pneumopathie, ou bien présentant des troubles de la sensibilité pharyngolaryngée postchirurgicale responsables de fausses routes. Les fractures condyliennes hautes nécessitent une mécanothérapie passive (articulateur de Benoist ou similaire) et active, en ouverture, propulsion et diduction, afin de ne pas limiter les amplitudes mandibulaires. Cette mécanothérapie est idéalement instituée par un kinésithérapeute spécialisé puis poursuivie en autorééducation.
■ Conclusion Les soins postopératoires impliquent une étroite collaboration entre équipe soignante et patients afin d’apporter un traitement et des soins adaptés avec une surveillance étroite. Ils sont l’affaire de spécialistes compétents en chirurgie maxillofaciale et stomatologie, aidés par un plateau technique permettant la prise en charge des différentes pathologies rencontrées.
■ Références [1] [2] [3]
[4] [5] [6] [7]
Conférence de consensus sur la prise en charge de la douleur postopératoire. SFAR, 12 décembre 1997. Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale. Prescription d’antibiotiques en odontologie et stomatologie. In: Recommandations et références dentaires. Paris: ANDEM; 1996. p. 105-56. Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé - Observatoire national des prescriptions et consommations des médicaments. Étude de la prescription et de la consommation des antibiotiques en ambulatoire. Saint-Denis: Afssaps; 1998. Ragot JP. La pénicilline en stomatologie. Actual Odontostomatol (Paris) 1997;197:35-55. Chikhani L, Guilbert F. Soins postopératoires en stomatologie et chirurgie maxillo-faciale. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Stomatologie, 22-091-P-10, 1995. Bado F, Fleuridas G, Lockhart R, Chikhani L, Favre-Dauvergne E, Bertrand JC, et al. Cellulites cervicales diffuses : à propos de 15 cas. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1997;98:266-8. Princ G, Lezy JP. Pathologie maxillo-faciale et stomatologie. Abrégé de médecine. Paris: Masson; 2004.
L. Dumas. S. Cartier ([email protected]). A. Costa. G. Daoud. Service de chirurgie plastique, chirurgie maxillofaciale et stomatologie, Centre hospitalier de Gonesse, 25, rue Pierre-de-Theilley, B.P. 30071, 95503 Gonesse cedex, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Dumas L., Cartier S., Costa A., Daoud G. Soins postopératoires en chirurgie maxillofaciale et stomatologie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-091-P-10, 2006.
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Stomatologie/Odontologie
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Techniques d’analgésie buccodentaire S. Millot, A. Longuet, J.-L. Charrier La réussite de l’analgésie intraorale conditionne la bonne réalisation des différents actes thérapeutiques. Celle-ci dépend de nombreux facteurs tels le patient lui-même, son terrain, l’acte à réaliser et le choix de la technique. Nous proposons de détailler les différentes techniques maxillaires et mandibulaires, régionales, locales ou de complément, ainsi que la démarche thérapeutique à suivre concernant le matériel, le geste en bouche pour une analgésie efficace, permettant de garantir un silence opératoire primordial pendant la durée de l’acte pour le patient et le praticien. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Analgésie ; Analgésie intraosseuse ; Nerf alvéolaire inférieur
Plan ¶ Introduction
1
¶ Principes généraux des analgésies par infiltration
1
¶ Techniques régionales Maxillaire Mandibule
2 2 3
¶ Techniques locales Technique para-apicales Technique intraligamentaire Technique intrapulpaire Technique intracavitaire Technique intraseptale Technique intraosseuse
6 6 7 7 7 8 8
¶ Utilisation de matériel électronique
9
¶ Conclusion
9
■ Introduction
[1]
Les chirurgiens-dentistes sont probablement les praticiens médicaux les plus prescripteurs en matière d’analgésie locale, ils en sont d’ailleurs historiquement les inventeurs. La plupart des autres spécialités médicales délèguent les actes d’analgésie locale, régionale ou générale aux médecins anesthésistes réanimateurs. Dans l’exercice de notre spécialité, le chirurgien et l’anesthésiste représentent une seule et même personne devant conduire la discussion thérapeutique en confrontant l’analyse des besoins liés à la nature de l’acte opératoire aux risques locaux et généraux dépendants du patient. Bien que non codifiée en France par les organismes sociaux, l’analgésie locale est un acte à part entière, défini par ses objectifs, ses indications et ses contre-indications. Aucune technique n’a montré d’efficacité à 100 % et plusieurs d’entre elles permettent l’analgésie d’un même secteur. Le praticien doit évaluer la pertinence des choix du produit, de la dose et du site d’infiltration qui optimiseront le rapport Stomatologie/Odontologie
bénéfice-risque. Associer une modalité unique d’analgésie à un type d’acte est une simplification à visée didactique qui peut s’avérer délétère sur le plan clinique. L’objectif de cet article est d’établir une démarche décisionnelle dans le choix d’une technique en fonction de l’acte et du patient. Nous décrivons pour chaque technique les avantages, les inconvénients et les risques d’effets systémiques liés à l’environnement anatomique et vasculaire, favorisant le passage de la solution dans la circulation sanguine [2].
■ Principes généraux des analgésies par infiltration Quelques grands principes sont communs à toutes les techniques d’infiltration intraorale [3] : • la désinfection de surface ou la pratique d’un bain de bouche préopératoire ne peuvent qu’améliorer les conditions opératoires ; • la perméabilité de l’aiguille mérite d’être systématiquement vérifiée en purgeant la seringue ; • le liquide doit être à température ambiante ou idéalement réchauffé à une température proche de celle du corps ; • la vitesse d’injection doit être très lente : de l’ordre de 1 minute pour 1 cm3 au maximum (2 minutes par cartouche). Elle conditionne l’efficacité de l’analgésie locale : si l’injection est rapide, le produit amené en masse va subir une résorption sanguine importante et ne plus être disponible sur le site d’injection ; • tout contact osseux et toute infiltration sous-périostée sont à éviter. L’injection est réalisée de préférence dans les tissus mous capables d’élasticité. De même, les pénétrations dans les foramens ou les canaux intraosseux sont à proscrire afin d’éviter toute blessure des pédicules vasculonerveux ; • l’association d’un vasoconstricteur à la molécule analgésique est la règle en l’absence de contre-indications absolues [4] ; • la douleur ayant des déterminants psychologiques importants, toutes les procédures visant à abaisser le stress préopératoire sont à même d’améliorer les performances de l’analgésie locale ; • la technique choisie doit être celle qui obtient le meilleur score dans le rapport efficacité/sécurité avec la dose la plus
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22-090-K-05 ¶ Techniques d’analgésie buccodentaire
Tableau 1. Secteurs et analgésies de références correspondantes. Au maxillaire Analgésie tubérositaire
Molaire maxillaire
Analgésie prémolaire haute
Prémolaire et première molaire
Analgésie canine haute
Incisive et canine
Analgésie palatine postérieure
En complément pour la chirurgie des régions palatines
À la mandibule Analgésie au foramen mandibulaire Tous les secteurs dentaires mandibulaires Analgésie au foramen mentonnier
Secteur prémolaire, canine et incisive
Analgésie du nerf lingual
En complément pour la chirurgie des secteurs molaires
Analgésie du nerf buccal
En complément, pour la chirurgie des secteurs molaires
faible. Daublander et al. [5] montrent clairement que le risque d’effet systémique est fonction de la quantité de solution injectée quelle que soit la composition de celle-ci.
■ Techniques régionales (Tableau 1) Pour chaque secteur, une technique régionale de référence peut être pratiquée [6], l’infiltration est réalisée au plus près des branches nerveuses. Avantages : au plus près des branches nerveuses, ces techniques permettent généralement d’analgésier tout un secteur avec une seule injection. L’infiltration se situe à distance des sites inflammatoires ou infectés et laisse la possibilité de réintervenir à proximité du site opéré en seconde intention. Inconvénients : les effets, ressentis plus longtemps et de façon plus étendue, peuvent être jugés inconfortables en postopératoire. Les infiltrations sont proches des branches vasculaires et les risques de blessures veineuses ou artérielles sont donc plus importants, ce qui les contre-indique lorsqu’il existe un risque hémorragique majeur et rend obligatoire la pratique d’un test d’aspiration avant injection ou l’utilisation d’un système « autoaspirant ».
Figure 1. Analgésie tubérositaire. Point de pénétration. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
Maxillaire Analgésie tubérositaire Il s’agit d’une analgésie régionale puisqu’elle intéresse tout le secteur molaire. Cette technique vise les branches alvéolaires postérosupérieures du nerf maxillaire. L’objectif est d’infiltrer la région tubérositaire en regard des foramens alvéolodentaires supérieur et postérieur. Matériel : aiguille de 16 mm de long et de diamètre 25 ou 30/100. Technique : le patient doit avoir la bouche semi-ouverte, la joue est écartée par le miroir en exerçant une légère tension pour bien repérer la zone de réflexion muqueuse. Il peut être utile de demander au patient de déporter la mandibule du côté de l’intervention. Le point de pénétration de l’aiguille est situé en regard de la muqueuse libre, en arrière du processus zygomatique du maxillaire, dans la région apicale de la deuxième molaire maxillaire (Fig. 1). L’aiguille est poussée en haut et en arrière parallèlement à la table osseuse jusqu’à la garde (Fig. 2). La solution est déposée à proximité des pertuis osseux alvéolaires postérosupérieurs au-dessus des apex de la troisième molaire supérieure. La dose infiltrée est fonction de la durée de l’intervention. En pratique, elle est de l’ordre d’un quart de cartouche pour un
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Figure 2. Analgésie tubérositaire. Point d’injection. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
soin court comme l’extraction d’une molaire et de trois quarts de cartouche pour un soin plus long comme une biopulpectomie. Avantages : cette technique est indolore et permet une analgésie de tout le groupe molaire à l’exception parfois de la racine mésiovestibulaire de la première molaire. Sa durée, de l’ordre de deux 2 heures, est fonction de la dose injectée. Stomatologie/Odontologie
Techniques d’analgésie buccodentaire ¶ 22-090-K-05
Figure 3. Analgésie canine haute. Point d’injection. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
Analgésie canine haute Cette technique permet d’analgésier tout le secteur incisivocanin tributaire du nerf alvéolaire antérosupérieur et parfois le groupe prémolaire quand le nerf alvéolaire supéromoyen est une branche de l’alvéolaire antérieur. Gaudy et al. [7] montrent que le nerf n’est recouvert que d’une très faible épaisseur d’os sur la face antérieure du maxillaire. Son trajet oblique en bas et en dedans lui fait croiser le processus frontal du maxillaire à l’aplomb de la canine. Matériel : aiguille de 25/100, 16 mm de longueur. Technique : la lèvre est tenue en légère tension entre le pouce et l’index pour repérer le fond du vestibule, le corps de la seringue est vertical et placé dans l’axe de la canine. L’aiguille peut être enfoncée jusqu’à la garde. Pour une dose d’une demicartouche (1 ml), l’analgésie a une durée d’environ 1 heure et demie (Fig. 3). Avantages : elle permet d’éviter les infiltrations para-apicales dans la région incisive qui, du fait de la présence des insertions du muscle abaisseur du septum nasal, sont systématiquement douloureuses [8]. Inconvénients : elle est strictement unilatérale.
Figure 4. Analgésie du nerf nasopalatin. Point d’injection. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
Analgésie au foramen grand palatin Il s’agit de l’analgésie du nerf grand palatin à proximité du foramen grand palatin. Ce nerf assure la quasi-totalité de l’innervation de la muqueuse palatine. Une innervation accessoire est assurée par le nerf nasopalatin dans la zone rétro-incisive. L’indication de cette analgésie est la chirurgie palatine, l’analgésie de ce nerf n’assurant pas l’innervation des dents. Matériel : aiguille de 30/100 et longueur 16 mm. Technique : elle consiste à injecter la solution en avant du foramen grand palatin qui se situe : • à 2 mm en avant de la limite palais dur-palais mou ; • en regard des apex des troisièmes molaires maxillaires. La solution doit être injectée dans la zone postérieure où la muqueuse palatine est dépressible, ce qui permet d’éviter le décollement brutal de la muqueuse, toujours douloureux. La dose est au maximum d’un quart de cartouche. Avantages : elle n’est pas douloureuse lorsque l’injection est très lente. Inconvénients : elle doit être réalisée des deux côtés pour être parfaitement efficace car il existe de nombreuses anastomoses contralatérales.
Analgésie du nerf nasopalatin (Fig. 4) Le foramen incisif livre passage aux deux nerfs nasopalatins. Matériel : aiguille de 30/100 de diamètre et de 16 mm de long. Stomatologie/Odontologie
Figure 5. Analgésie régionale au foramen mandibulaire. Situation anatomique.
Technique : elle consiste à injecter la solution analgésique dans le foramen incisif. Cette analgésie s’emploie en complément de l’analgésie au foramen grand palatin pour la chirurgie du palais. Ce pédicule est sectionné lors du décollement, et cela sans aucune conséquence puisque l’innervation est accessoire [9].
Mandibule Analgésie régionale au foramen mandibulaire (Fig. 5, 6) Généralités Une véritable coque d’os cortical enveloppe le corps de la mandibule. Cette structure corticale de plusieurs millimètres d’épaisseur engaine l’os spongieux et en isole le contenu en constituant un écran bloquant la diffusion des solutions analgésiques. Le nerf alvéolaire inférieur (NAI) chemine dans
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Position du foramen mandibulaire. Le foramen mandibulaire est situé à égale distance (20 mm environ) du sommet de l’incisure mandibulaire et du bord antérieur de la branche mandibulaire. Technique (Fig. 6)
Figure 6. Analgésie régionale au foramen mandibulaire. Point de pénétration. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
l’os spongieux, constituant une lacune osseuse bien objectivée sur les radiographies et nommée canal mandibulaire. Ce canal, parfois très mal défini, n’est pas corticalisé sur la plus grande partie de son trajet [10, 11]. Une fois la barrière corticale externe franchie, rien ne s’oppose plus à la diffusion des solutions analgésiques vers le NAI au sein du tissu spongieux dans le corps de la mandibule. Les techniques d’analgésie régionale au foramen mandibulaire proposent d’infiltrer la solution analgésique à proximité du NAI en amont de son entrée dans la mandibule. Le grand nombre de techniques décrites témoigne de leurs propres imperfections, chacun des auteurs prétendant corriger ceux qui les avaient précédés. Leur objectif commun est d’infiltrer la solution dans le défilé interptérygoïdien qu’empreinte le nerf alvéolaire inférieur avant de pénétrer dans le foramen mandibulaire. La technique la plus reprise dans la littérature, celle de Jorgensen, s’appuie sur une description anatomique qui prend en compte d’autres repères que les seuls repères osseux [7, 8, 12]. Repères Repères muqueux. Le site de pénétration de l’aiguille est constitué d’un triangle muqueux à sommet inférieur habituellement concave en avant et en dedans. Ce triangle est limité : • en dehors : par la saillie du bord antérieur de la branche mandibulaire ; • en dedans : par le relief du muscle ptérygoïdien médial ; • en haut : par le fond du vestibule maxillaire. Repères ostéomusculaires. Le triangle muqueux répond en profondeur à un triangle ostéomusculaire, constitué par : • en dehors : la branche mandibulaire doublée sur sa face médiale par le tendon de la partie orbitaire du temporal ; • en dedans : le bord antérieur épais du muscle ptérygoïdien médial souvent confondu avec le raphé ptérygomandibulaire dont l’existence est exceptionnelle ; • en haut : le bord inférieur du muscle ptérygoïdien latéral. La pyramide triangulaire ainsi constituée est remplie de tissu cellulograisseux et est parcourue par les nerfs alvéolaires inférieur et lingual. Le nerf buccal, qui chemine sur la face interne du muscle puis du tendon de la partie orbitaire du temporal, est protégé de la solution analgésique par l’aponévrose du temporal (Fig. 5).
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L’index palpe à travers la muqueuse le bord antérieur de la branche en arrière et en dehors de l’arcade dentaire. Faisant suite à la convexité du processus coronoïde, coiffé du muscle temporal, le bord antérieur de la branche est régulièrement concave. Le plan horizontal passant par le sommet de la concavité correspond à celui du foramen mandibulaire. L’aiguille est introduite dans la muqueuse entre la crête temporale et le ptérygoïdien médial. L’index, dont la pulpe est posée sur la concavité maximale du bord antérieur de la branche, sert de guide à l’aiguille qui glisse sur l’ongle de l’opérateur. L’aiguille traverse la muqueuse de façon à fixer sa pointe au bon niveau de pénétration, puis le corps de la seringue est orienté vers les molaires mandibulaires controlatérales. La recherche du contact osseux peut constituer une cause d’échec si la branche mandibulaire est très ouverte et un risque de blessure vasculaire en pinçant les structures anatomiques entre l’os et l’aiguille. Si le contact osseux n’est pas perçu après 15 à 20 mm de course, l’extrémité de l’aiguille se trouve probablement dans la concavité en forme de cône juste au-dessus du foramen mandibulaire. Avant d’effectuer l’injection, on vérifie la situation de l’aiguille avec une autoaspiration négative. L’aiguille doit être tangente à la tubérosité maxillaire, ce qui correspond à une position de 4 ou 5 mm en dessous du ptérygoïdien latéral. L’injection de 1 à 2 ml de produit est effectuée lentement, tout en reculant légèrement l’aiguille. L’utilisation d’une aiguille de calibre voisin ou supérieur à celui de l’artère alvéolaire inférieure (0,5 mm) permet d’éviter une effraction vasculaire [7, 11]. Matériel L’aiguille doit traverser la muqueuse, le muscle buccinateur et l’aponévrose buccinatrice qui tapisse le muscle sur sa face externe. Si l’aiguille est trop souple, elle peut glisser sur l’aponévrose sans la traverser, se plier et glisser en dedans vers le muscle ptérygoïdien médial dont le bord antérieur fortement tendinifié peut donner l’impression d’un contact osseux. Une aiguille fine peut déchirer plus facilement un vaisseau ou y pénétrer alors qu’une aiguille d’un diamètre externe de 50 à 60/100e, ayant un diamètre supérieur à la plupart des vaisseaux de cette région, ne fera que glisser sur eux. Le bon compromis nous semble d’utiliser : • une aiguille rigide de 30 à 38 mm de long et de diamètre 40/100 à 50/100. L’aiguille est utilisée sur une longueur d’environ de 15 à 20 mm selon la morphologie du patient. Cette longueur d’au moins 30 mm est souhaitable pour bien visualiser le site d’injection en éloignant le corps de la seringue et la main du praticien. L’utilisation d’aiguilles plus courtes complique la pratique et rend la technique inapplicable dans certaines situations anatomiques (macroglossie, obésité) ; • une seringue autoaspirante évite les faux positifs d’aspiration et permet de faire la différence entre la ponction vasculaire et la ponction d’un hématome. En effet, la pression insuffisante d’un hématome ne provoque pas la pénétration du sang dans la seringue. Avantages : cette technique est fiable pour un opérateur entraîné (plus de 90 % de succès pour certains auteurs [9]), peu traumatique et donne dans un délai court (1 à 2 minutes) une analgésie de toute l’hémiarcade dentaire avec une dose inférieure ou de l’ordre d’une cartouche (1,8 ml). Le site d’infiltration se trouve à distance du site d’inflammation. Inconvénients : l’opérateur pousse en aveugle l’aiguille sur un trajet de 15 à 20 mm, ce qui suppose une bonne connaissance des structures anatomiques traversées, un apprentissage rigoureux et une maîtrise de la technique. L’éventualité de la prise en compte de ces facteurs d’apprentissage conditionne une partie Stomatologie/Odontologie
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des disparités entre les taux de succès relevés dans la littérature (39 à 95 %). Le succès dépend également de la configuration anatomique : le foramen mandibulaire est masqué par la lingula et le ligament sphénomandibulaire qui, plus ou moins développé, peut s’opposer à la diffusion de la solution analgésique. Le jeu des muscles masticateurs tend à chasser la solution de l’espace interptérygoïdien en jouant le rôle, selon Carpentier [12], de véritable essuie-glace. Le fait d’avoir une cavité buccale largement ouverte permet de tendre les muscles temporal et ptérygoïdien médial et de contracter le ptérygoïdien latéral, réduisant ainsi le couloir d’infiltration dans tous les sens. Cela provoque souvent une interposition du tendon de la partie orbitaire du temporal entre l’aiguille et le site d’injection, entraînant parfois des suites douloureuses ou de type trismus. Les fibres pulpaires ne sont parfois pas totalement analgésiées et une sensibilité dentaire peut persister même avec une analgésie techniquement réussie. Ce phénomène n’est pas propre aux anesthésies régionales et se manifeste en particulier dans le cadre d’inflammations de type pulpite. Les fibres nerveuses à destinées dentaires sont les plus lentes et les plus résistantes à l’analgésie, cela est constamment vérifié en clinique : l’analgésie du pédicule dentaire est la plus difficile à obtenir alors que celle des structures osseuses semble plus aisée. En l’absence de preuves scientifiques, les situations cliniques connues doivent permettre d’évaluer la profondeur de l’analgésie requise pour chaque acte. Par exemple : • les situations d’échecs de l’analgésie lors d’épisodes d’hyperhémie pulpaire et, à l’inverse, le peu d’échecs pour les actes chirurgicaux dans lesquels les dents vivantes ne sont pas impliquées ; • l’analgésie nécessaire pour la mise en place d’implants endoosseux est facile à obtenir avec des techniques strictement locales et avec de petites quantités de solution [6] ; • lors de l’avulsion de troisièmes molaires mandibulaires incluses, il est classique, après un dégagement osseux important, d’être confronté à une douleur à l’instant où l’on commence à sectionner la dent. Incidents Une douleur ou un trismus postopératoire peuvent être dus à une blessure musculaire ou tendineuse, mais sont le plus souvent liés aux hématomes provoqués par une technique hésitante. Chez le sujet n’ayant aucun trouble de la crase sanguine, l’hématome va se traduire par une dyscataposie transitoire désagréable, mais sans gravité. Chez les malades ayant un trouble hémorragique ou sous traitement anticoagulant, il est contre-indiqué de pratiquer une infiltration régionale. Comprendre les insuffisances et les échecs La maîtrise de la technique par l’opérateur est un critère essentiel de réussite, ce qui suppose une capacité d’autoévaluation et d’autocorrection du praticien. Voici quelques exemples de situations qui peuvent se rencontrer. Le patient décrit une analgésie de la joue sans signe de Vincent. Hypothèse probable : analgésie du nerf buccal. Le point de pénétration est trop antérieur, l’infiltration du muscle temporal a réalisé un bloc du nerf buccal. Cette situation est fréquente quand la difficulté est accrue par un gros volume de la langue ou de la joue. Le patient décrit une analgésie de la langue sans signe de Vincent. Hypothèse probable : analgésie du nerf lingual. L’infiltration trop bas située a réalisé un bloc du nerf lingual et le ligament sphénomandibulaire isole le nerf alvéolaire inférieur de la solution. Cet échec est fréquent lors de l’utilisation d’une aiguille courte qui contraint l’opérateur à injecter très en dessous de la tubérosité et des dents maxillaires. La position du patient peut être également mise en cause car si le patient est allongé, les repères de l’opérateur sont perturbés, entraînant ainsi une infiltration trop basse. Le patient ne ressent pratiquement aucun effet analgésique. Hypothèse probable : infiltration du muscle ptérygoïdien médial. Stomatologie/Odontologie
Figure 7. Analgésie au foramen mentonnier. Point de pénétration. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
L’aiguille orientée trop parallèlement au plan sagittal reste prisonnière de l’aponévrose buccinatrice au contact du ptérygoïdien. La recherche du contact osseux avec une branche mandibulaire très ouverte peut également conduire au même type d’échec. Le patient décrit des troubles faciaux. Hypothèse probable : analgésie des branches musculaires du nerf facial. L’aiguille poussée trop en arrière infiltre le prolongement antéromédial de la glande parotide dans la région de la boutonnière rétrocondylienne. Ce type d’incident est rencontré quand l’opérateur débutant recherche le contact osseux et oriente mal son aiguille en restant parallèle à la branche mandibulaire. Pour des soins longs et concernant plusieurs dents d’une même hémiarcade, le recours aux techniques d’analgésie du nerf alvéolaire inférieur se trouve être la solution la plus efficace.
Analgésie au foramen mentonnier Le canal mentonnier est entièrement rempli par le pédicule mentonnier qui, dès sa sortie, se divise en multiples branches vasculaires et nerveuses destinées aux téguments du vestibule et de la lèvre. La pénétration de l’aiguille et l’injection de la solution analgésique dans le canal mentonnier sont inévitablement traumatogènes. Elle est donc à proscrire formellement. La bonne technique consiste à déposer la solution à l’entrée du canal et de la laisser agir par perméabilité. L’analgésie des dents ne peut être obtenue que si la solution diffuse dans le canal et atteint le nerf incisif. Le succès est donc très dépendant de la perméabilité et surtout de la longueur du canal mentonnier. Matériel : seringue à cartouche et aiguille de 16 mm. Technique : repérer par la palpation l’émergence de la branche mentonnière. Celle-ci n’est recouverte que d’un fin plan muqueux. L’aiguille est introduite à distance, orientée en bas et en arrière (à l’inverse du canal mentonnier) sur 1 à 2 mm. L’injection sous-muqueuse d’un quart de cartouche est suivie d’un massage au doigt de la région, destiné à favoriser la diffusion (Fig. 7).
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22-090-K-05 ¶ Techniques d’analgésie buccodentaire
Figure 8. Analgésie du nerf lingual. Point de pénétration. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
Figure 9. Analgésie du nerf buccal. Point de pénétration. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
Avantages : le geste est simple, peu traumatisant et souvent très efficace pour l’analgésie du groupe prémolaire. Inconvénients : le canal mentonnier peut être long et décrire un trajet rétrograde, ce qui rend difficile la diffusion du produit analgésique. Il est donc fréquent que l’analgésie du groupe incisivocanin soit partielle ou insuffisante. L’anesthésie labiomentonnière est systématique, elle peut être très pénalisante surtout si les deux côtés doivent être traités au cours de la même séance. Malgré les précautions décrites, le risque d’hématome postopératoire, sans gravité mais très disgracieux, ne peut être totalement évité.
Analgésie du nerf lingual (Fig. 8) L’analgésie du nerf lingual est indispensable pour tous les actes chirurgicaux intéressant la face linguale de la mandibule. Elle est très simple à réaliser en arrière et en regard des racines linguales des troisièmes molaires mandibulaires. Le passage du nerf lingual contre la paroi osseuse de la mandibule est juste sous-muqueux et quelques dixièmes de millilitre suffisent à bloquer la sensibilité. Le lieu d’injection est situé dans la muqueuse sur le versant lingual de la crête temporale au niveau de la dent de sagesse.
Analgésie du nerf buccal Cette technique doit être utilisée en complément de l’analgésie régionale mandibulaire pour tout geste chirurgical. Le matériel utilisé est le même que pour les para-apicales. Le lieu d’injection est situé au niveau du bord antérieur de la branche mandibulaire en regard de l’angle distovestibulaire de la dent de sagesse (Fig. 9).
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■ Techniques locales Technique para-apicales L’infiltration locale ou para-apicale est faite au plus proche du site concerné. Elle consiste à déposer la solution analgésique au voisinage des apex dentaires afin qu’elle diffuse en direction des apex au travers de la paroi osseuse. Le succès est donc très dépendant de la quantité et de la qualité d’os qui sépare le point d’injection de l’apex dentaire. Ces techniques sont donc bien adaptées aux soins des dents maxillaires où les corticales osseuses sont inframillimétriques. À la mandibule, le succès est plus aléatoire surtout dans les régions molaires. Matériel : une seringue et une aiguille de 16 mm et de 25 à 30/100 de diamètre. Technique : le biseau de l’aiguille est orienté vers la table osseuse et l’aiguille y est insérée parallèlement. Une traction sur la lèvre ou la joue suivant la zone concernée est effectuée simultanément et la solution analgésique est injectée lentement et à pression constante afin d’éviter toute sensation douloureuse [9]. La quantité de solution nécessaire en moyenne pour ce type d’analgésie est de l’ordre d’un quart de cartouche (Fig. 10, 11). Avantages : l’étendue plus limitée du secteur analgésié rend les suites postopératoires immédiates moins inconfortables que pour les techniques régionales, notamment dans les secteurs mandibulaires. Inconvénients : ces techniques ne répondent pas à la logique thérapeutique qui veut que l’infiltration commence au plus loin du site opéré pour éviter les sites inflammatoires et infectés. Limitée dans le temps et dans l’espace, ce type d’analgésie répond mal aux objectifs des soins longs et étendus. En chirurgie, le drainage par le saignement peut écourter le silence opératoire. Stomatologie/Odontologie
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Les seringues spécifiques à démultiplication présentent un poussoir cranté ou animé par un galet asymétrique qui ne permet de délivrer qu’une quantité limitée de solution analgésique à chaque poussée. Elles se présentent sous forme de stylo ou de pistolet. Une taille courte de 12 mm et un diamètre de 30/100 avec une lumière réduite rend l’aiguille plus rigide.
Réalisation
Figure 10. Analgésie para-apicale, secteur prémollaire maxillaire. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
L’aiguille est introduite avec un angle de 30° par rapport au grand axe de la dent. Elle est insérée jusqu’à ce qu’une résistance correspondant au desmodonte soit perçue (profondeur de 2 à 4 mm), elle est alors située entre la dent et la crête osseuse. L’injection se fait par poussées successives, ne délivrant qu’une faible quantité de solution analgésique à chaque poussée. En moyenne, 0,2 à 0,9 ml de solution est nécessaire [15]. La diffusion de la solution analgésique est très rapide car son effet peut être observé au bout de 30 secondes et sa durée varie entre 5 et 25 minutes. Avantages : c’est une technique efficace qui permet un silence clinique satisfaisant pour les actes concernant une seule dent dont le parodonte est sain. Les doses utilisées, si la technique est respectée, sont très faibles et l’incidence systémique de l’infiltration est négligeable. Elle peut être pratiquée avec le champ opératoire en place. L’utilisation de vasoconstricteurs augmente significativement l’efficacité. D’après Gray [15], le taux de succès est multiplié par deux. L’utilisation de matériel adapté permet d’éviter le bris des cartouches en verre (la pression exercée est très importante lors de l’injection) et n’entraîne que des lésions desmondontales minimes et fugaces. C’est une technique de choix pour des patients ayant un état général diminué car la dose injectée est la plus faible de toutes les techniques proposées. Inconvénients : la technique, en dehors des actes d’extractions, est contre-indiquée sur les parodontes affaiblis. Elle est difficile à maîtriser et requiert un matériel spécifique. Cette analgésie produit une bactériémie et une contamination systématique de l’espace desmodontal. L’étude de Roberts et al. [16] montre la survenue d’une bactériémie significative dans 95 % des cas.
Technique intrapulpaire
Figure 11. Analgésie para-apicale, secteur incisif mandibulaire. A. Vue clinique. B. Vue osseuse.
L’efficacité dans les secteurs molaires mandibulaire et maxillaire est dépendante de la divergence radiculaire et de l’épaisseur des corticales osseuses. L’analgésie des structures osseuses est facile à obtenir par ces techniques, en revanche, l’analgésie pulpaire des molaires mandibulaires pose problème dans 50 % des cas.
Technique intraligamentaire L’infiltration intraligamentaire consiste à infiltrer la solution analgésique dans le desmodonte afin d’obtenir une analgésie de la pulpe et de l’alvéole.
Matériel Selon Malamed et Meechan [13, 14] le choix de la seringue n’influence pas l’efficacité de cette technique, mais l’utilisation d’un matériel spécifique permet d’augmenter la fiabilité du résultat, de simplifier la réalisation et de diminuer les risques d’accident (bris d’aiguille ou des cartouches en verre). Stomatologie/Odontologie
Cette technique consiste à déposer la solution analgésique directement dans la chambre pulpaire. Une quantité de solution analgésique très faible est nécessaire (environ 0,2 ml). Elle est utilisée en complément d’une autre technique. Si les canaux présentent une bonne perméabilité, l’analgésie est efficace. Cependant, Smith et Walton [17] recommandent une injection dans chaque racine pour les dents pluriradiculées. Avantages : elle est simple à réaliser et permet le plus souvent un silence clinique suffisant pour poursuivre l’acte endodontique ou chirurgical. Elle peut être réalisée en cours d’acte sans déposer le champ opératoire. Les effets systémiques de cette technique sont négligeables (Pashley 1986) [18]. Inconvénients : le geste peut être très douloureux. Il suppose une entrée dans la chambre pulpaire et donc une analgésie préalable et la perméabilité des canaux.
Technique intracavitaire L’objectif de la technique est d’infiltrer le sac folliculaire d’un germe de dent incluse. Le principe et la finalité sont les mêmes que pour la technique intraligamentaire. Le volume cavitaire étant réduit, les quantités de solution requises sont faibles (3 à 4/10 e de ml). En première intention, les germectomies des troisièmes mandibulaires répondent bien à cette technique et cela permet d’éviter une partie des inconvénients de l’anesthésie régionale (Fig. 12).
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22-090-K-05 ¶ Techniques d’analgésie buccodentaire
Figure 12. Analgésie intercavitaire (vue osseuse).
En pratique, ces techniques étendues à l’infiltration des cavités granulokystiques peuvent être utilisées en peropératoire lors d’insuffisances des techniques conventionnelles. La dose usuelle est d’environ 1/8e de cartouche. Avantages : simple à réaliser, elle donne de bons résultats et permet bien souvent de compléter une infiltration régionale en préparant l’hémostase locale pour les germectomies des troisièmes molaires mandibulaires. Une très petite dose est suffisante pour un effet très localisé. Inconvénients : la technique peut être douloureuse quand elle est pratiquée en première intention si l’injection est rapide et le volume injecté trop important. Cette technique n’est réalisable que si le canal cubernaculaire est accessible et perméable. C’est une technique de complément le plus souvent dans des indications chirurgicales.
Technique intraseptale Cette technique, qui a joui d’une certaine popularité pendant un temps, a été décrite par Marthaler en 1968 [19]. Elle était censée se substituer aux infiltrations régionales mandibulaires, mettant à profit la finesse relative de la corticale du septum interdentaire. Technique : l’aiguille est introduite au milieu de la papille interdentaire à 90° par rapport à la corticale. Dès que la pénétration osseuse est réalisée, la solution analgésique est introduite lentement. Inconvénient : le principal accident, qui est la nécrose partielle ou complète du septum, est à l’origine de l’abandon de cette technique que l’on ne cite que pour mémoire.
Technique intraosseuse [20] Il s’agit des techniques transseptale, transcorticale ou intradiploïque. Elles consistent à placer la solution analgésique dans l’os spongieux au voisinage d’une dent. Elles ont été proposées pour pallier les inconvénients et accidents de l’intraseptale et pour permettre une alternative à la technique régionale mandibulaire. Toutes ces techniques utilisent un appareillage, plus ou moins sophistiqué, relié à un micromoteur, permettant de traverser la corticale osseuse. Nous citerons : • la technique de Brouillet (foret Beutel-Rock n° 2 + aiguille 8 mm 40/100) ; • le système Stabident™ (perforateur jetable + aiguille 8 mm 40/100) ; • la technique de Villette, qui est régulièrement redécrite avec des modifications de matériel visant à en améliorer l’ergonomie.
Principe L’analgésie de la gencive en regard du site d’injection est effectuée dans un premier temps. Le point de perforation est
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généralement localisé dans l’espace interdentaire 2 à 4 mm en dessous du collet des dents, l’aiguille étant placée perpendiculairement au plan osseux. L’injection est réalisée lentement dans l’os spongieux à raison de une demie à une cartouche de solution analgésique. L’aiguille est retirée en faisant tourner le micromoteur à vitesse réduite. Avantages : ces techniques ont, dans la littérature, des taux de succès comparables ou supérieurs aux techniques conventionnelles par infiltration régionale. Le faible taux d’échecs est d’ailleurs à l’origine de tout l’argumentaire commercial développé par les promoteurs. Selon les auteurs, les avantages sont très nombreux : analgésie limitée à une ou deux dents, absence d’analgésie labiomentonnière à la mandibule, durée de l’analgésie réduite par rapport aux techniques régionales, diminution des doses usuelles. L’argument phare en faveur de ces techniques est leur efficacité que les auteurs opposent aux échecs rencontrés avec les autres techniques mal contrôlées. Inconvénients : de part l’importance de la vascularisation des tissus osseux spongieux, ce type d’infiltration peut être équivalent à une infiltration intraveineuse (Chamberlain et al.) [21]. La résorption sanguine et le passage dans le sang circulant sont maximum et peuvent être à l’origine de nombreux petits malaises ressentis par le patient. Des accidents infectieux sont rapportés et peuvent nécessiter la prescription d’antibiotiques, ce qui est aussi rapporté pour d’autres techniques [22]. Le risque de lésion radiculaire impose une étude radiologique préopératoire précise. Il est difficile d’expliquer clairement au patient que l’on sort du cadre de l’infiltration muqueuse et qu’il va falloir réaliser un acte invasif osseux. Nous supposons que le devoir d’information du patient est rarement respecté. Le matériel requis est coûteux, non jetable en totalité et constitue un appareillage supplémentaire à décontaminer entre chaque patient. Face à l’augmentation des publications souvent contradictoires concernant les avantages et inconvénients de ces injections intraosseuses, nous proposons de souligner quelques points importants décrits récemment dans la littérature.
Indication d’injection intraosseuse en cas de pulpites irréversibles Nusstein et al. [23] ont évalué l’efficacité de ce type de technique sur des patients souffrant de pulpites irréversibles. Une injection « classique » a d’abord été réalisée, puis des tests pulpaires ont été réalisés pour déterminer le niveau d’analgésie de la pulpe. Tous les patients répondant positivement au test et les patients qui ressentaient une douleur pendant le traitement ont reçu une injection intraosseuse de 1,8 ml de lidocaïne à 2 % avec vasoconstricteur (1/100 000). Les résultats montrent que cette injection intraosseuse est efficace à 88 % (pour les molaires mandibulaires). De plus, 42 % des patients qui ont reçu une analgésie conventionnelle ressentent une douleur pendant le traitement et nécessitent une analgésie supplémentaire. En 2006, Bigby and al. [24] veulent à nouveau démontrer l’efficacité et l’effet sur la fréquence cardiaque d’une injection intraosseuse d’articaïne 4 % avec 1/100 000 de vasoconstricteurs sur des molaires mandibulaires postérieures, en utilisant le système Stabident™. Cette étude montre que l’échec d’une analgésie profonde au foramen mandibulaire peut être pallié par une injection intraosseuse avec un taux de succès de 86 %. On doit noter que des taux de succès comparables sont relevés dans la littérature pour des techniques conventionnelles. Ces deux études semblent indiquer l’intérêt et l’efficacité de ce type d’injection lors de pulpites irréversibles sur les molaires mandibulaires en complément d’une infiltration régionale. Néanmoins, cela nous paraît alourdir considérablement l’acte délicat de l’analgésie surtout dans des situations d’urgences douloureuses comme la pulpite. Stomatologie/Odontologie
Techniques d’analgésie buccodentaire ¶ 22-090-K-05
Effet systémique de l’analgésie intraosseuse
L’entreprise de promotion commerciale à propos de nouveaux matériels améliorant les conditions opératoires tend à proposer ces techniques comme novatrices et à les utiliser systématiquement en première intention dans toutes les situations cliniques.
Blanton et al. en 2003 [25] démontrent que l’analgésie intraosseuse n’a pas d’effet significatif sur l’augmentation du rythme cardiaque, mais recommandent toutefois l’utilisation de solutions sans vasoconstricteurs pour prévenir d’éventuels effets cardiaques, ce qui soit paraît incohérent, soit paraît l’expression d’un principe de précaution face à l’incertitude de leur propre conclusion. Chamberlain et al. en 2000 [21] démontrent, à l’inverse, que l’on peut assimiler l’analgésie intraosseuse à une injection intravasculaire. Des sensations de malaise de type vagaux sont rapportés par certains patients en termes de bouffées de chaleur, palpitations, et suées immédiatement après ou au cours de l’injection. Certains patients décrivent comme très désagréable la perforation de la corticale osseuse et préfèrent souvent revenir à une technique classique pour un autre acte quand on leur laisse ce choix. Les promoteurs de ces techniques ne rapportent pas ces incidents et doléances qui ne sont pas exceptionnels.
■ Utilisation de matériel électronique Il existe des systèmes électroniques de contrôle de l’injection de la solution analgésique. Ces systèmes permettent l’injection à pression et à vitesse contrôlées quelle que soit la résistance des tissus rencontrés. Le praticien déchargé du contrôle de ces deux constantes peut se concentrer plus spécifiquement sur d’autres tâches. L’apport de ces nouvelles instrumentations ne peut qu’améliorer la pratique à condition de ne pas alourdir inutilement la gestuelle et l’ergonomie du poste de travail. L’efficacité de ce type de matériel n’est cependant pas encore complètement établie [28], mais ces systèmes constituent probablement une aide à la bonne réalisation technique [12].
Efficacité de l’analgésie transcorticale et réduction de la toxicité Villette [26, 27] évalue cette efficacité sur 500 analgésies maxillaires et mandibulaires transcorticales, et pose comme préalable que pour augmenter la puissance d’un analgésique, il faut augmenter la concentration en vasoconstricteur. L’argument de cet auteur est que la riche vascularisation de l’os spongieux permet cette augmentation de la concentration du vasoconstricteur. Les analgésies sont donc en partie réalisées avec de la lidocaïne et 1/80 000 en adrénaline, un quart de cartouche est injectée (l’articaïne n’est pas commercialisée avec de telles concentrations d’adrénaline). L’auteur en déduit que sa technique permet d’être huit fois moins toxique que l’injection parapicale d’une cartouche d’articaïne à 1/200 000. De nombreux biais peuvent être soulignés dans cette étude parmi lesquels on peut relever : • le postulat de départ selon lequel l’efficacité de l’analgésique dépend directement de sa concentration en vasoconstricteur est faux. En effet, s’il est indispensable d’associer un vasoconstricteur à l’analgésique, des études montrent qu’un effet seuil existe au-delà de 1/200 000 ; • l’augmentation de la concentration du vasoconstricteur dans les techniques intraosseuses est, en réalité, liée à la richesse de la vascularisation du tissu dans lequel est pratiquée l’infiltration pour éviter la résorption trop rapide de l’anesthésique. C’est parce que le tissu osseux spongieux est très vascularisé que s’impose l’augmentation de la concentration de vasoconstricteur dans des proportions qui ne sont jamais utiles dans les techniques classiques. L’articaïne n’est en outre pas commercialisée avec ces dosages, l’anesthésique utilisé est la lidocaïne, moins efficace ; • l’assimilation du contenu entier d’une cartouche (1,8 ml) comme étant la dose de l’anesthésie para-apicale est obsolète avec des solutions modernes (type articaïne 4 %, adréaline 1/200 000), d’autant que dans le cadre de l’article, l’auteur dit vouloir réduire les effets d’inconforts liés à l’étendue de l’anesthésie ; • aucun groupe témoin n’est associé et la répartition des types d’intervention n’est pas connue précisément ; • les voies d’administration ne sont pas prises en compte dans l’évaluation de la toxicité, hors le passage dans le sang circulant, donc les effets systémiques et la toxicité liés à l’infiltration sont fonction de la vascularisation du tissu infiltré. Une infiltration intraosseuse est plus susceptible d’entraîner un effet systémique et toxique que l’infiltration muqueuse. Le recours à l’anesthésie transcorticale paraît intéressant en cas d’insuffisance ou d’échec des techniques conventionnelles dans des sites réputés difficiles (incisives et molaires mandibulaires). Stomatologie/Odontologie
■ Conclusion Les techniques d’analgésie locale pratiquées dans notre spécialité sont à la fois efficaces et sûres. Néanmoins, une réflexion permanente sur le choix de la meilleure technique et du meilleur produit pour chaque situation clinique est indispensable. La technique choisie doit prendre en compte la nécessité de limiter la quantité de solution résorbée dans le courant sanguin, inefficace pour l’analgésie et responsable des effets systémiques secondaires. Cette quantité est dépendante de la dose injectée et de l’importance de la vascularisation du tissu infiltré. À ce titre, le meilleur score dans le rapport bénéficesécurité est obtenu dans les techniques intraligamentaires et para-apicales à condition de les pratiquer avec des doses voisines de 0,5 ml par dent. L’intérêt des autres techniques doit être évalué en fonction de critères cliniques, confrontant les nécessités thérapeutiques aux effets systémiques susceptibles d’être induits par l’injection. L’efficacité seule en termes d’analgésie ne peut justifier le choix d’une technique. Certaines techniques d’analgésie, telle l’analgésie para-apicale des molaires mandibulaires réputée peu efficace avec des solutions analgésiques anciennes peu performantes, méritent d’être réévaluées en utilisant des solutions modernes (articaïne adrénalinée à 1/200 000). Enfin, le stress et l’anxiété du patient peuvent conditionner l’obtention du silence opératoire. Tous les discours visant à la préparation psychologique et toutes les pratiques médicamenteuses ou autres propres à lever l’anxiété sont autant d’aides à l’efficacité des techniques d’analgésie. .
■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]
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S. Millot ([email protected]). A. Longuet. Université Paris-Descartes, Faculté de chirurgie dentaire, 1, rue M. Arnoux, 92120 Montrouge, France. J.-L. Charrier ([email protected]). 30, rue du bac, 75007 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Millot S., Longuet A., Charrier J.-L. Techniques d’analgésie buccodentaire. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-090-K-05, 2008.
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Stomatologie/Odontologie
Stomatologie [22-090-G-10]
Traitement préventif et curatif des hémorragies opératoires
Alain Abelli : Attaché en premier des hôpitaux de Paris Service de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, hôpital Ambroise-Paré, 9, avenue Charles-deGaulle, 92100 Boulogne-Billancourt France Philippe Menard : Professeur des Universités, praticien hospitalier
Résumé La pratique de la chirurgie bucco-maxillo-faciale comporte un risque hémorragique que l'on doit réduire au minimum, ce qui est aisément réalisable en l'absence de notion de terrain hémorragique. La notion d'hémorragies spontanées ou provoquées, dont les formes sont très diverses, doit être systématiquement recherchée par un interrogatoire minutieux et précis, complété par une étude des différents temps de la coagulation. Les tableaux cliniques sont variés et souvent complexes. Ils requièrent l'avis de l'hématologiste dans la majorité des cas et l'exercice dans un cadre hospitalier spécialisé afin d'assurer de bonnes conditions opératoires. © 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
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INTRODUCTION Dans la grande majorité des cas auxquels le praticien est confronté en pratique courante, l'hémorragie est arrêtée par l'hémostase locale, la compression directe. Tout autre est le cas d'un malade présentant (ou ayant présenté) des épisodes hémorragiques. En présence de troubles mineurs, des examens biologiques de la crase sanguine guideront
une éventuelle prescription préopératoire. En présence de troubles majeurs, seule une étroite collaboration avec l'hématologue et l'exercice dans un cadre hospitalier sont à même d'assurer de bonnes conditions opératoires. Ce chapitre est destiné à exposer les causes pouvant être à l'origine des hémorragies et les précautions qui s'imposent pour les éviter ou pour les minimiser.
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BASES GÉ NÉ RALES ET DÉ FINITIONS
Hémostase L'hémostase est l'ensemble des phénomènes physiologiques qui concourent à la prévention et à l'arrêt des saignements [17]. Elle participe à la réparation de la brèche vasculaire et d'une façon générale, elle assure le maintien de l'intégrité des vaisseaux. L'hémostase comprend trois phases de déroulement (fig 1)
[43]
.
L'hémostase primaire : temps vasculaire ; temps plaquettaire. Elle aboutit à la formation d'un thrombus blanc plaquettaire. La coagulation plasmatique : facteurs activateurs et inhibiteurs. Elle aboutit à la formation d'un caillot de fibrine. La fibrinolyse : elle va permettre de lyser le caillot de fibrine et aboutir à la formation de produits de dégradation de la fibrine. Les désordres de l'hémostase et de la coagulation peuvent résulter : d'un désordre plaquettaire quantitatif et qualitatif ; d'un désordre du système de la coagulation (par déficit d'un facteur de la coagulation) [31]. D'une façon générale, l'interrogatoire du patient et le type d'hémorragies permettent déjà une orientation diagnostique. Par exemple, un purpura pétéchial suggère une anomalie des plaquettes ; un hématome ou une hémarthrose suggère une coagulopathie. Toutefois, certains tests de laboratoire sont indispensables à l'évaluation et au diagnostic. De plus, ils permettent de préciser la cause des désordres. La nature de ces tests, leur interprétation ainsi que le diagnostic de présomption qu'ils permettent d'établir seront présentés dans le cadre de cet exposé.
Hémostase primaire : physiologie et exploration Physiologie de l'hémostase primaire
[3, 45]
L'hémostase primaire comprend l'ensemble des phénomènes qui, lors d'une plaie vasculaire, aboutissent à la formation du clou plaquettaire ce qui suffit à l'arrêt du saignement lorsqu'il s'agit d'un capillaire. Les facteurs de l'hémostase primaire sont : le vaisseau et les constituants de la paroi vasculaire ; les plaquettes et plus particulièrement la glycoprotéine de la membrane (GPIb) qui est le récepteur du facteur Willebrand ; les glycoprotéines plasmatiques : le fibrinogène et le facteur Willebrand.
Interaction des éléments la rétraction du vaisseau ; l'adhésion des plaquettes ; la sécrétion plaquettaire ; l'agrégation plaquettaire ; formation du clou plaquettaire.
Relations avec la coagulation plasmatique (fig 2)
[3]
L'hémostase et la coagulation sont dépendantes l'une de l'autre ; la thrombine renforce l'agrégation plaquettaire pour la transformer de réversible en irréversible ; l'adhésion-agrégation plaquettaire rend disponible le facteur 3 plaquettaire nécessaire à l'activation focalisée des facteurs VIII et V. Le caillot fibrineux de la phase plasmatique se joint ensuite au thrombus blanc pour se transformer en caillot fibrinoplaquettaire.
Exploration de l'hémostase primaire Elle vise à faire le diagnostic de deux types de maladies hémorragiques : les thrombopénies, les plus fréquentes, et les thrombopathies (fig 3) [1, 4, 11].
Numération des plaquettes C'est l'examen de base. Une thrombopénie inférieure à 50 giga/L peut se traduire par un syndrome hémorragique et doit être traitée avant toute intervention chirurgicale. Des plaquettes comprises entre 50 et 150 giga/L n'induisent en principe pas de syndrome hémorragique, mais requièrent une exploration étiologique. Cette étiologie peut être : d'origine centrale : insuffisance de production (trouble de la production plaquettaire et/ou altération de la maturation) par : aplasie médullaire d'origine toxique, infectieuse, idiopathique ; par envahissement médullaire ou par anomalie constitutionnelle ; d'origine périphérique : par destruction excessive ; par trouble de la répartition (hypersplénisme, transfusions massives). La destruction périphérique des plaquettes constitue la cause la plus commune de thrombopénie. Il peut s'agir soit d'une hyperconsommation (coagulation intravasculaire disséminée, hémangiome, microangiopathies diffuses) ; soit d'une destruction
immunologique : d'origine auto-immune (autoanticorps antiplaquettes). Le trouble peut se présenter dans un contexte idiopathique, être associé à une autre maladie auto-immune comme dans le lupus érythémateux disséminé ou encore s'inscrire dans un syndrome infectieux (viral) ; due à des alloanticorps (en particulier post-transfusionnels) ; due à certains médicaments pouvant induire, par différents mécanismes, l'apparition d'autoanticorps antiplaquettes. Ces désordres sont caractérisés par des saignements cutanéomuqueux. Cet examen doit être accompagné d'un interrogatoire précis sur les traitements suivis par le patient, ses antécédents personnels et familiaux d'hémorragies. Dans le cas des thrombopathies, la numération des plaquettes est normale (150 à 400 giga/L), mais il existe une anomalie fonctionnelle qui se traduit par un allongement du temps de saignement (TS).
Temps de saignement Cet examen consiste à pratiquer une incision superficielle, soit au lobe de l'oreille, soit à l'avant-bras, et à mesurer le temps nécessaire à l'arrêt du saignement. Les valeurs normales dépendent de la technique utilisée : à 4 minutes avec la technique de Duke à l'oreille ; à 5 minutes avec la technique d'Ivy - trois points à l'avant-bras ; à 8 minutes avec la technique d'Ivy - incision à l'avant-bras ; Cette dernière méthode est la plus sensible, pratiquée seulement dans les laboratoires spécialisés. En cas d'allongement du TS, des tests plus spécialisés permettent de faire le diagnostic précis des principales thrombopathies héréditaires. Ainsi, l'agrégation des plaquettes est-elle perturbée, quel que soit l'agoniste, dans la thrombasthénie de Glanzmann due à un déficit en GPIIb-IIIa alors qu'elle est normale dans la maladie de Bernard-Soulier due à un déficit en GPIb (tableau I) ou dans la maladie de Willebrand due à un déficit en facteur Willebrand. Dans ces deux dernières maladies, le test d'agglutination des plaquettes à la ristocétine est perturbé ; il mesure en effet la phase d'adhésion des plaquettes. Notons que la maladie de Willebrand (tableau II) [2, 34] est la plus fréquente des coagulopathies héréditaires. Il s'agit d'une maladie de l'hémostase primaire. Cette coagulopathie résulte de la diminution héréditaire du facteur Willebrand, elle-même responsable de la diminution du facteur VIII coagulant (VIIIc). La transmission est le plus souvent autosomique dominante. Le diagnostic est suggéré par des manifestations hémorragiques (saignements muqueux, ménorragies) et par l'allongement du TS (lié à la diminution du facteur Willebrand) et du temps de céphaline activateur (TCA) (lié à la diminution du facteur VIIIc). Le traitement consiste à compenser le déficit par apport de concentrés de facteur Willebrand. Un analogue de la vasopressine (Minirin®) peut être utilisé dans certains cas [31]. Les thrombopathies acquises représentent des anomalies plaquettaires [3, 35]. Deux grandes catégories sont à connaître. Les thrombopathies médicamenteuses :
des
fonctions
ticlopidine ; anti-inflammatoires non stéroïdiens ; acide acétylsalicylique (à noter qu'une seule prise d'aspirine perturber le TS pendant 1 semaine, soit la durée de vie des plaquettes).
peut
Les hémopathies malignes : myélodysplasies : la thrombopathie associée aux anomalies des globules rouges et des globules blancs démontre que les trois lignées médullaires sont atteintes dans cette maladie. Les anomalies fonctionnelles sont variées ressemblant parfois à une des thrombopathies constitutionnelles connues : très souvent elles réalisent un syndrome du " pool vide " (tableau III). La morphologie plaquettaire est souvent très anormale [3]. Il existe de très nombreuses anomalies des fonctions plaquettaires au cours des syndromes myéloprolifératifs, les thrombocytémies essentielles, la maladie de Vaquez, les leucémies myéloïdes chroniques et surtout les splénomégalies myéloïdes où les anomalies plaquettaires morphologiques et fonctionnelles sont majeures. Enfin les fonctions plaquettaires peuvent être modifiées par l'environnement plasmatique. Les dysglobulinémies du myélome et des maladies de Waldenström provoquent des allongements du TS et des troubles de l'adhésion et de l'agrégation des plaquettes entre elles. Au cours de l'insuffisance rénale, les anomalies fonctionnelles des plaquettes ont été rattachées à l'existence de certains métabolites anormalement présents dans le plasma de ces sujets. Enfin anémie et TS. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une thrombopathie, il faut rappeler que toute anémie sévère peut s'accompagner d'un allongement du TS qui se corrige avec la remontée du taux d'hémoglobine. Une numération de plaquettes normale et un TS normal suffisent à exclure toute anomalie de l'hémostase primaire.
Coagulation : physiologie et exploration
[3, 33]
Physiologie de la coagulation La coagulation du sang est le phénomène par lequel le sang fluide et circulant se transforme en une masse insoluble et immobile. Ce phénomène est lié à la transformation d'une protéine soluble à l'état normal, le fibrinogène, en une masse insoluble : la fibrine. On appelle caillot, les fibres de fibrine qui ont immobilisé à l'intérieur de leur réseau des cellules du sang. Cette transformation a lieu après une série de réactions enzymatiques faisant intervenir de nombreux facteurs tant plasmatiques que plaquettaires, c'est pourquoi il est impossible de séparer l'hémostase primaire de la coagulation.
É tapes dans la coagulation La fibrinoformation est la transformation du fibrinogène soluble en fibrine insoluble. L'enzyme responsable de la fibrinoformation est la thrombine. Celle-ci provient de la transformation d'un précurseur inactif : la prothrombine ; cette étape s'appelle la thrombinoformation. Une enzyme est responsable de cette transformation de la thrombine : le facteur X activé (Xa). Toute la coagulation est sous la dépendance de cette enzyme clé : le Xa. L'activation du X peut se faire par deux voies (fig 4)
[3]
.
La fibrinoformation : les facteurs de cette phase sont : le fibrinogène : facteur I ; la thrombine : facteur IIa ; le facteur stabilisant de la fibrine (FSF) : facteur XIII, l'antithrombine inhibiteur de la thrombine. La thrombinoformation : les facteurs de la réaction sont la prothrombine ou facteur II, le Xa, l'accélérine ou facteur V, des phospholipides, le calcium. Activation du X par la voie tissulaire : les facteurs de la réaction sont : le X, le facteur tissulaire, le facteur VII. Activation du X par la voie endogène : les facteurs de la réaction sont : le facteur X, le facteur antihémophilique B activé ou IXa, le facteur antihémophilique A ou facteur VIII, les phospholipides de la membrane plaquettaire, le calcium, les éléments du système contact, le facteur Hageman ou XII, PTA ou facteur XI, kallicréine ou facteur Fletcher, kininogène (fraction à haut poids moléculaire) ou facteur Flaugeac.
Exploration de la coagulation
[17]
Deux examens sont pratiqués en première intention. Ces examens requièrent un prélèvement de 5 mL de sang à la veine du pli du coude, le sang étant mélangé (9 volumes) avec 1 volume d'une solution de citrate trisodique 0,11 M pour complexer les ions calciques et empêcher l'activation de la coagulation. Les analyses sont pratiquées sur le plasma frais après centrifugation du sang pendant 15 minutes à 15 °C et à 2 300 g.
Temps de Quick - exploration de la voie extrinsèque Il consiste à recalcifier le plasma en présence d'un excès de thromboplastine tissulaire. Ce réactif est un extrait de cerveau ou de placenta qui contient du facteur tissulaire et des phospholipides. Dans les conditions où il est réalisé, ce temps de coagulation est normalement compris entre 11 et 13 secondes. Les résultats s'expriment également en pourcentage par rapport à un plasma normal étalon, et la normale se situe entre 70 et 100 %. Le temps de Quick requiert des concentrations normales de cinq facteurs : F VII, F X, F V, F II et fibrinogène (fig 5) [1, 11]. Un allongement correspond donc à un déficit soit de l'un de ces facteurs, soit de plusieurs d'entre eux. Il convient, dans ce cas, de mesurer séparément l'activité de chacun des facteurs. Ce dosage est un temps de Quick modifié où le plasma à analyser est additionné d'un plasma test contenant tous les facteurs sauf celui à doser. Le taux normal des facteurs explorés se situe entre 70 et 100 %. Le fibrinogène est dosé par une méthode chronométrique consistant à mesurer le temps de coagulation du plasma dilué en présence d'une solution de thrombine (normale 2 à 4 g/L). Deux cas de figures peuvent se présenter (fig 6A) [1, 11].
Plusieurs facteurs sont inférieurs à 70 % C'est le cas le plus fréquent qui correspond à une insuffisance hépatique (ou à un syndrome de consommation comme la coagulation intravasculaire disséminée [CIVD]). Lorsque la diminution porte uniquement sur les F VII, X et II (le F V et le fibrinogène restant normaux), il faut rechercher un trouble d'apport ou d'absorption de la vitamine K, indispensable à la synthèse des F VII, X et II. Notons que la CIVD résulte de l'activation excessive de la coagulation, débordant les mécanismes inhibiteurs physiologiques, qui entraîne la génération de thrombine systémique et la formation de thrombi dans l'arbre vasculaire. Ces thrombi sont responsables de l'activation secondaire de la fibrinolyse. La CIVD se traduit essentiellement par des manifestations hémorragiques lorsque le
syndrome de consommation est important
[9, 15, 22]
.
Le diagnostic de laboratoire permet de mettre en évidence : thrombopénie ; fibrinopénie ; diminution importante des facteurs V et VIIIc ; présence de complexes solubles et de D-dimères (stigmates d'activation et de fibrinolyse secondaire). Le traitement est surtout étiologique et symptomatique.
Un seul facteur est diminué Il peut s'agir d'une anomalie congénitale. Ces anomalies sont rares et ne se manifestent cliniquement que chez les déficits sévères ayant un taux de facteur inférieur à 20 %. Il peut s'agir également d'un autoanticorps dirigé contre un facteur et dont on peut déterminer le titre. Ces autoanticorps se rencontrent au cours de maladies auto-immunes et peuvent être transitoires (après une infection virale par exemple). Pour le fibrinogène, seules les concentrations inférieures à 1 g/L sont associées à un risque hémorragique.
TCA - exploration de la voie intrinsèque Il consiste à recalcifier le plasma après l'avoir incubé avec un phospholipide (la céphaline) et un activateur du F XII (kaolin, silice micronisée, acide ellagique). Les résultats sont exprimés, en secondes, par comparaison à un témoin (environ 30 s pour la plupart des réactifs). Ce test explore tous les facteurs de la coagulation, sauf le F VII (fig 5). En cas d'allongement du TCA et si le temps de Quick est normal, on s'orientera vers deux types d'anomalies (fig 6B) [1, 11].
Anomalies congénitales (tableau IV)
[7, 10]
Pour dépister un déficit en facteur exploré par le TCA, on effectue une épreuve de correction, c'est-à-dire un TCA sur un mélange à parties égales du plasma du malade et d'un plasma normal. Lorsque le TCA (M + T) est corrigé par l'ajout de plasma normal, il s'agit d'un déficit en F XII, XI, VIII ou IX. Le taux plasmatique de ces facteurs est alors déterminé en effectuant un TCA modifié où le plasma du malade est additionné d'un plasma contenant tous les facteurs sauf celui à doser. Les déficits en F VIII et IX correspondent aux hémophilies A et B respectivement. L'hémophilie est une maladie à transmission liée au sexe et comporte un risque d'hémorragie pour des concentrations de F VIII et IX inférieures à 30 %. Aucun acte chirurgical ne peut être pratiqué sans traitement substitutif préalable. Les hémophiles dits sévères ont un taux de facteur inférieur à 1 %. Un déficit généralement modéré en F VIII accompagne la maladie de Willebrand, le F VIII étant dans la circulation transporté et ainsi protégé par le facteur Willebrand [23]. Les déficits en F XI à taux inférieur à 30 % sont également à prendre en compte pour l'évaluation du risque hémorragique. En revanche, le déficit en F XII est totalement asymptomatique et même s'il est sévère (inférieur à 1 %) ne contreindique pas un acte chirurgical [38].
Anticoagulants circulants Dans ce cas, l'épreuve de correction est négative, c'est-à-dire que le TCA n'est pas normalisé par l'addition d'un plasma normal. Dans la grande majorité des cas, l'anticoagulant est un anticorps antiphospholipides empêchant l'assemblage des complexes enzymatiques à la surface des plaquettes ; il est appelé antiprothrombinase ou anticoagulant lupique. Ce type d'anticorps est paradoxalement associé à un risque de thrombose et non à un risque hémorragique. Il convient d'éliminer l'hypothèse d'un anticorps anti-F VIII, alloanticorps retrouvé chez certains hémophiles A sévères substitués en concentré de F VIII. Comme cité précédemment, on peut également retrouver des autoanticorps anti-F VIII (ou dirigés contre un autre facteur exploré par le TCA) en dehors de tout contexte d'hémophilie ; ils sont parfois associés à des hémorragies graves. Des techniques comme le temps de thromboplastine diluée et le dosage du F VIII permettent de faire la différence entre les deux types d'anticorps (anticoagulant lupique et anti-F VIII) qui sont retrouvés dans des contextes cliniques très différents. Ainsi, un allongement du TCA n'est pas obligatoirement associé à un risque hémorragique ; seul un diagnostic précis de l'anomalie permet d'évaluer le risque chirurgical d'hémorragie.
Temps de thrombine Il consiste à mesurer le temps de coagulation du plasma citrate en présence de thrombine. Il permet donc d'explorer la fibrinoformation. Il sera perturbé en cas d'anomalie du fibrinogène (hypofibrinémie, hyperfibrinémie et dysfibrinogénémie) (tableau V). Il le sera aussi en présence d'héparine qui accélère les réactions thrombine - antithrombine [3, 17]. Enfin, il sera perturbé en présence d'inhibiteurs de polymérisation des monomères de fibrine que sont les protéines monoclonales de myélome ou les produits de dégradation de la fibrine.
Autres désordres D'autres coagulopathies sont associées à certaines pathologies : amyloïdose, syndrome néphrotique, transfusions massives, etc.
Fibrinolyse
[44, 45]
C'est le phénomène entraînant la solubilisation des polymères de fibrine et l'élimination du caillot. Ce processus fait suite normalement à une hémostase physiologique, mais peut aussi entrer en jeu comme mécanisme de défense lors d'un état de coagulation pathologique (thrombose). La fibrinolyse physiologique dure 60 à 72 heures en moyenne, et s'effectue sous l'action d'une enzyme spécifique protéolytique : le plasminogène activé en plasmine. L'activateur mis en jeu, ou t-PA produit en très faible quantité à l'état normal, est synthétisé à la suite d'un traumatisme, d'un stress ou encore d'un exercice physique.
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MANIFESTATIONS BUCCALES DES TROUBLES DE L'HÉ MOSTASE &NBSP;[31] En général, la présence de purpura cutanéomuqueux suggère une anomalie plaquettaire ; hématome et hémarthrose suggèrent une coagulopathie. Les anomalies plaquettaires (quantitatives et qualitatives) et la maladie de Willebrand se manifestent au niveau de la cavité buccale par la présence de pétéchies (nombreuses, multifocales et ne blanchissant pas à la pression) siégeant essentiellement au palais ; d'ecchymoses, de gingivorragies, spontanées ou se manifestant après brossage ou microtraumatismes ou d'hémorragies faisant suite à une avulsion dentaire ou à une amygdalectomie. Les anomalies plasmatiques (hémophilie, déficit des autres facteurs) se traduisent par des hémorragies provoquées (avulsion dentaire, traumatisme). En revanche, les hémorragies cutanéomuqueuses sont rares.
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UTILISATION PRATIQUE DU BILAN D'UN TROUBLE DE L'HÉ MOSTASE &NBSP;[6, 31]
Traitement préventif Dans le cadre de la pratique quotidienne, il est indispensable de détecter les patients susceptibles de présenter des désordres de l'hémostase avant toute intervention chirurgicale. Pour ce faire, il est essentiel qu'un interrogatoire précis soit réalisé, qu'un examen clinique attentif soit pratiqué et qu'il soit prescrit au patient certains examens biologiques. Le questionnaire médical sera destiné à : rechercher des antécédents familiaux (hémophilie par exemple) ; rechercher des manifestations laissant suspecter des problèmes d'hémostase et/ou de coagulation : saignement prolongé et abondant spontané ou observé après effraction tissulaire chirurgicale (même mineure) ou accidentelle, hématome important après traumatisme, même mineur, et usage de l'alcool ; rechercher des médications pouvant interférer avec la coagulation : anticoagulants (héparine et antivitamine K), médicaments à base d'acide acétylsalicylique, antibiotiques, etc ; rechercher des antécédents médicaux : affections hépatiques, désordres génétiques, affections inflammatoires chroniques, leucémie et autres formes d'affections malignes étant ou ayant été traitées par chimiothérapie. L'examen clinique attentif aura pour objectif de rechercher la présence de manifestations suggérant un trouble de la coagulation : ecchymoses, pétéchies, hémorragies gingivales spontanées, épistaxis, menstruations abondantes. Certains tests destinés à mettre en évidence un trouble de la coagulation et/ou de l'hémostase primaire devront être obligatoirement réalisés chez tous les patients, candidats à une intervention chirurgicale, chez qui il y a suspicion de troubles de l'hémostase primaire et/ou de la coagulation évoqués par l'interrogatoire médical et/ou par l'examen clinique. Cinq examens élémentaires présentés (tableau VI)
[7]
permettent d'orienter ou
de confirmer le diagnostic : temps de saignement ; numération des plaquettes ; temps de céphaline activateur ; temps de Quick ou taux de prothrombine ; temps de thrombine.
Conduite à tenir en pratique quotidienne Consultation et informations médicales
[20, 26, 31]
Une consultation sera demandée : lorsque le patient rapporte des antécédents évidents de désordres de la coagulation et/ou de l'hémostase primaire ou qu'il y a une incertitude sur les antécédents du patient [41, 46] ; lorsque le patient présente des signes ou symptômes suggérant qu'il présente un trouble de l'hémostase primaire et/ou de la coagulation (saignement après traumatisme mineur, présence de pétéchies, tendance aux ecchymoses, etc). Le médecin traitant sera consulté : pour connaître précisément l'état de santé du patient, les complications associées, la nature du traitement et les médications administrées (type, posologie) ; pour définir, selon les soins envisagés, les éventuelles modifications concernant le traitement tout particulièrement chez les patients sous anticoagulants ; lorsque d'autres pathologies sont présentes et/ou lorsque le patient est polymédiqué. Précautions à l'égard du stress : les précautions à prendre à l'égard du stress intéressent en tout premier lieu les patients thrombopéniques sous traitement à base de corticoïdes. La réduction du stress reposera sur des soins, si possible de courte durée et réalisés de préférence le matin. Une sédation pharmacologique par voie orale pourra être administrée. Chez le patient sous anticoagulants, les barbituriques, en raison de leurs interactions avec les anticoagulants, seront évités.
Précautions à prendre dans le cadre de l'anesthésie L'anesthésie locorégionale, tout particulièrement du nerf alvéolaire à l'épine de Spix peut non seulement être à l'origine d'un saignement mais aussi d'un hématome pouvant obstruer les voies aériennes. Ainsi, ce type d'anesthésie est contre-indiqué chez le patient hémophile sauf s'il y a compensation du facteur déficitaire. La réalisation d'anesthésies strictement locales sera préférable. En effet, ce type d'injection d'anesthésie peut être réalisé chez le patient hémophile car il ne nécessite pas de compensation du facteur déficient lorsque cette déficience est légère ou modérée. Chez le sujet sous anticoagulant, les anesthésies locales sont aussi préférables. La réalisation d'anesthésies générales nécessite une compensation du facteur déficient avant intubation car celle-ci peut être traumatisante et induire une hémorragie et/ou un hématome. Il est à noter que les anesthésiques gazeux volatils peuvent interférer avec l'adhésion plaquettaire en modifiant l'agrégation des plaquettes.
Il n'y a pas de contre-indication à l'usage des vasoconstricteurs. Dans tous les cas, les injections seront réalisées lentement.
Précautions à l'égard du traitement suivi par le patient Ces précautions sont à prendre : chez les patients sous antiagrégants plaquettaires : ticlopidine, acide acétylsalicylique, etc ; chez les patients qui sont sous anticoagulants ; chez les patients qui sont ou qui ont été placés sous traitement à base de corticoïdes (dans le cadre d'une thrombopénie ou pour d'autres raisons) ; chez les patients sous immunosuppresseurs (présentant une thrombopénie sévère ne répondant pas aux corticoïdes et à la splénectomie ou pour d'autres raisons).
Précautions à l'égard des troubles de l'hémostase et de la coagulation Risque hémorragique lié à un désordre plaquettaire Les patients présentant une thrombopénie modérée (numération plaquettaire comprise entre 50 et 100 giga/L) avec un TS légèrement prolongé, ne pourront recevoir que les soins qui ne sont pas susceptibles d'induire un saignement. Tous les autres soins nécessiteront une correction du TS avant d'être réalisés. Il est à noter que la valeur prédictive du TS pour le risque hémorragique est contestée. Si les soins sont indispensables (par exemple en cas d'urgence), le Minirin® sera évalué s'il existe une thrombopathie associée. Le contrôle du saignement se fera grâce à l'usage de techniques locales d'hémostase : applications topiques d'agents hémostatiques locaux résorbables (Surgicel®), réalisation de sutures, compression par mise en place de gouttières, application de colle biologique, usage de vasoconstricteurs, etc. Si ces mesures sont insuffisantes, une transfusion plaquettaire sera envisagée. Dans tous les cas, une alimentation semi-liquide sera recommandée au patient pour limiter tout traumatisme au niveau du site opératoire. Tous les patients présentant une thrombopénie sévère (numération inférieure à 50 giga/L) ne doivent pas faire l'objet de soins sanglants tant que leur condition n'est pas améliorée. S'ils présentent des gingivorragies, le brossage gingival doit être restreint. Pour compenser l'inflammation, des bains de bouche antiseptiques seront prescrits. Si des soins sanglants sont indispensables, ils seront réalisés après transfusion plaquettaire.
Risque hémorragique lié à une déficience d'un facteur de la coagulation Toute suspicion de déficience, révélée par l'interrogatoire médical, l'examen clinique et/ou les tests de laboratoire (TS, TT, TP, TCA, numération plaquettaire), conduira l'odontostomatologiste à s'abstenir de réaliser des soins sanglants jusqu'à évaluation médicale et détermination de la sévérité. Ce n'est qu'après approbation du praticien traitant ou de l'hématologue que les soins, avec certaines précautions, seront envisagés [6]. Toutes les procédures à l'origine d'un saignement (avulsions, détartrage, etc) peuvent cependant être envisagées, mais avec une extrême précaution et avec compensation du facteur déficient [37]. Les actes chirurgicaux plus conséquents ne seront pratiqués qu'avec l'administration concomitante d'un traitement substitutif apportant le facteur de coagulation manquant et éventuellement celle d'agents antifibrinolytiques. Ceci ne dispense en aucun cas d'utiliser les techniques locales classiques d'hémostase. Parmi les médications destinées à la prévention du saignement chez les patients
présentant une hémophilie modérée, il faut citer : l'acide tranexamique (10 mg/kg), la desmopressine (Minirin®, 0,4 μg/kg) ou les concentrés de facteurs VIII ou IX (tableau VII) [17]. La desmopressine est sans efficacité chez les patients présentant une hémophilie ou un Willebrand sévère (tableau VIII) [17, 36, 39] .
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PRÉ CAUTIONS SPÉ CIFIQUES : PATIENTS SOUS ANTICOAGULANTS Le traitement par anticoagulants se justifie chez tout patient présentant un risque thromboembolique. Ce traitement prophylactique quelquefois curatif se fait essentiellement par deux classes d'anticoagulants : les héparines et les antivitamines K, mais aussi par aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Avant d'arrêter de tels traitements, il faudra trouver un juste équilibre entre le risque de saignement et celui d'initiation d'une thrombose. L'importance du risque thromboembolique sera évaluée de manière très rigoureuse [8, 17, 19, 24, 25, 42] .
Types de patients anticoagulés Ce sont essentiellement les : patients en arythmie complète par fibrillation auriculaire ; porteurs de valves aortiques et surtout mitrales ; infarctus récents ; antécédents de thrombose artérielle ; antécédents de thrombose veineuse ; risques de thrombose par arythmie auriculaire ; infarctus anciens.
Types d'interventions Les interventions envisagées chez ces patients peuvent être très différentes ; une extraction dentaire sans problème n'est pas comparable à un acte chirurgical qui comporte, par exemple, des dents incluses ou une résection d'un kyste volumineux. Suivant la localisation de l'acte chirurgical, une compression pourra être réalisée de manière plus ou moins efficace ; cet élément est à prendre en compte avant de décider du degré d'anticoagulation à maintenir en période périopératoire. Enfin, l'attitude à adopter sera totalement différente suivant que l'on doit pratiquer une intervention en urgence ou non.
Types d'anticoagulants Les principaux anticoagulants utilisés sont des héparines et des antivitamines K. Mais des patients peuvent aussi être traités par de l'aspirine ou des AINS, ou parfois par du Ticlid®, tous ces produits entraînant des troubles de la coagulation.
Héparines
Elles ont une action anticoagulante immédiate en présence d'antithrombine III. Ce sont des substances naturelles. Les héparines standards commerciales sont un mélange très hétérogène de molécules ayant une même structure chimique de base (la plus petite structure est le pentasaccharide) se différenciant essentiellement par leur poids moléculaire et leur affinité pour l'antithrombine III. Elles sont essentiellement utilisées pour prévenir ou traiter la maladie thromboembolique et ne peuvent être administrées que par voie parentérale, essentiellement intraveineuse et sous-cutanée.
Pharmacocinétique Héparine intraveineuse Après injection IV unique d'une dose d'héparine, on a pu déterminer les caractéristiques suivants : espace de diffusion : l'héparine n'est retrouvée que dans le plasma. Elle ne franchit pas les séreuses (plèvre, péritoine, méninges). Elle ne traverse pas le placenta ; elle ne pénètre pas dans la circulation foetale. Une partie de l'héparine injectée est retrouvée au niveau de l'endothélium vasculaire et à l'intérieur des cellules réticuloendothéliales ; une faible partie passe dans les urines ; demi-vie plasmatique : elle est classiquement de l'ordre de 90+/-30 minutes. Elle est partiellement dose-dépendante. Elle est raccourcie en cas de maladie thromboembolique évolutive. Elle est plus longue chez l'insuffisant hépatique et l'insuffisant rénal ; mécanisme de disparition de l'activité anticoagulante de l'héparine : il est mal déterminé et complexe. Il fait intervenir plusieurs paramètres : clairance réticuloendothéliale, fixation sur l'endothélium vasculaire, neutralisation par le facteur 4 plaquettaire.
Héparine sous-cutanée Après injection sous-cutanée, le passage de l'héparine dans le sang est précoce et progressif (avec concentration maximale entre la 2e et la 3e heure) puis stable pendant 5 à 8 heures, et prolongé pendant 8 à 14 heures en moyenne. L'absorption est partiellement influencée par la nature du sel d'héparine utilisé (le sel sodique diffusant plus vite et plus intensément que le sel calcique).
Activité anticoagulante Les héparines ayant une affinité pour l'AT III (héparines non fractionnées) sont capables d'inhiber la thrombine mais aussi les facteurs IX, X, XI a, et leur activité anticoagulante est appréciée par des tests biologiques : TCA et héparinémie (tableau IX) [17]. L'avantage de cette anticoagulation par l'héparine est qu'elle est immédiatement réversible par la protamine.
Héparines de bas poids moléculaire (HBPM) Le mécanisme d'action de ces molécules est d'inhiber l'activité du facteur Xa, avec comme corollaire, un moindre retentissement sur les tests de coagulation globaux. Ces HBPM réagissent fractionnées.
moins
avec
les
plaquettes
que
les
héparines
non
En plus, ces dernières ont une biodisponibilité de 100 % contre environ 30 % pour les héparines non fractionnées. La surveillance repose sur la mesure de l'activité anti-Xa.
Effets secondaires des héparines Ils se manifestent thrombopénies.
principalement
sous
forme
d'hypersensibilité
et
de
Antivitamines K (AVK) Les AVK sont des composés chimiques organiques qui inhibent l'action de la vitamine K au niveau de l'hépatocyte, et provoquent ainsi une diminution de l'activité biologique de quatre facteurs de coagulation (facteurs II, VII, IX et X). Les AVK sont administrés par voie orale ; leur action anticoagulante est retardée et prolongée (tableau X).
Pharmacocinétique Absorption : intestinale. Transport plasmatique : forme libre, pharmacologiquement active, forme liée aux protéines, inactive, mais servant de réservoir = action prolongée. Lieu d'action : hépatocyte. Dégradation enzymatique : hépatocyte. Élimination : urines. Rapidité et durée d'action : variables (tableau X)
[8, 17]
.
Surveillance du traitement Les doses thérapeutiques des AVK étant très proches des doses pouvant entraîner un syndrome hémorragique, le contrôle du traitement doit être régulier. Deux types de tests sont disponibles : le temps de Quick ou (TQ) ; TCA. Dans un effort de standardisation, il est recommandé d'exprimer les résultats du temps de Quick en INR (international normalized ratio). Le système est basé sur la calibration de la thromboplastine utilisée dans le laboratoire par référence à un standard international. L'index de calibration est appelé ISI. L'INR est le rapport de temps de Quick (malade/témoin) élevé à la puissance ISI. L'expression en INR est exclusivement réservée à la surveillance des traitements par les AVK. Zone d'efficacité biologique : INR 2 à 3 pour la prévention ou le traitement des thromboses veineuses et des embolies pulmonaires. INR 3 à 4,5 pour les thromboses veineuses et les embolies pulmonaires récidivantes, les maladies artérielles, les prothèses cardiaques et les greffes. On ne doit jamais dépasser la valeur maximale de 5 pour l'INR [3, 8, 16, 17, 40].
Effets secondaires des AVK Ce sont les accidents hémorragiques : dans le cas de saignement modéré, le traitement dépendra de l'INR : l'arrêt du traitement sera d'au moins 48 heures ; si le saignement est important, on arrêtera le traitement et on utilisera du plasma frais congelé.
Aspirine - AINS - Ticlid® Ce sont des médicaments antiagrégants plaquettaires. Activité anticoagulante : l'aspirine et les AINS agissent en bloquant la cyclooxygénase, ce qui bloque ainsi la production de thromboxane A2 par la plaquette et de prostacycline par la cellule endothéliale. Le Ticlid® agit en bloquant la voie de l'ADP.
Conduite à tenir vis-à-vis de malades sous anticoagulants devant subir une intervention chirurgicale Le traitement ne doit jamais vraiment être arrêté. Trois cas de figures peuvent se présenter. Le malade est sous héparine : l'intervention sera effectuée après vérification du TCA et de l'héparinémie. Le patient est traité par AVK : un relais par héparine (avec arrêt d'AVK) devra être fait avec contrôle des différents paramètres de la coagulation, puis reprise du traitement antérieur. Le traitement par l'héparine sera arrêté après constatation de reprise de l'efficacité des AVK. Le patient est sous aspirine : il est préférable d'arrêter 8 jours le traitement, ou bien le relais sera fait par des AINS à demi-vie courte. De plus, les techniques d'hémostase locale sont d'une grande utilité. Si le risque hémorragique est évalué comme pouvant être important (avulsions multiples, avulsions de dents incluses, résection de kystes, etc), les actes seront réalisés en milieu hospitalier.
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TRAITEMENT HÉ MOSTATIQUE EN PRATIQUE ODONTOSTOMATOLOGIQUE
Position du problème Toute intervention de chirurgie odontostomatologique comporte un risque hémorragique que l'on doit réduire au minimum, ce qui est aisément réalisable en l'absence de notion de terrain hémorragique.
Toute autre est la conduite d'une intervention chez un malade présentant un risque potentiel d'hémorragie per- ou postopératoire. Un protocole rigoureux faisant appel à des techniques d'hémostase récentes s'impose. Divers types d'actions peuvent aboutir à arrêter un saignement. Action locale : elle peut être purement physique (compression, hémostase chirurgicale) ou agir par le dépôt d'une substance " coagulante " sur le lieu du saignement. Correction d'une anomalie du système hémostatique : elle peut relever schématiquement de l'apport de ce qui manque (traitement substitutif transfusionnel, vitamine K) ou du blocage d'un système anormalement activé (antifibrinolytiques). Utilisation de l'un des médicaments " hémostatiques " à action générale, alors que le système hémostatique du sujet est normal.
É tiologie des hémorragies de cause odontostomatologique L'hémorragie buccale peut survenir dans le cadre d'une affection antérieure connue ; elle peut aussi être révélatrice.
Maladies hémorragiques Elles peuvent se compliquer de gingivorragies, d'hématomes jugaux, ou du plancher de la bouche.
de
stomatorragies
ou
Nous ne reviendrons pas ici sur les différentes maladies atteignant l'un des trois temps de l'hémostase et que préciseront les examens complémentaires appropriés.
Causes tumorales Elles peuvent être malignes (épithélioma ou sarcome) ou bénignes. Les tumeurs malignes peuvent se révéler par des stomatorragies de faible abondance mais récidivantes. Quant aux angiomes buccaux, ils peuvent être responsables d'un saignement abondant ou récidivant au cours des microtraumatismes répétés et successifs. Une biopsie sur une telle tumeur peut avoir des conséquences catastrophiques.
Causes médicales En dehors des causes hématologiques déjà vues, les causes médicales des stomatorragies doivent nécessiter un examen odontostomatologique soigneux. Toute gingivite ou gingivostomatite ulcérée peut toujours être révélatrice d'une hémopathie jusqu'alors méconnue.
Causes traumatiques Hémorragie postopératoire
L'hémorragie à la suite d'une extraction dentaire peut se manifester quelques heures après l'extraction et prendre un caractère parfois inquiétant. Le plus souvent, elle a une cause locale mais parfois elle peut révéler un trouble de l'hémostase latent qu'aurait pu déceler un bilan préopératoire complet. L'hémorragie peut survenir à la suite d'une intervention au niveau de la cavité buccale : biopsie d'une tumeur ; traitement d'un kyste ; traitement chirurgical d'une tumeur bénigne ou d'une tumeur maligne ; ostéotomies dans les cas de dysmorphoses, etc.
Hémorragie post-traumatique Les hémorragies buccales, à la suite des traumatismes graves maxillofaciaux, peuvent prendre un caractère inquiétant, tant par la déperdition sanguine que par le retentissement sur la perméabilité des voies respiratoires et une trachéotomie peut être immédiatement obligatoire.
Traitements hémostatiques à action locale Toute hémorragie focalisée réclame une hémostatique du sujet soit normal ou non.
action
locale,
que
le
système
Compression Base des moyens chirurgicaux de l'hémostase, elle est le plus souvent utilisée en chirurgie buccodentaire, en particulier à la suite d'avulsions [7, 16].
Compression immédiate Réalisée en peropératoire au moment du saignement, elle peut être extrinsèque (compresse ou bourdonnet de gaze) ou intrinsèque. Cette dernière fait appel à des moyens multiples que l'on peut citer. Le méchage non résorbable : mèche de gaze tassée dans la cavité dont on veut assurer l'hémostase (alvéole, vestibules narinaires). L'adjonction de solutions hémostatiques à ce méchage peut contribuer à améliorer la qualité du geste : Hémostatique Ercé®, Reptilase®, etc. Le méchage résorbable : il fait appel à l'utilisation de biomatéraux : gaze de cellulose oxydée (Surgicel®, Sorbacel®) ; collagène (Hémostagène®) ; cire de Horsley (hémostase des tranches de neurochirurgie et en chirurgie maxillofaciale).
section
osseuse
en
Les méchage mixte résultant de l'association des deux techniques précédentes est la méthode qui présente le plus d'avantages : la compression avec action hémostatique interne par biomatériaux ; la compression extrinsèque réalisée par une compresse ou une mèche de gaze.
Colles chirurgicales : leur recours est conseillé dans les interventions chez les patients présentant une dyscrasie sanguine [29]. Le plus souvent, l'utilisation de colles biologiques en chirurgie buccale est associée aux moyens précédemment décrits et, en particulier, les tamponnements par matériaux résorbables.
Colle GRF, gélatine (résorcine) formol Elle est constituée de 5 g de résorcine, 15 g de poudre de gélatine, mélangés à 45 °C, dans 20 mL d'eau distillée. Le catalyseur est une solution de formol officinal à 37 %. Le formol a pour effet de polymériser et de durcir la gélatine à la température ambiante. La durée de conservation de la colle reconstituée est de 2 mois. Le mélange gélatinerésorcine se conserve sous vide environ 1 an, si le tube n'est pas ouvert. La plaie doit être asséchée, comblée par une mèche résorbable Surgicel® ou Sorbacel®.
Avantages de la GRF Préparation peu onéreuse. Application dans un milieu qui peut être plus ou moins asséché. Elle permet des retouches. Elle protège le caillot alvéolaire des traumatismes buccaux et de la fibrinolyse salivaire.
Inconvénients de la GRF Confort inexistant pour le malade, rugosité des bords de la colle pouvant entraîner des lésions muqueuses ou linguales. Risque de nécrose osseuse ou tissulaire si des vapeurs de formol persistent. Sa préparation : elle est à connaître. Son utilisation n'exclut pas celle de produits de substitution. Les colles de fibrine type Biocol® ou Tissucol®, sont utilisées en comblement de cavités alvéolaires, et permettent d'obtenir un caillot adhérant aux parois de l'alvéole, en utilisant in situ la transformation du fibrinogène en fibrine par l'intermédiaire de la thrombine. Leur indication dans les cas de diathèses hémorragiques, type hémophilie, trouve une place de choix.
Compression médiate Elle fait appel à des moyens prothétiques ou instrumentaux.
Moyens prothétiques Ils consistent à utiliser les différents types de gouttières assurant une compression et une protection de l'alvéole dans lequel un méchage a été effectué.
Les gouttières extemporanées sont réalisées avec des pâtes thermoplastiques, type Stents® ou pâte de Kerr®, ou avec des élastomères de silicone type Silaplast®, Optosil®. Les gouttières thermoformées prévues avant l'intervention sont réalisées à partir de feuilles de polypropylène thermoformables transparentes (Pressform®) au cabinet de consultation par le praticien. Les gouttières réalisées au préalable au laboratoire, sont soit en résine cuite, soit en résine autopolymérisable. La gouttière thermoplastique souple réalisée sous pression type Biostar®. Autres moyens de compression médiate en chirurgie maxillofaciale : les sondes à ballonnet sont utilisées dans les tamponnements muqueux sinusiens ou nasaux (type Folley ou des ballonnets de Franchebois) ; les masques compressifs dérivent de l'utilisation de pansements élastiques, compressifs type Élastoplaste® " mentionnière " ou " jugulaire ".
Moyens physiques Ils sont régulièrement utilisés seuls ou en association aux moyens chirurgicaux pour le traitement des saignements opératoires. Il s'agit de la diathermocoagulation, la coagulation bipolaire et le laser chirurgical à gaz carbonique.
Moyens chirurgicaux Ils sont utilisés lorsque l'hémorragie siège au niveau des parties molles : forcipressure, ligatures, sutures sur bourdonnets, fermeture des plaies sous dépression.
Traitement systématique des anomalies de l'hémostase Certaines médications actives par voie générale peuvent être utiles sans supprimer l'anomalie de l'hémostase. Citons les agents antifibrinolytiques, pour la prévention des hémorragies secondaires après extraction dentaire. Dans les autres cas, le but du traitement est la correction de l'anomalie de l'hémostase, convenablement identifiée par un bilan biologique préalable.
Traitement substitutif L'indication de la transfusion doit être correctement posée. Actuellement, il ne faut pas compenser une hémorragie ne dépassant pas 20 % du volume sanguin total, soit de 1 000 à 1 200 mL, chez un adulte, à condition de préserver la volémie. Cette hémodilution normovolémique peropératoire a les mêmes avantages que l'hémodilution normovolémique intentionnelle. Cette perte sanguine correspond à un hématocrite à 30 %, soit à une valeur de l'hémoglobine à 100 g/L-1 [7]. Le traitement transfusionnel tend à corriger l'anomalie de la façon la plus élective possible : le sang total est abandonné pour ses produits de fractionnement (plaquettes, plasma, fractions plasmatiques concentrées). Le rendement du traitement substitutif est limité par plusieurs éléments : dilution du matériel injecté dans la masse plasmatique du receveur, diffusion des protéines hors du compartiment vasculaire, durée de vie des plaquettes et des protéines de l'hémostase. Le calcul de la quantité à injecter, le rythme des injections doivent
donc tenir compte de ces divers éléments. Enfin, tout traitement transfusionnel comporte un risque immunologique (développement d'anticorps antiplaquettaires, d'un anticoagulant circulant chez l'hémophile). Quant au risque de transmission des virus des hépatites A, B, C, HTLV, VIH, CMV, EBV, il n'est plus qu'un mauvais souvenir pour les fractions plasmatiques concentrées, et en voie de le devenir pour le plasma, du fait des traitements physiques et chimiques appliqués lors de leur préparation. En revanche, le risque persiste (quoiqu'il soit limité grâce à la détection systématique obligatoire sur chaque don) pour les produits qui n'ont pas subi d'inactivation virale (dérivés cellulaires dont les concentrés plaquettaires et plasmas congelés) [17, 28].
Concentrés plaquettaires Un concentré plaquettaire standard (CSP) contient, dans 25 à 60 mL, les plaquettes provenant d'un don de sang. Il peut être conservé 3 à 5 jours après le prélèvement sous agitation lente à 22°C. Le rendement est jugé 1 à 3 heures après la transfusion, sur la remontée du chiffre plaquettaire. Dans le meilleur des cas, la transfusion d'une unité pour 5 kg de poids chez l'enfant, pour 7 kg chez l'adulte, élève la numération plaquettaire de 50 000/μL, le chiffre antérieur à la transfusion étant réatteint en 5 à 8 jours. Cet effet passager suffit habituellement à faire céder le syndrome hémorragique des thrombopénies et des thrombopathies. La répétition de ces transfusions induit avec fréquence une immunisation dans le système HLA, celle-ci diminuant considérablement l'effet du traitement. On peut éventuellement recourir alors au CUP (concentré unitaire plaquettaire) d'un HLA compatible.
Fractions coagulantes Elles sont préparées (sauf le facteur XIII) par fractionnement du plasma humain obtenu par le don du sang. Leur activité, pour le ou les facteurs de la coagulation que l'on y trouve sous forme concentrée et purifiée, est exprimée en unités, 1 unité représentant l'activité de 1 mL de plasma normal. Le calcul des posologies et leur rythme d'administration sont établis sur la base de ces activités (précisées sur l'emballage), sur celle de la concentration plasmatique requise pour permettre l'hémostase (tableau XI) et sur les éléments déjà évoqués qui influencent le rendement du traitement. Tous ces produits sont " viro-inactivés " [17] .
Traitement de l'hémophilie Il repose sur l'injection de concentrés en facteur VIII pour l'hémophilie A, en facteur IX pour l'hémophilie B, produits concentrés 25 à 100 fois par rapport au plasma humain. Chez l'hémophile qui a développé un inhibiteur du facteur VIII ou IX, il y a deux types de situations : si l'inhibiteur est saturable par de fortes doses, le traitement repose sur les concentrés de facteur VIII (humain, voire porcin) ou IX ; si l'inhibiteur est non saturable, le traitement utilise des fractions activées du complexe prothrombinique (CPPA, Feiba, Autoplex) ou de facteur VII activé (Acset) ; l'effet hémostatique est alors obtenu sans correction du déficit.
Traitement de la maladie de Willebrand
[13, 14, 21]
Il repose sur le concentré de facteur Willebrand ou sur le concentré de facteur VIII spécial Willebrand. Notons que certains auteurs à propos des extractions dentaires chez les hémophiles et les porteurs de la maladie de Willebrand, après une étude de 26 observations cliniques, proposent des protocoles basés sur la nécessité
d'anesthésie générale ou tronculaire qui impose une supplémentation en facteurs de coagulation voire un traitement au Minirin®, par opposition à l'anesthésie locale qui ne nécessite pas de substitution. Ils insistent sur l'indication impérative des moyens hémostatiques locaux associés aux antifibrinolytiques [18, 27] .
Traitement des autres déficits Le concentré de facteur VII est destiné aux rares cas de déficit constitutionnel en facteur VII. Le concentré de fibrinogène est destiné aux rares cas d'afibrinogénémie constitutionnelle. Le concentré du complexe prothrombinique (PPSB) contient, concentrés 10 à 30 fois par rapport au plasma, les facteurs II, VII, IX et X. Il est indiqué dans les déficits associés en facteurs du complexe prothrombinique et, en situation d'urgence, dans les carences sévères en vitamine K ou les surdosages en traitement AVK. Il permet de corriger les très rares cas de déficit constitutionnel en facteur II et en facteur X. Le concentré en facteur XIII est extrait du placenta humain (Fibrogammine®). Sa longue durée de vie rend possible le traitement préventif de l'exceptionnel déficit constitutionnel en facteur XIII.
Plasma frais congelé (PFC) Le PFC est présenté en unité de 200 mL qui doivent être conservées à - 30 °C et décongelées à 37 °C juste avant transfusion. Le plasma contenant les anticorps naturels du système ABO, les règles habituelles de compatibilité doivent être respectées en cas de transfusions massives. La mise à disposition de PFC viroinactivé va en rendre l'administration infiniment plus sûre. Le PFC doit être réservé aux situations pour lesquelles aucun produit de substitution ne peut être proposé, telles les hémorragies graves avec déficit global et majeur en facteurs de la coagulation, survenant au cours des coagulopathies sévères ou des transfusions massives. Les très rares déficits constitutionnels en facteur V ou en facteur XI pour lesquels il n'existe pas de concentré correspondant peuvent aussi être corrigés par l'administration de PFC.
Desmopressine
[32]
La desmopressine ou DDAVP (Minirin®) est susceptible d'entraîner la libération in vivo d'une activité facteur Willebrand-facteur VIII et donc une hausse brève de leur taux plasmatique. Un test préalable permet de juger de l'efficacité chez un sujet donné. Cette thérapeutique a été proposée chez des sujets atteints d'une hémophilie A atténuée ou d'une maladie de Willebrand en couverture d'une intervention chirurgicale mineure (extraction dentaire par exemple) ; elle a également donné des résultats intéressants dans le traitement de diverses anomalies de l'hémostases primaire. Ce traitement pouvant engendrer une poussée fibrinolytique, on lui adjoint parfois un antifibrinolytique (Hémocaprol® ou Exacyl®). Une deuxième injection est envisageable après un délai de 48 heures.
Vitamines K
Les vitamines K sont utiles uniquement dans les cas de carence clairement identifiée par le laboratoire. La plus utilisée est la vitamine K1 liposoluble. La voie orale est utilisée pour le traitement préventif de la maladie hémorragique du nouveau-né, avec 1 à 5 mg de vitamine K1 administrée dans le premier biberon. La voie parentérale est préférable dans les autres cas : ictère par rétention, malabsorption digestive, accident hémorragique au cours d'un traitement anticoagulant par agent antivitamine K, antibiothérapie prolongée à large spectre. Après injection, la remontée des facteurs du complexe prothrombinique s'amorce dès les 12 premières heures, et se complète en 48 à 72 heures ; 20 ou 50 mg suffisent à juger des possibilités du traitement par vitamine K ; il n'a aucun effet durable si l'atteinte du complexe prothrombinique est liée à une défaillance de l'hépatocyte. Si la cause du déficit persiste (ictère par rétention, alimentation parentérale exclusive), l'injection doit être répétée de façon à apporter environ 2 μg/kg/jour.
Antifibrinolytiques L'acide epsilon-amino-caproïque (Hémocaprol®) et l'acide tranexamique (Exacyl®) peuvent également être utilisés. Ils sont moins bien adaptés au traitement des hémorragies graves par fibrinolyse aiguë. Ils agissent en effet plus comme inhibiteur de l'activation de la fibrinolyse que par une action antiplasmine [5, 12, 30].
Hémostatiques à action générale actifs en l'absence d'anomalie identifiée de l'hémostase Leur efficacité ne peut être contrôlée par aucun test biologique. L'indication de ces produits relève des circonstances où l'hémostase locale s'avère difficile ou impossible : hémorragies en " nappe ", hémorragies peret postopératoires de la chirurgie dentaire, des amygdales, des végétations, etc, où ils sont volontiers utilisés à titre préventif. Ethamsylate (Dicynone®) : ce produit agit sur l'hémostase primaire par un mécanisme encore inconnu. Enzyme de venin de Bothrops Atrox (Reptilase®) : ce produit agit en détachant la fibrinopeptide A de la molécule de fibrinogène, la rendant ainsi plus sensible à l'action de la thrombine. Acide epsilon-amino-caproïque et acide tranexamique agissent en bloquant la fibrinolyse physiologique, très active au niveau de la cavité buccale. Ils sont contre-indiqués chaque fois que l'on peut soupçonner l'existence d'une coagulation intravasculaire, dont ils aggraveraient les conséquences, ou de caillots dont ils gêneraient la résorption dans une cavité naturelle.
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TRAITEMENT HÉ MOSTATIQUE SPÉ CIFIQUE EN CHIRURGIE MAXILLOFACIALE ET PLASTIQUE
Caractéristiques anatomiques de la face
La face est richement vascularisée. Le fait caractéristique de la vascularisation de la face est l'unité tant du réseau artériel que du réseau veineux de retour. Un seul tronc artériel amène le sang destiné aux différentes régions, la carotide externe ; tout le sang veineux revient par les jugulaires interne et externe. Ainsi, chaque hémiface possède son réseau particulier avec des anastomoses entre les deux côtés.
Considérations générales du traitement hémostatique
[7]
La réduction du saignement lors de la chirurgie maxillofaciale peut être facilitée par certaines techniques adjuvantes. Leur emploi est motivé pour deux raisons essentielles : La recherche de l'exsanguinité du champ opératoire pour faciliter le déroulement de l'acte chirurgical. La réduction des pertes sanguines dans les interventions très hémorragiques. Différentes techniques ont été proposées pour atteindre ces objectifs en chirurgie maxillofaciale.
Plan anesthésique Hypotension contrôlée Elle est obtenue par action sur la pression intramurale au niveau du site opératoire. La réduction du saignement est corrélée au niveau de la pression artérielle systolique, contrairement à la réduction du débit cardiaque. Pour les patients normotendus, la pression artérielle moyenne doit rester dans les limites de 50 à 60 mmHg et de 60 % de la pression artérielle de repos pour les hypertendus.
Contre-indications à l'hypotension contrôlée Coronarien. Ischémie cérébrale. Hypovolémie. Anémie.
Hémodilution normovolémique intentionnelle Elle consiste à remplacer une partie de la masse sanguine par un substitut du plasma jusqu'à l'obtention d'un hématocrite à 30 % au moins.
Plan chirurgical Drainage de posture Quand le débit cardiaque est réduit, les vaisseaux en état de vasodilatation peuvent facilement être remplis ou vidés selon la posture. La mise en position
120 mmHg au niveau du bras et à 180 mmHg au niveau des membres inférieurs. Le drainage de posture, seul, n'est pas toujours suffisant, mais il est en revanche un bon adjuvant de l'hypotension contrôlée.
Infiltration du champ opératoire Plusieurs types de solutions vasconstrictives peuvent être utilisés, associées ou non à un anesthésique local.
Embolisation suprasélective C'est Djindjian qui a introduit l'angiographie supersélective des branches de la carotide externe et plus particulièrement du pédicule nourricier pathologique. Indications : angiomes des parties molles ou des maxillaires ; fibromes nasopharyngiens ; tumeurs néoplasiques très vascularisées ; voire les fistules artérioveineuses. Elle précède souvent le geste chirurgical, permettant une intervention en sécurité par diminution des risques hémorragiques. Elle peut être employée à visée thérapeutique dans les accidents hémorragiques, quelquefois cataclysmiques répondant mal aux traitements classiques ou inaccessibles à la chirurgie. Les matériaux utilisés pour emboliser varient (Tissucol®, etc). Hémostase au cours des interventions de chirurgie maxillofaciale.
Chirurgie traumatologique Les plaies cutanées seront lavées avec une solution de chlorhexidine ou de polyvidone iodée ; une hémostase élective par pinces fines, suivie de ligatures au fil résorbable, permettra de contrôler les plaies veineuses ou artérielles, en particulier, de la temporale superficielle ou de la faciale. Une épistaxis persistante après aspiration, tamponnement antérieur par mèche de tulle gras.
fera
mettre
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place
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Des hémorragies buccales non jugulées par la pose de pinces, peuvent nécessiter la mise en place de bourdonnets compressifs, fixés par des points transfixiant le plancher buccal ou la joue. Une hémostase chirurgicale en urgence peut être nécessaire lors de grands traumatismes, mais elle se limite à la ligature de l'artère faciale (par voie sousangulomandibulaire) ou très exceptionnellement de l'artère carotide externe (dans l'aire du triangle de Farabeuf). La morsure profonde de la langue peut parfois poser de difficiles problèmes d'hémostase que réglera en principe, la suture en masse de la plaie.
Chirurgie orthognathique Elle est potentiellement hémorragique :
pour la mandibule : lésion du pédicule dentaire inférieur, saignement d'origine médullaire. Dans les cas de classe III, avec recul mandibulaire important, il y a risque de blessure de l'artère carotide externe ; pour le maxillaire : saignement muqueux nasal ou sinusien, parfois risque de blessure de l'artère maxillaire interne (ligature par voie transantrale : voie d'Escat).
Chirurgie des glandes salivaires De la glande sous-maxillaire : vaisseaux faciaux et branches sousmentales. De la parotide : blessure de l'artère stylomastoïdienne, présence de la carotide externe et des veines intraglandulaires.
Chirurgie des articulations temporomandibulaires Le saignement est dû à l'atteinte des plexus veineux péricondyliens.
Chirurgie carcinologique Elle est particulièrement hémorragique : rupture vasculaire consécutive à un envahissement malin de l'un des vaisseaux de la gouttière carotidienne ; ou bien chute d'escarre après électrocoagulation, obligeant à réintervenir pour tarir le saignement.
Chirurgie de malformations faciales Angiomes : ils représentent un risque immense : hémorragie cataclysmique, incontrôlable, voire mortelle. Cependant, l'embolisation permet l'exérèse de l'angiome dans de meilleures conditions. Maladie de Recklinghausen : la résection des tumeurs entraîne un saignement très abondant. Tumeurs de Launois-Bensaude : le risque hémorragique est majeur. Une autotransfusion doit toujours être prévue dès la consultation d'anesthésie au moins 1 mois à l'avance. Le jour de l'intervention, on peut également prévoir une hémodilution. Chirurgie implantaire : implant ptérygoïdiens. L'intervention chirurgicale a lieu sous anesthésie générale en raison du risque hémorragique : artère palatine descendante (la coaguler en cas d'hémorragie) ; artère maxillaire interne (éventualité extrêmement rare sauf en cas de trajet inhabituel de l'artère). Hémostase au cours des interventions de chirurgie plastique de la face
[7]
.
Chirurgie des parties molles Lorsque l'hémorragie siège à ce niveau, des moyens chirurgicaux sont utilisés.
Forcipressure C'est la technique de choix pour arrêter de façon élective le saignement. Une pince à hémostase à mors fins, type Halstead, Leriche, Kelly, est placée sur le vaisseau qui saigne. Rarement utilisée de façon isolée, sauf pour les petits vaisseaux, elle est en règle générale associée à la diathermocoagulation et, pour les pédicules de calibre plus important, à une ligature.
Ligatures La ligature est un geste traumatisant dans lequel le serrage maximal du noeud doit provoquer thrombose et nécrose. Elle fait appel à un fil résorbable (Ercedex, Vicryl) ou non résorbable (soie tressée, lin, polyester) préféré pour les vaisseaux de gros calibre.
Sutures sur bourdonnets Elles découlent du principe des ligatures appuyées (en X ou en caption) et de celui de la compression extrinsèque. Elles s'adressent plus particulièrement aux hémorragies de la joue et du plancher buccal. Leur réalisation est simple : les plans jugaux ou plevibuccaux sont transfixiés par voie transcutanée à l'aiguille de Reverdin. On réalise un classique point en U circonscrivant la zone de saignement et serré sur bourdonnets intra- et extrabuccaux.
Fermeture des plaies sous dépression Les plaies opératoires avec vastes décollements telles qu'on les rencontre en chirurgie du scalp, des vastes lambeaux fasciocutanés cervicofaciaux, voire la chirurgie du cou, entraînent un épanchement sérohématique postopératoire habituel malgré une hémostase minutieuse. C'est à Jost que l'on doit l'application du drainage aspiratif actuel en chirurgie maxillofaciale. Le drain de Redon mis dans l'espace de décollement sous-cutané est relié, après suture des plans le plus étanche possible, à un flacon où le vide a été créé. Le drain est fixé à la peau pour éviter tout arrachement intempestif.
Rhinoplastie La prévention du saignement s'appuie sur : la la le la
position du patient ; qualité de l'infiltration du champ opératoire ; mode d'anesthésie générale ; compression peropératoire.
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© 1998 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés
Fig 1 :
Fig 1 : Schéma de l'hémostase.
PK : prékallicréine ; KHPM : kininogène de haut poids moléculaire ; F3P : facteur 3 plaquettaire ; PhL : phospholipides.
Fig 2 :
Fig 2 : Hémostase primaire et ses liens avec la coagulation. ADP : acide adénosine diphosphorique.
Fig 3 :
Fig 3 : Diagnostic d'une anomalie de l'hémostase primaire. TCA : temps de céphaline activateur ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Fig 4 :
Fig 4 : Schéma global de la coagulation et des deux voies d'activation du facteur X.
Fig 5 :
Fig 5 : Principe de l'exploration de la coagulation.
Fig 6 :
Fig 6 : Diagnostic d'une anomalie de la coagulation. A. Temps de Quick allongé. B. Temps de céphaline + activateur allongé. CIVD : coagulation intravasculaire disséminée ; M + T : malade + témoin.
Tableaux Tableau I.
Tableau I. - Thrombopathies constitutionnelles.
Maladie
Transmission
Thrombasth�nie r�cessive de Glanzmann
Clinique
TS
grave infini saignement
Plaquette s morpholo gie
Fonction s plaquett aires
normales
-
absence de
agr�gati on nulle,
r�cepteur du
cutan� muqueux
Nature
Traitement
transfusion de plaquettes
fibrinog�ne adh�sio (GP IIb IIIa) n normale r�tractio n du caillot nulle
Maladie de Bernard-Soulier
r�cessive
grave
tr�s
g�antes allong� et thrombop
absence
absence de
d'agr�ga r�cepteur du facteur tion � Willebrand �nie la GPlb secondaire ristoc�ti ne et au facteur Willebran d
transfusion de plaquettes
TS : temps de saignement.
Tableau II. - Classification de la maladie de Willebrand. TCA Type 1 mod�r� Type 2
Type 3
ou N ou N
ou N
TS
VIII coagulant
FW antig�ne
FW RCo
�lectrophor �se
Compris entre Compris entre 5 et 5 et 40 % 40 %
Compris entre 5 et 40 %
Normale
Compris entre Compris entre 5 et 5 et 40 % 40 %
<5%
Absence multim�res
<5%
<5%
haut poids mol�culaire <5%
-
s�v�re Type 2b : thrombop�nie ; TCA : temps de c�phaline activateur ; TS : temps de saignement.
Tableau III. - Maladie du pool vide.
Maladie Transmission
Clinique
TS
Maladie du pool vide
Gravit�
Allong
Dominante
mod�r�e
�
Plaquett Fonctions es plaquettaire Traitement morphol s ogie Tr�s pauvres en granules
Agr�gation normale � l'ADP (en une seule vague), nulle au
Nature
Transfusion de plaquettes
D�ficit en ADP
collag�ne ADP : acide ad�nosine diphosphorique ; TS : temps de saignement.
Tableau IV. - D�ficits cong�nitaux en facteurs de la coagulation. Facteur
Maladie
Mode de transmission
I
afibrinog�n�mie
autosomal r�cessif
hypofibrinog�n�mie
autosomal r�cessif autosomal dominant
Fibrinog�ne
dysfibrinog�n�mie II Porthrombine V
hypoprothrombin�mie autosomal r�cessif
X Stuart VIIIc Facteur
antih�mophilique B
mod�r�
autosomal r�cessif
mod�r�
hypoacc�l�rin�mie
autosomal r�cessif
important
hypoconvertin�mie
autosomal r�cessif
important
Stuart clotting defect
autosomal r�cessif
important
h�mophilie A
gonosomal r�cessif
majeur
h�mophilie B
gonosomal r�cessif
majeur
antih�mophilique A IX Facteur
important faible faible
dysprothrombin�mie
Proacc�l�rine VII Proconvertine
Risque h�morragique
V WF
Willebrand
autosomal dominant
important
XI
Rosenthal
autosomal dominant
mod�r�
XII
Hageman
autosomal r�cessif
aucun
Fletcher
autosomal r�cessif
aucun
Fitzgerald
autosomal r�cessif
aucun
XIII Facteur stabilisant de la fibrine
autosomal r�cessif
postop�ratoire retard�
Tableau V. - Pathologie du fibrinog�ne. Facteur
Retentissement biologique Symptomatologie clinique
Fibrinog�ne
Temps de saignement
Temps de thrombine
Traitement substitutif
Temps de Temps c�phaline avec de Quick activateur
Ecchymosesh�matomes Afibrinog�n�mie
H�morragie du SNC
fibrinog�ne
fibrinog�ne indosable
H�morragies muqueuses Hypofibrinog�n�mie
Tableau identique mais beaucoup moins intense
variable N
Dysfibrinog�n�mie
Peu d'h�morragies, par contre survenue possible d'accidents thromboemboliques
variable fibrinog�ne
variable < 1g
variable
variable
variable
variable
idem si < 0,5 g/L
fibrinog�ne : N par m�thode immunologique
g�n�ralement inutile
par m�thode chronom�trique SNC : syst�me nerveux central.
Tableau VI. - Tests �l�mentaires de diagnostic des troubles de l'h�mostase et de la coagulation. �tapes H�mostase primaire
Tests habituels Temps de saignement (technique d'Ivy) doit �tre inf�rieur � 8 minutes Num�ration des plaquettes de 150 � 400 giga/L Fibrinog�ne de 2 � 4 g/L
Coagulation voie
Diagnostic �tude des plaquettes - adh�sion - agr�gation Dosage : facteur Willebrand
- Temps de c�phaline activateur. Dosage des diff�rents facteurs Explore le kHPM, Pk, XII, XI, IX, X, II, I,
intrins�que voie
VIII, V
extrins�que
doit �tre inf�rieur � 8 s) - Temps de Quick ou taux de prothrombine.
(le temps malade moins le temps t�moin
Explore VII, V, X, II, I (doit �tre sup�rieur � 80 %) Fibrinoformation - Fibrinog�ne - Temps de thrombine
Recherche des complexes solubles
(le temps malade moins le temps t�moin doit �tre inf�rieur � 3 s) Fibrinolyse
Produits de d�gradation de la fibrine
Tableau VII. - Traitement substitutif des h�mophiles A et B. H�mophilie A
H�mophilie B
Facteur VIIIc Demi-vie : 16 h environ
Facteur IX Demi-vie : 24 h environ
Par d�finition, plasma 1 mL = 1 unit�
Par d�finition, plasma 1 mL = 1 unit�
Concentr�s de facteur VIII d'origine plasmatique
Concentr�s de facteur IX d'origine plasmatique F IX de haute puret� (F IX HP)
F VIII de tr�s haute puret� (F VIII THP)
Mononine�
Monoclate P� H�mofil M� Concentr�s de facteur VIII issus de biotechnologie Recombinate� Kogenate� Pr�sentation de 250, 500, 1 000 unit�s. Le nombre exact d'unit�s est inscrit sur les bo�tes, poudre lyophilis�e � reconstituer avec son diluant sous un volume de 2,5 - 5 ou 10 mL, � conserver � 4 �C, � reconstituer et � utiliser extemporan�ment Vitesse de perfusion 2 � 4 mL/min Posologie 20 � 30 U/kg � renouveler toutes les 8 h si n�cessaire augmentation des doses selon protocoles
Posologie 30 � 40 U/kg � renouveler toutes les 12 h si n�cessaire augmentation des doses selon protocoles
Ces produits ont subi un proc�d� d'att�nuation virale efficace sur les virus � enveloppe lipidique (h�patite B, C, VIH) THP : tr�s haute puret�.
Tableau VIII. - Traitement de la maladie de Willebrand. Type 1 Accident h�morragique
Type 2
Type 3
Moyens locaux + - 1 injection 20 Ul/kg FW
Moyens locaux + 1 ou 2 injections
Moyens locau + - 1 ou 2 injecti
20 � 30 Ul/kg FW
20 � 30 Ul/kg F
sp�cial Willebr 50 Ul/kg FW
30 � 40 Ul/kg FW
Accident h�morragique grave ou intervention chirurgicale
toutes les 8 h � 12 h,
toutes les 8 h � 12 h, puis toutes les 24 h
puis toutes les 24 h jusqu'� disparition du risque
jusqu'� disparition du risque
h�morragique
Tableau IX. - Contr�le biologique de l'h�parinoth�rapie - traitement � forte posologie.
En perfusion IV
R�sultats souhait�s
Horaire des contr�les
Indiff�rent. Pr�l�vement au bras
TCA **
H�parin�mie
1,5 fois � 3 fois le T Tem *
0,2 - 0,4 U/mL
oppos�
Injection souscutan�e
Entre 2 injections � la 6e h (si 2 injections) � la 4 h (si 3 injections)
2 � 3 fois le T Tem
e
1 � 2 h avant l'injection
1,5 fois � 2,5 fois le T Tem
0,3 - 0,5 U/mL 0,2 - 0,3 U/mL
* T : temps du t�moin ; ** TCA : temps de c�phaline activateur variables selon les
Tableau X. - Caract�ristiques des antivitamines K. M�dicaments
Demi-vie (heures)
Dur�e d'action (heures)
Posologie moyenne (mg/j)
Dose comprim� (mg)
Demi-vie courte et interm�diaire Ac�nocoumarol (Sintrom�
8-9 5-10
48-96 24-48
toutes les 8 h � 1
puis toutes les 24 h j disparition du ris
h�morragiqu
h�morragique
Mode d'administration
50 Ul/kg F VIII sp Willebrand
2-10 50-100
4 50
Demi-vie longue Tioclomarol (Apegmone�) Fluindione (Pr�viscan�)
24 0 35-45
48-72 48 96-120
4-8 20-40 2-15
4 20 2 ou 10
Tableau XI. - Principaux facteurs de l'h�mostase. (Demi-vie. Fractions concentr�es injectables. Taux n�cessaire pour assurer l'h�mostase.). Num�ro nomenclature
Nom courant
Demi-vie
Taux n�cessaire
Fraction concentr�e
Plaquettes
5j
50.109 /L
Concentr� plaquettaire
WF
F Willebrand
24 h
20-50 %
Concentr� F Willebrand
I
Fibrinog�ne
3-4 j
1 g/L
Fibrinog�ne
II
Prothrombine
3-5 j
40 %
PPSB
V
Proacc�l�rine
24 h
10-25 %
N�ant
VII
Proconvertine
4-6 h
?
Concentr� de F VII
VIII
F antih�moph A
12 h
20-50 %
Concentr� de F VIII
IX
F antih�moph B
18 h
20-50 %
Concentr� de F IX
X
F Stuart
36-48 h
20-50 %
PPSB
XI
PTA
2-4 j
?
N�ant
XIII
FSF
6j
1-2 % (pr�vention)
Fibrogammine�
WF : facteur
de Willebrand ; PPSB : prothrombine, proconvertine, facteur Stuart ; PTA : plasma thromboplastine antecedent ; FSF : facteur stabilisant de la fibrine.
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 22-305-A-10
22-305-A-10
Transplantations et réimplantations dentaires JH Torres C Favre de Thierrens C Jacquard N Jacquey
R é s u m é. – Au cours des dernières décennies, de nets progrès ont été réalisés dans le domaine des transplantations dentaires. Une technique chirurgicale respectant les tissus et, tant que possible, le choix d’un germe pour transplant assurent désormais aux autotransplantations un succès à long terme comparable à celui des implants ostéo-intégrés. Les agénésies ou les pertes traumatiques de dents antérieures et les destructions carieuses des molaires représentent les plus fréquentes des multiples indications. La pratique des autotransplantations peut donc figurer en bonne place parmi les solutions thérapeutiques à offrir à nos patients. Les allotransplantations doivent en revanche être écartées, du fait du risque non contrôlable de contamination infectieuse. Les réimplantations restent la thérapeutique de première intention des luxations alvéolodentaires accidentelles.
Introduction Il est très naturel de penser à réimplanter une dent qui vient de subir une luxation traumatique. Il s’agit d’un geste thérapeutique élémentaire largement pratiqué. En revanche, la démarche qui consiste à transplanter délibérément un organe dentaire vers un site receveur fonctionnel reste nettement moins répandue. Des progrès considérables ont pourtant été accomplis dans ce domaine au cours des dernières décennies. Les techniques chirurgicales ont amplement bénéficié d’une meilleure compréhension des phénomènes biologiques de la réparation tissulaire. On sait désormais que le respect du desmodonte conditionne le succès à long terme d’une transplantation. L’ankylose et la résorption radiculaire ne constituent plus les aboutissements inéluctables qui ont pu contribuer à une mauvaise réputation de cette pratique, quand les techniques étaient encore très empiriques. La littérature scientifique actuelle s’accorde pour valider les transplantations comme une pratique fiable. Ces progrès ont été, pour la plupart, apportés par des auteurs scandinaves, à l’instar des techniques d’implantologie. Or, l’essor très médiatisé de l’implantologie a peut-être occulté les progrès des transplantations. Nombreux sont les praticiens qui pensent à une solution implantaire, mais combien savent qu’on peut également proposer une transplantation ? Loin de s’opposer, ces deux techniques peuvent être complémentaires et apporter beaucoup au patient qui peut en bénéficier. Quelques définitions Une transplantation désigne le déplacement d’un organe fonctionnel (transplant) d’un site donneur vers un site receveur. Le terme de greffe, plus général, concerne aussi bien le déplacement d’un fragment de tissu que celui d’un organe entier. S’agissant en l’occurrence de la transposition d’un organe
dentaire [20], il est donc plus précis de parler de transplantation que de greffe dentaire. Et de fait, dans la littérature internationale, il est essentiellement question de transplantation dentaire [1, 7, 10, 12, 18, 20, 25, 33, 38, 39, 42, 44, 46, 48, 49, 56, 57, 58, 60, 62, 64, 65, 74, 76, 77, 79, 81, 82, 83, 84, 88, 89]. On parle de transplantation autogène (ou autotransplantation) lorsque le transplant est prélevé sur le même individu. Notre propos concernera presque exclusivement les autotransplantations, qui sont de loin les plus pratiquées à l’heure actuelle. Dans une transplantation homologue ou allogénique (ou homotransplantation ou allotransplantation), le transplant provient d’un autre individu de la même espèce. Dans une transplantation hétérologue ou xénogénique (ou hétérotransplantation ou xénotransplantation), le transplant provient d’une espèce différente. La réimplantation consiste à replacer dans son propre alvéole une dent qui en a été luxée, par traumatisme ou par chirurgie [88]. Il n’est pas ici question d’un déplacement, mais d’un retour de la dent luxée dans sa position première. Le terme d’implantation était autrefois employé pour désigner l’insertion chirurgicale d’une dent naturelle ou d’une racine artificielle dans une zone édentée après forage d’un alvéole. Du fait du développement des techniques d’implantologie, il prête aujourd’hui à confusion, et l’usage tend à le réserver aux seuls implants artificiels. Ainsi, on peut considérer que les deux termes de transplantation et de réimplantation recouvrent l’ensemble des techniques chirurgicales visant à déplacer ou replacer un organe dentaire vers une position fonctionnelle.
© Elsevier, Paris
Autotransplantations Jacques-Henri Torres : Professeur des Universités, praticien hospitalier, médecin stomatologiste. Carle Favre de Thierrens : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, odontologiste des Hôpitaux. Claude Jacquard : Médecin stomatologiste, chirurgien maxillofacial. Nicolas Jacquey : Docteur en chirurgie dentaire. Faculté d’odontologie, 545, avenue du Pr JL Viala, BP 4305, 34193 Montpellier cedex 5, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Torres JH, Favre de Thierrens C, Jacquard C et Jacquey N. Transplantations et réimplantations dentaires. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-305-A-10, 1999, 11 p.
150 427
(fig 1 à 5)
Indications Le besoin de remplacement d’une dent absente constitue une situation quotidienne en odontologie. Parmi les solutions le plus fréquemment proposées figurent la prothèse adjointe ou fixée, l’orthodontie et l’implantologie. Les possibilités d’autotransplantation dentaire sont généralement beaucoup moins souvent évoquées. Pour un faible coût, elles peuvent pourtant offrir des résultats très performants. Toutes les dents exemptes d’atteinte carieuse ou parodontale sont susceptibles de faire l’objet d’une autotransplantation, même si le pronostic est meilleur pour celles qui ont un desmodonte jeune. Il suffit de disposer dans une bouche EMC [257]
22-305-A-10
TRANSPLANTATIONS ET RÉIMPLANTATIONS DENTAIRES
A
C
B
D
1
F
Stomatologie/Odontologie
E
Jeune fille de 15 ans dont la 23 a été extraite intempestivement quelques années auparavant. A. Le bilan orthodontique, prévoyant l’avulsion de la 35, oriente vers la transplantation de cette dent en situation de 23. B. Collage du transplant au composite sur l’arc orthodontique. C. Rétroalvéolaire 1 semaine après l’intervention. D. Contrôle à 5 ans, réponse positive au test au froid. E. À noter, l’oblitération totale de la chambre pulpaire. F. La patiente, satisfaite de l’aspect esthétique, ne souhaite pas subir une plastie coronaire.
présentant un site édenté d’une dent ou d’un germe susceptible d’y être transporté. En pratique, il existe des indications nettement plus fréquentes que les autres.
Transplantation de molaires La dent de sagesse, dernière dent à évoluer, est donc celle qui demeure immature et garde le plus longtemps un potentiel cicatriciel élevé. À ce titre, elle constitue un greffon de choix. Le cas le plus fréquent consiste au remplacement de la première molaire (fig 2, 3, 5). Cette dent, qui est la plus ancienne sur l’arcade de l’adolescent ou de l’adulte jeune, est souvent le siège d’une atteinte carieuse importante. Après destruction de sa couronne, la deuxième molaire tend à se mésialiser, ce qui réduit d’autant l’espace disponible. Mais justement, le diamètre mésiodistal de la troisième molaire est généralement inférieur à celui de la première molaire, ce qui autorise souvent la transposition. Dans le cas contraire, il conviendra soit de préparer l’intervention chirurgicale par une étape orthodontique, soit de procéder à un meulage proximal du transplant ou des dents adjacentes si elles sont le siège d’une carie proximale. On peut également utiliser une dent de sagesse maxillaire pour remplacer une première molaire mandibulaire, car son diamètre interproximal est en général plus faible que celui de la dent de sagesse mandibulaire. Un transplant de dent de sagesse peut aussi permettre de remplacer une seconde molaire délabrée. Enfin, on peut avoir recours à ce type de transplant pour remplacer une prémolaire manquante [60], voire même une incisive maxillaire si on dispose d’une dent de sagesse de faible diamètre proximal. Chez les adultes, dont les dents de sagesse sont matures, ces techniques, quoique moins fréquemment utilisées, peuvent également rendre des services (fig 4). On peut aussi ainsi procéder au remplacement des molaires parodontosiques par des dents de sagesse autotransplantées [46]. On peut également utiliser un transplant de dent de sagesse pour restaurer un secteur édenté maxillaire sous-sinusien, et cela même lorsque l’épaisseur d’os est faible, sans avoir recours aux greffes osseuses [28].
quadrant peut être corrigée par une transplantation. Ces traitements sont souvent indiqués dans le cadre d’un traitement orthodontique où l’avulsion d’une prémolaire d’un autre quadrant est envisagée. Il s’agit donc de récupérer le matériel dentaire issu de l’extraction, pour lui donner une nouvelle chance fonctionnelle plutôt que de le gaspiller purement et simplement.
Transplantation d’une prémolaire vers un site d’incisive centrale supérieure L’indication vient en général d’un traumatisme ayant entraîné la perte d’une incisive supérieure. Une seconde prémolaire inférieure constitue un transplant de choix. Sa maturation tardive autorise en effet une utilisation idéale chez l’adolescent. Sa taille se rapproche de celle de l’incisive centrale perdue, bien qu’il soit souvent nécessaire d’augmenter l’espace interproximal par un traitement orthodontique préalable [24]. Le plus simple consiste à positionner la prémolaire en rotation de 90°, une face proximale à la place de la face vestibulaire de l’incisive. Dans une seconde étape, après sa consolidation sur l’arcade, le transplant pourra faire l’objet d’une coronoplastie ou d’une couronne esthétique. De même, une incisive latérale supérieure manquante, en général par agénésie, pourra être remplacée par une incisive mandibulaire ou une prémolaire [29]. D’une façon plus générale, chaque organe dentaire est susceptible de servir de transplant (fig 1). Il appartient au praticien de poser les indications en fonction de critères de fonctionnalité, de morphologie radiculaire et coronaire, et des ressources propres à la bouche de son patient. C’est ainsi qu’ont pu être pratiquées des transplantations de prémolaires ectopiques en position des molaires délabrées, voire même de dents antérieures vers des sites molaires édentés pour rétablir une occlusion et proposer une prothèse fixe [88]. En cas d’édentement terminal, une transplantation peut représenter une alternative à la prothèse adjointe, à une extension d’une prothèse conjointe ou à une solution implantaire [39]. Enfin, on ne doit pas omettre la possibilité d’utiliser également les dents surnuméraires à titre de transplant [77, 80].
Transplantation de prémolaires et dents antérieures
Orthodontie chirurgicale
Transplantation d’une prémolaire vers un site de prémolaire (fig 6)
On peut désigner sous ce terme ou sous celui de repositionnement chirurgical l’ensemble des techniques de déplacements dentaires effectués par des moyens chirurgicaux dans un but orthodontique. Elles concernent les germes ou les dents en malposition (canines, incisives, prémolaires) et cherchent à
Les transplantations sont tout à fait indiquées pour remplacer des prémolaires agénésiques [58]. Ainsi, une double agénésie unilatérale des prémolaires d’un page 2
Stomatologie/Odontologie
TRANSPLANTATIONS ET RÉIMPLANTATIONS DENTAIRES
A
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B C
2
D
Jeune fille de 17 ans dont la 46 a subi un délabrement carieux. A. Transplantation de la 48 incluse en situation de 46. La mise en place du transplant est facilitée par la présence d’une carie distale sur 45. B. Rétroalvéolaire 1 semaine après l’intervention. C. Contrôle à 5 ans, réponse positive au test au froid. D. À noter, la fermeture des apex.
A
B
3
D
Jeune fille de 16 ans, destruction des 16 et 26 par carie. A. État initial de la 26. B. Transplantation de la 28 et suture. C. Une semaine après, collage d’une contention au fil métallique. D. Contrôle à 3 ans.
A 4
A. Jeune homme de 23 ans dont la 36 est détruite.
C
B B. Remplacement par la 38 incluse.
les repositionner dans une situation fonctionnelle et esthétique. Le transplant n’est pas placé dans une situation différente de celle qu’il devrait occuper naturellement. Il s’agit simplement de réorienter un organe dentaire ou de réaliser son éruption. Il est entendu que, dans ces cas, le repositionnement
C C. Aspect à 6 mois.
orthodontique constitue en principe le moyen idéal, le moins traumatique et le plus fiable s’il est bien conduit. Mais les techniques chirurgicales de repositionnement peuvent apporter un gain de temps et une économie pécuniaire par rapport au traitement orthodontique conventionnel. page 3
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TRANSPLANTATIONS ET RÉIMPLANTATIONS DENTAIRES
A
B
D
C
E
F 5
G
Les différentes méthodes décrivant ces repositionnements chirurgicaux à visée orthodontique ont reçu selon les auteurs des dénominations variées. Des auteurs français ont appelé « pilotages » les interventions chirurgicales précoces destinées à corriger la position ou l’inclinaison d’un germe [80]. Un auteur belge a choisi le terme de « transposition » pour parler des redressements de molaires [51] ; cette transposition chirurgicale d’une dent de sagesse d’une position non fonctionnelle vers une position de fonction, représente un geste simple qui permet sa conservation et son utilisation. Les équipes suédoises parlent de transplantations « intra-alvéolaires » [42] ou « transalvéolaires » [74] pour désigner des repositionnements cervicaux dans les cas de fracture cervicale ou de destruction coronaire par carie. Ces interventions, pratiquées dans le plus grand respect des tissus, constituent une alternative remarquable aux égressions orthodontiques et aux élongations coronaires chirurgicales [42]. Dans de nombreux cas, l’opportunité d’une transplantation peut avantageusement enrichir un plan de traitement orthodontique [77] . La situation la plus fréquente, déjà évoquée (cf supra), concerne les cas orthodontiques nécessitant des avulsions tandis qu’il existe des agénésies dans la même bouche. Chez les jeunes patients ayant une bonne hygiène et disposant de germes immatures sont réunies les meilleures conditions de réussite.
Canines maxillaires incluses L’inclusion des canines supérieures constitue un motif fréquent de consultation à la fois en orthodontie et en chirurgie buccale. Chez l’enfant et l’adolescent, si le germe est en position favorable, on aura plutôt recours à l’orthodontie en première intention. Mais la transplantation d’une canine incluse en position palatine doit être envisagée chaque fois que les méthodes orthodontiques ou orthodonticochirurgicales ne peuvent être mises en place (refus, pronostic douteux, dent très ectopique) ou en seconde intention quand le traitement orthodontique n’a pas atteint le résultat recherché (traction inefficace). Le plan de traitement sera établi par une équipe regroupant des compétences orthodontiques et chirurgicales [74]. Il faut en particulier veiller à créer, avant l’intervention, un espace suffisant de façon à éviter de retoucher le diamètre mésiodistal de la canine [56]. D’autre part, lorsque la transplantation apparaît la seule indiquée, il faut savoir prendre la décision d’intervenir chirurgicalement le plus tôt possible, et d’éviter la mise en route d’un traitement orthodontique inutile. page 4
Stomatologie/Odontologie
H
Jeune homme de 18 ans. A. Bonne indication de transplantation de 48 en remplacement de 46 détruite et 45 présentant une pathologie apicale. B. État initial. À noter, la pigmentation de la gencive. C. Avulsion de 45 et 46 sous anesthésie générale dans le cadre d’une remise en état générale de la cavité buccale. D. Exposition délicate de 48. E. Réparation du site receveur sous irrigation. F. Mise en place du transplant, facilitée par l’absence de 45. G. Suture. H. Contrôle à 15 jours.
Plus que toute autre dent sur l’arcade, la canine transplantée, de par sa position et sa fonction, nécessite une épaisseur d’os alvéolaire suffisante, surtout en vestibulaire. De ce fait, la transplantation d’une canine supérieure incluse en position vestibulaire sera moins fiable à long terme que celle d’une canine incluse en position palatine. Par ailleurs, la dent transplantée ne doit pas subir des contraintes de travail traumatisantes et agressives, ce qui rend aléatoire le pronostic de la transplantation d’une canine chez un sujet présentant une supraclusion antérieure.
Technique Bilan Un bilan général doit d’abord s’assurer que le patient réunit les conditions de santé compatibles avec une intervention chirurgicale. Parmi les contreindications non médicales, on retiendra la mauvaise hygiène et le manque de coopération de la part du patient. Bien entendu, la nature de l’intervention ainsi que les risques d’échec qui y sont liés doivent être bien expliqués au patient ou à ses représentants légaux, de façon à recueillir un consentement éclairé. Le bilan régional ressemble à celui qui est préconisé en matière d’implantologie. On s’intéressera aux aspects biologiques du site receveur, pour s’assurer notamment qu’il n’est pas le siège d’une infection. Il faudra ensuite explorer le volume osseux exploitable, d’abord cliniquement puis par imagerie. On doit définir non seulement les mensurations du site receveur, mais également celles du transplant, ce qui introduit une difficulté supplémentaire par rapport à l’implantologie. L’étude des moulages permet d’apprécier le diamètre interproximal du site receveur, ainsi que son épaisseur vestibulolinguale, en tenant compte de l’épaisseur de la muqueuse. Bien qu’un simple cliché rétroalvéolaire ou un orthopantomogramme suffisent le plus souvent, les techniques biomensuratives de reconstruction scanographique trouvent ici toutes leurs applications. Elles permettent en particulier d’appréhender avec précision la position des éléments anatomiques tels le sinus maxillaire ou le canal mandibulaire. En ce qui concerne le transplant, on s’attachera à rechercher une dent disposant d’un desmodonte jeune, pouvant être extraite facilement. La préférence ira donc vers les monoradiculées à racine sans concavité [88]. L’analyse morphologique du transplant nécessite toujours un recours à
Stomatologie/Odontologie
TRANSPLANTATIONS ET RÉIMPLANTATIONS DENTAIRES
A
C
F
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B
D
E
6 Jeune fille de 13 ans, présentant une agénésie de 14 et 15. Transplantation de la 24 dans le cadre d’un traitement d’orthopédie dentofaciale. A. Collage d’un bracket sur 24 avant le début de l’intervention pour éviter toute agression acide du desmodonte. B. Avulsion de 54. C. Prélèvement de 24. D. Contention sur l’arc. E. Contrôle à 1 semaine. F. Cliché à 1 semaine.
l’imagerie. S’il s’agit d’une dent partiellement ou totalement incluse, seule l’imagerie permettra d’en appréhender le volume de la couronne.
Anesthésie La question du type d’anesthésie mérite d’être considérée. Une anesthésie générale apporte un confort non négligeable pour un acte relativement long et délicat, parfois éprouvant pour le patient, en particulier chez l’enfant. Elle permet également de s’affranchir de l’usage des vasoconstricteurs susceptibles de perturber la trophicité du transplant. L’anesthésie locale est cependant largement préconisée par la plupart des auteurs [49, 74, 76], souvent associée à une sédation par les benzodiazépines. Il s’agit en effet d’une solution beaucoup moins risquée et beaucoup moins onéreuse, comparée à l’anesthésie générale. Par précaution, on prescrira une prémédication antibiotique.
Prélèvement du transplant Il est de la plus haute importance de respecter la surface radiculaire et en particulier le desmodonte. Pour être le moins traumatisant possible, il est préférable d’utiliser un davier plutôt qu’un élévateur, de façon à limiter les manœuvres qui tendent à endommager le desmodonte. Les mouvements de rotation doivent être privilégiés, plutôt que les mouvements pendulaires, qui sont susceptibles d’écraser les cellules du desmodonte [10]. La difficulté varie en fonction de la morphologie radiculaire de la dent à prélever. La situation la plus favorable concerne une racine rectiligne, et de section arrondie. Lorsqu’il s’agit d’une dent incluse, il faut opter pour une alvéolectomie large pour éviter d’endommager la racine. Dès l’avulsion, l’opérateur doit apprécier la forme de la racine, ainsi que la quantité et la qualité du desmodonte. Pendant les phases suivantes, le transplant sera placé en réserve, soit dans une solution saline physiologique, soit dans une cupule contenant du sang hépariné du patient, soit tout simplement remis en place dans le site de prélèvement : il s’agit de le conserver dans le milieu le plus favorable possible, avec des conditions physiologiques de tension d’oxygène et d’osmolarité. Toute souillure du transplant (notamment par la salive) doit être évitée, ainsi que sa déshydratation, qui pourrait avoir des conséquences très préjudiciables (cf chapitre Biologie de la cicatrisation).
Préparation du site receveur S’il existe une dent devant être avulsée dans le site receveur, il est préférable qu’elle le soit au cours d’une séance antérieure. C’est la solution qu’on retiendra en présence d’une infection. L’extraction et la transplantation peuvent néanmoins se dérouler dans la même séance. Dans ce cas, il faut veiller à commencer par l’avulsion de la dent à remplacer. Cette première étape, méticuleuse, peut en effet se révéler d’assez longue durée, car on doit tenter de conserver sur le site receveur le maximum de tissus parodontaux, et en particulier d’os alvéolaire. Le transplant ne sera luxé de ses connexions vasculaires qu’ensuite, pour ne pas souffrir inutilement pendant ce temps. La partie délicate de la préparation du site receveur consiste à adapter l’alvéole existant (ou à forer un néoalvéole) aux dimensions du transplant. Contrairement aux techniques d’implantologie, où les forets sont calibrés, l’ajustage en matière de transplantation reste approximatif. La précision est toutefois de moindre importance car on ne recherche pas le même type d’interface avec le tissu osseux, et l’existence d’un hiatus entre os et transplant n’est pas un facteur d’échec, pour peu qu’il demeure de faible épaisseur. Cette préparation doit, encore une fois, être la moins agressive possible. On utilisera des instruments rotatifs à basse vitesse sous irrigation de sérum physiologique [49]. Lorsqu’on transplante une dent de sagesse dans l’alvéole d’une molaire, Andreasen [10] préconise de détruire totalement le septum interradiculaire jusqu’à la base de l’alvéole. Au cours des présentations successives du transplant pendant le forage du néoalvéole, il faut veiller à ne pas traumatiser le desmodonte. L’usage d’un maillet chirurgical pour impacter le transplant est à proscrire formellement. L’ajustage idéal, légèrement lâche, doit éliminer toute contrainte sur le desmodonte et réaliser un espace pour un caillot le plus étroit possible. Enfin, on s’attachera à rincer abondamment l’alvéole avec du sérum physiologique pour éliminer les débris du forage et toute trace de contamination salivaire. Les techniques de modélisation en résine d’après les données du scanner (stéréolithographie) peuvent également fournir une réplique en résine du transplant pour favoriser l’ajustage [37]. Notons que la stéréolithographie permet en outre de modéliser le site receveur et de prévoir, par exemple, l’effraction d’un sinus maxillaire [37]. Immédiatement après l’ajustage de l’alvéole, le transplant sera mis en place : il faut raccourcir autant que possible le temps de séjour du transplant hors page 5
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TRANSPLANTATIONS ET RÉIMPLANTATIONS DENTAIRES
alvéole. S’il s’agit d’un germe dont l’édification radiculaire n’est pas terminée, il faudra le placer en situation suffisamment profonde dans l’os alvéolaire de façon à nuire le moins possible à la poursuite du processus d’édification [10]. Lors de la suture, on veillera à bien plaquer le lambeau autour de la dent transplantée.
Contention Toutes les sortes de contention ont été préconisées pour les transplantations : ligature au fil métallique [33], gouttières, sutures, pansements chirurgicaux, attelle métallique collée au composite, attelle en stellite [73], utilisation de l’arc orthodontique, par ligature ou par collage aux matériaux photopolymérisables [89]. Il faut prendre garde au mordançage acide, dont l’agressivité peut compromettre la vitalité du desmodonte du transplant [88]. La contention la plus simple consiste à utiliser seulement une suture en croix par dessus la face occlusale [49], éventuellement collée au composite si la morphologie de la dent transplantée est conique (canine). L’usage de biomatériaux destinés à combler un néoalvéole trop large dans un but d’assurer une contention mécanique doit être évité : il représente un risque d’infection et une barrière à la trophicité du transplant. Dans tous les cas, le transplant sera fixé en sous-occlusion. Avant de libérer le patient, il convient de lui conseiller un régime alimentaire mou pendant quelques jours [19]. On insistera également sur l’importance de l’hygiène de la contention, et on prescrira un bain de bouche antiseptique. La contention permet de stabiliser le transplant et d’éviter sa perte immédiate dans la cavité buccale à la moindre sollicitation. Elle diminue aussi le passage de bactéries du milieu buccal vers l’espace desmodontal, particulièrement fragile pendant sa cicatrisation. Au bout de 2 à 3 semaines, on peut considérer que le manchon épithélial est devenu étanche. La durée de la contention varie de 1 semaine à 2 mois. Elle sera bien entendu fonction de la mobilité clinique observée.
Surveillance Il est bon de contrôler le processus de cicatrisation et la réponse de l’organisme à long terme. Chaque praticien reste libre de définir son protocole. À titre d’exemple, la première radiographie postopératoire peut être prise au moment de la dépose des sutures (1 semaine à 10 jours). La surveillance clinique ne doit pas être négligée : en particulier, on recherchera un son métallique à la percussion, signe d’ankylose [57]. Ces contrôles cliniques et radiographiques pourront se dérouler 2 mois, 6 mois, 12 mois et 18 mois après l’intervention, puis une fois par an pendant 5 ans. Ensuite ils n’auront lieu qu’une fois tous les 2 ans, lors des visites de routine [74].
Obturation canalaire du transplant Cette étape n’est pas obligatoire. Bien au contraire, dans le cas d’un germe dont les apex sont largement ouverts, on a davantage de chances d’obtenir une cicatrisation pulpaire et une édification apicale. Le contrôle de l’état pulpaire fait bien sûr partie de la surveillance, et on doit entreprendre un traitement endodontique sans délai en cas de pathologie [19], en sachant qu’une racine aux apex ouverts sera d’autant plus difficile à obturer qu’il existe une infection. Dans l’immense majorité des cas, la pulpe des germes transplantés semble cicatriser dans de bonnes conditions, de sorte qu’il est aujourd’hui préconisé de conserver leur pulpe vivante [10, 57]. En revanche, il paraît difficile d’espérer une cicatrisation pulpaire après transplantation d’une dent aux apex fermés. L’association des endodontistes américains recommande, dans ce cas, l’extirpation de la pulpe et l’obturation provisoire à d’hydroxyde de calcium, 1 à 2 semaines après transplantation [19]. Ce délai ne semble en effet favoriser ni l’ankylose ni la résorption inflammatoire [10]. Il est préférable de pratiquer ce traitement endodontique avant la dépose de la contention, afin de ne pas ébranler la dent. L’obturation définitive suivra au minimum 1 à 2 semaines plus tard [19], au maximum dans l’année [74].
Variantes techniques Dans le but d’optimiser les conditions de trophicité du site receveur, l’école scandinave a préconisé une technique ingénieuse de transplantation en deux temps [65] . Il s’agit de pratiquer, lors d’une première intervention, la préparation d’un alvéole surdimensionné, d’après une appréciation clinique et radiographique des dimensions du transplant. Quinze jours plus tard, au cours de la transplantation à proprement parler, le transplant sera mis en place sans retouche dans un lit receveur souple et richement vascularisé : on a ainsi créé des conditions optimales de cicatrisation. Il est possible de réaliser une section franche de l’apex des dents matures transplantées pour faciliter la revascularisation de la pulpe [80]. De même, il semblerait qu’une résection apicale destinée à faciliter l’insertion d’un transplant à apex coudé n’entraîne pas de conséquences néfastes sur la cicatrisation [23]. page 6
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Par ailleurs, il avait été proposé, lorsqu’une résorption était à craindre, d’embrocher la dent par une tige métallique ou céramique, qui resterait en place et maintiendrait la couronne sur l’arcade après destruction de la racine [51]. Enfin, de nombreux procédés ont pu être expérimentés pour tenter de prévenir la résorption radiculaire de la dent transplantée, tels qu’un traitement par apposition d’une mince couche de titane [25] ou divers traitements chimiques (utilisation de chélateur [66], de fluor [15], d’hypochlorite [55]), mais ils n’ont pas vraiment fait leurs preuves en clinique.
Particularité en fonction des différentes situations Canine maxillaire incluse La partie la plus délicate de l’intervention est ici le temps de prélèvement du transplant. On connaît les difficultés de l’avulsion d’une canine incluse en position palatine (accès malaisé, mauvaise visibilité, risque d’ébranler l’incisive latérale). Dans le cas d’une transplantation, il faut en plus ménager le greffon ; pas question notamment de morceler la canine à transplanter ! L’abord chirurgical demande une incision muqueuse ample, qui doit permettre de récliner un lambeau palatin étendu exposant un champ opératoire large. Il n’y a pas lieu de ménager le pédicule nasopalatin. La trépanation osseuse doit respecter l’os alvéolaire des dents adjacentes, et surtout l’incisive latérale, très proche, voire au contact de la couronne de la dent incluse. Après repérage de la canine, le dégagement osseux se fait vers le collet puis la racine en laissant si possible une mince couche d’os autour de la surface radiculaire, qui sera ensuite soulevée à l’aide d’un élévateur [74]. Parfois la résection osseuse doit être exceptionnellement vaste, en raison de la complexité de la position de la dent ou de sa morphologie radiculaire. Mais la luxation du greffon doit toujours être facile et atraumatique, sans léser le ligament ni la couronne. La contention peut utiliser le même appareillage que celui qui a servi à espacer les dents proximales avant chirurgie. Dans certains cas, un léger meulage de la dent antagoniste s’avère nécessaire. Comme pour toute transplantation, le résultat pour la canine incluse sera meilleur si l’apex est encore ouvert au moment de l’intervention. Mais la décision de la transplantation est prise le plus souvent très tardivement, après la fin de l’édification radiculaire. Ces dents feront donc l’objet d’une obturation différée.
Transplantation sous-sinusienne en deux temps Variante séduisante de la transplantation en deux temps, cette intervention permet d’augmenter le volume du site receveur disponible sous le sinus maxillaire. Elle consiste à provoquer une effraction volontaire du plancher du sinus, sans léser la muqueuse si possible. Garcia [28, 30] conseille de créer d’abord une perforation par forage ou à la gouge si l’épaisseur osseuse est faible. Le plancher ayant été préalablement aminci à la fraise, l’effraction est agrandie, à l’aide d’une curette, aux dimensions estimées du transplant. La muqueuse est ensuite refoulée vers le haut en poussant dans le trou une compresse résorbable. Puis les lambeaux sont hermétiquement suturés. Quinze jours plus tard, on peut pratiquer la transplantation sans risque de léser la muqueuse sinusienne. La durée de contention doit être portée à plus de 2 mois dans les cas de greffe sinusienne associée [28]. Selon Politis et al [71], on pourrait même placer un transplant dentaire dans une communication buccosinusienne.
Transplantation intra-alvéolaire Il s’agit d’obtenir un repositionnement cervical d’une racine fracturée audessous du niveau osseux, donc inexploitable pour réaliser une prothèse. La difficulté consiste à ménager l’alvéole autant que possible. Après luxation du fragment radiculaire, on lui fait subir un mouvement d’extrusion. Il peut être associé à une rotation axiale à la recherche d’une meilleure adéquation de la morphologie de la racine à celle de l’alvéole. Un pansement chirurgical est utilisé par dessus les sutures, à titre de contention, pendant 2 semaines [42]. La racine doit être obturée par la suite. Le traitement de restauration coronaire conventionnel sera entrepris 6 mois après l’intervention.
Redressement de molaires Cette intervention est particulièrement facile à mettre en œuvre chez les enfants ou les jeunes adolescents quand le ligament d’une dent en mésioversion est encore très lâche. On pratique une simple incision vestibulaire en mésial de la dent à redresser, dans laquelle on insère un élévateur. Un mouvement de rotation suffit à amener la molaire dans son axe idéal. Une contention est bien sûr nécessaire.
Complications Les transplantations dentaires, outre les menaces propres de perte du transplant par des phénomènes tels que l’ankylose ou la résorption, présentent les risques habituels inhérents à la chirurgie buccale en général (malaises,
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infection, hémorragie, etc). Nous avons retrouvé dans la littérature un cas très probablement à l’origine d’une endocardite infectieuse [1]. Il apparaît donc que ce type de chirurgie peut constituer une porte d’entrée non négligeable, en particulier chez les sujets dont les défenses immunitaires sont compromises.
Résultats L’objectif idéal serait d’obtenir à long terme une dent totalement indiscernable des autres, en clinique ou en radiographie : aucune gêne ni perception anormale de la part du patient, pas d’inflammation, un sondage parodontal normal, pas de mobilité différente des dents voisines, un interligne radioclair régulier entre les racines et l’os environnant, et aucun signe radiologique d’infection, d’ankylose ni de résorption. Dans le cas de transplantation de germes, il faut aussi ajouter un développement radiculaire suffisant pour assurer une fonction correcte [57]. À l’inverse, on peut considérer comme un échec les situations où l’on observe une mobilité anormale par perte de tissu osseux, voire la perte de la dent transplantée à cause d’une résorption ou d’une poche parodontale profonde, ou encore une mauvaise position de la dent, occasionnant un problème esthétique ou fonctionnel [56]. Il existe bien entendu des situations intermédiaires, où peuvent se manifester certains phénomènes indésirables, mais qui ne compromettent pas forcément la pérennité de la dent transplantée. Il s’agit par exemple d’une résorption radiculaire non progressive, d’une légère ankylose, d’une nécrose pulpaire, d’une modification de la couleur naturelle de la dent, d’une absence de lamina dura ou d’une anomalie parodontale. Ces éventualités, en fait relativement fréquentes, ne constituent pas obligatoirement des situations d’échec puisque le patient conserve l’usage du transplant. On peut donc considérer que l’intervention est un succès tant que la dent reste fonctionnelle [56].
Facteurs influençant les résultats On se situe dans la meilleure situation possible si le patient est jeune, avec un bon état général, s’il a une bonne hygiène et qu’on puisse compter sur sa collaboration, si le site receveur est bien vascularisé et non infecté, si on transplante un germe aux apex ouverts dont les racines sont édifiées d’au moins trois quarts, si le transplant subit le moindre temps d’exposition extrabuccal et si la technique chirurgicale n’est pas agressive pour le sac folliculaire et les tissus parodontaux en général.
Stade d’édification radiculaire Il semblerait que les stades extrêmes du développement radiculaire aient un plus mauvais pronostic. Ainsi, une dent mature transplantée constitue un élément stable, car sa racine est longue. Cependant, la cicatrisation des tissus parodontaux matures sera moins bonne et les risques de résorption plus élevés. À l’inverse, on se place dans les conditions optimales de cicatrisation parodontale lorsqu’on transplante une dent à l’état de germe. Mais s’il s’agit d’un germe très immature, ses tissus peuvent être lésés lors du prélèvement. En particulier, avant la minéralisation de la bifurcation radiculaire d’une molaire, les tissus pulpaires peuvent être arrachés en manipulant le germe. De plus, le germe voit son développement radiculaire très perturbé par la transplantation : on peut considérer qu’il perd environ la moitié de son potentiel d’édification [29], et fournit une assise mécaniquement inférieure à celle qu’on aurait obtenue s’il n’avait pas été transposé. Ainsi, au stade du bourgeon folliculaire, le pronostic semble globalement médiocre [10]. Le transplant idéal se situe entre ces deux extrêmes. C’est une dent immature, avec un desmodonte épais. Andreasen recommande un stade idéal pour la transplantation des molaires et des prémolaires : il correspond à un développement des racines compris entre les trois quarts et l’édification complète, mais avec des apex ouverts [10].
Obturation canalaire du transplant Il est clair que les résultats des transplantations les plus favorables sont obtenus sur des germes immatures dont la pulpe est conservée vivante ; 80 à 90 % des dents transplantées avec une racine incomplètement formée retrouvent une vascularisation pulpaire [10], dont les signes sont la poursuite de l’édification radiculaire avec oblitération pulpaire, puis le retour d’une sensibilité. Pour les dents transplantées avec des apex fermés, cette revascularisation est beaucoup plus rare. Elle peut toutefois s’observer fréquemment sur les canines chez les moins de 20 ans [76]. De même, dans les redressements de molaires, on peut espérer que la pulpe ne se nécrose pas [51]. Mais, en général, la transplantation de dents matures mène à la nécrose pulpaire [56], et il est donc recommandé de procéder systématiquement à leur traitement endodontique. Selon Andreasen, l’obturation extrabuccale du transplant au cours de la séance de transplantation réduit certes l’incidence de la résorption
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inflammatoire, mais favorise l’apparition d’une ankylose [10]. Les meilleurs résultats sont obtenus quand le traitement endodontique n’est pratiqué qu’après la transplantation et la stabilisation de la racine [42].
Vitalité du ligament parodontal Le desmodonte apparaît comme le tissu le plus important pour la cicatrisation et la pérennité du transplant. Sans qu’on sache encore véritablement l’expliquer, ce tissu réagit mieux chez le sujet jeune [76]. Bien entendu, l’état du ligament alvéolodentaire est étroitement lié au stade d’édification radiculaire. À côté des aspects histologiques existent également des considérations mécaniques : le prélèvement d’un germe demande beaucoup moins de force et occasionne beaucoup moins de détérioration à son parodonte que si la dent était complètement édifiée [79]. On voit donc que les différents facteurs influençant les résultats sont nombreux et souvent intriqués. Ainsi, Lundberg et Isaksson [57] rapportent de meilleurs résultats dans les sites prémolaires par rapport aux sites molaires. L’explication tient certes à un meilleur accès chirurgical, une morphologie et une vascularisation différentes du site osseux receveur, mais surtout au fait que les prémolaires sont le plus souvent transplantées pour des raisons d’agénésie, donc à un âge et à un stade plus précoce que les molaires.
Pronostic Les études récentes, le plus souvent d’origine scandinave, utilisant une technique chirurgicale respectueuse des tissus desmodontaux et portant sur des molaires immatures lors de la transplantation, retrouvent en général un taux de survie du transplant de l’ordre de 90 à 100 % à 5 ans. Ce taux tend d’ailleurs à se stabiliser après 5 ans [10]. Ainsi, Kugelberg et al, sur 45 autotransplantations pratiquées sur une période de 11 ans, transposant des prémolaires, canines ou incisives vers un site incisif supérieur, retrouvent un taux de succès de 96 % sur les dents immatures, et 82 % sur les dents matures [49]. De même, l’étude de Lundberg et Isaksson [57], évaluant 278 autotransplantations sur une période de 6 ans, rapporte un taux de succès de 94 % dans le groupe de dents à apex ouverts et 84 % dans le groupe à apex fermés. La différence entre les deux groupes est significative (p < 0,01). Kahnberg [42], qui a effectué 21 transplantations intra-alvéolaires, chez des patients de 31 ans d’âge moyen au moment de l’intervention, retrouve 95 % de dents fonctionnelles à 10 ans. Nethander [64] s’est intéressé à l’évolution des tissus parodontaux dans 75 cas d’autotransplantations de dents matures en deux temps chirurgicaux suivis entre 1 mois et 5 ans. Les résultats concernant la profondeur des poches parodontales restent très proches des valeurs sur les dents normales. Dans les cas les plus sévères, soit seulement 5 %, la récession a conduit à l’avulsion du transplant. Globalement, les résultats actuels sont meilleurs que ce que rapportait l’école suédoise au début des années 1980, à savoir une survie des autotransplantations à 10 ans de l’ordre de 60 % [82]. Aujourd’hui, avec 80 à 95 % de succès à 10 ans, ces techniques n’ont rien à envier aux implants dentaires [19]. Il est à noter que la plupart de ces travaux incluent des dents matures transplantées chez des adultes : les auteurs scandinaves ne craignent pas de proposer des transplantations chez des personnes âgées. Chez l’enfant, une autotransplantation peut représenter une solution définitive ou temporaire de maintien, voire de restauration du volume osseux alvéolaire après un traumatisme ou une agénésie [49, 57]. La présence du transplant contribue au développement de l’os alvéolaire en croissance. Si le transplant vient à se perdre, les meilleures conditions locales seront alors réunies pour accueillir un implant.
Allotransplantations En comparaison des autotransplantations, les allotransplantations (ou homotransplantation) présentent de nombreux inconvénients, qui les rendent techniquement plus complexes, moins fiables et beaucoup plus risquées. En conséquence, elles sont beaucoup moins pratiquées, et nous ne nous étendrons pas sur ce sujet. D’un point de vue technique, il est exceptionnel de disposer en même temps d’un sujet receveur et d’un sujet donneur, circonstance qui permettrait de réaliser les deux interventions du prélèvement et de la greffe en une même séance. Se pose donc la question du stockage du transplant.
Conservation des transplants homologues La difficulté consiste à tenter de sauvegarder la vitalité des tissus dentaires. En effet, si les dents sont traitées par des agents chimiques agressifs ou soumises à une congélation sans ménagement, elles n’ont qu’un très mauvais pronostic [10] . Il faut donc être très attentif à respecter les paramètres biologiques tels que pH, pression osmotique, hydratation et tension d’oxygène. page 7
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Les procédés de conservation les plus adaptés sont ceux qui tendent à abaisser la température. On distingue essentiellement deux méthodes. • Conservation à température voisine de 0 °C
Elle permet de conserver des dents quelques jours à quelques semaines [19], voire quelques mois [51] . Les dents sont immergées dans du sérum physiologique additionné d’antibiotique. Ce milieu, maintenu à 4 °C, doit être renouvelé tous les mois [51].
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– la mémorisation spécifique des antigènes HLA ; – l’inflammation. L’ensemble de ces réactions aboutit au rejet des cellules allogéniques et à la résorption des tissus minéralisés de l’homogreffe [41, 81, 85]. Outre l’observation des groupes ABO et Rhésus, le typage des antigènes HLA est possible [86]. Ce groupage permet de pratiquer des transplantations entre des individus ayant un maximum d’analogies, ce qui améliore le pronostic.
• Cryoconservation
Après avulsion, les transplants sont immédiatement immergés dans un milieu de culture complet contenant des antibiotiques. Douze heures plus tard au maximum, ils sont plongés dans un milieu dont on augmente progressivement la concentration en cryoprotecteur (diméthylsulfoxyde ou glycérol). Ce cryoprotecteur permet de réduire les destructions cellulaires dues à l’apparition de cristaux de glace lors de la congélation. Les dents sont ensuite placées dans une ampoule de congélation et lentement refroidies jusqu’à –196 °C, selon un programme de cryofixation qui dure environ 3 heures au total [71]. Le stockage à l’azote liquide peut alors se poursuivre pratiquement sans limitation de temps. Les cellules desmodontales viables, une fois décongelées, peuvent participer à une cicatrisation normale dans le cadre d’une transplantation [10].
Banque de dents humaines Dans certains pays, comme la Belgique [71] ou le Danemark [10], ont été instituées des banques de dents humaines. Les donneurs sont sélectionnés selon leur âge (8-24 ans) et leur sérologie (virus de l’immunodéficience humaine [VIH] et des hépatites) négative. Après congélation, les transplants sont censés respecter une « cryoquarantaine » de 3 mois, destinée à s’assurer de la négativité des sérologies des sujets donneurs. Ce n’est qu’après les résultats d’une sérologie de contrôle que les transplants sont transférés dans un conteneur de stockage définitif. Le fonctionnement de ces banques implique la tenue d’une base de données contenant des informations sur le donneur (notamment les groupages immunologiques), ainsi que sur le transplant (taille, morphologie), ce qui permet de choisir le transplant le plus approprié à chaque cas.
Résultats Du fait de la non-compatibilité histologique du ligament et de la pulpe de la dent transplantée, les résultats cliniques et radiologiques sont beaucoup moins bons qu’avec les autotransplantations. Une ankylose apparaît dès la première année [10]. La racine est ainsi rapidement remplacée par de l’os [37]. La survie globale d’un allotransplant est en moyenne de 2,5 à 7 ans [10]. Étant donné le caractère mineur d’une transplantation dentaire, il est hors de question de proposer un traitement général antirejet [20, 40]. Dans les cas où les sujets donneur et receveur ont une parenté immunologique, on peut observer une poursuite de l’édification radiculaire. C’est le cas des greffes pratiquées d’un enfant (avulsion pour raison orthodontique par exemple) vers l’un de ses parents [37] : les paramètres d’histocompatibilité sont proches. La situation est encore meilleure si la transplantation a lieu entre jumeaux vrais.
Considérations éthiques La mutilation du donneur, si elle est préjudiciable à son patrimoine dentaire, reste interdite, même à l’intérieur d’une même famille [20]. En France, si on considère qu’il s’agit d’une transplantation d’organe au sens général, il semblerait que si le donneur est un mineur, le receveur ne puisse être que le frère ou la sœur [20]. Comme pour toute intervention chirurgicale, il y a lieu d’informer le patient sur les risques (en particulier de contamination) et possibilités d’échec liées à la technique. Pour un mineur, le consentement des parents est requis.
Aspects immunologiques Alors qu’il n’y a pas de différences génétiques pour une autotransplantation, on est en présence de deux formules génétiques différentes dans le cas d’une allotransplantation. Les réactions immunitaires qui s’ensuivent perturbent la cicatrisation et mènent à l’ankylose [19, 81]. D’un point de vue biologique, les lymphocytes du receveur reconnaissent les antigènes d’histocompatibilité (système HLA) de classes I et II exprimés par les cellules allogéniques du transplant. Le mécanisme de rejet à médiation cellulaire et humorale se caractérise par : – l’activation des lymphocytes T ; – la formation d’anticorps spécifiques par les lymphocytes B, préalablement stimulés par les lymphokines sécrétées par les cellules de la lignée T ; page 8
Risque Le risque majeur des allotransplantations réside bien entendu dans les possibilités de contamination infectieuse. De nombreux agents viraux sont susceptibles d’être propagés par l’intermédiaire d’une greffe homologue, au premier rang desquels les virus VIH et ceux des hépatites B et C. Plus récemment, des agents transmissibles non conventionnels (ATNC), tels que les prions, ont pu être mis en cause. Ainsi, même si on contrôle aujourd’hui par des tests sérologiques certaines de ces maladies, le risque auquel on expose le patient en pratiquant une allotransplantation dentaire ne paraît pas en rapport avec le bénéfice que constitue l’apport d’une dent supplémentaire. Compte tenu des problèmes d’histocompatibilité et des risques de transmission de maladie, il n’y a probablement plus de place pour l’allotransplantation aujourd’hui [ 1 9 ] , d’autant que les progrès de l’implantologie permettent de proposer des solutions comparables pour les mêmes indications.
Réimplantation Traumatologie C’est la traumatologie qui représente l’indication la plus fréquente, et de loin, des réimplantations. En effet, mis à part les rares contre-indications (dent lactéale ou parodontolyse importante), toute dent qui a été luxée ou ingressée doit faire l’objet d’une tentative de repositionnement. Le bénéfice de ce geste doit toujours être accordé au patient, plutôt que de perdre la dent purement et simplement. Globalement, il s’agit d’une intervention moins complexe qu’une transplantation puisqu’il n’est pas nécessaire d’adapter l’alvéole à la forme de la racine. La difficulté tient essentiellement à la contention, en particulier quand plusieurs dents ont été luxées ou ébranlées, voire dans les cas de fracture alvéolaire associée. Le pronostic des dents réimplantées, très variable selon les études, avoisine une moyenne de survie de 10 ans [10]. Comme pour les transplantations, les phénomènes qui amènent à la perte de la dent sont l’ankylose et la résorption (qui apparaît le plus souvent dans la région cervicale). Il semblerait que ce pronostic soit meilleur sur les dents complètement édifiées. De même, le temps écoulé hors de l’alvéole et le milieu de conservation influencent hautement le pronostic. Il importe donc de maintenir des conditions idéales d’hydratation, d’iso-osmolarité et d’asepsie, en transportant la dent dans du sérum physiologique frais, dans la salive de l’accidenté ou dans son propre alvéole (cf article traitant des Traumatismes dentaires et alvéolaires dans l’Encyclopédie médico-chirurgicale).
Réimplantations intentionnelles pour traitement endodontique L’autre aspect, plus anecdotique, concerne les réimplantations intentionnelles pour traitement endodontique lorsque les conditions locales sont défavorables [52] . Il peut s’agir des cas présentant un risque élevé de complication (apex procidents dans le sinus maxillaire ou au contact du canal mandibulaire) [10] ou bien de l’existence d’une réaction infectieuse périapicale importante [51]. Ces méthodes sont surtout préconisées dans les situations d’échec d’une obturation conventionnelle, en particulier sur les molaires, dont la morphologie canalaire est complexe, et où l’anatomie ne permet que difficilement un abord chirurgical satisfaisant pour traiter directement les apex. On peut alors concevoir que la dent soit extraite délicatement, et les soins réalisés facilement hors bouche. En variante, Keller [44] a proposé la résection apicale des dents matures suivie de l’obturation a retro à l’aide de cônes en céramique, sans même extirper la pulpe. Les résultats de ces techniques assez peu répandues restent mal documentés. Andreasen [10] estime grossièrement la moyenne de survie des dents réimplantées intentionnellement pour traitement endodontique entre 10 et 20 ans.
Stomatologie/Odontologie
TRANSPLANTATIONS ET RÉIMPLANTATIONS DENTAIRES
Biologie de la cicatrisation Cicatrisation du complexe d’attache Ce sont les conditions de la cicatrisation du desmodonte qui assurent la pérennité du transplant. Elles passent pourtant en général inaperçues aux yeux du chirurgien car elles sont masquées par les tissus mous de recouvrement. Il est intéressant de comparer, à l’échelle histologique, ce qui se produit par rapport à une plaie alvéolaire postexodontique, où plusieurs stades principaux peuvent être distingués [2, 26] : – premier stade : l’hémostase primaire est suivie de la formation du caillot, dont les éléments cellulaires issus du sang circulant se retrouvent inclus dans un réseau de fibrine ; – deuxième stade : 2 à 4 jours après, un tissu de granulation composé de cellules endothéliales et de leucocytes commence à tapisser la paroi alvéolaire ; – troisième stade : 1 semaine est nécessaire pour que ce tissu de granulation se substitue au caillot ; – quatrième stade : en 2 à 3 semaines, le tissu de granulation est remplacé par du tissu conjonctif de manière centripète ; – cinquième stade : après 6 semaines, la cicatrisation osseuse alvéolaire par de l’os encore immature (moelle osseuse et os spongieux) comble l’alvéole depuis la base. En 2 à 3 mois, l’os devient trabéculé, et en 3 à 4 mois, il est mature. Après réimplantation ou transplantation, pour peu que le desmodonte ait conservé sa vitalité, ce processus de cicatrisation devient le suivant [7, 13, 14, 59, 69, 72] : – premier stade : identique. Le caillot comble l’interstice de déchirement des fibres desmodontales, le long de la racine ; – deuxième stade ; 2 à 4 jours après, alors que le caillot s’organise, des zones transparentes, hyalines, caractéristiques des néoformations granuleuses, traduisent la nécrose de cellules cémentaires, desmodontales et osseuses, tandis que les vaisseaux de la partie dentaire du desmodonte sont encore exsangues ; – troisième stade : 1 semaine est nécessaire à la régénération des fibres de collagène gingivales, tandis que la cicatrisation des fibres principales du desmodonte débute à peine. La circulation sanguine est rétablie dans les parties dentaire et alvéolaire du desmodonte. À ce stade, des phénomènes de résorption peuvent apparaître, en relation avec l’atteinte desmodontale et cémentaire. En revanche, tant que le desmodonte n’est pas nécrosé et grâce à son potentiel ostéogénique, toute perte alvéolaire est suivie d’une réparation osseuse favorable ; – quatrième stade : 2 à 3 semaines sont nécessaires pour la cicatrisation de l’ensemble des fibres principales par les fibroblastes desmodontaux, organisés en réseaux cellulaires, parallèlement aux faisceaux de fibres collagènes. D’autres cellules mésenchymateuses indifférenciées périvasculaires interviennent aussi à ce stade. La dent devient modérément fonctionnelle et doit encore être protégée des microtraumatismes de l’occlusion et de la mastication ; – cinquième stade : après 8 semaines, sauf complication du processus cicatriciel, il n’y a plus de lésion séquellaire histologiquement discernable dans le desmodonte. Dans le cas d’une transplantation, la nouvelle lamina dura réapparaît en 1 à 4 mois. Les possibilités thérapeutiques d’optimiser la cicatrisation osseuse font actuellement l’objet de recherches. Elles concernent notamment les facteurs de croissance liés à des protéoglycanes de type héparine sulfate (HSPG), qui s’opposent à la dégradation protéolytique par les cellules inflammatoires [35, 50, 70, 75].
Rôle du périoste Que ce soit lors de transplantations ou de réimplantations, la réaction périostée est vive. De par sa nature histologique ostéogénique, le périoste joue un rôle primordial dans la cicatrisation osseuse post-traumatique [87]. Il existe une résorption initiale de la surface osseuse consécutive à la réclinaison de la gencive, à la rugination du périoste sous-jacent, et à la perte de substance osseuse (traumatique dans une réimplantation ou destinée à prélever le greffon ou à préparer le site receveur dans une transplantation). Cette étape, caractérisée par un œdème postopératoire, crée les conditions d’une apposition osseuse réparatrice, en fonction du potentiel ostéogénique, lequel s’estompe avec l’âge [67].
Cicatrisation de la pulpe La revascularisation pulpaire est aussi un des facteurs conditionnant la cicatrisation après réimplantation ou transplantation.
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La section du tissu pulpaire apical interrompt le flux sanguin, ce qui provoque une ischémie rapide. Les premières nécroses cellulaires apparaissent 8 heures plus tard [27, 43]. Un processus cicatriciel débute alors par le bourgeonnement, à partir de l’apex vers l’intérieur de la racine, d’un tissu conjonctif revascularisant la pulpe [47]. La réussite de ce processus dépend de l’ouverture de l’apex (interface pulpoparodontal) [47]. La colonisation bactérienne de la pulpe perturbe cette cicatrisation [21, 22]. Le cas des dents immatures est le plus favorable. La revascularisation apicale induite dès le quatrième jour peut, dans 80 % des cas, recoloniser tout l’endodonte ischémié en 1 à 4 semaines [76, 77]. Cette revascularisation est suivie par la formation d’une nouvelle couche cellulaire dentinogénétique, capable d’oblitérer l’espace pulpaire en 3 mois environ. Ce phénomène est plus rapide dans la chambre pulpaire que dans les parties canalaires. Bien visible en radiographie, il confirme que la pulpe est bien revascularisée [62]. Conjointement à la revascularisation, une régénération de fibres nerveuses pulpaires a pu être observée : la réponse aux tests de sensibilité pulpaire récupère en 1 à 8 mois [68, 78]. Il est alors nécessaire d’avoir recours à une anesthésie pour effectuer par exemple une préparation de cavité [19]. Le cas des dents matures est le plus défavorable, la revascularisation dépassant rarement 2 mm. Dès 4 semaines, il existe donc un risque infectieux majeur, exposant, outre aux complications habituelles, à des phénomènes de résorption et d’ankylose [47, 83] . Ces accidents peuvent être prévenus simplement par une obturation pulpaire systématique des dents matures transplantées ou réimplantées. En dehors de l’ouverture apicale, la revascularisation pulpaire dépend des conditions de conservation extra-alvéolaire. On peut espérer une réussite optimale si la conservation, à l’abri de la dessiccation, n’excède pas 2 heures [16, 45] . Les milieux habituellement proposés sont le sérum physiologique, le sang, la salive, le lait. Une réimplantation immédiate (dans les 5 à 10 minutes) favorise nettement la revascularisation, tandis qu’une réimplantation différée à 3 heures ne permet plus une revascularisation que dans un tiers des cas [45]. Au-delà de 4 heures, sans attendre les premiers signes cliniques ou radiologiques de complication (image périapicale radioclaire, résorption radiculaire), Andreasen recommande de pratiquer une pulpectomie systématique, destinée à prévenir toute inflammation du périapex [5, 8]. Par ailleurs, l’apport d’une antibiothérapie locale lors du geste chirurgical permettrait une augmentation de fréquence de la revascularisation et une diminution de fréquence de l’ankylose [22].
Croissance radiculaire des germes transplantés Le traumatisme chirurgical de la transplantation perturbe les germes dentaires, en pleine rhizagenèse. La gaine épithéliale de Hertwig joue un rôle majeur dans la croissance radiculaire du germe. Issue des épithéliums adamantins externe et interne, elle sépare le sac folliculaire de la pulpe. Elle induirait à son contact la différenciation des odontoblastes formateurs de la dentine radiculaire en direction de l’apex. Elle se désagrège ensuite, tandis que s’appose le précément à partir d’une couche matricielle cémentoïde issue de la couche interne du sac folliculaire [34, 38]. Le sac folliculaire est un tissu conjonctif présentant trois couches superposées, à l’origine du complexe d’attache (cément, desmodonte, os alvéolaire). À la différence de la gaine de Hertwig, l’ablation du sac folliculaire arrête l’éruption [17, 90]. L’orientation des fibres de collagène qui le composent varie selon les stades de développement. Au cours du stade initial (stade 0), la chirurgie est contre-indiquée du fait de la grande fragilité du germe et du risque d’induire des hypoplasies de l’émail [61]. Elle devient possible à partir du stade 1, stade du quart du développement radiculaire. Il faut tenir compte de la fragilité des fibres de collagène qui courent circonférentiellement autour du germe. À ce stade, elles n’ont pas d’insertion au cément à peine formé ou à la crypte osseuse. Au stade 2 (la moitié du développement radiculaire), apparaissent quelques fibres dites principales entre le cément et l’os alvéolaire, tandis que les plus cervicales d’entre elles fusionnent avec les fibres gingivales sus-jacentes. C’est au stade 3 (les trois quarts du développement radiculaire) que la dent en éruption va se désinclure pour apparaître dans la cavité orale. Les fibres principales de Sharpey forment progressivement le ligament alvéolodentaire. Elles présentent une orientation oblique, presque perpendiculaire à la paroi alvéolaire, et s’insèrent au cément et à l’os alvéolaire [36]. Un traumatisme de la gaine de Hertwig à un stade immature, ou un repositionnement trop superficiel, peuvent entraîner une pause ou un arrêt de la croissance radiculaire. On peut observer aussi une prolifération osseuse dans la cavité pulpaire, mais séparée de la pulpe par une invagination du ligament [48]. Toutefois, l’éruption n’est pas entravée, car le germe semble se comporter passivement durant son éruption. Après le traumatisme, le développement radiculaire peut reprendre, mais il sera en général incomplet. page 9
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Résorption du transplant Actuellement, on estime que le contrôle des infections et l’affinement des protocoles chirurgicaux permettent d’espérer un pronostic favorable à long terme. Mais, après une réimplantation ou une transplantation, des complications peuvent se manifester. Devançant les infections parodontales, les phénomènes de résorption radiculaire apparaissent comme la cause principale de la perte du greffon [74, 82]. Situés le plus souvent à la jonction amélocémentaire, ils sont consécutifs au traumatisme qu’a subi le desmodonte du greffon. Une simple contusion desmodontale par des forces de compression iatrogènes, ou même un séchage intempestif, peuvent provoquer l’altération ou la nécrose de cellules cémentaires, desmodontales et osseuses [18, 64, 84] . Aux stades 2-3 du processus de cicatrisation, le desmodonte contus ou nécrosé est phagocyté par des macrophages. Le cément est résorbé par des ostéoclastes. Les phénomènes de résorption sont plus fréquents dans la période postopératoire, mais des cas très tardifs ont toutefois été observés, plus de 10 ans après transplantation [74]. On distingue schématiquement trois types de résorption.
Résorption de surface La lyse ostéoclastique superficielle de la surface de la racine, à peine perceptible sur les radiographies, finit en général par cicatriser grâce aux cémentoblastes et aux fibroblastes desmodontaux adjacents, après 1 semaine environ. Présentes pendant de nombreuses années, ces petites lacunes de résorption ne sont justiciables d’aucun traitement [5, 6].
Résorption inflammatoire Lorsque la lyse ostéoclastique expose les canalicules dentinaires, et qu’ils sont colonisés par des bactéries, la résorption est entretenue par un processus inflammatoire. Ces germes sont issus de la pulpe nécrosée infectée ou d’un foyer parodontal cervical. La résorption inflammatoire se manifeste cliniquement et radiologiquement. C’est une réponse à une lésion à la fois desmodontale et pulpaire, qui apparaît aux stades 3-4 de la cicatrisation. Elle peut être favorisée par de mauvaises conditions de conservation extraalvéolaire. Cette réaction érode la racine de 1/10 mm/j. Le traitement endodontique, bien qu’il favorise l’ankylose, prend alors un caractère d’urgence, car c’est le seul moyen de sauver le transplant [5, 6, 8]. Un traitement endodontique extrabuccal au cours du geste chirurgical est susceptible de supprimer d’emblée le risque bactérien d’origine pulpaire. La résorption inflammatoire des dents matures diminue alors nettement, mais une ankylose apicale apparaît [81]. Elle est consécutive à l’action de substances cytotoxiques sur le périapex, en particulier sur un ligament dont la cicatrisation n’est pas suffisamment avancée [5]. S’il s’avère nécessaire, le traitement endodontique sera donc plutôt différé 1 à 2 semaines après l’intervention, afin de prévenir la résorption inflammatoire, tout en évitant de favoriser l’ankylose apicale.
Résorption de remplacement (ankylose) Alors que les résorptions cémentaires répondent à des altérations localisées du desmodonte, l’ankylose constitue la réponse à une nécrose ligamentaire quasi généralisée, et probablement aussi cémentaire. Elle dépend de la durée et des conditions du séjour extra-alvéolaire [9], mais peut également être favorisée par une fracture osseuse alvéolaire associée [11]. Indépendamment, la pulpe peut rester vivante. En surface, la gencive cervicale s’attache normalement à la dent. Le ligament résiduel induit un processus cicatriciel. Mais l’os, étant le plus inducteur, imposera son cycle de remodelage à la racine, et finira par la transformer en tissu osseux : elle deviendra partie intégrante du système osseux alvéolaire. C’est ainsi que l’ankylose n’est autre qu’une résorption de remplacement [27, 31, 32]. Ce processus peut parfois intervenir très rapidement, en l’espace de 2 semaines, surtout chez l’individu jeune. Outre l’absence de mobilité de la dent dans son alvéole, le diagnostic d’ankylose est orienté par une percussion transversale produisant un son aigu et métallique ; la radiographie le confirmera ultérieurement. Lorsque le ligament n’est que partiellement nécrosé, cette résorption de remplacement peut être transitoire. Le desmodonte possède en effet des ressources pour récupérer. En particulier, un facteur desmodontal « antiinvasif » (AIF), modulant la croissance de l’os in vitro, assurerait la prévention de l’ankylose alvéolodentaire [53, 54]. De ce fait, le pronostic à moins de 1 an est prématuré.
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En cas d’ankylose limitée, un traitement simple consiste à luxer la dent qui commence à s’ankyloser, sans la fracturer, pour la remettre en fonction, en sollicitant sa mobilité pendant au moins 1 mois. D’un point de vue clinique, on peut considérer qu’une contention trop rigide, c’est-à-dire un blocage dans la zone d’articulation dentoalvéolaire, favorise l’ankylose, en perturbant la revascularisation pulpaire et parodontale [4, 9, 63]. Mais les conséquences cliniques d’une contention rigide sont vraisemblablement négligeables, car il existe toujours une certaine liberté de mouvement, liée d’une part à la flexibilité du matériel de contention utilisé et, d’autre part, à la mobilité physiologique des dents sur lesquelles s’ancre la contention. À l’inverse, il a été montré que des mouvements fonctionnels de faible amplitude stimulent la formation des néovaisseaux pulpaires [3, 10]. Ainsi, à la différence de ce qui est recherché pour les implants dentaires, l’ankylose en matière de transplantation ou de réimplantation constitue un phénomène indésirable, qui aboutit généralement à la destruction de la racine.
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Les expériences de transplantations effectuées par le passé, basées sur des procédés empiriques, ont obtenu des réussites diverses. Les premiers cas publiés de succès de transplantation autogène datent des années 1950 [88] . Il s’agissait essentiellement de troisièmes molaires incluses aux apex encore ouverts, transplantées en position de premières molaires. Au cours des dernières décennies, les techniques de transplantation ont bénéficié des progrès de la biologie et de la chirurgie, et doivent être considérées comme des thérapeutiques fiables. Elles font cependant rarement partie d’un plan de traitement, alors que les praticiens pensent davantage à proposer des traitements implantaires. En raison de la vogue que connaît actuellement l’implantologie dentaire et de la similitude de leurs indications, il paraît important de comparer, en guise de conclusion, la pratique des autotransplantations à celle des implants. Une autotransplantation n’est envisageable que dans la mesure où le patient dispose à la fois d’un site donneur et d’un site receveur, tandis que l’implant pourra être utilisé beaucoup plus fréquemment. Le risque de résorption du transplant n’existe pas avec les implants. L’ankylose constitue même en fait le phénomène recherché dans l’ostéo-intégration. De même, il n’y a aucun risque de carie. Enfin, les techniques chirurgicales des transplantations n’ont pas la commodité de disposer de forets calibrés : les interventions sont plus minutieuses et plus délicates en comparaison à la pose d’implants. À l’avantage des transplantations, on peut considérer le matériel autologue comme véritablement biocompatible par essence, alors que les implants constituent seulement un matériau inerte toléré par l’organisme. À la différence de l’implant, le transplant est obtenu sans frais, et ne nécessite généralement pas de prothèse supplémentaire. De plus, la durée globale du traitement est moindre et le résultat fonctionnel plus rapide. Les transplantations réalisent donc une économie de temps et d’argent par rapport aux traitements implantaires. Non seulement le transplant participe naturellement à l’entretien du volume alvéolaire, mais il est susceptible de l’augmenter par le potentiel ostéogénique de son parodonte. De même, la perte d’un transplant laisse un volume osseux souvent plus avantageux que ce qu’on observe après la perte d’un implant. À la différence des implants, les dents transplantées peuvent faire l’objet d’un repositionnement orthodontique [49]. Elles sont dotées d’un ligament fonctionnel et sensoriel, qui leur confère une mobilité physiologique permettant l’adaptation naturelle au fonctionnement quotidien du système stomatognathique, ainsi qu’à son vieillissement. Chez l’enfant, une transplantation peut être entreprise tandis qu’un traitement par implant aboutirait à une position d’infraclusion relative, du fait de la croissance des procès alvéolaires. Enfin, il faut ajouter que les autotransplantations procurent au patient qui en bénéficie le sentiment confortable de manger « avec ses propres dents », plutôt qu’avec un matériau prothétique étranger. En conclusion, les autotransplantations représentent des traitements fiables, peu coûteux, acceptables en clinique, et dont la pratique devrait se développer, pour peu qu’on n’omette pas de les faire figurer en bonne place parmi les thérapeutiques de l’odontologie.
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